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Déclaration de Bea Bruske : Les syndicats du Canada dénoncent la PM de l’Alberta qui fait de la politique sur le dos des enfants, jeunes et adultes trans et d’identités de genre diverses

6 février 2024, par Congrès du travail du Canada (CTC) — , ,
Bea Bruske, présidente du Congrès du travail du Canada, a publié la déclaration suivante : « La première ministre Smith de l'Alberta a récemment annoncé une panoplie de (…)

Bea Bruske, présidente du Congrès du travail du Canada, a publié la déclaration suivante : « La première ministre Smith de l'Alberta a récemment annoncé une panoplie de nouvelles mesures qui porteraient atteinte à l'inclusion, au bien-être et à la sécurité de la population albertaine trans et d'identités de genre diverses.

Les élus politiques sont tenus de prendre des décisions fondées sur des preuves et sur la compassion, et les mesures proposées par Smith sont exactement à l'opposé, s'appuyant plutôt sur la désinformation et mettant en danger les enfants trans et queer.

La première ministre Smith se dit « profondément préoccupée » par les enfants et les jeunes trans et d'identités de genre diverses. Mais ses propositions ne sont rien d'autre qu'une tentative cynique de violer les droits de protection de la vie privée et de la sécurité des enfants queer et trans en Alberta.

Nous assistons à une hausse de la violence transphobe légiférée, à savoir, la montée des politiques et des lois dites « droits des parents » au Canada, et nous ne pouvons le tolérer.

Les syndicats du Canada ne peuvent tolérer les tactiques de Smith qui ne règlent pas les questions réelles au détriment des jeunes 2SLGBTQI+. Nous devons donner la priorité à la santé et au bien-être des jeunes 2SLGBTQI+ en rejetant les politiques transphobes.

Cette annonce s'ajoute à une série de décisions du gouvernement Smith qui ont nui aux Albertaines et aux Albertains, et ne fait rien pour régler les véritables crises auxquelles il est confronté. Les choix du gouvernement Smith ont aggravé, par exemple, la crise de l'abordabilité et ont fait grimper l'utilisation des banques alimentaires. Au moment où Smith perd le soutien des Albertains en général et des membres du PCU en particulier, elle s'inspire d'un programme dommageable du Parti conservateur pour essayer de se faire du capital politique.

Avec l'annonce de cette semaine, Smith est maintenant le troisième premier ministre provincial conservateur à utiliser les enfants trans comme pions politiques, et nous ne pouvons le tolérer. Les syndicats du Canada ne resteront pas les bras croisés alors que la première ministre Smith et d'autres leaders conservateurs font de la politique sur le dos des communautés trans et d'identités de genre diverses. Nous continuerons d'unir les travailleuses et travailleurs partout au pays et de travailler en toute solidarité avec les défenseurs de personnes 2SLGBTQI+ pour dénoncer ces politiques discriminatoires.

Nous ne pouvons pas accepter de nos gouvernements qu'ils prennent des décisions unilatéralement afin de faire valoir leurs intérêts ou d'utiliser les enfants comme un outil politique pour détourner l'attention du fait qu'ils ne font pas face aux véritables défis auxquels sont confrontés les travailleuses et travailleurs et leurs familles – comme la crise du coût de la vie. »

Lettre ouverte | Questions tendancieuses en consultation pré-budgétaire

6 février 2024, par Audrey Gosselin Pellerin, Émilie Charbonneau — , ,
Le ministre des Finances a lancé récemment le processus annuel de consultation entourant l'élaboration du prochain budget du Québec. C'est en mars prochain que sera dévoilé le (…)

Le ministre des Finances a lancé récemment le processus annuel de consultation entourant l'élaboration du prochain budget du Québec. C'est en mars prochain que sera dévoilé le fruit du travail du ministre Eric Girard, mais nous pouvons dès maintenant soulever d'importantes inquiétudes sur le processus de consultation lui-même.

Émilie Charbonneau est deuxième vice-présidente de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) ; Audrey Gosselin Pellerin est organisatrice féministe politique du Réseau des Tables régionales de groupes de femmes du Québec. Elles cosignent 28 autres signataires membres de la Coalition Main rouge.*


Un fait saute aux yeux : le ministre sollicite les avis de ceux et celles qui ont de bonnes chances d'être d'accord avec lui. C'est ce qu'il a fait ces derniers mois en demandant les opinions, sous la forme de mémoires, d'un groupe restreint d'économistes. Parmi eux se trouvent bien entendu d'éminents chercheurs universitaires dont les travaux éclairent avec pertinence l'oeuvre de la planification budgétaire. Cependant, s'y trouvent aussi, de manière fort disproportionnée, des économistes associés à des institutions financières ou à des organismes de recherche dont les biais favorables à celles-ci sont manifestes.

Cela pourrait se comprendre et s'expliquer si, parallèlement, le ministre s'informait auprès de sources plus variées et représentatives, mais ce n'est pas le cas. Il semble se satisfaire d'un portrait partiel, fortement influencé par les intérêts des banques et du monde des affaires, et non d'un dialogue social digne de ce nom.

Par exemple, il est de plus en plus difficile de rencontrer le ministre, ou un membre de son équipe, dans le processus de consultation budgétaire. Aux demandes de rencontres provenant de groupes de la société civile, l'argument du manque de temps, forçant à restreindre la liste des organismes rencontrés pour l'élaboration du budget, arrive de plus en plus souvent, tel un jugement duquel on ne peut faire appel.

Pire, les consultations publiques sont résolument orientées, invariablement, pour confirmer les priorités gouvernementales. Ce n'est pas nouveau, les consultations accessibles sur la page Web du ministère n'ont jamais brillé par leur ouverture aux idées et aux débats. De surcroît, cette année, il n'est même plus possible de sortir du chemin tracé en utilisant, par exemple, une case « autres considérations » afin de faire entendre un son de cloche un brin discordant.

On nous demande, notamment, quelles devraient être les priorités du gouvernement lors du prochain budget. S'ensuivent sept réponses possibles, qui vont toutes dans le sens de ce que le gouvernement affirme déjà vouloir faire. On demande, par exemple, si Québec devrait réduire le fardeau fiscal des Québécois et des Québécoises. Impossible de répondre qu'au contraire, il devrait travailler à augmenter les contributions fiscales des plus riches et des entreprises. On nous offre aussi l'option d'améliorer le potentiel économique du Québec afin de relancer l'économie de manière durable, mais il est impossible de dire au ministre qu'une relance durable passe d'abord par une lutte contre les inégalités. Pourtant, plusieurs mesures fiscales progressives rapporteraient des milliards aux finances publiques…

Si le gouvernement a été élu pour gouverner, il n'a pas été élu pour faire fi des avis discordants aux siens. N'oublions pas que plus de la moitié des électeurs et des électrices n'ont pas voté pour la Coalition avenir Québec (CAQ) qui, pourtant, prétend gouverner en leur nom aujourd'hui. La moindre des choses serait de mettre en place des consultations dignes de ce nom, ne serait-ce que pour que la diversité des idées et des opinions puisse s'exprimer et être prise en compte.

Actuellement, le gouvernement ne se donne même pas la peine d'entendre tout le monde pour ensuite décider. Il écarte, dès le début, ceux et celles qui ne pensent pas comme lui.

*Ont cosigné cette lettre : Réjean Leclerc, président, FSSS-CSN ; Véronique Laflamme, porte-parole, FRAPRU ; Benoît Lacoursière, secrétaire général et trésorier, Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec – CSN ; Stéphanie Vallée, présidente, Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles ; Patricia Chartier, coordonnatrice, Coalition des Tables régionales d'organismes communautaires (CTROC) ; Patrick Bydal, vice-président à la vie politique, Fédération autonome de l'enseignement ; Christian Daigle, président général du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) ; Marie-Line Audet, directrice générale, Table nationale des corporations de développement communautaire (TNCDC) ; Vanessa Massie, présidente de L'R des centres de femmes du Québec ; Claude Vaillancourt, président, Attac-Québec ; Dominique Daigneault, présidente, Conseil central du Montréal métropolitain – CSN ; Marianita Hamel, co-coordonnatrice, Solidarité populaire Estrie ; Mariepier Dufour, directrice générale, Fédération des associations des familles monoparentales et recomposées du Québec ; Maud Provost, organisation communautaire, Réseau d'action des femmes en santé et services sociaux (RAFSSS) ; Steve Baird, organisateur communautaire, Front commun des personnes assistées sociales du Québec ; Marie-Christine Latte, coordonnatrice, Organisation populaire des droits sociaux ; Jean Trudelle, président, Debout pour l'école ; Marie-Andrée Painchaud-Mathieu, coordonnatrice, Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM) ; Louis-Frédéric Verrault-Giroux, agent de mobilisation et de communication, TROVEP de Montréal ; Joanne Blais, directrice, Table de concertation du mouvement des femmes de la Mauricie (TCMFM) ; Marie-Eve Surprenant, coordonnatrice, Table de concertation de Laval en condition féminine ; Élise Landriault-Dupont, co-coordonnatrice aux volets vie associative et vie d'équipe, Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale – RGF-CN ; Karine Verreault, directrice générale, ROC 03 ; Joée Deschênes, agente de concertation, Table de concertation du mouvement des femmes Centre-du-Québec (TCMFCQ) ; Gisèle Dallaire, coordonnatrice de RÉCIF 02 ; Isabelle Thibault, co-coordonnatrice générale, Réseau des femmes des Laurentides ; Joanne Blais, directrice, Table de concertation du mouvement des femmes de la Mauricie (TCMFM) ; Martin Leclerc, représentant sociopolitique, Alliance des professeures et professeurs de Montréal (APPM).

La ruée minière au XXIe siècle : Enquête sur les métaux à l’ère de la transition

6 février 2024, par Editions de la rue Dorion — , ,
Une nouvelle ruée minière d'une ampleur inédite a commencé. Au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, il faudrait produire en vingt ans autant de métaux qu'on en a (…)

Une nouvelle ruée minière d'une ampleur inédite a commencé. Au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, il faudrait produire en vingt ans autant de métaux qu'on en a extrait au cours de toute l'histoire de l'humanité. Ruée sur le cuivre en Andalousie, extraction de cobalt au Maroc, guerre des ressources en Ukraine, cette enquête sur des sites miniers du monde entier révèle l'impasse et l'hypocrisie de cette transition extractiviste.

En analysant la nouvelle géopolitique minière, Celia Izoard met au jour un autre enjeu : répondre aux besoins en métaux colossaux du numérique, de l'aérospatiale ou de l'armement, dans un monde où les industries occidentales rivalisent avec les superpuissances des ressources que sont devenues la Chine et la Russie. Sous la bannière de la « civilisation », du « développement », la mine a joué un rôle structurant dans l'expansion du capitalisme. À l'ère de la « transition », comment dépasser ce régime minier auquel les élites ont suspendu notre destin ?

Celia Izoard est journaliste et philosophe, spécialiste des nouvelles technologies au travers de leurs impacts sociaux et écologiques. Elle est l'autrice de Merci de changer de métier. Lettre aux humains qui robotisent le monde (2021) et coautrice de La machine est ton seigneur et ton maître (2022). Elle a traduit 1984 de George Orwell (2019) et Le livre de la jungle insurgée d'Alpa Shah (2022). Tous ces livres sont publiés aux Éditions de la rue Dorion.

Cet ouvrage est le fruit d'une collaboration avec les Éditions du Seuil et paraît en France dans la collection « Écocène ».

Celia Izoard

344 pages

À paraitre le 5 février 2024

Format 14 x 19 cm

ISBN : 978-2-924834-52-7

Prix : 26.95 $

— - Format e-pub ---

ISBN : 978-2-924834-53-4

Prix : 19.99 $

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Miguel Urbán : « L’extrême droite se radicalise de plus en plus tandis que la gauche devient de plus en plus modérée »

6 février 2024, par Andrés Gil, Miguel Urbán — , ,
Miguel Urbán (Madrid, 1980) est membre du Parlement européen et leader d'Anticapitalistas. Il a participé à la fondation de Podemos il y a dix ans, après des années de (…)

Miguel Urbán (Madrid, 1980) est membre du Parlement européen et leader d'Anticapitalistas. Il a participé à la fondation de Podemos il y a dix ans, après des années de militantisme qui l'ont amené à s'impliquer dans des mobilisations contre des sommets internationaux tels que le G8 à Gênes, lorsque la police italienne a abattu le militant Carlo Giuliani en juillet 2001. Urbán, qui achève son deuxième mandat au Parlement européen, vient de publier Trumpismos (Verso Libros), un ouvrage dans lequel il analyse les différents phénomènes de l'extrême droite dans le monde.

28 janvier 2024 | tiré de Viento sur
https://vientosur.info/miguel-urban-la-extrema-derecha-crece-siendo-cada-vez-mas-radical-mientras-la-izquierda-es-cada-vez-mas-moderada/

On se demande souvent si nous vivons dans les années 1930, en raison de la façon dont les élites politiques et économiques conservatrices ouvrent la voie à l'extrême droite, alors qu'il y a une crise des systèmes libéraux. Dans quelle mesure sommes-nous dans une sorte de République de Weimar ?

Nous avons toujours du mal à penser le présent et l'avenir, et nous cherchons des parallèles. Depuis la crise de 2008 jusqu'à aujourd'hui, il y a eu non seulement une crise économique multidimensionnelle, avec certains éléments similaires à ce qu'a été le krach de 1929, mais aussi l'émergence de l'extrême droite. Et cela amène les gens à se demander si une sorte de réédition du néo-fascisme est possible.

Ces questions, légitimes, montrent l'incapacité de penser l'avenir, et c'est pourquoi nous devons penser en termes de passé. Bien sûr, il y a des parallèles. L'extrême droite actuelle reprend des éléments de mobilisation des passions comme le fascisme de l'entre-deux-guerres, mais ce que j'essaie de défendre dans le livre, c'est que nous ne sommes pas face à une sorte de réédition des fascismes de l'entre-deux-guerres, mais plutôt à quelque chose de nouveau.

Cela ne veut pas dire que c'est moins dangereux ou meilleur, mais que c'est nouveau. Et nous devons partir de ce qu'était l'analyse du fascisme pour analyser l'extrême droite actuelle ; Mais cela devrait être un point de départ et non un point d'arrivée.

Il y a un élément fondamental expliquant la brutalité du fascisme, c'est la Première Guerre mondiale, qui a construit toute une base militante d'ex-combattants, tant en Italie qu'en Allemagne et dans d'autres pays où le fascisme était très fort, comme c'est le cas en France.

Un autre élément fondamental est la montée du mouvement ouvrier. Les années 1920 ont été une période de révoltes, de révolutions. En Allemagne, nous avons l'échec de la révolution spartakiste, avec l'assassinat de Rosa Luxemburg ; nous avons la République hongroise des Soviets ; La révolution russe, bien sûr, qui conditionne que l'État libéral ne puisse pas mettre la classe ouvrière à genoux simplement en s'appuyant sur la coercition de l'État.

Et il y a ce qu'on appelle un État capitaliste d'urgence : les appareils répressifs de l'État ne suffisent pas à mettre fin à la montée du mouvement ouvrier et il faut mobiliser une partie de la population pour écraser les tentatives révolutionnaires.

À ce jour, nous n'avons pas ces révoltes. C'est vrai qu'en 2011, avec le 15 M [1], la Grèce et l'Amérique latine, on a pu voir certains exemples, mais ça ne peut s'identifier à la profondeur, au niveau de rupture des montées ouvrières des années 20 et 30 en Europe.

L'autre élément, c'est la rupture de la petite bourgeoisie, de la classe moyenne, de la classe qui a donné la subjectivité du fascisme dans l'entre-deux-guerres. C'est la classe moyenne, profondément effrayée, qui était surreprésentée. Nous trouvons ce parallèle dans la montée de l'extrême droite d'aujourd'hui et dans la montée du fascisme.

Mais il y a aussi une rupture fondamentale ici, et c'est que le fascisme avait besoin de construire des mécanismes de mobilisation de masse pour écraser la classe ouvrière. L'extrême droite d'aujourd'hui ne construit pas des mouvements de masse, mais des projets électoraux. L'extrême droite d'aujourd'hui n'entre pas dans nos quartiers parce qu'elle a un local, un groupe militant, mais par la télévision, par les téléphones portables.

Notre incapacité à regarder vers l'avenir nous pousse à chercher des parallèles. Il y en a, il y en a, mais il y a suffisamment de différences pour justifier que nous soyons confrontés à un phénomène nouveau dans un contexte évidemment différent.

Ce que l'extrême droite semble être capable de faire, c'est d'attirer les victimes de la mondialisation, du changement climatique. Ils ont une réponse à court terme qui n'est pas une solution au problème.

Comme dans les années 1930, la partie décisive de la mobilisation de cette extrême droite, c'est la classe moyenne, on pourrait dire la petite bourgeoisie. Une classe moyenne qui n'est même pas victime de la mondialisation, les victimes de la mondialisation se trouvent dans les pays du Sud. Il s'agirait d'une classe moyenne effrayée par un scénario d'appauvrissement possible, d'une vie plus difficile.

La situation économique a également été un catalyseur pour 15M.

Mais 15M était plutôt une rupture des promesses qui avaient été théoriquement données. De plus, c'était une question très générationnelle, ce n'était même pas tant l'étudiant universitaire que celui qui avait déjà fini, à qui on avait dit : « Tu étudies, tu as une carrière, tu auras un doctorat et tu auras un travail, une famille et un projet de vie ». Lorsque cette promesse n'est pas tenue, une explosion s'ensuit.

L'extrême droite s'empare de ces peurs qui ne se manifestent pas sous la forme d'une explosion sociale, comme les 15 millions de personnes qui descendent dans la rue, sur les places, qui participent à la politique, mais qui se produisent normalement avec des tremblements de terre électoraux.

Milei en est un magnifique exemple, il façonne l'agitation autour d'une révolte électorale, le vote protestataire. Et puis il ajoute d'autres choses, évidemment.

Contrairement aux fascismes classiques, qui proposent un avenir différent du capitalisme libéral, l'extrême droite ne propose pas un projet d'avenir, elle propose un retour au passé : nous ne sommes pas face à un mouvement révolutionnaire, mais à un mouvement réactionnaire. Pourquoi ? Parce qu'il se connecte très bien avec la crise du néolibéralisme.

Nous sommes incapables de penser à l'avenir. Et c'est la grande défaite de la gauche. Et face à l'incapacité de penser l'avenir, l'extrême droite propose un retour à un passé mythifié et irréalisable. Nous ne pouvons pas revenir en arrière. Et ça, cela débouche sur le négationnisme climatique, sur la promesse de vivre au moins comme nos parents...

Nous ne pouvons pas comprendre l'émergence d'un mouvement mondial comme celui de l'extrême droite sans comprendre que nous sommes confrontés à une crise mondiale du néolibéralisme en tant que tel et à son incapacité à penser l'avenir. Nous avons peur de ce qui nous attend, car la seule certitude que nous avons, c'est que nous allons vivre plus difficilement. Et ce que l'extrême droite vous dit, c'est : on peut revenir en arrière, c'est un projet réactionnaire de retour au passé, face à une crise politique et de gouvernance néolibérale.

Tout comme dans les années 1930, nous assistions à l'éclatement de l'Empire britannique en tant qu'empire hégémonique, nous assistons maintenant à l'éclatement de l'Empire américain en tant qu'empire hégémonique. Quel plus grand retour au passé que de rendre sa grandeur à l'Amérique. [2] ?

Dans le libellé de ce slogan, il est déjà reconnu qu'ils sont maintenant moins grands qu'auparavant.

Dans le moment réactionnaire dans lequel nous nous trouvons, le néolibéralisme a annulé l'avenir, et nous ne pensons qu'en termes de passé. Et cette peur de penser à l'avenir signifie que, pour la première fois, lorsque le prétendu ascenseur social qui n'a jamais existé est brisé, lorsque de plus en plus de capital s'accumule et qu'il y a plus d'inégalités, pour la première fois dans l'histoire, nous ne regardons pas vers le haut, mais vers le bas. Et c'est là que se construit l'extrême droite, à partir de ce regard vers le bas. Il ne s'agit pas de vivre mieux, c'est pas de sombrer, de ne pas d'être comme celui qui est en dessous de nous. Et sur cette peur que l'extrême-drote construit la logique de la guerre entre le dernier et l'avant-dernier, où cette classe moyenne n'aspire plus à être une classe moyenne supérieure, mais à ne pas être une classe ouvrière.

Et la classe ouvrière n'aspire pas à être le migrant qui nettoie les maisons. Et donc on va dans une logique terrible où l'extrême droite arrive à proposer une solution : on va revenir au passé, et s'il y a un problème de pénurie, alors expulsons les secteurs sociaux de la distribution des ressources rares. Et qui est expulsé ? Les secteurs les plus fragiles de la société. Ici, nous expulsons les Africains subsahariens, mais à Londres, ils expulsent les Espagnols, les Polonais, parce que c'est de cela qu'il s'agissait avec le Brexit, contre les Européens qui sont allés travailler à Londres et qui se sont disputé des ressources rares, du travail, des logements, des prestations sociales.

Face à cette logique, la gauche n'apporte pas de réponses. Questionner l'extrême droite, c'est s'interroger sur la nécessité de penser un avenir différent, dans lequel nous gérons la crise écologique, nous gérons la pénurie, où nous pouvons gérer collectivement afin de vivre une vie meilleure.

Oxfam a constaté que si les 99 personnes les plus riches du monde perdaient 99 % de leur richesse, elles seraient toujours les 99 personnes les plus riches du monde. C'est là que le bât blesse. Mais l'extrême droite est profondément fonctionnelle dans ce système néolibéral qui engendre les peurs mêmes auxquelles l'extrême droite est censée répondre. Et il y a l'effet Milei de manière très claire, qui nous fait regarder notre voisin subsaharien avant Amancio Ortega - [3].

Cela me rappelle le décret sur la dignité en Italie, un décret promu par le M5S [4] et approuvé par le gouvernement de coalition avec la Lega de Salvini, qui a été défendu par des gens de gauche dans un débat qui avait à voir avec la gestion de la pénurie. Et il y a aussi l'hypothétique succès que pourrait avoir le nouveau parti rouge-brun en Allemagne.

Le soi-disant mouvement rouge et blrun est le produit des défaites de la gauche. Lorsque vous adhérez au discours d'exclusion de l'extrême droite, vous perdez ou, pire, vous faites partie du problème. Les premiers à utiliser le Manifeste communiste furent les immigrés italiens, espagnols et polonais à Paris. Bien sûr, les premiers qui ont compris l'importance de ce que proposait le Manifeste communiste et ont compris qu'il n'était pas nécessaire d'opposer ceux d'en bas à ceux d'en bas, mais que ceux d'en bas devaient être opposés à ceux d'en haut. Les premiers à comprendre la force internationaliste des prolétaires du monde entier s'ils s'unissent. Il est intéressant de comprendre cette logique de ceux d'en bas contre ceux d'en haut comme antagonisme de classe.
Le bipartisme achète l'agenda politique de l'extrême droite, de la compétition, de la guerre entre le dernier et l'avant-dernier. N'oublions pas les politiques migratoires, par exemple la dernière loi de Macron en France, que Le Pen elle-même a considérée comme une victoire idéologique pour son parti. Une authentique lépénisation des esprits traverse les politiques migratoires de la moitié du monde. Et cela aussi est un produit de la défaite de la gauche. Et puis nous voyons des monstres qui ont commencé comme des rouges-bruns devenir juste des bruns.

Vous avez mentionné Milei à plusieurs reprises. L'autre jour, à Davos, il a prononcé un discours très favorable aux entreprises, au capitalisme, et il a dit que la menace de l'Occident est le socialisme et que tout le monde est collectiviste, sauf le sien.

Milei est une branche de l'anarcho-capitalisme, ce serait la branche des paléolibertariens qui combinent un élément profondément réactionnaire et conservateur que le Parti libertarien américain n'a pas. Et cela lui permet de se connecter avec certains éléments de la droite classique. Massa n'était pas un candidat de gauche, au mieux un candidat de centre-droit. Un politicien du système, tout comme Macri, tout comme Bullrich et le capitalisme argentin ait préféré une personne sans aucune sorte de capacité gouvernementale, une personne totalement imprévisible à une personne prévisible ce qui démontre la radicalisation de la droite.

Nous ne pouvons pas oublier qu'Esperanza Aguirre elle-même a demandé le vote pour lui, qu'Isabel Diaz Ayuso [5] a demandé le vote pour lui, que Mario Rajoy [6] a demandé de voter pour une personne comme Milei, qui parle de vendre vos organes comme un article commercial. C'est la radicalisation de la droite traditionnelle et la capacité de l'extrême droite à fixer l'ordre du jour à l'échelle internationale.

Thatcher a toujours dit que sa plus grande victoire était que Tony Blair ne voulait pas changer sa politique. L'autre jour, alors que Macron faisait passer la loi sur l'immigration la plus sauvage et la plus raciste de l'histoire de France avec les voix de Le Pen, Le Pen a parlé de victoire idéologique.

Nous assistons à une radicalisation de plus en plus grande vers la droite de manière brutale, et que la plus grande attaque contre les droits des réfugiés et des migrants va avoir lieu avec ce nouveau pacte migratoire qui a été approuvé avec la présidence espagnole du Conseil de l'UE, cédant au chantage, par exemple. La décision de Meloni de criminaliser les ONG qui recherchent et veulent sauver des réfugiés en Méditerranée illustre la capacité de l'extrême droite à fixer l'ordre du jour.

Ils construisent un climat politique où il est logique pour eux de gouverner. Y a-t-il eu des histoires au sujet du gouvernement de Meloni ?

Si l'on se reporte aux années 2000, lorsque Haider est arrivé au pouvoir pour la première fois en Autriche, avec le Parti populaire, il y a 11 pays européens qui ont protesté contre l'inclusion d'un parti d'extrême droite dans un gouvernement européen. Certains ont mêmeété jusqu'à protester diplomatiquement contre l'Autriche.

Avons-nous assisté à une sorte de protestation, à une sorte de rougissement pour avoir mis Vox (parti d'extrême-droite en Espagne) dans les gouvernements régionaux municipaux, parce que Meloni gouverne, parce que le PiS a gouverné en Pologne, parce que le parti de Haider, le FPÖ, a de nouveau gouverné avec le Parti populaire, qui est maintenant, soit dit en passant, la force dominante dans les sondages autrichiens ? Aucunr.

Cet élément de radicalisation vers la droite est l'une des grandes victoires de l'extrême droite. Le fait que tout le monde ait adhéré à son programme politique, auquel nous parlions de rouge et de brunisme, même une partie de la gauche s'exprimant dans ses propres termes.

Meloni [7] s'est rendue à Bruxelles dès son entrée en fonction, et Metsola [8] l'a accueillie avec des baisers et des câlins. Ensuite, elle a vu Weber [9] à plusieurs reprises, et il semblait que, puisqu'elle était alignée sur l'OTAN dans le conflit en Ukraine et qu'en même temps elle avait cessé d'avoir ce discours critique avec l'Union européenne, il lui suffisait de s'intégrer dans le tableau.

Peu importe vos politiques racistes tant que vous soutenez géopolitiquement la ligne des élites européennes. Tant que vous acceptez le cadre néolibéral de l'Union européenne, il n'y a pas de problème. En fait, il est curieux qu'après le Brexit, il y ait une vague d'euroscepticisme, mais l'extrême droite n'est plus eurosceptique, elle est euroréformiste. L'extrême droite a compris qu'elle ne voulait pas quitter un club dans lequel elle pouvait gouverner.

Ce que je propose dans le livre, ce n'est pas que l'extrême droite soit née avec Trump, mais que Trump lui donne une nouvelle dimension. La victoire aux États-Unis donne à l'extrême droite un élément de mimétisme, une portée mondiale, mais pas parce qu'elle veut être Trump, mais parce que Trump permet à Bolsonaro d'être Bolsonaro.

C'est là le grand élément du trumpisme, compris non pas comme un mouvement américain, mais comme un courant international dans lequel Ayuso s'inscrirait également dans cette logique trumpiste, où il y a un élément communicatif et discursif, où il y a des schémas communs dans la manière de communiquer autour de la provocation, des fake news, une série d'éléments communs qui construisent l'idiosyncrasie de ce mouvement diversifié qu'est le trumpisme. où il peut y avoir un paléolibertaire comme Milei, un néo-fasciste comme Meloni, un homme d'affaires comme Trump, un évangélique comme Bolsonaro ou un hindou comme Modi.

Le livre tente de faire valoir que nous sommes confrontés à une crise mondiale et à l'émergence d'une vague réactionnaire mondiale. Nous avons abordé la question de l'extrême droite indienne avec Modi. Et ce n'est pas anodin, car nous sommes déjà face au pays le plus peuplé du monde. Nous avons parlé d'Erdogan, de Netanyahou, nous avons parlé de Poutine... Nous parlons d'un certain nombre d'éléments qui sont communs.

Nous sommes dans un climat où la moindre étincelle peut mettre le feu au monde. Comprendre ce monde en flammes, essayer de le comprendre pour essayer de le changer, c'est ce que propose le livre, parce que le livre au final essaie de ne pas tomber simplement dans une logique académique rigoureuse d'analyse du monde, de l'extrême droite et du contexte, mais aussi de proposer des alternatives, de proposer quoi faire à partir de la modestie que ce livre ne va pas donner toutes les réponses.

Il y a une chose dont elle parle, qui a aussi à voir avec la bataille culturelle et la capacité à fixer l'ordre du jour, et comment cette bataille peut aussi être menée à gauche, comme le féminisme, la culture…

Il y a des expériences qui ne sont pas très connues des Espagnols, comme Rock Against Rascism, à l'époque de l'émergence du discours de haine d'extrême droite dans la musique anglaise, qui est liée à l'émergence de partis d'extrême droite très actifs dans les rues à la fin des années 70. Au début des années 80 en Angleterre, ils commençaient aussi à se connecter à une subjectivité de la jeunesse anglaise, ayant même certains succès électoraux locaux. Et comment se construit tout un mouvement culturel et politique qui se connecte à un mouvement antifasciste diversifié, qui construit un mouvement culturel et musical où il n'était plus cool d'être nazi, plus transgressif et alors que cela générait un rejet.

C'est très intéressant ce que les gens de SOS Racisme ont fait plus tard, qui l'ont aussi pratiqué au Portugal et à Toulouse avec Zebda.

Que peut-on faire d'autre pour surmonter ce bon sens de l'extrême droite ?

Nous avons plus de questions que de réponses, mais le premier élément est de bien analyser le phénomène, car cela déterminera nos tâches, et c'est ce que propose ce livre.

Si tout est fascisme, nous ferons des erreurs, nous banaliserons le fascisme. Si Ayuso est un fasciste... ce n'est pas la même chose que Social Home. Ce n'est pas la même chose et ils ne représentent pas la même chose. Et Vox [10] n'est pas la même chose qu'Aube dorée [11], et il ne peut pas être combattu de la même manière. Je ne pense pas que cette utilisation abusive du terme fasciste par la gauche nous apporte quoi que ce soit. Si nous pensions que le fascisme allait gagner dans notre pays, nous devions entrer dans la clandestinité. Une mauvaise analyse nous donne de mauvaises tâches.

Quelle est la solution de la gauche ? La gauche doit commencer à proposer de futures alternatives à la crise climatique, à la crise économique, à la crise du système capitaliste. Nous devons commencer à réfléchir à des alternatives post-capitalistes dans un scénario de crise et d'affrontements inter-impérialistes.

Si nous ne proposons pas d'alternative, une proposition pour l'avenir, il est normal que ce qui l'emporte soit une proposition du passé.

Un autre élément qui me semble fondamental est d'intégrer la logique de la distribution et des biens communs. Bien sûr, si l'on ne remet pas en cause le temple sacré de la propriété, si avec une crise pandémique qui a généré l'une des crises les plus fortes du capitalisme de ces dernières décennies, il n'a pas été possible de remettre en cause le droit de propriété des vaccins qui avaient été produits avec de l'argent public, c'est un signe d'une défaite politique, culturelle et idéologique de la gauche.

Cela ne serait pas arrivé dans les années 70, cela aurait été impossible. Dans les années 2000, Lula lui-même a ouvert des brevets pour, par exemple, lutter contre le sida.

Ou bien on commence à réfléchir à des alternatives écosocialistes à la crise écologique, on entre dans le temple de la propriété et on commence à parler de biens communs, de partage, de travailler moins pour travailler ensemble, de reconstruire les liens de classe et de communauté dans nos quartiers, de reconstruire le tissu social, de syndicalisme sur les lieux de travail, du syndicalisme social dans nos quartiers, ou tout passera par les téléphones portables.

Parce qu'en fin de compte, l'extrême droite s'est construite sur la peur de l'individualité. S'ils veulent que nous soyons seuls, ils devront nous trouver ensemble. C'est un slogan qu'il faut construire. Une grande partie de la victoire qui a marqué le début d'un cycle de contestation dans notre pays découle de cette construction où vous avez été expulsé seul dans votre maison et où vous avez trouvé vos voisins défendant votre maison et votre vie.

Les solidarités de classe et communautaires sont le meilleur antidote au virus de la haine de l'extrême droite, qui fomente la guerre entre le dernier et l'avant-dernier, le désignation des ennemis.

C'est un élément fondamental que d'arrêter de penser aux temps frénétiques d'une politique des médias sociaux pour revenir à un temps de politique humaine, de reconstruction du tissu où il faut comprendre que face à la défaite dans laquelle nous nous trouvons, les raccourcis électoraux ne sont pas valables.

C'est une question qui fait aussi partie de la défaite de la gauche, une gauche avec moins d'ancrage social que jamais, et qui fait confiance à tout pour gagner les élections et co-gouverner avec le Parti socialiste au lieu de commencer à réfléchir à la façon dont nous reconstruisons une société profondément atomisée et détruite et à la façon dont nous nous ancrons dans cette société. Comment s'insérer pour reconstruire un cycle qui remet en question ce qui se passe, qui nous permet de nous remettre de la défaite politique et idéologique dans laquelle nous nous trouvons.

Je dis toujours que nous ne nous sommes pas encore remis de la défaite d'Athènes, de Grèce, qui ne s'est pas encore remise, notamment parce qu'elle n'a pas tiré de leçons. Linera a dit que la gauche ne peut pas se modérer ; que nous ne sommes pas en période de modération et que la gauche doit se radicaliser.

J'ai toujours dit que les deux risques de Podemos étaient de se modérer et de se normaliser. Nous ne pouvons pas nous normaliser, nous ne pouvons pas être une offre électorale de plus du marché néolibéral et nous ne pouvons pas nous modérer et nous devons commencer à comprendre que les majorités sociales ne se construisent plus seulement à partir du centre, mais aussi à partir des marges, à l'extérieur du système.

L'une des grandes lectures de Milei est qu'il n'a pas construit une majorité en se modérant lui-même ou en se déplaçant du centre. C'est tout le contraire. Trump, Bolsonaro, Le Pen... L'extrême droite grandit avec un projet de plus en plus radical et nous devenons de plus en plus modérés ; de plus en plus internationalistes et nous nous devenons de moins en moins internationalistes. Eh bien, peut-être qu'il y a aussi une recette à ce niveau.

23J [12] a été vécu comme un triomphe parce qu'il a évité d'avoir Santiago Abascal [13] comme vice-président du gouvernement, par exemple, dans les urnes.

Le danger est qu'elles se transforment en défaites différées. Le fait que nous considérions 23J comme une victoire est le produit de notre défaite. Si nous ne faisons rien, si nous refaisons la même chose qui nous a permis d'être sur le point de perdre, la prochaine fois, nous perdrons sûrement.

Il y a des victoires qui peuvent être, si vous ne faites rien, des défaites différées. Le Pen a réussi à fixer l'agenda politique et à construire des victoires idéologiques, en étant systématiquement battue par ce front républicain qui a pratiquement fait disparaître la gauche française jusqu'à ce qu'elle soit sortie de la roulette du hamster dans laquelle ils nous avaient mis.

Le seul qui peut bénéficier de cette stratégie est le PSOE. S'il y a quelque chose à faire pour arrêter le fascisme, bien sûr, votons tous pour le PSOE. Pourquoi pas ? Si nous n'expliquons pas que nous ne voulons pas être la béquille sympathique du Parti socialiste, si nous voulons être quelque chose de plus qu'une béquille sympathique du système, ce que nous proposons, c'est que le système nous mène à l'abîme et que nous voulons rompre avec le système.

Si nous n'en parlons pas, ce qui se passe arrivera. En fait, je crois que l'extrême droite grandit aussi parce qu'on a toujours pensé que s'il y avait des troubles, si le capitalisme générait des troubles, bien sûr, qui allait les canaliser ? Et l'extrême droite démontre qu'à l'heure de l'agitation croissante, elle est capable de les gérer et de les canaliser, proposant même d'augmenter et d'accélérer les recettes qui génèrent ces troubles dans une logique de travestissement politique brutal.

L'une des personnes les plus riches des États-Unis se présente comme anti-establishment. C'est ça le trumpisme. Trump ressemble plus à Berlusconi qu'à Mussolini, c'est un fourre-tout.

En parlant de la radicalisation du discours. Nous voyons comment Netanyahou est un exemple, quand il a commencé en politique, il n'était pas sur les positions qu'il occupe maintenant.

Je ne pense pas qu'il ait jamais été pour la perspective des deux États. Et, en fait, le seul politicien sioniste qui a vraiment défendu la logique à deux États a été assassiné. Yitzhak Rabin a été assassiné par son peuple en tant que traître.

Mais ce gouvernement d'Israël est le plus ultra de l'histoire du pays.

Bien sûr, mais ne regardons pas Netanyahou, regardons les 70% de la société israélienne qui soutiennent le gouvernement Netanyahou. Pourquoi le soutiennent-ils ? Et comme plus rien ne scandalise la communauté internationale, parce que la logique était qu'Israël était la seule démocratie du Moyen-Orient et que les autres étaient des sauvages. Cette logique atavique, occidentale et profondément coloniale, quioublie qu'Israël est une colonie européenne au Moyen-Orient.

Cela a été brisé il y a longtemps. Beaucoup de gens ne savent pas qu'Israël n'a pas de constitution, le seul contrepoids qu'il a à l'exécutif est soi-disant la Cour suprême, une Cour suprême qui a été démantelée par Netanyahou lui-même.

Je parle du processus, de la façon dont le soi-disant illibéralisme est la phase la plus élevée du néolibéralisme, et de la façon dont le néolibéralisme a absorbé la démocratie libérale qui est une sorte de Frankenstein autoritaire avec des éléments formels de démocraties libérales, une démocratie où l'on vote, mais où il n'y a pas vraiment de séparation des pouvoirs où toute la logique libérale a été bannie.

Netanyahou est le rêve de l'extrême droite européenne. Il a réussi à construire un État ethnique : en 2018, il a approuvé que seuls les Juifs soient citoyens d'Israël. Personne au monde n'est allé aussi loin. Ni Milei, ni Bolsonaro, ni Trump, ni Orbán. Personne, pas même Poutine. C'est comme si nous décrétions maintenant que seule la religion catholique romaine est espagnole.

C'est ce que propose par exemple l'extrême droite en France avec la question de savoir ce que c'est que d'être français. L'extrême droite vit une névrose identitaire, on le voit aussi en Espagne avec Vox : seuls ceux qui ont une affiliation idéologique politique avec les prétendues valeurs espagnoles sont espagnols. Ainsi, le catalan n'est pas espagnol, mais pas plus que les féministes, les rouges, les migrant-e-s, etc. Une attribution idéologique est recherchée avec l'idée d'hispanité. Tout comme Le Pen remet en question le fait que les gens qui sont en France depuis cinq générations ne sont pas français, ils sont musulmans.

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[1] le mouvement des Indignés en Espagne

[2] le slogan de Trump -make America great again !

[3] riche homme d'affaires espagnol

[4] Le Mouvement 5 étoiles (en italien, Movimento 5 Stelle ou Cinque Stelle, M5S) est un parti politique italien fondé en 2009 par Beppe Grillo et Gianroberto ...

[5] présidente de la communauté de Madrid

[6] du Parti populaire espagnol

[7] Giorgia Meloni, qui avec son parti post-fasciste Fratelli d'Italia a remporté une victoire historique aux législatives italiennes du 25 septembre 2022

[8] Roberta Metsola est la présidente du Parlement européen

[9] Manfred Weber est membre de l'Union chrétienne-sociale en Bavière (CSU) et est a été élu au Parlement européen en 2004, puis réélu en 2009, 2014 et 2019

[10] parti d'extrême-droite espagnol

[11] parti d'extrême-droite grec, néo-nazi

[12] 23 juillet 2023, date de l'élection législative en Espagne

[13] chef du parti d'extrême droite Vox

Mois de l’histoire des Noirs : une programmation diversifiée et inspirante

6 février 2024, par Centrale des syndicats du Québec (CSQ) — , ,
Depuis 2007, février est officiellement le Mois de l'histoire des Noirs au Québec, un mois pendant lequel on souligne la contribution historique des communautés noires à la (…)

Depuis 2007, février est officiellement le Mois de l'histoire des Noirs au Québec, un mois pendant lequel on souligne la contribution historique des communautés noires à la société québécoise. Une foule d'activités sont organisées pour l'occasion.

Tiré de Ma CSQ cette semaine.

Au Québec, cela fait plus de 30 ans que la Table ronde du Mois de l'histoire des Noirs organise des activités permettant de découvrir la richesse et la diversité des communautés noires.

Le personnel qui travaille en petite enfance, en éducation (du primaire au secondaire, en passant par la formation générale des adultes) ou encore au cégep, peut trouver dans cette riche programmation de quoi l'inspirer pour intégrer cet évènement à sa pratique et ainsi éveiller les tout-petits, les élèves ainsi que les étudiantes et étudiants à des sujets touchant les communautés noires, leurs réussites et les défis qui leur sont propres, encore aujourd'hui.

Découvrez la programmation complète.

Petit historique de ce mois bien spécial

Le Mois de l'histoire des Noirs prend racine dans toute une mouvance de défense des droits civiques aux États-Unis, qui visait à combattre, par la recherche et l'éducation, le racisme et les préjugés de la société. Le rêve de son instigateur, le Dr Carter G. Woodson, était que l'histoire africaine et afro-américaine fasse l'objet d'un enseignement scolaire dans le respect de la diversité et empreint d'une sensibilité à son égard.

Ce noble objectif s'inscrit pile dans la mission et les valeurs de la CSQ !

Carter G. Woodson, père du mois de l’histoire des Noirs

6 février 2024, par Alain Saint Victor — , ,
L'historien afro-américain Carter G. Woodson est considéré comme le père du mois de l'histoire des Noirs. Pour comprendre pourquoi Carter Woodson a eu cette idée, il faut (…)

L'historien afro-américain Carter G. Woodson est considéré comme le père du mois de l'histoire des Noirs. Pour comprendre pourquoi Carter Woodson a eu cette idée, il faut comprendre le contexte historique de l'époque.

L'auteur est historien.

Après la guerre civile aux États-Unis qui a duré 4 ans (1861 à 1865), et qui a fait près de 600 000 morts, l'abolition de l'esclavage est proclamée partout au pays (le 13e amendement). 4 millions d'esclaves étaient devenus libres. La question était de savoir comment intégrer ces esclaves dans la société américaine. Rappelons que plusieurs personnalités politiques dont Lincoln lui-même (dans un premier temps) et organisations ne pensaient pas qu'il était possible d'intégrer les anciens esclaves dans la société.

Mais grâce au 14e amendement ratifié en 1868, ces anciens esclaves étaient devenus citoyens américains. Un programme a été mis sur pied pour les aider économiquement (leur donner une propriété, 40 acres et une mule) et politiquement (le droit de vote, etc.). Ce programme est appelé Reconstruction. Mais après l'assassinat du président Abraham Lincoln en 1865, ce programme a été graduellement démantelé, sous la présidence d'Andrew Johnson, pour finalement disparaître au début des années 1870.

À partir de cette décennie, le pays rentre dans une nouvelle période historique qu'on appelle Jim Crow. C'est une longue période qui dure à peu près 100 ans, au cours de laquelle, les Afro-Américains sont victimes d'un racisme extrêmement violent. Plus de 4 000 Noirs sont assassinés et lynchés. Dans plusieurs États du Sud, on leur enlève le droit de vote. Plusieurs entreprises, commerces, associations, organismes noirs sont détruits, réduisant à néant toute possibilité de fonder une base économique qui aurait pu permettre à la population afro-américaine de devenir prospère.

Dans les écoles, partout aux États-Unis, on apprenait que les Noirs n'avaient pas d'histoire, que les Noirs n'ont rien fait, qu'ils n'ont pas contribué au progrès de la société, etc. Beaucoup de gens pensaient que ces anciens esclaves ne pourront jamais intégrer la société, que ce serait mieux qu'ils retournent en Afrique ou s'installer dans un autre pays (Haïti a été l'un des pays visés. En fait plusieurs Noirs américains s'y sont installés à la fin du 19e siècle).

Carter Woodson est né à cette époque, plus précisément en 1875. Ses parents étaient d'anciens esclaves.

Il fait ses études secondaires à l'école Frederick Douglass. Il entre par la suite à l'université Lincoln et à l'université Chicago. Pour finir, il est admis à l'université Harvard où il décroche un doctorat en histoire (le 2e Noir qui obtient un doctorat dans cette université, après WEB Dubois).

En tant qu'historien, Woodson définit clairement son objectif. Il s'agit de faire connaitre l'histoire des Noirs aux États-Unis. En 1916, il crée une organisation, l'Association pour l'Étude de la Vie et de l'Histoire des Noirs. Il fonde au cours de la même année The Journal of Negro History, connu aujourd'hui (depuis 2001) sous le nom de The Journal of African American History.

En 1926, il propose la deuxième semaine du mois de février comme la semaine de l'histoire des Noirs, en hommage à Frederick Douglass et Abraham Lincoln qui sont nés en février.

En lançant cette idée en 1926, Woodson cherche à faire reconnaître la contribution des Noirs, leur existence en tant que citoyens. Et si l'on considère le contexte social dans lequel vivait l'historien, son idée était vraiment révolutionnaire, et même subversive. À l'époque le racisme biologique était à son apogée, des dizaines de Noirs étaient lynchés et assassinés chaque année, et cela impunément. Le Noir était perçu au mieux comme un sous-homme, au pire comme une bête qu'il fallait traquer et contrôler. Faire connaitre l'histoire d'une contribution sociale quelconque des Noirs était donc impensable à cette époque.

Pourtant, l'idée de Woodson d'observer une semaine pour signaler l'histoire des Noirs fut un succès instantané. Plusieurs organismes, enseignants et progressistes noirs et blancs mirent sur pied des groupes de discussion et essayèrent avec les moyens disponibles d'éduquer les gens sur la contribution historique des Noirs à la société. Les efforts de faire comprendre au public l'importance de cette contribution furent constants et assidus, et après des décennies de lutte, cela a finalement porté fruit. Il a fallu quand même attendre jusqu'en 1976 pour que le gouvernement américain reconnaisse la semaine de l'histoire des Noirs et d'adopter du même coup le mois de février comme le mois de l'histoire des Noirs. Quant au Canada, ce n'est qu'en 2008, grâce à une motion du premier sénateur noir Donald Oliver, que le mois de février fut adopté par le parlement canadien comme mois de l'histoire des Noirs.

Aujourd'hui, certains remettent en question la pertinence d'observer un mois de l'histoire des Noirs. Woodson, lui-même, pensait que l'adoption d'une semaine du mois de février pour souligner l'histoire des Noirs aux États-Unis serait temporaire, le temps nécessaire, que Woodson espérait un temps court, pour que cette histoire fasse partie de l'histoire officielle. Il est vrai que beaucoup de progrès ont été réalisés depuis 1926, mais il reste beaucoup à faire : ici au Canada et au Québec, l'image du perpétuel immigrant collée aux membres de la communauté noire, de l'étranger, même si plusieurs générations ont vu le jour sur le sol canadien et québécois montre qu'il est important de continuer la lutte, la lutte non seulement pour faire connaitre le parcours historique particulier des Noirs au Canada, mais aussi de faire comprendre que cette histoire fait partie, comme l'histoire d'autres communautés ethniques, de l'histoire canadienne et québécoise.

Quelques livres de Woodson (disponibles sur le net) :

The history of the Negro church (1921)

A century of Negro migration (1918)

The Mis-Education of the Negro (1933)

Valérie : « la prostitution fabrique des hommes sans empathie »

6 février 2024, par Valérie Pelletier — , ,
Valérie est Québécoise, militante féministe abolitionniste, chanteuse. À 43 ans, elle est l'exemple incarné de la femme qu'on a détruite et qui s'est relevée ; une femme partie (…)

Valérie est Québécoise, militante féministe abolitionniste, chanteuse. À 43 ans, elle est l'exemple incarné de la femme qu'on a détruite et qui s'est relevée ; une femme partie à la reconquête d'elle-même et qui en sort plus forte ; une personnalité attachante et joyeuse qui clôt ses conférences en chantant.

Choisi, pas choisi ? La prostitution, ce n'est pas une question de choix des femmes ; c'est une question d'aménagement de la sexualité des hommes. Que ce soit bien clair : subir des pénétrations à répétition est une violence. Ce n'est même plus un débat.

Aujourd'hui, je me sers de mon vécu pour comprendre le niveau systémique. Ce qui est intéressant dans mon histoire, c'est en quoi elle rencontre celle des autres.

J'ai été dans la prostitution de 16 à 23 ans. À 16 ans, j'étais dans l'idée du business, du corps outil. Pas besoin d'un gun (revolver – NDLR) sur la tempe pour y rester. J'étais dedans, je n'avais pas d'autre référence, je ne connaissais que les codes de l'industrie du sexe ; et personne n'était là pour me dire que je valais mieux que ça.

Quand j'étais dans les clubs, mon père était mon chauffeur. C'est lui qui m'y amenait. Je trouvais ça cool. Il ne me jugeait pas, il ne me prenait pas d'argent, il était ouvert d'esprit ! En fait, il avait été portier dans un club de danseuses et il était accro à la porno. Il cachait des magazines partout dans la maison, même dans la pièce où je jouais petite fille. Il était voleur, menteur, malhonnête. Il ne m'a jamais touchée mais il m'a fait intégrer tous ces codes. Je le détestais. Il est mort maintenant, c'est une délivrance.

À Montréal, il y a les clubs de danseuses nues où la prostitution s'exerce dans des cabines. Autour, il y a des miroirs partout, on vit dans le regard de l'autre, c'est très dissociant. Et on doit payer pour tout : le service du bar, les amendes, les tenues sexy, les préservatifs. On peut être mise à la porte n'importe quand, pour n'importe quoi. Il n'y a pas de salaire, on n'est pas rémunérée pour le spectacle de danseuse nue ; seulement pour ce qui se passe dans les cabines.

Une illusion de sécurité
La prostitution « indoor », c'est une illusion de sécurité. Ces clubs sont tenus par les mafias et les gangs de bikers qui sont des criminels et des trafiquants. Je me suis retrouvée dans une fusillade un soir. Quand ils voient que la police arrive, les gérants sortent vite des trucs des coffres. C'est le crime organisé, un univers sordide de gens délabrés qui font du blanchiment d'argent et trempent dans les machines à sous.

Ma stratégie de survie a été de ne pas prendre d'alcool ou de drogues. Je vivais en hyper vigilance, je ne buvais que mes bouteilles d'eau cachetée que je recapsulais et que je cachais sous ma chaise. Et comme mon père était dans le circuit, je n'ai pas eu de proxénète.

Je dansais nue, toujours cambrée, en talons hauts (aujourd'hui, je ne mets plus jamais de talons, c'est un acte militant). Face aux clients, je ne ressentais que du dégoût. Mais on ne peut pas se permettre de ressentir ces émotions-là. Pour tenir, il faut tout mettre à distance. J'avais mes rituels : les douches, mon autre nom… Je me suis abîmé le dos et j'ai hérité d'une sciatique qui revient tous les hivers. J'ai encore des douleurs, des migraines chroniques ; et une colite ulcéreuse, maladie inflammatoire auto-immune qu'ont beaucoup de survivantes.

À cause de mon psycho-traumatisme, des années après ma sortie, je me suis mise à prendre du cannabis tous les soirs. Je me sentais bien avec mais j'ai arrêté parce que je devenais passive. Du coup, les cauchemars sont revenus, ces labyrinthes où un prédateur me poursuit ; vingt ans après, je reste encore hantée pendant mon sommeil, c'est épuisant.

La prostitution, c'est dégradant ; dans une ruelle comme dans des draps en satin. On est un réceptacle dans lequel des hommes se vident. On est en risque d'être tuée ; bien plus que les policiers, les pompiers et les militaires. La pornographie, c'est pareil, cette prostitution filmée revendue un nombre infini de fois et qui formate les jeunes femmes pour leur dire ce qu'on attend d'elles : c'est l'érotisation de l'avilissement et des rapports de pouvoir. Il suffit de lire les forums de clients pour voir comment ils parlent de nous…

C'est quoi consentir dans la prostitution ? L'argent crée un biais ; le type te fait mal, tu laisses faire pour que ça finisse plus vite. Les prostituées, dont le « travail » est d'être perpétuellement sexuellement harcelables, sont les grandes oubliées de #metoo.

Ce que fabrique la prostitution, filmée ou pas, c'est des hommes stupides, compulsifs et sans empathie. On peut attendre quoi d'hommes qui se voient proposer dans les bordels allemands de participer à des gang bangs et d'acheter des femmes enceintes jusqu'au troisième trimestre ?

Une rupture de la pensée

Pour en sortir, le premier déclic pour moi, c'est quand un homme m'a proposé de l'argent dans ma propre vie, pas dans la prostitution ! Ce moment a fait un clash dans ma tête. Et il y a eu le jour où j'ai dit à mon père que j'avais reçu une bourse pour aller à l'université et que j'avais l'intention de m'inscrire en écologie. Au lieu de s'en réjouir, la seule chose qu'il a trouvée à dire, c'est « comment tu paieras ton loyer ? ». Pour moi, tout a basculé. J'étais bonne à livrer sexuellement aux hommes, pas à faire des études à l'université !

À partir de là, j'ai continué un moment mais le féminisme a orienté mes lectures. Comprendre le système a été guérisseur. J'ai pu identifier ce qui ne m'appartenait pas mais relevait de l'influence de mon père et de la société. Et il y a eu le travail de thérapie, et la question : comment j'ai pu me leurrer à ce point ?

Peu à peu, j'ai effectué une rupture de la pensée ; un changement de paradigme. Avant, je m'en voulais d'avoir accepté tout ça, j'avais honte, je me considérais comme ma propre abuseuse. Maintenant, je suis fière. Je dis la vérité aux gens. S'ils ne m'aiment pas à cause de ça, ils ne me méritent pas. C'est une clarification.

À la réflexion, j'ai découvert que cette industrie m'avait maintenue dans une position de mineure au niveau socio-économique. Mon père, qui a habité pendant 20 ans sur mon palier, gérait mes factures avec mon argent ; en ne m'apprenant pas comment faire, il me gardait sous emprise. Aujourd'hui, il n'y a plus que dans l'industrie du sexe qu'une femme dit à un homme « donne-moi mon argent ».

Je sais que c'est dur pour celles qui défendent l'industrie d'entendre ce que j'ai à dire ; elles qui militent aux côtés de leurs clients pour qu'ils gardent le droit de les acheter ! Elles me détestent, alors que moi j'ai envie de les prendre dans mes bras et de pleurer. Quand j'en entends une se réjouir que son compagnon ne voie pas d'inconvénient à ce qu'elle soit prostituée, je me dis qu'elle va sacrément lui en vouloir le jour où elle va arrêter ! Il me laissait faire ça, et il s'en fichait ? Elle aussi, elle risque de changer de paradigme…

Quand on est dans une réalité, on la défend. Des mineurs aussi ont défendu leur métier malgré l'amiante. Quand j'étais dedans, je me souviens avoir regardé les femmes « normales » de haut ; de m'être dit qu'elles, elles n'auraient pas été capables.

Franchement, nous dire que c'est un travail ! Mais dans quel travail c'est muqueuse contre muqueuse ? Échange de fluides corporels ? Dans tout métier, s'il y a muqueuse ou fluide corporel, ils sont mis à distance. Et, dans quel métier il faut payer pour travailler ? Je payais

100 dollars par soir pour avoir le droit de « danser ». Aujourd'hui, dans les vitrines belges, les femmes déboursent 250 € avant d'avoir fait un seul client ! On a vu ça où, un métier où, plus tu as d'expérience, plus tu dois baisser tes prix ? Où il n'y a ni protection ni avantages ? Où la seule promotion, c'est de devenir proxénète des autres ? Et est-ce qu'il y a d'autres métiers dont on invoque le droit « d'en sortir » ?

« Travailleuses du sexe », c'est un terme imposé par le lobby proxénète. Ce qu'elles appellent « compétences », marcher sur des talons de 15 cm, se dissocier pour résister à la violence qu'on leur impose, dans quel autre métier est-ce utile ? La dissociation, c'est un mécanisme de défense, pas une compétence professionnelle.

Militer, c'est prendre des risques

Aujourd'hui, je milite activement. Mais militer, c'est prendre des risques et se condamner à la précarité. Je commence à être connue au Québec et j'ai perdu des emplois à cause de ça. Notamment un, que j'adorais : je rendais visite à des femmes en milieu carcéral, c'était un travail d'accompagnement pour leur éviter de retomber dans l'exploitation sexuelle une fois purgée leur peine. Et un autre travail, auparavant, dans un organisme pour femmes, où des transactivistes m'ont accusée de transphobie parce que je défends le droit des femmes à des services qui leur soient réservés.

J'ai intenté des poursuites pour ce licenciement injuste, j'ai gagné et obtenu des excuses. Mais le mal était fait. Il faut savoir qu'au Québec, aujourd'hui, tout est queer. Depuis 2014, il suffit de s'auto-déclarer femme, sans chirurgie ni prise d'hormones, pour être considérée comme femme. Les femmes et les lesbiennes sont effacées et il est de plus en plus difficile de conserver des financements pour des organisations non mixtes. Une nouvelle fois, nous les femmes devons tout accepter.

Celles qui veulent s'engager aujourd'hui, je les encourage mais il faut qu'elles sachent que c'est difficile et qu'il faut savoir fixer ses limites.

Vers la troisième abolition ?

Au Québec, la politique privilégiée est celle de la réduction des méfaits. C'est prendre la question ici et maintenant, pas plus. Quand je questionne les travailleurs sociaux pour savoir s'ils demandent aux femmes en situation de prostitution si elles voudraient faire autre chose, ils répondent « oh non, ce serait un jugement de valeur ! » On n'a même plus l'exigence humaine élémentaire de ne pas être prostituable ! C'est surréaliste. Pour aider vraiment les femmes, il faut les reconnecter à leurs rêves, leur faire rencontrer des amis, organiser des activités, des sorties… Moi, je ne me sens en sécurité intellectuelle qu'avec des gens qui voient pour moi d'autres compétences que d'être prostituée.

En France, vous avez de l'avance avec les parcours de sortie prévus par la loi et avec les travaux de vos psychotraumatologues, comme Muriel Salmona. La psychotraumatologie n'est même pas un domaine d'étude au Québec ! Mais nous sommes meilleurs sur la réception des plaintes dans les commissariats.

Actuellement, au Canada, alors que la loi fédérale est abolitionniste, les villes continuent d'octroyer des permis d'exploitation au commerce du sexe et conservent le « zonage érotique » ancestral. Notre but à nous abolitionnistes n'est pas d'enlever leur gagne-pain aux femmes, mais de nous attaquer à ce proxénétisme.

Décriminaliser les personnes en situation de prostitution mais criminaliser les clients et les proxénètes est une révolution de la pensée. Pour moi, la prostitution sera la troisième abolition : après celle de l'esclavage et celle du travail des enfants, la sexualité libre de contrainte des femmes doit suivre.

Des rencontres, un réseau

Aujourd'hui, j'habite le même appartement qu'au temps où j'étais dans les clubs. Il y a toujours en bas un salon de massages érotiques et au coin un hôtel de passes. Beaucoup de femmes ont besoin de recommencer leur vie ailleurs ; j'ai choisi l'inverse. Je me suis dit que c'était mieux que ce soit moi qui change et que rester aiderait le quartier à monter de niveau.

Je n'aurais jamais imaginé avoir un jour la vie que j'ai aujourd'hui. Je me suis rendue à Glasgow à la conférence Filia, puis en France, à Nantes, Paris, Marseille. J'ai fait tellement de belles rencontres. Et je suis plein de femmes à la fois, militante abolitionniste, écologiste, chanteuse… J'ai autour de moi un réseau de survivantes incroyable. Je me sens pleine de joie de vivre.

Valérie Pelletier, 3 février 2024

Voir, Claudine Legardinier, https://mouvementdunid.org/prostitution-societe/temoignages/valerie-la-prostitution-fabrique-des-hommes-sans-empathie/

Version du texte, reprise de : https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/02/03/valerie-la-prostitution-fabrique-des-hommes-sans-empathie/

Empêchons l’assassinat de la culture palestinienne

6 février 2024, par Coalition d'artistes et de personnalités — , ,
« À travers les activités artistiques et les institutions culturelles, l'existence même du peuple est visée. » Après le saccage du célèbre « Théâtre de la Liberté » le 13 (…)

« À travers les activités artistiques et les institutions culturelles, l'existence même du peuple est visée. » Après le saccage du célèbre « Théâtre de la Liberté » le 13 décembre dernier par l'armée israélienne, un ensemble d'artistes et de personnalités dénonce cette stratégie d'effacement. « Massacrer l'enfance et la jeunesse, détruire les installations éducatives, abattre les porteurs de sa culture, c'est assassiner un peuple. »

30 janvier 2024 | Tiré du blogue de l'auteur.

Le « Théâtre de la Liberté » avait joué sans interruption et enseigné l'art dramatique dans les territoires occupés, en surmontant tous les obstacles et rayonnant partout dans le monde depuis sa fondation en 2006 au milieu du camp de réfugiés de Jénine par l'artiste israélo-palestinien Juliano Mer Khamis, assassiné en 2011.

Le 13 décembre dernier ses locaux ont été saccagés par l'armée, ses animateurs battus et incarcérés. À ce jour, le directeur général du théâtre Mustafa Sheta et son président Bilal Al-Saadi, sont toujours détenus sans motif.

Plus qu'un symbole, c'est une stratégie. À travers les activités artistiques et les institutions culturelles, l'existence même du peuple est visée.

Qu'est-ce qui fait qu'un peuple est un peuple ? demandait Jean-Jacques Rousseau dans un passage fameux du Contrat Social (1762). Cette question nous hante alors que nous assistons, horrifiés, à la destruction du peuple de Palestine écrasé sous les tonnes de bombes à Gaza, tiré à vue, battu, emprisonné en Cisjordanie par des colons et des soldats racistes à qui on a donné carte blanche, humilié et discriminé en Israël par des lois de ségrégation ethnico-religieuse…

Que fait donc le monde ?

À part l'Afrique du Sud qui vient de sauver l'honneur à La Haye et le Secrétaire Général des Nations-Unies qui crie dans le désert, les associations qui dénoncent la catastrophe humanitaire et tentent de faire passer un peu d'eau, de vivres et de médicaments, le monde attend, il justifie, il regarde ou il prête main forte, exerçant son veto par ci, livrant des munitions par là.

L'histoire jugera.

Un peuple, outre son nom, ce sont des hommes et des femmes de chair et d'os, des familles avec leurs vergers et leurs maisons, des enfants qui jouent et qui étudient, des ouvriers, des paysans, des travailleurs sociaux et des intellectuels, des soignants et des artistes. Mais c'est aussi une culture active, enrichie d'expériences heureuses ou malheureuses, transmise de génération en génération, qui fait l'idée qu'il a de lui-même et son unité sous l'oppression.

Et ce sont toutes les institutions qui font vivre cette culture : écoles, universités, théâtres, journaux, associations, lieux de culte ou de sociabilité. C'est tout cela qu'Israël, lancé par ses dirigeants dans une guerre d'extermination et de vengeance qui n'observe aucune limite et ne respecte plus aucune loi, a entrepris de détruire.

Au-delà de la « seconde Naqba » déjà programmée par de hauts responsables civils et militaires, il faut que, cette fois et pour de bon, le peuple palestinien soit décimé, décomposé, exclu de sa propre terre, de sa propre histoire. Que ses capacités de résistance soient anéanties.

Il n'est pas sûr que, malgré sa violence et son surarmement, le colonialisme israélien ainsi déchaîné parvienne à ses fins, tant les Palestiniens ont historiquement fait la preuve de leur solidarité et de leur volonté de survivre en tant, précisément, que peuple.

Mais les ravages causés par cette guerre d'extermination du fort contre le faible, déjà effroyables, deviendront irréparables si rien n'est fait pour les arrêter. Il faudra des décennies pour les compenser, ne serait-ce qu'en partie. Et le traumatisme qu'ils sont en train de causer ne s'effacera plus jamais. Il portera de nouvelles violences.

Car Israël a parfaitement compris, et de longue date, que son projet d'expropriation exigeait non seulement de tuer et de réprimer, mais de démanteler et d'effacer du paysage toutes les institutions qui confèrent au peuple palestinien sa propre identité et permettent de la préserver.

Il y a une cohérence sinistre entre le fait que, comme à Gaza, les enfants soient massacrés par milliers, ou, comme en Cisjordanie, les adolescents ciblés par les tueurs et emprisonnés au moindre geste (voire sans aucun geste), et le fait que la dernière université de la bande côtière, dite islamique et reconnue pour la qualité de ses enseignants et de ses chercheurs, soit rasée au sol. Ou que les tirs de missiles guidés par Intelligence Artificielle aient déjà éliminé par prédilection des dizaines de journalistes et d'écrivain.es (comme le poète Nour el-Din Haggag, dont on aura pu lire la déchirante Lettre d'adieu au monde). Ou que sous des prétextes juridiques fabriqués en vue de l'extension des colonies, les écoles de Palestine occupée soient détruites au bulldozer à peine sorties de terre, comme hier à Musafer Yatta (Hébron) et à Jib Al-Theeb (Bethleem) malencontreusement située en « zone de tir ». Et ainsi de suite.

Massacrer l'enfance et la jeunesse, détruire les installations éducatives, abattre les artisans de sa culture, c'est assassiner un peuple. C'est le crime contre l'humanité par excellence, que nous, les « civilisés », nous étions engagés solennellement à prévenir et à réprimer.

C'est à quoi nous assistons depuis des décennies en Palestine, et qui sous nos yeux, vient de s'accélérer dramatiquement.

Les Palestiniens appellent à l'aide, avec fierté, avec désespoir, avec colère.

Nous sommes comptables devant eux et devant le monde de nos actions et de notre inaction. Nos dirigeants, qui ne voient jamais qu'un seul côté des violences commises, et ne cessent d'osciller honteusement entre le soutien aux assassins et des remontrances humanitaires purement symboliques, doivent impérativement revenir aux exigences du droit international.

Ils doivent agir et s'exprimer pour que, au moins, le crime soit nommé et condamné. Eux aussi seront comptables.

Signataires

Les Amis du Théâtre de la Liberté de Jénine (ATL Jénine) avec : Étienne Balibar, Sonia Fayman, Julio Laks, Sophie Mayoux, Danièle Touati, Aline Bacchet,

ainsi que :

Ahmed Abbes, mathématicien
Tony Abdo Hanna, auteur
Raed Andoni, cinéaste
Cynthia Arra, collaboratrice à la direction d'acteurs
Kader Attia, artiste plasticien
Jean-Luc Bansard, comédien, metteur en scène
Marcos Barrientos, musicien
Julián Bastias, écrivain
Philippe Bazin, artiste
Nicolas Becker, Musicien & sound designer
Annie Benveniste, sociologue
Stéphane Bérard, artiste
Juliette Bialek, comédienne
Simone Bitton, cinéaste
Catherine Blondeau, autrice et directrice de théâtre
Elsa Bouchain, comédienne
Nicolas Bouchaud, comédien
Seloua Luste Boulbina, philosophe et politiste
Thomas Brémond, Directeur de la photographie
Anne Cantineau, comédienne
Carolyn Carlson, chorégraphe
Laurent Cauwet, éditeur et auteur
Laurence Chable, comédienne
Leila Chahid, ancienne déléguée générale de la Palestine
Rebecca Chaillon, metteuse en scène, comédienne
Yves Chaudouët, artiste
Sarah Chaumette, comédienne
Séverine Chavrier, metteuse en scène
James Cohen, politologue
Patrick Condé, comédien
Yann Coquart, Auteur-Réalisateur
Sylvain Creuzevault, metteur en scène
Annie Cyngiser, sociologue
Jonathan Daitch, auteur, photographe
Marianne Dautrey, traductrice, critique, éditrice, cinéaste
Sonia Dayan-Herzbrun, sociologue
Virginie Despentes, autrice
Lena Dia, comédienne
Joss Dray, auteure, photographe
Valérie Dréville, comédienne
Karine Durance, attachée de presse cinéma
Ivar Ekeland, mathématicien, économiste
Mohammed El Khatib, auteur et metteur en scène
Annie Ernaux, autrice
Fantazio (Fabrice Denys), performeur
Alain Frappier, auteur dessinateur
Désirée Frappier, scénariste
Marine Gacem, scénariste
Nathalie Garraud, metteuse en scène
Brigitte Giraud, écrivaine
Julien Gosselin, metteur en scène
Dominique Grange, chanteuse engagée
Lucie Guien, comédienne
Alain Guiraudie, cinéaste
Didier Haboyan, musicien
Adèle Haenel, actrice
Hervé Hamon, écrivain
Arthur Harari, réalisateur
Berry Hayward, musicien
Daniel Jeanneteau, scénographe, metteur en scène
Hervé Joubert-Laurencin, cinéaste
Karim Kattan, écrivain
Miloud Khétib, comédien
Nicolas Klotz, cinéaste
Julie Kretzschmar, metteuse en scène, direction de structure culturelle
André Laks, helléniste
Guy Lavigerie, metteur en scène
Jean-Marc Lévy-Leblond, physicien
Hervé Loichemol, metteur en scène
Frédéric Lordon, philosophe, économiste
Michael Löwy, sociologue
Bernard Lubat, musicien
Joëlle Marelli, traductrice, poète, chercheuse indépendante
Maguy Marin, chorégraphe
Rosalía Martinez, musicologue
Audrey Maurion, monteuse et documentariste
Marie-José Mondzain, philosophe
Mathilde Monnier, chorégraphe
Gérard Mordillat, auteur, cinéaste
Edgar Morin, sociologue, philosophe
Daniel Navia, musicien
Olivier Neveux, professeur d'études théâtrales
Stanislas Nordey, acteur, metteur en scène
Marcelo Novais Teles, cinéaste
Annie Ohayon, productrice
Valérie Osouf, artiste visuelle et documentariste
Alexis Pelletier, poète
Macarena Peña, musicienne,
Patrick Penot, directeur de Sens Interdits
Elisabeth Perceval, cinéaste
Katia Petrowick, danseuse, comédienne
Dominique Pifarély, violoniste
Ernest Pignon-Ernest, plasticien
Jean-Marc Poli, musicien
Joël Pommerat, auteur, metteur en scène
Nathalie Quintane, poète
Jacques Rancière, philosophe
Robin Renucci, acteur et metteur en scène
Jane Roger, distributrice de films
Olivier Saccomano, auteur
Elias Sanbar, ancien ambassadeur de la Palestine
Blandine Savetier, metteuse en scène
Eyal Sivan, cinéaste
Makis Solomos, musicologue
Rosemary Standley, chanteuse
Frédéric Stochl, musicien
Tardi, dessinateur
Nadia Tazi, philosophe
Jean-Pierre Thorn, réalisateur
Véronique Timsit, dramaturge
Christine Tournadre, réalisatrice
Florence Tran, cinéaste
Isabelle Ungaro, réalisatrice
Eleni Varikas, politologue
Marie Vayssière, comédienne et metteuse en scène
Françoise Vergès, autrice
Gisèle Vienne, chorégraphe
Vanina Vignal, cinéaste
Zoé Wittock, cinéaste
Sergio Zamora, écrivain

Violence conjugale : Le ministre doit aider les victimes à sortir de l’enfer

6 février 2024, par Sophie Ferguson, Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) — , ,
Et si dix jours de congé payés pouvaient faire la différence entre la vie et la mort ? Dix jours pour fuir la violence et reprendre son souffle, c'est vraiment un minimum. (…)

Et si dix jours de congé payés pouvaient faire la différence entre la vie et la mort ? Dix jours pour fuir la violence et reprendre son souffle, c'est vraiment un minimum. Pourtant, le ministre du Travail Jean Boulet n'a pas jugé bon d'inclure cette porte de sortie aux travailleuses et travailleurs victimes de violence conjugale dans le projet de loi 42 visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuelle en milieu de travail.

Se libérer de l'emprise d'un partenaire violent est souvent loin d'être simple pour une victime. Très souvent, l'agresseur contrôle pratiquement tous les aspects de sa vie, rendant sa fuite d'autant plus difficile. Le milieu de travail est parfois le seul espace qui reste à la victime pour réussir à s'en sortir et l'employeur a le devoir de l'aider à y parvenir.
La revendication des dix jours de congé payés pour les victimes de violence conjugale n'est pas nouvelle. Il y a près de deux ans, une pétition en ce sens a été déposée à l'Assemblée nationale et le ministre n'y avait pas non plus donné suite. Il a maintenant l'occasion de corriger le tir. Le gouvernement fédéral et la majorité des autres provinces offrent des congés semblables aux victimes de violence conjugale. Le Québec est dernier de classe au pays sur cette question.

Parmi les autres mesures pour aider les victimes de violence, il aurait été opportun d'inclure dans le projet de loi la mise en place de formations de sentinelles en milieu de travail pour soutenir les victimes de la violence conjugale, familiale et sexuelle. Une initiative semblable d'Unifor dans les milieux de travail de ses membres s'est révélée très positive. Il y aurait lieu de s'en inspirer.

Mieux soutenir les victimes

Il y a plusieurs mesures intéressantes dans le projet de loi 42, comme la formation obligatoire pour les arbitres de grief, la réduction de la portée des clauses d'amnistie dans les conventions collectives et l'ajout de précision à la Politique de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement psychologique.

D'autres éléments du projet de loi mériteraient toutefois d'être modifiés afin de mieux soutenir les victimes de harcèlement et de violence à caractère sexuel en milieu de travail. Le harcèlement ou l'agression perpétré par un collègue (personne de confiance) ou un patron (personne en autorité) de la victime devrait, par exemple, être considéré comme étant survenu à l'occasion du travail, jusqu'à preuve du contraire. Se faire tripoter par son patron dans un party de bureau n'est pas plus acceptable que lors d'une réunion !

Les délais de prescription pour un recours, variables d'un recours à l'autre, devraient aussi être harmonisés pour réduire la confusion et faciliter la vie des victimes.
Le projet de loi 42 est une bonne chose, mais le ministre devrait saisir l'opportunité et aller encore plus loin.

Sophie Ferguson
Deuxième vice-présidente
Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec

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L’ASPQ lance un nouveau livre collaboratif sur la réduction de la maladie

6 février 2024, par Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) — , , ,
Montréal, 1er février 2024 – Alors que les urgences débordent, et que le Québec peine à répondre à la demande en soins des Québécois·es, l'Association pour la santé publique du (…)

Montréal, 1er février 2024 – Alors que les urgences débordent, et que le Québec peine à répondre à la demande en soins des Québécois·es, l'Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) et une diversité d'actrices et acteurs des milieux de la santé publique, de la recherche et du communautaire joignent leurs savoirs scientifiques et expérientiels dans un livre collaboratif, intitulé le Livre de la réduction de la maladie au Québec (https://aspq.org/app/uploads/2024/01/2024-livrereductionmaladie-aspq-vf.pdf) . Ce livre a pour objectif de dresser un bilan des causes évitables de maladie au Québec, et d'offrir des solutions radicales pour agir en amont des centres de soins et bâtir un véritable système de santé.

Réduire la maladie : une entreprise urgente et réalisable

Le Québec a du mal à répondre dans un délai raisonnable, et ce depuis plusieurs années, à la demande en soins de sa population. Et l'avenir ne s'annonce pas plus heureux. Notre système de santé est confronté à des défis contemporains qui causent une augmentation de la maladie à gérer : vieillissement de la population, mode de vie, changements climatiques, inégalités socio-économiques, etc.

Les indicateurs sont au rouge : accès difficile à un médecin de famille, listes d'attente préoccupantes, lits manquants, épuisement et pénurie de personnel, recours au temps supplémentaire, grèves inédites dans le secteur, etc. Si la gestion de la maladie accapare aujourd'hui la plus grande part du budget québécois, soit un montant d'un milliard de dollars par semaine, et que celui-ci est en augmentation, combien de temps avons-nous avant de voir le système s'écrouler ? Jusqu'à quel point la gestion de la maladie va-t-elle prendre une place démesurée dans notre société ?

« Moins de maladies, c'est moins de coûts pour la société, moins de souffrances inutiles et c'est aussi un meilleur accompagnement des patient·es qui ont besoin de soins en libérant de l'espace occupée par des maladies évitables. Intensifier la prévention dans divers secteurs est indispensable à un réseau plus humain, performant et résilient », rappelle Thomas Bastien, directeur général de l'ASPQ

Bientôt, si on ne freine pas les dépenses liées à la gestion de la maladie, on devra amputer d'autres secteurs et projets importants pour la population. « On peut diminuer le besoin et la dépense en soins tout en continuant d'offrir de bons services en investissant davantage dans la prévention et la promotion de la santé. Il faut agir davantage sur les causes évitables des maladies », explique M. Bastien.

Un livre porteur de solutions

« Il est urgent d'entamer une transition pour opérer un système au service de la réduction de la maladie. Notre livre constitue les premières pages de cette histoire essentielle. Il est le socle d'un Plan santé 2.0 qui complète la première partie sur la qualité de l'expérience patient·e dans le système de soins. Il accompagne le réseau de la gestion de la maladie et ses partenaires vers un véritable système de santé, » ajoute M. Bastien.

Un plan santé 2.0 requiert :

1. Une reconnaissance de la réduction de la maladie comme l'un des piliers d'un réseau de la santé et des services sociaux plus efficace et plus humain, et de la nécessité d'adopter cette approche pour la réussite et la pérennité de la transformation en vue ;

2. L'élaboration d'un plan d'action sur la réduction de la maladie au cœur du système – un Plan santé 2.0 intégrant la réduction de la maladie aux autres actions proposées par le gouvernement dans le Plan initial ;

3. Des investissements en réduction de la maladie dans des poches budgétaires déjà connues du gouvernement, ayant pour cible la promotion de la santé.

Ce livre s'adresse aux décideuses et décideurs de tous les paliers politiques et les invite à gouverner la santé globale des Québécoises et Québécois et non la maladie. Toutes les personnes susceptibles d'influencer les différents milieux de vie où évolue la population sont aussi appelées à contribuer à cette ambition de mettre en place un véritable système de santé au Québec.

Citations

« Les maladies du cœur et l'AVC sont deux des principales causes de décès au pays, et près de 80 % des affections précoces peuvent être évités grâce à des comportements sains. La prévention des maladies du cœur et de l'AVC commence donc par la connaissance des facteurs de risque. L'adoption d'une approche de réduction de la maladie, incluant l'accès à un environnement sain, est donc primordiale pour aider les différents systèmes de santé, » Marc-André Parenteau – Conseiller principal, Affaires gouvernementales et défense des intérêts, Québec, à Cœur + AVC.

« Les données disponibles nous révèlent que chaque dollar investi en prévention et en promotion de saines habitudes de vie permet d'économiser 5,60 $ sur les dépenses en soins de santé. Et si on ajoute à cela l'accompagnement de professionnel·les qualifié·es, pour faciliter la mise en place et l'adhésion au plan, on obtient de bien meilleurs résultats ! Par exemple, si le réseau développait un « réflexe kinésiologie », on pourrait davantage réduire le fléau de la sédentarité de manière durable et ce serait tou·te·s les citoyen·es qui en bénéficieraient ainsi que le portefeuille collectif, » Valérie Lucia – Directrice générale de la Fédération des kinésiologues du Québec.

« Le Livre de la réduction de la maladie orchestré brillamment par l'ASPQ nous rappelle l'incontournable nécessité d'agir en amont de la maladie et de viser l'élimination des iniquités de santé, le principal obstacle à une société saine. Cet ouvrage ne peut se faire qu'en impliquant tous les secteurs de la société tant en recherche, dans la pratique que dans la prise de décision, et pas uniquement notre système de soin. Ce n'est qu'à la condition d'un tel travail collectif que nous pourrons parvenir à des milieux de vie sains et justes pour tous les vivants. » – Johanne Saint-Charles, Directrice de l'Institut Santé et Société.


À propos du Livre

L'élaboration du Livre de la réduction de la maladie a été rendue possible grâce à la contribution de l'ASPQ, de l'Université du Québec à Montréal (UQAM), du Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS), du Réseau francophone international pour la promotion de la santé (REFIPS), de Cœur + AVC, du Réseau canadien pour l'usage approprié des médicaments et la déprescription, de L'Anonyme, du Regroupement intersectoriel en santé de l'Université du Québec (RISUQ), du Réseau québécois de recherche sur le sommeil, du Réseau d'action pour la santé durable du Québec (RASDQ), de la Fédération des kinésiologues du Québec, de l'Université de Sherbrooke, de la Société canadienne du cancer, Data Lama, du Collectif Vital, de l'Institut Santé et Société, de l'Université du Québec à Montréal, du Groupe Entreprises en santé, de l'Observatoire québécois des inégalités, et du Mouvement pour l'autonomie dans l'enfantement.

À propos de l'Association pour la santé publique du Québec (ASPQ)

L'ASPQ regroupe citoyens et partenaires pour faire de la santé durable, par la prévention, une priorité. L'ASPQ soutient le développement social et économique par la promotion d'une conception durable de la santé et du bien-être. La santé durable s'appuie sur une vision à long terme qui, tout en fournissant des soins à tous, s'assure aussi de les garder en santé par la prévention. www.aspq.org.

Association pour la santé publique du Québec

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L’Ukraine abandonne discrètement le néolibéralisme

6 février 2024, par Luke Cooper — ,
Avec la déception de la contre-offensive 2023 et le passage à une guerre d'usure brutale, l'humeur s'est assombrie dans l'espace d'information pro-ukrainien. L'isolement (…)

Avec la déception de la contre-offensive 2023 et le passage à une guerre d'usure brutale, l'humeur s'est assombrie dans l'espace d'information pro-ukrainien. L'isolement dramatique de l'Occident face à la guerre israélienne à Gaza remet en question la position de l'Ukraine dans le tribunal de l'opinion publique mondiale. Alors que ses principaux alliés sont accusés d'une hypocrisie stupéfiante et que l'attention mondiale se porte sur la crise du Moyen-Orient, les opposants au soutien de la guerre d'autodéfense de l'Ukraine ont senti l'opportunité d'arrêter, ou du moins de retarder, le flux d'aide militaire et financière.

Dans ce contexte, l'Ukraine a repensé sa stratégie pour le "front intérieur", c'est-à-dire la manière d'organiser son économie nationale pour maximiser les ressources disponibles pour l'effort de guerre. Certains de ces changements sont si spectaculaires qu'ils s'apparentent à une révolution discrète de la doctrine. Ironiquement, pour un gouvernement dont le président se définit comme un "libertaire économique", Kiev supervise aujourd'hui l'expansion la plus importante du rôle économique de l'État depuis l'indépendance.

Origines du "tournant"

Lors de la conférence de Londres sur le redressement de l'Ukraine (URC) en juin 2023, des signes de cette remise en question étaient déjà perceptibles, mais ils semblaient timides et incohérents, manquant surtout d'un soutien uniforme au sein du gouvernement. En effet, les représentants ukrainiens semblaient souvent présenter des propositions contradictoires. Certaines étaient lourdement chargées d'archétypes néolibéraux, promettant aux investisseurs de nouveaux cycles de déréglementation du marché du travail, même si cela allait à l'encontre des normes minimales requises pour l'adhésion à l'Union européenne, ainsi qu'un environnement fiscal très faible, avec de grandes dépenses promises dans les infrastructures et l'énergie, censées être financées par la croissance qui en résulterait.

D'autres discours, en revanche, ont été beaucoup plus circonspects, soulignant le long chemin de la reconstruction et la priorité urgente de calibrer l'économie aux besoins de la lutte contre la guerre. Serhiy Marchenko, le ministre ukrainien des finances, a fait une intervention particulièrement remarquée, à contre-courant de certains de ses collègues. Il a plaidé en faveur d'une stratégie de développement qui donne explicitement la priorité aux besoins économiques de l'Ukraine en temps de guerre. Traditionnellement, nous étions ouverts à toute forme d'argent. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Si vous voulez investir en Ukraine, vous devez accepter les priorités de l'Ukraine", a-t-il déclaré.

Alors que la stratégie industrielle et les politiques préférentielles à l'égard des producteurs nationaux étaient autrefois taboues, elles sont aujourd'hui considérées comme vitales pour la résistance de l'Ukraine en temps de guerre.

Depuis, la politique ukrainienne laisse entrevoir une victoire de ces "sensibles" à Kiev. Les propositions de Rostyslav Shurma, chef adjoint du cabinet du président, visant à réduire les impôts sur les sociétés, les revenus et la TVA à un taux unique de 10 % pendant la guerre, ont disparu pour de bon, semble-t-il. Au lieu de cela, la stratégie nationale ukrainienne en matière de recettes pour 2024-2030 présente un plan visant à améliorer la collecte des impôts et à supprimer les nombreuses échappatoires introduites ces dernières années. Il s'agira notamment de revenir à un barème progressif de l'impôt sur le revenu, d'abolir le faux système largement utilisé du "travail indépendant" qui permet aux travailleurs salariés d'accéder à des taux ultra-faibles commençant à seulement 2 %, d'introduire un impôt sur les bénéfices des sociétés et de prendre des mesures visant à garantir le respect total des nouvelles règles mondiales en matière d'impôt minimum sur les sociétés.

Ces mesures reflètent les réformes institutionnelles introduites historiquement par les États en guerre pour centraliser et rationaliser les efforts de collecte des recettes (le système britannique d'imposition des salaires sur le lieu de travail - "Pay As You Earn" - a, par exemple, été introduit en 1944). Mais la stratégie en matière de recettes contient également des critiques intéressantes de ce que l'on pourrait appeler les "excès de libéralisation" du développement de l'Ukraine depuis la Révolution de la Dignité. Elle décrit comment le "système fiscal simplifié" avec des taux très bas pour les "entrepreneurs" (interprété d'une manière très large qui pourrait potentiellement inclure tout citoyen ukrainien payant des impôts) a non seulement facilité l'évasion des riches, mais a également permis la contrebande de produits de contrefaçon, en raison de l'absence de toute exigence de tenue de registres appropriés, et a normalisé l'absence de relations de travail correctes dans un certain nombre de secteurs.

Le développement de l'économie de guerre ukrainienne

Cette réforme fiscale s'est accompagnée d'une évolution plus large vers un "interventionnisme" économique. La fiction selon laquelle les marchés pourraient fonctionner en temps de guerre a été largement abandonnée. Alors que la stratégie industrielle et les politiques préférentielles à l'égard des producteurs nationaux étaient autrefois taboues, elles sont désormais considérées comme vitales pour la résistance de l'Ukraine en temps de guerre. Les représentants du gouvernement ukrainien se sont régulièrement engagés à soutenir l'"internalisation" de la reprise en donnant la priorité à l'industrie nationale - une politique qui, si elle est contestée juridiquement auprès de l'UE ou de l'OMC, pourrait obliger Kiev à déclarer une exception à ses engagements internationaux pour des raisons de sécurité nationale.

L'état d'esprit a également changé chez les partisans du gouvernement et les personnes influentes de la société civile. Les militants anti-corruption qui, par le passé, avaient tendance à considérer la libéralisation du marché comme une voie vers une gouvernance transparente, actualisent radicalement leurs prescriptions et leurs propositions, en s'inspirant des leçons tirées de la seconde guerre mondiale. Dans l'une de ces interventions, la très respectée militante anti-corruption Daria Kaleniuk évoque les "démocrates de la nouvelle donne" et le travail de Harry Hopkins, proche confident du président Roosevelt pendant la guerre, qui préconise l'élaboration d'un "livre de la victoire" établissant une correspondance entre les besoins militaires et les ressources et actifs productifs de l'économie.

De tous les changements en cours à Kiev, le plus encourageant est sans doute l'approche holistique que les ministres du gouvernement ukrainien adoptent à l'égard du développement à long terme de l'Ukraine. Tetyana Berezhna, vice-ministre de l'économie de l'Ukraine, a approuvé, par exemple, un rapport de l'Organisation internationale du travail de décembre 2023 qui montrait que le taux de croissance cible de 7 % du PIB de l'Ukraine serait très difficile à atteindre sans une politique qui s'attaque à l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes et aux obstacles à la participation des femmes sur le marché du travail. En ce sens, le succès des efforts déployés par l'Ukraine pour améliorer la capacité de production de l'économie après la guerre dépendra en fin de compte de l'augmentation des revenus et du bien-être social de l'ensemble de la population.

L'Ukraine a dépensé plus pour la défense en 2023 que l'ensemble de ses dépenses publiques en 2021.

L'explication simple de l'abandon discret du néolibéralisme par l'Ukraine est l'augmentation insatiable des dépenses militaires combinée à l'impact des risques liés à la guerre sur l'activité du marché.L'ensemble de ces facteurs a conduit à une économie dominée par l'État. Le Centre de stratégie économique a provisoirement estimé que les dépenses militaires représenteront 30 % du PIB en 2023. L'Ukraine a dépensé plus pour la défense en 2023 que l'ensemble de ses dépenses gouvernementales en 2021.

En raison de la nature du complexe militaro-industriel, où l'intervention efficace de l'État implique une planification stratégique des prix, de la structure organisationnelle et des investissements, l'expansion radicale des dépenses militaires de l'Ukraine est nécessairement en train de remodeler le modèle économique du pays.

Il est toutefois intéressant de noter que ce système est loin d'être entièrement "étatiste". La résistance ukrainienne utilise efficacement des technologies numériques peu coûteuses et facilement reproductibles, ainsi que des réseaux de production décentrés.Come Back Alive, par exemple, la plateforme numérique de collecte de fonds, qui dispose d'une licence pour importer des articles militaires et à double usage, intervient activement en tant qu'investisseur dans le processus de production. Cette combinaison d'organismes publics, privés et à but non lucratif semble créer un écosystème qui soutient l'innovation et l'adaptabilité dans la course technologique pour la supériorité sur la ligne de front.

Malgré ces progrès impressionnants, l'Ukraine reste très dépendante de l'aide financière extérieure. Même si les alliés fournissent l'ensemble des financements promis, les Ukrainiens resteront largement distancés par la Russie en 2024. Le gouvernement devra gérer avec soin ses liens extérieurs complexes et défendre vigoureusement ses intérêts dans une certaine tension avec les institutions mondiales, le cas échéant. Le Fonds monétaire international (FMI), par exemple, a joué un rôle important en poussant l'Ukraine à s'éloigner des politiques fiscales libertaires, mais il a fait part de son opposition à une stratégie d'internalisation préférentielle.Le processus d'adhésion à l'Union européenne est également mal conçu pour répondre aux besoins de l'Ukraine, le processus d'intégration du marché unique risquant d'exposer un pays en guerre à des "règles du jeu équitables" qui ne le sont manifestement pas du point de vue ukrainien.

Il ne sera pas facile pour Kiev de naviguer dans cet environnement stratégique complexe. Mais malgré l'horreur effroyable de la guerre russe et la multitude de crises en cascade au niveau mondial, l'Ukraine a franchi un cap. Dans cette lutte entre David et Goliath, David pourrait bien remporter une victoire improbable.

Luke Cooper, 31 janvier 2024

Texte repris du site : https://ukraine-solidarity.eu/manifestomembers/get-involved/news-and-analysis/news-and-analyses/ukraine-is-quietly-abandoning-neoliberalism

Traduit avec Deepl.com

Illustration reprise du site : https://www.algerie-eco.com/2017/01/15/planification-economie-de-marche-pr-a-lamiri/

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Quand l’Occident cloue le cercueil israélien du peuple palestinien !

6 février 2024, par Yorgos Mitralias — ,
D'abord les faits : L'UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) fait vivre près de 4 millions de réfugiés (…)

D'abord les faits : L'UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) fait vivre près de 4 millions de réfugiés palestiniens, gérant leurs écoles et leurs hôpitaux, tout en leur fournissant de l'eau potable et de la nourriture. Rien qu'à Gaza, l'UNRWA emploie 13 000 personnes. Israël accuse 12 d'entre eux d'être impliqués dans l'attaque du Hamas du 7 octobre. La direction de l'UNRWA licencie 9 d'entre eux, et un dixième est décédé. Immédiatement après, 11 pays occidentaux annoncent qu'ils cessent de financer l'UNRWA, ce qui signifie la fin automatique de l'UNRWA et peut-être des réfugiés palestiniens eux-mêmes, puisque ces 11 pays sont les principaux bailleurs de fonds de l'organisation des Nations Unies qui a – en fait – maintenu en vie des générations de réfugiés palestiniens depuis 1949…

Les mots sont évidemment superflus pour commenter cette décision monstrueuse des 11 grands et moyens pays occidentaux, alors que le génocide du peuple palestinien bat son plein. La brutalité de cette décision devient encore plus monstrueuse quand on sait que la plupart de ces 11 pays – et les plus riches d'eux – ont un passé génocidaire incroyablement « riche ». Et le pire, c'est qu'au moins certains d'entre eux « trouvent difficile », voire refusent de le reconnaître et même de s'excuser auprès de leurs victimes !

Nous ne reviendrons pas sur le cas du Japon, dont les autorités, Premier ministre en tête, rendent encore hommage, une fois par an, à leurs compatriotes criminels de guerre qui ont commis ce qui ressemble comme deux gouttes d'eau à un génocide du peuple chinois dans les années 1930 ! Mais nous dirons encore quelques mots sur les cas très instructifs mais aussi odieux de deux autres de ces 11 pays si « vertueux », les pays européens beaucoup plus proches de nous, que sont la Suisse et l'Allemagne. Car le lien entre le passé coupable de cette dernière et le génocide de Gaza a été évoqué publiquement à l'initiative du président de la Namibie, donc du pays qui a été la victime de la – chronologiquement – première opération génocidaire allemande.

Réagissant à ce qu'il a qualifié de décision « choquante » de l'Allemagne de cesser de financer l'UNRWA et de soutenir Israël dans l'affaire qui l'oppose à l'Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice de La Haye, le président namibien Hage Geingob a dénoncé « l'incapacité de l'Allemagne à tirer les leçons de sa cruelle histoire » et a ajouté : « L'Allemagne ne peut pas moralement exprimer son engagement envers la Convention des Nations unies contre le génocide, y compris l'expiation du génocide en Namibie, tout en soutenant l'équivalent d'un holocauste et d'un génocide à Gaza ».

Et voici de quoi il s'agit : « Entre 1904 et 1908, environ 80% du peuple herero et 50% du peuple nama vivant sur le territoire de l'actuelle Namibie ont été exterminés par les forces du Deuxième Reich, soit environ 65 000 Herero et 10 000 Nama… ce crime de l'histoire coloniale africaine est aujourd'hui considéré comme le premier génocide du XXe siècle ». Ce n'est peut-être pas un hasard si la citation ci-dessus, comme la plupart des autres informations sur ce « premier génocide du XXe siècle », est tirée du… Memorial de la SHOAH, l'extraordinaire « musée et centre de documentation » de Paris consacré à l'Holocauste du peuple juif par le Troisième Reich nazi. Mais nous continuons : le 2 octobre 1904, le chef du corps expéditionnaire allemand, le général Lothar von Trotha, signa un « ordre d'extermination » (Vernichtungsbefehl) ordonnant : « Tous les Herero doivent quitter le pays. S'ils ne le font pas, je les forcerai à partir avec mes grosses pièces d'artillerie, les canons. Tout Herero trouvé sur le sol allemand… armé ou non armé, avec ou sans animaux, sera exécuté. Je n'accepte ni femmes ni enfants. Ils doivent partir ou mourir. Telle est ma décision pour le peuple Herero » [1].

Et c'est ce qui s'est passé. Mais pas seulement par les balles et les obus, mais aussi par la faim et la soif dans le désert du Kalahari où les survivants ont été poussés. Et aussi par l'enfermement dans des camps de travail forcé et d'extermination où ils sont morts comme des mouches. Si tout cela vous rappelle quelque chose qui s'est passé 35-40 ans plus tard, vous avez raison Et pas seulement parce que le premier gouverneur colonial allemand de la région des Herreros et des Nama s'appelait Göring, et qu'il était… le père du futur maréchal nazi et commandant en second d'Hitler, Hermann Göring. Mais surtout parce que certains des génocidaires de 1904 ont vécu assez longtemps pour jouer un rôle de premier plan dans l'holocauste de la nation juive 30 ans plus tard. Comme, par exemple, Franz Ritter von Epp, bras droit de l'abominable von Trotha et eminence du parti nazi, qui a noyé dans le sang le soulèvement de Spartacus de Rosa Luxemburg et exterminé les Juifs et les Roms de Bavière alors qu'il en était le dirigeant suprême…

Le pire, dans le cas de l'Allemagne, n'est cependant pas tout cela. C'est que ce n'est qu'en 2021, 100 ans plus tard (!), que l'Allemagne s'est autorisée à reconnaître son crime et à s'excuser officiellement ! Et que, malgré les pressions de la Namibie et des descendants des victimes de son génocide, ce n'est qu'en 2011 que l'Allemagne leur a rendu … les crânes de leurs ancêtres, sur lesquels les anthropologues racistes de Berlin, dirigés par le tristement célèbre Eugen Fischer, mentor et professeur du bourreau d'Auschwitz Josef Mengele, ont fait leurs « études » pseudo-scientifiques !

Mais venons-en à la Suisse, dont le ministre des affaires étrangères a justifié sa décision de supprimer le financement de l'UNRWA par le fait que « La Suisse a une tolérance zéro pour tout soutien au terrorisme et tout appel à la haine ou incitation à la violence ». Tout serait bien si son pays faisait effectivement ce qu'il proclame. Mais le problème est que depuis la Première Guerre mondiale, la Suisse a fait et continue de faire exactement le contraire : elle se distingue par son soutien aux terroristes et aux incitateurs à la haine et à la violence. Et surtout au plus grand d'entre eux, à Hitler, à son régime et à sa guerre !

En réalité, la Suisse des grands banquiers et des marchands d'armes a servi le régime nazi comme aucun autre pays. De quelle manière ? D'abord comme receleur du IIIe Reich, en faisant ce que même l'Espagne de Franco et le Portugal de Salazar ont refusé de faire : elle a accepté de mettre dans ses banques, et de « blanchir », l'or des banques centrales des pays conquis, mais aussi des particuliers – principalement juifs – qui avait été pillé et volé par l'Allemagne nazie ! Et elle l'a fait parce qu'elle est devenue non seulement le véritable coffre-fort du régime nazi, mais aussi le principal financier de sa guerre ! Et de quelle manière ? En « échangeant » l'or volé contre des francs suisses, la seule monnaie convertible que l'Allemagne pouvait se procurer à l'époque, pour acheter les matières premières (pétrole, caoutchouc, etc.) dont elle avait besoin pour lancer et poursuivre sa guerre !

Mais examinons la culpabilité de la Suisse depuis le début. C'est Hitler lui-même qui a garanti la fameuse « neutralité » suisse pour la simple raison qu'une Suisse conquise par l'armée allemande (comme il était prévu à l'origine) ne pouvait pas avoir sa propre monnaie convertible pour répondre aux besoins du régime nazi. Des besoins absolument vitaux puisque ses caisses étaient vides en 1939 en raison du coût astronomique de ses préparatifs de guerre, qui n'avaient été que partiellement couverts par l'or de l'Autriche intégrée au Reich, repoussant d'un an seulement la faillite de l'économie allemande. Et c'est pour toutes ces raisons qu'il est aujourd'hui communément admis par les historiens les plus autorisés que sans la Suisse et ses « services », la Seconde Guerre mondiale serait terminée au moins deux ans plus tôt, d'autant plus c'est en fait l'industrie de guerre suisse qui a équipé la Wehrmacht dans une mesure considérable au cours des deux dernières années de la guerre, alors que les usines allemandes étaient impitoyablement bombardées et réduites à l'état de ruines. D'ailleurs, il est à noter que l'industrie de guerre Bührle-Oerlikon de M. Bührle (la plus grande fortune de Suisse) a livré ses dernières armes à tir rapide à la Wehrmacht quelques jours avant la fin de la guerre, en avril 1945 !

Mais, ce n'est pas seulement que les autorités suisses et leurs banquiers ont même accepté sans états d'âme… 120 kg d'or provenant de dents en or retirées des déporté·es dans les couloirs de la mort des différents camps d'extermination. C'est aussi qu'elles connaissaient très bien, très tôt et même « de première main » les crimes nazis sans précédent puisqu'elles avaient envoyé des équipes de médecins et d'infirmières suisses sur le front de l'Est pour soigner les blessés de la Wehrmacht, et ce sont ces médecins qui ont vu de leurs propres yeux et informé leurs compatriotes des meurtres de masse de dizaines de milliers de civils juifs soviétiques ! Et elles l'ont fait tout a fait consciemment parce que les dirigeants suisses eux-mêmes étaient des antisémites convaincus, ce qui est prouvé par de nombreux documents officiels comme par exemple celui des négociations avec les autorités nazies sur le « contrôle des voyageurs » lequel révèle que ce ne sont pas les nazis allemands mais les vertueux « libéraux » suisses qui ont invente et proposé, en 1939, aux Allemands (qui ont accepté) l'infâme tampon avec la lettre J (comme dans Jude, Jew, Juif) qui « ornait » les passeports des juifs d'Allemagne. Et ils ont fait ça pour… les distinguer des autres voyageurs allemands afin qu'ils ne soient pas acceptés comme réfugiés politiques en Suisse ! [2]

Mais comme dans le cas de l'Allemagne, le pire est que la Suisse officielle a tout fait dans le demi-siècle qui a suivi, pour couvrir et dissimuler sa culpabilité, calomniant voire détruisant ceux qui cherchaient la vérité ou en étaient eux-mêmes les témoins oculaires. Comme, par exemple, le courageux Paul Grüninger, chef de la police du canton de Saint-Gall, qui a délivré de fausses cartes d'identité et de faux papiers à des Juifs persécutés, sauvant littéralement 3 600 d'entre eux. D'ailleurs, c'est parce que Paul Grüninger a défié les ordres et n'a pas fait ce que la Suisse officielle a fait, c'est-à-dire refuser l'asile à des dizaines de milliers de Juifs ou même en livrer plusieurs à la Gestapo, que Paul Grüninger a été jugé, condamné, privé de sa pension, et qu'il est mort pauvre et traité de « traître à la patrie » en 1972. Détail éloquent : sa condamnation n'a été… « annulée » qu'en 1995 !

Nous nous arrêtons ici sans aborder la question toujours brûlante (en 2024 !) des milliers de dépôts juifs de l'entre-deux-guerres « dormants » dans les banques suisses, pour la restitution desquels les banquiers suisses exigent souvent la présentation des reçus (!) que les déposants juifs auraient dû emporter avec eux dans les chambres à gaz des différents camps d'extermination Vraiment, quel degré d'arrogance, d'hypocrisie et de cynisme faut-il au ministre suisse des affaires étrangères pour oser déclarer que « La Suisse a une tolérance zéro pour tout soutien au terrorisme et tout appel à la haine ou incitation à la violence » ? Tout comme l'Allemagne, la Suisse de « ceux d'en haut » ne semble pas vouloir tirer les leçons de son histoire récente. Et c'est pourquoi elle renverse la morale et fait du péché une vertu, afin de rester toujours fermement aux côtés de ses capitalistes et des génocidaires qui font ses affaires, remplaçant simplement son antisémitisme traditionnel par son islamophobie actuelle…

Yorgos Mitralias
3 février 2024
Publication reprise de : https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/02/03/les-cas-tres-instructifs-de-lallemagne-et-de-la-suisse/

Notes
[1] Nous recommandons l'« histoire illustrée » suivante, réalisée par l'artiste et journaliste canadien Danylo Hawaleshka, et intitulée « Israël, Gaza, l'Allemagne et le génocide en Namibie »
https://www.aljazeera.com/gallery/2024/1/23/israel-gaza-germany-and-the-genocide-in-namibia
[2] Pour tout cela et bien plus encore, voir le documentaire « L'honneur perdu de la Suisse », d'abord interdit (1997) par les autorités suisses, puis « libéré » après une décision de la Cour européenne des droits de l'homme à laquelle ses auteurs ont fait appel
https://www.rts.ch/play/tv/histoire-vivante/video/lhonneur-perdu-de-la-suisse?urn=urn:rts:video:8036475

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Du fleuve à la mer ? Discussion de la question judéo-palestinienne.

6 février 2024, par Vincent Presumey — , ,
Le numéro de janvier 2024 de la revue Inprecor, publiée sous la responsabilité du Bureau exécutif de la IV° Internationale, titre sur la Palestine avec le mot d'ordre : « Du (…)

Le numéro de janvier 2024 de la revue Inprecor, publiée sous la responsabilité du Bureau exécutif de la IV° Internationale, titre sur la Palestine avec le mot d'ordre : « Du fleuve à la mer, Palestine libre et démocratique », et son article principal, de Michael Karadjis, militant australien aux analyses souvent pertinentes et engagé dans la solidarité avec les peuples syrien ou ukrainien, est un plaidoyer argumenté en faveur de ce mot d'ordre, plaidoyer que je voudrais discuter et, très largement, contester. Non par souci polémique mais parce que la question est importante et que l'analyse critique de cet article permet de la traiter assez précisément.

Sommaire du texte

Non aux intimidations préalables à toute discussion !
Comment l'OLP a failli.
Hamas et OLP.
Le niveau d'analyse doit être international si l'on veut y comprendre quelque chose.
On ne saurait ignorer la question antisémite !
Le 7 octobre.
Quels sont les mots d'ordre efficaces ?
La revendication des deux États laïcs et démocratiques.
Deux pierres de touche.
Le droit des réfugiés palestiniens.
Digression européenne.
Le droit judéo-palestinien à exister et la notion de refuge national.
Digression australienne.
Pour conclure : la question judéo-palestinienne, pivot des rechutes campistes.

Lire le texte complet au format PDF

Le chapitre de conclusion du texte

Pour conclure : la question judéo-palestinienne, pivot des rechutes campistes.

Les campistes, disions-nous. L'invasion de toute l'Ukraine par l'impérialisme russe le 24 février 2022 a enclenché un processus d'éloignements et de regroupements (trop lent à mon goût !) dans la gauche internationaliste, dissociant les internationalistes véritables des campistes pour qui tout pays capitaliste adversaire des États-Unis mérite soutien. Mais la provocation pogromiste du Hamas le 7 octobre 2023, ouvrant un moment de réaction au niveau mondial, a constitué le pivot, la borne pouvant porter un coup d'arrêt aux évolutions vers l'internationalisme réel.

Le fait que des analystes excellents de la guerre impérialiste russe, tel que Michael Karadjis, puissent se livrer à une « analyse » totalement dépourvue de la moindre continuité avec la compréhension de la situation mondiale suite au 24 février 2022, totalement dégagée de toute donnée internationale réelle en dehors de la répétition du rôle traditionnellement attribué à Washington, montre bien ce rôle de croche-pied que joue la question judéo-palestinienne à l'encontre de la construction d'un internationalisme, et donc d'une Internationale, réels et efficaces.

C'est que l'ampleur, et le caractère semi-conscient voire inconscient, des représentations fantasmatiques, des mythes et des formes de fétichisme dans tout ce qui se rattache à cette question, exigent de toute tentative d'analyse qu'elles se dégagent de ces passions et les regardent en face, froidement. Les imprécations amalgamant quiconque doute à des ignorants d'extrême-droite, par lesquelles M. Karadjis inaugure son article, sont caractéristiques : les militants doivent être tenus par des fétiches, par des peurs, par des formules rituelles, sitôt qu'il est touché à la question judéo-palestinienne. Le premier devoir de tout révolutionnaire conscient est ici de traquer les fétiches.

Pour ce faire, il faut sans cesse envisager la situation dans sa globalité, en faisant intervenir la lutte des opprimés comme facteur central de fond, et le rôle de toutes les puissances impérialistes et régionales, et en situant les faits dans leur contexte réel du moment présent et pas dans une histoire éternelle de terre promise et/ou volée.

Nous avons mondialement affaire à la multipolarité impérialiste. Elle constitue à la fois un désordre et un système de domination. Les États-Unis en font partie : il n'y a pas à choisir entre elle et eux. Ils sont l'acteur le plus puissant de ce désordre multipolaire. Dire qu'il faut faire attention à ne pas faire du « campisme dans l'autre sens », sous-entendu pro-américain, pro-occidental ou pro « sioniste », traduit la non prise en compte du fait que la multipolarité est la forme actuelle de la totalité du système impérialiste mondial. Aux États-Unis, Trump en a été et en est à nouveau le héraut, mais Biden lui-même a évacué l'Afghanistan et a proposé le taxi de l'évacuation à Zelenski. Le choix pour les partisans de l'émancipation n'est pas de pencher côté « BRICS » ou côté « Occident » ou d'osciller tantôt d'un côté tantôt de l'autre en se gardant de trop pencher. Si l'on se fonde sur le combat des exploités et des opprimés, et sur une méthode d'analyse partant de la globalité de l'affrontement social, alors on combat l'ensemble de la multipolarité impérialiste.

Cela conduit à envisager la situation à son échelle réelle, et à saisir l'unité de Gaza et de l'Ukraine et l'unité des ennemis de l'immense majorité : Netanyahou et Poutine, grâce au Hamas et avec l'aide de Biden qui bloque un cessez-le-feu, ouvrent la route à Trump et à la pire réaction !

VP, le 23/01/2024.

Source : https://aplutsoc.org/2024/01/28/du-fleuve-a-la-mer-discussion-de-la-question-judeo-palestinienne-par-vincent-presumey/

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Selon la Banque mondiale, les « pays en développement » sont pris au piège d’une nouvelle crise de la dette : Comment l’expliquer ?

6 février 2024, par Éric Toussaint — , ,
Le dernier rapport de la Banque mondiale sur les dettes des « pays en développement », publié le 13 décembre 2023 [1] , révèle une réalité alarmante : en 2022, l'ensemble des (…)

Le dernier rapport de la Banque mondiale sur les dettes des « pays en développement », publié le 13 décembre 2023 [1] , révèle une réalité alarmante : en 2022, l'ensemble des pays en développement ont dépensé un montant record de 443,5 milliards de dollars pour assurer le paiement de leur dette publique extérieure. Pour cette même année 2022, les 75 pays à bas revenus qui ont accès aux crédits de l'Association internationale de développement (IDA), l'institution de la Banque mondiale qui octroie des crédits aux pays les plus pauvres, ont payé à leurs créanciers un montant record de 88,9 milliards de dollars. La dette externe totale de ces 75 pays a atteint un montant record de 1 100 milliards de dollars, soit plus du double du niveau de 2012. Selon le communiqué de la Banque mondiale, entre 2012 et 2022, ces pays ont vu leur dette extérieure augmenter de 134 %, un taux supérieur à celui de l'augmentation de leur revenu national brut (RNB), qui a été de 53 %.

Comité pour l'annulation des dettes illégitimes (CADTM)
18 décembre 2023

Par Eric Toussaint

Illustration : Diego Rivera, El hombre controlador del universo, reproduction de Gumr51, WikimediaCommons, CC, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Libro_Los_Viejos_Abuelos_Foto_68.png

Sommaire

. Comment expliquer l'actuelle crise de la dette qui affecte les maillons les plus faibles de (...)

. À partir des années 2020, l'engrenage vers une nouvelle grande crise de la dette

La BM ajoute : « La flambée des taux d'intérêt a accentué les vulnérabilités liées à la dette dans tous les pays en développement. Rien qu'au cours des trois dernières années, on a compté 18 défauts de paiement souverains dans dix pays en développement, soit plus que le nombre enregistré au cours des deux décennies précédentes. À l'heure actuelle, environ 60 % des pays à faible revenu sont exposés à un risque élevé de surendettement ou sont déjà dans cette situation. »

La Banque mondiale, en conséquence, tire la sonnette d'alarme : une nouvelle crise de la dette a démarré. Des sommes énormes sont dépensées pour rembourser les créanciers et cela au détriment de la satisfaction des besoins grandissants de centaines de millions de personnes qui ont un besoin vital d'aide. Rappelons que, selon un autre rapport de la Banque mondiale cité par le Financial Times [2] , entre 2019 et 2022, plus de 95 millions de personnes supplémentaires sont tombées dans l'extrême pauvreté.

La Banque mondiale reconnaît que les prêteurs privés ont commencé en 2022 à fermer le robinet des crédits aux PED tout en pressant au maximum le citron pour obtenir le plus de remboursements. En effet, selon la BM, les nouveaux crédits octroyés par les prêteurs privés aux pouvoirs publics des pays en développement ont chuté de 23 %, ayant été ramenés à 371 milliards de dollars, soit leur plus bas niveau en dix ans. Par contre, ces mêmes créanciers privés ont récolté 556 milliards de dollars sous forme de remboursement. Cela signifie qu'en 2022, ils ont perçu 185 milliards de dollars de plus en remboursements que ce qu'ils en ont décaissé en prêts. Toujours selon la Banque mondiale, c'est la première fois depuis 2015 que les créanciers privés recevaient plus de fonds qu'ils n'en injectaient dans les pays en développement.

La Banque mondiale n'explique pas comment on en est arrivé là car cela impliquerait de remettre en cause le modèle et le système économique dont elle fait la promotion et qu'elle considère comme étant la seule option possible. Cela l'obligerait également à pointer clairement la culpabilité des banques centrales d'Amérique du Nord et d'Europe occidentale, et donc des autorités des principales puissances occidentales qui dominent tant la Banque mondiale que le FMI.

Comment expliquer l'actuelle crise de la dette qui affecte les maillons les plus faibles de l'économie capitaliste mondiale ?

"C'est la première fois depuis 2015 que les créanciers privés recevaient plus de fonds qu'ils n'en injectaient dans les pays en développement"

Pour comprendre la crise actuelle, il faut revenir sur ce qui s'est passé au cours des 15 dernières années.

À partir de 2010-2012, la réduction progressive des taux d'intérêt au Nord a réduit le coût de la dette au Sud. Les banques centrales des pays les plus industrialisés ont procédé à une baisse des taux d'intérêt en les amenant à 0%. Cette politique visait à maintenir à flot les marchés financiers en particulier et les grandes entreprises privées en général. Il s'agissait également de rendre la dette publique du Nord plus facilement gérable et refinançable. Cette politique de taux très bas pratiquée par les grandes puissances capitalistes a encouragé le financement des dépenses par la dette et a produit une très forte augmentation des dettes tant publiques que privées au Nord comme au Sud de la planète. Elle a entraîné une baisse du coût du refinancement pour les pays en développement. Ce financement à bas coût, combiné à l'afflux de capitaux du Nord à la recherche de meilleurs rendements face aux taux d'intérêt bas au Nord, et à des recettes d'exportation élevées (car le prix des matières premières exportées du Sud vers le Nord restait élevé), ont donné aux gouvernements des pays en développement, y compris les plus pauvres, une dangereuse impression de sécurité. Des pays pauvres d'Afrique subsaharienne qui n'avaient jamais eu l'occasion d'imprimer et de vendre des titres de leurs dettes souveraines sur les marchés financiers internationaux ont pu facilement trouver acquéreurs pour leurs titres de dette. Les fonds d'investissements et les banques du Nord ont acheté les titres du Sud car ils offraient un meilleur rendement que les titres du Trésor américain, que les titres japonais, allemands, français ou d'autres pays européens, tous proches de 0% ou ne dépassant pas 2 à 3%.

Sans difficulté, des pays pauvres ont émis et ont vendu des titres de leur dette externe sur les marchés internationaux. Le Rwanda est un cas emblématique. Alors qu'il est un des pays les plus pauvres de la planète et qu'il a été marqué par le génocide de 1994, il a pu pour la première fois de son existence émettre des titres de sa dette souveraine et les vendre à Wall Street. Cela a été le cas en 2013, en 2019, en 2020 et en 2021. De même pour le Sénégal qui a pu émettre 6 emprunts internationaux entre 2009 et 2021, au cours des années 2009, 2011, 2014, 2017, 2018 et 2021. L' Éthiopie, pays également très pauvre a pu émettre un emprunt international en 2014. Le Bénin y a eu accès plus récemment et a émis 3 emprunts sur les marchés internationaux en 2019, 2020 et 2021. La Côte d'Ivoire, sortie d'une situation de guerre civile il y a à peine quelques années, a également émis des titres chaque année de 2014 à 2021, alors qu'elle fait également partie des pays pauvres très endettés. On peut également mentionner les emprunts du Kenya (2014, 2018, 2019, 2021), de la Zambie (2012, 2014, 2015), du Ghana (2013 à 2016, 2018 à 2021), du Gabon (2007, 2013, 2015, 2017, 2020, 2021), du Nigeria (2011, 2013, 2014, 2017, 2018, 2021, 2022), de l'Angola (2015, 2018, 2019, 2022) et du Cameroun (2014, 2015, 2021). Du jamais vu au cours des 60 dernières années. Cela témoigne d'une situation internationale qui était tout à fait particulière : les investisseurs financiers du Nord disposaient d'énormément de liquidités et face à des taux d'intérêt très bas dans leur région, ils étaient à l'affût de rendements intéressants. Le Sénégal, la Zambie et le Rwanda promettaient un rendement de 6 à 8 % sur leurs titres : du coup, ils attiraient des sociétés financières qui cherchaient à placer provisoirement leurs liquidités même si les risques étaient élevés. Les gouvernements des pays pauvres sont devenus euphoriques et ont tenté de faire croire à leur population que le bonheur était au coin de la rue, alors que la situation pouvait dramatiquement se retourner. La presse internationale a parlé d'afro optimisme succédant à l'afro pessimisme [3]. Les dirigeants africains se sont vantés de leur succes story, attribuée à leur capacité à s'adapter à la mondialisation néolibérale, à l'ouverture des marchés. La Banque mondiale, le FMI et la Banque africaine de développement (BAfD) les ont félicités. Or, ces gouvernants ont accumulé des dettes de manière tout à fait exagérée sans consulter les citoyen·nes de leur pays. Quand les banques centrales ont décidé, à partir de 2022, d'augmenter les taux d'intérêt, la situation financière s'est brutalement détériorée

À partir des années 2020, l'engrenage vers une nouvelle grande crise de la dette

La combinaison de la pandémie, des effets de la guerre en Ukraine, de l'inflation et des hausses de taux d'intérêt des banques centrales des pays les plus industrialisés a déclenché une nouvelle crise de la dette dans l'ensemble des pays du Sud. Depuis 2020 et surtout 2022, nous sommes dans une nouvelle conjoncture, une nouvelle crise de la dette aux proportions énormes qui a été causée par quatre chocs pour le capitalisme mondial. Ce sont tous des chocs exogènes aux pays les plus pauvres. Tout d'abord, la pandémie de coronavirus, qui a provoqué des décès massifs dans le monde entier, des confinements généralisés, des ruptures de chaînes d'approvisionnement…

Deuxièmement, la crise économique aggravée par la pandémie. Celle-ci a sapé les économies des pays en développement, de l'Amérique latine à l'Asie en passant par l'Afrique. Des pays comme le Sri Lanka et Cuba, qui avaient adopté une stratégie économique basée sur le tourisme, ont été particulièrement touchés par l'arrêt des transports aériens.

L'interaction de ces deux chocs a jeté les bases de la nouvelle crise de la dette souveraine. Au moment même où les États ont dû augmenter leurs dépenses publiques pour faire face à la pandémie, leurs économies sont entrées en récession, tarissant les recettes fiscales. En conséquence, la dette souveraine a explosé.

Le troisième choc a été l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022. Elle a immédiatement déclenché des hausses spéculatives massives des prix des céréales comme le blé. On peut parler de hausse spéculative parce que pendant les premiers mois de la guerre, les stocks de céréales de l'Ukraine et de la Russie n'ont pas diminué. Or les prix des céréales ont littéralement flambé. Ensuite, les exportations ont été interrompues, ce qui a eu pour effet d'étouffer les approvisionnements et de faire grimper les prix encore davantage, jusqu'à ce qu'un accord soit orchestré pour permettre la reprise des expéditions. Accord remis en cause depuis fin juillet 2023. Il y a également eu une flambée des prix des engrais chimiques ainsi que du pétrole et du gaz.

Les prix ont grimpé dans le monde entier, en particulier dans les pays qui importaient la majeure partie de leurs denrées alimentaires, les engrais et les combustibles. Dans les pays d'Asie et d'Afrique, l'inflation a pesé lourdement sur les populations, déjà appauvries par la récession. Un très grand nombre de personne n'ont pas pu faire face à l'augmentation du prix des denrées alimentaires et des combustibles.

Le quatrième choc et certainement le plus important a été la décision unilatérale de la Réserve fédérale américaine, de la Banque centrale européenne et de la Banque d'Angleterre de relever leurs taux d'intérêt. Aux États-Unis, la Fed a relevé ses taux de près de 0 à plus de 5 %, la Banque d'Angleterre et du Canada ont fait de même tandis que la Banque centrale européenne les a portés à 4,5 %.

Ces hausses ont eu un effet dévastateur sur les pays du Sud. Des pays comme la Zambie et le Ghana, qui étaient considérés comme des succes story, sont entrés en suspension de paiement. Les fonds d'investissement, qui avaient acheté des obligations souveraines dans ces pays, se sont rendu compte que la hausse des taux d'intérêt dans le Nord signifiait qu'ils pouvaient obtenir un taux de rendement plus élevé en achetant de telles obligations aux États-Unis, en Europe et en Grande-Bretagne. Nous avons donc assisté à un rapatriement des capitaux financiers du Sud vers le Nord.

Pire encore, les fonds d'investissement ont dit aux États du Sud que s'ils voulaient refinancer leur dette, ils devraient payer des taux d'intérêt de 9 à 15 %, et dans certains cas jusqu'à 26% (comme dans le cas de la Zambie ou de l'Égypte [4]), faute de quoi les fonds n'achèteraient pas leurs obligations. Si les pays n'ont eu d'autre choix que d'accepter, nombre d'entre eux n'ont aucun moyen d'effectuer leurs paiements à des taux aussi élevés. Il en résulte une nouvelle crise de la dette souveraine.

"Entre 2008 et 2023, le fossé entre pays en développement et pays développés a encore augmenté contrairement à la mission confiées aux institutions de Bretton Woods et aux soi-disant bienfaits du capitalisme".

La Banque mondiale ne nie pas le rôle très négatif de la flambée des taux d'intérêt mais elle se garde bien de pointer du doigt la responsabilité des dirigeant·es des banques centrales des puissances qui dominent les deux institutions de Bretton Woods.

La Banque mondiale ne recommande pas aux gouvernements des pays endettés de se protéger en déclarant une suspension coordonnée des paiements de la dette. Or, selon le droit international, ils en ont parfaitement le droit. En effet, ils peuvent évoquer le changement fondamental de circonstances provoqué par les chocs externes provenant du Nord, en particulier la décision unilatérale des banques centrales d'Amérique du Nord et d'Europe occidentale d'augmenter radicalement les taux d'intérêt.

En cas de changement fondamental de circonstances et de chocs externes, il n'y a pas d'obligation de poursuivre l'exécution d'un contrat d'emprunt et de continuer à rembourser la dette.

Par ailleurs, la Banque mondiale n'assume pas non plus ses responsabilités. C'est elle qui ,avec le FMI, a encouragé les pays aujourd'hui endettés à contracter un maximum de nouveaux emprunts et à ouvrir au maximum leurs économies, ce qui les a fragilisés par rapport aux chocs externes qui viennent de se succéder en trois ans.

Si on prend une perspective longue et qu'on fait un bilan de l'action de la Banque mondiale et du FMI qui sont nés il y a bientôt 80 ans, en 1944, on ne peut que constater l'échec complet de ces deux institutions multilatérales qui étaient censées permettre un solide développement et le plein emploi. On trouve d'ailleurs dans un important rapport présenté par le FMI en 2023 un aveu d'échec accablant. En effet, dans le World Economic Outlook d'avril 2023, le FMI affirme qu'il faudra 130 ans pour que les pays en développement réduisent de moitié le fossé qui sépare leur revenu par tête d'habitant de celui des pays développés. 130 ans pour réduire de moitié ce qui sépare le revenu per capita des pays en développement de celui des pays riches ! Cela a un moment où l'humanité est confrontée dans l'immédiat à des menaces à plus courte échéance pour son existence, à cause de la crise écologique qui a pris des proportions extrêmes. Mais le comble, c'est que dans le World Economic Outlook d'avril 2008, le FMI affirmait qu'il faudrait 80 ans pour réduire le fossé en question. La conclusion est simple : entre 2008 et 2023, le fossé entre pays en développement et pays développés a encore augmenté contrairement à la mission confiées aux institutions de Bretton Woods et aux soi-disant bienfaits du capitalisme.

Il faut également citer les politiques d'ajustement structurel qui ont mené à la privatisation des systèmes de santé aux Suds, et à une plus grande dépendance de ces pays aux céréales, intrants et autres produits importés. Ces politiques matraquées depuis plus de 40 ans ont complètement désarmé les pays des Suds pour faire face aux chocs extérieurs tels que la pandémie de Covid-19 ou la hausse mondiale du prix des céréales et des taux d'intérêt.

Il y a deux siècles, au début de la révolution industrielle capitaliste, la différence de revenu per capita entre pays appelés aujourd'hui en développement et pays développés était très faible. Le capitalisme victorieux aujourd'hui à l'échelle de la planète a augmenté comme jamais dans le passé le fossé entre nations. Sans parler du fossé au sein de chaque nation qu'elle soit du Sud ou du Nord entre le 1% le plus riche et les 50% d'en bas.

Il est grand temps de dissoudre la Banque mondiale et le FMI et de construire une autre architecture internationale respectueuse des droits humains et de la Nature. Il est grand temps de se débarrasser du système capitaliste et de réaliser une révolution écosocialiste, internationaliste, féministe,…

Notes

[1] Source : https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2023/12/13/developing-countries-paid-record-443-5-billion-on-public-debt-in-2022 |
Rapport complet est disponible ici : https://www.worldbank.org/en/programs/debt-statistics/idr/products

[2] Martin Wolf, “The global economy holds up yet limps on”, 11 October 2023.

[3] CADTM, « Afrique, le piège de la dette et comment en sortir », décembre 2022, https://www.cadtm.org/Afrique-le-piege-de-la-dette-et-comment-en-sortir.

[4] L'évolution des rendements des titres souverains à 10 ans est disponible ici : http://www.worldgovernmentbonds.com/country/puertorico/ On y voit que le rendement (yield) sur les titres à 10 ans de la Zambie et de l'Égypte atteint 26%, celui de la Turquie atteint 25%, celui du Kenya 18,5%, celui du Pakistan et de l'Ouganda, 16%.

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François Chesnais : une contribution incontournable à l’analyse du capitalisme

6 février 2024, par Marc Humbert — ,
Marc Humbert rend hommage à l'économiste marxiste François Chesnais, disparu en octobre 2022, en rappelant sa contribution à la compréhension de la place de la technologie dans (…)

Marc Humbert rend hommage à l'économiste marxiste François Chesnais, disparu en octobre 2022, en rappelant sa contribution à la compréhension de la place de la technologie dans l'économie capitaliste et en revenant sur son analyse de l'évolution des forces productives.

Tiré de la revue Contretemps
30 janvier 2024

Par Marc Humbert

***

François Chesnais, au cours d'une certaine période de son activité professionnelle, a cherché, entre autres, à approfondir la compréhension de la manière dont le capitalisme poursuivait le développement des forces productives. Je l'ai fréquenté professionnellement à cette époque où il était économiste à l'OCDE et qui va pour moi de la fin des années soixante-dix au milieu des années quatre-vingt-dix.

J'ai souhaité lui rendre hommage en rappelant sa contribution à certaines réflexions qui ont fait évoluer l'opinion de nombre d'économistes à cette époque. Dans ce cadre, il a bien décrypté le jeu des firmes multinationales, appuyé par les États dominants, dans la mondialisation de l'industrie et de l'économie mondiale. L'un de ses partenaires dans ces réflexions en a dressé un bilan historique long, voyant là « Comment l'Occident s'est enrichi 1] », un titre ironique paraphrasant celui du célèbre ouvrage sur la Richesse des Nations, d'Adam Smith, le père de l'économie libérale.

Mon propos comprend deux sections, une première rappelle la contribution de François Chesnais à l'appréciation du rôle de la technologie dans l'économie, ceci dans le cadre de l'apparition d'une nouvelle approche hétérodoxe de la théorie économique standard. La seconde tend à montrer que même après la fin de cette période qui semblait marquer un désintérêt pour les réalités industrielles, François Chesnais lui accordait encore toute son importance. Il s'interrogeait ainsi récemment pour savoir si cette fois le développement des forces productives avaient effectivement rencontré des limites infranchissables.

I. Conceptions du rôle de la technologie dans l'évolution de l'économie

A)Les apories des théories économiques disponibles sur la question de la technologie

La théorie économique standard de l'équilibre économique général suppose que l'ensemble de tout ce qui est matériel et immatériel destiné à satisfaire la consommation, la demande solvable des populations, est mis à leur disposition par le libre fonctionnement des marchés.

C'est ce fonctionnement qui assure une allocation optimale des ressources et offre à ces populations, à l'économie dans son ensemble, de se trouver dans une situation pareto-optimale, impossible à dépasser. La production de biens, de services, de services producteurs se fait dans un état donné de la technologie, on ne voit même pas apparaître la catégorie firme ou entreprise ; le texte de Coase de 1937 qui montrait que la firme est la négation du rôle des marchés ne sera exhumé par des semi-hétérodoxes que bien plus tard sous l'influence de Williamson en 1975. La théorie standard est une microéconomie sans acteurs concrets, mais modélisée selon le souci de chaque avatar de maximiser sa satisfaction, son bénéfice, à la moindre peine, au coût le plus bas possible, sans aucune autre considération. Avatar qui a été appelé homo economicus [2].

Après la crise de 1929, les libéraux thuriféraires du capitalisme ont été secoués par l'interventionnisme du New Deal qui a évité l'effondrement ou/et la révolte sociale. Les économistes vont devoir s'adapter. Un interventionnisme raisonné des politiques a besoin d'indicateurs et c'est ainsi que va naître la comptabilité nationale. Elle sera aussi bien utile pour que les idées de macroéconomie portées par la théorie générale de Keynes [3] publiée en 1936 puissent devenir des pratiques nationales de politique économique après 1945.

Les idées Keynésiennes ont été hybridées par des économistes qui les ont transformées en une recette de stop and go ou de fine tuning par les dépenses publiques ou le déficit budgétaire : si la demande globale est excessive et provoque l'inflation, un coup de frein est donné, tant pis pour le chômage qu'il peut provoquer. Vice versa, si la demande est insuffisante, les dépenses publiques pourront augmenter et relancer la machine et l'emploi. Toutefois cela n'était pas suffisant pour les responsables politiques qui, après 1945, ne voulaient pas seulement éviter les crises, mais surtout faire croître le PIB dont on allait vérifier désormais chaque année le taux de croissance.

C'est lui qui va permettre de faire espérer aux masses une amélioration de leur niveau de vie et garantir ainsi leur adhésion au système libéral c'est-à-dire éviter qu'elles ne soient tentées par l'expérience communiste, en particulier celle qui avait cours à l'Est de l'Europe où régnait disait-on la pénurie. C'est aussi ce type de promesse faite par le président américain Truman [4] en 1949 qui va assurer que les pays nouvellement indépendants et tous les autres encore non industriels, bref le Tiers-Monde, attendent sagement leur tour comme les y incite Rostow [5] en 1960 et demeurent au sein du « monde libre ». Ils ont été accompagnés dans leur attente par la communauté internationale qui a lancé la première décennie du développement en 1962 [6]. En l'absence répétée de toute réussite, cette première décennie a été suivie d'une série d'autres décennies et on est encore loin d'aboutir selon cette voie. Beaucoup de pays non occidentaux se sentent plus qu'impatients d'autant plus que pour raison écologique on leur demande de modérer leurs projets.

Mais comment mettre les économies sur un sentier de croissance ? Il n'y avait pas encore en 1945 de théorie de la croissance et les économistes patentés se sont alors mis au travail. Notamment des keynésiens plus ou moins dissidents des néoclassiques libéraux qui vont pondre l'objet attendu. C'est Robert Solow qui prend le leadership en 1956 avec une théorie macroéconomique de la croissance [7]. Ce qu'on y appelle technologie, est un rapport entre les quantités de Capital K et les quantités de travail L mises en œuvre selon une certaine fonction de production macroéconomique pour donner comme résultat notre PIB.

Quand en 1962 Denison s'aventure à tester ce modèle sur les données concrètes de la croissance américaine entre 1929 et 1957, il s'aperçoit que l'évolution des quantités de capital et de travail employées n'explique que moins de 50% de la croissance américaine. Il essaie toutes les idées astucieuses possibles pour gonfler « avec du supposé progrès – technique – » les quantités de facteurs mais il lui reste encore un « résidu » de 20% de croissance inexpliquée [8]. En France des économètres macroéconomistes de renom se coltinent le même exercice et montrent en 1972, malgré des raffinements sophistiqués, qu'il reste 50% de la croissance française entre 1951 et 1959 qui ne peut être expliqué [9].

Pour les mêmes raisons de la non prise en considération directe de ce qu'on soupçonne être le progrès technologique, on ne peut expliquer les différentiels de croissance entre les économies nationales (Denison 1967) [10]. Si on regarde du côté de Marx, ses disciples n'étaient guère mieux équipés. Certes Marx a la vision que ce sont les changements technologiques – l'évolution des forces productives- qui ont fait évoluer le social. Bien que ces changements ne soient pas explicités et expliqués ils sont tenus pour déterminants. Les forces productives à l'évidence, malgré les contradictions croissantes attendues, n'avaient pas encore atteint leur stade ultime quand Lénine a voulu coupler la technologie capitaliste (l'électrification) aux soviets pour construire le socialisme. Pas plus en 1945. Ce stade ultime ne semble pas encore atteint aujourd'hui.

Plus benoîtement et objectivement, on peut remarquer que L'URSS, après un rattrapage (aidé après 1945 par un brain-drain des ingénieurs allemands) s'est retrouvée dans les années soixante à la traîne des changements technologiques accélérés dans les pays capitalistes keynésiens, hormis dans le militaire. Il n'y avait pas vraiment de pénuries à l'Est, mais le niveau de bien-être matériel offert aux masses, comparé à celui dont bénéficiaient en moyenne celles de l'Ouest, présentait un différentiel qui a mécontenté la masse ouvrière soviétique au moins autant que la quasi absence de libertés individuelles.

Les rapports sociaux caractéristiques de la domination bourgeoise d'après la révolution industrielle selon Marx, ne permettent pas d'expliquer de façon satisfaisante, à mon sens, ni le rythme ni le contenu de la révolution industrielle encore moins la manière dont se poursuivent ces changements technologiques. Le modèle de reproduction élargie de l'accumulation en deux sections dont une productrice de biens d'équipement ne nous renseigne guère sur la dynamique technologique.

L'élévation de la composition organique du capital ne dit rien sur ce que sont les machines et le capital constant – et ce qu'elles sont, ou sur ce que sont certains de leurs éléments qui jouent ou non un rôle crucial, de même rien sur les qualifications variées des travailleurs et leur organisation selon des modalités différentes de celles employées pour les travailleurs manuels. Certes la plupart des adeptes de cette vision scientificisée s'efforcent de concocter ce qui manque et cela permet à leurs yeux de rendre compatible la poursuite des changements technologiques et la théorie de Marx. Mais leurs résultats n'ont pas convaincu grand monde en dehors du cercle étroit de leurs fidèles.

En France l'école de la régulation, inspirée de marxisme et de keynésianisme, donne sa version de l'explication des crises avec une théorie des formes institutionnelles qui elle aussi n'a que faire de se pencher sur la manière dont sont produites et changent les technologies. En 1986, dans la synthèse qu'il dresse de dix ans de travaux collectifs, Robert Boyer [11], que François Chesnais et moi-même avons fréquenté et apprécié, écrit que c'est peut-être une voie parallèle que de s'en préoccuper. Sur les cent-trente pages de son ouvrage en forme de bilan, dix lignes évoquent parmi des projets qu'il dit similaires à la théorie de la régulation ceux « des spécialistes du changement technique qui sont à la recherche d'un modèle évolutionniste (R.R. Nelson, S.G. Winter) permettant de cerner simultanément changement technique et mutation dans les formes institutionnelles (G. Dosi, L. Orsenigo, G. Silverberg) ». Pour que certains contributeurs de la théorie de la régulation commencent à traiter de ces questions technologiques, il a fallu attendre le colloque de Barcelone en 1988. Là sera organisée une session intitulée « Les enjeux sociaux de la technologie » – à la quelle ma contribution [12] a été diversement appréciée (mais publiée par la revue Tiers-Monde en 1989).

De fait ce qu'on appelle le « capitalisme » ne s'est pas encore effondré. C'était pourtant ce que prédisaient de nombreux marxistes au début des années 1970. Mais, cinquante ans plus tard, le capitalisme parait n'avoir jamais été aussi puissant. La crise de 2008 a réveillé l'espoir mais il a été déçu jusqu'à aujourd'hui. Toutefois, certains pensent que le capitalisme va très mal – et François Chesnais était de ceux-là – et qu'une reprise technologique serait cette fois peu assurée – François Chesnais était plus que dubitatif – et d'autres sont certains qu'une nouvelle crise plus importante est inévitable et va amplifier le déclin du capitalisme le rapprochant de son écroulement.

C'est bien possible. Personnellement je veux bien y croire car je suis fondamentalement opposé à la logique capitaliste. Mais il me semble que l'issue dramatique qui menace une grande partie de l'humanité pour les années 2070 c'est plus l'in-habitabilité de la Terre. Certes pour des raisons d'évolution des conditions écologiques dont est évidemment responsable l'évolution du capitalisme concret et l'oligarchie qui l'a pilotée, et qui la pilote encore à son profit. J'y reviendrai avec ce que j'en ai lu de François. Mais tout d'abord rappelons que si le capitalisme ne s'est pas effondré c'est en bonne partie en raison de son moteur technologique ce sur quoi François Chesnais m'était apparu tout à fait d'accord.

B) Les courants de pensée économique se saisissant de la question de la technologie

François Chesnais a fréquenté et travaillé avec les trois principaux leaders qui ont fait avancer la réflexion économique sur la question de la technologie. Il s'agit des regrettés Christopher Freeman, et Nathan Rosenberg – qui ont été au moins proches du marxisme à une certaine époque- ainsi que de Richard Nelson [13].

(i) Christopher Freeman

Christopher Freeman est un britannique (disparu en 2010 à l'âge de 88 ans) qui a consacré à temps plein sa vie d'économiste aux questions de la technologie à partir de la création en 1966 du Science Policy Research Unit de l'université du Sussex dont il a été le premier directeur fondateur. Il constitue une équipe avec laquelle il explore la création de nouvelles technologies dans tous les secteurs et dans de nombreux pays. Il accueille des doctorants de divers pays d'Europe (en particulier d'Italie) et d'Amérique Latine. Il publie seul et en collaboration, de nombreux articles, rapports, ouvrages.

Avec Giovanni Dosi, venu d'Italie, sera forgé le concept de paradigme technologique (1982) et l'hypothèse qu'est survenue dans l'industrie une innovation radicale avec l'invention des semi-conducteurs qui a provoqué une sorte de révolution diffusant peu à peu dans tous les secteurs d'activité [14]. Avec Carlotta Perez [15], venue du Venezuela (et qui fut un temps son épouse), il s'attache à développer l'idée des cycles longs héritée de Kondratiev [16] et interprétés par Schumpeter [17]. Le SPRU est visité également par Luc Soete qui fondera ensuite un centre un peu similaire à Maastricht.

De retour d'un séjour au Japon, Christopher Freeman se persuade qu'il faut concevoir que chaque pays organise de fait son système d'innovation et publie en 1987 un ouvrage en ce sens [18]. En 1988, avec Richard Nelson, Gerald Silberberg et Luc Soete, Freeman publie une somme collective sur l'introduction du changement technique dans la théorie économique et commande un chapitre à François Chesnais qu'il a fréquenté à l'OCDE [19]. Un autre familier du SPRU, Bengt-Åke Lunvall, un Suédois implanté à l'université de Aalborg au Danemark, s'empare du concept de système national d'innovation et sort en 1992 un ouvrage collectif auquel sera associé François Chesnais qui là encore publie un chapitre [20].

Parmi de nombreux chercheurs du monde entier qui ont été accueillis ou/et formés au SPRU et qui sont devenus des contributeurs notoires aux travaux sur le fonctionnement et le rôle de la technologie il faut nommer Helena Lastres et José Cassiolato. En raison de l'importance internationale de leurs contributions et aussi parce qu'ils y ont associé François Chesnais jusqu'à sa disparition.

Ces deux Brésiliens ont établi en 1997, dans leur université fédérale de Rio de Janeiro, à l'Institut d'économie industrielle, un réseau interdisciplinaire de recherche, inspiré en particulier du concept de système d'innovation. Il s'intitule Redesist, ce qui signifie « Réseau de Recherche sur les arrangements locaux d'innovation et de production » Ce réseau a fêté ses 20 ans d'existence en 2017 [21] et poursuit sa dynamique. Il s'est développé avec des groupes participant répartis dans 27 universités de tout le Brésil et des groupes dans la plupart des pays d'Amérique Latine et des accords avec des groupes et des chercheurs individuels dans le monde, dont François Chesnais et moi-même. Ce réseau a organisé un grand nombre de colloques internationaux, et a réalisé un grand nombre de rapports pour soutenir des politiques de développement. Il a publié un très grand nombre d'études, d'analyses théoriques d'articles dans des revues scientifiques, coordonnant des ouvrages en portugais et en anglais.

En 2003 ils ont accueilli le premier colloque international d'un réseau plus vaste encore dont ils ont été les animateurs en assurant son secrétariat pendant de longues années. Il s'agit de GLOBELICS. Un réseau mondial (GLOBE) sur les systèmes d'apprentissage, d'innovation et de formation des capacités (Learning, Innovation, Competence Building) co-fondé par Bengt-Åke Lundvall et Luc Soete, préalablement cités [22]. Ces thèmes ont été considérés comme au cœur des questions du développement économique et le réseau a organisé des colloques mondiaux dans tous les continents et continue à le faire. Leur 20ème colloque aura lieu en octobre 2023 à Kérala en Inde [23] sur la transformation des économies du Sud global liée à des innovations entraînées par l'essor des connaissances.

José Cassiolato et Helena Lastres se sont assurés la collaboration de François Chesnais qu'ils ont fait intervenir très souvent dans des colloques et journées qu'ils ont organisés depuis 1997 et l'ont fréquemment publié et encore au cours de ces dernières années [24]. Ils lui ont permis également, en l'invitant régulièrement au Brésil d'y continuer ainsi ses relations de travail et de militance. Enfin, et ceci n'est pas le moins de leurs soutiens aux travaux de recherche de François Chesnais, ils ont organisé un hommage à son intention pour ses 80 ans, ce qui s'est concrétisé sous la forme d'un ouvrage collectif publié en 2014. Ils y ont accueilli un texte de Catherine Sauviat sa compagne et complice de nombreux travaux. Elle y présente (en anglais) ce qu'elle connait du parcours intellectuel de François Chesnais [25]. Les différents chapitres (en portugais) de l'ouvrage d'hommage présentent chacun un aspect de l'apport de la pensée de François au Brésil et aux chercheurs Brésiliens sur les questions du développement et de la mondialisation.

(ii) Nathan Rosenberg

Nathan Rosenberg (disparu en 2015 dans sa quatre-vingt-huitième année) était américain. Professeur d'histoire économique (à Stanford à partir de 1974), il s'est intéressé à comprendre comment la technologie s'est développée et a forgé le monde occidental. Un premier ouvrage [26] publié en 1976 qui met cette question en perspective a été très remarqué, tandis qu'un second [27] sorti en 1982 porte un titre provocateur. « Inside the black box ».

Pour la plupart des économistes de toutes obédiences, il y a des lois du système économique, mais celles-ci n'expliquent pas par le menu la production de puissance, la production de ce changement ou de ce progrès technique qui booste la machine. Personne (ou presque) ne se risque à soulever le capot, la machine est une boîte noire. Il sera invité en 1991, lors du grand colloque organisé pour les 25 ans du SPRU, à prononcer le discours inaugural [28]. Un colloque qui a réuni tous ceux qui avaient rejoint ce champ de travail depuis plus ou moins longtemps, comme François Chesnais qui appréciait beaucoup l'approche historique de Nathan Rosenberg. Je m'y trouvais aussi bien sûr.

(iii) Richard Nelson

Richard Nelson (né en 1930 – 93 ans), après s'être intéressé à l'économie de la recherche scientifique de base avec un article remarqué [29] en 1959, a voulu comprendre plus complétement le processus d'innovation, c'est-à-dire au sens de Rosenberg, soulever le capot.

Dès 1962 ses recherches se sont orientées dans cette direction [30]. Il publie en 1977 dans la revue du SPRU, avec son collègue Sidney Winter, un article [31] sur la manière de chercher une théorie pertinente de l'innovation. Dans la foulée ils publient en 1982 un ouvrage qui fera date en fondant les bases de ce qui sera dit une théorie économique évolutionnaire [32].

Il s'est emparé lui aussi du concept de système national d'innovation et publie en 1993 un ouvrage avec une mise en regard des systèmes de différents pays. Il a confié à François Chesnais le chapitre sur le système français d'innovation [33]. L'introduction de l'ouvrage est co-signé par Nelson et Rosenberg. Rosenberg signe le chapitre sur le système d'innovation des Etats-Unis avec David Mowery qui a été son étudiant. Bengt-Åke Lunvall co-signe un autre chapitre.

C) La relation a-typique de François Chesnais avec Schumpeter

Ce que je viens de rappeler montre l'existence d'une communauté de chercheurs derrière lesquels planent l'ombre de Schumpeter. C'est une communauté scientifique au sein de laquelle François Chesnais occupe une place à l'importance reconnue. Au moins depuis les années quatre-vingt jusqu'au milieu des années quatre-vingt-dix. Si cette communauté continue de fonctionner sur ce champ, François Chesnais s'en est éloigné quelque peu après 1995.

Mais auparavant et après une quinzaine d'années intenses en débats, colloques, publications – j'aurai moi aussi le plaisir de publier François dans l'ouvrage collectif que j'ai sorti en 1992 chez l'éditeur clé qui avait accompagné cette communauté, Frances Pinter [34] – François réalise un maître ouvrage dans le cadre de la Direction de la Science de la Technologie et de l'Industrie où il était à la manœuvre.

C'est lui qui fut la cheville ouvrière du Programme Technologie/ Economie lancé en 1988 avec un programme approuvé par les Ministres des pays membres en 1991. Une revue a été lancée, mais surtout il en est sorti un ouvrage publié [35] en 1992. Comme rarement dans les publications de ce type par l'OCDE, juste avant la signature du secrétaire général de l'institution est indiqué « François Chesnais a assuré la coordination générale et l'établissement du texte définitif ».

François a pu y insister sur tous les thèmes qui lui paraissaient essentiels, les questions d'investissement et de formation des compétences humaines, la complétion du marché mondial et les firmes multinationales, l'oligopolisation et les réseaux d'alliances entre firmes géantes, la compétitivité structurelle, les questions d'industrialisation tardive et les problèmes de l'environnement.

Mais il faut noter que dans la longue bibliographie de cet ouvrage ne figurent ni Marx ni le Schumpeter de 1911, de la théorie de l'évolution économique [36] ou celui sur les cycles [37] de 1939. Pourtant se trouve référencé le livre qui fera la renommée publique de Schumpeter et publié en 1942 sous le titre de « Capitalisme Socialisme et Démocratie [38] ».

Schumpeter lui-même soulignait qu'il était un des rares économistes avec Marx et les marxistes à s'intéresser aux crises, à l'investissement ou l'accumulation du capital et aux grandes firmes et aux oligopoles. Mais si pour Marx le capitaliste bourgeois était l'homme aux écus qui précipitait la survenue des crises économiques, pour Schumpeter c'était l'entrepreneur qui se saisissait et provoquait des innovations et sortait l'économie des situations de crises.

Bien des marxistes et même des Keynésiens régulationnistes orthodoxes ou dissidents négligent Schumpeter. C'est par exemple le cas de notre ami Bernard Billaudot qui a cherché à repenser l'économie et à décrire l'ordre économique moderne [39]. Il dit s'être plongé dans une relecture approfondie de tout ce qui comptait à ses yeux parmi des économistes, des historiens, des philosophes, des sociologues des politistes dont il mentionne une liste très longue. Schumpeter ne semble pas présenter d'intérêt à ses yeux, car il ne le mentionne à aucun moment au cours de son texte long de 1000 pages.

François Chesnais, quant à lui, ne l'a pas négligé. Tout en regrettant encore récemment (en 2019) [40], « le désintérêt des économistes marxistes pour la technologie, marqué aujourd'hui par la quasi-absence de travaux économiques sur l'informatisation et l'automatisation ». Certes et c'est aussi ma position, il ne trouve aucune raison pour supposer que les cycles à la Kondratieff pourraient s'imposer de manière externe et déterministe au fonctionnement de nos économies [41]. Mais Schumpeter et Marx sont à peu près d'accord avec ce que soulignait François dans un article [42]de 1967 « la loi de développement des forces productives propre au système capitaliste est celle d'un développement potentiellement illimité de ces forces ».

Pour Schumpeter, le capitalisme est le lieu où souffle un ouragan permanent de destruction créatrice [43]. Si la contradiction marxiste est supposée mener à une destruction, elle est aussi supposée être bientôt définitive, et non pas créatrice. Pourtant Schumpeter rejoint Marx sur l'issue finale, le capitalisme finira par s'effondrer.

François Chesnais n'emploie guère Marx dans ses travaux sur la technologie au sein de cette communauté de recherche, mais il n'hésite pas pour autant à le faire à l'occasion pour rappeler qu'il y a selon lui au-delà des comportements des firmes et autres acteurs, les déterminants du processus historique du développement capitaliste.

Ainsi il écrit p. 498 in Dosi et al. (1988) [44] : “ tandis que les FMN sont manifestement des agents actifs dans le processus d'internationalisation et même des architectes de certains aspects de ce processus, et qu'elles doivent en conséquence être analysées pour elles-mêmes, elles sont cependant dépendantes d'un ensemble global de facteurs sur lesquels elles n'ont en fait peu ou pas de prise et qui tous ont leur source dans les mécanismes de base qui emmènent le processus historique du développement capitaliste. L'un de ces mécanismes est le développement (de manière contradictoire, antagonique et inégale) des forces de production, parmi lesquels la science et la technologie jouent un rôle qui devient de plus en plus central ».

Je suis obligé de remarquer que cela revient à dire que le déterminisme historique laisse attendre la fin du capitalisme et s'accompagne de quelques degrés de liberté qui permet de reporter cette fin. Et que François Chesnais en deçà du déterminisme historique s'intéressait à la manière dont les firmes, les entrepreneurs s'employaient à s'emparer de ce que lui, considérait, de facto, comme de simples degrés de liberté. Mais il s'intéressait aussi au degré de liberté (?) des Etats. Bref la technologie en elle-même ne suffit pas pour sortir de crise (sauver le capitalisme ?), retrouver un cycle ascendant, il faut des entrepreneurs et des institutions, des conditions socioéconomiques.

C'était Ergas qui avait souligné, en amont de l'idée de système national d'innovation, l'importance des politiques technologiques [45]. On pourrait dire qu'à certains égards François Chesnais était proche d'une sorte de keynésianisme technologiste. Quand il se demande dans un texte publié en 2016 pour ses amis Brésiliens, si le capitalisme va à nouveau s'en sortir par la technologie, il pense que le hic se trouve dans le fait que les tendances actuelles laissent prévoir que le chômage devrait se développer massivement [46]. Comme il l'y rappelle, des études documentées l'avaient affirmé déjà en 2013. Mais dix ans plus tard, en 2023, le fait est, qu'en Europe et aux Etats-Unis, il n'est pas plus important qu'en 2008, il est même plus bas aux Etats-Unis, en revanche la « qualité » et le « niveau de rémunération » des emplois semblent s'être dégradés. L'armée de réserve tarde à se constituer. Pourtant au vu de l'évolution tendancielle de l'accumulation et des taux de profits, François Chesnais, en 2022, écrivait que le capitalisme mondial était dans l'impasse [47].

II. Adieu à l'industrie ?

A) La financialisation

A partir du milieu des années 1990, François Chesnais a été happé par les questions de la financiarisation mondialisée du Capital. Mes relations avec lui se sont espacées. Bien sûr il a cependant, en 2002, soutenu le réseau de chercheurs que j'ai lancé depuis la CEPAL à Santiago du Chili : PEKEA (Political and Ethical Knowledge in Economic Activities) pour construire une approche politique et éthique des activités économiques. Un réseau mondial qui a regroupé jusque 1 000 chercheurs et militants pour moitié économistes et d'autres sciences sociales, dans une cinquantaine de pays. Il l'approuvait lui qui considérait qu'il n'y avait pas de raison que l'économie ne soit pas une science sociale comme une autre.

Il a quitté en quelque sorte le champ où nous travaillions ensemble, tout en m'informant qu'il y reviendrait. C'est le sens de la dédicace qu'il m'a écrite– comme il m'a donné et dédicacé La technologie et l'économie et bien d'autres de ses ouvrages- sur l'exemplaire qu'il m'a confié de son ouvrage collectif de 1996 La mondialisation financière- Genèse, coût et enjeux. On peut y lire ce qui suit [48] : « nous sortons de l'économie industrielle pour mieux pouvoir y revenir après avoir un peu mieux compris l'environnement financier des firmes et l'identité des forces et des acteurs qui pèsent même sur les groupes les plus puissants ».

A vrai dire il en est resté apparemment assez loin même s'il a lui-même affirmé dans un entretien révélé récemment mais donné à Contretemps en 2014 [49] :

« dans mes travaux récents j'essaie de corriger l'impression que certains ont pu avoir que, comme Aglietta, je donnais la primauté à la finance. Je suis vraiment revenu à l'internationalisation de la production et à la configuration des groupes industriels actuels, donc aux chaînes de valeur. »

C'est effectivement ce qu'il a fait dans son dernier grand ouvrage [50], en anglais, publié un peu après, en 2016. Il y montre bien que les banques ne dominent pas les grands groupes industriels, lesquels en revanche, interviennent sur les marchés financiers et restent les acteurs dynamiques de la mise en compétition planétaire acharné des salariés et des nations du monde. Certes l'imbrication des unes et des autres est bien réelle.

Mais tout n'est pas là pour comprendre la crise, cette crise de 2007-2008. Il ne faut pas en rester selon lui à des analyses maniant les variables usuelles du raisonnement. Cette crise dont on n'est pas encore sorti, pourrait être finale parce que le capitalisme aurait touché des limites infranchissables. C'est ce qu'il soutient dans la conclusion de l'ouvrage de 2016 que je viens de citer.

B) Le capitalocène

Dans l'ouvrage qu'il avait publié en 1992 pour l'OCDE, François Chesnais avait consacré un chapitre entier aux questions environnementales qui y sont prises très au sérieux. Toutefois, François Chesnais, et moi-même, n'avons pris conscience que plus tardivement de la rupture quasi paradigmatique que signifiaient les alertes données de manière toujours plus forte depuis 1972 (Rapport Meadows et Sommet des Nations Unies à Stockholm) et les observations scientifiques de plus en plus alarmantes. Pour moi cette prise de conscience était quasi explicite lors du colloque PEKEA de Bangkok en 2004. Je ne sais quand exactement cela fut le cas pour François mais il écrivait déjà en 2008 que la crise climatique allait se combiner avec la crise du capital [51]. Et c'est dans cette suite qu'il en est arrivé, apparemment à partir de 2010 – à adopter et intégrer dans ses analyses le concept d'Anthropocène – signifiant que l'espèce humaine est responsable de l'entrée dans une nouvelle ère géologique.

Quand il écrit en février 2012 un texte fondé sur son intervention pour le colloque de 2011 organisé au Brésil par l'équipe de José Cassiolato, il indique [52] qu'il ajoute une section à ce qu'il avait présenté lors du colloque pour expliquer que la combinaison de la crise climatique à la crise économique, financière et sociale exige une « rupture copernicienne ». Il situe l'origine de la situation dans la rupture épistémique provoquée par l'essor du capitalisme aux XVIe et XVIIe siècle– essor dans lequel Marx aurait déjà perçu que pourrait surgir la menace présente aujourd'hui. Il adopte la qualification de l'entrée dans l'Anthropocène comment faisant suite à l'Holocène pour caractériser ce qui est la situation présente.

Pour en sortir il est nécessaire selon François Chesnais d'entreprendre une nouvelle rupture épistémique et des mutations institutionnelles et organisationnelles radicales. Il adoptera quelques années plus tard le concept de Capitalocène [53] proposé par Jason Moore et c'est une version renouvelée [54] du texte de 2012 (que je viens de citer) qu'il donne à nos amis Brésiliens. Dans cet ouvrage qui s'interroge sur le futur du développement, il donne comme titre à son chapitre une affirmation qui peut me servir pour m'essayer à quelques mots de conclusion sur cet hommage à François Chesnais à travers la relation de mon compagnonnage intellectuel avec lui. Après avoir étudié toutes ces années les changements en cours dans l'industrie voilà, écrit-il, qu'arrive le temps de « l'entrée dans une période historique totalement nouvelle ».

Si un véritable retour à l'industrie lui – nous – a été presque impossible, c'est en raison « du changement climatique et de l'épuisement de ressources naturelles vitales [qui, comme l'affirme Ernest Mande [55] font que] « la lutte pour une issue socialiste prend l'importance d'une lutte pour la survie même de la civilisation humaine et de la race humaine ».

*

Marc Humbert est professeur émérite d'économie politique, Université de Rennes.

Notes

[1] Nathan Rosenberg and L.E. Birdzell (1986) How the West grew rich, Nexw York, Basic Books, traduction française Nathan Rosenberg and L.E. Birdzell (1988) Comment l'Occident s'est enrichi, Paris, Fayard. Les auteurs montrent comment, selon eux, au cours de l'histoire, en Occident, le capitalisme économique a remplacé les pouvoirs politiques et religieux pour piloter le devenir des sociétés.

[2] Ronald Coase (1937) “The Nature of the Firm”, Economica, New series, vol. 4, N°16, p. 386-405. Oliver Williamson (1975) Market and Hierarchies : Analysis and Antitrust Implications : A Study in the Economics of Internal Organization, New York, The Free Press.

[3] John Maynard Keynes (1936) The General Theory of Employment, Interest and Money London, Macmillan.

[4] Le texte du discours à la nation de Harry Truman est disponible en ligne (dernière visite le 21 novembre 2020) ; https://www.presidency.ucsb.edu/documents/inaugural-address-4 .

[5] A la suite d'un article publié en 1959 : Walt Whitman Rostow (1959) “The stages of Economic Growth” The Economic History Review, Vol 12, n°1, p. 1-16. Il en sortira un ouvrage au sous-titre explicite et qui deviendra un best-seller mondial : Walt Whitman Rostow (1960) The stages of economic growth, a non-communist manifesto, Cambridge, Cambridge University Press.

[6] Voir p.vi, in U Thant (1962) The United Nations Development Decade – Proposals for action, Report of the Secretary General, New York, United Nations. Department of Economic and Social Affairs.

[7] Robert Solow (1956), “A contribution to the Theory of Economic Growth”, The Quarterly Journal of Economics, Vol 70, n°1, February, p. 65-94.

[8] Edward F. Denison (1962) The Sources of Economic Growth in the United States and the Alternatives before Us, New York, Committee for Economic Development.

[9] Jean-Jacques Carré, Paul Dubois, Edmond Malinvaud (1972) La Croissance française : un essai d'analyse économique causale de l'après-guerre, Paris, Le Seuil.

[10] Edward F. Denison (1967) Why Growth Rates Differ, Wahsington D.C., Brookings.

[11] Robert Boyer (1986) La théorie de la régulation- une analyse critique, Paris, La Découverte.

[12] Marc Humbert (1989) « Les régulations sociales face au système industriel mondial », Revue Tiers-Monde, T. XXX, n° 120, octobre-décembre, p. 823-846. Version réduite et révisée de la Communication au colloque La théorie de la régulation : bilan et perspective, session Enjeux sociaux de la technologie, Barcelone, 16-18 juin 1988, 30 pages.

[13] Ce qui suit n'est pas une présentation de la pensée de, et de tout ce qu'ont fait, ces trois contributeurs à la formation de ce courant économique hétérodoxe. Je n'en dis que le minimum pour les « situer » pour ceux qui ignorent ce courant et par ailleurs pour rappeler ce qui, à ma connaissance, témoigne de l'interaction de François Chesnais avec eux et faisant de lui un contributeur essentiel de ce courant.

[14] Christopher Freeman (1982) The Economics of Industrial Innovation, London, Pinter. Giovanni Dosi (1982) “Technological paradigms and technological trajectories. A suggested interpretation of the determinants and directions of technical change”, Research Policy, Vol 11 ; Issue 3, June, p. 147-162.

[15] Carlota Perez (1983) » Structural change and the assimilation of new technologies in the economic and social system « , Futures, vol. 15, no. 5, pp. 357-375 et Carlota Perez (1985) » Micro-electronics, Long Waves and World Structural Change « , World Development, vol. 13, no. 3, pp. 441-463.

[16] Nikolaï Kondratiev a conçu cette idée par ses observations statistiques au début des années 1920, son article en russe de 1925 a été partiellement traduit en 1926 en allemand dans Archiv fur Sozialwissenschaft und Sozialpolitik ce qui l'a fait connaître et permettra sa publication complète en anglais : Nikolaï Kondratiev (1935) « The Long Wave in Economic Life », Review of Economics and Statistics, n°17, p. 105-115.

[17] Joseph Schumpeter (1939) Business Cycles : A Theoretical, Historical, and Statistical Analysis of the Capitalist Process, New York and London, McGraw-Hill.

[18] Christopher Freeman (1987) Technology Policy and economic Performance : Lessons from Japan, London, Pinter.

[19] Giovanni Dosi, Christopher Freeman, Richard Nelson, Gerald Silverberg and Luc Soete (1988) Technical Change and Economic Theory, London, Pinter. François Chesnais y a écrit le chapitre 23 : “Multinational entreprises and the international diffusion of technology » p. 496-527.

[20] Bengt-Åke Lunvall (1992) National Systems of Innovation – Towards a Theory of Innovation and Interactive Learning, London, Pinter. François Chesnais y a écrit le chapitre 13 “National Systems of Innovation, Foreign Direct Investment and the Operations of Multinational Enterprises” p. 265- 295.

[21] Marcelo de Matos, José Cassiolato, Helena Lastres, Cristina Lemos, Marina Szapiro (org.) (2017) Arranjos Produtivos Locais, Referencial, experiências e politícas em 20 anos de Redesist (Arrangements productifs locaux, Référentiel, expériences et politiques en 20 années de Redesist), Rio de Janeiro, E-papers.

[22] Freeman a été un acteur important de ce réseau mondial et Nelson (voir ci-après) l'est encore.

[23] Voir https://www.conftool.org/globelics2023/register.php

[24] Voir par exemple : Helena Lastres, José Cassiolato, Gabriela Laplane et Fernando Sarti (Org.) (2016) O Fururo do Desenvolvimento – Ensaios em homenagem a Luciano Coutinho (Le futur du développement- Essais en hommage à Luciano Coutinho, professeur d'économie politique, directeur de la Banque nationale de développement du Brésil), Campinas, UJNICAMP. Francois Chesnais y a écrit (p. 38 – 57) le chapitre intitulé “ The entry in a totally new historical period ».

Ou encore : José Cassiolato, Maria Gabriela Podcameni, Maria Clara Soares (org.) (2015) Sustentabilidade sociambiental em um contexto de crise (soutenabilité socio envrionnementale dans un contexte de crise), Rio de Janeiro, Epapers. François Chesnais y a écrit p. 39 – 63 « Uma interpretação sobre a situação econômica mundial seguida por consideracções sobre a crise ambiental (Une interprétation de la situation économique mondiale suivie de considérations sur la crise environnementale »).

[25] José Eduardo Cassiolato, Marcelo Pessoa de Matos, Helena M. M. Lastres (2014) Desenvolvimento e mundialização O Brasil e o pensamento de François Chesnais (Développement et mondialisation, Le Brésil et la pensée de François Chesnais, Rio, E-Papers. Catherine Sauviat y a écrit p. 29-36 “ Some notes on what I know about François's intellectual trajectory”.

[26] Nathan Rosenberg (1976) Perspectives on Technology, Cambridge, Cambridge University Press.

[27] Nathan Rosenberg (1982) Inside the Black Box :Technology and Economy, Cambridge, Cambridge University Press.

[28] Nathan Rosenberg (1991) “Critical Issues in Science Policy Research” [Opening Address to the SPRU 25th Anniversary Conference], Science and Public Policy, Vol 18, n°6, p. 335-346.

[29] Richard Nelson (1959) “The simple economics of basic scientific research”, Journal of Political Economy, n°67, p. 297–306.

[30] Richard Nelson (ed.) (1962) The Rate and Direction of Inventive Activity : Economic and Social Factors, NBER Special Conference Series, Princeton, Princeton University Press.

[31] Richard Nelson et Sidney G. Winter (1977), “In search of a useful theory of innovation”, Research Policy vol.6, n°1, p.36–76.

[32] Richard Nelson and Sidney G. Winter (1982) An Evolutionary Theory of Economic Change, Cambridge, Harvard University Press.

[33] Richard Nelson (ed) (1993) National Innovation Systems- A Comparative Analysis, Oxford, Oxford University Press. François Chesnais y a écrit “The French National System of Innovation”, p. 192-229.

[34] Marc Humbert (ed.) (1993) The Impact of Globalisation on Europe's Firms and Industries, London, Pinter, François Chesnais y a écrit “Globalization, world oligopoly and some of their implication”, p. 12- 21.

[35] François Chesnais (coord.) (1992) La technologie et l'économie – les relations déterminantes, Paris, OCDE. Il avait aussi poussé à la création en 1986 d'une revue STI Science Technologie et Industrie publiée en français et en anglais (elle a disparu en tant que revue en 1994) voir François Chesnais (1986) « Science Technologie et Compétitivité » Revue STI n° 1, Automne.

[36] Schumpeter a écrit en 1911 Theorie der wirtschaftlichen Entwicklung, eine Untersuchung über Unternehmergewinn, Kapital, Kredit, Zins und den Konjunkturzyklus.( Théorie de l'évolution économique. Recherche sur le profit, le crédit, l'intérêt et les cycles) publié à Berlin en 1912 par Duncker et Humblot.

[37] Ouvrage déjà cité (Joseph Schumpeter,1939, op.cit.). Il n'y a pas un mot sur les cycles longs et sur les soixante-quatre que compte l'ouvrage il n'y a pas un seul encadré sur le sujet malgré le succès de cette référence parmi les économistes du courant néo-technologique et néo-schumpétérien, surtout après la publication de Christopher Freeman (1984) Long Waves in the World Economy, London, Pinter, ouvrage qui lui figure cependant en bibliographie.

[38] Joseph Schumpeter (1942) Capitalism Socialism and Democracy, New York, Harpers and Brothers.

[39] Bernard Billaudot (2022) Économie – Passé, présent, avenir, Paris, Classiques Garnier. Schumpeter ne figure pas dans l'index des Auteurs. Voir mon commentaire de son ouvrage : Marc Humbert (2023) « Etudier l'ordre économique moderne avec Bernard Billaudot » L'Economie Politique, n° 98, Mai, p. 104-112.

[40] Dans François Chesnais (2019) « Capitalisme, théorie des ondes longues et technologie contemporaine », Contretemps, Décembre, Il a noté que les ondes longues à la Kondratiev avaient été cependant en premier reprises par des marxistes comme Mandel l'avait revendiqué dans un ouvrage publié en 1980 (Ernst Mandel (1980) Long Waves of Capitalist Development, A Marxist Interpretation, Cambridge, Cambridge University Press) mais que seuls les néo-schumpétériens en ont fait usage.

[41] François Chesnais (1982) “Schumpeterian recovery and the Schumpeterian Perspective – Some Unsettled Issues and Alternative Interpretation” in Herbert Giersch (Ed.), Emerging Technologies : Consequences for Economic Growth, Structural Change and Employment, Tübingen J.C.B. Mohr.

[42] François Chesnais (1967) « La contradiction entre les forces productives et les rapports sociaux de production et ses traits spécifiques dans le cadre du système capitaliste », La Vérité, p 12- 22. La citation tirée de la page 17.

[43] Schumpeter introduit ce concept « d'ouragan de destruction créatrice » dans l'édition de 1950 de Capitalisme Socialisme et Démocratie.

[44] Je traduis ici ce passage qui a été écrit en anglais et où les italiques sont de l'auteur : « while MNEs are obviously active agents in the process of internationalization and even architects of some aspects of the process, and must consequently be analysed in their own right, they are, nonetheless, responding to an overall set of factors over which they have in fact little or no control and which all stem from the basic mechanisms driving the historical process of capitalist development. One of these mechanisms is the development (in a contradictory, antagonixtice and unequal manner) of the forces of production, among which science and technology play an increasingly quite central role”.

[45] Voir par exemple Henri Ergas (1984) “ Why Do Some Countries Innovate More Than Others” CEPS Paper, n°5, Centre for European Policies Studies, Bruxelles. Et encore : Henri Ergas (1987) “Does Technology Policy Matter” in B.R. Guile and H. Brooks eds, Technology and Global Industry, Washington National Academy Press.

[46] Entraînant une insuffisance de la demande ou dit autrement une crise de réalisation, voir p. 45 in Francois Chesnais (2016) “The entry in a totally new historical period » in Helena Lastres et al., op. cit..

[47] François Chesnais (2022) « De la stagnation à la régression ? Le capitalisme mondial dans l'impasse », Contretemps, Janvier.

[48] Note manuscrite à mon intention et de la part du collectif par François Chesnais sur l'exemplaire qu'il m'a donné de François Chesnais (Coord.) (1996) La mondialisation financière- Genèse, coût et enjeux, Paris, Syros.

[49] Entretien publié en janvier 2023 par la Revue en ligne Contretemps qui le livre comme un inédit de François Chesnais (2023) « François Chesnais, théoricien de la mondialisation du capital et de la finance », janvier.

[50] François Chesnais (2016) Finance Capital Today. Corporations and Banks in the Lasting Global Slump, Leiden and Boston, Brill.

[51] François Chesnais (2008) « La crise climatique va se combiner avec la crise du capital » Inprecor n°541-542, septembre-octobre.

[52] Il donne cette indication p. 39 dans son texte qui a été publié (p. 39-63) en 2015 in José Cassiolato et al., (2015) Sustentabilidade etc., op.cit.

[53] Il cite un article de Jason Moore (2014) où le concept avait tout d'abord été avancé et l'ouvrage de 2015 : Jason Moore (2015) Capitalism in the Web of Life, Ecology and the Accumulation of Capital, London, Verso.

[54] Ce texte déjà cité se trouve dans Francois Chesnais “ The entry in a totally new historical period ». (p. 38 – 57) in Helena Lastres et al. (2016) O Futuro do Desenvolvimento etc., op.cit.

[55] Je cite François Chesnais dans Chesnais (2019, op.cit.) au moment où il reprend une partie d'une citation un peu plus longue de Mandel, très éclairante et qui est la suivante, tirée de l'introduction de Mandel à l'édition anglaise du livre III du Capital :« La barbarie, comme résultat possible de l'effondrement du système, est aujourd'hui une perspective beaucoup plus concrète et précise qu'elle ne l'était dans les années vingt et trente. Même les horreurs d'Auschwitz et d'Hiroshima apparaîtront légères par rapport aux horreurs avec lesquelles une dégradation continue du système confrontera l'humanité. Dans ces circonstances, la lutte pour une issue socialiste prend l'importance d'une lutte pour la survie même de la civilisation humaine et de la race humaine. » Mandel, Introduction au livre III du Capital, Penguin, Londres, 1981, pp. 87-89. Traduction de François Chesnais.

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Médias. Les grèves se multiplient dans les journaux américains

6 février 2024, par Courrier international — , ,
Après les journalistes de la presse nationale, comme le “Los Angeles Times”, ou des magazines du groupe Condé Nast, c'est au tour de ceux de la presse régionale américaine de (…)

Après les journalistes de la presse nationale, comme le “Los Angeles Times”, ou des magazines du groupe Condé Nast, c'est au tour de ceux de la presse régionale américaine de se mettre en grève pour dénoncer les coupes claires dans leurs budgets et leurs effectifs, et exiger des hausses de salaires.

01 février 2024 | tiré du Courrier international
https://www.courrierinternational.com/article/medias-les-greves-se-multiplient-dans-les-journaux-americains

Des quotidiens américains en vente dans un kiosque du quartier de Soho, à Manhattan, le 23 janvier 2024.Des quotidiens américains en vente dans un kiosque du quartier de Soho, à Manhattan, le 23 janvier 2024. AHMED GABER/THE NEW YORK TIMES
C'est peu dire que la presse américaine se porte mal. La semaine dernière, c'est l'annonce d'un vaste plan social au sein du plus grand quotidien de la côte ouest américaine, le Los Angeles Times, qui faisait les gros titres.

Cette semaine, c'est au tour des journalistes de la presse régionale de se mettre en grève, et en particulier “ceux des titres appartenant au groupe Tribune Publishing, racheté en 2021 par le fonds spéculatif Alden Global Capital”, rapporte The Washington Post, qui suit de près les mouvements sociaux en cours dans les médias américains et dont la rédaction a été ébranlée par une grève de vingt-quatre heures au début du mois de décembre 2023 ainsi que par de nombreux départs de journalistes.

LIRE AUSSI : Médias. Ces milliardaires qui voulaient sauver la presse américaine, mais perdent des fortunes

Débrayage dans sept rédactions

Ce jeudi 1er février, “les employés de sept rédactions, dont celle du Chicago Tribune, du Orlando Sentinel et du Virginian-Pilot vont débrayer pour protester contre le refus de leur accorder des hausses de salaire indexées sur l'augmentation du coût de la vie et en raison des menaces qui pèsent sur leurs plans d'épargne-retraite par capitalisation”.

Cette mobilisation intervient alors que les rédactions du groupe Tribune Publishing ont connu ces dernières années d'importantes hémorragies de personnel, précise le quotidien de la capitale fédérale américaine. Ainsi, au Chicago Tribune, le nombre de reporters a été divisé par plus de deux depuis 2019, tandis qu'au Orlando Sentinel “la rédaction autrefois composée de 55 journalistes et photographes ne compte désormais plus que 32 salariés syndiqués”.

Vagues de licenciements

Les médias américains ont été confrontés à de nombreux défis ces dernières années, rappelle le Washington Post. Ils ont notamment dû affronter “la baisse de leurs revenus publicitaires, une chute du nombre de leurs abonnés, ainsi que des vagues successives de licenciements”.

Au Los Angeles Times, c'est 115 journalistes qui ont été licenciés la semaine dernière, soit plus de 20 % des effectifs de la rédaction. Le Washington Post, lui, a traversé à la fin de l'année dernière un plan de départs volontaires qui a concerné quelque 240 salariés, soit une réduction de 10 % de ses effectifs.

Et “les médias appartenant au groupe Tribune Publishing ont été encore davantage décimés”, depuis le rachat par Alden Global Capital, souligne le Washington Post. Ce qui vaut à ce fonds spéculatif d'être surnommé la “grande faucheuse des journaux”.

Courrier international

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La menace climatique est sous-estimée, faute de financements scientifiques

6 février 2024, par Vincent Lucchese — ,
La recherche sur les conséquences climatiques de la fonte des terres gelées du pergélisol, potentiellement dévastatrices, patine, faute de financements suffisants. 29 (…)

La recherche sur les conséquences climatiques de la fonte des terres gelées du pergélisol, potentiellement dévastatrices, patine, faute de financements suffisants.

29 jnavier 2024 | tiré de Reporterre.net
https://reporterre.net/La-menace-climatique-est-sous-estimee-faute-de-financements-scientifiques

Dessin Erwann Richard

Le péril climatique planétaire est peut-être encore plus menaçant qu'on le pensait jusqu'alors. Ou peut-être pas. Pour en être sûr, il y a urgence à améliorer les modèles climatiques pour en résorber les plus grosses lacunes. Mais ce défi patine, faute de financements adéquats. C'est le message qu'ont asséné dans la revue Nature Climat Change, le 18 janvier, une douzaine de chercheurs étasuniens et européens.

Ce qui focalise leurs inquiétudes : le pergélisol. Aussi appelé permafrost, ce terme désigne les terres gelées en permanence. Elles contiennent énormément de matière organique, qui libère de fortes quantités de carbone dans l'atmosphère, à mesure que le changement climatique provoque leur dégel.

Une bombe climatique difficile à évaluer

« De nombreuses études de terrain et de laboratoire ont fourni des résultats solides montrant que les émissions de gaz à effet de serre issues du pergélisol étaient en train d'accélérer », alerte Christina Schädel, chercheuse au Woodwell Climate Research Center, aux États-Unis, et autrice principale de l'article.

Ce dernier rappelle les chiffres vertigineux qui sont en jeu : le pergélisol contiendrait environ deux fois plus de carbone que l'on en trouve actuellement dans l'atmosphère. Et la région arctique se réchauffe extrêmement vite, quatre fois plus rapidement que la moyenne mondiale. L'ennui, c'est que les chercheurs ont énormément de mal à anticiper à quelle vitesse ces territoires complexes pourraient relâcher leur carbone. Les estimations vont de 22 milliards à 524 milliards de tonnes de CO2 qui pourraient passer du pergélisol vers l'atmosphère d'ici la fin du siècle.

À mettre en parallèle avec le budget carbone qu'il nous reste : pour espérer limiter le réchauffement global à 1,5°C, il ne faudrait pas émettre plus de 275 milliards de tonnes de CO2, selon le Global Carbon Project. La large incertitude planant sur la quantité d'émissions à venir via le pergélisol est donc très problématique : selon le chiffre retenu, on passe de moins d'un dixième à près du double de ce budget.

« L'urgence absolue » de meilleurs modèles

La communauté scientifique a bien conscience de cet enjeu, puisqu'elle identifie le pergélisol comme l'une des importantes boucles de rétroaction climatique, qui pourraient accélérer le réchauffement : plus il fait chaud, plus ces terres dégèlent et envoient dans l'atmosphère des gaz à effet de serre, qui accentuent le réchauffement, donc le dégel... et ainsi de suite.

Le dernier rapport du Giec prend d'ailleurs en compte les émissions liées au pergélisol dans ses estimations du budget carbone restant, mais souligne que de grandes incertitudes persistent sur la quantité et la temporalité du relâchement de ce carbone. Surtout, notent les chercheurs dans Nature Climate Change, ces estimations se fondent sur des études solides, mais le carbone du pergélisol est très peu intégré aux modèles globaux, qu'on appelle les modèles du système Terre (ou Earth System Models, ESM).

Le risque est donc de sous-estimer les interactions et rétroactions liées à ces émissions possibles à l'échelle planétaire. D'où « l'urgence absolue », selon eux, d'améliorer les modèles. Or, cette mission prioritaire se trouve entravée par un manque de moyens et par la manière même dont la science est financée. La plupart des grands projets le sont sur la base de contrats de trois ans, ce qui laisse trop peu de temps aux chercheurs pour se former, développer et améliorer des ESM avant de devoir partir vers de nouveaux projets, expliquent-ils.

« Les chercheurs doivent aller chercher des bouts de financements ici et là, ce qui ralentit considérablement le travail »

Une plainte qui rejoint celle des nombreux directeurs de laboratoires de recherche français, qui dénoncent la précarisation de leur travail et l'absence de postes pérennes. « Nous avons des programmes de recherche européens sur cinq ans ou des programmes et équipements prioritaires de recherche qui se développent maintenant sur dix ans, mais la majorité des chercheurs doit tout de même travailler sur des programmes de trois ou quatre ans », confirme Philippe Bousquet, directeur du laboratoire des sciences du climat et de l'environnement à l'université Paris-Saclay.

« Aux États-Unis, ils sont davantage habitués à cette précarité des financements. Que même eux en aient marre, c'est un vrai signal qu'on atteint une limite », ajoute-t-il. Ce que nous confirme également Christina Schädel : « Pour le moment, on n'a pas les financements nécessaires pour répondre à tous les besoins. Les chercheurs doivent aller chercher des bouts de financements ici et là, ce qui ralentit considérablement le travail ».

« Nous avons besoin de projets de recherche plus longs pour pouvoir récolter des données et améliorer les modèles sur le long terme. Avoir des financements plus consistants pour les chercheurs leur permettrait de se concentrer sur leur recherche au lieu de courir après les dollars pour tenter de survivre quelques années de plus », soupire Christina Schädel.

« Il faut environ 10 millions de dollars par modèle »

Développer et améliorer des ESM mobilise en outre de nombreuses compétences et une multitude de domaines de recherches. Il faut des modélisateurs compétents, les ressources informatiques adéquates et l'expertise scientifique. Autant d'éléments qui existent déjà, mais qui nécessitent de trouver plusieurs millions de dollars pour pouvoir embaucher ces chercheurs et leur donner les moyens de développer des modèles, écrivent les auteurs de l'article. « Il faut environ 10 millions de dollars par modèle », compte Christina Schädel.

La fonte du pergélisol peut entraîner des glissements de terrain. Flickr / CC0 1.0 Deed / US Geological Survey

Les moyens nécessaires sont à la hauteur de la complexité de l'objet d'étude. Le pergélisol est constitué de terrains très hétérogènes, difficiles à modéliser. La plupart des modèles actuels prévoient par exemple que les terres s'assèchent après la fonte des glaces qu'ils contiennent, en contradiction avec les observations qui montrent par endroit la survenue d'inondations, voire l'apparition de nouveaux lacs après un dégel. À cette variété de situations s'ajoutent des changements abrupts. La fonte entraîne une érosion, voire des affaissements de terrains, qui ont pour effet d'augmenter de 40 % les émissions de carbone de ce pergélisol, indique l'étude publiée dans Nature Climat Change.

Un sujet majeur pour le prochain rapport du Giec

La structure du pergélisol, la mosaïque de lacs, failles, terrains accidentés, joue sur le gaz qui sort et sur le destin du changement climatique. La plus fine modélisation de ces phénomènes est notamment cruciale pour comprendre en quelle proportion la matière organique de ces sols va se libérer sous forme de CO2 ou de méthane (CH4), gaz au pouvoir réchauffant sur un siècle vingt-huit fois plus important que le CO2.

« On avance pas à pas. Les premiers modèles climatiques, dans les années 1970, représentaient juste l'atmosphère et l'océan, qui était réduit à une sorte de mare profonde. Puis, on a ajouté les surfaces continentales, la végétation… Il manque encore le pergélisol, qui est un sujet majeur pour le prochain rapport du Giec », complète Philippe Bousquet.

De nombreux autres défis attendent d'ici là les modélisateurs. La manière dont les plantes vont davantage pousser avec le dégel du pergélisol ou l'impact des mégafeux sur cette végétation et ces sols font partie des problèmes à ajouter à la liste des interrogations.

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L’extraction de matières premières augmentera de 60 % d’ici à 2060, selon un rapport des Nations unies

6 février 2024, par The Guardian — ,
L'extraction mondiale de matières premières devrait augmenter de 60 % d'ici à 2060, avec des conséquences désastreuses pour le climat et l'environnement, selon une analyse (…)

L'extraction mondiale de matières premières devrait augmenter de 60 % d'ici à 2060, avec des conséquences désastreuses pour le climat et l'environnement, selon une analyse inédite des Nations unies dont le Guardian a eu connaissance.

Larges extraits de cet article du Guardian.

L'extraction des ressources naturelles a augmenté de près de 400 % depuis 1970 en raison de l'industrialisation, de l'urbanisation et de la croissance démographique, selon une présentation du rapport quinquennal Global Resource Outlook des Nations unies faite aux ministres de l'UE la semaine dernière.

L'exploitation des ressources naturelles de la Terre est déjà responsable de 60 % des effets du réchauffement climatique (NDLR, je souligne), y compris le changement d'affectation des sols, de 40 % des effets de la pollution atmosphérique et de plus de 90 % du stress hydrique mondial et de la perte de biodiversité liée aux terres, indique le rapport, qui doit être publié en février.

[…]

Le rapport donne la priorité aux mesures d'équité et de bien-être humain plutôt qu'à la seule croissance du PIB et propose des mesures visant à réduire la demande globale plutôt que de se contenter d'augmenter la production "verte".

Les véhicules électriques, par exemple, utilisent près de 10 fois plus de "matières premières essentielles" que les voitures classiques, et pour parvenir à des émissions nettes nulles dans les transports d'ici 2050, il faudrait multiplier par six l'extraction de minéraux essentiels en l'espace de 15 ans.

L'augmentation du travail à distance, l'amélioration des services locaux et les options de transport à faible émission de carbone telles que les vélos et les trains pourraient être aussi efficaces que l'augmentation de la production de véhicules pour répondre aux besoins de mobilité des personnes, avec des incidences environnementales moins néfastes, selon le rapport.

"La décarbonisation sans découpler la croissance économique et le bien-être de l'utilisation des ressources et des impacts environnementaux n'est pas une réponse convaincante et l'accent actuellement mis sur l'assainissement de l'offre doit être complété par des mesures du côté de la demande ", a déclaré M. Potočnik.

Une grande partie de la crise du logement en Europe pourrait être résolue en faisant un meilleur usage des logements vides, des espaces sous-utilisés et d'une vie plus axée sur la communauté, plutôt qu'en construisant davantage de maisons sur des terrains vierges, selon le document.

Ce type d'"efficacité systémique des ressources" pourrait accroître l'équité et réduire les émissions de gaz à effet de serre de plus de 80 % d'ici à 2060, par rapport aux niveaux actuels. Selon le rapport, les besoins en matériaux et en énergie pour la mobilité pourraient être réduits de plus de 40 % et ceux pour la construction d'environ 30 %.

[…]

Les initiés affirment que l'UE est le groupe de pays développés le plus susceptible de soutenir une telle politique, les États-Unis, le Japon, l'Australie et le Canada étant tous opposés à un tel objectif.

En moyenne, l'empreinte matérielle annuelle des Européens est de 15 tonnes par personne, la Finlande arrivant en tête avec 46 tonnes par habitant et les Pays-Bas en queue de peloton avec 7 tonnes par habitant.

La Finlande produit également le plus de déchets par personne dans l'UE (20 993 kg), tandis que la Croatie en produit le moins (1 483 kg). En 2020, l'empreinte de déchets du citoyen européen moyen était de 4 815 kg.

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L’industrie des combustibles fossiles était au courant du danger climatique dès 1954

6 février 2024, par Olivier Milman — ,
31 janvier 2024 | tiré du site alencontre.org https://alencontre.org/ecologie/lindustrie-des-combustibles-fossiles-etait-au-courant-du-danger-climatique-des-1954.html (…)

31 janvier 2024 | tiré du site alencontre.org
https://alencontre.org/ecologie/lindustrie-des-combustibles-fossiles-etait-au-courant-du-danger-climatique-des-1954.html

L'industrie des combustibles fossiles a financé certaines des recherches les plus fondamentales sur le climat dès 1954, selon des documents récemment mis au jour, notamment les premières recherches de Charles Keeling, célèbre pour la « courbe de Keeling » qui a permis de suivre la progression des niveaux de dioxyde de carbone sur la Terre.

Les documents révèlent qu'une coalition d'intérêts pétroliers et automobiles a versé 13 814 dollars (environ 158 000 dollars en valeur actuelle) en décembre 1954 pour financer les premiers travaux de Charles Keeling sur la mesure des niveaux de CO2 dans l'ouest des Etats-Unis.

Charles Keeling a ensuite établi la mesure continue du CO2 mondial depuis l'observatoire de Mauna Loa, à Hawaï. Cette « courbe de Keeling » (voir graphique ci-dessous) a permis de suivre l'augmentation constante du carbone atmosphérique à l'origine de la crise climatique. Elle a été saluée comme l'un des travaux scientifiques les plus importants des temps modernes.

Les compagnies de combustibles fossiles ont soutenu un groupe, connu sous le nom de Air Pollution Foundation, qui a octroyé des fonds à Charles Keeling pour mesurer le CO2 dans le cadre d'un effort conjoint de recherche sur le smog [brouillard grisâtre urbain lié au mélange de particules fines et d'ozone] qui, à l'époque, sévissait régulièrement à Los Angeles. Ces travaux sont antérieurs à tous les travaux de recherche sur le climat financés par des compagnies pétrolières.

Dans la requête de recherche pour le financement – découverte par Rebecca John, chercheuse au Climate Investigations Center, et publiée par le site web sur le climat DeSmog – le directeur de recherche de Charles Keeling, Samuel Epstein, mentionnait une nouvelle analyse des isotopes du carbone qui pourrait identifier les « changements dans l'atmosphère » causés par la combustion du charbon et du pétrole.

« Les possibles conséquences d'un changement de la concentration de CO2 dans l'atmosphère sur le climat, sur les taux de photosynthèse [des plantes] et sur les niveaux de compensation avec le carbonate des océans pourraient finalement s'avérer d'une importance considérable pour la civilisation », a précisé en novembre 1954 Samuel Epstein, chercheur au California Institute of Technology (Caltech), à la Air Pollution Foundation.

Selon les experts, ces documents montrent que l'industrie des combustibles fossiles a été étroitement associée à la création de la science moderne du climat, ainsi qu'à ses mises en garde contre les graves conséquences du changement climatique. Par la suite, elle a rejeté publiquement cette science pendant des décennies et financé des initiatives continues visant à retarder l'adoption de mesures pour lutter contre la crise climatique.

« Ces documents contiennent la preuve irréfutable qu'en 1954 au plus tard l'industrie des combustibles fossiles savait que ses activités pouvaient perturber le climat de la Terre à une échelle significative pour la civilisation humaine », a déclaré Geoffrey Supran, expert en désinformation historique sur le climat à l'Université de Miami. « Ces résultats confirment de manière saisissante que les grandes sociétés pétrolières ont suivi de près la science climatique universitaire pendant 70 ans – soit deux fois plus que ma vie – et rappellent qu'elles continuent de le faire à ce jour. Ce suivi rend ridicule le déni par l'industrie pétrolière, des décennies plus tard, de la science climatique fondamentale. »

Des enquêtes antérieures portant sur des documents publics et privés ont révélé que les grandes compagnies pétrolières ont passé des décennies à mener leurs propres recherches sur les conséquences de la combustion de leurs hydrocarbures, souvent avec une précision surprenante. Une étude réalisée l'année dernière a révélé que les scientifiques d'Exxon avaient fait des prévisions d'une précision « époustouflante » sur le réchauffement de la planète dans les années 1970 et 1980 .

Les documents récemment découverts montrent maintenant que l'industrie connaissait l'impact potentiel du CO2 sur le climat dès 1954 grâce, notamment, aux travaux de Charles Keeling, un chercheur de Caltech alors âgé de 26 ans qui effectuait un travail de recherche en mesurant les niveaux de CO2 en Californie et dans les eaux de l'océan Pacifique. Rien n'indique que le financement de ces recherches par les compagnies du pétrole et du gaz ait faussé ses résultats de quelque manière que ce soit.

Les résultats de ces travaux allaient conduire le scientifique américain à mener d'autres expériences sur le volcan Mauna Loa, à Hawaï, qui allaient permettre de dresser un état des lieux permanent de la composition du dioxyde de carbone, qui augmente dangereusement dans le monde.

Charles Keeling est décédé en 2005, mais ses travaux fondamentaux sont toujours d'actualité. Actuellement, la teneur en CO2 de l'atmosphère terrestre est de 422 parties par million, soit près d'un tiers de plus que lors de la première mesure effectuée en 1958, et un bond de 50% par rapport aux niveaux préindustriels.

Ce relevé essentiel du principal gaz qui retient la chaleur et qui a poussé les températures mondiales à des niveaux jamais atteints par la civilisation humaine est né, en partie, grâce au soutien de l'Air Pollution Foundation.

Au total, 18 entreprises automobiles, dont Ford, Chrysler et General Motors, ont alloué des fonds à la fondation. D'autres entités, dont des banques et des secteurs du négoce, ont également contribué au financement.

Par ailleurs, une note de 1959 identifie l'American Petroleum Institute (API), le principal organisme de lobbying du pétrole et du gaz aux Etats-Unis, et la Western Oil and Gas Association, aujourd'hui connue sous le nom de Western States Petroleum Association, comme des « contributeurs majeurs au financement de l'Air Pollution Foundation (APF) ». On ne sait pas exactement quand l'API a commencé à financer l'APF, mais elle avait un représentant au sein d'un comité de recherche dès la mi-1955.

Une communication de politique générale de l'Air Pollution Foundation datant de 1955 qualifie le problème de la pollution atmosphérique, causée par les émissions des voitures, des camions et des installations industrielles, de « l'un des plus graves auxquels sont confrontées les zones urbaines de Californie et d'ailleurs ». Elle précise que le problème sera traité par « une recherche diligente et honnête des faits, par une action sage et efficace ».

Les documents mis au jour proviennent des archives de Caltech, des archives nationales américaines, de l'Université de Californie à San Diego et de journaux de Los Angeles des années 1950, et représentent ce qui pourrait être le premier cas où l'industrie des combustibles fossiles est informée des conséquences potentiellement désastreuses de son modèle d'affaires.

Selon Carroll Muffett, directeur général du Center for International Environmental Law, l'industrie pétrolière et gazière s'est d'abord intéressée à la recherche sur le smog et d'autres polluants atmosphériques directs avant de s'intéresser aux effets du changement climatique.

« On en revient toujours à l'industrie pétrolière et gazière, qui était omniprésente dans ce milieu », a-t-il déclaré. « L'industrie n'était pas seulement au courant, mais profondément consciente des implications potentielles de ses produits sur le climat depuis près de 70 ans. »

Selon Carroll Muffett, ces documents donnent un nouvel élan aux efforts déployés dans diverses juridictions pour tenir les entreprises pétrolières et gazières légalement responsables des dommages causés par la crise climatique. « Ces documents parlent d'émissions de CO2 ayant des implications planétaires, ce qui signifie que cette industrie a compris très tôt que la combustion de combustibles fossiles avait des conséquences à l'échelle planétaire. Il existe des preuves accablantes que l'industrie pétrolière et gazière a trompé le public et les régulateurs sur les risques climatiques de leurs activités pendant 70 ans. Il est irresponsable de leur faire confiance pour faire partie des solutions. Nous sommes désormais entrés dans une ère de contrôle et d'exigence de rendre des comptes. »

L'API et Ralph Keeling, le fils de Charles Keeling qui est également scientifique, ont été contactés pour commenter les documents mais n'ont pas répondu. (Article publié par The Guardian le 30 janvier 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)

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Ukraine : « Notre syndicat protège les travailleurs sous la loi martiale »

6 février 2024, par Volodymyr Kozelsky — , ,
Depuis l'agression armée de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, « Ukrzaliznytsia » (Chemins de fer ukrainiens), en tant qu'entreprise d'infrastructure essentielle, assure (…)

Depuis l'agression armée de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, « Ukrzaliznytsia » (Chemins de fer ukrainiens), en tant qu'entreprise d'infrastructure essentielle, assure le transport des passagers et des marchandises 24 heures sur 24. Les employés des chemins de fer contribuent à la capacité de défense de l'État par leur travail héroïque pendant les hostilités et les bombardements.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Avant la guerre, le syndicat VPZU, ainsi que d'autres organisations syndicales opérant dans le secteur ferroviaire ukrainien, négociait constamment avec l'administration d'« Ukrzaliznytsia » pour améliorer les conditions de travail des cheminots et augmenter leurs salaires. En outre, afin de réglementer la protection juridique et sociale des droits du travail des membres du syndicat, les organes élus du VPZU ont formulé des propositions d'actes réglementaires, qui ont ensuite été soumises aux comités compétents du Conseil suprême de l'Ukraine.

La VPZU est membre de l'organe représentatif conjoint des syndicats opérant à « Ukrzaliznytsia » en vue de la signature d'une nouvelle (première) convention collective pour l'entreprise, mais actuellement, en raison de la loi martiale dans le pays, les activités de cet organe ont été suspendues.

De 2014 à 2024, pendant l'agression armée russe, les relations avec un certain nombre d'organisations syndicales de la VPZU dans les régions de Luhansk, Donetsk et Zaporizhzhia et dans la République autonome de Crimée ont été rompues.

Notre syndicat est une organisation indépendante à but non lucratif qui rassemble des citoyens ayant des intérêts communs dans le cadre de leurs activités professionnelles. La VPZU a le statut d'une organisation publique/syndicale à l'échelle de l'Ukraine, organisée sur une base territoriale.

Les unités organisationnelles du syndicat sont les suivantes :
– Les organisations syndicales de base sont des associations volontaires de membres de syndicats qui travaillent dans la même entreprise ;
– les organisations syndicales locales et régionales ;
– les organisations syndicales de base dans les entreprises ferroviaires, les institutions et les organisations avec des subdivisions structurelles distinctes des chemins de fer ;
– les syndicats des entreprises, institutions ou organisations des secteurs du transport, de la construction et du métro ;
– les syndicats de base dans les entreprises, les institutions et les autres secteurs concernés.

La VPZU a confirmé sa représentativité au niveau sectoriel conformément à l'article 5 de la loi ukrainienne sur le dialogue social en Ukraine.

En outre, la VPZU comprend les employés de la société municipale Kyivpastrans (employés du dépôt de trolleybus et du parc d'autobus) à Kyiv, de la société municipale « Zhytomyr Tram et Trolleybus » à Zhytomyr, du « City trolleybus » à Kryvyi Rih, à Kamianske (région de Dnipropetrovsk), de la société municipale « Kharkiv Metro » à Kharkiv, où les travailleurs sont représentés par les organisations syndicales de la VPZU.

La VPZU est une organisation membre de la Confédération des syndicats libres d'Ukraine (KVPU) et coopère par solidarité avec le Syndicat indépendant des mineurs d'Ukraine (IMU), le Syndicat libre de l'éducation et de la science d'Ukraine (VPONU), le Syndicat libre des travailleurs de la santé d'Ukraine (VPMU), et le Syndicat libre des entrepreneurs [petits vendeurs de rue – ndlr] d'Ukraine (VPUU) et d'autres organisations de la confédération KVPU. Cette coopération prend la forme de :

* l'échange d'informations sur l'application de méthodes innovantes
* protection des droits des membres des syndicats en matière d'emploi ;
* des activités syndicales communes pour défendre les droits des membres
* syndicats dont les droits ont été violés par leurs employeurs respectifs ;
* des appels conjoints aux autorités publiques et aux médias sur les relations de travail en Ukraine.

Depuis le 24 février 2022, les organisations syndicales de la VPZU fonctionnent sous la loi martiale, assurant la protection juridique et publique des droits fondamentaux des travailleurs conformément à la législation ukrainienne en vigueur.

La VPZU fournit une assistance humanitaire permanente aux membres du syndicat ou aux citoyens touchés par la loi martiale et la guerre. Les organisations syndicales de la VPZU fournissent également de l'aide aux militaires, notamment de la nourriture, des vêtements chauds, diverses munitions militaires, etc.

C'est actuellement la tâche principale de la VPZU.

À cet égard, la VPZU souhaiterait qu'il soit possible de recevoir toute forme d'aide du mouvement ouvrier international, en fonction de ses ressources et de son budget, pour l'établissement de relations qui pourraient être construites à l'avenir.

Volodymyr Kozelsky, président du syndicat libre des chemins de fer ukrainiens, 12 janvier 2024

https://laboursolidarity.org/fr/europe/n/3021/notre-syndicat-protege-les-travailleurs-sous-la-loi-martiale

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Droit d’asile : enfin la reconnaissance du groupe social des femmes !

La Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) vient de reconnaître, dans un arrêt du 16 janvier 2024, que la violence à l'encontre des femmes fondée sur le genre est une (…)

La Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) vient de reconnaître, dans un arrêt du 16 janvier 2024, que la violence à l'encontre des femmes fondée sur le genre est une forme de persécution pouvant donner lieu en tant que telle à une protection. Il s'agit d'un pas important dans la reconnaissance du caractère structurel des violences faites aux femmes et de leurs droits à être protégées.

Tiré de Entre les lignes et les mots

À l'origine de cet arrêt de la CJUE, une ressortissante turque d'origine kurde, de confession musulmane et divorcée, explique avoir été mariée de force par sa famille, battue et menacée par son époux. Craignant pour sa vie si elle devait retourner en Turquie, elle a demandé l'asile en Bulgarie. Le juge bulgare, saisi de l'affaire, a décidé de poser des questions à la Cour de justice.

La Cour opère une grande avancée pour les femmes qui demandent l'asile. Selon elle, les textes européens doivent être interprétés dans le respect des conventions internationales relatives à la lutte contre les violences faites aux femmes telles que la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (dite « CEDEF ») et la « Convention d'Istanbul ».

Or, la Convention d'Istanbul stipule que la violence à l'égard des femmes fondée sur le genre doit être reconnue comme une forme de persécution permettant l'octroi du statut de réfugié. La Cour relève par ailleurs que le fait d'être de sexe féminin constitue une caractéristique innée et que « il y a lieu de relever, en particulier, que le fait pour des femmes de s'être soustraites à un mariage forcé ou, pour des femmes mariées, d'avoir quitté leurs foyers, peut être considéré comme une « histoire commune qui ne peut être modifiée ».

La Cour indique par ailleurs que les femmes, dans leur ensemble, peuvent être regardées comme appartenant à un groupe social selon la Convention de Genève et bénéficier du statut de réfugié lorsqu'elles sont persécutées en raison de leur genre. C'est le cas si, dans leur pays d'origine, elles sont exposées, en raison de leur sexe, à des violences physiques ou psychologiques, y compris des violences sexuelles et domestiques. Jusqu'à présent, les femmes devaient démontrer appartenir à des groupes sociaux créés par la jurisprudence en France (personnes victimes de la traite des êtres humains, fillettes et jeunes filles risquant l'excision, personnes persécutées du fait de leur orientation sexuelle ou identité de genre, etc.)

Avec cette nouvelle analyse de la CJUE, les femmes victimes de violences et risquant le féminicide ou d'autres formes de violences devraient pouvoir prétendre à l'octroi d'une protection du seul fait d'être une femme, même en l'absence d'autre motif de persécution.

Les instances de l'asile doivent dès maintenant se saisir de cette décision pour accorder une protection aux femmes qui subissent des actes de persécution y compris des pratiques discriminatoires systématiques. Cette décision pourrait également permettre une harmonisation des protections accordées au niveau européen aux femmes victimes de persécutions parce qu'elles sont des femmes. Nos associations resteront particulièrement vigilantes sur l'interprétation qui sera faite de cet arrêt en France et veilleront au respect des droits et l'amélioration de la protection des femmes exilées.

1er février 2024

Signataires :
Les associations du réseau ADFEM (Actions et droit des femmes exilées et migrantes [1])
ARDHIS (Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l'immigration et au séjour)
Centre Primo Levi
GAS (Groupe accueil et solidarité)

[1] La Cimade, Comede (Comité pour la santé des exilés), FASTI (Fédération des associations de solidarité avec tou·te·s les immigré·e·s), Femmes de la Terre, Fédération nationale des CIDFF, FNSF (Fédération nationale solidarité femmes), GISTI (Groupe d'information et de soutien des immigré·e·s), LFID (Ligue des femmes iraniennes pour la démocratie), RAJFIRE (Réseau pour l'autonomie des femmes immigrées et réfugiées)

http://www.gisti.org/spip.php?article7171
https://www.lacimade.org/presse/droit-dasile-enfin-la-reconnaissance-du-groupe-social-des-femmes/

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Oui à l’inscription du droit à l’IVG dans la constitution mais de façon réellement protectrice !

6 février 2024, par collectif « Avortement Europe : les femmes décident » — , ,
Le 24 janvier prochain le projet de loi constitutionnelle « relatif à la liberté de recourir à une interruption volontaire de grossesse » doit passer en première lecture à (…)

Le 24 janvier prochain le projet de loi constitutionnelle « relatif à la liberté de recourir à une interruption volontaire de grossesse » doit passer en première lecture à l'Assemblée nationale.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/01/26/oui-a-linscription-du-droit-a-livg-dans-la-constitution-mais-de-facon-reellement-protectrice/

Les féministes demandent depuis bien longtemps l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution française et, en sus, dans la Charte européenne des droits fondamentaux. Nous nous féliciterons de cette inscription. Après les attaques contre le droit à l'IVG dans de nombreux pays, elle doit établir une protection de ce droit qui peut s'avérer très fragile dans certaines circonstances politiques.

Qu'en est-il de la protection qui nous est proposée au travers du texte gouvernemental ?

Le texte qui sera soumis au vote des deux chambres et du congrès, reprenant à quatre mots près le texte voté au Sénat le 1er février 2023, stipule : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. » Nous dénonçons depuis longtemps le glissement sémantique partant de l'inscription d'un droit dans la Constitution vers l'exercice de la liberté déterminée par la loi, même si l'avis du Conseil d'Etat en date du 16 décembre dernier considère que « la consécration d'un droit à recourir à l'interruption volontaire de grossesse n'aurait pas une portée différente de la proclamation d'une liberté ».

Bien plus, ce futur alinéa 14 de l'article 34 de la Constitution (qui explicite ce qui relève de la loi) énonce qu'il y aura obligatoirement une loi sur le droit à l'avortement mais il ne garantit pas ce que sera le contenu de cette loi. Les régressions du droit à l'IVG par modification de la loi ou de textes réglementaires seront possibles, les moyens pour l'application de ce droit pourront être restreints. Un déremboursement ou une diminution des délais serait par exemple plausible par le biais d'une loi ordinaire.

La formulation de l'Assemblée nationale votée le 24 novembre 2022 édictait : « La loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'interruption volontaire de grossesse. »

Elle nous semble bien plus protectrice et surtout elle aurait été placée à l'article 66 de la Constitution (qui protège les libertés individuelles contre l'arbitraire), dont elle aurait constitué l'alinéa 2, ce qui l'aurait située au même niveau que l'interdiction de la peine de mort. Le droit à l'avortement est un droit fondamental. Les droits des femmes sont fondamentaux pour toute démocratie.

Le contexte politique actuel est marqué par une très forte poussée de l'extrême droite en France et à l'international. Plusieurs événements récents concernant le droit à l'avortement nous alertent.

La loi Gaillot du 2 mars 2022, « visant à renforcer le droit à l'avortement », élargit les compétences des sages femmes à la pratique des IVG instrumentales en établissements de santé, favorisant ainsi l'accès aux soins et le choix des femmes aux différentes techniques. Mais le décret d'application, publié au JO le 17 décembre 2023 (près de deux ans après !), vient contredire la loi car les conditions faites aux sages-femmes, imposant la présence de quatre médecins, leur interdit quasiment tout pratique et pourrait remettre en question celle des médecins en centres de santé et même dans certains établissements hospitaliers.

Le 5 janvier 2024, l'ancienne éphémère ministre de la Santé par intérim, Agnès Firmin Le Bodo, visitait l'institut Jérôme Lejeune, lié à la fondation Jérôme Lejeune, fer de lance, entre autres, du combat contre le droit à l'avortement. Elle allait jusqu'à les féliciter pour leur action.

Dernier événement : lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024, le président Macron annonce sa volonté que son gouvernement mène une politique nataliste.

Ces événements sont de très mauvais signaux pour la défense du droit à l'avortement et pour les droits des femmes en général.

En outre, la nomination de Catherine Vautrin, manifestante contre le mariage homosexuel avec la manif pour tous, opposante en 2017 au vote du délit d'entrave numérique à l'IVG, au ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités n'est pas pour nous rassurer.

Nous serons très vigilantes et continuerons à nous mobiliser pour toutes les solidarités. Nous refusons ces dérives anti démocratiques alignées sur l'extrême droite.

A la veille des élections européennes, l'inscription protectrice du droit à l'avortement et son effectivité dans la Constitution française et dans la Charte européenne des droits fondamentaux doit rester une priorité pour les droits des femmes.

Le collectif Avortement en Europe, les femmes décident
Paris, le 24 janvier 2024
https://www.ldh-france.org/oui-a-linscription-du-droit-a-livg-dans-la-constitution-mais-de-facon-reellement-protectrice/

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Adriana Vieira : « Les solutions à la crise climatique sont dans les territoires »

6 février 2024, par Adriana Vieira, Bianca Pessoa — , ,
Une militante de la MMF au Brésil parle de l'exploitation capitaliste de la nature et des solutions féministes à la crise climatique Tiré de Capiré (…)

Une militante de la MMF au Brésil parle de l'exploitation capitaliste de la nature et des solutions féministes à la crise climatique

Tiré de Capiré
https://capiremov.org/fr/entrevue/adriana-vieira-les-solutions-a-la-crise-climatique-sont-dans-les-territoires/
17/01/2024 |
Interview réalisée par Bianca Pessoa

Adriana Vieira est membre de la Marche Mondiale des Femmes à Rio Grande do Norte, au Brésil. Elle a commencé son activisme dans la communauté rurale où elle vivait, dans la ville de Baraúna, en participant aux activités du Conseil communautaire : « J'ai commencé à participer à un groupe de jeunes qui organisaient la bibliothèque de l'école et, plus tard, à participer à l'union rurale. À partir du travail au syndicat, nous avons commencé à participer à la commission des femmes. C'était au moment de la mobilisation pour la première action internationale de la Marche en 2000. » Adriana a participé à toutes les actions depuis lors : « ma trajectoire de lutte est bien mélangée à celle de la Marche Mondiale des Femmes ».

Au cours de l'interview, Adriana parle de l'exploitation capitaliste de la nature, des impacts de cette exploitation sur la vie des femmes et des nombreuses stratégies des femmes pour défendre leurs territoires et leur biodiversité. Vous pouvez écouter l'interview dans son intégralité en portugais ci-dessous :

Comment voyez-vous la crise climatique au Brésil aujourd'hui, compte tenu des revers des six dernières années de coup d'État et de gouvernements d'extrême droite ? Que faut-il pour changer la relation prédatrice avec la nature ?

En fait, ce que nous voyons, ce sont des nomenclatures — « crise climatique », « crise environnementale », « urgence climatique » — pour quelque chose que nous devrions donner d'autres noms : exploitation du capitalisme, exploitation de la nature et exploitation de la vie et des biens communs. En d'autres termes, il est beaucoup plus compréhensible de comprendre ce que signifie cette crise climatique. Cela a à voir avec une crise du capitalisme, qui a besoin de profiter davantage, il a donc besoin de créer des noms et même de créer les crises elles-mêmes.

Au Brésil, au cours des six dernières années, il y a eu une très grande cession de la nature, avec une privatisation des biens communs, qu'il s'agisse de la forêt, de l'eau — y compris celles qui sont souterraines — et des services d'eau et d'énergie. L'énergie solaire et éolienne est considérée comme une énergie propre, renouvelable et écologique, mais si nous allons la considérer du point de vue de la vie des personnes qui se trouvent sur les territoires où elles sont déployées, ce n'est rien de tel. Certaines installations représentent la mort de la biodiversité locale. C'est aussi une destruction de la culture et des connaissances, car il y a une expulsion des populations de ces lieux, y compris avec beaucoup de militarisation. Les gens ne peuvent pas se déplacer librement, ils ne peuvent pas élever des poulets, ils ne peuvent pas élever des moutons. Il y a une très grande destruction dans l'environnement, en particulier dans les environs où ces énergies peintes en vert sont installées.

D'autres problèmes liés au climat sont, par exemple, la création de parcs de conservation, qui perturbent souvent aussi la vie locale. Pendant longtemps, les populations traditionnelles, autochtones, quilombola, riveraines et agricoles familiales ont pris soin de la nature. Même avec la destruction impulsée par le capitalisme, la nature n'est maintenue telle qu'elle est maintenue que parce qu'il y a un très grand soin apporté par ces populations. Elles prennent soin du sol quand elles vont chercher les graines, s'inquiétant de ne pas les prendre toutes, laissant un peu de graines car la forêt a besoin de rajeunir, elle a besoin de renaître. Lorsqu'elles vont chercher le miel des abeilles, les femmes n'emportent pas tout, car elles considèrent que les abeilles ont besoin de se nourrir, et qu'il est important pour elles de perpétuer la biodiversité locale — y compris, à certains endroits, de replanter des plantes que l'énergie éolienne a détruit. Dans certaines plantations de caatinga, les femmes replantent pour que les abeilles puissent polliniser et augmenter la production de miel. Il ne s'agit pas seulement de nourrir les femmes, d'obtenir le miel pour soi-même, mais de garder les abeilles en vie.

Qu'ont enseigné les femmes populaires des mouvements et des territoires sur la coexistence avec la nature et la nécessité d'une transition juste ?

Récemment, nous sommes allées faire une activité dans un groupe de femmes apicultrices, là-bas à Baraúna, qui est ma ville, et nous avons commencé à parler de l'histoire des femmes et des groupes, et aussi de l'histoire des abeilles. Nous avons vu qu'il y a une très grande analogie entre la lutte et la vie des femmes et la vie des abeilles. L'un des compagnes dit que nous sommes comme des abeilles : si l'on dérange une, on dérange toutes. Dans cette analogie, il y a aussi un antagonisme qui est complémentaire, car les abeilles n'aiment pas le bruit, le « vacarme » les rend désorganisées au travail, car elles ont leur propre langage. Les abeilles ont donc besoin de silence pour travailler et maintenir la biodiversité. Nous, les femmes, d'un autre côté, avons besoin de bruit et d'agitation pour que la vie continue, pour nous garder en vie. Nous, les femmes, devons toujours être alertes, toujours bruyantes, toujours faire entendre notre voix.

Nous faisons partie de cette biodiversité et, par conséquent, il est très important que nous restions en vie, protégées de la violence patriarcale et aussi de la violence du capitalisme, qui nous expulse, nous tue, nous impose une charge de travail domestique si importante qu'elle gâche notre santé et raccourcit notre vie.

La nature a la capacité de nous apprendre, que ce soit des abeilles, que ce soit d'une plante, le temps qui se ferme, le soleil qui se lève plus tôt. Il y a aussi la capacité que nous, les femmes, développons en observant la nature et en apprenant d'elle. Cet apprentissage crée une possibilité de prendre soin de la nature, car la nature et la biodiversité prennent soin de nous.

Il existe plusieurs initiatives institutionnelles internationales qui promeuvent de fausses solutions pour le climat et garantissent le protagonisme des grandes entreprises. Comment faire face à cette situation ? Si ce n'est pas de cette façon, alors de quelle manière ?

Nous, dans les mouvements, ne tomberons pas dans cette erreur de croire que les solutions sont dans les grandes entreprises. Il est de notre devoir de faire comprendre à la société que la solution à cette crise climatique ne réside pas dans les grandes entreprises, l'agro-industrie ou le capitalisme. Nous voyons des catastrophes majeures liées à la présence de ces entreprises dans divers endroits : à Brumadinho, à Alagoas, dans le nord-est avec l'énergie éolienne. Les grandes entreprises détruisent parce qu'elles n'habitent pas sur place, elles ne s'inquiètent pas si elles ne vont pas bien respirer, si le bruit de la tour éolienne va vous déranger quand vous allez dormir, ou si la lumière ne va pas vous permettre de vous concentrer.

Les solutions se trouvent en fait dans les territoires, soit avec les femmes qui y produisent du miel à Baraúna, à Mossoró, soit avec les femmes qui organisent les cuisines communautaires – ce qui implique toute la question du jardin communautaire, de la plantation de l'agriculture familiale pour se nourrir, tout en socialisant le travail de soin. Pour nous à la Marche Mondiale des Femmes, la solution est de se concentrer sur les territoires.

Avec quels agendas et stratégies féministes devrions-nous entrer dans 2024 ? Comment pouvons-nous renforcer le féminisme populaire, la justice environnementale et la souveraineté alimentaire dans notre région et dans le monde ?

Nous devons examiner ce que nous avons construit sur la Marche des Margaridas au cours des deux dernières années. Nous avons construit un excellent processus à partir des territoires. Les femmes se sont penchées sur leurs territoires, réalisant ce que signifie vivre sans violence, ce que signifie avoir la souveraineté alimentaire — qu'il ne s'agit pas seulement de sécurité alimentaire, ce n'est pas seulement le droit de manger, mais c'est même le droit de choisir quoi manger et le droit de choisir de manger sans poison. Si nous regardons quel est le programme de la Marche des Margaridas, nous avons un bon indicatif non seulement pour 2024, mais à long terme. Nous discutons de la souveraineté alimentaire, de la protection des territoires contre les énergies renouvelables, de l'exploitation minière, de l'imposition de crédits carbone qui finissent par installer des parcs de conservation qui sont des musées d'arbres pour l'appropriation du carbone. Les femmes ont les réponses qu'elles ont elles-mêmes construites et discutées dans les 27 États du Brésil.

Ce programme indique également des reproductions possibles de ces idées et inspirations dans le monde. Nous avons, par exemple, une production plus proche de chez nous, non pas parce que les femmes doivent s'occuper du travail domestique et en même temps de la production, mais parce que beaucoup n'ont pas de terre à planter sans être autour de la maison. Cette politique d'arrière-cours productives ici au Brésil est une bonne politique à mettre en œuvre dans d'autres endroits où il n'y a pas une grande étendue de terres. Il y a aussi le programme de semences créoles, dont nous nous occupons pour qu'elles s'adaptent au sol et restent vivantes tout au long des cultures.

D'un point de vue économique, certaines initiatives d'approvisionnement des gouvernements locaux qui favorisent l'agroécologie et qui privilégient l'agriculture familiale peuvent être une bonne inspiration pour d'autres endroits dans le monde. Partout, les gouvernements doivent acheter, et il y a de l'agriculture familiale et de l'agroécologie partout aussi. Relier cette demande du gouvernement à ce qui est fait depuis les territoires est un bon programme, qui construit la possibilité d'une bonne vie, de la durabilité de la vie à partir de l'alimentation et de l'agroécologie, et qui doit également être lié au débat sur la protection des femmes contre la violence du capital et du patriarcat.

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Faisons du sexisme de l’histoire ancienne

Pour la journée nationale officielle contre le sexisme, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) publie son 6ème rapport annuel sur l'état du sexisme en (…)

Pour la journée nationale officielle contre le sexisme, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) publie son 6ème rapport annuel sur l'état du sexisme en France et lance une nouvelle campagne de sensibilisation : « Faisons du sexisme de l'histoire ancienne ».

Tiré de Entre les lignes et les mots

70% des femmes estiment ne pas avoir reçu le même traitement que leurs frères dans la vie de famille, près de la moitié des 25-34 ans pense que c'est également le cas à l'école et 92% des vidéos pour enfants contiennent des stéréotypes genrés.

Parallèlement à la publication du rapport annuel, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes lance une nouvelle campagne de sensibilisation : « Faisons du sexisme de l'histoire ancienne ».

L'objectif est de sensibiliser l'opinion publique et les pouvoirs publics à la nécessité de lutter contre le sexisme.

Télécharger le rapport 2024 :rapport-hce

https://amicaledunid.org/actualites/le-haut-conseil-a-legalite-entre-les-femmes-et-les-hommes-hce-publie-son-6eme-rapport-annuel-sur-letat-du-sexisme-en-france/

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Les démocraties à l’épreuve de l’intelligence artificielle

6 février 2024, par Claire Carrard — ,
Chaque semaine, “Courrier international” explique ses choix éditoriaux. Près de 3,7 milliards de personnes sont appelées aux urnes cette année. Dans ce numéro, nous revenons (…)

Chaque semaine, “Courrier international” explique ses choix éditoriaux. Près de 3,7 milliards de personnes sont appelées aux urnes cette année. Dans ce numéro, nous revenons sur les risques qui pèsent sur les élections organisées partout dans le monde en 2024. Vidéos truquées, images manipulées, faux enregistrements… Les deepfakes sont désormais accessibles à tous et pourraient déstabiliser les régimes démocratiques en influençant les votes, s'inquiète la presse étrangère.

32 janvier 2024 | tiré du Courrier international

Un faux enregistrement de Joe Biden appelant les électeurs à ne pas aller voter lors de la primaire du New Hampshire le 23 janvier aux États-Unis ; l'ex-dictateur Suharto ressuscité le temps d'une vidéo pour appeler à voter pour son parti, le Golkar, lors des élections générales du 14 février en Indonésie ; un ministre indien en exercice appelant à voter contre le gouvernement, là encore dans une vidéo contrefaite…

En 2024, la liste des tentatives de manipulation de l'opinion risque de s'allonger chaque jour un peu plus. Près de la moitié de la population mondiale est en effet appelée à voter, soit 3,7 milliards de personnes dans 70 pays, selon le décompte du magazine Foreign Policy, parmi lesquels le plus peuplé (l'Inde), le plus grand bloc commercial (l'Union européenne), le plus grand pays musulman (l'Indonésie), le plus grand pays hispanophone (le Mexique) et la plus grande puissance du monde (les États-Unis).

En 2016, année du Brexit et de l'élection de Donald Trump aux États-Unis, il avait déjà été fortement question de désinformation et d'influence des réseaux sociaux (avec les fermes de trolls russes, notamment) dans les campagnes électorales. Cette fois, les possibilités de manipulation sont démultipliées en raison du développement accéléré de l'intelligence artificielle générative, explique le Financial Times dans l'article qui ouvre notre dossier.

Lire aussi : Élections. IA et désinformation, le cocktail explosif à l'assaut de nos démocraties

“Jusqu'à cette année, les répercussions de l'IA sur les élections suscitaient des inquiétudes exagérées. Mais à présent les choses s'emballent à une vitesse que ¬personne n'aurait imaginée”, explique un expert au quotidien britannique. Pour son article, très complet, Hannah Murphy a interrogé de nombreux experts – en intelligence artificielle, en désinformation –, des responsables d'ONG…, et ses conclusions font frémir.

Pourquoi ? Parce que la manipulation est désormais à la portée de tous. “L'avènement de l'IA générative, écrit la journaliste, avec ses outils multimodaux qui mêlent texte, image, audio et vidéo, change radicalement la donne : il est aujourd'hui à la portée du premier venu, ou presque, de créer de faux contenus et de les faire passer pour vrais.”

Lire aussi : Élections. Au Danemark, un parti politique entièrement piloté par une intelligence artificielle

Et cela alors que les contre-feux technologiques, éthiques et juridiques sont loin d'être au point. En décembre, l'Union européenne avait pourtant marqué les esprits dans sa volonté d'encadrer l'intelligence artificielle : le Parlement européen et le Conseil de l'UE étaient parvenus à s'accorder sur l'AI Act, un texte jugé par The Washington Post comme “le plus ambitieux du monde”.

Vendredi 2 février, les pays membres de l'UE doivent se prononcer sur la ratification du texte. Mais tout porte à croire qu'elle sera retardée, et son application pas envisagée avant 2026. Un constat d'impuissance, selon The New York Times, pour qui “les législateurs et les autorités de régulation à Bruxelles, à Washington et ailleurs sont en train de perdre la bataille pour réglementer l'IA”, car ils ne parviennent pas à suivre l'évolution rapide de la technologie.

Lire aussi : Régulation. L'Europe fait sa loi pour tenter d'exister dans le domaine de l'IA

Les plateformes sociales sont elles aussi dépassées Sous pression, et sommés par les autorités de mettre en place des garde-fous pour lutter contre les deepfakes, Facebook, YouTube, TikTok, X (anciennement Twitter) et consorts “sont souvent moins bien armés que lors des précédentes grandes élections”, explique encore le Financial Times, notamment pour des raisons économiques (avec des réductions des coûts un peu partout dans les équipes chargées de la sécurité et de la modération). Mais pas seulement. Aujourd'hui, “la vérification des contenus et la lutte contre la désinformation se politisent”. Alimentant encore la défiance des citoyens envers les institutions.

À la veille d'une année électorale particulièrement chargée, il nous paraissait important d'apporter un éclairage sur des pratiques que l'on risque de retrouver dans les mois à venir et qui pourraient largement influencer les résultats, brouillant un peu plus le jeu démocratique. “Il existe une lueur d'espoir, veut pourtant croire Hannah Murphy : cette crise pourrait pousser les électeurs à se détourner des réseaux sociaux pour, de nouveau, aller chercher leurs informations auprès des institutions traditionnelles.”

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Procédure lancée par l’Afrique du Sud contre Israël : un appel à se libérer de l’Occident impérial

6 février 2024, par Tony Karon — , , ,
L'Afrique du Sud ne conteste pas seulement la guerre génocidaire menée par Israël contre les Palestinien·nes de Gaza ; elle tente de briser l'emprise de l'hégémonie (…)

L'Afrique du Sud ne conteste pas seulement la guerre génocidaire menée par Israël contre les Palestinien·nes de Gaza ; elle tente de briser l'emprise de l'hégémonie états-unienne. C'est ce que montre Tony Karon dans un article d'abord publié en anglais par The Nation.

17 janvier 2024 | tiré de contretemps.eu

Malheureusement pour les Palestinien·nes qui souffrent depuis longtemps, la « nécessité » de la violence organisée au service du massacre de civil·es par milliers est une affaire de point de vue. Et Israël fait le pari que sa guerre contre Gaza est conforme à ce qui est jugé acceptable dans les coulisses du pouvoir de l'Occident impérial, où des termes comme « dommages collatéraux » aseptisent la version actuelle des massacres de l'ère coloniale de personnes de couleur dans le cadre de campagnes de « pacification ».

La brutalité « nécessaire » est un principe séculaire dans la poursuite et le maintien du pouvoir occidental, qu'il s'agisse de colonisateurs européens, de colons américains décimant les populations autochtones, de l'armée états-unienne anéantissant les Vietnamiens, d'Afghans ou d'Irakiens contraints de se plier à la volonté de Washington, ou de la secrétaire d'État de l'époque, Condoleezza Rice, disant au Liban de se résigner à la mort et à la destruction massives provoquées par l'invasion israélienne de 2006 alors présentée comme « affres de la mise au monde d'un nouveau Moyen-Orient ».

L'idéologue patenté de la puissance occidentale, Samuel P. Huntington, théoricien du « choc des civilisations » ne dit pas autre chose, d'ailleurs :

« L'Occident ne doit pas sa conquête du monde à la supériorité de ses idées, de ses valeurs ou de sa religion (à laquelle peu de membres d'autres civilisations ont été convertis), mais plutôt à sa supériorité dans l'application de la violence organisée. C'est un fait que les Occidentaux oublient souvent ; les non-Occidentaux, eux, jamais. »

Vladimir Ze'ev Jabotinsky, fondateur du mouvement sioniste révisionniste, mouvement devenu hégémonique dans la politique israélienne pendant la majeure partie des cinq dernières décennies [depuis l'accession au pouvoir de Menahem Beging et du Likoud en 1977], semblait bien conscient de l'argument avancé par Huntington un demi-siècle plus tard. L'influent pamphlet de Jabotinsky de 1923, Le mur de fer, était un appel aux armes dépourvu de toute sensiblerie, adressé à ceux qui visaient l'édification et la perpétuation d'un État ethnique juif en Palestine :

« Nous cherchons à coloniser un pays contre la volonté de sa population, en d'autres termes, par la force. Voilà la racine dont proviennent toutes sortes d'incidences néfastes avec une inévitabilité axiomatique ».

La violence qu'Israël déchaîne est du même type que celle qui a fait de l'Occident la force dominante du système international. Et c'est l'ancrage d'Israël dans un ordre colonial occidental qui est utilisé pour justifier la sauvagerie qui s'abat sur Gaza. La violence, regrettable mais nécessaire pour défendre les frontières de la « civilisation » contre la « barbarie », est un vieux principe des puissances occidentales. Et c'est en vertu de ce principe qu'Israël exige un soutien à sa campagne à Gaza.

Selon le New York Times, au cours d'échanges diplomatiques et dans des déclarations publiques, les responsables israéliens « ont cité les actions militaires occidentales passées en zones urbaines, depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu'aux guerres contre le terrorisme qui ont suivi le 11 septembre… pour aider à justifier une campagne contre le Hamas qui coûte la vie à des milliers de Palestiniens ».

Mais l'accusation de génocide portée par l'Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice (CIJ) dans l'espoir de mettre un terme à l'opération militaire d'Israël rappelle l'observation de Huntington selon laquelle les non-Occidentaux n'ont jamais oublié comment l'Occident a été créé et ne sont pas non plus disposés à accepter ses prérogatives. De nombreux pays du Sud voient dans la violence d'Israël un écho de leur propre brutalisation et humiliation historiques aux mains de la puissance occidentale.

L'Afrique du Sud ne se contente pas d'affronter Israël ; elle met en cause, de fait, les États-Unis, principal soutien d'Israël, qui bloquent agressivement toute tentative d'obliger Israël à rendre des comptes au regard du droit international. En saisissant la CIJ, l'Afrique du Sud dit au monde qu'on ne peut pas faire confiance aux États-Unis et à leurs alliés pour mettre un terme à la campagne génocidaire d'Israël.

Le régime d'apartheid de l'Afrique du Sud a été l'âme sœur idéologique et l'allié le plus proche d'Israël ; l'Afrique du Sud post-apartheid honore désormais l'obligation morale énoncée par Nelson Mandela, de ne pas trouver le repos tant que la Palestine ne sera pas libre. Son action implique également l'héritage de la responsabilité morale de conduire la société civile mondiale à agir contre l'apartheid, responsabilité qui découle de sa propre expérience de lutte soutenue par la solidarité internationale.

Les millions de personnes qui défilent dans les rues du monde entier nous disent qu'une grande partie de la société civile est aux côtés des Palestiniens. Pourtant, la plupart des gouvernements qui ne soutiennent pas directement les agissements criminels d'Israël n'ont pas agi. Il n'est pas difficile de comprendre pourquoi. Israël bombarde et affame les civils, détruisant délibérément leurs moyens de survie. Et il agit avec la certitude inébranlable que les munitions états-uniennes qu'il largue sur les mères et les enfants de Gaza continueront d'affluer tandis que Washington assurera une couverture politique. L'Afrique du Sud a tenté de briser la passivité imposée par les États-Unis, offrant un exemple d'action indépendante du Sud pour mettre fin aux crimes de guerre approuvés par l'Occident.

Lorsque Mandela, libéré de prison en 1990, a été mis en cause aux États-Unis pour ses relations avec Yasser Arafat, leader de l'Organisation de libération de la Palestine, il a poliment mais fermement fait comprendre à l'establishment américain que « vos ennemis ne sont pas nos ennemis », principe de non-alignement que ses héritiers poursuivent aujourd'hui.

Bien sûr, il y a toujours eu des limites à la capacité des gouvernements du Tiers monde à s'opposer aux États-Unis et à l'Europe, la principale étant le rôle central joué par les marchés financiers mondiaux contrôlés par l'Occident dans la capacité de ces gouvernements à gouverner. L'économie mondiale grotesquement inégale créée par le pillage colonial de l'Occident a été maintenue, après la décolonisation politique, sous la forme de relations codifiées de propriété privée qui ont essentiellement donné aux États-Unis et à l'Europe un droit de veto sur l'indépendance politique des anciennes colonies. Aujourd'hui encore, nous constatons que l'Égypte subit des pressions pour accueillir des dizaines de milliers de réfugiés palestiniens victimes du nettoyage ethnique de Gaza, en échange de l'annulation de 160 milliards de dollars de sa dette nationale.

Malgré sa position subordonnée dans le système financier mondial, l'Afrique du Sud a commencé à résister aux exigences géopolitiques des États-Unis, en refusant notamment, de concert avec la plupart des pays du Sud, de prendre le parti de l'OTAN dans la guerre en Ukraine. Cela peut refléter le déclin de la puissance étatsunienne par rapport aux autres et l'indépendance économique croissante des puissances moyennes. Mais l'action de l'Afrique du Sud devant la CIJ constitue un nouveau défi géopolitique pour les États-Unis. Parce qu'en accusant Israël de génocide, inévitablement, même si de manière implicite, ce sont les États-Unis que l'on accuse de complicité.

Le corollaire de la remarque de Huntington sur la mémoire non-occidentale renvoie aussi à une histoire de moments de violence organisée par des peuples non occidentaux dont les succès contre des puissances occidentales prétendument invincibles ont parfois inspiré une résistance dans l'ensemble du Sud. Pankaj Mishra a mis en lumière ce type de dynamique dans l'impact de la défaite infligée par le Japon à la Russie impériale en 1905 sur des intellectuels allant de Sun Yat-Sen à Jawaharlal Nehru, en passant par Mustafa Kemal Ataturk et W.E.B. Du Bois : « Ils ont tous tiré la même leçon de la victoire du Japon : les hommes blancs, conquérants du monde, n'étaient plus invincibles ».

Un frisson d'inspiration comparable a parcouru l'ensemble du Sud lorsque les révolutionnaires vietnamiens ont vaincu l'armée coloniale française à Dien Bien Phu en 1954. Et de nouveau lorsqu'ils ont vaincu les États-Unis qui avaient remplacé la France. Ou encore lorsque des révolutionnaires cubains ont éjecté un dictateur soutenu par les États-Unis et repoussé les tentatives de restauration de l'ancien régime.

La génération sud-africaine qui a mené le soulèvement de Soweto en 1976 contre le gouvernement de l'apartheid a été enhardie par le spectacle, quelques mois plus tôt, de l'armée prétendument invincible de Pretoria contrainte de battre en retraite de l'Angola par les forces cubaines et celles du MPLA [Mouvement pour la Libération de l'Angola]. La victoire du Hezbollah en 1999, après 15 ans de guérilla pour forcer le retrait d'Israël du Sud-Liban, de la même manière, a été source d'inspiration pour les Palestiniens et leurs voisins. Et ainsi de suite.

Beaucoup noteront que si Israël a pulvérisé une grande partie de Gaza et continue de tuer des centaines de civils chaque jour, il ne parvient pas à détruire la capacité de combat du Hamas. « Le scepticisme grandit quant à la capacité d'Israël à démanteler le Hamas », a averti le New York Times. Loin de marginaliser le Hamas, les actions d'Israël ont rendu le mouvement plus populaire que jamais parmi les Palestiniens et dans toute la région arabe, tout en affaiblissant les dirigeants alignés sur Israël et les États-Unis.

Le militant de la société civile palestinienne Fadi Quran a récemment affirmé que l'offensive d'Israël diminuait en fait son image « dissuasive » : « Nous avons constaté un changement radical dans la perception moyenne de l'armée israélienne dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Auparavant, elle était considérée comme une force sophistiquée et dissuasive avec laquelle il fallait compter, et dont la suprématie était inébranlable », écrit-il. « Aujourd'hui, elle est perçue comme extrêmement faible et fragile. Plus précisément, la perspective actuelle est qu'elle serait facilement vaincue si elle ne bénéficiait pas du soutien illimité des États-Unis.

La dépendance d'Israël à l'égard des bombardements aériens et du pilonnage des centres urbains est perçue comme la tactique la plus lâche d'une armée qui a peur du face à face avec une milice qui est dix fois moins nombreuse qu'elle, qui dispose d'un pour cent de ses ressources et qui est assiégée depuis dix-sept ans. Les incursions terrestres d'Israël se font à travers des chars fortifiés après des bombardements aériens et d'artillerie massifs, mais sans parvenir à tenir efficacement ses positions ».

Les tactiques israéliennes de punition collective ainsi que l'ampleur et la nature de la violence que les puissances occidentales sont prêtes à tolérer contre un peuple captif et colonisé à Gaza rappellent également aux anciens peuples colonisés et à leurs descendants comment l'Occident a été créé.

Israël s'attend à être compris dans les capitales occidentales en raison des traditions de « violence nécessaire » de la domination impériale occidentale, ce qui laisse entendre qu'il pourrait être antisémite de refuser à Israël le droit de se comporter, au début du 21e siècle, comme l'ont fait les puissances européennes et les États-Unis aux 19e et 20e siècles.

Il convient ici de rappeler une observation de feu l'historien britannique Tony Judt sur les conséquences de l'arrivée tardive d'Israël dans le jeu de la colonisation :

« En bref, le problème d'Israël n'est pas, comme on le laisse parfois entendre, qu'il s'agit d'une « enclave » européenne dans le monde arabe, mais plutôt qu'il est arrivé trop tard. Il a importé un projet séparatiste caractéristique de la fin du19e siècle dans un monde qui a évolué, un monde de droits individuels, de frontières ouvertes et de droit international. L'idée même d'un « État juif » – un État dans lequel les Juifs et la religion juive jouissent de privilèges exclusifs dont les citoyens non juifs sont à jamais exclus – est enracinée dans un autre temps et un autre lieu. En bref, Israël est un anachronisme ».

L'historien Adam Tooze, dans sa chronique au Financial Times, ajoute quant à lui :

« Les Israéliens sont le dernier groupe d'Européens (en majorité) à se lancer dans l'accaparement de terres non-européennes, justifiée dans leur mission par la théologie, la revendication d'une supériorité civilisationnelle et le nationalisme. Bien sûr, les accaparements de terres se poursuivent partout dans le monde, tout le temps. Mais, à l'heure actuelle, le projet israélien s'affirme comme version particulièrement cohérente et assumée d'idéologie de colonialisme de peuplement « classique » ».

Israël mène donc une guerre coloniale classique de pacification d'une population autochtone qui résiste à la colonisation, au moment même où une grande partie de la population mondiale présente la facture de siècles de violence et d'asservissement occidentaux, et demande justice et la réorganisation des rapports de force au niveau mondial. La défense de la Palestine est devenue l'emblème de cette lutte globale pour un autre gouvernement des affaires du monde.

Gaza a mis à nu l'hypocrisie fondamentale de « l'ordre international fondé sur des règles » de Biden – un système hypocrite qui légitime et permet la violence contre les Palestiniens colonisés et les violations systématiques du droit international par Israël. La campagne militaire d'Israël et son système d'apartheid peuvent être tolérés par les puissances occidentales, mais ils sont intolérables pour les citoyens du Sud.

Dans sa période de domination unipolaire de l'après-guerre froide, Washington a exigé le contrôle exclusif du dossier israélo-palestinien contre la communauté internationale. Le résultat a été un « processus de paix » dans lequel Israël a étendu et approfondi sans relâche son occupation d'apartheid, tandis que les responsables américains ont fermé toute discussion sur la limitation d'Israël en entonnant des mantras vides d'une « solution à deux États » qui pourrait être mise en péril si Israël était contraint de se conformer au droit international. Ce moment est révolu.

Par le biais de la procédure engagée devant la CIJ, l'Afrique du Sud envoie un message selon lequel accepter le leadership des États-Unis sur les affaires mondiales signifie accepter le massacre de dizaines de milliers de Palestiniens et le nettoyage ethnique de centaines de milliers d'autres.

Les États-Unis s'opposent agressivement à des initiatives telles que la plainte déposée par l'Afrique du Sud devant la CIJ, tout comme ils opposent systématiquement leur veto à tout effort du Conseil de sécurité des Nations unies visant à limiter les violations systématiques du droit international par Israël. L'action en justice de l'Afrique du Sud rompt l'emprise de l'hégémonie américaine qui paralyse une grande partie de la communauté mondiale et l'empêche de prendre des mesures pour demander des comptes aux génocidaires. C'est un appel au Sud pour qu'il défie les limites à la participation internationale fixées par Washington. Si les pays du Sud veulent que le bain de sang et le nettoyage ethnique cessent, ils ne peuvent pas compter sur le complice américain d'Israël pour y parvenir.

L'occasion pour déclencher ce défi géopolitique peut être l'urgence cataclysmique de mettre fin aux crimes d'Israël, mais qu'elle réussisse ou non, l'affaire de la CIJ peut marquer un nouveau chapitre dans la remise en cause de l'hégémonie américaine et d'un monde géré selon des règles qui légitiment les crimes de guerre commis par les États-Unis ou leurs alliés.

Argentine. Les classes populaires engagent une première mobilisation nationale face aux macro-diktats du gouvernement Milei

6 février 2024, par Fabian Kovacic — , ,
Lorsque les centaines de milliers de personnes – selon les estimations des organisateurs de la grève – sont arrivées en colonne sur la Plaza de los Dos Congresos (Buenos Aires) (…)

Lorsque les centaines de milliers de personnes – selon les estimations des organisateurs de la grève – sont arrivées en colonne sur la Plaza de los Dos Congresos (Buenos Aires) mercredi 24 janvier à midi pour protester contre la loi dite Omnibus, les député·e·s pro-gouvernement Milei avaient déjà obtenu, aux premières heures de la matinée, un feu vert pour traiter le projet de méga-décret [intégrant plus de 600 mesures dans tous les secteurs].

27 janvier 2024 | tiré du site alencontre.org
https://alencontre.org/ameriques/amelat/argentine/argentine-les-classes-populaires-engagent-une-premiere-mobilisation-nationale-face-aux-macro-diktats-du-gouvernement-milei.html

Appelée par la CGT (Confederación General del Trabajo de la República Argentina), la Central de Trabajadores de la Argentina (CTA) et l'Unión de Trabajadores de la Economía Popular, et soutenue par des organisations sociales, culturelles et de défense des droits de l'homme, des partis de gauche et le parti péroniste Unión por la Patria (UP), la grève nationale a rassemblé 400 000 personnes dans les rues de la seule ville de Buenos Aires. La mobilisation s'est développée dans toutes les capitales provinciales et a même été soutenue et répercutée par des organisations sociales et syndicales d'autres pays, qui ont manifesté devant les ambassades argentines contre le projet de loi « Omnibus ».

La décision majoritaire obtenue aux premières heures de la matinée de mercredi, lors de la session plénière, conjointe, des trois commissions de l'assemblée : Legislación General, Asuntos Constitucionales et Presupuesto (budget), obtenait 55 voix, dont 21 en désaccord partiel. Ont levé la main en faveur de l'examen de la loi « Omnibus » 18 élu·e·s de La Libertad Avanza (Milei), 17 du PRO-Propuesta Republicana (Mauricio Macri), huit de l'Union Civique Radicale-UCR, sept de Innovación Federal et Hacemos Coalición Federal – deux groupes parlementaires qui comprennent des Macristas dissidents, des péronistes dissidents et la Coalición Cívica d'Elisa Carrió [députée depuis 1995, d'abord sous la bannière de l'UCR et depuis 2009 de la Coalition civique, après avoir été liée à divers partis] –, et une voix du député Agustín Fernández, de l'UP-Union por la Patria. Après le vote, Agustín Fernández a annoncé que lui et deux autres députés UP [Gladys del Valle Medina et Elia Fernández de Mansilla] de la provice de Tucumán [située dans le nord-ouest] quittaient le banc de la majorité péroniste pour créer le bloc Independencia, à la demande du gouverneur de Tucumán, Osvaldo Jaldo. Une perte importante pour le péronisme, qui vient de perdre le gouvernement.

Il reste maintenant à débattre en séance plénière de la Chambre des députés à partir de mardi 30 janvier. A la Casa Rosada [présidence], on spécule sur le fait que deux séances marathon, jusqu'aux petites heures du matin, suffiront à transformer en loi le nouveau credo libertarien composé de 664 articles. A priori, les votes semblent favorables au parti au pouvoir, qui vient de former une sorte de coalition parlementaire sur laquelle il peut s'appuyer [Libertad Avanza dispose de 35 députés sur 257 et de 7 sénateurs sur 72, ce qui exige des accords pour coalition].

Aux 400 000 personnes mobilisées dans la capitale, la CGT estime en ajouter un million dans des villes comme Córdoba, Santa Fe, Rosario, La Rioja, Mendoza, San Juan, San Miguel de Tucumán, Paraná, Viedma, Bariloche, Río Gallegos, Neuquén, Salta, Posadas et Resistencia, entre autres. Bien que les chiffres soient difficiles à vérifier, les images de la télévision et des médias sociaux ont révélé la dimension du mécontentement à l'égard du projet de loi « Omnibus » dans ces villes du pays. [1]

Alors que le porte-parole du gouvernement, Manuel Adorni, et la ministre de la Sécurité, Patricia Bullrich [qui avait réuni 23,81% des suffrages à l'élection présidentielle sur la liste Juntos por el Cambio et qui a rallié Milei pour le 2etour], ont minimisé l'ampleur de la grève nationale, les principaux dirigeants syndicaux, tels que Pablo Moyano et Héctor Daer, tous deux de la CGT, ont considéré la mobilisation comme « un triomphe » et ont demandé aux élus nationaux « de ne pas se laisser influencer lors du vote à l'Assemblée » et de « respecter la volonté du peuple qui a voté pour eux ».

Depuis le retour de la démocratie [en 1983], 43 grèves nationales ont eu lieu, mais celle du mercredi 24 janvier est devenue l'épreuve de force la plus rapidement engagée pour un gouvernement élu, puisqu'elle n'a eu lieu que 44 jours après son entrée en fonction. Il est également vrai qu'aucun des présidents précédents n'a osé proposer des changements aussi radicaux aux deux Chambres, au point que des juges fédéraux [l'instance compte 28 juges] ont déjà accepté des requêtes contre la possible inconstitutionnalité d'une douzaine d'articles du projet de loi. Même les Nations unies ont demandé à participer au débat sur la loi « Omnibus » par l'intermédiaire du représentant régional du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Jan Jarab. L'organisme international est particulièrement préoccupé par les articles relatifs à la Sécurité [initialement, Bullrich a cherché à interdire tout rassemblement de plus de trois personnes, pour l'heure c'est un échec], qui, selon Jan Jarab, restreignent le droit à la dissidence et à la protestation.

La marche de mercredi 24 janvier a rassemblé des acteurs syndicaux et sociaux, qui ont déjà commencé à travailler sur de nouveaux articles de loi et des projets alternatifs à proposer au Parlement. Cependant, la balle est maintenant dans le camp des députés. Ils subissent une pression de la part des gouverneurs provinciaux, qui négocient dans l'urgence avec le ministre de l'Economie [Luis Caputo] pour obtenir de nouveaux fonds pour leurs administrations [Milei a menacé de couper tous les fonds fédéraux aux administrations des provinces]. Il y a là un test décisif pour le péronisme dans l'opposition. (Article publié par l'hebdomadaire uruguayen Brecha le 26 janvier 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)


[1] Selon le compte rendu du site La Izquierda Diario, lié au PTS, le 24 janvier a été marqué par des grèves et des débrayages, d'une part, dans le secteur de la santé, préparés par de nombreux débats en assemblée, et, d'autre part, dans des aéroports, des fabriques automobiles (Toyota, Ford), dans des fabriques de pneus (Pirelli, Bridgestone), des raffineries, des complexes sidérurgiques (Campana, Villa Constitución), des compagnies de transport liées à l'exportation de la production agricole.

Le mardi 30 janvier, quand commencera le débat sur la loi « Omnibus », va se poser l'exigence d'une mobilisation pour prolonger le signal du 24. Il y a là un test pour les appareils de la CGT et de la CTA, parmi d'autres. (Réd.)

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La suspension de la Présidentielle signe la mort du modèle démocratique sénégalais

6 février 2024, par Nicolas Beau — , ,
C'est un véritable séisme politique au Sénégal. Pour la première fois depuis 1963, et l'élection de Léopold Sédar Senghor, le Sénégal reporte la Présidentielle. Le scrutin (…)

C'est un véritable séisme politique au Sénégal. Pour la première fois depuis 1963, et l'élection de Léopold Sédar Senghor, le Sénégal reporte la Présidentielle. Le scrutin devait avoir lieu le 25 février, mais le président Macky Sall a pris la parole samedi 3 février à quelques heures de l'ouverture officielle de la campagne, pour annoncer l'abrogation du décret sur la convocation du corps électoral, une décision sur laquelle les députés doivent se pencher ce lundi matin dans un climat tendu.

Tiré de MondAfrique.

Plusieurs candidats importants comme Karim Wade, le fils de l'ancien président, ont été écartés de la compétition présidentielle par le Conseil Constitutionnel. Les députés ont voté l'ouverture d'une enquête parlementaire. Un choc pour les moins de 30 ans, qui représentent 75% de la population du Sénégal. Dès dimanche, ces jeunes qui ont affronté les forces de l'orre réclament massivement un changement radical de politique et le départ du gouvernement au pouvoir.

Le spectre d'une crise politique sans précédent plane sur le Sénégal. La volonté de Macky Sall d'imposer à tout prix son dauphin Amadou Ba comme successeur, les divisions entre les clans qui se partagent le pouvoir et l'instrumentalisation de la justice pour neutraliser les principaux opposants qui prétendaient se présenter a précipité le processus électoral sénégalais dans une impasse totale dont témoignent les heurts qui ont ei lieu, dèsce dimanche 4 février, à Dakar.

Rien n'est réglé par cette décision du président sénégalais de suspendre l'élection Présidentielle du 25 février. Tout peut encore arriver, et probablement le pire. Contraint et forcé par l'État profond sécuritaire de son propre pays de ne pas briguer un troisième mandat, le président sénégalais Macky Sall avait annoncé en juillet 2023 qu'il ne serait pas candidat. Ce retrait de la compétition présidentielle, dicté par le contexte de grandes violences et de vives tensions politiques, avait été accueilli par un ouf de soulagement tant au Sénégal qu'à l'étranger.

« La vitrine de la démocratie » d'Afrique francophone avait-elle sauvé son image ? Le spectre d'une crise socio-politique qui aurait faire entrer le pays dans le désordre était-il conjuré ? On voulait le croire. Mais hélas, tout porte désormais à penser que le Sénégal privé d'élections pourrait basculer dans une zone de profondes turbulences.

Un dauphin mal aimé

Dans l'euphorie de l'annonce de sa renonciation au troisième mandat, la coalition présidentielle Beno Bokk Yakar ( BBY en wolof, « l'Espoir en partage en français) s'en était remise à Macky Sall pour le charger de choisir le candidat le plus apte à lui succéder, entretenir son héritage et poursuivre son œuvre. Le piège s'est ainsi refermé sur le camp présidentiel. Dans la plus grande opacité, Macky Sall a sorti de son chapeau son Premier ministre Amadou Ba dont personne ne conteste ni au Sénégal ni à l'étranger les qualités de grand commis de l'Etat, un homme de dossiers qui a travaillé pendant une trentaine d'années dans l'administration des impôts.

Pour admirable qu'il soit ce profil-là, il ne suffit pas pour réussir en politique au Sénégal, à fortiori gravir les dernières marches du palais présidentiel. Amadou Ba n'est pas un « tueur », il n'a pas la réputation d'un « cogneur », comme ses prédécesseurs Abdoulaye Wade et Macky Sall, mais celle d'un homme de consensus qui cherche à arrondir les angles.

Et pour ne rien arranger à son sort, il n'est pas un grand tribun qui adore les bains de foules. Résultat, les débuts trop timides de la pré-campagne du dauphin désigné de Macky font douter le camp présidentiel. Plusieurs figures emblématiques des 12 années de règne du président sortant ont déjà préféré prendre le large et seront candidats contre celui choisi par leur ancien mentor. Jusqu'ici fidèle parmi les fidèles de Macky Sall, son ancien ministre de l'Intérieur Aly Ngouille Ndiaye, considéré naguère comme l'homme des basses œuvres du régime, sera candidat dissident de la coalition au pouvoir. Dans le doute sur la chance d'Amadou Ba à garantir la victoire, l'ancien Premier ministre (2014-2019) de Macky Sall et ancien Secrétaire général de la présidence de la République, Mohamed Boun Abdallah Dionne jouera lui aussi sa partition lors du scrutin du 25 février. Outre les « ennemis intérieurs », le dauphin de Macky devra affronter d'autres prétendants encore plus sérieux au fauteuil présidentiel tels que l'ancien Premier ministre Idriss Seck, arrivé deuxième en 2019, Karim Wade, fils de l'ancien président Abdoulaye, attendu à Dakar dans les prochains jours après, huit années d'exil au Qatar.

La France piégée

En pleine controverse sur la tenue de la présidentielle sénégalaise qui s'annonce très incertaine, Paris a choisi de dérouler le tapis rouge à la fin de l'année 2023 à Amadou Ba dans le cadre d'un séminaire gouvernemental franco-sénégalais. Le symbole d'un Premier ministre sénégalais-candidat posant tout sourire aux côtés de son homologue français Elisabeth Borne n'est pas inaperçu. Ce voyage, qui serait passé inaperçu hors contexte pré-électoral, a été perçu comme un adoubement d'Amadou Ba voire une ingérence française.

Les thèses de l'adoubement et de l'ingérence sont d'autant plus convaincantes que le président français Emmanuel Macron avait nommé en novembre 2023 son homologue sénégalais Macky, alors qu'il n'a pas encore quitté ses fonctions, envoyé spécial pour le Pacte de Paris sur les Peuples et la Planète (4P). L'opposant sénégalais Habib Sy du parti « Espoir et modernité » n'est pas allé du dos de la cuillère pour « fustiger une France qui n'a toujours rien compris » aux subtilités de la vie politique de ses anciennes colonies africaines. Même si on peut considérer que Paris n'a pas mesuré la confusion entre les agendas d'Amadou Ba Premier ministre et Amadou Ba candidat à la présidentielle, la réception en grandes pompes de celui-ci à Paris dans le contexte actuel au Sénégal est une démarche à tout le moins imprudente.

Cette posture est, en tout cas, la preuve que Paris n'a pas tiré les leçons des violences politiques qui ont secoué le Sénégal en mars 2021 et juin 2023. Dix des quatorze magasins du groupe français Auchan avaient, à cette époque, été pillés à Dakar par des émeutiers qui s'en étaient également pris aux stations-service Total et aux boutiques Orange.

La France d'Emmanuel Macron en recevant si chaleureusement le dauphin désigné mais peu charismatique, Amadou Ba, est une erreur supplémentaire de la diplomatie française en Afrique.

L'armée en embuscade

Si le président sortant a réussi à imposer sans grands remous son Premier ministre à sa coalition, tout indiquait qu'il pourrait en être autrement auprès des électeurs sénégalais. Comme si son bilan seul ne suffisait pas à faire élire son dauphin, Macky a cherché à lui baliser la route de la victoire en « « neutralisant » Ousmane Sonko, son opposant le plus en vue du moment. Il a ainsi fait dissoudre en juillet 2023 sa formation politique le Parti des patriotes du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (PASTEF).

Contre toute attente, le président sortant a limogé en novembre 2023 les 12 membres de la Commission électorale nationale autonome (CENA) et porté à sa tête Abdoulaye Sylla, un inspecteur général d'Etat à la retraite, qu'il espère plus malléable que le président remercié Doudou Ndir.

Malgré deux décisions de justice rendues par le tribunal de Ziguinchor en octobre 2023 et celui de Dakar en décembre 2023, la direction générale des élections (DGE), qui relève du ministère de l'Intérieur, refuse toujours de réintégrer Ousmane Sonko dans les listes électorales. Cette volonté de forcer le destin présidentiel de son dauphin est un pari risqué et incertain pour Macky Sall. Les violences politiques de mars 2021 avaient éclaté lors de l'inculpation d'Ousmane Sonko pour une affaire de viol présumé. Celles de juin 2023 s'étaient produites après la condamnation de ce dernier à deux de prison pour « corruption de jeunesse », après l'abandon des charges pour viol, ont fait au moins 20 morts.

Dans le contexte d'une Afrique de l'Ouest frappée par une vague de coups d'Etat militaires et au regard du niveau inédit de tensions politiques dans le pays, les yeux étaient rivés sur l'armée sénégalaise. Appelée en renfort des forces de sécurité intérieure (police, gendarmerie) très largement débordées, l'armée a eu la prudence de n'a pas trop s'avancer dans la confrontation entre Macky et ses adversaires, acceptant seulement de déployer quelques blindés de l'armée de terre dans les rues de Dakar. Les scènes montrant des manifestants fraternisant avec des soldats aux pieds des blindés, largement diffusés sur les réseaux sociaux, ont finalement alerté le pouvoir. Méfiant, le président sénégalais avait alors remanié la hiérarchie militaire en précipitant le départ du chef d'état-major Cheikh Wade, dont le commandement n'était pas encore terminé, et son remplacement par le général Mbaye Cissé, qui n'est autre que le chef d'état-major particulier de Macky Sall.

Rien n'indique, toutefois, que cette reprise en main de la hiérarchie militaire suffise à servir d'assurance-vie à Macky Sall, si demain il devait persister dans sa volonté de contourner la volonté populaire.

A trop vouloir garantir ses arrières, Macky Sall faisait le pari hautement risqué de quitter le pouvoir sans crise post-électorale. Cette tentative est pour l'instant vouée à l'échec et entraine le pays vers l'inconnu.

Nicolas Beau

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Retrait de trois pays sahéliens de la Cédéao : « Une tension à court terme » (Expert)

6 février 2024, par Lassaad Ben Ahmed, Ndongo Samba Sylla — , , , ,
L'annonce de retrait, sans délai, du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (Cédéao) a suscité de nombreuses réactions, (…)

L'annonce de retrait, sans délai, du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (Cédéao) a suscité de nombreuses réactions, entre appréciation, regrets et inquiétudes. Mise à part leur appartenance à cette Communauté sous-régionale, ces trois pays partagent plusieurs points communs. Ce sont d'abord des pays voisins appartenant à la bande sahélo-saharienne de l'Afrique, anciennes colonies françaises utilisant jusqu'à aujourd'hui le franc CFA, dépendant du Trésor français, pays pauvres et, enfin, ils ont tous eu des changements de dirigeants par des coups d'Etat et subissent, en conséquence, des sanctions de la Cédéao.

Tiré d'Europe solidaire sans frontière. Article paru à l'origine sur Anadolu Agency.

Aussi, leur retrait de la Cédéao intervient suite à des tensions avec la France et des intentions explicites de chercher de nouveaux partenariats. De nombreuses questions se posent, du coup, sur la portée, les avantages et les incidences de ce retrait, questions que nous avons évoquées avec Ndongo Samba Sylla, économiste sénégalais, qui a bien voulu apporter des éclaircissements à l'occasion d'un entretien accordé à Anadolu. Interview.

- On aimerait d'abord avoir une idée sur le poids économique du Burkina Faso, du Mali et du Niger dans la Cédéao.

Ces trois pays ne sont pas des géants économiques. Ce sont les pays les plus pauvres, les plus appauvris, de l'espace Uemoa (Union économique et monétaire ouest-africaine) si on met de côté la Guinée-Bissau. Mais ils ont une population importante. En 2022, ils représentaient 71,5 millions d'habitants, soit la moitié de celle des huit pays de l'Uemoa. Par rapport à la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (Cédéao) qui compte 400 millions d'habitants, ces pays représentent une bonne proportion. Ce sont aussi des géants en termes de superficie, avec 2,8 millions de kilomètres carrés.

- En termes d'incidences, par leur retrait, qu'est-ce qu'ils gagnent et qu'est-ce qu'ils perdent ?

Je pense que c'est une tension à court terme et qui va se résoudre petit à petit. Parce que les trois pays de l'Alliance des Etats du Sahel (AES) ont besoin de l'intégration africaine. Ce sont des pays enclavés. Et quand on regarde leurs balances de paiements, ces pays souffrent énormément des coûts de transports élevés. C'est-à-dire, avec le même budget, des pays côtiers, comme le Sénégal, la Côte d'Ivoire et le Bénin, achètent beaucoup plus de biens à l'extérieur que ces pays enclavés. Donc, ces pays ne peuvent pas aspirer à un développement économique véritable sans une forme d'intégration qui leur donne un accès à la mer.

Actuellement, il y a une tension, parce que ces pays ne rejettent pas l'intégration économique en tant que telle, mais ils remettent en question l'agenda impérialiste de la Cédéao. Impérialiste, parce que la Cédéao, ce n'est pas une communauté politique, c'est une communauté économique.

En décidant de sanctions, les membres de la Cédéao veulent se donner des attributs sur le plan sécuritaire et aussi des attributs d'un point de vue constitutionnel en disant : Voici les normes de gouvernement. Si vous ne les respectez pas, nous, nous nous donnons le droit de sanctionner. Et quand nous sanctionnons, c'est parce que la France le veut bien. Or les pays du Sahel disent : Nous ne sommes pas contre l'intégration économique, mais quand vous utilisez les instruments de l'intégration pour sanctionner les peuples sous la dictée des puissances impérialistes, ça, nous ne l'acceptons pas.

- Les trois pays ayant décidé de se retirer déplorent l'influence de puissances étrangères sur les décisions de la Cédéao. Qu'en pensez-vous ?

C'est la réalité. L'ingérence de la France est flagrante. Pourquoi ? Quand il y a eu des sanctions en janvier 2022 contre le Mali et la Guinée, la Cédéao a dit : Nous allons sanctionner ces pays parce qu'il y a des putschs. Toutefois, il y a des sanctions qu'on ne peut pas mettre en place contre un pays qui a sa propre monnaie. Parce que quand un pays a sa propre monnaie, vous ne pouvez pas demander à la Banque centrale de ce pays de couper l'accès du gouvernement à ses propres comptes.

Dans le cas de la Guinée, par exemple, ce type de sanctions financières a été impossible à mettre en œuvre parce que la Guinée a sa propre monnaie et si le gouverneur de la Banque centrale voulait appliquer ces sanctions, il serait mis en prison ou licencié. Mais dans le cas des pays CFA, au Mali, en 2022, et actuellement au Niger, la banque centrale a coupé l'accès du gouvernement à ses propres comptes et les a privé de la possibilité de se refinancer sur le marché financier de l'UMOA. La France avait utilisé les mêmes procédés en 2011 contre la Côte d'Ivoire pour mettre la pression sur Laurent Gbagbo. Et tout ça est totalement illégal.

Aucun texte dans le cadre de l'U(E)MOA ne prévoit et ne permet la mise en œuvre de telles sanctions. La BCEAO [Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'ouest, NDLR] a violé ses propres statuts en permettant leur mise en œuvre. D'ailleurs, pourquoi la BCEAO qui n'a aucun lien légal avec la Cédéao devrait accepter de lui obéir, surtout qu'elle est aussi supposée être indépendante de ses huit Etats membres ? Dans la plupart des pays du monde, les banques centrales sont supposées indépendantes des pouvoirs politiques d'une certaine manière. Là, cette banque centrale dit : Moi je vais appliquer les mesures prises par la Cédéao, une entité avec laquelle je n'ai aucun lien légal.

Ce type de sanctions financières portent indubitablement la marque du néocolonialisme français. C'est-à-dire qu'à chaque fois qu'un gouvernement africain qui utilise le CFA a un problème avec la France, la France peut utiliser le CFA pour l'asphyxier financièrement, avec le consentement de ses alliés africains.

Par ailleurs, il existe une Convention des Nations Unies sur les peuples sans littoral. Cette convention dit qu'il faut généralement éviter tout ce qui est embargo commercial contre les pays qui n'ont pas accès à la mer.

Dans le cas du système CFA, la Cour de justice de l'Uemoa avait ordonné en mars 2022 la suspension des sanctions contre le Mali. Les pays de l'Uemoa ne se sont exécutés qu'en juillet 2002.

Quand certains expriment leur opposition aux coups d'État militaires, c'est un point de vue compréhensible et légitime. Pour autant, cela n'autorise pas à prendre et à mettre en œuvre des sanctions illégales et cruelles. On ne combat pas l'illégalité par une autre illégalité. C'est ce que la Cédéao et l'Uemoa ont fait et continuent de faire vis-à-vis des pays de l'AES.

- Admettons que le retrait est consommé, la Cédéao serait-elle affaiblie en conséquence ?

A mon avis, le terme retrait, c'est trop dire. Pourquoi ? Parce que le retrait ne sera effectif que dans un an, selon les textes. En plus, les négociations vont se poursuivre. Ces trois pays vont négocier une sortie qui préserve leurs intérêts économiques. Ils sont conscients de leur vulnérabilité en tant que pays enclavés qui font face à un contexte sécuritaire très difficile. Pour autant, ils ne veulent plus être sous le coup des sanctions impérialistes de la Cédéao.

Par exemple, je pense qu'aucun de ces États n'a intérêt à dire : Nous voulons avoir des systèmes de visa pour les déplacements au sein de la région. Nous voulons mettre en place des barrières commerciales, etc. Car tous les pays de l'Afrique de l'ouest ont besoin d'un cadre d'intégration économique. La question qu'il faudrait régler est la suivante : est-ce qu'il est légitime que les gouvernements qui, généralement, sont arrivés au pouvoir via des méthodes et des élections frauduleuses, peuvent se permettre de sanctionner leurs voisins, pour plaire à des pays étrangers ?

Il faut noter également que la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) annonçait déjà l'obsolescence, d'un point de vue économique et commercial, d'unions douanières régionales comme la Cédéao. Autrement dit, les pays de l'AES, dans le cadre de la Zlecaf, pourraient bel et bien se retirer de la Cédéao sans avoir à remettre en question les accords commerciaux avec leurs voisins et le reste du continent.

- Avec le retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger, il est désormais question que ces pays créent leur propre monnaie. Est-ce faisable d'abord ? Est-ce judicieux ? Où est-ce que cela peut mener ?

Je vais répondre : Oui, oui, aux deux questions. Je pense que ces pays vont en toute logique sortir du franc CFA. Pourquoi ? Parce que le franc CFA est une épée de Damoclès pour les pays qui l'utilisent et qui sont en froid avec la France. Actuellement, le Niger est asphyxié financièrement par des sanctions dont la mise en œuvre a été rendue possible par son appartenance à l'Uemoa, une zone monétaire sous la tutelle du Trésor français. Après avoir décidé de chasser les troupes françaises, il ne serait pas cohérent de la part de ces trois pays de rester longtemps dans l'Uemoa, surtout que l'appartenance à cette zone ne leur a apporté aucun bénéfice économique tangible sur le long terme. Selon les données de la Banque mondiale, le Niger en 2022 avait un revenu réel par habitant inférieur de 37 % au meilleur niveau qu'il avait obtenu en 1965.

Ces pays vont certainement se donner le temps pour préparer leur sortie, mais d'un point de vue légal c'est très simple. Il faut lire le Traité de l'Union monétaire ouest africaine – à distinguer de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa)-, créé en 1962. Ce traité indique dans son article 36 que tout Etat qui veut sortir de l'Union monétaire peut le faire dans un délai de six mois. Et si cet Etat veut sortir beaucoup plus tôt, c'est également possible. Donc du point de vue légal, rien ne s'oppose à ce que ces pays sortent. Maintenant, ils vont se donner toutes les garanties pour que le processus soit bien géré.

Créer sa propre monnaie n'est pas quelque chose de compliqué. Tous les pays peuvent le faire. En Afrique tous les pays ont leur propre monnaie, sauf les 14 qui utilisent le CFA qui est contrôlé par le Trésor français. La question est plutôt : comment faire pour que, lorsque la nouvelle monnaie est lancée, elle marche, elle inspire confiance et elle ne fasse pas l'objet de sabotage ?

En matière de sabotage, il y a eu des précédents. En 1960, quand la Guinée, devenue indépendante deux ans plus tôt, a lancé sa nouvelle monnaie, les services secrets français, ont inondé le pays de faux billets de banque pour détruire le système monétaire. C'est l'Opération « Persil ». De même, en 1962, quand le Mali, sous Modibo Keita, est sorti de la zone franc pendant cinq ans, le Sénégal et la Côte d'Ivoire, sous la dictée de la France, ont mis en place des barrières douanières en guise de représailles. Mais ces exemples de sabotage sont intervenus dans le contexte de la Guerre froide. Nous sommes de nos jours dans un monde multipolaire. Si certains pays veulent sanctionner, d'autres puissances sont là qui s'intéressent à l'Afrique et qui sont prêtes à proposer des partenariats plus équilibrés. Dans le cas d'un pays comme le Sénégal, son destin économique est lié à celui du Mali et des pays voisins. Les pays de l'AES et la Guinée achètent plus de 60 % des exportations sénégalaises à destination du continent africain. S'il en est ainsi, c'est parce que nous sommes pour le Mali son principal point d'accès à la mer. Toute sanction de notre part est une « auto-sanction ».

- Pour conclure, quelles perspectives ce retrait pourrait avoir ?

Pour moi c'est une crise. Et toute crise est une opportunité de changement. Cette crise peut être résolue d'une manière positive. Pour cela, il faut se rendre compte qu'elle a été l'un des corollaires de l'attitude de la Cédéao et de certains de ses dirigeants (...). La légitimité populaire de la Cédéao est au plus bas (...). La Cédéao et la plupart des dirigeants ont perdu les peuples. C'est, là, une trame de fond en Afrique de l'Ouest. L'intégration régionale s'est essoufflée. Elle a besoin de fondements plus solides et plus durables. Elle doit être au service des peuples et du panafricanisme. Un aggiornamento en matière d'intégration régionale est nécessaire et urgent. C'est le message que les pays de l'AES et leurs peuples ont envoyé. Espérons qu'il sera bien entendu.

(*) Les opinions exprimées dans cet entretien n'engagent que leur auteur et ne reflètent pas forcément la ligne éditoriale de l'Agence Anadolu.

Lassaad Ben Ahmed

Ndongo Samba Sylla

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Au Soudan, les comités de résistance luttent malgré la guerre

6 février 2024, par Sudfa — , ,
Depuis le début de la guerre au Soudan, les comités de résistance, organisations autogérées de la société civile soudanaise et fers de lance du mouvement révolutionnaire, font (…)

Depuis le début de la guerre au Soudan, les comités de résistance, organisations autogérées de la société civile soudanaise et fers de lance du mouvement révolutionnaire, font l'objet d'une violente répression. Pris en étau entre les deux forces armées qui s'affrontent, ils multiplient initiatives de solidarité locale et poursuivent leur combat pour construire un gouvernement civil démocratique.

Tiré du blogue de l'auteur.

Les comités de résistance, parfois aussi connus sous le nom de « comités de quartier », ont vu le jour lors des mobilisations massives de 2013 contre la dictature d'Omar El-Béchir. Rassemblant des citoyen·ne·s de tous les âges et de tous les milieux sociaux, ces groupes auto-organisés par quartier mettent en œuvre une solidarité au niveau local face aux défaillances de l'Etat soudanais, organisent une protection civile face à la répression, et mobilisent la population lors des manifestations. Lors de la révolution de 2018, qui a provoqué la chute du dictateur El-Béchir, et des mobilisations contre le coup d'Etat militaire en 2021, les comités de résistance sont devenus les fers de lance des manifestations soudanaises. Ils sont la véritable voix de la révolution, capables de mobiliser des millions de personnes, à l'inverse des partis politiques civils mis en avant par les médias internationaux (comme les Forces de La Liberté et du Changement), largement discrédités auprès des Soudanais·e·s. Les comités de résistance s'organisent par la base, au niveau local, et se coordonnent au niveau des métropoles ou des régions. Leur mode d'organisation décentralisé, sans porte-paroles et sans chefs, leur permet de représenter égalitairement l'ensemble du territoire soudanais et garantit le fonctionnement démocratique du mouvement révolutionnaire.

Manifestations contre la guerre, solidarité locale et collecte d'informations sur le terrain

L'éclatement de la guerre au Soudan, le 15 avril 2023, a provoqué un choc dans tous le pays, bouleversant l'activité des comités de résistance. Pendant les premières semaines de la guerre, la fuite massive des Soudanais·e·s vers les zones épargnées par les conflits ou à l'étranger a rendu difficile toute organisation collective. La terreur provoquée par les bombardements et les affrontements, obligeant les gens à rester confinés chez eux, ont également mis un coup d'arrêt brutal aux mobilisations, ainsi que les coupures constantes d'électricité empêchant les communications.

Cependant, dans les régions épargnées par les combats, les comités de résistance de Port Soudan, Wad Madani, et Kassala, ont rapidement organisé des rassemblements pour protester contre la guerre. Ils ont manifesté leur rejet des deux parties combattantes, autant l'armée soudanaise, qui a mis un terme à la révolution civile par un coup d'Etat et a commis des crimes de masse en réprimant les mobilisations, que de la milice RSF, coupables de génocide. Ils appellent à la paix immédiate et à un gouvernement intégralement composé de civils pour poursuivre la construction démocratique souhaitée par les Soudanais·e·s.

Dans les villes au cœur des affrontements, les comités ont participé au mouvement spontané de solidarité entre les habitant·e·s, tentant de reconstruire les villes, hôpitaux et écoles après les bombardements, de nettoyer les rues, de venir en aide aux plus démuni·es. Dans le grand Khartoum, ils ont également construit des barricades pour empêcher les RSF d'entrer dans les quartiers et de piller les maisons, tuer et violer les habitant·e·s, et d'établir des bases militaires dans les maisons vides.

Dans les zones de combat, les comités de résistance font un travail précieux de collecte d'informations sur le terrain. Ce travail permet de contrer la propagande de l'armée et des RSF, en alertant les médias internationaux des violations de droits commises par les deux forces armées qui les nient : les massacres, les viols des femmes, les arrestations massives contre des opposant·e·s présumé·e·s… Notamment, lors de la prise de la ville de Wad Madani en décembre 2023 par les RSF, qui déclaraient officiellement n'avoir pas commis de violence contre la population, ils ont lutté contre cette propagande en dénombrant les exactions commises sur les réseaux sociaux. Ils ont été les premiers à dénoncer le génocide à Al-Geneina qui a commencé en mai 2023. Ils ont également montré que dans de nombreuses villes, c'est le retrait de l'armée et son refus de protéger les citoyen·ne·s qui a permis aux RSF de massacrer la population, accusant les deux camps d'être responsables de la mort des civils.

Une violente campagne de répression et de désinformation

Dans tout le pays, les comités de résistance sont ciblés par une campagne de répression et de désinformation de la part des deux forces armées, visant à attaquer leur crédibilité auprès de la population. L'armée soudanaise les accuse de collaboration avec les forces de soutien rapide (RSF), qui les accusent de leur côté de collaborer avec l'armée soudanaise. Ces allégations fausses, constamment déniées par les comités de résistance dans leurs communiqués, les placent dans une position délicate, pris en étau entre deux forces antagonistes.

Ce discours permet également aux forces armées de justifier leur répression féroce contre les militant·e·s des comités de résistance. Chaque semaine, les comités des différentes villes publient des avis de disparition ou des appels à la libération de leurs membres détenus par l'armée ou les RSF. Par exemple, le 08 novembre 2023, le comité du quartier d'Al-Fatihab (à Omdurman) a signalé l'arrestation d'un de ses membres, Khaled Al-Zubair, qui travaillait aux urgences médicales. Il a été arrêté son domicile par les services de renseignements militaires, qui ont refusé de communiquer son lieu de détention et son état de santé. Le comité dénonce : « [une] attaque flagrante contre les travailleurs et les bénévoles du secteur humanitaire [qui] intervient à un moment où tout le monde tente de briser le siège imposé au quartier d'Al-Fatihab et de tout mettre en œuvre pour atténuer ses effets sur les citoyens ». Ils exigent sa libération immédiate ainsi que la fin du siège militaire de la ville, demandant « que les forces armées cessent de s'en prendre aux travailleurs du secteur bénévole et humanitaire ».

Les attaques se multiplient également sur les réseaux sociaux, où les forces armées répandent les « fake news » et piratent les comptes Facebook des comités de résistance. Le 22 juin 2023, par exemple, une fausse déclaration de la coordination des comités de résistance de Khartoum appelait les citoyen·ne·s à prendre les armes pour affronter les RSF. Dans un communiqué, les comités de résistance de Khartoum ont dénoncé cette « déclaration fabriquée » et ont rappelé leur position pour une paix radicale, qui passe par un refus de la prise des armes et la poursuite de la contestation civile.

« La prise des armes par les manifestant·e·s dans les cortèges pacifiques (…) constitue actuellement une menace directe pour la vie des citoyen·ne·s, compte tenu de l'effondrement de la sécurité dans l'État de Khartoum, et nous ne participerons en aucun cas à cette situation. Les comités de résistance refusent d'appeler les civils à l'armement de quelque camp que ce soit et d'inciter les citoyens à affronter des forces ayant recours à des armes lourdes. Ces forces n'hésitent pas à cibler les personnes innocentes qui se réfugient dans leurs maisons, à les violenter et à les tuer. Nous affirmons notre position claire en faveur du droit des citoyen·ne·s à la vie et à la sécurité. »

Tout récemment, le 09 janvier 2024, le gouverneur Mohamed El-Badawi, allié des putschistes militaires, a prononcé l'interdiction des comités de résistance dans tout l'état du Nil ainsi que des partis politiques civils. Les comités de résistance de Khartoum estiment que : « cette décision n'est rien d'autre qu'une tentative du groupe au pouvoir de supprimer les libertés et monopoliser l'activité politique. Nous ne voyons dans cette étape qu'une tentative des restes de l'ancien régime de revenir au pouvoir et d'exploiter le chaos sécuritaire provoqué par la guerre incendiaire qu'ils ont déclenchée pour liquider les comités de résistance et la révolution. »

Le comité de résistance d'Imtidad Chambat Al-Aradi (dans la ville de Bahri) rappelle quant à lui que : « il n'existe aucune force sur terre capable d'interdire les activités des comités de résistance et des révolutionnaires. Nous sommes le peuple qui agit pour lui-même. Au contraire, c'est à nous de décider qui nous voulons interdire, qui nous volons déraciner, et de renverser tous ceux qui se mettent en travers de notre chemin, avec les personnes formidables qui nous composent. Personne ne peut dissoudre des comités qui œuvrent pour le changement, le service public, et l'organisation locale, à l'exception d'autres comités de jeunes résistant·e·s délégués par notre puissant peuple. »

La poursuite du travail de construction démocratique

Malgré cette violente répression, les comités de résistance ont continué avec détermination leur travail de construction démocratique à l'échelle nationale, déjà commencé en 2022 avec la publication d'une proposition de constitution civile, la « Charte pour l'établissement du pouvoir du peuple ». Le 25 octobre 2023, lors d'une assemblée générale, les membres de différents comités ont validé une « vision pour mettre fin à la guerre, restaurer le chemin de la révolution et instaurer le pouvoir du peuple ».

La préparation de ce document a fait l'objet de discussions en visioconférence, toujours annoncées publiquement sur les pages Facebook des comités, et où tou·te·s les citoyen·ne·s civil·e·s étaient bienvenu·e·s. Cette « vision » propose un plan d'action pour sortir de la guerre, reposant sur un travail médiatique et public d'information, une collaboration avec les syndicats, secteurs professionnels, chefs religieux, et mouvements armés qui combattent l'armée régulière et les RSF. Le document appelle à mettre en œuvre « des solutions internationales (…) et à renforcer les solutions internes basées sur la volonté du mouvement de masse et tous les secteurs du peuple soudanais qui aspirent à la paix, la liberté, la justice et la démocratie, et désirent mettre fin à la guerre et s'attaquer aux racines de la crise nationale globale ». Suite à la publication de ce document, des réunions ont eu lieu avec les syndicats le 27 octobre pour construire un front civil démocratique contre la guerre, et instaurer un conseil législatif civil mettant en œuvre la « Charte pour l'établissement du pouvoir du peuple ».

Ainsi, en dépit du chaos de la guerre et de la propagande des forces armées, les comités de résistance n'ont pas cessé leurs activités, et leur organisation politique a repris progressivement de l'ampleur au cours des derniers mois. Alors que les partis politiques civils traditionnels ont signé un accord avec les RSF, le 3 janvier dernier, au cas où ceux-ci gagneraient la guerre, les comités de résistance ont dénoncé cette collaboration avec des « génocidaires ». Ils maintiennent toujours une position radicale de rejet de la guerre et de refus d'alliance avec l'armée comme avec les RSF.

Les comités de résistance continuent d'incarner une troisième voie, résolument pacifique, qui se situe dans la continuité de la révolution soudanaise. Ils rappellent que : « Nous, les comités de résistance, prenons nos décisions en fonction des intérêts de la nation et des intérêts de notre peuple, nous savons donc quand devenir la lumière et quand devenir le feu. Notre ennemi n'est qu'un, à savoir la milice terroriste Janjaweed (RSF) et les Kizan [partisans de l'ancien régime d'Omar El-Béchir] qui les ont créés, et ce sont les deux faces d'une même médaille. » (Déclaration du comité du quartier d'Imtidad Chambat Al-Aradi à Bahri).

Poursuivant les demandes de justice, de liberté et d'égalité, et de mise en œuvre d'un gouvernement civil, ils encouragent les citoyen·ne·s qui se mobilisent quotidiennement pour reconstruire les villes détruites par les combats et pour promouvoir une culture de la paix.

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