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L’écoféminisme socialiste et la lutte pour défaire l’Anthropocène

La crise écologique planétaire est liée à une réorganisation radicale des interactions entre la société et la biosphère, générée par la modernité capitaliste/industrielle. Celle-ci considère les « forces productives » (science et technologie industrielle) comme le principal facteur du progrès et du bien-être, alors qu'elle envisage la reproduction (aussi bien humaine que non humaine) comme un instrument passif pour la production et l'expansion infinie du produit intérieur brut (PIB).
Tiré de la revue Contretemps
4 mars 2024
Par Stefania Barca
Stefania Barca, dont les travaux portent notamment sur l'écologie politique, le monde du travail et le syndicalisme, oppose à cela une politique écosocialiste qui nécessite de reconnaître l'importance des « forces reproductives », comprises comme travail de subsistance, de reproduction, de régénération, de restauration et de soin. Cet article s'appuie sur une approche du matérialisme historique nourrie de la pensée écoféministe, et il offre des outils théoriques pour défaire l'Anthropocène et construire une alternative écosocialiste.
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Introduction
Cet article part du présupposé que la crise écologique planétaire (Rockström et al.) est le chapitre le plus récent de l'histoire globale du capitalisme. Cette crise est liée à une réorganisation radicale des interactions entre la société et la biosphère – ou métabolisme social – générée par la modernité capitaliste/industrielle. Par cette expression, je me réfère à un type spécifique de modernité : celle qui voit dans les forces productives (science et technologie industrielle) le principal facteur de progrès et de bien-être, alors qu'elle considère la reproduction (humaine et non-humaine) comme un instrument passif pour la production et l'expansion infinie du produit intérieur brut (PIB). Ce paradigme considère aussi bien la Terre que le travail comme des ressources nécessaires qu'il faut s'approprier et maintenir au coût le plus bas et le plus efficient possible (Barca, 2020 ; Federici, 2009 ; Moore, 2015).
Surgie au sein de l'histoire du capitalisme, la modernité industrielle a été postérieurement assumée comme modèle universel et maintenue par les régimes socialistes d'État dans différents contextes géographiques et historiques. Les variantes capitaliste et socialiste/étatique de la modernité industrielle partagent une vision de la richesse centrée sur le PIB et basée sur la prémisse de la nécessaire accélération du métabolisme social. Elles partagent aussi la tendance à considérer la crise écologique comme un problème associé à l'efficience des ressources, qui doit se résoudre par une écologisation des forces productives, c'est-à-dire une modernisation écologique.
Pour présenter une alternative réelle aux formes capitalistes et socialistes du métabolisme social, je soutiens que le mouvement écosocialiste ne peut se limiter à défendre une modernisation écologique planifiée de manière centralisée (à la place des marchés), orientée autour d'une complémentarité entre l'efficience écologique et la redistribution de la richesse ; elle doit placer la reproduction au centre de l'économie politique, en la libérant de sa position subordonnée et instrumentalisée vis-à-vis de la production. En d'autres termes, l'écosocialisme nécessite de se libérer du paradigme de la modernisation écologique, en s'embarquant dans une révolution écologique basée sur une drastique réorganisation des rapports entre production, reproduction et écologie (Barca, 2019 ; Merchant, 2010).
Ma proposition théorique est une intersection critique entre le matérialisme historique et l'écoféminisme (Salleh, 2017), avec l'objectif de rendre visible les « forces reproductives » (Mellor, 1996), leur aspect matériel et leur potentialité politique. Selon cette perspective, la crise écologique est considérée comme une conséquence des profondes inégalités créées par la modernité capitaliste/industrielle en assignant une valeur différenciée, de sorte que certains types de travail, de vie, de lieux et y compris d'espèces peuvent être sacrifiés sur les autels du bénéfice ou de la croissance du PIB. Depuis le milieu des années 1980, l'écoféminisme matérialiste [1] (ou socialiste) a théorisé le fait que la dégradation de la nature est la conséquence de la sous-estimation du travail de subsistance, de reproduction, de régénération, de restauration et de soins. Cette tradition de pensée et de praxis est fondamentale pour envisager la possibilité d'un véritable « bien vivre », alternative à la promesse de la modernité capitaliste/industrielle.
Pour développer cet argument, l'article est divisé en deux parties : la première déconstruira le récit hégémonique de la modernité capitaliste/industrielle à partir d'une perspective écoféministe ; la seconde fournira une analyse détaillée de la pensée socialiste écoféministe, en argumentant que celle-ci offre de puissants outils pour construire un horizon écosocialiste.
L'Anthropocène : un récit hégémonique
Depuis le début du XXIe siècle, le concept d'Anthropocène, proposé pour indiquer l'époque du changement climatique anthropogénique (Crutzen et Stoermer, 2000), a généré un méta-récit sur la crise écologique et les solutions techno-économiques devenu dominant dans le discours de la gouvernance globale. Cela ne représente pas un récit fondamentalement nouveau, mais un nouveau chapitre dans le discours hégémonique de la croissance économique moderne, c'est-à-dire un récit prométhéen célébrant la croissance de l'économie au-delà des limites biophysiques grâce à l'usage des combustibles fossiles (Barca, 2011). Considérée comme un succès indiscutable de l'humanité, la croissance économique est attribuée au génie blanc, masculin, européen, qui s'est traduit ainsi en suprématie planétaire. Dans cette vision de l'Anthropocène, le récit de la croissance économique moderne reconnaît la nécessité de se limiter au sein des dénommées limites de la planète ; néanmoins, il argumente aussi sur le fait que les mécanismes et les technologies marchandes, combinées de manière adéquate, peuvent garantir une croissance économique continue au sein des limites écologiques. Ceci constitue – dans son essence propre – le paradigme de la croissance verte. Centrée sur les pouvoirs aussi destructeurs que salvateurs des « forces productives », ce récit est cohérent avec la très discutée (mais pourtant dominante) théorie de la modernisation écologique (Spaargaren et Mol, 1992).
Je soutiens que, dans les trois dernières décennies, cette vision a été présentée comme une opportunité aussi pour les organisations de travailleur.euse.s et pour la gauche en général, afin de rêver d'une « transition juste » au-delà de l'économie fossile et des emplois sales, sans sacrifier les niveaux d'emplois (Barca, 2019). Ce cadre pose deux problèmes fondamentaux : d'une part – comme l'ont démontré clairement le Groupe intergouvernemental d'experts sur le changement climatique (IPCC, 2019) et la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services des écosystèmes (IPBES, 2019) -, malgré l'application de ce cadre dans les accords internationaux de gouvernance écologique durant les trois dernières décennies, la « modernisation écologique » n'a pas tenu ses promesses. D'autre part – et c'est aussi important -, pour garantir une croissance constante du PIB, on a implanté à grande échelle des infrastructures d'énergie propre comme l'énergie solaire et l'énergie éolienne – sans parler de l'énergie hydro-électrique – en ignorant les droits des communautés locales, des autres espèces et des travailleur.euse.s (Temper et Gilbertson, 2015). Cela a généré un grand nombre de conflits environnementaux dans le monde entier, aussi bien dans les régimes néo-libéraux que dans les régimes socialistes, comme le documente amplement l'atlas de la justice environnementale [2]. En résumé : dans la modalité orientée vers la croissance du PIB, les technologies vertes ne se sont pas avérées finalement aussi vertes qu'attendu. De plus, elles ne remplacent pas les travaux sales : les mines de charbon et les centrales électriques au charbon ont resurgi dans le monde entier et on exploite à une grande échelle toutes sortes de nouvelles sources d'énergie fossiles (sables bitumeux, gaz naturel, pétrole en haute mer).
Les études sur la justice environnementale ont montré que le changement climatique affecte de manière disproportionnée les individus et les régions qui ont le moins contribué historiquement en termes d'émissions de CO2 (Warlenius, 2015) ; les inégalités se reflètent aussi dans les niveaux différents d'exposition environnementale dans les pays riches, où les populations racisées et à bas revenus et les groupes les plus vulnérables au sein de ces populations (les femmes et les enfants en particulier) supportent les conséquences les plus importantes de la dégradation de l'environnement (Martínez-Alier, 2002). Ainsi, les inégalités quant à l'exposition au changement climatique et à la dégradation des écosystèmes nécessitent de revisiter les représentations dominantes de l'Anthropocène qui envisagent une ère de subjectivité humaine indifférenciée, ayant la même responsabilité et souffrant des mêmes conséquences du changement global de l'environnement (Malm y Hornborg, 2014 ; Moore, 2016 ; Pulido, 2018 ; Swyngedouw y Ernstson, 2018).
Partageant avec l'écomarxisme une vision historico-matérialiste du changement environnemental, l'écologie politique féministe introduit une vision claire sur la manière dont l'Anthropocène surgit des lignes d'oppression entrelacées (classe, race/coloniale, sexe/genre et espèces) trouvant leur origine dans la convergence historique entre le patriarcat et la modernité capitaliste/industrielle (Barca, 2020 ; Giacomini, 2018). Selon cette perspective, le récit hégémonique du changement climatique a été rebaptisé de manière provocatrice le White (M)Anthropocene (Di Chiro, 2017), reproduisant l'ethos colonial du génie masculin blanc destiné à dominer et à refaire le monde à sa propre image. En d'autres termes, la suprématie patriarcale/coloniale se réinvente maintenant en tant que suprématie des « forces productives » sur les forces géologiques, comme réponse à la nécessité indéniable de domination des systèmes terrestres mise en oeuvre par l'industrialisation (Gaard, 2015 ; Salleh, 2016). La conséquence, c'est que les solutions écomodernistes présentées aujourd'hui par la gouvernance globale du climat et de l'environnement « se basent sur les nombreuses solutions masculinistes et androcentriques ayant créé ces mêmes problèmes » (Grusin, 2017 : IX, traduction de l'autrice ; cf aussi Gaard, 2015).
Les critiques féministes au discours de l'Anthropocène se sont développées en grande mesure grâce au travail de la philosophe écologiste australienne Val Plumwood. Dans son œuvre fondatrice Feminism and the Mastery of Nature (Plumwood, 1993), Plumwood affirme que la racine de l'actuelle crise écologique se trouve dans ce qu'elle appelle le « modèle dominant » de la rationalité occidentale, défini par ses hiérarchies dualistes. Dans la pensée occidentale, explique Plumwood, les concepts de l'humain se sont développés par leur similitude avec les concepts définissant l'identité masculine ; néanmoins, le problème ne réside pas dans le genre masculin comme tel, ni dans la condition d'être humain, mais dans la manière dont la culture occidentale a défini l'identité humaine par rapport au genre et à la nature.
La critique de Plumwood du dualisme offre un point de connexion clé entre les pensées féministe et écologique. Elle définit le dualisme comme un système hiérarchique de signification, polarisant les différences existantes comme si celles-ci étaient naturelles, et les séparations – homme/femme, corps/esprit, civilisé/sauvage, humain/nature, qui « correspondent directement aux oppressions de genre, de classe, de race et d'espèce, respectivement, et qui les naturalisent – irréconciliables (ibid : 43). Un côté de chaque pôle est considéré comme naturellement dominant, et l'autre se définit vis-à-vis de lui, en termes d'absence de qualité. La domination d'une partie sur l'autre est vue ainsi comme quelque chose d'inhérent à l'ordre des choses.
Selon Plumwood, dans cette approche dualiste, le pouvoir forme l'identité en séparant et en distordant les deux parties. Par conséquent, la réponse adéquate au dualisme n'est pas l'inversion ou la fusion, ou l'anihilation de la différence, mais de défier la polarisation des identités en reconstruisant la différence tout au long de lignes non hiérarchiques. Par exemple, rejeter le dualisme humain/nature ne signifie pas inverser la relation en une soumission totale de l'humanité à la nature, ce que soutient Plumwood : « Nous ne devons pas accepter un choix entre traiter la « nature » comme notre esclave ou la traiter comme notre maître » (Plumwood, 1993 : 37).
De la même manière, la reconstruction de la différence féminine doit se réconcilier avec « l'identité combinée dans laquelle s'entremêlent les identités du colonisateur et du colonisé » (ibid : 67). Ainsi, tout comme les femmes occidentales ne sont pas seulement colonisées par rapport au genre, mais elles sont aussi colonisatrices par rapport à d'autres identités raciales, culturelles et/ou d'espèce, la reconstruction critique de l'identité féminine doit impliquer une critique du modèle hégémonique de l'humain. C'est pourquoi Plumwood estime que le programme écoféministe est hautement « intégrateur », dans le sens où il combine les féminismes culturel, socialiste, noir, anticolonial, en questionnant la structure des dualismes reliés entre eux correspondant à diverses formes de répression, d'aliénation et de domination.
Bien qu'écrit au début des années 1990, Feminism and the Mastery of Nature continue d'offrir des outils fondamentaux pour analyser la crise écologique planétaire. Il nous permet de considérer le concept hégémonique de l'Anthropocène comme une tentative d'élargir le modèle hégémonique de la modernité à la totalité de l'espèce humaine. Et ce qui est plus important, la critique de Plumwood de la modernité hégémonique est un préalable fondamental vers la recherche d'histoires alternatives inscrites, mais invisibles et cachées, dans l'époque actuelle de la présence humaine sur la terre. Comme l'a écrit l'autrice :
« le pouvoir de réaliser, mettre en pratique et tracer cette trame dominante a été aux mains d'une petite minorité de l'espèce humaine et de ses cultures. Nous pouvons nous inspirer beaucoup de récits nouveaux et moins destructeurs, au-delà du récit hégémonique, en recourant à des dimensions subordonnées et ignorées de la culture occidentale, comme les histoires des soins des femmes » (Plumwood, 1993 : 196).
Dévoiler ces récits alternatifs – conclut Plumwood – est une manière importante de rendre visible et de contribuer à renforcer ces rationalités alternatives qui constrastent avec le modèle hégémonique, ou qui simplement lui ont survécu, avec l'objectif de « réaligner la raison » bien au-delà du dualisme et du contrôle des élites et autour de « formations sociales basées sur la démocratie radicale, la coopération et le mutualisme » (ibid. : 196).
Dans le sillage de l'œuvre fondatrice de Plumwood, ainsi que de la pensée écoféministe en général, le récit hégémonique de l'Anthropocène paraît incarner le modèle hégémonique de l'humanité, y compris ses rapports enracinés entre les oppressions de sexe/genre, raciales/coloniales, de classe et d'espèce. Le personnage central, l'Anthropos, est une abstraction basée sur un sujet historique blanc, masculin et hétérosexuel possédant la raison (équivalente à la science, à la technologie et au droit) et les moyens de production, dont il mobilise les outils pour extraire le travail et la valeur de tout ce qu'il définit comme l'Autre. De fait, sa mission civilisatrice légitime toutes ses actions, y compris les pires atrocités.
En d'autres termes, le sujet de ce récit dominant est le patron (que Plumwood appelle le maître). En opposition au discours officiel de l'Anthropocène, cette humanité hégémonique n'est pas une espèce (c'est-à-dire un sujet naturel et ahistorique), mais un système de pouvoir combinant relations matérielles et symboliques ; de plus, il s'est traduit par diverses configurations tout au long du temps et de l'espace, comme réponse à la résistance qu'il a rencontre de la part de l'Autre. Raison pour laquelle son objectif est la totalisation : dévorer l'Autre – tant humain que non humain – pour qu'il n'y ait pas de résistance qui s'oppose à sa domination.
Je soutiens que le récit de l'Anthropocène doit être rejeté : pour la raison qu'en l'acceptant nous souscrivons à l'idée que la fin de l'histoire est arrivée et que nous ne devons plus attendre de résistance. Que le monde est celui fait par le patron. Que les Autres ne sont pas des sujets historiques avec un potentiel révolutionnaire, qu'ils/elles n'ont ni force, ni pouvoir pour affronter le patron, parce qu'en réalité ils/elles sont des organes de son corps universel qui obéit à son esprit universel. Si nous acceptons que toute l'humanité est unie au patron, alors, d'où pouvons-nous espérer que surgisse le changement ?
L'idéal de l'Anthropocène veut nous faire croire que le patron a la capacité de résoudre la crise écologique. Il suggère que la nature non humaine – ou bien une version réduite de celle-ci, représentée par la géologie et le climat – exerce maintenant un agenda historique, en opposant sa force à celle du patron. Et que le patron répondra à cette force en changeant son rapport avec l'environnement ou qu'il succombera. Cette idée est erronée : nous ne devons pas déposer nos espoirs en elle. Durant des décennies, le patron a su qu'il courait un grave danger, mais il n'a pas été capable d'y donner une réponse efficace. Il avance simplement par le seul chemin qu'il connaît, en se défendant avec une férocité toujours plus grande contre ceux et celles qui résistent. Par conséquent, notre unique espoir, c'est la résistance.
Dans mon livre Forces of Reproduction. Notes for a counter-hegemonic Anthropocene (Barca, 2020), je développe l'hypothèse que l'histoire consiste en une lutte des sujets pour produire la vie de façon autonome vis-à-vis du capital, une lutte qui s'oppose à l'expansion illimitée de la loi du patron. Ces sujets sont les « forces reproductives », un concept inspiré par la pensée socialiste écoféministe (Mellor, 1996). De manière non systémique, le concept croise de manière critique deux traditions théoriques : la pensée écoféministe et le matérialisme historique.
Ce cadre nous permet de voir que le principal point commun des dépossédé.e.s et des subalternes est une notion de travail définie génériquement, et pour autant pertinente : d'après certaines positions, et de manières différentes, les femmes, les esclaves, les prolétaires, les animaux et les êtres non humains sont mobilisé.e.s afin de travailler pour le patron. Ces sujets doivent satisfaire les besoins vitaux pour pouvoir se vouer à des occupations plus importantes. Le patron dépend d'eux pour sa survie et sa santé, mais cette dépendance est constamment niée et les forces reproductives sont perçues comme de simples ombres dans la toile de fond de leur agenda historique.
Dans la pensée occidentale, le concept de travail a une forte connotation genrée, comme l'a argumenté Plumwood (1993 : 25). L'identité humaine a été associée aux concepts de travail productif, de sociabilité et de culture, c'est-à-dire aux activités développées dans l'espace public, traditionnellement restreintes aux hommes. En ce sens, nous pouvons argumenter que « l'humanité » s'est identifiée par la séparation vis-à-vis de formes supposées inférieures de travail (comme la reproduction et le soin) et de propriété (les biens communs).
L'économie politique capitaliste a défini le travail reproductif comme un non-travail, c'est-à-dire une activité sans valeur, bien que socialement nécessaire pour maintenir les intérêts du patron, et les biens communs comme gaspillage, c'est-à-dire des éléments ne pouvant être valorisés au profit du patron. Dans cette perspective, la véritable richesse et l'émancipation humaine pouvaient venir seulement de la « casa grande »[3] et de là, « s'écouler ». La forme de production nouvelle qui en a résulté, supposée supérieure, s'est fondée sur les inégalités coloniales/raciales, de genre, de classe et d'espèce, et est restée au centre de la modernité capitaliste ; en se distinguant des modes de production non capitalistes, elle s'est universalisée rapidement pour devenir un modèle hégémonique.
Le travail de Plumwood est réellement fondamental pour une critique féministe du discours de l'Anthropocène. Néanmoins, il doit se comprendre comme faisant partie d'une tradition plus large de pensée écoféministe, qui a lié systématique la critique écologique à celle du patriarcat.
Travail et écologie dans l'écoféminisme socialiste
L'écoféminisme socialiste s'est développé à partir du féminisme marxiste : depuis les années 1970, celui-ci a montré comme le capitalisme est profondément relié à l'appropriation du travail reproductif non rémunéré (Bhattacharya, 2017). A partir de ce corpus théorique, quelques chercheuses et intellectuelles ont introduit la nature et l'écologie dans l'équation. En réfléchissant aux profondes interconnections qui se sont formées entre le patriarcat, le capitalisme et la vision mécaniste de la nature dans l'Europe moderne (Merchant, 1980), ces autrices/activistes ont commencé à lier la dévaluation politico-économique de la reproduction à la dégradation environnementale, en produisant un récit radicalement nouveau de la modernité capitaliste industrielle
Une référence fondamentale pour l'écoféminisme matérialiste est l'œuvre de la sociologue allemande Maria Mies, particulièrement son livre Patriarcado y acumulación a escala mundial (Mies, 1986). Intervenant dans le débat sur le rapport entre le patriarcat, le capitalisme et le colonialisme en se basant sur l'œuvre de Rosa Luxemburg, Mies argumenta que le féminisme devait dépasser l'analyse du travail reproductif dans les pays occcidentaux pour la lier aux conditions matérielles spécifiques des femmes dans les périphéries du Système-monde capitaliste, afin d'identifier « les politiques contradictoires envers les femmes qui furent et continuent d'être promues par les militaristes, les capitalistes, les politiciens et les scientifiques dans leurs efforts pour maintenir le modèle de croissance » (ibid. : 3). Rapidement, Mies jeta les bases d'un écosocialisme féministe postcolonial, basé sur le rejet de la croissance du PIB comme mesure universelle de progrès (Barca, 2019 ; Gregoratti y Raphael, 2019).
Le développement de cette perspective exige de repenser « les concepts de nature, de travail, de division sexuelle du travail, de famille et de productivité » (Mies, 1986 : 45). Mies soutient que l'économie politique conceptualise le travail en opposition tant à la nature qu'à la femme, c'est-à-dire à partir d'un agenda transcendant codifié par l'homme, qui configure activement le monde en lui assignant une valeur. Par conséquent :
« Tout le travail lié à la production de la vie, y compris le travail de procréation, n'est pas considéré comme l'interaction consciente d'un être humain avec la nature, mais comme une activité de la nature, qui produit des plantes et des animaux inconsciemment et qui n'a aucun contrôle sur ce processus » (ibid.).
La séparation et la superposition du travail qui génère la valeur sur le travail qui génère la vie est une abstraction qui débouche sur le fait que les femmes et leur travail sont « définies comme la nature » (Mies, 1986 : 46). Au contraire, argumente l'autrice, tout travail qui conduit à la production de la vie doit être désigné comme productif « dans le sens le plus large de produire des valeurs d'usage pour satisfaire les besoins humains » (ibid : 47).
L'argument général de Mies, c'est que la production de vie, ou bien plus la production de subsistance – développée principalement sans rémunération par les femmes, les esclaves, les paysan.ne.s et autres sujets colonisés – « constitue la base pérenne sur laquelle on peut construire et exploiter le ‘travail productif capitaliste' » (ibíd. : 48). N'étant pas compensée par un salaire, son appropriation capitaliste (ou « super-exploitation », comme le conceptualise l'autrice) peut seulement être obtenue – en dernière instance – par la violence ou par les institutions coercitives.
De fait, selon Mies, la division sexuelle du travail ne se basait pas sur des conditionnements purement biologiques et économiques mais sur le monopole masculin de la violence (armée), qui « constitue le pouvoir politique nécessaire pour établir des relations durables d'exploitation entre les hommes et les femmes, ainsi qu'entre différentes classes et peuples » (ibid. : 4). A partir du XVIe siècle, la base de l'accumulation du capital en Europe s'est développée grâce à un processus de conquête et d'exploitation parallèle des colonies et des corps féminins (concrètement avec la chasse aux sorcières) et de leurs capacités productives. C'est seulement après l'établissement de ce régime d'accumulation par la violence que l'industrialisation put commencer. Avec cela,
« la science et la technologie deviennent les principales ‘forces productives', par lesquelles les hommes peuvent ‘s'émanciper' de la nature, ainsi que des femmes » (ibid. : 75).
En même temps, argumentait Mies, les femmes européennes des différentes classes sociales (y compris celles qui participaient aux établissements coloniaux) furent soumises à un processus de domestication [4], c'est-à-dire qu'elles furent exclues graduellement de l'économie politique considérée comme l'espace public du progrès et de la construction de la modernité, et confinées à « l'idéal de la femme domestique privatisée, préoccupée par ‘l'amour' et la consommation et dépendante d'un homme chargé de ‘l'entretien' » (ibid. : 103).
Le travail de Mies doit être considéré comme partie prenante d'une démarche académique plus vaste visant à jeter les bases d'un récit écoféministe de la modernité capitaliste. Néanmoins, il faut mentionner deux autres œuvres fondatrices et inspiratrices de l'écoféminisme socialiste. En premier lieu, le livre de Carolyn Merchant (2010) Ecological Revolutions, qui propose un cadre d'après la matrice marxiste, écologique et féministe pour interpréter l'histoire environnementale de la Nouvelle Angleterre (États-Unis) depuis la conquête coloniale, en situant l'écologie (comprise comme nature non humaine active et autonome) au centre de trois sphères d'interaction dynamique : la production, la reproduction et la conscience.
Le second, plus connu au sein de l'écoféminisme socialiste, est le livre de Silvia Federici (2004) Calibán y la bruja [Caliban et la sorcière]. Activiste et intellectuelle féministe marxiste, mondialement connue pour sa participation au débat et à l'organisation politique sur le travail domestique dans les années 1970, Federici a offert une étude en profondeur sur la manière dont, dans l'Europe du XVIIe siècle, le corps féminin fut transformé « en un instrument […] pour l'expansion de la force de travail, traité comme une machine naturelle de reproduction, qui fonctionnait selon des rythmes échappant au contrôle des femmes » (Federici, 2009). Cette nouvelle division sexuelle du travail, argumente Federici, a redéfini les corps féminins prolétaires comme des ressources naturelles, une sorte de biens communs ouverts à l'appropriation, afin d'améliorer la productivité.
Ainsi naquit le patriarcat capitaliste : vu leur expulsion de la terre (clôtures agraires) et leur exclusion de la main-d'œuvre marchandisée, qui se produisit en même temps, les femmes perdirent l'accès aux moyens de subsistance et finirent par dépendre économiquement des hommes. Dans une mesure similaire à celle appliquée aux natifs des colonies, les femmes furent sous-humanisées dans la loi, esclavagisées dans l'économie et soumises à la terreur génocidaire avec la chasse aux sorcières. Avec la colonisation et l'esclavagisme globalisé, la guerre contre les femmes fut par conséquent un pas substantiel dans l'apparition de l'Anthropocène, vu qu'il conduisit à supprimer des formes autonomes de connaissance de la nature et de rapport avec le non humain ; il permit la fourniture régulière de main-d'œuvre à bon marché pour soutenir l'industrialisation.
Étant donné qu'il s'agit d'un processus généralisé affectant toutes les femmes (bien qu'évidemment de manière différente), les féministes marxistes le considèrent comme une redéfinition de facto du sexe féminin comme classe : celle des travailleuses de la reproduction.
Contribuant à ce corps de pensée, l'écoféministe marxiste Mary Mellor a formulé le concept de « forces reproductives », c'est-à-dire
« le travail dévalorisé des femmes, incorporé au monde matériel des hommes, interprété au travers du cadre théorique analytique du matérialisme historique » (Mellor, 1996 : 257).
Selon l'autrice, il doit se libérer des barrières artificielles du productivisme, par lesquelles « la vie des femmes se convertit théoriquement en une catégorie secondaire dans la ‘sphère de la reproduction' » (ibíd. : 260), ce qui provoque des impacts écologiques dévastateurs, constatés tant dans les économies capitalistes que dans les expériences de socialisme d'État. Au lieu d'être ignorés ou niés, les corps des femmes doivent être compris comme la base matérielle sur laquelle se sont imposés des rapports sociaux spécifiques : les différences biologiques de sexe – écrit Mellor – « ne déterminent pas le comportement humain ; de fait, les forces de la reproduction doivent s'accommoder des rapports de reproduction » (ibid. : 261).
Le féminisme permet aux femmes d'utiliser « leur position biologique/sociale dans la société […] comme une place spécifique leur permettant de produire une vision du monde alternative, en transcendant les fausses limites entre le naturel et le social » (ibid. : 262). Cela permet de voir la croissance économique moderne comme un processus par lequel des humains se libèrent de la rareté aux dépens d'autres humains et du monde non humain. A travers les luttes collectives, argumente Mellor, « nous pouvons reconstruire notre monde social sur des principes égalitaires » (ibid. : 263 ; en italique dans le texte original) en respectant la démarche autonome de la nature et notre interdépendance envers elle.
A partir de ce positionnement théorique, les écoféministes matérialistes ont défendu la nécessité de reconsidérer en profondeur la valeur économique. Dans Globalization and Its Terrors, par exemple, Teresa Brennan (2003) a révisé la théorie de la valeur de Marx, en suggérant qu' « ajouter de la valeur à l'argent requiert l'apport de la nature vivante (humaine et non humaine) qui se transforme en produits et en services » (Brennan apud Charkiewicz, 2009 : 66) ; non seulement le travail, mais aussi la nature offrent plus que ce qu'ils coûtent ; le capital transfère le coût de reproduction du travail et de la nature à des tiers : les femmes et les sujets colonisés et racisés.
Cela produit, par exemple des corps (et des territoires) malades où s'accumulent les résidus toxiques, ainsi que le travail additionnel requis pour les soigner. Des îles Marshall (De Ishtar, 2009) au delta du Niger (Turner et Brownhill, 2004) et à travers d'autres histoires sans nombre, les activistes et les chercheuses écoféministes ont mis en lumière comment la maladie et la mort dans l'Anthropocène ont été les conséquences d'un modèle de progrès hautement industrialisé/militarisé, dont les coûts ont été supportés en grande mesure par « les femmes, la nature et les colonies » (Mies, 1986 : 77).
Comme le signale Ewa Charkiewicz, ces histoires montrent qu'exclues de la production de valeur, les femmes sont inclues dans les sphères économique et politique à condition d'accomplir leurs fonctions de soins. Parce que le pouvoir souverain ne se base pas seulement sur la patria potestas, le droit paternel à tuer, mais aussi sur la cura materna, la tâche maternelle de soigner. Cette tâche se concrétise par la responsabilité des femmes dans l'économie des soins, en absorbant les coûts sociaux de la guerre globale contre la nature vivante (Charkiewicz, 2009 : 83).
Partageant cette perspective, Ariel Salleh (2009 : 4-5) a proposé le concept de « dette incarnée », à savoir :
« tant le Nord que le Sud ont une dette avec les sujets qui effectuent le travail reproductif non rémunéré, qui nous fournit la valeur et régénère les conditions de production, y compris la future force de travail du capitalisme ».
Cette dette, soutient Salleh, doit s'entremêler avec deux autres : la « dette sociale » des capitalistes envers les travailleur.euse.s (rémunéré.e.s ou non) par la plus-value extraite de leurs corps ; et la « dette écologique » des pays colonisateurs envers les pays colonisés « par l'extraction directe des moyens naturels de production ou de vie des peuples non industriels » (ibid.). Ce cadre, dénommé matérialisme incarné par Salleh, permet de développer un récit matérialiste écoféministe de l'Anthropocène : il considère que la crise écologique surgit de l'interconnexion entre les trois formes de vol opérées par le système global d'exploitation.
La dette incarnée signale que l'agriculture de subsistance, ainsi que le soin de l'entourage urbain et rural, sont des formes de travail reproductif non rémunérées qui complètent le travail domestique en fournissant les conditions de la production. Nous pourrions appeler ce travail reproduction environnementale, c'est-à-dire le travail d'ajuster la nature non humaine à la reproduction humaine, en la protégeant de l'exploitation et en assurant les conditions de reproduction de la nature pour les besoins des générations présentes et futures.
L'écoféminisme matérialiste revendique ce travail comme non capitaliste, c'est-à-dire non orienté vers la valeur (d'échange), mais régi par des principes de communauté et de justice. La distinction fondamentale de ce cadre par rapport à la modernisation écologique, c'est qu'elle se base sur un principe dénommé par Salleh (2009) éco-suffisance (au lieu de éco-efficience), c'est-à-dire un rapport non extractiviste avec la nature non humaine qui satisfasse les besoins humains au lieu du profit. L'éco-suffisance, suggère l'autrice, est la véritable réponse à la dette climatique et écologique. Accompagnée de l'annulation de la dette financière et adoptée à l'échelle mondiale, elle permettra d'arrêter l'extractivisme dans les pays les plus pauvres et possiblement de remédier à la dégradation écologique, en permettent le maintien du « pétrole dans le sol » (comme le demandait par exemple l'initiative Yasuni-ITT) [5], ainsi que le développement de l'autonomie locale, de la souveraineté alimentaire et de l'usage des ressources.
Manquant de légitimation académique, signale Salleh, ce cadre de l'autosuffisance écologique est pratiquement ignoré par les consultants et par la politique environnementale. Bien sûr, la raison n'en est pas simplement culturelle, mais profondément structurelle : son adoption demanderait « un engagement de réduction annuelle de l'utilisation des ressources de la part des nations industrialisées » (ibid. : 18), similaire à ce que certains appellent maintenant la décroissance, menaçant ainsi la gouvernance économique néo-libérale. Selon une perspective féministe, Salleh soutient que la décroissance pourrait signifier une libération y compris des classes travailleuses industrielles à l'échelle mondiale, c'est-à-dire de la main-d'œuvre racisée et sexualisée, coincée dans la trappe du système productif et consumériste perçu comme l'unique chemin possible de la réalisation humaine.
En suivant cette perspective, les écoféministes matérialistes ont argumenté que, comme travailleuses reproductives, les femmes dans la modernité capitaliste n'incorporent pas seulement, mais qu'elles résistent aux contradictions économiques à partir de leur situation sociale (Fakier et Cock, 2018 ; Merchant, 1996, 2005). Comme le dit un dicton féministe connu, elles organisent la résistance depuis la table de la cuisine. Cela nous permet de conceptualiser les démarches alternatives qui s'inscrivent au sein et contre la modernité capitaliste, et particulièrement autour d'une politique des biens communs.
Les écoféministes matérialistes ont considéré les femmes comme les principales défenseuses des biens communs, parce qu'elles constituent la base matérielle du travail reproductif : d'après leur point de vue, la défense de l'accès aux biens communs et à la préservation des environnements naturels et construits (le sol, l'eau, les forêts, la pêche, mais aussi l'air, les paysages et les espaces urbains) a été une forme de résistance contre la dépossession et la dégradation des conditions du travail reproductif.
En résistant ainsi, de nombreuses femmes urbaines et rurales ont été la principale force d'opposition à une complète marchandisation de la nature, en appuyant l'usage non capitaliste de la terre et de l'agriculture de subsistance (Federici, 2009) ; cela explique pourquoi les femmes du monde entier ont été à l'avant-garde de l'agriculture urbaine, d'actions comme la plantation d'arbres, de mobilisations contre l'énergie nucléaire et les mines, de l'opposition aux mégaprojets destructeurs, à la privatisation de l'eau, aux dépotoirs de résidus toxiques et d'actions similaires (Gaard, 2011 ; Rocheleau et Nirmal, 2015). Carolyn Merchant (1996) a dénommé ce phénomène – et cette forme de démarche – soins de la terre (earthcare).
L'écoféminisme matérialiste insiste sur le fait que les femmes doivent être reconnues comme la grande majorité de la classe reproductrice et de soin mondiale, tant aujourd'hui qu'historiquement. Bien que les femmes soient notoirement différenciées par la classe et d'autres distinctions sociales, un niveau basique de généralisation descriptive (mais pas normative) est nécessaire pour considérer les femmes comme la grande majorité du prolétariat global et comme une classe de travailleur.se.s dont les corps et les capacités productives ont été appropriées par le capital et par les institutions capitalistes.
Je soutiens que, dans cette perspective, la démarche environnementale des femmes se convertit en celle de sujets politiques réclamant le contrôle sur les moyens (et les conditions) de (re)production : leurs corps et l'entourage non-humain. En d'autres termes, si le rapport entre les femmes et la nature non humaine comme co-productrices de force de travail s'est construit socialement à travers les rapports capitalistes de reproduction, alors les luttes environnementales et reproductives des femmes doivent être considérées comme partie d'une lutte de classes plus large.
Pour les écoféministes socialistes, cela requiert de rejeter le paradigme de la croissance économique moderne, parce qu'il a subordonné tant la reproduction que l'écologie à la production, toutes deux considérées comme moyens de l'accumulation capitaliste. Cela peut être considéré comme une dimension très basique du matérialisme écoféministe : comme l'a argumenté Mellor, « en séparant la production aussi bien de la reproduction que de la nature, le capitalisme patriarcal a créé une sphère de ‘fausse' liberté ignorant les paramètres biologiques et écologiques » (1995 : 256) ; un socialisme vraiment écologique, affirment alors les écoféministes socialistes, doit inverser cet ordre, en subordonnant la production à la reproduction et à l'écologie (Merchant, 2005).
Face à la dimension catastrophique de l'actuelle crise écologique, les récents développements de la Théorie de la reproduction sociale et le mouvement féministe global indiquent des possibilités concrètes pour adopter cette perspective (Arruzza et al., 2019 ; Bhattacharya, 2017 ; Fraser, 2014). Par exemple, le mouvement de la Grève mondiale des femmes (Global Women Strike) se considère aujourd'hui comme une lutte non seulement pour le travail domestique, mais aussi pour le travail de soin de la terre que la modernité industrielle capitaliste a externalisé chez les femmes et chez d'autres sujets subalternes/féminisés, en défiant la violence capitaliste/industrielle et en militant pour transformer radicalement les rapports productifs et reproductifs [6].
L'écoféminisme socialiste est un outil important pour la subjectivation politique ; néanmoins, il ne doit pas se voir comme une perspective généralisée sur les femmes, mais comme une analyse critique des rapports matériels de (re)production ayant généré des réponses politiques spécifiques et créant présentement de nouvelles possibilités politiques. La division sexuelle du travail coloniale/capitaliste, avec sa normalité hétérosexuelle de fer, a opprimé et continue d'opprimer trop de générations de femmes dans le monde entier pour être ignorée comme un puissant enjeu de libération.
Évidemment, de nombreuses femmes ont adhéré au modèle hégémonique de modernité et de progrès, en acceptant une vision acritique du féminisme et des schémas de consommation et d'aspirations sociales, ou en acceptant leur domestication et leur dépendance vis-à-vis du salaire masculin. Comme tous les sujets historiques, les femmes prennent des décisions, bien que celles-ci dépendent de conditions qu'elles n'ont pas choisies. La même chose se produit avec les travailleurs mâles que le matérialisme historique a considérés traditionnellement comme les fossoyeurs du capitalisme.
Comme l'a signalé Mellor (1996), parler du travail reproductif et de son potentiel écologique n'est pas plus essentialiste que parler du travail industriel et de son potentiel révolutionnaire : il signifie bien davantage reconnaître les conditions historiques déterminées où la majorité des femmes sont placées dans la division générale du travail, en admettant les formes spécifiques où le travail et le genre se sont entremêlés dans la modernité capitaliste, et en refusant les pensées profondément enracinées du travail domestique et de subsistance comme non productif ou passif.
De plus, les écoféministes matérialistes ont reconnu que, bien que le travail de subsistance soit effectué majoritairement par les femmes, cela est dû davantage à des raisons historiques et sociales et non biologiques, et que les hommes dans les communautés paysannes et indigènes et y compris dans les économies industrielles effectuent aussi des travaux de reproduction, de soin et de subsistance. Comme l'a signalé Salleh (2009 : 9), la division sexuelle du travail se reproduit idéologiquement par des « attitudes de sexe/genre distribuées inconsciemment » reléguant la reproduction à la sphère sous-évaluée des femmes, empêchant les politiques, les universitaires et même les activistes de voir la matrice de genre inscrites dans les rapports socio-écologiques [7]. Par conséquent, écrit-elle, « ni la philosophie, ni le socialisme n'ont identifié ce travail anti-anthropique et ils ont encore moins conceptualisé sa valeur et son contexte social » (ibid. ; 17).
Cette perspective est partagée par la majorité des écoféministes matérialistes : par exemple, derrière le soulèvement zapatiste au début des années 1990, Mariarosa Dalla Costa (2003) – autre figure notoire de la théorie de la reproduction sociale et du mouvement féministe des années 1970 – a défendu une conception plus large du soin de la Terre, qui ne se limite pas à l'agenda environnemental des femmes, mais qui inclut aussi les mouvements paysans et indigènes et leurs luttes pour la souveraineté alimentaires et les biens communs.
En résumé, combiner le matérialisme historique avec l'écoféminisme nous mène à regarder l'Anthropocène depuis une perspective de travail reproductif, c'est-à-dire le travail qui soutient la vie et ses besoins matériels et immatériels. L'agriculture de subsistance, la pêche et la recherche d'aliments, le travail domestique, l'agriculture urbaine, l'enseignement, les soins infirmiers, l'assistance sanitaire, le recueil des déchets et le recyclage sont des formes de travail reproductif au sens où elles sont essentielles pour le développement de l'humanité dans son interdépendance avec le monde non-humain.
Par sa propre logique, le travail reproductif s'oppose au travail social abstrait et à tout ce qui instrumentalise la vie à d'autres fins. La vie elle-même est le produit du travail reproductif (humain et non-humain). En même temps, le capitalisme soumet ce travail à une marchandisation croissance et à une chosification : cela génère une contradiction au sens où le travail reproductif reste directement ou indirectement incrusté dans le circuit de la valeur argent-marchandise-argent. Ainsi, le capitalisme diminue ou annihile le potentiel de maximisation de la vie des « forces reproductives » en les transformant en un instrument d'accumulation. Ce processus épuise aussi bien le/la travailleur.euse que l'environnement, en extrayant des deux davantage de travail et d'énergie que nécessaire, en les laissant épuisé.e.s
Élaboré dans ses apports essentiels durant les années 1980 et 1990, la pensée écoféministe matérialiste fut conditionnée par une vision binaire des identités de genre, ce qui fut critiqué – y compris au sein du mouvement féministe – comme essentialiste, et générant un débat, comme l'écrit Christine Bauhardt (2019 : 27), « autour du rapport incommode entre la nature, le soin des autres et l'environnement, et le rapport entre sexe et genre ». Bien qu'il soit important de rappeler que « ce qui est en question, c'est la pratique du travail des soins, ce n'est pas une essentialisation du corps fémininin » (ibid), il est certain que l'écoféminisme matérialiste ne questionne pas suffisamment l'hétéro-normativité du système patriarcal capitaliste et laisse invisible l'expérience des personnes LGBTQI+ et transgenre.
Dans la dernière décennie, plusieurs théoriciennes et activistes se sont occupées de ces aspects, spécialement dans les études d'écologie queer (Greta Gaard, Catriona Sandilands, Donna Haraway) et du féminisme décolonial (Maia Lugones, Lorena Cabnal). Centrées sur la critique de l'hétéro-normativité comme legs de la modernité coloniale et capitaliste, ces perspectives ont démontré leur capacité à être un outil très puissant pour analyser le rapport entre la violence de genre et la violence environnementale. En même temps, elles montrent que défaire les rapports et les identités de genre est un pas essentiel pour défaire l'Anthropocène.
Conclusions
La déconstruction du récit hégémonique de l'Anthropocène requiert une analyse critique de la façon dont il invisibilise quatre éléments :
1/ les rapports coloniaux : l'unique civilisation qui importe est la civilisation occidentale ;
2/ les rapports de genre : l'unique agenda historique est celui des « forces de production » (science et technologie industrielle) ;
3/ les rapports de classe : les inégalités sociales et l'exploitation n'importent pas ;
4/ les rapports entre les espèces : le monde vivant non-humain n'importe pas.
Dans leur ensemble, ces différents aspects du récit hégémonique de l'Anthropocène dérivent de l'invisibilisation des « forces de reproduction », c'est-à-dire de leurs aspects – racialisés, féminisés, salariés et non salariés, humains et non humains – qui maintiennent le monde vivant.
Bien que le modèle hégémonique de modernité soit constitutif de la modernité capitaliste/industrielle, il ne coïncide pas totalement avec celle-ci. D'une part, le capitalisme a adopté ce modèle de rationalité en reconfigurant la notion de modernité comme la capacité d'extraire la valeur du travail humain et non humain ; d'autre part, ses dimensions clé (ou une partie de celles-ci) peuvent aussi se trouver dans dans des systèmes sociaux non-capitalistes, c'est-à-dire non orientés par la valeur.
Le socialisme d'État – tel qu'il fut vécu dans le bloc soviétique, ou en Chine, ou dans quelques-unes de ses versions post-coloniales en Afrique, en Amérique latine et dans le Sud-Est asiatique – a maintenu diverses combinaisons historiques de colonialisme/racisme, d'hétéropatriarcat/sexisme et/ou de suprématie humaine/spécisme. Les structures politico-économiques profondément enracinées, de l'échelle locale à l'échelle globale, bloquent les tentatives de démanteler le modèle hégémonique de la modernité, de sorte que l'on n'a pas trouvé un modèle contre-hégémonique dans les formations étatiques. Néanmoins, nos espoirs de justice climatique résident précisément dans le fait que nous devons exercer une narration contre-hégémonique de toutes les manières possibles pour cultiver des formes de modernité alternatives, multiples et soutenables.
Comme je l'ai argumenté dans cet article, le dilemme écomoderniste du socialisme peut être dépassé seulement si nous adoptons une vision de l'économie politique où toutes les formes de travail ont la même valeur dans la mesure où elles soutiennent la vie. Pour cela, il faudra dépasser la vision binaire du rapport entre production (= masculine) et reproduction (= féminine) de l'écoféminisme du XXe siècle, pour comprendre les « forces de reproduction » comme un ensemble de subjectivités et de mouvements opposés à la modernité coloniale, capitaliste et hétéronormative. C'est seulement de cette manière que l'écosocialisme du XXIe siècle peut voir la transition écologique comme une intersection de différentes luttes pour le « changement de système ».
*
Stefania Barca est chercheure au Centre d'études sociales de l'Université de Coimbra (Portugal), auteure de nombreux travaux sur l'écologie ouvrière et le syndicalisme.
Cet article a été traduit initialement en espagnol dans la revue Viento Sur, à partir de la publication en portugais de « Forças de reprodução. O ecofeminismo socialista e a luta para desfazer o Antropoceno », 9 juillet 2021.
Traduction du castillan : Hans-Peter Renk (Groupe écosocialiste de solidaritéS).
Une première version beaucoup plus courte de cet article a été publiée en français par la revue Ecorev.
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Notes
[1] Ce terme est utilisé ici dans son sens classique – appartenant à la sphère économique et du travail et aux rapports sociaux de (re)production – et non dans le sens qui lui est attribué par la littérature la plus récente du féminisme matérialiste – appartenant à la sphère ontologique.
[2] Cf. www.ejatlas.org. Consulté le 30 juin 2021.
[3] Nous avons choisi de traduire « master's house »(dans le texte original) par « casa-grande, en référence à la maison de maître rurale construite au Brésil par les colonisateurs portugais [NdT].
[4] Ama de casa, dans le texte original [NdT].
[5] Cf. par exemple le site web duMovimiento Mesoamericano contra el Modelo extractivista Minero : https://movimientom4.org/2016/01/la-vida-en-el-centro-y-el-crudo-bajo-tierra-el-yasuni-en-clave-feminista/. Consulté le 1er juillet 2021.
[6] C'est la vision adoptée en 2019 par le
Une compagnie canadienne de minage s’en prend à l’État colombien
Des livreurs et chauffeurs lancent le combat contre la « gig economy »

Manifestation Ensemble pour Gaza et la Palestine ! le 23 mars à Montréal !

Une rencontre d'organisations québécoises a eu lieu hier pour mettre en place une Coalition du Québec URGENCE Palestine. Ce sont à ce moment-ci 14 organisations qui ont décidé de s'unir pour notamment appeler à une manifestation le samedi 23 mars, à compter de 13 h 30 à Montréal. Nous étions présents et avons participé à l'adoption d'un texte d'appel que vous retrouvez ci-dessous. Un comité de coordination fut mis en place qui se réunira dès cette semaine. La Coalition invite toutes les organisations intéressées et les personnalités publiques qui souscrivent à l'appel ci-dessous et à s'associer à la coalition et à la manifestation à écrire à urgencepalestine.qc@gmail.com
La rédaction
Ensemble pour la justice et la paix !
Depuis cinq mois, ce qu'Israël inflige à la population palestinienne de Gaza nous révolte et révolte une grande partie de la population québécoise : bombardements incessants ; 29 782 personnes tuées, 7 000 disparues sous les décombres, 70 043 blessées (en date du 26 février 2024) ; infrastructures civiles massivement détruites ; ambulances, personnels de santé et journalistes ciblés ; déplacements forcés de plus de 75 % de la population ; blocus plongeant toute la population dans des conditions d'insécurité alimentaire aigüe, voire de famine, et les privant d'eau potable, de médicaments et de carburant. En seulement trois mois, 10 000 enfants avaient déjà été tués à Gaza, soit 20 fois plus qu'en Ukraine en 18 mois (500). Et, selon des experts de l'ONU, il est « sans précédent qu'une population civile entière souffre de la faim aussi complètement et aussi rapidement ».
Le 26 janvier, la Cour internationale de Justice (CIJ) a statué qu'il était plausible qu'Israël commette des actes de génocide à Gaza. La CIJ a ordonné à Israël de prévenir de tels actes et de « permettre la fourniture des services de base et de l'aide humanitaire requis de toute urgence ». Mais depuis, la situation a empiré, et Israël s'apprête maintenant à assiéger la ville de Rafah, à l'extrême sud de la bande de Gaza et à forcer l'expulsion de 1,5 million de personnes qui y ont cherché un refuge ultime.
La position du Canada est honteuse Face à ces crimes, le Canada a exprimé des « préoccupations » pour le sort de la population civile, mais il continue d'invoquer le droit d'Israël de « se défendre » sans aucune condamnation d'Israël pour ses innombrables violations du droit international. Depuis octobre dernier, il a autorisé un montant record d'exportations militaires vers Israël. Au lendemain de la décision de la CIJ, il a annoncé qu'il suspend son financement à l'agence de l'ONU pour les réfugié·e·s palestiniens (UNRWA) dont dépendent deux millions de personnes pour leur survie. Les actions du Canada révèlent sa complicité dans l'assaut criminel d'Israël contre Gaza et l'hypocrisie de son discours.
Pour la vie, la justice et la paix Nous appelons la population québécoise à soutenir le droit à la vie du peuple palestinien en exigeant : • un cessez-le-feu immédiat et la libre circulation de l'aide humanitaire dans toute la bande de Gaza • l'arrêt des exportations militaires canadiennes, directes et indirectes, vers Israël • le rétablissement du financement canadien à l'UNRWA • la levée du blocus de la bande de Gaza par Israël Nous appelons aussi la population québécoise à exiger la fin de l'occupation militaire et de la colonisation israéliennes en Palestine qui durent depuis des décennies et qui sont le fondement de la crise actuelle.
Depuis 30 ans, les « processus de paix » bidon n'ont abouti qu'à plus de dépossession, de violence et d'humiliation à l'égard du peuple palestinien. Une solution juste et durable doit venir maintenant. Comme société civile québécoise, nous pouvons y contribuer en nous inscrivant, entre autres, dans le mouvement international de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS).
Il n'est pas antisémite de défendre les droits du peuple palestinien !
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Luttes économiques. Incarner une meilleure solidarité

En quoi les enjeux LGBTQ+ rejoignent-ils ceux de la lutte des classes ? À bâbord ! a rencontré Élyse Bourbeau, syndicaliste et femme trans, pour en parler. Propos recueillis par Isabelle Bouchard et Alexis Ross
À bâbord ! : À quels enjeux économiques particuliers la communauté LGBTQ+ doit-elle faire face ?
Élyse Bourbeau : Les statistiques démontrent qu'il y a une précarité accrue dans la communauté. Des chiffres états-uniens (du Human Rights Campaign) font par exemple voir un écart de revenus entre la population générale et la communauté LGBTQ+. Cette différence négative de revenus n'est pas uniforme au sein de la communauté. Ainsi, les personnes LGBTQ+ prises globalement gagnent 10 % de moins que le revenus médian de la population générale, mais les hommes trans gagnent 30 % de moins, alors que le revenu des femmes trans est de 40 %. Donc encore aujourd'hui, malgré la prétendue égalité, la communauté LGBTQ+ vit encore de telles disparités.
Par ailleurs, l'organisme canadien Trans PULSE montrait qu'en 2011, 71 % des personnes trans avaient un diplôme collégial ou universitaire, mais que 50 % de ces diplomé·es gagnaient moins de 15 000 $ par année. Même si les personnes de la communauté sont souvent très éduquées, cela ne se reflète pas dans leurs conditions de vie.
La discrimination au travail a aussi des impacts matériels énormes. Par exemple, 28 % des personnes trans disaient avoir perdu (ou suspectaient d'avoir perdu) leur emploi parce qu'iels étaient trans.
La discrimination commence à l'embauche, et c'est majeur. Pas nécessairement une discrimination quant à l'orientation sexuelle, mais plutôt liée aux attentes de genre. Consciemment ou pas, il y a des attentes de présentation de genre : un homme parle comme ceci, une femme s'habille comme cela. Le moindrement qu'une personne n'a pas une présentation de genre « classique », ça peut nuire à son embauche.
Ensuite, la discrimination continue sur le milieu de travail après l'embauche : ces personnes peuvent être victimes de toutes sortes de remarques homophobes ou transphobes, de micro-agressions à tous les jours. C'est invivable, ça nuit à la santé mentale et ça peut forcer des démissions.
Enfin, il faut souligner que la communauté LGBTQ+ n'échappe pas à la reproduction des inégalités sociales en son sein même. Il y a des inégalités salariales entre hommes et femmes, comme il y a du racisme aussi dans la communauté. Je parle de la communauté, mais elle n'est pas uniforme. Les hommes gais blancs sont moins affectés par la discrimination qu'une femme trans noire ou non binaire. Ils ont ainsi plus de moyens et d'opportunités pour faire valoir leurs revendications. Cette situation nous nuit en nous divisant comme communauté !
ÀB ! : Comment les enjeux de santé s'entrecroisent-ils avec ceux de l'inégalité socio-économique ?
É. B. : La marginalisation crée des problèmes de santé. C'est clairement démontré que les gens de la communauté sont plus susceptibles d'avoir des troubles de santé mentale. Pas parce qu'être gai, lesbienne ou trans, c'est un problème de santé mentale, mais parce que ça entraine toutes sortes de discriminations, de conflits familiaux, ce qui cause de la dépression, de l'anxiété, etc. Ces problèmes, qui découlent des violences sociales, nuisent aussi économiquement.
À cela s'ajoutent les difficultés dans l'accès aux services de santé. Dans notre communauté, on appelle ça le « syndrome du bras cassé ». Une personne trans, par exemple, se casse le bras, va chez le médecin, mais le médecin panique et ne sait plus comment soigner une personne trans… alors qu'on lui demande juste de soigner un bras cassé !
Certains soins ont aussi des coûts élevés, notamment pour les personnes trans. Quand on entame une transition, certaines choses sont couvertes par la RAMQ, mais d'autres, non. Le poids financier étant énorme, certaines personnes trans doivent parfois cumuler deux, trois emplois, ou encore se tournent vers le travail du sexe pour couvrir ces frais.
ÀB ! : Comment, donc, penser la rencontre des luttes LGBTQ+ et économiques ?
É. B. : Dans un cas comme dans l'autre, on s'oppose aux mêmes forces qui misent sur les mêmes inégalités et les mêmes dominations pour leur profit. On est plongé·es dans le même système de pouvoir. Ce ne sont pas nécessairement les mêmes personnes qui profitent des inégalités économiques et de genre, évidemment. Mais les mécanismes et les leviers de pouvoir sont similaires.
Et tous ces discours sont portés par les mêmes personnes, par la droite. Je réfère à des discours homophobes, notamment, mais aussi à des discours mensongers qui favorisent la croissance économique à tout prix. Globalement, ces discours dominants, mis ensemble, vont avantager le statu quo, l'immobilisme et favoriser la classe dominante.
Il faut se demander pourquoi ces forces réussissent à perpétuer de tels systèmes de domination et de privilège. Mon hypothèse, c'est que la plupart des gens ont une vision partielle de ce que sont les leviers de pouvoir sur lesquels on peut agir. Cette vision partielle conduit les groupes de défense des droits à développer des actions très segmentées : chaque groupe s'occupe des droits des personnes visées par son organisation ; ce sont des petites cases. Cette façon de faire est nuisible, parce que la segmentation des luttes divise les forces de gauche et nous empêche de nous opposer au système de domination lui-même.
Les syndicats n'échappent pas à cette habitude. Les enjeux sociopolitiques peuvent tendre à être loin dans la liste de priorité derrière les relations de travail et les questions salariales. Il n'est pas rare d'entendre des membres des syndicats se demander pourquoi leur syndicat s'occuperait d'environnement ou de défense des droits LGBTQ+.
C'est ce qui arrive quand on manque de connaissance sur les leviers de pouvoir. Si on montrait que les sources de nos problèmes sont communes et que les solutions peuvent être communes aussi, on arriverait peut-être à mieux vaincre les inégalités et à incarner une meilleure solidarité.
ÀB ! : Est-ce que les enjeux LGBTQ+ sont suffisamment intégrés par les mouvements pour la justice sociale, par exemple les groupes communautaires et les syndicats ?
É. B. : Je ne sais pas si tous les organismes de défense de droits intègrent tous les enjeux LBGTQ+, mais il me semble que c'est important que ces organismes développent des liens avec la communauté LGBTQ+ pour être au courant de ses problématiques propres et éviter les angles morts. C'est important que les gens de différents milieux se parlent pour mieux comprendre la situation de chacun·e. Il faut mettre beaucoup d'efforts sur l'éducation, je ne le répéterai jamais assez. À ce titre, les syndicats peuvent jouer un rôle très important comme vecteur d'éducation auprès de la population.
On ne réalise pas assez le rôle qu'ont eu les syndicats dans la défense des droits LGBTQ+. Les mentalités n'ont pas évolué toutes seules depuis 50 ans, il y a eu des luttes ! Par exemple, dans les années 1970-80, quand les organismes communautaires étaient pris avec des urgences épouvantables comme la crise du sida et la violence, les syndicats, eux, ont beaucoup combattu pour l'accès au mariage pour les personnes de même sexe. Et ce n'était pas simplement une question de faire reconnaître l'amour ! Les syndicats voulaient que les conjoint·es puissent être couvert·es par les assurances collectives notamment.
Avec leur argent, leur expertise juridique, leur pouvoir de mobilisation, leur visibilité, leur poids politique, les syndicats étaient et sont toujours bien placés pour mener ce genre de luttes. C'est ça le rôle d'un syndicat. Si le réseau syndical se désengage de ces enjeux socio-politiques, le mouvement va reculer, j'en suis convaincue.
La contribution des syndicats à la défense des droits de la communauté LGBTQ+ ne doit pas s'arrêter. Ils doivent être à l'avant-garde des enjeux LGBTQ+, par exemple pour s'assurer que les milieux de travail soient aptes à accueillir et soutenir les personnes de la communauté, notamment trans et non binaires. Ça peut être de lutter contre la discrimination et le harcèlement, d'obtenir des toilettes non genrées, d'offrir des congés et des assurances pour les personnes qui font une transition, etc.
On arrive à un point tournant où on va voir de plus en plus de gens rompre avec les normes de genre, ça dérange des gens et ça va continuer à déranger. On assiste à une remontée des valeurs conservatrices. Les syndicats doivent utiliser leur pouvoir pour faire un contrepoids à ça, parce que les organismes LGBTQ+ n'y arriveront pas tous seuls. Il faut être des allié·es.
Élyse Bourbeau est enseignante de mathématiques au secondaire. Elle est troisième vice-présidente à l'Alliance des professeurs de Montréal, où elle s'occupe notamment du dossier LGBTQ+.
Photo : Marine CC

Les mondes de l’esclavage

Paulin Ismard, Les mondes de l'esclavage. Une histoire comparée, Seuil, 2021, 1168 pages.
Ce livre pèse : il fait près de 2 kg et procure un poids de connaissances considérable dans un domaine où le·la lecteur·rice francophone était mal pourvu·e. Les mondes de l'esclavage relève avec brio le pari fou de proposer une synthèse accessible de la somme importante des recherches universitaires sur l'histoire de l'esclavage depuis le paléolithique. Il se présente sous la forme d'une encyclopédie composée d'une centaine d'entrées ayant été confiées à une équipe internationale de 72 autrices et auteurs.
La première partie présente la grande diversité géohistorique des sociétés ayant connu un mode ou un autre d'exploitation extrême : esclavages antiques ou contemporains, esclavages sur toutes les mers et tous les océans. La preuve de l'universalité historique du phénomène est massive. Une entrée est consacrée aux « esclavages canadiens », confiée au spécialiste Brett Rushforth. Celui-ci décrit comment les procédés d'asservissement autochtones, français et britanniques s'entrelaceront chez nous pour former un modèle singulier. La seconde partie alimente des réflexions fondamentales. Elle adopte une approche thématique qui permet de comprendre ce qu'est l'esclavage dans la très grande diversité de ses manifestations comme dans la régularité de certains de ses traits. Les entrées rédigées par l'historienne Cécile Vidal (« culture », « justice », « maîtres », « mort », « résistance », « révoltes », « traites », « ville » et « violence » ) sont des bijoux d'érudition et d'acuité. La troisième et dernière partie de cette somme réintroduit l'esclavage dans l'histoire des systèmes esclavagistes. On y comprend par exemple pourquoi il est spécieux d'écrire une histoire du capitalisme qui ne pose pas l'esclavage au cœur de l'interprétation.
Quelques grands problèmes traversent l'ouvrage. Le premier concerne la définition de la notion d'« esclavagisme » . L'équipe éditoriale a privilégié une acception souple autour de critères juridiques (un humain détient sur un autre un droit de propriété), économique (le travail forcé), anthropologique (le contrôle du corps), politique (la violence) et social (la dénégation de dignité et l'exclusion de la parenté). Autre problème, soulevé par l'historien sud-africain Joel Quirk dans un texte consacré aux formes contemporaines d'esclavage (trafic d'êtres humains, travail forcé, esclavage sexuel, reproduction extralégale d'exploitations traditionnelles, etc.) : le danger politique de faire de l'esclavage transatlantique l'archétype de l'esclavage. En effet, par ce procédé, certains abus insoutenables sont donnés pour acceptables dès lors qu'ils ne correspondent pas au modèle des plantations.
L'épilogue signé par l'intellectuelle franco-camerounaise Léonora Miano est puissant. Elle s'y emploie à désamorcer l'usage abject qui pourrait être fait du caractère planétaire et immémorial de l'esclavagisme. L'argument qui consiste à en tirer une raison pour se dédouaner de toute forme de responsabilité vient en effet très vite à l'esprit des nationalistes européen·nes et eurodescendant·es. Pourtant, le livre permet de dégager très nettement la spécificité essentielle de l'esclavage colonial perpétré par les Européens. Il a été fondé à travers la construction d'un imaginaire racialiste et raciste qui s'est mondialisé à travers l'impérialisme. Pour sortir du racisme, il est donc urgent de comprendre qu'il est le produit d'une forme particulière d'esclavagisme à l'intérieur de la triste histoire de la domination humaine. Nous sommes les héritier·ères de cette idéologie. C'est la raison pour laquelle la lecture de ce travail monumental sera particulièrement utile dans une société au passé esclavagiste dont le premier ministre a pu déclarer benoîtement, dans la foulée de l'assassinat de George Floyd, que sa province n'avait « pas vécu l'esclavage ». Un négationnisme coupable qui est à lui seul la preuve d'un racisme systémique québécois.

La parole sorcière

Eve Martin Jalbert, La parole sorcière, Éditions de la rue Dorion, 2022, 251 pages.
Eve Martin Jalbert signe une rafraîchissante proposition sur la sorcellerie en littérature. Plus que de la figure de la sorcière, c'est de la parole sorcière dont il est ici question, dans une perspective foncièrement holistique. Jalbert s'aventure plus loin que ses contemporaines essayistes en accordant, au final, peu d'importance à la sorcière comme personne, et encore moins à la version féminine essentialiste de celle-ci. L'auteurice préfère se pencher sur l'éthos, les discours et les gestes derrière cette populaire icône féministe. Iel dépeint très simplement la parole sorcière comme ce qui libère, ce qui émancipe, ce qui crée barrage à la domination et, intimement, à la honte. Jalbert clame que nous gagnerions collectivement à rendre nos vies beaucoup plus réceptives à la parole sorcière et, pour nous y persuader, iel y va d'une démonstration littéraire.
À travers moult exemples puisés dans une variété d'œuvres - surtout de fiction - dans lesquelles les personnages ont repris leur « pouvoir en-dedans » pour faire preuve de « pouvoir-avec » et de « pouvoir-sur », on saisit à quel point la parole sorcière est synonyme de résistance. Autant la fresque littéraire qu'iel brosse est pertinente, autant elle déborde. Il y a beaucoup d'œuvres mentionnées, trop, selon moi, peut-être parce que la littérature mondiale regorge justement de situations de reprise de pouvoir par les opprimé·es. Si certaines œuvres sont récurrentes (je me suis d'ailleurs délectée des références à L'Euguélionne de Louky Bersianik, qui demeure un roman sous-étudié pour l'importance symbolique qu'il revêt), d'autres ne sont mentionnées qu'une seule fois. Je me demande quelle est la fonction de ce cumul ou plutôt, en sous-texte, qui est le public cible ? J'avais parfois l'impression qu'iel s'adressait seulement aux littéraires et/ou prêchait pour des convaincu·es.
Cela dit, la déclaration d'amour que ce livre contient me porte encore après sa lecture. Ode à la vie, ode à la joie, ode au temps passé ensemble, ode à la profondeur des choses. Devant l'échec des actions entreprises pour contrer la crise climatique en cours, je me dis que la clé est sans doute du côté des déclinaisons non monnayables de la parole sorcière. Et ce n'est pas tout. En donnant autant d'importance à des œuvres fictionnelles, Jalbert fait aussi une ode à l'imagination, à ce que nous possédons en nous pour imaginer du mieux encore. Il faut aimer les gens et les choses et ce n'est pas – du moins strictement – à coup de publications de rapports scientifiques que nous parviendrons à changer nos modes de vie pour une plus grande viabilité écologique.

Ce qui nous lie

Sol Zanetti (dir.), Ce qui nous lie, Écosociété, 2021, 136 pages.
L'écologie politique n'occupe pas encore une place clairement définie à l'intérieur du champ politique québécois. Voilà donc un essai-manifeste bienvenu, dirigé par Sol Zanetti, qui offre des arguments polyvalents au discours souverainiste de gauche : l'indépendance pour lutter contre la crise climatique, pour défaire l'État pétrolier et ce, dans un langage près de l'écosocialisme. Le titre Ce qui nous lie a donc de prime abord un double sens : celui du rapport des auteur·rices au territoire, à sa biodiversité et à ses mythologies d'un côté, et puis leur engagement commun à l'intérieur d'un parti politique – Québec solidaire – pour la défense de ces causes politiques.
Accompagné d'un avant-propos de Natasha Kanapé Fontaine, l'ouvrage est divisé en onze chapitres, tous rédigés par les dix député·es de Québec Solidaire à l'exception d'un seul – celui de Michaël Ottereyes. On peut donc y voir le produit de « l'aile parlementaire » du parti. Chaque chapitre offre une perspective complémentaire sur le projet de souveraineté, dénué de son nationalisme habituel. Ici, la souveraineté populaire prend le pas sur celle de la nation, et pour cause : un pays n'adviendra que sur la base d'une alliance avec les Premiers Peuples, dans une perspective écologique. Natasha Kanapé Fontaine donne à ce projet le nom d'innu tipenitamun, être maître de soi en relation avec le territoire. Pourtant, le réflexe nationaliste n'est jamais bien loin, et certaines sections laissent présager, au contraire, le ressac du fameux « maître chez nous » . En effet, à force de marteler que l'architecture canadienne est un frein à toute écologie politique et que la souveraineté en est le seul remède, le texte occulte ce qu'il y a de colonial à l'intérieur même du Québec, et qui subsisterait après la sécession. Les politicien·nes camouflent cette critique derrière l'argument phare du livre : la tenue d'une assemblée constituante (pp. 25, 48, 76, 88, 109, 121). Un chapitre consacré à ce sujet aurait été un atout, plutôt que le choix de l'évoquer de manière incantatoire. Quelle forme prendrait cette Constituante ? Serait-elle révolutionnaire, c'est-à-dire menée par le peuple uniquement, ou avant-gardiste, et donc orientée par un parti pour accoucher d'un certain régime ? Certains chapitres, notamment ceux d'Émilise Lessard-Therrien ou de Vincent Marissal, pointent vers cette seconde voie.
Un troisième sens peut se dégager du titre : ce qui nous lie aux peuples autochtones. Il convient maintenant de se demander qui seront les parlementaires de Québec solidaire après les élections de 2022 : les mêmes qui ont voté pour le projet de loi 96 de la CAQ – et donc contre les droits culturels des Premiers Peuples, ou ceux et celles que l'on retrouve dans cet ouvrage collectif ? Autrement dit – et c'est là tout l'enjeu du manifeste –, comment passer du champ intellectuel au champ politique en ce qui concerne l'écologie au Québec ?

Traitements-chocs et tartelettes

Josiane Cossette et Julien Simard (dir.), Traitements-chocs et tartelettes. Bilan critique de la gestion de la Covid-19 au Québec, Somme toute, 2022, 296 pages.
L'ouvrage collectif Traitements-chocs et tartelettes est un incontournable si on souhaite prendre la pleine mesure du merdier politique covidien dans lequel nous stagnons depuis plus de deux ans.
L'ouvrage va à l'encontre des publicités triomphalistes de la CAQ – qui nous martèlent que le gouvernement caquiste a l'une des meilleures feuilles de route au monde en ce qui a trait à la gestion de la pandémie – en dressant un bilan sans complaisance de la gestion politique de cette crise sanitaire sans précédent. Un tour d'horizon exhaustif des décisions gouvernementales est réalisé.
On y analyse les impacts du virus et de sa gestion sur les groupes marginalisés, qui ont souvent été ignorés et négligés, parfois de façon volontaire, par Legault et sa bande. On nous rappelle l'entêtement de la santé publique à ne pas prendre en compte les données scientifiques dans ses avis, entre autres sur l'importance de la qualité de l'air, la transmission par aérosols et l'utilité du masque. L'opacité de l'information transmise par le gouvernement lors des différentes vagues est décortiquée. Le chapitre de Violaine Cousineau sur la COVID longue et l'invisibilité des personnes qui en sont atteintes m'a particulièrement marquée, faisant état d'un grave angle mort. Est-ce que cet angle mort existerait si plus d'hommes en étaient atteints, car ce sont majoritairement des femmes qui subissent la COVID longue ? Poser la question, c'est y répondre…
Bien sûr, Traitements-chocs et tartelettes ne pouvait omettre de parler du manque d'indépendance de la Santé publique, particulièrement de son ancien directeur, Horacio Arruda. Avec le nouvel épisode qui s'ajoute à la feuille de route de ce dernier (le dossier de l'arsenic à Rouyn-Noranda et le fait qu'il est personnellement intervenu afin que des données soient omises dans un rapport de la Santé publique régionale à ce sujet en 2019), on réalise que le personnage est louche depuis un certain temps déjà. On est encore plus navré de voir qu'il a été aux commandes aussi longtemps, dans le cadre d'une crise de santé publique jamais vue.
Au fil du temps, les autrices et auteurs nous rappellent tristement que la gestion caquiste en était une populiste : un « contrat moral » pour se réunir en famille à Noël, et autoritaire, non basé sur la situation épidémiologique. Ce gouvernement a refusé d'impliquer des spécialistes reconnu·es dans sa cellule de crise, les directeur·rices régionaux·ales de santé publique sont bien souvent tenu·es à l'écart et apprennent les décisions politiques par les médias, il a fallu que les organisations syndicales se tournent vers la Commission des normes de l'équité de la santé et de la sécurité au travail pour que les masques N-95 soient fournis dans le milieu de la santé. Les journalistes et les citoyen·nes qui montrent les failles dans la gestion de la crise sont traité·es comme des empêcheur·euses de tourner en rond.
Concernant les décisions populistes et non basées sur la science, il est trop facile de se rabattre sur « un présumé manque de connaissances scientifiques, sur le caractère “imprévisible” de la pandémie, sur des ressources “inadéquates” [ou] sur les gouvernements précédents », comme l'écrit Julien Simard, codirecteur de l'ouvrage. Au contraire, Simard et al. montrent qu'à plusieurs moments charnières, l'information et les ressources étaient bel et bien disponibles, mais que Legault et sa bande ont plutôt choisi la voie de la gestion paternaliste avec les confinements, déconfinements, couvre-feux inutiles et approche répressive payante pour les services de police municipaux.
Cet ouvrage nous permet de sortir de la fiction racontée par la CAQ sur sa gestion de la pandémie. Mais lire le démantèlement de cette fiction page après page donne froid dans le dos. De quoi seront faites les prochaines années avec de telles personnes au pouvoir ?
Gaza : stop aux livraisons d’armes ! Stop au génocide !
9 mars 2024
Jean-Luc Mélenchon est intervenu lors de la manifestation pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza à Paris le 9 mars 2024.
Il exprime sa profonde solidarité pour les victimes du massacre à Gaza. Les manifestants présents à Paris représentent non seulement le peuple français, mais aussi l'Humanité toute entière. Ce peuple se tient aux côtés de ses soeur et frères victimes de barbarie.
Il exprime sa gratitude envers les associations et les personnalités qui appellent à la mobilisation contre ces atrocités, malgré les tentatives d'intimidation par des accusations infondées, notamment d'antisémitisme. Il salue également le courage de Rima Hassan de s'engager politiquement et publiquement pour poursuivre son combat.
Face au risque imminent d'un massacre total à Gaza, après les annonces de Netanyahu, il appelle à l'action immédiate pour empêcher cette tragédie. Les États-Unis et l'Union européenne ont le pouvoir de stopper ces violences en cessant d'envoyer des armes à Israël et en imposant des sanctions économiques.
Il en appelle aux travailleurs et aux syndicats pour qu'ils refusent de participer à l'armement, appelant à un boycott de l'armement destiné à Israël. Il demande également aux intellectuels de tous bords politiques de protester contre ces atrocités.
Enfin, il rend hommage à tous ceux qui luttent pour la justice et la dignité humaine. Il affirme sa fierté d'être aux côtés de ceux qui engagent le combat pour la reconnaissance des droits fondamentaux de tous les êtres humains.
La Journée internationale des femmes 2024 célébrée dans le monde entier par des rassemblements
« Aujourd'hui, c'est la Journée internationale des femmes et c'est une célébration pour les femmes qui prennent leurs droits. Mais nous sommes ici aujourd'hui pour soutenir les femmes palestiniennes, car elles sont maintenant en guerre, vivant la guerre, la violence et la douleur. Nous insistons sur le fait que nous ne célébrerons pas si les femmes palestiniennes ne prennent pas leurs droits », a déclaré une manifestante au Liban, faisant référence aux femmes de Gaza dans le contexte du conflit entre Israël et le Hamas.
Les manifestants du monde entier ont protesté pour l'égalité et les droits des femmes, et ont célébré les libertés dont elles jouissent.
Pour plus d'informations, rendez-vous sur https://globalnews.ca
Haïti : les femmes toujours les premières victimes du pouvoir politique

Gagner le monde Sur quelques héritages féministes

Des luttes passées aux luttes actuelles, comment faire du féminisme une onde de choc mondiale ? À rebours d'une histoire du mouvement pensé en « vagues », qui laisse dans l'ombre les féminismes non occidentaux, les militantes et penseuses de renom rassemblées ici proposent des pistes de résistance radicale aux oppressions. En écrivant depuis, ou en dialogue avec les féminismes du Sud global, elles créent des outils tant conceptuels que matériels pour penser et expérimenter la solidarité internationale, attentives aux contextes locaux et aux vécus singuliers.
Il devient alors possible de bâtir un langage commun et des formes d'organisation qui traversent le temps et les frontières. Elles nous rappellent que le féminisme contemporain ne s'adresse pas qu'aux femmes, mais vise, selon les mots de Silvia Federici, « une lutte plus globale pour la libération humaine et la régénération de la nature ».
Avec des textes originaux de
Zahra Ali, Rama Salla Dieng, Silvia Federici, Verónica Gago, Lola Olufemi, Djamila Ribeiro, Sayak Valencia et Françoise Vergès.
« J'appelle donc à une intifada féministe qui réimagine le temps et l'espace de nos luttes en cessant de prendre la modernité capitaliste comme cadre de référence et en développant une géographie militante qui refuse les frontières nationales et réinvente le proche et le lointain. »Zahra Ali
GAGNER LE MONDE | Zahra Ali
En librairie le 5 mars 2024
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Guerre-paix : perspective en clair-obscur

Au-devant de l'actualité ou reléguées dans l'ombre, les guerres semblent se réinventer constamment, nous imposant de réfléchir tant à leur nature qu'aux voies d'émergence de la paix. Guerre et paix se présentent d'ailleurs souvent de manière dichotomique : d'un côté, la paix en tant qu'absence totale de violence ; de l'autre, la guerre en tant que déchaînement de violences extrêmes. Pourtant, la réalité est plus complexe ; la guerre se prépare toujours, ne serait-ce que par ses représentations, et la paix dissimule souvent les effets persistants de la violence guerrière. Comment peut-on, à l'aune notamment des expériences militantes et d'éducation à la paix, creuser le sens de la guerre, tout en s'interrogeant sur les conditions d'une paix véritable ?
Guerre-paix : perspective en clair-obscur 📖
Myriam Cloutier
La guerre au-delà du portrait formel-institutionnel
Martin Hébert
Regard féministe sur la guerre et la sécurité
Anne-Marie D'Aoust
De l'urgence de nous
reconnecter à notre humanité
Table ronde avec Martine Eloy et André Jacob
Une guerre qui ne dit pas son nom
Filippo Furri
Peut-on encore rêver de paix ?
Carl Bouchard
Raviver le mouvement antiguerre québécois
Martin Forgues
Cultiver la paix dans un monde bouleversé
Nancy Labonté
Artiste invité : Jean-Marc Nahas 📖
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Du périphérique au fondamental : comment faire face à l'incertitude
La Série sur les domaines émergents du droit
Une approche holistique de la justice migrante
Harrold Babon, Mylène Barrière et Emin Youssef
Religion et société
Le feu prophétique de Cornel West
Mathieu Burelle
Et retrouvez : le Carnet de Nathalie Plaat, la chronique poétique de Emné Nasereddine, ainsi que la rubrique Aux frontières par Jean-Lou David
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Journée internationale des femmes
Élections aux États-Unis : l’impossible choix des mouvements sociaux
La Jineologîe : repenser la rupture entre les sexes pour construire la liberté humaine
« Rien ne s’améliore pour les élèves »

Québec solidaire doit s’opposer à la filière batteries défendue par le gouvernement Legault

Le 29 septembre 2022, le porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau Dubois, prenait la parole devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Il identifiait deux secteurs clés de la transition écologique : la biomasse forestière résiduelle et la filière batterie. Pour ce qui est de ce dernier secteur, il promettait un investissement de 1,5 milliard $ dans un premier mandat d'un gouvernement de Québec solidaire. « Dans le contexte de l'électrification des transports, la production de batteries est au cœur de la solution ». [1]
Ce ralliement à la filière batterie était bien rapide et fort léger. Produire des batteries pour tenir compte du caractère intermittent des énergies éoliennes ou solaires est une chose. . Mais lorsque cette dernière a été présentée par les gouvernements du Canada et du Québec, comme un moyen essentiel pour replacer le Canada et le Québec dans la relance du secteur automobile, c'en est une autre. Donner la priorité à l'électrification des transports en commun et compter pour ce faire sur la production de trains, de tramways ou autres trolleybus, c'est comprendre, que l'électrification des transports publics ne passe pas d'abord par la production de batteries, mais par de tout autres technologies. Le transport de marchandises pourrait se faire par la généralisation du ferroutage qui ne repose en rien sur la filière batteries. L'électrification des transports (et même le développement d'une filière batteries) peut être confié à des entreprises publiques pour satisfaire les besoins identifiés démocratiquement sans que cela débouche sur la mainmise de grandes multinationales sur l'économie du Québec.
La filière batteries du gouvernement Legault, un projet extractiviste, productiviste, et antiécologique
L'électrification des transports mis de l'avant par le gouvernement Legault passe essentiellement par la transformation du parc automobile caractérisé par les voitures thermiques à un parc automobile de voitures dont la motorisation serait électrifiée.
Cette politique accompagne le tournant des grands de l'automobile (américains, européens ou japonais) vers la production de voitures électriques et s'inscrit dans le cadre d'une compétition avec les entreprises chinoises en ce qui concerne tant l'exploitation et le contrôle des minerais stratégiques que la production de voitures électriques. La production chinoise de voitures électriques, petites et peu coûteuses, représente pour les entreprises de l'automobile un danger important. Ce tournant va d'ailleurs signifier qu'une partie importante du parc des voitures thermiques risque d'être exportée vers les pays du Sud et nous faire entrer dans une période où le parc automobile sera encore plus gigantesque au niveau planétaire.
Cela est d'autant plus catastrophique, que la voiture électrique n'est pas écologique. [2] Sa production est plus polluante. Elle mobilise plus de minéraux (acier, cuivre, lithium…) et va créer les conditions d'un extractivisme exacerbé qui va causer d'énormes pollutions minières.
Et la nature de ce parc automobile est laissée aux choix des grandes entreprises de ce secteur. C'est ainsi qu'on voit une électrification de grosses voitures, lourdes, gourmandes en énergie, qui nécessitera la production de batteries imposantes. Ces grosses voitures électriques mobilisent encore plus de métaux que les voitures thermiques. Ces voitures embarquent une technologie numérique imposante non seulement pour une conduite assistée, mais pour faire de ces voitures des lieux d'utilisation de toutes les technologies offertes par les GAFAM. Ces entreprises du numérique sont d'ailleurs en train de mettre au point un nouveau champ de voitures électriques, celle des voitures sans conducteur.
Sans compter qu'une mobilité qui continue de reposer sur l'autoélectrique est antiécologique surtout si on considère tous les investissements que ce type de mobilité implique dans les infrastructures routières, dans l'augmentation de l'exploitation des richesses minières, et en termes de notre dépendance face aux choix des multinationales de l'automobile,
Un projet de classe favorisant l'accumulation du capital et qui repose sur un aveuglement face aux limites planétaires
La production de ces batteries est confiée à de grandes entreprises multinationales que les gouvernements Legault (et Trudeau) subventionnent grassement, pour les attirer au pays. [3] Le gouvernement Legault ne se contente pas seulement de les arroser de milliards de dollars, mais on leur promet de leur fournir de l'énergie à très faible coût pour leur permettre de rentabiliser leurs investissements. Legault soutient le développement des énergies éoliennes et prévoit la construction de grands barrages hydroélectriques. Plus grave encore, le ministre Fitzgibbon s'attaque au monopole d'Hydro-Québec sur la production d'énergie. Il prépare une loi qui permettrait la production privée de l'énergie pour répondre aux besoins de ces entreprises. Plus, déjà, Michael Sabia, le président d'Hydro-Québec, est en train de préparer le terrain pour une relance de la production de l'énergie nucléaire…
Pour répondre aux besoins des entreprises de la filière batteries, nous avons vu une course des entreprises minières et des spéculateurs pour se donner des droits d'exploration minière (les claims)s dans nombre de régions du Québec. [4] Cela s'est fait sans respect des terres agricoles, des régions touristiques et sans respecter les normes environnementales. La loi des Mines accorde la préséance aux volontés d'exploration des minières sur les plans d'aménagement des villes et des MRC. C'est un pillage des ressources minières du Québec avec toutes les conséquences environnementales désastreuses qui en découleront qui se prépare. Et cela avec l'aveuglement volontaire du gouvernement du Québec et de son ministère de l'Environnement qui se donne mission d'accompagner les entreprises dans la construction de l'acceptabilité sociale de leur prédation. C'est ainsi que ce ministère accorde des passe-droits à des dizaines d'entreprises et leur permet de ne pas se soumettre aux normes environnementales au détriment de la santé de la population.
La façon dont le gouvernement de la CAQ a voulu tout bousculer pour imposer le projet de Northvolt est exemplaire à cet égard. Cette entreprise, l'investissement privé le plus important dans l'histoire du Québec selon le premier ministre, a été d'emblée exemptée d'une analyse du BAPE. Les informations au sujet des impacts environnementaux de cette entreprise sont livrées au compte-gouttes dans des textes caviardés. Les journalistes qui posent des questions essentielles sur le sujet sont attaqués par le ministre Fitzgibbon. [5]
Dans le modèle de croissance verte du gouvernement Legault, il n'y a aucune mesure visant la diminution de l'exploitation des ressources minières et une réduction des dépenses en énergie. Il n'y pas de politique de réelle protection de l'environnement. Au contraire, c'est la course à la croissance, à la production de toujours plus d'énergie, à l'exploitation de toujours plus de minerais stratégiques. Il s'agit de faire du Québec une zone d'investissement profitable pour les entreprises multinationales. Le message du ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie est clair : venez au Québec, vous allez pouvoir gagner de l'argent, beaucoup d'argent. Nous allons créer, pour vous, les conditions d'un taux de profit inespéré. Les mesures environnementales ne vous gêneront pas, on s'en occupe. Voilà le modèle de développement que veut nous imposer le gouvernement de la CAQ.
Québec solidaire doit rejeter le modèle extractiviste et productiviste que veut nous imposer la CAQ.
Jusqu'ici, Québec solidaire n'a pas voulu s'attaquer frontalement au modèle économique que veut nous imposer le gouvernement Legault. Québec solidaire s'est contenté d'exiger plus de transparence. Il exige une évaluation environnementale sur le projet Northvolt. Ce sont là des exigences essentielles. Demander un BAPE sur les grands projets de toute la filière batterie par le biais de pétitions , c'est poser l'importance pour le Québec de faire un choix éclairé à cette époque d'urgence climatique. [6] Le gouvernement Legault qui s'entête à refuser la tenue d'un BAPE sur Northvolt, a choisi également d'ignorer la proposition de Québec solidaire.
Mais, comme parti politique écologiste, Québec solidaire doit élargir ses horizons et dénoncer le gaspillage des ressources et de l'énergie à la base du projet de filière batteries du gouvernement Legault.
Au tournant vers la production de masse de voitures électriques coûteuses et massives, il faut opposer le développement du transport public électrifié et gratuit et la diminution de la production et de l'utilisation des voitures individuelles. Il faut opposer au transport lourd de marchandises par camions, à essence ou électrique, le transport des marchandises par trains. Il faut diminuer les investissements des infrastructures routières et l'expansion des villes faites aux mépris de la protection des terres agricoles. Il faut pour favoriser le transport actif, élargir les zones piétonnes et développer les pistes cyclables. La sobriété et la décroissance dans l'utilisation de l'énergie et des ressources, doit être au centre des politiques de Québec solidaire.
Il ne faut pas confier aux multinationales nos choix économiques et environnementaux. Seule une véritable démocratie où la majorité populaire peut faire les choix économiques et écologiques nécessaires à la satisfaction des besoins sociaux peut assurer la protection de la nature. Cette démocratie passe par une rupture radicale avec le pouvoir d'une minorité possédante. La nationalisation des ressources naturelles, minières et forestières, et la défense du contrôle public de la production de l'énergie sont les conditions de la planification démocratique d'une nécessaire bifurcation écologique. Ce sont là des orientations incontournables qu'un parti de gauche comme Québec solidaire doit défendre dans cette période de crise climatique et environnementale.
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[1] Communiqué de Québec solidaire, 29 septembre 2022
[2] Voir les textes de Celia Izoard,Non, la voiture électrique n'est pas écologique(1),La voiture électrique cause une énorme pollution minière(2) et Derrière la voiture électrique, l'empire des Gafam
[3] La Presse, https://www.lapresse.ca/affaires/2023-09-29/northvolt-dans-la-filiere-des-batteries/l-aide-pourrait-depasser-7-milliards-et-ce-n-est-pas=fini.php
[4] Collectif, Claims miniers : l'urgence d'un moratoire
[5] https://www.ledevoir.com/politique/quebec/808308/politique-quebecoise-pierre-fitzgibbon-denonce-travail-deux-journalistes-dossier-northvolt
[6] Voir le projet de loi déposée par Alejandra Zaga Mendez « qui ferait en sorte de déclencher un processus d'études du BAPE dès le dépôt d'une pétition d'au moins 15 000 signatures pour un projet « d'envergure régionale » et de 40 000 signatures pour un projet d'« envergure nationale ».- François Carabin, Des pétitions pour enclencher des évaluations environnementales ? Le Devoir, 2 février 2024
Des élections vraiment légitimes ?
Sénégal : Sauver la terre ! Une campagne de sociofinancement

Nouveau numéro de la revue Relations en kiosques : « Guerre-paix : perspective en clair-obscur »

Au-devant de l'actualité ou reléguées dans l'ombre, les guerres semblent se réinventer constamment, nous imposant de réfléchir tant à leur nature qu'aux voies d'émergence de la paix. Guerre et paix se présentent d'ailleurs souvent de manière dichotomique : d'un côté, la paix en tant qu'absence totale de violence ; de l'autre, la guerre en tant que déchaînement de violences extrêmes. Pourtant, la réalité est plus complexe ; la guerre se prépare toujours, ne serait-ce que par ses représentations, et la paix dissimule souvent les effets persistants de la violence guerrière. Comment peut-on, à l'aune notamment des expériences militantes et d'éducation à la paix, creuser le sens de la guerre, tout en s'interrogeant sur les conditions d'une paix véritable ?
Guerre-paix : perspective en clair-obscur 📖
Myriam Cloutier
La guerre au-delà du portrait formel-institutionnel
Martin Hébert
Regard féministe sur la guerre et la sécurité
Anne-Marie D'Aoust
De l'urgence de nous reconnecter à notre humanité
Table ronde avec Martine Eloy et André Jacob
Une guerre qui ne dit pas son nom
Filippo Furri
Peut-on encore rêver de paix ?
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Raviver le mouvement antiguerre québécois
Martin Forgues
Cultiver la paix dans un monde bouleversé
Nancy Labonté
Artiste invité : Jean-Marc Nahas
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Classes à part 📖
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Débat
ChatGPT : s'indigne-t-on pour les bonnes raisons ? 📖
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Ailleurs
Grèce : la fin d'un cycle
Panagiotis Sotiris
Grand entretien avec Raymond Lemieux
Du périphérique au fondamental : comment faire face à l'incertitude
La Série sur les domaines émergents du droit
Une approche holistique de la justice migrante
Harrold Babon, Mylène Barrière et Emin Youssef
Religion et société
Le feu prophétique de Cornel West
Mathieu Burelle
Et retrouvez : le Carnet de Nathalie Plaat, la chronique poétique de Emné Nasereddine, ainsi que la rubrique Aux frontières par Jean-Lou David
Des voisins défendent une mère célibataire contre une éviction injuste
La crise de sens dans les métiers de l’humain

Grève féministe : une revendication à défendre

Elles ont fait la grève en Espagne, en Suisse, en Islande et maintenant, pour le 8 mars 2024, en France. De plus en plus de femmes reprennent la notion de grève féministe pour défendre leurs revendications contre la pauvreté, les violences et toutes les formes de crises qui accablent la société patriarcale et capitaliste actuelle.
Pourquoi une grève féministe ?
Dans le contexte actuel de montée de la droite et de l'extrême droite, la grève féministe est une première réponse claire de rejet de ce projet de société . Il faut dire haut et fort que les politiques néolibérales tant dans les pays du Sud que dans les pays du Nord ont attaqué durement les droits des femmes : droit au travail (retraite, inflation), droit à une maternité voulue (retrait du droit à l'avortement), droit à une vie saine (croissance des énergies fossiles), contre les violences familiales et sexuelles généralisées (féminicides, viols de guerre, de déplacement etc.), droit à une sexualité librement consentie (transphobie, homophobie, lesbophobie etc.)
La grève féministe en ralliant toutes les femmes où qu'elles soient montrent la force des femmes Sans nous, tout s'arrête est un des slogans de cette forme d'action. Quand tout s'arrête ce qu'on voit c'est l'importance du prendre soin. La grève démontre ainsi tout le travail gratuit des femmes et le met en évidence pour l'ensemble de la société. C'est sortir du secret tout ce que font les femmes sans être payées. En grève, les femmes vont faire payer les riches au lieu qu'elles travaillent gratuitement. C'est cette exploitation du travail gratuit des femmes qui est au cœur des violences et des dominations des femmes.
La grève féministe n'est pas un simple moyen d'action, c'est la création d'un mouvement de masse. Pour être efficace et crédible aux yeux de la population, la grève féministe doit mettre en actions les groupes féministes mais aussi les syndicats, les groupes communautaires, les citoyennes, les écologistes, les anti-pauvreté. Bref devenir un mouvement social autour d'une plate forme de revendications. L'importance de la grève féministe c'est de rejoindre toutes les femmes dans toutes les dimensions de leur vie : militante, au foyer, au travail, dans leur implication citoyenne. La grève féministe permet surtout de développer l'unité des femmes et leur mise en actions.
La grève féministe : un rêve impossible
On peut rêver mais créer un mouvement de masse : c'est difficile. Les militantes syndicales ne peuvent débrayer vu les termes de leurs conventions collectives, les groupes de femmes sont minoritaires et accablées par le service à rendre, les groupes communautaires sont sous financés, les écologistes sont centrées sur les énergies fossiles et les citoyennes au prises avec la double ou triple journée de travail.
La grève féministe se construit autour de quelques revendications importantes et autour d'un plan d'actions qui sensibilisent les femmes, les hommes, les personnes et la population en général sur le travail gratuit des femmes et les profits qui en découlent pour les sociétés capitalistes.
Des actions de rue peuvent être planifiées mais aussi des tee shirts sur les lieux de travail, des macarons , des affiches , des pancartes peuvent servir à montrer soutien et appui à ce mouvement. L'important c'est que lors de la journée de la grève, il y ait visibilité des femmes partout en soutien à ce mot d'ordre.
En 2025, cela fera 25 ans qu'eu lieu la première Marche Mondiale des Femmes.
En 2000, des femmes de plus de 100 pays s'étaient mobilisées.
Au Québec, en 2000 Françoise David lançait l'idée de la grève féministe.
En 2025, peut-on rêver que les femmes fassent la grève partout à travers le monde pour elles-mêmes et pour sauver la planète ?
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Court compte rendu de la manifestation pour Gaza à Montréal, le dimanche 3 mars 2024.
Par André Cloutier
Départ rue Cathcart près de la Place Ville Marie à 14h30 / Arrivée au Westmount Square, av. Wood vers 17h30
Lu sur une pancarte : « La Patrie ou la mort. - Che Guevara ».
Entendu au ralliement de départ un discours en français assez élaboré, que nous pourrions définir comme « rassembleur », sur les différences entre juifs et sionistes ; à la fin de son discours la militante lança d'ailleurs un slogan - plusieurs fois répété par la foule : « Judaïsme OUI - Sionisme NON ! »
Toujours en français, la même personne au micro rendit un hommage assez émouvant à Aaron Bushnell, ce soldat étasunien de 25 ans qui s'est immolé par le feu devant l'ambassade d'Israël à Washington le 25 février.
Entendu durant le défilé, un slogan lancé au micro en anglais seulement : « François Legault you're a liar ! We demand a cease fire ! » Comme d'habitude, je ne répète aucun slogan lancé en anglais lors de ces manifs hebdomadaires, probablement à la surprise des gens autour de moi qui m'entendent crier « SO SO SO Solidarité - Avec Avec Avec la Palestine » ; mais quelques secondes après je deviendrai muet comme une carpe pour tout slogan lancé en anglais.
Fait cocasse : sur le trottoir de la rue Sainte-Catherine ouest, je vois une mère juive avec ses deux jeunes enfants ; pour narguer les manifestant.e.s, la fillette (avec de traditionnels collants noirs) marche avec ses doigts dans les oreilles bien placés horizontalement ; sa mère, habillée à l'européenne (année 1955), lui aura dit : « N'écoute pas ce qu'ils disent : bouche-toi les oreilles ! »
Ci-dessous un photomontage paru sur le site Internet de Radio Habana Cuba le 4 mars à 19h00 (1) : « La statue de la Liberté nourrit l'enfant Israël au sang des Palestiniens ».
André Cloutier, Montréal, 5 mars 2024.
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Les sciences et techniques au féminin, une expo à télécharger
Par Lilia Ben Hamouda, le Café pédagogique, Paris, 5 mars 2024
La revue "Progressistes" met à disposition des collectivités, syndicats et de la communauté éducative une exposition sur « les sciences et techniques au féminin ».
« Dès son septième numéro, "Progressistes" a tenu à rendre hommage aux femmes scientifiques, en commençant par celles privées de prix Nobel. Sept ans plus tard, la revue continue de retracer l'épopée de l'histoire des sciences avec celles qui ont été trop longtemps dans l'ombre de leurs homologues masculins.
Cette exposition vous invite à parcourir 15 histoires de découvertes exaltantes et de réussites intellectuelles bien sûr, mais aussi 15 récits de combat lorsque le génie vient se heurter à la grande histoire et à la misogynie.
Brillantes, courageuses, audacieuses, les scientifiques sont bien présentes, elles sont nombreuses et "Progressistes" n'a pas fini de les célébrer… »
Sur le site <https://revue-progressistes.org/202...>
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Gaza : La population affamée attend une trêve pour le ramadan
Un arrêt des combats de six semaines est actuellement en pourparlers, en Égypte. Sous les bombardements incessants de l'armée israélienne, les Gazaouis sont en proie à la famine.
Tiré de L'Humanité, France.Mise à jour le dimanche 3 mars 2024 à 17h05
www.humanite.fr/monde/guerre-israel-hamas/gaza-la-population-affamee-attend-une-treve-pour-le-ramadan <http://www.humanite.fr/monde/guerre...>
Par Axel Nodinot <https://www.humanite.fr/auteurs/axe...> ,
Voici bientôt cinq mois que la terreur règne sur Gaza. Déplacées sur la côte méditerranéenne après avoir fui les bombardements sur Gaza City, Khan Younès et Rafah, les familles palestiniennes sont en proie au dénuement le plus total. « Les civils désespérés de Gaza ont besoin d'une aide urgente, y compris ceux du Nord, où les Nations unies n'ont pas été en mesure de fournir de l'aide depuis plus d'une semaine », déplorait Antonio Guterres, le secrétaire général de l'ONU.
Sur la petite bande de terre palestinienne occupée par l'armée israélienne et soumise à un blocus depuis 2007, de plus en plus d'enfants meurent désormais de faim ou de déshydratation, 16 rien que ces derniers jours, selon le ministère de la Santé du Hamas. La famine est /« https://www.humanite.fr/monde/armee...>
,">quasiment inévitable »/ alerte Jens Laerke, porte-parole de l'agence de coordination des affaires humanitaires des Nations unies. Les civils en sont réduits à manger du fourrage, destiné aux bêtes, et à boire de l'eau croupie, tandis que les quelques hôpitaux encore debout ne peuvent soigner que les cas les plus graves.
*Une trêve en discussion au Caire*
Ces privations inhumaines ont atteint un nouveau sommet dans la <https:/www.humanite.fr/monde/etats...>'>nuit du mercredi 28 février . Alors qu'un des trop rares camions d'aide humanitaire arrivait à Gaza City, l'escorte de soldats israéliens, se sentant « menacée » par des femmes et des hommes qui avaient seulement faim, a ouvert le feu sur la foule. Au moins 118 personnes y ont trouvé la mort et environ 760 autres ont été blessées, bien souvent « par balles », comme l'ont confirmé les services onusiens. Un « nouveau carnage » perpétré par Israël en Palestine, de l'aveu de Josep Borrell, vice-président de la Commission européenne.
Conforté par les États-Unis et leurs alliés, Benyamin Netanyahou <https:/www.humanite.fr/monde/bande...>'>refuse le cessez-le-feu . Le premier ministre israélien entend poursuivre ses opérations sanglantes dans la bande de Gaza, qu'importe le « risque de génocide » pointé du doigt par la Cour de justice internationale. Bien qu'insuffisante car temporaire, une trêve est toutefois négociée par les diplomates qatariens, égyptiens et états-uniens, réunis au Caire ce week-end. Cet arrêt des combats serait d'une durée de six semaines. Le président américain Joe Biden a souhaité publiquement sa mise en place durant le mois de ramadan, qui débutera le dimanche 10 mars.
Toujours selon Washington, Israël aurait accepté certaines <https:/www.humanite.fr/monde/armee...>'>conditions de cette trêve , qui permettrait la libération de 42 otages du Hamas et de prisonniers palestiniens. L'organisation palestinienne a aussi demandé « le retour dans le nord de Gaza des Palestiniens déplacés et une augmentation de l'aide humanitaire », de l'ordre de « 400 à 500 camions par jour », a déclaré à l'AFP l'un de ses responsables. Une centaine d'otages seraient encore retenus à Gaza et environ 7 000 Palestiniens, parfois mineurs, sont enfermés dans les prisons israéliennes.
*L'UE débloque 50 millions pour l'UNRWA*
En attendant un accord entre les belligérants qui serait synonyme de répit pour les familles gazaouies, l'aide humanitaire se fait au compte-gouttes. Des files de camions stationnent toujours devant les postes-frontières – 80 par jour sont autorisés à entrer – et 66 colis contenant quelque 38 000 repas ont été largués par voie aérienne par la Jordanie, la Belgique et les États-Unis.
Mais ces denrées « ne peuvent pas se substituer à la nécessaire entrée de l'aide par autant de voies terrestres que possible », a rappelé un haut responsable américain, après que Joe Biden a affirmé « insister auprès d'Israël pour qu'il facilite l'entrée de davantage de camions ». Le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a pointé le fait que « les responsabilités sur le blocage de l'aide sont clairement israéliennes ».
La meilleure nouvelle quant à l'aide humanitaire vient sûrement de l'Union européenne, qui a décidé de renouveler sa confiance – sous conditions – à <https:/www.humanite.fr/monde/aide-...>'>l'UNRWA , l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine. L'agence est sous pression depuis qu'Israël a affirmé que certains de ses employés avaient participé aux attaques du 7 octobre 2023 qui ont fait 1 140 morts. Mais les Vingt-Sept ont décidé, ce vendredi, de débloquer 50 millions d'euros, 32 millions restants pour compléter le montant initial de l'enveloppe 2024 dédiée à l'UNRWA.
Face à l'ampleur du massacre et à l'horreur des vidéos circulant sur les réseaux sociaux, les appels au cessez-le-feu immédiat et permanent se font de plus en plus nombreux. « Assez, s'il vous plaît, arrêtez ! » a imploré le pape François au cours d'une prière, ce dimanche. Des manifestations continuent de se dérouler aux quatre coins du globe, alors que 30 410 personnes ont été tuées par l'armée israélienne depuis le 8 octobre. Mais la trêve, impérative, ne doit être qu'une première pierre sur laquelle construire une paix durable.
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En guise de réaction à cette offensive...
En guise de réaction à cette offensive réactionnaire voulant faire de tout critique universitaire un « apologète du terrorisme », certains jeunes précaires de la recherche et des chercheurs indépendants ont réuni leurs compétences scientifiques et leurs forces politiques dans un projet exigeant et ambitieux : le blog « Yaani ». Ils sont Français, Israéliens, les deux à la fois, originaires du Maghreb et d'autres horizons. Leur point commun ? Le refus de la colonisation, de ses crimes et de ses justifications académiques (et politiques) par omission, partialité et compromission. Ils entendent restituer les faits fidèlement aux données d'un réel colonial qui dure depuis au moins 1917.
Citoyenne franco-israélienne et membre du comité de réaction de « Yanni », Nitzan Perelman est doctorante en sociologie politique à l'université Paris Cité et ingénieure d'Etudes en sociologie au CNRS. Elle se réclame d'une gauche radicale qui lutte pour « un Etat de tous ses citoyens » en Palestine-Israël. Elle répond aujourd'hui aux questions du Matin d'Algérie et fait entendre une voix minoritaire qui, à l'instar de celles du député communiste Ofer Cassif, du journaliste Yuval Abraham et de beaucoup d'autres, est réduite au silence par le suprématisme et l'annexionnisme de M. Netanyahou et de sa coalition d'ultra-orthodoxes messianiques et fascistes.
***
Le Matin d'Algérie : Nous assistons depuis le 7 octobre 2023 à une censure sans précédent des voix qui entendent produire un discours scientifique et critique sur la situation coloniale en Palestine-Israël. Est-ce la censure exercée par ce nouveau maccarthysme qui est à l'origine du projet universitaire et citoyen Yaani ?
Nitzan Perelman : En raison du fait que je navigue entre plusieurs langues, l'hébreu, le français et l'anglais, j'ai eu l'idée, que j'ai proposée par la suite à des amis et aux actuels membres du comité de rédaction de Yaani, de créer un blog qui serait un espace alternatif où des textes traduits de l'hébreu et de l'arabe vers le français pourront circuler et y trouver la visibilité qu'ils méritent. Notre projet répond d'abord à un manque d'informations qui, écrit à la confluence des styles journalistique et universitaire, seraient à même d'éclairer le lecteur sur la réalité coloniale en Israël-Palestine. Avec toute la pédagogie qu'une telle tâche nécessite, nous essayons de donner une profondeur historique aux actuels enjeux politiques et citoyens qui nous préoccupent et constituent les terrains de nos recherches. Nous voulons offrir à nos lecteurs des clefs de compréhension et des leviers d'action. Lire, comprendre, dialoguer, critiquer, agir. C'est ce que nous entendons faire. Si l'on se réfère aux articles d'Insaf Rezagui [doctorante en droit international public à l'Université Paris Cité et membre du comité de rédaction de Yaani. N.D.L.R] sur la Palestine et le droit international, le lecteur trouvera facilement des arguments solides pour réfuter ceux qui répètent à longueur de journée dans les journaux et les radios que « Gaza n'est pas un territoire occupé ».
- Si le sens de l'expression [!يَعْنِي] est bien connu de nos lecteurs arabophones, quel sens recouvre-t-elle dans le contexte colonial israélien ?
– En hébreu comme dans l'argot israélien, ce vocable recouvre le même sens que celui de la langue arabe. Vous-savez, nous utilisons beaucoup de termes palestiniens dans nos échanges quotidiens !
– Les tautologues des médias mensonges et les pseudo-intellectuels des basses œuvres s'obstinent à ne voir dans la guerre que mène Israël actuellement contre les Palestiniens que l'expression d'une millénaire guerre de religions entre « les fils de la lumière » et « les fils des ténèbres », la « civilisation » et la « barbarie ». Qu'en pensez-vous ?
– C'est important de rappeler que ce conflit est avant tout colonial. Certes, des éléments religieux, sur lesquels je travaille depuis des années, s'y greffent, mais dire que c'est une guerre entre un « islam planétaire conquérant » et une « civilisation judéo-chrétienne qui se défend » est une absurdité totale. Dans ce conflit et ses guerres innombrables, la colonisation et le suprémacisme national sont premiers.
- Le recours à la langue du droit international est central dans votre démarche. Pourquoi ?
– Le droit international est un enjeu majeur dans notre projet, ainsi que dans toute lutte politique émancipatrice. Il s'agit pour nous de montrer, dans les méandres du contexte israélo-palestinien, ce que peut faire le droit international, ce qu'il ne peut pas faire et, surtout, rappeler que jusqu'à présent, il n'est pas appliqué. L'application de ce droit changera beaucoup de choses sur le terrain, et c'est à cela que nous aspirons.
– Les voix israéliennes et juives anticoloniales sont de plus en plus délégitimées, stigmatisées et affublées du stigmate de la « haine de soi » et de la « trahison nationale ». Comment vous expliquez un tel rejet ?
– J'ai beaucoup travaillé sur ce sujet depuis la constitution du deuxième gouvernement de M. Netanyahou en 2009. C'est une répression systématiquement pratiquée par ce gouvernement et ses successeurs. Elle se traduit par une propagande nauséabonde, par des lois et par la création d'organisations d'extrême droite dont le principal objectif est de s'attaquer à l'ensemble des formations politiques de la gauche radicale. Le but étant d'assimiler toute critique du colonialisme à une « menace intérieure », voire une « trahison nationale ».
Lien vers Yaani : https://www.yaani.fr/
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* Cet article a été publié pour la première fois, le 16 février 2024, dans Le Matin d'Algérie.
Propos recueillis par Faris LOUNIS
Journaliste indépendant
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Santé inc. - Mythes et faillites du privé en santé d’Anne Plourde | Livre à paraître le 19 mars

Partout, on nous dit que le privé est la solution aux problèmes que connaît le système de santé québécois. La réforme Dubé va d'ailleurs en ce sens. Mais est-ce que ça fonctionne vraiment, le privé en santé ? Pas du tout, avertit la chercheuse Anne Plourde dans un livre coup de poing.
L'essai *Santé inc. - Mythes et faillites du privé en santé*, de la chercheuse Anne Plourde, va paraître *en librairie le 19 mars prochain*, soit une semaine après la présentation du nouveau budget du gouvernement Legault, que l'autrice peut par ailleurs commenter.
*En bref : *On le dit plus efficace, moins cher, nouveau, utile et de qualité...Beaucoup de mythes circulent autour du privé en santé. Or le constat d'Anne Plourde est implacable : contrairement à ce qu'on nous dit, le privé en santé, c'est finalement plus cher que le public, moins efficace, de moindre qualité, nocif pour le système public et ce n'est pas du tout une nouvelle solution. Si bien que la chercheuse conclut qu'il faut déprivatiser notre système de santé pour l'améliorer.
Pour recevoir un exemplaire en service de presse, merci de me fournir votre adresse postale en cas de télétravail.
*À propos du livre*
Notre système de santé est en état de crise permanent. Depuis des décennies, nos gouvernements présentent le privé comme une solution. La réforme Dubé va aussi dans ce sens. Mais au-delà des considérations idéologiques, est-ce que ça fonctionne, le privé en santé ?
Se basant sur une abondance de données provenant du Québec et d'ailleurs, la chercheuse Anne Plourde a soumis à l'épreuve des faits cinq soi-disant vertus du privé en santé. Son constat : non, ça ne fonctionne pas. Pas du
tout. Confrontées à la réalité, ces vertus se révèlent être des mythes :
1. *Le système de santé est essentiellement public, le privé est nouveau*.
Faux : le privé représentait en 2022 plus du quart des dépenses de santé au
Québec et l'avènement du système public en 1970 est une réponse à l'échec
historique du privé.
2. *Le privé coûte moins cher*. Faux : le privé échoue à réduire les
coûts, notamment à cause de sa lourde bureaucratie et de sa quête
perpétuelle de profits. Pour preuve, le système de santé états-unien est
celui qui coûte le plus cher au monde.
3. *Le privé en santé est plus efficace*. Faux : que ce soit
l'incapacité des GMF à désengorger les urgences ou encore le taux d'échec
de 82% des super-cliniques, le privé en santé est inefficace.
4. *Le privé aide à réduire l'attente au public*. Faux : le
développement d'une offre privée n'ajoute pas de nouveaux services. Cette
offre vampirise les ressources du public et compétitionne avec lui pour
recruter du personnel dans un bassin commun et limité.
5. *Le privé améliore la qualité des soins sans nuire à l'équité dans
l'accès aux services*. Faux : les objectifs de rentabilité guidant les
entreprises à but lucratif détériorent l'accès aux soins et leur qualité.
La télémédecine est un exemple parlant.
Bref, le privé en santé fait moins avec plus, ce qui est l'exact contraire de l'effet recherché. Mais ce n'est pas une fatalité. À rebours des discours officiels, la chercheuse propose une solution pragmatique aux problèmes constatés : choisir l'efficacité et le meilleur rapport qualité-prix en déprivatisant complètement notre système de santé.
*À propos de l'autrice*
Docteure en science politique de l'Université du Québec à Montréal, Anne Plourde a réalisé un postdoctorat à l'Université York sur la privatisation des services de santé et est chercheuse à l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS). Chez Écosociété, elle est l'autrice de *Le capitalisme, c'est mauvais pour la santé* (2021).
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