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Deux ans de guerre : déclaration sur l’Ukraine

27 février 2024, par Quatrième Internationale — , ,
a) Dans le contexte de l'anniversaire de l'invasion de l'Ukraine le 24 février 2022, nous exprimons notre soutien internationaliste global et systématique au droit à (…)

a) Dans le contexte de l'anniversaire de l'invasion de l'Ukraine le 24 février 2022, nous exprimons notre soutien internationaliste global et systématique au droit à l'autodétermination de l'Ukraine et au droit de résister à l'occupation et à l'oppression, comme nous l'exprimons pour tous les peuples, quel que soit l'oppresseur colonial.

Quatrième internationale
25 février 2024

Par Quatrième internationale

Copyright
National Police of Ukraine - CC BY 4.0

b) Nous affirmons notre indépendance politique vis-à-vis du gouvernement néolibéral de Zelensky. C'est pourquoi nous affirmons notre volonté de développer des liens internationalistes directs par en bas avec les luttes et les courants de gauche, féministes, LGBTQ+, sociaux et environnementaux au sein de la résistance populaire pour construire une nation libre, démocratique, pluraliste et indépendante.

c) Nous continuons donc à apporter notre soutien aux revendications exprimées par les courants politiques et syndicaux ukrainiens de gauche :

l'arrêt immédiat des bombardements, le retrait des troupes russes d'Ukraine ;
l'augmentation des ressources pour consolider les services publics et les protections sociales si nécessaires dans le contexte de la guerre et pour la future Ukraine indépendante et de résister aux tentatives actuelles du gouvernement néolibéral de l'Ukraine d'utiliser l'excuse de la guerre pour démanteler les services publics et détruire les protections sociales". ;
la nécessité de supprimer toute forme d'"aide" conditionnée par des privatisations ;
le soutien aux aides matérielles et financières qui n'augmentent pas la dette extérieure ukrainienne associé à notre soutien à la demande d'annulation de la dette existante ;
l'orientation générale d'utiliser les fonds consacrés à la résistance et à la reconstruction de l'Ukraine pour contribuer à un projet européen social et démocratique : ce qui signifie la réduction des inégalités et donc l'opposition aux logiques de dumping fiscal et social et de " concurrence ".
L'augmentation des salaires ukrainiens, des revenus individuels et sociaux - comme débouché de la production industrielle et agricole ukrainienne - doit être radicalement opposée à la politique dominante actuelle (qui est d'essayer d'augmenter la " compétitivité " ukrainienne pour l'exportation par la réduction des impôts et des salaires).

d) Notre soutien à la résistance armée et non armée ukrainienne contre l'invasion russe signifie également notre solidarité avec tous les citoyens de la Fédération de Russie qui refusent cette guerre et sont réprimés en raison de leur combat démocratique.

e) Nous nous opposons à la logique de la "Grande puissance russe" et à sa domination sur les pays voisins. La victoire du peuple ukrainien libre et démocratique est organiquement favorable à l'émergence d'une Fédération de Russie pluraliste, pacifique et démocratique et à l'union des peuples d'Europe. L'agression et les menaces de la Russie contre ses voisins renforcent le soutien à l'OTAN dans ces pays, la défaite de l'agression russe faciliterait la lutte contre l'OTAN. Nous nous opposons à l'utilisation de l'invasion russe de l'Ukraine comme excuse pour augmenter les budgets militaires. Nous avons toujours été et restons opposés à toute logique de blocs militaires opposés ou de zones d'influence. Nous luttons pour la dissolution des blocs militaires qui sont au service des impérialistes, tels que l'OTAN et l'alliance CSTO dirigée par la Russie. Dans notre lutte contre l'impérialisme et pour l'autodétermination de tous les peuples, nous luttons pour la défaite du projet de Poutine.

Nous réaffirmons un tel programme pour le deuxième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine, aidant à combiner notre plein soutien à la résistance ukrainienne à la fois à la guerre et aux politiques néolibérales avec le soutien de nouveaux projets progressistes européens et internationaux intégrant des dimensions écosocialistes et anticapitalistes.

Déclaration du Comité international de la IVe Internationale

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« Arrêter la guerre » doit signifier « en finir avec la dictature de Poutine »

27 février 2024, par Mouvement socialiste russe - Sotsialnyi Rukh — , ,
Déclaration du Mouvement socialiste russe sur les moyens de parvenir à la paix en Ukraine. Il y a deux ans aujourd'hui que Vladimir Poutine a lancé une invasion massive de (…)

Déclaration du Mouvement socialiste russe sur les moyens de parvenir à la paix en Ukraine. Il y a deux ans aujourd'hui que Vladimir Poutine a lancé une invasion massive de l'Ukraine. Cette décision des dirigeants russes n'était pas une réponse à une menace militaire posée par l'Ukraine ou l'OTAN – il s'agissait d'une tentative d'annexion pure et simple d'un pays voisin qui, selon Poutine, ne devrait tout simplement pas exister.

Tiré de Inprecor 717 - février 2024
24 février 204

Par Mouvement socialiste russe - Sotsialnyi Rukh

Le plan initial de Poutine en Ukraine semble effectivement avoir été une « opération spéciale » de changement de régime : les troupes occuperaient rapidement les principales villes du pays, la Garde nationale russe réprimerait les manifestations « nationalistes » pendant que la majorité de la population accueillerait avec des fleurs ses « frères » russes attendus en libérateurs.

Mais au lieu de fleurs et de fanfares, l'armée russe s'est heurtée à la résistance obstinée des Ukrainiens et, au lieu de « gangs », elle a trouvé une armée entraînée et déterminée. L'« opération spéciale » s'est transformée en une véritable guerre.

La première victime de l'agression russe est l'Ukraine et son peuple. Plus de 10 000 civils ont été tué·es et plus de 18 500 blessé·es. 6,3 millions de personnes ont cherché refuge à l'étranger et 3,7 millions ont été déplacées à l'intérieur du pays. Au cours de la guerre, des centaines de milliers d'infrastructures médicales, résidentielles, éducatives et sportives ont été détruites, en même temps les écosystèmes ont été victimes d'un véritable écocide.

Les dommages causés à l'économie ukrainienne, estimés à plus de 300 milliards de dollars, affecteront le bien-être de ses citoyens pendant des années, et rendront la vie extrêmement pénible pour les plus pauvres d'entre eux.

De l'opération spéciale à la guerre d'usure

La société russe subit elle aussi une transformation douloureuse. Léon Trotski a écrit un jour que « ce n'est pas la conscience qui gouverne la guerre, mais la guerre qui gouverne la conscience ». La guerre a sa propre logique et modifie les plans humains. Au lieu de l'« opération spéciale », promise par Poutine, la Russie s'est engagée dans une guerre longue, sanglante et épuisante ; une guerre d'usure pour épuiser les ressources de l'Ukraine et forcer l'Occident à suspendre son aide. Ce scénario exige de la Russie d'énormes sacrifices auxquels ni sa population ni son économie n'étaient préparées.
Entraîné dans cette guerre d'usure, l'État de Poutine a changé de l'intérieur : il est condamné à forcer la société à accepter de tels sacrifices, notamment un nombre vertigineux de pertes en vies humaines. Cela passe par la répression politique et l'instauration d'un climat de peur.

Selon OVD Info, 1 980 personnes ont été arrêtées pour s'être opposées à la guerre depuis le début de celle-ci, et 825 d'entre elles font l'objet de poursuites pénales ; au moins un demi-million de personnes ont quitté le pays pour des raisons morales et politiques ou pour échapper à l'appel sous les drapeaux. Par ailleurs, la guerre n'est pas devenue le point de ralliement espéré, une « Seconde Guerre mondiale 2.0 » pour la plupart des Russes : les partisans idéologiques de l'agression de Poutine restent minoritaires, même s'ils sont les seuls à pouvoir exprimer leur point de vue. (1)

Les causes et la nature de la guerre

L'objectif de la guerre actuelle n'est manifestement pas de protéger la population russophone de l'Ukraine, qui est celle qui a le plus souffert aux mains des occupants, ni de contrer l'expansion occidentale, puisque le Kremlin partage une longue histoire d'enrichissement mutuel avec l'Occident.
Le véritable motif de l'invasion du Kremlin est son désir d'asseoir davantage sa domination politique, économique et militaire sur la société russe et les sociétés des autres pays post-soviétiques, à laquelle Moscou prétend avoir « historiquement droit ».

Mouvements populaires démocratiques de la dernière décennie

Dans le cadre de leur vision conspirationniste du monde, Poutine et son entourage considèrent que le Maïdan (2014) en Ukraine, les soulèvements au Belarus (2020) et au Kazakhstan (2021), et les vagues de protestations de masse en Russie même depuis 2012 font partie d'une « guerre hybride » menée contre la Russie par l'Occident.

La « lutte contre l'hégémonie occidentale » telle que la conçoit Poutine n'a rien à voir avec la résistance aux politiques d'exploitation des élites américaines et européennes sur la scène mondiale. Au contraire, le Kremlin accepte et salue les politiques occidentales qui ne sont assorties d'aucune condition éthique.

Les seules « valeurs occidentales étrangères » contre lesquelles la Russie se bat sont les droits humains, la liberté d'expression, l'égalité des sexes, le développement durable, etc. En ce sens, le poutinisme est l'avant-garde d'une internationale d'extrême droite qui menace la démocratie et les mouvements progressistes dans le monde entier. Cette internationale d'extrême droite s'articule notamment autour de Trump et ses partisans aux États-Unis, l'AfD en Allemagne, le régime d'Erdogan en Turquie, Orbán en Hongrie, et d'autres partis qui s'apprêtent à monter au pouvoir lors des prochaines élections.
L'objectif principal de cette guerre est de protéger le régime de Poutine et ses États vassaux autocratiques, comme la dictature de Loukachenko en Biélorussie, de la menace d'une révolution.

Cet objectif coïncide parfaitement avec les rêves de l'élite de reconstruire l'Empire russe, ce qui passe par l'asservissement de l'Ukraine, mais l'expansion russe ne s'arrêtera pas là.
Il s'inscrit également dans l'espoir d'un « monde multipolaire », dans lequel les dictateurs et les oligarques jouissent d'une liberté totale pour piller leurs sujets, réprimer les dissidents et diviser le monde au mépris du droit international.

C'est pourquoi, aujourd'hui, « arrêter la guerre » doit signifier « en finir avec la dictature de Poutine ». Exiger la paix, c'est exiger l'abolition des hiérarchies sociales qui sont au cœur du régime russe actuel : l'autoritarisme politique, les vastes inégalités de richesse, les normes conservatrices et patriarcales, et un modèle colonial et impérial de relations interethniques.

Lutter pour la paix ou forcer les négociations ?

2023 a été une année de guerre de tranchées pour l'Ukraine. Malgré de lourdes pertes, ni l'armée ukrainienne ni l'armée russe n'ont réussi à faire des progrès significatifs sur le champ de bataille. Cette situation a accru la lassitude face à la guerre, y compris chez les alliés de l'Ukraine.

Dans ce contexte, les idées de pourparlers de paix et d'opposition aux transferts d'armes vers la zone de conflit – exprimées à la fois par l'extrême droite et certaines forces de gauche – sont devenues de plus en plus populaires.

Bien entendu, toutes les guerres favorisent le militarisme et le nationalisme, la réduction de la protection sociale, la violation des libertés civiles et bien d'autres choses encore dans tous les pays parties au conflit. C'est vrai pour la Russie, l'Ukraine et l'Occident.

Il est également évident que toutes les guerres se terminent par des négociations, et il serait inutile de s'opposer à cette demande en principe. Mais espérer des négociations à ce stade de la guerre est naïf, tout comme la conviction que le désarmement unilatéral de la victime de l'agression apportera la paix.

Les promoteurs de ces propositions ne tiennent pas compte de l'évolution du régime de Poutine au cours des dernières années. La légitimité de Poutine est aujourd'hui celle d'un chef de guerre ; il ne peut donc pas se maintenir au pouvoir sans faire la guerre.

Il compte désormais sur le fait que l'Occident mettra fin à son soutien à l'Ukraine après les élections américaines et conclura un accord – aux conditions du Kremlin, bien entendu. Mais un tel accord (partition de l'Ukraine ? changement de régime à Kiev ? reconnaissance des « nouveaux territoires » russes ?) ne changera rien à l'attitude essentielle du poutinisme vis-à-vis de la guerre, qui est désormais son seul mode d'existence.

Le régime de Poutine ne peut plus sortir de l'état de guerre, car le seul moyen de maintenir son système est d'aggraver la situation internationale et d'intensifier la répression politique à l'intérieur de la Russie.

C'est pourquoi toute négociation avec Poutine aujourd'hui n'apporterait, au mieux, qu'un bref répit, et non une véritable paix. Une victoire de la Russie serait la preuve de la faiblesse occidentale et de sa volonté de redessiner ses sphères d'influence, surtout dans l'espace post-soviétique. La Moldavie et les États baltes pourraient être les prochaines victimes de l'agression. Une défaite du régime, en revanche, équivaudrait à son effondrement.

Seul le peuple ukrainien a le droit de décider quand et dans quelles conditions faire la paix. Tant que les Ukrainiens feront preuve d'une volonté de résistance et que le régime de Poutine ne changera rien à ses objectifs expansionnistes, toute contrainte exercée sur l'Ukraine pour l'amener à négocier reviendrait à faire un pas vers un « accord » entre impérialistes par-dessus la tête de l'Ukraine et aux dépens de son indépendance.

Cet « accord de paix » impérialiste signifierait un retour à la pratique de partition du reste du monde par les « grandes puissances », c'est-à-dire aux conditions qui ont donné naissance à la Première et à la Seconde Guerre mondiale.

Le principal obstacle à la paix n'est certainement pas le « manque de volonté de compromis » de Zelensky, ni le « fauconisme » de Biden ou de Scholz : c'est le manque de volonté de Poutine de même discuter de la désoccupation des territoires ukrainiens saisis après le 24 février 2022. Et c'est l'agresseur, et non la victime, qui doit être contraint de négocier.

Nous, Mouvement socialiste russe, pensons que dans de telles circonstances, la gauche internationale devrait exiger :
Une paix juste pour le peuple ukrainien, y compris le retrait des troupes russes du territoire internationalement reconnu de l'Ukraine ;
l'annulation de la dette publique de l'Ukraine ;
une pression accrue des sanctions sur l'élite et la classe dirigeante de Poutine ;
une pression accrue sur les différentes entreprises qui continuent à faire des affaires avec la Russie ;
une aide humanitaire accrue aux réfugiés ukrainiens et aux exilés politiques russes, y compris ceux qui fuient la conscription ;
une reconstruction équitable de l'Ukraine après la guerre, menée par les Ukrainiens eux-mêmes selon les principes de la justice sociale, et non par des sociétés d'investissement et des fonds spéculatifs appliquant les principes de l'austérité ;
un soutien direct aux organisations bénévoles et syndicales de gauche en Ukraine ;
des plates-formes permettant aux Ukrainiens et aux Russes opposés à la guerre de s'exprimer ;
la libération des prisonniers politiques russes et la fin de la répression de l'opposition politique en Russie.

Le monde d'aujourd'hui bascule vers la droite et les politiciens choisissent de plus en plus de recourir à la discrimination et aux guerres d'agression pour résoudre leurs problèmes, qu'il s'agisse de la campagne militaire génocidaire de Netanyahou à Gaza, soutenue par l'Occident, des attaques de l'Azerbaïdjan contre le Haut-Karabakh (dont la communauté internationale est complice) ou de la rhétorique et des politiques anti-immigrés adoptées par les partis dominants en Allemagne, en Finlande, aux Pays-Bas, en France et aux États-Unis. Dans ce contexte mondial, la gauche doit combattre la montée des tendances impérialistes, militaristes et nationalistes, non pas par des efforts utopiques de construction de la paix, mais en empêchant de nouvelles flambées d'agression et en empêchant les forces fascistes sympathisantes de Poutine (Trump, l'AfD, etc.) d'accéder au pouvoir.

Stop à la guerre !
Pour la fin au poutinisme !
Liberté pour l'Ukraine !
Liberté pour les opprimés en Russie !

1. http://www.bbc.com/english/news-64764949
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Etats-Unis-Sénat. Seuls trois démocrates, dont Bernie Sanders, s’opposent à une aide militaire nouvelle de 10 milliards de dollars pour Netanyahou

27 février 2024, par Jake Johnson — , ,
Le Sénat des Etats-Unis a adopté, dans la matinée du mardi 13 février, une loi prévoyant une aide militaire supplémentaire de plus de 10 milliards de dollars pour le (…)

Le Sénat des Etats-Unis a adopté, dans la matinée du mardi 13 février, une loi prévoyant une aide militaire supplémentaire de plus de 10 milliards de dollars pour le gouvernement israélien, qui s'apprête à lancer une invasion terrestre catastrophique contre Rafah, une ville de Gaza peuplée de plus de 1,4 million d'habitants.

Tiré de A l'Encontre
13 février 2024

Par Jake Johnson

Bernie Sanders entre au Sénat.

Les sénateurs ont approuvé le projet de loi, qui comprend également une aide militaire à l'Ukraine et à Taïwan, par un vote bipartisan écrasant de 70 à 29, seuls trois membres du groupe démocrate de la chambre haute – les sénateurs Bernie Sanders (Indépendant, Vermont), Jeff Merkley (Démocrate, Oregon) et Peter Welch (Démocrate, Vermont) – s'étant opposés à cette décision.

La proposition prévoit un financement global de 95 milliards de dollars pour les trois pays, dont 14 milliards de dollars pour Israël.

« Ce projet de loi accorde au Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou 10 milliards de dollars supplémentaires d'aide militaire sans restriction pour sa guerre effrayante contre le peuple palestinien. C'est inadmissible », a écrit Bernie Sanders sur les réseaux sociaux avant le vote de mardi. « Je voterai NON lors de l'adoption finale. »

Peter Welch et Jeff Merkley se sont également opposés au projet concernant l'aide militaire inconditionnelle à Israël, qui a reçu plus de 10 000 tonnes d'armes des Etats-Unis depuis le 7 octobre et reçoit déjà près de 4 milliards de dollars par an d'aide militaire états-unienne.

« La campagne menée par le gouvernement Netanyahou est en contradiction avec les valeurs et le droit des Etats-Unis, qui exigent des bénéficiaires de l'aide américaine qu'ils facilitent l'acheminement de l'aide humanitaire », a déclaré Jeff Merkley dans un communiqué publié lundi en fin de journée. « Bien que j'aie soutenu l'aide militaire à Israël dans le passé, et que je continue à soutenir l'aide aux systèmes défensifs comme Iron Dome (Dôme de fer) et David's Sling (Fronde de David, système antimissiles), je ne peux pas voter en faveur de l'envoi de plus de bombes et d'obus à Israël alors qu'ils les utilisent de manière indiscriminée contre les civils palestiniens. »

D'autres démocrates ont critiqué l'aide à Israël mais ont finalement voté en faveur du projet de loi.

Le sénateur Chris Van Hollen (Démocrate, Maryland) a prononcé un discours émouvant sur les conditions humanitaires désastreuses à Gaza, qu'il a qualifiées de « pur enfer ». « Les enfants de Gaza meurent aujourd'hui parce qu'on leur refuse délibérément de la nourriture. Outre l'horreur de cette nouvelle, une autre chose est vraie : il s'agit d'un crime de guerre. C'est un crime de guerre classique. Et cela fait de ceux qui l'orchestrent des criminels de guerre. »

Malgré cette déclaration, Chris Van Hollen a fait partie des membres du groupe démocrate qui ont voté en faveur du projet de loi sur l'aide.

Refus de tout amendement concernant l'UNRWA

Bernie Sanders avait proposé de retirer du projet de loi l'aide militaire offensive à Israël et de supprimer les dispositions interdisant le financement par les Etats-Unis de l'Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), dont les opérations essentielles à Gaza sont sur le point de s'effondrer totalement après que l'administration Biden et d'autres gouvernements ont coupé les fonds à la suite d'allégations israéliennes non fondées visant une douzaine d'employés de l'agence.

En plus de fournir un soutien supplémentaire aux forces armées israéliennes, le projet de loi affaiblirait le contrôle du Congrès en permettant au département d'Etat de renoncer aux exigences de notification pour le financement militaire étranger d'Israël [en vertu de la loi sur le contrôle des exportations d'armes, le président doit officiellement informer le Congrès 30 jours civils avant que l'administration puisse prendre les mesures finales pour conclure une vente de matériel militaire à l'étranger de gouvernement à gouvernement].

« A maintes reprises, j'entends le président et les membres du Congrès exprimer leur profonde inquiétude au sujet de M. Netanyahou et de la catastrophe humanitaire qu'il a provoquée à Gaza », a déclaré Bernie Sanders lundi. « Alors pourquoi soutiennent-ils l'idée de donner à Netanyahou 10 milliards de dollars supplémentaires pour poursuivre sa guerre contre le peuple palestinien ? »

Le projet de loi est maintenant soumis à la Chambre des représentants des Etats-Unis, dont le président Mike Johnson (Républicain, Louisiane) a déclaré qu'il « devra continuer à travailler selon sa propre méthode sur ces questions importantes ».

Dans une déclaration faite lundi soir, Mike Johnson s'est plaint du fait que la mesure adoptée par le Sénat ne comporte « aucune modification de la politique frontalière » [mesure pour faire obstacle aux migrants à la frontière Mexique-Etats-Unis], alors même que c'est l'opposition des républicains qui a contraint les dirigeants du Sénat à retirer du programme d'aide à l'étranger les changements légaux proposés en matière d'immigration.

Les défenseurs des droits des immigré·e·s se sont largement opposés à ces modifications, qu'ils ont qualifiées d'attaque draconienne contre le droit d'asile. (Article publié sur Common Dreams, le 13 février 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)

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Un demi-milliard de dollars d’amende pour Trump... quel impact sur sa candidature ?

27 février 2024, par Dan La Botz — , ,
Les tribunaux ont infligé à l'ancien président Donald Trump deux décisions économiquement dévastatrices qui pourraient lui coûter un demi-milliard de dollars et qui portent un (…)

Les tribunaux ont infligé à l'ancien président Donald Trump deux décisions économiquement dévastatrices qui pourraient lui coûter un demi-milliard de dollars et qui portent un coup fatal à sa marque, à son image et à son ego. Comment ces décisions affecteront-elles ses ambitions présidentielles ?

Hebdo L'Anticapitaliste - 696 (22/02/2024)

Par Dan La Botz

Crédit Photo
Wikimedia Commons

Dans la décision la plus récente, un juge new-yorkais a sanctionné Trump à hauteur de 350 millions de dollars pour des déclarations commerciales frauduleuses, une somme qui, avec les intérêts, atteindra 450 millions de dollars. Il a également interdit à Trump de faire des affaires à New York pendant trois ans. Le juge a également condamné ses fils, Eric Trump et son frère Donald Trump Jr., à une amende de 4 millions de dollars chacun et leur a également interdit de faire des affaires à New York pendant deux ans. Trump doit payer l'amende dans les 30 jours ou déposer une caution pendant qu'il fait appel des décisions. Selon les estimations, Donald Trump « vaut » 2,3 milliards de dollars, dont la majeure partie est constituée de biens immobiliers, mais il dispose d'un demi-milliard de dollars de liquidités. Il ne fera donc pas faillite. Le juge a également prolongé de trois ans le mandat d'un contrôleur indépendant, un agent du tribunal au sein de l'organisation Trump, chargé de surveiller les fraudes.

Dans une décision rendue en février, les tribunaux ont accordé 83,3 millions de dollars à E. Jean Carroll, une femme qui affirme avoir été violée par Trump il y a plusieurs dizaines d'années et avait ensuite été diffamée. Trump a fait appel de cette décision.

91 chefs d'accusation contre Trump

Trump a attaqué la décision la plus récente (l'amende de 450 millions de dollars), la qualifiant d'« imposture complète et totale ». Il affirme depuis le début que le président Biden et le Parti démocrate sont à l'origine de ce qu'il appelle les attaques « politiquement motivées » dont il fait l'objet. Il a qualifié le juge d'être corrompu et a déclaré que la procureure générale de New York, Letitia James, une femme noire, qui a porté l'affaire devant les tribunaux, était une « raciste ».

Outre ces affaires civiles, Trump doit répondre de 91 autres chefs d'accusation dans le cadre de quatre procédures distinctes. Tout d'abord, à Manhattan, il est accusé d'avoir falsifié des documents commerciaux dans le cadre d'un stratagème visant à verser des pots-de-vin à des femmes qui disaient avoir eu des relations sexuelles avec lui. Ce procès s'ouvrira le 25 mars. Ensuite, en Floride, il est accusé de rétention délibérée d'informations relatives à la sécurité nationale, d'obstruction à la justice, de dissimulation de documents et de fausses déclarations. Troisièmement, en Géorgie, Trump et 18 autres personnes sont accusés de racket et de conspiration pour voler les élections de 2020. Dans cette affaire, deux des co-accusés de Trump ont accusé la procureure du comté de Fulton, Fani T. Willis, d'avoir bénéficié financièrement de l'embauche de Nathan Wage, un collègue avec lequel elle avait une liaison sexuelle, et ils demandent qu'elle soit dessaisie de l'affaire. Enfin, à Washington, DC, Trump fait également l'objet d'une procédure fédérale pour subversion électorale.

De plus, la Cour suprême fédérale examine actuellement deux affaires concernant Trump. L'une portant sur la décision de la Cour suprême du Colorado de lui retirer la possibilité d'être candidat dans cet État (dans le cadre de l'élection présidentielle) parce qu'il a incité à l'insurrection contre le gouvernement des États-Unis. Et l'autre, sur la question de savoir si, en tant qu'ancien président, il bénéficie ou non d'une immunité de poursuites.
Souscription de Trump pour les frais de justice

Comment les problèmes juridiques de Donald Trump affectent-ils sa campagne présidentielle ? Trump a profité de ses procès pour récolter des dizaines de millions de dollars afin de payer ses frais de justice, et il a immédiatement demandé à ses partisans de l'aider à financer son appel de la dernière décision rendue à son encontre.

La base de Trump, environ un tiers de tous les électeurs, lui reste fidèle. Ils sont d'accord avec lui pour dire qu'il est politiquement persécuté par une « chasse aux sorcières » du parti démocrate. Et Trump contrôle le Parti républicain, dont la quasi-­totalité des éluEs, à tous les niveaux, le soutiennent dans sa candidature à la présidence. La plupart des AméricainEs (deux sur trois) pensent cependant que Trump ne devrait pas bénéficier de l'immunité. La plupart d'entre eux souhaiteraient qu'il soit jugé avant les élections. Si Trump a la mainmise sur sa base, ses problèmes juridiques font qu'il est peu probable qu'il obtienne les voix de démocrates tandis qu'il risque de perdre celles de nombreux électeurEs indépendants (qui balancent entre Républicains et Démocrates).

Traduction Henri Wilno

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« Défaillance morale » : Le représentant démocrate R. Khanna et A. Aiyash démocrate au parlement du Michigan insistent pour que J. Biden change de politique envers Gaza

27 février 2024, par Abraham Aiyash, Amy Goodman, Ro Khanna — , , ,
Mardi, (le 20-02-2024) les États-Unis ont opposé leur véto à une résolution au Conseil de sécurité de l'ONU demandant un cessez-le-feu immédiat à Gaza. La proposition a été (…)

Mardi, (le 20-02-2024) les États-Unis ont opposé leur véto à une résolution au Conseil de sécurité de l'ONU demandant un cessez-le-feu immédiat à Gaza. La proposition a été soutenue par 13 votes.

photo Serge D'Ignazio
Tiré de Democracy Now
traduction Alexandra Cyr

Amy Goodman : (…) Il y a donc eu un vote contre et le Royaume Uni s'est abstenu. C'est la troisième fois que les États-Unis opposent leur véto au Conseil de sécurité sur des résolutions exigeant des cessez-le-feu à Gaza. Celui-ci faisait suite à une résolution adverse des États-Unis rendue publique la veille, demandant un cessez-le-feu temporaire qui pouvait permettre la libération des otages israéliens.nes.

Les attaques israéliennes sur Gaza ont fait presque 30,000 morts au cours de quatre mois et demi. Des centaines de personnes qui manquent à l'appel sont présumément ensevelies sous les décombres. Près de 70,000 personnes ont été blessées. 80% de la population de Gaza a été déplacée pendant que la crise humanitaire persiste en s'empirant. Un quart de la population fait face à la famine.

Le soutien de l'administration Biden à la guerre contre Gaza a été beaucoup critiqué à travers le monde et dans le pays. Le Michigan, un État clé (dans la campagne à la Présidence), regroupe la plus vaste population arabe des États-Unis. Une campagne en faveur d'un vote neutre, non engagé, dans les primaires démocrates prend de l'ampleur pour protester contre la politique de soutien à Israël de la part du Président Biden.

Pour développer sur cet enjeu, nous rejoignons deux invités : Abraham Aiyash député au parlement du Michigan, leader de la majorité en chambre et second dans la hiérarchie démocrate de cet État. Il est un des nombreux représentants d'origine arabe ou musulmans qui ont rencontré le Président Biden à Dearborn la semaine dernière après avoir refusé de rencontrer sa directrice de campagne, Mme Julie Chavez Rodriguez. Il s'est aussi joint à 40 autres élus.es du Michigan dans la campagne en faveur du vote neutre lors de la prochaine primaire démocrate du 27 février courant. Et depuis Washington D.C., en route pour le Michigan, nous rejoignons le représentant démocrate Ro Khanna au Congrès. Il est le whip du Caucus progressiste démocrate et il se rend au Michigan pour rencontrer demain les leaders musulmans et arabes de l'État.

Soyez les bienvenus tous les deux. A. Aiyash, nous allons commencer avec vous. Que demandez-vous ? À titre de leader de la majorité en chambre, que demandez-vous à l'administration Biden ? Ce n'est pas dans vos habitudes de prendre de telles positions et le Parti démocrate est sujet à de lourdes pressions en ce moment. Pouvez-vous nous dire ce que vous voudriez voir arriver ?

Abraham Aiyash : Nos demandes sont assez simples. Nous ne voulons pas que notre gouvernement, notre pays, soutienne, aide, encourage quelque opération que ce soit qui tue des innocents.es, des hommes, des femmes et des enfants. Il ne nous semble pas radical que de suggérer que le pays le plus riche et le plus puissant de l'histoire du monde ne finance pas ce qui nous apparaît être un génocide, avec presque 30,000 Palestiniens.nes décédés.es à cause de missiles et de bombes israéliens financés par les États-Unis. Nous refusons que notre leadership s'engage dans cette défaillance morale et dans ces actes dégradants qui sont une atteinte à la dignité et à l'humanité du peuple palestinien. Avant tout, nous ne nous opposons à personne mais simplement, nous réaffirmons notre engagement envers l'humanité et en faveur des droits humains les plus élémentaires qui stipulent qu'il ne s'agit pas d'un concept fou que de ne pas soutenir quelque effort que ce soit qui vise à tuer des innocents.es dans le monde, spécialement au niveau de que nous avons pu observer à Gaza où plus de gens sont morts dans ce conflit qu'au cours de n'importe quelle guerre depuis la seconde guerre mondiale. C'est proprement dévastateur.

Et nous espérons qu'il s'agit de l'exercice de nos droits. Nous allons utiliser les bulletins de vote du 27 février pour montrer que nous ne supporterons pas toutes les actions qui prévoient de commettre un génocide et que nous allons nous tenir debout fermement sur cette position. Espérons que cela permettra à l'administration de changer le cours des choses d'ici l'élection de novembre prochain.

Juan Gonzalez : Je veux demander au représentant Ro Khanna … vous avez dit, par exemple, que l'ancien Président Trump était trop dangereux pour que nous ne soutenions pas le Président Biden. Que répondez-vous à ces Démocrates qui ne peuvent voter pour le Président sans mauvaise conscience au moins à ces primaires ?

Ro Khanna : D'abord, je dois dire que j'ai un immense respect pour le représentant Aiyash et je m'organise pour le voir au Michigan. Je pense que l'administration doit changer de politique envers le Proche Orient pour gagner de la crédibilité auprès des gens que nous avons perdu. Vous ne pouvez pas rencontrer les musulmans américains et la communauté arabe américaine et ensuite opposer votre véto aux Nations Unies à une résolution qui demande un cessez-le-feu et en plus demander une libération inconditionnelle des otages. C'est notre troisième véto. Cela atteint notre position morale. Cela nous choque eut égard à nos engagements en faveur des droits humains. Et la population ne croit plus que nous l'entendons et que nous allons changer de trajectoire. Elle n'a plus confiance.

Donc, j'espère que cette rencontre avec le représentant Aiyash et les autres, nous permettra d'élaborer une stratégie qui aidera à changer le cours des choses au Proche Orient que nous pourrons avoir un cessez-le-feu permanent, la libération des otages et que l'aide pourra revenir à Gaza, que nous aurons plus de paix et de justice dans cette région.

J.G. : Représentant Aiyash, je veux vous entendre à propos de la rencontre que vous eue avec les délégués.es officiels.les du gouvernement Biden plus tôt ce mois-ci à Dearborn. Que tirez-vous de ces discussions ?

A.A. : Nous avons fermement réitéré notre position. Nous voulons un cessez-le-feu permanent immédiatement. Nous voulons que l'aide soit distribuée à la population de Gaza par des entités comme l'UNRWA. Et nous voulons voir des restrictions et des conditions accrochées à l'aide envoyée à Israël. Nous envoyons un chèque en blanc, en totale obscurité, sans conditions à un pays qui a violé les droits humains, les lois internationales encore et encore.

Nous avons rappelé à l'administration qu'elle est impliquée depuis 124 jours dans ce conflit. Il se trouve que cette visite avait lieu dans un État dont l'électorat peut changer de camp (dans la prochaine élection), sans que ça ne provoque rien de plus. Nous ne les voyons pas au niveau de préoccupation qu'ont démontré nos communautés depuis des mois. Donc, nous avons réitéré notre message.

Malheureusement, quelques jours seulement après cette rencontre, nous avons vu le régime Nétanyahou exécuter une de ses pires attaques dans la région de Rafah sans que les États-Unis ne fasse les pressions nécessaires pour que ce régime cesse ses actions haineuses.

A.G. : Représentant Khanna, pensez-vous que l'administration Biden fait une erreur en opposant son véto à une résolution de plus ? Et je veux pousser un peu plus la question. Immédiatement après que l'ambassadrice américaine ait posé son véto, le Président Biden se trouvait à une activité de financement à Los Angeles. Il s'agissait de récolter de grosses sommes. Il était accompagné du milliardaire Haim Saban, qui investit dans les médias et bien connu comme un Démocrate pro israélien. Le coût du diner à ce meeting était de 3,300.00$ et pouvait aller jusqu'à 250,000$. Je tire ces informations du site Common Dreams. Que pensez-vous de cela et du Président Biden quand il répète qu'il fait d'énormes pressions sur B. Nétanyahou en privé ? Leurs actions privées ne cessent d'être contraire à un cessez-le-feu tel que présenté dans la résolution (portée au vote au Conseil de sécurité des Nations Unies) et à y opposer son véto.

R.K. : Ce fut une faute que d'opposer ce véto à la résolution des Nations Unies. Au pire ils auraient pu s'abstenir. Il y a 15 pays représentés au Conseil de sécurité. 13 ont voté en faveur de la résolution qui appelait à un cessez-le-feu permanent et la libération des otages. La résolution reflètait le sentiment non seulement dans le monde mais aussi dans la majorité de la population américaine. Nous sommes les seuls à avoir voté ainsi dans le monde entier. Cela heurte la position américaine dans le monde d'autant plus que cette administration s'est engagée à rebâtir les institutions internationales. Qu'est-ce que cela donne comme image de la crédibilité des Nations Unies si nous ne participons pas à ces institutions.

Par ailleurs j'apprécie qu'il y ait eu un peu de mouvement dans l'administration. Beaucoup d'entre nous au Congrès avons milité pour l'aide humanitaire à Gaza. La reconnaissance des vies palestiniennes et les préoccupations humanitaires sont devenues visibles. Mais maintenant, il faut passer à l'action. Il doit y avoir des conséquences claires pour B. Nétanyhou et les éléments d'extrême droite de son gouvernement. Ces gens dans ce gouvernement sont bien plus à droite que D. Trump. Il est important de la comprendre (quand il est question) de personnages comme Ben-Vir. Il faut rendre très clair à B. Nétanyahou : vous ne pouvez pas entrer dans Rafah. Notre secrétaire à la défense ne le veut pas. Notre Président ne le veut pas. Qui est-il pour défier les États-Unis d'Amérique et penser que nous allons continuer à lui fournir de l'aide militaire ? Donc, nous devons être très, très clairs sur les conséquences. Mais ce n'est pas ce qui se passe jusqu'à maintenant.

J.G. : Représentant Aiyash, en décembre vous avez commencé une grève de la faim et avez rejoint une manifestation devant la Maison blanche pour demander un cessez-le-feu. Pourquoi cet enjeu vous est-il si personnel ?

A.A. : Deux tantes de ma cheffe de cabinet ont été victimes de la Nakba. Elle me racontait l'histoire de son père et de ses deux sœurs marchant dans la vallée du Jourdain et ces deux dames sont mortes de déshydratation. Vous savez il y a de vraies souffrances et des histoires vraies derrière la déshumanisation du peuple palestinien.

Et des gens se sont soulevés partout dans notre pays pour dire qu'ils ne devraient pas se demander comment ces hommes, ces femmes et ces enfants innocents.es souffrent à cause de l'extrême-droite de ce régime que, comme l'a mentionné R. Khanna, nous finançons. Voyons les faits : la majorité des Américains.es, 80% des démocrates, sont en faveur d'un cessez-le-feu. Plus de 60% de la population est d'accord avec cela. Malgré tout, nous avons une majorité au Congrès et à la Maison blanche qui ne fait qu'ignorer la volonté populaire. C'est complètement non-américain quand vous avez des citoyens.nes qui protestent pendant des mois, qui se lèvent pour dire : « nous exigeons que notre pays mette de l'avant sa conviction morale et dise qu'aucun.e innocent.e, homme, femmes et enfant, ne soit tué.e avec des armes américaines » et que nos leaders les ignore.

Je suis reconnaissant envers les leaders comme le représentant Khanna qui bataillent fermement en faveur des droits humains et qui soutient que les Palestiniens.nes méritent autant de dignité que les Ukrainiens.nes, que les Israéliens.nes et que quiconque d'autre dans le monde. Mais nous voyons nos leaders continuer à ignorer la volonté américaine ; c'est un vrai crève-cœur. C'est un enjeu extrêmement important pour tant de gens dans notre pays parce que c'est un rappel que nous devons continuer à nous battre pour les valeurs démocratiques, les idéaux et que c'est par des gestes comme le « vote neutre » et en continuant à nous organiser et en protestant que nous travaillons en faveur de la paix dans le monde.

A.G. : Représentant R. Khanna, vous avez dit qu'il doit y avoir des conséquences pour toucher l'aide politique américaine. Pensez-vous que l'aide militaire américaine à Israël et au gouvernement Nétanyahou devrait cesser à cause de ce qu'ils font à Gaza en ce moment même ? Et, pouvez-vous nous parler de la rencontre que vous allez avoir avec Rashida Talib de la campagne « Take Back Our Power » ? Elle qui est la seule américaine d'origine palestinienne membre du Congrès.

R.K. : Alors, j'ai voté contre cette proposition d'envoi de 17 millions de dollars à Israël sans aucune restriction il y a une ou deux semaines. Et je ne pense sûrement pas que nous devrions leur fournir plus de missiles de précision qui peuvent servir à attaquer la population de Rafah. Et je ne vois pas comment on peut outre passer le Congrès, ce qui est déjà arrivé, pour fournir des armes offensives qui vont servir à conduire des attaques que notre gouvernement dit qu'elles ne devraient pas avoir lieu.

Je veux simplement dire ceci : je regarde vraiment vers l'avant et je vais rencontrer des gens comme le représentant Aiyash et d'autres personnes des communautés arabes et musulmanes américaines. Il n'est pas qu'un représentant. Il est un leader dans la Chambre du Michigan. C'est un futur gouverneur, un futur sénateur et un futur membre du Congrès. Voilà le but. La coalition du Parti démocrate moderne n'est pas de 1972, c'est une coalition qui inclut de jeunes progressistes, des musulmans.es et des arabes américains.nes, des juifs.ves américains.es et de jeunes gens. L'African Methodist Episcopal Black Church a aussi demandé un cessez-le-feu. Et nous devons nous réveiller et voir les faits car dans l'avenir le Parti démocrate va devoir exiger la justice de deux États, un État palestinien vivant aux côtés de l'État d'Israël. Et il va devoir aussi exiger des actions concrètes pour un cessez-le-feu et la reconnaissance de l'humanité des deux peuples, le palestinien et l'israélien. La rencontre avec Rashida Tlaib devrait porter sur l'électricité, l'énergie et la justice mais je suis sûr que d'autres sujets vont surgir durant ce débat public.

A.G. : Merci à vous deux.

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Contre l’extradition de Julian Assange, pour le droit de savoir

27 février 2024, par Carine Fouteau — , ,
Pour empêcher son transfert aux États-Unis, où il risque la prison à vie, le fondateur de WikiLeaks abat sa dernière carte en droit britannique les 20 et 21 février. Au regard (…)

Pour empêcher son transfert aux États-Unis, où il risque la prison à vie, le fondateur de WikiLeaks abat sa dernière carte en droit britannique les 20 et 21 février. Au regard de l'intérêt public majeur des informations qu'il a contribué à révéler, nous devons, en tant que journalistes et citoyens, nous dresser pour obtenir sa libération.

20 février 2024 | tiré du Europe solidaire sans frontières | Photo : L'avocate Stella Assange, femme de Julian, devant la Haute Cour de justice de Londres, le 24 janvier 2022. © Photo Daniel Leal / AFP
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article69844

« La démocratie meurt dans l'obscurité » : ce slogan aux accents d'appel à la vigilance adopté par le Washington Post en 2017 lors de la présidence de Donald Trump devrait résonner fortement aux oreilles de Joe Biden ces jours-ci. A fortiori depuis le décès, en Russie, d'Alexeï Navalny, le célèbre opposant politique à Vladimir Poutine dans une colonie pénitentiaire reculée de l'Arctique, où il purgeait une peine de 19 ans de prison.

Alors que l'ultime recours en droit britannique de Julian Assange doit être examiné, mardi 20 et mercredi 21 février, pour empêcher son extradition aux États-Unis, où il encourt une peine allant jusqu'à 175 ans de prison, il faut rappeler inlassablement que le supplice du fondateur de WikiLeaks, enfermé depuis douze années, est aussi celui d'un double principe, le droit d'informer et le droit d'être informé·e.

Ce supplice tient à la durée de la procédure judiciaire, à la lourdeur des charges retenues contre lui et à la dureté des conditions d'enfermement auxquelles il est soumis. Le piège se referme sur Julian Assange quatre ans après la création en 2006 de WikiLeaks, organisation non gouvernementale à but non lucratif dont la mission était de rendre publics, de manière anonyme et sécurisée pour leurs sources, des documents d'intérêt général n'ayant initialement pas vocation à être révélés.

La publication en 2010 d'une vidéo et de près de 400 000 rapports militaires documentant les exactions américaines en Irak et en Afghanistan fait l'effet d'un coup de tonnerre. S'y ajoute la diffusion de 251 000 dépêches diplomatiques envoyées au siège du Département d'État racontant cinquante ans de relations diplomatiques des États-Unis entretenues à travers le monde.

De quoi susciter la fureur de la Maison-Blanche : non seulement ces fuites massives révèlent les défaillances technologiques de la première puissance mondiale, incapable de protéger ses données sensibles, mais elle met aussi la lumière sur ses mensonges, ses petits arrangements et ses violations du droit international. Furieuses d'être ainsi mises à nu, les autorités américaines lancent aussitôt une enquête pour « espionnage » contre WikiLeaks et recherchent activement son fondateur, désigné comme ennemi public numéro un.

L'audience de la dernière chance

La chasse à l'homme commence. Après avoir été placé en liberté surveillée pendant deux ans au Royaume-Uni, Julian Assange se réfugie en juin 2012 à l'ambassade de l'Équateur à Londres, où il vit pendant sept ans dans un espace confiné, avant d'être incarcéré à partir d'avril 2019 en détention provisoire dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, près de la capitale britannique.

Il est depuis lors maintenu à l'isolement dans cet établissement carcéral conçu pour abriter des terroristes et des membres de groupes liés au crime organisé. En mai de la même année, alors que Donald Trump a été élu président, la justice américaine le rattrape : il est inculpé pour « espionnage » par les États-Unis, où il risque la prison à vie.

S'ensuit une série de recours engagés pour empêcher son extradition, balayés les uns après les autres. Cet ultime appel devant la Haute Cour britannique est, autrement dit, une audience de la dernière chance pour cet homme qui a su comme personne mettre en lumière les potentialités démocratiques de la révolution numérique.

À l'issue de ces deux jours, deux cas se présentent : soit les juges l'autorisent à présenter formellement cet appel, et la bataille judiciaire se poursuit, soit ils le lui refusent, et l'épée de Damoclès tombe.

Selon son épouse Stella Assange, rien ne s'opposerait alors à son extradition immédiate. Il aurait en effet la possibilité de présenter un recours auprès de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), mais celui-ci n'étant pas suspensif, il pourrait ne pas empêcher son départ forcé vers les États-Unis. Toutefois, comme le précise Nicolas Hervieu, juriste spécialiste des libertés et enseignant à Sciences Po, la CEDH est susceptible de répondre rapidement, au moins pour demander à l'État concerné de fournir des explications et de surseoir à la mise en œuvre de l'éloignement.

Une attaque contre le droit de savoir

Mediapart, par ses engagements éditoriaux, est particulièrement sensible au combat de Julian Assange et a récemment pris l'initiative d'un appel, sous la forme d'une adresse à Joe Biden, également signé par nos confrères de Der Spiegel (Allemagne), d'Il Fatto Quotidiano (Italie) et d'InfoLibre (Espagne).

Alors que les États-Unis refusent de le reconnaître comme journaliste, nous rappelions au président américain que nous le considérions comme l'un des nôtres, dans la mesure où nous avions publié dans nos titres respectifs des enquêtes qu'il avait signées en son nom. « Au-delà du sort inique qui est fait au fondateur de WikiLeaks, cette procédure transforme le journalisme en crime et met en péril toutes celles et tous ceux qui en font profession, partout dans le monde », écrivions-nous.

Car, oui, Julian Assange a fait œuvre de journalisme en rendant publics des crimes de guerre, des affaires de corruption, des scandales diplomatiques et des opérations d'espionnage que les autorités américaines auraient préféré voir gardés secrets. Il nous revient précisément, en tant que journalistes, de révéler ce qui est nié ou caché, en premier lieu par les puissants de ce monde.

Notre mission démocratique est fondamentalement de placer les gouvernant·es face à leurs responsabilités et de rendre aux citoyen·nes ce qui leur appartient : des informations d'intérêt public leur permettant d'exercer leur droit de regard sur les décisions prises en leur nom et d'agir en fonction de ce qu'ils et elles apprennent.

Dans un texte publié dès 2006, intitulé Conspiracy as Governance, Julian Assange ne disait pas autre chose lorsqu'il affirmait que « l'injustice ne peut trouver de réponse que lorsqu'elle est révélée, car, pour que l'homme puisse agir intelligemment, il lui faut savoir ce qui se passe réellement ». Dans Menace sur nos libertés – Comment Internet nous espionne, comment résister, il déclarait aussi : « “Soyez le changement que vous souhaitez voir dans le monde” [selon la formule prêtée à Gandhi – ndlr], mais soyez aussi l'empêcheur de tourner en rond que vous souhaitez voir dans le monde. »

Parler de liberté n'a de sens qu'à condition que ce soit la liberté de dire aux autres ce qu'ils n'ont pas envie d'entendre.
George Orwell, 1945

La vérité des faits dérange, c'est peut-être même à cela qu'on la reconnaît. Et nous faisons nôtre la citation de l'écrivain George Orwell, qui, dans sa préface de 1945 à La Ferme des animaux, écrivait : « Parler de liberté n'a de sens qu'à condition que ce soit la liberté de dire aux autres ce qu'ils n'ont pas envie d'entendre. »

C'est d'ailleurs une citation de cet auteur qui ouvrait la vidéo diffusée par WikiLeaks en 2010, vue par quatre millions de personnes sur YouTube en trois jours, montrant des militaires américains, à Bagdad, tuer des journalistes après avoir confondu une caméra et une arme de guerre.

Cet extrait de La Politique et la langue anglaise disait : « Le langage politique est conçu pour rendre le mensonge crédible et le meurtre respectable, et pour donner à ce qui n'est que du vent une apparence de consistance. » À nous, journalistes, de lire entre les lignes, de démêler le vrai de la propagande et de divulguer le dessous des cartes, quel que soit son éclat.

À force de révélations, l'exercice journalistique peut ainsi se traduire par de fortes secousses. Car, oui, certaines de nos informations remettent en cause l'ordre établi et contribuent à défaire des positions infondées héritées du passé.

Cet état de fait a été consacré en 1976 dans le droit européen par l'arrêt Handyside : la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) affirme en effet que la liberté d'expression « vaut non seulement pour les informations ou les idées accueillies avec faveur, ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'État ou une fraction quelconque de la population ». « Ainsi le veulent, conclut la CEDH, le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'y a pas de société démocratique. »

La situation de Julian Assange est, à cet égard, le miroir d'un enjeu démocratique central. Face à la tentation de pouvoirs issus du vote de réduire leur légitimité à la seule élection, il est urgent de rappeler que la vitalité d'un régime démocratique dépend de son respect des contre-pouvoirs et de sa capacité d'entendre les mobilisations et les contestations.

À l'inverse, les attaques contre la liberté de la presse sont toujours le symptôme d'un étouffement des principes fondamentaux, première étape d'un virage autoritaire.
Joe Biden face au premier amendement

Joe Biden est la personne qui aujourd'hui tient le destin de Julian Assange entre ses mains. En tant que garant du premier amendement à la Constitution de son pays, qui place la liberté d'expression au sommet de l'édifice principiel américain, il devrait en tirer les conclusions qui s'imposent et le protéger plutôt que de participer à le persécuter. Alors qu'il dénonce avec véhémence la « détention arbitraire » pour « espionnage » dont est victime le journaliste américain Evan Gershkovich en Russie, il se devrait d'être cohérent avec les valeurs qu'il se fait fort de défendre.

Il pourrait aussi se souvenir qu'en 2010, l'administration dont il avait la charge, comme vice-président, aux côtés de Barack Obama s'était gardée, malgré la détestation à l'égard de Julian Assange, de l'assigner en justice, au motif que le poursuivre aurait supposé de poursuivre également les journalistes des nombreux médias internationaux qui avaient relayé les informations.

Certes, Joe Biden l'avait alors publiquement qualifié de « terroriste high-tech », mais l'administration avait néanmoins suspendu les poursuites à son égard pour ne pas contrevenir au premier amendement et ne pas entraver la liberté de la presse.

C'est en effet Donald Trump qui, après avoir adulé Julian Assange pour la publication des courriels piratés du Parti démocrate ayant potentiellement favorisé son élection en 2016, s'est retourné contre lui. Et c'est sous sa mandature que le fondateur de WikiLeaks a été directement inculpé d'« espionnage », en mai 2019, le Département de la justice décidant alors de s'appuyer sur une loi vieille de plus d'un siècle, l'Espionage Act, conçue pendant la Première Guerre mondiale.

Jusqu'à cette date, jamais ce texte visant de potentiels espions n'avait été utilisé contre des journalistes, des médias ou des diffuseurs. « La décision d'inculper Julian Assange est une escalade sans précédent de la guerre de Trump contre le journalisme. [...] Pour l'instant, il ne peut pas poursuivre les journalistes du New York Times ou du Washington Post qui publient des documents classés. Cela pourra changer si Julian Assange est condamné », s'inquiétait, à l'annonce de ce changement de doctrine, Timm Trevor, président de la Freedom of the Press Foundation.

L'extradition de Julian Assange vers les États-Unis signifierait ainsi la mise en cause de nombre de nos principes les plus précieux.

En 2022, cinq médias internationaux, The New York Times, The Guardian, Le Monde, Der Spiegel et El País, s'alarmaient à leur tour, tous ayant publié des informations de WikiLeaks de 2010. Ils rappelaient notamment que cette source documentaire exceptionnelle était encore exploitée par des journalistes et des historiens douze ans plus tard.

Ils soulignaient, dans cette tribune, avoir critiqué publiquement la publication en 2011 d'une version complète des câbles diplomatiques révélant l'identité et mettant potentiellement en péril la vie d'individus ayant fourni des informations à l'armée ou à la diplomatie américaine ; ils déclaraient aussi que certains d'entre eux restaient préoccupés par l'allégation figurant dans l'acte d'accusation américain selon laquelle Julian Assange aurait lui-même aidé à l'intrusion informatique dans une base de données classée secret-défense, ce qui est contraire à la déontologie journalistique.

Tous, toutefois, affirmaient leur solidarité « pour exprimer [leur] grande inquiétude face aux poursuites judiciaires sans fin que subit Julian Assange ». Ils demandaient au gouvernement américain d'abandonner les poursuites. « Publier n'est pas un crime », martelaient-ils.

Aujourd'hui, la défense de Julian Assange s'appuie principalement sur la dégradation de son état de santé pour refuser son extradition. La rapporteuse spéciale des Nations unies sur la torture, Alice Jill Edwards, vient encore récemment de lui apporter son soutien.

« Le risque qu'il soit placé en isolement cellulaire, en dépit de son état mental précaire, et de recevoir une peine potentiellement disproportionnée pose des questions sur la compatibilité de l'extradition de M. Assange avec les obligations du Royaume-Uni vis-à-vis du droit international », affirme-t-elle.

L'extradition de Julian Assange vers les États-Unis signifierait ainsi la mise en cause de nombre de nos principes les plus précieux, reconnus par toutes les déclarations universelles et conventions internationales, du droit de savoir à la proportionnalité des peines, en passant par le respect des droits des prisonniers et prisonnières.

Au-delà du sort du fondateur de WikiLeaks qui subit dans son corps les stigmates d'une justice d'exception, elle transformerait en potentiel·les criminel·les tou·tes les journalistes enquêtant au service de la vérité des faits.

À la suite des épreuves traversées par d'autres journalistes d'enquête et lanceurs et lanceuses d'alerte, comme Chelsea Manning, Edward Snowden, Glenn Greenwald et Rui Pinto, elle ouvrirait la voie à une offensive dévastatrice pour nos démocraties contre le droit d'informer et d'être informé·e.

Carine Fouteau

P.-S.
• MEDIAPART. 20 février 2024 à 07h39 :
https://www.mediapart.fr/journal/international/200224/contre-l-extradition-de-julian-assange-pour-le-droit-de-savoir

• Les articles de Carine Fouteau sur Mediapart :
https://www.mediapart.fr/biographie/carine-fouteau

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Les élections générales au Pakistan : résultats et contexte, l’armée et le FMI, les enjeux à venir

27 février 2024, par Pierre Rousset, Tariq Farooq — , ,
Les élections générales qui se sont déroulées au Pakistan le 8 février dernier se sont soldées par un vote partagé, aucun parti n'ayant obtenu de majorité claire au niveau (…)

Les élections générales qui se sont déroulées au Pakistan le 8 février dernier se sont soldées par un vote partagé, aucun parti n'ayant obtenu de majorité claire au niveau national. Le scrutin concernait les 266 sièges de l'Assemblée nationale, ainsi que les quatre assemblées provinciales du Pendjab, du Sind, du Baloutchistan et de Khyber Pakhtunkhwa. Le taux de participation global a été de près de 48 % sur un total de 128 585 760 électeurs inscrits. Le vote a été divisé entre plusieurs partis de droite, ce qui témoigne d'un changement important dans la dynamique politique du Pakistan. Les résultats indiquent que les électeurs ont sanctionné les politiques du FMI et la répression menée par l'État, sous la direction de l'armée.

Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
21 février 2024

Par Pierre Rousset et Tariq Farooq

Les résultats officiels des élections législatives

Dans ce pays de 241 millions d'habitants (dont 128 millions sont inscrits sur les listes électorales), 5 121 candidats se sont présentés aux élections - dont 312 femmes - représentant pour la plupart 167 partis politiques (dont 44 « nationaux »).

Résultats pour l'Assemblée nationale

PML-N. La Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (Pakistan Muslim League - Nawaz, PML-N), parti de droite centriste, a bénéficié du soutien de l'establishment militaire, mais n'a pas réussi à séduire l'électorat. Elle n'a obtenu que 75 sièges, ce qui signifie néanmoins que son groupe parlementaire était le plus important par rapport à celui des autres partis reconnus, grâce au fait que le Pakistan Tehreek Insaaf d'Imran Khan n'a pas été autorisé à se présenter sous sa bannière et à participer à la campagne officielle.

Tehreek Insaaf. La Commission électorale du Pakistan a pris de nombreuses mesures pour rendre « invisible » le Pakistan Tehreek Insaaf (Mouvement pakistanais pour la justice, PTI) d'Imran Khan. Le parti n'a pas été autorisé à se présenter sous son nom et ses candidats « de facto » n'ont pas été autorisés à utiliser son symbole électoral : une batte de cricket (Imran Kahn est un ancien champion du monde de cricket !). Dans un pays où 75% de la population est analphabète, l'aspect visuel des symboles électoraux joue un rôle majeur dans l'identification des candidats. Le PTI n'a pas pu participer à la campagne officielle. Quant à Imran Kahn, il était confronté à de nombreux déboires judiciaires et à même fait l'objet de trois nouvelles condamnations pour des motifs politiques dans la semaine précédant les élections générales. Il était en détention, comme de nombreux autres dirigeants du PTI.

Malgré tous ces obstacles, le PTI a pu susciter et soutenir de nombreux candidats « indépendants » qui ont utilisé les réseaux sociaux pour se faire connaître. Ils ont connu un véritable succès. Ainsi, 102 « indépendants » ont été élus, dont la grande majorité (92) est identifiée au Tehreek Insaaf.

Le PPP. Le Parti du peuple pakistanais (PPP) de Bilawal Bhutto Zardari a remporté 54 sièges.

Les partis politiques religieux ont subi des revers lors de ces élections, seul le Jamiat Ulema-e-Islam ayant réalisé des gains notables (4 élus). Le Tehreek Labeek a obtenu 5 à 7 % des voix dans chaque circonscription (aucun élu), tandis que la campagne indépendante du Jamaat-e-Islami n'a pas produit de résultats significatifs (aucun élu).

Un mot d'explication sur la répartition globale des sièges à l'Assemblée nationale. Seuls 266 des 336 sièges sont élus au suffrage direct. Les 70 sièges restants sont « réservés » aux femmes (60 sièges) ou aux minorités non musulmanes (10 sièges). Seuls les partis reconnus peuvent bénéficier de ces réserves, au prorata de leurs résultats. Les candidats indépendants n'y ont pas droit. Les « indépendants » du PTI ont donc rejoint le Sunni Itehad Council (un parti politique sunnite enregistré) pour bénéficier des sièges réservés.

Corruption et fraude. Les élections ont été entachées d'une corruption généralisée, tous les grands partis politiques ayant dépensé des sommes exorbitantes pour acheter des voix. La vente ouverte de votes pour des sommes allant jusqu'à 5 000 roupies (18 dollars) a encore affaibli le processus démocratique. Les campagnes électorales n'ont pas abordé les questions de fond, le PTI se concentrant sur la condamnation d'Imran Khan, le PML-N se ralliant autour du slogan « Donnez le Pakistan à Nawaz » et le PPP présentant Bilawal Bhutto comme un sauveur national.

Pendant les élections, le ministère de l'intérieur a temporairement bloqué l'accès à Internet au nom du maintien de l'ordre public (des attentats avaient eu lieu les jours précédents), ce qui a empêché de nombreux électeurs des centres urbains de réserver des taxis ou d'organiser leur famille pour aller voter. Les accusations de fraude électorale sont nombreuses. 28 personnes ont été tuées ce jour-là. Pendant le décompte des voix, lorsque l'avance des candidats « indépendants » pro-PTI est devenue évidente, ledit décompte des voix a été longtemps suspendu, ce qui a alimenté les soupçons de fraude massive orchestrée par les militaires.

Nous ne pouvons donc parler que des résultats officiels du scrutin.

Les assemblées provinciales

Le PML-N a conservé sa majorité à l'assemblée du Pendjab. Le PPP a remporté une large victoire dans l'assemblée du Sindh. L'assemblée du Baloutchistan a été divisée entre plusieurs partis nationalistes et fédéraux. Au Khyber Pakhtunkhwa, les candidats « indépendants » soutenus par le PTI ont dominé.

Un double rejet du FMI et de la répression étatique

Le résultat global des élections exprime un rejet des politiques du FMI, qui ont conduit à une hausse des prix sans précédent au Pakistan. Ils représentent également un rejet clair des responsables de leur mise en œuvre, des responsables de l'inflation et des politiques répressives qui l'accompagnent, en particulier le gouvernement conservateur du Mouvement démocratique pakistanais (PDM, une coalition), arrivé au pouvoir en avril 2022.

En août 2023, un cabinet intérimaire a été nommé pour préparer les élections, qui auraient dû se tenir trois mois plus tard, en novembre. Elles ont été inconstitutionnellement retardées jusqu'en février 2024, afin de redessiner les circonscriptions électorales. L'objectif était clairement de favoriser la Ligue musulmane-N.

Plus précisément, le résultat électoral montre une forte opposition à la répression exercée contre le PTI dirigé par Imran Khan. Cette perception de la victimisation d'Imran Khan, emprisonné, a mobilisé l'électorat contre la Ligue musulmane de Mian Nawaz Sharif. Sharif a été Premier ministre à trois reprises dans le passé. Il s'est exilé au Royaume-Uni pour échapper aux poursuites judiciaires. La fin de son auto-exil, accompagnée du classement rapide de toutes les affaires judiciaires le concernant, indique clairement son retour en grâce aux yeux de l'armée. Fort de cette nouvelle collusion, l'establishment militaire a stratégiquement orchestré la campagne électorale de la Ligue musulmane. Son échec constitue donc un sérieux revers.

Cependant, le résultat des élections met également en évidence la domination des idéologies de droite, bien que le vote ait manqué de ferveur et ait été principalement une réaction aux conflits internes de la droite plutôt qu'une division claire entre la gauche et la droite. Il ne s'agissait pas d'un vote anti-establishment « de principe », la position anti-establishment du PTI s'avérant circonstancielle, temporaire et sélective dans son opposition à l'oppression exercée par l'appareil d'État (ce parti est loin de défendre toutes les victimes de la répression de l'État !)

La gauche marginalisée

Bien que la gauche ait participé dans une certaine mesure à la bataille électorale, son influence a été limitée, avec moins de 40 candidats en lice.

La gauche a souffert de la popularité du Tehreek Insaaf, la plupart des votes contre l'establishment militaire et les politiques du FMI étant allés au PTI. Les candidats de gauche, y compris ceux du parti Haqooq Khalq, du parti Awami des travailleurs (Awami Wokers' Party) et du parti Brabri, n'ont pas réussi à obtenir un soutien significatif ou des sièges. En particulier, un siège à l'Assemblée nationale détenu par le marxiste Ali Wazir lors des élections générales de 2018 a été perdu cette fois-ci.

Les candidats du parti Haqooq Khalq, Ammar Jan, ont obtenu 3 % du total des suffrages exprimés (soit 1573) dans sa circonscription, Imtiaz Alam et Muzammil ont obtenu 1 %.

Ali Wazir a été élu au parlement national de la province de Khyber Pakhtunkhwa lors des élections générales de 2018, il était le seul parlementaire marxiste siégeant à l'Assemblée nationale. Il a perdu son siège en obtenant 16 000 voix, alors que le vainqueur en a obtenu 21 000.

Malgré ce revers, des partis comme Haqooq Khalq ont promis de continuer à intensifier leur mobilisation. Le principal domaine d'action de Haqooq Khalq est l'organisation des travailleurs et des paysans. Cependant, il a décidé de poursuivre ses activités électorales. Il prévoit de présenter plus d'une centaine de candidats aux prochaines élections législatives et de participer pleinement aux différentes élections locales.

Négociations parlementaires

L'élection du prochain Premier ministre montre qu'il est trop tôt pour se réjouir. L'issue des négociations parlementaires pourrait bien tourner à l'avantage des militaires.

La PML-N de Nawaz Sharif et le PPP de Bilawal Bhutto Zardari sont parvenus à un accord pour former un gouvernement, négociant un partage du pouvoir. Ils espèrent également coopter certains des candidats soutenus par le PTI d'Imran Khan, avec un certain succès.

Nawaz Sharif ne brigue pas le poste de Premier ministre : il préfère s'effacer derrière son frère Shahbaz Sharif. Nawaz traine beaucoup de casseroles derrière lui (dont certaines sont très récentes) et choisit de ne pas trop s'exposer. Son frère a également été chef de gouvernement à plusieurs reprises, mais dans un passé plus lointain. Nawaz peut gouverner dans l'ombre.

La majorité parlementaire est fragile, ce qui n'est pas forcément pour déplaire aux militaires, qui gardent la main. Aucun Premier ministre civil n'a jamais terminé une législature au Pakistan, ce qui est également fréquent dans les régimes présidentiels (voir France), mais moins dans les régimes parlementaires.

Néolibéralisme autoritaire

Si les élections du 8 février ont été l'expression forte d'un profond mécontentement populaire, elles n'annoncent pas de changement positif dans les mesures qui seront mises en œuvre. Les frères Nawaz, le PLM-N et le gouvernement s'apprêtent à approfondir les politiques néolibérales, à poursuivre la privatisation des institutions publiques et à exploiter davantage les classes populaires au nom du remboursement de la dette.

Le gouvernement accèdera aux demandes du FMI et de la Banque mondiale (sauf lorsqu'ils demandent que les riches soient également taxés pour contribuer à réduire le poids de la dette). Il privilégiera les intérêts des entreprises au détriment du bien-être de la population. L'essor de l'agro-industrie, facilité par le PML-N et les gouvernements intérimaires, risque d'exacerber encore davantage les inégalités économiques et ne répondra pas aux besoins des petits agriculteurs.

L'augmentation du coût de la vie affecte les biens les plus essentiels pour les classes populaires, tels que les légumes, le blé, le sucre et l'électricité, qui sont devenus inabordables. Le taux d'extrême pauvreté continue d'augmenter. Les jeunes cherchent le salut dans l'émigration (pour ceux qui ont les moyens de tenter l'aventure), même dans des pays d'accueil à haut risque. Les transferts de fonds des migrants vers leurs familles ne suffisent plus à compenser la crise du coût de la vie. En toile de fond, les crises climato-écologiques et sanitaires (notamment le Covid, mais pas seulement) survenues ces dernières années au Pakistan ont considérablement fragilisé le tissu social, plongeant davantage de familles et de villages dans l'extrême pauvreté.

Cette situation catastrophique a donné lieu à d'importantes manifestations, comme en septembre 2023, contre la hausse des prix de l'électricité. Malheureusement, les conditions ne sont pas réunies aujourd'hui pour qu'elles puissent se consolider, s'installer dans la durée, se renforcer et se relier entre elles.

Il appartient aux forces de gauche de s'impliquer dans les mouvements progressistes, sociaux et de genre, pour contribuer à enclencher une dynamique positive qui permettra de renforcer les organisations en faveur de la classe ouvrière, des femmes, des petits paysans et des gens ordinaires.

Farooq Tariq, Pierre Rousset


P.-S.

• Farooq Tariq est secrétaire général du Pakistan Kissan Rabita Committee et président du Haqooq Khalq Party. Il a précédemment joué un rôle de premier plan au sein du Parti Awami des travailleurs et, avant cela, au sein du Pakistan Labour Party (Parti travailliste pakistanais).
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Pourquoi les agriculteurs indiens ont-ils relancé leur mouvement de protestation ?

27 février 2024, par AFP, Science et avenir — , ,
Des milliers d'agriculteurs indiens convergent cette semaine vers New Delhi sur des tracteurs, tentant de relancer le mouvement de protestation de 2020-2021 qui avait bloqué (…)

Des milliers d'agriculteurs indiens convergent cette semaine vers New Delhi sur des tracteurs, tentant de relancer le mouvement de protestation de 2020-2021 qui avait bloqué les autoroutes vers la capitale pendant plus d'un an.

16 février 2024 | tiré de Sciences et Avenir | Photo : Des agriculteurs bloquent les voies ferrées lors d'une manifestation pour exiger des prix minimum pour les récoltes, dans une gare de Rajpura,le 15 février 2024 en Inde NARINDER NANU / AFP

Le Premier ministre Narendra Modi avait alors été contraint de reculer et d'abroger des lois de déréglementation des marchés agricoles. Les syndicats agricoles affirment que le gouvernement n'a depuis pas fait assez pour résoudre leurs problèmes, ce qui les a poussés à reprendre leur mouvement. Des colonnes de police anti-émeute ont jusqu'à présent freiné l'avancée des manifestants avec des tirs de gaz lacrymogènes et des barricades en béton, mais les agriculteurs ont promis de continuer leur mouvement.

Quelle est la situation du secteur agricole en Inde ?

Le secteur agricole indien est gigantesque et plongé dans de multiples difficultés. Il emploie plus de 45% de la main-d'œuvre du pays et représente 15% de son produit intérieur brut (PIB). La "Révolution verte" des années 1970 avait fait de l'Inde, alors régulièrement confrontée à des pénuries alimentaires, un important exportateur de produits alimentaires.

La taille moyenne des exploitations reste modeste : plus de 85% des agriculteurs possèdent moins de deux hectares de terre. Et moins d'un agriculteur sur cent possède plus de 10 hectares, selon une enquête du ministère de l'Agriculture de 2015-2016.

Les pénuries d'eau, les inondations et des conditions météorologiques irrégulières liées au changement climatique, ainsi que l'endettement pèsent fortement sur les agriculteurs.

Plus de 300.000 d'entre eux se sont suicidés depuis les années 1990, selon les chiffres officiels, et les agriculteurs sont nombreux à déplorer un état de détresse financière constante.

"Nous travaillons de longues heures dans les champs et nous avons encore du mal à joindre les deux bouts", a indiqué à l'AFP Sandeep Kumar, 40 ans, en première ligne de la manifestation mercredi.
Les agriculteurs indiens ont néanmoins un poids politique important en raison de leur nombre : des dizaines de milliers de personnes avaient campé dans la banlieue de Delhi lors du précédent mouvement pour exiger que le gouvernement de Narendra Modi abandonne son projet de déréglementation de l'agriculture.

Que demandent les agriculteurs ?

Les agriculteurs indiens disposent déjà de garanties de longue date obligeant le gouvernement à acheter certains produits, notamment le riz et le blé, lorsque leur prix tombe au-dessous d'un certain niveau sur le marché. La principale revendication des syndicats est d'élargir ces prix minimum de soutien à toutes les cultures pour les protéger des fluctuations du marché.

Le gouvernement Modi avait promis d'examiner cette demande après les manifestations de 2021, mais les syndicats affirment que rien n'a été fait depuis. Ils veulent également que les poursuites contre les dirigeants syndicaux datant de ces manifestations soient abandonnées et qu'une pension mensuelle de 120 dollars soit versée aux agriculteurs de plus de 60 ans.

Plusieurs autres revendications visent une plus grande protection des agriculteurs face aux fluctuations du marché : allègement des dettes, retrait de l'Inde de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et des accords de libre-échange, ainsi que l'assurance que les subventions existantes, notamment l'électricité gratuite, ne seront pas supprimées.

Quelle a été la réponse du gouvernement ?

L'Inde dépense déjà plus de 50 milliards de dollars par an en subventions aux agriculteurs, selon des documents budgétaires. Ces subventions ont parfois aggravé le manque de productivité en encourageant des cultures inadaptées aux conditions locales, comme le riz qui a épuisé les nappes phréatiques dans l'État du Pendjab.

Les subventions et les achats publics de produits agricoles ont fréquemment été des facteurs de corruption et de gaspillage. Le gouvernement a tenu cette semaine plusieurs séries de négociations avec les syndicats pour désamorcer la crise, sans succès.

Le parti de M. Modi, le BJP, affirme que l'extension du système de prix minimum est régressive et inabordable, avec un coût estimé à au moins 140 milliards de dollars supplémentaires. Le gouvernement a plutôt cherché à contenir les manifestations afin d'éviter un mouvement de grande ampleur comme celui de 2020-2021, qui avait suscité une grande sympathie dans l'opinion publique.

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Impunité et politique coloniale d’Israël

27 février 2024, par Faris Lounis, Ziad Majed — , , ,
J'ai publié un long entretien dans Le Matin d'Algérie avec le politologue Ziad Majed autour de l'impunité et de la politique coloniale d'Israël. Je vous le propose. Faris (…)

J'ai publié un long entretien dans Le Matin d'Algérie avec le politologue Ziad Majed autour de l'impunité et de la politique coloniale d'Israël. Je vous le propose.

Faris LOUNIS.
Journaliste indépendant

Entretien avec Ziad Majed

La question de l'autoritarisme au Moyen-Orient et sa normalisation, tant par les dirigeants arabes que par les occupants israéliens en Palestine, ainsi que par les élites politiques européennes et nord-américaines, constitue l'un des fléaux majeurs de notre époque, marquée par une régression démocratique alarmante.

Aujourd'hui, nous sommes tous témoins, impuissants et consternés, des scènes sombres résultant des intégrismes, à la fois politiques et religieux, qui ont engendré un nihilisme destructeur. Hier, c'était la Syrie sous le joug du boucher de Damas ; aujourd'hui, c'est le génocide en cours à Gaza, perpétré par Israël avec le soutien politique et médiatique du prétendu « monde libre » au nom de la « civilisation » et de « la guerre contre le terrorisme » – des termes désormais galvaudés selon la nationalité et les affiliations politiques.

Ziad Majed, politiste et écrivain libanais, intellectuel de gauche et fin connaisseur du dossier palestinien, est professeur et responsable du programme des études du Moyen-Orient à l'Université américaine de Paris. Il partage aujourd'hui avec Le Matin d'Algérie ses réflexions sur Gaza et la Palestine, mettant l'accent sur l'universalité du droit international, un sujet qu'il a largement développé dans ses écrits et ses interventions politiques.

Le Matin d'Algérie : Pour commencer, pouvez-vous définir la notion d'« impunité » dans le contexte des sciences politiques ?

Ziad Majed : L'impunité des gouvernements et des États peut être définie comme le phénomène par lequel des dirigeants politiques ou des entités étatiques échappent à toute forme de sanction ou de responsabilité juridique pour leurs actions, lorsqu'elles sont contraires aux lois et au droit.

Les gouvernements ou les États peuvent bénéficier de l'impunité pour diverses raisons, notamment le contrôle qu'ils exercent sur les institutions judiciaires, l'influence qu'ils exercent sur les médias ou la protection par des puissances étrangères qui limitent les possibilités de poursuites juridiques internationales. L'impunité peut ainsi conduire à des violations des droits humains, à des abus de pouvoir, à la corruption et à de nombreux autres actes répréhensibles sans que les auteurs ne soient tenus de rendre des comptes.

En ce sens, l'impunité caractérise les régimes despotiques ou ceux où les élites sont au-dessus de la loi. Elle instaure une culture politique où tout est permis pour les privilégiés à condition qu'ils soient proches du pouvoir.

Dans les relations internationales, elle permet la violation sans crainte des droits humains, du droit international humanitaire et des conventions signées par la plupart des pays pour établir des mécanismes de punition des contrevenants.

Le Matin d'Algérie : Quelle est la spécificité de ce concept dans le monde arabe ? Peut-on en retracer sa généalogie ?

Ziad Majed : Dans la majorité des cas, les États arabes sont nés entre les deux guerres mondiales et surtout après la Seconde Guerre. Leur émergence, parfois à la suite de luttes de libération ou d'indépendance, s'est déroulée parallèlement à la création de l'État d'Israël sur les terres palestiniennes, soutenu par les puissances coloniales, ainsi qu'aux tensions de la guerre froide et à la polarisation qui en a découlé.

Ces facteurs ont contribué à l'avènement de régimes souvent non élus, évoluant dans des cadres où les institutions et les constitutions ont peu de poids. Leur légitimité a ainsi reposé sur le soutien d'acteurs puissants, internes (militaires, hommes d'affaires, banquiers, etc.) ou externes (puissances étrangères). Cette configuration initiale, les guerres régionales et les bouleversements socio-économiques ont favorisé par la suite des affrontements et des coups d'État militaires dans plusieurs pays, produisant des régimes despotiques, qui ont liquidé toute diversité politique, étouffé les quelques institutions souveraines ou non-contrôlées par les autorités politiques centrales, instauré une totale impunité, et surtout instrumentalisé la cause palestinienne pour s'offrir une légitimité politique.

Dans d'autres cas, comme celui des États du Golfe, les alliances internes et externes des familles dominantes ont également servi de bouclier d'impunité. Leur position a été soutenue par le prix élevé du pétrole en tant que matière première stratégique, leur permettant de maintenir leur pouvoir sans être remis en question quant à leurs rôles et aux mécanismes de distribution, de gestion et de partage des richesses.

Au fil des générations, la majorité des habitants de la région, et malgré plusieurs soulèvements populaires et actes de résistance politiques et culturels par des dizaines de milliers de militants, ont acquis la conviction que, quelles que soient les actions de leurs régimes, ces derniers étaient à l'abri de toute reddition de comptes, et qu'il était préférable de leur obéir sans les contester, de peur de subir des représailles sans limites. Cette condition a contribué à la pérennité du despotisme, qui n'a été véritablement mis en danger que par les révolutions populaires de 2011 et 2019. Cependant, ces révolutions ont été réprimés par des contre-révolutions, maintenant ainsi la culture de l'impunité des élites au pouvoir.

Le Matin d'Algérie : Cette impunité s'applique également à Israël. Ses politiques suprémacistes et ses crimes continuent de s'intensifier, et son génocide à Gaza sont soutenus par les gouvernements actuels du « monde libre » au nom de la « guerre contre le terrorisme » et du « droit à l'autodéfense ». Comment expliquez-vous ce soutien quasi inconditionnel ?

Ziad Majed : Israël bénéficie depuis sa création après la Seconde Guerre mondiale d'une impunité face à ses multiples graves violations des droits des Palestiniens. Cette impunité trouve ses racines dans l'alliance profonde entre Israël et les pays occidentaux, une relation façonnée dès les premiers jours du projet de colonisation de la Palestine par le mouvement sioniste.

L'histoire de cette alliance remonte officiellement à la déclaration de Balfour de 1917, dans laquelle la Grande-Bretagne exprimait son soutien à l'établissement d'un "foyer national juif" en Palestine. Elle s'est poursuivie avec la partition de la Palestine en 1947, ainsi qu'à travers des événements comme la guerre tripartite de 1956, où Israël s'aligna avec la France et la Grande-Bretagne contre l'Égypte. La consolidation des liens avec les États-Unis après la guerre de 1967 a encore renforcé cette alliance, le lobby pro-israélien devenant l'un des acteurs les plus influents de la politique étrangère américaine.

Outre cette alliance stratégique, Israël s'est présentée comme une "entité occidentale" au cœur du « tiers monde », en particulier dans le « monde arabe ». En Europe, s'ajoutent à tout cela des complexes de culpabilité liés à l'histoire de l'antisémitisme et la barbarie de l'Holocauste contribuant à une attitude de soutien parfois inconditionnel envers Israël.

Malgré les nombreuses résolutions de l'ONU rejetées ou non respectées par Tel Aviv, telles que la résolution 194 reconnaissant le droit au retour des Palestiniens chassés de leurs villes et villages lors de la Nakba de 1948, et la résolution 242 appelant au retrait d'Israël des territoires occupés en 1967, ou la résolution 425 exigeant le retrait israélien du Liban Sud en 1978, ni l'Union européenne ni les États-Unis n'ont agi pour faire respecter le droit international ou pour imposer des sanctions jusqu'à son respect. Pire encore, les européens ont continué à soutenir Israël économiquement même s'ils votaient depuis les années 1990 pour une solution à deux états, et les américains ont régulièrement utilisé leur droit de veto pour bloquer les résolutions condamnant Israël, tout en l'armant et la considérant comme premier allié stratégique.

Enfin, deux éléments contemporains ont également renforcé l'impunité d'Israël. Tout d'abord, l'hostilité occidentale croissante envers l'islam au cours des dernières décennies, sous le prétexte du « terrorisme », permettant à Israël de présenter la lutte palestinienne comme du « terrorisme islamique ». Ensuite, le soutien occidental à Israël n'a que rarement suscité de crainte de réactions de la part des états arabes, en termes de pressions économiques ou diplomatiques.
En somme, l'impunité d'Israël repose sur une combinaison complexe d'alliances historiques et de dynamiques contemporaines, créant un environnement où les violations des droits humains et les crimes de l'occupation, la colonisation et l'apartheid peuvent se perpétuer sans conséquences significatives.

Le Matin d'Algérie : Certains médias occidentaux, notamment dans le secteur audiovisuel privé, comparent souvent le Hamas à Daesh et occultent le contexte dans lequel s'est déroulée l'opération du 7 octobre (tout comme le font de nombreux « intellectuels » arabes qui se situent à l'extrême droite). Que pouvez-vous nous dire sur cette comparaison et le discours dominant qui l'accompagne ?

Ziad Majed : Les médias audiovisuels occidentaux ont largement couvert l'opération du 7 octobre, mais souvent en rejetant toute contextualisation et toute analyse complexe et nécessaire. De plus, nombreux sont ceux qui ont tenté de mettre en parallèle le 7 octobre avec des tragédies telles que les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis ou ceux de novembre 2015 à Paris.

Cette approche a entraîné deux conséquences majeures.

Premièrement, elle a suscité la comparaison à laquelle vous faites référence entre le Hamas, mouvement islamiste palestinien, et des groupes comme l'État islamique (Daech), les plaçant sur le même plan dans une catégorisation simpliste et fausse car elle ignore la spécificité des contextes, des identités, des itinéraires et des objectifs. Deuxièmement, elle a relégué les enjeux politiques essentiels au second plan, occultant les droits des Palestiniens et minimisant l'impact de l'occupation israélienne ainsi que les autres violations du droit international. Le blocus imposé à Gaza depuis 2007 et ses conséquences catastrophiques sur la vie des palestiniens ont également été ignorés. En somme, cette approche a favorisé un récit teinté de préjugés, allant jusqu'à déshumaniser les palestiniens et considérer les milliers de victimes civiles à Gaza comme de simples « dommages collatéraux » dans une guerre israélienne de « légitime défense ».

Il est donc impératif de clarifier certains points. En ce qui concerne la comparaison entre le Hamas et des groupes comme Daech, il convient de noter que le Hamas est un mouvement palestinien, issu des Frères musulmans et fondé en 1987 (20 ans après le début de l'occupation israélienne de la bande de Gaza et de la Cisjordanie). Contrairement à des organisations comme Daech ou Al-Qaïda, le Hamas se concentre exclusivement sur la lutte contre Israël et n'a jamais mené d'attaques en dehors de la géographie israélo-palestinienne. De ce fait, le qualifier de mouvement "jihadiste" sans tenir compte de ce contexte politique et géographique est réducteur et biaisé.

Quant aux organisations djihadistes comme Daech, elles ne s'inscrivent ni dans la territorialité ni dans la temporalité des luttes, et adoptent un logiciel basé sur une interprétation extrémiste d'un islam de combat sur tous les territoires et sans aucune identité nationale.

Concernant le déroulement de l'opération du 7 octobre, il est clair qu'elle a visé en premier lieu l'armée israélienne, ce qui peut être perçu comme une action militaire légitime. Cependant, elle a par la suite visé des civiles et causé la mort de centaines d'entre eux, ce qui constitue une violation des Conventions de Genève et un crime de guerre selon les normes du droit international humanitaire. Cette opération s'est déroulée dans un environnement marqué par un blocus israélien criminel sur Gaza, en vigueur depuis 2007, ainsi que par quatre guerres israéliennes menées contre le secteur en 2008, 2012, 2014 et 2021, ayant entraîné la mort de milliers de civils palestiniens. De plus, elle s'est déroulée suite à une série d'escalades des violences israéliennes à l'encontre des Palestiniens en Cisjordanie et à Jérusalem-Est ainsi que par le vol des terres par les colons de plus en plus puissants et impunis. Malgré ces réalités, les États-Unis et certains pays arabes ayant récemment normalisé leurs relations avec Israël ont fait peu de cas de la question palestinienne, refusant de prendre des mesures concrètes pour contenir l'agressivité israélienne et les projets apocalyptiques de l'extrême droite au pouvoir. Cette inertie internationale a renforcé l'impunité d'Israël, exacerbant ainsi la marginalisation des Palestiniens et leur invisibilité à la veille du 7 octobre.

Le Matin d'Algérie : Que signifie la requête de l'Afrique du Sud auprès de la Cour internationale de justice, accusant Israël du crime de génocide à Gaza ? L'histoire de cet État colonial retiendra-t-elle le procès "historique" des 11 et 12 janvier 2024 ?

Ziad Majed : La plainte déposée par l'Afrique du Sud contre Israël pour "génocide à Gaza" devant la Cour internationale de justice (CIJ) et la demande conjointe de l'Afrique du Sud, de la Bolivie, du Bangladesh, de Djibouti et des Comores (rejoints par le Chili) à la Cour pénale internationale (CPI) pour enquêter sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis par Israël dans sa guerre contre les Palestiniens représentent deux développements d'une importance capitale.
Revenons sur le premier développement, l'affaire portée par l'Afrique du Sud devant la CIJ, pour souligner quelques observations illustrant la portée de cette démarche.

Premièrement, cette affaire interroge la nature même de la guerre israélienne et la barbarie qui l'accompagne, avec l'utilisation de technologies avancées pour infliger des dommages humains et matériels massifs dans une zone géographique restreinte et sous blocus, bombardée par air, terre et mer, tuant des dizaines de milliers de palestiniens et détruisant leurs villes, villages et camps. Les juristes sud-africains ont caractérisé cette guerre comme une série de violations graves de la convention sur le génocide (visant les populations civiles d'un groupe et toutes les infrastructures leur permettant de vivre), détaillant les conséquences désastreuses sur la vie-même des Gazaouis. Ils ont également prouvé la responsabilité des plus hauts dirigeants israéliens, depuis le chef de l'État jusqu'aux soldats sur le terrain, dans la planification et l'exécution des actes qualifiés de génocidaires. Cette confrontation devant la plus haute juridiction internationale a mis Israël sur le banc des accusés, l'obligeant à justifier ses crimes devant le monde entier, une situation à laquelle il n'avait jamais été confronté auparavant.

Deuxièmement, cette action judiciaire revêt une importance politique et symbolique considérable. En tant que nation ayant battu l'apartheid sous la direction de Nelson Mandela, l'Afrique du Sud incarne désormais la lutte contre le colonialisme et l'oppression.

Troisièmement, cette démarche remet en question le « monopole occidental » de la défense du droit international humanitaire. Des pays comme l'Afrique du Sud, le Brésil, la Bolivie, le Chili et d'autres appellent à l'application équitable du droit international, mettant ainsi en lumière les efforts visant à rééquilibrer le pouvoir entre les nations, et en finir avec le principe de deux poids deux mesures.

En conclusion, l'audience historique qui s'est déroulée à La Haye en janvier 2024 restera gravée dans les annales, symbolisant un moment charnière dans l'histoire du droit international et des relations internationales. L'initiative prise par l'Afrique du Sud et ses alliés pour défendre les droits des Palestiniens et poursuivre Israël en justice représente un acte de courage et de détermination en faveur de la dignité humaine. Son soutien et la bataille juridique acharnée qui va se dérouler à la CIJ et à la CPI contribueront certes à fissurer le mur de l'impunité israélienne, et ce n'est qu'un début, malgré les obstacles et les réactions hostiles...

Bibliographie sélective :

Ziad Majed, Syrie, la révolution orpheline, Arles, Sindbad / Actes Sud, 2014.
زياد ماجد، سوريا. الثورة اليتيمة، شرق الكتاب، 2014.
Subhi Hadidi, Ziad Majed, Farouk Mardam-Bey, Dans la tête de Bachar al-Assad, Arles, Solin / Actes Sud, 2018.
صبحي حديدي، زياد ماجد، فاروق مردم بيك، في رأس بشَّارْ الأسد، سولان / آكت سود، 2018.

Les analyses et écrits politiques de Ziad Majed sont également disponibles sur le site du quotidien panarabe Al-Quds al-Arabî [القدس العربي].

***
Crédit : Zakaria AbdelKafi (Paris, février 2024).

* Cet entretien a été publié pour la première fois, en deux parties (le 19 et le 20 février 2024), dans Le Matin d'Algérie.

Propos recueillis par Faris LOUNIS
Journaliste indépendant

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Le gouvernement de Netanyahu poursuit sa politique d’agression : La colonisation s’accélère en Cisjordanie

Betsalel Smotrich, ministre ultra-nationaliste israélien, a qualifié l'approbation de la construction de 3000 logements en Cisjordanie de « réponse sioniste appropriée ». (…)

Betsalel Smotrich, ministre ultra-nationaliste israélien, a qualifié l'approbation de la construction de 3000 logements en Cisjordanie de « réponse sioniste appropriée ». Profitant du chaos causé par la guerre à Ghaza, les implantations israéliennes prolifèrent à un rythme effréné en Cisjordanie. Israël annonce la construction de milliers de logements dans les colonies de peuplement de Cisjordanie. L'annonce a été faite suite à une fusillade ayant coûté la vie à un Israélien le jeudi 22 février et blessé 11 autres personnes. Betsalel Smotrich, ministre ultra-nationaliste israélien, a qualifié l'approbation de la construction de 3000 logements en Cisjordanie de « réponse sioniste appropriée ».

Tiré d'El Watan.

La plupart de ces logements seront situés à Ma'aleh Adumim, lieu de la fusillade. Il s'agira de la plus importante opération de colonisation depuis le déclenchement de la guerre israélienne contre Ghaza.

Dans les faits, le comité en charge du dossier devrait se réunir dans les deux semaines pour avaliser la construction de 2350 unités de logement dans la colonie de Ma'aleh Adumim (à l'est de Jérusalem-Est), d'environ 300 dans la colonie de Kedar (au sud-est de Jérusalem-Est) et de 700 unités dans la colonie d'Efrat (au sud de Jérusalem), a indiqué vendredi la Société israélienne de radiodiffusion (KAN).

L'accélération de la colonisation en Cisjordanie inquiète la communauté internationale, dont les Etats-Unis, allié traditionnel d'Israël. Le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, a déclaré vendredi que l'expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée est « contraire au droit international », marquant un retour à la politique américaine traditionnelle sur cette question, renversée par l'administration précédente de Donald Trump.

Pour rappel, en 2019, l'administration Trump avait soutenu « le droit d'Israël à établir des colonies en Cisjordanie », rompant ainsi avec quatre décennies de politique américaine. Blinken a ainsi exprimé le désaccord des Etats-Unis avec l'annonce par Israël de plans de construction de nouveaux logements en Cisjordanie occupée, affirmant qu'ils sapent la « réalisation d'une paix durable ».

700 000 colons

Il a ajouté que cette expansion coloniale « affaiblissait plutôt que ne renforçait la sécurité d'Israël ». Selon Peace Now, une organisation qui surveille la colonisation dans les territoires palestiniens, plus de 700 000 colons résident dans les colonies israéliennes de Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est.

La situation s'est envenimée depuis le début de la guerre à Ghaza. Les violences contre les Palestiniens en Cisjordanie ont considérablement augmenté, que ce soit de la part de l'armée d'occupation israélienne ou des colons.

Les dernières données de l'ONU révèlent que les colons ont mené 573 attaques contre les Palestiniens et leurs biens depuis le 7 octobre. La pratique sioniste consiste à démolir des maisons appartenant à des Palestiniens dans les territoires occupés, qui a également entraîné le déplacement de 830 personnes, dont 337 enfants, et 131 maisons ont été démolies depuis le 7 octobre, selon le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

Environ 95% des démolitions ont eu lieu dans les camps de réfugiés de Jénine, Nur Shams et Tulkarem, en Cisjordanie occupée, a précisé la source. En tout et pour tout, plus de 100 enfants sont tombés en martyrs en Cisjordanie occupée, depuis le 7 octobre 2023, a indiqué l'OCHA.

Hier, au moins 15 Palestiniens ont été arrêtés par les forces sionistes en Cisjordanie occupée, a rapporté l'agence palestinienne de presse Wafa. Les arrestations ont notamment eu lieu, dans les gouvernorats d'Al Khalil, Naplouse, Aréha, Jénine et Ramallah, selon la même source.

Les forces d'occupation israéliennes ont également pris d'assaut plusieurs villages et villes du gouvernorat de Ramallah et d'Al Bireh, et ont fermé l'entrée principale de la ville de Sinjil, au nord de Ramallah, selon l'agence Wafa.

Depuis le début de l'agression sioniste contre la Bande de Ghaza et la Cisjordanie occupée, le 7 octobre dernier, le bilan des détenus palestiniens s'est élevé à plus de 7210, selon la Commission des affaires des prisonniers et ex-prisonniers et le Club des prisonniers palestiniens.-

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L’Égypte tergiverse, sans toucher à sa relation avec Israël

Depuis le 7 octobre, l'Égypte brille par son silence sur la situation à Gaza. En plus d'une faible mobilisation de la rue et des médias, le Caire semble accepter le diktat (…)

Depuis le 7 octobre, l'Égypte brille par son silence sur la situation à Gaza. En plus d'une faible mobilisation de la rue et des médias, le Caire semble accepter le diktat israélien sur la limitation des entrées et des sorties des aides et des personnes par Rafah. Bien qu'une opération militaire terrestre semble se dessiner dans le sud de la bande, il y a peu de chance que le régime du président Abdel Fattah Al-Sissi monte au créneau.

Tiré d'Orient XXI.

Bien que la guerre lancée par Israël contre la bande de Gaza soit la plus violente depuis son retrait en 2005, l'Égypte - seul pays ayant des frontières avec l'enclave palestinienne - n'a pas haussé le ton dans ses déclarations, sauf lorsqu'il a été question du déplacement des Palestiniens vers le Sinaï. Ce changement a été perçu dans les milieux non officiels à l'approche du lancement d'une opération terrestre contre Rafah et de l'occupation de l'axe de Salah Al-Din – ou route de Philadelphie (1).

Depuis le début des bombardements israéliens sur la bande de Gaza, l'Égypte a maintenu la même position qu'au cours de la décennie du régime du président Abdel Fattah Al-Sissi (voir l'encadré à la fin de l'article). Ainsi, les points de passage côté égyptien ont été fermés aux personnes et aux aides. C'est ce qu'a révélé le président américain Joe Biden, affirmant que son échange avec Sissi a conduit à l'ouverture de ces points de passage, chose que le président égyptien s'est empressé de démentir. En réalité, l'aide autorisée par Israël demeure extrêmement limitée. Elle ne suffit pas pour mettre fin à la famine dans la bande de Gaza, ni pour assurer les services sanitaires de base pour les malades et venir en aide aux déplacés.

Un « médiateur neutre »

De nombreux témoignages palestiniens ont fait état de sommes mirobolantes demandées par une société considérée comme une façade de l'appareil de sécurité égyptien, afin de permettre aux Palestiniens de passer la frontière et d'échapper à l'enfer des bombardements. Le montant demandé aux Gazaouis s'élèverait aux alentours de 9 000 dollars. Ces accusations ont été rejetées par Dia' Rachwan, le chef du Service d'information de l'État, qui représente l'organe de communication officiel et des relations publiques de l'État.

Durant les années du président Hosni Moubarak, nous étions quelques milliers de personnes à préparer l'aide lors de chaque attaque israélienne contre la bande de Gaza, et à nous organiser pour accueillir les blessés dans les hôpitaux du Caire ou d'ailleurs, et permettre au public de leur rendre visite sans restriction. Malgré les critiques qui ont ciblé Moubarak concernant la relation de son régime avec les Palestiniens, la décision d'ouvrir le passage de Rafah a alors été une décision égyptienne, indépendante d'Israël.

Le général Nasr Salem, ancien chef du service de reconnaissance du renseignement militaire, explique ce changement de positions par le fait que « les États-Unis fournissent une couverture politique internationale à Israël, ce qui empêche tout pays de l'attaquer », illustrant son propos par les attaques américaines en Irak et au Yémen. Il estime ainsi que :

  • L'Égypte joue un rôle de médiateur neutre car si elle prend position, Israël empêchera l'aide d'entrer à Gaza, ou rejettera la médiation égyptienne. La perte sera donc plus importante pour les Palestiniens que pour l'Égypte. C'est pourquoi le Caire accepte de ne pas pouvoir en faire davantage, car l'alternative est la guerre, autrement dit combattre les États-Unis et l'OTAN.

Pour lui, le régime égyptien ressemble à « celui qui tient l'eau dans sa main : s'il ferme le poing, il perd tout ».

Le poids des accords de Camp David

L'Égypte a clairement annoncé par l'intermédiaire du porte-parole de son ministère des affaires étrangères que les relations avec Israël étaient tendues en raison des dizaines de milliers de Palestiniens tués et blessés depuis le début de l'offensive israélienne, en plus de l'intention de Tel-Aviv d'attaquer Rafah, où s'entassent près d'un million et demi de déplacés. Ceux-ci pourraient se retrouver coincés entre l'armée israélienne et le Sinaï, ce qui les obligerait à franchir le mur séparant la bande de Gaza de l'Égypte.

L'autre aspect du différend égypto-israélien concerne la menace brandie par Israël d'une réoccupation de la route de Philadelphie, qui s'étend sur une largeur de 13,5 km de Kerem Abou Salem à la mer Méditerranée. Conformément aux accords de Camp David (1979), il ne peut y avoir qu'un armement léger dans cette zone. Une opération militaire d'envergure constituerait donc une violation des accords de paix, ce qui devrait impliquer une réponse égyptienne.

C'est le ministre des affaires étrangères Sameh Choukri qui a été le premier à réagir officiellement à ce sujet, lors d'une conférence de presse avec son homologue slovène Tanja Fajon, le 12 février 2024. Interrogé sur une éventuelle suspension par l'Égypte des accords de paix avec Israël - comme cela a été récemment évoqué dans certains médias -, il a indiqué :

  • L'Égypte a maintenu les accords de paix avec Israël au cours des quarante dernières années. C'est en vertu de ces accords que les relations entre les deux pays ont été établies. Notre pays tiendra toujours ses engagements, aussi longtemps qu'ils resteront mutuels entre les deux parties. Aussi, je me garde de tout commentaire sur ce sujet.

Il a toutefois ajouté :

  • Les politiques menées par Israël sur le terrain poussent vers le scénario du déplacement. Nous maintenons notre rejet total de toutes les manœuvres visant à déplacer les Palestiniens de leur territoire. Toute tentative de mise en œuvre d'un déplacement forcé et de liquider la cause palestinienne est illégale et ne sera pas acceptée.

Le général Ahmed Al-Awdi, président de la Commission de défense et de la sécurité nationale du Parlement égyptien a, pour sa part, déclaré que l'attaque contre Rafah conduirait simplement à la suspension du traité de paix entre l'Égypte et Israël, sans aucune autre réaction du côté du Caire, précisant que le Parlement ratifierait sa suspension si la question lui était soumise.

Israël « exporte ses problèmes »

Concernant cette éventualité, un ancien responsable du ministère des affaires étrangères a commenté : « Le droit international ne prévoit pas ce qu'on appelle la suspension des accords. Un accord est soit valide, soit il est annulé. Mais Israël peut accepter de geler temporairement le traité, avant de le "dégeler". »

Sur le plan juridique, l'ancien ministre adjoint des affaires étrangères chargé des questions juridiques internationales et des traités, l'ambassadeur Massoum Marzouk, confirme que :

  • L'intervention militaire israélienne sur la route de Philadelphie porte atteinte au traité de paix entre l'Égypte et Israël. Dans la zone D ainsi que dans toutes les zones divisées, les obligations sont partagées. Si l'équilibre est rompu à la suite du manquement d'une partie à ses obligations, cela donne à l'autre partie le droit de se dégager complètement de ses engagements.

Le général Nasr Salem a pour sa part minimisé l'importance de la présence israélienne sur la route de Philadelphie, dès lors que cette zone ne se situe pas à l'intérieur des frontières égyptiennes. Néanmoins, il estime que pousser les Palestiniens vers l'Égypte serait considéré comme une « ligne rouge », et l'attaque contre Rafah conduirait à un « massacre ». Il affirme en outre que l'Égypte fournira de l'aide, mais que :

  • la responsabilité première incombe à Israël car c'est un État occupant. Nous ne resterons pas silencieux si Israël exporte vers nous ses problèmes. D'autant plus que si elle déplace les Palestiniens, ils ne retourneront plus sur leur territoire. L'Égypte empêchera ce déplacement en renforçant le mur de séparation et en déployant plus de forces à cet endroit.

De son côté, Dia' Rachwan a affirmé lors d'un passage télévisé que l'Égypte « a les moyens de se défendre ». Il assure que le pays « ne se contentera pas de rappeler son ambassadeur s'il existe une menace sur la sécurité nationale ou un plan d'éradication de la question palestinienne ».

Des positions contradictoires

Ce qui ressort des déclarations officielles et officieuses, c'est qu'il existe deux positions différentes : l'une ferme, l'autre diplomatique. C'est ce qu'explique une source gouvernementale de haut rang, préférant garder l'anonymat :

La diffusion de messages aussi différents peut être intentionnelle, tout comme il peut y avoir une vraie divergence dans les points de vue, comme cela existe partout dans le monde. Au début de la guerre, Emmanuel Macron a appelé à la formation d'une coalition internationale pour combattre le Hamas, et aujourd'hui il réclame un cessez-le-feu. Itamar Ben Gvir a aussi fait des déclarations qui contredisent celles de Benyamin Nétanyahou.

S'il est vrai que ces divergences de discours existent dans de nombreux pays, ce n'est généralement pas le cas dans les régimes répressifs. Cela voudrait dire qu'il s'agit ici de changements de position dus à des évaluations différentes de la part des instances étatiques. À moins que ce ne soit des ballons d'essai pour voir les réactions que cela peut susciter.

On remarque cependant qu'il y a un dénominateur commun minimum dans les différentes déclarations : le refus de déplacer les Palestiniens. La divergence porte donc sur la réaction du Caire dans le cas où ce déplacement aurait lieu. Mais la source gouvernementale l'assure : « L'Égypte a des plans pour répondre à toutes les éventualités et ne les annoncera pas maintenant ».

Le poids de l'économie

Quelques doutes subsistent toutefois. Pour un ancien responsable des affaires étrangères :

  • L'Égypte a des accords gaziers ainsi que des accords économiques comme le QIZ avec Israël, qui permettent à nos exportations d'entrer sur le marché américain. (2). Étant donné que certains hommes d'affaires ont des liens avec Israël, la décision ne sera pas facile. Une position ferme doit cependant être adoptée, incluant notamment des manœuvres militaires préventives pour sécuriser les couloirs et l'espace aérien. L'Égypte pourra les justifier par les déclarations belliqueuses des dirigeants israéliens exigeant la réoccupation du Sinaï.

En outre, des informations israéliennes ont affirmé que l'Égypte participait au pont terrestre censé réduire la pression sur les Israéliens, suite aux opérations militaires des Houthistes qui empêchent le passage de navires à destination d'Israël dans la mer Rouge. La société israélienne Trucknet a en effet annoncé avoir signé un accord avec la société égyptienne WWCS, appartenant à l'homme d'affaires égyptien Hicham Helmi, afin de prolonger le tracé du pont terrestre (qui va de Dubaï jusqu'à Haïfa) à travers le territoire égyptien.

D'autres éléments corroborant le manque de sérieux des pressions égyptiennes sont soulignés par Samir Alich, l'un des fondateurs du Mouvement civil démocratique (3) :

  • Le régime égyptien a des liens avec Israël, comme en témoignent l'absence de réaction lors du déplacement de la capitale israélienne à Jérusalem, ainsi que le soutien affiché par Abdel Fattah Al-Sissi à « l'accord du siècle ». Il faut donc le soumettre à la pression populaire afin qu'il réagisse.

Or, les demandes d'autorisation de manifestation présentées par le Mouvement civil ont été ignorées par le régime. Outre ses relations avec Israël, « la position de l'Égypte s'explique aussi par l'appartenance du Hamas à l'organisation des Frères musulmans ».

L'ombre des Frères musulmans

Parallèlement à toutes ces déclarations, l'Égypte a commencé le lundi 12 février au matin, à construire une zone tampon confinée au nord entre le village d'Al-Massoura et un point sur la frontière internationale au sud du passage de Rafah, et au sud entre le village de Jouz Abou Raad et un point sur la frontière internationale au sud du passage de Kerem Abou Salem. Comme le rapporte la Fondation Sinaï pour les droits humains, les travaux ont démarré en présence d'officiers des services de renseignement militaire, mais aussi des membres de tribus armés affiliés à la milice Foursan Al-Haytham (4) transportés à bord de véhicules tout terrain près de la zone Goz Abou Raad, au sud de la ville de Rafah. La fondation mentionne qu'un grand nombre d'entrepreneurs locaux étaient aussi présents, ainsi que de nombreux équipements et bulldozers.

Un spécialiste du Sinaï explique que ces travaux visent à « préparer le lieu avant le début des constructions dans la zone vidée par l'armée sur 5 km à partir de la frontière avec la bande de Gaza en 2014, puis sur 10 km lors de l'opération globale Sinaï 2018. Mais ceux qui travaillent là-bas ne savent rien de tout cela ; ils nivellent les terres sans savoir pourquoi ils le font. »

Citant des sources sécuritaires égyptiennes, le Wall Street Journal a révélé que « la zone peut accueillir plus de 100 000 personnes. Elle est entourée de murs en béton, et se trouve loin de toute zone d'habitation » (5). Citant des responsables égyptiens, le journal poursuit : « Dans le cas d'un exode massif de Palestiniens de Gaza, l'Égypte cherchera à limiter le nombre de réfugiés à un niveau très inférieur à la capacité de la zone, soit idéalement entre 50 000 et 60 000 personnes. »

Ce chiffre renvoie à la proposition de « l'accord du siècle », qui stipulait que :

  • Tout réfugié palestinien qui ne jouit de droits de citoyenneté dans aucun pays a trois options : soit retourner dans le nouvel État palestinien, selon les capacités disponibles, soit obtenir le droit de s'installer dans le pays où il réside sous réserve de l'approbation du pays en question, soit demander à être inclus dans le programme de répartition des réfugiés palestiniens sur les États membres de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), entendu que chaque pays accepte d'accueillir cinq mille réfugiés chaque année sur une période de dix ans.

L'Égypte sera encouragée à accueillir un tel nombre via des aides financières qui s'élèveraient jusqu'à 9,1 milliards de dollars.

Malgré le déni officiel égyptien, le régime Sissi penchera sans doute vers l'acceptation des demandes israéliennes. Aucun président égyptien n'a interagi avec un tel degré de complicité avec les Israéliens et d'hostilité à l'égard des factions palestiniennes, comme cela a été le cas au cours de la dernière décennie. La position égyptienne face aux restrictions israéliennes sur la sortie des blessés et l'entrée de l'aide suffit à clarifier le parti pris du régime de Sissi, considéré par Benny Gantz comme un partenaire dans les discussions préalables à l'opération militaire prévue à Rafah, visant à transférer les Palestiniens « vers des lieux protégés ».

  • Après le coup d'État de Sissi à l'été 2013, sa proximité avec les Israéliens est apparue très tôt, lorsqu'un drone israélien a lancé un raid dans le nord du Sinaï le 9 août 2013, tuant cinq personnes, présentées comme des djihadistes. En septembre 2013, l'ancien ministre égyptien des affaires étrangères, Nabil Fahmi, a menacé d'une éventuelle intervention militaire dans la bande de Gaza « si nous estimons que certains membres du Hamas ou d'autres parties tentent de nuire à la sécurité nationale égyptienne ». Aucune déclaration d'une telle force n'a cependant été émise face aux violations israéliennes. Le président Mohamed Morsi a par ailleurs été accusé de collaboration avec le Hamas. Les activités de ce mouvement ont été interdites en Égypte le 4 mars 2014, et il a été listé comme « organisation terroriste » en janvier 2015. La qualification de terrorisme a ensuite été retirée par décision judiciaire, mais la citoyenneté égyptienne d'un des leaders du mouvement, Mahmoud Al-Zahar, et de onze membres de sa famille a été révoquée. En avril 2017, Sissi s'est présenté aux côtés de Trump pour annoncer son plein soutien à ce qu'il a lui-même appelé « l'accord du siècle », inventant ainsi le terme. Moins de trois ans plus tard, le projet final de ces accords a émergé, incluant la création d'un État palestinien démilitarisé, ainsi que l'annexion de plus d'un tiers de la Cisjordanie et de Jérusalem par Israël. Le ministère égyptien des affaires étrangères a aussitôt appelé les parties israélienne et palestinienne à étudier les termes de cet accord. Le site indépendant Mada Masr a alors révélé, citant des responsables égyptiens, que la présidence égyptienne avait supprimé de la déclaration du ministère des affaires étrangères la phrase « l'État palestinien sur les territoires occupés de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale ».

Notes

1- NDLR. Zone tampon entre la bande de Gaza et l'Égypte, en vertu des dispositions des accords de paix entre le Caire et Tel-Aviv.

2- NDLR. Abréviation de Qualified Industrial Zones (zones industrielles qualifiées). Il s'agit d'un accord commercial signé au Caire le 14 décembre 2004 entre l'Égypte, Israël et les États-Unis, permettant la création de zones industrielles qualifiées pour exporter des produits vers les États-Unis sans taxes douanières, à condition que chaque partie fournisse des composants locaux.

3- NDLR. Alliance politique établie en 2017 entre plusieurs partis.

4- Milice affiliée à l'union tribale du Sinaï et dirigée par l'homme d'affaires Ibrahim Al-Arjani

5- « Egypt Builds Walled Enclosure on Border as Israeli Offensive Looms », Summer Said et Jared Malsin, 15 février 2014.

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Guerre à Gaza. Israël de plus en plus isolé sur la scène internationale

L'aggravation de la crise humanitaire à Gaza soulève une vague de condamnations de l'opération militaire israélienne, tant à l'ONU que devant la Cour de justice internationale. (…)

L'aggravation de la crise humanitaire à Gaza soulève une vague de condamnations de l'opération militaire israélienne, tant à l'ONU que devant la Cour de justice internationale. Et fragilise jusqu'au soutien du plus indéfectible allié d'Israël que sont les États-Unis, analyse le “New York Times”.

Tiré de Courrier international. Article paru à l'origine en anglais dans le New York Times.

Quand, en 1955, David Ben Gourion, l'un des pères fondateurs d'Israël, a été prévenu qu'il s'exposerait à des représailles des Nations unies s'il mettait à exécution son projet de prendre la bande de Gaza à l'Égypte, il a affiché son mépris de l'ONU en la désignant par son acronyme hébreu, “Um-Shmum” [“le machin inutile”]. L'expression est restée pour illustrer ce penchant d'Israël à défier les instances internationales, dès lors qu'il estime ses intérêts menacés.

Près de soixante-dix ans plus tard, Israël essuie une nouvelle vague de condamnations à l'ONU, à la Cour internationale de justice (CIJ) et dans des dizaines de pays pour son opération militaire à Gaza, qui aurait fait 29 000 victimes palestiniennes, dont un grand nombre de femmes et d'enfants, et qui a réduit une grande partie du territoire à l'état de ruines.

La protection des États-Unis

Cette pression mondiale croissante a plongé le gouvernement israélien et son Premier ministre, Benjamin Nétanyahou, dans un profond isolement, bien qu'il n'ait pas encore plié, en grande partie parce qu'il bénéficie toujours du soutien de son allié le plus fidèle, les États-Unis.

Mais cette fois, l'État hébreu pourrait bien être lâché par Washington. L'administration Biden est en train de faire circuler un projet de résolution au Conseil de sécurité des Nations unies qui mettrait en garde l'armée israélienne contre une offensive terrestre à Rafah, à la frontière égyptienne, où plus d'un million de réfugiés palestiniens ont trouvé abri. “C'est un sérieux problème pour le gouvernement israélien, qui pouvait jusqu'à présent se retrancher derrière la protection des États-Unis”, souligne Martin S. Indyk, ancien ambassadeur des États-Unis en Israël.

“La réprobation de l'opinion publique internationale, d'une ampleur et d'une intensité sans précédent, s'est étendue aux États-Unis, ajoute-t-il. Les progressistes, les jeunes et les Arabes Américains du Parti démocrate sont tous furieux et reprochent vertement à M. Biden son soutien à Israël.”

Le veto américain, jusqu'à quand ?

Jusqu'à présent, le président Biden n'a pas cédé à la pression internationale ou intérieure. Le 20 février, comme à leur habitude, les États-Unis se sont à nouveau dérobés en exerçant leur droit de veto au Conseil de sécurité pour bloquer une résolution, parrainée par l'Algérie, appelant à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza. C'est la troisième fois depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas que les États-Unis mettent leur veto à une résolution visant à forcer la main à Israël.

Depuis la création des Nations unies en 1945, trois ans avant la fondation de l'État hébreu, les États-Unis ont exercé plus de quarante fois leur droit de veto pour appuyer Israël face au Conseil de sécurité.

À l'Assemblée générale des Nations unies, où les Américains ne représentent qu'une voix parmi d'autres, les résolutions à l'endroit d'Israël sont monnaie courante. En décembre dernier, l'Assemblée a voté par 153 voix contre 10, avec 23 abstentions, en faveur d'un cessez-le-feu immédiat.

“Du point de vue des Israéliens, ces organisations sont liguées contre nous”, explique Michael B. Oren, ancien ambassadeur d'Israël aux États-Unis, en référence à l'ONU, à la CIJ et à d'autres institutions internationales. “Leur action n'a pour nous aucun impact stratégique, tactique ou opérationnel”, tient-il à préciser.

M. Oren a toutefois reconnu qu'une rupture avec les États-Unis, principal fournisseur d'armes à Israël, puissant allié politique et principal soutien international, serait une “tout autre paire de manches”.

Le tollé enfle à l'international

Alors que l'État hébreu subit de fortes pressions depuis le début de son offensive à Gaza, ces derniers temps, le tollé enfle dans les capitales étrangères.

L'illustration la plus frappante de l'isolement d'Israël vient peut-être de la Cour internationale de justice de La Haye, où les représentants de 52 pays se sont succédé à la barre, la semaine dernière, pour présenter leurs arguments dans le débat sur la légalité de “l'occupation, la colonisation et l'annexion” israéliennes des territoires palestiniens, y compris la Cisjordanie et Jérusalem-Est.

La plupart s'en sont vivement pris à Israël, l'Afrique du Sud comparant le traitement des Palestiniens par Israël à “une forme extrême d'apartheid”. [En décembre dernier], Pretoria avait déposé une première requête auprès de la haute juridiction de La Haye, accusant Israël de génocide à Gaza.

Devant la CIJ, Washington a une fois de plus volé au secours d'Israël, adjurant la Cour de ne pas ordonner le retrait inconditionnel de l'État hébreu de ces territoires. Un avocat du département d'État américain, Richard C. Visek, a fait valoir qu'une telle décision rendrait encore plus difficile un accord de paix entre Israël et les Palestiniens, car elle ne tiendrait pas compte des intérêts sécuritaires d'Israël.

Devant la CIJ, l'Amérique a élevé une voix bien solitaire. Seule la Grande-Bretagne a présenté un argument similaire.

“La vérité est tout autre”, a de son côté martelé Philippe Sands, avocat spécialiste des droits de l'homme, s'exprimant au nom des Palestiniens. “Le rôle de cette Cour est de dire le droit : d'énoncer les droits et les obligations juridiques qui permettront une solution juste à l'avenir”, a-t-il proclamé, après avoir rappelé que la Cour avait déjà confirmé le droit des Palestiniens à l'autodétermination.

Une ordonnance de la CIJ n'aurait qu'une valeur consultative, et Israël a refusé de participer à ces débats.

Israël contraint de prêter l'oreille

Mais en dépit de sa défiance à l'égard des organismes internationaux, Israël ne les ignore pas complètement : dans un premier temps, le gouvernement israélien a rejeté la plainte de l'Afrique du Sud pour génocide en la qualifiant de “méprisable et méprisante”.

Selon certaines sources, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, avait envisagé d'envoyer Alan M. Dershowitz, l'avocat qui a défendu Donald J. Trump [lors du procès en destitution de 2020] et le financier et délinquant sexuel Jeffrey Epstein, pour plaider la cause d'Israël − un choix qui aurait transformé l'audience en cirque. Israël s'est finalement fait représenter par une équipe de juristes de haut niveau, dirigée par un éminent avocat australo-israélien, Tal Becker, qui a accusé l'Afrique du Sud d'avoir présenté une “vaste description contrefactuelle du conflit”.

Dans son verdict provisoire rendu début février, la CIJ a ordonné à Israël de prendre des mesures pour empêcher et punir toute déclaration publique incitant à commettre un génocide et pour assurer l'acheminement de l'aide humanitaire à Gaza. Elle n'a cependant pas accédé à une demande essentielle de l'Afrique du Sud : la suspension de la campagne militaire d'Israël.

Mais même vis-à-vis des Nations unies, la tentation israélienne de brocarder “Um-Shmum” a ses limites. Israël manœuvre souvent en sous-main pour torpiller ou tempérer les résolutions du Conseil de sécurité, car il sait qu'elles pourraient déboucher sur des sanctions.

En décembre 2016, de hauts responsables israéliens avaient fait pression sur Donald Trump, tout juste élu à la Maison-Blanche, pour qu'il pousse le président sortant, Barack Obama, à mettre son veto à une résolution du Conseil de sécurité condamnant la colonisation juive en Cisjordanie (les États-Unis se sont abstenus, et la résolution a été adoptée). “Ils comprennent que l'opposition mondiale doit rester purement rhétorique, commente Daniel Levy, ancien négociateur de paix israélien, et qu'il ne faut surtout pas qu'elle puisse avoir une quelconque voix au chapitre sur les coûts et les conséquences.”

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75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2023 / hiver 2024 À l’occasion du 75e (…)

75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme

Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2023 / hiver 2024

À l’occasion du 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) adoptée le 10 décembre 1948, la revue Droits et libertés consacre quelques pages à la genèse de la Charte internationale des droits de l’homme et à quelques perspectives critiques des engagements des États envers les droits humains. Plus que jamais le respect, la protection et la mise en œuvre de tous les droits humains, politiques, civils, économiques, sociaux et culturels, sont des obligations auxquelles les États doivent répondre. Les militant-­e-­s des organisations de défense des droits au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde, jouent un rôle essentiel pour le respect des droits humains. Ils et elles ne cessent de porter à bout de bras, au bout de leurs pancartes, de leurs porte­-voix et de leurs claviers, un projet de société basé sur les droits humains et de rappeler aux gouvernements leurs obligations. Dans la foulée de l’adoption de la DUDH, des militant­-e-­s de la première heure qui avaient réclamé l’adoption d’une charte des droits dès les années 1950 et en 1963, ont contribué à fonder la Ligue des droits et libertés, appelée alors la Ligue des droits de l’homme. Lors de l’exposition Droits en mouvements, soulignant les 60 ans de la Ligue des droits et libertés, qui s’est tenue à l’été 2023, des commentaires de visiteur­-euse-­s ont été recueillis dans un espace de cocréation aménagé à l’Écomusée du fier monde. Il était important de connaître leur point de vue sur les grands enjeux de l’avenir pour les droits humains. Une sélection de ces commentaires vous sont partagés dans l'article L'avenir des droits humains.  Vous aussi pouvez partager votre point de vue! Nous aimerions vous entendre à propos des grands enjeux de l’avenir pour les droits humains. Écrivez­-nous !

L’article 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Quand les morts nous parlent : Plaidoyer pour une éthique de conscience face à la loi

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Comment tous ces événements sont-ils connectés ? Comment le biographique peut-il s’inscrire dans la trajectoire collective d’une nation et nous inspirer ? Où se situe la légitimité de la punition étatique vis-à-vis la passion sanguinaire des hommes ? Fonctionne-t-elle ? Pourquoi le crime ? (...)

Deux ans de guerre en Ukraine : deux ans de trop !

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Jean Baillargeon, Martine Eloy, Mouloud Idir-Djerroud, Raymond Legault, Suzanne Loiselle pour le Collectif Échec à la guerre On trouvera ci-dessous la plus récente prise de position du Collectif Échec à la guerre sur la guerre en Ukraine. Le Devoir l’a publiée le 22 février, avec plusieurs (...)

Manifestant au drapeau accusé de crime haineux

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Le 11 janvier, la police de Toronto a inculpé Maged Sameh Hilal Al Khalaf d'incitation publique à la haine pour avoir prétendument brandi un « drapeau terroriste » lors d'une manifestation palestinienne. Lors de la conférence de presse qui a suivi, le chef de la police de Toronto, Myron (...)

Le logement n’est pas une marchandise

L'an dernier, dans son éditorial de juin 2021, le collectif d'À bâbord ! s'insurgeait contre la déplorable situation du logement. Notre éditorial décriait le manque de volonté (…)

L'an dernier, dans son éditorial de juin 2021, le collectif d'À bâbord ! s'insurgeait contre la déplorable situation du logement. Notre éditorial décriait le manque de volonté politique pour s'attaquer de front à cette crise majeure dont les impacts sont considérables. Un an plus tard, force est de constater que la situation s'est lourdement détériorée et qu'il faut de nouveau s'indigner devant la réalité du logement au Québec et l'attentisme du gouvernement.

En une année, l'insalubrité a gagné du terrain, le prix des loyers s'est accru de manière abusive et la pénurie de logements accessibles ne s'est pas résorbée. Toutes les régions du Québec sont perturbées par cette crise et affichent parfois un taux de vacance voisin de 0 %.

De plus, le manque criant de logements sociaux force les personnes et les familles les plus vulnérables à demeurer dans le marché privé. Après des années à sous-financer Accèslogis, principal programme de développement public de logements sociaux, le gouvernement actuel de la CAQ a fait le choix de se concentrer sur le logement dit abordable, allant jusqu'à ouvrir la porte au financement de développeurs privés. Après des décennies de partenariat public-privé, il aurait dû savoir que laisser un droit fondamental dans les mains du marché privé ne fait jamais bon ménage avec les conditions de vie des collectivités. Or, ces logements dits abordables seront loin de répondre aux besoins criants des ménages locataires les plus vulnérables, pour qui un logement, serait-il légèrement en dessous de la valeur marchande, est carrément inaccessible. Transférer les maigres fonds qui servaient à bâtir du logement social aux promoteurs immobiliers qui ont provoqué cette crise et en ont profité serait proprement scandaleux.

Tout cela se passe dans un contexte d'inflation économique dans lequel les hausses de loyers se superposent à l'augmentation des coûts de l'alimentation et du transport. De plus en plus de ménages locataires doivent allouer la moitié de leurs revenus au seul logement. Cela génère des fins de mois plutôt maigres et nombreuses sont les conséquences : d'un point de vue individuel, le quotidien devient ardu ; d'un point de vue social, les communautés s'étiolent, entraînant un délitement du tissu social. Avoir un toit sur sa tête et la capacité de le payer garantit à chacun·e l'accès aux services, par exemple à l'eau ou à la scolarisation, mais assure aussi un accès aux ressources communautaires et un ancrage dans la collectivité. Un logement stable conditionne en effet notre attachement à notre territoire, ce qui pousse en retour à s'y impliquer au sens large : porter les sacs d'une voisine que nous connaissons depuis 15 ans, faire du bénévolat dans l'organisme du coin, lutter pour une cause touchant directement notre milieu de vie. Sans une stabilité sur le plan du logement, l'engagement dans nos collectivités est grandement affaibli, voire inexistant. Cette crise du logement menace donc directement la vitalité et la solidarité dans les quartiers et les communautés.

Il est temps de considérer le logement comme un droit et non comme une marchandise. Il est urgent de briser la primauté du droit du propriétaire sur le droit fondamental à pouvoir vivre dignement. Il fallait déjà lutter énergiquement pour assurer un semblant d'équité dans nos sociétés lorsque la situation économique était stable et la planète toujours viable. Dans le contexte de crise économique et écologique qui nous attend, une stabilité en matière de logement compte parmi les meilleures stratégies pour parer aux chocs. À quand un réel engagement pour socialiser la majorité du parc immobilier au Québec ? En attendant, un contrôle immédiat des loyers est requis pour faire face aux offensives des propriétaires immobiliers privés ainsi qu'aux chamboulements qui nous attendent dans les prochaines années.

Pierre Beaudet. Un rebelle visionnaire

Pierre Beaudet a été la principale force motrice derrière le mouvement de solidarité internationale au Québec et, plus tard, l'un des acteurs clés du mouvement au niveau (…)

Pierre Beaudet a été la principale force motrice derrière le mouvement de solidarité internationale au Québec et, plus tard, l'un des acteurs clés du mouvement au niveau mondial.

À preuve, le rôle qu'il a joué dans la lutte anti-apartheid. À mes débuts à ses côtés, en 1984, il poursuivait un objectif clair et ambitieux : développer le mouvement contre l'apartheid sud-africain au Québec, joindre nos forces à celles du Canada anglais et enfin, amener le gouvernement fédéral à modifier sa politique vis-à-vis l'Afrique du Sud et les pays voisins. Ce qui fut fait, avant que Mandela ne soit libéré en 1990.

Comme le dit notre camarade sud-africain Dan O'Meara, Pierre était le plus grand analyste et stratège du mouvement anti-apartheid au Canada. Il savait expliquer clairement les conflits les plus complexes, les mécanismes néocoloniaux d'exploitation et de domination, mais aussi les possibilités réelles de s'en libérer.

Il était également doué pour convaincre et mobiliser un large éventail d'acteur·trices autour de revendications et d'actions communes. Ainsi, nous sommes plusieurs à avoir appris de lui à militer dans un esprit de concertation, sans sectarisme ni centralisme, avec les syndicats, les communautés noires, le mouvement étudiant, les groupes de femmes, les organisations religieuses, les centres de solidarité, les organismes de coopération, les député·es, etc. Ainsi fut transformée, pas à pas, la politique étrangère et commerciale du Canada, sous un gouvernement conservateur !

Pierre était le visionnaire d'un autre monde, mais aussi un être extraordinairement inventif pour tracer le chemin afin de s'y rendre. Des défis financiers et des tensions énormes surgissaient entre les composantes du mouvement. Contre vents et marées, il continuait à avancer, tout en pestant après les timoré·es. Doté d'une capacité de travail hors du commun, il n'était pas toujours facile à côtoyer au quotidien, mais pour les internationalistes, la côte était raide, alors que les grands joueurs du business de « l'aide au développement » avaient, eux, le vent en poupe !

Rebelle créatif, il sortait donc de sa manche un nouveau projet après l'autre, tel un magicien. Toujours dans l'esprit de tisser des liens entre les réseaux visant la transformation sociale, il choisissait les interlocuteur·trices avec soin : syndicats indépendants, féministes africaines, leaders étudiants, chefs religieux, mouvements communautaire et coopératif, etc.

Cela n'était pas toujours vu d'un bon œil par nombre d'organisations canadiennes qui auraient bien voulu qu'on se contente de relayer la ligne officielle des mouvements de libération. Or, Pierre savait déjà ce que d'autres n'admettraient que trop tard : sans la vigilance et la pression des mouvements sociaux, toute organisation politique peut être corrompue ou cooptée une fois au pouvoir. Audacieux et indépendant, mais toujours fin stratège, il organisait donc aussi des rencontres avec les leaders politiques. C'est par ce savant dosage tactique que des changements peuvent survenir, a-t-il démontré.

Pierre était un être brillant, créatif et très persévérant. Il avait certes ses moments de découragement, mais il n'abandonnait jamais. Il disait : « Quand vous vous battez, vous n'êtes pas certain de gagner. Mais si vous ne le faites pas, vous êtes sûr de perdre. »

Photo : montreal1970 (Wikimedia Commons)

Dix ans à se battre contre les radios-poubelles

La coalition Sortons les radios-poubelles souffle ses dix bougies ! Apparu dans le contexte de la grève étudiante, notre groupe clandestin n'a jamais cessé de mener la vie dure (…)

La coalition Sortons les radios-poubelles souffle ses dix bougies ! Apparu dans le contexte de la grève étudiante, notre groupe clandestin n'a jamais cessé de mener la vie dure aux populistes de la radio à Québec. Ce faisant, nous avons appris beaucoup.

Depuis le début, la coalition montre, à l'aide d'exemples précis, de citations et d'extraits audio, l'influence de la radio-poubelle sur les enjeux sociaux locaux et invite la population à porter plainte auprès de diverses instances.

Risques importants

En publiant nos premiers articles en 2012, on a très vite senti la chaleur. En 2013, deux individus sont poursuivis par RNC Media, propriétaire de Radio X, pour avoir osé critiquer publiquement cette station sur Facebook. L'un d'eux, Jean-François Jacob, perd son emploi chez Desjardins Assurances après un simple coup de fil de Patrice Demers, patron de CHOI. Il sera traîné dans la boue par les animateurs, et des fanatiques de Radio X iront lancer des projectiles dans la fenêtre de son domicile. Il quittera Québec le lendemain pour ne jamais revenir. La poursuite se réglera à l'amiable et Radio X ne sera jamais blâmée pour quoi que ce soit.

Cet épisode va cimenter notre détermination à protéger notre anonymat.

En 2019, Jean-François Fillion annonce en ondes et sur les réseaux sociaux qu'il offre 1000 $ de prime pour avoir des infos sur nous, et en juin 2021, RNC média fait une gentille injonction « juste pour avoir notre identité de rien du tout et pas du tout pour nous intimider ».

C'est important de rappeler tout ça, parce qu'il y a encore des gens, dont des journalistes, qui banalisent les risques que courent les personnes qui critiquent la radio-poubelle.

Vie et mort des radios-poubelles

Des stations peuvent commencer à faire de la radio-poubelle ou cesser d'en faire. Quand Sortons les radio-poubelles a commencé son travail, il y avait deux radios-à-problèmes à Québec : Radio X (Jeff Fillion, Dominic Maurais, etc.) et le FM٩٣ (Sylvain Bouchard, Stephan Dupont, etc.).

Puis, lorsque de brillants esprits montréalais chez Bell ont eu l'idée, en 2014, de sortir Jeff Fillion de sa webradio de sous-sol pour lui confier le micro de NRJ (!) et sa propre émission de télé (!), le marché s'emballe et on se retrouve avec quatre radios-poubelles sur les bras : Radio X, FM93, BLVD et NRJ, toutes inspirées par la trash radio étatsunienne. Du jamais vu en 20 ans.

Dire que plusieurs croyaient la radio-poubelle morte.

C'est à ce moment que l'ex-ministre Nathalie Normandeau, personne la plus citée dans le rapport de la Commission Charbonneau, commence sa carrière à la radio en coanimant une émission avec Éric Duhaime au FM93. Duhaime venait de mettre fin à un flop éphémère de Radio X à Montréal. En 2016, Normandeau ira chez BLVD. André Arthur, le « roi des ondes », fera un bref retour au micro de 2016 à 2018, d'abord à Radio X, puis chez BLVD. Congédié par Bell en 2016, Jeff Fillion se retrouvera chez Radio X peu après.

Finalement, le marché (merci la main invisible !) reprend ses droits. André Arthur est congédié de BLVD en 2018, Normandeau quitte son poste d'animatrice à cette même station en 2019, tandis que le FM93 s'assainit avec le départ d'Éric Duhaime et de Pierre Mailloux et un changement de ton chez Sylvain Bouchard.

Remarquez le système de porte tournante qui envoie des animateur·trices rejoindre d'autres stations. Malgré des changements apparents, on entend toujours les mêmes voix.

Tout ça pour dire qu'aujourd'hui, il ne reste plus qu'une seule radio, toujours la même, sous notre veille : Radio X.

Initiatives citoyennes

Deux mouvements anti-radio-poubelle sont dignes de mention :

Pour des ondes radiophoniques saines

En 2015, 85 organismes de la région de Québec signent la déclaration Pour des ondes radiophoniques saines. La lettre condamne le « discours haineux et discriminatoire » à la radio. Toute une opération, considérant les intérêts divergents des signataires.

Entre un organisme de défense des droits du centre-ville et une Maison des jeunes de Stoneham, en banlieue boisée, l'intérêt commun a néanmoins fait son chemin.

Sylvain Bouchard réplique aussitôt par une attaque en règle contre Centraide, qui finance plusieurs des groupes signataires. L'expérience n'ira pas plus loin. Qui veut être tenu responsable d'avoir mis en péril le financement, et donc l'existence même, de son organisme ?

Liberté d'oppression

En 2021, un groupe de personnalités publiques lance Liberté d'oppression, une initiative pour s'opposer à la haine propagée sur les médias traditionnels (radios ou journaux). En une semaine, le groupe récolte 10 000 signatures.

Une initiative bottom-up et une autre top-down. On ne pourra pas dire que tout n'a pas été essayé pour arrêter la radio-poubelle.

Reconnaissance

En 2015, l'ex-journaliste, professeure à l'Université Laval et ex-candidate péquiste Dominique Payette publie un rapport sur le climat de peur entretenu par la radio-poubelle. C'est l'occasion d'une belle libération de la parole, qu'elle paiera chèrement. Elle sera piétinée sans ménagement par des membres sa propre famille politique, Agnès Maltais et le chef du Parti Québécois de l'époque lui-même, Pierre-Karl Péladeau. Courageuse et déterminée, Mme Payette répliquera avec un livre sur la radio intitulé Les brutes et la punaise qui est dédicacé à la Coalition. Une formidable reconnaissance.

En 2022, l'ex-directeur de l'info à Radio-Canada Alain Saulnier cosigne une lettre d'appui à la Coalition. La lettre déplore l'intimidation de RNC Media ayant conduit à la fermeture de la page Facebook de la Coalition. Notre travail est aussi cité dans l'essai La collision des récits de Philippe de Grosbois.

Ces appuis sont à la fois fort inattendus et précieux.

En dix ans, il y a une sorte de crescendo de la reconnaissance et des appuis. Au début de notre présence sur Twitter, on prêchait vraiment dans le désert. Puis, petit à petit, beaucoup d'allié·es nous ont rejoints au point qu'aujourd'hui, plusieurs personnes critiquent ouvertement la radio-poubelle de la même façon. Ça, c'est super.

Dans les médias

Nombre de médias, de journalistes, et d'expert·es nous suivent avec discrétion. Plusieurs journalistes nous observent un peu de loin, comme une bête curieuse. Certains utilisent les extraits audio que nous avons récupérés, sans nous citer. Pourtant, ils sont bien contents de retrouver, par exemple, cette fameuse citation d'Éric Duhaime à propos de la tête de porc ensanglantée jetée devant une mosquée, quelques semaines avant l'attentat. « Une bonne blague », selon lui.

Eh, on ne va pas se plaindre : le but, c'est que ces archives circulent !

Il y a aussi des journalistes qui préfèrent se taire. Beaucoup trop de journalistes locaux font comme si la radio-poubelle n'existait pas.

À l'inverse, Karine Gagnon a tout notre respect, elle qui non seulement se tape le harcèlement de Jeff Fillion, mais qui s'est aussi mérité une poursuite après avoir traité Éric Duhaime de conspirationniste. Une vraie tough. Chapeau.

Il ne suffit pas de dénoncer

Au début, on croyait qu'il suffisait de dénoncer et de faire circuler les propos inacceptables pour que le château de cartes s'écroule. Ce qu'on a vite réalisé, c'est que les gens s'accommodent très bien de ce flot de haine.

Lorsqu'en 2014, l'animateur Carl Monette parle d'abattre d'« une balle dans le front » ou de gazer certaines catégories de criminels, il ne suscite pas la moindre réaction d'indignation chez des gens ayant pourtant comme profession d'être perpétuellement outrés.

Est-ce que la radio est trop violente ou est-ce que c'est nous qui sommes trop sensibles ?

Prenez Bernard Drainville. Il dégage une aura de bon père de famille rassurant. Mais quand on prend le temps de l'écouter, on se rend bien compte qu'il tient des propos frôlant l'extrémisme. La violence est tamisée.

Les propos de Duhaime sur la tête de porc ensanglantée n'ont suscité aucune réaction au moment où ils ont été prononcés. C'est seulement après l'attentat contre la mosquée de Québec que ça s'est mis à tourner. Ça a pris 6 morts et 19 blessés.

Si Radio X est toujours là après 25 ans, c'est qu'elle sait très bien où se situe la limite de la fenêtre d'Overton, ce qui passe et ce qui ne passe pas, politiquement. Elle s'y cantonne et engrange les profits. Les animateurs, et surtout les propriétaires, ne sont pas des idiots.

Mais les temps changent. Avant la pandémie, aucun·e politicien·ne n'osait critiquer la radio-poubelle. Aujourd'hui, il y a Catherine Dorion, Jackie Smith, Claude Villeneuve. Il y a une volonté de briser l'omerta.

Et qui l'aurait cru, nous avons eu un beau cadeau pour notre dixième anniversaire : Jeff Fillion annonce quitter Radio X pour retourner se planquer dans sa webradio de sous-sol ! Merci, merci, c'est trop !

Illustration : Ramon Vitesse

La fine frontière entre investigation et complotisme

Quand quitte-t-on le questionnement légitime sur les rouages du pouvoir pour verser dans la recherche disjonctée d'un ordre occulte gouvernant secrètement nos existences ? (…)

Quand quitte-t-on le questionnement légitime sur les rouages du pouvoir pour verser dans la recherche disjonctée d'un ordre occulte gouvernant secrètement nos existences ?

La distinction est plus complexe à opérer qu'il n'y paraît, parce que la logique investigatrice et la logique complotiste ont de nombreux points en commun. Les conspirationnistes ne sont pas les seul·es à « faire leurs recherches » : les journalistes et les scientifiques le font aussi. Dans tous ces cas, on travaille à partir d'informations ou de données parfois intrigantes, voire déroutantes, auxquelles on cherche à donner un sens.

Les apparentes similitudes entre science, journalisme et complotisme sont d'autant plus troublantes lorsque ces regards se penchent sur le pouvoir ainsi que les lieux et procédés à travers lesquels il s'exerce. Cette investigation est généralement motivée par le désir de mettre en lumière des mécanismes et processus déterminants, mais qui échappent aux regards peu attentifs. Toutes ces démarches sont animées par un idéal : celui de dépasser les évidences trompeuses, de faire avancer la connaissance et d'informer la population, dans l'espoir que celle-ci prenne de meilleures décisions.

Malgré ces ressemblances frappantes, il est possible d'établir des distinctions entre une investigation rationnelle et une quête fabulatrice. Le discours dominant à l'heure actuelle insiste beaucoup sur l'importance de certaines qualités individuelles pour ce faire (comme le dit la populaire formation sur les médias, il faut prendre « ٣٠ secondes avant d'y croire » : vérifier la source d'une information, évaluer sa crédibilité, ou autrement dit... faire ses recherches !). Il est vrai qu'un esprit investigateur posé sait non seulement douter des évidences apparentes, mais dispose aussi de la capacité d'accepter des faits venant contredire ses intuitions et valeurs. Tout cela suppose humilité et capacité d'adaptation.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la recherche d'information et de connaissances est aussi une démarche collective. Même les personnes dotées de la plus grande ouverture et des capacités analytiques les plus poussées ont leurs angles morts ; c'est pourquoi des balises institutionnelles sont également essentielles. En d'autres termes, ce qui amène des individus à déraper vers le complotisme, ce n'est pas forcément le manque d'éducation, la paresse ou de faibles facultés cognitives, mais souvent le manque de garde-fous collectifs venant jeter un éclairage critique sur les réflexions individuelles, comme la rétroaction des pair·es, par exemple.

Ce retour critique ne doit pas être confondu avec le fan club que des intervenant·es peuvent développer, et qui peut au contraire les mener dans une voie aux conclusions de plus en plus fantasmagoriques. À cet égard, il est frappant de constater que plusieurs leaders complotistes contemporain·es sont issu·es d'une certaine culture du vedettariat. On y trouve notamment des artistes dont la carrière semble sur le déclin, mais aussi des influenceur·euses qui sont d'abord intervenu·es dans d'autres domaines (la croissance personnelle, la comptabilité, etc.). On peut donc supposer que la recherche d'attention, de validation et de revenus par la performance prend le dessus sur la quête plus posée de la vérité, d'autant plus que l'expérience médiatique a permis de développer des habiletés supplémentaires pour sortir du lot.

Médias sociaux et médias traditionnels

Le renforcement par les fans est présent tant dans les médias dits traditionnels que sociaux, mais ces derniers instaurent une dynamique passablement inédite, notamment parce qu'elle donne à un nombre inédit de personnes l'opportunité de cultiver un public de fidèles. Dans un écosystème médiatique où la distinction entre émetteurs et récepteurs s'embrouille, il devient même plus difficile de départager qui propage et qui ingère la thèse complotiste. Un exemple particulièrement fort – et tragique – de ce phénomène est celui de Bernard Lachance. Chanteur ayant brièvement percé aux États-Unis, Lachance a adhéré à des thèses conspirationnistes sur les pharmaceutiques après avoir attrapé le VIH. Encouragé à refuser sa médication par des « thérapeutes » charlatans, il a développé un auditoire important sur YouTube avant de décéder de la maladie en mai 2021 (son compte YouTube a depuis été supprimé).

Le cas de Lachance, à la fois manipulé et manipulateur, illustre bien le concept de propaganda feedback loop, ou boucle de rétroaction propagandiste, développé par Yochai Benkler, Robert Faris et Hal Roberts (référence en encadré). Selon ces chercheurs, une communauté médiatique et politique glisse dans une réalité alternative par la contribution de plusieurs acteur·trices : politicien·nes de droite dure, médias démagogues et auditoire/électorat ont tou·tes un rôle actif. Ils et elles entretiennent la boucle et se renforcent mutuellement dans leurs convictions délirantes.

Au-delà des médias sociaux, il est clair que les balises institutionnelles que se sont données les milieux scientifique et journalistique limitent grandement ces risques de dérapage. Cependant, ces digues ne sont pas à toute épreuve. Des effets de conformisme de groupe peuvent se développer si de nombreux membres du milieu partagent les mêmes biais en raison de leurs origines sociales et économiques, par exemple. Aussi, et plus spécifiquement dans le cas du journalisme, puisque les médias d'information sont davantage intégrés à une logique capitaliste d'accaparement de l'attention, cela peut inciter à assouplir les normes et à accélérer les procédures de contre-vérification au profit d'une logique sensationnaliste. C'est ainsi que Christian Rioux et Mathieu Bock-Côté peuvent sans problème développer leurs thèses complotistes sur le péril islamiste ou le grand remplacement sans être sérieusement embêtés, puisqu'ils génèrent des clics (et donc, des revenus) pour les médias qui les emploient.

Autrement dit, il serait trop simple et trop confortable de distinguer l'investigation du complotisme en se disant : si on est journaliste, scientifique ou universitaire, on est dans l'investigation ; et si on est youtubeur ou militante, on est à risque de complotisme.

Le complotisme centriste, ce grand oublié

De la même manière, il n'est pas satisfaisant de se représenter le complotisme comme un phénomène qui germe uniquement aux extrêmes (de gauche ou de droite). Selon le lieu commun actuellement en vogue, notre époque est caractérisée par la polarisation. Ce mot-valise extrêmement vague sous-entend que le centre politique serait le gardien de la modération, du pragmatisme et de la rationalité, et que le conspirationnisme serait le problème de marges radicalisées, promues de manière disproportionnée par les algorithmes des médias sociaux.

Le concept de polarisation tend à suggérer que le centre ne pourrait jamais être radicalisé ou déraper vers le complotisme. Pourtant, plusieurs exemples nous montrent que les choses ne sont pas si simples. Il y a à l'heure actuelle plusieurs complotismes socialement acceptables, mis de l'avant tant par des médias dits respectables que par des acteur·trices politiques majeur·es. Suite à l'élection de Donald Trump en 2016, plusieurs médias ont entretenu l'idée non seulement que la Russie était intervenue dans la campagne présidentielle (ce qui est avéré, bien que les sommes investies sur les médias sociaux semblent plutôt minimes), mais aussi que Vladimir Poutine contrôlait Trump comme une marionnette. En effet, des médias d'envergure laissaient entendre que Poutine avait en sa possession un pee tape : en 2013, Trump alors en visite à Moscou, aurait demandé à deux femmes d'uriner sur le lit d'une chambre d'hôtel où les Obama avaient déjà dormi. Tout cela aurait été filmé par les services secrets russes, permettant à Poutine de contrôler Trump. L'animatrice vedette de MSNBC Rachel Maddow y a consacré un segment de 12 minutes, sans jamais offrir de preuve tangible (référence en encadré).

Plus près de nous, la longue saison de la chasse au « wokisme » me semble un autre cas exemplaire. Une large part du discours ambiant sur cette question peut se résumer ainsi : nos institutions (particulièrement l'université et les médias), qui tentent d'offrir des débats rationnels et ouverts sur tous les sujets, sont menacées par des militant·es nourri·es par des thèses liberticides états-uniennes et non occidentales et qui ont réussi à berner, voire intimider des gestionnaires complaisant·es. Des cas anecdotiques ou exagérés (une manifestation devient une tentative d'annulation, par exemple) issus de revendications de personnes racisées sont transformés en menace à la bonne marche de l'idéal civilisationnel occidental. La fameuse thèse complotiste selon laquelle « on ne peut plus rien dire » suggère que plusieurs sphères de la société sont sous l'emprise d'une gauche dévoyée et autoritaire, ce qui menace notre identité et nos valeurs. En France, on ne mâche pas ses mots et on parle ouvertement d'islamogauchisme, terrible écho à la paranoïa contre le judéobolchévisme dans les années 1930. Pourtant, cette lecture fantasmée de la réalité n'est appuyée sur à peu près aucune étude sérieuse.

La croisade anti-woke a d'ailleurs plusieurs similitudes frappantes avec la « crise des accommodements raisonnables » que le Québec a connue en 2006 et 2007. Dans les deux cas, on a présumé que des personnes de pouvoir (dans ce cas-ci, le système de justice) avaient contribué à pervertir nos institutions en se laissant manipuler par les arguments sournois de cette minorité présumée étrangère. Toutes les cases du classique complotisme réactionnaire peuvent être cochées, mais non seulement cette thèse est rarement fact-checkée de façon sérieuse, elle n'est à peu près jamais nommée comme conspirationniste. Elle fait partie du débat public raisonnable et raisonné.

Conspirationnisme ou critique du système ?

On peut aussi déconstruire cette idée selon laquelle un complotisme malsain émerge nécessairement des extrêmes en observant les tractations que les forces de gauche tentent pour leur part d'exposer. Si des délires conspirationnistes d'extrême gauche sont certes possibles (et présents dans les mouvances contemporaines, quoique de manière très minoritaire), les principaux complots que la gauche contemporaine cherche à éclairer ne sont pas farfelus, mais documentés par un travail considérable d'investigation. Pensons par exemple à la place des grandes entreprises dans les négociations opaques d'accords de libre-échange ou aux brevets concédés aux pharmaceutiques qui empêchent la majorité de la planète d'être pleinement vaccinée contre la COVID-19. En toute rigueur, il s'agit ici davantage de logiques structurelles que de complots tissés par des individus malveillants, mais la gauche, même « extrême » ou radicale, mène bel et bien un travail d'investigation de décisions que les élites politiques et économiques prennent à l'abri des regards, décisions qui nuisent indéniablement au bien-être de la majorité.

On voit bien en quoi l'obsession centriste pour la polarisation est néfaste pour la critique de gauche : la critique structurelle de l'exploitation et de la domination y apparait équivalente aux thèses loufoques cachant mal leur intolérance ou leur haine. Par exemple, les railleries à l'égard du Deep State, cet État profond qui gouvernerait les États-Unis selon les adeptes de QAnon, écartent du même coup les critiques de la surveillance étatique de citoyen·nes par la National Security Agency et ses alliés. Pourtant, ces analyses et revendications reposent notamment sur la solide documentation fournie par le lanceur d'alerte Edward Snowden.

Par conséquent, si on souhaite départager l'investigation légitime du conspirationnisme parano, il importe de faire preuve de beaucoup plus de minutie et de nuances que ce qui prédomine dans les débats publics contemporains. Ces distinctions dépendent aussi de rapports de classe et de logiques de pouvoir. Rapports de classe, parce que les thèses complotistes qui font l'objet d'enquêtes sont rarement celles propagées par les personnes disposant d'un fort capital culturel et symbolique. Et logiques de pouvoir, parce que le discrédit ou l'indifférence à l'endroit d'une thèse complotiste permet aussi d'écarter l'idée que les puissants n'ont pas notre intérêt à cœur et de laisser entendre que le système fonctionne bien tel qu'il est.

* * *

Pour aller plus loin

Sur le travail « d'investigation » des platistes : Daniel J. Clark, Behind the Curve, Delta-v Productions, 2018, 95 minutes.

Yochai Benkler, Robert Faris et Hal Roberts, Network Propaganda. Manipulation, Disinformation and Radicalization in American Politics, New York, Oxford University Press, 2018.

Brigitte Noël et Emmanuel Marchand, « Derniers jours de Bernard Lachance : de l'eau salée pour soigner l'ex-chanteur », Radio-Canada.ca, 2 juin 2021. Disponible en ligne.

MSNBC, « Prostitutes, Hidden Hotel Camera's : Familiar Putin Tools », YouTube, 18 janvier 2017.
Maryse Potvin, Crise des accommodements raisonnables. Une fiction médiatique ?, Outremont, Athéna éditions, 2008.

Valentin Denis, « L'agitation de la chimère “wokisme” ou l'empêchement du débat », AOC media, 27 novembre 2021. Disponible en ligne.

Illustration : Elisabeth Doyon

Projet de loi 2 : les corps trans contre l’État

La reconnaissance identitaire est un des points centraux des militances trans et non binaires contemporaines. Rien de surprenant quand on sait le temps que nous mettons chaque (…)

La reconnaissance identitaire est un des points centraux des militances trans et non binaires contemporaines. Rien de surprenant quand on sait le temps que nous mettons chaque jour à négocier nos identités avec les institutions et les personnes cis [1]. Mais la récente lutte contre le projet de loi n°2 nous enseigne les limites d'une approche minoritaire et nous invite à remettre le corps au centre de notre projet politique.

Le 28 janvier 2021, le juge Gregory Moore de la Cour supérieure du Québec invalidait l'article 71 du Code civil du Québec – qui détermine les conditions du changement de mention de sexe à l'état civil – et certaines dispositions s'y rapportant. Des mois plus tard, en réponse à ce jugement, Simon Jolin-Barrette présentait son projet de loi no 2, soulevant l'ire des militant·es trans, non-binaires et intersexes.

Le juge Moore s'en prenait notamment aux restrictions imposées aux personnes mineures ou non citoyennes et à l'impossibilité pour les personnes non binaires d'être identifiées autrement que comme « masculin » ou « féminin » au registre de l'état civil, ou comme « père » et « mère » sur l'acte de naissance de leur enfant. Estimant qu'il était peu à propos de rayer complètement l'article de loi, il a laissé le soin au législateur de corriger ces aspects discriminatoires. Il a accordé le reste de l'année civile au gouvernement pour présenter son projet de loi.

Si le gouvernement a rapidement annoncé faire appel de la portion du jugement concernant les mineur·es, il a tardé à présenter une pièce législative pour répondre aux discriminations reprochées. Ce n'est que le 21 octobre dernier que Simon Jolin-Barette a présenté son projet de loi de plus de 110 pages. Il contenait la réponse du gouvernement au jugement Moore, intégrée à une ambitieuse réforme du droit de la famille.

Malgré les prétentions du ministre de la Justice, il est difficile de voir un lien direct entre ce texte et celui du jugement de la Cour supérieure. Ce qui en théorie ne devait être qu'une formalité s'est transformé en attaque frontale contre la communauté trans et les personnes intersex(ué)es [2]. Avec appréhension, les communautés trans, non binaire et intersexe ont constaté un retour brutal à la politique génitaliste de l'État, abandonnée depuis la mise à jour du Code civil en 2015. En effet, un des points majeurs du projet de loi 2 est de restaurer de façon intégrale le texte de l'article 71 tel qu'il a existé entre 2004 et 2015 en exigeant « des traitements médicaux et des interventions chirurgicales impliquant une modification structurale [des] organes sexuels et destinés à changer [les] caractères sexuels apparents de façon permanente » pour autoriser un changement de la mention de sexe.

La construction juridique d'une minorité

Le régime de changement de la mention de sexe à l'état civil hérite de la Loi sur le changement de nom et d'autres qualités de l'état civil, en vigueur de 1978 à 1994, et qui a par la suite été intégrée au Code civil à travers l'article 71. Cet article est demeuré presque inchangé jusqu'en 2015 (hormis le retrait de l'exclusion des personnes mariées avec la légalisation du mariage entre conjoint·es de même sexe en 2004). Sous ce régime, l'existence des personnes trans est conditionnelle à la légitimité de leur condition médicale, attestée par des spécialistes et résolue par « l'opération », qui leur permet de réintégrer la binarité sexuelle prévue dans la loi. Évidemment, nombre de personnes trans ne pouvaient se prévaloir des dispositions prévues à l'article 71, comme les travailleuses du sexe, les personnes non binaires ou ne désirant simplement pas transitionner médicalement [3].

Depuis 2015, c'est plutôt ce que Florence Ashley nomme le « modèle minoritaire » qui prévaut. Lae bioéthicien·ne et juriste indique avec justesse que ce régime vient marquer les personnes trans comme minorité et leur accorde des protections basées sur leur identité. Ainsi, dans le Code civil, c'est l'auto-identification qui forme le critère central de la légitimité d'une demande de changement de mention de sexe. De façon analogue, la Charte québécoise des droits et libertés de la personne a été amendée en 2016 pour inclure l'identité et la présentation de genre comme motifs interdits de discrimination. Il va sans dire que cette protection n'a pas été adoptée pour protéger les femmes cis de la discrimination à l'embauche, puisqu'elles étaient déjà protégées par le motif du sexe. Cet écart de traitement fait apparaître les personnes trans et non binaires dans la loi comme minorité définie par son identité de genre. Les personnes cis, elles, ne sont pas spécifiées et existent toujours à travers la notion de sexe. Elles sont apparemment dénuées de genre.

Le projet de loi 2, dans sa mouture initiale, poussait cette logique encore plus loin. Pour justifier le retour de l'exigence de chirurgie pour le changement de la mention de sexe, le gouvernement prévoyait la création d'une mention de genre distincte. Ainsi, un·e enfant se serait fait attribuer un sexe à la naissance, mais aurait pu substituer cette mention par une mention de genre plus tard dans sa vie selon l'évolution de son identité.

Ensuite, l'État reconnaissait aussi légalement l'existence des personnes intersex(ué)es en assignant aux enfants dont la configuration génitale ne se conforme pas au modèle sexuel binaire la mention « indéterminé ». Dans le projet de loi 2, l'identité de genre était utilisée comme levier pour renforcer un modèle sexuel binaire, auquel les corps intersexués apparaissent comme une gênante exception. En attribuant la mention « indéterminé », l'État se gardait de remettre en cause la binarité sexuelle et donnait à ces personnes (ou plus souvent à leurs parents) la charge de déterminer si elles possédaient un « sexe » ou un « genre » en recourant respectivement à une chirurgie ou à l'attribution d'une mention de genre [4]. Sous ce régime, toutes les personnes intersex(ué)es devenaient de facto trans.

Si ces dispositions ont été abandonnées par le gouvernement à travers des amendements substantiels au projet de loi 2, la distinction entre sexe et identité de genre demeure. Le Code civil spécifiera désormais que la mention de sexe ne représente toujours que le sexe assigné à la naissance ou l'identité de genre. Concrètement, cela signifie que les documents de l'état civil indiqueront toujours « sexe », mais si le document a été modifié après la naissance, cette mention désignera plutôt l'identité de genre de la personne.

Le corps d'abord

Quelques semaines seulement après le dépôt du projet de loi, le ministre Jolin-Barrette avait promis de présenter des amendements au texte lors de l'étude détaillée. À bien des égards, le projet de loi était devenu gênant pour le gouvernement face à la réponse d'opposition unanime du mouvement LGBTQIA2S+, confirmée lors des audiences publiques tenues du 30 novembre au 3 décembre dernier.

Après plusieurs décennies à défendre une stratégie politique principalement identitaire qui supportait le modèle juridique minoritaire, les militant·es se sont trouvé·es devant un choix tactique surprenant. Devant la Commission des institutions, les intervenant·es du milieu se sont succédé·es pour défendre la mention de sexe telle qu'elle existe actuellement. Plutôt qu'un changement de cap, cette stratégie témoigne d'un consensus croissant à l'effet que la distinction entre un genre social et un sexe biologique est sans fondement scientifique et qu'elle est potentiellement nuisible pour les membres de la communauté.

Pour les personnes intersexuées en particulier, la violence sexiste s'inscrit dans le corps et c'est de cette posture qu'émerge l'identité intersexe. Pour reprendre les termes utilisés par Janick Bastien-Charlebois lors de ces consultations, « intersexe ne renvoie pas à l'identité de genre, mais à une expérience d'invalidation du corps sexué de naissance ». Cette perspective est cruciale pour comprendre comment nos pratiques militantes ne peuvent se limiter à des revendications identitaires sans porter préjudice à notre sécurité et à notre intégrité corporelle.

La reconnaissance et la valorisation des identités est évidemment importante pour les minorités sexuelles et de genre, mais elle ne peut prendre toute la place. L'expérience trans aussi renvoie à l'invalidation du corps sexué. Pour les personnes intersex(ué)es, ce corps est nié sur la base de ce qu'il est / est devenu, pour les personnes trans sur ce qu'il est / a été. Par exemple, quand les personnes intersexes militent contre les mutilations génitales, les spécialistes leur opposent le taux de satisfaction élevé aux interventions médicales non consenties. Quand ce sont les personnes trans qui militent pour l'accès à des soins transaffirmatifs, les médecins évoquent le potentiel regret des interventions désirées, malgré des taux de satisfaction élevés. Ces réalités ne doivent pas être réduites l'une à l'autre, mais elles engagent de puissants mécanismes médicaux et légaux analogues.

Pour un mouvement transféministe

Replacer le corps au centre des préoccupations du mouvement trans permet non seulement de tisser des solidarités avec le mouvement intersexe, mais également avec les mouvements antiraciste, féministe, anticapacitiste et décolonial. En fait, ces préoccupations prises dans leur ensemble doivent être centrales si l'on veut tenir compte de la complexité et de la diversité de nos communautés. Après tout, ce n'est peut-être pas un hasard si le premier manifeste transféministe a été écrit par une travailleuse du sexe racisée, intersexe et handicapée.

Il y a lieu de se demander ce que le jugement Moore aura apporté aux personnes trans, non binaires et intersexes après sept ans de procédures judiciaires. Il est encore difficile d'en évaluer les impacts, mais il est certain qu'il aura offert une opportunité sans précédent à un gouvernement populiste et conservateur de se faire du capital politique à notre dépend.

Avoir une approche transféministe aujourd'hui demande d'être résolument intersectionnel·le. Cela demande de lutter pour la sécurité et l'intégrité des personnes trans dans tous les aspects de nos vies. Nos considérations doivent s'étendre de la décriminalisation du travail du sexe à l'abolition de la police, en passant par la restitution des territoires autochtones et la construction de logements sociaux, parce que nous sommes de tous ces horizons et que de ces luttes émergent de meilleures perspectives pour toutes les personnes trans et non binaires. La lutte contre le projet de loi 2 nous démontre que nous ne pouvons plus attendre l'avancée inexorable du progrès et que nous devons prendre le contrôle de notre agenda politique.

Notre statut de minorité protège nos identités. Mais nos corps, eux, sont toujours menacés.

Pour aller plus loin

Florence Ashley, « L'in/visibilité constitutive du sujet trans : l'exemple québécois », Canadian Journal of Law and Society / Revue Canadienne Droit et Société, 2020, vol. 35, n°2 p. 317-340
Janik Bastien-Charlebois, « Femmes intersexes : sujet politique extrême du féminisme », Recherches féministes, 2014, vol 27, n°1, p. 237-255
Emi Koyama, The Transfeminist Manifesto, 2001. Disponible en ligne.


[1] Forme inclusive de cisgenre/cissexuel. Analogue à trans, personne non trans.

[2] J'emprunte cet usage à Janick Bastien-Charlebois, professeure de sociologie à l'UQAM, afin d'inclure les personnes intersexuées (possédant des caractéristiques sexuelles non réductibles aux normes binaires) et les personnes intersexes, ces dernières adoptant une posture identitaire affirmative.

[3] Dr. Pierre Assalian, psychiatre et chef de l'unité des dysfonctions sexuelles de l'Hôpital général de Montréal, affirmait en juillet 1998, dans une entrevue pour La Presse, qu'il refusait de traiter « les homosexuels efféminés, les travestis, les hermaphrodites, les psychotiques convaincus qu'ils sont dans un corps différent, les prostitués, etc. » Le cas de Micheline Montreuil est aussi particulièrement parlant. En 2002, cette dernière n'a obtenu de la Cour d'appel que l'ajout de son prénom choisi entre ses deux prénoms masculins donnés à la naissance, après plus de trois ans de procédure judiciaire. Le changement de mention de sexe lui a été refusé parce qu'elle ne désirait pas de chirurgie génitale. Elle est systématiquement mégenrée tout au long de la procédure judiciaire.

[4] Il est important de mentionner que la binarité sexuelle est déjà imposée sur les personnes intersexes par la médecine à travers des chirurgies assimilables à de la mutilation génitale. Selon des informations obtenues par Manon Massé sous la loi sur l'accès à l'information, la RAMQ a remboursé, entre le 1er janvier 2015 et le 31 janvier 2020, 1385 chirurgies génitales effectuées sur des mineur·es de moins de 14 ans, soit avant l'âge de consentement médical.

Judith Lefebvre est libraire et militante transféministe.

Photo : Ted Eytan (CC BY-SA 2.0)

Avortement. Un droit encore à défendre

Pour répondre aux difficultés d'accès aux services en santé sexuelle, particulièrement pour l'avortement, le programme les Passeuses mise sur l'éducation pour développer (…)

Pour répondre aux difficultés d'accès aux services en santé sexuelle, particulièrement pour l'avortement, le programme les Passeuses mise sur l'éducation pour développer l'autonomie corporelle des femmes. Propos recueillis par Mat Michaud.

À bâbord ! : Qu'est-ce qui a mené à la création des Passeuses ?

Marie-Eve Blanchard : C'est un besoin d'agir ! À la suite d'expériences personnelles et professionnelles, ma collègue Mélina Castonguay, qui est sage-femme, et moi-même avions l'impression que les soins en avortement avaient été laissés dans l'oubli, comme si à force de nous battre collectivement pour le droit à l'avortement, nous avions perdu de vue l'expérience des personnes qui se trouvent au cœur de ce processus médical. Nous nous sommes demandé : les personnes qui ont recours à l'avortement, les entendons-nous ? Les espaces de prise de parole étant rares, il nous fallait aller vers elleux.

Lorsqu'on s'intéresse aux femmes et aux personnes qui ont interrompu une grossesse et qu'on leur pose des questions concernant les soins reçus, une extrême solitude se dégage de leurs récits. Comment se fait-il que nous avortions encore seul·es aujourd'hui ? Comment se fait-il que le tabou et la honte se fraient un chemin jusqu'à l'intérieur des murs où ont lieu les avortements ? Sans surprise, il y a des lacunes structurelles, organisationnelles, systémiques, culturelles, etc. Ça peut donner le vertige ! Pour le dire simplement, des notions qui gagnent de plus en plus de terrain dans le domaine de l'accouchement mériteraient d'être davantage intégrées en avortement. On peut penser au droit d'être accompagné·e dans la salle d'intervention par un·e proche, ou encore au principe de choix éclairé, le fait de prendre une décision en ayant reçu des explications complètes relatives aux interventions ou aux actes médicaux proposés.

ÀB ! : Quelles sont vos activités en lien avec l'accès à l'interruption de grossesse ?

M.-E. B. : Notre mission est de déconstruire les préjugés et de démocratiser les informations qui concernent autant le droit à l'avortement que les méthodes et leur déroulement. Nous nous y prenons en formant des professionnel·les de divers horizons en vue de l'accompagnement à l'interruption de grossesse (IG). Nous dirigeons ensuite les femmes et les personnes enceintes qui font appel à ce service d'accompagnement vers les doulas (ou accompagnant·es) que nous avons certifié·es.

ÀB ! : Qu'est-ce qui distingue les régions éloignées des centres urbains lorsqu'il est question d'accès à l'IG ?

M.-E. B. : Lorsqu'on consulte la carte interactive des quelque 50 points de services en avortement au Québec sur le site internet de la Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN), on s'aperçoit qu'ils sont concentrés en très grande majorité dans le sud de la province. Au Québec, on se félicite du nombre de points

d'accès qui existent : à elle seule, la province offre la moitié de tous les services d'avortement du pays. Mais ces services, sont-ils accessibles à tous·tes ? Non. Des régions entières ne sont pas desservies !

Et parmi les services disponibles, plusieurs offrent l'avortement une ou deux journées par semaine seulement. Un processus d'avortement demande habituellement de deux à cinq rendez-vous et le délai d'attente pour obtenir le premier varie d'une à trois semaines, selon les périodes de l'année et les cliniques. Le processus d'obtention d'un service d'avortement m'apparaît plus compliqué en région qu'à Montréal, Québec ou Sherbrooke. Rappelons qu'environ 40 % des personnes qui demandent un service d'avortement ont déjà au moins un enfant. Celles-ci pourraient avoir à réorganiser le retour à l'école de leur enfant, avoir à préparer en plus des collations ou repas, etc. Ça complexifie significativement l'accès.

Un autre écueil observé – soulevé dans un rapport de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) –, c'est le manque de formation des professionnel·les de la santé et des services sociaux qui travaillent dans d'autres secteurs que celui de l'interruption de grossesse, mais qui doivent par exemple diriger des personnes enceintes vers des ressources spécialisées ou donner des informations concernant les services d'avortement de leur région. À cause d'un manque de connaissances, il arrive que des informations fausses ou erronées soient transmises. Cela peut entraîner de graves conséquences, par exemple en prolongeant inutilement le délai pour obtenir une interruption de grossesse ou, pire, en dirigeant sans le savoir la personne vers une ressource anti-choix.

Au Canada, l'avortement est un droit du premier au troisième trimestre de grossesse. Au Québec, nous nous sommes organisé·es pour garantir ces soins durant toute la grossesse. Avec les Passeuses, nous avons formé des infirmières qui étaient étonnées d'apprendre qu'il n'y avait aucune limite quant au nombre de semaines de grossesse pour avorter. Elles ne l'avaient jamais appris ! Les informations sont connues par celleux qui travaillent en avortement et en défense du droit à l'avortement ou par les universitaires qui s'intéressent au sujet.

ÀB ! : Quelles seraient les solutions pour améliorer l'accès à l'avortement ?

M.-E. B. : Il faudrait que le Québec déploie à la grandeur de son territoire l'accès au soin d'avortement médicamenteux, aussi connu sous le nom de « pilule abortive », mais le déploiement de cette méthode, autorisée par Santé Canada, est freiné par le Collège des médecins du Québec qui impose ses règles.

Au Canada, pendant la pandémie, des consultations médicales se sont faites par télémédecine plutôt qu'en cabinet. L'avortement n'a pas échappé à cette réorganisation, fort heureusement ! Or, une étude réalisée par des chercheuses de l'Université de la Colombie-Britannique a révélé qu'au cours des deux dernières années, l'accès à l'avortement a augmenté partout au Canada, sauf au Québec. L'étude pointe du doigt le Collège des médecins, qui n'a pas daigné revoir ses règles pendant la pandémie, ce qui aurait été nécessaire pour permettre l'avortement médicamenteux prescrit par télémédecine.

Des données probantes nombreuses et récentes attestent de la sécurité et de l'efficacité de la pilule abortive lorsqu'elle est offerte par télémédecine. Des provinces canadiennes le font, ainsi que d'autres pays comme la France, l'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis. Ce qui ressort d'études portant sur la pilule abortive, c'est que cette méthode accroît l'accès à l'avortement et réduit le délai d'attente pour obtenir le service. Les grossesses sont interrompues plus précocement. Alors que le Québec se targue d'être la province championne en matière d'accessibilité, là, on est en train de manquer un gros bateau.

Les règles qui freinent ce déploiement et qui sont maintenues en place par le Collège des médecins ne s'appuient sur aucune donnée probante. Plusieurs expert·es dénoncent ça. Ces règles seraient-elles idéologiques ? J'en ai bien peur.

L'écart d'accès à l'avortement entre les diverses régions du Québec creuse les inégalités entre les personnes enceintes elles-mêmes. Le Collège des médecins a un fort rôle à jouer. En maintenant son statu quo, il prive un grand nombre de personnes d'une option qui pourrait venir diminuer les embûches dans leur parcours d'interruption de grossesse. C'est du paternalisme médical !

Marie-Eve Blanchard est cofondatrice des Passeuses.

Photo : Haru__q (CC BY-SA 2.0)

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Le numéro 27 de la publication "Soutien à l’Ukraine résistante" est disponible pour un téléchargement gratuit

23 février 2024, par Editions Syllepse — , ,
Les éditions Syllepse ont publié le numéro 27 des cahiers de "Soutien à l'Ukraine résistante" en téléchargement gratuit. Suivez le lien pour vous procurer votre exemplaire. (…)

Les éditions Syllepse ont publié le numéro 27 des cahiers de "Soutien à l'Ukraine résistante" en téléchargement gratuit. Suivez le lien pour vous procurer votre exemplaire.

Vous y retrouverai notamment les textes suivants :

Déclaration du RESU : Un triste anniversaire

Un appel de la Confédération des syndicats libres d'Ukraine

Un texte du comité français du RESU : Soutenir plus que jamais la résistance populaire armée et non armée en Ukraine

Un texte commun de la plupart des centrales syndicales de France : Pour une paix juste et durable : solidarité avec la résistance des travailleuses et des travailleurs ukrainiens

Un texte d'Hanna Perekhoda : Ukraine an III

Et plusieurs autres.

Pour télécharger le cahiers 27 des Brigades éditoriales de solidarité

Gaza : le syndicat des professeur.es de l’UQAM (SPUQ) interpelle sa direction et la CSN

23 février 2024, par Camille Popinot — , ,
Il est exceptionnel que des organisations syndicales de « base » se prononcent sur des questions de politique étrangère et plus encore sur des conflits armés. C'est parfois (…)

Il est exceptionnel que des organisations syndicales de « base » se prononcent sur des questions de politique étrangère et plus encore sur des conflits armés.

C'est parfois le cas relève un spécialiste du syndicalisme étatsunien, Dan La Botz, quand ces questions deviennent un enjeu localement, « quand elles ont un impact direct sur l'emploi » ou sur le financement des services publics.

C'est avec ces éléments historiques en tête qu'il convient de mentionner deux résolutions provenant de la « base » syndicale au Québec. La première est une résolution de l'exécutif du Syndicat des travailleuses(eurs) des centres de la petite enfance de Montréal (STCPEML-CSN) adoptée le 28 novembre 2023 qui demande un cessez-le-feu immédiat et appuie des activités d'éducation populaire sur l'occupation et la colonisation de la Palestine , notamment.

La seconde résolution a été adoptée à l'unanimité le 16 février 2024 par le Conseil syndical du Syndicat des professeurs et des professeures de l'Université du Québec à Montréal (SPUQ-UQAM). Les délégué.es des 1 200 membres affirment notamment leur solidarité avec les syndicats et les organisations de la société civile tant en Palestine qu'en Israël qui sont en faveur d'un cessez-le feu immédiat et dénoncent la prolifération de propos et gestes racistes, antisémites, antipalestiniens, islamophobes.

Au-delà de ces déclarations, le Conseil syndical interpelle directement le Conseil d'administration, la Fondation et les responsables des fonds de pension (des retraites) de l'UQAM et leur demande de procéder à « un examen de leurs engagements et placements financiers pour s'assurer qu'ils ne contribuent pas au soutien d'entreprises et d'activités économiques directement liées à la poursuite des hostilités à Gaza ».

Le Conseil syndical demande également à la CSN, la Centrale syndicale qui représente plus de 320 000 travailleurs et travailleuses, « de solliciter et de coordonner des dons de la part de ses organisations membres en vue d'une contribution commune au fonds d'urgence de l'Organisation internationale du travail pour les personnes travailleuses à Gaza ».

Enfin, le Conseil syndical dénonce les autorisations de ventes d'armes à Israël par le Gouvernement canadien et demande « à la CSN de s'impliquer énergiquement dans le mouvement de dénonciation de ces autorisations ».

Cette dernière résolution syndicale a été adoptée le jour même où la Cour internationale de justice notait « que les évènements intervenus tout récemment dans la bande de Gaza, et en particulier à Rafah, “entraineraient une aggravation exponentielle de ce qui est d'ores et déjà̀ un cauchemar humanitaire aux conséquences régionales insondables” ». La CIJ estimait également que la situation exigeait « la mise en œuvre immédiate et effective des mesures conservatoires indiquées par la Cour dans son ordonnance du 26 janvier 2024 » et rappelait que « l'État d'Israël demeure pleinement tenu de s'acquitter des obligations lui incombant au titre de la convention sur le génocide ».

D'autres syndicats "de base" ont peut être adopté des résolutions sur le sujet. Nous n'en savons rien. On ne sait pas non plus le suivi qui sera fait de ces résolutions. Mais, compte tenu du silence quasi-absolu du patronat, des gestionnaires de fonds de pension et des centrales syndicales depuis le 7 octobre 2024, ces deux résolutions de la « base syndicale » nous semblaient mériter d'être rappelées.

Camille Popinot

Illustration : CISO, https://www.ciso.qc.ca

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