Revue Caminando

Revue de réflexion et d’engagement social qui diffuse depuis 1980 une information alternative sur les droits humains en Amérique latine.

Éditorial

29 mai, par Annabelle-Lydia Bricault-Boucher
Chères lectrices, chers lecteurs, Depuis la dernière décennie, nous observons une montée des extrêmes droites à travers le monde, qui s’articule par une multiplication en (…)

Chères lectrices, chers lecteurs,

Depuis la dernière décennie, nous observons une montée des extrêmes droites à travers le monde, qui s’articule par une multiplication en puissance des discours haineux et une augmentation des pratiques xénophobes face à l’immigration à l’échelle mondiale. Cette réalité provoque une crise de l’hospitalité telle que nous la connaissons actuellement, qui s’exprime notamment par le durcissement des politiques migratoires, le renforcement des contrôles frontaliers par les agences fédérales et policières, la restriction progressive du droit d’asile, ainsi qu’à l’accès aux soins de santé et au logement pour les personnes migrantes, notamment de l’Amérique latine. Celles et ceux qui sont forcé·es de migrer, dans l’espoir d’offrir une vie meilleure à leur famille ou d’échapper à la violence et aux changements climatiques dans leur pays d’origine, sont confronté·es à une exploitation capitaliste et au racisme systémique. D’un côté, les personnes migrantes sont vues comme une marchandise exploitable aux yeux des États et des entreprises, et de l’autre, elles deviennent les boucs émissaires de tous les maux de la société capitaliste pour détourner l’attention de la véritable source des problèmes structurels.

Devant cette fermeture des frontières et les déportations massives, des voix s’élèvent aux quatre coins du continent et se rejoignent pour former ce numéro de Caminando, ainsi que pour dénoncer les politiques migratoires inhospitalières. Cette édition comporte des analyses sur les migrations Sud-Nord et les conséquences des politiques d’hostilité, des récits de vie de personnes migrantes vivant avec un statut précaire ou sans statut, des réflexions sur la discrimination raciale et la criminalisation de la migration. Nous retrouvons également des histoires de résistances, où la solidarité et l’entraide se renforcent face à cette chasse aux personnes migrantes et leur invisibilisation historique.

De nombreux articles présentés dans ce numéro analysent les migrations du Sud vers l’Amérique du Nord. Le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis, en janvier 2025, a ravivé les inquiétudes concernant les politiques migratoires, en particulier à l’égard des personnes migrantes latino-américaines à la frontière du Mexique. L’histoire nous rappelle toutefois que le racisme et la vision de la personne immigrante comme criminelle existaient bien avant l’arrivée au pouvoir de Trump. Parallèlement au renforcement des frontières, les pays du Nord global ont aussi développé des techniques pour retarder l’arrivée des personnes migrantes, voire les décourager ou les inciter à l’immobilité, en offrant l’option de faire les démarches d’immigration et la demande d’asile sans mettre les pieds sur leur territoire. Les politiques de contention de la migration se retrouvent dans des programmes politiques comme l’application CBP One, mise en place par l’administration Biden, et l’initiative Quedate en México par l’administration Trump. Les casas de migrantes situées à la frontière mexicaine se transforment en lieu d’attente et d’hospitalité pour des milliers de personnes. La plupart de ces refuges ont été mis en place par des organisations de la société civile ou des congrégations religieuses en réponse à l’insécurité et la précarité vécues par les personnes migrantes et demandant l’asile qui attendent de pouvoir entrer légalement aux États-Unis. Dans ce numéro de Caminando, nous pouvons justement en apprendre davantage sur les défis affrontés par les organisations travaillant pour la reconnaissance des personnes migrantes et documenter les violations de droits humains.

Les poèmes sur la frontière Mexique–États-Unis qui accompagnent ce numéro sont à la fois porteurs d’espoir et d’incertitude. La poésie illustre de quelle manière une traversée périlleuse à la frontière transforme rapidement ce fameux « rêve états-unien » en un réel cauchemar.

Quelques articles portent plus particulièrement sur la situation au Québec. On peut lire notamment à propos du durcissement des politiques migratoires sous le gouvernement de François Legault, entre autres par sa tentative d’annuler 18 000 dossiers d’immigration, la fermeture du chemin Roxham ou encore le maintien des permis fermés pour les travailleur·eurs étrangers·ères temporaires. Selon le Regroupement des organismes en hébergement pour les personnes migrantes, les discours anti-immigration se reflètent notamment dans la discrimination en matière d’accès au logement ou au travail, vécue par les personnes nouvellement arrivées. Sur une note plus positive, le Projet accompagnement solidarité Colombie, un collectif anticolonial et féministe basé à Montréal, nous partage leur récente initiative d’éducation populaire qui porte sur la justice climatique afin de sensibiliser les jeunes personnes québécoises au lien entre le racisme environnemental et les injustices liées à la migration.

Quelques articles analysent comment les crises climatiques, politiques et économiques en Amérique latine, ainsi que le renforcement des dynamiques extractivistes impulsées par le Nord global, entraînent des millions de personnes à émigrer dans un pays voisin du Sud global. En Argentine, le président Javier Milei diabolise la migration et affirme que les personnes migrantes profitent du système afin de justifier la hausse des frais migratoires et des procédures pour la résidence temporaire et permanente dans un contexte de chômage et de réduction des politiques sociales. Au Brésil, des personnes migrantes vénézuéliennes sont relocalisées de force dans l’État de Roraima, dans des hébergements temporaires où ont été observées de graves violations de droits humains perpétrées par des autorités locales et internationales. En Colombie, le déplacement forcé du peuple Nasa-Paéz, dans le Département du Cauca, s’inscrit dans un processus colonial et de dépossession du territoire. Cette population autochtone nous offre toutefois un exemple de résistance et de reconstruction du tissu social autour de la préservation de la mémoire collective, de la lutte pour la récupération de leur territoire ancestral et la protection de la Terre-Mère.

Nous aimerions remercier la contribution de toute personne ayant rendu possible le développement, la promotion et la diffusion de la revue : auteur·trices, poètes, illustrateur·trices, traducteur·trices, réviseur·es, membres du comité éditorial, médias alliés québécois, libraires, ainsi que nos partenaires financiers. Enfin, la superbe couverture de ce numéro a été réalisée par Liana Perez Tello et nous la remercions pour sa créativité et son engagement solidaire.

Ce numéro représente une lecture essentielle pour comprendre les enjeux actuels dans les Amériques et la solidarité des organisations qui parviennent à cultiver l’hospitalité dans un environnement de plus en plus restrictif. Nous espérons qu’il générera une discussion sur les inégalités engendrées par la logique de sécurisation des frontières et mobilisera vers des actions concrètes. Le Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL) reste engagé envers les luttes sociales qui nous unissent depuis bientôt 50 ans. Les liens tissés continueront d’inspirer les générations futures et de renforcer les mouvements sociaux d’ici et d’ailleurs.

Bonne lecture!

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Éditorial

11 novembre 2024, par Ella Noël et Charlotte Volet
Chères lectrices, chers lecteurs, Ce numéro de Caminando est bien particulier. Il marque la fin d’un chapitre important dans l’histoire de la solidarité internationale (…)

Chères lectrices, chers lecteurs,

Ce numéro de Caminando est bien particulier. Il marque la fin d’un chapitre important dans l’histoire de la solidarité internationale québécoise, avec la fermeture du Projet Accompagnement Québec-Guatemala (PAQG), après plus de 30 ans de lutte aux côtés des défenseurs et défenseuses des droits humains au Guatemala. Née d’une volonté partagée d’appuyer les communautés confrontées à la violence, à la répression et aux injustices, cette organisation a été bien plus qu’un simple projet : elle a incarné un engagement, une mission de solidarité et de défense des droits qui s’est ancrée dans le cœur de celles et ceux qui y ont contribué.

L’histoire du PAQG est intimement liée à celle de notre revue et du Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL). Depuis les années 1970, le CDHAL s’est engagé dans la défense des droits des peuples face à la répression, en réponse aux dictatures et aux conflits armés dans la région. En 1992, le PAQG voit le jour et rejoint les rangs des comités de solidarité d’Amérique latine. Le PAQG a d’abord soutenu le retour des réfugié·e·s guatémaltèques. Depuis 1998, il répond à la demande d’accompagnement international formulée par les organisations et les défenseur·e·s des droits humains qui reçoivent menaces et intimidations du fait du travail qu’ils et elles effectuent. La collaboration entre le CDHAL et le PAQG s’est manifestée au fil des décennies à travers des projets d’éducation à la citoyenneté mondiale et à travers des actions de plaidoyer, s’adaptant aux évolutions des contextes locaux et aux enjeux contemporains tels que le néocolonialisme et les violations des droits liés à l’extractivisme. 

Ensemble, nous avons contribué à créer des espaces d’échange et de sensibilisation, renforçant les liens entre les mouvements sociaux des Amériques et plaçant la solidarité internationale au cœur de nos missions. Le CDHAL et le PAQG ont collaboré et se sont alliés fréquemment sur le suivi de dossiers au Guatemala combinant leurs réseaux et savoir-faire pour mettre en lumière le travail de défenseur·e·s guatémaltèques. Partageant une base militante forte, nombreux·ses membres du PAQG ont rédigé pour la revue Caminando notamment sur leur expérience d’accompagnement international. Pour ce numéro, le CDHAL souhaite souligner l’engagement et la trajectoire du PAQG et de ses membres pour la justice au Guatemala. Au-delà du travail du PAQG, ce numéro fait rayonner le travail des défenseur·e·s guatémaltèques, qui malgré de nombreux obstacles, dont la démobilisation de la coopération internationale, continuent à demander justice. 

En effet, alors que le Guatemala traverse une période charnière, marquée par l’élection de Bernardo Arévalo et par une mobilisation sociale sans précédent, nous devons garder à l’esprit que le chemin vers une démocratie véritable reste difficile. L’élection d’un candidat issu des mouvements populaires a réveillé les espoirs de changement, mais elle a aussi été suivie d’une répression accrue de la part des élites en place, désireuses de conserver leur pouvoir. C’est un moment critique où les acquis démocratiques sont plus vulnérables que jamais, et où la solidarité internationale reste cruciale.

Ce numéro s’ouvre avec un récit fictif qui contextualise les luttes sociales et politiques des années 1940, en montrant les tensions entre les promesses démocratiques faites par le gouvernement guatémaltèque et la domination économique exercée par des multinationales étrangères. Le texte aborde les défis rencontrés par le Guatemala dans ses efforts de modernisation et de redistribution des richesses.

Les articles suivants traitent du processus de réconciliation nationale et des obstacles à la justice transitionnelle qui persistent encore aujourd’hui. Ils s’inscrivent dans une réflexion plus générale sur les entraves structurelles qui freinent la consolidation d’un véritable État de droit.

Le dossier se poursuit avec une rétrospective sur le rôle du PAQG dans l’accompagnement international et sur les impacts de sa fermeture, dans un contexte de démobilisation de la coopération internationale. Ces contributions montrent comment cet accompagnement a constitué une stratégie essentielle pour protéger et promouvoir les droits humains.

Les derniers articles abordent les dynamiques politiques actuelles, marquées par l’élection de Bernardo Arévalo et par une mobilisation sociale sans précédent. Les analyses exposent les défis d’un gouvernement qui tente de réformer un système corrompu enraciné dans l’impunité, tout en répondant aux demandes de justice des mouvements populaires.

Le numéro se poursuit avec des articles sur les luttes actuelles pour la justice au Guatemala et les efforts pour mettre fin à l’impunité. Enfin, un texte explore les dynamiques migratoires en Amérique centrale. Le numéro se clôt avec un poème qui célèbre la résilience et la solidarité des femmes.

Ce numéro, en plus d’honorer le travail du PAQG, est aussi un appel et un engagement à poursuivre l’esprit de solidarité et de résistance. Les luttes ne s’arrêtent pas, et les liens tissés continueront d’inspirer et de renforcer les mouvements sociaux au Guatemala et au-delà. Nous savons que les militant·e·s et les organisations avec lesquelles le PAQG a travaillé poursuivront ce combat pour la dignité et la justice. De notre côté, au CDHAL, nous restons déterminé·e·s à soutenir ces luttes et à maintenir cet engagement qui nous unit depuis tant d’années.

Nous remercions toutes les personnes ayant participé à la revue pour leur précieuse collaboration : auteurs·trices, poètes, illustrateurs·trices, traducteurs·trices, réviseur·e·s, membres du comité éditorial et du comité de développement, ainsi que nos partenaires financiers et de diffusion. Nous remercions également l’artiste Mateo Pablo pour l’illustration de la couverture de ce numéro.

Bonne lecture!

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Éditorial

10 mai 2024, par Ella Noël
Chères lectrices, chers lecteurs, Bien que l’élection de Gustavo Petro en Colombie et le retour de Lula da Silva au Brésil ont pu laisser présager un virage à gauche en (…)

Chères lectrices,
chers lecteurs,

Bien que l’élection de Gustavo Petro en Colombie et le retour de Lula da Silva au Brésil ont pu laisser présager un virage à gauche en Amérique latine, l’année 2023 a mis fin à cette illusion. C’est plutôt la tendance au « dégagisme » des élites qui persiste, favorisant l’accession au pouvoir de politiciens « anti-establishment » de droite tels que Daniel Noboa en Équateur, Santiago Peña au Paraguay et Javier Milei en Argentine. L’élection de Bernardo Arévalo au Guatemala, autoproclamé « social-démocrate », confirme la tendance au rejet des figures politiques traditionnelles.

L’année dernière a été marquée par d’importantes confrontations sociales et politiques. Dès janvier, des manifestations ont éclaté contre le gouvernement de Dina Boluarte au Pérou et ont été réprimées sévèrement par les forces de l’ordre. Au Panama, des activistes se sont mobilisés contre le renouvellement d’un contrat d’exploitation minière accordé par le gouvernement à une entreprise canadienne, First Quantum Minerals (Minera Panamá S.A.). Au Guatemala, des milliers de personnes ont manifesté pour réclamer la démission de hauts responsables tentant d’annuler les résultats des élections présidentielles. L’Argentine a également été secouée par des tensions après l’élection du président ultralibéral Javier Milei en novembre, avec une manifestation majeure organisée par le principal syndicat de travailleurs et travailleuses.

Ces mobilisations ont en commun le rejet des classes politiques au pouvoir, tenues responsables de la corruption et de l’insécurité, à l’origine des problèmes économiques et sociaux. C’est dans ce contexte que des figures politiques marginales, le plus souvent sans le soutien d’une infrastructure politique, ont réussi à défier l’hégémonie de partis traditionnels. Plusieurs de ces nouveaux et nouvelles dirigeant·e·s ont fait campagne sur les valeurs de l’ordre, de l’autorité et de la nécessité de combattre le narcotrafic et la criminalité. Mais cette dérive autoritaire préoccupe. En effet, l’Amérique latine a connu la plus forte régression démocratique de toutes les régions depuis le début du siècle.

Face à cette dérive vers l’autoritarisme en Amérique latine et dans les Caraïbes, les réponses sociales qui en émergent et qui se transforment portent sur la résistance, la défense et la reconquête des espaces démocratiques. Dans ce premier numéro du volume 38 de la revue Caminando, différents points de vue nous informent sur le rôle, l’impact, mais aussi les défis des différentes formes de résistance face à l’autoritarisme.

Nous nous penchons sur l’Argentine, qui se retrouve au cœur des débats actuels sur la démocratie et la gouvernance depuis l’élection de Milei. Silva Avalos fait des parallèles dans son article entre ce dernier et le président salvadorien Nayib Bukele, soulignant leur tendance à concentrer le pouvoir et à rejeter des principes démocratiques. L’entrevue avec Dario Aranda, chercheur et journaliste argentin, souligne quant à elle les racines de l’ascension de Milei dans une démocratie défaillante, mettant en évidence les mesures radicales de ce celui-ci qui menacent les droits des peuples autochtones et des communautés paysannes. Puis, le texte de Félix Riopel expose la montée de la droite néolibérale en Argentine, incarnée par Milei, et les défis économiques et sociaux qui en découlent. Ces analyses insistent ainsi sur l’importance d’une résistance continue pour défendre les valeurs démocratiques et les droits fondamentaux en Argentine.

Longtemps dominé par des régimes autoritaires et soumis à l’influence des pays occidentaux, Haïti se trouve à être aujourd’hui un exemple classique d’État failli. Ce pays est omniprésent dans l’actualité depuis la flambée de violence générée par les gangs armés en mars dernier, après l’évasion massive de détenus ayant contraint le gouvernement à déclarer l’état d’urgence. Ce numéro inclut deux textes sur Haïti, mettant en lumière le rôle de l’histoire néocoloniale, de la présence d’organisations internationales et de la pluralité d’acteurs locaux, entre autres, dans la situation politique actuelle du pays.

Nous examinons aussi dans ce numéro comment la transition démocratique du Chili est encore entachée par les réflexes autoritaires du pinochetisme qui se manifestent notamment lors des mobilisations sociales. Le résultat du plébiscite chilien de 2022 sur le démantèlement de la Constitution mise en place durant la dictature militaire d’Augusto Pinochet fut une défaite importante pour les femmes mapuches, qui continuent de lutter pour leurs droits à travers les mouvements sociaux.

Au Mexique, le zapatisme fait son retour dans les sphères médiatiques et publiques. Le mouvement a récemment annoncé l’adoption de nouvelles formes organisationnelles, tout en maintenant une présence armée dissuasive pour protéger les territoires zapatistes et promouvoir des solutions politiques et pacifiques aux problèmes sociaux et économiques du Chiapas.

Plusieurs articles traitent de problèmes socioéconomiques étroitement liés à l’augmentation de l’insécurité qui contribue à légitimer les dirigeants autoritaires. L’article d’Alexis Legault explore les impacts sociaux et écologiques de la croissance économique, tels que l’accroissement des inégalités socioéconomiques, et propose le rôle crucial d’une éducation à l’engagement écocitoyen. Les thèmes de la migration et des droits des femmes sont aussi abordés ; dans son texte, Gladys Calvopiña rend hommage à Ana Karen, décédée en tentant de traverser la frontière canado-américaine à pied. Le poème inspirant de Mavi Villada, quant à lui, insiste sur l’importance d’unir nos voix et lutter pour que les femmes puissent un jour profiter de la liberté et de leurs droits.

Nous remercions toutes les personnes ayant généreusement contribué de diverses manières à ce numéro : auteurs·trices, illustrateurs·trices, traducteurs·trices, réviseur·e·s, ainsi que les membres du comité éditorial. La magnifique illustration de la couverture de ce numéro a été réalisée par Liana Perez, à qui nous sommes reconnaissantes pour son dévouement et sa créativité. Nous tenons également à remercier tous nos partenaires qui soutiennent financièrement la revue ou nous aident à la promouvoir et à la diffuser.

Nous espérons que ce numéro vous plaira et stimulera votre désir de solidarité envers les peuples et les mouvements sociaux.

Bonne lecture !

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Offre d’emploi : Adjoint·e à la coordination de la Revue Caminando

11 décembre 2023, par CDHAL
ESSENTIEL : Être admissible à une subvention salariale d’Emploi-Québec   Description de l’organisme La Revue Caminando est une revue de réflexion et d’engagement qui (…)

ESSENTIEL : Être admissible à une subvention salariale d’Emploi-Québec

 

Description de l’organisme

La Revue Caminando est une revue de réflexion et d’engagement qui diffuse depuis 1980 une information alternative sur les luttes sociales et les droits humains en Amérique latine. Caminando publie des articles portant un regard critique sur les grands enjeux qui animent la vie sociopolitique latino-américaine et sur les luttes pour la défense des droits et pour l’autodétermination menées en Amérique latine, mais aussi Québec et au Canada. La revue publie également des récits et des poèmes, de même que des illustrations et photographies portant sur les thématiques abordées dans chaque numéro. Caminando paraît deux fois l’an en français en format papier. www.caminando.ca

La revue est publiée par le Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL), une organisation de solidarité qui travaille à la défense et à la promotion des droits humains en réciprocité avec les mouvements sociaux et les communautés d’Amérique latine, dans la lutte en faveur d’une justice sociale, environnementale, économique et culturelle. www.cdhal.org

 

Description du mandat

La Revue Caminando est à la recherche d’une personne pour joindre son équipe. Le mandat sera de collaborer à l’édition et la production du prochain numéro prévu en mai 2024, ainsi que de contribuer au développement et au rayonnement de la Revue. Vous avez de fortes compétences linguistiques et vous avez un intérêt pour la justice sociale ? Cette opportunité est pour vous !

 

Principales tâches

Production du numéro de mai 2024 :

  • Appuyer la personne responsable pour les suivis avec les auteurs et autrices des articles, la graphiste et les collaborateur.trice.s de la revue ;
  • Participer à la correction et la révision linguistique des articles ;
  • Effectuer la mise en forme des articles et la préparation du dossier pour la graphiste ;
  • Participer aux réunions du Comité Caminando ;
  • Participer à l’organisation d’un événement de lancement de la revue.

Développement et rayonnement de la Revue :

  • Participer à la conception et à la mise en œuvre de la stratégie promotionnelle de la revue Caminando ;
  • Assurer la visibilité et la distribution de la revue auprès de la communauté et des partenaires ;
  • Actualiser le site Web de la revue ;
  • Mettre à jour les réseaux sociaux de la Revue ;
  • Participer à la vie collective du CDHAL ;
  • Autres tâches connexes.

Le mandat sera ajusté en fonction du candidat ou de la candidate sélectionné.e.

 

Exigences

  • Études en communication, linguistiques, sciences sociales ou tout autre domaine pertinent
  • Bonne capacité d’analyse, de synthèse, de rédaction et de révision
  • Excellente maîtrise du français parlé et écrit
  • Très bonne maîtrise de l’espagnol écrit
  • Intérêt pour la justice sociale et la solidarité internationale
  • Bonne maîtrise du Web et des logiciels informatiques (Excel, Word, Outlook, Internet, Google Drive)
  • Aisance pour travailler en équipe et de façon autonome
  • Esprit critique

 

 

Conditions

Durée de l’emploi : 30 semaines (35 heures/semaine), du 22 janvier 2024 au 16 août 2024

Salaire à discuter

Date limite pour postuler : 7 janvier 2024

Emploi en télétravail avec possibilité de travail au bureau à Montréal. Bonne conciliation travail-famille-étude.

ESSENTIEL : Être admissible à une subvention salariale d’Emploi-Québec

 

Comment postuler

Toute personne intéressée à soumettre sa candidature doit faire parvenir son curriculum vitae accompagnée d’une lettre de présentation par courriel à : à caminando@cdhal.org. Les entrevues auront lieu dans les semaines du 8 et du 15 janvier 2024. Seules les personnes sélectionnées pour une entrevue seront contactées.

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Offre de stage à la Revue Caminando

11 décembre 2023, par CDHAL
Description de l’organisme La Revue Caminando est une revue de réflexion et d’engagement qui diffuse depuis 1980 une information alternative sur les luttes sociales et les (…)

Description de l’organisme

La Revue Caminando est une revue de réflexion et d’engagement qui diffuse depuis 1980 une information alternative sur les luttes sociales et les droits humains en Amérique latine. Caminando publie des articles portant un regard critique sur les grands enjeux qui animent la vie sociopolitique latino-américaine et sur les luttes pour la défense des droits et pour l’autodétermination menées en Amérique latine, mais aussi Québec et au Canada. La revue publie également des récits et des poèmes, de même que des illustrations et photographies portant sur les thématiques abordées dans chaque numéro. Caminando paraît deux fois l’an en français en format papier. www.caminando.ca

La revue est publiée par le Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL), une organisation de solidarité qui travaille à la défense et à la promotion des droits humains en réciprocité avec les mouvements sociaux et les communautés d’Amérique latine, dans la lutte en faveur d’une justice sociale, environnementale, économique et culturelle. www.cdhal.org

 

Description du mandat

La Revue Caminando est à la recherche d’une personne stagiaire pour joindre son équipe. Le mandat sera de collaborer à l’édition et la production du prochain numéro prévu en mai 2024, ainsi que de contribuer au développement et au rayonnement de la Revue. Vous avez de fortes compétences linguistiques et vous avez un intérêt pour la justice sociale ? Cette opportunité est pour vous !

 

Principales tâches

Production du numéro de mai 2024 :

  • Appuyer l’équipe de Caminando pour les suivis avec les auteurs et autrices des articles, la graphiste et les collaborateur.trice.s de la revue ;
  • Participer à la correction et la révision linguistique des articles ;
  • Effectuer la mise en forme des articles et la préparation du dossier pour la graphiste ;
  • Participer aux réunions du Comité Caminando ;
  • Participer à l’organisation d’un événement de lancement de la revue.

Développement et rayonnement de la Revue :

  • Participer à la conception et à la mise en œuvre de la stratégie promotionnelle de la revue Caminando ;
  • Assurer la visibilité et la distribution de la revue auprès de la communauté et des partenaires ;
  • Actualiser le site Web de la revue ;
  • Mettre à jour les réseaux sociaux de la Revue ;
  • Participer à la vie collective du CDHAL ;
  • Autres tâches connexes.

Le mandat sera ajusté en fonction du candidat ou de la candidate sélectionné.e.

 

Exigences

  • Études en communication, linguistiques, sciences sociales ou tout autre domaine pertinent
  • Bonne capacité d’analyse, de synthèse, de rédaction et de révision
  • Excellente maîtrise du français parlé et écrit
  • Très bonne maîtrise de l’espagnol écrit
  • Intérêt pour la justice sociale et la solidarité internationale
  • Bonne maîtrise du Web et des logiciels informatiques (Excel, Word, Outlook, Internet, Google Drive)
  • Aisance pour travailler en équipe et de façon autonome
  • Esprit critique

 

Conditions

Durée du stage : 3 à 4 mois, avec un minimum de 20 heures par semaine

Date limite pour postuler : 7 janvier 2024

Stage non-rémunéré.

Stage en télétravail, avec possibilité de travail au bureau à Montréal. Bonne conciliation stage-famille-étude.

 

Comment postuler

Toute personne intéressée à soumettre sa candidature doit faire parvenir son curriculum vitae accompagnée d’une lettre de présentation par courriel à : à caminando@cdhal.org. Les entrevues auront lieu dans les semaines du 8 et du 15 janvier 2024. Seules les personnes sélectionnées pour une entrevue seront contactées.

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Éditorial

7 novembre 2023, par Tennessee Maciol et Rosalinda Hidalgo
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Éditorial – Miner la vie : Entre dépouillement et résistances

6 juin 2023, par Fernanda Sigüenza-Vidal et Annabelle-Lydia Bricault-Boucher
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Éditorial – Les mobilisations sociales, au-delà des obstacles

18 janvier 2023, par Marie-Ève Marleau et Roselyne Gagnon
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Choc pandémique et capitalisme de surveillance

31 août 2022, par Projet Accompagnement Solidarité Colombie
Pour faire face à la pandémie de la COVID-19, au lieu de proposer des investissements massifs dans nos services publics, notamment dans le système de santé et les soins aux (…)

Pour faire face à la pandémie de la COVID-19, au lieu de proposer des investissements massifs dans nos services publics, notamment dans le système de santé et les soins aux personnes âgées, les États se tournent vers le privé pour nous offrir des solutions technologiques.

En mars 2019, l’IRIS publiait une recherche sur l’intelligence artificielle (IA), annonçant que « le gouvernement du Québec veut faire de l’IA une composante importante de l’économie québécoise, dont Montréal serait le pôle central » [1]. Cette industrie est vue comme un pilier de la croissance économique mondiale par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), notamment.

Afin de pouvoir analyser la situation générée par la crise globale liée à la pandémie de la COVID-19, il est nécessaire de prendre un pas de recul pour se pencher sur les conditions préexistantes à cette crise. Où en est le développement de l’économie capitaliste à l’heure où le déploiement du numérique, de l’intelligence artificielle et du marché des mégadonnées (Big Data) qui est en pleine expansion ?

Applications de traçage et données santé

Partout dans le monde, des pays ont recours à des applications de suivi numérique qui avertissent les gens ayant croisé le chemin d’une personne contaminée. Ainsi, avec le prétexte de vouloir nous protéger du virus, nous assistons à la mise en place de systèmes de suivi systématique des déplacements et des relations entre des milliards d’individu·e·s, alors que les résultats sanitaires sont plus qu’incertains.

C’est d’abord en Chine que plusieurs applications de traçage ont été lancées : elles livrent toutes des code-barres destinés à déterminer le degré de risque que représente un·e individu·e en lien avec son degré d’immunité au virus. Ainsi, le code-barres change de couleur selon cette évaluation du risque : « vert » signifie qu’il n’y a aucun problème, « orange », l’obligation de se placer en quarantaine à la maison et « rouge », l’obligation de se placer en quarantaine dans un lieu centralisé déterminé par l’État. Les individus doivent installer ces applications sur leur téléphone intelligent afin de pouvoir circuler dans la ville. Des détecteurs de code-barres et des checkpoints (points de contrôle) ont été mis en place par les autorités à l’entrée de divers endroits publics, comme les transports ou les centres commerciaux ; seul un code vert permet d’y entrer [2].

Le Canada a décidé de lancer sa propre application pour cellulaire, l’application « Alerte COVID », le 31 juillet dernier. Elle utilise la technologie sans fil Bluetooth pour tracer les contacts entre personnes, mais, comme ce fut le cas à propos d’applications similaires développées ailleurs dans le monde, son efficacité est sérieusement mise en doute, en plus d’être jugée trop intrusive et pas assez sécurisée.

L’engouement de tant de gouvernements pour une solution dont l’efficacité est loin d’être démontrée pourrait surprendre puisque la géolocalisation, ou la présence dans le rayon Bluetooth d’un autre téléphone ne prouvent en aucun cas que la personne atteinte ait réellement pu constituer un risque de contagion. De plus, selon les dires des développeurs de ces applications et des gouvernements qui les mettent en place, il faudrait que les trois quarts de la population d’une ville ou d’un pays la téléchargent pour que l’application soit efficace. Il est difficile de croire que ces taux élevés d’utilisation seront atteints.

D’autre part, plusieurs moyens permettant la surveillance médicale de masse sont en train de voir le jour. La carte d’immunité fait partie des propositions en vogue. L’immunity card [3] est un document d’identité où seraient enregistrés, entre autres, les résultats des personnes ayant été testées. Proposée initialement aux États-Unis, l’Allemagne et le Chili étudient la possibilité d’implanter cette carte. De son côté, le fondateur d’IBM, Bill Gates, fait la promotion d’un certificat numérique qui servirait à identifier les personnes ayant été déclarées positives à la COVID-19, celles qui s’en sont rétablies, celles qui ont été testées, et lorsqu’il y aura un vaccin, celles vaccinées [4].

Ce type de technologie est particulièrement inquiétant si on se fie aux déclarations du ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, le 21 août dernier, affirmant que le gouvernement souhaite attirer les compagnies pharmaceutiques en leur donnant accès aux données de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) :

« On a l’intelligence artificielle, on a la médecine spécialisée […] on a les données de la RAMQ, et les données de la RAMQ, c’est une mine d’or […] Le jour où on peut se rendre confortables, de donner accès à nos données de santé aux compagnies pharma [ceutiques] qui vont venir dans les hôpitaux universitaires qui sont très performants, et on a Mila à côté, qui fait l’algorithme, ou Imagia, c’est winner » [5] !

La crise du coronavirus et la mise en œuvre du capitalisme de surveillance

Pour comprendre la situation actuelle, il est nécessaire de se demander ce que la crise permet d’accélérer : c’est-à-dire le déploiement du capitalisme de surveillance et de la « quatrième révolution industrielle » [6]. Il ne s’agit que d’aller faire un tour sur le site du Forum économique mondial pour comprendre l’ampleur de ce qui se trame pour informatiser nos vies jusque dans ses moindres recoins :

« La crise de la COVID-19 nous démontre que les technologies émergentes comme l’Internet des objets et l’intelligence artificielle ne sont pas seulement des outils, elles sont essentielles au fonctionnement de notre société et de notre économie. En cette période d’instabilité, nous devons les penser en termes d’infrastructures essentielles » [7].

Déjà en 2017, le Forum économique mondial affirmait qu’« entre 50 et 100 milliards d’objets seront connectés en 2020 ». Ces chiffres augmentent de façon exponentielle au rythme de l’installation du réseau 5G, un système de technologie Wi-Fi tout neuf, qui rendra peu à peu obsolètes les ordinateurs et cellulaires que nous avons aujourd’hui.

L’Internet des objets, dont le déploiement complet ne sera possible que lorsque le réseau 5G sera pleinement en place, est l’idée que tous les objets qui nous entourent et que nous utilisons au quotidien soient connectés : nos montres, notre frigo, notre voiture, nos électroménagers, jusqu’aux maisons intelligentes en entier. Bref que tout soit connecté, pour qu’en rentrant chez nous, notre maison nous parle, mette de la musique, allume la lumière, vous propose une recette en fonction de ce qu’il y a dans le frigo, programme le four pour réchauffer le souper… Les programmes d’assistants intelligents comme Alexa ou Google Home sont un premier pas dans cette direction et visent à nous habituer à cohabiter avec l’IA.

Le confinement planétaire généré par la pandémie, tout comme les mesures de distanciation « sociale » qui demeurent en place suite au « déconfinement », nous ont propulsés dans cette nouvelle ère de connexion extrême à nos écrans et aux technologies. En effet, la situation issue de la pandémie a permis la mise en œuvre de deux processus simultanés ; d’une part, nous sommes appelé·e·s à réduire, voire à mettre fin, à la majorité de nos contacts humains et de nos relations interpersonnelles en personne et, d’autre part, nous sommes forcé·e·s d’augmenter notre utilisation d’Internet et nos contacts avec le monde numérique. Et dans ce processus, nous augmentons notre dépendance aux technologies ; les écrans deviennent le mode quasi exclusif d’accès au monde, le commerce en ligne explose et s’étend aux biens essentiels comme la nourriture, tandis que plusieurs plateformes voient le jour afin de gérer les services (santé, éducation à distance…). Déjà nous commençons à nous habituer à recevoir nos services de santé en ligne et le télétravail est louangé comme étant l’avenir du travail, notamment parce qu’il est prétendument plus écologique. Pourtant, bien que l’aire du numérique évite d’imprimer autant de papier, son apport à la réduction des dommages environnementaux s’arrête là, puisque le visionnement de vidéos en ligne, les téléchargements incessants et les vidéoconférences impliquent des milliers de serveurs, qui dans leur majorité carburent au charbon aux États-Unis. La navigation sur Internet contamine autant que l’industrie aérienne, et les chiffres ne cessent de croître [8].

Ce pas de géant du numérique sur l’économie, l’organisation de la société et la vie sociale profite directement à des géants du Web tels qu’Amazon, Facebook, Google et Microsoft. Ces derniers, aujourd’hui beaucoup plus puissants que les États, sont au cœur du développement du capitalisme numérique ; leur modèle d’affaires qui dépend du Big Data est basé non seulement sur la surveillance du comportement en ligne des individu·e·s pour la collecte des données, mais aussi sur la modification des comportements humains et sociaux dans cette nouvelle normalité où nous sommes et serons de plus en plus « connecté·e·s ».

Big data et le marché des données

Il y a tellement de données qui se vendent et s’achètent sur le marché du Big Data que l’extractivisme des données, qui consiste à extraire les données des utilisateurs·trices afin de consolider des bases de données cotées en bourse, est le secteur en majeure croissance dans les bourses du monde, dépassant le secteur pétrolier. Selon les prévisions du cabinet Gartner, « 90 % des données existantes aujourd’hui ont été créées au cours des deux dernières années et la production de ces données devrait exploser de 800 % d’ici 5 ans » [9]. Les données proviennent de partout : des messages que nous envoyons, des vidéos que nous publions, des informations climatiques, des signaux GPS, des achats par cartes de crédit ou encore des transactions en ligne. Nous avons donc des ombres virtuelles qui en savent plus sur nos goûts, nos envies, nos sentiments et nos pensées que nous-mêmes, et pire encore, des machines qui les analysent pour nous donner accès à la réalité digitale qui nous convient, selon Facebook ou Google. Chaque service « gratuit » que nous utilisons en ligne en acceptant d’obscures politiques d’utilisation est en fait un contrat par lequel nous vendons des informations sur nous, en plus de celles recueillies à notre insu, que ce soit par les caméras, les paiements par carte qui remplacent de plus en plus l’argent comptant, etc. Ces informations sont compilées et analysées à l’aide de l’intelligence artificielle, puis peuvent être vendues :

« En collectant massivement des informations sur leurs utilisateurs·trices, elles formulent, à l’aide de l’intelligence artificielle, des prédictions hautement monnayables sur leurs comportements. Le « capitalisme de surveillance » est en somme une forme d’extractivisme, la matière première étant les données personnelles des citoyen·ne·s », résume Aurélie Lanctot au Devoir. [10]

L’affaire de Cambridge Analytica et le scandale de l’utilisation des données pour la manipulation des résultats électoraux, incluant la création de tendances sociales et de mouvements sociaux de toute pièce, auraient pu ralentir le processus, mais ils ont seulement rendu les dirigeant·e·s plus prudent·e·s [11].

Comme le souligne Naomi Klein dans son article « Screen New Deal » [12], les plans de développement des villes intelligentes, basés sur la surveillance et l’interconnectivité des données, affrontaient avant la pandémie de nombreuses réticences en raison de l’ampleur des changements proposés. La pandémie semble avoir fait disparaître ces réticences, agissant comme un choc qui permet de rendre acceptable que nos maisons deviennent notre bureau, notre centre de conditionnement physique, notre école, et même notre prison, si l’État le décide.

Qui s’enrichit et profite de la crise ?

Alors que la pandémie semble générer une reconfiguration des forces au sein du capitalisme global, les hommes les plus riches de la planète en profitent. Entre le 18 mars et le 19 mai 2020, la fortune globale des 600 milliardaires américains a augmenté de 434 milliards en dollars US et les patrons des multinationales de la Silicon Valley sont ceux qui en ont le plus profité. Les mesures de confinement de la population et la fermeture des commerces ont fait bondir les achats en ligne et le besoin de rester connecté·e via les réseaux sociaux, ce qui a fait grimper en flèche la valeur des titres des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) [13]. Entre mars et mai 2020, la fortune de Jeff Bezos — fondateur et patron d’Amazon — a augmenté de plus de 30 %, un bond équivalent à 24 milliards de dollars depuis le début de l’année 2020, soit 4 fois plus que l’augmentation habituelle de sa fortune depuis 2017 [14]. Durant la même période, la fortune de Mark Zuckerberg, patron de Facebook, a bondi de plus de 46 % pour s’élever à 54,7 milliards de dollars. En toile de fond, les titres d’Amazon et de Facebook ont atteint dans la semaine du 22 mai leur plus haut niveau historique.

Le secteur pharmaceutique n’est évidemment pas en reste avec la course effrénée aux médicaments et aux vaccins pour lutter contre la COVID-19. Les États s’en remettent à Big Pharma et à la prétendue générosité de fondations telle que la Fondation Bill & Melinda Gates. Dès le début de la pandémie, Bill Gates a annoncé que sa fondation allait dépenser des milliards pour travailler avec sept fabricants potentiels d’un vaccin afin de financer leur production.

La puissante Fondation Bill & Melinda Gates est l’actrice non étatique la plus puissante de la planète, d’une valeur de 45 milliards de dollars. Fondée par l’un des hommes les plus riches du monde, elle est impliquée depuis de nombreuses années dans l’industrie du vaccin sous le couvert de l’aide humanitaire en matière de santé offerte aux populations des pays les plus pauvres. Une grande partie de son capital est générée grâce à des investissements discutables, notamment dans l’industrie pétrolière [15]. Avec le récent retrait des États-Unis du financement de l’OMS, la fondation devient la plus importante bailleuse de fonds de cette institution internationale. Déjà en 2016, un documentaire intitulé « L’OMS dans les griffes des lobbyistes ? » [16] démontrait le manque d’indépendance de l’institution par rapport à ses bailleurs de fonds privés.

Ne pas s’habituer à la nouvelle « normalité » 

Le 17 mars 2020, le Massachusetts Institue of Technology (MIT) publiait un article intitulé « Nous ne reviendrons pas à la normale » [17], émettant l’hypothèse que la distanciation sociale est là pour rester et que notre mode de vie sera appelé à changer, pour toujours sur certains points…

En effet, six mois plus tard, force est de constater que nous assistons à une véritable réingénierie des comportements sociaux : imposition du télétravail dans plusieurs domaines, peur de la contagion et des quartiers pauvres, délation des voisin·e·s, peur d’une accolade, isolement social et acceptation de la surveillance de masse. Ces modifications accélérées des comportements concordent avec des tendances provoquées entre autres par l’usage de téléphones intelligents et des réseaux sociaux, mais aussi avec le développement exponentiel des technologies qui marquera la prochaine décennie avec l’entrée en scène massive de l’IA dans nos vies.

Alors que le capitalisme de surveillance a bel et bien pris son envol et que son éventail de nouvelles technologies nous est présenté comme des solutions miracles à la crise que nous vivons, nous percevons avec inquiétude la rapide acceptation des mesures qui créent une distance dans nos relations humaines et auxquelles nous sommes appelé·e·s à nous adapter au nom de cette « nouvelle normalité ».

Nous faisons partie du collectif Projet Accompagnement Solidarité Colombie (PASC). Nous sommes féministes, à l’étroit dans les moules qui nous sont imposés. Nous sommes blanches, habitantes de territoires voués à la destruction, de territoires tachés du sang de la colonisation, qui se poursuit encore. Nous constatons, subissons, dénonçons et, malgré tout, participons, aux rapports de domination qui façonnent nos communautés, les sociétés humaines, nos vies.

 

Photographie: Propagande. Illustration par Johanne Roussy, 2017


Notes: 

[1] Gélinas, Joëlle, Lavoie-Moore, Myriam, Lomazzi, Lisiane et Hébert, Guillaume (2019). « Financer l’intelligence artificielle, quelles retombées économiques et sociales pour le Québec ? », IRIS, mars, en ligne : https://cdn.iris-recherche.qc.ca/uploads/publication/file/Intelligence_artificielle_IRIS_WEB4.pdf
[2] Agence France-Presse (2020). « Tour du monde des applications mobiles de traçage des contacts », Journal de Montréal, 4 mai, en ligne : https://www.journaldemontreal.com/2020/05/04/tour-du-monde-des-applications-mobiles-de-tracage-des-contacts
[3] Conklin, Audrey (2020). « What are coronavirus immunity card ? », Fox Business, 10 avril, en ligne : https://www.foxbusiness.com/lifestyle/coronavirus-immunity-cards
[4] De Rosa, Nicholas (2020). « Non, Bill Gates ne veut pas vous implanter une micropuce à l’aide d’un vaccin », Radio-Canada, 29 avril, en ligne : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1698428/bill-gates-puce-conspiration-complot-covid-verification-dementi-decrypteurs
[5] Mila est l’Institut des algorithmes d’apprentissage de Montréal, un des plus importants pôles de développement de l’intelligence artificielle dans le monde. Voir : Sioui, Marie-Michèle (2020). « Québec veut attirer les pharmaceutiques avec les données de la RAMQ », Le Devoir, 21 août, en ligne : https://www.ledevoir.com/
politique/quebec/584542/quebec-veut-attirer-les-pharmaceutiques-avec-les-donnees-dela-ramq

[6] Dykes, Melissa (2017). « The Fourth Industrial Revolution : Most People Don’t Even Realize What’s Coming … », Truthstream Media, 30 octobre, en ligne : http://truthstreammedia.com/2017/10/30/the-fourth-industrial-revolution-most-people-dont-even-realize-whats-coming/
[7] Bettinger, Kimmy (2020). « COVID-19 : Emerging technologies are now critical infrastructure —what that means for governance », World Economic Forum, 10 avril, en ligne : https://www.weforum.org/agenda/2020/04/covid-19-emerging-technologies-are-now-critical-infrastructure-what-that-means-for-governance/
[8] Griffiths, Sarah (2020). « Why your internet habits are not as clean as you think », BBC, 5 mars, en ligne : https://www.bbc.com/future/article/20200305-why-your-internet-habits-are-not-as-clean-as-you-think
[9] Gallant, Nicolas (2017). « Big data et intelligence artificielle : profitez de cette révolution en Bourse », Capital, 4 mai, en ligne : https://www.capital.fr/entreprises-marches/big-data-et-intelligence-artificielle-profitez-de-cette-revolution-en-bourse-1225427
[10] Lanctôt, Aurélie (2020). « Déconfinés, surveillés », Le Devoir, 22 mai, en ligne : https://www.ledevoir.com/
opinion/chroniques/579393/deconfines-surveilles

[11] Cambridge Analytica (CA) une société de communication stratégique s’est retrouvée en 2018 au centre d’un scandale mondial pour avoir utilisé les données personnelles de plusieurs dizaines de millions d’utilisateurs·trices de Facebook, afin de diffuser des messages favorables au Brexit au Royaume-Uni et à l’élection de Donald Trump aux États-Unis en 2016, provoquant sa faillite en 2018. Voir : Wong, Julia Carrie (2019). « The Cambridge Analytica scandal changed the world — but it didn’t change Facebook », The Guardian, 18 mars, en ligne : https://www.theguardian.com/technology/2019/mar/17/the-cambridge-analytica-scandal-changed-the-world-but-it-didnt-change-facebook
[12] Klein, Naomi (2020). « Screen New Deal : Under Cover of Mass Death, Andrew Cuomo Calls in the Billionaires to Build a High-Tech Dystopia », The Intercept, 8 mai, en ligne : https://theintercept.com/2020/05/08/andrew-cuomo-eric-schmidt-coronavirus-tech-shock-doctrine/
[13] Agence France-Presse (2020). « Ces milliardaires américains qui se sont enrichis pendant la pandémie », Radio-Canada, 22 mai, en ligne : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1705314/coronavirus-riches-economie-fortune-pandemie-etats-unis
[14] Forbes. « # 1 Jeff Bezos », en ligne : https://www.forbes.com/profile/jeff-bezos/?list=forbes-400&sh=782cc5801b23 (page consultée en novembre 2020)
[15] Courrier international (2007). « Petits problèmes d’éthique. Les étranges placements de la Fondation Gates », 31 octobre, en ligne : https://www.courrierinternational.com/article/2007/02/01/les-etranges-placements-de-la-fondation-gates
[16] Arte (2017). « L’OMS : dans les griffes des lobbyistes ? », 3 avril, en ligne : https://info.arte.tv/fr/film-loms-dans-les-griffes-des-lobbyistes
[17] Lichfield, Gideon (2020). « We’re not goint to normal », MIT Technology Review, 17 mars, en ligne : https://www.technologyreview.com/2020/03/17/905264/coronavirus-pandemic-social-distancing-18-months/

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Instantanées de la Covid-19

31 août 2022, par Raul Gatica
  I Comment est le monde là-dedans ? Demande le vent qui se pointe à la fenêtre. Dehors rien d’autre que bruits, voix et alarmes. La boule aux ventouses a volé nos (…)

 

I

Comment est le monde là-dedans ?
Demande le vent qui se pointe à la fenêtre.

Dehors rien d’autre que bruits, voix et alarmes.
La boule aux ventouses a volé nos trottoirs,
a fait disparaitre les autres fléaux.

Plus que le virus,
la peur nous est contagieuse.

Le monde tremble,
s’ébranle,
frissonne.
Nous nous appréhendons nous-mêmes;
nous refusant la toux,
la fièvre et le respir.

Nous avons blanchi nos vies à force de les laver.

 

II

La planète s’enfièvre sous les déclarations.
Les gouvernements crachent leurs réponses.
Faisant feu à l’aveuglette dans toutes les directions.
Réalisant que le système est un respirateur hors d’usage.

Ils vacillent et ils tremblent
ceux qui ont détourné l’avenir à leur profit.
Plus que ceux qui, avec ou sans pandémie,
ont la certitude que leur mort ne compte pas.

J’aimerais tant,
quand faiblira la rumeur des actionnaires,
que la pourriture humaine se retrouve sans masque,
et qu’aucun vaccin ne vienne la sauver.
Si on pouvait se réveiller sans souhaiter que le monde redevienne comme avant.

 

III

 Je suis enfermé,
Le monde du dehors me regarde.
une photo du dernier restaurant, de la dernière rencontre;
de cette nuit ou mes pieds
ont entonné la cumbia de mes pas en savourant la rue.

Je me fais pitié.
Je suis moi et quelqu’un d’autre.
ils m’ont transmis leur peur :
le masque est impuissant face à ce que l’on entend.

 

IV

Quand mes souliers chevauchent les ruelles,
sous la gifle de l’air froid,
le monde que j’ai connu se tord dans l’effroi :
dresse des cloisons de deux mètres,
et croit naïvement :
«que les malheurs ne sautent pas».

 

V

 La planète est un masque ambulant.
Elle enfile sa muselière pour esquiver la mort :
cagoules nouveau genre en bleu ou en blanc.
Passe-montagnes de plastique,
derrière lesquels le médecin ou le commis nous répondent et nous repoussent.

Nous fuyons l’autre comme on s’échappe d’un assassin.

 

VI

Peur de toucher les poignées.
Alors laisse les portes nues.
Ou plutôt : bas les portes !
Comme ça je n’aurai pas besoin de crocheter pour t’embarquer.

Refuse la quarantaine.
Oublie les foutus deux mètres.
Contaminons-nous
toi de moi,
moi de toi,
Que les virus nous écrasent,
nous piétinent,
nous écrabouillent
et qu’ils déambulent partout où ils veulent
jusqu’à ce que nous mourrions entre nous.
En ces temps où la mort n’est qu’un nombre,
un orgasme est la seule chose acceptable.
Mais je tiens à t’avertir :
j’aurai un problème si tu exiges
que je mette une capuche ailleurs qu’en bas du nombril.

 

Vancouver, B.C., 3 juin 2020

 

Traduction par Pierre Bernier

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