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Mobilisation planétaire des dockers : une solidarité internationaliste pour un embargo d’armes à Israël

16 septembre, par Emma Soares
Emma Soares, correspondante en stage Les syndicats palestiniens ont appelé les réseaux syndicaux du monde entier à bloquer l’envoi des marchandises d’armes vers Israël. Ces (…)

Emma Soares, correspondante en stage Les syndicats palestiniens ont appelé les réseaux syndicaux du monde entier à bloquer l’envoi des marchandises d’armes vers Israël. Ces derniers s’efforcent de faire entendre leurs revendications auprès des gouvernements pour arrêter le commerce d’armes (…)

Des scientifiques du monde entier dénoncent la situation humanitaire à Gaza

16 septembre, par Collectif — , , ,
4500 scientifiques du monde entier, dont 14 lauréats du prix Nobel, lancent un appel urgent à faire cesser « les horreurs actuellement infligées à une population civile » à (…)

4500 scientifiques du monde entier, dont 14 lauréats du prix Nobel, lancent un appel urgent à faire cesser « les horreurs actuellement infligées à une population civile » à Gaza : « En tant que scientifiques oeuvrant collectivement pour l'humanité, nous appelons instamment tous les gouvernements et institutions internationales compétentes du monde entier à utiliser tous les moyens pacifiques à leur disposition pour mettre un terme à cette tragédie. »

Tiré du blogue de l'auteur.

Nous, soussignés, scientifiques et citoyens du monde entier, exprimons à titre personnel notre indignation devant l'aggravation de la crise humanitaire à Gaza.

Nous trouvons insupportable qu'une pénurie alimentaire artificiellement entretenue semble conduire à une situation de famine. Nous sommes profondément choqués par la privation d'accès aux soins médicaux, l'absence complète d'éducation pour les enfants, la destruction systématique des infrastructures civiles (y compris les universités) et le mépris généralisé apparent pour les droits, le bien-être et la vie de la population civile de Gaza.

Nous appelons le gouvernement israélien à agir immédiatement pour mettre fin à cette crise humanitaire d'origine humaine.
Nous sommes conscients que la situation actuelle s'inscrit dans un réseau complexe de causalités, qui inclut l'attaque brutale du Hamas (en octobre 2023). Nous condamnons cette attaque et les conditions inhumaines de détention des otages, et appelons le Hamas à libérer immédiatement les otages qu'il détient. Ce réseau d'évènements inclut également d'autres actes odieux, ayant conduit à l'anéantissement de plusieurs dizaines de milliers de vies innocentes à Gaza (dont près d'un millier d'enfants de moins d'un an, selon plusieurs sources), que nous condamnons tout autant.
Nous sommes cependant fermement convaincus qu'absolument rien dans cet historique ne peut justifier les horreurs actuellement infligées à une population civile. L'urgence de la situation humanitaire exige une intervention immédiate.

En tant que scientifiques oeuvrant collectivement pour l'humanité, nous appelons instamment tous les gouvernements et institutions internationales compétentes du monde entier à utiliser tous les moyens pacifiques à leur disposition pour mettre un terme à cette tragédie.

Premiers signataires

1 Sandip Trivedi, Tata Institute of Fundamental Research, India

2 Shiraz Minwalla, Tata Institute of Fundamental Research, India

3 Ashoke Sen, International Center for Theoretical Sciences-Tata Institute of Fundamental Research, India

4 Rajesh Gopakumar, International Center for Theoretical Sciences-Tata Institute of Fundamental Research India

5 Spenta Wadia, International Center for Theoretical Sciences-Tata Institute of Fundamental Research India

6 Sunil Mukhi, Indian Institute of Science Education and Research, India

7 Gautam Mandal, International Center for Theoretical Sciences-Tata Institute of Fundamental Research India

8 Ofer Aharony, Weizmann Institute of Science, Israel

9 Amit Sever, Tel Aviv University, Israel

10 Jacob Sonnenschein, Tel Aviv University, Israel

11 Adam Schwimmer, Weizmann Institute of Science, Israel

12 Nathan Seiberg, Institute for Advanced Study, USA

13 Edward Witten, Institute for Advanced Studyy, USA

14 Atish Dabholkar, International Center for Theoretical Physics, Italy

15 Seok Kim, Seoul National University, South Korea

16 Tadashi Takayanagi, Yukawa Institute for Theoretical Physics, Japan

17 Kyriakos Papadodimas, CERN, Switzerland, Switzerland

18 David Tong, University of Cambridge, UK

19 Abhijit Gadde, Tata Institute of Fundamental Research, India

20 Onkar Parrikar, Tata Institute of Fundamental Research, India

21 Nathan Berkovits, Instituto de Fisica Teorica, Brazil

22 Robert De Mello Koch, University of Huzhou, China and University of Witswatersrand, South Africa China, South Afric

23 Nima Arkani Hamed, Institute for Advanced Study, USA

24 Mark Van Raamsdonk, University of British Columbia, Canada

25 Giorgio Parisi, Roma la Sapienza, Italy

26 Sandro Scandolo, International Center for Theoretical Physics, Italy

27 Édouard Brézin, Ecole Normale Supérieure, France

28 Jean Iliopoulos, Ecole Normale Supérieure, France

29 Jean-Bernard Zuber, Sorbonne Université, France

30 David Gross, Kavli Institute for Theoretical Physics, USA

31 Hala El Khozondar, Islamic University of Gaza, Palestine, and Imperial College UK, Palestine, UK

32 Mohammed Faraj, University of Udine , Italy

33 Chiara Nappi, Princeton University, USA

34 Jeewon Song, Korea Advanced Institute of Science and Technology, South Korea

35 Sayantani Bhattacharyya The University of Edinburgh, UK

36 Raghu Mahajan, International Center for Theoretical Sciences-Tata Institute of Fundamental Research India

37 R Loganayagam, International Center for Theoretical Sciences-Tata Institute of Fundamental Research, India

38 Boris Pioline, CNRS and Sorbonne Université, France

39 Pierre Vanhove, Commissariat à l'énergie Atomique, France

40 Alain Aspect, l'Institut d'Optique — Université Paris-Saclay, France

La liste complète des signataires et à retrouver ici.

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Guerre impérialiste, militarisme environnemental et stratégie écosocialiste à l’heure du capitalisme des catastrophes

16 septembre, par Alexis Cukier — ,
Dans ce texte, Alexis Cukier développe une analyse du rôle de la guerre dans l'Anthropocène ainsi que du développement du militarisme environnemental, puis une lecture (…)

Dans ce texte, Alexis Cukier développe une analyse du rôle de la guerre dans l'Anthropocène ainsi que du développement du militarisme environnemental, puis une lecture écomarxiste de la guerre impérialiste en Ukraine et de la guerre génocidaire au Palestine dans le contexte de ce qu'il nomme le capitalisme des catastrophes, avant de proposer à la discussion des éléments pour une stratégie écosocialiste combinant lutte contre le militarisme et soutien aux résistances anti-impérialistes, y compris armées.

Alexis Cukier est philosophe et membre de la rédaction de Contretemps. Ce texte est issu d'une intervention dans le cadre du panel « Guerre, impérialisme et écologie » qui s'est tenu le samedi 28 juin 2025 dans le cadre de la conférence internationale Historical Materialism Paris.

11 septembre 2025 | tiré du site contretemps.eu
https://www.contretemps.eu/militarisme-environnemental-ecosocialisme/

***
Guerre à la guerre ! Et donc soutien à celles et ceux qui sont en guerre contre les impérialismes !

Pour « agir contre la guerre et le militarisme », comme le propose Guerre à la Guerre[1], et mettre fin aussi à ses usages génocidaires et à ses conséquences écocidaires comme le souligne à juste titre cette importante coalition, il est nécessaire de « désarmer la machine de guerre et relancer un anti-militarisme populaire », et notamment « de faire grève, de déserter, de perturber, de démanteler la logistique de leurs guerres ».

Mais ce n'est pas suffisant, et ce texte défend que ce n'est pas l'essentiel : s'en prendre aux moyens de la guerre restera inefficace si on ne s'attaque pas à ses causes et si on ne fait pas alliance d'abord avec celles et ceux qui en subissent les effets. Autrement dit, un antimilitarisme concret implique – comme la coalition l'affirme clairement en ce qui concerne les États-Unis, Israël et la France, et le débat doit avoir lieu aussi concernant la Russie notamment – un anti-impérialisme militant, et donc de viser à défaire les puissances impériales, et la logique capitaliste qui les portent, et de soutenir concrètement celles et ceux qui sont en première ligne pour y résister. Or pour elles et eux, la première urgence est de s'autodéfendre, ce qui suppose des armes.

C'est la raison pour laquelle il me semble urgent de mettre en débat cette proposition : il faut inclure le blocage de la logistique militaire dans une stratégie écosocialiste d'autodéfense, de soutien aux résistances anti-impérialistes, y compris armées, et donc aussi de réappropriation démocratique et de socialisation internationaliste des armes.

Ce texte défend trois thèses, développées d'un point de vue écomarxiste, qui sont des contributions aux débats en cours, dans cette coalition, dans la gauche internationaliste et au-delà, sur les moyens et les fins de l'antimilitarisme et de l'anti-impérialisme aujourd'hui.

Premièrement, les guerres impérialistes et l'industrie et la logistique militaires qui leur sont liées[2] jouent depuis le XIXe siècle un rôle majeur parmi les causes des catastrophes écologiques mais sont aussi devenues, depuis le début du XXIe siècle, une des principales modalités de réponse à ces catastrophes – c'est ce qu'on peut appeler le militarisme environnemental[3].

Deuxièmement, les guerres en cours, et en premier lieu la guerre impérialiste de la Russie en Ukraine et la guerre impérialiste et génocidaire d'Israël, des Etats-Unis et de leurs alliés en Palestine, s'inscrivent dans une nouvelle phase émergente du capitalisme mondialqui réorganise la production de profit, l'appareil productif et l'impérialisme autour de l'adaptation sélective – au profit des riches et en sacrifiant les classes populaires et les peuples des pays sous domination impériale – aux catastrophes écologiques, en premier lieu le réchauffement climatique – c'est ce que je propose d'appeler le capitalisme des catastrophes[4].

Ce capitalisme des catastrophes doit être compris dans le cadre de la crise économique de longue durée du capitalisme, et particulièrement de la séquence qui a suivi la crise financière de 2008, ainsi que de la montée de la rivalité impérialiste entre les États-Unis et la Chine[5], qui ont constitué des facteurs majeurs de développement du capitalisme vert[6] et de militarisation[7]. Mais je fais l'hypothèse qu'avec le « tournant dans l'histoire mondiale[8] » des années 2020, prenant le relai du capitalisme néolibéral de la période précédente et l'intégrant dans une nouvelle formule économico-politique, ce capitalisme des catastrophes émergent réalise le scénario le plus sombre qu'anticipait Mike Davis en 2010 : « L'atténuation globale, dans ce scénario encore inexploré mais non improbable, serait tacitement abandonnée — comme elle l'a déjà été dans une certaine mesure — au profit d'un investissement accéléré dans une adaptation sélective destinée aux passagers de première classe de la Terre[9]. » Je défends que cette logique d'adaptation sélective permet de comprendre l'économie et l'écologie politiques communes de plusieurs ensembles de phénomènes typiques de la période :

— le capitalisme vert : marchés et compensation carbone, finance verte, Plans Verts, « dérisquage » (atténuation des risques financiers) des technologies vertes ou des matériaux considérés comme critiques, et tous les outils de la « transition »énergétique, qui est en réalité une accumulation d'énergies compatible avec la relance de l'extractivisme fossile, ainsi que du néo-industrialisme vert, dirigés par la Big Tech, les États et le marché… ;

— le technosolutionnisme climatique : technologies à émission négative, géo-ingénierie, « villes résilientes » mettant le modèle des « smart cities » et des « safe cities » et leurs objets connectés au service de l'adaptation aux catastrophes… ;

— le fascisme fossile : les idéologies et pratiques de gouvernement carbofascistes, écofascistes, de l'accélérationnisme néoréactionnaire (« dark Enlightenment » décliné en « dark MAGA »), du nationalisme vert… ;

— les nouvelles guerres impérialistes dont l'enjeu principal, comme on va le montrer, est la reconfiguration conjointe du marché mondial de l'énergie, de l'hégémonie technologique et du militarisme environnemental au sein de ce capitalisme des catastrophes[10].

Troisièmement, en raison même de l'entrée dans ce capitalisme des catastrophes, il est aujourd'hui moins que jamais réaliste d'appeler, en l'état actuel des choses, à abolir la guerre (c'est un pacifisme abstrait et idéaliste, sans prise sur la réalité) mais il nous faut construire collectivement un antimilitarisme matérialiste, qui passe aussi centralement par le soutien aux résistances anti-impérialistes armées du peuple palestinien et du peuple ukrainien, et nécessite une stratégie alliant désarmement de l'ennemi et autodéfense populaire. Il ne s'agit pas de remplacer la lutte des classes et sa dimension spécifiquement politique, notamment à l'échelle nationale, par le combat militaire internationaliste, mais de les penser ensemble, ni d'opposer au pacifisme abstrait un bellicisme qui le serait tout autant mais de ne pas détourner le regard de ce qu'implique concrètement l'autodéfense anti-impérialiste et antifasciste, particulièrement en ce qui concerne la question des conflits armés. C'est ce que j'appelle une stratégie écosocialiste de démantèlement, reconversion et socialisation des armes.

Dans ce texte, je propose de faire quelques rappels au sujet du caractère écocidaire de la guerre en l'inscrivant dans le développement du militarisme environnemental à l'heure du capitalisme des catastrophes (I), puis d'analyser la guerre impérialiste en Ukraine (II) et la guerre génocidaire en Palestine (III) dans cette perspective, avant de finir par présenter quelques éléments de stratégie écosocialiste visant à allier antimilitarisme et anti-impérialisme (IV).

I. Guerre, Anthropocène et militarisme environnemental

Dans leur ouvrage de référence, Jean-Baptiste Fressoz et Christophe Bonneuil ont soutenu l'argument selon lequel « l'Anthropocène est aussi (et peut-être avant tout) un thanatocène[11] », pour souligner l'importance de la guerre parmi les causes de l'Anthropocène – ce qu'on peut reformuler dans une perspective marxiste en termes de double centralité de la guerre (impérialiste) et du travail (capitaliste) parmi les causes des catastrophes écologiques[12]. Je m'en tiendrai ici à montrer que 1. les guerres et l'industrie militaire impérialistes ont joué depuis le XIXe siècle et jouent toujours un rôle majeur parmi les causes du réchauffement climatique, et 2. la stratégie et l'intervention militaires sont aujourd'hui une des principales modalités de réaction aux catastrophes écologiques.

Premièrement, le fait militaire est une des principales causes du dépassement des limites planétaires, et en premier lieu du changement climatique. Rappelons quelques faits. On estime qu'en 2022 « la totalité de l'empreinte carbone militaire représente environ 5,5 % des émissions mondiales[13] », en ne comptant que l'industrie militaire et pas les guerres elles-mêmes ni les reconstructions rendues nécessaires par les destructions militaires. Cela représente, par exemple, plus d'émissions que l'ensemble du continent africain, ou que les secteurs de l'aviation civile et du transport maritime réunis. La plus grande armée du monde, celle des Etats-Unis, consommait en 2019 autant de combustibles fossiles qu'un pays comme le Portugal[14]– en comptant cette fois aussi bien la production d'armes que les interventions militaires et opérations stratégiques ultérieures en passant par la production, l'usage et l'entretien du réseau mondial des navires contenaires, avions cargos, tanks et camions, etc. En remontant à la période de la première « grande accélération » des catastrophes écologiques (après 1945), les estimations indiquent que, pendant la Guerre froide, entre 10 à 15% de l'ensemble des émissions états-uniennes étaient le fait du complexe militaro-industriel[15]. En ce qui concerne les guerres elles-mêmes, on rappellera seulement que c'est à propos de la guerre du Vietnam que la catégorie d'écocide a été développée (voir le texte de Tom du collectif Vietnam Dioxine dans cette même série d'articles sur Contretemps), et d'autre part, comme on le montrera aussi à propos de l'Ukraine et de la Palestine, que toutes les guerres ont des effets écocidaires, en détruisant, polluant et dégradant les vies des êtres humains, des vivants et des écosystèmes.

Cependant, ce n'est pas seulement de manière directe que le complexe militaro-industriel a contribué à l'Anthropocène, mais aussi de manière indirecte, du fait du rôle qu'ont joué les armées dans l'expansion des énergies fossiles dont elles tirent pour l'essentiel leur puissance[16]. De nombreuses recherches récentes, dans le champ du marxisme écologique notamment, ont montré ce rôle moteur des industries militaires occidentales liées à leurs impérialismes – au premier rang desquels ceux du Royaume-Uni au XIXe siècle et des Etats-Unis au XXe siècle – dans le développement des énergies fossiles au sein des secteurs civils[17]. On peut, par exemple, souligner les moments de la conversion de la flotte du Royaume-Uni au pétrole en 1911, ou encore de la guerre de Corée (1950-1953) à l'occasion de laquelle des centaines de milliards de dollars consacrés à la production d'armement ont constitué autant d'investissements qui ont servi le développement ultérieur de l'industrie fossile civile, en particulier de la voiture à essences et des infrastructures énergétiques. On rappellera pour finir le rôle majeur de l'industrie militaire dans l'invention et le développement de technologies agricoles écocidaires, de l'extractivisme et de procédés et composés chimiques polluants, tels que les PFAS, développés initialement dans les années 1940 par l'industrie chimique états-unienne pour un usage militaire ou l'insecticide DDT, à propos duquel Rachel Carson publia, dans l'ouvrage classique de l'écologie politique Printemps silencieux, son plaidoyer à l'encontre de la « guerre contre la nature »[18].

Deuxièmement, la guerre est aujourd'hui une des principales modalités de réponse aux catastrophes écologiques. Depuis les années 1990, les institutions militaires, notamment états-uniennes mais aussi françaises[19], ont produit des analyses du changement climatique et de leurs conséquences en termes de sécurité qui placent l'armée en première ligne de la réponse aux conséquences des catastrophes écologiques. C'est le cas par exemple du rapport de la Maison Blanche de 1993 qui donne à l'armée la responsabilité d'anticiper et de répondre à « la gamme de risques environnementaux suffisamment graves pour compromettre la stabilité internationale qui va des migrations massives de populations dues à des catastrophes humaines ou naturelles, telles que Tchernobyl ou la sécheresse de l'Afrique de l'Est, jusqu'aux dommages écologiques à grande échelle causés par la pollution industrielle, la déforestation, la perte de biodiversité, la déplétion de la couche d'ozone, et finalement le changement climatique. »[20]. Comme l'a montré Razmig Keucheyan à partir d'une analyse d'une série de discours militaires sur la guerre, la « militarisation de l'écologie » est, avec sa financiarisation, l'une des deux principales réponses du capitalisme face à la crise écologique. Il s'agit principalement d'anticiper et organiser une réponse militaire aux catastrophes que sont le « surcroît de catastrophes naturelles, la raréfaction de certaines ressources, des crises alimentaires, une destabilisation des pôles et des océans, et des ‘réfugiés climatiques' par dizaine de millions à l'horizon 2050[21] ». Ce militarisme environnemental, qui exprime une logique de « racisme environnemental »[22] mais aussi potentiellement d'« apartheid environnemental[23] », est la dimension militaire du capitalisme des catastrophes.

Cette adaptation sélective, qui est d'abord une stratégie d'accumulation du capital implique aussi une idéologie spécifique. Selon cette idéologie « planifier l'adaptation[24] » nécessite non seulement de renoncer à contenir le réchauffement climatique et donc à décarboner l'économie mais encore d'en accepter les conséquences catastrophiques, inégalement réparties : « Dépasser (Overshooting) les 1,5 °C ne condamne pas la planète. Mais c'est une condamnation à mort pour certaines personnes, modes de vie, écosystèmes, voire certains pays[25] ». Or cet objectif d'une adaptation au service des plus riches et d'un abandon ou d'un sacrifice des classes populaires, notamment dans les suds globaux, a aussi, c'est l'objet principal de ce texte, des implications militaires : « parce qu'elles s'attendent à une exacerbation des conflits dans un monde redéfini par le changement climatique, les puissances militaires du Nord ont opté pour l'adaptation militaire[26] ». Contrairement à la plupart des analyses du capitalisme vert, qui ne pensent pas sa dimension guerrière et impérialiste, et aux approches écologistes dominantes des guerres en cours, qui ne la replacent pas dans la dynamique d'évolution du capitalisme et de ses échanges écologiques inégaux, cette analyse en termes de capitalisme des catastrophes permet donc aussi de penser le renouvellement en cours de l'impérialisme et d'en saisir les enjeux écologiques. En ce qui concerne les guerres impérialistes, on fera donc ici l'hypothèse qu'à 1. l'impérialisme écocide qui tue les populations, détruit leurs économies de subsistance et conquiert leurs terres pour le projet de colonialisme de peuplement ou d'esclavagisme ; et à 2. l'impérialisme vert, qui vise à contrôler et tirer profit des productions et des richesses issues du travail de la terre par le peuple colonisé, succède aujourd'hui 3. l'impérialisme écologique, qui vise la reconfiguration du marché mondial de l'énergie et constitue un laboratoire de l'adaptation sélective aux catastrophes écologiques. Autrement dit : les guerres impérialistes n'ont plus seulement pour objectif la prédation pour le profit au sein d'un monde fini mais aussi désormais la survie et la préservation du mode de vie capitaliste, et plus seulement pour fonction de détruire la nature et de l'administrer, mais d'adapter à sa dégradation les conditions d'existence des puissances impériales, et en leur sein des plus riches

II. Écologie politique de la guerre impérialiste en Ukraine

La guerre impérialiste menée par la Russie en Ukraine depuis l'invasion du 24 février 2022 a causé des destructions humaines, naturelles et infrastructurelles de très grande ampleur. Elle a fait à ce jour — fin août 2025 — plus d'un million de victimes, morts ou blessés, a donné lieu à d'innombrables crimes de guerre commis par l'armée russe, parmi lesquels des viols[27] et des déportations d'enfants[28] perpétrés comme des armes de guerre systématiques. Elle a causé de très nombreuses destructions de villes, habitats naturels protégés, infrastructures vitales et terres agricoles ukrainiennes — comme lors de la destruction intentionnelle par l'armée russe du barrage de Khakhovka le 6 juin 2023 —, multiplié les feux de forêt, tué d'innombrables animaux, contaminé l'air, les eaux et les sols[29]. En ce qui concerne l'écologie politique des motifs de la guerre, si l'invasion et la guerre peuvent s'expliquer par de nombreux facteurs[30] — l'histoire de la domination coloniale de la Russie à l'égard de l'Ukraine, l'idéologie expansionniste et suprémaciste du régime de Vladimir Poutine, la crainte d'un effondrement du soutien régional à la Russie dans d'autres pays satellites, la compétition interimpérialiste avec les autres grandes puissances mondiales (et en premier lieu les États-Unis dans le cadre de la rivalité désormais surdéterminante avec la Chine), une fuite en avant autoritaire sur le plan de la politique intérieure, etc. —, on soutiendra que le facteur surdéterminant est lié au devenir du capitalisme fossile russe au sein du capitalisme des catastrophes.

Les objectifs de la guerre ont été exprimés clairement par le régime de Poutine : il s'agit d'annexer toute l'Ukraine si possible, sinon de remplacer le régime par un autre favorable aux intérêts russes, sinon d'annexer une partie du territoire national ukrainien, en commençant par la Crimée et le Donbass. L'hypothèse ici développée est qu'il ne s'agit pas seulement d'une guerre impérialiste classique de prédation des ressources naturelles (notamment les terres agricoles et les métaux rares ou critiques tels que le titane indispensable pour la « transition énergétique » comme pour l'aviation civile et militaire, le zirconium, le molybdène et le gaz néon purifié employé dans les puces électroniques et les semi-conducteurs) et de contrôle des infrastructures (notamment énergétiques, nucléaires et électriques), mais aussi d'une guerre d'hégémonie au sein de la nouvelle période du capitalisme, pour éviter le déclin du capitalisme fossile russe en réorientant ses exportations de pétrole et de gaz et se positionner dans la course des bouleversements du mix énergétique mondial.

Rappelons que la Russie produisait, en 2022, 13 % de la production mondiale de pétrole, se plaçant ainsi à la troisième place, le capitalisme fossile russe étant considéré par le leader états-unien comme « un partenaire junior, pas un ennemi politique[31] ». Cette intégration dans l'économie fossile mondiale a fait l'objet de conflits politiques importants dans la Russie post-soviétique, par exemple entre Vladimir Poutine et Mikhail Khodorkovski, emprisonné en 2003 alors qu'il organisait une entrée massive au capital de la compagnie pétrolière Ioukos des géants états-uniens Exxon Mobil et Chevron-Texaco[32]. Il faut ajouter que d'immenses gisements de gaz ont été découverts, en 2012, en Mer noire dans la zone exclusive ukrainienne, tandis que l'Ukraine s'est tournée vers le britannique Royal Dutch Shell plutôt que vers les sociétés pétrolières russes pour forer dans un autre gisement à l'est du pays — faisant de l'Ukraine un concurrent dont la sujétion politique ou l'annexion partielle constituent des objectifs majeurs pour le capital fossile russe. Ce contexte immédiat doit cependant être replacé dans le cadre plus large de l'adaptation capitaliste aux catastrophes écologiques.

Dans Klimat. Russia in the Age of Climate Wars, publié quelques mois avant l'invasion de l'Ukraine, le politiste Thane Gustafson fournit à cet égard des arguments décisifs en répondant à ces questions :

« Comment le territoire de la Russie — ainsi que son système politique, son économie et sa société — seront-ils affectés par le changement climatique ? Comment ces changements liés au climat modifieront-ils le statut de la Russie en tant que grande puissance ? Quelles seront, en effet, les sources de la “grandeur” d'une puissance d'ici 2050 ? Le rôle futur de la Russie dans l'économie mondiale lui permettra-t-il de rivaliser en tant que grande puissance ? Et comment réagira-t-elle si elle n'y parvient pas[33] ? »

On peut résumer ainsi les arguments du livre qui éclairent l'inscription de la guerre en Ukraine au sein du capitalisme des catastrophes. 1. L'économie russe est directement menacée par la chute probable de ses exportations en hydrocarbures, et par la perspective d'un pic du pétrole dans les prochaines années ou décennies. Or ce sont principalement les puissances importatrices du pétrole russe, l'UE et la Chine, qui ont les cartes en main à cet égard puisqu'elles portent des projets de régulation des énergies fossiles et de transition énergétique qui menacent le capitalisme russe. À ce problème, la guerre apporte une réponse à court terme, car elle donne l'opportunité de nouveaux débouchés pour le capitalisme fossile russe, notamment vers les suds globaux, tout en visant une consolidation des flux vers la Chine. 2. Une nouvelle contradiction est apparue dans ce contexte entre le secteur fossile russe et de nouveaux acteurs des énergies renouvelables et du capitalisme vert, comme Anatoly Chubais, favorable au développement des « technologies vertes » en Russie. La guerre en cours permet d'asphyxier un tel projet dans le cadre d'une économie de guerre ultracarbonée. 3. La Russie doit faire face à des risques climatiques impliquant des catastrophes de grande ampleur d'ici 2050, avec notamment l'aggravation de la fonte du pergélisol, qui recouvre deux tiers du territoire russe, et risque de provoquer l'effondrement des infrastructures (routes, pipelines, ponts, bâtiments) sur une vaste échelle. À cet égard aussi, la stratégie d'adaptation privilégiée par le régime de Poutine pour ses périphéries arctiques est très offensive[34] : plutôt que d'investir massivement dans des infrastructures à travers l'arrière-pays sibérien afin de lui permettre de résister aux effets du réchauffement climatique, l'option privilégiée est celle de l'ouverture du développement économique du littoral arctique permise par la fonte de la glace le long de la côte nord de la Russie, ouvrant la perspective d'une nouvelle voie maritime majeure vers l'Asie, qu'un contrôle partagé de l'Alaska avec les États-Unis pourrait faciliter. La guerre permet ainsi d'ouvrir la voie à des projets d'annexion au-delà de l'Ukraine, de se placer en partenaire de taille aux côtés des projets expansionnistes du partenaire états-unien, et de renforcer aussi l'autoritarisme étatique nécessaire pour imposer ce type de choix socio-économiques et les sacrifices corrélatifs pour la population.

Dans la conclusion de son ouvrage, Gustafson souligne les deux enjeux majeurs pour endiguer le déclin, selon lui déjà entamé et inévitable à court terme, du capitalisme russe : la force militaire et les nouvelles technologies[35]. Ce sont les deux principaux moteurs du capitalisme des catastrophes : le militarisme environnemental et l'adaptation technosolutionniste. La stratégie expansionniste agressive du régime de Poutine, qui vise à enrayer le déclin économique de son capital fossile et à rétablir son État comme un acteur impérialiste majeur, s'explique par la compétition entre grandes puissances pour l'hégémonie au sein du capitalisme des catastrophes.

III. Écologie politique de la guerre génocidaire en Palestine

La guerre menée par Israël à Gaza et en Palestine constitue un génocide, notamment au sens des trois premiers articles de la Convention sur le génocide de 1948 : « le meurtre, des atteintes graves à l'intégrité physique ou mentale, ainsi que l'imposition délibérée aux Palestiniens de Gaza de conditions de vie visant à entraîner leur destruction physique, en totalité ou en partie[36]. » En juin 2025, le Ministère de la santé à Gaza estimait que la guerre avait fait plus de 132 000 blessés et causé la mort de plus de 56 000 personnes palestiniennes, dont plus de 18 000 enfants, sans compter les personnes disparues et non identifiées ni les morts liées à la destruction des hôpitaux et infrastructures vitales et à la famine organisée par l'armée israélienne. La guerre a provoqué le déplacement de plusieurs centaines de milliers d'habitants de Gaza, considéré comme un objectif tactique par le régime de Benjamin Netanyahou. Elle a donné lieu à d'innombrables cas de tortures, viols et violences sexuelles, et implique notamment ce qu'on peut qualifier de « fémi-génocide[37] » et de génocide reproductif, dans la mesure notamment où les maternités et infrastructures de soin gynécologique et de support à la santé reproductive ont été systématiquement ciblées afin d'empêcher la reproduction du peuple palestinien[38]. C'est aussi une guerre contre l'agriculture palestinienne prolongeant la guerre contre la subsistance inhérente à la colonisation de la Palestine depuis la première Nakba[39]. Et cette guerre est aussi, de manière indissociable, écocidaire[40] :

« À Gaza, où elle dure maintenant depuis des mois, cette destruction prend des proportions apocalyptiques : les gens qui n'ont pas encore été tués par les bombes vivent sur une étendue en friche d'eau non potable, de munitions non explosées, d'effluents d'égouts non traités, de décharges débordantes, de sol contaminé, de décombres toxiques, de vergers et de champs réduits en poussière. Sur cette base de terre hyperpolluée, la vie humaine est rendue impossible à long terme. Écocide et génocide se confondent ici comme jamais auparavant[41]. »

Cette destruction du peuple de Palestine et des terres palestiniennes par Israël ne peut être comprise que dans le cadre de sa politique au long cours de colonisation, de nettoyage ethnique et d'apartheid, ainsi que de l'idéologie raciste et suprémaciste du gouvernement Netanyahou et d'une partie du peuple israélien. Mais il y a aussi, dans cette guerre génocidaire annoncée par un processus continu d'atrocités et de catastrophes, des éléments nouveaux liés au développement du capitalisme fossile et à la mise en pratique du militarisme environnemental d'Israël, des États-Unis et de leurs alliés.

D'une part, cette guerre s'est déclenchée alors qu'Israël se positionne comme un acteur majeur du capitalisme fossile au niveau mondial. En 2022, l'année même du début de la guerre en Ukraine et donc de la crise sur le marché du gaz, Israël s'est imposé comme un exportateur majeur de combustibles fossiles, en fournissant l'Allemagne et l'UE en gaz et en pétrole bruts extraits sur les sites de Leviathan et Karish, découverts récemment et revendiqués par le Liban. Fin octobre 2023, Israël a accordé douze licences pour l'exploration de nouveaux champs gaziers, notamment au géant pétrolier britannique BP, tandis qu'une compagnie basée à Tel-Aviv, Ithaca Energy, a investi dans l'exploration pétrolière dans le secteur britannique de la mer du Nord. Autrement dit, « le génocide se déroule à un moment où l'État d'Israël est plus profondément intégré dans l'accumulation primitive du capital fossile que jamais[42] ». Cette orientation de l'économie israélienne doit elle-même se comprendre dans le cadre de la politique états-unienne de partenariat économique et d'alliance politique avec les puissances pétrolières du Golfe, garantie notamment par l'accord de libre-échange et la normalisation diplomatique des accords d'Abraham entre Israël, les Émirats arabes unis et Bahreïn en 2020. C'est ce qui explique que « dans le contexte actuel du génocide en cours, un accord de normalisation entre l'Arabie saoudite et Israël constitue sans aucun doute l'objectif principal de la stratégie américaine pour l'après-guerre[43] ». Le projet annoncé d'un contrôle de la bande de Gaza par une alliance d'États arabes partenaires d'Israël (associé le cas échéant à certaines organisations palestiniennes et complété par la reconnaissance d'un État palestinien réduit à certaines parties de la Cisjordanie) permettrait ainsi, par exemple, de développer un réseau ferroviaire entre Gaza et le projet urbain futuriste Neom en cours de développement sur les bords de la Mer rouge en Arabie Saoudite — et, au-delà, de consolider cette reconfiguration du capitalisme fossile au niveau mondial.

D'autre part, certains aspects de la guerre génocidaire à Gaza peuvent se comprendre dans le cadre du militarisme environnemental et du technosolutionnisme caractéristiques du capitalisme d'adaptation aux catastrophes écologiques. C'est le cas du projet, mis en avant par Donald Trump, de prise de contrôle de la bande de Gaza par les États-Unis afin d'y construire une « magnifique Riviera du Moyen-Orient[44] » , reprenant ainsi le projet « Gaza 2035 » conçu par l'administration Netanyahou pour développer sur les ruines de Gaza un projet urbain futuriste combinant extraction d'énergies fossiles, néotechnologies vertes (telles que des « villes de fabrication de voiture électronique ») et économie touristique de luxe[45], qui réaliserait le scénario d'une table rase complète des territoires et cultures des pauvres pour la remplacer par un paradis hypertechnicisé des riches. Si on a pu analyser ce projet en termes de « nouvelle expérimentation néolibérale[46] », il doit se comprendre dans la continuité du laboratoire militaire et technologique du colonialisme israélien à Gaza. Ainsi, dans le contexte des pénuries en eau provoquée et attendues dans la région du fait de l'accélération du réchauffement climatique, le contrôle colonial de l'accès à l'eau puis la destruction des infrastructures hydrauliques[47] constituent un laboratoire de l'apartheid environnemental permettant d'assurer l'adaptation climatique des uns au détriment de la vie des autres :

« L'occupation a ainsi engendré des politiques et des pratiques inadaptées qui compromettent la résilience des Palestiniens et leur capacité à faire face aux menaces liées aux changements climatiques. En revanche, Israël est bien mieux préparé pour s'adapter aux effets du changement climatique et se trouve, de ce fait, moins vulnérable[48]. »

En ce qui concerne la guerre, si l'un de ses objectifs est de faire la preuve de la « suprématie technologique » israélienne et états-unienne au moyen d'une « exhibition désinhibée des capacités de destruction[49] » de leurs armées, cette démonstration de force ne doit pas être comprise seulement dans le contexte de l'histoire au long cours de l'impérialisme fossile et de la colonisation occidentale de la Palestine, mais aussi de la réalisation du militarisme environnemental contemporain. Ainsi, le déplacement forcé de centaines de milliers d'habitants de Gaza et la gestion des camps de réfugiés survivant dans des conditions apocalyptiques[50] renforcent l'expérience militaire du contrôle des migrations, enjeu majeur du militarisme environnemental qui anticipe une augmentation massive du nombre de réfugiés climatiques dans les prochaines décennies. La guerre a aussi permis un usage militaire des nouvelles technologies de surveillance mises en œuvre par l'administration coloniale : ainsi, les systèmes d'intelligence artificielle « Evangile », « Lavender » et « Where's Daddy ? » traitent des données de masse au sujet des individus et infrastructures pour proposer des cibles à l'armée d'occupation et aux bombardements[51]. Or ce laboratoire militaire du capitalisme des catastrophes est une source de profit pour un grand nombre d'entreprises israéliennes, états-uniennes et occidentales, comme le montre un rapport récent de Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale des Nations-Unies sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, au sujet de l'économie politique de l'occupation et du génocide :

« En mettant en lumière l'économie politique d'une occupation devenue génocidaire, le rapport révèle comment cette occupation perpétuelle est devenue un terrain d'essai idéal pour les fabricants d'armes et les grandes entreprises technologiques — offrant une demande et une offre illimitées, peu de surveillance et aucune responsabilité — tandis que les investisseurs ainsi que les institutions publiques et privées en tirent librement profit[52]. »

Ce rapport permet ainsi de constituer la liste d'une partie importante de la constellation des acteurs économiques et politiques internationaux qui ont aujourd'hui intérêt au développement du militarisme environnemental et du capitalisme des catastrophes. On voit que l'analyse de l'économie et de l'écologie politiques de la guerre à Gaza peuvent contribuer aussi à éclairer les raisons de la complicité ou de la passivité de la grande majorité des États du monde face au génocide du peuple palestinien.

IV. Quelle stratégie écosocialiste face aux guerres aujourd'hui ?

J'en viens à quelques conséquences stratégiques de ces analyses, que je résumerai sous la forme de trois propositions :

1. Aussi longtemps que durera le capitalisme, et en particulier le capitalisme des catastrophes, les guerres impérialistes seront inévitables, si bien qu'il faudra s'en défendre, y compris par les armes. Il y aura d'autres guerres, même si nous ne le voulons pas, car l'impérialisme est désormais multipolaire, la géopolitique instable, le militarisme environnemental déjà inséparable du technosolutionnisme climatique – autrement dit, comme je l'ai montré dans la première partie, en raison de la stratégie d'adaptation sélective aux catastrophes écologiques choisies par les puissances capitalistes. Nous sommes entrés, pour reprendre les mots de Claude Serfati, dans un monde en guerres – sans doute depuis la crise financière de 2008, et plus encore depuis le tournant mondial des années 2020, avec sa succession de catastrophes mondiales formant un cocktail explosif, et notamment : pandémie de Covid-19, invasion de l'Ukraine, guerre génocidaire en Palestine, ouverture par les Etats-Unis de la guerre commerciale, le tout accompagné par le développement des intelligences artificielles génératives qui constitue également un facteur de militarisation : « les technologies qui reposent sur l'IA transforment simultanément les données en source d'accumulation de profits, elles renforcent le pouvoir sécuritaire des États et elles introduisent de nouvelles formes de guerre grâce à leur utilisation par les militaires[53] ». Mais alors, si la guerre est inévitable, faut-il se résigner ?

Certainement pas. En tant qu'écologistes et anticapitalistes, nous devons refuser que les militaires s'emparent de l'écologie (et je rejoins en cela la critique importante de « l'écologie de guerre » par Vincent Rissier dans cette série d'articles sur Contretemps). Mais en tant qu'anti-impérialistes, nous ne pouvons pas souhaiter, ni encore moins exiger, que les peuples qui subissent des agressions des forces impériales déposent les armes. Au final, en tant qu'écosocialistes, nous devons nous demander, pour savoir dans ce nouveau contexte contre quoi et comment nous battre : à quoi tenons-nous, c'est-à-dire, que voulons-nous défendre ? Pour reprendre les mots de l'historienne et militante marxiste ukrainienne Hanna Perekhoda, « nous devons garder à l'esprit que ni la vie humaine, ni les droits des travailleurs, ni l'environnement ne peuvent être protégés dans un État qui tombe dans la ‘zone d'influence' de puissances impérialistes extractivistes autocratiques comme la Russie de Poutine, les États-Unis de Trump ou la Chine du Parti-État de Xi Jinping.”[54]. Cela ne signifie pas qu'il faille défendre le bloc « Europe » – ou encore la structurellement néolibérale Union européenne – contre le reste du monde, comme le suggère par exemple Pierre Charbonnier[55]. Le capitalisme des catastrophes, le militarisme environnemental, le technsolutionnisme climatique, la barbarie génocidaire, sont bien aussi entretenus, développés et soutenus par les Etats européens. Mais cela signifie qu'il faut à la fois s'opposer à la course capitaliste aux armements du plan Rearm Europe, et au militarisme qui est au cœur de la construction de l'Etat français[56] et de son impérialisme en Afrique, dans les dernières colonies d'outre-mer et ailleurs, et soutenir une autre politique de défense et de production d'armes, orientée vers les intérêts des classes populaires, écosocialiste et résolument internationaliste. Ce qui implique, j'y insiste à nouveau, qu'il faut, pour l'Ukraine comme pour la Palestine, et pour le reste du globe sans aucune exception, soutenir les peuples qui se défendent contre les guerres impérialistes, ou contre les conséquences des politiques impérialistes de leurs Etats. Et cela passe – les habitant.e.s et militant.e.s des pays des Suds colonisés l'ont toujours su, et aussi les générations précédentes des marxistes des pays du Nord qui ont lutté contre l'oppression nazie ou contre la répression anticommuniste – par l'autodéfense, et donc la résistance, y compris par les armes. C'est pourquoi, il faut faire la différence entre le militarisme, à combattre, et la défense, à soutenir[57]. C'est ce que le slogan « guerre à la guerre » ne dit pas, et même, s'il était mal interprété, pourrait empêcher de soutenir – et c'est notamment ce débat auquel ce texte voudrait contribuer – : il y a la guerre des impérialistes et la guerre de celles et ceux qui y résistent et s'en défendent ; nous devons empêcher la première, et soutenir la seconde. Nous ne pouvons pas militer pour la vie, la liberté, l'égalité et l'autodétermination des peuples, et nous opposer à la guerre d'autodéfense anti-impérialiste. Face à la violence militaire impérialiste, le droit international, la diplomatie ont toujours été impuissants – c'est la résistance armée qui protège. J'appellerai cette position, par opposition au bellicisme de « l'écologie de guerre » libérale[58] comme au pacifisme abstrait des « abolitionnistes de la guerre », l'anti-militarisme anti-impérialiste (qui est donc aussi, nécessairement, un anti-impérialisme armé).

2. Il faut lutter contre le complexe militaro-industriel et imposer un contrôle démocratique des armes pour les mettre à la disposition des luttes anti-impérialistes et antifascistes – autrement dit, il faut à la fois démanteler, reconvertir et socialiser la production d'armes et de technologies militaires. Tant qu'il continuera d'y avoir des guerres impérialistes, la vie et la dignité des personnes dans les pays agressés par les puissances impérialistes continueront de tenir notamment au fait que soit mise à leur disposition des armes – ce qui ne veut pas dire, bien sûr, qu'elles seront toujours utilisées de manière moralement et politiquement soutenable par la résistance. En l'état actuel des choses en Palestine, il semble que seule une intervention militaire – sous la forme par exemple d'une rupture du blocus de l'aide humanitaire sous escorte militaire, c'est le problème que pose en ce moment-même la défense de la Global Sumud Flottila face aux menaces et agressions israéliennes, ainsi que de la livraison d'armes aux forces de la résistance palestinienne – pourrait mettre fin à la famine, au nettoyage ethnique et au génocide organisés par l'Etat d'Israël et ses alliés à Gaza.

Or ce qui vaut pour la Palestine vaut aussi pour l'Ukraine – comme le formulait clairement Gilbert Achcar en décembre 2022 : « Tout le reste découle de là : ceux/celles qui sont pour une paix juste, qui s'opposent aux guerres de conquête tout en soutenant les guerres de libération en tant que guerres de légitime défense, ne sauraient s'opposer à la livraison d'armes défensives aux victimes de l'agression et de l'invasion. »[59] Bien sûr, cette position de principe ne règle pas tous les problèmes, mais au contraire soulève des questions difficiles et concrètes, et notamment : comment faire la distinction entre armes défensives et offensives, et plus généralement entre les armes qu'il faudra démanteler et celles qu'il faudra socialiser ? comment éviter les usages contre-productifs de ces armes, les escalades militaires et l'extension et la mondialisation des conflits ? comment protéger en même temps les populations civiles vivant dans les Etats qui mènent la guerre impérialiste[60] ? Et si on se centre sur les luttes de libération nationale, ou qu'on se projette dans la perspective d'une révolution écosocialiste : que signifie une armée du peuple ou sous contrôle démocratique, et comment éviter que les militaires s'accaparent les décisions et finissent par jouer, comme cela a été si souvent le cas au XXe siècle, un rôle contre-révolutionnaire ? Mais ces questions épineuses, et au sujet desquelles on ne peut que constater un manque de formation collective dans notre camp, ne doivent pas décourager la réflexion stratégique à ce sujet. Au contraire elles signalent qu'il est nécessaire de ne pas laisser la connaissance des questions militaires aux ennemis impérialistes, néolibéraux et néofascistes, et qu'il est besoin d'en proposer une appropriation populaire et écosocialiste.

A cet égard, je suivrai ici le modèle général de la révolution de l'appareil productif dans le cadre d'une décroissance écosocialiste, proposé notamment par Michael Löwy et Daniel Tanuro[61], qu'on peut résumer ainsi : il faut démanteler certaines productions (par exemple le nucléaire) ou réduire drastiquement certains secteurs (par exemple la production de viande), en reconvertir et réorienter d'autres (par exemple l'agro-industrie vers l'agro-écologie) et en socialiser une autre part (par exemple la production de médicaments). Cette stratégie de « démantèlement/redirection/socialisation » doit s'appliquer aussi à la production d'armes. Le Certaines armes et parties de l'industrie militaires doivent, c'est la première dimension de cette stratégie, être démantelées et leur production et livraison interrompues : c'est ce à quoi correspondent, par exemple, les actions syndicales et militantes, tout à fait nécessaires et urgentes, de blocage des ventes et envois d'armes vers Israël[62], ainsi que l'objectif toujours aussi crucial du désarmement nucléaire et de l'abolition des armes nucléaires[63]. Mais ces initiatives, fondamentales, ne peuvent constituer l'ensemble d'une politique antimilitariste et anti-impérialiste, notamment parce que se posent les questions de la redirection des armes vers les luttes anti-impérialistes, d'une part, et de la reconversion des emplois et savoir-faires dans ce secteur pour répondre aux besoins populaires, d'autre part.

La deuxième dimension d'une stratégie écosocialiste concernant la production d'armes, celle de la redirection, signifie à la fois la réorientation de certaines armes vers les besoins d'autodéfense et la reconversion de certains secteurs de l'industrie militaire. D'un côté, la solidarité internationaliste exige qu'on soutienne activement les résistances, armées et non armées, des luttes anti-impérialistes et de libération nationale, comme celles que mènent aujourd'hui le peuple ukrainien contre l'Etat russe qui l'envahit et le peuple palestinien contre l'Etat israélien qui le colonise, l'envahit et le détruit. Dans cette perspective, une partie des armes – par exemple produites en France – devraient être envoyées vers la Palestine, ou utilisées par une coalition militaire visant à mettre fin à la guerre génocidaire contre le peuple palestinien, comme c'est le cas d'une partie de la production d'armes livrée à la résistance ukrainienne. D'un autre côté, aucune forme de démantèlement ou de redirection ne peut se faire sans les travailleurs et travailleuses du secteur, ce qui souligne l'urgence de l'engagement antimilitariste et anti-impérialiste des syndicats, mais aussi nécessite qu'on soutienne les réflexions et initiatives syndicales et des salariées en faveur de la reconversion d'une partie des emplois et technologies du secteur vers d'autres besoins. On mentionnera à cet égard la position de la CGT Thalès au sujet de « La réorientation de l'activité de Thalès vers une plus grande part des activités civiles par rapport aux activités militaires »[64], liée aussi au projet alternatif de sauvegarde et développement de l'activité d'imagerie médicale, notamment sur le site de Moirans en Isère[65].

Cette question de la participation des travailleuses et travailleurs à la redirection écologique de leurs activités – qui est, dans tous les secteurs et à toutes les échelles, centrale, selon moi, dans la perspective de la nécessaire révolution écologique et sociale[66] – souligne la nécessité d'une troisième dimension de la stratégie écosocialiste, celle de la socialisation de la production d'armes. D'abord, parce qu'elle est dans les faits nécessaires au deux premières : c'est seulement un processus de réappropriation du contrôle démocratique sur les armes, et donc leur socialisation économique (démarchandisation) et politique (décision sur les moyens et fins de leur production), qui pourrait permettre effectivement de démanteler la part de l'industrie militaire à abolir et de les rediriger vers les luttes anti-impérialistes. Ensuite, parce que cette socialisation est nécessaire pour que l'enquête, la délibération et la décision populaire puissent déterminer quelle part de l'industrie militaire doit être supprimée, transformée ou mise à disposition des besoins sociaux des populations des pays producteurs comme des pays qui doivent se défendre des guerres impérialistes. Enfin, puisqu'une partie de la production d'armes est nécessaire, il faut qu'elle soit, comme toute production répondant à des besoins sociaux, sous contrôle démocratique. Une telle socialisation ne doit pas être considérée comme une perspective lointaine, reportée au lendemain d'une révolution victorieuse : il s'agit d'un processus qui peut s'ancrer dans des exigences immédiates (par exemple l'utilisation des armes défensives pour escorter les flottilles anti-blocus, ou leur livraison pour soutenir les armées de résistance et les guérillas anti-impérialistes, ou les batailles syndicales pour que ne soient produites que des armes destinées à la défense), qui doit être compris dans un programme de transition et dans une stratégie antimilitariste de longue durée. C'est aussi ce que nous rappellent les guerres en Ukraine et en Palestine – et il faudrait bien entendu analyser aussi concrètement les enjeux des guerres en cours au Yémen et au Soudan, notamment – avec toutes leurs différences et les problèmes politiques que soulèvent les armées et organisations qui y défendent les peuples contre l'impérialisme et le néofascisme : sur le long chemin de l'autodéfense et de la révolution écosocialistes, il y aura malheureusement, qu'on le veuille ou non, de nombreux drones et chars à abattre, et pour cela il faudra des armes.

3. La dernière proposition est la plus importante : les militant.e.s et organisations écologistes, et antifascistes, devraient considérer comme prioritaires le soutien aux luttes anti-impérialistes, qui sont de facto en première ligne du combat contre le capitalisme des catastrophes, qui a déjà commencé son œuvre d'hyperaccélération de la destruction de la nature, de l'exploitation des travailleurs et travailleuses (de la production et de la reproduction) et du développement du néofascisme au niveau mondial. C'est en effet sur le terrain de ces guerres impérialistes que se construisent, tactiquement, les moyens du militarisme environnemental et du technosolutionnisme militarisé, et stratégiquement les projets expansionnistes, suprémacistes et d' « adaptation sélective » – c'est-à-dire, Wim Carton et Andreas Malm ont raison d'employer ce terme, car c'est bien littéralement de l'abandon et du sacrifice des classes populaires qu'il s'agit, de « paupéricide[67] » – qui caractérisent l'alliance entre néolibéraux et néofascistes autour de la poursuite du capitalisme des catastrophes. C'est donc aussi par le soutien aux résistances anti-impérialistes, visant leurs victoires à moyen terme et pour commencer leur résistance dans la durée et les capacités à faire reculer les, que doit passer aujourd'hui une stratégie écologiste et antifasciste au niveau mondial.

De ce point de vue, puisque « le génocide du capitalisme tardif avancé donne des munitions au paupéricide[68] », c'est-à-dire que la guerre Israël et des Etats-Unis contre la Palestine est un tournant vers l'adaptation des plus riches et le sacrifice des pauvres et des racisé.e.s face aux catastrophes climatiques, alors soutenir le peuple palestinien est aussi un moyen de sauver la Terre, comme le soutient à juste titre Andreas Malm. Ou encore, comme l'exprime Adam Hanieh, auteur d'un livre important sur l'histoire du capitalisme fossile[69], dans un article traduit en 2024 par Contretemps : « Nous devons également mieux comprendre comment le Moyen-Orient s'inscrit dans l'histoire du capitalisme fossile, et dans les luttes contemporaines pour la justice climatique. La question de la Palestine est indissociable de ces réalités. En ce sens, l'extraordinaire combat pour la survie que mène aujourd'hui la population palestinienne dans la bande de Gaza représente l'avant-garde de la lutte pour l'avenir de la planète. » Je souscris complètement à cette conclusion importante, à laquelle je pense qu'il faut ajouter : c'est aussi le cas de la lutte anti-impérialiste du peuple ukrainien, qui s'oppose aussi au fascisme fossile de Poutine (et de son principal allié sur la nouvelle scène du capitalisme des catastrophes : Trump), et de toutes les luttes contre les puissances impérialistes (qu'il s'agisse des Etats impérialistes historiques : notamment les États-Unis, la Russie, Israël, la France, ou de ceux en passent de le devenir au niveau mondial, comme la Chine, ou au niveau régional, comme l'Arabie Saoudite ou la Turquie)[70] – y compris bien sûr contre l'impérialisme français dans les pays du Sahel et dans les dernières colonies françaises et notamment en Kanaky.

L'alternative « socialisme ou barbarie » – ou plutôt « écosocialisme ou barbarie » -, et donc aussi « révolution ou cataclysme » est plus que jamais valable. Mais il ne peut être question dans ce processus d'abandonner ni les peuples opprimés des pays des Suds, ni les classes populaires des pays du Nord, dont le sacrifice face aux catastrophes écologiques et sociales est le cœur même de la politique du capitalisme des catastrophes. De ce point de vue, les alliances entre mouvements écologistes, anti-impérialistes, antifascistes, antiracistes, féministes, telles que la coalition Guerre à la guerre, représentent l'avenir du mouvement réel qui doit abolir le capitalisme et l'impérialisme, et pour cela défaire leur stratégie d'adaptation sélective aux catastrophes. A condition d'être concrètement anti-impérialiste, ce qui suppose – c'est un débat en cours dans cette coalition, comme ailleurs, auquel ce texte voudrait contribuer – de ne pas abandonner le terrain militaire aux ennemis, de ne pas abandonner celles et ceux qui sont obligés de faire la guerre pour survivre et résister à la violence du capital et des Empires, et de comprendre la communauté de leur situation et de celle des mouvements sociaux, notamment écologistes et antiracistes, confrontés désormais y compris dans les pays du Nord à la répression militarisée. Cela renvoie, d'une manière générale, à une des principales leçons de Marx, et des mouvements marxistes pour l'émancipation depuis 150 ans : le matérialisme, qui rappelle que « l'arme de la critique ne peut pas remplacer la critique des armes, que le pouvoir matériel ne peut être abattu que par un pouvoir matériel[71] ». C'est-à-dire, pour la question qui nous concerne, qu'il ne faut pas se payer de mots (« abolissons la guerre ! », « finissons-en avec les armes ! »), mais œuvrer concrètement à ce que celles et ceux que les guerres impérialistes veulent soumettre puissent survivre, résister et défaire l'ennemi. C'est alors seulement qu'on pourra défaire le militarisme et ses effets mortifères et écocidaires. Il n'y aura pas de fin à la guerre contre les êtres humains et contre la nature, si on ne défait pas tous les impérialismes.

Notes

[1] La coalition Guerre à la guerre a été initiée par un appel publié le 16 janvier 2025, dont sont extraites les deux citations qui suivent. La première citation est extraite de la présentation de la coalition, qui regroupe les organisations suivantes (premiers signataires) : Action Antifasciste Paris Banlieue, Assemblée féministe Paris Banlieue, Collectif Vietnam Dioxine, Comités étudiants pour la Palestine, Contre Attaque, CSP 75, Désarmons les Féministes révolutionnaires, Gilets noirs, Inverti-es, Kessem, Lectures anti-impérialistes, Le nuage était sous nos pieds, Le Poing levé, Marche des Solidarités, Palestine Action, Relève féministe, Réseaux antifascistes régionaux, Réseau Vérité et Justice, Samidoun, Soulèvements de la Terre, Soulèvements de Mars, Stop Arming Israel France, Survie, Technopolice Marseille, Tsedek !, UJFP, Urgence Palestine, Young Struggle. Voir en ligne : https://guerrealaguerre.net/

[2] Toujours dans l'appel de la Guerre à la guerre, on trouver cet important rappel à propos de la « logistique de leurs guerres » : « Car celles-ci reposent sur des infrastructures matérielles, des institutions financières, des centres de recherche et développement, des laboratoires, des bureaux, des usines, des chantiers, des centres de formation et d'entraînement, des stands de recrutement, de la publicité, des salons ».

[3] Voir notamment le chapitre 4 du livre important de Razmig Keucheyan, La nature est un champ de bataille. Essai d'écologie politique, Paris, La Découverte, 2014, qui utilise le terme de « militarisation de l'écologie » pour désigner ce que j'appellerai ici « militarisme environnemental ».

[4] Une partie de cet article reprend les arguments présentés, de manière plus académiques, dans Alexis Cukier, « Guerre impérialiste, destruction écologique et capitalisme des catastrophes. Perspectives écomarxistes sur le tournant mondial des années 2020 », in Alexis Cukier et Arnaud François-Mansuy (dir.), Ecologie et philosophie politiques, à paraître.

[5] Voir Benjamin Bürbaumer, Chine / États-Unis, le capitalisme contre la mondialisation, Paris, La Découverte, 2024.

[6] On rappellera que le fondateur de l'écomarxisme James O'Connor avait, dès la fin des années 1980, anticipé un « scénario selon lequel la destruction de l'environnement peut conduire à de vastes nouvelles industries conçues pour le restaurer » (James O'Connor, « Capitalism, Nature, Socialism : A Theoretical Introduction », Capitalism Nature Socialism, vol. 1, 1988).

[7] Comme le montre Claude Serfati, « la détérioration de la conjoncture économique depuis 2008 est un puissant vecteur de développement de la militarisation de la planète » (Claude Serfati, Un monde en guerres, Paris, Textuel, 2024, p. 248).

[8] Je reprends le terme de Gilbert Achcar, Gaza, un génocide annoncé. Un tournant dans l'histoire mondiale, Paris, La Dispute, 2025.

[9] Mike David, « Who will build the Ark ? », New Left Review, n° 61, janvier-février 2010, p. 38, je traduis.

[10] Cette hypothèse ne doit pas être confondue avec celle du « capitalisme du désastre » de Naomi Klein (La stratégie du choc. La montrée du capitalisme du désastre, Arles, Actes Sud, 2008), caractérisée par les opérations politiques d'instrumentalisation des crises, ni avec celle du « capitalisme de l'apocalypse » de Quinn Slobodian (Le capitalisme de l'apocalypse. Le rêve d'un monde ou le rêve d'un monde sans démocratie, Paris, Seuil, 2025), caractérisée par les opérations de dérégulation économique et leur idéologie. La différence réside notamment dans le peu d'importance accordée par ces argumentations aux catastrophes écologiques, et dans le fait qu'elles portent principalement sur la période précédente du capitalisme, le néolibéralisme, né dans les années 1970 et dont on fait ici l'hypothèse qu'elle s'achève dans les années 2020.

[11] Jean-Baptiste Fressoz et Christophe Bonneuil, L'évènement Anthropocène. La Terre, l'Histoire et Nous, Paris, Seuil, 2016, p. 145.

[12] Je développe cette thèse dans le chapitre « Guerre et impérialisme » d'un ouvrage Écologie politique du travail vivant. Catastrophes, écomarxisme et révolution, à paraître aux Editions sociales.

[13] Scientists for Global Responsibility and the Conflict and Environment Observatory, « Estimating the Military's Global Greenhouse Gas Emissions », en ligne, 2022, p. 2.

[14] Oliver Belcher, Patrick Bigger, Ben Neimard, Cara Kennelly, « Hidden carbon costs of the ‘everywhere war' : Logistics, geopolitical ecology and the carbon boot-print of the US military », Transactions of the Institute of British Geographers, vol. 45, 2020.

[15] Charles Closmann (dir.) War and the Environment, Austin, University of Texas Press, 2009.

[16] Neta Crawford nomme « cycle profond » cette interaction entre dépendance des armées aux énergies fossiles et stratégies militaires centrées sur la sécurisation des sources d'hydrocarbure dans le cas de l'armée états-unienne dans The Pentagon, Climate Change, and War : Charting the Rise and Fall of U.S. Military Emissions, Cambridge, MIT Press, 2022.

[17] Voir notamment Timothy Mitchell, Carbon Democracy : Political Power in the Age of Oil, Londres, Verso, 2011 ; Andreas Malm, Fossil Capital. The Rise of Steam Power and the Roots of Global Warming, Londres, Verso, 2016 ; Adam Hanieh, Crude Capitalism. Oil, Corporate Power and the Making of the World Market, Londres, Verso, 2024.

[18] Rachel Carson, Printemps silencieux [1962], Marseille, Wildproject, 2009, p. 49.

[19] Voir notamment Adrien Estève, Guerre et écologie. L'environnement et le climat dans les politiques de défense, Paris, PUF, 2022.

[20] The White House, « A National Security Strategy of Engagement and Enlargement », en ligne, juillet 1994, p. 15, je traduis.

[21] Razmig Keucheyan, La nature est un champ de bataille, op. cit., p. 16.

[22] Voir ibid., p. 19-85.

[23] Ian Angus, Face à l'Anthropocène. Le capitalisme fossile et la crise du système terrestre, Montréal, Ecosociété, 2018, p. 216-220.

[24] « Nous devrions planifier l'adaptation à au moins 4 degrés de réchaufffement » (Martin Parry, Jason Lowe, Hanson Clair, , « Overshoot, Adapt and Recover », Nature, n° 458, 2009, cité dans l'important livre de Wim Carton et Andreas Malm, Overshoot. How the World Surrendered to Climate Breakdown, Londres, Verso, 2024.

[25] « The World Is Going to Miss the Totemic 1.5°C Climate Target », éditorial de The Economist, 5 novembre 2022, cité ibid., p. 97.

[26] Christian Parenti, « The Catastrophic Convergence : Militarism, Neoliberalism and Climate Change », in Buxton Nick et Hayes Ben (éd.), The Secure and the Disposessed, Londres, Pluto Press, 2016, p. 33, je traduis.

[27] Voir Stand Speak Rise Up, We Are Not Weapons of War et Women's Information Consultative Center, White Paper. Conflict-Related Sexual Violence in Ukraine : Where Are We Now ?, novembre 2024.

[28] Humanitarian Research Lab at Yale School of Public Health, « Russia's systematic program of coerced adoption and fostering of Ukraine's children », 3 décembre 2024.

[29] Voir notamment Darya Tsymbalyuk, Ecocide in Ukraine. The Environmental Cost of Russia's War, Cambridge, Polity Press, 2025.

[30] Voir Karine Clément, Denys Gorbach, Hanna Perekhoda, Catherine Samary et Tony Wood, L'invasion de l'Ukraine. Histoire, conflits et résistances populaires, Paris, La Dispute, 2022.

[31] Simon Pirani, « The causes of the war in Ukraine », Labour Hub, 17 octobre 2022.

[32] Voir Gustafson Thane, Wheel of Fortune. The Battle for Oil and Power in Russia, Cambridge (MA), Harvard University Press, 2017.

[33] Thane Gustafson, Klimat. Russia in the Age of Climate Change, Cambridge (MA), Harvard University Press, 2021, p. 3-4, je traduis.

[34] Ibid., voir le chapitre 8 « A Tale of Two Arctics »..

[35] Ibid., p. 221-224.

[36] Amnesty International, « ‘You feel like you are subhuman'. Israel's genocide against Palestinians in Gaza », 5 décembre 2024, p. 283, je traduis.

[37] « Gaza : UN expert denounces genocidal violence against women and girls », UN Human Rights, 17 juillet 2025.

[38] Sara Ihmoud, « Countering Reproductive Genocide in Gaza : Palestinian Women's Testimonies », Native American and Indigenous Studies, vol. 12, 2025.

[39] Paul Kohlbry, « Agrarian Annihilation : Israel's war on Gaza is war upon both land and people », Agrarian Conversations. Journal of Peasant Studies, 2021.

[40] Voir notamment United Nations Environment Program, « Environmental Impact of the Conflict in Gaza : Preliminary Assessment of Environmental Impacts », 18 juin 2024, je traduis.

[41]Andreas Malm, Pour la Palestine comme pour la Terre. Les ravages de l'impérialisme fossile (2025), trad. Étienne Dobenesque, Paris, La Fabrique, 2025, p. 97.

[42] Ibid., p. 79.

[43] Adam Hanieh, « (Re)contextualiser la Palestine : Israël, les pays du Golfe et la puissance US au Moyen-Orient », Contretemps. Revue de critique communiste, 8 juillet 2024.

[44] « Donald Trump, Benjamin Netanyahu full joint press conference (Feb. 4, 2025) », WFAA, 5 février 2025, je traduis.

[45] Ce plan, rendu public le 3 mai 2024, et qui comprend le projet de réseau ferroviaire précédemment mentionné, est accompagné « d'images générées par intelligence artificielle représentant des gratte-ciel ultramodernes, des plateformes pétrolières en mer, des champs d'énergie solaire, ainsi que divers éléments illustrant une vision technocratique standardisée du progrès urbain » (Wagner Kate, « The awful plan to turn Gaza into the next Dubai », The Nation, 9 juillet 2024, je traduis).

[46]

Le PQ entre deux crises

16 septembre, par Benoît Renaud — ,
Les sondages des derniers mois indiquent que le Parti québécois se dirige probablement vers un retour au gouvernement. Ses victoires aux élections partielles vont dans le même (…)

Les sondages des derniers mois indiquent que le Parti québécois se dirige probablement vers un retour au gouvernement. Ses victoires aux élections partielles vont dans le même sens. Au lendemain de l'élection générale de 2022, on pouvait penser que le PQ était sur son lit de mort, avec seulement trois députés et le pire résultat de son histoire. Que s'est-il passé depuis trois ans et qui expliquerait un tel revirement de situation ? Que penser de la promesse du PQ de tenir un référendum sur la souveraineté durant un premier mandat ? Sommes-nous vraiment à la veille de réaliser l'indépendance ou serions-nous plutôt au milieu d'une pause dans le déclin à long terme du PQ ?

15 septembre 2025

D'abord, examinons de plus près ces sondages. Le site QC125 de projection électorale prévoit un gouvernement péquiste majoritaire mais avec seulement 30% des voix. C'est la division du paysage politique en cinq blocs, combinée avec le mode de scrutin, qui font en sorte qu'un parti peut former un gouvernement majoritaire avec trois votes sur 10. Ce résultat est symétrique à celui de la CAQ qui pourrait se retrouver avec aucun député malgré des appuis à 17%.

En fait, le revirement de situation, depuis l'automne 2023 marqué par les grèves dans le secteur public, est un déclin de la CAQ allant de pair avec la montée du PQ. On ne devrait pas sous-estimer cette mobilisation dans notre évaluation de la présente période. C'était la plus grande mobilisation syndicale au Québec depuis les années 1970 et le gouvernement Legault a tout fait pour miner sa propre crédibilité en présentant des offres ridicules au début, puis en cédant progressivement face à la mobilisation. Ce faisant, il s'est aliéné tant les travailleuses et les travailleurs du secteur public (avec leurs familles et leurs ami.e.s) que la classe patronale. L'augmentation de salaires de 30% pour les député.e.s est venue juste au bon moment pour achever le processus.

Plus récemment, la baisse des appuis pour la CAQ semble profiter aussi aux libéraux. Bref, la coalition hétéroclite qui avait mené la CAQ au pouvoir il y a sept ans semble se désagréger, ramenant la CAQ dans une zone d'appuis semblable à ceux de l'Action démocratique du Québec (ADQ), tandis que la polarisation PQ-PLQ semble revenir au premier plan.

Pendant ce temps, à Québec solidaire, après les succès relatifs de 2018 et 2022, on se présentait comme l'opposition de fait face au gouvernement de la CAQ. Une polarisation CAQ/QS pouvait être envisagée comme la voie de l'avenir. Certains pouvaient même espérer présenter le parti comme une alternative gouvernementale plausible. Mais les récents sondages placent QS en 4e ou 5e position, disputant l'avant-dernière place au Parti conservateur. Que s'est-il produit ?

Comme c'est souvent le cas en politique québécoise, c'est la dynamique combinant les questions nationale et sociale qui conditionne le système des partis et leur évolution. Autrement dit, l'enjeu de la place du Québec dans l'État canadien est toujours présent, de même que les mobilisations sociales et le rapport de force entre les classes.

Les contradictions profondes du péquisme

Le PQ a toujours été aux prises avec une contradiction impossible à résoudre. Il affirme être le véhicule de la lutte pour l'indépendance du Québec, un changement majeur qu'on pourrait qualifier de révolution politique. Mais il hésite profondément à remettre en cause les institutions ou à se confronter à la résistance acharnée de l'État canadien et des forces sociales qui voient leur intérêt dans le maintien de son unité. Les leaders péquistes, au-delà de leurs différences de tactique ou de style, ont en commun un rejet d'une stratégie consistant à mobiliser la majorité de la population en défense de ses intérêts bien compris. Il n'est pas question de faire de la lutte pour l'indépendance une lutte de classe. Bref, le PQ prétend apporter un grand changement, mais sans que rien ne change ; il se veut toujours rassurant. La campagne référendaire de 1995 était emblématique à cet égard, en mettant l'accent sur la continuité entre la situation actuelle et celle résultant d'une éventuelle victoire du OUI.

C'est cette contradiction qui est à la source des fluctuations constantes dans la posture du PQ sur la question du référendum. Parfois, on reporte l'échéance aux calendes grecques. Parfois, on promet de tenir un référendum dès que possible. Parfois on dit qu'on en tiendra un si on pense pouvoir gagner. Présentement, c'est l'engagement à un référendum durant un premier mandat qui est au programme, comme en 1976 et en 1994. Mais ce positionnement a été plus l'exception que la règle dans l'ensemble de la vie du parti.

Un paysage politique dense et mouvant

On peut s'attendre à ce que la CAQ et le PLQ fassent du rejet du référendum un message central de leur campagne en 2026. La CAQ se présentera comme l'option nationaliste raisonnable et le PLQ comme les fédéralistes authentiques. Pour QS, une vision différente de l'indépendance, tant sur le plan du pourquoi que du comment, sera essentielle. Nous y reviendrons. Le Parti conservateur ne semble pas avoir grand chose à dire sur le sujet, ce qui explique en bonne partie sa difficulté à dépasser le vote de protestation marginal et à faire élire des député.e.s

D'un point de vue social, le PQ se présente comme un peu plus progressiste que la CAQ et le PLQ, mais avec peu d'engagements significatifs. On comptera sur le rejet des politiques d'austérité de la CAQ et des Libéraux par la majorité de la population et sur l'histoire des politiques progressistes mises en place (au siècle précédent…) par des gouvernements péquistes pour protéger son flanc gauche. Québec solidaire, qui vient d'adopter un plan de mobilisation sur le thème “un Québec solidaire de ses travailleuses et ses travailleurs”, va devoir travailler fort pour se distinguer en occupant le plus possible d'espace à gauche. Les Libéraux sont déjà bien identifiés comme le parti du monde des affaires. La CAQ, dont la députation est composée pour l'essentiel de patrons, après avoir gouverné comme des Libéraux pendant deux mandats, n'arrivera pas à se distinguer sur ce plan, ce qui laisse de la place sur sa droite pour la montée des conservateurs.

Le piège du pouvoir

Alors que la division du paysage politique et le mode de scrutin permettent d'envisager une victoire électorale du PQ avec 30% des votes, tandis que les appuis à la souveraineté restent stables autour de 35% depuis des années, on peut parier sur le fait que le futur probable premier ministre va devoir se rendre à l'évidence qu'il n'est pas sur le point de réussir là où René Lévesque et Jacques Parizeau ont échoué. L'échéance référendaire sera repoussée et la base péquiste sera accablée par un mélange de résignation et de démoralisation.

En fait, il faut obtenir deux fois plus de votes pour gagner un référendum que pour gagner une élection, étant donné l'augmentation marquée du taux de participation lors des référendums. Même si on ajoutait les 10% présentement annoncés pour Québec solidaire aux 30% du PQ, on est loin du compte. On doit ajouter à cela qu'environ la moitié des intentions de vote pour QS et le tiers des votes pour le PQ viennent de personnes qui ont l'intention de voter Non à la souveraineté.

Deux scénarios nous semblent improbables dans ce contexte. Le leader péquiste pourrait difficilement mettre de côté sa promesse de référendum avant ou pendant la campagne électorale. C'est cette promesse qui tient ensemble l'édifice fragile de son parti. Aller de l'avant avec un référendum quand tout indique qu'il serait perdant est aussi improbable. Personne ne veut assumer la responsabilité pour une troisième défaite, qui serait encore plus démoralisante que la décision de reporter l'échéance à un avenir indéfini.

L'élection d'un gouvernement péquiste sera donc le point culminant d'une parenthèse dans le développement de la crise profonde de ce vieux parti. Tôt ou tard, la réalité finira par le rattraper.

Pour la gauche : patience et honnêteté

Comment Québec solidaire devrait-il se positionner dans ce contexte ? D'abord, la complaisance avec le leadership du PQ et les illusions que celui-ci entretient par intérêt partisan est à écarter. On peut bien dire, hypothétiquement, que s'il y a un référendum, nous serons dans le camp du OUI. Mais en mettant l'accent sur le fait qu'il n'y en aura pas ! Il faut être brutalement honnête et affirmer clairement que le PQ s'apprête, au mieux, à trahir sa promesse, et au pire, à nous entraîner dans une défaite encore pire que celles de 1980 et 1995.

Il faut rappeler que c'est le PQ lui-même qui est responsable de cette situation, étant donné qu'il incarne toujours, pour la majorité de la population, le projet d'indépendance. C'est lui qui a échoué à renouveler la stratégie et les arguments souverainistes depuis 30 ans. C'est lui qui a convaincu bien des gens de tourner le dos au projet national, d'abord avec ses politiques de droite sur les questions sociales et économiques (le libre-échange, le déficit zéro, le virage ambulatoire…). Ensuite, et surtout, à cause de ses politiques discriminatoires (la Charte des valeurs) et xénophobes (blâmer l'immigration) depuis 2007.

Tous ces messages seront difficiles à entendre pour une base péquiste qui tente présentement de se convaincre elle-même que nous sommes à la veille du grand soir. Mais on se souviendra de la franchise des solidaires, seule base possible pour une éventuelle relation de confiance.

Ensuite, on doit mettre de l'avant, fièrement et avec conviction, notre vision stratégique. Pour que l'indépendance se réalise, il faut d'abord rallier la majorité de la population autour d'un projet de transformation politique, économique et sociale enthousiasmant. On veut mettre un pays au monde pour changer le monde. Ce projet, il appartiendra également à toutes les personnes qui vivent au Québec, peu importe leurs origines, leurs croyances et leurs habitudes vestimentaires. Il ira de pair avec l'autodétermination des 11 nations avec lesquelles nous partageons le territoire de la province de Québec.

Ce projet s'incarnera dans une constitution rédigé par une assemblée élue pour cette tâche, suite à une vaste consultation populaire. Le référendum viendra conclure cette démarche démocratique. pas donner un chèque en blanc au gouvernement pour négocier une nouvelle entente au sommet.

Pour que ce projet se réalise, il faut que Québec solidaire devienne le principal parti indépendantiste et reprenne le flambeau que le PQ va laisser tomber prochainement. Malheureusement, Québec solidaire aussi va devoir passer par une période difficile, suite aux prochaines élections, avant de jouer ce nouveau rôle historique. Avec une baisse probable de son vote populaire en 2026, toute la période allant de la prochaine élection générale à celle de 2030 sera ardue. On doit s'y préparer en gardant en tête notre vision à long terme, nos valeurs et notre engagement collectif.

Benoit Renaud
15 septembre 2025

Remaniement du gouvernement Legault : à droite toute !

16 septembre, par Yves Bergeron — ,
Secoué par des scandales qui sentent la corruption et l'incompétence, le gouvernement Legault renoue avec son passé adéquiste et rejoint le PQ et le Parti conservateur dans une (…)

Secoué par des scandales qui sentent la corruption et l'incompétence, le gouvernement Legault renoue avec son passé adéquiste et rejoint le PQ et le Parti conservateur dans une rhétorique de droite dure que ne renierait pas tout trumpiste qui se respecte.

Les mouvement sociaux, les centrales syndicales en premier, n'y constatent qu'une suite logique du passé récent alors qu'on pourrait aussi voir un saut qualitatif dans l'offensive d'un gouvernement qui refuse de mourir sans combat. Le gouvernement Legault est en crise et un simple jeu de chaises musicales ne suffira pas à remettre le parti sur les rails de la popularité. Pourtant, le programme annoncé par le premier ministre ressemble en tout point à un cri de guerre contre tout ce qui ressemble à une politique populaire. C'est le train illibéral qui fonce à toute vitesse et, telle une bête blessée, montre les dents et souhaite ouvrir toute grande la porte du capitalisme décomplexé. Tout obstacle doit être éliminé.

Basta les normes environnementales qui ralentissent les projets. Basta les dépenses sociales que refusent de payer les grandes corporations. Attaques contre les droits syndicaux. Le gouvernement Legault souhaite construire l'autoroute qu'emprunteront les entreprises sans les obstacles que constituent les cadres règlementaires, les obligations fiscales, les comptes à rendre… Que ça finisse en catastrophe comme la filière batterie ou le virage numérique à la SAAQ, la CAQ fonce tête baissée. Ce gouvernement a une tâche à accomplir : ouvrir le chemin à une nouvelle reprise de l'économie capitaliste dans le contexte de la guerre commerciale avec les Etats-Unis et les multiples crises qui grèvent le système. Et cette reprise passe par une plus grande ouverture à l'extractivisme et à l'exploitation des ressources. C'est le sens des projets de loi sur la forêt, la croissance de la production d'énergie et les intentions de relance de la filière des hydrocarbures.

En réaction aux annonces du gouvernement Legault, les centrales syndicales maintiennent le cap collaborationniste malgré le ton résolument guerrier du premier ministre. Les réactions ne sont pas à la hauteur du défi que leur lance François Legault. Aux confrontations souhaitées par ce gouvernement en perdition, les syndicats lancent plutôt des appels au dialogue et à la concertation qui ne feront pas plier le gouvernement.

Pour la CSN, c'est « bonnet blanc, blanc bonnet ». La centrale y voit un gouvernement « de gens d'affaires déconnectés des besoins de la population » et conclut que seules des élections générales « permettront à la population d'élire un gouvernement qui saura se mettre en action pour répondre aux besoins réels du Québec. » Bref, nous devront prendre notre mal en patience d'ici octobre 2026 sans perspectives de riposte de la rue.

La FTQ voit dans les attaques de la CAQ contre les organisations syndicales une façon de faire diversion face aux échecs de son gouvernement tout en déchirant le modèle québécois au passage. Elle déplore que le gouvernement « brise le dialogue social, sème la discorde dans la société québécoise pour finalement annoncer le chaos »

À la CSQ, on souligne que « peu importe le porteur de dossier, si les orientations politiques et stratégiques du gouvernement demeurent les mêmes, ce sont encore des mois difficiles qui nous attendent. » La centrale souhaite « sincèrement qu'il ne cherche pas à affronter les syndicats pour tenter de remonter dans les sondages. Jouer la carte populiste et museler le contre-pouvoir et la critique pour mousser sa popularité en vue des élections, ce serait une grave erreur. »

La FIQ « exhorte le ministre de la Santé Christian Dubé à revoir certaines de ses priorités. » Elle déplore l'état de chaos dans lequel se retrouve le réseau de la santé malgré les belles promesses du ministre Dubé avec son agence Santé Québec. La centrale souhaite que la dernière année du ministre serve « à répondre aux besoins et préoccupations des patient-e-s et des professionnelles en soins. » L'APTS quant à elle tend la main au gouvernement et se dit prête à collaborer avec le nouveau personnel du gouvernement Legault.

Les syndicats du milieu de l'éducation affiliés à la CSN se disent soulagés par le départ de Bernard Drainville mais ils affirment qu'il est« difficile de croire que Mme Lebel incarnera le changement, elle qui contrôlait les finances lors des compressions et des gels d'embauche dans les écoles. » La FSE-CSQ souhaite rebâtir des ponts avec la nouvelle ministre Sonia Lebel dont la nomination est vue d'un bon œil.

D'autres regroupements syndicaux ont fait état de leur réaction au remaniement sans remettre en question l'approche « on rebâtit des ponts et on renoue le dialogue et tous regrettent le ton belliqueux du gouvernement ». La Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ-CSQ), le Syndicat des professionels et professionnelles du gouvernement du Québec (SPGQ), la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) ou encore la Fédération québécoise des professeurs et professeures d'université (FQPPU) vont tous dans ce sens.

En bref, il semble que les directions syndicales sous-évaluent la volonté du gouvernement Legault d'en découdre avec les organisations qui peuvent représenter un contre-pouvoir et des sources de résistance à l'offensive pro-patronale que mijote la CAQ pour freiner sa descente dans les sondages. À contrario, un mouvement inter-centrales devrait être mis sur pied avec concertation avec les organisations féministes, écologistes et étudiantes pour poser véritablement un défi à la CAQ tout comme au PQ qui aspire au pouvoir et au Parti conservateur qui fait dans le même discours. Un tel mouvement serait tout aussi utile afin de mettre à mal les « grands projets » de Mark Carney du même acabit. Québec solidaire qui souhaite prendre partie pour les travailleurs et travailleuses devrait saisir la balle au bond et faire de la protection du droit de grève et des acquis syndicaux une campagne massive en direction des organisations populaires.

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Les raisons qui justifient la décroissance au Canada

16 septembre, par Omer Tayyab — ,
Commençons pas rappeler les derniers événements climatiques : des incendies fulgurants traversent Los Angeles consument des hectares de terrains et réduisent des centaines de (…)

Commençons pas rappeler les derniers événements climatiques : des incendies fulgurants traversent Los Angeles consument des hectares de terrains et réduisent des centaines de maisons en cendres, à Valence en Espagne les inondations submergent des quartiers entiers, emplissent les maisons de boue et les autos se retrouvent empilées les unes sur les autres. Plus près de nous, Jasper a été réduite en ruines fumantes, ses meilleurs attraits anéantis.

Omer Tayyab, Canadien Dimension, 15 août 2025
Traduction, Alexandra Cyr

En plaçant ces événements dans un contexte plus large, nous voyons qu'autour de la planète, les écosystèmes s'effondrent. Chaque jour qui passe nous éloigne des buts de l'accord de Paris qui visait à limiter la progression du climat à 1,5 degrés Celsius. Nous vivons dans une époque d'extinction de masse où la biodiversité diminue à un rythme alarmant. Le courant de circulation méridienne de retournement de l'Atlantique, un courant déterminant pour la civilisation humaine, est au bord de l'effondrement.

Ces développements ne se produisent pas dans le vide. Leur sévérité est liée à notre système mondial de production et de consommation qui est déterminé par la croissance de l'économie (mesuré par le PIB) pour rester viable. D'autres effets négatifs sur l'environnement ont été étroitement liés à la croissance du PIB qui signifie toujours une ponction plus dure sur la planète. Les scientifiques ont identifié neuf lignes à ne pas dépasser ; six d'entre elles l'ont déjà été avec cette recherche constante de la croissance (économique) sur une planète limitée (en ressources).

De toute urgence il nous faut une nouvelle approche économique, une qui ne repose pas sur une croissance sans fin et qui respecte les besoins humains et l'environnement.

La décroissance offre ce genre d'alternative : une économie assise sur la juste satisfaction des besoins, où la production est orientée sur cet objectif et qui promeut le bien-être dans l'harmonie avec la nature. Pour y arriver il faudra réduire notre consommation matérielle et d'énergie. Ainsi nous serons en phase avec les limites écologiques planétaires.

La logique de la décroissance met fin aux productions moins nécessaires et dommageables. La mode éphémère, l'obsolescence programmée, la publicité, les ventes d'armes, les jets privés, les yachts privés et les VUS deviennent hors-jeu pendant que les biens de première nécessité comme l'alimentation, le logement, les soins de santé, sont assurés par une production en accord avec l'écologie. La recherche a démontré que des fondements solides pour une bonne vie pour tous et toutes est possible avec une empreinte écologique bien moins importante.

La plus grande partie de la consommation d'énergie et matérielle est le fait d'une minorité riche. Cela veut dire qu'une décroissance planifiée aurait peu d'impact sur la majorité des populations. Par exemple au Canada, en 2024, les 20% des foyers les plus aisés disposaient de sept fois plus de revenus que les 20% les moins riches. Cela prouve que l'idée répandue que la décroissance est politiquement irréaliste et invraisemblable ne tient pas puisque les réductions n'affecteraient principalement que les plus riches.

La décroissance est aussi réaliste technologiquement puisqu'elle repose sur les ressources et les infrastructures que nous avons déjà plutôt que se fier à des ajustements techniques spéculatifs ou non encore mis à l'épreuve. Alors que les techniques de captures et séquestrations du carbone et de la géo ingénierie promues par les optimistes de la technologie sont toujours expérimentales et incertaines, la décroissance vise la réduction de la consommation d'énergie et des matériaux par des moyens pratiques qui ont fait leurs preuves comme l'efficacité énergétique, l'agriculture durable et la production localisée.

Aujourd'hui, toute critique de la croissance est perçue comme sacrilège parce que la croissance de PIB est devenue synonyme de meilleurs standards de vie. C'est pourquoi les économistes se sont rabattus.es sur une solution improbable pour pousser la croissance du PIB : la productivité ouvrière. Ils font ainsi une grave erreur parce que le PIB est devenu une mauvaise mesure de la richesse des nations. Il se peut que la croissance soit un moyen acceptable dans les pays pauvres mais pas dans un pays comme le Canada.

Le PIB et la productivité n'ont jamais été conçus pour mesurer le bien-être humain et social. On en a un exemple criant aux États-Unis. Dans les discussions au Canada on les présente souvent comme un modèle de productivité du travail. Mais leurs performances sont bien pires qu'au Canada quant à plusieurs indicateurs déterminants dans le bien-être social. Par exemple, dans le développement humain, pour les inégalités et le niveau de santé, malgré un bien plus important PIB per capita et une croissance bien plus élevée au cour des années récentes (que celle du Canada). Cela s'explique parce que le PIB mesure la productivité, le volume et l'efficience de la production, pas son contenu. En d'autres mots, ces mesures présentent des apparences de production « meilleure » que celle de la médecine parce ce qu'elles génèrent plus de profits pour la même quantité de travail.

La focalisation sur la croissance du PIB a bien sûr généré des politiques nuisibles. Ainsi, le précédent gouvernement fédéral a investi 34 milliards de dollars dans l'expansion de l'oléoduc Trans Mountain sans tenir compte des revendications des Premières nations, de l'écologie des environs et de l'augmentation des gaz à effet de serre découlant de l'augmentation de la production des énergies fossiles. L'actuel gouvernement a déclaré être dans une approche semblable et a promis plus de ressource pour l'extraction et un assouplissement de la régulation. Et cela se produit alors que la recherche scientifique montre clairement qu'il faut réduire cette production et renforcer le système de santé pour venir à bout de la crise climatique. Mais la poursuite sans fin de productivité et de croissance nous dirige directement dans le sens contraire.

Nous pouvons choisir de réorienter notre système économique dès maintenant et avoir une planification démocratique. Autrement, les crises de notre époque vont nous submerger. Nous ne pouvons nous payer le luxe de perdre du temps avec des distractions comme les débats sur la productivité tout comme nous ne devons pas tomber dans la propagande du « green washing » que nous servent les producteurs.trices des énergies fossiles.

La seule voie raisonnable pour avancer est la décroissance.

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L’assassinat de Charlie Kirk est une tragédie et un désastre

16 septembre, par Ben Burgis, Meagan Day — ,
L'assassinat de Charlie Kirk menace d'encourager l'extrême droite et de fournir à Donald Trump un prétexte pour écraser la dissidence. L'escalade de la violence politique (…)

L'assassinat de Charlie Kirk menace d'encourager l'extrême droite et de fournir à Donald Trump un prétexte pour écraser la dissidence. L'escalade de la violence politique corrode les normes démocratiques et pose une menace particulière pour la gauche. La mort de Charlie Kirk apparaît comme une nouvelle preuve que la frénésie violente des États-Unis entre en collision frontale avec le tribalisme déshumanisant de notre culture politique.

9 septembre 2025 | tiré de Jacobin
https://jacobin.com/2025/09/charlie-kirk-murder-political-violence

Dans les pages de ce magazine, Charlie Kirk n'a jamais reçu un accueil chaleureux. Cela n'a désormais aucune importance. Son assassinat est une tragédie. Moralement, il est injustifiable. Politiquement, il est extrêmement préoccupant. Une spirale de violence politique croissante constituerait une catastrophe pour la gauche.

Au moment où nous écrivons ces lignes, personne ne connaît l'idéologie ou les motivations du tireur. Mais certains points essentiels sont déjà clairs.

Personne ne devrait être tué en guise de punition pour une expression politique, aussi répréhensible soit-elle. Au-delà de notre répulsion fondamentale pour la violence, nous sommes aussi des partisans de la démocratie, qui repose sur la liberté d'expression et l'ouverture du débat. Sans cela, l'autogouvernement collectif est impossible et la tyrannie devient inévitable. Réduire au silence des opposants politiques par la force brute — qu'il s'agisse de répression d'État ou d'assassinats commis par des individus isolés — sape un principe auquel les socialistes démocratiques ont toujours tenu.

De plus, la perspective d'une dérive vers une violence politique de représailles réciproques est une évolution inquiétante, qui menace de réduire l'espace d'une action politique significative. Cela augure mal pour la culture politique dans son ensemble, et en particulier pour la gauche. Nous disons régulièrement des choses que d'autres trouvent extrêmement choquantes, et nous nous attendons à être confrontés à des contre-arguments vigoureux — pas à des représailles violentes. Bien que la violence politique ait toujours existé en marge, cette attente s'est généralement révélée raisonnable. Nous semblons avoir vécu sur la base d'un consensus fragile : dans une culture par ailleurs extraordinairement violente, les dirigeants et commentateurs politiques étaient pour la plupart épargnés. Ce consensus semble désormais s'effriter, avec des implications glaçantes.

Les assassinats — tentés ou réussis — de responsables politiques sont en augmentation, tout comme les meurtres motivés politiquement visant des personnes moins connues. Bien que ce type de violence provienne de tout l'éventail politique, la droite en a été responsable dans une bien plus grande proportion que la gauche depuis plusieurs décennies. Ces dernières années, les assaillants semblent de plus en plus issus d'une population américaine politiquement confuse, mentalement perturbée et lourdement armée, dont la paranoïa générale et la désorientation se mêlent à une culture politique incohérente mais férocement polarisée. Même la violence armée de masse, courante aux États-Unis, prend une dimension politique croissante : là où les tueurs de masse scolaires d'autrefois s'enfermaient dans un nihilisme dépolitisé, ceux d'aujourd'hui inscrivent des slogans contradictoires sur leurs armes.

L'assassinat de Charlie Kirk apparaît déjà comme une nouvelle preuve que la frénésie violente des États-Unis se heurte de plein fouet au tribalisme déshumanisant de la culture politique. Cette combinaison toxique menace de corroder gravement les normes démocratiques et d'éteindre tout espoir de progrès à gauche.

Répression en vue

Kirk dirigeait une machine de propagande politique bien financée, diffusant un message simple. Les « libéraux », les « radicaux » et les « socialistes » — distinctions rarement faites — détruisaient le pays. Les universités étaient des usines d'endoctrinement gauchistes. L'Amérique était submergée par des immigrés violents. Les femmes devaient se consacrer à la sphère domestique. Les États-Unis étaient une nation chrétienne et devaient le rester. Donald Trump était une force du bien.

Il y a quatre ans, l'un de nous (Ben) avait débattu avec Kirk sur le thème « Socialisme démocratique contre populisme conservateur ». Ses positions ont depuis évolué dans une direction encore plus inquiétante, flirtant avec des formes plus brutales de nationalisme et de xénophobie. Mais déjà en 2021, la substance de ses arguments était indéfendable. Sous le masque du « populisme », il défendait des positions dignes de la page éditoriale du Wall Street Journal. Il s'opposait fermement à toute avancée vers une société plus égalitaire, comme l'assurance maladie universelle ou le renforcement du mouvement ouvrier.

Pourtant, il ne recourait pas aux attaques personnelles. Il restait sur le fond des arguments, évitant les coups bas et laissant à Ben l'espace de souligner la contradiction entre sa rhétorique populiste et la substance inégalitaire de ses positions. Dans un pays où un grand nombre de nos concitoyens partagent malheureusement les idées de Kirk, des débats de ce genre sont absolument nécessaires. La fusillade d'hier indique une voie bien plus sombre, qui ne mène nulle part où nous devrions vouloir aller.

Le postulat fondamental de la gauche est que les gens ordinaires sont capables d'autogouvernement, dans leur milieu de travail comme dans la société. Cet objectif n'a de sens que si nous faisons confiance à nos concitoyens pour être exposés à tous les points de vue, même les pires, et se forger leur propre opinion. Et nos buts démocratiques ne peuvent être atteints que par des moyens démocratiques. Nous cherchons à renverser des structures profondément enracinées de richesse et de pouvoir. Il n'y a aucun moyen réaliste d'y parvenir sans rallier la vaste majorité de la population. Ce qui joue en notre faveur, c'est précisément que les travailleurs qui bénéficieraient de notre programme constituent la majorité. En d'autres termes, nous avons à la fois la force des idées et la force du nombre.

Mais l'introduction de la violence politique réciproque réduit considérablement l'importance de ces deux facteurs. Dans un contexte dominé par les effusions de sang entre factions, il ne compte plus de savoir qui a le programme le plus convaincant ou la base la plus large, mais qui a les militants les plus armés et les moins réticents à tuer. La gauche ne gagnera pas cette bataille.

En outre, le meurtre de Kirk risque presque à coup sûr de nuire à la gauche d'autres façons. D'abord, l'administration Trump pourrait très bien l'utiliser comme prétexte pour réprimer les militants progressistes. Aussitôt après la fusillade, la droite a réclamé précisément cela. Leurs appels à purger et censurer toute la gauche en représailles ont été rapides, omniprésents et virulents.

Avant la fin de la soirée, Donald Trump s'était adressé à la nation : « Depuis des années, ceux de la gauche radicale comparent de merveilleux Américains comme Charlie aux nazis et aux pires criminels de l'histoire. Ce genre de rhétorique est directement responsable du terrorisme que nous voyons dans notre pays aujourd'hui, et cela doit cesser immédiatement. » L'agresseur n'avait pas encore été identifié, aucun mobile confirmé, mais cela n'a pas empêché le président de faire porter à toute la gauche la responsabilité de l'assassinat et de promettre des représailles.

L'histoire nous enseigne que la gauche court de graves dangers dans de telles circonstances. L'idée que des actes de violence politique individuels puissent déclencher des mouvements de masse pour la justice — ce qu'on appelait autrefois la « propagande par le fait » — a été testée depuis des siècles dans divers contextes. Cela a presque toujours été un désastre, menant à une répression accrue de la gauche et à des attaques contre la démocratie. Les suites de l'assassinat de Kirk pourraient très bien suivre ce sombre scénario. Que le tireur soit ou non issu de la gauche, il y a de bonnes raisons de craindre que ce meurtre serve de prétexte à une nouvelle répression de la dissidence dans une administration déjà portée à l'autoritarisme comme on n'en avait pas vu depuis longtemps aux États-Unis.

Au cours des huit derniers mois, des détenteurs de carte verte ont été arrêtés et détenus pour avoir participé à des manifestations ou écrit des tribunes critiques d'Israël, des troupes fédérales ont été envoyées dans des villes malgré l'opposition des maires et gouverneurs, en réponse à de petites émeutes ou même à de simples délits de rue, et des migrants soupçonnés de crimes ont été envoyés dans des prisons au Salvador sans aucune procédure régulière. Il n'est pas difficile d'imaginer que tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la violence de gauche puisse entraîner des représailles extrêmes de la part de l'administration Trump.

La fabrication d'un martyr

Depuis la deuxième et plus décisive défaite de Bernie Sanders en 2020, la gauche a subi de lourds revers. Il y a quelques années à peine, nous étions en lice pour le pouvoir politique ; aujourd'hui, nous sommes souvent réduits à une rage impuissante face aux exactions de l'administration Trump, à l'impuissance d'une opposition libérale hégémonique, et au génocide ouvertement perpétré à Gaza.

Récemment, certains signes ont pu laisser espérer un regain d'ancrage politique, notamment la campagne inspirante de Zohran Mamdani à New York. Dans ce contexte, cette étincelle de renouveau socialiste démocratique est précieuse et fragile. Une nouvelle vague de répression politique pourrait être particulièrement désastreuse au moment où nous commençons à peine à reconstruire nos forces.

De plus, l'assassinat de Kirk risque de ne pas démoraliser, mais au contraire de renforcer la conviction de l'extrême droite, qui ne manquera pas d'en faire un martyr. La presse conservatrice a déjà commencé à employer ce terme. Sa figure se prête parfaitement à une telle mythification : il n'a jamais levé la main sur personne et a été tué de sang-froid alors qu'il exprimait ses opinions politiques.

Kirk a joué un rôle de premier plan dans le virage d'une partie de la génération Z vers la droite, en particulier les jeunes hommes. Si le tireur espérait éteindre son influence, son geste aura presque certainement l'effet inverse. Sa mort à trente et un ans convaincra sans doute beaucoup de ses millions de partisans de se consacrer à sa cause, accélérant la cohésion d'un bloc politique de droite radicale et militante qui sera un obstacle à notre projet pour des décennies.

Depuis sa mort, la majorité de la gauche a justement condamné cet assassinat. Mais un nombre non négligeable a réagi avec une absence d'empathie presque compétitive. Non seulement ce cynisme amoral risque de rebuter la population américaine, qui abhorre la violence politique, mais il est aussi politiquement malavisé et stratégiquement naïf. Il n'y a rien à célébrer ici. Au contraire, il y a beaucoup à craindre.

L’attaque contre le Qatar, prélude à une guerre sans frontières au Moyen-Orient 

16 septembre, par Nicolas Beau — , , ,
L'armée israélienne a annoncé avoir mené mardi des frappes contre des responsables du mouvement islamiste palestinien Hamas, après que des explosions ont été entendues à Doha, (…)

L'armée israélienne a annoncé avoir mené mardi des frappes contre des responsables du mouvement islamiste palestinien Hamas, après que des explosions ont été entendues à Doha, la capitale du Qatar. Le bilan des frappes reste incertain en raison d'informations contradictoires. Les autorités du Qatar ont confirmé des frappes contre des domiciles de responsables du Hamas et condamné une attaque « lâche ».

Tiré de Mondafrique
9 septembre 2025

Par Nicolas Beau

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a averti que les « dirigeants terroristes » ne seraient en sécurité nulle part, après qu'Israël ait ciblé la haute direction du Hamas lors de frappes aériennes sur la capitale qatarie, Doha.

« Les jours où les dirigeants terroristes pouvaient bénéficier d'une immunité partout sont révolus », a déclaré Netanyahu lors d'un événement à l'ambassade des États-Unis à Jérusalem, ajoutant qu'il avait ordonné l'opération « pour régler leurs comptes avec les meurtriers et garantir la sécurité future des citoyens israéliens ».

En frappant le cœur diplomatique de Doha, Israël change les règles : la guerre ne connaît plus de sanctuaire. Ce précédent spectaculaire rappelle que, dans la région, l'assassinat ciblé marque souvent le seuil d'un conflit terrestre généralisé.

C'est en octobre 2024 qu'est mort Yahya Sinwar, alors chef politique et militaire du Hamas, cerveau des attaques du 7 octobre 2023

L'onde de choc qui a traversé Doha le 9 septembre 2025 dépasse de loin la seule capitale qatarie. C'est tout l'ordre régional qui vacille sous la violence d'une frappe qui, en visant les responsables du Hamas réunis dans un appartement sécurisé, inaugure une nouvelle ère. Désormais, la guerre au Moyen-Orient ne s'embarrasse plus ni des frontières ni des tabous diplomatiques. On n'est plus dans la simple riposte dans la bande de Gaza, ni dans les frappes « préventives » en Syrie ou au Liban. Pour la première fois, une capitale du Golfe, alliée majeure des États-Unis, médiatrice de toutes les négociations régionales, est directement frappée. Au cœur d'un quartier résidentiel de Doha, les missiles israéliens n'ont pas seulement visé quelques dirigeants : ils ont pulvérisé l'illusion d'un sanctuaire, même diplomatique, dans une région qui ne tolère plus aucun espace neutre.

D'après les premiers éléments, « quatre à huit responsables du Hamas se trouvaient sur le lieu visé », mais pour l'instant, aucune déclaration officielle ne permet d'établir le bilan exact, ni l'identité précise des victimes. Comme toujours, après une frappe d'une telle intensité, Israël attend avant d'annoncer les noms des personnes tuées et le détail de la réussite de son opération. Ce n'est jamais immédiat : pour l'heure, on ne sait pas exactement qui s'en est tiré ou pas. Mais l'effet de sidération, lui, est immédiat et assumé.

Le précédent qatari, bascule d'une région sans tabou

Ce raid à Doha ne relève ni du geste improvisé ni de l'accident. Depuis un an, Israël a modifié sa doctrine de sécurité et d'intervention. L'assassinat d'Hassan Nasrallah en septembre 2024, avec une grande partie de la direction du Hezbollah à Beyrouth, avait déjà marqué une rupture, affichant la volonté israélienne de décapiter ses ennemis même au cœur de leurs propres bastions. L'Iran, lui aussi, a subi des frappes répétées contre ses cadres militaires et nucléaires, une séquence qui a préparé le terrain à la guerre totale qui allait suivre. Chaque fois, l'histoire récente l'atteste : l'assassinat ciblé de chefs hostiles n'est jamais un épilogue, mais bien le prélude à une extension brutale du conflit. Ce qui s'est joué à Doha s'inscrit dans cette logique de répétition — une logique où la décapitation stratégique n'est qu'un prélude à la guerre ouverte, parfois même à la tentation d'une « table rase ».

Si la frappe de Doha crée un tel séisme, c'est aussi parce qu'elle expose le Qatar à une violence dont il se croyait préservé. Habitué à jouer le rôle de médiateur entre Hamas et Israël, entre talibans et Américains, entre Iran et Occidentaux, l'émirat cultivait sa position d'interface indispensable, espérant se protéger derrière sa diplomatie active. Mais ce calcul s'est effondré en un éclair : ni la présence de la plus grande base militaire américaine de la région, ni les efforts diplomatiques frénétiques de Doha n'ont suffi à dissuader Israël. Face à ce choc, la réaction officielle du Qatar trahit une impuissance grandissante. L'émirat dénonce une violation de sa souveraineté et laisse éclater une colère froide, mais, dans les faits, il se montre incapable de riposter d'aucune manière.

L'histoire aurait sans doute été toute autre si la Turquie avait été visée par une frappe similaire. Ankara, membre de l'OTAN et puissance militaire régionale, aurait probablement opté pour une riposte immédiate, que ce soit sur le plan militaire ou hybride. Ce contraste éclaire le choix du Qatar comme terrain d'expérimentation : loin d'être anodin, il souligne l'incapacité de la région à fixer de véritables lignes rouges et, peut-être, un consentement implicite à ce nouveau jeu de puissance.

La frappe israélienne interroge la notion même de sanctuaire. Désormais, le calcul de sécurité régionale s'inverse. La diplomatie, censée garantir la protection des médiateurs, s'effondre devant une stratégie israélienne qui assume le passage à une guerre totale, déterritorialisée, sans limite assignable. La doctrine qui prévaut n'est plus celle du compromis, mais celle du choc, de la sidération et de la paralysie de l'adversaire.

Alliances malmenées, diplomatie piégée

Le séisme diplomatique déclenché par cette attaque s'est propagé à une vitesse inédite. L'ONU, l'Union européenne, la Ligue arabe, toutes les capitales du Golfe ont condamné la frappe, mais aucune n'a annoncé la moindre mesure concrète de rétorsion. Le Qatar, pour sa part, affirme n'avoir été prévenu d'aucune manière avant la frappe, une version en totale contradiction avec ce qu'affirment les autorités israéliennes et américaines. Israël dit avoir prévenu Washington, qui assure de son côté avoir alerté Doha « quelques minutes » avant l'attaque. Côté qatari, le démenti est formel, la confusion est totale. Ce brouillage de la communication expose, une fois de plus, la crise de confiance profonde qui mine les alliances régionales.

Comme souvent après de telles frappes, Israël attend avant d'annoncer officiellement les résultats de l'opération. Pour l'instant, aucune annonce sur le sort précis des cibles. Ce flou maintient la tension et amplifie la portée de l'opération, tout en laissant ouvertes toutes les interprétations.

Outre-Atlantique, la gêne politique est manifeste. Donald Trump, en campagne, s'est dit « embarrassé » vis-à-vis du Qatar, tout en refusant de condamner l'action israélienne et en précisant publiquement qu'il s'agissait « de la décision de Netanyahou seul, pas la mienne ». À la Maison Blanche, le discours est très différent : on applaudit l'élimination de cadres du Hamas, accusés d'utiliser Gaza comme bouclier humain tout en vivant dans le confort de l'étranger. Cette dualité, entre malaise diplomatique affiché et satisfaction stratégique, révèle une contradiction désormais impossible à cacher. Comment garantir la stabilité régionale tout en assumant l'internationalisation de la confrontation ?

Les capitales européennes, Berlin, Paris et d'autres, font entendre leur inquiétude. La neutralisation du rôle de médiateur du Qatar consacre la fin d'une diplomatie régionale déjà en grande difficulté. Les pourparlers de cessez-le-feu sont désormais menacés, le canal humanitaire se trouve fragilisé, la confiance est rompue. Israël, en s'en prenant directement au cœur du mécanisme diplomatique régional, coupe les derniers liens qui reliaient encore le Hamas, l'État hébreu et les États-Unis. Doha, jusque-là relais incontournable pour la libération des otages, la trêve humanitaire ou les discussions sur le cessez-le-feu, se retrouve marginalisé. Le Hamas crie à la trahison, le Qatar menace de se retirer du processus, tandis que le reste du monde arabe se résigne à l'emprise de la force brute sur toute forme de négociation.

Le choix du Qatar comme cible envoie aussi un message aux autres États du Golfe. Ils comprennent qu'ils pourraient, eux aussi, devenir des acteurs ou des cibles d'une nouvelle ère de guerre ouverte, où la souveraineté ne constitue plus qu'une variable d'ajustement dans les rapports de force régionaux. L'incertitude s'étend, la crainte grandit, l'équilibre déjà fragile de la région semble trembler un peu plus à chaque étape.

Guerre sans frontières, effondrement des sanctuaires

La frappe de Doha s'inscrit dans une stratégie assumée par Israël : plus aucun refuge ne sera toléré, plus aucune zone ne doit être considérée comme hors de portée. La logique de la « doctrine Dahiya », consistant à frapper même dans les sanctuaires supposés intouchables, se voit transposée au cœur du Golfe. Mais cette extension du champ d'action israélien suscite le vertige. Israël peut-il multiplier les frappes, repousser sans cesse les limites, sans risquer un isolement stratégique, ou même un embrasement régional ? Désormais, aucun dirigeant du Hamas ne se sent à l'abri, aucune capitale n'est certaine d'être protégée. La rue arabe gronde, la colère monte, mais la riposte concrète tarde à venir. La sidération sert de stratégie de dissuasion, mais aussi de provocation.

Pour de nombreux analystes, la question centrale n'est plus taboue : cette opération hors normes annonce-t-elle le lancement d'une campagne d'annihilation totale contre Gaza ? L'histoire récente semble accréditer cette hypothèse. À Beyrouth, à Téhéran, les assassinats ciblés n'ont jamais été isolés. Presque toujours, ils précèdent une intervention terrestre ou un déluge de feu. La frappe de Doha ressemble, à bien des égards, à la séquence de septembre 2024, lorsque la mort de Nasrallah et de la direction du Hezbollah a ouvert la voie à la vaste offensive israélienne au Liban Sud.

Aujourd'hui, le Hamas voit sa direction traquée jusqu'à Doha. Plus aucun chef n'est à l'abri, plus aucune capitale n'est hors d'atteinte. Les signaux convergent : intensification des frappes, rhétorique intransigeante, marginalisation de toute négociation, volonté affichée d'en finir avec Gaza. Ce précédent qatari laisse entrevoir la possibilité d'un conflit sans retour, d'une internationalisation du combat, d'une guerre où la souveraineté s'efface devant la brutalité.

En frappant au Qatar, Israël franchit un seuil inédit, installe une nouvelle norme, celle de la « guerre ouverte ». Ce qui n'était qu'exception devient méthode. Pour la région, le choc de Doha sera durable. Il signifie que la loi du plus fort supplante le droit, que la sécurité ne se garantit plus par la négociation mais par la capacité de frappe, et que plus personne, désormais, n'est à l'abri. La question qui demeure, brutale dans sa simplicité : qui sera le prochain ? Le Moyen-Orient, déjà ravagé par la défiance, entre dans une ère de guerres sans frontières, où chaque capitale, chaque médiateur, chaque acteur régional peut devenir une cible. Le précédent qatari ne sera sans doute pas le dernier. Toute l'architecture, déjà vacillante, de la sécurité au Moyen-Orient en ressort plus menacée que jamais.

ENCADRÉ

Une vague de protestations

L'attaque israélienne survenue mardi à Doha, qui a visé un bâtiment où se trouvaient des représentants du Hamas, a provoqué une vague de condamnations régionales et internationales.

Arabie saoudite

Le royaume a dénoncé « une agression brutale » et « une violation flagrante de la souveraineté » du Qatar. Le prince héritier Mohammed ben Salmane a assuré à l'émir du Qatar le « plein soutien » de Riyad, affirmant mobiliser toutes les capacités du royaume pour appuyer Doha.

États-Unis

Un responsable de la Maison-Blanche a confirmé qu'Israël avait informé Washington avant l'opération. Dans le même temps, l'ambassade américaine au Qatar a donné l'ordre aux citoyens américains de rester chez eux après avoir reçu des informations faisant état de frappes de missiles dans la capitale qatarienne.

ONU

Le secrétaire général António Guterres a condamné une « violation flagrante de la souveraineté et de l'intégrité territoriale du Qatar », saluant le rôle positif de Doha dans les efforts de cessez-le-feu. « Tous les acteurs doivent œuvrer à un arrêt permanent des hostilités, pas à sa destruction », a-t-il déclaré.

Iran

Le ministère iranien des Affaires étrangères a condamné les frappes israéliennes, les qualifiant de « violation flagrante de toutes les règles et réglementations internationales », et a qualifié cette attaque d'« extrêmement dangereuse et criminelle » et de violation de la souveraineté du Qatar.

Turquie 

Le ministère des Affaires étrangères a dénoncé l'attaque contre la délégation du Hamas, affirmant qu'elle démontre qu'Israël a adopté « la politique expansionniste dans la région et le terrorisme » comme politique d'État. Le ciblage d'une délégation en pleine négociation de cessez-le-feu montre selon Ankara que le pays ne cherche pas la paix, mais à poursuivre le conflit.

Oman

Mascate a exprimé sa « solidarité totale » avec le Qatar, dénonçant les « crimes » et la « trahison » d'Israël, qui constituent selon lui « une escalade dangereuse menaçant la stabilité régionale ».

Émirats arabes unis

Abou Dhabi a condamné une attaque « lâche et flagrante », appelant au respect du droit international.

Koweït

Le gouvernement a dénoncé une « agression brutale » contre l'État « frère » du Qatar.

Jordanie

Le ministre des Affaires étrangères Ayman Safadi a fustigé une attaque « lâche » et une « violation manifeste du droit international ».

Pape Léon XIV

Le pape Léon a exprimé son inquiétude quant aux conséquences des frappes israéliennes sur le Qatar.

« Il y a actuellement des nouvelles très graves : l'attaque israélienne contre certains dirigeants du Hamas au Qatar. La situation dans son ensemble est très grave », a déclaré Léon devant la résidence d'été du pape à Castel Gandolfo, selon l'agence de presse ANSA.

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France - 10 septembre : construire un mouvement de masse pour une rupture avec Macron et son monde

16 septembre, par Antoine Larrache — ,
La mobilisation du 10 septembre est une réussite. Un point d'appui pour construire un mouvement de masse pour un changement radical en France. NPA - l'Anticapitaliste 12 (…)

La mobilisation du 10 septembre est une réussite. Un point d'appui pour construire un mouvement de masse pour un changement radical en France.

NPA - l'Anticapitaliste
12 septembre 2025

Par Antoine Larrache

Crédit Photo
Photothèque Rouge / Martin Noda / Hans Lucas.

Les médias français et le gouvernement auront beau minimiser la réussite de journée, c'est une réussite qui montre les ressources de la classe ouvrière de France. Selon le ministère de l'Intérieur, il y a eu 430 actions (à comparer aux deux à trois mille des premières journées des Gilets jaunes), dont 157 blocages mobilisant 29 000 personnes. Mais on peut déjà dire, à cette heure, que 15 000 personnes ont manifesté à Bordeaux, environ 30 000 à Toulouse (contre 120 000 au plus fort de la mobilisation sur les retraites), 600 à Belfort, au moins 200 à Angoulême, au moins 10 000 à Rennes, 5 000 à Brest. À Paris, de multiples actions ont eu lieu : blocages de quelques portes, rassemblements à République, Gare du Nord, Châtelet, Place des Fêtes. Une grande partie des blocages parisiens ont été délogés par le gouvernement, qui avait mobilisé 80 000 gendarmes et policiers, même si certains piquets de grève, là où il y avait un nombre substantiel de grévistes, ont tenu. Partout on pointe la présence de nombreux.euses jeunes. Au total 175 000 manifestant.es (250 000 selon la CGT) annoncé par Retailleau qui en avait « prévu » 100 000. Dans la soirée, des assemblées générales doivent se tenir pour discuter des suites du mouvement.

Une journée réussie

On peut dire que, pour un mouvement semi spontané, c'est une grande réussite. Il a été déclenché par des individus et des courants très variés, puis la frange de la gauche radicale s'est engagée à l'intérieur (France insoumise et extrême gauche, certaines Fédérations CGT, Soldaires et syndicats locaux…), tandis que les grandes confédérations syndicales appellent à une journée de grève le 18 septembre. Des assemblées ont regroupé, fin août et début septembre, des centaines de personnes, sur un mot d'ordre de rejet de Macron et de l'austérité, en particulier à la suite de l'annonce de la volonté de reconduire le budget de l'année dernière, qui aura des conséquences désastreuses sur les services publics et la Sécurité sociale, et de supprimer trois jours fériés, dont le 8 mai et le lundi de Paques. Dans les manifestations, ces mots d'ordre se sont mêlés au rejet de l'extrême droite et de l'augmentation des budgets militaires, et à la solidarité avec la Palestine.

Le gouvernement s'est sabordé lundi 8 septembre lorsque le Premier ministre Bayrou a demandé un vote de confiance de l'Assemblée nationale, qui l'a rejeté, avec seulement 194 voix favorables et 384 voix contre. La nomination par le président Macron du ministère de la Défense, Lecornu, au poste de Premier ministre mardi 9 septembre, sonne à la fois comme une provocation et un aveu d'immense faiblesse. C'est une provocation car, comment peut-on nommer à ce poste celui qui représente à la fois la continuité de tous les gouvernements sous Macron et le transfert des budgets sociaux vers le militarisme ? C'est aussi un aveu de faiblesse qui montre à quel point Macron est en difficulté pour trouver du personnel politique prêt à mener sa politique.

Les prochaines semaines seront très importantes, tout peut arriver. Si les classes populaires et la gauche ne sont pas assez déterminées, ce sont la droite et l'extrême droite qui sortiront leur épingle du jeu dans cette séquence de semi-vacances du pouvoir. On aura peut-être un accord entre Le Pen et Macron pour gouverner et accélérer l'offensive antisociale et raciste. Ou un « gouvernement d'expert » qui fera passer cette politique avec un Rassemblement national qui le laissera faire et attendra son heure lors de la présidentielle de 2027.

Construire un mouvement pour gagner

À l'inverse, le prolétariat peut peser dans la situation, à condition de se positionner de façon offensive. Cela nécessite plusieurs conditions.

La première est de ne pas se contenter d'un mouvement minoritaire et radical. Il faut absolument construire le mouvement : dans les prochains jours, multiplier les tournées dans les services, les ateliers, etc , les diffusions de tract, la préparation d'une grève de masse. Le 18 peut permettre de franchir un cap vers une grève générale contre la politique du gouvernement.

La seconde est d'avoir des objectifs clairs, des mots d'ordre qui répondent à la situation économique, sociale et aux enjeux actuels : révoquer la dette, augmenter les salaires de 400 euros, de l'argent pour les services publics, revenir à la retraite à 60 ans, interdire les licenciements, rétablir les droits des chômeur.euses, accorder la liberté de circulation et d'installation et l'égalité aux étranger·es, arrêter les politiques guerrières et en particulier la complicité avec le génocide en Palestine.

La troisième est de répondre à la question du pouvoir. Il ne suffit pas de se débarrasser de Bayrou et Lecornu, c'est Macron qu'il faut dégager. Ceci ne saurait intervenir dans la cadre des institutions actuelles, qui sont antidémocratiques et qui ont failli. Il faut un gouvernement de rupture, un gouvernement des travailleur·ses, de leurs organisations, les syndicats et les partis de gauche, pour engager une politique de rupture radicale avec l'ordre existant.

Voilà ce que les militant·es anticapitalistes peuvent défendre dans ce mouvement. Par leurs journaux, par leurs tracts et leurs interventions dans les assemblées. Les militant·es doivent défendre l'unité du mouvement – donc de toute la gauche sociale et politique, de la base au sommet –, sa construction sur des objectifs concrets, tant sur la plan des revendications que sur la construction démocratique et militante (assemblées générales, piquets de grève, diffusions…) et une orientation qui permette de construire l'affrontement avec une classe dominante qui ne reculera devant rien d'autre qu'une mobilisation massive inscrite dans la durée. Certains milieux bourgeois voient déjà l'extrême droite et la répression comme un recours face au mouvement social, il faut gagner pour éviter une radicalisation des attaques antisociales, racistes et guerrières, et pour engager une rupture avec le capitalisme néolibéral.

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Criminalité chez les jeunes : quand PSPP déforme la réalité

16 septembre, par Julia Posca — , ,
Au cœur de l'été, le Journal de Montréal/Québec rapportait que près du tiers des homicides survenus au Québec impliquait un jeune de moins de 21 ans. Il n'en fallait pas plus (…)

Au cœur de l'été, le Journal de Montréal/Québec rapportait que près du tiers des homicides survenus au Québec impliquait un jeune de moins de 21 ans. Il n'en fallait pas plus pour que le chef du Parti québécois fasse un lien entre ce phénomène inquiétant et l'immigration.

20 août 2025 |tiré de la lettre de l'IRIS

En entrevue à LCN, Paul St-Pierre Plamondon affirme que « la transformation des groupes criminalisés et de leur modus operandi est quand même assez subite. » Il poursuit : « J'ai pas l'expertise pour vous dire dans quel ordre ça a eu lieu, mais clairement, on vise des jeunes sur une base ethnoculturelle. » Il suggère que les actes criminels perpétrés à Montréal suivent « des méthodes qui viennent d'ailleurs, c'est-à-dire qu'on n'est pas dans ce qu'on a connu il y a 20-30 ans comme espèce d'équilibre. […] Là, c'est une agressivité qu'on n'a pas vue et pour laquelle je trouve qu'on est mal adapté. » Le député péquiste s'inquiète enfin de voir Montréal « [se transformer] du tout au tout [et devenir] une ville où on n'est pas en sécurité ». Suivant ces constats, il réclame l'embauche de « 800 policiers supplémentaires et 100 nouveaux travailleurs de rue » ainsi qu'une « révision des “peines bonbon” imposées aux mineurs. »

Il est pour le moins surréel d'entendre le chef péquiste parler de l'époque, « il y a 20-30 ans », où le crime organisé avait soi-disant des méthodes plus douces, considérant que sévissait au Québec au début des années 1990 une guerre des motards qui a fait de nombreuses victimes, dont certaines parfaitement innocentes. Au-delà de cette première impression, il importe d'aller voir ce que disent les données et la recherche au sujet de la criminalité et des jeunes. On constatera alors que la situation est très différente de l'interprétation qu'en propose M. St-Pierre Plamondon.

Tendances de la criminalité au Québec

Le taux de crimes fondés sur l'affaire, qui renvoie au « nombre d'événements distincts dans lesquels une (ou plusieurs) infractions criminelles ont eu lieu pour 100 000 habitants » a connu une baisse de 38% au Québec entre 1998 et 2024 (1998 étant la donnée la plus ancienne disponible). C'est le cas aussi à Montréal, où la baisse a été de 46%. On constate aussi une baisse du taux de jeunes inculpés pour 100 000 jeunes de 12 à 17 ans, et ce tant au Québec qu'à Montréal.

Si on observe effectivement une hausse de ces indices depuis 2020 qui touche particulièrement les plus jeunes, il est encore trop tôt pour parler d'une tendance lourde. Cette hausse pourrait s'expliquer par la pandémie de COVID-19. On a par exemple vu une augmentation de la violence conjugale durant cette période. Avec la fin de la pandémie, il ne serait pas étonnant de voir cette tendance à la hausse se renverser dans les prochaines années. Et quoi qu'il en soit, le taux de crimes fondés sur l'affaire demeure pour l'instant bien en deçà du niveau qu'il atteignait à la fin des années 1990.

L'indice de gravité de la criminalité, qui est fondé sur un classement du niveau de gravité des crimes au Canada, est lui aussi en diminution au Québec depuis 1998. Là encore, on remarque une légère hausse depuis 2020. Chez les jeunes, cette hausse est attribuable à une augmentation de l'indice des crimes avec violence, qui a débuté en 2007.

Malgré cette tendance, le nombre et le taux d'homicides pour 100 000 habitants ont connu une importante baisse au Québec depuis un sommet observé en 1975. Notons que le « taux d'homicides pour lesquels l'homicide est lié ou soupçonné être lié au crime organisé ou à un gang de rue » suit lui aussi une tendance à la baisse depuis 1999. Enfin, à Montréal, on observe aussi une diminution du nombre d'homicides depuis 1996, ce qui se traduit par un taux d'homicides pour 100 000 habitants environ trois fois moins élevé en 2024 (1,18) qu'en 1996 (3,10)[1].

En somme, la criminalité a globalement diminué au Québec, ainsi que la gravité des crimes commis, durant une période où le pourcentage de la population issue de l'immigration a pour sa part eu tendance à croître, passant de 9% à 15% entre 1996 et 2021 (donnée la plus récente). C'est le cas aussi à Montréal, qui accueille la proportion la plus élevée de personnes immigrantes au Québec.

Notons cela dit que même si on avait observé une hausse de la criminalité dans les dernières décennies, ou si à l'inverse on avait observé une baisse de la criminalité concomitante à une baisse de l'immigration, il aurait été hasardeux d'en conclure que les deux phénomènes sont liés et que l'un est en cause dans la variation de l'autre. En faisant malgré tout ce rapprochement, Paul St-Pierre Plamondon reprend à son compte un discours aux relents xénophobes sur la jeunesse racisée et sur les personnes immigrantes qui n'est malheureusement pas nouveau.

Stigmatiser une jeunesse vulnérable

En déformant la réalité de l'évolution de la criminalité à Montréal, le chef du PQ emprunte une vieille stratégie rhétorique qui lui donne les moyens de justifier des solutions répressives dont l'efficacité a pourtant maintes fois été démentie. Depuis les années 1980, on dépeint les jeunes issus de l'immigration (ou perçus comme tel) comme représentant une menace pour la sécurité des autres citoyen·ne·s. Ce discours a permis de légitimer des mesures qui ont accentué la criminalisation de ces jeunes, et ce faisant, leur marginalisation. Ce cercle vicieux, qui est encore à l'œuvre aujourd'hui, explique en partie les tendances que l'on observe depuis quelques années en matière de criminalité juvénile.

L'expérience des intervenant·e·s sur le terrain et les travaux de plusieurs chercheurs et chercheuses ont bien montré que ce n'est pas à cause de leur origine ethnique ou de leur statut d'immigration que certains jeunes commettent des crimes, mais plutôt à cause de facteurs psychologiques et sociaux sur lesquels il importe d'intervenir. La précarité économique et le manque d'opportunités, l'insécurité liée au profilage et à la répression qui sévit dans les quartiers où résident ces jeunes ainsi que le besoin d'appartenance et de valorisation comptent parmi les facteurs en cause.

Du reste, plusieurs observateurs de la scène criminelle expliquent la recrudescence de certains actes violents au Québec par l'existence d'une guerre ouverte opposant vieilles et nouvelles factions du crime organisé. C'est en agissant sur les facteurs qui font des jeunes des cibles de ces groupes criminalisés que l'on peut espérer leur venir en aide. La recherche montre à cet égard que les programmes communautaires de prévention de la violence sont beaucoup plus efficaces que les approches répressives. En ce sens, Paul St-Pierre Plamondon fait fausse route en exigeant une augmentation des effectifs policiers.

La panique morale sur laquelle mise le chef du PQ peut contribuer à mousser sa popularité auprès d'une certaine frange de l'électorat ; elle ne sera cependant d'aucune utilité pour contrer la criminalité ou améliorer les conditions de vie des jeunes au Québec et de leur famille.

[1] Calculs de l'autrice à partir des données contenues dans les rapports annuels du SPVM et des données de la ville de Montréal sur la population de l'agglomération

Lettre ouverte | Il est temps de mettre un terme aux déficits démocratiques

16 septembre, par Collectif — , ,
À l'occasion de la Journée internationale de la démocratie et à un an des prochaines élections générales québécoises, la réforme du mode de scrutin doit devenir l'un des (…)

À l'occasion de la Journée internationale de la démocratie et à un an des prochaines élections générales québécoises, la réforme du mode de scrutin doit devenir l'un des principaux enjeux de la campagne électorale qui se conclura le 5 octobre 2026.

Pour nous, dirigeants et dirigeantes de plusieurs organisations majeures de la société civile regroupées au sein de la Coalition pour une réforme électorale, il est impératif que tous les partis politiques fassent connaître les solutions qu'ils proposeront aux Québécois afin de mettre un terme aux déficits démocratiques causés par le modèle britannique de scrutin uninominal à un tour. Manifestement, ce vieux système électoral est dépassé, car il ne répond plus aux réalités politiques du Québec contemporain.

Les résultats des dernières élections de 2022 ont démontré de manière éclatante les vicissitudes du modèle électoral actuel, qui est caractérisé par la fabrication de graves distorsions de représentativité dans la répartition des sièges qu'il induit à l'Assemblée nationale.

Mais il y a pire. En déformant grossièrement l'image projetée par la volonté du peuple québécois, ce système défaillant crée des majorités parlementaires artificiellement gonflées qui, bénéficiant des larges pouvoirs législatifs, peuvent amener un gouvernement à commettre de graves erreurs ou des excès de pouvoir, comme l'actualité et l'Histoire le démontrent, et ce particulièrement lorsque ce phénomène se combine avec ce qui semble inhérent à l'usure de l'exercice d'un pouvoir sans partage.

Au lieu de créer une prétendue stabilité politique, le système actuel entraîne plutôt une certaine instabilité dans des politiques publiques adoptées par des majorités parlementaires qui ne correspondent pas à la réalité. Les gouvernements qui contrôlent ces majorités parlementaires introduisent ainsi des réformes souvent imposées par bâillon, lesquelles défont les précédentes qui avaient elles aussi été adoptées sans les appuis nécessaires pour en assurer la pérennité.

Les grandes réformes erratiques à répétition des structures du réseau public de la santé et des services sociaux en sont sans doute chez nous l'exemple le plus choquant. Les violents retournements politiques sur les questions environnementales en sont un autre exemple éloquent aux États-Unis ou à des degrés divers les reculs observés en Ontario, en Alberta et, plus récemment, à Ottawa !

Pour instaurer de nouveaux modes de gouvernance qui répondent mieux aux défis de notre temps, il faut donc moderniser le processus qui conduit aux choix de nos élus. Ainsi, en améliorant les dispositions du projet de loi 39 déposé en 2019 et retiré en décembre 2021 malgré les promesses du gouvernement Legault, le projet de loi 499 déposé à l'Assemblée nationale en octobre 2023 par Québec solidaire, et dont les principes ont été appuyés par le Parti québécois et le Parti conservateur, propose un nouveau mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire avec listes régionales qui aurait pour effet que la représentation des principaux partis politiques refléterait bien davantage la volonté populaire que le système actuel.

Le Québec, à l'instar de plusieurs autres démocraties dans le monde, a vu ces dernières années son paysage politique se fracturer en plusieurs formations principales. Nous sommes dorénavant bien loin du vieux bipartisme qui caractérisait notre vie politique. Reste que le mode de scrutin doit y être adapté. Une récente projection de l'agrégateur de sondages Qc125 a même évoqué la possibilité de voir se former un gouvernement majoritaire avec seulement 31 % des voix. Le statu quo en la matière n'est démocratiquement plus viable.

Les fausses majorités parlementaires causées par le mode de scrutin actuel ne parviennent plus à offrir des solutions durables aux graves problèmes de société qui ne cessent de s'accumuler. L'ampleur et la complexité grandissante des défis auxquels une société moderne comme la nôtre est confrontée exigent dorénavant que les majorités parlementaires qui construisent les politiques publiques tiennent compte d'une gamme de points de vue beaucoup plus large que celle qui est représentée au sein d'une seule formation politique.

La nécessité de recourir à des coalitions, comme le font déjà un grand nombre de démocraties en Occident, fera en sorte que les partis politiques devront trouver des moyens pour instaurer des pratiques favorisant le plus de consensus possible, favorisant ainsi l'élaboration de politiques plus durables et mieux adaptées à la recherche toujours plus complexe de solutions à tous ces nouveaux enjeux auxquels le Québec doit faire face.

Mais tout cela commence par l'instauration d'un nouveau mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire avec listes régionales, tel que celui qui est proposé par le projet de loi 499, pour qu'enfin l'Assemblée nationale reflète les réalités politiques du Québec.

Lettre de Jean-Pierre Charbonneau (L'auteur est président du Mouvement Démocratie Nouvelle (MDN). Il cosigne cette lettre avec les leaders de la Coalition pour une réforme électorale au Québec.*)

*Ont aussi cosigné ce texte : Caroline Senneville, présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) ; Denis Bolduc, secrétaire général de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) ; Julie Bouchard, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) ; Pascal Côté, vice-président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) ; Émilie Charbonneau, vice-présidente de L'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) ; Luc Vachon, président de la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) ; Laure Waridel, co-instigatrice et coordonnatrice de Mère au Front Rive-Sud ; Sylvie Cantin, co-instigatrice et coordonnatrice de Mère au Front Rive-Sud ; Patrick Bydal, vice-président de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) ; Marie-Anne Alepin, présidente de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJB) ; Guillaume Bouvrette, président du Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) ; Fred-William Mireault, président de Force Jeunesse ; Chloé Bell, vice-présidente de Force Jeunesse ; Gisèle Dallaire, porte-parole du Réseau des tables régionales des groupes de femmes du Québec ; Franck Di Scala, vice-président du Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) ; Gabrielle Dessureault, coordonnatrice Les AmiEs de la terre de Québec ; Flora Dommanget, présidente aux affaires sociopolitiques de l'Union étudiante du Québec (UEQ) ; Loïc Goyette, coordonnateur aux affaires sociopolitiques de l'UEQ.

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Accès au fleuve - Rétablissement de la gratuité à la baie de Beauport

16 septembre, par Table citoyenne du littoral Est — ,
Québec, le 11 septembre 2025 - Des membres de la Table citoyenne Littoral Est et d'Accès Saint-Laurent Beauport ainsi que des cyclistes du quartier ont exprimé publiquement aux (…)

Québec, le 11 septembre 2025 - Des membres de la Table citoyenne Littoral Est et d'Accès Saint-Laurent Beauport ainsi que des cyclistes du quartier ont exprimé publiquement aux candidat.es aux élections municipales de la ville de Québec leurs revendications en lien avec les thèmes de l'accès au fleuve et du réaménagement du Littoral Est. Toutes et tous souhaitent que les candidat.es
et leurs partis politiques s'entendent avec l'Administration portuaire de Québec pour rétablir l'accès gratuit à la plage de la baie de Beauport et pour aménager une piste cyclable sécuritaire sur le boulevard Henri-Bourassa afin de s'y rendre.

Nous constatons que dans nos quartiers, malgré la proximité géographique du fleuve, l'accès y demeure un mirage pour les résident.es puisque le territoire est enclavé entre les axes autoroutiers et les infrastructures industrielles. « Le seul accès de qualité, soit le secteur de la plage de la baie de Beauport, est devenu un site payant au fil du temps », dénonce Azélie Rocray, porte-parole de la Table citoyenne. « Il faut mettre fin à cette iniquité envers les résident.es de nos quartiers », ajoute-t-elle.

La plage de la baie de Beauport est un legs du gouvernement fédéral à l'occasion du 400e anniversaire de Québec. « La volonté était alors de créer un accès public au fleuve accessible et gratuit pour toutes et tous », rappelle Patrick Albert, co porte-parole. Or, malgré le fait que la ville de Québec contribue financièrement pour animer les lieux, le gestionnaire du site charge deux dollars par piéton ou cycliste pour y accéder, en plus des frais de stationnement pour les voitures. « Nous le répétons : cette plage devrait être accessible gratuitement, à l'image des autres accès publics de la région ; à Cap-Rouge, Sainte-Foy, Sillery, Vieux-Port ; tout est gratuit sur leurs rives , mais pas ici », dénonce-t-il.

En plus de figurer parmi les quartiers les plus défavorisés de Québec et de subir les contrecoups d'un lourd héritage industriel, c'est dans nos quartiers que l'accès aux espaces naturels et au fleuve Saint-Laurent est le plus limité. Il est temps que ça change ; on ne peut plus attendre pour corriger ces iniquités. Les candidat.e.s aux élections doivent s'y engager dès maintenant.

Par ailleurs, pour rendre la plage de la baie de Beauport véritablement accessible, l'aménagement d'une piste cyclable sécuritaire sur le segment sud du boulevard Henri-Bourassa est essentiel. Actuellement, les cyclistes souhaitant s'y rendre doivent faire un long détour pour contourner la cour
de triage du CN ou, pour les plus téméraires, emprunter le boulevard Henri-Bourassa à leurs risques et périls. L'absence de piste cyclable sécurisée sur ce tronçon, jumelée à un important transit de camions, rend en effet cette randonnée très hasardeuse et dangereuse.

Enfin, les quartiers de la Canardière sont largement déficitaires en matière de canopée. Pour améliorer la santé et la qualité de vie des résident.e.s de nos quartiers, il faudrait augmenter l'indice de canopée à 40% sur notre territoire. La Ville doit donc décupler ses efforts pour renaturaliser le secteur, en y ajoutant des corridors de biodiversité et en transformant en forêt urbaine le vaste terrain vague de l'ancien dépôt à neige d'Estimauville.

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Le 13 novembre 2025 - Une date à inscrire à votre agenda pour se mobiliser contre la pauvreté

16 septembre, par Collectif de lutte et d'action contre la pauvreté de la région de Québec, Collectif de lutte et d'action contre la pauvreté de la région de Québec (CLAP-03) — ,
L'adoption par l'Assemblée nationale en 2002 de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale devait marquer l'élévation de la lutte contre la pauvreté au (…)

L'adoption par l'Assemblée nationale en 2002 de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale devait marquer l'élévation de la lutte contre la pauvreté au rang « d'impératif national ».

Bonjour à vous, allié-e-s pour l'élimination de la pauvreté,

Les gouvernements qui se sont succédé ont toutefois répondu à cet impératif sans réelle conviction. Des mesures structurantes ont été instaurées, certes, mais au compte-goutte. Et chaque fois elles ont été accompagnées de mesures qui affaiblissaient toujours un peu plus le filet de sécurité sociale.
L'inertie gouvernementale a d'ailleurs atteint un nouveau seuil dans la dernière année avec le dépôt du quatrième plan d'action pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Non seulement celui-ci ne contient aucune mesure structurante, mais en plus la réforme de l'assistance sociale qui en découle ne vise en rien l'amélioration des revenus des personnes. Sans parler des attaques

Les prochaines élections québécoises auront lieu en octobre 2026. À chaque élection, les partis politiques ressortent les mêmes idées censées améliorer le niveau de vie collectif, comme accorder des baisses d'impôts, faire une plus grande place au privé ou favoriser la croissance économique. Avec sa nouvelle campagne, le Collectif pour une Québec sans pauvreté veut s'opposer à ces idées rabâchées sur la place publique depuis des années. En plus de remettre de l'avant que la lutte contre la pauvreté est une question de respect des droits et que, par conséquent, cette lutte doit devenir une priorité de l'action gouvernementale.

Le discours doit changer, parlons de pauvreté !

Le Collectif de Lutte et d'Action contre la Pauvreté de la région de Québec (CLAP-03) vous invite à une journée de mobilisation afin d'actualiser la campagne du Collectif pour un Québec sans Pauvreté. Cette journée aura lieu le 13 novembre 2025 à la Maison de la Coopération (155 Boulevard Charest E) et aura les objectifs suivants :
Mettre en valeur les solidarités régionales déjà existantes, les consolider au besoin et élargir autant que possible nos réseaux de mobilisation.

Développer un discours commun autour de la lutte contre la pauvreté, basé sur les droits humains.
S'outiller pour prendre la parole publiquement (pendant un débat électoral, dans une lettre ouverte, lors d'une entrevue avec un∙e journaliste, etc.).

Intervenir dans le discours ambiant pour y faire entendre un autre son de cloche, notamment par l'entremise des médias locaux.

Organiser et amplifier la mobilisation en vue des élections québécoises Le programme détaillé de la journée se trouve en pièce jointe. Pour participer, veuillez remplir ce formulaire d'inscription afin de nous aider à planifier la journée. Un diner sera servi ainsi que des collations.
https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSchCbgie0FMVsRVQnRYyKZ9J28fmWPF3Lm7BL2lAUlR5cZBoA/viewform

Au plaisir de vous compter parmi nous !

Le Collectif de lutte et d'action contre la pauvreté région de Québec
CLAP-03

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Le droit de manifester menacé par une présence policière accrue

16 septembre, par Dominique Gagnon, Isabelle Mailloux-Béïque — ,
La fin de l'été marque non seulement le retour des classes et des routines, mais aussi celui des mobilisations citoyennes. Dans un contexte où le climat social se tend au (…)

La fin de l'été marque non seulement le retour des classes et des routines, mais aussi celui des mobilisations citoyennes.

Dans un contexte où le climat social se tend au sud de la frontière, les signes d'un durcissement se font sentir au Québec aussi. Depuis quelques années, les manifestations se déroulent sous une surveillance policière de plus en plus lourde. Laissez-nous vous parler de la manifestation du 12 juin dernier, un exemple parmi tant d'autres.

Nous participions à un rassemblement devant le métro Lionel-Groulx. Le but : dénoncer la nouvelle hausse du transport collectif, le tarif mensuel annoncé à Montréal qui allait passer de 100 $ à 104,50 $ au 1er juillet, soit une hausse de 4,5 %.

L'accès au transport collectif pour les personnes à moyens ou à faibles revenus est de plus en plus prohibitif. Non seulement le prix du billet individuel a connu une hausse l'an dernier à 3,75 $ pour un aller simple, mais la carte mensuelle est rendue hors de prix. À chaque année, au moment de la hausse des tarifs, une manifestation est organisée pour lever un drapeau rouge.

La manifestation du 12 juin comptait une soixantaine de manifestants. Elle s'est tenue sans aucun débordement, comme à chaque année. Pourtant, l'escorte policière avait tout prévu pour limiter la casse comme s'il y avait un danger imminent. L'antiémeute, les paniers à salade, des voitures, des motos, des vélos et même la cavalerie du SPVM se tenaient à l'affût. C'était nettement démesuré, sans parler des coûts exorbitants engendrés par ce déploiement spectaculaire inutile.

Depuis quelque temps, on s'aperçoit d'un phénomène assez troublant. Moins il y a de manifestants, plus la proportion des effectifs policiers semble être en augmentation. Ce qui fait craindre à certains leurs prochaines participations à ces contestations tout à fait légitimes. C'est carrément intimidant.

Le prétexte invoqué est d'assurer la sécurité des participants. Mais, lorsque les forces policières armées sont ainsi déployées, elles provoquent de l'insécurité ou simplement de la peur. On vous a à l'œil, pourrait-on dire.

Les autorités, les premiers ministres du Québec et du Canada, la mairesse de Montréal, tout ce beau monde nous assurent régulièrement que le droit de manifester doit être préservé. Mais lorsqu'il y a plus de policiers présents que de manifestants lors des rassemblements, nous sentons-nous réellement libres d'exercer notre désaccord avec les choix politiques de nos élus ? Poser la question, c'est y répondre. Il faut refuser cette tendance qui crée un climat social oppressant et malsain. La démocratie, si chère à notre état de droit, doit créer des conditions favorables à l'exercice de notre droit de manifester. Là, c'est plutôt le contraire qui se passe et c'est inquiétant.

Au niveau du SPVM, il devrait y avoir des critères pour évaluer les risques réels de débordements et non ceux fantasmés. Montréal, loin de là, n'est pas Washington où l'intimidation de la garde nationale est devenue quotidienne et où l'on tente, par tous les moyens possibles, de limiter la participation citoyenne à toute contestation. Il ne serait pas souhaitable que cette tendance fasse des petits de notre côté de la frontière.

Isabelle Mailloux-Béique et Dominique Gagnon pour le collectif les Assoiffé.es de justice de l'ACEF du Nord de Montréal

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Assassinat de Kirk : ceci n’est pas de la « violence politique »

16 septembre, par Laurent Desjardins — , ,
L'assassinat de Charlie Kirk n'était pas un acte de « violence politique », malgré ce qu'on répète dans plusieurs chroniques. On est aussi très loin de voir naître aux (…)

L'assassinat de Charlie Kirk n'était pas un acte de « violence politique », malgré ce qu'on répète dans plusieurs chroniques. On est aussi très loin de voir naître aux États-Unis une époque telle que le « Trouble » irlandais ou les années de plomb en Italie.

Sociologiquement, on pourrait qualifier de « violence politique » une violence qui est : organisée et structurée par un groupe ; revendiquée et exécutée pour obtenir le pouvoir sur les masses, en vue d'un projet de société explicite ; et présentée par le groupe organisé qui l'exécute comme étant légitime et nécessaire.
Rien dans l'assassinat de Kirk n'y correspond.

Toutes les personnes impliquées dans la politique américaine ont condamné l'acte, celles de gauche comme celles de droite. Ce n'est pas « la gauche » qui a assassiné : c'est un tireur solitaire, comme d'habitude. On a affaire ici à un énième Étatsunien qui a utilisé une arme pour sublimer sa frustration et son vécu d'impuissance.
Aussi, et malgré ce qu'on sous-entend souvent, les internautes qui « aiment » des publications et qui laissent des commentaires plus ou moins anonymes sur les réseaux sociaux ne constituent pas une force politique. Ce sont des individus isolés qui ne font pas la différence entre l'information et le divertissement.

Ce qui est cependant nouveau et inquiétant, c'est la politisation qu'on fait d'un évènement de ce type, qui est pourtant tragiquement commun dans ce pays. C'est qu'on a fait de cet homme polémiste un « martyr de la vérité ». On désigne du même coup un coupable abstrait : « la gauche », les « wokes », les « socialistes » … On profite d'un assassinat pour désigner un ennemi vague qui serait interne à la nation, et qui servira de prétexte pour faire peser encore plus lourdement cette violence politique qui écrase la société américaine de manière grossière depuis quelques mois.

Pour expliquer cette idée d'une « gauche » devenue violente et incontrôlable, on évoque souvent l'assassinat de Brian Thompson, perpétré par Luigi Mangione en décembre 2024. Or, Mangione n'avait pas non plus de projet de société alternatif « de gauche ». Il était frustré du système d'assurance parce qu'un de ses proches s'était fait refuser une réclamation. Il se sentait impuissant, il avait une arme à feu à portée de main, et quelques synapses mal organisées. Ce n'était pas une « violence politique de gauche » ; c'était un autre américain impuissant qui a pris une arme pour sublimer sa souffrance. Mangione était apolitique, même s'il propageait des prises de position plutôt « de droite » dans ses réseaux…

On ne connaît pas encore les motifs ou la couleur des opinions de l'assassin de Kirk. L'histoire nous montre cependant que ce n'est pas parce que la victime se situe à l'extrémité du champ politique que son assassin est nécessairement dans l'autre. Et même s'il s'avérait que le meurtrier de Kirk a une vision du monde antagonique à celle de sa victime, son acte odieux n'en deviendrait pas pour autant une pièce maîtresse d'un projet politique. Ce qui serait d'autant plus surprenant, c'est que cet assassinat non revendiqué ait été élaboré et exécuté par une organisation sociopolitique dans le but d'imposer par la force un projet de société.

Je pense ainsi qu'il faudrait distinguer la « violence politique » de la violence qui atteint les personnes disposant d'un certain pouvoir politique. La deuxième forme, contrairement à la première, n'est pas structurée, ni légitimée, ni prétendante au pouvoir. En confondant la violence civile exacerbée et la violence politique, on rend toutes les deux plus insaisissables, et on n'est donc pas en mesure de bien diagnostiquer les maux de la société voisine. On ne peut donc pas apprendre de sa pénible condition. Dans le contexte actuel, cette confusion risquerait en outre de nous rendre complices, au moins tacitement, d'une oppression grandissante de l'État envers tous ceux et celles qui pourraient être considérés, à un moment ou un autre, comme étant « de gauche ».

Je suis donc d'avis qu'il faut arrêter d'avaler le discours de cette présidence autoritaire (et des autres opportunistes qui profitent de la division sociale) qui affirme que « la gauche tue », qu'une « violence politique de gauche » a émergé et se repend aujourd'hui. Puisque c'est inexact, et parce que cette rhétorique ne sert qu'à inoculer l'idée qu'« ils » (les gens « de gauche », whomever they are) sont des ennemis de la nation qu'on se doit de combattre (voire d'éliminer).

Accepter et répéter ce type de discours, même dans ses formes les plus douces et subtiles, c'est tomber dans le panneau. C'est adhérer à leur projet totalitaire. C'est s'écarter du chemin pour donner la voie à encore plus de répression arbitraire.

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L’équipe Israël-Premier Tech au Grand prix cycliste de Québec

16 septembre, par Collectif de Québec pour la paix — , ,
Québec, le 9 septembre 2025 Monsieur Bruno Marchand Maire de la Ville de Québec Hôtel de Ville 2, rue des Jardins Québec, QC G1R 4S9 Objet : l'équipe Israël-Premier (…)

Québec, le 9 septembre 2025
Monsieur Bruno Marchand
Maire de la Ville de Québec
Hôtel de Ville
2, rue des Jardins
Québec, QC G1R 4S9

Objet : l'équipe Israël-Premier Tech au Grand prix cycliste de Québec

Monsieur le Maire,

À quelques jours du Grand Prix Cycliste de Québec, nous vous écrivons pour exprimer notre désaccord face à la présence de l'équipe Israel-Premier Tech (IPT), financée et dirigée par Sylvan Adams, milliardaire québécois qui s'autoproclame « ambassadeur d'Israël » et qui soutient les actions militaires à Gaza sans réserve. Alors que la destruction massive de Gaza était patente, Sylvan Adams a exprimé auprès de plusieurs médias vouloir améliorer l'image d'Israël et, en janvier 2025, il a déclaré que l'armée israélienne devra « terminer le travail à Gaza » même après la libération des otages1. Dans une lettre ouverte en réponse au chanteur Roger Waters, Sylvan Adams nie les actes de génocide et les violations des Droits Humains des Palestinien-nes en général. Dans ces communications publiques, il n'est pas question de la destruction de Gaza ni des souffrances extrêmes inimaginables subies par les gens ordinaires.

Loin d'être une équipe neutre, IPT est un outil de propagande utilisé pour blanchir l'image d'un État accusé de Crimes de guerre, de Crimes contre l'Humanité dont des actes de génocide. Des organismes tels que les Nations Unies, Amnistie internationale, Human Rights Watch, B'Tselem et l'Association internationale des experts en génocide confirment que les actions israéliennes à Gaza - bombardements de civils, famines organisées, déplacements forcés, etc. - répondent à la définition légale du génocide selon la Convention de 1948.

Nous comprenons que les athlètes de cette équipe sont des sportifs avant tout, mais le problème réside dans l'instrumentalisation du sport comme vecteur de propagande politique. Les cyclistes comme Hugo Houle et Michael Woods, même après deux années d'actes génocidaires et de Crimes de guerre pourtant visibles, ont choisi sciemment de représenter malgré tout Israël et sous un propriétaire qui effectue une propagande indifférente au sort de la population civile de Gaza. Par ce choix, ils incarnent une position politique claire, celle de soutenir un État en train de commettre des Crimes contre l'Humanité. Ce soutien n'est pas anodin. Il sert à blanchir l'image de l'État israélien et à normaliser des actions militaires qui affectent chaque jour la vie de millions de Palestinien-nes. M. Adams ayant lui-même déclaré que les cyclistes de son équipe sont des « ambassadeurs d'Israël ».

Alors que l'Union cycliste internationale a suspendu les équipes russes pour l'invasion de l'Ukraine (certains cyclistes peuvent participer sous une autre bannière), comment expliquer qu'elle accepte une bannière israélienne en 2025, alors même que plusieurs des dirigeants israéliens font l'objet de mandats de la Cour pénale internationale ?

Monsieur le Maire, en déclarant que vous ne voulez pas « pénaliser un gars de chez nous », vous réduisez la gravité des crimes documentés à un attachement personnel. Cette position du maire minimise de manière irresponsable le fait pour un cycliste adulte de choisir sciemment de représenter un État qui commet des crimes atroces et flagrants contre une population civile depuis près de deux années et sous un propriétaire qui encourage publiquement l'armée responsable à continuer.

Nous comprenons que la Ville de Québec n'a pas l'autorité ni le droit de bloquer une équipe une fois qu'elle a accepté d'accueillir une activité. Ce que nous souhaitons est que la Ville se dissocie publiquement d'Israël-Premier Tech et demande son retrait auprès de l'UCI et des organisateurs du Grand Prix du Grand Prix Cycliste de Québec. Nous espérons une réponse à la hauteur des valeurs de justice, de paix et de dignité humaine que devrait incarner notre ville.
Veuillez recevoir, Monsieur le Maire, l'expression de nos salutations respectueuses.

• Leila Hamidouche
pour le Collectif de Québec pour la paix

Note

1.Philanthropist Sylvan Adams : ‘We have friends all over the world', Jewish News Syndicate (JNS), Jan. 21, 2025 : https://www.jns.org/philanthropist-sylvan-adams-we-have-friends-all-over-the-world/

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Grand prix cycliste de Québec : le maire Marchand accueille Sylvan Adams, apologiste du génocide, pour ne pas « pénaliser un gars de chez-nous »

16 septembre, par Coalition de Québec pour une Palestine libre — ,
Québec, le 10 septembre 2025. – La participation de l'équipe Israël-Premier Tech (IPT) au Grand Prix Cycliste de Québec et de Montréal le 12 et le 14 septembre soulève une (…)

Québec, le 10 septembre 2025. – La participation de l'équipe Israël-Premier Tech (IPT) au Grand Prix Cycliste de
Québec et de Montréal le 12 et le 14 septembre soulève une vive opposition citoyenne.

En Europe, la présence de l'équipe aux compétitions a été fortement dénoncée. Le copropriétaire de l'équipe, Sylvan Adams, illiardaire québécois proche du premier ministre Netanyahu, s'est installé en Israël en 2015 et « consacre depuis son temps et ses ressources à élever l'image d'Israël sur la scène internationale ». Il a mentionné sur les médias israéliens avoir procuré de l'équipement à l'armée et a appelé à « terminer le travail » et « nettoyer Gaza ». La plateforme médiatique donnée à Sylvan Adams permet de légitimer autant son projet politique avoué que son discours génocidaire, alors que la Cour internationale de justice a qualifié le régime sioniste d'apartheid et l'occupation par Israël des territoires palestiniens depuis 1967 « illégale », exigeant qu'il s'en retire inconditionnellement « le plus rapidement possible ».

La tenue du Grand Prix Cycliste coïncide avec le lancement de la campagne électorale municipale à Québec. Le
3 septembre dernier, tout en exprimant sa tristesse devant la situation à Gaza, le maire Marchand a affirmé que
« la ville n'a pas de rôle à jouer ». Or, en se gardant de dénoncer la présence de Sylvan Adams et de son équipe
à la compétition, le maire Marchand fait bel et bien jouer un rôle à la ville de Québec, celui de normaliser les
actions d'Israël. Il pourrait en être autrement : plusieurs municipalités dans le monde ont officiellement mis fin
à toute collaboration avec Israël, devenant ainsi des villes sans apartheid. Alors que les organisateurs ne peuvent décider du retrait d'une équipe, contrairement à l'Union cycliste internationale (UCI), le maire peut dénoncer sa présence. Interrogé là-dessus, le maire a expliqué : « Je ne peux pas pénaliser un gars de chez nous », « c'est juste ça ». L'UCI fait, d'ailleurs, l'objet de pressions même de la part d'anciens coureurs d'IPT comme Alessandro De Marchi, qui déclarait en juillet 2025 : « Nous devons montrer que, dans le monde du cyclisme, on se soucie des droits humains et des violations du droit international. ».

Faire abstraction du génocide et de ses obligations juridiques pour protéger « un gars de chez nous », qu'il
s'agisse d'un sportif ou d'un investisseur, revient à se positionner comme une ville qui privilégie des intérêts
privés plutôt que les droits humains. Au Québec, syndicats, groupes communautaires, universités et hôpitaux
ont dénoncé l'apartheid israélien et ont exigé le désinvestissement de la CDPQ d'entreprises impliquées dans
l'occupation et le génocide bien avant que la Rapporteuse spéciale des Nations Unies pour les Territoires
palestiniens occupés, Francesca Albanese, n'expose le rôle de la Caisse dans son dernier rapport du 16 juin 2025.

C'est seulement dans une ville qui refuse l'apartheid et la normalisation du génocide qu'on pourra véritablement
dire : Québec, forte et fière, est une ville de vivre-ensemble.

En tant que regroupement de citoyens et citoyennes de la Ville de Québec, la Coalition pour une Palestine Libre
souhaite une municipalité :

● qui se positionne clairement contre une équipe comme IPT au Grand Prix Cycliste de Québec, refusant
ainsi tout soutien symbolique à l'État d'Israël ;

● qui s'engage à appliquer une politique de boycottage, de sanctions et de désinvestissement pour tout
partenariat politique, économique et culturel avec l'État, les institutions et les entreprises d'Israël ou
toute institution ou entreprise qui profite au régime d'apartheid, à l'occupation et à la violation des
droits humains par Israël en Palestine, y compris les entreprises de Sylvan Adams.

Pour renseignements : Coalition de Québec pour une Palestine libre, coalition4palestine@proton.me

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Le mémoire de MQRP dans le cadre des consultations particulières du PL 106

16 septembre, par Médecins québécois pour le régime public (MQRP) — , ,
Le conseil d'administration de Médecins québécois pour le régime public vous invite à consulter le mémoire qu'il a rédigé dans le cadre des consultations particulières du (…)

Le conseil d'administration de Médecins québécois pour le régime public vous invite à consulter le mémoire qu'il a rédigé dans le cadre des consultations particulières du projet de loi 106, intitulé Construire plutôt que déstabiliser : propositions alternatives pour une réforme de la première ligne.

Pour consulter notre mémoire

Commentaires sur le projet de loi N° 106

La position de MQRP en bref

Encore une fois, le diagnostic est juste, mais le plan de traitement a été élaboré de manière précipitée, sans tenir compte de toutes les dimensions du problème. MQRP s'inquiète des répercussions cliniques et systémiques de l'adoption et la mise en œuvre hâtive d'une réforme partielle, fondée sur des indicateurs quantitatifs non validés. Une telle approche est susceptible d'entraîner une sélection de la patientèle et un désengagement des soignant·es.

MQRP n'est pas opposé à une réforme de la première ligne et de la rémunération médicale. Au contraire : nous la jugeons nécessaire, à condition qu'elle soit réfléchie, équitable et structurée, fondée sur la concertation, la transparence et les données probantes. Dans sa forme actuelle, le projet de loi n° 106 (PL 106) risque d'affaiblir durablement l'accès aux soins pour la population québécoise et de réduire l'offre de services dans le système public.

1. Une réforme précipitée, sans fondement empirique ni concertation

Le PL 106 suscite de sérieuses préoccupations quant à sa pertinence, sa faisabilité et ses impacts. Il semble avoir été élaboré dans l'urgence, sans s'appuyer sur un fondement empirique rigoureux, ni faire l'objet d'une consultation adéquate des expert·es du système de santé ni des professionnel·les du terrain. Le rapport sur la première ligne commandé par le MSSS semble lui-même ne pas avoir été pris en compte.

Bien que MQRP salue la mention dans le projet de loi d'une obligation de consultation des différents groupes (organismes représentant les médecins et les personnes assurées) dans l'élaboration des objectifs, celle-ci nous apparaît insuffisante. En effet, la prise de décision demeure largement centralisée entre les mains du ministre.

Le PL 106 introduit une série de mesures (capitation, bonis collectifs, exigences de prise en charge) qui alourdissent la pression sur les médecins de première ligne et génèrent une lourde bureaucratie fondée sur une collecte massive de données nécessaires à la réalisation de calculs complexes. Les indicateurs de performance proposés négligent en grande partie les soins réellement dispensés, les particularités locales ainsi que la diversité et la complexité des besoins des populations, en plus d'encourager une « médecine de volume » au détriment de la qualité, de la continuité et de la pertinence des soins.

L'expérience passée, notamment avec la loi 20, a déjà mis en lumière les effets pervers des mécanismes de bonification ou de pénalités : adaptation stratégique des pratiques pour répondre aux indicateurs (« gaming »), perte de motivation professionnelle, démobilisation, priorisation des cas simples au détriment des patients plus vulnérables et érosion du lien de confiance entre les soignant·es et le système de santé. Selon MQRP, une telle approche compromet les fondements mêmes d'une médecine de première ligne qui se veut universelle et accessible.

2. Un problème d'accès systémique qui appelle des solutions globales

Le PL 106 impose aux médecins la responsabilité de résoudre les enjeux d'inscription et d'accès, sans proposer de mesures pour remédier aux obstacles structurels qui limitent actuellement l'accessibilité. Ces enjeux résultent entre autre d'un manque de ressources humaines et structurelles, d'une organisation inefficace, d'une sous-représentation des professionnel·les non-médecins au sein du système public, d'une coordination insuffisante des soins au sein du réseau, ainsi que d'une privatisation croissante touchant tous les aspects des soins de première ligne. Le gouvernement ne peut pas se déresponsabiliser de ses propres devoirs quant au fonctionnement et au financement du système dans son ensemble sous le couvert de la « responsabilité collective » et de l'« imputabilité » des médecins.

Bien que le nouveau modèle proposé par le PL 106 semble permettre une rémunération des médecins pour des soins confiés à d'autres professionnel·les, aucun changement n'y est prévu concernant l'offre de soins non médicaux. Comme nous l'avons exprimé dans plusieurs publications, une solution durable doit passer par une approche interprofessionnelle, incluant des soins prodigués par divers professionnels couverts par l'assurance maladie, une planification territoriale adaptée, ainsi qu'une utilisation optimale des ressources existantes.

Les études démontrent que les approches intégrées, centrées sur la collaboration entre les professionnel·les en médecine, soins infirmiers, pharmacie, travail social et autres domaines de la santé sont plus efficaces pour améliorer l'accès de façon réelle, durable et équitable que les approches seulement centrées sur l'offre de soin par les médecins. (Campbell et al., 2000).

3. Une réforme susceptible d'aggraver les inégalités

Le PL 106, en augmentant le paiement par capitation et en introduisant des cibles de performance uniformes de groupes, comporte des risques particulièrement préoccupants pour l'équité, et ce, tant pour les patient·es que pour les professionnel·les de la santé.

Les modèles de rémunération soumis créent une incitation à privilégier les patient·es en meilleure santé, au détriment de ceux et celles qui présentent des besoins plus complexes, souvent liés à des déterminants sociaux tels que la pauvreté, l'isolement ou l'immigration récente. Ces facteurs, absents des critères de modulation proposés par le projet de loi, sont pourtant centraux pour évaluer la charge réelle de soins. Sans l'intégration d'indicateurs sociaux validés, le modèle de paiement par capitation risque de renforcer les inégalités d'accès et de nuire à la qualité des soins.

Les milieux qui desservent des clientèles plus vulnérables requièrent davantage de coordination interprofessionnelle et de temps clinique, lesquels sont invisibilisés par les indicateurs de performance inscrits dans le PL 106. En ne tenant pas compte de ces réalités, la réforme pénalise et décourage les pratiques axées sur les soins aux personnes plus vulnérables.

Cette réforme risque également d'affecter de manière disproportionnée les femmes médecins, qui assument fréquemment des charges professionnelles invisibles — coordination, supervision, soutien aux équipes — et qui sont plus susceptibles d'être considérées comme travaillant à temps partiel en raison des congés de maternité ou des responsabilités familiales et de proche aidance qu'elles assument. En invisibilisant ces formes d'engagement professionnel, la réforme perpétue des biais genrés et envoie un signal dissuasif aux nouvelles générations de médecins.

4. Pour des indicateurs de qualité, au-delà de la logique comptable

MQRP appelle à une réforme axée davantage sur la qualité des soins plutôt que sur des objectifs purement quantitatifs. Les indicateurs retenus doivent être validés scientifiquement, sensibles aux contextes cliniques variés, élaborés avec les professionnel·les du terrain et arrimés aux besoins réels de la population.

L'amélioration des soins passe par la valorisation de la relation thérapeutique, ainsi que sur la continuité et la pertinence des soins — autant d'éléments que le PL 106 néglige au profit d'une logique de performance comptable : nombre de patients affiliés, rapidité d'accès, fréquence des actes facturables, performance de groupe (plutôt qu'individuelle). Cette vision technocratique du travail médical fait abstraction d'une part essentielle de la pratique : les activités cliniques invisibles non codifiables, mais essentielles à la qualité et à la durabilité des soins, par exemple la coordination interdisciplinaire, les communications cliniques, l'engagement dans l'amélioration continue des soins, l'enseignement, la supervision, la formation des pairs et la participation aux activités académiques. Une véritable réforme de la première ligne devrait valoriser ces contributions fondamentales, qui prennent du temps et ne peuvent être évaluées à l'aune des indicateurs proposés.

Il faut souligner que la formation des futures générations de médecins repose sur un engagement significatif des clinicien·nes, exigeant du temps, de la préparation et une présence active auprès des apprenant·es. Le PL 106 risque de nuire à l'attractivité de ces tâches, de fragiliser la qualité de l'enseignement, de décourager les milieux de soins à mission universitaire et de compromettre ainsi la relève médicale.

5. Une responsabilité collective à géométrie variable : la privatisation comme angle mort de la réforme

La réforme proposée vise à confier aux médecins une responsabilité collective pour la prise en charge de l'ensemble de la population québécoise. Or, cette ambition repose sur une incohérence majeure : aucune mesure n'est prévue pour rapatrier les médecins qui exercent actuellement dans le secteur privé, ni pour les intégrer à cet effort collectif. Une part non négligeable du corps médical échappe ainsi à cette responsabilité.

Au début de l'année 2025, on comptait déjà 502 médecins omnipraticien·nes exerçant exclusivement dans le secteur privé, soit environ 5 % de l'effectif total. Ce nombre est appelé à croître rapidement, notamment sous l'effet de l'accélération du recrutement par les entreprises privées et du climat d'incertitude créé par le dépôt du projet de loi n° 106, perçu par plusieurs comme contraignant.

Il est essentiel de rappeler que le retour de ces quelque 500 omnipraticien·nes dans le système public permettrait potentiellement d'assurer la prise en charge de 500 000 à 1 000 000 patient·es actuellement sur des listes d'attente. Dans le contexte de pénurie d'accès à un·e médecin de famille, il s'agit d'une capacité significative qui ne peut être ignorée.

Toute réforme sérieuse visant une responsabilité collective doit inclure des mécanismes concrets pour s'attaquer à cette échappatoire structurelle. Cela pourrait notamment impliquer l'abolition du statut de médecin non participant à la RAMQ, ainsi que le recours à l'article 30.1 de la Loi sur l'assurance maladie, qui permet au gouvernement d'obliger le retour des médecins au régime public.

Conclusion

MQRP soutient une réforme de la première ligne et une refonte du mode et du montant de rémunération, à condition qu'elles favorisent réellement une meilleure prise en charge, par le bon professionnel, au bon moment, pour le bon patient. Cependant, le projet de loi 106 rate une occasion précieuse d'améliorer durablement l'accès aux soins de première ligne en privilégiant une approche technocratique et descendante, plutôt qu'un changement constructif fondé sur la science, l'écoute et la collaboration.

Une réforme d'une telle envergure ne peut pas être improvisée ni dictée par des négociations entre le gouvernement et les fédérations médicales. Elle doit s'appuyer sur une analyse rigoureuse des risques, ainsi qu'une concertation avec les milieux cliniques et les expert·es du terrain. C'est dans cet esprit que MQRP formule ses recommandations : non pas pour s'opposer à la réforme, mais pour l'ancrer dans une vision responsable, équitable et durable du système public de santé, garantissant un accès universel et de qualité ; faute de quoi, les effets secondaires de cette réforme pourraient être plus dommageables que les problèmes qu'elle tente de corriger.

Les recommandations de MQRP

Compte tenu des préoccupations exprimées, MQRP recommande de :

● Suspendre l'étude du projet de loi n° 106 pour permettre une révision complète de ses fondements et de ses impacts ;

● Mettre en oeuvre les recommandations du comité d'experts sur l'accès aux soins de première ligne (Boulanger, Groulx et Breton) ;

● Réformer la rémunération à la lumière des recommandations d'un comité d'expert·es indépendant·es, avec la participation de médecins, d'autres professionnel·les de la santé, d'universitaires et de représentant·es du public ;

● Adopter des indicateurs de qualité validés et sensibles à la complexité clinique et contextuelle ;

● Mettre en place les mesures de manière intégrée, graduelle et évaluable, afin d'éviter de déstabiliser un système déjà fragilisé ;

● Protéger et valoriser l'offre publique de soins de première ligne, contribuant à renforcer le contrat social qui lie les médecins à la population et leur engagement à soigner les patient·es au sein d'un système de santé universel, gratuit et public ;

● Réaffirmer le rôle du gouvernement comme gardien du système de santé public, notamment en assurant des conditions de travail justes aux diverses professions de la santé ;

● Assurer la couverture des soins de première ligne offerts par d'autres professions (psychologie, physiothérapie, orthophonie, ergothérapie, etc.) par leur intégration rapide dans l'offre de soins publique ;

● Assurer un financement récurrent, prévisible, suffisant et à la mission des organismes communautaires œuvrant en première ligne ;

● Recourir à l'article 30.1 de la Loi sur l'assurance maladie pour freiner la désaffiliation de médecins, abolir le statut de médecin non-participant à la RAMQ (indépendamment du nombre d'années de pratique), et interdire la mixité de pratique en télémédecine ainsi que les pratiques d'affiliation et désaffiliation répétées.

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Québec Solidaire : sur la voie de sortie ?

16 septembre, par Jean-François Delisle — ,
C'est la question qu'on peut se poser non sans inquiétude ni déception quand on compare les résultats du scrutin d'octobre 2022 avec ceux des sondages subséquents. Qu'on en (…)

C'est la question qu'on peut se poser non sans inquiétude ni déception quand on compare les résultats du scrutin d'octobre 2022 avec ceux des sondages subséquents.

Qu'on en juge par les chiffres suivants :

SCRUTIN D'OCTOBRE 2022

COALITION AVENIR QUÉBEC (CAQ) : 40.9% 90 DÉPUTÉS
PARTI LIBÉRAL DU QUÉBEC (PLQ) : 14,3% 21 DÉPUTÉS
QUÉBEC SOLIDAIRE (QS) : 15.4% 11 DÉPUTÉS
PARTI QUÉBÉCOIS ((PQ) : 14% 3 DÉPUTÉS
PARTI CONSEVATEUR DU QUÉBEC (PCQ) 12.9% 0 DÉPUTÉ

En ce qui concerne QS, on note une baisse marquée du vote en sa faveur depuis, révélée par les sondages les plus récents, alors que le PQ lui, caracole un peu en bas de 40% des intentions de vote. Examinons cela de plus près.
Selon le sondage Pallas Data du 6 septembre dernier :

CAQ : 11%
PLQ : 27%
QS : 8%
PQ : 38%
PCQ : 15%

Le coup de sonde Léger, effectué le 17 août, affiche des résultats voisins :

CAQ ; 17%
PLQ : 26%
PQ : 35%
QS : 9%
PCQ : 10%

On voit que Québec solidaire traîne en queue de liste. Depuis le scrutin de 2022, les mesures d'intention de vote prouvent que le parti de gauche perd beaucoup de terrain. Ce n'est pas se complaire dans une sorte de morosité masochiste que de le dire. De 15% des voix obtenues en 2022, Québec solidaire a reculé à un pauvre 8 ou 9% aujourd'hui. De quelle manière remédier à ce recul et au moins regagner le terrain perdu ?

Tout d'abord, il faut noter que le but des membres fondateurs du parti, (issu de la fusion de l'Union des forces progressistes et d'Option citoyenne en 2006) était de ressusciter sur le plan électoral l'axe gauche-droite pour battre en brèche les politiques brutales de compressions budgétaires imposées à la population depuis le début de la décennie 1980 par les partis dominants, péquiste et libéral, lesquels sur cette question se rejoignaient. Les fondateurs et fondatrices de Québec solidaire tenaient à dépasser le clivage souveraineté-fédéralisme qui reléguait au second plan le problème aigu des inégalités sociales croissantes, bien que plusieurs d'entre eux et d'entre elles étaient indépendantistes. Comme il n'est pas possible de mettre sur pied un parti majeur au Québec sans se prononcer sur ce qu'on appelle « la question nationale », Québec solidaire a du choisir son camp. Il a donc opté pour la souveraineté-association, mais celle-ci nettement social-démocrate.

Les premiers élus de Québec solidaire possédaient une personnalité assez charismatique : Françoise David et Amir Khadir, ce qui a contribué aux succès électoraux de la formation. Par la suite, Gabriel Nadeau-Dubois, ancien leader contestataire de 2012 doté d'une personnalité rassembleuse leur a succédé en 2018 avec Manon Massé comme co porte-parole du parti. Il avait l'étoffe nécessaire pour augmenter l'audience électorale du parti, alors que Manon Massé se situait plus à gauche et pouvait galvaniser les militants et militantes. Ils semblaient se compléter l'un l'autre. Mais en mai 2025, monsieur Dubois a annoncé son départ comme chef parlementaire du parti à la suite de débats internes acrimonieux. Il fut remplacé par madame Ruba Ghazal. Le processus de succession de monsieur Dubois va mener bientôt à l'élection d'un autre co porte-parole.

Toutes ces dissentions affaiblissent bien sûr le parti, mais elles résultent aussi d'une étape inévitable dans l'existence de toute formation de gauche. C'est le problème central et récurrent de l'élargissement de son audience électorale. En effet, si le parti veut sortir de son ghetto électoral, il doit rejoindre une plus vaste portion de l'électorat (progressiste mais pas nécessairement très à gauche) et pour cela, consentir à des compromis sur les aspects les plus à gauche de son programme, ce qui déplaît fortement à l'aile la plus militante de la formation. Il doit adopter des positions plus centristes sur certains points, ce que les membres les plus à gauche considèrent souvent comme de la trahison ; d'où des dissentions internes qui mettent le parti en péril de marginalisation. Ce sont ces difficultés qui expliquent le départ de monsieur Dubois. Ces tiraillements internes nuisent à la cohésion de Québec solidaire et diminuent sa crédibilité auprès des électeurs et électrices, y compris les siens.

Par ailleurs, il est révélateur que les partisans péquistes, qui avaient rallié les rangs de la CAQ et soutenu le parti de François Legault pendant plusieurs années sont retournés au Parti québécois sans se laisser tenter par « l'option Québec solidaire », ce qui explique la remontée fulgurante dans les intentions de vote du parti de Paul Saint-Pierre Plamondon après le scrutin de 2022. On peut même se demander si les défections au sein de l'électorat solidaire ne résultent pas d'une « désertion » de certains de ses membres au profit du Parti québécois. En tout cas, le rejet par les militants et militantes de tout projet de convergence avec le Parti québécois lors du congrès de mai 2017 fut sans doute, quand on analyse les faits après coup, une grave erreur stratégique. Il faut toutefois convenir qu'à cette époque, le Parti québécois n'en menait pas large et semblait même en voie de disparition.

Ces deux problèmes, les débats et querelles sur l'assouplissement relatif du programme ébranlent souvent l'unité des partis de gauche et ébrèchent leur crédibilité auprès de l'électorat. surtout le plus centriste, dont l'appui est crucial pour acquérir une importance politique décisive. C'est un écueil auquel a été confronté le Parti québécois au début de son histoire sur la question de l'accession du Québec à la souveraineté.
Il y a un équilibre difficile à trouver entre la fidélité à ses principes fondateurs d'une part, et d'autre part le nécessaire pragmatisme pour toute formation de gauche qui se veut rassembleuse au point d'accéder au pouvoir, ou du moins de faire élire assez de députés pour exercer une influence incontournable à l'Assemblée nationale.

Si Québec solidaire veut éviter une inexorable marginalisation, prélude probable à sa disparition, il n'a pas d'autre choix que d'aborder ce problème franchement, sans faux-fuyants.
Enfin, même si c'est difficile à démontrer, il se peut que le parti souffre en plus du discrédit qui frappe en ce moment les formations de gauche dans le monde occidental.

Jean-François Delisle

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Haro sur la religion !

16 septembre, par Mario Charland — ,
À lire des articles comme celui de Marie-Claude Girard sur le site Web de l'Aut'journal (« Laïcité 2.0 et droit des femmes à l'égalité », 2025/09/05), on se croirait en (…)

À lire des articles comme celui de Marie-Claude Girard sur le site Web de l'Aut'journal (« Laïcité 2.0 et droit des femmes à l'égalité », 2025/09/05), on se croirait en présence d'un plaidoyer dénonçant les inégalités homme/femme dans une société traversée de part en part par des pratiques et des valeurs religieuses avec, à sa tête, un gouvernement de clercs ayant imposé au pays une Constitution faisant du Québec une République islamique !

Ce « grand écart » entre les « réelles » menaces du fait religieux pour l'égalité homme/femme et les aboiements de certaines féministes qui mélangent pêle-mêle laïcisation/sécularisation nous amène à constater que bien des baby-boomers (ou leur directs descendants) n'ont pas fini de régler leur compte avec leur passé trouble concernant la religion catholique qui eut, à une certaine époque, un véritable ascendant sur l'ensemble du corps social québécois à tous les niveaux (politique, culturel, intellectuel, idéologique, socio-économique, etc.) En d'autres termes, et sans vouloir faire de rapprochement inique, on pourrait dire que nous sommes en face d'une forme singulière de « stress post-traumatique » qui donne lieu à des obsessions et des idées envahissantes pour celui (ou celle) qui en est atteint.

Au delà de ce « biais » idéologique qui, dans le contexte québécois contemporain, s'explique aisément par les réminiscences d'un passé pas si lointain qui habite encore l'inconscient collectif sous forme de « trauma », il y aussi l'impact de cette « pseudo-ignorance » du fait religieux comme phénomène universel dont on ne peut faire l'économie pour saisir adéquatement l'essence de toutes les grandes civilisations, les aspirations les plus hautes de l'Humanité depuis qu'elle s'est détachée du règne animal, bref la nature humaine dans son insondable complexité. Réduire la Religion au caractère « sexiste » de certaines conceptions des rapports homme/femme présentes dans les trois grands Monothéismes relève d'une malhonnêteté « intellectuelle » particulièrement navrante de la part d'« intellectuel-le-s » prétendument « progressistes », donc opposées, en principe, à toute forme d'obscurantisme, même celui qui se revendiquerait des Lumières de la Raison.

À suivre cette logique réductionniste, il faudrait rejeter tous les acquis de la Révolution française sous prétexte que, malgré les promesses faites aux femmes par les leaders (jacobins ou autres) dans l'élan insurrectionnel entourant la prise de la Bastille, elles furent finalement reléguées à leur rôle traditionnel de « bonniches » une fois la ferveur révolutionnaire retombée ; ou encore à sous-estimer, après coup, l'apport philosophique considérable du Siècle des Lumières depuis les révélations faites à partir de recherches historiques plus approfondies qui nous dévoilent un aspect moins « lumineux » de la pensée des grands noms de cette époque (Voltaire, Rousseau, Kant, Hume, etc.) : à quelques exceptions près, parallèlement à l'avant-gardisme de leur prise de position socio-politique, au progressisme de leur vision du monde en rupture avec les idées et attitudes réactionnaires des élites aristocratiques de l'époque, ils ont tous donné leur aval aux pratiques esclavagistes, colonialistes, racistes et … « sexistes » de leurs contemporains, accordant même une vertu « civilisatrice » prototypique au fait de contraindre les barbares, les sauvages, les « primitifs » d'entrer en contact avec le monde plus avancé, développé, évolué et intelligent de l'Europe.

Qu'à cela ne tienne ! Les beaux grands principes politiques, philosophiques, juridiques auxquels se réfèrent nos promoteurs d'une laïcité radicale ont une source imminemment religieuse : la Charte des droits de l'Homme de l'ONU, supposée garantir l'égalité entre « tous » les Hommes, donc entre « tous » les hommes et « toutes » les femmes, est inspirée des dix commandements (« Tu ne tueras point », « Tu ne porteras pas de faux témoignage », etc.) gravés sur la pierre par Moïse après lui avoir été transmis, au contact du Buisson ardent, par Dieu le Père lui-même. En conséquence, le féminisme antireligieux de Marie-Claude Girard, partagé par la « clique » petite-bourgeoise du Collectif PDF qui s'acoquine en toute insouciance avec un gouvernement néo-conservateur, xénophobe, qui fraye avec le nationalisme identitaire, puise sa légitimité dans l'expérience la plus « patriarcale » qui soit des relations entre l'Homme et Celui qui l'a conçu à son image et à sa ressemblance…
Un peu plus et on pourrait soupçonner cette fixation sur le voile islamique d'avoir des connivences avec une forme « larvée » d'islamophobie. En témoigne cette récupération du principe de la Laïcité de l'État à des fins « idéologiques », d'obédience « féministe » le cas échéant. À prime abord, la Laïcité n'a rien à voir avec le sexisme que subiraient les femmes soumises aux diktats religieux. La séparation des pouvoirs entre l'Église et l'État est un geste « politique » qu'on doit resituer dans son contexte « historique » pour en saisir correctement la signification. Ce contexte, c'est celui de la montée de la bourgeoisie en Europe à partir de la Renaissance, qui a trouvé son air d'aller au dix-huitième siècle et son aboutissement au dix-neuvième. Les progrès philosophiques, scientifiques, techniques, à la fois comme causes et conséquences des nouvelles libertés intellectuelles arrachées au Clergé et à la classe oisive des aristocrates, des nouveaux modes de production et d'économie « capitalistes », des nouvelles terres « découvertes », arpentées et conquises à l'autre bout du monde débordaient des cadres institutionnels de type « féodal » hérités du Moyen-âge.

Les nouvelles élites dirigeantes devaient donc s'affranchir des codes religieux, politiques, économiques tombés en désuétude pour asseoir leur domination, en solidifier les fondements et en assurer la pérennité. À cet égard, la séparation des pouvoirs entre l'Église et l'État, qu'on associe aujourd'hui aux principes « républicains » de la laïcité, est à considérer comme un « transfert » de ce pouvoir de l'une à l'autre, rendu possible d'abord par un rapport de force favorable à la nouvelle classe de décideurs supplantant l'ancienne, ensuite par les prérogatives d'une nouvelle « morale », plus démocratique et égalitaire, se substituant à celle des privilèges, de l'absolutisme, de la Monarchie de droit divin.

L'Avènement de la « République » dans l'Histoire moderne n'est ainsi pas exempte d'ambiguïtés et de contradictions, rendant hasardeux le fait d'y voir uniquement un progrès de la « conscience » qui, de proche en proche, s'est étendu à l'ensemble du corps social jusqu'à l'époque contemporaine et dont le « féminisme » représenterait un de ses ultimes aboutissements. L'État de droit sur lequel s'appuient, non seulement les mouvements féministes mais aussi les minorités sexuelles, ethniques, linguistiques, religieuses, les syndicats de travailleurs, les comités de citoyens, les groupes environnementaux, les Peuples autochtones est un produit « historique » qui aurait pu ne pas advenir et qui peut, à tout moment, disparaître de l'horizon du champ politique occidental comme cela semble avoir déjà commencé dans le pays le plus emblématique de cette démocratie libérale, les États-Unis d'Amérique ! Le cas échéant, il est à peu près certain que le continent européen, qui a donné naissance à cette expérience que d'aucuns considèrent comme originale, particulière, « singulière », voire « exceptionnelle », ne résistera pas à la vague populiste d'extrême-droite à l'œuvre outre-Atlantique qui va vraisemblablement déboucher sur une nouvelle forme de fascisme.

De par son caractère « contingent », l'État de droit draine avec lui cette possible auto-destruction, cette possibilité de sabotage, de déviation de son cours naturel, de trahison de sa mission d'origine et d'instrumentalisation à des fins politiques, idéologiques, pour servir des intérêts privés, corporatistes, des intérêts de classe, pour établir de façon arbitraire et maintenir en place une hiérarchie, instaurer des privilèges, etc. À cet égard, la Laïcité, considérée comme étant con-substantielle à l'instauration de l'État de droit, peut faire l'objet d'une même instrumentalisation, d'autant plus que cette parenté institutionnelle lui assure une plus grande respectabilité. Une fois ce cadre défini, il devient donc possible en toute légitimité (et même en toute « légalité ») de rappeler « […] que même si les femmes qui portent ce vêtement [niqab, burqa, hidjab] disent le porter volontairement, elles ne peuvent renoncer à leur droit à l'égalité et à leur doit à la dignité. [Sinon] l'État […] légitime [ainsi] l'atteinte à leur dignité humaine. » — Marie-Claude Girard, op. cit. C'est moi qui souligne.
En d'autres termes, les femmes qui assument ouvertement (donc « librement ») leur appartenance à une tradition ethno-religieuse contreviennent à une liberté qui leur est supérieure, la liberté « républicaine » qui a la prérogative, non seulement de définir pour Autrui les critères du Bien, du Bon et du Juste mais aussi celle de pouvoir les lui imposer nonobstant sa volonté, sa propre conception de ce qu'est la dignité, au-delà du « libre-arbitre » (donc de la liberté de conscience défendue par Girard comme justificatif à la Loi 21) qui est pourtant à la source même des notions juridiques de droit universel inaliénable inscrites dans les Chartes à l'échelle internationale, assises des revendications féministes pour l'égalité homme/femme.

Faut-il en conclure qu'un certain « féminisme », défendu par des groupes de pression comme “Pour le Droit des Femmes” (PDF), des journaux comme L'Aut'journal, Le Journal de Montréal/de Québec, Le Devoir, des Partis politiques comme la CAQ, le PQ, des journalistes comme Marie-Claude Girard, J.-F. Lisée, des Intellectuels comme Normand Baillargeon n'ont d'autres outils que la « sophistique » pour nous convaincre du bien fondé de leur position favorable à l'égard de la Loi 21 sur la Laïcité de l'État ? Le (ou la1) sophiste est passé maître dans l'art de rendre « vraisemblable » ce qui est « invraisemblable », « crédible » ce qui devrait plutôt faire l'objet d'un doute méthodique, « légitime » ce qui relève au contraire d'un chauvinisme des plus « obtus ».

Stigmatiser ainsi des Québécoises nouvellement arrivées, désirant s'intégrer à la majorité canadienne-française de confession « catholique » tout en s'affirmant comme partie prenante d'une culture étrangère mais non « hostile » pour autant aux valeurs de la société d'accueil, nous ramène à une autre époque où l'« étrange », le différent, l'« Autre » constituaient une menace à la cohésion interne du groupe, d'où le refus de les intégrer en misant sur l'apport qu'ils peuvent apporter à la société et leur bonne foi quant aux efforts inévitables d'adaptation auxquels ils devront consentir. La différence, c'est qu'aujourd'hui la société québécoise, à l'image de plusieurs sociétés occidentales, dispose de moyens, de procédés, de « procédures » beaucoup plus sophistiqués que par le passé pour faire comprendre aux immigrants qu'on leur fait une faveur en les acceptant et qu'ils doivent en être reconnaissants, même si, pour cela, ils doivent renoncer à ce qui, à leurs yeux, leur est le plus cher, c'est-à-dire tout ce qui les relie encore à la culture de leur pays d'origine avec lequel ils on dû rompre, de gré ou de force, ce qui, dans un cas comme dans l'autre, ne peut être vécu que douloureusement.

Le rejet est moins brutal mais d'autant plus insidieux qu'il se pare de vertus « républicaines », « démocratiques », « progressistes » avec, comme devise, écrite en grosses lettres sur le fronton des Institutions parlementaires, le slogan : « Égalité homme/femme » devenu propagande d'État à laquelle tous et toutes doivent se plier sans poser de questions sur la signification exacte de cette « égalité », le contexte dans lequel elle s'applique, la liberté d'interprétation qu'elle permet selon les cultures, les convictions, les visions du monde…

Note

1. Soyons inclusif !

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Souveraineté alimentaire

16 septembre, par Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes (CQMMF) — ,
Entre novembre 2023 et novembre 2024, la CQMMF a organisé une série de cinq (5) webinaires qui avait pour but de faire le tour du monde des résistances féministes. Chaque (…)

Entre novembre 2023 et novembre 2024, la CQMMF a organisé une série de cinq (5) webinaires qui avait pour but de faire le tour du monde des résistances féministes. Chaque webinaire a été consacré à un thème spécifique et à une région du monde nous permettant de partager nos expériences et surtout de mieux comprendre comment s'organisent les résistances féminises.

tiré de la page web de la CQMMF
https://cqmmf.org/tour-du-monde-de-resistances-feministes.html?utm_source=Cyberimpact&utm_medium=email&utm_campaign=Infolettre-large--fevrier-2025#MENA

 Afrique

Le deuxième webinaire a eu lieu le 21 février 2024 avec des représentantes de l'Afrique, de la Côte d'Ivoire et du Kenya, webinaire ayant comme thème la souveraineté alimentaire (avec l'interprétation français-anglais et de la langue des signes du Québec (LSQ)).

Solange Sanogo Kone de la Côte d'Ivoire est une militante de la société civile et de la Marche mondiale des femmes. Elle est très impliquée dans les luttes citoyennes sur l'accès à l'eau, à la terre et aux semences. Elle est aussi très active dans la lutte pour l'annulation des dettes illégitimes (CADTM) en Belgique.

Sophie D. Ogutu, du Kenya, est une artiste féministe qui fait de l'éducation populaire et de l'art pour la transformation sociale. Elle est une militante de la Marche mondiale des femmes depuis de nombreuses années. L'accès à la nourriture et à l'eau est une clé importante pour assurer la souveraineté alimentaire aux femmes et aux familles.

Qu'Est-ce que la souveraineté alimentaire ?

Pour introduire la thématique, l'animatrice a présenté brièvement les importants défis à relever concernant l'agriculture au Québec : les terres agricoles représentent 2% des sols au Québec d'où l'importance de les préserver ; il y a actuellement un danger d'accaparement des terres agricoles avec le développement de parcs éoliens dans plusieurs régions du Québec ; l'exploitation industrielle des terres diminuent l'accès aux terres à la relève agricole ; l'urbanisation des régions au dépend des terres agricoles ; etc.

Somme toute, au Québec, il n'y a pas de plan d'ensemble pour convenir des prochains développements, et ce, dans une perspective de transition écologique durable.

Lors des actions en 2020, la CQMMF a d'ailleurs revendiqué l'importance de développer tous les prochains développements au Québec avec un plan de transition écologique conséquent, avec des mesures pour donner l'accès à l'eau, à l'alimentation et pour une agriculture de proximité basée sur l'agroécologie et l'économie circulaire.

Après avoir présenté brièvement la Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes (CQMMF) et les deux conférencières invitées, nous avons diffusé une brève vidéo pour expliquer ce qu'on entend par la souveraineté alimentaire (vidéo produite par l'Association québécoise des organisations de coopération internationale -AQOCI).

luttes et résistances

Solange et Sophie ont présenté les grands défis et problématiques sur lesquels elles travaillent pour « faire changer les choses ».

Solange provient de l'Afrique de l'ouest, d'un pays agricole qui produisait traditionnellement la production de céréales et de riz. Mais le gouvernement a décidé d'imposer la culture du café et du cacao. Cette situation a provoqué des tensions sur la production traditionnelle avec l'arrivée de produits importés de l'Asie et de l'Ukraine et avec l'accaparement des terres agricoles par les plus riches (qui ont des pratiques causant l'épuisement des sols !).
La lutte pour que les femmes aient accès à la propriété des terres est très importante. En effet, les femmes n'ont pas le droit d'hériter des terres même si elles y travaillent depuis fort longtemps. Bref, ce sont les hommes qui touchent les bénéfices du travail des femmes. Un groupe a été créé pour revendiquer le droit et l'accès aux revenus et à la justice pour les femmes ivoiriennes.

Et, Sophie a expliqué le rôle des femmes du Kenya. Le sujet « femme » est invisible malheureusement, c'est une question très politisée, et ce, en lien avec la crise climatique et économique qui touche spécifiquement la production agricole. D'ailleurs, le manque de pluie provoque d'importants problèmes auxquels les femmes doivent faire face.
Cette situation empêche le travail des femmes tout en créant de la famine.

Les alternatives à développer

Mais les femmes s'organisent, elles sont en alliance le groupe Via Campesina, groupe qui défend le « droit de produire leur propre nourriture sur leur propre territoire » en préservant l'environnement et les valeurs culturelles des peuples. Elles luttent pour développer l'agroécologie, pour protéger les petits producteurs agricoles, pour préserver les semences ancestrales de même que pour le développement d'alternatives, que soit par le déploiement de la formation politique, la mise en place de coopératives, etc.

Nous précisons que la « souveraineté alimentaire » n'a pas la même signification que la « sécurité alimentaire » tel que définie par l'ONU car les femmes ne veulent pas de solutions fragmentaires. Tout en faisant face aux entreprises transnationales qui exercent une forte concurrence à la production locale, elles développent des alternatives, dans le respect de la « terre » et des façons de faire traditionnelles.

Bref, elles mettent de l'avant une approche féministe en s'inspirant des avancées développées dans les Amériques et en Afrique. Elles créent des alliances pour développer le « projet politique » de l'accès à la terre. C'est pourquoi la formation politique est centrale pour partager les savoirs tout en s'appuyant sur les expériences des femmes qui sont responsables du soutien et de la protection des familles.

Elles s'organisent pour produire des aliment sains (lutte contre les pesticides) et pour faire reconnaître les femmes agricultrices.

Pour conclure ce webinaire, nous avons présenté une synthèse de ces échanges fort pertinents où ressortent les défis suivants :

l'importance de la production de la nourriture saine et de l'accès à la propriété des terres par les femmes et les petits producteurs ;
l'importance de développer l'agroécologie (dont la défense des cultures et semences ancestrales) ;
l'importance de développer des alliances pour renforcer le rapport de force face aux décideurs politiques ;
l'importance de prendre en compte l'expérience et la prise de parole des femmes qui résistent et développent des initiatives nouvelles ;
l'importance d'offrir de la formation politique pour mieux outiller les femmes dans la défense de leurs droits et pour faciliter la mise en place d'initiatives et d'alternatives économiques.

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Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

La combinatoire straight

16 septembre, par Jules Falquet — ,
Où on cause avec Jules Falquet ! Pour revenir sur ce déjà classique du féminisme qu'est le livre La combinatoire straight. Colonialisme, violences sexuelles et Bâtard·es du (…)

Où on cause avec Jules Falquet ! Pour revenir sur ce déjà classique du féminisme qu'est le livre La combinatoire straight. Colonialisme, violences sexuelles et Bâtard·es du capital de Jules Falquet (Amsterdam, 2025). On revient sur le fonctionnement de cette combinatoire et du monde complexe qu'elle permet d'expliquer pour comprendre ce qui se joue autour de la création d'enfants, des alliances et des antialliances, de colonialité, de race, de genre et de classe.

Tiré de You tube

Le livre chez son éditeur : https://www.editionsamsterdam.fr/la-c...

On cite notamment :
Combahee River Collective, "Déclaration du Combahee River Collective", traduit par Jules Falquet, Les Cahiers du CEDREF, 14, 2006. URL : https://doi.org/10.4000/cedref.415

Falquet Jules, "La combinatoire straight. Race, classe, sexe et économie politique : analyses matérialistes et décoloniales, Cahiers du Genre, 2016, HS n° 4, p. 73-96. URL : https://doi.org/10.3917/cdge.hs04.0073

Lugones Maria, La colonialité du genre, traduit par Javiera Coussieu-Reyes et Jules Falquet, Les Cahiers du CEDREF, 23, 2019. URL : https://doi.org/10.4000/cedref.1196

Un entretien de Jules Falquet avec Hélène Hernandez à propos de La Combinatoire Straight. Colonialisme, violences sexuelles et Bâtard-e-s du capital, sur Femmes Libres, Radio Libertaire (2 avril 2025) : https://www.youtube.com/redirect?even...

Un autre, encore plus pédagogique, La p'tite Blan, Du poil sous les bras, radio Saint-Ferréol, 02/06/25 : https://www.youtube.com/redirect?even...

Le site de Jules Falquet : https://julesfalquet.com/

Pour suivre Jules sur instagram (tout nouveau profil) : / juliosorro

La vidéo où je cause de La combinatoire straight : • Un classique du féminisme ! La combinatoir...

Violence conjugale et féminicide : Une lettre de mandat proposée à Monsieur Legault

16 septembre, par Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale — , ,
En prévision du remaniement ministériel prévu demain, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale suggère une lettre de mandat de la part de Monsieur (…)

En prévision du remaniement ministériel prévu demain, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale suggère une lettre de mandat de la part de Monsieur Legault aux nouveaux ministres responsables des Services sociaux et de la Condition féminine.

Lettre de mandat aux nouveaux ministres responsables des Services sociaux et de la Condition féminine
Remaniement ministériel du gouvernement du Québec
Le 10 septembre 2025

Chers et chères ministres,

Je vous remercie d'avoir accepté de servir les Québécoises et les Québécois en accueillant ces nouvelles responsabilités ministérielles.

Il y a quatre ans, j'avais été extrêmement préoccupé par la crise de féminicides qui touchait le Québec à ce moment-là.

Sensible aux revendications des associations de maisons d'aide et d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, j'avais demandé à plusieurs de mes ministres de mettre en place des mesures prioritaires dans le but de prévenir la violence conjugale et les féminicides ainsi que pour assurer de manière concrète et efficace la sécurité des victimes. Au fil des ans, j'ai également autorisé un financement d'urgence de 55 M$ pour permettre à ces ressources de mieux protéger les femmes.

Force est de constater que les maisons pour femmes accomplissent aujourd'hui des miracles alors que la demande ne cesse d'augmenter. Les sommes octroyées dans nos budgets de 2020 à 2022 ont permis un rattrapage après une décennie de sous-financement. Mais je constate que ces investissements ne sont pas suffisants.

La capacité des maisons pour femmes est largement dépassée.

Une demande d'hébergement sur deux est refusée, faute de place.

Il y a environ huit semaines d'attente pour avoir de l'aide sans hébergement.

Je constate également que plusieurs chantiers de maisons d'hébergement ont pris du retard en raison de blocages administratifs. Tout ça alors que sept féminicides, et presqu'autant de tentatives (6) en contexte conjugal ont secoué le Québec au cours des six derniers mois.

Pour atteindre vos objectifs, je vous demande d'obtenir des résultats concrets pour les femmes québécoises victimes de violence conjugale en vous acquittant des engagements suivants :

1- Augmenter le financement de 57 M$ afin de retrouver le niveau de services de 2009 ;

2- Augmenter l'offre de postes en services externes, en prévention et en soutien technique ;

3- Offrir des conditions de travail attractives pour régler les problèmes de recrutement et de rétention de l'expertise spécialisée dans les maisons pour femmes.

Chers et chères collègues, les maisons pour femmes victimes de violence conjugale sauvent des vies. Je vous demande d'œuvrer à ce que votre ministère les soutienne à la hauteur de leur rôle crucial dans la protection et la dignité des femmes.

Votre premier ministre,

François Legault

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Rodéo sanglant et opportunité pour le ministre des Finances canadien

16 septembre, par Sébastien Bois — , ,
Vous trouverez une communication à l'attention de mon député et ministre fédéral des Finances, M. François-Philippe Champagne. Shawinigan, 11 septembre 2025 À l'attention (…)

Vous trouverez une communication à l'attention de mon député et ministre fédéral des Finances, M. François-Philippe Champagne.

Shawinigan, 11 septembre 2025

À l'attention de : M. François-Philippe Champagne

En ce moment se déroule l'un des plus importants festivals western du pays, celui de Saint-Tite, dans la circonscription de mon député et ministre fédéral des Finances, M. François Philippe Champagne. Événement haut en couleurs qui rassemble des milliers de citoyens canadiens. Vous êtes venus pour y serrer des mains et exposer votre gentillesse. Au même moment se déroule l'une des plus horribles histoires de notre pays, celle du génocide d'un peuple et la complicité de notre gouvernement. Vous y brillez par l'absence de vos actions ; évitez les mains rachitiques ou ensanglantées, sans exposer de solidarité.

En fait, vous n'êtes pas absent du conflit palestinien puisque notre gouvernement entretient des liens avec des compagnies impliquées de près ou de loin avec les massacres en cours et le nettoyage ethnique de la région. Le Canada tire même profit de la situation. À mots couverts par des intérêts pécuniaires et régionalistes, vous chuchotez gentiment votre désapprobation.

À titre d'individu et dans votre travail, vous portez de lourdes responsabilités et effectuez avec docilité, les tâches demandées. Vous financez une nouvelle course à l'armement sans y joindre de forts gestes politiques et économiques en faveur de la paix et du dialogue (sauf exception de l'Ukraine). En ne faisant que la tâche qui vous incombe vous semblez oublier la complexité sociale et les impacts de vos actions. Sans le savoir ou en ne cherchant pas à le savoir, vous menacez notre sécurité locale et globale. Votre inaction radicale à l'égard du génocide alimente le conflit et légitime les régimes autoritaires de ce monde, dont certains sont déjà à nos portes. Cela m'apparaît davantage préoccupant que des tarifs douaniers. Avez-vous sombré dans le piège de la banalité du mal ? Un état d'esprit qui suspend la pensée critique.

M. Champagne, je vous implore de prendre un instant, afin de « ressentir » : regardez, écoutez, respirez et touchez à l'horreur du génocide actuel. Je souhaite que votre carapace sociale, votre statut social, s'effrite un peu pour laisser passer le soleil et éclairer votre humanité. Je fais appel au retour de votre Être politique afin d'incarner un réel citoyen responsable, connecté aux Autres. En tant que ministre des finances et proche du Premier ministre Carney, vous avez un rôle de premier plan dans ce conflit et une opportunité en or pour dynamiser la paix. Vous avez même une obligation légale de tout mettre en œuvre pour qu'il n'y ait « Jamais plus » de génocides comme l'ont répété tour à tour des survivants juifs, rwandais, bosniaques, guatémaltèques…

Lors du prochain Festival western de Saint-Tite, j'ose espérer ne pas seulement rencontrer un gentil politicien, mais un digne citoyen en selle pour nous défendre et promouvoir nos intérêts et nos valeurs de Vivre-ensemble.

Humainement vôtre.

Sébastien Bois, Citoyen de Saint-Maurice / Champlain

P.S. Je remercie la philosophe juive Hannah Arendt qui m'a inspiré ce texte à votre attention.

C.C.
Premier ministre du Canada, Mark Carney

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Le Canada a une occasion et une responsabilité d’être un artisan de la paix

16 septembre, par Confédération Syndicale Internationale, Congrès du travail du Canada (CTC) — , ,
Le Congrès du travail du Canada exhorte le premier ministre Carney à réitérer sa déclaration du 30 juin reconnaissant le statut d'État de la Palestine lors de 80e session de (…)

Le Congrès du travail du Canada exhorte le premier ministre Carney à réitérer sa déclaration du 30 juin reconnaissant le statut d'État de la Palestine lors de 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies ce mois-ci.

« Le Canada a une occasion et une responsabilité d'être un artisan de la paix. En temps de conflit, notre engagement à l'égard de la diplomatie, du droit international et des droits de la personne doit orienter nos actions en vue d'un règlement juste et durable », a déclaré Bea Bruske, présidente du CTC, dans une lettre adressée au premier ministre en juin, qui appelait également à la cessation de toutes les opérations militaires dans la bande de Gaza et à la facilitation immédiate de l'acheminement de l'aide humanitaire.

Le groupement Global Unions appelle à la reconnaissance de la Palestine

À la veille de l'Assemblée générale des Nations Unies, plusieurs fédérations syndicales internationales appellent tous les gouvernements à reconnaître l'État de Palestine.

La Confédération syndicale internationale (CSI) demande également que des mesures soient prises d'urgence pour protéger les civils, notamment une force internationale de maintien de la paix à Gaza.

Le groupement Global Unions, représentant plus de 200 millions de travailleurs et de travailleuses dans le monde par le biais de la CSI, de neuf fédérations syndicales internationales (FSI) et de la Commission syndicale consultative auprès de l'OCDE (TUAC), soutient pleinement, dans sa déclaration, l'engagement croissant des gouvernements à reconnaître la Palestine. D'ores et déjà, 147 des 193 États membres de l'Organisation des Nations Unies ont reconnu l'État de Palestine.

Le secrétaire général de la CSI, Luc Triangle, a déclaré : « Nous soutenons les moyens pacifiques et diplomatiques pour concrétiser la solution des deux États – un État d'Israël sûr et un État de Palestine souverain vivant côte à côte dans une paix juste et durable. Cela suppose la reconnaissance de la Palestine et, surtout, la fin de l'occupation. Dans cet esprit, la proposition d'établir une force internationale de maintien de la paix à Gaza constitue un pas dans la bonne direction. Cette mesure concrète vise à protéger les civils, à stabiliser la situation sur le terrain et à frayer la voie à un processus politique crédible. »

« Cet appel est fondé sur l'engagement du mouvement syndical en faveur de la démocratie, des droits humains et de l'État de droit. La reconnaissance de la Palestine ne doit pas être retardée ni considérée comme une récompense à l'issue des négociations ; elle constitue un élément essentiel d'une paix juste et une étape nécessaire en vue du rétablissement de la parité d'estime et de pouvoir à la table des négociations. »

« Les travailleurs et les travailleuses du monde entier ont le droit de vivre dans la liberté, la dignité et la sécurité. Le peuple palestinien ne mérite rien de moins. La reconnaissance de la Palestine et l'adoption de mesures concrètes visant à protéger les civils et à mettre fin à l'occupation sont les moyens dont dispose la communauté internationale pour contribuer à traduire les déclarations de principe en actions en faveur de la paix et de la justice ».

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Qui inspire vraiment François Legault en matière de droits syndicaux ?

16 septembre, par Guylain Bernier, Yvan Perrier — , ,
Face à tout gouvernement et à ses remaniements, il est toujours possible d'opiner à un côté aigre ou amer, tout en essayant aussi de virevolter en découvrant un autre côté plus (…)

Face à tout gouvernement et à ses remaniements, il est toujours possible d'opiner à un côté aigre ou amer, tout en essayant aussi de virevolter en découvrant un autre côté plus facile à avaler, parce que meilleur au goût et donc plus sucré. Allons-y dans la succession, en nous intéressant particulièrement ici aux propos tenus lors du récent remaniement ministériel du gouvernement de la CAQ en ce qui concerne les syndicats.


Le difficile à avaler

Lors de la séance de dévoilement de son nouveau Conseil des ministres, le premier ministre, monsieur François Legault, y est allé d'une déclaration de guerre à l'endroit des syndicats. Il a confié au ministre du Travail, monsieur Jean Boulet, le mandat suivant : « moderniser le régime syndical ». Cela fait plusieurs années que monsieur Legault rêve de moderniser – en dépeçant — les droits des salariéEs syndiquéEs. Il faut lire à ce sujet l'article de Maude Messier paru dans « L'Aut'journal », le 12 mars 2012 (il y a plus de 13 ans), intitulé : « Legault et les politiques antisyndicales conservatrices ». Déjà, à cette époque, il annonçait vouloir restreindre le champ d'action et d'intervention des organisations syndicales à la seule négociation de la convention collective. Autrement dit, fini l'action politique syndicale. Dans son annonce, toujours à cette époque, s'ajoutaient le vote secret obligatoire et le dévoilement des états financiers.

Monsieur Legault sait qu'il n'est plus au pouvoir pour très longtemps. L'avenir de sa coalition politique se présente dans un horizon — très — limité dans le temps. Il est même question, à ce moment-ci, sur la base des sondages d'opinion, à une disparition de la scène parlementaire de la CAQ.

Mais pour ce dernier droit avant l'élection générale d'octobre 2026, monsieur Legault semble déterminé à mener ses derniers combats réactionnaires et conservateurs. Son discours de présentation de ses ministres relevait d'une rhétorique partisane pouvant être jugée déplacée : « mettre nos culottes », « traitement choc », « couper profondément dans la bureaucratie », « faire le ménage », etc.. Voilà des formules indiquant « un virage à droite », pour un gouvernement qui n'a jamais campé ni à gauche ni au centre… Bref, rien de nouveau sous le soleil de ce côté « amer ».

Manifestement, l'homme d'affaires François Legault, devenu par la suite politicien, ne semble jamais avoir compris le rôle véritable des syndicats dans notre société. Le syndicalisme, dans une société capitaliste, correspond à un contrepoids indispensable pour améliorer les conditions de vie et d'existence des salariéEs. Il s'agit de la seule véritable organisation qui appartient en propre aux salariéEs pour résister à l'arbitraire patronal et étatique. L'action syndicale ne peut en aucun cas se limiter à la seule entreprise. Il s'agit d'une institution qui doit intervenir sur le terrain politique en vue de réformer le système économico-social. Vouloir restreindre le champ d'action des syndicats à la seule entreprise et à une simple question de négociation d'une convention collective montre que la pensée sociale de monsieur Legault s'inscrit dans une logique corporatiste pouvant même remonter aux années trente du siècle dernier. Se pose dès lors la question suivante : monsieur Legault a-t-il comme modèle d'inspiration, en apportant les nuances qui méritent d'être appliquées, deux hommes politiques honnis de cette époque, dont les initiales sont B.M. et A.H. ? En passant, l'un dominait en Italie, l'autre en Allemagne.

D'accord, la dernière allusion s'avère forte, mais tient compte d'une volonté à enrégimenter les travailleurEUSEs en vue de cette guerre économique destinée à engraisser un trésor, dont quelques-unEs en profiteront plus que les autres. Nous sommes alors loin d'une éthique politique selon laquelle le tiers-État doit agir en responsabilité de TOUTES et tous, parce que l'autre doit passer avant soi. À ce titre, le syndicalisme représente un garde-fou contre les dérives dictatoriales de tout gouvernement, surtout celui croyant, comme dans le cadre actuel, détourner la responsabilité publique vers une culpabilité individuelle, advenant des difficultés subies par le régime. Cela veut donc dire une déresponsabilisation accrue de l'État envers ses citoyenNEs, afin de se concentrer sur les attentes des entreprises, à savoir des personnes morales qui devraient un jour voter aux élections, si on se fait prophète d'un tournant historique plausible en raison de l'idéologie capitaliste qui domine et peut-être même à l'approche de son apogée.

Après cette montée émotive, comment maintenant entrevoir le côté sucré ? Voilà une tâche ardue, mais non impossible.

Ce qui s'avale mieux

Bien que l'État ne soit pas une entreprise et doit accepter la présence des syndicats dans le paysage, il n'y a pourtant rien de surprenant à voir monsieur Legault s'en prendre à eux, dans la mesure où, aux yeux de certaines personnes critiques, ils n'ont pas fait leur travail depuis quelques décennies. Autrement dit, malgré des parutions dans les médias, les récentes grèves et des revendications au nom de milliers de travailleurEUSEs syndiquéEs, l'impression générale a été de constater une certaine « bonne entente » avec le patronat, qui a pu pousser davantage la note sans rencontrer trop d'obstacles. Les grandes centrales ont alors engraissé leur propre trésor, et ce sur le dos de leurs membres, sans chercher à se renouveler et à s'adapter aux nouvelles réalités du marché du travail. Par conséquent, ce traitement choc que désire réaliser le premier ministre Legault servirait peut-être aussi d'électrochoc à un renouvellement souhaitable de domaine syndical.

Par ailleurs, l'État québécois possède ses limites, surtout sur le plan budgétaire. Dans une société où les individus en demandent toujours plus, il faut savoir un jour cibler l'horizon de la capacité de payer, afin de garantir un avenir. Tant et aussi longtemps que nous évoluerons dans un régime capitaliste et néolibéral, le facteur croissance laisse croire en une assurance de pouvoir répondre aux besoins communs. Mais il faut être ingénieux, afin de faire face aux difficultés économiques. Augmenter la taille de l'État signifie de détourner des fonds vers des structures au lieu de répondre directement sur le terrain ; autrement dit, on ne peut demander à un éléphant de courir comme le léopard. Et l'embonpoint gouvernemental accentue les échelons hiérarchiques et les risques de perte de contrôle. Voilà aussi ce qui peut expliquer certaines bévues dans la gestion des grands projets, alors que l'information peut se perdre entre les échelons et démontrer ainsi l'inefficacité des organes de l'État et de ses avatars. Ce travail d'assainissement exige donc un « tour de force » nécessaire, alors que les syndicats doivent mettre l'épaule à la roue. Dans ce contexte, leur tâche consiste à garantir le meilleur milieu de travail, avec des conditions d'emploi dignes d'un gouvernement innovateur. Toutes les travailleuses et tous les travailleurs des secteurs public et parapublic de la province jouiraient des meilleurs environnements de travail, si l'État était optimisé tant dans sa taille que dans son mode de fonctionnement. Ainsi, il faudrait orienter le « traitement choc » vers une réforme de l'administration gouvernementale au sens large, non dans une visée consistant seulement à « sabrer » dans la masse salariale et donc dans la masse des travailleurEUSEs. Le gouvernement doit accepter, encourager et reconnaître le rôle des personnes dans la fonction publique qui décident d'agir en tant que lanceurs d'alerte. Sabrer dans le nombre de fonctionnaires est une simple et bête opération comptable, qui n'assure aucun résultat sur le plan de l'efficacité gouvernementale.

Étiqueter cette démarche énoncée par le premier ministre lors de son remaniement ministériel comme étant un tournant vers la droite serait réducteur et facile à dire. Il faudrait peut-être profiter de l'occasion, afin d'effectuer un tournant vers le haut — en pelletant quelques nuages —, dans le sens d'une transformation idéologique plus profonde, là où le régime capitaliste serait enterré pour y faire pousser la graine d'une orientation nouvelle valorisant un bien-être collectif — et non totalisé — plutôt qu'un bien-être constamment recherché, parce que la croissance et l'accumulation ne nous rassasient jamais. À ce titre, le syndicalisme actuel doit se responsabiliser non seulement envers leurs membres, mais envers toute la population, et ce dans l'avancement de notre société par un marché du travail ouvert à la réalisation d'un bien-être différent.

Que monsieur Legault aspire ou non à remporter un autre mandat, il doit non pas se faire ennemi des syndicats, mais travailler avec eux à ce tournant nécessaire du régime sociétal que le Québec a besoin. Ainsi, les changements qu'il propose seront meilleurs au goût.


Conclusion

Il n'est jamais vendeur de se lancer dans une élocution en disant vouloir « contrôler les autres », « couper profondément dans les emplois » ou y aller de « traitement choc ». Minimiser le rôle important des contre-pouvoirs ou oser même envisager de les museler, s'avère totalement opposé à ce pourquoi nous évoluons en démocratie. Les syndicats ne sont pas parfaits, comme tout gouvernement ne l'est pas non plus. Dans l'adversité, il faut savoir s'allier, communiquer, coopérer, au lieu d'imposer des idées, de ramener même au jour des façons de faire rétrogrades qui rappellent en plus de mauvais souvenirs. Automatiquement, un goût amer nous vient. Et ce côté nous pousse vers des émotions vives, susceptibles d'animer des diatribes qui peuvent être justifiées jusqu'à un certain point. Mieux vaut ouvrir les yeux, porter le regard sur ce qui ne fonctionne pas, au-delà des seuls besoins pécuniaires, afin d'accepter les lacunes du régime actuel. Déjà là, le goût s'améliore quelque peu. De nouvelles habitudes peuvent être prises, en reconnaissant la valeur à la fois des syndicats et du patronat, parce que chacun participe à faire du Québec un environnement meilleur. Viser le sucré suppose d'édulcorer certaines prises de position, d'un côté comme de l'autre. Comme dirait un vieux sage : « Mieux vaut le sucré du raisin sec que de boire le contenu de la bouteille devant soi, dont la plus petite gorgée soit-elle révèle son vinaigre ».

Guylain Bernier

Yvan Perrier

Dimanche, 14 septembre 2025

20h

Référence

Messier, Maude (2012). Legault et les politiques antisyndicales conservatrices. L'Aut'Journal. 12 mars. Repéré à https://www.lautjournal.info/20140312/legault-et-les-politiques-antisyndicales-conservatrices. Consulté le 14 septembre 2025.

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La FIQ lance son nouveau magazine La Résonance !

16 septembre, par Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) — , ,
La FIQ dévoile aujourd'hui la toute première édition de La Résonance, un magazine pensé pour ses membres et consacré aux grands enjeux de société qui traversent le réseau de la (…)

La FIQ dévoile aujourd'hui la toute première édition de La Résonance, un magazine pensé pour ses membres et consacré aux grands enjeux de société qui traversent le réseau de la santé.

Les membres recevront la version papier dans leur boîte aux lettres au cours des prochains jours et peuvent dès maintenant le découvrir en ligne en suivant ce lien.

Pour cette première édition, la réforme Dubé s'impose comme thème central. Pourquoi le ministre tente-t-il une nouvelle refonte du réseau de la santé alors que les précédentes réformes n'ont pas donné les résultats attendus ? Pourquoi choisir de modifier les structures plutôt que d'investir dans les employé-e-s et, par le fait même, dans les services à la population ? Autant de questions auxquelles ce numéro propose des pistes de réflexion.

La Résonance a été créée pour offrir aux membres des textes clairs et stimulants, afin de mieux comprendre les grands dossiers menés par la Fédération. Ce projet vise à rejoindre les membres partout au Québec, à transmettre de l'information pertinente et à mettre en lumière les luttes syndicales et féministes qui nous animent.

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Moratoire de quatre générations

16 septembre, par Gérard Montpetit — , ,
ENFIN, après deux décennies de luttes citoyennes, le projet de loi 21 exige de fermer définitivement les puits de gaz de schiste fracturés de la province.[1] On doit se (…)

ENFIN, après deux décennies de luttes citoyennes, le projet de loi 21 exige de fermer définitivement les puits de gaz de schiste fracturés de la province.[1] On doit se rappeler qu'après avoir acheté notre sous-sol à vil prix entre 2004 et 2010, les gazière proclamaient victorieusement la révolution des gaz de schiste par une série de trois soirées dites « d'information » tenues durant le mois de septembre 2010. Mal leur en prit car ces conquistadors ont eu la désagréable surprise de constater qu'ils n'étaient pas les bienvenus.

L'opinion publique québécoise, indignée par leurs méthodes douteuses, a tordu le bras au gouvernement de M. Charest pour exiger d'être véritablement consultée au cours d'audiences du Bureau d'audiences publiques en environnement (BAPE). Malgré un mandat très restreint, ce BAPE a marqué un temps d'arrêt ; cette pause nous a permis de nous mobiliser tout en comblant un grave déficit démocratique. Il a fallu un courage exemplaire d'une multitude de personnes qui ont oeuvré avec un sens du bien commun extraordinaire pour arrêter le rouleau compresseur de l'industrie gazière.

Lors d'une audience de ce BAPE, la vice-présidente de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) a lancé : « Je m'appelle Kim Cornelissen et je demande un moratoire d'une génération ! ». Plusieurs autres jeunes ont défilé les uns à la suite des autres avec la même phrase faite au nom de la jeunesse car ce sont eux qui auront à vivre avec les conséquences à long terme de ce projet de 20 000 puits fracturés au Québec. Heureusement, le commissaire du BAPE ne s'est pas formalisé de cette mise en scène qui flouait la règle de fonctionnement quasi-judiciaire du BAPE où il est interdit de manifester son approbation ou son désaccord.

Cette idée d'un moratoire a germé. Des pancartes rouges arborant le slogan « Non aux gaz de schiste ; un moratoire dès maintenant » se sont multipliées de façon exponentielle. Au printemps 2011, un groupe de jeunes ont décidé de faire un pèlerinage de Rimouski jusqu'à Montréal pour réclamer ce moratoire et en faire la promotion.[2] Le 18 juin, une grande manifestation devait les accueillir à leur arrivée dans la métropole.[3]

J'étais responsable d'un autobus qui se rendrait à Montréal pour appuyer les manifestants.[4] C'est avec stupeur que je vois arriver un groupe familial qui avait participé activement à notre manif du 28 mai devant le « puits qui fuit » de La Présentation.[5] Ce qui me sidère, c'est que Marie-Soleil, qui a accouché voilà seulement 4 jours, arrive avec son nouveau-né dans une poussette ; elle est accompagnée par sa mère, son père et sa grand-mère !

Je sais que pour une jeune femme en pleine forme dans la vingtaine, accoucher est un processus naturel. Aujourd'hui, le trajet en autobus prendra environ une heure dans chaque sens, avec en plus une grosse manifestation bruyante ponctuée par de nombreux discours. Mille scénarios catastrophes se bousculent dans ma tête ! Ça implique qu'une fois en route, on ne pourra pas revenir à cause des autres participants. D'une voix la plus neutre possible, je leur demande ; « Êtes-vous certains de vouloir y aller avec le bébé ? » On me répond : « C'EST POUR LE BÉBÉ QU'ON LE FAIT ! »

Cette réplique me frappe avec la force d'un train lancé à toute vapeur ; le but premier de la lutte contre les hydrocarbures, c'est de protéger la génération naissante ! Dilemme ! Que faire ??? Je connais l'implication sociale de cette famille. Le bébé, Étienne, est accompagné de 4 adultes responsables et bien équipés. C'est avec la gorge nouée par le poids de cette décision que je les invite à monter à bord ! Je me sens responsable de ce poupon. Tout au long de la manifestation, j'étais comme une ourse méfiante qui est à l'affût de tout indice de danger qui pourrait menacer son petit ; un contremanifestant qui aurait voulu faire du grabuge aurait reçu un coup de griffe de l'ourse protectrice !

Dans mon coeur, cette journée du 18 juin ne fut pas simplement le moratoire d'une génération, mais celui de quatre générations qui unissaient leurs forces pour empêcher le saccage de la vallée du Saint-Laurent par la politique du « Drill, baby, drill ». L'action de cette famille rejoint le discours de la jeune Greta Thunberg qui disait au siège de l'ONU le 23 septembre 2019 : « Vous avez volé nos rêves avec vos paroles creuses...Des écosystèmes entiers s'effondrent et tout ce dont vous nous parlez, c'est d'argent et de contes de fées de croissance économique éternelle ! Comment osez-vous ! [6]

Ainsi va la vie ! Les aînés doivent assurer l'avenir des jeunes. Aujourd'hui, le bébé Étienne est devenu un adolescent de 14 ans alors que son arrière grand-mère, Denise, est malade. La fermeture définitive des puits, exigée par la loi, se veut un moratoire permanent. Au Québec, cette solidarité exemplaire a empêché la fracturation hydraulique à grande échelle de notre sous-sol. Espérons que cette même solidarité saura voir le jour dans d'autres terres saccagées comme la Pennsylvanie, le Texas ou l'Alberta….

PENSER GLOBALEMENT, AGIR LOCALEMENT !

Gérard Montpetit
Comité Non Schiste La Présentation
le 10 septembre 2025

1] https://www.ledevoir.com/environnement/816433/puits-gaz-schiste-quebec-laissent-toujours-fuir-methane?#

2] https://www.journaldequebec.com/2011/05/16/une-marche-de-rimouski-a-montreal

3]https://www.gaiapresse.ca/2011/06/apres-666-km-a-pied-moratoire-dune-generation-invite-a-la-mobilisation-pour-son-arrivee-a-montreal-le-18-juin/

4]https://www.lapresse.ca/environnement/dossiers/gaz-de-schiste/201106/18/01-4410517-manifestation-dopposants-au-gaz-de-schiste-a-montreal.php

5] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/517572/manif-schiste-presentation

6] Greta Thunberg par Maëlla Brun, 2020, Édition de l'archipel, 237 pages. Citation à la page 122

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Les infrastructures de Stablex prises d’assaut par une mobilisation populaire à Blainville

16 septembre, par Les soulèvements du fleuve , Coalition des citoyens de Blainville contre la cellule #6 de Stablex — , ,
Blainville, 13 septembre 2025 - Samedi dernier, plusieurs centaines d'habitants de Blainville et des municipalités environnantes ainsi que des alliés venus de diverses régions (…)

Blainville, 13 septembre 2025 - Samedi dernier, plusieurs centaines d'habitants de Blainville et des municipalités environnantes ainsi que des alliés venus de diverses régions du Québec ont pris pour cible le principal site de la compagnie de gestion de déchets toxiques Stablex, à Blainville.

Sous le signe du Grand Héron et au rythme d'une fanfare, les manifestants ont contourné le dispositif de sécurité et sont introduits sur le site pour le redécorer gaiement aux couleurs de la résistance populaire et pour perturber l'activité économique de la compagnie. « Séance de désintox » peut-on maintenant lire sur l'un
des bâtiments de la compagnie. Une dizaine de véhicules de service de la compagnie ont aussi été mis hors d'état de nuire. La pesée, passage obligatoire des camions chargés de boue toxique, a aussi été visée. Les manifestants ont détruit sa façade et endomagé le matériel électronique. Cette action de résistance est une
réponse à l'appel des Soulèvements du fleuve à bloquer, désarmer et à démanteler l'expansion industrielle prédatrice qui ravage les territoires.

Une mobilisation de longue date

Cette manifestation s'inscrit dans une longue mobilisation locale et écologiste contre l'entreprise Stablex, filiale de la multinationale américaine Republic Services. Les habitants de Blainville et leurs alliés ont mené de nombreuses actions durant les dernières années afin d'exiger que cesse l'importation de déchets dangereux près de leurs foyers : rencontres citoyennes, manifestations, dépôts de mémoires, échantillonnage citoyen, coups d'éclat, formations en résistance citoyenne, blocages... Une coalition de groupes (Action Environnement Basses-Laurentides, Coalition Alerte à l'enfouissement Rivière-du-Nord, Eau Secours, Mères au front Rivière-Des-Mille-Îles, Mouvement d'action régionale en environnement, Société pour vaincre la pollution) ainsi qu'une coalition citoyenne ont été formées afin de résister à la compagnie toxique.

Un procédé défaillant

Les citoyens de Blainville, le BAPE, ainsi que des commissions d'analyses externes sont formels : le procédé de Stablex n'est pas "stable et inerte", contrairement à ce qu'affirme la multinationale. Les cellules d'enfouissement requièrent une surveillance à perpétuité pour gérer le lixiviat toxique qui s'écoule de ceux-ci, et les effets du
temps, du gel et du dégel auront vite raison des matériaux d'isolation des bassins, qui ne pourront plus protéger les réserves d'eau de Blainville. Les conséquences sont déjà visibles : des niveaux de cadmium 320 supérieurs aux normes québécoises avec des concentrations alarmantes d'arsenic, de cuivre et de zinc sont déjà
observés. Ces résidus toxiques menacent toute la région, des champs agricoles aux cours d'eau qui se jettent dans le fleuve.

Tapis rouge pour l'Industrie asphyxiante

Et pourtant, nous augmentons encore et toujours nos capacités à polluer. Stablex continue de s'étendre pour importer et enfouir toujours plus de déchets issus des industries minière et phamarceutique, des États-Unis, de l'Ontario et du Québec.

Près de 65 hectares d'écosystèmes sensibles, de milieux humides comme la Grande Tourbière ainsi que de zones boisées seront saccagés pour enfouir des déchets toxiques générés par des filières indifférentes à la vie des populations et des prochaines générations habitant le territoire. Le tout effectué avec la complicité gouvernementale qui a fait passer sous bâillon l'expropriation du terrain de la Ville, contre la volonté locale et régionale. Ce projet montre encore que nous n'avons plus rien à espérer de nos institutions publiques et des entreprises privées, et que notre avenir repose sur nos capacités à résister.

Ni ici ni ailleurs : non à l'intoxication et l'exploitation

Ce qui se passe aujourd'hui à Blainville n'est pas différent de ce qui se passe à Rouyn-Noranda, à McMasterville, sur les rives de Contrecœur, sur le terrain vague d'Hochelaga, sur les deux tiers du territoire forestier public, en territoire non cédé. Il s'agit de la même logique : sacrifier le territoire et ses habitants au profit d'une
poignée d'exploitants.

Nous ne souhaitons pas déplacer le problème ailleurs. Nous souhaitons voir se multiplier les résistances locales. Que vous soyez face au Golfe, ou le long des rives du Saint-Laurent, dans les forêts de l'Abitibi et du Nitaskinan ou dans les cantons de l'Est, vous êtes conviés à vous joindre aux Soulèvements du fleuve et aux habitants
en lutte sur le territoire. Toutes ces résistances locales se rapportent à une seule riposte contre l'intoxication et l'exploitation des territoires à nos dépens. Accepter d'élargir nos capacités de stockage de déchets toxiques, c'est se permettre de produire et de polluer toujours plus. Il faut refuser d'augmenter encore et toujours
notre tolérance aux projets destructeurs qui ne répondent qu'à la loi du profit. Le triste devenir qui attend la tourbière est partout le même, si nous n'intervenons pas par tous les moyens possible.

Pour plus d'informations :
Mouvement Soulèvement du Fleuve :
soulevements_du_fleuve@riseup.net
Coalition des citoyens de Blainville contre STABLEX :
coalitioncitoyenscontrestablex@gmail.com
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1000 personnes rassemblées pour la Journée internationale de l’air pur pour des ciels bleus

16 septembre, par Mères au front — , ,
Au total, ce sont plus de 1000 personnes qui se sont rassemblées cette année à Montréal, Rouyn-Noranda, Jonquière et Québec, pour dénoncer les décisions des gouvernements du (…)

Au total, ce sont plus de 1000 personnes qui se sont rassemblées cette année à Montréal, Rouyn-Noranda, Jonquière et Québec, pour dénoncer les décisions des gouvernements du Québec et du Canada

8 septembre 2025, Montréal / Tiohtià:ke (Québec) - Depuis maintenant trois ans, les Mères au front et leurs allié·e·s se réunissent pour souligner la Journée internationale de l'air pur pour des ciels bleus [2], journée qui vise à rappeler que la pollution de l'air touche tout le monde et menace à la fois la santé mondiale en plus de contribuer à
accentuer la crise climatique.

Au total, ce sont plus de 1000 personnes qui se sont rassemblées cette année à Montréal, Rouyn-Noranda, Jonquière et Québec [3], pour dénoncer les décisions des gouvernements du Québec et du Canada qui permettent à des projets industriels tels que la Fonderie Horne, Northvolt, Stablex, le Port de Contrecoeur, de détruire des milieux naturels à haute valeur écologique, de fragiliser la biodiversité, en plus de contribuer à la perte de terres agricoles. Conséquemment, ces projets industriels menacent la santé des québécois·e·s et des canadien·e·s et l'avenir des générations futures. Les enjeux locaux pour lesquels les groupes citoyens militent sont variés, mais menacent
tous le droit de vivre dans un environnement sain, un droit reconnu en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) [4]. L'environnement est un bien commun, et essentiel pour la santé des
populations et l'adaptation face à la crise climatique.

Ce dimanche, 7 septembre, les groupes locaux Mères au front et autres groupes citoyens ont organisé des rassemblements créatifs et conviviaux, alliant l'art à leurs causes. Une grande marche a été organisée à Rouyn-Noranda, un sit-in, doublé d'un die-in, ont eu lieu à Montréal, en plus de rassemblements comprenant un die-in se sont tenus à Limoilou et à Jonquière. Plusieurs membres de groupes citoyens, de mouvements partageant les luttes ont pris la parole lors des rasemblements.

«

Nous sommes littéralement l'air que l'on respire, l'eau que l'on boit et la terre qui nous nourrit. Choisir de la détruire comme le font les politiques du gouvernement Legault, c'est choisir l'auto-destruction. »_ - Laure Waridel, écosociologue et co-fondatrice du mouvement Mères au front

« Nous demandons au gouvernement la révision voire l'abandon des projets de développement industriels comme Northvolt, Stablex, le Port de Contrecoeur et le projet de loi 97 sur le régime forestier qui contribuent à détruire le territoire et la biodiversité ce qui va à l'encontre du bien-être des communautés et de la population. Pas de futur, sans nature ! »_ - Isabelle Senécal, porte-parole pour Mères au front - Montréal

« Le gouvernement du Québec bafoue le droit à la santé et à un environnement sain de nos enfants et de toute la population de Rouyn-Noranda. Nous exigeons que le gouvernement fasse appliquer les mêmes normes pour la qualité de l'air partout sur le territoire »_ - Isabelle Fortin-Rondeau, chargée de mobilisation et de la campagne Rouyn-Noranda

« Tant qu'il y aura de la colonisation, aucun de nous ne pourra être libre. »_ - Karen Lajoie, du Front de Résistance Écologique et de Défense Autochtone (FREDA)


Source

Maude Desbois pour Mères au front


À propos de Mères au front | meresaufront.org [6]

Avec plus de 30 groupes locaux, situés principalement à travers le Québec, mais aussi au Canada et jusqu'en Belgique, Mères au front est un mouvement décentralisé qui regroupe des milliers de mères, grand-mères et allié·e·s de tous les horizons politiques, économiques, professionnels et culturels qui s'unissent pour protéger l'environnement dont dépend la santé, le bien-être et le futur de nos enfants. À travers leurs actions, elles demandent aux élu·e·s de mettre
en place des mesures fortes et immédiates qui s'imposent pour répondre à l'urgence environnementale et à la dégradation des écosystèmes.

Nous osons faire de l'amour, de la beauté, de l'art, et de la colère maternelle, un levier inébranlable de transformation sociale et écologique.

#Mèresaufront

meresaufront.org [6]

[7] [8] [9] [10] [11]

Links :


[1] https://app.cyberimpact.com/redirect?ct=trbe2dk2YmeMQoMAVUWBMub6AaPr2c5e4ppfOTT3PwJQUEx5vDgG8UUA_kV0rWMo-4FEdsa43GDUCWQG9OylSw-kAlFkHtimd4a3HF3fW9PUdkEmjx4ACZJ8M7-BeT53
[2] https://app.cyberimpact.com/redirect?ct=oo7-vD62prurrLAv1kOhXpkMH1oSkd37FfvBqRutHpXYpdPCZD4vudlF7QPSTNot-vxsGeEk2bZe6S-NLEk7U7pesmkh3q4WaEbmAmkdpIzf6LI96QL-5n1J83sYAe9z
[3] https://app.cyberimpact.com/redirect?ct=Ef8_z36kYPevpd2TlZSPzNSvkLM6Tjw-9eNiYRLlULtRDpIypP9MZKocnzVDf95dt6tx5n8Ecw1qrSpOpLnkBQx6A_ujDp3jE95QfKzU5n8lNTQACwoxXPPiV2v6FaLq
[4] https://app.cyberimpact.com/redirect?ct=S5gaq1slugjQCmWwRP6XalDLwPaYIbWfpee0QR3qkHEgYvnvCSDgniBTAksID8g5-OPzwd6oj51Aq3q-9pdY9fg8c92BSn-5IJP0YkFg9Gf_mE8WRqt46IDnWYdAs78t
[5] https://app.cyberimpact.com/redirect?ct=n5JFMsUbqUOieJITKYoszy83ErICmatAUbGDeQJcJ5lEMbxM3w7i_Ksscws8RRZEb7OaIU2mg8iYUpzFd3xlJ9ALL4iYDU-dlRNBPe4VW1u7AsIWm6ithl8p64zN4PlF
[6] https://app.cyberimpact.com/redirect?ct=f9_EdgvN_m4fO0oyTKOYzDLq-0DFnYeiW7ly5DuF3uj1H7xX_GoKgQegnmSQEALoV0j8tqicOjZNOTLjcvzkx2OA_hccrDN87B3yRnvgJPJ-5ZtDD2RB5ad-jrVAQgAO
[7] https://app.cyberimpact.com/redirect?ct=TNtZjS9XtNzn8qmtj4Y019YZQLxYnSqTrU71pbezcRmAPr9OIFBOCMtGTC9jwRUKoXPDCN6viGAcI_X8iiDoxqEsr_mXfmOuffqRUf6qUrZ-3zVq_27lh28eu0_zpAsk
[8] https://app.cyberimpact.com/redirect?ct=BUfoSrdZQwEKalwK30sISPNgTF81pEeJp9-QotBBtWKft-c9hUqrx1omWCqLMJfoH-aHWqnPI5mfW4nqKb72W0d6lKGW-O4_HE4PhmgsmU9tldIc-Y41EnOdt_GdGJty
[9] https://app.cyberimpact.com/redirect?ct=0IjWTS8eanLjneRcp6VUWO9nNLyBM8wOd66_Utuj0poAXMK6Kdg4wkjW_T73WtP9EdIYKNrmZppaMbmfEnmq2ajRDIUHI1XkLwbO--3vSQC8L4foi0VS5cx-kv6Nn87T
[10] https://app.cyberimpact.com/redirect?ct=kzXWpV4DXi-QOjG8BLH4EJ_G5fL5G5INkrYW1b86rFBExeSiLkA3QQVZPW_iI0DuYkg_xDyyCNU7KL8U66HDXpSjQddhB8R-nCTS6FohwfkI3mhDIxjj_KVRJm4Dv1Pc
[11] https://app.cyberimpact.com/redirect?ct=01LnffE4MRkVHx5aLsHnPnFKo4jTKCIHMZhMQQs3P1tns5z55fl775rjf2VEEI8lRu622Q1I9dYMCo6w4dSxkLCnGa3acvonUjR6SgJ9iuey9_cEg3kHW74esq_yIbkO
[12] https://app.cyberimpact.com/anti-spam-policy?l=fr_ca
[13] https://app.cyberimpact.com/report-an-abuse?ct=33aNu2jcfPH_l97vQx5WDkm7yBZOaoLi4qfvWZgQEPngeSU-Z3LojZu0rsnQ1YMu75xRmzpFcXJsm73XEUQWUY2FPw4kC8u-ojf8pYnPor4VVOHacmI42y7Gi2opWD2bR9Fx2FkWfYjZLptXPw8ePw~~
[14] https://app.cyberimpact.com/unsubscribe?ct=33aNu2jcfPH_l97vQx5WDkm7yBZOaoLi4qfvWZgQEPngeSU-Z3LojZu0rsnQ1YMu75xRmzpFcXJsm73XEUQWUY2FPw4kC8u-ojf8pYnPor4VVOHacmI42y7Gi2opWD2bR9Fx2FkWfYjZLptXPw8ePw~~
[15] https://www.cyberimpact.com?utm_source=cifooter&utm_medium=email&utm_campaign=footer_link

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