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Le dernier homme
Le dernier homme est tombé. Sa caméra est tombée avec lui. Un fracas sec, aussitôt étouffé par la poussière. Avec lui sont tombées les dernières paroles du dernier homme, un souffle, un verset, un éclat de foi lancé à la face de ce qui reste du monde.
Pour annoncer le cessez-le-feu à Gaza, le dernier homme a chanté : « Lorsque vient le secours d'Allah ainsi que la victoire… » Il chantait à découvert, d'une voix bouleversante, d'un sourire éclatant, debout sous la lumière mourante d'un lampadaire survivant, tandis que les détonations lacéraient encore l'air. Il chantait pour croire que la parole pouvait précéder la paix, que le Verbe, peut-être, pouvait suspendre la main guerrière des hommes.
Mais le feu n'avait pas cessé. Cette fois, ce ne sont pas les explosions d'en face qui ont mis fin à ses jours. Ce sont les balles des siens. Sept balles ont traversé le corps du dernier homme. Les balles de ceux qui partageaient sa langue, sa poussière, ses prières. Ceux qui craignaient sa voix plus que les bombes de l'ennemi. Depuis un bon moment déjà, le dernier homme était dans leur mire. Paleywood, qu'on le surnommait, parce qu'il bougeait comme un acteur de Bollywood. Mais dans les coulisses de l'ennemi, on l'avait identifié comme « Danger » parce qu'Il révélait au monde, avec une légèreté désarmante, toute la laideur de l'ennemi.
On le jugeait trop dangereux, non parce qu'il portait une arme, mais parce qu'il portait la mémoire. Il filmait ce qu'on ne devait pas voir, rapportait ce qu'on ne devait pas dire. La vie des survivants, les morts, les blessés, des femmes et des enfants affamés, la peur et la dignité mêlées, ce qui reste d'un hôpital, d'une école, les ruines habitées, les gestes minuscules d'une humanité têtue. Ils étaient dix mille abonnés sur sa page au début du génocide, ils sont aujourd'hui des millions par le monde à pleurer sa mort.
Ses images circulaient en dehors du périmètre, glissaient sous les frontières du mensonge. Et dans ce passage interdit, il rapportait la nouvelle, sans savoir qu'un soir, juste après avoir annoncé la fin du feu, il allait devenir, lui-même, une nouvelle. Mauvaise pour les siens, bonne pour l'ennemi. Le dernier homme venait tout juste de chanter sourate An-Naṣr(la Victoire).
Le dernier homme s'appelait Saleh Jaâfaraoui, à qui Libération avait consacré un article un mois et demi après le 7 octobre 2023. Il n'est pas mort sous les bombes, ce sont les siens qui l'ont tué, une milice armée affiliée à l'ennemi. Ceux qui ont fait un pacte avec le diable, ceux qui ont préféré le confort de la lâcheté à l'effort de la résistance. Des collabos, oui, il y en a dans toutes les guerres, dans tous les camps, dans tous les siècles. Saleh avait vingt-sept ans.
Le dernier homme est tombé ce 12 octobre 2025, mais la caméra de son iPhone tourne toujours. Elle continue de filmer la poussière, la lumière qui s'éteint, le vent qui passe sur son visage. L'œil de verre, obstiné, refuse la nuit. Il capte encore le battement du monde, ce reste de vie qui circule entre les pierres.
Dans ce regard sans paupière, quelque chose survit : une promesse, une vérité, un fragment d'éternité.
Tant que la caméra tourne, le dernier homme parle et chante encore ses derniers versets :
إِذَا جَآءَ نَصْرُ ٱللَّهِ وَٱلْفَتْحُوَرَأَيْتَ ٱلنَّاسَ يَدْخُلُونَ فِى دِينِ ٱللَّهِ أَفْوَاجًۭافَسَبِّحْ بِحَمْدِ رَبِّكَ وَٱسْتَغْفِرْهُ ۚ إِنَّهُۥ كَانَ تَوَّابًۢا
Mohamed Lotfi
13 octobre 2025
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Le 7 octobre !
« Personne ne devrait venir au monde à cette date. » La phrase tombe comme une pierre dans le calme du parc. Elle me la lance avec un sérieux désarmant.
L'arrivée de son bébé était prévue pour le 7 octobre. « Il est arrivé une semaine plus tôt, au dernier jour du mois d'août. Imagine ma joie, mon soulagement », ajoute-t-elle avec un soupir.
Elle n'aime pas cette date, ni aucune autre de ce mois, ni même celles des mois qui ont suivi pendant deux longues années. Pour elle, les octobres n'augurent rien de beau. Ils sont maudits. Ils ont toujours quelque chose d'obscur, de lourd, de noir.
Cela fait une demi-heure qu'elle marche dans les allées bordées d'érables, bercée par le bruit discret des feuilles rousses d'automne. Cela fait seulement quinze minutes que nous nous connaissons. Elle m'a demandé de remplir sa bouteille à l'abreuvoir pendant qu'elle allaitait son bébé sur un banc en bois clair, légèrement penché vers le lac.
Elle lui parlait dans un arabe oriental doux et chantant. « C'est un garçon ? » lui ai-je demandé. Elle a levé les yeux vers moi, esquissé un sourire. Sa réponse a été une porte entrouverte sur une histoire vaste.
Son père est palestinien, sa mère québécoise. Elle n'a jamais mis les pieds à Gaza, mais depuis le 7 octobre 2023, elle s'y sent liée comme à une racine qui remonte soudain à la surface.
Dix mille kilomètres la séparent des explosions, mais l'écho de Gaza bat dans sa poitrine. « Si je n'avais pas été enceinte, je serais partie dans la flottille vers Gaza », dit-elle sans hésitation. Puis elle ajoute avec détermination : « Ce n'est que partie remise. ».
Elle se promet d'y aller, de prendre part à la reconstruction. « Gaza sera encore plus belle qu'avant », ajoute-t-elle, le regard illuminé.
Nous marchons. Je n'ai presque rien dit ; elle, au contraire, déroule son récit comme si elle l'avait longtemps gardé pour un inconnu disponible.
Pour elle, depuis la date maudite, le monde a vacillé comme rarement dans l'histoire : entre les bombes et les tombes, l'humanité a perdu son reflet. Les fameux droits de l'homme se sont évaporés pour ceux qui crient famine dans les décombres de Gaza. Un droit international enterré dans les fosses communes. « Et pourtant, me suis-je permis de répliquer en regardant son bébé, ce jour-là, comme à chaque jour, des enfants sont venus et continue de venir au monde »
« C'est ça que les bombes n'ont pas compris. » Me répond-elle avec un rire doux avant de poser un léger baiser sur le front de son bébé qui s'est endormi, paisible contre sa poitrine.
À la sortie du parc, elle s'arrête et me regarde droit dans les yeux : « Le 7 octobre 2123, la Palestine, toute la Palestine, sera libre depuis longtemps Incha'Allah. Les gens de toutes religions y vivront en paix. Et Gaza sera une fleur du Moyen-Orient »
Elle marque une pause, puis, juste avant que le feu vert ne se rallume, elle ajoute : « Mon mari est architecte ».
Je n'ai pas demandé si son mari était palestinien.
Nous le sommes tous !
Mohamed Lotfi
7 Octobre 2025
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Lancement de la série vidéo Portrait communautaire de Saint-Léonard
Une incursion inspirante au cœur du milieu communautaire du quartier La Table de quartier Concertation Saint-Léonard (CSL) est fière de lancer Portrait communautaire de Saint-Léonard, une série de 15 capsules vidéo qui met en lumière le rôle essentiel des organismes communautaires dans le tissu social du quartier. Ce projet vise à renforcer le sentiment d'appartenance à une communauté solidaire et inclusive et accroître la visibilité des organismes de Saint-Léonard.
Réalisée avec sensibilité et engagement, cette série vous propose de partir à la rencontre de 15 organismes du territoire qui, chacun à leur façon, répondent aux besoins des résident.es de Saint-Léonard. À travers des projets concrets et des visages engagés, chaque capsule dévoile l'impact bien réel du travail communautaire sur la
vie des citoyen.nes.
La série complète est disponible dès maintenant sur lachaîne youtube de Concertation Saint-Léonard ainsi que sur le site internet de CSL. Au-delà des 15 organismes présentés à travers la série, plusieurs autres ressources
essentielles sont actives sur le territoire. Pour les découvrir, visitez :
https://concertationstleonard.com/ressources
Cette série est une idée originale de Concertation Saint-Léonard réalisé par le vidéaste Valentin Proult, en collaboration avec un comité consultatif composé de l'Accueil aux immigrants de l'est de Montréal, la Maison de la famille de Saint-Léonard et le Bureau coordonnateur des services de garde en milieu familial de Saint-Léonard.
À propos de La Table de quartier Concertation Saint-Léonard :
La Table de quartier Concertation Saint-Léonard est une instance locale de concertation intersectorielles et multiréseaux et un organisme sans but lucratif qui a pour mission de rassembler des citoyen.nes, des groupes et des organismes qui désirent travailler à l'amélioration du mieux-être de la collectivité léonardoise
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Une exposition unique mets en lumière **la lutte pour les droits des travailleuses du sexe à Montréal *
8 octobre 2025 – À l'occasion de son 30e anniversaire, Stella, l'amie de Maimie – l'organisme montréalaise de défense des droits des travailleuses du sexe – lance une exposition passionnante de cinq mois qui retrace l'histoire de la résistance collective au cours des 30 dernières années. En collaboration avec le MEM - Centre de mémoires montréalaises, l'exposition offre au public un aperçu unique de la manière dont les communautés montréalaises tissent des liens et créent une communauté face à des adversités communes.
Souvent, là où l'oppression est la plus dure apparaît la résistance. Le quartier historique du Red Light de Montréal en est un exemple, car il a vu naître un mouvement de défense des droits des travailleuses du sexe au
début des années 1990. Connues pour notre esprit militant et notre créativité, nous, les travailleuses du sexe de Montréal, avons largement influencé la vie publique et politique, en repoussant les limites et en faisant preuve de résilience face à l'hypocrisie morale et aux entraves répressives imposées par la société.
Créée par et pour les travailleuses du sexe, cette expo invite les visiteurs à parcourir 30 ans de résistance collective pour défendre les droits des travailleuses du sexe. Les différents sujets mettent l'accent sur la diversité de notre communauté, sur notre résilience en présence de la criminalisation, de la stigmatisation, des préjugés et de la violence, ainsi que sur des liens avec d'autres mouvements sociaux comme ceux des communautés de personnes 2SLGBTQ+, de personnes utilisatrices de drogues, de personnes en situation d'itinérance, de personnes migrantes, d'artistes, de féministes et d'autres groupes de notre ville.
L'exposition est accompagnée d'une série d'événements publics. Suivez les réseaux sociaux du MEM et de Stella pour plus de détails.
*L'exposition se tiendra du 21 octobre 2025 au 15 mars 2026
au MEM - Centre des mémoires montréalaises, 1210, boulevard Saint-Laurent.
*https://memmtl.ca/programmation/resistance-travailleuses-du-sexe
<>
*
Stella, l'amie de Maimie
IG : organismestella
FB, Twitter, Bluesky : @AmiesdeStella
MEM - Centre des mémoires montréalaises
IG, FB, Twitter : @memmtl
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Marche mondiale des femmes : le Québec se mobilise le 18 octobre

Flottilles : recension des actions de solidarité
Depuis que l'armée israélienne a arraisonné la Global Sumud Flotilla et kidnappé ses équipages, des millions de personnes sont sorties dans les rues des quatre coins du globe pour manifester leur soutien. En France, des Carrefour ont été ciblés à St Nazaire, Montreuil, Givors, Saint Denis ; les bureaux de Thalès ont été temporairement bloqués par plusieurs dizaines de cyclistes... Dans cet article, nous tentons un recensement des principales actions dont nous avons eu connaissance.
Tiré du blogue de l'auteur.
Dans la nuit du 1er au 2 octobre, l'armée israélienne a, en toute illégalité, arraisonné la Global Sumud Flotilla dans les eaux internationales et kidnappé ses équipages.
En réponse, des millions de personnes sont sorties dans les rues des quatre coins du globe pour manifester leur soutien à Gaza et à la flottille. Quelques jours plus tôt, nous appelions à amplifier les actions en soutien au peuple palestinien en ciblant les entreprises complices du génocide et de la colonisation au moment où Israël entraverait une des flottilles. Depuis le 2 octobre, des carrefours ont été ciblés à St Nazaire, Montreuil, Givors, Lempdes et à Saint Denis où les manifestants ont même eu le temps de rendre visite à McDonald's dans la foulée, les bureaux de Thalès ont été temporairement bloqués à Genevilliers par plusieurs dizaines de cyclistes, une centaine de marseillais·es ont essayé de bloquer de nouveau Eurolinks avant que la police ne les interpelle, plusieurs collages et déploiements de banderoles ont eu lieu, Mac Donald a été tagué et a vu sa vitrine brisée à Rennes, la gare de Nantes a été bloquée, plus d'une centaine de personnes se sont rassemblées à l'aéroport Charles de Gaulle dans le terminal d'où un avion civil partait pour Jérusalem transportant un colis de composants destinés au fabricant d'armes israëlien Elbit Systems avant d'être repoussées par la police...
Dans cet article, nous tentons un recensement des principales actions dont nous avons eu connaissances (celles ou nous avons reçu des photos et des récits). Mais de nombreuses autres ont sûrement eu lieu sur tout le territoire français. Et de plus nombreuses encore sont en préparation, on n'en doute pas. À l'heure ou le génocide ne fait que s'amplifier, ou des dizaines des palestiniens meurent chaque jour et ou des centaines de militants des flottilles sont détenus et torturés dans les prison israélienne, il s'agit de ne plus rien lâcher, d'amplifier les mobilisation, les blocages, et les actions.
Faites nous parvenir vos photos et vos récits sur le compte signal @briserleblocus.71 et/ou le mail briserleblocus@systemli.org. Nous ferons de notre mieux pour les mettre en avant.
Blocage de Thalès à Gennevilliers
Dans la continuité du mouvement bloquons tout et en solidarité avec les flotilles humanitaires qui tentent de briser le blocus sur Gaza, ce matin, à vélo et à pied, nous avons investi la rue, entravé la circulation et bloqué l'entrée du site de Thales Six GTS à Gennevilliers.
❌Thales fournit à Israël des composants pour les drones qui surveillent et bombardent les palestinien·nes
❌Thales vend des technologies de guerre, de répression et de contrôle qui sèment la mort de par le monde
❌Thales touche des centaines de millions d'euros d'aides et de subventions alors que l'argent manque dans tous les services publics
❌Thales arrose ses actionnaires sans augmenter réellement les salaires de ses propres travailleur·ses
Carrefour Lempdes, complice du génocide !
À 20, nous avons bloqué quelques caisses pendant 30 minutes (et 1 caddie = 1 heure de rangement). Soyons plus nombreux.ses la prochaine fois pour cette action qui peut vraiment faire perdre du chiffre d'affaires à ces grands magasins complices du génocide, qui gavent leur actionnaires et détruisent les petits commerces. ✊
Saint Nazaire - Blocage de Carrefour
Saint-Nazaire répond à l'appel au boycott des entreprises complices du génocide à Gaza.
Alors qu'une nouvelle flotille s'apprêtait à briser le blocus imposé à la bande de Gaza pour livrer de l'aide humanitaire et dénoncer le génocide en cours, Israël s'est livré à des actes de piraterie dans les eaux internationales et à enlever les nombreuxSES militantEs qui y avaient pris part.
Pour dénoncer l'hypocrisie d'un gouvernement qui reconnaît un État de Palestine et ne fait rien pour protéger les PalestinienNEs, ni ceux et celles qui leur viennent en aide, ne prend aucune sanction contre les agresseurs mais aussi pour dénoncer les entreprises complices d'Israël comme Carrefour, une action a conduit à la fermeture du Carrefour à la suite de la mobilisation pour la justice sociale, fiscale et environnementale.
Givors - Boycott du carrefour et action sur le rond point
Solidarité avec Gaza, soutien aux flottilles de la liberté et appel à boycott des complices du génocide - Z.I Carrefour Givors
Nantes - blocage de la gare
Escortés par les klaxons des automobilistes et arrivés sans encombre sur le parvis, les manifestants envahissent la gare et scandent « Libérez les flottilles, Libérez la Palestine ».
La gare se remplit et les quais débordent. Les rails sont occupés. On entend chanter « Gaza, Nantes est avec toi ! » C'est un moment de force collective avant une arrivée fracassante des CRS qui ont rattrapé leur retard. Ils se mettent à courir pour effrayer les manifestants qui se retrouvent dans les escalators des quais, en les huant. Les CRS chassent les militants jusqu'à la sortie de la gare. La foule se disperse et les forces de l'ordre entourent la gare et filtrent les sorties. Réussir à bloquer ce lieu stratégique, même quelques instants, est déjà un exploit tant il est inaccessible et militarisé à chaque manifestation.
Récit et photo tirés du média Contre-attaque
Rennes - Méga-drapeau sur République et Mac Do attaqué lors de la manif
Ça commence donc par ce méga drapeau déployé sur République. 1500/2000 personnes en manifs. Beaucoup de crs qui serent fort les manifestants. Malgré cela 150 personnes réussissent à rejoindre le mac do sur la place du Colombier. Ça tag : "mac do collabo", "free palestine". Ça met des coups de pieds et une vitre tombe de peur. Puis dispersion et à nouveau manif sauvage. Un carrefour prend aussi des coups.
plus d'infos et de photos sur le site expansive.info
Lyon - Des lasers pour Gaza !
pendant le kidnapping de nos camarades de la Global Sumud Flotilla par l'armée génocidaire, des inscriptions sont mystérieusement apparues sur l'ancien palais de justice.
Aeroport Charles de Gaulle - Rassemblement contre une livraison d'armes à Saint-Nazaire
Une centaine de personnes se sont rassemblées à l'aéroport Charles de Gaulle dans le terminal d'où un avion civil partait pour Jérusalem transportant un colis de composants destinés au fabricant d'armes israëlien Elbit Systems avant d'être repoussées par la police.
Marseille - blocage d'eurolinks et interpellations de plus de 100 personnes
Pour la troisièmle fois en moins d'un mois, à Marseille, l'entreprise Eurolinks qui fournit des armes pour l'armée coloniale a été bloquée. La manifestation a malheureusement fini nassé et 120 personnes ont été interpellées
plus d'infos sur https://mars-infos.org/repression-de-la-manif-contre-8197
Saint Denis - Blocage de carrefour
Action de blocage ce jeudi 2 octobre au Carrefour Basiqique à Saint-Denis à l'initiative du Comité Palestine de Saint-Denis et « Bloquons tout Saint-Denis » en présence de BDS 93 ✊🇵🇸 Avec des prises de parole BDS sur chaque lieu de blocage dont Carrefour et Mc Donald's.
Montreuil - Blocage du carrefour
Ce samedi 04 octobre, le Carrefour de la Mairie de Montreuil très perturbé par solidarité contre le génocide en Palestine.
Après avoir bloqué celui de Saint-Denis jeudi 02/10, la Campagne BDS France Paris-Région Parisienne frappe à nouveau l'enseigne qui nourrit l'armée génocidaire et profite de la colonisation de la Palestine par ses filiales présentent dans 3 colonies illégales israéliennes depuis 2022.
Saint Denis - Blocage du mac do
Dimanche 5 octobre, plusieurs groupes aux couleurs de la Palestine font irruption depuis les allées du marché de Saint-Denis pour bloquer le McDo. Une cantine s'installe devant les portes, les drapeaux sont de sortis, la sono crache les tubes et les slogans s'enchainent pendant plus de 3 heures. On bloque les complices, pour briser le blocus !
Ce n'est pas fini !
Enfin, plusieurs collages et déploiements de banderoles ont eu lieu... et ce n'est pas fini !
Les premiers retours en image de cette semaine de mobilisation nous invites à amplifier la bataille contre les complices du génocide en Palestine. Continuons à cibler Thalès, Carrefour, Mc Donald, AXA et les autres entreprises jusqu'à faire plier l'appareil génocidaire, jusqu'à la libération de la Palestine.
Faites nous parvenir vos photos et vos récits sur le compte signal @briserleblocus.71 et/ou le mail briserleblocus@systemli.org. Nous ferons de notre mieux pour les mettre en avant.
Oxfam réagit à l’annonce d’un cessez-le-feu à Gaza
Le 9 octobre 2025 — En réaction à l'annonce d'un cessez-le-feu à Gaza, le directeur général d'Oxfam International, Amitabh Behar, a déclaré :
«
L'annonce par toutes les parties de la première phase d'un accord de cessez-le-feu à Gaza est une mesure absolument nécessaire pour mettre fin au génocide perpétré par Israël à Gaza. Nous saluons la libération des otages à Gaza et des personnes détenues illégalement en Israël.
« Ce cessez-le-feu fragile doit être le début d'un effort soutenu et fondé sur des principes qui mènera à la fin de l'occupation et du blocus illégaux par Israël. Il doit être axé sur le rétablissement des droits et la reconstruction des vies. Tout éventuel plan politique ou de reconstruction ne doit pas renforcer l'occupation ni compromettre davantage la souveraineté palestinienne.
« La voie à suivre doit être dirigée par les Palestiniennes et les Palestiniens, et fondée sur le respect des droits fondamentaux. Les négociations sur l'avenir de Gaza doivent aller au-delà des questions relatives à la réparation des seuls dégâts matériels : elles doivent rétablir les fondements de la vie quotidienne, reconstruire les communautés brisées et offrir des voies vers la guérison et l'espoir. Cela doit aller de pair avec l'autodétermination du peuple palestinien, qui doit diriger la reconstruction et la gouvernance de Gaza et façonner son propre avenir sur l'ensemble du territoire occupé.
« Le cessez-le-feu doit immédiatement permettre un accès humanitaire complet et sans restriction à Gaza, avec le soutien de la communauté internationale qui veillera au maintien d'un cessez-le-feu durable.
« La communauté internationale doit également veiller à ce qu'Israël ouvre tous les points de passage et permette à l'aide et aux marchandises commerciales de circuler librement et en toute sécurité à grande échelle dans toute la bande de Gaza. Les efforts humanitaires doivent être menés par l'ONU et fondés sur des principes.
« Le recours délibéré par Israël à la famine, aux déplacements forcés et à la destruction des infrastructures civiles au cours des deux dernières années doit faire l'objet d'une enquête en tant que crime au regard du droit international, et les responsables doivent être traduits en justice. Un cessez-le-feu n'est qu'un début. Il met fin aux tueries et doit ouvrir la voie à la phase suivante : préparer le terrain pour une paix durable et une véritable réconciliation. Ce processus ne peut aboutir sans justice et responsabilité, afin d'empêcher l'impunité et de garantir que le cycle de la violence ne se répète pas.
« Ce moment doit marquer un tournant vers un processus authentique et inclusif fondé sur les droits humains, l'égalité et la dignité pour tous. Les dirigeants mondiaux doivent veiller à ce que ce cessez-le-feu soit respecté par toutes les parties, à ce que les auteurs de crimes de guerre fassent l'objet d'enquêtes et de poursuites et à ce que le droit inaliénable du peuple palestinien à l'autodétermination soit respecté. »
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Génération Z212
Paris. Lundi, 6 octobre 2025. Je reçois une photographie du Maroc. Une fille, poing levé, porte un tee-shirt gris floqué de l'inscription GenZ 212. T = A/O x V.
PAR MUSTAPHA SAHA.
T = A/O x V. EXTRAIT 1.
Le code m'intrigue. L'imaginaire s'emballe. Le cryptogramme énigmatique me paraît talismanique. La révolte de Génération Z 212 serait-elle un complot de sorcières métamorphosées en pythonisses webiques. Le Maroc pays de superstition, de fétichisme, de totémisme. Les sanctuaires des saints leurs secrets. Mais, qui sont ces jeunes, sortis de nulle part qui secouent, du jour au lendemain, les consciences dormantes ? Les réseaux drainent, à leur habitude, les rumeurs les plus folles. Les journaux surenchérissent. Certains parlent d'extraterrestres, d'humanoïdes, de golems téléguidés par l'intelligence artificielle. D'autres de conjurations occultes. En 1967, Henri Lefebvre analyse les risques encourus avec le technocratisme. Cf. Henri Lefebvre, Position contre les technocrates, éditions Gonthier. Il a l'intuition des cybernanthropes, enfantés par les ordinateurs, des individus conçus comme des processeurs informationnels autogérés, autorégulés, disposant d'énergies dont ils calculent minutieusement les applications. Ils n'investissent qu'à coup sûr. La vie affective est considérée comme une survivance archaïque, obsolète, caduque, une résurgence périodique, une faiblesse spasmodique. Les cybernanthropes mènent leurs projets avec une rationalité technicienne. Leur langage n'est accessible qu'aux initiés. La génération Z désire reconquérir son humanité, se libérer de l'enfermement numérique, s'investir dans la réalité des choses, à la base. La technologie de pointe se retourne contre son instrumentalisation ultralibérale.
On jette d'immenses ressources dans l'abîme, dans l'industrie militaire, l'aventure spatiale, l'intelligence artificielle. On lésine quand il faut nourrir, soigner, loger, éduquer. L'anthropologue David Graeber, un ami foudroyé dans la force de l'âge pendant la crise covidaire, a publié des ouvrages de référence sur ces enjeux. Voir : Mustapha Saha, David Graeber nous regarde, Revue du Mauss, Cnrs, 2023, disponible sur le web.
J'adapte le malicieux canular pseudo-épistémologique. La formule T = A/O x V définit les déséquilibres entre le rythme des désirs et l'ankylose des institutions. Elle sert à penser le seuil critique à partir duquel la tension devient un moteur de transformation. T désigne à la fois la tension et la transformation. A qualifie l'aspiration. O signifie l'opportunité. V indique la vitesse de réalisation des modèles mondialisés, digitalisés. Quand l'aspiration augmente plus vite que l'opportunité, la tension s'accroît. Elle aggrave la frustration. Le décalage entre les attentes de la jeunesse et les complications institutionnelles amplifie à la vitesse numérique des imaginaires. La société se retrouve dans une situation d'accélération sans synchronisation. Les diplômés n'ont le choix qu'entre sous-emploi et désœuvrement. L'antagonisme ainsi déclenché n'est pas forcément une impasse. Elle peut être une pertinence de changement. Une société sans dissonances est une société flaccide, figée, fossilisée. Le défi consiste à convertir la tension en énergie transformatrice, créatrice de nouveaux horizons. T = A/O x V est une métaphore dynamique, cinétique, opératoire. Elle pose les relations entre deux pôle antinomiques, entre thermodynamique et inertie, vitalisme et stagnation. Si l'énergie de la tension est judicieusement investie, elle ouvre des perspectives épanouissantes. Si elle est étouffée, elle explose en émeutes réelles. Quand on y regarde de plus près, on s'aperçoit que cette équation est une fausse équation mathématique, fortuitement fournie par l'intelligence artificielle. Et pourtant, elle contient une indéniable vérité sur l'absurdité du système. S'opposent, dans une dérive rhizomique, les sensibilités désirantes au machines planificatrices.
Les scénarios philosophiques de Gilles Deleuze et de Félix Guattari dans L'Anti-Œdipe, éditions de Minuit, 1972, et dans Mille plateaux, éditions de Minuit, 1980, s'accomplissent. Le rhizome se développe horizontalement dans toutes les directions. Il est polymorphe. Il n'a pas de centre. Sa progression peut être chaotique. Cette figure fractale s'oppose aux structures pyramidales. Elle ne se subordonne à aucune verticalité. Le rhizome est linéaire. Il se forme élément par élément, de proche en proche. Il se démultiplie sans plan prédéterminé. Il prolifère dans l'immanence. Son élasticité permet des mutations continuelles. Son hétérogénéité autorise des connexions tous azimuts. Sa ductilité génère des ramifications sans limites. En cyberculture, le rhizome est une mise-à-jour permanente. Il est souterrain, clandestin, illicite. Génération Z 212 est rhizomique par excellence. Elle joue à la révolution. Elle est la révolution. Elle décline, jour après jour, ses manifestations, ses démonstrations, ses proclamations. Elle se déploie, phase par phase, en carte avec ses nombreuses entrées, indéterminables d'avance. Elle est une équation à multiples inconnus. Elle contourne les certitudes, les confirmations, les infirmations. Elle évolue dans le mystère. Ses plausibilités se cueillent comme des fruits mûrs.
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Photo anonyme. Remastérisation Mustapha Saha.

Le Québec à l’aube d’un monde nouveau
Le Québec à l'aube d'un monde nouveau
Simon-Pierre Savard-Tremblay
Un nouveau regard sur l'indépendance du Québec et la place de notre province dans l'ordre mondial.
Le livre de Simon-Pierre Savard-Tremblay est un vibrant plaidoyer en faveur de la souveraineté du Québec. Ce livre s'inscrit dans une longue lignée d'écrits défendant la nécessité, pour le Québec, d'accéder à son indépendance. Il surgit dans un moment de crise et de remise en question de la mondialisation et du libre-échange, mais aussi au moment où les concepts (et les réalités) de nation et de souveraineté reviennent en force sur le devant de la scène.
Dans ce contexte, l'auteur entend faire le bilan de la situation et reprendre la réflexion sur la place que le Québec devrait occuper dans ce nouvel ordre mondial en tenant compte des défis que pose la nouvelle administration américaine, celle de Trump, et l'émergence de la nouvelle puissance chinoise.
Dans son livre, l'auteur brosse un portrait dévastateur du modèle politique et économique canadien et de son incapacité à défendre les intérêts du Québec et à respecter ses champs de compétences. Un Québec indépendant, avec son modèle économique et social, sa culture et sa vision francophone du monde, aurait, selon l'auteur, plus de chances de préserver ses acquis et serait en bien meilleure posture
pour défendre ses intérêts.
L'AUTEUR
Député pour le Bloc québécois depuis
2019,
Simon-Pierre Savard Tremblay vient tout juste d'être réélu pour un 3e mandat. Son implication politique remonte à 2010 alors qu'il présidait le forum jeunesse du Bloc québécois. À la Chambre des communes, il a siégé au comité permanent ducommerce international.
Il a été enseignant, chroniqueur, essayiste et auteur de plusieurs livres. Il est aussi détenteur d'un doctorat en
socio-économie du développement de L'EHESS à Paris.
Ce livre renouvelle la réflexion au sujet de la souveraineté du Québec ; Tient compte des récents enjeux et
défis que pose la nouvelle administration américaine ; Aborde des questions très actuelles : Le Canada comme 51ème État, l'abolition des barrières commerciales au Canada, les tarifs douaniers, la crise du libre-échange ; Raconte l'histoire de la mondialisation et la crise récente qui l'affecte
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Des sentiments mitigés
Quelle émotion formidable que de recevoir une boîte d'exemplaires de mon prochain livre Fascisme tranquille fraîchement sortis de l'imprimeur !
Photo : Spencer Platt Getty Images via Agence France-Presse. Des agents fédéraux, y compris des membres du ministère de la Sécurité intérieure et de la Patrouille frontalière, retiennent les manifestants tout en déployant une grenade fumigène à l'extérieur d'une installation de l'U.S. Immigration and Customs Enforcement (ICE) au centre-ville, le 4 octobre 2025 à Portland. Tiré d'un article du Devoir du 5 octobre 2025
Cela dit, je dois avouer que mes sentiments de joie et d'excitation se mélangent à des émotions de tiraillement et d'inquiétude, car j'anticipe que ce livre provoquera aussi des remous dans un espace public déjà fortement polarisé.
Aujourd'hui même, j'apprends dans le journal The Guardian que l'historien et professeur américain Mark Bray vient de s'exiler vers l'Europe. La raison ? Il est l'un des rares spécialistes de l'antifascisme aux États-Unis, auteur du livre L'antifascisme : son passé, son présent et son avenir publié en français chez Lux, et il a été ciblé par la section locale de Turning Point USA suite à l'assassinant de Charlie Kirk. Quand des maisons d'édition comme Écosociété, Lux, M Éditeur, Moults Éditions et rue Dorion ont fait une sortie publique remarquée le 1er octobre pour exprimer leur inquiétude face à la vague de répression contre l'antifascisme désigné comme une forme de "terrorisme", en montrant leur solidarité envers les auteurs pouvant être la cible de représailles, il ne s'agissait pas d'une simple peur imaginaire :
Nous sommes particulièrement préoccupé·es par les répercussions possibles de cette décision politique sur la liberté d'expression et sur les formes culturelles et intellectuelles de l'antifascisme, qui incluent des ouvrages que nous publions ici même, au Québec, ainsi que ceux de nos camarades et ami·es aux États-Unis. Soyons clairs : il ne s'agit plus de simples menaces, l'exécution a commencé.
Ce n'est pas un simple incident ou un phénomène isolé qui se limite aux frontières des États-Unis. Au Québec, le militant d'extrême droite Alexandre Cormier-Denis a récemment ciblé différentes figures du "mouvement antifa" dont Francis Dupuis-Déri et Marcos Ancelovici (tous deux professeurs à l'UQAM), Xavier Camus (professeur au cégep) et Frédéric Bérard. Les personnes qui prennent parole publiquement contre le fascisme reçoivent actuellement une avalanche de haine et de violence en ligne, allant parfois jusqu'aux menaces de mort.
Bref, je sais qu'à partir de maintenant, je ne pourrai plus me rendre aux États-Unis tant que le régime autoritaire de Trump sera en place. J'ose espérer que je ne devrai pas craindre pour ma sécurité dans les prochaines semaines au Québec, car actuellement, même des politiciens et des chroniqueurs d'ici prennent pour cible les professeurs d'université et la fameuse "gauche radicale". Bref, je ne sais pas encore si ma face sera mise sur une autre liste d'intimidateurs de gauche, comme ce fut le cas en mai dernier sur la plateforme X.
Personne n'est immunisée contre cette vague autoritaire qui déferle partout en Occident, à différents niveaux d'intensité. La France s'enfonce dans une crise de régime sans précédent, avec l'extrême droite aux portes du pouvoir. Le gouvernement Legault continue de marteler un discours sécuritaire et alarmiste contre l'écriture inclusive, l'immigration et les "islamistes radicaux", avec la rhétorique de la "loi et l'ordre" et un projet de constitution présentée comme un "bouclier", mais qui sera en fait une "patente identitaire imposée par le haut".
Pendant ce temps, des jeunes comme Nooran Rezayi se font tuer par la police dans l'indifférence générale, avec unhommage où se mélange la peur et une manifestation sous haute surveillance policière. Au sud de la frontière, le tyran Trump déclare les villes démocrates comme des « zones de guerre » et met en acte une véritable occupation militaire. Parallèlement, le gouvernement de Mark Carney fraye aussi dans les eaux du libéralisme autoritaire, avec la loi C-5 qui concentrer encore plus de pouvoirs et court-circuite les processus démocratiques, tout en faisant exploser le budget de l'armée.
Bref, les manifestations de cette vague autoritaire de droite ne manquent pas. La solution n'est de se taire ou d'obéir à l'avance, en laissant la peur nous envahir. Il nous faut plutôt un surplus de courage pour prendre parole publiquement, défendre la liberté académique, les droits sociaux et les quelques composantes de la démocratie libérale qui sont plus vulnérables que jamais.
Kamil Krzaczynski/AFP via Getty Images. Lors d'un rassemblement organisé à l'occasion de la fête du travail à Chicago, des manifestants ont protesté contre la menace de déploiement de la Garde nationale brandie par le président Trump.
Je ne dis pas que chaque personne a l'obligation de s'exprimer publiquement sur ces enjeux, mais qu'on doit toutes et tous faire preuve de solidarité en ces temps de basculements. Il faut développer une responsabilité partagée pour soutenir celles et ceux qui sont sur la ligne de front, que ce soit dans les médias ou dans la rue.
Enfin, je terminerais avec une célèbre réflexion de Michel Foucault tirée de son introduction du livre L'Anti-Oedipe de Gilles Deleuze et Félix Guattari. Celle-ci m'a été rappelé par le philosophe Guillaume Le Blanc dans sa conférence intitulée Qu'est-ce qu'une vie non-fasciste ? Réflexions à partir de Foucault et Pasolini, qui fut prononcée le 7 octobre 2025 à l'Université Saint-Paul. Dans ce texte de 1977 qui résonne particulièrement aujourd'hui, Foucault écrit :
Cet art de vivre contraire à toutes les formes de fascisme, qu'elles soient installées ou proches de l'être, s'accompagne d'un certain nombre de principes essentiels, que je résumerais comme suit si je devais faire de ce grand livre un manuel ou un guide de vie quotidienne :
Libérez l'action politique de toute forme de paranoïa unitaire et totalisante ;
Faites croître l'action, la pensée et les désirs par prolifération, juxtaposition et disjonction, plutôt que par subdivision et hiérarchisation pyramidale ;
Affranchissez-vous des vielles catégories du négatif (la loi, la limite, la castration, le manque, la lacune), que la pensée occidentale a si longtemps sacralisées comme forme du pouvoir et mode d'accès à la réalité.
Préférez ce qui est positif et multiple, la différence à l'uniforme, le flux aux unités, les agencements mobiles aux systèmes. Considérez que ce qui est productif n'est pas sédentaire, mais nomade ;
N'imaginez pas qu'il faille être triste pour être militant, même si la chose qu'on combat est abominable. C'est le lien du désir à la réalité (et non sa fuite dans les formes de la représentation) qui possède une force révolutionnaire ;
N'utilisez pas la pensée pour donner à une pratique politique une valeur de vérité ; ni l'action politique pour discréditer une pensée, comme si elle n'était que pure spéculation. Utilisez la pratique politique comme un intensificateur de la pensée, et l'analyse comme un multiplicateur des formes et des domaines d'intervention de l'action politique ;
N'exigez pas de la politique qu'elle rétablisse des « droits » de l'individu tels que la philosophie les a définis, l'individu est le produit du pouvoir. Ce qu'il faut, c'est désindividualiser par la multiplication et le déplacement les divers agencements. Le groupe ne doit pas être le lien organique qui unit des individus hiérarchisés, mais un constant générateur de "désindividualisation" ;
Ne tombez pas amoureux du pouvoir.

Comptes rendus de lecture du mardi 14 octobre 2025
Plastique : le grand emballement
Nathalie Gontard avec Hélène Seingier
Je me suis beaucoup inspiré de ce livre pour la rédaction de ma chronique d'octobre sur l'environnement dans le mensuel Ski-se-Dit. La chercheuse Nathalie Gontard nous y raconte comment ce matériau, dont l'usage n'a cessé de croître depuis les années 1960 et particulièrement au cours des dernières décennies, pose aujourd'hui et pour les générations à venir d'immenses problèmes aux niveaux de l'environnement et de la santé. Elle nous éclaire sur les différents types de plastique, leur dissémination en infimes particules dans l'environnement, et l'inefficacité - sinon l'impraticabilité - de leur recyclage. Les seules solutions viables et nécessaires : passer de ce plastique à base de pétrole, persistant dans l'environnement, à un plastique facilement biodégradable à partir de résidus organiques et à la réutilisation d'autres matériaux et la réintégration d'autres pratiques. Un livre dont je vous recommande chaudement la lecture et qui, je le souligne, se termine sur une note très positive.
Extrait :
Le mécanisme est implacable : le plastique se charge en substances potentiellement toxiques, se dégrade jusqu'à une échelle infime, se multiplie s'invite dans notre environnement, nos aliments et s'installe ensuite dans nos organes pour interférer avec leur fonctionnement.
Démocratie - Histoire politique d'un mot
On nous tuera doucement
Frédéric Bérard
Je ne connaissais pas encore Frédéric Bérard il y a peu, même s'il est très présent dans certains médias. Je l'ai connu, ces derniers mois, à partir de ses courtes capsules vidéo dans lesquelles il défend avec verve l'état de droit en vilipendant Donald Trump et ses comparses et, chez nous, Mathieu Bock-Côté, personnages qu'il ne craint pas, à juste titre, de traiter de fascistes. Ces « chroniques sur nos dérives médiatiques, politiques et environnementales », écrites dans un style presque parlé, sont très instructives en matière de droit, à la lumière de la politique américaine et de la politique québécoise et canadienne. J'ai bien aimé, même si son interprétation de la guerre en Ukraine m'a semblé particulièrement manichéenne, en omettant complètement le rôle des États-Unis dans le conflit.
Extrait :
Mais il a fait quoi, depuis sa nomination à l'Environnement, Guilbeault ? Interdiction des pailles en plastique. Ou encore, des vidéos où on le voit nettoyant ses ustensiles, habitude, confesse-t-il, prise chez Équiterre. Bref, au diapason de son gouvernement, obsédé par l'image.
La Scouine
Albert Laberge
Ce fut le premier roman québécois à s'inscrire en faux contre le roman du terroir destiné depuis 1846 à promouvoir la vie paysanne et l'agriculture chez les Canadiens-Français. Il ressemble en cela d'une certaine façon, mais de manière beaucoup moins descriptive, au roman « La Terre » d'Émile Zola, qui donnait lui aussi, mais pour la France, une image beaucoup moins idyllique de la vie paysanne. « La Scouine » fut le seul roman d'Albert Laberge. Il mettra 18 ans à sa rédaction, de 1899 à 1917, et le publiera à compte d'auteur en 1918. C'est un roman réaliste et sombre qui décrit les scènes de la vie rurale de l'époque en jetant un regard dur et pessimiste sur les mœurs et coutumes des « habitants ». J'ai aimé.
Extrait :
De son grand couteau pointu à manche de bois noir, Urgèle Deschamps, assis au haut bout de la table, traça rapidement une croix sur la miche que sa femme Mâço venait de sortir de la huche. Ayant ainsi marqué du signe de la rédemption le pain du souper, l'homme se mit à le couper par morceaux qu'il empilait devant lui. Son pouce laissait sur chaque tranche une large tache noire. C'était là un aliment massif, lourd comme du sable, au goût sur et amer. Lorsqu'il eut fini sa besogne, Deschamps ramassa soigneusement dans le creux de sa main, les miettes à côté de son assiette et les avala d'un coup de langue. Pour se désaltérer, il prit une terrine de lait posée là tout près, et se mit à boire à longs traits, en faisant entendre, de la gorge, un sonore glouglou. Après avoir remis le vaisseau à sa place, il s'essuya les lèvres du revers de sa main sale et calleuse. Une chandelle posée dans une soucoupe de faïence ébréchée, mettait un rayonnement à sa figure barbue et fruste de travailleur des champs. L'autre bout de la table était à peine éclairé, et le reste de la chambre disparaissait dans une ombre vague.
Hollywood et la politique
Claude Vaillancourt
Militant altermondialiste et cinéphile de longue date, Claude Vaillancourt nous explique, dans ce brillant essai de moins de deux cents pages, comment le cinéma hollywoodien contribue à nous transmettre les valeurs américaines d'individualisme et une vision manichéenne du monde. Forgé au coeur même de l'empire américain, ce cinéma, nous dit-il, représente une puissante industrie qui carbure essentiellement au capitalisme. Un bon petit essai à lire, surtout pour ceux qui s'intéressent au cinéma.
Extrait :
Qu'ils le veuillent ou non, les cinéastes donnent un sens aux sujets politiques et sociaux qu'ils abordent. les spectateurs peuvent ne pas y réfléchir, n'y voir qu'un pur divertissement, se laisser happer par l'histoire et ses revirements sans s'attarder aux détails de la trame politique ni même revenir sur leurs propres réactions devant certains épisodes critiques. un certain message parvient toutefois à passer, des idées qui s'incrustent en douceur, des préjugés peut-être ou, au contraire, une ouverture d'esprit, des opinions que l'on vient à formuler sans en connaître la source.
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Nigeria : l’offensive anti syndicale battue en brèche
Le milliardaire nigérian Dangote a échoué dans sa politique antisyndicale grâce à la mobilisation des salariés et de leurs organisations.
Aliko Dangote est l'homme le plus riche d'Afrique. Sa fortune s'élève, d'après le magazine Forbes, à plus de 23 milliards de dollars. Issu d'une famille très riche, s'il a commencé à faire fortune dans l'industrie du ciment, il a surtout bénéficié d'une page sombre du pays.
Tentative d'interdire les syndicats
En 1983 un coup d'Etat est mené. Les putschistes décrètent la « guerre contre l'indiscipline ». La répression frappe le pays. Les hauts fonctionnaires et les chefs d'entreprise accusés de corruption sont jetés en prison. Dangote en profite pour occuper de larges pans économiques laissés vacants.
En 2016 il a investi 20 milliards dans la construction de la plus grande raffinerie du Continent avec un potentiel de production de 650 000 barils par jour. En parallèle il a mis en place un nouveau système de distribution pour les stations-services du pays nécessitant la commande de 4000 camions pour acheminer les produits pétroliers avec les embauches correspondantes de chauffeurs. Dans leurs contrats de travail, figurait une clause interdisant l'affiliation au syndicat de la branche le Nigeria Union of Petroleum and Natural Gas Workers (NUPENG).
Une attaque syndicale parfaitement illégale. En effet, l 'article 40 de la Constitution du pays consacre la liberté d'affiliation et le Nigeria est signataire de la conventions 87 de l'Organisation Internationale du Travail garantissant la liberté syndicale. L'offensive de Dangote contre les droits des travailleurs s'est poursuivie. La direction de la raffinerie a licencié 800 salariés de l'encadrement qui avaient adhéré au Petroleum and Natural Gas Senior Staff Association of Nigeria (PENGASSAN) le syndicat des cadres de la branche pétrochimique. De plus, la direction ne cachait pas sa volonté de mettre en place un syndicat maison.
La riposte
Le NUPENG et la PENGASSAN avec le soutien du Nigeria Labour Congress ont lancé un arrêt de travail qui a paralysé la raffinerie, avec la menace d'une grève générale dans le pays.
Les perturbations dans l'industrie pétrolière, secteur primordial pour le pays, ont poussé le gouvernement à intervenir. Une première réunion a eu lieu le 6 septembre sans résultat, la délégation patronale quittant la table de négociation. Pendant ce temps, un début de pénurie commençait à frapper le pays. Après plusieurs réunions Dangote cède et un protocole d'accord est signé. La direction s'engage à respecter le droit syndical, abandonne le projet d'implantation d'un syndicat jaune et réintègre sans perte de salaire les 800 cadres à leurs postes.
Le président du NLC Joe Ajaero a souligné l'importance de cette bataille : « Une attaque contre un syndicat est une attaque contre tous. Si nous permettons au groupe Dangote de réussir, aucune industrie ni aucun travailleur au Nigeria ne sera en sécurité. Cela créera un précédent dangereux selon lequel le capital est au-dessus de la loi ».
Paul Martial
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Comment la nature est devenue un champ de bataille colonial
Plantations, barrages, réserves : les empires coloniaux ont façonné la nature autant que les sociétés. Une domination parsemée de révoltes et de négociations, montrent les historiens Guillaume Blanc et Antonin Plarier dans un livre collectif.
Tiré de Reporterre.
Et si l'on relisait l'histoire coloniale par ses forêts, ses rivières, ses plantations et ses animaux ? C'est l'ambition d'Empires. Une histoire sociale de l'environnement, un livre collectif coordonné par l'historien Guillaume Blanc, professeur à Sciences Po Bordeaux, spécialiste des empires coloniaux et des politiques de conservation, et par Antonin Plarier, maître de conférences à l'université Lyon 3, qui travaille sur l'histoire environnementale et sociale des sociétés africaines.
L'ouvrage rassemble des textes fondateurs, pour la première fois traduits en français, et montre comment les entreprises coloniales ont profondément transformé les environnements qu'elles ont conquis. Des forêts indiennes mises sous contrôle à la création de réserves de chasse en Tanzanie, des plantations d'hévéa au Vietnam au barrage de Cahora Bassa au Mozambique, ces histoires révèlent un fait central : gouverner les hommes passait aussi par gouverner la nature.
Mais la domination n'a jamais été totale. Les populations colonisées ont résisté, négocié, parfois retourné les logiques coloniales contre elles-mêmes. Les paysages d'aujourd'hui portent encore l'empreinte de ces affrontements, et éclairent les inégalités environnementales actuelles. Nous avons interviewé Guillaume Blanc et Antonin Plarier pour comprendre ce que l'histoire environnementale des empires dit du passé colonial, et ce qu'elle révèle de notre présent.
Reporterre — Qu'est-ce qui vous a conduits à concevoir ce livre collectif ?
Guillaume Blanc — L'histoire environnementale de l'empire français reste encore largement à écrire. Alors qu'à l'inverse, celle de l'empire britannique est abondamment étudiée et enseignée.
Des chercheuses comme Hélène Blais ont ouvert des pistes, par exemple sur les jardins botaniques coloniaux, mais dans l'ensemble la recherche française a pris du retard. Avec Antonin, nous avons voulu contribuer à combler ce manque en rendant accessibles en français des textes majeurs qui font autorité dans le champ. Car nous avons aussi constaté que nos étudiantes et étudiants connaissaient très peu l'histoire environnementale des empires.
Pour comprendre en profondeur les rapports entre sociétés et nature, il faut pourtant saisir combien la colonisation a façonné ces rapports. C'est pourquoi nous avons sélectionné et traduit des textes importants, proposant un regard sur une pluralité de situations coloniales —françaises, mais aussi britanniques, portugaises ou allemandes —, et en assumant une perspective très claire : l'environnement est toujours un fait social. Notre fil directeur a été cette question : qu'ont fait les empires coloniaux à la nature, et qu'a fait la nature aux empires coloniaux ?
Concrètement, que signifie l'idée que « l'environnement est un fait social » ?
Antonin Plarier — Cela veut dire que la nature est toujours traversée par des usages, des conflits, des hiérarchies. Prenons l'exemple des forêts indiennes sous domination britannique : pour les populations locales, elles servaient à la culture sur brûlis, au pâturage, à l'artisanat, au bois de construction.
Les colons, eux, y voyaient avant tout une ressource commerciale, destinée notamment à l'exportation. Ces usages divergents ont créé une conflictualité permanente, parfois qualifiée de « guerre des forêts ».
On pourrait dire la même chose des rivières. Le barrage de Cahora Bassa au Mozambique, construit par les Portugais, en est un exemple frappant. Il a bouleversé non seulement les écosystèmes du fleuve Zambèze, mais aussi les modes de vie des populations rurales, en amont comme en aval.
Ce que nous voulons montrer, c'est que l'exploitation de la nature ne peut être dissociée de l'exploitation des humains. Les deux sont intimement liées en contexte colonial.
Vous montrez que la nature a été au cœur du projet colonial : à la fois ressource à exploiter et objet de contrôle social. Pouvez-vous expliquer ce que vous appelez « écologie impériale », et comment cela s'est traduit dans la vie des populations colonisées ?
Guillaume Blanc — Les sociétés coloniales ont bien sûr été diverses — l'Indochine française ne ressemblait pas au Nigeria britannique ou au Mozambique portugais —, mais elles reposaient toutes sur un projet commun : placer la nature au cœur de l'entreprise impériale.
Cela se traduisait par un double mouvement. D'un côté, une prédation systématique des ressources : bois, minerais, plantes, animaux sauvages. De l'autre, la mise en place de dispositifs de protection — forêts réservées, parcs naturels, règlements de chasse — qui visaient à contrôler l'accès aux ressources et à légitimer cette prédation. Protection et exploitation marchaient de pair : on préservait certaines ressources ici pour mieux continuer à les exploiter là-bas.
« Les colons imposaient un ordre écologique parallèle à l'ordre social »
Mais cette logique n'était pas seulement matérielle. Elle était aussi idéologique. En définissant ce qui relevait de la nature à sanctuariser et ce qui devait être exploité comme ressource, les colons imposaient un ordre écologique parallèle à l'ordre social. Ils décidaient quels étaient les bons et les mauvais usages, qui avait ou non le droit d'accéder à tel espace.
C'est cela que nous appelons « écologie impériale » : une science coloniale, celle de la « nouvelle écologie humaine » qui, dès les années 1920-1930, conceptualise la société comme un organisme vivant, avec ses équilibres et ses déséquilibres.
Les élites scientifiques et administratives se donnaient alors pour mission de planifier rationnellement l'exploitation de la nature et, par là même, le contrôle des hommes. Gouverner les populations colonisées passait par gouverner leur environnement.
Cette écologie impériale n'est pas une simple arrière-pensée du projet colonial : elle en est un pilier. La comprendre, c'est prendre au sérieux les bâtisseurs d'empire et leur ambition de gouverner — et de dominer — à la fois les hommes et la nature.
Vos récits montrent que les ambitions coloniales ont souvent été déjouées ou détournées : le figuier de Barbarie à Madagascar, le thé en Assam… Que racontent ces histoires sur la fragilité de la domination coloniale ?
Antonin Plarier — Le projet colonial n'a jamais été une machine parfaitement huilée. Les ingénieurs, agronomes ou gouverneurs généraux qui rêvaient de mettre la nature en ordre se heurtaient sans cesse aux réalités écologiques.
Prenons l'exemple du thé d'Assam, dans l'Inde britannique. Les théiers y existaient à l'état endémique, mais les colons britanniques refusaient d'y voir une production digne de l'Empire. Ils ont donc importé des plants et des experts chinois, au prix de décennies d'efforts et de dépenses colossales. Ce n'est qu'à la fin du XIXᵉ siècle qu'ils admettront que les plantes d'Assam étaient bien des théiers…indiens.
Des travailleuses dans une plantation de thé dans l'état indien d'Assam. Drashokk / CC BY-SA 4.0 / Wikimedia Commons
Quant au figuier de Barbarie, introduit par les Français à Madagascar au XVIIIᵉ siècle, il devait d'abord servir les besoins des colons. Le projet colonial échoua, mais la plante s'implanta durablement et fut utilisée par les populations locales pour l'élevage et même comme barrière défensive contre l'avancée coloniale. On a donc là un retournement complet de son usage.
Ces exemples rappellent que la domination coloniale, malgré sa violence, n'était pas toute-puissante. La nature et les sociétés locales imposaient sans cesse des marges d'incertitude.
Vous montrez également que les colonisés n'ont pas seulement subi : ils ont résisté, négocié…
Guillaume Blanc — La conclusion à laquelle nous arrivons, c'est qu'il y a toujours domination, mais qu'elle ne prend jamais la forme que l'on croit. Car le projet impérial est aussi mis en œuvre, quoique sous la contrainte, par les colonisés eux-mêmes. Cela crée une conflictualité permanente, à la fois sociale et environnementale.
L'exemple des forêts indiennes, étudié par Ramachandra Guha et Madhav Gadgil, est éclairant. Officiellement, l'ordre colonial britannique était vertical : des élites européennes appuyées sur des élites indiennes dominaient les populations rurales. En réalité, les élites indiennes oscillaient : parfois elles soutenaient les Britanniques, parfois elles rejoignaient les paysans qui protestaient contre les impôts ou l'exploitation forestière.
Elles tiraient parti de cette situation, devenant elles-mêmes des intermédiaires du capitalisme impérial. La domination coloniale n'était donc pas monolithique, mais traversée par des négociations et des conflits.
Un autre exemple vient de l'anthropologue Lynn Shumaker, qui a travaillé sur une mine de la Copperbelt, en actuelle Zambie. Pour expliquer la mortalité des mineurs, ceux-ci évoquent dans leurs récits oraux des serpents menaçants, symboles d'une propriété et d'un usage des sols et des sous-sols bouleversés par l'ouverture de la mine.
Les propriétaires britanniques, eux, se présentaient comme des sauveurs face à ces dangers, en construisant d'autres récits légendaires — des récits de chasseurs européens — pour légitimer leur présence. On voit là une hybridité culturelle et écologique : la représentation de la nature dans ce contexte illustre des conflits de propriété et d'appropriations des ressources naturelles.
Certaines populations ont même utilisé l'environnement comme arme. Que nous apprennent ces luttes sur la dimension écologique des révoltes coloniales ?
Antonin Plarier — Dans la dernière partie du livre, nous avons choisi trois luttes emblématiques. Le premier est l'insurrection « Maji Maji » en Afrique orientale allemande, au début du XXᵉ siècle. Elle est souvent présentée comme une révolte politique contre la domination coloniale. Mais si l'on regarde de près, elle est indissociable de la mise en place de réserves de chasse qui limitaient brutalement les pratiques locales de chasse. Sans cet aspect environnemental, on ne comprend pas la colère des populations.
Deuxième exemple : la guerre d'Indochine. Les plantations de caoutchouc y tenaient une place centrale. Elles symbolisaient l'exploitation coloniale la plus brutale, avec des taux de mortalité parfois effroyables parmi les ouvriers. Elles étaient aussi des espaces de monoculture intensive, où une espèce venue du Brésil — l'hevea brasiliensis — avait remplacé les forêts tropicales.
« Les symboles de la domination coloniale pouvaient être renversés, mais sans pour autant rompre avec la logique de mise en ordre de la nature »
Au début de la guerre, le Vietminh a choisi d'attaquer ces plantations, en détruisant massivement des hévéas, parce qu'elles incarnaient le cœur économique du pouvoir colonial. Mais à mesure que la perspective de l'indépendance se rapprochait, leur attitude a changé : ces plantations sont devenues un symbole national, une ressource économique à préserver pour le futur Vietnam. On voit bien ici que la lutte politique et la lutte écologique sont imbriquées.
Au Mozambique, dans les années 1960-1970, le barrage de Cahora Bassa représentait pour les Portugais la puissance coloniale à son apogée : domestiquer un fleuve, transformer la nature et déplacer des populations. Les nationalistes du Front de libération du Mozambique l'ont combattu, en tentant de saboter le chantier.
Une fois au pouvoir, en revanche, ils ont à leur tour repris ce barrage, en l'intégrant au projet national postcolonial. Là encore, on voit que les symboles de la domination coloniale pouvaient être renversés, mais sans pour autant rompre avec la logique de mise en ordre de la nature.
Vous établissez enfin un lien entre colonialisme environnemental et inégalités écologiques actuelles. Comment cette continuité éclaire-t-elle notre monde ?
Guillaume Blanc — Le concept d'« échange écologique inégal » permet de comprendre ce lien. L'idée vient du sociologue Immanuel Wallerstein, qui a montré que le système-monde reposait sur un échange économique inégal entre un centre et des périphéries. L'historien Alf Hornborg a prolongé ce raisonnement en montrant que cet échange était aussi écologique : certaines régions fournissent les ressources, d'autres en récoltent les profits.
Prenons l'exemple de la Tanzanie : les réserves et les parcs créés par les colons allemands puis britanniques pour contrôler l'ivoire sont devenues sources de revenus touristiques. Mais depuis l'indépendance, l'économie nationale repose toujours sur la satisfaction du besoin occidental de « nature africaine », au détriment, sur place, de l'agriculture ou de l'urbanisation.
Introduit par les Français à Madagascar au XVIIIᵉ siècle pour le projet colonial, le figuier de barbarie fut finalement plus utilisé par les locaux de l'île. Tanja Freibott / CC BY-SA 4.0 / Wikimedia Commons
Cet exemple n'en est qu'un parmi d'autres. On pourrait évoquer le caoutchouc vietnamien grâce auquel Michelin a construit une bonne part de sa fortune, jusqu'en 1975, ou encore l'uranium du Gabon et du Niger grâce auquel les foyers français ont de l'électricité. Autant d'exemples qui montrent que nos sociétés contemporaines prolongent des logiques héritées de l'époque coloniale, même si elles prennent de nouvelles formes.
Ce n'est plus du colonialisme environnemental à proprement parler, car les États africains et asiatiques sont souverains. Mais c'est bien une continuité dans les rapports inégaux, qui révèle à quel point l'écologie reste au cœur des relations de pouvoir mondiales.
Peut-on parler pour autant de néocolonialisme environnemental ?
Antonin Plarier — Le terme pose problème. L'époque coloniale est révolue et les élites locales sont devenues des acteurs à part entière. Elles reprennent parfois des politiques coloniales, mais dans une configuration nouvelle où elles ont leur propre pouvoir de décision.
Comme historiens, nous insistons sur la continuité des logiques, sans nier les ruptures. Autrement dit, si les indépendances n'ont pas fait table rase, il ne faut pas non plus sous-estimer la capacité d'agir des élites postcoloniales, qui jouent désormais un rôle central.
Et, au-delà du regard historien, il y a une question politique : comment transformer ces rapports de domination hérités du passé ? Les enjeux extractivistes et écologiques actuels ont une profondeur historique, et le comprendre n'est pas qu'affaire d'érudition, c'est aussi regarder dans le rétroviseur pour mieux transformer nos sociétés actuelles.
Empires. Une histoire sociale de l'environnement, sous la direction de Guillaume Blanc et Antonin Plarier, aux éditions CNRS, 2 octobre 2025, 432 p., 27 euros.

Les syndicats kirghizes projettent une action de syndicalisation en commun
Les 18 et 19 septembre, s'est tenu près de la ville de Bichkek un atelier d'organisation à l'initiative d'IndustriALL pour ses affiliés kirghizes. Cet atelier était l'aboutissement d'un plan stratégique élaboré par les organisations syndicales kirghizes pour renforcer le pouvoir syndical sur les lieux de travail par une action commune de syndicalisation et d'unité, le but étant d'accroître l'efficacité de leurs efforts en matière de négociation collective.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/10/07/les-syndicats-kirghizes-projettent-une-action-de-syndicalisation-en-commun/
Lorsque le Kirghizistan a accédé à l'indépendance après l'effondrement de l'Union soviétique, les emplois ont disparu en masse. Les syndicats ont perdu leur influence et ont été contraints de se réinventer. Il y a quinze ans, ils ont décidé d'abandonner le modèle de l'offre de services pour celui de l'organisation et se sont efforcés de syndicaliser de nouveaux lieux de travail. Ils ont alors subi la répression du gouvernement. Pourtant, une action tripartite avec l'OIT a rendu le contexte plus propice, et les syndicats comptent bien en tirer parti.
Avec une répartition équilibrée entre femmes et hommes de ses 28 représentants des trois affiliés d'IndustriALL dans cette république d'Asie centrale, le syndicat des travailleurs de la mine et la métallurgie MMTUK, le syndicat de l'industrie légère et du textile RKet le syndicat de l'industrie et des services publics PRPKBOP, l'atelier comptait aussi un grand nombre de jeunes. Les syndicats kirghizes prévoient d'organiser ensuite un atelier pour les jeunes travailleuses et travailleurs dans le courant de l'année et de produire des médias, dont des podcasts et des articles pour réseaux sociaux, à destination des jeunes.
Les participants étaient issus d'un large éventail d'industries, comme les mines d'or, les services techniques du secteur public et les petits ateliers de confection.
La première journée a porté sur la stratégie d'organisation, à commencer par la nécessité de réaliser des recherches sur des entreprises ciblées. Vinrent ensuite des discussions sur la tenue d'entretiens individuels avec les travailleurs, le recrutement de leaders d'organisation et la constitution d'un comité d'organisation sur le lieu de travail.
Le deuxième jour était consacré à l'obtention d'un mandat des travailleurs pour négocier collectivement et s'est achevé par un jeu de rôles sur la négociation, les participants tenant à la fois les rôles des représentants de la direction et du personnel.
Le directeur d'IndustriALL en charge des campagnes et de la syndicalisation, Walton Pantland, qui présidait l'atelier, a déclaré :
« Il y a au Kirghizistan une réelle soif d'apprendre. J'ai été impressionné par l'engagement et le professionnalisme des participants, qui sont déterminés à travailler dur pour améliorer les conditions d'emploi dans le pays.
La stratégie consistant à se centrer sur les jeunes travailleurs est une bonne stratégie et assister au jeu de rôles sur la négociation était comme assister à une pièce de théâtre dans laquelle les acteurs testaient des tactiques telles que l'intimidation, les faux-semblants et les motions d'ordre pour prendre le dessus sur l'autre. Ce fut stimulant et très amusant. »
Le président du MMTUK, Zhakypov Almazbek Zhakypovich, a déclaré :
« Des activistes et des jeunes participent et échangent leurs expériences. Il y a du divertissement et des jeux, mais il y a aussi du travail. »
Kyrgyz unions plan joint organizing work
https://www.industriall-union.org/kyrgyz-unions-plan-joint-organizing-work
Sindicatos kirguises planifican una labor conjunta de sindicalización
https://www.industriall-union.org/es/sindicatos-kirguises-planifican-una-labor-conjunta-de-sindicalizacion
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Les femmes syndicalistes préparent le terrain pour l’égalité à l’approche de Sydney
La conférence préparatoire des femmes d'IndustriALL a planté le décor pour un mouvement en force sur les questions d'égalité de genre, de droits des femmes, de participation et de représentation en prélude à la Conférence mondiale des femmes, sur le thème Toutes et tous pour l'égalité, et au Congrès de Sydney, en novembre.
Tiré de Entre les lignes et les mots
La réunion en ligne des 18 et 19 septembre, première session de la Conférence des femmes d'IndustriALL, a fait le point sur les progrès accomplis, montré les défis persistants et décrit les priorités des quatre prochaines années. La secrétaire générale adjointe Christine Olivier à invité les participantes à se pencher sur les résultats obtenus, faire face aux obstacles et définir les actions futures pour promouvoir l'égalité de genre.
« L'égalité de genre n'est pas une bataille des sexes ; il s'agit de bâtir l'unité, la force et l'inclusivité de tous les groupes. Nous ne progresserons pas sans l'engagement de toutes et tous, en particulier des dirigeants, qui doivent partager la responsabilité de construire des syndicats qui représentent vraiment tous les travailleurs », a déclaré Christine Olivier.
Pendant une discussion en panel des femmes ont fait part des expériences vécues dans leur région : au Maroc, Soumaia Moukir, de l'UMT Textile, a décrit les longues heures de travail, les bas salaires et l'absence de prestations sociales dans le secteur textile ; en Norvège, Emma Erlansen, du NITO, a souligné les barrières qu'elles doivent surmonter en STIM et les efforts pour stimuler les jeunes filles par le programme technologique qui leur est dédié ; aux USA, Randy Pearson, du Women of Steel de l'USW, et Roxanne Brown, vice-présidente internationale de l'USW et vice-présidented'IndustriALL pour l'Amérique du Nord, ont mis en garde contre les régressions politiques en matière de diversité, d'équité et d'inclusion et expliqué comment les syndicats résistent par la négociation, l'éducation et l'activisme dans les communautés.
Un exposé de Joyce Maku Appiah, du Public Utility Workers' Union (PUWU), a montré comment, au Ghana, des barrières systémiques font que les femmes gagnent 34,2 pour cent de moins que les hommes malgré des protections légales. La formation et l'éducation que le PUWU a négociées ont permis à 360 caissières d'accéder à des postes à responsabilité mieux rémunérés sans qu'il y ait eu de pertes d'emplois, d'obtenir des prestations pendant le congé de maternité et de faciliter un accès équitable des femmes aux promotions et aux postes techniques. L'action menée par le syndicat a montré que, pour combler l'écart salarial entre hommes et femmes, il faut une action intentionnelle, soutenue, s'appuyant sur la recherche, l'éducation et l'engagement des instances dirigeantes. Ira Laïla Budiman, du CEMWU, en Indonésie, a décrit l'état d'avancement des négociations en vue de l'adoption et de la mise en pratique de politiques de tolérance zéro en matière de GHBV dans 93 entreprises dans les secteurs de l'habillement, du textile, de la pharmacie, du ciment, de la pâte et du papier. Parallèlement, des refuges pour travailleuses ont été créés dans huit entreprises, ce qui a débouché sur une augmentation des cas signalés. Des employeurs prennent des mesurespréventives. Ces dispositifs assurent la liaison entre les mécanismes internes des entreprises et les institutions gouvernementales pour les cas emblématiques.
Dans une session sur les priorités syndicales et d'IndustriALL ,Alejandra Angriman, de la CNTI CTAA (Argentine), a insisté sur la nécessité de s'attaquer au fardeau inégal des tâches non rémunérées des aidants, de reconnaître les soins comme un droit humain et de redistribuer les responsabilités dans l'ensemble de la société. Tanja Lehtoranta, de PRO (Finlande), a souligné l'importance d'une santé professionnelle sensible au genre, s'agissant en particulier de la santé mentale et des risques psychosociaux, notamment ceux en rapport avec la violence domestique, et a noté le besoin d'approches personnalisées. Benedicta Opoku-Mensah, du PUWU (Ghana), a expliqué comment son syndicat a intégré les perspectives de genre dans la transition des entreprises, en obtenant un quota de 40 pour cent de femmes dans les programmes de formation et la parité hommes-femmes dans le recrutement en ingénierie.
Les participantes se sont demandé comment bâtir la puissance syndicale par des structures plus inclusives et égalitaires en genre, en mettant l'accent sur la mobilisation et le leadership des femmes. Sanjyot Vadhavkar, du SMEFI (Inde), a souligné le rôle du comité des femmes indiennes d'IndustriALL dans la création d'espaces sécurisés pour le travail en réseau, le mentorat et l'établissement de liens entre les femmes de la base et le leadership. La mobilisation et le recrutement des femmes nécessite parfois des stratégies audacieuses et taillées sur mesure. En Thaïlande, l'Auto Part and Metal Workers' Union s'est rapproché de femmes cols-blancs non syndiquées au moyen d'un tournoi sportif et a ainsi fait plus de 50 nouvelles adhérentes (Vipawan Boksantea).
Le changement doit être collectif et pas seulement initié par des femmes. Il est essentiel d'associer des alliés masculins. Au Pays basque espagnol, ELA a utilisé des pratiques du féminisme dans un processus participatif, en débutant par un diagnostic des préjugés structurels. Pour Aitor Gomez, cela a aidé les membres à prendre conscience de l'absence d'une réelle perspective de genre, ce qui a lancé des débats qui ont fait reculer la résistance des hommes. Cela les a aussi aidés à comprendre que le but n'était pas de les discriminer, mais de travailler ensemble pour changer la structure patriarcale de telle sorte que les femmes comme les hommes puissent jouir d'une plus grande liberté. Peter Greenberg (IAMAW), du Groupe de travail sur l'égalité des sexes d'IndustriALL, a également insisté sur la nécessité d'une formation pour sensibiliser les hommes aux combats des femmes.
Les sessions plénières ont mis en avant les pratiques syndicales inclusives, les activités respectant la famille, le renforcement du mentorat et le fait que ce soit aux pouvoirs publics et pas aux travailleurs qu'incombe la responsabilité de la protection sociale. Les déléguées ont souligné que l'égalité nécessite que les hommes occupant des postes de leadership partagent la responsabilité et que les syndicats représentent tous les travailleurs, y compris les communautés LGBTQI.
Ces conclusions orienteront la conférence des femmes du 3 novembre et nourriront les débats du Congrès mondial d'IndustriALL, qui se tiendra du 4 au novembre, auquel les femmes constitueront 40 pour cent des délégués et les jeunes travailleurs seront représentés pour la première fois. La conférence arrêtera le cadre que suivra IndustriALL pendant la période 2025-2029 en matière d'égalité de genre et de droits des femmes.
Les affiliées se sont aussi engagées à résister au recul des droits des femmes et à renforcer le leadership des femmes partout dans le monde.
Women trade unionists prepare ground for equality ahead of Sydney
https://www.industriall-union.org/women-trade-unionists-prepare-ground-for-equality-ahead-of-sydney
Las mujeres sindicalistas preparan el terreno para lograr la igualdad de cara a Sídney
https://www.industriall-union.org/es/las-mujeres-sindicalistas-preparan-el-terreno-para-lograr-la-igualdad-de-cara-a-sidney
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Les mobilisations ouvrières en Iran depuis la guerre de douze jours
Dans la suite immédiate de la guerre de douze jours, le choc provoqué par sa violence a également affecté les mobilisations sociales.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/10/11/les-mobilisations-ouvrieres-en-iran-depuis-la-guerre-de-douze-jours-texte-sur-les-enseignantes/
Recul post-guerre des luttes sociales
Le lourd bilan humain, les destructions massives, la fermeture temporaire ou définitive d'une grande partie des entreprises, la perspective d'une grande récession économique, la crainte de licenciements massifs et l'incertitude quant à l'avenir ont eu raison des luttes ouvrières. Des luttes qui, avant cette guerre, étaient dans une phase ascendante.
Simultanément, le pouvoir a renforcé la répression des opposant-es et des protestations sous prétexte de chasse aux espions. Les arrestations arbitraires et les exécutions se sont multipliées. Ce qui a renforcé le climat de terreur.
La combinaison de la répression et du choc post-guerre a entraîné une nette diminution des protestations ouvrières, entre fin juin et fin juillet, avec seulement quelques grèves éparses.
La reprise des mobilisations dans plusieurs secteurs
Mais les mobilisations ont repris progressivement depuis fin juillet, et une vague de protestations/grèves monte actuellement dans plusieurs secteurs :
Dans la pétrochimie, le pétrole, le gaz, la sidérurgie, les mines et l'automobile, les travailleur.euses se mobilisent contre les non-paiements de salaires, la précarité contractuelle, les discriminations salariales, la perte du pouvoir d'achat des salaires et la dégradation continue des conditions de travail. Ils/elles réclament le paiement intégral des salaires, ainsi que la revalorisation des rémunérations et retraites, la sécurité de l'emploi, la fin des contrats précaires, la sécurité au travail, la protection sociale et la garantie de retraites dignes.
La période d'août-septembre est marquée par plus de 80 grèves et rassemblements :
– la grève des ouvriers de l'aluminium Iralco qui a dépassé 40 jours et s'est accompagnée d'une grève de la faim,
– les mobilisations répétées des ouvriers de la sidérurgie d'Ahvaz,
– la mobilisation et la grève partiellement victorieuse des travailleurs de l'automobile Zamyad,
– les travailleurs du pétrole et du gaz à South Pars, Aghajari, Khark et sur plusieurs plateformes offshores, poursuivent leurs actions hebdomadaires et grèves face au mépris du pouvoir.
– des grèves se répandent au barrage de Karoun, dans le complexe pétrochimique Razi de Mahshar, à l'usine de tracteurs de Tabriz, à l'aciérie d'Esfahan, dans les mines de cuivre et d'or de Sefid Abad.
Des retraité.es protestent contre la baisse des pensions, la réduction des services médicaux essentiels et les projets gouvernementaux qui mettraient en péril leurs caisses de retraite. Ils/elles reprennent leurs « lundis de protestation » à Téhéran,
Shush, Ahvaz, Kermanshah. Les retraité.es du secteur des télécommunications rejoignent cette mobilisation.
Solidarité des travailleur/euses face à la répression
Parallèlement, le pouvoir continue d'abattre sa répression sur les travailleur/euses. En juillet, Les forces de sécurité ont attaqué l'assemblée générale du Conseil de coordination des associations d'enseignant.es à Shahreza, arrêtant plusieurs militants.
Parallèlement, de lourdes peines ont été prononcées contre des enseignants à Kerman, tandis que d'autres ont été licenciés au Kurdistan pour leur engagement syndical.
Toutes les organisations ouvrières indépendantes en Iran dénoncent et condamnent cette répression, les arrestations et les peines affligées aux travailleur/euses.
Des organisations comme le Syndicat des bus de Téhéran, le Syndicat de la sucrerie de Haft Tappeh, le Conseil de coordination des associations d'enseignant.es, des Unions de retraité.es, l'Union libre des travailleur/euses d'Iran, le Comité de coordination d'aide à la création d'organisations ouvrières, etc. ont vigoureusement condamné la confirmation de la peine de mort prononcée contre Sharifeh Mohammadi, militante ouvrière et défenseuse des droits des femmes.
1er octobre 2025
http://www.iran-echo.com/index.html
Iran, le mobilitazioni operaie dopo la guerra di Israele e degli Usa
https://andream94.wordpress.com/2025/10/05/iran-le-mobilitazioni-operaie-dopo-la-guerra-di-israele-e-degli-usa/
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Maria Corina Machado... vous avez dit... le prix Nobel de la paix 2025 ?
On sait que les prix Nobel de la paix décernés chaque année par le comité norvégien du Nobel ont pris souvent, au fil de l'histoire, une dimension très politique. Leur portée tout comme leur légitimité peuvent donc être directement liées aux enjeux ou soubresauts de la conjoncture internationale ainsi qu'aux implacables rapports de force et sordides tractations politiques qui la secouent. Et tel est bien le cas du Prix Nobel de la paix décerné en 2025 à la Vénézuélienne Maria Corina Machado.
Qu'on se souvienne à ce propos du prix Nobel de la paix remis à Henri Kissinger le 10 décembre 1973 saluant ses efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre du Vietnam ! L'événement avait déclenché un véritable scandale dans de larges fractions de l'opinion publique internationale, conduisant notamment à la démission de 2 membres du comité.
C'est que Henri Kissinger était alors le principal architecte de la politique étrangère des USA, et s'il avait reçu le prix en même temps que son vis-à-vis nord-vietnamien Lê Duc Tho (qui le refusa !), beaucoup s'interrogeaient sur la justesse de récompenser le ministre des affaires étrangères des USA, un pays aux menées aussi agressivement impérialistes.
Kissinger n'était-il pas le représentant officiel d'un pays qui était intervenu militairement dans un pays situé à cent lieux des Amériques pour y défendre un régime autoritaire et y mener une guerre totale parsemée de bombardements massifs de civils ? Sans même parler du fait qu'il venait de jouer un rôle clef dans le coup d'État mené au Chili contre l'Unité populaire de Salvador Allende, tout juste un mois avant la décision d'Oslo. Et cela, alors qu'il y avait aussi sur les rangs pour recevoir la récompense cette année-là, l'archevêque brésilien Dom Hélder Câmara, figure de la lutte non-violente contre la terrible dictature militaire brésilienne en place depuis 1964.
Le scandale Machado
52 ans plus tard. avec la nomination de Maria Corina Machado, on se retrouve quelque part devant la même logique et le même type de scandale. Sauf que cette fois-ci —courants de droite tout-puissants obligent— le phénomène semble susciter moins de réactions passionnées à gauche qu'à droite.
C'est ainsi que le président Trump qui espérait bien et avait tout fait —comme on le sait— pour en être le récipiendaire, ne s'est pas embarrassé de nuances pour affirmer que le prix de 2025 avait "fait passer la politique avant la paix". Mais comme cette récompense avait été refilée à une de ses plus fidèles alliées en Amérique du sud, et que celle-ci le lui avait aussitôt dédié, il a du faire contre mauvaise fortune bon cœur et baisser quelque peu le ton.
Car c'est ce qu'on ne dira jamais assez. Si le comité Nobel a salué "le travail inlassable de Maria Corina Machado pour promouvoir les droits démocratiques du peuple vénézuélien et sa lutte pour parvenir à une transition juste et pacifique de la dictature à la démocratie », il a fait en même temps l'impasse sur de larges pans de sa vie politique au Venezuela ; une vie qui est loin, très loin d'avoir toujours été en concordance avec les nobles objectifs de la paix ou de la promotion des droits démocratique.
Pour ne prendre qu'un exemple qu'on se garde bien de rappeler, il faut savoir que Maria Corina Machado, fut en 2002 partie prenante –et très activement !— d'une tentative de coup d'État ratée menée à l'encontre du président Hugo Chavez, élu pourtant démocratiquement en 1998 avec plus de 56 % des voix. Elle était même présente au palais présidentiel lors de l'investiture du "président par intérim" Pedro Carmona, président du syndicat patronal Fedecamaras et désigné par ses paires pour remplacer Chavez. Et elle fut signataire du décret Carmona qui a dissout l'assemblée nationale et destitué les responsables politiques élus. Elle avait donc en ce temps-là bien peu de soucis pour la démocratie vénézuélienne et ses valeurs concomitantes de paix.
Il faut dire qu'à l'époque et avant d'être démis pendant quelques jours de ses fonctions lors de cette tentative de coup d'État ratée menée par la haute société vénézuélienne, Hugo Chavez, s'était lancé dans un processus constituant —en tous points démocratique et balisé par un référendum d'entrée et un référendum de sortie (chaque fois validé par les urnes). Mais en plus, il s'était efforcé de reprendre le contrôle de la PDVSA, la compagnie nationale pétrolière vénézuélienne, pourtant nationalisée, mais dont une partie non négligeable des revenus avait été depuis 1976, soit détournée à travers la corruption, soit abandonnée à des intérêts privés.
Une manne pétrolière qu'on ne veut pas partager
Ce fut d'abord cette mesure de reprise de contrôle étatique des richesses pétrolières du pays qui mobilisa les grandes fortunes vénézuéliennes et leur complice états-uniens [1]. C'est ce qui les poussa à fomenter la tentative de coup d'État contre Chavez et à laquelle participa Maria Corina Machado. Car pour les uns comme pour les autres toutes les réformes démocratiques impulsées par Chavez ne pesaient pas lourd dans la balance eu égard à la manne pétrolière qu'il n'était pas question pour eux de partager et encore moins d'utiliser pour financer par exemple des programmes sociaux destinés en priorité aux classes populaires. Et malgré l'échec de cette première tentative, Maria Corina Machado ne cessa jamais –néolibéralisme oblige— de persister dans cette même voie oppositionnelle de droite. Et jusqu'à aujourd'hui.
Elle a ainsi travaillé à réunir 3 millions de signatures en 2004, pour exiger un référendum révocatoire pouvant destituer le président vénézuélien, (comme le permettait d'ailleurs —sous forme d'une innovation démocratique voulue par Chavez— la nouvelle constitution bolivarienne). Mais là encore sans succès, et malgré les fonds qu'elle avait reçu de la NED (National Endorsement for Democracy), une organisation états-unienne promouvant la démocratie libérale. Chavez l'emporta en effet haut la main à cette occasion, avec 58 % des voix. Plus tard, en février 2010, elle se fera élire comme député oppositionnel dans l'État de Miranda, puis lancera avec Léopoldo Lopez le mouvement « La Salida » pour promouvoir des mouvements de rue contre le gouvernement de Nicolas Maduro, successeur d'Hugo Chavez, dont elle ne reconnut pas l'élection.
Certes, depuis l'arrivée à la présidence de Maduro en 2014, puis de ses dérives autoritaires et dictatoriales chaque fois plus confirmées, on pourrait malgré tout être tenté de trouver en Machado cette égérie aux allures démocratiques dont aurait tant besoin le Venezuela. Et les élections frauduleuses de 2024 tenues par Maduro n'auront fait qu'alimenter de tels sentiments. Machado ne manquera pas d'ailleurs d'étonner par la persistance de ses engagements tout azimut à droite. Mais il ne faut jamais oublier que si elle peut aujourd'hui susciter cette impression c'est parce qu'elle s'est tenue, sans désemparer ni état d'âme, aux côtés des classes possédantes et de leurs alliés, les USA, soutenant notamment Juan Guaido, président auto-proclamé en 2019 et qui n'aurait pu persister dans cette voie sans l'appui déclaré des États-uniens.
À n'en pas douter, c'est ce qui permet de comprendre les raisons politiques du choix du comité Nobel de 2025. Il aurait été quand même fort de café –en ces temps encore si partagés quant aux frasques menaçantes de Trump— de donner tout de go à ce dernier le prix Nobel. D'autant plus qu'était aussi sur les rangs Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations Unies. Mais en l'offrant à Maria Corina Machado, on fait une pierre deux coups : on ne se délégitime pas au point de récompenser Trump, mais on choisit une de ses alliées indéfectibles, pour se le garder dans sa manche et ne pas donner l'impression d'aller totalement à contre-courant des volontés des puissants d'aujourd'hui. Décidément, voilà où peuvent mener les petits calculs politiques de l'heure. Il n'y a pas à dire, les temps sont difficiles...
[1] Voir notamment le rôle très actif à Caracas joué par Otto Reich, sous-secrétaire d'État pour les Affaires interaméricaines, haut fonctionnaire étatsunien qui fut impliqué dans l'Irangate).

« Le pouvoir est au bout du fusil »
Dans les années qui suivirent l'effondrement du bloc soviétique, la presse se fit l'écho de quelques propos de commentateurs, analystes, journalistes voire hommes politiques exprimant une certaine nostalgie du temps de la guerre froide.
Tiré de Recherches Internationales
Michel Rogalski *
Celle-ci représentant, certes avec ses tensions ou frictions, une époque où la scène mondiale était parfaitement décodable, prévisible et encadrée par une grammaire des relations internationales totalement maîtrisée par les deux Grands qui avaient su construire une architecture de la sécurité internationale compatible avec une course aux armements contrôlée par des accords et des traités qui évitaient les excès, entretenaient la confiance et permettaient de justifier de sa bonne foi.
Lors de la rencontre entre Poutine et Trump sur le sol de l'Alaska – qui s'est plutôt soldée par un échec pour amorcer un retour à la paix en Ukraine, mais par un succès de réhabilitation diplomatique pour Poutine – on assista à une petite provocation diplomatique de la part de Sergueï Lavroff. Le ministre des affaires étrangères russe afficha ostensiblement un tricot bariolé du sigle CCCP (acronyme en cyrillique de l'ex-Union soviétique), façon de rappeler le bon temps où les deux pays régentaient et contrôlaient le monde à eux seuls sans avoir à se soucier d'autres puissances. La délégation américaine n'a pas pipé mot, façon de faire savoir qu'elle aussi adhérait à l'idée que c'était le bon temps. Nostalgie partagée si l'on en croit le succès vestimentaire
de ce tricot en Russie et bien au-delà.
À l'époque de la guerre froide, l'idée dominait que tout conflit, à l'âge nucléaire, était devenu impossible entre grandes puissances nucléaires, car ne pouvant aboutir qu'à une destruction mutuelle, mais qu'il restait possible de grignoter des influences dans le reste du monde. C'est ainsi qu'on vît surgir les concepts de « stratégie
oblique » ou de « conflit de basse intensité » pour déstabiliser tel ou tel pays et y planter un drapeau pensant faire avancer ou reculer la révolution mondiale. Le Tiers monde en fut le principal terrain. La zone de l'affrontement s'était déplacée.
À partir des années 1990, la multiplication des conflits devint manifeste et surtout se rapprocha des pays du centre notamment avec la guerre de l'Otan contre la Serbie, lui arrachant le Kosovo. Les états-Unis s'en prirent à l'Irak, divisant l'Otan et l'Europe. Aujourd'hui deux conflits mondialisés, au cœur de l'Europe et au Moyen-Orient
traversent la planète autour de polarisations différentes et mettent à mal la liaison transatlantique. On ne parle plus de « stratégie oblique » ou de « conflit de basse intensité », mais de « guerre hybride ». Ce qui signifie que ce sont des grandes puissances qui s'affrontent mais par des moyens non-militaires dont l'éventail est infini de la cyber-attaque à la désinformation en passant par le sabotage ou la déstabilisation politique. Mais la conflictualité n'a pas baissé, bien au contraire. Les armements se modernisent et changent les réalités de la guerre qui
devient un champ d'expérimentation en temps réel permettant aux états-majors de s'adapter en continu. Les destructions s'accroissent, plus vite que le nombre de morts dont les tristes records (Shoah et massacre des Tutsis) n'ont pas forcément mobilisé les armes les plus performantes. La guerre civile du Rwanda, avec de simples machettes, armes de poing et grenades a pu faire 800 000 victimes en trois mois. Malgré leur horreur les guerres d'Ukraine et de Gaza, n'ont pas atteint un tel chiffre en trois ans.
Selon l'International Crisis Group, une douzaine de conflits seraient aujourd'hui en cours, prenant plusieurs visages. Le Sipri, lui en dénombre une cinquantaine dont quatre majeurs par l'importance des morts générés : les guerres civiles au Myanmar et au Soudan, les guerres entre Israël et le Hamas et entre la Russie et l'Ukraine. Les deux dernières sont déjà largement mondialisées. Faut-il s'étonner si D. Trump s'attribue le mérite d'en avoir résolu six, se comportant chaque fois en prédateurs à la recherche de ressources ou de contrats léonins. On peut en douter. Mais ce qui est révélateur c'est que le choix de ce créneau médiatique rencontre une préoccupation grandissante qui travaille les populations, nourries tout à la fois d'un mélange de crainte et d'aspiration à la paix.
Cette conflictualité croissante s'accompagne d'un développement des Sociétés Militaires Privées (SMP), phénomène qui gangrène la planète et participe à l'embauche de mercenaires – aujourd'hui appelés contractors, ce qui fait plus chic – qui s'organise au travers de réseaux internationaux de recrutement en marge de la légalité. Ces forces participent à l'accompagnement d'armées régulières qu'elles évitent de déployer, permettent de réduire le coût politique ou diplomatique d'une intervention, d'en garantir même le déni, et assurent des fonctions d'entraînement voire d'engagements directs. Les activités auparavant plutôt honteuses – comme marchands de canons – deviennent aujourd'hui des pratiques valorisées, encouragées, de même que la production massive d'armements.
Le monde semble prêt pour un nouveau paradigme, celui d'un chaos généralisé. Face à ce scénario un indice qui pourrait faire sourire est révélateur, celui de l'essor des ventes de bunkers ou d'abris en kit. Cette violence globalisée s'accompagne d'un même phénomène qui traverse nos sociétés, c'est celui que l'on désigne désormais sous le terme de violence désinhibée qui marque de nouvelles générations et qui est la marque de la prolifération de l'économie maffieuse se nourrissant de tous les trafics et n'hésitant pas à franchir de nouveaux
paliers dans la recherche de gains rapides. La contrepartie se traduit par une économie massive de la corruption et un recul de la fonction protectrice de l'état. L'ONU confirme que la criminalité organisée et la violence des bandes criminelles font plus de victimes que les conflits armés, les pays du sud étant plus fortement atteints.
Les conflits qui traversent le monde présentent un trait commun largement partagé. Ils piétinent le droit international et le droit international humanitaire qui se sont littéralement effondrés devant les formes prises par les deux conflits majeurs en cours, entre Israël et les Palestiniens ou celui qui oppose Russie et Otan sur le territoire ukrainien. Ces deux conflits qui semblent loin d'être terminés, sans compromis à portée de mains, confirment cet effondrement qui en vient même à être théorisé par l'usage du concept flou de guerre préventive qui supplante désormais celui de légitime défense parfaitement codifié celui-là. On nom de ce principe il devient
possible de déclencher une guerre en alléguant que l'on se sentait menacé. La « guerre des douze jours » déclenchée par Israël appuyé par les états-Unis contre l'Iran le fut au nom de ce principe entériné par la France sous le label juridiquement inexistant de « droit de se défendre ».
Les instances juridiques internationales comme la Cour pénale internationale (CPI) ou la Cour internationale de justice (CIJ) dont le rôle est de révéler les multiples et graves violations du droit, toutes deux saisies non sans courage par certains états, se sont exprimées avec vigueur. Aujourd'hui elles sont l'objet d'une vindicte suscitée
pas les états-Unis qui s'en prennent personnellement aux dirigeants de ces institutions. Défendre ce dernier filet de sécurité est une urgence absolue.
Cette violence désinhibitrice qui parcourt la planète et nos sociétés nous rappelle qu'après la Longue marche Mao affirmait en 1938 que « le pouvoir est au bout du fusil ». Le propos reste vrai et a été maintes fois illustré du Vietnam à l'Afghanistan en passant par le Sahel, le Moyen-Orient ou l'Ukraine. Mais il nuançait son propos
en ajoutant « le parti commande aux fusils ». La première remarque reste vraie. Il n'est pas certain que la seconde le soit encore.
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« Les universités, voilà l’ennemi » L’anti-intellectualisme depuis et avant le 7 octobre
Depuis le 7 octobre 2023, aux États-Unis, les universités sont accusées de tolérer, voire d'encourager l'antisémitisme. C'est le prétexte d'un anti-intellectualisme politique. Cette rhétorique est un fer de lance dans l'offensive trumpiste contre la gauche académique. Mon texte publié par l'Agence Média Palestine s'inscrit dans une série intitulée : « Deux ans après : penser depuis le 7 octobre ».
Tiré du blogue de l'auteur.
Les universités en procès
Le 4 septembre 2025, l'Université de Californie à Berkeley notifiait cent soixante membres de la communauté universitaire, étudiant·es, professeur·es et personnel administratif, que leur nom apparaissait dans des rapports envoyés à la demande de l'administration Trump sur des « allégations d'incidents antisémites ».
Toutefois, aucune information ne leur était communiquée sur le contenu de ces dossiers. Judith Butler, qui figure dans cette liste, a été en position de le révéler publiquement pour dénoncer une logique kafkaïenne : « K espère désespérément bénéficier de protections équivalentes à celles offertes par le 6e et le 14e amendements de la Constitution, à savoir le droit à être défendu par un avocat, le droit à être présenté devant un jury impartial, et le droit à connaître l'identité de ses accusateurs, la nature des accusations portées contre soi et les preuves retenues pour instruire un procès. » Or le courrier du service juridique de l'université semble impliquer que « l'allégation n'a fait l'objet d'aucune enquête ni d'aucun jugement. » On est bien au pays de Kafka.
Depuis le 7 octobre 2023, aux États-Unis, les universités, et en particulier les plus prestigieuses, sont accusées de tolérer, voire d'encourager l'antisémitisme. C'est pour ce motif, ou plutôt sous ce prétexte, qu'à la suite d'auditions organisées deux mois plus tard par des élus républicains à la Chambre des Représentants, plusieurs présidentes de l'Ivy League ont été poussées à la démission : celle de l'Université de Pennsylvanie, puis de Harvard, puis de Columbia.
En 2025, sous le coup d'accusations similaires, les présidents de l'Université de Virginie et de Cornell ont subi le même sort. Aux unes comme aux autres, il est reproché de n'avoir pas su voire voulu empêcher les manifestations propalestiniennes sur leurs campus. La solidarité avec Gaza est ainsi identifiée à l'antisionisme, considéré comme une forme d'antisémitisme au nom d'une définition empruntée à l'International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA). Dès lors, en dépit du soutien d'associations, d'étudiants et de professeurs juifs, ce qui est visé, c'est la critique d'Israël, et en l'occurrence de la guerre menée par son gouvernement.
L'extrême droite contre l'antisémitisme ?
Qu'il s'agisse d'un régime d'extrême droite est la clé : il s'agit bien en réalité de politique, plus que d'antisémitisme. Comment expliquer sinon qu'aux États-Unis la droite républicaine radicalisée se mobilise contre, tout en continuant de porter elle-même un discours antisémite ? Ce n'est pas un hasard si les discours de haine se sont multipliés après le rachat de Twitter par Elon Musk, non seulement contre les minorités sexuelles et raciales, mais aussi contre les juifs.
Ce milliardaire d'origine sud-africaine s'est fait le relais des campagnes xénophobes et racistes sur les réseaux sociaux contre le (supposé) Grand remplacement. Dans sa version états-unienne, aux remplaçants de couleur et aux remplacés blancs s'ajoute la figure du remplaceur – présumé juif. Autrement dit, ce sont des personnages comme George Soros qui se voient imputer la responsabilité d'une « submersion migratoire ». Elon Musk lui-même n'a pas hésité à reprendre à son compte cette version antisémite de la rhétorique du Grand remplacement, soutenu par d'éminentes figures de la droite radicale, comme Tucker Carlson ou Charlie Kirk, pour qui « le fondement philosophique du racisme anti-blanc a été en grande part financé par des donateurs juifs ». Qu'importe ce conspirationnisme : non seulement l'antisionisme serait antisémite, mais l'antisémitisme se réduirait, dans ce discours porté par l'alt-right, à l'antisionisme.
Ce qui vient légitimer cette double redéfinition de l'antisémitisme, par extension puis réduction à l'antisionisme, c'est d'une part, aux États-Unis, la validation par l'Anti-Defamation League (ADL), association historiquement engagée contre l'antisémitisme, et d'autre part, en Israël, l'appui de Benyamin Nétanyahou et son gouvernement, au nom des « valeurs judéo-chrétiennes ». Autrement dit, l'extrême droite a réussi à imposer une version qui lui sert d'arme de guerre contre la « gauche radicale », également redéfinie pour inclure, non seulement le mouvement antifa, déclaré terroriste, mais aussi le parti démocrate, jugé marxiste et communiste, nonobstant son ralliement au néolibéralisme.
La diabolisation de la gauche est ainsi l'envers de la dédiabolisation de l'extrême droite. Ce retournement rhétorique n'est pas propre aux États-Unis : en France aussi, il a réussi à s'imposer dans le jeu électoral pour le plus grand bénéfice du Rassemblement national : les enquêtes annuelles de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) n'ont-elles pas établi que, en miroir inversé de l'électorat de gauche, celui d'extrême droite est à la fois le plus antisémite par ses préjugés antisémites et le plus sioniste dans son soutien à Israël ?
Le modèle trumpiste
De fait, la droite française s'est employée à imiter les représentants républicains au Congrès en organisant, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, des auditions pour malmener les présidents d'université en accusant pareillement leurs institutions de tolérer des manifestations d'antisémitisme. Sans doute l'intimidation n'a-t-elle pas eu le même succès qu'aux États-Unis, où des président·es ont été poussé·es à la démission par des conseils d'administration extra-universitaires ; en France, parmi leurs homologues, ce n'a pas été le cas. C'est que leur légitimité repose sur l'élection par la communauté universitaire. L'auto-gouvernement est en France, à la différence des États-Unis, au principe des libertés académiques. Reste que ces auditions ont amené le Parlement à adopter une loi sur la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur qui a failli reprendre à son tour la définition de l'IHRA.
Le modèle trumpiste fait la démonstration que la lutte contre l'antisémitisme n'est qu'un prétexte, non seulement parce qu'il s'accommode d'un complotisme antijuif, mais aussi du fait qu'il est le point de départ d'autres attaques. À UCLA, par exemple, l'enquête pour antisémitisme s'est conclue par des exigences de contrôle sur le recrutement des étudiant·es et des professeur·es, en même temps que sur des contenus pédagogiques, qu'il s'agisse de genre, de race ou plus largement de l'histoire nationale. C'est ainsi, par exemple, que les enquêtes lancées sur l'antisémitisme universitaire permettent au régime, du même coup, d'imposer sa politique transphobe. La rhétorique de la lutte contre l'antisémitisme joue un rôle de fer de lance dans l'offensive néofasciste contre la gauche académique.
De fait, les attaques anti-universitaires n'ont pas commencé le 7 octobre 2023. On est passé, pour reprendre le sous-titre de mon livre Misère de l'anti-intellectualisme, publié un an plus tard, « du procès en wokisme au chantage à l'antisémitisme. » L'imputation de wokisme, comme la dénonciation de la cancel culture, qui ont toutes deux traversé l'Atlantique, ou encore, spécificité française, l'accusation d'islamogauchisme, visent l'ensemble des savoirs critiques. Il s'agit de champs disciplinaires où, refusant l'exigence politique de neutralité, des universitaires dissipent l'évidence trompeuse de l'ordre social. En réaction, on a vu se monter des campagnes contre « l'idéologie du genre » (en France, on dit plutôt « théorie du genre ») puis contre la Critical Race Theory (en France, on parle d'intersectionnalité).
En finir avec la vérité
Reste que, avec la réélection de Donald Trump et les décrets présidentiels édictés dès son investiture, il a fallu se rendre à l'évidence : les savoirs critiques n'étaient qu'une première cible. Depuis lors, c'est aussi bien la science du climat que les savoirs médicaux, des vaccins à l'autisme, qui sont remis en cause par le pouvoir politique dans une version droitière du lyssenkisme. Autrement dit, ce n'est pas seulement la gauche universitaire ; c'est l'université en tant que telle. L'actuel vice-président, J.D. Vance, avait fait en 2021 un discours intitulé : « Les universités, voilà l'ennemi. » Il y faisait écho à Richard Nixon : « Les professeurs, voilà l'ennemi. » En 2025, c'est Christopher Rufo, l'homme de main du régime dans cette guerre anti-académique, qui revendique d'instiller une « terreur existentielle » au monde universitaire.
Comment comprendre la visée politique de cet anti-intellectualisme ? Sans doute s'appuie-t-il sur une forme d'anti-élitisme mobilisant le ressentiment populiste face à l'arrogance culturelle de certains mandarins ; mais il ne faut pas se laisser abuser par cette rhétorique. Les élites actuelles sont économiques, et non intellectuelles. Pourquoi s'en prendre alors aux universitaires ?
C'est d'abord que cette corporation forme la jeunesse qui reste la classe d'âge la plus éloignée, idéologiquement, de la tentation néofasciste. Autrement dit, les universitaires, à défaut d'exercer un véritable pouvoir, sont susceptibles d'avoir une certaine influence. C'est ensuite qu'au moment où l'édition et les médias tombent sous la coupe d'oligarques, le monde universitaire est un des derniers endroits où la critique peut se déployer avec une relative liberté. C'est enfin que le néofascisme veut en finir avec l'idéal de recherche de la vérité qui est censé définir le monde universitaire. Pour imposer leur vérité, ces régimes s'acharnent à saper l'autorité de la vérité en inondant l'espace public de ce que le philosophe Harry Frankfurt appelle bullshit – et que je traduis par « n'importe quoi » : non pas (seulement) les fake news, mais (aussi et surtout) les alternative facts.
C'est ainsi qu'il faut comprendre l'anti-intellectualisme politique actuel. Aux États-Unis, il résonne avec l'histoire du maccarthysme. Une fois encore, les intellectuels sont la cible, en même temps que la gauche. Toutefois, l'antisémitisme des années 1950 a cédé la place, dans les années 2020, à ce qui se présente comme une lutte contre l'antisémitisme. Aux États-Unis, les juifs ne s'y sont pas trompés. Alors que beaucoup s'inquiètent d'une poussée d'antisémitisme, 72% jugent que l'antisémitisme n'est qu'un prétexte de Trump pour attaquer les universités. Ce n'est donc pas un hasard si Judith Butler, qui revendique fortement son inscription dans l'histoire juive, est taxée d'antisémitisme. La lutte contre l'antisémitisme instrumentalisée par des antisémites contre des juifs, n'est-ce pas l'ultime assaut politique contre la vérité dans son principe même ?
Ce texte a été publié le 6 octobre 2025 par l'Agence Média Palestine. Il s'inscrit dans une série intitulée : « Deux ans après : penser depuis le 7 octobre. » En voici la présentation :
Le 7 octobre est en passe de devenir une expression semblable à celle du 11 septembre dans tous les médias. Il s'agit dans cet usage d'un raccourci-écran. L'expression « 11 septembre » focalise sur la destruction des deux tours et ses milliers de morts ; cependant, le raccourci « 11 septembre » cache tous les désordres du monde qui l'ont suivi, l'expansion des thèses néoconservatrices, le Patriot Act, Guantanamo, la destruction de l'Irak…
De même, parler du « 7 octobre » focalise sur les crimes commis à cette date, et les centaines de morts, mais occulte dans les esprits tout le reste, tout ce que cette date a enclenché, le génocide à Gaza, l'accélération de l'annexion de la Cisjordanie, l'implication internationale en soutien d'Israël, le mépris du droit international qui tente en vain de se faire entendre…

COP 30 : catalyser un renouveau des luttes mondiales
La COP 30 à Belém, au Brésil, au cœur de la forêt amazonienne, peut initier un saut qualitatif dans la lutte de masse, seul moyen de débloquer les batailles écologiques, sociales, anti-impérialistes et écosocialistes.
18e Congrès Mondial - 2025
https://fourth.international/fr/congres-mondiaux/874/amerique-latine/693
Les mouvements sociaux, environnementaux et anti-impérialistes du monde entier sont confrontés au défi de s'organiser en un mouvement mondial contre la destruction du climat et de la biosphère par le capitalisme. Les COP sur le climat ont été détournées par les intérêts fossilistes, les COP sur la biodiversité sont paralysées et 15 millions de km2 de terres ont déjà été désertifiées ou dégradées, et le rythme est maintenant d'un million de km2 par an. 2024 a été l'année la plus chaude depuis 120 000 ans, avec une augmentation de 3,6 parties par million de CO2 dans l'atmosphère (la plus élevée jamais enregistrée en une année, 425,38 ppm) et des températures supérieures de 1,5°C à celles de la période préindustrielle. Sans changements radicaux, nous dépasserons certainement un réchauffement de 2oC avant 2050. Nous devons donc constater l'échec des traités signés en 1992 à Rio de Janeiro contre la déstabilisation du climat, la perte de biodiversité et la désertification, de l'Accord de Paris de 2015 qui visait à limiter le réchauffement climatique à 1,5oC et des 17 Objectifs de développement durable adoptés la même année.
Le scénario environnemental catastrophique est aggravé par les dynamiques politiques. Le conservatisme nationaliste, le fondamentalisme religieux et le néofascisme progressent par polarisation contre l'ordre mondialiste. L'économie post-2008 est témoin de processus simultanés de réaffirmation et de radicalisation de l'orthodoxie néolibérale et de la croissance du protectionnisme ; la crise pandémique, elle-même le résultat d'un déséquilibre dans le métabolisme entre la société et la nature, a eu un effet désorganisateur profond sur les chaînes de production mondiales. Les grandes entreprises et les puissances redoublent d'innovation technologique - sur des technologies numériques absurdement gourmandes en énergie, comme les intelligences artificielles, mais aussi sur des technologies irrationnelles de séquestration du carbone, justification du maintien du statu quo en faveur des énergies fossiles. Les bouleversements géopolitiques intensifient les conflits entre impérialismes et sous-impérialismes et génèrent des guerres dévastatrices ; les dépenses militaires explosent partout. Les pressions voraces de l'économie mondiale se multiplient et, à la périphérie du système, les pressions néoextractivistes et néocoloniales forment des zones où peuples et des territoires sont sacrifiés. Ils veulent que tout soit privatisé et que seule la finance mondiale soit prise en compte dans les politiques environnementales mondiales, à travers la création de « marchés du carbone ». Rien de tout cela ne contribue à la lutte contre les crises environnementales ; même les politiques de « transition énergétique » précédemment convenues se sont révélées très fragiles.
Aujourd'hui, avec l'élection de Trump, le racisme, la xénophobie et l'intolérance ont rejoint le fossilisme et le négationnisme scientifique pour dicter les politiques au cœur du capitalisme. Le nouveau gouvernement américain menace déjà de promouvoir des annexions territoriales type « big stick », indiquant qu'il agira comme un État « hors la loi », au mépris de l'ordre juridique international instauré par Washington après la Seconde Guerre mondiale. Trump a une fois de plus retiré les États-Unis des accords sur le climat, combat les propositions de transition énergétique et promet l'expansion illimitée de l'extraction des combustibles fossiles. Dans la lutte contre les formes contemporaines de fascisme, la lutte anti-impérialiste plus classique devient inséparable de la lutte environnementale.
Les catastrophes retentissantes se multiplient chaque année : Derna en Libye, Porto Alegre au Brésil, Valence en Espagne ne sont que les exemples les plus récents. Mais ce sont les populations rurales et les périphéries des grandes villes qui sont les plus touchées, les pauvres, les femmes, les enfants et les personnes âgées, les populations racisées, les plus vulnérables... La pollution de l'air est la deuxième cause de mortalité dans le monde, causant la mort de plus de 8 millions de personnes chaque année. Bien que peu médiatisée, la grande sécheresse qui a frappé l'Amazonie en 2023/24 a eu des impacts durables sur l'ensemble de l'humanité, rapprochant ce biome stratégique du système terrestre, déjà fragilisé par la déforestation, de son point d'inflexion (« tipping point »), à partir duquel la forêt s'effondre. Certains des plus grands scientifiques du climat ont intitulé leur rapport sur l'état du climat à l'horizon 2024 « Perilous times on planet Earth » (période dangereuse pour la planète Terre). Nous ne pouvons que réaffirmer leurs diagnostics et leurs avertissements très sérieux !
Les secteurs informés de la population savent que le « système » sème les tempêtes ; les secteurs critiques savent que le coupable a un nom : le capitalisme. La compétition pour l'accumulation, l'avidité du profit à tout prix, la loi de la valeur, ont atteint une ampleur telle qu'elles sont devenues incompatibles avec le respect des rythmes de la vie et des limites des systèmes naturels de la planète. Le capitalisme vert est impossible. Les libres marchés et les gouvernements corrompus par les hommes d'affaires nous ont conduits à ce désastre. L'anticapitalisme contemporain lui aussi a un nom : l'écosocialisme. Il n'y a pas d'avenir pour la civilisation et la biosphère terrestre sans la rencontre des luttes socio-environnementales avec une nouvelle forme d'organisation socialiste de l'humanité. Pour faire avancer ce projet, il faut reconquérir l'indépendance politique des exploités et des opprimés et porter les luttes sociales, environnementales et anti-impérialistes à de nouveaux niveaux de cohérence, d'organisation et de mondialisation.
La COP 30, en novembre à Belém , offre une occasion unique d'y parvenir. L'événement aura lieu au Brésil, sous le gouvernement de Lula, et dans une capitale située dans la forêt amazonienne. Tous les mouvements sociaux brésiliens unissent déjà leurs efforts pour organiser un sommet des peuples avant et en parallèle de la COP 30. Les espaces ouverts et unitaires où les mouvements sociaux puissent se rencontrer et s'exprimer ensemble (comme à lors des Forums Sociaux Mondiaux) font défaut et cette aspiration est canalisée vers Belém.
Les conditions sont particulièrement favorables. L'Amazonie est la seule région qui a maintenu une tradition régulière d'organisation de Forums sociaux Panamazoniens tous les deux ans ; le 10e FOSPA en 2022 était à Belém et le 11e en 2024 a eu lieu à Rurrenabaque, en Bolivie. Avec l'Assemblée mondiale pour l'Amazonie (AMA), le Réseau Ecclésiastique Panamazonien (REPAM) et la Coordination des organisations indigènes du bassin amazonien (COICA), les FOSPA ont alimenté une dynamique supranationale de rencontres des mouvements indigènes et sociaux de la région, construisant des relations de confiance, un agenda commun radical pour lutter contre l'extractivisme et la violence qui l'accompagne. Ils ont également tissé des liens avec le mouvement climatique mondial.
En juin 2024, le XIe FOSPA a produit « Un appel de l'Amazonie pour construire un accord pour la vie face à l'effondrement climatique et écologique », qui prend comme point de départ le slogan classique du mouvement climatique, « changer le système capitaliste, pas le climat », pour appeler à la formation, autour d'une plateforme en dix points, d'une coalition mondiale pour la défense du climat et de la vie. Cette coalition s'était déjà réunie à Belém en août 2023, lors du Sommet des Présidents de la Panamazonie, et s'est retrouvée à Yasuni au Pérou en août 2024, lors de la COP16 sur la biodiversité, à Cali en Colombie en octobre, et à Rio de Janeiro en novembre, où une proposition d'accord entre les mouvements de la forêt tropicale a été produite. Un séminaire international pour tracer le chemin final vers Belém est prévu à São Paulo fin mai 2025. Par ailleurs, la 1ère Rencontre écosocialiste latino-américaine (qui se tient conjointement avec la 6ème Rencontre écosocialiste internationale), qui s'est réunie à Buenos Aires en mai, a fixé son prochain point de rencontre à Belém, dans les jours qui précèdent la COP 30. Dans un espace autonome à Belém, le Sommet des Peuples cherchera à exprimer les conflits sociaux et politiques et les initiatives d'articulation nécessaires pour reconstruire un puissant mouvement climatique mondial.
L'espace ouvert aux mouvements sociaux à Belém est également l'occasion de promouvoir une autre initiative stratégique, une dynamique de rencontres antifascistes, aujourd'hui rendue plus urgente par l'inauguration de l'administration Trump et ses politiques nationalistes réactionnaires. Initialement prévue en mai 2024 à Porto Alegre, la Première Rencontre antifasciste a dû être reportée en raison de la catastrophe climatique qui a détruit la région. Mais sa nécessité est plus grande que jamais. L'organiser cette année disperserait les forces qui devraient converger vers la convocation de Belém. Mais nous devrions profiter de Belém pour organiser une pré-réunion capable de faire levier pour la tenue de la Première Rencontre Internationale Antifasciste au premier semestre 2026.
Concernant la COP 30, il ne s'agit pas de se faire des illusions sur le fait que les négociations internationales entre États produiront, dans le scénario actuel où le fossilisme a été renforcé par les victoires de Trump aux États-Unis et la croissance de l'extrême droite dans l'Union européenne, un accord qui actualise les objectifs nationaux d'émissions ou requalifie le processus de négociations climatiques (de plus en plus perçu comme indissociable de celles sur la biodiversité et la désertification). Le premier défi pour les mouvements de travailleurs et les secteurs populaires est de faire converger les luttes socio-environnementales dans un mouvement international capable de porter les conflits à un niveau qualitativement supérieur..
Nous ne devons pas minimiser les difficultés qui nous attendent. Belém n'est pas Porto Alegre et la COP 30 n'est pas un Forum social mondial. La ville est l'une des capitales d'État du Brésil dont l'infrastructure urbaine est la plus précaire et l'infrastructure hôtelière a déjà été réservée par le gouvernement brésilien pour la COP 30. Le président Lula a déjà nommé l'ambassadeur André Corrêa do Lago, un vétéran des négociations climatiques, président de la COP, mais il sera limité par la corrélation défavorable des forces au sein de l'exécutif fédéral brésilien - où l'agro-industrie, le fossilisme et l'extractivisme exercent une influence décisive. Le gouvernement fédéral, l'État de Pará et la municipalité de Belém sont alignés et ont déjà fait savoir qu'ils chercheraient à réduire la participation sociale lors de la COP. Mais nous ne nous fixons pas d'objectifs impossibles à atteindre : en 2009, Belém a déjà accueilli un FSM avec plus de 10 000 participants.
Mais nous ne nous fixons pas d'objectifs impossibles à atteindre : Belém a déjà accueilli un FSM en 2009 avec plus de cent mille participants. Les mouvements sociaux de Belém et de Panamazonie sauront accueillir chaleureusement ceux qui viendront en solidarité avec leurs luttes, stratégiques pour le monde entier.
Les militants de l'IVème Internationale au Brésil, de leurs différentes organisations, doivent converger leurs efforts et, en harmonie avec ceux d' autres pays, faire en sorte que Belém soit un espace ouvert aux mouvements, aux échanges politiques et à l'organisation de campagnes. Nous devons concrétiser notre « Manifeste du marxisme révolutionnaire à l'ère de la destruction écologique et sociale du capitalisme ». L'invitation à Belém est un appel à un saut qualitatif dans la lutte de masse, seul moyen de débloquer la lutte écologique, sociale et anti-impérialiste, la lutte écosocialiste !
28 février 2025
Approuvé par le Congrès mondial

COP 30 au Brésil : Les trois points clés de la conférence de Belém sur les changements climatiques
Le 10 novembre, la communauté internationale se réunira au Brésil à l'occasion de la conférence de Belém sur les changements climatiques, ou COP 30. Après les deux années les plus chaudes jamais enregistrées, plusieurs sujets comme les engagements climatiques internationaux et les financements pour l'adaptation des pays du Sud seront notamment discutés.
13 octobre 2025 | tiré du site de GEO
https://www.geo.fr/environnement/cop-30-au-bresil-les-trois-points-cles-de-la-conference-de-belem-sur-les-changements-climatiques-228995
L'année dernière, un nouveau record a été établi. La barre tant redoutée des +1,5°C d'augmentation de la température moyenne mondiale par rapport à la période préindustrielle, a été franchie. Le constat est simple, 2024, est l'année la plus chaude jamais enregistrée, alors que 2023 battait déjà des records de températures.
En réponse, les discussions de la COP 29, à Bakou, en Azerbaïdjan, avaient abouti à un accord prévoyant 300 milliards de dollars de financements annuels pour aider les pays en voie de développement économique à s'adapter au changement climatique.
Mais cette année, lors de la COP 30 de Belém pas de gros titres en vue. "Il ne faut pas s'attendre à des accords sur des gros sujets clinquants" explique Marta Torres-Gunfaus, chercheuse sur le climat et membre du think tank IDDRI au site d'information Connaissance des Énergies.
Les sujets qui seront discutés à partir du 10 novembre, au cœur de l'Amazonie, n'en seront pas moins importants. Les dossiers les plus brûlants seront probablement la faiblesse des ambitions climatiques internationales, le manque criant de financement pour les pays pauvres, et la protection des forêts.
Des engagements climatiques insuffisants de la part des pays développés
Les engagements climatiques des pays du monde entier seront cette année au menu de la COP30, avec un probable constat : ce n'est pas suffisant. De nombreux pays exigeront que ceux qui rejettent le plus de gaz à effet de serre rehaussent leurs engagements.
Depuis l'accord de Paris de 2015, les pays doivent mettre à jour tous les cinq ans leurs plans, qui détaillent comment ils entendent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, par exemple en développant les énergies renouvelables.
Ces feuilles de route "représentent la vision de notre avenir partagé", souligne la présidence brésilienne, qui a reconnu que la COP devrait y répondre politiquement, même si la question n'est pas à l'agenda des négociations.
Les pays sont censés publier avant la COP30 ces documents appelés "contributions déterminées au niveau national" pour 2035. Une synthèse incomplète sera publiée fin octobre, avec une probable actualisation pendant la COP pour intégrer les retardataires.
L'Union européenne, minée par des divisions, n'a pas officialisé son engagement, se contentant pour l'instant d'une fourchette indicative. La Chine a avancé un objectif très modeste de réduction de ses émissions nettes de gaz à effet de serre de 7 à 10% d'ici 2035 par rapport au pic à venir de ces émissions.
Plus de financements pour les pays en voie de développement
L'an dernier, la COP29 a fixé dans la douleur un nouvel objectif d'aide des pays développés à destination des pays en développement de 300 milliards de dollars par an d'ici 2035, quatre fois moins que ce qui était attendu par les pays pauvres.
Cet argent doit leur servir à s'adapter aux inondations, aux canicules et aux sécheresses. Mais aussi à investir dans les énergies bas carbone au lieu de développer leurs économies en brûlant du charbon et du pétrole.
Les pays se sont aussi fixé un objectif plus vague de mobiliser, à partir de sources publiques diverses mais aussi privées, un montant total de 1 300 milliards de dollars par an d'ici à 2035.
Les modalités de cet objectif, lié à une réforme des institutions financières internationales, doivent être précisées dans un document intitulé "La feuille de route de Bakou à Belém" qui sera discuté à la COP30.
L'adaptation au changement climatique sera spécifiquement discutée lors de cette COP, avec potentiellement un volet financier : trouver un successeur au précédent objectif d'au moins doubler les financements pour l'adaptation entre 2019 et 2025.
Protéger les forêts
Le Brésil a voulu organiser la COP en Amazonie pour attirer l'attention sur la problématique des forêts, puits de carbone et réservoirs de biodiversité menacés, alors que la destruction des forêts vierges tropicales a atteint l'an dernier un niveau record depuis au moins 20 ans.
La présidence veut formaliser un fonds d'un nouveau genre, le TFFF ou "Facilité de financement des forêts tropicales".
Ce fonds ambitieux, servirait à collecter 125 milliards de dollars, qui seraient placés sur les marchés financiers ; les bénéfices rémunéreraient des pays à forte couverture forestière et à faible déforestation pour leurs efforts de conservation. La Colombie, le Ghana, la République démocratique du Congo ou l'Indonésie, pourraient faire partie des principaux bénéficiaires.
"Le TFFF peut être une avancée dans la protection des forêts tropicales, mais il doit s'accompagner d'autres mesures, en particulier d'une décision de la COP30 pour un plan d'action clair pour mettre fin à la déforestation et la dégradation des forêts d'ici 2030", a expliqué Clément Helary de l'ONG Greenpeace à l'AFP.

Choisir entre le plastique et nous
Le plastique est l'un des plus redoutables polluants pour la planète et ses habitants. Il est persistant dans l'environnement et dangereux pour la santé humaine et la faune et la flore en général. Nous le retrouvons partout, sous différentes formes : sur terre, dans les cours d'eau et les océans et jusque dans notre organisme. Sa production est aussi une grande génératrice de gaz à effet de serre responsable du réchauffement climatique.
Environnement
(Ce texte a d'abord été publié dans l'édition d'octobre du journal Ski-se-Dit.)
Comme on le sait, une sixième et ultime session de négociations internationales pour mettre fin à la pollution plastique, tenue à Genève, a cependant de nouveau échoué le 15 août dernier. Une minorité de pays pétrogaziers, accompagnés d'une armada de lobbyistes, ont encore une fois systématiquement saboté les pourparlers en vue de réduire la production de plastique dans le monde. Or, si rien n'est fait, la production mondiale de plastique, déjà énorme, devrait tripler d'ici 2060. On en produisait 460 millions de tonnes en 2020 et on en produira probablement plus de 500 millions de tonnes cette année.
Obstruction
Dès l'ouverture des pourparlers, la centaine de nations ouvertement favorables à une telle réduction a dû immédiatement faire face à l'obstruction d'une coalition de quelques pays producteurs de pétrole, coalition animée bien sûr par l'Arabie saoudite et les États-Unis.
Les points de vue divergeaient. D'une part, devait-on limiter la synthèse des polymères vierges, la substance mère des plastiques ? C'est ce que voulaient la grande majorité des nations dans le monde. D'autre part, devait-on plutôt se contenter de diminuer la pollution avec le recyclage et la gestion des déchets ? C'est bien sûr ce que voulaient la coalition des quelques pays producteurs de pétrole et les multinationales du pétrole. Aussi, le traité devrait-il intégrer un article sur les effets sanitaires des 16 000 additifs entrant dans la fabrication du plastique — dont 4 200 sont des substances toxiques ou des perturbateurs endocriniens avérés, comme les phtalates, certains colorants et les composés perfluorés, ces polluants éternels ?
Pour l'Arabie saoudite, le traité ne devrait concerner que les déchets et non la production du plastique, malgré les conséquences connues de cette production sur la santé. Dans le cas des États-Unis, ce même traité ne devrait en aucun cas porter ombrage aux affaires, ce qui permettrait concrètement à l'industrie de produire du plastique à volonté sans même avoir à se soucier de la gestion des déchets ou de recyclage. Bref, ce fut de nouveau l'impasse, comme l'avaient voulu la coalition des pays pétrogaziers et les nombreux lobbyistes des combustibles fossiles et de la pétrochimie présents sur place.
Dangerosité
Pourtant, il était crucial de parvenir à la signature d'un tel traité international sur la production du plastique !
Nous avons produit plus de 8 milliards de tonnes de plastique fabriqué entièrement à partir d'hydrocarbures issus du pétrole depuis 1950, dont près de la moitié seulement au cours des 15 dernières années. Nous ne connaissons pas encore tous les effets du plastique sur la santé et l'environnement, mais nous commençons tout de même, depuis deux décennies, à en sentir dangereusement les conséquences.
Parce que le plastique, comme nous le savons, se désagrège avec le temps, se fragmentant en microplastiques, soit en particules de moins de cinq millimètres, puis, sous l'effet des rayons ultraviolets, du frottement et de certains micro-organismes, en nanoplastiques, soit en particules mesurant moins d'un micromètre, c'est-à-dire moins d'un millième de millimètre. (De 15 à 30 % des microplastiques ne sont en fait pas issus de la dégradation, mais sont rejetés directement dans l'environnement sous forme de petites particules, par exemple dans le cas des produits exfoliants et des paillettes.)
Ces nanoplastiques, invisibles à l'œil nu, sont alors pour nous faciles à inhaler et à ingérer. Une fois dans notre organisme, ils vont s'y diffuser de manière plus ou moins importante selon leur taille. En général plus ils sont petits, moins les barrières de notre organisme sont en mesure de les retenir. Les plus petits nanoplastiques réussissent ainsi à pénétrer dans le sang, puis à se diffuser dans l'ensemble de notre organisme. Comme l'expliquent Nathalie Gontard et Hélène Siengier dans leur excellent ouvrage « Plastique : le grand emballement », « si ces minuscules corps étrangers étaient plus gros, de l'ordre de plusieurs micromètres, nos barrières corporelles, peau et muqueuses, se chargeraient de les repousser. S'ils étaient plus petits, réduits à la taille d'une molécule, alors les reins, la peau, le foie ou les poumons seraient en mesure de les prendre par la main chimiquement pour les accompagner vers la sortie via l'urine, les selles ou la sueur. Mais entre ces deux tailles, c'est-à-dire à l'échelle nanoscopique, notre corps est incapable de s'en débarrasser. »
Une fois libérés dans l'atmosphère, les microplastiques et nanoplastiques se transportent en suivant les masses d'air, les cours d'eau, parfois sur de très grandes distances. Comme l'explique Annie Labrecque dans un texte paru en septembre dans Québec Science, une contamination locale, peut ainsi rapidement devenir régionale, voire planétaire. Chaque jour de nouvelles études lève le voile sur l'ampleur de cette pollution de la planète, explique-t-elle, et « ce qu'on voit n'est que la pointe de l'iceberg ». Un exemple saisissant se trouve en plein cœur du Pacifique Nord. Les courants marins y forment un gigantesque vortex de déchets, parfois surnommé le continent de plastique. On estime que 94 % des morceaux qui s'y trouvent sont en fait constitués de microplastiques et nanoplastiques dispersés dans l'eau.
Nous devons considérer l'avenir en gardant à l'esprit trois points importants.
Le premier est que nous devrons un jour envisager que tous les plastiques que nous avons consommés, recyclés ou pas, se seront transformés en quantités phénoménales de nanoplastiques persistants dans l'environnement. Les bouteilles d'eau, les contenants de toutes sortes, les pièces de voiture, de bus, d'avion, les matériaux de construction, les vêtements contenant des matières plastiques et tout le reste s'usent et viendront augmenter, pour les générations à venir, la monstrueuse réserve de futures particules fines persistantes dans l'environnement. Elles nous atteindront par le sol que nous foulons, l'air que nous respirons, les aliments que nous consommons, l'eau que nous buvons. D'où la nécessité d'agir… tout de suite.
Le deuxième porte sur les doses auxquelles nous et nos enfants et petits-enfants seront exposés vu la quantité de plastiques devenus nanoplastiques. Quels seront leurs effets sur notre santé et sur l'environnement ? Serons-nous encore capables de réagir ? La même question qui se pose pour les gaz à effet de serre, en fait. D'où la nécessité d'agir… tout de suite.
Le troisième, que nous n'avons pas encore abordé, c'est que le pastique ne se déplace pas seul. Avant de pénétrer dans nos organismes, les nanoplastiques peuvent se charger, comme des éponges, d'un tas de polluants potentiellement toxiques. Rappelons que plusieurs plastiques contiennent d'ailleurs eux-mêmes de ces substances toxiques. D'où la nécessité d'agir… tout de suite.
Agir
La première chose à faire, à très court terme, semble bien sûr de parvenir rapidement à un traité international en vue de réduire de façon très significative la production de plastique. C'est aussi la seule option envisagée en ce moment par les détenteurs du pouvoir à l'échelle de la planète. À l'instar des discussions sans fin et sans véritables résultats concernant la réduction des gaz à effets de serre, il y a objectivement peu de chances d'en arriver de la sorte aux changements qui s'imposent. À moins bien sûr de pressions massives de la part des populations...
Les seules solutions viables pour se débarrasser du plastique à base de pétrole, comme pour nous attaquer aux émissions de gaz à effet de serre, doivent être envisagées dans une perspective de décroissance. Nous devons d'abord cesser complètement l'extraction des énergies fossiles, mais nous devons plus encore rompre avec le capitalisme et l'expansion sans fin du capital ! C'est vers cette décroissance que doivent porter les efforts des populations. Ce sont d'importants défis qui doivent être relevés sans tarder. Il en va de notre survie à moyen ou long terme !
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Des données à la dignité : reconnaître le travail domestique et de soins non rémunéré en République de Moldavie
En donnant une place au travail domestique et de soins non rémunéré dans les statistiques nationales et internationales, il devient possible de mieux comprendre la valeur réelle de ces activités et leur contribution aux économies et aux sociétés.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/10/05/des-donnees-a-la-dignite-reconnaitre-le-travail-domestique-et-de-soins-non-remunere-en-republique-de-moldavie/?jetpack_skip_subscription_popup
BUDAPEST, HONGRIE (OIT Infos) – Longtemps relégué aux marges des enquêtes sur la population active, le travail domestique et de soins non rémunéré – majoritairement accompli par les femmes et les filles – était systématiquement sous-évalué dans les statistiques officielles.
Un tournant a eu lieu en 2013, lorsque ce travail a été intégré dans les enquêtes nationales sur la main-d'œuvre, aux côtés de l'emploi rémunéré. Mais sa mise en œuvre est restée complexe : mesurer l'usage du temps exigeait des orientations plus précises. En 2018, l'Organisation internationale du Travail (OIT) a lancé un programme visant à développer des outils pratiques et des modules d'enquête permettant d'intégrer ce travail non rémunéré dans les enquêtes existantes. Ce dispositif inclut des questionnaires types, des guides d'adaptation nationale, des kits méthodologiques ainsi que des formations et une assistance technique aux pays intéressés.
La République de Moldavie a compté parmi les premiers États à adopter le module « léger » sur l'utilisation du temps. Celui-ci permet une collecte de données à moindre coût, réduit la charge des répondants et renforce les possibilités d'analyse en reliant ces informations à l'ensemble des données de l'enquête sur la main-d'œuvre. Avec l'appui de l'OIT, le Bureau national de statistiques de Moldova a adapté le questionnaire au contexte national, conçu la méthodologie de l'enquête, testé et affiné le module pilote, puis élaboré des supports de formation et des guides pour les enquêteurs.
Lancée en juillet 2025, l'enquête se poursuivra jusqu'en décembre 2025. Elle couvre un échantillon représentatif d'environ 10 000 ménages. Les données sont recueillies lors d'entretiens en face-à-face, réalisés à l'aide de tablettes (Computer-Assisted Personal Interviewing – CAPI).
Les résultats – attendus en juin 2026 – fourniront des données essentielles pour mesurer la part du temps quotidien que les femmes et les hommes consacrent au travail domestique et de soins non rémunéré (Objectif de développement durable n°5 sur l'égalité entre les sexes, indicator 5.4.1). Ils viendront également appuyer le programme national pour l'égalité de genre et la stratégie « Moldavie européenne 2030 »
Le travail domestique et de soins non rémunéré contribue de manière significative à l'économie moldave. À l'échelle mondiale, s'il était rémunéré, il représenterait environ 9% du PIB. Les femmes et les filles en assurent plus de 75%, ce qui limite leur accès à l'emploi rémunéré et à la vie publique.
Croisées avec les données de l'emploi, ces informations mettent en évidence les inégalités entre les sexes et permettent de quantifier la valeur économique du travail non rémunéré. Documenter les contributions de l'économie des soins et recueillir des données sur le travail domestique et de soins non rémunéré est donc essentiel pour aider les gouvernements à élaborer des politiques plus adaptées.
Pour en savoir plus : Mesurer le travail domestique et de soins non rémunéré – ILOSTAT
From data to dignity : Valuing unpaid domestic and care work in the Republic of Moldova
https://www.ilo.org/resource/news/data-dignity-valuing-unpaid-domestic-and-care-work-republic-moldova
De los datos a la dignidad : Valorar el trabajo doméstico y de cuidados no remunerado en la República de Moldavia
https://www.ilo.org/es/resource/news/de-los-datos-la-dignidad-valorar-el-trabajo-domestico-y-de-cuidados-no
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« Les femmes kurdes unissent les couleurs de la Syrie »
SYRIE / ROJAVA – Hier (20 septembre 25), plusieurs centaines de femmes de toutes les communautés de la Syrie ont participé à la conférence des femmes organisée à Hassakê. Des femmes druzes ont rejoint la conférence par visioconférence pour saluer les organisatrices de la conférence et le public.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/10/03/les-femmes-kurdes-unissent-les-couleurs-de-la-syrie/
Une conférence intitulée « L'unité des femmes est le fondement de la construction de la justice et de la démocratie dans une Syrie décentralisée et unie » s'est tenue dans la ville de Hesekê.
La conférence, organisée par les organisations de femmes Kongra Star et Zenûbya Women's Community, a accueilli environ 700 déléguées, dont des personnalités politiques, des avocates, des intellectuelles et des représentantes de tribus arabes du nord-est de la Syrie, d'Alep, de Damas et de la côte ouest à majorité alaouite. Les femmes de Soueïda ont participé à la conférence via Zoom.
Rîhan Loqo : Nous sommes la force des femmes unies
La porte-parole du Mouvement des femmes de la Syrie du Nord et d'Est, Kongra Star, Rîhan Loqo, a prononcé le discours d'ouverture de la conférence, qui a commencé par une minute de silence.
« Nous sommes la force des femmes unies ; nous avons la volonté du changement et nous nous sommes réunies avec l'espoir de construire la Syrie du futur », a déclaré Rîhan Loqo, soulignant que la conférence est une plateforme stratégique qui unit la vision des femmes pour une Syrie démocratique, pluraliste et décentralisée, fondée sur la libre volonté des peuples, et qui défend les droits des femmes et de toutes ses composantes.
Rîhan Loqo a souligné que les femmes syriennes poursuivaient leur lutte pour leur participation à la vie sociale et politique malgré tous les efforts d'assimilation et de répression déployés sous le régime Baas. « La Syrie est entrée dans une nouvelle ère après la chute du régime Baas, mais les pressions et les violences à l'égard des femmes persistent », a-t-elle ajouté.
Attirant l'attention sur les massacres perpétrés à Soueïda et dans la région côtière syrienne, Rihan Loqo a déclaré que le régime actuel considère les femmes comme de simples corps et des marchandises à vendre et à acheter. « Nous n'acceptons pas un régime qui nous opprime au nom de la religion et nous tue au nom du pouvoir », a-t-elle déclaré.
Rîhan Loqo a déclaré que ce congrès avait été organisé pour la liberté des femmes, fondement de la liberté de la société. Elle a souligné que la philosophie « Jin, Jiyan, Azadî » (Femme, Vie, Liberté) n'est pas un slogan, mais une réalité concrète qui a permis à des milliers de femmes de jouer un rôle actif en politique, dans l'administration, la défense et l'économie, et de remporter des succès historiques au Moyen-Orient.
Loqo a souligné que la Syrie du futur devait être un pays démocratique, décentralisé et multiculturel ; qu'elle devait être construite sur la base du libre arbitre de toutes les composantes et des femmes. Elle a ajouté qu'une constitution rédigée sans la participation des femmes n'était pas légitime et que la paix ne pouvait être instaurée sans leur voix.
Rîhan Loqo a exposé les objectifs du Kongra Star comme suit :
– Établir une Syrie démocratique, pluraliste et décentralisée qui garantisse les droits des femmes et de toutes ses composantes.
– Veiller à ce que les femmes soient représentées à au moins 50 pour cent dans toutes les institutions de l'État et les conseils locaux.
– Rédiger une nouvelle constitution qui garantisse les droits des femmes, assure leur rôle en tant qu'actrices clés et établit la séparation de la religion et de l'État.
– Organisation d'une conférence nationale avec une large participation des femmes syriennes pour consolider les points de vue des femmes.
– Assurer la représentation des femmes dans les comités de réforme de la justice et d'enquête.
– Abroger toutes les lois qui discriminent les femmes et promulguer des lois qui protègent les femmes.
– Protéger les acquis de la révolution du Nord-Est syrien et soutenir l'administration démocratique autonome.
– Renforcer l'identité nationale fondée sur le pluralisme culturel et religieux.
– Construire une société démocratique, libre et écologique basée sur la philosophie « Jin, Jiyan, Azadî ».
– Rejeter toute forme d'occupation et d'intervention étrangère, notamment de la part de la Turquie, et de soutien aux groupes djihadistes.
Xod El Elî : les femmes syriennes se sont battues héroïquement
Xod El Elî, porte-parole de la Communauté des femmes de Zénobie, a attiré l'attention sur les crimes commis contre les femmes par Daech et a déclaré : « Les femmes syriennes ne se sont pas rendues. Elles ont rejoint les Unités de défense des femmes (YPJ) et ont combattu héroïquement les mercenaires. »
« La Syrie du futur doit garantir la justice et l'égalité pour les femmes, les protéger de la violence et de la discrimination, et veiller à ce que les femmes soient représentées dans tous les domaines et mécanismes de prise de décision », a-t-elle souligné.
Xod El Elî a appelé toutes les femmes à travailler ensemble pour un avenir meilleur.
Foza Yusif : La paix commence par le dialogue et la reconnaissance de toutes les voix
La coprésidente du Comité de négociation pour le Nord et l'Est de la Syrie et membre du Conseil présidentiel du Parti de l'union démocratique (PYD), Foza Yusif, a critiqué l'actuel gouvernement syrien de transition, dont le projet de constitution, selon elle, ne prend pas suffisamment en compte les droits des femmes et exclut de larges pans de la société.
« Une paix fondée sur la violence n'est pas la paix. La paix commence par le dialogue et la reconnaissance de toutes les voix, en particulier celle des femmes », a déclaré Yûsif, se prononçant en faveur d'une réforme constitutionnelle dans l'esprit d'une « constitution des femmes ».
Yûsif a ensuite évoqué le rôle des combattants du YPJ, qui ont mené une « défense héroïque de la vie » dans la résistance contre l'EI et a averti que la participation politique n'était pas un privilège mais un droit fondamental.
Yûsif a également dénoncé la répression exercée contre les militantes, les journalistes et les femmes politiques, tant par les forces gouvernementales « officielles » que par des groupes islamistes proches de Damas. Elle a également appelé l'opposition syrienne à prendre clairement position contre l'intervention et l'occupation étrangères.
Aujourd'hui, nous écrivons le contrat social de demain, et il commence par les femmes. Sans leur liberté, toute constitution reste vide de sens. L'expérience du nord-est de la Syrie montre qu'une Syrie démocratique est possible grâce à l'auto-administration, à l'égalité des droits et au rejet collectif de la violence.
Anahîd Qesabiyan : Nous travaillerons côte à côte avec les femmes d'autres communautés
S'exprimant au nom de l'Union des femmes arméniennes, Anahîd Qesabiyan a cité des exemples tirés du vécu des femmes arméniennes victimes de massacres et de déplacements forcés. Affirmant que les souffrances endurées doivent être transformées en construction de la paix et de la démocratie, Anahîd Qesabiyan a déclaré : « Nous œuvrerons aux côtés des femmes d'autres communautés pour une Syrie démocratique, multiculturelle et décentralisée, qui protège l'honneur des femmes et garantisse les droits de tous les peuples. »
Ebîr Selman : Abdullah Öcalan est celui qui a le plus soutenu la libération des femmes
S'exprimant au nom des femmes alaouites, Ebîr Selman a souligné l'importance des mouvements de femmes et a déclaré que le leader kurde Abdullah Öcalan était le penseur qui soutenait le plus la libération des femmes.
La conférence s'est poursuivi avec l'intervention de femmes de différentes communautés. (ANF)
https://kurdistan-au-feminin.fr/2025/09/21/les-femmes-kurdes-unissent-les-couleurs-de-la-syrie/
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De la rue à la maison : comment les femmes ordinaires portent-elles le mouvement « Femme, vie, liberté » ?
Entretien de Zamaneh avec Shima Tadrisi, chercheuse spécialisée dans les droits des femmes et les droits du travail
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/09/30/de-la-rue-a-la-maison-comment-les-femmes-ordinaires-portent-elles-le-mouvement-femme-vie-liberte/?jetpack_skip_subscription_popup
Trois ans après le soulèvement de Jina, le slogan « Femme, vie, liberté » continue de façonner la société iranienne. Dans cet entretien, la chercheuse Shima Tadrisi met en lumière le rôle méconnu des « femmes ordinaires dont les actes de résistance quotidiens ont fait passer le mouvement de la rue aux foyers, en faisant une force sociale durable.
Trois ans se sont écoulés depuis le début du mouvement « Femme, vie, liberté », déclenché par le féminicide d'État de Jina (Mahsa) Amini, une Kurde de 21 ans, qui est devenu l'un des soulèvements les plus influents de l'histoire moderne de l'Iran. Il ne s'agissait pas seulement d'une protestation contre le port obligatoire du voile, mais d'une confrontation directe avec un système patriarcal et répressif qui cherchait à contrôler l'esprit, le corps et la vie des femmes, et de tous les citoyens. Dès les premiers jours, les femmes et les hommes de toutes les villes et villages se sont soulevé·es, dans les rues et dans leurs foyers, démontrant que la lutte pour la liberté de choix vestimentaire n'était plus marginale, mais au cœur même des revendications pour la liberté et l'égalité en Iran.
Malgré les centaines de mort·es, la répression généralisée, les arrestations massives et les crises économiques écrasantes, le mouvement Jina reste vivant, pas nécessairement sous la forme de manifestations de rue, mais dans les transformations culturelles, mentales et sociales chez les femmes. D'innombrables récits provenant de familles, de petits cercles et de la vie quotidienne révèlent comment le mouvement s'est immiscé dans les foyers et les relations quotidiennes, devenant partie intégrante de la mémoire collective vivante de la société dans son ensemble.
Dans ce contexte, il y avait – et il y a toujours – des femmes dont les noms n'apparaîtront peut-être jamais dans les médias ou les histoires officielles. Pourtant, ce sont elles qui, discrètement et dans le cadre de leur vie quotidienne, ont porté le poids principal de la résistance. Ces « femmes ordinaires », par de petits gestes, des actes de défi individuels et des changements quotidiens, ont ouvert la voie vers la liberté et l'égalité.
Cette interview réalisée à l'occasion du troisième anniversaire de « Femme, vie, liberté » avec Shima Tadrisi, une chercheuse qui étudie depuis des années précisément ces « femmes ordinaires » et leur rôle dans le mouvement des femmes en Iran, offre l'occasion de réfléchir à la manière dont la présence massive des femmes dans les rues, défiant le port obligatoire du hijab, est devenue une force sociale durable, et pourquoi il est essentiel d'enregistrer les voix moins entendues des femmes pour comprendre ce mouvement.
Nasim Roshanai : Vous menez des recherches approfondies dans le domaine des droits des femmes. Pouvez-vous nous présenter votre travail ?
Shima Tadrisi : Mes recherches portent sur le rôle des femmes ordinaires dans le mouvement féministe iranien. J'étudie des femmes qui ne sont peut-être pas très connues dans les réseaux militants, mais qui, dans leur vie quotidienne et au sein de la société, ont joué un rôle crucial dans la formation et l'avancement du mouvement.
Qu'est-ce qui vous a poussée à lancer ce projet ?
Cette recherche a débuté avec un projet militant que j'ai lancé en 2018. À l'époque, j'ai partagé sur mes comptes de réseaux sociaux de courtes histoires sur des femmes qui avaient résisté aux barrières liées au genre et réussi à créer de petites initiatives économiques. J'avais plusieurs motivations. Tout d'abord, je pense que l'indépendance économique est vitale pour les femmes, et j'ai pensé que raconter ces histoires pourrait inspirer d'autres personnes, car ces modèles étaient beaucoup plus faciles à identifier que des célébrités ou des personnalités connues.
La deuxième raison venait de mon propre parcours. Je suis originaire de Langarud, dans la province de Gilan. Lorsque j'ai déménagé à Téhéran et rejoint des groupes de femmes, j'ai réalisé que les femmes en dehors des cercles militants connus étaient beaucoup moins visibles dans les médias, surtout à une époque où les réseaux sociaux n'étaient pas encore très répandus. C'est pourquoi j'ai lancé ce projet militant, qui a été bien accueilli à l'époque.
Bien que j'aie dû mettre fin à ce projet en raison de pressions sécuritaires, je n'ai pas arrêté mon travail. Je me suis tournée vers le métro de Téhéran pour étudier la résistance quotidienne des femmes vendeuses de rue. J'ai interviewé environ 111 vendeuses afin de comprendre comment, jour après jour, elles affrontaient le pouvoir, qu'il s'agisse de la police ou des responsables du métro, tout en parvenant à subvenir à leurs besoins.
À partir de là, j'ai réalisé que je devais m'intéresser plus sérieusement au rôle des femmes ordinaires dans le mouvement féministe iranien. À peu près à la même époque, j'ai été acceptée dans le programme d'études sur le genre de l'université Kadir Has à Istanbul, juste au moment où le meurtre de Jina et le mouvement « Femme, vie, liberté » ont commencé. Beaucoup de mes ami·es non iranien·nes m'ont demandé : où étaient toutes ces femmes iraniennes courageuses auparavant ? Ma réponse était simple : les femmes iraniennes se battaient depuis des années, mais ce n'est qu'à travers le mouvement Jina que leurs luttes sont devenues visibles à l'échelle mondiale. C'est à ce moment-là que j'ai su que j'étais sur la bonne voie et que je devais mener des recherches plus approfondies sur ces récits moins connus.
À Kadir Has, cependant, je n'ai pas trouvé de directeur/directrice de thèse en accord avec le sujet de ma thèse, et j'ai donc dû faire un choix : soit changer de sujet, soit changer d'université. La question était trop importante pour que je l'abandonne. J'estimais que retracer l'histoire des luttes des femmes iraniennes était le moins que je puisse faire. J'ai finalement pris contact avec un·e professeur·e de l'université de Kiel, en Allemagne, qui a accepté de me diriger. C'est ainsi que je suis devenue étudiante dans cette université.
Comment évaluez-vous le rôle des femmes ordinaires dans la lutte pour la liberté et l'égalité en Iran, et son impact sur le mouvement plus large en faveur de la démocratie ?
Avant de répondre, je tiens à préciser ce que j'entends par « femmes ordinaires ». Je désigne ici les femmes qui ne s'identifient pas nécessairement comme féministes ou militantes, mais qui, dans leur vie quotidienne et face aux barrières sociales et de genre, ont agi de manière à façonner progressivement la voie vers la liberté et l'égalité en Iran. Tout en respectant pleinement les militantes connues et leurs combats, je pense qu'une grande partie du mouvement des femmes en Iran repose sur les épaules de ces femmes ordinaires.
La base théorique de mon travail s'appuie sur le concept de « non-mouvement » d'Asef Bayat, qui est essentiel pour comprendre les luttes sociales au Moyen-Orient. Dans l'un de ses livres, Bayat pose la question suivante : comment les personnes ordinaires changent-elles le Moyen-Orient ? Ma question est la même, mais elle se concentre sur les femmes en Iran : comment les femmes ordinaires changent-elles l'Iran ?
En lisant l'histoire depuis la révolution constitutionnelle jusqu'à nos jours, je pense non seulement aux femmes dont les récits sont consignés, mais aussi à celles dont les voix restent absentes. En observant la vie des femmes qui m'entourent – mes grands-mères, leurs récits et leurs luttes –, cette question devient encore plus pressante : où sont les récits des femmes que nous ne connaissons pas, et où sont-ils consignés dans l'histoire de l'Iran ?
Bien que ces femmes soient moins visibles dans la mémoire officielle et les récits historiques, elles ont joué un rôle central dans l'avancement du mouvement des femmes et, par conséquent, du mouvement démocratique en Iran. Par de petits gestes quotidiens, leur résistance aux restrictions et leurs efforts pour changer leur propre condition, elles ont progressivement mais résolument changé le cours de la société.
Parfois, cette résistance a débouché sur des soulèvements collectifs et une participation directe à des moments historiques : pendant la révolution constitutionnelle, le mouvement de nationalisation du pétrole, la révolution de 1979, le mouvement vert et enfin dans « Femme, vie, liberté », où, pour la première fois, la question des femmes est devenue l'axe central.
Dans tous les épisodes précédents, les femmes ont été mises de côté une fois le tournant historique passé. Mais lors du soulèvement de Jina, pour la première fois, les questions relatives aux femmes sont devenues le cœur des manifestations, et le restent encore aujourd'hui. Même si les manifestations de rue se sont calmées, les luttes des femmes se poursuivent, maintenant le mouvement en vie.
Cela montre que les femmes ordinaires ont résisté non seulement individuellement dans leur vie quotidienne, mais aussi collectivement à des moments historiques critiques, façonnant profondément les transformations politiques et sociales de l'Iran.
Quel rôle voyez-vous pour les « femmes ordinaires » dans le mouvement « Femme, Vie, Liberté » ?
Je dis souvent à mes ami·es qu'entre une militante féministe connue et les femmes qui la suivent et sont influencées par elle, je suis plus curieuse à propos de ces dernières. Je veux savoir comment ces femmes gèrent la discrimination sexuelle à la maison et dans la rue.
« Femme, vie, liberté » n'était pas seulement un soulèvement contre le gouvernement, c'était aussi une révolte contre un ordre patriarcal qui cherche à contrôler le corps et la vie des femmes.
Jusqu'à présent, dans le cadre de ma thèse, j'ai interrogé plus de 60 femmes qui ont participé au mouvement, et les entretiens se poursuivent. L'une de mes principales questions était de leur demander de raconter leurs expériences de chaque mobilisation majeure depuis le Mouvement vert. Même celles qui étaient enfants à l'époque en gardaient des souvenirs même vagues : elles avaient accompagné leurs parent·s aux manifestations ou surpris des conversations à la maison. Ces récits montrent que le rôle des femmes ne s'est pas limité au soulèvement de Jina ; leur présence est également perceptible dans les vagues de protestation antérieures.
La différence avec « Femme, vie, liberté », c'est que, pour la première fois, les questions relatives aux femmes sont devenues le thème central. L'un des thèmes les plus importants était le hijab. La plupart des femmes que j'ai interviewées, à l'exception de celles qui portaient le hijab mais soutenaient tout de même le mouvement, avaient eu des expériences directes avec la police des mœurs, le harcèlement de rue ou les restrictions familiales concernant le voile. Avant le soulèvement de Jina, les femmes iraniennes semblaient mener ce combat seules. Aujourd'hui, les projecteurs se sont tournés vers elles et le monde entier observe leur lutte.
Pouvez-vous nous dire comment vous menez votre dernier projet ?
Pour ma thèse sur « le rôle des femmes ordinaires dans le mouvement féministe iranien , j'ai reçu une bourse de deux ans de la Fondation Gerda Henkel en Allemagne. Cette fondation soutient la recherche en sciences humaines historiques et a financé de nombreux projets à travers le monde au cours des dernières décennies. Son soutien m'a donné l'opportunité inestimable de poursuivre mes études avec davantage de ressources et au sein d'un réseau international plus large de chercheurs et de chercheues.
https://en.radiozamaneh.com/37115/?tztc=2
Traduite par DE
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Née d'une initiative menée par des journalistes iranien·nes et Free Press Unlimited à la suite d'une motion au Parlement néerlandais, Radio Zamaneh a été créée en 2005 et enregistrée en tant qu'organisation à but non lucratif en 2006 afin de soutenir le développement de la pluralité des médias en Iran (et dans d'autres pays persanophones). Depuis lors, Radio Zamaneh fonctionne comme une plateforme médiatique indépendante qui informe et sensibilise le public à une multitude de sujets en Iran et dans les pays voisins, en adoptant un point de vue impartial. Espace dédié aux voix alternatives absentes des médias grand public, Radio Zamaneh met l'accent sur des sujets liés aux droits humains, aux droits du travail, à la communauté LGBTIQA+, aux femmes et aux minorités ethniques telles que les Kurdes et les Baloutches. Radio Zamaneh, qui était une station de radio jusqu'en 2017, a depuis poursuivi son activité sous la forme d'un média d'information en ligne destiné aux persanophones à l'intérieur et à l'extérieur de l'Iran.
Daadkhast
Daadkhast est reconnue comme la première plateforme numérique sécurisée de pétitions en Iran. Créée en 2019, Daadkhast a pour objectif de donner aux citoyen·nes iranien·nes les moyens d'agir en leur offrant un espace où elles et ils peuvent transformer leurs griefs, petits ou grands, en un appel collectif à l'action. La plateforme encourage les citoyen·nes à s'engager dans un dialogue constructif sur la justice et la responsabilité par le biais de la pratique de la pétition. Daadkhast promeut la pétition comme une pratique essentielle pour sensibiliser les citoyen·nes à leurs droits et faire progresser la compréhension de la justice.
Tribune Zamaneh
Équivalent citoyen de Radio Zamaneh, Tribune Zamaneh (créé en 2013) prolonge les valeurs de Radio Zamaneh en encourageant les citoyen·nes lambda à partager des points de vue ignorés par les médias traditionnels. À travers la collecte et la discussion de contenus issus de la base, Tribune Zamaneh cherche à développer une compréhension inclusive de l'Iran sur un large éventail de sujets.
Notre organisation
Zamaneh Media est composé d'un réseau de plus de 30 journalistes, professionnel·les des médias et autres collaborateurs/collaboratrices réparti·es à travers le monde.
Pour toutes les questions institutionnelles, les demandes de couverture médiatique ou les questions concernant les médias en exil et le développement des médias, veuillez contacter le codirecteur exécutif :
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Traduit par DE
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Manifestation internationaliste et féministe le 11 octobre 2025 à l’appel du collectif grève féministe ! Liberté, sororité, égalité, solidarité internationale !
Nous lançons cet appel le 15 juillet dans un monde de plus en plus chaotique et incertain, où on ne sait pas de quoi demain sera fait, traversé par des crises écologiques, sociales, économiques, des guerres et par une large offensive du masculinisme et du sexisme.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/10/08/manifestation-internationaliste-et-feministe-le-11-octobre-2025-a-lappel-du-collectif-greve-feministe/?jetpack_skip_subscription_popup
Les femmes sont victimes de plusieurs systèmes d'oppression qui, sans se confondre, se conjuguent : le capitalisme, le patriarcat et, pour nombre d'entre elles, le racisme. Les femmes paient le plus lourd tribut des conflits armés. Elles sont 80% des personnes déplacées par les catastrophes et les changements climatiques. Elles forment la grande majorité des pauvres, précaires et des bas salaires.
Les femmes sont victimes de plusieurs systèmes d'oppression qui, sans se confondre, se conjuguent : le capitalisme, le patriarcat et, pour nombre d'entre elles, le racisme.
Tous les pays sont concernés, à l'image des situations décrites dans plusieurs parties du monde.
Ainsi, la France n'en a pas fini avec son passé colonial dans les territoires ultramarins : inégalités, discriminations, surchômage, racisme structurel, emprisonnements politiques des Kanaks. Ces populations ne bénéficient que d'une « citoyenneté minorée » et d'un accès réduit aux droits fondamentaux. À Mayotte, l'État va jusqu'à proposer aux jeunes mères des stérilisations pour limiter le peuplement de l'île !
En Afghanistan, la politique d'enfermement des femmes s'aggrave continuellement. Cloîtrées chez elles, elles ne doivent plus pourvoir y être aperçues. Privées du droit à l'éducation, à la santé, à l'emploi, interdites de parole ou de chant en public, elles vivent un véritable apartheid sexuel
À Gaza, Palestiniennes et Palestiniens meurent sous les bombes du gouvernement d'extrême droite de Netanyahou, qui poursuit son escalade génocidaire : plan de déportation des Gazaoui·es, blocus de l'aide humanitaire et médicale, famine généralisée, dans le silence coupable des soutiens au gouvernement israélien et avec l'aide de Trump. Là encore, les femmes et les enfants paient le prix fort.
En Ukraine, les femmes font vivre leur famille dans un pays sous les bombes, ou en situation d'exil. Elles participent dans l'armée à la résistance contre l'envahisseur russe, qui recourt systématiquement aux viols et à la torture. Elles luttent pour le retour des enfants enlevés par Moscou dans le but de les endoctriner.
En République du Congo aussi, le viol est une arme de guerre employée massivement contre les femmes et les enfants, dans une guerre interminable visant à contrôler les richesses minières de l'est du pays.
Au Soudan, la guerre qui fait rage depuis 2023 a provoqué des dizaines de milliers de morts et déplacé onze millions de personnes. Les femmes et les filles subissent viols, enlèvements, mariages forcés, esclavage sexuel et constituent la majorité des personnes tuées.
Alors qu'en Iran, les femmes portent l'espoir d'une révolution libératrice et continuent de défier le régime autoritaire et répressif des mollahs, le pays a subi des bombardements israéliens et états-uniens. Visant à anéantir la puissance nucléaire du pays, ce sont les infrastructures et les populations civiles qui sont également touchées ! Netanyahu et Trump piétinent le droit international. Nous condamnons cette ingérence inadmissible qui risque d'aboutir à une généralisation du conflit au Moyen Orient.
Les femmes kurdes continuent à lutter en Iran, Irak, Syrie, Turquie pour leurs droits, leur autonomie. La révolution des femmes kurdes dans le nord – est de la Syrie inspire les femmes du monde entier.
En Tunisie, le nombre des femmes incarcérées n'a jamais été aussi élevé et l'Europe se tait car ce pays, comme la Turquie, est un de ceux utilisés comme barrière contre les mouvements migratoires.
Dans de nombreux pays, l'extractivisme porté par le capitalisme fossile entraîne la dépossession de territoires, l'accaparement des terres, de l'eau, la destruction d'écosystèmes et le déplacement de populations. Les femmes des peuples autochtones subissent violences et féminicides. En Amérique latine notamment, de très importants mouvements sociaux et autochtones se développent pour contester ce modèle économique prédateur. Les femmes sont en première ligne des mobilisations pour la protection des forêts et des écosystèmes naturels, pour la justice climatique et contre le patriarcat.
La montée des régimes populistes et d'extrême droite remet en cause le droit international et affaiblit les institutions démocratiques.
Les politiques profondément réactionnaires mises en œuvre par Meloni en Italie, Milei en Argentine ou encore Trump aux États-Unis visent les femmes, les migrantes, les personnes LGBTQI+ et l'ensemble des minorités. Elles ont hélas des émules parmi les dirigeants conservateurs et d'extrême droite qui ont pris le pouvoir dans de nombreux pays ! En France des politiques sécuritaires et anti migrant·e.s, inspirées par l'extrême droite sont mises en œuvre par le gouvernement.
Mais si les femmes sont les premières touchées, elles sont aussi les premières à se mobiliser. En résistant, elles font naître l'espoir d'un monde plus juste, plus solidaire, un monde de paix. Notre force réside dans les multiples résonances qui existent entre les luttes féministes dans le monde entier.
Nous sommes solidaires de toutes les femmes et filles privées de liberté, soumises à des bombardements intensifs, victimes de viols.
Nous sommes solidaires de toutes les femmes qui, obligées de quitter leur pays, subissent, sur le dur chemin de l'exil, violences, viols et, pour un grand nombre d'entre elles, traite et prostitution.
Nous sommes solidaires de toutes les femmes, chassées de leurs terres par un modèle productiviste et des multinationales qui polluent sols et sources d'eau.
Nous sommes solidaires de toutes les femmes qui se dressent contre tous les régimes autoritaires, réactionnaires, théocratiques, fascistes, racistes et contre tous les intégrismes religieux.
Attenter à la vie des femmes, menacer l'intégrité de leur corps, attaquer leurs droits, les humilier est un danger pour l'avenir du monde. Tout pas en avant dans un pays est une avancée démocratique et un point d'appui pour les femmes du monde entier.
Alors, le 11 octobre, marchons ensemble pour l'application du droit international, notamment le droit humanitaire et les résolutions “Femmes, paix et sécurité”.
Marchons ensemble pour la liberté, la sororité, l'égalité et la solidarité internationale.
Marchons ensemble pour la conquête et l'effectivité des droits des femmes sur l'ensemble de la planète !
Femmes, vie, liberté.
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Madagascar : le régime de Rajoelina s’écroule
Depuis près de deux semaines, la jeunesse qui se baptise elle-même "Gen Z", en référence aux mobilisations qui se déroulent aux quatre coins du monde, a gagné sa lutte contre le régime du président Rajoelina.
Cette jeunesse a dû faire face à une répression féroce : au moins une vingtaine de morts et des dizaines d'arrestations ont frappé les jeunes activistes, mais aussi les syndicalistes qui se sont ralliés à cette bataille.
L'armée lâche le régime
Si, au départ, la mobilisation a commencé sur des questions de pénurie d'eau et d'électricité, elle a très rapidement débouché sur des revendications politiques, notamment le départ de Rajoelina.
Alors que, samedi 11 septembre, les manifestants étaient encore plus nombreux que les jours précédents, un fait décisif est survenu : l'entrée sur la scène des militaires du CAPSAT. Leur colonel, Michael Randrianirina, a appelé l'ensemble des forces de l'ordre à cesser de tirer sur les manifestants et à ne plus obéir aux ordres du gouvernement, indiquant dans la même déclaration : « Les jeunes peinent à trouver du travail alors que la corruption et le pillage des richesses ne cessent de s'accroître sous différentes formes », et que « les forces de l'ordre persécutent, blessent, emprisonnent et tirent sur nos compatriotes. »
Le Corps d'Administration et des Services Techniques des Armées (CAPSAT) est le service de gestion de la logistique de l'armée : il gère donc le matériel et est responsable du stockage des munitions. Dans l'armée, être muté au CAPSAT est souvent synonyme de voie de garage. C'est ainsi que Michael Randrianirina, ancien chef de la région d'Androy, dans le sud du pays, s'est retrouvé muté au CAPSAT en raison de différends politiques avec les autorités.
Un corps d'armée particulier
Cependant, cette unité a joué un rôle déterminant dans la vie politique récente de la grande île. En effet, en 2009, alors que de grandes manifestations éclataient dans tout le pays contre le président de l'époque, Ravalomanana, c'est l'intervention du CAPSAT qui a permis de le renverser pour mettre à la place un jeune politicien, maire de la capitale Antananarivo : un certain Andry Rajoelina.
Le CAPSAT est la seule unité dont la caserne est à l'intérieur même de la capitale, dans le quartier de Soanierana, contrairement aux autres qui sont situées à Ivato, près de l'aéroport international, à une trentaine de kilomètres du centre. Les militaires du CAPSAT côtoient quotidiennement les habitants de la capitale et partagent les exigences des populations.
Les officiers du CAPSAT ont déclaré que l'ensemble de l'armée a basculé du côté des mutins. Cela s'est matérialisé par la passation du pouvoir à un général adoubé par le CAPSAT.
Concernant la gendarmerie, la force la plus féroce lors des répressions, son commandement a été réorganisé avec pour première directive de cesser immédiatement les violences contre les manifestants. Le président du Sénat, le général Ravalomanana, un des piliers du régime particulièrement honni, a démissionné.
Reste la tâche la plus importante et aussi la plus difficile : le changement radical du système, une exigence des populations.
Paul Martial
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À Madagascar, la rage de la Gen Z et la farce du pouvoir
Parti pris · Après deux semaines de manifestations de la Gen Z qui ont fait tomber son gouvernement, le président malgache Andry Rajoelina vient de nommer un militaire au poste de Premier ministre. D'Antananarivo, où il vit, Jina Tsirofo Ranse Razakarisoa, traducteur à Afrique XXI, fait part de son indignation et de ses craintes.
Tiré d'Afrique XXI.
Je suis ici, à Antananarivo, et la situation n'a jamais été aussi tendue depuis le début du soulèvement, le 25 septembre. Ça fait maintenant plus d'une semaine que le pays bouillonne. Ce qui a commencé par un simple ras-le-bol contre ces foutues coupures d'électricité (les délestages qui nous rendent fous) et le manque d'eau s'est transformé en une demande unique criée par la jeunesse : la démission du président Andry Rajoelina. L'air est électrique, on est au bord du chaos. Ce n'est plus juste une histoire de manque de services ; c'est une question de dignité.
Le mouvement a été lancé par la génération Z. Ces jeunes sont nés avec le téléphone à la main mais ils ne voient jamais la couleur de la richesse de Madagascar. Ils ont pris les commandes, inspirés par des trucs comme le manga One Piece (1), se donnant pour symbole le drapeau pirate. Le slogan qu'on entend partout, c'est « Leo Be », « il y en a marre ». C'est un cri de colère que le régime n'a pas vu venir.
« Dès le premier jour, ça a dérapé »
Dès le premier jour, ça a dérapé. On voulait juste se rassembler sur la place Ambohijatovo, mais elle a été prise par les forces de l'ordre dès l'aube. C'était leur manière d'interdire, mais ça n'a fait qu'allumer la mèche. La manifestation a dégénéré à cause de la répression immédiate. Ils ont tiré. Pas seulement des lacrymos, non, mais aussi des balles en caoutchouc et même des balles réelles (AK-47). Rien que le premier jour, on a eu près de 400 blessés transférés à l'hôpital. Je l'ai vu, tout le monde l'a vu (2).
La colère a vite changé de cible, du délestage à la corruption. Comment un pays aussi riche que Madagascar peut avoir 75 % de sa population qui vit au-dessous du seuil de pauvreté ? Pendant ce temps, les élites se pavanent. C'est insoutenable. Quand l'argent des impôts part dans des projets bidon, comme le téléphérique d'Antananarivo, alors que l'hôpital manque de pansements et que les quartiers n'ont pas d'eau, c'est la preuve qu'il n'y a pas d'État, juste un clan.
Le pouvoir a laissé le chaos s'installer. Il y a une forte suspicion qui circule ici : les pillages attribués aux manifestants qui ont eu lieu dans l'après-midi et la nuit ne seraient pas si spontanés que ça. Le fait est que, alors que les forces de l'ordre tiraient à balles réelles et inondaient les quartiers de gaz lacrymogènes, elles étaient totalement absentes dès que les actes de vandalisme commençaient. On en a même vu des membres quitter les lieux quand les pillages commençaient. Et il y a cette rumeur persistante : le chaos sonore créé par la répression n'aurait-il pas pour but de désorienter la population pour permettre à des groupes payés (à la solde du régime, disent certains) d'opérer tranquillement leurs pillages ? Que ce soit vrai ou faux, le résultat est le même : le bruit de la répression a servi à couvrir le bruit du vol. L'État a été d'une inaction flagrante face aux pilleurs. Il est donc impossible de ne pas y voir une tentative de discréditer la Gen Z en lui faisant porter le chapeau de la destruction, tout en laissant des profiteurs s'enrichir.
Promesses de développement et vains serments
Il est impossible de comprendre la profondeur de cette colère sans se souvenir du parcours d'Andry Rajoelina. Ancien maire d'Antananarivo (2007-2009), il s'est installé une première fois au pouvoir, de 2009 à 2014, à la faveur d'un coup d'État qui faisait suite à un soulèvement populaire. Élu en 2018 puis réélu en 2023 lors d'un scrutin très contesté et boycotté par l'opposition, il est désormais au centre de toutes les frustrations.
Malgré ses promesses de développement et ses velirano (« serments »), la réalité économique du pays est désastreuse. L'accès à l'eau et à l'électricité, pourtant un droit fondamental, est resté précaire. Dans le même temps, le régime a investi dans des projets d'infrastructures pharaoniques, perçus par beaucoup comme des « éléphants blancs » : le téléphérique d'Antananarivo, financé à hauteur de 200 millions d'euros par la France, est vivement critiqué, jugé inutile face à l'urgence de la fourniture de l'accès aux services de base. Les manifestants ont d'ailleurs incendié des stations de la ligne. Et l'inauguration d'amphithéâtres ainsi que d'autres symboles de la « modernité » contraste cruellement avec le fait que près de 75 % de la population vit avec moins de 1 dollar par jour.
La jeunesse, en particulier, se sent doublement trahie. Cette génération, dévalorisée et sous-estimée, s'est vu promettre l'émergence, mais n'a connu que la stagnation. C'est l'échec total de l'ascenseur social qui motive le passage à l'acte de cette Gen Z, qui, initialement apolitique, est devenue le fer de lance de l'opposition.
Le bilan de la répression s'alourdit
Face à cette révolte, la réaction du président Rajoelina montre bien sa panique. Il a d'abord limogé son ministre de l'Énergie, puis, devant la persistance de la mobilisation, il a dissous tout le gouvernement le 30 septembre. Ça n'a servi à rien. C'est de la poudre aux yeux. On ne veut plus de ses ministres : on veut son départ.
Pendant ce temps, le bilan s'alourdit. L'ONU, qui parle d'au moins vingt-deux personnes tuées (3), s'est dite « choquée ». Et Rajoelina, que fait-il ? Le 3 octobre, il sort publiquement (4) pour dire que c'est une tentative de « coup d'État » payée par des « pays et agences » étrangers. C'est la vieille rengaine classique. Il dénonce une « cyberattaque massive » et une « manipulation » pour justifier la colère d'une population qu'il a laissée crever de faim et de soif.
Et c'est là que j'en arrive au point qui me révolte le plus. Ce que j'ai vu ces jours-ci, c'est une farce, une humiliation : l'apparition des partisans du régime présidentiel qui organisent leur propre rassemblement à Ankorondrano et au Coliseum pour réclamer... l'arrêt des manifestations !
Une jeunesse qui n'a plus rien à perdre
L'ironie est cinglante : quand la Gen Z sort, les forces de l'ordre sont présentes et tirent des lacrymos, matraquent, arrêtent, blessent gravement. Le droit de manifester est écrasé. Mais quand les partisans du président sortent, les mêmes forces de l'ordre passent à côté en souriant. Aucune intervention. Aucune grenade lacrymogène. Aucune interpellation. Cette inégalité de traitement est visible. Elle est criante. L'État choisit ses manifestants. Il dit clairement : « La violence est légale si vous me soutenez, mais elle est réprimée si vous demandez la justice. »
La jeunesse malgache refuse de faire marche arrière. Elle a le sentiment de n'avoir plus rien à perdre.
Personnellement, je pense que la Gen Z et le peuple doivent continuer de se défendre, car la violence de l'État n'est pas neutre, elle est politique.
Si cette polarisation entre deux camps – les opprimés vs les protégés du régime – continue, je suis convaincu que ça ne se terminera pas par des négociations. Nous serons au bord de la guerre civile. Il faut que le monde entier le sache avant que Madagascar ne s'embrase complètement.
Notes
1- Le manga One Piece suit les aventures d'un équpage de pirates à la recherche d'un trésor appel « One Piece ». À Madagascar, l'inspiration s'est traduite par l'adoption du drapeau pirate comme emblème de la contestation, symbolisant la soif de liberté et la rébellion contre l'ordre établi.
2- « Madagascar : Répressions violentes et disproportionnées de manifestations pacifiques, inaction des forces de l'ordre face aux pillages », Tolotsoa, 26 septembre 2025, lire ici.
3- Madagascar : l'ONU choquée par la réponse violente à des manifestations, ONU, 29 septembre 2025, à lire ici.
4- Madagascar : le président Rajoelina dénonce une tentative de coup d'État, Africanews, 3 octobre 2025, voir la vidéo ici.

Afrique du sud : Le Mouvement des Pauvres fête ses vingt ans samedi
Notre mouvement a été fondé le 4 octobre 2005 par 32 représentants élus de 12 localités. Aujourd'hui, nous comptons plus de 180 000 membres organisés en plus de 100 sections dans cinq provinces.
Tiré d'Afrique en lutte.
En vingt ans de lutte, nous avons subi et survécu à une répression sévère de la part de la police, des voyous du parti au pouvoir, des gangsters et des izinkabi. Nombre de nos membres ont été agressés, arrêtés et torturés, et de nombreuses vies ont été perdues au cours de nos luttes.
Dans les premières années de notre lutte, la municipalité de Durban et l'ANC ont tenté d'écraser notre mouvement en pleine expansion par le harcèlement policier et des interdictions violentes et illégales de notre droit de manifester et de parler aux médias. Nous avons été battus, arrêtés et torturés, mais nous avons survécu et nous avons gagné le droit de nous organiser, de manifester et de parler aux médias.
En 2009, l'ANC s'est tournée vers la violence collective organisée sur le plan ethnique, puis, à partir de 2013, vers les assassinats. Nous avons survécu et avons gagné en nombre et en pouvoir, malgré de nombreuses personnes chassées de chez elles et de nombreuses pertes humaines. Les années ont été très difficiles, marquées par des vagues de répression, mais nous n'avons pas faibli, nous avons continué à défendre ce qui est juste et notre mouvement s'est développé.
En 2014, nous avons résolument traité un cas de corruption au sein de notre mouvement, démontrant ainsi notre détermination à bâtir une politique fondée sur l'honnêteté et l'intégrité.
En 2018, nos processus démocratiques ouverts nous ont permis de survivre à une tentative de mainmise de la faction Zuma de l'ANC, organisée par la banque VBS.
Nous avons obtenu des terres pour des milliers de personnes, des services, des logements et des changements de politique. Nous avons déjoué une tentative de mise en œuvre d'un programme urbain hautement réactionnaire, dans la rue et devant la Cour constitutionnelle. Nous avons combattu la corruption et la politique du mensonge. Nous nous sommes opposés directement aux politiques ethniques et xénophobes, y compris dans les rues de Johannesburg. Nous avons transformé des occupations en communes de travail où les communautés s'autogèrent et mènent des actions d'urbanisme citoyen par le biais de processus démocratiques, produisent des denrées alimentaires et créent et gèrent des écoles politiques. Nous avons bâti un mouvement démocratique organisé autour d'assemblées publiques réunissant des centaines de personnes. Nous avons noué des relations avec des mouvements et des intellectuels radicaux du monde entier.
Nos membres, qui ont lancé des slogans tels que « ukwabiwa komhlaba noma ukufa » (le socialisme ou la mort), ont souvent vécu, lutté et parfois péri avec un grand courage. Nous sommes restés fidèles à nos principes et avons insisté pour que toutes nos sections restent démocratiques si elles souhaitent rester membres du mouvement.
Au début de notre lutte, nous étions traités comme des déchets, et non comme des êtres humains. On nous a laissés vivre comme des cochons dans la boue et brûler dans des bûchers. On nous a refusé le droit de penser, de parler pour nous-mêmes et de nous organiser. Nous avons bâti un mouvement où notre dignité est reconnue et affirmée, un mouvement où nous pouvons construire ensemble notre courage et notre pouvoir, un mouvement qui nous a donné une voix puissante sur la scène nationale et internationale. Nous avons abordé les problèmes qui se sont posés ouvertement et résolument, en œuvrant toujours à leur guérison chaque fois que possible.
Mais si nous avons conquis de vastes étendues de terre, la plupart de nos membres continuent de vivre dans des cabanes. Justice n'a pas été rendue pour la plupart de nos membres tués par la police, l'unité anti-invasion des terres ou les izinkabi. Nous sommes assez forts pour conquérir des terres et intervenir significativement dans la politique nationale. Mais nous ne le sommes pas assez pour vaincre les monstres de la corruption et du capitalisme en Afrique du Sud. Nous ne sommes pas assez forts pour bâtir un pays où chaque personne compte et où la terre, les richesses et le pouvoir sont partagés équitablement.
Aujourd'hui, nous œuvrons à la construction d'un mouvement de communes et d'un mouvement mondial de mouvements. En Afrique du Sud, nous œuvrons à unir la gauche, à dépasser les divisions et les mesquineries et à fédérer les organisations progressistes des pauvres et de la classe ouvrière autour de principes communs.
Samedi à 9 heures, nous nous rassemblerons au stade Curries Fountain de Durban pour célébrer vingt ans de courage et de lutte, pleurer nos morts, affirmer notre engagement pour la liberté et réfléchir à nos accomplissements et au chemin à parcourir.
En 1913, des grévistes des mines, des chemins de fer et des travaux municipaux, rejoints par des ouvriers des plantations sucrières, se sont rassemblés sur le terrain où le stade Curries Fountain allait plus tard être construit. Dans les années 1920, ouvriers et pauvres se sont rassemblés à Curries Fountain sous la bannière rouge du Syndicat des travailleurs de l'industrie et du commerce (ICU). Le rassemblement Viva FRELIMO, organisé par de jeunes étudiants du Mouvement de la Conscience Noire, s'y est tenu en 1974. En 1985, le Front Démocratique Uni a organisé un rassemblement de masse « Libérez Mandela » au stade. Plus tard la même année, la COSATU a été lancée à Durban par un rassemblement de masse à Curries Fountain. En 1992, Chris Hani s'est adressé aux travailleurs du stade le 1er mai. Nous avons célébré notre dixième anniversaire à Curries Fountain en 2015. Samedi, nous serons à nouveau présents dans ce stade riche d'une histoire de lutte pour la liberté.
Sithi halala kwi butho labampofu !
Traduction automatique de l'anglais

Maroc. Quand la Génération Z se soulève
Depuis le samedi 27 septembre, la vie du royaume est rythmée par les manifestations quotidiennes du mouvement GenZ 212. Lancée par des jeunes autonomes refusant toute affiliation politique ou syndicale, la contestation innove et mobilise. Mais elle doit aussi faire face aux limites de son manque de structuration, tandis que les élites au pouvoir semblent attendre le discours du roi prévu pour le 10 octobre.
Tiré d'Orient XXI. Traduit de l'arabe par Sarra Grira.
Elle était jusque-là perçue comme indifférente à la chose publique. Mais les manifestations qui secouent le Maroc depuis le 27 septembre 2025 ont braqué les projecteurs sur la jeune génération à l'initiative du mouvement de contestation. Selon les chiffres du Haut-Commissariat au Plan, les jeunes de moins de 25 ans représentent 26 % de la population marocaine et se caractérisent par « un fort attachement à la technologie, de grandes ambitions et une capacité d'influence sociale et économique ». Ils sont aussi particulièrement touchés par la précarité économique et sociale. Au deuxième trimestre 2025, le taux de chômage des 15-24 ans a atteint 35,8 %, contre 21,9 % pour les jeunes de 25 à 34 ans, et une moyenne nationale de 12,8 %.
Lors des premières manifestations, qui ont principalement eu lieu à Rabat, Casablanca, Meknès et Tanger, avant que d'autres villes ne rejoignent la contestation, le mouvement est apparu comme largement spontané, sans mots d'ordre. Seules quelques banderoles ont été déployées. Mais très vite, des slogans ont émergé : « Nous ne voulons pas de la Coupe du monde… la santé avant tout », « Le peuple veut la fin de la corruption ». Des critiques directes du volume des dépenses consacrées aux infrastructures et à la construction des stades en prévision de l'organisation par le Maroc de la Coupe d'Afrique des nations (CAN, décembre 2025 — janvier 2026), et surtout de la Coupe du monde 2030, aux côtés de l'Espagne et du Portugal. Ces dépenses interrogent sur les priorités de l'État, alors que les services publics de base, comme la santé et l'éducation, connaissent une nette détérioration.
Contrairement au mouvement du 20 février, né en 2011, soutenu à l'époque par plus de 20 organisations de défense des droits humains et syndicales et qui avait vu la participation de jeunes appartenant à des structures politiques, les manifestations actuelles émanent d'un groupe de jeunes peu structuré : la GenZ 212, combinaison de « Génération Z » (1) et l'indicatif téléphonique du Maroc.
Malgré la participation de figures de gauche à certaines manifestations, comme Nabila Mounib, secrétaire générale du Parti socialiste unifié (PSU), et Abdelhamid Amine, ancien président de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), il n'y a eu aucun soutien actif à ce mouvement. Quelques organisations politiques et de défense des droits humains se sont contentées de publier des communiqués exprimant leur soutien aux revendications sociales et dénonçant l'approche sécuritaire adoptée par le pouvoir.
La démocratie via Discord
Pour se coordonner, la GenZ 212 passe principalement par la plateforme Discord, dont le serveur compte plus de 170 000 membres au Maroc. Discord est une application de messagerie instantanée et un réseau social communautaire lancé en 2015, qui permet aux utilisateurs d'échanger des messages texte et des appels vocaux ou vidéo. Elle était à l'origine prisée par les gamers, les adeptes de jeux vidéo. Si son usage s'est démocratisé dans certains pays comme la France, elle reste au Maroc largement utilisée par les jeunes gamers de la génération Z. Elle leur permet d'échanger pendant les parties de jeu, de diffuser des sessions en direct et de partager leurs expériences. Le choix de cette plateforme pour coordonner les appels à manifestation rappelle des exemples similaires ailleurs dans le monde, à Madagascar et surtout au Népal, où des manifestants de la même génération ont eu recours à la même application le 4 septembre 2025, après la suspension de plusieurs réseaux sociaux par les autorités.
On trouve sur Discord plusieurs chaînes de discussion, une pour chaque région du royaume, ce qui facilite la coordination entre les habitants des mêmes villes et villages. Les horaires des discussions quotidiennes sont annoncés sur les pages des réseaux sociaux du mouvement. Elles commencent souvent après 22h. L'administrateur de la chaîne commence par faire le bilan de la journée de manifestation. Les membres prennent ensuite la parole à tour de rôle pour exprimer leurs opinions, et faire part de leurs suggestions. Souvent, les échanges se poursuivent pendant des heures. À la fin de chaque soirée, on passe au salon appelé « Annonces » où les membres doivent répondre à la question suivante : « À vous de décider : soutenez-vous la poursuite des manifestations demain ? » Les membres n'ont que deux options : « oui » ou « non ». Jusque-là, le « oui » dépasse tous les jours les 80 %, témoignant d'un engagement clair de la part de la majorité des participants à poursuivre la mobilisation.
Dans ces discussions quotidiennes sur Discord, la spontanéité qui caractérise les manifestations apparaît comme intentionnelle. Les membres de la Génération Z insistent constamment sur leur totale indépendance vis-à-vis des partis politiques et des syndicats, témoignant ainsi de l'aversion de toute une jeunesse pour les structures intermédiaires, qui ont perdu toute crédibilité à leurs yeux. Sur les réseaux sociaux également, ils le revendiquent haut et fort : « Nous n'appartenons à aucun parti ni mouvement politique. Nous sommes des jeunes libres, notre voix est indépendante et notre seule revendication est la dignité et les droits légitimes de chaque citoyen. »
Alors que les appels aux manifestations des 27 et 28 septembre commençaient à circuler, plusieurs sites web et pages pro-gouvernementales se sont empressés d'accuser les organisateurs de « séparatisme » et de « servir des intérêts étrangers » dans le but de déstabiliser le royaume et menacer son intégrité territoriale. En réponse à ces accusations, les administrateurs de la page GenZ 212 ont publié sur les réseaux sociaux une déclaration le 18 septembre où l'on peut lire : « Nous ne sommes ni contre la monarchie ni contre le roi. Au contraire, nous considérons la monarchie comme essentielle à la stabilité et à la continuité du Maroc. »
Il convient de noter que depuis le début du règne du roi Mohammed VI, aucun mouvement social ou politique n'a lancé de slogan contre la monarchie. Même le Mouvement du 20 février appelait à une « monarchie parlementaire ».
Les mobilisations changent, les revendications restent
Les revendications du mouvement ne sont pas propres à cette génération. Elles reflètent plutôt des préoccupations partagées par tous les Marocains. Interrogée par Orient XXI, la militante des droits humains Siman explique :
- La génération Z est peut-être à l'origine de ce mouvement, mais elle n'est pas la seule à manifester dans la rue. Les revendications exprimées aujourd'hui ne sont pas nouvelles, mais s'inscrivent dans la continuité de celles du Mouvement du 20 février, puis du Hirak du Rif, qui a conduit à l'arrestation de plusieurs jeunes dans la région.
GenZ 212 intervient en effet après un mois de mobilisations importantes au Maroc, notamment devant plusieurs hôpitaux de la ville d'Agadir (sud-ouest) pour protester contre l'état des services de santé, à la suite du décès de huit femmes après leur accouchement, dans des circonstances qui restent mystérieuses. Selon le ministère de la santé, une enquête a été ouverte, mais ses conclusions n'ont pas encore été publiées. D'autres villes ont également été le théâtre de manifestations en faveur des victimes du tremblement de terre de la province d'Al Haouez, qui a frappé le pays en septembre 2023. Enfin, plusieurs marches en soutien à la Palestine et contre la normalisation des relations du Maroc avec Israël depuis 2020 ont également eu lieu. Autant de mobilisations qui, contrairement aux manifestations de GenZ 212, n'ont pas été réprimées et se sont déroulées dans une atmosphère relativement calme.
Selon les chiffres compilés par les sections de l'AMDH au cours des trois premiers jours de manifestations, plus de 300 personnes ont été arrêtées rien qu'à Rabat, et des dizaines d'autres ailleurs. Le premier jour, les interpellés ont été libérés à l'aube. Mais les forces de l'ordre ont changé d'approche dès le lendemain. Selon les chiffres publiés par l'Espace marocain des droits de l'Homme (2) le nombre total de personnes arrêtées et placées en garde à vue s'élève à 272, dont 39 mineurs. Trente-six personnes ont été condamnées à des peines de prison, et 221 ont été libérées sous une caution allant de 300 à 600 euros. La plupart des jeunes ont été inculpés de « rassemblement non autorisé, d'entrave à l'action des forces de l'ordre et d'appel à un rassemblement non autorisé ». Ces arrestations ne se sont pas déroulées sans violence. Plusieurs jeunes femmes ont été harcelées pendant leur garde à vue, et de jeunes hommes arrêtés ont été insultés, qualifiés de « pervers » et de « génération de la perversion ». Selon nos sources, le procureur du Roi a constaté des signes de violence physique sur certains d'entre eux. Selon la militante de droits humains Samia Regragui, « la répression et les arrestations ont augmenté la sympathie de la population envers les manifestants, ce qui constitue un véritable acquis ».
L'autonomie, une arme à double tranchant
Cette sympathie a toutefois été mise à l'épreuve dès le quatrième jour de manifestations, à cause des actes de violence qui ont notamment éclaté dans des zones qui n'étaient pas concernées par le mouvement GenZ 212. Des affrontements ont eu lieu dans plusieurs villes entre manifestants et forces de l'ordre, faisant des blessés des deux côtés et détruisant des biens publics et privés. Le mercredi 1er octobre, trois personnes ont été tuées par la police à Leqliaa, une ville située à 20 kilomètres au sud d'Agadir.
Le soir même, la situation a fait l'objet d'une grande discussion sur Discord, où de nombreux participants ont condamné sans équivoque les actes de vandalisme, affirmant que leurs auteurs « ne représentent ni n'appartiennent au mouvement ». D'autres, en revanche, ont estimé que c'était la violence excessive avec laquelle les autorités ont répondu aux manifestations pacifiques qui était à l'origine des réactions de colère et de violence de certains manifestants. D'autres encore se sont demandé si cette violence n'était pas provoquée, et n'avait pas pour but de nuire à l'image du mouvement, dans le but de saper le soutien populaire dont il bénéficie et d'instiller la peur parmi les Marocains.
Malgré les appels à arrêter les manifestations lancés par certains responsables politiques, comme l'ancien premier ministre islamiste Abdelilah Benkirane, les membres du groupe Discord ont continué à voter pour la poursuite des manifestations pacifiques. Mais la spontanéité du mouvement GenZ 212 et son rejet de toute organisation et de toute direction formelles constituent une arme à double tranchant. Si elle préserve l'indépendance du mouvement et le protège de toute tentative de manipulation politique ou d'exploitation par les partis, notamment à l'approche des élections législatives prévues pour septembre 2026, l'absence de structures organisationnelles rend difficile l'harmonisation des slogans et des revendications. Surtout, elle entrave le contrôle des formes d'expression pour un mouvement qui se revendique comme pacifique.
Quand les partis politiques se réveillent
Après trois jours de silence radio, les partis de la majorité gouvernementale — le Rassemblement national des indépendants, le Parti authenticité et modernité et le Parti Istiqlal — se sont réunis le mardi 30 septembre 2025 à Rabat, sous la présidence du chef du gouvernement Aziz Akhannouch. Ensemble, ils ont affirmé comprendre la colère de la jeunesse, et être disponibles à y répondre par le dialogue et la discussion, dans le cadre des institutions prévues à cet effet. La majorité gouvernementale a également reconnu le retard chronique dont souffre le secteur de la santé, tout en soulignant que sa réforme est un chantier colossal qui nécessite du temps. Dans sa brève déclaration du jeudi 2 octobre 2025, le Premier ministre Aziz Akhannouch a néanmoins mis en garde contre les actes de « violence et de vandalisme » observés dans certaines villes, évoquant une « escalade dangereuse portant atteinte à la sécurité et à l'ordre public ». Mais aucune mesure concrète n'a été prise. Pour Khalid Al-Bakkari, professeur universitaire au Centre Régional des Métiers de l'Éducation et de la Formation de Casablanca (CRMEF) et militant des droits humains :
- Comme ses prédécesseurs, le gouvernement actuel a renoncé à nombre de ses prérogatives constitutionnelles. Il en est venu à considérer la gestion des manifestations et des crises majeures — notamment celles liées aux catastrophes naturelles — comme relevant de la compétence de l'État et non de la sienne, c'est-à-dire de celle du Makhzen (3). C'est pour cela que le gouvernement reste passif. Le chef du gouvernement n'a ni communiqué avec les citoyens ni tenu de réunion avec le ministre de l'intérieur.
Le mouvement GenZ 212 a finalement choisi d'adresser ses revendications directement au roi, ignorant les appels au dialogue du gouvernement. Ses demandes sont claires : la démission du gouvernement d'Aziz Akhannouch, la poursuite des personnes impliquées dans des affaires de corruption et la libération des personnes arrêtées lors des manifestations. Désormais, tous les regards se tournent vers le roi Mohammed VI, dont le discours, à l'occasion de l'ouverture de l'année législative, le vendredi 10 octobre 2025, est extrêmement attendu.
Notes
1- NDT. Nom donné aux personnes nées entre 1997 et 2012. Il s'agit de la première génération qui a grandi avec Internet.
2- NDLR. Groupe de défense des droits humains créé en 2022 et proche de l'organisation islamique Al-Adl wal-Ihsane (Justice et bienfaisance) fondée par le cheikh Abdessalam Yassine.
3- Mot qui désigne les institutions régaliennes de l'État marocain : le palais, le ministère de l'intérieur, les services de sécurité, l'armée et les renseignements.
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