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Réaction de Greenpeace Canada au Protocole d’entente entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de l’Alberta

2 décembre, par Greenpeace Canada — , ,
Montréal – « C'est un jour sombre pour le Canada et tous ceux et celles qui entretiennent l'espoir de maintenir une planète habitable. Non seulement Carney et Smith tentent (…)

Montréal – « C'est un jour sombre pour le Canada et tous ceux et celles qui entretiennent l'espoir de maintenir une planète habitable. Non seulement Carney et Smith tentent d'imposer un nouveau méga-projet pipelinier malgré l'opposition farouche de la Colombie-Britannique et des Premières Nations concernées, mais le gouvernement fédéral élimine aussi le plafonnement des émissions sur le pétrole et le gaz ainsi que la réglementation sur l'électricité propre. Il retarde également de 5 ans la réglementation sur le méthane et autorise l'utilisation du captage de carbone pour extraire davantage de pétrole, ce qui annule tout bénéfice potentiel. » – Louis Couillard, responsable de la campagne climat-énergie chez Greenpeace Canada

Tiré de Greenpeace Canada.

« Il s'agit d'une trahison pour l'ensemble des Québécois·es qui ont voté pour Mark Carney en pensant qu'il ferait de la lutte aux changements climatiques l'une de ses priorités ainsi d'une grave atteinte à l'égard de notre engagement en faveur de la réconciliation avec les peuples autochtones » affirme Louis Couillard, responsable de la campagne Climat et Énergie chez Greenpeace Canada.

Voici un extrait d'une déclaration commune de 41 organisations de la société civile sur le protocole d'entente entre Carney et l'Alberta :
« Il n'est pas dans l'intérêt national de poursuivre un projet qui oppose les provinces les unes aux autres, bafoue les droits des peuples autochtones et met en péril les économies locales ainsi que les écosystèmes côtiers et marins du Pacifique Nord.

Il y a dix ans, le Canada a tenté de conclure un accord ambitieux avec l'Alberta. Le gouvernement a racheté le projet d'expansion de Trans Mountain en échange du système inefficace de tarification du carbone de l'Alberta, que la première ministre Smith a récemment affaibli. Il n'y a aucune raison de croire que ce nouvel accord donnera de meilleurs résultats. »

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Voici pourquoi plus de 40 organisations s’opposent au projet d’oléoduc et de pétroliers sur la côte nord-ouest

2 décembre, par Collectif — , ,
Déclaration conjointe de 41 organisations de la société civile œuvrant pour un système climatique sûr, la protection des milieux marins et d'eau douce et le respect des droits (…)

Déclaration conjointe de 41 organisations de la société civile œuvrant pour un système climatique sûr, la protection des milieux marins et d'eau douce et le respect des droits et de la souveraineté des peuples autochtones.

Nous soutenons les Premières Nations côtières qui s'opposent au projet d'oléoduc et de pétroliers sur la côte nord-ouest. L'écosystème côtier du Pacifique Nord est d'une importance mondiale et un moteur économique majeur pour la région. Les eaux que les pétroliers emprunteraient sont dangereuses et les conséquences d'une marée noire catastrophique seraient inacceptables. La Loi sur le moratoire concernant les pétroliers est le fruit de décennies de travail mené par les communautés autochtones et non autochtones pour protéger le milieu marin et constitue un symbole juridique de la réconciliation entre la Couronne et les Autochtones.

Il n'est pas dans l'intérêt national de poursuivre un projet qui oppose les provinces les unes aux autres, bafoue les droits des Autochtones et met en péril les économies locales ainsi que les écosystèmes côtiers et marins du Pacifique Nord.

Un oléoduc et le trafic de pétroliers sur la côte nord auraient les conséquences suivantes :

Un déversement de pétrole catastrophique risquerait d'entraîner des conséquences dévastatrices pour l'économie, les collectivités, les pêches et la faune de la Colombie-Britannique.

Il bafouerait l'engagement du Canada envers la réconciliation.

Il rendrait les objectifs du Canada en matière de climat et de nature encore plus inaccessibles.

Il détournerait le Canada de la transition énergétique et des investissements dans une véritable compétitivité climatique.

Un oléoduc n'a aucun sens : il n'y a ni promoteur, ni marché, ni plan, ni consentement des Premières Nations concernées.

Il y a dix ans, le Canada a tenté une grande entente avec l'Alberta. Le gouvernement a acquis le projet d'expansion de Trans Mountain en échange du système inefficace de tarification du carbone de l'Alberta, que le premier ministre Smith a récemment affaibli. Rien ne permet de croire qu'une nouvelle grande entente serait plus avantageuse.

Nous rejetons catégoriquement l'idée que cela représente une entente, quelle qu'elle soit.

Le projet Pathways CCUS ne compenserait pas les émissions liées à l'augmentation de la production nécessaire pour alimenter un nouvel oléoduc ou l'agrandissement d'un oléoduc de bitume.

Un renforcement de la tarification du carbone industriel est nécessaire, mais il ne compenserait pas l'augmentation des émissions due à l'accroissement de la production de pétrole et de gaz. Les contribuables ont investi 40 milliards de dollars dans l'achat et la construction de TMX. Nous refusons toute nouvelle subvention des contribuables pour les installations pétrolières et gazières ou pour la capture du carbone.

Ce n'est pas bâtir notre nation, c'est la trahir : trahir l'avenir de nos enfants, trahir les peuples autochtones et trahir les Canadiens qui, dans leur immense majorité, appuient la lutte contre les changements climatiques.

Les Canadiens veulent de l'énergie propre, des logements abordables et des transports propres. Pas un autre pipeline.

Signataires

Calgary Climate Hub, Canada's Clean50, Canadian Association Of Physicians For The Environment, Canadian Environmental Law Association, Canadian Voice Of Women For Peace, Change Course, Climate Action Network Canada, Climate Action Partnership, Climate Emergency Unit, Climatefast, Climate Justice Saskatoon, Coalition For Responsible Energy Development In New Brunswick (Cred-NB), Decolonial Solidarity, East Coast Environmental Law, Ecology Action Centre, Ecojustice, Environmental Defence, For Our Kids, For Our Kids Burnaby, Friends Of The Earth Canada, Gasp (Grandmothers Act To Save The Planet), Green 13, Greenpeace Canada, LeadNow, Ontario Clean Air Alliance, Ontario Climate Emergency Campaign, Re•generation, Sacred Earth, Seniors For Climate Action Now !, Shift : Action, Sierra Club Canada, Stand.Earth, The Climate Reality Project Canada, West Coast Climate Action Network, West Coast Environmental Law Association, West Kootenay Climate Club, Wilderness Committee, Windfall Ecology Centre, Youth Climate Save Canada, Zero Waste BC

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De plus en plus de personnes trans prennent le chemin de l’exil

2 décembre, par Courrier international — , ,
Sous la présidence Trump, les droits des personnes trans reculent à grande vitesse. Comme le rapporte le magazine “Time”, de nombreuses familles américaines s'expatrient, (…)

Sous la présidence Trump, les droits des personnes trans reculent à grande vitesse. Comme le rapporte le magazine “Time”, de nombreuses familles américaines s'expatrient, redoutant un climat politique de plus en plus hostile.

Photo et article tirés de NPA 29
18 novembre 25

Longtemps perçus comme un refuge pour les minorités sexuelles, les États-Unis voient aujourd'hui un nombre croissant de leurs citoyens fuir un pays devenu hostile envers les personnes trans, rapporte le magazine Time. Depuis la réélection de Donald Trump, les départs se multiplient, selon l'ONG canadienne Rainbow Railroad : “Les États-Unis demeurent le premier pays d'où proviennent les demandes d'aide”, indiquait sa responsable Latoya Nugent début octobre. “Environ deux tiers des requêtes reçues concernent des personnes trans.” À l'origine de cet exil inédit, une série de mesures prises dès le retour de Trump à la Maison-Blanche. L'hebdomadaire résume la situation :

“Dès son premier jour de retour à la Maison-Blanche, le président a signé un décret – actuellement suspendu mais toujours en cours d'examen par les tribunaux – reconnaissant seulement ‘deux genres, masculin et féminin', et cherchant à interdire aux personnes trans de modifier leur mention de genre sur les documents fédéraux.”

En parallèle, le ministère de la Santé a décrédibilisé les soins dits “d'affirmation de genre”, soutenus pourtant par toutes les associations médicales américaines, tandis que la justice fédérale enquête sur les médecins les pratiquant auprès de mineurs. Les conséquences sont visibles : plus d'une vingtaine d'hôpitaux ont suspendu ces soins, et les États conservateurs multiplient les interdictions. Selon l'ACLU (l'Union américaine pour les libertés civiles), plus de 600 textes anti-LGBTQI + ont été déposés en 2025. En Arizona, la famille Trujillo a quitté Tucson pour protéger Daniel, 15 ans, leur fils trans. Comme elle, de nombreux foyers cherchent à s'expatrier vers des pays jugés plus sûrs. L'exil ne touche plus seulement les militants. Monica Helms, vétérane et créatrice du drapeau trans, s'est installée au Costa Rica avec son épouse : “Nous ne sommes pas aimées par cette administration et elle profère chaque jour des menaces à notre encontre.” Cette fuite inverse un mouvement historique : “Jusqu'à présent, le message était : ‘Venez aux États-Unis, c'est un pays sûr et accueillant'”, observe Steve Roth, de l'Organisation pour le refuge, l'asile et la migration (Oram). “Mais tout cela s'est complètement inversé.” L'Amérique, jadis terre d'asile, devient pour une partie de ses propres citoyens un territoire à quitter, coûte que coûte.

18 novembre 2025
https://www.courrierinternational.com/

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30 mois pour un t-shirt

2 décembre, par Collectif — , ,
Une coalition mondiale exige la libération immédiate et inconditionnelle d'Ibtissame Betty Lachgar au 100e jour de son incarcération Nous, les organisations soussignées, (…)

Une coalition mondiale exige la libération immédiate et inconditionnelle d'Ibtissame Betty Lachgar au 100e jour de son incarcération

Nous, les organisations soussignées, condamnons la condamnation et l'emprisonnement d'Ibtissame Betty Lachgar, féministe et défenseure des droits humains marocaine condamnée à 30 mois de prison pour avoir publié sur les réseaux sociaux une photo d'elle-même portant un t-shirt sur lequel on pouvait lire « Allah est lesbienne » à Londres.

Elle avait déjà porté ce t-shirt en 2022 à l'étranger pour dénoncer la persécution des femmes lesbiennes en Iran. Le slogan s'inspire de la phrase féministe historique « J'ai vu Dieu. Elle est noire, communiste et lesbienne ».

L'emprisonnement de Betty depuis le 10 août 2025 constitue une grave violation des droits humains universels. Elle est détenue uniquement pour avoir exercé pacifiquement sa liberté de pensée et d'expression. Sa condamnation en vertu de l'article 267-5 du Code pénal marocain est contraire aux obligations du Maroc au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).

Elle s'est vu refuser des soins médicaux urgents et est détenue à l'isolement, en violation des Règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (Règles Mandela). Les autorités n'ont pas non plus réagi aux menaces de mort et de viol qui lui sont adressées de manière généralisée.

La coalition « Free Betty » exhorte les autorités marocaines à :

1. Libérer immédiatement et sans condition Ibtissame Betty Lachgar.
2. Appliquer les peines alternatives prévues par la loi marocaine, telles que l'assignation à résidence ou les travaux d'intérêt général.
3. Garantir des conditions respectueuses de sa santé et de sa dignité, notamment en mettant fin à son isolement et aux traitements inhumains.
4. Lui fournir des soins médicaux spécialisés urgents et adéquats, conformes aux normes internationales.
5. Abroger l'article 267-5 du Code pénal et toutes les dispositions restreignant la liberté d'expression.

Signatures :
Action, Culture & Émancipation ; Against Illiteracy and Poverty ; All Out ; Altradimora ; Atheist & Agnostic Alliance Pakistan ; Atheist Refugee Relief ; Bread and Roses TV ; California Freethought Day ; Center for Civil Courage ; Central Council of Ex-Muslims of Scandinavia ; Charlie Hebdo ; Council of Ex-Muslims of Britain ; Council of Ex-Muslims of Germany ; Conseil des ex-musulmans du Sri Lanka ; De Balie ; Det norske Hedningsamfunn ; Entre les lignes entre les mots ; esSENSE Global India ; Réseau européen des femmes migrantes ; Ex-Muslims International, comprenant 24 organisations ; Ex-Muslims of North America ; Ex-Muslims of Norway ; Ex-Muslims of Toronto ; Faithless Hijabi ; FEMEN ; Féminisme et géopolitique ; Femmes Solidaires ; FiLiA ; Fitnah, Mouvement pour la libération des femmes ; Freedom From Religion Foundation ; Freethought Lebanon ; Freethought Society ; Human Rights Tattoo ; Humanist Mutual Aid Network ; Humanists Sweden ; Iniziativa Laica ; Comité international contre les exécutions et la lapidatio ; Front féministe international, comprenant 81 organisations membres ; L'Association nationale des études féministes ; La Fuerza de Mujeres ; Laiques sans Frontières ; Learning through skills acquisition initiative – LETSAI Nigeria ; Les Amazones d'Avignon ; Ligue du Droit International des Femmes ; Livonia Salon ; MALI, Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles Maroc ; Manaarah ; Marea ; MicroMega ; Mouvement pour l'émancipation et la liberté de pensée ; Muslimish ; National Secular Society ; Norwegian Humanist Association One Law for All ; Pale Blue Dot Films ; Peter Tatchell Foundation ; Project Resist ; Rainbow Refugee Committee ; Regards de femmes ; Secularism is a Woman's Issue ; Shuddhashar FreeVoice ; Southall Black Sisters ; Tallahassee Atheists ; The Dissident Club ; The Freethinker ; The Pensive Quill ; Union femmes socialistes ; Uniting The Cults ; Viva Vegas Project ; Women Create International et Women Declaration International.

18 novembre 2025
Traduit par DE

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TDoR : commémorer est politique !

2 décembre, par Union Communiste Libertaire — , ,
Le Jour du souvenir trans a lieu chaque année le 20 novembre. Aussi connu sous le nom de TDoR (Trans Day of Remembrance), ce jour commémore les personnes trans tuées par la (…)

Le Jour du souvenir trans a lieu chaque année le 20 novembre. Aussi connu sous le nom de TDoR (Trans Day of Remembrance), ce jour commémore les personnes trans tuées par la transphobie, assassinées, suicidées ou victimes de la précarité financière et médicale, et rappelle l'importance des luttes trans. Plus que jamais, dans un contexte de montée du fascisme, il est nécessaire de défendre les droits des personnes trans !

Photo et article tirés de NPA 29
20 novembre 25

D'octobre 2024 à septembre 2025, ce sont 281 personnes trans qui ont été assassinées, d'après le rapport officiel Trans Murder Minotoring. Nous savons qu'il ne s'agit que de la pointe de l'iceberg, ce suivi est rendu extrêmement compliqué par la précarité et l'isolement que subissent les personnes trans et qui les invisibilisent. Parmi les victimes, 88% d'entre elles sont racisées, 90% sont des femmes, 34% sont des travailleuses du sexe, 14% sont des activistes pour les droits des personnes trans. Dans un contexte social et politique de plus en plus dur et transphobe, les personnes trans risquent également huit fois plus que les personne cis de faire une tentative de suicide dans leur vie.

Entre précarité, racisme et transmysonigie, les voix des personnes trans et leurs combats sont silenciés. Il s'agit d'une conséquence directe des volontés politiques réactionnaires croissantes qui tentent de nier l'existence des personnes trans en leur retirant leurs droits et en les déshumanisant.

Les offensives transphobe se poursuivent partout. Depuis les Etats-Unis, les politiques fascistes de Trump ciblent systématiquement les personnes trans : exclusion des clubs de sport, refus de l'autodétermination, limites dans l'accès aux soins et aux traitements hormonaux, fin des campagnes de prévention au suicide dans la communauté LGBTI… la liste est encore longue.

Au Royaume-Uni, la Cour Suprême a tranché pour une vision binaire du genre, donnant raison aux associations conservatrices. En France, si la Haute Autorité de Santé a affirmé, dans ses recommandations, l'autodétermination des personnes trans et la nécessité de la dépsychiatrisation des parcours de soin, elle s'est courbée face aux pressions des lobbys conservateurs en refusant d'appliquer ces recommandations aux mineur·es trans. Il faut aussi rappeler que les subventions aux associations féministes et LGBTI telles que les Plannings familiaux sont coupées, les centres de ressources ferment les uns après les autres, restreignant les accès effectifs aux soins nécessaires des personnes trans.

Les milliardaires s'unissent pour financer ces campagnes haineuses et s'épanouissent dans le capitalisme autoritaire qui s'impose notamment en Occident. En France comme ailleurs, les gouvernements coupent dans les budgets et les services publics de la santé et de l'éducation. Cette tendance à l'austérité est propice au retour du conservatisme qui sont autant de moyens de marginaliser encore plus des personnes déjà précaires. A cela s'ajoute les paniques morales telles que celle autour des participations des personnes trans aux compétitions sportives officielles.

Ce contexte actuel rappelle qu'il est crucial de soutenir les luttes trans, de rappeler que les politiques bourgeoises et réactionnaires doivent être combattues par l'ensemble du mouvement social. Nos luttes trans soutiennent les associations, les organisations et les syndicats qui luttent avec et pour les droits des personnes trans ! Nos luttes trans sont antifascistes, anticapitalistes, antiracistes et féministes !

Nos pensées vont à toutes les personnes trans tuées par la transphobie. Chaque victime est une victime de trop !

Luttons pour un féminisme trans !

Union Communiste Libertaire 19 novembre 2025

https://unioncommunistelibertaire.org/

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Pourquoi les syndicats québécois haussent-ils le ton contre la CAQ

2 décembre, par L'Étoile du Nord — , ,
Pourquoi les syndicats québécois haussent-ils le ton contre la CAQ ces derniers temps ? Le nouveau projet de loi 3 s'ajoute à une série de réformes qui ont irrité les (…)

Pourquoi les syndicats québécois haussent-ils le ton contre la CAQ ces derniers temps ? Le nouveau projet de loi 3 s'ajoute à une série de réformes qui ont irrité les syndicats. Le texte ajouterait de la bureaucratie à leurs procédures, couperait dans leur financement et limiterait leur participation politique. Pour les syndicats, le gouvernement « s'attaque à la liberté d'association et d'expression » et ils demandent le retrait immédiat du projet de loi.

28 novembre 2025 | tiré de l'Étoile du nord

Pourquoi les syndicats québécois haussent-ils le ton contre la CAQ ces derniers temps ? Le nouveau projet de loi 3 s'ajoute à une série de réformes qui ont irrité les syndicats. Le texte ajouterait de la bureaucratie à leurs procédures, couperait dans leur financement et limiterait leur participation politique. Pour les syndicats, le gouvernement « s'attaque à la liberté d'association et d'expression » et ils demandent le retrait immédiat du projet de loi.

Les audiences publiques sur le sujet se sont terminées aujourd'hui. Le gouvernement a reçu plusieurs syndicats, mais aussi plusieurs groupes de lobbying du patronat, qui ne sont pas touchés par la loi du tout. Parmi eux, l'Institut économique de Montréal et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Cette dernière, au nom trompeur, regroupe des entreprises de manufactures relativement importantes et de nombreux franchisés d'épicerie et de restaurants.

Éric Gingras, le président de la CSQ, n'en revient pas. « Le Code du travail est pourtant clair quant à l'effet que les employeurs ne peuvent s'immiscer dans les affaires syndicales. Ce projet de loi ne les regarde pas et, franchement, ceux qui ont choisi d'y participer devraient se retirer. »

Malgré toute cette agitation, le projet de loi reste mal compris par beaucoup. Voici, en résumé, les effets qu'il pourrait avoir, et pourquoi les syndicats s'y opposent autant.

Plus de bureaucratie

Le projet de loi 3 ajouterait une importante couche de bureaucratie. Tous les syndicats locaux devraient, chaque année, payer pour des vérifications financières lourdes, alors qu'on ne les impose ni à des associations comparables, ni au gouvernement, ni aux grandes entreprises. Le texte multiplie aussi les votes internes, plus complexes et sur davantage de sujets, en exigeant une foule de documents justificatifs qui ne sont demandés à aucune autre organisation.

Pour quelques grands syndicats déjà très bureaucratisés, ces règles pourraient, sur papier, améliorer un peu la transparence. La critique revient souvent : dans plusieurs accréditations locales, l'information sur les élections ou les négociations circule peu, les services sur le terrain sont limités, et certaines accréditations ont même été obtenues grâce à des ententes avec l'employeur pour écarter un syndicat plus combatif.

Mais une grande partie des syndicats locaux sont petits, gérés par des élus bénévoles qui manquent déjà de temps, surtout dans le privé. Beaucoup redoutent de voir la vie syndicale se réduire à de la paperasse, sans que la loi règle vraiment les problèmes historiques de gros syndicats déjà perçus comme extrêmement bureaucratiques.

Dans ce contexte, les petits syndicats de bonne volonté risquent d'être les premiers étouffés par les nouvelles exigences. Ils seraient « menacés d'étouffement en raison du coût de vérifications comptables qui représentent souvent entre 10% et 25% de leur budget de fonctionnement », précise Nicolas Lapierre, directeur québécois des Métallos.

Le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) va dans le même sens, ajoutant : « Ce projet de loi oblige la multiplication des votes et risque la lassitude démocratique en plus de générer un fardeau administratif disproportionné pour des sommes modestes », souligne Guillaume Bouvrette, président du SPGQ.

« Le gouvernement ne cesse de clamer haut et fort qu'il veut diminuer la bureaucratie de l'État, mais il impose aux syndicats exactement le contraire avec le PL3 », constate Bouvrette.

Des limitations financières et politiques

Sur le plan financier, le projet scinde les cotisations en deux : une part « principale » et une part « facultative ». Seule cette dernière pourrait financer des contestations judiciaires, des campagnes publiques ou des interventions dans des mouvements sociaux et politiques.

Les syndicats y voient une façon de limiter leur capacité à s'opposer à des lois jugées nocives pour leurs membres ou à soutenir des travailleurs en conflit. D'autres organisations représentatives, comme la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, n'ont pourtant aucune obligation de ce genre.

La CSN pense que cette division est artificielle. Elle rappelle que les lois définissent les syndicats comme visant « le développement des intérêts économiques, sociaux et éducatifs » de leurs membres.

« La Cour suprême du Canada a d'ailleurs reconnu, à plus d'une reprise, la légitimité de l'action politique des syndicats tout comme leur contribution au débat politique et social », ajoute la centrale syndicale.

Le SPGQ doute même que le gouvernement soit capable de répondre à ses propres exigences. Il souligne que lorsqu'une simple modification de cotisation a été demandée au printemps, l'ajustement n'a été appliqué qu'à la fin août, et que des problèmes subsistent encore. Répéter ce processus régulièrement serait, selon lui, un casse-tête disproportionné pour quelques dollars de cotisation facultative.

Contrôle gouvernemental

Finalement, le PL3 renforce l'emprise du gouvernement sur l'organisation interne des syndicats, alors qu'il dicte ce que leurs statuts doivent contenir. Il permettrait aussi à Québec d'imposer des façons de fonctionner aux organisations syndicales si leurs textes internes sont jugés insuffisants.
L'APTS juge que « le syndicalisme doit être pensé par et pour les membres, et non dicté par un gouvernement qui est à la fois juge et partie. »

Le mémoire présenté par la CSN aux audiences publiques ne mâche pas ses mots. La centrale juge que le PL3 « est hypocritement présenté » comme un encadrement des syndicats, alors que ce serait une « frappe planifiée et mesurée » dans un plan graduel de « neutralisation des syndicats ».

« L'objectif réel de ce projet de loi est de limiter le plus possible la fonction de contre-pouvoir et la capacité d'action collective », conclut le mémoire présenté par la CSN au sujet du projet de loi 3.

« Pendant que le gouvernement s'acharne sur les travailleuses et les travailleurs, que fait-il pour freiner la hausse de la rémunération des plus riches ? » s'insurge la présidente de la CSN, Caroline Senneville. « Que fait-il pour réglementer le lobbyisme des grandes entreprises ? Quand va-t-il s'intéresser à la transparence des entreprises privées ? Le gouvernement réclame plus de transparence pour les syndicats alors qu'il est embourbé dans les scandales économiques. La CAQ est mal placée pour donner des leçons. »

Jean Boulet, le ministre du Travail, a ouvert la porte à recevoir les commentaires des organisations syndicales sur « la façon d'appliquer » la loi. C'est bien peu pour les syndicats, tandis que plusieurs, dont la présidente de la FTQ Magali Picard, promettent qu'il n'y « aura plus de paix sociale » si le projet de loi est adopté tel quel.

Les grands syndicats du Québec appellent d'ailleurs la population à se mobiliser pour une grande manifestation en opposition aux politiques de la CAQ ce samedi 29 novembre, à 13h30, à la Place du Canada à Montréal.

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Fermetures d’Amazon : Oxfam et la CSN déposent une plainte à l’OCDE

2 décembre, par Confédération des syndicats nationaux (CSN), Oxfam-Québec — , ,
En fermant l'ensemble de ses centres de distribution au Québec à la suite de la syndicalisation de l'entrepôt DXT4 à Laval, Amazon a enfreint plusieurs éléments contenus dans (…)

En fermant l'ensemble de ses centres de distribution au Québec à la suite de la syndicalisation de l'entrepôt DXT4 à Laval, Amazon a enfreint plusieurs éléments contenus dans les Principes directeurs de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) à l'intention des entreprises multinationales sur la conduite responsable des entreprises. C'est le sens d'une plainte déposée aujourd'hui par Oxfam America, soutenue par Oxfam-Québec et la Confédération des syndicats nationaux (CSN), représentant les employé-es syndiqués d'Amazon à Laval.

Tiré de l'Infolettre En mouvement de la CSN

24 novembre 2025

« La CSN et Oxfam souhaitent demander un examen de la conformité d'Amazon aux principes directeurs de l'OCDE à la lumière des efforts de répression syndicale de l'entreprise, de son refus de participer à des négociations collectives et des licenciements massifs de travailleurs peu après la création du premier syndicat canadien de l'entreprise », indique la plainte déposée aujourd'hui auprès de l'OCDE.

La plainte rappelle le fil des événements ayant précédé la fermeture, le 22 janvier 2025, des sept entrepôts d'Amazon au Québec. Déjà, en 2024, la multinationale, basée aux États-Unis, avait été condamnée par le Tribunal administratif du travail pour s'être activement opposée à une tentative de syndicalisation à l'établissement YUL2 de Lachine. Une campagne antisyndicale a également été menée à l'entrepôt DXT4 au moment de sa syndicalisation. Par la suite, plutôt que de s'astreindre à son obligation de négocier avec les employé-es syndiqués de DXT4, Amazon a préféré fermer l'ensemble de ses installations québécoises, licenciant ainsi 1 700 employé-es et provoquant la perte de plus de 4500 emplois.

Pour Oxfam et la CSN, de tels agissements contreviennent aux chapitres II, IV et V des Principes directeurs de l'OCDE, notamment en violant le droit à la syndicalisation, le droit à la négociation collective ainsi que le droit de ne pas subir de menaces ou de représailles après avoir exercé de tels droits.

Les plaignants demandent à l'OCDE de faire appliquer ses principes directeurs auprès de la multinationale en exigeant de celle-ci qu'elle s'engage dans un processus de médiation visant, entre autres, la réintégration des 1 700 salarié-es des sept entrepôts, une indemnité d'un an de salaire pour chacun de ceux-ci et une garantie qu'Amazon exercera son devoir de diligence en matière de droits humains, comme prévu au chapitre IV des Principes directeurs de l'OCDE.

Elles ont déclaré :

« Les principes directeurs de l'OCDE ont été mis en place afin que les multinationales puissent être rappelées à l'ordre lorsqu'elles contreviennent aux droits des travailleuses et des travailleurs. C'est exactement le cas d'Amazon, qui a fermé ses entrepôts et licencié 1 700 employé-es pour éviter d'avoir à respecter leur droit à la syndicalisation et à la négociation collective », de déclarer la présidente de la CSN, Caroline Senneville.

« Les fermetures soudaines d'entrepôts et les licenciements massifs chez Amazon reflètent les préoccupations de longue date que nos collègues d'Oxfam America ont soulevées pendant des années à l'encontre d'Amazon : bas salaires, restriction de la liberté d'expression des travailleurs et pratiques de surveillance préjudiciables. Ces récentes décisions aggravent les inégalités et nuisent aux travailleurs du Québec et d'ailleurs. Une économie canadienne et québécoise forte ne peut exister qu'avec le respect des droits fondamentaux des travailleurs à s'organiser. Cette plainte est une étape nécessaire vers la redevabilité », selon la directrice générale d'Oxfam-Québec, Béatrice Vaugrante.

Oxfam est une organisation mondiale qui combat les inégalités pour mettre un terme à la pauvreté et aux injustices. Fondée en 1921, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) regroupe 330 000 travailleuses et travailleurs des secteurs public et privé, et ce, dans l'ensemble des régions du Québec et ailleurs au Canada.

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Québec-Haïti : la nécessité de la solidarité dans la lutte des travailleuses et des travailleurs

2 décembre, par Regroupement des Haïtiens de Montréal contre l'occupation d'Haïti (REHMONCO) — , ,
Nous dénonçons et condamnons les attaques systématiques du gouvernement du Québec contre les droits syndicaux 25 novembre 2025 |Tiré de Alter Québec Journal des (…)

Nous dénonçons et condamnons les attaques systématiques du gouvernement du Québec contre les droits syndicaux

25 novembre 2025 |Tiré de Alter Québec Journal des Alternatives

En effet, avec l'adoption d'une panoplie de lois, ce gouvernement s'inscrit dans une logique systématique de précarisation des conditions de travail des travailleurs et travailleuses en réduisant toute capacité de lutte et de négociation du secteur syndical. À titre d'exemple, le projet de loi 1 menace de démanteler la Charte des droits et libertés.

Ce faisant, l'adoption de ce projet de loi amènerait à la destruction des outils juridiques protégeant tant soit peu les libertés. C'est le cas également du projet de loi 8 (devenu maintenant le PL3) qui remet en cause les moyens de pression dont disposent les syndicats des travailleurs et travailleuses pour exiger de meilleures conditions de travail. En adoptant un tel projet de loi, le gouvernement cherche à précariser les conditions de vie des travailleurs et travailleuses au profit du patronat.

Face à de telles attaques contre les travailleurs et travailleuses, il est essentiel de soutenir la grande manifestation du mouvement syndical le 29 novembre 2025. Nous encourageons tous les travailleurs, toutes les travailleuses, toutes les personnes conscientes de l'importance des droits et des acquis sociaux à manifester massivement contre la régression des droits des travailleurs et des travailleuses au Québec.

Et comme toute attaque contre les travailleurs et travailleuses dans n'importe quelle partie du globe est une attaque contre tous les travailleurs et toutes les travailleuses dans le monde entier, nous tenons du même coup à dénoncer et condamner la forte précarisation des conditions de travail en Haïti.

Comme les anciens gouvernements du régime néoduvalieriste Tèt Kale (PHTK), le gouvernement de coalition d'Alix Fils Aimé profite du climat d'insécurité à grande échelle pour maintenir les travailleurs et travailleuses dans des conditions de travail infrahumaines. C'est le cas par exemple des travailleurs et travailleuses du secteur industriel ou le gouvernement a bloqué de façon unilatérale l'ajustement du salaire minimum alors que l'inflation varie autour de 30 à 40 % au rythme annuel depuis environ 3 ans.

En outre, le personnel du secteur de la santé est également fortement éprouvé par la ganstérisation de la société. De surcroît, l'État haïtien en profite depuis plusieurs années pour les maintenir dans des conditions de vie et de travail exécrables. C'est pourquoi qu'il est urgent d'appuyer également la mobilisation des résidents et résidentes de l'hôpital Isaïe Jeanty Chancerelles pour exiger de meilleures conditions de travail

Le personnel enseignant de la fonction publique tant des écoles que de l'université n'a pas eu également d'ajustement salarial depuis plusieurs années. Ce processus de précarisation affecte également le secteur sanitaire. Comme dans les autres secteurs, les travailleurs et travailleuses de la santé sont contraint.es, de survivre avec des salaires de misère alors qu'ils et elles doivent faire face à une inflation galopante au quotidien.

Pour toutes ces raisons, nous soutenons la grève du personnel enseignant de l'Université d'État d'Haïti (UEH) — campus Limonade. Nous dénonçons le rectorat de l'UEH qui se lance dans une politique de faux-semblant consistant à prendre des mesures cosmétiques à travers une vaste campagne médiatique. Alors que l'institution universitaire se meurt sous les effets conjugués de la crise sociopolitique du pays et de la crise de gouvernance de l'UEH, le nouveau recteur, Dieuseul Prédélus, est en train de poser des actions qui n'ont pas de prise sur la situation de dégradation de l'institution. Comme d'habitude, la grève du corps enseignant témoigne de la grande myopie du rectorat de l'UEH.

Soulignons que toutes les entités facultaires de l'UEH, se trouvant dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince, sont vandalisées. Comme son prédécesseur, monsieur Fritz-Deshommes, le nouveau recteur de l'UEH, monsieur Dieuseul Prédélus, « oublie » de demander au pouvoir exécutif de rétablir la sécurité dans le pays. Il s'en fiche de la violence qui s'abat sur les travailleurs et les travailleuses, la population étudiante de l'institution universitaire. À l'échelle du pays, cette insouciance met en lumière l'absence de l'UEH dans la lutte du peuple haïtien pour exiger ne serait-ce que le rétablissement de la sécurité dans le pays.

Les droits et les acquis sociaux des travailleurs et travailleuses doivent être défendus aussi bien au Québec, en Haïti que dans n'importe quel autre pays. Le programme néolibéral pris en charge en grande partie actuellement par les gouvernements d'extrême droite devient de plus en plus hégémonique au niveau mondial. À nous aussi, travailleurs et travailleuses de tous les secteurs de mondialiser la lutte. La solidarité est donc de mise.

Voilà pourquoi du Québec à Haïti fidèle à ses convictions, le REHMONCO soutient fermement la lutte des travailleurs et travailleuses pour exiger de meilleures conditions de travail et de défendre leurs droits et acquis sociaux.

Pour authentification,

Renel Exentus,
Frank W. Joseph
Montréal, le 24 novembre 2025

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Projet de loi nº 7 : Le SPGQ déplore le manque de vision du gouvernement

2 décembre, par Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) — , ,
Québec, le 26 novembre 2025 - Dans son mémoire <> déposé lors de la commission parlementaire sur le projet de loi nº 7, Loi visant à réduire la bureaucratie, à accroître (…)

Québec, le 26 novembre 2025 - Dans son mémoire <> déposé lors de la commission parlementaire sur le projet de loi nº 7, Loi visant à réduire la bureaucratie, à accroître l'efficacité de l'État et à renforcer l'imputabilité des hauts fonctionnaires (PL 7), le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) a déploré que le gouvernement évite les réels enjeux d'efficacité de l'État et affaiblisse les contrepouvoirs.

Le projet de loi sème l'inquiétude au sein du personnel des organismes touchés. « Aucune vision claire n'est fournie quant à l'avenir des missions concernées ou des personnes salariées transférées. La ministre a évoqué des économies de 35 M$ et de 220 postes. Est-ce qu'elles seront obtenues par des compressions de personnel qui auront lieu après le transfert ? Si oui, il faut s'attendre à une perte d'expertise, à l'alourdissement de la charge de travail, à la fragilisation de missions essentielles, à une détérioration du climat de travail, bref à de l'incertitude généralisée », s'inquiète le président, Guillaume Bouvrette.

Par ailleurs, le Syndicat déplore l'absence de consultation préalable au dépôt du projet de loi. « C'est, encore une fois, une occasion manquée. Une réelle révision doit se faire en amont, de façon coordonnée, transparente et surtout avec celles et ceux qui portent la mission de l'État au quotidien et qui en ont une connaissance pointue. D'ailleurs, il est inconcevable que la sous-traitance ne soit pas prise en considération dans cet exercice », souligne M. Bouvrette.

« La Commission de la fonction publique, qui doit surveiller le Secrétariat du Conseil du trésor (SCT), sera abolie et ses pouvoirs seront transférés au SCT et au Tribunal administratif du travail. Qui sera le chien de garde de l'État ? C'est un risque de recul grave pour l'imputabilité et pour les valeurs fondamentales de la fonction publique québécoise. Les responsabilités devraient être confiées à un organisme indépendant relevant de l'Assemblée nationale », mentionne le président.

La situation est similaire pour l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) qui sera transféré au nouvel Institut québécois de santé et de services sociaux. « Le PL 7 ne donne aucune garantie claire quant au maintien de l'indépendance de la recherche scientifique et des mandats qui seront confiés au nouvel institut. Le changement de rapport hiérarchique avec Santé Québec et le ministère de la Santé et des Services sociaux fait craindre une perte ou un affaiblissement de l'indépendance de l'INESSS dans ses avis », appréhende Guillaume Bouvrette.

Source
Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec

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Un an de Santé Québec : un constat d’échec lamentable

2 décembre, par Confédération des syndicats nationaux (CSN) — , ,
Douze mois après l'entrée en force de l'agence Santé Québec comme employeur du réseau de la santé et des services sociaux, cette dernière présente un bilan catastrophique, aux (…)

Douze mois après l'entrée en force de l'agence Santé Québec comme employeur du réseau de la santé et des services sociaux, cette dernière présente un bilan catastrophique, aux antipodes des promesses faites à la population par le ministre de la Santé. La CSN, qui mène la campagne Faire front pour le Québec, réclame un réseau public de santé et de services sociaux plus décentralisé pour bien répondre aux besoins de la population.

Santé Québec et ses « top guns du privé » devaient améliorer la performance et l'efficacité du réseau, assurait Christian Dubé. Un an plus tard, force est de constater que sa réforme bureaucratique n'a eu aucun des bénéfices promis. Pire encore, l'arrivée de Santé Québec a réduit l'imputabilité du gouvernement et l'a déconnecté davantage des besoins de la population.

La liste des ratés est longue : retards de paiements de la rétroactivité et de plusieurs primes, pénurie de personnel, gel d'embauches, infrastructures vieillissantes, explosion des coûts d'entretien et de rénovation, déshumanisation des soins par le recours à des applications de surveillance du personnel, surcharges de travail qui persistent, etc. Sans oublier les nombreuses erreurs et irrégularités des chantiers informatiques (Dossier santé numérique et SIFA), dignes du scandale SAAQclic.

Gaspillage de fonds public

Santé Québec s'est fait le maître d'œuvre des compressions dans les soins et les services à la population, de la multiplication des bris de services et de l'allongement des listes d'attente.

« Depuis l'arrivée de Santé Québec, nous avons assisté à la prolifération des postes-cadres, entre autres pour le recrutement de “talents” et l'octroi de contrats lucratifs à des firmes privées. Santé Québec a dilapidé l'argent des contribuables en salaires et avantages sociaux pour une poignée de bureaucrates grassement payés », dénonce le président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS–CSN), Réjean Leclerc.

« Sur le plancher, les travailleuses et les travailleurs manquent de tout. Plutôt que d'investir dans les soins et les services à la population, ce gouvernement a préféré dépenser, à grands frais, dans une nouvelle couche de bureaucratie inefficace. C'est un vrai gâchis », déplore Carole Duperré, vice-présidente responsable du secteur public à la FSSS–CSN.

« Le personnel sur le terrain le constate chaque jour : Santé Québec a augmenté leur surcharge et détérioré le climat de travail, tout en n'améliorant aucunement l'accès de la population aux soins et aux services dont elle a besoin », ajoute la présidente de la Fédération des professionnèles (FP–CSN), Jessica Goldschleger.

En fait, la réforme Dubé et Santé Québec ont précipité le réseau dans une crise sans précédent. « M. Dubé se targuait de vouloir ébranler les colonnes du temple. Il l'a plutôt jeté à terre. Le réseau n'a jamais subi autant d'attaques de la part d'un gouvernement et celles-ci profitent aux entrepreneurs privés comme ceux que M. Dubé est allé recruter pour la mise sur pied de Santé Québec. Pour la CSN, il n'y a pas de profit à faire avec la maladie, c'est pourquoi on continue de faire front pour un réseau vraiment public », termine la présidente de la CSN, Caroline Senneville.

Faire front pour le Québec

La CSN mène la campagne Faire front pour le Québec pour inviter la population à se mobiliser face au bilan désastreux du gouvernement Legault. La CSN fait front pour un meilleur partage de la richesse, pour des services publics aptes à s'occuper de la population et pour une transition juste.

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Nasser Abu Srour. l’écriture en ultime salut

2 décembre, par Mustapha Saha — , ,
Paris. Mardi, 18 novembre 2025. L'écrivain palestinien Nasser Abu Srour reçoit le prix de la littérature arabe pour son livre Je suis ma liberté , traduction française par (…)

Paris. Mardi, 18 novembre 2025. L'écrivain palestinien Nasser Abu Srour reçoit le prix de la littérature arabe pour son livre Je suis ma liberté , traduction française par Stéphanie Dujols, éditions Gallimard, 2025.

Par Mustapha Saha.Paris.

Il vient de quitter les geôles sionistes, à l'âge de cinquante-six ans, après trente-deux ans d'incarcération. Il découvre, quand la lecture lui est permise, Sören Kierkegaard, Arthur Schopenhauer, Léon Tolstoï. Un être libre l'est dans sa tête, en toutes circonstances. Le récit, véritable traité de la condition carcérale sous régime sioniste, d'une empoignante profondeur philosophique, est sorti clandestinement. Il lui a fallu deux ans pour parvenir à l'éditeur libanais Dar Al-Adab, qui l'a publié en 2022. La prédation coloniale, territoriale, culturelle se décrit avec une ironie dévastatrice. Tout passe au crible de la critique sans concession, à commencer par la société palestinienne, déchirée par ses dissensions idéologiques, ses contradictions internes, ses survivances patriarcales, ses fautes stratégiques. S'invente une stylistique singulière, concise, incisive. La plume surfe entre réflexions historiques, observations existentialistes, méditations métaphysiques, confessions affectives. Se décrivent, avec une pudeur remarquable, les souffrances, les traumatismes, les tortures. La pensée va et vient entre immanence et transcendance. Au-delà du calvaire, s'éploie une éthique, une esthétique, une poétique. Le mur cellulaire se métamorphose en personnage. « C'est l'histoire d'un mur qui m'a pris pour témoin de ses paroles et de ses actes. Je suis la voix de ce mur. Pendant l'interrogatoire, tu es l'odeur de ta sueur, le goût de ta défaite, la proie de tes doutes. Tu es une vieille copie d'un document au bas duquel est griffonnée ta signature tremblotante ». A aucun moment, les avilissements ne semblent atteindre son âme. A aucun moment, il ne se déshumanise. Ne survivent dans l'horreur absolue que les traces d'écriture.

Trente-deux ans d'enfermement. Nasser Abu Srour a traversé toutes les géhennes. Il affronte l'isolement dans le sous-sol Ramleh, dantesque à rendre fou n'importe qui. A Ashkelon, il peut exceptionnellement recevoir ses proches pendant trois quarts d'heures. « Trois quarts d'heures où je chute de mon mur sans me soucier du sol sur lequel mes os se fracassent ».

Les prisonniers assistent impuissants à la mort lente de leur révolution, aux sursauts de la première et deuxième intifada, aux printemps arabes suivis d'automnes cauchemardesques, aux compromissions d'Oslo. Nasser Abu Srour est sans cesse soumis aux pires épreuves. Il est transféré dans le centre de haute sécurité de Nafha, dans le désert du Neguev, entre chiens hurlants et fantômes hallucinants. Le temps s'anéantit. Il s'imagine poète préislamique. La page blanche est le territoire infini de l'écrivain. Il ne rêve que d'une retraite d'écriture. Le prisonnier affamé, réduit à l'état de squelette, est privé de papier, d'instruments d'écriture. Les idées stockées dans la mémoire s'évaporent. Des poèmes s'apprennent par cœur. Tout se volatilise. Le corps agonise. L'esprit se désynchronise. Les mots eux-mêmes périssent. « C'est comme dans les cauchemars, disait Tom. On veut penser à quelque chose, on a tout le temps l'impression que ça y est, qu'on va comprendre et puis ça glisse, ça vous échappe et ça retombe. Il y a des moments où j'y arrive presque. Et puis ça retombe » (Jean-Paul Sartre, Le Mur).

Le mur de la cellule, unique interlocuteur. Atmosphère sartrienne. « Comme si le mur de la mort arborait le sombre éclat du miroir : mur, miroir, mouroir. Dès lors, tous les jeux d'optique s'organisent depuis cet écran incurvé de la cellule. Plaque sensible, la paroi réflexive s'impressionne du moindre signe. Elle convertit toute chose en effet spéculaire. Comme si le supplice n'était que de cette visibilité des corps qu'un œil monstrueusement présent n'en finit pas de traquer. Les croisements de regards, blessants, meurtriers, que génère tel œil oppressif sont autant de passes d'arme distillant la coulée de mort que le récit anticipe. Les prisonniers ne peuvent échapper à l'indiscrétion intraitable de cette réverbération qui, dispersant, amplifiant l'énergie visuelle, s'abat sur eux, les enserre, ruisselle de leur corps » (Jean-Paul Sartre). Face-à-face avec le mur, avec la mort, avec la lueur, à peine perceptible, qui se nomme survie. Cette limite où la raison et la folie s'abolissent dans une lucidité seconde. Ce moment où se pose la question vitale du sens. On ne peut approcher le sens que dans la succession discontinu d'instants. La folie sioniste se révèle dans un regard, un geste, une intonation. La pensée se fraie, envers et contre tout, un chemin de liberté entre les fissures. La conscience se glisse dans les interstices. Elle est menacée, à tout moment, par le silence. Elle saisit par bribes les finalités confuses. Le sens se dérobe quand elle croit l'atteindre. Nasser Abu Srour procède inlassablement, méthodiquement, à sa propre mise à nu. « Rien ne m'intéresse dans cette cellule à part le mur. S'accrocher à un mur est le chemin le plus court pour le franchir. Celui-là ne porte pas le deuil. Il se transforme en cahier sur lequel je peux consigner tous les textes que je veux ».

Comment admettre l'engoufrement ? L'abîme ? L'insondable abysse ? Le sens se dissout dans le néant. Franz Kafka a tout décrit. L'inculpé, accablé de péchés, ne comprend rien au procès qu'on lui intente. Il est livré, pieds et mains liés, à la méprise, au malentendu, à l'arbitraire. Il tourne en rond. Il ne connaît que les méandres bureaucratiques, les procédures dédaléennes, les corridors interminables. Nasser Abu Srour est rescapé de l'enfer sioniste, miraculé des couloirs de la mort. Un témoin primordial devant l'histoire. Il surfe dans la trombe existentielle. Le concept d'angoisse de Sören Kierkegaard est rédigé en 1844, la même année que Les Manuscrits de 1844 de Karl Marx. 1844 est aussi l'année de naissance de Friedrich Nietzsche (1844-1900). Tournant décisif de la pensée délivrée de l'idéalisme hégélien. Une histoire personnelle aussi, à travers Mai 68, qui révèle des affinités. L'empreinte kierkegaardienne étaye Je suis ma liberté. Une angoisse créative. « L'angoisse est le vertige de la liberté ». N'y manque rien. Pas même Le Journal d'un séducteur, avec l'amour fulgurant, platonique par incommunicabilité charnelle, de Nasser Abu Srour et son avocate italo-palestinienne, Nanna. Le poète se sauve en disant adieu au monde. Il emprunte la nef de l'écriture. Je suis moi-même adolescent dans les années soixante. Trois livres de Sören Kierkegaard me sont offerts par mon professeur de lettres au lycée Moulay Abdallah de Casablanca, Jean-Pierre Koffel. Ils ne me quittent plus. Je les revisite comme des lieux familiers. Du Concept d'angoisse, Traité du désespoir ou la maladie mortelle, Le Journal du séducteur. L'œuvre kierkegaardienne est une planète extraterrestre. Une existence humaine ne suffit pas pour explorer ses labyrinthes. Je ne doute pas que Nasser Abu Srour a identifié Nanna à la Cordélia du Journal d'un séducteur.

Le mur carcéral devient concept, entité vivante, alter ego commensal. Comment faire de sa vie, une expression de la vérité, une authenticité, une palpabilité et non un simple discours ? Il faut que le discours s'énergise d'une substance existentielle pour devenir une parole essentielle, une écriture. La sagesse n'est pas uniquement cognitive. La sagesse est avant tout pratique. L'écriture la sublime et la perpétue. La philosophie qui spécule sur la mort, sans ressentir crainte et tremblement, ignore la quintessence de l'existence. Elle traite de la mort comme d'un concept et non comme d'un bouleversement physique, aérodynamique, organique, anatomique, génétique. La science, la connaissance n'ont de raison d'être que si elles sont transformatrices de l'existence en général, de la vie personnelle en particulier. Resurgit le mot d'ordre rimbaldien Changer la vie, revendiqué haut et fort par Mai 68. Sur les murs de la faculté de Nanterre, un slogan explose aux yeux : Professeurs, vous êtes vieux, votre savoir aussi. Quand Nasser Abu Srour fait le deuil du monde et de l'amour, il renonce à lui-même. Il ouvre les vannes de l'écriture. Un eécriture vivante, vitalisante, régénérante. Quand le mystère est opaque, l'écriture saute dans le vide.

Nasser Abu Srour vit dans l'angoisse permanente. Les cerbères ne lui laissent aucun répit. L'angoisse est indétectable, indéfinissable, immaîtrisable. Elle n'a pas de raison déterminable, intelligible, analysable. Pour Sören Kierkegaard, l'anxiété est à double tranchant. Elle est, d'un côté, un terrible fardeau au seuil d'un choix existentiel capital, d'un autre côté, une exaltation du libre arbitre. Seul un être libre peut faire l'expérience de l'angoisse, de la liberté comme obstacle et pesanteur, comme vertige des possibles. La liberté du choix est un pari sur l'imprévisible, un saut dans l'inconnu. Le devenir est imprédictible. Quand un geôlier annonce à Nasser Abu Srour sa libération, le condamné à perpétuité n'y croit pas. Il s'est coulé, depuis longtemps, dans la peau de captif éternel. Il apprivoise le nihilisme du désespoir. La liberté s'intériorise. Une liberté rhizomique, sans cachots, sans casemates, sans miradors. « Je suis privé de ma liberté. Je suis ma liberté ».

Nasser Abu Srour fait sienne la devise nietzschéenne écrite, en 1888, dans Le Crépuscule des idoles : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort ». Un slogan soixante-huitard encore. L‘autodépassement face l'adversité. Le malheur ne rabaisse pas les âmes aguerries. Il les fortifie. Il les élève. Le poète se délivre du jugement moral. La morale veut améliorer l'humain, le domestiquer, le dresser, le rendre docile, en faire une bête malade, par la maltraitance, la torture, la peur. Nasser Abu Srour résiste opiniâtrement à l'affaiblissement psychique. Il le dit avec humour. Les privations de nourriture n'ont aucun effet sur lui. Il est déjà maigre. Il suffit de changer la grille de lecture, au-delà de l'implacable procès de l'abominable, pour voir transparaître des pérégrinations philosophiques insoupçonnables.
Mustapha Saha.
Sociologue.

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Ruptures : Le nouveau Manifeste de la IVe Internationale

Le nouveau Manifeste de la IVe Internationale est maintenant disponible aux éditions La Brèche (2025, 4 euros). Ce Manifeste pour une révolution écosocialiste, rompre avec la (…)

Le nouveau Manifeste de la IVe Internationale est maintenant disponible aux éditions La Brèche (2025, 4 euros). Ce Manifeste pour une révolution écosocialiste, rompre avec la croissance capitaliste est un document qui marque une nouvelle étape dans l'histoire du mouvement fondé en 1938 par Léon Trotsky et ses camarades.

Tiré de Inprecor 738 - novembre 2025
30 novembre 2025

Par Michael Löwy

Depuis le Manifeste des Égaux (1796) de Babeuf et le Manifeste Communiste (1848), beaucoup de documents de ce genre ont surgi au cours de l'histoire du mouvement ouvrier. Certains, comme celui de Marx et Engels en 1848, ont marqué des générations de lecteurs. D'autres ont vite été oubliés… Malgré leurs différences, ils partagent certaines caractéristiques :

• le désir de porter à la connaissance de tou·tes une proposition nouvelle,

• un résumé des principales analyses, ainsi que du programme et de la stratégie d'un mouvement politique,

• un langage accessible au plus grand nombre,

• l'interaction entre des analyses de conjoncture et l'affirmation de quelques principes fondateurs.

On peut considérer le texte fondateur de la Quatrième Internationale, L'Agonie du capitalisme et les tâches de la IVe Internationale, connu comme Programme de Transition (1938), comme un manifeste, même si ce terme ne figure pas dans son intitulé. La IVe Internationale a désigné plusieurs autres documents comme des manifestes : par exemple, en 1948 fut publié le Manifeste du Deuxième Congrès de la Quatrième Internationale : Contre Wall Street et le Kremlin. Pour le programme du Manifeste Communiste. Pour la Révolution Socialiste Mondiale, qui marque sans doute un tournant par rapport à ce qu'avait envisagé Léon Trotsky en 1938 (1). Le même constat vaut pour Socialisme ou Barbarie. Au Seuil du 21e siècle. Manifeste de la Quatrième Internationale, de 1993, qui prend acte de la disparition du prétendu « socialisme réel ».

Un manifeste de notre temps

Le nouveau Manifeste pour la révolution écosocialiste cherche à esquisser des pistes pour comprendre et agir face aux défis de notre époque. Il a, bien entendu, beaucoup en commun avec ceux de 1938, 1948 et 1993 : comme eux, il propose une analyse marxiste de la conjoncture, aussi bien économique que sociale et politique, un « programme de transition » (selon la méthode définie par Trotsky), une stratégie révolutionnaire et un horizon socialiste. Mais il n'en présente pas moins des particularités qui le distinguent des textes précédents.

Alors que le Programme de Transition de 1938 a été rédigé par Léon Trotsky et le Manifeste de 1993, en large mesure, par Ernest Mandel, le nouveau Manifeste de l'Internationale est le produit d'un travail collectif, qui a duré plus d'une année, et où se sont investi·es des camarades du Nord et du Sud Global, sous la coordination de Daniel Tanuro.

Le Manifeste de 1938 affirmait que « les forces productives de l'humanité ont cessé de croître. Les nouvelles inventions et les nouveaux progrès techniques ne conduisent plus à un accroissement de la richesse matérielle  ». Ce qui constituait, selon le document, une « prémisse économique  » de la révolution prolétarienne (2). Quoi qu'on puisse penser de la validité de ce jugement en 1938, dans l'après-guerre on ne pouvait plus nier que les forces productives continuaient à croître et qu'on assistait, dans le cadre du capitalisme, à un « accroissement de la richesse matérielle » – certes usurpé par une minorité d'exploiteurs (3).

Or, en 2025, pour le nouveau Manifeste, cet « accroissement de la richesse matérielle  », cette croissance capitaliste sans bornes et sans limites, est précisément ce qu'il faut combattre : « rompre avec la croissance capitaliste » ! C'est aussi une rupture avec une certaine conception du progrès, de la richesse matérielle, et du « développement des forces productives ». Ce changement est l'expression d'un fait évident : la crise écologique représente, en 2025, une menace existentielle pour l'humanité, ce qui n'était pas du tout le cas en 1938.

La place de l'écologie

La IVe Internationale a pris progressivement conscience du défi écologique. Absente des manifestes de 1938 et 1946, la question est présente dans celui de 1993, mais de façon limitée : il s'agit d'un chapitre parmi les 22 du document, et il s'inquiète surtout de la pollution et de l'épuisement des ressources naturelles. Le tournant est pris en 2003, au 15e Congrès, avec la résolution « Écologie et socialisme », la première dans l'histoire de l'Internationale à avoir la crise écologique pour thème central. Le terme « écosocialisme » apparaît ici aussi pour la première fois, pour décrire un des courants de la gauche écologique, avec lequel on s'identifie :

En rupture avec l'idéologie productiviste du progrès – dans sa forme capitaliste et/ou bureaucratique (dite « socialiste réelle ») – et opposé à l'expansion à l'infini d'un mode de production et de consommation destructeur de l'environnement, l'écosocialisme représente dans le mouvement ouvrier et dans l'écologie la tendance la plus sensible aux intérêts des travailleurs et des peuples du Sud, celle qui a compris l'impossibilité d'un « développement soutenable » dans le cadre de l'économie capitaliste de marché. (4)

Le document de 2003 esquisse aussi un bilan critique du retard pris par la IVe Internationale dans la compréhension et la prise en charge de la question écologique. Une section intitulée « La IVe Internationale et la crise écologique » est consacrée à ce bilan « autocritique » :

Comme ce fut le cas pour la plupart des partis du mouvement ouvrier, cette problématique n'a pas été abordée dans les premières années d'existence de notre Internationale. Il serait inutile de la chercher, par exemple, dans le Programme de transition, qui est le document programmatique de base du congrès de fondation en 1938. Dans la période qui a suivi la seconde guerre mondiale, les marxistes révolutionnaires n'ont pas du tout ignoré la destruction de l'environnement et la pollution de l'air et de l'eau. Mais ces phénomènes n'étaient considérés que comme l'une des conséquences néfastes d'un système exploiteur et inhumain et non perçus comme un phénomène global qui menace de détruire les bases mêmes de toute vie. [...]

La plupart des sections n'ont commencé à se poser les problèmes écologiques que lorsqu'ils ont fait les gros titres de la presse à la suite des actions d'autres forces. Il s'en est suivi que le débat au sein de l'Internationale a été relativement lent. Tandis que d'autres courants et individus discutent de la question de l'écologie et du socialisme depuis des dizaines d'années, les marxistes révolutionnaires sont restés plutôt silencieux.

Un autre pas en avant important fut pris au 16e Congrès, en 2018, quand l'écosocialisme fut adopté comme orientation de l'Internationale – il figure dans le titre de la résolution : « La destruction capitaliste de l'environnement et l'alternative écosocialiste  ». Le document fut dédié « à la mémoire de Berta Caceres, militante indigène écologiste et féministe du Honduras, assassinée le 3 mars 2016 par les hommes de main des multinationales, ainsi que de tous les martyrs des luttes pour une justice environnementale  » (5).

La question de la décroissance

Cette résolution posait déjà l'impératif de la décroissance – dans une section intitulée prudemment « Débats en cours, clarifications, questions ouvertes » – tout en signalant qu'il ne s'agissait pas d'un programme ou d'un projet de société, puisqu'elle ne disait rien des rapports de production et de propriété (6).

Dans le Manifeste de 2025, la décroissance n'est plus une « question ouverte », mais une nécessité incontournable. Elle est affirmée dès le titre du document, qui rappelle l'impératif de «  rompre avec la croissance capitaliste ». La décroissance juste, écosocialiste, prend cependant en compte le développement économique inégal et combiné : « La consommation finale mondiale d'énergie doit diminuer radicalement – ce qui implique produire moins et transporter moins à l'échelle mondiale – tout en augmentant la consommation d'énergie dans les pays les plus pauvres, pour satisfaire les besoins sociaux  » (7).

Cela dit, les pays pauvres peuvent, eux aussi, contribuer à la décroissance écosocialiste globale en supprimant la consommation ostentatoire de l'élite parasitaire, en luttant contre les mégaprojets écocides et la destruction des biomes par l'agrobusiness et l'industrie minière (8).

Le Manifeste de 2025 s'appuie sur les acquis des résolutions écologiques des deux décennies précédentes, mais il se distingue par différents aspects :

• la conscience aigüe du danger : l'écosocialisme est nécessaire si l'on veut «  sauver l'humanité d'une catastrophe écologique sans précédent dans l'histoire humaine ».

• la nécessité « d'actualiser les analyses du marxisme révolutionnaire ».

• la reconnaissance du besoin d'une « large refondation » de notre programme et de notre stratégie, une véritable « reformulation du projet socialiste ».

• désormais, le dépassement de la « fracture métabolique » (Marx) entre les sociétés humaines et la nature, le respect des équilibres écologiques, «  ne sont pas seulement des chapitres de notre programme et de notre stratégie, mais leur fil conducteur ».

• une réflexion plus soutenue sur notre projet de civilisation alternative, « le monde pour lequel nous nous battons  ».

Le Manifeste pour la révolution écosocialiste est le document le plus systématique et approfondi de la IVe Internationale au 21e siècle. Mais il ne se présente pas comme « le mot de la fin ». Il se veut une contribution au débat, ouverte à la discussion et aux critiques.

Le 26 septembre 2025

1. Par exemple, le diagnostic d'un « désarroi » et d'une « impasse » de la bourgeoisie internationale et d'une « agonie » du capitalisme.

2. Programme de transition (1938), Paris, Éditions de la taupe rouge, p. 20.

3. Ce n'est que d'un point de vue économiciste, bourgeois et impérialiste qu'on peut considérer les années 1945-1975 comme des Trente glorieuses. Glorieuses pour qui ? Certainement pas pour la majorité de l'humanité, soumise aux brutales guerres coloniales en Asie (Indochine) et en Afrique (Algérie, colonies portugaises), aux sanglantes dictatures militaires en Amérique latine et aux régimes fascistes dans plusieurs pays d'Europe (Portugal, Espagne, Grèce).

4. «  Écologie et socialisme », section « Le mouvement ouvrier et l'écologie  ».

5. Inprecor n° 664, mars 2018, p. 3.

6. Ibid, p.34.

7. Manifeste pour une révolution écosocialiste, rompre avec la croissance capitaliste, Paris, La Brèche, 2025, p. 18.

8. Ibid, pp. 54-55.

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Palestine. La boussole de Francesca Albanese

2 décembre, par Martine Bulard — , ,
Rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits humains dans les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese souligne, dans son dernier ouvrage Quand le monde (…)

Rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits humains dans les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese souligne, dans son dernier ouvrage Quand le monde dort. Récits voix et blessures de Palestine, le fossé entre les principes du droit international et la « réalité brutale » des rapports de force sur le terrain. Une réalité aussi explorée dans le documentaire de Christophe Cotteret, Disunited Nations — Proche-Orient : l'ONU dans la tourmente, qui sera diffusé sur Arte le 9 décembre 2025.

Tiré d'Orient XXI.

Francesca Albanese, Quand le monde dort. Récits, voix et blessures de Palestine.
Mémoire d'encrier, Montréal, 2025, 260 pages

Quand le monde dort devant l'élimination du peuple palestinien et l'écrasement de Gaza, rien ne doit être négligé pour le secouer, l'obliger à regarder la réalité en face. Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits humains dans les territoires palestiniens occupés, s'est fixé cet objectif, et elle n'en démord pas. Déjà, dans le cadre de sa mission onusienne, elle a publié quatre rapports aux titres fort explicites : « L'Anatomie d'un génocide » (juillet 2023), « L'effacement colonial par le génocide » (octobre 2024), « L'Occupation sans fin, génocide et profits » (juillet 2025) — car, oui, des entreprises, y compris françaises, s'enrichissent du sang des Palestiniens —, « Le génocide à Gaza, un crime collectif » (octobre 2025) (1).

Indignée, la rapporteuse spéciale l'est assurément. Pourtant elle ne se départit jamais de sa boussole : le droit international. Non pas un droit désincarné, froid et mécanique. Mais un droit au service des personnes afin de ne jamais perdre de vue l'humanité de chacun et de tous. Un droit qu'elle martèle et qu'elle confronte aux agressions proprement inimaginables, des plus insidieuses aux plus spectaculairement violentes, contre les Palestiniens au quotidien.

Comme en témoigne son dernier livre, Francesca Albanese possède ce talent rare de savoir conjuguer souvenirs personnels et paroles fortes de Palestiniens en lutte pour leur survie ou d'Israéliens en rupture avec la folie meurtrière de leur pays. Sans oublier les retours historiques pour contextualiser les faits et les rappels constants du droit international. Elle arrive ainsi à saisir les plus infimes détails qui révèlent des blessures profondes — celle de ses interlocuteurs mais aussi, toutes proportions gardées, les siennes.

La rapporteuse ne cherche d'ailleurs pas à les cacher. Dans l'introduction, elle trace les grandes lignes de son parcours. Née dans une petite ville montagneuse du sud de l'Italie, rien ne la destinait à devenir une vigie des droits humains des Palestiniens, une lanceuse d'alerte sur le génocide en cours à Gaza. C'est le résultat de ses rencontres, de ses choix, de ses expériences, et singulièrement celle de juriste auprès de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), en 2010. Quelles que soient ses bifurcations professionnelles, la Palestine ne sortira jamais de son horizon.

Les récits s'entrelacent

On le constate à travers cet ouvrage divisé en dix chapitres. Chacun d'entre eux prend le titre d'un personnage remarquable rencontré en Palestine occupée, dont les « récits s'entrelacent avec la vie et les visages de beaucoup d'autres », comme elle l'écrit. Elle prolonge ces histoires personnelles en abordant les grandes questions existentielles (et polémiques) : l'apartheid ; la confusion savamment entretenue entre antisémitisme et critique du pouvoir israélien ; le génocide ; et même le droit humanitaire qui peut aussi faciliter la banalisation de la colonisation…

Ainsi « Hind », titre du premier chapitre, rend compte de l'assassinat de cette fillette de six ans, de sa famille, de l'équipe du Croissant rouge venue lui porter secours (2), mais aussi des témoignages de dizaines de vies d'enfants aux paroles bouleversantes que Francesca Albanese a pris le temps d'écouter, encore et encore : « Ils deviennent des adultes dans des corps d'enfants, déjà accablés par les soucis, les peurs, les responsabilités qui ne devraient pas être les leurs. » Elle pointe également les enfants israéliens, biberonnés à la haine des « Arabes », comme ils disent. Un mot générique pour effacer celui de « Palestiniens », ainsi que le souligne George, un ingénieur palestinien, qui donne à voir ce que signifie de vivre dans Jérusalem occupée.

On pourrait aussi citer Abu Hassan et « les conséquences de l'occupation » ; le professeur italo-israélien Alon et l'antisémitisme ; Ingrid et les moult exemples « des subtilités de la normalisation » de l'apartheid au nom de l'humanitaire ; le chirurgien Ghassan et les images insoutenables des patients qu'il recueille ; Gabor et la nécessité de « préserver la mémoire d'un peuple »… Le dixième portrait est consacré à Max, son mari. Vivant à New York, ce dernier prend soin de leurs deux enfants quand Albanese doit voyager. Il assure financièrement la vie de la famille si besoin — car, comme rapporteuse spéciale, elle ne reçoit aucun salaire.

Quand on referme le livre, on songe à ce vers de René Char, « la lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil », celle qui brûle le plus. Francesca Albanese a cette lucidité qui blesse : « Le génocide de Gaza fait désormais partie de notre histoire collective, une tache indélébile qui pèsera sur l'humanité et pour laquelle nos petits-enfants demanderont des comptes ». Elle a aussi un espoir : la prise de conscience des peuples qui, seuls, peuvent soulever des montagnes.

Voilà pourquoi les défenseurs du sionisme et de la colonisation d'Israël en ont fait leur ennemie. Certains la discréditent plus ou moins subtilement, tel l'animateur de la matinale de France Culture, Guillaume Erner, qui, le 18 novembre 2025, lui dénie la qualité de rapporteuse spéciale de l'ONU pour l'habiller en « voix pro-palestinienne » (3).

D'autres vont encore plus loin. Ainsi le président des États-Unis, Donald Trump, l'a inscrite sur la liste noire des terroristes, la privant de tous les services d'entreprises étatsuniennes ou de sociétés ayant des liens avec ces dernières, à commencer par les cartes bancaires. Elle est en bonne compagnie, aux côtés du procureur de la Cour internationale de justice Karim Kahn, et de trois autres juges dont le français Nicolas Guillou (4), tous abandonnés par les autorités françaises et européennes. C'est aussi cela participer à l'asservissement du peuple palestinien.

Rencontre filmée avec Francesca Albanese et Agnès Callamard

Francesca Albanese, était au Forum des images, le 17 novembre 2025, à l'occasion de la présentation du documentaire Disunited Nations — Proche-Orient : l'ONU dans la tourmente, réalisé par Christophe Cotteret [voir encadré orange].

La projection était suivie d'un débat avec la rapporteuse spéciale des Nations unies, Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International, Christophe Cotteret et Johann Soufi, avocat spécialisé en droit pénal international. Modération par Sarra Grira, rédactrice en chef d'Orient XXI.

Notes

1- Chaque rapport est publié en plusieurs langues sur le site de l'Organisation des Nations unies (ONU)

2- Voir le film de Kaouther Ben Hania, La voix de Hind Rajab, 1h52mn, sortie en salle le 26 novembre 2025.

3- L'interview, très partiale, a suscité beaucoup de protestations. Lire notamment Pauline Bock, « Erner face à Albanese : retour sur une interview ”radicale” », Arrêt sur image, 22 novembre 2025.

4- Stéphanie Maupas, « La vie de Nicolas Guillou, juge français de la CPI sous sanctions des États-Unis : “Vous êtes interdit bancaire sur une bonne partie de la planète” », Le Monde, 19 novembre 2025.

Envers et contre tout, résister !

2 décembre, par Patrick Le Trehondat — , ,
Patrick Le Tréhondat est membre des Brigades éditoriales de solidarité et du Comité français du RESU. [1] Télécharger la revue Soutien à l'Ukraine résistante numéro 44 en (…)

Patrick Le Tréhondat est membre des Brigades éditoriales de solidarité et du Comité français du RESU. [1]

Télécharger la revue Soutien à l'Ukraine résistante numéro 44 en cliquant sur l'icône :

La nouvelle péripétie du plan Trump, plan russe écrit sous pavillon américain, affole les capitales européennes timorées depuis le dé­but de la guerre à grande échelle dans leur soutien volontairement limité à la résistance de l'Ukraine et effrayés devant le matamore de la Maison-Blanche.

Derrière le rideau de fumée diplomatique genevois, c'est la capitulation sans conditions qui est demandée. On ne sait pas à l'heure qu'il est l'avenir de ce coup de poignard qui, s'il aboutissait, serait un nouveau drame historique pour l'Ukraine et coûterait tout aussi cher à l'Eu­rope.

De son côté, le pouvoir de Kyiv, déstabilisé par une affaire de corruption qui a fissuré le bloc présidentiel, tergiverse et cherche une voie de sortie. Tout en n'abandonnant pas la lutte contre l'ennemi russe. Le front résiste et l'armée des dronistes continue de frapper l'économie de guerre russe, s'interdisant de toucher des cibles civiles. Cependant, à la suite de ses tentatives en juillet dernier de s'en prendre aux organes anticorruption, NABU et SAP, auxquelles avaient répondu des manifestations massives dans tout le pays, cette nouvelle affaire a affaibli Zelensky et son clan2

Face à la pression, le président a démis le ministre de l'énergie et de la justice, mais a refusé à ses députés de démettre Andriy Yermak, chef tout-puissant de l'administration présidentielle, lui aussi mis en cause.

Que le ministre de l'énergie soit impliqué dans une affaire de corruption portant sur 100 millions de dollars suscite une large indi­gnation dans l'opinion publique soumise à des coupures d'électricité quotidiennes qui peuvent durer jusqu'à seize heures voire vingt-quatre heures. Les Ukrainien·nes consultent chaque jour le programme des coupures annoncées dans leur ville pour organiser une difficile vie quotidienne (notamment à l'aide de généra­teurs ou de batteries externes mais qui sont d'une efficacité limitée).

Symboliquement au moment même où l'on apprenait ce détournement de fonds publics par le ministère de l'énergie, des habitants de Zaporijjia se rassemblaient près de l'administra­tion régionale, puis bloquaient une route, pour exiger des coupures de courant plus équitables, partageant le sentiment que des privilégiés y échappaient.

La question de l'équité dans le « fardeau éner­gétique » en raison des bombardements russes a déjà provoqué des protestations dans d'autres villes. De son côté, la confédération syndicale KVPU annonçait au même moment que « bien que nous soyons déjà dans la seconde moitié de novembre, les employés de l'entreprise pu­blique Lvivvugol, dont les unités de production 6 abritent des sections importantes du Syndicat indépendant des mineurs d'Ukraine (IPMU-KVPU), n'ont perçu que 57 % de leur salaire d'octobre. Le retard dans le paiement des sa­laires provoque une vague d'indignation parmi les travailleurs. L'hiver approche et l'argent ga­gné par les mineurs est absolument essentiel pour eux et leurs familles ».

L'année dernière, ce sont plusieurs mois de salaires non payés qui avaient conduit les mi­neurs de Lviv à manifester devant le ministère de l'énergie. Le syndicat des mineurs KVPU avait alors souligné que « les salaires impayés aggra­vaient non seulement les difficultés financières des familles minières, mais affectaient égale­ment négativement l'état moral et psycholo­gique des employés et augmentaient les ten­sions sociales dans les équipes de production et dans la région, et privaient de la possibilité d'aider plus de 800 employés de l'entreprise qui sont dans les forces armées ukrainiennes et auxquels ils [les mineurs] fournissent tout le né­cessaire (munitions, drones, voitures, etc.) ».

Le syndicat soulignait clairement que la po­litique antisociale du gouvernement affaiblis­sait le front et ses combattant·es ouvrier·es qui luttent contre l'impérialisme russe, les privant de l'aide matérielle que les syndicats apportent constamment aux travailleur·euses en uniforme.

Une situation désastreuse qui se vérifie mal­heureusement aussi dans le secteur de la san­té, pourtant vital pour un pays en guerre. Dans les colonnes de Soutien à l'Ukraine résistante, nous donnons régulièrement la parole au syn­dicat du personnel soignant ukrainien Soyez comme nous sommes, qui témoigne sur les dégâts dramatiques que provoque l'« optimisa­tion » néolibérale à marche forcée, sans pause depuis le 24 février 2022, des hôpitaux. Ferme­ture d'hôpitaux et licenciements de personnel qui affectent, outre la population civile, les soins prodigués aux soldats blessés.

Cette organisation syndicale, qui défend les droits sociaux des personnels soignants, notam­ment celles et ceux engagé·es sur le front, pro­pose des alternatives au mode de gestion capi­taliste actuel du système de santé. Elle met en avant la nécessité d'un contrôle des salarié·es en blouse blanche sur l'organisation du système de santé. Sur le problème des primes auxquelles ont droit les infirmières (particulièrement celles qui risquent leur vie au plus près du front) et qui leur sont refusées, le syndicat explique que leur calcul transparent et équitable n'est possible que si des mécanismes de contrôle réels sont mis en place, et dans lesquels la convention col­lective jouerait un rôle clé… C'est dans ce do­cument que doivent être clairement inscrits les droits du collectif [de travail] à recevoir des rap­ports sur le financement, la répartition des fonds et les modalités de versement des primes.

« Gérer et contrôler les hôpitaux est pos­sible », nous déclarait dans ces colonnes Ok­sana Slobodiana, présidente du syndicat indé­pendant. Cette volonté de contrôle et de prise en main de ses propres affaires est profonde dans la société ukrainienne depuis Maïdan, mais plus encore depuis le 24 février 2022, date de l'agression à grande échelle du pays avec la large automobilisation du peuple ukrainien qui a mis en échec l'agresseur russe. Comme l'ex­pliquait une infirmière : « Nous avons Maïdan 7 dans le sang. » Une analyse qui s'est révélée juste quelques mois avant les manifestations de juillet.

Loin des cénacles diplomatiques, des rodo­montades des dirigeants européens et des si­nistres bêlements capitulards des « campistes » de gauche, la résistance ukrainienne tire sa force dans cette mobilisation permanente populaire qui lutte sur deux fronts : contre l'impérialisme russe et contre un système oligarchique cupide qui gave une minorité de possédants à ses dé­pens et épuise la résistance. « Seules une orga­nisation massive et la solidarité permettront de remporter la guerre et d'assurer une reconstruc­tion équitable après celle-ci. L'histoire montre que toutes les transformations sociales impor­tantes ont été obtenues par la lutte venue d'en bas, et non accordées par le haut », rappelle l'or­ganisation socialiste Sotsialnyi Rukh.

Envers et contre tout, l'Ukraine résiste. Elle perturbe le jeu mondial des principales puis­sances impérialistes (États-Unis, Fédération de Russie, Chine). Elle est un caillou dans leurs chaussures qu'elles n'arrivent pas à enlever. Contrairement à ce que pense Trump, il n'est pas certain que l'Ukraine n'ait pas de cartes de main. Sûrement pas celle du valet, mais celle d'un peuple mobilisé pour sa souveraineté, la défense de ses acquis démocratiques et de ses droits sociaux et politiques et, en définitive, de son droit à l'existence.


[1] 1. Patrick Le Tréhondat est membre des Brigades éditorialesde solidarité et du Comité français du RESU.

Comptes rendus de lecture du mardi 2 décembre 2025

2 décembre, par Bruno Marquis — , ,
Les yeux tristes de mon camion Serge Bouchard C'est une trentaine d'essais sur divers thèmes, parfois personnels, d'autres fois moins, que nous livre dans « Les yeux (…)

Les yeux tristes de mon camion
Serge Bouchard

C'est une trentaine d'essais sur divers thèmes, parfois personnels, d'autres fois moins, que nous livre dans « Les yeux tristes de mon camion » l'anthropologue Serge Bouchard. S'ils sont d'inégales valeurs, de mon point de vue, la plupart sont très bons et dans certains cas vraiment très intéressants – surtout quand il aborde l'époque de sa jeunesse et qu'il nous parle de cette histoire presque oubliée des Français et Canadiens-français dans l'ouest et le nord des États-Unis, de la Californie jusqu'au Minnesota. Bref, « Les yeux tristes de mon camion » m'a vraiment donné le goût d'aller plus loin et de revenir en arrière sur tout ce que je n'ai pas encore lu de Serge Bouchard.

Extrait :

L'ancien premier ministre du Canada, dans une de ses tentatives pathétiques pour inventer la fausse histoire d'un pays en mal de gloire, fêtait en 2015 le 200e anniversaire de naissance de John A. Macdonald. Voilà un geste malheureux, une insulte à l'intelligence, je dirais même un faux pas. S'il existe un personnage indigne dans l'histoire du Canada, c'est bien cet avocat corrompu, ce politicien raciste qui fut la honte de ses contemporains, un homme sans compassion et sans principe, un voyou en cravate qui eut été sanctionné en des temps moins laxistes. Nous sommes loin des Thomas Jefferson de ce monde, loin des vues politiciennes élevées et des idées éclairées. Le gouvernement fédéral aura beau signer des campagnes publicitaires faisant l'éloge des Pères de la Confédération, ces « grands hommes » visionnaires et désintéressés qui seraient transportés de satisfaction s'ils voyaient le Canada d'aujourd'hui, personne n'achèterait jamais cette distorsion grossière de l'histoire.

Arafat l'irréductible
Amnon Kapeliouk

La libération de la Palestine demeure plus que jamais d'actualité. Celui qui aura longtemps incarné ce désir profond de justice et de liberté pour ce peuple meurtri est l'ancien chef de l'Organisation de libération de la Palestine Yasser Arafat. Amnon Kapeliouk nous livre peut-être la meilleure biographie jamais écrite sur ce grand homme politique, dont les activités auront couvert une si grande partie de l'actualité de ma jeunesse et de ma vie de jeune adulte. C'est une autre œuvre essentielle, toujours d'actualité, pour bien comprendre l'état d'apartheid dans lequel se trouvent depuis près de trois quarts de siècle les Palestiniens. Surtout que cette admirable biographie est préfacée par une autre grande figure de la liberté, de la justice et de la lutte contre l'apartheid – sud-africaine celle-là – Nelson Mandela.

Extrait de la préface de Nelson Mandela :

La situation difficile qui lui a été imposée ces deux dernières années à Ramallah déshonorent ceux qui la lui infligent plus qu'elles ne l'humilient. Mon cœur est avec lui en ces heures difficiles, dans ses victoires comme dans ses moments de bonheur. J'éprouve pour lui une amitié sincère et je souhaite profondément qu'il lui soit bientôt donné d'assister au succès de son entreprise : la création d'un État palestinien indépendant.

Quatre soldats
Hubert Mingarelli

Ce roman faisait partie d'un panier de livres que j'ai gagné lors d'un tirage organisé par la Bibliothèque de Gatineau. C'est un roman que j'ai beaucoup aimé. Nous y suivons, presque au point de nous sentir parmi eux, quatre soldats de l'Armée rouge qui viennent de passer un hiver terrible pendant l'année 1919. Les scènes muettes sont nombreuses : réquisitions dans les villages, baignades dans un étang, embuscades, désarroi...

Extrait :

À présent nous étions sortis de la forêt. L'hiver avait passé et c'est difficile de s'imaginer combien il avait été long et froid. Nous avions mangé nos mules et nos chevaux, et un grand nombre d'entre nous étaient morts dans la forêt. Parfois dans leur cabane qui s'était enflammée. Ou bien ils s'étaient perdus en allant chasser. D'autres qui chassaient les avaient retrouvés. Bien sûr certains parmi ceux qu'on n'avait pas retrouvés avaient déserté. Mais je crois que le plus souvent ils s'étaient perdus et ils étaient morts de froid.

L'ordre du jour
Éric Vuillard

C'est livre s'est mérité le dernier Goncourt 2017 et c'était certainement l'un des meilleurs récits publiés cette année-là. C'est une œuvre succincte, mais saisissante, sur l'arrivée au pouvoir d'Hitler, l'Anschluss et le soutien sans faille des industriels allemands à la machine de guerre nazie. Parce que sans le soutien financier des BASF, Bayer, Agfa, Opel, IG Farben, Siemens, Allianz, Telefunken, il faut le rappeler, tout cela n'aurait pas eu lieu.

Extrait :

Un penchant obscur nous a livrés à l'ennemi, passifs et remplis de crainte. Depuis, nos livres d'Histoire ressassent l'événement effrayant, où la fulgurance et la raison auraient été d'accord. Ainsi, une fois que le haut clergé de l'industrie et de la banque eut été converti, puis les opposants réduits au silence, les seuls adversaires sérieux du régime furent les puissances étrangères. Le ton monta à mesure avec la France et l'Angleterre, en un mélange de coups de force et de bonnes paroles. Et c'est ainsi qu'en novembre 1937, entre deux mouvements d'humeur, après quelques protestations de pure forme à propos de l'annexion de la Sarre, de la remilitarisation de la Rhénanie ou du bombardement de Guernica par la légion Condor, Halifax, lord président du Conseil, se rendit en Allemagne, à titre personnel, à l'invitation d'Hermann Goering, ministre de l'Air, commandant en chef de la Luftwaffe, ministre du Reich à la forêt et à la chasse, président du défunt Reichstag – le créateur de la Gestapo. Voilà qui fait beaucoup, et pourtant Halifax ne tique pas, il ne lui semble pas bizarre, ce type lyrique et truculent, antisémite notoire, bardé de décorations. Et on ne peut pas dire qu'Halifax a été entourloupé par quelqu'un qui cachait son jeu, qu'il n'a pas remarqué les tenues de dandy, les titres à n'en plus finir, la rhétorique délirante, ténébreuse, la silhouette entripaillée ; non. À cette époque, on était très loin de la réunion du 20 février, les nazis avaient abandonné toute retenue. Et puis, ils ont chassé ensemble, ri ensemble, dîné ensemble ; et Hermann Goering, qui n'était pas avare en démonstrations de tendresse et de sympathie, lui qui avait dû rêver d'être acteur et qui l'était à sa manière devenu, a dû lui taper sur l'épaule, le charrier même un peu, le vieil Halifax, et lu jeter au visage quelque boniment à double sens, de ceux qui laissent leur destinataire pantois, un peu gêné, comme par une allusion sexuelle.

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Les trois têtes à Papineau

2 décembre, par Jean-François Delisle — , ,
Le problème des classes sociales dominantes se pose inévitablement quand on traite de la question nationale québécoise. Une partie de la gauche sociale (surtout celle (…)

Le problème des classes sociales dominantes se pose inévitablement quand on traite de la question nationale québécoise.

Une partie de la gauche sociale (surtout celle d'obédience marxiste) commet souvent une erreur quand elle en traite : celle de ne faire de cette dernière qu'une querelle entre deux « bourgeoisies » : la souverainiste et la fédéraliste. La première voudrait disposer d'un État souverain et la seconde tient à préserver l'État canadien avec le Québec dedans.

Cette manière de présenter les choses n'est pas tout à fait erronée. On doit admettre que chaque camp, souverainiste comme fédéraliste, possède à sa tête des leaders bourgeois.
Mais cela n'explique pas pourquoi la lutte qui oppose ces deux camps crée un tel retentissement au sein de la population et qu'elle rallie de larges pans de cette population.

Elle ne rend pas compte du caractère aigu de la lutte politique qui les oppose.
Certains analystes parlent, dans la foulée du marxisme, « d'intoxication idéologique » pour expliquer l'engagement de plusieurs travailleurs et travailleuses dans ce combat.
Je me méfie de cette tendance à voir les gens comme des « zombies » manipulés par des prestidigitateurs maléfiques, comme s'ils étaient incapables de toute autonomie intellectuelle. Ils adhèrent à l'un ou l'autre camp en toute liberté. Ce processus ne relève pas que d'intérêts économiques et sociaux.

Cela équivaut aussi à trop simplifier la situation. Les sondages nous révèlent par exemple bon nombre d'indécis, mais aussi d'indépendantistes mous et incertains ; même du côté fédéraliste, l'esprit critique est présent dans le débat.

Surtout, une nation (quelle que soit la définition qu'on en donne) n'est pas qu'un empilement de classes sociales. Le nationalisme ne relève pas de l'imposture. Il représente un facteur fondamental d'identité pour une collectivité, il sert de point de ralliement pour ses membres. Il exprime une façon d'être unique qui entraîne une manière spécifique de se voir soi-même et le reste du monde. On n'est pas que Québécois c'est entendu (on est aussi ouvrier, fonctionnaires, brasseur d'affaires, etc.), mais il s'agit quand même d'une référence fondamentale, ce qui permet de comprendre l'acuité de l'antagonisme entre indépendantistes, qui veulent faire du Québec un État souverain, et fédéralistes (du moins ceux de la tendance trudeauiste), qui se conçoivent comme Canadiens français et tiennent mordicus à préserver cette identité. Il ne faut pas oublier non plus la tendance autonomiste, qui veut tenir le milieu entre indépendantistes et fédéralistes centralisateurs.

On observe donc une nation à trois têtes : une fédéraliste de stricte obédience, une autre souverainiste et une troisième fédéraliste autonomiste. D'où le dialogue confus et parfois furieux entre ces « têtes à Papineau ».

Tout un méli-mélo !

Jean-François Delisle

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Le cauchemar dans la bande de gaza continue !

2 décembre, par Omar Haddadou — , ,
Plus de 70.000 victimes dans la bande de Gaza. Et le bilan continue de s'alourdir. La proclamation du cessez- le feu, le 10 octobre 2025, n'a pas empêché Netanyahou d'aller au (…)

Plus de 70.000 victimes dans la bande de Gaza. Et le bilan continue de s'alourdir. La proclamation du cessez- le feu, le 10 octobre 2025, n'a pas empêché Netanyahou d'aller au terme de sa logique létale : celle de parachever l'extermination de façon graduelle ! A Paris, la journée du 29 novembre n'est pas passé inaperçue.

De Paris, Omar HADDADOU

Fort du soutien de Donald Trump, Benyamin Netanyahou continue à écrire la plus sombre et innommable page de son passage sur Terre !

Il y voit un acte de Grandeur et de postérité, lui le faucheur de vie des enfants innocents en plein sommeil, de femmes, de malades et de vieillards (es), n'ayant pour salut que de choisir de périr par la faim, les balles ou sous les bombes.

Il demeurera comptable de ce cimetière à ciel ouvert. Cette Terre Sainte réduite en décharge publique où même les vautours n'oseraient pas s'y aventurer !

Des terres palestiniennes spoliées par les Ultras orthodoxes, chassant, fusil à la main, des familles de leurs maisons, détruites par la lame du Bulldozer…

Mon Dieu, comme les drames humanitaires sont amnésiques ! Si l'Institution s'avoue vaincue devant l'abomination de Bibi, l'Histoire le jugera !

Le Seigneur a fait une chose merveilleuse : Notre statut éphémère ici-bas, pour que des Netanyahou ne durent pas !

Son insatiabilité mortifère, paraphée de 70 000 victimes, jouit d'une impunité qui corrobore un état de lieu d'un monde exécrablement tyrannique où seule la domination et l'injustice ont droit de cité.

A quel jeu se prêtaient, hier, les médias en nous annonçant que Bibi - auteur du nettoyage ethnique – « est actuellement en procès pour plusieurs affaires de corruption ? Fort de l'appui de son acolyte Trump, il aurait demandé une grâce présidentielle ». « Ils risquerait d'être arrêté après l'émission d'un mandat d'arrêt de la Cour Pénale Internationale (CPI). Version Sarko, avec Big Mac en option !

Gagner du temps et moduler le génocide par paliers dissemblables, telle est la stratégie de Netanyahou. « La famine de masse, comme le soulignait Hadja LAHABIB, Commissaire européenne à l'Aide humanitaire, a franchi un seuil d'horreur inimaginable ! Enfants et Adultes meurent de faim. On relève des taux de crises cardiaques parce que les organes vitaux ne peuvent plus fonctionner à cause de la famine ! » s'indigne-t-elle.

Jugé depuis 2020, le chef du gouvernement nie en bloc les accusations de corruption, de fraude et d'abus de confiance. L'opposition réclame sa démission. Mais, « Tata » l'Amérique veille au grain !
Le cessez-le feu à Gaza reste précaire depuis sa proclamation le 10 octobre 2025. Et la deuxième phase du Plan Trump en 20 points, s'annonce complexe. Elle prévoit entres autres, le désarmement du Hamas, le retrait de l'armée israélienne et le déploiement d'une force de stabilisation dans l'enclave.
Pour le Spécialiste du Moyen-Orient, Thomas Juneau, le plus dur reste à venir : « Quand on va entrer dans ces enjeux-là, les divergences risquent d'être insurmontables ! »

A Paris, les tags des manifestants (es) traduisaient la colère du Peuple et la pérennité du sursaut pour le soutien de la cause palestinienne. Lancée par l'Association France Palestine Solidarité (AFPS), une marche s'ébranlait ce 29 novembre, la Place de République, à l'occasion de la Journée Internationale de Solidarité avec le Peuple Palestinien.

Outre la présence des citoyens lambda,70 organisations ont pris part à cette initiative pour un cessez-le feu durable à Gaza. Elles appelaient la Communauté internationale à mettre la pression sur Netanyahou pour mettre un terme au génocide. Dans un élan solidaire, les collectifs réclamaient l'auto-détermination du peuple palestinien, la fin de l'occupation, de l'apartheid, et le retour des réfugiés (es).

Leaders et représentants de différents mouvements, se sont relayés derrière le micro pour lire leurs communiqués, condamnant avec force la politique « génocidaire » du Premier ministre israélien.

Sur l'une des pancartes portées par deux femmes militantes, on pouvait lire : Gaza, silence ! On tue !

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Défier le vide et gagner sa vie !

2 décembre, par Omar Haddadou — , ,
Le cœur bien accroché, Patrick et Quentin vouent à leur métier de Cordiste une appétence indéfectible. L'un pour l'argent, l'autre par amour du métier. Une profession en déclin (…)

Le cœur bien accroché, Patrick et Quentin vouent à leur métier de Cordiste une appétence indéfectible. L'un pour l'argent, l'autre par amour du métier. Une profession en déclin que la jeune génération balaie d'un revers de main, tant elle inspire les périls. Vérité ou idée préconçue ?

De Paris, Omar HADDADOU

Froussards (es) s'abstenir !

Il est dans ce monde avide de pèze, sous toutes ses formes, des gens qui gagnent confortablement leur vie.
Comment ? Par une simple transaction, une combine bien ficelée, un abus apprêté, une promesse fallacieuse, une autorité cravatée dévoyée, un vote pipé, un népotisme étatisé, une main basse sordide sur le bien public, un clic de souris habile ou un coup de fil savamment canalisé.

Enfin là où le pognon aiguillonne l'appétit du gain facile !

Et d'autres n'ayant pour gagne-pain que d'affronter dignement le péril, dans un espace où la majorité a abdiqué.

La profession de Cordiste, digne de respect, est indubitablement corrélée aux vocables : risque, danger, vide, chute…

Contrairement à « l'opération marketing » louant à l'envi la bonne santé du secteur, la spécialité ne suscite pas d'engouement significatif chez les Jeunes, dont la plupart jette l'éponge, une fois le cap de la théorie accompli. En effet, ces derniers, moins armés sur le plan pratique et psychologique, se rendent rapidement à l'évidence du péril encouru. Réalité ou à priori ?

Leurs lacunes, attestent les « Anciens du métier », les exposent au seul postulat de mettre en péril leur vie. Et partant, ils abandonnent de gré leur formation de Cordiste.

On a beau afficher la prospérité du secteur en mettant en avant le nombre des 85 00 Cordistes évoluant sur tout le territoire de l'Hexagone. Il n'en demeure pas moins que la désertion massive de la profession, reste patente. Le Cordiste, appelé à accomplir sa mission en étant suspendu en l'air, est sollicité essentiellement par le BTP et l'Evènementiel. Il travaille en hauteur, confronté à des écureuils, aléas et des accès éminemment difficiles.

Détrompez-vous ! Un Cordiste fraîchement recruté, ne gagne pas une fortune. Pas de quoi arrondir grassement ses fins de mois. Mais dans la vie, la compétence et le savoir-faire se négocient !

Armés d'un mental en Tungstène, les deux Cordistes chevronnés que nous avons rencontrés subsistent et assurent la protection de leurs foyers en tutoyant au quotidien le vide avec philosophie.

Ils (es) sont à la façade d'un immeuble ce que l'Alpiniste à la paroi rocheuse abrupte.

Des Spiderman des façades qui suscitent effarement, encouragement, interactions conviviales, gratitude et surtout respect de la part des résidents du quartier.

En ce matin glacial du mois de novembre, Quentin le Cordiste de 33 ans, scrupuleusement harnaché, donne du mou à sa corde et atterrit dans le balcon, telle une araignée circonspecte, avec son attirail d'intervention. Tenaillé par la chute de température, il doit colmater des fissures, un pied sur la rambarde, le corps oscillant dans le vide. Sans crier gare, nous lui glissons un café fumant au miel d'Acacia. Son visage s'irradie de bonheur : « Vous êtes si rare ! » glisse joyeusement le jeune Cordiste. Nous engageons la discussion dont la deuxième partie s'effectuera par téléphone afin de ne pas compromettre le timing du cahier des charges.

Voilà en substance la réponse de Quentin sur les différentes questions inhérentes au métier :

« Pour ma part, je n'ai pas d'appréhension. Je fais confiance en ma Formation. Ce que je vais gagner me permet de transcender ma peur. Il n'y a aucun intérêt à part l'argent ! C'est ce qui importe ! Si le vide me fait peur ? Moi, c'est le vide de la conscience des gens qui me fait peur. Certaines personnes me disent : Vous faites un travail hors du commun. Faites attention à vous…
Vous me demandez si j'ai vécu un fait marquant en tant que Cordiste ? La réponse est oui ! Un jour, j'étais suspendu en train de peindre le mur d'un balcon. Exactement, à ce moment-là, une personne est sortie et m'a offert un café au miel. Je crois que c'est l'une des plus belles choses qui me soient arrivées en tant que Cordiste ! »

Bien joué Quentin !

Les sensations fortes, le funambulisme à couper le souffle, la progression dans le vide d'un point A à un point B, Patrick, le Chef d'équipe bardé de 28 ans d'expérience, les vit au quotidien avec un professionnalisme et une aisance déconcertants. En le voyant accomplir sa mission, vous eussiez dit « un Félin ». L'homme à la barbe du père noël est un bosseur pétri de dynamisme et de rigueur. Son travail, c'est sa raison d'être. Et il y met tout son cœur ! « Quand je sors le matin, je suis heureux de retrouver mon collègue, atteste le Cordiste aguerri. C'est avec un bon état d'esprit que j'attaque la journée ».

Quant à la peur, j'ai un potentiel professionnel qui me permet de lui faire un pied de nez :

« Plus je monte, plus je me sens bien dans ma peau ! Je fais ce travail par passion, pas pour l'argent. Sur le volet Prévention, on travaille sur 2 cordes indépendantes l'une de l'autre. Chacune a 2 points d'accroche : Une corde de Sécurité et une Corde de travail. Aujourd'hui, les nouvelles constructions sont équipées de Lignes de Vie. Si on passe son temps à regarder son d'ancrage, on ne s'en sort pas ! On sombre dans la Paranoïa ! La Sécurité, c'est une question de logique : Si tu roules à 120 km/heures où il y a limitation de vitesse, tu mets ta vie en danger ! Nous la pire chose qui puisse nous arriver, c'est un taré qui se résout à nous couper les cordes ! Aujourd'hui, L'état d'esprit des Jeunes a changé. Ils veulent l'argent facile ! On m'a déjà proposé d'intégrer les bureaux comme Chargé d'Affaires, j'ai refusé ! J'aime la Liberté extérieur !

O.H

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Billet « problématique » de Michel Rioux dans l’Aut’journal

2 décembre, par Mario Charland — , ,
La dénonciation de l'« intrusion » du judiciaire dans le politique est souvent à géométrie variable selon les intérêts, les valeurs, les idéologies des commentateurs qui s'y (…)

La dénonciation de l'« intrusion » du judiciaire dans le politique est souvent à géométrie variable selon les intérêts, les valeurs, les idéologies des commentateurs qui s'y prêtent.

(novembre 2025)

Et cette « variation », qui laisse transparaître des préférences, des préjugés, des pris-pour-acquis ou des évidences non-questionnées n'est pas la prérogative d'une famille politique en particulier ; elle peut être le fait autant de la gauche que de la droite, des souverainistes que des fédéralistes, des libéraux que des socialistes, des progressistes que ds conservateurs, des républicains que des royalistes.

L'Aut'journal (« […] journal québécois, indépendant, ouvrier et populaire [...] ») ne fait pas exception à la règle. En témoigne le Billet de Michel Rioux intitulé : « Non merci, votre déshonneur ! » dans le numéro de novembre 2025 (p.1). Les nationalistes québécois ont cette fâcheuse manie de voir dans les interventions de la Cour Suprême du Canada une « […] tendance [délibérée] à trancher contre les intérêts supérieurs du peuple québécois […] », les contestations en cours de la Loi 21 constituant un exemple parmi d'autres de cette fin de non-recevoir de la part des autorités fédérales (qu'elles soient juridiques ou politiques) face aux aspirations légitimes » de la « Nation » du Québec (les sempiternelles tergiversations autour du caractère « constitutionnel » ou « anticonstitutionnel » de la Loi 101 seraient le prototype même de cette obstination du Canada anglais à ne pas reconnaître notre caractère « distinct »).

N'en déplaise aux souverainistes, de gauche comme de droite, identitaires ou multiculturels, rien ne dit que dans un Québec indépendant, une Cour Supérieure quelconque ne jugerait pas « inconstitutionnelle » la Loi 21 sur la laïcité de l'État, s'arrimant ainsi à des traditions juridiques multi-centenaires1, d'obédience anglo-saxonne, qui accordent une valeur particulière aux droits individuels devant des aspirations collectives qui pourraient passer outre à certains particularismes d'ordre socio-culturel, ethnique, religieux (faisant « sens » pour les minorités qui s'y identifient et s'y reconnaissent). Le Québec n'a pas le monopole des effets délétères causés par les politiques d'un gouvernement centralisateur qui considère, à tort ou à raison, toutes les provinces canadiennes sur un pied d'égalité, du moins en principe.

S'il ne s'agissait que de cette propension à la victimisation de certains nationalistes québécois, on pourrait se contenter de situer cette tendance dans le contexte historique particulier des relations compliquées entre le Québec à majorité francophone et le ROC à majorité anglophone ; mais il y a plus. L'auteur s'aventure sur un terrain qu'il connaît décidément très mal mais dont il se sert tout de même pour appuyer son argumentation, à l'effet que le « Juges », par une sorte d'arrogance propre aux élites bourgeoises et libérales, tenteraient de se « substituer » aux représentants du « Peuple » dignement élus dans les « Parlements » (tout aussi « bourgeois », faut-il le rappeler). Ce terrain, c'est celui de l'Affaire « Sarkozy/Kadhafi » en France dont le compte-rendu « très orienté » de Christian Rioux du Devoir fait office de référence au réquisitoire contre le système judiciaire se prétendant, soi-disant, être de « Droit divin ».

Il serait trop long ici de s'attarder sur les accointances « idéologiques » de Christian Rioux qui s'est fait la courroie de transmission des discours populistes d'extrême-droite en France pour nous abreuver de sa partialité parfaitement assumée et de ses jugements « approximatifs » sur des enjeux aussi cruciaux que celui concernant le procès d'un ancien Président de la République. Sa chronique du 24 octobre dans Le Devoir intitulée : « Une justice de droit divin ? »2 reprend mot pour mot les réactions épidermiques des chaînes d'info en continue, propriété des « petits amis de Sarko », milliardaires de surcroît, qui lui donneraient le Bon Dieu sans confession !

Ce procès s'est déroulé sur plusieurs mois après une enquête (à la fois judiciaire et journalistique) qui a duré près de quinze ans, que Mediapart a documentée de façon rigoureuse et qui, contrairement à bien des pourfendeurs du pouvoir judiciaire, a eu l'énorme mérite et le courage d'assister, par l'entremise de son journaliste Fabrice Arfi, jour après jour, aux délibérations du Tribunal Correctionnel ; il suffit d'écouter, sur You Tube, les différentes entrevues données par Arfi à l'issue du procès pour se rendre compte du peu de sérieux des commentaires comme celui de Christian Rioux qui n'a sans doute jamais mis les pieds audit Tribunal3, tout comme on peut douter qu'il se soit jamais donné la peine de consulter le document de quatre cent pages qui accompagne le Jugement, expliquant point par point, avec les nuances et la pédagogie nécessaires, les raisons qui justifient la décision de reconnaître Nicolas Sarkozy coupable d'« Association de malfaiteurs »4. Tout simplement parce qu'une des caractéristiques des faiseurs d'opinion du style de Rioux ou encore de MBC, Martineau et autres scribouilleurs de l'Empire Pelladeau, à l'image de ceux de l'Empire Bolloré, est la paresse intellectuelle5, étant entendu que pour rendre « accessibles » au plus grand nombre leurs propos incendiaires, vaut mieux emprunter des raccourcis, utiliser des clichés, nourrir les préjugés et verser dans le manichéisme qui sépare drastiquement les bons des méchants ; ça évite les questionnements inutiles, à savoir qui est vraiment bons et qui est vraiment méchants ?

À la Cour, durant le procès, les correspondants des différents médias français se comptaient sur les doigts d'une main (à part Mediapart, il y avait Libération, Le Canard enchaîné, Marianne, Le Figaro — qui a bien dû reconnaître, dans un geste de contrition inhabituelle, la nature « accablante » du dossier concernant l'un des membres de sa famille politique). Fait encore plus accablant, aucun journaliste, reporter, présentateur, animateur des chaînes audio-visuelles qui se sont acharnées sur les Juges ayant prononcé la peine (certains ont même reçu des menaces de mort) n'ont mis, ne serait-ce que le « gros orteil » dans la porte du Tribunal pour se rendre compte concrètement, objectivement du contenu et de la portée « réels » des chefs d'accusation, l'historique de l'enquête ayant fait l'objet d'un travail de terrain assidu, de récolte d'informations, d'investigations, d'analyses, de mises en contexte, d'interrogatoires, de contre-interrogatoires et tout ce qui s'avère nécessaire pour rendre un Jugement le plus juste possible concernant un délit très grave (d'ancien-ne-s magistrat-es ont même parlé de « Crime de haute trahison »), gravité qui justifie l'exécution provisoire, elle aussi ayant été vilipendée par une armée de pleurnicheurs qui, vraisemblablement, n'y entendent rien.

Le seul hic, le Tribunal (ainsi que Mediapart qui a initié l'enquête judiciaire par ses révélations) s'est attaqué à un monstre sacré, aussi corrompu soit-il, comme aiment bien les défendre des pseudo-journalistes comme Christian Rioux qui se cherchent compulsivement un public à l'image de leur incompétence. Sarkozy est une « fripouille », tous les commentateurs le moindrement sérieux, intègres et informés le reconnaissent6. Il fait office de prolongement parlementaire aux intérêts de la classe « cleptocratique » française, déterminée à détourner le pouvoir politique (donc le pouvoir du Peuple) à leurs seuls intérêts économiques et financiers, et n'a aucun scrupule à utiliser tous les moyens à sa disposition (légaux comme illégaux) pour mener à bien la mission qui lui a été confiée, à savoir discréditer de façon délibérée, par l'entremise de jugements arbitraires et gratuits, les Institutions de la République (à l'évidence imparfaites), comme l'a toujours fait l'extrême-droite, appuyée en cela par les puissances de l'argent qui préféreront toujours les fascistes aux communistes comme elles préfèrent le RN à LFI.

Dans ce contexte, et étant donné que nous sommes encore et toujours (pour le meilleur et pour le pire) en démocratie libérale, la séparation des pouvoirs, non seulement entre l'Église et l'État (comme aiment le rappeler les chroniqueurs de l'Aut'journal pour justifier l'application de la Loi 21 — en violation d'éléments centraux du Droit International sensés protéger la liberté de religion) mais aussi entre le Législatif, l'Exécutif et le Judiciaire a pour objectif de maintenir un équilibre, le plus équitable possible, entre les différents types et formes de prérogative : celle des représentants élus au suffrage universel, celle du gouvernement nommé par le parti à la tête de l'État, celle des Juges qui, en principe, n'ont aucune connexion réelle, partisane, intéressée avec les législateurs et/ou les exécutants (ce qui ne signifie pas qu'ils ne privilégient aucune idéologie politique, qu'ils n'ont aucune préférence pour un parti ou l'autre, qu'ils n'ont pas déjà une opinion sur le personnage dont ils vont évaluer le comportement à l'aune des Lois de la République — seulement, ils doivent en faire abstraction lorsqu'ils délibèrent en vue de rendre un Jugement).

Il est donc facile, voire malhonnête et pernicieux, d'en référer d'emblée à ce qui est devenu un mécanisme de défense qui se pare de valeurs « démocratiques » (alors qu'il s'agit, en fait, de pure démagogie) en recourant à la légendaire dénonciation du « Gouvernement des Juges ». Premièrement, il s'agit d'un euphémisme, étant donné, comme nous le disons plus haut, la nature libérale, parlementaire et « bourgeoise » de notre système politique qui délègue aux différentes Cours de Justice la responsabilité de veiller à ce que les décisions prises dans les Parlements, abstraction faite du fait qu'ils soient occupés ou non par des représentants élus, soient conformes aux Constitutions encadrant l'adoption des Lois ainsi que leurs mises en application. Reprocher au Tribunal Correctionnel d'avoir rendu un verdict de culpabilité concernant un ancien Président de la République (qui est, d'abord et avant tout, un citoyen au même titre que n'importe quel autre citoyen) serait comme reprocher à un agent de police d'avoir donné une contravention à un automobiliste ayant brûlé un feu rouge (“ vous abusez de votre pouvoir, monsieur l'agent ” !).

Deuxièmement, faisons, pour conclure, un peu de politique fiction. Substituons à l'Affaire « Sarkozy/Kadhafi » une éventuelle Affaire « Mélanchon/Poutine » qui se serait soldée comme suit : “ Monsieur Jean-Luc Mélanchon (leader de La France Insoumise — LFI), vous êtes reconnu coupable d'« Association de Malfaiteurs » dans l'affaire du financement russe de votre campagne électorale de 2022. Vos proches collaborateurs sont entrés en contact avec des agents du Kremlin — sous la supervision de Vladimir Poutine — afin de sceller une entente de financement de votre campagne en échange d'une promesse de lobbying effectué par LFI à l'Assemblé Nationale pour stopper le financement de la guerre en Ukraine par le gouvernement français. ” La même meute aux abois pour s'offusquer d'une prétendue partialité (Sarko a même parler de « haine ») de la part des Juges du Tribunal Correctionnel aurait célébrer la victoire de la République qui, par l'entremise d'un pouvoir judiciaire ayant fait preuve de courage, a réussi à rétablir la confiance du Peuple français envers ses institutions « modèles », signe d'une vitalité démocratique qui redonne à la France sa grandeur d'antan...

Mario Charland
Shawinigan

Notes
1.On a qu'à penser à l'Habeas Corpus Act de 1679 voté par le Parlement anglais pour restreindre la propension du pouvoir royal en matière d'arrestations et de détentions arbitraires.
2.En sous titre : « L'incarcération de Nicolas Sarkozy symbolise le pouvoir disproportionné des juges aux dépens du politique. »
3.Voir aussi l'excellent compte-rendu d'Alexis Bellas sur la chaîne L'esprit critique.
4.Deux anciens collaborateurs de Sarkozy, ayant trempé dans la même affaire, Brice Hortefeu et Claude Guéant, ont aussi été inculpé, respectivement à deux et six ans de prison.
5.On pourrait les surnommer : les « feignants du coco »...
6.Il a déjà été reconnu coupable dans une affaire d'écoute illégale (il porte, à cet égard, un bracelet électronique) et est en attente d'un autre Jugement en Appel pour dépassement de coûts dans la campagne électoral de 2012. C'est un délinquant en col blanc, un « récidiviste » qui mérite d'être jugé et traité comme tel.

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La vérité sur la marche de la « génération Z » au Mexique

2 décembre, par Kurt Hackbarth — ,
Une marche de jeunes marquée par l'absence notable de jeunes. Une marche contre la violence qui s'est terminée par des violences délibérément provoquées. Une marche non (…)

Une marche de jeunes marquée par l'absence notable de jeunes. Une marche contre la violence qui s'est terminée par des violences délibérément provoquées. Une marche non partisane dont l'un des principaux promoteurs est à la solde du parti conservateur du pays. Une marche inspirée par les images de la bande dessinée à succès de gauche One Piece, qui a sombré dans un tourbillon de haine d'extrême droite.

https://jacobin.com/2025/11/gen-z-march-mexico-city-sheinbaum

25 novembre 2025

Les contradictions entourant la marche dite de la « génération Z » au Mexique le 15 novembre, également connue sous le nom de « manifestations et émeutes du 15N », sont nombreuses. De plus, elles constituent une leçon concrète sur le « modèle de franchise » du symbolisme des manifestations internationales, dans lequel un événement national se fait approprier pour répondre aux objectifs des franchisés. Mais surtout, elles démontrent l'obstination volontaire de la presse internationale à se laisser séduire, encore et encore, par l'histoire apparente plutôt que par la réalité.

La terre brûlante

L'événement qui a déclenché la marche était bien réel. Le 1er novembre, Carlos Manzo, le maire au franc-parler de la ville d'Uruapan, dans l'État de Michoacán, a été abattu lors d'un événement public au milieu des festivités du Jour des morts. Après avoir été maîtrisé, l'assassin, un jeune de 17 ans originaire de la ville voisine de Paracho, a été tué dans des circonstances mystérieuses par les forces de sécurité.

Agissant rapidement, le gouvernement fédéral a arrêté le cerveau présumé, membre d'une cellule criminelle liée au cartel Jalisco Nueva Generación, ainsi que sept des gardes du corps personnels de Manzo, soupçonnés de complicité. La présidente Claudia Sheinbaum a également annoncé son « Plan Michoacán », un ensemble de mesures sécuritaires, économiques, éducatives et culturelles d'un montant de 57 milliards de pesos mexicains (3 milliards de dollars américains) destiné à aider cet État en difficulté et sa région, bien nommée Tierra Caliente, ou « Terre chaude ».

Parmi toutes les publications opportunistes qui ont suivi cet événement, il est important de replacer les choses dans leur contexte. Sheinbaum a réussi à réduire le taux d'homicides de 37 % au cours de sa première année au pouvoir, ce qui est impressionnant. Outre son taux de popularité extrêmement élevé, une solide majorité d'électeurs et d'électrices approuve sa gestion de la question de la sécurité. Selon au moins un sondage majeur réalisé dans les jours qui ont suivi la fusillade, sa cote de popularité a même augmenté.

Tout cela n'est bien sûr qu'une maigre consolation pour celleux qui vivent dans des régions où la violence liée au crime organisé fait partie du quotidien. Le meurtre de Manzo n'est certainement pas un cas isolé : riche en eau, en minéraux et en cultures d'exportation telles que les avocats et les citrons verts, l'État de Michoacán a vu sept maires assassinés depuis 2022 seulement. D'autres, comme le maire de la ville de Cuitzeo dans la région du Bajío, ont été victimes de multiples tentatives d'assassinat. Pour aggraver les choses, le gouverneur du Michoacán, Alfredo Ramírez Bedolla, s'est détourné de sa mission générale de rétablissement de la paix dans la région, son administration étant empêtrée dans des scandales personnels et des luttes politiques internes.

Une déstabilisation dramatisée

Mais la manière dont les crises du Michoacán ont débouché sur la marche à Mexico est une tout autre affaire. Conscients de leur profonde impopularité auprès des électeurs, les partis de droite mexicains sont passés maîtres dans l'art de présenter des affaires hautement partisanes comme des manifestations non partisanes de la « société civile » qui s'exprime. Un exemple typique : les manifestations Marea Rosa, ou Marée rose, qui ont eu lieu de manière sporadique tout au long du mandat du prédécesseur de Sheinbaum, Andrés Manuel López Obrador (AMLO).

Cette fois-ci, les mêmes intérêts ont décidé d'importer le concept de « génération Z », qui a récemment pris de l'importance dans des pays comme l'Indonésie, le Népal et Madagascar, en le greffant sur une « marche des jeunes » annoncée précédemment. L'un des principaux leaders de la marche s'est toutefois avéré être à la solde du Parti action nationale (PAN), un parti de droite, pour un montant de plus de 2 millions de pesos (115 000 dollars américains). Quant aux comptes sur les réseaux sociaux, ils ont été retracés jusqu'à une agence de marketing de l'État de Jalisco, puis jusqu'à un ancien membre du Congrès appartenant à l'autre parti d'opposition, le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI).

Dans les jours qui ont précédé la marche, et sous prétexte de simplement jouer sur l'imagerie pirate de la série manga One Piece, ces comptes de réseaux sociaux se sont livrés à une campagne manifeste d'incitation à la violence, avec des affiches de Sheinbaum et AMLO accompagnées de la mention « Wanted Dead or Alive » (Recherchés morts ou vifs) et des vidéos grossières générées par IA montrant le Palais national et la cathédrale métropolitaine en flammes. (Des vidéos générées par l'IA ont également été utilisées après la marche pour simuler les foules que la marche n'avait pas réussi à attirer par elle-même). Même un examen superficiel des comptes montrait clairement que ces efforts de type « comment ça va les jeunes » n'étaient en rien le résultat spontané d'une campagne menée par des jeunes.

Comme on pouvait s'y attendre, le jour même de la marche, l'absence relative de jeunes est rapidement devenue douloureusement évidente. En effet, la composition démographique de la marche était assez similaire à celle des marches Marea Rosa des années précédentes : classe moyenne à moyenne supérieure, âge moyen à avancé. Pendant ce temps, le meurtre de Manzo — en théorie, la raison d'être de la marche — a fini par se perdre dans un tourbillon d'insultes adressées à la présidente. À cela s'ajoutaient les attaques habituelles, désormais largement recyclées, contre MORENA, la présidente Sheinbaum et le parti d'AMLO, ainsi qu'une confusion fondamentale quant à savoir si les manifestant·es étaient confronté·es à un « narco-gouvernement » ou, au contraire, à un « gouvernement submergé par le crime organisé ». Un orateur compétent aurait pu imposer une certaine cohérence à ce désordre et trouver un moyen de canaliser les revendications des manifestant·es en un message plus unifié. Mais lorsque les gens sont arrivés sur la place principale de Mexico, le Zócalo, il n'y avait ni scène ni orateur.

Au lieu de cela, un contingent de provocateurs armés d'outils spécialisés et de cordes s'est mis à démanteler les barrières protégeant le Palais national et à attaquer la ligne de police derrière celle-ci. Dans une scène particulièrement horrible, encouragé par le site d'extrême droite argentin La Derecha Diario, un policier a été encerclé, roué de coups de pied et battu avec ces mêmes outils. Parmi les dix-huit personnes arrêtées pour actes de violence figurait un délégué régional du PAN dans le quartier de Cuauhtémoc, dont la mairesse, Alessandra Rojo de la Vega, a été accusée d'avoir financé les provocateurs.

À un demi-pâté de maisons de là, incapables d'atteindre les portes du palais national, des néonazis s'affairaient à peindre « puta judía » (« pute juive ») sur les portes de la Cour suprême. La laideur s'était déchaînée et l'effet escompté avait été obtenu. « La révolution populaire mondiale est imparable ! » s'est exclamé Alex Jones. « J'ai observé Mexico ce week-end ; il y a de gros problèmes là-bas », a déclaré Donald Trump, ajoutant qu'il n'était « pas satisfait » du pays. Jouant avec l'idée d'une invasion, l'ambassade des États-Unis au Mexique, dirigée par l'ancien béret vert et agent de la CIA Ron Johnson, a tweeté le message suivant : « Cela n'arrivera que si eux [le Mexique] le demandent. »

Selon un article du journal Milenio, quelque huit millions de robots payés par des membres du parti et des organisations privées ont travaillé d'arrache-pied à l'approche du 15 novembre, occupant environ 46 % de l'ensemble des conversations sur les réseaux sociaux. Il s'agit de la plus grande campagne de ce type au Mexique depuis la campagne présidentielle massive de 2024. Et l'effet ne s'est pas limité à l'extrême droite.

De Reuters à la BBC en passant par le Guardian, les médias anglophones ont repris sans critique le cadre présenté. Un exemple illustratif est celui de l'Associated Press, dont l'article en espagnol admettait dans son premier paragraphe que les détractrices et détracteurs du gouvernement étaient plus nombreux que les jeunes à participer à la marche, un fait qui a été supprimé de la version anglaise de l'article.

Les milliardaires se comportent mal

Derrière ce spectacle médiatique international, des intérêts plus locaux étaient à l'œuvre. À la suite de la réforme judiciaire ratifiée en septembre 2024, des élections directes ont eu lieu en juin de cette année pour renouveler la moitié de la magistrature fédérale et l'ensemble de la Cour suprême. Le 13 novembre, deux jours seulement avant la manifestation, la nouvelle cour a rejeté la dernière tentative du magnat Ricardo Salinas Pliego d'échapper au paiement d'arriérés d'impôts pour son groupe Grupo Elektra dans sept affaires remontant à 2008.

Ces affaires, qui avaient été mises en veilleuse par l'ancien juge Luis María Aguilar, représentaient un montant total astronomique de 48,3 milliards de pesos (2,6 milliards de dollars américains). Salinas Pliego est également à la tête de la deuxième chaîne de télévision du Mexique, TV Azteca, qu'il utilise, comme on pouvait s'y attendre, comme une arme contre la nouvelle cour et en faveur de la rhétorique d'extrême droite la plus rance. Le jour du verdict de la Cour suprême, le présentateur vedette d'Azteca a déclaré, devant un décor orageux, que c'était un « jeudi noir ». Quant à la marche elle-même, elle a fait l'objet d'une couverture médiatique exhaustive. Maintenant que l'oligarchie mexicaine n'a plus le pouvoir judiciaire dans sa poche et que les perspectives de reconquérir la présidence et le Congrès sont actuellement lointaines, il faut s'attendre à davantage d'agitation artificielle de ce type dans les mois et les années à venir.

En fin de compte, cependant, tout cela n'a servi à rien. Une nouvelle manifestation, rapidement organisée pour le 20 novembre, jour commémorant le début de la révolution mexicaine, a attiré si peu de monde que les journalistes étaient plus nombreux que les manifestant·es. Le regard déçu de Ciro Gómez Leyva, animateur de l'émission Ciro por la Mañana sur Radio Fórmula, résumait la réaction de toute une classe sociale. Leur opération de déstabilisation orchestrée avait échoué. Ils tenteront sans doute à nouveau leur chance.

Kurt Hackbarth est écrivain, dramaturge, journaliste indépendant et cofondateur du projet médiatique indépendant « MexElects ». Il coécrit actuellement un livre sur les élections mexicaines de 2018.

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Chili : du crépuscule progressiste à l’avancée réactionnaire

2 décembre, par Karina Nohales , Pablo Abufom Silva — ,
Le premier tour des élections présidentielles chiliennes, ainsi que les élections législatives, qui ont eu lieu le 16 novembre dernier, confirment le déplacement de l'électorat (…)

Le premier tour des élections présidentielles chiliennes, ainsi que les élections législatives, qui ont eu lieu le 16 novembre dernier, confirment le déplacement de l'électorat du pays andin vers l'extrême droite – le candidat José Antonio Kast s'y affirmant comme leader du bloc des droites – dans un contexte régional marqué par l'expansion des forces réactionnaires.

Tiré de la revue Contretemps
24 novembre 2025

Par Karina Nohales et Pablo Abufom Silva

Karina Nohales etPablo Abufom Silvanous proposent ici leurs analyses à chaud, en attendant le second tour, le 14 décembre, dans un texte publié initialement en castillan par Jacobin América Latina.

Une droite recomposée et dominante

Tout indique que le Chili sera gouverné pendant les quatre prochaines années par une coalition de partis de droite, menée par l'une de ses fractions les plus radicales, avec José Antonio Kast en tête. Cette droite — le pinochetisme — existe depuis des décennies dans le pays, mais arriverait pour la première fois au gouvernement par la voie électorale, avec le soutien de secteurs populaires et dans un contexte international marqué par l'avancée rapide de forces d'extrême droite.

Les résultats du dimanche 16 novembre illustrent clairement l'ampleur de la victoire de la droite. À l'élection présidentielle, le bloc atteint 50,3 % des voix, réparties entre José Antonio Kast [1] (23,9 %, Parti républicain), Johannes Kaiser [2] (13,9 %, Parti national libertarien [3]) et Evelyn Matthei [4] (12,5 %, Chile Vamos [5]).

Dans le même temps, la droite s'affirme comme force majoritaire au Congrès. Sur les 155 sièges de la Chambre des députés, le secteur aligné autour de Kast en obtient 76, contre 64 réunis par la gauche et la centre-gauche. Au Sénat, le bloc atteint la moitié des sièges. Si l'on ajoute les 14 sièges obtenus par le Parti du peuple (Partido de la Gente [6]), tout indique que la droite au gouvernement pourra constituer une majorité parlementaire capable d'atteindre les 4/7 nécessaires pour promouvoir des réformes constitutionnelles.

Dans ce contexte, la droite traditionnelle — l'Union démocrate indépendante (UDI), Rénovation nationale (RN) et Evópoli, regroupées dans la coalition Chile Vamos — finit par s'aligner derrière Kast après une lutte interne pour le leadership du secteur et au terme d'une défaite retentissante. Leur candidate présidentielle arrive cinquième, derrière toutes les autres candidatures de droite ; le bloc passe de 12 à 5 sièges au Sénat et de 52 à 23 à la Chambre des députés, et l'un des partis de la coalition disparaît.

Loin de toute politique de « cordon sanitaire » — comme appliquée par certains secteurs libéraux-conservateurs dans d'autres pays pour isoler l'extrême droite —, au Chili, la droite traditionnelle maintient des liens historiques et organiques avec le pinochetisme. Cette connexion explique sa rapide subordination au leadership de Kast dans le nouveau cycle politique actuel.

Un progressisme en recul et une campagne sans alternative

La candidate du gouvernement sortant présidée par Gabriel Boric (Gauche-Centre-gauche), Jeannette Jara — du Parti communiste et présentée par le pacte Unidad por Chile [7] — s'est imposée avec une majorité étroite dans une campagne qui, bien qu'elle ait été la seule candidature progressiste, n'a pas proposé une véritable alternative de gauche. Les 26,7 % obtenus restent en deçà des attentes générées par sa gestion au ministère du Travail et même en dessous des 38 % qui ont soutenu la proposition constitutionnelle progressiste de 2022.

Il est vrai que Jara faisait face à un scénario défavorable : un contexte international de montée des droites, l'usure d'un gouvernement confronté à une contestation généralisée, et le poids d'un récit anticommuniste très efficace. Mais ni le gouvernement ni la candidate n'ont développé une stratégie claire de confrontation avec l'extrême droite. Au contraire, sur des thèmes sensibles comme la migration et la sécurité, ils ont choisi d'adopter une partie du discours et du programme de leurs adversaires.

La candidate n'a pas non plus cherché à se différencier du consensus néolibéral persistant adopté par toutes les forces institutionnelles depuis la défaite constitutionnelle d'octobre 2022, en commençant par le gouvernement Boric lui-même. C'est l'une des expressions les plus claires de l'avancée de l'extrême droite : elle ne fait pas que convaincre l'électorat, elle parvient aussi à imposer transversalement son agenda.

La surprise du premier tour fut les 19,7 % obtenus par Franco Parisi(1967), candidat du Parti du peuple, un parti qui interpelle les aspirations des classes moyennes à travers un mélange de populisme monétaire, de xénophobie sécuritaire et d'une rhétorique crypto-digitale contre la corruption et les « privilèges » des fonctionnaires. Alors que tous les sondages le plaçaient en cinquième position, il termine troisième, devant Kaiser et Matthei.

Pour sa troisième candidature présidentielle, Parisi triple son score de 2021 et obtient la première place dans les quatre régions du nord, une zone stratégique pour l'industrie minière, fortement marquée par une sensibilité antimigrants et des accents xénophobes en raison du passage frontalier des migrant.es en provenance du continent. Parisi devient donc la principale réserve de votes que Jeannette Jara tentera de capter, ce qu'elle a d'ailleurs explicitement signalé dans son discours du 16 novembre au soir.

Une opposition à reconstruire face au cycle réactionnaire

Les premières analyses montrent une fragmentation territoriale nette du vote. Un rapport du centre Faro UDD indique que Parisi l'emporte dans le « nord minier » (Arica, Tarapacá, Antofagasta, Atacama), Jara obtient la majorité dans le « Chili métropolitain-central » (Région métropolitaine et Valparaíso, ainsi que l'extrême Sud : Aysén et Magallanes) et Kast domine dans la « zone sud-agricole » (O'Higgins, Maule, Ñuble, Biobío, Araucanía, Los Ríos, Los Lagos).

Cette fragmentation se double d'une fracture socio-économique. Un élément critique pour la candidate du gouvernement est que son score dans les communes à revenus faibles et moyens est inférieur à celui enregistré dans les communes à hauts revenus — une tendance inversée pour Kast, dont le vote augmente dans les communes les plus pauvres et baisse dans les plus riches. Ces différences sont encore plus significatives dans une élection au vote obligatoire ayant atteint une participation de 85 %, la plus élevée depuis 1989.

Un autre élément clé pour la seconde manche et pour le prochain gouvernement : sur les 25 partis légalement constitués au moment de l'élection, 14 sont dissous en vertu de la loi sur les partis politiques, qui exige un minimum de 5 % des voix à l'élection des députés, ou à défaut au moins quatre parlementaires élus dans deux régions différentes.

Parmi les 14 partis qui disparaissent, 8 sont de gauche, 4 du centre et 2 de droite. Le résultat est brutal : après cette élection, tous les partis de gauche situés hors de la coalition gouvernementale disparaissent légalement. L'une des causes de ce désastre est l'incapacité à présenter une liste unitaire dans un système électoral — basé sur la méthode D'Hondt — qui récompense les coalitions et pénalise sévèrement la dispersion.

Les processus politiques — y compris électoraux — ont un impact direct sur les émotions collectives, et aujourd'hui cet impact se traduit par un profond découragement au sein de la gauche. Nous savons par ailleurs que l'ascension sociale et électorale de l'extrême droite n'est pas un phénomène exclusivement chilien. Dans la région, cela a eu lieu avec Bolsonaro au Brésil, cela se produit avec Milei en Argentine, et aux États-Unis avec Trump. Le moment actuel exige d'apprendre des expériences des peuples et des gauches qui ont déjà affronté cette avancée réactionnaire depuis le gouvernement. Toutes les trajectoires ne sont pas identiques, mais le dialogue internationaliste est indispensable pour comprendre les tâches qui s'ouvrent dans le prochain cycle politique.

Dans l'immédiat, en vue du second tour présidentiel du 14 décembre, il importe de savoir si le score final de Kast a ou non de l'importance. Appeler à voter pour Jara implique d'expliquer pourquoi le faire malgré une position profondément critique envers elle et son camp, et pourquoi le faire malgré la forte probabilité d'une défaite. L'argument est en réalité simple : après tout, une politique de transformation radicale commence rarement dans des conditions favorables, et pourtant nous persistons.

La première tâche politique dans cette conjoncture est de déployer une pédagogie antifasciste, rappelant l'importance de mobiliser toute notre force pour empêcher que la version la plus extrême du programme d'exploitation ne s'impose sans contrepoids et sans résistance. Il est crucial que celles et ceux qui se sentent aujourd'hui découragés puissent se retrouver dans une réflexion commune et répondre à l'appel à reprendre l'organisation et la mobilisation. Pour construire une base large d'opposition au futur gouvernement d'extrême droite, il ne revient pas au même de perdre, ou de « bien perdre » : il faut perdre la tête haute et avec la plus grande clarté stratégique possible.

La reconstruction de nos forces et l'élaboration d'une réponse à la crise du point de vue de la classe travailleuse — face à un fascisme décomplexé comme à un progressisme en déroute — exigeront un travail programmatique sérieux, qui devra se développer dans l'action des mouvements populaires, et non uniquement dans les centres de pensée ou les bancs parlementaires. Face au programme conservateur, autoritaire, nationaliste, patriarcal et capitaliste de la droite chilienne, les mouvements populaires devront se constituer en première ligne de défense et en principale tranchée depuis laquelle organiser une contre-offensive.

*

Karina Nohales est avocate, militante féministe chilienne et engagée au sein du Comité chilien des femmes travailleuses et syndicalistes, ainsi que de la Coordinadora Feminista 8M. Lire aussi : https://www.contretemps.eu/?s=KArina+Nohales

Pablo Abufom Silva, est traducteur et journaliste, militant de l'organisation Solidaridad. Lire aussi : https://www.contretemps.eu/?s=Pablo+Abufom

Publié initialement dans Jacobin América Latina. Traduit de l'espagnol (chilien) pour Contretemps Web par Christian Dubucq.

Notes

[1] José Antonio Kast (1966). Homme politique chilien d'extrême droite, fondateur du Parti républicain (2019), formation conservatrice, nationaliste et autoritaire revendiquant explicitement l'héritage du pinochetisme. Ancien député (2002–2018), il a déjà été candidat présidentiel en 2017 et 2021.

[2] Johannes Kaiser (1976). Député et personnalité politique chilienne issue de l'ultra-droite libertarienne. Cofondateur du Parti National Libertarien (2024), il s'est fait connaître par des positions antiféministes, anti-immigration et par sa proximité idéologique avec Javier Milei.

[3] Parti National Libertarien (Partido Nacional Libertario). Formation politique chilienne apparue en 2024 dans le sillage de la vague libertarienne latino-américaine. Il prône un ultralibéralisme économique, un État minimal et une ligne sécuritaire très dure.

[4] Evelyn Matthei (1953). Économiste et politicienne chilienne, membre de l'Union Démocrate Indépendante (UDI). Ministre à plusieurs reprises, ancienne sénatrice et finaliste de l'élection présidentielle de 2013. Représente la droite conservatrice classique.

[5] Chile Vamos. Coalition de droite traditionnelle formée en 2015, regroupant principalement trois partis : UDI (Unión Demócrata Independiente), conservatrice et historiquement liée au pinochetisme ; Renovación Nacional (RN), droite libérale-conservatrice ; Evópoli, centre-droit libéral. Cette coalition a gouverné sous les présidences de Sebastián Piñera (2010–2014 ; 2018–2022).

[6] Le “Parti du peuple” (Partido de la Gente), malgré son nom, est un mouvement populiste de droite qui canalise le mécontentement social dans une direction antipolitique et néolibérale, loin de toute perspective réellement populaire ou émancipatrice.

[7] « Unidad por Chile » est la coalition électorale formée autour du Frente Amplio (coalition puis parti réunissant des forces socialistes, féministes et écologistes issues des mobilisations étudiantes), du Parti communiste et de mouvements sociaux progressistes.

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En Afrique, le fléau des violences sexistes et sexuelles

Le 10 décembre 2024, des manifestations pacifistes contre le féminicide ont été violemment disperséesà Nairobi. Le continent africain est le plus touché par les meurtres de (…)

Le 10 décembre 2024, des manifestations pacifistes contre le féminicide ont été violemment disperséesà Nairobi. Le continent africain est le plus touché par les meurtres de femmes : en 2023, selon le dernier rapport (1) de l'ONU Femmes, il y a eu 51 100 féminicides dans le monde, dont 21 700 rien qu'en Afrique (mais ce chiffre pourrait atteindre près de 30 000, selon une fourchette haute).

Tiré de afriquexxi
25 novembre 2025

Par Michael Pauron

L'image montre une installation artistique composée de nombreux mannequins recouverts de bandes de plastique colorées, principalement dans des teintes orange et jaune. Ces mannequins sont alignés et se font face, créant une impression de masse. Sur leur surface, on peut voir des mots et des phrases comme "justice", "Stalking", "MeToo" et "Do not look away", écrits en noir et rouge, ce qui suggère un message fort et engagé. L'ambiance générale semble à la fois frappante et troublante, évoquant des thèmes de lutte contre l'injustice et les violences faites aux femmes. Les couleurs vives et les slogans bien en vue attirent l'attention et suscitent réflexion.

Photo d'illustration.
© Mika Baumeister / Unsplash

Avec des dizaines de meurtres de femmes par an, le Kenya serait l'un des pays du continent le plus touché par ces violences faites aux femmes. Malheureusement, peu de données officielles sont disponibles pour affiner ce chiffre, mais, selon une compilation réalisée par le média indépendant Africa uncensored, au moins 500 femmes ont été tuées dans le pays entre 2016 et 2023. Un autre décompte, celui de Femicide Count Kenya, établit 152 féminicidesrien que sur l'année 2023.

Depuis le début de l'année, de nombreuses marches ont lieu dans plusieurs villes. En septembre 2024, le meurtre atroce de l'athlète ougandaise Rebecca Cheptegei, brûlée vive par un homme à Eldoret, au nord-ouest de Nairobi, a jeté une lumière crue sur les violences faites aux femmes au Kenya. D'autant que Cheptegei n'est pas la première femme athlète à avoir été assassinée dans ce pays. En 2021, Agnes Tirop, une coureuse olympique, a été poignardée à mort à son domicile d'Iten, une ville mondialement connue pour ses centres d'entraînement de haut niveau. Quelques mois plus tard, Damaris Mutua, athlète bahreïnie d'origine kényane, a été retrouvée étranglée dans la même ville.

Les revendications des militant·es sont de trois ordres : que le gouvernement hisse le féminicide au rang de crise nationale ; la tolérance zéro face aux agresseurs ; et la mise en place de statistiques fiables afin de mieux étudier l'ampleur et les causes du phénomène. Mais la répression dont ont été victimes les manifestant·es en décembre n'envoient pas un signal positif dans le sens de ces revendications.

Note

1. « Femicides in 2023, global estimate of intimate partner/family member femicide », UN Women, 2024.

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Europe : Pour une autre politique économique face aux réponses d’extrême droite et à l’offensive de Trump

2 décembre, par Éric Toussaint — ,
La situation économique européenne, conjuguée à des rapports de forces très défavorables vis-à-vis des États-Unis et de la Chine, est un des ciments de la montée de l'extrême (…)

La situation économique européenne, conjuguée à des rapports de forces très défavorables vis-à-vis des États-Unis et de la Chine, est un des ciments de la montée de l'extrême droite et des politiques austéritaires.

Tiré de Inprecor 738 - novembre 2025
14 novembre 2025

Par Éric Toussaint

Ursula von der Leyen et Emmanuel Macron à la Sorbonne, 5 mai 2025. European Union, CC BY 4.0

Peux-tu nous faire un état des lieux de la situation économique de l'Union européenne au regard du marché mondial ?

Les pays de l'Union européenne, auxquels on peut ajouter la Grande-Bretagne, sont en grande difficulté. Premièrement, la croissance est proche de zéro. Nous ne sommes pas du tout des adeptes de la croissance, mais du point de vue du capitalisme, avoir une croissance proche de zéro, c'est un problème pour les capitalistes européens.

Deuxièmement, l'UE est en situation d'infériorité par rapport aux deux grands pôles économiques, la Chine et les États-Unis. La première a un avantage technologique, c'est-à-dire que dans ses échanges commerciaux avec l'Europe, elle est gagnante car elle peut placer ses produits à des prix inférieurs à ceux des produits équivalents réalisés dans l'Union européenne. C'est le cas dans des domaines comme les véhicules électriques, les panneaux solaires, le matériel informatique, etc. L'UE est également en infériorité technologique par rapport aux États-Unis dans le domaine de l'intelligence artificielle et d'autres services.

D'autre part, l'UE et la GB sont dans une position d'infériorité par rapport à la puissance économique des États-Unis, qui utilise différents moyens notamment les tarifs douaniers. L'Europe accepte le leadership des États-Unis sur le plan politique et militaire, et les défis ou les provocations de Trump sur le plan commercial et économique. Ainsi, la réunion d'Ursula von der Leyen avec Donald Trump, sur un terrain de golf écossais appartenant à ce dernier, en était déjà une démonstration. Et du point de vue du contenu, les concessions qu'elle a faites au nom de l'Union européenne – comme celles réalisées par le gouvernement britannique lors des réunions avec Trump – indiquent la même chose.

Par ailleurs, c'est important de souligner qu'il y a là un point commun entre la situation des États-Unis et de l'Europe par rapport à la Chine : les États-Unis et l'Europe – l'Union européenne, la Grande-Bretagne – qui étaient pour le libre-échange et pour l'OMC, sont devenus partisans du protectionnisme face à la concurrence représentée par la Chine. Cependant l'Europe négocie des accords de libre-échange avec les pays du Sud, par exemple d'Afrique, ou du Mercosur, en utilisant les avantages qu'elle parvient à conserver. L'UE combine donc protectionnisme face à la Chine et libre-échange avec les pays ayant un désavantage de compétitivité notamment technologique.

Il y a un lien évident entre l'acceptation du leadership américain par l'Europe et l'engagement à augmenter jusqu'à 5 % du produit intérieur brut les dépenses d'armement. L'industrie d'armement est la plus « florissante » en Europe. Dans certaines régions industrielles, des entreprises d'armement procèdent à de nouveaux investissements, ce qui n'avait plus eu lieu depuis longtemps dans le secteur de la métallurgie. Par contre, dans des secteurs comme celui des véhicules électriques, elle est tout à fait en retrait et la Chine gagne des parts de marché.

L'Union européenne et les pays dominants de l'Union européenne espèrent-ils jouer un rôle dans la concurrence internationale, essayer de se hisser au niveau des autres blocs, ou est-ce qu'ils ont plutôt renoncé ?

Je pense qu'ils sont conscients de leur infériorité et essaient seulement de limiter les dégâts. De plus, cela augmente leur volonté de profiter de ce qui leur reste comme avantages par rapport à des pays du sud en retard sur le plan technologique et riches en matières premières. Mais là aussi, par exemple sur le continent africain, les pays européens sont en recul très clair par rapport à la Chine. Et il y a également une nouvelle offensive des États-Unis, qui là aussi prennent un avantage sur les capitalistes européens en ce qui concerne les ressources naturelles. On le voit avec l'accord passé entre le Rwanda et la RDC sous l'égide de Trump au mois d'août 2025 qui assure aux États-Unis l'accès aux ressources naturelles de l'est du Congo, ou encore avec l'accord passé entre Zelensky et Trump sur les ressources naturelles en avril 2025 (1). Les Européens « aident » le gouvernement Zelensky à coups de dettes en espérant monnayer ensuite certains allégements de la dette de l'Ukraine en échange d'un plus grand accès aux terres arables et aux ressources naturelles de l'Ukraine, mais Trump leur a damé le pion.

Est-ce que tu penses que cette forte infériorité est un des ciments de la montée de l'extrême droite ? Est-ce qu'une partie des classes dominante renonce à l'Union européenne pour chercher davantage de protectionnisme ?

La montée de l'extrême droite est presque généralisée dans le monde, dans d'autres conditions que l'Europe, donc l'explication fondamentale de la montée de l'extrême droite ne vient pas d'une spécificité de la situation de l'Union européenne. Mais c'est clair que c'est dans le contexte du recul des États-Unis qu'on a eu une montée des propositions de repli national et d'extrême droite de la part de Trump et du Make America Great Again. Et en Europe, la progression de l'extrême droite repose sur la précarisation des conditions de travail, sur la dégradation des conditions de vie qui est attribuée à tort aux migrant·es. La déception et la désorientation dues à la politique de la gauche traditionnelle constituent également un ressort de l'extrême droite qui se présente comme une rupture radicale.

L'extrême droite en Europe était traditionnellement anti-Union européenne. Est-ce que tu penses que c'est en train de changer ?

Ça a déjà changé. C'est très clair du côté de Marine Le Pen qui était contre l'euro et qui est devenue pro monnaie unique, notamment pour avoir le soutien du grand capital français. Le secteur du grand capital français qui apporte un appui direct au Rassemblement national ne l'aurait pas fait si Marine Le Pen avait maintenu sa position anti-euro. Et Meloni a fait exactement le même choix.

La plupart des partis de l'extrême droite européenne ont abandonné leur opposition à l'Union européenne. Ils maintiennent des critiques en exigeant une accentuation des politiques inhumaines en matière migratoire, mais fondamentalement, ils s'orientent pour l'appui à l'Union européenne. C'est dans ce cadre que le groupe de Meloni a pactisé avec Ursula von der Leyen, en échange d'une place de commissaire européen et de trois présidences de commissions. C'est extrêmement important parce que les trois commissions que le groupe parlementaire européen de Meloni a obtenues, ce sont l'agriculture, le budget et les pétitions. Par conséquent les pétitions qui surgissent des populations européennes, les tentatives d'obtenir un référendum par exemple, vont être gérées par une commission qui est présidée par l'extrême droite.

Dans l'Union européenne, depuis la Seconde Guerre mondiale, c'est du jamais vu. La nouvelle législature commencée en juin 2024 représente un virage accentuant fortement le tournant droitier de la Commission européenne (2).

Donc pour toi, il y a une tentative de fusion des intérêts d'une partie importante des bourgeoisies de l'Union européenne avec le programme de l'extrême droite ?

Oui, ça dépend des pays, mais globalement, c'est la tendance, absolument.

Ça éclaire sur les grandes difficultés du courant Renew de Macron, plus positionné sur du libéralisme classique.

J'abonde dans ton sens et d'ailleurs, si on regarde les résultats électoraux, le groupe Renew de Macron, au niveau européen, a connu un échec très important en juin 2024 en perdant 21 europarlementaires, passant de 98 sièges à 77. Or Macron et d'autres partis membres de son groupe au PE s'orientaient déjà très clairement vers des concessions à l'extrême droite.

Les groupes parlementaires qui ont le plus progressé sont ceux de l'extrême droite. C'est ainsi que le groupe autour de Marine Le Pen a gagné 35 europarlementaires notamment grâce à l'apport du parti de Viktor Orban. Le groupe autour de Meloni en a gagné 9.

Le premier groupe parlementaire européen reste le Parti populaire européen (le PP espagnol, la CDU-CSU en Allemagne, d'Ursula von der Leyen…) avec 188 parlementaires, puis vient le groupe socialiste avec 136 membres. Mais si on additionne les trois groupes d'extrême droite dans le parlement européen (ECR, le groupe autour de Meloni qui compte 78 députés, le groupe des Patriotes pour l'Europe de Marine Le Pen et Victor Orban qui en a 84 et le groupe de l'Europe des Nations souveraines formé autour de l'AFD d'Allemagne qui en a 25), l'extrême droite vient en deuxième position dans le Parlement européen avec 187 parlementaires, avec seulement un membre de moins que le groupe du Parti Populaire. Et loin derrière, il y a le groupe Renew de Macron avec 77 sièges et le groupe des Verts qui a perdu 17 parlementaires en passant de 70 à 53 sièges dans le PE. Rappelons que les Verts soutiennent Von der Leyen.

La Commission européenne, qui vire de plus en plus à droite, est soutenue par le groupe socialiste, Renew et les Verts qui s'affaiblissent tous les deux. Comme je viens de le dire, les Verts ont perdu 17 élu·es aux dernières élections européennes. Le mouvement italien Cinq étoiles, après les élections de juin 2024, a demandé à rejoindre leur groupe, mais ils lui ont refusé l'entrée car Cinq étoiles a refusé leur exigence de se prononcer en faveur de l'OTAN. Le mouvement Cinq étoiles a donc rejoint et renforcé le groupe de la gauche dite radicale (The Left) qui compte 46 parlementaires, avec LFI en France, Podemos, EHBildu, Sumar dans l'État espagnol, le Bloc de gauche et le PC au Portugal, le PTB en Belgique, le Sinn Fein d'Irlande, Syriza en Grèce, etc.

En Belgique, le grand capital a trouvé un allié en la personne du Premier ministre Bart de Wever qui dirige un parti, la Nieuw-Vlaamse Alliantie (Nouvelle alliance flamande, N-VA), qui est membre du groupe de Meloni, donc de l'extrême droite, et qui va pousser plus loin les attaques du capital contre le travail. Ajoutons que dans cette partie de la Belgique, les Flandres, lors des élections européennes, c'est le Vlaams-Belang qui est venu en tête avant la N-VA… Le Vlaams-Belang (VB) est néofasciste et est dans le groupe de Marine Le Pen et Victor Orban. Donc deux partis d'extrême droite dominent le côté flamand et un des deux dirige le gouvernement fédéral. On voit donc bien dans quel sens penche l'orientation du grand capital. Du côté francophone belge, le parti principal de la droite traditionnelle, le mouvement réformateur (MR) qui est membre de Renew au niveau européen, a adopté une orientation très proche de l'extrême droite, ce qui lui permet d'occuper le terrain de cette dernière.

Donc effectivement, si on prend différents pays, on voit que l'orientation du grand capital consiste très clairement à réduire l'espace pour les secteurs qui représentent une option de droite traditionnelle au profit de la droitisation extrême de ces formations politiques, ou au renforcement des formations indépendantes comme le RN, Vox, Chega ou le VB qui sont carrément encore plus à droite que ces formations traditionnelles.

Et si tu dois résumer en quelques points le programme de l'extrême droite à l'échelle européenne ?

Je crois qu'ils n'ont pas encore véritablement pu se mettre d'accord sur un programme commun, mais ça se situe largement dans le sillage de Trump. Par rapport à la Russie, par exemple, ils sont favorables à une négociation avec Poutine en lui faisant d'importantes concessions, et donc ils n'ont pas exactement la même logique que la position dominante de la Commission européenne dans le conflit Ukraine-Russie. Il y a aussi la volonté de mettre en œuvre des mesures protectionnistes plus importantes. Les partis d'extrême droite essaient de reproduire ce que Trump fait avec MAGA : exiger que des entreprises européennes rapatrient une partie de leur production sur le territoire européen. Là, certainement, il y aura des tensions entre les partis des différents pays, parce que les dynamiques nationales conduiront à vouloir rapatrier sur leur propre territoire, en privilégiant l'intérêt national, et pas dans une vision commune européenne.

Le programme économique et politique de l'extrême droite européenne est donc dans le sillage de celui appliqué par Trump aux États-Unis et sur le plan international. C'est aussi le cas sur la question de l'immigration, l'extrême droite se félicite de la brutalité de la politique appliquée par Trump et voudrait que la Commission et les gouvernements nationaux qui mènent déjà une politique inhumaine la durcissent. Un grand point d'accord entre les différents partis d'extrême droite, l'orientation de la commission et celle de la plupart des gouvernements européens, c'est la politique de cadeaux fiscaux aux plus riches et aux grandes entreprises ainsi que l'augmentation très forte des dépenses d'armement.

On assiste à une casse des services publics et de la protection sociale, et à une augmentation de la dette. Comment vois-tu l'évolution par rapport à ces questions ?

Il est clair qu'il y a une augmentation très forte des dettes à la fois publiques et des grandes entreprises privées. L'endettement des classes populaires a aussi augmenté, vu la pression à la baisse des revenus réels, que ce soit sur les salaires ou les indemnités ou allocations sociales. La perte de pouvoir d'achat est compensée par un recours plus important à l'endettement de la part des ménages des classes populaires.

Concernant la dette publique des États. Ces 40 dernières années, les pouvoirs publics ont répondu à différentes périodes de crise du capital en augmentant la dette publique. Dans les années 1980, la dette publique a augmenté fortement en réponse à la grande crise économique de la fin des années 1970. L'endettement a augmenté avec notamment une politique de taux d'intérêt élevés en faveur du grand capital financier, dans un contexte où les gouvernements vendaient leur dette publique sur les marchés financiers.

Ensuite pendant les années 2000, la réponse à la crise bancaire de 2008 a consisté à multiplier des sauvetages bancaires très importants qui ont fortement augmenté la dette publique.

Puis, à partir de 2012, il y a ce qui s'est appelé le quantitative easing (assouplissement quantitatif), démarré de l'autre côté de l'Atlantique par la Réserve Fédérale des États-Unis (déjà en 2010) et suivi par la Banque centrale européenne sous Mario Draghi, quand celui-ci est arrivé à la présidence de la Banque centrale européenne, succédant au Français Jean-Claude Trichet. Le quantitative easing a signifié l'injection massive, encore plus qu'avant, de liquidités dans le secteur financier, avec des taux d'intérêt très bas, et une augmentation de la dette publique. Les grandes banques privées en ont tiré profit car elles empruntaient à 0 % à la Banque centrale et prêtaient cet argent aux États, puisque les États n'ont pas le droit d'emprunter directement auprès de la Banque centrale. Les banques privées prêtaient à 2 ou 3 % aux économies dominantes et à 4, 5 ou 6 % aux pays périphériques, faisant donc des profits considérables.

Puis on a encore eu un choc avec la pandémie du coronavirus en 2020. Là, la dépense publique a augmenté, parce que les États n'ont pas voulu faire payer le grand secteur pharmaceutique et les GAFAM qui profitaient du confinement et de la pandémie. Au lieu de taxer les super profits, les gouvernements ont préféré recourir à la dette en suivant le mot d‘ordre du « quoi qu'il en coûte ». La dette publique a donc continué sa progression.

Puis il y a eu le choc provoqué par l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, l'augmentation des prix de l'énergie, les effets des sanctions européennes contre la Russie, donc l'augmentation de la facture énergétique et, pour les ménages, les effets sur les prix de l'alimentation. On a donc encore eu une augmentation de la dette publique car une fois de plus les gouvernements ont refusé de prélever des impôts supplémentaires sur les entreprises privées qui faisaient des superprofits dans les secteurs de l'énergie, de la grande distribution, de l'armement… L'augmentation de la dépense publique favorable aux grandes entreprises et aux plus riches a été financée par le recours à la dette publique qui constitue une source permanente de revenu pour les mêmes grandes entreprises car elles achètent des titres de la dette.

Et enfin, les banques centrales, la Fed des États-Unis, la BCE, la Banque d'Angleterre, à partir de février-mars 2022, décident d'abandonner le quantitative easing et de passer au quantitative tightening (resserrement quantitatif), c'est-à-dire une augmentation des taux d'intérêt, une réduction de l'injection des moyens financiers sur les marchés financiers et un dégonflement du bilan de la BCE et de Fed. Il y a donc une augmentation des taux d'intérêt : on est passé en Europe de 0 % à 4,5 % en 2023, puis il y a eu une baisse à un peu moins de 3 % du taux directeur de la Banque centrale européenne. Aux États-Unis, la réserve fédérale a augmenté son taux, qui était encore à 0 % au début 2022, à 4,75% en 2024. Cela a un peu baissé récemment, on en est à environ 4 %. L'augmentation des taux d'intérêts à partir de 2022 a eu un effet très important sur le coût du refinancement de la dette publique. La charge des remboursements de la dette publique a fortement augmenté. Cela a creusé le déficit public vu que les gouvernements continuent les cadeaux aux capitalistes.

Le discours selon lequel la dette publique a atteint des sommets et devient intenable pour le budget, est de nouveau systématiquement utilisé par des gouvernements qui sont en réalité les responsables de l'augmentation de la dette. Ils ont augmenté la dette publique parce qu'ils refusaient de faire payer les coûts des crises provoquées par le capitalisme par les grandes entreprises qui en profitaient et par les grands actionnaires qui ont continué à s'enrichir. J'ai parlé du Big Pharma, des GAFAM, il y a aussi les entreprises de production et distribution de l'énergie, les entreprises du secteur alimentaire et de la distribution, les banques, les entreprises de production d'armement qui ont fait des super profits.

Donc, en l'absence d'une augmentation des impôts sur les grandes entreprises et par le maintien des cadeaux aux plus riches, les pouvoirs publics ont augmenté la dette publique.

En 2025, la France a atteint une dette publique qui équivaut 114 % du produit intérieur brut, l'Italie est à 138 %, la Grèce à 152 %, la Belgique à 107 %, l'Espagne à 103 % et les autres pays sont en dessous généralement de 100 %. Une grande majorité des pays de l'Union européenne est nettement au-dessus des 60 % du PIB prévus par le traité de Maastricht. Nous mettons en cause la validité de la comparaison entre le stock de la dette et le PIB mais comme ce ratio est utilisé par les gouvernements et les traités qui régissent l'UE, cela constitue un moyen de mesure aussi défectueux qu'il soit.

Ce qui est certain c'est que contrairement à ce qu'affirme la droite, l'augmentation de la dette publique n'est pas provoquée par un excès de dépenses sociales ou de dépenses salariales dans la fonction publique ou d'investissements publics dans la lutte contre le changement climatique.

L'augmentation de la dette publique est le résultat de deux facteurs : 1. une politique d'augmentation de dépenses illégitimes, telles les aides publiques aux grandes entreprises et une augmentation des commandes publiques aux industries d'armement, au Big Pharma (pendant la pandémie), etc. 2. une politique de recettes publiques insuffisantes à cause du refus de taxer les riches et leurs (super) profits.

La droite, qui cherchait un argument pour franchir un nouveau cap dans les politiques d'austérité et les attaques contre les acquis qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, se saisit de cette situation pour dire qu'il faut augmenter les coupes dans les dépenses sociales et dans les investissements publics, notamment liés à la lutte contre le changement climatique et la crise écologique.

Ils en profitent aussi pour réduire les dépenses d'aide au développement. On ne se faisait aucune illusion sur comment l'aide au développement est menée, mais on se rend compte que si elle est réduite, ce n'est pas dans l'intérêt des peuples du Sud : quand Trump ferme carrément US Aid, ça a des effets désastreux sur les conditions de santé de millions de personnes qui en Afrique recevaient par exemple des traitements pour combattre le sida.

Est-ce qu'il y a selon toi un danger de rupture sur le plan économique, c'est-à-dire d'un effondrement d'États, qui deviendraient incapables de payer la dette ?

Il y a une dramatisation de la question de la dette, que nous devons dénoncer. On n'est pas confronté à la perspective d'un effondrement ou d'une incapacité de remboursement. Ce qu'il faudrait du point de vue de la gauche, c'est un gouvernement qui déclarerait, sur la base d'un audit de la dette à participation citoyenne, qu'une partie de la dette publique est frappée d'illégitimité voire de caractère odieux, et qu'il faut procéder à des annulations très importantes de celle-ci. On souhaiterait qu'un gouvernement de gauche appliquant une politique favorable à la population et réalisant un énorme investissement public dans la lutte contre la crise écologique prenne une telle décision.

Par exemple, la Banque centrale européenne détient encore près de 5 000 milliards d'euros de titres de la dette publique des pays de la zone euro, soit grosso modo 20 % de la dette publique de chaque pays. Si la BCE annulait ces créances, il y aurait une baisse d'une vingtaine de pourcents et l'argument pour mener des politiques d'austérité tomberait. En effet, tant que la BCE est créancière d'une partie importante de la dette, elle peut exercer une pression sur des gouvernements progressistes qui voudraient mener une politique anti-austéritaire.

C'est un enjeu extrêmement important quand il s'agit de parler d'alternatives. Mais il y a bien sûr aussi les dettes réclamées par le grand capital qui achète des titres de la dette publique, et là des gouvernements progressistes qui seraient élus devraient prendre des mesures d'annulation/répudiation.

Maintenant, si la droite reste au pouvoir, elle va utiliser l'argument du montant de la dette publique pour mener des politiques d'austérité accentuées. Ça ne va en rien résoudre les problèmes économiques de l'Union européenne, mais ça va augmenter la capacité d'offensive du grand capital contre le travail.

Ça ne résoudra pas les problèmes structurels économiques de l'Union européenne, mais dans la bataille du capital contre le travail, le capital marquera des points grâce aux attaques menées au nom de la nécessité de faire des coupes pour rembourser la dette publique.

La question de la dette publique est donc un élément central. Et là-dessus, par rapport à une partie de la gauche qui dit qu'il n'y a pas de problème de dette publique, je pense que la gauche radicale doit dire que cette réponse est trop courte, qu'il y a réellement un problème de dette publique parce que toute une partie de celle-ci est illégitime. Oui le montant de la dette publique n'est pas dramatique, mais elle est très importante et injustifiée. Il faut réduire radicalement cette dette publique. Pas en accélérant les remboursements, au contraire en refusant largement les remboursements et en faisant payer au grand capital – qui en a profité systématiquement – le coût de ces annulations de dette pour libérer les moyens d'un autre type de politique et d'un autre modèle de développement humain, respectueux des équilibres écologiques.

Quelles grandes mesures économiques ?

Je pense qu'un programme de gauche doit d'abord partir du vécu des populations. Il faut donc créer des emplois de qualité, utiles socialement et beaucoup mieux payés qu'aujourd'hui, avec de meilleures conditions de travail. Il faut une réduction radicale du temps de travail, avec embauches compensatoires et une augmentation du revenu réel. Il faut une tout haute politique fiscale, avec une réduction radicale, et même une suppression de la TVA sur une série de services de base – à commencer par l'eau, l'électricité –, une augmentation radicale des impôts sur les revenus et sur le patrimoine des plus riches. C'est aussi une réponse, par le biais des recettes, à une partie de la question soulevée par la dette publique.

Mais, là, il y a une grande différence par rapport à un programme social-démocrate : il ne faudrait pas qu'un programme de justice fiscale serve à rembourser des dettes illégitimes. Si on augmente les recettes, c'est pour augmenter les dépenses légitimes, les investissements publics pour améliorer les conditions de vie en lien avec la lutte contre la crise écologique. Il faut donc d'énormes investissements sur les transports en commun, la sortie du nucléaire et toute une série de projets qui permettent aussi de créer des emplois qualifiés. Il faut une augmentation des dépenses dans les services publics, avec des créations d'emplois massives, notamment dans la santé. On ne doit pas oublier ce qui s'est passé lors de la pandémie de coronavirus qui a provoqué une prise de conscience de l'importance de la santé publique et le fait que le big pharma privé ne répond pas du tout aux besoins des populations.

Il faut mettre sous statut public les grands secteurs de l'économie. Le secteur de l'énergie doit être exproprié et doit être donc un secteur public. Par expropriation, le secteur de la banque et de l'assurance doit être entièrement sous monopole public, il doit être socialisé.

Il faut abroger une série de traités léonins que l'Union européenne a imposés au pays du Sud – des traités qui au nom du libre commerce défavorisent les pays du Sud – et donc introduire un autre type de commerce.

La relation du Nord, par exemple de l'Union européenne par rapport aux peuples du Sud, doit absolument changer, notamment la politique migratoire. L'aide au développement doit être remplacée par des réparations à payer aux peuples du Sud et une restitution des biens mal acquis par le Nord sur le dos des populations du Sud.

Il y a aussi la question de l'industrie d'armement : la gauche doit lutter contre l'augmentation des dépenses d'armement et dire que le secteur de l'armement doit être aussi sous contrôle public et extrêmement réglementé, pour aller vers le désarmement, ce qui nécessite des négociations internationales.

Ce sont des éléments tout à fait fondamentaux d'un programme de gauche.

Le 24 octobre 2025

1. « L'accaparement des ressources naturelles de l'Ukraine et de l'est de la République démocratique du Congo. Les impérialismes à l'offensive. », Éric Toussaint, CADTM, 15 mai 2025.

2. « Version 2.0 : Une Europe qui vire à droite et à l'extrême droite », Éric Toussaint, CADTM, 27 juillet 2024.

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L’industrie mondiale de l’habillement tire profit du déni du droit de se syndiquer dans les principaux pays de production

Des gouvernements, des usines et des marques mondiales de mode tirent profit de la répression constante des ouvrières et ouvriers de la confection et des violations de leurs (…)

Des gouvernements, des usines et des marques mondiales de mode tirent profit de la répression constante des ouvrières et ouvriers de la confection et des violations de leurs droits du travail au Bangladesh, en Inde, au Pakistan et au Sri Lanka, écrit Amnesty International dans deux rapports complémentaires publiés le 27 novembre 2025.

Ces deux rapports, intitulés Des patrons inflexibles. Les ouvrières et ouvriers de l'industrie de l'habillement privés de liberté syndicale au Bangladesh, en Inde, au Pakistan et au Sri Lanka et Les oublié·e·s de la mode. Les marques doivent d'urgence défendre les droits des ouvrières et des ouvriers, font état de violations généralisées portant atteinte à la liberté syndicale dans l'industrie de l'habillement, qui se manifestent par des atteintes aux droits des travailleurs·euses et par des actes de harcèlement et de violence de la part des employeurs.

27 novembre 2025
https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2025/11/global-garment-industry-profits-from-denial-of-right-to-unionize-in-major-sourcing-countries/

L'alliance détestable entre des marques de mode, des propriétaires d'usines et les gouvernements du Bangladesh, de l'Inde, du Pakistan et du Sri Lanka soutient une industrie connue pour ses violations endémiques des droits humains.
Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International

« L'alliance détestable entre des marques de mode, des propriétaires d'usines et les gouvernements du Bangladesh, de l'Inde, du Pakistan et du Sri Lanka soutient une industrie connue pour ses violations endémiques des droits humains. En ne respectant pas le droit des ouvrières et ouvriers de la confection à constituer des syndicats et à négocier collectivement, ce secteur prospère depuis des décennies grâce à l'exploitation d'une main-d'œuvre largement sous-payée, surchargée de travail et essentiellement féminine, a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International.

« Il s'agit d'une mise en accusation de l'ensemble du modèle économique de l'industrie de l'habillement, qui sacrifie les droits des travailleurs·euses au Bangladesh, en Inde, au Pakistan et au Sri Lanka sur l'autel de sa quête incessante de profits pour les actionnaires d'entreprises de la mode majoritairement occidentales. »

Ces deux rapports s'appuient sur des recherches menées par Amnesty International entre septembre 2023 et août 2024, notamment sur 88 entretiens couvrant 20 usines dans les quatre pays. Parmi eux, 64 travailleurs et travailleuses, 12 dirigeant·e·s syndicaux et défenseurs·euses des droits du travail, dont plus de deux tiers de femmes. En novembre 2023, Amnesty International a également envoyé à 21 grandes marques et détaillants basés dans neuf pays, dont l'Allemagne, le Danemark, le Japon, l'Espagne, la Suède, le Royaume-Uni, les États-Unis et la Chine, un questionnaire leur demandant des informations sur leurs politiques en matière de droits humains, le suivi et les actions concrètes liées à la liberté syndicale, à l'égalité des genres et aux pratiques d'achat. Adidas, ASOS, Fast Retailing, Inditex, le Groupe Otto et Primark ont fourni des réponses complètes. Beaucoup ont renvoyé des informations partielles, notamment M&S et Walmart, tandis que d'autres n'ont pas répondu, dont Boohoo, H&M, Desigual, Next et Gap.

« Les managers nous crient dessus en nous disant que si nous rejoignons le syndicat, nous serons aussi renvoyés »

L'industrie mondiale de l'habillement fait depuis longtemps l'objet d'un examen pour les atteintes aux droits humains signalées dans ses chaînes d'approvisionnement et son modèle commercial. En Asie du Sud, les travailleurs·euses, en particulier les femmes, sont systématiquement privés de leurs droits en raison de contrats informels et précaires, de salaires de misère, de discriminations et de conditions de travail précaires.

quote>Lorsque les travailleurs et travailleuses essaient de faire entendre leurs voix, ils sont ignorés. Lorsqu'ils tentent de s'organiser, ils sont menacés et licenciés. Enfin, lorsqu'ils protestent, ils sont battus, on leur tire dessus et on les arrête.
Taufiq*, membre d'une ONG de défense des travailleurs et travailleuses au Bangladesh

Dans les quatre pays étudiés, les ouvrières et ouvriers du textile ont déclaré qu'ils n'adhèrent pas à des syndicats par crainte de répercussions de la part des employeurs. Tous les syndicalistes interrogés par Amnesty International ont décrit un climat de peur dans lequel les contremaîtres et les directeurs d'usine harcèlent, licencient et menacent fréquemment les ouvrières et ouvriers au motif qu'ils fondent un syndicat ou en font partie, en violation flagrante de leur droit à la liberté d'association.

« Lorsque les travailleurs et travailleuses essaient de faire entendre leurs voix, ils sont ignorés. Lorsqu'ils tentent de s'organiser, ils sont menacés et licenciés. Enfin, lorsqu'ils protestent, ils sont battus, on leur tire dessus et on les arrête », a déclaré Taufiq*, employé d'une ONG qui défend les droits du travail au Bangladesh.

Des centaines d'ouvrières du secteur de l'habillement à Dacca, au Bangladesh, qui réclament l'augmentation de leur salaire minimum, sont confrontées à la police en tenue antiémeute.
© ABDUL GONI/AFP via Getty Images
Des ouvrières du secteur de l'habillement à Dacca, au Bangladesh, en novembre 2023, qui demandent des salaires justes, se heurtent à des policiers en tenue antiémeutes.

« Les violations des droits humains sont quotidiennes, dans chaque usine »

Les autorités des quatre pays se servent de nombreux moyens pour dissuader les travailleurs·euses de s'organiser ou les priver de leurs droits du travail par des pratiques antisyndicales, en entravant le droit de grève, comme les obstacles spécifiques à l'organisation syndicale dans les zones économiques spéciales (ZES), et en remplaçant les syndicats indépendants par des organes alliés de la direction.

Au Bangladesh, des restrictions juridiques privent les travailleurs et travailleuses du droit à la liberté syndicale dans les nombreuses zones économiques spéciales (ZES) où la majeure partie des vêtements sont confectionnés. Les ouvrières et ouvriers sont encouragés à constituer des associations ou des comités d'aide sociale, dont les moyens d'organisation et de représentation sont limités. Les autorités répriment avec violence les manifestations des travailleurs de l'habillement et instrumentalisent la loi pour sanctionner celles et ceux qui participent à des manifestations largement pacifiques.

En Inde, un grand nombre d'ouvriers et ouvrières à domicile dans l'industrie de l'habillement, qui travaillent en dehors de l'usine à la broderie ou à la finition des vêtements, ne sont pas reconnus comme des employés par le droit du travail du pays et ne peuvent donc pas bénéficier d'une retraite, d'allocations de protection sociale liées à l'emploi ou d'une affiliation à un syndicat.

Au Pakistan, les ouvrières et ouvriers de l'industrie textile luttent au quotidien pour obtenir un salaire minimum et des contrats de travail. Le sous-paiement des salaires en raison de l'absence de contrôles et de contrats en bonne et due forme, est endémique. En outre, la décentralisation de l'administration du droit du travail, ainsi que la répression antisyndicale généralisée imputable au gouvernement, ont conduit à un déni effectif du droit à la liberté syndicale pour les travailleurs et travailleuses des zones économiques spéciales (ZES).

Au Sri Lanka, les ouvrières et ouvriers des zones franches d'exportation (ZFE) se voient privés de leur droit à la liberté syndicale par des mesures administratives trop complexes qui dressent des obstacles souvent insurmontables à la formation d'un syndicat. Ceux qui parviennent à se syndiquer subissent harcèlement et intimidation, et sont souvent licenciés, car les autorités de l'État ne les protègent pas contre les représailles des propriétaires d'usines.

Les grandes enseignes mondiales de la mode – un allié précieux des gouvernements répressifs

Les entreprises de la mode contribuent à la vulnérabilité des ouvrières et ouvriers, car elles n'assument pas leurs responsabilités en matière de droits humains, transformant la diligence requise et les codes de conduite en QCM. Elles permettent le développement de chaînes d'approvisionnement opaques et se montrent disposées à se fournir en main-d'œuvre auprès de gouvernements et de partenaires commerciaux qui ne contrôlent pas les mauvaises pratiques au travail et n'y remédient pas, ou répriment activement la liberté syndicale. Du fait de l'absence de législation sur le devoir de diligence dans de nombreux pays, les marques ne sont pas tenues de rendre des comptes sur leurs chaînes d'approvisionnement, ce qui favorise une industrie d'extraction et d'exploitation. Lorsque ces lois existent, leur mise en œuvre et leur portée sont encore en projet.

Aux termes du droit international et des normes internationales, notamment des Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme et des Principes directeurs à l'intention des entreprises multinationales de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les entreprises de la mode sont tenues d'identifier et de traiter tous les risques et les répercussions de leurs activités sur les droits humains en faisant preuve de la diligence requise à toutes les étapes de leur chaîne d'approvisionnement. Cependant, dans la plupart des États producteurs de vêtements, du fait de l'absence de législation contraignante, les atteintes aux droits des ouvrières et ouvriers s'enracinent dans les chaînes d'approvisionnement, sans que des mesures réelles ne soient prises en vue d'y remédier. En outre, les gouvernements des pays où ces marques mondiales ont leur siège n'ont pas pris de mesures afin d'empêcher les atteintes commises à l'étranger par des entreprises relevant de leur juridiction.

En raison du manque de transparence des chaînes d'approvisionnement mondiales, peu d'éléments permettent de déterminer si les politiques en matière de droits humains sont ou non mises en œuvre au niveau des usines. Les 21 enseignes de mode et détaillants interrogés ont tous des codes de conduite pour les fournisseurs, ou des politiques ou principes liés aux droits humains, qui affirment que l'entreprise s'engage à protéger le droit à la liberté syndicale des ouvrières et ouvriers. Malgré ce soi-disant engagement de la part des marques, Amnesty International a constaté que très peu de syndicats indépendants sont actifs au niveau des chaînes d'approvisionnement des entreprises de mode dans les quatre pays. Ce déni de la liberté syndicale et de négociation collective entrave les initiatives visant à prévenir, atténuer et réparer les violations des droits humains émaillant les chaînes d'approvisionnement.

« L'accès à la justice est généralement très limité pour toutes les femmes… et c'est encore plus vrai pour les femmes dalits »

En Asie du Sud, la majorité de la main-d'œuvre de l'industrie textile est constituée de femmes, qui sont souvent des migrantes rurales ou des membres de castes marginalisées. Malgré leur nombre, elles sont sous-représentées dans la direction des usines, ce qui reproduit fréquemment le système patriarcal qui règne à l'extérieur, ainsi que les discriminations existantes fondées sur la classe, l'ethnie, la religion et la caste.

Les ouvrières du secteur de l'habillement déclarent subir régulièrement des actes de harcèlement, des agressions et des sévices physiques ou sexuels sur leur lieu de travail. Pourtant, elles obtiennent rarement justice. En raison de l'absence de mécanismes efficaces et indépendants pour recevoir leurs plaintes dans les usines dirigées par des hommes, des restrictions cautionnées par l'État en matière d'organisation et des menaces des employeurs vis-à-vis de celles qui se syndiquent, leurs souffrances perdurent.

« J'ai subi des attouchements physiques et des violences verbales. Aucun membre de la direction n'a voulu prêter attention à ma situation, alors j'ai demandé à d'autres femmes de s'organiser. J'ai été menacée de licenciement à de nombreuses reprises », a expliqué Sumaayaa*, une syndicaliste de Lahore, au Pakistan.

« La liberté syndicale est la clé qui ouvre la porte au changement dans l'industrie »

Comme l'a résumé le Rapporteur spécial de l'ONU sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association dans un rapport de 2016, « [L]es travailleurs privés de leurs droits de réunion et de libre association ont peu de moyens d'action pour faire évoluer des situations qui accentuent la pauvreté, creusent les inégalités… » Le Comité du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) indique clairement que « les droits syndicaux, la liberté syndicale et le droit de grève sont déterminants pour l'instauration, la préservation et la défense de conditions de travail justes et favorables ».

Amnesty International demande aux États de veiller à ce que toutes les ouvrières et tous les ouvriers puissent exercer leur droit à la liberté syndicale et à la négociation collective, notamment en ayant la possibilité de constituer des syndicats et d'y adhérer au niveau des usines. Les États doivent aussi enquêter sur toutes les violations éventuelles de la législation du travail et d'autres lois pertinentes. En cas d'infraction avérée, ils doivent dûment sanctionner les employeurs, y compris par le biais de poursuites en justice, et accorder des réparations adéquates et en temps voulu aux personnes lésées.

Les entreprises doivent de toute urgence prendre des mesures concrètes afin de protéger les droits des travailleurs·euses dans leurs chaînes d'approvisionnement et de favoriser l'autonomisation des ouvrières. Il importe de mettre en place un système de diligence raisonnable obligatoire afin de garantir que les marques demandent des comptes aux usines sur l'ensemble de leur chaîne d'approvisionnement mondiale et, surtout, qu'elles garantissent des voies de recours aux victimes de violations des droits humains et permettent de prévenir toute violation future.

L'heure est venue d'élaborer une stratégie d'approvisionnement respectueuse des droits humains pour l'industrie mondiale de l'habillement.

Agnès Callamard

« L'heure est venue d'élaborer une stratégie d'approvisionnement respectueuse des droits humains pour l'industrie mondiale de l'habillement. Une stratégie qui garantisse une véritable liberté syndicale, sanctionne les entraves à son exercice, interdise les représailles contre les syndicats et réexamine l'approvisionnement auprès de tout site qui priverait les travailleurs et travailleuses du droit à la liberté syndicale et à la négociation collective, a déclaré Agnès Callamard.

« La réussite économique de l'industrie de l'habillement doit aller de pair avec la réalisation des droits des travailleuses et travailleurs. La liberté syndicale est essentielle pour lutter contre les violations de leurs droits. Elle doit être protégée, promue et défendue. »

* Noms modifiés pour préserver l'anonymat.

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L’accord sur le climat exclut la suppression progressive des combustibles fossiles, les pays riches faisant porter le fardeau « sur les épaules des pauvres »

2 décembre, par Amy Goodman, Brandon Wu, Jonathan Watts — , ,
Les négociations mondiales lors du sommet annuel des Nations Unies sur le climat se sont achevées samedi à Belém, au Brésil, avec un accord édulcoré qui ne mentionne même pas (…)

Les négociations mondiales lors du sommet annuel des Nations Unies sur le climat se sont achevées samedi à Belém, au Brésil, avec un accord édulcoré qui ne mentionne même pas les combustibles fossiles, sans parler d'une feuille de route pour éliminer progressivement ce qui contribue principalement à la crise climatique. L'accord de la COP30 ne prend également aucun nouvel engagement pour mettre fin à la déforestation et n'aborde pas la consommation mondiale de viande, autre facteur majeur du réchauffement climatique.

https://www.democracynow.org/2025/11/24/cop30_final_agreement_fossil_fuels

24 novembre 2024

« Je suis en colère contre ce résultat vraiment médiocre. Je suis en colère contre les lobbyistes des combustibles fossiles qui se promènent librement dans le lieu de la conférence, alors que les militant·es autochtones ont été victimes d'une répression militarisée », déclare Brandon Wu, directeur des politiques et des campagnes chez ActionAid USA. « Je suis particulièrement indigné par [...] les pays riches et développés du Nord qui participent à ces conférences et se comportent comme s'ils étaient les héros, alors qu'en réalité, ils ne font que faire porter le poids de la crise qu'ils ont provoquée aux pauvres. »

« L'absence des États-Unis est critique », ajoute Jonathan Watts, journaliste spécialisé dans les questions environnementales mondiales au Guardian. « Sous Donald Trump, les États-Unis tentent de revenir au XXe siècle, à l'ère des combustibles fossiles, alors qu'une grande partie du reste du monde souhaite aller de l'avant vers autre chose. »

AMY GOODMAN : Vous écoutez Democracy Now !, democracynow.org, The War and Peace Report. Je suis Amy Goodman.

Les négociations mondiales lors du sommet des Nations unies sur le climat se sont achevées samedi à Belém, au Brésil, par un accord édulcoré qui ne comprend pas de feuille de route pour l'élimination progressive des combustibles fossiles, du pétrole, du gaz et du charbon, et qui ne mentionne même pas les combustibles fossiles, principaux responsables de la crise climatique mondiale. L'accord final a été conclu après deux semaines de négociations controversées à Belém, la porte d'entrée de l'Amazonie.

Une coalition de plus de 80 pays d'Amérique latine, d'Asie, d'Afrique, du Pacifique, d'Europe et du Royaume-Uni avait soutenu une transition juste vers l'abandon des combustibles fossiles, mais ces efforts ont été contrecarrés par les pays pétroliers, notamment l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et la Russie, ainsi que par plus de 1 600 lobbyistes du secteur des combustibles fossiles qui ont eu accès aux négociations sur le climat cette année. La suppression progressive des combustibles fossiles était également une revendication clé des milliers de dirigeant·es autochtones qui ont participé à la COP30.

Voici la ministre colombienne de l'Environnement, Irene Vélez Torres.

IRENE VÉLEZ TORRES : Les pays producteurs de pétrole, en particulier, essaient de se concentrer uniquement sur l'adaptation. Mais l'adaptation est un sac vide si elle n'est pas suivie d'atténuation. L'adaptation seule et les financements destinés à l'adaptation ne suffisent pas si nous ne nous attaquons pas au problème.

La cause profonde de ce problème, ce sont les énergies fossiles. Comment allons-nous y remédier ? Comment allons-nous sortir de cette COP pour dire et expliquer aux gens que nous nions la vérité scientifique la plus fondamentale, à savoir que les combustibles fossiles sont responsables de plus de 80 % des émissions qui provoquent les changements climatiques ? Nous ne pouvons pas regarder les générations futures dans les yeux si nous ne faisons rien maintenant. Et nous ne pouvons pas accepter un texte qui ne traite pas des vrais problèmes.

AMY GOODMAN : À Belém, les gouvernements colombien et néerlandais ont annoncé qu'ils co-organiseraient la première conférence internationale sur la transition juste vers l'abandon des combustibles fossiles l'année prochaine en Colombie. Ce rassemblement historique aura lieu en avril dans la ville portuaire colombienne de Santa Marta.

L'accord de la COP30 ne prend pas non plus de nouveaux engagements pour mettre fin à la déforestation et ne traite pas de la consommation mondiale de viande, autre facteur majeur du réchauffement climatique. Plus de 300 lobbyistes de l'agroalimentaire ont assisté aux négociations sur le climat à Belém, alors que l'expansion de l'agriculture industrielle, notamment la production de soja, a entraîné une aggravation de la pollution atmosphérique et de la déforestation en Amazonie.

Tout cela intervient alors que l'administration Trump a boycotté la COP30 après que la Maison Blanche a retiré les États-Unis de l'accord de Paris sur le climat pour la deuxième fois depuis le retour de Trump au pouvoir.

Nous sommes maintenant rejoints par deux invités. À Belém, au Brésil, Jonathan Watts, journaliste spécialisé dans les questions environnementales internationales pour The Guardian, généralement basé à Altamira, au Brésil. Et à Washington, D.C., Brandon Wu est directeur des politiques et des campagnes chez ActionAid USA, tout juste revenu de la COP30 à Belém.

Nous vous souhaitons la bienvenue à tous les deux dans Democracy Now ! Jonathan, commençons par vous. Vous êtes juste à l'entrée de l'Amazonie. Vous avez rédigé un article important avec d'autres rédacteurs et rédactrices du Guardian pour résumer ce qui s'est passé. Pourquoi ne pas nous en faire part ici ? Que s'est-il passé au cours de ces deux dernières semaines ? À quel accord cela a-t-il abouti ? Sur quoi n'y a-t-il pas eu d'accord ? Diriez-vous qu'il s'agit d'un échec total ou d'une transition progressive et très lente – même si personne ne parle de transition – loin de ce que certain·es appellent le mot en F, les combustibles fossiles ?

JONATHAN WATTS : La première chose que je dirais, c'est que ce n'est pas aussi grave que je le craignais. J'avais les attentes les plus basses, qui se sont presque réalisées. Cette conférence de la COP a failli échouer. Et si elle avait échoué, alors tout l'accord de Paris, mis en place il y a dix ans, aurait pu s'effondrer. C'était donc un moment très dangereux.

Et je ne pense pas que l'on puisse comprendre ce qui s'est passé à Belém sans tenir compte de la situation géopolitique extrêmement difficile. L'absence des États-Unis a été déterminante. Les États-Unis sont bien sûr le plus grand émetteur historique au monde et le pays le plus riche, celui qui, lors des conférences précédentes, a incité des pays comme l'Arabie saoudite à se montrer un peu plus généreux. Ce n'était pas le cas cette fois, et le président Donald Trump s'est montré ouvertement hostile à l'ensemble du système multilatéral de gouvernance environnementale mondiale. Ensuite, il y a les guerres. Ensuite, il y a le fait que l'Europe se réarme. Dans ce contexte, je trouve donc incroyable que quelque chose ait pu sortir de cette conférence.

Votre résumé est excellent : cette conférence n'a pas abouti, loin s'en faut, à ce dont nous avons besoin pour maintenir le réchauffement climatique à un niveau raisonnablement sûr de 1,5 °C. Toustes les scientifiques à qui j'ai parlé ici – et c'était une nouveauté de cette conférence, qui a réuni davantage de scientifiques, ainsi que davantage de peuples autochtones – toustes les scientifiques ici présent·es étaient extrêmement alarmé·es. Nous approchons d'un certain nombre de points de basculement en ce qui concerne la forêt amazonienne, les courants atlantiques, etc. Oui, c'est frustrant, mais ce n'est pas nouveau. L'année dernière, le résultat était très similaire. Cette année, ce qui m'a vraiment déçu, c'est qu'il n'y ait eu aucune mention des combustibles fossiles. Mais l'Arabie saoudite a clairement indiqué que si l'on parlait de feuille de route et de transition, les négociations échoueraient. Ce sujet n'était donc tout simplement pas à l'ordre du jour.

Mais nous avons assisté à la mise en place d'un nouveau mécanisme de transition juste, au triplement des fonds d'adaptation pour les pays en développement et, surtout, à l'émergence d'un radicalisme dans les discussions qui n'existait pas auparavant. Ce radicalisme était présent dans les rues. Pour la première fois en quatre ans, la société civile était présente en force, avec des couleurs étonnantes, un dynamisme incroyable, des flottilles dans la baie, des dizaines de milliers de personnes dans les rues et plus d'autochtones que jamais à la conférence. C'était extrêmement encourageant. Tout comme le fait que, comme vous l'avez mentionné, la Colombie et un groupe d'autres nations très ambitieuses aient décidé de faire cavalier seul et d'organiser une série de conférences parallèles pour une transition juste vers l'abandon des combustibles fossiles. C'est vraiment passer à l'offensive.

Et puis, enfin, en arrière-plan de tout cela, il y avait la Chine et ce qui se passe en Chine avec son abandon des combustibles fossiles, son incroyable développement de l'éolien, du solaire, des voitures électriques, qui est en train de transformer le monde. Indépendamment des résultats des négociations, il est absolument incroyable de voir à quelle vitesse les choses évoluent dans ce domaine. Donc, de mon point de vue, il semble que les États-Unis sous Donald Trump essaient de revenir en arrière, au XXe siècle, à l'ère des combustibles fossiles, alors qu'une grande partie du reste du monde veut aller de l'avant vers autre chose. Donc, oui, j'aurais aimé qu'il y ait beaucoup plus sur la table ici, mais compte tenu de tout ce qui se passe dans le monde en ce moment, l'ensemble du processus continue de se battre pour un autre jour.

AMY GOODMAN : Vous parlez du rôle de la Chine. Je voudrais donner la parole à Brandon Wu. La Chine et les États-Unis. Vous venez de rentrer de Belém, vous avez pris l'avion pour Washington, D.C. Pouvez-vous nous parler de l'importance des États-Unis ? Vous ne dites pas que les États-Unis, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et d'autres pays ont bloqué la déclaration finale mentionnant les combustibles fossiles, mais que c'est uniquement parce que les États-Unis ont boycotté. Quelle est donc l'importance de cela ? Et vous attendiez-vous à ce que la Chine comble davantage le vide, alors qu'elle devient un leader dans la production de technologies d'énergie renouvelable ?

BRANDON WU : Oui, le rôle de la Chine dans tout cela est extrêmement intéressant. Vous le savez, parlons-en.

En fait, je voudrais revenir un instant en arrière et dire que je suis extrêmement en colère, d'accord ? Je suis en colère contre un résultat vraiment médiocre. Je suis en colère contre les lobbyistes des énergies fossiles qui se promènent librement dans la salle, alors que les militant·es autochtones, que vous avez tous deux mentionnés, ont été confronté·es à une répression militarisée. Je suis en colère contre tous les gouvernements qui ne défendent pas leur peuple.

Mais je ressens une indignation particulièrement vive à l'égard d'un groupe de pays bien précis, qui est en fait légèrement différent de celui que nous avons mentionné jusqu'à présent, à savoir les pays riches et développés du Nord, qui participent à ces conférences et se comportent comme s'ils étaient les héros, alors qu'en réalité, ils ne font que faire porter le poids de la crise qu'ils ont provoquée aux pauvres.

Donc, vous avez bien sûr les États-Unis, mais aussi l'Union européenne, qui faisait partie de cette coalition dite « ambitieuse » qui prônait une feuille de route pour les énergies fossiles. Ils ne sont en aucun cas en voie d'éliminer eux-mêmes les énergies fossiles. À ce stade, dix ans après l'accord de Paris, les pays du Nord devraient être assez proches de zéro émission. Aucun d'entre eux n'est près d'atteindre cet objectif. Et donc, venir et promouvoir une feuille de route pour les énergies fossiles, vous savez, cela semble un peu hypocrite. Bien sûr, nous devons éliminer progressivement les énergies fossiles. Nous devons le faire le plus rapidement possible. Mais cela doit commencer dans les pays du Nord, et ceux-ci doivent fournir les financements nécessaires aux pays du Sud pour que cela puisse se faire.

C'est en partie ce que fait la Chine, franchement. La Chine fait aussi des choses qui ne sont pas très utiles, comme continuer à investir dans le charbon, mais elle investit aussi dans les énergies renouvelables d'une manière que les pays du Nord ne font pas à grande échelle, et c'est ce qui sape la confiance dans l'accord. C'est pourquoi des pays comme la plupart des pays africains, et pas seulement l'Arabie saoudite et la Russie, se sont opposés à la feuille de route sur les combustibles fossiles à Belém, car ils n'avaient aucune garantie que les pays du Nord agiraient en premier ou leur apporteraient leur soutien pour mener à bien la transition.

AMY GOODMAN : Brandon Wu, quand vous parlez d'adaptation, c'est devenu un mot à la mode. Tout le monde comprend cela au sommet des Nations Unies sur le climat, mais en dehors de ce cadre, je ne pense pas que les gens saisissent vraiment la situation. Expliquez ce que vous entendez par « financer l'adaptation ».

BRANDON WU : L'adaptation consiste simplement à aider les communautés à résister aux effets des changements climatiques. Les effets des changements climatiques ne sont pas quelque chose qui va se produire dans le futur. Ils se produisent actuellement. Ils se produisent depuis des décennies, en particulier dans les pays les plus vulnérables du Sud. Bon nombre de ces communautés n'ont aucunement contribué à la crise climatique, mais ce sont elles qui subissent le plus durement ses effets néfastes. Elles ont besoin d'être soutenues par des ressources afin de pouvoir s'adapter à ces impacts. C'est ce dont nous parlons lorsque nous évoquons le financement de l'adaptation.

Et encore une fois, ce sont les pays riches du Nord, qui ont provoqué cette crise, qui sont responsables de fournir ce soutien. Nous avons obtenu, en théorie, un triplement du financement de l'adaptation lors de cette COP. Mais si vous regardez le texte réel, il est vraiment ambigu. Ainsi, les pays développés, menés par l'UE, ont supprimé la base de référence. Il était prévu que l'adaptation triple d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 2025. Ils ont supprimé la base de référence, de sorte qu'il n'est plus fait référence aux niveaux de 2025, et nous ne savons donc pas à partir de quoi nous allons tripler. Et ils ont repoussé la date limite de 2030 à 2035, soit dans dix ans. C'est une échéance interminable pour les communautés qui subissent déjà de plein fouet les conséquences des changements climatiques.

AMY GOODMAN : Appelez-vous à l'interdiction des lobbyistes des énergies fossiles ?

BRANDON WU : Oui, absolument.

AMY GOODMAN : Au sommet des Nations Unies sur le climat ?

BRANDON WU : Absolument. Vous savez, nous pouvons critiquer ce processus de différentes manières. Cela fait 30 ans. Il n'a pas répondu à nos besoins. Cela tient en grande partie à la présence, comme vous le dites, des lobbyistes des énergies fossiles à ces négociations. Ce sont donc les lobbyistes des énergies fossiles. Ce sont les gouvernements intransigeants du Nord. Et s'ils sont si intransigeants, c'est en partie à cause de ces lobbyistes des énergies fossiles qui ont leur oreille. Donc, oui, absolument, ils n'ont pas leur place dans des négociations qui visent à résoudre la crise climatique, ce qui implique de se débarrasser complètement des énergies fossiles.

AMY GOODMAN : Brandon, pouvez-vous nous parler de la Déclaration de Belém ? J'aimerais également connaître l'avis de Jonathan à ce sujet. D'un côté, la COP30 ne mentionne pas les énergies fossiles. Mais je pense que Lula, le président brésilien, se concentrera, comme il l'a fait lorsqu'il s'est rendu au G20 ce week-end, sur ce qu'on appelle la Déclaration de Belém. Pouvez-vous nous expliquer cela ?

BRANDON WU : La Déclaration de Belém est essentiellement une coalition de pays qui souhaitent, ou du moins disent vouloir, abandonner les combustibles fossiles et qui sont frustrés par les négociations climatiques de l'ONU, car il s'agit d'un processus fondé sur le consensus, ce qui permet à certains pays de bloquer les progrès. Ils veulent donc sortir de ce processus et aller de l'avant dans l'élimination progressive des combustibles fossiles avec une sorte de coalition des volontaires, si je peux utiliser ce terme. Il s'agit donc d'une évolution vraiment passionnante. C'est le genre d'énergie dont nous avons besoin. Vous savez, nous avons besoin de toutes les initiatives possibles pour éliminer progressivement les combustibles fossiles et, j'ajouterais, pour mettre fin à la déforestation. C'est en quelque sorte la deuxième partie de ce processus, que vous avez heureusement mentionnée, mais que beaucoup de gens oublient : éliminer progressivement les combustibles fossiles et mettre fin à la déforestation. Et nous avons besoin de toutes les initiatives possibles, de toutes celles que nous pouvons obtenir. Le fait qu'ils aient lancé quelque chose en dehors de la COP est donc une évolution passionnante.

Je suis également heureux que Jonathan ait mentionné l'évolution encourageante qui s'est également produite dans le cadre du processus de la COP, à savoir la discussion sur la transition juste. Il s'agit de savoir comment nous pouvons réellement passer d'une économie basée sur les combustibles fossiles sans laisser pour compte les communautés, les travailleuses et travailleurs et les citoyen·nes ordinaires. Nous avons fait quelques progrès à cet égard lors de cette COP, ce qui atténue un résultat qui aurait autrement été très mauvais. Et je ne pense pas que nous aurions obtenu ce résultat si les États-Unis avaient été présents.

AMY GOODMAN : Jonathan Watts, vous avez mentionné la forte présence des peuples autochtones. Je pense que près d'un millier d'entre eux étaient accrédités. Des milliers d'autres se trouvaient à l'extérieur, mais ceux qui tentaient d'entrer ont été violemment réprimés. Vendredi dernier, les chefs autochtones ont même réussi à interrompre la COP pendant quelques heures. Mais je voudrais parler des dangers auxquels sont confrontés les peuples autochtones et leurs allié·es, qui défendent leurs terres et leurs ressources en eau. Vous êtes l'éditeur du livre — et je me suis rendu dans une librairie à Belém la semaine dernière, où vous, ainsi que d'autres, avez pris la parole — How to Save the Amazon (Comment sauver l'Amazonie), un livre de Dom Phillips, journaliste au Guardian. À un moment donné, je crois, il était journaliste au Guardian, et il a été assassiné, avec le Brésilien Bruno Pereira, alors qu'ils enquêtaient sur ce qui se passait en Amazonie. Pouvez-vous nous parler des dangers auxquels ces personnes sont confrontées ? J'aimerais ensuite aborder la situation actuelle de Bolsonaro et la manière dont il a permis tout cela, lui qui est sur le point d'aller en prison, lui que le président Trump a défendu, l'ancien président du Brésil. Mais commençons par les dangers auxquels les gens sont confrontés.

JONATHAN WATTS : Bien sûr. Environ 200 défenseurs et défenseuses de l'environnement sont tué·es chaque année dans le monde. C'est un bilan incroyable. C'est le bilan d'une guerre. Et c'est une guerre contre la nature.

Dom Phillips, qui travaillait pour The Guardian, mais qui était également pigiste pour The Washington Post et de nombreuses autres organisations, voulait écrire un livre dans lequel il demandait à autant de personnes que possible comment sauver l'Amazonie, afin d'essayer de comprendre, avec beaucoup d'humilité. Il a découvert à quel point c'était dangereux lorsqu'il voyageait avec un expert autochtone brésilien appelé Bruno Pereira, qui avait travaillé pour le gouvernement et avec les populations autochtones pendant longtemps, et qui a été pris pour cible et tué. Dom en a été témoin et en a payé le prix. Cette affaire a beaucoup attiré l'attention parce que Dom avait beaucoup d'amis journalistes, et parce que, franchement, il venait du Nord. Mais ce genre de cas se produit tout le temps. Souvent, ils ne sont pas signalés. Très souvent, ce sont des personnes autochtones qui sont tuées.

Pour en revenir un peu à la conférence, il y avait une sorte de contradiction. Il y avait plus d'autochtones que jamais, notamment du Brésil qui a pour la première fois un ministre autochtone, et de nombreux dirigeant·es autochtones de haut rang se trouvaient dans la zone bleue, la principale zone de négociation. Mais ils et elles n'étaient pas là pour les discussions finales. Et c'est quelque chose qui doit vraiment changer, afin que les personnes en première ligne, celles qui connaissent le mieux la forêt et les autres biomes, soient représentées et que leur voix soit entendue lorsque ce genre de décisions est pris.

AMY GOODMAN : Nous allons consacrer une autre émission à How to Save the Amazon, ce livre qui vient de paraître. Mais je voulais demander à Brandon Wu, à votre retour de Belém, où vous pensez que vont les mouvements mondiaux pour faire face à la catastrophe climatique. Et quelle est l'importance de cette réunion en Colombie qui aura lieu dans quelques mois, sous la direction de Petro, le président colombien ? Elle sera organisée en collaboration avec un pays du Nord, les Pays-Bas, qui en sera le sponsor. Parlez-nous de l'importance de cet événement.

BRANDON WU : Je pense que c'est vraiment important. Je pense que l'initiative de la Colombie, l'initiative du président Petro, à cet égard est vraiment admirable. Et je pense également que rien de tout cela ne se produira sans une plus grande ambition et un financement accru de la part des grands pays du Nord, y compris les États-Unis. Il est évident que la situation politique est difficile. La politique est difficile partout.

Mais ici, aux États-Unis, je pense que ce que Trump a fait au cours de l'année écoulée a vraiment montré que ce que les États-Unis et d'autres pays riches ont répété pendant 30 ans dans ces négociations, à savoir que nous n'avons pas les moyens financiers d'aider les pays du Sud à opérer une transition mondiale loin des énergies fossiles, n'est qu'un mensonge. N'est-ce pas ? Nous nous sommes battus bec et ongles pour obtenir 100 milliards de dollars par an, ce qui était l'objectif initial pour les fonds climatiques versés par les pays du Nord aux pays du Sud. Le nouvel objectif est désormais de 300 milliards de dollars. C'est encore beaucoup trop peu. Mais vous savez, la réponse des États-Unis et de l'UE a été : « Nous n'avons tout simplement pas les moyens ». Mais cette année, nous avons vu l'administration Trump sortir comme par magie 200 milliards de dollars pour l'ICE et le CBP, n'est-ce pas ? Nous avons toujours réussi à trouver beaucoup d'argent pour Israël. Notre budget militaire avoisine le billion de dollars. Nous subventionnons les combustibles fossiles à hauteur de dizaines de milliards de dollars. Il est tout simplement faux de dire que l'argent n'est pas là. Et je pense qu'il est en fait très utile que cette administration montre à quel point c'est un mensonge.

Donc, pour répondre à votre question sur le rôle des mouvements, je pense que nos mouvements, en particulier dans les pays riches et développés, doivent vraiment faire pression sur nos gouvernements pour qu'ils montrent que l'argent est disponible. C'est simplement la volonté politique qui fait défaut, et c'est à nous de changer cela.

AMY GOODMAN : Je voudrais terminer en vous posant une question sur l'ancien président brésilien Jair Bolsonaro, Jonathan. Il vient d'être arrêté ce week-end après qu'il ait été prouvé qu'il avait trafiqué son bracelet électronique alors qu'il était assigné à résidence. Cette arrestation a été ordonnée par le juge de Moraes de la Cour suprême brésilienne, qui craignait que Bolsonaro ne tente de s'échapper de son domicile quelques jours avant de purger une peine de 27 ans de prison, prononcée en septembre pour avoir fomenté un coup d'État militaire et un assassinat contre l'actuel président du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva. Pouvez-vous nous parler de l'importance de ce qui s'est passé ? Son fils appelait les Brésilien·nes à se rassembler devant la résidence et à se battre. On craignait que, dans le chaos, il ne s'échappe vers, quoi, l'ambassade américaine ou l'ambassade argentine. Pourquoi ne résumeriez-vous pas l'importance de ce moment, même en termes de changement climatique ?

JONATHAN WATTS : C'est extrêmement important. Nous sommes engagé·es dans une bataille mondiale entre celleux qui veulent préserver l'habitabilité de la planète et celleux qui veulent simplement l'exploiter jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien. Et le Brésil est l'un des États en première ligne. Les pays du Sud sont les plus touchés par ce phénomène. Les pays du Nord ont une responsabilité bien plus grande et devraient en faire beaucoup plus. Ce sont les politicien·mes d'extrême droite, dont Bolsonaro, Jair Bolsonaro, est l'une des figures de proue, du moins en Amérique latine, qui font avancer ce programme extractiviste, quoi qu'il arrive. Cela les conduit très souvent vers l'autoritarisme. Et nous le voyons maintenant, bien sûr, aux États-Unis également.

Je pense donc qu'il est extrêmement significatif que les tribunaux brésiliens soient intervenus et aient mis Jair Bolsonaro derrière les barreaux. Et ce qui est vraiment important, c'est qu'il ne s'agit pas seulement de Jair Bolsonaro. Plusieurs généraux de haut rang de l'armée brésilienne ont également été condamnés. Et c'est tellement historique. Ce n'est qu'en 1985 que le Brésil a connu une dictature militaire. Après cela, il y a eu une sorte d'amnistie, [inaudible]...

AMY GOODMAN : Il nous reste 30 secondes.

JONATHAN WATTS : Oh, d'accord. Écoutez, il est vraiment important que lorsque des gens enfreignent les règles, ils soient punis pour cela, et que quelqu'un comme Jair Bolsonaro, qui, pendant son mandat présidentiel, a supervisé la plus grande destruction de l'Amazonie de toute présidence récente, ne soit pas au-dessus des lois, qu'il n'y ait pas d'impunité. Mais il y aura une riposte. Vous pouvez être sûr que ce n'est pas fini.

AMY GOODMAN : Jonathan Watts, je tiens à vous remercier d'être avec nous, journaliste environnementaliste international pour The Guardian, en direct de Belém, au Brésil, où s'est tenue la COP des Nations unies, ainsi que Brandon Wu, directeur des politiques et des campagnes chez ActionAid USA, qui vient de rentrer de Belém. Je suis Amy Goodman, moi aussi de retour de Belém.

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L’enjeu climatique (Allemagne) : « La haine de classe peut nous faire avancer »

2 décembre, par Guido Speckmann, Lisa Porttinger — , ,
Le mouvement climatique peine à trouver ses repères, tandis que les sommets internationaux sont de plus en plus considérés comme inefficaces. Dans cet entretien, Lisa (…)

Le mouvement climatique peine à trouver ses repères, tandis que les sommets internationaux sont de plus en plus considérés comme inefficaces. Dans cet entretien, Lisa Poettinger explique pourquoi elle n'attend pratiquement rien de la COP30, où elle voit néanmoins des leviers politiques, et pourquoi la colère et la détermination sont devenues plus importantes pour elle que l'espoir.

18 novembre 2025 | tiré d'Europe solidaire sans frontières | Photo : Photo : Letzte Generation
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article77139

« Elle est au service de qui, votre politique, chancelier Scholz ? »Une question qui se pose encore plus avec le chancelier Merz : manifestation de Letzte Generation en 2023 sur l'île des riches de Sylt.

Guido Speckmann : Au moment de la publication de cette interview, la 30e Conférence mondiale sur le climat ne sera pas encore terminée. Les deux dernières conférences à Bakou et Dubaï ont été dénoncées comme des réunions de groupes de pression de l'industrie fossile. Attends-tu quelque chose de la COP30 ?

Lisa Poettinger : Honnêtement, rien du tout. Certes, la conférence se tient dans la forêt tropicale, l'hôte est un président plutôt de gauche, et un plus grand nombre de communautés autochtones directement touchées par la crise climatique pourront manifester et faire pression. Pour elles, la COP30 peut être une tribune importante pour diffuser leurs messages, à condition que la presse en parle. Mais je n'attends rien de la part de ceux et celles dont la participation à cette conférence est déterminante et qui détiennent le pouvoir. On ne peut qu'espérer que ce spectacle sera l'occasion de renouer des alliances à la base et de créer de nouveaux réseaux.

Quel rôle joue la Conférence mondiale sur le climat dans le mouvement climatique ? Est-ce un sujet important ?

Oui c'est le cas pour de nombreux groupes, comme Debt for Climate, qui a une perspective anticolonialiste mondiale et milite pour l'annulation de la dette. Dans mon propre groupe, l'Offene Antikapitalistische Klimatreffen (Réunion anticapitaliste ouverte sur le climat) à Munich, la COP n'a pas d'importance.

Le groupe agit au niveau local, est relativement petit et a pour objectif principal de mettre en relation des personnes ayant des idées anticapitalistes et de leur apporter des savoir-faire en matière d'organisation.

Le mouvement pour le climat semble actuellement assez désorienté. Ou perçois-tu les choses autrement ?

Actuellement, il y a beaucoup d'activistes du mouvement climatique qui s'engagent dans l'action Antifa, ou contre la militarisation et contre le génocide dans la bande de Gaza. Ils y apportent les compétences qu'ils ont acquises dans le mouvement pour le climat. Chez nous, à la Klimatreffen, nous continuons d'enregistrer un afflux de nouveaux membres. De nouveaux jeunes viennent régulièrement à nos réunions bihebdomadaires. Bien sûr, certains repartent aussi. La question climatique touche certes beaucoup de gens, mais le sentiment d'impuissance est actuellement très fort. Cela tient aussi au fait que le mouvement climatique dans son ensemble n'a pas de perspective de classe.

Le fait que les Verts faisaient partie du gouvernement de coalition a-t-il également joué un rôle ?

Oui, sous le gouvernement de coalition, le mouvement était paralysé parce que les Verts, considérés comme un parti allié par de nombreux groupes du mouvement climatique, faisaient partie du gouvernement. Et ils ont beaucoup nui à la cause. Pourtant, le mouvement climatique se refusait à les dénoncer. Cela lui a fait perdre toute capacité d'action. De plus, la protection du climat est devenue de moins en moins populaire sous le gouvernement « feu tricolore », car elle était associée à une augmentation des prix due à la taxe sur le CO2, sans qu'aucune compensation sociale ne soit mise en place.

Lisa Poettinger s'est fait connaître en tant que co-organisatrice du mouvement « manifs contre l'extrême droite » début 2024 ; elle a alors subi de leur part un flot de calomnies et de propos agressifs. Elle a été active au sein d'Extinction Rebellion et milite actuellement à « Rencontre anticapitaliste ouverte sur le climat » à Munich. Au début de l'année, l'État libre de Bavière lui a refusé le statut d'enseignante stagiaire en raison de ses positions anticapitalistes.

Photo : Lisa Poettinger

En août, elle a publié chez Oekom-Verlag le livre « Klimakollaps und soziale Kämpfe. Über Klimaschutz in einer ungerechten Welt » (Effondrement climatique et luttes sociales. De la protection du climat rans u monde injuste 212 pages, 18 euros). Il en reste encore des exemplaires disponibles gratuitement. Commandes à : info@oekom.de.

Selon ma perception, le mouvement de préparation solidaire à l'effondrement "autour de Tadzio Müller a beaucoup marqué les discussions ces derniers mois. Partages-tu cet avis ?

Oui et non. Tadzio est bien sûr une personnalité très médiatique, qui a maintenant constitué un groupe et coorganisé un camp de l'effondrement qui a très un grand succès. Mais à Munich, ce courant et ses discours ne jouent pratiquement aucun rôle. Je ne sais donc pas vraiment dans quelle mesure le mouvement de l'effondrement est le fruit d'un bon travail de relations publiques et dans quelle mesure il faut le compter comme partie intégrante du mouvement réel.

Et que penses-tu du contenu des thèses des effondristes ?

Je trouve important de réfléchir à ce à quoi pourrait ressembler une gestion solidaire de la crise climatique. Cela ne doit toutefois pas se substituer à des changements de la société dans son ensemble.

Tu te définis comme marxiste. Que penses-tu de l'argument de Müller selon lequel on ne peut pas supprimer le capitalisme parce qu'il n'a pas un centre qui, une fois conquis, permettrait de le supprimer ?

Je l'admets : il est difficile d'imaginer le dépassement du capitalisme. Il faudrait que quelque chose se passe sur tellement de fronts, que tellement de personnes dans le monde entier se soulèvent contre lui. Mais fondamentalement, je crois que la mise en place d'une alternative sociale au capitalisme est possible. Et tant que cela sera le cas, cela vaut la peine de se battre pour. Il est toutefois peu probable que nous assistions à la fin du capitalisme à une échéance assez raisonnable pour répondre à la crise climatique, ce qui est catastrophique.

Nous avons avant tout besoin de changements structurels, et pas seulement de la suppression des SUV, des jets privés et des yachts.

Comment peut-on évaluer le virage social du mouvement pour la justice climatique et le virage climatique du mouvement syndical ?

Nous avons mené pendant un certain temps la campagne « Wir fahren zusammen » (Nous roulons ensemble), dans le cadre de laquelle nous avons soutenu les employé.e.s des transports publics dans leur lutte politique. En Bavière, cette campagne est actuellement un peu en sommeil, car la convention collective est valable beaucoup plus longtemps que dans les autres Länder. D'une manière générale, il est actuellement très difficile de mobiliser sur le thème du climat des personnes qui ne sont pas directement concernées, à l'exception des gens qui se trouvent dans la bulle de la bourgeoisie intellectuelle. Il faut un point de départ concret, comme une négociation collective ou le projet de BMW de construire une nouvelle autoroute à travers le quartier pauvre de Hasenbergl. Nous n'avons pas cela pour le moment. C'est pourquoi nous participons actuellement à une campagne contre le nouveau service militaire obligatoire. Dans ce domaine aussi, il est possible de sensibiliser les jeunes à la lutte anticapitaliste pour le climat.

Que penses-tu de ce que l'on appelle le populisme climatique, qui met l'accent sur une répartition équitable, car les super-riches émettent beaucoup plus de gaz à effet de serre que les personnes ayant des revenus moyens ?

La haine de classe peut nous faire avancer, mais cela ne suffit pas. Nous avons surtout besoin de changements à caractère structurel, et pas seulement de la suppression des SUV, des jets privés et des yachts. Mais cette approche est bonne, car elle peut sortir les gens de ce sentiment de honte dans lequel les a plongés la critique de la consommation, et leur dire « Hé, nous ne nous battons pas contre vous, mais contre ceux qui se permettent tout et ont tout intérêt à préserver le système. »

Depuis une perspective de décroissance, voilà ce qu'on peut dire au populisme climatique : très bien si on enlève leurs yachts aux riches et qu'ils ne peuvent plus voyager autant en jet privé. Mais globalement, la consommation d'énergie et de matières doit être réduite. Et là, une répartition plus juste de ce qui est produit n'est d'aucune aide.

Nous avons besoin de décroissance dans de nombreux domaines de la société, mais je ne pense pas qu'il faille la présenter comme une question de renoncement, car beaucoup de gens doivent déjà renoncer à énormément de choses et sont touchés par la pauvreté. Par contre, réduire considérablement l'industrie automobile et développer les transports publics, c'est certainement la bonne chose à faire.

Nous assistons depuis quelque temps à une fascisation de la société : quel est le rapport avec l'effondrement climatique ?

Les fascistes ont toujours prétendu que nous n'avions pas assez de ressources et que nous devions donc exclure, voire assassiner, certains groupes de personnes afin de réserver ces ressources à leur propre groupe. La crise climatique entraîne une raréfaction des ressources mondiales. Cela éloigne encore davantage le socialisme, qui repose sur la promesse d'une richesse matérielle répartie de manière équitable et juste afin de répondre aux besoins des gens. C'est une évolution extrêmement inquiétante, car elle débouche en fin de compte sur la « loi du plus fort ». Et les fascistes sont bien sûr depuis longtemps les ennemis des militants pour le climat. Nous avons une perspective globale et progressiste, exactement le contraire de ce que veulent les fascistes. Le glissement vers la droite nous touche également personnellement, nous les militan.e.s pour la justice climatique. Des militant.e.s de Letzte Generation se font attaquer, mais ce sont ces personnes qui sont placé.e.s en détention préventive par l'État bavarois. Depuis 2022, j'ai obtenu officiellement que la communication de mon adresse soit bloquée parce que je reçois des menaces de mort en provenance de l'extrême droite. L'interdiction professionnelle dont je fais l'objet s'inscrit dans le contexte d'un virage autoritaire. La situation est donc très préoccupante, de plus en plus de personnes n'ont plus une vision humaniste du monde.

Quand on entend cela et qu'on suit l'évolution de la politique climatique, on peut sombrer dans la dépression...

Ou dans le cynisme.

Oui, aussi. Comment fais-tu pour éviter cela ?

Pour être honnête, je suis aussi un peu cynique. Avant de m'engager politiquement, je ressentais une profonde mélancolie, une grande tristesse et un sentiment de désespoir. M'engager politiquement m'a redonné de la force. Je n'ai toutefois pas d'espoir face aux énormes défis qui nous attendent, mais plutôt de la colère et de la détermination, et cela fait bouger les choses.

Qu'est-ce qui a concrètement changé ?

Nous avons par exemple sauvé la forêt protégée de Planegg, près de Munich, de la destruction par une gravière. En juillet, un tribunal a confirmé que l'autorisation de déboisement était illégale. La forêt protégée remplit une fonction importante en cette période de crise climatique. Il y a eu quelques déclarations d'intention, qui ont parfois été traduites en réformes. Bien sûr, tout cela n'est pas suffisant. Ce qui nous empêche vraiment d'abandonner et de sombrer dans la résignation – ce que les entreprises fossiles aimeraient tant –, c'est le regard que l'on porte sur l'histoire. Par exemple, le mouvement féministe, qui a finalement obtenu le droit de vote pour les femmes, mais cela a pris des décennies. Beaucoup de ces femmes n'ont pas vécu assez longtemps pour voir ce résultat, mais elles ont laissé un héritage sur lequel nous continuons de nous appuyer aujourd'hui. Elles ont fait en sorte que nous, les femmes, puissions aujourd'hui vivre un peu mieux dans de nombreux pays. Je trouve important de se rappeler que les mouvements sociaux ont besoin de beaucoup de persévérance pour aboutir.

Dernière question : où en est ton procès contre l'État libre de Bavière ?

Il ne se passe rien. Peut-être devrions-nous intenter une action en justice pour inaction.

Guido Speckmann
P.-S.

• Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l'aide de Deeplpro

Source - Analyse & Kritik (Akweb),18 novembre 2025 :
https://www.akweb.de/bewegung/klassenhass-kann-die-klimabewegung-weiterbringen-lisa-poettinger-ueber-strategien-gegen-den-klimakollaps/

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Les enfants travailleurs sont rassemblés, battus et emprisonnés par les talibans

2 décembre, par Mahtab Safi, Yalda Amini — , ,
Haron avait cinq ans lorsqu'il a commencé à travailler dans les rues de Kaboul. Aujourd'hui âgé de 11 ans, il vend des chaussettes dans un panier tressé et transporte une (…)

Haron avait cinq ans lorsqu'il a commencé à travailler dans les rues de Kaboul. Aujourd'hui âgé de 11 ans, il vend des chaussettes dans un panier tressé et transporte une petite balance pour que les gens puissent se peser. Les bons jours, il gagne 200 afghanis, juste assez pour nourrir sa famille de six personnes, dont son père paralysé et sa mère qui n'a pas le droit de travailler à l'extérieur.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Haron rêve d'aller à l'école comme les autres enfants, mais il sait que cela n'est pas possible, compte tenu de ses responsabilités pour subvenir aux besoins de sa famille. Ces jours-ci, sa plus grande crainte n'est pas la faim. Ce sont les talibans. Il a été arrêté six fois depuis l'hiver dernier.

Haron fait partie d'un nombre croissant d'enfants poussés dans la rue par la faim qui menace près de 23 millions de personnes en Afghanistan, dont 12 millions d'enfants, selon l'UNICEF. Une fois dans la rue, ils sont pris pour cible par les talibans et leur campagne de longue date visant à « rassembler les mendiants ». Avec plus de 800 000 enfants qui devraient être expulsés vers l'Afghanistan depuis l'Iran et le Pakistan rien que cette année, le nombre d'enfants vulnérables dans les rues augmente considérablement, tout comme le danger auquel ils sont confrontés.

Zan Times s'est entretenu avec certains de ces enfants qui ont été arrêtés par les talibans. Ils ont raconté leur expérience de l'arrestation, du travail forcé et des coups brutaux infligés par les forces talibanes. Certains ont passé jusqu'à 15 nuits en prison. Les enfants racontent des histoires similaires, révélant un schéma de violence à l'intérieur des centres de détention comme Badam Bagh, où des garçons âgés d'à peine neuf ans décrivent avoir vu des têtes fendues à la suite de coups.

Haron se souvient de chacune de ses six arrestations. La première fois, c'était à Pul-e-Sorkh. « Je vendais des chaussettes quand plusieurs talibans m'ont appelé », raconte-t-il. « Quand je me suis approché d'eux, ils m'ont fait monter dans leur Ranger et m'ont emmené en prison. » Il a passé 15 jours en détention. Ses parents l'ont cherché toute la première nuit, jusqu'à ce qu'ils trouvent d'autres enfants des rues qui leur ont dit qu'il avait été emmené par les talibans.

À partir de son expérience et de celle d'autres mendiants des rues, Haron explique au Zan Timescomment fonctionne la répression à Kaboul : les enfants, qu'ils soient mendiants ou travailleurs des rues, sont d'abord emmenés à Badam Bagh, une prison pour femmes qui accueille désormais également des enfants. Il raconte que certains enfants ont été transférés de Badam Bagh à Qasaba. Deux des amis de Haron, Murtaza et Nasir, « sont toujours portés disparus » après avoir été transférés à Qasaba, dit-il.

La campagne visant à « rassembler les mendiants » a pris de l'ampleur en avril 2024, lorsque le chef des talibans a approuvé la loi sur le rassemblement des mendiants et la prévention de la mendicité. En vertu de cette loi, toute personne disposant de « suffisamment de nourriture pour une journée » est considérée comme un criminel si elle est surprise en train de mendier.

La commission chargée de mettre en œuvre cette loi est dirigée par l'adjoint à la lutte contre les stupéfiants du ministère de l'Intérieur des talibans. En octobre 2024, son chef a déclaré à la radio et à la télévision nationales afghanes que les autorités avaient rassemblé environ 58 000 mendiants dans tout le pays, dont un grand nombre d'enfants. L'émission montrait des rangées d'enfants effrayés, certains ne semblant pas avoir plus de cinq ans, qui regardaient directement la caméra.

Les responsables ont déclaré que les détenus étaient classés dans les catégories « indigents », « professionnels » ou « en réseau » et que leurs données biométriques avaient été collectées et stockées dans une base de données. Ceux qui sont soupçonnés d'être « professionnels » et « en réseau » s'exposent à des sanctions, affirment-ils.

Selon Haron et d'autres enfants interrogés par Zan Times, les conditions à Badam Bagh sont difficiles et violentes. « Ils nous ont fait nettoyer les murs », raconte le garçon de 11 ans, décrivant le travail forcé imposé aux enfants à leur arrivée au centre de détention. Les enfants qui désobéissent ou « travaillent trop lentement », dit-il, sont transférés à Qasaba.

Il se souvient aussi avoir entendu les cris des femmes. « Des mendiantes y étaient également amenées », dit-il. « Nous pouvions entendre les coups qu'elles recevaient. » Haron et deux autres enfants détenus racontent avoir vu des garçons se faire battre jusqu'à ce que leur crâne se fende. « Un garçon a été tellement battu que son œil a éclaté », se souvient Haron. Un seul médecin était présent dans la prison. Bien que celui-ci pansait les blessures, aucun détenu n'était autorisé à recevoir des soins médicaux à l'extérieur.

La nourriture était rare : un pain sec et un bol de lentilles étaient partagés entre trois personnes toutes les 24 heures. « Aucun d'entre nous n'était rassasié », dit-il.

Lors de leur admission, les forces talibanes ont pris de force les empreintes digitales et photographié les enfants. « Ils nous ont attrapés par le col pour prendre nos données biométriques », raconte Haron. « Ils ont dit qu'ils nous donneraient des cartes d'aide, mais ils ne nous ont rien donné. » Ils ont également confisqué les effets personnels et l'argent de poche des enfants. « Ils ont tout pris », dit-il. « Quand ils nous ont libérés, ils ne nous ont rien rendu. »

Cette enquête fait suite à un précédent reportage du Zan Times sur une femme détenue pour « mendicité » qui a été témoin de la mort de deux enfants sous la garde des talibans. Elle a déclaré au Zan Times que les gardes avaient battu les garçons avec des câbles « jusqu'à ce qu'ils meurent », rappelant que les détenus étaient menacés de coups s'ils protestaient ou parlaient.

La loi des talibans semble anticiper la mort des détenus en détention. L'article 25 de la loi de 2024 décrit les procédures d'inhumation pour toute personne décédée en détention sans famille pour réclamer le corps.

Pour de nombreuses familles, la faim à la maison ne leur laisse d'autre choix que d'envoyer leurs enfants dans la rue, même s'ils risquent d'être arrêtés par les talibans. Esmat, un enfant travailleur de neuf ans à Kaboul, a passé dix jours à Badam Bagh. Il a été libéré après que ses parents aient supplié les responsables talibans et signé une garantie. « Ils nous ont dit de ne plus travailler dans la rue », raconte-t-il. Mais ni lui ni ses parents n'ont reçu d'aide.

Salima doit envoyer son fils de 12 ans ramasser les ordures, car elle n'a pas le droit de travailler et son mari a disparu il y a 12 ans. « Parfois, mon fils pleure », confie-t-elle au Zan Times. « Les gens le battent. C'est très difficile de l'envoyer avec une charrette fouiller les poubelles. Mais je n'ai pas d'autre choix. » Aucune agence humanitaire ni aucun bureau taliban ne lui a proposé d'aide.

La pression sur les familles s'intensifie dans tout l'Afghanistan. Selon Save the Children, des enfants sont expulsés d'Iran vers l'Afghanistan à raison d'un enfant toutes les 30 secondes. Des milliers de ces enfants arrivent seuls et beaucoup sont nés à l'étranger et n'ont jamais vécu en Afghanistan. Ils retournent dans un pays en proie à une famine sévère, à des déplacements internes massifs, à des tremblements de terre et à des sécheresses climatiques dans le nord qui détruisent les récoltes et assèchent les sources d'eau.

À Kandahar, Ali, 12 ans, raconte que sa famille de 13 personnes a été renvoyée de force de Karachi il y a six mois. Son père est paralysé, ce qui fait d'Ali le principal soutien de famille. « Je pars de chez moi à cinq heures du matin et je reste dehors jusqu'à onze heures du soir », dit-il. Il ramasse des canettes dans un sac. « Je gagne 60 à 70 afghanis par jour. Nous achetons du pain sec. Parfois, nous nous couchons le ventre vide. Notre loyer est de 2 500 afghanis et nous sommes toujours endetté·es. »

Quinze enfants travailleurs interrogés par Zan Times à Kaboul, Kandahar et Jawzjan affirment être les principaux soutiens financiers de leur famille.

L'un d'entre eux est Ahmed, 11 ans, qui vend des sambusas [beignets] dans les rues de Sheberghan. Son père est parti en Iran après la prise du pouvoir par les talibans et sa famille n'a plus de nouvelles de lui depuis. Incapable de se payer un traitement médical pour une blessure à la jambe, Ahmed gagne sa vie dans la rue, survivant avec 60 afghanis par jour. « Je veux grandir et aller en Iran pour retrouver mon père », dit-il.

Comme Ahmed, Saboor, 12 ans, vit à Sherberghan. Il ramasse des canettes avec ses deux jeunes frères. « il y a trop de garçons qui ramassent maintenant », dit-il. « Quand quelqu'un jette une canette, tous les garçons courent. » Son père est également parti en Iran et n'est jamais revenu. « Nous portons toujours les vieux vêtements des gens », dit-il. Il rêve d'aller à l'école et que sa sœur, souffrant de malnutrition, retrouve la santé.

L'Afghanistan est aujourd'hui un pays où les plus jeunes et les plus pauvres sont pris au piège entre la faim à la maison et la violence dans les rues. Les enfants travailleurs, déjà accablés par la charge de subvenir aux besoins de leur famille, sont exposés à l'arrestation, au travail forcé et au risque de disparition lorsqu'ils sont détenus par les talibans.

Pour Haron, chaque jour apporte la même peur. Il continue à vendre des chaussettes, en espérant que les Rangers ne l'arrêteront plus.

Yalda Amini et Mahtab Safi
Les noms ont été changés afin de protéger l'identité des personnes interrogées et de l'auteur. Mahtab Safi est le pseudonyme d'un journaliste du Zan Times en Afghanistan. Sana Atef et Hura Omar ont contribué à cet article.

https://zantimes.com/2025/11/20/child-labourers-are-being-rounded-up-beaten-and-imprisoned-by-the-taliban/
Traduit par DE

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Indonésie : les femmes ne peuvent pas obtenir un emploi décent ni être libres de la violence sous ce régime antidémocratique

2 décembre, par Mouvement des Femmes Libres (TJA) — , ,
À l'approche de la commémoration de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes [1], du 25 novembre au 10 décembre, l'Association des (…)

À l'approche de la commémoration de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes [1], du 25 novembre au 10 décembre, l'Association des Femmes Libres [2] a tenu une conférence de presse pour annoncer des actions simultanées à Jakarta, Palu, Samarinda et Manokwari [3] lors du premier jour de la campagne, le 25 novembre 2025. Cette année, Free Women a adopté le thème « Un travail décent et la liberté face à la violence ne seront pas atteints sous un régime antidémocratique. »

Tiré du site Europe Solidaire Sans Frontières
https://europe-solidaire.org/spip.php?article77121
Lundi 24 novembre 2025, par Perempuan Mahardhika

La présidente de Free Women, Mutiara Ika Pratiwi, a ouvert la conférence de presse en soulignant que la commémoration de cette année est particulièrement urgente dans le contexte du déclin démocratique de l'Indonésie.

« À l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, observée mondialement du 25 novembre au 10 décembre, les femmes libres mèneront simultanément des actions nationales dans quatre villes sous le thème 'Un travail décent et la liberté face à la violence ne seront pas atteints sous un régime antidémocratique'. Il s'agit d'un effort pour renforcer l'engagement mondial du mouvement des femmes à mettre fin à la torture et à la violence contre les femmes », a déclaré Mutiara.

Elle se souvenait de l'histoire du 25 novembre comme du jour où les Sœurs Mirabal furent assassinées par le dictateur Trujillo, signe que la violence contre les femmes a toujours été une stratégie des régimes autoritaires.

Mutiara a souligné que la régression démocratique de l'Indonésie a été confirmée par divers indices mondiaux, notamment Freedom House, les Global State of Democracy Indices et l'Economist Intelligence Unit. [4]

« Nous sommes témoins de la persécution des activistes, de la discrimination envers les groupes minoritaires et du conflit en cours en Papouasie [5]. Cette situation va de pair avec le licenciement des militants syndicaux dans diverses régions comme forme de démantèlement syndical », a-t-elle affirmé fermement.

Dans de telles conditions, la violence à l'encontre des femmes continue d'augmenter.

« Selon les données combinées du ministère de l'Autonomisation des femmes et de la Protection de l'enfance, de la Commission nationale sur la violence à l'égard des femmes et de la Fédération de la libération des femmes [6], il y a eu 35 533 cas de violence contre les femmes tout au long de 2024, soit une augmentation de 2,4 % par rapport à l'année précédente. Les cas de féminicide ont atteint 290 en 2024. Pourtant, l'attention du gouvernement reste minimale », a déclaré Mutiara.

Elle a également souligné le déni de la violence passée par l'État, notamment les déclarations du ministre de la Culture Fadli Zon concernant les viols de masse visant des femmes chinoises en mai 1998 [7], ainsi que l'enquête bloquée sur le meurtre et le viol de Marsinah [8], désormais désignée Héroïne nationale.

« La négligence de la violence passée contre les femmes révèle le caractère d'un régime antidémocratique ayant un intérêt direct à perpétuer l'inégalité des genres », a-t-elle ajouté.

Sarah, coordinatrice de Free Women Jakarta, a expliqué que les conditions des jeunes deviennent de plus en plus incertaines. Les jeunes sont piégés sous un régime autoritaire.

« Sous ce régime autoritaire et antidémocratique, les jeunes vivent sous une pression immense : des opportunités d'emploi en diminution, des licenciements massifs sans sécurité, une éducation de plus en plus coûteuse, la destruction environnementale causée par le développement extractif, et la criminalisation continue de milliers de jeunes critiques. » [9]

Elle a ajouté :

« Nous vivons dans la vulnérabilité, l'incertitude et la crise. C'est pourquoi cette action est importante : montrer que les femmes et les jeunes ne resteront pas silencieux. »

De Palu, Stevi, coordinatrice de Free Women Palu, a souligné l'augmentation de la violence systématique.

« Nous assistons à une augmentation de la violence contre les femmes, de la violence sexuelle et du féminicide à Palu. Au Sulawesi central, 2 cas de féminicide ont été enregistrés en 2024 et 2 autres en 2025. Tout cela démontre la faiblesse des systèmes de protection de l'État », a-t-elle déclaré fermement.

Stevi a également décrit les conditions des travailleuses dans les zones industrielles du nickel [10] :

« Les travailleuses subissent fréquemment des violences sexuelles, et cinq victimes de violences sexuelles ont même été licenciées en octobre. Les femmes enceintes manquent d'installations sûres. La police n'a pas encore montré de solidarité avec les victimes. »

Angelina Djopari, coordinatrice de Free Women Manokwari, a décrit la situation des femmes en Papouasie occidentale, qui reste loin d'être sûre et décente. [11]

« Les employées honoraires du gouvernement [12] à Manokwari réclament des salaires décents et leurs droits fondamentaux. La violence sexuelle dans les universités et les institutions publiques est très élevée, y compris dans les lycées. Nous poussons pour un règlement régional sur la protection des femmes et des enfants, ainsi que pour des centres de conseil pour les victimes », a-t-elle expliqué.

Par ailleurs, Risna a souligné la situation tendue en Papouasie occidentale, en particulier dans les zones de conflit telles que Bintuni.

« L'accès est très difficile et dangereux. Les financements gouvernementaux sont épuisés, et les femmes et les enfants sont les victimes les plus touchées. Pour entrer dans les zones de conflit, une autorisation stricte des autorités est requise. Ce n'est pas une situation sûre pour les civils », a-t-elle déclaré. [13]

Elle a ajouté que les industries du ciment et de l'exploitation minière continuent de bénéficier d'un hébergement de la part des collectivités locales :

« Les travailleurs sont payés en dessous du salaire minimum provincial et travaillent dans des conditions inhumaines. »

Naya, coordinatrice à Samarinda, a expliqué que l'action du 25 novembre à Samarinda prendrait la forme d'actions symboliques dans divers lieux publics.

« Nous déploierons nos revendications dans les universités et les espaces publics », a-t-elle déclaré.

Elle a également souligné l'impact de l'extractivisme dans l'est du Kalimantan [14] :

« Les recherches montrent que l'eau provenant d'anciens sites miniers consommés par les communautés est dangereuse. De nombreux poissons sont contaminés par des déchets de charbon. À Balikpapan, six enfants se sont noyés dans des mines, pourtant les femmes sont accusées comme si elles n'avaient pas su s'occuper de leurs enfants. Mais la question à poser est : pourquoi existe-t-il de si grandes fosses sans barrières près des zones résidentielles ? »

De plus, les opportunités de travail décent pour les femmes restent limitées.

« Les promesses de postes vacants conduisent à l'exploitation des travailleuses aux longues heures et aux très bas salaires. De plus, la criminalisation depuis août a créé une situation défavorable — de nombreux camarades restent en détention en ville ou sont prisonniers politiques à Samarinda », a expliqué Naya.

Elle concluait par ses aspirations au changement :

« Nous voulons vivre en sécurité, à l'abri de toute forme de violence, avoir des environnements de travail décents, la liberté d'organiser et la liberté face à la menace de la criminalisation. »

Clôturant la conférence de presse, Mutiara Ika a réitéré le message principal de l'action :

« L'action de demain est une affirmation que le travail décent et la liberté de lutter contre la violence ne seront pas atteints sans démocratie. Sous ce régime antidémocratique, les femmes ne veulent plus être les piliers de la crise — elles veulent un changement systémique. » [15]

Elle a également averti que :

« La destruction de l'environnement, l'accaparement de terres et l'intimidation envers les femmes défendant leur espace de vie s'aggravent. Tout régime antidémocratique utilise toujours la violence pour maintenir le pouvoir. » [16]

Mutiara a également abordé la situation internationale, en particulier le renforcement des gouvernements antidémocratiques dans divers pays, et l'importance de la solidarité transfrontalière. Elle a souligné la nécessité de soutenir le peuple du Myanmar confronté aux élections sous le contrôle de la junte militaire, ainsi que le peuple palestinien qui continue de subir un génocide.

« Les élections organisées par la junte du Myanmar sont des élections simulées. Et en Palestine, malgré les engagements de cessez-le-feu, le génocide se poursuit », a déclaré Mutiara.

Association des Femmes Libres

P.S.
https://mahardhika.org/perempuan-mahardhika-gelar-aksi-serentak-di-empat-kota-kerja-layak-dan-bebas-kekerasan-tidak-akan-terwujud-dalam-rezim-anti-demokrasi/

Traduit pour l'ESSF par Wendy Lim

Notes
[1] La Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes est célébrée chaque année le 25 novembre. La date a été choisie en 1999 par l'Assemblée générale des Nations Unies pour honorer les sœurs Mirabal, trois militantes politiques dominicaines assassinées à cette date en 1960 par la dictature de Trujillo.

[2] Concernant les activités des Femmes Libres, voir « Indonésie : Femmes libres et ses activités », Europe Solidaire Sans Frontières. Disponible sur : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article42996

[3] Palu est la capitale de la province de Sulawesi centrale ; Samarinda est la capitale de la province du Kalimantan oriental ; et Manokwari est la capitale de la province de Papouasie occidentale.

[4] Le déclin démocratique de l'Indonésie s'est accéléré sous la présidence de Prabowo Subianto. Voir Wendy Lim et Mark Johnson, « Indonesia Left Media Review : Confronting Deeping Authoritarianism », Europe Solidaire Sans Frontières, novembre 2025. Disponible sur : https://europe-solidaire.org/spip.php?article76766

[5] La Papouasie a connu des décennies de conflits armés entre les forces de sécurité indonésiennes et les mouvements d'indépendance. Voir « Papouasie : Le gouvernement ne tient pas au sérieux la résolution des conflits armés en Papouasie », Europe Solidaire Sans Frontières, décembre 2024. Disponible sur : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article73194

[6] La Federasi Pembebasan Perempuan (FPL) est la Fédération de la Libération des Femmes, une organisation féministe indonésienne.

[7] Lors des émeutes de mai 1998 qui ont précédé la chute du président Suharto, les communautés chinoises ont été ciblées par une violence généralisée, dont au moins 85 cas documentés de violences sexuelles, avec 52 viols confirmés. Une équipe conjointe gouvernementale de recherche des faits, créée par le président B.J. Habibie, a vérifié ces conclusions. En juin 2025, le ministre de la Culture, Fadli Zon, a rejeté ces atrocités documentées comme des « rumeurs » et s'est demandé s'ils avaient jamais eu lieu, ce qui a suscité une large condamnation de la part d'organisations de défense des droits humains et de groupes de survivants.

[8] Marsinah (1969–1993) était une militante syndicale dans une horlogerie à Java oriental, qui a été kidnappée, torturée et assassinée après avoir mené une grève exigeant le respect du salaire minimum. Son corps montrait des signes de viol et de torture brutale. On pense largement que l'armée en est responsable, mais personne n'a jamais été traduit en justice. En novembre 2025, elle a été désignée à titre posthume Héroïne nationale, bien que son affaire de meurtre reste officiellement non résolue.

[9] Sur la criminalisation des activistes, voir « Indonésie : Arrêtez la violence d'État ! Révoquez les installations et allocations parlementaires ! Mettez fin à la répression contre le peuple ! Rendre justice aux victimes ! », Indonesian Women's Alliance (API), Europe Solidaire Sans Frontières, septembre 2025. Disponible sur : https://europe-solidaire.org/spip.php?article76104

[10] L'Indonésie est le plus grand producteur mondial de nickel. L'expansion rapide des installations de transformation du nickel, en particulier à Sulawesi, a attiré d'importants investissements mais a également été associée à de mauvaises conditions de travail, des dommages environnementaux et des violations des droits des travailleurs.

[11] Sur les luttes des femmes en Papouasie, voir « Le rassemblement IWD à Jayapura aborde le thème 'Respecter, protéger et accomplir les droits des femmes en Papouasie' », Europe Solidaire Sans Frontières. Disponible sur : https://europe-solidaire.org/spip.php?article74453

[12] Les honorer Pegawai sont des travailleurs sous contrat employés par le gouvernement indonésien à durée intérimaire, généralement sans les avantages, la sécurité de l'emploi ou les niveaux de salaire des fonctionnaires permanents.

[13] Voir « Manokwari Student Alliance : Opposez les politiques qui ne prennent pas le parti du peuple papou », Europe Solidaire Sans Frontières, septembre 2025. Disponible sur : https://europe-solidaire.org/spip.php?article76104

[14] Le Kalimantan oriental est une importante province productrice de charbon et a également été désignée comme le site de la nouvelle capitale de l'Indonésie, Nusantara. La région a connu une importante dégradation environnementale due aux activités minières.

[15] Voir aussi Alliance des femmes indonésiennes (API), « Appauvries, tuées, criminalisées ! Les femmes ripostent et défient l'État ! », Europe Solidaire Sans Frontières, mars 2025. Disponible sur : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article74468

[16] Voir « Indonésie : l'Indonésie dorée de Prabowo — militarisme à la manière de l'oligarchie », Europe Solidaire Sans Frontières, janvier 2025. Disponible sur : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article73996

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Les femmes migrantes et la guerre : nouvelles lois discriminatoires

Depuis l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, le gouvernement a renforcé son emprise sur les migrant·es en introduisant un nombre croissant de lois xénophobes. (…)

Depuis l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, le gouvernement a renforcé son emprise sur les migrant·es en introduisant un nombre croissant de lois xénophobes. Quel a été l'impact de ces mesures sur les femmes migrantes vivant en Russie ? La journaliste Anna Azyalova enquête sur la question.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/11/22/les-femmes-migrantes-et-la-guerre-nouvelles-lois-discriminatoires/

Les femmes représentent au moins un quart de tous les travailleurs/travaileuses migrants·e qui arrivent chaque année en Russie, soit environ un million de personnes. Dans un contexte de campagne anti-migrant·es de plus en plus virulente depuis l'invasion, le nombre de femmes migrantes a augmenté. Beaucoup de femmes se rendent désormais en Russie pour travailler à la place des hommes, qui risquent d'être enrôlés dans l'armée. Certaines viennent avec leur famille, d'autres voyagent seules, laissant leurs enfants derrière elles. Cependant, les nouvelles lois sur l'immigration ont rendu ces deux groupes encore plus vulnérables.

Pourquoi y a-t-il de plus en plus de femmes migrantes ?

Yulia Florinskaya, docteure en géographie, note que le nombre exact de femmes migrantes arrivant en Russie chaque année est inconnu, mais que selon des estimations prudentes, il dépasserait le million.

Il est intéressant de noter que les femmes originaires de Thaïlande, des Philippines et du Japon sont plus susceptibles de migrer vers la Russie que les hommes de ces pays. Néanmoins, elles ne représentent qu'une petite partie de l'afflux massif de travailleurs /travailleuses migrant·es par rapport à celles et ceux provenant d'Asie centrale. Selon les données du ministère russe de l'Intérieur, 1 586 femmes et 48 hommes sont arrivés de Thaïlande en 2019. En revanche, près de 134 000 femmes et 984 800 hommes originaires d'Ouzbékistan ont obtenu un permis de travail en Russie la même année.

Toutefois, ces chiffres sont probablement sous-estimés. Les statistiques officielles ne reflètent souvent pas fidèlement la migration des femmes à l'échelle mondiale, car une grande partie de leur travail s'effectue dans le secteur informel. En 2019, par exemple, 82% des permis de travail délivrés à des femmes en Russie l'ont été à des travailleuses d'Asie centrale. En revanche, les femmes ukrainiennes et moldaves ne représentaient pas plus de 15% des permis de travail délivrés.

En outre, de nombreuses femmes originaires des pays d'Asie centrale, en particulier du Kirghizistan et de l'Ouzbékistan, travaillent en Russie sans statut professionnel légal. Souvent, elles n'ont pas de contrat officiel et sont rémunérées « au noir ». En réalité, le nombre de femmes migrantes originaires de ces pays est probablement plus élevé que ne le suggèrent les statistiques officielles. Florinskaya a basé ses estimations sur plusieurs sources, notamment les données ouvertes du Service fédéral des statistiques de Russie (Rosstat) et du ministère de l'Intérieur, ainsi que sur des enquêtes sociologiques qui ne prennent en compte que les migrant·es légaux. Selon les derniers chiffres du ministère de l'Intérieur, au moins 220 000 femmes et enfants pourraient actuellement résider en Russie sans statut légal.

Au cours des deux dernières années, on a assisté à une « féminisation » croissante des flux migratoires en provenance d'Asie centrale. Une étude de la Banque mondiale réalisée en 2025 a révélé que moins d'hommes du Kirghizistan se rendent en Russie pour travailler, tandis que le nombre de femmes qui le font continue d'augmenter.

La féminisation de la migration est une tendance mondiale qui se dessine depuis plusieurs années. Selon les données de 2017 de l'Organisation internationale du travail (OIT), environ 42% de toustes les migrant·es dans le monde, soit environ 68,1millions de personnes, sont des femmes. Cette évolution est étroitement liée aux changements structurels de l'économie mondiale. Alors que le secteur manufacturier est en déclin, le secteur des services continue de croître. Ce secteur emploie la majorité des travailleurs/travailleuses migrant·es en Russie.

Une enquête menée par l'École supérieure d'économie (HSE) en 2017 a révélé que la majorité des migrant·es masculins et féminins en Russie travaillaient dans les secteurs suivants : commerce (49% des hommes et 27% des femmes), services (14% des deux sexes), hôtellerie et restauration (11% des femmes) et construction (environ 25% des migrants masculins).

Dans le cas de la Russie, la féminisation de la migration reflète non seulement la tendance mondiale, mais aussi un contexte spécifiquement russe. Les travailleurs étrangers ont tout simplement peur d'aller travailler dans un pays où ils pourraient être contraints de signer un contrat et d'être envoyés à la guerre s'ils tentent d'obtenir un permis de séjour ou s'ils ne disposent pas des documents requis. Parallèlement, la demande de main-d'œuvre reste élevée en Russie, et les femmes du Kirghizistan répondent à cette demande. Traditionnellement, jusqu'à 90% des migrants du Kazakhstan viennent en Russie.

Tous ces éléments mènent à une seule conclusion : les nouvelles lois russes sur l'immigration touchent principalement les travailleurs/travailleuses migrant·es, hommes et femmes, originaires d'Asie centrale.

Quels risques les femmes migrantes encourent-elles en vertu des nouvelles lois ?

Examinons maintenant quelques exemples. Une étude réalisée en 2022 a révélé que la majorité des travailleuses étrangères sont employées dans le commerce de gros et de détail et la réparation (48,9%), les services communautaires et sociaux (14%) et l'hôtellerie (11,2%). Parmi les femmes originaires du Tadjikistan et du Kirghizistan, 71% des personnes interrogées ont déclaré avoir trouvé un emploi grâce à leur réseau personnel. Par conséquent, plus de la moitié de ces femmes travaillent sans contrat de travail officiel, ce qui rend leur emploi illégal et les place dans une situation extrêmement vulnérable, avec peu ou pas de protection juridique. Cela se produit à l'initiative des employeurs et, parfois, par choix des femmes elles-mêmes.

Il existe également un cercle vicieux au sein du système d'emploi : de nombreuses femmes n'ont pas les moyens de se procurer un permis de travail officiel en raison de leurs faibles salaires. Cependant, si elles sont arrêtées par la police, elles courent un risque élevé d'être envoyées dans des centres de détention pour immigrants, puis expulsées, parfois avec leurs enfants.

En conséquence, de nombreuses migrantes d'Asie centrale vivent désormais dans l'isolement et la peur. Selon les médias, certaines essaient de sortir le moins possible de chez elles afin d'éviter d'attirer l'attention de la police. Cela a un impact direct sur leurs revenus, mais au moins elles ont encore un emploi. Pour beaucoup, c'est mieux que de le perdre complètement.

Certaines sont surveillées de près par des groupes dits « communautaires », la police et les autorités locales, qui tiennent à montrer leurs efforts dans la lutte contre l'immigration clandestine en organisant des descentes sur les marchés, y compris les marchés informels.

Par exemple, neuf personnes vendant des fruits et légumes ont été arrêtées lors d'une descente sur un marché à Ekaterinbourg en 2024. De telles opérations ne sont pas nouvelles, mais cette fois-ci, des membres du mouvement pro-Kremlin et anti-migrant·es, le mouvement Russkaya Obshchina (Communauté russe), se sont joints à la police et à l'administration locale pour mener cette descente. Vêtus de masques et d'uniformes de camouflage, les membres du groupe ont menacé les vendeurs/vendeuses avec des matraques en caoutchouc, puis ont demandé aux passant·es de prendre les produits appartenant aux personnes arrêtées. Selon les habitant·es, le propriétaire des marchandises s'était enfui « parce qu'il ne voulait pas rejoindre l'armée ».

Selon Meduza Media, Russkaya Obshchina entretient des liens étroits avec le ministère de l'Intérieur et accomplit parfois des missions pour son compte. Cependant, les migrants sont également menacés par des raids non autorisés. Par exemple, en juin 2025, deux hommes armés ont attaqué un marché de la région de Moscou où travaillaient des commerçants azerbaïdjanais. Cet incident a coïncidé avec une campagne anti-azerbaïdjanaise plus large en Russie. Dans l'ensemble, le nombre de groupes d'extrême droite et néonazis dans le pays est en augmentation, et les migrant·es font partie de leurs principales cibles. Selon les données du Centre SOVA, sur les 221 crimes haineux enregistrés en 2025, 16 ont été commis contre des personnes considérées comme « différentes » sur le plan racial ou ethnique. Le groupe le plus important de victimes, totalisant 92 personnes, a été classé comme « non slave », dont 16 personnes originaires d'Asie centrale.

Depuis le 1er septembre 2025, certain·es ressortissant·es étranger·es sont tenu·es de partager leurs données de géolocalisation avec le ministère de l'Intérieur via une application mobile appelée Amina. Cette règle s'applique notamment aux citoyens d'Ouzbékistan, du Tadjikistan, du Kirghizistan et du Kazakhstan. Dans la pratique, cela signifie que les femmes qui travaillent sans permis légal peuvent désormais faire l'objet de sanctions supplémentaires pour ne pas avoir signalé leur position en temps réel aux autorités.

Un autre facteur qui accroît la vulnérabilité des femmes est l'interdiction d'emploi dans certains secteurs. Depuis 2024, les gouvernements régionaux sont autorisés à empêcher les travailleurs/travailleuses migrant·es titulaires d'un permis de travail d'exercer certaines professions sur leur territoire. Selon le président de la Douma d'État, Vyacheslav Volodin, les migrant·es qui ne parlent pas russe ne devraient pas être autorisé·es à travailler dans les services de taxi ou les hôpitaux. Il affirme que la réglementation de la migration de main-d'œuvre au niveau régional permettra des « ajustements législatifs plus précis » adaptés aux besoins économiques locaux.

Selon les estimations de Verstka Media, 49 régions ont introduit de telles interdictions l'année dernière. Plusieurs régions sont allées plus loin en 2025, interdisant aux travailleurs/travailleuses migrant·es titulaires d'un permis de travail d'exercer dans le secteur des taxis. Cependant, ces restrictions ne s'étendaient pas au secteur de la construction, considéré comme une priorité de développement dans certaines régions et qui emploie jusqu'à la moitié de tous les travailleurs migrants masculins en Russie. C'était le cas, par exemple, dans la République du Tatarstan. En d'autres termes, ces pratiques discriminatoires tendent à refléter les intérêts de ceux qui font pression pour obtenir des interdictions spécifiques.

Ces restrictions en matière d'emploi s'appliquent uniquement aux ressortissant·es étranger·es titulaires d'un permis de travail, généralement obtenu par les citoyen·nes de pays bénéficiant d'une exemption de visa pour entrer en Russie, tels que le Tadjikistan et le Kirghizistan. Par conséquent, les femmes d'Asie centrale sont de plus en plus vulnérables sur le plan économique, en particulier celles dont les conjoints, partenaires ou proches sont soumis à ces interdictions d'embauche. Les revenus issus de la migration de main-d'œuvre représentent jusqu'à la moitié des revenus totaux de nombreuses familles, et jusqu'à 30% des femmes migrantes s'installent en Russie avec leur famille.

Les nouvelles interdictions ont contraint les familles à rechercher d'autres sources de revenus, les poussant souvent vers le marché du travail clandestin, où elles risquent de se heurter à des problèmes de documentation. Cela menace la stabilité et les perspectives d'avenir de ménages entiers.

Comment les femmes seront-elles affectées par les restrictions imposées à l'accès des enfants à l'éducation ?

Les autorités russes se concentrent de plus en plus sur les travailleurs/travailleuses migrant·es qui arrivent avec leur famille. Selon les données officielles, un·e travailleur/travailleuse étranger·e sur cinq en Russie vit avec des membres de sa famille. Entre 40% et 45% de toustes les travailleurs/travailleuses migrant·es avaient des enfants mineurs de moins de 16 ans vivant avec eux au début des années 2010. Cependant, à la mi-septembre 2025, Maxim Reshetnikov, ministre russe du Développement économique, a annoncé que le pays s'orientait vers un modèle de « migration circulaire ». Il a expliqué : « Venez, travaillez pendant un certain temps, puis partez. »

« En d'autres termes, nous n'avons pas vraiment besoin de ces familles ici. Nous ne sommes pas non plus obligés d'éduquer les non-citoyen·nes », a ajouté le ministre.

Un mois plus tôt, Sergueï Mironov, le chef du parti Russie Juste – Pour la vérité, avait exprimé un avis similaire. Il avait fait valoir que si les travailleurs/travailleuses migrant·es venaient en Russie sans leurs enfants, cela résoudrait le problème de surpopulation dans les crèches et les écoles. Il avait affirmé que les enfants de migrant·es remplissaient ces établissements. Mironov avait ajouté que de nombreuses et nombreux migrants n'avaient pas l'intention de travailler en Russie, mais inscrivaient tout de même leurs enfants dans les écoles publiques.

La justification avancée pour restreindre l'accès à l'éducation des enfants issus de l'immigration est leur maîtrise insuffisante de la langue officielle. En décembre 2024, la Douma d'État a adopté en première lecture un projet de loi interdisant aux écoles d'admettre des enfants qui ne parlent pas russe. Selon le président de la Douma, Vyacheslav Volodin, cette question concerne 41% des enfants migrants. Cependant, une étude réalisée en 2015 a révélé que deux tiers des migrant·es employé·es dans des ménages russes parlent russe comme langue maternelle, et que 45% supplémentaires le parlent couramment.

À partir de 2025, les mineurs étrangers devront passer un examen de russe de 80 minutes, comprenant une partie écrite et une partie orale, afin de pouvoir s'inscrire à l'école. Les candidat·es en première année ne sont tenu·es de passer que la partie orale de l'examen. En septembre, le Service fédéral de supervision de l'éducation et des sciences (Rosobrnadzor) a publié les premiers résultats des tests introduits le 1er avril 2025. Les résultats ont montré que seuls 49,9% des participant·es ont réussi (2 964 enfants sur 5 940). Celles et ceux qui ont échoué seront autorisé·es à repasser l'examen dans trois mois.

Cependant, parmi celles et ceux qui souhaitaient participer, seule une fraction — près de 6 000 enfants — a effectivement passé l'examen. Selon Rosobrnadzor, seul un tiers des candidat·es ont été admis·es au test de langue entre avril et août 2025, soit 8 200 enfants sur 23 600. Les autres ont été refusé·es parce quelles ou ‘ils ne disposaient pas des documents nécessaires, notamment la preuve de résidence légale de l'enfant et de ses parent·es.

Pendant des années, les familles migrantes en Russie se sont vu refuser l'inscription scolaire en raison de l'absence de documents d'enregistrement de résidence ou de certificats médicaux. Aujourd'hui, l'introduction d'un examen de russe a créé un obstacle supplémentaire et est devenu un outil de discrimination à l'encontre d'un groupe déjà marginalisé. Les administrateurs scolaires ont refusé d'inscrire des enfants issus de l'immigration simplement parce qu'elles ou ils n'avaient pas réussi l'examen, même lorsque le russe est leur langue maternelle. Dans la ville de Tioumen, par exemple, une fille issue d'une famille kazakhe russophone s'est vu refuser l'inscription malgré avoir obtenu 18 points sur 20 à l'examen écrit.

Selon la loi, les enfants peuvent repasser l'examen de russe après trois mois. Pendant cette période, elles et ils peuvent suivre des cours de langue organisés par l'État, qui sont censés être gratuits. Cependant, le retard pris dans la rentrée scolaire pose des difficultés supplémentaires aux familles, en particulier aux mères, qui doivent réorganiser leur vie quotidienne en fonction des nouvelles exigences. Cette situation les rend encore plus vulnérables et peut avoir un impact négatif sur l'estime de soi et l'intégration sociale de l'enfant.

En octobre 2025, une proposition a été présentée à la Douma d'État visant à exempter certaines catégories d'enfants étranger·es du test de langue requis pour l'admission à l'école. L'exemption s'appliquerait aux participant·es au programme national de réinstallation des compatriotes, aux citoyen·nes des pays où le russe est une langue officielle et aux enfants des diplomates et des employé·es des organisations internationales. En d'autres termes, la nouvelle réglementation n'affecterait pas les migrant·es d'Asie centrale, qui constituent la majorité des migrant·es en Russie.

Lisez le rapport de Posle.Media ici pour en savoir plus sur la manière dont les nouvelles lois xénophobes en Russie discriminent les enfants issu·es de l'immigration.

Cela vaut-il la peine de revenir ?

La Douma d'État examine actuellement la prochaine étape de la mise en place d'un enseignement entièrement payant pour les enfants de citoyen·nes étrangers·e. Si elle est adoptée, cette loi signifierait que l'enseignement préscolaire, primaire et secondaire professionnel serait entièrement commercial pour ce groupe. Elle limiterait également à trois le nombre de tentatives gratuites pour passer le test obligatoire de langue russe.

Yaroslav Nilov, l'un des promoteurs du projet de loi, affirme que ce ne sont pas les contribuables russes qui devraient prendre en charge ces coûts, mais plutôt « la famille de la/du migrant·e, son employeur, l'ambassade, des fondations caritatives ou l'État étranger dont la/le migrant·e est citoyen·ne ». M. Nilov présente sa proposition comme un geste de préoccupation pour les enfants migrant·es. Il fait valoir que si elles ou ils ne peuvent pas apprendre le russe, elles/ils « ne devraient pas avoir à se battre » et pourraient plutôt commencer leur scolarité dans des écoles russophones de leur pays d'origine ou suivre des cours en ligne dans ce pays.

Dans la pratique, cependant, les familles qui rentrent chez elles parce que leurs enfants ne peuvent pas s'inscrire dans les écoles russes sont souvent confrontées à une grave pénurie de places scolaires dans leur pays d'origine. Zhanar Akayev, député kirghize, a signalé que les salles de classe de la capitale, Bichkek, et de la deuxième ville du pays, Osh, accueillent désormais entre 40 et 60 élèves. Cette situation est en partie due au retour des travailleurs/travailleuses migrant·es de Russie. M. Akayev a exhorté le gouvernement kirghize à négocier avec les autorités russes pour résoudre ce problème, arguant que le droit à l'éducation des enfants kirghizes est bafoué en Russie. Dans le même temps, les parent·es ont demandé au gouvernement kirghize de mettre en place des cours en ligne pour leurs enfants.

En d'autres termes, le retour au pays ne garantit pas aux enfants de migrants l'accès à l'éducation. Pour les mères qui espèrent trouver du travail en Russie, cela signifie souvent laisser leurs enfants à des proches. Cette situation est similaire à celle vécue par de nombreuses femmes migrantes géorgiennes, qui ont été contraintes de laisser leurs enfants chez elles afin de trouver un emploi à l'étranger. Beaucoup regardent désormais leurs enfants grandir par le biais d'appels vidéo ; rares sont celles qui peuvent se permettre d'économiser suffisamment pour faire un court séjour chez elles.

Les vulnérabilités auxquelles sont confrontées les femmes migrantes travaillant à l'étranger résultent de la combinaison de plusieurs facteurs, notamment le genre, le statut socio-économique, la race, l'origine ethnique, la religion et la maternité. Plus ces facteurs se cumulent, plus elles sont vulnérables. Les difficultés rencontrées par les travailleuses migrantes en Russie n'ont fait qu'empirer dans le contexte des bouleversements sociaux et politiques depuis le 24 février 2022. Pour faire face à ces difficultés, les femmes migrantes n'ont souvent personne sur qui compter, si ce n'est elles-mêmes et quelques ONG, que l'État russe a tendance à considérer avec suspicion.

Dans ce contexte, les réseaux horizontaux, la solidarité et les initiatives locales sont essentiels. Ces réseaux sont souvent plus efficaces lorsqu'ils restent invisibles dans la sphère publique. Nous pouvons soutenir ces réseaux en documentant et en enregistrant de manière sécurisée ce qui se passe afin que, le moment venu, nous puissions donner la parole aux femmes migrantes d'Asie centrale et leur permettre de raconter leur histoire, qui est actuellement passée sous silence pour diverses raisons.

https://www.posle.media/article/migrant-women-and-the-war-new-discriminatory-laws
Traduction DE

*-*

Le projet spécialisé de l'agence Meduza a révélé que la « Communauté russe » ne se contente pas de coordonner les agressions contre les migrant·es avec les forces de l'ordre, mais qu'elle exécute également leurs ordres et qu'elle a probablement été créée sous la tutelle du FSB.
https://meduza.io/feature/2025/06/24/nishevyy-proekt-kontory

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Déclaration commune des femmes de Domba, Sanso et Massigui

Nous, femmes des communes de Domba, Sanso et Massigui, réunies à Domba dans le cadre d'un atelier de renforcement de capacités sur le changement climatique et la résilience (…)

Nous, femmes des communes de Domba, Sanso et Massigui, réunies à Domba dans le cadre d'un atelier de renforcement de capacités sur le changement climatique et la résilience féminine, avons échangé sur nos réalités, nos difficultés et nos solutions locales.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/11/15/declaration-commune-des-femmes-de-domba-sanso-et-massigui/?jetpack_skip_subscription_popup
Domba, région de Bougouni – octobre 2025

Préambule

Nous faisons toutes face aux mêmes défis environnementaux et climatiques : la sécheresse, la perte de fertilité des sols, la baisse des récoltes, la rareté de l'eau et le manque d'appui à l'agriculture féminine.

Nos activités agricoles et domestiques sont directement touchées, et nos conditions de vie deviennent de plus en plus précaires.

Les séquelles des activités minières à Domba et Sanso demeurent visibles : des terres appauvries, des eaux menacées et des familles qui en subissent encore les effets.
Nous lançons un appel à la reconnaissance du rôle central des femmes rurales dans la protection de l'environnement et la construction d'une résilience durable.

Nos constats principaux

– L'eau devient rare, difficile d'accès ou polluée, alors qu'elle est essentielle à la vie et à la production.

– Les jardins communautaires existants sont à l'abandon faute d'eau et de moyens.

– Les femmes souhaitent réhabiliter ces jardins et installer des forages et pompes pour garantir un accès durable à l'eau.

– La chaleur, la déforestation et la dégradation des terres menacent nos productions agricoles et notre sécurité alimentaire.

– Les femmes manquent de formation, de matériel et d'appui technique pour relancer leurs activités.

– Le dialogue avec les autorités locales reste faible, alors que les femmes veulent être actrices des décisions qui concernent leurs communautés.

« Nous ne demandons pas l'impossible : juste de l'eau pour nos jardins, de la terre fertile et la valorisation de notre travail. »

Nos propositions et solutions

Reboisement et protection des ressources

-Relancer des campagnes de plantation d'arbres et de protection des forêts locales.

Prévenir les feux de brousse et sensibiliser les jeunes à la préservation de la nature.

Protéger les sources d'eau naturelles restantes contre la pollution et la surexploitation.

Réhabilitation et création de jardins communautaires

Réhabiliter les jardins communautaires existants à Domba et Sanso.

-Créer de nouveaux jardins là où il n'en existe pas encore, avec accès sécurisé à l'eau (pompes, forages, bassins).

-Mettre en place un appui technique et communautaire pour entretenir ces espaces et garantir leur durabilité.

Activités génératrices de revenus

a) Former les femmes à la production de savon, à la transformation de produits agricoles et à l'embouche de petits ruminants.

b) Soutenir le petit commerce local féminin et les coopératives rurales.

c) Mettre en place des fonds de soutien communautaires pour appuyer les initiatives vertes portées par les femmes.

Agriculture durable

Promouvoir des techniques agricoles écologiques : compostage, semences locales, rotation des cultures.

Former les femmes à la gestion durable de l'eau et des sols.

Favoriser la solidarité intercommunale entre Domba, Sanso et Massigui pour partager les savoirs et les bonnes pratiques.

Dialogue et plaidoyer local

Organiser des consultations régulières entre femmes et autorités (Maires, Sous-préfets, services techniques, ONG).

Inviter systématiquement les autorités aux activités menées par les femmes pour renforcer leur appui et leur implication.

Promouvoir la participation active des femmes dans les instances de planification et de gouvernance environnementale.

Nos revendications

Revendications communautaires

Réhabilitation des jardins communautaires et installation de pompes dans les zones agricoles.

Appui direct des communes pour les formations, équipements et suivi des initiatives féminines.

Implication effective des femmes dans les décisions locales sur l'eau, la terre et l'environnement.

Revendications politiques et régionales

Appui des services techniques et des partenaires à la formation et à l'autonomisation des femmes rurales.

Intégration des initiatives féminines dans les plans de développement communal et régional.

Mise en place d'un cadre de concertation régional pour le suivi des engagements climatiques et environnementaux.

Revendications environnementales

Réhabilitation des sites dégradés par les anciennes activités minières à Domba et Sanso.

Protection durable des ressources naturelles (eau, forêt, sol).

Soutien aux initiatives féminines de reboisement et à la gestion communautaire de l'eau.

Conclusion

Nous, femmes de Domba, Sanso et Massigui, réaffirmons notre unité, notre solidarité et notre détermination à défendre :
* notre droit à l'eau,
* notre droit à la terre,
* et notre droit à un environnement sain et vivable.

Face aux défis climatiques, nous avons choisi l'actionet la résilience.

Nous appelons nos autorités, partenaires et alliés à marcher à nos côtés pour transformer nos paroles en actions concrètes.

« Quand les femmes se lèvent pour protéger l'eau et la terre, elles défendent la vie. »

Nous, femmes des communes de Domba, Sanso et Massigui, réunies à Domba dans le cadre d'un atelier de renforcement de capacités sur le changement climatique et la résilience féminine, avons échangé sur nos réalités, nos difficultés et nos solutions locales.

Nous faisons face aux mêmes défis environnementaux et climatiques : la sécheresse, la perte de fertilité des sols, la baisse des récoltes, la rareté de l'eau et le manque d'appui à l'agriculture féminine. Nos activités agricoles et domestiques sont directement touchées, et nos conditions de vie deviennent plus précaires.

Les séquelles des activités minières à Domba et Sanso continuent d'affecter les terres et les sources d'eau. Partout, nous demandons que les autorités et les partenaires reconnaissent notre rôle central dans la protection de l'environnement et la résilience de nos communautés.

Fait à Domba, le 28 octobre 2025
https://www.cadtm.org/Declaration-commune-des-femmes-de-Domba-Sanso-et-Massigui

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