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L’histoire du Vieux-Hull, qui constitue le centre-ville du Gatineau actuel, est celle des expropriations et des évictions. Dans les années 1960 et 1970, des rues complètes ont été rayées de la carte pour faire place à des bâtiments publics, principalement du gouvernement fédéral. Il y eut des milliers de personnes déplacées. Certains parlent de 6000 exproprié·e·s et quelque 2000 logements démolis.[1]

Aujourd’hui, la ville de Gatineau vit une crise du logement[2]. Pourtant, les démolitions continuent. Sur l’Île de Hull, un parc immobilier vieillissant et souvent mal entretenu et un gouvernement municipal à l’écoute des promoteurs se combinent pour inviter à la spéculation immobilière et à la démolition. L’embourgeoisement fait son œuvre. On expulse les citoyens et citoyennes de leur quartier et on modifie le visage « ouvrier » historique du Vieux-Hull.

L’histoire de l’Îlot de la Caserne s’avère un microcosme de cette transition. Nous remercions Anna Salter et Bill Clennett de nous avoir accordé du temps pour documenter cette histoire. Anna est à l’origine d’un projet d’histoire orale qui expose le point de vue des personnes déplacées[3] et Bill Clennett est un militant de longue date à la défense des plus démuni·e·s, notamment pour revendiquer plus de logement social.

L’histoire de l’Îlot de la Caserne se déroule en 2023 et 2024 sur l’Île de Hull, à l’ombre du pont interprovincial reliant Gatineau à Ottawa. Un promoteur immobilier montréalais, Oktodev, y propose la construction d’un immeuble de 10 étages, comprenant 298 logements, à l’angle des boulevards Maisonneuve et des Allumettières. Puisque le secteur se situe à une relative proximité de la rivière des Outaouais, il est convoité depuis longtemps par les promoteurs.

Douze terrains sont au cœur de la saga de l’Îlot de la Caserne. La moitié de ceux-ci sont habités, ce qui soulève d’importants problèmes humains. Les six autres lots sont vacants et appartiennent à la municipalité de Gatineau. Cette partie de l’histoire pose l’enjeu du passage de terrains publics à des intérêts privés.

Le projet Îlot de la Caserne fait partie d’une nouvelle vague d’expropriations et d’expulsions sur l’Île de Hull, cette fois-ci l’œuvre des forces du marché. Les démolitions récentes[4] et celles revendiquées par les promoteurs se situent dans un continuum historique. Débutant par les expropriations massives des années 1970 par les gouvernements du Canada et du Québec, le continuum se poursuit plus récemment par la déstructuration et l’embourgeoisement de ce vieux quartier ouvrier avec l’arrivée de grandes tours. Plusieurs maisons acquises par les promoteurs, vidées de leurs occupantes et occupants, sont laissées à l’abandon en attendant le pic des démolisseurs.

Dans ce contexte, le projet de l’ensemble résidentiel de l’Îlot de la Caserne n’est pas insignifiant. Il illustre bien les contradictions d’une ville où les intérêts économiques liés à son développement – et donc, forcément, aux promoteurs – passent trop souvent avant ceux des citoyens et citoyennes qui l’habitent.

Évictions, démolitions : un enjeu humain

En novembre 2023, les ménages habitant au 206 boulevard Maisonneuve et du 223 au 237 rue Champlain reçoivent une lettre les avisant de quitter les lieux avant le 31 mars 2024, quelle que soit la date d’échéance de leur bail. Signé par une entreprise de gestion immobilière, Gestion Vesta[5], cet avis d’éviction les informe aussi que les démolitions commenceront en avril 2024, soit le mois suivant leur départ.

L’avis d’éviction a l’effet d’un électrochoc sur les personnes touchées. La majorité d’entre elles vivaient dans le quartier depuis plusieurs années, certaines depuis des décennies. Conscients de la possibilité d’un développement futur de leur quartier, tous ont un bail et se croient protégés par les lois du Québec. Personne ne s’attend à un déracinement brutal.

En raison d’un manque de connaissance de leurs droits, dont les droits spécifiques aux cas de démolition[6], les locataires n’ont pas compris qu’ils avaient le droit de rester dans leur logement jusqu’à la fin de leur bail. Ils ne le savaient pas, mais ni le promoteur ni la Municipalité ne les en ont informés. Avec une meilleure connaissance de la loi, les locataires auraient pu gagner un peu de temps. Par contre, même une connaissance fine de la règlementation gatinoise n’aurait pas permis à ce groupe de locataires de savoir que, par rapport à 2021, leurs droits de locataires étaient réduits. Cela, les locataires n’auraient pu le savoir, car la Ville de Gatineau est loin d’être transparente…

Un brin d’histoire

Que s’est-il passé en 2021, soit quelque temps avant la saga de l’Îlot de la Caserne ? Le même promoteur que celui derrière le projet de l’Îlot de la Caserne présente alors le projet Éléonore dans le même quartier, soit dans l’axe des rues Marston et Notre-Dame-de-l’Île. Celui-ci s’appuie aussi sur l’éviction de plusieurs locataires et la démolition de huit bâtiments, dont six « maisons allumettes ».

Les maisons allumettes

Les maisons allumettes dominent le paysage urbain de Hull depuis plus de 150 ans. Construites en bois, ces maisons revêtent une apparence particulière. D’une façade étroite, construites en hauteur, avec un toit très pentu à deux versants, elles sont historiquement alignées les unes à côté des autres. Selon certains, cet agencement leur donne l’apparence d’allumettes cordées dans leur boite.

L’historienne Michelle Guitard offre une autre interprétation de l’expression « maison allumette ». À l’époque, on achetait ces immeubles sur des catalogues. Sur la couverture d’un des catalogues, on retrouvait un dessin d’allumettes, un clin d’œil à la fabrique d’allumettes d’E.B. Eddy, un grand employeur de la région au début du XXe siècle.

Peu importe l’origine du nom, pendant longtemps ce sont surtout les familles ouvrières qui habitent ces maisons.

Aujourd’hui, les maisons allumettes sont menacées. Depuis 2021, la Ville de Gatineau a autorisé la démolition de 31 d’entre elles sur l’Île de Hull. En janvier 2025, un moratoire empêchant les démolitions futures est adopté, le temps de faire le point sur l’avenir de ce patrimoine bâti.

Photo : JeanPaulGRingault, 13 mars 2021, CC-BY-SA-4.0

Anna Salter, citoyenne nouvellement arrivée à Gatineau, vit à proximité du projet immobilier Éléonore, proposé par Oktodev. S’appuyant sur les règlements mêmes de la municipalité, Anna et un voisin demandent à la Ville de Gatineau de tenir des audiences publiques avant que les démolitions ne s’enclenchent. Les deux intervenants estiment que le promoteur ne respecte pas la procédure inscrite dans le règlement municipal concernant les droits des locataires.

La Ville refuse la demande, prétendant que les deux intervenants ne sont pas des « parties intéressées » puisqu’ils n’habitent pas les maisons touchées. Le promoteur obtient le feu vert et les démolitions se font. La Ville réécrit même le règlement municipal pour éliminer toute référence aux droits des locataires en cas de démolition. On y revient à la fin de l’article.

Impact sur les personnes

Les douze ménages du secteur de l’Îlot de la Caserne qui ont reçu un avis d’éviction en novembre 2023 pour une démolition prévue en avril 2024 croient qu’ils n’ont que quatre mois pour quitter les lieux, trouver un nouveau logement et déménager. Aux dires de Bill Clennett, « tout cela se fait au milieu d’une crise du logement sans précédent, avec des centaines de personnes sans-abri dans les rues de Gatineau… »

Au moins l’un des locataires évincés évoque ouvertement sa peur de se retrouver dans la rue : « Dès que je reçois l’avis d’éviction, je me précipite pour trouver un nouveau logement ». L’anxiété le pousse à quitter son domicile des mois avant d’y être obligé. Premier locataire à partir, il finit par payer beaucoup plus cher que pour son logement sur la rue Champlain, et cela, pour vivre dans un appartement situé dans un sous-sol et infesté de vermine.

Tous les locataires sont dévastés à la fois par leur éviction rapide et par l’incapacité qui en résulte de trouver un logement convenable. Tous paient un loyer beaucoup plus élevé après la relocalisation que celui payé avant.

« Donc, pour être clair, ces personnes ont été expulsées par une entreprise qui n’a pris aucune responsabilité pour leur trouver un autre logement convenable. » (Anna Salter)

Bref, toutes et tous se sentent laissés pour compte et seuls pour faire face à une situation qui leur est imposée, et ce, malgré les belles paroles rassurantes de Gestion Vesta que l’on retrouve dans l’avis d’éviction : « Sachez que nous travaillerons étroitement avec vous pour vous aider à vous trouver un nouveau logement et que nous demeurons disponibles pour tout questionnement que vous avez à ce sujet ».

Dans les faits, la compagnie ne respecte les droits des locataires ni en matière d’indemnisation ni par rapport au paiement de frais de déménagement tels que déterminés par la loi. À un locataire qui demande de l’aide, le gestionnaire affirme que la relocalisation incombe à l’évincé et que c’est le problème du locataire si son nouveau logement coûte trop cher !

Un témoignage résume bien la situation de chaque ménage exproprié :

«Je ne pouvais même pas trouver un 3 ½ pour un prix similaire à Gatineau, Et certainement pas un 4 ½ comme le logement d’où je me suis fait expulser. Je suis un employé de la ville de Gatineau, mais je ne réside plus à Gatineau, je ne peux plus me le permettre. J’ai été gentrifié de la ville qui est mon employeur[7]

Plus que des bâtiments

Le projet de l’Îlot de la Caserne démolit bien plus que six bâtiments. Il détruit un écosystème urbain complexe, à commencer par sa communauté de vie. Outre le fait que certains locataires y vivent depuis des décennies, c’est une communauté d’une diversité remarquable : économiquement (fonctionnaires fédéraux et municipaux, camionneurs, employé·e·s de Postes Canada, étudiants et étudiantes, retraité·e·s), socialement (familles monoparentales, avec enfants, couples queers, célibataires), linguistiquement (anglais et français, entre autres langues) et composée de groupes variés (autochtones, haïtiens, asiatiques, africains).

« En tant que société, nous parlons souvent d’inclusion. Cette histoire est un exemple parfait de la façon dont notre discours sur l’inclusion est trop superficiel. Comme société, nous avons littéralement jeté un microcosme de diversité dans la rue. » (Anna Salter)

En détruisant un environnement mature du centre-ville, le projet immobilier de l’Îlot de la Caserne comporte un prix écologique. Un locataire déplore les répercussions du projet sur les oiseaux et les arbres de sa cour. Le nouvel immeuble de 10 étages perturbe l’équilibre architectural du quartier. Plusieurs maisons allumettes sont rasées. Les 298 logements prévus attireront une clientèle d’une autre classe sociale qui n’est pas celle qui réside sur l’île de Hull depuis plus de 150 ans. Et, ironie du sort, la caserne de pompiers numéro 3, citée comme patrimoniale en 1991 et dont le secteur porte le nom, sera largement éclipsée par le bâtiment moderne présentement en construction.

La cession de terrains publics à des intérêts privés

Pour réaliser le projet de l’Îlot de la Caserne, le promoteur a dû acquérir une douzaine de terrains. Pendant qu’il mettait la main sur des terrains habités en procédant à l’expulsion des locataires, il a dû conclure une entente avec la Ville de Gatineau pour acquérir des terrains vacants !

Un règlement de la Ville l’oblige à faire un appel d’offres public pour toute vente ou cession de terrains municipaux, mais quelques exceptions permettent à la Ville d’outrepasser le processus d’examen public. Dans le cas de l’Îlot de la Caserne, la Municipalité s’est justement prévalue d’une exception et la cession des terrains municipaux s’est faite sans examen public.

Claude Royer, de l’Association des Résident·e·s de l’Île-de-Hull (ARIH) l’a soulevé lors d’une audition du conseil municipal de Gatineau le 28 février 2023 : « Il est publiquement apparu dès 2022 qu’Oktodev comptait acheter les terrains de la Ville pour son projet, une vente à laquelle la Ville allait acquiescer sans vraiment suivre ses propres règles de mise en vente d’actifs immobiliers[8] ».

Bill Clennett abonde dans le même sens : « La vente des six terrains municipaux au promoteur pour son projet n’était pas conforme à la politique relative aux transactions immobilières. Les autorités municipales ont changé quatre fois leur justification de la vente de ces terrains pour conclure qu’elle était conforme à la politique à cause d’une offre d’achat, offre qui n’existait pas au moment où elles ont confirmé leur intention de recommander la vente des terrains[9] ».

Bref, en pleine crise du logement et peu de temps avant que la municipalité héberge des personnes itinérantes dans des conteneurs, la Ville a contourné son propre règlement pour faciliter le passage de terrains publics à des promoteurs privés. C’est comme si les autorités municipales ne saisissaient pas la belle occasion d’utiliser ses terrains disponibles pour des fins sociales, dont la construction de logements sociaux ou coopératifs.

Conséquences de l’embourgeoisement sur le Vieux-Hull

Les paroles déjà citées d’un employé municipal évincé de son logement à cause du projet de l’Îlot de la Caserne sont éloquentes : « J’ai été gentrifié de la ville qui est mon employeur ». Le projet immobilier de l’Îlot, comme ceux de Ludger-Duvernay et Éléanore, et celui à venir sur les rues Kent et Laval près de Victoria contribuent à la modification du visage « ouvrier » de l’Île de Hull. Un tel virage est voulu par les autorités municipales. En effet, le plan d’urbanisme s’appuie simultanément sur l’embourgeoisement du centre-ville et sur l’expulsion des personnes en situation de pauvreté. Le projet de l’Îlot de la Caserne s’insère dans ce plan.

Une autre façon de « moderniser » le centre-ville consiste à reconfigurer les logements existants. Autrefois, on subdivisait une maison allumette en deux ou trois logements, multipliant ainsi le nombre de logements sur un même espace. Maintenant, l’intention de la Ville est d’encourager les professionnel·le·s et leurs familles à racheter ces logements, à en expulser les locataires, et à les utiliser ensuite comme une maison unifamiliale haut de gamme.

Une situation qui amène Bill Clennett à conclure : « Entre la démolition de logements populaires existants au profit d’immeubles plus hauts et plus chers et la rénovation d’une partie du parc immobilier restant, la Ville obtient ce qu’elle veut. Et ce n’est rien de bon pour les gens qui vivent ici depuis de nombreuses années ».

Les retombées

Le court délai entre l’avis d’éviction et le début des démolitions n’a pas facilité une mobilisation citoyenne large pour s’opposer au projet de l’Îlot de la Caserne. Vu sur un continuum entre les projets passés et ceux à venir, cela témoigne que la soif de projets immobiliers ne s’étanche pas en ce qui concerne le centre-ville de Hull.

Cependant l’Îlot de la Caserne a réveillé les gens du quartier et a sensibilisé l’Association des Résident·e·s de l’Île-de-Hull sur l’enjeu des droits des locataires. Ce réveil n’a pas permis de faire dérailler le projet, mais la suite démontre une implication accrue des citoyennes et citoyens qui font davantage de pressions auprès des élu·e·s et dans les instances municipales concernant l’enjeu des droits et celui de la disparition du patrimoine bâti.

L’histoire de l’Îlot de la Caserne illustre le peu d’information disponible pour les personnes évincées concernant leurs droits de locataires qui doivent faire face à une éviction en vue d’une démolition. Le plus choquant est que les locataires évincés lors du projet précédent étaient « protégés » par un règlement municipal qui a été réécrit subséquemment… mais ils ne le savaient pas. Bref, la Ville de Gatineau a enlevé la protection des droits des locataires dans son règlement sur les démolitions.

Pour combler le manque d’information sur les droits des locataires, l’ARIH a produit, en 2023, un dépliant qui rassemble dans un même endroit les différents règlements municipaux que les locataires doivent connaitre pour pouvoir défendre leurs droits et pour effectuer une contestation en cas d’une démolition annoncée.

L’ARIH a aussi publié un recueil, Une histoire orale de démolition et d’éviction sur l’île de Hull : le projet de l’îlot de la caserne[10], qui permet aux citoyennes et citoyens impliqués dans les évictions à l’Îlot de la Caserne de faire entendre leurs voix. L’Association a utilisé ainsi l’histoire orale comme un outil pour la justice sociale et le changement social. Pour reprendre les mots de l’historien social anglais, Paul Thompson : « L’histoire ne doit pas seulement réconforter ; cela doit offrir un défi et une compréhension qui aident au changement ».

L’Histoire orale

« J’adorerais que le livret soit lu et que son histoire rayonne. Parce que son objectif était de dire, vous savez, que les promoteurs ont gagné dans le sens où ils ont réussi à expulser prématurément les locataires et à ne donner à la majorité d’entre eux aucune compensation financière.

Mais cela ne veut pas dire qu’en tant que quartier, nous avons complètement perdu notre voix. En fait, nous avons essayé de reconquérir notre pouvoir à travers quelque chose comme cette histoire orale. Nous avons toujours une voix. »  (Anna Salter)

Petite victoire

En janvier 2025, à la suite des nombreuses interventions de l’ARIH et des citoyennes et citoyens concernés, la Municipalité de Gatineau adopte des modifications significatives au règlement municipal sur les démolitions, dont des modifications en faveur des droits des locataires. Ce faisant, la Ville « répare l’erreur de 2021 », selon l’élu du district de Hull-Wright, Steve Moran.

L’erreur en question était le retrait de l’obligation pour les promoteurs eux-mêmes, ou pour leur compagnie de gestion immobilière, d’informer les locataires de leurs droits dans le cas d’une démolition. Ces droits portent sur le délai pour évincer un locataire et sur les indemnisations.

Les interventions du milieu n’ont pas forcé le promoteur à reculer sur le projet de l’Îlot de la Caserne, mais elles ont forcé les autorités municipales à revoir leurs règlements injustes. Il reste à revendiquer et à obtenir l’obligation de consulter la population si jamais une autre administration municipale tente de restreindre à nouveau les droits des locataires.

Par Vincent Greason, militant sociocommunautaire


  1. Cet article se base sur une entrevue effectuée en anglais avec Bill Clennett et Anna Salter le 24 janvier 2025. L’entrevue a été réalisée par Vincent Greason.
  2. François Saillant, La situation du logement à Gatineau et son impact sur les droits humains, Montréal, Ligue des droits et libertés, 2021.
  3. Daniel Cayley-Daoust et Anna Salter, Une histoire orale de démolition et d’éviction sur l’île de Hull : le projet de l’îlot de la caserne, Gatineau, Association des Résident·e·s de l’Île-de-Hull (ARIH), 2024.
  4. Anne-Charlotte Carignan, « Une trentaine de démolitions de maisons allumettes autorisées depuis 2021 », Radio-Canada, 28 mars 2024.
  5. Gestion Vesta est une compagnie gatinoise embauchée par les promoteurs montréalais principalement pour ramasser l’argent des loyers des locataires.
  6. Le cas de l’Îlot de la Caserne met en relief la différence entre les droits des locataires évincés lors d’une « rénoviction » et ceux évincés lors d’une démolition. Les locataires faisant face à une rénoviction sont protégés par le Tribunal administratif du logement (TAL), autrefois la Régie du logement. La Loi sur l’aménagement et l’urbanisme encadre les cas de locataires en situation d’une démolition. Voir aussi : Martin Comtois, « Adieux difficiles aux maisons allumettes : des locataires plient bagage à contrecœur », Radio-Canada, 29 mars 2024.
  7. Cayley-Daoust et Salter, 2024, op. cit., p. 23.
  8. Cayley-Daoust et Salter, ibid., p. 59.
  9. Ibid., p. 55.
  10. Cayley-Daoust et Salter, 2024, op. cit.

 

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C'est l'expression employée par Stephen Miller, suprémaciste blanc et actuel chef-adjoint du cabinet de Donald Trump, après qu'un juge de l'Oregon ait eu le culot de suspendre la décision d'envoyer 300 militaires de la garde nationale dans les rues de Portland.

Contrairement à cet épigone du propagandiste nazi Joseph Goebbels, le juge n'a pas réussi à voir dans les mobilisations contre la chasse aux migrant·es et l'Immigration and Customs Enforcement (ICE), un « danger de rébellion ». Il n'a pas non plus constaté que la ville était une « zone de guerre » infestée de « terroristes de l'intérieur ».

Pour la défense de Stephen Miller, on doit reconnaitre que le silence assourdissant des Démocrates et l'apathie sidérante des centrales syndicales étatsuniennes, peuvent laisser croire que les juges et le système judiciaire étatsuniens sont effectivement l'avant-garde de la résistance et les seuls capables de se soulever contre l'ordre établi, contre les atteintes aux droits des femmes, les licenciements de masse de ces « traitres » de fonctionnaires et la politique néofasciste et écocidaire de Trump, Vance, Hegseth, Bondi etc. On entend effectivement davantage parler du succès de la formule « See you in court » lancée par la gouverneure du Maine, Janet Mills, à Donald Trump en février 2025, des « revers judiciaires » de son administration en matière de droits de douane, des actions judiciaires de jeunes militant·es contre la politique pétrolière de l'administration Trump, des petits cabinets d'avocats « prêts à en découdre », que des appels à la mobilisation de l'AFL-CIO ou des Démocrates.

Certain·es pourraient avoir la même impression au Québec. L'absence d'alternative crédible à gauche et de mobilisations syndicales contribuent également à laisser croire que seuls les tribunaux sont aujourd'hui en mesure de s'opposer aux attaques systémiques du gouvernement Legault contre les services publics, les droits de la classe ouvrière, des femmes, des étrangères et des étrangers, contre l'environnement et plus récemment, contre les fonctionnaires qui se « revirent de bord » .

De fait, à chaque nouveau projet de loi liberticide, à chaque remise en cause des droits des travailleurs et des travailleuses (laïcité, PL21 ; droit de grève, PL89 ; liberté syndicale, PL993 ; Santé et sécurité au travail, PL101 etc.), à chaque nouveau scandale financier ou environnemental (Northvolt, Saaqlic, IBM, Stablex, Amazon, Fonderie Horne, Airbus etc.) Québec solidaire et les centrales syndicales ne manquent pas de s'insurger avec véhémence, dans les médias ou en commission parlementaire et d'organiser des petites manifestations. Ils clament que la « coupe est pleine », que « trop c'est trop », qu'on ne se laissera pas faire etc. Puis, le temps d'un nouveau scandale, on apprend qu'un recours judiciaire a été déposé. Et on passe au scandale suivant et au recours suivant.

Certes, les victoires judiciaires sont toujours bonnes à prendre ; que ce soit l'annulation d'une procédure d'expulsion d'un sans-papier, la suspension d'un décret qui restreint le droit à l'avortement ou, pour prendre un exemple exotique et rafraichissant car tellement inespéré, la condamnation d'un ancien président de la République française pour association de malfaiteurs. Pour toutes ces raisons, il n'est pas question ici de suggérer de déposer l'arme du droit sans combattre.

Mais faut-il pour autant délaisser le terrain de la construction de solidarités, de l'unité et de la mobilisation sociale ? En effet, comment expliquer l'effacement des Démocrates et de l'AFL-CIO lors des manifestations historiques du « No kings protests » de juin 2025 ? Comment expliquer l'effacement de Québec solidaire et la division syndicale lors de la grève historique des enseignantes, à l'automne 2023 ? Comment expliquer qu'après la plus importante attaque de ces quarante dernières années contre le droit du travail, selon les centrales syndicales elles-mêmes, il ait fallu plus de huit mois pour qu'elles appellent à une manifestation intersyndicale... le 29 novembre prochain ?

En attendant des réponses, ces éléments factuels peuvent effectivement donner l'impression que le « See you in court » s'est substitué au « On se voit à la manif » ; que l'espoir d'une insurrection judiciaire, historiquement et sociologiquement hautement improbable, s'est substitué à celui d'une insurrection socialiste, antiraciste, féministe, écologique, internationaliste qui n'a peut-être jamais été si nécessaire et urgente.

Martin Gallié, 8 octobre 2025

PS : et pour se faire une idée de Portland comme "zone de guerre", une vidéo d'une manifestation devant les bureaux de l'ICE à Portland, le 7 octobre 2025 : https://www.facebook.com/jamie.alongi.33/videos/24710589775260304/?idorvanity=959208695816460

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2 octore 2025

Intelcom Courier Inc. était à l'époque un important donateur libéral, dont le fondateur et président-directeur général, Daniel Hudon, était également collecteur de fonds et ancien membre du comité des finances de l'aile québécoise du Parti libéral du Canada, dont le président était nul autre que… Clément Joly, père de Jean-Sébastien et Mélanie Joly (1)

André Ouellet, le PDG de Poste Canada qui avait autorisé le rachat d'Intelcom par la société d'État avait été éclaboussé en 2004 par un rapport de vérification de la firme Deloitte Touche, commandé dans la foulée du scandale des commandites, qui lui reprochera d'être « intervenu à maintes reprises dans l'attribution de contrats totalisant 35 millions » et d'avoir « demandé à ses subalternes de trouver du travail à plus de 80 personnes ». (2)

Ancien directeur financier chez Mediagrif, Jean-Sébastien Joly s'est joint à Intelcom en 2007 comme vice-président, finances et opérations, et a racheté l'entreprise à son fondateur, Daniel Hudon, en 2017, avec la participation de la Caisse de dépôt et de la Banque de développement du Canada (BDC). (3)

Avec le soutien de la CDPQ (Caisse de dépôt et placement du Québec), reconnue pour son mépris des travailleurs, le frère de la ministre Joly entame une grande expansion des activités de la compagnie. En quelques années, l'entreprise fait bâtir des centres de tri à Montréal et Toronto qui représentent des investissements de 31 millions de dollars. Durant la même période, leur nombre d'employés passe de 300 à 2500 plus 3000 « indépendants » qui sont en réalités des travailleurs précaires.

Pendant la grève de décembre 2024, Postes Canada a d'ailleurs fait appel à des briseurs de grève en ayant recours à des sous-traitants comme Purolator et Intelcom pour expédier des colis qui devaient être traités par les grévistes.

Jusqu'en 2022, aucune mesure de prévention des conflits d'intérêts n'empêche Mélanie Joly de donner un traitement préférentiel à la compagnie de son frère. Il y a trois ans, un « filtre » anti-conflits d'intérêts, administré par la sous-ministre et la cheffe de cabinet de Joly, est mis en place pour s'assurer que la ministre ne favorise pas l'entreprise de son frère. (4)

Mais ce n'est que de la poudre aux yeux, Melanie Joly n'a plus besoin de favoriser l'entreprise de son frère, c'est déjà fait. Elle et son gouvernement, en s'activant à démanteler le système postal public, visent nécessairement à avantager les compagnies privées comme Intelcom au détriment de Poste Canada.

L'acharnement du gouvernement libéral n'a rien à voir avec la supposée problématique de rentabilité. Cette offensive est de deux ordres, premièrement le transfert du service de livraison des colis vers les compagnies privées, qui font dans l'ensemble d'énormes profits, et l'affaiblissement de la combativité ouvrière. Donc des profits plus grands pour leurs amis, les dirigeants de ces compagnies et la réduction des salaires ainsi que l'affaiblissement des conditions de travail et surtout de la combativité ouvrière.

Tel est le motif du Parti Libéral de Carney en ce moment, affaiblir les syndicats, les salaires et conditions de travail pour enrichir encore plus les entreprises. Le cas d'Intelcom en est un exemple. Il n'exploite pas de véhicules de livraison puisqu'e cette compagnie le donne en sous-traitance à de petites et moyennes entreprises qui offrent ce genre de service. (5) Ce fonctionnement rend encore plus difficile la syndicalisation puisque ce sont des employéEs assujettis à contrat individuel. Au lieu de travailleurs et travailleuses syndiqués avec des conditions de travail et salariales décents, le travail est transféré vers des entreprises où les travailleurs sont atomisés et sans rapport de force.

Le gouvernement libéral ainsi que la direction de Poste Canada ont donc fabriqué un récit de crise financière qui camoufle leur véritable objectif. Pour ajouter au scandale, Poste Canada a du admettre, lors d'une période de questions avec des députés, avoir versé des millions de dollars en primes à sa haute direction au cours des deux dernières années. Si une entreprise perd de l'argent et se dirige vers la faillite, pourquoi ses dirigeants recevraient-ils des primes ? (6)

Postes Canada est actionnaire à 91 % de Purolator. Les revenus de Purolator au cours des quatre dernières années se sont élevés en moyenne à environ 2,5 milliards de dollars. Postes Canada a donc sommes toutes beaucoup d'argent, mais ce que cela signifie également c'est que si Postes Canada avait le privilège exclusif de la livraison du colis comme c'est le cas pour la poste-lettre, il serait bien au-dessus du seuil de rentabilité.

Suite à la création d'un syndicat, Amazon a fermé ses sept installations au Québec, ce qui a entrainé le licenciement d'environ 2000 personnes. Intelcom avait déjà signalé, qu'elle était prête à prendre la relève. « Nous avons une relation de longue date avec [Amazon] et nous continuerons de collaborer étroitement pour équilibrer leurs besoins de livraison au Québec », avait souligné l'entreprise dans une déclaration. Mais Intelcom n'exploite pas de véhicules de livraison, les employéEs licenciéEs ne seront donc pas repris et les emplois sont maintenus en situation précaire de sous-traitance.

Postes Canada persiste à imposer des reculs, la mobilisation s'organise

Selon le syndicat pratiquement tout ce qui figurait dans les offres patronales de mai dernier reste inchangé. Les dernières offres comportent toutefois quelques nouveaux reculs, notamment l'abolition de la sécurité d'emploi, une zone de réaménagement des effectifs de 60 km lors des réorganisations et des suppressions d'emplois directe. La présidente du syndicat Jan Simpson dénonce l'attitude de Postes Canada qui a fait attendre les membres du syndicat 45 jours pour leur présenter des offres pires que celles rejetées en août. Postes Canada savait pertinemment que les membres ne pourraient pas accepter ces nouvelles offres, elle cherche clairement à gagner du temps. (7)

Les membres du syndicat ont démontré leur détermination. Ils ont été mobilisés partout à travers le Canada. À Montréal ils ont innové en organisant conjointement une manifestation avec le Syndicat des employées d'entretien de la STCUM (CSN) également en grève. Devant une offensive patronale et gouvernementale qui s'en prend à tous les syndicats, l'organisation d'une riposte intersyndicale est une initiative qu'il faut saluer, il faut maintenant qu'elle devienne populaire. Tous les mouvements et organismes progressistes de gauche doivent maintenant emboiter le pas dans ce mouvement.

Sources :

(1) https://www.lautjournal.info/20250523/melanie-joly-amazon-et-intelcom-un-parfum-de-favoritisme-et-de-privilege
(2) Idem
(3) https://etoiledunord.media/2025/03/la-compagnie-sous-traitante-pour-amazon-au-quebec/
(4) Idem
(5) https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2025-01-24/sous-traitant-d-amazon/grosse-prise-immobiliere-pour-intelcom.php#
(6) https://www.prpeak.com/sponsored/postal-workers-have-their-say-9902307
(7) https://www.sttp.ca/fr/postes-canada-ne-prend-pas-les-n%C3%A9gociations-au-s%C3%A9rieux

Un LOUPerivois dans la bergerie : Les gars, sacrament !

7 octobre, par Marc Simard
J’roule déjà à 95 kilomètres à l’heure dans une zone de 90. J’pousse même un peu parce qu’on dirait que le tarla qui m’colle au cul veut manger le darrière de mon char. Dans (…)

J’roule déjà à 95 kilomètres à l’heure dans une zone de 90. J’pousse même un peu parce qu’on dirait que le tarla qui m’colle au cul veut manger le darrière de mon char. Dans mon rétroviseur : sa face crispée par la rage, les plis sur son front qui font comme le lit d’une rivière asséchée, ses (…)

L’État sans la libération : la réponse de l’Europe face au génocide en Palestine

7 octobre, par Diana Buttu, Inès Abdel Razek, Yara Hawari — , ,
Depuis octobre 2023, l'assaut colonial d'Israël contre Gaza a produit l'une des plus grandes catastrophes de l'histoire récente — un génocide en cours rendu possible par les (…)

Depuis octobre 2023, l'assaut colonial d'Israël contre Gaza a produit l'une des plus grandes catastrophes de l'histoire récente — un génocide en cours rendu possible par les puissances occidentales qui soutiennent Israël, et qui se poursuit sans relâche malgré l'immense solidarité mondiale pour la Palestine.

En réponse à cette catastrophe, plusieurs États européens ont commencé à reconnaître l'État de Palestine. En septembre 2025, la France, le Royaume-Uni, la Belgique, entre autres, ont reconnu l'État palestinien. La vague récente de reconnaissances symboliques, initiée en 2024, semble désormais être la seule mesure que beaucoup de puissances européennes soient disposées à prendre face au génocide, après deux années de soutien moral, militaire et diplomatique continu au régime israélien.

Parce qu'il est impératif de faire entendre les voix palestiniennes à ce sujet, nous publions cet entretien avec trois analystes politiques du think tank palestinien al-Shabaka— Diana Buttu, Inès Abdel Razek, et la codirectrice d'al-Shabaka, Yara Hawari – initialement publiésur leur site.

Réalisé le 14 août 2025 sous la forme d'une table-ronde, cet entretien aborde les questions suivantes : pourquoi les pays européens reconnaissent aujourd'hui l'État palestinien, soit près de quarante ans après sa proclamation en 1988 ? Quels intérêts politiques motivent cette vague de reconnaissances ? Et que signifie reconnaître un État palestinien, sur le papier, tout en soutenant l'État colonial israélien ?

1 octobre 2025 | tiré de contretemps.eu
https://www.contretemps.eu/palestine-etat-sans-liberation-genocide/

La reconnaissance de l'État palestinien constitue-t-elle une réelle avancée ?

Diana Buttu : Il est essentiel de replacer la vague actuelle de reconnaissances dans un contexte historique. L'effort pour obtenir la reconnaissance de l'État palestinien n'a pas commencé en 2024 comme réponse au génocide ; il remonte à 2011. À la suite de l'assaut israélien sur Gaza en 2008-2009, l'Autorité Palestinienne (AP) s'est retrouvée politiquement démunie.Avec l'effondrement du cadre de négociation basé sur la solution à deux États et sans processus de paix en vue, le président Mahmoud Abbas s'est tourné vers l'arène internationale.

Privé de stratégie viable, Abbas a lancé la campagne pour la reconnaissance avec deux objectifs : renforcer la position de l'Autorité Palestinienne — dont le rôle d'entité transitoire avait depuis longtemps expiré — et retrouver une place sur la scène politique. Désormais surtout connue pour son rôle de sous-traitant sécuritaire du régime israélien, l'AP avait un besoin urgent de légitimité. En même temps, la campagne offrait aux États européens un moyen d'éviter la confrontation avec Israël — confrontation qui aurait exigé des mesures telles que des sanctions ou des embargos.

Ce cas de figure s'est répété en 2024, lorsque l'Irlande, l'Espagne, la Norvège, la Slovénie, et plus récemment la France et le Royaume-Uni, ont accordé une reconnaissance en réponse au génocide en cours. La stratégie sert à la fois l'AP et les États européens : elle soutient une autorité discréditée tout en offrant aux puissances occidentales un moyen commode d'éviter toute responsabilité.

D'où un certain illusionnisme politique. L'idée selon laquelle la reconnaissance déclenchera une action internationale est sans fondement. Si le monde n'est pas capable d'intervenir pour arrêter un génocide, pourquoi agirait-il simplement parce qu'un État membre de l'ONU en occupe un autre ?

Inès Abdel Razek : Ce que nous voyons dans la dernière vague de reconnaissances européennes n'est pas un soutien à l'autodétermination palestinienne ; c'est une approbation politique de l'Autorité palestinienne (AP). Par exemple, la Norvège a centré sa reconnaissance sur l'AP et son infrastructure institutionnelle. Ce recadrage mine l'autodétermination palestinienne et ne satisfait même pas aux critères juridiques les plus élémentaires de l'État. Après tout, l'Autorité Palestinienne n'exerce aucun contrôlesur les frontières, l'espace aérien, les ressources naturelles ou le territoire — Israël s'en charge. La reconnaissance de la Norvège a donc été accordée à une entité politique opérant sous contrôle israélien, dépourvue tant de souveraineté que de légitimité démocratique.

Pire encore, les gestes symboliques comme la reconnaissance passent souvent pour des actes de courage moral là où il est surtout question, en réalité, d'assurer ses arrières diplomatiques. Même les lobbyistes pro-israéliens ont reconnu que de telles démarches ne changent rien à la réalité sur le terrain. Elles permettent plutôt aux États de donner l'impression d'agir tout en éludant leurs obligations légales d'imposer des sanctions à Israël.

Tout ceci reste en phase avec la stratégie globale d'Israël : détruire, déposséder, puis pousser les Palestinien·nes à négocier des miettes selon des conditions dictées par la puissance occupante. Des accords d'Oslo dans les années 1990 jusqu'aux mécanismes humanitaires actuels à Gaza, le régime israélien a constamment manœuvré pour rester maître du jeu. La reconnaissance symbolique d'un État palestinien ne fait que récompenser cette manipulation. L'indignation affichée par les responsables étatsuniens et israéliens face à la reconnaissance de l'État palestinien est, bien entendu, purement théâtrale.

Dans ce contexte, le génocide à Gaza, en guise de conséquences, a droit à des cérémonies. L'AP reste avant tout préoccupée par son image et les États occidentaux font des gestes symboliques, tandis que les Palestinien·nes restent privé·es à la fois de justice et d'État, et que se creuse le fossé entre la réalité vécue et les gesticulations internationales.

Yara Hawari : Nous devons être clairs sur ce qui est réellement reconnu lorsque des États déclarent leur soutien à « l'État de Palestine ». Loin d'être une reconnaissance de souveraineté, il s'agit avant tout d'une fiction diplomatique. Fondamentalement, elle codifie un récit de partition coloniale visant la fragmentation de la Palestine historique en enclaves géographiques et politiques.

Ce type de reconnaissance n'est pas seulement inefficace — il est dangereux. Il renforce un cadre étroit de partition qui réduit la « Palestine » à la Cisjordanie et à Gaza, et le peuple palestinien à moins de la moitié de ce que nous sommes.

Pour les États européens, la reconnaissance sert de diversion face à leur complicité. Ces déclarations ne s'accompagnent le plus souvent d'aucune sanction, d'aucun embargo sur les armes, ni d'aucun engagement concret en faveur du démantèlement de l'occupation ou l'apartheid. Elles opèrent plutôt comme des gestes symboliques dans le domaine juridique tout en protégeant Israël de toute responsabilité pour crimes de guerre et violations systémiques.

L'affirmation selon laquelle la reconnaissance donnerait accès à des forums internationaux et pourrait aider à équilibrer le terrain diplomatique est à la fois naïve et trompeuse. Les États ne sont pas égaux dans l'ordre mondial. Les États-Unis, avec leur droit de veto, s'assurent qu'Israël n'a jamais aucun compte à rendre. Et en tant que principal allié d'Israël, ils font en sorte que les Palestinien·nes ne négocieront jamais sur un pied d'égalité.

Et c'est tout le problème : nous ne sommes pas un État souverain. Nous sommes un peuple colonisé, assiégé et occupé, confronté à un génocide à Gaza. Tout engagement politique sérieux doit partir de cette réalité, et non de l'illusion d'un État qui n'existe pas. Au lieu de stopper le génocide et la famine forcée — largement facilités par ces mêmes États qui offrent une reconnaissance — on nous demande de nous concentrer sur un État chimérique que personne n'est disposé à faire advenir. Voilà une incohérence qui en dit long.

Que révèle la récente vague de reconnaissances de l'État palestinien sur la manière dont les États abordent leurs responsabilités juridiques au regard du droit international ?

Inès Abdel Razek : La plupart des gouvernements continuent d'opérer dans le cadre dépassé du soi-disant processus de paix au Moyen-Orient. Ce cadrage domine encore la façon dont la Palestine est abordée et oriente presque toutes les décisions politiques actuelles. Nous l'avons vu, par exemple, lors de la conférence sur la solution à deux États, co-parrainée par l'Arabie saoudite et la France à l'ONU, à New York, fin juillet.

Tout l'événement a été structuré autour de l'idée qu'il y a « deux parties » en conflit. Ce cadrage reste omniprésent, comme en témoignent les remarques récentes du Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, affirmant que la seule solution viable demeure la solution à deux États, « avec Israël et la Palestine vivant côte à côte dans la paix et la sécurité ». Ce langage présente la situation comme un différend mutuel entre égaux, escamotant la réalité de l'occupation, de l'apartheid et d'une agression unilatérale.

Nul mention de colonisateur et de colonisé. Aucune reconnaissance d'un agresseur et d'un peuple assailli. Aucun constat d'occupation ou d'apartheid. Cette fausse équivalence n'est pas seulement trompeuse — c'est un piège politique dangereux.

Il faut en finir avec ce paradigme du processus de paix, et sur le terrain juridique, les choses sont déjà claires quant à l'action que les États devraient mener. La Cour internationale de justice (CIJ), dans ses avis consultatifs de 2004 et 2024, font valoir un cadre juridique de responsabilité qui offre un recours à l'impasse politique du cadre à deux États.

En effet, les avis juridiques de la CIJ placent la communauté internationale devant la responsabilité qu'elle a à agir, et non à s'en tenir au rôle de médiatrice. Pourtant, les grandes puissances continuent de s'abriter derrière leur prétendue neutralité et la fausse symétrie, protégeant Israël contre toute conséquence et éludant toute responsabilité. Tant qu'on parlera des « deux côtés », l'impunité israélienne se renforcera, et le génocide ne fera que s'aggraver.

Diana Buttu : Ce qui est particulièrement troublant, c'est que même cette reconnaissance symbolique reste piégée dans la logique des négociations bilatérales. Elle est encore enracinée dans l'idée que les Palestinien·nes doivent négocier chaque aspect de leur liberté, comme si la libération devait toujours être conditionnelle, graduelle et soumise à l'appréciation de leur colonisateur. Et nous n'arrivons pas à sortir de cette logique.

C'est précisément ainsi que l'Europe, en particulier, a cherché à s'absoudre de responsabilités plus profondes. Les gouvernements européens continuent d'agir comme s'ils étaient des observateurs neutres, comme si leurs mains étaient liées. Mais ils ne sont pas neutres. Ce sont des acteurs tiers avec des obligations contraignantes en droit international : reconnaître l'occupation pour ce qu'elle est, ne pas en favoriser la poursuite et travailler à y mettre fin. Ce sont des obligations qu'ils choisissent d'ignorer.

Yara Hawari : Je préférerais voir les États reconnaître le génocide plutôt que de reconnaître un État palestinien. En droit international, la reconnaissance d'un génocide entraîne des obligations claires : les États sont tenus de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour le prévenir et l'arrêter. Je ne me fais pas d'illusion sur le fait qu'ils rempliraient ces obligations, mais au moins le cadre juridique existe, et la pression qu'il induit est réelle.

Choisir plutôt de se focaliser sur la reconnaissance d'un État palestinien permet commodément aux États de se décharger de leurs responsabilités juridiques au titre de la Convention sur le génocide et du droit international humanitaire. On fait ainsi mine d'agir, tout en s'épargnant le fardeau qu'impliquerait tout engagement significatif.

De manière plus générale, on a investi une énergie démesurée — même parmi certains alliés et soutiens — dans la reconnaissance de l'État palestinien. Mais si nous devons continuer à nous engager dans l'arène juridique internationale, l'accent doit être mis sur la responsabilité. La responsabilité est le seul chemin viable pour arrêter les horreurs qui se déroulent à Gaza et le seul moyen d'empêcher qu'elles ne se répètent.

De plus, la reconnaissance d'un État palestinien ne dissuade en rien de nouvelles violences. Elle n'a pas la même force juridique, et n'entraîne pas les conséquences requises par la reconnaissance d'un génocide en cours — en ce moment même — à Gaza.

L'Europe utilise-t-elle la reconnaissance d'un État palestinien pour faire avancer la normalisation arabo-israélienne ?

Yara Hawari : Nous avons récemment vu émerger un nouveau récit : l'idée que la reconnaissance d'un État palestinien par des pays européens pourrait servir de passerelle à la normalisation saoudienne avec Israël. De cette façon, la reconnaissance ne concerne pas les droits ou la justice pour les Palestinien·nes, mais devient une monnaie d'échange dans le cadre plus vaste de la géopolitique régionale. L'idée est simple : plus les États européens sont nombreux à reconnaître la Palestine, plus il devient facile pour l'Arabie saoudite de justifier la normalisation de ses liens avec Israël.

C'est une logique profondément transactionnelle et un marché de dupes. Comme nous l'avons déjà dit, la reconnaissance est au mieux symbolique. Elle n'offre aucune garantie aux Palestinien·nes d'arrêt du génocide, de démantèlement de l'occupation, ou de réalisation de leurs droits inaliénables. Mais pour le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane, la reconnaissance fournit une couverture politique commode pour ce qu'il vise depuis longtemps : des relations normalisées avec Israël.

C'est ce qui rend ce moment si dangereux. L'anti-normalisation – autrefois position de principe à échelle régionale, considérant qu'Israël est un régime colonial de peuplement construit sur la dépossession des Palestinien·nes – a été presque entièrement abandonnée au niveau étatique. Un système de récompenses s'y est durablement substitué : normalisez avec Israël, et vous bénéficierez de mesures incitatives, militaires, économiques ou diplomatiques, en particulier de la part des États-Unis.

Les Accords d'Abraham ont rendu cette logique explicite ; accords transactionnels et non réalignements idéologiques. Malgré cela, les opinions publiques dans la région restent fortement attachées à laPalestine et opposées à la normalisation. Mais les gouvernements continuent d'agir en sens inverse.

Ce à quoi nous assistons à présent, c'est la reconnaissance utilisée non pas comme outil de justice, mais comme leurre politique. Les reconnaissances européennes donnent aux régimes arabes, en particulier à l'Arabie saoudite, l'excuse dont ils ont besoin pour normaliser leurs relations avec Israël, tandis que les Palestinien·nes continuent de faire face au génocide, à la famine et à l'occupation.

Diana Buttu : Ce qui est frappant à propos de la normalisation, c'est que les Israéliens, dans l'ensemble, y sont indifférents. Ce n'est même plus un sujet de débat public. Même lors des négociations de normalisation de 2020 dans le cadre des Accords d'Abraham, la chose n'eut pratiquement aucun écho dans l'opinion publique israélienne ; ni enthousiasme, ni grand débat.

Après tout, ces accords ne se sont accompagnés d'aucune interactions entre les peuples concernés eux-mêmes. A ce niveau-là, ils furent un échec. Et en termes d'avantages pour les États signataires, ils n'ont rapporté guère plus que des contrats sécuritaires et une coopération en matière de renseignement, qui étaient probablement l'objectif principal dès le départ.

En réalité, les informations concernant une éventuelle normalisation avec l'Arabie saoudite n'ont que peu de signification pour le public israélien. Cela ne les concerne tout simplement pas. Plus le prince héritier saoudien et les dirigeants européens poussent à la normalisation — désormais liée à la reconnaissance de l'État palestinien — plus l'enjeu semble déconnecté des réalités populaires.

Les sondages montrent que la majorité des Israéliens s'opposent à de telles démarches, non pas par solidarité avec les Palestinien·nes, mais parce que la normalisation ne leur apporte rien. Beaucoup d'Israéliens ne peuvent même pas citer cinq pays arabes, et encore moins exprimer un intérêt pour la région. Leur orientation culturelle et politique est tournée vers l'Europe, pas vers le monde arabe.

En fait, nous sommes face à un paradoxe étrange. Les dirigeants régionaux et occidentaux promeuvent avec empressement la reconnaissance et la normalisation, comme si ces démarches devaient apporter des changements fondamentaux, alors que sur le terrain — pour les Palestinien·nes comme pour les Israéliens — elles ne correspondent à peu près à rien. Et en particulier, pour le Premier ministre Benjamin Netanyahou et sa base, elles sont sans objet.

Et cela nous ramène au point central : la reconnaissance d'un État palestinien n'a rien à voir avec de vraies solutions ou un changement significatif. Tout ici est affaire d'image, de mise en scène donnant une impression d'effervescence, tout en ne faisait à peu près rien pour arrêter le génocide.

Inès Abdel Razek : Du point de vue des États arabes, en particulier ceux qui flirtent avec la normalisation, il devient de plus en plus difficile de justifier l'inaction. L'expansion coloniale d'Israël ne se limite pas à la Palestine. Ses forces d'occupation intensifient leurs campagnes militaires au Liban — occupant des parties du sud — tout en poursuivant leurs opérations et leur enracinement en Syrie. L'annexion du plateau du Golan a été progressivement normalisée, les frontières de l'impunité étant sans cesse repoussées. La situation est devenue de plus en plus inconfortable pour les régimes arabes et perturbatrice pour les dynamiques régionales, sans toutefois déclencher de réactions à la hauteur, à l'évidence.

Nous sommes très éloignés du type de réponses observées lors de la guerre d'octobre 1973, lorsque l'Égypte et la Syrie ont lancé une campagne militaire coordonnée pour reprendre les territoires occupés, et que les régimes arabes ont imposé un embargo pétrolier aux États-Unis et à leurs alliés en protestation contre leur soutien à Israël. Ce moment de pression collective paraît aujourd'hui un souvenir lointain. De nos jours, la volonté d'en découdre a cédé la place aux gestes symboliques et à la diplomatie d'évitement.

Pendant ce temps, Israël poursuit sa stratégie de terre brûlée, détruisant tout sur son passage, annexant des terres et poussant les Palestinien·nes au seuil de la mort. Dans ce contexte, même le plus petit geste, comme autoriser un seul camion d'aide à entrer à Gaza, est présenté comme une percée et un acte de bienveillance censé signaler une issue enfin positive. Les régimes arabes sont acquis à ce scénario.

Tout comme les anciennes formules comme la « paix économique » et la « reconstruction de Gaza » ont permis au régime israélien de mener ses campagnes militaires en sachant que les bailleurs internationaux en financeraient les conséquences, aujourd'hui, c'est la livraison de biens essentiels comme la farine et le carburant qui fait figure d'intervention stratégique.

Pourquoi la solution à deux États reste-t-elle le principal cadre d'approche pour l'autodétermination palestinienne — et que faudrait-il pour aller au-delà ?

Yara Hawari : Une partie de la réponse réside dans le fait que la direction qui porte cette stratégie — la solution à deux États, la reconnaissance et la partition — n'opère pas avec un mandat élu ou populaire. Cette direction n'a aucune légitimité réelle auprès des Palestinien·nes et ne correspond pour nous à aucune représentation démocratique valable. C'est pourquoi il est si important — surtout en ce moment — de nous demander : que signifie la souveraineté au-delà de la logique de la partition et de la fragmentation coloniale ? À quoi ressemble l'autodétermination si nous rejetons les limites de la « faisabilité » qui nous sont imposées depuis des décennies ?

On nous répète, encore et encore, que l'État palestinien et la reconnaissance internationale sont les seules voies viables. Pourtant, l'une reste perpétuellement hors de portée et l'autre n'est guère plus qu'un discours diplomatique. Ces cadres ne nous libèrent pas ; ils nous enferment, nous diminuent, et reformulent notre lutte dans des termes acceptables pour ceux qui ont intérêt à maintenir le statu quo, pas à obtenir la justice.

Bien sûr, il est difficile ne serait-ce que d'engager ces débats en plein génocide. D'une certaine manière, cela semble un privilège de débattre d'horizons politiques alors que les habitants de Gaza sont bombardés, affamés et exterminés en temps réel. Mais je pense aussi que c'est précisément ce qui rend ces débats encore plus urgents.

En tant que Palestinien·nes, c'est notre responsabilité de poser ces questions et de les adresser directement à notre soi-disant direction. Notre souveraineté ne peut, et ne doit pas, être définie par des cadres prenant pour acquis notre fragmentation. Nous devons imaginer quelque chose de plus — car ce qui est proposé n'est pas la libération. C'est l'endiguement.

Inès Abdel Razek : Nous devons aussi reconnaître que beaucoup de gouvernements occidentaux continuent de traiter Israël comme un acteur de bonne foi dans le cadre de la perspective à deux États, lui renouvelant le bénéfice du doute malgré les preuves écrasantes qu'Israël n'est digne d'aucun crédit.

En réalité, Israël continue d'être considéré comme un acteur crédible et digne de foi, alors que la tromperie est depuis longtemps une caractéristique centrale de sa stratégie diplomatique et militaire. Qu'il s'agisse de couvrir l'assassinat de la journaliste Shireen Abu Aqleh (1971-2022), de justifier le bombardement d'hôpitaux, ou d'attaquer la crédibilité de l'UNRWA, le régime israélien s'est systématiquement appuyé sur des versions des faits mensongères pour s'épargner d'avoir à rendre des compte. Cette attitude est aussi systématique que délibérée.

Pourtant, de nombreux États occidentaux prennent ces versions pour argent comptant. Ils reçoivent souvent des documents officiels israéliens en hébreu, langue que peu de fonctionnaires de leurs ministères des affaires étrangères maîtrisent, et pourtant ces notes d'information sont accueillies sans être questionnées, et sont présumées crédibles. Au-delà du parti pris politique, ces attitudes reflètent une vision du monde plus profonde, souvent racialisée : Israël est perçu comme moderne, rationnel et crédible. Les Palestiniens et les Palestiniennes, en revanche, sont perçu·es comme irrationnel·les, suspect·es ou sans intérêt.

À moins de déconstruire intégralement cette logique, rien ne changera. Tant que le régime israélien sera vu comme agissant de bonne foi, il n'y aura pas aucune obligation à rendre des comptes. Et tant que la communauté internationale ne s'attaquera pas au schéma israélien de tromperie et d'expansion coloniale, la justice pour les Palestinien·nes — et la reconnaissance de leur droit d'exister et de résister — restera hors de portée.

Diana Buttu : Je me souviens que, lors des négociations post-Oslo, nous demandions souvent : pourquoi limitons-nous notre vision de la libération à un État sur seulement 22 % de notre patrie historique — un État qui exclut la majorité des Palestinien·nes et n'offre aucune véritable perspective pour le retour ?

Et la réponse qu'on nous donnait — à l'époque comme maintenant — était que les colonies sont un cancer. C'était le mot : cancer. La logique suivait que, pour arrêter ce cancer, il nous fallait un processus — n'importe quel processus — qui puisse stopper l'expansion des colonies, ralentir la colonisation et préserver la possibilité d'un État.

Cette logique imprègne aujourd'hui le débat sur la reconnaissance. Les diplomates insistent sur le fait que reconnaître un État palestinien est urgent parce que cela pourrait aider à stopper ce cancer. La reconnaissance, affirment-ils, pourrait freiner l'annexion, tracer une ligne rouge politique, ou au moins geler l'expansion des colonies.

Mais nous savons que ce n'est pas vrai. La reconnaissance n'a pas stoppé le cancer. C'est un geste symbolique ponctuel, qui déploie du capital politique sans modifier les rapports de forces. Au final, Israël s'en tire non pas avec moins, mais au contraire avec plus de légitimité.

La direction palestinienne aurait pu choisir un autre chemin. Elle aurait pu lancer une campagne sérieuse et tenace pour mettre le régime israélien devant ses responsabilités, en réclamant des sanctions, des embargos sur les armes, et en mobilisant les mécanismes juridiques.

Oui, l'AP n'a aucune légitimité électorale, mais cela ne veut pas dire qu'elle n'a aucune capacité. La direction de l'AP aurait pu lutter pour sa survie plutôt que pour sa capitulation. Elle a préféré mettre de côté — et parfois même saboter — la quête de justice.

Voilà le cœur du problème : si, au milieu d'un génocide, la revendication politique suprême est « s'il vous plaît, reconnaissez-nous », comment prétendre revenir ensuite pour exiger des sanctions ou la justice ? Accepter la reconnaissance symbolique comme suffisante, c'est saper la crédibilité de toute exigence future de reconnaissance réelle des responsabilités.

***

Diana Buttu est une avocate palestinienne-canadienne, spécialiste du droit international et des droits humains. Elle a été conseillère juridique auprès de l'équipe de négociation de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) au début des années 2000, dans le cadre du processus de paix post-Oslo, avant de la quitter en 2005. Elle a contribué à la procédure portée devant la Cour internationale de justice contre le mur de séparation israélien, qui a abouti à l'avis consultatif de 2004. Elle a enseigné à Harvard, et a été experte invitée en résidence à Georgetown University au Qatar. Elle publie régulièrement dans The New York Times, The Guardian et Al Jazeera.

Inès Abdel Razek est diplomate et analyste politique palestinienne, directrice exécutive du Palestine Institute for Public Diplomacy (PIPD). Spécialiste des relations internationales et de la communication politique, elle a travaillé pour la délégation générale de la Palestine auprès de l'Union européenne et pour l'Union pour la Méditerranée. Diplômée de Sciences Po Paris (master en affaires publiques internationales), elle écrit sur la diplomatie publique, la solidarité internationale et les droits des Palestinien·nes. Elle publie notamment dans Le Monde diplomatique et Middle East Eye, et intervient régulièrement dans des médias internationaux.

Yara Hawari est chercheuse et analyste politique palestinienne, codirectrice d'Al-Shabaka : The Palestinian Policy Network. Elle est titulaire d'un doctorat en politique du Moyen-Orient de l'Université d'Exeter, où elle a également enseigné. Ses travaux portent sur le colonialisme de peuplement, la résistance palestinienne et les stratégies de narration politique. Elle intervient régulièrement comme commentatrice dans The Washington Post, The Independent, Al Jazeera English et Middle East Eye. Elle est aussi l'autrice de The Stone House (Hajar Press, 2021), un court roman explorant mémoire, exil et attachement à la terre.

Al-Shabaka : The Palestinian Policy Network est un think tank transnational palestinien fondé en 2009. Indépendant et à but non lucratif, il regroupe des analystes, chercheur·euses et militant·es de Palestine et de la diaspora. Sa mission est de produire des analyses critiques et accessibles afin de promouvoir la libération, l'autodétermination et la justice pour le peuple palestinien.

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Traduit de l'anglais pour Contretemps par Christian Dubucq et Thierry Labica.

Illustration : « Al-Quds » (Jérusalem), 1983. Tableau de Sliman Mansour, peintre palestinien.

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Les incels. Du clic à l’attentat

7 octobre, par Annvor Seim Vesthreim — , ,
Les incels. Du clic à l'attentat Annvor Seim Vesthreim | Préface de Léa Carrier Parution le 28 octobre 2025 au Québec Parution le 20 février 2026 en Europe Qui sont donc (…)

Les incels. Du clic à l'attentat
Annvor Seim Vesthreim | Préface de Léa Carrier
Parution le 28 octobre 2025 au Québec
Parution le 20 février 2026 en Europe

Qui sont donc les incels, cette communauté de « célibataires involontaires » qui gagne de plus en plus d'adeptes à travers le monde ? Ne sont-ils qu'une bande de trolls prisonniers de leur univers numérique, et dont il faudrait avoir pitié ?

Annvor Seim Vestrheim s'est plongée dans le plus grand forum du genre en ligne pour mieux analyser cette sous-culture de la manosphère. Elle y découvre un langage codé et un ensemble complexe de règles et de normes bien définies. Unis par la frustration d'un soi-disant rejet par les femmes, animés par une soif de vengeance, les membres qu'elle croise justifient leurs difficultés amoureuses et sexuelles par la biologie évolutionniste. Plusieurs défendent sans gêne la suprématie mâle, tandis que d'autres héroïsent les auteurs d'attentats...

Des Chads aux Stacys, en passant par la pilule noire, ces idées misogynes finissent par se frayer un chemin dans l'espace public et chez les jeunes. Bienvenue dans la terrifiante nébuleuse des incels.

Annvor Seim Vestrheim vit en Norvège, où elle travaille comme journaliste et conseillère sur des questions de langue, de médias et de culture. Elle est titulaire d'une maîtrise en science politique de l'Université du Québec à Montréal.

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La reconnaissance de la Palestine doit s’accompagner d’actions concrètes

Le 1er octobre 2025 — La reconnaissance de la Palestine doit s'accompagner d'actions concrètes : pour sauver des vies, les États doivent mettre fin aux crimes d'Israël et (…)

Le 1er octobre 2025 — La reconnaissance de la Palestine doit s'accompagner d'actions concrètes : pour sauver des vies, les États doivent mettre fin aux crimes d'Israël et garantir l'autodétermination du peuple palestinien, plaident plus de 20 organisations indépendantes dans une déclaration commune.

La majorité des pays reconnaissent l'État de Palestine, mais les violations du droit international par Israël s'accélèrent, dans une impunité quasi totale, provoquant des déplacements massifs, des décès généralisés et une crise humanitaire de plus en plus grave dans l'ensemble du Territoire palestinien occupé. Pour un impact réel et afin d'éviter toute complicité, les États doivent transformer leurs expressions de solidarité en actions concrètes et salvatrices. Toute feuille de route future doit placer le peuple palestinien au centre, en tant que véritable architecte de son propre avenir.

La reconnaissance de l'État palestinien est une étape importante et bienvenue vers la réalisation du droit du peuple palestinien à l'autodétermination. Mais elle ne peut rester symbolique ni être traitée comme une récompense. Elle n'exonère pas les États membres de leurs obligations juridiques et morales de mettre fin à l'occupation israélienne du Territoire palestinien occupé (Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est) – une occupation que la Cour internationale de justice a jugée illégale en ce qu'elle constitue une violation du droit du peuple palestinien à l'autodétermination – et de faire cesser ce que la Commission d'enquête des Nations unies a qualifié de génocide perpétré par Israël à Gaza.

La crise humanitaire qui en résulte est largement documentée et bien connue. Au cours des deux dernières années, les ordres d'expulsion, les démolitions, les blocus, les arrestations arbitraires et les attaques directes menés par Israël ont entraîné le plus grand déplacement forcé en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, depuis le début de l'occupation en 1967. En 2024, le plus vaste accaparement de terres depuis trois décennies a été officiellement approuvé, et les violences commises par les colons ont atteint un niveau sans précédent. À Gaza, les autorités israéliennes mènent une opération militaire meurtrière qui a tué ou blessé plus de 136 000 personnes, forcé 2 millions de personnes à fuir à plusieurs reprises, et détruit 90 % des bâtiments. Partout à Gaza et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, les forces israéliennes ont attaqué près de 1 650 installations de santé. Elles ont restreint la liberté de circulation – par des postes de contrôle militaires, des portails, des barrières, des corridors et des zones interdites – avec des conséquences dévastatrices sur la capacité des communautés à accéder aux moyens de subsistance, aux soins de santé, à l'éducation et à d'autres services essentiels.

Les dirigeants mondiaux ne peuvent prétendre ignorer la situation. Même si quatre pays sur cinq dans le monde reconnaissent l'État de Palestine, le Parlement israélien a récemment approuvé une motion visant à annexer complètement la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, où vivent 3,3 millions de Palestiniens. Des responsables israéliens ont réaffirmé leur volonté d'exercer une « souveraineté complète » sur la Cisjordanie, déclarant qu'« il n'existe pas de peuple palestinien ni d'État palestinien », et que « cette terre appartient aux Israéliens ». Des intentions similaires ont été clairement exprimées pour l'ensemble de Gaza.

Ces déclarations ne sont plus marginales : elles révèlent ce qui motive l'effacement accéléré d'un peuple. La fragmentation et l'annexion par Israël de terres reconnues internationalement comme palestiniennes rendent la perspective d'un État palestinien viable de moins en moins réaliste.

Agir n'est pas une option. En juillet 2024, la Cour internationale de justice a précisé que tous les États membres de l'ONU sont tenus de ne pas reconnaître ni soutenir l'occupation illégale d'Israël, y compris par le commerce et les investissements. Par ailleurs, la Commission d'enquête des Nations unies a conclu que tous les États doivent « prendre toutes les mesures nécessaires pour tenter d'éviter ou d'arrêter la commission d'un génocide ».

Au cours des quelques semaines écoulées depuis que plusieurs pays supplémentaires ont reconnu l'État de Palestine, des centaines de Palestiniennes et de Palestiniens ont été tués et plus de 1 500 blessés par des tirs israéliens dans l'ensemble du Territoire palestinien occupé. La prise militaire de la ville de Gaza s'est intensifiée dans son ampleur et sa brutalité : des frappes meurtrières contre des tentes, des logements et des bâtiments publics ont contraint des dizaines de milliers de personnes à fuir à nouveau, alors que la majorité n'a nulle part où aller. Plusieurs établissements de santé dans le nord ont dû fermer, laissant des centaines de milliers de personnes avec un accès extrêmement limité aux soins médicaux. En Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, les attaques de colons, les incursions militaires et les arrestations se sont intensifiées. Des dizaines de structures palestiniennes ont été démolies. La Commission de la sécurité nationale du Parlement israélien a fait avancer les discussions visant à restreindre l'accès humanitaire aux prisons, où sont détenus plus de 9 500 Palestiniens et Palestiniennes, ainsi qu'un projet de loi autorisant la peine de mort pour les personnes détenues.

Chaque heure de retard signifie une famille brisée de plus, un enfant affamé de plus, une maison réduite en poussière de plus, un autre pan de la vie palestinienne effacé.

Pour éviter un scénario où il ne resterait qu'un État palestinien sans le peuple palestinien, et pour empêcher les forces israéliennes et les colons d'imposer de nouvelles représailles aux communautés, les États doivent mobiliser tous les outils politiques, économiques et juridiques à leur disposition pour :

* Un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza, permettant au peuple palestinien de concevoir et diriger lui-même ses projets et processus de (re)construction, conformément à son droit inaliénable à l'autodétermination ;
* La fin de l'occupation illégale par Israël de l'ensemble du Territoire palestinien occupé, afin de garantir les conditions nécessaires au maintien du peuple palestinien sur ses terres ;
* Un accès humanitaire sans restriction, coordonné par l'ONU et protégé conformément au droit international humanitaire, dans tout le Territoire palestinien occupé ;
* La fin du commerce avec les colonies illégales, y compris la fourniture de services et les investissements ;
* L'arrêt immédiat de toutes les ventes et de tous les transferts d'armes vers Israël ;
* La responsabilisation pour les crimes commis ;
* La réouverture immédiate d'un corridor entre Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, pour les évacuations médicales et autres besoins humanitaires.

Les signataires (en ordre alphabétique) :

1. ActionAid International
2. Al Awda Health and Community Association
3. American Friends Service Committee (AFSC)
4. Arab Educational Institute - Pax Christi Palestine
5. Bystanders No More
6. Churches for Middle East Peace (CMEP)
7. CIDSE - International Family of Catholic Social Justice Organisations
8. Emmaus International
9. Global Centre for the Responsibility to Protect
10. Global Legal Action Network (GLAN)
11. HelpAge International
12. Insecurity Insight
13. Médecins du Monde International Network (MdM)
14. Norwegian People's Aid
15. Oxfam International
16. PARC - Agricultural Development Association
17. Pax Christi International
18. Palestinian Institute for Climate Strategy (PICS)
19. Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
20. Sabeel-Kairos UK
21. The Middle East Children's Alliance
22. Terre des Hommes Italy
23. United Against Inhumanity

Notes

* En 2025, les politiques et pratiques israéliennes ont forcé au moins 40 000 Palestiniens et Palestiniennes à quitter leur domicile dans le nord de la Cisjordanie — un record depuis le début de l'occupation israélienne en 1967 — en raison de démolitions ordonnées par Israël, d'expulsions et de l'intensification des attaques menées par des colons et les forces armées. Au moins 66 800 autres personnes sont directement menacées de transfert forcé, environ 663 km² de terres étant vulnérables à la colonisation ou à l'expansion des colonies.

* En juillet 2024, les autorités israéliennes ont approuvé le plus vaste vol de terres en Cisjordanie depuis trois décennies, ainsi que la construction de plus de 15 000 unités de logement et de 22 nouvelles colonies illégales rien qu'en 2025, et l'établissement de plus de 121 nouveaux avant-postes. Il y a quelques semaines, les autorités israéliennes ont donné leur approbation finale au projet de colonie « E1 », qui isole de facto Jérusalem-Est de la Cisjordanie occupée, fragmentant davantage le territoire.

* Depuis deux ans, les forces israéliennes bombardent Gaza sans relâche. L'opération militaire a tué au moins 66 000 personnes, blessé 170 000 autres, et forcé près de 2 millions de personnes à fuir à plusieurs reprises. Plus de 92 % des unités d'habitation et 90 % des bâtiments scolaires sont désormais détruits, et seulement 1,5 % des terres agricoles sont encore utilisables.

* Depuis 2007, les autorités israéliennes bloquent l'entrée de biens essentiels à Gaza, y compris un siège total de 11 semaines plus tôt cette année, qui a provoqué une famine extrême, confirmée dans le nord de Gaza, ainsi que des pénuries critiques dans les infrastructures de santé.

* Depuis octobre 2023, les forces israéliennes ont attaqué près de 1 650 établissements de santé à travers l'ensemble du Territoire palestinien occupé.

* Les autorités israéliennes ont imposé d'innombrables restrictions à la liberté de circulation dans tout le Territoire palestinien occupé, notamment sous la forme de corridors militarisés, de postes de contrôle et de zones interdites à Gaza (82 % du territoire est désormais inaccessible), et de plus de 800 portails, checkpoints et barrières en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, avec des conséquences dévastatrices sur la capacité des populations à accéder à leurs moyens de subsistance, aux soins de santé, à l'éducation et à d'autres services vitaux.

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Chicago veut repousser les forces trumpistes

7 octobre, par aplutsoc — , ,
Trump avait annoncé la bataille de Chicago pour son investiture, c'est-à-dire le lâcher des troupes de l'ICE (Immigration and Customs Enforcement) sur les migrants et étrangers (…)

Trump avait annoncé la bataille de Chicago pour son investiture, c'est-à-dire le lâcher des troupes de l'ICE (Immigration and Customs Enforcement) sur les migrants et étrangers réels et supposés et leurs proches, et s'était dégonflé. La mobilisation s'était amorcée, autour notamment des écoles et du syndicat de l'enseignement, le Chicago Teachers Union, pour' protéger les enfants et les familles latinos et au delà.

La bataille de Chicago a été annoncée par un incroyable tweet de Trump, pas du tout un fake, datant du 7 septembre au matin. Entre janvier 2025 et maintenant l'affrontement, démocratique et donc social, n'a cessé de grandir aux Etats-Unis. L'ICE a massivement recruté des nervis : l'équivalent des milices fascistes s'y concentre. Le langage et les objectifs du pouvoir sont clairement la guerre : la guerre, la Civil War, aux Etats-Unis, contre les pouvoirs locaux et contre la démocratie. Et il fait référence au ministère des Armées, confié au taré masculiniste Egseth, qu'il vient précisément de rebaptiser ministère de la Guerre. Voici le tweet de Trump :

Il fut un temps, pas lointain, où un POTUS (président des Etats-Unis) qui annonçait ainsi vouloir anéantir militairement une grande ville du pays, car à la lettre c'est cela le message de Trump, subissait immédiatement une procédure de destitution. Ne cherchons pas à faire l'autruche en disant « oui mais c'est du Trump, c'est du cinéma, on voit bien qu'il fait le bravache et qu'il s'amuse ». Qu'il fait le bravache, certainement. Qu'il s'amuse, non : Trump ne sait pas ce que c'est. La référence est le colonel fou du film Apocalypse Now qui fait bombarder au napalm les villages vietnamiens au son de la chevauchée des Walkyries de Wagner. Symbole de la connerie furieuse impérialiste, symbole connoté très positivement pour Trump, qui paraphrase sa phrase fétiche, « J'aime l'odeur du napalm au petit déjeuner » : « J'aime l'odeur des déportations au petit matin ».

Voici le fascisme 2.0, nourri à l'Axe Trump/Poutine et à la synthèse MAGA-libertarianisme-masculinisme-accélérationnisme du capital-extractivisme fou. « Oui mais où sont les Sections d'Assaut qui détruisent le mouvement ouvrier organisé ? », réciteront encore quelques fossiles politiques incapables de saisir le réel. Faut-il attendre que les Sections d'Assaut aient fait leur office pour reconnaître l'ennemi mortel ?

Les habitants de Chicago ne s'y sont pas trompés. C'est la plus grande manifestation de cette année qui a éclaté à Chicago en réaction au tweet de Trump.

Le Chicago Teachers Union appelle à la mobilisation, sans toutefois envisager l'organisation de l'autodéfense physique pour interdire à l'ICE et éventuellement à la Garde nationale et à l'armée l'entrée dans la ville et les quartiers, cela bien lorsqu'il parle de résistance à l'occupation annoncée :

Mais une rumeur concernant le maire démocrate de Chicago (où le conseil municipal ne comporte pas de républicains et comprend une opposition de gauche formée d'élus socialistes-démocratiques par ailleurs liés au Chicago Teachers Union), Brandon Johnson, selon laquelle il avait donné un signal fort en faisant intervenir les services municipaux pour disposer des sacs de sable et de sel sur les lieux d'entrée dans la ville, et positionner les camions anti-neige en barricades, rumeur à laquelle nous avons cru car elle a dominé pendant quelques heures les réseaux sociaux américains … s'est avérée fausse.

Le maire n'a pas voulu faire de la résistance passive à l'ICE suggérant en fait une résistance active. En fait, ce positionnement de camions serait une mesure banale liée à des manifestations dans la ville …

N'empêche : la rumeur ne dénonce-t-elle pas la nécessité ? Ne faut-il pas des barricades modernes, avec les travailleurs organisés pour repousser et infliger, avec le moins de pertes possibles, la raclée nécessaire aux bandes de l'ICE ? Un peu plus sérieuse en effet que les alignements de camions à sel, qui donnent quand même une idée !

Oui, il faut organiser l'auto-défense physique et donc armée quand c'est nécessaire contre les raids trumpistes ! L'illégalité est de leur côté : la défense de la démocratie est avec la résistance, et la résistance doit passer à la contre-attaque :

CONTRE TRUMP ET SES BANDES

GREVE ET AUTODEFENSE SONT INDISPENSABLES !

Le 07/09/2025.

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L’opinion des Américains.es au sujet du socialisme démocratique

7 octobre, par Bhaskar Sunkara, Jared Abbott — , ,
Depuis la candidature contestataire de Bernie Sanders à la nomination présidentielle en 2016, le socialisme démocratique est sorti des marges de la politique américaine et est (…)

Depuis la candidature contestataire de Bernie Sanders à la nomination présidentielle en 2016, le socialisme démocratique est sorti des marges de la politique américaine et est devenu un courant visible et populaire. Les socialistes démocratiques des États-Unis, (DSA) présentent et soutiennent maintenant des candidatures qui ont un réel pouvoir dans les conseils municipaux et dans les législatures des États partout dans le pays. Ils ont ainsi ramené des demandes économiques progressistes dans les débats.

Jared Abbott et Bhaskar Sunkara
Tiré de Jacobin.com, septembre 2025
https://jacobin.com/2025/09/democratic-socialism-poll-economic-populism
Traduction, Alexandra Cyr

Note : J'ai choisi d'utiliser les mots « socialisme démocratique » plutôt que sociale démocratie parce que j'estime que les deux termes ne désignent pas la même chose dans le contexte américain du texte. A.C.

Plus récemment, l'élu de la Chambre de l'État de New-York, Zohran Mamdani a choqué l'establishment politique en gagnant très franchement la candidature DSA à la mairie de la ville. Il a battu les autres candidats favoris qui visaient le remplacement de l'actuel maire, Eric Adams. Son succès repose grandement sur l'attention précise qu'il a porté sur les enjeux de coût de la vie ce qui a rejoint directement les soucis matériels de New-Yokais.ses les moins fortunés.es. Il offre un test pour le potentiel des politiques sociales démocratiques et pour les rhétoriques populistes disciplinées.

Mais cela soulève aussi des questions plus étendues. Comment les socialistes démocratiques voient-ils les États-Unis dans leur ensemble ? Est-ce que leur appel se confine pour l'instant, aux grandes villes démocrates ? Et est-ce que les candidats.es qui annoncent leur identité socialiste risquent d'atténuer la force de leur populisme économique ?

Pour y voir plus clair sur ces questions, le Fond DSA, Jacobin et le Rosa Luxembourg Stiftung ont procédé du 22 au 24 août à un sondage national auprès de 1,257 personnes susceptibles de voter (aux prochaines élections). L'échantillon a été calibré par âge, genre, éducation, race, géographiquement, et par rapport au vote présidentiel. Quelques résultats émergent de l'enquête qui nous aident à nous situer à la fois sur l'état du socialisme démocratique dans la politique américaine et le potentiel de visibilité que pourraient avoir des campagnes contestataires du style Mamdani dans les zones plus conservatrices du pays.

Premièrement, le socialisme démocratique est maintenant reconnu à l'intérieur du parti démocrate. Les démocrates qui ont participé au sondage préfèrent le socialisme démocratique au capitalisme par une bonne marge. Leur préférence va vers les socialistes démocrates comme B. Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez plutôt qu'aux Démocrates comme Chuck Schumer et Hakeem Jeffries. Leur soutient va autant aux candidats.es se présentant comme socialistes démocrates qu'à ceux et celles qui s'affichent simplement comme Démocrates. Deuxièmement, même si ce n'est pas uniforme, l'ouverture aux socialisme démocrate dépasse la base du Parti démocrate. Il y a chez les Latinos.as et dans la classe ouvrière des espaces de réceptivité même si les termes » « socialisme démocratique » puissent être un véritable repoussoir dans les contextes plus républicains et conservateurs. Cela soulève la question des moyens les plus adaptés pour présenter ce type de politiques à des électorats qui ont peut-être des penchants pour l'économie populiste mais restent sceptiques devant le socialisme démocratique tel qu'ils l'entendent. Troisièmement, le populisme économique est le moyen le plus étendu pour présenter le socialisme démocratique à l'ensemble de la population, soit, un appui important aux messages sur les salaires, les coûts de la vie, la corruption, la bonne gouvernance des entreprises et de leur pouvoir, les coupes en liens avec les positions partisanes, l'ethnicité, les classes sociales, et la géographie.

Pour tirer avantage des progrès immenses que le socialisme démocratique a fait au cours des dernières décennies, les progressistes doivent continuer le travail commencé vers la construction d'un pôle d'économie populiste robuste dans les politiques américaines qui rejette les fausses promesses des deux partis dominants. Tout en étant sérieusement confrontés.es aux compromis électoraux surtout dans les circonscriptions déterminantes, l'expansion doit se faire en dehors des bastions démocrates.

Suivent quelques réflexions clés tirés de ce sondage.

1- Les démocrates sont déjà favorables au socialisme démocratique. D'autres peuvent être convaincu.

Malgré des appels de Démocrates renommés.es comme le représentant Tom Suozzi, à ce que les socialistes démocrates forment leur propre parti, le sondage DSA Fund/Jacobin/Rosa Luxembourg Stiftung montre que les Démocrates sont vraiment heureux.ses que ce courant soit dans leurs rangs. Ce sondage montre aussi que 45% de l'électorat soutien le socialisme démocratique. C'est une modeste remontée par rapport aux 36-39% recueillis dans les sondages nationaux au cours des décennies passées. L'approbation dans l'électorat démocrate a augmentée sérieusement : 74% y sont favorables. C'est une progression par rapport à un.e membre sur dix déclarant cette position en 2016. Aussi, les Démocrates participant au sondage sont plus d'accord avec A. Occasion-Cotez, B. Sanders et Z. Mamdani que les actuels dirigeants, C. Shumer, K. Jeffries et l'ancienne présidente de la Chambre, Mme N. Pelosy par 20 points de différence (53% contre 33%). Leur préférence va aussi légèrement plus vers les socialistes démocrates (79%) que vers les « Démocrates » (77%).

Ce sondage laisse aussi entrevoir un espace important pour élargir les rangs devant des politiques sociales démocrates. Des 54% de répondants.es qui n'en avaient jamais entendu parler, 43% y étaient plus favorables par rapport au capitalisme ; seuls.es 38% soutenaient cette option. Cette ouverture présente donc un grand potentiel ; il y a là un groupe d'électeurs.trices sympatisants.es qui doivent être invités.es dans le travail de campagne, dans les chapitres locaux et les coalitions.

La proposition socialiste rejoint des parties de l'électorat assez surprenantes. Par exemple, presque une personne sur 6, soit 15% de l'échantillon, qui a voté pour D. Trump en 2024, déclare quand même préférer le socialisme démocratique au capitalisme. Si on compare cet échantillon avec ceux et celles qui ont voté pour D. Trump, on peut voir qu'il est âgé de moins de 45 ans, et plus facilement de couleur autre que blanche. Ce sont les deux groupes qui ont migré vers les Républicains en 2024. Ces électeurs.trices ne constituent pas un groupe figé et représentent une ouverture pour les appels du socialisme démocratique en faveur de ses politiques envers le coût de la vie. C'est une opportunité d'écoute sympathique.

Les dirigeants.es sociaux démocratiques sont aussi percus.es plus favorablement que les Démocrates traditionnels.les parmi toute une série de blocs électoraux déterminants pour le maintien desquels les Démocrates se sont battu dans leurs rangs au cours des dernières années. L'aile Sanders/AOC est perçue plus favorablement que l'establishment du parti par une marge de 42% c. 28% par les répondants.es au sondage membres de la classe ouvrière. De même chez les Latinos.as par 59% c. 29%, chez les ruraux par 37% c.29%, et les électeurs.trices sans diplômes universitaires par 37% c. 29%. Par contre, chez les répondants.es avec une éducation universitaire et qui sont en dehors de la classe ouvrière, l'appui au courant Démocrate traditionnel se tient entre 43% c. 38% pour les premiers et 36% c. 28% pour les autres. Ces résultats démentissent l'idée que le socialisme démocratique n'intéresse que les électeurs.trices professionnels.les possédant un haut niveau d'éducation.

2- L'image des socialistes démocratiques s'améliore mais il reste du travail à faire

La nouvelle la plus inquiétante est que parmi l'électorat démocrate, l'étiquette « socialisme démocratique » peut coûter cher. En présentant un message avec une candidature sur une plateforme dédiée au coût de la vie, remplacer couramment le mot « Démocrate » par « Socialiste démocratique », dans le sondage, l'appui y tombait sérieusement dans les circonscriptions progressistes clés. Il faudrait donc développer des forces électorales en dehors de la structure démocrate. Parmi les indépendants.es la chute va de 77% à 59% mais ce niveau est encore important. Chez les Républicains.es on passe de 58% à 40%. Cette chute est aussi importante en zone rurale à hauteur de 25 points, substantielle chez les sans diplômes universitaires (-12 points), et au sein de la classe ouvrière, par 11 points.

Plus largement, le concept de socialisme démocratique n'est en faveur de celui de capitalisme que par quelques points. Mais, parmi les indépendants.es et les Républicains.es la différence est de 11 points pour les premiers.ères et un énorme 60 points pour les autres. Les résultats indiquent aussi que la géographie a un impact dans l'attitude envers le socialisme démocratique. L'électorat urbain le favorise par 54% mais les ruraux le font à 52%, les banlieusards.es à 49% contre 40% pour le capitalisme. Si on s'arrête sur les emplois, les travailleurs.euses manuels.les préfère le capitalisme à 57%, les cols bleus à 46% et les employés.es de services à 44 quand même, 41% appuient le socialisme démocratique. Mais chez les travailleurs.euse du secteur socio culturel, les professionnels.les comme les avocats, les universitaires et les journalistes, la faveur va fortement vers le socialisme démocratique à hauteur de 54% c. 35% d'appuis au capitalisme.

Ce portrait ne constitue pas une raison de retrait. Au contraire il milite pour une stratégie (adaptée). Parmi l'électorat sensible aux idées de gauche, une présentation franchement socialiste démocrate, pourrait clarifier les ambiguïtés dans le Parti démocrate et dynamiser l'électorat progressiste. Dans les circonscriptions républicaines ou plus conservatrices, les candidats.es sociales démocrates devraient réfléchir et être créatifs.ves pour trouver une manière de maximiser leur option avec des termes politiques auxquels les indépendants et même quelques Républicains.es puissent se rallier.

3- Parler des enjeux polarisants mais avec précaution et stratégie

Le sondage s'est aussi intéressé aux succès des candidats.es selon leur manière de parler des enjeux polarisants ou de se taire. Le but était d'évaluer si les candidats.es socialistes perdaient des appuis face à leurs politiques économiques les plus déterminantes par rapport à d'autres positions moins populaires qu'ils et elles peuvent prendre selon certains.es critiques. Les résultats sont à la fois encourageants et imposent une sérieuse réflexion.

D'une part, le sondage révèle que prendre position contre la police de l'immigration et des frontières (ICE) mène à une sérieuse augmentation pour le soutien à celles en faveur de l'amélioration du coût de la vie chez les candidats.es qui en font une priorité. L'augmentation est à deux chiffres chez les indépedants.es et même à 40 points de plus chez les Démocrates. Ce phénomène est aussi présent chez les répondants.es de la classe ouvrière (+11 pts) et dans l'électorat sans diplômes universitaires (+7 pts). De même lorsque les candidats.es s'affichent en faveur des droits civiques des personnes transsexuelles, de ceux du peuple Palestinien au lieu de ne rien dire à ces sujets, la baisse d'approbation est négligeable de l'ordre de 3 à 4 points. Même que le soutien au droit des personnes transsexuelles, ne change pas l'appui des indépendants.es. Chez les Démocrates il en est de même, et pour les deux enjeux.

Par ailleurs, les candidats.es qui expriment leur opposition à ICE, voient leur appuie décliner de 20 points chez les Républicains.nes et ceux et celles qui défendent les droits des transsexuels.es y perdent 32 points. De même l'appui en milieu rural baisse de 7 points comme parmi l'électorat sans diplôme universitaire, de 21 points dans celui des personnes de couleur, de 15 points dans celui de la classe ouvrière. Aussi, parler de la cause palestinienne fait baisser de 21 points l'appui des Républicains.nes de 11 points celui des indépendants.es, de 18 points dans l'électorat rural et de 11 points dans celui de ceux et celles qui ne détiennent pas de diplôme universitaire.

Ces résultats ne signifient pas que les socialistes démocratiques devraient changer leurs positions pour se plier aux convictions de l'électorat plus centriste, ou encore de ne pas parler des enjeux moraux importants de notre époque. Ils nous invitent à une approche très disciplinée pour faire campagne autour des enjeux polarisants qui impliquent des différences radicales dans des contextes politiques et sociaux, selon les districts.

Ces réalités en action, qui pèsent sur les séquences et encadrent ( les activités de campagne) peuvent s'avérer critiques spécialement là où la victoire dépend de dépasser la base démocrate et d'atteindre les rangs des indépendants.es et même des Républicains.es.

4- L'économisme populiste est le point d'appui immédiat pour construire les chances du socialisme démocratique

Comme beaucoup d'autres recherches récentes, ce sondage démontre que, indépendamment de leurs allégeances politiques, de leur ethnicité, de leur classe sociale et de leur lieu de résidence, les électeurs.trices prennent à partie directement le pouvoir des entreprises et demandent une amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière dans notre pays.

L'énoncé : « notre système économique est biaisé en faveur des entreprises et des riches » est soutenu par 60% des participants.es dans tous les groupes démographiques sondés. Les Républicains.nes le soutienne tout juste en dessous de ce niveau. L'appui monte à 70% chez les personnes qui ne détiennent pas de diplôme universitaire, chez les personnes de couleur et les Latinos.as et chez les moins de 45 ans. Au moins six répondants.es sur 10 dans tous les groupes démographiques sont d'accord avec l'énoncé : « les entreprises et les plus riches ont trop d'influence dans le parti pour lequel je vote habituellement ». De même, dans tout l'échantillon, la vaste majorité accuse les propriétaires et les banques de profiter de la crise du logement. Alors qu'une mince majorité de Républicains.nes trouve qu'il est bon que le nombre de multimillionnaires augmente, la majorité des Démocrates rejette cette assertion comme la majorité des indépendants.es, des gens de couleur, des blancs.ches, des diplômés.es universitaires, de ceux et celles qui n'en détiennent pas et des membres de la classe ouvrière.

Ces résultats invitent à un programme comme celui que mettent de l'avant Z. Mamdani et B. Sanders et comme un progressiste économique populiste qui ne se présente pas comme socialiste. Dit clairement, il s'agit d'augmenter les salaires, diminuer les prix, faire cesser les arnaques sur les prix, punir la corruption, protéger les droits des travailleurs.euses à se syndiquer et négocier collectivement, investir pour de bons emplois et les biens publics qui réduiront les dépenses des ménages. Même si l'étiquette « socialisme démocratique » peut être repoussante pour certains.nes, le programme socialiste assis sur la lutte pour le pain et le beurre génère une surprenante large coalition.

Au cours de la dernière décennie, un pôle socialiste démocratique crédible s'est construit dans la politique américaine. Au cours de la prochaine nous devrions voir s'il peut arriver à un programme économique populiste majoritaire tout en encadrant les véritables responsabilités d'une certaine partie de l'électorat et en naviguant entre les entre les enjeux sociaux polarisants en dehors des rangs démocrates. Le faire et faire campagne comme le fait Z. Mamdani ne sera pas qu'animer, ce sera une réaction spontanée prouvant que les politiques concernant les travailleurs.euses d'abord et avant tout peuvent pénétrer partout dans le pays et gagner.

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« Le rejet de l’écologie est largement déterminé par des intérêts matériels »

7 octobre, par Antoine Dubiau — , ,
L'invitation de Paul Watson à des événements de gauche cet été a suscité des polémiques. Paul Watson est invité parce qu'il apparaît comme une figure écologiste aux yeux du (…)

L'invitation de Paul Watson à des événements de gauche cet été a suscité des polémiques.

Paul Watson est invité parce qu'il apparaît comme une figure écologiste aux yeux du grand public : sa présence permet tout simplement de faire venir du monde sur des événements qui en ont besoin. Par contre, toutes les invitations ne sont pas équivalentes. Le festival Climax à Bordeaux ou l'université d'été de REV (Révolution écologique pour le vivant, le parti d'Aymeric Caron) ont invité l'activiste canadien en le laissant contrôler le récit de son engagement, sans apporter de véritable contradiction. Le cas de la fête de l'Humanité est différent, puisque Paul Watson a été interrogé sur certains sujets à propos desquels ses positions sont critiquées — en particulier son rapport à l'immigration. Des figures comme lui ayant déjà accès à toutes les tribunes médiatiques qu'iels souhaitent, continuer de les inviter nourrit des critiques légitimes. Toutefois, le dispositif proposé par l'Huma me semble plutôt intéressant : cela permet de pousser Paul Watson dans ses retranchements, plutôt que de simplement lui dérouler le tapis rouge.

D'une certaine manière, son intervention à la fête de l'Huma fut plutôt « utile » puisqu'elle a permis de voir à quel point sa pensée était creuse et inoffensive. Malgré son action et son esthétique radicales, presque anarchistes, le « capitaine » mène un combat extrêmement consensuel aux yeux de la société occidentale puisqu'il ne s'attaque pas vraiment aux intérêts de celle-ci. L'écologie de Paul Watson n'est pas apolitique comme il l'affirme, elle est plutôt dépolitisée puisqu'elle ne désigne pas vraiment d'adversaire dont il faudrait cibler les intérêts à perpétuer le ravage écologique. Ce contraste entre radicalité pratique et consensualité politique confère à l'activiste canadien un large capital sympathie, jusqu'au sommet de l'État.

Hebdo L'Anticapitaliste - 769 (02/10/2025)
https://lanticapitaliste.org/opinions/ecologie/le-rejet-de-lecologie-est-largement-determine-par-des-interets-materiels

Dès lors, peut-on vraiment le considérer comme un écofasciste ?

Bien qu'il ait récemment endossé lui-même le terme dans un texte publié par Sea Shepherd France, je ne caractériserais pas Paul Watson comme un véritable écofasciste. Dans son discours écolo, on ne retrouve pas les deux caractéristiques fondamentales de l'écofascisme que sont la défense de l'enracinement (un supposé lien écologique entre un individu ou une communauté et son territoire d'origine) et le fait de considérer la nature comme un ordre intangible qui ­structurerait la société. En revanche, Paul Watson est assurément écomalthusien, obsédé par la démographie mondiale : il répète systématiquement qu'il y a trop d'humains sur Terre.

Probablement conscient du racisme qui fonde presque tous les discours sur la surpopulation, il prétend se contenter de poser des constats sans dicter de programme politique pour réduire la population. Sauf qu'en agitant la question démographique de la sorte, Paul Watson alimente le racisme écomalthusien même s'il affirme ne pas s'y ancrer lui-même. Bien que je ne le considère pas comme écofasciste lui-même, son rapport dépolitisé et malthusien à l'écologie fait de lui un acteur majeur du processus de fascisation de l'écologie que j'ai tenté de circonscrire dans mon livre.

Tu articules désormais deux notions, celle d'écofascisme, qui était au cœur de ton livre, et celle de carbofascisme.

Malgré la critique courante dont il fait l'objet dans les espaces militants, l'écofascisme présente un risque relativement marginal par rapport au risque fasciste plus général. Au sein de l'extrême droite contemporaine, le rejet de l'écologie reste dominant : c'est ce que le concept de « carbofascisme » permet de caractériser, en évitant certains écueils.

Le rejet de l'écologie par l'extrême droite est souvent considéré comme relevant du climatoscepticisme. Ce constat n'est pas faux (et certaines déclarations récentes de Trump l'ont encore montré), mais il cadre le problème de manière relativement idéaliste : le rejet de toute politique climatique ou écologique découlerait d'un manque de connaissances ou d'une absence de croyance dans la science climatique ou écologique. En réalité, ce rejet est largement déterminé par des intérêts matériels, menacés par une politique climatique ou écologique ambitieuse, qu'il faut prendre en compte. Plus que de climatoscepticisme, il serait ainsi plus judicieux de parler d'obstruction climatique ou écologique : cela permet de pointer concrètement les entraves à la recherche comme aux politiques publiques, plutôt que de rester au niveau des discours.

L'obstruction climatique est une composante particulièrement visible du carbofascisme, qui reste le rapport à l'écologie dominant au sein de ce camp politique. Ce concept désigne la convergence d'intérêts entre le capital fossile et l'extrême droite organisée. Pour le capital fossile, il s'agit de s'allier avec une force politique lui étant favorable afin de garantir ses intérêts économiques directs, en pérennisant la réalisation de profits par l'extraction et l'exploitation d'hydrocarbures. Pour l'extrême droite, les intérêts en jeu sont plutôt politiques : elle prétend défendre une « civilisation occidentale » fantasmée, laquelle est largement adossée aux énergies fossiles. Dans de nombreux cas, la convergence d'intérêts ressemble plutôt à un vrai partage, puisque certains acteurs jouent sur les deux tableaux. En France, c'est notamment le cas de Vincent Bolloré : son empire logistique repose sur la consommation d'hydrocarbures tandis que son offensive médiatique vise explicitement à consolider le camp réactionnaire sur le plan politique. Aux États-Unis, le capital fossile est un soutien indéfectible de Donald Trump depuis 2016. Sa dernière campagne était financée à plus de 15 % par des acteurs du secteur, directement par des entreprises ou par des milliardaires à titre individuel. L'autre exemple particulièrement manifeste de carbofascisme, c'est la Russie de Poutine : plusieurs oligarques russes sont à la tête de grandes firmes d'extraction et d'exploitation d'hydrocarbures. Pour le Kremlin, les ressources fossiles sont également un moyen de pression géopolitique permettant de garantir les intérêts impériaux de la Russie.

Le carbofascisme est-il porté uniquement par le grand capital ou sa base sociale est-elle plus composite ?

Les principaux travaux sur le sujet se sont focalisés sur le grand capital, notamment le fameux Fascisme fossile du Zetkin Collective (La Fabrique, 2020). Pour compléter ce panorama, il faudrait aussi caractériser la base sociale du carbofascisme. Celle-ci recouvre la classe d'encadrement ainsi qu'une fraction stabilisée (dans l'emploi, dans la propriété, dans le modèle familial nucléaire) des classes populaires, notamment implantées dans les espaces périurbains. Cette situation géographique rend ces populations dépendantes de la voiture individuelle pour leurs déplacements quotidiens, comme l'ont documenté de nombreuses analyses — notamment pendant les Gilets jaunes. Parce qu'elle est garante d'une certaine stabilité du mode de vie adopté et du confort y étant associé, la voiture individuelle fait aussi l'objet d'une forme d'attachement, qui ne s'oppose pas à la dépendance mais qui s'y ajoute.

Fondé sur un échange écologique inégal permettant aux sociétés occidentales de profiter de la prédation des ressources du Sud global, le mode de vie dont la voiture individuelle est un reflet peut ainsi être considéré comme impérial, ainsi que le font les sociologues allemands Brand et Wissen dans Le mode de vie impérial. Ainsi, la base sociale du (carbo)fascisme contemporain repose sur des intérêts matériels bien spécifiques, plutôt que sur la seule circulation du climatoscepticisme dans la société. Les rapports entre écologie et extrême droite ne sont donc pas qu'une affaire sectorielle : l'analyse écologique peut permettre de décrire la dynamique générale de l'extrême droite, tant dans ses rapports avec le grand capital que dans la constitution de sa base sociale.

Propos recueillis par la rédaction

Manifestation unitaire contre le Budget et en soutien à Gaza.

7 octobre, par Omar Haddadou — , ,
Cinq Premiers ministres se sont brûlés les ailes ! La France connait une crise institutionnelle inédite depuis la seconde guerre mondiale. Poussé aux abois par la Gauche, (…)

Cinq Premiers ministres se sont brûlés les ailes ! La France connait une crise institutionnelle inédite depuis la seconde guerre mondiale. Poussé aux abois par la Gauche, Macron voit, depuis hier, le sol de l'Elysée se dérober sous ses pieds. Lecornu aussi ! Entre guerre des Chefs (ffes) et chienlit, la France vacille !

France

De Paris, Omar HADDADOU

Embourbée dans une instabilité politique inédite, la France de Macron n'incite pas à franchir le pas pour Matignon !
Aux abois, Emmanuel, qui soutient « qu'il prendra ses responsabilités en cas d'échec », sent le vent de sa destitution ou de démission souffler derrière la porte de l'Elysée. Son gouvernement est démissionnaire depuis hier 6 octobre 2025, dans un contexte de brumaille et de passage à la trappe irréversible.

L'heure n'est plus à la prise en charge des affaires courantes, mais à la sauvegarde des contreforts de la République, secouée par des dissolutions en file indienne.

Dans l'urgence, le Président a demandé au Premier ministre de mener, d'ici mercredi, les ultimes consultations que d'aucuns avaient rejetées d'un revers de main.

La Gauche assiste à ce qui s'apparente à la « chute d'un Monarque », décontenancé par l'accélération de la déroute brutale que cette dernière lui a patiemment accommodée.

Hier, Manuel Bompard, Porte-parole de la France Insoumise (LFI), n'a pas mâché ses mots pour pousser le Président - en chute dans les derniers sondages - vers la sortie, qualifiant l'obstination de Macron de « Spectacle affligeant ».

Le Député « déplore une situation d'une gravité absolue » et exige « la démission du chef de l'Etat ». Plus furax, la Présidente de LFI sentencie : « La politique de Macron a été battue 3 fois dans les urnes. Lecornu a été censuré sous les gouvernements Barnier / Bayrou. Il a été pourtant nommé Premier ministre. Et a démissionné. Mais Macron charge ce même Lecornu de continuer cette politique qui n'a plus aucune légitimité. La fin de règne de la Macronie est interminable. Qu'ils s'en aillent tous ! », a-t-elle martelé.

En proie au chaos politique et à la disgrâce, le Président a accordé, hier soir (sous forme d'ultimatum) au très volatil et ressuscité aléatoirement, Sébastien Lecornu, deux jours pour former son gouvernement. La démission de Lecornu a mis à nues les inimitiés et les appétits au sein de la Droite (LR).

Le jeu des accointances avec le Chef du gouvernement sortant défraie la chronique.

Bruno Retaillau, antérieurement Ministre de l'Intérieur, mentor des Républicains aux ambitions présidentielles ardentes, voit son aura et sa gravitation au-dessus du lot, compromises par l'entrée en lice d'un poids lourd en la personne de Michel Barnier.

D'où sa sortie, in extrémis : de ne pas participer, ce mardi, à la réunion du Socle commun.

Le « flingueur » des Immigrés, manœuvre en coulisse et par téléphone en vue d'une rencontre en tête à tête avec Sébastien Lecornu.

Côté Socialistes (PS), Olivier Faure, honni par les Insoumis, a abattu insolemment ses cartes sans rougir, annonçant qu'il « répondrait positivement, s'il était appelé à Matignon ».

Se voulant conciliante, la Secrétaire générale des Ecologistes, Marine Tondellier souhaite une réunion de tous (tes), après avoir échangé avec l'ensemble des partis de gauche.
Le climat délétère de fragmentation de la classe politique française, témoigne du rejet d'un Budget injuste et une politique macaroniste courtisant le Patronat.
D'où le coup de gueule de Sophie Binet, Secrétaire générale de la CGT,, samedi 4 octobre à la Place d'Italie lors de la gigantesque manif contre le Budget du Premier ministre, Sébastien Lecornu. En première ligne du cortège, elle a aussitôt mis en garde le locataire de Matignon : « Soit il répond aux exigences sociales, soit il ne répond pas, et il ira très vite au cimetière des Premiers ministres ! » .

Le Budget 2025 acte la mort d'un modèle social et les acquis arrachés de très haute lutte. L'intersyndicale et les manifestants (es) ont promis de dégommer les Politiques qui entraveraient leur combat pour une Justice sociale s'articulant autour de la Retraite, le Chômage, la Santé, etc.

Parmi les slogans frappants, on notera : « Des milliards pour les salaires pas pour la guerre ! Des milliards pour la Paix, pas pour l'Armée ! ».

La cause palestinienne a été au cœur d'un cortège en ébulition, avec les emblèmes et incontournables cris de rage : « Palestine vivra, Palestine vaincra ! ».

Contre le Budget de l'austérité eten soutien à la lutte pour la dignité, Paris et la flottille restent mobilisés !

O.H

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Caricature

7 octobre, par Kaël Mercader — ,

François Legault ou la volonté de recomposition autoritaire du capitalisme québécois

7 octobre, par Bernard Rioux — ,
Le discours de François Legault, prononcé le 30 septembre dernier à l'Assemblée nationale manifeste un virage populiste conservateur dans l'espoir d'en tirer un maximum de (…)

Le discours de François Legault, prononcé le 30 septembre dernier à l'Assemblée nationale manifeste un virage populiste conservateur dans l'espoir d'en tirer un maximum de soutien électoral aux élections de 2026. Sous des airs de gestion responsable et de fierté nationale, le premier ministre a formulé ce qui ressemble de plus en plus à un programme de recomposition nationaliste autoritaire du capitalisme québécois. Derrière les slogans de « prospérité », de « sécurité » et de « valeurs québécoises » se profile une offensive systématique contre les syndicats, les services publics et les migrant·es, en faisant les responsables de tous les maux de la société québécoise.

Un projet de classe pour le grand capital

Legault a voulu présenter son discours comme un appel à « se retrousser les manches » pour assurer la croissance du Québec. Mais pour qui ? Il ne s'adresse pas à la majorité laborieuse, ni aux femmes travaillant dans les services publics, ni aux jeunes étouffé·es par le coût du logement. Son message est clair : le gouvernement se met au service du capital industriel et financier, et il mobilisera la Caisse, Hydro-Québec et Investissement Québec pour soutenir le développement des grandes entreprises.

Il promet qu'Investissement Québec pourra soutenir les industries de l'armement, au nom de l'indépendance de cette industrie vis-à-vis des États-Unis ! Quand il parle d'une « Baie-James du XXIᵉ siècle », il s'agit d'une plateforme de subventions massives et d'accès à des blocs d'électricité au capital extractif.

Derrière l'efficacité, la déréglementation et la casse sociale

L'État, selon François Legault, sera chargé de garantir la rentabilité du capital sous prétexte de transition énergétique, alors qu'il envisage dans un même temps la déréglementation environnementale, la privatisation partielle d'Hydro et la mise au pas des communautés locales. La transition énergétique et l'électrification de l'économie ne sont pas envisagées comme un plan de lutte contre les changements climatiques mais comme une stratégie pour créer des avantages compétitifs pour les entreprises d'ici et d'ailleurs.

Le mot d'ordre de Legault est clair : « simplifier, accélérer, alléger ». La « réduction de la bureaucratie » annoncée n'est rien d'autre qu'un plan de compressions et de centralisation autoritaire. Moins de fonctionnaires, plus de sous-traitance, plus de contrats aux firmes privées. Mais il ne dit rien sur la perte d'expertise de la fonction publique et des organismes gouvernementaux au profit du privé avec les pertes d'argent public qui en découlent, comme l'a illustré le scandale de SAAQclic.

Une attaque frontale contre les syndicats

Dans le même souffle, il s'en prend directement aux syndicats, accusés d'être « favorisés » et responsables du « trop grand nombre de grèves ». En réalité, c'est le pouvoir collectif des travailleurs et des travailleuses qui est visé. « Il est temps, affirme le premier ministre, que les syndicats recentrent leurs actions sur leur mission essentielle. » Il vise essentiellement à réduire les capacités des syndicats à intervenir sur les problèmes de société par une ingérence dans l'utilisation des finances syndicales. Il s'attaque également au droit de grève, dans la perspective de soumettre les syndicats aux volontés patronales. Comble d'insulte, l'ineffable ministre du Travail, Jean Boulet, parle de défendre les syndiqué·es contre les syndicats.

L'austérité sélective et le mirage fiscal

Legault se vante d'avoir « remis de l'argent dans le portefeuille des Québécois ». Mais ces baisses d'impôts et aides ponctuelles ne visent qu'à acheter la paix sociale et à se construire une rente électorale. Elles profitent surtout aux classes moyennes et supérieures, tout en préparant le terrain à une nouvelle phase d'austérité.

Pour le premier ministre Legault, si les finances publiques ont un problème, ce n'est pas que les banques, les grandes entreprises et les plus riches ne paient pas leur juste part, c'est qu'on dépense trop et qu'il faudra donc couper dans les services publics. Pendant ce temps, il se vante de subventionner les grandes entreprises minières à coup de centaines de millions de dollars. Il ne faut d'ailleurs pas oublier Northvolt et l'argent qu'il a tiré par les fenêtres.

Sécurité, ordre et répression

La « sécurité » est un autre volet de son projet. Il vise le renforcement des pouvoirs policiers et pénaux. Il promet plus d'arrestations, plus de prisons, plus de sanctions. Mais il ne dit rien des causes sociales de la violence : pauvreté, crise du logement, mauvaises conditions de travail, problèmes de santé mentale. Son approche est purement répressive, orientée contre les plus pauvres, les sans-abri, les toxicomanes.

Cette politique s'inscrit dans une vision du monde profondément conservatrice : celle où l'État protège l'ordre établi, la propriété privée et les “valeurs traditionnelles”, au lieu de protéger la dignité et les droits des citoyennes et des citoyens.

Identité et laïcité : le masque de la division

La dernière partie du discours, consacrée à la « protection des valeurs québécoises », dévoile le cœur idéologique du projet de ce gouvernement. En invoquant la menace des « islamistes radicaux » tout en affirmant ne pas viser les musulmans, la déclaration semble équilibrée. En réalité, cette nuance est au cœur d'une stratégie de communication bien rodée : dire tout haut ce que plusieurs pensent tout bas, mais sous une forme politiquement correcte. En séparant les « bons musulmans » des « islamistes radicaux », le premier ministre se protège contre l'accusation d'islamophobie, tout en entretenant le soupçon que la menace viendrait de l'intérieur de cette même communauté. C'est ce qu'on appelle une dénégation performative : on nie vouloir stigmatiser un groupe, tout en le présentant comme porteur potentiel du danger.

Ce double langage n'est pas accidentel. Il est central à la rhétorique du populisme identitaire : affirmer la tolérance pour mieux légitimer la peur. En d'autres mots, François Legault souffle le chaud et le froid. Il prétend apaiser, mais il excite les réflexes de méfiance qui traversent déjà une partie de la société québécoise. En ciblant les « islamistes radicaux », Legault construit un ennemi intérieur racialement marqué, légitimant des mesures coercitives et un contrôle accru sur les communautés musulmanes. Cette logique nourrit le nationalisme conservateur bâti sur la peur de disparaître face à l'autre, la peur du métissage culturel et linguistique.

C'est une vieille stratégie : diviser pour régner. En désignant des boucs émissaires – immigrants temporaires, musulmans, demandeurs d'asile, comme responsables de tous les maux qui frappent la société québécoise – François Legault détourne la colère populaire de sa véritable cible : le capitalisme québécois et ses alliés politiques. Il habille ce nationalisme de mots nobles : laïcité, culture, langue. Mais derrière cette rhétorique se cache une offensive idéologique contre la gauche, les mouvements syndicaux, féministes et antiracistes, et contre toute forme de solidarité de classe.

La laïcité est au cœur du discours de Legault. Mais la laïcité qu'il invoque n'a plus grand-chose à voir avec la neutralité de l'État ou la liberté de conscience. Elle est devenue une bannière nationaliste, voire un instrument de contrôle culturel. La laïcité devrait servir à libérer l'espace public des discriminations, pas à les justifier.

Un projet de Constitution du Québec respectant la constitution canadienne et élaboré sans intervention de la majorité du peuple québécois.

Le projet d'une « Constitution du Québec » participe de cette même logique. « Je vous annonce aussi que, pour renforcer notre autonomie juridique, pour défendre nos valeurs communes et notre identité, le gouvernement va bientôt déposer à l'Assemblée nationale un projet de constitution du Québec. Ce qui nous définit, c'est aussi beaucoup notre culture. Notre belle langue française, notre histoire, notre patrimoine, les arts et ce qu'on appelle nos productions culturelles. » La constitution n'est pas vue comme un instrument de souveraineté populaire où le peuple se prononcerait sur les institutions et la mise en place d'une démocratie citoyenne, il s'agit pour ce gouvernement conservateur d'imposer un cadre institutionnel au nationalisme bourgeois, recentré sur l'ordre, l'autorité et la compétition économique.

Reconstruire une contre-hégémonie populaire

Le moment est grave, mais il peut devenir un moment de bascule. Car ce projet de recomposition autoritaire du capitalisme québécois ne triomphera que si le peuple n'approfondit pas sa mobilisation et son unité. À l'inverse, chaque lutte – des syndicats, du mouvement étudiant, des locataires, du mouvement écologiste, des communautés autochtones – peut contribuer à bâtir une contre-hégémonie populaire au discours conservateur et nationaliste.

Conclusion

Le discours de François Legault est un manifeste de classe : celui d'un bloc nationaliste bourgeois qui veut consolider sa domination en conjuguant le néolibéralisme économique, l'autoritarisme politique et le nationalisme identitaire et régressif.

Une résistance victorieuse du camp populaire au bloc nationaliste bourgeois ne peut s'appuyer que sur la convergence des luttes : celles pour le contrôle collectif de l'énergie et des ressources ; celles pour les réinvestissements massifs dans nos services publics ; celles pour le droit à un logement décent ; celles en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes ; celles contre le racisme systémique ; celles pour la justice migratoire ; celles pour la redistribution des richesses par une réforme de la fiscalité ; celles pour la défense du syndicalisme comme pouvoir collectif et démocratique des travailleurs et des travailleuses ; et finalement, celles pour la souveraineté populaire dans la définition d'une constitution réellement démocratique et indépendantiste. C'est seulement par une telle convergence des luttes que nous pourrons inverser le rapport de force, briser l'hégémonie conservatrice et rouvrir la voie à un Québec indépendant, égalitaire, féministe, écologiste, antiraciste et véritablement démocratique.

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Au-delà des chiffres : l’immigration au service d’une société juste et inclusive

https://www.pressegauche.org/IMG/pdf/20250815_memoire_tcri_planification_immigration_2026_2029-1.pdf?52937/e169d86b64d1517a371738c79cfdd33cf6a775767c022486e93f3b25219c04dc7 octobre, par Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) — ,
Synthèse des recommandations de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) dans le cadre de la consultation (…)

Synthèse des recommandations de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) dans le cadre de la consultation gouvernementale sur la planification de l'immigration pour 2026-2029

Août 2025 www.tcri.qc.ca
Pour lire le mémoire, cliquez ici

Qui sommes-nous ?

La Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) regroupe 158 organismes communautaires à travers toutes les régions du Québec. L'intégration et la défense collective des droits des personnes réfugiées, immigrantes et sans statut sont au centre de sa mission depuis plus de 45 ans. Chaque année, ce sont plus de 120 000 personnes nouvellement arrivées qui sont accueillies dans les organismes du réseau, tous statuts d'immigration confondus.

La TCRI accomplit sa mission :

En offrant un lieu d'échange, de concertation, d'information et de formation à ses organismes membres autour de divers enjeux : jeunes, femmes immigrées et racisées, accueil et intégration, protection des personnes réfugiées, régionalisation, employabilité, parrainage, jumelage interculturel, etc. ;

  • En coopérant avec d'autres réseaux et secteurs d'activités communautaires, parapublics, publics et privés pour renforcer la défense des droits des personnes réfugiées, immigrantes et sans statut ainsi qu'améliorer les services aux personnes nouvellement arrivées ;
  • En faisant avancer l'analyse critique des politiques et l'échange d'informations relatives aux personnes réfugiées, immigrantes et sans statut au Québec, au Canada et sur le plan international ;
  • En développant la recherche-action communautaire pour alimenter la réflexion sur les pratiques et l'intervention des organismes communautaires et de leurs partenaires ;
  • En défendant les droits des personnes réfugiées, immigrantes et sans statut dans ses relations avec les médias et les gouvernements ;
  • En sensibilisant et en mobilisant la population pour une meilleure connaissance des réalités des personnes réfugiées, immigrantes et sans statut au Québec et au Canada.

À titre de regroupement des organismes communautaires du réseau de l'immigration et de l'intégration du Québec, la TCRI s'inscrit dans le mouvement de l'action communautaire autonome. Elle met à profit son expertise comme agente de transformation et de développement social. Par leurs pratiques diversifiées et une approche interculturelle, les organismes de la TCRI œuvrent pour un Québec inclusif et riche de sa diversité. Avant de présenter ce mémoire, la TCRI et ses membres souhaitent reconnaître que leurs activités se déroulent sur des territoires dont la majorité n'a pas été cédée. Nous exprimons notre solidarité envers les Premiers Peuples ici au Québec et ailleurs. Nous souhaitons rappeler que le néocolonialisme actuel est intimement lié aux enjeux migratoires contemporains, et continue de priver de nombreuses personnes de leurs droits fondamentaux.

Synthèse des recommandations

Introduction

Le présent mémoire s'inscrit dans le cadre de la planification pluriannuelle de l'immigration au Québec pour les années 2026 à 2029. Il vise à éclairer les décisions gouvernementales à partir de l'expertise terrain des organismes membres de la TCRI, en mettant de l'avant une lecture critique des orientations proposées. Le mémoire est structuré autour de neuf grandes parties, qui abordent chacune un enjeu central pour les personnes immigrantes et réfugiées au Québec.

Il s'ouvre par un préambule qui analyse les discours politiques, l'approche de la TCRI et la responsabilité du Québec en matière d'immigration. Les sections suivantes portent respectivement sur les travailleurs étrangers temporaires, les étudiants internationaux, la régionalisation de l'immigration, l'immigration en région, l'intégration en emploi inclusive, la reconnaissance des compétences, les enjeux de l'immigration humanitaire (dont les personnes en demande d'asile, les personnes incluses dans la catégorie “autres immigrants”, les initiatives humanitaires ponctuelles et le regroupement familial), ainsi qu'une section spécifique pour les personnes réfugiées.

Chaque partie propose des constats étayés, des analyses ancrées dans les réalités de terrain et des recommandations.

Notre approche

Face à ces orientations gouvernementales et à l'absence de consensus sur les seuils, la TCRI propose une perspective différente, fondée sur l'expérience du terrain et le respect des droits. Notre approche privilégie la concertation, l'inclusion et la reconnaissance de la diversité des parcours et des besoins.

L'expertise des membres de la TCRI

La TCRI porte une approche ancrée sur la concertation de ses membres. Cette approche s'appuie sur l'expertise incontournable des organismes communautaires membres de la TCRI. Présents dans toutes les régions du Québec, ces organismes sont les véritables experts du terrain : ils accompagnent quotidiennement les personnes réfugiées, immigrantes et sans statut, en répondant à leurs besoins multiples, souvent dans des conditions précaires. Leur contribution, bien qu'essentielle, est trop rarement reconnue à sa juste valeur. Dans le présent cahier, la mention de leur apport est quasi-inexistante. Ces organismes doivent constamment s'adapter à des pressions accrues et à des changements soudains de directives gouvernementales, tout en demeurant au service des personnes concernées. Leur action, ancrée dans la proximité, la solidarité et l'engagement social, constitue un pilier fondamental de toute politique d'accueil et d'intégration réellement inclusive.

Le respect des droits

La TCRI défend une vision de l'immigration fondée sur la dignité, l'inclusion, la justice sociale et l'égalité réelle pour toutes les personnes, sans distinction de statut ou d'origine. Cette approche rejette toute instrumentalisation de l'immigration à des fins économiques ou utilitaristes. Il ne s'agit pas de réduire les personnes à leur utilité, mais de reconnaître pleinement leurs droits et leurs parcours. Le vivre-ensemble ne se décrète pas : il se construit à travers des politiques équitables et la valorisation de chaque trajectoire. La TCRI rappelle aussi que les politiques migratoires n'ont pas les mêmes effets pour tous et toutes. Selon le statut, le genre, l'origine ou d'autres facteurs, elles peuvent renforcer l'exclusion ou la précarité. C'est pourquoi la lutte contre toutes les formes d'oppressions systémiques demeure au cœur de l'engagement du réseau.

Approche intersectionnelle et ADS+

Afin de lutter contre toutes les formes d'oppressions systémiques, il est essentiel de les reconnaître et d'adopter des approches qui peuvent nous guider.

Pourtant, le Cahier de consultation pour la planification de l'immigration au Québec 2026-2029 [1] omet entièrement l'approche intersectionnelle ainsi que l'Analyse différenciée selon les sexes plus (ADS+), ce qui est particulièrement préoccupant. L'absence de ces cadres, notamment à la section 11.1 sur les principes, invisibilise les discriminations croisées vécues par les personnes immigrantes, notamment en lien avec le genre, la race, la classe sociale, le statut migratoire, l'orientation sexuelle, religieuse ou encore le handicap.

En ne tenant pas compte de ces dimensions, le document perpétue une vision homogène et utilitariste de l'immigration, centrée presque exclusivement sur des critères économiques et linguistiques. Cette approche réduit les personnes concernées à leur potentiel de contribution au marché du travail, sans reconnaître la diversité de leurs parcours, de leurs besoins et des obstacles systémiques auxquels elles font face. Elle va à l'encontre des engagements du gouvernement du Québec en matière d'égalité, de diversité et de lutte contre les discriminations systémiques, notamment ceux énoncés dans la Stratégie gouvernementale pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2022-2027 (Gouvernement du Québec, 2022).

L'intégration de l'approche intersectionnelle et de l'ADS+ ne constitue pas un ajout accessoire, mais une condition essentielle pour bâtir une politique migratoire juste, cohérente et respectueuse des droits fondamentaux. Elle permettrait de mieux répondre aux défis d'inclusion, de cohésion sociale et de justice sociale auxquels le Québec est confronté, tout en valorisant pleinement la richesse et la diversité des parcours migratoires.

Responsabilité du Québec

La TCRI rejette les discours qui associent l'immigration à une pression sur les services. Ces propos masquent les responsabilités politiques réelles et alimentent des représentations injustes des personnes migrantes. Depuis 1991, la gestion de l'immigration au Québec s'inscrit dans un cadre unique, issu de l'Accord Canada-Québec. Cette entente a conféré au Québec un pouvoir élargi de sélection des personnes immigrantes, tout en lui déléguant l'entière responsabilité des services d'intégration. En contrepartie, le gouvernement fédéral verse chaque année des sommes importantes au Québec pour la prestation de ces services (Paquet 2025, 28). En effet, « le montant reçu pour la compensation fédérale pour l'année 2024-2025 est de 867,3 M$ » (IRCC 2025).

Cette responsabilité confère au gouvernement une marge d'action pour définir des politiques migratoires justes, cohérentes et alignées sur les principes d'inclusion et d'équité. Face aux transformations profondes du phénomène migratoire, une planification structurante s'impose. Cela suppose de dépasser les logiques de gestion à court terme et les réponses fragmentées dictées par l'urgence. Une telle planification ne peut être efficace sans une communication interministérielle cohérente et fluide. Les responsabilités liées à l'accueil, à l'intégration et à l'accès aux services sont partagées entre plusieurs ministères : immigration, santé, éducation, entre autres. Or, un manque de coordination entre ces instances compromet la mise en œuvre de mesures efficaces et cohérentes. Pour que les programmes soient réellement accessibles, adaptés et structurants, il est essentiel que les ministères travaillent de manière concertée, en partageant les données, en harmonisant les pratiques et en agissant selon une vision commune des enjeux liés à l'immigration.

La TCRI appelle à un exercice de planification objectif, guidé non par les perceptions fluctuantes ou les pressions conjoncturelles, mais par une vision collective à long terme. Ce mémoire s'inscrit dans cette perspective : il propose une lecture ancrée dans le terrain, nourrie par l'expérience des organismes communautaires, et structurée par des principes clairs. Il vise à contribuer à la construction d'un Québec pleinement engagé dans l'accueil et la reconnaissance des personnes migrantes.

Récapitulatif des recommandations de la TCRI par thématique

Travailleurs étrangers temporaires - Recommandations

1. Que le gouvernement du Canada abolisse le permis de travail fermé ;

2. Que des actions plus conséquentes soient mises en place auprès des employeurs afin de prévenir les abus en matière de droits des travailleurs et imposer des mesures punitives aux employeurs récalcitrants ;

3. Que des permis de travail ouverts pour travailleurs vulnérables, pour les titulaires de permis fermés victimes d'abus, soient octroyés plus facilement, afin de leur permettre de faire respecter leurs droits vis-à-vis d'un employeur abusif ;

4. Que la résidence permanente pour les titulaires de permis de travail qui sont à l'emploi au Québec soit octroyée, et ce, de manière croissante ;

5. Que les milieux de travail diminuent leur dépendance aux travailleurs étrangers temporaires et offrent des conditions de travail décentes.

Étudiants internationaux - Recommandations

6. Que le gouvernement du Québec favorise le passage de l'immigration temporaire à l'immigration permanente pour les étudiants internationaux ;

7. Que le gouvernement soutienne équitablement tous les programmes d'études, en reconnaissant que l'ensemble des diplômé·es, quel que soit leur niveau, constitue une relève essentielle pour le marché du travail à l'échelle provinciale ;

8. Que le gouvernement du Québec lève la suspension sur le volet Diplômés du programme de l'expérience québécoise (PEQ).

La régionalisation de l'immigration - Recommandations

L'immigration en région - Recommandations

9. Que le gouvernement du Québec octroie l'accès aux services de régionalisation ainsi que d'accueil et installation pour toutes les personnes immigrantes, peu importe le statut ;

10. Que le gouvernement du Québec traduise la reconnaissance de l'expertise des organismes en régionalisation par leur inclusion dans les processus décisionnels, par le financement à la mission et par une plus grande confiance en leur autonomie ;

11. Que le gouvernement du Québec reconnaisse que la régionalisation est un processus qui s'insère dans la durée pour les personnes immigrantes. Il doit également reconnaître que ce processus engendre une charge de travail soutenue pour les organismes qui les accompagnent, nécessitant une adaptation adéquate des ressources pour répondre aux besoins sur le terrain ;

12. Que le gouvernement du Québec reconnaisse l'importance des services d'employabilité dans le cadre de la régionalisation.

13. Que le gouvernement du Québec révise les critères d'admissibilité aux programmes financés par le MIFI afin de permettre aux organismes de répondre adéquatement aux besoins des personnes issues de l'immigration en région, peu importe leur statut ;

14. Que le gouvernement du Québec reconnaisse les réalités distinctes entre les organismes d'accueil des personnes immigrantes, notamment les spécificités régionales ;

15. Que le gouvernement du Québec assure des conditions d'accueil équitables et similaires entre les régions ;

16. Que le gouvernement du Québec assure le maintien et le développement des services publics de proximité favorables à l'intégration des personnes issues de l'immigration en région, peu importe leur statut.

Une intégration en emploi inclusive - Recommandations

Reconnaissance des compétences - Recommandations

17. Que le MESS offre des services en employabilité adaptés à tous les statuts d'immigration qui sont en droit de travailler au Québec ;

18. Que le gouvernement du Québec reconnaisse la contribution et le potentiel des personnes immigrantes qui ne sont pas issues de la catégorie de l'immigration économique.

19. Que le gouvernement du Québec offre la reconnaissance des acquis et des compétences, quel que soit le statut migratoire ;

20. Que le gouvernement du Québec offre la reconnaissance des compétences au niveau universitaire, au même titre que les formations professionnelles et collégiales ;

21. Que le gouvernement du Québec facilite davantage l'accès aux ordres professionnels et aux professions réglementées.

Immigration humanitaire - Recommandations

22. Que le gouvernement du Québec adopte une façon de comptabiliser la présence des personnes en demande d'asile qui ne les confondent pas avec la catégorie plus générale des résidents non permanents ;

23. Que le gouvernement du Québec cesse de comptabiliser les personnes réfugiées reconnues sur place qui sont en attente de la résidence permanente en tant que résidents non permanents ;

24. Que le gouvernement du Québec collabore de façon bilatérale avec les autres provinces canadiennes dans la mise en place d'un système de répartition des personnes en demande d'asile qui aurait pour principes centraux la participation volontaire et le consentement libre et éclairé des personnes participantes ;

25. Que le gouvernement du Québec s'abstienne de demander des restrictions aux politiques migratoires qui laissent des personnes victimes de persécution sans protection internationale, en conformité avec les obligations internationales du Canada.

26. Que le gouvernement du Québec abroge le décret de 1996 qui prive les personnes en demande d'asile de nombreux services (ex. : services d'employabilité, services d'accueil et d'intégration), rétablisse les services coupés et maintienne les services qui leur sont offerts ;

27. Que le gouvernement du Québec revoit les critères d'accès à l'hébergement temporaire destiné aux personnes en demande d'asile afin de prendre en compte les nouvelles trajectoires, notamment pour les personnes qui présentent une demande asile à l'interne ;

28. Que le gouvernement du Québec bonifie les ressources allouées à l'aide juridique destinée aux personnes immigrantes et réfugiées ;

29. Que le gouvernement du Québec, en conformité avec l'orientation 3, élimine les barrières à la participation des personnes en demande d'asile aux cours de francisation, ce qui inclut de garantir l'accès aux services de garde subventionnés, et ce, peu importe la décision que la Cour suprême du Canada rendra dans ce dossier ;

30. Que le gouvernement du Québec admette en continu les personnes reconnues réfugiées sur place et ne les comptabilise pas dans le calcul des cibles annuelles d'admission ;

31. Que le gouvernement du Québec permette aux personnes réfugiées reconnues d'accéder aux services réservés aux résidents permanents ;

32. Que le gouvernement du Québec informe adéquatement les ministères et organismes au sujet des services auxquels ont droit les personnes réfugiées reconnues ;

33. Que le gouvernement du Québec admette en continu les personnes visées par la catégorie « Autres immigrants » et ne les comptabilise pas dans le calcul des cibles annuelles d'admission ;

34. Que le gouvernement du Québec permette aux personnes visées par la catégorie « Autres immigrants » qui sont titulaires de CSQ d'accéder aux services réservés aux résidents permanents ;

35. Que le gouvernement reconnaisse l'apport des personnes réfugiées parrainées et prises en charge, à la société québécoise ;

36. Que le gouvernement lève la suspension du programme de parrainage collectif dès 2026 ;

37. Que le gouvernement établisse une sous-catégorie propre à l'immigration humanitaire à l'étranger ;

38. Que le Gouvernement établisse et augmente des cibles fixes et distinctes pour la sélection de personnes parrainées et pour les RPCE indépendamment du nombre de personnes réfugiées reconnues sur place ;

39. Que le gouvernement crée un mécanisme d'urgence pour des parrainages dans le contexte de crises internationales multiples ;

40. Que le Gouvernement offre un soutien financier adéquat aux organismes offrant des services d'accueil et d'intégration aux RPCE.

Conclusion

En somme, ce mémoire vise à rappeler que la planification de l'immigration ne peut se limiter à une gestion chiffrée de l'immigration. Elle doit s'appuyer sur une vision inclusive, structurante et respectueuse des droits, qui tient compte de la diversité des parcours migratoires et des réalités vécues par les personnes concernées au Québec. À travers l'ensemble de ses sections, la TCRI formule des recommandations concrètes pour que les politiques en matière d'immigration soient à la hauteur des principes de notre société. N'oublions pas que les organismes communautaires jouent un rôle central dans cet effort collectif. Leur expertise, leur engagement et leur présence dans toutes les régions du Québec doivent être reconnus comme des leviers incontournables pour bâtir un Québec véritablement accueillant

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Collaborer ou partir : Le cruel ultimatum d’Israël aux groupes humanitaires à Gaza

7 octobre, par Lee Mordechai, Liat Kozma — , ,
Sous couvert de réenregistrement, Israël cherche à forcer toutes les ONG internationales à se conformer au modèle de la Gaza Humanitarian Foundation, transformant ainsi l'aide (…)

Sous couvert de réenregistrement, Israël cherche à forcer toutes les ONG internationales à se conformer au modèle de la Gaza Humanitarian Foundation, transformant ainsi l'aide en un moyen de nettoyage ethnique.

Tiré de Association France Palestine Solidarité
1er octobre 2025

+972 par Lee Mordechai et Liat Kozma

Photo : Un employé de l'UNRWA réconforte un enfant dans un abri scolaire du camp de Nuseirat, dans la bande de Gaza, 12 mars 2025 © Ashraf Amra

En mars, le ministère israélien des Affaires de la diaspora et de la lutte contre l'antisémitisme a lancé un processus de réenregistrement de six mois pour toutes les organisations humanitaires opérant dans les territoires palestiniens occupés. Ce processus, dont la date limite a depuis été repoussée à la fin de l'année civile, peut sembler banal, mais il représente en réalité une menace existentielle pour les activités de nombreuses organisations humanitaires internationales, dont beaucoup œuvrent depuis des décennies à l'amélioration des conditions de vie des Palestiniens sous occupation israélienne.

Comme condition à la réinscription, Israël exige que ces organisations fournissent une liste de tous leurs employés, y compris les Palestiniens. Tout groupe jugé comme menant des « activités de délégitimation » contre Israël, ou employant une personne ayant publiquement appelé au boycott d'Israël au cours des sept dernières années, pourrait perdre son autorisation de travailler dans les territoires occupés. La réglementation implique que les travailleurs signalés par un comité interministériel doivent être sommairement licenciés afin que leurs organisations puissent continuer à fonctionner.

Les organisations humanitaires savent que fournir à Israël une liste de leurs employés palestiniens pourrait les exposer à une surveillance accrue, à des pressions et à des représailles, en particulier à Gaza. Mais refuser de le faire et choisir plutôt de protéger la vie privée et la sécurité de leurs employés compromettrait leur capacité à continuer de fournir des services essentiels aux Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie. Ce dilemme a aggravé les divisions existantes au sein de la communauté humanitaire – conformément à la politique de "diviser pour mieux régner" menée de longue date par Israël – et a laissé les organisations humanitaires dans l'inquiétude quant à l'avenir de leur travail.

Alors qu'Israël semble préférer maintenir la présence de certaines organisations humanitaires à Gaza pour des raisons de légitimité internationale, l'objectif du processus de réenregistrement est d'expulser la majorité des groupes d'aide et de coopter ceux qui restent dans le cadre du Fonds humanitaire pour Gaza (GHF) – qui, depuis mai, détient un quasi-monopole sur la distribution de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza, avec des conséquences extrêmement meurtrières. Ce faisant, Israël cherche à accélérer la dissolution du modèle d'aide humanitaire basé sur les besoins à Gaza, pour le remplacer par un modèle qui instrumentalise les flux d'aide d'une manière conforme au projet plus large de nettoyage ethnique mené par le gouvernement.

Sur le terrain, cette dynamique est très évidente. Le fait qu'il n'y ait encore que quatre sites de distribution d'aide du GHF actifs à Gaza, et qu'aucun d'entre eux ne soit situé dans le nord de la bande de Gaza, où Israël procède actuellement à un déplacement forcé massif de la population, souligne leur fonction de vecteur d'ingénierie démographique. Dans le même ordre d'idées, si Israël a finalement accepté le mois dernier d'autoriser l'entrée d'un nombre limité de tentes à Gaza, celles-ci n'ont été autorisées à entrer que par le poste de contrôle sud de Kerem Shalom/Karem Abu Salem et étaient réservées uniquement à ceux qui avaient fui la ville de Gaza, dans le nord.

Une guerre d'usure médiatique

Israël cherche depuis longtemps à restreindre les activités des organisations humanitaires internationales opérant dans les territoires occupés. Mais son offensive intensifiée contre la mission d'urgence des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) et son mandat de 75 ans visant à fournir une aide indispensable aux réfugiés palestiniens a marqué une escalade considérable. En janvier 2024, Israël a accusé le personnel de l'organisation d'avoir participé aux attaques du 7 octobre, ce qui a conduit plusieurs pays donateurs à suspendre leur soutien financier. Neuf mois plus tard, la Knesset a adopté une loi qualifiant l'UNRWA d'organisation terroriste et lui interdisant tout contact avec le gouvernement israélien, rendant ainsi son travail à Gaza et en Cisjordanie pratiquement impossible.

Grâce à cette nouvelle stratégie, Israël ne vise plus simplement à limiter les activités des groupes qui fournissent de l'aide, dénoncent les violations du droit international par Israël et refusent d'être cooptés, mais à les bannir, une entreprise facilitée par l'indifférence de la communauté internationale. Commençant par l'UNRWA et poursuivant avec d'autres agences des Nations unies et organisations non gouvernementales internationales (ONGI), Israël mène une intense campagne de délégitimation visant à les présenter toutes comme inefficaces au mieux et complices du terrorisme au pire, à moins qu'elles ne se soumettent au programme GHF.

Dans cette guerre de communication, Israël dispose de deux avantages distincts. Premièrement, ses porte-parole officiels et officieux disposent de plus de ressources, d'une plus grande portée et de meilleures relations avec les médias internationaux que les porte-parole de l'ONU ou des ONG internationales, ce qui leur permet de diffuser leur message plus fort et dans plus de sphères que les organisations humanitaires, qui ont peu de soutiens dans ces combats. Deuxièmement, Israël peut attaquer et discréditer ses adversaires à volonté, tandis que les organisations humanitaires sont limitées dans leurs critiques à l'égard d'Israël, car elles restent dépendantes de son accord pour travailler à Gaza et en Cisjordanie occupée.

Ces tensions se sont renforcées après qu'Israël a interdit toute aide à entrer à Gaza en mars 2025, et encore plus après l'introduction du dispositif GHF en mai. Depuis lors, Israël tente de contraindre les ONG internationales à accepter le GHF comme une organisation humanitaire partenaire légitime. Il en résulte, en substance, une guerre d'usure en matière de relations publiques. Israël pense pouvoir tenir plus longtemps que les ONG internationales et les intimider pour qu'elles acceptent le GHF, tandis que les organisations estiment que le mécanisme du GHF est une mesure temporaire qui finira par s'effondrer et conduira à la reprise de l'ancien système d'aide.

Sous couvert d'anonymat par crainte de représailles, plusieurs employés d'ONG internationales ont déclaré au +972 Magazine qu'ils pensaient être en train de perdre la guerre de l'image, malgré la très mauvaise presse dont fait l'objet le GHF. « Je ne pense pas que nous parvenions à contrer le nouveau discours du GHF », a expliqué l'un d'entre eux. « C'est comme s'il n'y avait pas de faits concrets et que tout le monde se basait uniquement sur des opinions. »

Dans cette guerre de communication, le GHF cherche à trouver du soutien partout où il le peut. Il met par exemple en avant sa collaboration avec Samaritan's Purse, une organisation missionnaire américaine controversée et connue pour ses messages anti-musulmans. Le GHF s'est également vanté récemment d'avoir le soutien de « 200 ONG et groupes confessionnels », sans toutefois en citer aucun.

Pendant ce temps, les organisations humanitaires qui enfreignent les règles tacites subissent de vives représailles. L'ONG Rahma était ouverte à une collaboration limitée avec le GHF : après avoir obtenu les autorisations nécessaires pour acheminer 4 000 colis alimentaires à Gaza, qu'elle ne pouvait pas apporter elle-même, Rahma a remis l'aide au GHF. Selon Rahma, au lieu de se contenter de distribuer l'aide comme convenu, le GHF a diffusé des photos le montrant en train de distribuer des colis portant le logo de Rahma, ce qui a renforcé la méfiance des autres ONG internationales qui considéraient que Rahma avait enfreint la ligne convenue. Rahma a protesté publiquement contre le GHF et, quelques semaines plus tard, Israël a révoqué son autorisation de mener des actions humanitaires.

Le retrait surprise de Rahma de la liste a envoyé un message aux autres ONG internationales sur ce qu'Israël leur permet ou ne leur permet pas de faire. D'autres représailles ont été dirigées contre des individus : peu après avoir publiquement accusé Israël de créer « des conditions propices au meurtre » sur les sites d'aide à Gaza, le chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) dans les territoires palestiniens occupés, Jonathan Whittall, a découvert qu'Israël ne renouvellerait pas son visa, le forçant ainsi à quitter son poste.

Isoler, éliminer, coopter

Après neuf mois d'entretiens avec des travailleurs humanitaires opérant à Gaza, il est clair que leur discours a considérablement changé. Si, au début, les travailleurs humanitaires hésitaient à reconnaître le traitement différencié appliqué par le COGAT – l'unité israélienne qui supervise la coordination logistique des missions humanitaires à Gaza –, aujourd'hui, ce traitement est discuté ouvertement.

Certaines organisations continuent d'espérer que les relations personnelles qu'elles ont réussi à nouer avec des responsables israéliens au sein du COGAT ou ailleurs leur permettront de poursuivre leurs activités dans les territoires occupés. D'autres groupes considèrent que ces relations compromettent la neutralité de l'action humanitaire et créent un climat général de suspicion. Comme l'a fait remarquer un travailleur humanitaire, « d'après ce que nous entendons de la part de certaines de ces organisations, plus elles [deviennent] complices, plus elles obtiennent de faveurs ».

Israël maîtrise l'art d'éroder progressivement les normes humanitaires : il commence par une première étape qui suscite un certain tollé dans l'opinion publique, avant de lancer une offensive beaucoup plus large que même les voix critiques sont trop épuisées pour remarquer. Israël avait déjà désigné six organisations palestiniennes de défense des droits humains comme organisations terroristes en 2021, sans susciter de réaction internationale notable. La guerre de Gaza a fourni un prétexte pour étendre cette offensive aux organisations humanitaires internationales.

« Ils lancent toujours des ballons d'essai, et nous avons donc déjà eu des ballons d'essai de cette radiation », a déclaré à +972 un travailleur humanitaire qui a souhaité rester anonyme. « Ce qui s'est passé en octobre 2024 [lorsque Israël a interdit à six ONG médicales d'entrer à Gaza] en est un exemple. Ce qui se passe actuellement avec Rahma est un ballon plus gros, et je ne vois pas de tollé international.

Ce qu'ils ont fait à l'UNRWA, ils vont le faire à d'autres organisations : délégitimer, radier, expulser les internationaux et refuser de désamorcer les conflits [c'est-à-dire garantir de ne pas cibler] les itinéraires, les bureaux et les cliniques, les rendant ainsi indignes de protection », a poursuivi le travailleur humanitaire. « Ce qui m'inquiète particulièrement, c'est qu'ils n'ont pas commencé par des groupes plus petits, mais par l'UNRWA. Ce n'est pas un hasard ; c'est instructif, et cela va avoir un effet d'entraînement ailleurs. »

Les ONG internationales ont toujours la possibilité de faire appel devant les tribunaux israéliens si leur enregistrement est révoqué. Mais dans les circonstances actuelles, il est très improbable que la Cour suprême infirme une décision du ministère de la Diaspora.

Une personne interrogée estime qu'il est peu probable qu'Israël interdise d'un seul coup toutes les organisations humanitaires, mais qu'il va plutôt les isoler et les éliminer une par une, loin des regards du public. Celles qui resteront, poursuit le travailleur humanitaire, seront intimidées pour qu'elles acceptent un rôle dans le cadre du programme GHF.

« Israël ne veut pas d'internationaux ici, c'est là que commence la politique », a expliqué un autre travailleur humanitaire. « [C'était déjà le cas] avant le 7 octobre, mais maintenant, ils ont trouvé une occasion d'accélérer le mouvement. À l'exception des journalistes palestiniens, les travailleurs humanitaires ont été les seuls à signaler et à surveiller les violations [sur le terrain] et à les dénoncer. Nous avons mis à mal leur discours. Et Israël ne veut plus de cela. »

Cependant, le travailleur humanitaire a admis qu'il avait de plus en plus le sentiment qu'ils menaient un combat perdu d'avance. « Parfois, j'ai l'impression que nous [les ONG internationales] devrions tous faire nos valises et partir. Nous ne sauvons pas des vies comme nous le devrions, nous ne protégeons pas les Palestiniens comme nous nous y sommes engagés, et nous sommes trop silencieux. Nous sommes incapables de mettre en œuvre notre impératif humanitaire. Nous avons dépassé nos limites. La seule façon pour nous d'opérer est dans ces camps mis en place par Israël. Et en Cisjordanie, nous ne pouvons pas accéder aux communautés les plus vulnérables.

Traduction : AFPS

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Les femmes africaines sont là, encore une fois !

7 octobre, par Collectif —
7 septembre Pré-session : De l'échelle locale à l'échelle mondiale : le pouvoir des femmes africaines dans l'action pour le climat Tiré de Entre les lignes et les mots (…)

7 septembre Pré-session : De l'échelle locale à l'échelle mondiale : le pouvoir des femmes africaines dans l'action pour le climat

Tiré de Entre les lignes et les mots

Nous, femmes et filles africaines, gardiennes de la terre, nourricières de la vie, gardiennes de nos communautés et gardiennes du savoir, sommes réunies ici aujourd'hui, pour la deuxième fois, afin d'affirmer notre engagement collectif et résolu à protéger notre continent, nos pays, nos communautés et notre planète contre les effets dévastateurs de la crise climatique. Nous sommes réunies ici pour démontrer notre pouvoir et notre leadership et revendiquer la place qui nous revient dans les processus décisionnels.

Collectivement, nous refusons d'être confinées à l'intérieur des frontières coloniales, et nous sommes ici en tant qu'Africaines pour affirmer et embrasser les idéaux du panafricanisme. Nous sommes unies dans la diversité de nos identités, représentant les femmes des collines et des montagnes, celles de la savane et des îles, les femmes des communautés agricoles et pastorales, du gouvernement et de la société civile, ainsi que les universitaires, englobant les jeunes, les personnes âgées et celles ayant des capacités différentes. Nous reconnaissons que les structures sociales patriarcales, les modèles économiques exploiteurs et les structures politiques existantes, avec leur héritage colonial, nous affectent de manière disproportionnée, soulignant l'urgence de faire entendre chaque voix et de reconnaître et amplifier chaque lutte. C'est précisément pour cela que nous sommes ici.

Dans cet espace, en ce jour, nous envoyons un message clair et retentissant à nos gouvernements africains, à l'Union africaine et à leurs institutions alliées : la voix des femmes africaines ne doit JAMAIS être reléguée au second plan. Nous refusons d'être utilisées comme des symboles, invitées pour embellir les panels ou utilisées pour remplir des quotas d'inclusivité. Les femmes africaines constituent la majorité de la population de ce continent ; par conséquent, les débats, les discussions, les décisions et les actions sur le climat doivent être menés par nous, pour nous et avec nous, et non dictés par les entreprises ou les soi-disant partenaires impérialistes développés et leurs agences. L'exclusion et la marginalisation systématiques des voix des femmes africaines et de leur programme sur leur propre territoire par leurs propres institutions sont inacceptables. Nous sommes ici, organisées en marge de ce sommet pour la deuxième fois, afin de manifester nos préoccupations et de demander des comptes au Nord global et aux pollueurs climatiques. Les femmes africaines les surveillent de près.

Le seul rôle qu'ils devraient avoir dans le Sommet africain sur le climat ici à Addis-Abeba est de s'engager à assumer leurs responsabilités, à fournir leur juste part de financement sous forme de subventions et à s'abstenir de promouvoir des programmes destructeurs basés sur le marché au nom des solutions climatiques.

Pour celles et ceux qui doutent encore de la réalité ou de la gravité de la crise climatique, nous sommes ici pour partager des témoignages sur la manière dont elle affecte aujourd'hui les femmes africaines, nos sociétés, nos moyens de subsistance, notre bien-être et nos économies. Elle affecte notre santé, nos cultures, notre patrimoine et nos traditions. Les difficultés rencontrées par les jeunes femmes des petites communautés insulaires, les petites agricultrices confrontées à des conditions météorologiques imprévisibles, les femmes handicapées face aux urgences climatiques ou les femmes vivant dans des communautés urbaines pauvres sont des témoignages frappants des impacts, des pertes et des dommages subis aujourd'hui sur ce continent. Les voix de ces communautés doivent être au centre de l'ordre du jour du sommet sur le climat.

À celles et ceux qui pensent que les femmes africaines ne sont que des victimes impuissantes attendant d'être secourues par des missionnaires blancs, nous sommes ici pour affirmer et revendiquer nos réalités complexes. Oui, nous sommes parmi les plus touchées par la crise climatique, mais nous sommes aussi les créatrices de solutions climatiques réelles, durables et équitables entre les sexes. Aujourd'hui, nous amplifions ces solutions, grâce à nos connaissances en matière de préservation des systèmes semenciers, de la biodiversité et des nutriments du sol pour une agriculture urbaine régénérative, ainsi qu'à des entreprises d'énergie renouvelable dirigées par des femmes. Les filles africaines utilisent les technologies modernes pour sensibiliser à la crise climatique et promouvoir le recyclage. Nous sommes également ici pour proposer des analyses bien conçues et fondées sur des données factuelles, ainsi qu'une présentation de l'état de la crise climatique en Afrique, accompagnées de solutions politiques pratiques et ambitieuses conçues pour faire face à la crise climatique et à ses défis interdépendants.

Alors que nous sommes réunies ici, nos revendications collectives sont claires :

À nos gouvernements africains :

Engagez-vous à placer le leadership des femmes africaines au cœur des actions climatiques. L'Afrique est le continent où les femmes sont les moins représentées dans les processus politiques mondiaux liés au changement climatique. Les gouvernements africains doivent soutenir de manière intentionnelle la participation et l'engagement des femmes dans tous les aspects de la politique climatique, de la conception à la mise en œuvre et au suivi, et veiller à ce qu'ils soient adaptés à leur expérience et à leur réalité quotidienne.

S'engager à promouvoir l'adoption d'un plan d'action solide et ambitieux en faveur de l'égalité des sexes lors de la COP30 à Belém. Veiller à ce que les négociateurs et négociatrices africaines chargées des questions de genre bénéficient d'un soutien total, de ressources suffisantes et des moyens nécessaires pour s'engager de manière significative et jouer un rôle de premier plan dans l'élaboration et l'adoption du nouveau plan d'action en faveur de l'égalité des sexes qui guidera les mesures climatiques sensibles au genre pour les neuf prochaines années.

Rester fermes et uni·es pour exiger la mise en place d'un financement climatique sous forme de subventions et de fonds publics, guidé par les principes de responsabilités collectives mais différenciées (CBDR), en alimentant le Fonds pour les pertes et dommages afin de couvrir les pertes et dommages économiques et non économiques, et en renforçant l'engagement à reconstituer le fonds d'adaptation à l'échelle et à la vitesse nécessaires pour soutenir les programmes d'adaptation sensibles au genre dans les pays et les communautés de la majorité mondiale.

À Belém, continuer à faire preuve d'un leadership fort dans les négociations sur l'adaptation afin de garantir que l'objectif mondial en matière d'adaptation soit assorti d'indicateurs solides et mesurables permettant de suivre les progrès réels. Ceux-ci doivent inclure des indicateurs spécifiques au genre afin de favoriser une planification, une conception, une mise en œuvre et un suivi de l'adaptation inclusifs et sensibles au genre. En parallèle, travailler en collaboration avec des partenaires afin de faire progresser et de mettre en place un mécanisme de transition juste qui défende l'équité, la justice et la résilience.

Promouvoir des solutions climatiques équitables entre les sexes et menées par l'Afrique en soutenant l'ingéniosité des jeunes, des femmes et des communautés africaines qui apportent déjà des réponses pratiques, abordables et évolutives à la crise climatique. Leur fournir les ressources et les environnements politiques propices à l'innovation, tout en préservant leurs systèmes de connaissances et leurs droits de propriété intellectuelle. Dans le même temps, rejeter fermement les solutions technologiques imposées de l'extérieur qui risquent d'entraîner une mauvaise adaptation et de détourner les ressources des priorités africaines.

Rejeter les fausses solutions mises en place sur notre territoire dans le but de générer des profits privés et de légitimer le manque d'ambition des pays du Nord en matière de réduction des émissions. Le zéro net n'est pas un zéro réel, et les marchés du carbone et la géo-ingénierie sont de fausses solutions qui nuisent à notre territoire et à nos populations.

Impliquer activement et systématiquement les citoyen·nes et les communautés africaines dans les programmes de sensibilisation au changement climatique et les actions climatiques afin de garantir l'appropriation par les communautés des actions climatiques, en particulier dans les domaines de l'adaptation, de la transition juste et de la réduction des risques de catastrophe.

Aux pays du Nord et aux pollueurs :

Réduisez vos émissions en éliminant progressivement les combustibles fossiles DÈS MAINTENANT.

Fournissez votre juste part de subventions et de financements publics, et NON des prêts et des financements privés basés sur le marché.

Abandonnez la mentalité de l'ère coloniale. Les espaces multilatéraux doivent adopter les idéaux du leadership collectif et mettre fin à la domination ouverte et cachée des pays du Nord. Les gouvernements africains et les autres gouvernements du Sud ont le droit à un pouvoir décisionnel égal dans le processus multilatéral.

Nous, femmes africaines, nous engageons à utiliser notre pouvoir pour nous libérer, nous et nos communautés, de l'exploitation des systèmes économiques et sociaux existants qui ont contribué aux crises auxquelles nous sommes actuellement confrontées. Que nos voix soient entendues et que notre pouvoir soit un phare d'espoir pour un avenir durable et juste pour tous et toutes.

Adopté lors du Sommet africain sur le climat 2 – Journée du genre, Addis-Abeba, 7 septembre 2025

Télécharger la déclaration (en anglais)

Traduit par DE

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Comptes rendus de lecture du mardi 7 octobre 2025

7 octobre, par Bruno Marquis — , ,
Démocratie - Histoire politique d'un mot Francis Dupuis-Déri Ce livre devrait être lu par tout le monde ! C'est un document essentiel pour bien comprendre l'histoire des (…)

Démocratie - Histoire politique d'un mot
Francis Dupuis-Déri

Ce livre devrait être lu par tout le monde ! C'est un document essentiel pour bien comprendre l'histoire des derniers siècles et nos supposées démocraties et prendre position sur le monde d'aujourd'hui. C'est un essai fouillé, d'une lecture facile et des plus agréables qui remettra peut-être à l'épreuve – qui sait ? – certaines de vos conceptions politiques. Vous en redemanderez, j'en suis sûr... Si c'est le cas, je vous suggère, du même auteur, « La peur du peuple », que vous aimerez probablement aussi beaucoup.

Extrait :

Il a suffi d'à peine deux ou trois générations pour que le mot « démocratie », qui signifiait depuis deux mille ans le gouvernement du peuple par le peuple, en vienne à désigner un régime politique où une poignée de politiciens élus prennent les décisions au nom du peuple. Si le droit de voter et d'être élu s'est élargi pour les hommes, au point où l'on parle de suffrage « universel », ces électeurs n'ont pas plus qu'avant le droit de participer directement à l'élaboration des lois et le pouvoir est toujours entre les mains de quelques centaines de politiciens élus.

Entretiens avec Guy Rocher
François Rocher

Le sociologue Guy Rocher nous a quitté le mois dernier à l'âge de 101 ans. Les plus jeunes générations l'ignorent en grande partie, mais la contribution de cet intellectuel à la transformation et à l'épanouissement du Québec a été des plus importantes, entre autres dans les domaines de l'éducation et du statut de la langue française. Ces entretiens avec le politicologue François Rocher ont été publiés il y a une quinzaine d'années. Guy Rocher y parle du nationalisme canadien-français et de l'indépendance du Québec, de changement social et de réformes, de culture et de langue, d'éducation, des jeunes et des rapports entre les générations et du droit et de la sociologie du droit. Une lecture vraiment enrichissante !

Extrait :

Le droit est fait de contraintes, c'est sa nature, son essence. Dans la mesure où le droit se multiplie, on multiplie les contraintes. Le paradoxe est qu'en même temps, cette multiplication du droit est une condition de notre liberté. Le droit nous confère en même temps des obligations et des droits subjectifs. Il y a donc ce paradoxe dans le rapport entre les liberté et le droit : la liberté a constamment besoin d'être redéfinie par le droit en même temps que le droit multiplie les contraintes et fixe les limites de cette liberté. C'est avant tout le cas dans nos sociétés contemporaines : on y a développé une législation de la liberté, ce qui est assez étonnant, même contradictoire dans les termes. Les chartes institutionnalisent ce paradoxe : il a fallu légiférer pour nous dire quelles étaient nos libertés, et du même coup les baliser, les encadrer, les juridiciser jusqu'à parfois nous priver de certaines.

Nouvelle histoire de Mouchette
Georges Bernanos

Ce roman se veut modeste jusque dans son titre, où l'auteur reprend le prénom d'un personnage utilisé dans un précédent roman. Pourtant, sous ce titre discret, se cache véritablement l'un des chefs-d'œuvre de Georges Bernanos et de la littérature. Bernanos nous emmène avec une jeune fille dans un univers grisâtre et boueux. Malgré son désir à peine conscient de révolte contre le déterminisme qui la relègue au rang des indésirables, Mouchette, par son manque d'expérience des relations humaines, est incapable de se prémunir des dangers liés à la concupiscence et la duplicité de certains adultes. C'est ce qui fera d'elle une victime passive de son malheur. Imprégnée de ses émotions et de ses peurs, elle expérimente avec détresse la solitude dans laquelle l'incompréhension des autres plonge les êtres différents comme elle. Un de ces très beaux romans qui vous amènent tout droit à l'amour de la littérature…

Extrait :

Ils s'assoient de chaque côté de l'âtre et Mouchette tient les yeux fixés sur ses galoches. La réflexion lui est si peu familière qu'elle n'a aucune conscience de l'effort qu'elle fait pour comprendre. S'il lui arrive de s'échapper souvent d'elle-même, grâce au rêve, elle a perdu depuis longtemps le secret de ces routes mystérieuses par lesquelles on rentre en soi. Il lui semble seulement que tout le feu de sa vie, toute sa vie est maintenant concentrée au même point, au même point douloureux de sa petite poitrine, qu'elle y prend peu à peu la dureté, l'inflexible éclat du diamant. Oui, du diamant, d'une de ces pierres magiques dont Madame affirme qu'elles se rencontrent, enfermées là depuis des siècles, au cœur noir d'un bloc de charbon. Elle n'ose regarder M. Arsène. Mais ce qu'elle redoute le plus, c'est de l'entendre. Une parole de lui, dans ce silence, la briserait sûrement comme verre.

Les mauvais jours finiront
Samuel Mercier

Si le titre de ce livre laissait espérer une approche beaucoup plus optimiste et stimulante quant à l'avenir, cet « hommage aux indésirables » n'en constitue pas moins un excellent essai sur ceux et celles que notre société s'efforce d'invisibiliser – les personnes âgées, les pauvres, les autochtones et les minorités. Plus généralement, comme on peut le lire en quatrième de couverture, il explore « des lieux tantôt communs, tantôt secrets dans lesquels des individus survivent à un monde où tout est devenu jetable, y compris les êtres humains ».

Extrait :

Notre système pourri de retraites rend la transmission du patrimoine difficile. Les pensions d'État, au maximum, arrivent à peine à vous garder sous le niveau de la pauvreté, et la plupart des régimes de retraites ne sont pas indexés dans un monde où l'inflation rogne vos revenus. Dans ce contexte, le capital immobilier est souvent le seul fond de retraite des baby boomers, et ils devront tôt ou tard se départir de biens qui retomberont entre les dents des requins bien avant de servir leurs héritiers.

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Une façon nouvelle d’entrevoir la gestion à Hydro-Québec

7 octobre, par Guy Roy — , ,
Je viens d'entendre la publicité des salariés d'Hydro-Québec à la Télévision et j'ai visité le site WEB qui fait partie de leur campagne en vue d'obtenir sans délai une (…)

Je viens d'entendre la publicité des salariés d'Hydro-Québec à la Télévision et j'ai visité le site WEB qui fait partie de leur campagne en vue d'obtenir sans délai une conventions collective négociée.

À vari dire je ne fais pas que les appuyer, je propose que des salariés soient intégrés à l'administration d'Hydro-Québec pour qu'ils aient plus de pouvoir dans la gestion de la compagnie nationalisée. En effet la main-d'œuvre, les salariés eux-mêmes, sont le meilleur capital dont dispose la société d'État pour réaliser son mandat de fournir et d'acheminer de l'électricité au meilleur coup aux citoyens québécois.

Je suis socialiste et crois au pouvoir ouvrier. À vrai dire le contrôle ouvrier a été instauré dans les pays socialistes, après la guerre au XXième siècle, pour donner raisons aux insatisfactions des salariés face à l'administration des société publiques. En effet les salariés, au cœur de la gestion des entreprises d'État, sont les mieux placés pour voir à ce que les méthodes de gérance soient les plus modernes et les plus efficaces possible. Qui mieux que les travailleurs eux-mêmes pour surveiller les gestionnaires dans les pratiques de gouvernance au quotidien. Ils sont tous les jours ceux qui ont les mains dedans, comme on dit. Ils sont à même d'observer les manquements de la direction dans la gestion de leur travail et de les rapporter à qui de droit.

Mis sous le contrôle de leurs salariés, par leur présence au conseil d'administration, les gestionnaires seraient obligés de tenir compte de leurs avis dans leur travail de planification tactique et du contrôle du travail des salariés. Il y aurait moins de frustration dans les différentes directives que reçoivent les travailleurs manuels qui sont chargé d'accomplir les tâches quotidiennes.

Aguerris aux procédures démocratiques de délégation de pourvoir ou d'élections, les syndicats pourraient être responsables de la nomination aux postes concernés des représentants des travailleurs. Inclus dans les conventions, ces nouveaux droits à la gestion seraient des moyens de faire connaitre les avis des salariés. Aussi, à l'interne, pourrait être constitué un bassin de gestionnaires ambitieux et aguerris aux méthodes modernes des gestion de la compagnie d'État. Pourrait être instaurés et offerts aux salariés des cours d'administration pour les préparer à occuper ces postes supérieurs.

C'est mon avis, que directement impliqués dans le gouvernement de la société d'État, les salariés pourraient contribuer, par leurs expertises, à la bonne marche et aux bonnes pratiques de la direction.

Somme toute, la participation effective des travailleurs dans leur propre gouvernement améliorerait les méthodes de gouvernance de l'entreprise et rendrait fluide la transmissions des ordres de commandement en réduisant les contradictions qui apparaissent au jour le jour dans la planification d'une entreprise d'une telle ampleur. Les travailleurs, entre eux, savent se comporter de telle manière que les frustrations sont assouplies par des comportement fraternels et des méthodes démocratiques de gouvernement.

Là est l'avenir de relations plus harmonieuses à l'intérieur d'Hydro-Québec où les gestionnaires sont soumis aux regards critiques des salariés.
Guy Roy

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Les États-Unis : de la démocratie à la « démocrature » ?

7 octobre, par Jean-François Delisle — , ,
C'est la question que l'on peut se poser devant la montée brutale de l'autoritarisme trumpiste chez nos voisins américains. Comment définir le terme « démocrature » ? On peut (…)

C'est la question que l'on peut se poser devant la montée brutale de l'autoritarisme trumpiste chez nos voisins américains. Comment définir le terme « démocrature » ? On peut davantage la décrire que la qualifier, mais pour mieux comprendre la montée de ce phénomène, on pourrait avancer qu'on est en présence du recours de plus en plus fréquent par Trump et ses affidés de mesures autoritaires et arbitraires pour imposer leur idéologie réactionnaire, tant sur les plans social que politique. Sur le plan international, on assiste à la tentative de revigorer l'impérialisme américain. Alors que le prédécesseur démocrate de Donald Trump, Joe Biden, procédait de manière plus feutrée, Trump fonce comme un taureau sur ses cibles de prédilection : la « gauche radicale », les « antifas », les wokes, les criminels, les immigrants illégaux, tous mis dans le même panier. Bref, sus à l'ennemi de l'intérieur !

Ùn des signes les plus inquiétants de cette fuite en avant est l'utilisation de l'armée pour intimider l'opposition politique dans les zones démocrates, en particulier à Chicago et à New-York. Non que l'armée tente de se substituer à la police dans les tâches du maintien de l'ordre et de la répression de la criminalité (du moins, pas encore),mais la rumeur veut que plusieurs officiers de haut rang se situent à l'extrême-droite, dans la lignée trumpiste. Par ailleurs, Trump a beaucoup fait depuis son accession au pouvoir pour truffer l'appareil d'État de ses créatures idéologiques.

À ma connaissance, c'est la première fois qu'un président utilise l'armée de manière aussi partisane contre ses propres concitoyens et concitoyennes, ce qui indique une mentalité très répressive, à la limite prête à se lancer dans une guerre civile. Certes, des groupes de défense des droits réagissent et entament des procédures devant les tribunaux pour contrer les mesures répressives trumpistes, mais ils ont affaire à un adversaire particulièrement coriace qui bafoue la légalité lorsqu'elle contrarie ses projets. Depuis les neuf mois qu'il occupe la présidence, Trump a plus fait pour affaiblir la démocratie américaine que n'importe lequel de ses prédécesseurs, aidé en cela par l'étonnante et affligeante veulerie de la majorité républicaine au Congrès et de divers secteurs de la société américaine. Même à l'étranger, dans l'Union européenne par exemple, on évite en général de le heurter trop directement. Pour leur part, les démocrates, depuis la déconfiture de Kamala Harris, se cherchent et donnent l'impression d'être à la dérive, de ne plus trop savoir de quel côté se tourner.

Il subsiste toutefois des motifs d'espoir, même modestes. Tout d'abord, si Trump presse le pas dans l'imposition de ses obsessions réactionnaires, c'est parce qu'il sait que le temps lui est compté. La structuration libéralo-électorale du système politique américain lui impose certaines limites. Il en est à son second et dernier mandat comme président. Il ne peut enfreindre cette règle d'alternance sans déclencher une crise constitutionnelle majeure dont il ne sortirait certainement pas vainqueur. La meilleure stratégie pour assurer la pérennité de la culture politique autoritariste qu'il incarne consiste plutôt à à miser comme successeur sur un « poulain », un adepte en quelque sorte.

Le pays a beau être très polarisé par les temps qui courent, il ne se trouve pas au bord de la guerre civile, et cela pour une bonne raison : l'électorat dispose encore du droit de vote, susceptible de lui permettre d'imposer un changement d'orientation à la tête de l'État. Il suffirait à une part substantielle d'électeurs et d'électrices d'envoyer une majorité de démocrates au Congrès au scrutin de mi-mandat, et surtout d'élire un autre président. Le droit de vote est une condition nécessaire pour qu'on puisse parler de démocratie, en dépit du fait qu'il n'est pas suffisant. Mais même une simple majorité démocrate au Congrès, pourvu qu'elle compte suffisamment de progressistes, suffirait sans doute à ralentir l'élan réactionnaire trumpiste.

Reconquérir la présidence s'avère cependant beaucoup plus problématique pour les démocrates, vu l'absence apparente d'un candidat crédible à l'échelle nationale dans leurs rangs. Seule une présidence démocrate, même modérément progressiste, pourrait enfin permettre de sortir le pays du marasme trumpiste. Ce serait tout un contraste !

Trump joue des muscles pour intimider ses adversaires mais on voit mal comment son système ultra-conservateur pourrait lui survivre à long, ou même à moyen terme. Il se livre par conséquent à un jeu dangereux qui va de la violence verbale au déploiement de la force militaire, mais ces mesures tournent à vide. Des dérapages majeurs sont toujours possibles avant le grand rendez-vous des prochaines présidentielles, mais quoi qu'on en dise, la Constitution américaine a prévu des garde-fous pour limiter les abus de pouvoir et dont Trump doit tenir compte, du moins jusqu'à un certain point. Cependant d'ici là, il faudra lui tenir tête et pas juste aux États-Unis. C'est d'autant plus crucial que même s'il sait que son rêve ne se concrétisera jamais, Trump évoque encore de temps à autre sa lubie de transformer le Canada en 51ème État américain...,

Jean-François Delisle

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Heather McPherson se porte candidate à la direction du NPD et oppose son parcours à celui de la dynastie Lewis

7 octobre, par Karl Nerenberg — , ,
McPherson a lancé sa campagne en appelant le NPD à se débarrasser des « tests de pureté ». Elle a déclaré que ses parents n'étaient pas « très politisés ». Son auditoire savait (…)

McPherson a lancé sa campagne en appelant le NPD à se débarrasser des « tests de pureté ». Elle a déclaré que ses parents n'étaient pas « très politisés ». Son auditoire savait que le père et le grand-père de son adversaire avaient été chefs du NPD en Ontario et au niveau fédéral dans les années 1970.

Le NPD compte désormais deux candidats officiellement reconnus à la direction du parti, ainsi qu'un candidat qui a recueilli beaucoup de soutien, mais qui n'est pas (encore) officiel.

Ce candidat non officiel est Yves Engler, dont les partisans apprécient son soutien indéfectible à la Palestine et son engagement à renouveler l'engagement (depuis longtemps abandonné) du NPD envers le socialisme.

Le premier candidat officiel était Avi Lewis, l'un des leaders du groupe Leap Manifesto en 2015.

Leap cherchait à relier le NPD aux mouvements environnementaux, communautaires et autochtones, et à définir la politique économique et sociale en termes environnementaux.

La deuxième candidate officielle, la députée Heather McPherson, a annoncé sa candidature le dimanche 28 septembre dans sa circonscription d'Edmonton. Elle était accompagnée de l'ancienne chef du NPD et première ministre de l'Alberta, Rachel Notley.

McPherson est l'une des sept députés du NPD. Elle est la seule de ces députés à se présenter aux élections. Pour beaucoup, elle semble être la candidate préférée de l'establishment du NPD.

Un lancement à l'ancienne devant un public en direct

Au niveau fédéral, l'Alberta n'a pas été un terrain fertile pour le NPD.

Mais la circonscription urbaine d'Edmonton-Strathcona, représentée par Mme McPherson, constitue une exception notable et significative à la règle. L'écologiste Linda Duncan a remporté la circonscription pour les néo-démocrates en 2008, et celle-ci est restée solidement orange depuis lors.

McPherson, qui a une formation en développement international, représente sa circonscription depuis 2019.
À son arrivée à Ottawa, la direction du NPD a confié les affaires étrangères à McPherson. À ce titre, elle peut se targuer d'avoir réussi à faire évoluer la politique du gouvernement libéral.

McPherson a longtemps défendu l'idée que le Canada devait reconnaître l'État palestinien, ce que le gouvernement Carney vient de faire.

Alors qu'Avi Lewis a choisi de lancer sa campagne avec une vidéo soignée, dans laquelle il se promène dans un paysage urbain réaliste et s'adresse à la caméra à la manière de Rick Mercer, Mme McPherson a organisé un événement à l'ancienne, en direct, devant un groupe de partisans enthousiastes.

(M. Lewis a organisé un événement en direct très fréquenté dans le centre-ville de Toronto, quelques jours après la diffusion de la vidéo.)

Le lancement de McPherson comprenait des discours d'échauffement de Notley et des deux enfants adolescents de la candidate à la direction.

Lorsqu'elle a pris la parole, la députée d'Edmonton Strathcona a tenu à préciser que ses propres parents n'étaient pas « très politisés ».

Elle a déclaré à son auditoire qu'elle ne « venait pas d'une longue lignée de néo-démocrates ».

Pour la candidate albertaine, évoquer ses origines « modestes » était une tentative à peine voilée de se démarquer d'Avi Lewis, qui est, comme chacun sait, le descendant d'une dynastie néo-démocrate.

Le père de Lewis, Stephen Lewis, a été chef du NPD de l'Ontario de 1970 à 1978, puis ambassadeur du Canada auprès des Nations unies. Il a ensuite mené une brillante carrière dans la lutte contre le sida sur la scène internationale.

Le grand-père d'Avi Lewis, David Lewis, a été chef fédéral du NPD de 1971 à 1975. David Lewis était le deuxième chef du NPD. Il a succédé à Tommy Douglas.

Dans sa vidéo, Lewis, candidat à la direction du parti en 2025, évoque les combats menés par son grand-père contre la cupidité des entreprises.

Ironiquement, les véritables ancêtres d'Avi Lewis au sein du parti n'étaient pas son père et son grand-père, mais plutôt les membres du mouvement Waffle des années 1960 et 1970, dont le slogan était : « Pour un Canada indépendant et socialiste ».

L'un des leaders du Waffle, feu James Laxer, est arrivé deuxième derrière David Lewis lors du congrès à la direction de 1971.

David et Stephen Lewis considéraient le Waffle comme trop radical. Pire encore, ils le décrivaient comme un « parti au sein du parti ». Tous deux ont travaillé dur et ont réussi à faire dissoudre le Waffle.

Quant à Heather McPherson, son père était propriétaire d'une petite entreprise de camionnage, tandis que sa mère, selon ses propres termes, « restait à la maison avec nous ». Mme McPherson a évoqué la vie typique de sa famille de classe moyenne, avec des séjours au ski et des étés mémorables au chalet.

Bien que ses parents ne fussent pas politisés, Mme McPherson a souligné qu'ils lui avaient transmis, ainsi qu'à ses frères et sœurs, les « valeurs des Prairies » que sont le partage, l'inclusion et l'équité.

« Tout le monde était le bienvenu à notre table », a déclaré McPherson.

Elle a ensuite fait une analogie avec le défi auquel le NPD est actuellement confronté.

Selon la candidate d'Edmonton, le parti doit devenir plus comme sa famille. Il doit devenir plus ouvert et accueillant.

« Nous devons cesser de repousser les gens », a déclaré Mme McPherson à son auditoire. « Nous devons cesser de nous replier sur une sorte de test de pureté. Nous devons inviter les gens à se joindre à nous. »

Mme McPherson s'est montrée passionnée sur ce point.

« Nous devons avoir plus de gens à la table et nous devons les écouter. Le NPD a été fondé par des agriculteurs et des travailleurs urbains qui se sont unis, et nous devons renouer avec ces deux groupes. »

McPherson a beaucoup parlé de l'unité du parti et de la pertinence du NPD dans toutes les régions du pays.

Elle a déclaré que les libéraux sont principalement un parti urbain, tandis que les conservateurs sont principalement ruraux. Le NPD, a-t-elle soutenu, devrait être le parti de tous les Canadiens.

Jusqu'à présent, la course à la direction ne met pas l'accent sur la politique

Curieusement, ni Lewis ni McPherson n'ont jusqu'à présent beaucoup parlé du virage à droite du gouvernement libéral de Mark Carney.

McPherson a cité dans son discours la première ministre conservatrice de l'Alberta, Danielle Smith, et le chef conservateur fédéral, Pierre Poilievre. Mais elle a, pour l'essentiel, ignoré le premier ministre Mark Carney, se contentant de le décrire comme « un conservateur dans un maillot libéral ».

Elle n'a pas non plus beaucoup parlé de la figure menaçante du président américain et de son régime rapace. Avi Lewis a mentionné cette menace dans sa vidéo.

De nombreux néo-démocrates semblent avoir décidé que la question centrale de la campagne électorale d'avril dernier n'était plus d'actualité. Certains stratèges du NPD l'ont d'ailleurs déclaré dans des interviews accordées aux médias.

Au lieu de s'attarder sur les menaces qui pèsent sur l'existence même du Canada, Lewis et McPherson insistent tous deux sur le fait qu'ils se soucient profondément des difficultés économiques que connaissent de nombreux Canadiens.

Ils affirment tous deux que trop de Canadiens n'ont pas les moyens de se loger décemment ou de se nourrir correctement.

Jusqu'à présent, les campagnes à la direction n'ont pas beaucoup abordé les alternatives qu'elles privilégieraient par rapport aux politiques actuelles du gouvernement libéral, même si le discours de Lewis fait écho, dans une certaine mesure, au Manifeste Leap, adapté à une époque différente.

Dans sa vidéo, Lewis a notamment proposé d'instaurer un impôt sur la fortune. Il s'agit là d'une idée encore radicale pour les libéraux traditionnels et la plupart des commentateurs économiques.

En revanche, dans son discours de lancement de campagne, McPherson n'a littéralement pas dit un mot sur les politiques concrètes qu'elle souhaite voir le NPD proposer aux Canadiens.

Elle a entièrement mis l'accent sur sa capacité à diriger, à s'organiser et à établir des liens avec la base.

Certains professionnels de la politique affirment que des politiques cohérentes n'ont pas beaucoup d'importance à l'heure actuelle. Selon eux, la politique est une affaire superficielle, qui repose uniquement sur l'image et l'impression, et non sur le fond.

Ils ont peut-être raison.

Le chef conservateur Pierre Poilievre a réussi à rallier un large soutien simplement en exprimant son inquiétude pour les Canadiens ordinaires, sans vraiment préciser ce qu'il comptait faire pour remédier à leurs difficultés.

Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, doit presque entièrement son succès à son image d'homme simple et franc, qu'il a soigneusement cultivée. Il change si souvent d'avis qu'on pourrait avoir le tournis en essayant de comprendre sa position sur les questions politiques.

Mais les néo-démocrates, contrairement aux autres partis, ont toujours été très axés sur les politiques. Jack Layton disait souvent qu'il s'intéressait davantage aux propositions qu'à l'opposition.

La campagne pour la direction du parti sera longue.

La date limite pour déclarer les candidats officiellement sanctionnés est dans quatre mois, le 31 janvier 2026.

Les autres candidats auront donc tout le temps de se présenter, et les candidats actuels de proposer des options politiques nouvelles et créatives.

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Hegseth et Trump prennent des mesures pour s’assurer la loyauté des hauts gradés de l’armée envers eux par dessus la Constitution.

7 octobre, par Oakland socialist — ,
Il y a quatre jours, Oaklandsocialist mettait en garde contre la réunion imminente de tous les hauts gradés avec Hegseth et Trump. « Attention aux démarches de Trump/Hegseth au (…)

Il y a quatre jours, Oaklandsocialist mettait en garde contre la réunion imminente de tous les hauts gradés avec Hegseth et Trump. « Attention aux démarches de Trump/Hegseth au sein de l'armée américaine ! » écrivions-nous. Nous expliquions qu'il s'agirait d'une mesure visant à garantir la loyauté totale des hauts gradés envers Trump, plutôt qu'envers la Constitution américaine, c'est-à-dire les instruments traditionnels du pouvoir capitaliste.

Tiré de Arguments pour la lutte sociale
1er octobre 2025 | https://aplutsoc.org/2025/10/01/hegseth-et-trump-prennent-des-mesures-pour-sassurer-la-loyaute-des-hauts-grades-de-larmee-envers-eux-par-dessus-la-constitution-par-oakland-socialist/

30 septembre 2025 - Trump vient de leur dire : "Je n'ai jamais vu une salle aussi silencieuse... Si vous voulez applaudir, applaudissez. Vous pouvez faire ce que vous voulez. Si vous n'aimez pas ce que je dis, vous pouvez quitter la salle. Vous perdrez votre rang et votre avenir."

Nous expliquions qu'il s'agissait de prendre des mesures pour garantir que les élections de 2026 ne conduisent pas Trump à perdre le contrôle des deux chambres du Congrès. Nous expliquions également que cela impliquait la théorie de l'« exécutif unitaire » de la présidence. (Voir notre article pour plus d'explications et cet articlepour une analyse historique de cette idée et de ses conséquences.)

Il était évident que c'était bien de cela qu'il s'agissait. Bien sûr, il serait exagéré d'attendre d'un seul dirigeant syndical ou d'un seul syndicat qu'il lance un tel avertissement. Surtout quand certains syndicats soutiennent le pire candidat de MAGA – Vivek Ramaswamy – au poste de gouverneur de l'Ohio, et sans la moindre protestation de la part d'aucun autre secteur du mouvement syndical. Il serait également exagéré d'espérer que le mouvement socialiste – tel qu'il est – y prête attention.

Après tout, la plupart d'entre eux ont effectivement fait campagne pour Trump l'année dernière. Ils l'ont fait en concentrant tous leurs tirs sur les Démocrates pendant la campagne électorale, sans un seul avertissement quant à ce que Trump et MAGA leur réservaient. Depuis, ils n'ont rien appris. Presque pas un mot sur les droits de douane. Presque pas un mot sur la menace que Trump représente pour les élections de l'année prochaine. Presque pas un mot sur les attaques de Trump contre les médias grand public ou les grands cabinets d'avocats. Oh non ! Cela les ferait passer pour des partisans du Parti démocrate, qu'ils considèrent comme le plus grand danger. Même quelques démocrates commencent à s'inquiéter des actions de Trump concernant les prochaines élections – un peu tard et discrètement, mais au moins ils disent quelque chose.

La réunion militaire a eu lieu et a confirmé tout ce que nous avions écrit. Lors de la réunion des hauts gradés aujourd'hui, Hegseth a donné le ton à Trump, en disant aux généraux que s'ils n'adhéraient pas totalement à son programme, ils devraient démissionner. Trump a poursuivi sur sa lancée. Il a déclaré que les villes américaines sont « des endroits très dangereux, et nous allons les redresser une par une. Et cela va être un point crucial pour certaines personnes présentes dans cette salle. C'est aussi une guerre. C'est une guerre intérieure. J'ai dit [au secrétaire à la Défense Pete Hegseth] que nous devrions utiliser certaines de ces villes dangereuses comme terrains d'entraînement pour nos militaires – [pas seulement] la Garde nationale, mais aussi nos militaires, car nous allons bientôt intervenir à Chicago. »

Il en a dit beaucoup plus (que nous analyserons la semaine prochaine), mais l'objectif principal de la réunion était de garantir que lorsque Trump ordonnera à l'armée de violer la Constitution américaine, il obtiendra une obéissance absolue sur toute la ligne. Leur capacité à y parvenir dépendra en grande partie de la manière dont les soldats obéiront sans hésitation aux ordres. Cela dépendra en grande partie de l'ampleur de la résistance ouvrière. À en juger par toutes les performances, une telle résistance devra se développer de manière semi-spontanée et organique, car les dirigeants de la classe ouvrière – les dirigeants syndicaux – ne feront rien pour l'organiser, et la gauche socialiste, qui n'est en grande partie que la « couverture de gauche » des dirigeants syndicaux « progressistes » (lorsqu'ils n'affichent pas leurs références « révolutionnaires »), ne le fera pas non plus… même si elle avait des racines dans la classe ouvrière, ce qui n'est heureusement pas le cas.

Il appartient donc aux socialistes issus de la classe ouvrière de se préparer dès maintenant. Une étape importante consiste à trouver des syndicalistes prêts à organiser des groupes de base au sein des syndicats, désireux et capables de s'organiser pour une véritable transformation de nos syndicats. Ce n'est pas une tâche facile, certes, mais cela n'a jamais été aussi nécessaire.

Le 01/10/2025.

Source : https://oaklandsocialist.com/2025/10/01/hegseth-trump-take-step-to-ensure-military-brass-loyalty-to-them-over-constitution/

Nota : L'intégrale du discours prononcé par Peter Hegseth le 30 septembre 2025 devant la crème des généraux de l'armée US est disponible sur Le Grand Continent.

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Investir dans les cerveaux

7 octobre, par Gérard Montpetit — , ,
Le 23 septembre dernier, devant l'ONU, le président Trump a livré un discours sidérant où il exposait tout son mépris pour les faits scientifiques. Entre autres, il déclarait (…)

Le 23 septembre dernier, devant l'ONU, le président Trump a livré un discours sidérant où il exposait tout son mépris pour les faits scientifiques. Entre autres, il déclarait que les changements climatiques étaient « la plus grande arnaque jamais perpétrée dans le monde ».

Selon cette logique trumpienne, « l'empreinte carbone est un canular inventé par des personnes ayant de mauvaises intentions. »[1] Face aux changements climatiques observables au niveau planétaire et devant le consensus de la vaste majorité des experts et les rapports du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) depuis trente ans,[2] on peut se demander qui a de « mauvaises intentions » ?

Quoi qu'il en soit, ce discours se veut une tentative d'internationaliser la politique anti-science qui caractérise sa politique intérieure. Lors de l'émission Découverte de la SRC du 21 septembre, [3] nous apprenons que des coupes draconiennes ont été faites au financement d'institutions aussi réputées que le CDC (Center for Disease Control)[4], la FDA (Food and Drug Administration)[5], le NIH (National Institute of Health)[6], la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration)[7], et l'EPA (Environmental Protection Agency)[8]. Une partie de l'émission Découverte décriait en outre les coupes au financement de la recherche qui a pour but de vérifier l'état de santé des eaux frontalières des Grands Lacs. Ça, c'est sans parler des coupures de postes à la tronçonneuse effectuées par le DOGE (Department of Government Efficiency) d'Elon Musk ![9]

Décourageant ! Le secteur Recherche et développement (R et D) est le fondement de l'économie de demain ; c'est cette recherche de pointe qui a permis aux USA de devenir la superpuissance du 20e siècle. Malgré son slogan de redonner aux États-Unis leur grandeur d'antan, M. Trump adopte une politique qui ne peut que mettre son pays sur une voie d'évitement de l'histoire. Dans ce contexte politico-économique, comment tirer notre épingle du jeu ?

La question de l'urne des élections du mois d'avril a été de savoir qui serait le plus apte à faire face à la politique trumpienne. Oui, il faut diversifier nos exportations vers l'Europe et le reste du monde ! Oui, il faut renégocier l'Accord de libre-échange avec les É-U et le Mexique ! Mais la carte gagnante serait d'investir massivement dans le domaine que la politique trumpienne a évacué : la recherche et le développement ! Faisons comme à l'époque du « New Deal » de Roosevelt. Beaucoup de scientifiques avaient fui l'Allemagne nazi ; les États-Unis les ont accueillis à bras ouvert, dont un certain Albert Einstein. De même, je me souviens que dans mon école secondaire ontarienne, la devise était « Knowledge is power » (la connaissance, c'est la puissance). La connaissance, c'est l'avantage scientifique et technologique ; c'est la clé de voûte qui a permis aux Américains de rayonner dans le monde durant le 20e siècle.

Nos projets d'INTÉRÊT NATIONAL ne doivent pas être les pipelines, ni le développement des sables bitumineux. Ne commettons pas l'erreur de M. Trump de nous retourner vers les énergies du passé. La Chine l'a compris en devenant le leader mondial de l'éolien et des panneaux solaires. Les Chinois maîtrisent le marché mondial des terres rares et des minéraux stratégiques. Quant à leurs véhicules électriques (VE), ils sont tellement en avance sur la concurrence nord-américaine que les États-Unis et le Canada doivent imposer des tarifs de 100% pour maintenir temporairement l'industrie nord-américaine sur le respirateur artificiel. Même M. Farley, PDG de Ford, a été impressionné en conduisant un VE chinois. Sans ces tarifs vertigineux, « les VE chinois sont tellement peu dispendieux et de haute technologie qu'ils pourraient étouffer la compétition de toutes les voitures, pas seulement celles à propulsion électrique. »[10] Face à l'avance technologique de l'industrie automobile chinoise, le PDG de Ford a trouvé l'expérience troublante ![11]

Non ! Les changements climatiques ne sont pas une arnaque ! N'en déplaise à M. Trump, ceux qui miseront sur la technologie de l'avenir domineront le monde de demain. Dans le cadre de la loi C-5, notre principal projet D'INTÉRÊT NATIONAL se doit d'être une invitation à tous les chercheurs qui ont été évincés ou qui ont perdu leur financement par suite de la politique obscurantiste trumpienne. On doit financer massivement ces chercheurs et leur ouvrir les bras dans nos universités. Miser sur les cerveaux et la connaissance est le meilleur investissement que nous puissions faire. En tournant le dos à la connaissance, le résultat probable de cette politique états-unienne rétrograde risque fort de condamner l'Amérique à devenir un pathétique État dépassé, à l'opposé du « MAGA » : « Make America a HAS BEEN country ? »

En investissant dans la connaissance, nous misons sur l'avenir en nous servant des erreurs stratégiques de M. Trump !

Gérard Montpetit
La Présentation
le 1er octobre 2025


1] https://www.washingtonpost.com/politics/2025/09/23/trump-united-nations-immigration-climate-change/?utm_campaign=wp_the7&utm_medium=email&utm_source=newsletter&carta-url=https%3A%2F%2Fs2.washingtonpost.com%2Fcar-ln-tr%2F44f6abe%2F68d3cd6683e69b319c7abb93%2F679ba1b2e97f7d2ffeddd5e4%2F18%2F111%2F68d3cd6683e69b319c7abb93

2 ] https://www.goodplanet.info/2022/02/28/dernier-rapport-du-giec-lessentiel/

3] https://ici.radio-canada.ca/tele/decouverte/site/episodes/1113345/grands-lacs-eau-douce-trump

4] https://en.wikipedia.org/wiki/Centers_for_Disease_Control_and_Prevention

5] https://en.wikipedia.org/wiki/Food_and_Drug_Administration

6] https://fr.wikipedia.org/wiki/National_Institutes_of_Health

7] https://en.wikipedia.org/wiki/NOAA_in_the_second_Trump_administration

8] https://en.wikipedia.org/wiki/United_States_Environmental_Protection_Agency

9] https://www.cbc.ca/news/world/musk-doge-federal-workers-explain-report-past-week-1.7466152

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10) https://www.theatlantic.com/technology/archive/2025/08/ford-china-electric-cars/683880/

11] https://insideevs.com/news/764318/ford-ceo-china-evs-humbled/

Contre la complicité – Déclaration de la diaspora pakistanaise rejetant l’adhésion du Premier ministre Shehbaz Sharif au plan Trump-Netanyahou pour Gaza

7 octobre, par Pakistanis For Palestine (Pakistanais pour la Palestine) — , , , ,
« Ce passeport est valable dans tous les pays du monde, à l'exception d'Israël. » – Le passeport pakistanais Photo Serge D'Ignazio Tiohtià:ke/Montréal, le 4 octobre (…)

« Ce passeport est valable dans tous les pays du monde, à l'exception d'Israël. »
Le passeport pakistanais

Photo Serge D'Ignazio

Tiohtià:ke/Montréal, le 4 octobre 2025

En tant que diaspora pakistanaise concernée, nous exprimons par la présente notre plus vive condamnation de l'approbation par le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif de la proposition de Donald Trump concernant Gaza et ne pouvons rester les bras croisés alors que le Pakistan se rend complice du génocide du peuple palestinien actuellement en cours.

Nous tenons à préciser que le peuple pakistanais maintien son soutien au peuple palestinien et à son droit à l'autodétermination. Nous sommes aux côtés du peuple palestinien et lui exprimons notre solidarité sans équivoque.

Nous rejetons toute tentative des dirigeants pakistanais de négocier des accords qui légitimeraient des politiques impérialistes ou qui conduiraient à la dépossession du peuple palestinien. Si le plan présenté par Trump n'est pas celui auquel les diplomates pakistanais ont donné leur accord, nous exhortons les dirigeants à s'en distancier.

Le plan proposé n'ouvre pas la voie vers la paix ; il s'agit d'un projet imposé de l'extérieur, conçu afin d'asservir les Palestiniens et effacer leur droit à l'autodétermination. Depuis octobre 2023, Israël a dévasté Gaza, attaqué et tué des innocents au Liban, au Yémen, en Syrie, en Tunisie et en Iran. Israël a également lancé une attaque ciblée au Qatar alors qu'un dialogue diplomatique avec les représentants du Hamas était en cours. Tout cela s'est produit en toute impunité et avec la protection des puissances impérialistes occidentales, en particulier les États-Unis d'Amérique. Nous refusons toute tentative d'alliance avec tout état-nation qui aurait permis la destruction de Gaza. De plus, nous condamnons fermement l'utilisation du terme « guerre » par le Premier ministre Shehbaz Sharif pour décrire l'attaque d'Israël contre Gaza. Il s'agit d'un génocide. Des juristes internationaux, des experts de l'ONU et des organisations de défense des droits humains ont présenté des preuves irréfutables de destruction systématique, de meurtres de masse et de punitions collectives. Faire fi de cette vérité revient à accorder l'impunité à Israël pour ses actions visant à décimer Gaza et à massacrer des dizaines de milliers de civils innocents, dont des centaines de milliers sont portés disparus, ensevelis sous les décombres.

Les membres fondateurs de cette nation savaient ce que représentait la Palestine. En 1938, à Patna, Quaid-e-Azam Muhammad Ali Jinnah, reconnaissant le fait que les Arabes palestiniens avaient été « trahis » par la déclaration Balfour de 1917, déclara dans son discours présidentiel devant la Ligue musulmane pan-indienne (AIML) :

« Parmi les questions urgentes auxquelles nous devons faire face, et qui pourraient être soulevées devant le Comité des sujets, figure la question palestinienne. Je sais à quel point les sentiments des musulmans ont été profondément remués par la question palestinienne. Je sais que les musulmans ne reculeront devant aucun sacrifice s'il le faut pour aider les Arabes qui luttent pour leur liberté nationale. Vous savez que les Arabes ont été traités de manière honteuse : ces hommes qui, tout en se battant pour la liberté de leur pays, ont été qualifiés de gangsters et soumis à toutes sortes de formes de répression. Pour avoir défendu leur patrie, ils sont réprimés à la pointe d'une baïonnette et à l'aide de lois martiales. Mais aucune nation, aucun peuple digne de vivre en tant que nation, ne peut accomplir de grandes choses sans faire de grands sacrifices, comme ceux que font les Arabes de Palestine. Toute notre sympathie va à ces vaillants martyrs qui mènent un combat de liberté contre les usurpateurs. »

De plus, l'une des premières déclarations politiques internationales du Pakistan a été faite en solidarité avec la Palestine. En 1947, Sir Muhammad Zafrullah Khan, premier ministre des Affaires étrangères du Pakistan, a averti les Nations unies que la partition de la Palestine contre la volonté de son peuple constituerait « le risque le plus grave de compromettre, de manière irréparable, toute chance de coopération réelle entre l'Orient et l'Occident, en enfonçant de force ce qui équivaut en fait à une faille occidental au cœur du Moyen-Orient ». Prononcées il y a plus de soixante-dix ans, ses paroles résonnent encore aujourd'hui avec une clarté troublante.

Nous appelons donc à tous les Pakistanais, tant de la société civile que des partis politiques, à exiger du gouvernement :

1. Le retrait officiel et complet de tout soutien aux « plans de paix » imposés de l'extérieur à Gaza.

2. Une déclaration publique reconnaissant que l'attaque actuelle d'Israël contre Gaza constitue un génocide et la condamnant en tant que telle.

3. Une politique étrangère renouvelée qui place l'autodétermination palestinienne en son centre, rejette la normalisation sans justice, rejette la démilitarisation de la bande de Gaza et insiste sur le fait que toute paix doit être ancrée dans la pleine souveraineté, et non sous quelconque tutelle ou « conseil » étranger.

4. Un soutien solide (diplomatique, financier, moral) aux représentants légitimes de la Palestine, et des résolutions parlementaires affirmant cela.

Les Palestiniens doivent être au centre de toutes les négociations ou décisions concernant leur patrie. Toute tentative de la part de l'entité sioniste ou du régime américain visant à marginaliser les Palestiniens, qui sont les autochtones de leur terre, ne sera pas tolérée. Il ne s'agit pas seulement d'une question de politique régionale ; mais teste également la relation qu'a le Pakistan avec les injustices coloniales et le droit international. Soit, nous nous rangeons sans équivoque du côté de ceux qui résistent à une occupation brutale, comme l'affirment les principes du droit international et le droit à l'autodétermination, soit nous risquons d'affaiblir notre propre engagement en faveur de la justice, de la souveraineté et du cadre juridique même qui nous protège tous.

Source : Pakistanis For Palestine (Pakistanais pour la Palestine)
https://www.instagram.com/pakistanis4palestine/

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