Presse-toi à gauche !
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Ruba, le visage d’un pays qui se réinvente !
« Il est exactement quelqu'un comme Ruba Ghazal ». C'est ainsi qu'un internaute a fini par me qualifier.
Je l'ignorais, que j'étais comme Ruba, que je pouvais refléter un fragment de sa personnalité ou de sa façon d'exister. La personne ignore peut-être qu'avec une telle association, il me fait plaisir. Je la remercie. Le commentaire voulait sûrement laisser entendre que j'étais un admirateur de Ruba Ghazal. Je dois dire que ce n'est pas la première fois que je sois amusé de lire des opinions que l'on formule sur moi. Positives ou négatives, elles m'amusent au même degré, et d'ailleurs, il m'arrive de penser que ceux qui me critiquent n'ont pas toujours tout à fait tort, et ceux qui me complimentent n'ont pas entièrement tout à fait raison. Mais ça, c'est un autre chapitre dans le grand roman de mes contradictions.
Revenons à Ruba, c'est d'elle qu'il s'agit. Comment a t'on deviné que j'en étais admirateur ? Je reconnais, je n'ai jamais été doué pour dissimuler mes sympathies. Je l'avoue donc sans emphase mais avec certitude, je suis un admirateur de Ruba Ghazal. Je ne le dis pas par solidarité de circonstance ou pour répondre à ses détracteurs, elle n'a nul besoin d'escorte, elle se défend seule, avec cette élégance que possèdent les convictions profondément ancrées.
Je l'ai suivie dès son apparition dans la vie publique, dès que son nom a commencé à circuler, comme une rumeur bienveillante, avant de devenir une présence affirmée. Le fait qu'elle soit d'origine palestinienne n'est pas étranger à mon attachement, je porte en moi une tendresse particulière pour ce peuple, pour sa résilience presque surnaturelle. Mais au delà des affinités personnelles, elle incarne ce que la politique peut encore offrir de plus noble.
Ruba est de ces êtres droits. Solidaire jusqu'au cœur, loyale, constante, incapable de renier ses idéaux. Les tumultes internes de son parti n'ont jamais entamé sa droiture, ni son découragement. Elle a cette manière, cet art de tenir tête au cynisme comme on oppose le regard à la tempête. Elle conjugue la fermeté et la tendresse, la lucidité et la compassion. C'est une femme politique qui ne se contente pas d'être présente dans l'arène, elle en modifie la forme, elle en déplace les frontières. Même quand elle critique sévèrement l'adversaire politique en face, c'est toujours dans le but de construire des ponts et ce pourquoi elle a été élue, s'opposer au pouvoir quand ce dernier vacille.
Son parcours s'est construit à même les pierres du réel. Députée de Mercier, membre fondatrice de Québec solidaire, militante avant d'être élue, engagée dans la défense de l'environnement, des droits humains, des enjeux sociaux. Elle aurait pu suivre la route toute tracée que son diplôme d'ingénieure ouvrait devant elle, mais elle a préféré les chemins escarpés de la chose publique. Et c'est ainsi qu'elle est entrée dans la vie politique, non pas façonnée par une machine, mais forgée par la réalité, les idées et les luttes. Elle a apporté ses valeurs, ses cicatrices, ses colères et ses espoirs.
Comme moi, Ruba est souverainiste. Par sa qualité de porte-parole de son parti, elle sera appelée à jouer un grand rôle au prochain rendez-vous du Québec avec l'histoire. Ceux, parmi les identitaires, qui s'attaquent à elle personnellement, rendent-ils service à la cause souverainiste ? Rendent-ils service au Québec ? S'ils continuent dans cette manoeuvre, ils se tirent dans les pieds. Je recommande vivement à tous les souverainistes de faire de Ruba et ce qu'elle représente, un formidable atout pour le prochain grand rendez-vous.
Comme moi, Ruba est issue de l'immigration. Comme moi, elle sait que l'appartenance ne se mesure pas seulement à la langue d'origine, ni au lieu de naissance, mais au geste d'habiter une société en l'enrichissant. Sa présence à l'Assemblée nationale porte la preuve d'un pays qui se redéfinit et se réinvente. Ceux qui l'observent savent que son regard sur le monde est traversé d'ouverture et de lucidité. Comme citoyen et comme élue, elle a toujours joué un rôle positif dans une société francophone moderne, accueillante, confiante. Et ceux qui s'en prennent à elle personnellement se trompent d'époque, de cible et d'histoire. Ils semblent ne pas voir en elle une richesse, un trésor national.
Je ne suis pas membre de Québec solidaire, mais j'ai toujours voté QS depuis sa fondation. Parfois, j'ai reproché à ce parti d'être réfractaire au vernis, de négliger l'emballage, de manquer de stratégie d'image. J'ai souvent pensé qu'un peu de mise en scène ne ferait pas de tort. Et puis j'ai observé Manon. Puis Ruba. Et j'ai compris que leur style, c'était précisément de ne pas en avoir trop. Les éléments de langage ce n'est pas le style de ces deux femmes admirables. Leur langage est fidèle à la substance de leur message. Leur discours n'est pas une esthétique, mais une vérité. Une authenticité. Québec solidaire ne joue pas la politique, il la pense, il l'ancre, il la défend.
Depuis ses débuts, j'ai suivi avec respect ce parti, cette maison politique où se croisent des héritages de courage. J'ai gardé une admiration intacte pour Amir, Françoise et Manon. Ruba s'inscrit dans cette continuité, avec sa signature propre. Québec solidaire est devenu un espace singulier dans notre paysage démocratique, un contrepoids, une voix qui défend le bien commun. Il tient lieu de mémoire et de conscience.
Ruba Ghazal et Québec solidaire forment, à mes yeux, une même respiration. Ils rappellent qu'il existe encore des femmes et des hommes capables de faire de la politique avec humanité, avec profondeur, avec fidélité à une certaine idée du monde. Un monde où les très riches partagent un peu plus leurs richesses, un monde ou l'égalité est un principe sacrée et une action constante.
Je rends hommage à Ruba aujourd'hui parce qu'on ne rend plus hommage aux politiciens qui tiennent bon malgré les insultes. La politique, malgré ses déceptions, peut rester un lieu vivant, un lieu vrai, un lieu de sens, à condition de lui apporter notre soutien, notre voix et à l'occasion, un hommage.
Mohamed Lotfi
1 Décembre 2025
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Lancement de la Campagne nationale 2026 pour un transport adapté digne, juste et équitable
Une mobilisation historique pour la défense du transport adapté au Québec
Alliance des Regroupements des usagers du transport adapté du Québec (ARUTAQ)
01 déc, 2025,
MONTRÉAL, le 1er déc. 2025 /CNW/ - À la veille de la Journée internationale des personnes handicapées qui se tiendra le 3 décembre sous le thème québécois "comprendre, agir, bâtir", trois grandes organisations québécoises de portée provinciale, l'ARUTAQ, l'AQRIPH et la COPHAN unissent leurs voix au sein de la nouvelle Coalition transport adapté. Ensemble, elles lancent le Manifeste pour un transport adapté digne, juste et équitable.
Le transport adapté : clé d'une participation citoyenne pleine et entière (Groupe CNW/Alliance des Regroupements des usagers du transport adapté du Québec (ARUTAQ))
Le transport adapté : clé d'une participation citoyenne pleine et entière (Groupe CNW/Alliance des Regroupements des usagers du transport adapté du Québec (ARUTAQ))
– Parce que se déplacer, c'est vivre.
– Parce que l'inclusion sans mobilité n'est qu'un concept.
– Parce que le droit au transport adapté, inscrit dans nos lois, n'est pas appliqué de manière équitable à travers tout le Québec.
Un cri d'alarme collectif
Chaque jour, des milliers de personnes admises au service public de transport adapté et leurs proches se heurtent à un réseau de transport fragmenté et inégal. Manque de véhicules, pénurie de chauffeurs formés, temps d'attente déraisonnables, compressions de service : la réalité du terrain met en péril la participation sociale, économique et citoyenne de milliers de Québécoises et Québécois.
« Nous refusons un Québec à deux vitesses où l'accès à la mobilité dépend du code postal. Le transport adapté est un droit, pas un privilège », déclare Annie Des Rosiers, présidente du conseil d'administration de l'ARUTAQ.
« En 2026, il est inacceptable que des citoyens admissibles à un service public voient leurs déplacements essentiels compromis. »
Des revendications claires avant les élections provinciales
À moins d'un an des élections provinciales de 2026, la Coalition transport adapté réclame des engagements fermes de tous les partis politiques afin d'assurer un service équitable et durable partout au Québec.
Elle demande notamment :
– Un financement récurrent, indexé et prévisible, aligné sur la croissance des besoins.
– Des programmes structurés de recrutement et de formation de chauffeurs en transport adapté.
– Un fonds dédié spécifiquement à l'acquisition de véhicules adaptés et sécuritaires.
La reconnaissance politique du transport adapté comme service essentiel.
– Des normes uniformes de sécurité et un mécanisme indépendant pour le traitement des plaintes.
« Nos régions vivent une iniquité criante. D'une ville à l'autre, l'accès à un déplacement peut faire toute la différence entre la participation et l'exclusion », souligne Patrick Paulin, président de l'AQRIPH. « Il est temps que le gouvernement fasse du transport adapté une véritable priorité nationale. »
Une campagne portée par et pour les personnes concernées
Cette mobilisation s'inscrit dans un mouvement mondial visant à renforcer le leadership des personnes handicapées.
Le Manifeste pour un transport adapté digne, juste et équitable, cœur de la campagne, est maintenant en ligne.
La Coalition transport adapté invite l'ensemble de la population, des organismes et des élus à le lire et à le signer dès aujourd'hui sur le site officiel :https://arutaq.org/campagne-nationale-2026/
« Le transport adapté est au cœur de l'inclusion sociale. Sans lui, impossible de travailler, d'étudier, de se soigner ou de participer à la vie communautaire », déclare Michel Gaudet, président de la COPHAN. « Ensemble, nous appelons à un Québec, où la mobilité est un droit fondamental garanti à toutes et tous. »
À propos de la Coalition transport adapté
La Campagne 2026 pour un transport adapté digne, juste et équitable est pilotée par l'Alliance des regroupements d'usagers du transport adapté du Québec (ARUTAQ) et menée en coalition avec l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées (AQRIPH) et la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN)
Ensemble, elles représentent des milliers d'usagers, de familles, d'organismes et de partenaires mobilisés pour défendre le droit fondamental à la mobilité et à la participation citoyenne.
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La tentation pragmatique de Vincent
Je n'écris pas ces lignes pour accabler Vincent Marissal. J'écris ces lignes pour m'adresser à la cheffe de QS et aux radicaux de la base militante.
Je n'écris pas ces lignes pour accabler Vincent Marissal. J'écris ces lignes pour m'adresser à la cheffe de QS et aux radicaux de la base militante.
Mais avant, quelques mots pour clarifier mes propos dans les médias. J'aurais souhaité que Vincent ne quitte pas le navire QS pendant que QS traverse une période houleuse. Je suis certain que s'il en avait eu la force, Vincent aurait aussi voulu pouvoir faire preuve de ténacité et de conviction comme Pascal Bérubé qui est demeuré à la barre du PQ durant les années de la traversée du désert. Mais les convictions changent parfois et les siennes ont bougé, ce qui est humain et légitime. Dans cette circonstance je suppose aussi qu'il aurait souhaité un départ digne et serein comme Gabriel ; comme celui de Lionel Carmant qui a quitté la CAQ sans insulter les militant-es de la base, celles et ceux-là même qui ont œuvré sans compter leurs heures et leur énergie pour le faire élire. Hélas, ça ne s'est pas passé comme ça, et je crois que Vincent est le premier à le regretter. C'est une nuance qui importe.
À la cheffe de QS
La plupart des député-es qui quittent leurs partis le font parce qu'ils sont en désaccord avec leurs chefs. Vincent Marissal a fait la même chose : il s'est plaint de la base militante parce qu'il avait compris que la base militante est la véritable et seule cheffe de QS.
Ruba et Sol – et d'autres porte-paroles avant eux comme Françoise, Manon, Émilise, André Frappier, Andres Fontecilla et moi-même je crois bien, avons bien assimilé cette réalité et l'avons intégrée tant bien que mal dans nos pratiques. Gab a sans doute tenté de le faire aussi, mais avec quelques difficultés. Vincent toutefois, comme quelques-autres d'entre nous les Solidaires- n'a finalement pas pu accepter que la ''base militante'' soit la cheffe. Et ça donne ce départ.
Je dis quelques autres d'entre nous en me rappelant par exemple d'une des membres du comité de coordination nationale de l'UFP et qui était parmi les fondatrices de QS en 2006. Elle ne cessait de s'en plaindre en privé et me voulait comme chef. Mais dans la réflexion qui a mené à la fondation de QS on a préféré rompre avec cette structure hiérarchique politique, celle de chef, héritée de la nuit des temps. QS a choisi de faire de la délibération de ses membres son unique cheffe. Comment un assemblage de gens en délibération peut remplir le rôle de chef ? Tout chef est en constante délibération avec lui-même et son entourage. Rien de différent à ce chapitre si ce n'est un mécanique plus compliqué, mais pas tant à l'ère moderne des moyens de communication en continue.
La structure hiérarchique novatrice que QS s'est donnée à sa fondation ne vise ni à étouffer personne ni à embrigader quiconque contre son gré. Elle est connue de toutes et tous à l'admission dans nos rangs. C'est une vision démocratique qui correspond selon nous à l'évolution des sociétés démocratiques et à l'approfondissement de la démocratie en faveur de structures de représentation et de délégation de pouvoir décentralisées.
La chefferie traditionnelle qui s'incarne dans une personne est la pierre angulaire des organisations et sociétés autoritaires primitives ou traditionnelles. Il est cependant navrant de constater qu'à l'ère de la littératie universelle et la démocratisation du savoir et des droits, nos structures de pouvoir contemporaines soient encore aussi lourdement imprégnées de ce schéma archaïque.
Renoncer à une organisation du pouvoir centrée sur un-e chef-fe est de mon point de vue une autre étape dans le long parcours d'un idéal démocratique qui a émergé il y a trois ou quatre siècles avec le renversement des monarchies despotiques. Diminuer, voire abolir les pouvoirs confiés au chef a pour objectif ultime de diminuer le plus possible l'inégalité inhérente qui existe dans la relation entre gouvernants et gouvernés. Car cette inégalité est un obstacle à l'idéal démocratique qui vise la pleine souveraineté des peuples et des citoyens.
Qui dit idéal se pose la question de son accessibilité. Évidemment on peut douter que cet idéal soit réalisable dans un avenir prévisible. Mais rien n'empêche les organisations qui tendent vers une plus grande autonomie et souveraineté des citoyens à diminuer cette inégalité en innovant. Ce qui requiert d'abord le dépassement des structures anciennes, dont celles dominées par la figure du chef.
Ceci ne se fera pas par génération spontanée. Ce dépassement nécessite des tentatives comme la nôtre de faire évoluer la culture démocratique qui tarde à accoucher de la démocratie participative. C'est dans cette perspective que QS a choisi de renoncer à se donner un-e chef-fe en confiant le rôle de le représenter à des porte-paroles. QS a voulu dès le départ en 2006 mettre en pratique plusieurs des innovations déjà pratiquées par des formations politiques ailleurs dans le monde qui étaient en rupture avec la démocratie libérale bourgeoise. Si en 2006 cela était moins apparent, ça crève maintenant les yeux que nos démocraties libérales (qui en portent de moins en moins bien le nom) sont de plus en plus en proie à l'influence sinon au contrôle total d'une poignée de riches et de puissants oligarques qui veulent nous dicter la marche du monde. Ces élites ultra-minoritaires se sont dotées d'un contrôle étendu des appareils médiatiques et politiques de toutes sortes de manières directes et détournées. Mais cette usurpation des pouvoirs au sein des démocraties représentatives n'a été rendue possible que par la collusion au sommet par des individus qui se sont hissés au pouvoir pour ensuite utiliser les prérogatives du ‘'chef politique'' pour avancer les intérêts de cette ultra-minorité.
Cet exercice corrompu des prérogatives du chef s'est effectué en toute ‘'légitimité institutionnelle'', au mépris de la base politique (base militante des partis) qui les a placés en position de décider, et au détriment du plus grand nombre. Trump en est une illustration extrême. Mais presque toutes les démocraties occidentales en offrent des exemples.
Macron est un exemple différent de Trump par ‘'sa saveur'' mais identique en substance : corruption de la démocratie représentative au profit d'une minorité de nantis par l'exercice sans partage du pouvoir rendu possible par les prérogatives qu'imposent la place hiérarchique du chef. Les deux illustrent de manière extrême à quel point les pouvoirs confiés aux ‘'chefs'' d'organisations politiques peuvent faire le lit de cette usurpation du pouvoir par la classe économique archi-minoritaire mais dominante des ultra-riches. C'est un élément facilitateur déterminant dans les nombreux exemples de la corruption de l'exercice de la démocratie représentative qu'on pourrait facilement répertorier.
Toute l'architecture de ces modèles de structuration et de distribution centralisée du pouvoir alentour du chef dans les partis est donc à revoir, car elle est partie prenante – comme le rôle du lobby professionnel au service d'entités à but lucratif - dans cette immense corruption.
Aux radicaux qui veulent changer les choses à la racine du problème
Marissal s'est plaint des ‘'radicaux''. Il s'est plaint de vous les militants-tes de la base, la ‘'gang'' qu'il n'était ‘'plus capable d'endurer''.
Je voudrais vous confier ici pourquoi je le comprends. Je comprends pourquoi ça pouvait être difficile pour lui d'accepter les orientations de son ‘'cheffe'', étant donné son positionnement que j'expliquerai plus loin. On peut être fâché de la manière, mais je pense qu'il ne faut pas porter un jugement moral sur sa décision mais plutôt un jugement politique sur son orientation soi-disant ‘'pragmatique''. Aucun « pragmatique » au sens commun donné dans nos démocraties parlementaires, ne serait capable de vous ‘'endurer'' pendant deux mandats !
Vincent a dû faire le même constat que moi : vous êtes une ‘'gang'' de gens demeurés « radicalement », obstinément Solidaires malgré les obstacles et la rigidité des habitudes politiques ; malgré l'opposition des plus fortunés et des plus puissants ; malgré les injonctions et les campagnes d'intimidation médiatique.
Pour ces médias qui préfèrent garder le débat à la surface des controverses et des petites joutes politiques, vous êtes des radicaux par opposition aux pragmatiques. Vous êtes des ?????????? par opposition aux Lucides. Vous êtes têtus et obstinés, vraiment inconscients de l'ordre ‘'naturel'' des choses en démocratie bourgeoise.
Je caricature un peu, mais la réalité est que ce dilemme entre radicaux et pragmatiques est vieux comme le monde. En tout cas aussi vieux que la politique qui s'exerce depuis des temps immémoriaux. Vivre ce dilemme n'a rien de honteux et d'inadmissible. La tentation pragmatique a toujours existé et a été explorée par les plus admirables des personnes, aux motivations les plus nobles.
Dans cette perspective, la tentation pragmatique de Vincent n'a rien de honteux ni d'illégitime. Bien au contraire elle s'impose dans nos débats publics et ailleurs de multiples façons et de manière récurrente.
Il y a 20 ans exactement, en novembre 2005, nous étions une trentaine de signataires à lancer un manifeste pour un Québec solidaire (d'où notre parti tire son nom) qui a amassé plus de 20 000 signatures dans le but de réfuter les thèses d'un groupe de notables et de puissants avec à leur tête Lucien Bouchard, ex-premier ministre du PQ, qui deux semaines plus tôt avait lancé un manifeste pour un Québec lucide. (Voir le manifeste des solidaires sur le site des Classiques de l'UQAM – manifeste pour un Québec solidaire) :
Les Solidaires étaient dépeints par les commentateurs médiatiques habituels ainsi : au mieux comme des rêveurs désintéressés du pouvoir et aveugles aux réalités dépeintes en toute lucidité et pragmatisme par les signataires du manifeste de Lucien Bouchard ; au pire nous étions des gauchistes radicaux bloqués dans notre idéologie obsédée d'égalité qui était considérée dépassée.
Pour d'autres commentateurs médiatiques qui s'intéressaient au sens véritable des mots, sans partisannerie coutumière… nous étions des « radicaux » parce que nous voulions des changements plus en profondeur que ceux promis par les partis réformistes. Des partis ‘'pragmatiques'' toujours appelés par la classe politique et économique dominante à se montrer raisonnables et lucides, à faire des concessions pour ‘'prendre le pouvoir''. Alors que nous, nous disions : non, merci !
Aujourd'hui, comme il y a 20 ans, ce n'est pas plus compliqué que ça : vous êtes radicaux, parce que vous dites non merci.
Vous dites non, parce que pour que ça vaille la peine, pour pouvoir appeler ça prendre le pouvoir, il faut vraiment pouvoir changer les choses à la racine des problèmes.
Or, si pour prendre le pouvoir il faut être à ce point « raisonnable et pragmatique » qu'il faut éviter de nommer ces problèmes – comme le fait que dans une société juste et démocratique on ne doit pas empêcher les travailleurs de s'organiser librement et utiliser des moyens légaux pour faire pression (ça s'appelle la grève) – comment est-il possible de régler ces problèmes ?
Si par pragmatisme il faut même éviter complètement d'identifier la cause fondamentale, la racine de ces problèmes, c'est-à-dire le système économique capitaliste qui occasionne ces problèmes, comment sommes-nous supposés remédier à tout cela ? Comment peut-on alors se permettre d'offrir des solutions ? Si on s'accorde à dire que le système actuel détruit et nous condamne à des catastrophes écologiques, économiques et sociales, comment sommes-nous supposés dépasser le capitalisme sans aujourd'hui mettre l'accent sur l'écologie et l'égalité ; sans réfléchir à voix haute de pistes de solutions comme le socialisme démocratique, l'écosocialisme, la décroissance conviviale ou toute autre innovation politique ou économique capable de nous sortir de ce pétrin immense dans lequel le capitalisme nous a plongés ?
Donc, comme on le voit, le dilemme que vit Vincent Marissal est un déchirement entre les mêmes lignes de faille. D'une part la ligne des tenants d'une accession rapide au pouvoir dans l'espoir d'y accéder aux moyens étatiques de changer des choses ; mais ce faisant accepter un certain degré de soumission à l'ordre ‘'naturel'', aux contraintes du système en place – l'appareil économique capitaliste. À l'époque du Manifeste pour un Québec solidaire les principales contraintes du moment étaient dictées par l'agenda néo-libéral du libre-échange et de la liberté totale du capital sans contrainte étatique ou tarifaire. D'autre part, la ligne des Solidaires, tenants d'une accession au pouvoir porté par les classes populaires organisées et mobilisées par des mouvements sociaux, pour permettre à l'État de conduire les réformes profondes que nécessite un monde plus juste, solidaire et responsable. Nous étions soi-disant des rêveurs radicaux, incapables de compromis avec les exigences du système.
Aujourd'hui la ligne de faille qui sépare ‘'radicaux'' et ‘'pragmatiques'' est dictée par la montée de l'extrême droite dont les éléments de langage et de discours débordent et parfois inondent tout l'espace politique, y compris le positionnement de partis autrefois considérés de centre gauche, comme la ‘'social-démocratie » européenne ou québécoise. Cette inondation a un visage caricatural en celui de Donald Trump, qui n'est que l'exemple le plus abouti des dérives de la droite montante qui a graduellement imposé sur 3 décennies ses lignes de démarcation : rejet de la diversité et de l'inclusion, mise à l'index des immigrants et de l'étranger comme principales sources des maux sociaux, mise à l'écart de toute considération qui vaille sur le plan environnemental sous prétexte des exigences économiques, repli identitaire sur une définition ethnique sinon raciale du nationalisme, rejet des institutions internationales qui participaient à des garanties minimales de la primauté du droit sur la force dans des rapports par ailleurs très inégalitaires.
Alors voilà : vous la gang de ‘'radicaux de la base de QS'' Vous refusez d'accepter les contraintes du système - notre système économique appelé capitalisme qui ne veut pas qu'on le dérange trop fondamentalement. Le système n'aime pas du tout les gens qui le remettent trop radicalement en question pendant qu'il exploite les humains, appauvrit les gens au profit des élites ultra-riches, fomente des guerres, pille les ressources, détruit et pollue l'environnement et perturbe le climat irrémédiablement.
Remettre tout cela en question est déraisonnable, donc pas pragmatique si on veut être pris au sérieux. Oui, car trop d'intérêts en dépendent. Et vous voudriez que dans ces circonstances, on soit tendre avec vous dans les journaux et les médias alors que vous refusez d'en tenir compte de manière « pragmatique et raisonnable ». Vous semblez en apparence être indifférents au fait qu'en apparence c'est votre obstination à refuser de taire un peu vos idéaux d'égalité, de justice et d'écologie qui vous empêcherait de prendre le pouvoir. Ce pouvoir étatique par lequel pourraient arriver les changements. Quels changements ? Ceux acceptables par le système sans remise en question fondamentale.
On vous reproche essentiellement de ne pas être intéressés par une accession plus rapide au pouvoir qui serait assortie de la garantie de ne pas trop déranger le système sur sa base… Vous seriez déraisonnable de ne pas vouloir jouer dans ce jeu. Ce serait pragmatique de prendre des moyens pour arriver au pouvoir qui ensuite vous empêche d'agir de manière raisonnablement cohérente pour mettre en œuvre vos objectifs. Et on appelle cela pragmatisme ! Cherchez l'erreur.
Ce serait même pire, si l'on en croit certains commentateurs qui poussent plus loin une certaine logique et tentent de vous opposer vous les Solidaires à Vincent – voire GND – les qualifiants de pragmatiques. Vous seriez Solidaires par inconscience ou aveuglement fanatique. Votre constance indomptable aurait vaincu la patience de Vincent ou GND. Etc, etc.
Cette mise en opposition fantasmée par les suspects médiatiques habituels est une duperie. Je crois pouvoir l'affirmer sans hésiter pour GND – avec un peu moins de certitude pour Vincent : la différence perçue entre les différentes sensibilités prédominantes au sein des Solidaires, traduit des divergences sur les moyens objectifs immédiats pour sortir des contraintes. Pas sur l'acceptation des contraintes. Et le débat reste ouvert sur ces moyens.
Comment s'en sortir
La question qui se pose à la cheffe de QS, la base militante, est donc : comment se sortir de ces contraintes ?
Je nai pas de réponse bien réfléchie et en plus j'ai déjà trop écrit. Donc j'ai pensé céder ici la parole à
Bhaskar Sunkara, éditeur du magazine américain The Jacobin, une revue de gauche socialiste. The Jacobin a été un vecteur important d'une décennie d'organisation et de mobilisations de l'initiative socialiste au sein du Parti Démocrate américain qui a pris naissance alentour de la candidature de Bernie Sanders en 2016 et s'est soldée récemment par la victoire de Zohran Mamdani à la mairie de NY.
Dans un éditorial intitulé ‘'The Goal of Socialism Is Everything'' il écrit ceci :
« …fondamentalement, toute forme de gouvernance sociale-démocrate est soumise à des contraintes. Tout comme sous le capitalisme, les travailleurs dépendent de la profitabilité des entreprises pour avoir des emplois. Les villes dépendent des grandes entreprises et des personnes riches pour leurs recettes fiscales… Ces préoccupations ne sont pas nouvelles. C'est le dilemme de la social-démocratie. C'est la tension entre nos objectifs à court et à long terme qui existe dans le mouvement socialiste depuis 150 ans.
À court terme, nos élus doivent gérer le capitalisme dans l'intérêt des travailleurs, tandis que notre mouvement a aussi un objectif à long terme : construire un nouveau système grâce à l'auto-émancipation de ces mêmes travailleurs.
Nous devons comprendre les contraintes auxquelles Zohran sera confronté en ces termes structurels, plutôt que moraux. Mais avoir de la patience et le soutenir ne répond pas à la question de savoir comment concilier le court et le long terme – la social-démocratie et le socialisme.À tout le moins, il est important de se souvenir de l'objectif final. Le grand théoricien du réformisme, Eduard Bernstein, a dit un jour que « le but final n'est rien, le mouvement est tout ». Je pense que ce n'est pas tout à fait juste. Si nous ne parlons pas du socialisme après le capitalisme, personne d'autre ne le fera. Le rêve historique de notre mouvement, un monde sans exploitation ni oppression, sera perdu.
Mais nous ne devrions pas éviter le réformisme simplement pour nous sentir purs en tant que « vrais socialistes » ou par pur exercice intellectuel. Nous devrions éviter le réformisme et nous souvenir de l'objectif de rupture avec le capitalisme parce qu'il peut offrir une vision convaincante du monde à ceux que nous essayons de toucher.
Le socialisme n'est pas la « Suède », comme Bernie [Sanders] le dit parfois. Le socialisme n'est même pas seulement, comme l'a dit Martin Luther King Jr et comme Zohran l'a si bien invoqué, « une meilleure répartition des richesses pour tous les enfants de Dieu ».Le socialisme signifie une meilleure répartition, mais aussi un contrôle démocratique sur les choses dont nous dépendons tous les travailleurs qui tiennent les leviers de la production et de l'investissement, et l'État qui garantit les bases de la vie comme des droits sociaux.
Le socialisme signifie ne plus mendier auprès des entreprises pour qu'elles investissent dans nos communautés, ou auprès des riches pour qu'ils restent et paient leurs impôts.Le socialisme signifie surmonter la dialectique travail-capital par le triomphe du travail lui-même, et non par un compromis de classe plus favorable.
Le socialisme signifie que les personnes qui ont maintenu ce monde en vie – les aidants, les chauffeurs, les machinistes, les ouvriers agricoles, les agents d'entretien – cessent d'être une toile de fond invisible et deviennent les auteurs de leur propre avenir.
Le socialisme signifie une société où ceux qui ont toujours donné sans avoir leur mot à dire montrent enfin leurs véritables capacités. Où, comme l'a dit C. L. R. James, toute cuisinière peut gouverner.
Le socialisme signifie remplacer une économie basée sur la hiérarchie et l'exclusion par une économie bâtie sur l'intelligence et la créativité des travailleurs eux-mêmes.
C'est l'objectif que nous maintenons en vie. Non pas parce qu'il est utopique, mais parce qu'il est le seul horizon à la hauteur de la dignité et du potentiel des gens ordinaires. » (source : site de Jacobin numéro de nov 2025 et cherchez socialism-mamdani-dsa-organizing-leadership)
Je relis cet article et ma conviction se renforce : c'est là un pragmatisme digne du sens véritable de pragma : action, accomplissement !
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Conflits de travail – Entrée en vigueur de la Loi n° 14, contestations déposées par les organisations syndicales
À peine entrée en vigueur le 30 novembre 2025, la Loi no 14, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out qui a été adoptée par le gouvernement de François Legault le printemps dernier, est déjà contestée devant les tribunaux. La FTQ, la CSN, la CSQ, la CSD et l'APTS, qui représentent ensemble plus d'un million de travailleuses et de travailleurs, annoncent le dépôt de contestations juridiques coordonnées.
« La Loi no 14 brime le droit de grève des travailleuses et des travailleurs, brise l'équilibre des relations de travail et remet trop de pouvoirs entre les mains du ministre du Travail. Dès le départ, nous avions prévenu que la Loi no 14 conforterait les employeurs à laisser traîner les négociations dans l'attente de l'intervention du ministre, qu'elle envenimerait les relations de travail et aurait une incidence importante sur les conflits de travail. Non seulement la Loi no 14 compromet gravement, à notre avis, les droits des travailleuses et des travailleurs, mais elle est aussi inconstitutionnelle, en plus d'être un élément toxique pour le climat social au Québec, dénoncent d'une voix commune les porte-paroles syndicaux Magali Picard (FTQ), Caroline Senneville (CSN), Éric Gingras (CSQ), Luc Vachon (CSD) et Robert Comeau (APTS).
« Nous l'avons signifié à maintes reprises : la Loi no 14 est une atteinte à l'action collective des travailleuses et des travailleurs. Elle modifie les règles du jeu unilatéralement sur de fausses prémisses. À vouloir faire taire, ce gouvernement attise la grogne. La voix que nous portons, c'est celle des membres que nous représentons. Et que le gouvernement se le tienne pour dit : ça fait pas mal de monde ! »
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Manifester contre le virage à droite de la CAQ : Ok, mais les autres ?
La manifestation organisée par les principales organisations syndicales québecoises a eu lieu ce samedi et elle fut importante. Depuis les récentes négos dans les secteurs public et para-public, nous n'avions pas vu de mobilisation aussi massive. Elle a eu lieu dans un contexte où la CAQ au pouvoir montre ses vraies couleurs de parti des élites, incompétent et revanchard. Un parti qui tente par tous les moyens de détourner l'attention de la population suite aux échecs retentissants de ses politiques (Northvolt, régime forestier, crise du logement, 3e lien à Québec, etc.).
Après avoir blâmé l'immigration, les médecins et la guerre tarifaire de Donald Trump, voilà que les caquistes déclarent la guerre aux syndicats. « Encadrement » du droit de grève avec la loi 14 et maintenant la loi 3 qui contraint les centrales et leurs syndicats affiliés à une série de mesures administratives qui visent à affaiblir leur pouvoir de contester hors des négos de conventions collectives, voilà les défis que pose la CAQ au mouvement ouvrier.
Les organisations syndicales préparent la riposte. Tout d'abord, elles contestent la loi 14 devant les tribunaux. Elles affirment avec raison que les lois 3 et 14 briment le droit de grève et qu'elle remet trop de pouvoir entre les mains du ministre. Le Barreau du Québec partage cet avis. Puis la manif du 29 novembre dernier se tenait la grande manifestation afin d'« affirmer que la justice sociale n'est pas négociable et qu'on ne bâtit pas une société forte en rétrécissant le débat. Ensemble, faisons entendre la voix d'un Québec fier, solidaire et résolument tourné vers l'avenir ». Les centrales rappellent l'état lamentable du réseau de la santé et des écoles délabrées.
La CAQ adopte en effet l'approche actuelle des partis de droite partout en occident, stratégie qui consiste à marcher sur les pas des partis de l'extrême-droite qui ont le vent dans les voiles, à adopter en partie son langage, ses politiques notamment en matière d'immigration pensant ainsi gruger des appuis électoraux acquis à ces partis. Ici c'est la base électorale des conservateurs qui est visée. Couper l'herbe sous le pied du parti d'Eric Duhaime est le but de la CAQ. Le PQ emboîte le pas dans ce sens, sa position de tête dans les sondages le poussant à mettre ses cartes programmatiques sur la table, et le PLQ compte demeurer le parti du grand capital pan-canadien malgré les crises qui le traverse.
Dans ce contexte, la mobilisation des centrales doit s'appuyer non seulement sur la volonté de bloquer le virage à droite de la CAQ mais aussi celui de l'ensemble des partis qui se situent dans l'axe néo-libéral. Or le mot d'ordre pourrait porter à croire que, comme dans de trop nombreuses élections tant fédérales que québécoises, les centrales adoptent la politique du « moins pire ». Celle-ci consiste à identifier le parti qu'elle considère le plus dangereux pour le « modèle québecois » et à appeler à voter pour le partis le plus en mesure de bloquer l'élection de cet indésirable. Mais ce faisant, on ne fait qu'encourager un système d'alternance entre deux partis qui s'opposent en apparence mais qui comportent davantage de ressemblance que de différences en matière d'orientation politique. Le PQ et le PLQ en sont des exemples probants alors qu'ils s'échangeaient le pouvoir et adoptaient des politiques plutôt similaires et surtout une hostilité commune envers les syndicats.
Paul St-Pierre-Plamondon a montré ses vraies couleurs suite au passage de la présidente de la FTQ Magalie Picard à la commission parlementaire étudiant le projet de loi 3. Celle-ci a refuser de serrer la main du ministre Boulet et l'a notamment qualifié d'« innocent ». Elle a aussi menacé le gouvernement caquiste d'une grève sociale ce qui a permis de montrer les vraies couleurs des partis CAQ-PQ-PLQ-PCQ au Québec, tous unis contre le mouvement syndical. PSPP a même refusé de se présenter au congrès de la FTQ, la plus importante centrale au Québec. Personne ne pourra prétendre parmi ces formations politiques avoir un préjugés favorable aux travailleurs comme le laissait entendre le PQ à une certaine époque. Ce qui laisse une seule option aux mouvement ouvrier pour construire un mouvement qui non seulement s'oppose aux politiques anti-syndicales mais qui construit une alternative capable d'imposer une autre logique.
Québec solidaire représente la seule option qui partage avec le mouvement syndical, féministe et communautaire l'orientation commune vers une société compatible avec les objectifs du mouvement ouvrier. Une coalition qui regrouperait les organisations des classes populaires et le parti de gauche pourrait imposer une dynamique profitable à toutes les parties, les organisations s'assurant de l'application de politiques qui leur sont favorables et QS recompose sa base électorale de façon plus organique avec les organisations que se sont donnés les populations. Une telle union aurait alors le potentiel d'imposer une toute autre logique à la politique québécoise, vers une indépendance véritable au service des classes populaires.
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Jean Boulet : Ministre du travail ou du patronat ?
Mais d'où vient cet intérêt du Ministre du travail, M. Jean Boulet, pour la démocratie et la transparence financière, des syndicats exclusivement ? D'où peut donc provenir cette étonnante aspiration pour la démocratie et la transparence de la part d'un Gouvernement critiqué de toute part, y compris par la Commission des droits de la personne ou le très peu militant Barreau du Québec, pour ses « dérives » autoritaires et son manque de transparence financière ?
Le ministre ne cesse de le répéter, comme un disque orwellien rayé. Contrairement à ce dont on l'accuse, le nouveau système de "cotisations facultatives" et de reddition de compte, n'est pas contre les syndicats mais pour les syndiqué·es ; pour qu'ils et elles puissent enfin s'exprimer, de manière démocratique et transparente.
Pourtant, à notre connaissance, jamais un seul syndicat de travailleurs et de travailleuses ne lui a demandé de s'occuper de démocratie syndicale. Nous n'avons même pas trouvé une pétition en ce sens, ni même un mémoire d'une quelconque association de travailleurs et de travailleuses.
On nous explique alors que c'est précisément parce que les syndiqué·es ne peuvent pas s'exprimer, que le ministre a dû prendre ses responsabilités et régler un problème démocratique majeur. Lui, l'ancien avocat patronal (Lavery), lui l'ancien président de la Chambre de commerce et d'industries de Trois-rivières (CCITR), qui connait bien les attentes des syndiqué·es.
Et en ce sens, il serait d'ailleurs vraiment ingrat d'oublier qu'il s'agit également d'une revendication de longue date du très démocratique et très transparent syndicat des patrons, le Conseil du patronat du Québec (CPQ) [1].
Ainsi, en 2011 le CPQ demandait déjà :
« que la portion [des] cotisations utilisée pour financer d'autres mandats que la représentation au chapitre des relations du travail (notamment les campagnes d'affaires publiques) puisse être versée sur une base volontaire par les travailleurs ».
En 2025, le Projet de loi 3 déposé par le Ministre du travail prévoit :
« que seules les cotisations facultatives peuvent être utilisées pour financer certaines activités déterminées lorsque ces activités sont financées au moyen de cotisations syndicales ».
Mais que ferait donc la classe ouvrière sans Jean Boulet et le Conseil du patronat ?
On ne sait pas. En revanche, les 50 000 travailleurs et travailleuses qui ont manifesté le 29 novembre 2025 contre l'ensemble de l'œuvre du Gouvernement Legault, aimeraient bien le savoir.
En attendant, il faut être bien "innocent" pour ne pas voir que, à la différence de Magali Picard, la présidente "hystérique" de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, le gouvernement Legault travaille, "dans le dialogue et la collaboration", sans "hausser le ton" et très "respectueusement", tout à la fois pour les patrons et pour la CPQ.
Martin Gallié
Délégué du syndicat des professeurs et professeurs de l'Université du Québec à Montréal (SPUQ-UQAM) au Conseil central du Montréal métropolitain (CCMM-CSN)
Illustration : Georges Rouault, Laquais, 1917
(merci à Laurence pour le mémoire)
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Étude parlementaire sur la loi C-12 : les organismes communautaires et les associations des avocats se sentent complètement ignorés
Si, au soir du 8 octobre 2025, les Canadiens avaient les yeux rivés à leurs écrans pour assister à la victoire des Blues Jays contre les Yankees de New York, peu avaient suivi le dépôt du projet de loi C-12, qui avait été effectué le matin même par le ministère de la Sécurité publique, l'honorable Gary Anandasangaree.
Un mois et demi plus tard, La Loi visant à renforcer le système d'immigration et la frontière du Canada n'a encore fait aucune vague. Elle passe ni vu ni connu, comme ces balles flottantes qui déjouent si souvent les batteurs au baseball.
Malgré tout, son absence dans les médias ne fait que camoufler les changements radicaux du système d'immigration que celle-ci propose. La nouvelle loi modifierait le processus de traitement des réfugiés, et permettrait aux fonctionnaires de l'État de suspendre des demandes d'asile ou des permis de travail pour des raisons « d'intérêt de l'État ». Les organismes communautaires et les groupes d'avocats en immigration sonnent l'alarme, mais personne ne semble vouloir les écouter.
Des avocats atterrés
La loi C-12 prend sa source dans le projet de loi C-2, qui avait été retiré en juillet dernier suite à une forte contestation populaire, notamment en raison de ses amendements permettant aux services de police d'accéder à des renseignements privés sur les Canadiens sans mandat.
Déjà, en juillet, l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration (AQAADI) avait déposé un mémoire auprès du gouvernement fédéral au sujet de la loi C-2. Celle-ci n'avait pas demandé le retrait du projet de loi, l'association n'avait que proposé des ajustements :
« On a tenté de mettre à l'avant que le système était déjà sécuritaire, déjà efficace d'une certaine façon, et que ça n'allait pas le rendre plus sécuritaire ni plus efficace. Au contraire, ça allait vraiment l'alourdir, »
Explique Julie-Anne Desnoyer, une avocate en immigration spécialisée en droits des réfugiés qui a contribué à la rédaction du mémoire. Si la loi est censée augmenter « la rapidité » et la « convivialité » du système de traitement des demandes, le rapport de l'AQAADI explique que le transfert de plusieurs demandes d'asile à l'agence des services frontaliers (ASFC), plutôt qu'à la commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) comme c'est le cas en ce moment, ne va que transférer la responsabilité du traitement des demandes à d'autres fonctionnaires moins efficaces et moins bien formés.
Le Canada a reçu plus de deux fois plus de demandeurs d'asile entre 2023 et 2025, mais la nouvelle loi n'allègerait pas le processus de traitement des réfugiés :
“Ce qu'on disait c'était que ce n'était pas une solution au problème de surcharge … la loi C-2 ne faisait que déplacer les demandes d'un système qui est préparé à les accueillir à un autre qui ne l'était pas, »
Rajoute l'avocate Gwendolyn Muir de la Clinique pour la justice migrant. S'attendant à ce que le projet de loi C-12 comprenne au moins certaines modifications, celle-ci fut surprise quand elle remarqua que rien n'avait vraiment été changé dans le nouveau projet de loi déposé au début du mois d'octobre. En entrevue, Gwendaline s'inquiète de voir que non seulement la nouvelle loi n'a pas été changée, mais que la commission parlementaire qui étudie le projet de loi, qu'elle suit régulièrement à la télévision, n'a consulté aucun parti concerné :
« Il n'y a aucun intérêt, dans ce que je peux voir au parlement, de vraiment écouter les gens qui vont être impactés par cette loi … Tu peux voir les témoins qui ont été invités par le ministère de la Sécurité publique : des gens en cybersécurité, des agents des services frontaliers, des représentants de la police - pas une seule organisation communautaire ou un groupe d'avocats. Ils invitent juste des gens qui ne connaissent rien au processus ! »
Le processus de traitement des demandes d'asile est complexe et peu compris par ceux qui n'en sont pas des spécialistes. Gwendalin, qui travaille depuis des années dans le milieu, est furieuse de savoir que son métier va être transformé par des fonctionnaires qui ne connaissaient rien au droit des réfugiés. « Ils ne comprennent même pas le système dont ils discutent, et ils ne font même pas l'effort pour le faire », me dit-elle, complètement dépassée.
Des mois difficiles à l'horizon
Plus tôt cette semaine, une coalition de groupes communautaires a lancé un appel pour le retrait de la loi C-12 à une conférence de presse à Ottawa. Leur plaidoyer, lu par Gauri Sreenivasan, du Conseil canadien pour les réfugiés, affirmait que la loi était discriminatoire, et qu'elle allait contre la Charte canadienne des droits et libertés.
Malgré tout, plusieurs partis de l'opposition semblent être peu investis dans la lutte contre loi C-12. L'opposition la plus vive vient des conservateurs, dont certains membres prétendent qu'elle n'est pas assez stricte. Avec le NPD en restructuration, et le Bloc qui refuse de s'y prononcer, les groupes communautaires opposés à la loi peinent à trouver des appuis forts au sein de la classe politique. Rushdia Mehreen, membre active de Solidarité sans frontières basée à Montréal, affirme même que la communauté journalistique ne s'y intéresse peu.
De son côté, le public, qui se laisse graduellement emporter par les discours anti-immigratoire de la droite canadienne, semble tout aussi passif. Lors d'une manifestation que Rushdia et d'autres membres de SSF ont organisée à Montréal le 13 octobre, moins de vingt personnes se sont présentées.
Une lueur d'espoir : il semble tout de même que la loi ne va pas passer avant l'année prochaine. Cela donnera aux groupes de pression plus de temps pour réveiller l'opinion publique et, en attendant que la saison de baseball reprenne, peut-être capter l'attention des Canadiens sur autre chose que du sport. « Du pain et des jeux », disaient-ils…
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Projet de loi 9 et prières collectives en public – Une atteinte claire à la liberté de religion,
La Ligue des droits et libertés et l'Association canadienne des libertés civiles s'opposent au projet de loi 9 déposé le 27 novembre 2025. Ce projet de loi ne bafoue pas uniquement les droits des minorités religieuses. Ce sont tous les Québécois·es – croyant·es et non-croyant·es – qui doivent s'alarmer de cette nouvelle limite à l'expression en public.
27 novembre 2025 | tiré du site de la Ligue des droits et libertés
Le gouvernement du Québec a déposé ce 27 novembre un projet de loi interdisant, sauf exception, les pratiques religieuses collectives sur les voies publiques et dans les parcs, élargissant les interdictions de port de signes religieux des CPE à l'université et restreignant les accommodements religieux. La Ligue des droits et libertés et l'Association canadienne des libertés civiles, ainsi que de nombreuses voix de la société civile, dénoncent à nouveau l'instrumentalisation de la notion de laïcité de l'État pour justifier une violation de la liberté de religion. Nous décrions également l'approche du gouvernement, que nous considérons comme discriminatoire.
Soulignons que ce projet de loi ne bafoue pas uniquement les droits des minorités religieuses. Ce sont tous les Québécois et Québécoises – croyants et non-croyants – qui doivent s'alarmer de cette nouvelle limite à l'expression en public.
D'entrée de jeu, rappelons que la laïcité de l'État signifie de séparer le politique et le religieux, et d'assurer la neutralité de l'État face aux croyances et non-croyances de la population. Ce principe ne signifie aucunement d'effacer le religieux de l'espace public.
Non seulement les prières collectives publiques sont loin de constituer un réel enjeu au Québec, mais qui plus est, elles ont tout à fait leur place dans une société libre et démocratique.
On ne peut d'ailleurs passer outre au fait que cette offensive du gouvernement fait suite à des prières publiques spécifiques qui ont fait les manchettes récemment. Les rares exemples évoqués s'inscrivaient dans le contexte de manifestations en soutien au peuple palestinien, qui subit ce qu'une commission d'enquête de l'ONU et des experts internationaux en la matière qualifient explicitement de génocide. Le contexte de ces moments de recueillement collectif observés à Montréal ne peut être ignoré – tout comme le danger, pour une démocratie, que pareille expression soit censurée par l'État.
Climat d'intolérance
Une quasi-interdiction de prières collectives dans l'espace public ne répond à aucune lacune juridique. Elle entrave plutôt les libertés civiles et alimente un climat d'intolérance et de délation entre concitoyens et concitoyennes. En effet, la législation canadienne et québécoise encadre déjà les rassemblements publics, qu'ils soient ou non de nature religieuse. Advenant qu'un rassemblement soulève des enjeux de sécurité, les autorités disposent déjà de leviers et normes en matière d'ordre public et de sécurité routière leur permettant d'intervenir. La société civile doit d'ailleurs exercer une vigilance constante pour s'assurer que les lois et règlements en la matière, et leur application, respectent la liberté de réunion pacifique, la liberté d'expression et les autres libertés civiles protégées par nos chartes et essentielles à l'exercice de la démocratie.
Censurer l'expression en public sur la base de son caractère religieux est aussi dommageable pour une démocratie que ne le serait de censurer l'expression d'activistes féministes, syndicalistes, indépendantistes, étudiants ou climatiques au motif que leurs propos ou actions offensent, déplaisent ou dérangent.
Le Québec d'aujourd'hui, dans toute sa richesse et sa diversité, est le fruit de nombreuses luttes socio-économiques et politiques menées sur la place publique. Le mouvement féministe des années 1960 et le plus récent mouvement d'action climatique, tout comme les mouvements syndicalistes, indépendantistes et étudiants, ont tous un point en commun : ils ont eu recours aux manifestations pour sensibiliser la population à leur cause et critiquer le statu quo, dans l'espoir d'être entendus par le gouvernement et de provoquer un changement.
L'expression critique génère forcément des réactions variées. Les manifestations pacifiques perturbatrices peuvent aussi créer de l'inconfort, tout comme le fait de voir des concitoyens méditer ou prier dans un espace public.
Cela ne justifie pas pour autant une approche qui est à nos yeux répressive, arbitraire et autoritaire. Au contraire, un inconfort passager fait partie de la vie dans une démocratie, dont une des pierres angulaires est ce droit fondamental qu'a chacun d'exprimer librement en public ses croyances et opinions.
Contrairement à ce que le premier ministre du Québec a laissé entendre, il n'en revient pas à son gouvernement d'être l'arbitre de « ce qu'on veut voir – ou pas – au Québec ». Sous le couvert de protéger la population contre le prétendu fléau des prières de rue, le gouvernement du Québec s'attaque en réalité à notre droit fondamental d'exercer notre liberté de réunion pacifique et de nous exprimer d'une manière qui déplaît à certains, y compris au gouvernement.
Le gouvernement du Québec a déjà porté atteinte de manière éhontée à la liberté de religion de certains employés de l'État. Mais pour la première fois, il annonce son intention d'élargir cette violation de droits à l'ensemble de la population ; c'est un énorme pas qu'il entend franchir. En interdisant les prières collectives dans l'espace public au motif qu'elles importunent certains, le gouvernement du Québec s'avance davantage sur une pente glissante à laquelle tous les Québécois et Québécoises devraient s'opposer.
Anaïs Bussières McNicoll, Directrice du programme des Libertés fondamentales, Association canadienne des libertés civiles
Laurence Guénette, coordonnatrice et porte-parole, Ligue des droits et libertés
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L’Ukraine face à un choix insupportable
Il est important d'entendre la voix des Ukrainien·nes, des militant.es progressistes d'abord. Comme dit l'auteur : « Si les mots seuls pouvaient mettre fin à l'oppression, les grèves et les révolutions auraient été remplacées par des concours d'éloquence. » De plus, il permet une réflexion plus globale introduite par la députée européenne finlan- daise Li Andersson qui s'adresse à ceux qui se réclame de la gauche émancipatrice : « Il est grand temps de proposer une alternative crédible dans les débats sur la sécurité, qui ne cède pas au néolibéralisme militarisé et ne fétichise pas la pureté. »
1. Oleksandr Kyselov est militant de Sotsialnyi Rukh. Ukrainien originaire de Donetsk, il est assistant de recherche à l'université d'Uppsala. Article publié par Jacobin, le 22 novembre 2025. Traduction française par Michel Lanson et publié sur le site du Réseau Bastille.
Michel Lanson
Épuisés par plus de trois ans d'attaques russes, les Ukrainiens sont de plus en plus prêts à accepter des compromis politiques injustes et des concessions territoriales sévères pour mettre fin à la guerre. Pourtant, il est loin d'être certain que ce choix difficile apportera réelle- ment une paix durable.
Alors que les spéculations vont bon train au sujet d'un autre plan de paix négocié par Trump pour l'Ukraine, une grande partie du débat ac- tuel donne une impression de déjà-vu. On re- trouve les mêmes dénonciations des « intérêts particuliers » dans le conflit, les condamnations des bellicistes et les appels à des « pourparlers urgents ». En Ukraine, nous n'avons pas seule- ment entendu ces arguments. Nous les avons nous-mêmes formulés.
À l'été 2014, après l'annexion de la Crimée par la Russie et alors que la guerre dans le Don- bass faisait déjà rage, des militants ukrainiens, russes et biélorusses ont publié une déclara- tion « New Zimmerwald » critiquant la montée
du chauvinisme et de la xénophobie dans leurs pays. Ils ont appelé à un vaste mouvement an- tiguerre, à un cessez-le-feu immédiat et à un désarmement mutuel. Le mouvement ukrainien Sotsialnyi Rukh, nouvellement formé, s'est fait l'écho de cet esprit en 2015, préconisant des négociations directes impliquant des syndica- listes et des défenseurs des droits humains des deux côtés, ainsi que la dissolution des agences de sécurité. Il s'agissait d'une véritable tentative de paix internationaliste — qui a échoué. Rien de tout cela n'a empêché l'agression russe en 2022. Pourtant, à l'exception d'une cou- rageuse minorité, les gauchistes russes se sont à nouveau retranchés derrière des formules pa- cifistes, rejetant la responsabilité de la guerre sur les deux camps et pointant du doigt l'OTAN, Boris Johnson et le « régime oligarchique néo- nazi de Kiev ». Les Ukrainiens, sous le feu des bombardements, n'avaient pas ce luxe. Ils ont résisté aux troupes d'occupation, et trop nom- breux sont ceux qui ont déjà perdu la vie.
Au niveau international, lorsque la gauche ne se limite pas à de brèves déclarations sté- réotypées, elle oscille largement entre une ré- pulsion instinctive face à l'injustice et un appel désespéré à la paix. Mais l'un ou l'autre peut-il servir de guide pour l'action ?
Le prix de la justice
Nombreux sont ceux qui dénoncent tout compromis avec le Kremlin comme une trahi- son pure et simple qui créerait un précédent en récompensant l'agression. En termes absolus, ils ont raison. Pourtant, la justice a toujours un prix : si ce n'est pour les militants qui la récla- ment, c'est pour quelqu'un d'autre.
Les ressources de l'Ukraine sont poussées à leur limite. Les dépenses de défense en 2025 ont atteint les 70 milliards de dollars, dépassant les recettes fiscales nationales. Le déficit bud- gétaire oscille autour de 40 milliards de dollars, et la poursuite de l'aide étrangère n'est pas ac- quise. Le coût de la reconstruction a déjà grim- pé à plus d'un demi-billion de dollars. La dette publique s'élève à 186 milliards de dollars et continue d'augmenter.
Près des deux tiers des Ukrainiens s'attendent à ce que la guerre dure plus d'un an, et les ex- perts partagent cet avis. Le président Volodymyr Zelensky souligne que son pays aura besoin de tout le soutien possible pour combattre l'armée russe pendant encore deux à trois ans. Dans le même temps, les forces armées ukrainiennes sont mises à rude épreuve non seulement par le manque d'armes et de munitions, mais aussi par la diminution des effectifs.
Plus de 310000 cas de désertion et d'ab- sence sans permission ont été enregistrés de- puis 2022, dont plus de la moitié en 2025. De nombreux soldats qui ont quitté l'armée in- voquent l'épuisement, le manque de prépara- tion psychologique à l'intensité extrême des combats, les déploiements sans fin et la corrup- tion des commandants qui les traitent comme des pions jetables. Certains sont prêts à reve- nir dès que les conditions s'amélioreront, mais seule une fraction d'entre eux l'ont fait dans le cadre de l'amnistie.
Plus de la moitié des hommes ukrainiens se disent prêts à se battre, mais un million et demi d'entre eux n'ont toujours pas mis à jour leur dossier militaire. Après l'introduction du re- crutement en 2024, seuls 8500 se sont portés volontaires en un an. Même l'offre d'une prime d'inscription de 24000 dollars pour les contrats d'un an aux jeunes n'a pas réussi à en atti- rer beaucoup. Une fois que les restrictions de voyage pour les 18-22 ans ont été assouplies, près de 100000 hommes ont traversé la fron- tière au cours des deux premiers mois, beau- coup pour partir définitivement.
La triste réalité est que la résistance ukrai- nienne repose sur la « busification », c'est-à-dire le fait de saisir de force des hommes dans la ru ou sur leur lieu de travail et de les enrôler de force dans l'armée. Le médiateur a recon- nu que ces abus sont désormais systémiques.
Malgré cela, la Cour suprême ukrainienne a jugé que la mobilisation restait juridiquement irréversible, même lorsqu'elle était effectuée de manière illégale. Pendant ce temps, les réseaux sociaux font de plus en plus souvent état d'af- frontements violents avec les agents chargés de la conscription.
L'opinion publique reflète cette lassitude, et les récents scandales de corruption impliquant les plus proches collaborateurs du président n'arrangent rien. Les sondages montrent que 69 % des Ukrainiens sont désormais favorables à une fin négociée de la guerre et près des trois quarts sont prêts à accepter le gel de la ligne de front, même si ce n'est pas selon les conditions de la Russie. Les Ukrainiens continuent d'insis- ter sur des garanties de sécurité, qui pour eux incluent des livraisons d'armes et l'intégration à l'UE.
Le rêve de « se battre jusqu'à la victoire », quoi qu'il arrive, ignore ces limites. À moins que le « soutien indéfectible » de l'Occident n'inclue la volonté d'ouvrir un deuxième front, à quoi devons-nous nous attendre ? La logique du dé- sespoir conduit à abaisser l'âge de la conscrip- tion, à étendre le service militaire aux femmes, à expulser les réfugiés ukrainiens en âge d'être appelés depuis l'étranger pour remplir les tran- chées, puis à mettre en place des troupes de barrage et des exécutions sur le terrain pour empêcher les désertions.
L'illusion pacifiste
Cette situation sombre n'est pas seulement un échec national. Elle reflète l'épuisement de porter seul le fardeau le plus lourd et de se battre bec et ongles pour obtenir le soutien matériel de ceux qui pensent que des condamnations fermes et une aide humanitaire suffisent pour mettre fin à l'invasion russe. Plus la situation de- vient difficile, plus il est tentant pour certains à l'étranger d'imaginer que la lutte elle-même est le problème.
Si les mots seuls pouvaient mettre fin à l'op- pression, les grèves et les révolutions auraient été remplacées par des concours d'éloquence. D'où l'idée que les armes occidentales ne font que « prolonger les souffrances » et que couper cette bouée de sauvetage à l'Ukraine la pousserait à accepter les « concessions néces- saires ». C'est une illusion réconfortante fondée sur un raisonnement erroné. Si les mots seuls pouvaient mettre fin à l'oppression, les grèves et les révolutions auraient été remplacées par des concours d'éloquence.
Les livraisons d'armes n'entravent pas la di- plomatie, mais permettent à l'Ukraine de parti- ciper aux négociations. Le président Zelensky a fait part de son ouverture à des discussions et même à des décisions difficiles. Mais seule une partie capable de tenir bon peut négocier sur un pied d'égalité. Désarmer l'Ukraine reviendrait à la forcer à céder. Moscou le sait et exploite les contradictions pour semer la confusion et divi- ser les rangs.
Le Kremlin a rejeté à plusieurs reprises un cessez-le-feu, indiquant clairement qu'il ne s'intéressait qu'à la capitulation effective de l'Ukraine. Même si le maximalisme de la Rus- sie est en partie un bluff, un conflit « gelé » ou même la cession du Donbass par l'Ukraine ne « s'attaquerait pas aux causes profondes » de la guerre, comme l'affirme Vladimir Poutine. Mos- cou a sécurisé son pont terrestre vers la Crimée, mais manque de ressources pour s'emparer du reste des oblasts de Kherson et de Zaporijjia, qu'elle revendique également. L'Ukraine ne re- connaîtra jamais ses pertes, même si elle y est officiellement contrainte. Le ressentiment fera de la Russie un ennemi éternel, créant ainsi le risque d'une nouvelle flambée de conflit.
La maxime de Poutine lui-même — « Si le com- bat est inévitable, frappe le premier » — rend la prochaine étape prévisible, à en juger par la carte. Une poussée vers l'avant-poste russe en Transnistrie piégerait la Moldavie, sécuriserait le corridor de la mer Noire et étranglerait ce qui reste du commerce maritime ukrainien, tout en livrant Odessa, autrefois joyau de l'empire russe, au cœur de la mythologie du « printemps russe ».
L'abandon de l'Ukraine par les États euro- péens n'apporterait aucune détente. Les nou- veaux membres de l'OTAN, la Finlande et la Suède, ont abandonné leur neutralité préci- sément en raison de la nouvelle manière dont la Russie « résout les différends ». Cinq pays se sont retirés de l'interdiction des mines terrestres prévue par le traité d'Ottawa en 2025 pour la même raison. Les dépenses militaires de la Po- logne sont en passe de tripler depuis 2022, et les pays baltes se précipitent vers un niveau de dépenses de défense représentant 5 % du PIB.
Voir un voisin démembré par un ancien suzerain ne les apaiserait pas, mais les pousserait à s'ar- mer davantage.
Angle mort
L'ultimatum lancé par Moscou en dé- cembre 2021 a clairement affiché ses ambi- tions : l'OTAN doit se retirer aux frontières de 1997 et reconnaître la sphère d'influence russe en Europe centrale et orientale. Cette exigence semblait absurde jusqu'à ce que les coups de feu éclatent en février 2022. Mais la guerre éclair de Poutine contre l'Ukraine a échoué, et il en tient les « élites dirigeantes européennes » pour responsables.
Personne ne s'attend à ce que les chars russes atteignent Berlin. Mais les États baltes, coincés entre la Russie et son enclave militarisée de Kaliningrad, correspondent au schéma. Les anciennes provinces impériales, qui séparent Moscou de son territoire côtier, constituent une cible tentante. La rhétorique sur les « nations non historiques » en proie à la russophobie est déjà en place.
Si le Kremlin décidait de combler le fossé de Suwalki — l'étroite bande de territoire polonais et lituanien entre Kaliningrad et la Biélorussie, alliée de la Russie — alors que l'Occident est à nouveau en proie à des querelles internes sur les sanctions, la politique énergétique ou la stratégie de défense commune, qui prendrait le risque d'une troisième guerre mondiale ?
À un moment donné, une partie de la gauche a perdu la capacité de distinguer la résistance du militarisme. En considérant l'expansion de l'OTAN comme la cause de la guerre – et en trouvant ainsi une solution dans son simple recul – les antimilitaristes concèdent discrète- ment que de vastes régions au-delà de la Russie appartiennent à son domaine « naturel ».
La question centrale est la suivante : si la Rus- sie peut régler ses griefs historiques et répondre à ses « préoccupations légitimes en matière de sécurité » par la force, pourquoi les autres ne le pourraient-ils pas ? La véritable victoire pour le complexe militaro-industriel ne serait pas les livraisons à l'Ukraine ni même les programmes de réarmement, mais une Europe en crise per- manente, où chaque frontière devient contes- table et où les dépenses de défense augmen- tent sans fin.
Révisionnisme rancunier
La véritable menace n'est pas le nationalisme ukrainien. Il n'est ni plus sinistre ni plus chauvin que celui de n'importe quel petit État assiégé. Même les personnes les plus touchées par la guerre se soucient plus souvent de survivre aux frappes de missiles et aux attaques de drones.
Cela ne signifie pas pour autant que l'on ap- prouve la création de mythes nationalistes. Mais se focaliser sur les excès de la politique cultu- relle de l'Ukraine est une distraction commode, une excuse pour relativiser l'agression et se dis- tancier de ce qui est réellement en jeu.
Nous sommes aujourd'hui confrontés à un empire pétrolier militarisé et expansionniste qui dissimule son ressentiment derrière des dis- cours sur la « justice historique », drapant sa re- naissance néotraditionnelle contre « l'Occident décadent » et prêt à utiliser tous les moyens pour revendiquer sa « place légitime dans le monde ». Cette politique de révisionnisme ran- cunier n'est pas propre à Moscou, mais trouve un écho de Washington à Pékin, et doit être combattue avant que tout discours sur le désar- mement ne prenne tout son sens.
Il est grand temps de proposer une alterna- tive crédible dans les débats sur la sécurité, qui ne cède pas au néolibéralisme militarisé et ne fétichise pas la pureté.
Li Andersson, ancienne présidente de l'Al- liance de gauche finlandaise, a déjà appelé à une politique de sécurité et étrangère antifas- ciste. Elle rejette l'illusion selon laquelle on peut raisonner le fascisme, accepte le renforcement des capacités de défense et de l'autonomie stratégique des États membres de l'UE comme condition préalable à la paix, et défend le droit international comme mécanisme de prévention contre la subversion autoritaire.
L'extrême droite progresse dans les son- dages, les budgets de défense gonflent tandis que les dépenses sociales, l'adaptation au chan- gement climatique et l'aide au développement sont réduites. Pourtant, le problème ici, ce sont les élites qui exploitent cette crise pour faire avancer leur programme, et non les Ukrainiens qui refusent de se plier à la volonté de Poutine.
Pour résister à cette tendance, il faut insister sur deux points. Premièrement, des institutions sociales résilientes et des infrastructures pu- bliques solides sont essentielles pour résis- ter aux chocs et à ceux qui peuvent les uti- liser comme des armes. Deuxièmement, la démocratie économique, l'inclusion politique et le contrôle public rendent toute cause digne d'être défendue. Comme le montrent les leçons tirées de l'Ukraine, sans cela, tout discours sur la solidarité est une imposture.
Pas de solution toute faite
Tout le monde souhaite la fin de la guerre, mais personne n'a de solution toute faite — peut-être n'y en a-t-il pas. Nous nous devons mutuellement l'honnêteté que ce moment exige. Tout ce qui n'est pas le retrait complet de la Russie d'Ukraine est profondément injuste et carrément dangereux, mais la recherche intran- sigeante de la justice peut également nous me- ner à un point de non-retour.
La survie elle-même — perdurer en tant que nation indépendante malgré les leçons d'his- toire de Poutine — est déjà une victoire pour l'Ukraine. Mais l'histoire ne s'arrêtera pas là. Les États cupides attaquent non pas parce qu'ils sont provoqués, mais parce qu'ils en ont la pos- sibilité. Il faudra plus que la force morale pour les arrêter.
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Trump : Heurs et surtout malheurs d’un pacificateur pyromane !
La rencontre Trump-Mamdani à la Maison Blanche n'a pas été seulement « étrange » et « surprenante » vu tout ce qui l'avait précédé. Elle a été surtout pleine d'enseignements pour la suite des évènements tant pour l'un que pour l'autre de ses protagonistes. Et le premier de ces enseignements est que Mamdani en sort clairement renforcé ! Pourquoi ? Mais, parce que les effusions d'amitié auxquelles s'est adonné Trump à son égard, se traduisent en désarroi des dirigeants et supporters newyorkais de Trump, qui ne savent plus quoi penser de Mamdani.
Tiré du blogue de l'auteur.
Ce qui contribue à éloigner la mise en exécution des menaces trumpiennes au moins jusqu'à la prise de fonction de Mamdani en janvier prochain, et probablement pour les 4-5 mois suivants. Et évidemment, ce n'est pas du tout un hasard que Trump s'est empressé de déclarer qu'à la suite de l'échange qu'il a eu avec Mamdani, il ne compte pas envoyer ICE et ses autres milices a New York sauf si…Mamdani le lui demande ! En somme, Mamdani gagne un temps précieux pour s'enraciner et organiser sa défense et surtout son mouvement populaire…
Évidemment, ce succès de Mamdani doit beaucoup non pas à son incontestable « charme » personnel, comme le prétendent nos bons médias, mais plutôt à sa fermeté et détermination qui impressionnent et déstabilisent Trump, ainsi qu'à la très méticuleuse préparation de la rencontre de sa part. Cependant, tout ça est secondaire comparé à l'état d'infériorité où se trouvait Trump au moment de sa rencontre avec Mamdani. Tout d'abord, il affrontait celui qui venait de triompher en traduisant en programme d'action le mot « affordability » (abordabilité), qu'un Trump dans le besoin s'est empressé d'adopter donnant même l'ordre à ses ministres d'en faire autant. Et il est dans le besoin parce qu'il est en train de cumuler les déceptions dont la plus importante concerne ses accomplissements économiques : selon une enquête d'opinion de la très trumpienne chaine de télévision FOX publiée le jour de la rencontre Trump-Mamdani, 76% des citoyens américains désapprouvent sa politique économique !
Mais, les malheurs de Trump ne se limitent pas à ces sondages catastrophiques. Son parti Républicain est dans la tourmente depuis qu'un jeune neonazi, antisemite, homophobe, misogyne, négationniste et supremaciste de 27 ans appelé Nick Fuentes a été interviewé sur Youtube par la star des chaines d'extreme-droite -et intervieweur habituel de Trump et de Poutine- Tucker Carlson. Le fait que Carlson ait offert une tribune a un tel individu qui était déjà en train de prendre la place du regretté Charlie Kirk dans le cœur des jeunes Républicains, a soulevé une véritable tempête dans les milieux trumpistes. D'abord, en défendant le choix de Carlson, le président du bastion américain et internationale du conservatisme le plus réactionnaire qu'est la vénérable Heritage Foundation, a provoqué un tollé et la démission de plusieurs de ses dirigeants, tandis qu'une majorité des milliardaires qui financent la Fondation annonçaient qu'ils arrêtaient de la soutenir !
Mais, ce n'était pas tout. Trump lui-même non seulement prenait la défense de son ami Carlson mais se déclarait aussi d'accord avec certaines thèses de Fuentes, sans expliciter lesquelles. C'en était trop, d'autant plus qu'Israel et son lobby américain demandaient les têtes des responsables en sentant monter l'influence néonazie et antisémite dans les rangs d'un mouvement Maga désormais en crise et divisé, tandis que le grand admirateur de Hitler mais aussi de…Staline et accessoirement de Poutine qu'est ce Nick Fuentes voyait son emprise sur le parti du président Trump monter en flèche…
Devant cette multiplication d'échecs et de malheurs, Trump a tenté de redorer son blason en se mettant de nouveau en scène comme pacificateur (1). D'abord, à Gaza et ensuite en Ukraine. Mais, malgré le tapage triomphaliste médiatique, les résultats sont pour le moins plus que médiocres pour lui et tragiques pour les peuples intéressés. A Gaza, le tant célébré cessez-le-feu trumpien a été mort-né dès le départ. Pour tout dire, dès son premier jour, il n'a été qu'une blague macabre, l'apothéose du cynisme meurtrier du tandem Trump-Netanyahou. C'est ainsi que pendant que les médias et nos gouvernants persistent à louer le « cessez-le-feu globalement respecté » à Gaza, l'armée israélienne tue jour après jour, 30, 35 ou 40 civils Palestiniens dans l'indifférence générale. Comme si tuer 30 ou 35 Palestiniens de Gaza par jour est quelque chose de « normal », dans l'ordre des choses, qui n'a rien a voir avec le cessez-le-feu et son fameux… « respect ». D'ailleurs, ce tant célébré cessez-le-feu assassin, ne vaut que pour Gaza, laissant Israël, son armée et ses bandes de colons libres d'agir, de tuer, de saccager, bruler, démolir, déraciner (des dizaines de milliers d'oliviers) et terroriser en Cisjordanie occupée. Ainsi qu'au sud Liban, à Beyrouth et en Syrie !
Alors, fort de son succès à Gaza, Trump a voulu parfaire sa mission (divine ?) de pacification proposant ses services à l'Ukraine. Sauf que, selon son ministre des affaires étrangères Marco Rubio, son plan de paix a été rédigé par le bras droit de…Poutine. Ce qui a fait sensation même dans son propre parti aux Etats-Unis. Mais, ce ne sont pas de tels « détails » qui peuvent faire reculer Trump. « Things happen », ce sont des choses qui arrivent, comme il a dit de l'assassinat, du démembrement et de la dissolution dans l'acide du pauvre journaliste saoudien Khashoggi, en présence de son bourreau MBS dans la Maison Blanche.
Et la gauche européenne dans tout ca ? Qu'en pense-t-elle et surtout que fait-elle en ce moment si critique pour le présent et l'avenir de l'humanité ? Malheureusement, pas grand-chose. Quand évidemment, elle ne fait l'opposé de ce qu'elle devrait faire. Comme par exemple, ce parti de Sarah Wagenknecht en Allemagne, qui a ambitionné de devenir le bateau amiral de cette gauche internationale qui flirte ouvertement avec Poutine, soutient sa « dénazification » de l'Ukraine et trouve tout à fait fréquentables des « antiimpérialistes » comme Assad ou Orban. Malheureusement pour ce parti au nom de sa fondatrice et leader incontestable, Sarah Wagenknecht vient d'annoncer son départ de sa direction, après une série de résultats électoraux catastrophiques. Mais le pire est le - tres didactique- aboutissement actuel de ces échecs à répétition : une fraction du BSW et Sarah Wagenknecht elle-même déclarent maintenant vouloir faire quelque chose que même le partis bourgeois les plus droitiers comme la CDU et la CSU refusent de faire : vouloir s'allier aux néonazis de l'AFD, avec l'ambition de co-gouverner des Länder en Allemagne de l'est où les deux partis pourraient avoir une majorité de députés locaux ! Triste et pitoyable aboutissement d'un parcours qui a commencé à l'extreme gauche gauche et semble vouloir se conclure à l'extrême droite. Que ceux qui suivent des parcours analogues y réfléchissent et en tiennent compte…
Note
1. Voir aussi Trump le « pacificateur » comme Hitler le « chancelier de la paix » ! : https://www.cadtm.org/Trump-le-pacificateur-comme-Hitler-le-chancelier-de-la-paix?debut_tous_articles_auteur=90
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