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Le sens et la portée du choix de Sol Zanetti comme porte-parole masculin de Québec solidaire
L'élection de Sol Zanetti avec plus de 50,4 % des voix reflète une recomposition des équilibres internes au sein de Québec solidaire. La majorité de la députation s'était rangée derrière Étienne Grandmont, qui a obtenu 37,9 %. Il n'était pas identifié comme le porteur du projet indépendantiste, mais plutôt comme un député centré sur le travail parlementaire et le soutien aux luttes sociales. Le soutien à Yv Bonnier Viger était d'abord motivé par le désir d'avoir un porte-parole qui ne soit pas membre de l'équipe parlementaire et qui fasse de la reconstruction des associations électorales l'essentiel de son travail. Cette approche n'a toutefois attiré que 9,2 % des membres de Québec solidaire.
Sol Zanetti a bénéficié du ralliement des indépendantistes du parti — notamment des ancien·nes militant·es d'Option nationale — ainsi que de figures comme Ruba Ghazal, qui partage avec lui une vision d'une indépendance ouverte et inclusive. La majorité des membres qui ont voté pour Sol Zanetti y ont sans doute vu un moyen de réaffirmer le projet indépendantiste comme préoccupation essentielle du parti.
Cette élection se traduira donc par un renforcement de la place de l'indépendance dans le profil et la communication de Québec solidaire. Dans le contexte des élections à venir et de la perspective d'un éventuel référendum, le choix des membres visait à replacer Québec solidaire au centre d'un champ politique redéfini par la question nationale.
Son discours d'inauguration
Le discours inaugural de Zanetti a insisté sur l'indépendance comme projet démocratique, social et inclusif, ouvert aux personnes immigrantes et aux nations autochtones, rompant ainsi avec la tradition souverainiste du PQ, fondée sur une conception plus fermée de l'identité québécoise. Ruba Ghazal a repris cette ligne et a formulé une critique bien sentie des propos de PSPP sur la prétendue responsabilité des personnes migrantes dans les maux vécus par la société québécoise.
Ces interventions ont déjà provoqué un conflit ouvert avec le Parti québécois, sur le terrain même de l'indépendance. PSPP a accusé Québec solidaire de chercher à diviser la société québécoise et de nuire à la cause indépendantiste. De nombreux péquistes ont relayé ces attaques sur les médias sociaux.
En même temps, cette première escarmouche réintroduit la centralité de la question de l'indépendance du Québec dans le discours de Québec solidaire, après plusieurs années où elle avait été marginalisée au profit d'enjeux sociaux souvent définis de manière étroite. La campagne électorale de 2022 avait pratiquement écarté la question de l'indépendance.
Ce porte-parolat Ghazal–Zanetti peut-il redéfinir la politique et le profil de Québec solidaire ?
L'enjeu pour le nouveau porte-parolat sera de transformer le discours sur l'indépendance en un projet politique concret, articulé à la transition écologique, à la justice sociale, à la refondation démocratique et à la rupture avec l'impérialisme. Cela nécessitera une vision stratégique claire, une démarcation sans concession face au projet péquiste et une capacité à se lier aux différents mouvements sociaux antisystémiques.
« Un Québec indépendant devra aligner ses politiques économiques et militaires sur celles des États-Unis, malgré la guerre tarifaire menée par Donald Trump », croit Paul St-Pierre Plamondon. Contrairement au premier ministre canadien, Mark Carney, le chef péquiste ne compte pas tourner le dos au voisin américain en cas de victoire du Oui. D'une part pour « favoriser la stabilité » du nouvel État indépendant, d'autre part en raison de sa situation géographique. « Il y a un contexte géopolitique et nos intérêts, au Québec, sont alignés sur ceux des États-Unis », a-t-il déclaré jeudi en dévoilant les premiers éléments de son Livre bleu sur un Québec souverain. [1]
L'indépendance proposée par PSPP n'est pas une indépendance véritable : le Québec demeurerait assujetti aux politiques de l'empire américain et à celles de l'État canadien. Ce serait une indépendance croupion.
À l'inverse, une indépendance pleine et entière devrait s'enraciner dans la souveraineté du peuple, non seulement sur le plan constitutionnel, mais aussi sur les plans économique, écologique, démocratique et culturel. Elle devrait affirmer le droit à l'autodétermination des nations autochtones, rompre avec les logiques néolibérales et impériales, et ouvrir la voie à l'institution d'une république démocratique, solidaire, écologiste et décoloniale — une république du peuple pour le peuple, libre des tutelles du capital et des empires.
Conclusion : un tournant à saisir
Le choix de Sol Zanetti par les membres de Québec solidaire traduit une volonté de réorientation stratégique afin de remettre le projet d'indépendance au centre de la stratégie politique du parti et de replacer celui-ci au cœur d'un champ politique où la question nationale redevient un enjeu essentiel. Mais ce tournant ne prendra sens que s'il s'accompagne d'une repolitisation du parti lui-même : formations sur les enjeux de l'indépendance, explication de la nécessité que la lutte pour une majorité indépendantiste soit portée par un projet de société égalitaire, féministe, écologiste et décolonial.
Le nouveau porte-parolat de Québec solidaire devra relever un défi crucial : rendre le projet solidaire clair, intelligible et convaincant, en démontrant sa nécessité face au projet péquiste d'une indépendance croupion — une indépendance qui ne remettrait pas en cause le Québec néolibéral ni son intégration au cadre géopolitique nord-américain actuel. Il s'agira donc d'affirmer une alternative nette : s'opposer à cette indépendance sans rupture réelle et défendre un projet de société porteur d'une véritable libération nationale, fondée sur la souveraineté populaire et la justice sociale. Il faudra également redéfinir clairement la stratégie de lutte pour une majorité indépendantiste et le caractère essentiel de la perspective de constituante, qui a été remise en cause par l'abandon d'une option claire de sa mise en place lors d'une élection au suffrage universel au dernier congrès. Le pire abandon serait de faire croire qu'une victoire du PQ pourrait constituer une voie royale vers le référendum et vers l'indépendance. Il est des illusions qu'il faudra éviter de nourrir. Reconstruire la pertinence du projet de Québec solidaire pour l'indépendance impliquera de surmonter une série d'obstacles. Comme l'a rappelé Sol Zanetti dans son allocution au congrès : « Il n'y en aura pas de facile. »
[1] Patrick Bellerose, Journal de Québec, 6 novembre 2025.

Définir les orientations politiques pragmatiques d’un futur gouvernement solidaire
Le 18ᵉ congrès de Québec solidaire, consacré à l'« actualisation » du programme, aurait pu être un moment fort de délibération démocratique et de clarification des orientations stratégiques du parti. Il s'est plutôt transformé en un exercice d'encadrement politique et organisationnel révélant la normalisation électoraliste en cours. Derrière le discours rassurant de la « lisibilité » et de la « pédagogie » du programme, la direction a imposé une conception restrictive du mandat confié par le parti : réduire le programme à un document de gouvernement, formulé à un haut niveau de généralité, dénué de propositions concrètes et de toute perspective de rupture radicale avec l'ordre existant, exprimée de façon claire et précise. Sous prétexte de simplification du langage et d'accessibilité pour le grand public, ont été écartés les éléments les plus structurants du projet solidaire : la mention explicite du capitalisme comme responsable de la dégradation de la biodiversité, des crises économiques, politiques et environnementales a été rejetée.
Les débats autour du programme réactualisé se sont faits très rapidement. Il y avait 288 amendements à discuter, sans parler des parties du texte qui n'avaient pas fait l'objet d'amendements et qui ont également été votées. Nous faisons ci-dessous un survol rapide des débats.
La majorité des amendements portaient sur le Bloc I « Économie et transition socioécologique » et sur le Bloc II « Habitation, énergie, ressources naturelles et travail ». Dans les domaines économiques et écologiques, les mesures adoptées restent symboliques ou limitées : la décroissance est réduite aux industries fossiles, et le rôle des PME et du secteur privé est légitimé comme pouvant être l'instrument de la transition socioécologique. Si la discussion a permis de clarifier que le secteur privé ne se limite pas aux PME, mais qu'il comprend également de grandes entreprises engagées dans le capital fossile et dans les industries d'extraction des ressources naturelles, souvent multinationales, aucune politique concrète en direction de ces secteurs n'a été définie. La définition de la décroissance a été limitée aux industries fossiles, évitant toute prise de position explicite sur la décroissance globale. Ainsi, la reconversion des industries militaires en industries productrices de biens utiles (comme des moyens de transport électrifiés), par exemple, n'a pas été discutée. Pourtant, à l'heure où Legault veut relancer cette industrie, une position claire sur sa nécessaire décroissance aurait été indispensable.
Les propositions de nationalisation/socialisation des grands monopoles du secteur de l'énergie, de l'exploitation des ressources forestières ou minières ont toutes été rejetées. Ces propositions ont été présentées comme trop spécifiques, et il a été avancé que ce serait un éventuel gouvernement de Québec solidaire qui pourrait définir les entreprises à nationaliser. Le texte du programme révisé s'est donc contenté de définir des critères. C'est un choix qui empêche de prendre en compte que, tant que les grandes entreprises contrôleront les choix en matière d'énergie et d'exploitation des ressources, la planification démocratique et décentralisée nécessaire à la transition écologique sera entravée. C'est un choix qui reporte dans un avenir indéterminé, après l'accession hypothétique de Québec solidaire au pouvoir, la lutte effective pour la reprise en main de nos ressources naturelles. Les propositions adoptées se contentent de parler de surveillance attentive des entreprises, sans s'interroger sur le pouvoir réel que garderont les grandes entreprises sur l'économie du Québec.
Dans les secteurs sociaux — Bloc III « Santé et services sociaux » — tels que le logement, le travail et l'éducation, des mesures progressistes ont été adoptées. Mais la proposition de réduction du temps de travail à 35 heures, puis à 32 heures, sans baisse de salaire et sans augmentation de l'intensité du travail, qui était reprise de l'ancien programme de Québec solidaire, a été rejetée (jugée trop spécifique). A également disparu, faute d'amendement en ce sens, le soutien à la syndicalisation multipatronale. En ce qui concerne la santé publique et les services sociaux, aucune discussion n'a eu lieu sur la privatisation rampante du système de santé, ni sur la rémunération des médecins. Les débats sur le système de santé sont restés limités à la reconnaissance ou non des médecines traditionnelles.
Dans le Bloc IV, portant sur la fiscalité, les familles, l'éducation et la justice, Québec solidaire a confirmé son refus des politiques d'austérité et adopté une fiscalité orientée vers la réduction de la pauvreté. Les services de la petite enfance ont été élargis et le caractère mixte du réseau scolaire a été maintenu. Des mesures redistributives et progressistes ont été adoptées, mais sans que des propositions concrètes en ce sens ne soient discutées, car elles avaient été d'emblée écartées des débats.
Dans le Bloc V, sur le plan démocratique et culturel, certaines avancées symboliques ont été adoptées : élargissement du droit de vote à 16 ans, protection contre l'usage discriminatoire de la laïcité, régularisation des sans-papiers et promotion de l'inclusion.
Le Bloc VI « Indépendance et altermondialisme » illustre des reculs dont l'importance reste à évaluer. L'abandon de l'élection au suffrage universel de l'Assemblée constituante affaiblit considérablement la stratégie indépendantiste de Québec solidaire. Le débat portait sur le tirage au sort, l'élection au suffrage universel ou le fait de ne pas se prononcer sur le mode de constitution de l'Assemblée constituante. C'est cette dernière proposition qui a été retenue, avec le soutien du porte-parole masculin, Sol Zanetti. Cette position a été, comme les autres, adoptée à la va-vite. Il s'agissait pourtant d'un abandon de la position traditionnelle de Québec solidaire.
L'élection d'une assemblée est essentielle à une réelle expression de la souveraineté populaire.
Cette élection permet de définir le peuple québécois comme le seul détenteur du pouvoir constituant, capable de définir ses institutions, ses droits fondamentaux et son mode de gouvernement. Elle permet à chaque Québécoise et Québécois de participer directement à la fondation de son pays. L'élection d'une assemblée constituante ouvre toute une période où les mouvements sociaux, syndicaux, féministes, écologistes et communautaires sont invités à formuler leurs propres propositions constitutionnelles. Cette élection ouvre un vaste débat public sur la société québécoise à construire. Les peuples autochtones, s'ils le souhaitent, peuvent s'impliquer dans ce processus. L'ensemble des citoyennes et citoyens sont invité·es à se prononcer sur les droits sociaux, sur la protection de l'environnement, sur la laïcité, sur la démocratie économique… Cette élection de la constituante et le travail qui s'en suivrait permettraient d'articuler le projet d'indépendance au projet de société défini collectivement, dans une réelle démarche de souveraineté populaire. L'élection n'est pas qu'un simple mécanisme de désignation : c'est un moment d'expression de la souveraineté populaire. Il faut reconnaître qu'une assemblée élue au suffrage universel, ouverte à toutes les forces politiques et validée par un référendum final, comme le proposait le programme de Québec solidaire, aurait une légitimité indiscutable pour parler au nom du peuple québécois lui-même. Le tirage au sort, lui, court-circuite cette politisation, en réduisant la participation citoyenne. Affirmer que la question reste ouverte, et qu'il sera toujours possible de réactualiser cette position, c'est affaiblir la position de Québec solidaire dans le débat actuel.
Le refus du congrès d'indiquer explicitement qu'un Québec indépendant refuserait de participer à l'OTAN et au NORAD constitue un recul par rapport au programme original de Québec solidaire. L'OTAN est une organisation qui « oblige ses membres à dépenser 5 % de leur PIB au détriment des investissements en santé, en éducation, en logement social et dans la lutte contre les changements climatiques ». À l'heure d'une reprise de la course aux armements, sous l'impulsion de l'OTAN, cette position nous désolidarise de celles et ceux qui mènent chaque jour un combat contre le militarisme.
Le Bloc VII, portant sur le féminisme, les identités sexuelles et de genre, et les peuples autochtones, n'a pas donné lieu à des débats, car, contrairement aux autres, le seul amendement significatif concernait la reconnaissance de l'écoféminisme. Le texte réactualisé a donc été adopté avec un minimum de débats.
Le Bloc VIII, sur l'immigration, l'inclusion et la langue française, a permis l'adoption de mesures favorisant l'inclusion et l'égalité des droits. L'obligation stricte « pour toute personne vivant au Québec de maîtriser suffisamment le français pour en faire sa langue d'usage dans la vie courante comme au travail » a été biffée du texte du programme actualisé. La régularisation des sans-papiers et l'égalité de traitement pour toustes les résident·es ont été adoptées. La tendance qui se dégage est clairement progressiste et inclusive, évitant toute forme de discrimination ou de traitement différencié.
En résumé, le programme se distingue par son caractère idéologique, son absence d'objectifs politiques concrets et sa faiblesse critique à l'égard du pouvoir économique de la classe dominante. Les luttes syndicales, populaires, écologiques, féministes et décoloniales ne sont pas présentées comme le principal moteur du changement. En fait, le programme est réduit, dans l'ensemble, à de futures orientations politiques et sociales d'un éventuel gouvernement de Québec solidaire. Les transformations sociales y sont ainsi présentées comme s'effectuant à partir des sommets de la société. Cela découle du choix d'avoir écarté l'idée de faire du programme une boussole pour les luttes de rupture sociale et écologique, pourtant si nécessaires dans le moment actuel.
L'organisation de la discussion a su imposer l'idée que la « lisibilité » du programme devait primer sur la cohérence politique, et que les débats de fond sur la stratégie de rupture pouvaient être ajournés au nom de la définition d'un projet de société sans propositions spécifiques claires.
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Le budget 2025 prévoit des dépenses massives pour le complexe militaro-industriel, mais des coupes presque partout ailleurs
Mark Carney avait promis d'augmenter les dépenses militaires à 2 % du PIB, et c'est ce qu'il fait dans son premier budget. Le coût pour presque toutes les autres activités du gouvernement est considérable.
Tiré de rabble.ca
5 novembre 2025
Il y a soixante-cinq ans, alors qu'il quittait ses fonctions, le président américain Dwight Eisenhower mettait en garde contre « l'influence injustifiée » du « complexe militaro-industriel ».
Eisenhower n'y est pas allé par quatre chemins.
L'ancien général, qui avait commandé les forces alliées en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, qualifiait le pouvoir « mal placé » de ce complexe de « désastreux ».
À la lecture du premier budget du premier ministre canadien Mark Carney, on constate que l'influence et le pouvoir dangereux contre lesquels Eisenhower avait mis en garde se sont désormais étendus à l'échelle mondiale.
Le budget du 4 novembre du Canada compte de nombreux perdant·es, mais une grande gagnante : l'armée et les industries qui lui sont liées.
Alors que le budget 2025 réduit presque toutes les autres dépenses publiques, y compris celles consacrées aux ancien·nes combattant·es, aux relations entre la Couronne et les Autochtones et à l'aide au développement international, il augmente les dépenses militaires de plus de 16 milliards de dollars par an pendant cinq ans.
Carney et son ministre des Finances, François-Philippe Champagne, qualifient cela d'« investissement générationnel » dans les armes et les appareils de guerre.
Au début de l'année, le gouvernement canadien a promis aux autres membres de l'OTAN qu'il accélérerait le processus visant à porter notre budget de défense à 2 % du produit intérieur brut (PIB), et il a tenu parole.
Mais ce n'est pas tout.
Lors du sommet de l'OTAN en juin dernier, Donald Trump a ordonné aux dirigeant·es de l'alliance réuni·es de sauter, et ils ont tous répondu à l'unisson : « À quelle hauteur ? »
Trump, de manière capricieuse et sans s'appuyer sur aucun fait ni aucune preuve, a décidé que tous les membres de l'OTAN devaient désormais consacrer 5 % de leur production économique à l'achat d'armes, de bombes, de chars, de missiles, de drones et de soldats.
Un tel renforcement massif de l'armement dépassera les pires craintes de Dwight Eisenhower.
Cela représentera bien plus que ce que l'ancien général appelait une « influence injustifiée ».
Elle créera des États-garnisons, armés jusqu'aux dents, partout dans le monde.
Mauvaises nouvelles économiques ; le gouvernement comme catalyseur
Le budget 2025 vise ostensiblement à rendre l'économie canadienne plus résistante face à la guerre économique menée par Trump.
Le document budgétaire plante le décor en brossant un tableau économique sombre pour le Canada :
« Les droits de douane et les perturbations de la chaîne d'approvisionnement devraient freiner les investissements et la productivité des entreprises. Combiné à un ralentissement de la croissance démographique, le niveau du PIB réel devrait être inférieur de 1,8 % à ce qui était prévu en 2024 avant le conflit commercial. »
Parmi les éléments négatifs cités dans le budget 2025, les principaux sont une baisse de 7 % des exportations canadiennes vers tous les pays et une baisse de 10 % des exportations vers les États-Unis.
Les exportations d'acier et d'aluminium ont baissé beaucoup plus, d'environ un tiers.
Pour le gouvernement, ce « choc économique » se traduit par une baisse des recettes fiscales. Il en résulte, selon le budget, une « détérioration du solde budgétaire fédéral de 7 milliards de dollars par an ».
Pour atténuer les effets négatifs induits par Trump, le budget propose une « nouvelle stratégie industrielle ».
Cette approche à plusieurs volets permettrait au gouvernement fédéral d'agir, dans une large mesure, comme catalyseur des investissements du secteur privé.
Ainsi, le budget 2025 prévoit que le gouvernement fédéral dépensera beaucoup dans les infrastructures, un peu moins dans le soutien à la recherche et au développement des compétences et, pour la première fois depuis des décennies, investira dans le logement.
Parallèlement, le gouvernement offrira aux entreprises du secteur privé une série d'incitations fiscales généreuses pouvant atteindre plusieurs milliards de dollars.
L'une de ces mesures fiscales est ce que le budget appelle une « super-déduction pour la productivité ».
Cette mesure permettra aux entreprises de déduire plus rapidement une plus grande partie du coût de leurs investissements dans les machines, les équipements et les technologies.
Les entreprises pourront bénéficier de cet allégement fiscal avant d'avoir dépensé ce qu'elles prévoient investir dans de nouveaux « actifs améliorant la productivité ».
Le budget fait une déclaration ambitieuse concernant ces mesures de stratégie industrielle.
Le gouvernement Carney affirme qu'elles permettront, d'une manière ou d'une autre, de générer plus d'un trillion de dollars d'investissements (un milliard de milliards) au total sur cinq ans. Le budget 2025 ne précise toutefois pas comment cela se produira. Sur ce point, comme sur beaucoup d'autres, le budget manque de détails.
Mais même dans le chapitre consacré à la stratégie industrielle, l'armée occupe une place de choix.
En effet, les prévisions budgétaires concernant les nouvelles dépenses de défense, qui dépasseraient 16 milliards de dollars par an, pourraient être sous-estimées.
Entités d'investissement militaire autonomes
Parmi les piliers de la stratégie industrielle figurent un nouveau Bureau des grands projets et une agence tout aussi nouvelle, Build Canada Homes.
Mais le gouvernement créera également une nouvelle Agence d'investissement dans la défense dans le cadre de ce qu'il appelle sa stratégie industrielle de défense.
L'un des objectifs de ces initiatives de défense autonomes est de détourner les achats canadiens en matière de défense faits aux États-Unis, désormais peu fiables, vers le Canada et les alliés non américains, en particulier en Europe.
Cela semblera une bonne idée à toustes celleux qui n'ont pas dormi depuis l'arrivée au pouvoir de Trump en janvier dernier.
Mais une grande partie des motivations de cette stratégie industrielle axée spécifiquement sur la défense est moins bienveillante. Son objectif est d'intégrer plus étroitement l'activité militaire dans le tissu non militaire de l'économie.
Le document budgétaire le dit clairement. Il vante les avantages des achats militaires pour l'ensemble de l'économie :
« Les opportunités commerciales se trouveront tout au long de la chaîne d'approvisionnement : de la production de matières premières, notamment l'acier et l'aluminium, aux camionneur·euses et cheminots qui assurent leur transport, en passant par ceux qui transforment ces matériaux en équipements, armes, munitions et véhicules. »
Pour faire bonne mesure, le budget 2025 promet que les investissements militaires massifs « stimuleront également l'innovation dans les secteurs technologiques, notamment l'intelligence artificielle, la technologie quantique et la cybersécurité ».
Certain·es pourraient imaginer qu'une augmentation massive des dépenses militaires pourrait aider ce pays à résister aux intentions agressives et hostiles des États-Unis de Donald Trump.
Ce n'est guère le cas.
Il faut tenir compte du fait qu'une bonne partie des nouvelles dépenses militaires sera consacrée à des domaines dans lesquels nous, Canadien·nes, sommes étroitement intégré·es aux Américain·es. Le principal d'entre eux est le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD).
Quoi qu'il en soit, le gouvernement Carney semble ambivalent dans son évaluation de la menace que représente l'Amérique de Trump, malgré tous ses discours musclés.
Un exemple concret : il y a quelque temps, Trump a envisagé d'utiliser les ressources du gouvernement américain pour acheter une grande partie de l'industrie canadienne des minéraux rares.
Interrogé sur les ambitions de Trump et sur les dangers que représente le fait qu'une puissance étrangère possède un actif stratégique tel que les minéraux rares, le ministre des Ressources naturelles de Carney, Tim Hodgson, a répondu : « Les États-Unis sont un allié. »
Oui, les États-Unis sont toujours (en quelque sorte) un allié. Mais leur président actuel ne cache pas son désir de mettre la main sur nos ressources en eau et autres, voire sur l'ensemble du pays.
Réductions importantes des dépenses non militaires
Il y a un coût à nourrir de force le complexe militaro-industriel avec un régime aussi riche. Ce coût sera payé par une grande partie des autres activités gouvernementales.
Une annexe au document budgétaire indique, pour presque tous les ministères, de quelle façon ils doivent réduire leurs dépenses de 15 %.
Les responsables des Pêches et Océans ont reçu pour instruction de « réduire » les activités de recherche et de surveillance pour lesquelles des « sources de données alternatives » (non spécifiées) sont disponibles.
Pour Environnement et Changement climatique, le mot d'ordre est de « réduire ou de réduire progressivement les activités qui ne sont pas essentielles au mandat du ministère », en supposant que de telles activités existent. Le commissaire fédéral à l'environnement a souvent signalé que le ministère de l'Environnement ne remplissait pas bon nombre des activités qui relèvent entièrement de son mandat.
Ressources naturelles Canada supprimera également des programmes environnementaux, notamment le programme Maisons vertes et le programme du gouvernement précédent visant à planter deux milliards d'arbres absorbant le carbone.
En plus d'une série de mesures d'efficacité vaguement définies, le budget 2025 enjoint à l'emploi et au développement de la main-d'œuvre « d'accroître son utilisation de l'intelligence artificielle (IA) afin de rationaliser et d'automatiser les processus internes ».
L'IA connaît un succès fulgurant auprès du gouvernement Carney.
Mais le budget 2025 ne met-il pas la charrue avant les bœufs en matière d'IA ?
Les lecteurs et lectrices se souviendront qu'au début de l'année, le Premier ministre a créé un tout nouveau ministère de l'Intelligence artificielle (IA), dirigé par l'ancien animateur de télévision Evan Solomon. Dans une récente interview, M. Solomon a promis une nouvelle législation pour faire face aux dangers et aux risques potentiels de l'IA.
Mais le gouvernement n'attend pas les nouvelles règles et réglementations de M. Solomon pour se lancer tête baissée dans l'IA – et, comme l'aurait dit Shakespeare, que le diable emporte les derniers.
Certaines institutions culturelles bénéficient d'une augmentation modeste de leur financement.
Le budget 2025 ajoute 150 millions de dollars au financement de CBC/Radio-Canada pour cette année et promet une révision tant attendue du mandat du radiodiffuseur public.
C'est loin de ce que l'ancienne ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, avait recommandé en février dernier.
Mme St-Onge avait proposé que le Canada investisse le montant moyen que les pays du G-7 consacrent à la radiodiffusion publique, soit 62,50 dollars par personne, et en fasse un montant garanti. Actuellement, le Canada dépense environ 37,50 dollars par personne pour le radiodiffuseur public.
Malgré les nouveaux fonds accordés à CBC/Radio-Canada (et à d'autres organismes tels que Téléfilm Canada et l'Office national du film), le ministère responsable de ces organismes, et de bien d'autres choses liées à l'identité canadienne, doit réduire ses coûts de fonctionnement de 15 %.
Il en va de même pour l'Agence du revenu du Canada (ARC), malgré le manque scandaleux de services fournis par cet organisme avec son niveau de financement actuel.
L'aide au développement international est souvent considérée comme le pendant « soft power » des dépenses militaires.
Selon cette théorie, pour parvenir à un monde plus sûr et plus sécurisé, les nations riches doivent contribuer à réduire la pauvreté, les problèmes de santé, les conditions de logement inadéquates, la dégradation de l'environnement et le chômage dans les nations plus pauvres.
C'est pourquoi, il y a plusieurs années, le monde entier a adopté les objectifs du Millénaire pour le développement, qui encourageaient les pays riches à consacrer 0,7 % de leur PIB à l'aide au développement. (Le Canada n'a jamais atteint cet objectif, contrairement à d'autres pays comme le Royaume-Uni.)
Mark Carney ne souscrit manifestement pas à cette théorie.
Son budget 2025 réduit le niveau déjà faible de l'aide apportée par le Canada aux pays moins développés.
Parmi les victimes figurent les programmes de santé mondiaux et les institutions financières internationales.
Et ainsi de suite. Le document budgétaire présente de nombreuses autres coupes similaires.
Le premier ministre a tenu à préciser que son gouvernement ne réduisait pas les transferts aux provinces pour les services de santé et les services sociaux, ni ne supprimait ses propres programmes, tels que celui des soins dentaires, résultat de l'accord conclu par le gouvernement précédent avec les néo-démocrates.
Cependant, le programme d'assurance-médicaments sera victime de ce budget.
À ce jour, seules la Colombie-Britannique, l'Île-du-Prince-Édouard, le Manitoba et le Yukon ont signé des accords d'assurance-médicaments avec le gouvernement fédéral, mettant ainsi le programme en œuvre.
Le plan consistait à négocier des accords similaires avec les autres provinces et territoires. Mais cela ne se produira pas maintenant. L'initiative d'assurance-médicaments sera gelée.
Le budget comporte quelques points positifs et encourageants, mais aussi d'autres éléments inquiétants. Pour cet espace sur rabble.ca, il faudra attendre un autre jour.
Le débat sur le budget 2025 est actuellement en cours à la Chambre, mais celle-ci suspendra ses travaux la semaine prochaine, pour les reprendre la semaine suivante.
C'est à ce moment-là que nous pouvons nous attendre à un vote sur le budget.
L'équipe de Carney a obtenu le soutien d'un député conservateur dissident, Chris d'Entremont, le seul conservateur élu en Nouvelle-Écosse lors du scrutin du printemps dernier.
Cela signifie qu'il ne leur manque plus que deux voix (ou abstentions) pour faire adopter le budget 2025 par le Parlement. S'ils échouent, des élections seront organisées.
Mais un échec semble désormais peu probable.
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« New York restera une ville d’immigrant-es : une ville construite par des immigrant·es, animée par des immigrant·es
Mardi 5 novembre 2025, Zohran Mamdani a gagné les élections municipales à New York avec un million de voix en battant Andrew Cuomo (ancien gouverneur démocrate de l'État de New York) qui était soutenu par Donald Trump et l'establishment. Mamdani a 34 ans et est musulman, il est né en Ouganda. Lors de son discours de victoire il a notamment déclaré ceci en défiant le néofasciste Trump : « New York restera une ville d'immigrant-es : une ville construite par des immigrant-es, animée par des immigrants et, à partir de ce soir, dirigée par un immigrant. ».
Il a également déclaré : « Le 1er janvier, je prêterai serment en tant que maire de la ville de New York. (...) Merci à ceux qui sont si souvent oubliés par la politique de notre ville, qui ont fait leur ce mouvement. Je parle des propriétaires de bodegas yéménites et des abuelas mexicaines. Des chauffeurs de taxi sénégalais et des infirmières ouzbèkes. Des cuisiniers trinidadiens et des tantines éthiopiennes. »
Il faut souligner que Zohran Mamdani qu'en 2021 a soutenu activement le combat des chauffeurs de taxis de NYC (25.000), qui protestaient contre les conditions abusives imposées par les créanciers. La grève de la faim et du travail des chauffeurs a obligé Marblegate, leur principal créancier à un accord dit « Taxi Medallion Debt Relief Deal » qui a conduit à une restructuration de leur dette, à un plafonnement du taux d'intérêt et à la protection de leur logement contre le risque de saisie.
Parmi les propositions de Mamdani qui ont entraîné une importante mobilisation lui assurant la victoire le 5 novembre 2025 : un gel des loyers qui concernerait 1 million de logements ; une augmentation du taux d'imposition sur les sociétés dans l'État de New York jusqu'à 11,5 % (soit un niveau comparable à celui du New Jersey), afin de générer environ 5 milliards de $ par an ; une surtaxe de 2 % sur le revenu des résidents de la ville gagnant plus d'1 million de $ par an ; rendre les bus de la ville gratuits.
Trump avait menacé les New Yorkais·es qui souhaitaient voter pour le « gauchiste » Mamdani de couper la dotation fédérale à la ville. Cela n'a pas réussi à dissuader un million de personnes d'apporter leur soutien à la candidature de celui-ci. Le nombre de voix recueillies par Mamdani n'avait plus été atteint depuis 1969 par un maire élu à New York.
Le CADTM publie dans son intégralité le discours que Zohran Mamdani a prononcé dès que sa victoire a été confirmée le 5 novembre 2025 en fin de soirée. Cela vaut la peine de lire l'ensemble du discours afin de se faire une opinion. Bien sûr il faut exercer un esprit critique. Il n'y a pas de doute qu'il faudra prendre le temps d'analyser de manière contradictoire ce que dit cet élu en le comparant avec la réalité de son action. Il ne faut pas se laisser convaincre par un beau discours, il faut des actes concrets qui doivent correspondre avec les paroles.
Mamdani et son équipe devront surmonter de nombreux obstacles et faire face à de puissants ennemis. Cela s'est déjà vu lors de la campagne durant laquelle, d'après le magazine Forbes, 26 Milliardaires étatsuniens ont dépensé plus de 22 millions de dollars pour empêcher Mamdani d'accéder à la mairie de New-York. Fort heureusement, la volonté et l'énergie populaires, notamment chez les plus jeunes, ont triomphé sur le pouvoir de l'argent et du capital.
Son nouveau mandat de maire commencera le 1er janvier 2026 s'il n'y est pas empêché par un acte criminel. Nous serons attentifs dans les mois qui viennent et en particulier lors des premiers 100 jours du mandat de Mamdani, à ce qu'il mettra en pratique.
Rappelons que l'arrivée de la gauche au gouvernement en Grèce en janvier 2015 avait soulevé d'énormes espoirs. Néanmoins la stratégie politique adoptée par le gouvernement de Tsipras avait été désastreuse. Il avait capitulé face aux ennemis du changement, le grand capital grec et notamment la Troïka (FMI, BCE, Commission européenne). Les dirigeants européens voulaient éviter un virage progressiste tant en Grèce que dans d'autres pays d'Europe comme l'Espagne et le Portugal et ils ont atteint leurs objectifs à cause du manque de combativité et de radicalité de Tsipras et de son gouvernement.
L'arrivée de Zohran Mamdani, membre des Démocrates socialistes d'Amérique (DSA) à la mairie de New York va susciter beaucoup d'attentes, espérons qu'elles ne soient pas déçues et qu'elles contribuent à une authentique contre-offensive face à Trump, au 1% et à l'extrême-droite en général.
6 novembre 2025 ,/ tiré du site du CADTM | Photo : Bingjiefu He, CC, Wikimedia Commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Zohran_Mamdani_at_the_Resist_Fascism_Rally_in_Bryant_Park_on_Oct_27th_2024.jpg
https://frustrationmagazine.fr/new-york-zohran-mamdani
Le discours de victoire de Mamdani
Merci, mes amis. Le soleil s'est peut-être couché sur notre ville ce soir, mais comme l'a dit un jour Eugene Debs [1], « je vois poindre l'aube d'un jour meilleur pour l'humanité ».
Depuis aussi longtemps que nous nous souvenons, les travailleurs de New York se sont entendu dire par les personnes riches et bien connectées que le pouvoir ne leur appartenait pas.
Les doigts meurtris à force de soulever des cartons dans les entrepôts, les paumes calleuses à force de tenir le guidon des vélos de livraison, les jointures marquées par les brûlures de cuisine : ce ne sont pas des mains qui ont été autorisées à détenir le pouvoir. Et pourtant, au cours de ces 12 derniers mois, vous avez osé viser plus haut.
Ce soir, contre toute attente, nous l'avons atteint. L'avenir est entre nos mains. Mes amis, nous avons renversé une dynastie politique.
Je souhaite à Andrew Cuomo tout le meilleur dans sa vie privée. Mais que ce soir soit la dernière fois que je prononce son nom, alors que nous tournons la page d'une politique qui abandonne le plus grand nombre au profit d'une minorité. New York, ce soir, vous nous avez chargés d'une mission. Une mission pour un changement. Une mission pour une nouvelle forme de politique. Une mission pour une ville à la portée de tous. Et une mission pour un gouvernement qui tient exactement ces engagements.
Le 1er janvier, je prêterai serment en tant que maire de la ville de New York. Et c'est grâce à vous. Avant toute autre chose, je tiens donc à vous dire ceci : merci. Merci à la nouvelle génération de New-Yorkais qui refuse d'accepter que la promesse d'un avenir meilleur soit une relique du passé.
Vous avez montré que lorsque la politique s'adresse à vous sans condescendance, nous pouvons nous diriger vers une nouvelle ère de leadership. Nous nous battrons pour vous, car nous sommes vous.
Ou, comme on dit à Steinway, ana minkum wa alaikum [2].
Merci à ceux qui sont si souvent oubliés par la politique de notre ville, qui ont fait leur ce mouvement. Je parle des propriétaires de bodegas yéménites et des abuelas mexicaines. Des chauffeurs de taxi sénégalais et des infirmières ouzbèkes. Des cuisiniers trinidadiens et des tantines éthiopiennes. Oui, des tantines.
À tous les New-Yorkais de Kensington, Midwood et Hunts Point, sachez ceci : cette ville est votre ville, et cette démocratie est aussi la vôtre [3].
Cette campagne concerne des gens comme Wesley, un organisateur du 1199 que j'ai rencontré devant l'hôpital Elmhurst jeudi soir [4].
Un New-Yorkais qui vit ailleurs, qui fait deux heures de trajet aller-retour depuis la Pennsylvanie parce que les loyers sont trop chers dans cette ville.
Elle concerne des gens comme cette femme que j'ai rencontrée il y a des années dans le bus Bx33 et qui m'a dit : « Avant, j'aimais New York, mais maintenant, c'est juste l'endroit où je vis. » Et elle concerne des gens comme Richard, le chauffeur de taxi avec lequel j'ai fait une grève de la faim de quinze jours devant l'hôtel de ville, et qui doit encore conduire son taxi sept jours sur sept. Mon frère, nous sommes à l'hôtel de ville maintenant [5].
Cette victoire est pour eux tous. Et elle est pour vous tous, les plus de 100 000 bénévoles qui ont fait de cette campagne une force imparable [6]. Grâce à vous, nous ferons de cette ville une ville que les travailleurs pourront à nouveau aimer et dans laquelle ils pourront à nouveau vivre. À chaque porte frappée, à chaque signature obtenue, à chaque débat difficilement remporté, vous avez érodé le cynisme qui caractérise désormais notre politique.
Je sais que je vous ai beaucoup demandé au cours de cette dernière année. À maintes reprises, vous avez répondu à mes appels, mais j'ai une dernière requête. New York, inspirez profondément en cet instant. Nous avons retenu notre souffle plus longtemps que nous ne le pensons.
Nous l'avons retenu dans l'attente de la défaite, nous l'avons retenu parce que notre souffle a été coupé trop de fois pour pouvoir les compter, nous l'avons retenu parce que nous ne pouvions pas nous permettre d'expirer. Merci à tous ceux qui ont tant sacrifié. Nous respirons l'air d'une ville qui renaît.
À mon équipe de campagne, qui a cru en moi quand personne d'autre ne le faisait et qui a transformé un projet électoral en quelque chose de bien plus grand : je ne pourrai jamais exprimer toute ma gratitude. Vous pouvez enfin dormir tranquilles.
À mes parents, maman et papa : vous avez fait de moi l'homme que je suis aujourd'hui. Je suis très fier d'être votre fils. Et à ma merveilleuse épouse, Rama, hayati [7] : il n'y a personne d'autre que je préférerais avoir à mes côtés en ce moment, et à chaque instant.
À tous les New-Yorkais, que vous ayez voté pour moi, pour l'un de mes adversaires ou que vous ayez été trop déçus par la politique pour voter, merci de m'avoir donné l'occasion de prouver que je suis digne de votre confiance. Je me réveillerai chaque matin avec un seul objectif : rendre cette ville meilleure pour vous qu'elle ne l'était la veille.
Beaucoup pensaient que ce jour n'arriverait jamais, craignant que nous soyons condamnés à un avenir moins prometteur, chaque élection nous assignant à répéter les mêmes conditions.
D'autres considèrent la politique actuelle comme trop cruelle pour que la flamme de l'espoir continue de brûler. New York, nous avons répondu à ces craintes.
Ce soir, nous nous sommes exprimés d'une voix claire. L'espoir est vivant. L'espoir est une décision que des dizaines de milliers de New-Yorkais ont prise jour après jour, bénévolat après bénévolat, malgré les attaques publicitaires incessantes. Nous étions plus d'un million à nous rassembler dans nos églises, nos gymnases, nos centres communautaires, pour remplir le registre de la démocratie [8].
Et si nous avons voté seuls, nous avons choisi l'espoir ensemble. L'espoir plutôt que la tyrannie. L'espoir plutôt que l'argent et les idées étroites. L'espoir plutôt que le désespoir. Nous avons gagné parce que les New-Yorkais se sont permis d'espérer que l'impossible pouvait devenir possible. Et nous avons gagné car nous avons affirmé que la politique ne serait plus quelque chose que nous subissons. Désormais, c'est quelque chose que nous faisons.
Debout devant vous, je pense aux paroles de Jawaharlal Nehru : « Il arrive un moment, rare dans l'histoire, où nous passons de l'ancien au nouveau, où une époque s'achève et où l'âme d'une nation, longtemps réprimée, trouve enfin sa voix. »
Ce soir, nous sommes passés de l'ancien au nouveau. Alors d'une voix claire et convaincue qui ne peut être mal interprétée, parlons de ce que cette nouvelle ère offrira, et à qui.
Ce sera une ère où les New-Yorkais attendront de leurs dirigeants une vision audacieuse de ce que nous accomplirons, plutôt qu'une liste d'excuses pour ce que nous sommes trop timides pour tenter. Au cœur de cette vision se trouvera le programme le plus ambitieux jamais mis en place pour lutter contre la crise du coût de la vie que connaît cette ville depuis l'époque de Fiorello La Guardia : un programme qui gèlera les loyers de plus de deux millions de locataires bénéficiant d'un loyer stabilisé, rendra les bus rapides et gratuits et offrira des services de garde d'enfants universels dans toute notre ville [9].
Depuis sa victoire aux primaires démocrates, Zohran Mamdani a été comparé à plusieurs reprises à La Guardia. Le gel du prix des loyers fut durant toute sa campagne une de ses mesures phares.
Dans quelques années, notre seul regret sera peut-être que ce jour ait mis si longtemps à arriver. Cette nouvelle ère sera marquée par des améliorations constantes. Nous embaucherons des milliers d'enseignants supplémentaires. Nous réduirons le gaspillage lié à une bureaucratie pléthorique. Nous nous efforcerons sans relâche de rétablir l'éclairage dans les couloirs des immeubles de la NYCHA, où il est défaillant depuis longtemps [10].
La sécurité et la justice iront de pair, car nous collaborerons avec les agents de police pour réduire la criminalité et créer un ministère de la Sécurité communautaire qui s'attaquera de front aux crises de la santé mentale et du sans-abrisme. L'excellence deviendra la norme au sein du gouvernement, et non plus l'exception. Dans cette nouvelle ère que nous créons pour nous-mêmes, nous refuserons de laisser ceux qui sèment la division et la haine nous monter les uns contre les autres [11].
En cette période d'obscurité politique, New York sera la lumière. Ici, nous croyons qu'il faut défendre ceux que nous aimons, que vous soyez un immigrant, un membre de la communauté transgenre, l'une des nombreuses femmes noires que Donald Trump a licenciées et privées d'un emploi fédéral, une mère célibataire qui attend toujours que le prix des produits alimentaires baisse, ou toute autre personne acculée, au pied du mur. Votre combat est aussi le nôtre.
Nous construirons une mairie qui se tiendra fermement aux côtés des New-Yorkais juifs et qui ne faiblira pas dans la lutte contre le fléau de l'antisémitisme ; une mairie où plus d'un million de musulmans sauront qu'ils ont leur place, non seulement dans les cinq arrondissements de cette ville, mais aussi dans les couloirs du pouvoir.
New York ne sera plus une ville où l'on peut faire campagne sur l'islamophobie et remporter une élection. Cette nouvelle ère sera marquée par une compétence et une compassion qui ont trop longtemps été opposées l'une à l'autre. Nous prouverons qu'il n'y a pas de problème trop grand pour que le gouvernement le résolve, ni de préoccupation trop insignifiante pour qu'il s'en soucie [12].
Pendant des années, les responsables de la mairie n'ont aidé que ceux qui pouvaient les aider ; mais le 1er janvier, nous inaugurerons une administration municipale qui aidera tout le monde.
Je sais que beaucoup n'ont entendu notre message qu'à travers le prisme de la désinformation. Des dizaines de millions de dollars ont été dépensés pour redéfinir la réalité et convaincre nos voisins que cette nouvelle ère est quelque chose qui devrait les effrayer. Comme cela s'est souvent produit, la classe des milliardaires a cherché à convaincre ceux qui gagnent 30 dollars de l'heure que leurs ennemis sont ceux qui gagnent 20 dollars de l'heure.
Ils souhaitent que les gens se battent entre eux afin que nous restions distraits du travail de refonte d'un système défaillant depuis longtemps. Nous refusons de les laisser dicter les règles du jeu plus longtemps. Ils peuvent jouer selon les mêmes règles que nous tous.
Ensemble, nous inaugurerons une génération de changement. Et si nous embrassons cette nouvelle voie courageuse, plutôt que de la fuir, nous pourrons répondre à l'oligarchie et à l'autoritarisme avec la force qu'ils redoutent, et non avec l'apaisement qu'ils recherchent.
Après tout, si quelqu'un peut montrer à une nation trahie par Donald Trump comment le vaincre, c'est bien la ville qui l'a vu naître. Et s'il existe un moyen de terrifier un despote, c'est en démantelant les conditions mêmes qui lui ont permis d'accumuler le pouvoir.
Ce n'est pas seulement ainsi que nous arrêterons Trump, c'est aussi ainsi que nous arrêterons le prochain. Alors, Donald Trump, puisque je sais que vous regardez, j'ai trois mots à vous dire : augmentez le volume [13].
Nous demanderons des comptes aux mauvais propriétaires, car les Donald Trump de notre ville ont pris l'habitude de profiter de leurs locataires. Nous mettrons fin à la culture de corruption qui a permis à des milliardaires comme Trump d'échapper à l'impôt et de profiter d'allégements fiscaux.
Nous nous tiendrons aux côtés des syndicats et renforcerons la protection des travailleurs, car nous savons, tout comme Donald Trump, que lorsque les travailleurs ont des droits inaliénables, les patrons qui cherchent à les exploiter deviennent très petits.
New York restera une ville d'immigrants : une ville construite par des immigrants, animée par des immigrants et, à partir de ce soir, dirigée par un immigrant.
Alors écoutez-moi bien, président Trump, lorsque je vous dis ceci : pour nous atteindre, vous devrez passer par nous tous. Lorsque nous entrerons à la mairie dans 58 jours, les attentes seront élevées. Nous y répondrons. Un grand New-Yorkais a dit un jour que l'on fait campagne en poésie, mais que l'on gouverne en prose.
Si cela doit être vrai, faisons en sorte que la prose que nous écrivons rime encore, et construisons une ville brillante pour tous [14].
Et nous devons tracer une nouvelle voie, aussi audacieuse que celle que nous avons déjà empruntée. Après tout, la sagesse conventionnelle vous dirait que je suis loin d'être le candidat idéal.
Je suis jeune, malgré tous mes efforts pour vieillir. Je suis musulman. Je suis un socialiste démocrate. Et le plus accablant de tout, c'est que je refuse de m'excuser pour tout cela.
Et pourtant, si cette soirée nous enseigne quelque chose, c'est que les conventions nous ont freinés. Nous nous sommes inclinés devant l'autel de la prudence, et nous en avons payé le prix fort. Trop de travailleurs ne se reconnaissent pas dans notre parti, et trop d'entre nous se sont tournés vers la droite pour trouver des réponses à leur questionnement sur les raisons pour lesquelles ils ont été laissés pour compte.
Nous laisserons la médiocrité dans le passé. Nous n'aurons plus à ouvrir un livre d'histoire pour prouver que les démocrates peuvent oser être grands.
Notre grandeur sera tout sauf abstraite. Elle sera ressentie par chaque locataire bénéficiant d'un loyer stabilisé qui se réveille le premier jour de chaque mois en sachant que le montant qu'il va payer n'a pas augmenté par rapport au mois précédent. Elle sera ressentie par chaque grand-parent qui peut se permettre de rester dans la maison pour laquelle il a travaillé et dont les petits-enfants vivent à proximité parce que le coût de la garde d'enfants ne les a pas envoyés à Long Island.
Elle sera ressentie par la mère célibataire qui se déplace en toute sécurité et dont le bus circule suffisamment rapidement pour qu'elle n'ait pas à se précipiter pour déposer ses enfants à l'école afin d'arriver à l'heure au travail. Et elle sera ressentie lorsque les New-Yorkais ouvriront leur journal le matin et liront des titres qui parlent de succès, et non de scandales.
Mais surtout, elle sera ressentie par chaque New-Yorkais lorsque la ville qu'ils aiment leur rendra enfin leur amour.
Ensemble, New York, nous allons geler les… [le public : loyers !] Ensemble, New York, nous allons rendre les bus rapides et… [le public : gratuits !] Ensemble, New York, nous allons offrir à tous… [des services de garde d'enfants !]
Que les mots que nous avons prononcés ensemble, les rêves que nous avons rêvés ensemble, deviennent le programme que nous réaliserons ensemble. New York, ce pouvoir, il est à vous. Cette ville vous appartient.
Merci.
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Source : Le Grand Continent
Notes
[1] Eugene Debs est l'une des figures les plus emblématiques du socialisme américain. Cinq fois candidat à l'élection présidentielle américaine entre 1900 et 1920, il devient président de l'American Railway Union en 1893 et crée le premier syndicat industriel d'Amérique en regroupant les travailleurs du rail.
Il devient célèbre dès l'année suivante pour sa participation à de grandes grèves, qui le conduiront à faire six mois de prison. En 1898 il mène la création du Parti socialiste américain.
[2] « Et que la paix soit avec vous tous » en arabe.
[3] Kensington et Midwood sont des quartiers de Brooklyn dont la population est parmi les plus diverses ; ils comptent notamment une importante communauté originaire de l'Asie du Sud. Hunts Point est un quartier du Bronx à population majoritairement hispanique et latino.
De manière générale, Mamdani a connu un succès plus large que Cuomo lors de la primaire démocrate dans les quartiers aux populations diversifiées, avec près de 52 % des voix dans les quartiers à forte population sud-asiatique.
[4] Le Local 1199 est un syndicat de travailleurs de la santé, allié de longue date des candidats démocrates, qui a retiré son soutien à Andrew Cuomo pour l'offrir à Mamdani en juillet, à la suite d'un changement de présidence.
[5] En 2021, Mamdani a participé à la grève de la faim organisée par les taxis de New York pour demander une baisse des paiements à effectuer pour rembourser le « medallion », le certificat permettant d'exercer le métier de chauffeur de taxi à New York, victime d'une forte inflation due à un manque de régulation.
[6] Paola Nagovitch, « One hundred thousand volunteers and one million doors knocked on : Zohran Mamdani's historic campaign for mayor of New York », El Pais, 4 novembre 2025.
[7] Terme affectueux arabe, qu'on peut traduire par « ma vie ».
[8] L'élection a attiré plus de deux millions d'électeurs, contre seulement 1,1 million lors du précédent scrutin, en 2023. Il s'agit du taux de participation le plus élevé depuis 1993.
[9] Fiorello La Guardia était un membre du Parti républicain et maire de New York de 1934 à 1945. Un des soutiens du New Deal, il a créé l'Office of Price Administration, chargé de réguler les prix des produits de première nécessité, comme les loyers ou la nourriture. Il est également à l'origine de la création de la New York City Housing Authority (NYCHA), qui a mené de nombreux projets de construction de logements sociaux.
[10] Créée en 1934, la New York City Housing Authority (NYCHA) est l'organisme public chargé de la gestion des logements sociaux de New York, et l'un des plus importants bailleurs sociaux au monde. L'éclairage de la NYCHA est un sujet récurrent dans la vie urbaine new-yorkaise : elle doit compter avec des coupures de courant et des systèmes électriques défaillants dans le Bronx qui laissent les résidents dépendants de générateurs de secours. En avril 2016, la NYCHA et la police new-yorkaise ont mené une campagne spéciale d'éclairage extérieur pour réduire la criminalité nocturne, bien que l'efficacité de la campagne soit contestée.
[11] Selon un rapport du contrôleur de l'État de New York publié en janvier, le nombre de sans-abri a presque doublé dans l'État entre 2022 et 2024. La ville de New York a représenté à elle seule 93 % de cette augmentation : il y avait plus de 158 000 sans-abri à New York en 2024, soit environ un cinquième des sans-abri du pays.
Le nombre d'enfants sans domicile fixe est ainsi passé de 20 299 en 2022 à 50 773 en 2024. Près d'un sans-abri sur trois à New York est un enfant, ce qui représente l'un des pourcentages les plus élevés du pays. Le taux de sans-abri à New York — environ 8 pour 1 000 habitants — est plus élevé que celui de tous les autres États, à l'exception d'Hawaï et du district de Columbia.
[12] Zohran Mamdani est le premier maire musulman de la ville. Selon un rapport du Centre d'étude de la haine organisée (CSOH), celui-ci a été victime de nombreux discours islamophobes et xénophobes durant la campagne. Ces discours le présentaient notamment comme un terroriste, un djihadiste ou un musulman radical 3.
Son statut de citoyen naturalisé a été remis en cause à plusieurs reprises, avec des appels à sa dénaturalisation et à son expulsion, jugeant qu'il serait incompatible avec les valeurs politiques et civiques américaines, voire un ennemi de la nation.
[13] En septembre, Donald Trump a menacé de réduire les financements fédéraux de New York en cas de victoire de Zohran Mamdani, qu'il considère comme un communiste. La veille de l'élection, il a exhorté ses partisans à voter pour Andrew Cuomo plutôt que pour le candidat républicain Curtis Sliwa, vu comme un original au sein même du GOP, afin d'éviter une division des voix.
[14] Avec ces deux dernières références, Mamdani emprunte directement au père d'Andrew Cuomo, Mario Cuomo, qui fut le 52e gouverneur de New York de 1979 à 1982.
Né dans le Queens, dans une famille d'origine italienne, Mario Cuomo a prononcé un discours télévisé remarqué lors de la Convention démocrate nationale de 1984, A Tale of Two Cities, devant 80 millions de personnes. Dans celui-ci, il s'attaque à Ronald Reagan : « Il y a du désespoir, Monsieur le Président, dans les visages que vous ne voyez pas, dans les endroits que vous ne visitez pas, dans votre ville brillante ».
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Comment la gauche radicale a conquis New York
New York City, ses huit millions d'habitants, ses gratte-ciel du Financial District, ses théâtres de Broadway et… son maire socialiste. Capitale de la mode et de la culture, centre de la finance globalisée, “NYC” représente la 10e économie mondiale en incluant son agglomération. Elle vient d'élire un jeune maire de 34 ans, musulman, immigré naturalisé en 2018 et ouvertement propalestinien. Zohran Kwame Mamdani aura sous sa responsabilité un budget de 115 milliards de dollars et trois cent mille fonctionnaires, dont plus de trente mille policiers. Comprendre comment ce jeune “démocrate socialiste” a conquis la capitale du capitalisme permet de tirer des leçons précieuses.
Tiré de Frustration Magazine
6 novembre 2025
Par Politicoboy
La campagne a également démontré le degré d'acharnement et de violence dont était capable la bourgeoisie, démocrate comme trumpiste, pour s'opposer au modeste projet progressiste porté par Mamdani. Si sa victoire constitue un séisme politique aux États-Unis, Mamdani va faire face à des défis colossaux pour parvenir à incarner une alternative crédible au trumpisme.
Certes, New York est une ville démocrate ayant voté à 76 % pour Joe Biden en 2020 et 68 % pour Kamala Harris en 2024. Certes, Zohran Mamdani n'est pas son premier maire “socialiste”. Mais les élections récentes montrent la tendance de la ville à élire des maires issus de l'aile droite du Parti démocrate, voir des républicains. Le sortant Éric Adams avait été élu sur une ligne sécuritaire, contre le slogan “Defund the police” porté par le mouvement Black Lives Matter. Il a pactisé avec Donald Trump pour obtenir l'abandon des chefs d'accusation pour corruption dont il faisait l'objet. Avant lui, le progressiste Bill de Blasio avait eu toutes les peines du monde à faire oublier le règne de Michael Bloomberg, ancien républicain et milliardaire ayant fait fortune en vendant des terminaux informatiques pour les salles de marché de Wall Street. Bloomberg avait institutionnalisé le contrôle au faciès et succédait au républicain Rudy Giuliani. Si ce dernier s'était illustré par sa réponse aux attentats du 11 septembre, on retiendra davantage son rôle d'homme de main de Donald Trump qui a culminé par son implication dans la tentative de subversion des élections de 2020.
Eric Adams était le maire sortant de New York. Crédit : Metropolitan Transportation Authority of the State of New York, CC BY 2.0 Wikimedia Commons
New York, c'est la rapacité de Wall Street, la brutalité policière du NYPD et la grande pauvreté du Bronx. À la présidentielle de 2024, la ville qui a produit Donald Trump connaît le plus fort transfert d'électeurs du pays vers le candidat républicain. Une hémorragie particulièrement prononcée dans les quartiers populaires new-yorkais où vivent les populations hispaniques et afro-américaines censées constituer le cœur de l'électorat démocrate.
MAMDANI FAISAIT FACE À DES OBSTACLES THÉORIQUEMENT INSURMONTABLES
Loin de tirer les leçons de la présidentielle, les élites démocrates se sont rapidement rangées derrière la candidature du centriste Andrew Cuomo, fils d'un ancien gouverneur de l'État de New York et lui-même gouverneur entre 2011 et 2021. Cuomo avait été contraint de démissionner après avoir été accusé d'harcèlement sexuel par 13 femmes, sur fond de scandale portant sur sa sous-évaluation du chiffre des décès en maison de retraite liés à l'épidémie de Covid. Cuomo, dont le frère cadet était le présentateur vedette du JT de CNN, incarnait une dynastie politique indéboulonnable. Fort de ses réseaux politiques et du soutien des milieux d'affaires, il avait fait de sa victoire à New York une inévitabilité. Battu aux primaires, il s'est représenté comme indépendant à l'élection générale avec le soutien des anciens maires Éric Adams et Michael Bloomberg, de Bill et Hillary Clinton, de 26 milliardaires de Wall Street, de Woody Allen, du lobby pro-israélien AIPAC et d'Elon Musk. Il disposait de trois fois plus d'argent que Mamdani pour faire campagne et bénéficiait du soutien plus ou moins implicite de la presse nationale et locale.
Andrew Cuomo en décembre 2016. Crédit : Metropolitan Transportation Authority of the State of New York, CC BY 2.0 via Wikimedia Commons
Dans ce contexte, le triomphe d'un Musulman ouvertement “démocrate socialiste” et propalestinien ouvre des perspectives politiques saisissantes. D'autant plus que sa victoire s'accompagne d'une participation record, portée par la surmobilisation des jeunes hommes, des classes populaires et des personnes de couleur qui avaient déserté le parti démocrate.
“THE AFFORDABILITY AGENDA" : MANDANI A AXÉ SA CAMPAGNE SUR LE COÛT DE LA VIE EN L'ANCRANT DANS LA CONFLICTUALITÉ
Suite à la réélection de Donald Trump , Mamdani a arpenté les ruesdu Bronx et du Queens pour interroger les anciens électeurs de Biden ayant voté Trump. Systématiquement, la réponse tournait autour du pouvoir d'achat et de l'inflation. Armés de leurs enquêtes d'opinions, les stratèges démocrates estimaient que la mairie de New York se jouerait sur le thème de la sécurité. Ignorant ces conseils, Mamdani a décidé de faire campagne sur les questions relatives au coût de la vie. Et de porter des propositions simples : des bus gratuits et rapides, le gel des loyers pour les deux millions d'appartements à loyer contrôlé, la gratuité des places en crèche et l'instauration d'épiceries de quartier à but non lucratif, gérées par la ville. Cet agenda sera financé par une taxe sur les plus riches et les grandes entreprises, afin d'aligner le taux de prélèvement sur celui pratiqué par l'État voisin du New Jersey.
Avoir un programme populaire, porteur de conflictualité (“les milliardaires ne devraient pas exister”) et soutenu par la majorité des Américains est nécessaire, mais pas suffisant. Le message doit être crédible et entendu. La gratuité des bus peut sembler idéaliste à certains électeurs ou, pour citer une journaliste surpayée de Fox News, le meilleur moyen de détériorer le service en le rendant accessible aux clochards et plus démunis. À ces objections, Mamdani a opposé le test convaincant déjà effectué par l'État de New York sur une poignée de lignes. Et la gratuité des ferrys. De même, l'idée des épiceries publiques a été moquée par la presse et ses concurrents, avant que Mamdani explique que ce type de projet a existé par le passé, qu'il commencerait par un magasin test et qu'il abandonnera le programme en cas d'échec. L'objectif est de baisser le prix des biens essentiels tout en offrant aux quartiers délaissés un accès facile à des supermarchés de proximité. Pragmatisme et connaissance du terrain ont permis à cette proposition de séduire l'électorat.
Enfin, Mamdani maîtrise les dossiers sur le bout des doigts, ce qui lui permet de briller en interview et de démontrer la faisabilité de son programme de manière convaincante. D'autant plus qu'il répond à un besoin réel des New-Yorkais étouffés par la hausse du coût de la vie. Que ce soit dans les quartiers hipster de Brooklyn et West village où les places en crèches coûtent les yeux de la tête, ou au fin fond du Bronx mal desservi par des bus hors de prix.
DES OBSTACLES MAJEURS SURMONTÉS PAR UNE CAMPAGNE PARTANT DE LA BASE ET DU TERRAIN
Zohran Mamdani n'a pas été serveur dans un bar comme Alexandria Ocasio-Cortez. Il n'a pas grandi dans un logement social comme Bernie Sanders. Sa mère est une cinéaste indienne primée et son père un professeur d'université originaire d'Ouganda. Mamdani a immigré à New York à l'âge de 7 ans et a grandi dans le quartier privilégié de l'Upper West Side. Après avoir tenté une carrière dans le rap, Zohran s'est rapidement investi dans la politique auprès du DSA (Democratic Socialist of America, organisation qu'on peut classer un poil plus à gauche que la France Insoumise). Il a fait campagne pour des initiatives locales et des candidats issus du DSA avant d'être à son tour élu sous l'étiquette de ce mouvement au poste de State Assembly (député du parlement de l'État de New York) de la 36e circonscription de l'État recouvrant une partie du Queens et de Long Island. Réélu en 2022 et 2024, il a défendu de nombreuses initiatives populaires, dont la hausse du salaire minimum local. Il a également pris part à une grève de la faim avec les chauffeurs de taxi pour demander l'annulation des dettes contractées pour l'achat des licences désormais dévaluées par l'irruption d'Uber.
“Depuis trop longtemps, mes amis, la liberté appartient uniquement à ceux qui peuvent se permettre de l'acheter. Les oligarques de New York ne veulent pas que l'équation change. Ils feront tout ce qu'ils peuvent pour éviter que leur pouvoir s'amenuise. La vérité est aussi simple que non négociable : nous avons tous le droit à la liberté.”
Zohran Mamdani – dernier meeting de campagne, le 26/09/2025
Si sa légitimité vient du terrain, sa campagne s'inscrit dans le long et patient effortdu DSA pour conquérir le pouvoir dans l'État de New York. Le parlement et le conseil municipal comptent déjà de nombreux élus issus de ce mouvement. La candidature de Mamdani s'inscrit dans cette dynamique et a logiquement bénéficié d'une infrastructure militante conséquente pour prendre son envol.
Crédité de 5 % dans les sondages au début de la campagne, Mamdani a mobilisé des dizaines de milliers de volontaires pour faire du porte à porte dans 3 millions de logements afin de diffuser son message. Ses vidéos virales partagées sur les réseaux sociaux sont probablement le principal aspect de sa campagne retenu par les démocrates de Washington. Mais la forme s'appuie sur le fond : lorsqu'il interroge les célèbres vendeurs de rue de chicken rice sur la hausse de leurs prix, c'est pour identifier le problème. La ville sous-traite à des intérêts privés l'attribution de licences hors de prix. Et de conclure qu'en reprenant la main sur ce cauchemar administratif, Zohran obtiendra un retour du prix de ce plat emblématique en dessous des dix dollars.
Zohran Mamdani parlant lors d'une réunion DSA 101 à l'Église du Village à NYC, le 11 novembre 2024. Crédit : Par Bingjiefu He — Travail personnel, CC BY-SA 4.0
De fait, sa discipline exemplaire en matière de communication, ramenant sans cesse ses réponses à sa vision d'une ville financièrement accessible à tous et pas seulement aux milliardaires, a été un facteur déterminant de son succès. Comme sa volonté d'ancrer ce discours dans une logique de lutte des classes.
ISLAMOPHOBIE ET PROCÈS EN ANTISÉMINISTME : LE FLOP DES ARMES DE LA BOURGEOISIE CONTRE MAMDANI
Le premier tournant de la campagne a probablement eu lieu lors du débat des primaires démocrates. Les candidats devaient donner le nom du premier pays qu'ils visiteraient en tant que maire. Tous ont rivalisé de zèle pour nommer Israël, en partie pour séduire le million d'habitants de confession juive vivant à New York. Mamdani a répondu qu'il resterait à New York pour s'occuper des cinq arrondissements de la ville. Désireux de le pousser à la faute, la modératrice lui demande s'il défend le droit à Israël d'exister en tant qu'État juif (“Right to exist as a jewish state”). Mamdani répond avec le sourire qu'il défend l'existence d'Israël comme État universaliste et démocratique. Il jette ainsi un pavé dans la marre en soulignant le fait qu'Israël ne traite pas de manière égale ses citoyens.
Zohran Mamdani au rassemblement Resist Fascism à Bryant Park le 27 octobre 2024.. Crédit : Par Bingjiefu He — Travail personnel, CC BY-SA 4.0
Selon les stratèges démocrates, cette sortie aurait dû condamner Mamdani. Ses adversaires tentent d'exploiter cette “faute” en déclenchant une première vague d'attaques visant à le repeindre en dangereux antisémite voire en jihadiste. On le somme de condamner des slogans propalestiniens, lui reproche de parler de génocide à Gaza ou d'apartheid en Israël. Mais Mamdani refuse de céder, pointe à chaque interview l'incongruité de la question israélienne dans une élection municipale et pivote toujours sur son programme pour “un New York abordable” (“affordable agenda”). Tout en confirmant qu'il fera arrêter Netanyahou par la police de New York si ce dernier remet les pieds à l'ONU.
Cuomo a instrumentalisé l'islamophobie à outrance et usé du procès en antisémitisme jusqu'à la corde. Il était question de savoir si Mamdani mangeait avec les mains et espérait un nouvel attentat du 11 septembre. Dans les dernières heures de la campagne, les alliés de Cuomo ont publié des vidéos montrant le crash des avions sur les Twin towers pour relier Mamdani à cette tragédie, tandis que Hillary Clinton a évoqué sa crainte pour la sécurité des Juifs new-yorkais en cas de victoire de ce dernier.
LE RÉSULTAT DES PRIMAIRES DÉMOCRATES IGNORÉ PAR LES CADRES ET ÉLITES DU PARTI
Mamdani a largement remporté les primaires démocrates. Les sondeurs n'avaient pas anticipé la surmobilisation des jeunes et des classes populaires en faveur de Mamdani. Assuré de l'emporter à l'élection générale en cas de duel contre le candidat républicain, ce premier succès provoquait déjà des retentissements nationaux.
Joe Biden et Kamala Harris en 2022. Crédit : The White House, Public domain, via Wikimedia Commons
Depuis la lourde défaite de Kamala Harris, le Parti démocrate tétanisé ne parvenait pas à trouver une stratégie d'opposition face à Donald Trump. Ni un projet politique susceptible de mettre fin à l'hémorragie des électeurs jeunes, masculins, non diplômés et non blancs vers le trumpisme. Dans ce contexte, Mamdani propose une solution clé en main : ne rien concéder à l'extrême droite sur ses thèmes de prédilection (sécurité, immigration, question israélienne) et faire campagne sur des thèmes universellement populaires (le pouvoir d'achat, la hausse du salaire minimum, le renforcement des services publics). Si les démocrates ont repris le thème du coût de la vie, ils n'ont pas embrassé la lutte des classes et la taxation des milliardaires qui l'accompagne. Ni ne se sont rangés derrière Mamdani.
Malgré sa nette victoire à la primaire, les cadres du Parti ont refusé de lui apporter leur soutien officiel (“endorsment”). En particulier, la gouverneur de l'État de New York, le sénateur de l'État de New York (Chuck Schumer, président de l'opposition démocrate au Sénat) et Hackeem Jeffries (président de l'opposition démocrate à la Chambre des représentants du Congrès et élu de New York) ont refusé de le soutenir. Pire, un nombre important d'entre eux y sont allés de leurs attaques personnelles pour repeindre Mamdani en dangereux islamiste antisémite. Au point de contaminer l'esprit d'une représentante de la bourgeoisie intellectuelle française comme Laure Adler.
En France aussi les attaques racistes contre Zohran Mamdani ont été relayées.
Si ce n'était pour l'insistance de ses donateurs et le manque de ralliement des cadres du Parti démocrate derrière Mamdani, Andrew Cuomo aurait probablement jeté l'éponge. Au lieu de cela, il s'est présenté en tant que candidat indépendant à l'élection générale. S'il fallait une preuve que les primaires auxquelles tiennent de nombreux acteurs politiques français ne servent qu'à neutraliser la gauche de rupture, le cas new-yorkais est particulièrement parlant.
TRUMP, PRINCIPAL OBSTACLE À LA RÉUSSITE DE MAMDANI ?
Le dernier enseignement de cette campagne provient de la réaction de la droite et de l'extrême droite américaine. La veille du scrutin, Cuomo a obtenu le soutien de Donald Trump. Le président avait un double message à faire passer aux New-Yorkais. Le premier s'adressait aux électeurs républicains pour leur demander de voter Cuomo au lieu de Sliwa, le candidat officiel du Parti conservateur. Cela a fonctionné, Sliwa n'obtenant que 7 % des voix alors que les sondages le créditaient de 15 à 20 %.
Aux démocrates, Trump promettait les foudres de son administration en cas de victoire de Mamdani : suppression de la contribution fédérale au budget de la ville et envoi de la garde nationale dans les rues de New York pour intimider les habitants. Musk a amplifié ce message sur son réseau social, ainsi que ceux des alliés de Donald Trump demandant à ce que Mamdani soit déchu de sa nationalité et expulsé en Ouganda.
Mamdani n'a pas fléchi. Il a promis de résister à Trump tout en dénonçant le fait qu'il avait rompu ses promesses de campagne en ne faisant rien pour améliorer le pouvoir d'achat des Américains. Il a rappelé que le ralliement d'Elon Musk derrière son adversaire avait coûté près d'un milliard de dollars en exonération d'impôts aux New Yorkais via les politiques fiscales mises en place par Cuomo lorsqu'il était gouverneur de l'État.
“Nous pouvons répondre à l'autoritarisme de l'oligarchie par la force qu'elle craint, pas par l'apaisement qu'elle souhaite.”
Zohran Mamdani – discours de victoire, le 5 novembre 2025
L'extrême droite montre ainsi son vrai visage. Elle n'hésite pas à s'allier avec les centristes démocrates pour protéger les intérêts d'un petit groupe de riches New Yorkais menacé d'une modeste hausse d'impôt (Mamdani notait que les 26 milliardaires qui ont financièrement soutenu la campagne de Cuomo ont dépensé plus pour le battre que ce que leur coûterait sa nouvelle taxe). Si la comparaison avec la panique provoquée par la proposition de taxe Zucman en France auprès de la bourgeoisie parisienne semble évidente, l'opposition de Trump à Mamdani s'explique aussi par ce qu'il incarne : un contre-modèle à son capitalisme oligarchique et fascisant.
“IF YOU CAN MAKE IT THERE, YOU CAN MAKE IT ANYWHERE"
Le plus dur reste à faire. Tenir ses promesses électorales nécessitera de composer avec l'hostilité de la toute puissante police new-yorkaise, le risque de fuite des capitaux orchestrée par les pontes de Wall Street, l'opposition de la presse (New York Times compris) et l'ombre de la Maison Blanche, qui pourrait tenter de mettre ses menaces à exécution. Le Parti démocrate représente une autre inconnue. Kathy Hochul, la gouverneur de l'État de New York, a le pouvoir de bloquer divers projets de hausse d'impôts municipaux promis par Mamdani. Si elle a fini par le soutenir, c'est avant tout par crainte de faire face à un candidat proche de lui lors des primaires pour sa propre réélection. Elle a clairement indiqué que ce ralliement ne l'empêcherait pas de s'opposer aux hausses d'impôts. Reste à savoir si le rapport de force lui permettra de tenir cette ligne.
Mamdani semble déterminé à relever ce défi. Il peut compter sur l'exemple de Bernie Sanders, ancien maire ultra populaire de Burlington, avec qui il s'entretient régulièrement. Et sur celui de Fiorello Laguardia à New York, il y a près d'un siècle. Contrairement à de nombreux démocrates, Mamdani comprend que le pouvoir est fait pour servir. “Les républicains n'ont jamais de scrupule à utiliser tout le pouvoir conféré par les institutions, je compte faire de même en tant que maire” expliquait-il. Or, il dispose d'un mandat clair octroyé par une victoire sans appel.
“Je suis un musulman. Je suis démocrate socialiste. Et je refuse de m'en excuser.”
Zohran Mamdani – discours de victoire, le 5 novembre 2025
Porté par une coalition multiculturelle et socialement diverse, il obtient plus de 50 % des voix et provoque la plus forte participation depuis 1969. Les retours de terrain et données électorales montrent qu'il s'agit à la fois d'un vote d'adhésion pour son projet, d'un vote anti-Trump survenant dans un contexte particulier (le blocage budgétaire au Congrès instrumentalisé par Trump pour mettre fin à l'aide alimentaire dont dépendent 41 millions d'Américains) mais également d'un vote contre l'establishment démocrate. Des retraités expliquaient ainsi voter Mamdani pour exprimer leur colère contre les cadres de leur parti, jugés incapables de s'opposer à Trump et promptes aux manœuvres politiciennes. Encore une leçon que la gauche bourgeoise française fera semblant d'ignorer…
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Pour la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes du 25 novembre
Pour la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes du 25 novembre, nous manifesterons en solidarité, comme nous l'avons déjà fait le 11 octobre, avec et pour les femmes du monde entier
Tiré de l'infolettre de Nouveau Parti Anticapitaliste NPA29
3 novembre 25
Celles qui sont victimes des violences machistes, des conflits armés, des famines, des spoliations de terres et de leurs biens naturels, des gouvernements réactionnaires et des états théocratiques. Avec toutes celles qui ne peuvent pas parler, dont les voix sont étouffées, qui subissent des violences sexuelles, des tortures et des mutilations.
Le 25 novembre nous marcherons pour rendre hommage à toutes les victimes de la violence machiste, les femmes, les filles, les personnes LGBTQIA+, à toutes celles qui souffrent et qui luttent, en dépit des risques encourus. A toutes celles que nous avons perdues.
Les violences et l'impunité des agresseurs persistent 8 ans après l'élection d'Emmanuel Macron, en plein #MeToo. La plupart du temps, encore, les victimes ne sont pas crues, les plaintes classées sans suite. Le parcours judiciaire revictimise bien souvent les femmes et constitue un obstacle à la sortie de la violence comme la baisse du financement public des associations d'accompagnement des victimes.
Les violences sexistes et sexuelles surviennent partout, et tout le temps : dans nos espaces familiaux, sur nos lieux de travail et d'études, dans l'espace public, dans les transports, dans les établissements de soin, les cabinets gynécologiques, dans les maternités, dans les ateliers des chaînes d'approvisionnement des multinationales, les commissariats, les centres de rétention, dans les milieux du théâtre, du cinéma, du sport, en politique… Dans tous les milieux sociaux.
Elles trouvent racine dans le patriarcat et se situent au croisement de plusieurs systèmes d'oppressions.
Ainsi les femmes les plus touchées par ces violences sont celles qui souffrent déjà de multiples oppressions : les femmes victimes de racisme, d'antisémitisme, d'islamophobie, les femmes migrantes, sans papiers, les travailleuses précaires, les femmes sans domicile et autres femmes précarisées, femmes en situation de handicap, les femmes lesbiennes et bi, les femmes trans, les femmes en situation de prostitution, et celles victimes de l'industrie pédo et pornocriminelle.
Sans autorisation de travailler, les femmes étrangères dont les demandeuses d'asile sont très vulnérables aux réseaux de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains.
En France, en 2024, c'est encore plus d'un féminicide tous les trois jours commis par un conjoint ou un ex-conjoint Des femmes assassinées parce qu'elles sont femmes. Le nombre de femmes victimes de violences dans le couple et les enfants co- victimes ne diminue pas, tout comme les viols ou tentatives.
La quasi-totalité des agresseurs sont des hommes (97,3%).
Une femme en situation de handicap sur cinq a été victime de viol. 50% des lesbiennes et 75% des bi ont été confrontées à des violences dans l'espace public et 85 % des personnes trans ont déjà subi un acte transphobe. Les femmes âgées de plus de 70 ans ne sont pas prises en compte dans les enquêtes sur les violences, elles représentent pourtant 21% des féminicides.
160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année, en majorité au sein de la famille. Sur les lieux de travail plus de 8000 viols ou tentatives ont lieu chaque année et un tiers des femmes subissent du harcèlement sexuel. Les employeurs publics et privés doivent faire cesser les violences et protéger les victimes, y compris de violences conjugales.
La montée de l'extrême droite en Europe et dans le monde constitue une menace majeure pour les droits des femmes et en France, le danger de son accession au pouvoir n'est pas écarté. Ces droits sont attaqués dès que l'extrême droite est au pouvoir.
Depuis quelque temps, elle prétend lutter contre les violences faites aux femmes. Sous couvert de défendre certaines d'entre elles, ces mouvements exploitent la question des violences sexistes à des fins racistes et fémonationalistes, ne s'indignant que selon l'origine, la nationalité ou la religion réelle ou supposée des agresseurs. Dans ce climat délétère, les femmes portant le voile sont de plus en plus souvent la cible d'agressions dans la rue, dans les médias, comme dans les discours politiques.
Les groupuscules fascistes attaquent régulièrement des militantes et militants sans réaction des pouvoirs publics.
Derrière les slogans et les postures prétendument féministes, l'extrême droite ne défend ni la liberté des femmes, ni leur émancipation, ni l'égalité, et se désintéresse profondément de la réalité et des droits des femmes qui luttent dans le monde.
Sans politique publique à grands moyens, sans prévention et sans éducation, les garçons et les hommes continueront de perpétrer des violences
Les organisations féministes et syndicales exigent :
Une loi-cadre intégrale contre les violences, comme en Espagne.
3 milliards d'euros nécessaires pour la mettre en œuvre
Une Éducation à la Vie Affective Relationnelle et à la Sexualité (EVARS) effective partout
L'arrêt immédiat de la baisse des financements et un rattrapage du budget des associations qui accompagnent les victimes et assurent l'éducation populaire sur les questions de violences et d'égalité femmes-hommes.
Tant que l'une d'entre nous n'est pas libre, tant que les violences machistes s'exerceront sur une seule d'entre nous, nous lutterons !
Nous appelons à participer aux mobilisations à l'occasion de la journée internationale des droits des enfants et pour le jour du souvenir trans (TDoR).
Contre les violences faites aux femmes et aux filles, les violences sexistes et sexuelles, manifestons partout le samedi 22 novembre 2025 et le mardi 25 novembre 2025 !
31 Oct 2025
https://www.grevefeministe.fr/
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Sept thèses sur les insurrections de la génération Z dans le sud global
Les murs de Santiago, au Chili – la ville où je vis – sont marqués de graffitis effacés de l'estallido social (soulèvement social) de 2019. Des années plus tard, ces slogans continuent de se répandre sur les trottoirs, de « Ils nous ont tellement pris qu'ils nous ont même enlevé la peur » à « Ce ne sont pas 30 pesos, ce sont 30 ans ».
Les deux slogans font référence aux 30 années d'austérité néolibérale imposées au peuple chilien, y compris une augmentation de 30 pesos du prix des billets de métro et des coupes profondes dans le système de salaire social du pays. Le soulèvement a été mené par des lycéens nés entre 2001 (18 ans) et 2005 (14 ans), qui font partie de la génération Z ou « Gen Z ». Cependant, ce terme, imposé au monde par les médias grand public, efface souvent la complexité sociale et la spécificité nationale de telles révoltes. Néanmoins, ce terme, ainsi que le concept de « génération », méritent d'être explorés.
Les protestations au Chili – qui ont finalement attiré toutes les tranches d'âge et délégitimé le gouvernement de droite de Sebastián Piñera – n'étaient pas singulières. Les jeunes nés à cette époque ont mené des protestations à travers le monde, y compris des mobilisations de masse contre un viol collectif à Delhi, en Inde (2012) ; la campagne March for Our Lives contre la violence armée aux États-Unis (2018) ; et la campagne Fridays for Future contre la crise climatique (2018), initiée par l'activiste suédoise Greta Thunberg (née en 2003 et récemment torturée par le gouvernement israélien). Le soulèvement chilien a été suivi par la grève nationale en Colombie en 2021, l'Aragalaya (lutte) au Sri Lanka en 2022, et le soulèvement au Népal plus tôt cette année qui a entraîné la démission du gouvernement de centre-droite. Dans chacun de ces cas, ce qui a commencé comme une indignation morale à propos d'une question singulière s'est transformé en une critique d'un système qui s'est avéré incapable de reproduire la vie pour les jeunes.
Le concept de génération a été développé il y a un siècle par le chercheur allemand Karl Mannheim dans son essai « Le problème sociologique des générations » (1928). Pour Mannheim, une génération n'est pas définie par l'époque où une cohorte est née mais par sa « situation sociale » (soziale Lagerung). En termes politiques, une génération se produit lorsqu'elle connaît des changements rapides et perturbateurs qui la font rencontrer à nouveau la tradition par le biais de nouveaux « porteurs de culture » (Kulturträger) – des individus et des institutions qui transmettent la culture – et devient une force active de changement social, bien loin de la manière dont les générations sont devenues une typologie de marketing après la Seconde Guerre mondiale (Baby Boomers, Génération X, Génération Y, etc.). Mannheim voyait les générations comme des forces de changement social, tandis que la culture néolibérale les a transformées en « segments » dans leurs stratégies de marque.
Le terme Gen Z a été utilisé dans les descriptions des protestations qui ont lieu des Andes à l'Asie du Sud, où les jeunes – frustrés par les possibilités limitées d'avancement social – sont descendus dans les rues pour rejeter un système défaillant. Certains éléments de la théorie de Mannheim sont à l'œuvre ici. Il est vrai que les forces impérialistes interviennent souvent pour instiguer et façonner ces protestations, mais il serait inexact de considérer ces protestations comme étant simplement le produit d'une intervention extérieure. Il existe d'importants facteurs sociologiques internes qui nécessitent une analyse afin de comprendre ces « protestations de la génération Z ». Beaucoup d'entre eux sont motivés par une série de processus qui se chevauchent et qui émergent du contexte national tout en étant conditionnés par la conjoncture internationale. Dans cette newsletter, nous proposons sept thèses pour commencer à comprendre ces évolutions et peut-être les canaliser dans une direction progressiste.
Thèse un. Il y a une poussée démographique de la jeunesse à travers le Sud Global, où l'âge médian est de 25 ans, et les gens dans ces jeunes sociétés se retrouvent victimes de politiques d'austérité et de dette sévères, de catastrophes climatiques et de guerres permanentes. En Afrique, l'âge médian est de 19 ans – plus bas que sur n'importe quel autre continent. Au Niger, l'âge médian est de 15,3 ans ; au Mali, de 15,5 ans ; en Ouganda et en Angola, de 16,5 ans ; et en Zambie, de 17,5 ans.
Thèse deux. Les jeunes du Sud sont frustrés par le chômage. Le néolibéralisme a affaibli la capacité de l'État, ne laissant que très peu d'outils pour résoudre ce problème (ce qui a conduit à des demandes telles que l'ouverture d'opportunités d'emploi étatiques, dans le cas du mouvement de réforme des quotas au Bangladesh). Les jeunes éduqués ayant des aspirations de classe moyenne sont incapables de trouver un travail convenable, ce qui entraîne un chômage structurel ou un décalage des compétences. En Algérie, il existe un terme pour désigner les chômeurs qui emprunte à l'arabe et au français : ceux qui « s'appuient contre le mur » pour le soutenir (hittiste, de l'arabe hayt, qui signifie « vie »). Dans les années 1990, le système universitaire a été élargi et privatisé, ce qui a ouvert les portes – moyennant finance – à une grande partie de ce qui allait devenir la génération Z. Il s'agit d'enfants issus des classes moyennes et moyennes inférieures, mais aussi de la classe ouvrière et de petits agriculteurs qui ont réussi à gravir les échelles sociales. La génération Z est la plus instruite de l'histoire, mais c'est aussi la plus endettée et la plus sous-employée. Cette contradiction entre aspiration et précarité engendre un profond ressentiment.
Troisième thèse. Les jeunes ne veulent pas avoir à migrer pour avoir une vie digne. Au Népal, de jeunes manifestants ont scandé contre la contrainte à la migration économique. Nous voulons des emplois au Népal. Nous ne voulons pas avoir à migrer pour travailler. Cette obligation de migrer provoque une honte de sa propre culture et une déconnexion de l'histoire des luttes qui ont façonné sa société. Il y a près de 168 millions de travailleurs migrants dans le monde – s'ils formaient un pays, il serait le neuvième plus grand du monde, après le Bangladesh (169 millions) et devant la Russie (144 millions). Parmi eux, des ouvriers du bâtiment népalais dans les États du Golfe et des travailleurs agricoles andins et marocains en Espagne. Ils envoient des sommes qui soutiennent la consommation des ménages dans leurs pays ; dans de nombreux cas, le total des sommes (qui s'élevait à 857 milliards de dollars en 2023) est supérieur à l'investissement direct étranger (comme au Mexique). La dislocation sociale, la ligne de couleur internationale du travail et le mauvais traitement des migrants y compris le mépris de leurs qualifications éducatives – rendent l'attrait de la migration presque nul.
Quatrième thèse. Les grandes entreprises agroalimentaires et les sociétés minières ont intensifié leur assaut contre les petits agriculteurs et les travailleurs agricoles (l'incitation à la révolte des agriculteurs en Inde). Les jeunes de ces classes, fatigués de la détresse rurale et radicalisés par les protestations souvent ratées de leurs parents, se déplacent vers les villes puis à l'étranger pour trouver du travail. Ils apportent leur expérience de la campagne aux villes et sont souvent la principale phalange de ces mouvements de protestation.
Thèse cinq. Pour la génération Z, la question du changement climatique et de la détresse environnementale n'est pas une abstraction, mais une cause imminente de prolétarisation par le déplacement et les chocs de prix. Les habitants des zones rurales voient que la fonte des glaciers, les sécheresses et les inondations frappent précisément là où les chaînes d'approvisionnement « vertes » impérialistes cherchent des ressources comme le lithium, le cobalt et l'hydroélectricité. Ils comprennent que la catastrophe climatique est directement liée à leur incapacité à construire un présent, encore moins un avenir.
Thèse six. La politique établie est incapable de répondre aux frustrations de la génération Z. Les constitutions ne reflètent pas la réalité, et les pouvoirs judiciaires irresponsables semblent vivre sur une autre planète. Les principales interactions de cette génération avec l'État se font par le biais de bureaucrates insensibles et de policiers militarisés. Les partis politiques sont paralysés par le consensus de Washington sur l'austérité et la dette, et les organisations non gouvernementales se concentrent étroitement sur des questions individuelles plutôt que sur l'ensemble du système. Les anciens partis de libération nationale ont largement épuisé leur programme ou l'ont vu détruit par l'austérité et la dette, laissant un vide politique dans le Sud global. « Débarrassons-nous de tous » est une politique qui se termine par un tournant vers les influenceurs des réseaux sociaux (comme le maire de Katmandou, Balen Shah) qui n'ont pas participé à la politique des partis mais qui utilisent souvent leurs plateformes pour prêcher un évangile d'anti-politique et de ressentiment de la classe moyenne.
Thèse sept. L'essor du travail informel a créé une société désorganisée, sans espoir de camaraderie entre les travailleurs ou d'adhésion à des organisations de masse comme les syndicats. L'ubérisation des conditions de travail a créé une informalité de la vie elle-même, où le travailleur est aliéné de toute forme de relation. L'importance des médias sociaux augmente avec l'accroissement de l'informalité, car Internet devient le principal moyen de transmission des idées, supplantant les anciens modes d'organisation politique. Il est tentant mais inexact de suggérer que les médias sociaux sont eux-mêmes une force motrice derrière cette vague de protestations. Les médias sociaux sont un outil de communication qui a permis une diffusion des sentiments et des tactiques, mais ils ne sont pas la condition de ces sentiments. Il est également important de noter que l'internet est un outil d'extraction de surplus – les travailleurs de plateforme, ou travailleurs à la tâche, sont disciplinés par des algorithmes qui les poussent à travailler de plus en plus dur pour de moins en moins de rémunération.
Les sept thèses ci-dessus tentent de définir les conditions qui ont produit les soulèvements de la génération Z dans le Sud global. Ces soulèvements ont été largement urbains, avec peu d'indications qu'ils aient attiré la paysannerie et les travailleurs ruraux. De plus, les agendas de ces protestations abordent rarement les crises structurelles à long terme dans les pays sous-développés. En réalité, la politique typique des soulèvements de la génération Z mène à l'explosion du ressentiment de la classe moyenne. Ces protestations sont souvent – comme au Bangladesh et au Népal – récupérées par des forces sociales bien établies qui exacerbent les protestations dans les rues et développent un programme qui profite aux financiers occidentaux. Néanmoins, ces soulèvements ne peuvent être ignorés : leur fréquence ne fera qu'augmenter en raison des facteurs que nous avons décrits. Le défi pour les forces socialistes est d'articuler les véritables griefs de la génération Z en un programme qui exige une part plus élevée du surplus social et utilise ce surplus pour améliorer l'investissement fixe net et transformer les relations sociales.
Vijay Prashad, 13 octobre 2025
https://thetricontinental.org/newsletterissue/gen-z-rebellion/
Traduction Gilles Lemaire
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Gouvernement Legault : le Titanic fonce sur l’iceberg et le capitaine appuie sur l’accélérateur
Le gouvernement Legault fait face à des vents contraires, voit sa base électorale fondre comme neige au soleil et sa déroute provoque un exode dans sa députation qui fait craindre un effacement complet de la formation politique lors de la prochaine élection en octobre 2026 (ou avant…). Un tel fiasco s'explique par l'accumulation d'échecs dans ce qui devait représenter son legs, l'effondrement de la filière batterie est symbolique en ce sens.
Les politiques impopulaires, comme celle de la réforme du régime forestier, la négation de la crise du logement, la démission face à la crise climatique, le refus de reconnaître le caractère systémique des discriminations vécues par les nations autochtones, son double discours concernant à la lutte des femmes contre les violences et les féminicides, autant d'échecs politiques dont une majorité de la population lui impute la responsabilité.
Les réactions de la CAQ : faire diversion en pointant de prétendus boucs émissaires responsables de la situation se dégageant ainsi de toute responsabilité. L'immigration serait responsable de la crise du logement. Il serait inutile d'en faire plus pour lutter contre la crise climatique, puisque tous nos voisins ont abandonné ce combat. La « capacité de payer » de la population expliquerait pourquoi il est impossible d'en faire davantage dans la lutte contre la violence faite aux femmes.
Face à cette situation intenable, la CAQ choisit la fuite en avant afin de tenter de regrouper sa base électorale complètement désorientée : une confrontation avec les médecins, des coupures massives dans la fonction publique, un balayage des normes de protection environnementales et des moyens pour les faire appliquer, une réduction importante des seuils d'immigration. Un tour de vis vers une droite de plus en plus décomplexée, qui frise le trumpisme sous certains aspects. La CAQ a choisi d'affronter les organisations qui représentent un contre-pouvoir : les syndicats sont dans sa mire et son intention est d'affaiblir la capacité de ces organisations de modifier le rapport de force en faveur des classes populaires.
Les oppositions : surenchère ou naïveté
C'est un pari risqué : le PQ, en tête dans les sondages, reprend une bonne partie de son discours, tout comme le parti conservateur qui pousse le discours droitier encore plus loin et les libéraux qui reprennent la position de parti du grand capital canadien. Beaucoup de propositions pour un électorat particulièrement segmenté.
Le PQ et le PLQ veulent profiter de la chute de la CAQ dans les intentions de vote. Le PQ s'inscrit en continuité avec le discours de la CAQ à propos de l'immigration. Il propose une alternative résolument campée à droite et profite actuellement de l'incapacité des autres partis à se démarquer. Le PLQ souhaite reprendre son rôle de défenseur du Canada en surfant sur la vague d'impopularité de la guerre tarifaire de Trump contre les intérêts économiques canadiens. Mais il suscite toujours la méfiance d'une majorité de la population qui se rappelle la gestion austéritaire des libéraux au pouvoir. QS est traversé par une crise d'orientation alors que son aile parlementaire et sa direction ont toutes deux tenté de recentrer le programme et le discours du parti de gauche pour lui donner un air de « respectabilité » sans que l'appui au parti ne progresse, loin de là puisqu'il semble croupir dans les bas-fonds des sondages.
Enfin, la majorité des organisations populaires, les centrales syndicales en premier, tiennent un discours prônant la reprise du « dialogue » avec le gouvernement, appelant la CAQ à de meilleures dispositions. Une telle preuve de naïveté désarme les personnes qui souhaitent se mobiliser contre les politiques de la CAQ. Une telle illusion sur la possibilité de ramener la CAQ et les autres partis de pouvoir à de meilleurs sentiments risque de coûter cher lorsque viendra le temps de fixer des objectifs de mobilisation. Laisser croire que la CAQ pourrait modifier son approche alors qu'elle joue sa survie dans les prochains mois repose sur une mauvaise lecture de la situation. Tente-t-on de « sensibiliser » la CAQ ou bien de provoquer sa chute ? Si plusieurs souhaitent que la CAQ soit éjectée du pouvoir, par qui la remplace-t-on ? Les réponses à de telles questions viendront teinter les débats dans les prochains mois.
Des perspectives de lutte bien vivantes
Malgré cela, les possibilités de résistance sont toujours bien réelles : une vaste mobilisation syndicale est prévue pour le 29 novembre, la Marche mondiale des femmes a remporté un franc succès, le milieu étudiant a démontré son potentiel de mobilisation grâce à son engagement envers la Palestine, et la volonté de se remobiliser contre la crise climatique persiste, révélant un grand potentiel de luttes citoyennes.
La formulation de revendications et d'objectifs visant à définir une alternative aux politiques de la CAQ et des partis qui lui ressemblent devient un incontournable. Il faut profiter des quelques mois qui viennent pour mettre de l'avant un programme basé sur les intérêts des classes populaires et se donner les outils politiques nécessaires pour les porter lors de la prochaine campagne électorale afin de les mettre en application. Ni le PQ, ni le PLQ, ni les conservateurs ne doivent remplacer la CAQ au pouvoir. Ce serait blanc bonnet et bonnet blanc. Des ruines caquistes doit émerger une nouvelle alliance sociale et un programme fondé sur les communs, la coopération, la solidarité et l'autonomie populaire.
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Les Montréalais·es exigent une Ville Anti-Apartheid
Tiohtià:ke/Montréal, le 8 novembre 2025 *– Une semaine après les élections municipales, une manifestation rassemblant plusieurs centaines de Montréalais·es se termine par un coup d'éclat au Pont Jacques-Cartier, aujourd'hui le samedi 8 novembre 15h00, afin d'exiger des actions immédiates pour que la Ville de Montréal devienne une Ville Anti-Apartheid en soutien
avec le peuple palestinien.
Des Montréalais·es, membres de la communauté cycliste et de la société civile montréalaise, se sont rassemblées à 13h00 au Mont-Royal à l'appel des collectifs Bikers4Palestine, MtlAntiApartheid et Désinvestir pour la Palestine. Iels ont parcouru les rues de Montréal en manifestation à vélo jusqu'au Pont Jacques-Cartier.
Lors des élections, le *mouvement Montreal Anti-Apartheid* a réussi à placer la Palestine au cœur des débats. Grâce à la mobilisation de la jeunesse montréalaise, 109 candidat·es ont signé le pacte « Montréal anti-apartheid », ce qui représente 25% des candidat·es. De ce nombre, 24 ont été élu·es, et parmi eux et elles, 19 siègent au Conseil municipal de
la Ville.
Le message des Montréalais·es est clair : il est temps de passer à l'action ! La nouvelle mairesse, Soraya Martinez Ferrada, le nouveau conseil municipal et le nouveau comité exécutif de la Ville doivent adopter dans les 90 premiers jours une motion pour s'engager à faire de Montréal une Ville anti-apartheid pour rompre toute complicité avec le génocide colonial et les crimes commis par l'entité israélienne contre le peuple palestinien depuis les décennies. La Ville de Burnaby l'a fait, Montréal doit le faire aussi !
En 1987, suite à une campagne retentissante, la Ville de Montréal a adopté des mesures concrètes anti-apartheid en solidarité avec le peuple d'Afrique du Sud. La complicité avec le génocide en cours en Palestine est donc un choix politique. Le nouveau conseil municipal a le pouvoir d'adopter les demandes du mouvement Montréal Anti-Apartheid, énumérées plus bas, et d'être à la hauteur de la solidarité des Montréalais•es.
Les Montréalais·es exigent aussi que le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec rompent tous leurs liens politiques, diplomatiques, économiques, commerciaux et culturels avec l'entité israélienne, et adoptent des sanctions et imposent un embargo immédiat sur les armes.
Le soi-disant « cessez-le-feu » du président Trump est un leurre : l'armée d'occupation israélienne continue ses bombardements sur la bande de Gaza et d'entraver l'acheminement de l'aide humanitaire au Gazaouis.
Revendications
· Coupe ses liens institutionnels avec le gouvernement israélien et ses villes.
· Retire les contrats municipaux et les fonds de pension de l'État d'Israël, de ses institutions, de ses entreprises, ainsi que des compagnies internationales qui contribuent au maintien de l'apartheid et du génocide en cours ;
· Boycotte les représentant·es israélien·nes des milieux sportif, académique et culturel.
· Offre un sanctuaire : Montréal doit offrir un accueil digne et sécuritaire aux réfugié·es palestinien·nes et garantir leur accès aux soins et aux services sociaux.
· Exige du gouvernement canadien l'imposition immédiate d'un embargo bilatéral sur les armes vers et depuis Israël, et la fin de tout commerce militaire avec Israël via la filière américaine.
· Exige du gouvernement canadien l'élargissement du programme de visa TRV pour les Canadien·nes cherchant à se réunir avec leurs proches à Gaza, et la suppression des exigences de vérification excessives dans le processus de demande.
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Réaction au Plan d’immigration du Québec 2026
Planification de l'immigration au Québec, politiques de plus en plus restrictives au Canada : la Campagne québécoise pour la régularisation et la justice migrante (CQRJM) et ses allié·es sonnent l'alarme face à l'érosion des droits des personnes migrantes.
Montréal, le 7 novembre 2025. À l'occasion d'un mois d'action en faveur de la justice migrante du 4 au 28 novembre à travers le Québec, les organisations engagées dans la Campagne québécoise pour la régularisation et la justice migrante (CQRJM) et ses allié·es dénoncent les attaques répétées contre les droits des personnes im·migrantes et enquête d'asile. Elles s'alarment d'un recul historique en matière de justice et de solidarité à l'issue de la publication du Plan d'immigration du Québec 2026, qui prévoit une baisse des seuils d'immigration. Ce scénario nous rend incapables de remplir nos obligations internationales en matière de protection des réfugié·es et de regroupementfamilial, en plus de pousser dans la précarité un nombre croissant des travailleuses et travailleurs migrant·es actuellement au Québec.
Des politiques régressives à tous les niveaux
Au provincial, la nouvelle planification pluriannuelle de l'immigration va aggraver les situations de vulnérabilité et d'abus vécues par de nombreuses personnes im·migrantes. En abaissant les seuils d'immigration permanente et temporaire, le gouvernement leur bloque l'accès à la résidence permanente et confirme sa politique d'affichage de la réduction du nombre de personnes au statut temporaire au mépris de ceux et celles qui vivent déjà au Québec avec ce statut. Et ce d'autant plus qu'il ne remet aucunement en question le permis de travail fermé, source systémique dedépendance, d'exploitation et de vulnérabilité. Parallèlement, le gouvernement instrumentalise les personnes im- migrantes dans ses négociations avec Ottawa, allant jusqu'à menacer de couper l'aide financière de dernier recours pour les personnes en demande d'asile. Cette approche s'inscrit dans un contexte de recul plus large, marqué par la fermeture du bureau d'aide juridique en immigration de Québec et d'autres mesures restreignant l'accès auxservices.
Au fédéral, le projet de loi C-12, anciennement C-2 (Loi visant à renforcer le système d'immigration et la frontière du Canada), limiterait le droit d'asile tout en complexifiant les procédures de demande de statut de réfugié. Il prévoit également d'accorder au gouvernement des pouvoirs accrus pour suspendre ou annuler non seulement desdemandes d'immigration, mais aussi des documents et des programmes, y compris ceux liés à la résidence permanente, tout en facilitant le partage de données personnelles. Pourtant, la mobilisation au Canada de plus de 300 organisations de la société civile avait rejeté fermement l'ensemble du projet de loi C-2. La nouvelle mouture du projet de loi cède aux caprices de l'administration Trump dans l'espoir d'un nouvel accord commercial.
Un mois d'action pour réclamer le respect des droits des personnes migrantes
Cette conférence de presse s'inscrit dans un contexte de recul généralisé des droits des personnes im- migrantes, tantau Québec qu'au Canada, une tendance qui s'observe également à l'échelle mondiale. Elle vise à dénoncer ces politiques d'exclusion et à rappeler l'urgence de défendre une approche fondée sur la justice, la solidarité et les droits humains. À cette occasion, la CQRJM <https://cqrjm.org/> lance le mois d'action pour la justice migrante <https://cqrjm.org/activites/>
, qui se traduit par une série d'événements visant à sensibiliser et mobiliser autour des enjeux migratoires, notamment en demandant auxdéputés de prioriser l'accès à la résidence permanente, entre autres.
Citations :
« Qu'il s'agisse du gouvernement fédéral avec le projet de loi C-12 ou du gouvernement du Québec avec la baissedes seuils d'immigration, on observe la même logique utilitariste : celle d'un tri entre les vies, où certaines sont jugéesplus légitimes que d'autres. » Stephan Reichhold, Directeur général de la Table de concertation des organismes auservice des personnes réfugiées et immigrantes
https://tcri.qc.ca/>
(TCRI)."><https://tcri.qc.ca/> (TCRI).
« Nous désirons réaffirmer que les travailleuses et travailleurs migrant.es temporaires partagent solidairement lamême condition que l'ensemble de la force ouvrière du Québec : nous sommes tous et toutes des travailleurs,travailleuses qui avons des intérêts communs et des droits égaux. À cet égard, la FTQ réclame l'abolition des permisde travail nominatifs (fermés) liant les travailleuses et travailleurs migrant·e·s à un employeur unique et que lesgouvernements mettent en place sans délai des politiques d'immigration permettant l'obtention d'un statut permanent pour tous les travailleuses et travailleurs migrant·e·s. Il est temps de nous rappeler qu'au-delà des considérations purement économiques, ce sont aussi des parcours de vie dont il est question ici. » Marc-Édouard Joubert, président du Conseil régional FTQ<https:/ftq.qc.ca/>'><https://ftq.qc.ca/> Montréal métropolitain.
À propos
La Campagne québécoise pour la régularisation et la justice migrante (CQRJM) regroupe 46 membres https://cqrjm.org/a-propos/>
."><https://cqrjm.org/a-propos/>
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Parmi ses allié·e·s : Amnistie internationale francophone Canada, d'autres organisations du Front commun québécois contre C-12 et le Réseau d'aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ).
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