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Entre sursaut populaire et menace nucléaire

17 juin, par Omar Haddadou — , ,
L'engrenage armé au Moyen-Orient a pour point d'orgue la destruction des capacités nucléaires de l'Iran et l'occupation de la Palestine. C'est le dessein affiché par Benjamin (…)

L'engrenage armé au Moyen-Orient a pour point d'orgue la destruction des capacités nucléaires de l'Iran et l'occupation de la Palestine. C'est le dessein affiché par Benjamin Netanyahu. Hier lundi, le Premier ministre déclarait que « tuer Khamenei mettra fin au conflit ». Annonce faite au moment où 40 Palestiniens (es) sont tués par son armée. A Paris, ce samedi, la colère était à son paroxysme !

De Paris, Omar HADDADOU

L'escalade armée au Moyen-Orient tombe à point nommé pour Trump et les Européens afin de finaliser des commandes civiles et militaires colossales. Ce lundi 16 juin, pendant qu'on enterrait à Gaza les 40 victimes des bombardements israéliens sur un site de distribution d'aide humanitaire, géré par la Fondation GHF, le Président américain avait la tête focalisée sur le choix d'agréer ou d'exclure la demande de Volodymyr Zelensky quant à l'achat de matériel militaire. C'est dire l'état d'esprit qui prédomine la Géopolitique.

Trump dont les bruits de couloir susurrent qu'il aspirerait à un Prix Nobel de la Paix, aura quand même réussi à se hisser au rang d'excellent Promoteur des Belligérances !

Ce climat de reconfiguration de la planète en un immense Souk d'Intérêts stratégiques des puissances occidentales, a ouvert le champ à toutes les conquêtes et les coups de boutoir à l'égard des dominés.

Comble de l'indignité à consigner, l'organisation du Salon du Bouget (Vitrine des Avionneurs européens) en France, au moment où le bilan à Gaza dépasse les 55 000 morts et 12 blessés. Syndicats et Journalistes de Gauche ont fustigé l'évènement, le qualifiant de honte !
La folie des Puissants nous passionne ! L'Humanité restera -t-elle sans défense face à l'empiètement du Droit International par Neatanyahu et Trump ? L'assentiment claironné du Président américain, a conforté l'empressement de son alter égo à détruire les capacités nucléaires de l'Iran, en passe d'atteindre le nombre requis de centrifugeuses pour l'enrichissement de l'uranium (à Natanz) et l'acquisition de l'arme nucléaire.

D'où l'entreprise d'éliminer les ténors de l'Etat-Major, les Eminences grises et la promesse d'abattre le Guide suprême iranien : « Tuer Khamenei, mettra fin au conflit » « Nous changerons la face du Moyen-Orient. Nous les éliminerons un par un ! » annonçait -il-hier, à la télé.

Quelques heures plus tard, avant minuit, l'Iran procédait à des frappes jusqu'à l'aube sur l'Etat hébreu. Le monde pourrait basculer dans un troisième conflit mondial par le triomphe de l'Injustice (Hogra !)

En France, comme partout en Europe, l'escalade mortifère a suscité une vague d'indignations et de rassemblements impressionnants pour dénoncer l'impunité et la politique génocidaire de Netanyahu.

Le retour de la « Flottille de la Liberté » impulsée par la franco-palestinienne, Rima Hassan et les membres d'équipage, a était un moment fort, donnant lieu, ce samedi 14 juin, à une mobilisation de grande ampleur contre le génocide à Gaza. Ils étaient plus de 150 000 manifestants (es) à battre le pavé entre République et Nation. Dans le cortège, les Syndicats poids lourds, tels que CFDT, CGT, FO, FSU, UNSA, etc, insufflaient une dynamique contestataire assourdissante.

La présence des étudiants (es) et la jeunesse militante, brandissant des slogans pour la Paix, est de loin la plus importante au cœur de la ferveur de la marche. Il serait évidemment indélicat de ne pas citer les familles avec leurs enfants à bas âge, les retraités, les travailleurs (es), les Magistrats, les Demandeurs d'Emploi, les Sans-Papiers, etc, qui criaient de toute leur force de « cesser le massacre des innocents et des bébés ! ».

Notons l'investissement fédérateur et puissant de la France-Insoumise, d'Urgence Palestine (menacée par l'épée de Damoclès), d'EuroPalestine, des Ecologistes, ainsi que d'autres collectifs, scandant d'une seule voix : « Rima, Rima, Paris est avec toi ! » Puis en arabe : « Tahya tahya Falestine (Vive, vive Palestine) », « Ertah ertah ya chahid ! Sa nouasal el Kifah ! (Repose-toi Martyr, nous poursuivrons le combat ! » « Sahyouni Bara ! Falestine Houra ! (Sioniste dehors ! Palestine, libre ! » « Cessez-le feu ! Cessez-le feu ! Nous sommes tous des Palestiniens ! ». Et la voix de Rima de galvaniser les milliers de manifestants (es) sous les yous yous des femmes : « Nous continuerons, jusqu'à la libération de la Palestine ! ».

O.H
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Grande manif à Paris après le retour de Rima Hassan et la "Flottille de la liberté" et en continuation à la mobilisation massive pour Gaza.
Impulsée par la France Insoumise et l'Intersyndicale, la dynamique va reprendre dès demain au Trocadéro.LE DEUXIEMME BATEAU EST DEJA PRET A PARTIR !C'est un point de non retour de la lutte du Peuple auquel nous assistons, ici comme partout dans le monde !

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Quelques jours après un meurtre d’extrême-droite, Retailleau dissout la Jeune Garde : faisons front !

17 juin, par Cathu Isnard — , ,
Ce jeudi 12 juin, Bruno Retailleau a annoncé avoir dissous la Jeune Garde en conseil des ministres. Alors que l'extrême droite se félicite de cette offensive, l'ensemble des (…)

Ce jeudi 12 juin, Bruno Retailleau a annoncé avoir dissous la Jeune Garde en conseil des ministres. Alors que l'extrême droite se félicite de cette offensive, l'ensemble des organisations de la gauche syndicale et politique doit faire front en solidarité avec l'organisation antifasciste et contre le durcissement autoritaire.

12 juin 2025 | tiré de Révolution permanente
https://www.revolutionpermanente.fr/Quelques-jours-apres-un-meurtre-d-extreme-droite-Retailleau-dissout-la-Jeune-Garde-faisons-front

Crédits photo : Compte X de Raphaël Arnault

« Je me félicite que les organisations La Jeune Garde et Lyon Populaire aient été dissoutes ce matin ». C'est par ces mots que le ministre de l'Intérieur a publiquement annoncé ce jeudi la dissolution de l'organisation antifasciste la Jeune Garde, en parallèle de celle d'une organisation d'extrême-droite, qui sert de caution à la répression des antifascistes.

Bruno Retailleau avance ainsi dans la procédure administrative annoncée le 29 avril dernier contre la Jeune Garde, mais aussi Urgence Palestine, dont il n'a pour le moment pas annoncé la dissolution. Cette nouvelle dissolution constitue une offensive autoritaire d'ampleur du gouvernement, que l'extrême-droite n'a pas tardé à saluer. « Victoire du Rassemblement national, la Jeune Garde a été dissoute ! » a ainsi réagi Julien Odoul du RN sur X. De fait, avec la dissolution de la Jeune Garde, cofondée par le député LFI Raphaël Arnault, Bruno Retailleau accorde à l'extrême-droite une revendication de longue date.

L'annonce de l'attaque avait eu lieu quelques jours à peine après le meurtre islamophobe d'Aboubakar Cissé, assassiné dans la mosquée Khadidja à La Grand-Combe. Un moment symbolique choisi pour ré-affirmer son soutien à une extrême droite de plus en plus décomplexée et violente, contre laquelle la Jeune Garde lutte depuis sa création en 2018.

De la même façon, ce jeudi, la nouvelle annonce survient au lendemain des obsèques d'Hichem Miraoui, victime d'un meurtre raciste début juin. Ces dernières semaines, la Jeune Garde s'est mobilisée contre sa dissolution, notamment en manifestant en nombre le 1er mai, mais aussi contre la dissolution d'Urgence Palestine.

Cette dissolution n'est pas seulement celle d'une organisation antifasciste, mais aussi d'une organisation qui soutient la Palestine et dénonce le génocide à Gaza, et ce au moment où celui-ci s'accélère. Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, la Jeune Garde dénonce le rôle du gouvernement dans le renforcement du racisme, note que « c'est la première fois depuis 1945 que l'organisation d'un député d'opposition est dissoute » et annonce porter un recours auprès du Conseil d'État

L'ensemble des organisations politiques et syndicales de gauche doivent apporter leur soutien à la Jeune Garde et opposer le front le plus large possible en défense des droits démocratiques. Contre les procédures bâillons qui visent à réprimer le mouvement social, du soutien à la Palestine, aux collectifs contre l'islamophobie comme le CCIF, jusqu'aux collectifs antifascistes, le mouvement ouvrier doit prendre l'initiative d'une large mobilisation contre la répression et l'offensive anti-démocratique. Face à la cabale de l'extrême droite et d'un ministre ultra-réactionnaire contre une organisation… antifasciste, il faut à nouveau faire front !

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Podcast avec deux militant-es de la Jeune Garde - et Ugo Palheta - publié par Spectre

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Mouvement étudiant en Serbie : « soit on s’arrête, soit ce sera la guerre civile »

17 juin, par Gaëlle Guehennec — , ,
Depuis novembre 2024, les étudiants serbes mènent une révolte sans précédent contre le gouvernement corrompu de Vučić. Avec deux camarades belges de la Gauche Anticapitaliste, (…)

Depuis novembre 2024, les étudiants serbes mènent une révolte sans précédent contre le gouvernement corrompu de Vučić. Avec deux camarades belges de la Gauche Anticapitaliste, je suis allée à Belgrade à leur rencontre.

12 juin 2025 | tiré d'International View Point
https://internationalviewpoint.org/spip.php?article9039

Devant la Faculté de philosophie de Belgrade, une table et des chaises de camping sont installées. Une dizaine d'étudiants, emmitouflés dans des duvets, surveillent l'entrée. Sur la table, des sudokus et des paquets de cigarettes pour passer le temps. Les étudiants se relaient dès 8 h du matin pour garder la faculté, devenue à la fois dortoir et Assemblée populaire. Plusieurs fois par semaine, des cours y sont organisés, ouverts à toutes et tous. On y tient aussi des assemblées décisionnelles où se dessine l'avenir du mouvement. Les étudiants nous accueillent avec le sourire, prennent la parole tour à tour, puis tous en même temps. Ils nous disent être là depuis le jour 0, soit déjà six mois.

Petit rappel : le 29 novembre dernier, l'auvent de la gare de Novi Sad s'est effondré, causant la mort de 15 personnes (1). Les étudiants se sont rapidement mobilisés contre le régime autoritaire d'Aleksandar Vučić, accusé d'avoir attribué les travaux à des entreprises corrompues et incompétentes.(2) Dans un pays où il est difficile de critiquer le pouvoir en place, les étudiants ont réussi un tour de force : ils ont « dépolitisé » le mouvement, refusant d'en faire un combat partisan dans un pays profondément divisé. Cette stratégie leur a permis de rassembler au-delà des clivages idéologiques. Ils ont structuré leur mobilisation autour de quatre revendications simples :

1. Publication de tous les documents relatifs à la reconstruction de la gare de Novi Sad, actuellement inaccessibles au public.

2. Confirmation par les autorités compétentes de l'identité de toutes les personnes raisonnablement soupçonnées d'avoir agressé physiquement des étudiants et enseignants, et ouverture de poursuites pénales.

3. Abandon des charges contre les étudiants arrêtés pendant les manifestations, et suspension de toutes les procédures judiciaires.

4. Augmentation de 20 % du budget alloué à l'enseignement supérieur.

La réponse à ces revendications a été massive. Les étudiants ont réussi à rallier une large partie du pays, à l'aide de diverses techniques de mobilisation, comme les marches nationales pour contrer la propagande d'État. Le mouvement a atteint son apogée le 15 mars 2025, lorsque 400 000 personnes ont afflué vers la capitale.(3)

Mais que s'est-il passé depuis ? Pourquoi les médias ont-ils cessé de parler des Balkans ?

Le gouvernement joue la carte de l'usure face à une jeunesse épuisée

Face à cette contestation persistante, le gouvernement a rapidement réagi en jouant la montre et en utilisant le calendrier universitaire à son avantage. Fin mai, les examens approchent. Le gouvernement en profite pour exercer une pression supplémentaire sur les étudiants. Ces derniers ont pris leur décision : ils passeront les examens, en sachant qu'ils vont les rater. Ils ont choisi de sacrifier une année d'études pour l'avenir de leur pays.

En réponse à cet échec massif potentiel, le gouvernement serbe menace de privatiser les universités, sous prétexte que le secteur public ne garantit pas le succès des étudiants. Face à cette stratégie de l'échec, les rangs se clairsement : « au début, les gens venaient, maintenant on est à bout ». Bien qu'encore soutenu par une majorité de la population, le nombre d'activistes actifs diminue : « nous ne sommes pas assez nombreux, maintenant nos gardes vont de 8 h à 11 h ». De moins en moins d'entre eux viennent garder les barricades universitaires : « nous sommes les derniers soldats courageux », disent les irréductibles.

À la pression du gouvernement s'ajoute sa guerre psychologique : propagande, campagnes de discrédit, manœuvres déloyales. Les étudiants dénoncent le groupe « Studenti koji žele da studiraju » – littéralement « les étudiants qui veulent étudier » – mis en place par le pouvoir et installé devant le Parlement pour contrecarrer les manifestants.(4)

Malgré la fatigue et les stratégies politiques vicieuses, le mouvement résiste, notamment grâce à une structure horizontale bien rodée.

Un mouvement se revendiquant non hiérarchique, apolitique et non partisan

Les étudiants s'expriment à tour de rôle devant l'université, aucun ne se distingue particulièrement. Au début du mouvement, certains ont tenté de s'imposer, mais ont vite été écartés. Le mouvement ne reconnaît aucun leader. Dans les médias, on ne voit jamais les mêmes visages : « nous voulons mettre en avant les revendications, pas les personnes ». Il revendique une organisation totalement horizontale : « nous sommes contre la hiérarchie ». Ils se veulent également apolitiques et non partisans, afin de rassembler le plus largement possible et de déjouer les tentatives de récupération par l'opposition ou certains enseignants cherchant à obtenir des postes dans un éventuel gouvernement technocratique.

Mais en réalité, le mouvement est traversé de profondes divisions politiques

Derrière cette façade apolitique, une ligne idéologique plus affirmée se dessine. Des étudiants de la faculté de philosophie expliquent : « c'est un mouvement communiste par essence ». Ils défendent l'idée d'un Front social donnant le pouvoir au peuple : « que le peuple décide ». Le Front social n'existe pas encore formellement en Serbie, mais c'est une proposition politique issue du mouvement étudiant. Il vise à créer un large réseau horizontal rassemblant étudiants, travailleurs, agriculteurs et autres groupes sociaux, unis contre la corruption et l'autoritarisme du régime Vučić. Ce projet veut dépasser les clivages traditionnels, rejeter la manipulation partisane et promouvoir une démocratie directe et participative. (5)

La faculté de philosophie à laquelle appartiennent les étudiants rencontrés, ancrée à gauche, critique ouvertement d'autres établissements jugés trop conciliants avec les institutions libérales. Elle défend une ligne anti-européenne et souverainiste, convaincue que l'UE méprise la jeunesse serbe. À plusieurs reprises, l'UE est tenue pour responsable des bombardements de 1999 : « nous n'aimons pas l'UE »(6). À l'inverse, d'autres universités restent tournées vers Bruxelles et semblent attendre une réponse de l'Union européenne, souhaitant reproduire les sociétés libérales d'Europe occidentale. Mi-mai, une vingtaine d'étudiants ont couru 2000 km de Novi Sad à Bruxelles dans l'espoir d'une réponse des institutions européennes, qui soutiennent discrètement le gouvernement Vučić (7).

L'Europe et la France négocient-elles encore les droits humains et la démocratie ?

La France, ou la « grande démocratie européenne » qui vend des Rafale à un autocrate

Le 9 avril, Emmanuel Macron a reçu le président Vučić, sans un mot sur le mouvement étudiant ni sur la dérive autocratique du pays (8). Comment se fait-il que, face à un tel déni de démocratie, les pays européens détournent le regard ?

La complicité silencieuse de la France s'explique par des intérêts économiques et géopolitiques. Depuis sa réintégration dans les Balkans en 2019, la stratégie française privilégie la coopération sécuritaire et économique, au détriment des exigences démocratiques. Paris préfère ouvrir un marché à ses investisseurs plutôt que de lutter contre la corruption. En juillet 2023, Vučić a signé un contrat historique avec Macron : l'achat de 12 avions de chasse Rafale pour 3 milliards d'euros. Le président français a alors salué une « démonstration de l'esprit européen ».

Une somme colossale pour un pays où le salaire minimum ne dépasse pas 400 euros mensuels, mais qui renforce les liens militaro-industriels entre Paris et Belgrade. Et la France ne s'arrête pas là. Elle est impliquée dans plusieurs projets stratégiques en Serbie : Vinci exploite l'aéroport de Belgrade, Michelin a une usine de pneus à Pirot, et des discussions sont en cours pour construire des centrales nucléaires en partenariat avec EDF et Framatome.

Cette politique s'inscrit dans un cadre plus large appelé stabilocratie (9), c'est-à-dire le soutien tacite à des régimes autoritaires tant qu'ils garantissent une stabilité politique et un accès aux marchés. En privilégiant ses contrats à ses principes, la diplomatie française alimente un statu quo géopolitique qui renforce un régime autoritaire au détriment d'une société civile en lutte pour la démocratie.

L'Europe du marché, pas des peuples

Le silence français fait écho au silence européen. Le président serbe a même été publiquement félicité par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, saluant son « sens des responsabilités » et le « potentiel économique » du pays, sans un mot sur les atteintes à la démocratie ou la corruption. En 2023, sous prétexte de « transition écologique »(10), l'UE a relancé le projet minier très controversé de Rio Tinto, suspendu en 2022 grâce aux mobilisations écologistes. Un projet d'extraction de lithium destiné à l'industrie européenne, sans égard pour les écosystèmes locaux ni les populations concernées. La jeunesse serbe est sacrifiée sur l'autel de la transition « verte » européenne.

La même année, la Serbie a reçu la plus importante subvention européenne de son histoire : plus d'un demi-milliard d'euros pour la rénovation du corridor ferroviaire Belgrade-Niš.

La Serbie est aussi un point stratégique pour Bruxelles. Elle se trouve sur la route des Balkans et permet de sous-traiter le contrôle migratoire. La Serbie agit comme tampon et se permet des refoulements illégaux, des violences policières et le non-respect des droits humains (11). Ainsi, l'Europe garde les mains propres et Vučić, en jouant le rôle de gardien de la « forteresse », s'achète l'indulgence politique de Bruxelles. L'UE redoute aussi un basculement vers la Russie, partenaire économique et marché potentiel. Bien qu'elle soit candidate à l'adhésion, la Serbie refuse d'aligner ses sanctions sur celles de l'UE contre Moscou. Vučić joue habilement de cette position « non alignée », oscillant entre promesses d'intégration européenne et proximité assumée avec le Kremlin. Ce double jeu inquiète Bruxelles, qui craint que Belgrade devienne un cheval de Troie russe au cœur du continent.

Tous ces intérêts économiques et géostratégiques justifient que les dirigeants européens ferment les yeux sur un gouvernement illibéral et des pratiques autoritaires. On peut alors se demander : à quoi sert l'Union européenne si elle sacrifie sa jeunesse au nom du libre-échange, de la sécurité et des relations géopolitiques (12) ?

Et maintenant ? « Soit on s'arrête, soit ce sera la guerre civile »

La mobilisation s'essouffle (13). Vučić assure à ses partisans que « l'histoire est finie ». Lucides, les étudiants de la faculté de philosophie n'envisagent plus que deux issues : « soit on s'arrête, soit ce sera la guerre civile ». Ils insistent encore : leur objectif est avant tout de mobiliser les Serbes : « nous voulons mobiliser notre peuple ». Il ne s'agit pas seulement de changer le gouvernement, mais de changer de système.

À l'heure où les étudiants serbes nous rappellent que l'émancipation ne viendra ni des gouvernements ni des institutions, mais des peuples en lutte, nous pouvons nous demander : quel est notre rôle dans cette solidarité internationaliste qu'il reste à construire ?

5 juin 2025 –

Notes

1] Euronews, 30 December 2024 “Serbian prosecutors indict 13 over deadly canopy collapse that sparked mass protests”.

[2] For more context see “Serbian students cycle to Strasbourg, Macron prefers to receive the autocrat Vučić”, “Chronology of the struggle in Serbia”, “Student protests in Serbia : "The movement cannot afford to stop now"”, “Serbia's Mass Protests Against a Crony-Capitalist Government”.

[3] BBC, 16 March 2025, “Serbia's largest-ever rally sees 325,000 protest against government”.

[4] See Ćaciland Protest Camp.

[5] Contretemps, 25 February 2025 “Mouvement étudiant en Serbie : « Un État-providence, c'est ce dont notre pays a besoin »”, Cerises la Coopérative, 4 April 2025, “Serbie : un nouveau front étudiants-travailleurs”.

[6] Modern Diplomacy, 18 March 2025, “Remembering 1999 : How the NATO Bombing Shaped Serbian National Identity”.

[7] Brussels TImes, 13 May 2025, ‘From my village to Brussels' : Serbian student protest reaches Belgium.

[8] Euronews, 10 April 2025 “President Vučić gets strategic support from France for Serbia's ‘European destiny'”.

[9] Fondation Jean-Jaurès, 2 June 2022, “Sortir de la ‘stabilocratie' : repenser l'approche française des Balkans occidentaux”.

[10] Reporterre, 13 May 2025, “En Serbie, la lutte contre le lithium alimente une révolte historique”.

[11] Amnesty International “Human rights in Serbia”.

[12] Fondation Jean-Jaurès, 20 January 2025 “En Serbie, une ultime bataille pour la démocratie fait rage dans l'indifférence de l'Europe”.

[13] RFI, 22 May 2025, “Serbie : malgré des résultats, les manifestations anti-Vucic perdent de leur ampleur”.

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En Pologne, victoire électorale de la droite dure

17 juin, par Jan Malewski — , ,
Au second tour de l'élection présidentielle polonaise, le 1er juin, Karol Nawrocki, soutenu par la droite extrême (PiS, parti Droit et Liberté) et l'extrême droite illibérale (…)

Au second tour de l'élection présidentielle polonaise, le 1er juin, Karol Nawrocki, soutenu par la droite extrême (PiS, parti Droit et Liberté) et l'extrême droite illibérale et fascisante a gagné avec 50,89 % contre 49,11 % à Rafal Trzaskowski, le candidat libéral soutenu par le gouvernement actuel de Donald Tusk (PO, Plateforme civique).

Tiré de Inprecor
11 juin 2025

Par Jan Malewski

© Karole Nawrocki sur Facebook

Le taux de participation a atteint 71,63 %, plus qu'à toutes les élections présidentielles précédentes. Au premier tour (18 mai) Trzaskowski (31,36%) était légèrement (31,36%) devant Nawrocki (29,54%), mais les candidats de la droite fascisante et pro-poutiniste ont obtenu 22,69 % alors que celles et celui se réclamant de la gauche seulement 10,18 %. Il s'agit donc d'une sérieuse défaite et la coalition gouvernementale pourrait se décomposer, laissant ainsi la place à un gouvernement ultra conservateur, voire à une coalition avec l'extrême droite.

Tusk incapable de répondre aux questions démocratiques et sociales

Si la République en Pologne est moins présidentialiste qu'en France et que le gouvernement n'est pas dirigé par le président, ce dernier peut bloquer le gouvernement en refusant de signer les lois adoptées par le Parlement. De plus, le gouvernement Tusk n'a toujours pas été capable de remettre sur pied la justice et le tribunal suprême que les gouvernements précédents du PiS ont déformé.

En octobre 2023, la mobilisation populaire contre l'autoritarisme gouvernemental du PiS et surtout pour les droits des femmes bafoués avait permis la victoire électorale de la coalition menée par Tusk. Plus d'un an après, le nouveau gouvernement s'est avéré incapable de réaliser ses promesses en matière des droits démocratiques, qui comprenaient l'abandon du néolibéralisme technocratique au profit d'une gouvernance plus humaine et démocratique, des réformes telles que la libéralisation de la loi sur l'avortement, une politique de logement social et un investissement plus important dans la culture et l'éducation.

Pire, il commencé à céder à des réflexes illibéraux en durcissant le discours contre l'immigration et en créant un Comité gouvernemental pour la déréglementation qui se donne pour but d'alléger la responsabilité des hommes d'affaires et, à terme, de réduire leurs impôts… Même la nouvelle radio-télévision publique, remplaçant la machine de propagande du PiS, s'est avérée incapable de réaliser un journalisme indépendant.

Deux choix, une seule option : le marché

En absence d'une forme stable d'auto-organisation des mouvements de protestation précédents la société polonaise et en particulier la classe ouvrière est restée atomisée, espérant de moins en moins du gouvernement libéral, voire se retournant contre lui. Ainsi, chez les électeurs n'ayant qu'un niveau d'éducation primaire, Nawrocki a obtenu 73,4 %, et dans le groupe des électeurs ayant suivi une formation professionnelle, 68,3 %. La répartition par profession révèle une situation similaire. Nawrocki a triomphé parmi les agriculteurs (84,6 %) et les travailleurs manuels (68,4 %). Il arrive même en tête parmi les chômeurs (64,7 %). Et si les femmes ont plus voté en faveur de Trzaskowski (52,8%), Nawrocki l'emporte parmi l'électorat le plus jeune (53,2 % chez les 18-29 ans et 54 % chez 30-39 ans). Les jeunes ont voté plus contre le gouvernement que pour lui.

Car le choix était entre deux candidats liés au dogme du marché libre et à l'austérité fiscale. La seule différence est que le libéralisme économique de Trzaskowski privilégie les déréglementations telles que la réduction des cotisations sociales des entreprises (sans toucher à celles des travailleurs), tandis que Nawrocki est pour un contrôle autoritaire de l'État au service des élites économiques.

C'est un nouvel épisode d'une lente décomposition du libéralisme post-stalinien, tel qu'il a été conçu depuis 1989. Cela laisse la porte ouverte à la droite radicale, qui peut ainsi s'emparer du ressentiment accumulé.

Publié par L'Anticapitaliste le 12 mai 2025
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Grèce : une offensive inquiétante contre le pluralisme médiatique

17 juin, par N Smyrnaios — , ,
En Grèce, le gouvernement Mitsotakis met en œuvre une stratégie de contrôle sur l'information dans un contexte de mécontentement public et de scandales. Des actions récentes, (…)

En Grèce, le gouvernement Mitsotakis met en œuvre une stratégie de contrôle sur l'information dans un contexte de mécontentement public et de scandales. Des actions récentes, comme la fermeture d'Attica TV, la révocation de licence pour Dimokratia FM et l'encadrement des créateurs YouTube, soulèvent des questions sur le pluralisme médiatique et la liberté d'expression déjà limités dans le pays.

Tiré du blogue de l'auteur.

La démocratie hellénique semble aujourd'hui prise au piège d'une stratégie gouvernementale insidieuse, orchestrée pour museler toute voix dissonante au sein de son paysage médiatique. Sous l'égide du gouvernement de droite de Kyriakos Mitsotakis, au pouvoir depuis 2019, la Grèce assiste, non sans inquiétude, à une succession d'événements qui dessinent un plan délibéré visant à asseoir un contrôle hégémonique sur l'information. Cette offensive survient dans un climat de colère populaire exacerbée, alimenté par des scandales à répétition et l'indignation face à l'inaction du pouvoir.

Colère populaire et scandales à répétition

Le peuple grec, déjà exaspéré, a exprimé son "ras-le-bol" lors de manifestations d'une ampleur inédite, notamment en février dernier, avec des rassemblements massifs en Grèce et à l'étranger. Au cœur de cette colère, la tragédie ferroviaire de Tempe, qui a coûté la vie à 57 personnes en février 2023, incarne la perception d'une gouvernance clientéliste et opaque. La dissimulation et le déni de responsabilité face à ces défaillances des systèmes de sécurité ferroviaire sont perçus comme une insulte par les familles des victimes et une grande partie de la population. Cette défiance s'est aggravée avec l'éclatement du scandale du logiciel espion "Predator". En 2022 il a été révélé que le téléphone du leader de l'opposition socialiste, avait été mis sur écoute par les services secrets grecs, en parallèle d'une tentative d'infection par "Predator qui a visé des centaines d'autres personnes.

Ces révélations ont déjà causé des dommages électoraux au parti de la Nouvelle Démocratie au pouvoir. La corruption est toujours endémique dans le pays et le gouvernement Mitsotakis a mis en place, depuis 2019, un système de pouvoir clientéliste et centralisé, marginalisant les institutions indépendantes et la voix de la société civile. Par ailleurs, le creusement des inégalités produit par les politiques en faveur de l'oligarchie, l'alignement atlantiste absolu au niveau de la politique étrangère et la proximité affiché avec Trump et Netanyahu ne fait que renforcer le ressentiment de la majorité de la population. C'est dans ce contexte de colère populaire exacerbée et de déliquescence institutionnelle que s'intensifie l'offensive du gouvernement contre la liberté de la presse. En l'espace de seulement quinze jours, trois événements majeurs illustrent cette manœuvre visant à étouffer toute voix qui n'a pas accepté d'être corrompue et qui continue de lui faire face.

La fermeture d'Attica TV

L'épisode le plus révélateur est sans conteste la fermeture abrupte d'Attica TV. Cette chaîne, connue pour sa proximité avec l'opposition de centre gauche, a annoncé l'arrêt immédiat de ses opérations à ses quelque soixante-dix employés. La fréquence d'Attica TV appartenait à la municipalité d'Aspropyrgos et était exploitée par la société Media Time, liée aux hommes d'affaires Dimitris Bakos, Giannis Kaimenakis et Alexandros Exarchou. Alors que leur contrat de location courait jusqu'en septembre 2025, la décision fut prise d'y mettre fin prématurément, sous le prétexte d'un désaccord sur le renouvellement du bail. Il a été révélé que la proposition des propriétaires de réduire drastiquement le loyer mensuel, de 20 000 à 5 000 euros, était manifestement une manœuvre destinée à provoquer l'échec des négociations. Il est crucial de souligner que Messieurs Bakos, Kaimenakis et Exarchou, bien que moins médiatisés, jouissent d'un portefeuille d'investissements colossaux, se chiffrant en milliards d'euros, couvrant des secteurs aussi lucratifs que la construction, la banque et l'énergie, avec 132 entreprises recensées sous leur influence. Dans ce contexte, des pertes annuelles de l'ordre de 3 à 3,5 millions d'euros pour Attica TV étaient parfaitement gérables pour des entités de cette envergure. La cessation d'activité est donc perçue, non comme une nécessité économique, mais comme un désengagement politique calculé de l'opposition de centre-gauche, annonçant un "mauvais présage" pour la pluralité des médias grecs.

Le retrait de la licence de Dimokratia FM

Parallèlement à cette liquidation, une tentative flagrante de museler la station de radio "Dimokratia FM" a été mise en œuvre. Le groupe Filippakis, propriétaire des journaux "Dimokratia" et "Estia", avait entrepris de lancer cette nouvelle entité radiophonique sur la fréquence 102.7 FM. Le journal "Dimokratia" est connu pour son opposition très forte au gouvernement de Kyriakos Mitsotakis, incarnant la voix d'une droite populaire radicalement opposé à Mitsotakis. Cette fréquence appartenait légalement au parti d'extreme droite LAOS depuis 2010, et son examen de licence aurait dû avoir lieu il y a treize ans, après le départ de LAOS du Parlement en 2012. Étonnamment, c'est précisément à l'annonce du projet de "Dimokratia FM" que le gouvernement, par l'intermédiaire du vice-ministre auprès du Premier ministre, Pavlos Marinakis, a déposé une disposition parlementaire, le 6 juin, visant à révoquer cette licence. Cette manœuvre est clairement interprétée par les observateurs comme une machination gouvernementale dont le but ultime est la censure, cherchant à empêcher qu'une opinion dissidente n'atteigne un public plus vaste par les ondes radiophoniques.

Le contrôle de YouTube

Le bras de fer gouvernemental ne s'arrête pas aux médias traditionnels ; il s'étend désormais à la sphère numérique, particulièrement YouTube. Des dizaines de créateurs de contenu sur cette plateforme ont reçu un courriel du Conseil National de la Radio et de la Télévision (ESR), les contraignant à s'inscrire à son registre. Une telle injonction les place de facto sous la supervision de l'ESR. Le gouvernement est parfaitement conscient que des millions d'internautes grecs se sont tournés vers YouTube pour une information alternative, délaissant les bulletins des chaînes conventionnelles. La décision 1/2022 de l'ESR, qui fonde cette exigence d'enregistrement, est volontairement vague quant aux critères précis (nombre d'abonnés, fréquence de publication), mais elle affirme explicitement que la radio et la télévision sont soumises au contrôle direct de l'État. Cette imprécision confère à l'ESR le pouvoir d'imposer des amendes exorbitantes aux YouTubers pour leur contenu, constituant ainsi un outil de pression redoutable contre les chaînes d'opposition.

Ces initiatives, survenues en l'espace d'une quinzaine de jours seulement, ne sauraient être considérées comme des coïncidences isolées. Elles révèlent un plan gouvernemental visant à étouffer l'opposition médiatique. Cette stratégie s'inscrit dans un contexte plus large de détérioration de la liberté de la presse et de la confiance dans les médias en Grèce, un pays qui dégringole d'ailleurs dans les classements internationaux. La manipulation médiatique est déjà omniprésente, avec des médias largement subventionnés par le gouvernement qui soutiennent sans réserve ses politiques. L'ensemble de ces manœuvres — la suppression d'un média d'opposition traditionnel, l'obstruction à l'établissement d'une nouvelle radio critique, et l'assujettissement des plateformes numériques — ne sont pas de simples ajustements réglementaires. Elles constituent une escalade alarmante dans la tentative du gouvernement Mitsotakis de façonner un récit unique et de neutraliser toute contestation significative. Si Attica TV et Dimokratia FM à eux seuls ne suffiraient pas à garantir un troisième mandat à Mitsotakis, l'extension de ce contrôle au paysage numérique marque une étape cruciale. Cette dérive autoritaire pose de graves questions sur la santé de la démocratie grecque et la survie de la pluralité médiatique, laissant présager un avenir incertain pour la liberté d'expression dans le pays.

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Italie : sur les référendums, nous avons perdu, nous recommençons à partir des mouvements sociaux

17 juin, par Sinistra Anticapitalista — , ,
Comme on pouvait largement s'y attendre, les référendums sur le travail et la citoyenneté n'ont pas atteint le quorum requis de la moitié plus un des électeurs. C'est une (…)

Comme on pouvait largement s'y attendre, les référendums sur le travail et la citoyenneté n'ont pas atteint le quorum requis de la moitié plus un des électeurs. C'est une nouvelle défaite pour la classe ouvrière et pour la société, une nouvelle confirmation du climat politique dégradé dans lequel les patrons font la pluie et le beau temps, au mépris des principes fondamentaux de justice, de démocratie et de solidarité humaine.

11 juin 2025 | Source - Anticapitalistas
https://anticapitalista.org/2025/06/11/sui-referendum-abbiamo-perso-ripartiamo-dai-movimenti-sociali/

Seuls 30 % des électeurs, soit environ 15 millions de personnes, ont voté, soit près de 10 millions de moins que le nombre nécessaire. Parmi eux, environ 12 millions ont voté oui aux quatre questions posées par la CGIL (entre 87 % et 89 %), mais seulement 9 millions à la question sur la citoyenneté. Un chiffre très faible, compte tenu du fait que les travailleurs et travailleuses salarié.e.s sont environ 19 millions, sans compter les retraités.e.s, les chômeurs.euses et les travailleurs.euses au noir. Un référendum qui n'a même pas mobilisé l'ensemble de la classe ouvrière, qui est bien loin de percevoir que la défense des droits de ses secteurs les plus faibles est fondamentale pour inverser les rapports de force sociaux. Le résultat de la question sur la citoyenneté, qui n'a obtenu que 65 % de oui et qui aurait probablement été rejetée même si le quorum avait été atteint grâce à une participation plus importante de votant.e.s probablement orienté.e.s à droite, est particulièrement inquiétant.

Les règles facilitant le licenciement, même abusif, des travailleurs et travailleuses, resteront en vigueur, sans possibilité de réintégration, et dans les petites entreprises, l'indemnisation éventuelle ne pourra dépasser six mois de salaire ; les entreprises sous-traitantes continueront d'être déresponsabilisées en matière de sécurité des travailleurs et travailleuses ; il restera possible de recourir à des contrats de travail précaires à durée déterminée sans même avoir à fournir de motif ; enfin, les travailleurs et travailleuses migrants continueront d'être victimes de discrimination et plus facilement victimes de chantage pendant au moins dix ans, privés des droits de citoyenneté alors qu'ils vivent, travaillent et paient leurs impôts en Italie.

Le gouvernement s'en sort renforcé

Bien que les questions référendaires n'aient pas contesté des lois mises en place par les forces politiques actuellement au pouvoir, ce sont pourtant bien les forces de droite qui se réjouissent de l'échec des référendums. Cela démontre clairement le lien indissoluble qui unit la droite aux classes dominantes et son mépris pour les droits de celles et ceux qui travaillent.

Objectivement, la droite au pouvoir sort renforcée par ce résultat. Elle a misé sur l'abstention pour faire échouer les référendums, en exploitant un ventre mou largement dépolitisé qui ne vote plus, à tel point que même lors des dernières élections européennes de 2024, moins de la moitié des électeurs inscrits s'étaient rendus aux urnes. Les fluctuations électorales devront être analysées en profondeur, mais il est probable que celles et ceux qui ne votent pas aux élections politiques ne se sont pas non plus rendus aux urnes lorsqu'il s'agissait de se prononcer directement sur des lois. Une fois de plus, il ne faut pas se faire d'illusions sur le potentiel « subversif » de l'abstention.

Maigre réconfort que celui que les partis du « grand centre » trouvent dans le fait que le nombre de « oui » soit supérieur à celui obtenu aux élections européennes par les forces de la majorité. S'il est vrai que Fratelli d'Italia, Forza Italia et la Ligue n'ont obtenu « que » 11 millions de voix en 2024, ces formations peuvent aujourd'hui revendiquer une hégémonie sur la grande majorité des électeurs qui ne se sont pas rendus aux urnes. En ce sens, le centre-gauche a eu tort de politiser le référendum en le présentant comme une consultation sur l'action du gouvernement.

La palme du pire parmi les partis du « Camp large » revient au Mouvement 5 étoiles, qui n'a donné aucune indication de vote sur le référendum sur la citoyenneté, allant ainsi dans le sens des perceptions racistes et de droite, comme il l'avait déjà fait en 2018 lorsqu'il avait accepté de gouverner avec la Ligue de Salvini. La nature interclassiste (mais avec une direction petite-bourgeoise) de cette formation politique ne s'est pas démentie, même dans cette épreuve. Le PD n'était pas non plus très homogène dans ses indications de vote, une partie de la direction restant campée sur la ligne de Renzi [ancien dirigeant du PD, au gouvernement de 2014 à 2016, responsable avec le Jobs Act des dégradations sur lequel portait le referendum ndt], tandis qu'une partie de son électorat, comme le montrent les premières analyses des résultats, semble avoir voté non à la question sur la citoyenneté.

Après l'adoption par le parlement du « décret sécurité » puis le résultat de ce référendum, le gouvernement post-fasciste italien devient de plus en plus dangereux. Avec le décret sécurité, dispositif fortement répressif et antidémocratique, les luttes que nous pourrons mener à l'avenir sont menacées, instaurant un climat intérieur en phase avec les vents de guerre. La prochaine bataille fondamentale sera celle du militarisme, avec les investissements considérables dans le réarmement proposés par la Commission européenne et accueillis avec enthousiasme par la droite italienne ainsi que par les droites qui gagnent du terrain en Europe.

Le référendum n'est pas l'instrument adéquat

Sinistra Anticapitalista n'a pas été l'un des promoteurs des questions référendaires mais a participé à la campagne en recommandant de voter cinq fois oui. Nous n'avons pas choisi ce terrain de bataille, mais nous ne nous sommes pas soustraits à la tâche de le mener avec toutes les forces militantes dont nous disposons.

Lorsque nous nous sommes trouvés face à la possibilité d'engager cette bataille sur les droits du travail et des migrants, nous n'avons pas hésité, et quoi qu'il en soit, au-delà du résultat, il était important de rouvrir le débat sur le travail et la citoyenneté et d'en discuter sur les marchés, dans les quartiers, sur les lieux de travail. Deux lois, le Jobs Act et la loi sur la citoyenneté, qui sont de véritables piliers de l'exploitation du travail, qui tiennent les travailleurs en otage, les soumettant encore plus au pouvoir patronal, l'une avec la menace du licenciement, l'autre avec celle de l'expulsion, les permis de séjour étant conditionnés à l'emploi. L'impunité des patrons en matière de sécurité, avec un carnage sur les lieux de travail qui fait en moyenne trois victimes par jour et la précarité généralisée avec le recours aveugle aux contrats à durée déterminée, complètent le tableau.

Cette bataille a toutefois démontré une fois de plus, comme ce fut le cas en 1984, toutes choses égales par ailleurs, sur l'échelle mobile, que le référendum ne peut être considéré comme le principal instrument auquel faire confiance pour obtenir des acquis – ou même simplement défendre les droits – de la classe ouvrière. Il serait facile de citer le Marx de la Première Internationale, selon lequel « l'émancipation de la classe ouvrière doit être l'œuvre des travailleurs eux-mêmes », pour rappeler qu'on ne peut pas remettre à un référendum, où la bourgeoisie a aussi le droit de vote, le destin de celles et ceux qui vivent de leur travail. Si l'on pense ensuite au référendum sur la citoyenneté, sur lequel les personnes directement concernées n'avaient même pas le droit de vote, l'erreur est encore plus évidente.

Il est vrai que grâce aux référendums, d'importantes batailles de civilisation ont été gagnées (le divorce, l'avortement, la chasse, le nucléaire, l'eau comme bien public), mais il s'agissait précisément de questions qui concernaient l'ensemble de la société et sur lesquelles les secteurs les plus avancés de la classe ouvrière et des mouvements sociaux avaient réussi à construire une hégémonie, grâce aussi à leur force propre, à leur capacité à s'organiser et à gagner d'abord sur leur lieu de travail, dans les familles et dans la société en général. Le sentiment commun sur ces questions était plus avancé que le législateur. Aujourd'hui, ce n'est manifestement pas le cas en matière de travail et de citoyenneté.

Le référendum est en outre un instrument de démocratie directe faussé qui ne peut être utilisé que dans des limites très étroites (et la droite propose déjà de les rendre encore plus étroites en augmentant le nombre de signatures nécessaires pour le demander). Il ne peut être sollicité sur différents sujets, en particulier ceux qui auraient une incidence sur le budget ; il nécessite un quorum de participation qui, depuis plus de trente ans, est difficile à atteindre ; il permet uniquement d'annuler des lois déjà approuvées ou de confirmer des réformes constitutionnelles qui n'ont pas obtenu une majorité qualifiée au Parlement. Mais surtout, le référendum est loin de la véritable démocratie directe. Dans ce cadre, les assemblées sur le lieu de travail ou territoriales pourraient prendre des décisions sur ce qui les concerne directement ou élire des représentants temporaires et révocables dans des assemblées de niveau supérieur pour décider de questions plus larges, au cours d'un débat qui permettrait de s'exprimer et de débattre de différentes propositions, plutôt que de se contenter de voter « oui » ou « non » sur des questions déterminées. Voilà la démocratie directe que nous voulons construire avec l'écosocialisme. Les référendums actuels ne sont qu'un simulacre de démocratie directe, et cela dit sans même parler de l'influence sur le vote des médias de masse, les réseaux sociaux informatisés y compris, sur lesquels la classe ouvrière n'a évidemment aucun contrôle. Il suffit de penser au silence médiatique qui a entouré ce référendum ou à la censure systématique des manifestations de solidarité avec le peuple palestinien.

Surtout dans cette phase historique, où l'hégémonie du capital et de la droite politique est si forte sur la société en Italie comme dans le reste du monde, confier le destin des travailleurs et des migrants au vote référendaire a été une décision aventureuse, qui a exposé la classe à une défaite tout à fait prévisible qui risque également d'affaiblir les autres luttes en cours. Peut-être que lorsque Landini a fait prendre l'initiative de ces référendums par la CGIL, il a misé sur l'effet d'entraînement d'une sixième question, celle sur l'autonomie différenciée [entre les régions ndt], dont la Cour constitutionnelle a refusé qu'elle soit soumise au vote. Mais il est probable que même cette question n'aurait pas permis d'atteindre le quorum, comme l'a montré la difficulté de mobiliser la société ces dernières années contre cet autre projet destructeur de la droite, partagé également par certains secteurs du centre-gauche dans les régions du Nord. Cet argument ne peut toutefois servir de justification à une direction de la CGIL qui, au lieu de se positionner de manière combative et radicale dans le conflit social, a déplacé la bataille sur le terrain référendaire, comme en témoigne le slogan « Le vote est notre révolte ! ». Il est indispensable de prendre en compte la masse de toutes celles et tous ceux, dans les périphéries et au sein même de la classe ouvrière, sont dépolitisé.e.s et désyndicalisé.e.s à la suite de la défaite historique du mouvement ouvrier, des reculs constants en matière de salaires et de droits, des trahisons de ceux qui auraient dû la représenter et des désillusions sur les expériences réformistes, de l'absence de mouvements sociaux significatifs en mesure de renverser le rapport de force entre les classes.

Les droits et l'hégémonie se reconquièrent par les grèves

Le référendum étant maintenant derrière nous, il est temps de revenir à la réflexion sur la manière de se défendre contre le gouvernement de droite et la toute-puissance patronale et de reconquérir les droits et les salaires. Contrairement aux élections politiques et aux référendums, les récentes élections des représentants syndicaux dans le secteur public ont enregistré un taux de participation très élevé (environ 70 %), et la CGIL est arrivée première dans tous les secteurs de la fonction publique. C'est précisément à partir des lieux de travail et des représentations syndicales qu'il faut repartir pour construire une manière différente de militer syndicalement, sur une base de lutte et solidarité. L'urgence salariale doit être affrontée avec détermination, en luttant pour obtenir des renouvellements contractuels qui redonnent sa dignité au travail, en particulier dans les secteurs publics et chez les métallurgistes, dont les conventions collectives ont expiré et n'ont pas encore été renouvelées. Si les métallos se sont mobilisés par plusieurs mouvements de grève (environ 40 heures à ce jour), trop peu est fait dans les secteurs publics, car on part de l'idée qu'il n'y aurait pas de ressources pour permettre de récupérer la perte causée par l'inflation au cours de la période 2022-2024, ce qui revient en fait à renoncer à lancer une mobilisation décidée et continue pour obtenir que le gouvernement budgète ces moyens.

Il y a également beaucoup à faire dans le domaine de la défense de l'emploi et de l'environnement. L'expérience des travailleurs de GKN, qui continuent de lutter pour un projet d'usine socialement intégrée et financée par des fonds publics, montre la voie à suivre pour apporter une réponse globale à la crise industrielle et environnementale qui touche différents secteurs du monde du travail. La nécessaire reconversion écologique et numérique de la production ne peut être laissée au marché capitaliste, qui produit chômage de masse, destruction de l'environnement et concurrence à la baisse entre les travailleurs et travailleuses de différents pays. Il est nécessaire que la classe ouvrière se mobilise pour une intervention publique massive en faveur de la reconversion écologique de l'économie, tout en préservant les emplois.

Pour parvenir à obtenir ces acquis, il faut renouer avec la pratique de grèves sérieuses, comme nous l'ont enseigné les luttes qui ont conduit à l'adoption du Statut des travailleurs en 1970 ou, plus récemment, comme nous l'avons vu en France contre la réforme des retraites. La grève doit redevenir un outil central pour la reconstruction d'un nouveau mouvement ouvrier. La préparation de la grève générale sert à cimenter la solidarité dans la lutte entre les différents secteurs de la classe ouvrière, à redonner confiance aux travailleuses et aux travailleurs dans leur capacité à s'auto-organiser et à gagner la lutte. Seule une classe ouvrière consciente de sa force peut espérer construire un bloc social autour d'elle et gagner l'hégémonie pour faire pièce à l'autoritarisme et a barbarie capitaliste.

Les syndicats devraient organiser et mobiliser la classe ouvrière avec une approche intersectionnelle, se réapproprier l'outil qu'est la grève et y apporter leur soutien lorsqu'il est mis en œuvre par d'autres mouvements. Par exemple, la grève des mouvements féministes et transféministes organisée depuis des années par Non Una Di Meno le 8 mars contre le patriarcat et la violence de genre, qui associe les revendications féministes à celles de la classe ouvrière, qu'elle soit autochtone ou migrante. Dans cette optique, le syndicat devrait s'engager au maximum pour le succès de la mobilisation contre le réarmement européen du 21 juin.

Les mobilisations sur le terrain et nos engagements futurs
Le pire effet de cette défaite référendaire pourrait être la démoralisation des militant·e·s politiques, sociaux et syndicaux qui se sont généreusement engagé·e·s dans cette campagne. Pourtant, depuis quelques mois, nous assistons à une reprise des mobilisations sociales importantes qui doivent se poursuivre et s'approfondir dans les semaines à venir. Les neuf millions qui ont voté oui aux cinq questions sont certes insuffisants pour remporter le référendum, mais si une partie importante de ces personnes se mobilisait, en descendant dans la rue ou en participant aux grèves dans les semaines à venir, nous oublierions rapidement cette défaite et ce serait le début d'une nouvelle saison politique où la solidarité de classe redeviendrait un élément central.

Le mouvement contre le génocide et pour la solidarité avec le peuple palestinien descend dans la rue ces jours-ci pour protester contre l'arrestation de la Flottille de la liberté : un groupe d'activistes qui, avec Greta Thunberg, a tenté d'apporter solidarité et aide à la Palestine et a été attaqué par l'armée israélienne avec des gaz lacrymogènes, puis arrêté illégalement. Le génocide perpétré par Israël doit cesser et les gouvernements occidentaux doivent immédiatement mettre fin à toute forme de complicité avec le gouvernement criminel de Netanyahou. Nous voulons une grève générale pour protester contre les accords commerciaux et militaires entre l'Italie, l'UE et Israël.

Nous soutenons la révolte en cours à Los Angeles contre la politique raciste et autoritaire de l'administration Trump à l'égard des migrant·e·s et de celles et ceux qui se mobilisent en solidarité. Les politiques du gouvernement italien à l'égard des réfugié·e·s et l'adoption du décret sur la sécurité vont dans le même sens. Fermons les CPR (centres de rétention pour migrant·e·s) en Italie aussi, les immigrant·e·s ne peuvent pas être détenu·e·s comme des criminel·le·s. Mobilisons-nous pour l'accueil et la liberté de circulation des personnes.

Le 20 juin, une grève des métallurgistes est prévue pour le renouvellement de leur contrat, une occasion essentielle de montrer que le syndicat et les travailleurs ne cèdent pas face à l'arrogance des patrons et du gouvernement. La majorité de droite a rejeté les propositions de loi sur le salaire minimum en affirmant hypocritement que les salaires minimums doivent être garantis et augmentés par la négociation collective. Eh bien, le moment est venu d'augmenter significativement les salaires !

Le 21 juin, une manifestation nationale aura lieu à Rome dans le cadre de la campagne Stop Rearm EU, avec des mobilisations dans toute l'Europe à l'occasion du sommet de l'OTAN à La Haye, pour protester contre le plan de réarmement présenté par la Commission européenne, contre l'augmentation des dépenses militaires, en solidarité avec la Palestine et contre l'autoritarisme. Nous serons dans la rue contre tous les impérialismes, à commencer par celui de l'Europe et de l'OTAN, mais aussi contre la guerre que l'impérialisme russe continue de mener contre le peuple ukrainien.

11 juin 2025

Communiqué de la direction nationale de Sinistra Anticapitalista

P.-S.
• Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l'aide DeepLpro

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Soutien au journaliste de Blast, Yanis Mhamdi, détenu arbitrairement en Israël

À l'appel de Reporters sans frontières et de Blast, 250 sociétés de journalistes, dont celle de Mediapart, associations, organisations syndicales et journalistes exigent que (…)

À l'appel de Reporters sans frontières et de Blast, 250 sociétés de journalistes, dont celle de Mediapart, associations, organisations syndicales et journalistes exigent que l'État français se mobilise pour mettre un terme à la détention du reporter, qui avait embarqué à bord du « Madleen » dans le cadre de la Flottille de la liberté pour Gaza.

Tiré du blogue de l'auteur.

Nous, journalistes, signataires de cette tribune, exprimons notre profonde inquiétude et notre entière solidarité envers notre confrère Yanis Mhamdi, journaliste pour le média Blast, actuellement détenu de manière arbitraire par les autorités israéliennes.

La semaine dernière, Yanis Mhamdi a embarqué à bord du navire humanitaire Madleen, dans le cadre de la mission civile Freedom Flotilla, afin de documenter l'acheminement d'aide humanitaire à destination des civils gazaouis. Avec son confrère Omar Faiad, journaliste pour le média Al Jazeera, il accompagnait de nombreuses personnalités, parmi lesquelles l'activiste Greta Thunberg et l'eurodéputée française Rima Hassan. Il s'y trouvait en qualité de journaliste, dans l'exercice strict de ses fonctions, missionné par son média.

Dans la nuit du 8 au 9 juin 2025, le navire Madleen a été intercepté illégalement dans les eaux internationales par l'armée israélienne, en violation manifeste du droit international. L'ensemble des passagers a été placé en détention. Tandis que certains ont pu regagner leur pays d'origine, Yanis Mhamdi demeure détenu, pour avoir refusé de signer un document aux conditions obscures.

Depuis cette arrestation, ses proches et ses conseils n'ont pu obtenir que des informations fragmentaires sur son état et ses conditions de détention. Il a été privé de nourriture durant plus de seize heures, menacé par des armes, et retenu dans un lieu inconnu, dans des conditions que rien ne justifie.

Cette situation soulève des questions graves : il est aujourd'hui impensable qu'un journaliste français, mandaté par son média, soit privé de liberté pour avoir simplement exercé son métier. En assimilant un journaliste à un militant, en entravant délibérément le travail d'un professionnel de l'information, c'est l'ensemble de notre profession qui se trouve menacée.

Cette détention arbitraire s'inscrit dans la continuité du traitement des journalistes à Gaza, systématiquement empêchés de faire leur travail, voire pris pour cibles, puisque selon la Fédération internationale des journalistes (FIJ) et Reporters sans frontières (RSF), près de 200 d'entre eux ont été tués par les forces israéliennes.

L'arrestation et la séquestration de notre confrère fait planer une menace directe et inquiétante sur la liberté d'informer, sur la capacité des journalistes à couvrir les conflits armés et les situations humanitaires à travers le monde.

En maintenant Yanis Mhamdi en détention, c'est le droit de chacun à être informé qui vacille à nouveau. Or, préserver la liberté d'expression, la liberté de la presse et le droit à l'information ne saurait être une option : c'est une obligation démocratique.

Nous demandons à l'État français de prendre ses responsabilités et d'exiger publiquement la libération immédiate de notre confrère. Le silence, l'ambiguïté ou la passivité ne sont plus acceptables.

La liberté de la presse n'est pas négociable. Elle est le garant du débat public, et par là même, le socle de toute démocratie.

Organisations signataires

Reporters sans frontières (RSF)
Blast
La Société des journalistes de France 24
La Société des journalistes et du personnel de Libération (SJPL)
La Société des journalistes de Radio France Internationale (RFI)
La Société des journalistes de Mediapart
Syndicat National des Journalistes (SNJ)
La Société de Journalistes de Télérama
la Société des personnels de l'Humanité
L'Association des Journalistes Antiracistes et Racisé·e·s (AJAR)
Le Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT)
SDJ Konbini

Listes des signataires

Agnès Briançon-Marjollet, journaliste, co-première secrétaire générale du SNJ
Aïda Amara, journaliste indépendante
Aïda Delpuech, journaliste indépendante
Aissata Soumare, journaliste indépendante
Alex Talandier, journaliste indépendant
Alexandra Henry, journaliste indépendante
Alexandre-Reza Kokabi, journaliste à Reporterre
Ambrine Ziani, journaliste
Amel Zaki, Libération
Amina Kalache, journaliste indépendante
Amine Abdelli, journaliste pigiste
Amira Souilem, reporter, RFI
Anaïs Delmas, journaliste indépendante
Anissa Rami, journaliste indépendante
Anna Margueritat, rédactrice indépendante
Anne Bocandé, directrice éditoriale, Reporters sans frontières
Anne Paq, photographe indépendante
Annie Fiore, journaliste indépendante
Antoine Cariou, journaliste
Antoine Chuzeville, journaliste, co-premier secrétaire général du SNJ
Antoine Comte, journaliste France 3
Antoine Portoles, journaliste l'Humanité
Aouregan Texier, journaliste La Dépêche
Ariane Lavrilleux, Disclose
Arnaud Froger, journaliste, Reporters sans frontières
Aurélien Devernoix, journaliste à RFI, délégué syndical SNJ
Aziz Oguz, journaliste pigiste
Baptiste Mas, reporter indépendant
Barbara Gouy, journaliste indépendante
Benjamin Barthe, Le Monde
Benjamin Beraud, journaliste indépendant
Camelia Kheiredine, ARTE
Camille Miloua Giraudea, Courrier International
Camille Regache, journaliste indépendante, membre de l'AJL
Camille Scali, journaliste et artiste-auteur
Caroline Constant, journaliste à l'Humanité
Catherine Maubert, BFMTV
Célia Gueuti, journaliste indépendante, Association des journalistes antiracistes et racisé.e.s
Céline Beaury, journaliste indépendante, (Collectif La Friche)
Cemil SANLI, journaliste indépendant
Charlotte Vautier, journaliste
Chloé Dubois, journaliste indépendante
Christelle Murhula, journaliste indépendante, membre de l'AJAR
Claire Billet, journaliste réalisatrice
Clara Monnoyeur, journaliste, StreetPress
Clarisse Feletin, journaliste pour Off Investigation
Claudine Cordani, journaliste indépendante
Clément Pouré, journaliste indépendant
Coline Charbonnier, journaliste 15-38 Méditerranée
Cyril Castelliti, journaliste à La Provence
Cyril Theophilos, journaliste reporter d'images, France 2
Dalal Mawad, Correspondante, Al Araby TV
Dan Israel, journaliste
Danae Corte, journaliste AEF info
Daphné Deschamps, journaliste, StreetPress
David Hury, journaliste indépendant
David Zurmely, ARTE
Dominique Pradalié, journaliste, présidente, Fédération internationale des journalistes
Donia Ismail, journaliste indépendante
Donnia Ghezlane-Lala, journaliste
Dorian Mao, journaliste indépendant
Dounia Rachati, journaliste indépendante
Edwy Plenel, journaliste, Mediapart
Eliott Brachet, journaliste indépendant
Elisabeth Fleury, journaliste à l'Humanité
Élise Courant, journaliste
Elodie Safaris, Arrêt sur images
Elsa Miske, journaliste AJ+
Emilio Meslet, journaliste à l'Humanité
Emma Villeroy, journaliste indépendante
Emmanuel Clévenot, journaliste à Reporterre
Emmanuelle Veil, journaliste
Ervan Couderc, journaliste, jhm quotidien
Erwan Blanchard, journaliste à Radio Breizh
Esther Meunier, journaliste indépendante
Etienne Milliès-Lacroix, monteur OFF Investigation
Fabien Gay, directeur de L'Humanité
Fabien Rives, Off investigation
Fabrice Wuimo, journaliste, chef du pôle “Actu”, Le Média TV
Fanny Marlier, journaliste indépendante, membre du collectif Hors Cadre
Focus, collectif de journalistes et de documentaristes indépendant·es
Frédérique Le Brun, journaliste indépendante, membre de Reporters solidaires
Gallagher Fenwick, éditorialiste indépendant
Gilles Bader, photoreporter La Provence
Gnamé Diarra, journaliste indépendante
Gwenaelle Lenoir, journaliste, Mediapart
Haïfa Mzalouat, journaliste, Reporters sans frontières
Hajar Ouahbi, journaliste, ARTE Tracks
Hakim Mokadem, journaliste
Héléna Khattab, France 24
Houda Benallal, journaliste
Hugo Coignard, journaliste indépendant
Ibrahim Banaïssa, Blast
Inès El Kaladi, Libération
Isma Le Dantec, Fracas
Issa Sedraoui Cochet, étudiant en journalisme et pigiste
Isya Okoué Métogo, journaliste à Off Investigation
Jean-Baptiste Rivoire, fondateur de Off investigation
Jeanne Gobin, photojournaliste indépendante, Agence Encrage
Jili Martin, Radio Gâtine
Jimmy Hutcheon, journaliste indépendant
Jonathan Dagher, journaliste, Reporters sans frontières
Jose Rexach, journaliste Blast
Julie Tomiche, journaliste indépendante
Julien Coquelle-Roëhm, journaliste à RFI, élu de la SDJ de RFI
Julien Sauvaget, rédacteur en chef des matinales vsd à france24
Julien Théry, Le Média
Justine Fontaine, journaliste, RFI
Justine Guitton-Boussion, journaliste, Reporterre
Justine Segui, journaliste
Khadija Toufik, journaliste indépendante
Khedidja Zerouali , journaliste à Mediapart et membre de l'AJAR
Laura Wojcik, journaliste, Mediapart
Laurent Dauré, journaliste indépendant
Léa Gorius, journaliste Reporterre
Lea Martinez, journaliste Off Investigation
Léa Masseguin, Libération
Leïla Beratto, 15-38 Méditerranée
Léo Roussel, journaliste indépendant
Lina Rhrissi, journaliste StreetPress et membre de l'AJAR
Lisa Lap, journaliste à Le Média
Lisa Morison, journaliste Fréquence Protestante
Lisa Noyal, journaliste indépendante
Louis Blanchard, journaliste à Ouest-France
Louis Bontemps, journaliste indépendant
Louis Witter, journaliste
Louisa Benchabane, journaliste indépendante
Louise Bihan, L'Insurgée
LouizArt, photographe indépendante
Lucas Chedeville, journaliste StreetPress
Lucas Martin-Brodzicki, journaliste indépendant
Lucile Gimberg, journaliste à RFI
Lynn S.K., photographe indépendante.
Maëliss Orboin, journaliste indépendante
Maïlys Khider, journaliste indépendante
Malik Habchi, l'Usine Nouvelle
Manal Fkihi, journaliste indépendante, membre AJAR
Manuel Magrez, journaliste
Margaux Houcine, journaliste Mediapart
Margaux Seigneur, journaliste indépendante
Maria Aït Ouariane, journaliste StreetPress
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Marianne Skorpis Rimo, journaliste ARTE
Marion Lopez, journaliste, Le Média
Marius Sort, journaliste
Martin Bizeray, journaliste
Martin Roux, journaliste, Reporters sans frontières (RSF)
Mathieu Magnaudeix, journaliste, Mediapart
Mathilde Goanec, journaliste Mediapart
Maxime Lahuppe, journaliste pigiste
Maya Elboudrari, journaliste pigiste
Méline Pulliat, journaliste indépendante
Mellit Derre, France 24
Meriem Laribi, journaliste indépendante et auteure
Merwane Mehadji, journaliste Le Parisien
Méwain Petard, journaliste indépendant
Mohamed Farhat, France 24
Mona Hammoud, journaliste et réalisatrice indépendante
Morad Ait Habbouche, agence de presse Elle est pas belle la vie
Moran Kerinec, journaliste à Reporterre
N'namou Sambu, journaliste indépendante
Nabia Makhloufi, France 24
Nada Didouh, journaliste
Nadia Bouchenni, journaliste indépendante
Nadia Henni-Moulaï, Faktuel
Nadia Sweeny, journaliste, Le Média
Nadiya Lazzouni, journaliste Le Média
Nassira El Moaddem, journaliste
Nathalie Olivier, journaliste Le Parisien
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Nathanaël Vittrant, journaliste et président de la SDJ de RFI
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Nina Moreno, Libération
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Radidja Cieslak, Libération
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Sabrine Zahran, journaliste Le Progrès
Safa Bannani, journaliste MEE
Salah-Eddine Gakou, journaliste
Salim Saab, journaliste indépendant
Salomé Parent-Rachdi, journaliste indépendante
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Samira Benzaïd, journaliste indépendant
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Sarah Bosquet, journaliste indépendante
Sarah Boumghar, journaliste indépendante
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Les dépenses militaires à travers le monde

17 juin, par Pierre Duval — ,
En dollars, le budget de la défense américain domine toujours le reste du monde, fait savoir l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) dans sa (…)

En dollars, le budget de la défense américain domine toujours le reste du monde, fait savoir l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) dans sa dernière étude, rapportant que l'année dernière, les dépenses militaires dans le monde ont augmenté de 10% et que l'Ukraine est le numéro un mondial pour la dépense militaire en fonction de son PIB.

3 juin 2025 | tiré de Mondafrique

Le classement annuel du SIPRI compare les dépenses militaires selon le montant brut en dollars et la part du PIB. Ainsi, cela montre ainsi que la position américaine n'est pas aussi importante que les chiffres bruts le suggèrent, la palme revenant à l'Ukraine.

Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), les dépenses militaires sont en hausse de 37% entre 2015 et 2024. « Les dépenses militaires moyennes en proportion des dépenses publiques ont atteint 7,1% en 2024 et les dépenses militaires mondiales par personne ont atteint leur plus haut niveau depuis 1990, 334 dollars », continue le SIPRI.

Pour la deuxième année consécutive, les dépenses militaires ont augmenté dans les cinq régions du monde, reflétant l'intensification des tensions géopolitiques à travers le monde. Cette croissance des dépenses mondiales, observée depuis dix ans, peut être en partie attribuée à la hausse des dépenses en Europe, largement imputable au conflit russo-ukrainien en cours, et au Moyen-Orient, alimentée par la guerre de Gaza et d'autres conflits régionaux plus vastes. « De nombreux pays se sont également engagés à augmenter leurs dépenses militaires, ce qui entraînera de nouvelles augmentations mondiales dans les années à venir », stipule l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm.

Selon le SIPRI, « les deux plus gros dépensiers, les États-Unis et la Chine, ont représenté près de la moitié des dépenses militaires mondiales en 2024 ». La Russie arrive en troisième position. Elle est suivie de l'Allemagne, de l'Inde, du Royaume-Uni, de l'Arabie saoudite, de l'Ukraine et de la France.

Avec 997 milliards de dollars en 2024, les dépenses militaires américaines étaient supérieures de 5,7% à celles de 2023 et de 19% à celles de 2015.

La Chine, deuxième plus gros dépensier militaire au monde, a alloué environ 314 milliards de dollars à son armée en 2024, soit une hausse de 7% par rapport à 2023. Il s'agit de la plus forte augmentation annuelle des dépenses militaires chinoises depuis 2015 et de la 30e année consécutive de croissance — la plus longue série ininterrompue enregistrée pour un pays dans la base de données des dépenses militaires du SIPRI.

En 2024, les dépenses militaires de la Russie ont atteint environ 149 milliards de dollars, soit 38% de plus qu'en 2023 et le double de 2015.

En 2024, les dépenses militaires de l‘Allemagne ont augmenté pour la troisième année consécutive, atteignant 88,5 milliards de dollars, soit 1,9% du PIB. Ce pays est ainsi devenu le quatrième plus grand dépensier au monde et le premier en Europe centrale et occidentale pour la première fois depuis la réunification. Les dépenses militaires de l'Allemagne ont augmenté de 28% par rapport à 2023 et de 89% par rapport à 2015, grâce à la mise en œuvre d'un fonds extrabudgétaire de 100 milliards d'euros (105 milliards de dollars en 2022) créé en 2022 pour renforcer le budget militaire.En 2024, l'Allemagne a fourni 7,7 milliards de dollars d'aide financière militaire à l'Ukraine, soit le deuxième don le plus important à l'Ukraine sur l'année, après les États-Unis.

En 2024, le Royaume-Uni a augmenté ses dépenses militaires de 2,8%, pour atteindre 81,8 milliards de dollars. Cela équivaut à 2,3% du PIB, contre 2,2% en 2023. Le Royaume-Uni s'est engagé à consacrer 2,5% de son PIB à l'armée d'ici 2027, soit un changement par rapport à l'objectif initial de 2030, et a pour objectif à long terme de porter ce chiffre à 3%. Le Royaume-Uni s'est également engagé à soutenir l'Ukraine à hauteur de 3,8 milliards de dollars par an d'aide militaire (y compris l'aide financière et l'équipement) jusqu'en 2030 au moins. En 2024, il a fourni 3,3 milliards de dollars d'aide financière militaire à l'Ukraine.

En 2024, les dépenses militaires de l'Ukraine ont augmenté de 2,9% pour atteindre 64,7 milliards de dollars, soit 43% des dépenses de la Russie sur l'année et 54% des dépenses totales du gouvernement ukrainien. L'Ukraine a de loin le fardeau militaire le plus lourd au monde : ses dépenses militaires en pourcentage du PIB s'élevaient à 34% en 2024, contre 37% en 2023. La totalité des recettes fiscales ukrainiennes a été entièrement absorbée par les dépenses militaires en 2024, tandis que toutes les dépenses socio-économiques non militaires ont été financées par l'aide étrangère. L'Ukraine a reçu au moins 60 milliards de dollars d'aide militaire financière en 2024, principalement des États-Unis, de l'Allemagne et d'autres pays européens. Le SIPRI inclut l'aide militaire dans l'estimation des dépenses du pays donateur et non du pays bénéficiaire, ce qui signifie que ces 60 milliards de dollars ne sont pas inclus dans le total pour l'Ukraine. Si l'on en tenait compte, les dépenses militaires de l'Ukraine auraient totalisé 125 milliards de dollars en 2024, ce qui en aurait fait le quatrième pays le plus dépensier au monde.

En 2024, les dépenses militaires de la France ont augmenté de 6,1% pour atteindre 64,7 milliards de dollars, soit 2,1% du PIB. Cette augmentation s'inscrit dans le cadre de la loi de programmation militaire 2024-2030 qui vise à renforcer l'autonomie stratégique de la France et à adapter son industrie d'armement à une « économie de guerre » soutenue par l'innovation industrielle. En février 2024, la France et l'Ukraine ont signé un accord bilatéral prévoyant une aide militaire supplémentaire à l'Ukraine pouvant atteindre 3 milliards de dollars en 2024.

A noter, qu'Israël arrive à la 12è place et que ses dépenses militaires ont augmenté de 65% en 2024 pour atteindre 46,5 milliards de dollars.

« Les dépenses militaires totales en Europe ont augmenté de 17% pour atteindre 693 milliards de dollars en 2024. Tous les pays européens ont augmenté leurs dépenses militaires en 2024, à l'exception de Malte. En 2024, les dépenses militaires totales des membres de l'OTAN se sont élevées à 1.506 milliards de dollars, soit 55% des dépenses mondiales. Les membres européens de l'OTAN ont dépensé 454 milliards de dollars au total. Sur les 32 membres de l'OTAN, 18 ont consacré au moins 2% de leur PIB à leurs forces armées en 2024, contre 11 en 2023 », conclut l'IFRI qui signale que l'Ukraine est le seul pays à avoir les dépenses en pourcentage du PIB les plus élevées de tous les pays, « soit 34% de son PIB ». En comparaison, les États-Unis ont dépensé 3,4% de leur PIB, la Chine 1,7%, la Russie 7,1%, l'Allemagne 1,9%, l'Inde 2,3%, le Royaume-Uni 2,3%, l'Arabie saoudite 7,3%, la France 2,1% et Israël 8,8% de son PIB en 2024.

Si on considère les souhaits de Donald Trump de voir les pays de l'OTAN réaliser des dépenses militaires à 5% du PIB, c'est bien l'Ukraine qui gagne le défi titanesque.

Pierre Duval

Pour les néofascistes, seule compte la loi de la jungle

17 juin, par Gilbert Achcar, Ilya Boudraitskis — ,
D'où vient l'axe néofasciste mondial et vers où se dirige-t-il ? Quels effets déstabilisateurs la guerre de la Russie contre l'Ukraine peut-elle avoir ? Ilyá Budraitskis et (…)

D'où vient l'axe néofasciste mondial et vers où se dirige-t-il ? Quels effets déstabilisateurs la guerre de la Russie contre l'Ukraine peut-elle avoir ? Ilyá Budraitskis et Gilbert Achcar discutent de la conjoncture actuelle.

14 juin 2025 | tiré de Viento sur
https://vientosur.info/para-los-neofascistas-solo-tiene-sentido-la-ley-de-la-jungla/

Ilyá Budraitskis : Avec le début du second mandat de Trump, le monde connaît un immense bouleversement géopolitique, et j'aimerais en parler en lien avec la question de l'avenir de l'OTAN. Aujourd'hui, il est évident que l'alliance traverse une crise stratégique et idéologique majeure. Les États-Unis, membre clé du bloc, entretiennent désormais une relation distincte avec la Russie, anciennement considérée comme l'adversaire principal de l'OTAN, tandis que l'Europe parle de réarmement et d'organiser sa propre sécurité selon un format nouveau. Quelles sont les origines de cette crise actuelle de l'OTAN ? Pourrait-elle mener à la désintégration effective du bloc, et qu'est-ce qui pourrait la remplacer ?

Gilbert Achcar : Il ne faut pas oublier que l'OTAN était déjà en crise avant l'actuelle présidence américaine. On se souvient qu'au cours du premier mandat de Trump, le président français Emmanuel Macron avait déclaré que l'OTAN était en état de « mort cérébrale ». Ce diagnostic était pertinent, car Trump n'a jamais caché son aversion pour les gouvernements libéraux européens et pour l'ordre mondial libéral fondé sur des règles, né avec l'Alliance atlantique pendant la Seconde Guerre mondiale.
L'invasion de l'Ukraine par les troupes russes a clairement redonné vie à l'OTAN. Cela lui a donné une nouvelle mission, au moment même où un président très atlantiste – je parle évidemment de Joe Biden – revenait à la Maison-Blanche. Dans les cercles de l'OTAN, on était plutôt satisfait de cette nouvelle pertinence retrouvée. Mais avec le recul, cela ressemble au chant du cygne, à une dernière décharge d'énergie avant une nouvelle agonie.

C'est là que nous en sommes. Comme tu l'as souligné, il y a désormais un divorce clair entre les deux rives de l'Atlantique – ou du moins entre les États-Unis et le reste de l'OTAN. Ce divorce n'est pas géographique, mais politique et idéologique : le Canada appartient au camp libéral, tandis que la Hongrie d'Orbán partage la même famille idéologique néofasciste que Donald Trump. Cette fracture pousse les gouvernements libéraux européens à transformer l'Union européenne – l'alternative dont ils disposent – en une sorte d'alliance de défense et de force militaire, en coopération avec le Royaume-Uni. L'Europe occidentale, la Pologne et les pays baltes ont besoin de la Grande-Bretagne, l'une des deux seules puissances nucléaires d'Europe de l'Ouest et l'une des principales forces armées. C'est ce qui est en train de se jouer.

La pression que Trump exerce sur l'Ukraine pour qu'elle accepte en substance les conditions de Poutine vide aussi de sens la mission de l'OTAN. Au lieu de défendre un allié de l'OTAN, Washington cherche à lui imposer ce qui est fondamentalement une capitulation… même si, comme nous le savons, Trump est imprévisible et change constamment d'avis. Quoi qu'il en soit, les signaux qu'il a envoyés – du moins durant ses cent premiers jours – montrent une forte affinité néofasciste avec Vladimir Poutine.
Il est clair que nous sommes entrés dans ce que j'appelle « l'ère du néofascisme ». Elle se préparait depuis plusieurs années au XXIe siècle. Le retour de Trump à la Maison-Blanche a achevé cette mutation. Nous assistons ainsi à l'émergence d'un puissant axe néofasciste mondial, de Trump à Netanyahou en Israël, Milei en Argentine, Orbán en Hongrie, Meloni en Italie (dans une certaine mesure, car son gouvernement comprend le néofasciste déclaré Salvini), Modi en Inde, Erdogan en Turquie, etc. J'ai décrit brièvement cette nouvelle époque dans un article intitulé L'ère du néofascisme et ses traits distinctifs.

Il est difficile de prédire combien de temps cela va durer. On peut seulement souhaiter que ce mouvement s'enlise dans ses propres contradictions et échecs, et non qu'il débouche sur une guerre mondiale, comme ce fut le cas avec l'ère précédente du fascisme au XXe siècle. On peut percevoir les signes de ce chaos dans les résultats catastrophiques de la présidence Trump aux États-Unis. Cela pourrait marquer un coup d'arrêt au trumpisme. Une réaction est déjà en cours dans des pays comme le Canada ou l'Australie, où les néofascistes locaux ou les admirateurs de Trump ont vu leur popularité affectée par la dégradation de l'image de Trump. Il y a donc de l'espoir, même si la situation reste extrêmement grave.

Ilyá Budraitskis : Peux-tu décrire les perspectives de politique étrangère de ce projet néofasciste ? À quoi voudraient-ils que ressemble le monde futur ? L'affinité idéologique entre plusieurs régimes néofascistes dans différents pays signifie-t-elle la possibilité d'une alliance, ou bien cela peut-il coexister avec des conflits croissants entre ces pays ?

Gilbert Achcar : La première chose à souligner est que, pour les forces d'extrême droite, il n'existe aucune valeur commune qui dépasse le nationalisme. Les libéraux peuvent adhérer à certains principes qu'ils estiment supérieurs au nationalisme étroit, et ils essaient généralement de s'en écarter. Certains se disent même internationalistes – l'« internationalisme libéral » est un terme souvent utilisé aux États-Unis pour désigner une partie de leur appareil diplomatique. À l'inverse, l'extrême droite est toujours ultra-nationaliste. Pour elle, c'est « l'Amérique d'abord », « Israël d'abord », « la Hongrie d'abord », « la Russie d'abord », chacun pour son propre pays. C'est une vision strictement nationaliste.

Ils convergent lorsque leurs intérêts nationalistes peuvent s'accorder, mais cela n'exclut pas les tensions entre gouvernements néofascistes en cas de conflit d'intérêts, par exemple économiques. Certains gouvernements néofascistes d'Europe de l'Est souffrent des politiques tarifaires de Trump. Il en va de même pour d'autres gouvernements – Modi, Erdogan – qui cherchent à négocier avec les États-Unis mais doivent le faire sous la contrainte économique exercée par la Maison-Blanche.

Voici leurs limites. Les néofascistes s'unissent généralement contre les libéraux, contre le libéralisme – leur ennemi commun – même si les libéraux actuels sont largement dévoyés. Une des raisons de la montée du néofascisme réside d'ailleurs dans l'attitude des libéraux occidentaux qui, au lieu de s'opposer à l'extrême droite, se sont adaptés à elle, en reprenant de larges pans de son idéologie et de son programme, à commencer par les mesures anti-immigration et d'autres initiatives racistes, sur fond d'austérité néolibérale continue – véritable terreau socio-économique du néofascisme. C'est ce qui explique l'accélération de sa montée au XXIe siècle : la crise économique de 2008, puis celle déclenchée par la pandémie de COVID-19, ont fortement alimenté l'extrême droite.

Concernant cette ère néofasciste, les perspectives sont là encore très préoccupantes. Le Rassemblement national est à un pas du pouvoir en France pour la présidentielle de 2027. Le Reform Party britannique, qui incarne l'extrême droite, croît très rapidement, au détriment des conservateurs et d'un Parti travailliste affaibli et très néolibéral.

La Chine est l'ennemi commun de nombreuses forces néofascistes. Elle est dans le collimateur de Trump, mais pas seulement : les États-Unis dans leur ensemble la considèrent comme une puissance rivale majeure. Washington pousse l'extrême droite européenne dans cette direction. Les États-Unis voient la Chine comme une nouvelle Union soviétique – leur principal adversaire mondial – à la différence que la Chine connaît une croissance rapide, contrairement à l'URSS qui stagnait dès les années 1970.

La Chine n'est pas un État néofasciste. C'est un régime dictatorial et autoritaire d'origine stalinienne-maoïste, une dictature de parti unique, mais sans mobilisation idéologique réactionnaire de masse, comme c'est le cas avec le trumpisme ou le poutinisme. Grâce à sa croissance continue, l'État chinois n'a pas à craindre une menace populaire. Son autorité repose sur un développement économique fort et une amélioration du bien-être. C'est pourquoi Pékin a adopté ces dernières décennies un profil plutôt pacifique, à l'intérieur comme à l'extérieur, son principal facteur de légitimation étant le développement. Il ne faut pas oublier que la Chine reste un pays en développement : son PIB est colossal, mais rapporté à sa population, cela reste un pays à revenu intermédiaire.

En parallèle, Poutine considère que le jeu géopolitique se joue à trois. Opposé aux États-Unis – notamment sous Biden – il a cultivé « l'amitié éternelle » avec Pékin. Mais Poutine n'est pas idiot, et tant qu'il ne peut pas compter sur la présence durable des néofascistes au pouvoir à Washington, il ne mettra pas en péril sa relation avec la Chine.

Si Washington devenait une dictature semblable à celle de Moscou, cela pourrait changer, car la Russie préférerait clairement un allié idéologique occidental. En Russie, il y a du racisme envers les Chinois, un ressentiment à l'idée de dépendre d'un voisin avec lequel il y a eu des conflits frontaliers. Rien de tel avec les États-Unis. Et les États-Unis restent plus puissants que la Chine, surtout sur les plans technologique, économique, et bien sûr militaire.

C'est le jeu auquel nous assistons. Il est certain que Poutine ne prendra pas le risque de compromettre sa relation avec Pékin tant que Trump sera aussi chaotique. Il sait que ce n'est pas une valeur sûre et ne modifiera pas fondamentalement ses alliances internationales sur la base de simples promesses américaines.

Ilyá Budraitskis : Un autre processus mondial effrayant est la remise en question par certains pays de leur rapport aux armes nucléaires. La Russie de Poutine est en tête de cette révision, ayant modifié sa doctrine l'an dernier. Elle prévoit désormais l'usage possible d'armes nucléaires en réponse à diverses formes de menaces conventionnelles. Depuis quelques années, les propagandistes russes évoquent même la possibilité d'une frappe nucléaire préventive pour désamorcer toute menace à la sécurité nationale au sens large. Ainsi, les armes nucléaires cessent d'être un outil de dissuasion pour devenir un élément clé d'une possible guerre mondiale. Dans quelle mesure cette doctrine nucléaire s'étend-elle à l'échelle mondiale ?

Gilbert Achcar : Ce n'est pas difficile à comprendre : c'est une question élémentaire de stratégie. L'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022 a révélé que ce que l'on croyait être un géant militaire avait en réalité des pieds d'argile. Jusqu'alors, Poutine croyait que la Russie était une puissance militaire toute-puissante. Il avait annexé la Crimée et pénétré dans l'est de l'Ukraine en 2014 sans difficulté. La réaction du gouvernement Obama fut très modérée et limitée. Ensuite, Poutine envoya ses troupes en Syrie en septembre 2015, d'abord pour tester la réaction occidentale. Quelques semaines après l'intervention, il annonça même que la mission était accomplie et qu'il retirait ses troupes.

Face à l'absence de toute pression significative de la part des États-Unis, il poursuivit ses plans et commença à déployer des forces régulières ou des mercenaires du groupe Wagner dans d'autres pays du Moyen-Orient, notamment en Libye et au Soudan, et de plus en plus en Afrique subsaharienne. Nous avons assisté à une vaste expansion militaire extérieure de la Russie de Poutine, en contraste avec l'expansion très limitée de l'Union soviétique hors de sa sphère d'influence d'après-guerre. La première et seule fois que l'URSS sortit de cette sphère fut lors de l'invasion de l'Afghanistan en 1979. Avant cela, elle avait limité ses interventions militaires à l'Europe de l'Est : Hongrie, Allemagne de l'Est, Pologne, toujours dans les limites fixées à Yalta.

Ilyá Budraitskis : Mais l'influence soviétique était aussi présente en Afrique.

Gilbert Achcar : C'est vrai, mais elle s'exerçait par le biais de conseillers et de la fourniture d'armes, non pas de troupes combattantes. Moscou favorisait l'intervention de troupes cubaines plutôt que d'envoyer des soldats soviétiques. Il y a eu beaucoup de confusion autour du prétendu caractère agressif de l'URSS, comme le clamait la propagande occidentale. En réalité, la bureaucratie soviétique post-stalinienne était profondément conservatrice, par peur de provoquer un chaos qui pourrait se retourner contre elle. C'est cela la racine du conservatisme bureaucratique. Elle ne pouvait se résoudre à devenir prédatrice à l'échelle mondiale comme l'est Poutine.

Ce dernier est allé bien plus loin que l'URSS en matière d'interventions étrangères. Un facteur explicatif est la combinaison d'une population relativement faible et de revenus élevés tirés du gaz et du pétrole, qui alimentent l'économie russe et offrent une grande marge de manœuvre sans trop de préoccupations économiques. Comme on l'a vu depuis l'invasion de l'Ukraine, l'économie russe a montré une résilience bien plus forte face aux sanctions occidentales que ne l'avaient prévu les analystes.

Poutine s'appuie aussi sur un autre pilier hérité de l'URSS : le complexe militaro-industriel, seul secteur où l'Union soviétique rivalisait réellement avec l'Occident, développant toute la gamme des technologies militaires, des forces conventionnelles aux armes nucléaires et spatiales. Cela explique en partie pourquoi l'économie soviétique s'est épuisée, contrainte de rivaliser avec des économies occidentales bien plus riches.

Quand Poutine a envahi l'Ukraine en février 2022, il pensait que ses troupes entreraient à Kyiv et renverseraient le gouvernement, comme l'avaient fait les troupes américaines à Bagdad en 2003. C'était son argument : « Vous avez changé le régime en Irak, je vais faire de même en Ukraine. En fait, j'ai plus de droits sur l'Ukraine que vous n'en aviez sur l'Irak. » Mais il a lamentablement échoué. La guerre dure depuis trois ans et la Russie n'a même pas réussi à envahir entièrement les oblasts qu'elle a annexés formellement. Son armée progresse toujours, mais au pas de tortue. Cela montre les limites de sa puissance militaire. Qu'une grande puissance militaire comme la Russie cherche le soutien de soldats nord-coréens en dit long sur ses faiblesses.

Que reste-t-il à Poutine, alors ? Cela renforce automatiquement l'importance de l'autre facteur où il dispose d'une supériorité — en fait, la plus grande au monde, supérieure à celle des États-Unis — à savoir sa force nucléaire. La faiblesse de sa guerre conventionnelle en Ukraine augmente donc immédiatement la valeur stratégique de la force non conventionnelle. C'est une équation stratégique classique. D'où le changement de doctrine que tu as évoqué, comme si Poutine disait : « Vous m'avez vu faible sur le plan conventionnel, mais ne vous avisez pas d'en profiter, car je n'hésiterai pas à utiliser des armes nucléaires tactiques. Et je sais que si je le fais, vous ne répondrez pas, encore moins par une escalade, car je dispose de bien plus d'armes nucléaires stratégiques que n'importe lequel d'entre vous. »

Personne ne prendra le risque d'une escalade nucléaire. C'est fondamentalement la logique de la situation — une logique très dangereuse, très préoccupante. Pense aussi à l'impact de tout cela sur le reste du monde : nous avons maintenant l'Inde et le Pakistan, deux puissances nucléaires, au bord de l'affrontement militaire, ce que tout le monde espère voir évité car cela provoquerait une terrible catastrophe.

Cela montre à quel point le monde est devenu dangereux. Il ne fait aucun doute que Poutine a joué un rôle majeur dans la détérioration de la paix mondiale et des relations internationales. Je n'ai jamais été indulgent envers l'OTAN, mais quelle que soit la responsabilité de l'OTAN et de l'Occident, cela ne saurait excuser ce qu'a fait Poutine : avoir embourbé la Russie dans cette guerre absurde à l'est de l'Ukraine, qui coûte à la Russie et au peuple russe — sans même parler des Ukrainiens — bien plus que la valeur économique ou idéologique de ces territoires disputés. Il n'y a pas beaucoup d'enthousiasme en Russie pour ces oblasts de l'est ukrainien. C'est une grave erreur de calcul stratégique de Poutine, qui le mène à l'échec.

Ilyá Budraitskis : Trump a affirmé que la guerre était de la faute de l'Ukraine, car elle aurait dû accepter toutes les conditions de la partie la plus forte — c'est-à-dire la Russie — pour éviter l'invasion. Cela coïncide exactement avec la position de Moscou. Ceux qui ne disposent pas d'armes nucléaires ou de ressources similaires ne peuvent pas rejeter un ultimatum d'une des principales puissances militaires du monde. Peut-on imaginer que ce principe soit appliqué à d'autres pays d'Europe de l'Est, comme les pays baltes ou la Moldavie ? Et dans quelle mesure l'Union européenne et l'OTAN acceptent-ils cela pour éviter un conflit plus large ?

Gilbert Achcar : Eh bien, c'est une caractéristique cruciale du néofascisme, qu'il partage avec le vieux fascisme : la loi du plus fort, comme tu l'as bien résumé. « Nous sommes plus forts et vous devez accepter ce que nous décidons. » Et c'est là, encore une fois, la différence entre eux et l'ordre qui a suivi la défaite de l'Axe fasciste en 1945 : cela a ouvert la voie à ce que nous appelons l'ordre international libéral fondé sur des règles, concrétisé par la création de l'ONU, sa Charte et un ensemble de principes censés régir les relations internationales. Bien sûr, les États-Unis ont été les premiers à violer ouvertement cet ordre mondial dont ils avaient pourtant été les principaux architectes.

Cette logique est extrêmement dangereuse pour les relations internationales, car c'est une recette pour des guerres permanentes. La Russie a été de plus en plus impliquée dans des conflits ces dernières années. À l'échelle internationale, nous assistons à un regain très préoccupant des guerres. Nous sommes tous témoins de la guerre génocidaire actuelle menée par Israël à Gaza, qui est la première guerre génocidaire conduite par un État technologiquement avancé, soutenu par l'Occident, depuis 1945. Il y a eu plusieurs génocides depuis 1945, mais la plupart ont eu lieu dans le Sud global, à l'exception du prétendu génocide bosniaque — qualification qui reste controversée. Mais aucun de ces génocides n'a été perpétré par un État industriel avancé aussi étroitement lié à l'Occident qu'Israël.
Ce n'est pas un hasard si cela survient sous la direction d'une coalition de néofascistes et de néonazis qui gouvernent Israël. En fait, avant Poutine, le principal précurseur du néofascisme — et même modèle pour toute une série de forces néofascistes, y compris Poutine lui-même — a été Benjamin Netanyahou. Ce dernier, revenu au pouvoir en 2009 et y étant resté presque sans interruption, est devenu très tôt un phare du néofascisme. Une différence entre le néofascisme et le vieux fascisme est la prétention de respecter les régimes démocratiques. Tant qu'ils peuvent se maintenir au pouvoir par des élections relativement libres, les néofascistes s'en contentent, tout en modifiant le système électoral à leur avantage.

Gilbert Achcar (suite) :

Bien sûr, la situation change lorsqu'un gouvernement craint une montée massive de l'opposition populaire, comme ce fut le cas en Russie après 2012. Le régime de Poutine est alors entré dans une logique de panique, adoptant une politique entièrement coercitive et mettant fin, de fait, à la démocratie électorale. Néanmoins, tant qu'ils peuvent conserver le pouvoir par le biais d'élections au moins partiellement crédibles, les néofascistes préfèrent cela, car la légitimité politique, à l'époque moderne, exige au minimum une apparence de démocratie — contrairement aux années 1930, où l'idée même de dictature pure pouvait être populaire. Dans des pays comme l'Allemagne ou l'Italie, il est évident que Mussolini et Hitler bénéficiaient d'une popularité réelle, et n'étaient pas perçus comme des ennemis de la démocratie.
Netanyahou a été un pionnier du néofascisme « démocratique » et un allié majeur de la plupart des autres néofascistes, parce que presque tous partagent une même base idéologique : le racisme anti-musulman. Il existe un parallèle clair entre l'invasion de l'Ukraine par Poutine et la nouvelle invasion de Gaza par le gouvernement israélien d'extrême droite. Cela a rendu l'hypocrisie occidentale et le deux poids, deux mesures plus flagrants que jamais. Et en même temps, il est frappant de constater que le gouvernement israélien n'a jamais critiqué la Russie, et entretient même de bonnes relations avec Poutine.
Ilyá Budraitskis :
Poutine est lui aussi resté plutôt ambivalent au sujet de Gaza.
Gilbert Achcar :
Lavrov a même déclaré : « Nous faisons la même chose : les Israéliens combattent les nazis à Gaza, nous combattons les nazis en Ukraine. »
Ilyá Budraitskis :
Oui, et tous deux qualifient leurs guerres « d'opérations militaires spéciales ». Passons à ma prochaine question : il y a près de dix ans, la Russie est intervenue dans la guerre civile syrienne pour sauver le régime d'Assad. Lors de notre entretien à l'époque, tu disais que cela résultait de l'échec de la politique américaine dans la région, et que c'était une victoire pour l'Iran et la Russie, qui élargissaient leur influence. Quel impact l'effondrement d'Assad a-t-il eu sur le rapport de forces ? Dans quelle mesure peut-on dire que la Turquie en est la principale bénéficiaire ? Et à ton avis, quelles sont les évolutions possibles en Syrie ?
Gilbert Achcar :
Le régime d'Assad a survécu ces dix dernières années grâce à deux piliers : le soutien iranien et le soutien russe. En 2013, le régime était sur le point d'être défait, et c'est à ce moment-là que les Iraniens sont intervenus — principalement via le Hezbollah libanais, mais aussi avec des troupes iraniennes envoyées directement en Syrie. Même cela n'a pas suffi à le sauver, en partie parce que l'Iran ne possède pas de force aérienne significative. Il faut le dire : l'Iran est un pays très affaibli, soumis depuis longtemps à un embargo international. Il n'a que quelques vieux avions américains.
C'est pourquoi la Russie est intervenue en 2015. Son aide fut bien plus décisive. Il y avait des troupes iraniennes, mais pas d'avions ; alors que la Russie a fourni des avions, des missiles, sans troupes engagées dans les combats terrestres, mais leur aviation a fait une énorme différence, permettant au régime de rester debout.
Or, depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022, la Russie est engluée dans l'est ukrainien et a dû retirer la plupart de ses avions de Syrie. Selon des sources israéliennes, il ne restait que quinze avions russes en Syrie lorsque le régime d'Assad s'est effondré. Parallèlement, l'Iran a subi un revers majeur avec l'attaque israélienne contre le Hezbollah au Liban l'automne dernier, qui a tellement affaibli la milice pro-iranienne qu'elle n'était plus en mesure d'intervenir en Syrie.
Les deux soutiens majeurs du régime syrien étant quasi neutralisés, les forces islamistes syriennes liées à la Turquie ont décidé de lancer une offensive. Elles ont probablement été très surprises de voir à quelle vitesse le régime s'est effondré. On sait que les régimes fantoches maintenus uniquement par un soutien étranger s'écroulent comme des châteaux de cartes dès que ce soutien disparaît. L'exemple précédent le plus marquant fut le régime de Kaboul en 2021, lorsque Biden a décidé de retirer les troupes américaines d'Afghanistan : on a vu le régime s'effondrer en un clin d'œil.
Maintenant, bien sûr, la Turquie profite de la situation, mais il y a un gros bémol : les forces islamistes en Syrie ne disposent en rien de la puissance militaire dont disposait le régime d'Assad. Elles ont quelques dizaines de milliers de combattants, mal équipés. Jusqu'à l'effondrement du régime, Israël considérait Assad comme « le diable que l'on connaît » et ne le percevait pas comme une menace, car il n'avait jamais autorisé d'attaques contre l'occupation israélienne du Golan. C'était la frontière israélienne occupée la plus calme. Et surtout, Israël faisait confiance à la Russie pour contrôler la Syrie et bénéficiait du feu vert russe pour frapper les forces iraniennes sur place.
Il y avait clairement une coordination entre Israël et Moscou sur ces opérations, car bien que la Russie et l'Iran soutenaient tous deux Assad, ils rivalisaient aussi pour le contrôle de la Syrie. Ainsi, dès la chute du régime, Israël a immédiatement détruit tout le potentiel militaire syrien : ce qui restait de son aviation, de ses stocks de missiles, même sa force navale, tout a été neutralisé dans les jours qui ont suivi.
Cela a encore affaibli le nouveau gouvernement syrien autoproclamé à Damas, qui ne contrôle qu'une petite portion du territoire — bien moins que ce que contrôlait Assad avec l'appui russe et iranien. Ce gouvernement est militairement plus faible que les forces kurdes présentes dans le nord-est du pays. Il y a des forces dans le sud et le nord-est, certaines soutenues par les États-Unis, qui ne se reconnaissent pas dans ce nouveau pouvoir.
Syrie est donc devenue un pays disputé entre puissances régionales. La Turquie et le Qatar ont toujours soutenu les forces islamistes qui ont pris le dessus. En face, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l'Égypte et la Jordanie — pro-occidentaux, mais entretenant aussi de bonnes relations avec la Russie — forment une autre alliance régionale, en rivalité avec l'axe turco-qatarien. Les deux camps se disputent les faveurs du nouveau gouvernement syrien. Ce dernier en profite opportunément pour tenter d'élargir sa marge de manœuvre. La situation en Syrie est désormais extrêmement volatile. Il est très difficile de formuler une prévision, sinon celle d'une instabilité prolongée.
Ilyá Budraitskis :
Dans tes textes récents, tu affirmes que les Nations unies pourraient jouer un rôle décisif dans un accord de paix en Ukraine. Penses-tu que cela soit réaliste, étant donné que la Russie a ignoré la majorité des résolutions de l'Assemblée générale de l'ONU concernant l'Ukraine, et que toute reconnaissance du droit de la Russie sur les territoires occupés violerait les fondements du droit international sur lesquels repose l'ONU ? De manière générale, que peut faire l'ONU dans la situation actuelle, marquée par une détérioration rapide du droit international et une division du monde en blocs politico-militaires ?
Gilbert Achcar :
Tu as raison de souligner l'effet très limité des Nations unies face à ce qui se passe en Ukraine depuis 2022. Cela est dû à la paralysie du Conseil de sécurité. Tout ce que l'on a, ce sont des résolutions de l'Assemblée générale, mais celles-ci ne sont pas contraignantes. La Russie peut les ignorer facilement avec le soutien de quelques rares alliés. De façon étonnante, on a même vu récemment les États-Unis et Israël voter aux côtés de la Russie et de ses alliés traditionnels à propos de l'Ukraine.
Mais ce n'est pas à cela que je faisais référence en disant que l'ONU pourrait jouer un rôle clé dans les événements en Ukraine. Je parlais du Conseil de sécurité, bien entendu, qui est le bras exécutif des Nations unies. Et là, l'éléphant dans la pièce, c'est la Chine. Dès le début de l'invasion, en février 2022, le gouvernement chinois a clairement exprimé sa position : il a déclaré sans ambiguïté son soutien à l'intégrité territoriale — c'est le terme exact qu'il a utilisé — et à la souveraineté de tous les États, « y compris l'Ukraine », a-t-il ajouté explicitement.
C'était une déclaration forte, tout comme les douze points du document intitulé Position de la Chine sur le règlement politique de la crise ukrainienne, publié à l'occasion du premier anniversaire de l'invasion. Si les États-Unis et leurs alliés occidentaux avaient saisi ces opportunités pour tenter de coopérer avec Pékin au Conseil de sécurité afin de hâter la fin de cette agression et de trouver une solution négociée dans le cadre du droit international, nous n'en serions pas là aujourd'hui.
Or, le gouvernement Biden, tout en revenant sur certaines autres politiques de Trump, a maintenu l'approche de sa première présidence sur deux points essentiels. L'un est l'hostilité à l'égard de la Chine. Sur ce point, il y a une continuité entre Trump I, Biden et Trump II, en contraste avec la relation relativement pacifique et amicale qu'Obama avait entretenue avec Pékin. Le deuxième point, c'est bien sûr Israël : sur ce sujet, la présidence Biden s'est inscrite dans la continuité totale de celle de Trump. En dehors de quelques différences mineures que l'on peut relever entre Trump et Biden concernant la Chine ou Israël, leurs politiques sont en réalité très proches. Cette attitude a conduit le gouvernement Biden, dès le départ, à accuser Pékin de soutenir l'invasion russe sans présenter la moindre preuve.
C'est ainsi qu'une grande occasion a été manquée. Je continue de penser que si les pays occidentaux demandaient aujourd'hui à la Chine de coopérer en faveur d'une solution négociée dans le cadre du droit international et des Nations unies — ce qui est, rappelons-le, un objectif déclaré à maintes reprises de la politique étrangère chinoise — alors la donne pourrait changer. La politique étrangère de Pékin est fondée sur le droit international et le respect du principe de non-ingérence dans les affaires internes des États. La Chine ne veut pas que d'autres s'ingèrent dans ses propres affaires, mais en matière de relations interétatiques, elle a toujours défendu les Nations unies, les institutions internationales, le multilatéralisme et le droit international. Et nous savons que la Russie n'aurait pas été capable de s'opposer seule à l'Occident et à la Chine.
La Chine exerce à cet égard une influence décisive. Zelensky a été plus intelligent sur ce point : à un moment donné, il a tenté de se rapprocher de Pékin. Mais récemment, dans son empressement à plaire à Trump, il a fait des déclarations antichinoises. En réalité, c'est Washington qui a empêché une issue négociée avec la participation de la Chine, et en ce sens, il porte une lourde responsabilité dans la prolongation de la guerre en Ukraine.
Mettre la Chine à l'écart, c'est une recette efficace pour plonger le monde dans le chaos, comme on le voit aujourd'hui. Les commentateurs occidentaux ignorent souvent cette réalité et se contentent de diaboliser la Chine. Mais maintenant, avec la montée du néofascisme, on voit l'Europe occidentale commencer à réviser sa position vis-à-vis de Pékin. Les États-Unis, sous Biden comme sous Trump, ont poussé les pays d'Europe occidentale à adopter une posture de plus en plus hostile envers la Chine, allant même jusqu'à élargir à la Chine la « zone d'intérêt » de l'OTAN, au-delà des limites territoriales du Traité de l'Atlantique Nord.
Aujourd'hui, cependant, les Européens commencent à reconsidérer cela, en raison de l'attitude des États-Unis, tant pour des raisons économiques que politiques et militaires. On voit apparaître une tendance à normaliser à nouveau les relations avec la Chine, à un moment où les tensions avec le gouvernement Trump se ravivent. C'est ce qu'on observe en France, au Royaume-Uni, et encore plus clairement en Allemagne, qui entretient des liens économiques très forts avec Pékin. Ces pays tendent désormais à privilégier leurs propres intérêts économiques plutôt que de s'aligner systématiquement sur Washington.

Entretien publié le 14 mai 2025, dans Posle, traduit par Viento Sur.
Entretien réalisé en coopération avec l'Institute for Global Reconstitution, dans le cadre du programme Partenariat Oriental.

La Gaza-ïfication de l’Occident

17 juin, par Christian Salmon — , ,
Alors que le storytelling occidental présente la politique génocidaire d'Israël comme de simples « opérations militaires » se joue en réalité à Gaza l'expérimentation de (…)

Alors que le storytelling occidental présente la politique génocidaire d'Israël comme de simples « opérations militaires » se joue en réalité à Gaza l'expérimentation de technologies de domination meurtrières. L'Europe, plus que spectatrice, est activement complice de cette nécropolitique ; son silence révèle la proximité de son imaginaire avec celui d'un État d'Israël qu'elle ne condamne pas, tant ils partagent la même obsession du terrorisme islamiste et de contrôle biopolitique de ses populations immigrées.

9 juin 2025 | tiré de AOC medias
https://aoc.media/opinion/2025/06/08/la-gaza-ification-de-loccident/


Dans le théâtre médiatique contemporain, Gaza s'est muée en un laboratoire du storytelling géopolitique. Chaque image, chaque témoignage, chaque chiffre devient un élément narratif dans une bataille de récits qui dépasse largement les frontières géographiques du conflit. Il y a les morts de Gaza, et il y a leur disparition programmée dans les récits médiatiques occidentaux. Entre les deux, une machine narrative d'une efficacité redoutable transforme un génocide en un « conflit complexe », les bourreaux en victimes, et les témoins en « antisémites ». Comment une puissance militaire génocidaire et ses alliés peuvent simultanément massacrer un peuple et gagner la bataille des récits.

Dans les think tanks de Washington et les agences de Hasbara, une armée de storytellers travaille jour et nuit à retourner la réalité. Chaque école bombardée devient un « nid de terroristes », chaque hôpital détruit cachait des « tunnels du Hamas », chaque journaliste tué était un « combattant déguisé ». Gaza n'est plus seulement un territoire de 365 kilomètres carrés où s'entassent deux millions d'êtres humains. Gaza est devenue une histoire, ou plutôt un champ de bataille d'histoires… Dans les couloirs feutrés des ministères et des agences de communication, on ne parle plus de « guerre » mais d'« opération », plus de « bombardements » mais de « frappes chirurgicales », plus de « morts civils » mais de « dommages collatéraux ». Le vocabulaire militaire s'est mué en novlangue marketing, façonné par des « spin doctors » qui transforment la réalité en une histoire formatée à l'intention des opinions publiques occidentales.

S'il est une chose qui est occultée par l'exposition récurrente dans les médias des « narratifs » israélien et palestinien (autodéfense et résistance) et la fausse symétrie des forces en présence, c'est bien la nature de cette guerre qui bouleverse dans sa rationalité extrême tout ce qu'on pensait savoir sur la guerre totale, la guerre civile ou la guerre coloniale.

C'est une guerre multidimensionnelle, menée dans les airs, sur la terre et jusque dans les sous-sols de la bande de Gaza. Les opérations militaires synchronisent la puissance de frappe de l'aviation, assistée des moyens de l'intelligence artificielle, le génie civil des bulldozers et les incursions des Merkava tanks que survolent les hélicoptères Apache fournis par l'Armée américaine… Les images satellites révèlent l'étendue des destructions d'habitations, d'écoles et d'hôpitaux (90 % des bâtiments), mais aussi l'effacement des deux tiers du réseau routier sans cesse redessiné par le passage des bulldozers et des chars, les plus modernes au monde et les plus lourds. …

À perte de vue ce ne sont que chantiers à ciel ouvert, collines éventrées, déforestations. Paysages en lambeaux sur lesquels s'acharne une violence industrieuse. Cadastrale. L'action concertée des bombes et des bulldozers ne vise pas seulement des objectifs militaires identifiés, mais la vie civile dans sa fragilité, l'espace même de la civilité, places, rond points, marchés, le paysage lui-même n'est pas épargné, où ne subsiste plus rien de la végétation jusqu'au souvenir d'un arbre ou d'une plante. La géographie, disait le géographe Yves Lacoste, ça sert d'abord à faire la guerre. À Gaza, la guerre a détruit la géographie.

La machine à broyer le territoire s'active en permanence ; elle écrase, brise, déchiquette, concasse, déplace les amoncellements de ruines qu'elle accumule. Ce n'est nouveau que par son ampleur apocalyptique. Il y a une vingtaine d'années, à l'occasion d'un voyage en Palestine d'une délégation du Parlement International des écrivains, j'avais pu observer de près cette guerre des « bulldozers ». Le bulldozer que l'on croisait partout au bord des routes apparaissait tout aussi stratégique dans la guerre en cours que le tank. Jamais un engin aussi inoffensif ne m'était apparu porteur d'une telle violence muette. Comment, dans un paysage politique en ruines, reconstituer la vérité des faits en partie effacés. L'architecture forensique d'Eyal Weizman en a tiré toutes les conclusions. Il développe une approche basée sur des techniques en partie héritées de la médecine légale et de la police scientifique : impacts de balles, trous de missiles, ombres projetées sur les murs de corps annihilés par le souffle d'une explosion… « L'objectif, écrit Raphaël Bourgois dans un entretien avec Eyal Weizman pour AOC, chercher des preuves visibles dans l'urbanisme et les bâtiments, mais aussi se servir de la spatialisation, de maquettes, pour faire advenir la vérité ».

Libération a récemment donné un visage humain à cette guerre des bulldozers. C'est le portrait du rabbin soldat Avraham Zarbiv, surnommé « l'aplatisseur de Jabalia ». Un personnage mythologique né dans les ruines de Gaza. Revenu d'une de ses missions, il raconte comme un ingénieur des travaux publics sur un chantier : « Nous avons utilisé des tracteurs, des D9, des excavatrices… nous avons appris le métier, nous sommes devenus très professionnels. On ne peut pas imaginer ce que c'est que de démolir des immeubles – sept, six, cinq étages – les uns après les autres ». Où qu'il opère il applique la même méthode, se vante-t-il, découverte en poussant sa petite fille sur une balançoire. « Et là, je réalise un truc : il faut faire comme avec la balançoire ! Une première explosion – boum – on attend que la structure balance de l'autre côté, et là, on envoie un deuxième boum. » Au sein de sa compagnie, raconte Check News, un néologisme est né à partir du nom du rabbin pour désigner l'action de détruire des bâtiments palestiniens : on les « zarbivise ».

Theodor Adorno écrivait à propos d'images de la prise de l'archipel des Mariannes pendant la deuxième guerre mondiale, « L'impression qui s'en dégage n'est pas qu'on livre des combats mais qu'on procède à des travaux mécanisés de dynamitage et d'infrastructures routières à grande échelle et avec une énergie incroyable, ou encore qu'il s'agît d ‘ « enfumer » et d'exterminer des insectes à l'échelle planétaire. On mène les opérations jusqu'au point où il ne reste plus aucune végétation. L'ennemi est dans le rôle d'un patient et d'un cadavre ».

Personne n'est épargné, jusqu'aux embryons d'un centre de fécondation in vitro bombardé intentionnellement en décembre 2023, selon un rapport d'une commission d'enquête internationale de l'ONU qui a détruit environ 4 000 embryons dans une clinique qui accueillait entre 2 000 et 3 000 patients par mois à Gaza, comme si on cherchait à effacer l'avenir avant même qu'il ne voie le jour. Une image saisissante du concept de « nécropolitique » forgé par Achille Mbembe selon lequel l'expression ultime de la souveraineté réside largement dans le pouvoir et la capacité de dire qui pourra vivre et qui doit mourir.

Loin de se réduire à un épisode de la lutte immémoriale entre Arabes et Juifs ou entre Musulmans et Juifs, ni même de se ramener au conflit entre deux peuples, ce qu'elle est aussi, la guerre à Gaza représente la combinaison explosive de plusieurs phénomènes enchevêtrés qui s'échelonnent sur un siècle et qui la rendent illisible pour la plupart. Ces phénomènes vont de l'irruption de l'impérialisme au Moyen-Orient à la montée des nationalismes, du colonialisme de peuplement au contrôle de la population palestinienne et à la société de surveillance, de la résistance palestinienne aux méthodes postmodernes de colonisation de peuplement.

Dans un livre à paraître[1], l'historien Rashid Khalidi reconstitue l'écheveau complexe de cette histoire tout au long du XXe siècle. Il en restitue les raisons profondes et les responsabilités jusqu'à l'épilogue sanglant dont nous sommes les témoins. « Le total de quelque 70 000 morts à Gaza au cours des dix-huit derniers mois, écrit-il, est probablement plus élevé que la somme de tous les Palestiniens tués par Israël depuis 1948 ». Dans cette histoire l'Occident n'est nullement réduit au rôle de spectateur, ni même à celui de médiateur, il apparaît comme un acteur de premier plan de l'interminable conflit qui ronge le proche Orient depuis un siècle.

Sous l'égide de la Grande Bretagne jusqu'à la deuxième guerre mondiale puis des États-Unis depuis 1948, l'Occident inspire, arme et finance Israël. Sa responsabilité dans l'épisode génocidaire actuel et peut-être terminal si rien n'est fait, n'en est que plus accablante. Elle se double depuis l'installation de Donald Trump à la Maison Blanche, d'une participation assumée à l'entreprise d'extermination de la population palestinienne par les voies du financement de l'effort de guerre, de la livraison directes d'armes destructrices et jusqu'à la stratégie visant à affamer la population, à la priver des soins médicaux élémentaires, d'eau et d'électricité.

Les entreprises françaises, allemandes, italiennes d'armement et de sécurité ne sont pas de simples spectatrices du siège de Gaza. Elles en bénéficient et y collaborent.

Bien sûr le plan « Gaza-Riviera » de Trump restera dans les mémoires comme un épisode grotesque du théâtre trumpiste de la cruauté. Mais comme le rappelle Rashid Khalidi « Le soutien vigoureux de Biden au siège de Gaza par Israël, qu'il a qualifié de « légitime défense », son écho à la rhétorique israélienne et son dénigrement de l'humanité des victimes palestiniennes ont renforcé chez les Palestiniens et leurs partisans le sentiment d'une hostilité viscérale des États-Unis à leur égard, ce qui lui a valu le surnom de « Génocide Joe ».

De nombreux chefs d'État européens mériteraient ce surnom tant leur silence laisse pantois, là où il faudrait mobiliser une résistance coordonnée et des sanctions massives contre le gouvernement israélien. Mais il y a bien plus que de la lâcheté dans cette combinaison de complicités et de divergences en trompe-l'œil entre l'Occident et Israël. Car derrière les déclarations de circonstance sur les « préoccupations humanitaires » et les appels rituels au « respect du droit international », se cache une vérité plus sombre : l'Europe laisse faire le gouvernement d'Israël parce qu'elle a en commun avec lui quelque chose de plus profond et de plus troublant : son imaginaire colonial.

La passivité européenne face à Gaza révèle ainsi la vraie nature de l'ordre occidental contemporain : non plus un ensemble de valeurs partagées mais un système de domination qui s'appuie sur la désignation permanente d'ennemis intérieurs et extérieurs. Gaza n'est que la version la plus visible de cette logique qui traverse désormais toute la politique occidentale.

La question n'est donc plus de savoir pourquoi l'Europe se tait face à Gaza, mais pourquoi nous continuons à feindre l'étonnement devant ce silence. Car ce silence dit tout de ce que l'Europe est devenue : un complice qui préfère regarder ailleurs plutôt que de regarder en face ce qu'elle est en train de devenir.

Depuis deux décennies, l'Europe a construit sa politique sécuritaire autour des mêmes phobies. L'islam politique comme menace existentielle, l'immigration comme facteur de déstabilisation, la « radicalisation » comme obsession permanente, les banlieues comme territoires perdus à reconquérir. La diffusion du rapport sur l'« entrisme » des Frères musulmans en est le dernier symptôme parmi des centaines d'autres. Gaza est devenu le laboratoire de la guerre que l'Occident mène contre ses propres populations, un endo-colonialisme dont la Palestine est le terrain d'expérimentation pour des systèmes de surveillance, de contrôle des populations et d'enfermement territorial. Les entreprises européennes d'armement et de sécurité y testent leurs innovations avant de les déployer dans les banlieues françaises ou les camps de migrants. Les technologies de reconnaissance faciale, de surveillance numérique, ou de gestion des frontières y sont testées dans des conditions extrêmes. Gaza fonctionne comme un miroir grossissant des politiques européennes.

Auteur d'un essai paru en 2023 sur le « laboratoire palestinien »[2], Antony Loewenstein explique, lors d'un entretien accordé le 12 janvier 2024 au Malcom H. Kerr Carnegie Middle East Center, que « depuis des années, Israël teste et essaie un nombre considérable de technologies d'oppression sur les Palestiniens, qui sont ensuite promues sur les champs de bataille tout autour de la planète. Gaza a souvent été considéré comme le terrain d'essai ultime pour les armes de destruction et de surveillance ». « L'armée israélienne ne s'en cache pas, constatait en janvier 2024 dans Mediapart, la journaliste indépendante Gwenaëlle Lenoir, des armes nouvelles ainsi que des algorithmes sont utilisés pour la première fois dans la bande de Gaza. La guerre contre le Hamas est également une vitrine du savoir-faire israélien en la matière ».

« Ce que nous avons vu ces trois derniers mois, après le massacre brutal du Hamas, c'est que la réponse israélienne a été d'une brutalité accablante. Mais au-delà, Israël fait ce qu'il fait toujours, c'est-à-dire tester et essayer de nouvelles armes de destruction et de surveillance ». Au niveau de la gestion biopolitique, la bande de Gaza constitue un cas d'étude sur la gouvernance de populations entières dans des conditions de précarité contrôlée – gestion de l'accès aux ressources, aux soins, à l'emploi, créant une forme de dépendance administrée.

Netanyahou a fait pression pendant plus d'une décennie pour qu'Israël devienne l'un des principaux développeurs technologiques mondiaux, avec une expertise en matière d'armes, de surveillance et de cyberoutils, une expertise valorisée par l'expérience acquise sur le terrain contre les Palestiniens réduits à une population cobaye. Israël a perfectionné et dirigé l'« industrie de la pacification mondiale », une expression inventée par l'anthopologue israélo-américain Jeff Halper, Director of the Israeli Committee Against House Demolitions (ICAHD), dans son livre Guerre contre le peuple : Israël, les Palestiniens et la pacification mondiale.

Il explique que l'occupation ne constitue pas un fardeau financier pour l'État, mais tout le contraire, la Palestine étant un terrain laboratoire précieux pour de nouveaux équipements destinés à une puissance militaire mondiale au service d'autres armées à travers le monde. « Israël est un petit pays qui se bat pour se tailler une place au sein du complexe militaro-industriel transnational » a déclaré Jeff Halper. « Le laboratoire israélien de Palestine prospère grâce aux perturbations et à la violence mondiales. La prudence israélienne à l'égard de la Russie en 2022 n'est pas surprenante, car la société de surveillance israélienne Cellebrite a vendu à Vladimir Poutine une technologie de piratage téléphonique qu'il a utilisé contre des dissidents et des opposants politiques des dizaines de milliers de fois. Quelques jours après l'agression russe en Ukraine, les cours mondiaux des actions des entreprises de défense ont grimpé en flèche, notamment celle du plus grand acteur israélien, Elbit Systems, dont l'action a grimpé de 70 % par rapport à l'année précédente. L'une des armes israéliennes les plus recherchées est un système d'interception de missiles. L'ex-ministre israélienne de l'Intérieur, Ayelet Shaked, a déclaré qu'Israël en bénéficierait financièrement, car les nations européennes voulaient des armements israéliens. “Nous avons des opportunités sans précédent, et le potentiel est fou”.

L'aggravation de la crise climatique profitera au secteur de la défense israélien dans un avenir où les États-nations ne réagiront pas par des mesures actives pour réduire les impacts de la hausse des températures, mais se ghettoïseront plutôt, à la manière d'Israël. Concrètement, cela se traduit par des murs plus hauts et des frontières plus strictes, une surveillance accrue des réfugiés, la reconnaissance faciale, des drones, des clôtures intelligentes et des bases de données biométriques ».

D'ici 2025, le complexe industriel de surveillance des frontières est estimé à 68 milliards de dollars américains, et les entreprises israéliennes comme Elbit sont assurées d'en être parmi les principaux bénéficiaires. En septembre 2022, le chef de la police des frontières israélienne, le général de division Amir Cohen, a été reçu par son homologue américain, Raul Ortiz, chef de la patrouille frontalière américaine. Ortiz s'est dit intéressé par les méthodes « non létales » utilisées par les Israéliens pour disperser et réprimer les manifestations. Cohen a présenté un drone israélien qui largue des gaz lacrymogènes sur les manifestants.

Les entreprises françaises, allemandes, italiennes d'armement et de sécurité ne sont pas de simples spectatrices du siège de Gaza. Elles en bénéficient et y collaborent. Le transfert de technologie opère dans les deux sens. Leurs technologies y sont testées, affinées, perfectionnées avant d'être redéployées dans les banlieues de Marseille, les camps de Moria ou les frontières polonaises. Une situation que l'intellectuelle brésilienne Berenice Bento qualifie de « palestinisation du monde ».

Cette économie politique de la violence révèle pourquoi l'Europe ne peut condamner vraiment Israël sans se condamner elle-même. Les techniques de contrôle territorial, de fragmentation urbaine, de surveillance biométrique des populations « à risque » que teste Israël à grande échelle, l'Europe les applique de manière plus discrète mais tout aussi efficace et systématique. Gaza fonctionne comme un laboratoire où se perfectionnent les techniques de domination que l'Occident applique ailleurs : murs « intelligents », drones de surveillance, contrôle biométrique des populations, fragmentation territoriale.

Condamner les crimes de guerre de Tsahal forcerait l'Europe à assumer sa complicité dans la militarisation de ses frontières. Comment critiquer la gestion israélienne des territoires occupés sans questionner la gestion européenne des Roms, des migrants, des musulmans ? Comment dénoncer l'apartheid territorial israélien sans remettre en cause sa propre ségrégation urbaine ? Quand Israël parle de « terrorisme palestinien », l'Europe entend « terrorisme islamiste ». Quand Israël évoque la nécessité de « sécuriser ses frontières », l'Europe pense à Frontex et à ses propres murs anti-migrants.

Quand Israël justifie la surveillance de masse de sa population arabe, l'Europe y reconnaît ses propres pratiques dans les quartiers dits « sensibles ». Cette synchronisation des imaginaires sécuritaires explique pourquoi les dirigeants européens regardent Gaza sans intervenir : ils y voient leur propre reflet.

Christian Salmon
Écrivain, Ex-chercheur au CRAL (CNRS-EHESS)

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