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ICE, hors de Los Angeles ! Retirez la Garde nationale ! Arrêtez la campagne de terreur contre les communautés immigrées !

Depuis plusieurs jours, des manifestations ont éclaté contre les raids de l'Immigration and Customs Enforcement (ICE) dans les communautés immigrées populaires de la région de Los Angeles. La plupart des raids de l'ICE ont eu lieu dans le quartier des ateliers de confection et dans les lieux de rassemblement des travailleurs immigrés journaliers à la recherche d'un emploi. Plus de 100 travailleurs prétendument sans papiers, originaires du Mexique et d'Amérique centrale, ont été arrêtés. Une centaine d'autres ont été arrêtés pour avoir défendu ces travailleurs, dont David Huerta, président du California Service Employees International Union (SEIU). Huerta a dû être hospitalisé pour les blessures qu'il a subies.
10 juin 2025 - tiré d'Inprecor.org
https://inprecor.fr/node/4797
En réponse à la résistance de la communauté latino-américaine à ce terrorisme de l'ICE, le gouvernement Trump a mobilisé la Garde nationale californienne contre les manifestants, tandis que Peter Hegseth, le secrétaire à la Défense, a menacé de faire appel aux Marines. Gavin Newsom, gouverneur de Californie, et Karen Bass, maire de Los Angeles – tous deux démocrates – se sont publiquement opposés à l'appel de la Garde nationale, mais ils n'ont pas demandé à la Garde nationale californienne ni au département de police de Los Angeles (LAPD) de refuser de coopérer. En fait, sous la direction de Bass, le LAPD a collaboré avec les autorités fédérales tant lors des raids que lors de la répression des manifestations. Un journaliste a déjà été blessé par balle.
Cette descente est une escalade de la détermination de l'équipe Trump à terroriser les communautés immigrées. Mais ces communautés et leurs alliés ont pris la défense des immigrés. Avide de combat, Trump a mobilisé la Garde nationale afin de souligner sa vision d'une Amérique blanche.
Le Comité national de Solidarity est solidaire des communautés immigrées et de ceux qui protestent contre ce terrorisme. Nous demandons le retrait immédiat de toutes les forces armées et la libération immédiate de tous les manifestants.
Cessez de qualifier les immigrés de criminels ! Cessez de terroriser les immigrés !
Garde nationale et autres forces armées, sortez de Los Angeles ! ICE, sortez de nos villes et de nos communautés !
Amnistie pour le leader du SEIU David Huerta et tous les manifestants arrêtés !
Défendez le droit de manifester !
Publié le 9 juin 2025 par Solidarity
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États-Unis : soulèvement des migrant·es et des secteurs populaires

Mégaphone en main, la femme crie : « Nous les voyons pour ce qu'ils sont, une organisation terroriste. ICE (Immigration and Customs Enforcement), hors de Paramount. Vous n'êtes pas les bienvenus ici. » À leurs côtés, d'autres femmes brandissent des drapeaux américains et mexicains et des banderoles rejetant les raids et les déportations, entourées de nuages de gaz lacrymogènes tirés par la Garde nationale depuis ses véhicules blindés.
12 juin 2025 - tiré du Entre les lignes entre les mots -
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/06/12/etats-unis-soulevement-des-migrants-et-des-secteurs-populaires-et-autres-textes/
Pendant que cela se passait à Los Angeles, le président Trump a envoyé deux mille soldats. Mais les manifestants ont tenu tête à l'ICE et aux agents de l'immigration, ce qui a donné lieu à plus de 50 arrestations en deux jours, déclenchant une crise politique alors que les autorités locales rejettent les décisions du gouvernement fédéral.
La chasse aux migrants – l'ICE poursuivait littéralement les gens dans la rue – a provoqué une réaction populaire qui a mis en évidence les fissures dans les institutions de l'État, les chefs de la police de la ville et du comté de Los Angeles s'étant désolidarisés des actions, affirmant que leurs subordonnés n'étaient pas impliqués dans les arrestations. Dans certains cas, les manifestants ont encerclé les installations de l'État où les migrants étaient acheminés par bus.
L'épicentre de la révolte des migrants est la ville de Paramount, une ville de 51 000 habitants dont huit sur dix sont d'origine latinoaméricaine. Depuis la ville voisine de Los Angeles, nous avons contacté Lucrecia, une migrante mexicaine autochtone, qui nous a fait part de ses réflexions.
« Ce que nous voyons dans les rues, c'est le mécontentement de nombreuses personnes contre ce gouvernement fasciste. Ces deux dernières années, il a été important de voir comment la communauté des migrants et d'autres secteurs de la société de ce pays sont descendus dans la rue. Toutes les manifestations de l'année dernière contre le génocide en Palestine montrent que les gens en ont assez. Ce que nous voyons, c'est la force et le courage des jeunes qui ont des papiers, mais qui se rebellent contre l'état actuel des choses ».
Lucrecia raconte : « J'ai été impressionnée par la façon dont on s'occupait des sans-papiers, et ce sont eux qui sortent maintenant dans la rue pour éviter d'être expulsés. Cette solidarité qui est née depuis l'année dernière, l'attention portée aux personnes les plus vulnérables, est quelque chose de remarquable. Ceux qui mettent leur corps dans la rue sont des citoyens avec des papiers qui sont contre la politique de Trump ».
Interrogée sur le rôle des différents secteurs, sexes et générations, elle déclare : « Les femmes et les jeunes ont joué un rôle fondamental dans ce processus. Il y a une génération de jeunes et d'adultes dont les parents ont émigré et qui sont nés ici, qui constituent la grande majorité de ceux qui sont dans la rue. Les jeunes apprennent avec des personnes âgées de 40 à 60 ans, et ce n'est pas un hasard si cela se produit à Los Angeles, car il y a ici une histoire de résistance qui leur permet d'élargir l'horizon de leurs luttes, parce que les jeunes apprennent des luttes du passé, et maintenant ils parlent de fascisme, de racisme, de colonialisme, et cela les amène à voir leur lutte non pas comme quelque chose d'isolé, mais comme liée à ce qui se passe au niveau international ».
Lucrecia est convaincue que ce qui se passe en Californie est très similaire au scénario que nous observons habituellement en Amérique latine. Les gens continuent de sortir, de les affronter et n'ont pas peur d'eux. La peur est due à la forte présence de l'État, mais les gens savent qu'il est temps de s'organiser et de descendre dans la rue. La plupart des personnes qui sont dans la rue ont réglé leur statut migratoire. C'est très important car ils ne se battent pas pour quelque chose de personnel, mais pour la dignité de l'emploi et de la vie ».
Enfin, nous l'avons interrogée sur la continuité des manifestations, car en d'autres occasions, il y a eu des explosions qui se sont ensuite calmées. « Il est très difficile de maintenir des manifestations dans ce pays. Après les grandes manifestations sur la Palestine, on ne parle plus et on ne mentionne pas la façon dont l'État réprime de manière très profonde. Mais la répression ne va pas arrêter ce qui a déjà été déclenché. Cela ne s'arrêtera pas, même si la façon dont ils répriment est dévastatrice. Non, il n'y a aucun moyen d'arrêter cela. Les gens connaissent les conséquences, mais ils continuent. »
Raúl Zibechi
Source : https://desinformemonos.org/estados-unidos-levantamiento-de-migrantes-y-sectores-populares/
https://www.cdhal.org/etats-unis-soulevement-des-migrants-et-des-secteurs-populaires/
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Pour la presse israélienne, l’opération Rising Lion est “une guerre de survie, pas de diversion”

En ce troisième jour de guerre entre l'État d'Israël et la République islamique d'Iran, la presse hébraïque, même celle hostile à Benyamin Nétanyahou, soutient globalement l'opération massive déclenchée par le Premier ministre israélien contre le régime de Téhéran. Avec quelques bémols.
Tiré de Courrier international. Légende de la photo : Des secouristes dans les décombres d'un immeuble à Bat Yam, en Israël, touché par un missile iranien le 15 juin 2025. Photo Ronen Zvulum/Reuters
Entre fascination et inquiétude, la presse israélienne se montre globalement favorable à l'opération Am K'Lavi (Rising Lion, dans sa version anglophone internationale) lancée tous azimuts contre l'Iran par Tsahal (armée israélienne) et longuement préparée par l'Aman (renseignements militaires) et le Mossad (services secrets extérieurs).
Dans Yediot Aharonot (droite indépendante), Nahum Barnea, d'habitude peu porté sur le lyrisme, écrit un éditorial assez représentatif d'une majorité de l'opinion juive israélienne, malgré les nombreuses victimes civiles juives et arabes israélienne. “Il y a des peuples qui fuient la guerre et se ruent en masse vers les aéroports. Mais il existe un peuple qui s'obstine à réagir différemment, le peuple d'Israël. Quand une guerre éclate, il cherche, par tous les moyens et à n'importe quel prix, à réintégrer son foyer. Comme les autres peuples, beaucoup d'Israéliens ont la tête dans les nuages. Mais, dans leur majorité, ils gardent les pieds sur terre, notre terre, notre pays, notre seule patrie.”

“Une décision à la Ben Gourion”
Pour l'éditorialiste de Yediot Aharonot, la décision de déclencher la guerre appartient entièrement à un Benyamin Nétanyahou longtemps raillé par ses opposants pour sa répugnance à déclencher des guerres lourdes en coût humain. “Mais voilà, il vient de prendre une grave décision, une ‘décision à la Ben Gourion' [fondateur travailliste de l'État d'Israël] et dont il assume ouvertement la responsabilité. Les Israéliens, toutes opinions confondues, devraient le féliciter de l'anéantissement d'une partie non négligeable du programme nucléaire iranien. Et il serait bon que le régime iranien tombe dans les poubelles de l'Histoire.”
Nadav Eyal, toujours dans Yediot Aharonot, enfonce le clou.
- “La manière dont Israël a lancé cette guerre rappelle furieusement celle de la guerre des Six Jours [juin 1967]. Comme en 1967, le lancement d'une opération aérienne massive et inouïe a conduit à un effondrement extraordinaire et inattendu de l'espace aérien ennemi.”
Mais le risque existe de voir la République islamique intensifier ses représailles et attaquer d'autres États de la région, “ce qui pousserait les alliés occidentaux à se joindre à Israël, jusqu'à ce que Téhéran reconnaisse officiellement que ça suffit”. Quoi qu'il en soit, ce sont les États-Unis qui, quel que soit le scénario, “siffleront la fin du match”.
Vers un renversement du régime iranien ?
Un point de vue partagé par Ben Caspit dans Maariv. “Ceux qui, en ce moment, continuent de chercher des poux à Nétanyahou sont aveugles ou irresponsables.” Comparée à ce qui se passe aujourd'hui dans la bande de Gaza, l'offensive contre l'Iran est devenue une “milhemet ein breira [une guerre non choisie]”, la République islamique étant parvenue au seuil du nucléaire militaire. “Malgré tout le mal que, à juste titre, une majorité d'Israéliens éprouvent envers Benyamin Nétanyahou, ils devraient, du moins aujourd'hui, lui savoir gré d'avoir déclenché une guerre de survie, pas de diversion. Et tant pis si c'est au prix d'un regain de légitimité pour le Premier ministre, ce dernier ayant eu le cran de s'attaquer frontalement à un régime qui est la Mère de tous nos ennemis.”
Dans ce quasi-consensus en faveur de l'opération Am K'Lavi, certaines voix dissonantes se font entendre. Dans Ha'Aretz, Zvi Barel estime que Benyamin Nétanyahou n'a pas renoncé à l'ambition “insensée” de neutraliser voire de détruire le régime iranien.
- “Il s'agit d'une aspiration pour le moins démesurée, surtout au vu de l'échec relatif de l'objectif d'une victoire israélienne totale à Gaza.”
La “promesse céleste” (havtaha shmeymit) d'éliminer le régime iranien peut être excitante, mais il convient de noter qu'elle n'offre “aucune garantie quant à l'identité du régime iranien qui remplacerait celui de la République islamique”. Si la guerre israélo-iranienne devait s'éterniser, le pire serait à venir, à savoir “un renforcement des factions messianistes israéliennes et iraniennes”.
Une inquiétude partagée par la chroniqueuse Tal Schneider dans Zman Yisrael (centriste).
- “Quels sont les objectifs réels de la guerre actuelle ? À ma connaissance, personne ne parle, du moins officiellement, d'un renversement du régime iranien.”
Mais, affirme-t-elle, “officieusement, il semblerait que ce soit l'intention du gouvernement Nétanyahou”. Pour la chroniqueuse, les dirigeants israéliens seraient bien inspirés de laisser le choix au peuple iranien de mener lui-même un tel renversement. Le gouvernement israélien devrait concentrer ses efforts sur la destruction du projet nucléaire iranien, pas sur la destruction du régime, “un objectif qui embourberait Tsahal dans le sol iranien, une guerre sans fin et dont notre armée n'a tout simplement pas les moyens techniques et humains”.
Pascal Fenaux
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La Chine sous pression : mobilisations populaires et fractures systémiques

Les manifestations qui ont traversé la Chine entre mai et début juin 2025 mettent en lumière des tensions profondes et une dynamique d'instabilité croissante dans le tissu social du pays.
Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
5 juin 2025
Par Andrea Ferrario
Une société sous pression : le tableau général des mobilisations
L'analyse des épisodes de mobilisation sociale enregistrés en Chine entre la fin du mois de mai et le début du mois de juin 2025 fait apparaître des tensions systémiques qui traversent l'ensemble du pays. Loin d'être des phénomènes isolés, ces événements mettent en évidence des fractures profondes dans la situation sociale actuelle du pays, où les difficultés économiques se mêlent à des problèmes structurels de nature politique et à des violations croissantes des droits fondamentaux.
La période considérée, qui culmine symboliquement avec le 36e anniversaire de la répression de Tiananmen le 4 juin 1989, présente une concentration extraordinaire de protestations qui, en un peu plus d'une semaine, ont investi avec intensité différents secteurs de la société : de l'industrie manufacturière à la construction, de l'éducation aux soins de santé, et même le système pénitentiaire. Cette succession rapide de mobilisations transversales montre que les causes des troubles ne peuvent être attribuées à des problèmes sectoriels spécifiques, mais plutôt à des dynamiques systémiques plus profondes évoluant simultanément.
Les huit journées « échantillons » analysées en détail - du 26 mai au 3 juin - révèlent également une répartition géographique couvrant l'ensemble du pays, de la province industrielle de Guangdong aux régions du nord-est, soulignant ainsi que le phénomène n'est pas limité à certaines zones économiques, mais représente une manifestation généralisée des fractures du tissu social chinois contemporain.
Le phénomène des arriérés de salaires : dimensions et caractéristiques
Les arriérés de salaires apparaissent comme le dénominateur commun de la grande majorité des protestations documentées. Selon les données du China Labour Bulletin, pas moins de 88 % des incidents de protestation collective en 2024 étaient liés au non-paiement, soulignant la façon dont ce problème est devenu endémique dans l'économie chinoise. L'organisation note que « les arriérés de salaires représentent 76 % des événements sur la carte des grèves depuis 2011 », ce qui indique une persistance du phénomène sur une décennie.
Le cas de la manifestation des travailleurs de Yunda Express à Chengdu illustre la complexité de ces dynamiques et la manière dont les conflits se développent et, parfois, sont résolus. Le conflit, qui a duré du 30 mai au 2 juin, est né non seulement de questions salariales, mais aussi de la décision unilatérale de l'entreprise de délocaliser le centre de distribution dans la ville de Ziyang, dans le comté de Lezhi, sans offrir de compensation ou d'alternatives de travail aux employés en échange de la délocalisation. Les travailleurs ont bloqué l'entrée du centre de distribution pour empêcher les véhicules d'entrer et de sortir, paralysant ainsi les activités de l'entreprise.
La chronique de la manifestation révèle l'escalade des tensions : dans la nuit du 31 mai, la police a tenté de disperser les manifestants par la force et, selon les témoignages des travailleurs, certains employés ont été battus au cours de l'intervention. Après des jours de résistance et de négociations serrées, l'entreprise a finalement accepté, le 2 juin, d'indemniser les employés selon une formule mathématique précise : salaire moyen plus 6 000 yuans multipliés par les années de service. Cette résolution montre qu'une pression collective soutenue peut encore obtenir, bien qu'en de rares occasions, des résultats concrets dans le contexte chinois, malgré l'environnement répressif.
Le secteur manufacturier a connu de nombreux troubles reflétant les difficultés économiques structurelles de l'économie chinoise. Par exemple, à Ningbo, dans le Zhejiang, les travailleurs de Rockmoway Clothing se sont mobilisés pendant deux jours consécutifs (les 2 et 3 juin) pour protester contre la décision de l'entreprise de retenir arbitrairement 40 % de leurs salaires. De même, plusieurs usines ont connu des grèves prolongées en raison d'arriérés de salaires, comme sur les chantiers de BASF à Donghai, dans le Guangdong, où les ouvriers du bâtiment se sont croisés les bras le 2 juin pour protester contre le non-paiement de leurs salaires.
La géographie des protestations dans l'industrie manufacturière montre une concentration particulière dans la province de Guangdong, le « moteur » de l'économie chinoise, qui avait enregistré 37 cas en avril 2025, de loin le nombre le plus élevé de toutes les régions. Cette concentration reflète la pression croissante exercée sur les industries orientées vers l'exportation dans une province qui représente le cœur manufacturier de la Chine.
L'impact de la guerre commerciale et les transformations du travail industriel
L'escalade des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine a eu des effets directs et mesurables sur la condition des travailleurs. L'expansion des droits de douane américains, qui visent également les biens produits par des entreprises chinoises dans des pays tiers, a amplifié les incertitudes et exacerbé la crise à laquelle sont confrontés les travailleurs. Les données montrent que le secteur manufacturier a connu une augmentation significative des troubles, passant de 25 cas en mars 2025 à 39 en avril suivant, ce qui reflète les pressions croissantes exercées sur les industries orientées vers l'exportation.
Les manifestations se sont étendues géographiquement « de la province de Guangdong, dans le sud-ouest de la Chine, où se trouvent de nombreuses entreprises manufacturières, à Tongliao, dans la province de Jilin, dans le nord-est », mettant en évidence une répartition nationale du phénomène. Comme le note Workers' Solidarity, « cela reflète également le fait que les problèmes du système économique chinois s'étendent aussi aux activités internationales », les travailleurs chinois employés dans des projets à l'étranger ayant fait grève en Arabie Saoudite et à Oman le 29 mai pour réclamer leurs salaires.
Les protestations dans les usines Foxconn, l'un des plus grands fabricants au monde qui fournit des iPhones à Apple, sont particulièrement significatives. À l'usine de Hengyang, les travailleurs se sont mis en grève pour protester contre la réduction des subventions et des heures supplémentaires, tandis qu'à l'usine de Taiyuan, ils ont protesté contre les projets de transfert des installations de production de Taiyuan à Jincheng, à trois heures de route. Lors des manifestations de rue, les travailleurs ont crié « Nous voulons que nos droits soient respectés ».
BYD, le principal constructeur chinois de voitures électriques, a également été confronté à d'importants troubles. Le 28 mars, plus de 1 000 travailleurs de l'usine de Wuxi se sont mis en grève pour protester contre les baisses de salaire, la fin des primes d'anniversaire et d'autres réductions d'avantages. Quelques jours plus tard, les travailleurs de l'usine de Chengdu ont également manifesté pour réclamer la sécurité de l'emploi, la transparence des délocalisations et des compensations équitables.
Parmi les différents secteurs, l'industrie de l'habillement et de la chaussure a été particulièrement touchée par la crise, ses travailleurs ayant souvent souffert du non-paiement des salaires. Ces industries sont souvent petites et concentrées dans la même région, de sorte que le non-paiement des salaires ou la suspension de l'activité en raison de la baisse de la rentabilité se produisent souvent dans des endroits proches au même moment. Parmi les grèves dans l'industrie manufacturière en 2024, le secteur de l'habillement arrive en deuxième position (90 cas) après le secteur de l'électricité et de l'électronique (109 cas).
L'affaire « Brother 800 » : symbole du désespoir systémique
Le 20 mai 2025, l'incendie de l'usine textile de la Sichuan Jinyu Textile Company dans le comté de Pingshan a acquis une résonance symbolique qui dépasse largement la dimension locale de l'événement. Wen, un ouvrier de 27 ans, a mis le feu à son lieu de travail après avoir été privé des salaires qui lui étaient dus pour un montant total de 5 370 yuans, contrairement aux 800 yuans initialement rapportés par les médias et plus tard démentis par la police.
La reconstitution des faits révèle la complexité de la dynamique qui a conduit à ce geste extrême. Wen avait présenté sa démission le 30 avril et, conformément à l'article 9 des dispositions provisoires sur le paiement des salaires, il était censé recevoir tous les arriérés de salaire immédiatement après la cessation d'emploi. Lorsqu'il a terminé les procédures de démission le 15 mai, l'usine lui devait 5 370 yuans (environ 760 dollars). Wen a demandé un paiement immédiat, mais le service financier a refusé, invoquant des procédures d'approbation internes. Après avoir à nouveau demandé le paiement à son supérieur, sans succès, Wen a développé ce que le rapport de police appelle des « pensées de vengeance ».
L'incendie a causé des dommages économiques estimés à des dizaines de millions de yuans et a conduit à l'arrestation de l'auteur, mais l'histoire est devenue virale sur les médias sociaux chinois avec le hashtag « Brother 800 ». L'écart entre les 800 yuans initialement déclarés et les 5 370 yuans réellement dus a alimenté les débats sur les médias sociaux, où de nombreux utilisateurs ont exprimé leur solidarité avec Wen, le considérant comme un « héros désespéré » plutôt que comme un criminel.
Ce cas met en évidence l'inefficacité structurelle des mécanismes de protection juridique. Comme l'observe ironiquement un témoin, « lorsque les personnes à qui l'on devait des salaires ont demandé une aide juridique, les juges ont disparu et le personnel du département du travail s'est également éclipsé. Mais lorsque Wen a mis le feu à l'usine, la police est immédiatement arrivée et les magistrats sont réapparus ». Cette critique souligne que le système réagit rapidement aux violations de l'ordre public, mais reste inerte face aux violations systématiques des droits des travailleurs.
La description de la situation familiale de Wen - pauvreté, mère malade, besoin urgent d'argent - illustre la façon dont les difficultés économiques individuelles sont liées à l'absence de filets de sécurité sociale adéquats. Le China Labour Bulletin souligne que l'incident représente « une rupture dans les systèmes juridiques et institutionnels conçus pour soutenir les travailleurs », mettant en évidence l'inadéquation des structures syndicales existantes qui sont « restées silencieuses » tout au long de l'affaire.
La réaction du public reflète une frustration généralisée à l'égard de ces failles systémiques. En ligne, un commentaire viral demandait : « Pourquoi un homme en serait-il réduit à incendier une usine pour 800 yuans ? Cela signifie qu'il était littéralement affamé ». D'autres ont dénoncé le double standard : les travailleurs qui protestent sont qualifiés de fauteurs de troubles, tandis que les employeurs qui retiennent les salaires sont tolérés par les autorités.
La crise de la construction et de l'immobilier : une spirale descendante
Le secteur de la construction représentait 54,48 % de toutes les protestations collectives en avril 2025, un chiffre qui reflète la crise persistante du marché immobilier chinois. Cette concentration dans le secteur de la construction montre que la crise immobilière, qui a commencé avec l'affaire Evergrande en 2021 et s'est propagée à l'ensemble du secteur ainsi qu'à l'économie en général, continue d'avoir des effets dévastateurs sur les conditions de travail.
Les projets inachevés sont une source particulière de tensions sociales, car ils concernent non seulement les travailleurs du secteur, mais aussi les citoyens qui ont investi leurs économies dans le logement. Par exemple, à Xianyang, Shaanxi, le 30 mai, des propriétaires de bâtiments inachevés du projet Sunac Shiguang Chenyue ont manifesté devant le centre de pétition local, accusant le gouvernement d'avoir détourné des fonds de construction, ce qui a entraîné plusieurs arrestations par la police. Toujours à Qingdao, Shandong, des centaines de propriétaires du projet immobilier inachevé Heda Xingfucheng ont organisé une manifestation collective dans le district de Chengyang le 31 mai, bloquant la circulation et forçant l'accès au site de construction, plusieurs propriétaires ayant subi des violences de la part de la police.
Ces épisodes montrent que la crise immobilière ne concerne pas seulement les opérateurs du secteur, mais s'étend aux citoyens de la classe dite moyenne qui ont investi leurs économies dans l'achat d'un logement, créant ainsi une base sociale plus large de mécontentement potentiel. La convergence de la crise économique et des attentes sociales déçues est un élément particulièrement déstabilisant pour la stabilité sociale.
L'extension des manifestations au secteur public : enseignants, médecins et travailleurs de la santé
Les autorités sont particulièrement préoccupées par l'extension des manifestations au secteur public, traditionnellement considéré comme plus stable et fidèle au système. Dans la province de Shandong, les enseignants contractuels n'ont pas reçu de salaire depuis six mois. Un enseignant d'école primaire a déclaré : « Notre salaire mensuel n'est que d'environ 3 000 yuans (un peu plus de 400 dollars) et, depuis six mois, nous vivons avec de l'argent emprunté ».
Un autre enseignant de Shanxi a signalé que son école exigeait la restitution des primes de fin d'année versées au personnel depuis 2021, ainsi qu'une partie de la rémunération perçue pour les activités extrascolaires. Ces mesures ont provoqué un mécontentement généralisé sur le site , comme en témoignent les messages publiés sur le réseau social Xiaohongshu (RedNote).
Les travailleurs de la santé sont confrontés à des problèmes similaires. Une infirmière d'un hôpital public de la province de Gansu, dans le nord-ouest du pays, a déclaré que son salaire mensuel n'était que de 1 300 yuans (moins de 200 USD) et que sa prime de rendement n'avait pas été versée depuis quatre mois. À Fuzhou, dans la province de Jiangxi, des médecins et des infirmières de l'hôpital Dongxin n° 6 se sont rassemblés devant le bâtiment du gouvernement municipal de Fuzhou le 7 avril, pour réclamer le paiement des salaires liés à la performance qui n'ont pas été versés depuis sept mois.
Comme l'observe Zhang, un enseignant retraité de l'université de Guizhou : « Dans le passé, ce sont les travailleurs migrants et les ouvriers qui réclamaient des salaires, mais aujourd'hui, les enseignants, les médecins et les éboueurs se joignent également à la lutte. Cela montre que la »structure stable« de la Chine commence à s'effilocher ». Cette observation rend compte d'un changement qualitatif fondamental : l'extension du mécontentement social à des catégories traditionnellement privilégiées du secteur public indique une crise de légitimité qui va au-delà des difficultés économiques conjoncturelles.
Violations des droits de l'homme dans le système pénitentiaire : témoignage de Liu Xijie
Le système judiciaire et pénitentiaire a fait l'objet de plaintes particulièrement sérieuses qui ont mis en lumière des abus systématiques. Liu Xijie, originaire de Bozhou dans l'Anhui et détenu de 2011 à 2024 à la prison n° 1 de Fushun dans le Liaoning, a trouvé le courage de dénoncer publiquement et nominalement les abus systématiques de la police pénitentiaire ces jours-ci, en donnant les noms précis des officiers accusés.
Selon son témoignage détaillé, aux alentours de février 2022, plus de 200 prisonniers ont été soumis à des sévices de degrés divers, notamment des tortures électriques à l'aide de matraques électriques, des insultes et des coups pour des infractions mineures telles que des réponses non conformes, des postures inappropriées ou un pliage incorrect des couvertures. Les témoignages décrivent de manière particulièrement effrayante comment certains agents pénitentiaires auraient trouvé du plaisir dans les mauvais traitements, piétinant des personnes âgées, introduisant des matraques dans la bouche des détenus, électrocutant des prisonniers au point de provoquer une incontinence fécale.
Le cas le plus grave concerne Fan Hongyu, un prisonnier décédé le 19 février 2022 à la suite de tortures répétées pour n'avoir pas mémorisé le règlement de la prison. Ce témoignage, rendu public à un moment de tension sociale particulière, met en lumière la façon dont le système répressif utilise des méthodes qui violent systématiquement les droits humains fondamentaux, contribuant au climat général d'oppression qui alimente le mécontentement social.
Episodes de protestation étudiante : le cas de Xuchang et la mémoire de Tiananmen
L'analyse des mouvements étudiants révèle des dynamiques particulièrement significatives. Le 3 juin à Changning, dans la province du Hunan, des centaines de lycéens de l'école Shangyu ont organisé une manifestation spontanée sur le campus pour évacuer le stress des examens d'entrée à l'université. L'événement, d'abord pacifique et caractérisé par des cris libérateurs, a rapidement pris une connotation politique lorsque l'école a alerté les autorités sur l'enthousiasme excessif manifesté par les jeunes.
Lorsque la police est intervenue et a arrêté trois organisateurs présumés, la situation a rapidement dégénéré : les étudiants ont formé un mur humain pour empêcher les voitures de police de partir, en criant des slogans tels que « retirons-nous de l'école, rendons l'argent » et en exigeant la libération des camarades arrêtés. Malgré la détermination affichée, les policiers ont réussi à briser le cordon d'étudiants par la force, emmenant les trois jeunes hommes sous le regard impuissant de leurs camarades.
Cet épisode est particulièrement sensible compte tenu de sa proximité temporelle avec l'anniversaire du 4 juin 1989, une date qui continue de représenter un moment extrêmement sensible pour les autorités chinoises. Dans le cas du collège n° 6 de Xuchang, dans le Henan, où une élève s'est suicidée prétendument à cause des brimades de son professeur, des milliers d'élèves et de citoyens ont manifesté devant l'école, pénétrant dans le campus et endommageant des bureaux avant que la police n'intervienne. Wu Jianzhong, secrétaire général de la Taiwan Strategy Association, note que l'incident s'étant produit à proximité d'une date sensible comme le 4 juin, les autorités ont réagi avec une extrême prudence, craignant qu'il ne déclenche des troubles sociaux et ne se propage rapidement, comme un incendie.
Contrôle social et répression : l'anniversaire de Tiananmen
Dans le cadre du 36e anniversaire de Tiananmen, les autorités ont mis en œuvre des mesures de contrôle sans précédent à l'encontre du groupe des « mères de Tiananmen ». Pour la première fois dans l'histoire du groupe, toute communication avec le monde extérieur a été coupée, les téléphones portables et les appareils photo étant interdits lors de la commémoration au cimetière de Wan'an à Haidian.
Le 31 mai, les Mères de Tiananmen ont publié une lettre ouverte signée par 108 parents de victimes, commémorant les membres décédés au cours de l'année écoulée et réitérant leurs demandes : enquête impartiale sur l'événement, publication des noms des morts, indemnisation des familles et punition des coupables. Zhang Xianling, 87 ans, s'est ému dans une vidéo il y a quelques jours : « Depuis 36 ans, nous n'avons cessé de chercher le dialogue avec les autorités, mais nous n'avons été que mis sous contrôle et réprimés ».
Cette escalade du contrôle met en évidence la sensibilité particulière des autorités à toute forme de mémoire collective liée aux événements de 1989, suggérant une vulnérabilité perçue du régime aux liens potentiels entre les protestations contemporaines et les précédents historiques de mobilisation sociale.
Censure numérique et contrôle de l'information
La gestion de l'information sur les incidents de protestation révèle des stratégies sophistiquées pour contrôler le discours public. Dans le cas de l'incident du collège Xuchang n° 6, les autorités ont rapidement supprimé tous les contenus publiés sur les médias sociaux, et le fil de discussion sur le collège Xuchang n° 6 sur le site Weibo a disparu. Lorsque les élèves ont réalisé que leurs messages n'étaient pas autorisés à circuler, ils n'ont eu d'autre choix que d'exprimer leur frustration contre l'école elle-même, ce qui a fini par dégénérer en une confrontation ouverte.
Dans le même temps, le cyberespace chinois a montré des réactions anormales. Début juin, dans le jeu de Tencent « Golden Spatula Wars », tous les avatars des utilisateurs de WeChat ont été uniformément remplacés par des pingouins verts et ne pouvaient être changés, ce qui a suscité une grande attention de la part des joueurs. Un internaute s'est plaint sur Platform X : « Les pingouins étaient à l'origine un symbole de divertissement, mais ils sont maintenant devenus un masque de censure. »
En outre, comme chaque année autour du 4 juin, les plateformes de médias sociaux chinoises bloquent des mots-clés tels que « square », « tank », « 8964 », et le contenu correspondant est immédiatement supprimé, tandis que les comptes qui les ont publiés risquent d'être interdits. Le 4 juin, l'avocat des droits de l'homme Pu Zhiqiang a été sommé par la police de supprimer son discours commémoratif sur la plateforme X.
Dynamique de la résistance effective : le cas de Dongguan
Malgré le contrôle autoritaire, plusieurs épisodes montrent que la mobilisation sociale conserve une capacité à influencer les décisions des autorités locales lorsqu'elle atteint des dimensions significatives et formule des demandes économiques concrètes. Le cas de Dongguan est un exemple emblématique de mobilisation spontanée et réussie des travailleurs.
Le 2 juin, des centaines de travailleurs migrants vivant dans le village de Yangyong, dans la ville de Dalang, se sont opposés à l'introduction d'un système de péage qu'ils considèrent comme économiquement insoutenable. Leur action collective, qui a débuté vers 18 heures par le blocage des barrières de péage, s'est étendue à plusieurs centaines de personnes criant des slogans tels que « enlevez les barrières ».
Sous la pression soutenue des manifestants, la police de stabilité sociale a dû céder vers 22 heures, envoyant des travailleurs pour retirer tous les équipements de péage. La politique fiscale, mise en œuvre la veille, a été déclarée nulle et non avenue, mettant en évidence le fait que les difficultés économiques poussent les classes populaires à des formes de résistance de plus en plus organisées et efficaces.
Évolution des stratégies de protestation et de l'organisation sociale
L'analyse révèle une évolution dans la manière dont les manifestations sont organisées, reflétant l'adaptation des mouvements sociaux à l'environnement technologique et répressif contemporain. Dans le cas des étudiants de Xuchang, l'utilisation des téléphones portables et de l'internet a permis une connexion et une agrégation rapides, soulignant comment les technologies numériques peuvent agir comme des multiplicateurs d'action collective en dépit des contrôles gouvernementaux.
Zeng Jianyuan, directeur exécutif de l'Association académique démocratique chinoise à Taïwan, note que « dans le climat actuel de gouvernance répressive et de purges politiques en Chine, seules les questions apolitiques peuvent légitimer des formes de rassemblement collectif à grande échelle ». Toutefois, il ajoute que « le Parti communiste chinois perçoit clairement que ce tumulte n'est pas seulement un geste de soutien à une école ou à un incident isolé, mais qu'il reflète également deux problèmes plus profonds ».
Le premier problème, selon Zeng, est que « sous l'administration de Xi Jinping, la société chinoise connaît une vague de détresse émotionnelle collective, et beaucoup cherchent un exutoire ». Le second, , est que « l'incident de Xuchang révèle un relâchement du contrôle social par les autorités locales : les étudiants ont pu se coordonner et se rassembler rapidement grâce aux téléphones portables et à l'internet, signe de l'échec des mécanismes locaux de maintien de la stabilité ».
Il est clair que les manifestations les plus récentes ne peuvent pas être interprétées comme de simples réactions spontanées à des injustices spécifiques, mais représentent plutôt des manifestations d'un « malaise émotionnel collectif » plus large qui cherche des canaux d'expression à travers des questions apparemment apolitiques.
Crise de légitimité des autorités locales
Les protestations documentées mettent en évidence une crise de légitimité croissante des autorités locales, incapables d'assurer une médiation efficace entre les pressions économiques centrales et les besoins sociaux locaux. L'imposition arbitraire de taxes au niveau local est un excellent exemple de cette dynamique.
Dans le cas du village de Pingtang, dans la ville de Gushan, province de Zhejiang, le comité du village a publié un avis annonçant qu'à partir du 10 mai, des « frais de gestion sanitaire » et des « frais de stationnement » seraient prélevés sur tous les résidents permanents et les travailleurs du village : 80 yuans par an pour les adultes, 40 yuans pour les enfants et 500 yuans pour les voitures et les tricycles. L'avis indiquait également que ceux qui ne paieraient pas à temps seraient « mis sous contrôle » à partir du 1er juin, et que chaque personne devrait payer un supplément de 200 à 100 yuans, que leurs véhicules seraient verrouillés et que ceux qui forceraient les serrures seraient « traités comme des auteurs d'actes de vandalisme contre des biens publics ».
Li, un locataire du village, a déclaré que « cette taxe n'a jamais été convenue avec les villageois et n'a jamais fait l'objet d'une réunion publique. Je suis un locataire extérieur et je n'ai jamais entendu parler d'une réunion du village approuvant cette taxe ». Certains villageois ont critiqué la décision du comité du village, la qualifiant d'« extorsion éhontée ». Un autre villageois, Zhang Shun (pseudonyme), a déclaré : « Ma famille compte cinq personnes et nous devons payer 400 yuans par an. Nous ne pouvons absolument pas nous le permettre. Est-ce encore un pays dirigé par le Parti communiste ? ». Jia Lingmin, une militante, a souligné que le comité du village est une organisation populaire autonome et que toutes les redevances doivent obtenir un « permis de redevance », faute de quoi elles sont illégales.
Cet épisode illustre la façon dont les gouvernements locaux, sous la pression des difficultés fiscales, ont recours à des mesures de plus en plus désespérées et illégales pour lever des fonds, ce qui érode encore plus leur légitimité aux yeux de la population. Comme l'observe Zhang, un enseignant retraité de l'université de Guizhou : « Le niveau élevé de la dette locale et le durcissement des politiques centrales ont fortement affecté la gestion fiscale locale. Les victimes les plus directes sont les travailleurs permanents et contractuels ».
Transformations du tissu social chinois
Tang Gang, un universitaire du Sichuan, propose une analyse particulièrement perspicace des transformations sociales en cours, notant que la société chinoise évolue « d'une société traditionnelle où il était possible de faire des compromis, de se tolérer mutuellement et de coexister, à une société marquée par de rudes conflits, où les positions sont irréconciliables et où la coexistence devient impossible ». Cette transformation, qu'il attribue aux changements survenus au cours des dix dernières années sous la direction de Xi Jinping, suggère une détérioration qualitative des relations sociales qui transcende les questions économiques spécifiques.
Xue, chercheur en relations du travail à Guizhou, identifie plusieurs facteurs qui contribuent à l'escalade des conflits entre travailleurs et patrons. « Tout d'abord, dans certaines entreprises, les dirigeants syndicaux sont directement nommés par les patrons, ce qui empêche le syndicat de représenter véritablement les intérêts des travailleurs. Cela entrave la défense des droits des salariés et alimente les tensions. Deuxièmement, la relation entre le capital et le travail est fortement orientée vers le marché, mais il n'y a pas de répartition équitable des revenus. De plus, dans de nombreuses usines, l'opacité prévaut dans la gestion des questions concernant les travailleurs, ce qui exacerbe encore les contradictions ».
L'analyse de M. Xue montre que les problèmes ne sont pas simplement économiques, mais qu'ils reflètent des déficiences structurelles dans le système de relations industrielles de la Chine. L'absence de syndicats indépendants et représentatifs prive les travailleurs de canaux efficaces de résolution des conflits, ce qui les oblige à recourir à des formes de protestation de plus en plus directes et parfois extrêmes.
Vers des scénarios d'instabilité croissante
L'accumulation des tensions documentées au cours de la période fin mai-début juin 2025 indique à elle seule que la Chine d'aujourd'hui est confrontée à des défis sociaux de nature systémique qui ne peuvent être résolus par les seuls mécanismes répressifs traditionnellement employés par le régime. La transversalité sectorielle des protestations, l'extension géographique nationale des phénomènes et l'implication de catégories traditionnellement stables telles que les enseignants et les travailleurs de la santé montrent que les difficultés actuelles ne sont pas des fluctuations conjoncturelles mais plutôt des manifestations de contradictions structurelles plus profondes.
La capacité limitée des autorités locales à répondre efficacement aux demandes populaires, combinée au désespoir économique croissant de larges pans de la population, crée des conditions potentiellement explosives. Comme l'a montré l'affaire « Brother 800 », lorsque les voies légales de résolution des conflits s'avèrent inefficaces, les citoyens peuvent recourir à des formes de protestation de plus en plus extrêmes et destructrices.
L'intensification des mesures répressives, visible dans l'isolement des Mères de Tiananmen et la censure rapide des épisodes de protestation, indique une perception de vulnérabilité de la part du régime qui pourrait paradoxalement alimenter de nouvelles tensions. La stratégie de contrôle de l'information, bien qu'efficace à court terme, risque d'alimenter la frustration et la radicalisation lorsque les citoyens découvriront l'impossibilité de communiquer leurs revendications par les canaux institutionnels.
Les autorités chinoises semblent se trouver dans une position de plus en plus difficile, obligées de trouver un équilibre entre les exigences du contrôle social et la nécessité de maintenir la stabilité économique. L'expérience de la courte période analysée suggère que cette tension atteint des seuils critiques, avec des implications qui pourraient s'étendre bien au-delà des frontières de l'épisode ou du secteur concerné.
Andrea Ferrario
SOURCES : Yesterday, Radio Free Asia, China Labour Bulletin, AsiaNews, Workers' Solidarity
P.-S.
• Traduction Pierre Vandevoorde et Pierre Rousset avec l'aide de DeepL.
Source - Andrea Ferrario 05 juin 2025 :
https://andreaferrario1.substack.com/p/la-cina-sotto-pressione-mobilitazioni
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Modernité ou barbarie

Comme l'a dit le poète iranien Sohrab Sepehri : « Remplacez les hommes politiques par des arbres, pour que l'air devienne pur. »
Aujourd'hui, le monde est plus que jamais stupéfait face au paradoxe entre modernité et barbarie. Lorsque Israël a attaqué ma belle Téhéran, j'ai ressenti ce que peut ressentir un soldat en première ligne, pris en pleine tête par une balle ennemie. C'était comme si mon cerveau avait explosé. Jusqu'à quand l'humanité restera-t-elle l'héritière de sa propre sauvagerie ?
En 1979, l'Ayatollah Khomeiny a pris le pouvoir à la suite de la révolution islamique en Iran et a cherché à propager l'idéologie islamiste non seulement dans le pays, mais dans le monde entier. Depuis sa création, la République islamique a affirmé vouloir "exporter" sa révolution, notamment en soutenant financièrement et idéologiquement des groupes comme le Hamas, le Hezbollah ou les Frères musulmans.
En tant que personne ayant vécu toute sa vie sous un régime religieux, je sais à quel point un tel pouvoir peut être toxique, dangereux et criminel. L'histoire a prouvé que les gouvernements théocratiques n'apportent jamais ni paix ni prospérité. La religion, entre les mains de fanatiques, fournit les justifications les plus crédibles pour tuer des innocents.
Dix ans après la révolution, en 1989, Khomeiny, se proclamant guide suprême du monde musulman, a lancé une fatwa ordonnant l'exécution de Salman Rushdie pour son livre Les Versets sataniques. Cette fatwa a encouragé les extrémistes musulmans à tenter de l'assassiner – bien que beaucoup d'entre eux n'aient même pas lu son livre. Rushdie a perdu un œil lors d'une attaque terroriste, après des années de vie clandestine. Ce n'est là qu'un exemple parmi d'autres des menaces que représente un régime idéologique pour la communauté internationale.
Depuis plus de quarante ans, la République islamique construit son identité sur la haine des États-Unis, d'Israël, et de quiconque menace ses objectifs idéologiques. Elle s'appuie sur une manipulation émotionnelle permanente pour conserver le pouvoir. Pourtant, ce pouvoir se fissure : aujourd'hui, le régime sait qu'il n'a plus de soutien populaire. Mais il ne peut pas abandonner, car il est conscient que les crimes qu'il a commis l'amèneraient tôt ou tard à rendre des comptes.
Ce soir, Israël a affirmé avoir visé des résidences de hauts responsables iraniens lors d'une frappe en Iran. D'après les vidéos publiées, ces attaques ont causé d'importants dégâts. En tant que citoyen ordinaire, je ne cache pas mon absence de chagrin à l'idée de la mort de dirigeants criminels. Je pense alors aux beaux yeux de Mehrshad Shahidi, au sourire innocent de Nika Shakarami, à l'innocence de Mahsa Amini, et à tous ces jeunes Iraniens massacrés par ce régime brutal – et une part de moi se sent soulagée.
Mais qui peut garantir que des innocents, totalement étrangers à ce conflit, ne seront pas blessés ? D'ici quelques jours, nous apprendrons la mort de simples citoyens dans cette lutte de pouvoir.
Je repense alors à certains amis naïfs qui croyaient que Trump allait sauver le monde d'une Troisième Guerre mondiale… Quelle illusion ! Non seulement cela n'a pas eu lieu, mais le monde est devenu encore plus instable. Le populisme et le radicalisme se répandent, de l'Est à l'Ouest, et il est tout à fait possible que les droits humains – ces droits chèrement acquis au fil des siècles – s'effondrent d'un seul coup, laissant l'humanité revenir à la case départ.
Baharé Roohi
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Québec, le 13 juin 2025
Ce matin, Israël a mené une série de frappes aériennes contre l'Iran, ciblant notamment plusieurs sites à Téhéran. Selon les informations disponibles, des installations militaires et nucléaires ont été visées, entraînant la mort de plusieurs hauts responsables militaires et scientifiques du régime. Des pertes civiles sont également à déplorer.
Le Centre socio-culturel des Iraniens de Québec Simorgh souhaite rappeler qu'il lutte constamment contre le régime de la République islamique d'Iran et pour l'instauration d'une démocratie respectueuse des droits humains. Nous considérons ce régime comme le principal responsable de la situation dramatique actuelle en Iran et dans toute la région du Moyen-Orient. Cela dit, nous réaffirmons notre opposition à toute forme de guerre. Nous croyons que la seule voie vers la liberté en Iran et la stabilité dans la région passe par le soutien au mouvement social du peuple iranien.
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Le Bangladesh après le soulèvement de 2024

En 2024, pendant ce qui fut un été intense, le Bangladesh a connu des bouleversements politiques sans précédent depuis son indépendance. Ce qui avait commencé comme des manifestations étudiantes contre un système de quotas dans la fonction publique, controversé depuis longtemps, s'est rapidement transformé en un mouvement de masse qui a mis fin à plusieurs décennies de domination de Sheikh Hasina et de la Ligue Awami au pouvoir.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
Début août, les rues de Dhaka et des autres grandes villes ont vibré au rythme des slogans de protestation et ont été le théâtre de violences sanglantes, dans ce qui est depuis connu sous le nom de « révolution de juillet ».
Le 5 août 2024, sous la forte pression des manifestant.e.s, d'une partie de l'armée et d'un système de partis de plus en plus fracturé, la Première ministre Sheikh Hasina a fui le pays. Son départ a marqué la fin symbolique et effective d'une époque caractérisée par le développement économique et le développement des infrastructures, mais aussi par l'autoritarisme, la répression de la dissidence et la violence politique. Dans le vide du pouvoir qui a immédiatement suivi, le chaos a régné. Les forces de sécurité se sont temporairement retirées de nombreuses zones et les institutions ont vacillé, à deux doigts de l'effondrement. C'est dans ce climat d'incertitude qu'une figure fédératrice a émergé : le prix Nobel Muhammad Yunus. Ancien leader politique marginal, Yunus était depuis longtemps reconnu pour son travail au sein de la Grameen Bank et connu pour ses critiques à l'égard de la classe dirigeante. À l'invitation des dirigeants étudiants et avec le soutien d'une large partie de la société civile, Yunus a prêté serment le 8 août en tant que chef d'un gouvernement intérimaire. Son gouvernement de transition s'est engagé à rétablir l'ordre démocratique, à réformer les institutions défaillantes et à préparer le terrain pour la tenue d'élections dignes de ce nom.
Les mois qui ont suivi ont été marqués à la fois par l'espoir et l'incertitude. Une commission de réforme a été créée pour l'examen du fonctionnement de la justice, des forces de police, des agences de lutte contre la corruption et du système électoral. Un organe consultatif constitutionnel a commencé à travailler à la refonte de ce que beaucoup qualifiaient de structure aux mains d'un clan politique. Mais dans le même temps, ce changement a mis en évidence les profondes divisions sociales du pays. Le vide politique qui a suivi le renversement de Hasina a entraîné une forte recrudescence des violences communautaires, en particulier à l'encontre de la minorité hindoue, dans certaines régions du pays. Plus de 2 000 incidents ont été signalés entre août et décembre, notamment des attaques contre des temples, des pillages de biens et la perte de vies humaines. La réponse initiale du gouvernement a été lente, ce qui lui a valu les critiques des groupes de défense des droits humains et des observateurs internationaux. Mais selon certaines sources, la Ligue Awami, qui avait été évincée du pouvoir, aurait orchestré ces incidents afin de ruiner la réputation du gouvernement intérimaire et de provoquer des troubles sociaux dans le but de prouver que le régime précédent était meilleur.
À fur et à mesure que le programme de réforme avançait, le gouvernement intérimaire lançait également une vaste campagne de poursuites judiciaires. Des milliers de membres de la Ligue Awami et de ses affiliés ont été arrêtés, notamment après une attaque meurtrière à Gazipur en janvier 2025, qui aurait été perpétrée par des partisans du parti au pouvoir. Beaucoup ont salué cette mesures, y voyant la mise en œuvre d'une justice qui avait fait défaut pendant de longues années de violence politique ; d'autres ont craint qu'il ne s'agisse là que d'un prélude à une vengeance post-électorale. En mai 2025, les tensions atteignaient un nouveau paroxysme. Des foules immenses se rassemblaient à nouveau sur la place Shahbagh de Dhaka, réclamant non pas davantage de réformes, mais l'interdiction définitive de la Ligue Awami. Cette fois-ci, c'est le National Citizen's Party (Parti national des citoyens, NCP), né du soulèvement de 2024 et mené par des étudiant.e.s, qui a pris les choses en main. Le 12 mai, le gouvernement intérimaire a annoncé la suspension de toutes les activités de la Ligue Awami, invoquant les lois antiterroristes. Le paysage politique, déjà en pleine mutation, était désormais plus clairement redessiné.
Hasina, toujours en exil en Inde, a été inculpée de crimes contre l'humanité. Le 1er juin, un tribunal de Dhaka a officiellement ouvert le procès contre elle et plusieurs anciens ministres, accusés d'avoir orchestré la répression meurtrière des contestataires lors du soulèvement de juillet. L'affaire a divisé l'opinion publique : tandis que les partisans du nouveau régime saluent cette mise en cause tant attendue, ses détracteurs y voient une instrumentalisation politique de la justice. Parallèlement, Yunus subit des pressions croissantes pour qu'il précise son calendrier électoral. Après être resté dans le vague, il a récemment annoncé que les élections nationales se tiendraient au cours du premier semestre 2026. Le BNP, autrefois principal parti d'opposition à la Ligue Awami de Hasina, a rejeté cette date et exige des élections avant décembre 2025.
La société civile est elle aussi divisée : si certains se réjouissent du temps ainsi gagné pour mener à bien les réformes institutionnelles, d'autres craignent que les retards et l'inégalité des chances ne portent atteinte à la légitimité du processus engagé. Les réactions internationales ont également été mitigées. L'Inde, qui soutient Hasina depuis des années, a exprimé son inquiétude quant à la marginalisation de la Ligue Awami, mettant en garde contre la création d'un précédent qui exclurait des acteurs politiques clés. Les gouvernements occidentaux, notamment le Royaume-Uni et l'Union européenne, soutiennent le processus de réforme mais restent vigilants quant à la situation des droits humains et à l'indépendance du pouvoir judiciaire. À mi-chemin de l'année2025, le Bangladesh reste suspendu entre révolution et reconstruction.
Badrul Alam
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Appel à l’action unitaire de la société civile palestinienne

Alors que les États membres de l'ONU se préparent à se réunir le 17 juin pour la Conférence internationale de haut niveau sur le règlement pacifique de la question de Palestine, et que la France s'apprête à réunir certains acteurs le 13 juin, plus de 100 organisations de la société civile palestinienne, mais aussi internationales et en exil, réaffirment leurs revendications unitaires « en faveur d'une résolution juste dont la légitimité repose sur les droits inaliénables du peuple palestinien. »
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
Alors que les États membres de l'ONU se préparent à se réunir à New York le 17 juin pour la Conférence internationale de haut niveau sur le règlement pacifique de la question de Palestine, coprésidée par la France et l'Arabie saoudite, et alors que la France s'apprête à réunir certains acteurs choisis le 13 juin dans le but déclaré de lancer avant la conférence « un appel clair et urgent à agir » à destination de la communauté internationale, nous, organisations et coalitions de la société civile palestinienne en Palestine et en exil, réaffirmons nos revendications unitaires en faveur d'une résolution juste dont la légitimité repose sur les droits inaliénables du peuple palestinien.
Ancrée dans des décennies d'engagement auprès de nos communautés et de plaidoyer international, la société civile palestinienne a constamment été témoin des conséquences néfastes d'approches politiques internationales inefficaces, exclusives et symboliques. La conférence à venir pourrait marquer un tournant – mais seulement à condition qu'elle se recentre sur son fondement juridique : la résolution ES-10/24 de l'Assemblée générale des Nations unies, qui s'appuie sur les obligations de droit international en vigueur depuis des décennies. Cette résolution appuie l'avis consultatif rendu en juillet 2024 par la Cour internationale de justice (CIJ), qui ordonne à Israël à se conformer au droit international – notamment en mettant fin à son occupation illégale, en permettant au peuple palestinien d'exercer son droit à l'autodétermination et son droit au retour, et qui exige des États tiers qu'ils adoptent des sanctions concrètes et des mesures de responsabilisation pour faire respecter le droit international.
Pourtant, les processus préparatoires et les discussions, y compris l'évènement présenté comme conférence de la « société civile » à Paris, ont choisi d'écarter ce principe juridique pour soumettre un programme sans envergure en faveur de la solution à deux États, incapable de répondre aux réalités de la fragmentation, du siège et du génocide sous un régime de colonialisme de peuplement. Pendant des décennies, les approches internationales ont occulté les asymétries de pouvoir. Elles ont mis sur un pied d'égalité le colonisateur et le colonisé et ont canalisé les ressources diplomatiques et économiques dans des processus et des approches exemptant Israël de toute responsabilité, tout en gérant la situation, plutôt que s'attaquer aux causes profondes de l'injustice – plus de sept décennies de colonialisme de peuplement et d'apartheid israéliens, maintenus par l'occupation militaire, le blocus et le génocide.
Les approches qui favorisent le dialogue avec les autorités, les organisations ou les individus israéliens qui ne remettent pas en cause la réalité du colonialisme de peuplement ou ne reconnaissent pas les droits fondamentaux des Palestiniens à l'autodétermination et au retour servent en fin de compte à blanchir les crimes actuels d'Israël. Une résolution juste de la « Question de Palestine » nécessite un changement fondamental pour passer des cadres étroits et trompeurs de « construction de l'État » et de « consolidation de la paix » sous occupation continue, à une approche politique fondée sur le démantèlement du régime colonial, d'apartheid et d'occupation d'Israël et sur l'application des droits des Palestiniens à l'autodétermination et au retour.
Alors que notre peuple subit le génocide, la famine, le nettoyage ethnique et de nouvelles spoliations, l'heure n'est pas à la répétition des échecs du passé sous un nouvel habillage. Il est plus que temps de prendre des mesures concrètes : une responsabilisation significative, une pression internationale soutenue et des sanctions urgentes pour démanteler le régime illégal d'Israël et faire respecter les droits inaliénables du peuple palestinien.
Nous appelons donc tous les États, institutions et acteurs participant à la Conférence à :
Fonder toutes les solutions sur les droits inaliénables du peuple palestinien, notamment :
• Le droit à l'autodétermination, une norme impérative du droit international, pour les 15 millions de Palestiniens. Ce droit ne commence ni ne s'achève avec la création d'un État, mais inclut la volonté collective du peuple de déterminer librement son statut politique et de pourvoir lui-même à son développement économique, social et culturel – ce qui implique la souveraineté sur ses terres et ses ressources.<
• Le droit au retour pour tous les réfugiés palestiniens déplacés pendant la Nakba (1948), la Naksa (1967) et toutes les vagues de déplacements forcés qui ont suivi.
• Le droit à une réparation intégrale, y compris la restitution, l'indemnisation, la satisfaction et les garanties de non-répétition.
Mettre fin immédiatement au génocide et au siège de Gaza :
Cela nécessite un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel, le retrait des forces militaires israéliennes de Gaza et la fourniture immédiate et sans restriction de l'aide humanitaire.
Démanteler les structures de colonialisme de peuplement et d'apartheid d'Israël :
• Garantir le droit à l'autodétermination et le droit au retour
• Abroger toutes les lois discriminatoires à l'encontre des Palestiniens
• Mettre fin à l'occupation militaire
• Lever le blocus de la bande de Gaza
Soutenir les efforts palestiniens visant à reconstruire un leadership palestinien unifié et démocratique, représentant le peuple palestinien en Palestine et en exil : mettre fin à la délégitimation des factions politiques palestiniennes et promouvoir la réconciliation nationale sans conditions imposées. Faire pression sur Israël pour qu'il libère tous les prisonniers politiques palestiniens et mette fin à la détention arbitraire et à la torture.
• Mettre en œuvre des mesures concrètes de responsabilisation, conformément aux obligations erga omnes des États tiers à ne pas reconnaître, aider ou soutenir les crimes d'apartheid, de génocide, d'occupation et de déni du droit à l'autodétermination perpétrés par Israël – notamment :
• Imposer un embargo militaire bilatéral à Israël, couvrant toutes les armes, les technologies militaires, les équipements de surveillance, le kérosène, la formation, les exercices conjoints, les bases militaires, ainsi que l'exportation, l'importation, le transfert et le transit de toutes les pièces, composants et biens à double usage ;
• Appliquer des sanctions diplomatiques, notamment en expulsant les ambassadeurs israéliens et en suspendant les visites officielles et la coopération avec les autorités israéliennes ;
• Imposer des sanctions ciblées, notamment des interdictions de voyager et le gel des avoirs, à l'encontre des personnes et des institutions complices des crimes de droit international commis par Israël ;
• Mettre fin à toute aide économique et à tout accord de coopération qui soutiennent l'occupation illégale et le régime d'apartheid d'Israël, y compris en annulant les accords de libre-échange ;
• Imposer un embargo énergétique bilatéral en suspendant toutes les importations/exportations de pétrole, de gaz et de charbon ; se désengager des projets d'extraction ; et résilier tous les accords relatifs au transit et aux pipelines, ainsi qu'aux infrastructures impliquant le territoire palestinien occupé, y compris ses zones maritimes ;
• Interdire le passage côtier et l'accostage dans leurs eaux territoriales des navires transportant des armes, du matériel militaire et à double usage, du carburant ou des marchandises soutenant l'occupation, le génocide, l'apartheid ou les colonies illégales d'Israël ; interdire aux navires battant leur pavillon de transporter ce type de matériel militaire et à double usage.
• Mettre fin à tous les accords bilatéraux et multilatéraux de libre-échange et de coopération, en particulier l'accord d'association UE-Israël en se basant sur la violation de son article 2, ainsi qu'à tous les programmes de coopération financés par l'UE, y compris les programmes universitaires, culturels et sportifs, ainsi qu'à l'accord de libre-échange Mercosur-Israël ;
• Adopter une législation nationale empêchant les entreprises relevant de leur juridiction d'investir dans l'occupation illégale par Israël ou son maintien – notamment par le fait de poursuivre des opérations, d'entretenir des relations commerciales et de participer au projet de colonisation ;
• Veiller à ce que les entreprises, organisations et institutions financières relevant de leur juridiction se défassent de tout actif détenu par des entreprises et sociétés israéliennes et des sociétés complices impliquées dans des crimes de droit international.
• Abroger toutes les lois et politiques nationales qui criminalisent la solidarité avec la Palestine, en particulier les manifestations et campagnes de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS) ;
• Enquêter et poursuivre leurs ressortissants impliqués dans des crimes contre les Palestiniens, y compris les citoyens binationaux enrôlés dans l'armée israélienne, et publier des directives décourageant l'enrôlement.
• Activer la compétence universelle pour poursuivre les auteurs de crimes de droit international contre les Palestiniens devant les tribunaux nationaux.
• Faire appliquer les mandats d'arrêt de la CPI contre Netanyahu et Gallant en arrêtant ces derniers et en les transférant à La Haye s'ils se trouvent dans leur juridiction – espace aérien compris.
• Soutenir l'enquête de la CPI sur la situation en Palestine en protégeant son personnel, en s'opposant aux sanctions, en augmentant le soutien financier et en faisant pression sur Israël pour qu'il permette au personnel de la CPI d'accéder à la Palestine pour mener des enquêtes indépendantes ;
• Si cela n'a pas encore été fait, saisir la CPI au sujet de la situation en Palestine, en mettant l'accent sur les crimes d'apartheid, de génocide et les crimes liés à l'occupation illégale.
• Soutenez les actions intentées contre Israël devant la CIJ par l'Afrique du Sud pour génocide, et par le Nicaragua contre l'Allemagne pour complicité, notamment en déposant une déclaration d'intervention en vertu de l'article 63 du Statut de la Cour.
• Rejoindre le Groupe de La Haye, qui s'aligne sur les États du Sud global pour faire progresser les mesures de responsabilisation en soutien à l'autodétermination du peuple palestinien.
• Exiger que l'Assemblée générale des Nations unies reconstitue le Comité spécial des Nations unies contre l'apartheid et le Centre des Nations unies contre l'apartheid, afin de mettre fin à l'apartheid israélien.
• Exiger que l'Assemblée générale des Nations unies suspende l'adhésion d'Israël pour violation de ses conditions d'adhésion, notamment le non-respect de la résolution 194 – la situation étant aggravée par ses violations systématiques et ses attaques contre les principes et les institutions des Nations unies ;
• Soutenir le mandat de la Commission internationale indépendante d'enquête sur les territoires palestiniens occupés et Israël, notamment en faisant pression sur Israël pour qu'il permette l'accès à la Palestine pour la conduite d'enquêtes indépendantes.
Cette conférence est une occasion cruciale de dépasser les cadres défaillants et d'adopter des mesures significatives qui ouvriront la voie à la résolution de la « Question de Palestine » par des actions fondées sur les principes du droit international. En tant que société civile palestinienne, nous parlons d'une seule voix : toute avancée vers l'exercice du droit à l'autodétermination du peuple palestinien passe par la mise en accusation des structures de domination coloniale et par leur démantèlement.
Liste des signataires (35 organisations) :
Palestinian BDS National Committee
The Palestine Institute for Public Diplomacy (PIPD)
Al-Haq
Al-Haq Europe
The Civic Coalition for Palestinians Right in Jerusalem
Applied Research Institute - Jerusalem (ARIJ)
Union of Agricultural Work Committees (UAWC)
Filastiniyat
Bisan Center for Research and Development
Visualizing Palestine
The Social Development Committee (SDC)
The Community Action Center at Al-Quds University
Law for Palestine
MUSAWA - Palestinian Centre for the Independence of the Judiciary and the Legal Profession
Beitna - Palestinian Collective in Belgium
QADER for Community Development
British Palestinian Committee
Women's Studies Centre
The Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy- MIFTAH
Palestinian Youth Association for Leadership and Rights Activation
Center for Refugee Rights - Aidoun
Defense for Children International- Palestine
Palestinian Working Woman Society for Development-PWWS
The Palestinian Center for the Missing and Forcibly Disappeared (PCMFD)
AMAN Coalition
Palestinian Grassroots Anti-Apartheid Wall Campaign (Stop the Wall)
The Palestine New Federation of Trade Unions
BuildPalestine
Adalah Justice Project
Urgence Palestine
The International Commission for Supporting the Rights of the Palestinian People “Hashd”
Friends of Palestinian Medical Relief Society (PMRS)
Social Developmental Forum (SDF)
The Psychosocial Counseling Center for Women
US Campaign for Palestinian Rights (USCPR)
Rihannah Society, al-Azzeh Refugee Camp
Alrowwad Cultural & ; Arts Society
Reviving Gaza
Gaza Families Reunited
UK Gaza Community
Makan Rights
Sabeel - Ecumenical Liberation Theology Center
Signataires internationaux :
South African BDS Coalition
Palestine Solidarity Alliance, South Africa
Housing and Land Rights Network - Habitat International Coalition
Legal Forum for Kashmir
Pal Commission on War Crimes, Justice, Reparations, and Return
Arab Women Organization of Jordan
International Peace Bureau (IPB)
SERAPAZ (Mexico)
Jenin Freedom Cinema Club California
International Fellowship of Reconciliation (IFOR)
Red Eclesial Justicia y Paz en la Patria Grande (ALyC)
CBJP Comissão Brasileira Justiça e Paz
Llegó la Hora de los Pueblos, Colectivo de Apoyo al CNI CIG – EZLN
Friends of Sabeel North America (FOSNA)
Comisión de Justicia, Paz e Integridad de la Creación
Solidarity 2020 and Beyond
Cuidadores de la Casa Común
Hijas e Hijos por la Identidad y la Justicia contra el Olvido y el Silencio H.I.J.O.S., (Guatemala)
Park Avenue Baptist Church
World BEYOND War
GPPAC Pacific
Global Exchange
The Palestinian Solidarity Organisation (PSO) at Mandela University
Movimiento Franciscano Justicia, Paz e Integridad de la Creación
Mesa Ecuménica por la Paz - MEP -
Coalición de Movimientos y Organizaciones Sociales de Colombia - COMOSOC -
FabLanka Foundation
Australia Palestine Advocacy Network
Muslim Peace Fellowship
Community Media Network
Observatorio Latinoamericano de Geopolitica
Global Solidarity Coalition for Peace in Palestine
STOP the War Coalition Philippines
Palestinian-Canadian Academics and Artists Network
Programa Latinoamericano y Caribeño de tierras y agua
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La Flottille pour la liberté a accompli sa mission

Le 9 juin à l'aube, les forces israéliennes ont intercepté le Madleen dans les eaux internationales, près de la côte de la bande de Gaza. Le bateau, qui transportait 12 militant·e·s de sept pays, de l'aide humanitaire et des vivres, naviguait depuis un peu plus d'une semaine.
Tiré d'Agence médias Palestine.
Parmi les militant·e·s se trouvait Greta Thunberg, qui a été constamment diabolisée et moquée par les politiciens israéliens et bien d'autres pour son soutien à la lutte palestinienne.
Le chargement d'aide à bord était symbolique et n'aurait pas fait une grande différence s'il était parvenu aux Palestinien·ne·s affamé·e·s de Gaza. Les Nations unies estiment qu'au moins 500 camions d'aide sont nécessaires chaque jour pour répondre à leurs besoins vitaux. On s'attendait également à ce que les forces israéliennes empêchent l'embarcation d'atteindre les côtes de Gaza.
Néanmoins, le Madleen a accompli une mission importante : démontrer au monde entier, et aux gouvernements qui refusent de respecter leurs obligations juridiques internationales de mettre fin au génocide et de lever le blocus, que Gaza ne sera pas oubliée.
Le Madleen était affrété par la Freedom Flotilla Coalition (FFC), une organisation qui fait campagne en solidarité avec le peuple palestinien depuis les bases et sur le terrain. En mai, un autre de leurs bateaux – le Conscience – a été attaqué par des drones juste à l'extérieur des eaux territoriales maltaises. Les dégâts étaient si importants qu'il n'a pas pu poursuivre son voyage vers Gaza.
La coalition pour la Flottille de la liberté prend part aux efforts déployés depuis une décennie et demie par les militant·e·s pour briser le blocus de la bande de Gaza.
En 2010, une flottille de six navires en provenance de Turquie s'est dirigée vers la bande de Gaza avant d'être interceptée par les troupes israéliennes dans les eaux internationales. Le plus grand d'entre eux, le Mavi Marmara, a été pris d'assaut par des commandos israéliens qui ont ouvert le feu et tué neuf militants et journalistes, tous citoyens turcs. À ce jour, les victimes du Mavi Marmara n'ont toujours pas obtenu justice.
Au lendemain du raid sanglant contre la flottille, Noam Chomsky écrivait ceci : « Depuis des décennies, Israël détourne des bateaux dans les eaux internationales entre Chypre et le Liban, tue ou enlève des passagers, les emmenant parfois dans des prisons en Israël, y compris dans des prisons secrètes/chambres de torture, et les retenant parfois comme otages pendant de nombreuses années. Israël part du principe qu'il peut commettre ces crimes en toute impunité parce que les États-Unis les tolèrent et que l'Europe suit généralement l'exemple des États-Unis ».
En vertu du droit international, l'interception du Mavi Marmara et du Madleen est illégale.
Les forces israéliennes n'ont aucune autorité légale pour détenir des militants internationaux dans les eaux internationales. Comme l'a déclaré Huwaida Arraf, avocate américaine d'origine palestinienne et organisatrice de la coalition pour la Flottille de la liberté : « Ces volontaires ne relèvent pas de la juridiction israélienne et ne peuvent être incriminés pour avoir apporté de l'aide ou contesté un blocus illégal – leur détention est arbitraire, illégale et doit cesser sur-le-champ ».
Gaza est bordée par la mer Méditerranée, et pourtant elle est hermétiquement fermée à ses voisins méditerranéens depuis des décennies. Le blocus aérien, terrestre et maritime d'Israël a commencé en 2007, mais même avant cela, les forces navales israéliennes surveillaient et restreignaient l'accès au littoral de Gaza.
Les accords d'Oslo de 1993 n'ont pas accordé aux Palestiniens la pleine souveraineté sur leurs propres mers, leur concédant plutôt un accès à 20 milles nautiques (37 km) de la côte de Gaza pour la pêche, les loisirs et l'extraction de ressources naturelles telles que le gaz. Un accès qui ne représente que 10 % de la limite de 200 milles nautiques fixée pour les pays souverains par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.
Mais même ces 20 milles nautiques n'ont jamais été respectés par le régime israélien, qui a relégué les Palestiniens à des espaces de plus en plus réduits sur le littoral. Les Palestiniens ont ainsi été complètement coupés du monde extérieur, entraînant des conséquences désastreuses pour la tradition maritime et l'industrie de la pêche de Gaza.
Les pêcheurs ont été contraints de pêcher dans une zone restreinte, ce qui a inévitablement entraîné une surpêche. Depuis le début du génocide, les pêcheurs de Gaza ont été pris pour cible et tués, et leurs bateaux ont été bombardés et leur équipement détruit. Parmi eux, Madleen Kulab, la seule pêcheuse palestinienne de Gaza, qui a donné son nom au navire de la flottille de la liberté. Cette mère de quatre enfants a été déplacée à plusieurs reprises au cours du génocide et s'abrite désormais dans sa maison endommagée. Ses jours de pêche sont comptés.
En vertu du droit international, les membres des Nations unies ont l'obligation d'agir lorsqu'un crime grave tel qu'un génocide est commis. Ils ont le devoir d'imposer des sanctions, y compris un embargo sur les armes. Au lieu de cela, l'Union européenne, d'où provient la majorité des militant·e·s du Madleen, a non seulement renoncé à cette obligation, mais a également continué à fournir des armes à Israël, bien que l'opinion publique européenne s'oppose massivement au régime israélien et à la poursuite de son génocide.
Les militant·e·s du Madleen savaient qu'ils n'atteindraient pas leur destination, mais ont fait le choix de participer à cet acte de solidarité qui mettait leur vie en danger pour attirer l'attention du monde sur Gaza et sur l'inaction criminelle de leurs gouvernements.
Selon les mots de Greta Thunberg : « Nous faisons cela parce que, quelles que soient les chances que nous avons, nous devons continuer à essayer, parce que le moment où nous arrêtons d'essayer est celui où nous perdons notre humanité ».
Le Madleen a peut-être été arrêté en mer, mais son message a fait le tour du monde : le blocus n'est ni invisible, ni éternel. Chaque navire intercepté, chaque militant·e détenu·e, chaque acte de défi réaffirme que Gaza n'est pas oubliée – et que tant que la liberté ne sera pas rétablie et la justice obtenue, la mer restera une ligne de front dans la lutte pour la libération de la Palestine.
Yara Hawarie est Codirectrice d'Al-Shabaka, réseau politique palestinien
Traduction : JC pour l'Agence Média Palestine
Source : Al Jazeera
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Palestine, une cause universelle

Plus l'État d'Israël s'acharne à détruire la Palestine, plus le monde la reconnaît comme une cause universelle. C'est la lueur d'espoir dans ce désastre infini : fût-il tardif, un sursaut des consciences qui, pour l'avenir, sauve les principes d'humanité, de justice et d'égalité.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
Dimanche 1er juin, une nouvelle « Flottille de la liberté » a quitté le port de Catane, en Sicile, en direction de Gaza avec à son bord, outre des figures de la cause palestinienne dont l'eurodéputée La France insoumise (LFI) Rima Hassan, des personnalités internationalement connues comme l'activiste écologiste Greta Thunberg et l'acteur irlandais Liam Cunningham. Le 2 mai, la précédente flottille humanitaire avait été attaquée par des drones israéliens, alors qu'elle naviguait dans les eaux internationales.
Cette nouvelle tentative militante survient alors qu'un soulèvement croissant de la société civile s'affirme, porté par une jeunesse pour qui la Palestine devient une cause fondatrice comme le furent, pour les générations précédentes, les guerres d'Algérie et du Vietnam.
Secouant l'immobilisme des États, leurs lâchetés ou leurs complicités face à la guerre menée par Israël à Gaza contre la population palestinienne, cette solidarité s'est d'ailleurs exprimée, samedi 31 mai, lors de la finale de la Ligue des champions, où les supporteurs du PSG ont déployé une banderole clamant : « Stop Génocide Gaza ». « Nous sommes tous des enfants de Gaza », ont-ils aussi scandé en défilant dans les rues de Munich.
Avant-garde artistique
Quelques jours auparavant, le 26 mai, trois cents écrivains francophones avaient affirmé dans une tribune publiée par Libération : « Nous ne pouvons plus nous contenter du mot “horreur”, il faut aujourd'hui nommer le “génocide” à Gaza. » Parmi les signataires, outre de nombreux prix Goncourt – Patrick Chamoiseau, Jérôme Ferrari, Brigitte Giraud, Hervé Le Tellier, Nicolas Mathieu, Mohamed Mbougar Sarr, Leïla Slimani –, deux prix Nobel de littérature, J. M. G. Le Clézio et Annie Ernaux, rejoint·es depuis par deux autres de ses lauréats, Patrick Modiano et Orhan Pamuk. « Notre responsabilité collective est engagée », dit cet appel dont les premiers mots convoquent le souvenir de la poétesse palestinienne Hiba Abu Nada, tuée par les bombardements israéliens le 20 octobre 2023 :
« Dans son poème Une étoile disait hier, elle avait imaginé pour les habitants de Gaza un abri cosmique, à l'opposé du danger existentiel auquel ils font face – un abri universel, dans lequel ils ne seraient plus, comme depuis des décennies, exclus de l'humanité : “Et si un jour, Ô Lumière / Toutes les galaxies / De tout l'univers / N'avaient plus de place pour nous / Tu diras : ‘Entrez dans mon cœur / Vous y serez enfin à l'abri'.” Israël tue sans relâche des Palestiniens et des Palestiniennes, par dizaines, chaque jour. Parmi eux, nos confrères et consœurs : les écrivains et écrivaines de Gaza. Quand Israël ne les tue pas, il les mutile, les déplace, les affame délibérément. Israël a détruit les lieux de l'écriture et de la lecture – bibliothèques, universités, foyers, parcs. »
Deux semaines avant cet appel des écrivain·es, le 13 mai, à l'ouverture du Festival de Cannes, plus de 350 professionnels internationaux du cinéma s'exprimaient en mémoire de la photojournaliste palestinienne Fatma Hassona, assassinée à l'âge de 25 ans par l'armée israélienne à Gaza alors quele film de Sepideh Farsi Put Your Soul on Your Hand and Walk,dont elle est la vedette, venait d'être sélectionné.
La liste des signataires, rejoint·es notamment par la présidente du jury du Festival, l'actrice Juliette Binoche, tient du gotha du cinéma mondial –Pedro Almodóvar, Javier Bardem, Costa-Gavras, David Cronenberg, Xavier Dolan, Ralph Fiennes, Richard Gere, Aki Kaurismäki, Mike Leigh, Joaquin Phoenix, Susan Sarandon, Omar Sy, Guillermo del Toro, etc. Voici ce que dit cette lettre ouverte en forme d'adresse au monde, à ses silences et à ses indifférences :
« En tant qu'artistes et acteurs culturels, nous ne pouvons rester silencieux alors qu'un génocide se déroule à Gaza et que cette nouvelle innommable frappe de plein fouet nos communautés. À quoi servent nos métiers si ce n'est à tirer les leçons de l'histoire, à faire des films engagés, si nous ne sommes pas présents pour protéger les voix opprimées ? Pourquoi ce silence ? L'extrême droite, le fascisme, le colonialisme, les mouvements anti-trans et anti-LGBTQIA+, sexistes, racistes, islamophobes et antisémites mènent leur bataille sur le terrain des idées, s'attaquent à l'édition, au cinéma, aux universités, et c'est pourquoi nous avons le devoir de lutter. Refusons que notre art soit complice du pire. Levons-nous. Nommons le réel. Osons le regarder collectivement avec la précision du cœur pour qu'il ne puisse plus être silencié et couvert. Refusons les propagandes qui colonisent sans arrêt nos imaginaires et nous font perdre le sens de nos humanités. Pour Fatma, pour toutes celles et ceux qui meurent dans l'indifférence. Le cinéma se doit de porter leurs messages, d'être un reflet de nos sociétés. Agissons avant qu'il ne soit trop tard. »
À ces sursauts collectifs il faut ajouter des voix singulières qui s'élèvent. Auteur d'une œuvre capitale sur le génocide des Tutsi·es au Rwanda, l'écrivain et journaliste Jean Hatzfeld qui, dans le passé, s'est rendu en reportage à Gaza, est sorti de sa réserve. « En détruisant Gaza, Israël détruit le judaïsme », déclare-t-il dans un entretien accordé au Monde le 30 mai, évoquant un « prégénocide ».
« On n'assiste pas à l'extermination physique d'un peuple » mais « on lui interdit un état de vie », explique-t-il, avant de mettre en garde : « Au Rwanda, dès décembre 1993, on évoquait un risque de génocide, mais on ajoutait toujours que cela n'arriverait pas. À Gaza, c'est la même chose. »
D'autant que les génocidaires sont déjà aux commandes, reconnaît l'historien israélien Élie Barnavi, qui fut ambassadeur d'Israël en France : « Il faut se rendre à l'évidence : il y a des génocidaires au gouvernement d'Israël. Ils le proclament tous les jours », a-t-il déclaré sur TV5 Monde le 25 mai, ne s'embarrassant plus de précautions de langage.
Enfin, cet inventaire serait incomplet si l'on ne mentionnait pas l'impact du récent témoignage de Jean-Pierre Filiu, à l'occasion de la publication de son exceptionnel récit, Un historien à Gaza (Les Arènes), fruit d'un séjour de trente-deux jours sur place, sous couvert de Médecins sans frontières, du 19 décembre 2024 au 21 janvier 2025.
Car l'historien veille à souligner ce qui s'y joue d'universel : non seulement le sort de la Palestine, mais la fin du droit international, tel qu'il fut proclamé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Rappelant qu'il a choisi de terminer son livre à Kyiv, où il a donné des conférences en 2024, Jean-Pierre Filiu relie et imbrique les deux causes, palestinienne et ukrainienne, face au but de guerre commun de Nétanyahou et Poutine. Symboliquement, lors de toutes ses récentes interventions télévisées, il portait un sweat-shirt aux couleurs ukrainiennes, avec cette inscription : « Fight like Ukrainians ».
Les États contre le droit international
Fût-il tardif, ce large réveil des consciences est bienvenu, tant il contraste avec le long sommeil de la plupart des États.
Car cela fait plus de seize mois que la Cour internationale de justice (CIJ) des Nations unies a enjoint, le 26 janvier 2024, à l'État d'Israël de « prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission, à l'encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte entrant dans le champ d'application » de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Défiant la justice internationale, les dirigeants israéliens ont fait tout l'inverse, radicalisant leur offensive de nettoyage ethnique à Gaza et de colonisation à outrance en Cisjordanie. Et cela fait plus de six mois que le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, est sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), délivré le 21 novembre 2024, non seulement pour crimes de guerre mais surtout pour crimes contre l'humanité. Ce qui na pas empêché qu'il soit officiellement reçu en Europe, par la Hongrie de Viktor Orbán, et aux États-Unis, à peine Donald Trump installé à la Maison-Blanche.
Tandis que le président de la République française n'en finit pas d'annoncer une reconnaissance de l'État de Palestine qui n'a toujours pas eu lieu – « pas simplement un devoir moral, mais une exigence politique », a récemment déclaré à Singapour Emmanuel Macron –, l'Union européenne ne s'est pas encore résolue à suspendre son accord d'association avec Israël, malgré l'insistance de l'Espagne qui, elle, a reconnu depuis un an la Palestine comme un État indépendant, tout comme l'Irlande et la Norvège.
Mais les États occidentaux – au premier rang desquels les États-Unis d'Amérique, de Joe Biden à Donald Trump – ne sont pas seuls en cause : aucune des puissances financières du monde arabe – Arabie saoudite, Émirats arabes unis et Qatar – n'a usé des armes économiques et énergétiques (pétrole et gaz) dont elles disposent pour secourir le peuple palestinien et enrayer son martyre.
Dès lors, il revient à nos sociétés, et notamment à leurs jeunesses, de sauver l'espoir.
« Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas » : introduisant à la fin de l'été 2024 Le Livre noir de Gaza (Seuil, 2024), ce remarquable et désespérant « bilan provisoire d'une guerre qui s'annonce sans fin », la chercheuse Agnès Levallois avait déjà dit l'essentiel. « Gaza, où meurt notre humanité », alertions-nous dès le 7 décembre 2023, parmi bien d'autres alarmes précoces qui furent ignorées, méprisées ou disqualifiées.
« Ce n'est pas seulement une humanité concrète, celle des vies irrémédiablement perdues, qui se meurt au Proche-Orient, écrivions-nous. C'est l'idée même d'une humanité commune que ruine la vengeance sans frein ni limites de l'État d'Israël contre la population palestinienne de Gaza en riposte au massacre commis par le Hamas. »
Entre complicités et renoncements, l'abandon durable de la Palestine par la communauté internationale des États restera comme une infamie. Dès lors, il revient à nos sociétés, et notamment à leurs jeunesses, de sauver l'espoir : quelle que soit l'impuissance pratique des mobilisations, appels, pétitions et discours, à enrayer le génocide en cours, toutes ces initiatives frayent le chemin d'une aube au lendemain de la catastrophe, de sa nuit interminable et de ses crimes incommensurables.
Car elles sont habitées par la certitude que la cause de la Palestine ouvre désormais l'horizon d'un universel partagé, tissé de justice et d'égalité, contre le capitalisme du désastre de Trump, Poutine et consorts qui, refusant toute limite à sa voracité, précipite l'humanité dans l'abîme.
La leçon d'Arundhati Roy
« Toute la puissance et l'argent, toutes les armes et la propagande du monde ne peuvent plus cacher la blessure qu'est la Palestine. Une plaie par laquelle saigne le monde entier, y compris Israël. » Ces mots sont d'Arundhati Roy, dans son discours de remerciement, le 10 octobre 2024 à Londres, pour le prix PEN Pinter.
Devenue mondialement célèbre avec son roman Le Dieu des Petits Riens, paru en 1997, l'écrivaine et militante indienne ne s'est pas assagie pour autant. Faisant siennes les causes universelles de la justice et de l'égalité, elle les applique à son propre pays, affrontant le fondamentalisme hindouiste du parti nationaliste au pouvoir, le BJP de Narendra Modī, premier ministre depuis 2014, au point d'être visée par une loi antiterroriste pour ses propos et ses écrits.
C'est dans ce contexte que, dix ans après Salman Rushdie, lauréat 2014, elle reçut en 2024 ce prix qui salue le courage d'écrivain·es illustrant la devise de l'English PEN, organisation de défense des droits humains fondée en 1921 : Freedom to Write, Freedom to Read.
Consacrant l'essentiel de son propos au sort de la Palestine, elle refusa farouchement de « jouer le jeu de la condamnation », selon ses mots, autrement dit de tenir une balance égale entre oppresseurs et opprimés. Car, martelait-elle, l'histoire n'a pas commencé le 7 octobre 2023. Lisons-la.
« Je suis parfaitement consciente qu'en tant qu'écrivain, non musulmane et femme, il me serait très difficile, voire impossible, de survivre très longtemps sous la domination du Hamas, du Hezbollah ou du régime iranien. Mais là n'est pas la question. Il s'agit de nous informer sur l'histoire et les circonstances dans lesquelles ils ont vu le jour. […] Je suis consciente que le Hezbollah et le régime iranien ont de fervents détracteurs dans leur propre pays, dont certains croupissent en prison ou ont connu des situations bien pires. Je suis consciente que certaines de leurs actions – le meurtre de civils et la prise d'otages du 7 octobre par le Hamas – constituent des crimes de guerre. Toutefois, il ne peut y avoir d'équivalence entre ces actions et celles menées par Israël et les États-Unis à Gaza, en Cisjordanie et, aujourd'hui, au Liban. La racine de toutes les violences, y compris celles du 7 octobre, est l'occupation par Israël de la terre palestinienne et l'assujettissement du peuple palestinien. L'histoire n'a pas commencé le 7 octobre 2023.
Je vous le demande : lequel d'entre nous, assis dans cette salle, accepterait de se soumettre à l'indignité à laquelle les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie sont soumis depuis des décennies ? Quels moyens pacifiques le peuple palestinien n'a-t-il pas essayés ? Quel compromis n'a-t-il pas accepté, si ce n'est celui qui l'oblige à se mettre à genoux et à mordre la poussière ? Israël ne mène pas une guerre d'autodéfense. Il mène une guerre d'agression. Une guerre pour occuper davantage de territoires, pour renforcer son appareil d'apartheid et pour resserrer son contrôle sur le peuple palestinien et sur la région. »
Faire taire
Non, l'histoire n'a pas commencé le 7 octobre 2023. Comme pour le 11-Septembre, ces attentats commis par Al-Qaïda en 2001 contre les États-Unis, vécus par ces derniers comme une menace vitale ainsi que ce fut le cas pour l'État d'Israël en 2023, le 7-Octobre immobilise la pensée et fige l'émotion. Cet arrêt sur images – de massacres, d'enlèvements, d'effroi et de terreur… – est une machinerie aveuglante, assumée et utilisée comme telle par le pouvoir israélien qui en fit un film de propagande dont l'horreur est l'inlassable refrain.
Notamment en Europe, les réseaux diplomatiques d'Israël et les relais militants qui les relayent organisèrent des projections afin de faire taire toute question, interrogation ou réflexion, sur l'engrenage colonial, d'oppression, de dépossession et d'humiliation, qui avait conduit à l'attaque du Hamas avec ses crimes de guerre contre des civil·es, assassiné·es ou enlevé·es. L'émotion devait annihiler toute réflexion. Expliquer serait justifier. S'efforcer de comprendre serait devenir complice.
De même qu'en 2001, il ne devait plus y avoir de passé, qui expliquerait comment on en est arrivé à cette catastrophe, ni de futur, qui envisagerait comment faire pour ne plus la revivre. Non, seul compterait le présent, un présent de vengeance aveugle, indistincte, totale.
Une année plus tard, cet aveuglement solidaire recherché par la propagande israélienne fut redoublé, dans nombre de milieux médiatiques et politiques occidentaux, et particulièrement en France, en aveuglement volontaire devant les crimes commis par l'État d'Israël à Gaza.
Il faut bien admettre, dans une résonance douloureuse avec l'ancien et toujours nécessaire combat contre les négationnistes du génocide des juifs d'Europe, que nous devons désormais affronter un nouveau négationnisme en temps réel : celui des crimes de guerre, crimes contre l'humanité et crimes de génocide commis par l'État d'Israël contre le peuple palestinien. Et ce alors même qu'ils sont largement rapportés et précisément documentés, notamment par Amnesty International, Human Rights Watch et Médecins sans frontières, dans des rapports rendus publics en décembre 2024.
Le sort tragique de la Palestine rappelle au monde entier qu'il ne saurait y avoir d'universel s'il n'y a pas d'égalité, autrement dit qu'il n'y a que de l'universalisable : un universel de la relation, du partage et de l'échange, qui se construit sans cesse dans le respect et le souci des autres.
Pour y voir clair en perçant l'obscurité des propagandes, il nous faut donc réfuter ce « présentisme » qu'un historien, François Hartog, avait diagnostiqué, après le 11-Septembre, comme le piège qui était tendu à notre compréhension de l'époque, de ses défis et de ses dangers, de ses emballements et de ses affolements.
Avec le renfort de médias qui, désormais, peuvent commenter en continu, sans relâche ni distance, sans historicité ni complexité, les puissances, qu'elles soient étatiques ou économiques, cherchent à prendre en otage le temps. Elles voudraient nous rendre prisonniers d'un présent sans passé ni futur, qui ne s'autorise que de son immédiateté et qui, dès lors, nous rend aveugles, tels des lapins pris dans des phares, ou égarés, tels des papillons happés par une ampoule.
Le présent est tissé de passé, et le passé est plein d'à présent : c'est de cette lucidité que peuvent naître des espérances, nourries des inquiétudes immédiates mais refusant de s'y soumettre, dans la conviction que l'histoire n'est jamais définitivement écrite, achevée ou terminée. Si la Palestine est devenue une cause universelle, c'est parce que l'injustice faite à son peuple depuis 1948, redoublée depuis 1967, prolonge au cœur de notre présent l'injustice des colonisations occidentales qui ont fait la richesse, la puissance et la domination de l'Europe sur le monde.
Au ressort du colonialisme, il y a la supériorité, donc l'inégalité, et, par conséquent, la négation des principes universels que les démocraties occidentales prétendent avoir proclamé à la face du monde. Cet engrenage est fatal, générant une barbarie qui ensauvage la civilisation.
En Israël même, des voix surent tôt le dire qui, hélas, ne furent pas entendues, rapidement marginalisées, puis défaites. Victorieux face aux États arabes – l'Égypte, la Syrie, le Liban, l'Irak et la Jordanie – lors de la guerre des Six Jours de juin 1967, les dirigeants, alors travaillistes, de l'État d'Israël décidèrent d'occuper illégalement de nouveaux territoires, en Cisjordanie et à Gaza. Ils ont ouvert la voie aux surenchères des fanatiques du « Grand Israël » qui ont désormais conquis le pouvoir à Jérusalem, assumant une idéologie raciste d'effacement de la population palestinienne – par l'exclusion, l'expulsion ou l'extermination.
Le 22 septembre 1967, douze citoyens israéliens lancèrent, dans le quotidien Haaretz, un appel dont la sombre prophétie fut rappelée, le 28 décembre 2023, par des cinéastes du monde entier pour réclamer un cessez-le-feu immédiat à Gaza.
Le voici :
« Notre droit de nous défendre contre l'extermination ne nous donne pas le droit d'opprimer les autres :
L'occupation entraîne une domination étrangère.
Une domination étrangère entraîne la résistance.
La résistance entraîne la répression.
La répression entraîne le terrorisme et le contre-terrorisme.
Les victimes du terrorisme sont en général des innocents.
La mainmise sur les territoires occupés fera de nous des assassins et des assassinés.
Sortons des territoires occupés maintenant. »
Ses premiers signataires avaient accompagné la naissance, en 1962, d'un parti israélien socialiste, internationaliste et anticolonialiste. Il avait pour nom hébreu : Matzpen, soit la « boussole ». La boussole de l'égalité, du droit et de la justice.
Au-delà d'une terre, d'une nation et d'un peuple, « Palestine » est devenu le nom sans frontières de cet idéal. Son sort tragique rappelle au monde entier qu'il ne saurait y avoir d'universel s'il n'y a pas d'égalité, autrement dit qu'il n'y a que de l'universalisable : un universel de la relation, du partage et de l'échange, qui se construit sans cesse dans le respect et le souci des autres – de leurs droits, de leurs vies, de leurs humanités. L'origine, la culture, la civilisation, le passé, etc., tous ces héritages qui tissent nos identités ne protègent de rien. Seul le présent fait preuve où se joue le respect de soi par le souci de l'autre.
Tel est le message de la cause universelle de l'égalité dont la Palestine est devenue l'étendard.
Edwy Plenel
Cet article reprend quelques passages de mon introduction à Palestine, notre blessure où j'ai réuni mes articles sur la question de Palestine parus sur Mediapart depuis sa création en 2008.
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Jean-Pierre Filiu : « Ce qui reste de Gaza défie les mots »

Le témoignage sur vingt mois de guerre dans la bande de Gaza est signé par un historien, Jean-Pierre Filiu, qui a eu la force morale de pénétrer dans l'enclave palestinienne ravagée… au pire des moments… et de tout raconter : « le territoire que j'ai connu et arpenté n'existe plus »
Tiré de MondAfrique.
Le « 7 octobre 2023 » risque d'oblitérer pour longtemps les données de la Question Palestinienne. L'Histoire et, notamment, l'évocation de la « Nakba » – la Catastrophe de 1948, suivie de l'exode des Palestiniens – est partout présente dans l'Enclave de Gaza. Depuis 2024, la légitime réaction d'Israël au « 7 octobre », autrement dit la guerre menée par Israël d'abord contre le Mouvement (ou le Parti) Hamas, jugé seul responsable des massacres, s'est rapidement transformée en un conflit global contre l'ensemble de la population palestinienne de l'Enclave. La situation n'a fait que se radicaliser au cours des mois.
L'enjeu des captifs israéliens détenus en otage dans la Bande de Gaza a rapidement primé sur toute autre considération, ce que la plupart des opinions mondiales pouvaient alors comprendre et même admettre.
La presse internationale ayant été interdite sur le terrain par Israël, cet épouvantable affrontement ne pouvait être observé de l'extérieur qu'à travers un caléidoscope déformant. Les bribes d'informations et les images « autorisées », obtenues et filtrées en Israël par des agences internationales ou des chaînes comme Al-Jazira, reprenaient les reportages de journalistes palestiniens faits sous les bombes. Plus de 200 d‘entre eux périrent sous les tirs de l'armée israélienne !
Pour le gouvernement israélien, toutes « les vérités n'étant pas bonnes à dire », comme c'est le cas de la destruction d'hôpitaux ou le déplacement (permanent et par milliers) de populations affamées et réduites à dormir sous des bâches.
Toutes les tentatives de cessez-le-feu ont échoué, que ce soit à Doha, à Riyad, à Ankara, au Caire, à Moscou ou à Pékin. Systématiquement. La logique du Premier ministre israélien Netanyahou aura visiblement été de rendre impossible toute sortie de guerre et tout Accord, qui résoudraient la Question Palestinienne… d'une façon ou d'une autre, à l'exception de la colonisation et du massacre ou de l'exil.
Or au cours des derniers mois, les langues se délient en Israël et ailleurs, les vérités désagréables sourdent de partout, Gaza devient une préoccupation médiatique mondiale, certes toujours loin derrière l'Ukraine, mais au cœur des inquiétudes, des peurs, et de la colère de tout un chacun. L'opinion mondiale rejette la banalisation de l'apartheid imposé aux musulmans par l'État Juif.
Et c'est l'effet le plus grave parce que le plus durable de ce qui ressortit de plus en plus de l'effondrement moral du Peuple d'Israël. Mais tout n'est pas perdu ! La majorité des Israéliens s'insurge (du bout des lèvres) contre le risque de tout « nettoyage ethnique », voire d'un génocide comme celui qui se profile ; c'est ce que souligne l'ancien Premier ministre Ehud Olmert, qui dénonce du bout des lèvres la politique de « restriction de l'aide humanitaire ». C'est déjà ça !
C'est dans ce contexte que l'ouvrage de Jean-Pierre Filiu, « Un historien à Gaza » vient de prendre toute sa valeur, de même que d'asseoir son l'autorité scientifique, littéraire et morale de son auteur.
Historien, chercheur au CERI, professeur des universités en Histoire du Moyen-Orient à Sciences Po, et bien sûr, arabisant, Jean-Pierre Filiu a vécu plus d'un mois (de décembre 2024 à janvier dernier) dans l'enfer de Gaza. Il y était entré sous la bannière de Médecins sans frontières, en prenant alors tous les risques – 1500 tués parmi le personnel de santé.
Nous disposons ainsi, pour la première fois depuis 2023, de la relation de faits constatés sur le vif par un immense expert de la région peu suspect de parti pris. En parfait héros Stendhalien, le témoin nous décrit l'horreur vécue par les Gazaouis, tout en nous faisant, d'une plume acerbe, le récit historique des causes profondes du blocus de Gaza.
L'historien qu'il reste avant tout a été interviewé par les médias audiovisuels. Il y a quelques jours à peine, à la librairie Le Tiers Mythe, face à quelques amis de longue date, il n'a pas caché ses craintes.
Voici quelques extraits d'un discours qui tonne comme une alarme à bord d'un bateau à la dérive.
Gaza est un laboratoire. J'ai vu le laboratoire du monde abandonné à Trump, à Poutine, au Hamas et à Netanyahou. Un monde sans règles, qui non seulement n'est pas capable de progresser, mais qui va régresser et mettre à bas les normes mises péniblement en place à l'issue de la 2eme guerre mondiale. Les Conventions de Genève, la déclaration universelle des Droits de l'homme, les différents mécanismes de protection plus ou moins liés aux Nations Unies. Et on a ce triangle Trump/ Poutine/Netanyahou qui est à l'œuvre, qui est un désastre pour l'Europe, qui est une menace existentielle pour l'Europe. C'est le fondement même de l'Ordre international qui est menacé à Gaza. »
Sauver Gaza pour sauver l'Europe
« On n'en prend pas conscience à l'échelle de ce défi : L'Europe est menacée en Ukraine, pas à Gaza. On commence à se rendre compte que si un bombardement d'hôpital est un acte de terreur en Ukraine, peut-être que c'est aussi le cas à Gaza !! Si on occupe des territoires, si on déplace les populations, si on envisage de les annexer c'est un crime abominable en Ukraine, peut-être que cela va devenir le cas à Gaza !! On en est là ! La menace c'est celle d'un monde sans règles, avec la loi du plus fort, d'où le terme d' inhumanitaire que je maintiens et peux argumenter, et que c'est sur l'humanitaire que se fait le basculement.
Cela s'appelle « Fondation humanitaire de Gaza » l'espèce de bidule que les Américains sur inspiration israélienne ont enregistré à Genève pour aujourd'hui aboutir à ces tueries à répétition dans le sud de l'enclave. Ils n'ont pas appelé cela « guerre de civilisation », non c'est « humanitaire » ! Donc il faut faire très attention parce que c'est Orwell ! La paix c'est la guerre, la liberté c'est l'esclavage », et cette inversion-là est tragique et sape beaucoup plus de choses que nous le pensons ».
En dépit à l'absence de la presse sur le terrain et de rares professionnels de santé sur place, dévoués mais muets, Jean-Pierre Filiu a pu constater le succès de la propagande de Netanyahou
« Vu de la bande Gaza, c'est bel et bien sur le front médiatique qu'Israël a remporté sa seule victoire incontestable du conflit » écrit-il. « Une victoire d'autant plus facile que la presse internationale ne s'est pas beaucoup battue pour exercer son droit à l'information libre à Gaza. Et il faut l'horreur des bébés morts de froid pour susciter un fugace regain d'intérêt, sur la base de témoignages recueillis au téléphone, sans confrontation directe avec une telle abomination.
C'est ainsi que les victimes sont tuées deux fois. La première fois quand la machine de guerre israélienne les frappe directement dans leur chair ou les étouffe à petit peu sous leurs tentes. La seconde quand l'intensité de leur souffrance et l'ampleur de leur perte sont niées par la propagande israélienne, quand elles ne sont pas accusées d'être collectivement ou individuellement des terroristes. »
« Vous avez voulu l'enfer, vous aurez l'enfer « C'est ce qu'avait promis le général israélien Ghassan Alian, coordinateur des activités gouvernementales israéliennes dans les territoires, à l'adresse des Palestiniens qu'il qualifiait alors « d'animaux humains » …
Cet enfer est là depuis 20 mois. Aux dizaines de milliers de morts, s'ajoute l'horreur du quotidien pour les survivants et les blessés sans soins ni médicaments :
La faim, l'eau potable, le froid
Près de 2 millions de civils ont dû fuir jusqu'à dix fois. Gaza est divisé en 620 blocs et l'on déplace la population, privée de nourriture, d'eau et d'abri, de bloc en bloc… une torture !
Femmes et enfants sont majoritairement touchés par de graves problèmes de santé : déshydratation, infections de toutes sortes, maladies de peau, jaunisse aigue, hépatite A, gale, sans compter les premiers cas de polio. Le nombre d'enfants tués durant les 4 premiers mois de l'offensive israélienne dépasse celui des enfants tués en 4 ans dans l'ensemble des conflits à travers le monde. 15 000 enfants tués entre octobre 23 et fin 2024, 12 000 femmes dans le même laps de temps.
Un monde livré aux charognards, aux pillards assistés, au vol des convois, comme l'a démontré le scandale de distribution de vivres « à l'ombre de mercenaires américains ». Les Nations unies et de nombreux groupes d'aide ont refusé de coopérer avec les plans de la « Fondation humanitaire de Gaza » qui, selon eux, contredisent les principes humanitaires et semblent militariser l'aide, ce qui est confirmé :
« Les militaires israéliens arment des gangs pour combattre le Hamas » vient de reconnaître Benjamin Netanyahou, en réponse à l'ancien ministre de la Défense, Avigdor Lieberman, qui l'accusait de transférer des armes à des groupes de voyous et de criminels : parmi eux un gang armé mené par Yasser Abou Shebab, trafiquant de drogue et voleur de Rafah, lequel a dirigé des groupes de centaines d'hommes armés pour voler les convois de vivres durant la deuxième moitié de 2024…
« Chaque jour m'apporte son lot de bandes prenant d'assaut des convois humanitaires, de barrages improvisés par des coupeurs deroute, d'enfants s'accrochant aux camions pour en dérober un sac de farine ou deux. Le gang d'Abou Shebab, protégé au sud-est de Rafah par la bienveillance israélienne fait des émules jusque dans la « zone humanitaire ». Une demi-douzaine d'hommes cagoulés, armés d'un pistolet, de six grenades et d'un improbable scalpel, rackettent, un début d'après-midi, les véhicules au sud de Deir Al-Balah….
Chaque jour aussi me reviennent, toujours insoutenables, des témoignages et images de tirs dans les rotules. Le Hamas a en effet recours de manière publique et systématique au châtiment qu'il réservait, lors de la guerre civile de 2007, à ses ennemis du Fatah… Le Hamas se pose en gardien de ce qui reste d'ordre face à la rapacité des pillards. Mais il s'agit d'un Hamas sensiblement dégradé par l'élimination de ses dirigeants historiques. »
Les gros bras ont pris le relais
On les surnomme à Gaza les « zanzanas », les « drones » (car ils interviennent brutalement) …
« …Le Hamas est partout. Il peut espionner, réprimer, dénoncer, sanctionner. Au lieu d'affaiblir le Hamas la guerre de Gaza le renforce relativement. Le Hamas est affaibli, mais moins que la société palestinienne. Netanyahou ne veut pas d'identité palestinienne digne de ce nom. Parce que qu'il ne veut plus de revendication d'un état palestinien. Donc il préfère ravager et il a détruit tous les pôles de résistance à la domination du Hamas qui étaient nombreux dans la société : les universités, 12 universités ravagées. La classe moyenne disparue dans la mer de tentes. Donc tout ce qui était expression critique, création culturelle ; Gaza avait la plus grande densité de groupes de rap du monde arabe… de rap ! Évidemment, ce n'était pas l'image que Gaza donnait au monde, parce Gaza était sous blocus. Cette catastrophe a amené des miliciens au Hamas, des gens qui veulent se venger, parce qu'ils ont tout perdu, et d'abord leurs proches. Le Hamas a largement compensé les pertes que lui a infligé Israël en recrutant de nouveaux miliciens » …
Netanyahou a lancé la bataille de Rafah, qui lui a permis de clore la frontière avec l'Égypte et d'enfermer complètement la bande de Gaza. Sa destruction méthodique de l'enclave risque d'être suivie du déplacement des Palestiniens dans des « zones humanitaires, en organisant le départ volontaire des Gazaouis. Il a totalement refaçonné l'armée depuis le départ de son ancien ministre de la Défense, du chef d'état-major et des généraux. Le seul espoir des Palestiniens de Gaza c'est que le reste du monde se mobilise soudain, après 16 ans d'indifférence, pour les sortir de leur blocus.
On ne vit plus à Gaza que de l'espoir de la fameuse Conférence co-présidée par les Président Français Emmanuel Macron et le Prince héritier saoudien Mohamed bin Salman (MBS), qui doit se tenir au siège new-yorkais des Nations Unies à la mi-juin et qui est censée proposer et trouver la solution-miracle la création d'un État Palestinien.
L'Ouvrage de Jean-Pierre Filiu est venu à point nommé : il permet de comprendre, il commande d'espérer.
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