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La dernière ruade en date du gouvernement Nétanyahou

Jeudi le 12 juin, le gouvernement de Benyamin Nétanyahou a lancé une attaque contre les installations nucléaires présumées de Téhéran afin d'empêcher le régime des mollahs d'arriver à se doter d'un arsenal de ce type. Les dégâts sont déjà considérables, des responsables militaires et scientifiques iraniens ont été tués.
Pour l'instant, on peut difficilement se prononcer sur l'efficacité réelle de cette offensive. C'est pourquoi il faut s'attendre à toute une série de bombardements aériens supplémentaires israéliens sur le territoire de la République islamique dans la foulée de ceux qui ont déjà commencé.
Le but de l'extrême droite au pouvoir à Tel-Aviv est double : d'abord anéantir toute possibilité pour le gouvernement des mollahs d'accéder à la puissance nucléaire et ensuite pousser la population à répudier le régime réactionnaire en place depuis 1979.
Si le premier objectif (liquider le potentiel nucléaire iranien) est réalisable, le second est beaucoup plus incertain. Nétanyahou et consorts misent sur le mécontentement d'une bonne partie de la population iranienne à l'endroit du régime des mollahs pour qu'elle se révolte contre eux et les renverse. Nétanyahou espère qu'elle le remplacera par un régime davantage bon- ententiste vis-à-vis d'Israël. C'est la stratégie de l'écoeurement fondée sur des bombardements aériens répétés. D'ailleurs, le premier ministre israélien et divers porte-paroles gouvernementaux répètent que l'offensive ne fait que débuter et qu'elle se poursuivra encore longtemps. Et pourtant...
Si on y réfléchit, on se rend compte qu'il est peu probable que les mollahs veuillent se doter de l'arme nucléaire pour annihiler Israël, en dépit de leurs déclarations sonores et percutantes à ce sujet ; en effet, l'État hébreu dispose d'un important arsenal nucléaire et il serait en mesure de rendre la pareille instantanément à son ennemi si ce dernier prenait l'initiative suicidaire de lancer des missiles nucléaires sur le territoire israélien. Téhéran ne peut qu'en être conscient. Ce serait la destruction mutuelle assurée. Plus vraisemblablement, si la direction iranienne veut acquérir l'arme suprême, c'est plutôt pour asseoir son hégémonie régionale par rapport à ses voisins arabes, tous des ennemis pour différents motifs. La rhétorique belliqueuse iranienne anti israélienne relève plutôt du discours creux, de la justification spécieuse.
La manière forte utilisée par Tel-Aviv pour inciter les Iraniens à se débarrasser de leur gouvernement laisse aussi planer un sérieux doute sur la faisabilité de cet objectif. Il faut ici rappeler que le régime dictatorial du chah a été renversé en 1979 en raison de son extrême impopularité. Les Iraniens et Iraniennes en conservent donc un mauvais souvenir. Ils se sont révoltés à cette époque sans aide militaire extérieure. Dès lors, par quoi remplacer le régime des mollahs qui a pris sa place ?
Par ailleurs, les citoyens et citoyennes de la République islamique n'éprouvent pas davantage de sympathie pour l'État hébreu que les autres populations de la région. L'utilisation-surprise par Israël de la force militaire pour les "inciter" à chasser du pouvoir le régime réactionnaire des mollahs risque plutôt de produire le résultat inverse.
Dans ce contexte, les Iraniens ne peuvent donc pas voir Israël comme un libérateur mais plutôt comme un agresseur. Par conséquent, la majorité d'entre eux est susceptible de faire front commun avec son gouvernement contre l'ennemi traditionnel. Il y a de fortes chances qu'elle mette de côté, au moins temporairement, ses griefs contre le gouvernement pour faire front commun avec lui afin de repousser les attaques israéliennes.
On peut prévoir, vu la distance géographique qui sépare Israël de l'Iran, que Nétanyahou et son état-major vont mener essentiellement une guerre aérienne. En effet, l'envoi d'une armée israélienne en Iran est pratiquement impossible, vu que deux pays bordent l'État hébreu, la Jordanie et l'Irak, qui ne permettraient certainement pas le passage de troupes israéliennes sur leur territoire pour gagner l'Iran.
Or, il ne suffit pas de bombarder un pays pour que son gouvernement s'effondre. Il faut y envoyer de l'infanterie et des chars d'assaut. Malgré les bombardements aériens de la Luttwaffe sur la Grande-Bretagne en 1940 et 1941, le pays a résisté avec succès, car il ne fut pas possible de faire traverser la Manche à la Wermacht. Ensuite, il a fallu l'invasion de l'Allemagne pour abattre le régime nazi et enfin, le Japon n'a cédé qu'à l'arme atomique. Les intenses bombardements aériens n'ont pas poussé les populations allemande et japonaise à faire pression sur leurs gouvernements respectifs pour qu'il capitule.
Par conséquent, il est douteux que le pilonnage aérien israélien fasse chuter le régime de Téhéran. Même si Tel-Aviv parvenait à expédier en Iran des effectifs importants, ceux-ci subiraient de très lourdes pertes, ce qui traumatiserait la population israélienne et l'inciterait sans doute à répudier le gouvernement Nétanyahou.
Tsahal éprouve déjà beaucoup de difficultés à vaincre les maquisards du Hamas à Gaza, en dépit de sa supériorité numérique et technologique ; elle a perdu jusqu'à maintenant environ mille soldats dans ce petit territoire. Si l'armée israélienne tentait d'envahir un pays très vaste et densément peuplé comme l'Iran, le résultat s'avérerait certainement désastreux pour elle et ruineux pour l'État hébreu.
La seule option qui demeure donc pour la clique de Nétanyahou consiste à poursuivre les bombardements aériens sur l'Iran, mais cette méthode comporte ses limites, comme on l'a vu. Par ailleurs, l'Iran a déjà commencé sa riposte sur le territoire israélien avec des missiles balistiques, laquelle s'intensifiera à mesure que le conflit s'éternisera. En dépit du "dôme de fer" censé protéger la population et le territoire de l'État hébreu, on peut croire qu'à la longue, les dégâts humains et matériels seront considérables.
L'extrême droite israélienne a lancé son pays dans une impasse à l'issue imprévisible. Une double hypothèse est envisageable : soit que les bombardements aériens cessent après avoir atteint leur objectif d'annihiler le potentiel nucléaire iranien, soit qu'ils se poursuivent faute de certitude d'avoir atteint cet objectif et afin de contraindre les Iraniens à renier leur gouvernement.
Cette nouvelle embardée du gouvernement israélien illustre bien une constante propre à la politique régionale israélienne : accumuler les victoires militaires, mais qui ne se changent pas en acquis politiques. Tout est toujours à recommencer.
La résilience de la résistance palestinienne le prouve amplement.
Jean-François Delisle
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La plus grande menace pour Israël n’est pas l’Iran ou le Hamas, mais sa propre arrogance

Un peuple dont l'existence dépend uniquement de sa puissance militaire est voué à finir dans les ténèbres de la destruction et, à terme, dans la défaite.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
Cela fait plus de 46 ans que j'ai quitté l'Iran avec ma famille à l'âge de neuf ans. J'ai passé la majeure partie de ma vie en Israël, où nous avons fondé une famille et élevé nos filles, mais l'Iran n'a jamais cessé d'être ma patrie. Depuis octobre 2023, j'ai vu d'innombrables images d'hommes, de femmes et d'enfants debout à côté des ruines de leurs maisons, et leurs cris sont gravés dans ma mémoire. Mais quand je vois les images de l'Iran après les attaques israéliennes et que j'entends les cris en farsi, ma langue maternelle, le sentiment d'effondrement en moi est différent. L'idée que cette destruction est le fait du pays dont je suis citoyen est insupportable.
Au fil des ans, l'opinion publique israélienne s'est convaincue qu'elle pouvait exister dans cette région tout en nourrissant un profond mépris pour ses voisins, se livrant à des massacres contre qui bon lui semble, quand bon lui semble et en recourant uniquement à la force brute. Depuis près de 80 ans, la « victoire totale » est à portée de main : il suffit de vaincre les Palestiniens, d'éliminer le Hamas, d'écraser le Liban, de détruire les capacités nucléaires de l'Iran, et le paradis sera à nous.
Mais depuis près de 80 ans, ces soi-disant « victoires » se sont avérées être des victoires à la Pyrrhus. Chacune d'entre elles enfonce Israël un peu plus dans l'isolement, la menace et la haine. La Nakba de 1948 a engendré une crise des réfugiés qui persistent à refuser de disparaître et a jeté les bases du régime d'apartheid. La victoire de 1967 a donné naissance à une occupation qui continue d'alimenter la résistance palestinienne. La guerre d'octobre 2023 a dégénéré en un génocide qui a transformé Israël en paria mondial.
L'armée israélienne, qui est au cœur de tout ce processus, est devenue une arme de destruction massive aveugle. Elle maintient son statut prestigieux auprès d'une population endormie grâce à des coups d'éclat : des bipeurs qui explosent dans les poches d'hommes dans un marché libanais, ou une base de drones implantée au cœur d'un État ennemi. Et sous le commandement d'un gouvernement génocidaire, elle s'enfonce davantage dans des guerres dont elle ne sait pas comment sortir.
Pendant tant d'années, sous le charme de cette armée supposée toute-puissante, la société israélienne s'est convaincue qu'elle était à l'épreuve des projectiles. La vénération absolue de l'armée d'un côté, et le mépris arrogant des voisins régionaux de l'autre, ont fait naître la conviction que nous n'aurions jamais à en payer le prix. Puis vint le 7 octobre, qui brisa – ne serait-ce qu'un instant – l'illusion de l'immunité. Mais plutôt que de prendre conscience de l'importance de ce moment, la société s'est laissé aller à une campagne de vengeance. Car seul le massacre pouvait redonner un sens au monde : Israël tue, les Palestiniens meurent. L'ordre est rétabli.
Les forces du Commandement du front intérieur sur les lieux où un missile balistique tiré depuis l'Iran a frappé et causé des dégâts à Bat Yam, dans le centre d'Israël, le 15 juin 2025. (Chaim Goldberg/Flash90)
C'est pourquoi les images des bâtiments bombardés à Ramat Gan, Rishon LeZion, Bat Yam, Tel Aviv et Tamra (une ville arabe de Galilée) ont été si choquantes. Elles ressemblaient de manière troublante à celles auxquelles nous sommes habitués à voir en provenance de Gaza : des squelettes de béton calcinés, des nuages de poussière, des rues ensevelies sous les décombres et les cendres, des jouets d'enfants serrés dans les bras des secouristes.
Ces images ont brièvement brisé notre illusion collective selon laquelle nous sommes immunisés contre tout. Les victimes civiles des deux côtés – 13 Israélien.ne.s et au moins 128 Iranien.ne.s – soulignent le coût humain de ce nouveau front, même si l'ampleur reste loin de la dévastation infligée régulièrement à Gaza.
L'armée pour doctrine
Il fut un temps où certains dirigeants juifs en Israël comprenaient que notre existence dans cette région ne pouvait se fonder sur l'illusion d'une immunité totale. Ils n'étaient peut-être pas exempts d'un sentiment de supériorité, mais ils avaient saisi cette vérité fondamentale. Le défunt député de gauche Yossi Sarid a un jour rappelé les paroles que lui avait dites Yitzhak Rabin : « Une nation qui montre ses muscles pendant cinquante ans finit par s'épuiser. »
Rabin avait compris que vivre éternellement par l'épée, contrairement à ce que promet Netanyahu dans ses discours apocalyptiques, n'est pas une option viable.
Interception d'une attaque de missiles iraniens sur Israël vue depuis Jérusalem, le 15 juin 2025. (Chaim Goldberg/Flash90)
« Un peuple fort, une armée déterminée et un front intérieur résilient. C'est ainsi que nous avons toujours gagné, et c'est ainsi que nous gagnerons aujourd'hui », a écrit Yair Golan, chef du Parti démocrate – une fusion des partis sionistes de gauche Meretz et du Parti travailliste – dans un message publié sur X après l'attaque de vendredi. Sa collègue du parti, la députée Naama Lazimi, s'est jointe à lui pour rendre hommage « aux systèmes de renseignement avancés et à la supériorité des services de renseignement. À l'armée israélienne et à tous les systèmes de sécurité. Aux pilotes héroïques et à l'armée de l'air. Aux dispositifs de défense d'Israël. »
En ce sens, le fantasme d'une immunité garantie par l'armée est encore plus profond chez la gauche sioniste que chez la droite. La réponse de la droite à ses inquiétudes sécuritaires est l'anéantissement et le nettoyage ethnique – c'est son objectif final. Mais le centre-gauche place presque toute sa confiance dans les capacités supposées illimitées de l'armée. Il ne fait aucun doute que le centre-gauche juif en Israël vénère l'armée bien plus fervemment que la droite, qui la considère simplement comme un outil pour mettre en œuvre sa vision de destruction et de nettoyage ethnique.
Nous, Israéliens, devons comprendre que nous ne sommes pas immunisés. Un peuple dont l'existence dépend uniquement de la puissance militaire est voué à finir dans les bas-fonds de la destruction et, à terme, dans la défaite. Si nous n'avons pas tiré cette leçon fondamentale des deux dernières années, sans parler des quatre-vingts dernières, alors nous sommes vraiment perdus. Non pas à cause du programme nucléaire iranien ou de la résistance palestinienne, mais à cause de l'orgueil aveugle et arrogant qui s'est emparé de toute une nation.
Orly Noy
• Traduit pour ESSF par Pierre vandevoorde avec l'aide de DeepLpro.
Source - +972. 15 juin 2025 :
Une version de cet article a été publiée pour la première fois en hébreu sur Local Call. Vous pouvez la lire ici (en anglais).
• Orly Noy est rédactrice chez Local Call, militante politique et traductrice de poésie et de prose persanes. Elle est présidente du conseil d'administration de B'Tselem et militante du parti politique Balad.
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Entrevue avec Pierre Céré sur son livre, « Voyage au bout de la mine »

« Voyage au bout de la mine » s'avère un livre important pour comprendre comment une compagnie peut détruire un environnement, contrôler une population, recevoir les faveurs des gouvernements et ne jamais subir les conséquences de toute cette destruction.
Pour souligner ce travail d'enquête, Presse toi à gauche a voulu interviewer son auteur monsieur Pierre Céré.
Entrevue réalisée par Ginette Lewis
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De la cryptomonnaie dans une réserve étasunienne

« Rien n'a, comme l'argent, suscité parmi les hommes de mauvaises lois et de mauvaises mœurs ; c'est lui qui met la discussion dans les villes et chasse les habitants de leurs demeures ; c'est lui qui détourne les âmes les plus belles vers tout ce qu'il y a de honteux et de funeste à l'homme et leur apprend à extraire de chaque chose le mal et l'impiété. » (Sophocle, dans Antigone)
Le 6 mars 2025, le président étasunien, Donald Trump, annonçait avoir signé un décret permettant de constituer une « Réserve stratégique de bitcoins » ainsi qu'un stock d'autres actifs numériques (Maruf & Morrow, 2025, 6 mars). Par le fait même, les États-Unis feraient partie des premiers pays à détenir officiellement et, par conséquent, à valoriser et à conserver une masse monétaire numérique. En revanche, il est possible d'observer à l'intérieur de l'administration Trump une prédisposition de ses plus hauts dirigeant.e.s, dont le président lui-même, à vouloir s'enrichir par la cryptomonnaie. Si l'invention n'est pas nouvelle, la mainmise d'un État sur des avoirs de cette sorte expose un changement notable dans les politiques monétaires, au point d'envisager une suite logique du processus historique faisant passer, pour nous restreindre utilement à ces courants, le mercantilisme à l'étalon-on et au monétarisme, afin d'en arriver enfin au « cryptomonétarisme ». Ces notions, doctrines ou régimes seront d'ailleurs définis dans les lignes qui suivront. Il n'empêche que la dernière évolution nous intéressera davantage, au point de susciter un questionnement éthique, puisque des dirigeant.e.s d'un gouvernement sont à la fois législateurs et investisseurs ou même propriétaires de plateformes numériques ; en l'occurrence, cela pousse à nous demander en quoi le marché de la cryptomonnaie diffère-t-il à ce point du marché des monnaies traditionnelles et des métaux précieux, comme l'or ?
De la lettre de change vers l'accumulation de métaux précieux
Avant l'époque de la Renaissance, l'enrichissement reposait sur les guerres, les conquêtes et donc les spoliations des adversaires ; ce qui insinue évidemment une création de la richesse préalable par l'agriculture, le travail artisanal et l'exploitation minière. Même si la monnaie était présente, elle restait peu utilisée par l'ensemble de la population, étant en quelque sorte une marque distinctive de la classe dirigeante et jusqu'à un certain point marchande. Mais avec l'organisation des marchés de l'Europe occidentale, suivant le XIVe siècle, l'apparition des lettres de change a permis des transactions entre les cités-États ou les royaumes. En raison de la présence de diverses monnaies, aux valeurs disparates et sujettes à la volatilité, une mesure d'équivalence devait être établie pour assurer la confiance. Comme l'explique Jean Delumeau (1984, p. 214), la spéculation existait certes, mais rien n'empêchait une entente sur les cours de change, dans la mesure où l'équilibre du marché pouvait être obtenu selon les « places » cotant le « certain » et celles cotant l'« incertain ». Par exemple, au XVe siècle, la trajectoire d'échange portant sur l'écu de Flandres entre Bruges (en Belgique) et Barcelone (en Espagne) « était toujours coté sur les deux places en un nombre variable de sous et de deniers catalans » (Delumeau, 1984, p. 214), alors que Bruges procurait le certain et Barcelone l'incertain. Ainsi, la stabilité « relative » des ententes monétaires se faisaient par comparaison entre plusieurs places bancaires, et ce, en fonction des lettres de change qui concernaient les prix et les marchandises. Et puisque la valeur des monnaies et des changes était largement déterminée par les souverains, les firmes bancaires s'assuraient d'avoir leurs représentants dans les cours. Ce qui captait davantage l'intérêt des grands banquiers-marchands de la Renaissance représentait les affaires financières – les prêts et la spéculation sur les lettres de change – plutôt que l'essor de l'industrie (Delumeau, 1984). Ainsi, accumuler un stock monétaire et des profits devenait une priorité, d'où la promotion du quantitatif qui mena naturellement vers le mercantilisme.
Ce régime peut être compris comme une entrave à la liberté des échanges ou encore comme un système permettant d'accroître la puissance d'un royaume, car il s'agit de l'époque qui a permis de constituer les États nations. Cela dit, Adam Smith (2009[1776]) dans sa Richesse des nations fut d'ailleurs critique à l'endroit du bullionisme pratiqué en Espagne particulièrement durant le XVIe siècle ; par bullionisme – dérivé du terme anglais « bullion » qui signifie « lingot » –, il est question d'une pratique consistant à l'enrichissement d'un État par l'accumulation de métaux précieux, tels que l'or et l'argent, tout en interdisant leur exportation sous peine de sanctions (Spector, 2003, p. 290). Ainsi, l'idée préconçue selon laquelle l'argent fait la richesse dominait les pensées et supposait sa réalisation possible uniquement dans l'abondance d'or et d'argent.
Après avoir exploité les ressources des mines d'Europe en ce sens, l'exploration de l'Amérique (et la colonisation de l'Amérique centrale et des deux continents [Amérique du Nord et Amérique du Sud]) ouvrit la voie à une montée des importations de métaux précieux soutirés du sol des nouvelles colonies. Comme le souligne Smith (2009[1776], pp. 134 et 138), le mercantilisme fait perdre de vue la raison d'être de la monnaie, « comme instrument de commerce et comme mesure des valeurs », afin de devenir une fin en elle-même, alors que la richesse, pour lui, se réalise pourtant dans l'échange : « […] la richesse ne consiste pas dans l'argent ou dans la quantité de métaux précieux, mais dans les choses qu'achète l'argent et dont il emprunte toute sa valeur, par la faculté qu'il a de les acheter ». D'ailleurs, les entraves au commerce et la recherche excessive d'or et d'argent ont causé la banqueroute de l'Espagne, et c'est sans compter la tendance de l'époque à retirer en panique les dépôts des banques à la moindre alerte (Delumeau, 1984). Il n'empêche que l'Espagne voyait dans son bullionisme l'occasion d'affirmer sa suprématie sur les autres États, mais n'a point su toutefois encourager son industrie au même titre que la France.
Car le mercantilisme peut aussi revêtir les apparats du colbertisme, en favorisant toujours l'accumulation des métaux précieux, sans pour autant restreindre totalement leur exportation. Pour Colbert, la puissance de l'État s'associe à la prospérité économique, dans le sens selon lequel l'accumulation de métaux précieux doit se faire par le commerce et l'industrie, alors que des mesures protectionnistes viennent protéger le marché intérieur et une réglementation encadre en plus l'industrie (Spector, 2003)[1]. Il s'agit à la fois d'un processus d'enrichissement, mais surtout de la constitution d'une réserve, voire d'un trésor. En revanche, emmagasiner pour emmagasiner sert à quoi ? C'est justement la concrétisation de l'idée selon laquelle la richesse correspond à l'accumulation d'une masse précieuse surpassant celles des autres. Voilà l'intérêt, l'ambition, la cupidité, l'orgueil, l'ego, etc. Par la suite, l'inflation et la dilapidation dans des dépenses de luxe feront du tort, au même titre qu'a connu l'Espagne qui a totalement déréglé son économie (Fauquier, 2018).
Mais l'or et l'argent restent associés à la monnaie. Comme le dit Joseph Rambaud (1909, p. 107) : « […] si l'on est mercantiliste, ce n'est pas que la monnaie soit la richesse par excellence : c'est tout simplement parce qu'elle est la forme la plus facilement réalisable et qu'à cet égard on a bien vite conclu de l'économie privée à l'économie publique, pour étendre à l'État tous ces avantages que la possession de la monnaie procure aux particuliers ». Encore une fois, malgré quelques innovations, la stabilité des monnaies demandait toutefois à être concrétisée. Au même titre que nous pourrions critiquer le bitcoin de nos jours, les monnaies de la Renaissance subissaient gravement les ambitions des plus puissants, ici les souverains, mais aussi les aléas de dame Nature, tout en étant alors sujettes à la spéculation et donc à une forte volatilité. Comparer une monnaie avec une autre n'apportait pas la confiance voulue, d'autant plus que les variations de l'une avaient un impact sur l'autre et vice versa. Par conséquent, il fallait s'entendre sur une unité de comparaison extérieure commune, voire un étalon.
Des étalons, encore le gain de l'or et le tournant monétariste
Puisque les États s'intéressaient particulièrement à l'or et à l'argent, en raison de leur valeur reconnue universellement, pourquoi alors ne pas en faire des étalons ? Ainsi, dans les efforts visant à stabiliser les monnaies et à renforcer les systèmes de marché, on en est venu à établir une relation d'entente entre la production d'or et d'argent avec la formation d'une masse monétaire. Les deux étalons se sont donc côtoyés un bon moment, jusqu'à la crise bancaire de 1873[2] qui a donné l'avantage à l'or, considéré plus solide dans le maintien de la monnaie. Mais l'abandon de l'étalon-argent ou encore celui bimétallique au profit de l'or ne s'est pas fait en vertu d'un accord entre les pays (Weber, 2016). Il s'agissait plutôt d'actes indépendants qui imitaient la décision des États ayant une place prépondérante sur les marchés. En 1821, l'Angleterre adopta « légalement » l'or comme seul support à sa monnaie ; l'Allemagne abandonna l'argent au profit du mark-or en 1872, après avoir reçu d'importants dédommagements de la France aux lendemains de la guerre franco-prussienne de 1870 ; le Canada, de son côté, se tourna également vers l'étalon-or en 1853, tandis que la France cessa son utilisation de l'étalon bimétallique en 1878 et les États-Unis, avec la reprise de la convertibilité des billets du pays en or, s'y soumirent en 1879 – par contre, la Loi sur l'étalon-or étasunienne ne fut adoptée qu'en 1900 (Weber, 2016).
Comme l'explique Karl Marx (1968[1867], p. 178), l'or pouvait fonctionner comme un équivalent à toute autre marchandise ; plus que cela, il procurait « à l'ensemble des marchandises la matière dans laquelle elles expriment leurs valeurs comme grandeurs de la même dénomination, de qualité égale, et comparables sous le rapport de la quantité ». Ainsi, comme mesure universelle des valeurs, l'or pouvait être associé à la monnaie. S'ajoute aussi sa fonction d'étalon des prix, car, « [c]omme mesure des valeurs, il sert à transformer les valeurs des marchandises en prix, en quantités d'or imaginées » ; ensuite, « [c]omme étalon des prix, il mesure ces quantités d'or données contre un quantum d'or fixe et subdivisé en parties aliquotes » (Marx, 1968[1867], p. 183). C'est le principe d'adosser la monnaie à un équivalent en or qui assurait la stabilité désirée[3]. Sous l'étalon-or, les banques centrales et les trésors pouvaient émettre des monnaies fiduciaires, à savoir des billets de banque – ou monnaie papier – qui, sans être garantis à 100 % par l'or, devaient être remboursés contre une quantité d'or spécifique (Weber, 2016). Karl Polanyi (1983[1944], p. 271) l'explique bien : la monnaie-marchandise associée à l'or était vitale pour le commerce extérieur, tandis que la monnaie fiduciaire l'était pour le commerce intérieur, d'où leur union jugée essentielle à l'époque. Et puisque le marché extérieur avait une grande influence sur les activités intérieures, il fallait un mécanisme qui assurerait une bonne marche et une stabilité dans les échanges et entre les monnaies.
Voici un résumé de ce mécanisme : tout d'abord, à l'intérieur du pays, l'augmentation des prix ou l'inflation découlerait d'une dissymétrie entre le stock d'or monétaire qui augmente plus vite comparativement au taux de croissance de la production réelle d'or, ce qui signifie, à l'inverse, une baisse des prix ou une déflation lors d'une augmentation moins rapide du stock d'or monétaire comparativement au taux de croissance de sa production réelle. La stabilité s'obtiendrait donc à la fois dans la relation entre la monnaie et l'or ainsi que dans leur quantité ; et l'or joue ici un rôle majeur. Alors, si la production d'or augmente trop vite, causant une inflation, le mécanisme d'ajustement naturel ferait en sorte de rendre plus coûteuse la production d'or par la hausse des prix, ce qui entraînerait une diminution du besoin d'en produire et rétablirait lesdits prix. À l'inverse, la déflation encouragerait l'exploration et la production d'or, créant alors une inflation pour revenir à la stabilité (Weber, 2016). Ensuite, pour s'assurer le bon fonctionnement de ce mécanisme dans un contexte d'échange avec les autres pays, tous les partenaires devaient se conformer à l'étalon-or ; non seulement pour garantir une solidité monétaire et une confiance dans l'échange, mais parce que la monnaie fiduciaire d'un pays ne pouvait circuler sur le sol d'un autre (Polanyi, 1983[1944]). Dès lors, l'exigence de deux prérequis : l'arbitrage[4] de l'or entre les pays et évidemment le maintien par chacun d'une réserve d'or. Ainsi, selon la théorie quantitative de la monnaie, le niveau des prix dans un pays augmente lorsqu'il importe de l'or et diminue lorsqu'il en fait sortir (Weber, 2016). Cela se répercute sur la balance des paiements[5], puisque si elle est excédentaire, il y aura eu entrée d'or ce qui fera augmenter la masse monétaire et, par ricochet, le niveau des prix ; ensuite, cette hausse des prix sur les biens tend à les rendre moins attrayants pour les pays étrangers, faisant ainsi réduire l'excédent de la balance. Bien entendu, l'inverse s'explique sensiblement de la même façon. En bref, la circulation d'or se répercute sur la balance des paiements, dont le solde excédentaire ou déficitaire entraîne des variations de la masse monétaire, d'où des répercussions sur les prix qui viendraient compenser le déséquilibre de départ.
Cet ajustement presque automatique de la balance des paiements sous l'étalon-or donne aussi l'avantage d'empêcher, dans une certaine mesure, les pays à vouloir modifier la teneur en or de leurs monnaies fiduciaires, soit à des fins de dévaluation, soit de réévaluation, afin de dégager des excédents ou de combler des déficits (Weber, 2016). Pour être plus clair, l'étalon-or permettait de faire baisser les prix dès que le taux de change était menacé de dépréciation, mais aussi la hausse du taux de change entraînait une augmentation des prix via l'injection d'or, comme il le fut précisé plus tôt (Polanyi, 1983[1944]). Malgré ses avantages, l'étalon-or a pourtant été abandonné, et ce, peu avant et pendant la Grande Dépression des années mille neuf cent trente[6]. Pourquoi ? Selon Warren E. Weber (2016), les pays adhérents n'ont jamais réellement respecté ses mécanismes ; autrement dit, leur autorité monétaire n'ajustait pas leurs taux directeurs en fonction des entrées et des sorties d'or affectant la balance des paiements ou, lorsqu'elle le faisait, c'était pour agir en sens contraire. De plus, l'engagement de rembourser par de l'or les émissions de monnaie fiduciaire restait conditionnel à chaque pays, et n'a pas été respecté. Mais un pays pouvait déroger de cet engagement en raison d'un cas de force majeur, par exemple, une guerre ou une crise financière. L'urgence passée, il devait ensuite revenir à la convertibilité de la monnaie et de l'or à parité ; ce qui signifiait aussi de ramener les taux de change entre les pays à ce qu'ils étaient. Polanyi (1983[1944]) abonde dans le sens de Weber, puisque les puissances de l'époque, à savoir la Grande-Bretagne et les États-Unis, subitement en difficulté, se sont mis à manipuler leurs monnaies. Parce qu'il faut comprendre qu'avec les méthodes utilisées par les banques centrales, la gestion des crédits s'est améliorée et, de surcroît, la force des monnaies fiduciaires, rendant ainsi caduques les règles automatiques de l'étalon-or. Ce qui allait alors dominer par la suite sera le pouvoir d'achat offert par la monnaie.
En bref, si les pays ont adopté l'étalon-or, c'était d'abord afin d'assurer la stabilité des taux de change avec leurs partenaires commerciaux également convertis. Le mécanisme d'arbitrage causait toutefois des coûts, ce qui occasionnait aussi une variation des taux de change entre les diverses monnaies fiduciaires, d'où des déviations aux règles de l'étalon. Cette variabilité des cours différait cependant en raison de la proximité géographique et l'étroitesse des liens économiques et financiers entre les pays qui transigeaient leur or. Ainsi, le coût d'arbitrage s'avérait moindre entre le Canada et les États-Unis comparativement à ce dernier et la France, par exemple. Tout compte fait, l'abandon de l'étalon-or se justifie par l'organisation des banques centrales et l'amélioration de la stabilité des monnaies et des taux de change. Cela n'a pas empêché le recours à l'or comme valeur refuge ni de considérer aussi certaines monnaies, comme le dollar US et la Livre sterling.
Si le keynésianisme, prêchant une intervention de l'État afin de renverser la Grande Dépression et donc les poussées déflationnistes, avait la cote, il s'est toutefois rapidement heurté au choc pétrolier et à la crise du début des années soixante-dix, prophètes à la fois de l'inflation, du chômage et de la récession. Cet épisode attira l'attention sur ce qui deviendra le monétarisme[7] de Milton Friedman, économiste et statisticien étasunien, pour qui la Grande Dépression et les difficultés survenues par la suite furent causées justement par des manipulations des masses monétaires par les banques centrales ; autrement dit, elles sabotaient par leurs politiques l'autorégulation naturelle des marchés (Aftalion & Poncet, 1984). Dans ce cas, l'inflation s'expliquerait uniquement par le déséquilibre causé par une quantité de monnaie supérieure par rapport aux besoins économiques nationaux. Ainsi, la meilleure politique monétaire consisterait « à maintenir un taux d'expansion monétaire régulier compatible avec une croissance non inflationniste » (Aftalion & Poncet, 1984, p. 6). En d'autres termes, la solution se résume à trouver la bonne quantité de monnaie pour créer un pouvoir d'achat constant.
Cette approche théorique a influencé le néolibéralisme sous Ronald Reagan et Margaret Thatcher (père et mère du néo-conservatisme). Or, sa simplicité suppose d'ignorer plusieurs facteurs susceptibles d'agir sur l'évolution des marchés, ce qui peut certes se répercuter sur la monnaie. Mais encore une fois, l'esprit derrière la richesse repose sur la possession d'argent – de monnaie –, ramenant au jour l'idée préconçue soulignée par Adam Smith quelques siècles plus tôt. Ainsi, le monétarisme a été rapidement délaissé pour favoriser des politiques discrétionnaires.
Une monnaie virtuelle et cryptée, un nouveau monde
Par un saut qualitatif volontaire, en atterrissant dans les années qui suivirent la crise financière de 2008, occasionnée par des produits financiers douteux, l'appât du gain et l'illusion voulant que certaines banques fussent « trop grandes pour faire faillite » (Stuckler & Basu, 2014), se produisit le 22 mai 2010 l'événement baptisé le « Bitcoin Pizza Day » (CryptoVantage, s.d.). Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la première transaction dans le monde réel à l'aide du bitcoin a servi à acheter deux pizzas payées par une personne vivant en Angleterre, commandées à une pizzeria des États-Unis pour être livrées à quelqu'un d'autre habitant la Floride. On vient de sortir d'une crise financière majeure, associée à des produits financiers jugés « dangereux », et voilà l'apparition d'une monnaie virtuelle de prime abord sans appui de garantie et donc spéculative et volatile. Peu importe, si l'idée de la cryptomonnaie est apparue dans les années quatre-vingt-dix, avec ensuite quelques essais infructueux[8], il fallut attendre le livre blanc intitulé Bitcoin – A Peer to Peer Electronic Cash System (2008) qui impliquait le mode de fonctionnement du « blockchain », c'est-à-dire un système dans lequel les transactions en bitcoin peuvent être enregistrées et maintenues dans plusieurs ordinateurs reliés entre eux pour former un réseau. Car l'idée derrière la création de la monnaie virtuelle reposait notamment sur la possibilité d'envoyer des sommes d'argent protégées, et ce, sans même l'intervention d'une entité officielle (CryptoVantage, s.d.). Autrement dit, les initiateurs souhaitaient créer une monnaie libre de toutes contraintes du monde réel, mais pouvant aussi agir sur lui. Ainsi, le premier bloc du réseau bitcoin, baptisé Genesis Bloc ou « Bloc de la Genèse », a été mis en activité le 3 janvier 2009, alors que les premières transactions sont survenues en avril 2010 et le mois suivant les pizzas ont pu être achetées (CryptoVantage, s.d.).
Depuis, le marché des cryptomonnaies a subi une expansion. Au bitcoin se sont greffés d'autres grands joueurs, tels qu'Ethereum, Solana, Cardano, Tezo, etc., en plus des mèmes qui ont fait leur entrée – nous y reviendrons. Cette liberté offerte par le cyberespace a attiré évidemment autant les investisseurs vertueux que les spéculateurs et les fraudeurs. En 2014, la plus importante plateforme d'échange du monde, à savoir Mt. Gox, s'effondra et déclara faillite après la perte de 850 000 bitcoins (CryptoVantage, s.d.). Le réflexe exigea d'encadrer et de sécuriser davantage les plateformes. Par contre, il n'est pas aisé de retracer les malfaiteurs, puisque toutes les opérations en cryptomonnaies se font dans l'anonymat. Depuis 2019, les principales plateformes se sont dotées de garanties sur leur réserve de cryptomonnaies en cas d'attaque informatique ; il s'agit de fonds sécurisés d'urgence comme celui de Binance (CryptoVantage, s.d.). Par ailleurs, l'ampleur et l'engouement suscités par les cryptomonnaies, surtout le bitcoin, ont forcé la prise de conscience d'une nouvelle réalité monétaire, d'autant plus que le cyberespace demeure encore à ses premiers balbutiements.
Une nouvelle fois surgit l'idée d'un étalon, cette fois-ci en bitcoin. Automatiquement vient le besoin de créer des réserves, comme on le faisait – et on le fait encore – avec des valeurs refuges comme l'or et certaines monnaies traditionnelles. Le parallèle avec l'étalon-or est effectivement intéressant. Comme le souligne Weber (2016), autant l'étalon-or que le bitcoin peuvent œuvrer sans la présence des banques centrales et autorités monétaires. Par contre, si l'or exige une production qui fait évoluer le stock mondial, dans le cas du bitcoin, un algorithme sert plutôt à régir l'arrivée de nouveaux jetons. Ce dernier point s'avère important, dans la mesure où l'arbitrage entre les pays au sujet de l'or entraîne des coûts et, par surcroît, il est difficile de prédire l'avenir des fluctuations du stock d'or, y compris la découverte de nouveaux gisements. Or, le bitcoin profite d'un algorithme qui statue d'avance le nombre limite de jetons à créer, alors que l'instantanéité des calculs rend les frais d'arbitrage quasi nuls – automatiquement, les taux de change entre les monnaies fiduciaires des pays seraient fixés au pair. Malgré tout, Weber prétend à des crises financières avec l'étalon-bitcoin, comme il y en a eu avec l'étalon-or. Parce que la compensation, qu'elle soit équivalente en or ou en monnaie, n'est jamais complètement symétrique. Et qui dit qu'il n'y aura pas en plus manipulation ! Sur la question de la stabilité ou de la durabilité de l'étalon-bitcoin, Weber (2016, pp. 21-22) revient avec les éventualités d'incertitudes économiques et de crises financières : « Un ralentissement cyclique majeur ou une crise financière entraînerait des pressions politiques et des demandes pour que les banques centrales lèvent les “entraves Bitcoin” qui les empêchent d'augmenter la circulation monétaire pour stimuler l'économie ou d'apporter une aide massive aux institutions financières en difficulté [comme ce qui a été nécessaire suite à la crise de 2008]. Les banques centrales ou les gouvernements finiraient par céder à cette pression et rompre le lien entre leurs monnaies et le Bitcoin, tout comme l'ont fait les banques centrales et les gouvernements lorsqu'ils ont abandonné l'étalon-or avant et pendant la Grande Dépression[9] ». Apparaît aussi l'avenue d'une perte d'intérêt et d'usage du bitcoin. Face à une compétition entre les cryptomonnaies, l'une d'entre elles pourraient le remplacer, parce que jugée comme possédant des attributs plus appropriés afin de garantir des prix plus stables ou une inflation modérée (Weber, 2016). Rien n'empêche non plus la proposition par les banques centrales d'une monnaie fiduciaire « utile » pour concurrencer le bitcoin ; « utile » dans le sens où celle-ci, selon Weber (2016, p. 23), peut être adossée à du tangible, voire « à des matières premières ou à un panier de matières premières[10] ». Mais est-ce que l'administration Trump est au courant des risques entourant leur usage ? ou plutôt pourquoi voudrait-elle les prendre en toute connaissance de cause ?
Trump, son administration et les cryptomonnaies
Quelques jours avant son investiture lui accordant un second mandat à la Maison-Blanche, Donald Trump avait mis en vente sa « meme coin », c'est-à-dire, en le traduisant de cette façon, un mème en cryptomonnaie, voire un type le plus souvent utilisé pour les escroqueries. Dans le but de mieux définir la notion, le mème en cryptomonnaie représente un contenu ou un actif sans valeur, mais qui en obtient une en raison de la popularité manifestée dans son partage entre plusieurs personnes (Morrow, 2025, 21 janvier). Dans le cas du président étasunien, il est question du mème $TRUMP, y compris celui de son épouse $MELANIA ; à cela s'ajoute la possession par la famille Trump d'une plateforme appelée World Liberty Financial qui émet un stablecoin nommé USD1 (Morrow, 2025, 20 mai). Pour offrir des protections aux investisseurs, le site de $TRUMP informe de l'impossibilité de sorties hâtives, de façon à préférer le respect d'un calendrier de déblocage basé sur trois ans. À noter qu'en janvier 2025, le marché des cryptomonnaies possédait une valeur de 3,5 trillions de dollars US, offrant en plus une facilité à qui le veut bien de lancer son propre mème (Morrow, 2025, 21 janvier). On en revient donc aux risques associés à la volatilité des cryptomonnaies, y compris à la difficulté de différencier celles honnêtes de celles frauduleuses. Cela est d'autant plus vrai que l'attrait à ce marché à des fins d'enrichissement est grand. Par exemple, le $TRUMP, géré par la Trump Organization, a empoché en une seule journée environ 58 millions de dollars US en frais de transaction et sans rien n'avoir vendu (Morrow, 2025, 21 janvier). Voilà l'intérêt de la chose : un enrichissement rapide et facile.
En mars de la même année, le président étasunien annonça la création d'une réserve stratégique de bitcoins et d'un stock d'autres actifs numériques par décret, qui seraient administrés par un bureau mis sur pied par le département du Trésor à cet effet (Maruf & Morrow, 2025, 6 mars). Cette réserve serait constituée à partir des bitcoins confisqués par le gouvernement des États-Unis, en vertu de procédures civiles et pénales sur la confiscation d'actifs de gens fautifs. Selon le responsable de l'IA et des cryptomonnaies à la Maison-Blanche, David Sacks, l'avantage de la réserve tient compte d'une offre de bitcoin fixe, limitant ainsi l'imprévisibilité, à savoir un avantage que nous avons cité auparavant et en lien avec l'étude de Weber (Maruf & Morrow, 2025, 6 mars). Or, on accuse Sacks d'être en conflit d'intérêts, puisqu'étant cofondateur de Craft Venture, une compagnie de technologie et d'investissement, dont en cryptomonnaies. Si la logique donne raison d'avoir à la Maison-Blanche quelqu'un qui s'y connaît en matière de technologie numérique, est-ce convenable pour cette personne de détenir des investissements ou même d'être propriétaire d'une entreprise issue du domaine qui concerne ses fonctions gouvernementales ? Voilà la question éthique.
Outre Sacks et bien sûr le président Trump, d'autres membres de l'administration étasunienne actuelle possèdent également des intérêts dans les cryptomonnaies, ce qui laisse sous-entendre un argument autre que celui d'un filet de sécurité pour le gouvernement par la création d'une réserve stratégique. En effet, le secrétaire du Commerce, Howard Lutnick, a démontré rapidement son enthousiasme au projet du président d'adopter les cryptomonnaies. D'ailleurs, parmi les détenteurs actuels figure Cantor Fitzgerald, une société d'investissement étasunienne spécialisée dans le courtage, qui a été dirigée par Lutnick pendant plusieurs décennies avant de passer les rênes à son fils de 27 ans (Morrow, 2025, 13 mars). Pour être encore plus précis, Cantor Fitzgerald représente le principal partenaire de Tether, un émetteur de l'une des cryptomonnaies les plus négociées, et a acquis une participation évaluée à 1,58 milliard de dollars US dans MicroStrategy, à savoir le plus grand détenteur de bitcoins du monde (Morrow, 2025, 13 mars). À Lutnick s'ajoutent notamment le secrétaire du Trésor, Scott Bessent, et la directrice du Renseignement national, Tulsi Gaddard, détenant des investissements en cryptomonnaie (Morrow, 2025, 13 mars). Ces derniers se sont engagés à liquider 1 million de dollar US de leur avoir.
Conflit d'intérêts et corruption semblent apparaître dans le portrait. Et avec Trump au pouvoir, même la SEC (Securities and Exchange Commission) a dû reculer dans son intention de réguler les cryptomonnaies (Morrow, 2025, 13 mars). En plus, le président de JPMorgan, Jamie Dimon, a changé de ton sur le sujet, lui qui pourtant dans une audition au sénat étasunien en 2023 disait s'opposer farouchement au bitcoin et aux autres cryptomonnaies, dont il considérait leur utilité seulement pour « la criminalité, le trafic de drogue, le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale[11] » (Sigalos & Son, 2025, 19 mai). L'administration Trump poursuit donc dans son orientation, alors qu'un important projet de loi visant à soutenir l'industrie des cryptomonnaies est en marche ; il porte le nom de GENIUS (Guiding and Establishing National Innovation), afin de favoriser les « stablecoins[12] », voire des cryptomonnaies stables (Morrow, 2025, 20 mai). Si les démocrates ont d'abord refusé d'appuyer le projet de loi, en raison surtout des manœuvres du président Trump agissant en dehors du cadre établi, entre autres celle d'organiser un dîner privé entre les principaux détenteurs du $TRUMP, sans oublier l'épisode du jet luxueux offert par le Qatar qui met en jeu les entreprises familiales en cryptomonnaie du président étasunien[13], à savoir des risques d'influence sur la législation à des fins personnelles, une volte-face s'est produite ensuite (Morrow, 2025, 20 mai). Pourquoi ? Parce que le secteur des cryptomonnaies a injecté des millions de dollars US lors de la dernière campagne, autant pour le compte des démocrates que celui des républicains et, de toute façon, la technologie blockchain est là pour durer – on ne peut donc rebrousser chemin.
Rappelons-nous aussi la présence de grands noms du web à la Maison-Blanche, lors du retour de Trump à la présidence. Amazon, Google et Meta[14] ont d'ailleurs un intérêt dans les cryptomonnaies et selon Hilary Allen, professeure de droit à l'American University, le projet de loi permettrait aux grandes plateformes numériques de devenir l'« équivalent fonctionnel » (« functional equivalent ») des banques (Morrow, 2025, 20 mai). Il n'y aurait donc presque aucune résistance à l'émission de stablecoins par les géants de la technologie web. L'avantage indéniable des transactions en stablecoin se résume à l'intégrer aux applications et, du coup, à forcer les utilisateur.trice.s à y rester, permettant ainsi de recueillir davantage d'informations sur ces dernier.ière.s et leurs habitudes d'achat (Morrow, 2025, 20 mai). Par conséquent, la plus grande préoccupation de la professeure Allen repose sur ces facteurs susmentionnés, qui lui rappellent la crise de 2008 susceptible donc de se répéter avec la cryptomonnaie et les grandes compagnies du web. Car il est toujours question d'un produit financier, d'un marché également, non exemptés des mouvements de panique. Et le commentaire du vice-président étasunien, J. D. Vance, lors d'une conférence tenue à Las Vegas le 28 mai 2025, n'a rien de rassurant au sujet de l'encadrement de la cryptomonnaie : d'abord, lorsqu'il dit : « Nous comprenons tout le potentiel du secteur des actifs numériques, non seulement en tant qu'investissement, non seulement en tant que technologie de pointe, mais aussi en tant que symbole et vecteur de liberté individuelle pour tous nos citoyens et nous sommes déterminés à concrétiser cette promesse[15] » (CNN News Central, 2025, 28 mai) ; et ensuite : « Peut-être la chose la plus importante que nous ayons faite pour cette communauté est de rejeter les régulateurs et de limoger Gary Gensler [président de la SEC sous l'ère Biden], et nous allons licencier tous ceux comme lui[16] » (Waldenberg & Morrow, 2025, 28 mai). Voilà un discours libertarien, un discours sur une sorte de monétarisme, pour ne pas dire un « cryptomonétarisme », dans un laisser-aller du marché avec donc une faible intervention de l'État.
Or, exagérons-nous la situation sur la base même d'une « cryptophobie », parce qu'il y a eu depuis l'apparition du bitcoin des histoires de fraude et de pertes majeures ? N'est-ce pas aussi ce qui est arrivé jadis avec les monnaies traditionnelles, sujettes aussi à la spéculation, autant que l'or et l'argent en ont subi les effets, au point de provoquer des paniques et des banqueroutes de banques, à savoir des histoires à faire peur ? Tout revient à équilibrer la crainte du risque et l'appât du gain ; autrement dit, à savoir créer un climat de confiance. Chose certaine, un pur laisser-aller des cryptomonnaies semble entrer en contradiction avec l'apaisement des peurs, tandis qu'une régulation excessive n'est pas mieux et risque d'entraîner la perte de leurs avantages. D'une certaine façon, la réflexion se dirige ensuite vers « qui » tentera d'encadrer cette industrie et avec « quelles » intentions. Force est d'admettre que la polarisation politique des États-Unis se répercute dans les discours sur la cryptomonnaie, d'abord, en voyant dans l'administration Trump un allié, ensuite, en voyant dans cette même administration et son président la volonté de satisfaire des intérêts personnels au détriment du bien commun. D'ailleurs, les doutes portés à l'endroit du président étasunien interfèrent dans le traitement de la question beaucoup plus large de la cryptomonnaie, supposant la nécessité d'un effort visant à le tasser un tant soit peu de l'équation, afin de mieux réfléchir – même si cela peut être ardu. Cela dit, la décision de créer une réserve stratégique et d'encourager également les stablecoins, oblige de s'interroger sur le rôle des banques centrales et d'un possible étalon-bitcoin ou autres choses. À la lumière de notre compréhension de l'épisode en cours, l'industrie des cryptomonnaies ainsi que l'administration Trump revendiquent une liberté d'action, en évitant les entraves de la SEC et donc aussi de la banque centrale étasunienne, sur la base d'une compétition entre les cryptomonnaies, dont la victoire de certaines sera considérée à partir d'une stabilité garantie par leur parité avec le dollar US. En d'autres termes, l'étalon recherché ne porte pas sur une virtualité comme le bitcoin, mais sur une monnaie réelle, tangible ; en plus, celle-ci peut être rapportée à une valeur refuge comme l'or, si le besoin se fait sentir. N'est-ce pas là une protection suffisante, diront les partisans des cryptomonnaies et donc forcément des stablecoins ? Mais cette supposition expose cette tendance à vouloir répéter l'histoire, surtout dans les moments d'hésitation. En effet, l'usage supposé ici de l'étalon-dollar US adossé aux cryptomonnaies ressemble étrangement à l'étalon-or adossé aux monnaies fiduciaires. Et comme Weber (2016) l'a dit, un étalon est susceptible de disparaître un jour, ce qui insinue l'éventualité d'un marché de la cryptomonnaie exempté de son étalon terrestre…
Pour l'instant restons-en à l'hypothèse de l'étalon-dollar US, afin de considérer l'hésitation à vouloir abandonner totalement le système monétaire actuel, ce qui s'avère effectivement justifié : car il faut gagner et conserver la confiance des investisseurs et de la population en général qui s'y intéressera d'ailleurs de plus en plus. Reste le ménage à faire dans les centaines – et plus – de cryptomonnaies en circulation, en incluant bien sûr les mèmes, d'où un retour forcé vers les considérations éthiques. En reprenant l'exemple du mème $TRUMP, il y a ici renforcement des craintes et des doutes, en dépit du fait que certaines personnes pourraient y voir un consentement ou un appel par le président étasunien à l'adhésion désirable à la cryptomonnaie. Il faut souligner le principal problème : le meme coin est un actif sans valeur à la base, sans utilité ; il gagne et perd en valeur seulement en raison de sa popularité, ce qui revient à l'évaluation sociale de l'image de son émetteur à travers une cotation économique, voire monétaire. Nous voilà dans la pure spéculation et la fantaisie ; il s'agit de donner à quelqu'un le pouvoir de créer quelque chose avec rien, d'où une contradiction fondamentale avec l'esprit économique de la production et de l'échange d'un bien ou d'un service contre une rétribution de la même valeur. Dans le cas présent, on amène des gens à dicter la valeur d'une chose qui n'en a pas. Pourquoi alors poser ce geste pouvant être perçu comme insensé, alors qu'il existe des actifs et d'autres biens et services utiles, voire aussi des monnaies bien établies et également utiles ?
Au-delà de l'explication de « l'attrait de la nouveauté » (Morrow, 2025, 21 janvier), il faut reconnaître l'ambition de vouloir créer son propre marché, d'entraîner d'autres avec soi, dans le but unique de provoquer des surenchères qui peuvent rapporter à celui ou celle qui a su se retirer au bon moment. On se transpose ainsi dans la société des loisirs, des individus et du jeu, le meme coin devenant une occasion de tester sa valeur sociale, pour l'instigateur.trice, et ses talents de spéculateurs, au lieu d'investisseurs, pour les joueur.euse.s aimant la témérité, alors que les règles du jeu sont simplifiées au maximum, c'est-à-dire remporter la plus grosse cagnotte. En vérité, le véritable gagnant est l'émetteur qui engraisse son trésor, grâce aux multiples frais de transaction, en laissant les joueur.euse.s procéder à leurs achats et ventes. Mais est-ce si différent du marché des actions ? Dans ce dernier cas, il existe un cadre et les délits d'initié sont punis. Où est le délit d'initié dans un mème ? À la lumière de ce qui se dessine pour le marché de la cryptomonnaie sous l'administration Trump, les règles limitées tourneraient autour de celles présentées pour le $TRUMP, c'est-à-dire un calendrier de vente pour éviter les sorties trop brusques ; en revanche, une telle cédule peut créer un effet intéressant sur les frais de transaction, dans la mesure où, tout dépendant de la volatilité de la cryptomonnaie, les joueur.euse.s seront tenté.e.s d'acheter ou de vendre à « petits feux », puisque restant attaché.e.s plus longtemps à la plateforme, ils et elles voudront « jouer » plus longtemps, d'où des déboursés plus fréquents en frais de transaction.
Par ailleurs, les gens du monde économique pourraient voir dans les meme coins l'application d'une logique comparable à l'échange de n'importe quel bien ou service, dans le sens où la valeur ne dépendrait pas du coût de production, mais de son attrait : il possède une valeur dès le moment où il est acheté. Cette première opération serait donc à la base de la création de la valeur et de la richesse, selon ce point de vue. Puisqu'il est acheté, il obtient une utilité ; dans ce cas-ci, elle relève, d'une part, de sa capacité à générer une élévation du capital, et d'autre part, de sa capacité à donner le pouvoir d'acheter d'autres biens et services. Par conséquent, il n'y a pas de différence par rapport à l'investissement sur les marchés monétaires conventionnels ou encore dans l'achat de métaux précieux. Or, la cryptomonnaie permet une liberté, c'est-à-dire elle offre cette impression de pouvoir agir en dehors des règles, d'être son propre maître d'œuvre… ; ce qui semble n'avoir aucune valeur – donc le rien du mème –, d'après notre première interprétation, serait une erreur, car, en réalité, la liberté elle-même est évaluée. C'est cet esprit de liberté sur lequel le vice-président étasunien capitalise d'ailleurs. La question éthique et morale doit alors reposer plutôt sur cet aphorisme nécessaire de rappeler en contexte sociétal, c'est-à-dire sur le respect d'autrui, puisque la liberté de l'un commence là où celle de l'autre arrête. Bien entendu, avec le mème $TRUMP, le président étasunien s'enrichit, et ce, parce que certaines personnes ont choisi d'investir de la sorte. Devons-nous les leur interdire ? Non. Par contre, comment les protéger des actes frauduleux, donc contraignants à leur droit de liberté ? Une réponse facile serait de leur imposer la faute dès le départ, car malgré les risques évidents elles ont tout de même choisi ce mode d'investissement. Mais ont-elles réellement agi en toute connaissance de cause ? ont-elles été bien renseignées ? S'il existe des balises, des règles, c'est en raison d'un choix collectif d'assurer une stabilité et une confiance. Dans ce cas, la question éthique à poser devrait-être la suivante : quels comportements doivent être admis, autant par les émetteurs que les investisseurs, afin d'assurer le bon fonctionnement et l'essor des cryptomonnaies ?
À vrai dire, la principale préoccupation semble davantage concerner le fait de posséder des actifs en cryptomonnaies par des personnes occupant des fonctions importantes au sein d'un gouvernement – il faudrait aussi ajouter la propriété de plateformes d'échange. Si tout le monde avait en réserve de la cryptomonnaie, comme aujourd'hui nous avons de l'argent dans nos comptes bancaires, les craintes seraient alors infondées. Pourtant ce genre de question ne semblait pas affecter les époques passées, avec leurs banquiers qui faisaient la pluie et le beau temps. La différence majeure repose sur les époques elles-mêmes ; les marchés sont différents, puisqu'aujourd'hui les échanges se font à l'intérieur de marchés immenses et interdépendants, et ce en fonction d'un système qui s'est rodé avec le temps lui-même. S'ajoute désormais la particularité du marché virtuel qui pénètre dans celui réel. Il n'empêche que les soubresauts vécus en raison des cryptomonnaies permettent de faire ce parallèle des débuts, où l'histoire nous invite à éviter les erreurs à ne point répéter. Or, si la tendance autrefois consistait à voir des bourgeois et des chefs d'entreprises supporter des candidats aux élections, désormais on les voit poser eux-mêmes leur candidature. Ce faisant, le portrait politique a changé et, dès lors, apparaît le problème éthique, puisque des politiciens sont appelés à préparer des lois qui auront un impact sur leur domaine d'activités économiques. Si les inciter à se départir de leurs actifs semble être la meilleure solution, on s'aperçoit plutôt de leur transfert dans des fiducies sans droit de regard, ce qui n'élimine point leurs intérêts économiques sur lesquels ils peuvent légiférer. Au final, le meilleur remède consisterait à empêcher les élu.e.s ayant des intérêts dans un secteur d'activités d'œuvrer dans un ministère lui étant rattaché ou même de voter des lois qui pourraient les avantager. Pour dire les choses autrement, le décret du président étasunien en faveur d'une réserve de bitcoins, par exemple, serait « décrété » nul sur la base de ses avoirs et d'un contrôle par association d'une plateforme de cryptomonnaies. Ainsi, la législation sur le sujet devrait relever de la Chambre des représentants, précisément des élu.e.s sans intérêt privilégié. Tout compte fait, la question des cryptomonnaies et du changement de l'image politique des gouvernements démontre la complexité de l'enjeu et oblige à envisager une transformation des pratiques législatives et exécutives.
Conclusion
Comme Adam Smith l'a bien dit, en l'humain habite l'idée préconçue d'une richesse par accumulation d'argent. Qu'il s'agisse du mercantilisme amoureux de l'or ou du monétarisme de la masse monétaire, désormais le monde tangible ne suffit plus aux appétits. Nous voilà tombés dans l'univers des cryptomonnaies, en plus d'un monde politique regroupant à sa tête des ultras riches. Au sein de l'administration Trump, l'accumulation et l'enrichissement demeurent au centre des préoccupations, alors que se présente l'avenue d'une facilité de « faire de l'argent » par l'élimination des barrières physiques et de l'arbitrage, grâce à l'instantanéité permise par des algorithmes de stabilité. Si la ruée vers l'or des XVe, XVIe et XIXe siècles en particulier a créé toutes sortes d'excessivités se transformant en calamités, l'actuelle ruée vers les cryptomonnaies, impliquant en plus des politicien.ne.s, augure-t-elle un scénario similaire ? L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, comme dirait le sociologue allemand Max Weber, encourageaient certes le travail, mais reconnaissaient l'enrichissement que dans la mesure du bien commun. Présentement, un doute subsiste sur les bienfaits communs, puisqu'ils sont plutôt insinués afin d'éviter de mettre au jour des intérêts particuliers. Car l'esprit capitaliste s'est davantage individualisé, au point d'inspirer des visées libertaires. En regardant de près les actions posées par l'administration Trump, nous constatons une symétrie des gestes antérieurs posés par quelques-uns de ses membres influents, dont le président lui-même. Autrement dit, les babines ne suivent pas toujours les bottines, lorsqu'il est question du bien commun. Ainsi, le rassemblement des ultras riches auprès de la Maison-Blanche évoque plutôt la solidification d'une oligarchie, pour ne pas dire d'une ploutocratie, qui fait se renfrogner la démocratie étasunienne. Le nouveau monde promis par le cyberespace et ses cryptomonnaies ne serait peut-être pas aussi « libre » – dans le sens démocratique – que nous pourrions le croire. Dans ce cas, pouvons-nous avoir confiance ?
Guylain Bernier
Yvan Perrier
12 juin 2025
16h30
Notes
[1] Joseph Rambaud (1909, p. 114) résume le colbertisme comme suit :
Le mercantilisme dont Colbert fut la plus brillante expression et qui allait trouver un partisan convaincu dans le maréchal Vauban, impliquait ainsi la défense d'exporter des métaux précieux, le développement de l'exploitation des mines d'or et d'argent, les obstacles à l'importation des produits étrangers, la protection du commerce d'exportation au moyen de Compagnies, de traités et même de guerres de commerce, le devoir de l'État de susciter, de guider et de soutenir les industries qui pouvaient, en exportant leurs produits, attirer dans le pays l'or et l'argent des autres peuples : en un mot, l'émancipation économique de la nation et l'écrasement systématique des États concurrents.
[2] Si la crise de 1873 a donné un dur coup à l'étalon-argent pour favoriser l'or, d'autres événements antérieurs ont aussi contribué à faire pencher la balance d'un côté plutôt que de l'autre. En effet, les Paniques de 1825 et 1837, avec leurs lots de banqueroute et de chômage, ont forcé une réflexion sur le besoin d'une monnaie solide, afin de développer le libéralisme économique du moment (Polanyi, 1983[1944]). Un seul étalon était nécessaire, sur la base du métal offrant la meilleure valeur, d'où le choix de l'étalon-or.
[3] Si lier la masse monétaire à une matière comme l'or permettait d'éviter l'émission excessive de monnaie fiduciaire – soit la production de monnaie nationale par une banque centrale notamment – qui la ferait déprécier, en contrepartie il fallait maintenir en tout temps une réserve d'or qui aurait cependant pu être utilisée à des fins productives. Autrement dit, cette réserve servait uniquement à garantir la valeur de la monnaie.
[4] Par arbitrage, il s'agit de la circulation d'or d'un pays à l'autre ; par exemple, le passage de l'or d'un pays à faible pouvoir d'achat (où les prix sont plus élevés) vers un pays à fort pouvoir d'achat (où les prix sont bas) (Weber, 2016). Et lors de l'opération, des frais pouvaient être encourus.
[5] Il importe de faire la distinction suivante : la balance des paiements retrace l'ensemble des règlements d'échange entre les pays partenaires – flux des biens, services, revenus, transferts de capitaux –, tandis que la balance commerciale expose le résultat excédentaire ou déficitaire entre les importations et les exportations propre à un pays.
[6] Le Canada a abandonné l'étalon-or en 1929, le Grande-Bretagne et l'Allemagne en 1931, les États-Unis en 1933 et la France en 1936 (Polanyi, 1983[1944], p. 208 ; Weber, 2016, p. 30).
[7] La paternité du terme « monétarisme » revient toutefois à Karl Brunner, économiste suisse, et son collaborateur Allan Meltzer, économiste étasunien (Aftalion & Poncet, 1984, p. 4).
[8] Notamment le Bit Gold créé en 1998 par Nick Szabo, qui fut d'abord un jeu de décryptage pour remporter une récompense, mais dont la difficulté principale impliquait de procéder à une transaction sans passer par une autorité centrale (CryptoVantage, s.d.).
[9] Traduction libre de : « The would be a major cyclical downturn or financial crisis that would lead to political pressure and demands for central banks to remove the “Bitcoin fetters” that prevent them from inflating to stimulate the economy of from providing large amounts of assistance to financial institutions in trouble. Central banks or governments would eventually yield to this pressure and break the ties between their currencies and Bitcoin, just as central banks and governments did when they went off the gold standard before and during the Great Depression » (Weber, 2016, pp. 21-22).
[10] Traduction libre de : « […] by some commodity or basket of commodities » (Weber, 2016, p. 23).
[11] Traduction libre de : « [...] the only true use case for it is criminals, drug traffickers... money laundering, tax avoidance » (Sigalos & Son, 2025, 19 mai).
[12] En effet, le « stablecoin » est une cryptomonnaie conçue pour offrir un prix stable en permanence, c'est-à-dire une stabilité reposant sur le maintien d'une parité (1 pour 1) avec le dollar US, mais cela peut aussi concerner toute autre monnaie traditionnelle stable.
[13] S'ajoute aussi le cas de l'investissement d'une société d'Abu Dhabi, MGX, qui a choisi l'USD1 pour financer 2 milliards de dollars US dans la plateforme Binance. World Liberty Financial, soit la plateforme de la famille Trump, émet le stablecoin justement appelé USD1 (Morrow, 2025, 20 mai).
[14] En 2019, Meta avait d'ailleurs tenté de se lancer dans la cryptomonnaie avec Libra, qui deviendra plus tard Diem, mais avait dû l'abandonner en 2022 en raison de l'opposition gouvernementale et réglementaire (Morrow, 2025, 20 mai).
[15] Traduction libre de : « We understand the full potential of the digital assets industry, not just as an investment, not just as an flashy technology, but as a symbol and driver of personal liberty of all our citizens, and we are dedicated to seeing that promise fulfilled » (CNN News Central, 2025, 28 mai).
[16] Traduction libre de : « Maybe the most important thing we did for this community, we reject regulators and we fired Gary Gensler, and we're gonna fire everybody like him » (Waldenberg & Morrow, 2025, 28 mai).
Références
Aftalion, F., & Poncet, P. (1984). Le monétarisme (2e éd., mise à jour). Paris, France : Presses Universitaires de France.
CNN News Central. (2025, May 28th). Trump embracing cryptocurrency in second term. CNN Live. Repéré à https://archive.org/details/CNNW_20250528_190000_CNN_News_Central
CryptoVantage. (s.d.). Une brève histoire de la cryptomonnaie. Repéré à https://www.cryptovantage.com/fr/guides/une-breve-histoire-de-la-cryptomonnaie/
Delumeau, J. (1984). La civilisation de la Renaissance. Paris, France : Arthaud.
Fauquier, M. (2018). Une histoire de l'Europe. Aux sources de notre monde. Monaco, Monaco : Éditions du Rocher.
Maruf, R., & Morrow, A. (2025, March 6th). Trump creates a Strategic Bitcoin Reserve one day ahead of White House crypto summit. CNN Business. Repéré à https://www.edition.cnn.com/2025/03/06/business/strategic-bitcoin-reserve-trump/index.html
Marx, K. (1968[1867]). Le Capital. Livre I. Paris, France : Gallimard.
Morrow, A. (2025, January 21st). Trump's meme coin is a reminder of crypto's dumbest use case. CNN Business. Repéré à https://www.cnn.com/2025/01/21/investing/meme-coin-trump-crypto-nightcap/index.html
Morrow, A. (2025, March 13th). Top Trump official's crypto ties raise red flags as the administration touts digital assets. CNN Business. Repéré à https://www.edition.cnn.com/2025/03/13/business/trump-officials-crypto-bitcoin/index.html
Morrow, A. (2025, May 20th). As a major crypto bill advances, skeptics see ‘a slow moving car crash'. CNN Business. Repéré à https://www.cnn.com/2025/05/20/business/crypto-genius-stablecoin-nightcap
Polanyi, K. (1983[1944]). La Grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps. Paris, France : Gallimard.
Rambaud, J. (1909). Histoire des doctrines économiques (3e éd., revue, mise à jour et augmentée). Paris, France : Librairie de la Société du recueil général des lois et des arrêts et du Journal du Palais.
Sigalos, M., & Son, H. (2009, May 19th). JPMorgan CEO Jamie Dimon says the bank will let clients by bitcoin, CNBC. Repéré à https://www.cnbc.com/2025/05/19/jpmorgan-ceo-jamie-dimon-says-the-bank-will-let-clients-by-bitcoin.html
Smith, A. (2009[1776]). La richesse des nations. Paris, France : Flammarion.
Spector, C. (2003). Le concept de mercantilisme. Revue de Métaphysique et de Morale, (3), 289-309.
Stuckler, D., & Basu, S. (2014). Quand l'austérité tue. Épidémies, dépressions, suicides : l'économie inhumaine. Paris, France : Autrement.
Waldenberg, S., & Morrow, A. (2025, May 28th). Vance casts administration as savior of crypto, calling on bitcoin conference to vote in 2026. CNN Politics. Repéré à https://www.cnn.com/politics/live-news/trump-presidency-news-05-28-25
Weber, W. E. (2016). A Bitcoin Standard : Lessons from the Gold Standard. Staff Working Paper. Ottawa, ON : Bank of Canada.

La Palestine aujourd’hui : résister au génocide

Un an et demi après le 7 octobre 2023, ce qui se déroule aujourd'hui en Palestine dépasse les logiques de guerre : c'est une entreprise de destruction génocidaire menée à grande échelle, une réalité méthodiquement organisée, médiatiquement atténuée, et politiquement soutenue. La Palestine aujourd'hui, c'est l'histoire d'une complicité internationale, d'un système mondial qui hiérarchise les vies. C'est la mise en lumière de la continuation de pratiques coloniales au XXIe siècle, cachées sous la sécurité et la lutte contre le terrorisme. Les populations civiles et les infrastructures clés sont exposées quotidiennement à des attaques systémiques aux conséquences humanitaires et sociales catastrophiques.
Pourtant, au cœur de cet effacement planifié d'un territoire, d'une mémoire et d'un futur, la résistance persiste. Cette résistance palestinienne collective et vitale prend diverses formes souvent invisibilisées : préservation et renforcement des liens communautaires, transmission culturelle et linguistique, engagement militant ou encore production intellectuelle. Hors de Palestine, des milliers de voix s'élèvent également et s'organisent pour dénoncer les crimes en cours, contester l'impunité, et porter des revendications claires de justice et de liberté. Cette solidarité globale participe d'une résistance transnationale qui remet en cause les récits dominants et crée des ponts entre luttes.
Comprendre le génocide en Palestine aujourd'hui, c'est donc interroger les rapports de force mondiaux, les logiques coloniales contemporaines, et les possibilités de résistance dans un monde marqué par l'impunité. C'est aussi se questionner sur les rôles et responsabilités des chercheur.e.s, juristes, journalistes, artistes et citoyen.ne.s dans la construction de la justice en Palestine.
Avec Ahmed Abu Shaban, Norma Rantisi et Rachad Antonius. Animé par Zahia El-Masri.
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La France au cœur d’une guerre d’intérêts stratégiques

La Guerre en Ukraine pourrait entrer dans les prochaines heures dans une spirale d'affrontements dramatiques, suite à l'attaque russe, hier lundi 9 juin, sur la Pologne. Un contexte dont profite le constructeur automobile français Renault pour lancer opportunément sa chaine de production de drones.
De Paris, Omar HADDADOU
Couver la guerre biaisée et sauver ses intérêts !
Profit, matoiserie, prédation ! Autant de substantifs qui agitent les pulsions des grandes puissances industrielles, compromettant morale et équilibre géopolitique. L'Europe et les Etats-Unis se livrent à des conquêtes territoriales et énergétiques qui ne reculent devant aucune indignité. Cuirassé de sa puissance de feu, Donald Trump donne le ton dès son 2ème Investiture, le 20 janvier 2025, et dicte sa feuille de route inepte et surréaliste : Conquête du Groenland, récupération du canal de Panama et du Golfe du Mexique, provocation annexionniste envers le Canada, taxes douanières, expulsions massives des immigrés (es) qui se sont soldées par des troubles, ce dimanche 8 juin, à Downtown.
Le géant chinois, lui, ne se laisse pas dévorer par son rival, acculé à trouver un compromis dans une guerre commerciale sans merci.
Le Président américain n'ira pas de main morte à l'égard du protégé de Van der Leyen et ses largesses pécuniaires en millions de dollars. Zelensky, le choyé des Européens, doit payer ! Sa disgrâce est un choc ! La France de Macron en subira pour sa part des contrecoups accablants. Début mai 2025, le Président ukrainien, laminé par son créancier Trump, cède au deal du natif du Queens qui lui fait payer la dette de 500 milliards de dollars (aide militaire) par l'exploitation des minerais stratégiques. Trump part avec un « accord historique ! ».
Oui, il y a à boire et à manger en Ukraine !
Certains Industriels français, mus par l'opportunisme charognard, ne s'offusquent nullement de promouvoir une filière de circonstance pour leur chiffre d'affaires sur des cadavres. Aussi, selon une source d'une radio française, ce lundi 9 juin, le constructeur Automobiles Renault dont l'Etat est actionnaire, réfléchirait à l'opportunité d'installer une usine de fabrication de drones militaires en Ukraine en collaboration avec une PME française.
C'est dire la soif inextinguible du capitalisme français et ses appétits tentaculaires sous les bourrasques apocalyptiques : « Cela peut correspondre à une logique capitalistique. L'Etat français a un pouvoir d'action à l'ancienne régie, comme on dit. Les drones valent 15 ou 20 000 euros. L'idée est peut-être de ramener leur prix 5 000 ou 10 000 euros. Cela fait un effet de rattrapage pour l'industrie française » fait observer Marc Chassillan, Ingénieur militaire de formation. Et d'ajouter : « Il y a une logique industrielle. Les constructeurs automobiles sont les Rois de la production à très grande cadence et à coûts maîtrisés d'objets complexes. C'est exactement ce que cherchent les Ministères de la Défense européens ». Voilà une belle illustration des motivations réelles des engagements de Renault en Ukraine. Purement financières. Une reconversion au grès de l'évolution de la tragédie, savamment entretenue par le succès illusoire.
De grâce ! Pourquoi autant d'enfumage sur l'issue d'une guerre dont on connait l'issue ? N'est-ce pas pervers de bercer Zelensky par des chimères triomphalistes dont l'unique dessein est de s'en mettre plein les poches ? Pourquoi autant d'hypocrisie occidentale, au moment où le front ukrainien fait office de manne providentielle mal dissimulée ?
C'est maintenant ou jamais ! Vendre, vendre ! En priant avec ferveur que le conflit ne connaisse pas de répit. Pauvre Ukraine ! Comment écrire ton histoire ? Toi qui croyait en ta victoire ? Hier, Odessa et Kiev ont subi des attaques massives aériennes russes. Renault a toutes les chances de voir son marché de drones se matérialiser, les doigts dans le nez.
La Pologne ayant réagit, ce lundi, aux attaques intenses de la Fédération de Russie, se porterait certainement comme cliente potentielle pour en faire acquisition. Il va sans dire que l'escalade du conflit conforte formidablement la conquête de ce marché juteux. Des chaines de production sous la houlette du Ministère de la Défense français, seraient bientôt opérationnelles. Les drones FPV pourraient incessamment investir le front et provoquer une autre dynamique, celle de l'enlisement et de l'explosion du carnet de commandes des Industriels et Start-up opportunistes !
O.H
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Grèves féministes et syndicalisme au Pays Basque

Onintza Irureta Azkune et Aiala Elorrieta Agirre 4 juin 20252025-06-04T08:28:08+01:00
Alors que dans de nombreux pays, le syndicalisme connait un certain essoufflement et peine à se renouveler, au Pays Basque, la confédération syndicale Eusko Langileen Alkartasuna (ELA) née il y a plus d'un siècle, est parvenue à se transformer pour s'adapter aux évolutions du salariat et aux exigences des travailleur·ses.
Avec Borrokan !, les Éditions syndicalistes montrent comment ce renouvellement a pu permettre des victoires dans des grèves féministes. Le livre, coordonné par la journaliste Onintza Irureta Azkune et l'économiste Aiala Elorrieta Agirre rejoint le catalogue de la collection Féministes qui veut « contribuer à la féminisation de nos syndicats et à la syndicalisation du féminisme ».
Nous publions ici un extrait qui explique les transformations opérées par le syndicat et revient sur sa structuration, reflétant ses orientations de lutte et démocratiques. Borrokan. Comment gagner une grève féministe, Editions Syndicales, 2025
ELA, un modèle syndical original et efficace
Borrokan ! En lutte ! C'est le mot d'ordre d'ELA, principal syndicat en Euskal Herria (le Pays basque). Mais ce qui fait la force et l'originalité de ce syndicat, c'est qu'il a su faire de cette formule bien plus qu'un slogan. Les militant·es de cette organisation ont su se donner les moyens de mener réellement des luttes et de les gagner, quitte à devoir pour cela bousculer beaucoup d'évidences syndicales solidement ancrées : le poids accordé au dialogue social, la conception masculine de l'action militante, la structuration autour d'une multitude de fédérations de branche, ou encore la focalisation sur le salariat stable. Grâce à cette remise en question permanente, ELA est le syndicat majoritaire en Euskal Herria, avec plus de 40 % de représentativité sur les trois provinces de la Communauté autonome du Pays basque, plus de 100 000 adhérent·es, dont presque la moitié de femmes, soit 10 % du salariat du territoire (c'est environ le taux de syndicalisation en France pour l'ensemble des syndicats)… et une lutte gagnée tous les trois jours.
Mais d'où vient ce modèle syndical qui semble si efficace ? La confédération syndicale ELA, Eusko Langileen Alkartasuna (Solidarité des travailleurs et travailleuses basques), a été fondée en 1911. Elle plonge ses racines dans le courant du syndicalisme chrétien, mais la longue période de la dictature franquiste, la répression et la clandestinité ont changé la donne. En 1976, à son 3e congrès, ELA affirme ses valeurs de base : un projet de construction nationale pour le peuple basque ; un syndicalisme de classe et socialiste. On peut y ajouter une très forte culture d'organisation, notamment interprofessionnelle, ainsi que son indépendance politique et financière.
Grâce à ces appuis solides, ELA a su évoluer peu à peu vers un syndicalisme de contre-pouvoir, délaissant l'intégration institutionnelle pour miser sur l'implantation auprès des travailleurs et des travailleuses, à la base. Cette stratégie porte rapidement ses fruits, et ELA devient le premier syndicat du Pays basque, sans pour autant se reposer sur ses lauriers. Malgré un dynamisme à faire pâlir d'envie la plupart des autres syndicats d'Europe, le congrès de 1990 pose ainsi un constat sans appel : « ELA est refermé sur lui-même, coupé de la société, dénué de capacité d'initiative et incapable de riposter ». ELA anticipe ainsi les transformations en cours du salariat, l'augmentation de la précarité et la destructuration des bastions ouvriers. Pour survivre, la confédération doit sortir de ses viviers de militant·es historiques, et aller au-devant de ces salarié·es plus précaires et fragiles.
Un projet confédéral global
Le cas de cette confédération est particulièrement intéressant sur un aspect : elle a su aller au-delà des constats, et mettre en œuvre les transformations requises dans son organisation et son fonctionnement pour répondre aux évolutions du salariat. Le cadre de ces transformations est l'idée, héritée de la génération issue de la fin du franquisme, que la seule structure qui doit perdurer est la confédération. À l'intérieur, les fédérations comme les unions interprofessionnelles sont des organes fonctionnels, reposant sur les sections syndicales sur les lieux de travail : elles doivent évoluer selon les réalités du salariat et les orientations stratégiques et revendicatives adoptées en congrès. L'organisation interne, adaptée à un moment donné du capitalisme, ne doit pas rester figée pour être en mesure de répondre aux transformations du système productif.
Ainsi, à partir de 1993, les 12 fédérations existantes sont peu à peu regroupées en 3 fédérations : services publics, services privés, et industrie-construction. Chaque fédération correspond à des formes d'organisation du travail, et donc à des manières d'organiser les salarié·es, plutôt qu'à des secteurs bien définis : une pour toute la fonction publique, industrie pour les concentrations d'emploi et les lieux où il y a un collectif de travail stable, et services privés pour les lieux d'emplois éclatés, sans communauté de travail cohérente. Un rôle central – et des moyens importants – sont conférés aux structures interprofessionnelles, les 12 comarcas (qui sont des sortes d'unions interprofessionnelles de bassin d'emploi, se rapprochant des Unions départementales françaises) qui rassemblent les 42 Unions locales. Ces comarcas ne correspondent volontairement pas à un découpage administratif, notamment pour éviter la formation de « baronnies » territoriales.
Les fédérations ont perdu leur rôle identitaire, au profit de la confédération : on est d'abord adhérent·es à ELA, qui collecte les cotisations, avant de l'être à une fédération particulière. Plus encore, c'est la distinction même entre les niveaux professionnels et interprofessionels qui s'efface : les fédérations sont représentées dans chaque comarca, les permanent·es ne sont pas cantonné·es à une structure mais sont amené·es à circuler (un·e permanent·e d'une fédération est ainsi amené·e à devenir permanent·e d'une comarca, puis d'une autre fédération, par exemple). Les élu·es du personnel dans les entreprises sont incité·es à mutualiser une partie de leurs heures de délégation pour appuyer les secteurs moins organisés – car ces heures sont dûes à tout le syndicat, et non aux seul·es salarié·es d'une entreprise donnée. On obtient ainsi un modèle confédéral « compact », véritablement décloisonné et au service des salarié·es, capables d'organiser avec succès le salariat précaire. Le fonctionnement n'est pour autant pas dirigiste, avec une forte culture démocratique et des assemblées générales fréquentes dans les entreprises et les territoires, pour favoriser en permanence l'implication des militant·es.
Les champs professionnel et interprofessionnel ne sont pas isolés l'un de l'autre, mais travaillés ensemble au quotidien : activité permanente vers les petites et moyennes entreprises, élections professionnelles, syndicalisation, tournées des boîtes, luttes locales et négociations, services juridiques, mise en œuvre des orientations stratégiques, alliances avec le mouvement social et associatif (notamment dans le collectif Charte des droits sociaux de Euskal Herria ; mais aussi avec le collectif confédéral d'Action sociale, décliné dans les comarcas, et qui permet aux militant·es de ELA d'allier leur militantisme dans le syndicat et dans le mouvement social), etc. C'est ce que ELA appelle la comarca integral : un outil de mise en œuvre des orientations confédérales, adaptées au niveau du territoire, en concevant le syndicat comme une organisation ouverte sur la société, et non pas enfermée sur le seul lieu de travail.
Une véritable autonomie financière
Une clé de ces transformations est l'autonomie du syndicat : les orientations doivent être définies de l'intérieur, et non pour se couler dans les institutions de dialogue social qui financent le syndicalisme. Une autonomie politique donc, mais qui doit être une autonomie financière pour être réelle. ELA s'est désengagée des institutions du paritarisme, se coupant ainsi des financements qui les accompagnaient, et a misé sur une hausse des cotisations mensuelles : 26 € pour un·e salarié·e à temps plein, 20 € pour un·e salarié·e à mi-temps, chômeur·e ou retraité·e, et 13 € pour les plus précaires (très faible temps de travail, retraité·e ou chômeur·e non indemnisé·e…) [1]. Bilan : aujourd'hui, ELA est financé à plus de 90 % par ses ressources propres – les cotisations de ses membres. Le syndicat est ainsi matériellement autonome de tout support extérieur.
À quoi servent ces cotisations ? Un quart sert à alimenter la « caisse de résistance », caisse de grève confédérale qui permet à ELA de tenir et de remporter des conflits très longs et très durs, de plusieurs mois, voire plusieurs années. La caisse permet de verser une indemnité de 1400 € (par mois et par gréviste), supérieure au salaire minimum, qui peut être renforcée à hauteur de 1600 € si l'entreprise compte suffisamment de syndiqué·es ELA ; voire, si la grève présente un intérêt stratégique pour la confédération, de plus de 2200 € (l'indemnité de grève ne peut pas dépasser le salaire perçu en temps normal). Des dizaines de millions d'euros ont déjà été versés par la caisse, avec à la clé de nombreuses victoires, de meilleurs salaires et plus de syndiqué·es… et donc plus d'argent pour la caisse de grève.
Une partie finance également les services juridiques d'ELA, qui comptent une centaine de personnes, et ont monté des milliers de dossiers chaque année. La présence de juristes permanent·es dans chaque comarca permet de développer la syndicalisation, en particulier des salarié·es les plus précaires, qui viennent souvent pour une assistance juridique immédiate.
Assistance juridique individuelle et collective, accès à la caisse de grève : avec de tels arguments, pas besoin de débattre longtemps des taux de cotisation trop élevés : les syndiqué·es voient bien où va leur argent, et les salarié·es sont prêt·es à adhérer.
Le résultat parle de lui-même : une lutte victorieuse tous les 3 jours en 2023, un niveau de grève au Pays basque qui est le plus élevé d'Europe, des salaires largement supérieurs à ceux du reste de l'Espagne dans de nombreux secteurs… et une marginalisation des syndicats qui ont joué le jeu du dialogue social (CCOO et UGT), en perte de vitesse depuis des années.
Un syndicat en expérimentation permanente
L'autonomie véritable de ELA permet à son fonctionnement et à ses valeurs cardinales de se concrétiser et d'évoluer en fonction des débats, des analyses et des bilans sur la situation politique et socio-économique et les évolutions du salariat.
Par exemple, après avoir appuyé le statut de la Communauté autonome du Pays basque (qui regroupe trois provinces situées sur la partie espagnole), comme cadre pour avancer vers la construction de relations professionnelles et sociales propres au Pays basque, ELA se rend compte que ce statut n'est plus un moyen adapté pour y arriver. Lors de son dernier congrès confédéral en novembre 2021, la confédération adopte la revendication d'une République basque indépendante. Le statut d'autonomie est un cadre épuisé.
On n'entrera pas ici dans les détails des orientations de ELA sur les questions socio-économiques, écologiques, internationales, etc. Elles sont proches de celles que l'on retrouve en France à la CGT, Solidaires ou la FSU. ELA a notamment mis l'accent sur le rôle clé du syndicat dans la transition écologique, et pose « la nécessité d'un changement de système de production, de distribution et de consommation permettant de répondre à la nécessité de faire décroître l'utilisation des ressources ». Cette transition devra faire le passage du « système capitaliste actuel, hétéropatriarcal, raciste, colonialiste et écocide, à un modèle social, féministe, antiraciste et éco-socialiste qui place en son cœur la vie et le soin » [2].
Vers un syndicalisme féministe
Le travail de questionnement et d'évolution permanente de la confédération s'est matérialisé sur un autre thème : celui du genre. ELA s'est donné pour objectif de devenir un syndicat féministe, et après un travail de diagnostic et de réflexion commencé en 2014, le syndicat a adopté un plan d'équité de genre en 2021. Ce plan fait l'objet de bilans d'étapes réguliers, et prévoit des évolutions sur le plan revendicatif comme sur celui du fonctionnement interne du syndicat. Il vise à faire adopter une grille d'analyse en termes de genre à chaque échelon de l'organisation : dans les négociations, la conduite des grèves, le travail juridique, les élections, la formation…
Ce plan ambitieux a pu être effectivement mis en œuvre grâce à la mise en place d'une « architecture de genre » au sein du syndicat : celle-ci consiste en un réseau de militant·es, les Irule, chargé·es de faire le lien entre ce que prévoit le plan d'équité de genre et chaque domaine d'action du syndicat (juridique, formation, négociation collective, bureau d'études, etc.). Grâce à un temps de décharge dédié à cette tâche, iels apportent une perspective de genre à tous les niveaux, et sont aussi chargé·es de collecter des informations et de partager les expériences, via différents lieux de coordination sur le sujet. Cette démarche interroge également le fonctionnement de la confédération, et veut « démanteler le modèle du syndicaliste idéal » en s'attaquant aux obstacles concrets au militantisme des femmes, notamment pour celles qui doivent s'occuper de leurs enfants et ne peuvent militer sur leur temps libre.
Un aspect central de la démarche d'ELA sur le sujet est la stratégie volontariste en direction des secteurs les plus féminisés et les plus précaires. L'organisation du syndicat, avec des services juridiques efficaces et surtout une caisse de grève solide, se sont révélés être des outils très efficaces pour y mener des grèves, dont plusieurs ont été très longues et sont devenues emblématiques. Ces conflits, pas forcément vécus comme féministes au départ par les salariées qui se battent notamment pour des augmentations de salaire, sont devenus des occasions de politisation féministe.
Ce livre raconte deux de ces luttes, étalées sur plusieurs années : celle des maisons de retraite de Bizkaia d'abord, qui totalise des milliers de jours de grève au fil des négociations des conventions collectives successives [3]. On y voit la construction par étapes d'une mobilisation puissante, qui a su sortir des frontières de l'entreprise et mettre en mouvements des milliers de salariées éparpillées dans des établissements répartis sur toute la province… et la naissance d'une véritable conscience de classe sans besoin de regrouper ces salariées dans une fédération propre à leur secteur.
Le deuxième texte relate la lutte des travailleuses du nettoyage, menée sur une base originale[4] : elles ne se sont pas contentées de pointer les écarts de salaire au sein d'une même entreprise ou d'une même branche, mais ont mis en avant l'écart de salaire entre des secteurs dont les salarié·es présentent des qualifications proches. D'un côté, le nettoyage urbain, très masculin, de l'autre, le nettoyage des bureaux, très féminisé. La dimension territoriale de la lutte touche des travailleuses d'employeurs différents, du secteur public comme du secteur privé ; une manière d'adapter nos combats aux évolutions du système capitaliste et l'organisation du travail qui en découle.
Cet ouvrage rend compte de la puissance de l'organisation collective à la base quand elle dépasse les frontières habituelles du syndicalisme. Ce récit de conscientisation, organisation et mobilisation, ce récit de grève, est une leçon d'émancipation dont nous avons tou·tes à apprendre si nous voulons construire un syndicalisme qui soit réellement de lutte de classes.
Aux Éditions syndicalistes comme au sein du collectif Syndicalistes !, les pratiques d'ELA et les victoires rapportées ici nous enthousiasment et nous inspirent. Il est urgent que nos syndicats se transforment à leur tour en profondeur pour aligner les discours et les pratiques. Nous voulons rendre nos luttes plus efficaces et fédératrices au-delà des cercles militants déjà convaincus. Nous voulons nous aussi que multiplier les victoires et unir les classes laborieuses.
Bibliographie en français sur ELA
Christian Dufour & Adelheid Hege, « 12e congrès de ELA, confédération syndicale basque », Chroniques internationales de l'IRES, no 117, 2009, p. 27-36 [en ligne].
— , « Congrès de ELA : redéfinir les priorités syndicales en temps de crise », Chroniques internationales de l'IRES, no 140, 2013, p. 41-54 [en ligne].
— , « À son 14e congrès, la confédération ELA présente un projet “plus politique que jamais” », Chroniques internationales de l'IRES vol. 2, no 158, 2017, p. 27-39 [en ligne].
« Vers une métamorphose féministe », Enbata, 2022 [en ligne].
Jon Las Heras & Lluis Rodriguez, « Un peu de réalisme stratégique. Ou comment faire une caisse de grève efficace », Syndicalistes !, 2023 [en ligne].
« 30 novembre : grève féministe générale en Euskadi » [en ligne] et « Euskadi : succès de la grève générale féministe ! », Syndicalistes !, 2023 [en ligne].
Leire Gallego, « Un bilan de la grève générale féministe du 30 novembre 2023 », Syndicalistes !, 2024 [en ligne].
SDR Amazon : une brèche dans le colosse, Manu Robles-Arangiz Fundazioa, 2025 [en ligne].
*
Traduction, prologue et notes par Baptiste, Laura et Michel, qui participent au site syndicalistes.org
Illustration : Célébration de la victoire le vendredi 27 octobre 2017 après plus de 2 ans de luttes des maisons de retraite privatisées de Biscaye.
Notes
[1]Pour comparaison, le niveau moyen de cotisation à la CGT est inférieur à 13 € par mois, alors même que les salaires sont largement supérieurs en France, et que la cotisation syndicale est ensuite remboursée aux 2/3 par les impôts…).
[2]Résolution au 15e congrès confédéral de ELA.
[3]Cette partie est la traduction d'un ouvrage de Onintza Irureta Azkune (journaliste au média Argia), Berdea da more berria. Bizkaiko egoitzetako grebalarien testigantzak (Le vert [couleur de ELA] est le nouveau violet [couleur de nombreux mouvements féministes] : témoignages de grévistes des résidences de Bizkaia), paru en 2019 chez Argia.
[4]Cette seconde partie est la traduction d'une brochure de Aiala Elorrieta Agirre (économiste à la fondation Manu Robles-Arangiz), Nola garbitu soldata arrakala (Comment combler l'écart salarial), publiée en 2023 par la fondation Manu Robles-Arangiz.
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Ukraine : Solidarité avec les millions de personnes déplacées

De la protection temporaire….
Immédiatement après l'invasion russe à grande échelle de l'Ukraine, le 24 février 2022, un statut de « protection temporaire » a été activé et défini par une décision du Conseil de l'Union européenne (UE) du 3 mars 2022 pour les personnes déplacées d'Ukraine. Il résulte de la mise en exécution d'une directive européenne de 2001. Les pays de l'UE, à l'exception du Danemark, ont transposé cette directive au niveau national.
2 juin 2025 | tiré du site Entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/06/02/ukraine-solidarite-avec-les-millions-de-personnes-deplacees/
En France, sa mise en œuvre a été remodelée à plusieurs reprises dans un sens plus favorable, notamment au niveau des droits sociaux. Son champ d'application a été précisé par la circulaire interministérielle du 10 mars 2022 puis par l'instruction du 22 mars 2022, relative à l'hébergement et au logement.
Le droit au séjour :
Les personnes éligibles à la PT sont :
➤ les ressortissant•es ukrainien•es ayant quitté l'Ukraine à partir du 24 février 2022 ;
➤ les ressortissant•es ukrainien•nes se trouvant en court séjour (moins de 90 jours) sur le territoire de l'UE à la date du 24 février 2022, mais pouvant établir qu'ils ont une résidence permanente en Ukraine ;
➤ les non-Ukrainien•nes bénéficiant en Ukraine du statut de réfugié•e ou apatride ;
➤ les non-Ukrainien•nes qui étaient titulaires d'un titre de séjour en Ukraine avant le 24 février 2022 et qui ne peuvent rentrer dans leur pays dans des conditions « sûres et durables », conditions qui sont appréciée par les préfectures après un entretien individuel ;
➤ les membres des familles des personnes précitées, y compris des ressortissant•es de pays tiers sans que ne leur soit opposable la possibilité de rentrer dans leur pays dans des conditions « sûres et durables ».
Sont exclu.e.s du bénéfice de la PT :
➤ les Ukrainien•nes présent•es en France avant le 24 février 2022 et en situation irrégulière ;
➤ les personnes non-ukrainiennes arrivées en France après le 24 février et dont la préfecture aura estimé qu'elles peuvent retourner dans leur pays d'origine ;
➤ les personnes ayant demandé l'asile en Ukraine (mais qui pourront demander l'asile en Europe, sans que le « règlement de Dublin » ne s'applique).
La revendication d'inclure ces groupes de personnes dans les ayants droit à la PT s'est faite jour en 2022 en France. Cela revenait à appliquer l'article L581-7du CESSE : « Dans les conditions fixées à l'article 7 de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001, peuvent bénéficier de la protection temporaire des catégories supplémentaires de personnes déplacées qui ne sont pas visées dans la décision du Conseil prévue à l'article 5 de cette même directive, lorsqu'elles sont déplacées pour les mêmes raisons et à partir du même pays ou de la même région d'origine. » La France a ignoré cette possibilité légale, à la différence de l'Espagne ou des Pays-Bas, qui en ont fait une interprétation plus généreuse.
En février 2025, 4 219 975 personnes bénéficiaient de la PT en Europe (Source : Statista), dont 98% d'Ukrainien•nes – la minorité étant composée de Russes (12 381), de Nigérians (4 988) et d'Azéris (4 235). En France, ils et elles étaient 55 680 (source : Statista). Ce sont les préfectures qui délivrent en France les autorisations provisoires de séjour (APS) de six mois renouvelées automatiquement. L'UE a reconduit la PT jusqu'en mars 2026.
Les droits sociaux
Cette APS ouvre automatiquement le droit à l'exercice d'une activité professionnelle, de s'inscrire à Pôle emploi/ France Travail et de percevoir des indemnités chômage.
La PT ouvre le droit à l'allocation pour demandeur•euse d'asile, à l'assurance maladie sans délai de carence ainsi qu'à une complémentaire santé sans examen des ressources, ainsi qu'aux allocations familiales et à l'APL.
Toute personne déplacée d'Ukraine a eu droit à un premier accueil d'urgence, puis un hébergement transitoire a été offert aux personnes bénéficiaires de la PT. Cet hébergement a été souvent le fait d'associations, grâce surtout à l'hébergement citoyen, encouragé. Cette seconde phase, qui a pris fin avec l'absence de budget dédié en 2025, devrait déboucher à terme sur la mise à disposition de logements pérennes par des acteurs publics ou privés. Les bénéficiaires de la PT peuvent demander un logement social.
Le droit aux études
Les étudiant•es bénéficiaires d'une PT inscrit•es pour des études supérieures peuvent obtenir une bourse selon des critères sociaux.
L'apprentissage du français est offert dans le cadre de l'intégration républicaine sans que les personnes aient à signer ledit contrat. Une formation linguistique est prévue dont le contenu a été précisé le 3 mai 2022. Les enfants sont scolarisés obligatoirement jusqu'à 16 ans. L'accueil en crèche est gratuit.
Le droit de vivre en famille
Les bénéficiaires de la PT ont le droit d'être rejoints par les membres de leur famille (conjoint•e, partenaire dans une relation stable, enfant mineur, personne à charge) qu'il soit bénéficiaire de la protection dans un autre État ou qu'il soit hors UE.
Accès au droit d'asile
Les personnes sous PT et les demandeurs d'asile en Ukraine peuvent demander l'asile sans être placées sous procédure Dublin. En cas de rejet, les premières ne perdent pas la PT.
L'accès à la protection temporaire
La personne désirant être protégée doit, dans un délai de 90 jours après son entrée en France, se présenter en préfecture ou via des guichets internet de cette dernière. Ce premier accueil doit informer les personnes, quelle que soit leur nationalité, sur leurs droits au séjour, y compris les personnes en transit, recenser celles présentant des vulnérabilités, évaluer les besoins en hébergement, et prendre en charge les besoins essentiels (alimentation, hygiène, habillement).
… à la demande d'asile
La mise en œuvre de la directive, si elle a eu l'inconvénient de créer une nouvelle catégorie d'exilé•es avec des droits différents, a eu le mérite d'avoir offert aux personnes déplacées d'Ukraine des droits inédits. L'Europe forteresse ne serait donc pas une fatalité. Et la mise à disposition de moyens, quoi qu'il en coûte, s'est révélée une question de volonté politique. Par ailleurs, la mise en œuvre de la directive a révélé que le règlement de Dublin est une fois de plus inapplicable et est passée outre ce dernier.
L'impossibilité de retourner en Ukraine pour beaucoup, le caractère temporaire de cette protection, sa reconduction, incertaine d'année en année, ajoutés à l'exclusion des bénéficiaires de la PT d'un certain nombre de droits – allocation de rentrée scolaire, allocation adultes handicapés, revenu de solidarité active, prime d'activité, allocation personnes âgées, etc., – poussent de plus en plus de bénéficiaires de la PT à demander l'asile en France. En 2024, la demande d'asile des Ukrainien•nes a été multipliée par 4, portant leur nombre à plus de 11 800, ce qui en a fait la deuxième nationalité après les Afghans. Elle concerne des femmes, d'âge mûr, et bénéficiaires de la PT. Deux types de réponses peuvent être apportés :
– le bénéfice du statut de réfugié•e en France, ouvrant le droit à un titre de séjour de dix ans, extrêmement rare en ce qui concerne les Ukrainien•es, du fait des critères définissant le-la « réfugié•e », une personne craignant des persécutions du fait de sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions ;
– le bénéfice de la protection subsidiaire (en raison de menace grave et individuelle contre la vie ou la personne du demandeur•euse, en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d'une situation de conflit armé interne ou international) ouvrant le droit à un titre de séjour de quatre ans. Ces critères ont permis d'accorder le bénéfice de cette protection aux Ukrainien•nes venu•es des régions orientales et méridionales de l'Ukraine. Pour les autres, ce sera un refus et leur maintien dans le statut de la PT.
L'après-mars 2026 se prépare en Europe : la Pologne, la République tchèque et l'Italie ont pris des mesures permettant aux personnes de sortir de la PT par l'octroi de permis de séjour basés sur l'emploi, ce que semblait préconiser aussi Michel Barnier : « Accélérer l'accès au séjour des bénéficiaires de la protection temporaire les mieux insérés » (4 décembre 2024)
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Pour une paix juste et durable en Ukraine plus que jamais renforcer le soutien à la résistance du peuple ukrainien
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Qu’est-ce qui empêche la fin de la guerre en Ukraine ? Deux problèmes principaux

9 juin 2025 | Lettre de Vitaly Dudin
Malgré certaines attentes, la guerre d'agression menée par la Russie contre l'Ukraine se poursuit et s'intensifie. Chaque jour, je vois des images terribles de destructions massives dans ma ville natale de Kyiv, à Kharkiv et dans d'autres belles villes, et qui sont difficiles à imaginer. Des scènes dignes d'un film catastrophe font désormais partie de notre quotidien. Les endroits où nous avions l'habitude de nous promener sont réduits à un tas de cendres et de ruines. Pendant ce temps, les envahisseurs russes lancent de nouvelles attaques, non seulement à l'est et au sud, mais aussi au nord, dans la région de Soumy. Ici, en Ukraine, cette guerre a véritablement le caractère d'une guerre populaire en raison de l'ampleur de la participation de la population à l'effort de guerre : plus d'un million de personnes servent dans l'armée, un peu plus sont engagées dans les secteurs critiques des infrastructures et beaucoup d'autres participent à des activités bénévoles.
Les négociations d'Istanbul cachent les plans expansionnistes de Moscou et ont peu de chances d'aboutir.
Même ma vie de civil et de militant pour les droits du travail a radicalement changé. Je reçois des messages de cheminots qui ont besoin d'argent pour acheter des drones et d'autres équipements ; des proches de travailleurs morts lors de frappes de missiles sur leur lieu de travail m'informent des problèmes liés à l'aide sociale ; des infirmières près de la ligne de front se plaignent de ne pas recevoir les primes auxquelles elles ont droit. Nous parvenons parfois à surmonter ces difficultés, mais nous voulons tous que la guerre se termine le plus rapidement possible.
Bien sûr, la résistance héroïque des défenseurs ukrainiens et les opérations spéciales remarquables menées sur le territoire russe ont largement contribué à démilitariser la machine de guerre du Kremlin. Mais après avoir perdu le soutien militaire des États-Unis, les chances de victoire stratégique de l'Ukraine se sont amenuisées.
Les négociations d'Istanbul ont clairement démontré que la position ukrainienne était devenue beaucoup plus flexible et visait une solution pacifique (un cessez-le-feu de 30 jours, par exemple). Au contraire, les exigences russes semblent encore plus offensives et agressives. Grâce à Donald Trump, la Russie a pris l'initiative sur le champ de bataille, ce qui reflète la réalité objective. L'impossibilité de mettre fin à la guerre découle de la faiblesse de la position de négociation de l'Ukraine et ne peut être surmontée par une mobilisation plus sévère des hommes.
Alors, quels sont les facteurs qui affaiblissent l'Ukraine ?
Problème n° 1 – Le pseudo-pacifisme des forces progressistes occidentales
Le premier problème est particulièrement douloureux à admettre pour moi. Beaucoup de personnes au sein du mouvement socia7liste refusent traditionnellement d'aborder des questions telles que la violence, l'État et la souveraineté. Cela les conduit à une mauvaise compréhension de la situation ukrainienne. Certaines d'entre elles ne reconnaissent pas la nature décoloniale et anti-impérialiste de la lutte ukrainienne. Cette analyse repose sur une vision dépassée du système international, où les États-Unis sont considérés comme le seul impérialiste et la Russie comme sa victime. Même Donald Trump, qui « comprend » chaleureusement le sentiment impérialiste de Poutine, n'a pas changé les conclusions des personnes qui se disent intellectuels de gauche. Les régimes les plus réactionnaires de l'histoire américaine et russe exercent une pression énorme sur l'Ukraine, tandis que certains cherchent des arguments pour expliquer pourquoi la nation attaquée ne mérite pas le soutien international. Je me demande comment les protagonistes de la théorie de la « guerre par procuration » vivent avec le fait que l'Ukraine poursuit son combat sans l'aide directe des États-Unis et malgré leur opposition.
Beaucoup de militants de gauche s'opposent au soutien militaire en raison de leur éthique antimilitariste. Fournir une motivation philosophique sophistiquée pour ne pas envoyer d'armes à un pays envahi conduit à davantage de souffrances pour des innocents. Le caractère contradictoire de cette affirmation devient particulièrement absurde lorsqu'elle est défendue par ceux qui se prétendent révolutionnaires ou radicaux... Pour moi, il est clair que ces rêveurs veulent mener une vie prospère au sein du système capitaliste sans avoir de réelles perspectives de le renverser. Être contre l'armement, c'est se réconcilier avec le mal de l'esclavage.
Vivre sous la protection de l'OTAN et craindre une « militarisation excessive » de l'Ukraine semble hypocrite.
Et l'inverse : si les travailleurs ukrainiens gagnent la guerre, ils seront suffisamment inspirés pour poursuivre leur lutte émancipatrice pour la justice sociale. Leur énergie renforcera le mouvement ouvrier international. L'expérience de la résistance armée et de l'action collective est une condition préalable essentielle à l'émergence de véritables mouvements sociaux qui remettront en cause le système.
Problème n° 2 : l'incapacité de l'État ukrainien à faire passer l'intérêt public avant les intérêts du marché
Les élites au pouvoir en Ukraine promeuvent le libre marché et le système axé sur le profit comme seul mode d'organisation possible de l'économie. Toute idée de planification étatique ou de nationalisation des entreprises peut être rejetée comme un héritage soviétique. Le problème est que la version ukrainienne du capitalisme est totalement périphérique et incompatible avec la mobilisation des ressources nécessaires à l'effort de guerre.
Le dogmatisme idéologique dominant place l'Ukraine dans le piège de la privatisation économique et d'une grande dépendance à l'aide étrangère.
Nous vivons dans un pays où les hommes d'État sont riches et l'État pauvre. Le gouvernement tente de réduire sa responsabilité dans la gestion du processus économique et d'éviter d'imposer une taxe progressive élevée aux riches et aux entreprises. Cela conduit à une situation où le fardeau de la guerre est supporté par les citoyens ordinaires qui paient des impôts sur leurs maigres salaires, qui servent dans l'armée, qui perdent leur maison...
Il est impossible d'imaginer un chômage en période de guerre totale. Mais en Ukraine, il existe parallèlement à un niveau extrêmement élevé d'inactivité économique de la population et à une pénurie incroyable de main-d'œuvre. Ces lacunes s'expliquent par la réticence de l'État à créer des emplois et par l'absence de stratégie visant à impliquer massivement la population dans l'économie par le biais des agences pour l'emploi. Nos politiciens pensent que les déséquilibres historiques sur le marché du travail peuvent être résolus sans intervention active de l'État ! Malheureusement, les réformes de déréglementation mises en place pendant la guerre ont créé de nombreux facteurs dissuasifs qui découragent les Ukrainiens de trouver un emploi salarié. C'est pourquoi la qualité de l'emploi doit être améliorée par une augmentation des salaires, des inspections du travail rigoureuses et un large espace pour la démocratie sur le lieu de travail.
Seule une politique socialiste démocratique peut ouvrir la voie à un avenir durable pour l'Ukraine, où toutes les forces productives travailleront pour la défense nationale et une protection socialement juste.
Nous devons maintenant aller droit au but. Sans un soutien militaire et humanitaire complet, l'Ukraine ne sera pas en mesure de protéger sa démocratie et sa défaite aura des répercussions sur le niveau de liberté politique dans le monde entier. Mais d'un autre côté, nous devons critiquer les responsables gouvernementaux ukrainiens et leur incapacité à mettre fin au consensus néolibéral qui sape l'effort de guerre. Il serait particulièrement difficile de gagner une guerre contre un envahisseur étranger alors que le pays est confronté à de nombreux problèmes internes, liés à une économie capitaliste dysfonctionnelle.
9 juin 2025
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Les élections législatives mises en perspective. Les défis du Bloco de Esquerda

4 juin 2025 | tiré du site alencontre.org | Photo : Mariana Mortágua en conférence de presse.
https://alencontre.org/europe/portugal/portugal-dossier-les-elections-legislatives-mises-en-perspective-les-defis-du-bloco-de-esquerda.htmlOnintza Irureta Azkune et Aiala Elorrieta Agirre

Les résultats électoraux portugais définitifs des législatives du 18 mai (voir article publié le 21 mai) sont tombés suite à l'enregistrement des résultats recueillis dans les deux circonscriptions de l'émigration (« des expatrié·e·s »). Quatre députés sont élus dans ces circonscriptions. Fin mai, les résultats sont les suivants : 2 élus pour Chega (extrême droite « ça suffit ») et 2 pour l'Alliance démocratique (coalition de droite formée par le Parti social-démocrate (PPD/PSD), le CDS – Parti populaire-CDS-PP et le Parti populaire monarchiste-PPM). Dès lors, la droite AD détient 91 sièges (89 du PSD et 2 du CDS-PP) et Chega devient le deuxième parti en termes de députés, avec 60 élu·e·s. Le PS se retrouve déplacé au troisième rang avec 58 sièges.
Le quotidien Publico du 28 mai souligne que « dans la circonscription européenne, Chega remporte une victoire confortable avec 28,2% des voix, soit 10 points de pourcentage de plus qu'en 2024. L'AD n'a pas dépassé 14,7% et le PS, qui recule de la deuxième à la troisième place en Europe, a obtenu 13,5%. » Chega a obtenu ce résultat en recueillant particulièrement les voix des émigrant·e·s portugais vivant en France, en Suisse, en Belgique et aux Luxembourg. C'est la première fois, depuis 1976, que le PS n'élit pas de députés parmi les émigré·e·s, alors que la circonscription européenne était considérée comme « un bastion social-démocrate ».
Le graphique ci-dessous illustre la situation politique en termes parlementaires, à ce jour, 3 juin, où s'ouvre la XVIIe législature. Nous publions ci-dessous un premier bilan établi par le Bloco de Esquerda et diverses contributions. (Rédaction A l'Encontre)
*****
Le Bloco veut « résister » et « se relever », mais aussi « élargir ses alliances » pour continuer à se battre avec détermination
Par Bloco de Esquerda
Dans sa résolution, la direction du Bloco de Esquerda (Bloc de gauche) tire le bilan des élections législatives du 18 mai, au regard de la conjoncture et de la campagne du parti afin de trouver des réponses pour l'avenir.
Le Bloco de Esquerda a obtenu le pire résultat de son histoire à des élections à l'Assemblée de la République. Le Bloco regarde ces résultats avec préoccupation et entend dresser un bilan qui permette de corriger les erreurs commises, d'écouter l'ensemble de ses militant·e·s ainsi que des personnes qui ne sont pas membres du parti, et de faire porter à maturation une orientation qui assure la pérennité de ce projet politique, de sa présence dans les luttes sociales et de son offre alternative. Ce processus ne peut se faire dans la précipitation ni en cherchant une explication unique. Il exige du temps, de l'humilité, de l'ouverture et la volonté de trouver des voies que nous ne découvrirons qu'ensemble.
Le total des voix des partis à la gauche du PS est le plus bas jamais enregistré, et il en va de même lorsque l'on inclut le PS dans ce total. Ces défaites – de l'ensemble de la gauche et du Bloco – exposent le pays à de graves risques. Pour que nous puissions les comprendre, il faut étudier les facteurs qui ont déterminé ce désastre électoral, ainsi que les spécificités de chaque force politique. Cette résolution examine certaines conditions politiques nationales et internationales et leur impact, en particulier la manœuvre du Premier ministre [Luis Montenegro du PSD], l'effet de la place de l'immigration au cœur du débat politique et encore la peur de la guerre. Elle engage également une réflexion sur notre campagne.
Le contexte des élections
La crise politique créée par le Premier ministre Montenegro à la suite de la violation de son obligation de se consacrer exclusivement à sa tâche [conflit d'intérêts lié au maintien de la gestion de sa société immobilière par sa famille] s'est transformée une manœuvre sans précédent dans l'histoire récente du gouvernement, qui a contribué à la dégradation du climat politique. Elle s'est avérée être un succès pour Montenegro, en lui permettant de retrouver sa capacité d'initiative. Sa première déclaration, en faveur d'une révision constitutionnelle avec le soutien de l'Initiative libérale (IL-Iniciativa Liberal) et Chega (extrême droite), même si elle était enrobée dans une déclaration d'ouverture, est une menace flagrante et très grave contre certains des piliers des acquis démocratiques de la Révolution des Œillets [voir ci-après la contribution de Maria J. Paixão – réd.].
La place centrale prise par la question de l'immigration dans le débat politique a été un facteur important dans la défaite de la gauche. Le Portugal connaît l'une des transformations les plus profondes de sa composition sociale et du profil de sa classe laborieuse. En quelques années, le nombre de travailleurs étrangers a été multiplié par dix et représente aujourd'hui environ un tiers de la population active. Une partie importante de cette nouvelle classe ouvrière ne vient pas des pays lusophones. Dans ce contexte, la défaillance des services d'accueil et de régularisation et le manque de moyens consacrés à des réponses d'ensemble en matière de logement, de services publics et d'accès à la langue ont renforcé le discours de l'extrême droite. Ce discours a été repris par le gouvernement pour justifier la nouvelle législation et légitimé, par ailleurs, par le recul du PS sur cette question. Ce discours a été relayé par le sensationnalisme de certains médias et surtout par la manipulation des masses à travers les réseaux sociaux [1]. En effet, l'extrême droite a réussi à faire de l'immigration l'explication de toutes les difficultés de la population, du logement au système de santé.
Le Bloco et d'autres partis ont été pénalisés dans les urnes en raison de cette situation. La leçon à en tirer est que différents éléments restent essentiels : l'action militante antiraciste et antifasciste, la création d'espaces communs et unitaires, l'intervention dans les quartiers populaires où il faut affronter l'autoritarisme et les discours de haine. Il est indispensable de trouver les moyens d'ouvrir les syndicats aux travailleurs étrangers, de créer des mécanismes d'inclusion, d'empêcher l'exploitation des différences qui nourrissent le ressentiment social. La lutte contre la division de la classe laborieuse est essentielle aujourd'hui comme demain.
La réélection de Trump a des conséquences multiples en matière de politique internationale, qui favorisent l'extrême droite : premièrement, elle encourage le génocide à Gaza et place Netanyahou à l'abri des pressions internationales, en s'en prenant aux gouvernements qui ont dénoncé le génocide des Palestinien·nes, comme celui de l'Afrique du Sud ; deuxièmement, elle recherche une alliance avec Poutine ; troisièmement, elle met en place une internationale réactionnaire qui implique directement l'administration états-unienne dans les élections en Allemagne [soutien de JD Vance à l'AfD] et dans d'autres pays européens ; quatrièmement, elle utilise les droits de douane comme un instrument de politique économique visant à soumettre ses alliés et partenaires et à s'opposer à la Chine.
Dans ce contexte international, le Bloco de Esquerda a bien identifié le risque d'accentuation du virage à droite observé depuis un an, en particulier sous l'effet de la montée de la pression militariste dans ce nouveau contexte. Cette pression suscite la peur et fait basculer la politique vers la droite, amenant les partis du centre à accepter la course aux armements en Europe et la soumission à l'OTAN.
Ces trois facteurs – la stratégie de l'Aliança Democrática (coalition de la droite), qui a repris le discours sur la stabilité qui a donné la majorité absolue au PS en 2022 ; la centralité de la question de l'immigration, déterminante pour toute la politique nationale ; et la peur face à la propagande militariste – ont été déterminants dans le contexte général des élections.
La réponse immédiate à la menace qui pèse sur la Constitution
La plus forte évolution observée le 18 mai a été la progression de Chega. Ce résultat démontre sa capacité à conserver l'électorat qu'il avait récupéré parmi les abstentionnistes en 2024, tout en l'augmentant sur l'ensemble du territoire, en particulier dans les zones les plus défavorisées socialement, à l'intérieur du pays et dans les anciennes ceintures industrielles. Devenu, comme prévu, le deuxième parti en nombre de député·e·s (une fois le dépouillement des votes des circonscriptions électorales de l'émigration terminé), Chega entre désormais bel et bien dans la course pour le gouvernement. Cette nouvelle situation se traduira par une dégradation générale des conditions d'exercice de la démocratie, tant au parlement (où Chega mène depuis plusieurs années une stratégie de sape des conditions de débat et d'expression) que dans la société, avec la banalisation de la violence raciste, machiste, transphobe, homophobe et, plus généralement, fasciste. En devenant majoritaire dans le sud du pays et à Setúbal [à 40 km au sud de Lisbonne], et en renforçant son résultat dans tous les districts, l'extrême droite gagne des voix populaires, y compris de nombreuses voix qui étaient auparavant gagnées par les forces de gauche. Fort de cette représentation, Chega va aggraver sa campagne xénophobe et antidémocratique, en coordination avec les groupes criminels qui gravitent autour de lui (voir la récente attaque contre la manifestation du 25 avril par une bande néonazie, immédiatement applaudie par Chega).
Dans la nouvelle configuration parlementaire, aucun des trois principaux partis ne peut former une majorité avec des partis plus petits. Cependant, pour la première fois, les partis à droite du PS dépassent le seuil des deux tiers qui leur permet de modifier la Constitution. Ce fait prend une importance capitale dans la situation politique actuelle et représente un risque réel de modification régressive du système constitutionnel, compte tenu des antécédents du PSD en la matière, qu'il s'agisse de l'attaque contre les retraites menée dans le cadre du plan d'austérité imposé par la troïka, des propositions de révision de la loi électorale ou encore des récentes déclarations sur le droit de grève. Iniciativa Liberal (IL) et Chega ont déjà annoncé leurs intentions. Le Bloco de Esquerda considère qu'il est essentiel que toutes les voix et toutes les forces politiques qui se reconnaissent dans les valeurs et le texte de la Constitution du 25 avril [1976] s'expriment de manière unie, afin de défendre les libertés et les garanties qu'elle consacre.
Pour le Bloco, l'objectif n'est pas seulement de résister à la vague fasciste et xénophobe ou aux alliances possibles et dangereuses entre la droite et l'extrême droite, ou encore au soutien du PS au gouvernement de Montenegro. L'objectif du Bloco est de se relever, de se reconstruire, de créer et d'élargir des alliances et de lutter avec détermination pour notre peuple.
La campagne du Bloco
Dans le nouveau contexte politique, nous avons revu notre modèle de campagne. Nous avons donc décidé de nous concentrer sur quelques thèmes essentiels auxquels nous avons accordé la plus grande importance, en cherchant à les placer au centre du débat public : plafonnement des loyers, droits des travailleurs par équipes [3×8]] et impôt sur la fortune. Nous n'avons pas abandonné les autres combats programmatiques qui font l'identité du Bloco, tels que les services publics, l'égalité, le rejet de la xénophobie ou l'opposition à la guerre, mais nous nous sommes concentrés sur ces thèmes afin qu'ils deviennent notre marque distinctive. C'est également ainsi que nous avons évité un débat stérile sur la gouvernabilité, en mettant en avant les mesures qui permettraient d'améliorer la vie d'une partie importante de la population et que notre représentation parlementaire défendrait en toutes circonstances. Cette politique a porté ses fruits : la question du plafonnement des loyers a occupé une place importante dans le débat politique, elle a obligé tous nos adversaires à se prononcer, a été renforcée par les nouvelles de plus en plus alarmantes sur la crise du logement et a été identifiée par la population comme une solution crédible. Elle continuera d'être l'un des combats les plus importants pour la vie de notre peuple – même la majorité des familles de travailleur·ses, qui achètent leur propre maison, savent que leurs enfants ne pourront pas en faire autant et ne parviennent déjà pas à louer un logement. La deuxième proposition, sur le travail par équipes, a été soutenue par des milliers de travailleur·ses. Cependant, aucune de ces propositions n'a permis de relancer la dynamique électorale dans le contexte décrit ci-dessus.
Deuxièmement, notre campagne a favorisé les initiatives décentralisées de contact direct, par le porte-à-porte. Nous avons frappé à plus de vingt mille portes et lancé une forme d'action politique qui sera fondamentale à l'avenir. Nous l'avons fait de manière différenciée dans le pays, en mobilisant des jeunes militant·e·s, des adhérent·e·s récents et plus anciens, qui ont constaté qu'ils pouvaient intervenir directement et non pas en tant que spectateurs de la campagne électorale. Pour la même raison, nous avons remplacé les traditionnels meetings par des « cafés-débats », ouverts au dialogue avec tout le monde, et par des fêtes et des réunions publiques créatives et animées.
Troisièmement, nous avons mobilisé toutes nos forces, y compris avec les candidatures des fondateurs du parti. Ces candidatures n'ont pas eu d'effet électoral, mais elles ont eu un effet militant, dynamisant les campagnes dans les grands districts.
Ces choix n'ont pas permis d'inverser la tendance électorale et le Bloco a subi sa pire défaite. Et sachant que la discussion sur le bilan des élections permettra d'identifier les erreurs et d'évaluer, au-delà des questions mentionnées, les modèles de communication, les formes d'organisation, la pédagogie de la campagne, l'adéquation des réponses aux campagnes diffamatoires, ou d'autres aspects de cette bataille, le Bloco affirme qu'il ne cessera de lutter pour ce que nous avons mis en avant lors de ces élections : pour une politique populaire du logement, pour les droits de qui travaille, contre les inégalités et pour la qualité et le maintien des services publics, contre les menaces fascistes et pour l'unité dans la défense de la vie démocratique et des règles constitutionnelles qui la protègent.
Délibérations
Les 13 et 14 juin, à Porto, le Bloco de Esquerda accueille le congrès fondateur de l'Alliance de la gauche européenne pour les peuples et la planète, un nouveau parti politique européen qui réunit le Bloco de Esquerda (Portugal), La France Insoumise (France), l'Alliance de gauche (Finlande), Podemos (Espagne), l'Alliance verte et rouge (Danemark), Razem (Pologne) et le Parti de gauche (Suède). La montée des forces d'extrême droite et les crises sociales, environnementales et internationales exigent une coopération plus efficace de la gauche verte, féministe et antiraciste européenne. Le Bloco de Esquerda s'engage dans cette nouvelle alliance et invite ses adhérent·e·s et sympathisant·e·s à participer activement à ce temps de débat et d'apprentissage. Lors de ce congrès, ouvert à la participation d'autres forces de gauche, européennes et internationales, ainsi qu'aux mouvements sociaux et militants, nous souhaitons créer de nouvelles formes de travail solidaire et préparer des actions concrètes de mobilisation contre le capitalisme et la guerre, de résistance à l'extrême droite et de reconquête de majorités sociales à gauche.
Le Bloco de Esquerda continuera à préparer ses candidatures aux élections municipales, réaffirmant son engagement en faveur d'accords programmatiques pour une convergence à gauche, que ce soit avec le PS à Lisbonne pour battre Carlos Moedas [maire de Lisbonne depuis 2021, membre du PSD], ou pour affirmer des alternatives municipales à gauche. Même dans les communes où le Bloco a déjà présenté sa liste, il reste ouvert à des rapprochements, dans la mesure du possible, avec le PCP, Livre (les Verts), le PAN [Personnes-Animaux-Nature] et les mouvements citoyens.
Au vu des nombreuses adhésions de jeunes enregistrées tout au long de la campagne électorale et dans les jours qui ont suivi les élections, le Bureau national réitère son appel à participer au « Campement Liberté » qui se tiendra dans le centre du pays du 24 au 27 juillet. Cette rencontre, ainsi que d'autres rencontres élargies de formation et de débat politique, comme « Socialisme 2025 », qui se tiendra du 29 au 31 août, sont essentielles dans cette nouvelle phase de la vie du pays.
Face à la nouvelle situation politique et à la lourde défaite électorale du Bloco, le Bureau national décide de convoquer une nouvelle Convention nationale les 29 et 30 novembre. Il ne s'agit pas de reprendre le processus qui avait été suspendu en raison des élections, car le changement de la situation politique nationale, la nécessité d'une réflexion approfondie et de la définition d'une orientation pour les années à venir ne pouvaient être traités comme la simple conclusion d'un processus entamé en janvier 2025, alors que la convocation d'élections législatives n'était même pas envisagée et que Trump n'avait pas encore pris ses fonctions. Avec cette décision s'ouvre une nouvelle période pour la présentation de motions d'orientation avec une mise à jour de la liste des adhérent·e·s ayant le droit d'élire et d'être élu·e·s délégué·e·s. – 24 mai 2025 (Traduction par Pierre Vandevoorde – ESSF ; édition rédaction A l'Encontre)
[1] Le quotidien Publico, en date du 29 mai, titre « La désinformation augmente au Portugal et Chega est le parti qui y contribue le plus ». L'auteure de cet article, Barabara Baltarejo, cite une étude du MediaLab qui indique que, « parallèlement, André Ventura [chef de Chega] a été le leader politique qui a le plus dominé les réseaux sociaux, tant en termes de portée que de production de contenu. Il a atteint neuf millions de followers sur Facebook et 5,4 millions sur Instagram en seulement une semaine. Il convient de noter que les neuf millions de vues du leader de Chega sur Facebook sont plus de neuf fois supérieures au nombre de vues de tous les autres leaders politiques analysés par MediaLab. Les leaders du PSD, du PS, du BE, du Livre, du CDS et du PAN ont totalisé 724 079 vues. » (Réd. A l'Encontre)
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La démocratie et l'Etat social « sont en danger » avec la révision constitutionnelle de la droite
Par Bloco de Esquerda
Une délégation du Bloco de Esquerda composée de la coordinatrice du parti Mariana Mortágua et des dirigeants Fabian Figueiredo et Jorge Costa a été reçue ce jeudi 22 mai au palais de Belém [par le président de la République Marcelo Rebelo de Sousa. Cette rencontre s'inscrit dans le cadre des consultations menées par le président de la République au sujet des résultats électoraux, qui ne seront définitifs qu'après le dépouillement des votes des expatriés [voir résultats en introduction de ce dossier].
A l'issue de l'audience, Mariana Mortágua a souligné que « la droite n'a pas tardé à dire ce qu'elle pensait », dès les premières déclarations d'intention de l'Initiative libérale [IL] de profiter de la majorité parlementaire avec l'extrême droite [Chega] pour ouvrir un processus de révision constitutionnelle lors de la prochaine législature [voir article ci-après de Maria J. Paixão]. Selon Mariana Mortágua , c'est « la plus importante portée de ce virage à droite » dans le pays. Cette radicalisation « n'est possible que parce que le PSD s'est radicalisé », ouvrant la porte à la discussion du projet de l'IL « qui veut mettre fin aux services publics qui ont construit la démocratie ou de Chega qui veut mettre fin aux libertés individuelles ».
« Toute notre démocratie, l'Etat social, l'éducation, des acquis que nous considérons comme allant de soi, tels que l'accès à la santé, existent parce qu'elles sont inscrites dans la Constitution. Et c'est précisément cette Constitution qui est aujourd'hui menacée et que la droite veut attaquer », a souligné la coordinatrice du Bloco.
Mariana Mortágua a également défendu la nécessité « que toutes les forces de la démocratie et de l'Etat social s'unissent autour d'un objectif qui est d'empêcher la révision de la Constitution du 25 avril [1976] et de la démocratie portugaise ».
Interrogée par les journalistes sur la possibilité d'alliances entre les partis de gauche lors des prochaines élections municipales [septembre/octobre 2025], Mariana Mortágua a révélé que les réunions entre les partis organisées par le Bloco après les élections législatives de l'année dernière [10 mars 2024] « ont donné lieu à des discussions avec Livre (Verts) et le PAN [Personnes-Animaux-Nature] pour des projets de convergence lors des élections municipales ». Mortágua a réitéré son souhait que tous les partis de gauche, y compris le PS, s'unissent à Lisbonne pour battre Carlos Moedas (membre du PSD).
Quant à la perspective d'une stabilité gouvernementale actuellement en discussion, Mariana Mortágua a rappelé que « la dernière période de stabilité que ce pays a connue est celle où le Bloco de Esquerda a déterminé la solution gouvernementale et la majorité parlementaire » [suite aux législatives de 2015].
« A mesure que la politique se rapproche de la droite, ce pays ne connaîtra que l'instabilité. C'est pourquoi nous nous battons pour que la Constitution et la vie des gens soient marquées par la sécurité », a-t-elle conclu. (Article publié sur le site du Bloco le 22 mai ; traduction rédaction A l'Encontre)
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« Une Constitution peut-elle survivre à son esprit ? »
Journal de l'Assemblée constituante lors de sa session inaugurale du 2 juin 1975.
Par Maria J. Paixão

La commotion suscitée par les résultats électoraux du 18 mai 2025 était encore palpable lorsque l'Initiative libérale (IL) a attisé le feu en promettant d'entamer un processus de révision constitutionnelle. Ce sera, dans l'histoire de la démocratie portugaise, la première révision constitutionnelle dont l'approbation ne dépend pas de l'accord entre les deux partis du centre traditionnel – le PS et le PSD. En effet, la Constitution de 1976 prévoit que les modifications de son texte doivent être approuvées par une majorité des deux tiers des député·e·s en exercice, majorité détenue, après dimanche 18 mai, par le PSD, Chega et IL.
La Constitution approuvée le 2 avril 1976 constitue, comme toutes ses congénères, un pacte social. Le texte de la loi fondamentale est le fruit des tensions entre les forces politico-sociales qui se sont affirmées au cours des deux années qui ont séparé la révolution d'avril 1974 et la fin des travaux de l'Assemblée constituante [en avril 1975 sont élus 250 députés à une Assemblée constituante pour un mandat d'un an : le PS de Mario Soares obtient 116 députés, le PCP d'Alvaro Cunhal 30, le Mouvement démocratique portugais-MDP 5 ; le PPD-Parti populaire démocratique 81].
Il s'agit donc d'un projet de société issu des concessions mutuelles des mouvements et des idéologies en présence durant un long avril [d'avril 1974 à avril 1976, avec un tournant en novembre 1975 qui modifie les rapports de force socio-politico-militaires]. Ce projet reconnaît la propriété privée aux côtés du droit à l'autogestion et à la constitution de coopératives, ainsi que la propriété publique. Il consacre un large catalogue de droits civils et politiques, à tendance libérale, mais aussi un catalogue ambitieux de droits économiques, sociaux et culturels. Les partis politiques se voient reconnaître la fonction d'organiser et d'exprimer la volonté populaire, mais la mission de réaliser la démocratie économique, sociale et culturelle est également assumée par la mise en œuvre de mécanismes de démocratie participative. Tout au long du texte constitutionnel, on trouve donc des traces et des fragments d'une pluralité de visions du monde et de projets d'organisation sociale. La Constitution, en tant qu'ensemble unitaire, est le produit des confluences et des antinomies entre ces différentes conceptions [et rapports de forces socio-politiques entre classes].
Ainsi, la Constitution est plus qu'un instrument juridique de valeur paramétrique supérieure : c'est un document historique, un projet utopique, un artefact de l'esprit national. Cela ne signifie pas pour autant, soulignons-le, que cette constitution ou tout autre mérite d'être sacralisée. D'ailleurs, les exemples ne manquent pas pour montrer à quel point le fétichisme constitutionnel peut être pernicieux. Il suffit de considérer l'exemple des Etats-Unis, dont la Constitution, vieille de plus de 200 ans, continue d'être canonisée. Il est toujours déconcertant d'observer les acrobaties intellectuelles auxquelles se livrent les Américains pour extraire d'un texte du XIXe siècle [en fait fin du XVIIIe] des réponses aux problèmes du XXIe siècle. Pour toute société qui a connu les tumultes de l'histoire, il est évident qu'aucun texte ne doit lier ad eternum les générations présentes aux choix des générations passées.
Il est toutefois important de reconnaître la nature spécifique de la Loi fondamentale. Il ne s'agit pas d'un simple texte normatif, mais plutôt du symbole du type de société que nous voulons construire un jour, traversée, comme il se doit, par l'histoire des conflits sociaux et politiques qui ont permis d'aboutir au pacte consigné dans le texte.
C'est dans cette optique qu'il convient d'examiner le processus de révision constitutionnelle annoncé par l'IL. Nous pouvons nous faire une idée des propositions qui seront avancées par les partis à partir des projets présentés en 2022, dans le cadre du processus de révision alors ouvert par Chega. Les projets soumis par les partis qui constituent désormais la majorité de droite (PSD, IL et Chega) constituent une modification substantielle du texte fondamental, qui ne se limite pas à de simples arrangements esthétiques. En effet, les modifications proposées, en particulier par l'IL et Chega, impliquent, dans une certaine mesure, une subversion du projet de société et du pacte social inscrits dans la Constitution de 1976. Au vu de ce qui précède, il n'y a rien de fondamentalement mauvais à cela ; les textes constitutionnels ne sont pas immuables. Cependant, il convient d'être clair sur ce que représente cette révision constitutionnelle (contrairement à la plupart des précédentes) : une modification profonde du projet de société que les Portugais ont choisi pour eux-mêmes, ainsi que le rejet d'une certaine histoire de la lutte sociale qui a construit le Portugal que nous connaissons aujourd'hui.
L'obsession quasi frénétique des partis de droite pour la suppression de la référence à la « voie vers une société socialiste » dans le préambule de la Constitution dénote, à deux niveaux, le mépris et le rejet de l'histoire « d'en bas », des mouvements sociopolitiques qui ont donné naissance à la démocratie portugaise. Comme indiqué ci-dessus, la Constitution est également un document historique, notamment en ce qui concerne le préambule, qui n'a pas d'effet juridiquement contraignant. Cette référence n'a jamais fait obstacle (depuis l'adoption de la loi fondamentale) à la reconnaissance de la propriété privée et de l'initiative économique. Elle constitue donc, comme elle l'a toujours fait, un élément symbolique et historique qui ne justifie pas la fixation particulière sur ce thème de l'Initiative libérale, à moins que l'objectif de cette fixation ne soit d'effacer l'histoire de notre démocratie et de refonder le régime.
En ce qui concerne les modifications matérielles du texte constitutionnel, tant le projet de l'IL que celui de Chega présentent une particularité intéressante : tous deux visent à rendre possibles des mesures que les partis défendent tout en sachant qu'elles sont inconstitutionnelles. On pense tout d'abord à la proposition de modification des dispositions qui qualifient le système national de santé et le système éducatif comme des services publics universels. La Constitution a toujours reconnu les services de santé et les établissements d'enseignement comme relevant du secteur public et aussi du secteur privé. Il s'agit donc de supprimer le caractère universel des services publics. En outre, il convient de prendre en considération la proposition visant à supprimer la référence à la fonction de réduction des inégalités sociales exercée par les impôts sur le revenu. Enfin, rappelons les propositions visant à introduire dans le texte constitutionnel la castration chimique et la prison à perpétuité.
La révision constitutionnelle annoncée ne doit donc pas être prise à la légère. C'est peut-être le moment où le projet d'avril rendra enfin son dernier souffle. (Article publié dans l'hebodmadaire Sabado le 25 mai 2025, repris par le site du Bloco ; traduction rédaction A l'Encontre)
Maria J. Paixão est assistante invitée à la Faculté de droit de l'Université de Coimbra et chercheuse dans le domaine du droit climatique. Militante pour la justice climatique au sein de divers mouvements sociaux.
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« La solution est à gauche »
Par Fernando Rosas
Dans cette situation grave, nous devons peut-être chercher avec lucidité et courage à réinventer l'antifascisme. Autrement dit, promouvoir une solution de gauche, pluraliste, qui rassemble tout ce qui peut l'être.
Je sais bien que le titre de cet article peut sembler insensé, surtout après la défaite électorale significative de la gauche lors des élections du 18 mai, mais mon point de départ est le suivant : la crise institutionnelle de la démocratie que connaît également notre pays et qui s'est traduite par le résultat des élections trouve son origine dans le discrédit et l'impopularité du monopole alterné PS-PSD au gouvernement. En adoptant des politiques fondamentalement identiques dans des domaines essentiels, il a permis la dégradation des principaux services publics, aggravé les inégalités sociales et les conditions de vie. Cela a semé le mécontentement, l'insécurité, le désespoir et la colère dans de larges secteurs de la population contre le bloc central informel au pouvoir et l'inefficacité socialement injuste de ses gouvernements.
Comme dans d'autres pays, l'extrême droite a également profité et exploité au Portugal, grâce à un large soutien financier et médiatique et à de nouveaux instruments de manipulation algorithmique, ce malaise des couches importantes de la classe moyenne et salariée. Elle a sans vergogne fait appel à la peur et aux instincts primitifs, exploité la désinformation et l'ignorance généralisée, menti tous les jours, manipulé, toujours encouragée par une couverture médiatique dominante généreuse et complice. Et face à l'incapacité de la gauche à s'affirmer comme alternative, elle l'a écrasée et s'est mise en position de prendre le pouvoir, contre tout ce que la démocratie a conquis politiquement et socialement depuis le 25 avril.
La victoire électorale du PSD est donc plus apparente et éphémère que réelle et stabilisatrice pour le régime.
A mon avis, trois solutions s'offrent à la droite classique, formellement victorieuse sans majorité absolue. Premièrement : s'appuyer parlementairement et politiquement sur un accord informel et ponctuel avec le PS – comme celui-ci est disposé à le faire –, en plaçant l'extrême droite dans une position satellite.
Il s'agirait d'une « contention » purement apparente et transitoire : c'est précisément l'épuisement du « situationnisme rotatif » du centre-droit qui a fait croître l'extrême droite. Sa continuité sera probablement le prélude à la prise du pouvoir par l'extrême droite lors des prochaines élections, à court ou moyen terme.
Deuxièmement : le PSD peut jouer sur l'équilibre instable. C'est-à-dire en pêchant délibérément des soutiens dans le camp du PS et en acceptant d'intégrer davantage les politiques de l'extrême droite (sécuritarisme, anti-immigration, restrictions des libertés publiques et des droits du travail…). Le résultat serait le même que dans la première solution, mais en plus rapide : un continuisme plus proche de l'extrême droite précipiterait l'avènement de cette dernière.
Troisièmement : la droite traditionnelle pourrait progressivement abandonner le « non c'est non » [face à Chega : déclaration de Montenegro] et renoncer à son apparence de « cordon sanitaire », comme le réclame une large partie du PSD et comme cela se produit déjà dans toute l'Europe, et ailleurs. Dans ce cas, nous aurions une alliance parlementaire entre la vieille droite et la nouvelle extrême droite, sur la voie d'un nouveau type de régime autoritaire : une sorte de néofascisme adapté au régime historique et aux conditions sociales de l'époque actuelle. Avec tout ce que cela implique.
En réalité, à la lumière de l'avancée démocratique conquise en avril 1974, les solutions apparemment prévisibles pour la droite débouchent sur une voie de régression civique et civilisationnelle à court ou moyen terme. Face à la gravité de la situation, la solution, du point de vue de la liberté et de la justice sociale, doit être recherchée, construite, avec un nouveau cours de politiques alternatives, c'est-à-dire à gauche. En changeant de paradigme. Dans cette situation grave, nous devons peut-être chercher avec lucidité et courage à réinventer l'antifascisme. En d'autres termes, promouvoir une solution de gauche, pluraliste, qui rassemble tout ce qui peut l'être autour d'un double objectif général : défendre la démocratie et la liberté, d'une part, et préserver et approfondir la justice sociale et distributive, d'autre part. Pour cela, en luttant pour des politiques concrètes et urgentes qui répondent à la crise du logement ; pour la défense et l'amélioration du système de santé publique, de l'école publique et des salaires et pensions ; pour la lutte contre le racisme et toutes les formes d'exclusion et de discrimination fondées sur le genre ou l'orientation sexuelle. Un antifascisme qui s'oppose à la guerre et à la folie militariste [dépenses d'armement] qui la promeut et qui se prononce sans tiédeur dégradante contre le massacre génocidaire à Gaza et pour les droits du peuple palestinien.
Ce n'est certainement pas une voie facile dans la foulée d'un revers électoral difficile. Cela exige un dialogue et la conclusion d'accords entre les forces politiques, les mouvements sociaux et la citoyenneté. Mais la dispersion et la division ne sont certainement pas une réponse digne de notre engagement envers le passé et l'avenir. Malgré tout, avril mérite bien qu'on s'entende. Et la tête haute. (Article publié dans le journal Publico le 31 mai 2025 et publié le 1er juin sur le site du Bloco ; traduction rédaction A l'Encontre)
Fernando Rosas est historien, professeur émérite de l'Université de Lisbonne, un des fondateurs du Bloco de Esquerda en 1999.
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« Le Bloco fera opposition aux nouvelles politiques de coupes sociales »
Lors de la conférence de presse marquant le début de l'année parlementaire, le Bloco de Esquerda (Bloc de gauche) a présenté ses premières initiatives pour la législature et a commenté la proposition de révision constitutionnelle que la droite libérale et l'extrême droite tentent de faire avancer.
A ce sujet, Mariana Mortágua note que le Premier ministre s'est contenté de dire « qu'il ne s'agirait pas d'un projet immédiat », laissant ainsi planer la « menace » d'une révision constitutionnelle à droite qui suscite des inquiétudes « pour l'Etat social et les libertés collectives et individuelles dans notre pays ».
Mais le Bloco sait qu'au-delà de cela, « des risques se concrétiseront déjà dans le prochain budget de l'Etat » et qu'ils sont indépendants d'une modification constitutionnelle : même sans celle-ci, « il a été possible de privatiser des services publics, de privatiser d'importantes entreprises publiques », de « sabrer dans les retraites, les salaires » et d'« affaiblir l'Etat social ». Le Bloco entend par là qu'il prévoit « de nouvelles politiques de coupes sociales » qui s'ajouteront aux engagements du gouvernement en matière de dépenses militaires.
La coordinatrice du Bloco a également présenté les trois projets déposés le premier jour de la nouvelle législature. Tout d'abord, le viol comme crime public, importante à un moment « où la violence contre les femmes et la violence sexuelle augmentent » et qui répond « au tollé et à la pétition qui a rassemblé plus de 100 000 personnes » en ce sens.
Deuxièmement, la reconnaissance de l'Etat palestinien à un moment où « le génocide à Gaza se poursuit » et où la crise humanitaire qui y règne est reconnue. Pour la députée, « il n'y a aucune raison pour que le gouvernement portugais et l'Etat portugais ne reconnaissent pas l'Etat palestinien », ce qui « est avant tout un acte de respect du droit international, mais aussi un acte symbolique qui déclare le soutien du Portugal au peuple palestinien et la solidarité portugaise avec ce peuple victime d'un génocide qui continue de bénéficier de la complicité des plus grands Etats du monde ».
En troisième lieu, le Bloco insiste sur la réduction du temps de travail, considérant que « le Portugal est l'un des pays où l'on travaille le plus pour un salaire inférieur » [1]. En outre, on estime qu'« il y a eu quelques expériences réussies avec la semaine de quatre jours, un projet pilote qui a donné de bons résultats en termes de productivité et qui a été bien accueilli tant par les entreprises qui y ont participé que par les travailleurs et travailleuses, et que cette expérience doit donc se poursuivre ». Cela n'implique aucune perte de salaire et les projets pilotes doivent se poursuivre dans le secteur privé, dans l'administration publique et dans le secteur public.
Concernant la position générale du Bloco vis-à-vis du gouvernement PSD/CDS, Mariana Mortágua a souligné le « rôle d'opposition », en rappelant ce qui s'est passé l'année dernière : « une politique gouvernementale qui a montré des signes d'incompétence, notamment dans le domaine de la santé » et le projet politique de la droite en matière de logement, de travail, de retraites, de sécurité sociale et de services publics, que le Bloco rejette. (Communiqué du Bloco publié sur son site le 30 mai ; traduction rédaction A l'Encontre)
[1] La limite de la pauvreté au Portugal est située à un revenu effectif de 632 euros mensuels. En 2023, 1,7 millions de personnes disposaient d'un revenu effectif inférieur à 632 euros mensuels. Toutefois, dans une enquête publiée pour la région du Grand Lisbonne et de Setubal, un revenu de 746 euros, étant donné les différences régionales, aboutit à être statistiquement sur la ligne de passage dans la pauvreté. L'enquête (telle que rapportée par Publico le 4 juin 2025) démontre que dans le Grand Lisbonne le taux de pauvreté se situé à 19,2% de la population et à 20% dans la région de Setubal, si la référence est celle de 632 euros. De plus, les 10% des travailleurs les plus pauvres subissent des horaires de travail de plus de 45 heures hebdomadaires. (Réd. A l'Encontre)
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