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Rio : Claudio Castro est responsable du plus grand massacre de l’histoire du Brésil

Le criminel Cláudio Castro doit quitter le palais Guanabara (le siège du gouvernement de l'état de Rio de Janeiro) pour la prison. C'est la façon d'éviter de nouveaux massacres (…)

Le criminel Cláudio Castro doit quitter le palais Guanabara (le siège du gouvernement de l'état de Rio de Janeiro) pour la prison. C'est la façon d'éviter de nouveaux massacres perpétrés par l'État et présentés comme une politique de sécurité publique.

Tiré de Moviento Revista
https://movimentorevista.com.br/2025/10/rio-claudio-castro-est-responsable-du-plus-grand-massacre-de-lhistoire-du-bresil/

Israel Dutra
30 out 2025, 16:10

L'incursion des forces de police commandée par Cláudio Castro dans la nuit du mardi 28 octobre a donné lieu à l'opération militaire la plus meurtrière de l'histoire du pays. Un véritable massacre a été perpétré, avec un bilan (probablement encore sous-estimé) de 128 victimes mortelles.

Un crime commis par l'État, une violence barbare qui renforce la spirale de la politique dite de guerre contre la drogue, qui encercle les collines et les favelas de Rio, plaçant la population travailleuse dans la ligne de mire entre les forces de l'État et les factions (qu'il s'agisse de milices ou de trafiquants). Le nombre de morts a dépassé celui du massacre de Carandiru, dans les années 90, à São Paulo.

Chaos, violence et responsabilité de l'État

Dès le début de l'opération, le chaos s'est répandu dans toute la région métropolitaine de Rio de Janeiro. Des centaines de points entre la Zone Nord, Lapa et São Gonçalo ont été bloqués. Des bus ont été détournés et immobilisés. Les représailles du trafic de drogue (le groupe Comando Vermelho) ont entraîné l'annulation des cours, semé la terreur et transformés en otage des centaines de milliers de Cariocas au cours des dernières 40 heures.

L'ONU a publié une note qualifiant ces événements de crime barbare. Le plus grand bain de sang jamais vu dans une seule opération vient ajouter son sinistre décompte à d'autres massacres, comme ceux qui ont eu lieu précédemment dans les quartiers du Morro do Alemão, Vila Cruzeiro et Jacarezinho. Le gouverneur Cláudio Castro a directement ordonné l'opération, forcément meurtrière, recherchant impact médiatique et prestige pour renforcer son discours. Le référence au « narcoterrorisme » est un pas de plus dans la stratégie de l'extrême droite, à la manière de Trump qui provoque militairement et politiquement le Venezuela et la Colombie et cherche à déstabiliser leurs gouvernements et à exercer une influence directe sur les deux pays. Le fil conducteur des deux est la barbarie néofasciste.

Ce qui a été constaté lors de l'opération, c'est l'utilisation d'armes lourdes par le Comando Vermelho, où 90 fusils auraient été récupérés, et la police a également dénoncé l'utilisation de drones de haute technologie.

L'action médiatique et génocidaire du gouverneur de Rio, motivée notamment par ses intérêts électoraux, doit être dénoncée et condamnée comme la principale responsable de ce massacre. Non seulement l'opération a été un désastre, mais elle a enfreint toute légalité en cachant des corps, en manipulant des données, dans le but de criminaliser les favelas et les communautés urbaines des périphéries à une échelle sans précédents de l'histoire du Brésil.

Farce et génocide

L'action de la police militaire de Rio est une farce. Nous savons que la politique de « guerre contre la drogue » ou de « guerre contre le crime » n'a pour seul objectif que de militariser les communautés et d'étendre le génocide des jeunes pauvres et noirs dans les périphéries des grandes villes du pays.

Le trafic de drogues et d'armes lourdes implique toute une industrie qui opère non seulement dans le cadre de l'impunité de l'État ou de sa connivence, mais aussi dans une profonde imbrication.

Les actions policières contre les hautes sphères du crime organisé – qu'il s'agisse de la saisie d'armes à feu au domicile de Ronnie Lessa ou de celle menée il y a quelques mois à Faria Lima, à São Paulo – n'ont fait aucun mort et n'ont même pas donné lieu à des coups de feu.

Les actions des factions, des trafiquants et des milices oppriment l'ensemble des communautés de Rio et du pays. Leurs chefs, véritables millionaires, et leurs fortunes circulent librement, prosperant dans des secteurs maintenus délibérement dans l'illégalité : l'immobilier, le divertissement et le monde du sport. Et ce sont les flux financiers qui alimentent la corruption au sein des institutions policières.

Dehors Castro, halte à la guerre contre la drogue, et mobilisation active
Certaines structures héritées de la dictature militaire brésilienne restent inchangées, militarisant la vie sociale, avec une répression systématique des mouvements populaires et une politique de sécurité basée sur la guerre contre les favelas et les pauvres. En ce sens, comme indiqué dans la récente actualistion du programme du PSOL, il est fondamental de démilitariser la police et de construire « une nouvelle politique en matière de drogues, qui s'attaque au génocide du peuple noir et à l'incarcération de masse, axée sur la santé publique et les soins en liberté, en combattant le modèle privatiste des communautés thérapeutiques, en remplaçant la logique de la punition par des alternatives de justice réparatrice avec une perspective de genre et de race et la réparation des territoires touchés par la répression policière ». Cela signifie discuter sérieusement de la démilitarisation des Police Militaires [en charge du maintien de l'ordre] et de la dépénalisation des drogues.

De nombreux mouvements sociaux, notamment liés au mouvement noir et des périphéries, ont déjà indiqué la appelé á réponse forte, dans les rues, le 31, et des manifestations auront lieu dans plusieurs capitales. Il est essentiel de se joindre à cet effort et à cette mobilisation.

Enfin, la tâche immédiate, est construire dans le cadre d'une unité et d'une mobilisation sociale des plus larges, le « Fora dehors] Castro ! ». Le criminel Cláudio Castro doit quitter le palais Guanabara pour la prison, sous peine de voir de nouveaux massacres perpétrés par l'État et présentés comme une politique de sécurité publique.

Israel Dutra é sociólogo, Secretário de Movimentos Sociais do PSOL, membro da Direção Nacional do partido e do Movimento Esquerda Socialista (MES/PSOL).
Brasil

Com apoio do governo, Congresso aprova ataque ao piso da educação.

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Argentine. Milei, Trump, l’Argentine : colonie, dépendance, souveraineté, capitalisme ?

4 novembre, par Rolando Astarita — , ,
L'une des idées les plus répandues [en Argentine] ces derniers temps est qu'avec le sauvetage par Trump du gouvernement Milei, l'Argentine est devenue une colonie des (…)

L'une des idées les plus répandues [en Argentine] ces derniers temps est qu'avec le sauvetage par Trump du gouvernement Milei, l'Argentine est devenue une colonie des Etats-Unis. Certains faits semblent corroborer cette affirmation.

27 octobre 2025 | tiré du site à l'encontre.org
https://alencontre.org/ameriques/amelat/argentine/argentine-milei-trump-largentine-colonie-dependance-souverainete-capitalisme.html

Tout d'abord, le Trésor américain intervient ouvertement en Argentine, sur le marché des changes et dans la politique monétaire, reléguant la BCRA (Banque Centrale de République Argentine) au second plan. [En effet, un échange – swap – de 20 milliards de dollars entre les Etats-Unis et l'Argentine – les 9,15 et 16 octobre – devait permettre d'enrayer la chute du peso argentin, dont une dévaluation encore plus forte face au dollar aurait des effets sur l'inflation par le biais des biens importés. Le 21 octobre, la Maison Blanche promettait un nouveau paquet de 20 milliards de dollars à condition que Javier Milei (en fonction depuis décembre 2023) et son parti La Libertad Avanza (LLA) gagne – en alliance avec des forces représentées par Maurizio Macri de PRO-Propuesta Republicana et le Parti radical (UCR) – les élections législatives du 26 octobre. Elles doivent renouveler 127 sièges de la Chambre des député·e·s et 24 sièges du Sénat. Autrement dit, un chantage politique. Voir ci-dessous les résultats des élections partielles. Réd. A l'Encontre]

Ensuite, il y a les nombreuses conditions économiques, politiques et géopolitiques qui, selon les spéculations, accompagneraient le sauvetage de Milei. Parmi celles-ci, il y a des pressions pour que le gouvernement argentin accorde des avantages aux investisseurs états-uniens dans les secteurs minier, gazier et pétrolier. Une autre revendication est que les laboratoires argentins paient les brevets des laboratoires des Etats-Unis. Sur le plan politique, Washington et le FMI exigent un « accord de gouvernance » entre LLA, le PRO, l'UCR, les député·e·s et les gouverneurs « péronistes-pelucas » [gouverneurs péronistes qui collaborent toutefois avec le pouvoir] afin de faire avancer les réformes du travail et de la fiscalité et de renforcer la gouvernance bourgeoise.

Plus stratégiquement, sur le plan géopolitique, les Etats-Unis demandent à l'Argentine de réduire ses liens avec la Chine. C'est pourquoi le Financial Times parle du « désir du président Donald Trump d'expulser la Chine d'Amérique latine, une région qu'il considère comme la sphère d'influence légitime des États-Unis. Au cours des deux dernières décennies, la Chine a considérablement développé son commerce et ses investissements dans l'« arrière-cour » de Washington, tandis que les administrations successives détournaient le regard » (Infobae, 15/10/2025). Tout cela couronné par la prétention de Trump de dicter aux Argentins pour quels candidats ils devront voter à partir de maintenant, sous la menace de couper « « l'aide généreuse » des Etats-Unis.

C'est pourquoi le péronisme (sous le logo Fuerza Patria) relance le slogan-dilemme « Braden ou Perón ». A Buenos Aires, des affiches sont apparues avec Axel Kicillof – le dirigeant péroniste – sur fond de drapeau argentin contre Javier Milei sur fond de drapeau américain. « Patrie oui, colonie non », pour la « libération nationale ». C'est l'idée d'une seconde indépendance, conçue comme une revendication de la démocratie bourgeoise dans le domaine des relations internationales.

Dans ce qui suit, nous présentons une approche différente. En substance, nous soutenons que, même s'il y a une recrudescence de la dépendance de l'Argentine vis-à-vis des Etats-Unis, celle-ci doit être distinguée de ce qui a été, historiquement, la domination coloniale.

Colonie ou pays dépendant ?

L'argumentation que nous défendons part de la distinction entre une colonie et un pays dépendant. En résumé, la relation coloniale se définit comme la domination des pays arriérés par les puissances, par le biais de la violence et de l'occupation du territoire. Cela signifie que la répression s'exerce sur l'ensemble de la population indigène et peut aller jusqu'au génocide (comme c'est le cas actuellement en Palestine, massacrée par le colonialisme sioniste). Il en résulte une relation d'exploitation, structurée autour du pillage, de la spoliation et de la coercition extra-économique sur le pays dominé.

Un pays dépendant, en revanche, a droit à son propre gouvernement et à son propre Etat, et c'est à partir de cette position qu'il est soumis à des pressions, des conditionnements ou des menaces directes. Celles-ci s'appuient sur le pouvoir économique du capital le plus internationalisé et le plus puissant, et sur ses Etats. L'exploitation est de classe – le travail est exploité par le capital – et se fait par voie économique (le travailleur est « libre » de vendre sa force de travail).

Pour l'expliquer à l'aide apportée par les Etats-Unis à Javier Milei, si l'Argentine était une colonie des Etats-Unis, cette « aide » serait imposée sans autre forme de procès par la violence politique directe. C'est le type de domination qui a été évoqué ces derniers temps par Trump, comme une menace ; par exemple, en ce qui concerne le Panama et le Venezuela (dans ce dernier cas, avec des attaques et des assassinats effectifs). L'intervention de Trump en Argentine, en revanche, suit les schémas propres à la relation de dépendance d'un pays arriérés et en crise, mais politiquement indépendant (sur le plan formel). C'est le gouvernement argentin lui-même qui a demandé l'intervention des Etats-Unis, avec le soutien, ou le consentement, d'une grande partie de la classe dirigeante du pays. Le conditionnement s'opère par le biais de swaps et de crédits, qui reflètent la puissance économique des Etats-Unis, incomparablement supérieure à celle du capitalisme argentin. Il ne s'impose pas par la voie militaire. Même la menace – « si vous ne votez pas comme nous le souhaitons, nous n'aiderons plus Milei » – laisse ouverte la possibilité que l'intervention soit écartée par le vote populaire. Une variante qui est étrangère à la relation coloniale.

Un autre exemple est fourni par le prêt accordé par les Etats-Unis au Mexique en 1995 – crise dite de la tequila (une eau-de-vie mexicaine) déclenchée par une fuite massive de capitaux liquides, avec brusque dévaluation du peso mexicain (dès décembre 1994). Lors de cette crise, le Trésor des Etats-Unis a apporté 20 milliards de dollars, et avec les décaissements du FMI et d'autres organismes, le montant total a atteint 50 milliards de dollars. En contrepartie, le Mexique a dû adopter des politiques « orthodoxes » : la TVA est passée de 5 à 10% ; la politique de change a été assouplie ; le gouvernement mexicain a donné en garantie des prêts accordés des revenus de Pemex (la compagnie pétrolière nationale). De plus, les dettes des banques ont été nationalisées. Parallèlement, des milliers d'entreprises ont fait faillite et les salaires ont baissé. Mais tout cela s'est produit sans que le Mexique cesse d'être un pays formellement souverain, c'est-à-dire qu'il n'est pas devenu une colonie des Etats-Unis.

Nous soulignons que la libération nationale – rupture avec la relation coloniale et droit de former son propre gouvernement – ne remet pas en cause, en principe, le mode de production capitaliste. L'Amérique latine a obtenu son indépendance de l'Espagne et du Portugal dans le cadre d'un capitalisme naissant. L'Afrique et l'Asie ont accédé à l'indépendance au XXe siècle, dans la plupart des cas sans affecter les relations capitalistes (l'exception la plus importante étant la Chine, de 1948 jusqu'au début des années 1980). En Europe également, certains pays ont accédé à l'autodétermination nationale sans passer par des révolutions socialistes ou prolétariennes. La Norvège, par exemple, s'est séparée de la Suède au début du XXe siècle [en juin 1905, la séparation avec la Suède a été enregistrée par un référendum appuyé par 99,95% des voix. La Suède l'a reconnue par un traité adopté en octobre 1905]. Un cas cité par Lénine comme preuve que le droit formel à l'autonomie gouvernementale est réalisable dans le capitalisme.

C'est pourquoi la lutte pour la libération nationale tend à rassembler tous les secteurs sociaux du pays opprimé (à l'exception des agents et des collaborateurs de la puissance occupante). C'est un trait démocratique et pour l'égalité des droits entre les nations. Toutefois, ce droit n'élimine pas la pression et l'ingérence de fait du capital internationalisé sur le pays dépendant.

Avant de conclure sur ce point, précisons qu'il existe des formes d'intervention politico-militaire des puissances capitalistes qui n'ont pas pour but d'établir une colonie, mais de réaliser des objectifs contre-révolutionnaires ou réactionnaires, comme le renversement de gouvernements de gauche ou populistes. En général, ces interventions sont menées avec la collaboration d'au moins une partie importante des classes dominantes locales. Un exemple en est la participation de Washington au coup d'Etat de Pinochet au Chili en septembre 1973. Un autre exemple est l'action des « contras » au Nicaragua [de 1980 à 1990], ainsi que la tentative, échouée, d'invasion de Cuba, à la Baie des Cochons [avril 1961], par des exilés cubains soutenus par les Etats-Unis. Un autre cas est l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis et d'autres puissances en 2003. Ce sont des agressions impérialistes terribles, mais cela ne signifie pas que le Chili, le Nicaragua et l'Irak soient des colonies.

La grève des investissements

Depuis des décennies, l'une des formes les plus directes de pression exercée sur les pays dépendants est la menace d'une grève des investissements. Les capitalistes et les dirigeants des puissances impérialistes avertissent les gouvernements des pays en développement qu'ils ne recevront pas d'investissements tant qu'ils n'auront pas garanti les conditions qu'ils jugent propices au développement de l'exploitation capitaliste. Parmi celles-ci, ils exigent la sécurité de la propriété privée, des règles fiscales ou du travail qui ne menacent pas la rentabilité et la continuité des affaires, la liberté de transfert des bénéfices, des tribunaux internationaux pour régler les conflits [entre une firme ou une institution étatique] avec les gouvernements des pays dépendants.

Un exemple récent. Barry Bennett [Bennett a été un conseiller important de Trump dans sa campagne électorale de 2016 ; il conseille des entreprises états-uniennes] de la firme de conseil Tactic Global, cherche à servir d'intermédiaire pour les investisseurs et les entreprises des Etats-Unis dans les pays. Bennett s'est récemment rendu en Argentine. Il a rencontré des députés et des gouverneurs qui ont été les alliés de LLA et leur a fait passer le message suivant : « Vous avez tout intérêt à coopérer avec Milei, car cela permettra à votre province de bénéficier des investissements de notre pays » (voir Jorge Lliotti, La Nación, 12/10/2025). Une autre forme de pression passe par les taux d'intérêt élevés (le « risque pays ») exigés pour prêter à un pays dépendant et endetté.

Mais il ne s'agit pas seulement des menaces des capitaux étrangers. Le capital local, argentin ici, joue également un rôle. Par exemple, la fuite des capitaux est une autre forme que prend la grève des investissements. Elle est largement orchestrée par les capitalistes et les bénéficiaires de revenus du pays dépendant. Les exigences de ces secteurs sont, à leur tour, similaires à celles formulées par le capital mondialisé. En effet, au-delà des disputes autour du « partage du gâteau », il existe une fraternité de classe entre le capital national du pays dépendant et le capital étranger. Ce n'est donc pas un hasard si la Société Rurale (Sociedad Rural), l'Union industrielle argentine (UIA), la Confédération argentine des entreprises moyennes (Confederación Argentina de la Mediana Empresa-CAME), le congrès de l'IDEA (Instituto para el Desarrollo Empresarial de la Argentina), l'Association des banques argentines, pour ne citer que quelques institutions patronales, n'ont pas dit un mot contre « l'attaque contre la souveraineté argentine » lancée par Trump.

Plus généralement, il ne faut pas perdre de vue que, même si elle agit en tant que partenaire subordonné, la classe capitaliste des pays dépendants et arriérés, comme l'Argentine, n'est pas une marionnette de Washington ou du FMI. Elle n'est pas un simple intermédiaire (qui perçoit des commissions et des pots-de-vin) du capital étranger ou mondialisé. Son pouvoir de négociation repose sur l'exploitation de « sa » classe ouvrière. En d'autres termes, elle a son propre poids et tente d'agir selon ses intérêts. Par exemple, les producteurs argentins de soja et de maïs ne vont pas cesser de conclure des affaires avec la Chine parce que Trump et les républicains aux Etats-Unis le demandent. Autre exemple : la décision de poursuivre la sortie de capitaux d'Argentine dans les jours qui ont suivi l'annonce du swap [de 20 milliards de dollars], contrairement à ce qu'espérait Scoot Bessent [qui est à la tête du Trésor des Etats-Unis et qui fut, antérieurement, à la tête d'un fonds spéculatif] ne peut s'expliquer par la thèse « ce sont des marionnettes de l'impérialisme ». Même les rapports de force entre les puissances – la Chine menace l'hégémonie américaine – ouvrent des espaces de négociation et de marchandage pour les factions de la bourgeoisie les plus nationalo-centrées.

Le nationalisme bourgeois étatiste et la souveraineté

Compte tenu de l'internationalisation des économies capitalistes, il y a de moins en moins de chances qu'un pays en retard se développe « en interne » sur le plan capitaliste. Dans les années 1920, le dirigeant bolchevique Boukharine spéculait sur le fait que la Russie pourrait se développer sans tenir compte du marché mondial. Trotsky lui répondit, à juste titre, que cela revenait à vouloir se passer du froid de l'hiver moscovite. Il y a 100 ans, il était impossible de développer le socialisme national à l'intérieur de la Russie. Aujourd'hui, il y a encore moins de chances de développer le capitalisme (ou le socialisme) dans un seul pays autarcique. C'est pourquoi la revendication de rompre avec l'ingérence et la pression du capital internationalisé n'est concevable que comme slogan et programme anticapitaliste, socialiste. C'est en ce sens que le débat sur la question de savoir si l'Argentine est une colonie ou un pays dépendant est pertinent. Ce n'est pas une question de sémantique, mais de contenu, liée aux relations sociales de production dominantes.

C'est également la clé pour comprendre les contradictions et les impossibilités auxquelles sont confrontés les projets de libération nationale bourgeois ou petits-bourgeois. Il ne s'agit pas de dire qu'ils sont « inconséquents » ou « lâches » (comme les accuse une certaine gauche nationale-trotskiste), mais d'une impossibilité de classe : rompre avec la dépendance, c'est lutter pour le socialisme internationaliste. Cela n'est pas concevable comme stricte tâche nationale. C'est la cause ultime de l'incapacité du nationalisme bourgeois ou petit-bourgeois à présenter une alternative de fond, que ce soit en Argentine ou dans d'autres pays arriérés et dépendants.

Pour citer des exemples latino-américains de ces dernières années, nous nous souvenons des échecs des nationalismes bourgeois-étatistes en Bolivie, au Nicaragua et au Venezuela. Nous nous souvenons également de l'impasse dans laquelle s'est retrouvé l'Etat bureaucratique cubain (que certains considèrent comme « socialiste » ou « prolétarien »). Aucun de ces régimes n'a pu faire abstraction du marché mondial. Même les millions d'émigrant·e·s vénézuéliens, cubains et nicaraguayens sont une expression du caractère international que devra revêtir la lutte pour la libération de l'exploitation et de l'oppression. Cette dépendance est visible même sur le plan purement économique. Il suffit de penser à l'importance que revêt l'envoi de fonds par les émigrants vers leur pays d'origine (dans certains pays d'Amérique centrale, ils représentent plus de 25% du PIB).

L'Argentine n'a pas pu avancer sur la voie tant proclamée de la « libération nationale », que ce soit sous les gouvernements de Cristina Fernández de Kirchner [première dame de 2003 à 2007, son mari Nestor Kirchner fut alors président ; elle lui succède à la présidence de la République de décembre 2007 à décembre 2015 ; actuellement elle est en résidence surveillée sous l'effet de diverses accusations] ou d'Alberto Fernández [président de la Nation de décembre 2019 à décembre 2023]. Avec une économie marquée par des déficits courants en hausse, par une demande soutenue sous l'effet un déficit budgétaire de plus en plus difficile à financer, par une inflation incontrôlée, et de faibles investissements dans la technologie et les infrastructures, ne pouvait que connaître la stagnation, une crise monétaire et une nouvelle fuite des capitaux. C'est ainsi qu'a été créé le contexte propice à l'imposition des programmes de l'extrême droite de Javier Milei, de l'establishment économique et médiatique et des organismes internationaux. Comme l'ont souligné les post-keynésiens, les politiques du keynésianisme bâtard – invariablement présentées comme progressistes – débouchent sur des crises qui légitiment les discours de la droite et de l'extrême droite aux yeux des masses.

Mais il y a aussi les concessions que, encore et encore, le nationalisme bourgeois fait à la logique du capital mondialisé. Après tout, en Argentine, le programme le plus étendu de privatisations et de promotion du marché a été mené à bien dans les années 1990 par le Mouvement national justicialiste (péroniste), avec le soutien d'une grande partie de l'ancien courant militant « pour la libération nationale » des années 1970. C'était l'époque des « relations charnelles » proclamées avec le grand pays du nord (Etats-Unis). Et sans aller aussi loin : les gouvernements qui se réclament du nationalisme émettent, ou ont émis, des titres de créance soumis aux tribunaux de New York ou de Londres. Ils ont accordé des concessions à des compagnies pétrolières étasuniennes avec des clauses qui n'ont pas été rendues publiques. Et leurs politiciens et dirigeants se sont imbriqués dans les circuits du capital financier international pour blanchir l'argent provenant du pillage des caisses publiques. De quelle « libération nationale » parlent-ils ? A cela s'ajoutent les gouverneurs et les parlementaires, également issus du « camp national », qui, ces deux dernières années, ont facilité ou soutenu les mesures de Milei au Parlement.

Pour conclure

Mettre fin à la dépendance et à la domination du capital mondialisé n'est possible qu'en mettant fin au capitalisme. L'émancipation de la domination du capital est socialiste et authentiquement internationaliste. C'est là le fossé idéologique et politique qui sépare une orientation puisant dans une approche marxiste des idéologies bourgeoises et bureaucratiques nationalistes. (Publié sur le blog de Rolando Astarita le 19 octobre 2025 ; traduction et édition par la rédaction de A l'Encontre)

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Elections partielles : la victoire des forces « libertariennes »

Les résultats quasi définitifs des élections partielles du 26 octobre sont les suivants (avec un taux de participation de 67,85%). La victoire des forces représentées par Javier Milei dément de nombreux sondages. Milei a été de suite encensé par Donald Trump. Le courant péroniste (Fuerza Patria) marque une fois de plus le pas dans cette période.

Nous reviendrons sur l'analyse de ces élections à replacer dans le contexte de l'Amérique du Sud et centrale. (Réd. A l'Encontre)

Chambre des députés

LLA (Libertad Avanza) : 40,65% ; 9.341.798 suffrages
Fuerza Patria/Peronisme : 31,7% ; 7.284.477
Provincias Unidas (fédéralistes) : 7,01%, 1.611.688
Frente de Izquierda Unidad : 3,9%, 896.907 (avec 9,11% dans la Capitale fédérale)
UCR (Parti radical) : 1,1%, 244.114
MAS, Politica Obrera, Socialista, Communista : 0,7%,167.025

Les résultats au Sénat sont les suivants :

LLA : 42,1% ; 2.192.740 suffrages
Fuerza Patria : 36,89 ; 1.923.687
Provinciales : 9,3% ; 484.371
FIT : 3,3% ; 172.783
MAS : 1.4% ; 74.852
UCR : 0,3% ; 15.816

En nombre de sièges, la situation de la Chambre des députés – dans laquelle LLA a fortement progressé, sans atteindre la majorité avec ses alliés – est la suivante, sur un total de 257 sièges :

Fuerza Patria-Alliés : 96 sièges (-2)
LLA-Alliés : 93 sièges (+56)
Provincias Unidas-Alliés : 17 (0)
Pro:14 (-21)
FIT : 4 (-1)
UCR : 3 (-11)

Au Sénat la répartition est dorénavant la suivante sur un total de 72 sièges :

Fuerza Patria-Alliés : 26 sièges (-8)
LLA-Alliés : 19 sièges (+13)
Provincias Unidas-Alliés : 17 (0)
Pro : 5 (-2)
FIT : 0 (0)
UCR : 10 (-4)

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Argentine : « Milei a gagné grâce à la peur de la débâcle ». Entretien avec Claudio Katz

4 novembre, par Claudio Katz — , ,
En Argentine, Milei et son gouvernement d'extrême droite au service du capital vient de remporter les élections législatives, de manière inattendue car tous les sondages (…)

En Argentine, Milei et son gouvernement d'extrême droite au service du capital vient de remporter les élections législatives, de manière inattendue car tous les sondages prédisaient une défaite. De nombreuses conjectures et explications plus ou moins sérieuses ont circulé, sans toutefois offrir une image précise de ce qui s'est réellement passé.

Tiré de la revue Contretemps
3 novembre 2025

Par Claudio Katz

Nous publions ici une traduction de l'entretien que Resumen Latinoamericano https://www.resumenlatinoamericano.org/ [1] a mené avec Claudio Katz, membre des Economistas de Izquierda (« Économistes de gauche »), auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la réalité latino-américaine et de nombreux articles qu'on pourra lire sur Contretemps, l'économie et la géopolitique, afin de mieux comprendre le résultat de ces élections et la situation politique en Argentine.
***

Carlos Aznárez – Que s'est-il passé lors des élections ?

Claudio Katz – D'abord, les faits. Ce fut une victoire écrasante d'un gouvernement qui semblait en déclin. Ils ont peint la carte électorale en violet, obtenu 40 % des voix et renversé le résultat dans la province de Buenos Aires, où ils avaient perdu de 14 points il y a cinquante jours. Dans cette remontée, ils ont récupéré les électeurs absents en septembre et les suffrages d'autres options conservatrices. De plus, le parti au pouvoir a remporté la capitale fédérale avec 20 points d'avance, créé la surprise à Córdoba et Santa Fe, et confirmé sa primauté à Mendoza. En revanche, le péronisme s'en est à peine sorti dans les provinces où il a toujours eu la majorité.

Il existe de nombreuses interprétations de ce qui s'est passé, mais à mon avis, il y a une explication centrale : la peur de l'effondrement économique. Milei a gagné grâce à la crainte d'une débâcle. Il s'est imposé en raison de la perception généralisée que, si une dévaluation avait lieu le lendemain des élections, un désastre économique s'ensuivrait. Nous vivons dans une société qui garde en mémoire ces effondrements, et la population s'est prémunie en votant de manière conservatrice. Elle a choisi le moindre mal pour préserver ce qu'elle a face à la possibilité d'un effondrement.

Carlos Aznárez – Ce scénario était-il prévisible dans les semaines précédentes ?

Claudio Katz – Oui. La panique face à la catastrophe économique était très visible dans les jours précédant la flambée du dollar, avec la sensation d'une inflation imminente si la monnaie s'envolait. C'est très paradoxal : l'effondrement économique du gouvernement a déterminé son salut. La crainte généralisée du chaos s'est imposée.

Ce fut une élection marquée par le chantage de Trump planant au-dessus des urnes. Le magnat l'a dit sans détour : « Votez pour Milei ou je retire l'aide, et tout ira au diable. » C'était une menace directe : ils ont annoncé qu'ils ne soutiendraient le dollar que si leur vassal remportait les élections, et l'extorsion était explicite : sans Milei, nous faisons s'effondrer l'économie.

Ce message a semé la panique, ravivant la peur d'un retour à 2001 [2] ; entre l'ajustement de Milei et cet effondrement, les électeurs ont choisi l'ajustement. Ce n'était pas un choix, mais un chantage, renforcé par le gouvernement qui assimilait le retour du péronisme à un désastre économique. Cette peur a profondément marqué la population.

C'est pourquoi, le lendemain, Trump s'est attribué à juste titre la victoire. Avec effronterie, il a déclaré : « Nous avons gagné », ajoutant : « Nous avons gagné beaucoup d'argent. » Et il l'a célébré, car il est le véritable vainqueur. Ils ont déjà commencé à s'emparer de l'Argentine pour très peu d'argent.

Carlos Aznárez – Mais est-ce la seule explication ?

Claudio Katz – Je crois que c'est la principale, car les autres interprétations perdent de vue l'essentiel. Elles soulignent des faits réels, mais secondaires, et ne tiennent pas compte du revirement spectaculaire qui s'est produit en cinquante jours. Le gouvernement semblait fini, puis il a ressuscité ; ces retournements tiennent à des changements d'humeur que les sondages ne mesurent pas. C'est pourquoi personne n'avait anticipé le résultat. Trois scénarios existaient : une défaite lourde, une défaite légère ou sauver les meubles. La victoire de Milei semblait écartée – et elle a pourtant eu lieu.

La population vit dans sa chair la détérioration économique et sociale. L'ajustement est brutal, et peu se laissent tromper par les mensonges officiels ou les délires de Milei. Les escroqueries liées aux cryptomonnaies, les affaires de corruption et le scandale du narcotrafic impliquant José Luis Espert (1961) ont été clairement perçus [3]. Mais la peur de l'effondrement a été plus forte. Le soutien de Trump et la peur populaire ont défini le résultat.

De nombreux analystes estiment au contraire que la réapparition de l'anti-péronisme structurel, de l'épopée « gorila » [4] et de la haine du kirchnérisme a mobilisé les 40 % d'électeurs fidèles aux options conservatrices. Je crois qu'il faut rester prudent : cet élément idéologique existe, mais son poids varie selon les contextes politiques. C'est une donnée de fond qui n'a pas empêché les longs mandats de Néstor Kirchner,Cristina Kirchner et Alberto Fernández.

On souligne aussi que le dédoublement électoral auquel Cristina Kirchner s'opposait aurait démobilisé les maires, peu concernés par l'issue du scrutin. Mais si l'on met ce facteur ou le passage au vote unique au premier plan, on oublie le chantage exercé par Trump, qui fut décisif. Il en va de même pour l'idée selon laquelle le péronisme, affaibli par la prolifération de ses sigles, serait tombé à 31 % au niveau national – un plancher historique. En réalité, le désastre du gouvernement Fernández montre que l'unité du péronisme peut parfois lui nuire davantage que sa fragmentation.

Carlos Aznárez – Et l'énorme abstention ?

Claudio Katz – Il existe un ras-le-bol général face à la manipulation des élections provinciales par les gouverneurs, qui fixent les dates selon leur convenance. Il y a une fatigue électorale, dans une année marquée par des scrutins dans huit provinces ; ce mécontentement a été un facteur-clé de l'abstention, qui a atteint 66 % des inscrits — le plus haut taux depuis 1983. Plus de douze millions d'Argentins et d'Argentines n'ont pas voté.

Beaucoup avancent aussi des explications sociologiques : individualisme croissant, “ubérisation”, capitalisme de plateforme, pénétration idéologique néolibérale.

Mais ces mutations n'ont pas empêché la défaite de Milei à Buenos Aires le mois dernier, ni celle de Macri il y a six ans. Elles n'ont pas non plus empêché Lula, Petro ou Sheinbaum de gagner contre la droite. Il faut éviter les généralisations abusives, comme la thèse erronée selon laquelle le fascisme se serait imposé en Argentine.

Dans un contexte défavorable, il faut approfondir et affiner l'analyse politique, éviter le découragement et ne pas rejeter la faute sur “la société”.

Carlos Aznárez – Quelles conclusions tires-tu de ton analyse électorale ?

Claudio Katz – Si l'on se concentre sur ce chantage qui a effrayé l'électorat, plusieurs observations s'imposent, plus utiles que le désenchantement. D'abord, ce fut un vote résigné : ni enthousiaste, ni convaincu. Milei y voit une ratification populaire, mais il n'a obtenu le soutien que d'un Argentin sur trois : un vote passif, craintif, souvent honteux.

Cela s'explique par l'absence d'une base propre solide. Ses meetings ont été faibles ; il n'a même pas pu organiser de caravanes, tant son image suscite le malaise. Les chercheurs notent que l'électeur libertarien ne parle pas, est dépolitisé, vote “par sensations”. Les réseaux sociaux et campagnes numériques n'ont pas été décisifs cette fois.

Deuxième conclusion : la polarisation entre forces traditionnelles s'est confirmée, et Provincias Unidas s'est effondré : avec 5,12 % des voix, elle est devenue marginale. Le cordobesismo, Pullaro, Ignacio Torres ou Florencio Randazzo ont tous cédé face au mileísmo, qui a absorbé une large part du macrisme. C'est un problème majeur pour les classes dominantes, qui comptaient sur une droite “classique” pour gérer l'État [5].

Milei reste entouré de lumpen, délinquants et arrivistes. Il ne sait pas gouverner et provoque des crises auto-infligées. Ses 64 sièges au Congrès pourraient devenir soit un appui, soit un groupe d'indisciplinés ingérables. Reste à voir si, enhardi par sa victoire, il poursuit sa gestion chaotique ou s'alignera sur le grand capital, en s'alliant aux gouverneurs et aux macristes. L'exemple de Macri montre que la victoire peut précéder la chute : entre 2015 et 2017, sa progression fut supérieure à celle de Milei entre 2023 et 2025… avant de s'effondrer.

Carlos Aznárez – Et le péronisme ?

Claudio Katz – Avec une centaine de députés, il conserve la première minorité à la Chambre basse et, malgré des pertes, reste la première minorité au Sénat. Mais il sort de ces élections en ébullition, et les luttes internes vont reprendre. Le leadership d'Axel Kicilof (1971) [6], qui semblait consolidé, redevient incertain.

Le péronisme continue de porter le fardeau de l'échec d'Alberto Fernández (1959) et ne parvient pas à expliquer ce désastre, ni à dire ce qu'il corrigerait. Son discours se limite à proclamer qu'il faut freiner Milei — ce qui n'est pas un projet politique. Face au chantage de Trump, il n'a pas de réponse, et cette esquive mine sa crédibilité.

Le discours péroniste est hésitant, modéré, passif. Aucun bilan de la capitulation face à Vicentín, au FMI, aux grandes entreprises ou aux financiers en fuite [7]. L'idée qui s'impose, c'est que s'il revenait, il serait aussi impuissant qu'avec Fernández. Et si, à la prochaine élection, le même chantage de Trump et de la droite se reproduit, il restera sans réponse.

Carlos Aznárez – Un dilemme très sérieux, donc ?

Claudio Katz – Oui. Le fond du problème, c'est l'ampleur de la crise argentine, incomparable à celle des autres pays de la région. Il y a peu d'espace ici pour reproduire ce que font Lula, Sheinbaum ou Petro. Dans notre situation, la lutte contre l'extrême droite exige fermeté, autorité et détermination, des qualités que le péronisme ne transmet plus.

Aucun leader péroniste ne donne l'impression de pouvoir tenir tête à Trump comme Perón jadis. Tous craignent d'être assimilés à Chávez ou à Evo Morales et optent pour la modération : une attitude de défaite face à l'agressivité de l'ultra-droite.

Cette attitude se traduit par l'abandon de la rue. Le péronisme parle de freiner Milei mais s'est démobilisé à maintes reprises ces deux dernières années. La CGT en est l'exemple le plus net : après un élan initial, elle s'est résignée à l'inaction.

S'il continue ainsi, le péronisme validera l'offensive que Milei prépare contre les syndicats, alors que s'annonce la grande bataille de la réforme du travail. Le gouvernement projette une démolition des droits : légalisation de la précarité, allongement de la journée à 12 heures, négociations salariales par entreprise selon la “productivité individuelle”.

Pour freiner Milei, il faut lutter – comme toujours.

Carlos Aznárez – Et la gauche ?

Claudio Katz – Elle a réalisé un très bon résultat : 900 000 voix dans tout le pays, trois députés, troisième force à Buenos Aires, et la figure de Myriam Bregman (1972) s'est consolidée. L'essentiel est qu'elle a canalisé un vote d'organisation de la lutte. Le FIT [8] a été clair : Nous résisterons au Congrès et dans la rue.

Pas de trêve, pas de résignation. Il faut affronter les abus que prépare Milei et la répression que planifie Bullrich [9].

C'est un message d'espoir : ils ont rappelé que si nous avons vaincu le macrisme, nous pouvons vaincre Milei. Ils perpétuent une tradition de lutte qui, pour l'instant, les distingue du péronisme. La différence est d'attitude, plus que d'idéologie. Le débat n'opposait pas nationalisme et socialisme, mais des positions face à l'austérité.

Le grand défi désormais est de construire le pouvoir par la lutte. Une nouvelle étape s'ouvre ; nous verrons comment elle se déploiera.

*

Claudio Katz est un économiste, professeur et chercheur argentin, membre du collectif Economistas de Izquierda (EDI) et du Conseil latino-américain de sciences sociales (CLACSO). Spécialiste de l'économie marxiste et des relations internationales, il enseigne à l'Université de Buenos Aires (UBA). Auteur de nombreux ouvrages, dont Bajo el imperio del capital (2011) et [ Neoliberalismo, neodesarrollismo, socialismo->http://pombo.free.fr/katz2016.pdf] (2016), La teoría de la dependencia, cincuenta años después (2018), El imperialismo en el siglo XXI (2022), América Latina en la encrucijada global (2024). Il collabore régulièrement avec des médias critiques tels que Página/12, Resumen Latinoamericano ou Herramienta. Ses travaux portent notamment sur l'impérialisme, l'Amérique latine et les alternatives au capitalisme.

Carlos Aznárez est un journaliste argentin, actif dans la presse écrite, numérique, radio et télévision. Auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la politique internationale, il dirige le média Resumen Latinoamericano et coordonne les Cátedras Bolivarianas, un espace de réflexion et de débat sur l'Amérique latine et le tiers monde.

Publié initialement par Resumen Latinoamericano. Traduit de l'espagnol (Argentine) pour Contretemps par Christian Dubucq.

Notes

[1] Resumen Latinoamericano est un média indépendant fondé à Buenos Aires en 1996, dirigé par le journaliste Carlos Aznárez. Il publie en espagnol et en portugais des analyses, entretiens et reportages sur les mouvements sociaux, les luttes anti-impérialistes et les processus politiques d'Amérique latine, dans une perspective critique et internationaliste.

[2] Référence à la débâcle de décembre 2001 en Argentine : effondrement bancaire (corralito) et gel des dépôts bancaires, explosion sociale, répression meurtrière et chute du président De la Rúa (1937-2019). Symbole d'un néolibéralisme en ruine, cet épisode hante encore la mémoire collective et nourrit la défiance populaire envers les élites politiques et financières.

[3] Ces références renvoient à plusieurs affaires récentes ayant entaché la droite argentine : fraudes liées aux cryptomonnaies promues par des entrepreneurs proches des milieux libéraux, pots-de-vin et financements occultes révélant la collusion entre pouvoir politique et intérêts économiques, et enfin le scandale du narcotrafic impliquant l'entourage de José Luis Espert, économiste ultralibéral et député.

[4] En Argentine, le terme « gorila » désigne depuis les années 1950 les adversaires farouches du péronisme, souvent issus des classes moyennes urbaines et des élites libérales ou conservatrices. Employé d'abord comme insulte politique, il s'est imposé comme une catégorie populaire pour qualifier l'anti-péronisme viscéral, mêlant rejet du populisme, du syndicalisme et du kirchnérisme. L'expression renvoie autant à une posture de mépris social qu'à une tradition réactionnaire, toujours vivace dans une partie de la droite argentine.

[5] Provincias Unidas était une alliance péroniste dissidente, rapidement marginalisée. Le cordobesismo (courant péroniste modéré du gouverneur de Córdoba Juan Schiaretti), Maximiliano Pullaro (radical de Santa Fe), Ignacio Torres (macriste de Chubut) et Florencio Randazzo (péroniste centriste) incarnaient les droites « classiques » ou modérées désormais supplantées par le mileísmo, mouvement d'extrême droite libertarienne fondé par Javier Milei, qui a absorbé une partie du macrisme — c'est-à-dire le courant de droite libérale et managériale articulé autour de l'ancien président Mauricio Macri (1959) (Juntos por el Cambio).

[6] Axel Kicillof(1971), gouverneur de la province de Buenos Aires et figure du kirchnérisme, incarne aujourd'hui le principal leadership du péronisme de gauche. Ancien ministre de l'Économie de Cristina Fernández de Kirchner (2013-2015), il associe un discours hétérodoxe en économie avec une image de gestionnaire pragmatique.

[7] Cette phrase renvoie aux reculs du gouvernement péroniste de Alberto Fernández face aux grands intérêts économiques. En 2020, la tentative de nationalisation du groupe agro-exportateur Vicentín, alors en faillite, fut abandonnée sous la pression du patronat et de la droite. De même, la renégociation de la dette avec le FMI s'est traduite par la poursuite des politiques d'austérité, tandis qu'aucune mesure structurelle n'a été prise contre la fuite des capitaux ni contre le pouvoir des grandes entreprises

[8] Il s'agit du Front de gauche et des travailleurs – Unité (FIT-U), coalition trotskyste argentine qui regroupe les principales organisations de ce courant : le Parti des Travailleurs Socialistes (PTS), le Parti ouvrier (PO), Izquierda Socialista et le Movimiento Socialista de los Trabajadores (MST). Fondé en 2011, le FIT-U constitue une alliance durable entre plusieurs tendances trotskystes souvent rivales, unies autour d'un programme d'indépendance de classe et de lutte contre le capitalisme. Sa porte-parole la plus visible, Myriam Bregman (PTS), a consolidé son rôle de référence de la gauche anticapitaliste après l'élection présidentielle de 2023. Le FIT-U se distingue par une orientation de mobilisation sociale et de confrontation directe avec le gouvernement ultralibéral de Javier Milei et la ministre de la Sécurité Patricia Bullrich, ancienne cadre du macrisme connue pour sa ligne répressive et autoritaire.

[9] Patricia Bullrich (1956) est une figure centrale de la droite argentine. Ancienne militante péroniste dans sa jeunesse, elle a rejoint ensuite les rangs du centre droit avant de devenir une dirigeante du parti PRO (Propuesta Republicana) fondé par Mauricio Macri. Ministre de la Sécurité sous le gouvernement Macri (2015-2019), elle s'est fait connaître par sa politique de tolérance zéro à l'égard des mouvements sociaux et des communautés autochtones, ainsi que par sa défense d'un agenda sécuritaire et autoritaire. Candidate de la coalition Juntos por el Cambio à la présidentielle de 2023, elle a ensuite intégré le gouvernement de Javier Milei comme ministre de la Sécurité, incarnant le courant le plus dur de la droite argentine.

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Serbie, la rue contre le régime : bilan d’un an de mobilisations

4 novembre, par Gaëlle Guehennec — , ,
Depuis un an, la jeunesse serbe poursuit sa lutte pour une société démocratique face au régime autoritaire d'Aleksandar Vučić. Article et photo tirés de l'infolettre NPA 29 (…)

Depuis un an, la jeunesse serbe poursuit sa lutte pour une société démocratique face au régime autoritaire d'Aleksandar Vučić.

Article et photo tirés de l'infolettre NPA 29 du 1er novembre

De part et d'autre de la Serbie, des marches étudiantes parcourent le pays direction Novi Sad pour commémorer l'effondrement de la gare, responsable de la mort de 16 personnes le 1er novembre 2024. Cet événement tragique a servi de déclencheur à une contestation politique d'ampleur inédite.

Depuis un an, les étudiant·es serbes tiennent la rue. Ils ont réussi à organiser le plus grand mouvement de protestation depuis la chute de Slobodan Milošević en 2000. Ils accusent le régime autoritaire et corrompu d'Aleksandar Vučić d'être responsable du drame de Novi Sad. Depuis l'arrivée au pouvoir du Parti progressiste serbe (SNS) en 2012, le président concentre les pouvoirs, marginalise l'opposition et étouffe la presse indépendante.

À partir d'avril 2025, la mobilisation se tourne vers l'arène internationale. Une partie des étudiants se rend à Bruxelles et à Strasbourg pour alerter les institutions européennes sur les dérives autoritaires de leur gouvernement. En parallèle, le mouvement dénonce le rôle des médias publics, relais de la propagande d'État. Face aux silences européens et au mépris du pouvoir, le mouvement prend un virage stratégique : de civique, il devient politique.

En juin, la création du Front social marque un tournant1. Cette confédération de collectifs ouvriers et d'associations professionnelles réunit pour la première fois les cinq principaux syndicats de Serbie. Dans un pays où la politique reste axée sur les privatisations et le détricotage du droit du travail, cette alliance ouvre la voie à une possible recomposition du mouvement ouvrier.

Mais la réponse du régime est brutale. La répression s'intensifie, les forces de l'ordre utilisent des moyens illégaux tels que les canons à sons, et les affrontements se multiplient. La nuit du 13 octobre, plusieurs villes serbes deviennent le théâtre de violents heurts entre manifestants et partisans du SNS soutenus par la police et des milices paramilitaires2.

Cette escalade fragilise le gouvernement sur la scène internationale. Mercredi dernier, le Parlement européen a adopté une résolution condamnant la polarisation politique et la répression étatique en Serbie3. Le texte dénonce les menacescontre les médias, la propagande anti-UE et pro-russe, ainsi que la responsabilité politique du régime dansl'affaiblissement de la démocratie. Cependant, cette résolution reste non contraignante, soulignant la frilosité européenne face à un partenaire jugé « indispensable » pour la stabilité régionale.

Ni Bruxelles, ni Moscou : pour une internationale des Balkans

En offrant une relative sécurité politique aux frontières européennes et un accès privilégié aux marchés serbes, Vučić s'est assuré la complaisance de Bruxelles et de Paris. Lors de sa visite à Belgrade début octobre, Ursula von der Leyenex hortait le président à faire « des progrès en matière d'État de droit »4 : une réaction bien faible face à un mouvement d'ampleur violemment réprimé. En misant sur la stabilocratie, l'Europe choisit la stabilité autoritaire plutôt que la démocratie5. Ce calcul alimente un statu quo géopolitique qui enracine l'autoritarisme et accroît l'instabilité régionale.

L'héritage de la Yougoslavie non alignée a laissé à Belgrade une tradition de « troisième voie ». Depuis son effondrement, cette position s'est muée en ambiguïté stratégique. Alors que la Serbie négocie son entrée dans l'UE, elle maintient des liens étroits avec la Chine et la Russie.

L'Union européenne exerce un impérialisme normatif et économique, imposant ses standards démocratiques et commerciaux tout en demeurant le principal investisseur du pays. Cette dépendance s'accompagne de pressions politiques, notamment sur la question des sanctions contre Moscou. La Russie, quant à elle, incarne un impérialisme symbolique et énergétique : Gazprom contrôle une large part du secteur, et le Kremlin soutient Belgrade sur le dossier du Kosovo.

Pour Vučić, jouer sur cette ambivalence entre Bruxelles et Moscou lui permet de renforcer sa légitimité interne et d'asseoir sa position sur la scène internationale. Pris entre deux blocs dont aucun n'offre d'issue émancipatrice, le peuple serbe voit sa souveraineté confisquée par un jeu de dépendances croisées.

La seule perspective progressiste réside désormais dans la construction d'un front social capable de rompre avec toutes les tutelles extérieures et de refonder une démocratie autonome.

(....)

31 octobre 2025 par Gaëlle Guehennec

https://inprecor.fr/serbie

Le 29 octobre 2025

Références

1 Europe Solidaire Sans Frontières, Serbie. Déclaration du Front Social présentée, 2 juillet 2025.
2 LeCourrier des Balkans, « Étudiants face aux milices et à la police : la nuit où la Serbie a basculé », 14 octobre 2025.
3 European Parliament, Motion for a Resolution on the Polarisation and Increased Repression in Serbia, One Year After the Novi Sad Tragedy, B10-0459/2025, 22 octobre 2025.
4 Le Courrier des Balkans, Von der Leyen demande à Vučić « des progrès en matière d'État de droit » en Serbie, 7 octobre 2025.
5 Luka Šterić, « Sortir de la “stabilocratie” : repenser l'approche française des Balkans occidentaux », Fondation Jean‑Jaurès, 2 juin 2022

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Catherine Connolly, nouvelle présidente écolo et pacifiste de l’Irlande

4 novembre, par Juliette Démas — , ,
Catherine Connolly a été élue présidente de l'Irlande avec le soutien de l'ensemble des partis de gauche. Cette socialiste et écologiste tentera de faire de ce poste (…)

Catherine Connolly a été élue présidente de l'Irlande avec le soutien de l'ensemble des partis de gauche. Cette socialiste et écologiste tentera de faire de ce poste essentiellement symbolique une voix pour la paix et le climat.

28 octobre d2025 | tiré de reporterre.net
https://reporterre.net/Catherine-Connolly-nouvelle-presidente-ecolo-et-pacifiste-de-l-Irlande

Elle a fait campagne comme candidate indépendante, militant pour l'accès au logement, les politiques climatiques, la défense de la langue irlandaise, les jeunes, les aidants ou encore la réunification de l'Irlande. Ses affiches électorales, qui s'inspirent des noms écrits à la main sur les anciennes devantures des magasins de sa région, Galway, jouent sur le renouveau de la culture celtique. Sur les réseaux sociaux, on la filme en train de faire du basketball avec des enfants, qu'elle impressionne en enchaînant les dribbles.

Catherine Connolly, 68 ans, a été élue 10ᵉ présidente de l'Irlande en recueillant une proportion record des voix, le vendredi 24 octobre. Une élection à un tour, sans limite de candidats, qui n'a pourtant vu aucun de ceux choisis par les deux partis de centre et centre-droit qui forment la coalition gouvernementale triompher. Le nombre de votes nuls a été sans précédent : des bulletins raturés, ou couverts de messages anti-immigration, marquant l'agacement d'une partie de l'électorat dont les représentants n'ont pas rempli les conditions pour pouvoir se présenter.

« Nous ne pouvons pas continuer avec la même approche non-durable de la croissance »

Dès ses premières prises de parole, Connolly a promis d'être « une voix qui articule la menace existentielle posée par le changement climatique ». Pendant sa campagne, elle a répété sa volonté d'utiliser son mandat pour œuvrer à la protection du patrimoine naturel de l'Irlande, en « soutenant les communautés, les scientifiques et les activistes qui travaillent au changement », et en « célébrant le lien profond entre les Irlandais et la nature ».

Elle souligne régulièrement l'écart entre les objectifs fixés par le gouvernement et les résultats sur le terrain et, lors de la dernière présentation du budget, a dénoncé l'échec « à reconnaître que nous ne pouvons pas continuer avec la même approche non-durable de la croissance ».

Une « présidente inclusive »

Le nom de Catherine Connolly n'est pas étranger aux Irlandais. Née dans une famille de quatorze enfants, psychologue clinicienne, puis avocate, elle est entrée en politique en 1999 auprès du Labour Party. Elle a été élue municipale de Galway pendant dix-sept ans, avant d'entrer à la chambre basse du Parlement, dont elle est devenue vice-présidente en 2020.

Si Catherine Connolly affirme qu'elle sera « une présidente inclusive », qui valorisera « la diversité », le poste de présidente reste principalement honorifique. Bien qu'ayant des fonctions de représentation et le devoir de faire respecter la Constitution, le rôle consiste d'abord, en principe, à être une figure non partisane et d'incarner la nation au-delà de la politique quotidienne et des logiques de parti.

Depuis les années 1990, cette place est toutefois occupée par des membres de l'opposition ou des élus aux trajectoires atypiques, et a pris une coloration morale et symbolique, chacun imprimant une grande cause à son mandat. C'est néanmoins la première fois que l'ensemble des partis de gauche se rangeaient derrière une unique candidature à cette élection.

Propalestinienne et antimilitariste

Ses positions sur l'international risquent de trancher avec la ligne du gouvernement : défenseuse de la neutralité irlandaise et peu convaincue par l'Otan, Connolly s'oppose à la « militarisation » d'une Union européenne qui aurait « perdu sa boussole morale », et dans laquelle la France et le Royaume-Uni ne sont plus « dignes de confiance ».

Les opposants de Connolly ont fait remonter plusieurs controverses, parmi lesquelles un voyage en Syrie en 2018 à propos duquel elle dut se défendre de tout soutien à Bachar al-Assad et sa tentative d'embaucher une ancienne détenue proche d'un groupe paramilitaire nationaliste.

Elle a dénoncé tôt le génocide à Gaza, s'insurgeant de la lenteur de l'UE à agir, et a depuis promis d'être « une voix pour la paix ». Reste à voir si son mandat parviendra à aller au-delà du symbolique, et si les différents partis de gauche qui se sont unis derrière son profil parviendront à tisser des liens plus durables.

https://reporterre.net/

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Portugal : il y a une impasse stratégique à gauche s »ur la question raciale

4 novembre, par Mamadou Ba, Margarida Valença — , ,
« Il faut être dans l'esprit de ne pas instrumentaliser les luttes. La gauche a pris l'habitude de considérer le mouvement comme un obstacle. Le mouvement antiraciste est l'un (…)

« Il faut être dans l'esprit de ne pas instrumentaliser les luttes. La gauche a pris l'habitude de considérer le mouvement comme un obstacle. Le mouvement antiraciste est l'un des dispositifs essentiels dont dispose la gauche pour lutter contre les inégalités. Le mouvement antiraciste ne doit pas être un appendice, mais une force. »

Mamadou Ba, dirigeant de SOS Racismo

7 septembre 2025 | tiré d'Europe solidaire sans frontières | Illustration : Frederico Mira George
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article76812

Né en 1974 à Kolda, au Sénégal, Mamadou Ba est l'une des figures les plus en vue du militantisme antiraciste au Portugal. Il a étudié la langue et la culture portugaises à l'université Cheikh Anta Diop de Dakar [1] et a obtenu un diplôme de traducteur à l'université de Lisbonne. Il est dirigeant de SOS Racismo [2] et a conseillé le Bloco de Esquerda [3], parti dont il s'est désaffilié fin 2019. Le Luso-sénégalais vit aujourd'hui au Canada, où il prépare un doctorat et un master à l'Université de Colombie-Britannique, à Vancouver, à l'Institute for Gender, Race, Sexuality and Social Justice, où il enseigne également.

Son intervention dans l'espace public n'a pas été exempte de controverses ni de réactions hostiles. En janvier 2019, après avoir critiqué l'action de la police dans le quartier de Jamaica [4], il a été la cible de menaces physiques de la part de groupes d'extrême droite. Plus tard, il a bénéficié d'une protection policière en raison des menaces dont il continuait à faire l'objet. Il a également fait l'objet de poursuites judiciaires, comme la condamnation pour diffamation de Mário Machado [5] — qui a été annulée par la suite —, après avoir affirmé que le militant néonazi était « l'un des principaux responsables du meurtre d'Alcindo Monteiro [6] ». Plus récemment, il a fait l'objet d'une plainte du syndicat des gardiens de prison, à la suite de publications sur les réseaux sociaux dans lesquelles il faisait le lien entre la violence dans les prisons et les décès de détenus. Il est l'auteur du livre Antirracismo — a nossa luta é por respeito, amor e dignidade (Antiracisme — notre combat est pour le respect, l'amour et la dignité). C'est par vidéoconférence depuis Vancouver que PÚBLICO s'est entretenu avec Mamadou Ba.

PÚBLICO - Pourquoi êtes-vous parti au Canada ?

Mamadou Ba - Le besoin de sécurité au sens large du terme : me sentir en sécurité avec moi-même. Me sentir libre. L'expérience de la protection policière a été très traumatisante. Je me sentais fatigué et j'avais besoin de préserver les personnes qui m'entouraient. Je voulais reprendre mes études et faire de la recherche. Je souhaitais établir un dialogue entre le militantisme et le monde universitaire. J'ai pensé que le fait de quitter la scène pouvait également être une contribution. Il est important que le mouvement apprenne à se renouveler. Si vous n'avez pas l'humilité de comprendre que vous devez vous effacer un peu pour laisser la place à d'autres figures, nous ne pouvons pas élargir nos horizons. Je voulais respirer et je suis très heureux au Canada, car personne ne me connaît.

À partir de quand avez-vous bénéficié d'une protection policière et combien de temps cela a-t-il duré ?

J'en ai fait la demande pour la première fois lorsque j'ai été victime d'un guet-apens dressé par le PNR [7] devant le Picoas Plaza [Lisbonne], en janvier 2019. J'ai eu de la chance, car j'aurais pu mourir ce jour-là. Mais on ne m'a pas accordé de protection, on pensait que j'exagérais. La semaine suivante, j'ai été agressé à la gare de Barreiro par cinq skinheads, avant de me rendre à un débat à l'École supérieure d'éducation de Setúbal. Après avoir participé à cette initiative, je me suis immédiatement rendu à la police judiciaire pour porter plainte et demander une protection policière, qui m'a une fois de plus été refusée. Je me suis senti complètement abandonné à cette époque, du point de vue des partis politiques. D'un côté, le Bloco de Esquerda se défilait pour ne pas être associé à moi ; de l'autre, le PCP [8] et le PS [9] se rangeaient du côté de la police. À l'exception du mouvement social, je me suis retrouvé seul. Les partis politiques m'ont complètement abandonné. En février de la même année, deux skinheads ont tenté de m'agresser dans le bus 727.

Beaucoup de gens se sont inquiétés pour moi. Pour mes enfants, c'est devenu très pénible. Ils m'appelaient pour savoir où j'étais et si j'étais accompagné. Quand vous n'avez pas de liberté, les gens autour de vous n'en ont pas non plus. Ce n'était pas facile à vivre. Il est arrivé plusieurs fois que des gens viennent chez moi, m'escortent avec deux ou trois voitures, nous allions faire une activité et nous revenions. Je remercie beaucoup tout le monde car il y a eu un élan de solidarité très fort.

Au cours de l'été 2020, des graffitis ont été tagués sur les murs du siège de SOS Racismo, avec l'inscription « Guerre aux ennemis de ma terre ». Ensuite, il y a eu le défilé du Ku Klux Klan devant le siège de SOS, puis des menaces ont été proférées à l'encontre de plusieurs personnes, dont Joacine Katar Moreira [10] et Mariana Mortágua [11]. Je pense que, comme des personnes appartenant à des institutions souveraines étaient impliquées, en l'occurrence deux députées, l'État s'est réveillé et nous a accordé une protection policière.

Cela a duré environ cinq mois, mais je n'en pouvais plus et j'ai tout fait pour mettre fin à cette protection policière. J'ai cessé de respecter le protocole. Il fallait dire où j'allais, comment, à quelle heure, avec qui. C'était extrêmement pénible de ne pas pouvoir marcher seul dans la rue ou prendre les transports en commun. Lorsque, par exemple, j'ai fait partie du jury du festival international de cinéma IndieLisboa, cela a été une expérience très douloureuse. Tant pendant le visionnage d'un film que lors de la réunion et de la discussion qui ont suivi, j'avais toujours ces policiers derrière moi. Lors de la rencontre de bilan, ils ont estimé que je ne voulais plus de protection et que la menace avait diminué, alors nous y avons mis fin.

Et comment avez-vous vécu la fin de la protection policière ?

C'était un sentiment mitigé. Je me suis libéré du poids de la protection policière, mais il y avait toujours un sentiment de danger imminent. En raison de la méfiance que me causait la présence d'éléments d'extrême droite au sein de la police, et sachant que je n'étais plus sous protection policière, j'étais quelque peu stressé. Et parce qu'il y a eu plusieurs incidents où j'ai été insulté dans la rue ou sur des terrasses. La pression sociale s'est accrue de la part des personnes proches de moi qui ne voulaient pas que je me déplace seul. Je devais toujours prendre un Uber, je ne pouvais pas prendre un taxi [traditionnel].

Une fois, j'ai pris un Uber et le chauffeur m'a demandé si j'étais Mamadou. Craignant d'être reconnu, j'ai répondu que non, mais il a insisté pour me poser la question. Pendant le trajet, il s'est présenté, disant qu'il était issu de la communauté gitane et qu'il voulait me témoigner sa solidarité. Avant qu'il ne me dise cela, je me demandais s'il pouvait être, par exemple, un skinhead. Car j'ai souvent pris des taxis dont les chauffeurs m'ont insulté ou ont refusé de me prendre. Tout cela est devenu un fardeau, car les personnes de mon entourage voulaient toujours savoir comment j'allais et ce dont j'avais besoin. J'ai eu de grosses disputes avec des amis qui se sont fâchés quand ils ont su que j'étais sorti seul, car cela mettait ma vie en danger, même si cela n'était pas justifié.

Le 10 juin dernier, un acteur du théâtre A Barraca a été agressé par des néonazis, tout comme des bénévoles qui distribuaient de la nourriture aux sans-abri à Porto. Le cheikh David Munir a également été insulté. Si l'on compare avec ce qu'il a vécu, on voit qu'il a déjà été impliqué dans des procédures judiciaires et qu'il a dû déménager trois fois après que son adresse a été divulguée sur les réseaux sociaux. Dans le contexte politique actuel, quel effet ces événements peuvent-ils avoir sur la volonté des gens de s'engager et d'être actifs dans des mouvements, des partis ou d'autres organisations ? La peur peut-elle paralyser ?

C'est le but recherché. Je ne dis pas que je n'ai pas peur, ce serait trop prétentieux. Nous avons tous et toutes peur. La peur est une arme lorsque nous savons la mobiliser, car elle catalyse la vigilance, la conscience que quelque chose ne va pas et qu'il faut se dresser contre ce qui va à l'encontre de notre dignité. L'intimidation a un effet, car elle a des conséquences dévastatrices sur la santé mentale. Il y a toute une énergie et une tension négatives qui entourent tout activiste. Et lorsque l'on est sous les feux de la rampe, cela se répercute sur notre entourage et contamine tous les aspects de notre vie. Nos enfants, nos partenaires, nos ami.e.s sont tous affectés par cette situation.

Cela nous amène à nous demander ce qui est le plus important : faire face ou se recroqueviller. Le but est que les gens se recroquevillent par peur ou par fatigue. Cela m'est arrivé. J'ai déménagé trois fois. Cela a un impact sur les personnes avec qui on vit, qui commencent à se demander : « Est-ce que cela en vaut vraiment la peine ? Sommes-nous à l'abri de cela ? » Lorsque ces questions se posaient à la maison, j'avais l'habitude d'utiliser une phrase du père d'Ondjaki [12], le commandant Juju, qui disait à ses camarades pendant la guerre coloniale : « Nous sommes encerclés, mais nous allons nous en sortir. »

Je pense qu'ils font cela pour nous faire peur, pour susciter toutes sortes de problèmes et créer des blocages dans le mouvement, mais quand on regarde l'histoire de la tradition radicale noire, on se rend compte qu'on ne vient pas de nulle part. Chacun d'entre nous est le résultat d'une partie du combat. Nous sommes une continuité, toujours. C'est pourquoi le projet visant à créer la peur ne peut aboutir. Il existe une capacité cyclique de régénération.

Un reportage réalisé en 2022 par un consortium de journalistes a dénoncé les discours haineux de 591 agents des forces de sécurité. Mamadou Ba était, après André Ventura, la personne la plus visée, c'est-à-dire la cible de discours haineux. Quelle est votre opinion sur votre image publique et le fait d'avoir été la cible de moqueries ?

Je n'étais qu'un prétexte. Je symbolisais ce que ces personnes qui se nourrissent de la haine de la différence portent en elles. Elles ont créé cette image de Mamadou Ba comme un personnage hostile aux institutions. C'est une façon de détourner le débat et d'empêcher toute discussion sérieuse sur la question raciale. La haine au sein de la police est un phénomène très ancien. C'est un héritage colonial. Mais personne ne le dénonçait publiquement, comme moi et d'autres personnes avons commencé à le faire à la fin du siècle dernier.

Il suffit de lire les premiers actes d'accusation du ministère public concernant les jeunes Noirs des banlieues, de la fin des années 1990 à aujourd'hui, pour se rendre compte que ce discours de haine que la police mobilise contre les Noirs est bien réel. Nous avons eu la mort de « Toni » [13] en 2005 et celle de « Kuku » [14] en 2014, qui était un enfant de 14 ans, mais qui a été traité dans la presse comme s'il était le plus grand gangster de l'histoire de la police.

Aujourd'hui, les dénonciations sont plus visibles, plus instantanées et plus faciles d'accès grâce aux réseaux sociaux. La capacité des personnes noires à la confrontation politique dans l'espace public contre les institutions en général et la police en particulier s'est accrue.

Qu'est-ce qui vous a poussé à reprendre vos études ?

Il est nécessaire de contester le discours hégémonique sur la question raciale, qui est fortement colonial. Il faut décoloniser le savoir. Pour lutter contre le privilège blanc, nous devons lutter contre le privilège en termes de savoir et de doctrine.

Il y a une impasse stratégique à gauche sur la question raciale, car la blancheur est une chose qui traverse tout le spectre politique occidental. Pour comprendre le malaise que ressentent des personnes comme moi, qui sont ancrées à gauche, il suffit de lire la lettre de démission d'Aimé Césaire [15] du Parti communiste français, en 1956. C'est une lettre limpide qui pourrait s'appliquer à la réalité d'aujourd'hui.

Souvent, les personnes qui font partie du mouvement antiraciste sont injustement accusées d'être identitaires, de manquer de densité idéologique, d'être sectaires. Toutes ces accusations m'ont amené à vouloir mettre en dialogue ce que j'ai appris en tant que militant et sujet politique noir avec ce qui est produit par le discours hégémonique.

Si nous voulons lutter contre la montée de l'extrême droite qui utilise l'identité pour exclure, nous, les antiracistes du monde entier, devons savoir que l'identité est une addition, pas une soustraction. Pourquoi une employée d'une usine de la région métropolitaine de Lisbonne, de Setúbal ou de Porto déteste-t-elle un collègue non blanc alors qu'en théorie, ils sont soumis au même ordre ?

Parce qu'une idée fausse s'est installée dans l'esprit de cette personne : parce qu'elle est blanche, elle a un avantage sur la personne non blanche à ses côtés. C'est ce qu'on appelle le privilège symbolique. L'idée de supériorité est un livret d'épargne pour certaines personnes. Nous vivons dans une société compétitive, où une hiérarchie s'est créée.

Je suis très obsédé par les catégories, car elles sont nécessaires pour démontrer à quel point la question raciale est structurelle ; et pour pouvoir identifier où, comment et quand les inégalités agissent ; et comprendre comment concevoir des politiques publiques pour répondre à ces inégalités, surtout lorsqu'elles ont un facteur racial derrière elles.

Comment, à travers le vocabulaire existant, est-il possible de dépasser les catégories elles-mêmes ?

Les catégories sont définies par le contenu politique que nous leur appliquons. Nous avons donné une charge politique à la catégorie « travailleur », par exemple. Fanon [16] a dit que le Blanc n'existe pas, pas plus que le Noir, dans ce sens racialiste. Être noir ne me définit pas en tant que personne, mais détermine la place que j'occupe dans une société raciste. C'est pourquoi je peux me voir refuser l'accès à une discothèque ou ne pas pouvoir louer une maison parce que le propriétaire n'aime pas les Noirs. Il existe toute une structure hégémonique au sein de laquelle chaque catégorie a été attribuée et qu'il faut déconstruire — ce que le monde universitaire est trop paresseux pour faire.

En 2018, vous avez publié dans PÚBLICO une critique du livre Políticas de Inimizade (Politiques de l'inimitié) d'Achille Mbembe, dans laquelle vous rappelez les propos du théoricien nazi Carl Schmitt qui affirmait que « l'inimitié est devenue un aspect central de la vie politique contemporaine, où la recherche de l'ennemi fait partie intégrante de la vie des démocraties ». Pourquoi les discours anti-immigration, qui ciblent un ennemi, ont-ils autant de succès ?

C'est une question de pouvoir. La xénophobie, la rhétorique anti-immigration, le racisme identitaire, tout cela a à voir avec qui contrôle quoi. Nous voyons ce qui se passe en Palestine et nous comprenons que toute la rhétorique sur « l'humanité partagée » est une supercherie. Il n'y a pas d'humanité partagée face à la barbarie qui se déroule sous nos yeux.

J'étais à Lampedusa [17] en 2013, à l'époque où des centaines de cadavres arrivaient chaque jour sur les plages. Une chose qui a attiré mon attention était un cimetière de bateaux, très bien entretenu. On m'a emmené dans un buisson à l'intérieur du cimetière. Il n'y avait ni plaques, ni noms, rien. Cela ressemblait à une fosse commune. Même dans la mort, les immigrant.e.s n'ont pas leur place. Les frontières de l'Europe excluent une partie importante du monde de l'humanité. La normalisation de l'indignité dont font l'objet les personnes « différentes » explique une chose dont on parle peu : l'Occident est hanté par l'idée de la fin de l'histoire.

Ce n'est pas un hasard si l'extrême droite occidentale mobilise l'idée du « grand remplacement » [18] — elle en est obsédée. Au Portugal, lorsque nous entendons les politiciens d'extrême droite populiste dire qu'ils sont fiers de leur histoire, qu'ils n'ont pas à s'excuser pour quoi que ce soit, cela a un rapport avec cela, avec cette obsession. Nous avons créé dans la société portugaise l'idée que nous étions exceptionnels du point de vue de notre histoire coloniale. Toute cette chimère lusotropicaliste [19] explique les discours anti-immigration, car selon cette rhétorique, il faut garantir que les citoyens nationaux aient accès aux ressources qui sont disputées par une horde d'envahisseurs. C'est l'ennemi parfait.

Lorsque nous accusons les immigrant.e.s, nous déresponsabilisons les élites face au manque de logements et à la dégradation des services publics. C'est une stratégie de contre-attaque face à l'échec des politiques néolibérales. C'est pourquoi le discours anti-immigration va se maintenir. Il découle d'une incapacité à assumer l'échec politique du modèle économique actuel, qui a déjà montré ses limites. Les élites veulent se sauver elles-mêmes.

Le parti Chega a connu une croissance très rapide depuis 2019. Cela vous a-t-il surpris ?

Pas du tout. Le fascisme a laissé des traces très profondes dans la société portugaise. Sa défaite symbolique en 1974 [20] a été une défaite politique, mais pas une défaite idéologique. Il existe un phénomène spécifique dont peu de gens parlent au Portugal et qui n'existe qu'en France : les rapatrié.e.s [21]. Il y a un spectre du retour [des anciennes colonies] qui marque les esprits et qui est obsessionnellement présent dans l'imaginaire collectif portugais.

D'un point de vue politique, le fascisme a toujours occupé une place importante au Portugal. Ce qui manquait, c'était quelqu'un capable de le mobiliser et de le mettre en position de conquête du pouvoir. Cette stratégie a été très bien mise en place. Elle a commencé par ce qui est un dénominateur commun au Portugal, à savoir la tsiganophobie. Une fois ce discours tsiganophobe installé et normalisé, elle a puisé dans les ressources rhétoriques de « Estado Novo » [22] (l'État nouveau salazariste) et a modernisé ces discours autour de la sécurité, de la corruption et de l'éthique pour attaquer le système politique qui a largement échoué.

Ce discours a également porté ses fruits grâce à un pilier très important, celui de la mobilisation du mécontentement policier. La rampe de lancement d'André Ventura a été le Movimento Zero [23], une organisation para-syndicale au sein des forces de sécurité. Ce n'est pas un hasard s'il est ami avec les secteurs les plus réactionnaires et affiliés aux forces d'extrême droite au sein des forces de sécurité. Soit nous affrontons cette question du fascisme qui veut utiliser la démocratie pour la renverser, soit c'est une question de temps avant que nous ayons très bientôt un gouvernement fasciste.

Quelle est votre opinion sur la manière dont le reste de l'échiquier politique, notamment le gouvernement, a cohabité avec l'extrême droite ?

À l'heure actuelle, c'est l'extrême droite qui détermine la politique du gouvernement en matière de migration et de diversité ethnique. Dans les années 1990, en France, la droite a implosé parce qu'elle pensait pouvoir aseptiser le discours du Front national de Jean-Marie Le Pen et qu'en le faisant, elle pourrait récupérer le mécontentement mobilisé par l'extrême droite pour vaincre la gauche. C'est ce que fait la droite portugaise. Cela a déjà prouvé que cela ne fonctionne pas. Les gens préfèrent l'original à la copie. Les perspectives sont sombres et nous devons nous mobiliser.

Le 10 juin, l'écrivaine Lídia Jorge a prononcé un discours sur le passé colonial portugais et a déclaré : « La thèse de l'ascendance unique ne correspond pas à la réalité : chacun d'entre nous est une somme, nous avons le sang des autochtones et des migrants, des Européens et des Africains, des Blancs et des Noirs et de toutes les couleurs humaines. » Que pensez-vous de ce discours ?

J'apprécie ce discours et je comprends sa portée stratégique et politique, mais je ne fais pas partie de ceux qui l'ont acclamé. Pour comprendre que personne n'est pur au Portugal, nous devons assumer les conséquences de ce qui a cristallisé l'idée de pureté raciale : le déficit d'égalité avec lequel les personnes noires ou non blanches vivent en démocratie, qui résulte de cette idée que le colonialisme est révolu, qu'il a été une souffrance, et que nous devons désormais penser à l'avenir. Cette blessure doit être guérie et elle est encore très ouverte.

Je n'oublie pas non plus les circonstances dans lesquelles cela a été prononcé et qui l'a prononcé.

Ce pays a un problème avec la mémoire et on ne fait pas de politique sans elle. Lorsque le débat sur le musée des Découvertes [24] a débuté, Lídia Jorge faisait partie du groupe de personnalités qui s'est indigné contre ceux qui s'opposaient à sa construction et au débat autour de l'héritage de l'histoire coloniale. Nous ne pouvons pas faire ce saut dans le vide comme s'il n'y avait rien entre les deux.

Il ne s'agit pas de juger l'histoire. Elle s'est jugée elle-même. Les responsabilités sont également plus qu'établies. Il existe des crimes qui sont imprescriptibles. Nous devons organiser la société de manière à ce que ce crime ne se reproduise plus.

Comment cette nouvelle vague d'immigration, notamment en provenance d'Asie du Sud-Est, et la perception qu'en ont les Portugais peuvent-elles créer de nouvelles dynamiques et des conflits avec les minorités ethniques et religieuses, dans la manière dont le racisme se manifeste au Portugal ?

Ce qui se passe avec les communautés indo-asiatiques s'inscrit dans une continuité historique. Dans les années 1970/80, l'attention se portait sur les communautés noires, essentiellement lusophones, car il existait un lien et un contexte historique qui faisaient qu'elles étaient plus nombreuses. À la fin des années 1990, l'attention s'est déplacée vers les Brésiliens — tout le monde se souvient de l'épisode des « mères de Bragança » [25]. Aujourd'hui, cela a changé. La logique d'importation de main-d'œuvre bon marché s'est davantage tournée vers les personnes originaires de la région indo-asiatique.

Cela est également lié aux cycles économiques. Si l'on examine les secteurs où la précarité de l'emploi est la plus forte : la grande distribution, l'agriculture et l'hôtellerie. Dans le passé, c'étaient la construction et l'hôtellerie. Ceux qui critiquent les mouvements identitaires devraient comprendre pourquoi l'extrême droite, la droite conservatrice et la droite purificatrice parviennent à mobiliser l'idée d'un danger pour l'identité nationale. L'extrême droite le dit clairement, mais le reste de la droite le dit de manière subtile.

La présence de ces personnes peut constituer une menace pour l'identité nationale. Le « Portugais blanc de Fonseca » [26] n'existe plus depuis longtemps. Le monde est une mosaïque composée de divers types issus du patrimoine de l'humanité. Toutes les personnes obsédées par la pureté ethnique vont souffrir et créer davantage de souffrance, car elles vont mobiliser leur obsession de pureté contre des personnes qui n'ont rien à voir avec leurs douleurs existentielles et leur peur de la fin de l'histoire.

Il sera difficile de lutter contre ce discours si celles et ceux qui se battent pour les valeurs démocratiques commencent à relativiser ces attaques. Nous vivons des choses très proches de ce qui s'est passé dans les années 1930. Les pogroms ont commencé ainsi. Ce qui s'est passé en Espagne (à Torre Pacheco) [27] s'est déjà produit en France et au Portugal, mais à une échelle moindre. À Montemor, les immigrant.e.s ont été persécuté.e.s ; à Setúbal, un immigrant a été tué chez lui ; à Porto, des immigrant.e.s ont été pourchassé.e.s et harcelé.e.s. La chasse aux Juifs et la chasse aux Noirs se perpétuent dans la chasse aux immigrant.e.s.

Ces dernières années, le combat contre le racisme a gagné de nouveaux intervenants, que ce soit à travers la musique, la politique ou des mouvements tels que Vida Justa. Quelle est votre opinion sur ce qui a changé dans la capacité d'affirmation politique et culturelle ?

Beaucoup de choses ont changé positivement. Nos organisations ne sont plus seulement des résidus folkloriques dont l'origine se trouvait dans le regard condescendant de certains secteurs de la société portugaise attachés aux idées de justice sociale. Les organisations ont une personnalité politique, une capacité de faire face et de proposer. Elles ont donné un contenu programmatique aux luttes. Cela a été un tabou pendant de nombreuses années et aujourd'hui, on en discute ouvertement. On est d'accord, on n'est pas d'accord, mais il y a un débat. C'est important.

Toutefois, on considère souvent que la présence de femmes noires en politique est une nouveauté. Ce n'est pas le cas. Les dirigeantes des plus grandes associations d'immigré.e.s dans les années 1990 étaient des femmes. Alcestina Tolentino était présidente de l'Association capverdienne, qui était la plus grande association d'immigré.e.s au Portugal ; Amina Lawal était présidente de l'Association mozambicaine ; Carla Marejano était présidente du Centre culturel africain ; Olga Santos était présidente de l'association Moçambique Sempre. Toutes ces personnalités ont joué un rôle très important dans les années 1990. Ce sont des femmes influentes et dotées d'une grande capacité politique qui ont marqué la lutte politique du mouvement social antiraciste.

Je profite de l'occasion pour rendre hommage à une personnalité disparue dont on parle peu : Fernando Ka, qui était député du PS. Il a été l'un des premiers chroniqueurs du journal PÚBLICO et signait ses chroniques du nom de « Portugais noir ». Lui et Manuel Correia, du PCP, ont été des personnes très importantes. Puis est venue la vague des nouvelles générations de femmes noires publiques — Joacine [Katar Moreira], Beatriz Gomes Dias [28], Romualda Fernandes [29]. Mais aussi des figures du débat intellectuel, comme Cristina Roldão [30], Kitty Furtado [31], Sheila Khan [32], Sónia Vaz Borges [33] et Raquel Lima [34]. Nous avons commencé à occuper tous les domaines. Avant elles, il y avait Inocência Mata [35] ou Iolanda Évora [36].

Toutes ces personnalités ont occupé les espaces du débat théorique et politique. Chacune d'entre elles s'est illustrée dans son domaine tout en s'intégrant à la lutte militante. C'est fondamental, et je pense que cela a ouvert la voie à l'adhésion des artistes. Le hip-hop a joué un rôle très important dans la consolidation de ce mouvement. Dans les années 1990, nous avons eu General D [37], qui mérite un hommage national qui ne lui a pas encore été rendu. Peu de gens savent qu'il a été l'un des premiers candidats noirs aux élections européennes. Avant lui, il y avait Lena Lopes da Silva, qui a été la première femme noire à se présenter aux élections européennes dans une démocratie ; et après elle, Anabela Rodrigues, qui s'est également présentée.

Une autre figure qui s'est distinguée dans le hip-hop est Xullaji [38], pour sa capacité à proposer des idées, mais aussi à déranger. Après cela, sont venues les personnes les plus réputées, issues du mainstream : Dino [39], par exemple, qui a fait un acte courageux lors du 31e anniversaire de PÚBLICO, lorsque le Premier ministre de l'époque, António Costa [40], m'a comparé à André Ventura. Il m'a dédié tout son concert et la lutte antiraciste.

Tout cela sont des étapes qui montrent que les choses avancent. A Vida Justa [41] est désormais le nouvel espace où se rejoignent les luttes pour la dignité et qui englobent d'autres aspects : la violence policière, l'accès au logement. C'est le paradigme qui doit prévaloir pour que les luttes ne soient pas récupérées. Pourquoi la police tue-t-elle dans les quartiers ? Pourquoi tue-t-elle des personnes noires ? Pourquoi les espaces et les corps habités par des personnes noires sont-ils la cible de la violence de l'État ? Pourquoi la démolition des maisons de certaines personnes, comme cela s'est produit à Talude [42],ne suscite-t-elle aucune émotion collective ? Parce qu'elle est très sélective lorsqu'il s'agit de personnes noires ou roms. C'est du racisme. Il ne peut y avoir aucun programme de lutte politique, aussi profond et structurel soit-il, dans le contexte actuel au Portugal, qui ne tienne compte de la question raciale. L'avenir dépendra de notre capacité à en percevoir la dimension intersectionnelle.

Vous avez écrit dans PÚBLICO en 2019 que « le débat au Portugal sur les stratégies et les alliances dans la lutte contre le racisme est de plus en plus marqué par une tension entre les militants racialisés et les militants blancs ». Quelle est votre analyse de l'état de la collaboration des mouvements antiracistes avec les partis, notamment ceux de gauche ?

C'est une alliance de faible intensité, peu fidèle et, dans une large mesure, politiquement malhonnête. Mais elle est indispensable. La gauche doit comprendre que, parce qu'elle est notre première alliée, c'est envers elle que nous sommes les plus exigeants. Souvent, cette perception fait défaut. Je n'ai aucun espoir de conclure une alliance avec la droite qui aboutirait à une modification substantielle de la condition des personnes racisées. À mon avis, la gauche est une alliée, mais elle peut parfois être une adversaire. La droite est toujours une adversaire, quand elle n'est pas une ennemie. Tous les partis de gauche ont un programme antiraciste, à des degrés et sous des formes très différents, mais ils n'ont pas encore de programme antiraciste. Sans programme, il n'y a pas de politique. L'agenda relève du domaine de la controverse, de la rhétorique et du discours ; le programme relève du domaine de la pratique et de la lutte effective contre les inégalités liées à la race. La gauche doit être capable de s'exposer aux faiblesses doctrinales qui marquent notre espace de réflexion sans céder à la tentation d'accuser immédiatement ceux qui les soulèvent d'être identitaires ou sectaires.

Il faut faire preuve de sincérité dans notre alliance et comprendre que la défaite du capitalisme ne viendra jamais du centre, mais des périphéries. Et qui occupe les périphéries ? Les personnes non blanches. Je suis profondément ancré dans la gauche et, s'il y a un segment social en Occident en particulier qui n'a pas besoin de leçons sur ce que signifie être de gauche, ce sont les personnes non blanches. Parce qu'elles vivent le sens et l'impact de l'inégalité de classe au quotidien : dans l'accès au travail, aux biens et services et au territoire lui-même.

Il faut être disposé à ne pas instrumentaliser les luttes. La gauche a pris l'habitude de considérer le mouvement comme un obstacle. Ce n'est ni l'un ni l'autre. Le mouvement antiraciste est l'un des dispositifs essentiels dont dispose la gauche pour lutter contre les inégalités. Il faut que le mouvement antiraciste ne soit pas un appendice, mais une force.

Qu'est-ce qui vous a poussé à choisir un master en communication ? Quel est le rapport avec le contexte actuel marqué par l'impact des réseaux sociaux et ces nouvelles dynamiques de communication ?

S'il y a une personne au Portugal qui a été la cible de moqueries et de persécutions par le biais de la communication, c'est bien moi. Les médias et les réseaux sociaux ont été mobilisés pour créer un personnage qui corresponde à ce que l'extrême droite et le système voulaient voir exister.

Nous vivons dans une sorte de ploutocratie [43], qui est le principal vecteur du capitalisme numérique, qui est aussi un capitalisme racial. Les grandes entreprises numériques contrôlent complètement la communication et déterminent le comportement du journalisme classique, en le liant aux nouvelles formes de communication, et construisent tout un répertoire narratif destiné à consolider une conception fasciste de la société. Twitter, Facebook, Instagram, Google lui-même sont des armes de destruction massive de la démocratie ; ce sont des espaces planétaires de normalisation de l'absurde, de l'indécence, de la violence et de l'impunité. Personne n'aurait jamais pensé que nous vivrions à une époque où l'on pourrait assister en direct à un génocide. C'est dans cette normalisation que se construit l'un des discours les plus racistes que nous ayons entendus au cours des 40 dernières années à propos des Palestiniens. Tout cela m'a amené à vouloir mieux comprendre ces phénomènes.

J'ai également voulu dialoguer avec moi-même. Souvent, nous voulons parler aux autres et nous oublions de nous parler à nous-mêmes de ce que nous pensons être une voie, une façon de penser, nos certitudes et nos incertitudes. Ce cours a quelque chose d'intéressant, car il offre deux options : rédiger une thèse ou un travail final à partir d'une réflexion basée sur des cas concrets, sur votre histoire personnelle ou celle d'autres personnes — une analyse circonstanciée d'un phénomène quelconque susceptible d'être relié à des réflexions plus générales.

Revenons à Mbembe. Dans « Politiques de l'inimitié », l'auteur suggère de modifier un paradigme démocratique qu'il appelle « la démocratie du vivant », dans laquelle tous les êtres vivants, humains, animaux, végétaux, ont leur place afin que les écosystèmes qui les soutiennent puissent être préservés. Comment y parvenir ?

Deux choses : nous débarrasser définitivement de l'idéologie de la possession et de l'idée que nous devons tout extraire de la nature ; la seconde est de comprendre que nous ne sommes qu'une infime partie de l'écosystème. Jusqu'à présent, comme l'a dit Mbembe, ce qui a guidé les modèles d'organisation sociale, c'est l'idée que nous nous ressemblons les uns les autres, que nous pouvons nous traiter avec bienveillance. Mais nous devons aussi bien traiter tout ce qui nous entoure. Au lieu de la « démocratie des semblables », qui ne concerne que ceux qui se trouvent similaires et proches, la « démocratie du vivant » est une idée de coexistence horizontale et de nécessité d'autoconservation et de préservation. C'est pourquoi je dis toujours que la justice climatique, la justice raciale et la justice économique sont complètement liées. L'une sans l'autre n'est pas viable.

P.-S.
Interview accordée au quotidien Público

Toupeira Vermelha
https://www.publico.pt/2025/09/07/sociedade/entrevista/mamadou-ba-ha-impasse-estrategico-esquerda-questao-racial-2142785

Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l'aide de Deeplpro

https://toupeiravermelha.home.blog/2025/10/14/ha-um-impasse-estrategico-a-esquerda-sobre-a-questao-racial/

Notes

[1] L'université Cheikh Anta Diop est la principale université du Sénégal, fondée en 1957 et située à Dakar. Elle porte le nom de l'historien et anthropologue sénégalais Cheikh Anta Diop (1923-1986), connu pour ses travaux sur l'histoire précoloniale de l'Afrique.

[2] SOS Racismo est une organisation antiraciste portugaise fondée en 1990, qui lutte contre toutes les formes de discrimination raciale et pour l'égalité des droits.

[3] Le Bloco de Esquerda (Bloc de gauche) est un parti politique portugais de gauche radicale fondé en 1999, issu de la fusion de plusieurs organisations de gauche.

[4] Jamaica est un quartier périphérique de Lisbonne, dans la municipalité de Seixal, marqué par une importante population d'origine africaine et confronté à des problèmes sociaux et économiques.

[5] Mário Machado est un militant néonazi portugais, fondateur de plusieurs organisations d'extrême droite et condamné à plusieurs reprises pour crimes violents et racistes.

[6] Alcindo Monteiro était un immigrant capverdien assassiné en 1995 par un groupe de skinheads néonazis à Lisbonne, un crime qui a marqué profondément la société portugaise et la lutte antiraciste.

[7] Le Partido Nacional Renovador (PNR, Parti national rénovateur) est un parti politique portugais d'extrême droite fondé en 2000, de tendance néofasciste et néonazie.

[8] Le Partido Comunista Português (PCP, Parti communiste portugais) est un parti politique portugais de gauche fondé en 1921.

[9] Le Partido Socialista (PS, Parti socialiste) est un parti politique portugais de centre-gauche, actuellement au pouvoir.

[10] Joacine Katar Moreira est une universitaire et femme politique luso-guinéenne, première femme noire élue députée au parlement portugais en 2019, représentant le parti Livre (gauche écologiste).

[11] Mariana Mortágua est une économiste et femme politique portugaise, députée du Bloco de Esquerda depuis 2015 et coordinatrice du parti.

[12] Ondjaki est le pseudonyme de Ndalu de Almeida (né en 1977), écrivain et réalisateur angolais dont l'œuvre explore l'histoire et la société angolaises post-indépendance.

[13] António Manuel Guilherme José, surnommé « Toni », était un jeune homme noir de 25 ans mort en 2005 après une altercation avec la police à Lisbonne, un cas qui a suscité de vives controverses sur la violence policière.

[14] Bruno Gomes, surnommé « Kuku », était un adolescent de 14 ans mort en 2014 lors d'un échange de coups de feu avec la police dans le quartier de Cova da Moura, près de Lisbonne.

[15] Aimé Césaire (1913-2008) était un poète, dramaturge et homme politique martiniquais, figure majeure du mouvement de la négritude et théoricien de l'anticolonialisme. Il a démissionné du Parti communiste français en 1956 en raison de désaccords sur la question coloniale et raciale.

[16] Frantz Fanon (1925-1961) était un psychiatre, philosophe et théoricien politique martiniquais, figure majeure de la pensée anticoloniale, auteur notamment de Peau noire, masques blancs (1952) et Les Damnés de la terre (1961).

[17] Lampedusa est une petite île italienne située entre Malte et la Tunisie, devenue un point d'arrivée majeur pour les migrants traversant la Méditerranée depuis l'Afrique du Nord vers l'Europe.

[18] La théorie du « grand remplacement » est une théorie complotiste d'extrême droite qui prétend qu'il existe un plan délibéré pour remplacer les populations européennes « blanches » par des populations immigrées, notamment musulmanes.

[19] Le lusotropicalisme est une théorie développée par le sociologue brésilien Gilberto Freyre dans les années 1930, qui prétendait que la colonisation portugaise était plus douce et plus tolérante que d'autres colonisations européennes, créant des sociétés multiracialesharmonieuses. Cette théorie a été instrumentalisée par le régime salazariste pour légitimer la présence coloniale portugaise en Afrique.

[20] La Révolution des Œillets du 25 avril 1974 a mis fin à 48 ans de dictature salazariste au Portugal et au régime colonial portugais.

[21] Les « retornados » (rapatriés) sont les Portugais et leurs descendants qui sont retournés au Portugal depuis les anciennes colonies africaines (Angola, Mozambique, Guinée-Bissau, Cap-Vert, São Tomé-et-Príncipe) après les indépendances en 1974-1975. Environ 500 000 à 800 000 personnes sont revenues au Portugal dans ces années.

[22] L'Estado Novo (État nouveau) était le régime autoritaire corporatiste qui a gouverné le Portugal de 1933 à 1974 sous la direction d'António de Oliveira Salazar puis Marcelo Caetano.

[23] Movimento Zero était une organisation fondée en 2017 par des policiers et militaires mécontents, contestant la politique salariale et les conditions de travail. André Ventura, alors commentateur politique, est devenu leur porte-parole avant de fonder Chega en 2019.

[24] Le projet de musée des Découvertes à Lisbonne, proposé en 2016, visait à célébrer l'époque des grandes découvertes maritimes portugaises. Il a suscité une vive controverse, des critiques dénonçant une glorification de la période coloniale sans reconnaissance de ses aspects violents et esclavagistes. Le projet a été finalement abandonné.

[25] L'affaire des « mères de Bragança » fait référence à un incident en 2003 où des mères portugaises de Bragança ont protesté contre la présence de femmes brésiliennes qui, selon elles, prostituaient et menaçaient leurs familles, révélant des préjugés xénophobes et racistes envers les immigrants brésiliens.

[26] Expression faisant référence à une conception idéalisée et mythique du Portugais « authentique » et « pur », associée aux discours nationalistes et racistes.

[27] En août 2024, à Torre Pacheco (région de Murcie, Espagne), des émeutes xénophobes ont visé des travailleurs migrants maghrébins, avec des violences physiques et des incendies de logements, rappelant les pogroms historiques.

[28] Beatriz Gomes Dias est une femme politique luso-guinéenne, militante antiraciste et députée à l'Assemblée municipale de Lisbonne puis à l'Assemblée de la République, membre du parti Livre.

[29] Romualda Fernandes est une activiste et femme politique luso-angolaise, militante antiraciste et coordinatrice du mouvement Vida Justa, focalisé sur la justice sociale et la lutte contre les inégalités raciales.

[30] Cristina Roldão est une sociologue portugaise spécialisée dans les questions de racisme, migrations et inégalités sociales.

[31] Kitty Furtado est une journaliste et activiste luso-mozambicaine, cofondatrice de Femmes Noires au Portugal, une plateforme de réflexion et d'action contre le racisme et le sexisme.

[32] Sheila Khan est une anthropologue luso-mozambicaine spécialisée dans les études postcoloniales, le racisme et les migrations.

[33] Sónia Vaz Borges est une historienne luso-guinéenne spécialisée dans l'histoire des luttes de libération africaines et des mouvements anticoloniaux.

[34] Raquel Lima est une sociologue et activiste luso-angolaise spécialisée dans les questions de genre, race et justice sociale.

[35] Inocência Mata est une universitaire et critique littéraire cap-verdienne, professeure à l'Université de Lisbonne, spécialisée dans les littératures africaines de langue portugaise et les études postcoloniales.

[36] Iolanda Évora est une sociologue cap-verdienne spécialisée dans les migrations, le genre et les relations interethniques.

[37] General D (José Carlos Delgado Costa, 1974-2020) était un rappeur portugais d'origine cap-verdienne, pionnier du hip-hop portugais et militant antiraciste.

[38] Xullaji (José Manuel Quiala) est un rappeur portugais d'origine angolaise, connu pour ses textes politiquement engagés et sa critique sociale.

[39] Dino d'Santiago est un chanteur portugais d'origine cap-verdienne, figure majeure de la musique portugaise contemporaine, connu pour son engagement social et culturel.

[40] António Costa est un homme politique portugais, Premier ministre du Portugal de 2015 à 2024, membre du Parti socialiste.

[41] Vida Justa (Vie juste) est un mouvement social portugais fondé en 2021 qui lutte contre le racisme, la violence policière et les inégalités sociales, particulièrement actif dans la défense des droits des personnes racisées et des habitants des quartiers périphériques.

[42] Talude est un quartier du concelho d'Almada, dans la région métropolitaine de Lisbonne, où des démolitions de logements précaires ont suscité des controverses sur le relogement et les droits des habitants.

[43] Une ploutocratie est un système politique où le pouvoir est exercé par les riches ou est déterminé par la richesse.

Au Pays-Bas, une extrême droite confiante et une gauche parlementaire en stagnation

4 novembre, par Alex De Jong — , ,
Le 29 octobre, les Pays-Bas connaîtront de nouvelles élections législatives – une fois de plus. Début juin, le gouvernement du Premier ministre Dich Schoof a perdu sa majorité, (…)

Le 29 octobre, les Pays-Bas connaîtront de nouvelles élections législatives – une fois de plus. Début juin, le gouvernement du Premier ministre Dich Schoof a perdu sa majorité, lorsque le PVV de Geert Wilders, d'extrême droite, a fait exploser la coalition. Peu après les élections, le contraste entre les événements politiques les plus importants dans le pays ne pourrait être plus fort. Le 20 septembre, après un meeting anti-immigration, la Hague a été traversé par des émeutes fascistes. Le 5 octobre, 250 000 personnes ont marché dans les rues d'Amsterdam pour montrer leur solidarité avec la Palestine.

16 octobre 2025 tiré d'Europe solidaire sans frontières | Photo : Geert Wilders avec Trump. © The White House / Public Domain
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article76791

À la Haye, une extrême droite qui monte, et des fascistes qui patrouillent dans les rues pour intimider les personnes racisées, et jeter des pierres sur les bureaux du parti social-libéral D66. Des saluts nazis, combinés aux drapeaux orange-blanc-bleus du mouvement national-socialiste néerlandais des années 30 et 40. Et comme pour mettre en évidence les connexions entre fascisme et colonialisme, d'autres portent des drapeaux de la VOC, la Compagnie des Indes orientales hollandaise. Tout ceci exprimait la confiance en soi prise par l'extrême droite, galvanisée par la montée des partis qui partage ses points de vue au sein du Parlement.

En face, Amsterdam a connu la plus grande manifestation de solidarité internationale dans l'histoire des Pays-Bas. Cette marche, qui a rencontré les acclamations des habitant·es, était aussi un rassemblement contre l'extrême droite. Le fossé entre la politique officielle et l'opinion publique a rarement été aussi béant : les mêmes partis de droite et d'extrême droite qui affirmaient si fort parler au nom du « peuple » ne sont aujourd'hui qu'une minorité, dans leur support fanatique à la violence génocidaire d'Israël.

Les sondages pour les élections du 29 octobre n'incitent cependant pas à l'optimisme. Le gouvernement Schoof était le plus à droite depuis la Seconde Guerre mondiale, et le premier à intégrer un parti d'extrême droite. Le fait qu'il s'effondre après onze mois n'était pas une surprise. Beaucoup s'attendaient même à le voir tomber plus tôt. La politique contemporaine des Pays-Bas est en effet extraordinairement chaotique : depuis le tournant du siècle, une seule coalition a tenu les quatre ans de son mandat. Et en août 2025, le pays a traversé un épisode inédit, lorsque le NSC (conservateur) a quitté le gouvernement restreint, une mesure sans précédent prise parce que les deux partis restants (le VVD, libéral de droite, et le mouvement agricole-citoyen populiste de droite BBD) continuaient à bloquer les propositions du NSC, qui allaient vaguement dans le sens d'une condamnation de la politique génocidaire de l'État israélien.

Mais si l'on regarde au-delà du chaos, vers la composition du parlement lui-même, on se rend compte que la structure de la politique néerlandaise est relativement stable – hélas. Le PVV [d'extrême droite] se maintient et la droite bourgeoise, notamment le parti libéral VVD, poursuit son glissement vers la droite. Les sondages prédisent que le PVV ne perdra que quelques points de pourcentage par rapport [aux élections de] 2023, et qu'il restera, et c'est ce qui compte le plus, le premier parti, autour de 20%. Le bloc de droite, au parlement, est maintenant constitué de cinq partis, qui vont du SGP, un parti calviniste fondamentaliste, aux néo-fascistes du FvD, en passant par un BBB qui accélère sa transformation, d'une formation se réclamant du centrisme, vers un parti d'extrême droite qui demande des lois d'urgence pour bloquer l'immigration. La nouveauté, c'est que le VVD fait face à des pertes importantes. Il y a là les conséquences des maladresses de sa dirigeante, Dilan Yeşilgöz, mais plus fondamentalement, il y a une tension à l'intérieur du parti entre ceux qui veulent poursuivre la coalition avec le PVV, et ceux qui préfèrent la « stabilité ». Quand le gouvernement Schoof est entré en fonction, la droite bourgeoise a conclu un certain nombre d'accords avec [le leader du PVV] Wilders dans une tentative de consolider la stabilité de la coalition. L'un d'entre eux était de rompre avec la tradition qui veut que le plus grand parti au gouvernement fournisse le Premier ministre. Il se serait alors agi de Wilders – mais l'idée de le voir représenter le pays à l'international générait un certain malaise, particulièrement au NSC. Un compromis a donc été trouvé en nommant à ce poste le bureaucrate sans parti Dick Schoof. Et le nouveau gouvernement a aussi promis de respecter l'État de droit, ce qui était aussi une façon de limiter le rôle du PVV – parti qui défend l'idée d'abolir plusieurs droits constitutionnels, comme la liberté de culte (pour les musulman·es), ou de rompre avec plusieurs traités internationaux sur les droits des réfugié·es et les migrations.

Sans surprise, ces tentatives de contenir Wilders n'ont pas servi à grand-chose. Il a rapidement fait savoir que ses plans les plus extrêmes étaient toujours à l'ordre du jour, au moins à long terme. Et le fait qu'il n'ait pas été lui-même membre du gouvernement lui a permis de garder le style et les manières d'une figure d'opposition, face à une droite classique, faible et compromise.

Wilders a choisi de faire exploser la coalition en exprimant des revendications dont il savait qu'elles ne pourraient jamais être satisfaites, comme une fermeture totale des frontières pour les réfugié·es et l'expulsion de tou·tes les Syrien·nes vivant dans le pays. Dans la campagne de 2023, Wilders a parfois attaqué le centre-gauche « par la gauche », par exemple sur des sujets comme les coûts de santé ; mais une fois au gouvernement, son parti a immédiatement abandonné son vernis « social », et s'est rallié à la politique économique de droite menée par ses partenaires. Un plan pour taxer les rachats d'action a été rejeté, et une taxe sur le CO2 émis par les entreprises abolie. La proposition de mettre fin aux frais de risque propre dans les assurances santé obligatoires, une vieille promesse du PVV, a été abandonnée. Autant d'épisodes qui n'ont eu que peu d'impact sur la popularité de Wilders. Quand il a mis fin à la coalition, son pari était de polariser l'élection autour de l'hostilité contre les migrant·es et les réfugié·es. Il sait que ce sont ces sujets qui génèrent un soutien à son parti.

Le fait qu'après cet épisode, le PVV ne soit plus considéré comme un partenaire de coalition stable pour la droite bourgeoise, n'est qu'une perte temporaire pour lui. Pour Wilders, la participation à un gouvernement n'est pas une fin en soi, mais une étape dans un projet de long terme pour transformer les Pays-Bas en une société encore plus à droite, raciste et autoritaire. L'extrême droite, même quand elle n'est pas au gouvernement, joue un rôle de plus en plus important pour définir ce qui est politiquement possible dans le pays.

Une gauche en stagnation

La fusion en cours avec le parti vert GroenLinks signifie que le Parti des Travailleur·ses (PvdA) se décale légèrement vers la gauche. Mais le fait que le PvdA se présente comme de gauche en période électorale n'est pas une nouveauté, et rien n'indique un véritable changement d'orientation sur le long terme. Les cabinets de recherche des deux partis défendent maintenant une forme de « social-démocratie verte » ; mais avec son soutien enthousiaste aux politiques néolibérales des gouvernements précédents, le PvdA a rendu impossible l'essentiel des perspectives social-démocrates. Le parti fusionné est coincé dans une contradiction qu'il a lui-même créée : d'un côté, il réalise que pour gagner des voix, il doit se distinguer du centre et faire le choix d'une ligne politique clairement de gauche et écologiste. De l'autre, GroenLinks-PvdA, mené par l'ancien commissaire européen Frans Timmermans (du PvdA), ne veut rien d'autre qu'une coalition avec le centre-droit et la droite, et ne peut donc pas se permettre d'offenser outre mesure ses potentiels partenaires. La stratégie du PvdA de gouverner conjointement avec la droite menace désormais de contaminer GroenLinks.

Cela pourrait tourner mal après les élections. Il sera probablement difficile de former un gouvernement, et plus le processus sera long, plus il y aura de pression, en interne et en externe, pour que le PvdA-GroenLinks « prenne ses responsabilités ». Par exemple, pour former un gouvernement centriste. Et s'associer à des politiques soutenues par de moins en moins de monde.

Le principal parti à la gauche du PvdA-GroenLinks, le Parti Socialiste (SP), a opté pour une approche de retour aux bases. Après des années de déclin, il devrait obtenir autour de 4%, en légère augmentation. Sa ligne peut se résumer comme « progressiste sur le plan économique, mais socialement conservatrice ». Il reste largement silencieux sur les questions de racisme, et se concentre sur les aspects socio-économiques. Même après les émeutes à la Hague, le SP était le seul parti de gauche à voter en faveur de plusieurs motions de l'extrême droite, une qui mettait sur un pied d'égalité les violences de l'extrême droite avec celles, imaginaires, de l'extrême gauche, et une défendant « le droit de chacun à manifester pacifiquement contre les centres de réfugié·es ». Tout en utilisant une fougueuse rhétorique de « défense de la classe travailleuse », il affiche sa volonté de rejoindre un gouvernement de coalition avec le centre-droit, en particulier avec les chrétiens-démocrates du CDA. De cette manière, le SP, qui était autrefois un parti d'opposition de gauche qui contribuait à faire pression sur le PvdA, s'engage maintenant sur la même pente glissante.

De nombreux·ses Néerlandais·es de gauche voteront probablement pour le Parti des Animaux, qui, de parti centré exclusivement sur la défense des droits des animaux, s'est transformé en organisation de gauche et écologiste. Le BIJ1, un parti de gauche radicale et antiraciste, entre aussi dans l'équation, mais il n'est malheureusement pas certain qu'il parvienne à revenir au parlement. [1]

Les 250 000 personnes qui ont manifesté à Amterdam ont montré que même aux Pays-Bas, un mouvement contre l'extrême droite et ses atrocités était possible. Il faut maintenant construire sur ce potentiel. Pour inverser la vapeur, la gauche néerlandaise devra travailler à construire son propre pouvoir, ses propres structures et ses propres propositions pour une autre société. Dans la lutte quotidienne pour les intérêts socio-économiques et contre l'extrême droite, elle doit travailler ensemble et regarder au-delà de la prochaine élection.

P.-S.
• Inprecor. 27 octobre 2025 :
https://inprecor.fr/au-pays-bas-une-extreme-droite-confiante-et-une-gauche-parlementaire-en-stagnation

Notes
[1] Pour connaître la position du comité de rédaction de Greenzeloos, revue de la section néerlandaise de la Quatrième Internationale, voir ESSF (article 76646), Avant et après les élections néerlandaises : La résistance de gauche est essentielle :
www.europe-solidaire.org/spip.php?article76646

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Reprendre l’initiative, par l’action, dans l’unité

4 novembre, par William Daunora — , ,
Les discussions sur le budget ont commencé par le rejet du volet « recettes » en commission il y a une semaine. L'ampleur de la déroute surprend quand même : seuls les députéEs (…)

Les discussions sur le budget ont commencé par le rejet du volet « recettes » en commission il y a une semaine. L'ampleur de la déroute surprend quand même : seuls les députéEs Renaissance ont voté le texte. De proches alliés de Macron votant contre (LR) ou s'abstenant (Modem, Horizon et LIOT), mettant encore plus à nu l'isolement du pouvoir.

29 octobre 2025 | tiré de l'Hebdo l'Anticapitaliste 773
https://lanticapitaliste.org/actualite/politique/reprendre-linitiative-par-laction-dans-lunite

En commission, tous les amendements proposés par les partis du Nouveau Front populaire (NFP) ont été systématiquement rejetés par les députéEs macronistes, la droite et l'extrême droite, notamment l'instauration de la « taxe Zucman ». Un député RN peut ainsi déclarer : « On se réjouit que nos propositions et nos idées prennent de l'ampleur et qu'elles trouvent une majorité dans cette Assemblée. » Ainsi le PS tient dans sa main le gouvernement, et c'est le RN qui imprime sa marque sur le budget. Les discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) sont du même acabit.

Quelle stratégie pour la gauche ?

On se demande donc bien ce que les partis du NFP espèrent à se jeter dans une bataille parlementaire perdue d'avance. Les discussions parlementaires autour des amendements relèvent uniquement d'un exercice d'amoindrissement de la violence des projets gouvernementaux. C'est ouvertement le projet du PS. EÉLV assume davantage l'approfondissement de la crise tout en annonçant la candidature de Marine Tondelier pour 2027 comme moyen d'obtenir une primaire à gauche. Et on a l'impression que l'arène parlementaire sert surtout à LFI à régler ses comptes avec le PS. Mais le pire de tout ça est le brouillage des lignes quand on voit se multiplier les votes communs au RN et à la gauche. Si la gauche d'accompagnement semble avoir un projet cohérent, celui d'une possible gauche de rupture est difficilement lisible.

L'impasse d'une solution institutionnelle

La priorité donnée à la joute parlementaire paralyse le mouvement social. En l'absence du recours au 49-3, on voit mal comment la sortie sera autre chose que la version initiale du budget imposée par ordonnances (et donc sans les « gains » qu'aurait obtenus la gauche) ou bien une censure et un retour à la case départ. Le mouvement social ne peut rester l'arme au pied alors que le pouvoir est si faible. Cette séquence voit aussi le retour à une dichotomie « la rue pour les syndicats, la lutte parlementaire pour les partis » que le NFP avait permis d'assouplir. Cette séparation est, elle aussi, paralysante.

Vite, reprendre l'initiative dans la rue !

Certaines coordonnées de la séquence restent inchangées. La crise économique est là, les difficultés quotidiennes de la vie pèsent plus que jamais, et l'inflation semble faire son retour. Le risque de l'arrivée du RN au pouvoir n'a jamais été aussi grand. L'extrême droite est plus que jamais en embuscade, engrangeant passivement le bénéfice du pourrissement institutionnel et de la farce parlementaire.

Toute une partie du mouvement social semble paralysée par la crainte de l'approfondissement de la crise politique qui mènerait à une dissolution et à une victoire électorale du RN. Pourtant, la seule voie de sortie favorable pour notre camp social passe par les mobilisations. Reprendre la main par les luttes porte un double objectif stratégique : construire le rapport de forces pour imposer un programme d'urgence et développer des cadres d'auto-organisation pour sortir de la passivité, du parlementarisme, de l'électoralisme. Il nous faut chercher à convaincre que nous avons collectivement la puissance de renverser la situation.

La nécessaire unité de la gauche sociale et politique

Le mouvement Bloquons tout semble dessiner une date de mobilisation le 15 novembre. Le 22 novembre aura lieu une importante mobilisation annuelle, à l'occasion de la journée internationale de lutte contre les violences sexistes, sexuelles et de genre. Le 29 novembre aura lieu la première manifestation nationale unitaire en solidarité avec la Palestine depuis le commencement de la guerre génocidaire il y a deux ans.

Pour que la donne soit modifiée, il faut que l'ensemble de la gauche sociale et politique reprenne l'initiative, dans l'unité, par des meetings communs, un plan de mobilisation, une manifestation nationale unitaire… Le NPA-l'Anticapitaliste sera de toutes les initiatives qui permettraient de relever la tête et de construire par l'action commune une alternative à l'austérité et à la fascisation.

William Donaura

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Le pouvoir du peuple. Cartographie du paysage des mouvements sociaux en Ukraine

Cartographie des mouvements sociaux en Ukraine : Lancement de la recherche et du débat autour de la perspective de la résilience démocratique en temps de guerre 24 octobre (…)

Cartographie des mouvements sociaux en Ukraine : Lancement de la recherche et du débat autour de la perspective de la résilience démocratique en temps de guerre

24 octobre 2025 | tiré du site entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/10/24/le-pouvoir-du-peuple-cartographie-du-paysage-des-mouvements-sociaux-en-ukraine/#more-99025

Introduction

En 2022, la fédération mondiale ActionAid Federation a pris une décision sans précédent pour la Fédération : lancer une action humanitaire dans une région où elle n'était jusqu'alors pas présente, à savoir l'Europe de l'Est. Cette décision a été motivée par l'invasion à grande échelle lancée par la Russie contre l'Ukraine, la remise en cause des mécanismes géopolitiques existants du droit international et du statut d'après-guerre (du moins dans cette partie du globe), les débats renouvelés autour de la responsabilité des crimes de guerre et de l'efficacité de la Cour pénale internationale et du système des Nations unies, ainsi que les effets anticipés sur les populations traditionnellement exclues et à haut risque en Ukraine et dans le monde. Depuis lors, les équipes locales apportent leur soutien aux populations de toute l'Europe de l'Est, guidées par la signature humanitaire d'ActionAid qui met l'accent sur le soutien au leadership des femmes et des jeunes dans les crises humanitaires pour une réponse, une résilience et un relèvement justes basés sur la communauté. Parmi les tactiques d'ActionAid figure le soutien holistique des mouvements sociaux (ci-après dénommés « SoMos ») ancré dans l'approche de l'organisation comme triple lien : humanitaire-consolidation de la paix-développement, acteur embrassant la complexité de l'expérience humaine collective des crises au-delà des divisions traditionnelles du tiers secteur.

Le triple lien entre l'humanitaire, le développement et la consolidation de la paix ne peut être compris uniquement à travers le prisme des institutions et des États ; il doit également tenir compte du pouvoir des communautés auto-organisées. Les mouvements sociaux, souvent horizontaux, informels et délibérément en dehors du contrôle institutionnel, sont intervenus là où les systèmes formels ont échoué, en apportant de l'aide, en défendant les droits et en mobilisant les personnes et les communautés contre l'injustice. L'écosystème des mouvements sociaux incarne ce lien non pas comme un cadre politique, mais comme des pratiques vécues : il relie la survie à la dignité, le secours à la résistance et le rétablissement à l'imaginaire collectif d'une société plus juste.

L'analyse de l'activisme civique en temps de guerre sous cet angle souligne que la réponse et le rétablissement sont indissociables des pressions exercées sur le tissu social par les crises humanitaires, et que la résilience naît des communautés habilitées à agir collectivement.

La recherche a été menée en 2025. Les mouvements sociaux, qui font depuis longtemps partie intégrante de la société ukrainienne, même avant l'indépendance en 1991, et qui ont pris une importance croissante dans la vie des communautés depuis lors, continuent de défendre les droits, les libertés et la justice, même dans les circonstances difficiles de la guerre en cours, et apportent une contribution précieuse pour surmonter les conséquences de la guerre à différents niveaux, de la base au niveau national.

Malgré l'épuisement, les coupes budgétaires, les hostilités constantes et un volume écrasant de besoins, les militant·es et les bénévoles persistent à fournir des services, à développer des produits, à soutenir les groupes vulnérables et à intervenir en tant que partenaires essentiels lorsque l'État manque de capacités, de ressources ou de financement pour agir. En prouvant leur importance vitale pendant la guerre, les mouvements sociaux démontrent leur valeur dans la pratique, ce qui renforce la crédibilité et la légitimité de leurs revendications en matière de droits humains, de justice, d'inclusion et de libertés.

L'objectif de ce rapport est de mieux comprendre l'environnement complexe dans lequel les mouvements sociaux ukrainiens évoluent et continuent d'évoluer alors que la crise humanitaire s'éternise. Une attention particulière est accordée à la compréhension des forces, faiblesses, opportunités et menaces auto-déclarées qui pèsent sur le rôle des mouvements sociaux en tant qu'acteurs civiques dans ce contexte, à travers des entretiens avec plusieurs mouvements sociaux actuels. La recherche vise également à identifier les forces des mouvements à encourager davantage, les risques à atténuer, les écarts entre les acteurs/actrices humanitaires, de consolidation de la paix et développés à combler, et les domaines spécifiques de renforcement des capacités pour les fournisseurs d'infrastructures de mouvements, comme ActionAid, afin d'accroître le soutien et d'apporter une plus grande valeur aux communautés locales. En outre, cette recherche peut constituer une source précieuse d'informations pour les bailleurs de fonds, les organisations non gouvernementales internationales et nationales, ainsi que pour un large éventail d'autres parties prenantes impliquées dans la lutte pour la justice sociale mondiale.

ActionAid exprime sa profonde gratitude à tous et toutes les membres des mouvements sociaux et aux représentant·es d'autres acteurs/actrices civiques qui ont eu l'amabilité de partager leurs expériences, leurs connaissances et leur sagesse avec l'équipe de recherche. Sans votre ouverture d'esprit, vos conseils et vos recommandations, cette recherche n'aurait pas été possible.

La recherche et le rapport ont été préparés par un collectif d'auteurs. Dans l'esprit des mouvements étudiés, le projet a été organisé sur une base collaborative et bénévole, avec des contributeurs et contributrices volontaires qui ont rejoint l'équipe au cours du travail : Andrii Kruglashov – chercheur indépendant, questionneur principal, analyste et coordinateur ; Iryna Drapp – sociologue ; experte en méthodes qualitatives et quantitatives, qui a géré les méthodes de recherche, la coordination des tâches et l'analyse des données ; Sonya Triska – militante étudiante spécialisée dans les droits des animaux et les mouvements féministes ; Sofia Trotsyk – étudiante en master à l'Institut d'aviation de Kiev, couvrant les mouvements urbains, féministes, étudiants et de défense des animaux ; Yana Nadievets – étudiante en master à l'Université nationale Taras Shevchenko de Kiev, analyste réseau, qui a contribué à dresser le profil des nouveaux mouvements et à cartographier les relations entre les mouvements sociaux.

Au sein de l'équipe ActionAid Europe de l'Est, la recherche a été coordonnée par Matey Nikolov, responsable régional du programme des mouvements sociaux, avec la précieuse contribution de Daria Khrystych, responsable principale de la gestion de projets, et Yulia Lubych, responsable principale de l'écosystème et de l'apprentissage, et le soutien d'Olena Prokopchuk, conseillère en développement de la société civile.

ActionAid estime que ce travail intéressera les acteurs:actrices qui mettent en place leurs programmes en Ukraine et celles et ceux qui travaillent dans le contexte ukrainien depuis longtemps. Si vous avez des suggestions ou des commentaires, veuillez utiliser le code QR ci-dessous (voir page 5) pour contacter l'équipe des mouvements sociaux d'ActionAid Europe de l'Est.

Traduit par DE

Télécharger la brochure (en anglais) : ActionAid_Social-Movements-Mapping-In-Ukraine_2025

Ucraina, actionaid ha mappato i movimenti sociali del paese
https://andream94.wordpress.com/2025/10/24/ucraina-actionaid-ha-mappato-i-movimenti-sociali-del-paese/

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Pourquoi les Russes ne protestent-iels pas ?

On me demande souvent : « Mais les Russes ne savent-ils vraiment pas et ne comprennent-iels vraiment pas ce que fait l'armée russe en Ukraine ? ». Ma réponse est simple : iels (…)

On me demande souvent : « Mais les Russes ne savent-ils vraiment pas et ne comprennent-iels vraiment pas ce que fait l'armée russe en Ukraine ? ». Ma réponse est simple : iels le savent. Et iels le comprennent. Tous et toutes. Ou presque. À l'exception d'une minorité marginale de fanatiques « Z », le reste de la population est parfaitement consciente.

28 octobre 2025 | tiré du site entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/10/28/pourquoi-les-russes-ne-protestent-iels-pas/

Ce n'est pas un hasard si, après le début de la guerre, la demande de livres sur Hitler et l'Allemagne nazie, ainsi que sur les classiques dystopiques, a explosé en Russie. Parmi les auteurs les plus vendus en 2022 figuraient Erich Maria Remarque et George Orwell. Les librairies ont enregistré des ventes record de 1984, L'homme en quête de sens de Viktor Frankl, Le choix d'Edith Eger — des livres qui traitent de la survie dans les camps et de l'horreur humaine. Après le début de la mobilisation, des ouvrages tels que La nation mobilisée. Allemagne 1939-1945 de Nicholas Stargardt, qui raconte comment les citoyen·nes allemand·es percevaient la guerre, sont également devenus populaires.

Les Russes cherchaient deux réponses : comment en sommes-nous arrivés là ? Et surtout : comment diable survivre à tout cela ?

Le problème n'est pas le manque d'informations. La difficulté survient lorsque vous répondez sincèrement à des questions telles que :
– La Russie bombarde-t-elle des civil·es ?
– A-t-elle déclenché cette guerre pour conquérir, et non pour se défendre ?
– L'armée russe commet-elle des crimes de guerre ?

Et dès que vous répondez « oui », la vraie question se pose : et maintenant ?

Et là, tout s'arrête. Parce que la ou le citoyen russe moyen ne peut rien faire. Ne me parlez pas de manifestations : manifester aujourd'hui, c'est risquer son emploi, sa liberté, sa famille ou sa vie. C'est un acte héroïque, mais presque impossible.

Le pacifisme refoulé en Russie

Alors, comment vit-on en sachant que son pays commet des crimes horribles et qu'on ne peut rien faire pour l'arrêter ? La vérité, c'est qu'on ne vit pas, on survit. Ce sentiment d'impuissance vous ronge de l'intérieur. Je l'ai vécu personnellement : en 2022, j'ai passé des mois à pleurer tous les jours. Et moi, je me suis enfuie presque immédiatement, mais pour celles et ceux qui sont restés, c'est encore plus difficile.

Celles et ceux qui sont restés ont souvent trouvé des moyens de s'anesthésier. Prenons l'exemple de mon amie Anna, qui travaille dans le secteur informatique à Moscou. Après le début de la guerre, presque tous et toutes ses collègues sont parti·es à l'étranger. Comme elle l'a dit elle-même : « Ma Moscou n'existe plus ». Et c'est vrai.

Mais elle est restée. Et dans le monde informatif d'Anna, la guerre n'existe pas. Oui, elle est contre, bien sûr. Mais en attendant, elle continue à travailler dans une grande banque, elle trouve satisfaction dans son travail et mène une vie riche en loisirs. La seule chose qui brise parfois cette bulle, ce sont les annonces de recrutement militaire qui apparaissent partout, même à Moscou.

« Ils nous ont envoyés à l'abattoir » :
des soldats russes mobilisés partagent
leurs réflexions sur la guerre en Ukraine

Ou encore mon amie Vika. Au début de la guerre, nous pleurions ensemble. Puis je suis partie, elle non. Avec le temps, elle a commencé à dire des choses comme : « Oui, nous sommes coupables, mais les autres ne sont pas innocent·es non plus ». Le classique « tout n'est pas si clair », ou le fameux « et alors, l'Amérique ? ». Non pas parce qu'elle y croit vraiment. Mais parce que c'est la seule façon de survivre émotionnellement. Regarder la vérité en face sans justification chaque jour vous brise.

Ce que nous voyons n'est pas de l'ignorance, c'est une stratégie inconsciente de survie psychique. La propagande ne sert pas seulement à mentir : elle sert aussi à protéger la psyché collective, c'est pourquoi elle fonctionne si bien. Elle fournit un récit plus supportable, dans lequel on n'est pas complice. C'est de l'aveuglement, oui, mais un aveuglement nécessaire pour beaucoup.

La pensée critique, en Russie aujourd'hui, est un luxe dangereux. Car celles et ceux qui pensent de manière critique risquent de sombrer dans le désespoir. Et c'est précisément là que réside le drame : la guerre a tué non seulement des corps, mais aussi la capacité morale de résister. La Russie contemporaine a détruit tout espace d'action éthique individuelle. Et sans possibilité d'agir, la conscience finit par être anesthésiée, comme un corps dans un coma pharmacologique pour ne pas ressentir la douleur.

Non, tous et toutes les Russes ne sont pas des bonnes personnes. Tous et toutes ne sont pas des victimes. Mais celles et ceux qui jugent le silence de la majorité sans comprendre le prix psychologique de ce silence commettent une simplification cruelle. Celles et ceux qui exigent que des millions de personnes descendent dans la rue contre une dictature armée jusqu'aux dents, sans aucun espace politique, sans réseaux civiques, sans garanties de survie, n'ont rien compris à la nature du pouvoir absolu. Dans les régimes totalitaires, la résistance ne naît pas d'un décret moral. Elle naît lorsqu'une possibilité concrète d'agir s'ouvre. D'abord la fenêtre, puis le mouvement. Pas l'inverse.

Il est facile de demander du courage à distance. Il est beaucoup plus difficile de comprendre ce qui se passe lorsque le courage peut vous tuer et que le silence est le seul moyen de ne pas devenir complètement folle ou fou.

Daria Kryukova – réfugiée politique en Italie, Association des Russes libres en Italie
https://www.valigiablu.it/perche-i-russi-non-protestano/
Traduit par DE

En complément possible
« Nous devons simplement faire semblant »
https://www.posle.media/article/we-simply-must-fake-it

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