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Vers une renaissance syndicale
L'année 2024 a vu se conclure les négociations avec le Front commun du secteur public, tandis que les nouvelles réformes néolibérales de la CAQ continuent à mettre à mal les services publics. En réponse, une contre-attaque syndicale non négligeable s'organise.
Cette situation n'est pas nouvelle, mais elle porte le potentiel d'un renouveau du mouvement syndical chez les travailleur·euses de l'État. Depuis l'adoption, il y a 40 ans, de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic, les rondes de négociation ont donné lieu à peu de confrontations directes entre l'État patronal et les centrales syndicales. En effet, ces dernières, par peur de mesures répressives (comme des lois forçant le retour au travail) ou de l'imposition par décret de conventions collectives, ont eu très peu recours à la grève [1]. Les dispositions concernant les services essentiels prévues dans la Loi, l'encadrement de l'exercice du droit de grève, et la création d'ententes nationales et locales sont autant de facteurs qui ont mené à créer des négociations factices entre l'État et ses travailleur·euses. Les négociations d'ententes locales avec les centres de services scolaires, produit de la loi susmentionnée, en sont un bon exemple. Lors de celles-ci, le syndicat n'a pas le droit d'exercer légalement son droit de grève. Toutefois, ces négociations ont un impact considérable sur le travail des enseignant·es [2].
L'État, dans son rôle de législateur, règle le cadre juridique des négociations de façon à lier les mains des travailleur·euses et à limiter le rapport de force qu'ils et elles peuvent exercer sans transgresser ses lois patronales. Ainsi, en toute impunité, et parfois même avec l'aval des directions syndicales [3], les gouvernements ont adopté des mesures d'austérité et une série de lois visant à dégrader les conditions de travail dans le secteur public, par l'introduction de principes inspirés de la nouvelle gestion publique. On parle ici de mesures visant à centraliser davantage les institutions publiques sous la coupe des gouvernements, et au recours à la sous-traitance par le privé. La fin des élections dans les commissions scolaires et l'augmentation du recours aux cliniques privées en santé en sont deux exemples. On connaît l'incidence que ces mesures ont eue sur une brève période : les problèmes massifs de désertion des milieux de l'enseignement et de la santé par le personnel qualifié, la dégradation des services aux patient·es et la création du système d'éducation le plus inégalitaire au pays.

Le Front commun de 2023
Quelques circonstances ont toutefois permis au dernier Front commun de changer un peu le ton imposé par la Loi sur le régime de négociation. En 2020, la pandémie de COVID-19 a mis en lumière l'importance du rôle des travailleur·euses de première ligne dans le secteur public. Dans les années suivantes, l'inflation grimpante a poussé plusieurs travailleur·euses du secteur privé, alors en négociation, à demander de meilleures conditions de travail. Cela a donné lieu à une augmentation considérable des jours de grève au Québec [4]. Le contexte était donc favorable à un Front commun de grande ampleur. Dans presque tous les syndicats, l'envergure de l'appui aux votes de grève a été historique, à la surprise du gouvernement et peut-être même de certains syndicats [5]. Très peu de préparation a été faite en amont des négociations pour mobiliser les membres et les mener vers la grève en comparaison aux Fronts communs de 1972 ou de 1976 par exemple [6].
Le débrayage des travailleur·euses du Front commun, de la FAE et de la FIQ en 2023 se démarque par sa longueur (22 jours de grève pour la FAE) et la créativité des moyens de pression employés. Les enseignant·es ont occupé les bureaux du Conseil du trésor à Montréal, bloqué un terminal du port de Montréal et organisé de grandes manifestations rassemblant différents acteurs de la société civile. Sur les lignes de piquetage, on entendait des travailleur·euses prendre des positions inédites, notamment le désir d'en finir avec l'école à trois vitesses [7]. Toutefois, force est de constater que le Front commun, faute de préparation et de coordination, n'a pas réussi à canaliser cette énergie et à la faire aboutir sur une vraie transformation du régime d'austérité.
Il est important de souligner tout de même les gains historiques obtenus dans les ententes. Au niveau économique, les augmentations salariales et la mesure de protection contre l'inflation brisent des dizaines d'années d'augmentations rachitiques de 0 à 1 % par année. Au niveau politique, le mouvement syndical a réémergé comme une force sérieuse dans l'espace public. Même si le potentiel incarné par le Front commun n'a pas été réalisé en entièreté, cette mobilisation nous permet de tirer plusieurs leçons pour la suite des choses.

La mobilisation continue !
En effet, ce dernier Front commun a créé un momentum dans la mobilisation contre les réformes néolibérales de la CAQ en galvanisant les syndiqué·es et en confirmant l'appui de la population à leurs revendications. En effet, bien qu'un an se soit écoulé depuis la signature des ententes de principe, les centrales syndicales continuent d'accumuler des moyens de pression et des mobilisations contre le bulldozer de la CAQ. La taille de ces mobilisations est importante à souligner : la campagne « Pas de profit sur la maladie » de la CSN a ainsi rassemblé des milliers de personnes au Colisée de Trois-Rivières. De plus, elles peuvent se targuer d'atteindre parfois leur cible ! La mobilisation d'enseignant·es dans la région de Montréal a forcé la CAQ à revoir ses coupures et à réinvestir dans les programmes de francisation. Ces campagnes témoignent d'un mouvement syndical qui arrive à se relever tranquillement des revers subis depuis les années 1980, et d'une base qui commence à se mobiliser et à participer à la vie syndicale. Maintenant, pour passer à l'offensive, il faudra se doter d'un projet de société pour le mouvement des travailleur·euses de l'État. Comme Jean-Marc Piotte le soulignait en 1973, notre victoire en dépend :
« Dans le secteur public, la grève entraine des économies pour l'État et des pertes de salaire pour les travailleurs. Ceci ne signifie pas que la grève est un instrument inefficace dans le secteur public : cela indique seulement que la grève, comme les autres moyens de lutte, ne peut y avoir un sens et une efficacité que si elle est pensée politiquement [8]. »
Cette politisation de la vie syndicale, la base ne doit pas attendre de la recevoir des conseils exécutifs. Des initiatives inspirantes dans cette direction ont vu le jour l'année dernière à l'Alliance des professeures et des professeurs de Montréal. Le caucus uni de la base enseignante a mené une campagne contre la fermeture des classes d'adaptation scolaire, et la création du caucus du secteur public d'Alliance ouvrière a rassemblé des travailleur·euses de différentes accréditations syndicales.
[1] Cela fait partie d'une tendance nationale à la baisse des heures grevées depuis 1981, voir Gouvernement du Canada, « Jours non travaillés en raison de grèves et de lock-out, 1976 à 2021 », 30 mai 2022. En ligne : www150.statcan.gc.ca/n1/pub/14-28-0001/2020001/article/00017-fra.htm.
[2] On y négocie par exemple le dépassement du nombre d'élèves, la répartition des heures de travail dans le calendrier scolaire et le cadre des affectations de contrats.
[3] On pense notamment à la participation des centrales syndicales au « nouveau pacte social » pour le déficit zéro de Lucien Bouchard, qui a servi de prétexte pour d'importantes coupes budgétaires.
[4] Caillou, A. (2024, novembre 15). « Pourquoi les grèves sont-elles en hausse au Québec ? » Le Devoir. En ligne : www.ledevoir.com/economie/823786/pourquoi-greves-sont-hausse-quebec
[5] Le plan d'action mobilisation adopté par le conseil fédératif de la FAE en février 2023 ne comprenait pas l'organisation d'assemblées pour tenir des votes de grève.
[6] Le Front commun de 1972 est précédé par la publication de trois manifestes des grandes centrales syndicales (CSN, FTQ, CEQ) exposant leur projet politique. En 1976, les grandes centrales constituent un conseil d'orientation qui sera la structure décisionnelle du Front commun. Celle-ci est composée de 750 travailleur·euses.
[7] Pour d'autres exemples, lire le texte de Marion Miller, « 22 jours de grève », dans le numéro 100 d'À bâbord !.
[8] Piotte, J-M. La lutte syndicale (chez les enseignants). Les éditions Parti Pris, Montréal, 1973, p. 157. Texte intégralement disponible dans les Classiques des sciences sociales
Émile Lacombe est enseignant en arts plastiques au Centre de services scolaires de Montréal.
Photos : Manifestation du Front commun 2023 - 23 septembre 2023 (André Querry).
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Printemps 2015 : retour sur une grève étudiante et sociale
À l’hiver 2014-2015, un mouvement se met en place avec l’objectif de lancer une grève étudiante et sociale au Québec. Il est porté par les Comités Printemps 2015 avec un ancrage principalement dans les cégeps et les universités. Ainsi, de mars à mai 2015, plus de 100 000 étudiant·es débrayent pour contester les mesures d’austérité portées par le gouvernement libéral de Philippe Couillard (2014-2018) et dénoncer les projets industriels en lien avec les hydrocarbures. Malgré ses ambitions, la grève rencontre plusieurs obstacles : répression institutionnelle et policière, désaveu de certains leaders étudiants et incapacité à étendre la grève auprès des grands syndicats. Le Printemps 2015 n’en demeure pas moins riche de plusieurs succès, dont la relance des grèves politiques dans les universités et l’imposition du thème écologique comme incontournable. Cette expérience permet aussi de réfléchir à la nécessité de développer nos propres forces, à l’intérêt d’un discours clair et à l’importance de prendre au sérieux l’organisation afin de mener des luttes victorieuses. Dix ans plus tard, retour sur une grève dure et explosive, qui peut encore informer nos combats.
Entrevue réalisée par Anarchive.
Entretien avec J.L. et R.D.
J.L. et R.D. : Avant de commencer, on pense important de dire que nous ne sommes qu’une voix parmi les nombreuses qui ont vécu les événements du Printemps 2015. On va parler, ici, à partir de nos positions dans le mouvement et nous assumons que d’autres interprétations et récits du mouvement existent. Toutefois, avec l’oubli qui caractérise le Printemps 2015, il nous semblait important de participer à l’échafaudage d’une mémoire critique et nécessairement polyphonique de celui-ci.
Pouvez-vous me parler du contexte d’émergence de la grève étudiante de 2015 ? Que vouliez-vous faire de différent par rapport aux grèves précédentes, dont celles de 2005 et de 2012 ? Comment le projet a été élaboré et avec quel objectif ?
J.L. : Je pense qu’un élément central de la grève de 2015, c’est le rendez-vous manqué de 2012 avec la grève sociale, avec quelque chose qui voulait déborder du milieu étudiant. Ça débordait un peu en 2012 avec les casseroles, et il y avait un appel continuel à la grève sociale, mais jamais les travailleurs et les travailleuses n’ont réellement embarqué dans le mouvement. Cette question a continué à tarauder beaucoup de militants et de militantes dans le milieu, sur comment réussir l’élargissement. Et là, c’est le contexte de l’austérité. Un nouveau gouvernement s’est fait élire en avril 2014. Dès le mois de mai, ils annoncent des coupures. Là, on sait qu’il y a quelque chose qui s’en vient avec un gros mouvement d’austérité qui va toucher tout le monde. Le premier groupe qui va proposer de faire quelque chose au printemps, c’est le IWW (Industrial Workers of the World). C’est eux qui, dès le mois de mai, me parlent d’un projet pour faire une grève sociale contre l’austérité le 1er Mai 2015.
Ç’a été quand même important dans la réflexion qu’il y a eu à ce moment-là, sur comment le mouvement étudiant pourrait participer dans un contexte d’appel à une grève générale. C’est pour ça qu’il y a eu une volonté d’aller vers une grève étudiante. Cette volonté s’est constituée au cours de l’été 2014 où il y a eu des discussions. À l’automne, dès la première assemblée de l’AFESH, il y a une proposition pour créer des Comités Printemps 2015. La première rencontre des Comités va se tenir le 25 septembre 2014. Tout ça se fait aussi dans un moment où il y a une augmentation des mobilisations syndicales, tout au long de l’automne 2014. Il y a eu des manifestations au niveau municipal. À l’UQAM, il y a eu deux journées de grève des employés de soutien où on a fait des grèves sauvages dans les cours de gestion. Il y a eu des mobilisations dans les CPE, des mobilisations de travailleurs et de travailleuses à grande échelle un peu partout. En même temps, la grève sociale commençait à percoler dans certains syndicats pour le 1er Mai, principalement en éducation. Puis, il y a la question écologiste, mais R.D. pourrait peut-être plus en parler.
R.D. : En 2015, l’austérité était à l’ordre du jour et on a voulu réfléchir : « Comment on lance un mouvement vers la grève sociale ? » Je me souviens qu’en 2012, le SÉTUE avait porté l’idée de la grève sociale, mais c’était quelque chose de très flou, qui n’était pas dans l’imaginaire politique, ni du mouvement étudiant, ni des syndicats. On s’est dit qu’on allait reprendre cette idée parce que c’était un truc qui était resté, notamment avec les Wobs (IWW). Il y avait aussi eu différentes mobilisations écolos et anticoloniales, notamment contre la ligne d’oléoduc Énergie Est. Il y avait eu la Marche des peuples pour la Terre-Mère et le mouvement Idle No More en 2012. Donc, il y avait déjà une communauté écolo et anti-coloniale, qui n’était pas étudiante, mais jamais on n’entendait parler de ces campagnes dans le milieu étudiant. Puis là, on s’est dit que l’extractivisme était un enjeu dont il fallait se saisir dans un rapport anticapitaliste. On est arrivé avec la proposition contre les hydrocarbures. Et les gens demandent toujours : « Ah, pourquoi c’est là, la revendication contre les hydrocarbures ? » C’est toujours la revendication qu’on met de côté, qu’on oublie. Pour moi, c’était vraiment important d’avoir cette revendication-là, de faire la jonction entre l’écologisme et l’anticapitalisme, et d’en faire un enjeu social qui n’appartient pas juste aux hippies écolos.

Durant le printemps 2015, les médias et certains acteurs politiques contestent la légitimité des grèves étudiantes. On doute notamment du lien entre les luttes étudiantes et les enjeux sociaux plus généraux. Que représentait la grève étudiante pour vous cette année-là ?
J.L. : Ce qu’elle avait de spécifique la grève de 2015, c’est que c’était la première grève générale illimitée sur des enjeux politiques dans le milieu étudiant depuis 1968. C’est-à-dire, un appel à une grève générale illimitée qui ne soit ni sur les frais de scolarité, ni sur les prêts et bourses. À l’exception de 1968, ç’a toujours été pour une réforme dans les régimes des prêts et bourses ou contre les hausses de frais de scolarité. Donc, il y avait quelque chose de nouveau à ramener la grève étudiante comme un pouvoir politique pour adresser les enjeux de l’heure qui étaient à l’époque : l’austérité, les hydrocarbures, la destruction des écosystèmes et celle de l’État social. Concernant la délégitimation de la grève, c’était un enjeu politique. Je pense que ce qui s’est passé en 2015, pour les médias, au-delà de dire que ce n’était pas correct ou légitime de faire grève sur des enjeux qui n’étaient pas directement étudiants, c’est une attaque contre la légitimité de la grève elle-même, notre droit était remis en question ! Et ça, c’est ce qu’on va voir à l’UQAM avec la répression. Ce qui est réprimé, c’est le « faire-grève ». C’est le fait d’aller dans des classes pour lever des cours. Dans le discours médiatique aussi, c’était présent. Ce qu’ils voulaient, l’État, les médias, les administrations scolaires, c’était briser le « faire-grève » qui avait été développé, notamment en 2012, et qu’on voulait faire déborder de son cadre établi à ce moment-là. Donc, il y a vraiment cet enjeu-là, sur la légitimité de faire une grève qui ne touche pas juste les enjeux étudiants, mais aussi la légitimité de la grève elle-même comme pratique de perturbation. Si on décide collectivement d’arrêter la machine de l’école, c’est normal d’aller lever des cours. C’est cette guerre qui s’est déroulée pendant tout le Printemps 2015 avec les administrations, les étudiants de droite, les médias et le gouvernement.
R. D. : La légitimité de la grève, elle va être contestée par les médias, dans tous les cas. Même les luttes pour les frais de scolarité, en 2012, étaient contestées dans les médias. En 2015, ils l’ont fait aussi parce que c’étaient des revendications qui allaient au-delà de l’intérêt matériel des étudiants. Ces remises en question, ces attaques ne venaient pas uniquement de l’État et des médias, elles venaient aussi de l’interne, notamment à l’ASSÉ (Association pour une solidarité syndicale étudiante). C’est une grève dont les revendications contre l’austérité et contre les hydrocarbures sont demeurées larges. On ne chiffrait rien. Il n’y avait pas de revendications claires ou de volonté de négociation avec l’État. Et donc, la légitimité de la grève a été remise en question sur ces bases-là, dans la mesure où on n’avait pas de mode de représentation. On ne cherchait pas à avoir un comité de négociation avec l’État. Je me souviens que les réformistes et les personnes dans les syndicats disaient : « C’est quoi votre cible ? Un réinvestissement de 2 % dans les services publics ? » Ils voulaient chiffrer des trucs. Pour nous autres, c’était une grève de rupture. C’est ça qui s’est exprimé avec le slogan « Fuck toute » devant la répression.
J.L. : Je me rappelle, il y avait une grosse influence au niveau politique, qui venait des mouvements autonomes qui ont suivi le moment 1968, notamment des discours qui soulignent la relation entre le mouvement ouvrier et le mouvement étudiant, à l’extérieur du cadre syndical. Un des éléments qui répond à ça, c’est le « Fuck toute ». Il y avait quelque chose de très conjoncturel à l’époque, contrairement au mouvement des années 1960, où le discours c’était « Nous voulons tout », le discours de l’autonomie, un discours maximaliste. En 2015, ce qui a émergé, c’est « Fuck toute » et ce n’est pas nous qui avons imposé ça. C’est le mouvement qui l’a créé. Je trouve qu’il y a quelque chose d’emblématique quant à notre rapport au monde, dans le jeune XXIe siècle. Contrairement aux années 1960, où tout était à conquérir, nous étions, nous sommes, dans un monde, une civilisation, qui est en autodestruction, autant au niveau économique avec la crise de l’austérité, qu’au niveau écologique. Nous avions un rapport de destruction du monde existant, davantage que d’appropriation comme dans les années 1960. On se situait en continuité avec l’autonomie des années 1960, mais dans un rapport davantage négatif, qui était le propre de notre époque, où on n’était pas capable de dessiner d’avenir ou d’horizon aussi clair que ce qui pouvait être fait dans les années 1960.
R.D. : Il n’y avait pas de solution satisfaisante. Alors on a essayé d’imaginer quelque chose d’autre. Le Printemps 2015 a aussi pu être imaginé parce qu’on a cru qu’il y avait une possibilité que, dans la période de négociation des conventions collectives, les syndicats partent également en grève sociale. Finalement, le calcul était mauvais, puis ce n’est pas arrivé. Ç’a été une erreur qui nous a beaucoup nui, et c’est aussi ce que les réformistes et les syndicalistes nous ont beaucoup reproché. Ils disaient que le printemps c’était trop tôt, qu’il fallait attendre l’automne. Il fallait que les syndicats, pour qu’ils partent en grève sociale, le fassent de façon légale. On s’attendait à ce qu’ils puissent voter des grèves sociales, mais ce n’est pas arrivé.
J.L. : Ça, on l’a compris à un moment donné, je pense, mais on ne cherchait pas à soutenir le Front commun et ses grèves légales, mais plutôt les grèves politiques qui s’annonçaient pour le 1er Mai. On ne pouvait plus reculer à ce moment-là, on ne mettait plus l’accent là-dessus dans les assemblées générales. Malgré tout ça, il y avait des syndicats qui allaient de l’avant avec des grèves illégales, notamment dans le milieu de l’enseignement collégial. Il y a eu une vraie campagne de grève sociale le 1er Mai, des grèves étaient prévues par les profs de l’UQAM, il y avait des appels à la perturbation économique par certains syndicats, des groupes communautaires qui parlaient de grève sociale. Nous, on s’est dit qu’on allait continuer à aller de l’avant. Je reviendrai là-dessus plus tard, sur notre erreur dans le rapport au syndicalisme.


Le 20 mars 2015, juste avant le déclenchement de la grève, 9 étudiants sont convoqués par la direction de l’UQAM et accusés d’avoir participé à des actions de perturbation depuis 2013. Le comité exécutif de l’UQAM veut les expulser, parce qu’ils militent dans le mouvement étudiant et qu’ils sont perçus comme des leaders. Quels effets a eu la répression institutionnelle et judiciaire sur la manière de mener la grève ? Quelle a été votre perception de l’état de la surveillance et des représailles sur les campus ?[1]
J.L. : Je commencerais en 2012, qui a été pour moi le moment de changement dans les modalités des levées de cours à l’UQAM. Je vais moins parler pour les autres universités que je connais moins. À la fin de la grève de 2012, il commence à y avoir des injonctions, notamment contre l’AFESPED. C’est le moment où on commence à faire des levées de cours avec la peur de la répression. C’est le moment où les gens commencent à se masquer dans les levées de cours. C’est la première fois que je vois ce changement. D’habitude, on arrivait dans les cours pas masqués, on faisait des messages. Si ça allait mal, on faisait un peu de bruit, mais on n’était pas en mode « Black Bloc » en entrant dans les classes. Puis, à l’automne 2014, il va y avoir une répression contre plusieurs militants pendant les levées de cours. Des personnes sont identifiées et on les accuse de faire de l’intimidation sur les autres étudiants.
C’est pour ça que je disais tantôt que l’enjeu dans la grève de 2015 c’est devenu le « faire-grève », le fait de pouvoir faire des levées de cours. Il y a des gens qui n’étaient pas masqués et qui commençaient à se faire menacer de renvoi. En se faisant menacer de renvoi, les gens commencent à se masquer pour se protéger de la répression. En se masquant plus, ça augmente la tension avec les autres étudiants. En parallèle, surtout au printemps 2015, ça escalade encore plus. Il y a des gardiens de sécurité qui arrivent. Au début, c’étaient des gardiens de sécurité normaux. Mais après, l’UQAM engage des firmes de sécurité spécialisées pour protéger les salles de classe. Ça se bat à coups de poing dans l’université entre gardiens de sécurité et étudiants pour pouvoir faire la grève. Jusqu’à ce que la police rentre dans une occupation qui va avoir lieu au pavillon J-A DeSève. Le niveau de répression de la fin de 2012 est revenu dès le début de la grève du Printemps 2015, puis ç’a augmenté. Au niveau de l’administration de l’UQAM, je me rappelle, la présidente du Conseil d’administration, Lise Bissonnette, nous comparait à l’État islamique.
R.D. : Elle a écrit une lettre qu’elle a envoyée à tout le monde de l’UQAM, qui avait aussi été reprise dans à peu près tous les médias. « Pour l’UQAM, lettre à tous »[2] qui remettait en question le concept d’université sanctuaire et qualifiait les mesures disciplinaires et légales de « courageuses ». Avant le déclenchement de la grève, c’était déjà dans tous les médias qu’on allait avoir une GGI (grève générale illimitée), puis là, il y avait déjà des communications publiques pour remettre en question la légitimité de la grève. La position de l’État, c’était de dire aux administrations universitaires : « Appliquez vos règlements et punissez les étudiants qui font la grève. » C’était très clair que la stratégie de l’État, plutôt que de remettre en question la légitimité de la grève pour les associations étudiantes, était de punir les personnes qui font concrètement les grèves, en appliquant toutes sortes de règlements, s’ils bloquent des cours, etc. Le 20 mars, à la veille du déclenchement de la grève, j’ai reçu un appel : il y a un huissier qui est passé chez ma collègue du CA. Je reçois plein de messages et d’autres appels, comme quoi il y a des gens qui ont reçu la visite des huissiers chez eux pour être convoqués à un comité de discipline pour une expulsion de l’UQAM, pour des activités politiques qu’ils avaient faites dans les années précédentes.
La direction de l’UQAM avait essayé d’identifier les organisateurs et les organisatrices de la grève. Il y avait une compréhension assez moyenne de c’était qui. Moi, je n’ai pas été convoqué, mais la première journée où je suis retourné à l’université, on m’a appris que je n’étais plus étudiant. En même temps que les gens recevaient la convocation, ils ont décidé de refuser ma demande de prolongation d’inscription à la maîtrise. Donc j’ai été renvoyé de facto, et je ne pouvais plus être sur le CA de l’université comme représentant des étudiants. Ma collègue était suspendue du CA parce qu’elle était devant le comité de discipline. Donc, il n’y avait plus d’étudiants au CA ! Cette stratégie de répression des militants et l’intervention de l’État dans la façon dont les universités ont géré la grève est devenue évidente peu après le 1er avril 2015 quand le ministre de l’Éducation de l’époque, François Blais, est sorti direct dans les médias pour justifier qu’il recommandait aux recteurs des universités d’expulser jusqu’à 2 ou 3 étudiants par jour pour mater la mobilisation étudiante sur les campus[3].
Je ne sais pas s’ils pensaient qu’ils avaient le bon monde ou s’ils voulaient juste nous faire peur, mais ç’a changé tout le cours de la grève, avant même son commencement. À partir de ce moment-là, plus personne ne pouvait faire des choses à visage découvert. La capacité de faire une grève à l’UQAM, qui était au cœur du Printemps 2015, était remise en question. Ç’a conduit à des rencontres pour faire des levées de cours en black bloc, alors qu’on n’avait pas le droit. Les gens avaient des parapluies. On se rencontrait dans un local d’association, tout le monde se « black bloquait ». Moi et d’autres, étant donné que nous étions ciblés et connus de l’administration, nous avons tout de même suivi à visage découvert. J’avais un Garda qui m’était assigné qui me suivait partout. Quand j’allais aux toilettes, il me suivait ! À un moment donné, je me souviens, j’étais passé à côté du local de Repro-UQAM, la porte était ouverte. Il y avait un tableau avec des photos énormes, en 11×17, de plein de militantes et de militants. C’était le local des Gardas à ce moment-là pendant la grève. La situation empirait, ils étaient rendus à imposer par la force que les cours ne soient pas bloqués. Il y avait des undercovers, des armoires à glace habillés en civil qui se mettaient devant la porte des cours et qui nous empêchaient d’aller lever les cours. Il fallait les tasser et se battre, mais ça ne fonctionnait pas parce qu’il y avait plein de Gardas en plus. Jusqu’au moment où il y a eu des batailles. Ils ont fini par faire rentrer les flics après les levées de cours le 8 avril.
J.L. : Il y a aussi un autre élément concernant la répression institutionnelle au niveau de l’UQAM. Il va y avoir des référendums pour dissoudre les associations étudiantes, un plan coordonné par des étudiants de droite à la veille du déclenchement de la grève pour affaiblir encore plus le mouvement. Le vendredi où les militantes et les militants étudiants ont été expulsés, les résultats du référendum étaient dévoilés. Les étudiants de droite ont réussi : l’AFESPED a été dissoute. L’AFESH a réussi à gagner son référendum et à rester reconnue. Il y avait de la répression individuelle, mais il y avait aussi des attaques contre les organes syndicaux des étudiants à la veille du déclenchement de la grève.

La grève de 2015 se veut à la fois étudiante et sociale. En conséquence, elle est construite autour de comités locaux (ou comités « Printemps 2015 »). Le but est de consolider un réseau large et horizontal, avec l’espoir de sortir des structures étudiantes traditionnelles et de mener une grève sociale. Qu’elle était la composition de ces comités, comment se sont-ils formés ? Quelle était la relation entre le réseau des comités et les structures syndicales étudiantes, notamment l’ASSÉ ?
J.L. : La proposition pour créer les Comités Printemps 2015, ça vient du mouvement étudiant. Il y a quelque chose de drôle, parce que le but c’est de sortir des associations étudiantes, mais ce qui a fondamentalement créé le mouvement, c’est une proposition à l’AFESH. La raison pour laquelle on voulait faire des comités autonomes, c’est qu’on voulait pouvoir intégrer des travailleurs et des non-étudiants là-dedans, et ne pas s’arrêter au statut étudiant comme modalité d’organisation dans la lutte. On voulait sortir du corporatisme étudiant, et ça marchait un peu. Mais le mouvement restait très étudiant. Dans les assemblées larges, il y avait quand même différents groupes. Il y avait toujours une présence de quelques syndiqués et non-étudiants, mais disons que le cœur était resté pas mal étudiant. Il y avait le comité large de Printemps 2015, mais il y avait aussi différents comités de travail. Il y a eu un genre de décentralisation à un moment, avec des comités locaux dans différentes institutions et régions. Il y en avait à Concordia, à l’UQAM, à l’Université de Montréal, en Estrie, en Montérégie, à Québec, mais aussi des groupes spécifiques à des enjeux particuliers. Par exemple, il y avait un groupe Printemps 2015 CPE, animé par des militantes dans les Centres de la petite enfance, qui avaient rajouté plein de membres qui travaillaient dans les CPE pour initier une grosse discussion large. Il y avait Féministes unies contre l’austérité (FUCA), Printemps 2015 Santé, Printemps 2015 Éducation populaire et plein de petits groupes comme ça, un peu éclatés, qui ont participé à construire leur propre mouvement.
Après ça, il y a la relation entre les Comités Printemps 2015 et l’ASSÉ. La première fois qu’on est allé au Congrès, c’est à l’automne 2014. On a fait adopter un mandat pour que l’ASSÉ appuie les Comités Printemps 2015, mais on n’a pas réussi à faire adopter un mandat pour qu’ils appuient la grève générale illimitée. On était pris dans un double truc où il n’y avait pas de mandat pour appuyer une GGI au début, mais où ils devaient soutenir le mouvement… Il y avait une relation d’amour-haine avec l’ASSÉ. En janvier 2015, on va faire une tournée en collaboration avec l’ASSÉ, avec des conférences qui étaient données dans plusieurs cégeps et universités. Toutefois, il y a du travail de sape qui est fait par l’ASSÉ, qui va dire aux associations membres de ne pas faire la grève. On nous l’a dit dans certains cégeps de région, après que l’ASSÉ soit passée, on arrivait et ils nous disaient : « Ah oui, mais l’ASSÉ vient de nous dire qu’il ne faut pas voter la grève. » C’est la première fois que l’ASSÉ a travaillé contre une grève dans son histoire, depuis sa fondation en 2001. Et je crois que ça a joué beaucoup sur son affaiblissement politique, son incapacité à être à l’avant-garde des mouvements pour la première fois dans l’histoire de l’organisation. Peut-être qu’on pourrait revenir sur la stratégie politique qu’on avait proposée pour faire la grève. Ce qu’on proposait, c’était de déclencher la grève le 21 mars, qui était un samedi, et ça c’était plus une blague pour le début du printemps. Donc, ç’a commencé pour vrai le lundi 23 mars. On avait fait adopter largement deux semaines de grève pour commencer, jusqu’à la grande manifestation du 2 avril qui était organisée par l’ASSÉ. Ce qu’on proposait dans le document de grève, c’était « que l’on tienne une assemblée générale reconductible la semaine du 7 avril » et « que l’on appelle à un congrès extraordinaire de l’ASSÉ les 4 et 5 avril ».

L’idée, c’était qu’on déclenche la grève pour deux semaines, après il y avait un congrès, dans ce congrès-là, on voit ce qu’on fait. Est-ce qu’on continue ou non ? Est-ce qu’on a de la force ou non ? Ce n’était pas un truc « jusqu’au-boutiste » qu’on proposait au départ, ce n’était pas « on fait la grève quoi qu’il arrive ». Toutefois, ce qui s’est passé, c’est que, deux jours avant la manifestation du 2 avril, il y a un document de l’exécutif de l’ASSÉ qui a coulé dans les médias. Le matin on s’est réveillé, il y avait dans les médias : « L’ASSÉ appelle à arrêter la grève et à faire un repli stratégique ». Donc, avant la manifestation, qui devait être pour nous le thermomètre, il y a déjà un appel à rentrer en classe. Le monde était vraiment en tabarnak en disant, pour de vrai, vous n’avez même pas attendu le 2 avril après votre grosse manif pour appeler au repli stratégique, vous l’avez fait avant et ç’a affaibli le mouvement en sortant dans les médias. Et là, il y a eu le congrès qui a été n’importe quoi. Nous, ce qu’on voulait et ce qu’on espérait, depuis le début, c’était d’être récupéré par l’ASSÉ. Et on n’a pas compris, comment, pourquoi, l’exécutif de l’ASSÉ a choisi de faire ça, de jouer ce rôle-là. Mais ç’a été vraiment une tension politique majeure, qui va, pour moi, être un enjeu vital pour le mouvement étudiant, c’est-à-dire qui va faire en sorte que l’ASSÉ, comme pôle combatif, ne va jamais se relever.

Le 5 avril 2015, lors d’un congrès de l’ASSÉ, les associations membres décident de destituer le personnel de l’exécutif, parce que celui-ci a publié un texte appelant à suspendre la grève jusqu’à l’automne 2015. Pouvez-vous me parler du conflit ouvert entre la direction et les réseaux locaux de l’ASSÉ ? Est-ce qu’on peut affirmer que l’ASSÉ tentait de reprendre le contrôle sur un mouvement de grève qui la dépassait ?
J.L. : Je ne dirais pas qu’ils ont essayé de reprendre le contrôle. Comme j’ai dit, il y a eu le document qui a coulé dans les médias, où ils ont appelé à arrêter la grève à la veille de la manif du 2 avril 2015. Après, il y a eu le congrès. Durant le congrès, une des premières choses qu’ils font, c’est démissionner. Ils savaient que les gens étaient en tabarnak et qu’ils voulaient les destituer. Ils ont préféré partir au milieu de la grève. Et donc, ne pas avoir à faire un mandat qu’ils ne voulaient pas faire, parce qu’ils ne voulaient pas faire la grève. Ce que le congrès a fait, c’est dire : « Non, vous n’allez pas démissionner, c’est nous qui allons vous destituer. » Il fallait montrer que la raison pour laquelle ils partaient, ce n’est pas parce qu’ils voulaient, mais c’est parce qu’il y avait un désaccord avec les associations étudiantes de base. Qu’ils aient été destitués ou non, ils seraient partis. Je pense que c’est important à dire. Nous n’étions pas les méchants qui avons voulu les destituer, c’est eux-mêmes qui ont voulu partir parce qu’ils ont fait des Papineau d’eux-mêmes. C’est-à-dire qu’au moment où la lutte était au plus haut et que c’était dangereux, ils ont préféré aller aux États-Unis et quitter leur camp plutôt que de rester dans la lutte.
R.D. : C’était aussi ce que Gabriel Nadeau-Dubois avait fait en 2012.
J.L. : Exactement, c’était un peu ça. Il y a eu un exécutif temporaire qui a été élu à ce moment-là, qui regroupait différents membres un peu dans l’entre-deux du conflit. Ces gens-là n’étaient pas dans les Comités Printemps 2015 ni membres de l’ancien exécutif de l’ASSÉ. Ils ont essayé de gérer le poste, mais la situation était devenue ingérable, explosive, il n’y avait pas de possibilité de remise en commun…
Le 8 avril 2015, des manifestants occupent le pavillon J-A DeSève de l’UQAM à la suite de l’arrestation d’une vingtaine de personnes dans le sous-sol du même bâtiment[4]. Que représente l’occupation de ce pavillon pour les manifestants ? Quel est votre souvenir de l’événement ?
J.L. : C’était impressionnant. C’était le moment, un des plus fous que j’ai vécu en 2015 et au-delà en termes de mobilisation dans le milieu étudiant, parce que ç’a été spontané. Dans le fond, quand ça s’est passé, il y avait des tournées de classe qui se tenaient le matin, justement, qui étaient dans le sous-sol du pavillon DeSève, et là, on passait entre le pavillon de gestion et le pavillon DeSève. En passant, il y a des flics qui sont sortis et qui ont essayé d’arrêter du monde. Il y a des profs qui ont fait une ligne pour essayer de protéger les étudiants contre l’intervention des policiers. En même temps, il y a des gardiens de sécurité qui pognent du monde et il y a une vingtaine d’arrestations. C’est un choc pour tout le monde, la police est rentrée et ils nous arrêtent parce qu’on fait grève dans l’université. Ils arrêtent des gens qui font des levées de cours. C’est là que ça pète. Après ça, rapidement, il y du monde qui commencent à s’asseoir en haut du pavillon, il y a une assemblée style un peu « Occupy » qui se fait. Quand je dis « Occupy », tu as du monde assis et il n’y a pas de micro, et on entend « Maintenant ! » et tout le monde répète. « Maintenant ! Nous allons occuper le pavillon ! » Les gens commencent à se passer le mot. Il y a du monde qui ramène un système de son pour de la musique. Il y a une table qui se remplit de bouffe et il y a aussi des profs qui nous payent plein de bouffe. Et là, il y a du monde qui arrive.
Au début, on est 50 ou 100 personnes, mais ça augmente rapidement à 200, 300, 400, 500 personnes qui sont dans l’université et ça se transforme en fête. T’as des lumières, t’as un gros système de son et tout le monde qui danse. En même temps, il y a des dizaines de personnes qui courent partout dans les corridors de l’UQAM et qui pètent tout. Tu te promènes dans les corridors, tu vois des gens en train de jouer au soccer avec une caméra de sécurité. Dans un autre coin, les gens réussissent à défoncer l’Aide financière aux études et ils détruisent tout. T’as des bureaux administratifs avec des dossiers vidés au sol. C’était, je pense, plus d’un million de dollars de dommages qui ont été faits, mais en mode festif, complètement. Ça danse, les gens boivent. En même temps, il y a tout ça qui se passe en réponse à l’administration, et puis il y a une négociation qui se fait avec le syndicat des chargés de cours, des profs et des gens des associations étudiantes pour demander le retrait des accusations, sinon, on continue l’occupation. Finalement, à un moment donné, ça brise. Le syndicat des profs est venu nous parler pour dire : « L’administration ne veut pas reculer. » L’occupation continue, imagine 500 ou 600 personnes dans la bâtisse ! Il devait y avoir une manifestation ce soir-là et cette manif de soir, finalement, elle se ramène dans l’UQAM pour participer à l’occupation. Ça dure jusqu’à minuit environ et l’anti-émeute commence à débarquer. On était au rez-de-chaussée et il y avait des gardiens de sécurité au début qui ont essayé d’atteindre le rez-de-chaussée. Les gens leur lançaient des chaises et il y a eu une méga-barricade qui a été faite.
R.D. : Toutes les chaises du pavillon ont été empilées dans les escaliers roulants du DS.
J.L. : Finalement, une bannière est mise par-dessus les escaliers roulants. C’était vraiment intense. Quand la police arrive, les gens décident de crisser leur camp. Tout le monde. Il y a eu zéro arrestation !
R.D. : Pour rentrer, les flics ont brisé les murs de vitre qui séparent différentes sections dans l’université.
J.L. : À coup de bélier ! Mais tout le monde était sorti par la porte d’en arrière. 500 personnes, des millions de dommages, zéro arrestation ! Et le plus beau party qu’on a vécu à l’UQAM. Ç’a joué un rôle vraiment cathartique. C’était la répression qu’on vivait depuis deux semaines, ils venaient de faire entrer la police, ils venaient d’arrêter 22 personnes. Le pavillon a été fermé pendant plusieurs jours à cause des dégâts.
R.D. : Il y a eu des choses comiques après, comme le « Je suis la machine distributrice ». Les gens en gestion avaient fait une vigile aux chandelles pour les machines distributrices défoncées, non ironiquement ! Il faut aussi dire que la grève continuait, entre autres, à cause de la répression à l’UQAM, dans le sens où ça poussait les grévistes à résister. Mais bon, c’était quand même difficile de légitimer une grève nationale à cause de la répression à l’UQAM, ça rentrait dans l’équation de conflit avec les autres acteurs. Dans le sens où la grève en générale a fini par s’épuiser, puis finalement c’était l’UQAM qui était en grève contre son administration d’une certaine manière. Mais c’était assez incroyable, parce que le seul moyen de faire des levées de cours, c’était d’être vraiment très, très, très nombreux. Je pense qu’on était au moins une centaine à faire des levées de cours. On arrivait à un moment où ça devenait de plus en plus difficile. D’habitude, on se serait dit qu’il y aurait moins de monde parce qu’il y avait de la répression. Mais en fait, il y avait de plus en plus de monde, il y avait des foules de gens qui faisaient les levées de cours. C’est dans ce contexte-là qu’ils ont appelé les flics. Ça s’était organisé avec la sécurité de l’UQAM, parce que la sécurité pointait les gens à arrêter.
J.L. : Quand ils ont arrêté les personnes qui faisaient des levées de cours, ils ont viré une salle de classe pour la transformer en prison. Ils ont même levé le cours qui se donnait. Ils disaient : « Là, on a besoin de construire un lieu d’incarcération. »
R.D. : On dit toujours qu’il faut que les conditions d’enseignement soient réunies pour avoir des cours. À cette époque-là, il n’y avait aucune condition qui était réunie. C’était comme de la magie d’avoir une manifestation avec 10 000 personnes pour nous soutenir, et que des centaines d’entre eux nous rejoignent dans l’occupation. C’était de dire : « Vous nous réprimez à cette hauteur-là, on réagit à cette hauteur-là. » Et ç’a fonctionné. Je pense qu’il y a un trauma réel du coût politique de la répression. Le fait qu’on soit capable de s’organiser pour les levées de cours et qu’on soit capable de répliquer avec ce niveau-là, ç’a été gagnant pour nous sur le long terme. C’est pour ça qu’aujourd’hui, les levées de cours ont diminué en intensité. Bon, aussi, il y a moins de grèves ces dernières années. Pour dire comment l’administration et les flics réagissaient, je reviens à quand les flics ont défoncé les baies vitrées. L’occupation était finie, on était dehors, puis là, on les voyait défoncer les fenêtres. Ils se sont tous mis en rang, même les Gardas. Il y en avait une qui avait son casque d’anti-émeute, puis elle marchait devant le bataillon d’antiémeutes et elle les guidait.

Le 1er Mai, la Journée internationale des travailleurs et des travailleuses, converge avec le mouvement de grève de 2015, notamment avec l’appel pour une journée nationale de grève et de perturbation. Pouvez-vous décrire ce qui s’est passé à l’occasion de cette journée en 2015 ?
J.L. : Comme je l’ai dit, l’idée de Printemps 2015 vient de l’appel à la grève sociale pour le 1er Mai, qui était notamment portée par le IWW. Ils vont mettre en place une coalition vers la grève avec différents groupes communautaires et des syndicats. Il y avait ça qui se passait et il y a vraiment eu une mobilisation qui a été historique à ce niveau-là, notamment avec la grève des enseignants et des enseignantes dans les cégeps, en fait. C’était une grève politique illégale, la première grève politique illégale depuis 1976, dans le sens que c’est une grève qui n’est pas sur les conventions collectives. Je pense que c’est un des gains de 2015 qu’on a eus, la capacité à dire que les syndicats pouvaient faire des grèves politiques. C’est Sherbrooke, qui avait lancé le mouvement de grève sociale au niveau des profs de cégeps. Eux, ils ont réussi à faire une grève sociale le 1er Mai. En parallèle, certaines fédérations de centrales syndicales appelaient à une journée de perturbation économique. Donc, dans la journée du 1er Mai, ç’a commencé le matin, avec les Wobs, qui ont bloqué un truc de la STM, après ça, il y a eu un blocage du chantier du CHUM. Les gens des centrales syndicales ont occupé le Centre du commerce mondial et ils ont aussi occupé des banques. Il y avait plus d’une centaine de groupes communautaires en grève sociale, qui referont, dans les années suivantes, d’autres grèves sociales pour défendre le communautaire.

Il y avait aussi la manif du 1er Mai qui s’est tenue et le Conseil central du Montréal métropolitain, le conseil régional de la CSN, a décidé cette année-là de participer à la manif de la Convergence des luttes anticapitalistes, la CLAC[5]. C’est la seule fois que les syndicats ont participé à la manif de la CLAC, ce qui veut dire que même les centrales syndicales, ou plutôt les conseils régionaux qui sont souvent plus « gauchistes », avaient assumé d’aller dans la manif anticapitaliste. Cette année-là, la manif anticapitaliste, c’était 10 000 personnes environ, qui venaient de différents secteurs de la ville. Il y avait les profs de cégeps en grève qui partaient du Cégep Ahuntsic qui sont descendus, il y avait un rassemblement des maoïstes du PCR, il y avait un rassemblement de la CLAC et un autre, enfin, qui venait de l’Est aussi. Tout le monde a convergé vers le centre-ville et c’était le chaos toute la soirée. La police n’a pas pu prendre le contrôle parce qu’il y avait trop de monde. C’était vraiment intense[6].
Moi j’étais en région donc je peux parler aussi de ce 1er Mai à Sherbrooke. J’étais allé soutenir les syndicats des professeurs qui étaient en grève sociale cette journée-là. J’ai participé à cette manif à Sherbrooke, où il y avait quelques milliers de personnes. À Sherbrooke seulement, et c’était ça partout ! Il y a eu des manifs à Saint-Jérôme, à Valleyfield, au Saguenay. C’était une des journées les plus importantes et les plus fortes du mouvement, les syndicats appelaient à des perturbations économiques, ils bloquaient des trucs. Ç’a été, pour moi, un des grands succès de Printemps 2015, et ça va marquer, en montrant qu’on peut refaire des grèves politiques. C’est ce qu’on a réussi à gagner. À mon sens, les grèves pour le climat en 2019 n’auraient jamais pu se tenir sans cette expérience. C’était les mêmes profs qui avaient fait la grève du 1er Mai 2015 qui ont lancé la campagne pour faire une grève climatique en 2019. La capacité et même l’imagination de pouvoir faire des grèves illégales pour des raisons politiques, c’est le gain qu’on a eu. C’est dire : « Eille les syndicats, vous pouvez aussi lutter pour l’écologie, contre l’austérité et pas juste pour vos intérêts corporatistes. »
R.D. : Il faut quand même le spécifier, ce n’étaient pas les directions syndicales qui ont appelé à cette mobilisation. C’était ça qui était inédit, que les syndiqués à la base s’organisent malgré les réticences de leurs centrales, comme nous on s’est organisé malgré les réticences de l’ASSÉ. On a parlé des Wobs qui avaient évoqué cette idée de faire une grève sociale le 1er Mai, et qui ont beaucoup travaillé pour intégrer des acteurs du communautaire et des travailleurs. Cette initiative-là a pu profiter de la mobilisation de Printemps 2015 dans les mois précédents. Il y a eu tellement de choses cette journée-là, il y avait du monde partout. Il y avait plusieurs actions, par exemple l’action des banques, où il y avait des centaines de personnes. On entrait dans des banques, on faisait du bruit
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Sous nos regards, récits de la violence pornographique

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/04/12/sous-nos-regards-recits-de-la-violence-pornographique/?jetpack_skip_subscription_popup
Seize femmes, victimes des réseaux de pornographie French Bukkake et Jacquie et Michel témoignent dans cet ouvrage collectif puissant. Elles avaient en moyenne vingt-trois ans quand les viols ont eu lieu. pornographie sous nos regards
Pascal OP, le producteur de French Bukkake, tourne des vidéos où des hommes éjaculent en cercle sur le visage d'une femme à genoux, puis lui imposent de nombreuses pénétrations. Les femmes sont recrutées par Julien Dhaussy, sous le faux profil Facebook d'Axelle Vercoutre, qui se lie d'amitié avec des jeunes femmes fragiles, devient l'oreille de leurs souffrances, les convainc de faire de l'escorting.
Elles subissent alors un viol d'abattage par Dhaussy, qui les pousse ensuite sur les tournages de Pascal OP, dont les vidéos sont présentées comme raffinées, avec une diffusion privée au Canada. Dans des lieux inconnus, où rien ne leur est expliqué et où aucune de leur demande de limite n'est respectée, elles sont violées par des bandes d'hommes. Beaucoup d'entre elles n'osent pas porter plainte et quand elles le font, les policiers répondent : « on ne viole pas une actrice porno ».
L'affaire Jacquie et Michel, en cours d'instruction, est sensiblement proche. Michel Piron est producteur (Jacquie n'existe pas). Sous couvert de « porno-amateur », des rabatteurs manipulent pour lui des jeunes femmes en détresse économique et sociale pour les contraindre à des tournages où elles sont victimes de viols collectifs.
Chaque récit est co-écrit par une plaignante de ces deux affaires, et une autrice, chercheuse ou journaliste. L'ouvrage est introduit par l'historienne Christelle Taraud, qui dépeint l'aggravation des violences dans l'industrie pornographique depuis les années 990, un porno « d'abatage » représentant les femmes comme des « territoires à ravager ».
Sous nos regards : des descriptions insoutenables
Seize voix distinctes, et pourtant toutes fondues dans la même horreur. La majorité a été victime de violences depuis l'enfance, frappées, violées, incestées. Des violences qu'elles n'ont pas toujours pu nommer. Et il y a celles qui s'estiment « trop gentilles », naïves, qui ont voulu aider, obéir, et qui ont été prostituées. Alice dit que c'est le point de ressemblance entre toutes les filles du procès : « Ils sentent ces choses-là, ils repèrent quand on est fragiles. »
La description des scènes de viols est insoutenable. Les corps des filles sont suppliciés, ravagés, humiliés. Elles hurlent, elles saignent, on leur demande de sourire. Ce sont souvent des jours de tournage d'affilée, des pénétrations à la chaîne, des orifices qui se déchirent. Mélanie raconte : « l'un d'eux m'a étranglée si fort que j'ai perdu connaissance. La caméra ne s'est pas arrêtée. »
A la première « mort », celle des viols, succède la diffusion des vidéos, une mort sociale. Certaines sont abandonnées par leurs amis et familles. Elles sont reconnues dans la rue, au travail, harcelées, insultées, agressées, considérées comme responsables des violences subies. En douze ans Amélie a déménagé dix-huit fois et changé vingt fois d'emploi. À chaque fois, tout recommence : « où que j'aille, quoi que je fasse, on finit par me reconnaître. À croire que la France entière regarde du porno. » Beaucoup d'entre elles ne sortent plus de chez elles, vivent la nuit.
Les vidéos se retrouvent sur de multiples plateformes de porno, visibles dans le monde entier. Si elles veulent les faire retirer, les producteurs demandent de l'argent. D'autres chantages viennent d'anonymes qui menacent d'envoyer les vidéos à leurs proches, à leurs cercles professionnels. Même quand des sites sont condamnées par la justice, les vidéos finissent toujours par réapparaitre sur d'autres sites. Ces femmes n'ont pas le droit à l'oubli. Loubna parle d'une « emprise infinie. »
Leurs récits manifestent les violences de genre, de race et de classe de cette industrie pornographique. Dans les sous-titres des vidéos et sur les tournages, elles sont traitées de salopes, de « fuck-meat » (viande-à-baiser), de « sac-à-foutre ». Elles sont appelées « beurette » ou « chinetoque ». Pascal OP reconnaît s'en prendre sciemment à des femmes de classes populaires, les désignant comme des « cassos » : « Ces filles-là sont des grosses cassos, elles n'ont pas de thune, elles sont à la rue. Mais nous on est contents, ça fait de bons vides-couilles. »
Les mots justement, ces femmes veulent les remettre à l'endroit, comme Noëlie et Pauline : « Nous n'avons jamais été actrices. Et le porno, ça n'est pas du cinéma. Ce qu'on voit sur les images est réel. Nous, on ne faisait pas semblant. Ce qu'on nous a fait, nous l'avons réellement vécu. »
Elles interpellent aussi les hommes qui regardent les vidéos, se masturbent sur leurs viols. Mélanie égrène la longue litanie des hommes qui l'ont violée et utilisée, y inclut les consommateurs de porno : « chaque jour des centaines de types me violent par procuration, jouissent dans leurs paumes moites et passent à autre chose. » Elle lance un dernier cri, en attendant le procès : « Ils m'ont bimboïfiée, pornifiée, putifiée, ils m'ont déshumanisée. Je ne suis pas une poupée. Je suis un être humain, je suis mon corps, sexué, fécond, mortel. Je suis vivante. Je demande justice. »
Anne Waeles
Sous nos regards, Ouvrage collectif, éditions du Seuil, 2025.
https://mouvementdunid.org/prostitution-societe/culture/sous-nos-regards-recits-de-la-violence-pornographique/
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1er mai 202 : Plate-forme contre l’austérité

Les mesures d'austérité fragilisent notre société, affectant en premier lieu les populations les plus vulnérables. Sous prétexte de rationalisation budgétaire, nos gouvernements procèdent à des coupes systématiques dans les services publics essentiels, affaiblissant ainsi le filet social et accentuant les inégalités.
10 avril 2025 - tiré du site de la FTQ
https://ftq.qc.ca/1er-mai-2025/#1744301470112-4a1cb758-0c8d
Depuis plusieurs mois, le gouvernement du Québec a fait le choix politique de l'austérité. La mise à jour économique de novembre dernier a confirmé que la province allait bel et bien être plongée dans un cycle de compressions budgétaires affectant ainsi directement la grande majorité de la population.
Pourtant, il n'y a pas si longtemps, ce même gouvernement caquiste avait préféré appliquer des baisses d'impôts et distribuer des chèques de centaines de dollars plutôt qu'investir dans les services publics et des programmes sociaux qui profitent à toutes et à tous.
Si le gouvernement a fait le choix de l'austérité, ce n'est certainement pas celui des travailleur-se-s. C'est un film dans lequel le Québec a déjà joué et dont les grands gagnants sont les mêmes qui votent ces mêmes mesures d'austérité : les riches.
À ce contexte provincial s'ajoute évidemment l'élection fédérale qui pointe à l'horizon. Quel sera le parti qui prendra le pouvoir et quelles seront ses grandes orientations ? Impossible également de passer sous silence la grande incertitude dans laquelle Donald Trump plonge le monde entier, y compris nous.
Pour cette édition de la Journée internationale des travailleuses et travailleurs, le message est sans équivoque : Toujours debout contre l'austérité.
L'austérité et l'atteinte aux droits
Le respect des droits de tout le monde ne devrait jamais être négociable au gré des humeurs d'un gouvernement. Les droits au travail, à l'éducation, à la santé, au logement, à l'alimentation ou au transport devraient être inaliénables. Pourtant, les mesures d'austérité fragilisent au plus haut point ces droits.
La place accordée à l'école à trois vitesses, l'ouverture de plus en plus grande au privé en santé, le sous-financement dans les transports en commun, l'accès à des logements abordables impossible ou l'augmentation du panier d'épicerie pèsent de plus en plus lourd sur les épaules d'une grande partie de la population qui n'arrive même plus à combler leurs besoins de base.
L'austérité met donc en péril le droit fondamental d'accès à la santé, à l'éducation et à des services publics de qualité. Celles et ceux qui dispensent ces services voient également leurs conditions de travail se dégrader, ce qui nuit tant aux travailleur-se-s qu'aux bénéficiaires et aux patient-e-s. Et quand on ajoute à cela le droit de grève qui est actuellement grandement menacé, c'est une attaque frontale de plus que les travailleur-se-s ne peuvent laisser passer.
L'austérité et la fragilité des travailleur-se-s à statut précaire
Les travailleur-se-s à statut précaire, notamment les travailleur-se-s étranger-ère-s temporaires et les demandeur-se-s d'asile, font face depuis beaucoup trop longtemps à des conditions de travail épouvantables telles que de faibles salaires, des heures travaillées excessives, des abus de pouvoir et un manque de protection sociale.
Personne ne devrait être laissé pour contre ou exploité en raison du type d'emploi occupé ou de son origine. Il est grand temps que les gouvernements adoptent de meilleures politiques et lois qui protègent leurs droits notamment en matière de salaire minimum, d'heures de travail et de conditions de travail sécuritaires.
Ces travailleur-se-s ont besoin de solidarité et non d'austérité. La réduction de l'offre de services de francisation dans les centres de services scolaires au détriment des populations immigrantes est un exemple éloquent des effets dévastateurs des mesures d'austérité sur cette population.
Ils-elles sont donc confronté-e-s à des conditions de travail indignes et à une exploitation croissante, souvent sans protection sociale. Les emplois précaires se multiplient, et l'accès à des conditions de travail justes et équitables se restreint.
En l'absence de protections adéquates, leur accès à la résidence permanente demeure un véritable parcours du combattant. Cette situation engendre un déni de leurs droits fondamentaux et leur impose un silence forcé, les empêchant de revendiquer de meilleures conditions de travail.
Pendant ce temps, la redistribution de la richesse continue de bénéficier à une minorité, laissant la majorité des travailleuses et travailleurs dans une situation d'insécurité croissante.
L'austérité et l'effritement des filets de protection sociale
Les filets de protection sociale sont essentiels pour protéger les plus vulnérables et garantir une égalité des chances pour tous et toutes. Dans un contexte d'austérité, on assiste à l'effritement de ces filets venant ainsi augmenter les inégalités sociales.
Les attaques à l'endroit des femmes, des personnes marginalisées et des moins nanties sont plus importantes que pour le reste de la population. Les mesures d'austérité favorisent largement les emplois occupés par des hommes alors que ceux où les femmes sont d'ailleurs surreprésentées, comme dans les services publics, sont victimes de coupes importantes.
Parallèlement, plusieurs réformes sont mises en œuvre frappant de plein fouet des franges complètes de la population déjà fragiles. Les personnes en situation de handicap, celles bénéficiant de l'aide sociale, les victimes d'actes criminels ou les victimes de lésions professionnelles par exemple.
Collectivement, les filets de protection sociale sont ardemment souhaités et défendus. Il est grand temps que les gouvernements prennent en compte la vision et les attentes de la population.
L'austérité et la dégradation des services publics
La seule façon de garantir des services publics et l'accès à des programmes sociaux auxquels la population a droit c'est en y investissant les sommes nécessaires et en garantissant de bonnes conditions de travail à ceux et celles qui les dispensent.
Les coupures importantes imposées au réseau de l'éducation et à celui de la santé et des services sociaux sont catastrophiques. Le béton tombe en ruine et les services fondent comme neige au soleil. Devant l'état lamentable dans lequel se trouvent les établissements scolaires, de santé et de services sociaux, c'est le secteur privé qui en profite.
Les mesures d'austérité se manifestent de multiples façons. On supprime des postes, coupe des services, augmente le fardeau des organismes communautaires ou privatise tout simplement. Dans un tel contexte, la lutte pour des services publics et des programmes sociaux gratuits, accessibles et universels est fondamentale pour alléger le fardeau financier de la population et améliorer leurs conditions de vie. Même les personnes retraitées, qui ont contribué toute leur vie à ce modèle québécois, n'ont pas ou peu accès à ces services.
L'austérité n'est pas une nécessité – c'est une idéologie politique. Ce n'est pas un choix inéluctable, mais bien une volonté de démanteler nos acquis sociaux au profit d'une élite économique. Aujourd'hui plus que jamais, nous devons nous tenir debout contre l'austérité et exiger un modèle de société plus juste et solidaire.
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Grande manifestation pour le Jour de la Terre à Québec (22 avril 2025)

Le 22 avril 2025, une grande manifestation et une chaîne humaine symbolique entoureront l'Assemblée nationale à Québec dans le cadre du Jour de la Terre. Ce rassemblement, initié par la Coalition régionale justice climatique et sociale, vise à attirer l'attention sur les défis environnementaux et sociaux qui définissent l'urgence de notre époque.
4 avril 2025 | par Juliet Nicolas | tiré du journal Le Carrefour de Québec | « Photo » : Coalition régionale justice climatique et sociale
L'année 2024 a marqué un tournant inquiétant pour le climat : des records de chaleur ont été atteints. Dépassant le seuil critique de +1.5 degré de réchauffement par rapport à l'ère préindustrielle. Ce réchauffement accéléré entraîne des conséquences dramatiques, comme la multiplication d'événements climatiques extrêmes. Notamment la fonte du pergélisol, ce sol gelé en permanence depuis des milliers d'années et qui libère des gaz à effet de serre lorsqu'il se dégrade. Ainsi que l'érosion des écosystèmes.
Les transformations exercent une pression majeure sur la sécurité alimentaire, la santé publique, les revenus et la qualité de vie à l'échelle mondiale. Préserver les milieux naturels et réduire la dépendance aux énergies fossiles s'impose désormais comme une nécessité.
Une justice sociale bafouée
Alors que beaucoup voient leurs conditions de vie se dégrader, certains conservent un train de vie élevé, souvent lié à des activités polluantes. Selon Oxfam, les 1 % les plus riches épuisent leur budget carbone annuel en seulement dix jours, tandis que les 50 % les plus pauvres en consomment une fraction sur trois ans.
Ce déséquilibre exige des mesures audacieuses pour forcer les plus pollueurs à contribuer à la transition énergétique et pour renforcer le filet social qui protège les plus vulnérables.
Les revendications au cœur de la mobilisation
Face à l'absence d'actions concrètes, la mobilisation citoyenne joue un rôle clé pour impulser des transformations nécessaires. La grande manifestation s'articulera autour de trois revendications fondamentales :
- Il est crucial d'intensifier la lutte contre les crises climatique et de biodiversité en abandonnant progressivement les énergies fossiles, pour réduire les émissions et protéger les écosystèmes.
- Un réinvestissement important dans les services publics et les programmes sociaux est crucial pour renforcer les infrastructures et soutenir la population face aux défis actuels. Notamment grâce à une taxation accrue des grandes fortunes pour un financement équitable et durable.
- Enfin, pour être pleinement efficace, la transition écologique doit être équitable et inclusive. Elle doit s'appuyer sur des politiques qui accompagnent les travailleurs et les communautés dans leur adaptation aux changements, tout en garantissant des solutions accessibles et durables pour les plus vulnérables.
- Ces mesures concertées, axées sur la justice climatique et sociale, représentent une voie pragmatique pour répondre aux défis environnementaux et assurer une meilleure qualité de vie pour tous.
Une responsabilité collective
La manifestation du 22 avril se présente comme une occasion majeure de démontrer la force de l'engagement citoyen. En se rassemblant autour de l'Assemblée nationale, les participants souhaitent inciter les décideurs à agir de manière responsable et concrète. Répondre aux crises environnementales tout en instaurant une justice sociale durable n'est plus une option, mais une nécessité pour assurer un avenir viable.
Le 26 avril, à l'occasion du jour de la Terre, nous descendons dans la rue pour nos transports !
Nous sommes des usagers et usagères du transport, des syndiqué(e)s du milieu, des habitant(e)s préocupé(e)s, des automobilistes forcés d'en être, des cyclistes en quête de sécurité, des étudiant-es qui veulent se rendre à leurs cours facilement et bien plus encore. Nous vous donnons rendez-vous le 26 pour notre santé, pour notre capacité à se déplacer, pour une économie au service de la majorité, pour nos droits collectifs, pour des milieux de vie plus résilients, pour l'avenir !
Parce que notre résistance doit passer par la construction d'alternatives, nous vous invitons à prendre la rue aux côtés des syndiqué(e)s du transport collectif. Ensemble, désarmons les pétrolières et les politiciens qui sont à leur solde en nous libérant collectivement de la dépendance aux hydrocarbures. Exigeons un financement du transport collectif qui permette l'amélioration du service et de la qualité des emplois. Faisons en sorte, que partout au Québec, des alternatives à l'auto solo puissent se mettre en place. Investissons dans un avenir viable, à l'image du monde que nous souhaitons !
Joignez-vous à nous pour exiger :
- Un financement public pérenne pour maintenir et développer le réseau
– Des emplois de qualité dans le secteur du transport collectif
– Des transports accessibles à toutes et tous – physiquement, géographiquement et financièrement
Rendez-vous le 26 avril 2025 à 13 h sur la Place des Festivals (métro Place-des-Arts).
Venez colorés, avec des pancartes, votre énergie et de quoi faire du bruit ! Plus d'informations sur le trajet et les surprises de cette manif à venir.
Organisateurs : Front commun pour la transition énergétique, FTQ, La Planète s'invite au Parlement, Mouvement pour un transport public abordable, TNCDC - Table nationale des Corporations de développement communautaire, Conseil central du Montréal métropolitain - CSN et Écologie populaire.
Pour plus d'informations : https://www.facebook.com/events/place-des-festivals/jour-de-la-terre-finan%C3%A7ons-nos-transports-collectifs-publics-/559774849745542
Source : https://scfp.qc.ca/appel-a-tous/
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Négociation nationale des CPE : Les 13 000 travailleuses en grève alors que la négociation s’intensifie

La négociation s'est poursuivie toute la fin de semaine et les échanges continuent de façon intensive. L'objectif est de parvenir à une entente bonifiant les conditions de travail des travailleuses en CPE dans les meilleurs délais.
Les 13 000 travailleuses et travailleurs en CPE syndiqués à la CSN sont en grève du 14 au 16 avril, alors que la négociation s'intensifie avec le gouvernement. La grève est maintenue afin de parvenir à une entente le plus rapidement possible.
La négociation s'est poursuivie toute la fin de semaine et les échanges continuent de façon intensive. L'objectif est de parvenir à une entente bonifiant les conditions de travail des travailleuses en CPE dans les meilleurs délais. Pour la CSN, qui représente 80 % des travailleuses syndiquées en CPE, il est important que le gouvernement accepte de bonifier ses offres pour répondre aux préoccupations des travailleuses quant à l'avenir des CPE.
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PL-69 : Non à la privatisation de l’électricité !

Des organisations des milieux communautaire, environnemental, citoyen et syndical se sont donné rendez-vous aujourd'hui à Saint-Jean-sur-Richelieu pour dénoncer les dérives du projet de loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques au Québec (PL-69). Les groupes ont profité d'un arrêt de la tournée Vision énergie sur la planification énergétique pour exiger une fois de plus un vrai débat public sur l'énergie, revendication portée depuis plus de deux ans déjà, sans écho réel de la part du gouvernement qui visiblement préfère imposer sa propre vision.
Avec le PL-69, la CAQ attaque un service indispensable. « Le retrait du droit exclusif d'Hydro-Québec à produire, transporter et distribuer l'électricité ouvre la porte à la privatisation. L'électricité coûtera plus cher à produire et l'impact sur les factures sera majeur », signale Patrick Gloutney, Président du SCFP-Québec
Rappelons qu'au Québec, 1 ménage sur 7 n'arrive pas à payer sa facture d'électricité ou y parvient au détriment d'autres besoins de base. « Le PL69 fait passer les besoins des industries avant la santé de la population. Il fait des tarifs d'électricité le principal mode de financement de la transition énergétique. C'est injuste et régressif ! », dénonce Émilie Laurin-Dansereau, conseillère budgétaire à l'ACEF du Nord de Montréal
« Le gouvernement ne doit pas faire l'économie d'un véritable débat de société sur l'avenir énergétique du Québec. Le premier ministre François Legault en avait pourtant fait la promesse lors de son élection en 2022. Une large consultation publique sur l'avenir énergétique est essentielle pour s'assurer que le projet de loi mène réellement à la décarbonation tout en protégeant la nature et la santé humaine, en renforçant l'équité sociale et en favorisant la mobilisation de l'ensemble de la société face aux défis de la transition », souligne Louise Morand du RVÉQ.
« Si la population n'a pas été invitée à participer activement à l'élaboration de cette Loi 69, l'entreprise privée, par la voix de ses lobbyistes, a été très proche des décideurs, selon le registre accessible en ligne « Carrefour Lobby » » déclare Sophie Thiébaut, coordonnatrice d'Attac Québec.
Considérant l'importance des conséquences que ce projet de loi pourrait avoir, les groupes rappellent qu'une réelle consultation tenue dans un cadre démocratique inclusif est essentiel. Les décisions concernant l'avenir de l'énergie au Québec ne doivent pas être prises derrière des portes closes par quelques experts triés sur le volet par le gouvernement.
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La question de l’urne : Plus celle des réfugié-e-s que celle des tarifs ?

Il est impérieux de contrer l'incroyable charge islamophobe et antinoire de la CAQ, cautionnée par un Carney, probable prochain Premier ministre du Canada, qui fait paraître l'ancien Premier ministre Trudeau comme un gauchiste. Les prétextes — il en faut toujours — sont une poussée fondamentaliste dans quelques écoles et un prétendu assaut des frontières par des Haïtien-ne-s éperdu-e-s fuyant la fureur trumpienne. L'écrivain d'origine haïtienne et académicien Dany Laferrière a mille fois raisons de souligner que « [l]es demandeurs d'asile peuvent aussi représenter ‘'toute la richesse du monde'' » et non pas « toute la misère du monde » comme les a qualifié le ministre de l'Immigration Roberge. Comme le dit l'écrivain, « Les gens se disent [que] s'il n'y avait pas les Haïtiens au Québec, bien sûr, le Québec aurait survécu. Mais il manquerait quelque chose. »
On ne le dira jamais assez, quand iels sont accueilli-e-s les bras ouverts, c'est-à-dire avec de généreux programmes de francisation, de soutien au revenu si nécessaire, d'accès au logement à portée de leurs bourses, de reconnaissance de leurs diplômes sans entrave corporatiste et surtout d'accès au monde du travail sans aucune discrimination, les immigrant-e-s et les réfugié-e-s cessent rapidement d'être à charge. Pour avoir eu la force de subir les dures épreuves de la fuite d'enfers de misère ou de persécution souvent en traversant un grand nombre de pays, iels sont parmi les plus capables, débrouillard-e-s et résilient-e-s de leurs compatriotes.
Iels seront les premiers-ères à contribuer à la construction de logements et à devenir ces travailleur-euse-s essentiel-le-s, plus que proportionnellement des personnes racisées, qui ont sauvé la mise au peuple québécois durant la pandémie. Iels pourraient être la force de travail répondant à l'appel des 120 édiles municipaux, dont la mairesse de Montréal, représentant 10 millions de Canadienne-s. Ces édiles requièrent des chefs de parti en campagne électorale de laisser tomber pipelines de gaz et pétrole pour plutôt « construire au moins deux millions de logements écoénergétiques hors marché privé, rénover nos maisons et bâtiments pour mieux conserver la chaleur en hiver et la fraîcheur en été, et finalement financer une véritable stratégie nationale de résilience, d'intervention et de reconstruction, pour que nos communautés soient prêtes à faire face aux catastrophes climatiques à venir ».
Nous, Québécois-e-s dit de souche, ne nous mettons pas la tête dans le sable. Le massacre de la mosquée de Québec et la mort de l'autochtone Joyce Echaquan ne sont pas des incidents isolés mais des signes d'un racisme bien enraciné et systémique. Les récentes enquêtes du Devoir en Abitibi et en Gaspésie à propos des stagiaires infirmier-ère-s africain-e-s l'ont plus que révélé. « Intolérance, stupeur et consternation » de clamer l'éditorialiste. « C'est une histoire à faire hurler, sise aux frontières de nos espoirs d'intégration des immigrants et de la plate réalité du terrain, encore raviné par des poches d'intolérance et de discrimination. » Est-ce si certain que ça ne soit que des poches ? C'est ce racisme bien implanté qui, au cours de la présente campagne électorale. fait les beaux jours du bloc nationaliste, CAQ, PQ et Bloc québécois, trop heureux de l'entretenir pour des fins bassement électoralistes.
Pourtant « Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) parle même plutôt d'une ‘'diminution importante'' de ce nombre total [de demandeurs d'asile] depuis 2023. […] Entre le 1er janvier et le 1er avril 2023, alors qu'il y avait encore des passages par le chemin Roxham, plus de 19 600 personnes ont demandé l'asile au Canada. Pour la même période en 2024, elles étaient plus de 17 000, principalement arrivées par avion. Et cette année, elles ont été 9460 au total. » Cependant, si les flux aux aéroports diminuent, ceux à la frontière, aux entrés routières comme à travers bois, iront en augmentant stimulés par la féroce répression trumpienne.
Quelle sera la réaction du Canada comme du Québec ? That is the question qui démarque l'internationalisme ouvrant une brèche vers une société pro-climat du soin et du lien et le nationalisme identitaire enfermant la nation dans un processus de néo-fascisation.
Marc Bonhomme, 13 avril 2025
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca
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Vote stratégique : Vote utile ou vote futile ?

À chaque élection on se pose la question de la nécessité ou non du vote stratégique. Cette fois-ci plus fortement encore. Il y Trump dans le décor. Et Poilièvre fait aussi peur à bcp de gens, surtout aux électeurs progressistes qu'ils ou elles votent Bloc Québécois, NPD ou les Verts.
Le vote stratégique est certes utile dans plusieurs circonstances pour éviter le pire. Mais pas dans tous les comtés ou en toute circonstances. Pour y voir clair, voyons d'abord le résumé des derniers sondages extrait du site QC125.com (voir image).
C'est à peu près pareil depuis plus d'une semaine. Le Parti Conservateur obtient une très grande concentration de ses votes dans l'Ouest, surtout en Alberta. Pour cette raison, le PC a besoin historiquement d'au moins 2% d'avance sur le PLC pour avoir une chance de former un gouvernement, même minoritaire. Avec 6 points d'avance, les Libéraux peuvent former un gouvernement majoritaire avec environ 190 sièges, loin des 170 nécessaires pour la majorité au parlement.
Beaucoup de gens sont actuellement aux prises avec les nombreuses difficultés d'une situation économique précaire. Ils et elles ne suivent pas en détail l'évolution de ces sondages et la tendance actuelle d'appui fort aux libéraux au Québec et en Ontario ne risque pas vraiment de bouger.
Donc, compte tenu de la très faible possibilité pour Poilièvre de remonter la pente, LE VOTE STRATÉGIQUE DEVIENT FUTILE DANS BEAUCOUP DE COMTÉS où les conservateurs n'ont aucune chance de le remporter. Les sympathisants du NPD, des Verts et les progressistes du BQ peuvent donc voter pour leurs convictions sans se soucier de calcul et de stratégie.
C'est particulièrement le cas dans Rosemont, dans Laurier-Saint-Marie ou dans Hochelaga-Rosemont-Est pour les sympathisants du NPD.
Dans le cas du LSM où se présente Nima Machouf pour le NPD pour la troisième fois, les sondages pancanadiens ressemblaient bcp à ceux d'aujourd'hui juste avant le jour d'élection en 2021 : le Parti libéral était légèrement en avance sur les conservateurs et le NPD était loin troisième au Canada- et encore plus bas au Québec.
Pourtant, Nimâ Machouf avait créé la surprise en 2021avec 33% des votes, terminant deuxième, à seulement 5 points de Steven Guilbeault, qui était déjà ministre libéral.
Aujourd'hui, le Parti libéral dirigé par Mark Carney a beaucoup de marge pour remporter une majorité sans avoir besoin de tous ses sièges actuels au Québec. Le vote stratégique n'a donc vraiement aucune utilité dans le comté de Nima Machouf.
Pourquoi voter pour Nimâ Machouf ?
● La course à LSM est très serrée entre Nimâ et Steven Guilbeault.
● Plusieurs analyses donnent Nimâ favorite, car Guilbeault est affaibli et que Nimâ est encore plus implantée, renforcée et connue qu'en 2021.
● Sur les questions d'économie et d'environnement, Mark Carney s'est aligné sur les conservateurs et Steven Guilbeault s'est aligné sur son nouveau chef. Il n'exerce plus aucune influence en faveur de l'environnement ou de la justice fiscale et sociale.
● Il nous faut donc une personnalité forte, compétente et progressiste comme Nimâ pour consolider une opposition véritable à ces politiques réactionnaires et défendre la justice sociale et l'environnement.
Je me permet un message à mes amis souverainistes et aux électeurs du Bloc Québécois dans LSM : nombreux sont les électeurs du Bloc partagent plusieurs des valeurs de Nimâ Machouf, notamment en matière de justice sociale et d'écologie. Or, malgré le respect que j'ai pour le candidat du BQ dans LSM, je dois dire que le Bloc n'est pas actuellement en position de gagner ici. En 2021, le BQ était loin troisième, avec 13 points de retard sur Nimâ. Aujourd'hui, la course se joue entre Nimâ et le ministre libéral sortant. Si on souhaite le déloger pour avoir une véritable opposition progressiste, la meilleure option est d'appuyer Nimâ.
Conclusion : le vote utile, dans Laurier-Sainte-Marie, c'est un vote pour Nimâ Machouf.
Texte repris de Facebook : Amir Khadir
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Organiser une riposte unitaire à la montée de l’extrême droite, de l’autoritarisme et de l’austérité

Le panel était composé de Amir Khadir, ex-député et ancien porte-parole de Québec solidaire ; Chantal Ide, vice-présidente du Conseil central du Montréal-Métropolitain CSN ; Karine Cliche, initiatrice de QS-Parti de la rue ; Roger Rashi, Réseau intersyndical de Québec Solidaire et membre de Révolution écosocialiste. L'animation a été assurée par Josée Chevalier, militante syndicale FNEEQ-CSN.
Le Panel avait pour tâche de répondre aux questions suivantes : Comment unir ces résistances multiples en un front uni ? Quel rapport entre la déferlante trumpiste au sud et les attaques anti-syndicales ici ? Comment renforcer la gauche sociale et politique dans ce nouveau cycle politique ? Quelle place peut occuper Québec solidaire dans cette riposte ?
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L’armée israélienne est confrontée à sa plus grande crise de refus depuis des décennies

Plus de 100 000 Israéliens auraient cessé de se présenter au service de réserve. Si les raisons diffèrent, l'ampleur de la crise témoigne de l'affaiblissement de la légitimité de la guerre.
Tiré d'Agence médias Palestine.
Personne n'est en mesure de donner des chiffres précis. Aucun parti ou dirigeant politique ne le demande explicitement. Mais quiconque a passé du temps dans les manifestations antigouvernementales ou sur les réseaux sociaux en hébreu ces dernières semaines sait que c'est vrai : il est de plus en plus légitime de refuser de se présenter au service militaire en Israël – et pas seulement au sein de la gauche radicale.
Dans la période qui a précédé la guerre, le refus – ou plus précisément le fait de « cesser de se porter volontaire » pour les réserves – est devenu une caractéristique importante des manifestations de masse contre la réforme judiciaire du gouvernement israélien. Au plus fort de ces manifestations, en juillet 2023, plus de 1 000 pilotes et membres de l'armée de l'air ont déclaré qu'ils cesseraient de se présenter au travail si la législation n'était pas abandonnée, ce qui a conduit à des avertissements de la part de hauts responsables militaires et du chef du Shin Bet, selon lesquels la réforme judiciaire mettait en péril la sécurité nationale.
La droite israélienne continue jusqu'à aujourd'hui d'affirmer que ces menaces de refus ont non seulement encouragé le Hamas à attaquer Israël, mais qu'elles ont également affaibli l'armée. En réalité, toutes ces menaces ont disparu dans l'éther le 7 octobre, les manifestants se portant massivement et avec enthousiasme volontaires pour s'enrôler.
Pendant 18 mois, la grande majorité de la population juive d'Israël s'est ralliée au drapeau pour soutenir l'assaut contre Gaza. Toutefois, des fissures ont commencé à apparaître, en particulier depuis que le gouvernement a décidé de rompre le cessez-le-feu le mois dernier.
Ces dernières semaines, les médias ont fait état d'une baisse significative du nombre de soldats se présentant au service de réserve. Bien que les chiffres exacts soient un secret bien gardé, l'armée a informé le ministre de la défense Israël Katz à la mi-mars que le taux de participation s'élevait à 80 %, contre environ 120 % immédiatement après le 7 octobre. Selon Kan, le radiodiffuseur national israélien, ce chiffre a été falsifié : le taux réel est plus proche de 60 %. D'autres rapports font état d'un taux de participation de 50 % voire moins, certaines unités de réserve essayant de recruter des soldats par le biais des réseaux sociaux.
Une foule d'amis, de familles et de militants organisent une manifestation de solidarité en faveur d'Ella Keidar Greenberg devant le centre de recrutement de Tel Hashomer, avant qu'elle ne déclare son refus de s'enrôler dans l'armée israélienne, le 19 mars 2025. (Oren Ziv)
« Le refus se fait par vagues, et celle-ci est la plus importante depuis la première guerre du Liban en 1982 », a déclaré à +972 Ishai Menuchin, l'un des dirigeants du mouvement de refus Yesh Gvul ( »Il y a une limite »), qui a été fondé pendant cette guerre.
Tout comme la conscription dans les forces régulières à l'âge de 18 ans, il est obligatoire pour les Israéliens de servir dans les réserves lorsqu'ils sont convoqués jusqu'à l'âge de 40 ans (bien que cette période puisse varier en fonction du grade et de l'unité). En temps de guerre, l'armée dépend fortement de ces forces.
Au début de la guerre, l'armée a déclaré avoir recruté environ 295 000 réservistes en plus des quelque 100 000 soldats en service régulier. Si les rapports faisant état d'un taux de participation de 50 à 60 % dans les réserves sont exacts, cela signifie que plus de 100 000 personnes ont cessé de se présenter au service de réserve. « C'est un chiffre énorme », a fait remarquer M. Menuchin. « Cela signifie que le gouvernement aura des difficultés à poursuivre la guerre.
Le 7 octobre a d'abord créé un sentiment de « Ensemble, nous vaincrons », mais ce sentiment s'est maintenant érodé », a déclaré Tom Mehager, un activiste qui a refusé de servir pendant la deuxième Intifada et qui gère aujourd'hui une page sur les réseaux sociaux où sont diffusées des vidéos d'anciens refusant d'accomplir leur devoir, expliquant leur décision. « Pour attaquer Gaza, trois avions suffisent, mais le refus continue de tracer des lignes rouges. Il oblige le système à comprendre les limites de son pouvoir ».
« Jour après jour, je relève des déclarations de refus »
La majorité de celles et ceux qui défient les ordres d'enrôlement semblent être ce que l'on appelle des « réfractaires gris », c'est-à-dire des personnes qui n'ont pas d'objection idéologique réelle à la guerre, mais qui sont plutôt démoralisées, fatiguées ou lassées qu'elle dure depuis si longtemps. À côté d'elles, une petite minorité de réservistes, qui ne cesse de croître, refuse de s'engager pour des raisons éthiques.
Selon Menuchin, Yesh Gvul a été en contact avec plus de 150 réfractaires idéologiques depuis octobre 2023, tandis que New Profile, une autre organisation soutenant les « refuzniks », a traité plusieurs centaines de cas de ce type. Mais alors que les adolescents qui refusent l'enrôlement obligatoire pour des raisons idéologiques sont passibles de peines de prison de plusieurs mois, Menuchin n'a connaissance que d'un seul réserviste qui a été puni pour son récent refus – recevant une peine de deux semaines de mise à l'épreuve.
« Ils ont peur de mettre les réfractaires en prison, car cela pourrait enterrer le modèle de l'armée populaire », explique-t-il. « Le gouvernement le comprend et n'insiste donc pas trop ; il se contente de renvoyer quelques réservistes de l'armée, comme si cela allait résoudre le problème.

Par conséquent, Menuchin estime qu'il est difficile d'estimer l'ampleur réelle de ce phénomène. « Pendant la guerre du Liban, nous avons estimé que pour chaque réfractaire qui allait en prison, il y avait huit à dix autres réfractaires idéologiques », explique-t-il. « Ainsi, si 150 ou 160 personnes ont déclaré qu'elles n'iraient pas à l'armée pour des raisons idéologiques, il est raisonnable d'estimer qu'il y a au moins 1 500 réfractaires idéologiques. Et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg [étant donné le nombre bien plus important de réfractaires non idéologiques] ».
Cependant, selon Yuval Green – qui a refusé de poursuivre son service à Gaza après avoir désobéi à l'ordre de mettre le feu à une maison palestinienne, et qui dirige aujourd'hui un mouvement anti-guerre appelé « Soldats pour les otages », dont 220 réservistes ont signé la déclaration de refus – cette catégorisation binaire ne dit pas tout.
« Il y a de plus en plus de gens qui ne se soucient pas nécessairement des Palestiniens, mais qui ne se sentent plus en paix avec les objectifs de la guerre », explique-t-il. C'est ce que j'appelle le « refus idéologique gris ». Je n'ai aucun moyen de savoir combien ils sont, mais je suis sûr qu'ils sont nombreux.
« Dans le passé, les gens que je connaissais étaient vraiment en colère contre moi [pour avoir appelé au refus] », a poursuivi M. Green. « Aujourd'hui, je sens beaucoup plus de compréhension. Nous sommes devenus plus pertinents pour eux. Les médias nous couvrent ; nous avons été invités sur Channel 13 et Channel 11. Jour après jour, je vois des déclarations de refus ».
Les exemples récents abondent. La semaine dernière, Haaretz a publié une tribune de la mère d'un soldat qui déclarait : « Nos enfants ne se battront pas dans une guerre messianique de choix ». Un autre article d'opinion publié dans le même journal par un soldat anonyme déclarait : « La guerre actuelle à Gaza vise à acheter la stabilité politique avec du sang. Je n'y participerai pas ».
D'autres sont moins explicites, mais l'effet est similaire. Dans une interview récente, l'ancien juge de la Cour suprême, Ayala Procaccia, n'a pas approuvé le refus de s'enrôler, mais a appelé à la « désobéissance civile ». Le 10 avril, près de 1 000 réservistes de l'armée de l'air ont publié une lettre ouverte exigeant un accord sur les otages qui mettrait fin à la guerre ; ils ont rapidement été rejoints par des centaines de réservistes de la marine et de l'unité 8200, l'unité d'élite des services de renseignement. Le Premier ministre Netanyahou a répondu : « Le refus est un refus, même s'il est dit implicitement et dans un langage euphémisé ».

« La légitimité du régime est en danger »
Yael Berda, sociologue à l'Université hébraïque et militante de gauche, explique que le déclin dans le choix de se présenter pour le service de réserve découle avant tout de préoccupations économiques. Elle se réfère à une enquête récente de l'Office israélien de l'emploi, selon laquelle 48 % des réservistes ont déclaré avoir subi une perte importante de revenus depuis le 7 octobre, et 41 % ont déclaré avoir été licenciés ou contraints de quitter leur emploi en raison de périodes prolongées passées dans la réserve.
Menuchin considère aussi que les facteurs économiques jouent un rôle important, mais propose une explication supplémentaire : « Les Israéliens ne veulent pas avoir l'impression d'être des pigeons, et ils en sont maintenant à un point où ils ont l'impression d'être exploités. Ils voient d'autres personnes bénéficier d'exemptions, et ils parient que si quelque chose leur arrive, personne ne les soutiendra, eux ou leur famille. Il y a un sentiment d'abandon : ils voient les familles des otages faire du crowdfunding pour survivre. En fin de compte, l'État n'est pas vraiment là, et de plus en plus d'Israéliens s'en rendent compte. »
« Il y a beaucoup de désespoir », poursuit Menuchin. « Les gens ne savent pas où ils vont. On voit la ruée vers les passeports étrangers – même avant le 7 octobre – et la recherche de ‘meilleurs' endroits où émigrer. Les gens se replient de plus en plus sur leurs propres intérêts. Et surtout, on ne ramène pas les otages ».
En ce qui concerne le refus idéologique, Mme Berda identifie plusieurs catégories. Un type de refus découle de « ce que j'ai vu à Gaza », mais il s'agit d'une minorité », explique-t-elle. « Un autre type de refus est la perte de confiance dans les dirigeants, en particulier lorsque le gouvernement n'a pas fait tout ce qui était en son pouvoir pour ramener les otages. Il y a un écart intolérable entre ce que le gouvernement a dit qu'il faisait et ce qu'il a réellement fait. Ce décalage entraîne une perte de confiance de la part des citoyens ».
Une autre catégorie, poursuit Berda, est le « dégoût pour le discours du sacrifice » promu par l'extrême droite religieuse, dirigée par des personnalités comme Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich. « Il s'agit d'une sorte de réaction contre le discours des colons qui dit qu'il est bon de sacrifier sa vie pour quelque chose de plus grand », explique Berda. Les gens réagissent à l'idée que la collectivité est plus importante que l'individu en disant : « Les objectifs de l'État sont importants, mais j'ai ma propre vie ».
Tout en notant que les menaces de refus représentaient une part importante des protestations antigouvernementales de 2023, Berda affirme que « maintenant, après l'effondrement du cessez-le-feu, on peut dire que l'ensemble du mouvement de protestation s'oppose à la poursuite de la guerre au motif qu'il s'agit de la guerre de M. Netanyahou. C'est vraiment nouveau ; il n'y a jamais eu une telle rupture, où la légitimité du régime est en danger. »
« En 1973, ils disaient que Golda [Meir] était incompétente, qu'elle faisait des erreurs, mais personne ne doutait de sa loyauté », poursuit Berda. « Pendant la première guerre du Liban, des doutes ont été émis quant à la loyauté d'Ariel Sharon et de Menachem Begin, mais c'était marginal. Aujourd'hui, surtout à la lumière de l'affaire du « Qatargate », les gens sont convaincus que Netanyahou est prêt à détruire l'État pour son profit personnel.
Néanmoins, la vague de refus et de non-participation n'a pas encore mis l'armée à genoux. Les gens disent : « Il y a le gouvernement et il y a l'État », explique Berda. « Ces gens continuent d'aller servir parce qu'ils s'accrochent à l'État et à ses institutions de sécurité, car s'ils n'y croient plus, ils n'auront plus rien ».
« Le public comprend que dès que la confiance dans l'armée est rompue, l'histoire est terminée – et c'est effrayant », poursuit-elle. « Ils ont peur d'être impliqués dans la chute de l'armée, car cela les rendrait complices. Bibi oblige les Israéliens à faire |ce qu'ils considèrent comme] un choix terrible. Quoi que vous fassiez, vous serez complices d'un crime : soit le crime de génocide, soit le crime de démantèlement de l'État ».
Une version de cet article a d'abord été publiée en hébreu sur Local Call. Lisez-le ici.
Traduction : SD pour l'Agence Média Palestine
Source : +972 Magazine
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La guerre commerciale de Trump et les travailleur·ses canadien·nes

Les tarifs douaniers de 25 % imposés aux exportations du Canada et du Mexique par l'administration américaine de Donald Trump à compter du 4 mars (à l'exception des tarifs de 10 % pour le pétrole et le gaz et la potasse canadiens) constituent une attaque agressive contre les moyens de subsistance des travailleur·ses canadien·nes et une menace pour la survie d'industries clés au Canada.
Tiré de Inprecor
9 avril 2025
Par Socialist Project
Frontière entre la Canada et les États-Unis. © P. Hughes – CC BY-SA 4.0, détail
Trump a reporté une partie des droits de douane sur l'automobile et d'autres tarifs dans les secteurs couverts par le traité commercial États-Unis-Mexique-Canada (USMCA) conclu entre les trois pays (environ 40 % des exportations canadiennes vers les États-Unis), les droits de douane sur l'automobile étant prévus pour le 2 avril, mais il a menacé de poursuivre avec d'autres. D'autres droits de douane sur l'aluminium et l'acier (au-delà du niveau de 25 %) ont été menacés d'atteindre 50 %, et Trump a également menacé de « fermer » l'industrie automobile canadienne.
Trump a fait des allers-retours pour augmenter les niveaux des droits de douane et élargir leur champ d'application, tenant les travailleurs canadiens au dépourvu et poussant les gouvernements canadiens à faire des allers-retours pour tenter de suivre le mouvement.
Le gouvernement fédéral canadien a répondu par des contre-tarifs de 30 milliards de dollars sur les importations en provenance des États-Unis le même jour et a rapidement mis en œuvre un plan frontalier pour surveiller davantage la frontière américano-canadienne, notamment pour limiter le commerce quasi inexistant de fentanyl en provenance du Canada (surtout si on le compare à la contrebande de drogues et d'armes à feu au Canada en provenance des États-Unis), et le volume tout aussi faible de l'immigration transfrontalière « illégale » vers les États-Unis. L'administration Trump utilise froidement les droits de douane pour obtenir d'autres concessions de l'État canadien - accès aux terres rares au Canada, militarisation de l'Arctique et des eaux côtières dans le cadre d'une nouvelle barricade de la Forteresse Amérique du Nord, augmentation des dépenses militaires canadiennes et réouverture de projets de détournement d'eau transfrontaliers de longue date.
Une attaque brutale contre des dizaines de milliers de travailleur·ses
Les droits de douane constituent une attaque inattendue et brutale contre des dizaines de milliers de travailleurs dans des secteurs tels que l'automobile, l'acier, l'aluminium et les ressources naturelles au Canada. Les droits de douane touchent particulièrement les travailleurs qualifiés dans certains des secteurs les plus avancés de l'économie, mais ils frapperont aussi rapidement les sections de la classe ouvrière les plus précaires et les plus vulnérables aux ralentissements économiques. Plusieurs estimations suggèrent que les politiques tarifaires de Trump pourraient affecter des millions de travailleurs et leurs communautés, alors que des secteurs manufacturiers clés sont menacés de perdre des marchés d'exportation dans les secteurs de l'automobile et de l'acier en Ontario, les travailleurs de l'aluminium au Québec, et les exportations de produits agricoles et de ressources dans l'Ouest et les provinces atlantiques du Canada.
La menace et l'impact de la guerre tarifaire menée par les États-Unis sont immédiats. Elle peut facilement dégénérer en cycles de représailles punitives (avec l'avantage politique écrasant du côté de la puissance dominante), les travailleurs des deux côtés de la frontière subissant les conséquences des bouleversements économiques. Le défi est plus profond et plus important pour le Canada et les travailleurs canadiens. Il est ancré dans la manière dont le capitalisme et l'État canadiens ont évolué, avec l'adoption stratégique (ou « acte de foi », comme on l'appelait autrefois) d'une intégration profonde avec les États-Unis par le biais d'une série d'accords de libre-échange (ALE) à partir de 1989, qui promettaient un « accès sûr » au marché américain, ainsi qu'une croissance économique et une prospérité libérées des craintes du protectionnisme américain. Les accords de libre-échange nord-américains (ALE, étendus au Mexique en 1994) n'ont rien apporté de tout cela.
Les ALE ont été associés aux autres attaques néolibérales contre les droits des travailleurs, à la privatisation et à la déréglementation des services et institutions publics, notamment l'éducation, les soins de santé et le logement, aux changements apportés à l'État pour faciliter le profit et la compétitivité des entreprises et à l'intensification de la dépendance de la classe ouvrière à l'égard de ses employeurs.
Les capitalistes canadiens (unifiés à l'exception de quelques dissidents) ont conduit et vendu le libre-échange, face au tollé général provoqué par une large coalition menée par les syndicats et les militants du mouvement social. Bien qu'une majorité d'électeurs ait voté contre l'idée du libre-échange avec les États-Unis lors des élections fédérales de 1988, la structure du système électoral uninominal canadien a donné une majorité aux conservateurs dirigés par Brian Mulroney, qui ont négocié le premier accord de libre-échange entre les États-Unis et le Canada.
Le libre-échange fait partie intégrante du régime politique avec lequel nous vivons depuis quatre décennies : dépendance à l'égard des exportations, austérité, coupes dans les principaux programmes sociaux, attaques contre les syndicats et les travailleurs, droits des investisseurs et des capitaux à se déplacer où bon leur semble, réglementation environnementale via les marchés, et autres mesures libéralisant les marchés capitalistes afin d'approfondir l'intégration du Canada dans le marché mondial sous la houlette de l'empire des États-Unis. Alors que d'autres centres capitalistes sont également intégrés dans la matrice de l'empire étatsunien, le Canada est un pays capitaliste qui entreprend ses propres programmes impérialistes, notamment dans les secteurs extractifs où le capital canadien s'appuie sur l'histoire de l'exploitation des peuples autochtones, ainsi que dans les activités internationales des banques canadiennes. Ce qui est unique dans l'intégration de l'État et du capital canadiens, c'est le niveau d'intégration et de dépendance à l'égard des États-Unis. Le Canada est plus profondément intégré aux marchés capitalistes américains, aux chaînes d'approvisionnement, à la politique économique et aux cadres réglementaires, et il est l'allié le plus fidèle de l'empire des États-Unis en matière de politique militaire et étrangère.
Les droits des travailleurs requièrent une souveraineté démocratique
Les luttes des travailleurs canadiens - au Canada anglais, au Québec et chez les Peuples autochtones - pour contester l'austérité et lutter pour une société socialement juste et écologiquement responsable nécessitent le pouvoir de prendre des décisions politiques et économiques, qui est aujourd'hui limité par l'intégration et la dépendance du capital canadien à l'égard de l'empire des États-Unis. La vulnérabilité des travailleurs canadiens face aux caprices de Trump le démontre très clairement. Mais il ne s'agit pas de « stades » de développement menant à la création d'une classe capitaliste nationale indépendante. Nous devons lutter pour nous « déconnecter » des États-Unis, dans le sens de la construction de l'autonomie internationale et politique nécessaire pour prendre des décisions alternatives en matière de développement et de démocratie, tout en construisant l'identité, la compréhension et le pouvoir d'organisation et de lutte de la classe ouvrière.
Les différentes composantes de la classe capitaliste canadienne n'ont aucun désir de rompre avec cette dépendance et cette intégration, et moins d'intérêt à remettre en cause le néolibéralisme. Au contraire, la majeure partie de la classe d'affaires de ce pays aspire à une forme de « statu quo ante », pour faire tomber les barrières à l'intégration avec les États-Unis que Trump a érigées. Ce n'est guère plus qu'un redoublement de l'« acte de foi » visant à garantir l'accès aux marchés des États-Unis sans protectionnisme américain et sans exigences politiques et militaires à l'égard du Canada. D'autres sections de l'élite politique et économique ont proposé de passer à une dépendance commerciale et d'exportation vis-à-vis d'un groupe plus large de pays, ce qui permet en partie d'adopter des attaques plus profondes contre les revenus de la classe ouvrière et les protections sociales au nom de la compétitivité canadienne.
Certains militants progressistes au Canada partent d'un souci de nationalisme, craignant que la remise en cause de l'intégration à l'empire des États-Unis ne conduise inévitablement ou n'implique une alliance avec les intérêts commerciaux et une soumission à ces derniers. Mais on peut difficilement qualifier d'alliance avec le capital le fait de travailler à la construction d'un mouvement visant à contester démocratiquement et à supprimer les principaux obstacles à la prise de décisions concernant l'économie et le système politique canadiens. En effet, tout mouvement visant à remettre directement en question l'intégration du Canada aux États-Unis est un anathème pour toutes les sections du capital, qu'il s'agisse d'une propriété légale canadienne formelle ou d'un contrôle étranger.
Il est également problématique de considérer que les luttes pour réformer et (et finalement transformer) l'État, pour limiter notre intégration et notre dépendance, empêchent d'une manière ou d'une autre de lutter pour les principales revendications de la classe ouvrière qui nécessitent également des réformes de l'État. Plutôt que de s'opposer, ces luttes doivent être menées sur les deux fronts. Revendiquer les droits des travailleurs canadiens et des mouvements populaires à façonner les décisions sur l'orientation politique du Canada n'est pas une approbation de notre dépendance à l'égard des entreprises, c'est une revendication anticapitaliste initiale pour la démocratie économique et le contrôle du capital sur les lieux de travail et dans les communautés, tout comme l'obtention de réformes pour l'expansion et la démarchandisation de l'aide sociale afin de réduire la dépendance à l'égard du marché.
Une vision différente, de nouvelles possibilités
Nous avons une vision du développement, de la démocratie et du rôle des classes laborieuses différente de celle des capitalistes et des élites politiques des États-Unis et du Canada. Pour poursuivre un tel programme au Canada, la relation actuelle avec les États-Unis constitue un obstacle qui va au-delà de l'intimidation autoritaire de l'administration Trump. Pour surmonter cet obstacle, il faudra restructurer le plus largement possible les priorités en matière de commerce, de développement et d'environnement, en répondant aux besoins de la classe ouvrière et en intégrant les points de vue et les ambitions du Québec et des Peuples autochtones.
Pour ce faire, il faudra développer des capacités de planification et de coordination démocratiques, procéder aux changements structurels qui le permettront et mener des luttes sociales contre les élites économiques et politiques canadiennes sur les valeurs et les objectifs pour lesquels nous nous battons. La lutte pour transformer la société et le rôle de la classe ouvrière consiste également à lutter pour développer notre capacité collective à prendre des décisions collectives. Nous réclamons les mesures suivantes :
• Le Canada doit riposter de manière équivalente à toutes les extorsions tarifaires de Trump et rompre la guerre commerciale de type « appauvrir son voisin » que les États-Unis ont déclenchée, en reconnaissant qu'une telle guerre génère des coûts énormes pour les travailleurs canadiens, américains et mexicains, ainsi que pour leurs communautés.
• L'investissement est essentiel pour protéger les travailleurs et les communautés menacés et affectés par la guerre tarifaire, tout comme le soutien aux travailleurs qui résistent aux tarifs douaniers et aux menaces qui pèsent sur leurs moyens de subsistance et leurs secteurs. L'assurance chômage et les autres programmes de soutien aux revenus doivent être étendus immédiatement pour protéger les travailleurs vulnérables.
• Les travailleurs des secteurs menacés possèdent des compétences essentielles et les communautés ne peuvent pas se permettre de les perdre. Les lieux de travail et les usines sont des ressources essentielles qui doivent rester ouvertes, produire pour des utilisations respectueuses de l'environnement, être façonnées par les travailleurs et les communautés, et appartenir au secteur public.
• Il est essentiel de se désengager des efforts militaires déployés par les États-Unis pour s'étendre dans l'Arctique, tout comme il est essentiel de se retirer de tout engagement d'augmentation des dépenses militaires au sein de l'OTAN.
• Le Canada doit cesser de dépendre des exportations, en particulier des exportations de ressources naturelles, et s'orienter vers une économie davantage tournée vers l'intérieur, compatible avec les exigences d'une production respectueuse de l'environnement. Le développement des ressources naturelles doit tenir compte de la nécessité de prévenir le changement climatique et de respecter et promouvoir les droits et les besoins des peuples indigènes du Canada.
• Les efforts de reconstruction de l'économie canadienne doivent être ancrés dans une stratégie fondée sur la propriété publique et donner la priorité à la satisfaction des besoins humains, au développement social, à l'emploi de qualité et à la réduction des gaz à effet de serre.
• Le Canada doit défendre, combattre et organiser une économie dirigée par la classe ouvrière qui réclame les droits des travailleurs et des syndicats, le logement, l'éducation, les soins de santé et le pouvoir démocratique de façonner une démocratie et une économie différentes de celles que nous connaissons aujourd'hui.
• Le Canada doit rejeter les relations inégales et néocoloniales avec le Mexique et les autres pays d'Amérique latine et des Caraïbes et développer des relations commerciales et économiques mutuellement bénéfiques avec les pays du Sud, en reconnaissant la responsabilité du Canada de les aider à faire face au changement climatique et au développement.
En tant que socialistes, nous cherchons à construire une alternative à la société capitaliste qui a le pouvoir de prendre des décisions politiques et économiques, dans une société démocratique, organisée et dirigée par la classe ouvrière. La crise actuelle nous donne l'occasion de soulever ces questions. Les Canadiens progressistes, les travailleurs préoccupés par leur emploi, l'avenir de l'économie, de l'environnement, de leurs enfants et de leurs familles, et les autres personnes préoccupées par leur emploi, ainsi que les communautés en général, doivent s'engager dans des discussions sur la façon d'aller de l'avant en cette période dangereuse et de retrouver nos ambitions sociales pour une politique pacifique, égalitaire et écologiquement responsable, faite de potentiels et de possibilités.
Source The Bullet, 14 mars 2025
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Les contrats fermés en immigration temporaire, un tabou politique

« Cachez ce sein que je ne saurais voir », c'est cette réplique tirée d'une pièce de Molière qui vient à l'esprit tant l'hypocrisie est grande et généralisée concernant les contrats fermés en immigration temporaire au Québec.
Ce type d'importation de main d'œuvre étrangère est une honte. Par deux fois, un rapporteur de l'ONU les a assimilé à de l'esclavage moderne. En début d'année, c'était au tour d'Amnistie Internationale à tirer la sonnette d'alarme. Les contrats fermés ont beau représenter la catégorie d'immigration temporaire la plus importante au cours de deux dernières années, on fait comme s'ils n'existaient pas. Pire, François Legault s'est même permis récemment d'alléger considérablement la pénalité pour les employeurs trouvés coupables d'abus. Pourtant, le thème de l'immigration est sur beaucoup de lèvres et risque de prendre une grande place lors de la prochaine campagne électorale.
Les contrats fermés existent depuis longtemps. Au début, ils concernaient surtout les travailleurs agricoles saisonniers. Aujourd'hui, il y a un volet pour les postes à haut salaire et un pour les bas salaires. Après la pandémie, les gouvernements en ont facilité l'utilisation, surtout pour les postes à bas salaire. Par exemple, pour plus de 200 occupations, les employeurs n'étaient plus tenus de démontrer leur incapacité à dénicher de la main d'œuvre locale et le plafond de la proportion des travailleurs étrangers qu'un employeur pouvait embaucher a été augmenté. Résultat, les employeurs se sont littéralement rués vers ce type de main d'œuvre qui est passée de marginale à championne toute catégorie en terme d'augmentation. Comme le disait François Legault à l'Assemblée Nationale avant les Fêtes, « En 2 ans, le nombre d'immigrés temporaires a doublé au Québec passant de 300 à 600 000". Les contrats fermés sont issus de deux programmes : celui des travailleurs étrangers temporaires (PTET, juridiction provinciale) et celui des PMI (programme mobilité internationale, juridiction fédérale). Il n'y a pas de chiffres concernant le nombre de contrats fermés mais 100% des PTET en sont et au niveau des PMI, ils constituent 30% du total. À partir de là, on peut calculer qu'en 2023 et 2024, c'est respectivement 82 081 et 79 867 contrats fermés qui ont été accordés. Des chiffres supérieurs aux autres catégories d'immigrés temporaires (étudiants étrangers et demandeurs d'asile).
Évidemment, on parle ad nauseam de pénurie de main d'œuvre pour justifier ce recours massif au cheap labor. On fait ainsi la part belle aux employeurs qui, bien sûr, ont l'intérêt de leurs employé(e)s bien à cœur. C'est oublier bien vite que la disponibilité d'une main d'œuvre docile est bien tentante et que dans ce registre, rien de mieux que des employé(e)s qui ont le choix entre accepter leur sort sans se plaindre ou retourner dans leur pays. Ces contrats fermés ne sont rien de moins qu'une invitation aux abus de toutes sortes. Le Devoir du 9 avril nous apprenait l'existence d'une agence qui envoyait une cinquantaine de travailleurs étrangers dans d'autres entreprises un peu partout au Québec. Le propriétaire de l'agence s'exprimait ainsi : « Les employés sont à nous… ». Le pire dans ce type de contrat est qu'un grand nombre d'abusé(e)s acceptent leur sort sans même rechigner, le percevant comme un mauvais moment à passer avant d'atteindre l'objectif ultime : la naturalisation.
Mais parlons de pénurie de main d'œuvre. Lors d'une présentation au début du mois de décembre organisée par le Mouvement Démocratie et Souveraineté, l'économiste Pierre Fortin remettait en question quelques idées reçues concernant le lien entre immigration et disponibilité de main d'œuvre. Depuis longtemps, on nous répète ad nauseam qu'il y a pénurie de main d'œuvre justifiant ainsi l'importation de main d'œuvre étrangère. Pour Pierre Fortin, ce lien est en bonne partie faux. S'il est vrai que la main d'œuvre étrangère comble des postes, elle a aussi pour effet de créer des manques dans des secteurs reliés principalement à l'accroissement de l'économie consécutive à l'augmentation de la population. Concernant l'immigration temporaire à bas salaire, M. Fortin souligne un effet pervers soit que ça devient une solution de facilité pour les employeurs. Ainsi, plutôt que d'améliorer les conditions de travail ou encore innover technologiquement, l'importation d'une main d'œuvre corvéable à souhait devient le remède miracle. La pénurie de main d'œuvre a le dos large ! Dans les faits, il s'agit d'une pression générale à la baisse sur les conditions de travail.
Pour les employeurs, cette main d'œuvre docile devient comme une drogue. On peut déjà le constater puisque devant le questionnement généralisé concernant le nombre élevé d'immigrant(e)s (réserves exprimées par les banques et même par QS au niveau politique), les gouvernements ont commencé à resserrer les critères. Depuis ce temps, il ne se passe pas une semaine sans que les journaux ne fassent état d'un employeur menacé de quasi-fermeture si les gouvernements ne reviennent pas sur leurs décisions. Lors de sa présentation, Pierre Fortin n'y est pas allé par quatre chemins : « Il faut remettre les milieux d'affaire à leur place ». Venant d'un économiste réputé proche de ces milieux, cette remarque a valeur de symbole. Avec les contrats fermés, on a affaire au noyau dur de l'immigration temporaire. Il s'agit d'une bombe à retardement d'autant plus qu'il s'agit d'un sujet tabou parce qu'il met en jeu les intérêts des chouchous de nos gouvernements et médias : le patronat.
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J’accuse les médias québécois

Depuis son apparition sur la scène politique, Donald Trump monopolise l'attention des médias à travers le monde. Au Québec, cette obsession atteint un niveau tel que les nouvelles locales, pourtant cruciales, sont reléguées au second plan. Ses moindres faits et gestes, ses paroles les plus insignifiantes, sont rapportés en boucle, à toute heure du jour. Depuis son retour sous les projecteurs, pas une journée ne passe sans que les médias nous bombardent de « Donald Trump ceci, Donald Trump cela ».
Rémi Christin-Dansereau, étudiant au collège Ahuntsic
Un impact sur l'engagement citoyen ?
Ce phénomène n'est pas anodin. La surcharge d'informations liée au président américain détourne l'attention des Québécois et Québécoises des enjeux qui les touchent pourtant directement.
Qu'on nous informe sur les décisions du président d'une puissance mondiale, soit. Mais faut-il pour autant le faire au détriment des enjeux qui concernent directement les Québécois et Québécoises ? Ces dernières semaines, une série de projets de loi et de décisions polarisantes du gouvernement de la CAQ est passée presque inaperçue dans l'espace médiatique. Notamment :
• Les projets de loi 81 et Stablex (93) qui sont des catastrophes environnementales.
• Le projet de loi 89 qui constitue une attaque directe contre le droit fondamental de grève.
• Le projet de loi 69 qui pourrait faire exploser la facture d'électricité des Québécois et Québécoises et ouvrir la porte à la privatisation de l'électricité.
• L'appauvrissement des étudiants et étudiantes par la suppression des bourses Perspectives.
Ces projets de loi auront des conséquences graves sur le plan social, environnemental et économique. Pire encore, l'utilisation répétée dans les dernières années de l'adoption de lois sous bâillon est une atteinte claire aux principes démocratiques. Ces décisions mériteraient d'être débattues, dénoncées, mises en lumière. Pourtant, l'espace médiatique québécois semble préférer s'attarder sur chaque frasque de Trump plutôt que de nous informer adéquatement sur ces enjeux essentiels. Comment la population peut-elle se positionner par rapport à des projets de lois sur lesquels elle n'est pas informée ?
Pourquoi cette fixation sur Trump ? Serait-ce parce qu'il génère des côtes d'écoute ? La menace des tarifs douaniers expliquent sans doute en partie qu'on parle autant du président américain. Bien que ce soit important, cette sureprésentation de Trump dans les médias existait bien avant l'enjeu des tarifs douaniers. Et ça ne justifie en rien que ce soit pratiquement la seule nouvelle. Quoi qu'il en soit, en détournant notre attention des débats fondamentaux, les médias québécois se rendent complices d'un gouvernement qui gouverne en douce, sans réelle opposition populaire. Faillir à informer, c'est faillir à leur mission première.
Où est le quatrième pouvoir ?
Le gouvernement Legault à la fâcheuse habitude de manquer de transparence et de ne pas consulter la population. Par exemple, depuis des mois, plus de 100 groupes de la société civile réclament un débat public sur l'avenir de l'énergie au Québec, sans succès. De plus, les projets de loi cités ci-dessus reposent sur des orientations qui n'ont jamais été débattues. Jamais la CAQ n'en a parlé pendant la dernière campagne électorale. Devant cette situation, il est d'autant plus crucial que les médias jouent leur rôle de garde-fou de la démocratie.
Pour y parvenir, ils doivent cesser d'agir en chroniqueurs de télé-réalité américaine et redevenir des journalistes engagés dans les enjeux qui touchent leur propre peuple. Il est temps qu'ils reprennent leur place, avant que l'on ne perde la nôtre.
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Enquêtes aux cégeps Dawson et Vanier : Une déformation du concept d’antisémitisme

Les signataires prennent la plume pour demander la démission de la ministre Pascale Déry et la fin des enquêtes à propos des cégeps Vanier et Dawson (1).
Nous nous exprimons en tant que professeures et professeurs juives et juifs enseignant dans les universités et les cégeps du Québec.
En décembre 2024, Pascale Déry, la ministre de l'Enseignement supérieur, a annoncé la tenue d'une enquête sur le climat politique qui règne dans les cégeps Dawson et Vanier, prenant par surprise les administrations des deux cégeps. Les seuls motifs invoqués par Mme Déry pour justifier cette enquête sans précédent sont des plaintes confidentielles d'étudiantes et étudiants dont nul, en dehors du ministère, n'a eu connaissance parce qu'elles n'ont pas été transmises par les canaux habituels.
Le Centre pour les affaires juives et israéliennes (CIJA), un groupe de pression pro-israélien dont Mme Déry a été membre du conseil d'administration de 2016 à 2022, s'est ouvertement attribué le mérite d'avoir mobilisé ces plaintes et d'avoir fait pression sur Mme Déry pour qu'elle y donne suite.
Des journalistes ont également découvert récemment que Mme Déry avait convoqué les directeurs généraux des cégeps Dawson et Vanier afin d'exiger qu'ils justifient le contenu de deux cours de littérature en particulier, au motif qu'ils présentaient des auteurs palestiniens.
Cela constitue un écart choquant au regard des procédures en vigueur et une violation flagrante des principes du gouvernement en matière de liberté d'enseignement. Ces interventions inappropriées, tout comme l'enquête lancée par Mme Déry en décembre, semblent destinées à faire taire les voix palestiniennes, à étouffer les discussions sur la Palestine dans les salles de classe et, en général, à intimider les enseignants et les étudiants – dont plusieurs sont juives et juifs – qui soutiennent les droits de la personne des Palestiniens.
Une expression de solidarité
En tant que professeurs juives et juifs, nous sommes persuadés que les étudiants juives et juifs ne sont pas menacés par la lecture d'auteurs palestiniens. Leur sécurité n'est pas non plus mise en danger par une quelconque expression de solidarité avec la Palestine, alors même que les principales organisations de défense des droits de la personne, telles qu'Amnistie internationale et Human Rights Watch, qualifient les actions d'Israël à Gaza de génocide.
Soutenir les droits de la personne des Palestiniens ne peut et ne doit pas être considéré comme un acte antisémite, et nous sommes plus qu'inquiets de voir le concept d'antisémitisme déformé dans le but d'attaquer la liberté d'enseignement et de décourager les protestations politiques. Nous considérons que ces mesures représentent une menace pour la lutte contre un antisémitisme avéré dans la province.
Les actions de la ministre Déry démontrent qu'elle n'est pas apte à occuper le poste de ministre de l'Enseignement supérieur. Par conséquent, nous demandons sa démission immédiate. De plus, nous demandons au gouvernement du Québec de mettre fin immédiatement aux enquêtes diligentées aux cégeps Vanier et Dawson et de s'engager à respecter la liberté d'enseignement des enseignants ainsi que la liberté d'expression des étudiants dans les cégeps et les universités de la province. Enfin, en tant que professeurs juives et juifs, nous exigeons que le ministère cesse d'instrumentaliser l'antisémitisme afin de justifier les attaques contre les Palestiniens et leurs alliés au Québec.
*Cosignataires : Michael Blum, UQAM ; Noah Brender, cégep Dawson ; Yakov Rabkin, Université de Montréal ; Itay Sapir, UQAM ; Katherine Zien, Université McGill ; Meir Amor, Université Concordia (retraité) ; Jessica Andrews, cégep Vanier ; Shira Avni, Université Concordia ; Stephen Block, cégep Vanier ; Danielle Bobker, Université Concordia ; Lara Braitstein, Université McGill ; Rachel Deutsch, cégep Dawson ; Robyn Diner, cégep Vanier ; Maryann Farkas, cégep Dawson (retraitée) ; Aurora Flewwelling-Skup, cégep Vanier ; Katherine Frohlich, Université de Montréal ; Jeffrey Gandell, cégep Dawson ; Avi Goldberg, cégep Vanier ; Kevin A. Gould, Université Concordia ; Greta Hofmann Nemiroff, cégep Dawson (retraitée) ; Sara Louise Kendall, cégep Dawson ; Natalie Kouri-Towe, Université Concordia ; Alyssa Kuzmarov, cégep Dawson ; Alissa Levine, Université McGill ; Eric Lewis, Université McGill ; Simone Lucas, Université Concordia ; David Mandel, UQAM (retraité) ; Alexander Manshel, Université McGill ; Nadia Moss, cégep Dawson ; Magdalena Olszanowski, cégep Dawson ; Ara Osterweil, Université McGill ; Joseph Rosen, cégep Dawson ; Aron Lee Rosenberg, Université McGill ; Steven Schnoor, Université Concordia ; Daniel Schwartz, Université McGill ; Eric Shragge, Université Concordia (retraité) ; Daniel Skup, Université de Montréal (retraité) ; Marc Steinberg, Université Concordia ; Jeremy Stolow, Université Concordia ; Mark Sussman, Université Concordia ; Yves Winter, Université McGill ; Anya Zilberstein, Université Concordia
Notes
1. Lisez « Enquête visant des cégeps montréalais – Des enseignants dénoncent “un abus de pouvoir” de Québec »
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9e Semaine de l’alphabétisation populaire : 12 804 signatures pour la déclaration Traversons l’écran : pour que l’humain demeure au cœur des services publics

Québec, le 9 avril 2025 — « Ding ! » Après plusieurs mois à récolter sur le terrain des milliers de signatures, et à l'occasion de la 9e Semaine de l'alphabétisation populaire (SAP), le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec (RGPAQ) et ses alliés déposent aujourd'hui au gouvernement du Québec la déclaration Traversons l'écran : pour que l'humain demeure au cœur des services publics.
« Jusqu'à présent le gouvernement entamait sa transformation numérique de manière opaque. Mais, l'effet domino suscité par la sortie du rapport de la vérificatrice générale sur SAAQclic a levé le voile sur les ratés de cette transformation. » constate Martine Fillion, présidente du RGPAQ.
« Notre regroupement, ses membres et ses alliés n'ont pas attendu ce fiasco pour s'inquiéter. »
Depuis plusieurs années, l'alerte a été lancée sur les conséquences de la transformation numérique sur la population québécoise, et ce n'est pas une fatalité, il y a des solutions à mettre en place. Le RGPAQ, 328 organisations et 12 476 personnes signataires revendiquent le maintien des services en personne ; la conservation d'alternatives au numérique, accessibles et de qualité ; l'amélioration de l'accès aux technologies ; et la mise en place de mesures pour favoriser les apprentissages tout au long de la vie.
Sans cela, le quotidien de nombreuses personnes restera constamment semé d'embûches, parfois lourdes de conséquences : rendez-vous médicaux non pris, démarches administratives inaccessibles, services non réclamés, etc. Réjean Falardeau, membre du comité des participants et participantes du RGPAQ, en témoigne : « Pour le loyer, mon propriétaire voulait me l'augmenter. J'ai voulu contester, mais c'était sur Internet. J'ai demandé à mon groupe d'alphabétisation de m'aider. Sans eux, je ne sais pas comment j'aurai fait… »
«
Au Québec, 22 % des adultes sont peu alphabétisés et plus d'une personne sur quatre trouve les interactions en ligne complexes. Pour elles, le virage numérique, c'est un mur qui exclut. » explique Cécile Retg, responsable à la défense collective des droits au RGPAQ. « On ne peut pas faire comme si de rien n'était. Le gouvernement doit entendre raison ! C'est une question de respect des droits humains !
»
Il est temps que le gouvernement prenne ses messages ! #plus12000messages
Nos alliés
L'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées
Le Collectif pour un Québec sans pauvreté
Le Front commun des personnes assistées sociales
La Fédération des mouvements personne d'abord du Québec
À propos du RGPAQ
Le RGPAQ représente fièrement 78 organismes d'alphabétisation populaire répartis à travers le Québec. Il a pour mission la promotion et le développement de l'alphabétisation populaire et de ses groupes membres, ainsi que la défense collective des droits des adultes peu alphabétisés. rgpaq.qc.ca
Suivez-nous #SAP2025 #alphapop #Traversons
À propos de la campagne Traversons l'écran
https://rgpaq.qc.ca/traversons
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Lettre ouverte : Pour une démocratie pleine et entière, même pour les petits partis, surtout en temps de crise

Nous avons tous deux relevé le défi de rassembler 100 signatures de citoyen·ne·s de Laurier–Sainte-Marie afin de faire entendre nos voix dans cette campagne électorale. Ce n'est pas une mince tâche pour de petits partis.
Par Chantal Poulin, candidate du Parti Rhinocéros, et Michel Labelle, candidat du Parti Marxiste-Léniniste du Canada dans Laurier–Sainte-Marie
Et pourtant, nous avons été exclus du seul débat communautaire de la circonscription. La raison évoquée ? Il aurait été « impossible » de réorganiser le temps de parole pour nous inclure.
Soyons clairs : un débat sans l'ensemble des candidat·e·s n'est pas un véritable débat. C'est une mise en scène où seules certaines idées, certains partis, certains intérêts sont jugés « légitimes ». Dans une démocratie digne de ce nom, la pluralité des idées ne devrait jamais être perçue comme un fardeau logistique, mais comme un fondement non négociable.
Exclure des candidat·e·s pour simplifier l'horaire, c'est appauvrir le débat démocratique. Ce sont souvent les petits partis qui osent poser les vraies questions : Pourquoi les riches ont-ils encore plus d'influence que les électeurs ? Pourquoi les gouvernements tergiversent-ils sur l'urgence climatique ? Pourquoi le racisme systémique persiste-t-il dans nos institutions ? Pourquoi si peu de candidat·e·s osent dénoncer clairement le génocide en cours en Palestine ?
Pendant que l'extrême droite s'organise, gagne du terrain et banalise des discours racistes, islamophobes et transphobes, les voix antiracistes, internationalistes et anticoloniales sont systématiquement marginalisées. Dans le contexte actuel, où même le mot « cessez-le-feu » semble trop radical pour certains élu·e·s, il est impératif que des voix s'élèvent pour défendre le droit des peuples à vivre, à résister, à exister.
En écartant les petits partis des débats publics, on retire aussi de la scène politique les voix qui refusent de se plier au consensus mou, qui défendent la justice sociale, qui parlent d'écologie sans compromis, de solidarité internationale, de désarmement, de redistribution des richesses.
Un récent article de La Presse révélait que plusieurs jeunes choisissent de ne pas voter. Ils ne se reconnaissent pas dans les discours, les priorités ou les partis dominants. C'est précisément en élargissant la palette des idées qu'on peut reconnecter avec ces personnes. Il n'est pas surprenant que tant de gens se tournent vers l'abstention, quand les seuls débats auxquels ils ont accès sont ceux qui évitent soigneusement les sujets qui fâchent.
Nous ne sommes pas candidat·e·s pour faire joli. Nous sommes là parce que nous croyons, malgré tout, en la démocratie. Parce que nous croyons que les votes annulés, comme ceux pour le Parti Rhinocéros, devraient être comptés comme des voix de contestation légitime. Parce que nous croyons que confronter Steven Guilbeault à son bilan environnemental, ou dénoncer les inégalités criantes du système capitaliste, ou défendre le peuple palestinien, est non seulement légitime, mais urgent.
Nous ne demandons pas un traitement de faveur. Nous demandons simplement d'être traités comme des candidat·e·s à part entière. C'est une question de respect pour les électeurs et électrices qui nous ont appuyé·e·s, une question de principe démocratique, et une question de justice.
Nous appelons les organisateurs de débats, les institutions citoyennes, les médias locaux, et surtout, la population de Laurier–Sainte-Marie, à exiger mieux. À réclamer des débats ouverts, courageux, où les voix marginalisées ont toute leur place.
Parce que la démocratie, ce n'est pas seulement le droit de voter. C'est aussi le droit d'être entendu. Et parfois, de déranger.
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gauche.media
Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.