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Stablex ou l’art de masquer la vérité !

« Il faut être capable de prendre ces décisions-là pour le bien de l'ensemble des Québécois ! » Voilà en quels termes, d'un air frondeur, notre Premier ministre François Legault, justifie la procédure d'exception qu'est le bâillon, pour accélérer l'adoption du projet de loi 93 qui vise à transférer un terrain de la municipalité de Blainville à la compagnie américaine Stablex, spécialisée dans l'enfouissement des déchets dangereux.
Non seulement M. Legault prétend-il parler en notre nom, mais il s'octroie une supposée dose de détermination ou de courage que n'auraient pas les personnes qui s'opposent à l'adoption du projet de loi 93.
Quelques semaines à peine après le fiasco de NorthVolt, avec la destruction de plusieurs milliers de mètres carrés de terrains humides et la dilapidation de centaines de millions de dollars de fonds publics, nous voilà en train de revivre le même scénario avec le dossier de Stablex à Blainville : même empressement, même manque de transparence, même absence d'écoute de divers représentants de la population !
Il faudrait être bien malvenu et malhonnête de remettre en question la crédibilité et la légitimité des personnes qui, au nom du bien commun, contestent la décision du gouvernement Legault, à commencer par la mairesse de Blainville, Mme Liza Poulin et son conseil, appuyés en cela par la Communauté Métropolitaine de Montréal (CMM), par la Fédération québécoise des municipalités, par l'Union des municipalités du Québec, par des représentants du monde agricole, par des groupes écologistes et par le BAPE (Bureau d'audiences publiques sur l'environnement) qui a exprimé un avis négatif sur ce projet. Cela commence à faire beaucoup de monde !
À qui faut-il faire confiance pour la défense de nos intérêts quand le gouvernement et Stablex refusent de rendre publique l'étude que cette dernière a commandée à Englobe pour connaître la valeur écologique du terrain convoité ? Heureusement, le Devoir a pu mettre la main sur ce document de 430 pages, daté d'octobre 2023, mais qui n'a jamais été rendu public !
À qui faut-il se fier quand la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Mme Maïté Blanchette Vézina, affirme qu'on a affaire à un « terrain dénaturé et desséché » et qu'il n'y a plus de tourbières « depuis longtemps », alors que l'étude même d'Englobe, dont elle a sûrement pris connaissance, la contredit et rappelle qu'on retrouve 97 237 mètres carrés de tourbières dont le « rendement des fonctions écologiques … est élevé ».
Mostefa Khallaf, poète et philosophe franco-algérien, disait : « Le mensonge qui était l'art des faussaires, des dupeurs et des flatteurs, est devenu à la portée de tout le monde. Le palmarès revient aux hommes politiques dupant une plèbe anesthésiée et complice du désordre sociétal. »
Nous n'avons pas de pouvoir sur les personnes qui ne se gênent pas pour manipuler et fausser les faits à leur avantage et intérêt. Mais nous avons le pouvoir, individuellement et collectivement, de refuser de nous laisser duper et anesthésier par leurs discours.
Ce terrain compte une superficie de milieux humides deux fois plus importante (278 000 mètres carrés) que celle qui a été détruite par NorthVolt. Selon les experts du GIEC (Groupe international d'experts sur l'évolution du climat), ces milieux naturels jouent un rôle important pour la protection de la biodiversité et pour la lutte contre la crise climatique, dont l'urgence n'est plus à démontrer pour l'avenir de nos enfants, petits-enfants et générations futures.
Dans une autre perspective, au cœur d'un contexte de guerre tarifaire avec le gouvernement américain et des menaces qu'il fait peser sur notre souveraineté, comment se fait-il qu'on n'ait pas trouvé d'entreprises québécoises compétentes pour gérer nos propres déchets, de sorte que nos fonds publics mettent à profit les compétences des gens d'ici en plus de nous enrichir ?
Surtout, face au président Trump qui répète qu'il n'a pas besoin de nous, pourquoi faudrait-il qu'on sacrifie nos milieux naturels de haute qualité pour servir de poubelle pour ses déchets dangereux ?
Devant le refus par le gouvernement Legault d'accepter la proposition de la CMM d'une solution de rechange qui aurait permis à Stablex de s'installer sur un autre terrain appartenant déjà au gouvernement, nous appuyons fortement la ville de Blainville et la CMM dans leur recours en Cour Supérieure pour contester la légalité et la constitutionnalité du projet de loi 93 car, contrairement à M. Legault, nous ne croyons pas que sa décision sert l'intérêt des citoyennes et citoyens actuels et futurs du Québec.
Pierre Prud'homme
30 mars 2025
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Des milliers de travailleuses réclament que le gouvernement en fasse plus pour les CPE

La convention collective est échue depuis plus de deux ans et le gouvernement tarde toujours à donner des conditions qui permettraient de s'assurer d'avoir une relève dans le secteur. Alors que les travailleuses sont à bout de souffle, sa préoccupation principale est d'augmenter la force de travail.
3 avril 2025 | tiré du site de la CSN
Des milliers de travailleuses et de travailleurs des CPE de la CSN ont participé à la manifestation nationale pour réclamer que le gouvernement Legault écoute leurs solutions pour freiner la pénurie de personnel et valoriser les emplois en CPE. La CSN annonce de plus que la prochaine séquence de grève sera les 7 et 8 avril prochain.
Les travailleuses et travailleurs des CPE qui participent à la manifestation nationale proviennent de toutes les régions du Québec. Depuis des décennies, les travailleuses des CPE et la CSN luttent sans cesse pour faire des gains pour bonifier les conditions de travail afin de maintenir ce réseau qui est un joyau collectif depuis sa création. Malheureusement, la convention collective est échue depuis plus de deux ans et le gouvernement tarde toujours à donner des conditions qui permettraient de s'assurer d'avoir une relève dans le secteur. Alors que les travailleuses sont à bout de souffle, sa préoccupation principale est d'augmenter la force de travail.
« En prenant la rue aujourd'hui, les travailleuses des CPE veulent que le gouvernement comprenne qu'elles sont déterminées à bonifier leurs conditions de travail. Pendant qu'on lui parle de la pénurie qui frappe notre secteur et des cohortes qui sont vides dans les cégeps, le gouvernement veut nous faire travailler encore plus. Le problème dans les CPE, ce n'est certainement pas qu'on n'en fait pas assez pour les enfants, c'est qu'on ne nous donne pas toutes les conditions pour faire notre travail. Comment expliquer que le gouvernement continue d'accepter une disparité de traitement entre le secteur des CPE et le secteur public ? », demande Stéphanie Vachon, représentante des CPE de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS–CSN).
En grève les 7 et 8 avril
Si les pourparlers ne sont pas rompus, la négociation ne progresse pas suffisamment pour espérer arriver à une entente de principe rapidement. Les employeurs et le gouvernement restent campés sur leur position et refusent surtout d'en faire davantage pour aider un réseau qui en a grand besoin. Chaque journée de grève supplémentaire met la pression nécessaire pour que la négociation chemine avant de se rendre à la grève générale illimitée. C'est pourquoi la CSN indique dès maintenant que deux nouvelles journées de grève s'ajoutent, soit les 7 et 8 avril.
« Les CPE sont un réseau créé par et pour les femmes. Ce que les travailleuses et les parents veulent, c'est que les services reprennent dans les CPE avec de meilleures conditions de travail. Le gouvernement aura grand besoin d'être plus attractif s'il veut réussir à créer les milliers de places que les parents attendent tellement. Comme le gouvernement bouge trop peu, les travailleuses accentuent la pression avec deux nouvelles journées de grève », lance Lucie Longchamp, vice-présidente responsable des secteurs privés de la FSSS–CSN.
« La détermination des travailleuses des CPE est remarquable. Depuis toujours elles se battent pour améliorer leurs conditions de travail et les services aux enfants. Les conditions qu'elles ont aujourd'hui, ce n'est pas un cadeau des gouvernements, c'est le fruit de leurs luttes. Cette bataille des 13 000 travailleuses des CPE de la CSN bénéficie à l'ensemble des enfants qui fréquentent un service de garde. Que ça plaise ou non aux employeurs et aux gouvernements, la grève est l'ultime moyen qui permet à des milliers de travailleuses et de travailleurs d'améliorer leur sort. C'est pourquoi le gouvernement doit retirer le projet de loi 89 », de conclure Caroline Senneville, présidente de la CSN.
Une grève partout au Québec
La CSN représente plus de 80 % des travailleuses syndiquées dans les CPE. La grève touche l'ensemble des régions du Québec, alors que la CSN est présente dans plus de 400 CPE. Voici le nombre de centres affiliés à la CSN par région :
7 CPE en Abitibi-Témiscamingue
11 CPE au Bas-Saint-Laurent
10 CPE sur la Côte-Nord
22 CPE dans le Centre-du-Québec et la Mauricie
36 CPE en Estrie
12 CPE en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine
11 CPE dans Lanaudière
25 CPE dans les Laurentides
51 CPE en Montérégie
112 CPE à Montréal et à Laval
23 CPE en Outaouais
64 CPE à Québec et dans Chaudière-Appalaches
31 CPE au Saguenay–Lac-Saint-Jean
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Travailleurs étrangers temporaires – Québec doit permettre à ceux déjà ici d’accéder à l’immigration permanente

Montréal, le 31 mars 2025. – La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et plusieurs de ses syndicats affiliés présents dans le secteur privé demandent au gouvernement de mettre en place une voie de passage exceptionnelle pour accueillir de façon permanente au Québec les travailleurs étrangers temporaires déjà présents sur le territoire et qui ne sont plus en mesure de renouveler leur permis de travail.
321 mars 2025 | tiré du site de la FTQ
https://ftq.qc.ca/travailleurs-etrangers-temporaires-quebec-doit-permettre-a-ceux-deja-ici-dacceder-a-limmigration-permanente/
« Il faut absolument trouver le moyen de leur ouvrir les portes de l'immigration permanente. Ces travailleurs et ces travailleuses vivent dans nos régions, plusieurs avec leurs familles, ils sont souvent essentiels au bon fonctionnement de nos usines. Bon nombre d'entre eux ont appris le français et le Québec a investi dans différents programmes en vue de faciliter leur établissement dans nos communautés. Des liens humains se sont créés. Le gouvernement du Québec doit absolument leur tendre la main pour qu'ils et elles puissent immigrer de façon permanente au Québec », souligne le directeur québécois des Métallos, Dominic Lemieux.
Alors que le gouvernement fédéral a resserré considérablement l'octroi de permis de travailleurs étrangers temporaires, plusieurs permis arrivent à échéance et des travailleurs et des travailleuses devront quitter le territoire.
Le secrétaire général de la FTQ, Denis Bolduc, souligne que le Québec aurait avantage à accueillir définitivement ceux et celles déjà sur le territoire. « Il est urgent de donner la possibilité aux travailleurs étrangers temporaires présents sur le territoire actuellement de faire une demande d'immigration auprès du gouvernement du Québec. Le Québec a besoin d'eux. L'avenir de plusieurs entreprises en dépend. Il faut cesser le système à deux vitesses des permis de travail fermé et tendre la main à ceux et celles qui sont déjà sur le territoire pour qu'ils immigrent de façon permanente, et qu'ils deviennent des citoyens à part entière, avec les mêmes droits que tous. »
Plusieurs syndicats affiliés à la FTQ, dont les Métallos, les Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce (TUAC) et l'Union des employés et employées de service (UES-800), Unifor constatent le phénomène. Le premier ministre lui-même reconnaît que les besoins des régions doivent être considérés.
Les récentes restrictions dans les renouvellements de permis de travail entraînent des difficultés sur le terrain. « Par exemple, dans certaines usines, entreprises, manufactures, de nombreux travailleurs sont sur des permis temporaires. Avec les restrictions, une bonne partie d'entre eux devraient partir, ce qui met en péril la production. Ce serait important qu'on puisse leur donner l'occasion de rester en immigrant de façon permanente », font valoir les leaders syndicaux Anouk Collet, conseillère principale au président national des TUAC, Marie Deschênes, vice-présidente exécutive de l'UES 800, et Olivier Carrière, directeur exécutif adjoint Unifor, qui comptent parmi leurs rangs de leurs organisations plusieurs centaines de travailleurs étrangers temporaires.
La sélection des immigrantes et des immigrants permanents relève entièrement du gouvernement du Québec. « Québec a toute la marge de manœuvre nécessaire pour accueillir les travailleurs étrangers temporaires présents sur le territoire de façon permanente, en leur délivrant un certificat de sélection du Québec. Ce sont des candidats et des candidates de choix, qui ont des compétences importantes pour le marché du travail et qui sont essentiels à la vitalité économique de nos régions », conclut le secrétaire général de la FTQ, Denis Bolduc.
La FTQ, la plus grande centrale syndicale au Québec, représente plus de 600 000 travailleurs et travailleuses
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Un pour tous, et tous contre Amazon : la solidarité internationale face à la crise

En réponse à la fermeture des entrepôts d'Amazon au Québec et aux récentes campagnes de boycottage visant l'entreprise, nous souhaitons vous proposer un article d'opinion corédigée par le Centre international de solidarité ouvrière (CISO), la présidente de la CSN, Caroline Senneville, et le président du STT d'Amazon Laval - CSN, Félix Trudeau. Celle-ci vise à dépeindre l'importance de la solidarité internationale dans cette période de crise, ainsi que le pouvoir qu'exercent les grandes firmes comme Amazon sur les droits des travailleurs et travailleuses.
Signataires :
Félix Beauchemin, chargé de l'éducation, Centre international de solidarité ouvrière (CISO)
Amélie Nguyen, coordonnatrice, CISO
Félix Trudeau, président du STT d'Amazon Laval - CSN
Caroline Senneville, présidente, Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Dans un monde turbulent qui semble révéler de plus en plus le pouvoir sournois des grandes entreprises multinationales, le cas d'Amazon au Québec souligne l'urgence d'une lutte internationale coordonnée et forte.
On s'en rappelle : le 22 janvier 2025, l'entreprise Amazon annonce la fermeture soudaine de ses sept entrepôts au Québec, causant la perte de plus de 4 700 emplois. Selon l'entreprise, le retour à un modèle de livraison par sous-traitance était tout simplement préférable. Cependant, pour tous les acteurs des secteurs économiques et sociaux concernés par cette affaire, la raison sous-jacente est incontestable : la récente syndicalisation de 287 employé·e·s d'un entrepôt de Laval a été la bougie d'allumage de l'entreprise reconnue pour ses pratiques antisyndicales flagrantes.
C'est maintenant une évidence, le plan d'affaires de la multinationale repose sur l'exploitation des travailleur·se·s pour faire un profit considérable. Si ces mêmes travailleur·se·s usent de moyens légaux pour faire valoir leurs droits, l'entreprise usera, elle aussi, de passe-droits pour contrer la menace. Partout dans le monde, les schémas antisyndicaux se répètent : affichage anti-syndicat, rencontres individuelles avec les employé·e·s, renvoi de militant·e·s, pressions, menaces et surveillance. Aux États-Unis, en Allemagne, au Royaume-Uni ou en France, toute tentative est rapidement et fortement réprimée à coups de millions de dollars.
Ces échecs individuels sont lourds de conséquences, comme en témoignent la perte d'emplois et l'affaiblissement du droit au travail dans chaque région touchée. Selon nous, ces défaites doivent cependant agir comme un signal d'alarme sur le pouvoir réel de ces firmes : lorsque les travailleuses et travailleurs se battent isolément dans des juridictions locales, Amazon peut déployer ses ressources et déplacer ses activités là où les syndicats sont plus faibles, les lois plus laxistes, les salaires bas et les conditions de travail encore plus précaires. C'est le principe même de la délocalisation – une escroquerie légalisée, voire encouragée, par les systèmes législatifs et économiques mis en place depuis les années 1980 –, qui a pour effet de placer les travailleur·se·s locaux en compétition avec les travailleur·se·s du monde entier.
Il serait donc valable de baisser les bras, de s'avouer vaincus face au pouvoir incontestable d'une entreprise scélérate. Cependant, l'histoire atteste que les efforts d'ampleur concertés et organisés par une masse de travailleurs et travailleuses ont la capacité de faire flancher les géants. Il y a quelques années, la transmission d'informations entre les syndicats québécois etbelge de l'entreprise Kronos a mis en lumière les mensonges de l'employeur quant aux assurances fournies aux travailleuses et travailleurs de son usine canadienne, ouvrant de nouvelles avenues de négociation. Des actions mondiales concertées ont même permis d'organiser collectivement certaines usines textiles au Bangladesh. En raison de l'impact direct de ces gains sur les conditions des travailleur·se·s d'ici, les syndicats investissent depuis plus de 50 ans dans plusieurs campagnes
de solidarité internationale, notamment par la création d'un réseau intersyndical de solidarité internationale, le Centre international de solidarité ouvrière (CISO).
Dans un contexte où les pressions sur le marché sont de plus en plus fortes, la compétition grandissante et où les actionnaires scrutent chaque dollar investi, il peut devenir financièrement intenable de continuer à gaspiller des dollars dans des entrepôts neufs et vides, comme c'est le cas avec Amazon au Québec. Plus les initiatives de résistance se multiplient, plus les mouvements de contestation gagnent en ampleur, et plus la colère populaire gronde, l'entreprise n'aura d'autre choix que d'ouvrir la porte à la négociation. Et ce sera à ce moment précis que nous pourrons enfin renverser la balance du pouvoir.
Solidarité aux luttes syndicales du monde entier ! Solidarité aux campagnes de boycottage d'Amazon !
Le Centre international de solidarité ouvrière (CISO) est un réseau intersyndical de solidarité internationale qui réunit près de 80 syndicats à travers le Québec. Il célèbre cette année ses 50 ans.
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L’austérité du gouvernement Legault ronge nos services publics

Nous voilà toutes et tous plongés dans une époque improbable et inquiétante, faite entre autres de guerre tarifaire avec nos voisins du Sud, de dérives autoritaires, de menaces à nos droits sociaux et syndicaux et de possibles reculs environnementaux malgré l'urgence climatique.
Alors que ce pourrait être l'occasion de se donner les moyens d'un Québec moins dépendant des échanges avec les États-Unis, plus juste et écologiquement exemplaire, le gouvernement Legault nous entraîne dans la voie inverse. Il nous replonge dans le mauvais film de l'austérité et des coupes de services. Avec le nouveau budget qui vient d'être déposé, de nouvelles scènes désolantes de ce navet sont à prévoir.
Avec un minimum de courage politique et sans toucher en général le portefeuille de la population, ce gouvernement pourrait pourtant augmenter de plusieurs milliards les recettes de l'État. Comment ? En s'assurant d'une part d'avoir les moyens suffisants pour mieux lutter contre l'évasion et l'évitement fiscal, d'autre part en mettant en place des mesures comme l'établissement d'un régime fiscal plus progressif, l'instauration de taxes sur le patrimoine, l'imposition des superprofits de grandes entreprises et surtout, sabrer dans le recours à la sous-traitance.
Ce gouvernement a plutôt choisi la facilité avec l'austérité et la mise à mal de nos services publics à la grandeur du Québec. Quand les budgets des ministères et organismes publics ne permettent pas de couvrir la hausse des besoins et donc de soutenir la hausse des coûts de programmes, il s'agit bien d'austérité, car ces ministères et organismes devront couper à quelque part. On fonce droit dans le mur quand il n'y a plus d'embauches externes et que le personnel occasionnel est mis à pied depuis novembre. Ce gouvernement ne veut pas l'admettre et craint le vilain mot, mais c'est bien le cas.
Les répercussions se font déjà sentir aux quatre coins du Québec sur la capacité des ministères et organismes de la fonction publique et parapublique à réaliser leur mission et sur les services à la population.
Des bureaux de Services Québec qui ferment leurs portes plusieurs jours par semaine ; plusieurs mises à pied dans le Centre de communication avec la clientèle du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale ; des inventaires fauniques et des analyses écotoxicologiques de l'eau, de l'air et du sol compromises au ministère de l'Environnement ; le délai d'attente pour obtenir un rendez-vous au Tribunal administratif du logement qui dépasse souvent les 20 jours, si le bureau n'est pas ouvert qu'un jour par mois ; etc.
Est-ce là les services publics auxquels on serait en droit de s'attendre, dans toutes les régions du Québec ? Il a pourtant été démontré que le secteur public contribue fortement à la résilience économique régionale, ce qui est d'autant plus essentiel en période de crise.
De grâce, à l'inverse des dérives cauchemardesques qui se révèlent jour après jour tout près de nous aux États-Unis, ayons la clairvoyance de ne pas saboter nos services publics, garants du vivre-ensemble, et efforçons-nous plutôt de saisir l'occasion pour cheminer vers un meilleur Québec.
Christian Daigle, président général du SFPQ.
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« Dehors la CAQ, ça presse »

« Dans la vraie vie, quand une ou un employé n'atteint pas ses objectifs et fait plus de tort que de bien, on le remercie. Ça devrait être pareil pour les député-es. Il serait à peu près temps que l'on dise collectivement ‘'dehors'' à la CAQ ». - Barbara Poirier, présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches.
Restés sur leur faim à la suite de sa performance comme député, comme ministre responsable des infrastructures et comme ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale, des syndiqué-es ont symboliquement remercié Jonathan Julien cet avant-midi et commencé le déménagement de son bureau de comté.
« On ne peut pas attendre 2026 avant de “remercier'' le gouvernement de la CAQ, il faut les sortir avant qu'ils ne fassent plus de dégâts, ça presse », a déclaré Barbara Poirier, présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches. La syndicaliste souligne qu'il n'y a pas que l'incertitude concernant les nombreux projets d'infrastructure en matière de transport dans la région qui pose problème, mais un ensemble de décisions douteuses qui s'avèrent finalement non seulement coûteuses mais inefficaces.
Barbara Poirier cite pêle-mêle la création de Santé Québec, qui fait exploser la rémunération des cadres sans améliorer en rien la situation sur le terrain (au contraire, on assiste à des suppressions de postes), les dossiers Norvolt et Stablex, l'inaction face à la crise du logement, la désinvolture face à la fermeture sauvage des entrepôts d'Amazon, la valse-hésitation face aux projets de transport en commun, le moratoire sur l'immigration permanente qui ajoute à l'incertitude économique ambiante…
« Comme si ce n'était pas suffisant, le gouvernement en rajoute en s'attaquant au droit de grève des travailleuses et des travailleurs avec le projet de loi 89. N'en jetez plus, la cour est pleine ! » poursuit la présidente du conseil central. « Dans la vraie vie, quand une ou un employé n'atteint pas ses objectifs et fait plus de tort que de bien, on le remercie, ça devrait être pareil pour les député-es, » conclut Barbara Poirier, « il serait à peu près temps que l'on dise collectivement ‘'dehors'' à la CAQ ».
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Chloé Sainte-Marie chante la vraie nature de Gilles Carle

Chloé Sainte-Marie APLP2009 (i) a inauguré le 3 avril une riche exposition d'œuvres d'art intitulée la vraie nature de Gilles Carle, attirant une foule nombreuse envahissant tout le Centre Culturel Pierre-Gobeil de Rock Forest (Sherbrooke). Même ses escaliers étaient chargés de photos, principalement, celles de Pierre Dury, ami proche du regretté cinéaste.
Par Pierre Jasmin, 6 avril 2025. Tiré du site des Artistes pour la paix. Photo : Portrait de Chloé par Gilles Carle qui orne son CD 2008 du temps où son amour créateur était encore vivant.
Une exposition choyée de la vie culturelle sherbrookoise
« Tantôt caricaturaux, humoristiques ou érotiques, pastichant même des maîtres de l'histoire de l'art, les dessins, les tableaux et les photographies de Gilles Carle sont une incursion dans son univers intime. Grâce à la collaboration de sa muse et compagne Chloé Sainte-Marie, découvrez les multiples facettes d'un homme libre qui a célébré la vie sans retenue », a prononcé en discours de bienvenue le commissaire François Renaud.
Remplacé à Radio-Canada par le membre illustre des APLP Frédéric Back qui quittait l'École des Beaux-Arts où il avait succédé à Borduas, Gilles Carle entre à l'Office national du film du Canada au début des années 60 à titre de scénariste. Il y tourne quelques courts métrages documentaires, mais c'est la fiction qui l'intéressera davantage et le centre montrera plusieurs de ses films, dont, en présence de Micheline Lanctôt, la Vraie nature de Bernadette, l'histoire d'une des premières écolos woke du cinéma québécois. Comme les Artistes pour la Paix, Chloé Sainte-Marie croit que dans le contexte politique actuel, il est vital de s'inspirer de la liberté d'esprit de Gilles Carle. En marge de l'exposition, Chloé donnera son formidable spectacle Maudit Silence le 12 avril à 19 h 30.
Ici et là sur les murs, des textes évocateurs rappelaient mon prédécesseur secrétaire des Artistes pour la Paix, le regretté Bruno Roy (ii). L'ancien ministre de la Santé du gouvernement Marois, Réjean Hébert, président d'honneur de l'expo, est resté muet sur le fiasco du ministre actuel Christian Dubé (iii). On est reconnaissants au Dr Hébert à la forte présence pour ses recherches sur les aînéEs et pour l'appui généreux qu'il a accordé, avec certaines ministres de la CAQ dont trois députées étaient présentes, aux neuf maisons Gilles-Carle miraculeusement fondées : elles peinent actuellement, vu l'état budgétaire lamentable de la Santé, à recruter les infirmières requises à leur fonctionnement optimal. C'est Chloé qui avec Pierre-Karl Péladeau avait réussi à convaincre le gouvernement en remplissant la salle Maisonneuve (où je m'étais pressé avec ma conjointe) que les proches-aidantes méritaient d'être aidées, et une aide leur fut accordée d'abord à titre de soulagement temporaire.
Petit récital de chansons
Nouvellement membre de l'Ordre du Canada, ce qui attira peut-être la curiosité de la ministre Marie-Claude Bibeau en grande forme qui m'avoua son appétit culturel et sa hâte du 28 avril pour se tourner vers sa nouvelle carrière municipale, nous eûmes droit d'abord à trois chansons par Annie Bouchard à la forte présence scénique. C'est au rez-de-chaussée, dans la salle de spectacles bondée d'une centaine de personnes aux applaudissements nourris, que nous avons assisté ensuite à quatre chansons de Chloé, accompagnée à la guitare par le directeur du centre, l'auteur-compositeur-interprète Ian Fournier. À l'origine, trois chansons étaient prévues, dont une magnifique en langue innue inspirée par un poème de sa grande amie Joséphine Bacon, puis celle à laquelle les spectateurs ont communié de toute leur âme en répétant le premier couplet :
Brûle brûle brûle
la chandelle de la vie
brûle brûle brûle
la chandelle de l'amour
passe le temps de vivre
le temps du bonheur
passent les heures exquises
le printemps et les fleurs
déjà la flamme vacille
déjà notre cœur aussi
la noirceur tombe sur la ville
adieu l'ami
adieu la vie
Se tournant alors vers moi, Chloé a tenu à me dédier la chanson « chamaille » pour saluer l'effort surhumain des Artistes pour la Paix à subsister sans sous, avec comme agenda unique la paix et ses exigences de vérité heurtant l'establishment. De l'album "Je marche à toi" (2008), avec 19 chansons sur des vers de Roland Giguère, Gaston Miron, Alexis Lapointe et des musiques de Gilles Bélanger, certaines d'entre elles prophétiques (Patrice Desbiens La haine), elle a interprété, encore sur des paroles de Gilles et la musique de François Guy :
Les plaines brûlent, mon cœur chavire
Qu'il est amer parfois de vivre !
Où est mon ami, mon ami de cœur ?
Pourquoi ce feu, cette rancœur ?
Chamaille, chamaille,
Maudite chamaille !
Chamaille, chamaille,
Maudite chamaille !
Est-il blessé, encore vivant ?
Ou est-il mort dans la bataille,
Les yeux crevés, la jambe perdue ?
Ram'nez-le moi, mort ou crochu !
La ville brûle ; mon cœur chavire
Qu'il est amer parfois de vivre !
Méchante France, mauvaise Angleterre
Maudits vieux pays, toujours en guerre ...
Toute notre reconnaissance à l'incomparable Chloé Sainte-Marie, belle muse vivante de la paix des corps et des âmes dont la générosité (et celle de Pierre D.) permet à cette exposition de durer jusqu'en juillet et d'être gratuite, en attendant le relais du Musée d'Art contemporain de Montréal qui se réveillera peut-être lors du centenaire de Gilles Carle en juillet 2028 ?
PS Voici deux reportages qui ont salué l'exposition :
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2153359/exposition-gilles-carle-dessins-sherbrooke-chloe-sainte-marie
https://www.latribune.ca/arts/arts-visuels/expositions/2025/04/04/trois-mois-pour-renouer-avec-gilles-carle-son-art-et-sa-muse-FXPCAAGHBFC55HZNB3VD7YN5ZM/
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Une entente de principe acceptée à une forte majorité !

Québec, le 5 avril 2025 — Les quelque 6 000 membres de Revenu Québec représentés par le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) ont approuvé l'entente de principe intervenue avec leur employeur à 88 %. Le taux de participation était de 86 %.
Rappelons que la convention collective était échue depuis le 31 mars 2024. Le nouveau contrat de travail est d'une durée de cinq ans et se terminera donc le 31 mars 2029.
« Nous sommes heureux d'en être arrivés à une entente avec l'employeur qui est satisfaisante pour nos membres dans le contexte actuel d'instabilité économique. Nous avons obtenu des gains importants, notamment une augmentation de la cotisation de l'employeur aux assurances collectives et l'ajout de congés mobiles. Cependant, une négociation est un exercice de compromis alors des enjeux demeurent comme le fait que la politique de télétravail demeure non conventionnée et l'absence de congés destinés aux personnes victimes de violence conjugale. Nous poursuivrons notre travail et nos efforts en vue de la prochaine négociation », indique Guillaume Bouvrette, président du SPGQ.
Faits saillants
Voici les principaux faits saillants de l'entente de principe :
• Augmentations salariales de 12,4 % sur 5 ans (pour les échelons de 1 à 19), soit 2,8 % en 2024, 2,6 % en 2025, 2,5 % en 2026, 3,5 % en 2027 et 1,0 % en 2028.
• Au 1er avril 2028, majoration salariale de 0,5 % au 19e échelon pour toutes les personnes concernées.
• Clause remorque en 2028-2029 avec le personnel professionnel de la fonction publique (dont 1 % garanti).
• Somme forfaitaire de 1 500 $ à tout le personnel professionnel à l'emploi au 31 mars 2025.
• Prime de criticité rétroactive au 2 décembre 2024 jusqu'au 30 mars 2029 pour les employés qui exercent des fonctions critiques dans le secteur d'activité de la conformité fiscale.
• Ajout de trois congés mobiles pour cinq années consécutives d'ancienneté dans la même catégorie d'emploi professionnelle à Revenu Québec et un jour de congé mobile pour trois années consécutives d'ancienneté.
• Augmentation significative de la contribution de l'employeur aux assurances collectives.
• Attente moins longue pour avoir accès à des jours de vacances supplémentaires.
• L'employeur s'engage à poursuivre ses démarches pour la certification auprès des Milieux de travail alliés contre la violence conjugale.
À propos du SPGQ
Le SPGQ est le plus grand syndicat de personnel professionnel du Québec. Créé en 1968, il représente plus de 35 000 spécialistes, dont environ 26 000 dans la fonction publique, 6 000 à Revenu Québec et 3 000 répartis dans les secteurs de la santé, de l'enseignement supérieur et au sein de diverses sociétés d'État.
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Politiser la question du logement

Au Québec, le mouvement de lutte pour le droit au logement a longuement été seul à parler de « crise du logement ». Ce vocable lui permettait de mettre en lumière des urgences vécues par les locataires : difficulté extrême à trouver et louer un logement, aggravation du problème d'incapacité de payer, explosion du nombre d'évictions, montée de l'itinérance, etc. Il pouvait du même coup dénoncer les pratiques du marché privé de l'habitation et avancer ses propres revendications en faveur de la réalisation massive de logements sociaux et du renforcement des mesures de protection légale des locataires, en particulier du contrôle ou du gel des loyers.
Au mieux, comme ce fut le cas au début du millénaire, l'expression réussissait à se frayer un chemin dans les grands médias et auprès des autorités politiques et permettait d'obtenir certains gains, par exemple de l'aide d'urgence pour les ménages sans logis ou à risque immédiat de le devenir.
Au tournant des années 2020, le Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) a de nouveau sonné l'alarme, cette fois sur les conséquences de la rareté grandissante d'appartements accessibles financièrement. L'appel a, dans un premier temps, été accueilli par un haussement d'épaules de la part des autorités politiques, des grands mélias et de la plupart des autres acteurs. La situation a bien changé au cours des toutes dernières années. Il se passe rarement une semaine sans que la « crise du logement » rebondisse dans l'actualité. Le mot « crise » a quant à lui été récupéré par les gouvernements, les associations de constructeurs ou de propriétaires, le Conseil du patronat, les chambres de commerce, les institutions financières, et tant d'autres.
Le récit et les solutions mises de l'avant ne sont cependant plus les mêmes. Pas question de dénoncer la responsabilité du marché privé dans cette situation, mais d'appeler tous les intervenants à mettre l'épaule à la roue afin d'intensifier et d'accélérer la construction de logements, sans égard au coût des loyers. Le tout est assorti de timides engagements gouvernementaux quant à la réalisation d'une minorité de logements qualifiés d'abordables, mais dont le loyer est trop cher pour les ménages les plus en difficulté.
En présentation de sa Stratégie québécoise en habitation, dévoilée en août 2024, la ministre responsable, France-Élaine Duranceau, offre un concentré de ce discours : « Notre vision est claire : la clé de la sortie de crise, c'est d'augmenter l'offre de logements. Il faut accélérer le rythme. Développer plus. Développer plus vite, tout en préservant les logements existants. Voilà l'imposant chantier auquel la Stratégie nous convie tous. L'action gouvernementale ne pourra suffire à elle seule, compte tenu de l'ampleur des besoins. Tous les acteurs de l'écosystème de l'habitation sont concernés. Et pour que chacun puisse contribuer à sa pleine mesure, l'environnement doit être propice au développement, et la productivité stimulée. » [1]
La parution de la traduction du livre de Ricardo Tranjan, adaptée à la réalité québécoise, arrive à point nommé dans ce contexte. Paru en anglais en mai 2023, il représente un véritable antidote contre le discours dominant. Économiste politique et chercheur principal au Centre canadien de politiques alternatives, l'auteur montre que l'utilisation faite de la formule « crise du logement » vise à dissimuler la vraie nature du marché. Celui-ci n'est pas, comme on tente de nous le faire croire, aux prises avec des difficultés temporaires, de simples accidents de parcours, pouvant se régler par des solutions techniques. Il est plutôt basé « sur une inégalité structurelle et une exploitation économique ». Il s'agit d'un enjeu politique qui appelle une lutte politique.
Pour en finir avec la « dépolitisation du logement », Tranjan propose de le considérer comme le théâtre d'une lutte des classes, opposant celle des locataires à celle des propriétaires. Même si l'auteur admet lui-même que cette division de la société n'est pas « aussi structurelle que le travail salarié », elle lui permet d'en parler en termes d'appropriation, amorcée dès la colonisation et le vol des terres aux peuples autochtones, puis poursuivie par la quête incessante de profits de la part des propriétaires.
L'auteur considère que cette dépolitisation repose sur des perceptions faussées des réalités des locataires comme des propriétaires. Il s'attarde donc à démolir les préjugés permettant de traiter les locataires comme des « citoyens de seconde zone » qui ont échoué à avoir accès à la propriété - et. à réaliser le « rêve canadien ». Il s'en prend du même souffle aux mythes, véhiculés depuis toujours au Québec par les associations de propriétaires, laissant croire que les propriétaires dans leur ensemble vivent dans une constante précarité financière. Il démontre au contraire, estimations chiffrées à l'appui, que la classe des propriétaires est principalement composée de « familles bien nanties, de petites entreprises, des sociétés immobilières et des investisseurs financiers », bien loin de risquer d'y laisser à tout moment leur chemise.
Un autre intérêt de La classe locataire est son récit de résistances passées ou actuelles sur le front du logement. Amateur d'histoire, Ricardo Tranjan raconte des épisodes de lutte qui se sont déroulés dans plusieurs provinces canadiennes depuis les années 1860. Dans le cas de Montréal, l'auteur a fait le choix d'écrire sur une lutte oubliée, celle des locataires des Habitations Jeanne-Mance, premier HLM construit au Québec, qui, dans les années 1960, ont dû affronter l'autoritarisme de ses administrateurs inspirés par l'idéologie de la rénovation urbaine dont l'un des objectifs était de « discipliner les locataires ».
L'essai coup-de-poing de Ricardo Tranjan se termine par un appel à « choisir son camp » dans la lutte des classes entre locataires et propriétaires. Il est à souhaiter que cet appel soit entendu et repris, les forces étant de plus en plus inégales, avec la marchandisation et la fiscalisation du logement, qui continuent sans entraves à étendre leurs tentacules.
François Saillant,
auteur et militant pour le droit au logement
Ricardo Tranjan, La classe locataire, Québec Amérique, 2025
[1] Gouvernement du Québec, Ministère des Affaires municipales et de l'Habitation, Stratégie québécoise en habitation, Bâtir ensemble pour mieux se loger, 2024,p. 4.

Alain Deneault et Claude Vaillancourt lèvent le voile sur le pouvoir incandescent des multinationales

Organisé par Attac Québec et accueilli par la librairie Zone Libre, le lancement de l'ouvrage « Multinationales : Une histoire du monde contemporain » a eu lieu mercredi 26 mars dernier. Claude Vaillancourt, président de l'organisation altermondialiste ATTAC-Québec et Alain Deneault, philosophe québécois, tous deux contributeurs de l'ouvrage, étaient sur place pour présenter la publication.
Tiré d'Alter Qiuébec.
Le livre noir des multinationales
Alain Deneault est notamment connu pour son ouvrage « Noir Canada », paru en 2008, dans lequel il remet en cause le discours discursif d'un Canada internationaliste et pacifiste qui soutient pourtant des entreprises qui exploitent et pillent les ressources du continent africain. Réitérant un projet militant et engagé à travers « Multinationales : Une histoire du monde contemporain », il estime que cet ouvrage aurait pu s'intituler « Le livre noir des multinationales » du fait de son approche critique qui s'attelle à dénoncer le vrai visage de ces entreprises et à mettre en lumière l'ampleur du pouvoir de dépendance qu'elles exercent à tous les niveaux de la société.
Structuré autour d'une ligne du temps débutant en 1850 à l'ère de la révolution industrielle, l'ouvrage rassemble les contributions d'environ quarante autrices et auteurs francophones. Il se lit aisément grâce à une approche historique riche en récits, permettant une lecture par période, qui en fait une véritable encyclopédie.
Cet ouvrage invite à nuancer l'idée célèbre avancée par Max Weber, selon laquelle l'État détient le monopole de la violence physique légitime en mettant en lumière le contre-pouvoir que représentent les multinationales. Il affirme que les États ont tendance de plus en plus à céder leur pouvoir au privé, jusqu'à placer les entreprises au-dessus des lois nationales.
Pour saisir la logique sous-jacente de cette dynamique, Claude Vaillancourt mentionne que tout cela fût rendu possible par l'avènement du néolibéralisme et le climat de libre-échange qui en découle. Cela a permis aux multinationales de se développer à une vitesse fulgurante.
Multinationales et absence d'éthique
L'histoire a montré que la croissance d'une multinationale est souvent impossible sans manquements à l'éthique ou exploitation. Dans un monde où leur pouvoir s'accroît sans cesse, l'ouvrage agit aussi comme un acte d'accusation contre le système lui-même.
On y dénonce l'incompatibilité croissante entre le développement des multinationales et les enjeux sociaux et environnementaux contemporains. Typiquement, les règles environnementales sont bien souvent considérées comme des obstacles par ces entreprises, ce qui témoigne de leur volonté d'adapter les lois, voire de les supprimer, à leurs seuls intérêts.
La relation entre les multinationales et l'extrême droite
Ce contournement et ce refus de politique environnementale illustrent d'ailleurs en partie la relation intime que les multinationales entretiennent avec l'extrême droite : les patrons des entreprises ne montrent en effet aucune réticence à s'associer à de tels partis, recherchant un environnement politique favorable à leurs profits.
Vincent Bolloré, chef d'entreprise à la tête du Groupe Bolloré — qui contrôle notamment Canal+, CNews, C8, Europe 1, ainsi que le groupe Lagardère — incarne parfaitement la dangerosité de ces stratégies d'influence idéologique, par lesquelles les multinationales cessent d'être de simples entreprises pour devenir de véritables acteurs politiques.
Historiquement centrée sur la logistique, la communication et le transport, et très implantée en Afrique, cette multinationale française s'est progressivement tournée vers le secteur des médias, ce qui permet aujourd'hui à Vincent Bolloré de façonner le débat public.
L'ère Trump
La récente réélection de Donald Trump mérite une attention particulière quant à son impact sur les multinationales. Connu pour ses mesures protectionnistes et isolationnistes, portées par un discours populiste et climatosceptique, l'exercice du pouvoir du milliardaire invite à s'interroger sur l'avenir de la mondialisation et des multinationales, qui se sont pourtant construites et renforcées en parallèle grâce à l'essor du libre-échange et à la « course vers le bas ».
Dans la continuité de son ouvrage « La fin du néolibéralisme » paru en 2023, Claude Vaillancourt signale que D.Trump ne fait que perpétuer la mise en œuvre des politiques néolibérales, mais à un niveau national et que son premier mandat a largement bénéficié à certaines multinationales. Ainsi sa réforme fiscale de 2017 a abaissé le taux d'imposition sur les sociétés de 35 à 21 % et ses remises en cause de certains accords de libre-échange ne visaient pas à limiter le pouvoir des multinationales, mais plutôt à tendre vers sa devise « America First », en appelant à un retour à une économie d'après-guerre.
Dans ce contexte, l'approche de D. Trump représente un paradoxe avec d'une part un discours patriotique et antisystème et d'autre part des politiques renforçant les multinationales. Conscient de leur portée stratégique, le président des États-Unis utilise les tarifs douaniers comme un outil de négociation et d'intimidation. Face à cette logique, il faudrait recréer une économie basée sur d'autres principes que ceux utilisés par ces multinationales et le libre-échange.
L'ouvrage démontre que la puissance et le champ d'action acquis par les multinationales sont tels, qu'elles peuvent s'adapter à toute conjoncture économique pour en tirer profit, faisant ainsi fi de principes tels que le pacifisme, l'éthique, les enjeux sociaux, le respect de l'environnement et du droit, la lutte contre les conflits d'intérêts et le capitalisme sauvage…. Claude Vaillancourt et Alain Deneault nous mettent aussi en garde contre l'influence de ce secteur privé qui favorise l'avènement de l'extrême droite dans nos sociétés. Ils critiquent la non-réaction des personnes politiques et, loin d'être défaitistes, les incitent, par leur volonté, à jouer un rôle qui rendrait nos sociétés plus démocratiques et conformes à leur posture morale.
Pour en savoir plus
Sous la direction d'Olivier Petitjean et Ivan du Roy (2025), Multinationales, une histoire du monde contemporain, Éditions La Découverte. Paris, 860 pages,
Site de l'Observatoire des multinationales
Site des Éditions La Découverte
Extrait du livre sur le site des Éditions de La découverte
Vidéo du lancement à Paris

Comptes rendus de lecture du mardi 8 avril 2025


La stratégie de l'autruche
Omar Aktouf
Omar Aktouf nous a quitté mercredi dernier. Professeur en gestion à l'École des hautes études commerciales de Montréal (HEC Montréal), il était un grand défenseur de la justice sociale et un ardent critique des modèles économiques néolibéraux. Je l'ai découvert à la lecture de son fameux ouvrage « La stratégie de l'autruche », publié en 2002. Il nous y expliquait en somme que « lorsque 3 milliards d'individus — soit la moitié de la planète — vivent avec moins de 3 $ par jour, que 225 milliardaires possèdent l'équivalent de l'avoir de 2 milliards de personnes, que 51 sociétés figurent parmi les 100 premières économies du monde, que l'économie mondiale est à 90% spéculative, que la masse financière (hors actions et obligations) circulant quotidiennement représente 10 fois la valeur des réserves cumulées de toutes les banques centrales du monde… » on était plus loin « du non-sens absolu ». Un bouquin où j'ai beaucoup appris et qui avait à l'époque contribué à nous ouvrir les yeux sur les aspects structurels des iniquités.
Extrait :
Chacun pourrait se demander ce que peut bien apporter un énième livre portant sur la mondialisation, ses conséquences, ses tenants et ses aboutissants lorsque, déjà, le sujet est au bord de la saturation. Ce que, en toute humilité, mais aussi avec une certaine certitude de praticien de première ligne, je prétends apporter avec cet ouvrage, c'est une autre façon d'interroger notre ordre économique dominant : en le mettant en parallèle constant avec son inséparable bras armé, le management. Bras armé devenu tout aussi mondialisé que la cause idéologique et théorique qu'il sert.

L'homme qui aimait les chiens
Leonardo Padura
Traduit de l'espagnol
Ivan, écrivain cubain en devenir miné par les difficultés et le découragement, rencontre sur la plage un singulier personnage qui prétend avoir bien connu Ramòn Mercader, l'assassin de Trotski. Cet homme lui racontera, au fil des rencontres, ce qui deviendra la trame du roman : la perpétuelle fuite de Trotski, traqué à mort par Staline, et le cheminement de son assassin, depuis la guerre d'Espagne jusqu'au tragique événement, et son emprisonnement et son rejet des siens. Un roman historique admirable, qui nous fait pénétrer au coeur du régime stalinien, avec ses purges, ses assassinats, et la peur diffuse, généralisée, qu'il provoque. Des millions de vies brisées, anéanties... Un vif désir de justice sociale, devenu, surtout sous Staline, une monstrueuse dictature.
Extrait :
Pour la première fois, Ramòn devait entendre parler avec insistance de l'opportunisme de Trotski, à l'époque exilé en Turquie, Trotski le plus sournois des ennemis, et ses partisans espagnols, dangereux infiltrés au sein de la classe ouvrière. Mais la véritable passion d'África ressortait quand elle dissertait sur la pensée et la pratique de Joseph Staline, l'homme qui faisait de la révolution bolchevik une forteresse radieuse. Tout à sa dévotion pour África, Ramòn se laissa gagner par sa haine démesurée pour Trotski et par sa vénération pour Staline, sans imaginer jusqu'où le mènerait ces passions.

Jacques Prévert
Yves Courrière
J'ai découvert cette biographie de Jacques Prévert en fouinant dans la bibliothèque de ma belle-sœur Sylvie. J'aime depuis longtemps ce grand poète anarchiste de l'après-guerre, connu d'abord pour son recueil « Paroles ». Cette biographie de 688 pages, écrite dans un style dense, nous fait beaucoup mieux connaître cet homme profondément épris de justice et de liberté.
Extrait :
C'est dans ce contexte que parut « Dîner de têtes », à l'instant où la dépression allait frapper vraiment la France. On mesure mieux l'impact subversif de ce texte quand on connaît la situation du pays au moment de sa publication, même si Commerce et les différentes revues littéraires d'avant-garde qui avaient publié Prévert n'étaient guère susceptibles de parvenir dans les mains ouvrières. L'important était de faire quelque chose au moment ou la misère et le mécontentement grandissaient dans la classe la plus défavorisée, mais aussi dans la classe moyenne. De nombreux citoyens y avaient, comme les ouvriers, de plus en plus de mal à joindre les deux bouts mais, contrairement à la classe ouvrière dont les espoirs allaient vers le parti communiste, ils se tournaient ver l'extrême droite où des ligues, ayant pour objectif de renverser la République, étaient en gestation.

Le pavillon des cancéreux
Alexandre Soljenitsyne
Traduit du russe
C'est l'un des plus connus et des bons romans de ce grand écrivain russe du XXe siècle qu'est Soljenitsyne. Au pavillon des cancéreux, quelques hommes, alités, souffrent d'un mal inexorable que l'on dit incurable. Mais le cancer n'est pas le véritable personnage de ce roman. Il est plutôt l'occasion pour ces hommes en sursis de s'interroger sur le sens de leur vie…
Extrait :
Une rivière qui finit dans les sables ! Une rivière qui ne se jette nulle part, qui distribue généreusement ses meilleures eaux, ses meilleures forces, comme ça, au passage et à l'occasion, à ses amis ! N'est-ce pas l'image de nos vies de bagnards, auxquelles il n'est pas donné de réaliser quoi que ce soit, qui sont vouées à un étouffement sans gloire, et ce que nous avons eu de meilleur, c'est un plan d'eau où nous n'étions pas encore à sec, et tout ce qui reste de nous, c'est ce qu'il tient d'eau dans la paume des deux mains, ce que nous avons mis de nous-mêmes et échangé avec autrui dans une rencontre, une conversation, un secours.
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La contre-offensive de la gauche et les écolos face à Marine Le Pen !

Le parti de l'extrême Droite (RN) a fait choux blanc à Paris ! Aussitôt saisies par l'évènement, les forces de la Gauche, des Ecolos, des Syndicats et des Associations, ont (en dépit du retard de coordination) répliqué le jour même par la mobilisation, dimanche 6 avril, Place de la République.
De Paris, Omar HADDADOU
Quand la guerre commerciale ombrage le génocide en continu à Gaza, et ses 50.000 morts !
Entre la politique protectionniste abrupte de Donald Trump (ulcéré par l'excèdent économique chinois), le subside de 4 millions de dollars versés annuellement à son protégé Bibi, sa détermination à éponger le déficit de 350 milliards de dollars par des taxes sur les droits de douane, la bulle inflationniste sur un fond de récession planétaire, de crashs boursiers et d'un écartèlement de l'Union Européenne, il est un lieu qui n'accroche point l'attention des amateurs de la capitalisation, les courtiers et autres charognards de la finance, à savoir la bande de Gaza ! Génocidaires et racistes patentés sanglés de cimeterre néocolonialiste, frappent aujourd'hui d'une manière qui dépasse l'imaginaire.
Impuissantes face au crime, les Institutions internationales inspirent répugnance et infamie. La force de frappe des nantis libéraux dans l'espace public en proie au conflit est telle, qu'ils se paient le luxe de braver la Justice avec désinvolture. Le cas du premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et sa campagne d'extermination en est la preuve irréfragable. Idem pour la cheffe de file du Rassemblement National, Marine le Pen.
Le premier, frappé d'un mandat d'arrêt, poursuit dans l'impunité absolue, à défier la Cour Pénale Internationale (CPI) en se déplaçant librement, comme ce fut le cas, hier 7 avril, lors de sa visite à Donald Trump pour le persuader à exempter Israël ou aménager les droits de douanes (s'élevant à 17% ) à compter de mercredi. Un déplacement ayant aussi pour ordre du jour l'obtention de l'approbation de Washington pour éradiquer le Hamas.
Quant à la Députée européenne et fer de lance du RN, Marine le Pen, s'appuyant sur ses relais avec les puissances financière et médiatique en Europe et outre atlantique, elle exclut toute « musique » prémonitoire l'expédiant au cimetière des icônes déboulonnées.
La cheffe de file du Rassemblement national avait, rappelons-le- a écopé d'une peine de 4 ans de prison dont 2 fermes et 5 ans d'inéligibilité avec application immédiate, ainsi que 100. 000 euros d'amende au procès des Assistants Parlementaires du Front National.
La mise en cause déclarait fermement qu'elle fera appel. Une décision lui sera notifiée à l'été 2026. Un procès dont l'ampleur continue à alimenter les plateaux friands d'audimat. Héritière de l'effronterie de son feu père, elle confesse aux médias que « c'est un combat comme d'autres ! ». Au journal « Le Parisien », elle fait preuve du même aplomb : « Je ne me laisserai pas faire. Ça ne m'atteint pas, ça me motive ! »
UN PLAN SERRE DE L'IMAGE POUR GONFLER LA STATISTIQUE AVEC LA CONNIVENCE DES MEDIAS. Comble de l'imposture propre à l'Extrême Droite, fournir aux médias inféodés publics et privés des vidéos taillés sur mesure sur la manif. Le but ? Masquer la déshérence de la manifestation, c'est-à-dire le Flope ! Une enquête menée par une journaliste, relayée, ce lundi, par les matinales radiophoniques, a débusqué le « Grenouillage » de l'extrême Droite, qui aurait eu recours à cette pratique machiavélique.
C'est dans ce climat de racisme effusif et de campagne génocidaire, à l'heure où l'on apprend la mort de 32 Palestiniens, principalement des femmes et des enfants, tués dans des frappes aériennes israéliennes dans la bande de Gaza, que les voix de la Gauche et des Ecologiste se sont élevées ce dimanche à Paris, Place de la République pour dire « Stop aux massacres ! ».
Urgence Palestine, LFI-NFP, associations, syndicats, Etudiants (es), corps médicaux, citoyens (es), ont donné de la voix lors de cette marche. Des représentants de collectifs ont pris la parole pour dénoncer la complicité et le silence des Occidentaux. Les slogans scandés par la foule portaient des messages forts, appuyés par des mises en scène macabres, illustrant le massacre des femmes et des bébés, sur une chaussée arrosée de sang.
Une manif qui illustre l'innommable cruauté, clôturée par : « Une seule solution, la décolonisation ! » « Gaza, Gaza, Paris est avec toi ! Nous ne lâcherons rien ! Nous serons là pour empêcher les racistes de conquérir la rue ! » « On est là, on là, même si Macron ne veut pas, mais on là ! » « Pas de Fachos dans nos quartiers, pas de quartiers pour les Fachos ! Gaza vaincra ! ».
O.H




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Un « coup » à l’Université Columbia ?

Princeton est devenue la dernière université à être ciblée par l'administration Trump. Le gouvernement fédéral suspend des dizaines de subventions fédérales à Princeton. La nouvelle est tombée un jour après que l'administration Trump a menacé de couper près de 9 milliards de dollars à Harvard en raison de la réponse de l'école aux manifestations organisées par les étudiants sur le campus en solidarité avec Gaza. Auparavant, l'administration Trump avait suspendu 175 millions de dollars de financement fédéral à l'université de Pennsylvanie et 400 millions de dollars à l'université de Columbia. À Columbia, le conseil d'administration a réagi en acceptant une série de demandes du président Trump dans le but de conserver le financement fédéral.
(This is Democracy Now !, democracynow.org, The War and Peace Report. I'm Amy Goodman, with Juan González).
Tout cela intervient alors que Columbia est en pleine tourmente. Vendredi, la présidente intérimaire de Columbia, Katrina Armstrong, a démissionné. Le conseil d'administration de Columbia a alors nommé sa propre coprésidente, la journaliste Claire Shipman, au poste de présidente par intérim de l'école.
Pendant ce temps, Mahmoud Khalil, un étudiant palestinien leader de la contestation à Columbia, reste enfermé dans une prison pour immigrés en Louisiane plus de trois semaines après avoir été enlevé par des agents de l'ICE dans son logement de l'université de Columbia, après avoir fait appel au président de Columbia pour qu'il l'aide. Mardi, un juge fédéral du New Jersey a décidé que le procès de Khalil devait se poursuivre dans le New Jersey, où Khalil a été emmené avant d'être envoyé en Louisiane.
Nous sommes rejoints par Katherine Franke, ancienne professeure à la faculté de droit de Columbia.
Bienvenue sur Democracy Now ! En quoi est-ce inhabituel ? C'est la troisième femme, les trois premières femmes, à être présidente de l'université de Columbia. D'abord Minouche Shafik, et maintenant Katrina Armstrong, qui a été renvoyée et remplacée par le coprésident du conseil d'administration ?
KATHERINE FRANKE : Ce à quoi nous assistons, c'est à la poursuite et à l'escalade de la dérive du conseil d'administration de l'université de Columbia. Un rapport de près de 400 pages a été publié hier par le Sénat de l'Université de Columbia, documentant la manière dont les administrateurs ont abusé de leur pouvoir au cours des deux dernières années pour mal gérer les événements à Columbia. Ainsi, la nomination de Claire Shipman, en dehors du processus normal, à la présidence de Columbia fait partie de ce modèle de prise de contrôle de l'université par les administrateurs, par ces mandataires sociaux de l'université, qui ont clairement démontré qu'ils ne ressentent aucune fidélité à la protection de notre mission académique, mais qui, d'une certaine manière, travaillent main dans la main avec l'administration Trump pour détruire cette même mission.
JUAN GONZÁLEZ : Et, Katherine, quand vous dites que le conseil d'administration se comporte en voyou, quel serait le processus normal de sélection d'un président à Columbia ?
KATHERINE FRANKE : Eh bien, Juan, je suis heureuse que vous posiez la question. J'ai apporté avec moi la charte et les statuts de Columbia. L'un de leurs articles stipule très clairement que lorsqu'un président ou un président en exercice a quitté ses fonctions, a démissionné ou s'est retiré d'une autre manière, le provost est censé devenir le président en exercice, jusqu'à ce que les administrateurs procèdent à une recherche régulière, qui impliquerait de nombreuses parties prenantes au sein de la communauté universitaire. Mais au lieu de permettre à Angela Olinto, la doyenne de Columbia, qui jouit d'une excellente réputation et qui, je pense, aurait été accueillie comme présidente par intérim par tous les membres de notre communauté, ils ont nommé leur propre coprésident du conseil d'administration, conformément aux règles statutaires.
Et Juan, je dois dire que j'ai l'impression que l'université de Columbia est devenue la Tesla de la communauté universitaire américaine, où des personnes fortunées achètent leur place au conseil d'administration et se nomment ensuite PDG de l'organisation, pour ensuite ruiner l'image de marque de cette institution.
Personne de sensé ne veut d'une Tesla en ce moment, et les gens se dirigent vers les portes de Columbia. Les admissions viennent d'être publiées pour le programme de premier cycle, et les chiffres sont en chute libre.
Les étudiants ne veulent pas venir à Columbia.C'est donc très similaire, cette sorte de prise de contrôle hostile de notre institution, celle avec laquelle vous avez un long héritage, Juan, qui reflète ce qui se passe également dans d'autres parties du pays.
JUAN GONZÁLEZ : Et je voulais vous interroger à ce sujet, la menace de l'administration Trump de couper 400 millions de dollars de financement fédéral à l'université qui l'a forcée à reculer sur certaines questions clés.Columbia dispose, d'après mes dernières lectures, d'une dotation de 14,8 milliards de dollars.
Elle aurait facilement pu remplacer ces 400 millions de dollars pour les quatre mandats de - les quatre années de l'administration Trump - à partir de sa propre dotation, et je suppose que c'est à cela que sert une dotation, pour les situations d'urgence.
Quel est votre sentiment sur la façon dont ces universités, au cours des dernières décennies, en dépendant largement des entreprises donatrices ou des subventions fédérales, se sont mises dans une situation où elles sont essentiellement contrôlées par des forces extérieures ?
KATHERINE FRANKE : Je pense que c'est tout à fait exact, que le modèle d'entreprise d'une université, en particulier des grandes universités de recherche comme Columbia, en est venu, au cours des dernières années, à dépendre très fortement de l'argent fédéral pour son budget.C'est la plus grande partie de notre budget, avec les frais et autres revenus que nous tirons de la gestion de l'école de médecine.Il ne s'agit pas des frais de scolarité. Ce ne sont pas les grands donateurs.Ce sont les deux : l'argent fédéral et les revenus de la faculté de médecine. Il ne s'agit pas des frais de scolarité.
Ce ne sont pas les grands donateurs. Il s'agit de ces deux éléments : l'argent du gouvernement fédéral et les revenus de la faculté de médecine.
Et lorsque nous sommes en phase avec le gouvernement américain, c'est une excellente chose.
Mais lorsque ce n'est pas le cas, nous sommes incroyablement vulnérables. Je pense donc que c'est le moment où toutes les universités - et l'enseignement supérieur en général - doivent réfléchir à un nouveau modèle de gestion d'une université, qui ne soit pas aussi dépendant des vents politiques qui soufflent sur notre pays.
Je ne pense pas que le fonds de dotation va résoudre notre problème. Une grande partie des fonds de la dotation de Columbia, qui est la plus petite de toutes les écoles de l'Ivy League, je le note, sont liés de telle sorte qu'ils doivent être alloués à des flux de financement particuliers. Ils ne peuvent pas être réappropriés pour financer ou remplacer ces subventions fédérales. En tout état de cause, il s'agirait d'une solution de fortune à court terme. Le budget est trop important pour être couvert par les subventions fédérales qui ont été supprimées. Il s'agit de plus de 400 millions de dollars aujourd'hui, mais ce sera beaucoup plus. À Harvard, on parle de milliards de dollars. Le fonds de dotation ne peut pas combler cette lacune.
Il est donc temps pour nous de réfléchir aux raisons pour lesquelles les professeurs ou, plus important encore, les présidents d'université sont si bien payés.
Nous devons nous demander qui est rémunéré et valorisé au sein de l'université. Ce sont ces mêmes chercheurs de l'école de médecine qui gagnent beaucoup plus qu'un professeur de philosophie ou d'anglais à Columbia, en partie pour récompenser le fait qu'ils ont puisé dans les fonds fédéraux pour soutenir le modèle d'entreprise de l'université.
Il est donc temps que nous prenions du recul et que nous ne disions pas « Oh, la tirelire va nous sauver », mais que nous réfléchissions de manière plus critique à la manière dont nous gérons nos universités.
AMY GOODMAN : Je voudrais m'adresser à Jeff Sovern. Il est l'un des quatre enfants du premier président juif de l'université Columbia, Michael Sovern. Mardi, Democracy Now ! a contacté Jeff et lui a demandé de lire à haute voix la lettre ouverte que lui et ses frères et sœurs viennent de publier dans le Washington Post.
JEFF SOVERN : Notre père, Michael I. Sovern, a été le premier président juif de l'université Columbia, qu'il a servie pendant plus de 60 ans.
Nous pensons que s'il était vivant aujourd'hui, il serait dégoûté par la coercition exercée par le gouvernement sur Columbia, prétendument au nom de notre religion. Nous ne croyons pas que le président Donald Trump soit sincère dans sa volonté de protéger les juifs de l'antisémitisme.
Nous trouvons plus probable qu'une administration dont le vice-président a convenu avec Richard M. Nixon que « les professeurs sont l'ennemi » utilise l'antisémitisme comme prétexte pour nuire à Columbia et aux autres universités d'élite américaines. ...
Notre père est l'une des trois seules personnes inhumées sur son campus bien-aimé de Columbia. L'attaque de Trump contre l'université profane un lieu sacré pour notre famille. Il est à la fois plausible et inquiétant que certains à Columbia soient antisémites. Mais nous ne pensons pas que les tentatives visant à forcer l'université à renoncer à son indépendance soient une réponse appropriée. Et nous souhaitons que l'administration Trump cesse de nous éclairer au gaz.
AMY GOODMAN : Il s'agit de Jeff Sovern, l'un des quatre enfants du premier président juif de l'université Columbia, Michael Sovern.
Il lisait une lettre ouverte que lui et ses frères et sœurs avaient publiée dans le Washington Post. Professeur Katherine Franke, vous avez enseigné à Columbia pendant près d'un quart de siècle. Vous avez finalement été contrainte de prendre votre retraite en raison de votre soutien aux étudiants pro-palestiniens, aux étudiants juifs, aux étudiants musulmans, aux étudiants qui se considèrent comme athées, peu importe, mais qui partagent tous leur inquiétude face à l'assaut d'Israël sur Gaza. Pouvez-vous nous parler de ce qu'il dit et de ce marteau d'accusations d'antisémitisme, les assimilant à de l'antisionisme ?
KATHERINE FRANKE : Michael Sovern a été un incroyable président de notre université. Son bureau, après qu'il a quitté ses fonctions de président, se trouvait au bout de mon couloir, et je le voyais donc tous les jours. Il a dirigé l'université dans des moments très difficiles et était en fait président lorsque j'étais étudiante à Columbia - à Barnard. À l'époque où j'étais étudiante, Columbia n'admettait pas de femmes. La déclaration de ses enfants résonne donc très fort pour ceux d'entre nous qui ont très bien connu le président Sovern.
Je sais que Lee Bollinger, notre président le plus récent - enfin, pas le plus récent, car nous en avons eu tellement, mais notre président le plus récent à long terme - exprime lui aussi, enfin, de réelles inquiétudes quant à la direction de l'université.
Et j'ai parlé à un certain nombre d'anciens proviseurs, qui estiment que Columbia a perdu son chemin au nom de la protection des étudiants juifs - de certains étudiants juifs - contre les préjugés.
Et, bien sûr, nous ne devrions avoir aucune forme d'antisémitisme sur notre campus, mais ceci est utilisé comme une feuille de vigne pour un projet politique.
Si Columbia se souciait vraiment d'éradiquer toutes les formes de préjugés de notre université, elle aurait fait quelque chose de sérieux au sujet d'un de mes collègues masculins de la faculté de droit qui utilise régulièrement le mot N en classe, un collègue masculin blanc qui pense que c'est drôle et que cela le rend cool, ou un autre qui raconte des blagues sur l'esclavage à des étudiants noirs en classe et qui pense que c'est une chose très drôle et appropriée à faire dans la classe. Les élèves noirs de ces classes se sont plaints auprès de l'administration, mais rien ne s'est passé.
Je sais que Lee Bollinger, notre président le plus récent - enfin, pas le plus récent, car nous en avons eu tellement, mais notre président le plus récent à long terme - exprime lui aussi, enfin, de réelles inquiétudes quant à la direction de l'université.
Et j'ai parlé à un certain nombre d'anciens proviseurs, qui estiment que Columbia a perdu son chemin au nom de la protection des étudiants juifs - de certains étudiants juifs - contre les préjugés.
Et, bien sûr, nous ne devrions avoir aucune forme d'antisémitisme sur notre campus, mais ceci est utilisé comme une feuille de vigne pour un projet politique.
Si Columbia se souciait vraiment d'éradiquer toutes les formes de préjugés de notre université, elle aurait fait quelque chose de sérieux au sujet d'un de mes collègues masculins de la faculté de droit qui utilise régulièrement le mot N en classe, un collègue masculin blanc qui pense que c'est drôle et que cela le rend cool, ou un autre qui raconte des blagues sur l'esclavage à des étudiants noirs en classe et qui pense que c'est une chose très drôle et appropriée à faire dans la classe. Les élèves noirs de ces classes se sont plaints auprès de l'administration, mais rien ne s'est passé.
Nous avons donc une réaction excessive face à l'antisémitisme – et encore une fois, je ne prétends pas qu'il n'y a pas d'incidents ; il y a toujours des formes d'antisémitisme dans toutes les institutions dont nous faisons partie – mais nous ne réagissons absolument pas aux questions de sexisme, de racisme, d'homophobie, etc. D'ailleurs, tous ces propos ont été retirés du site web de l'université. J'ai des collègues transgenres à Columbia qui craignent pour leur sécurité dans les locaux de la faculté de droit. L'environnement ne nous a donc pas procuré un sentiment de sécurité accru. Notre sécurité a été instrumentalisée au nom de la promotion d'un projet politique plus vaste qui, à mon avis, vise à démanteler l'université elle-même.
JUAN GONZÁLEZ : Et Katherine, je voulais vous interroger sur la campagne de terreur menée par l'administration Trump contre les étudiants internationaux, notamment la révocation de leur statut d'immigration. Le Times of India rapporte que le Département d'État a envoyé des courriels à des centaines d'étudiants internationaux, leur demandant de s'auto-expulser pour leur prétendue participation à des activités militantes sur les campus. Les États-Unis sont depuis longtemps un lieu d'études pour des étudiants du monde entier. Quel est l'impact de cette situation, non seulement sur Columbia, mais aussi sur toutes les universités du pays ?
KATHERINE FRANKE : Eh bien, Juan, je ne saurais trop insister sur le fait que nos étudiants sont terrifiés.
Et il ne s'agit pas seulement des étudiants qui ont des visas ou des cartes vertes. Il s'agit de tous nos étudiants qui viennent d'autres pays, qui peuvent même être citoyens à ce stade, parce qu'il semble qu'il n'y ait pas de limite à la manière dont cette administration va tester et violer la loi en nettoyant - cela ressemble à une sorte de nettoyage racial et ethnique qui se produit sur nos campus.
L'une des raisons pour lesquelles j'aimais être professeur à Columbia était que dans beaucoup de mes cours, la moitié des étudiants venaient d'autres pays. Ils apportaient leurs expériences, leur sagesse, d'autres notions d'autres systèmes juridiques, d'autres cultures dans la salle de classe, ce qui en faisait un environnement d'apprentissage très riche. J'ai beaucoup appris d'eux.
Et quand je parle à mes collègues maintenant - je n'enseigne plus, mais j'entends que ces étudiants ne disent pas un mot. Et certains d'entre eux ne viennent même plus sur le campus, parce qu'ils ont peur de se faire pincer et que l'administration leur remette leur téléphone portable et leur adresse personnelle. Les classes se vident donc de ces voix et de ces corps. C'est une perte pour la communauté de Columbia, mais c'est une forme horrible de terreur pour les étudiants qui sont effrayés.
AMY GOODMAN : Alors que nous parlons de ce qui arrive aux étudiants, je voulais terminer - nous n'avons qu'une minute. Mardi, un juge fédéral du New Jersey a statué que Mahmoud Khalil - il était le négociateur entre les étudiants et l'Université de Columbia ; il était un étudiant diplômé de SIPA, qui avait une carte verte - que son cas - il a été retiré du logement de l'Université de Columbia ; sa carte verte a été révoquée ; il a été éloigné de sa femme, qui était sur le point d'accoucher ; et il a été envoyé dans une prison de l'ICE en Louisiane. Le juge du New Jersey a décidé que son dossier devait être traité dans le New Jersey, où il a été emmené avant d'être envoyé en Louisiane. Que se passe-t-il dans cette affaire ? Vous étiez conseiller de Mahmoud Khalil.
KATHERINE FRANKE : J'ai travaillé en étroite collaboration avec lui pendant un an et demi, tout comme l'université.
Ils l'ont choisi comme étudiant pour s'asseoir au milieu, entre les étudiants qui protestaient et l'administration elle-même, parce qu'ils savaient qu'il était mature, qu'il était raisonnable, que tout le monde lui faisait confiance. Il était exactement la personne qu'il fallait pour être le négociateur entre l'université et les étudiants. Et puis ils lui ont mis une cible dans le dos, essentiellement, en laissant des contre-vérités circuler dans les médias sociaux et ailleurs, sortir de la bouche de la secrétaire d'État et d'autres responsables de l'administration Trump. Vous savez, cela me brise le cœur, Amy, de voir ce qui lui arrive à lui et à sa famille, mais pas seulement à eux.
Il est toujours dans ce centre de détention, cet horrible endroit en Louisiane, même si l'affaire est dans le New Jersey.
Ses avocats se battent avec acharnement - je les connais tous bien - pour qu'il soit transféré. Son dossier a été déplacé, mais il ne l'a pas été. Et ils continuent d'argumenter auprès du juge pour que Mahmoud rentre chez lui, pour qu'il soit - en quelque sorte - chez lui, dans le New Jersey, pour qu'il soit plus proche de sa famille et de ses avocats.
C'est une horrible leçon de choses qui montre comment les institutions dont vous pensez faire partie et auxquelles vous pouvez faire confiance se retournent contre vous, qu'il s'agisse de Columbia ou du gouvernement des États-Unis, et à quel point il est difficile de le ramener dans un lieu de sécurité et de liberté. Et nous espérons tous que les prochaines plaidoiries au tribunal ramèneront Mahmoud au moins dans un centre de détention du New Jersey, ce qui est mieux que l'endroit où il se trouve actuellement.
AMY GOODMAN : Katherine Franke, ancienne professeure à la faculté de droit de Columbia, où elle a passé un quart de siècle, a été contrainte de prendre sa retraite en janvier.
Source : https://www.democracynow.org/2025/4/2/university_trump_gaza_harvard_princeton_columbia
Traduit avec Deepl.com, par Martin Gallié pour PTAG.
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Alors que les crises convergent, le défi de savoir comment avancer pour celleux d’en bas

Cette résolution sur la situation mondiale était adoptée par le 18e Congrès mondial par 109 pour, 12 contre, 7 abstentions et 4 NPPV.
Par Quatrième internationale
27 mars 2025
18e Congrès Mondial - 2025
Toastt21 — Travail personnel, CC BY-SA 4.0
Introduction
Il y a quatre ans, il était impossible de prédire à quelle vitesse la multicrise, ou convergence des crises capitalistes, allait s'accélérer. Donald Trump est revenu renforcé au gouvernement de l'impérialisme hégémonique, cette fois avec un cabinet et un projet ouvertement néofasciste ou “pur” post-fasciste : le Projet 2025 de la Fondation Heritage (l'un des groupes de réflexion les plus anciens et les mieux financés de l'extrême droite américaine), repris par le Parti républicain trumpiste. Il représente les secteurs les plus radicaux du capital étatsunien – en termes de libertarianisme néolibéral et de mépris pour les institutions de la démocratie bourgeoise la plus ancienne : nominalement les Big Tech, la crypto finance, le capital-risque et l'industrie fossile, auxquels s'ajoute l'industrie désormais plus lucrative que jamais de l'armement.
Compte tenu de la profondeur et de la violence des mesures qu'elle applique déjà aux niveaux national et international, l'administration américaine sous Trump-Musk devient une “bombe” intensifiant au maximum toutes les crises de la “multicrise” (ou convergence des crises) que nous soulignons dans ce document. C'est un tournant, qui inaugure un nouveau moment dans la situation mondiale, encore plus turbulent, dangereux et imprévisible. Trump 2.0 cherche à lutter contre le déclin relatif de l'hégémonie américaine au cours des dernières décennies en projetant à l'échelle mondiale une suprématie expansionniste, recolonisatrice, prédatrice et annexionniste – une suprématie qui ramènerait les États-Unis à la situation d'hégémonie sans concurrents de l'immédiat après-guerre. C'est le sens national et international de MAGA.
Le Trump du second mandat est bien plus activement dangereux pour les travailleur·ses et les citoyen·nes américain·es, pour la géopolitique, l'économie mondiale et l'équilibre international des pouvoirs que son premier mandat. Il considère tout le monde comme un ennemi : la Chine en premier lieu, la Russie de son “ami” Poutine, l'ONU et avec elle toutes les institutions de l'ordre mondial des 80 dernières années, ainsi que les BRICS et tout gouvernement souverain se trouvant sur son chemin. Sans parler des institutions démocratiques bourgeoises américaines elles-mêmes, sur lesquelles il entend imposer des changements sans précédent.
Fort d'une victoire électorale convaincante, du contrôle du Congrès et de la Cour suprême, d'un ministère de faucons et de milliardaires non qualifiés mais loyaux, Trump est sérieux lorsqu'il menace de reprendre le canal de Panama, de s'emparer du Groenland et d'annexer le Canada, et lorsqu'il annonce un plan explicite pour « nettoyer » Gaza et déporter ses habitant·es en Égypte et en Jordanie, soutenir la colonisation israélienne de la Cisjordanie, après avoir imposé le récent cessez-le-feu à un Netanyahou réticent mais complètement soumis. Son administration procède déjà à des expulsions humiliantes et médiatiques (des travailleurs immigrés latino-américains et indiens, qualifiés de bandits, arrivent enchaînés dans leur pays).
Le leader mondial des climatosceptiques, Trump 2.0, a annoncé des incitations totales à l'exploration et à l'exploitation des énergies fossiles (drill, baby, drill !), a déjà détruit l'EPA (l'agence américaine de l'environnement) et a ordonné l'annulation du financement de tous les programmes avec lesquels les États-Unis collaboraient à des projets de protection écologique à l'étranger. Le rejet même du “capitalisme vert” par ces nouvelles fractions impérialistes au pouvoir est lié à la concurrence avec la Chine, qui domine les technologies alternatives aux énergies fossiles (éolien, solaire, transport électrique). L'intelligence artificielle, sur laquelle ils parient comme le moyen le plus rapide de dépasser les Chinois, nécessite des ressources énergétiques gigantesques et un contrôle sur les ressources minérales de toute sorte.
Pour mettre en pratique le “America First”, les néofascistes désormais soutenus par des secteurs essentiels du capital étatsunien ont besoin du climato-scepticisme, du mépris absolu pour les terribles menaces que la catastrophe écologique fait peser sur la vie de centaines de millions d'êtres humains innocents, tout comme ils ont besoin de la haine de ceux qui sont différents, de ceux qui résistent, des femmes, des LGBTQIA+. Ils ont besoin de l'exaltation virilo-misogyne de la force comme moyen de s'imposer, de la volonté de soumettre la Chine, la Russie, l'Europe et le monde entier. Mais ils ont avant tout besoin de vaincre les mouvements syndicaux, étudiants, communautaires, féministes, noirs et indigènes, les ONG pro-démocratie, et même la presse bourgeoise américaine critique.
Le projet trumpiste exprime également la nécessité pour ces fractions du capital impérialiste qu'il représente d'empêcher à tout prix – même au prix du démantèlement de l'État américain et de la fin de tout vestige de politique sociale et égalitaire – la transformation démographique des États-Unis en une nation pleinement diverse, majoritairement non blanche, racialement, politiquement, sexuellement et religieusement, et la menace politique qui en découle pour l'élite politique et économique wasp. Comme le soulignent les analyses de Black Lives Matter, il s'agit d'une réaction stratégique face au danger que la population américaine ne soit plus blanche, protestante ou anglo-saxonne, tout comme ne l'est plus la Californie (avec les Latinos, les Afro-Américain·es, les métis, les Asiatiques et les peuples autochtones).
La victoire de Trump a stimulé les mouvements d'extrême droite dans les centres capitalistes et dans les pays périphériques ou semi-périphériques. Les peuples les plus directement menacés par l'impérialisme hégémonique sous Trump sont les peuples du Moyen-Orient, à commencer par les Palestiniens. La nouvelle administration américaine devient maintenant, avec le gouvernement génocidaire de Netanyahou, l'avant-garde de l'extrême droite mondiale, avec un soutien total au projet colonial de l'État sioniste. Israël mène actuellement une campagne de terreur massive et une guerre asymétrique qui constituent un saut qualitatif dans la guerre d'apartheid, de colonisation et de nettoyage ethnique qui dure depuis 75 ans. Le premier objectif est d'éradiquer le peuple palestinien par la déshumanisation des Palestinien·nes et une logique suprémaciste. Mais, un pays après l'autre, les réfugiés et les migrants, les militants écologistes, les militants de la solidarité avec la Palestine et d'autres sont la cible de mesures répressives adoptées par des gouvernements de droite (et autres), officiellement dirigées contre de prétendues menaces « terroristes », « criminelles » et « antisémites ».
L'administration Trump 2.0, ainsi qu'Israël, visent également à isoler davantage l'Iran et à l'attaquer – une des explications des tentatives étatsuniennes de séparer la Chine de la Russie et de passer des accords distincts avec l'Inde de Modi, en un mot de diviser les fragiles BRICS actuels. Au Moyen-Orient, neutraliser Poutine pour qu'il n'interfère pas dans la région en échange d'une paix pro-russe dans la guerre d'Ukraine pourrait signifier un nouveau chapitre plus sanglant de la guerre expansionniste étatsunienne-israélienne contre l'Iran.
En Europe occidentale, l'impact de Trump, ses menaces, ses tarifs douaniers et son chantage avaient déjà fait pression sur Macron pour élever les dépenses militaires françaises aux 5 % exigés par les États-Unis. Les menaces de l'impérialisme américain contre le Groenland sont, avant tout, une menace contre la population du Groenland, qui se retrouve prise dans un réseau de concurrence impérialiste qu'elle n'a pas choisi. Mais c'est aussi une menace pour le monde, mis en danger par l'exploitation avide des richesses du Groenland et la militarisation du fragile Arctique. Un simple accident comme celui du golfe du Mexique en 2010 pourrait signifier des dommages irréversibles pour les océans de la planète. De même, un affrontement militaire dans l'Arctique pourrait s'avérer fatal pour les écosystèmes mondiaux. La perspective à court et moyen terme est un renforcement du réarmement général.
Alors que la concurrence économique et géopolitique entre les États-Unis et la Chine s'intensifie sous Trump, le monde deviendra encore plus militarisé ; la menace nucléaire se renforcera et les conflits et les tensions se multiplieront à la suite des contradictions exacerbées par le nouveau projet impérialiste. Rien ne se fera sans contradictions importantes. Comment parviendront-ils à déconnecter l'économie américaine de la machine manufacturière chinoise ? Si l'ennemi central est la Chine – s'interroge le New York Times – pourquoi alors se battre avec ceux qui pourraient être des alliés contre elle (en référence à l'Inde, à l'Europe, et aux voisins Mexique et Canada) ? Pourquoi la guerre tarifaire généralisée, qui va faire monter les prix intérieurs ? Si l'effondrement climatique a le potentiel d'anéantir une grande partie de l'humanité, pourquoi l'encourager ?
C'est la nature du capital en général et de ces secteurs en particulier : face à une réduction sans précédent de la croissance et de leurs taux de profit et d'accumulation après 2008, ils embrassent la solution ultralibérale, guerrière et fasciste. Devant l'impossibilité de rester les gestionnaires d'un système qui garantit des profits extraordinaires pour le capital de tous bords, ils choisissent de protéger leurs propres intérêts et d'imposer leurs règles au monde. Un projet mondial de changement d'une telle ampleur et d'une telle virulence ne peut s'imposer sans rencontrer une résistance importante.
Même si les exploité·es sont privé·es d'alternatives sociales et politiques de la part de la gauche révolutionnaire, les conflits de tous bords s'intensifieront. Les militant·es et sympathisant·es de la IVe Internationale doivent répondre à ce scénario incertain et difficile par une compréhension et une action révolutionnaires. La crise multidimensionnelle du capitalisme, avec ses monstres – dont l'un se trouve à la Maison Blanche – rapproche la planète de l'effondrement et l'humanité de l'extinction. Notre immense tâche est de contribuer à l'arrêter de toute urgence.
I/ Une crise planétaire multidimensionnelle
Les problèmes importants de l'humanité sont plus internationaux que jamais. La crise capitaliste est devenue multidimensionnelle pour la société humaine et la Terre. Il y a une articulation dialectique des différentes sphères, sans hiérarchie, entre (a) la crise environnementale – qui depuis plusieurs années produit des phénomènes climatiques de plus en plus extrêmes et rapproche le point de non-retour, la limite pour mettre en œuvre des mesures visant à assurer la survie même de l'humanité sur Terre, (b) la phase de stagnation économique de longue durée, et ses conséquences sociales déstructurantes, (c) l'avancée de l'extrême droite sur la voie ouverte par les démocraties et les gouvernements néolibéraux en crise, (d) l'intensification, sur le plan de la bataille entre les États, de la lutte pour l'hégémonie entre les États-Unis et la Chine, (e) la multiplication et l'intensification, toujours plus dangereuses, des guerres.
La crise de la mondialisation néolibérale a ouvert une nouvelle phase dans l'histoire du capitalisme. Il s'agit d'une période qualitativement différente de celle que nous avons vécue depuis l'instauration de la mondialisation néolibérale à la fin des années 1970, et bien plus conflictuelle du point de vue de la lutte des classes et de la lutte entre les États que celle qui s'est ouverte il y a 33 ans avec l'effondrement de l'Union soviétique et des régimes bureaucratiques d'Europe de l'Est.
1.1. Qu'est-ce qui caractérise la polycrise actuelle ?
Il existe deux différences majeures entre la situation actuelle et la convergence des crises au début du 20e siècle, qui ont débouché sur “l'ère des catastrophes” (1914-1946). La facette la plus immédiatement menaçante de cette crise multidimensionnelle qui n'existait pas il y a cent ans est la crise écologique provoquée par deux siècles d'accumulation capitaliste prédatrice.
L'économie capitaliste mondialisée, basée sur la combustion d'énergies fossiles et la consommation croissante de viande et d'aliments ultra-transformés, aggrave rapidement la crise climatique. Un climat qui réduira l'avenir de l'humanité sur la planète. La fonte des pôles et des glaciers accélère la montée des eaux et la crise de l'eau. L'agro-industrie, l'exploitation minière et l'extraction d'hydrocarbures progressent (non sans résistance) sur les forêts tropicales, pourtant essentielles au maintien des systèmes climatiques et de la biodiversité de la planète. Les effets de la crise climatique continueront à se manifester violemment, détruisant les infrastructures, les systèmes agricoles, les moyens de subsistance et provoquant des déplacements massifs de populations.
Rien de tout cela ne se produira sans une exacerbation des conflits sociaux.
Le deuxième élément à souligner (très différent d'il y a cent ans) est l'absence d'alternatives révolutionnaires de masse. En effet, au milieu de ces changements de plus en plus rapides, le problème de l'absence d'une alternative crédible au capitalisme aux yeux des masses, l'absence d'une force anticapitaliste ou d'un ensemble de forces dirigeant des révolutions économiques et sociales devient plus aiguë. Le moment d'extrême instabilité du capitalisme et de son système interétatique est aussi celui d'une grande fragmentation politique et idéologique des mouvements sociaux et de la gauche.
1.2. Les crises se renforcent mutuellement : guerres, reproduction sociale et algorithmes
Une crise multidimensionnelle n'est pas une simple somme de crises, mais une combinaison dialectiquement articulée, dans laquelle chaque sphère a un impact sur l'autre et est impactée par les autres. Le lien entre la guerre en Ukraine (avant l'explosion du conflit en Palestine) et la stagnation économique a aggravé la situation alimentaire critique des plus pauvres dans le monde, avec plus de 250 millions de personnes supplémentaires souffrant de la faim en dix ans (2014-2023). Le flux de personnes déplacées par les guerres, le changement climatique, la crise alimentaire et la propagation des régimes répressifs augmente, en particulier dans les pays les plus pauvres.
On ne peut expliquer la montée des tensions militaires régionales et internationales, ainsi que la militarisation rapide des discours et des budgets gouvernementaux ou la croissance récente de l'industrie d'armement, sans prendre en compte l'exacerbation de la concurrence sur les marchés mondiaux, l'intensification de l'extractivisme néocolonial et la lutte pour les minerais stratégiques (que ce soit pour la production de véhicules électriques ou d'armes de dernière génération, ou encore pour alimenter l'économie numérique et le monstre de l'intelligence artificielle). Aucune région de la planète n'est exempte de zone de haute-tension : le Moyen-Orient, la mer de Chine et l'Afrique en sont de bons exemples. L'enchaînement des écocides sur les cinq continents et dans toutes les mers ne s'explique pas non plus s'il n'est pas lié à cette recrudescence des concurrences intercapitalistes et interimpérialistes, qui montre une fois de plus que l'économie de l'armement – surtout après la Seconde Guerre mondiale – est un élément constitutif et permanent de l'impérialisme sous toutes ses formes, dans toutes les géographies et à toutes les époques.
Le changement climatique, l'appauvrissement des terres, l'accaparement des territoires les plus fertiles par les oligarchies, ainsi que la baisse de la part des salariés dans les revenus nationaux, l'abandon et la détérioration des services de base (santé, éducation, eau, etc.) par les États néolibéraux, ont généré une augmentation des inégalités entre les individus – mais surtout un plus grand éloignement de l'accès aux revenus, aux biens et aux richesses entre les pays, les classes sociales, les communautés et les peuples, et entre les hommes et les femmes, les personnes racisées et les autres.
Les perspectives désastreuses dans les domaines environnemental et économique poussent une partie significative des fractions bourgeoises dans différents pays à abandonner le projet des démocraties formelles comme meilleur moyen d'obtenir des profits croissants. Des secteurs d'activité de plus en plus importants commencent à soutenir des alternatives autoritaires au sein des démocraties libérales, ce qui conduit au renforcement des mouvements fondamentalistes de droite et des gouvernements d'extrême droite sur tous les continents. Il existe une fracture – dont la pérennité reste à démontrer – entre les différentes fractions bourgeoises dans les différents pays, une partie de la classe dominante se tournant vers l'ultra-droite et une autre partie restant attachée au projet démocratique-bourgeois. L'exemple le plus notable de cette division entre fractions capitalistes est la polarisation entre le trumpisme (qui a pris d'assaut le Parti républicain) et le Parti démocrate aux États-Unis.
L'expansion d'une sociabilité néolibérale hyperindividualiste, qui, combinée à l'utilisation par la droite des réseaux sociaux et peut-être maintenant de l'Intelligence Artificielle (AI), favorise encore plus la dépolitisation, la fragmentation des classes et le conservatisme. Les technologies numériques, en plus de l'impact sur l'emploi et l'organisation des salariés, contribuent également à approfondir la subordination-clientélisation, sinon sa réduction pure et simple, de la moyenne et petite paysannerie, considérée comme la principale productrice de l'alimentation mondiale. Le capitalisme néolibéral d'aujourd'hui introduit des dispositifs numériques et des algorithmes en tant que nouvelles forces productives, donnant lieu à l'émergence du travail sur les plateformes numériques – parfois appelé ubérisation, qui occupe déjà plus de 200 millions de travailleur·ses – et à diverses relations sociales médiatisées exclusivement par le marché.
D'autre part, le néolibéralisme, en continuant à attaquer violemment ce qui reste de l'État-providence, en imposant la surexploitation des travailleur·ses de l'industrie et des services et surtout des soignant·es, jette les femmes, en particulier les femmes travailleuses et encore plus violemment, les femmes racisées (Afro-descendantes, Roms, descendantes de peuples autochtones, Africaines et Sud-Asiatiques dans le Nord global) dans le dilemme entre survivre (mal) ou se défendre. Le néolibéralisme maintient les femmes dans la force de travail formelle (largement dans le Nord) ou moins structurée, plus informelle (tout autour du monde mais particulièrement dans le Sud Global), réduisant encore les salaires et les revenus des salariées (qu'elles travaillent dans l'industrie, les services ou le commerce). L'idéologie du retour à la famille traditionnelle, constitutive de la matrice néolibérale et qui est poussée à l'extrême par l'aile droite des fondamentalismes, sert à faire peser sur toutes les femmes des classes populaires les tâches de prendre en charge les enfants, les personnes âgées, les malades et les personnes handicapées. Ce type de travail était autrefois couvert par l'État-providence, en particulier dans les pays capitalistes avancés, mais il fait aujourd'hui l'objet de coupes brutales.
La formation de blocs géopolitiques a également des conséquences sur la politique sexuelle : des alliés des États-Unis, tels que Taïwan et la Thaïlande, introduisent le mariage entre personnes du même sexe, tandis que la Chine revient sur des avancées antérieures en faveur des personnes LGBTQIA+, et qu'un adversaire des États-Unis comme l'Iran soutient un axe hostile à l'émancipation sexuelle (alors que certains membres du bloc dirigé par les États-Unis, du Vatican au royaume saoudien, sont tout aussi réactionnaires dans ce domaine).
Avec des réseaux de reproduction sociale en crise, plus importante dans les pays néocoloniaux que dans les métropoles, la société néolibérale “domestifie” (confie à la famille) et racialise (confie aux non-Blancs, aux Noirs, aux femmes indigènes, aux immigré·es) les tâches de soins, mais n'assume pas la responsabilité de la reproduction sociale dans son ensemble.
1.3. La situation économique et sociale
Nous vivons toujours sous l'impact de la formidable crise économique ouverte par le krach financier de 2008, qui a débuté l'année précédente et a ouvert une récession mondiale. Le mode de fonctionnement capitaliste néolibéral ne peut plus garantir les taux de croissance, de profit et d'accumulation de la fin des années 1980 et des années 1990. Deuxièmement, la polarisation géopolitique, aggravée par les guerres et la montée du nationalisme réactionnaire – grandement renforcé par l'arrivée de Trump 2.0 – ébranle les chaînes de valeur super-internationalisées, la production et le commerce international.
La mondialisation néolibérale est en crise. Cependant, aucune des grandes difficultés du capitalisme néolibéral n'a entraîné de changement dans la nature financiarisée – dirigée par le capital financier – qui concentre la richesse dans les comptes d'un nombre de plus en plus restreint d'entreprises et d'individus, tout en jetant de plus en plus d'êtres humains dans la pauvreté. Bien qu'en crise, le capital et son régime économique néolibéral continuent de produire des inégalités entre les pays, les régions et à l'intérieur des pays. Pour la seule année 2024, le système a créé 204 nouveaux milliardaires, alors que le nombre de personnes vivant dans la pauvreté, avec moins de 6,85 dollars par jour, est resté inchangé depuis les années 1990. En 2023, les 1 % les plus riches des pays impérialistes ont soutiré 30 millions de dollars par heure aux pays dépendants ou semi-coloniaux – un résultat qui découle fondamentalement du système financier qui impose aux gouvernements du monde des ajustements inacceptables, l'endettement, la réduction des salaires, des droits sociaux et la marchandisation de l'agriculture.
La numérisation des processus de production et de consommation, qui dure depuis 30 à 40 ans et qui était à la base de la restructuration dite néolibérale de la production, s'intensifie aujourd'hui avec l'introduction accélérée de l'IA. L'IA est mise en œuvre pour récupérer les taux de profit et d'accumulation en recherchant un bond dans la productivité du travail et des taux de profit. Une fois de plus, cela réduira l'emploi, rendra les emplois et les travailleur·ses plus précaires et donnera de plus en plus de pouvoir aux entreprises technologiques.
Outre leur caractère récessif, les politiques économiques néolibérales – fondées sur les intérêts prédominants de la finance – ébranlent le niveau de vie des masses laborieuses par le biais de l'endettement des travailleurs et des pays dépendants auprès des grandes banques privées impérialistes ou du FMI et de la Banque mondiale. La hausse des taux d'intérêt pour lutter contre l'inflation accroît les dettes souveraines et privées, créant les conditions de nouvelles crises de défaut de paiement, comme celles qui ont déjà éclaté au Sri Lanka, au Ghana et en Zambie, ou évitées in extremis grâce aux prêts d'urgence accordés par le FMI et la Chine à des dizaines de pays tels que l'Argentine, le Nigeria, le Pakistan, l'Égypte, le Kenya, le Bangladesh et la Tunisie. La recherche effrénée de « protection contre la crise » (c'est-à-dire le maintien des profits) par les entreprises encourage la spéculation financière. Cette spéculation menace en permanence le système avec des vagues de faillites comme en 2008.
II/ L'extrême droite défie les régimes “néolibéraux démocratiques”, les travailleur·ses et les opprimé·es
Depuis la récession post-2008, mais plus clairement depuis 2016 (Brexit et première victoire de Trump), une constellation de nouvelles forces d'extrême droite se développe dans les États et les sociétés. Son avant-garde mondiale est aujourd'hui le génocidaire Benyamin Netanyahou avec son rôle de colon raciste au Moyen-Orient. Outre sa montée en puissance en Europe, en Asie et en Amérique latine, l'extrême droite menace les États-Unis et le monde avec le retour de Trump à la Maison Blanche.
Les forces d'extrême droite du 21e siècle se sont renforcées et multipliées au fil des victoires électorales, puis des mesures anti-immigration et de restriction des libertés et des droits sociaux. Elles se présentent comme ‘‘anti-système” (contre les systèmes politiques qu'elles identifient hypocritement à la dégradation des conditions de vie, à la corruption et à l'insécurité), alors qu'elles ne le sont pas du tout. Elles sont l'expression ultime de la défense du capitalisme dans sa phase actuelle. Pour garantir l'application de leurs politiques ultra-néolibérales ou, dans certains cas, de nationalisme xénophobe, elles ont recours à des discours traditionalistes réactionnaires, et le racisme le plus violent, généralement sous des déguisements religieux fondamentalistes – le christianisme pentecôtiste aux États-Unis et au Brésil, l'hindouisme en Inde, l'islamisme au Pakistan, en Afghanistan et en Iran.
S'appuyant sur leur grande et précoce expertise dans l'utilisation de réseaux sociaux de plus en plus gigantesques et non réglementés (dans lesquels, en général, il est possible de dire des contre-vérités et de porter des accusations infondées en toute impunité), ils déclarent la guerre aux droits des travailleur·ses en général, mais surtout aux droits des femmes, aux LGBTQIA+, aux minorités (ou majorités) ethniques ou religieuses internes, aux immigré·es, aux personnes raciisées en général et aux militant·es de l'environnement. Avec leur négationnisme scientifique en tout genre, ils sont en guerre ouverte contre les mouvements écologistes et tous ceux qui croient au changement climatique.
Comme leurs ancêtres nazis classiques, ils sont essentiellement racistes envers différents groupes ethniques – tels que les migrants de deuxième, troisième et quatrième génération en Europe et les Noirs, les populations asiatiques, arabes et latinos aux États-Unis – et souvent particulièrement violents envers les vagues de migrants les plus récentes, qu'ils accusent d'être responsables des problèmes d'emploi et d'insécurité. En Asie du Sud-Est, “l'ennemi désigné” est constitué par les minorités d'une autre religion que la religion majoritaire, comme Modi avec les deux cents millions de musulmans du pays.
Bien que l'extrême droite au pouvoir aujourd'hui ne tende pas à établir des régimes fascistes classiques basés sur le modèle des années 1930, les gouvernements d'extrême droite de l'Inde, de la Turquie, de la Hongrie et d'autres pays ont réussi pendant des années à combiner les formes apparentes de la démocratie bourgeoise avec une répression efficace des médias indépendants, des partis et des mouvements d'opposition, ainsi que des intellectuels critiques. Cette tendance s'intensifie. La guerre de la Russie contre l'Ukraine a entraîné une répression féroce des voix anti-guerre et de la dissidence en général. La répression vise également la dissidence sexuelle et de genre, alors que des lois contre la « propagande gay » deviennent plus sévères et sont adoptées dans d'autres pays – tandis que dans des pays comme l'Indonésie et la Turquie, l'espace qui s'était ouvert aux communautés LGBTQIA+ s'est récemment refermé. En Israël, le gouvernement néofasciste dénonce toute opposition à la guerre génocidaire contre Gaza comme « antisémite » et, en conséquence, la réprime. Les gouvernements pro-israéliens d'Amérique du Nord et d'Europe mènent des campagnes similaires
Cette combinaison de néolibéralisme extrême et de traditionalisme fondamentaliste et racisme est extrêmement fonctionnelle pour le système capitaliste : elle est l'expression de la recherche, par de larges secteurs bourgeois du Nord et du Sud, d'une issue économique, politique et idéologique à la crise structurelle du système en faisant avancer l'histoire “à l'envers”. Ces capitalistes continuent de soutenir ceux qui promettent d'instaurer un régime autoritaire, de détruire les droits (et bien sûr tout semblant d'État-providence), de renvoyer les femmes à la sphère domestique (c'est-à-dire à la simple reproduction de la force de travail), de soumettre les personnes racisées et les sexualités alternatives à l'oppression la plus brutale et à l'invisibilité, d'expulser des migrants et leurs descendants, de contrôler les mouvements de masse d'une main de fer, d'imposer des ajustements brutaux et des dépossessions, en particulier de ce qui reste de la paysannerie et des sociétés communales. Tout cela dans le but de parvenir à une société majoritairement surexploitée, délivrée idéalement des conflits, dans laquelle le capital pourra récupérer ses taux de profit et d'accumulation perdus.
L'avancée de cette constellation d'extrême droite est le résultat de décennies de crise des démocraties (néolibérales) et de leurs institutions (y compris tous les partis traditionnels, même ceux de “gauche” , qui ont administré des États sous le régime du néolibéralisme). Ces gouvernements et régimes engagés dans le néolibéralisme ont accru les inégalités, la corruption, l'insécurité, ainsi que la misère, les guerres et les catastrophes climatiques dans les pays du Sud – ce qui encourage les migrations vers le Nord. Ils ont apporté des réponses insatisfaisantes aux aspirations des peuples et des travailleurs. Ils ont ainsi contribué à tourner les classes moyennes possédantes, les secteurs salariés privilégiés (les cols blancs), et même une partie des classes les plus vulnérables, vers des alternatives autoritaires.
La nouvelle extrême droite est le résultat complexe de la désintégration des tissus sociaux imposée par le néolibéralisme, le désespoir des secteurs sociaux appauvris face à l'aggravation de la crise depuis 2008, combinée à (1) l'échec de la droite “néolibérale progressiste” et des “alternatives” représentées par la social-démocratie (social-libéralisme et “progressisme” au Sud et à l'Est) à enrayer la paupérisation, la précarité de l'emploi, l'insécurité face à la criminalité et à l'immigration et (2) l'absence générale d'alternatives populaires révolutionnaires présentant une voie radicalement opposée à la crise.
L'extrême droite peut être particulièrement pernicieuse lorsqu'elle met en avant une politique “modernisée” en matière de genre et de sexualité, revendiquant un engagement nouveau en faveur de l'émancipation des femmes et de la tolérance à l'égard des personnes LGBTQIA+, tout en s'en prenant vicieusement à certains des groupes les plus vulnérables. Les personnes transgenres sont des cibles privilégiées de l'extrême droite, par exemple des Républicains aux États-Unis, de Bolsonaro, de Milei, tandis que les droits parentaux et d'adoption des couples de même sexe font l'objet d'attaques concertées de la part, par exemple, du gouvernement Meloni en Italie. La résistance à ces attaques doit faire partie intégrante de la solidarité contre l'extrême droite.
Ce tableau pose comme tâche fondamentale pour la Quatrième Internationale : la luttes sur tous les fronts contre les forces d'extrême droite, l'autoritarisme et le néofascisme, mais aussi contre les politiques néolibérales et réactionnaires qui les ont fait naître et qui continuent à les façonner.
III. Les exploité·es, les secteurs opprimés et les peuples du monde ont répondu par des mobilisations. Et maintenant ?
Ce siècle a connu au moins trois grandes vagues de luttes démocratiques et anti-néolibérales (début du siècle, celle de 2011 et celle de 2019-2020), un mouvement des femmes renouvelé, le mouvement antiraciste qui a émergé aux États-Unis, et une constellation de luttes pour la justice climatique à travers le monde. Cependant, ces grandes luttes ont été confrontées, d'un point de vue objectif, non seulement au capitalisme néolibéral et à ses gouvernements, mais aussi aux dilemmes de la réorganisation structurelle du monde du travail.
La classe ouvrière au sens large (salarié·es), qui se prépare actuellement aux impacts de l'intelligence artificielle (et résiste, comme le montre la grève des scénaristes et des acteurices d'Hollywood), reste une force vivante et nombreuse, bien que restructurée, réprimée, moins consciente et organisée qu'au siècle dernier. Les grands complexes industriels avec des dizaines, des centaines de milliers de travailleur·ses s'étendent en Chine et dans toute l'Asie du Sud-Est. Néanmoins, dans le contexte où la classe ouvrière industrielle a perdu de son poids social dans une grande partie du monde capitaliste avancé, les secteurs opprimés, les jeunes et les nouvelles franges de travailleur·ses précaires ne sont pas encore organisés de manière permanente et ont en général des difficultés à s'unir avec le mouvement syndical affaibli. Dans le même temps, les méthodes traditionnelles d'organisation des syndicats échouent souvent à répondre adéquatement aux besoins du précariat d'aujourd'hui. Pour leur part, les paysan·es d'Afrique, d'Asie du Sud (Inde et Pakistan) et d'Amérique latine résistent elleux aussi courageusement à l'invasion de l'agro-industrie impérialiste. Les peuples indigènes, qui représentent 10 % de la population mondiale, résistent à l'avancée du capital sur leurs territoires et défendent les biens communs indispensables à l'ensemble de l'humanité. La défaite du Printemps arabe, la tragédie syrienne et maintenant l'avancée expansionniste du sionisme va retarder et retarder encore la capacité de résistance des peuples du Proche et du Moyen-Orient – malgré cela, nous voyons le soulèvement héroïque des femmes et des filles d'Iran.
Après la crise de 2008, on a assisté à une reprise des mobilisations de masse dans le monde entier. Printemps arabe, Occupy Wall Street, Plaza del Sol à Madrid, Taksim à Istanbul, juin 2013 au Brésil, Nuit Debout et Gilets jaunes en France, mobilisations à Buenos Aires, Hong Kong, Santiago, Bangkok. Cette première vague a été suivie d'une deuxième vague de soulèvements et d'explosions entre 2018 et 2019, interrompue par la pandémie : la rébellion antiraciste aux États-Unis et au Royaume-Uni, avec la mort de George Floyd, les mobilisations de femmes dans de nombreuses régions du monde, les révoltes contre les régimes autocratiques comme en Biélorussie (2020), une mobilisation massive des agriculteurices indien·es a été victorieuse en 2021. En 2019, des manifestations, des grèves ou des tentatives de renversement de gouvernements ont eu lieu dans plus de cent pays : dans six d'entre eux, les gouvernements ont été renversés avec succès, dans deux autres, la composition des gouvernements a été complètement modifiée par des changements ministériels.
Au lendemain de la pandémie, il y a eu trois mois de résistance en France contre la réforme des retraites de Macron et le soulèvement des travailleur·ses, des étudiant·es et du peuple en Chine qui a mis en échec la politique Zéro Covid du PCC. Aux États-Unis, le processus de syndicalisation et de lutte se poursuit dans de nouveaux secteurs (Starbuck's, Amazon, FedEx), avec l'émergence de nouveaux processus anti-bureaucratiques partis de la base, avec des grèves principalement dans l'éducation et la santé. En 2022/2023, la grande grève des scénaristes et des acteurices d'Hollywood, ainsi que la grève historique et jusqu'à présent victorieuse des travailleur·ses des trois grandes entreprises automobiles du pays.
Bien sûr, le rapport de forces actuel n'est pas du tout favorable et le temps n'est pas à l'offensive, tout comme il ne l'était pas pendant la pandémie – qui, cependant, a conduit au mouvement Black Lives Matter, si important pour la défaite de Trump en 2020, et à la grève française contre la réforme des retraites, si fondamentale pour expliquer la remarquable capacité de réaction électorale de la gauche française en 2024. Souligner, à juste titre, que la précédente vague de luttes a reflué, et que l'extrême droite montante est aujourd'hui un ennemi fondamental et dangereux ne peut pas nous conduire à conclure que les exploité·es et les opprimé·es du monde sont défait·es, écrasé·es pour une longue période. Par contre, dire que nous ne sommes pas historiquement vaincu·es ne signifie pas non plus caractériser la situation comme offensive ou révolutionnaire. Au-delà de “l'offensivisme” et de l'impressionnisme défaitiste, il y a la place pour un pari réaliste sur la capacité des exploité·s et des opprimé·es à continuer à résister au capital et à ses conséquences néfastes, à lutter pour leur survie et de meilleures conditions de vie, au milieu des guerres, des bouleversements climatiques et des plans d'ajustement, bien qu'avec des nouvelles formes d'organisation et avec plus de difficultés qu'auparavant.
IV/ Une époque de guerres et de changements géopolitiques rapides. Vers une reconfiguration de l'ordre mondial
La confrontation entre les États-Unis, l'impérialisme dominant, et la Chine, l'impérialisme émergent, domine la situation géopolitique internationale. Une caractéristique particulière de ce conflit est le degré élevé d'interdépendance économique entre les deux, un héritage de la mondialisation néolibérale. La mondialisation comme nous l'avons connue jusqu'en 2008 n'est plus, mais il n'y a pas non plus de démondialisation. Les conflits géopolitiques sont un symptôme de cette crise structurelle et, là aussi, nous entrons dans un territoire inexploré et sans précédent.
Le désordre en construction rend le monde plus conflictuel et plus dangereux. Il y a quelques années, l'instabilité et le chaos géopolitique apparent s'aggravaient avec l'administration Trump 1.0 et sa focalisation sur la guerre économique avec la Chine, mais elle a fait un premier saut qualitatif avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie de Poutine en février 2022, et un second saut avec la guerre provoquée par l'expansionnisme israélien, soutenu ouvertement par les États-Unis et moins ouvertement par les impérialismes européens. La situation s'est aggravée avec le renforcement de l'OTAN pour répondre à Poutine et le soutien financier et militaire des États-Unis à l'objectif de Netanyahou de redessiner les frontières dans tout le Moyen-Orient. Ainsi, l'industrie de guerre réalise des milliards de dollars de profits, au prix du sang de centaines de milliers de personnes.
Malgré leur rôle dans l'OTAN, leur leadership et leur soutien à la guerre impérialiste d'Israël, il y a, d'un point de vue historique, un affaiblissement relatif de la puissance hégémonique des États-Unis – et il n'y a rien de plus dangereux qu'une hégémonie contestée – parce qu'ils ont déjà des concurrents économiques et géopolitiques. De nouveaux impérialismes s'affirment, comme la Russie, ou émergent d'une façon moins belliqueuse, comme la Chine. Il s'agit d'une reconfiguration en cours dans un contexte mondial d'immense instabilité, sans que rien ne soit consolidé. En tout état de cause, l'unipolarité du bloc sous leadership américain issu de l'effondrement de l'URSS n'existe plus. L'Inde cherche cependant à s'affirmer comme une puissance régionale (ou du moins sous-impérialiste) en jouant un double jeu : elle maintient une alliance politique avec les États-Unis et une rivalité avec la Chine, mais entretient une intense relation de coopération économique (pétrole) et technologique (industrie de guerre) avec la Russie, et participe aux BRICS.
4.1. Les guerres et les tensions géopolitiques se multiplient
Nous assistons à une multiplication des situations de guerre de toute sorte dans le monde : guerres civiles (comme au Soudan et au Myanmar), guerres et tensions inter-impérialistes, guerres impérialistes de colonisation (comme celle d'Israël vers ses environs). Les tambours battent en Europe et dans les parties du Moyen-Orient qui ne sont pas encore atteintes par l'expansionnisme israélien (qu'en sera-t-il de l'Égypte et de la Syrie ?). Les tensions géopolitiques s'accroissent en Asie de l'Est. Les revendications chinoises sur la mer de Chine méridionale bafouent les droits maritimes d'autres nations. Les tensions militaires dans la péninsule coréenne, le détroit de Taïwan et la mer de Chine méridionale se poursuivent et s'aggravent. Il semble que la Chine ne souhaite aucunement le déclenchement d'une guerre dans ces trois régions, mais, bien sûr, on ne peut exclure la possibilité que des événements inattendus – y compris un changement radical dans la situation intérieure de la Chine elle-même – conduisent à des tensions militaires devenant si extrêmes qu'elles puissent mener à une guerre régionale.
La Chine accélère son propre renforcement militaire, notamment en développant sa marine et en se déployant dans l'espace, afin de concurrencer les États-Unis et le Japon. Elle a délibérément provoqué, en particulier des navires philippins, dans le cadre d'une politique de défi indirect avec les États-Unis.
Les États-Unis visent à maintenir leur domination militaire sur cette région stratégiquement importante et à contenir la Chine. Dans une légère inversion de la trajectoire du président Duterte, le gouvernement philippin de Marcos Jr. s'est rapproché des États-Unis. Il est urgent de démilitariser la mer de Chine méridionale. Les États-Unis n'étant plus en mesure de renforcer leur présence militaire en Asie de l'Est, le Japon a partiellement repris le rôle militaire que jouaient les États-Unis, en augmentant rapidement ses dépenses militaires, en renforçant ses armements, en militarisant la chaîne des îles Nansei, du sud-ouest de Kyushu au nord de Taïwan, et en promouvant l'intégration des forces armées japonaises et américaines. Cette situation résulte de la pression de l'impérialisme US et de la volonté de l'impérialisme japonais de disposer d'une force militaire plus puissante pour défendre ses intérêts en Asie de l'Est et du Sud-Est.
Depuis le début de l'année 2024, les tensions entre la Corée du Nord et la Corée du Sud se sont de nouveau intensifiées après une période de dialogue. La Corée du Nord a abrogé l'accord intercoréen de 2018 visant à réduire les tensions et, en octobre 2024, a modifié sa Constitution pour désigner le Sud comme un État hostile. Les gouvernements nord et sud-coréens, soutenus par la Chine et les États-Unis, adoptent une ligne dure de confrontation.
La menace nucléaire devient plus concrète. Il existe déjà quatre points chauds nucléaires localisés. L'un d'entre eux se trouve au Moyen-Orient, il s'agit d'Israël. Trois se trouvent en Eurasie : l'Ukraine et la Russie en Europe, l'Inde et le Pakistan, ainsi que la péninsule coréenne. Cette dernière est la seule à être active. Le régime nord-coréen procède régulièrement à des essais et à des tirs de missiles dans une région où la force aéronavale américaine est stationnée et où se trouve le plus grand complexe de bases américaines à l'étranger (au Japon, en particulier sur l'île d'Okinawa).
4.2. Les États-Unis, une hégémonie en crise qui essaie de se réaffirmer
L'émergence de rivaux n'enlève pas aux États-Unis leur nature de pays le plus riche et le plus puissant militairement, doté d'une puissance de guerre sans précédent et d'une bourgeoisie la plus convaincue de sa “mission historique” de dominer la planète à tout prix, et donc de faire la guerre en faveur de la continuité de son hégémonie. L'Oncle Sam est celui qui a effectivement le dernier mot dans la “collectivité” impérialiste. Le fait est que si les États-Unis sont imbattables en matière de coercition, ils ont un sérieux problème, inédit depuis la guerre du Vietnam : une hégémonie impérialiste (comme toutes les hégémonies) ne peut être maintenue que si elle convainc également ses alliés et son opinion publique intérieure. Les États-Unis ont de très graves problèmes de légitimité extérieure mais aussi, et c'est encore plus grave, de légitimité interne, des éléments qui n'existaient pas dans la période précédente de supposée “unipolarité” et de “guerre contre le terrorisme” dans les années 1990. Son élite économique et politique est divisée comme jamais auparavant sur le projet de domination interne et est obligée de faire face à l'imbroglio de défaire les chaînes de valeur qui ont profondément lié l'économie américaine à l'économie chinoise au cours des 40 dernières années
En plus de leur relatif déclin économique, les États-Unis constituent une société et un régime démocratique bourgeois en crise ouverte depuis que le Tea Party et Trump ont pris le contrôle du Parti républicain de l'intérieur – avec la prétention de changer les règles de la plus ancienne démocratie bourgeoise du monde – et que la polarisation s'est accentuée. La tendance de cette crise est de s'approfondir davantage et, avec Trump à la Maison Blanche, de contribuer à affaiblir “l'Amérique”, autrefois toute puissante – parce qu'elle sera confrontée à des conflits entre l'exécutif, le Congrès et la justice, capables de nuire à ses objectifs globaux.
Les États-Unis ont travaillé à découpler leur économie de celle de la Chine, mais à l'exception du secteur des technologies de pointe, il est impossible de couper les chaînes d'approvisionnement mondiales dans lesquelles la Chine joue un rôle clé. Les États-Unis n'ont donc pas d'autre choix que de continuer l'affrontement (et à imposer des sanctions) dans le secteur des hautes technologies et à s'engager dans une rivalité militaire tout en restant économiquement interdépendants.
4.3. La nature de la Chine actuelle
Le “grand bond” chinois des 30 dernières années est de nature capitaliste. Héritier d'une grande révolution sociale et d'un tournant restaurateur à partir des années 1980, indispensable à la refonte néolibérale du monde (menée en partenariat avec les États-Unis et leurs alliés), l'impérialisme émergent chinois a des caractéristiques particulières, comme tous les impérialismes. Il repose sur un capitalisme étatique centralisé au sein du PCC et de l'armée chinoise, un capitalisme de développement avec des politiques ouvertement développementalistes où la plupart des grandes entreprises sont des joint-ventures entre des entreprises appartenant à l'État ou contrôlées par l'État et des entreprises privées.
Le parti-État ne contrôle pas tout dans l'économie. Il n'y a pas de planification centralisée, comme c'était le cas en Union soviétique. Le modèle économique capitaliste chinois doit également satisfaire les exigences des forces du marché, qui déterminent les actions du gouvernement. En d'autres termes, elles influencent les politiques planifiées et mises en œuvre. La planification a donc lieu dans la convergence des politiques de planification initiées par l'État avec les intérêts et les actions du marché, y compris le marché libre au niveau national et international, y compris ses mouvements en dehors du contrôle de l'État.
L'impérialisme émergent de la Chine est, bien sûr, toujours en cours d'élaboration. Depuis le début du siècle, les exportations de capitaux de la Chine ont augmenté de manière significative avant de se stabiliser en 2016. Les investissements directs dans l'économie chinoise, en revanche, sont en baisse depuis 2020 en raison des incertitudes géopolitiques. Ainsi, depuis 2022, la Chine est un exportateur net de capitaux (elle exporte plus de capitaux qu'elle n'en importe). Les entreprises chinoises ont pris des participations importantes dans les entreprises énergétiques, minières et d'infrastructures des pays néocoloniaux (Asie du Sud-Est et centrale, Afrique et Amérique latine) et le dragon est devenu le plus grand déposant de brevets au monde. Elle investit de plus en plus dans l'armement et met en garde, avec une véhémence croissante, qu'il existe une (ou plusieurs) ligne(s) – Taïwan et la mer de Chine méridionale – que les rivaux et les États plus faibles ne doivent pas franchir.
La Chine n'a pas encore envahi ou colonisé “un autre pays” sur le modèle européen ou américain, bien que sa politique à l'égard du Xinjiang soit colonialiste. Aujourd'hui, la Chine est la première puissance non occidentale à exploiter les richesses de l'Afrique. Les créanciers chinois détiennent 12 % de la dette extérieure globale de l'Afrique. La Chine est déjà le premier partenaire commercial de la quasi-totalité des pays d'Amérique latine et un investisseur majeur (secteur de l'énergie). Elle utilise son pouvoir économique pour imposer des échanges inégaux par le biais de prêts garantis par les ressources naturelles, d'accords commerciaux ou d'investissements dans les industries extractives et les infrastructures.
4.4. La Russie impérialiste
La Russie d'aujourd'hui est l'État résultant de la destruction massive des fondations de l'ancienne Union soviétique et de la restauration capitaliste chaotique et non centralisée qui y a eu lieu – de la prise de contrôle d'anciennes et de nouvelles entreprises par des bureaucrates transformés en oligarques. Poutine et son groupe, issu des secteurs des anciens services d'espionnage et de répression, ont élaboré au début du siècle le projet de recentralisation du capitalisme russe, en utilisant les relations bonapartistes entre oligarques et une version du 21e siècle de la vieille idéologie nationale-impérialiste de la Grande Russie, transformée en principal instrument pour réaffirmer le capitalisme russe dans la concurrence impérialiste et pour accroître qualitativement la répression des peuples de la Fédération – y compris le peuple russe. La nature ultra-répressive du régime de Poutine pourrait évoluer vers le fascisme.
L'invasion de l'Ukraine par la Russie a été préparée pendant des années. Elle faisait partie d'un grand plan visant à restaurer l'Empire russe à l'intérieur des frontières de l'URSS stalinienne, mais avec Catherine II comme point de référence. Pour Poutine, l'existence de l'Ukraine n'est qu'une anomalie dont Lénine est coupable et qu'il faut réintégrer dans le giron russe. L'occupation militaire du Donbass, de Louhansk et de la Crimée en 2014 a constitué la première phase de l'invasion. L'opération dite « spéciale » devait être très rapide et se poursuivre jusqu'à Kiev, où un gouvernement subordonné devait être mis en place. Les forces occidentales, prises au dépourvu, n'ont pu que s'incliner devant le fait accompli. Ce qui a arrêté la machine de guerre de Poutine, c'est l'ampleur de la résistance ukrainienne, imprévue par Poutine, mais aussi par l'Occident.
4.5. L'Europe : le vieux continent en déclin et en conflit
La nouvelle situation mondiale affecte dans une large mesure l'Union européenne et l'Europe dans son ensemble. Le continent se réchauffe deux fois plus que le reste de la planète, avec des précipitations extrêmes, des vagues de chaleur marines, etc. La crise économique frappe durement la région, avec une croissance de la productivité de seulement 10 % depuis 2002, contre 43 % aux États-Unis, et une crise profonde dans l'industrie automobile. Le mouvement ouvrier est en grande difficulté, notamment en Espagne et en Italie, où la gauche a subi un énorme revers après avoir géré un système qui ne prévoit plus rien à redistribuer. La construction d'une force politique ouvrière indépendante est un processus très lent, avec des rythmes différents selon les pays. Cependant, la classe ouvrière a encore une capacité d'intervention considérable, comme on l'a vu en France avec le mouvement des retraites et le Nouveau Front populaire, ou en Grande-Bretagne avec la réaction aux émeutes racistes et le mouvement sur la Palestine. Le déclin économique relatif, l'affaiblissement structurel de la classe, combinés aux mauvaises expériences avec les gouvernements dits de gauche et à la croissance des migrations résultant des guerres, du changement climatique et des interventions impérialistes, expliquent la croissance de l'extrême droite dans la plupart des pays, y compris des pays comme le Portugal, l'Allemagne et les pays scandinaves, qui jusqu'à présent semblaient protégés. Le fascisme est une menace de plus en plus réelle.
4.6. Instabilité généralisée
Des bombes et des drones tuent en Palestine, au Liban, au Soudan, au Yémen et dans la partie orientale de la République démocratique du Congo. En outre, nous assistons à des guerres civiles ouvertes ou secrètes, comme dans le cas du Myanmar, par exemple, et à la lutte constante des États d'Amérique latine contre les organisations criminelles qui, à leur tour, s'en prennent à la population, comme en témoignent le Mexique, le Brésil et l'Équateur.
Dans un Moyen-Orient troublé et menacé, l'effondrement du régime détesté de Bachar el-Assad a été un événement important. Un demi-siècle de dictature sanguinaire a pris fin. La chute du régime n'a pas été obtenue par des mobilisations de masse, mais par une opération militaire menée par une faction islamiste radicale. Cependant, l'aspiration du peuple syrien à la liberté et l'accumulation de la résistance depuis le début du soulèvement syrien ont joué un rôle important. La fin de l'ère Assad a été un soulagement pour des millions de Syriens. Les mouvements sociaux, féministes et démocratiques ont enfin la possibilité de s'organiser par le bas. Mais cet espoir s'accompagne d'une profonde méfiance à l'égard du caractère réactionnaire du groupe dirigeant, Hayat Tahrir al-Sham.
La Turquie, à travers l'Armée nationale syrienne, intervient également par ambition sous-impérialiste pour profiter de la reconstruction du pays mais surtout pour mettre fin à l'administration autonome kurde au nord et à l'est de la Syrie, dans la région du Rojava, à sa frontière. Paradoxalement soutenus par Washington et Tel-Aviv (pour défendre leurs intérêts), les Kurdes syriens s'efforcent de maintenir leur processus d'autodétermination et leurs structures administratives par tous les moyens disponibles, tant par la diplomatie que par les armes.
En Asie du Sud-Est, l'Inde entretient sa rivalité nucléaire avec le Pakistan. La Corée du Nord a renforcé sa dépendance militaire, politique et économique à l'égard de la Russie, en fournissant des armes et des munitions aux forces russes et en envoyant des troupes sur les champs de bataille en Ukraine. En échange, la Russie coopère au transfert de technologies à la Corée du Nord pour le développement d'armes nucléaires.
Au Myanmar, la résistance contre la junte militaire s'intensifie et a enregistré des gains militaires et diplomatiques significatifs. Une défaite militaire de la junte est possible. Bien que la Chine lui ait apporté un soutien décisif après sa défaite de 2021, elle adopte une approche pragmatique. Si la junte ne peut pas garantir la protection des investissements chinois, Pékin serait prêt à s'engager avec une autorité qui le pourrait.
Cette situation conflictuelle progresse dans la géoéconomie et la géopolitique de l'Afrique, où la Russie est en concurrence avec la France et les États-Unis sur le plan économique et militaire, en particulier dans les anciennes colonies francophones d'Afrique de l'Ouest. De son côté, la Chine continue d'essayer d'accroître son influence économique dans toutes les parties du continent africain ainsi qu'en Amérique latine et dans les Caraïbes.
Après quarante ans de mondialisation néolibérale, les pays semi-coloniaux continuent de concentrer des proportions plus importantes d'inégalités, de faim, d'absence de systèmes de protection sociale, de gouvernements autoritaires, d'expropriation et de conflits sociaux sanglants. Cependant, l'internationalisation financière, productive, commerciale et culturelle a également produit une égalisation perverse avec le Nord en termes de problèmes et de polarisation politique : la montée de l'extrême droite (Duterte, Bolsonaro, Modi, Milei), la croissance du pouvoir des organisations criminelles, les tragédies climatiques (comme en Inde, au Bangladesh, aux Philippines, au Brésil), les crises des systèmes étatiques et politiques, les guerres civiles (comme au Myanmar, au Soudan, en République démocratique du Congo, en Haïti) et les guerres entre pays.
Depuis le début du siècle, l'Amérique du Sud est le théâtre d'une série de luttes, de manifestations massives, d'estallidos (émeutes) populaires, d'élections de gouvernements réformistes nés de ces luttes et de beaucoup de polarisation politique – car le néo-extractivisme, l'exploitation prédatrice de la nature, la casse sociale, les inégalités, la violence quotidienne, la militarisation et les crises politiques se développent, ce qui nourrit aussi les alternatives d'extrême droite. Depuis 2018, un nouveau cycle de mobilisations a balayé, de manière radicale, les pays andins. Résistances, explosions et luttes sociales – qui ont combiné des revendications démocratiques et économiques – d'une part, et permanence de l'extrême droite comme ennemi central d'autre part. Ces luttes sont parfois canalisées par l'élection des gouvernements dits “progressistes” de la deuxième vague.
L'Afrique, cette région de 1,2 milliard d'habitants, et en particulier l'Afrique subsaharienne, est victime de la partie “inégale” d'un développement inégal et combiné. Elle reste le continent le plus pauvre du monde. La Banque mondiale estime que 87 % des personnes extrêmement pauvres dans le monde vivront en Afrique d'ici 2030. L'Afrique n'est responsable que de 4 % des émissions mondiales de carbone, mais 7 des 10 pays les plus vulnérables aux catastrophes climatiques se trouvent en Afrique. Quatre années de sécheresse dans la Corne de l'Afrique ont entraîné le déplacement de 2,5 millions de personnes. Le continent connaît une vague de conflits dont bon nombre sont liés à de nouvelles découvertes de pétrole et de gaz, et à la course au contrôle et à l'extraction de terres rares et d'autres minéraux critiques (cobalt, cuivre, lithium, platine) pour les technologies à faibles émissions de carbone nécessaires à “l'économie verte” des pays impérialistes.
Aux côtés des anciennes puissances coloniales, les États-Unis, la Chine et la Russie jouent un rôle important dans l'extraction de richesses par des formes de surexploitation et dans l'alimentation des conflits sur le continent. Des guerres régionales, coups d'État et guerres civiles continuent de définir l'économie politique du continent. La Russie est déployée pour saper l'influence occidentale et accéder à de l'influence dans la région. Une série de coups d'État en Afrique de l'Ouest ont miné la puissance du néocolonialisme français et les nouveaux régimes se tournent vers les concurrents de Washington pour obtenir des aides militaires et financières.
Le traité de Pelindaba, entré en vigueur en 2009, fait de la quasi-totalité de l'Afrique une zone exempte d'armes nucléaires légale et reconnue. La chaîne des îles Chagos, y compris l'île Diego Garcia (DG), vient d'être acceptée comme faisant partie de l'île Maurice, même si les États-Unis y conservent leur base militaire. L'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique) doit donc surveiller DG (qui a signé des accords avec les membres du traité) pour s'assurer de l'absence d'armes nucléaires dans les avions, les entrepôts ou les transits américains. La Commission africaine de l'énergie nucléaire devrait également être chargée de ce contrôle, mais il doit être effectué de toute façon, et le gouvernement mauricien doit l'accepter.
V/ L'émergence du “campisme”
Ces dernières années, nous avons malheureusement assisté à la croissance et à la propagation à de nouvelles couches de l'idéologie du campisme comme expression de la recherche d'alternatives au capitalisme. Expression issue de l'idée de l'existence de “deux camps” s'affrontant sur la scène internationale à l'époque de la guerre froide, l'idéologie campiste se fonde sur l'idée que contre le “camp” de l'impérialisme hégémonique, tout ennemi ou adversaire des États-Unis (l'ennemi de mon ennemi est mon ami) mérite d'être allié. Ainsi, ils défendent les régimes de Bachar el-Assad en Syrie, de Poutine en Russie, d'Ortega au Nicaragua ou de Maduro au Venezuela. Selon certains campistes, la Chine, assurément en grave conflit avec les États-Unis, serait non seulement meilleure que l'adversaire, mais aussi un modèle de socialisme.
Cette dangereuse tendance se fonde sur des préconceptions et des diagnostics erronés du monde, qui n'est plus bipolaire (en tout état de cause, la “multipolarité” ne garantit rien de positif). Elle se renforce parce qu'il est beaucoup plus facile de croire aux alternatives représentées par de vrais États (même s'ils ne sont pas des alternatives) que de relever le défi de les construire à partir d'en bas. En outre, la Chine dispose d'un puissant soft power (capacité financière et de propagande) pour convaincre les militants et intellectuels progressistes du monde entier de son statut de “modèle alternatif”. Diverses organisations dites communistes, héritières des vestiges des anciens partis communistes, apprécient particulièrement cette idéologie campiste délétère. De manière contradictoire, les campistes se développent également dans des secteurs de la jeunesse d'Europe et d'Amérique latine (au moins). Dans certains pays, des organisations de gauche de tradition anti-stalinienne s'en emparent également. La situation nous oblige à faire un effort organisé et permanent de propagande, d'éducation et d'actions concrètes spécifiques pour soutenir les victimes du raisonnement campiste – comme les peuples d'Ukraine, du Venezuela et du Nicaragua.
VI. Des exigences centrales pour une nouvelle ère
Face à l'extrême droite du Nord et du Sud, les politiques unitaires des exploité·es et opprimé·es, dont le front unique, sont un élément important de notre répertoire, sans jamais négocier ou accepter la perte de notre indépendance politique ou celle des mouvements sociaux. Comme par le passé, cette lutte contre l'extrême droite doit prioriser la défense des droits d

De la guerre commerciale à l’unité des peuples contre l’Axe fasciste Trump-Poutine

Mercredi 2 avril, 16h, heure de Washington, Trump pérore devant les caméras et expose un tableau. Sur le tableau, des pourcentages : ce sont les hausses de tarifs douaniers pour le monde entier – sauf la Russie, la Corée du Nord et le Burkina Faso. Pour le reste, ne détaillons pas, c'est une blitzkrieg : 20% contre l'UE, 24% contre le Japon, 26% contre l'Inde, 31% contre la Suisse, 34% contre la Chine, 46% contre le Vietnam …
Sans oublier diverses petites îles comme les îles Heard et Mc-Donald (Australie, sud de l'océan Indien) inhabitées, mais dont les pingouins sont frappés de 10% de taxes imaginaires !
Dans les deux jours qui ont suivi, le fléchissement des bourses du monde entier s'est mis à regarder de plus en plus dans la direction du krach, surtout à partir de l'annonce, ce vendredi, d'une réponse « œil pour œil » de la Chine, plaçant 34% sur les produits étatsuniens.
La dimension ubuesque, délirante et grotesque, de ces mesures, est incontestable. Diverses conjectures circulent sur la manière dont les hausses de tarifs ont été calculées par les zouaves de la Maison blanche (apparemment, ils ont divisé le montant de l'excédent commercial du pays avec les EU par le volume de ses exportations aux EU et divisé le résultat par 2 et appelé ça « pourcentage »). La brutalité est indéniable elle aussi : il s'agit d'une déclaration de guerre commerciale au monde, sauf à la Russie. Et dans guerre commerciale, il y a « guerre ».
Mais on ne peut comprendre ce qui est en train de se passer si on l'explique uniquement à partir de la bêtise de Donald Trump, même associée à ses liens mafieux anciens avec Poutine. La tendance à la fragmentation du marché mondial n'a cessé de poindre et de monter depuis la crise de 2008. Le Brexit, la guerre commerciale avec Beijing, le premier mandat Trump, le Covid, la crise du fret, la guerre russe contre l'Ukraine, en ont ponctué les étapes. Trump opère le basculement total d'un coup, mais toutes les conditions étaient là. La « mondialisation » capitaliste devient la dislocation, tout aussi mondialisée.
La dernière grande dislocation du marché mondiale s'était produite entre le 24 octobre 1929, krach à Wall Street, et le 30 janvier 1933, arrivée de Hitler à la chancellerie allemande. L'intensification et l'extension du commerce mondial, et donc la « mondialisation », avaient été prônés par les plus riches États, à commencer par les États-Unis, comme panacée pour que ceci ne se reproduise plus, après le choc pétrolier de 1973 et encore, de manière poussive, après le krach du 15 septembre 2008. Mais la tendance à la dislocation montait. Trump vient de la faire triompher. Il a, en quelque sorte, parcouru le chemin économique allant du 24/10/1929 au 30/01/1933, d'un seul coup.
C'est là une formidable manifestation de puissance, mais sui generis : c'est la puissance n°1 qui se tire plusieurs balles dans les pieds. Si tant de pays étaient excédentaires dans leur commerce avec les États-Unis, c'est que ceux-ci, depuis longtemps, sont les premiers consommateurs du monde et vivent à crédit. Inflation, licenciements, compression des salaires, vont s'abattre brutalement sur le peuple américain, et les secteurs capitalistes étatsuniens qui vont s'effondrer ne manquent pas.
S'il y a une rationalité dans cette irrationalité du capital devenant fou et oubliant tout sauf qu'il doit s'accumuler, elle est la suivante : faire plonger le monde entier plus que les États-Unis eux-mêmes plongeront afin de restaurer leur puissance relative à l'intérieur de l'effondrement absolu. Envers tout le monde, sauf la Russie, et surtout envers la Chine.
Demain, les manifestations vont déferler dans toutes les villes américaines. La question est de centraliser ce mouvement : grèves de masse et marches sur Washington devraient être la perspective des centrales syndicales, qui en sont loin.
La tentative de l'UAW de trouver la conciliation avec Trump sur le terrain du protectionnisme est un obstacle politique central. A la base, nombreuses sont les sections syndicales qui appellent à manifester demain, ou qui, par exemple, comme le local 160 de l'UAW à General Motors, Michigan, appellent à s'unir avec les ouvriers mexicains et canadiens plutôt que de soutenir ces « tarifs ». C'est une question centrale, car Trump a pour l'instant refusé d'affronter le syndicalisme dans l'industrie, laissant Musk attaquer dans la fonction publique, mais il va devoir le faire s'il respecte le mandat des milliardaires écrit dans Project 2025. Et alors, Shain Fain, dirigeant lutte de classe de l'UAW… jusqu'à la victoire de Trump, va avoir un problème, car les fermetures d'usines et l'attaque antisyndicale arriveront en même temps !
L'affrontement commence maintenant. Dans le monde entier, les exploités et opprimés vont chercher leur voie, non celle de la riposte douanière graduée ou massive des gouvernements empêtrés, mais de la mobilisation indépendante contre l'Axe fasciste Trump-Poutine qui nous mène à la guerre, et pas dans une génération. C'est une question d'années, sinon de mois. Alors, Organise, comrade ! Organisons-nous, camarades ! Et vite.
APLUTSOC
Le 04-04-2025.
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Anarchistes ukrainiens luttant contre l’impérialisme et construisant l’entraide en temps de guerre

Robert Francis fait un reportage sur Solidarity Collectives, un réseau d'anarchistes ukrainiens qui s'organisent sur une base anti-autoritaire et luttent en première ligne contre l'invasion russe.
Publié le 4 avril 2025, sur les collectifs de solidarité par Robert Francis
Publié en français sur : https://samizdat2.org/anarchistes-ukrainiens-luttant-contre-limperialisme-et-construisant-lentraide-en-temps-de-guerre/
Il était tôt le matin aux États-Unis lorsque je me suis assis pour une conversation avec Anton, un coordinateur de Solidarity Collectives, qui me parlait depuis l'Ukraine. Malgré la grande distance et le décalage horaire, l'urgence de notre discussion était indéniable. La guerre se poursuivait et des gens continuaient à mourir. Anton et ses camarades continuaient à s'organiser, à se battre, à résister. Pour eux, il ne s'agissait pas seulement d'une bataille pour un territoire, mais d'une lutte pour la survie – une lutte à la fois contre l'impérialisme russe et les forces plus larges qui avaient cherché à dominer l'Ukraine bien avant que la guerre ne commence.
Depuis notre conversation enregistrée, beaucoup de choses ont changé. Donald Trump est revenu au pouvoir, et son administration a déjà commencé à faire pression sur l'Ukraine pour qu'elle entame des négociations qui lieraient les concessions économiques et territoriales aux intérêts américains. Alors que l'Ukraine subit la pression extérieure de la Russie depuis des décennies – bien avant la révolution orange de 2004 – elle est désormais confrontée à une pression supplémentaire de la part de Washington, où Trump se fait l'écho des récits du Kremlin tout en lorgnant sur l'industrie des métaux rares de l'Ukraine.
Aujourd'hui plus que jamais, les militants occidentaux doivent entendre les voix des anarchistes et des anti-autoritaires en Ukraine. Pendant trop longtemps, certaines factions ont rejeté les luttes ukrainiennes comme étant soit une guerre par procuration, soit un simple champ de bataille pour les puissances impérialistes. Ce cadrage efface l'action des Ukrainiens qui résistent au pouvoir de l'État et à l'intervention étrangère depuis des années. Elle ne tient pas compte du fait que beaucoup de ceux qui se battent aujourd'hui étaient les mêmes qui protestaient contre la corruption du gouvernement, s'opposaient au nationalisme et construisaient des mouvements radicaux bien avant le début de cette guerre.
Depuis que l'invasion russe à grande échelle de l'Ukraine a commencé en février 2022, un réseau d'anarchistes et d'anti-autoritaires ukrainiens s'est organisé pour soutenir leurs camarades sur les lignes de front, fournir une aide humanitaire et remettre en question les récits entourant la guerre. Opérant sous le nom de Solidarity Collectives, ce groupe fonctionne comme une initiative indépendante et populaire visant à soutenir les combattants anti-autoritaires tout en s'engageant dans des efforts humanitaires et médiatiques plus larges. Leur travail témoigne de l'idée que l'auto-organisation, l'entraide et l'action directe restent viables même dans les conditions extrêmes de la guerre.
Anton a décrit les origines du mouvement comme une réponse urgente à l'agression russe. « Certains d'entre nous se préparaient déjà à l'éventualité d'une invasion depuis des années, même si ce n'était pas forcément de la manière dont les choses se sont déroulées », a-t-il expliqué. « Il y avait des camarades qui imaginaient une résistance de type partisan, quelque chose de décentralisé et en dehors des structures étatiques. Mais lorsque l'invasion à grande échelle s'est produite, la nature de la guerre était différente. Il ne s'agissait pas d'une résistance souterraine mais d'un conflit militaire direct et à grande échelle, et les gens ont dû s'adapter. »
Solidarity Collectives n'était pas seulement un projet idéologique, mais une nécessité pratique. De nombreux anarchistes et anti-autoritaires ont choisi de se battre dans l'armée ukrainienne, non pas en raison d'une loyauté retrouvée envers l'État, mais parce qu'ils reconnaissaient que la résistance à l'impérialisme russe nécessitait une action directe. « Il n'y a pas d'autre solution que de se battre », a déclaré Anton. « Si l'armée russe se rend, la guerre prend fin. Si les soldats ukrainiens déposent les armes, l'Ukraine sera occupée et des milliers d'autres personnes seront torturées et tuées. Ce sont les deux seules issues possibles. »
De nombreux anarchistes et anti-autoritaires ont choisi de se battre dans l'armée ukrainienne, non pas par loyauté retrouvée envers l'État, mais parce qu'ils ont reconnu que la résistance à l'impérialisme russe passait par l'action directe.
Leur collectif assiste aujourd'hui une centaine de combattants anti-autoritaires dans l'armée ukrainienne, en leur fournissant du matériel, des fournitures médicales et un soutien logistique. En outre, ils s'engagent dans des initiatives humanitaires et dans des actions de sensibilisation des médias pour contrer la désinformation omniprésente qui entoure l'Ukraine, en particulier parmi des segments de la gauche occidentale.
L'un des aspects qui définissent les collectifs de solidarité est la diversité des origines des personnes impliquées. Contrairement aux unités militaires conventionnelles qui s'appuient sur des traditions nationalistes ou militaires professionnelles, ce réseau est composé d'anarchistes, de punks, de féministes, de syndicalistes et de personnalités sous-culturelles qui, avant la guerre, étaient plus susceptibles d'organiser des manifestations, de squatter des bâtiments ou de jouer dans des groupes punks que de s'engager dans la lutte armée.
Anton a souligné que nombre de ceux qui luttent aujourd'hui contre l'impérialisme russe sont issus de communautés clandestines et militantes, plutôt que d'institutions étatiques ou de formations nationalistes. « Beaucoup de personnes que nous soutenons étaient impliquées dans l'organisation anarchiste, les mouvements féministes, les groupes de hooligans antifascistes ou même la scène punk », a-t-il expliqué. « Ce sont des gens qui passaient leur temps à manifester, à aller à des spectacles, à soutenir des projets d'entraide. Beaucoup d'entre eux ne s'étaient jamais imaginés combattre dans une guerre conventionnelle, mais lorsque l'invasion s'est produite, ils ont compris qu'il n'y avait pas d'autre option. »
L'éthique du bricolage et de l'auto-organisation qui définissait leur vie avant la guerre s'est répercutée sur leur façon de fonctionner sur le champ de bataille. « Ce ne sont pas des gens qui se contentent de suivre les ordres aveuglément », explique Anton. « Ils réfléchissent de façon critique à ce qu'ils font. Ils ne se battent pas parce que l'État leur dit de le faire. Ils se battent parce qu'ils savent ce qui est en jeu s'ils ne le font pas. »
Dans les rangs de ceux qui se battent ou apportent leur soutien, on trouve des organisateurs anarchistes qui ont passé des années à résister à la politique du gouvernement ukrainien, des syndicalistes qui se sont heurtés aux oligarques, des féministes qui se sont organisées contre la violence patriarcale et des punks qui ont passé leurs nuits à crier contre l'oppression dans des lieux clandestins. « Il y a ici des gens qui, avant la guerre, squattaient des bâtiments, faisaient du Food Not Bombs, mettaient en place des centres sociaux autonomes », explique Anton. « Beaucoup d'entre eux avaient participé à des actions directes contre la corruption et la violence de l'État en Ukraine. Et pourtant, ils ont tout de suite compris que cette guerre n'a pas pour but de défendre le gouvernement ukrainien – il s'agit d'arrêter une force impérialiste qui veut détruire tout ce que nous représentons. »
Ce mode d'organisation décentralisé et non hiérarchique a rendu les Collectifs de solidarité particulièrement efficaces pour répondre aux besoins urgents. « Nous n'avons pas de chaîne de commandement stricte comme une armée traditionnelle », explique Anton. « Nous fonctionnons sur la base de la confiance, de la communication directe et de principes partagés. Si quelqu'un a besoin d'un équipement de protection, nous trouvons le moyen de le lui faire parvenir. Si une école a besoin d'ordinateurs portables pour les élèves déplacés par la guerre, nous nous organisons pour y parvenir. Si nous devons contrer la désinformation russe, nous utilisons nos réseaux pour diffuser la vérité. »
La présence de bénévoles internationaux, notamment des Biélorusses et des Russes qui luttent contre le régime de Poutine, souligne encore davantage le caractère transnational et anti-autoritaire du mouvement. « Certains de nos camarades sont originaires de Biélorussie et de Russie », explique Anton. « Ils se battent ici parce qu'ils comprennent qu'une victoire russe en Ukraine signifierait davantage d'oppression dans leur propre pays. Ils ont vu ce que le régime de Poutine fait aux dissidents, et ils savent que cela fait partie d'une lutte plus large contre l'autoritarisme. »
Malgré leur engagement, nombre de ces combattants et militants ont payé le prix ultime. « Nous avons déjà perdu de nombreux camarades », dit sombrement Anton. « Certains étaient ukrainiens, d'autres internationaux, mais tous comprenaient pourquoi ce combat était important. L'un des plus connus était Cooper Andrews, un anarchiste américain venu se battre et tué en avril 2023. Ce n'était pas un simple soldat – c'était une personne qui croyait en quelque chose de plus grand, qui a mis sa vie en jeu pour la solidarité internationale. »
Ce sentiment de solidarité s'étend au-delà des personnes directement impliquées dans les combats. « Il ne s'agit pas seulement de ceux qui sont en première ligne », a déclaré Anton. « Il s'agit de tous ceux qui les soutiennent – ceux qui organisent la logistique, ceux qui fournissent l'aide humanitaire, ceux qui diffusent la sensibilisation à l'échelle internationale. Chaque personne qui participe à cette lutte fait partie du même mouvement. »
Le travail de Solidarity Collectives a naturellement évolué vers trois domaines principaux : le soutien militaire, l'aide humanitaire et l'engagement médiatique.
« Au départ, l'accent était presque entièrement mis sur le soutien militaire », se souvient Anton. « Il n'y avait pas le choix. Les combattants avaient besoin d'équipements de protection, de fournitures médicales, de nourriture et même de véhicules. Malgré tout, l'État ukrainien n'était pas en mesure de subvenir aux besoins de tout le monde, et en tant qu'anarchistes, nous n'allions pas attendre qu'ils s'en rendent compte. »
L'aspect soutien militaire de leur travail consiste à acheter et à distribuer des équipements de protection tels que des gilets balistiques, des casques, des dispositifs de vision nocturne et des trousses de premiers secours. « Nous avons reçu des plaques qui ont été touchées par des tirs mais qui ont sauvé la vie de personnes », explique Anton. « Si nous n'avions pas fourni ces plaques, ils seraient morts ».
Au-delà du champ de bataille, le groupe apporte également une aide humanitaire aux civils touchés par la guerre. « Il ne s'agit pas seulement de soutenir les combattants », a souligné Anton. « Nous aidons aussi les civils, les personnes déplacées, les étudiants – tous ceux qui ont été touchés par la guerre. Nous avons fourni des ordinateurs portables à des étudiants contraints de suivre des cours à distance en raison de conditions dangereuses, nous avons aidé à reconstruire des maisons et nous avons collaboré avec des syndicats dans toute l'Europe pour acheminer de l'aide. »
Un autre élément clé de leur travail est la sensibilisation des médias, qui sert à la fois à lutter contre la désinformation et à faire connaître leurs efforts. « Nous devons contrer la propagande russe », explique Anton. « Il y a un récit omniprésent selon lequel l'Ukraine est envahie par les nazis, qu'il s'agit juste d'une guerre par procuration pour l'OTAN, que quiconque se bat contre la Russie est en quelque sorte un agent de l'impérialisme occidental. C'est un non-sens, et c'est dangereux. »
L'un des débats les plus controversés entourant la participation anarchiste à la guerre est la question de l'antimilitarisme. Certains anarchistes hors d'Ukraine soutiennent que le fait de rejoindre l'armée, même en cas d'autodéfense, contredit les principes anti-autoritaires. Anton, cependant, considère qu'il s'agit d'une mauvaise compréhension à la fois de la nature de la guerre et des principes de l'anarchisme.
« Il y a une différence entre le militarisme et l'autodéfense », dit-il. « Le militarisme consiste à utiliser la force militaire pour affirmer son pouvoir, pour dominer, pour s'étendre. Ce que nous faisons, c'est lutter contre une armée d'invasion qui veut nous effacer. »
Il a reconnu que dans l'abstrait, les anarchistes pourraient préférer organiser la résistance en dehors des structures militaires de l'État, mais il a souligné que les conditions du monde réel dictent des choix différents. « Ce n'est pas un débat théorique pour nous », a-t-il déclaré. « Cela ne se passe pas dans un livre ou sur un forum de discussion en ligne. Cela se passe dans la vraie vie, et la réalité est que des gens sont bombardés, torturés et exécutés par les forces russes. Le pacifisme n'est pas une option lorsque vous êtes confronté à un génocide. »
Anton a évoqué des exemples historiques de résistance armée anarchiste, comme la guerre civile espagnole, où les anarchistes ont lutté contre le fascisme aux côtés de forces militaires plus traditionnelles.
« Les anarchistes espagnols aimaient-ils le gouvernement républicain ? Non. Mais ils se sont battus à leurs côtés parce que l'alternative était la victoire fasciste », a-t-il déclaré. « Notre situation est similaire. Nous ne nous battons pas pour le gouvernement ukrainien. Nous nous battons pour nos communautés, notre peuple et notre droit à l'existence. »
Au-delà de la question du militarisme, Anton et d'autres membres des Collectifs de solidarité ont dû faire face à des idées fausses très répandues sur l'Ukraine – en particulier parmi les segments de la gauche occidentale qui semblent plus désireux de critiquer l'OTAN que de soutenir la résistance réelle contre l'agression russe.
« L'une des choses les plus absurdes que j'ai entendues est l'idée que l'Ukraine est remplie de nazis », a déclaré Anton. « Y a-t-il des éléments d'extrême droite en Ukraine ? Bien sûr. Tout comme il y en a aux États-Unis, en France, en Allemagne et partout ailleurs. Mais l'extrême droite n'est pas au pouvoir ici. Elle n'a jamais obtenu plus de quelques pour cent des voix. L'idée que l'Ukraine est une sorte d'État fasciste n'est que de la propagande russe. »
Il a également exprimé sa frustration face aux appels à une paix négociée, en particulier de la part de personnes qui semblent peu comprendre ce qu'une telle paix impliquerait réellement. « Que signifie « paix » dans ce contexte ? » demande Anton. « Pour certains, cela signifie que l'Ukraine doit se rendre. Cela signifie que les Ukrainiens doivent être occupés, emprisonnés, torturés et exécutés. Ce n'est pas la paix. C'est un meurtre de masse. »
Il a relevé l'ironie particulière des gauchistes occidentaux qui prônent des solutions qui conduiraient à la mort de leurs camarades. « Si la Russie gagne, les gens comme moi seront les premiers à être pris pour cible », a-t-il déclaré. « Les anarchistes, les féministes, les syndicalistes, tous ceux qui ont résisté à l'impérialisme russe – nous serons tous pourchassés ».
Malgré les défis, Anton garde l'espoir que la solidarité internationale peut faire la différence. « Nous avons reçu un soutien incroyable de la part de camarades en Pologne, en Allemagne, en France, aux États-Unis et au-delà », a-t-il déclaré. « Les gens ont organisé des collectes de fonds, envoyé du matériel et fait connaître notre lutte. »
Il a insisté sur le fait que l'une des choses les plus importantes que les gens peuvent faire est de donner. « La réalité, c'est que nous avons besoin d'argent », a-t-il déclaré. « C'est la façon la plus directe d'aider. Nous l'utilisons pour acheter des équipements de protection, des fournitures médicales et d'autres produits essentiels. Chaque dollar fait la différence. »
Pour ceux qui ne peuvent pas contribuer financièrement, Anton a souligné l'importance de diffuser des informations exactes. « Contestez la propagande russe quand vous la voyez », a-t-il déclaré. « Amplifiez les voix ukrainiennes, en particulier celles des organisateurs antiautoritaires et de gauche. Assurez-vous que les gens comprennent que ce n'est pas une guerre de choix pour nous – c'est une guerre de survie. »
La guerre en Ukraine a mis en lumière les échecs d'une grande partie de la gauche occidentale, qui considère trop souvent le conflit à travers une abstraction géopolitique plutôt que la lutte vécue de ceux qui résistent à l'impérialisme. Anton et ses camarades se battent parce que l'alternative est l'occupation, la répression et la mort. « Nous n'avons pas le luxe de débattre de l'autodéfense », a déclaré Anton. « Cette question a trouvé sa réponse lorsque les premières bombes sont tombées ». Rejeter la résistance de l'Ukraine comme une guerre par procuration n'est pas de l'anti-impérialisme, c'est de la complicité avec la violence coloniale de la Russie.
Si l'Ukraine perd, ce ne sont pas les oligarques qui souffriront, mais les travailleurs, les anti-autoritaires, les féministes, les queers, les syndicalistes et les activistes, ceux-là même que la gauche occidentale prétend soutenir. La solidarité ne peut pas être conditionnée par la pureté idéologique ou les débats académiques sur l'impérialisme. Elle doit être pratique, matérielle et immédiate.
Comme l'a dit Anton : « Nous ne demandons pas votre approbation. Nous demandons votre solidarité. »
Alors que la guerre se poursuit, Solidarity Collectives reste engagé à la fois dans la résistance et l'entraide, travaillant non seulement pour la survie de l'Ukraine, mais aussi pour un monde libéré de la domination impérialiste. « Il ne s'agit pas seulement de l'Ukraine », a déclaré Anton. « Il s'agit de montrer que la résistance est possible. Que l'impérialisme peut être combattu. Que les gens peuvent s'organiser, même dans les pires conditions, et rester solidaires. »
Pour plus d'informations ou pour soutenir leur travail, rendez-vous sur https://www.solidaritycollectives.org/en/
Publié par Tempest traduction Deepl revue ML
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Syndicalisme aux États-Unis : La dynamique est-elle croissante ou décroissante ?

Il y a deux ans, le Bureau of Labor Statistics a publié des chiffres actualisés sur le taux de syndicalisation pour 2022. Le nombre de syndiqués a augmenté de plusieurs centaines de milliers. Mais comme d'habitude, la part des travailleurs syndiqués dans l'ensemble de la main-d'œuvre américaine a diminué par rapport à l'année précédente, passant cette fois de 10,3 % à 10,1 %. (En raison de la croissance continue de la main-d'œuvre, qui s'élève en moyenne à 1,5 million de personnes par an, ce chiffre a atteint le niveau historiquement bas de 10 %).
Recension des livres :
Hamilton Nolan, The Hammer : Power, Inequality, and the Struggle for the Soul of Labor, Hachette Books, 2024, 260 pp.
Eric Blanc, We Are the Union : How Worker-to-Worker Organizing is Revitalizing Labor and Winning Big, University of California Press, 2025, 312 pp.
Par Steve Early, New Politics, Winter 2025 (New Politics Vol. XX No. 2, Whole Number 78), https://newpol.org/review/looking-up-or-down-for-labor-revitalization/
Comme le rapporte Hamilton Nolan, chroniqueur syndical à In These Times, dans son nouveau livre, The Hammer, il ne s'agit pas d'une bonne nouvelle après « une année au cours de laquelle les syndicats ont été historiquement populaires auprès du public, les campagnes syndicales de haut niveau ont été largement couvertes par la presse grand public, et les démocrates ont contrôlé Washington ».
Deux dirigeantes syndicales, présentées dans le livre de M. Nolan, ont eu des réactions différentes. Liz Shuler, nouvelle présidente de l'AFL-CIO, a salué « l'élan du moment que nous vivons » et le grand nombre de « travailleurs qui se soulèvent malgré l'opposition illégale d'entreprises qui préfèrent payer des millions à des firmes antisyndicales plutôt que de donner aux travailleurs un siège à la table ».
Sara Nelson, présidente de l'Association of Flight Attendants/CWA et membre du conseil exécutif de l'AFL-CIO, s'est montrée plus critique. Selon elle, « ces chiffres sont incroyablement décevants » et indiquent que « le mouvement syndical n'est pas à la hauteur du moment ». Pour mieux répondre au « désir réel des travailleurs de se syndiquer », elle estime que ce dernier devra faire « quelque chose d'assez extraordinaire ».
Dans The Hammer et dans We Are the Union, qui vient d'être publié par Eric Blanc, les deux auteurs abordent une question récurrente à laquelle est confrontée la gauche syndicale, à savoir quel type de rupture avec les pratiques habituelles, au sein du mouvement syndical, permettrait à un plus grand nombre de travailleurs d'obtenir la reconnaissance de leur syndicat, de décrocher leur premier contrat et de faire grève.
Les deux livres ont été mis sous presse avant que les résultats de l'élection présidentielle de 2024 ne soient connus. Même dans le scénario plus favorable d'une présidence de Kamala Harris, les principaux syndicats se seraient encore efforcés de consolider les acquis des récentes campagnes contractuelles et des grèves, tout en essayant de trouver la meilleure façon de « grossir le trait » dans leur nouvelle organisation.
Aujourd'hui, ils devront faire face à un assaut de la droite sous une deuxième administration Trump, cette fois guidée par l'agenda antisyndical du Projet 2025, de la Fondation Heritage. Les syndicats n'auront pas d'amis au National Labor Relations Board (NLRB) comme la conseillère générale Jennifer Abruzzo ; son successeur républicain et les juges fédéraux hostiles à la négociation collective nommés par Trump annuleront, aussi vite que possible, les nombreuses mesures d'application utiles prises par le NLRB au cours des quatre dernières années.
Rompre avec le statu quo ?
Nolan et Blanc partagent une même perspective générationnelle sur le renouveau du militantisme syndical et la vague de nouvelles organisations relatés dans leurs livres. Tous deux sont issus de familles de syndicalistes marquées par le radicalisme de la fin des années 1960 et du début des années 1970. Nolan a grandi dans le sud, où ses parents ont appartenu à la Ligue d'octobre, un groupe maoïste qui estimait qu'ils devaient accepter des emplois de cols bleus dans des usines pour « s'intégrer dans le prolétariat ». La première et unique expérience d'organisation de l'auteur, en tant que journaliste, s'est déroulée chez Gawker, un nouveau média aujourd'hui disparu, dont la rédaction s'est syndiquée à New York avec l'aide de la Writers Guild-East.
Cette victoire de 2015 a été suivie par d'autres victoires dans d'autres publications en ligne comme Salon, HuffPost, Slate, Vox et Vice. Comme Blanc le documente plus en détail, l'échec initial de la News Guild à capitaliser sur ce renouveau syndical parmi les jeunes travailleurs des médias a rapidement conduit à une contestation syndicale interne réussie du président national de longue date de la Guilde, Bernie Lunzer. Depuis qu'il a été battu en 2019 par Jon Schleuss, alors âgé de 31 ans et membre du comité d'organisation du Los Angeles Times, la Guilde est devenue ce que M. Blanc appelle une « centrale de nouvelles organisations ».
Aujourd'hui professeur de relations sociales à Rutgers, M. Blanc a grandi à San Francisco, où son père était un militant de longue date du conseil central du travail et un défenseur d'un parti ouvrier. Sa mère, enseignante dans une école primaire, a été élue présidente de l'association United Educators of San Francisco sur une liste réformiste il y a dix ans. Lui-même ancien professeur de lycée, M. Blanc a déjà publié un ouvrage intitulé Red State Revolt : The Teachers Strike Wave and Working-Class Politics (La vague de grèves des enseignants et la politique de la classe ouvrière), retrace le soulèvement de 2017-18 dans l'enseignement public en Oklahoma, en Virginie-Occidentale, en Arizona et dans d'autres États.
Les deux auteurs s'appuient sur des études de cas portant sur des activités récentes d'organisation, de négociation ou de grève pour présenter leurs arguments sur ce qu'il faut faire pour modifier le déséquilibre actuel du pouvoir entre les syndicats et le patronat aux États-Unis.
Dans The Hammer, Nolan dresse d'abord le profil d'une collaboration modèle de 20 ans entre l'American Federation of State, County, and Municipal Employees (AFSCME) et la Service Employees International Union (SEIU) pour créer Child Care Providers United (CCPU), une organisation nationale de prestataires de services de garde d'enfants en milieu familial qui compte aujourd'hui 40 000 personnes en Californie.
L'un des éléments clés de cet effort consistait à encourager les « travailleurs marginalisés et ignorés » à agir comme s'ils faisaient partie d'un syndicat, bien avant qu'ils ne disposent d'une unité de négociation établie. Comme le rapporte Nolan, le CCPU « a incité des milliers de travailleurs à payer des cotisations volontaires de dix dollars par mois bien avant qu'une loi sur la négociation collective les concernant ne soit adoptée ». Leur mobilisation populaire continue, visant les législateurs de l'État à Sacramento, a permis d'obtenir une série de concessions financières avant que le gouverneur Gavin Newsom ne signe, il y a cinq ans, un projet de loi accordant enfin aux prestataires de services de garde d'enfants le droit de négocier en tant que groupe.
En ce qui concerne le secteur privé, M. Nolan fait également l'éloge de l'intégration de l'organisation interne et externe, de la campagne contractuelle, de l'action politique et des débrayages à l'échelle de la chaîne par les travailleurs de l'hôtellerie à Las Vegas et dans d'autres villes. En tant qu'organisation nationale, Unite-Here n'est que « de taille modérée ». Mais ses trois cent mille membres ont longtemps été bien au-dessus de leurs moyens, grâce à ce que Nolan appelle « l'organisation profonde, les grèves acharnées, la discipline militariste et le sacrifice collectif de dizaines de milliers de travailleurs ».
Malgré les licenciements massifs dus à la pandémie qui frappera le secteur de l'hôtellerie en 2020-22, Unite Here a lancé sa campagne de démarchage électoral la plus ambitieuse de l'histoire. Plus de 1 000 de ses bénévoles bien formés et très motivés se sont déployés dans le Nevada, l'Arizona, la Pennsylvanie et la Géorgie pour empêcher les Républicains de droite de prendre le contrôle du Sénat. (Avec une nouvelle cohorte de solliciteurs bénévoles, le syndicat a tenté d'avoir le même impact électoral dans les États en guerre, à l'automne dernier).
Négociations nationales
Dans son récit détaillé d'une lutte contractuelle de 2021 entre les nouveaux propriétaires de Nabisco et plusieurs centaines de travailleurs de son usine de Portland, dans l'Oregon, Nolan confirme que « la force syndicale des cols bleus non seulement existe toujours, mais qu'elle est encore capable de constituer un rempart contre les vampires du capital ». L'organisation nationale concernée, la BCTGM (Bakery, Confectionary, Tobacco Workers and Grain Millers), vieille de 138 ans, n'était pas connue pour être un « syndicat particulièrement audacieux ». Pourtant, nombre de ses membres de base ont rejeté les demandes de concessions émanant de l'ensemble du secteur, appuyées par des licenciements et des menaces d'externalisation dans tout le pays cette année-là.
Il en résulta des grèves chez Frito-Lay, Nabisco et Kellogg. (Après le débrayage de 11 semaines de 1 500 fabricants de céréales dans trois États, l'un des présidents locaux de la BCTGM concernés, Dan Osborn, a décidé de se présenter au Sénat des États-Unis en tant que candidat indépendant du Nebraska, soutenu par les travailleurs). À Portland, le nouveau propriétaire de Nabisco était Mondelez International, un « gargantuesque groupe mondial de snacks qui se décrit comme tel ». Lors d'une précédente impasse, Mondelez (comme Boeing et d'autres grandes entreprises) avait gelé ses cotisations au régime de retraite à prestations définies et proposé à la place une couverture 401(k) moins onéreuse.
Lorsque les avocats de la direction se sont retrouvés à la table des négociations en 2021, l'entreprise venait de fermer des usines de craquage en Géorgie et dans le New Jersey, mettant au chômage 900 membres de la BCTGM. Le prix à payer pour garder Portland ouvert, ont-ils laissé entendre, était des concessions sur les soins de santé, des changements d'horaires et le maintien des intérimaires dans l'usine.
Les membres de la section locale 364 de la BCTGM avaient déjà organisé un arrêt de travail pour des violations de contrat liées à la pandémie et impliquant l'utilisation d'intérimaires. Mais ils faisaient partie d'un processus national de négociation de contrat qui impliquait des travailleurs de Nabisco dans quatre autres États qui n'étaient pas nécessairement « assez énervés pour débrayer ».
Pas de contrats, pas de casse-croûte
En août 2021, la première grève nationale de Nabisco depuis 1969 a tout de même eu lieu, avec beaucoup moins de planification et de coordination que Unite Here n'en emploie pour ses arrêts de travail multiétatiques dans une chaîne hôtelière nationale. Heureusement, les militants de la solidarité ouvrière de la région de Portland, dans d'autres syndicats et au sein des Socialistes démocrates d'Amérique, sont intervenus de manière utile. Ils ont encouragé des grévistes comme Donna Jo Marks, l'un des nombreux et courageux travailleurs de base dont le livre de Nolan dresse le portrait, à ne pas trop recourir aux piquets de grève traditionnels, car les grévistes étaient déjà temporairement remplacés par des bus remplis de briseurs de grève protégés par des agents de sécurité privés de la même entreprise de briseurs de grève que Nabisco avait engagée.
Mme Marks et ses collègues ont commencé à obtenir un soutien communautaire, syndical et politique plus large pour leur lutte contre cette entreprise de marque. L'un des noms les plus célèbres d'Hollywood, l'acteur Danny DeVito, a tweeté son soutien - « PAS DE CONTRATS, PAS DE SNACK », qui est devenu le mot d'ordre de la grève. L'équipe professionnelle de football féminin de Portland, les Thorns, nouvellement syndiquée, s'est présentée en masse au piquet de grève. Alors que la production avec une main-d'œuvre de briseurs de grève prenait du retard et que Nabisco avait de plus en plus de mal à honorer ses commandes, la perturbation plus générale des chaînes d'approvisionnement mondiales pendant la pandémie s'est avérée être également un allié de la grève.
Au bout de cinq semaines, un nouveau contrat, prévoyant de modestes augmentations et une prime de 5 000 dollars à la signature, a été soumis au vote. La plupart des grévistes de Portland ont voté contre l'accord, parce qu'ils étaient préoccupés par le nouveau libellé des horaires ; les trois quarts des travailleurs de Nabisco au niveau national ont voté « oui » parce que le nouveau contrat « préservait largement les avantages des contrats précédents » (bien que ce ne soit pas le cas pour les pensions).
Selon M. Nolan, cette grève et d'autres grèves menées par la BCTGM il y a quatre ans ont néanmoins « joué un rôle important dans la prise de conscience, au niveau national, que l'organisation sur le lieu de travail permet aux gens ordinaires de faire quelque chose » et, ce faisant, peuvent renouveler la conviction des travailleurs « que tout n'est pas perdu, que le pouvoir du peuple est toujours réel ».
Le modèle Starbucks
Alors que les grévistes de Portland reprenaient le travail, les baristas de Starbucks dans trois cafés de Buffalo se préparaient à des votes distincts organisés par le NLRB en décembre 2021. Une nette victoire (19 contre 8) dans l'un d'entre eux a incité les travailleurs de Starbucks de tout le pays à rejoindre un réseau d'organisateurs de base appelé Starbucks Workers United (SBWU). Fin 2024, avec le soutien de Workers United/SEIU, ils avaient aidé 11 000 de leurs collègues à obtenir des droits de négociation dans 500 établissements Starbucks. Ils sont maintenant engagés dans une campagne permanente visant à négocier un premier contrat avec une entreprise de 110 milliards de dollars employant 380 000 travailleurs, ce qui en fait l'une des plus grandes sociétés de restauration au monde.
Pour Eric Blanc, cette percée dans l'organisation « d'ouvrier à ouvrier » mérite d'être étudiée de près et de faire des émules. La main-d'œuvre de Starbucks était très dispersée et fragmentée en petits groupes de magasins de détail. Le SBWU a dû développer des majorités syndicales, unité par unité, et les maintenir avant, pendant et après les élections très contestées du NLRB. Pour décourager la syndicalisation, d'innombrables travailleurs ont été harcelés, plusieurs centaines ont été licenciés ou suspendus en raison de leur activité syndicale et, surtout, les établissements qui ont voté en faveur de la négociation collective se sont vu illégalement refuser les améliorations salariales et sociales accordées aux magasins non syndiqués, afin de les inciter à rester dans la même situation.
Il ne s'agissait pas d'une campagne de recrutement menée dans les conditions plus favorables d'une campagne SEIU-AFSCME parmi les prestataires de services de garde d'enfants financés par l'État dans un État favorable aux syndicats comme la Californie ou d'une campagne des Communications Workers of America (CWA) parmi les travailleurs des magasins de téléphonie sans fil couverts par un accord de vérification des cartes et de neutralité, négocié avec une société mère déjà syndiquée.
Au lieu de cela, pendant plus de deux ans, les partisans du SBWU ont dû faire face à une « campagne de démantèlement des syndicats d'une intensité et d'une ampleur inégalées » qui, selon M. Blanc, a coûté environ 250 millions de dollars. Cette campagne a été orchestrée par Littler Mendelson, un cabinet d'avocats d'affaires réputé (et souvent victorieux) dans le domaine de l'« évitement des syndicats ». Les entretiens de l'auteur avec les fondateurs du SBWU emmènent les lecteurs de son livre dans les coulisses d'un effort populaire étonnamment durable qui a commencé lorsque « dix jeunes radicaux ont commencé à saler les magasins Starbucks de Buffalo au début de l'année 2021 ».
De travailleur à travailleur
En novembre de la même année, le milliardaire Howard Schulz, fondateur et PDG de l'entreprise, a dû se rendre personnellement à Buffalo pour contrer l'influence de ces « partenaires » pro-syndicaux, dont il s'est plaint plus tard qu'ils étaient « des étrangers qui essayaient de s'emparer de notre personnel ». L'appel de Schulz à la loyauté de l'entreprise n'a pas fonctionné ; en moyenne, au cours des six mois suivants, le SBWU a déposé près de deux pétitions électorales de représentation par jour, imprimant ce que M. Blanc appelle « l'ADN de travailleur à travailleur dans toute la trajectoire ultérieure de la campagne », qui n'aurait pas pu décoller si l'on avait utilisé une approche traditionnelle à forte intensité de personnel. En raison de cet esprit de bricolage, le taux de victoire de la campagne lors des premières élections a été remarquablement élevé (80 %), selon M. Blanc.
L'action collective - en particulier les arrêts de travail - a été « essentielle pour maintenir l'élan, forger la solidarité » et maintenir la pression sur la direction, estime-t-il. « Outre les mobilisations périodiques à l'échelle nationale, de nombreuses grèves de Starbucks ont été déclenchées localement en réponse à des griefs dans les magasins. Selon l'auteur, le SBWU a également « fait un excellent travail en se battant pour obtenir des concessions partielles de la part de la direction et en les mettant en évidence, tout au long de la route menant à un premier contrat ».
Cet objectif est soudain devenu plus réalisable en février 2024, lorsque « Starbucks a hissé le drapeau blanc » et a accepté de « commencer à négocier de bonne foi et de cesser de refuser illégalement l'égalité des avantages aux travailleurs syndiqués. » (Il reste à voir si ce processus aboutit réellement à un premier contrat ; si le nouveau PDG de l'entreprise change de cap, à la lumière de la victoire de Trump et de l'affaiblissement du NLRB qui en résulte, les relations de travail chez Starbucks pourraient redevenir brutales, très rapidement).
Alors que Blanc résume les leçons de la lutte contre Starbucks jusqu'à présent, son bon conseil pour les organisations syndicales à la traîne est le suivant : Développer et former davantage de dirigeants de la base sur les lieux de travail non syndiqués, qui « peuvent s'auto-organiser et former d'autres personnes ». Utiliser des outils de communication numérique comme Zoom « pour étendre rapidement et à grande échelle les actions au-delà des énormes divisions spatiales [...] afin que les travailleurs puissent se coordonner et se soutenir directement sans dépendre autant du personnel rémunéré et des ressources syndicales ».
Augmenter le financement du « salage à grande échelle sur des cibles stratégiques », comme l'a fait Workers United dans le nord de l'État de New York avec une « équipe de sels radicaux » dont les efforts ont conduit à la formation du SBWU. Il faut également être prêt à saisir les occasions les plus médiatisées pour « répandre la syndicalisation aussi largement que possible », comme l'ont fait les organisateurs du SBWU lorsqu'ils ont été inondés de demandes d'aide à la syndicalisation de la part de baristas de tout le pays. En bref, selon M. Blanc, « le mouvement syndical doit enfin recommencer à agir comme un mouvement ».
De nouvelles voix à l'AFL-CIO ?
Contrairement à M. Blanc, M. Hamilton Nolan a beaucoup de mal à croire que l'AFL-CIO nationale puisse devenir un catalyseur efficace pour l'organisation de masse. Lorsque John Sweeney, président de Service Employees, et Rich Trumka, président de Mine Workers, ont pris les rênes de la fédération nationale des travailleurs en 1995, après avoir remporté sa première élection contestée depuis un siècle, la gauche espérait également que sa liste « New Voice » - et le personnel du siège embauché après sa victoire - contribuerait à lancer de nouvelles campagnes à l'échelle de l'industrie.
Sous l'ancien régime de Lane Kirkland, l'AFL-CIO avait déjà créé un Institut d'organisation « pour former des milliers de nouveaux organisateurs, relancer l'organisation syndicale à l'échelle nationale et inverser le déclin du taux de syndicalisation ». Le premier directeur de l'OI était Richard Bensinger, aujourd'hui membre du personnel de Workers United, dont le rôle clé dans la campagne Starbucks est devenu ce que Nolan appelle « le point culminant d'une carrière de quatre décennies d'organisation réussie ».
Après l'élection de Sweeney, Bensinger a mené la charge pour que tous les affiliés de l'AFL-CIO consacrent 30 % de leur budget à l'organisation. Mais cette tentative de New Voice « de réorienter les priorités du travail organisé s'est écrasée sur les rochers de l'apathie et de l'indépendance des grands syndicats ». Dix ans plus tard, certains des plus grands syndicats de l'AFL-CIO - SEIU (sous la direction du successeur de Sweeney, Andy Stern), Teamsters (sous la direction de James Hoffa), United Food and Commercial Workers et Laborers - ont réagi à ce revers en créant leur propre fédération syndicale américaine, nouvelle et améliorée. La coalition Change to Win a quitté l'AFL-CIO avec un quart de ses membres, soit plus de cinq millions de travailleurs qui n'ont guère été consultés sur leur maintien ou leur départ.
Selon M. Nolan, le CTW n'a pas non plus été en mesure de « s'organiser efficacement à grande échelle, bien qu'il y ait eu quelques tentatives courageuses ». En 2009, ses meilleurs affiliés, comme Unite-Here, ont réintégré l'AFL-CIO au compte-gouttes. D'autres, comme le SEIU, l'IBT et les charpentiers, n'ont toujours pas « réintégré l'AFL-CIO, convaincus que ce serait une perte de temps et d'argent ».
Malgré ce rappel utile de la réalité des efforts antérieurs pour réformer l'AFL-CIO ou créer une alternative, The Hammer entretient l'idée fantaisiste qu'un seul membre de gauche du conseil exécutif de l'AFL-CIO - à savoir Sara Nelson, dirigeante de l'AFA-CWA - aurait pu être un artisan du changement institutionnel plus efficace que la coalition New Voice et/ou les transfuges du CTW qui l'ont suivie.
La politique du travail comme baseball fantastique
Cette partie du livre de Nolan ressemble à une version de la politique syndicale qui s'apparente à un jeu de baseball imaginaire. Elle reprend sa propre couverture des nombreux ballons d'essai de Nelson concernant sa candidature à la présidence de l'AFL-CIO pendant ce qui était censé être le dernier mandat de Trumka. Pendant cette période, la présidente charismatique et médiatique de l'AFA/CWA est devenue une oratrice très applaudie lors d'événements syndicaux de gauche, de rassemblements de solidarité et de piquets de grève. Selon l'auteur, elle essayait de se positionner comme quelqu'un qui pourrait devenir un « porte-parole de la classe ouvrière dans son ensemble », au lieu d'être attachée à la tâche de « diriger un syndicat individuel » avec « sa focalisation étroite sur une seule industrie ».
Nelson a donné de fréquentes interviews à la presse, sur une variété de sujets syndicaux et politiques. Elle a fait les gros titres en 2018 en appelant à une grève générale pour protester contre la mise à pied de 800 000 travailleurs fédéraux par le président Trump pendant la fermeture du gouvernement cette année-là. (Au cours des quatre années pendant lesquelles Nelson a été présidente de son propre syndicat de 50 000 membres, elle n'a pas personnellement mené une seule grève mais, rien qu'avec ce discours, elle est devenue « une figure politique nationale », selon M. Nolan). Le résultat fut une vague « d'enthousiasme pour Nelson parmi les radicaux qui souffrent depuis longtemps dans le monde du travail organisé » parce qu'ils avaient enfin trouvé « un candidat crédible pour rendre les syndicats à nouveau mauvais ».
Malheureusement, Rich Trumka, âgé de 72 ans, a été victime d'une crise cardiaque soudaine et est décédé en 2021. Le conseil exécutif de l'AFL-CIO, composé de 55 membres, a rapidement nommé son secrétaire-trésorier pour les dix mois restants de son mandat. Cela a permis à Liz Shuler, ancienne responsable de la section locale et du siège de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité (FIOE), de se présenter à la convention de l'AFL-CIO de 2022 en tant que présidente sortante véritablement imbattable. Nelson ne l'a finalement pas défiée, pour la bonne raison qu'aucun grand syndicat, y compris l'organisation mère de l'AFA, le CWA, n'a soutenu cette ambition personnelle !
Depuis qu'elle a pris ses fonctions, Mme Shuler présente ses propres projets visant à transférer davantage de ressources de la fédération vers ce que Mme Nolan appelle « un nouveau Centre pour l'organisation transformationnelle ». Ce centre disposera « du personnel et des ressources nécessaires pour créer des coalitions multi-syndicales afin de mener à bien le type de campagnes nationales tentaculaires nécessaires pour syndiquer des cibles stratégiquement importantes telles qu'Amazon, l'économie de l'emploi ou l'industrie de l'énergie verte ». Mais l'auteur n'est pas impressionné par le budget annuel de 11 millions de dollars du Centre (« c'est mieux que rien, mais c'est loin d'être suffisant pour être “transformationnel” »).
Selon M. Nolan, « lorsque l'on balaie les mots et que l'on examine la substance réelle des plans, on retrouve la même vieille AFL-CIO ».
La réforme syndicale : un coup de pouce à la syndicalisation
Au sein des United Auto Workers (UAW) et de NewsGuild/CWA, les récentes luttes pour la démocratie syndicale et la réforme au sommet ont conduit à des changements organisationnels substantiels, selon M. Blanc. Ces changements ont pris la forme d'une organisation élargie, d'un engagement accru de la base dans les campagnes contractuelles et d'actions de grève créatives. Comme l'a souligné le chercheur Chris Bohner, l'élection directe des dirigeants par les membres de l'UAW et de la Guild - au lieu du système d'élection par convention plus largement utilisé - a été essentielle pour évincer les dirigeants de la vieille garde et rendre les deux syndicats plus attrayants pour les travailleurs non syndiqués, en tant que vecteur d'organisation, dans leurs secteurs d'activité respectifs.
Étant donné la taille beaucoup plus importante de l'UAW, l'impact positif de l'élection de Shawn Fain et d'autres membres de Unite All Workers for Democracy (UAWD) à des postes de direction, il y a deux ans, est plus largement connu. M. Blanc met en évidence une dynamique commune aux deux bouleversements électoraux, « dans laquelle de petites poches de jeunes travailleurs nouvellement organisés et radicalisés ont joué un rôle de premier plan ». Il félicite la direction réformée de l'UAW pour ses nouvelles initiatives d'organisation interne et externe qui ont « suscité des attentes, exploité la colère des dirigeants d'entreprise et montré que les travailleurs peuvent obtenir de grandes victoires par le biais d'un militantisme de masse ».
Il n'a pas été facile de rallier une base qui, à juste titre, s'est montrée « cynique et déconnectée » après des années de corruption et de dysfonctionnement de la Maison de la solidarité. Pourtant, lors des négociations de 2023 avec les trois grands, l'UAW a pu, grâce à l'éducation et à la mobilisation des membres, à une transparence sans précédent à la table des négociations et à une stratégie de grève sélective, obtenir des majeures avancées après des années de concessions qui ont semé la discorde et la démoralisation. En conséquence, les partisans de l'UAW nouvellement énergisés et inspirés de Volkswagen au Tennessee ont réalisé une percée majeure dans l'organisation du Sud quelques mois plus tard.
Le catalyseur d'un bouleversement organisationnel similaire au sein de la NewsGuild, qui compte aujourd'hui 30 000 membres, a été l'élection de Jon Schleuss en tant que nouveau président il y a cinq ans. Comme le raconte M. Blanc, son principal atout en tant que candidat était d'avoir mené une campagne « d'ouvrier à ouvrier » au Los Angeles Times, un journal non syndiqué depuis 135 ans. Contrairement à Fain au sein de l'UAW, Schleuss n'avait jamais été élu au niveau local ni nommé représentant syndical national. En fait, il était la seule personne de sa nouvelle unité de négociation de 460 personnes à payer des cotisations à la Guilde, parce qu'elle n'était pas encore couverte par une convention collective avec prélèvement des cotisations.
Secourir la Guilde
En 2018-19, les employés du Times n'étaient pas les seuls travailleurs nouvellement syndiqués d'anciens ou de nouveaux médias à s'enliser dans des négociations difficiles de premier contact. Et s'ils étaient mécontents de la manière dont ces négociations étaient menées - comme beaucoup l'étaient - ils ne pouvaient pas faire grand-chose. Tout en ayant le droit d'élire leur comité de négociation local et de participer à tout vote de ratification ultérieur, lorsqu'un accord de principe a été conclu, ils ont été privés de leurs droits en ce qui concerne la « politique syndicale ». Les sympathisants de la Guilde au Times, comme Schleuss, n'avaient pas encore de dirigeants élus ni la possibilité d'envoyer des délégués votants à la convention nationale du syndicat.
Sur ses propres deniers, Schleuss s'est tout de même rendu à la convention 2019 de la Guilde.
Avec le soutien de trois sections locales, il a été nommé candidat au poste de président national dans une course que tout le monde considérait comme gagnée d'avance pour Bernie Lunzer, le président sortant âgé de 61 ans. (L'affable Lunzer avait occupé des fonctions syndicales à plein temps au sein de la Guilde depuis aussi longtemps que son challenger était en vie). Schleuss n'a pas pu se présenter dans le cadre d'un programme de réforme de type UAWD, car aucun de ses collègues dissidents n'était, à l'époque, en mesure ou désireux de rejoindre une telle liste. Tous les responsables nationaux de la Guilde, les membres du conseil exécutif, les employés du siège et des bureaux locaux, ainsi que la plupart des dirigeants des syndicats locaux, étaient favorables à Lunzer et au statu quo.
Néanmoins, le jeune journaliste s'est révélé un organisateur efficace auprès des professionnels des médias rétifs à l'échelle nationale. Comme le souligne Blanc, Schleuss n'était initialement soutenu que par ses propres collègues de Los Angeles – qui ne pouvaient pas voter pour lui –, son maigre compte en banque et des militants de quelques sections locales réformistes, comme la Guilde de New York, qui ont offert temps et argent pour l'aider à élire. Il a fallu deux votes nationaux des membres en 2019, après que le cafouillage du siège de la Guilde lors de la première élection a nécessité une nouvelle élection, souhaitée par Schleuss.
Lors d'un rare débat de campagne présidentielle syndicale, Schleuss a appelé à « exploiter la créativité de nos membres » dans des campagnes mieux organisées contre les rachats de journaux par des propriétaires de fonds spéculatifs et d'autres « déterminés à détruire le journalisme ». S'il était élu, il s'engageait à solliciter davantage de ressources auprès de l'organisation mère de la Guilde, la CWA, et à accroître la participation de la base au « Programme d'organisation des membres » du syndicat. Ce plan d'action s'appuie sur quatre décennies d'organisation syndicale soutenue par le CWA dans les secteurs public et privé, en utilisant le modèle préconisé par Blanc pour tous les syndicats (c'est-à-dire la formation et le déploiement de membres actifs, sur une base de temps perdu ou bénévole, pour recruter des travailleurs non syndiqués dans le même secteur ou la même profession que le leur).
Reconstruction syndicale
Grâce à une participation plus importante et à un réseau de bénévoles en pleine expansion, Schleuss a battu Lunzer au second tour du scrutin par correspondance, devenant ainsi président de la Guilde pour les quatre prochaines années et rejoignant le comité exécutif de la CWA, où il siège aux côtés de Sara Nelson, autre sympathisante de Labor Notes. Dans le cadre de la vague de syndicalisation qui a rendu cela possible, près de 11 000 travailleurs des médias ont obtenu des droits de négociation dans plus de 200 nouvelles unités entre 2018 et 2023, selon Blanc. Au cours des quatre dernières années, le syndicat a aidé les travailleurs à obtenir 100 premiers contrats.
Au cours des cinq dernières années, la Guilde a investi massivement dans la formation en ligne et en personne des militants souhaitant s'impliquer dans l'organisation externe et interne, la négociation de contrats, les actions syndicales et les grèves. En avril 2024, elle a envoyé l'une des plus grandes délégations syndicales – 150 membres – à la conférence de Labor Notes à Détroit, afin de partager ses expériences et d'apprendre des travailleurs d'autres syndicats. À l'automne dernier, lorsque les membres de la Guilde ont débrayé devant la publication juridique Law360, il s'agissait de la 24e grève de l'année pour le syndicat. Parmi les cibles figuraient Teen Vogue, Vanity Fair, le New York Times, le Chicago Tribune et d'autres médias, grands et petits.
En 2023, 36 rédactions ont été en grève pour des durées variables. Si nombre d'entre elles étaient des grèves rapides et non illimitées, 100 travailleurs du Pittsburgh Post-Gazette sont en grève depuis deux ans, la plus longue grève du pays. Comme l'a noté Schleuss dans l'un de ses récents rapports mensuels, toujours détaillés, des milliers de membres de la Guilde savent désormais « que pour faire bouger la direction, il faut lancer des campagnes de pression croissantes qui obtiennent une majorité écrasante de soutien et aboutissent à un arrêt de travail ».
Dans son entretien avec Blanc, Schleuss se souvient que lorsque lui et d'autres sympathisants de la Guilde ont recruté suffisamment de collègues pour obtenir une élection au NLRB il y a sept ans, ils savaient que leur tâche n'était pas terminée. Après avoir remporté ce vote, « nous devions encore tout faire pour redresser le syndicat, pour qu'il se concentre davantage sur l'organisation et sur le renforcement du pouvoir de la base. » Pour garder le moral pendant leur difficile lutte avec la direction, les membres du comité d'organisation du Times se sont rassurés : « Nous avons plus de pouvoir que nous ne le pensons. »
Cette prise de conscience collective a contribué à faire la différence entre la victoire et la défaite dans un grand journal non syndiqué depuis plus d'un siècle. Et pour Schleuss, c'est une source d'autonomie, que l'on soit « en lutte contre un employeur qui vous combat à chaque étape ou que l'on soit un militant de la base qui lutte contre une direction syndicale inefficace. » La force de We Are the Union de Blanc et de The Hammer de Nolan réside dans leurs exemples inspirants de travailleurs qui ripostent et gagnent sur les deux fronts.
Steve Early
Source : https://newpol.org/review/looking-up-or-down-for-labor-revitalization/
Traduit avec Deepl et google traduction, par MG pour PTAG.
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IndustriALL demande des protections plus fortes pour les travailleuses du secteur de la confection lors de la conférence CSW69 de l’ONU

18 mars, 2025. Des syndicats, des dirigeants de l'industrie et des militants se sont réunis lors du Forum de la Commission de la condition de la femme des Nations unies (CSW69) pour faire pression en faveur d'accords juridiquement contraignants qui protègent les travailleuses de l'industrie du textile et de la confection.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/04/05/industriall-demande-des-protections-plus-fortes-pour-les-travailleuses-du-secteur-de-la-confection-lors-de-la-conference-csw69-de-lonu/
Organisé par IndustriALL, cet événement a mis en lumière les luttes permanentes des salariés de l'industrie de la confection, en particulier des femmes, et le besoin urgent d'une plus grande responsabilisation des entreprises au sein des chaînes d'approvisionnement mondiales.
Selon l'OIT, le secteur du textile, de la confection, du cuir et de la chaussure emploie plus de 60 millions de personnes, dont une grande partie de femmes. Le secteur est le plus grand employeur de femmes travailleuses parmi tous les secteurs industriels.
Un panel réunissant Nazma Akter, Présidente du syndicat bangladais Sommilito Garment Sramik Federation, Christina Hajagos-Clausen, Directrice d'IndustriALL pour le secteur, et Pinar Özcan, Secrétaire aux relations internationales du syndicat turc Öz İplik İş, a souligné comment les engagements volontaires des entreprises n'ont pas permis de remédier aux violations systémiques des droits humains, laissant des millions de travailleuses vulnérables à des conditions dangereuses, à des salaires de misère et à la violence basée sur le genre.
« Les femmes dans l'industrie de la confection continuent d'être confrontées à l'exploitation et à des conditions de travail dangereuses. Le seul moyen d'assurer un véritable changement est de conclure des accords contraignants qui obligent les enseignes à rendre des comptes » a déclaré Christina Hajagos-Clausen.
« Des engagements comme l'Accord international, ou encore l'Accord visant à soutenir des salaires négociés collectivement dans l'industrie de la confection, du textile, des chaussures et des articles de voyage au Cambodge (négocié dans le cadre de l'initiative ACT), ainsi que les accords-cadres mondiaux sont des exemples d'accords contraignants qui ont un impact sur les travailleuses de la confection. »
Appel à une plus grande responsabilité des entreprises
La rencontre a mis en lumière l'Accord international, un cadre juridiquement contraignant qui a déjà démontré un impact mesurable sur l'amélioration de la sécurité et des droits sur le lieu de travail. Les principales réalisations de l'accord sont les suivantes :
– plus de 38 000 inspections d'usine pour garantir la conformité avec les normes de sécurité incendie, électrique et structurelle
– taux d'assainissement de 92%, garantissant des lieux de travail plus sûrs à des millions de travailleurs et travailleuses
– plus de 2 millions de travailleuses formées à la sécurité sur le lieu de travail, y compris à la prévention de la violence sexiste
– plus de 1 000 plaintes résolues grâce à des mécanismes contraignants de résolution des conflits
Au Bangladesh, où la main-d'œuvre est composée à 60% de femmes, environ 6 046 femmes sont membres des comités de sécurité des usines et près de 1 600 000 travailleuses ont été formées à la sécurité sur le lieu de travail. Dans le cadre du programme au Pakistan, où la main-d'œuvre est estimée composée à environ 11% de femmes, 223 femmes sont membres de comités de sécurité et près de 2 000 travailleuses ont été formées.
Les discussions ont mis l'accent sur le rôle essentiel des syndicats dans la négociation et l'application des protections des travailleurs. Pinar Özcan a souligné l'importance des accords-cadres mondiaux pour garantir des lieux de travail plus sûrs aux travailleuses. Elle a mis en exergue les lignes directrices VHBG récemment élaborées conjointement avec H&M et leur mise en œuvre dans les usines des fournisseurs de l'enseigne.
IndustriALL demande que davantage d'enseignes signent des accords juridiquement contraignants et que les gouvernements imposent la responsabilité des entreprises au niveau de leurs chaînes d'approvisionnement.
« Les salariés du secteur de la confection, dont la majorité sont des femmes, méritent mieux. Nous avons besoin de syndicats plus forts, d'engagements contraignants et de mécanismes d'application qui garantissent leurs droits et leur sécurité » a déclaré Nazma Akter.
La rencontre s'est conclue par un appel à une plus grande collaboration entre les syndicats, les gouvernements et les enseignes de stature mondiale afin de mettre en œuvre des solutions qui favorisent l'égalité des sexes, des salaires équitables et des conditions de travail sûres.
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« Antisémitisme » et Antisémitisme

« Et quand Amman vit que Mordechaï ne se courbait pas, ni ne faisait de révérence, alors Amman entra dans une grande colère » Esther 3 :5
31 mars 2025 | tiré du site Entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/30/antisemitisme-et-antisemitisme/#more-92261
Le fascisme place l'émotion au-dessus de la raison. Les mots sont appelés à n'être que des outils au service de la vision du leader. Dans notre monde post-vérité, cela prend la forme très spéciale de l'inversion du sens : les fascistes appellent d'autres gens des « fascistes » et les antisémites appellent d'autres gens des « antisémites ». Cela se passe précisément maintenant aux États-Unis, sous nos yeux, au plus haut niveau de notre gouvernement.
Un exemple étranger pourrait nous aider à voir ce qui arrive. L'idée que tous les ennemis de la Russie sont les « fascistes » s'est davantage enracinée quand l'État russe est devenu fasciste. Poutine, depuis quinze ans, justifie son action en référence au principal penseur fasciste russe. Les autorités russes ont ridiculement justifié leur invasion massive de l'Ukraine en la présentant comme une lutte contre l'antisémitisme. Elles ont prétendu, de façon absurde, que si elles faisaient tomber le président démocratiquement élu de l'Ukraine, qui est d'origine juive, et qu'elles installaient leur propre gouvernement, cela s'apparenterait à de la « dénazification ». C'est du fascisme au motif de « lutter contre le fascisme ». Et c'est de l'antisémitisme au motif de « lutter contre l'antisémitisme ».
Les représentants russes ont manié la contradiction de plusieurs façons. Vladimir Poutine dit que le président ukrainien n'est pas vraiment juif, impliquant que Poutine lui-même décide qui est juif et ce que cela veut dire. C'est un maître-mot de l'antisémitisme moderne, dont l'association la plus célèbre est avec Karl Lueger, qui était maire de Vienne lorsque le jeune Adolf Hitler y est arrivé en 1908 et a donné sa tonalité idéologique à la ville. L'holocauste perpétré par Hitler a tué environ deux millions de Juifs dans ce qui est maintenant l'Ukraine, dont des membres de la famille de Zelensky.
Le ministre des Affaires étrangères de Russie a prétendu qu'Hitler était juif. L'idée était de suggérer que le président ukrainien, du fait de son origine juive, est comme Hitler. Le ministre russe des affaires étrangères a aussi posé la question de savoir si Zelensky est complètement humain.
L'objectif consistant à répéter des tropes antisémites tout en prétendant combattre l'antisémitisme, est de vider de toute signification le terme d'« antisémitisme » et d'effacer les leçons de l'holocauste. Et il peut difficilement y avoir une action plus antisémite que celle-là.
L'antisémitisme est un terrible problème dans notre monde malmené et cela empire d'année en année, d'un instant à l‘autre. Il y a des antisémites parmi les Américains, parmi les jeunes Américains et parmi les étudiants. Ce n'est toutefois pas une raison d'attaquer l'enseignement supérieur ou de saboter les bases légales et morales de la république américaine.
Les antisémites prétendent qu'eux-mêmes peuvent faire ce qu'ils veulent de l'histoire, ils peuvent décider qui est un vrai juif, décider que les juifs se sont eux-mêmes infligé des souffrances. Parallèlement, les antisémites appliquent le mot « antisémite » à d'autres personnes qui font simplement des choses que les antisémites n'aiment pas. L'absurdité fait partie du plan : l'affirmation selon laquelle les Juifs démocrates sont les véritables antisémites ou les véritables nazis ou les vrais Hitler, est faite pour désorienter les gens bien intentionnés qui pensent qu'il doit y avoir une certaine logique et pour fournir une guidance aux gens mal intentionnés qui souhaitent effectivement promouvoir l'antisémitisme.
Je me souviens d'avoir ressenti une sorte de confusion en février 2022 avec le lancement initial de la propagande russe de guerre. Je crains que la même atmosphère confuse prédomine maintenant aux États-Unis. La guerre du gouvernement américain contre l'enseignement supérieur et contre la liberté d'expression procède selon les mêmes règles d'engagement antisémites que celles de la guerre russe contre l'Ukraine.
La politique de Musk-Trump aujourd'hui consiste à couper les financements, harceler et persécuter les universités américaines au motif qu'elles permettent l'antisémitisme. Le mot « antisémitisme » est utilisé pour justifier des actions qui, à côté de nombreux autres torts, vont nuire aux Juifs et nous devrions nous demander si elles sont conçues comme telles.
Le gouvernement fédéral s'apprête à expulser Mahmoud Khalil, un étudiant avancé de Columbia, au motif qu'en tant qu'étudiant il a conduit des manifestations contre l'assaut d'Israël à Gaza. Il n'y a pas d'accusation de délit portée sur Khalil. Il est singularisé dans ce qui s'apparente à un test pour l'autoritarisme américain dans son ensemble, pour l'expression de ses points de vue. La constitution protège son droit à la liberté pas moins qu'il ne protège ce droit pour les citoyens américains. Si cela ne s'applique pas à lui, en d'autres termes, cela ne s'applique à personne .
Selon Trump, Khalil est le « le premier de beaucoup d'autres à venir. Sans preuve, Trump associe Khalil de façon générale avec de l'activité « pro-terroriste, antisémite, anti-américaine ». Ce sont des insultes conçues pour engendrer de l'émotion et ni Trump ni qui que ce soit d'autre au gouvernement n'a fourni de fondement probant à aucune. La stigmatisation d'un individu particulier et de la cause qu'il défend est une matrice pour traiter de même d'autres gens et d'autres causes. La stigmatisation de protestations particulières d'universités particulières est utilisée pour délégitimer l'enseignement supérieur et la liberté d'expression.
« L'activité anti-américaine » est une catégorie de comportement très large et bien sûr quand elle est simplement définie comme une donnée par le président, elle est parfaitement arbitraire.
En même temps, le mot « antisémitisme » est aussi utilisé dans un sens familier et troublant. L'idée est que l'antisémitisme est un tel problème que nous devrions accepter des politiques manifestement autoritaires pour le combattre. Mais l'autoritarisme va-t-il aider les Juifs ? Et cette politique particulière d'expulsion est-elle d'une quelconque façon destinée à protéger les Américains juifs ? Il semble peu probable que ce soit la motivation des auteurs de cette politique.
Expulser, au nom des Juifs, un musulman qui a commis un délit n'est pas exactement une faveur faite aux Juifs. Cela semble plutôt une provocation du gouvernement fédéral, conçue pour créer du conflit entre communautés. Et faire, pour un cas, exception aux protections constitutionnelles de la liberté de parole et du droit de se réunir, c'est affaiblir l'État de droit dans son ensemble.
La cible particulière de la campagne est aussi révélatrice. Khalil a été étudiant à l'Université Columbia, qui est maintenant la vitrine d'une attaque fédérale plus large sur l'enseignement supérieur. Il va y avoir une enquête dans soixante universités américaines sur des suppositions de laisser se faire des discriminations antisémites contre leurs étudiants. L'enquête, comme l'arrestation de Khalil, est formulée comme s'opposant à l'antisémitisme et défendant les Juifs.
(Je devrais dire que j'ai travaillé pendant plus de vingt ans à l'Université Yale, l'une des institutions ciblées , où j'ai enseigné l'histoire de l'holocauste, où j'ai participé au comité consultatif du Programme de Yale pour l'Étude de l'Antisémitisme, et où j'ai exercé le rôle de conseiller pédagogique pourles Archives Fortunoff de Témoignages Vidéo sur l'Holocauste, une des premières initiatives de collecte de témoignages de survivants. Je dis cela pour être transparent sur mon affiliation et mes engagements personnels, sans parler pour les collègues d'aucune de ces institutions ni pour ces institutions elles-mêmes).
Mais pourquoi avoir mis Columbia en premier ? L'Université est à New York. Plus de 20% de ses étudiants de premier cycle sont juifs. Quelles que soient l'expérience ou l'attitude de ces étudiants, la perte soudaine par leur université de quatre cents millions de dollars est peu à même d'améliorer leur éducation et leurs chances pour la vie. Les étudiants de Columbia peuvent parler pour eux-mêmes. Je suppose que Columbia a été choisie comme première cible symbolique moins à cause de la présence d'antisémitisme qu'à cause de la présence de Juifs.
Et je pense que c'est quelque chose que les vrais antisémites américains auront immédiatement saisi. La ville de New York est codée par les antisémites comme juive. Les antisémites en Amérique, voyant Columbia et New York sous le coup d'une punition, verront des Juifs punis – et cela leur fera plaisir. Il en va de même pour l'ensemble des universités. Les universités sont souvent vues par les antisémites comme juives. La tentative de soumettre les universités rencontrera l'approbation des antisémites.
Par une habitude journalistique américaine, le cadrage public de la campagne anti-universités comme une opposition à l'antisémitisme par Musk-Trump, est accepté. Mais ces éléments de base du contexte sont suffisants pour mettre cela en doute. L'histoire apporte des enseignements clairs sur les ruptures dans l'État de droit et sur les campagnes contre des villes et des universités. Celles-ci sont très souvent associées à l'antisémitisme. Il est très difficile, au moins pour moi, de penser à des exemples historiques de campagnes contre des universités et contre la liberté d'expression menées au bénéfice des Juifs. La seule raison pour laquelle des journalistes et nous tous devons croire que ces efforts sont faits au nom des Juifs réside dans les assurances données par Trump.
Mais quelle est la probabilité que cette administration veuille en fait agir dans un souci sincère du bien-être des Juifs ?
L'équipe de Trump s'est récemment engagée dans une action destinée à attirer des Juifs au Bureau Ovale. Elon Musk fait le salut hitlérien et prétend que les gens qu'il n'aime pas sont des « marionnettes de Soros », en d'autres termes Musk adopte la théorie d'une conspiration juive mondiale. Musk a renforcé l'antisémitisme par la manière qu'il a choisie pour la gestion de Twitter. II banalise l'holocauste en faisant des plaisanteries sur Himmler et Goebbels ou en critiquant les travailleurs du secteur public pour l'holocauste. JD Vance s'est rendu en Europe en février pour s'associer à l'extrême droite allemande. Le Secrétaire de la défense est un reconstructeur chrétien qui s'associe à un promoteur très connu des idées antisémites. Sous la nouvelle direction du FBI , l'extrême droite américaine, le centre du terrorisme américain violent, vont recevoir beaucoup moins d'attention. Les incidents antisémites se sont accrus lors du précédent mandat de Trump, au cours duquel Trump a caractérisé les participants à un rassemblement néonazi (« Les Juifs ne vont pas prendre notre place » à Charlottesville) de « gens exceptionnels ». Trump dit que les Juifs qui ne votent pas pour lui ne sont pas des Américains loyaux. Il se réfère aux personnes et institutions avec lesquelles il est en désaccord, de « mondialistes », ce qui est un nom codé pour « Juifs », que tout antisémite comprend. Ses soutiens mènent uneattaque de type antisémite contre des juges juifs qui agissent selon des modalités que Trump n'aime pas, y compris dans le cas de Mahmoud Khalil.
Comme Karl Lueger dans la Vienne d'Hitler, et comme Vladimir Poutine lors de l'invasion de grande ampleur de l'Ukraine, Donald Trump se donne le droit de décider qui est juif et qui ne l'est pas. Le 12 mars, Trump a dit que le sénateur Chuck Schumer n'était pas juif mais palestinien : « Schumer est Palestinien, à ce que j'en sais. Il est devenu palestinien. Il était juif. Il ne l'est plus. Il est palestinien ».
- Trump utilise ici le mot palestinien comme une insulte , comme si c'était un état humain inférieur pouvant résulter d'une action erronée, par opposition à une identification humaine normale avec un peuple. Comme Poutine et Lueger avant lui, il prétend aussi que la judéité n'est pas quelque chose qui appartient aux Juifs mais à ceux qui les gouvernent. Ce sont les maitres qui décident qui sont les bons Juifs et les mauvais Juifs, les vrais Juifs et les faux Juifs. Le point central de tout cela est que tous les Juifs, et les Juifs spécialement, doivent obéir au maître, sinon.
Que conclure, donc ?
Les Américains ont l'habitude de considérer l'antisémitisme comme quelque chose d'autre que l'oppression de Juifs par des non-Juifs – ce qui est certes un problème très réel, très dangereux et croissant dans le monde.
Les gouvernants qui emploient le mot « antisémitisme » peuvent eux-mêmes être antisémites ou promouvoir l'antisémitisme. L'abus du mot « antisémitisme » est sensé entraîner l'impression que c'est plausible, un sentiment confus d'opposition, et créer plus d'espace pour le vrai phénomène d'antisémitisme. Et cette déformation fait intégralement partie de l'effort pour remplacer un ordre constitutionnel par un ordre autoritaire.
Les Juifs aux États-Unis sont instrumentalisés dans l'effort de construction d'un système américain autoritaire. L'histoire réelle et continue d'oppression des Juifs est transformée en un outil bureaucratique appelé « antisémitisme », utilisé pour supprimer l'enseignement et les droits humains – et ce faisant, au bout du compte, nuire aux Juifs eux-mêmes.
Tandis que le mot « antisémitisme » devient la couverture d'une agression, nous perdons le concept. Et alors, lorsque qu'un véritable antisémitisme se manifestera, il n'y aura pas de moyen de le décrire, puisque « antisémitisme » aura pris la signification, en quelque sorte, du « pouvoir de maîtres arbitraires de supprimer la liberté de réunion et la liberté de parole, sous couvert de désinformation et de propagande ».
Au moment où le mot prendra cette signification, ce pouvoir aura été conquis. Les mots seront devenus de simples outils permettant au leader de réaliser sa vision.
Timothy Snyder
https://snyder.substack.com/p/antisemitism-and-antisemitism
Traduction SF pour l'Aurdip
https://aurdip.org/antisemitisme-et-antisemitisme/
« Antisemitismo » e antisemitismo
https://andream94.wordpress.com/2025/03/31/antisemitismo-e-antisemitismo/
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Les conséquences de la prostitution filmée pour la santé des femmes

Prostitution filmée et santé des femmes. Pour la première fois, une étude scientifique en France quantifie les dégâts sanitaires de la participation à des vidéos pornographiques. Elle met en lumière des vulnérabilités psychosociales et la présence d'une psychopathologie sévère parmi les femmes ayant figuré dans des vidéos pornographiques. Il y a urgence à agir.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/04/03/les-consequences-de-la-prostitution-filmee-pour-la-sante-des-femmes/?jetpack_skip_subscription_popup
Les chercheuses Fabienne El Khoury (santé publique, Inserm), Véronique Héroin et Marion Fareng, ont récemment publié les résultats de leurs recherches, dans l'European Journal of Trauma & Dissociation [page 14].
L'étude, menée en partenariat avec Osez le féminisme ! et le Mouvement du Nid auprès de 36 femmes ayant figuré au moins une fois dans une vidéo pornographique, analyse leur santé mentale et les conséquences physiques, sexuelles, mentales et sociales perçues.
Des résultats édifiants
Les résultats de l'étude sont éloquents, et le constat sans appel : les conséquences sont traumatisantes se répercutent à tous les niveaux, bien loin des fantasmes d'une participation à des vidéos pornographiques libre et satisfaisante.
83% des répondantes ont participé à des productions pornographiques pour des raisons financières : difficultés à payer le loyer, peur de se retrouver sans abri et difficultés à subvenir aux besoins de leurs enfants.
64% ont déclaré y avoir été contraintes : plusieurs femmes ont raconté des cas de coercition ou de « manipulation », par un petit ami ou une connaissance en ligne qui décrivait les vidéos porno comme « amusantes » ou « glamour ».
Deux femmes ont cité l'automutilation comme raison de leur participation, et deux autres ont déclaré avoir été filmées à leur insu. Comme dans le système prostitueur, le préalable à la participation à de la prostitution filmée semble en grande partie reposer sur le fait d'avoir été victime de violences sexuelles antérieures.
Ainsi, 78% des femmes ont révélé avoir subi des violences sexuelles dans leur vie, et la quasi-totalité d'entre elles (92% – toutes sauf 3) ont été victimes de violences sexuelles et/ou d'un événement traumatique avant de tourner une vidéo pornographique.
Vulnérabilités multiples
Les mêmes facteurs d'entrée (violences physiques, sexuelles), aggravants (précarité) et déclencheurs (rencontre avec le « milieu », menaces ou coercitions) se retrouvent dans le système pornocriminel. Un véritable parcours de violences multiples, qui vulnérabilise, que les proxénètes et « producteurs » exploitent sciemment.
Dans une étude sur l'expérience des femmes dans la production porno- graphique réalisée en Suède, le chercheur émet l'hypothèse que « de multiples vulnérabilités conduisent finalement à un manque de pouvoir de négociation , ce qui explique que « les femmes risquent d'être contraintes à performer physique- ment des actes psychologiquement dangereux dans la pornographie » (Donevan, 2021).
Et l'impact est délétère pour les femmes figurant dans ces vidéos : toutes les participantes ont signalé au moins un effet négatif. Isolement social (la moitié ont perdu leur emploi, la moitié également ont déménagé), détérioration de leur santé mentale, et cyberintimidation pour 75% d'entre elles : des conséquences dévastatrices pour des femmes qui se retrouvent polyvictimisées, sur le long terme.
70% ont déclaré avoir subi au moins une conséquence physique (lésions vaginales, problèmes sexuels, infections). Elles ont aussi spontanément rapporté des effets psychologiques : troubles de l'alimentation, troubles du sommeil, anxiété, dépression et pensées suicidaires.
Plus particulièrement 83% présentaient des symptômes de stress post-traumatique, et pour 53% d'entre elles, plus de la moitié donc, les résultats indiquaient une potentielle dépression sévère. Et comme (très) souvent, tel qu'on le constate dans nos nombreux accompagnements sur le terrain, de personnes prostituées et de survivantes, 64% des répondantes prennent des médicaments pour dormir.
Une étude qui vient confirmer les connaissances
Les violences sexuelles et physiques sont largement reconnues dans la prostitution filmée (comme le rapport du Sénat, « Porno : l'enfer du décor », le démontrait en 2022 : 90 % des contenus pornographiques comportent de la violence) : les vidéos mettent souvent en scène des actes de violences (agressions physiques, gifles ou étouffement), mais aussi des scènes de viol et de torture, clairement dirigées contre les femmes.
Plusieurs études ont également examiné les conditions potentiellement traumatisantes dans lesquelles les tournages sont réalisés, avec des rapports sexuels « douloureux, bizarres et alcoolisés », subis dans un état de dissociation.
Pourtant les effets de ces violences sur les femmes qui en sont victimes restaient rarement documentés. À ce jour, seulement trois études dans le monde abordent leur santé mentale.
Une enquête du journal Le Monde avait déjà mis en évidence les conséquences néfastes de la figuration dans des vidéos pornographiques, avec des cas de cyberharcèlement et d'agressions réelles post diffusion (Lorraine de Foucher, 2023). Une des victimes a d'ailleurs affirmé qu'« un viol mis en ligne est un meurtre social ».
L'urgence d'agir
Il y a donc urgence à agir. Les pouvoirs publics doivent se saisir du sujet – une future grande cause nationale portant sur la santé mentale doit considérer les personnes les plus vulnérables.
Les chercheuses appellent quant à elles à ce que des études à grande échelle soient menées, pour étayer ces résultats et mieux comprendre l'ampleur du problème, ainsi que pour optimiser les interventions de soins.
Bon à savoir
Les 36 femmes interrogées ont répondu à une enquête en ligne. L'étude leur avait été proposée par des psychologues travaillant en collaboration avec des groupes de soutien de femmes victimes de prostitution filmée. Une fois qu'elles acceptaient d'y répondre, l'équipe de recherche leur envoyait un lien vers l'enquête.
Elles ont toutes participé au moins une fois à une vidéo pornographique (la moyenne étant d'une à 4 participations), et avaient révélé avoir été victimes de violences durant cette participation. Elles ont en moyenne 31 ans, l'âge médian d'une première participation à une vidéo étant de 21 ans. La majorité sont françaises. Enfin, la moitié ont des enfants.
Retrouvez l'étude complète ici :
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2468749924001054?via%3Dihub
*-*
3 questions à Fabienne KHOURY, chercheuse à l'INSERM
Pourquoi cette enquête ?
En tant que chercheuse, j'étudie l'effet des violences sexuelles sur la santé mentale. Je me suis rendue compte qu'il n'y avait pas de littérature scientifique sur femmes victimes de l'industrie pornographiques, alors qu'il apparaît que les « conditions de tournage » sont très violentes, plusieurs cas médiatisés notamment montraient les violences extrêmes subies. Je voulais aussi que cette étude puisse inciter d'autres à se pencher sur le sujet.
Comment as-tu procédé ?
J'étais en lien avec des associations qui accompagnent les femmes concernées, notamment le Mouvement du Nid et Osez le féminisme !, qui m'ont mise en contact avec des thérapeutes qui accompagnent les victimes. J'ai monté un protocole d'étude validé par un comité d'éthique. Les thérapeutes ont fait passer les questionnaires.
Quelles sont les conclusions de l'étude ?
J'ai personnellement été impressionnée par le fait que près de 80% des participantes avaient subi des violences sexuelles avant même leur participation à des vidéos pornographiques. L'autre point majeur, c'est le score très élevé de syndrome de stress post traumatique et de dissociation. Je n'ai jamais vu des taux aussi élevés que ça. D'un point de vue de santé publique, la santé mentale de ces victimes reste pourtant un angle mort, alors qu'elles ont besoin de soins ! Les décideurs et décideuses doivent agir pour renforcer cet accès aux soins et pour prévenir la survenue de ces traumatismes.
Pauline Spinazze, 11 mars 202
https://mouvementdunid.org/prostitution-societe/dossiers/prostitution-filmee-sante-femmes/
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Le porno n’est pas seulement le reflet de nos désirs : il les façonne et met en danger les femmes et les jeunes filles

Pendant trop longtemps, la législation britannique est restée à la traîne par rapport aux plateformes Internet. Après un examen de ce dossier attendu depuis longtemps, nos ministres doivent y remédier.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/06/le-porno-nest-pas-seulement-le-reflet-de-nos-desirs-il-les-faconne-et-met-en-danger-les-femmes-et-les-jeunes-filles/
Si vous avez regardé du porno ces dernières années, vous savez qu'il est devenu plutôt sinistre. Les images d'inceste et d'étranglement y sont maintenant monnaie courante, tout comme celles de coercition, de racisme et de violence sexuelle. Ces pratiques sont mises de l'avant sur des sites pornographiques destinés au grand public et sur de nombreuses plateformes de réseaux sociaux, sous l'influence d'algorithmes de recommandation dans le but de maximiser la participation de l'auditoire et les profits des producteurs. Nous sommes bien loin de l'époque où le porno « hardcore » signifiait un pénis en érection. Mais nous sommes peut-être à l'aube d'un changement.
La semaine dernière a été publiée uneétude indépendante longuement attendue, menée par Mme Gabby Bertin, une paire du party Tory, qui propose la plus importante révision de la réglementation sur la pornographieen plus de 40 ans. Les conclusions de cette étude constituent une mise en accusation claire de ce qu'est devenue le porno aujourd'hui et de l'inaction des gouvernements successifs pour y remédier. C'est un gouvernement travailliste qui a été le premier à adopter une loi sur la pornographie extrême en 2009, reconnaissant la nécessité d'un changement radical dans la manière dont nous réglementons ce média. Il est maintenant temps de franchir la prochaine grande étape, qui fera partie intégrante de la réussite de la mission du gouvernement travailliste, qui se propose de réduire de moitié la violence envers les femmes et les jeunes filles en une décennie.
L'approche du public envers une réglementation a changé. Pendant un certain temps, beaucoup ont cru qu'une approche non interventionniste de la réglementation renforcerait nos libertés sexuelles et protégerait notre droit à la vie privée. En réalité, c'est l'inverse qui s'est produit. Aujourd'hui, la plupart des contenus pornographiques étouffent notre liberté sexuelle. Ce que nous regardons n'est pas déterminé par le choix et les préférences de chaque utilisateur, mais par des algorithmes de recommandation d'IA axés sur le profit. Ceux-ci ont appris que nous sommes principalement attiré-es par des contenus qui provoquent en nous le dégoût, le choc et la rage.
Nos droits à la vie privée ont été bafoués par des conglomérats pornographiques multinationaux qui ont eu toute latitude pour exploiter certaines de nos données les plus intimes afin d'alimenter ces algorithmes. Une étude portant sur plus de 22 000 sites pornographiquesa révélé que 93% d'entre eux envoyaient les données de leurs utilisateurs à au moins une tierce partie, souvent à l'insu des utilisateurs.
Nous avons commencé à prendre conscience de l'impact de cette situation sur une grande partie de nos autres activités en ligne. En 2020,une étude sur les préjugés dans les prises de décisions algorithmiques, commandée par le ministère des Sciences, de l'Innovation et de la Technologie, a révélé que les attitudes racistes et sexistes étaient non seulement reproduites, mais aussi attisées par les algorithmes de recommandation. Et le commissaire à l'information a maintenant lancé une enquête sur la manière dont les plateformes de médias sociaux utilisent les données générées par l'activité en ligne des enfants pour leur proposer des contenus.
C'est en partie ainsi que nous en sommes arrivé-es à un point où tant de pornographie en ligne promeut et perpétue des clichés nuisibles, violents, misogynes et racistes. Les plateformes pornographiques elles-mêmes sont impliquées dans la production de ces préférences, poussant les hommes et de plus en plus les femmes plus loin que nous n'irions autrement.
Bien que le rapport de Mme Bertin n'approfondisse pas suffisamment la prise de décision algorithmique sur les sites pornographiques et son impact sur notre liberté et notre vie privée, il a l'avantage de proposer un plan d'action pour ce qui doit changer. Sa recommandation la plus importante est l'établissement d'une parité entre ce qui est réglementé sur des supports physiques et ce qui n'est pas encore réglementé en ligne. Il suggère également que les plateformes soient tenues d'adopter des mesures spécifiques de sécurité intégrées dès la conception des produits, via l'élaboration d'un code de pornographie sûre dans la Loi sur la sécurité en ligne, ou d'une nouvelle infraction relative aux publications.
Parallèlement, il recommande que la pornographiereprésentant des scènesd'inceste ou d'étranglement soit rendue illégale en vertu de la loi sur la pornographie extrême, et que le ministère de l'Intérieur soit reconnu comme l'habitat naturel de la politique en matière de pornographie. Cela créerait une filière claire de surveillance et de responsabilité et mettrait fin à l'approche de la réglementation qui consiste à « se renvoyer la balle » et qui a dominé le débat jusqu'à présent.
Le rapport mentionne également, au passage, un soutien à la vérification de l'âge intégré aux appareils, si les mesures visant à restreindre l'accès des enfants aux sites pornographiques dans la Loi sur la sécurité en ligne se révèlent inefficaces. Loin d'être une simple différence, ce changement modifierait considérablement la responsabilité de la sécurité des enfants ; celle-ci passerait des plateformes qui tirent profit de leur accès pour la renvoyer aux parents et aux tuteurs appelés à les tenir à l'écart de tout appareil vérifié. Ce n'est pas une meilleure option, et ce n'est certainement pas un système plus sûr ; sans surprise, les plateformes pornographiques préfèrent cette option car elle entraverait beaucoup moins leur trafic d'images.
Lors de la publication du rapport, le gouvernement a annoncé qu'il répondrait à chaque recommandation en temps voulu. Cet examen constitue le genre d'opportunité dont on pourrait dire qu'elle se présente qu'une fois dans une vie. Sauf qu'elle s'est déjà présentée. En tant que Premier ministre en 2013, David Camerona annoncé que, en matière de pornographie, « ce que vous ne pouvez pas obtenir en magasin, vous ne devriez pas pouvoir l'obtenir en ligne ». Douze ans plus tard, la première recommandation de Mme Bertin est la même : les contenus pornographiques dont la distribution est illégale sur des supports physiques devraient également être considérés comme des contenus illégaux sur les plateformes en ligne. Il nous a fallu plus de dix ans pour en arriver au même point. Ce n'est pas que nous ne savons pas ce qu'il faut faire. Nous avons juste besoin que le présent gouvernement se décide enfin à le faire.
Fiona Vera-Gray
Clare McGlynn a également contribué à cet article
Fiona Vera-Gray est professeure de violence sexuelle à l'université métropolitaine de Londres et codirectrice de l'unité d'études sur la maltraitance des enfants et des femmes.
Clare McGlynn est professeure de droit à l'université de Durham et experte en réglementation juridique de la pornographie.
https://www.theguardian.com/commentisfree/2025/mar/03/porn-law-internet-review-ministers
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Les violences sexistes et sexuelles dans les transports en commun en France

Pour la première fois, l'Observatoire national des violences faites aux femmes publie une Lettre thématique dédiée aux violences sexistes et sexuelles dans les transports en commun en France.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/22/les-violences-sexistes-et-sexuelles-dans-les-transports-en-commun-en-france/?jetpack_skip_subscription_popup
Afin de mesurer l'ampleur et la nature de ces violences, la Miprof s'est appuyée sur les données des ministères des Transports, de l'Intérieur et de celles des opérateurs de transports.
Publication des chiffres clés des violences sexistes et sexuelles dans les transports en commun :
* 4 091 faits directement recensés en 2023 par les agent.es des compagnies
* 3 374 victimes enregistrées par les forces de sécurité en 2024 (3% des victimes de violences sexuelles enregistrées tous lieux confondus)
* 7% des victimes seulement déposent plainte => le phénomène reste extrêmement sous-évalué
* 8 femmes sur 10 sont en alerte lorsqu'elles empruntent les transports
A retenir :
* 91% des victimes violences sexistes et sexuelles dans les transports en commun et collectifs en France sont des femmes selon l'enquête « Vécu et ressenti en matière de sécurité » du Ministère de l'Intérieur
* 99% des auteurs de ces violences sont des hommes, toujours selon le Ministère de l'Intérieur
* 7 femmes sur 10 ont déjà été victimes de violences sexistes et sexuelles dans les transports franciliens au cours de leur vie selon l'enquête ENOV conduite pour la RATP. Cette proportion est encore plus élevée chez les jeunes avec 80% des femmes de 15 à 18 ans et 90% des femmes de 19 à 25 ans qui déclarent avoir été victimes au moins une fois dans les transports en Ile-de-France
Si vous êtes victime ou témoin, d'une agression, de faits de harcèlement, y compris sexuels, dans les transports en commun, vous pouvez :
* Téléphoner au numéro 31 17
* Envoyer un SOS avec un simple SMS au 31 177
* Donner l'alerte via l'appli 31 17 Alerte, application mobile disponible pour iOS et Android
* Sur l'appli Transport Public Paris 2024 : appuyez sur le bouton « 31 17 » accessible dès la page d'accueil de l'application mobile
* Utiliser une borne d'appel en gare SNCF ou en station RATP
Téléchargez la Lettre n°23 de l'Observatoire national des violences faites aux femmes
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« Anxiété, paranoïa, peur » : les conséquences de la violence numérique sur les femmes

Les attaques en ligne contre les femmes s'aggravent causant des dommages durables qui peuvent déboucher sur des violences dans le monde réel, selon les Nations Unies. Des activistes d'Espagne et d'Amérique latine se sont réunies la semaine dernière au Siège de l'ONU pour rallier les femmes et partager des stratégies de lutte.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Lors de cet événement, organisé dans le cadre de la Commission de la condition de la femme, la plus grande conférence mondiale sur l'égalité des sexes, les déléguées ont décrit les nombreuses formes de violence numérique, mis en garde contre l'effet paralysant que le harcèlement et la discrimination en ligne ont sur la participation des femmes à la vie politique et partagé certains des moyens les plus efficaces pour créer des espaces numériques sûrs pour les femmes.
A l'issue de la réunion, ONU Info s'est entretenu avec certaines des intervenantes, parmi lesquelles des responsables politiques et des défenseures des droits, afin d'obtenir des informations de première main sur les conséquences de la violence numérique dans leur pays et sur la manière d'y faire face.
Nous devons rester unies
Anaís Burgos est une parlementaire mexicaine. Elle a été vivement applaudie près avoir fièrement brandi une poupée représentant Claudia Sheinbaum, la première femme Présidente du Mexique.
« La violence numérique touche toutes les femmes qui se consacrent aux affaires publiques, que ce soit au travail ou dans nos relations personnelles. Elle laisse des traces très importantes, car elle affecte la santé mentale et physique, en créant de l'anxiété, de la discrimination, de la paranoïa et de la peur.
Je ne peux rien publier de personnel sur les médias sociaux, car les gens chercheraient n'importe quoi pour m'attaquer, comme ma famille, mes origines ou la couleur de ma peau. Certaines de mes collègues ont envisagé de quitter la politique pour ne plus être la cible d'attaques et de violences.
Mais je crois qu'il faut continuer. Je dois rendre cette violence visible, je dois la dénoncer. Et en tant que responsable politique, je dois la changer. Si cela m'arrive à moi, quelqu'un qui a une voix publique pour la dénoncer, qu'est-ce que cela fait à une jeune fille qui ne dispose pas d'une telle tribune ? Ou aux femmes afro-mexicaines, aux femmes autochtones et aux femmes vivant avec un handicap ?Nous avons besoin de plus de législation pour punir ce type de violence sous toutes ses formes. Elle a progressé si rapidement et dans certains pays de notre région l'intelligence artificielle n'est même pas réglementée.
Nous devons rester unies. Les droits que les femmes ont acquis jusqu'à présent n'auraient pas été gagnés sans une voix collective. Et il faut que les hommes comprennent que, pour mettre fin à la violence, nous avons besoin de leur participation et de leur soutien ».
Vacciner contre la désinformation
Roberta Braga est la fondatrice et Directrice exécutive du Digital Democracy Institute of the Americas (DDIA), un centre de recherche et d'initiatives visant à renforcer la confiance entre les communautés et la démocratie.
« La polarisation et la méfiance sont amplifiées par les médias sociaux. Mais il y a un côté positif. Nous sommes désormais en mesure d'identifier ce que nous appelons les « méta-récits », des histoires qui sont recyclées et utilisées dans différents contextes dans différents pays pour attaquer les femmes, ce qui signifie que nous disposons des informations et des outils dont nous avons besoin pour les contrer à l'avance.
C'est ce que nous appelons le « pré-bunking » ou la « vaccination ». Cela consiste essentiellement à expliquer aux gens les tactiques de manipulation et les récits qui sont utilisés contre eux en ligne, afin qu'ils puissent les reconnaître lorsqu'ils les voient et devenir un peu plus résistants.
Il y a très peu d'espace entre nos mondes en ligne et hors ligne aujourd'hui, et la violence numérique peut absolument se transformer en violence dans le monde réel. Elle peut conduire des groupes de personnes à s'asseoir devant votre domicile, à propager la haine contre vous et même à vous attaquer en personne.
J'ai eu la chance de ne pas être la cible d'attaques coordonnées, mais je connais beaucoup de femmes qui ont été victimes d'abus. Par exemple, une de mes amies qui était sur le point de siéger dans un conseil du gouvernement américain chargé de lutter contre la désinformation, a reçu une énorme vague d'attaques en ligne. La situation était si grave que l'initiative a été entièrement annulée. Elle était enceinte à l'époque, et son mari, voire son bébé, ont également été pris pour cible. Cela peut devenir très toxique ».
La technologie est sans cesse utilisée contre les femmes
Marcela Hernández est la cofondatrice du réseau latino-américain des défenseurs numériques, une organisation qui promeut une législation complète pour lutter contre la violence numérique et la punir.
«
À ce jour, nous avons recensé plus de 700 mesures prises par différentes entités gouvernementales au Mexique, y compris la police, les bureaux des procureurs et les tribunaux, pour lutter contre la violence numérique. Le bureau du procureur général de la ville de Mexico dispose même d'une agence spécialisée dans la poursuite des crimes de violence numérique.
Je me souviens de la première fois que j'ai appris qu'une jeune fille s'était suicidée parce qu'une vidéo la montrant en train de subir des abus sexuels avait circulé en ligne. Même si je ne la connaissais pas, cela m'a marqué. J'ai su à ce moment-là que d'autres choses de ce genre allaient se produire.
Lorsqu'une nouvelle technologie atteint le marché de masse, elle est utilisée à maintes reprises pour commettre des violences à l'encontre des femmes, pour nous subordonner et nous réduire à l'état d'objet.Lorsque l'intelligence artificielle s'est répandue en 2024, il y a eu immédiatement des cas de garçons dans des universités et des écoles de différentes parties du monde qui ont pris des images de leurs camarades de classe pour créer du matériel sexuellement explicite, sans leur consentement.
C'est pourquoi nous devons nous approprier nous-mêmes la technologie ; les femmes créant des outils en ligne au profit d'autres femmes »
.
Ces entretiens ont été traduits de l'espagnol et revus pour des raisons de clarté et de longueur.
Juanita Herrera & Conor Lennon, 17 mars 2025
https://news.un.org/fr/story/2025/03/1154026
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Le Mexique reconnaît la Palestine : Un geste de solidarité historique

Dans un geste diplomatique important, la présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, a officiellement reconnu la Palestine en tant qu'État, marquant ainsi un moment historique dans les relations internationales. Mme Sheinbaum, qui jouit d'un taux d'approbation de 80 %, a réaffirmé son engagement en faveur des droits humains des Palestiniens en accueillant l'ambassadrice de l'Autorité palestinienne au Mexique, Nadya Rasheed.
25 mars 2025 | Billet de blog
https://www.bonnes-nouvelles.be/le-mexique-reconnait-la-palestine-un-geste-de-solidarite-historique/
Au cours d'une cérémonie officielle, l'ambassadrice Rasheed a exprimé sa profonde gratitude au nom de son gouvernement, reconnaissant la reconnaissance du Mexique comme une position courageuse face aux tensions mondiales actuelles. Ce moment a été immortalisé par une photo puissante montrant Sheinbaum aux côtés de Rasheed, symbolisant la nécessité du courage et de la bienveillance dans la résolution des conflits internationaux.
Ce geste revêt une importance particulière compte tenu de l'héritage juif de Mme Sheinbaum, qui remet en question les récits dominants sur les allégeances politiques et religieuses dans la diplomatie mondiale. Son administration a ouvertement critiqué les attaques d'Israël contre les territoires palestiniens, alignant le Mexique sur les autres nations qui défendent l'autodétermination palestinienne.
Suite https://assawra.blogspot.com/2025/03/le-mexique-reconnait-la-palestine-un.html
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Violence des gangs armés à Mirebalais

Aux premières heures de la matinée, vers 6h25, la ville de Mirebalais a été plongée dans l'effroi lorsqu'une attaque coordonnée de gangs lourdement armés a frappé plusieurs quartiers, semant la panique parmi les habitants.
Haïti : Mirebalais sous le feu des gangs armés
L'assaut a été particulièrement violent dans la zone de Trianon, où les tirs nourris ont poussé de nombreux résidents à fuir leurs maisons en quête de sécurité.
Une réaction policière sous pression
Dès les premiers signes de l'attaque, les forces de l'ordre ont déployé des unités pour tenter de repousser les assaillants. De violents affrontements s'en sont suivis, les échanges de coups de feu retentissant dans toute la ville. Malgré la mobilisation des policiers, la tension reste extrême et le contrôle total de la situation peine à être rétabli.
Les gangs vident la prison civile
L'attaque a pris une tournure encore plus dramatique avec l'assaut des gangs sur la prison civile de Mirebalais. Plusieurs dizaines de prisonniers ont été libérés suite à cette opération coordonnée par les groupes criminels de Canaan et de « 400 Mawozo ». La majorité des détenus a pu s'évader, mais au moment de la rédaction de cet article, aucun décompte officiel n'a été communiqué pour évaluer l'ampleur réelle de cette fuite massive.
Le commissariat de la ville a également été pris pour cible par les bandits, mais leur tentative d'intrusion a été avortée face à la résistance des forces de l'ordre. Toutefois, cette nouvelle attaque démontre l'audace et l'organisation des groupes criminels qui n'hésitent plus à défier ouvertement les institutions de l'État.
Un climat d'insécurité qui s'intensifie
Cette attaque n'est pas un incident isolé. Elle s'inscrit dans une montée de la violence qui ravage Haïti depuis plusieurs mois. Les groupes criminels, de plus en plus organisés et armés, profitent du vide institutionnel et des faiblesses des dispositifs de sécurité pour étendre leur emprise sur des zones stratégiques du pays. Mirebalais, ville charnière sur la route nationale, est une cible de choix pour ces gangs qui cherchent à contrôler les axes de communication.
Des habitants désemparés et en colère
Les habitants de Mirebalais vivent dans l'angoisse permanente. "Nous ne savons pas si nous allons survivre à la journée", confie un résident ayant fui son domicile avec sa famille. Certains déplorent l'inaction des autorités et demandent une intervention plus musclée pour restaurer l'ordre. "Nous sommes laissés à nous-mêmes", ajoute un commerçant, dont le magasin a été pillé au cours de l'attaque.
Un appel urgent à l'action
Face à cette escalade de la violence, la population et les organisations locales pressent le gouvernement d'agir avec fermeté. Une réponse coordonnée impliquant les forces de sécurité, les partenaires internationaux et la société civile est nécessaire pour neutraliser ces groupes criminels et rétablir un climat de paix.
L'attaque de Mirebalais est un signal alarmant de la détérioration sécuritaire en Haïti. Si des mesures décisives ne sont pas prises rapidement, d'autres villes pourraient bientôt connaître le même sort.
Smith PRINVIL
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Bolivie. L’autodestruction du MAS

L'autodestruction du Mouvement vers le socialisme (MAS) bolivien en raison de la lutte entre ses deux dirigeants, Evo Morales [président de l'Etat plurinational de Bolivie de janvier 2006 à novembre 2019, et président du MAS de 1997 à novembre 2024] et Luis Arce Catacora [président depuis le 8 novembre 2020, ancien ministre de l'Economie sous Evo Morales], un processus qui se déroule péniblement depuis trois ans, aura des effets dévastateurs sur les élections présidentielles d'août 2025. Ces élections seront les premières, depuis 2005, où ce mouvement politique ne sera plus le favori. Les premières où un secteur de l'opposition traditionnelle aura une chance d'accéder au pouvoir. Pour certains, ce seront les premières élections d'un « nouveau cycle historique », comme l'a défini Samuel Doria Medina, l'entrepreneur et candidat du Bloque de Unidad, qui comprend également l'ancien président Jorge « Tuto » Quiroga et Luis Fernando Camacho [gouverneur de Santa Cruz depuis 2021, ancien leader du Comité civique pro-Santa Cruz].
4 avril 2025 | tiré du site alencontre.org
https://alencontre.org/ameriques/amelat/bolivie/bolivie-lautodestruction-du-mas.html
Il est évident que cette trajectoire coïncide avec le « virage à droite (extrême) » que commence à connaître le continent, avec Donald Trump humiliant les Latinos au nord et Javier Milei vociférant des slogans homophobes au sud. Ces deux personnages, surtout le second, servent de modèle à certains candidats boliviens. Mais les causes internes et plus profondes de la nouveauté que ces élections représenteront par rapport au climat politique des deux décennies précédentes sont autres. Tout d'abord, la scission du MAS [en automne 2024] en deux parties et – par un de ces hasards qui n'en sont pas vraiment – l'échec parallèle de la stratégie étatiste de ce parti pour gérer les ressources naturelles du pays.
Commençons par ce dernier point. Cet échec s'est manifesté en février 2023, lorsque les Boliviens ont découvert que les réserves de devises de la Banque centrale s'étaient volatilisées. Il a alors été révélé que n'avait pas été tenue la principale promesse avec laquelle le gouvernement avait justifié la nationalisation du gaz en 2006 et le « modèle économique social communautaire productif » qu'il avait construit à partir de cette date, à savoir que les revenus du sous-sol resteraient dans le pays. L'incroyable excédent de devises de la période de prospérité (2006-2014), qui a atteint 630 000 millions de bolivars (90 000 millions de dollars, dix fois le PIB de la Bolivie lors de l'époque précédente), s'est dissipé en raison de la croissance des importations, de la fuite des capitaux, de l'augmentation des dépenses publiques et du manque de mesures progressistes de pointe – ou « de deuxième génération » – qui auraient permis de combler les failles de l'économie par lesquelles le revenu s'échappait. Il restait un volume important d'infrastructures, bien que pas tout à fait fonctionnelles, mais le train de vie que le pays menait est devenu brusquement insoutenable.
Il fallait « ajuster » l'économie, ce que le président Luis Arce a refusé de faire et qu'il est déjà clair qu'il ne fera pas avant la fin de son mandat en octobre de cette année. Cette décision ne lui a cependant pas été d'une grande utilité, car 88% de la population qualifie la situation économique de « mauvaise », « très mauvaise » ou « moyenne » (le pire résultat régional)[1], dans un contexte où la crise socio-économique est la préoccupation majeure des Boliviens. Dans le même temps, 87% d'entre eux souhaitent « aller dans une direction très différente de celle placée sous la direction du gouvernement d'Arce ».
Cela s'est reflété dans les intentions de vote. Dans la série de sondages les plus sérieux publiés jusqu'à présent, Luis Arce ne recueille que 2% des voix, soit dix fois moins qu'Evo Morales, qui bénéficie de son « vote dur » rural, mais qui, avec environ 20%, est également très loin de ses résultats passés, après avoir perdu le soutien de la classe moyenne urbaine émergente qui le soutenait auparavant. En somme, c'est un désastre pour les deux. Il faut ajouter à ce tableau que pour le MAS, il est déjà pratiquement impossible de gagner un second tour électoral, qui est prévu par la Constitution depuis 2009 mais qui n'a jamais eu lieu jusqu'à présent. Par conséquent, même si la fragmentation de ce qui est en dehors et en opposition au MAS conduisait à ce que l'un des ailes de ce dernier se place entre les deux candidats les plus votés au premier tour, les pronostics pencheraient en faveur du candidat rival, même s'il était le moins bien placé d'entre eux. Face à la faiblesse du MAS, un opposant comme « Tuto » Quiroga [président de la République du 7 août 2001 au 6 août 2002, et vice-président sous la présidence de Hugo Banzer, d'août 1997 à août 2001], Samuel Doria Medina [vice-président de l'Internationale socialiste depuis avril 2023] ou encore le maire de Cochabamba, Manfred Reyes Villa, se passionnent pour incarner « l'anti-masisme », tandis que le millionnaire Marcelo Claure cherche à jouer, à l'échelle locale, un rôle similaire à celui d'Elon Musk lors de l'élection américaine.
C'est la conclusion qu'avait pronostiquée en août 2023 l'ancien vice-président et principal théoricien du « processus de changement », Álvaro García Linera, le seul dirigeant important à s'être tenu à l'écart de la lutte fratricide qui se déroule dans le camp indigène et populaire : « Divisé, le MAS peut perdre au premier tour », avait-il alors déclaré[2]. A quoi Andrónico Rodríguez, le jeune président du Sénat et, pour certains, l'héritier naturel de Morales, a répondu par la suite : « dans un an, nous serons frustrés, déçus, exilés et soudainement emprisonnés »[3]. Andrónico, comme tout le monde l'appelle, a cherché, jusqu'à présent sans succès, à être le candidat présidentiel de l'ensemble du MAS, et pas seulement de la faction « evista ».
Si l'on considère que le MAS a été le parti le plus puissant de l'histoire de la Bolivie et le seul à avoir réussi à réunir presque toute la gauche bolivienne, rassemblant des trotskistes aux postmarxistes derrière un projet national-populaire qui présentait les indigènes comme le sujet de la révolution démocratique, la question qui se pose est la suivante : qu'est-ce qui l'a conduit à cette situation ?
Le système « caudilliste »
Pour comprendre cela, il faut tenir compte du fait que le système politique bolivien est fortement personnalisé ou « caudilliste ». Il s'agit d'un héritage très ancien, d'abord précolombien puis colonial, qui s'est consolidé au fil du temps en raison de la faiblesse des institutions démocratiques et de la « dépendance à l'emploi » ou de la dépendance à l'égard des fonctions publiques pour obtenir une ascension socio-économique dans un pays où il y a peu d'entreprises privées modernes et où 80% de l'économie est informelle.
Cela ne signifie pas que les facteurs sociologiques et idéologiques n'interviennent pas dans la politique bolivienne, mais simplement qu'ils s'expriment à travers les figures de proue. Les véritables groupes politiques efficaces se composent des réseaux d'adhérents d'un leader. Les partis sont composés de ces réseaux et, lorsqu'ils sont de grande taille, de coalitions de ces réseaux qui ont tendance à se diviser à long terme parce que la loyauté des membres n'est pas directement envers l'institution, mais envers leurs chefs respectifs. Dit de manière axiomatique : chaque leader génère un réseau de partisans personnels autour de lui. Mais l'inverse est également vrai : chaque réseau ne peut avoir qu'un seul leader (sinon ce serait un réseau institutionnel, et non personnalisé). Donc, si le chef tombe, le réseau tout entier perd son pouvoir. Il s'agit d'une forme d'organisation populiste, au sens d'Ernesto Laclau : le nom du chef est le symbole qui représente et articule les différentes revendications des acteurs politiques, qui sont des demandes de pouvoir, et, en second lieu, également des revendications de secteurs de l'électorat[4].
Il en découle plusieurs attitudes : 1° la difficulté pour le caudillo de renoncer à son statut, car cette décision aurait des répercussions sur l'ensemble de son courant politique ; 2° la tendance à éliminer le rival par des jeux du « tout ou rien » ou l'absence d'accords institutionnalisés gagnant-gagnant ; 3° la propension de certains, ainsi que la résistance de certains autres, à la réélection présidentielle et 4° la difficulté de toute succession (par exemple, l'histoire de la Bolivie ne compte aucun cas de dauphinage/succession réussi)[5].
Entre 2006 et 2019, Evo Morales a incarné le mouvement indigène et populaire, le modèle économique extractif et redistributif, le « grand Etat ». Il a incarné la gauche, le nationalisme et même la nation. C'est-à-dire que c'est lui qui a donné un caractère personnel à l'hégémonie du projet révolutionnaire[6]. On a même observé des symptômes de culte de la personnalité, comme la pratique de baptiser des bâtiments et des institutions du nom du président ou même de ses parents, la construction d'un musée pour l'honorer dans son village natal, Orinoca, ou l'octroi (parfois l'auto-octroi) à Morales d'un grand nombre et d'une grande variété de titres honorifiques. Le plus récent était celui de « commandant » du MAS, un « titre » qui, paradoxalement, ne lui appartenait pas lorsqu'il était un président puissant.
Après son renversement le 10 novembre 2019, toute cette puissance personnelle qui était énorme et semblait incontestable s'est dissipée comme la brume matinale et plus rien n'a été pareil par la suite. Le MAS a réussi à transcender partiellement Morales, car il est revenu au pouvoir en octobre 2020, après une victoire électorale écrasante, avec 55% des voix, sans l'ex-président à sa tête. Mais celui qui est vraiment revenu au pouvoir à ce moment-là n'était pas l'organisation ou l'appareil MAS, mais un nouveau caudillo appelé Luis Arce et son entourage, qui, ce n'est pas un hasard, était issu de l'antagonisme avec l'entourage d'Evo.
On s'attendait à ce qu'à partir de ce moment, Arce devienne le détenteur de l'hégémonie et mette sa propre marque personnelle sur la nouvelle conjoncture, moins favorable mais toujours prometteuse pour la gauche. Le MAS n'était doté d'aucun mécanisme, règlement ou habitude institutionnelle qui aurait permis que les choses se passent autrement. Dans cette mesure, il n'y avait plus de place pour Morales. La seule façon d'éviter la scission, qui a commencé à se dessiner pendant la campagne électorale, aurait été que Morales se retire de la vie politique active. Mais dans ce cas, son entourage, le réseau caudilliste qui dépendait de lui, aurait disparu, ce qui aurait signifié la fin de la carrière de ses camarades. C'était donc une issue très improbable, et elle l'a toujours été. Malgré les apparences, le caudillisme est un phénomène collectif. De plus, il faut tenir compte des facteurs psychologiques. La lecture des meilleures biographies de Morales permet de découvrir que sa personnalité est de celles qui triomphent dans les systèmes caudillistes, avec des penchants pour le narcissisme et la mégalomanie[7]. Morales n'a jamais voulu démissionner, même s'il a évoqué cette possibilité à quelques reprises[8]. Sa vie n'a eu qu'un seul sens : sa réélection, c'est-à-dire le renouvellement du pouvoir. Il est le caudillo le plus parfait que la Bolivie ait eu depuis Víctor Paz Estenssoro (chef de la Révolution nationale de 1952, puis président de 1952 à 1956 et trois fois ensuite) ou peut-être depuis toujours.
Une fois que deux caudillos ont fait leur apparition sur la scène publique, brandissant les mêmes drapeaux idéologiques – Evo et Lucho –, revendiquant le même espace politique et électoral et pesant de manière égale sur les élections à venir, la seule possibilité qui restait était celle qui s'est finalement produite : la collision. L'un des deux devait vivre ; l'autre, mourir. Au sens figuré, oui, mais aussi, pourquoi pas, au sens propre.
Evo Morales au pied du mur
Le 27 octobre 2024, un commando de la police a tenté d'arrêter l'ancien président Morales alors qu'il se rendait, très tôt le matin, de son domicile dans le village de Villa Tunari à la ville de Lauca Ñ, où se trouve la radio Kausachum Coca, qui diffuse l'émission dominicale de l'ancien président. Les deux localités sont voisines et se trouvent dans le Chapare, une zone subtropicale de cocotiers et bastion historique de Morales.
A ce moment-là, les cultivateurs de coca bloquaient les routes pour exiger l'habilitation électorale de Morales, après l'interdiction de participer décidée en décembre 2023 par une chambre du Tribunal constitutionnel associée au pouvoir. Peu de temps avant leurs barrages, les « évistas » avaient marché du sud du haut plateau bolivien jusqu'à La Paz, dans le but, à demi avoué, de créer les conditions pour renverser le président Arce ou, du moins, le mettre au pied du mur pour qu'il accepte l'habilitation électorale de leur leader.
S'il a été tenté de l'arrêter, c'est parce que, dans le contexte de la marche en question, Morales avait été accusé par le parquet de « viol aggravé avec incitation à la prostitution ». Selon la plainte, il avait eu une fille avec une adolescente de 15 ans dans la ville frontalière de Tupiza, en 2016, alors qu'il était président et avait 57 ans. La descente de police ce matin-là n'a pas été très efficace et les voitures de Morales ont réussi à échapper aux véhicules qui voulaient leur barrer la route. Pendant leur fuite, ils ont été abattus. Une assistante de l'ancien président l'a filmé pendant la fuite, alors qu'il était accroupi sur le siège du passager, aux côtés d'un chauffeur qui continuait à conduire malgré ses blessures. Par la suite, les autorités gouvernementales ont indiqué que Morales et son entourage avaient dépassé un barrage de police et avaient tiré sur la police. Les évadés ont d'abord affirmé qu'il s'agissait d'une arrestation ratée, mais ont ensuite changé de version et ont commencé à dénoncer une prétendue « tentative d'assassinat ».
La vérité se situe probablement entre les deux. La police a tenté d'arrêter Morales par la force, comme elle l'avait fait deux ans auparavant, avec plus d'habileté, avec un autre homme politique défendu par son peuple, le gouverneur de Santa Cruz Luis Fernando Camacho, accusé d'avoir dirigé les manifestations qui ont abouti à la chute de Morales en 2019. Camacho est toujours en prison. Dans le cas de Morales, la tactique n'a pas fonctionné. L'une des balles aurait très bien pu mettre fin à sa vie, auquel cas la lutte fratricide se serait terminée par un dénouement aux résonances macbethiennes et le spectre du leader indigène assassiné continuerait probablement à réclamer vengeance jusqu'à aujourd'hui.
Morales n'a pas disparu physiquement, mais le gouvernement cherche à le faire disparaître symboliquement. Quelques jours après ce que nous venons de raconter, il a été contraint de suspendre plus d'un mois de barrages routiers sans avoir obtenu de résultat. Et l'accusation de viol lui a fait beaucoup de tort sur le plan politique. C'est avant tout pour cette raison qu'elle a été lancée, et non parce que quelqu'un s'intéressait à la présumée victime, qui, au contraire, se trouve aujourd'hui dans une situation pire qu'avant : dans la clandestinité et persécutée par le Ministère public et le gouvernement, qui veulent lui arracher des aveux compromettant l'ancien président.
Pendant ce temps, Morales est de fait confiné dans sa forteresse de Chapare – où il est protégé d'une hypothétique opération commando de la police par une garde personnelle de cultivateurs de coca et de militants de gauche – car il serait arrêté partout ailleurs. Il a essayé de prendre la chose avec humour. Il a déclaré qu'on lui avait rendu service en le confinant, car maintenant il n'a plus à rendre visite aux gens, mais c'est eux qui viennent le voir, ce qui lui a permis de gagner en productivité.
D'autre part, Morales s'est retrouvé sans parti. La faction du président Arce a obtenu le contrôle du MAS en novembre de l'année dernière, grâce à une décision de la même chambre du Tribunal constitutionnel qui a également invalidé la candidature du leader cocalero, et sans tenir compte de l'avis des autorités électorales. Après avoir perdu le parti qu'il a fondé dans sa version actuelle en juillet 1997 et qui lui a permis d'accéder au pouvoir et d'y rester plus longtemps que tout autre homme politique bolivien, Morales a dû conclure un accord avec une autre organisation, le Front pour la Victoire (FPV), qui a accepté de le présenter comme son candidat présidentiel « invité », tandis que les évangéliques se désaffiliaient massivement du MAS. Sa candidature est un acte de volonté avant d'être un fait, car, comme nous l'avons vu, le Tribunal constitutionnel a fixé deux mandats comme limite intangible pour toutes les autorités élues du pays (bien que la Constitution autorise la réélection présidentielle non consécutive sans limite de mandats). Cela rend impossible l'inscription et la participation de Morales aux élections à venir, comme l'a déjà anticipé le président du Tribunal électoral[9].
« Nous serons sur le bulletin de vote ! », a insisté Morales sur le réseau X. Dans cette hypothèse, celle d'être sur le bulletin de vote quoi qu'il arrive, il est parvenu à un accord avec le FPV, dont les caractéristiques précises sont inconnues. Ce parti appartient à une famille de politiciens et a par le passé été remis à des candidats aux idéologies les plus diverses, profitant du fait qu'il dispose de la personnalité juridique électorale, difficile à obtenir en Bolivie. Il a été critiqué comme étant une « affaire de famille », ce que son président, Eliseo Rodríguez, a nié. Le parti, qui va maintenant habiller Evo Morales de ses couleurs, a quelques affaires juridiques en cours avec le Tribunal électoral. Il est possible que le pouvoir en place cherche à obtenir un veto électoral pour le FPV, ce qui obligerait l'ancien président à chercher une autre organisation prête à l'accepter.
Le refus de Morales d'être remplacé par quelqu'un d'autre contribue à la stratégie des officiels pour améliorer les intentions de vote en faveur d'Arce en s'assurant que le président soit la « seule option de gauche » aux élections.
Un jeu perdant-perdant
Evo Morales se bat avec acharnement pour ne pas sombrer, mais la volonté ne lui suffit plus, car il ne s'affronte plus, comme dans les années 1990, aux dirigeants du néolibéralisme qui finissaient toujours par tomber dans ses pièges ou par le victimiser. Aujourd'hui, il doit faire face à ses anciens compagnons, qui ont également des racines et un instinct populaires, qui le connaissent très bien et savent donc sur quoi l'attaquer. Et surtout, il doit affronter pratiquement seul toute la machinerie du pouvoir avec ses trois têtes : la politique étatique, la justice, les médias. Il subit l'attaque combinée du gouvernement d'Arce et de l'élite traditionnelle bolivienne, qui le déteste autant que le premier. Il semble difficile qu'il parvienne à survivre politiquement à une telle attaque.
Arce semble avoir conservé de meilleurs atouts, mais il ne pourra pas nécessairement les jouer. Dans les conditions actuelles, après le faux pas embarrassant et dangereux qu'il a déjà commis, il est très difficile pour lui d'emprisonner Morales. Ce dernier a complètement rejeté la possibilité de s'exiler à nouveau, comme il l'a fait en 2019 au Mexique et en Argentine. Ainsi, la victoire annoncée d'Arce sur l'échiquier s'est transformée, au fil du temps, en une situation de pat, ce qui, comme on le sait, équivaut à une partie déclarée nulle.
Comment se présentera-t-il à sa réélection si son soutien électoral est si faible et que les problèmes économiques s'aggravent avec le temps ?
La crise économique continue de nuire à son image. Les files d'attente pour acheter de l'essence et du diesel sont revenues après le carnaval, ce qui aggrave le malaise des citoyens et citoyennes. L'inflation des deux premiers mois de cette année a été de 3,4%, soit le même taux que celui qui était généralement observé pendant toute une année avant l'essor du modèle économique. Personne ne sait s'il pourra continuer à fournir à l'économie les intrants dont elle a besoin, ni s'il pourra payer les échéances de la dette de cette année. On dit ces jours-ci que « le même aveuglement qui pousse Evo à croire qu'il pourra se présenter aux élections, pousse Arce à croire qu'il peut les gagner ». La dernière chose qui se perd, c'est l'espoir.
Chacun des deux dirigeants a prédit que la carrière de l'autre se terminerait mal. Qui sait. Une chose est sûre, cependant : tous deux, au-delà de leurs réalisations passées, seront responsables – si les choses continuent ainsi – d'une défaite cuisante de la gauche bolivienne, dans le présent et l'avenir immédiat, une gauche hégémonique dans le pays depuis deux décennies. (Article publié dans la revue Nueva Sociedad, avril 2025 ; traduction rédaction A l'Encontre)
Fernando Molina est l'auteur de divers ouvrages sur la Bolivie, notamment Historia contemporánea de Bolivia (Gente de Blanco, Santa Cruz de la Sierra, 2016) y El racismo en Bolivia (Libros Nóadas, La Paz, 2022).
Notes
1. Latinobarómetro : Rapport Latinobarómetro 2024, disponible sur www.latinobarómetro.org. Une étude qualitative de la Fondation Friedrich Ebert montre que 89,6% des personnes interrogées pensent que le pays est sur la « mauvaise voie ». « Le rapport Delphi indique que 89,6% des personnes interrogées pensent que le pays est sur la mauvaise voie » dans La Razón, 18/2/2025.
2. Dans No mentirás, RTP, 21/8/2023.
3. Boris Góngora : « Andrónico : Estamos en ‘grave y alto riesgo' de perder las elecciones si no nos unimos » dans La Razón, 29/1/2025.
4. E. Laclau : La razón populista, FCE, Mexico, 2010.
5. F. Molina : La culture politique bolivienne, Editorial del Estado, La Paz, 2023.
6. Fernando Mayorga : Mandato y contingencia. Estilo de gobierno de Evo Morales, Fondation Friedrich Ebert, La Paz, 2019, disponible sur https://library.fes.de
7. Martín Sivak : Jefazo. Retrato íntimo de Evo Morales, Debate, Buenos Aires, 2009 et Vértigos de lo inesperado. Evo Morales : el poder, la caída y el reino, Plural, La Paz, 2024.
8. Arce a déclaré que Morales était obsédé par la réélection dès son retour au pays après son exil. Susana Bejarano : « Entrevista exclusiva al presidente de Bolivia Luis Arce : ‘No vamos a acudir al FMI ; no entiende cómo funciona cada país' » dans Diario Red, 31/8/2024.
9. « Hassenteufel : El TSE debe acatar el fallo que inhabilita a Evo » dans Correo del Sur, 13/11/2024.
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Droits de douane : Trump invente la « vassalisation heureuse »

Les droits douaniers états-uniens, annoncés le 2 avril, frappent tous les pays bien plus fortement que prévu. Loin de relancer le protectionnisme, cette politique est l'affirmation d'un impérialisme : chaque pays est sommé de négocier le prix et le poids de ses chaînes à l'égard des États-Unis.
3 avril 2025 | tiré de mediapart.fr |
https://www.mediapart.fr/journal/international/030425/droits-de-douane-trump-invente-la-vassalisation-heureuse
Ce ne pouvait être que grandiose. Pour ce « jour de libération » marquant « le premier jour du retour de l'Amérique », Donald Trump a veillé avec un soin particulier à la mise en scène d'un des grands moments de son début de présidence. Face à un parterre d'industriels, de grandes fortunes et d'ouvriers, il a dégainé, comme il le promettait depuis des semaines, ce qu'il considère comme son arme magique, celle qui peut tout résoudre : les droits de douane.
Tous les pays du monde se voient frappés d'un droit de douane minimum de 10 %. Mais soixante d'entre eux ont un traitement à part. À commencer par la Chine, frappée de 34 % de droits de douane qui viennent s'ajouter aux 20 % déjà existants. Des pays censés être amis des États-unis, comme le Vietnam ou Taïwan, se voient infliger respectivement des droits de douane de 46 et 32 %. Les exportations européennes subiront, elles, des droits supplémentaires de 20 % à partir du 5 avril. Les produits en provenance du Liechtenstein – dont on ignorait la puissance commerciale – sont désormais taxés à hauteur de 37 %. Les exemples de telles bizarreries abondent.
Depuis la présentation de cette liste surréaliste, les analystes et les économistes cherchent à comprendre les règles qui ont servi à élaborer les décisions de l'administration Trump. À ce stade, leur verdict est assez simple : il n'y en a pas.
Tout a été additionné, fusionné, au doigt mouillé : les droits douaniers normaux ont été ajoutés aux droits spécifiques pour protéger certains secteurs et certains produits, les taxes spécifiques comme celle sur les transports, et même la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), que l'administration Trump classe désormais comme une barrière douanière, bien qu'elle s'applique à tous les produits. Ce qui aboutit à des taux moyens des plus fantaisistes pour chaque pays. L'administration états-unienne a choisi en général de prendre la moitié du chiffre pour fixer ses « droits réciproques ».
Car, selon Donald Trump, il n'y a nulle volonté de puissance, désir de rétorsion ou attaque dans ces décisions. Reprenant son discours victimaire, désormais familier, il s'agit seulement d'un juste retour des choses, après des décennies de « vols et de pillages ». « Pendant des années, les Américains qui travaillent dur ont été laissés de côté, tandis que les autres nations sont devenues riches et puissantes, souvent à nos dépens. Maintenant, c'est à notre tour de prospérer », a-t-il lancé.
Même si ces dispositions tarifaires avaient été largement annoncées et, pour certaines, déjà mises en œuvre contre le Canada et le Mexique, les annonces de la présidence états-unienne ont pétrifié les mondes économique et financier : tous espéraient que Donald Trump, sans totalement reculer, adoucirait ses positions. « On est proches du pire scénario que les marchés redoutaient », souligne auprès du Financial Times Ajay Rajadhyaksha, responsable de la recherche à la banque Barclays.
À Wall Street, les indices boursiers (S&P 500, Nasdaq) ont dévissé dans les dernières minutes de la séance du 2 avril, enregistrant des baisses de plus de 2 %. La chute boursière est devenue mondiale le 3 avril, chaque continent accusant, l'un après l'autre, le coup. Les valeurs des groupes qui ont le plus prospéré sur les délocalisations massives ces dernières décennies, à l'instar des fabricants de vêtements de sport comme Nike, Adidas ou Puma, sont le plus touchées. Tous redoutent la contagion.
Un impérialisme plus qu'un protectionnisme
Depuis des semaines, des études mettent en avant des scénarios plus catastrophiques les uns que les autres. Donald Trump lui-même n'a pas exclu « quelques perturbations » pendant un certain temps. Tous parlent d'un rebond de l'inflation, d'un ralentissement économique aux États-Unis puis dans le monde, voire d'une récession.
Beaucoup évoquent les effets néfastes de l'isolationnisme états-unien dans les années 1930 et mettent en garde contre un retour du protectionnisme et une guerre commerciale généralisée qui ne peut que nuire à l'économie mondiale.
À écouter le président états-unien et ses conseillers, toutefois, il n'est pas question de protectionnisme dans leurs mesures, mais plutôt d'un impérialisme sans frein. Convaincu qu'« avoir accès au marché américain est un privilège », Donald Trump et ses proches entendent faire payer cet « immense honneur » à tous les autres pays.
Ils ont d'autant moins envie de fermer les frontières qu'ils sont en train de bâtir toute leur politique budgétaire sur ces droits de douane : ceux-ci, dans leur esprit, doivent les aider à payer les réductions d'impôts qu'ils ont promises aux plus riches et servir à réduire l'immense dette états-unienne. Selon les confidences d'un conseiller de la Maison-Blanche le 2 avril, l'administration présidentielle table sur au moins 6 000 milliards de dollars de recettes douanières au cours de la prochaine décennie.
Ce n'est qu'une première estimation. Car les droits de douane annoncés le 2 avril ne sont qu'une première base de négociations dans l'esprit de l'administration états-unienne. Comme l'a indiqué Donald Trump dans son discours, ils peuvent évoluer « à la hausse ou à la baisse » en fonction des discussions bilatérales que les États-Unis souhaitent ouvrir avec les autres pays.
Tout se calmera sur les marchés, pronostique le républicain Mike Johnson, président de la Chambre des représentants, quand les responsables étrangers « viendront à la table des négociations » et abaisseront leurs droits de douane sur les importations états-uniennes.
Négocier le prix et le poids de ses chaînes
Pour reprendre l'expression du président de la République italienne, Sergio Mattarella, Donald Trump nous entraîne dans le temps de la « vassalisation heureuse ». Il attend que chaque pays définisse sa place dans l'empire états-unien, fasse allégeance, aligne les concessions économiques et politiques qu'il est prêt à consentir. En un mot, qu'il négocie le poids et le prix de ses chaînes à l'égard du suzerain états-unien.
Certains gouvernements ont déjà engagé les discussions et même pris des mesures avant même les annonces. Israël a ainsi annoncé la suppression des droits de douane sur toutes les importations états-uniennes. L'Argentine de Javier Milei a déjà engagé des discussions avec l'administration Trump pour établir des échanges « équilibrés » entre les deux pays. Le gouvernement vietnamien a abaissé certains droits de douane sur les importations états-uniennes. Le Royaume-Uni se dit prêt à discuter « avec loyauté » avec l'administration Trump pour obtenir un traitement privilégié.
Même au sein de l'Europe, les tentations existent. La Slovaquie a déjà commencé à engager des pourparlers avec Washington. L'Italienne Giorgia Meloni réfléchit de son côté au moyen de préserver les liens à part qu'elle a noués avec le président états-unien, Elon Musk et leurs entourages. L'Irlande, qui se sait dans la ligne de mire de Trump, cherche comment se protéger.
Les risques d'escalade sans fin
« Après le jour de libération viendra le jour des rétorsions », prédit Luca Paolino, chef stratégiste à la banque Pictet. Dans la foulée des annonces états-uniennes, le gouvernement chinois a affiché son intention de riposter sévèrement. D'autres risquent d'être tentés de l'imiter.
L'administration Trump a prévenu que toute contre-mesure entraînerait des rétorsions supplémentaires. Même si le président surjoue la force, il n'a peut-être pas une main aussi forte qu'il veut le croire : les États-Unis ne sont plus l'acteur archidominant qu'ils ont pu être dans les années 1980-90. Ils ne représentent plus que 10 % des échanges commerciaux dans un monde devenu multipolaire.
Ces risques d'escalade font craindre à certains économistes une guerre commerciale mondiale. « Les règles du commerce mondial n'existent plus. L'ordre mondial a disparu », déplorent-ils.
Dans les faits, il y a déjà plusieurs années que les règles internationales du commerce ont été délaissées. Les tarifs douaniers ont augmenté de plus de 40 % un peu partout dans le monde au cours des cinq dernières années. Quant à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), elle est en état de mort cérébrale depuis plus de dix ans. Les négociations de Doha qui devaient établir un nouveau round de libéralisation commerciale n'ont jamais abouti.
Un libre-échange enchanteur rêvé
En fait, l'OMC ne s'est jamais remise des conditions désastreuses dans lesquelles elle avait négocié l'entrée de la Chine dans le commerce mondial en 2001. L'ouverture de tous les marchés sans aucune restriction, mettant tous les pays en concurrence les uns avec les autres, sans tenir compte des écarts salariaux, sociaux, environnementaux, au nom des bienfaits du libre-échange, a créé un bouleversement social et politique sans précédent dans les pays occidentaux. Le trumpisme et la montée des populismes en Europe et dans le monde se nourrissent de ces déstructurations.
« Les conséquences de la globalisation ont été sous-estimées. Nous n'avons pas voulu voir la destruction sociale et politique, particulièrement dans les classes moyennes, qu'elle a entraînée dans les pays industrialisés », avouait dernièrement le politologue états-unien Francis Fukuyama. L'auteur de La Fin de l'histoire est un des rares à reconnaître son erreur.
Ces dernières semaines, le propos est plutôt de vanter les mérites d'un libre-échange enchanteur, d'une « mondialisation heureuse » aux incommensurables bénéfices. Celle-ci a pourtant créé une concentration de richesses entre quelques mains, un creusement des inégalités sans aucun point de comparaison historique. Et la concurrence n'a pas empêché la constitution de monopoles et d'oligopoles mondiaux dont le poids et l'influence se font sentir désormais dans toutes les activités humaines.
L'échec probable de Donald Trump
En lançant ses « droits de douane réciproques », Donald Trump sait qu'il répond à une colère populaire états-unienne qui n'a pas trouvé d'autres débouchés. Au-delà de répondre à une aspiration populiste, croit-il que ses mesures aient la moindre chance de succès ?
Même s'il en a le projet, sa volonté de réindustrialiser les États-Unis a peu de chance de réussir. Toutes les politiques industrielles s'inscrivent dans le temps long, demandant vision stratégique, ténacité, calme et patience. Les décisions intempestives et brouillonnes de Donald Trump sont à l'opposé.
Quel industriel peut envisager d'investir dans le chaos que connaissent les États-Unis aujourd'hui ? Rien n'est stable, rien n'est prévisible, même à quelques semaines. Qui peut être tenté de s'aventurer sur un territoire où le gouvernement se mêle de tout, décide arbitrairement, selon des méthodes dignes du maccarthysme, de contrôler les pratiques sociales et environnementales des entreprises, de s'ingérer partout jusqu'à leur imposer de renoncer à toute politique d'égalité et de respect de la diversité ? Qui peut avoir confiance dans le gouvernement de Donald Trump ?
Sans attendre, les ardents défenseurs d'un libre-échange sans frein et sans contrôle annoncent ce que beaucoup anticipent : l'échec probable de la politique commerciale et économique de Donald Trump. Décidés à ce que tout redevienne comme avant, ils reprennent un propos bien rodé : par nature, les barrières douanières sont nocives.
Il est des moments, pourtant, où des protections douanières s'imposent. Jamais la Corée du Sud ne serait parvenue à décoller économiquement si elle était restée ouverte à tous les vents à ses débuts. De même, le développement de certaines technologies, de certaines filières, nécessite de leur assurer des défenses le temps qu'elles prennent leur envol. Pour ne prendre que le seul exemple de l'industrie des panneaux solaires, l'Europe a compris tardivement ce que coûtait une mise en concurrence totalement déséquilibrée avec la Chine.
La protection de l'environnement et la lutte contre les dérèglements climatiques s'inscrivent dans le même processus : la taxe carbone aux frontières n'est rien d'autre qu'une barrière douanière afin d'inciter à la relocalisation des productions. Ce ne sont que quelques exemples. Tous ces sujets sont sur la table, et depuis longtemps.
Au nom de la dangerosité et de l'irrationalité de la politique douanière menée par Donald Trump, le récit sur les bienfaits du libre-échange reprend. Il ne peut cependant esquiver une réalité : il est une des causes de l'impérialisme revendiqué par le président Trump.
Martine Orange
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Le basculement du monde, 2e étape

Les premiers mois de Trump à la Maison Blanche représentent une gigantesque accélération de l'histoire. Les rapports de forces entre les puissances sont percutés, les politiques antisociales et racistes aux États-Unis sont fortement renforcées. Nous vivons un saut dans la situation : la réaction au « basculement du monde » qu'annonçait François Sabado en 2011 (1)
Tiré de Inprecor 731 - avril 2025
4 avril 2025
Par Antoine Larrache
Vladimir Poutine remettant à Donald Trump le ballon officiel de la Coupe du monde de football 2018 lors du sommet d'Helsinki. © Kremlin.ru
Ce choc était attendu. En effet, la victoire du candidat du Parti républicain était prévisible, en raison des prises de positions de sa concurrente Kamala Harris et du Parti démocrate, qui les ont conduits vers une défaite programmée. La façon dont la départ de Trump s'était déroulé en 2021, avec une répétition générale de coup d'État au Capitole, et le contenu de sa campagne, ont également donné de fortes indications sur sa politique à venir.
Il n'en reste pas moins que le monde entier est percuté par la politique du nouveau président, qui dispose de presque tous les pouvoirs – la présidence, la majorité au Congrès (à la Chambre des représentants comme au Sénat) et à la Cour suprême.
La réaction trumpiste
Les premières mesures de Trump sont terrifiantes, avec notamment ce qu'il appelle « le plus grand programme d'expulsion de l'histoire américaine ». Il qualifie les immigré·es d'« envahisseurs » criminels et a annoncé la fin du statut légal de 532 000 Latino-Américain·es, Cubain·es, Haïtien·es, Nicaraguayen·nes et Vénézuélien·nes, sommés de quitter le territoire avant le 25 avril.
Le droit à l'avortement est gravement attaqué par l'annulation de l'arrêt Roe vs Wade, tout comme les droits des LGBTI, notamment par la suppression des mesures DEI (diversité, équité, inclusion) et le fait que le gouvernement ne reconnaisse plus comme genres que l'homme et la femme.
Le travail de destruction entrepris par le Département de l'Efficacité gouvernementale (DOGE, Department of Government Efficiency) dirigé par Elon Musk aboutit à la suppression du ministère fédéral de l'Éducation, aux licenciements de milliers de travailleur·es dans diverses agences, administrations, instituts, universités, dans la santé, etc. 50 000 emplois seraient menacés. Plusieurs milliards de subventions seraient retirés également dans la recherche médicale et scientifiques, notamment dans le domaine des maladies infectieuses. Des « juges fédéraux voyous » sont menacés de destitution et reçoivent des menaces de mort. La liberté de la presse et foulée aux pieds.
Trump contribue à la transformation des États-Unis en un système encore plus autoritaire qu'il ne l'était déjà, et la menace d'un coup d'État ou d'une transformation progressive en dictature est concrète (2).
Sur le plan des relations internationales, le changement est considérable avec la mise en place d'une nouvelle stratégie de défense des intérêts des classes dominantes étatsuniennes, qui consiste à exiger une vassalisation accrue de ses alliés, comme en témoigne la pression sur le Canada et le Mexique, en particulier sur les droits de douane. En Ukraine, la politique de Trump semble osciller entre un « deal » avec Poutine visant à se partager le pays et ses richesses – à l'image du partage de la Pologne par Hitler et Staline en 1939 – et la mise en place d'un protectorat par les États-Unis en échange de positions économiques et de la saisie des richesses ukrainiennes… les deux hypothèses n'étant d'ailleurs pas incompatibles.
L'accélération de l'offensive guerrière en Palestine, par le redoublement des bombardements et l'offensive au sol à Gaza, ainsi que les attaques en Cisjordanie, témoigne d'une volonté du couple Israël-USA de renforcer leur mainmise sur la région, quelles qu'en soient les conséquences humaines.
Face à la Russie à de la Chine
Plus fondamentalement, la politique de Trump est une accélération de la réaction des classes dominantes étatsuniennes au basculement du monde en cours depuis près de vingt ans. François Sabado indiquait que « la crise accentue les changements de rapports de forces mondiaux avec la poussée des pays émergents, le recul des USA et surtout de l'Europe. Le monde occidental, surtout nord-américain, conserve sa puissance politique et militaire, il garde sa force économique mais il recule face à la Chine et dans ses rapports avec d'autres puissances montantes » (3). Mais la crise s'est encore accentuée, avec des taux de croissance divisés par 2 ou 3. Et la crise écologique rend vitale pour les capitalistes la reconfiguration du monde, des zones d'influence et de pillage des richesses. La concurrence en est exacerbée et les grandes puissances sont entrées dans une phase de confrontation plus forte.
Ainsi, l'offensive impérialiste des États-Unis n'est pas isolée – nous avons traité à de nombreuses reprises le rôle de la Russie dans l'offensive guerrière en Ukraine, qui vise à coloniser l'Ukraine, à y prendre les richesses et le pouvoir politique. On parle moins souvent de ses interventions en Afrique, à travers le groupe Wagner, notamment en Lybie, en République centrafricaine, au Mali, au Burkina Faso et au Niger, et à travers l'installation d'une base militaire au Soudan, en Libye, au Tchad, etc. La Russie n'a pas pu, dans ce contexte, maintenir sa domination sur la Syrie.
La Chine pousse aussi ses pions, en se positionnant dans toute l'Afrique, mais aussi en Amérique latine où elle est devenue le deuxième partenaire commercial (+ 151 % entre 2007 et 2017, un plan de coopération visant à augmenter le montant du commerce à 500 milliards de dollars et à développer des investissements à hauteur de 250 milliards) (4). Elle constitue une alliance de fait avec la Russie, à la fois sur le plan militaire (exercices communs, ventes d'armes à la Russie…) et sur le plan économique et énergétique, dans une dynamique où la Russie, hier plus avancée, devient de plus en plus dépendante et soumise économiquement à la Chine.
Le troisième pôle
Les tentatives d'accord de Trump avec Poutine ont constitué un électrochoc pour l'Union européenne, plus précisément pour la France et l'Allemagne. Les deux principales puissances européennes – sur le plan militaire et économique – en ont déduit une nécessité d'accélérer la construction de la puissance européenne qui n'avançait plus depuis près de vingt ans. Pour le futur chancelier allemand Merz, il est « minuit moins cinq, et la priorité absolue est que les Européens puissent se défendre eux-mêmes » sur le plan commercial comme militaire.
En quelques jours début mars, les dirigeants français, allemand, britannique et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, se sont accordé·es sur la mise en place de plans pour multiplier les dépenses militaires. 4,7% du PIB en Pologne, 5 % en Estonie, 5 à 6% en Lituanie, 2,5 % au Royaume-Uni, 3,5 % en France, doubler les dépenses au Danemark… Merz a fait voter un plan d'investissement de 1 000 milliards sur dix ans remettant en cause la règle du déficit « zéro » dans un pays marqué par le pacifisme depuis 1945. Le gouvernement français veut aller chercher des centaines de milliards de financements dans les livrets A et les assurances vie…
Sur le plan économique, le commissaire européen chargé de la Prospérité et de la Stratégie industrielle décrit une volonté d'« européaniser » les entreprises, tant sur le plan des débouchés que des chaines de production, avec une « préférence européenne », tout cela en mettant de côté les objectifs de décarbonation.
Leur politique est donc de constituer une Europe puissance, capable de concurrencer les États-Unis comme la Russie. À ce stade, l'extrême droite et les secteurs de la bourgeoisie qui l'ont rejointe restent éblouis par Trump et Poutine, qu'ils considèrent comme des modèles. Mais déjà en Italie, l'extrême droite s'aligne sur la volonté de construire la puissance européenne. Giorgia Meloni a ainsi déclaré que l'Italie fait « pleinement partie de l'Europe et du monde occidental ». Le Rassemblement national français a changé de position sur la sortie de l'OTAN. Le positionnement, sur la moyenne durée, des extrêmes droites européennes, et sa capacité à incarner une réaction bourgeoise européenne autoritaire, est encore indéterminé.
Une marche irrésistible
Les dangers de cette accélération des tensions entre les grandes puissances impérialistes sont immenses, sur le plan militaire comme social. Car ces tensions s'inscrivent dans la crise de profitabilité du capitalisme (5), dans son incapacité à relancer la machine et dans l'accélération de son caractère prédateur (6). Cette dynamique n'est pas nouvelle, les dépenses militaires étatsuniennes ayant par exemple fortement progressé depuis une dizaine d'années, mais elle s'est fortement renforcée, menant le monde devant la possibilité d'affrontements – économiques ou militaires – d'une ampleur sans précédent depuis la fin de l'URSS.
On ne peut distinguer ces deux types d'affrontements, liés aux besoins des classes dominantes de conquérir de nouveaux espaces d'influence économique, par la modification des balances commerciales, des droits de douane, le pillage de ressources, etc. C'est ainsi qu'il faut comprendre la guerre commerciale des États-Unis avec l'Union européenne.
On ne peut pas non plus distinguer les affrontements interimpérialistes des attaques antisociales, racistes et autoritaires, généralisées dans la plupart des pays du monde, car elles visent elles aussi à décupler les capacités à exploiter chaque espace du capitalisme. C'est le sens de l'ubérisation, de la multiplication de la vente ou la location de services, de la surexploitation des sans-papiers et du développement du travail informel, la destruction-privatisation des services publics, etc. Tandis que le racisme contribue à la surexploitation, à créer un état d'esprit nationaliste et guerrier, et à impacter les capacités de résistance des classes populaires. La répression et toutes les mesures antidémocratiques, combinée au contrôle de l'information et des médias, complètent ce tableau menant à toujours plus de guerres et d'autoritarisme.
L'extrême droite fascisante sous ses multiples formes progresse partout dans le monde et est au pouvoir ou à ses portes dans plusieurs pays d'Europe, car elle offre une réponse sur une grande partie de ces terrains.
Les réactions populaires
Les attaques des classes dominantes ne sont cependant pas sans réponse, et les mobilisations de masse se sont multipliées ces dernières semaines, car les politiques des classes dominantes commencent à toucher au cœur de ce qui permet l'acceptation du capitalisme par les classes populaires : un minimum de respect démocratique et social. Comme le dit Robi Morder, la cassure s'opère lorsque la dignité est attaquée (7).
Et, ainsi, on a vu fleurir de grandes manifestations en Serbie et en Grèce contre les mensonges concernant des accidents ferroviaires, et en Turquie contre l'emprisonnement du maire d'Istanbul. Ces mobilisations s'affrontent au pouvoir politique et ne se contentent pas de revendications immédiates, elles sont aussi le réceptacle de colères sociales et démocratiques plus larges. Aux États-Unis, les mobilisations contre les mesures anti-immigré·es sont conséquentes. En France, les mobilisations féministes surtout, mais aussi antiracistes et contre les licenciements, ont montré que la situation reste très instable. C'est également le cas en Amérique latine, en Grande-Bretagne après les réactions aux attaques racistes, en Allemagne avec les mobilisations contre l'extrême droite et les réactions, même limitées, sur l'emploi. Etc.
Pour les révolutionnaires, la situation est loin d'être simple. Une grande partie de la gauche est prête à s'aligner sur les politiques bellicistes, par chauvinisme ou par accord avec les possibilités de relance provisoire de l'économie par les dépenses militaires. Les organisations de la gauche institutionnelle sont en effet reliées à l'ordre bourgeois par de multiples éléments : les appareils syndicaux dépendent en grande partie de l'État, et certains sont prêts à se laisser emporter dans la fuite en avant guerrière et énergétique sous prétexte de sauvegarde de l'emploi ; les élu·es sont attaché·es à leurs postes ; différents liens humains et idéologiques existent au sein des castes dirigeantes. Dans d'autres secteurs, la tentation campiste domine, ou l'indifférence vis-à-vis de la résistance des peuples – en Palestine ou en Ukraine selon les pays et les organisations –, sacrifiés en fonction des intérêts des grandes puissances.
Face à la montée de la concurrence et du militarisme, les jeux sont loin d'être faits ; comme avant les deux guerres mondiales, les alliances ne sont ni complètement prédéterminées ni figées, car elles dépendent de nombreux facteurs : les intérêts croisés des différents secteurs économiques (nouvelles technologies, industrie, finance…) et des couches de la bourgeoisie qui leur correspondent.
Des éléments d'orientation
On ne peut donc, à ce stade, que déterminer des principes généraux et quelques positions tactiques. Le premier principe est de rappeler que la nature politique des régimes ne détermine pas leur place dans les rapports entre puissances : on doit s'opposer aux impérialistes et soutenir les nations opprimées, quel qu'en soit le pouvoir politique. On doit ainsi s'opposer à l'invasion russe et soutenir l'Ukraine, quelle que soit la nature du régime de Zelenski, en espérant que la défaite de la Russie provoque un bouleversement dans le pays.
Nous devons nous opposer au militarisme des grandes puissances, à l'augmentation des budgets militaires, nous devons promouvoir le désarmement nucléaire, et nous positionner pour la défaite des puissances impérialistes (8). Le positionnement par rapport au militarisme est complexe mais il semble que, dans la période actuelle, nous avons intérêt à renforcer le sentiment anti-guerre et à participer à la construction d'un mouvement contre la montée guerrière. Un tel mouvement ne s'oppose pas – au contraire même il doit les soutenir – aux guerres de libération contre l'impérialisme, armées comme non armées, en Ukraine et en Palestine notamment, et quelles que soient les directions politiques des mouvements de libération.
Troisième point, dans tous les conflits, nous soutenons les solutions par en bas. En Ukraine, où nous savons qu'une victoire a besoin d'une participation populaire, qui nécessite un changement, au moins de la politique antisociale de l'État, si ce n'est un changement de régime. Mais aussi au Kurdistan, en Syrie, et partout ailleurs. C'est le cas aussi, bien sûr, pour les luttes sociales : il est urgent dans chaque pays de s'opposer aux attaques libérales, à l'autoritarisme en défendant la démocratie – notamment contre l'extrême droite –, au racisme et à toutes les discriminations, en construisant des mouvements de masse.
Le quatrième point est la nécessité absolue de l'unité dans cette situation : les contradictions de classes s'exacerbant, et même lorsque les organisations du mouvement ouvrier sont très intégrées et passives, les conflits produiront de façon quasiment mécanique des repositionnements concrétisant politiquement les oppositions entre bourgeoisie et prolétariat. Donc, tout en gardant notre indépendance par rapport à des gouvernements de centre-gauche acquis au libéralisme, et en tout en construisant des forces révolutionnaires ouvertes indépendantes, il est capital de se situer à l'intérieur de l'unité d'action. C'est en particulier le cas dans la lutte contre l'extrême droite et contre les offensives réactionnaires.
Le cinquième point est que toutes les certitudes sur l'appréciation des rapports de forces et de la conscience peuvent être remises en cause du jour au lendemain. D'abord parce que, « au niveau planétaire, si les politiques existantes se poursuivent sans mesures additionnelles, le GIEC (rapport de synthèse 2023) estime que le réchauffement atteindrait +1,5 °C vers 2030, +2 °C vers 2050 et autour de +3 °C en 2100 par rapport à 1900 » (9), avec des conséquences imprévisibles. Et parce que les effets de la fuite en avant capitaliste produiront des secousses dans la jeunesse et le monde du travail qui sont impossibles à prévoir. À nous de répondre présent·es.
Mardi 1er avril 2025
Notes
2. « États-Unis : Quelle est la distance qui nous sépare du fascisme ? », Dan La Botz, L'Anticapitaliste, 27 mars 2025.
3. F. Sabado, idem.
4. « Chine : l'autre superpuissance », Alternatives sud, 1er trimestre 2021.
7. « L'unité et le combat pour la dignité sont les ciments des mobilisations de masse de la jeunesse », Robi Morder, revue L'Anticapitaliste, avril 2023.
8. « Le défaitisme révolutionnaire, hier et aujourd'hui », Simon Hannah, Inprecor, 19 mai 2022.
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Capitalisme et pétrole, nouveaux centres d’accumulation du capital et place du Moyen-Orient dans l’impérialisme international

Adam Hanieh est professeur d'économie politique et de développement international à l'université d'Exeter (Angleterre), où ses recherches portent sur le capitalisme et l'impérialisme au Moyen-Orient. Son dernier ouvrage a pour titre Crude Capitalism. Oil,Corporate Power, and the Making of the World Market (Verso Books, septembre 2024). Dans ce grand entretien avec Federico Fuentes pour LINKS Adam Hanieh évoque la nécessité de mettre en avant les transferts de valeur pour comprendre l'impérialisme, le rôle d'Israël dans le capitalisme fossile mondial et l'influence croissante des Etats du Golfe.
Tiré d'À l'encontre.
Au cours du siècle dernier, le terme impérialisme a été utilisé pour définir différentes situations. Parfois, il est remplacé par des concepts tels que la mondialisation et l'hégémonie. Le concept d'impérialisme reste-t-il valable ? Si oui, comment le définissez-vous ?
Adam Hanieh : Il reste certainement valable et il y a beaucoup à apprendre à la fois des auteurs classiques sur l'impérialisme, tels que Vladimir Lénine, Nikolaï Boukharine et Rosa Luxemburg, ainsi que des contributions et débats ultérieurs, y compris ceux des marxistes anticolonialistes des années 1960 et 1970.
De manière très générale, je définis l'impérialisme comme une forme de capitalisme mondial reposant sur l'extraction et les transferts continus de valeur des pays pauvres (ou périphériques) vers les pays riches (ou centraux), et des classes des pays pauvres vers les classes des pays riches. Je pense qu'il existe une tendance à réduire l'impérialisme à un simple conflit géopolitique, à la guerre ou à l'intervention militaire. Mais sans cette idée centrale de transferts de valeur, nous ne pouvons pas comprendre l'impérialisme comme une caractéristique permanente du marché mondial qui opère même en période censée être « pacifique ».
Les moyens par lesquels ces transferts de valeur ont lieu sont complexes et nécessitent une réflexion approfondie. L'exportation de capitaux sous forme d'investissements directs étrangers dans les pays dominés est l'un des mécanismes. Le contrôle direct et l'extraction des ressources en sont un autre. Mais nous devons également examiner les divers mécanismes et relations financiers qui se sont généralisés depuis les années 1980, par exemple les paiements du service de la dette effectués par les pays du Sud. Il existe également des différences de valeur de la force de travail entre les pays du centre et ceux de la périphérie, ce que les théoriciens de l'impérialisme des années 1960 et 1970, tels que Samir Amin et Ernest Mandel, ont analysé. L'échange inégal dans le commerce est une autre voie. Et la main-d'œuvre migrante est un autre mécanisme très important par lequel s'effectuent les transferts de valeur. Réfléchir à ces multiples formes nous permet de mieux comprendre le monde d'aujourd'hui, au-delà de la simple question de la guerre ou des conflits interétatiques.
Aborder l'impérialisme à travers ces transferts de valeur permet de révéler qui en profite. Lénine a mis en avant le capital financier, qui était le résultat du contrôle de plus en plus intégré du capital bancaire et du capital industriel ou productif. Cela reste valable. Mais c'est plus compliqué aujourd'hui, dans la mesure où certaines couches de bourgeoisies dominées dans la périphérie se sont partiellement intégrées au capitalisme dans le centre. Non seulement ils ont souvent la nationalité de ces pays, mais ils bénéficient de ces relations impériales. Il y a aussi beaucoup plus de propriété transfrontalière du capital et l'essor des zones financières offshore, ce qui rend beaucoup plus difficile le suivi du contrôle et des flux de capitaux. Pour comprendre l'impérialisme aujourd'hui, il faut mieux cerner qui bénéficie de cette intégration dans les principaux centres d'accumulation du capital, et comment les différents marchés financiers sont connectés.
Une troisième caractéristique qui découle de ces transferts de valeur est le concept d'aristocratie ouvrière. Ce concept était si important pour discuter du colonialisme et de l'impérialisme, remontant à Karl Marx et Friedrich Engels, mais il est souvent mal interprété ou laissé de côté dans la pensée marxiste contemporaine. Si l'on va au-delà de la brochure de Lénine, L‘impérialisme, stade suprême du capitalisme, pour examiner ses autres écrits sur l'impérialisme, on constate qu'il a consacré une attention particulière à l'analyse des implications politiques des relations impériales dans la création de couches sociales dans les pays centraux dont la politique s'est alignée et a été connectée à leur propre bourgeoisie. Cette idée reste valable et doit être remise en avant. En Grande-Bretagne, par exemple, elle permet d'expliquer le caractère clairement pro-impérialiste du Parti travailliste britannique.
L'une des caractéristiques de l'impérialisme contemporain qui n'était pas bien théorisée au début du XXe siècle est la façon dont la domination impériale est nécessairement liée à des idéologies racistes et sexistes particulières, qui contribuent à les justifier et à les légitimer. Nous pouvons le voir aujourd'hui dans le contexte de la Palestine. Il est vraiment important d'intégrer l'antiracisme et le féminisme dans notre façon de penser le capitalisme, l'anti-impérialisme et les luttes anti-impérialistes. Neville Alexander [1936-2012, il fut emprisonné de 1964 à 1974 à Robben Island] l'a fait dans le contexte sud-africain, tout comme Walter Rodney [1942-1980 date de son assassinat], un marxiste anticolonialiste de Guyane, et Angela Davis aux Etats-Unis.
Beaucoup s'accordent à dire qu'après la guerre froide, la politique internationale a été dominée par l'impérialisme étatsunien/occidental. Pourtant, un changement relatif semble se produire avec l'essor économique de la Chine, l'invasion de l'Ukraine par la Russie et la démonstration de puissance militaire au-delà de leurs frontières par des nations encore plus petites, telles que la Turquie et l'Arabie saoudite. De manière générale, comment comprendre la dynamique à l'œuvre au sein du système impérialiste international ?
Depuis le début des années 2000, nous avons assisté à l'émergence de nouveaux centres d'accumulation du capital en dehors des Etats-Unis. La Chine se trouve au premier plan. Au départ, cela était lié aux flux d'investissements directs étrangers en Chine et dans la région plus large de l'Asie de l'Est visant à exploiter une main-d'œuvre bon marché dans le cadre d'une réorganisation des chaînes de valeur mondialisées. Mais depuis lors, l'essor de la Chine a été associé à un affaiblissement relatif du capitalisme étatsunien dans le contexte de crises mondiales profondes et de plus en plus graves.
Cette érosion relative de la puissance des Etats-Unis peut être observée à travers différents indicateurs. Au cours des trois dernières décennies, la domination étasunienne sur les technologies, les industries et les infrastructures clés s'est affaiblie. La baisse de la part des Etats-Unis dans le PIB mondial, qui est passée de 40% à environ 26% entre 1985 et 2024, en est une indication. Il y a également eu un changement relatif dans la propriété et le contrôle des plus grandes entreprises capitalistes du monde. Le nombre d'entreprises chinoises figurant dans le Global Fortune 500, par exemple, a dépassé celui des entreprises américaines en 2018 et est resté ainsi jusqu'à l'année dernière, lorsque les Etats-Unis ont repris la tête (139 entreprises américaines contre 128 chinoises). La présence de la Chine sur cette liste, en 2000, se limitait à 10 firmes. Si l'ascension de la Chine s'est faite en grande partie aux dépens des entreprises japonaises et européennes, on a également observé une baisse du contrôle américain sur les grandes firmes : au cours des 25 dernières années, la part des Etats-Unis dans le classement de Global Fortune 500 est passée de 39% à 28%.
Il est important de noter que ces signes de déclin relatif des Etats-Unis se reflètent au niveau national. Le capitalisme étatsunien est en proie à de graves problèmes sociaux : baisse de l'espérance de vie, incarcération de masse, sans-abrisme, santé mentale et effondrement des infrastructures essentielles. Le néolibéralisme et la polarisation extrême de la richesse ont éviscéré la capacité de l'Etat à répondre aux crises majeures, comme on l'a vu avec la pandémie de Covid et, plus récemment, lors de la saison des ouragans de 2024 et des incendies de Los Angeles en janvier 2025.
Mais nous devons souligner l'affaiblissement relatif de la puissance américaine. Je ne pense pas qu'un effondrement imminent de la domination des Etats-Unis soit à l'ordre du jour. Ils conservent un avantage militaire considérable sur leurs rivaux, et la centralité du dollar américain n'est pas remise en question. Ce dernier est une source majeure de puissance étatsunienne car il permet aux Etats-Unis d'exclure leurs concurrents des marchés financiers et du système bancaire américains (particulièrement évident depuis le 11 septembre). Une grande partie de la puissance géopolitique des Etats-Unis s'articule autour de sa domination financière – une autre raison pour laquelle nous devons considérer l'impérialisme au-delà de ses formes militaires.
Il y a aussi une vision plus ample de ces rivalités mondiales que nous devrions mettre en avant : les crises multiples et interconnectées qui marquent aujourd'hui le capitalisme à l'échelle mondiale. Nous pouvons le constater dans la stagnation des taux de profit et les importants volumes de capitaux excédentaires en quête de valorisation ; l'énorme augmentation de la dette publique et privée ; la surproduction dans de nombreux secteurs économiques ; et la dure réalité de l'urgence climatique. Ainsi, lorsque nous parlons de la dynamique du système impérialiste mondial, il ne s'agit pas simplement de rivalités entre Etats et de mesurer la force des Etats-Unis par rapport à d'autres puissances capitalistes. Nous devons replacer ces conflits dans la crise systémique à plus long terme que tous les Etats tentent de surmonter.
Comment comprenez-vous l'ascension du président américain Donald Trump dans ce contexte ?
Certains commentateurs libéraux dépeignent souvent Trump comme une sorte d'égoïste fou supervisant une administration détournée par des milliardaires d'extrême droite (ou secrètement dirigée par la Russie). Je pense que cette perspective est erronée. Indépendamment du narcissisme personnel de Trump, il représente un projet politique clair qui s'attaque aux problèmes généraux que je viens d'évoquer : comment gérer le déclin relatif des Etats-Unis dans le contexte des crises systémiques plus importantes auxquelles est confronté le capitalisme mondial ?
Si vous suivez les discussions entre ses conseillers économiques, vous en aurez la preuve. Un exemple particulièrement révélateur est une longue analyse [Hudson Bay Capital : « A User's Guide to restructuring the Global Trading system, november 2024 »] écrite en novembre 2024 par Stephen Miran, un économiste qui vient d'être confirmé à la présidence du Conseil des conseillers économiques de Trump. Miran affirme que l'économie des Etats-Unis s'est amenuisée par rapport au PIB mondial au cours des dernières décennies, alors que les Etats-Unis supportent le coût du maintien du « parapluie de défense » mondial face à des rivalités interétatiques croissantes. Il affirme surtout que le dollar est surévalué en raison de son rôle de monnaie de réserve internationale, ce qui a érodé la capacité de production américaine.
Il propose de résoudre ce problème en brandissant la menace de droits de douane pour contraindre les alliés des Etats-Unis à assumer une plus grande part des coûts de l'empire. Selon Miran, cela contribuera à ramener l'industrie manufacturière aux Etats-Unis (un élément important en cas de guerre). Il propose une série de mesures pour limiter les effets inflationnistes de ce plan et maintenir le dollar comme monnaie dominante malgré la dévaluation espérée (il souligne explicitement l'importance du dollar américain pour projeter et garantir la puissance des Etats-Unis). Ce type de perspective est défendu par l'administration Trump, y compris par le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin [ancien de Goldman Sachs de 1985 à 2002 – dont son père était un haut dirigeant – puis à la tête d'un fonds spéculatif].
L'essentiel n'est pas de savoir si ce plan fonctionne ou s'il est économiquement judicieux, mais de comprendre les motivations qui le sous-tendent. Il est explicitement conçu comme un moyen de faire face aux problèmes auxquels s'affronte le capitalisme américain et international, et de réaffirmer la primauté des Etats-Unis en répercutant ses coûts sur d'autres zones du monde. L'administration Joe Biden a proposé différentes solutions, mais elle s'est heurtée aux mêmes problèmes, parlant ouvertement d'intensifier la « concurrence stratégique » et de la nécessité de trouver des moyens pour les Etats-Unis de « maintenir leurs avantages fondamentaux dans la concurrence géopolitique » (« The Sources of American Power. A Foreign Policy for a Change World », Jake Sullivan, Foreign Affairs, November-December 2023).
Nous devons donc aborder l'administration Trump en tant qu'acteurs dotés d'un projet cohérent. Il est évident que ce projet génère de nombreuses contradictions et tensions internes, ainsi que des désaccords évidents de la part de certaines sections du capital étatsunien et d'alliés historiques. Mais ces tensions reflètent également la nature très instable du capitalisme international mondial à l'heure actuelle.
L'articulation nationale du projet, comme c'est souvent le cas en temps de crise, repose sur la désignation de boucs émissaires, donc : un racisme virulent et des attitudes anti-migrants, un irrationalisme anti-scientifique, le déni du changement climatique et des politiques ultra-conservatrices en matière de genre et de sexualité. Tous ces types de tropes idéologiques servent à promouvoir le nationalisme, le militarisme et le sentiment d'un pays assiégé. Ils permettent encore plus de répression étatique et de coupes dans les dépenses sociales. Bien sûr, cela ne se limite pas aux Etats-Unis. La résurgence mondiale de ces idéologies d'extrême droite est une indication supplémentaire que nous sommes confrontés à une crise systémique plus importante à laquelle tous les Etats capitalistes font face.
Je tiens à souligner à nouveau l'urgence climatique. Nous pouvons voir comment l'administration Trump déchire les réglementations environnementales et cherche à accélérer la production nationale de pétrole et de gaz afin de réaffirmer le pouvoir du capitalisme étatsunien (en réduisant les coûts énergétiques). Mais il est également très clair que nous entrons dans une phase d'effondrement climatique en cascade et imprévisible, qui aura un impact matériel sur des milliards de personnes dans les décennies à venir. La droite peut nier la réalité du changement climatique, mais c'est finalement parce que le capitalisme ne peut laisser quoi que ce soit affecter l'accumulation du capital. Nous devons placer la question climatique au centre de notre politique actuelle, car elle sera de plus en plus présente dans tous les domaines.

Diverses explications contradictoires ont été avancées pour justifier le soutien impérialiste des Etats-Unis et de l'Occident à la guerre d'Israël contre Gaza. Quel est votre point de vue ? Comment le processus de normalisation entre Israël et les nations arabes s'inscrit-il dans ce contexte ? Et quel impact le 7 octobre et le génocide de Gaza ont-ils eu sur ce processus ?
Nous devrions replacer la relation entre les Etats-Unis et Israël dans le contexte de la région au sens large, et non pas simplement à travers le prisme de ce qui se passe à l'intérieur des frontières de la Palestine ou des motivations des dirigeants israéliens. Cela nécessite de mettre en évidence l'impérialisme américain (voir l'article de juin 2024 d'Adam Hanieh sur le site alencontre.org) et le rôle central de la région dans le capitalisme fossile international.
L'ascension des Etats-Unis en tant que puissance capitaliste dominante a été étroitement liée à l'adoption du pétrole comme principale source d'énergie fossile au milieu du XXe siècle. Cela a donné un rôle très important au Moyen-Orient, en tant que centre des exportations mondiales de pétrole et zone cruciale de production d'énergie, dans le projet mondial des Etats-Unis. Au Moyen-Orient, Israël a été un pilier essentiel de l'influence des Etats-Unis, en particulier après la guerre [israélo-arabe] de 1967, où il a démontré sa capacité à vaincre les mouvements nationalistes arabes et les luttes anticoloniales. En ce sens, les Etats-Unis ont toujours été aux commandes de cette relation régionale – et non pas Israël, et certainement pas un lobby pro-israélien.
L'autre pilier de la puissance des Etats-Unis au Moyen-Orient a été les Etats du Golfe, en particulier l'Arabie saoudite. Depuis le milieu du XXe siècle, les Etats-Unis ont établi une relation privilégiée avec les monarchies du Golfe, agissant comme un soutien à leur survie tant qu'elles restaient dans le système plus large d'alliances régionales des Etats-Unis. Cela signifiait garantir l'approvisionnement en pétrole du marché mondial et veiller à ce que le pétrole ne soit jamais utilisé comme « arme ». Cela signifiait également que les milliers de milliards de dollars gagnés par les Etats du Golfe grâce à la vente de pétrole étaient en grande partie réinjectés sur les marchés financiers occidentaux.
Mais, comme pour son statut mondial, la domination des Etats-Unis dans la région s'est érodée au cours des deux dernières décennies. Cela se reflète dans le rôle croissant d'autres Etats extérieurs à la région (comme la Chine et la Russie) et dans la lutte des puissances régionales pour étendre leur influence (par exemple l'Iran, la Turquie, l'Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis). Il est important de noter qu'il y a également eu un déplacement vers l'est des exportations de pétrole et de gaz du Golfe, qui s'orientent désormais principalement vers la Chine et l'Asie de l'Est, plutôt que vers les pays occidentaux.
En réponse, les Etats-Unis ont cherché à rapprocher leurs deux principaux alliés régionaux en normalisant les relations politiques, économiques et diplomatiques entre les Etats du Golfe et Israël. Ce projet remonte à plusieurs décennies, mais s'est intensifié dans le cadre des accords d'Oslo dans les années 1990. Plus récemment, Israël a normalisé ses relations avec les Emirats Arabes Unis et Bahreïn par le biais des accords d'Abraham de 2020. Cette année-là, Israël a également normalisé ses relations avec le Soudan et le Maroc. Ces étapes importantes ont été suivies en 2022 par la signature d'un accord de libre-échange entre les Emirats Arabes Unis et Israël.
Nous devons lire les actions d'Israël et le génocide à Gaza à travers ce prisme. Même maintenant, au lendemain du 7 octobre et du génocide, et alors que l'on parle d'expulser davantage de Palestiniens de leur terre, l'objectif des Etats-Unis reste la normalisation des liens entre Israël et les Etats du Golfe afin de réaffirmer leur primauté dans la région.
Cependant, la proposition de Trump de nettoyer Gaza de sa population palestinienne ne rend-elle pas plus difficile la normalisation des relations entre les gouvernements de la région et Israël ?
Les propositions de Trump en faveur d'un nettoyage ethnique de Gaza trouvent clairement un écho dans une grande partie du spectre politique israélien. Il existe cependant de nombreux obstacles à cela, à commencer par le fait que des Etats tels que la Jordanie et l'Egypte ne veulent pas voir un si grand nombre de réfugiés palestiniens déplacés sur leur territoire.
Mais des pays comme l'Arabie saoudite, la Jordanie et l'Egypte ne sont pas fondamentalement en désaccord avec le projet des Etats-Unis. En principe, la monarchie saoudienne n'a aucun problème à normaliser ses relations avec Israël, et elle a certainement donné le feu vert aux Emirats Arabes Unis pour le faire dans le cadre des Accords d'Abraham. Il existe un alignement extrêmement étroit entre les Etats-Unis et les Etats du Golfe, qui s'accélère sous Trump. Nous pouvons le constater par le fait que l'Arabie saoudite accueille les négociations actuelles entre les Etats-Unis et la Russie, et par la récente annonce faite par les Emirats Arabes Unis de leur intention d'investir 1400 milliards de dollars américains aux Etats-Unis au cours de la prochaine décennie.
Dans le même temps, il est évidemment très difficile pour ce projet d'avancer sans la défaite des Palestiniens à Gaza et ailleurs, et sans une certaine forme d'acquiescement palestinien. La solution potentielle à ce dilemme se trouve en Cisjordanie, sous la forme de l'Autorité palestinienne (AP). L'AP est essentielle car elle a créé une couche de politiciens palestiniens et une classe capitaliste palestinienne dont les intérêts sont liés à un compromis avec Israël et qui sont prêts à faciliter la normalisation régionale (c'était tout l'intérêt des accords d'Oslo). Ainsi, nous ne devrions pas considérer les Etats arabes comme étant génétiquement opposés au nettoyage ethnique et à la normalisation de la manière dont Trump le propose.
Les monopoles pétroliers nationaux gérés par les Etats du Moyen-Orient (et d'autres pays non occidentaux) ont dépassé les entreprises occidentales sur le marché mondial du pétrole. Comment cela influence-t-il la position du Moyen-Orient au sein du capitalisme international ?
Au cours des deux dernières décennies, nous avons assisté à l'émergence de grandes compagnies pétrolières nationales, qui modifient la dynamique de l'industrie pétrolière mondiale. Les Etats du Golfe se distinguent à cet égard, en particulier avec Saudi Aramco, le plus grand producteur et exportateur de pétrole au monde aujourd'hui, qui a dépassé les grandes entreprises occidentales qui ont dominé l'industrie pendant la majeure partie du XXe siècle.
Ces compagnies pétrolières nationales ont suivi l'exemple des supermajors pétrolières occidentales en s'intégrant verticalement. Dans les années 1970, les Etats producteurs de pétrole tels que l'Arabie saoudite se concentraient principalement sur l'extraction du pétrole brut en amont. Mais aujourd'hui, leurs compagnies pétrolières nationales sont actives tout au long de la chaîne de valeur. Elles sont impliquées dans le raffinage et la production de produits pétrochimiques et de plastique. Elles possèdent des compagnies maritimes, des pipelines, des pétroliers et des stations-service où les carburants sont vendus. Elles disposent de réseaux de commercialisation mondiaux.
Dans le même temps, nous avons assisté à l'émergence de ce que j'appelle dans Crude Capitalism « l'axe Est-Est des hydrocarbures ». Avec l'essor de la Chine, les exportations de pétrole du Golfe se sont détournées de l'Europe occidentale et des Etats-Unis, pour se diriger vers l'Est, plus précisément vers la Chine et l'Asie de l'Est. Nous ne parlons pas seulement de l'exportation de pétrole brut, mais aussi de produits raffinés et de produits pétrochimiques. Cela a conduit à des interdépendances croissantes entre ces deux régions qui constituent désormais l'axe central de l'industrie pétrolière mondiale en dehors des Etats-Unis.
Cela ne veut pas dire que les marchés occidentaux et les compagnies pétrolières ne sont pas importants. Les grandes supermajors occidentales dominent toujours aux Etats-Unis et dans le bloc nord-américain au sens large. Mais il faut bien admettre que le marché mondial du pétrole est un marché pétrolier fragmenté, dans lequel ces connexions Est-Est reflètent davantage l'affaiblissement de l'influence étatsunienne – à l'échelle mondiale et au Moyen-Orient.
Qu'est-ce que cela nous apprend sur l'idée que certaines entreprises transnationales ou publiques non occidentales peuvent fonctionner avec succès sans ancrage institutionnel dans une puissance impérialiste ?
Il ne s'agit pas d'entreprises étatsuniennes ou occidentales, mais elles ont tout de même des liens importants avec des compagnies pétrolières occidentales (notamment par le biais de partenariats) et sont actives sur les marchés occidentaux. La plus grande raffinerie de pétrole aux Etats-Unis appartient à l'Arabie saoudite. Nous ne devrions donc pas nécessairement les opposer, comme s'il y avait une différence fondamentale dans la façon dont elles, en tant que « bloc fossile », voient l'avenir de l'industrie. Elles sont absolument du même côté en ce qui concerne l'état d'urgence climatique. Nous pouvons le constater dans le rôle prépondérant des Etats du Golfe qui font obstruction et détournent toute réponse internationale efficace à cette urgence.
Tout en renforçant leurs liens avec la Chine, les Etats du Golfe ont de plus en plus démontré leur volonté d'agir de manière autonome et même de rivaliser pour exercer une influence dans la région. Comment expliquez-vous le rôle de ces Etats du Golfe ?
Associés à cet affaiblissement relatif de la puissance des Etats-Unis, d'autres acteurs, dont les Etats du Golfe, ont cherché à projeter leurs propres intérêts régionaux.
Ils ont utilisé divers mécanismes : le parrainage de différents groupes armés ou mouvements politiques ou l'accueil de différentes forces politiques (le cas du Qatar se distingue ici) ; l'octroi d'une aide financière à des Etats tels que l'Egypte et la Libye ; l'intervention militaire dans des pays tels que le Yémen et le Soudan ; et le contrôle des ports et des voies logistiques. De cette manière, les Etats du Golfe ont cherché à accroître leur présence régionale.
Cela est en partie lié aux conséquences des soulèvements arabes de 2011, qui se sont rapidement propagés dans la région, déstabilisant des dirigeants autoritaires de longue date, comme en Egypte et en Tunisie. Les États du Golfe ont joué un rôle majeur dans la tentative de reconstitution de ces États autoritaires à la suite des soulèvements.
Il existe également des rivalités entre les Etats du Golfe, en particulier entre l'Arabie saoudite et le Qatar, mais aussi entre l'Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis. Ils ne sont pas nécessairement d'accord sur tout et soutiennent parfois des camps opposés, par exemple au Soudan [où l'Arabie saoudite soutient les forces armées soudanaises dans la guerre civile en cours, tandis que les Emirats Arabes Unis aident les Forces de soutien rapide d'Hemeti-Mohamed Hamdan Dogolo].
Cependant, malgré son déclin relatif, les Etats-Unis restent la principale puissance impérialiste de la région. Cela est évident au vu de leur présence militaire directe dans le Golfe, où les Etats-Unis disposent d'installations et de bases militaires dans des pays tels que le Bahreïn, l'Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis. Les Etats-Unis restent la dernière force de recours, militaire et politique, des régimes du Golfe.
Le terme « subimpérialiste » est parfois utilisé pour décrire des pays comme ceux-ci, qui sont à la fois subordonnés à une puissance impérialiste mais qui opèrent avec une certaine autonomie dans leur sphère d'influence. Considérez-vous que ce terme est utile pour comprendre les Etats du Golfe ?
Si le terme de « sous-impérialisme » peut rendre compte en partie de ce que représentent ces Etats, les Etats du Golfe n'ont pas nécessairement la capacité de projeter leur puissance militaire de la même manière que les puissances occidentales. Cela ne veut pas dire qu'ils ne renforcent pas leur capacité militaire, mais ils agissent encore largement par procuration et dépendent fortement de la protection militaire des Etats-Unis. Comme je l'ai mentionné, il y a des bases militaires américaines partout dans le Golfe. Les exportations de matériel militaire des pays occidentaux vers la région renforcent la supervision occidentale des armées du Golfe, car ces exportations nécessitent une formation, une maintenance et un soutien continus.
Cela dit, l'exportation de capitaux du Golfe vers la région au sens large – et de plus en plus aussi vers le continent africain – est très évidente. Ces exportations de capitaux reflètent des transferts transfrontaliers de valeur. Il est également très clair que les conglomérats basés dans le Golfe ont été les principaux bénéficiaires de la vague néolibérale qui a balayé le Moyen-Orient au cours des dernières décennies, au cours de laquelle les économies ont été ouvertes et les terres et d'autres actifs privatisés. Je ne parle pas seulement des conglomérats publics du Golfe, mais aussi des grands conglomérats privés. Si vous regardez dans la région des secteurs tels que la banque, la vente au détail, l'agroalimentaire, vous trouverez à la fois des conglomérats publics et privés basés dans le Golfe.
C'est pourquoi il est si important de penser à la région dans le contexte des intérêts capitalistes et des modèles d'accumulation du capital, et pas seulement dans le contexte des conflits interétatiques.
L'Iran est parfois considéré comme une puissance de faible importance ou sous-impérialiste, étant donné son conflit simultané avec l'impérialisme américain et son rôle accru dans la région. D'autres le voient comme le fer de lance d'un « axe de résistance anti-impérialiste » dans la région. Comment voyez-vous le rôle de l'Iran ?
L'expression « axe de la résistance » est trompeuse car elle implique une trop grande unanimité entre un ensemble d'acteurs assez hétérogène ayant des intérêts, des bases sociales et des relations avec la politique différents, tant au niveau national que régional. Elle cherche essentiellement à placer un signe plus là où [l'ancien président américain George W. Bush] a placé un signe négatif avec son « axe du mal ». C'est une façon réductrice de concevoir la politique.
Nous devons nous opposer clairement et sans équivoque à toute forme d'intervention impérialiste occidentale en Iran ou dans la région au sens large (que ce soit directement ou par l'intermédiaire d'Israël). Cela signifie non seulement une intervention militaire, mais aussi une intervention économique et d'autres formes d'intervention. Les sanctions sont un élément important dans le cas de l'Iran.
En même temps, nous devons reconnaître que l'Iran est un Etat capitaliste, avec sa propre classe capitaliste, qui a ses propres objectifs dans la région et plus largement. Tout comme les Etats du Golfe, l'Iran tente de projeter sa puissance régionale, dans ce contexte de déstabilisation post-2011, d'affaiblissement relatif de la puissance des Etats-Unis et de tout ce dont nous avons discuté.
Il est vrai que l'Iran le fait en dehors du projet étatsunien pour la région, comme il le fait depuis des décennies. Mais reconnaître le caractère capitaliste de l'Etat iranien signifie que nous devons également être solidaires des mouvements sociaux et politiques progressistes réprimés en Iran, qu'il s'agisse des luttes ouvrières et syndicales (qui restent nombreuses), des luttes des femmes, des luttes du peuple kurde, etc. Ce sont des mouvements que nous, socialistes, devons soutenir, dans le cadre d'une politique anti-impérialiste.
Le point de départ est d'être systématiquement anticapitaliste dans notre façon de penser les Etats et les mouvements, ce qui signifie ne donner aucun soutien politique aux gouvernements capitalistes, quels qu'ils soient et où qu'ils puissent être. Nous pouvons être solidaires des personnes en lutte tout en nous opposant à l'intervention impérialiste sous toutes ses formes, et ne pas réduire les complexités du capitalisme au Moyen-Orient à une sorte de géopolitique manichéenne. (Article-entretien publié sur le site LINKS en date du 31 mars 2025 ; traduction par la rédaction de A l'Encontre)
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“Mission South Africa” : Trump au secours des fermiers blancs “persécutés” d’Afrique du Sud

L'administration américaine précise les contours de son plan d'accueil des Afrikaners, victimes, selon elle, de “discriminations raciales”. Une initiative qui illustre les “priorités” de la nouvelle administration, alors que les États-Unis ferment les programmes d'accueil de migrants.
Tiré de Courrier international. Légende de la photo : Des sud-africains blancs soutenant le président américain, Donald Trump, et le milliardaire sud-africain et américain Elon Musk, lors d'un rassemblement devant l'ambassade américaine à Pretoria, le 15 février 2025. Photo : Marco Longar/AFP
“Mission South Africa” : tel est, d'après The New York Times, le nom du programme élaboré par l'administration américaine dans le but d'accélérer l'accueil de “réfugiés” sud-africains issus de la minorité blanche afrikaner et “victimes de discriminations raciales injustes”, selon le département d'État américain.
Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump s'est employé à fermer les programmes d'accueil de migrants, “rendant quasiment impossible pour des personnes de nombreux pays de chercher refuge aux États-Unis”, rappelle le New York Times. “À une exception près”, souligne le quotidien new-yorkais : les Afrikaners, une minorité sud-africaine blanche issue des premiers colons néerlandais, allemands, français.
Accusant le gouvernement sud-africain de vouloir “saisir les propriétés agricoles de la minorité afrikaner sans compensation”, l'administration américaine annonçait, au début de février, la création d'un statut de réfugié pour cette minorité dont la frange nationaliste fut l'architecte de l'apartheid. Un mois plus tard, les autorités sont passées à la “phase 1” de l'opération : déployer “de multiples équipes pour convertir des bureaux commerciaux à Pretoria, la capitale de l'Afrique du Sud, en centre de réfugiés ad hoc”, selon des documents consultés par le New York Times.
Plus de 8 200 candidatures seraient actuellement étudiées par l'administration américaine, et “100 Afrikaners” potentiellement éligibles au programme ont déjà été identifiés, précise le quotidien. Des chiffres “bien loin” de ceux qui avaient été récemment avancés par la chambre de commerce sud-africaine aux États-Unis, laquelle assurait à la mi-mars que 70 000 Sud-Africains se seraient “montrés intéressés” par l'idée de migrer aux États-Unis, relève le site d'investigation sud-africain Daily Maverick.
“Revendications suprémacistes blanches”
Le 3 avril, un élu républicain à la Chambre des représentants, Troy Nehls, a également déposé une proposition de loi intitulée “Afrikaner Act”, rapporte la presse sud-africaine. Il propose de créer un statut de réfugié prioritaire ouvert aux “résidents sud-africains membres de la minorité caucasienne qui souffrent de persécutions ou qui ont des craintes légitimes de persécution fondée sur leur race, leur ethnie ou leurs ascendances”.
Le gouvernement sud-africain a dénoncé à de multiples reprises la campagne de désinformation de la Maison-Blanche, rappelant notamment que, trente ans après la fin de l'apartheid, la minorité blanche reste, de loin, la plus aisée du pays. S'il est vrai qu'une loi récemment promulguée autorise les expropriations sous certaines conditions, “elle ne vise pas spécifiquement les Afrikaners et offre des protections”, rappelle le média sud-africain Business Tech.
“Le cas sud-africain est important parce qu'il joue un rôle central dans les revendications suprémacistes blanches mondiales. Ces mythologies prétendent que les Sud-Africains blancs, en particulier les Afrikaners, sont le canari dans la mine de charbon : que la prétendue oppression à laquelle ils sont confrontés préfigure ce qui arrivera à tous les Blancs s'ils ne ‘ripostent' pas”, analyse Nicky Falkof, professeur à l'université de Witwatersrand, à Johannesburg, dans une analyse publiée par The Conversation.
La population sud-africaine
“Il n'y a aucun sous-texte ni rien de subtil dans la façon dont la politique migratoire et la gestion des réfugiés de cette administration présente des connotations raciales et racistes évidentes”, estime également la directrice de l'organisation America's Voice, Vanessa Cárdenas, interrogée par le New York Times.
Le média sud-africain Business Tech s'étonne également des approximations du représentant Troy Nehls, qui explique que “les Afrikaners sont des agriculteurs d'origine européenne qui représentent 7 % de la population sud-africaine”. Une définition “complètement ignorante de la démographie de l'Afrique du Sud”, observe le média, qui se voit obligé de rappeler que “tous les Sud-Africains blancs ne sont pas des Afrikaners” et que “tous les Afrikaners ne sont pas des agriculteurs”. En réalité, environ 2,7 millions de Sud-Africains sont afrikaners, soit 4,5 % de la population sud-africaine, calcule Business Tech.
“Les États-Unis sont en train de redéfinir l'Afrique du Sud comme un État paria”, résume le magazine panafricain The Continent. Car un autre texte déposé le 3 avril devant la Chambre des représentants menace de refroidir encore les relations entre Washington et Pretoria. Reprochant au pays sa proximité avec “la Chine, la Russie, l'Iran et les organisations terroristes”, le républicain Ronny Jackson demande un passage en revue des liens entre les États-Unis et l'Afrique du Sud. Il souhaite “donner les outils” au président Donald Trump pour “imposer des sanctions sur les officiels gouvernementaux corrompus sud-africains”.
Courrier international
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