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Pour réaliser la transition socioécologique, reconnaître la réalité économique du secteur privé

https://www.pressegauche.org/IMG/docx/section_1.2_2.docx?53004/51ade314a405523fb7d011ec8f3e16906f3988a532106c475fad8891610619967 octobre, par Bernard Rioux — , ,
Il est important de relire attentivement la section 1.2.2 du « Programme actualisé » proposée pour adoption par le congrès extraordinaire de 2025 de Québec solidaire. Et c'est (…)

Il est important de relire attentivement la section 1.2.2 du « Programme actualisé » proposée pour adoption par le congrès extraordinaire de 2025 de Québec solidaire. Et c'est d'autant plus important que cette section n'est pas présentée dans le Cahier de propositions et qu'elle pourrait être adoptée sans discussion s'il n'y a pas d'amendements à cette partie du Programme actualisé.

En résumé, ce passage de la proposition de programme affirme : que l'entrepreneuriat québécois et les petites et moyennes entreprises (PME) constituent un outil de choix pour l'habitation du territoire et la vitalité économique québécoise ; que le secteur industriel doit être mobilisé vers la transition socioécologique , qu'un gouvernement solidaire rendra l'investissement et l'aide gouvernementale aux entreprises conditionnels à des critères de responsabilité sociale et environnementale stricts ; qu'un gouvernement solidaire cessera d'accorder toute subvention et aide aux entreprises participant au maintien du capital fossile dans l'économie du Québec

Le secteur industriel au Québec, qui comprend majoritairement de PME, est dominé au niveau des investissements les plus stratégiques par les grandes entreprises (minières, forestières, pétrochimiques, métallurgiques) et par les banques. Ces grandes entreprises jouent un rôle déterminant dans l'exploitation des ressources et tiennent en sous-traitance nombre de PME. Une caractérisation de l'entrepreneuriat privé est donc nécessaire à l'établissement de politiques concrètes et différenciées en direction du secteur privé. C'est pourquoi nous suggérons une réécriture de cette section du Programme actualisé. (Pour lire cette section du Programme actualité, cliquez ici)

1.2.2. Reconnaître la structure du secteur privé et des industries

L'entrepreneuriat québécois et les petites et moyennes entreprises (PME) occupent une place essentielle dans l'économie et dans l'occupation du territoire. Souvent locales et familiales, elles répondent à des besoins concrets de la population et incarnent un savoir-faire propre au Québec. Elles représentent aussi un levier important pour la transition socioécologique. Toutefois, leur contribution demeure limitée et un important décalage existe entre l'intention et l'action . Ce dernier s'explique par plusieurs obstacles : manque d'incitations économiques claires, coûts de transition élevés, incertitudes opérationnelles, ainsi que les pressions de la rentabilité, de la compétitivité qui freine leur engagement. Pourtant, certains facteurs favorisent l'implication : la présence d'une expertise environnementale, l'engagement de la direction et des conseils d'administration, ainsi que la pression exercée par les clients, les employés ou encore la réglementation. Ces éléments démontrent qu'avec un environnement économique adéquat, les PME peuvent jouer un rôle beaucoup plus actif.

C'est pourquoi un gouvernement solidaire devrait leur offrir un soutien concret : mesures de protection face à la concurrence déloyale des multinationales subventionnées, réglementation pour limiter la spéculation, accompagnement financier et technique pour l'innovation verte à petite échelle. Ce soutien permettrait aux PME de privilégier les circuits courts, l'économie circulaire et les marchés locaux, tout en renforçant leur capacité à investir dans la transition énergétique.

De plus, pour assurer un véritable fonctionnement démocratique dans ces milieux de travail, il est essentiel de favoriser la syndicalisation des PME. Cela permettrait aux travailleuses et aux travailleurs de participer pleinement aux décisions touchant l'avenir de leur entreprise et de leur région, consolidant ainsi non seulement le tissu économique régional, mais aussi son ancrage social. En combinant consolidation, démocratisation et accompagnement vers la transition, le Québec peut transformer ses PME en acteurs centraux d'un tissu économique diversifié, enraciné dans les communautés, et capable de porter les changements écologiques et sociaux nécessaires.

Mais au-delà de ce tissu local, le secteur industriel et manufacturier est dominé par de grandes entreprises stratégiques, souvent filiales de multinationales étrangères, dans des domaines comme l'aluminium, l'exploitation forestière, l'aéronautique, le papier et les mines. Ces entreprises sont à la fois des émetteurs majeurs de gaz à effet de serre et des acteurs centraux de toute politique industrielle.

Leur logique actuelle de recherche du profit sans toujours tenir compte des limites de la planète, les place en tension avec les impératifs sociaux et écologiques. Pour qu'elles puissent contribuer réellement à la transition, il ne suffit pas de conditionner les aides publiques : il est nécessaire de prendre un contrôle collectif sur ces leviers de production. Cela implique une politique de nationalisation et de socialisation des grandes entreprises stratégiques afin que leurs orientations soient dictées non plus par la logique du marché mondial, mais par les besoins sociaux, écologiques et territoriaux du Québec.

La nationalisation, dans ce cadre, ne se limite pas à un transfert de propriété vers l'État. Elle doit être accompagnée d'une véritable socialisation, c'est-à-dire d'une démocratisation de la gestion des entreprises. La démocratie ne peut s'arrêter aux portes des usines ou des sièges sociaux : elle doit intégrer les travailleuses et travailleurs, ainsi que les citoyennes et citoyens des régions concernées, dans la définition des priorités de production et dans le suivi des pratiques sociales et environnementales. C'est de cette manière que l'on pourra construire une économie réellement planifiée de façon démocratique, tournée vers la satisfaction des besoins collectifs et respectueuse des limites écologiques.

Cette perspective est encore plus urgente face aux industries fossiles et extractives. Ces secteurs, dominés par de grands capitaux privés et intégrés aux marchés mondiaux, constituent le principal bloc de résistance à la transition. Leur modèle d'affaires repose sur l'utilisation et le commerce des hydrocarbures et des ressources non renouvelables, en contradiction frontale avec la lutte contre la crise climatique. Il ne suffit pas de leur imposer quelques contraintes : il faut procéder à la nationalisation de la pétrochimie, des entreprises de distribution de gaz, et des différentes entreprises liées au capital fossile pour en organiser le démantèlement graduel et planifié. Par ce contrôle collectif, il sera possible de mettre fin aux subventions nuisibles, de réorienter les investissements vers les énergies renouvelables et de garantir une transition juste pour les travailleurs et travailleuses de ces secteurs.

Le secteur financier, pour sa part, joue un rôle structurant. Les banques et la Caisse de dépôt continuent de soutenir massivement les énergies fossiles tout en affichant une ouverture opportuniste à l'économie verte. Pour que leur puissance serve réellement la transition, l'État doit imposer des mécanismes de réorientation des capitaux et créer des outils financiers publics et communautaires dédiés. La socialisation des leviers financiers est ici essentielle afin que l'épargne collective, plutôt que d'alimenter la spéculation ou l'extraction destructrice, serve le développement des filières stratégiques de la transition.

Ainsi repensée, la politique industrielle québécoise ne viserait plus à adapter l'économie aux marchés mondiaux, mais à relocaliser la production et à créer des emplois de qualité dans toutes les régions. Son cœur serait la transition socioécologique, portée par des entreprises socialisées, démocratisées et orientées vers le bien commun. Les filières stratégiques à développer sont nombreuses : électrification des transports, matériel roulant pour le transport collectif, équipements d'énergie renouvelable, économie biosourcée, valorisation du bois. En articulant ces secteurs autour de la planification démocratique et du contrôle collectif, le Québec peut construire une économie résiliente, innovante et capable de répondre à la crise climatique tout en renforçant son autonomie économique. Ce tournant créerait les conditions d'une véritable coopération avec les PME du Québec.

La même logique s'applique à la gestion des matières résiduelles. Considérer les surplus comme des déchets à éliminer est l'héritage d'un modèle de surconsommation. Une société solidaire doit tendre vers l'absence de déchets, en appliquant systématiquement le principe d'écoresponsabilité : réutilisation, compostage, consigne et valorisation des matériaux dans les secteurs industriels et commerciaux. Là encore, la démocratisation de la gestion des filières est essentielle pour impliquer les communautés locales, les travailleurs et les travailleuses dans la construction d'un cycle économique soutenable et collectif.

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Semaine d’action et grève étudiante en solidarité avec la résistance palestinienne

7 octobre, par Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC) — , ,
Tiohtià:ke/Mooniyang/Montréal, le 2 octobre 2025 – Le collectif Désinvestir pour la Palestine (D4P) et la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC) lancent un appel à une (…)

Tiohtià:ke/Mooniyang/Montréal, le 2 octobre 2025 – Le collectif Désinvestir pour la Palestine (D4P) et la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC) lancent un appel à une large mobilisation populaire du6 au 12 octobre 2025 en solidarité avec la Palestine. Cette semaine d'action vise à réaffirmer la légitimité de la résistance à la colonisation en Palestine, par tous les moyens nécessaires.

33 associations étudiantes représentant plus de 35 000 étudiant·es ont déjà voté la grève pour les 6 et 7 octobre. 21 associations supplémentaires (40 000 étudiant·es) ont également prévu des assemblées de grève dans les prochains jours. Enfin,71 organisations de la société civile ont appuyé la semaine d'action.

Parmi les actions prévues, D4P et la CLAC organisent une journée d'ateliers axés sur les résistances anticoloniales le 6 octobre de 10h à 17h à l'Université de Montréal ainsi qu'un rassemblement le 7 octobre à 16h00 au Square-Victoria.

Les organisateurs dénoncent l'instrumentalisation de la date du 7 octobre pour justifier le génocide du peuple palestinien. Comme le souligne Benoît Allard, porte-parole du collectif D4P : « la véritable tragédie, c'est qu'on laisse "Israël", l'agresseur, prendre le rôle de la victime, et s'en servir pour poursuivre un génocide colonial ».

La semaine d'action vise à mettre de l'avant la résistance continue du peuple palestinien au projet colonial sioniste. « Le 7 octobre n'a pas seulement mis à nu devant le monde entier l'étendue et l'horreur du projet colonial sioniste, mais il a aussi montré qu'aucun dispositif de contrôle, si brutal soit-il, ne viendra à bout de la résistance palestinienne et de sa lutte de libération », affirme Safa Chebbi, porte-parole du collectif D4P.

En solidarité avec la résistance palestinienne, les organisateurs et leurs alliés réitèrent que le Canada et le Québec doivent cesser immédiatement toute complicité avec le génocide en cours. Ils exigent des sanctions immédiates, un embargo bilatéral sur les armes et le matériel militaire, ainsi que la rupture de tous les liens militaires, économiques, commerciaux, politiques, diplomatiques et culturels avec l'entité coloniale sioniste « Israël ». Cela inclut la fin de l'accord de libre-échange Canada-Israël et la fermeture du bureau du Québec à Tel-Aviv.

L'appel à la semaine d'action fait écho à celui lancé le 20 juillet 2025 par six groupes politiques et organisations de résistance dans la bande de Gaza. Ceux-ci appellent l'ensemble des militant·es solidaires de la lutte de libération du peuple palestinien à travers le monde à intensifier leurs actions pour que leurs gouvernements cessent tout soutien ou complicité avec l'entité sioniste.

Faits saillants

Semaine d'action en solidarité avec la Palestine, du 6 au 12 octobre :
www.clac-montreal.net/semaine

Journée d'ateliers, lundi 6 octobre de 10h à 17h, Université de Montréal :
[www.clac-montreal.net/fr/node/1065
https://www.clac-montreal.net/fr/no...->https://www.clac-montreal.net/fr/node/1075]

Rassemblement Vive la résistance, jusqu'à la libération, mardi 7 octobre à 16h00 Square Victoria : www.clac-montreal.net/fr/node/1075

Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC)

Collectif dédié à la diffusion d'idées et de pratiques anticapitalistes, anti-oppressives, anti-autoritaires et décoloniales. La CLAC se veut un espace d'organisation collective non hiérarchique pour les mouvements qui luttent contre la violence de l'État et du capital à Tiohtià:ke/Mooniyang/Montréal et ses environs.

Site web : www.clac-montreal.net/semaine

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Quand la folie a le dos large

7 octobre, par Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ), Ligue des droits et libertés – section de Québec (LDL-QC), Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec (RRASMQ) — , ,
Intitulée Quand la folie a le dos large, cette déclaration déplore une tendance à instrumentaliser des peurs sociales autour de la santé mentale. MONTRÉAL, le 3 octobre (…)

Intitulée Quand la folie a le dos large, cette déclaration déplore une tendance à instrumentaliser des peurs sociales autour de la santé mentale.

MONTRÉAL, le 3 octobre 2025 - Trois organisations majeures en défense des droits et pour l'Alternative en santé mentale — l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ), le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec (RRASMQ), et la Ligue des droits et libertés (LDL) — ont lancé une déclaration commune le 16 septembre dernier pour dénoncer une dérive inquiétante dans la réforme annoncée de la Loi P-38 par le ministre Carmant.

Intitulée Quand la folie a le dos large, cette déclaration déplore une tendance à instrumentaliser des peurs sociales autour de la santé mentale pour justifier un élargissement des mesures coercitives, telles que les hospitalisations et les soins forcés. Elle compte déjà 500 appuis individuels et collectifs, dont 17 organisations nationales, telles que le Regroupement des organismes de défense de droits collectifs, le Réseau québécois de l'action communautaire autonome, la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes, le FRAPRU et la CSN. On compte aussi au nombre des signataires des organismes féministes, en itinérance, pour la communauté LGBTQ+, en déficience intellectuelle, pour les personnes neuroatypiques, pour la lutte à la pauvreté et en immigration. Les appuis individuels sont tout aussi diversifiés : des professionnel·les de la santé, en droit, en travail social, des chercheur·es, des travailleur·euses du communautaire et plusieurs citoyen·es.

« La Loi P-38 devait être une mesure exceptionnelle, mais elle est déjà utilisée plus de 20 000 fois par an. On constate des abus, des décisions arbitraires, et une confusion entre dangerosité réelle et marginalité sociale. Ce n'est pas la loi qu'il faut élargir, mais les ressources pour accompagner les personnes en détresse », affirment les signataires.

La déclaration souligne que la réforme proposée va bien au-delà de la seule Loi P-38 : elle s'inscrit dans un glissement plus large vers l'utilisation de la psychiatrie comme outil de contrôle social, notamment envers des populations déjà stigmatisées. On craint ainsi que les personnes déjà en marge de la société soient davantage hospitalisées de force, sous le couvert d'une nécessité de soins, dans un système psychiatrique dont les pratiques peuvent être profondément traumatisantes. On assisterait à une centralisation du pouvoir dans l'appareil médico-légal, aux dépens des approches humaines et volontaires.

Les signataires de la déclaration appellent le gouvernement à renoncer à cette logique répressive et à plutôt investir dans la prévention, le soutien communautaire et les droits humains, comme le recommandent l'OMS et le Haut-Commissariat aux droits de l'homme.

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4 octobre – Journée nationale de commémoration pour les femmes, filles et personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinées

7 octobre, par Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL — , ,
Chaque 4 octobre, nous honorons celles qui nous ont été arrachées et réaffirmons notre devoir de mémoire et de justice. En ce jour, l'Assemblée des Premières Nations (…)

Chaque 4 octobre, nous honorons celles qui nous ont été arrachées et réaffirmons notre devoir de mémoire et de justice.

En ce jour, l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) se joint aux familles, aux communautés et aux alliés pour commémorer les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinées.

Cette journée de vigile est un moment de mémoire et de solidarité. Elle rappelle une réalité tragique : les femmes et filles autochtones représentent toujours 24 % des victimes d'homicide au Canada, alors qu'elles ne constituent que 4 % de la population féminine.

L'APNQL réaffirme son soutien aux familles et aux survivantes et rappelle l'importance de mettre en œuvre les appels à la justice de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, afin de mettre fin aux violences systémiques touchant l'ensemble de nos communautés.

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Mon OSBL n’est pas un lobby

7 octobre, par Mon OSBL n'est pas un lobby — , ,
Depuis plusieurs années, le commissaire au lobbyisme du Québec tente d'assimiler tous les OSBL à des lobbyistes. Malgré ces tentatives et grâce à des énergies considérables de (…)

Depuis plusieurs années, le commissaire au lobbyisme du Québec tente d'assimiler tous les OSBL à des lobbyistes. Malgré ces tentatives et grâce à des énergies considérables de la part des OSBL, aucun gouvernement n'a encore cédé à ses demandes. Par contre, le ministre responsable des institutions démocratiques a l'intention d'ouvrir la Loi avant la fin de son mandat en octobre 2026, tandis que le commissaire a rédigé un projet de loi.

La coalition Mon OSBL n'est pas un lobby regroupe près de 150 organismes à but non lucratif, dont L'R des centres de femmes du Québec, qui s'opposent à l'idée d'être assujettis à la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme. Celle-ci doit encadrer la recherche de profits ou de bénéfices, ce que ne font pas les OSBL. Ce n'est pas leur nature ni leur manière de faire des activités de représentation au nom de leurs membres.

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Luttes queer contre l’offensive transphobe : retour sur la mobilisation à New York

7 octobre, par Danielle Bullock, Eric Fretz, Keegan O'Brien — , ,
Dans cet article, Danielle Bullock, Eric Fretz et Keegan O'Brien, trois militant·es basé·es à New York, reviennent sur l'organisation des ripostes locales aux attaques (…)

Dans cet article, Danielle Bullock, Eric Fretz et Keegan O'Brien, trois militant·es basé·es à New York, reviennent sur l'organisation des ripostes locales aux attaques anti-trans de l'administration Trump, en particulier dans les écoles et les hôpitaux.

Tiré de la revue Contretemps
30 septembre 2025

Par Danielle Bullock, Keegan O'Brien et Eric Fretz

L'offensive implacable de Trump contre les personnes transgenres est l'une des caractéristiques de son second mandat. Comme toutes ses récentes attaques contre les libertés civiles, l'offensive contre les personnes transgenres a été rapide et spectaculaire dès les premiers mois de sa présidence. Depuis son entrée en fonction, le président a signé cinq décrets visant les personnes transgenres, leurs soins de santé, leur éducation et leur capacité à participer à la vie publique.

L'intensification soudaine de ces attaques a semé l'inquiétude jusque chez les personnes trans vivant à New York (NYC), pourtant considérée depuis longtemps comme un bastion de résistance queer et trans, ainsi qu'un refuge relatif face à l'agenda transphobe de la droite qui déferle sur le pays depuis plusieurs années. À NYC, les soins d'affirmation de genre sont disponibles à la fois dans les hôpitaux publics et privés ; les règlements scolaires publics de la ville et de l'État protègent explicitement les droits des jeunes trans, et les agences municipales sont encadrées par une politique anti-discrimination trans-inclusive. Plus récemment, le conseil municipal a adopté une législationambitieuse visant à renforcer les droits des communautés trans et non-binaires.

Il faut cependant se rappeler que ce statut protecteur est le fruit de luttes. En 1969, New York était une ville dangereuse pour les jeunes queer, et le Christopher Street Park, dans le West Village, n'offrait qu'un abri précaire face aux violences et aux abus dont étaient victimes les jeunes LGBTQ+ dans l'espace public. L'explosion a eu lieu cet été-là, le 28 juin, lors d'une descente de police au Stonewall Inn, un bar gay de Greenwich Village [1]. À l'époque, les descentes de police dans les bars homosexuels étaient courantes, et les clients pouvaient être arrêtés sur la base de fausses accusations, comme la contrebande d'alcool ou le trouble à l'ordre public. Mais cette nuit-là, les choses ont basculé : au lieu de se disperser comme à l'accoutumée, les personnes présentes ont résisté, et c'est ainsi qu'a débuté la révolte de Stonewall, une émeute de six jours.

Bien entendu, Stonewall n'a pas transformé d'un coup le quotidien de tou·te·s. Le Gay Liberation Front (GLF) [2] fut fondé quelques semaines plus tard, et la Christopher Street Liberation March, organisée un an après les émeutes, rassembla des milliers de personnes. Mais les plus vulnérables de la communauté queer — personnes trans, racisé·es, lesbiennes, travailleur·euses du sexe, personnes sans-abri — furent en grande partie marginalisé·es par le mouvement dominant. Sylvia Rivera(1951-2002) et Marsha P. Johnson (1945-1992) fondèrent les Street Transvestite Action Revolutionaries (STAR) [3], un collectif qui offrait logement, nourriture, assistance juridique, et surtout un espace politique radical pour les personnes trans. « STAR, c'était pour les jeunes queer des rues, souvent sans-abri, pour toutes celles et ceux qui avaient besoin d'aide à ce moment-là », se souvenait Sylvia Rivera dans une interview avec Leslie Feinberg [4].

Malgré les avancées importantes obtenues par les personnes queer de New York au cours des 55 années qui ont suivi Stonewall, même la relative sécurité de la ville a été remise en cause par les décrets de Trump. Mais, comme en 1969, les personnes queer ne se laisseront pas faire sans se battre. Quelques jours après le premier décret anti-trans de Trump, des manifestations ont été organisées et les personnes transgenres et leurs alliés ont commencé à se rassembler en grand nombre pour manifester leur opposition à New York et ailleurs. Pour développer et soutenir cette opposition, il est important que les militant·es retracent le déroulement de la lutte jusqu'à présent et en tirent les leçons.

Pourquoi les écoles sont-elles si importantes dans la lutte pour les droits des personnes trans ?

Sans surprise, les attaques de Trump contre les personnes trans se sont principalement concentrées sur les services publics — en particulier les écoles publiques. Ces dernières ont toujours été un terrain de lutte, mais les enjeux n'ont jamais été aussi cruciaux qu'aujourd'hui. Nous avons assisté à des attaques contre le Département fédéral de l'Éducation, contre les initiatives DEI (diversité, équité, inclusion) dans les écoles à travers tout le pays, et même contre des enseignant·es individuellement, accusé·es de soutenir les élèves trans et non-conformes aux normes de genre.

Jusqu'à présent, le responsable du système scolaire new-yorkais (Chancellor) a affirmé que les écoles publiques resteraient un refuge sûr pour les personnes trans et queer, en particulier les jeunes. Mais les militant·es savent qu'il faut rester en alerte. Cette vigilance est d'autant plus nécessaire dans le contexte du contrôle direct du système scolaire par le maire. Début avril, un juge fédéral a prononcé l'abandon de toutes les charges de corruption contre le maire de New York, Eric Adams — une décision prise à la demande du ministère de la Justice, qui a fait valoir qu'Adams ne pouvait pas mettre en œuvre les « politiques et initiatives fédérales en matière d'immigration » tant que ces accusations étaient maintenues. Avec un maire désormais acquis à Trump, les jeunes trans et leurs allié·es s'interrogent : combien de temps faudra-t-il avant qu'Adams n'exige des changements dans la politique scolaire de la ville, au détriment des élèves les plus vulnérables — les enfants trans, mais aussi les élèves immigré·es, en situation de handicap ou racisé·es ?

L'école, un deuxième foyer ?

On considère souvent que l'école est un « second foyer » pour les élèves — mais ce n'est pas toujours vrai pour les jeunes trans. Il est certain que les écoles de New York bénéficient de protections absentes dans de nombreuses autres régions du pays. Le règlement du Département de l'Éducation de la ville garantit un environnement sûr et bienveillant pour tous les élèves ; les enseignant·es queer peuvent, dans l'ensemble, être ouvertement queer au travail ; des alliances genre et sexualités, GSA (Gender and Sexuality Alliances) [5] peuvent exister dans tout établissement qui en organise une ; et les programmes scolaires sont censés intégrer une approche inclusive envers les personnes LGBTQ+. Mais au-delà de ces politiques générales, il reste difficile, au cas par cas, d'évaluer si chaque établissement scolaire est réellement un espace sûr pour les élèves LGBTQ+. Selon un rapport sur le climat scolaire publié en 2019 par le GLSEN, les écoles new-yorkaises n'étaient pas toujours sûres pour les élèves LGBTQ, 54 % des élèves trans ne pouvaient pas utiliser les toilettes correspondant à leur genre, et 36 % se voyaient interdire l'usage de leur prénom ou de leurs pronoms choisis à l'école.

Les décrets présidentiels de Trump n'ont fait qu'accentuer ces disparités. Ses attaques à l'échelle nationale contre les groupes les plus vulnérables constituent également une menace pour les enseignant·es, les élèves et l'intégrité du système éducatif new-yorkais. Dans un contexte fédéral de permissivité vis-à-vis des discriminations et de la violence envers les personnes trans, les responsables et les enseignant·es des écoles de NYC subissent moins de pression pour faire respecter les droits et la sécurité des élèves trans. Les enseignant·es en poste qui encadrent les GSA, qui créent des espaces sûrs pour les élèves et qui s'opposent aux pratiques scolaires discriminatoires sont désormais confronté·es à des défis nouveaux et parfois dangereux. Les écoles de NYC sont un terrain de lutte, et les enseignant·es sont en première ligne — engagé·es à faire en sorte que chaque élève se sente en sécurité, pour que chaque élève puisse apprendre.

Les attaques contre les jeunes transgenres de New York dans le deuxième district de Manhattan

Comme le rapporte le magazine Tempest, des membres du Community Educational Council (CEC)[6] du District 2 de Manhattan, soutenus par le groupe conservateur Moms for Liberty,[7] mènent une véritable offensive contre la jeunesse trans à New York — mais les enseignant·es et les membres de la communauté ne se laissent pas faire. Depuis mars 2024, élèves, parents et allié·es mènent une mobilisation continue depuis 15 mois contre une résolution transphobe votée par ce CEC à majorité conservatrice : la résolution 248 [8]. Ce texte recommande au Département de l'Éducation de NYC de revenir sur sa politique autorisant les jeunes trans à participer aux équipes sportives correspondant à leur genre. Bien que cette recommandation n'ait pas de valeur contraignante, les élèves trans et leurs soutiens se sont rapidement mobilisé·es pour la contester.

Depuis mars 2024, des centaines de militant·es, de parents et d'habitant·es en colère se rassemblent chaque mois aux réunions du CEC du District 2 pour exiger l'abrogation de la résolution 248. Les collectifs. Aunties and Friends for Liberation et Trans Formative Schools sont mobilisés depuis un an pour combattre la transphobie, avec des interventions et des actions soigneusement préparées lors des réunions mensuelles. Ils ont également organisé une liste de parents du District 2 pour affronter les candidat·es d'extrême droite et les évincer lors des élections du printemps 2025. Le CEC du District 2 a pris un virage fortement réactionnaire avec l'élection de Maud Maron, membre de Moms for Liberty, et de ses allié·es, qui ont plongé le Conseil dans le chaos et la crise.

Le 10 avril, une lettre adressée à Melissa Avilés-Ramos, chancelière des écoles publiques de la ville de New York, a été signée par de nombreux·ses élu·es new-yorkais·es. Elle dénonçait l'absence flagrante de démocratie et les manœuvres de manipulation du règlement interne utilisées lors des réunions du CEC du District 2 — manœuvres destinées à empêcher les militant·es d'abroger la résolution haineuse. Cette lettre appelait la chancelière à enquêter sur le fonctionnement de l'organisme et à faire appliquer les lois garantissant la transparence des réunions publiques. Elle dénonçait avec force les comportements de certain·es membres du CEC D2, accusé·es de compromettre le fonctionnement du conseil, de trahir la confiance du public et de fouler aux pieds les principes élémentaires de gouvernance démocratique.

En échangeant avec les enseignant·es et les élèves lors de la réunion du CEC du District 2 en avril, un sentiment revenait constamment : la frustration et la défiance. Les élèves trans exprimaient leur désir de se sentir en sécurité et reconnus à l'école. « En tant qu'élève trans, ce dont j'ai besoin pour me sentir en sécurité, à l'aise et heureux·se à l'école, c'est de voir des adultes trans dans mon établissement. C'est quelque chose d'absolument crucial pour moi. J'avais un·e enseignant·e trans qui a quitté l'école, mais iel a joué un rôle essentiel dans le début de ma transition — iel m'a littéralement sauvé la vie », a déclaré Mina, 17 ans, élève et militante.

Les actions mensuelles ont aussi renforcé l'engagement des allié·es.

« Je pense qu'il ne faut pas sous-estimer les petits gestes, mais reconnaître que ça ne suffit plus », explique Auggie, autre militant·e trans impliqué·e dans le collectifAunties and Friends for Liberation. « Il faut être prêt·e à se battre pour la sécurité des enfants trans, parce que je sais qu'au fond de vous, si un enfant était en danger, vous voudriez vous interposer entre lui et ce danger. Donc ça va au-delà du fait de mettre ses pronoms dans sa signature mail. » [9]

Les manifestations mensuelles sont massives, dynamiques et porteuses d'espoir. Elles montrent qu'il est possible de construire une mobilisation durable, avec la participation croissante de personnes trans, de parents et d'activistes. C'est une force collective qui se renforce mois après mois, un message clair aux membres conservateurs du CEC : nous ne partirons pas sans nous battre.

L'ambiance est à la fête et à la solidarité lorsque les participant·es se rassemblent pour entrer ensemble dans la grande salle de l'école. La convergence avec d'autres luttes est forte. Il n'est pas rare d'apercevoir de nombreux keffiehs dans l'assemblée, et les témoignages publics font souvent le lien avec les droits des personnes migrantes ou en situation de handicap. Participer à ces réunions est source d'émancipation. Le mouvement grandit, notamment avec la participation active de parents qui ont décidé de se présenter face aux élu·es conservateurs. Les élections aux CEC à l'échelle de la ville se sont tenues le 13 mai, et les résultats doivent être annoncés d'ici la fin du mois. Les militant·es espèrent que leur longue bataille contre la résolution 248 aura un impact décisif sur l'issue du scrutin.

La mobilisation dans le District 2 montre que, même dans un moment politique hostile et réactionnaire, il est possible de mener des luttes offensives.

Réagir à l'annulation des soins d'affirmation de genre

Les hôpitaux sont un autre service public pris pour cible par la croisade anti-trans de Trump. En réponse à un décret présidentiel menaçant de suspendre les financements fédéraux aux hôpitaux qui fournissent des soins d'affirmation de genre aux mineur·es, plusieurs établissements privés, dont NYU Langone Health[10], ont annulé de manière préventive leurs rendez-vous pour les enfants trans. L'hôpital NYU Langone jouait un rôle crucial pour de nombreuses personnes, en particulier pour les jeunes trans en quête de soins, comme les thérapies hormonales ou les bloqueurs de puberté. Mais à la suite du décret de Trump, la clinique a discrètement annulé tous les rendez-vous de soins d'affirmation de genre [11] pour les mineur·es de 17 ans et moins.

En réaction, les Democratic Socialists of America (DSA) de New York ont organisé un rassemblement d'urgence le 3 février, pour exiger la reprise immédiate des soins à l'hôpital. Environ deux mille personnes se sont réunies dans St. Vartan's Park, près du site de NYU Langone à Murray Hill. Parmi les intervenant·es figuraient des élèves trans, des militant·es, des personnalités et des représentant·es syndicaux·ales, notamment du syndicat NYU Contract Faculty United (CFU-UAW local 7902) [12], ainsi que le Dr Michael Zingman, psychologue spécialiste des enfants et adolescents à NYU, engagé au sein du Committee of Interns and Residents (CIR-SEIU) [13].

La rabbin Abby Stein [14], de l'organisation Jews for Racial and Economic Justice, a évoqué sa congrégation accueillante envers les personnes trans, tandis que l'actrice Cynthia Nixon exprimait ses inquiétudes pour sa propre famille queer. La militante noire trans locale Qween Jean Johnson a rattaché la lutte à d'autres causes queer, promettant de ne jamais cesser de lutter jusqu'à la victoire.

La présence syndicale était particulièrement visible, notamment celle de l'UAW, dont les membres arboraient le symbole en forme de roue dentée, immédiatement reconnaissable.

Le parc St. Vartan's est en retrait de la rue, et seule la partie centrale était éclairée au moment où le rassemblement a commencé. Après les prises de parole des élues Tiffany Cabán (conseillère municipale DSA) et Kristen Gonzalez (sénatrice DSA de l'État de New York), l'animateur·rice a réaffirmé que DSA poursuivrait le combat et a invité les participant·es à rejoindre l'organisation.

Cependant, aucune invitation n'a été faite à constituer une coalition plus large, ni à proposer des formes d'engagement pour celles et ceux ne souhaitant pas adhérer à la DSA — qu'ils viennent de la gauche ou d'ailleurs. Pourtant, la manifestation était un exemple concret de collaboration entre divers courants militants, qui aurait pu être prolongé sous une forme organisationnelle durable.

Nombreux·ses étaient celles et ceux qui voulaient marcher jusqu'aux portes de l'hôpital, mais le NYPD (la police de New York) l'a interdit, invoquant le nombre trop important de manifestant·es pour occuper les trottoirs. Heureusement, Jay W. Walker [15] de Reclaim Pride a lancé des slogans et conduit la foule sur le trottoir longeant la Première Avenue, derrière une longue ligne de policiers.

Après une brève altercation entre policiers et manifestant·es, la marche a avancé le long de l'avenue, face aux entrées de l'hôpital, scandant : « Shame on you, NYU ! » et « When trans kids are under attack… stand up, fight back ! » (« Honte à toi, NYU ! » / « Quand les enfants trans sont attaqué·es… levons-nous, résistons ! »)

Le jour même de la manifestation, on apprenait que d'autres hôpitaux de la ville s'alignaient sur la politique de Trump avant même tout retrait effectif de financement fédéral. Mais quelques jours plus tard, la procureure générale de l'État de New York, Letitia James, a publié une déclaration rappelant aux hôpitaux qu'ils enfreignaient la loi de l'État en refusant des soins aux mineur·es trans. Des actions similaires ont eu lieu devant des hôpitaux en Arizona, à Chicago, au Colorado, à Los Angeles et en Virginie, où les soins aux jeunes trans avaient également été suspendus temporairement.

Cinq jours plus tard, une foule encore plus nombreuse s'est rassemblée à Union Square, à Manhattan, pour la manifestation « Rise Up For Trans Youth » (Debout pour les jeunes trans) à l'appel du Gender Liberation Movement, [16]d'ACT UP-NY et de Trans Formative Schools.

La jeunesse y était très présente, même si la visibilité syndicale y était moindre que lors du premier rassemblement. Zohran Mamdani, député DSA à l'Assemblée de l'État de New York et candidat à la mairie de New York, y a participé, aux côtés de nombreux·ses intervenant·es trans.

Eliel Cruz, du Gender Liberation Movement, a rappelé que New York se soucie de sa jeunesse trans, et que les quelques responsables politiques cherchant à les diaboliser ou à leur retirer l'accès aux soins ne représentent pas la majorité. Il s'est dit convaincu que les hôpitaux finiraient par céder.

Une mère d'une fillette trans de six ans a été ovationnée lorsqu'elle a lancé à la foule : « Nos enfants sont en première ligne des grands combats de notre époque… Ils se battent pour vous, alors vous battrez-vous pour eux ? »

Organisation du mouvement pour la libération des genres

Une initiative coordonnée visant à fusionner les luttes pro-queer et pro-transgenres est visible dans le mouvement pour la libération de genre (GLM) récemment formé, qui a organisé sa première série d'appels massifs le 27 janvier. L'appel a rassemblé environ 900 participants lors de sa première réunion virtuelle, et la participation aux appels est restée élevée depuis. Cette forte participation reflète l'indignation et l'horreur généralisées ainsi que le sentiment d'urgence parmi un nombre important de militants, nouveaux et chevronnés.

Pour replacer l'organisation du GLM dans son contexte historique, il est important de rappeler qu'il y a encore dix ou quinze ans, les droits des personnes transgenres étaient relégués à la marge du mouvement LGBT traditionnel. Au cours de l'été 2020, une grande marche pour la libération des personnes transgenres à Brooklyn, au plus fort du soulèvement Black Lives Matter (BLM), a donné naissance au GLM, marquant une avancée qualitative et un tournant dans le mouvement pour les droits des personnes transgenres.

Ces développements ont été l'aboutissement de plusieurs facteurs convergents dans le paysage post-égalité du mariage et ont représenté une radicalisation du mouvement queer vers l'intégration des questions de libération du genre et d'autonomie corporelle, de justice raciale et économique, d'impérialisme (principalement la solidarité avec la Palestine) qui, jusqu'à récemment, étaient des points de discorde et des sources de division extrême.

Pratiquement tous les groupes LGBT traditionnels se sont transformés en entreprises ou se sont concentrés sur un modèle d'organisation de type ONG. Depuis la fin des années 1980 et le début des années 1990, toute forme de protestation ou de stratégie de construction de mouvements populaires a été rejetée au profit de la collecte de fonds et du lobbying.

Le fait qu'un groupe se soit formé pour tenter de construire un mouvement pour la libération des personnes trans et queer, basé sur la remise en question des deux partis politiques et centré sur une stratégie de protestation et d'activisme populaire, constitue une avancée importante. La capacité des organisateurs à sortir du modèle ONG et à créer des espaces d'organisation ouverts et démocratiques, offrant aux nouveaux militants la possibilité de débattre, d'élaborer des stratégies et de devenir des leaders actifs dans l'orientation de la lutte, déterminera si cet élan se transformera en un mouvement durable.

Compte tenu des efforts concertés de Trump et de la classe dirigeante pour écraser et faire reculer de manière agressive les différents mouvements sociaux des années 2010, et du degré incroyable auquel beaucoup ont été absorbés par le Parti démocrate au cours des quatre dernières années (le contraste entre l'ampleur des manifestations lors de l'investiture de Trump en 2017 et en 2025 en dit long), le fait que de nouvelles organisations militantes cherchent activement à construire une résistance renouvelée en dehors des limites de l'électoralisme traditionnel et s'efforcent délibérément de mettre au premier plan la libération des Palestiniens, la solidarité syndicale, l'antiracisme et la justice économique comme éléments centraux d'une vision plus large et plus complète de la libération des personnes queer et trans est significatif.

Cette évolution démontre à quel point Trump et les secteurs du capital qu'il représente, qui mènent une attaque frontale contre notre classe, les peuples opprimés et la gauche, n'ont pas réussi à anéantir complètement les acquis idéologiques de notre camp ni à briser toutes les formes de résistance qu'il a accumulées au cours des quinze dernières années. Une fois encore, la capacité de ce nouveau mouvement à construire le pouvoir social disruptif nécessaire pour obtenir des victoires matérielles durables dépendra de la capacité des organisateurs à dépasser le modèle des ONG qui a dominé la gauche tout au long de l'ère néolibérale et à construire des espaces d'organisation ouverts et démocratiques qui favorisent la discussion et le débat critiques et facilitent le développement de nouveaux leaders et combattants organiques du mouvement.

Une prochaine étape importante dans le développement de cette nouvelle résistance consiste à soutenir, dans la mesure du possible, l'organisation par les membres, au niveau local et national, comme alternative aux approches des ONG, de leurs employés et des approches descendantes. Même les actions spectaculaires, conçues pour attirer l'attention des médias, négligent parfois l'organisation quotidienne et la construction d'une base, qui sont pourtant si nécessaires à l'heure actuelle.

Contrairement à ceux qui affirment que les gens sont « épuisés » par les manifestations et qu'il faut trouver des moyens plus « créatifs » de résister, beaucoup de gens sont aujourd'hui déçus par le Parti démocrate et ont clairement conscience que les démocrates sont tout aussi responsables de la situation actuelle. Ils sont furieux que le parti ait abandonné les questions transgenres lors des dernières élections.

Ces conclusions offrent l'occasion de changer d'approche par rapport à la forme courante d'organisation que l'on trouve aujourd'hui, où un petit nombre de personnes prennent des décisions en coulisses et où les manifestations sont censées être spectaculaires et étroitement orchestrées pour cibler les politiciens, plutôt que d'encourager et d'organiser davantage les masses populaires à s'auto-organiser. L'accent mis sur la première approche peut limiter le degré d'implication de nouvelles personnes dans l'organisation et la construction de nouvelles infrastructures de résistance.

Dans l'ensemble, l'organisation et les actions menées dans les écoles de New York, ainsi que le refus de laisser les administrateurs hospitaliers de New York et d'ailleurs tourner le dos aux jeunes transgenres, témoignent d'importantes luttes offensives. Des organisations telles que le Mouvement de libération de genre pourraient être en mesure d'étendre l'influence des militants et d'assurer leur cohésion sur ces fronts de lutte apparemment disparates. Notre résistance ne doit pas reposer uniquement sur les tribunaux ; une résistance active est possible même dans les moments politiques les plus hostiles.

*

Danielle Bullock est artiste visuelle queer et enseignante dans une école publique de Brooklyn. Militante syndicale, elle dirige une section locale du syndicat des enseignant·es (UFT) et milite au sein du courant progressiste MORE (Movement of Rank-and-File Educators). Elle est également membre du collectif socialiste Tempest.

Eric Fretz est militant socialiste à New York. Ancien membre d'ACT UP, il a ensuite participé à la création d'un syndicat au sein de l'organisation Housing Works, un réseau d'assistance aux personnes précaires et séropositives à New York. Il écrit régulièrement pour Marx21US.org et la revue International Socialism.

Keegan O'Brien est activiste queer, enseignant dans le public et militant syndical à Brooklyn. Il est membre du collectif Tempest et ses articles ont été publiés dans Spectre Journal, Teen Vogue et Jacobin.

Cet article a été initialement publié sur le site du collectif socialiste étatsunien Tempest. Traduction de l'anglais (États-Unis) pour Contretemps par Christian Dubucq.

Notes

[1] L'émeute de Stonewall, survenue en juin 1969 à New York, est considérée comme l'un des événements fondateurs du mouvement LGBTQ+ contemporain. Elle a été menée notamment par des personnes trans racisées comme Marsha P. Johnson et Sylvia Rivera.

[2] Le GLF est l'un des premiers mouvements organisés de libération homosexuelle aux États-Unis, né dans la foulée de Stonewall. Il a inspiré de nombreux collectifs en Europe, notamment en France (FHAR, puis CUARH). Il prône une rupture radicale avec les normes hétéropatriarcales et le capitalisme, en opposition aux approches assimilationnistes.

[3] STAR (Street Transvestite Action Revolutionaries) est un collectif fondé en 1970 à New York. Il est souvent cité comme l'une des premières organisations trans radicales, centrée sur les personnes trans, racisées, pauvres et sans-abri.

[4] Leslie Feinberg (1949–2014) était une figure majeure du marxisme queer aux États-Unis, auteur·ice de Stone Butch Blues (1993) et militant·e trans dans le Workers World Party.

[5] Les Gender and Sexuality Alliances (anciennement Gay–Straight Alliances, GSA) sont des associations étudiantes créées et dirigées par des élèves aux États-Unis. Elles rassemblent des jeunes LGBTQ+ et leurs allié·es pour offrir un espace sûr, favoriser le soutien mutuel et lutter contre l'homophobie et la transphobie dans les établissements scolaires.

[6] Les Community Education Councils sont des conseils locaux d'éducation publique à New York, composés principalement de parents d'élèves, élus à l'échelle des districts scolaires. Bien qu'ils n'aient pas de pouvoir décisionnel contraignant, ils émettent des recommandations et peuvent influencer la politique éducative locale.

[7] Moms for Liberty est une organisation d'extrême droite fondée en Floride en 2021. Se présentant comme un groupe de défense des « droits parentaux », elle est en réalité active dans les campagnes contre les droits des personnes LGBTQ+, contre les programmes scolaires sur le racisme ou le genre, et soutenue par le mouvement trumpiste.

[8] Résolution adoptée en mars 2024 par le CEC du District 2 de Manhattan, visant à recommander l'exclusion des élèves trans des équipes sportives correspondant à leur identité de genre. Bien que symbolique, elle s'inscrit dans une vague de mesures anti-trans aux États-Unis.

[9] Aux États-Unis, il est courant dans les milieux progressistes d'indiquer ses pronoms de genre (par ex. she/her, they/them) dans sa signature électronique comme geste de reconnaissance et de respect de la diversité des identités de genre.

[10] Grand réseau hospitalier privé affilié à l'université de New York (NYU), réputé pour ses soins spécialisés, dont des traitements d'affirmation de genre pour mineur·es trans.

[11] Ensemble de soins médicaux, psychologiques et sociaux destinés à accompagner les personnes trans dans leur transition. Cela inclut notamment les bloqueurs de puberté, les traitements hormonaux, le soutien psychologique, etc.

[12] Syndicat représentant les enseignant·es contractuel·les de NYU, affilié à l'Union UAW (United Auto Workers). Ce syndicat participe activement aux luttes sociales et queer à New York.

[13] Syndicat national regroupant les internes et résident·es en médecine (médecin·es diplômé·es en formation spécialisée), affilié au syndicat SEIU (Service Employees International Union). Présent à NYU, il défend les droits des soignant·es et des patient·es.

[14] Militante trans juive orthodoxe, première femme trans issue d'une communauté hassidique à être visible publiquement. Engagée pour les droits LGBTQ+ et les justices sociale et raciale.

[15] Activiste queer new-yorkais, cofondateur de Reclaim Pride Coalition, un collectif militant qui a relancé la Queer Liberation March en opposition à la dérive commerciale de la Pride officielle.

[16] Mouvement militant émergent aux États-Unis visant l'émancipation des personnes trans et non-binaires, en particulier la jeunesse, à travers l'accès à la santé, à l'éducation et à la justice sociale.

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Un marxisme classique et queer

7 octobre, par Peter Drucker — ,
À l'occasion de la parution en anglais du livre d'Alan Sears Eros and alienation, Peter Drucker aborde les relations entre marxisme, aliénation et sexualité. Tiré de (…)

À l'occasion de la parution en anglais du livre d'Alan Sears Eros and alienation, Peter Drucker aborde les relations entre marxisme, aliénation et sexualité.

Tiré de Inprecor
4 octobre 2025

Pendant les quinze dernières années, qui ont vu le développement du marxisme queer, Alan Sears a été constamment présent et ce avant même que le marxisme queer ne prenne forme. Il a engagé un dialogue constructif avec toutes les figures de proue de ce courant et leurs différentes approches, depuis l'application inédite par Kevin Floyd du concept de réification de Georg Lukács au genre et à la sexualité, jusqu'à mon approche pour la périodisation du capitalisme et ses différentes « formations homosexuelles », en passant par l'utilisation par Holly Lewis de la théorie de la reproduction sociale pour mettre en lumière le rôle des corps genrés et en particulier des corps transgenres (1).

Depuis le début du 21e siècle, Sears lui-même a toujours lié l'étude de la sexualité aux fondements du marxisme. Il a exploré les implications sexuelles du néolibéralisme dans la « dérégulation morale ». Il a montré comment les luttes pour la libération sexuelle font partie intégrante du processus de fondation de la « nouvelle gauche », après le déclin des gauches des années 1920/1930 et 1960/1970 (2). Il a également mis de plus en plus en avant son inspiration auprès des chercheur·ses queer racisé·es, en mettant l'accent particulièrement sur le militantisme et la théorie autochtones au Canada. Tout au long de son œuvre, il s'est distingué par son engagement indéfectible en faveur d'un marxisme classique mais contemporain.

Alienation

Le dernier ouvrage de Sears constitue sa contribution majeure au marxisme queer à ce jour. Il évoque dans son titre l'ouvrage toujours crucial d'Herbert Marcuse, Éros et civilisation (3), et mérite de figurer à ses côtés. Le livre de Sears affiche ses références classiques en mettant l'accent sur l'aliénation. Malgré l'importance de l'aliénation dans l'œuvre de Marx, ce concept a été éclipsé par les 2e et 3e internationales. Il a refait surface dans les débats marxistes du milieu du 20e siècle, dans le cadre des efforts visant à dépasser la social-démocratie et le stalinisme, en particulier après la redécouverte du jeune Marx. Il est toutefois resté controversé, notamment en raison de l'insistance de Louis Althusser sur le fait que ce concept serait antérieur à la « coupure épistémologique » (4) de Marx et n'avait pas sa place dans la pensée scientifique mature de Marx. Si Sears n'aborde pas ces anciens débats marxologiques, il défend implicitement une vision de l'aliénation comme élément central de l'ensemble de l'œuvre de Marx, y compris dans Le Capital lui-même.

Alors que les discussions marxistes passées sur l'aliénation étaient principalement philosophiques – concernant l'aliénation des êtres humains par rapport à la nature et les un·es par rapport aux autres – ou économiques – concernant l'aliénation des travailleur·ses par rapport au processus et au produit du travail –, Sears élargit le concept pour y inclure l'aliénation des personnes par rapport à leur corps et à leur sexualité. «  Le projet de ce livre est de situer l'acte sexuel dans le cadre plus large de la création humaine », y compris l'aliénation sexuelle, écrit-il. La «  contrainte et la violence quotidiennes qui façonnent l'organisation contemporaine du genre et de la sexualité » constituent une « logique anti-queer profondément ancrée dans [...] l'aliénation du travail au cœur du système  ». Lier l'aliénation sexuelle à l'aliénation productive peut sembler « à première vue [...] un peu exagéré », concède-t-il, mais pas lorsque l'aliénation est considérée non seulement dans le cadre d'un emploi rémunéré, mais aussi dans celui du travail reproductif non rémunéré («  soins, ménage et cuisine  »).

Sears décrit l'organisation de la sexualité sous le capitalisme comme un «  enclos érotique  ». Le sexe est «  confiné aux marges de la journée », « souvent à la faveur de l'obscurité, nourri uniquement par l'énergie épuisée qui reste après avoir accompli le travail nécessaire à la survie ». Pour alimenter la consommation tout en maintenant la production, « l'encadrement moral de la classe ouvrière dans les sociétés capitalistes implique un équilibre complexe et changeant entre la limitation et la libération du désir  ». Le sexe qui en résulte est comme un aliment transformé, un piètre simulacre. Sa vérité se trouve dans la pornographie et le travail du sexe. Le «  money shot  » (5) dans la pornographie reflète « l'impératif orgasmique » imposé au sexe dans ces conditions. Le travail du sexe est « l'une des stratégies de survie dans des conditions d'aliénation qui conduisent les dépossédé·es à monnayer leurs capacités humaines  ».

Dans ce contexte, le néolibéralisme – Éros et aliénation s'appuie ici sur les réflexions approfondies de Sears depuis vingt ans – intensifie spécifiquement l'aliénation capitaliste de la sexualité, dans laquelle les corps travailleurs, handicapés et racialisés sont considérés comme inférieurs et non érotiques. Pourtant, cette période a également été marquée par une normalisation croissante de l'homosexualité. Une bonne partie des hommes gays et des lesbiennes parviennent aujourd'hui à s'inscrire dans le modèle du libéralisme sexuel, qui adopte un « cadre contractuel » de fausse égalité. Dans ce cadre, le consentement formel ignore et aplatit les complexités du désir qui « peut s'enflammer et être suivi d'un changement d'avis en l'espace d'un souffle  » (pour citer Jacqueline Rose) (6). Tant que les deux partenaires disent « oui » au sexe et qu'aucun des deux ne retire son consentement, ils sont censés accepter tout ce qui se passe. Cela est supposé passer outre les réalités du racisme, des différences de pouvoir et d'autres formes d'inégalité, et si un participant se sent utilisé et insatisfait, eh bien, il aurait dû se rappeler de « se méfier ». Sous le capitalisme, le désir humain réel cède la place au commerce de « l'attrait sexuel en tant que propriété aliénable », et une fois l'appât avalé, l'affaire est conclue. En l'absence d'une communauté soudée et soutenue par un engagement envers l'amour en tant que dimension de la vie collective, les gens sont livrés à eux-mêmes et souvent déçus par l'incapacité des rencontres sexuelles à mener à la relation amoureuse durable dont ils rêvaient.

Nature

L'un des aspects les plus remarquables de Éros et aliénation est son apport à la fondation d'une écologie queer. Sears s'appuie pour cela sur la distinction faite par Neil Smith entre « première » et « seconde nature ». Dans les deux cas, les humains font partie de la nature, et la production et la reproduction humaines sont une interaction métabolique avec le reste de la nature. Dans la première nature, cependant, une « écologie de l'intimité  » tisse des liens entre le foyer, l'atelier et le langage dans un mode de vie harmonieux (pour citer la théoricienne autochtone Leane Simpson). Dans la seconde nature, le capitalisme sape cette harmonie, produisant une « rupture métabolique » (un concept attribué à Marx par John Bellamy Foster).

Sears détourne ce concept de seconde nature en citant le Central Park Ramble de New York et d'autres espaces « naturels » urbains comme exemples d'une création humaine romantique (décrite par l'écologiste marxiste Andreas Malm comme une «  nature sauvage relative  »), qui conviennent parfaitement comme lieux de rencontre pour les hommes gays et comme « oasis érotiques » de la masculinité blanche. Sans « réseaux de mutualité, [il s'agit] d'un nouveau type de solitude  », habité par de nouveaux types de corps. Dans la seconde nature capitaliste, les corps qui ressemblent à des produits sont valorisés, et les gens sont humiliés lorsque leur corps n'est pas « façonné par l'entraînement, le régime alimentaire et la mode  ». Dans ce monde, la féministe noire Roxane Gay a décrit son propre corps réel comme « sauvagement indiscipliné » (7). Mais les corps sexy et disciplinés, note Sears, « sont littéralement éphémères, capturés à un moment éphémère d'apogée esthétique  ». Les salles de sport qui produisent des corps désirables reproduisent la logique des usines et dépendent de pratiques malsaines, « la nature étant bannie de leur physique  ».

Nous ne pouvons pas plus revenir à la première nature que nous ne pouvons vivre de manière durable dans la seconde nature, conclut Sears. Il adhère au concept d'Edward Saïd d'une troisième nature, dans laquelle le lien avec la terre (et nos corps) est rétabli sur une nouvelle base, incluant la réparation des destructions écologiques, la réparation du vol des terres et de nouvelles relations durables avec nos corps. Ce n'est que de cette manière que la réciprocité pourra être rétablie entre les humains et avec l'environnement naturel.

Utopie

Cette utopie d'une troisième nature est aussi, pour Sears, une utopie queer. Citant José Muñoz, il considère la singularité queer (8) « comme l'illumination chaleureuse d'un horizon imprégné de potentialité  ». La singularité queer n'est pas seulement un synonyme de LGBTQ, c'est « une façon de voir un monde meilleur que nous n'avons pas encore atteint  ». «  Cette libération doit aller au-delà de la transgression pour aboutir à la transformation », affirme Sears. Il s'appuie sur divers penseurs pour définir sa vision utopique. Par exemple, il adhère à l'injonction de Dennis Altman de «  prendre du plaisir avec tout son corps  ». S'inspirant de l'excellent ouvrage de M.E. O'Brien, Family Abolition (9), il envisage un monde d'amour comme « des pratiques partagées de soins mutuels ». Compte tenu du rôle accru de la famille dans l'hégémonie capitaliste sous le néolibéralisme, cela implique nécessairement l'abolition de la famille telle qu'elle existe actuellement : selon les termes d'O'Brien, «  les horreurs de la famille sont immenses, ses abus généralisés, sa logique coercitive  ». Passant d'Edward Carpenter aux utopies de science-fiction (Ursula le Guin, Marge Piercy, Samuel Delany) et de Rosemary Hennessy à bell hooks (10), Sears réaffirme sans cesse que l'amour est essentiel. Et que la sexualité peut offrir « un avant-goût de la liberté », surtout lorsque nous rompons avec une approche transactionnelle de celle-ci.

Au-delà de cela, Sears ne prétend pas avoir une feuille de route vers un avenir glorieux de libération sexuelle. Il adopte plutôt une perspective de «  révolution sexuelle permanente », dans laquelle une prise de pouvoir par en bas et à l'échelle de la société peut ouvrir la voie à la découverte de nouveaux modes de vie grâce à un débat et à une expérimentation permanents.

En attendant...

La date de publication de Éros et aliénation, achevé avant la réélection de Trump, a empêché Sears d'aborder plus que superficiellement les menaces et les défis immédiats les plus récents pour la libération des LGBTIQ. Il reconnaît dans son introduction que la montée de l'extrême droite, en particulier le déluge actuel de transphobie et de racisme, remettent en cause la normalité LGBTIQ « fragile et menacée » et les acquis des mouvements LGBTIQ. Répondre à ce problème nécessitera une discussion approfondie, car la survie et la refondation de la gauche queer sont en jeu dans ce combat.

Comme je l'ai déjà soutenu ailleurs (11), une contribution queer à part entière à la lutte contre l'extrême droite nécessitera une rupture nette avec l'homonormativité définie par Lisa Duggan : l'imitation de la division des genres et des familles hétérosexuelles qui permet à la droite d'offrir la possibilité d'une tolérance à certain·nes gays et lesbiennes, mais bannit les personnes trans et non binaires dans les ténèbres extérieures. La lutte contre l'extrême droite exige également une bataille sans merci contre l'homonationalisme – la complicité des LGBTIQ avec l'impérialisme – défini par Jasbir Puar (12). Cette rupture avec l'homo-nationalisme est magnifiquement illustrée par la participation radicale des queers à la solidarité avec la Palestine. Comme Sears lui-même a été actif dans la solidarité avec la Palestine, je suis convaincu qu'il serait d'accord avec moi sur ce point. Je ne doute pas qu'il puisse apporter une contribution majeure à cette discussion, en reliant et en approfondissant son analyse de Éros et aliénation. J'ai hâte de lire et d'échanger avec lui sur ses réflexions dans ce sens.

Été 2025

Peter Drucker est militant de la IVe Internationale aux Pays-Bas, diplômé d'histoire de l'Université de Yale et titulaire d'un doctorat en sciences politiques de l'Université de Columbia. Il travaille sur le mouvement de libération sexuelle et ses débats.

Publié par New Politics.

Notes

1. La réification du désir : Vers un marxisme queer, Kevin Floyd, 2009 (Amsterdam, 2013) ; Peter Drucker, Warped : Gay Normality and Queer Anticapitalism (Leiden/Chicago : Brill/Haymarket, 2014/2015) ; Holly Lewis, The Politics of Everybody : Feminism, Queer Theory, and Marxism at the Intersection (Londres : Bloomsbury, 2024, éd. rév.).

2. Alan Sears, « Queer in a Lean World », la revue Against The Current 89 (novembre-décembre 2000) ; Alan Sears, The Next New Left : A History of the Future (Halifax, NS : Fernwood, 2014).

3. Éros et civilisation – Contribution à Freud, 1963, Les Éditions de Minuit.

4. Dans les articles réunis dans Pour Marx, Louis Althusser a transposé au développement intellectuel de Marx la conception bachelardienne d'une rupture entre théories scientifiques et expérience ordinaire (idéologie) et qu'il y a identifié une « coupure épistémologique ». Selon Althusser, il convient de distinguer dans l'œuvre de Marx une période de jeunesse, « idéologique », qui porte la marque de l'anthropologie de Feuerbach, et une période « scientifique », qui débute en 1845-1846 avec les Thèses sur Feuerbach et L'Idéologie allemande, et durant laquelle Marx est censé avoir développé tant une nouvelle science de l'histoire qu'une nouvelle philosophie. Repenser la « coupure épistémologique ». lire Marx avec et contre Althusser, par Urs Lindner, 19 mai 2011.

5. Dans le cinéma, scène spectaculaire et coûteuse censée attirer le public. Par extension, dans la pornographie, le plan de l'éjaculation masculine remplissant le même objectif.

6. « I am a knife », Jacqueline Rose, London Review of Books, 22 février 2018.

7. « I am a knife », op. cit.

8. Peter Drucker utilise le terme queerness, qui désigne la qualité, l'état ou l'essence de ce qui est queer.

9. M.E. O'Brien, Family Abolition : Capitalism and the Communizing of Care (Londres : Pluto Press, 2023).

10. Gloria Jean Watkins, connue sous son nom de plume bell hooks (écrit sans majuscule), née en 1952 et morte en 2021 dans le Kentucky, est une intellectuelle, universitaire et militante américaine, théoricienne du black feminism.

11. Peter Drucker, « Far-Right Antisemitism and Heteronationalism : Building Jewish and Queer Resistance », Historical Materialism (vol. 32, n° 1, 2024).

12. Lisa Duggan, The Twilight of Equality ? Neoliberalism, Cultural Politics, and the Attack on Democracy (Boston : Beacon Press, 2003) ; Jasbir Puar, Terrorist Assemblages : Homonationalism in Queer Times (Durham, Caroline du Nord : Duke University Press, 2007).

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La défense des services publics

7 octobre, par Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes (CQMMF) — , ,
Entre novembre 2023 et novembre 2024, la CQMMF a organisé une série de cinq (5) webinaires qui avait pour but de faire le tour du monde des résistances féministes. Chaque (…)

Entre novembre 2023 et novembre 2024, la CQMMF a organisé une série de cinq (5) webinaires qui avait pour but de faire le tour du monde des résistances féministes. Chaque webinaire a été consacré à un thème spécifique et à une région du monde nous permettant de partager nos expériences et surtout de mieux comprendre comment s'organisent les résistances féminises.

Tiré de la page web de la CQMMF
https://cqmmf.org/tour-du-monde-de-resistances-feministes.html?utm_source=Cyberimpact&utm_medium=email&utm_campaign=Infolettre-large--fevrier-2025#MENA

 Europe

Le premier webinaire a eu lieu le 21 novembre 2023 avec des représentantes de l'Europe, la France et le Pays Basque (Euskadi) avec le thème général : les services publics dans nos sociétés.

Christine Mead de Marseille en France, est militante à ATTAC France, une association altermondialiste. Elle est très impliquée dans les causes anti-racistes, féministes et sociales. Elle est engagée à la Marche mondiale des femmes depuis 2010.
Izaskun Guarrotxena Martinez du Pays basque (Euskadi) est une militante féministe. Elle est une spécialiste de l'égalité dans l'administration et est très engagée comme syndicaliste pour LAB (Commissions ouvrières patriotes).

Les services publics en France

Christine Mead a fait un bref retour historique sur la construction des services publics après la deuxième guerre mondiale (les services de santé, l'accès à l'eau, l'éducation, la reconstruction des lieux publics, etc.).

Mais force est de constater que les services publics sont durement attaqués. Il y a une privatisation importante et une diminution des services publics offerts à la population, avec une forte réduction des effectifs. Le gouvernement organise les services en utilisant des règles comptables plutôt que de chercher à offrir des services accessibles et de qualité.
Cette importante dégradation des services publics touche majoritairement les femmes. Elles représentent 76% des utilisatrices et proches aidantes (tout en ayant à s'occuper des membres de la famille, des personnes âgées, etc.).

Cette situation s'ajoute à la croissance des inégalités économiques, à l'inflation des produits alimentaires et à la hausse importante du coût du logement.

Les services publics au Pays Basque (Euskadi)

La situation est très semblable au Pays Basque car les services publics sont affaiblis de façon importante.

En effet, les conditions de travail sont de plus en plus difficiles avec une privatisation accélérée des services de santé et des services sociaux (la main-d'œuvre regroupe de nombreuses immigrantes avec des bas salaires et une importante précarité).
Quant au secteur de l'éducation publique, il est à noter une baisse des investissements ce qui provoque une décroissance du secteur public vers le secteur privé.

l'économie féministe

La deuxième partie du webinaire a porté sur l'économie féministe.

La Marche mondiale des femmes propose une alternative politique en mettant de l'avant l'économie féministe afin de mettre la vie et la nature au cœur de nos luttes. C'est une réponse concrète, une façon de résister et de s'organiser pour répondre aux besoins et intérêts des femmes dans la société, et ce, particulièrement concernant les services publics.

Pour organiser cette résistance, il nous faut renforcer nos solidarités, bien cibler nos revendications afin de renforcer les services publics, et ce, tout en améliorant les conditions de travail des travailleuses et travailleurs.

Grève des femmes

D'ailleurs, dans le cadre de cette orientation, avec la Marche mondiale des femmes, au Pays Basque, s'organise le 30 novembre prochain, une journée de grève féministe pour améliorer et consolider les services publics. Le mot d'ordre général : il faut sortir dans les rues, se mobiliser !

En France, la mobilisation est différente. Les féministes vont accentuer la mobilisation pour le prochain 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, tout en poursuivant le travail pour créer des convergences avec d'autres secteurs importants de la société.

Il est à souligner aussi que la bataille sur les retraites a eu un impact négatif particulièrement pour les femmes de même que la période Covid-19 qui a nui à la mobilisation.

Mais des liens sont construits particulièrement avec des organisations syndicales (CGT-FSU, Solidaires) pour convenir de revendications communes et pour renforcer la mobilisation des membres et de la population. Et, des solidarités se développent pour accueillir les personnes immigrantes et des luttes permettent d'améliorer les conditions de travail de nombreuses femmes (dont la victoire des travailleuses du secteur de l'hôtellerie qui a mené une longue grève).

Somme toute, nous avons pu constater que les services publics sont essentiels et que ce qui est vécu en France et au Pays Basque se vit aussi au Québec. D'ailleurs, des mobilisations et des grèves sont en cours actuellement dans le secteur de la santé, des services sociaux et de l'éducation. Ces luttes sont importantes. Elles vont permettre de bonifier les services à la population, de contrer la privatisation des services publics de même que d'améliorer les conditions de travail des travailleuses et des travailleurs.

L'enregistrement du webinaire

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Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

La MMF 2025 : un front de résistance ici comme ailleurs

7 octobre, par Mégane Arseneau — , ,
Alors que les crises politiques, économiques et sociales se multiplient, les droits des femmes vacillent. Pourtant, partout, des femmes marchent, s'organisent et résistent. (…)

Alors que les crises politiques, économiques et sociales se multiplient, les droits des femmes vacillent. Pourtant, partout, des femmes marchent, s'organisent et résistent. Trente ans après la Marche du pain et des roses, le mouvement féministe reprend la rue. En 2025, la 6e action internationale du réseau de la Marche mondiale des femmes (MMF) appelle à la mobilisation pour défendre les acquis, dénoncer les inégalités persistantes et revendiquer un avenir fondé sur la justice et la paix.

Tiré du Journal des alternatives.

Ce mouvement mondial est une occasion précieuse de réflexion, de convergence et d'action autour des conditions de vie des femmes, qui varient selon les contextes locaux et globaux. Se mobiliser pour les droits des femmes, c'est tisser une sororité militante où femmes et filles unissent leurs voix pour revendiquer l'égalité, la justice sociale et la fin des violences systémiques. De cette action collective naît l'espoir d'un avenir féministe, solidaire et inclusif.

Une lutte née au Québec, portée dans le monde

La MMF est un mouvement féministe autonome, pluraliste et indépendant, fondé à Montréal. Elle repose sur une organisation démocratique et structurée, composée de coordinations nationales dans 61 pays, toutes reliées au Comité international. Tous les trois ans, ces coordinations se réunissent afin de débattre, se former et définir les grandes orientations du mouvement.

Depuis la tenue de la première marche mondiale en 2000, les différentes coordinations du mouvement œuvrent à affiner les analyses, à enrichir les pratiques féministes et à transformer en profondeur les structures sociales et politiques. Pour la période 2020-2025, le mouvement axe ses réflexions et ses actions autour de quatre grandes thématiques :

1- La défense des biens communs face aux entreprises transnationales ;

2- La promotion d'une économie féministe, fondée sur la viabilité de la vie et la souveraineté alimentaire ;

3- L'autonomie des femmes sur leur corps et leur sexualité ;

4- La paix et la démilitarisation.

D'ailleurs, la prochaine rencontre est prévue en 2026, en Tunisie, et portera notamment sur l'actualisation des conjonctures, l'évaluation des luttes et l'élaboration d'un nouveau plan de travail féministe mondial.

Un rendez-vous incontournable

De mars à octobre 2025, des actions ont lieu dans les différents territoires où la MMF est active. Au Québec, la grande action de clôture de cette 6e action internationale se tiendra le 18 octobre prochain.

Dans ce contexte, la coordination québécoise articule ses revendications autour d'une économie au service du vivant. Une lutte contre la pauvreté systémique, critique du capitalisme extractiviste, réclame la justice climatique et valorise les savoirs et les luttes des femmes autochtones, migrantes et racisées.

En écho aux thématiques internationales, elle propose une lecture intersectionnelle de la réalité des femmes, en liant les luttes économiques, environnementales et sociales. Inspirée du mot d'ordre historique « du pain et des roses », elle dénonce les effets dévastateurs du néolibéralisme sur les femmes les plus marginalisées, et appelle à une transformation radicale de nos modèles de développement.

Une mobilisation mondiale plus que jamais nécessaire

Cette mobilisation est d'autant plus cruciale dans le contexte mondial actuel marqué par une inquiétante recrudescence des attaques contre les droits des femmes et des personnes minorisées. Les crises — sanitaires, économiques, politiques, environnementales — aggravent les inégalités existantes et touchent les femmes de manière disproportionnée. La montée de l'autoritarisme s'accompagne des guerres et ses effets dévastateurs sur les populations civiles, en particulier les femmes et les enfants.

Cette mobilisation internationale est une invitation à réfléchir, à s'unir et à agir. Elle montre que le changement se construit par les luttes, les solidarités, et la puissance des mouvements populaires enracinés dans les communautés.

Une mobilisation de résistance

La MMF 2025 n'est pas qu'un simple événement. C'est un mouvement de résistance profondément ancré dans les réalités locales, tout en étant relié aux luttes mondiales. C'est un appel à se lever, à s'unir, à marcher pour exprimer une volonté de s'opposer aux régressions sociales que veulent nous imposer les courants les plus réactionnaires.

Le contexte politique renforce la nécessité de construire des solidarités transnationales et d'un militantisme féministe global. Dans un monde secoué par les crises, la MMF 2025 rappelle une chose essentielle : aucun progrès n'est garanti. Chaque droit, chaque avancée, doit être défendu collectivement, sans relâche. Les mots de Simone de Beauvoir résonnent avec une actualité troublante : « N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »

Joignez la mobilisation à Québec

📍Lieu : Place de l'Assemblée nationale

📅Date : Samedi 18 octobre 2025

🕙Heure : Animations dès 10 h — départ de la marche à 12 h

Cérémonie festive et engagée à 15 h

Pour plus d'informations :
https://www.cqmmf.org/

Partagez l'événement :
https://www.facebook.com/events/2170711116725305/?active_tab=about

Pour vous inscrire à un transport :
https://www.cqmmf.org/transport-6e-action-mmf.html

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Santé et sécurité du travail | Le gouvernement Legault veut instaurer un régime sexiste et dangereux dans les réseaux publics

7 octobre, par Collectif — , , ,
Des centaines de travailleuses et de travailleurs ont protesté ce midi à Montréal contre le projet de loi 101 du gouvernement québécois qui prévoit instaurer un régime sexiste (…)

Des centaines de travailleuses et de travailleurs ont protesté ce midi à Montréal contre le projet de loi 101 du gouvernement québécois qui prévoit instaurer un régime sexiste et dangereux en santé et sécurité du travail pour les salarié-es en santé et services sociaux et en éducation. Le gouvernement du Québec, le plus grand employeur de la province, s'octroie par le fait même un traitement privilégié, alors qu'il devrait montrer l'exemple en matière de santé et sécurité du travail. Rendre tous les milieux de travail du Québec plus sécuritaires commence avec des règles adéquates et fortes s'appliquant à toutes et tous.

Le 6 octobre 2025 marque les quatre ans de l'entrée en vigueur de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, laquelle prévoit l'implantation de mécanismes de prévention et de participation dans tous les secteurs d'emploi au Québec. Or, des centaines de milliers de travailleuses en seront potentiellement exclues, car le projet de loi 101 prévoit que la vaste majorité des établissements en santé, services sociaux et en éducation, des secteurs à prédominance féminine, n'auraient plus à appliquer ces mécanismes. 

« Aujourd'hui, nous sommes dans la rue parce que les travailleuses et travailleurs de la santé et des services sociaux méritent mieux. Le gouvernement avait promis des mécanismes de prévention et de participation solides, mais leur impose finalement un régime à deux vitesses, injuste et discriminatoire. Nous exigeons une véritable prévention pour protéger celles et ceux qui prennent soin de la population du Québec »
Christine Prégent, vice-présidente de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)

« Il est urgent de renforcer le régime de santé et de sécurité du travail dans tous les milieux. Depuis déjà trop longtemps, les gouvernements et les employeurs se concentrent sur le volet indemnisation et privilégient les économies à court terme plutôt que de miser sur la prévention, pensant qu'il suffit de payer pour réparer les lésions du travail. Il faut une fois pour toutes renverser cet état d'esprit et instaurer une culture de prévention forte et audacieuse partout, car la prévention quand c'est bien fait, ça fonctionne et ça rapporte longtemps, autant dans le public que le privé. L'État, comme employeur, devrait d'ailleurs agir en exemple auprès des autres employeurs »
Luc Vachon, président de la Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

« Ce qui est bon pour tous les employeurs du Québec ne l'est pas pour le plus gros boss du Québec, l'État employeur. Si le gouvernement Legault ne revient pas sur son intention avec son projet de loi 101, cela confirmera que nous sommes dirigés par un gouvernement sexiste, qui veut s'offrir un traitement préférentiel en refusant à ses propres travailleuses et travailleurs la même protection qu'aux autres ».
Caroline Senneville, présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN)

« Avec le projet de loi 101, le gouvernement veut nous ramener à une époque où les emplois féminins étaient de moindre importance. Empêcher le personnel de l'éducation et de la santé, majoritairement des femmes, de participer pleinement à la gestion de leur santé et sécurité au travail, ça revient à créer deux classes de travailleuses et de travailleurs au Québec. Nommons un chat un chat : c'est tout simplement discriminatoire ! »
Nadine Bédard-St-Pierre, première vice-présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

« La santé et la sécurité au travail des travailleuses et travailleurs, quel que soit le milieu de travail, doit avoir la même valeur aux yeux du gouvernement. Or, le projet de loi no 101 crée une disparité dans l'accès aux mécanismes de prévention et de participation et accentue la précarité des conditions de travail des femmes pour les secteurs de l'éducation et de la santé et des services sociaux – secteurs à prédominance féminine et à risque élevé de violence et de lésions professionnelles. Ce projet de loi alimentera et perpétuera la discrimination systémique envers les femmes. Pour une organisation comme la Fédération autonome de l'enseignement qui représente plus de 75 % de femmes, c'est totalement inacceptable et le ministre du Travail doit le retirer »
Mélanie Hubert, présidente de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE)

« Les travailleuses de la santé et des services sociaux sont parmi les plus touchées par les lésions professionnelles. C'est donc totalement insensé de réduire les mécanismes de prévention qui les touchent, d'autant plus que cela crée une inégalité flagrante avec d'autres secteurs majoritairement masculins, comme celui de la construction. Le projet de loi 101 est un recul majeur pour la santé et la sécurité des femmes du réseau public et la FIQ demande au gouvernement de faire marche arrière dès maintenant »
Julie Daignault, vice-présidente SST de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)

« Provenant moi-même du secteur des services sociaux et considérant que les niveaux d'accident de travail restent très élevés dans les milieux de travail en éducation et en santé, il est tout à fait inacceptable que ce gouvernement envisage d'implanter et de perpétuer des mesures de prévention insuffisantes dans ces milieux. La prédominance féminine de ces milieux de travail explique- t-elle cette orientation du gouvernement ? »
Vincent Leclair, secrétaire général du Conseil régional de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) Montréal métropolitain (CRFTQ MM)

« Le projet de loi 101 introduit un processus de négociation vicié, qui bafoue tous les principes d'une médiation juste et équitable, pour régler des litiges dans les dossiers de lésions professionnelles. Des milliers de victimes d'accidents et de maladies du travail perdront leurs droits aux indemnités ou aux traitements à cause de ce processus. Ça ne passe pas ! »
Félix Lapan, secrétaire général de l'Union des travailleuses et travailleurs accidentés ou malades (UTTAM)

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Santé et sécurité au travail – Avec son projet de loi no 101, le gouvernement Legault s’attaque aux femmes du Québec

7 octobre, par Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ) — , ,
La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) souligne en ce 1er octobre l'entrée en vigueur du régime permanent en santé et sécurité au travail, qui inclut (…)

La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) souligne en ce 1er octobre l'entrée en vigueur du régime permanent en santé et sécurité au travail, qui inclut l'accès aux mécanismes de prévention et de participation afin de protéger tous les travailleurs et travailleuses. Après 45 ans de lutte, il était temps. Malheureusement, le gouvernement de François Legault a décidé de s'attaquer aux femmes du Québec en maintenant le projet de loi no 101 qui exclut de ce régime le personnel des secteurs de la santé, de l'éducation et des services sociaux, dont plus de 80 % sont des femmes.

« Il s'agit d'une atteinte directe au principe d'égalité et un affront au droit fondamental d'exercer son métier dans un milieu sain et sécuritaire. Le gouvernement de la CAQ parle des deux côtés de la bouche. C'est tout de même curieux que, dans son discours d'ouverture, le premier ministre dise vouloir protéger les femmes du Québec de l'intégrisme islamique et qu'en même temps, il les exclue des mécanismes de prévention et de participation en santé et sécurité au travail. Pourtant, le gouvernement de François Legault sait très bien que le secteur de la santé, représenté majoritairement par des femmes, est le secteur où on enregistre une explosion de réclamations. On appelle ça du sexisme », déplore la présidente de la FTQ, Magali Picard.

La FTQ rappelle que ces exclusions anéantissent trois années de négociations paritaires entre les syndicats et le patronat, menées à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). « La CAQ fait fi des conventions internationales et du dialogue social en imposant un régime particulier. Nous sommes face à une injustice flagrante : les travailleuses et travailleurs méritent mieux que des droits à géométrie variable », ajoute Mme Picard.

La centrale syndicale réclame le retrait immédiat du régime sexiste prévu au projet de loi no 101. « Nous demandons au gouvernement de respecter le dialogue social, de protéger sans exception toutes les personnes au travail et d'assurer un accès égal aux mesures de santé et sécurité, autant pour les femmes que les hommes, et ce, peu importe le secteur d'activité. C'est une question de justice, d'équité et de dignité », conclut la présidente de la FTQ.

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Passez à l’action : Les attaques contre Postes Canada doivent cesser !

7 octobre, par Syndicat des travailleurs et des travailleuses des postes (STTP) — , ,
Postes Canada est l'une des institutions les plus prisées au pays. Elle relie les familles, les collectivités et les entreprises d'un océan à l'autre. Le gouvernement fédéral (…)

Postes Canada est l'une des institutions les plus prisées au pays. Elle relie les familles, les collectivités et les entreprises d'un océan à l'autre. Le gouvernement fédéral s'en prend au fondement même du service postal public en procédant à des coupes sombres qui se traduiront par des milliers de pertes d'emplois.

Postes Canada fournit de bons emplois assortis de bons avantages sociaux à des dizaines de milliers de travailleurs et travailleuses. En retour, ces emplois font vivre des familles et rouler l'économie locale. Néanmoins, les membres du STTP travaillent depuis plus de deux ans sans nouvelles conventions collectives, et Postes Canada refuse de négocier de bonne foi.

Les membres du STTP ont rejeté massivement les « dernières et meilleures offres » de Postes Canada. Nous luttons pour maintenir de bons emplois assortis d'avantages sociaux et pour nous assurer que nos conditions de travail demeurent sécuritaires. Nous voulons aussi la diversification des services postaux afin de préserver le service postal public tout en répondant aux besoins modernes de la population et des collectivités.

Passez à l'action et dites à votre députée ou député que vous :

1- voulez que les compressions à Postes Canada cessent ;

2- souhaitez que la Société diversifie ses services et ses sources de revenus ;

3- soutenez le STTP durant ses négociations avec Postes Canada.

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Défense du droit des travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s à participer à la prévention des maladies et des accidents du travail

7 octobre, par David Mandel — , ,
Nous croyons que cette situation appelle une campagne politique pour contraindre la CNÉEST - où siège aussi des représentant.es des centrales syndicales – à soutenir activement (…)

Nous croyons que cette situation appelle une campagne politique pour contraindre la CNÉEST - où siège aussi des représentant.es des centrales syndicales – à soutenir activement les droits des travailleur.ses non syndiqué.es.

La situation actuelle

Les travailleurs et les travailleuses non syndiqué.e.s sont près des deux tiers des travailleurs et travailleuses du Québec ; 82 % dans le secteur privé.

Les statistiques montrent que les travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s sont deux fois plus susceptibles d'être blessé.e.s au travail que les travailleurs et travailleuses syndiqué.e.s. Les données sur les maladies professionnelles vont dans le même sens.

Cette différence s'explique par le fait que les syndicats sensibilisent leurs membres et leur permettent de participer à la prévention.

Mais au Québec, les travailleurs et les travailleuses non syndiqué.e.s n'ont en pratique (contrairement à la lettre de la loi) aucun droit de participer à la prévention des maladies et des accidents du travail.

En pratique, les travailleurs et les travailleuses non syndiqué.e.s ne peuvent exercer même un droit de prévention aussi fondamental que le refus d'effectuer un travail dangereux. Même lorsqu'ils et elles connaissent ce droit – ce qui est plutôt rare chez les travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s – leur crainte de représailles les dissuade de l'utiliser. Selon les donnée de la CNÉEST, seulement 10% des refus sont exercés par des travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s.

Selon la règlement, les travailleurs et travailleuses des établissements de 20 employé.e.s et plus doivent se réunir en assemblée pour élire leurs représentant.e.s à un comité paritaire de santé et de sécurité, ainsi que leur représentant.e de santé-sécurité.

Interrogée sur la manière dont la CNÉEST veillera à ce que les employeur.e.s facilitent l'assemblée des travailleurs et travailleuses, comme le prescrit le règlement, la présidente de la CNÉEST a informé le CTTI, dans une lettre datée du 18 mai 2022, que « La LSST établit notamment les mécanismes de participation des travailleurs et de leurs associations, ainsi que des employeurs et de leurs associations. Dans cet esprit, la CNÉESST encourage les employeurs à faciliter cette désignation, quant au lieu et au temps nécessaire, et nous comptons sur leur collaboration habituelle. »

Cette réponse est le comble du cynisme (ou pire). En fait, le CNÉEST n'informe même pas les employeur.e.s de leur responsabilité légale de faciliter une assemblée électorale. Et elle ne recueille pas non plus de statistiques sur l'application du règlement.

Dans les rares lieux de travail non syndiqués où existent des comités paritaires, les candidat.e.s des travailleurs et travailleuses à l'élection sont présélectionné.e.s par la direction et l'élection se déroule sans assemblée ni discussion, comme l'exige la réglementation, mais par iPhone et code QR ou autre moyen similaire. Les « représentant.e.s » des travailleurs et travailleuses ainsi « élu.e.s » ne disposent pas de temps libre pour préparer leur propre ordre du jour des réunions des comités paritaires. Ces réunions sont dominées par la direction.

Et les inspecteur.e.s de la CNÉEST, interpellé.e.s par les travailleurs et travailleuses concernant l'absence de véritables représentants en matière de prévention, acceptent ces pratiques, sans même prendre la peine de s'entretenir avec les travailleurs et travailleuses ayant porté plainte.

Après des demandes répétées depuis plusieurs mois par quatre organisations de défense des travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s (CTTI, RATTMAC, CIAFT, UTTAM), le ministre du Travail a finalement signé un décret autorisant la CNÉEST à financer la formation des travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s à la prévention. (Les syndicats bénéficient de ce financement depuis des décennies.)

Mais des questions demeurent :

Qui est-ce que ces organisations formeront et à quoi servira cette formation, alors que les travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s n'ont pas de véritables représentant.e.s en santé et sécurité ?

Que feront les travailleurs et travailleuses que nous formons à la prévention à leur retour au travail, puisqu'en pratique, ils et elles n'ont aucun droit de participer à la prévention ?

Cette situation appelle une campagne politique pour contraindre la CNÉEST à défendre activement et sérieusement les droits à la prévention des travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s. Cela seul donnerait un sens à la formation des travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s à la prévention.

L'organisation d'une telle campagne devrait être notre revendication commune aux syndicats lors du sommet.

Et dans le cadre de cette campagne visant à faire respecter le droit des travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s à participer à la prévention, les représentant.e.s du mouvement syndical siégeant au conseil d'administration du CNÉEST et dans ses différents sous-comités doivent exiger :

—que la CNÉEST mandate ses inspecteur.e.s pour faire activement respecter le droit des travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s à la prévention

—que la CNÉEST informe systématiquement les employeur.e.s de leur obligation légale de garantir une participation effective des travailleurs et travailleuses à la prévention

-que les inspecteur.e.s de la CNÉEST veillent à l'application du droit des travailleurs et travailleuses non syndiqués à participer à la prévention

la création d'un bureau indépendant, financé par les fonds de la CNÉSST, qui offrirait des services de représentation en prévention pour aider les non-syndiqué.e.s à s'organiser pour mettre en œuvre les mécanismes de prévention et pour les représenter en cas de sanction.


Encore sur l'importance de la participation des travailleurs et travailleuses à la prévention des accidents et des maladies professionnelles

Les organisations syndicales et les groupes sociaux de défense des droits des travailleuses et des travailleurs ont tenu un Sommet santé et sécurité du travail 2025, les 15 et 16 avril dernier à Québec. Cet événement historique a rassemblé 1500 personnes actives et impliquées dans ce domaine. Le tract produit par le Centre des travailleur.ses immigrant.es a été distribué à cette occasion.

Les travailleurs et travailleuses non syndiqué.es n'ont pas dans les faits le droit de participer à la prévention, faut que ça change !

Les travailleur.ses non syndiqué.es - presque 2/3 des travailleur.ses (82 % du privé) - sont 2 fois plus susceptibles d'être blessé.es au travail que les syndiqué.es. Les données sur les maladies professionnelles vont dans le même sens. Cette différence s'explique par le fait que les syndicats sensibilisent leurs membres et leur permettent de participer à la prévention.

Au Québec, les travailleur.ses non syndiqué.es n'ont pas en pratique - malgré la lettre de la loi - droit de participer à la prévention. Même un droit aussi fondamental que le refus d'effectuer un travail dangereux leur est pratiquement exclu par crainte de représailles. (Des statistiques d'Ontario indiquent que seulement 10% des refus sont exercés par des non syndiqué.es, qui y sont très largement majoritaires. Pour le Québec, la CNÉEST n'a pas ces statistiques.) Selon le règlement, les travailleur.ses des établissements de 20 employé.es ou plus doivent se réunir en assemblée pour élire des représentant.es à un comité paritaire de santé et de sécurité, ainsi qu'un.e représentant.e en santé-sécurité.

Interrogée par le CTTI comment la CNÉEST veille à la réalisation de ce droit, sa présidente d'alors a répondu : « La CNÉESST encourage les employeurs à faciliter cette désignation, quant au lieu et au temps nécessaire, et nous comptons sur leur collaboration habituelle. » Le comble du cynisme ! Dans les faits, la CNÉEST n'informe même pas les employeur.es de leur responsabilité légale de faciliter une assemblée électorale. Et elle ne recueille pas non plus de statistiques sur l'application du règlement. Dans les rares établissements non syndiqués où existent des comités paritaires, les candidat.es à l'élection sont présélectionné.es par la direction et l'élection se déroule sans assemblée ni discussion, mais par code QR, ou moyen similaire. Les réunions du comité conjoints sont dominées par la direction.

Et les inspecteur.es interpellé.es par les travailleur.ses sur l'absence de véritables représentant.es acceptent ces pratiques, sans même prendre la peine de parler avec les travailleur.es ayant porté plainte.

Grâce aux pressions exercées pendant plus que deux ans par quatre organisations qui défendent les non- syndiqué.es (CTTI, RATTMAC, CIAFT, UTTAM), le ministre a autorisé à la CNÉEST à financer la formation des travailleur.ses non syndiqué.es à la prévention (financement dont profitent les syndicats depuis des décennies.)

Mais des questions importantes demeurent :

Qui est-ce que ces organisations vont former et dans quel but, alors que les travailleur.ses non syndiqué.es n'ont pas de véritables représentant.es en santé et sécurité ?

Que feront les travailleur.ses ainsi formé.es à leur retour au travail, puisqu'ils et elles n'ont pas en pratique de droit de participer à la prévention ?

Nous croyons que cette situation appelle une campagne politique pour contraindre la CNÉEST - où siège aussi des représentant.es des centrales syndicales – à soutenir activement les droits des travailleur.ses non syndiqué.es.

Nous exigeons :

que la CNÉEST informe systématiquement les employeur.es de leur obligation légale d'assurer une participation effective des travailleur.ses à la prévention, et notamment de faciliter à l'organisation et à la tenue d'une assemblée d'élection en bonne et due forme pendant les heures du travail

que les inspecteur.es de la CNÉEST veillent à l'application du droit des travailleur.ses non syndiqué.es à participer à la prévention

que le gouvernement crée un bureau indépendant, financé par les fonds de la CNÉSST, qui offrirait des services de représentation en prévention pour aider les non-syndiqué.es à s'organiser pour mettre en œuvre les mécanismes de prévention et pour les représenter en cas de sanction.

Le centre des travailleur.ses immigrant.es

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Faire front contre les attaques de la CAQ

7 octobre, par Confédération des syndicats nationaux (CSN) — , ,
L'ambiance était à la riposte et à la combativité cette semaine au conseil confédéral de la CSN. Un grand rendez-vous a été lancé pour le 29 novembre prochain : à la veille de (…)

L'ambiance était à la riposte et à la combativité cette semaine au conseil confédéral de la CSN. Un grand rendez-vous a été lancé pour le 29 novembre prochain : à la veille de l'entrée en vigueur des restrictions au droit de grève imposées par le gouvernement de la CAQ, une grande manifestation aura lieu dans les rues de Montréal, en alliance avec l'ensemble des autres organisations syndicales, pour envoyer un message clair à ce gouvernement.

Tiré de L'infolettre de la CSN En Mouvement
2 octobre 2025

Charcutage de la fonction publique, énième régime minceur imposé aux réseaux de santé et d'éducation, ingérence dans la démocratie syndicale, réduction des mesures environnementales afin d'accélérer les projets économiques, réduction « inévitable » du filet social en raison de « l'explosion de l'immigration » : visiblement, le premier ministre Legault entend revenir aux origines idéologiques de l'ADQ pour sa dernière année de mandat, déterminé à jouer le tout pour le tout afin de renverser la chute libre constatée dans les intentions de vote.

L'ambiance était à la riposte et à la combativité cette semaine à Laval, alors que près de 250 délégué-es et salarié-es prenaient part au conseil confédéral de la CSN. Les délégué-es n'ont certes pas oublié les reculs majeurs envisagés depuis l'adoption du projet de loi 89, qui entrera en vigueur le 30 novembre prochain.

« On n'était pas paranos : on le sait très bien que les employeurs vont s'assoir sur leurs mains aux tables de négociation, sachant que le ministre pourra en tout temps interrompre une grève pour imposer l'arbitrage », a affirmé Caroline Senneville dans son discours d'ouverture.

« Ce qui se passe présentement à la STM nous le prouve : l'employeur reste campé sur ses positions », attendant que le climat social se dégrade pour forcer Québec à agir.

Malheureusement, le gouvernement n'entend pas en rester là. Alors qu'une nouvelle session parlementaire s'ouvrait à Québec mardi, le gouvernement a annoncé son intention de rappeler le projet de loi 101 (qui vise à soustraire les secteurs de l'éducation et de la santé et des services sociaux des mécanismes de prévention pourtant prévus à la réforme Boulet en santé et sécurité du travail) et de déposer au cours des prochaines semaines un nouveau projet de loi visant à forcer les organisations syndicales à dévoiler leurs états financiers vérifiés – ce que la CSN fait depuis des lustres – et à rendre « facultatives » le paiement de cotisations syndicales destinées à autre chose que le strict champ de la négociation des conditions de travail.

« Quand la CSN se rend en Cour suprême pour obtenir justice en matière d'équité salariale, ce n'est pas en lien avec nos conditions de travail ? Quand la CSN appuie le Centre des travailleuses et travailleurs immigrants ou l'Union des travailleurs accidentés ou malades, quand on appuie des groupes communautaires qui viennent en aide aux travailleurs non syndiqués, on n'intervient pas pour les conditions de travail du monde ? », a illustré Caroline Senneville pour pourfendre l'intention du ministre Boulet d'ainsi compartimenter l'action syndicale.

En agissant ainsi, le gouvernement use d'un discours qui « crée le cynisme, le désabusement et… la recherche de solutions radicales », a renchéri la présidente de la CSN, non sans faire un lien avec le populisme dévastateur qui sévit au sud de la frontière.

Faire front

Devant de telles attaques, qui s'ajoutent aux politiques d'austérité mises en œuvre par ce gouvernement, la CSN ne peut rester les bras croisés. C'est pourquoi la campagne Faire front se déploiera au cours des prochains mois.

Le plan d'action adopté par les délégué-es du conseil confédéral sera articulé sur trois axes : protéger nos droits syndicaux de la charge menée par le gouvernement de la CAQ ; préserver nos acquis sociaux en défendant la mission de l'État, notamment en matière d'éducation, de santé et de services sociaux ; s'attaquer aux défis de la crise climatique en rendant possible une transition juste pour créer des emplois d'avenir.

Un grand rendez-vous a été lancé pour le 29 novembre prochain : à la veille de l'entrée en vigueur des restrictions au droit de grève imposées par le gouvernement de la CAQ, une grande manifestation aura lieu dans les rues de Montréal, en alliance avec l'ensemble des autres organisations syndicales, pour envoyer un message clair à ce gouvernement. Ce n'est pas vrai que les travailleuses et les travailleurs laisseront leur rapport de force s'amenuiser et leurs conditions de travail reculer en raison d'un parti politique qui, sans appui de la population, a perdu toute crédibilité pour entreprendre de tels changements dans l'équilibre des relations de travail au Québec.

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Québec met la hache dans le données qui dérangent

7 octobre, par Réseau québécois des groupes écologistes — , ,
Pour des économies de bout de chandelle (moins de 35 000$ par année) le gouvernement Legault, sous l'égide du Ministre Drainville, cesse de financer le Baromètre de l'action (…)

Pour des économies de bout de chandelle (moins de 35 000$ par année) le gouvernement Legault, sous l'égide du Ministre Drainville, cesse de financer le Baromètre de l'action climatique, ayant pour mission principale la collecte scientifique et non partisane de données sur les opinions environnementales de la population.

"Le gouvernement Legault a décidé de mettre fin au financement du Baromètre de l'action climatique, a appris Le Devoir. Ce projet de recherche reconnu pour sa rigueur permettait chaque année de suivre l'évolution des attitudes et des perceptions des Québécois face à la crise climatique. Il a notamment démontré un fort appétit pour une plus grande ambition du gouvernement en matière de lutte contre le réchauffement qui menace l'humanité. (Le Devoir ce matin 6 octobre 2025)

Le Baromètre de l'action climatique était un projet piloté depuis cinq ans par le Groupe de recherche sur la communication marketing climatique de l'Université Laval. Il permettait de documenter et de suivre l'évolution des croyances, des attitudes et des comportements climatiques des citoyens. Il s'agissait du seul outil informatif du genre au Québec.

La dernière édition, soit celle de 2024, avait notamment démontré que 82 % des Québécois reconnaissent l'urgence d'agir contre la pire crise environnementale de l'histoire et la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre « immédiatement et drastiquement ». Une majorité de la population disait d'ailleurs souhaiter que les gouvernements fédéral (74 %), provincial (73 %) et municipal (67 %) « agissent davantage pour le climat », mais aussi pour l'adaptation aux impacts du changement climatique.

Toujours selon les données comptabilisées par le projet, une très forte majorité de la population exige de tourner le dos à tout nouveau projet lié aux énergies fossiles. Le Baromètre de l'action climatique démontrait aussi l'an dernier que, malgré le discours de certains, les Québécois ne voient pas la lutte contre la crise du climat comme une menace à leurs « libertés individuelles » et ne croient pas qu'il faille cesser d'agir en raison du faible poids de nos émissions à l'échelle planétaire."

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Déclaration conjointe des maisons d’édition québécoises Écosociété, Lux, M éditeur, Moults éditions et Rue Dorion

7 octobre, par Editions de la rue Dorion, Les Éditions Écosociété, Lux éditeur, M Éditeur, Moults éditions — , ,
En tant que maisons d'édition engagées du Québec, nous tenons à exprimer notre vive inquiétude face au décret exécutif (Executive Order) signé le 22 septembre 2025 par le (…)

En tant que maisons d'édition engagées du Québec, nous tenons à exprimer notre vive inquiétude face au décret exécutif (Executive Order) signé le 22 septembre 2025 par le président des États-Unis Donald Trump et intitulé « Désignation de l'Antifa [sic] comme organisation terroriste intérieure » (Designating Antifa as a Domestic Terrorist Organization).

Au-delà des nombreuses affirmations troublantes et mensongères que contient ce décret, nous affirmons notre solidarité avec celles et ceux qui luttent contre le fascisme – dans les rues comme dans le champ des idées – et dénonçons la répression croissante à laquelle ces personnes font face.

Nous sommes particulièrement préoccupé·es par les répercussions possibles de cette décision politique sur la liberté d'expression et sur les formes culturelles et intellectuelles de l'antifascisme, qui incluent des ouvrages que nous publions ici même, au Québec, ainsi que ceux de nos camarades et ami·es aux États-Unis. Soyons clairs : il ne s'agit plus de simples menaces, l'exécution a commencé.

Nous appelons à la solidarité envers les auteur·es qui critiquent le fascisme et œuvrent pour la justice sociale – des voix qui pourraient, sous ce décret, être directement visées. Nous espérons que d'autres au Québec se joindront à nous pour dénoncer cette attaque politique contre les mouvements antifascistes.

Car si vous n'êtes pas antifascistes, qu'êtes-vous ?

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Les problèmes liés à l’eau dans les centres de données

7 octobre, par Justine Babin, M.V. Ramana — , ,
Les centres de données, qui constituent l'épine dorsale de l'intelligence artificielle, consomment d'énormes quantités d'eau et d'énergie, ce qui exerce de nouvelles pressions (…)

Les centres de données, qui constituent l'épine dorsale de l'intelligence artificielle, consomment d'énormes quantités d'eau et d'énergie, ce qui exerce de nouvelles pressions sur les communautés locales et les écosystèmes.

Tiré de Canadian dimension

22 septembre 2025

Alors que les débats sur le potentiel de l'intelligence artificielle se poursuivent, certaines juridictions se présentent comme des emplacements de choix pour les centres de données indispensables à la formation et à l'exploitation des modèles d'IA. Parmi elles figure le gouvernement de l'Alberta, dont la stratégie en matière de centres de données d'IA affirme que la province dispose « des ressources naturelles nécessaires pour alimenter et soutenir les centres de données d'IA » et vise à « positionner l'Alberta comme un leader mondial dans l'exploitation de centres de données basés sur l'IA ».

L'hébergement de ces installations aura des conséquences importantes pour les communautés voisines, notamment en menaçant l'approvisionnement en eau et en générant des inégalités environnementales. Alors que le changement climatique perturbe de plus en plus les cycles de l'eau, l'empreinte hydrique des centres de données deviendra encore plus pressante pour les résidents locaux et les décideurs politiques.

L'eau est essentielle aux centres de données de deux manières principales. Premièrement, les systèmes de refroidissement en dépendent pour maintenir le matériel informatique dans la plage recommandée de 18 à 27 degrés Celsius. Il existe plusieurs méthodes pour maintenir cette température, mais la plupart impliquent l'utilisation d'eau. Deuxièmement, de grandes quantités d'eau sont utilisées pour produire l'électricité qui alimente ces centres. Cette consommation peut avoir lieu à proximité ou loin du site, selon l'endroit où l'électricité est produite. Les centrales thermiques, telles que les centrales à charbon et nucléaires, utilisent beaucoup plus d'eau que les sources renouvelables telles que l'énergie solaire et éolienne. De plus, la fabrication de semi-conducteurs pour les puces informatiques contribue à la consommation globale d'eau, bien que celle-ci soit relativement faible par rapport au refroidissement et à la production d'électricité.

La quantité d'eau nécessaire varie également en fonction de l'utilisation du centre de données. Les besoins liés à la formation des modèles d'IA générative, par exemple, peuvent être très différents de ceux du gigantesque centre de données de l'Agence nationale de sécurité américaine (NSA) dans l'Utah, révélé par Edward Snowden.

Malgré une couverture médiatique fréquente avec des titres tels que « L'IA épuise les ressources en eau des régions qui en ont le plus besoin », les chiffres réels sur la consommation d'eau restent incertains. La plupart des centres de données appartiennent à de grandes entreprises technologiques telles que Meta, Google, Amazon et Microsoft, qui ont tendance à rester discrètes sur leurs activités. Une étude réalisée en 2021 a révélé que moins d'un tiers des opérateurs mesuraient leur consommation d'eau. Les rapports environnementaux rendus publics omettent souvent des informations cruciales. Le rapport de développement durable 2023 d'Amazon, par exemple, cite une mesure appelée « efficacité de l'utilisation de l'eau » (litres par kilowattheure), mais ne divulgue pas le nombre total de kilowattheures consommés, ce qui rend impossible le calcul de la consommation réelle d'eau.

Certaines entreprises (Meta, Google, Amazon et Microsoft) se sont engagées à compenser leur empreinte hydrique directe d'ici 2030 grâce à des mesures d'efficacité, des projets de reconstitution et de restauration. Mais contrairement aux émissions de dioxyde de carbone, qui ont le même effet quel que soit leur lieu d'origine, la pénurie d'eau est locale : les investissements dans la reconstitution des ressources ailleurs n'aident pas les communautés qui perdent leur accès à l'eau des rivières et des aquifères.

La manière dont les entreprises ont traité les communautés touchées a également suscité des inquiétudes. Des recherches montrent qu'elles cachent souvent leur identité derrière des filiales locales, invoquent le secret commercial pour empêcher tout contrôle et délèguent la construction à des entrepreneurs moins connus afin d'esquiver les critiques. À Wissous, en France, par exemple, Amazon a engagé une société appelée CyrusOne pour construire un nouveau centre de données, ce qui a suscité une controverse locale.

En raison du secret et de la diversité des pratiques, il est très difficile d'estimer la demande future en eau des centres de données en Alberta ou ailleurs. Ce que l'on peut affirmer avec certitude, c'est que la demande sera importante et que les impacts locaux seront significatifs.

Bien que des chiffres précis soient rarement disponibles de manière cohérente, des preuves montrent déjà des impacts majeurs sur la disponibilité locale de l'eau. Une étude a estimé que sept centres de données de la région du Grand Lac Salé, dans l'Utah, consommeraient 600 millions de gallons d'eau en 2023. Pour mettre cela en perspective, cela équivaut à peu près à la consommation annuelle de plus de 100 000 bovins de boucherie, une industrie qui est le premier secteur agricole de l'Utah et qui a généré près de 500 millions de dollars en 2019.

D'autres exemples suggèrent une consommation encore plus élevée. À Council Bluffs, dans l'Iowa, Google a utilisé 980 millions de gallons d'eau potable en 2023, soit près d'un quart de la consommation totale d'eau de la ville cette année-là. À The Dalles, dans l'Oregon, une autre installation de Google a consommé 302 millions de gallons sur les 1,5 milliard de gallons utilisés par la ville, soit environ 20 % de son approvisionnement en eau potable. Ces cas montrent clairement que les centres de données peuvent avoir des impacts locaux importants.

La consommation d'eau des centres de données a déjà déclenché des conflits avec d'autres utilisations essentielles, en particulier l'agriculture. En Aragon, en Espagne, les nouveaux centres de données d'Amazon devraient utiliser suffisamment d'eau pour irriguer 233 hectares de maïs, l'une des principales cultures de la région. Dans une région déjà soumise à des contraintes hydriques en raison de l'agriculture orientée vers l'exportation, la perspective de devoir rivaliser avec les centres de données pour des ressources limitées a conduit à la création d'un groupe appelé Tu Nube Seca Mi Río (« ton nuage assèche ma rivière »). Des conflits similaires ont éclaté à The Dalles, où les fermes et les vergers ont subi de graves sécheresses et un déclin des aquifères, ainsi qu'aux Pays-Bas, où les agriculteurs affirment que les centres de données aggravent la pollution par l'azote pendant leur construction.

La résistance de la société civile a parfois ralenti ou bloqué des projets. En 2024, un tribunal environnemental chilien a partiellement annulé un permis accordé à un centre de données Google. En 2022, les Pays-Bas ont imposé un moratoire sur les nouveaux centres de données à grande échelle, et l'Irlande a mis en place une pause informelle jusqu'en 2028. Ces exemples restent rares, mais ils montrent que la pression publique peut faire la différence.

Le Canada commence seulement à se pencher sur ces questions. Près d'une centaine de centres de données sont déjà regroupés autour de la rive nord du lac Ontario, ce qui suscite des inquiétudes quant à leur impact sur les Grands Lacs. Au Québec, les habitants ont fait part de leurs préoccupations concernant les terres agricoles et les ressources en eau. Et en Alberta, la nation crie de Sturgeon Lake a accusé un projet proposé de menacer ses moyens de subsistance en puisant de l'eau dans la rivière Smoky.

Les débats sur l'IA et les centres de données se concentrent souvent sur les besoins en énergie, mais l'eau mérite une attention égale. Alors que l'Alberta et d'autres provinces envisagent d'accueillir de nouvelles installations, les besoins en eau et en énergie doivent être soigneusement évalués. La première étape devrait être la transparence : les entreprises doivent divulguer des chiffres précis et complets sur la consommation d'eau et d'énergie de toutes leurs installations dans le monde. Plusieurs États américains envisagent déjà des lois sur la transparence, et l'Union européenne exige désormais des États membres qu'ils collectent et publient ces données. Le Canada devrait suivre cet exemple avant d'approuver de nouveaux projets.

Justine Babin est étudiante en master de politique environnementale à SciencesPo Paris et a été étudiante chercheuse invitée à la School of Public Policy and Global Affairs de l'Université de Colombie-Britannique, à Vancouver, pendant l'été 2025.

M.V. Ramana est titulaire de la chaire Simons en désarmement, sécurité mondiale et humaine, et professeur à la School of Public Policy and Global Affairs de l'Université de Colombie-Britannique. Il est l'auteur, plus récemment, de Nuclear is not the Solution : The Folly of Atomic Power in the Age of Climate Change (Verso, 2024).

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Boisé des Châtels : ce que la ville « protégera » et à quel coût

7 octobre, par Collectif — , ,
Le Conseil de la ville de Québec a adopté, le 16 septembre dernier, des promesses de vente et d'échange de terrain entre le propriétaire actuel et la ville dans le dossier du (…)

Le Conseil de la ville de Québec a adopté, le 16 septembre dernier, des promesses de vente et d'échange de terrain entre le propriétaire actuel et la ville dans le dossier du boisé des Châtels.

Ville de Québec, le dimanche 5 octobre 2025

Le Conseil de la ville de Québec a adopté, le 16 septembre dernier, des promesses de vente et d'échange de terrain entre le propriétaire actuel et la ville dans le dossier du boisé des Châtels. Ces ententes concernent des parcelles situées sur une mosaïque de milieux naturels d'environ un km2 visée par un plan particulier d'urbanisme (PPU). Les transactions imminentes, avec l'argent public, ne permettront pas d'assurer une protection significative des milieux naturels du secteur.

Dans la zone prévue pour du développement industriel, un terrain destiné à devenir un « corridor de biodiversité » se situe sous une ligne de transmission d'Hydro-Québec. D'autres parcelles, également non constructibles, incluent la partie du ruisseau Ste-Barbe longeant des habitations. Une bande d'un milieu humide de qualité serait également acquise. Le coût s'établit à 143$/m2 comparativement à une vingtaine de dollars le mètre carré selon l'évaluation municipale au 1er juillet 2023.

Dans la zone nord, destinée au développement résidentiel, un échange de terrain aura lieu. Cela permettra à la ville d'établir un second corridor de biodiversité, dans un milieu humide d'intérêt. Comme la ville obtiendrait plus de superficie qu'elle en céderait, elle absorbera une facture de 177$/m2. Aucun document public ne fait état de la valeur municipale des terrains qui seraient achetés par la ville. Par contre, en effectuant le croisement des lots impliqués par la future transaction, l'évaluation municipale serait de 22$ et 30$ le mètre carré.

« Il y a lieu de remettre en cause ces ententes avant leur signature devant notaire, car elles vont à l'encontre des objectifs de ‘‘développer autrement'' et de ‘'pérenniser des milieux naturels'' auxquels elles sont censées répondre. Non seulement, la ville n'achètera pas tout le ruisseau Ste-Barbe, mais elle en cédera une partie. Et c'est sans compter qu'elle acquerra un terrain sur lequel se situe une ligne de haute tension d'Hydro-Québec. » affirme Ruthbec Laau-Trépanier, juriste en droit de l'environnement.

Dans le même ordre d'idée, Nancy Villeneuve, Mère au front pour six enfants et cinq petits-enfants, estime que « Les milieux naturels résiduels vont dépérir car ils seront morcelés par du développement et par une nouvelle route à 4 voies. On se demande même si les terrains cédés au nord du PPU par la ville au promoteur ne serviront justement pas à créer cette route prolongeant la rue John-Simons, route qui causera du bruit et de la pollution de l'air dommageables aux humains et aux autres êtres vivants. »

«

Développer autrement, ça doit aussi signifier que la population va enfin avoir accès à du logement social, communautaire et vraiment abordable. Or, les prix négociés par la ville pour ses acquisitions de terrain nous apparaissent excessifs. Cela se reflétera nécessairement sur le coût de l'habitation. Il ne faudrait pas que les transactions de la ville entraînent de la spéculation foncière. » ajoute Jade Saint-Georges, Mère au front pour Milo, Éloi et tout le vivant.

«

Développer autrement ne peut pas signifier détruire un boisé et un milieu humide pour construire des industries à proximité de cours d'eau. Il faut cesser de détruire les aires de repos, de reproduction et les sources de nourriture des animaux habitant le territoire de la ville de Québec. Même les friches jouxtant des boisés jouent un rôle important pour la survie de plusieurs oiseaux et autres animaux. Elles aussi captent le carbone et rafraichissent l'air. Au moment où il reste seulement 14% en surfaces boisées dans le périmètre urbain de la ville de Québec et 2,4% en milieux humides, boisés ou non, il est urgent de véritablement développer autrement, comme sur les vastes surfaces asphaltées et à partir des nombreux bâtiments inutilisés. » conclut Charles Hurtubise, à la défense du vivant.

Photos des milieux naturels des Châtels sur ce site.

Sources principales : Sommaire décisionnel DE-2025-282 ; Registre foncier, Carte interactive de la ville de Québec, Portrait des boisés, ville de Québec

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La mairesse Liza Poulin engage pour une 2e fois une firme associée à Stablex avec l’argent public

7 octobre, par Climat-Québec, Coalition des citoyens de Blainville contre la cellule #6 de Stablex — , ,
Blainville, lundi 6 octobre 2025 — La Coalition des citoyens de Blainville contre la cellule #6 de Stablex et Climat Québec dénoncent le conflit d'intérêt évident du mandat (…)

Blainville, lundi 6 octobre 2025 — La Coalition des citoyens de Blainville contre la cellule #6 de Stablex et Climat Québec dénoncent le conflit d'intérêt évident du mandat confié par la mairesse Liza Poulin à la firme Solmatech pour une campagne d'échantillonnage concernant la toxicité du site de déchets dangereux de Stablex.

Il est curieux, voire suspicieux, que la mairesse ait choisi Solmatech pour évaluer la toxicité du site. Selon le registre des entreprises du Québec, Solmatech est une co-entreprise d'Englobe, la firme engagée par Stablex elle-même pour réaliser son étude d'impact — jugée incomplète et partiale. Comment Solmatech pourrait-elle produire un rapport qui nuirait aux intérêts de Stablex et donc d'Englobe, alors que ses propres activités commerciales y sont liées ?

C'est la 2e fois que la mairesse Poulin fait le coup aux citoyens. Rappelons que lors de la campagne d'échantillonnage citoyenne, des taux alarmants avaient été détectés : jusqu'à 320 fois la norme pour le cadmium, 15 fois pour le chrome et 5,8 fois pour l'arsenic. Plutôt que de prendre acte de ces résultats, la mairesse avait engagé une firme externe, Imausar, pour contre-expertiser les analyses. Une firme dirigée par un ancien de Stablex, qui avait conclu — sans surprise — que tout allait bien.

« Il est honteux que la mairesse Poulin prenne les citoyens pour des imbéciles ! L'argent des contribuables ne doit pas servir à engager des firmes en conflit d'intérêts avec Stablex. Les citoyens de Blainville ont droit à des expertises indépendantes et crédibles », déclare Marie-Claude Archambault, porte-parole de la Coalition des citoyens de Blainville contre la cellule #6.

Un subterfuge pour se cacher derrière la firme d'avocat

Nous avons appris lors des deux derniers conseils municipaux que la mairesse avait octroyé le mandat d'échantillonnage par l'entremise des avocats externes chargés du dossier d'expropriation en lien avec le PL93. Rappelons au passage que la mairesse Poulin appuie l'agrandissement de Stablex, mais sur un autre site encore plus proche des résidences.

Cette manière de procéder lui permet de se présenter comme proactive, tout en limitant l'accès à l'information et en invoquant le secret professionnel pour éviter toute transparence. Ainsi, lorsqu'une demande d'accès a été faite par la Coalition pour consulter le mandat confié à Solmatech, la réponse a été que ce mandat relevait des procureurs externes et ne pouvait être divulgué. La mairesse Liza Poulin crée ainsi l'illusion de répondre aux demandes citoyennes, alors qu'elle oriente le processus à la source et restreint l'accès aux informations essentielles.

«

C'est un comportement indigne d'une mairesse qui a des comptes à rendre à ses contribuables. Ses stratagèmes pour cacher de l'information aux citoyens au bénéfice de Stablex soulèvent de sérieuses questions. » conclue Martine Ouellet, cheffe de Climat Québec.

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L’histoire du Canada revue et corrigée par l’artiste autochtone Kent Monkman

Peut-on envisager la décolonisation et la réconciliation à partir d'une relecture des collections muséales ? Des artistes des Premières Nations, Inuits et Métis s'invitent (…)

Peut-on envisager la décolonisation et la réconciliation à partir d'une relecture des collections muséales ? Des artistes des Premières Nations, Inuits et Métis s'invitent depuis plus de dix ans dans des institutions canadiennes pour valoriser une nouvelle approche de l'histoire du Canada.

Tiré de The conversation. L'exposition évoquée dans l'article remonte à 2019. Actuellement, une importante exposition sur l'oeuvre de Kent Monkman se tient au Musée de beaux-arts de Montréal du 4 octobre 2025 au 8 mars 2026.

À partir du 8 février 2019, c'est au tour de l'artiste et commissaire Kent Monkman de plonger les Montréalais dans cette sombre histoire. Cet artiste autochtone propose de relire le passé colonial du Canada à travers les yeux des Premières Nations à partir d'œuvres et d'objets coloniaux piochés dans les réserves des musées. Son exposition blockbuster Honte et Préjugés : une histoire de résilience ouvre ses portes demain au Musée McCord.

Cette exposition très attendue n'est pas qu'une simple présentation du travail de ce célèbre artiste. Il s'agit aussi d'un projet qui repense la façon dont les musées peuvent approcher leurs collections, et les relations qu'ils entretiennent avec les artistes.

Le McCord sera la sixième institution sur les huit prévues au calendrier (2017-2020) à héberger ce blockbuster en partie subventionné par les célébrations du 150e anniversaire de la Confédération.

Artiste multidisciplinaire et d'origine Crie, Kent Monkman a grandi à Winnipeg et il vit et travaille à Toronto. Le milieu culturel montréalais le connaît bien : en 2014, il était en résidence au McCord, et en 2017 le Musée des beaux-arts de Montréal a présenté une performance de son alter ego de longue date, Miss Chief Eagle Testickle, avec comme acolyte le célèbre couturier Jean-Paul Gaultier.

Confronter l'histoire officielle

Kent Monkman s'attaque avec Honte et Préjugés à l'histoire coloniale en confrontant la version officielle. L'exposition est divisée en neuf chapitres.

Chacun raconte un événement dérangeant de l'Histoire . Elle débute par l'extermination des bisons à l'époque de la Nouvelle-France et se termine par la surpopulation des autochtones au sein du système carcéral, en passant par les pensionnats et la Loi sur les Indiens. Il présente dans chacune des salles des installations des photographies et surtout des toiles aux couleurs vives de grands formats. On y retrouve souvent Miss Chief s'imposant dans des scènes tirées des livres d'histoire.

Dans The Massacre of the Innocents (2015), Monkman peint des colons exterminant des castors aux traits presque humains. Miss Chief assiste à la scène cachée dernière un arbre essayant de fuir avec une famille de castors dans ses bras.

Cette œuvre rappelle comment le commerce de la fourrure et la décimation des ressources naturelles a conduit les peuples autochtones à la famine. Miss Chief, personnage autochtone et bispirituel, est la narratrice de cette histoire revisitée et Kent Monkman en est le commissaire.

À la recherche des objets-témoins du passé colonial

Pour élaborer cette exposition, Monkman entame en 2014 un long travail de recherche. Il visite une douzaine de musées à travers le Canada et sort de leurs réserves une trentaine d'objets, d'archives, et d'œuvres d'art, tous témoins « officiels » de l'histoire coloniale. Ses découvertes servent à la fois d'outils de référence lors de la production de ses propre œuvres et de moyen d'ancrer sa relecture de l'histoire dans la réalité.

En exposant ses sources d'inspiration, Monkman propose une décolonisation de la collection muséale, du musée et de l'histoire du Canada. Par exemple, un petit tabouret au premier plan dans les esquisses de Les Pères de la Confédération (c.1884) de Robert Harris retient son attention. Commandée à Harris par le gouvernement, cette œuvre représente les 23 Pères de la Confédération divisant le Canada en provinces.

Sur les murs de la salle peinte rouge sang, les esquisses originales de Robert Harris sont exposées aux côtés de la toile colorée de Monkman The Daddies (2016). Sa peinture est une adaptation fidèle de l'œuvre de Harris à laquelle il impose la présence des Premières Nations par l'insertion de son alter ego complètement nu, assis sur ce tabouret, face à ces colons qui le dépossède de ses terres.

Le noir charbon de la salle 5 fait ressortir le rouge des uniformes de la GRC présents dans la toile The Scream (2017). Il s'agit du chapitre sur les pensionnats qui, depuis 2015, sont considérés officiellement comme un génocide culturel. À côté sont exposés des porte-bébés aux riches ornementations. Seulement quelques-uns ont été retrouvés par l'artiste-commissaire. Directement sur le mur, Monkman trace à la craie les ombres de ces objets ayant perdu toute fonctionnalité après le passage des prêtres et de la police montée.

Au chapitre intitulé « Le problème indien », Kent Monkman peint la scène où la Loi sur les Indiens est signée (1876). Parmi les personnages, on voit John A. MacDonald, un prêtre et la reine Victoria (sous les traits de Miss Chief). Chef Poundmaker et Chef Big Bear, enchaînés, se regardent, les traits tirés.

Aux pieds, ils portent des mocassins que l'on retrouve dans une vitrine. Le cartel indique qu'il s'agit des mocassins « officiels » de Poundmaker, offert au Musée de l'histoire du Canada.

Être artiste et commissaire

Kent Monkman active la collection et crée ainsi une conversation à laquelle le visiteur et tout le personnel des musées publics sont conviés. En contextualisant les œuvres des musées, il réalise un travail de décryptage des collections, invite à repenser la muséographie et à affronter l'histoire coloniale du musée. Monkman brise la conception traditionnelle de l'histoire et met en place une narration qui permet d'écouter les nombreuses voix et les commentaires qui ont forgé cette histoire.

Avec Honte et Préjugés, Monkman propose une forme alternative de transmission du patrimoine qui découle de sa pratique. Il est un commissaire activiste et critique. Il n'est pas un artiste invité par un musée. La relation est inversée.

Il convie ainsi une dizaine de musées canadiens à réfléchir à leur rôle face à la réconciliation. En endossant la fonction de commissaire, ne démontre-t-il pas que le musée est un espace propice pour ce type de discussions ?

Vers un avenir meilleur

Malgré la gravité du sujet, Honte et Préjugés : une histoire de résilience est une exposition tournée vers un avenir meilleur. D'une part, elle sera vue par un nombre significatif de visiteurs en raison de sa tournée sur trois ans à travers le Canada. L'importante revue de presse démontre l'enthousiasme du public pour ce projet.

À cause de cette amplitude, de ses partenaires et de son financement, ce projet est un blockbuster. Un terme trop souvent associé à de grandes expositions avec en tête d'affiche le nom d'un homme blanc originaire d'Europe ou des États-Unis. Kent Monkman fait exception en représentant les communautés autochtone, queer et LGBTQ2S.

D'autre part, comme son sous-titre l'indique, l'exposition raconte le processus de résilience. Après des siècles de silence forcé, les Premières Nations, les Inuits et les Métis se réapproprient un espace public pour exprimer qui ils sont, ce qu'ils pensent et ce qu'ils veulent. La controverse sur l'appropriation culturelle de Robert Lepage et Ariane Mnouchkine dans Kanata est un exemple des tensions et des malentendus entre les autochtones et le milieu culturel.

Cette réappropriation de l'espace public fait des musées et des galeries des lieux de prédilection pour instaurer des mécanismes de résilience, de réconciliation et de décolonisation. Cependant, instaurer dans son institution un langage postcolonial n'est probablement pas suffisant pour réparer les dégâts innombrables du colonialisme ; il est aussi nécessaire de revisiter les pratiques institutionnelles.

Plusieurs activistes ont démontré la résistance, même au sein du milieu culturel, à l'inclusion des autochtones. Déjà établi depuis plusieurs années sur la scène culturelle et largement collectionné, Monkman prend d'assaut le musée, imposant ainsi cost to cost un projet ancré vers la réconciliation des peuples autochtones et allochtones.

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Ma plume saigne pour Gaza !

7 octobre, par Mohamed Lotfi — , ,
Ma plume saigne pour Gaza ! | Souverains Anonymes souverains.qc.ca Que reste t-il de nos mains ? Que reste-t-il de l'enfant ? Que j'ai vu hier Il parlait à son chien, Il (…)

Ma plume saigne pour Gaza ! | Souverains Anonymes souverains.qc.ca

Que reste t-il de nos mains ?

Que reste-t-il de l'enfant ?
Que j'ai vu hier
Il parlait à son chien,
Il faisait rire sa mère.

Que reste-t-il de la mère
Qui faisait le pain ?
L'odeur de son café,
L'avenir dans ses mains.

Que reste-t-il du père
qui bravait les vents
son corps devenu pierres,
En silence, il attend

Que reste-t-il de Gaza ?
Des pierres sans maison,
Des enfants sans repos
Et une mer pour prison.

Refrain
Que reste-t-il de nos mains ?
Le ciel pleut des bombes
C'est ici qu'on les forge
C'est là-bas que ça tombe.

Que reste-t-il de la mer ?
Une flottille qui ose
Du pain et des roses,
Liberté à l'horizon

Que reste-t-il d'un peuple
Qui refuse de mourir ?
Malgré le génocide,
Il est notre avenir.

Que reste-t-il de l'avenir ?
Un arbre et des ruines
Il nourrit les tombes
La patience des racines.

Que reste t-il de nous
Devant tant de sang ?
Sommes-nous encore humains ?
Si nous restons absents ?

Refrain
Que reste-t-il de nos mains ?
Le ciel pleut des bombes
C'est ici qu'on les forge
C'est là-bas que ça tombe.

Que reste-t-il de nos mains ?
Le ciel pleut des bombes
C'est ici qu'on les forge
C'est là-bas que ça tombe.

Que reste-t-il de nos mains ?
Le ciel pleut des bombes
C'est ici qu'on les forge
C'est là-bas que ça tombe.

Final
Que reste-t-il des corps ?
Des chants et des prières
On est pas vraiment morts
quand on meurt pour la terre.

Mohamed Lotfi
27 septembre 2025

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L’alignement vectoriel comme politique culturelle

7 octobre, par Gregory Chatonsky — , ,
Il y a quelques semaines, ordre a été donné au Kennedy Center de Washington D.C. et à la Smithsonian Institution d'être plus « alignés » avec la vision de l'histoire américaine (…)

Il y a quelques semaines, ordre a été donné au Kennedy Center de Washington D.C. et à la Smithsonian Institution d'être plus « alignés » avec la vision de l'histoire américaine promue par l'administration Trump. Le terme d' « alignement », employé dans la croisade que les Républicains mènent contre le prétendu « wokisme », fait également partie du champ lexical de l'intelligence artificielle. Plus généralement, c'est toute la politique culturelle trumpienne qui doit être rapprochée de la logique d'optimisation systématique dont relève l'IA.

3 octobre 2025 | tiré d'AOC media

En septembre 2025, Berkeley dénonce ses professeurs et les musées s'alignent : la culture rencontre l'alignement vectoriel. L'alignement n'est plus une question technique réservée à l'IA. Trump ne censure plus, il optimise. Les institutions anticipent, s'autocensurent, convergent vers sa fonction objective. L'espace latent de la démocratie américaine se referme algorithme par algorithme, transformant la mémoire critique en variable d'ajustement et la culture en simple attracteur émotionnel calibré pour l'adhésion patriotique.

Quand les fascistes s'attaquent aux musées, censurent les universités et réécrivent les programmes scolaires, ils ne cèdent pas à une lubie réactionnaire : ils agissent avec une lucidité glaçante. Ils ont compris ce que les démocraties, elles, semblent avoir oublié – ou pire, délibérément sacrifié. La culture n'est pas un ornement, un luxe réservé aux temps de paix ou aux élites oisives. Elle est le laboratoire où se fabrique l'alignement politique d'une société, le terrain où se jouent, bien avant les urnes, les rapports de force entre conformisme et dissidence, entre mémoire et amnésie, entre critique et soumission. La culture est devenue le front invisible d'une guerre où se joue l'avenir des sociétés.

Le contrôle de la culture

Le terme « alignement » trouve ses origines dans l'action de donner une disposition rectiligne à une chose et désigne l'état de ce qui est aligné, évoquant une conformité à une règle rigide . Cette notion a trouvé une application politique explicite dans les déclarations de Donald Trump concernant les institutions culturelles américaines, révélant une conception systémique du contrôle idéologique qui présente des parallèles troublants avec les enjeux de l'alignement des systèmes statistiques d'IA.

L'ordre exécutif du 3 avril 2025 « Restaurer la vérité et la raison dans l'histoire américaine » constitue le fondement théorique de cette approche. Le document affirme qu'au cours de la dernière décennie, les Américains ont été témoins d'un « effort concerté et généralisé pour réécrire l'histoire de notre nation, remplaçant les faits objectifs par un récit déformé guidé par l'idéologie plutôt que par la vérité ». Cette formulation établit une opposition binaire entre « faits objectifs » et « idéologie », créant un cadre interprétatif qui légitime l'intervention politique directe sur les contenus culturels. L'ordre précise que « l'Institution Smithsonian a, ces dernières années, subi l'influence d'une idéologie divisive centrée sur la race. Ce changement a promu des récits qui présentent les valeurs américaines et occidentales comme intrinsèquement nuisibles et oppressives ».

La Maison-Blanche a envoyé une lettre officielle le 12 août 2025 au secrétaire du Smithsonian, Lonnie Bunch, signée par Lindsey Halligan, Vince Haley et Russell Vought, explicitant l'usage opérationnel de la notion d'alignement et incluant un calendrier d'étapes (30, 75 et 120 jours) : « Cette initiative vise à assurer l'alignement avec la directive présidentielle de célébrer l'exceptionnalisme américain, supprimer les récits diviseurs ou partisans, et restaurer la confiance dans nos institutions culturelles partagées ». Cette formulation exprime une conception mécaniste de la culture où les contenus peuvent être corrigés selon des critères prédéfinis, évoquant les processus d'optimisation algorithmique et d'optimisation économique.

Le processus décrit reproduit la structure itérative de l'entraînement en IA. La lettre détaille un calendrier précis : les musées doivent soumettre leurs matériaux dans un délai de 30 jours, puis « commencer à mettre en œuvre les corrections de contenu nécessaires, en remplaçant le langage diviseur ou idéologiquement orienté par des descriptions unifiantes, historiquement exactes et constructives sur les pancartes, les didactiques murales, les affichages numériques et autres matériels destinés au public ». Cette logique de remplacement terme par terme évoque les techniques de correction automatique utilisées pour aligner les modèles de langage sur des objectifs spécifiques.

Trump a étendu cette méthode au-delà du Smithsonian. Dans une publication sur Truth Social du 19 août 2025, il déclare : « Les musées de Washington, et dans tout le pays, sont pour l'essentiel les derniers restes du ‘wokisme' » (Truth Social, 19 août 2025). Il ajoute : « J'ai demandé à mes avocats de passer en revue les Musées, et de commencer exactement le même processus qui a été fait avec les Collèges et Universités où des progrès considérables ont été réalisés ». Cette déclaration permet de comprendre que Trump conçoit l'alignement comme un modèle reproductible et évolutif, applicable à différents types d'institutions selon une logique de transfert d'apprentissage.

L'application de cette méthode aux universités démontre ainsi sa dimension systémique. Trump a menacé de « sanctionner les universités jusqu'à la totalité de leur dotation » si elles ne supprimaient pas leurs programmes de diversité, équité et inclusion (DEI), considérés comme « de la discrimination sous couvert d'équité » (déclarations de campagne 2024, PBS NewsHour). Cette logique punitive est une conception behavioriste de l'alignement : modifier le comportement institutionnel par un système de récompenses et de sanctions calculées. Harvard a ainsi vu plus de 2,2 milliards de dollars de financements fédéraux gelés en avril 2025, ce qui a conduit l'université à déposer une plainte en justice pour faire lever ce gel, créant un effet de dissuasion sur l'ensemble du système d'enseignement supérieur.

Pour le Kennedy Center, Trump a explicité sur Truth Social sa prise de contrôle directe en février 2025 : « Sur mes instructions, nous allons rendre le Kennedy Center de Washington D.C. GRAND À NOUVEAU ». Il précise : « L'année dernière seulement, le Kennedy Center a organisé des spectacles de drag spécifiquement ciblant notre jeunesse — CELA VA S'ARRÊTER » ». Trump a réorganisé en février 2025 le conseil d'administration du Kennedy Center en remplaçant plusieurs membres par ses proches collaborateurs, a été élu président du conseil, et a annoncé qu'il présiderait personnellement la cérémonie des Kennedy Center Honors, déclarant avoir été « about 98% involved » dans le choix des lauréats et avoir « refusé quelques partisans de l'idéologie woke ».

L'alignement vectoriel

Dans le domaine de l'IA, on parle d'alignement lorsqu'un système réussit à rapprocher ses réponses de ce que ses concepteurs attendent de lui. Autrement dit, il s'agit de réduire l'écart entre l'intention humaine et le résultat produit par la machine. L'alignement est donc identique à la notion d'instrumentalité et à ce que la tradition aristotélicienne nous a légué comme quadruple causalité (matière, forme, finalité et artisan-ingénieur). Dans les systèmes contemporains, cette distance se calcule par des fonctions de perte qui optimisent le rapprochement entre le résultat attendu et le produit effectif, garantissant que les systèmes d'IA produisent des sorties conformes aux valeurs et intentions humaines tout en évitant les comportements non désirés.

Les techniques d'alignement les plus courantes incluent l'Apprentissage par Renforcement à partir de Retours Humains (Reinforcement Learning from Human Feedback, RLHF), où des évaluateurs humains notent les réponses du modèle pour l'entraîner à produire des contenus jugés appropriés. Le réglage fin (fine-tuning) permet de spécialiser un modèle général vers des tâches spécifiques en l'entraînant sur des données ciblées. Ces méthodes reposent sur l'hypothèse qu'il est possible de définir des critères objectifs d'évaluation et que la répétition de corrections graduelles permettra de converger vers le comportement désiré, supposant une stabilité des objectifs et une possibilité de mesure quantitative de l'adéquation entre intention et production.

Les parallèles structurels entre l'alignement politique et l'alignement en IA témoignent d'une logique commune d'optimisation systémique. Dans l'alignement trumpien des musées, l'« intention » correspond à la « directive présidentielle » de « célébrer l'exceptionnalisme américain », fonctionnant comme la fonction objective d'un système d'IA qui définit l'état désiré vers lequel le système doit converger. Les « valeurs américaines » deviennent l'équivalent des « valeurs humaines » que l'IA doit apprendre à respecter. La lettre de la Maison-Blanche précise que l'objectif est d'« évaluer le ton, le cadrage historique, et l'alignement avec les idéaux américains », révélant une conception quantifiable de l'alignement similaire aux métriques utilisées pour évaluer les performances des modèles d'IA.

Le processus de « corrections de contenu » décrit dans la documentation officielle présente des similitudes avec les techniques de réglage fin en IA. Les musées doivent « remplacer le langage diviseur ou idéologiquement orienté par des descriptions unifiantes, historiquement exactes et constructives », une logique de remplacement terme par terme qui évoque les techniques de correction automatique. Le calendrier imposé reproduit la structure itérative de l'entraînement en IA, où des cycles (les epochs) répétés d'évaluation et de correction permettent d'améliorer progressivement les performances du système.

Trump a explicité sa fonction de perte institutionnelle à travers le retrait du financement fédéral pour les institutions non alignées. Cette logique punitive reproduit le mécanisme des fonctions de perte en IA, où les écarts par rapport à l'objectif génèrent des « coûts » qui orientent l'optimisation du système. Le gel de plusieurs milliards de dollars de financement pour Harvard et Columbia illustre cette dynamique, créant un signal d'apprentissage négatif qui incite les autres institutions à modifier préventivement leurs comportements. La menace de « sanctionner les universités jusqu'à la totalité de leur dotation » constitue une pénalité maximale correspondant aux techniques de gradient clipping en IA, où des corrections drastiques peuvent être appliquées pour éviter les divergences du système.

Cette dynamique punitive produit rapidement des effets d'alignement préventif par mise à nu nominative, comme l'illustre le cas de l'Université de Californie à Berkeley. En septembre 2025, l'université a transmis à l'administration Trump les noms de 160 étudiants, professeurs et membres du personnel dans le cadre d'une enquête fédérale sur l'antisémitisme présumé sur le campus. Cette divulgation a été effectuée « en conformité avec ses obligations légales de coopérer » avec l'enquête du Bureau des droits civiques du Département de l'éducation. Parmi les personnes nommées figure la philosophe féministe renommée Judith Butler, qui a comparé cette pratique aux méthodes « de l'ère McCarthy » et souligné l'absence de procédure contradictoire : « Nous n'avons pas été autorisés à connaître la substance de l'allégation ni bénéficier d'un processus de révision où nos propres témoignages auraient pu être pris en compte ».

Cette capitulation d'une institution emblématique de la contestation étudiante américaine depuis les années 1960 démontre l'efficacité du chantage budgétaire combiné à la surveillance nominative : l'alignement n'a plus besoin de s'imposer par la force, il se produit spontanément par anticipation des coûts personnels et institutionnels. Berkeley, qui avait résisté aux pressions du maccarthysme et incarné le « Free Speech Movement », illustre parfaitement comment l'alignement financier doublé d'une logique de fichage transforme la résistance historique en collaboration préventive, réalisant l'objectif politique sans même nécessiter d'intervention directe.

Cette logique d'alignement produit des effets similaires à ceux observés en IA, notamment une régression vers la moyenne et un appauvrissement de la diversité en cas de surapprentissage. Trump l'a explicitement reconnu en déclarant avoir refusé des candidats « trop woke » pour les Kennedy Center Honors, privilégiant des choix « sûrs » comme Sylvester Stallone et des artistes mainstream. Cette sélection montre comment l'alignement favorise les zones centrales, jusqu'à l'absurde, d'une distribution de probabilités au détriment des queues de distribution où résident souvent les transformations les plus significatives. L'alignement constitue ainsi une nouvelle forme d'académisme institutionnel, où la recherche de prédictibilité s'obtient au prix d'un appauvrissement de la richesse culturelle.

Cette logique d'appauvrissement s'articule à une économie de l'attention qui privilégie l'attractivisme affectif sur la complexité narrative. L'alignement trumpien des institutions culturelles ne vise plus seulement la conformité idéologique, mais l'optimisation de l'engagement émotionnel selon les métriques des plateformes numériques. Les critères d'alignement sont calibrés non sur la vérité historique, mais sur la capacité à générer des attracteurs affectifs puissants – amour patriotique, indignation, fierté, nostalgie – qui maximisent l'attention et l'adhésion. Cette tendance des opérateurs médiatiques à multiplier les saillances attentionnelles favorise les contenus dont les attracteurs affectifs sont les plus puissants, avec pour conséquence d'exacerber la polarisation émotionnelle. L'alignement trumpien exploite systématiquement cette logique : la « célébration de l'exceptionnalisme américain » prescrite aux musées fonctionne comme un attracteur optimisé pour capter et retenir l'attention des visiteurs. Les « descriptions unifiantes » demandées ne visent pas l'exactitude historique, mais la production d'affects positifs qui renforcent l'adhésion au récit national.

Cette subordination de la culture à l'économie de l'attention transforme les institutions en dispositifs d'optimisation. Après avoir dû optimiser l'économie des institutions, les conservateurs de musée deviennent des « gestionnaires d'engagement » chargés de maximiser les métriques d'attraction émotionnelle de leurs expositions. La menace de retrait de financement fonctionne comme une fonction de perte qui oriente cette optimisation : les institutions qui produisent des contenus générant de « mauvais » affects (questionnement critique, inconfort historique, complexité narrative) sont pénalisées, tandis que celles qui privilégient les affects « positifs » (fierté, nostalgie, simplicité) sont récompensées. Cette logique reproduit à l'échelle institutionnelle les mécanismes d'addiction des réseaux sociaux, où la dopamine cognitive remplace la réflexion critique. L'alignement ne produit plus des sujets conformes, mais des sujets dépendants, incapables de supporter la frustration cognitive que suppose tout apprentissage critique. Les musées alignés deviennent des « espaces sécurisés » où les visiteurs peuvent consommer des récits gratifiants sans risquer la déstabilisation de leurs certitudes préalables qui pourrait mettre en jeu l'unité de leur subjectivité. Cette sécurisation émotionnelle constitue une forme de contrôle plus subtil et plus efficace que la censure directe.

L'alignement opère également par production massive de contrefactuels, créant des mondes alternatifs qui concurrencent le monde factuel dans l'économie de l'attention. Ces mondes contrefactuels générés par des IA génératives ne sont pas « faux » au sens traditionnel, mais statistiquement probables, acquérant une force d'attraction équivalente à ce qui est factuellement advenu. L'ordre exécutif trumpien illustre parfaitement cette dynamique : il ne se contente pas de nier certains faits historiques, il produit activement des versions alternatives de l'histoire américaine qui deviennent des « possibles narratifs » concurrents. Les grands modèles de langage constituent des machines à contrefactualité d'une puissance sans précédent. Contrairement aux techniques de propagande classiques qui s'opposaient frontalement aux faits établis, la logique contrefactuelle de l'alignement trumpien insère directement ces alternatives dans les flux informationnels, les rendant indiscernables des descriptions factuelles. Cette concurrence est asymétrique : la description factuelle est contrainte par ce qui s'est effectivement produit ; les contrefactuels explorent un espace infini de possibles, choisissant les versions qui maximiseront l'engagement émotionnel et l'adhésion affective.

La directive de « remplacer le langage diviseur ou idéologiquement orienté par des descriptions unifiantes, historiquement exactes et constructives » exprime cette stratégie : il ne s'agit pas tant de nier l'esclavage que de produire des récits contrefactuels où l'esclavage devient un détail dans une épopée plus large de l'« exceptionnalisme américain ». Ces contrefactuels acquièrent une consistance propre, une réalité statistique qui concurrence la réalité historique. L'alignement ne fonctionne plus par interdiction des alternatives, mais par production et neutralisation perpétuelle du désir d'alternative dans cet espace contrefactuel proliférant. Cette production de contrefactuels statistiquement probables, mais historiquement faux transforme profondément la crédibilité et la vérificabilité, elle constitue une forme de contrôle qui ne censure plus, mais noie la vérité dans un océan d'alternatives plausibles : on détruit certaines archives pour rééquilibrer le factuel et le factice. Les visiteurs de musées alignés ne sont plus confrontés à une version unique et imposée de l'histoire, mais à un ensemble de récits équiprobables parmi lesquels la version factuelle perd sa spécificité et sa force critique. Cette disfactualité — altération de la perception de la réalité par les technologies génératives qui brouillent la distinction entre fait et fiction sans modifier explicitement les faits — constitue l'arme la plus sophistiquée de l'alignement contemporain.

L'automatisation progressive du contrôle constitue un autre parallèle significatif. Lindsey Halligan, chargée de superviser la révision des musées, a déclaré avoir observé un « accent excessif sur l'esclavage » (Fox News, août 2025) dans les expositions, révélant l'existence de critères quasi algorithmiques de détection des contenus non alignés. Cette capacité à identifier automatiquement les « déviations » idéologiques évoque les techniques de détection d'anomalies utilisées en IA. La systématisation de ces critères permet un contrôle à grande échelle qui ne dépend plus de l'intervention humaine directe, mais de l'application de règles prédéfinies, constituant une forme d'automatisation du contrôle idéologique.

L'espace latent constitue le théâtre privilégié où s'articule cette automatisation du contrôle.

Contrairement à l'espace euclidien ordinaire où opérait le fascisme historique avec ses rassemblements de masse visibles, l'alignement contemporain s'exerce dans un espace vectoriel multidimensionnel invisible où les concepts politiques subissent une transformation ontologique. Le contrôle ne passe plus seulement par des slogans visibles ou des images de masse. Il agit désormais dans les coulisses, dans les flux d'informations. Des mots comme « démocratie » ou « liberté » se retrouvent saturés de connotations invisibles, recombinés par les algorithmes, jusqu'à perdre leur sens premier. Ce n'est plus un discours qui oriente les esprits, mais une modulation discrète des contextes où ces mots apparaissent. Cette vectorisation généralisée transforme qualitativement la nature même du pouvoir politique.

Les catégories politiques traditionnelles (droite/gauche, progressiste/conservateur) deviennent des projections appauvries d'un espace multidimensionnel complexe manipulé par les algorithmes d'alignement. Cette transformation actualise une logique de monnaie vivante (Klossowski) informationnelle où les émotions, les désirs et les pensées circulent comme vecteurs mathématiques dans l'économie de l'attention. L'alignement trumpien exploite cette architecture vectorielle : en modifiant les « poids » institutionnels de certains concepts dans l'espace culturel américain, il restructure l'espace des possibles narratifs selon une logique de rétroaction qui s'autoentretient.

Cette géographie computationnelle redistribue le corps politique dans de nouvelles coordonnées. Les foules uniformes opéraient dans l'espace euclidien ; l'alignement vectofasciste opère dans un espace latent de n dimensions. Ce qui se rassemble, ce ne sont plus des corps dans un stade, mais des données dans un espace vectoriel, portées par des ressemblances plutôt que par des consciences de soi. L'alignement ne produit plus seulement de la conformité visible, mais module les conditions mêmes de l'apparition du sens politique. En s'emparant du contrôle du Kennedy Center et en alignant les musées du Smithsonian, Trump ne se contente pas de censurer : il reprogramme les flux narratifs de la culture américaine selon cette logique vectorielle, créant un système de feed-back où les institutions modifient progressivement leurs comportements pour maximiser leurs « récompenses » algorithmiques.

Optimisation et démocratie

L'analogie entre alignement trumpien et alignement en IA souligne des mécanismes de contrôle qui dépassent les domaines spécifiques pour interroger les fondements de la relation entre intention programmatrice et production systémique, mais elle rencontre également des limites qui éclairent les enjeux démocratiques sous-jacents.

L'effet réseau de l'alignement se manifeste clairement dans la déclaration trumpienne selon laquelle les musées constituent « le dernier segment restant de l'idéologie woke ». Cette conception systémique consiste en une compréhension intuitive des dynamiques réticulaires : comme dans les réseaux de neurones, l'alignement d'un nœud (les universités) facilite l'alignement des nœuds connectés (les musées). Cette conception explique pourquoi Trump peut se contenter d'aligner quelques institutions clés pour produire un effet de cascade sur l'ensemble du système culturel. L'alignement devient viral, se propageant selon les connexions du réseau institutionnel, créant un système de feed-back punitif où les institutions modifient progressivement leurs comportements pour maximiser leurs « récompenses » (financement maintenu, autonomie préservée) et minimiser leurs « punitions » (retrait de financement, intervention directe).

Cependant, contrairement aux systèmes d'IA qui opèrent dans des espaces vectoriels mathématiquement définis, les institutions culturelles traitent de contenus sémantiquement complexes dont la signification ne peut être réduite à des métriques simples. La notion d'« historiquement exact » invoquée par Trump masque le fait que l'interprétation historique implique nécessairement des choix narratifs et des perspectives multiples. Cette irréductibilité de la complexité culturelle à des algorithmes d'optimisation révèle une limite fondamentale : alors que l'alignement IA peut converger vers des solutions optimales dans des domaines restreints, l'alignement culturel impose une réduction appauvrissante de la richesse interprétative.

La question de la légitimité démocratique constitue une différence cruciale. L'alignement en IA présuppose généralement un consensus sur les valeurs à optimiser, même si ce consensus est problématique. L'alignement trumpien des musées impose une vision particulière et conflictuelle de l'histoire américaine sans processus de validation, révélant que l'analogie technique masque une question politique fondamentale : qui définit les objectifs d'alignement ? Dans le cas de l'IA, cette question reste largement non résolue, les développeurs et les entreprises définissant souvent unilatéralement les critères d'alignement. L'exemple trumpien illustre les dangers potentiels de cette centralisation conflictuelle du pouvoir définitionnel.

L'alignement produit également des effets de bord inquiétants, notamment l'autocensure préventive. Comme dans l'alignement IA où les modèles apprennent à éviter certains types de contenus, l'alignement trumpien génère des comportements d'évitement anticipé. L'exemple de la suppression temporaire des références aux mises en accusation de Trump au National Museum of American History illustre ce phénomène : bien que le Smithsonian ait nié avoir reçu des pressions directes, la modification préventive démontre l'intériorisation des critères d'alignement. L'American Alliance of Museums a alerté sur un « effet glaçant à travers l'ensemble du secteur muséal » (communiqué AAM, 15 août 2025), reproduisant les effets observés dans l'alignement IA où la suroptimisation conduit à une prudence excessive et à l'évitement de contenus potentiellement controversés. Cette optimisation qui empêche tous possibles véritables culturels et artistiques s'est généralisée par l'optimisation économique et administrative où la constitution de fichiers Excel et de présentation Powerpoint, que personne ne consultera, avale toutes les ressources de travail du milieu culturel.

Cette autolimitation anticipative constitue peut-être l'effet le plus pernicieux de l'alignement : elle ne nécessite plus d'intervention directe du pouvoir pour produire la conformité désirée. Les institutions anticipent les sanctions et modifient spontanément leurs comportements, créant un système de contrôle autoentretenu. Cette dynamique évoque les techniques d'apprentissage autonome en IA, où les systèmes développent leurs propres mécanismes d'autorégulation. À terme, les institutions pourraient intérioriser si profondément les critères d'alignement qu'elles s'autorégulent sans intervention externe, réalisant la perfection dystopique d'un système culturel qui produit spontanément les contenus désirés par le pouvoir.

Cette autorégulation systémique s'appuie sur un mécanisme de neutralisation par équivalence statistique qui dilue la signification politique dans l'espace latent algorithmique. Quand tout devient « statistiquement équivalent », l'inacceptable éthique devient simple variation probabiliste sans charge subversive. L'exemple paradigmatique réside dans la réaction atone du public au geste d'Elon Musk lors de l'investiture de Trump en janvier 2025 : ce geste politique hautement signifiant s'est dissous dans un océan d'images comparables (Obama, Clinton, Luther King tendant le bras), neutralisé par décontextualisation automatisée et sérialisation par pattern matching. Cette neutralisation technique opère par comparaison via des métriques de similarité visuelle qui évacuent la spécificité historique. Le geste devient statistiquement normal, herméneutiquement insignifiant, simple variation dans l'espace latent qu'est devenue notre réalité médiatisée. Cette dilution profite directement au vectofascisme : un signe neutralisé par équivalence statistique ne peut plus mobiliser de résistance politique effective. L'alignement ne supprime plus les signes d'opposition, il les noie dans une pareidolie statistique généralisée qui rend l'interprétation critique impossible.

Cette logique de l'équivalence généralisée transforme la nature du contrôle politique. Plutôt que d'interdire certaines interprétations, l'alignement les rend statistiquement improbables en modifiant l'environnement informatique où elles pourraient émerger. Les algorithmes de recommandation créent des bulles d'équivalence où les contenus critiques sont systématiquement dilués parmi des contenus neutres ou positifs, perdant leur saillance politique. Cette « déradicalisation » algorithmique ne procède pas par répression, mais par submersion dans un flux indifférencié de variations équiprobables.

L'alignement trumpien des musées s'inscrit dans cette stratégie : il ne s'agit plus de supprimer les références à l'esclavage, mais de les noyer dans un ensemble d'éléments « équivalents » de l'histoire américaine où elles perdent leur spécificité critique. Cette neutralisation par équivalence constitue une forme de contrôle plus sophistiquée que la censure directe, car elle préserve l'apparence de la pluralité tout en vidant cette pluralité de sa substance politique. Les visiteurs conservent l'illusion du libre arbitre interprétatif tout en évoluant dans un environnement informatique programmé pour orienter leurs affects vers des conclusions prédéterminées.

On voit se dessiner une nouvelle forme de pouvoir : il ne s'impose pas frontalement par des lois ou des interdictions, mais façonne les conditions de ce que nous voyons, de ce qui attire notre attention, de ce que nous ressentons. Le contrôle ne dit plus « tu n'as pas le droit » ; il organise silencieusement l'espace dans lequel nos choix se forment. C'est l'espace latent des IA qui constitue la nouvelle organisation des possibles politiques. L'alignement devient alors une technologie de gouvernement qui produit la soumission non par contrainte extérieure, mais par façonnage des conditions mêmes de l'émergence du sens et du désir.

La réversibilité des processus d'alignement constitue un enjeu crucial. Les modifications profondes des pratiques curatoriales et éducatives peuvent-elles être annulées par un changement d'administration, ou produisent-elles des effets irréversibles ? Cette question évoque les problèmes d'oubli catastrophique en IA, où l'alignement sur de nouveaux objectifs peut effacer définitivement les capacités antérieures du système. L'alignement culturel risque de produire une perte irréversible de diversité interprétative et de capacité critique, transformant les institutions en systèmes optimisés, mais appauvris, en particulier avec la destruction massive des archives factuelles.

L'évolution prévisible vers une automatisation croissante du contrôle culturel interroge les limites acceptables de l'alignement dans tous les domaines. L'exemple trumpien illustre comment l'alignement, conçu initialement comme une solution technique à des problèmes de cohérence systémique, peut devenir un instrument de contrôle idéologique. Il rappelle l'urgence de développer des approches pluralistes de l'alignement, qu'il s'agisse d'IA ou d'institutions humaines, où la définition des objectifs d'alignement procède de processus participatifs plutôt que d'impositions unilatérales.

L'enjeu fondamental reste celui de l'équilibre entre cohérence systémique et diversité, entre optimisation technique et préservation de l'espace d'interprétation et de débat. L'alignement ne peut être une fin en soi : il doit rester au service de la complexité plutôt que de la réduire à des métriques simplifiées. L'analogie entre alignement trumpien et alignement IA signifie ultimement que les choix techniques ne sont pas neutres : ils incarnent des conceptions particulières du pouvoir, de la vérité et de la démocratie qui méritent un examen approfondi.

La reterritorialisation après la mondialisation

L'alignement trumpien est paradigmatique d'une transformation qui dépasse largement les frontières américaines pour constituer un phénomène politique global. De Budapest à Pékin, de Rome à Moscou, en passant par Berlin, une même logique d'optimisation culturelle se déploie selon des modalités localement adaptées, mais structurellement similaires. Cette convergence dessine les contours d'une nouvelle hégémonie qui opère un renversement historique : nous assistons au passage d'une mondialisation culturelle fondée sur les échanges et la circulation des œuvres et des personnes à une mondialisation du contrôle par alignement qui retérritorialise et renationalise les pratiques artistiques.

L'ancienne mondialisation culturelle, malgré ses limites et ses biais, avait créé un écosystème de circulation transnationale : biennales internationales, résidences d'artistes, festivals itinérants, collaborations curatoriales. Ce système, incarné par la Documenta de Kassel, la Biennale de Venise ou les résidences, permettait des contaminations, des transferts esthétiques, des hybridations formelles. Les artistes palestiniens pouvaient exposer à New York, les créateurs chinois collaboraient avec des institutions européennes, les curateurs circulaient librement entre les continents. Cette mondialisation culturelle, bien qu'inégalitaire et souvent dominée par les circuits occidentaux, maintenait ouverts des espaces de rencontre et de dialogue interculturel.

La mondialisation de l'alignement opère une inversion radicale de cette logique. Elle ne mondialise plus les contenus, mais les méthodes de contrôle, créant un système global de fermeture territoriale. En Hongrie, Viktor Orbán a développé un prototype de cette gouvernementalité par l'alignement. Son contrôle s'exerce selon une logique explicitement vectorielle de reterritorialisation culturelle : « ce régime se caractérise non seulement par la concentration du pouvoir, mais aussi par l'accumulation de richesses personnelles et l'utilisation des ressources de l'État au profit des membres de la famille politique d'Orbán » (Bálint Madlovics, Institut de démocratie de l'Université d'Europe centrale). La fermeture forcée de l'Université d'Europe centrale en 2019, contrainte de s'exiler à Vienne, symbolise parfaitement cette reterritorialisation : l'institution internationale devient incompatible avec l'espace national aligné. Plus significatif encore, la politique culturelle orbánienne produit un « alignement par substitution nationale » : l'Académie des arts de Hongrie (MMA) réhabilite explicitement la figure de l' artiste d'État socialiste. Cette institution, devenue « organisme d'État idéologique et ouvertement orienté » depuis 2011, distribue des « allocations mensuelles généreuses » à ses membres (Political Critique, 2017). L'ancien président de la MMA, György Fekete (qui a dirigé l'institution entre 2011 et 2020), avait déclaré que son objectif était de « contrer les tendances libérales dans les beaux-arts contemporains » (The Budapest Beacon, cité dans OpenDemocracy). Les membres réguliers et correspondants du MMA reçoivent des « rentes viagères mensuelles », reproduisant ainsi le système de patronage étatique qui prévalait sous le socialisme. Cette renaissance de l'artiste d'État marque la fin de l'ère des résidences internationales et des collaborations transnationales au profit d'un protectionnisme culturel assumé.

En Italie, Giorgia Meloni a explicité sa stratégie d'alignement culturel par renationalisation : « Le parti de gauche n'est pas le seul à avoir une culture. Ils disent qu'ils ont une hégémonie culturelle, mais il ne s'agit que d'un système de pouvoir qu'ils veulent défendre. Nous, nous avons un projet différent » (Heinrich Böll Stiftung, 2024). Son ministre de la Culture, Gennaro Sangiuliano, a systématiquement remplacé les directeurs de musées étrangers par des Italiens, instaurant « une nouveauté : le candidat devait pouvoir justifier d'un niveau minimum d'italien (B2) » — critère linguistique fonctionnant comme barrière à l'internationalisation. Cette « préférence nationale » culturelle inverse directement les politiques d'ouverture internationale qui avaient prévalu dans les décennies précédentes.

La Russie de Poutine développe un alignement par « thérapie culturelle » explicitement antimondialiste. Le décret de novembre 2022 sur le « renforcement des valeurs traditionnelles, spirituelles et morales russes » accorde aux représentants de l'État des moyens pour bloquer les « influences occidentales » dans les secteurs de l'art et de la culture. Cette stratégie produit un isolement culturel systémique : « À terme, cela pourrait conduire à un isolement plus profond de la Russie sur la scène culturelle mondiale, voire à la rupture des rares liens restants avec le reste du monde » (Evgeniya Pyatovskaya, Le Devoir, 2023). L'affaire du metteur en scène Kirill Serebrennikov, arrêté en 2017, condamné en 2020 puis autorisé à quitter la Russie en 2022, montre comment l'alignement cible désormais « ceux qui tentent de maintenir un niveau de création exigeant tout en gardant de bons rapports avec l'État », transformant même les collaborations internationales modérées en dissidence.

En Chine, Xi Jinping a érigé l'alignement culturel en doctrine de « souveraineté culturelle ». Dès 2018, « l'Administration générale de la presse, de l'édition, de la radiodiffusion, du cinéma et de la télévision glisse désormais sous le contrôle direct du département de la propagande du Parti communiste ». La censure de la série « L'histoire du palais Yanxi », pourtant « traduite en 14 langues et distribuée dans 70 pays », illustre comment l'alignement chinois privilégie la conformité idéologique nationale sur le rayonnement international. Cette logique inverse la stratégie antérieure d'« exportation culturelle » au profit d'un recentrage sur les « valeurs socialistes » chinoises.

Le cas allemand est le cas d'un alignement par culpabilité historique instrumentalisée qui retérritoralise la question palestinienne selon les spécificités du contexte national. Entre le 7 octobre et le 31 décembre 2023, 66 événements culturels ont été annulés en Allemagne, selon le collectif indépendant Archive of silence. Cette censure massive illustre comment chaque territoire national développe ses propres critères d'alignement en fonction de ses traumatismes historiques spécifiques. L'artiste sud-africaine Candice Breitz, elle-même juive, dénonce cette logique : « Les institutions allemandes risquent d'éviter de plus en plus de travailler avec des artistes engagés politiquement, privilégiant plutôt des artistes dociles et peu enclins à poser des questions critiques » (Konbini, 2023). Cette évolution marque la fin de l'Allemagne comme espace d'accueil pour les artistes internationaux critiques.

En France, l'exemple de Christelle Morançais qui supprime 73 % du budget culturel régional tout en finançant à 200 000 € le film « Vaincre ou mourir » du Puy-du-Fou illustre parfaitement l'alignement par réallocation patrimoniale. Cette méthode privilégie une culture française fantasmée sur les échanges internationaux et les expérimentations contemporaines. L'exclusion initiale du Puy du Fou du pass Culture, puis l'annonce en janvier 2025 que son spectacle « Vaincre ou mourir » serait éligible au Pass Culture, montre bien comment l'alignement détourne les outils de démocratisation culturelle vers des fins de reterritorialisation idéologique.

Cette logique de fermeture ne se limite pas aux budgets ou aux nominations. Elle s'étend jusqu'aux frontières physiques, transformées en filtres vectoriels pour protéger l'intégrité de l'espace latent national. La pratique croissante de fouille systématique des téléphones et ordinateurs aux frontières américaines (plus de 50 000 appareils inspectés en 2024 selon l'ACLU) s'inscrit dans cette logique d'alignement comme contrôle des flux culturels. Ces dispositifs ne sont plus seulement des objets techniques, mais des vecteurs latents porteurs de contenus non-alignés : bibliothèques numériques, réseaux sociaux alternatifs, archives critiques, ou même algorithmes de recommandation étrangers. En scrutant les historiques de navigation, les applications installées (comme Signal ou Telegram, souvent ciblées) ou les fichiers multimédias, les douaniers agissent comme des classifieurs binaires : ils distinguent ce qui peut « perturber » l'espace latent national (contenus en arabe, références à la Palestine, littérature décoloniale et trans) de ce qui renforce son alignement (médias mainstream, applications américaines, récits patriotiques).

Cette pratique matérialise l'idée que la frontière n'est plus une ligne géographique, mais un seuil computationnel protégeant l'intégrité de l'espace vectoriel national. Comme le note Edward Snowden, ces fouilles visent moins à intercepté des terroristes qu'à « prévenir l'importation de schèmes interprétatifs étrangers » (The Intercept, 2025). Le portable devient ainsi le dernier maillon d'une chaîne de contrôle où l'alignement ne se contente plus de reformater les institutions internes, mais cherche à stériliser les intrants culturels extérieurs. La saisie en 2024 des téléphones de journalistes couvrant les manifestations pro-palestiniennes (rapport Committee to Protect Journalists) illustre cette volonté de maintenir l'espace latent américain à l'abri de « perturbations » narratives — qu'elles viennent de contenus explicitement politiques ou simplement de modèles de pensée jugés non-conformes.

Cette extension du contrôle aux flux transnationaux révèle une mutation profonde : l'alignement ne se limite plus à reformater les institutions, mais vise à moduler les conditions d'émergence même de la dissidence, en agissant sur les supports matériels de la circulation culturelle. La frontière devient un firewall culturel, où le critère de sélection n'est plus la légalité des contenus, mais leur compatibilité vectorielle avec l'espace latent national tel que défini par le pouvoir.

Cette mondialisation du contrôle produit un phénomène paradoxal : elle universalise les techniques répressives tout en renationalisant les contenus culturels. Les méthodes d'alignement circulent librement entre les régimes (surveillance algorithmique, optimisation budgétaire, neutralisation par équivalence) tandis que les œuvres et les artistes voient leur circulation de plus en plus entravée. Les résidences internationales se ferment, les collaborations transnationales deviennent suspectes, les festivals adoptent des grilles de lecture de plus en plus « patrimoniales ».

Cette convergence des méthodes répressives dans la divergence des contenus nationaux dessine les contours d'un nouveau paradigme de gouvernementalité qu'il convient de définir précisément :

Fonction objective explicite

• Définition d'un état culturel désiré par le pouvoir politique
• Métriques de conformité mesurables (financement conditionnel, critères d'évaluation)
• Substitution des finalités propres aux institutions par les objectifs du système
Processus itératif de correction
• Cycles répétés d'évaluation-sanction-modification
• Remplacement systématique des contenus « non-alignés »
• Calendriers imposés de mise en conformité
Automatisation du contrôle
• Critères algorithmiques de détection des « déviations »
• Réduction de l'intervention humaine directe dans la surveillance
• Systèmes de feed-back punitif autoentretenus
Production massive de contrefactuels
• Génération d'alternatives narratives statistiquement probables
• Neutralisation de la vérité factuelle par dilution dans l'équivalence
• Modulation des conditions d'apparition du sens critique
Modulation de l'espace vectoriel culturel
• Contrôle des « poids » institutionnels des concepts politiques
• Restructuration de l'espace des possibles narratifs
• Opération dans un espace latent multidimensionnel invisible
Effet réseau de propagation
• Alignement en cascade à partir de nœuds institutionnels clés
• Autocensure préventive généralisée
• Viralité du contrôle selon les connexions du réseau culturel

Cette transformation contemporaine exprime l'ambiguïté tragique de la critique de la mondialisation culturelle qui a dominé les décennies précédentes. Les intellectuels progressistes qui dénonçaient légitimement l'hégémonie occidentale, la marchandisation de l'art et l'uniformisation des circuits internationaux ont involontairement préparé le terrain idéologique de l'alignement. En critiquant les « industries culturelles globales », la « McDonaldisation » de la culture et l'« impérialisme culturel occidental », ils ont légitimé, par proximité vectorielle et non par affinité idéologique, un retour aux cultures nationales « authentiques » que les régimes autoritaires ont récupéré pour justifier leurs politiques d'alignement.

Trump peut ainsi invoquer la lutte contre l'« élite globalisée » pour justifier son contrôle des musées, Orbán se présenter comme le défenseur de la « culture hongroise » contre Bruxelles, Poutine opposer les « valeurs traditionnelles russes » aux « influences occidentales décadentes ». La critique postcoloniale de l'universalisme occidental, détournée de son intention émancipatrice, devient l'alibi du particularisme autoritaire. Cette récupération révèle comment l'alignement opère par retournement dialectique : il transforme les critiques légitimes de l'ordre culturel mondial en justifications de sa propre logique de fermeture.

L'ironie est saisissante : au moment où les critiques de la mondialisation culturelle appelaient à plus de diversité et d'horizontalité dans les échanges internationaux, l'alignement produit un système infiniment plus répressif que l'ancienne hégémonie occidentale. Là où la mondialisation néolibérale laissait des interstices, des marges, des possibilités de détournement, l'alignement territorial produit des espaces culturels hermétiquement clos, optimisés selon des fonctions objectives nationales.

Cette mondialisation de l'alignement constitue un nouveau type d'hégémonie : non plus celle d'un modèle culturel dominant, mais celle d'une technologie de domination universalisable qui se décline en versions nationales. Les innovations répressives circulent librement entre les régimes (la Hongrie inspire Trump, la Chine informe la Russie) tandis que les artistes et les œuvres voient leur circulation entravée par des frontières culturelles de plus en plus étanches.

Face à cette menace systémique, la résistance ne peut plus se contenter de critiquer l'impérialisme culturel occidental, mais doit défendre les espaces de circulation et d'échange transnationaux contre leur fermeture autoritaire. Le défi contemporain n'est plus de lutter contre la mondialisation culturelle, mais de préserver ses potentialités d'égalité radicale contre leur récupération par les politiques d'alignement national. Car c'est paradoxalement dans les ruines de l'ancienne mondialisation culturelle, malgré ses inégalités et ses limites, que résident les possibilités d'expérimentation, de contestation et de luttes.

Gregory Chatonsky
Artiste, Enseignant au sein de l'EUR Artec

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Une exposition du 22 octobre 2025 au 1er mars 2026, à l’Écomusée du fier monde

7 octobre, par Écomusée du fier monde — , ,
Montréal, jeudi 2 octobre 2025 – Peu d'endroits incarnent la crise de l'itinérance avec autant d'intensité que la place Émilie-Gamelin, située au cœur du Quartier latin à (…)

Montréal, jeudi 2 octobre 2025 – Peu d'endroits incarnent la crise de l'itinérance avec autant d'intensité que la place Émilie-Gamelin, située au cœur du Quartier latin à Montréal.

Souvent présenté comme un endroit délaissé et marqué par une concentration de personnes déracinées, le secteur fait l'objet de multiples projets de « revitalisation » au fil des années. Réalisée dans le cadre d'un partenariat unissant le Centre d'histoire des régulations sociales, le Service aux collectivités de l'UQAM,Exekoet l'Écomusée du fier monde, l'exposition Place Émilie-Gamelin  : 200 ans de cohabitation sociale invite à découvrir l'histoire d'un espace contesté comme le théâtre d'un long affrontement autour d'une question fondamentale : qui a droit à la ville ?

Avant la place publique

Vers la seconde moitié du 19e siècle, le site de l'actuelle Place Émilie Gamelin abrite un large complexe institutionnel géré par les Sœurs de la Providence et destiné à venir en aide aux personnes dans le besoin.
Construit en 1843, l'Asile de la Providence offre des soins et des services aux personnes âgées, orphelines, malades, sans-emploi et sans-abri, issues pour la plupart des quartiers ouvriers environnants. D'autres institutions installées à proximité, telles l'œuvre de la Soupe, le dispensaire des pauvres ou l'Orphelinat Saint
Alexis, contribuent également à soutenir les plus vulnérables. Très vite, plusieurs ont tenté de débarrasser ce territoire d'une population considérée indésirable, les plans de réaménagement se succédant. En 1963, le vieil Asile de la Providence est vendu à la municipalité, qui le rase pour construire la station de métro Berri-De Montigny (Berri-UQAM). Le terrain, qui accueille un stationnement automobile jusqu'en 1992, devient à l'occasion du 350e anniversaire de Montréal une place publique, qui prendra trois ans plus tard le nom d'Émilie Gamelin, fondatrice de l'Asile de la Providence.

Distribution de sandwichs à l'Œuvre de la soupe des Sœurs de la Providence, 1960.
Archives de la Ville de Montréal.

Des œuvres originales pour transformer les imaginaires

Grâce à une sélection d'archives, l'exposition retrace la présence des populations défavorisées sur le territoire de la Place Émilie-Gamelin depuis près de deux siècles, en plus d'investiguer les nombreux projets de redynamisation conçus pour ce secteur.

Ce contenu historique est enrichi par des créations artistiques collaboratives, issues notamment du projet L'écho de la rue. Porté par l'équipe d'Exeko, cette initiative de médiation sociale et culturelle a pour objectif de créer des espaces de dialogue et de création avec les groupes marginalisés, l'art devant ainsi un outil pour promouvoir
l'expression des personnes en situation d'itinérance et faire résonner des voix capables de révolutionner les imaginaires collectifs.

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"Mille poèmes pour habiter l’existence"ou prosologie d’une humanité à réinventer.

7 octobre, par Marvens Jeanty — , ,
Dans un monde saturé de bruit, de crises, de vertiges identitaires et de fractures multiples, Mille poèmes pour habiter l'existence fait l'effet d'un souffle ample, obstiné, et (…)

Dans un monde saturé de bruit, de crises, de vertiges identitaires et de fractures multiples, Mille poèmes pour habiter l'existence fait l'effet d'un souffle ample, obstiné, et résolument humain.

Par Marvens JEANTY, Linguiste.

Ce recueil du Dr et Poétes Sandy Larose s'impose non seulement par son ambition quantitative (mille poèmes !), mais surtout par la qualité de sa quête : une recherche d'harmonie dans le chaos, un appel à la dignité de l'humain au cœur même de la turbulence, et par-dessous de tout une prémisse parfaite pour l'union des choses littéraires et des Sciences.

Le titre dit tout : il ne s'agit pas simplement d'écrire des poèmes, mais de les vivre, de les habiter, d'en faire des refuges ou des tremplins pour résister à la déshumanisation ambiante. Le projet poétique est total : écrire devient un acte de présence au monde, un mode d'habitation existentielle.

Une poésie sans haine, enracinée dans le vivant

L'un des traits marquants du recueil est sa volonté de ne pas céder à la tentation de la colère ou du nihilisme. Là où beaucoup d'écritures contemporaines adoptent le cri ou le sarcasme comme posture de survie, Mille poèmes… opte pour une poétique de la douceur lucide. Loin d'ignorer les maux du siècle : guerres, discriminations, effondrements sociaux ou écologiques, l'auteur choisit d'y répondre par une foi inébranlable en l'humain.

Cela donne une langue généreuse, vibrante, souvent traversée par une musicalité intérieure. La litanie avec le mot ‘'existence'', la rythmique fluide, le lexique accessible sans jamais être plat, et l'élan lyrique constant, presque tellurique. On sent que l'écriture n'est pas un exercice d'esthète, mais une urgence du cœur, un besoin viscéral de dire pour ne pas disparaître.

… pour décoloniser l'existence

Il faut comprendre les accidents de la modernité
Esclavage, colonialisme, révolution, démocratie,
Néocolonialisme, ONG, famine, ambassades
FMI, Banque mondiale, pauvreté…
Autant de figures géométriques variées
Qui institutionalisent l'existence. (Page 4, deuxième paragraphe).

Dans ce paragraphe tiré de la page quatre du texte, le poète nous montre que la décolonisation s'avère non seulement politique ou territoriale, mais aussi existentielle, mentale, philosophique, dans le sens d'une injonction ou une proposition forte. Sans amalgame et avec des qui savent parler l'auteur place l'existence humaine dans un contexte colonisé, ce qui suppose que l'oppression ne concerne pas seulement les territoires, mais aussi les esprits, les identités, les modes de vie.

Un poème-fleuve, ou le cœur comme territoire

Plus qu'un recueil fragmenté, le livre s'apparente à un poème-fleuve, un continuum poétique où chaque texte, tout en pouvant être lu isolément, fait écho à un ensemble plus vaste. Une trame se dessine : celle d'une exploration du cœur humain comme espace de résistance.

Le cœur, ici, n'est pas naïf. Il est complexe, traversé de doutes, d'élans, de blessures, mais il est aussi le lieu d'un possible relèvement. En ce sens, la poésie devient une éthique, une manière d'être au monde, de se relier aux autres et de ne pas céder à l'inhumain.

… Pour peindre l'existence

Il nous faut plus qu'un poème
Il nous en faut mille
Milles mots d'amour
Milles mots pour guérir les maux
Pour aimer au-delà du verbe aimer
Il faut habiter l'existence comme un humaniste. (Page 1, premier paragraphe)

Vivre aujourd'hui exige plus qu'exister : cela demande de comprendre ce qui a déformé notre manière d'être au monde. L'existence, pour beaucoup, n'est pas un terrain vierge, mais une terre blessée, structurée par des siècles d'histoire violente. Colonisation, esclavage, néocolonialisme, institutions économiques et diplomatiques : tout cela forme les "figures géométriques" rigides dans lesquelles l'existence humaine a été forcée de s'inscrire, et c'est bien cela que Dr Sandy Larose nous fait dire sa plume en feu.

Il faut aussi souligner que ces structures ne sont pas seulement politiques ou économiques : elles sont mentales, culturelles, linguistiques. Elles dictent ce qu'il faut désirer, craindre, refuser ou ignorer. Décoloniser l'existence, c'est donc apprendre à repérer ces "accidents de la modernité" non comme des erreurs isolées, mais comme les fondements mêmes d'un monde inégal.

L'auteur nous montre aussi que peindre l'existence, ce n'est pas simplement l'orner, c'est la réinventer. C'est refuser les formes imposées pour créer les siennes. Cela demande "mille poèmes", mille tentatives d'aimer, de guérir, de dire autrement ce que les anciens langages ne suffisent plus à nommer. L'amour, ici, dépasse le simple sentiment : il devient une force reconstructrice. Un acte politique. Une manière d'habiter l'existence en humaniste, c'est-à-dire en affirmant la dignité de chacun, en vivant avec profondeur, avec attention, avec beauté.

Décoloniser l'existence, c'est finalement cela : refuser d'être réduit à une fonction ou une case, et choisir d'habiter le monde comme un être libre, aimant, poétique, pleinement humain.


Une parole engagée au sens fort

On pourrait parler d'une poésie engagée, à condition d'en redéfinir les contours. Il ne s'agit pas d'un engagement militant ou idéologique, mais d'un engagement ontologique : comment rester humain dans un monde qui nous pousse à l'indifférence, à la peur, à la fragmentation ? Le recueil répond par le tissage, celui des mots, des émotions, des mémoires, des voix.

Chaque poème devient ainsi un acte de résistance poétique, un geste d'espoir envers la communauté humaine. Cette posture n'est pas nouvelle, elle rappelle les grandes voix de la poésie du XXe siècle (Char, Éluard, Césaire, Hikmet), tout en s'inscrivant dans une urgence très contemporaine : retrouver le sens du lien.

… Du temps il en faut

Pour aimer son pays
Nous ne sommes que nous-mêmes
Et rien de plus vrai
C'est le temps de nous unir pour redorer l'existence
Comme une musique de reggae
Du temps !
Si on en a besoin
Prends-le gratuitement
Du temps
Pour le drapeau
La patrie et la fratrie. (Page 38,)

A travers cet extrait tiré de la page 38, on peut en déduire que ce poème est une invitation douce mais déterminée à la réconciliation collective, au réveil, à l'amour de soi, de l'autre, du pays, sans naïveté, mais avec foi en la beauté retrouvée de l'existence partagée.

Une œuvre polyphonique, ouverte et généreuse

L'auteur ne se pose pas en surplomb. Il ne s'adresse pas à un public élitiste, mais à toute conscience prête à écouter. Il ne s'enferme pas dans une seule forme, un seul ton. Le recueil est polyphonique, mouvant, alternant fragments méditatifs, fulgurances émotionnelles, appels à la paix, souvenirs intimes. Ce foisonnement, loin de nuire à la cohérence, lui donne sa richesse.

Mille poèmes pour habiter l'existence n'est pas un simple livre de poésie. C'est une expérience, une traversée, un compagnonnage possible dans des temps troublés. On en ressort bouleversé, apaisé parfois, et surtout réconcilié avec une certaine idée de la poésie : celle qui ne se contente pas de décrire, mais qui agit, soigne, transforme, d'où l'union de la poésie et la science que l'auteur nomme : poésologie.

C'est une œuvre qui croit encore à la puissance du verbe, à la nécessité de dire, de partager, d'aimer. Et cela, dans un monde désenchanté, est peut-être l'acte le plus radical qui soit.

NB : Mille poèmes pour habiter l'existence est le texte poésie-fleuve de Sandy Larose, publié aux Editions Terre d'Accueil, Oshawa (Ontario), Canada en 2024.

Sandy Larose est docteur en sociologie de l'Université Laval , il enseigne à l'Université d'État d'Haïti depuis 2013. Il est lié aussi à des institutions canadiennes, comme l'Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), campus de Sept‑Îles, et le Centre de recherche CELAT à l'Université Laval. Plus précisément, il mène des recherches sur des sujets comme l'identité, la solidarité, la poésie, le rap, le genre, la révolte.

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Mouloud et la folie humaine !

7 octobre, par Omar Haddadou — ,
– Où vas-tu comme ça Mouloud, avec ton baluchon ? - Le Seigneur a dit : « Seuls les Bienfaiteurs hériteront ma Terre ». Ça n'a pas empêché les Incléments de sévir à tout (…)

Où vas-tu comme ça Mouloud, avec ton baluchon ?

- Le Seigneur a dit : « Seuls les Bienfaiteurs hériteront ma Terre ». Ça n'a pas empêché les Incléments de sévir à tout bout de champs.

Tu nous quittes ?
- Comme un Ermite
– T'as pas répondu à ma question.

– Je vais au Sahara ! Pas pour évangéliser les tribus démunis sous couvert d'une aide humanitaire, mais savourer ma misanthropie. Un Itikaf solitaire à l'air libre, si tu permets ?

– Dommage, J'peux pas venir avec toi, j'ai un contrôle médical

T'as quoi dans le cabochon ? J'te dis comme un ermite et toi tu veux me coller au train.

– Excuse-moi, j'ai pas bien compris.

– L'école n'a pas eu de peine à statuer sur ton cas.

– Comment ?
- J'ai dit : « Fais gaffe en marchant, les chemins sont pavés de cac... ». (hachak) .

– J'ai vu. ( Mouloud soliloque : Ce n'est pas toi qui creuseras le trou de la Sécu. Pas besoin de Scanner cérébral. Il n'y a pas de structures anatomiques à explorer ).

– Non, mais t'es sérieux, Mouloud ?

Tu veux que te dise pourquoi cette retraite dans le désert.

– Mais bien entendu !

Je vais sculpter sur l'Ahagar (Hoggar) « FREE GAZA ! LE MONDE EST UNE SOUILLURE ! »
- Ouallah, je viens avec toi !
- Ouallah, bois de l'eau fraîche ! J'y irai tout seul.

– T'auras pas as assez d'énergie pour entreprendre cette saillie militante ?

- Pour Gaza ? Oui !
- Eh ! ça fait : GAZAOUI ! T'es un Alchimiste de la Terminologie, Mouloud.

– N'essaye pas de me mijoter ! Non ! C'est non !

Avec qui tu vas causer Géopolitique, hein ?

- (Silence)
- D'ailleurs, il y a des rebondissements de l'actualité qui t'échappent.

– Par exemple ?
- Le 10 octobre, le Prix Nobel de la Paix échoirait à Donald Trump, c'est une voisine qui me l'a dit.

– Et que ce serait « une insulte à son pays » de le décerner à un écrivain. Lui qui aurait réglé 8 guerres en 8 mois ?
- C'est ç'la !
- T'as pas pigé que le Plan Trump pour la Paix au Moyen-Orient, reste, à ce titre, son dernier va-tout. – Ça saute aux yeux !

Dans tous les cas de figure, si on lui désavoue cette consécration, il ouvrera une nouvelle boite de Pandore à estomaquer la planète.
– Avec son côté déroutant, ça ne m'étonne pas.

– Trump est, depuis hier lundi, à la manœuvre pour des discutions entre les deux belligérants. Il remue ciel et terre pour arracher un cessez-le feu.

– Il est sur un nuage, alors ?
- On ne devrait pas l'être en ayant sur la conscience un copain soutenu dans la sale besogne.

– Tu parles de Bibi ?
- Oui ! Surtout des 65 000 martyrs palestiniens (es).

– Crois - moi, il doit trépigner de jubilation de ramener les otages au bercail. Il jouait sa survie électorale.
– Ecoute-moi bien, Si Saïd !
- Oui.
- Ton Bibi est tombé dans son propre piège, et Trump en est conscient.

– Comment ça ?
- Fort du soutien du Président américain, il s'est payé le luxe de flageoler tout le monde et s'attaquer à l'une des Monarchies pétrolières, chères au Président américain.
– Ah, ça, pour un pays musulman… Comment dire… ?

Ne dis rien ! Ça s'appelle HUMILIATION ! Le mal de notre civilisation !

- C'est quoi la suite ?

- La suite : « Ton Bibi a fait – (Je vais le dire en allemand pour donner de la constance et de la consistance au terme) : eine groBe ScheiBe !

- J'comprends rien, Mouloud. ( Il s'approche de son oreille droite et tel un Tyrex rugit ) :
- « Ton Bibi a réussi un coup magistral, truffé de mer… : Tisonner la dynamique de nucléarisation des pays Arabo-musulmans ! ».
– C'est-à-dire ?
( Je plains le coton-tige qui récure ton conduit auditif, se dit Mouloud). – Approche ton oreille droite maintenant :

« Les ambitions nucléaires des pays du Golfe sont à l'ordre du jour. Un média français fait état – au lendemain de ladite humiliation - d'une visite secrète d'une délégation saoudienne au Pakistan ».

– S'il te plait, je viens avec toi écrire « FREE GAZA ! LE MONDE EST UNE SOUILLURE ! »

– Je te file une adresse, tu vas à Tin Zaouatine !

O.H

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Au sommet climat de l’ONU, la France joue un mauvais rôle

7 octobre, par Paula Gosselin — , ,
Lors du sommet climat organisé à New York, en amont de la COP30, seuls 47 des 118 pays rassemblés avaient annoncé rehausser leurs objectifs climatiques. La France, notamment, a (…)

Lors du sommet climat organisé à New York, en amont de la COP30, seuls 47 des 118 pays rassemblés avaient annoncé rehausser leurs objectifs climatiques. La France, notamment, a fait « obstruction » aux négociations européennes.

Tiré de Reporterre
26 septembre 2025

Par Paula Gosselin

New York (États-Unis), correspondance

« Le succès de la COP30 dépend de vous ! » Lors de l'ouverture du sommet sur le climat organisé par les Nations unies le 24 septembre à New York, le président brésilien Lula a tenté, en vain, d'encourager ses homologues à relever leurs objectifs de réduction des émissions — appelés « contributions déterminées au niveau national » (NDCs) — pour 2035.

À l'issue de la réunion, seuls 47 des 118 pays rassemblés avaient rehaussé leurs objectifs, alors que l'Accord de Paris de 2015 prévoit qu'ils soient renouvelés tous les cinq ans. Hormis le Japon, le Royaume-Uni, le Canada, la Norvège, la Suisse, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande, les pays ayant soumis de nouveaux engagements sont pour la plupart des pays en développement, comme le Brésil, le Nigeria ou le Népal. Au total, ils ne représentent que 25,7 % des émissions mondiales, selon le site Climate Action Tracker.

« Le retard dans la soumission des NDCs met en évidence un désengagement politique de nombreux pays face à la crise climatique », déplore Stela Herschmann, spécialiste de la politique climatique au sein du collectif brésilien d'ONG l'Observatoire du Climat. Elle indique qu'initialement, les pays devaient publier leurs nouveaux plans en février.

Risque de ralentissement des négociations

L'absence de ces documents risque de ralentir les négociations de la COP30, qui se tiendront du 10 au 21 novembre à Belém, au cœur de l'Amazonie brésilienne. Les Nations unies ont en effet besoin de ces feuilles de route pour élaborer un rapport de synthèse évaluant leur conformité avec la limite fixée par l'Accord de Paris, visant à maintenir le réchauffement mondial en dessous du seuil de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels.

Pour l'heure, hormis les plans du Royaume-Uni et de la Norvège, « la plupart des [engagements soumis] sont insatisfaisants », analyse Mme Herschmann. De nombreux objectifs sont flous, présentés sous forme de fourchettes ou conditionnés à des financements. En outre, à la suite du retrait des États-Unis de l'Accord de Paris par Donald Trump, qui a déclaré que le changement climatique« est la plus grande arnaque jamais menée contre le monde » la veille du sommet, les ambitions climatiques fixées par son prédécesseur, Joe Biden (2021-2025), risquent de rester lettre morte.

« La Chine est loin du leadership dont le monde a désespérément besoin »

Face au retrait étasunien, beaucoup espéraient que la Chine, premier pollueur mondial, prenne la tête de la lutte contre le climat. Mais lors du sommet, le président Xi Jinping a préféré faire preuve de prudence. Par visioconférence, il a annoncé que la Chine s'engageait à baisser ses émissions de 7 % à 10 % d'ici 2035 : un effort estimé en deçà de ses capacités.

Même si la puissance a tendance à dépasser les objectifs qu'elle se fixe, « la Chine est loin du leadership climatique dont le monde a désespérément besoin », a réagi Li Shuo, de l'Institut de politique de l'Asia Society, dans un communiqué. En effet, un avis consultatif de la Cour internationale de Justice, rendu le 23 juillet, a estimé que les plans de réduction des émissions des membres de l'Accord de Paris devaient être les plus ambitieux possible.

L'espoir d'un objectif plus ambitieux

Mais sans aucun doute, la plus grande déception est venue du côté de l'Union européenne : les pays du bloc ne sont même pas parvenus à s'entendre sur une nouvelle feuille de route. « La France a notamment fait obstruction aux négociations européennes en posant énormément de conditions, sur le nucléaire ou encore sur l'industrie », regrette Gaïa Febvre, du Réseau Action Climat. Pour ne pas arriver les mains vides à New York, l'Europe s'est contentée de présenter une simple « déclaration d'intention » proposant une fourchette comprenant une baisse des émissions entre 66,25 % et 72,5 % d'ici 2035.

« La France a fait obstruction aux négociations européennes »

Face à un tel fiasco, le sommet de New York suscite des inquiétudes quant aux résultats de la COP30, qui devrait se concentrer sur l'accélération de la mise en œuvre de l'Accord de Paris. Mais malgré tout, l'optimisme persiste. « Nous espérons que les pays qui ont raté les échéances arrivent avec un objectif final plus ambitieux », déclare Mme Febvre, qui estime que le succès de la COP30 dépendra surtout de la capacité de négociation de la diplomatie brésilienne.

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En haut, ils foncent droit dans le mur en hurlant, en bas, la jeunesse veut un avenir et donc elle ne veut pas d’eux

7 octobre, par Arguments pour la lutte sociale — , , , , , ,
Le 10 septembre 2025, l'agitateur masculiniste, raciste et trumpiste Charlie Kirk était assassiné. La seule chose claire sur le tireur est qu'il ne vient pas de la « gauche (…)

Le 10 septembre 2025, l'agitateur masculiniste, raciste et trumpiste Charlie Kirk était assassiné. La seule chose claire sur le tireur est qu'il ne vient pas de la « gauche radicale » – comme en sont convaincus les MAGA.

Les obsèques de Charlie Kirk, le 21 septembre, organisées par le troisième homme fort du pouvoir US après Trump et Vance (et depuis le départ de Musk, mais celui-ci a salué Trump à l'occasion de cette cérémonie), Stephen Miller (« chef de cabinet adjoint » de Trump, titre qui ne semble pas décrire son vrai rôle politique, majeur), ont vu la célébration d'un mythe destiné à se traduire en lois répressives visant à la chasse à l'homme (et à la femme) dans les villes américaines.

Le moment clef fut celui où Trump, en toute clarté, a récusé les propos prétendument chrétiens des orateurs précédents sur « le pardon » et « l'empathie » et affirmé que lui veut écraser ses ennemis, en faire de la bouillie, et qu'il va le faire.

Le 30 septembre 2025, tous les hauts gradés de l'armée américaine ont été, chose totalement inédite, réunis pour un show du taré masculiniste Hegseth, ministre « de la Guerre » (et non plus « de la Défense ») et de Trump. Hegseth a annoncé le retour des bizutages, la mise au rencart des femmes, des colorés et des gros, et a conclu son discours par les mots : « Allez-y et tirez » .

Tirer où et sur qui ? Trump l'a dit : sur « l'ennemi intérieur ». Il va falloir, explicitement, reprendre les villes de New York, Los Angeles, Chicago … Cela a commencé : des militaires investissent Portland « contre la criminalité », les commandos d'ICE ont déjà tué un travailleur et terrorisé tout un immeuble à Chicago.

Les Démocrates et les syndicats américains, eux, non seulement n'ont pas nommé cette guerre civile de son nom alors que pourtant elle leur est déclarée, mais ils ne parlent toujours pas d'autodéfense, alors que c'est cela qui est à l'ordre-du-jour.

Le shutdown dans ces conditions pourrait se retourner contre les fonctionnaires et employés fédéraux, comme Trump en a l'intention. Il a suscité un long communiqué de l'AFL-CIO et de ses branches, qui détaillent bien les conséquences pour les travailleurs et pour la population, mais dirigeant leur action sur les élus républicains pour qu'ils « comprennent », sans anticiper que Trump envisage, lui, que ce shutdown pourrait durer très, très, très longtemps …

Il faut situer la fuite en avant du pouvoir trumpiste dans son cadre international. Poutine vient de multiplier les provocations militaires en Europe – drones sur l'aéroport de Munich ce jour -, pour ensuite répondre aux velléités désordonnées de réactions européennes par un discours, à Sotchi, accusant l'Europe d'être le fauteur de guerre n°1.

Poutine s'est ensuite lancé dans une intéressante attaque contre la Pologne, qui avait selon lui provoqué l'Allemagne hitlérienne, la contraignant à la guerre. Les mots « corridor de Dantzig » dans ce discours, pourraient être remplacés par « corridor de Suwalki » … indiquant au passage que Poutine s'identifie, comme « victime » contrainte à l'attaque, à Hitler … intéressant, disions-nous …

Sans aucune victoire russe en Ukraine, le scenario d'une entrée progressive de l'Europe centrale et orientale, et par conséquent qu'on le veuille ou non de toute l'Europe, dans une semi-guerre généralisée, est en train de se mettre en place.

Or il convient de saisir, au moment présent, que la fuite en avant trumpiste n'est pas interventionniste en Europe, mais d'abord aux États-Unis contre le peuple américain, et envers l'ensemble des deux Amériques : Groenland, Canada, et aussi Panama et Venezuela. Les amorces d'escalades envers le Venezuela ne s'inscrivent en réalité non plus dans l'opposition traditionnelle envers un régime nationaliste lié à Moscou, mais dans la volonté de dominer tout le continent, à Toronto comme à Caracas. Trump veut que Poutine lui lâche le Venezuela, Cuba et le Nicaragua, et il lui laissera, outre l'Ukraine, les trois pays baltes et la Pologne …

Cette logique de partage du monde, où les obstacles majeurs qui feront tout sauter s'appellent les peuples, ukrainien ou palestinien, et la jeunesse entrant en mouvement sous le drapeau pirate de One Piece, ne saurait disparaître de l'analyse s'agissant de ce qui est présenté comme le « plan Trump » pour Gaza et la Palestine.

Il s'agit en fait plutôt d'un plan Tony Blair /Mohamed ben Salmane endossé par Trump, que les initiatives incontrôlées de Netanyahou en Iran, qu'il a accompagné, puis au Qatar, ont mis en difficulté.

Rappelons que ce plan ne comporte tout simplement aucune échéance concernant le retrait, ou le repositionnement, des troupes israéliennes à Gaza, et qu'il ne vise pas à conforter une Autorité palestinienne actuelle ou future mais un problématique « comité palestinien technocratique et apolitique » -dont les fascistes 2.0 de la tech US rêvant d'une ville-île pour flux de capitaux, discutent probablement avec Ben Salmane. Il n'a en rien interrompu les massacres, ni dessiné de perspective de libération des otages, à ce jour. Est-il fait pour cela ? Non, mais pour un partage provisoire du monde dans lequel la crise permanente palestino-israélienne est devenu un problème pour les hégémons impérialistes.

L'annonce de ce plan intervient alors même que la flottille « Global Sumud » est arraisonnée – illégalement au regard du « droit international »- par l'armée israélienne, après avoir été escortée par des navires de guerre espagnols et italiens. Dérisoire apparaît cette tentative, qui soulève cependant de facto la nécessité d'une intervention armée pour mettre fin au blocus !

Cependant, et c'est là le fait essentiel global, pendant que cette fuite en avant meurtrière des « grands » s'aggrave de jour en jour, la vague des soulèvements portés par la jeunesse, partie d'Indonésie sous son drapeau pirate, touchant le Népal et Madagascar, s'affirme comme la troisième grande vague révolutionnaire d'insurrections démocratiques depuis la crise de 2008, après les « révolutions arabes » en 2011-2012 et les insurrections proche-orientales, le Hirak algérien et l'Amérique du Sud en 2019 (Chili, Colombie, …) , sans oublier le Sri Lanka en 2022.

Déjà ancrée en Europe avec la Serbie, cette vague lui bât maintenant les flancs, puissamment, au Maroc. Ils se heurtent à la répression de la monarchie, qui, déjà, a tué. Et s'affirment comme « génération Z » : la génération née avec le XXI° siècle, qui ne veut pas qu'il soit seulement le siècle des guerres, du sang et du feu, ce qu'il est, mais le siècle de la liberté, des révolutions, de l'écologie et de l'émancipation.

L'avenir est à elles, l'avenir est à eux.

Édito international du 03 octobre 2025.

https://aplutsoc.org/2025/10/03/en-haut-ils-foncent-droit-dans-le-mur-en-hurlant-en-bas-la-jeunesse-veut-un-avenir-et-donc-elle-ne-veut-pas-deux-monde-octobre-2025-edito-international-du-03-octobre-2025/

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La viande est l’une des principales sources d’émissions, mais peu d’organes de presse en parlent, selon une analyse

7 octobre, par Joe Fassler — ,
Les éléphants dans la pièce, matériels et idéologiques, bloquent la mobilisation de la dite classe moyenne pour le climat et contre la guerre La production carnée a beau (…)

Les éléphants dans la pièce, matériels et idéologiques, bloquent la mobilisation de la dite classe moyenne pour le climat et contre la guerre

La production carnée a beau compté pour 20% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) et occupé 40% des terres habitables de la planète, elle demeure un point aveugle de la crise climatique, révèle l'article ci-bas de The Guardian, en comparaison du transport et de la climatisation des bâtiments. Les experts consultés par l'auteur de l'article invoquent comme explication la « délicatesse » ou la sensitivité culturelle du sujet encouragées, faut-il le dire, par le lobby de la viande, essentiellement les ruminants bovins. Un autre article du Guardian titre qu'« [u]n "régime alimentaire planétaire" pourrait éviter 40 000 décès par jour, selon un rapport qui fait date. Le régime permet une consommation modeste de viande et réduirait de moitié les émissions de gaz à effet de serre liées à l'alimentation, selon un rapport rédigé par 70 experts de premier plan issus de 35 pays. »

Le premier article aurait pu aussi alléguer la ventilation statistique par secteurs laquelle isole la ferme de l'ensemble de la filière qui comprend la déforestation jusqu'à la mise en marché en passant par les activités agricoles proprement dites, le transport et l'empaquetage comme l'illustre le tableau joint à l'article. Par exemple, le bilan des émanations de GES du Québec en attribue seulement 10% au secteur de l'agriculture (2022) indépendamment de la part alimentaire dans les secteurs de la transformation, du transport, de la climatisation et des déchets. Le CIRAIG, en tenant compte de toute la chaîne alimentaire, a « calculé que, en moyenne, l'assiette d'un Québécois génère 2,5 tonnes équivalent de CO2. Cela représente le quart de nos émissions de gaz à effet de serre. » La part animal (viandes et produits laitiers) compte pour la moitié de ce 25%. Il semble que l'étude du CIRAIG ait exclu la déforestation due à l'agriculture toutefois modeste au Québec vis-à-vis, par exemple, le Brésil. Mais elle a inclus le gaspillage alimentaire qui compte pour « 20 % du bilan de carbone attribuable à la production de la nourriture ».

On s'interroge sur les raisons pour lesquelles la « délicatesse » invoquée ne vaudrait pas aussi pour les secteurs de transport, de l'habitat et des produits ménagers (électroménagers, produits électroniques, vêtements). Le battage publicitaire capitaliste tolère tout à fait la stigmatisation de l'auto solo à essence à laquelle le capitalisme vert veut substituer celle électrique-électronique quitte à ce qu'elle soit un VUS encore plus profitable. Idem pour les produits électroniques et électro-ménagers remplaçables par ceux soit plus économes en énergie par leur électronification soit prétendument plus performants pour la même raison. (Microsoft y a vu avec son nouveau logiciel Windows 11 qui nous oblige souvent à acheter un nouvel ordinateur.) Quant aux vêtements, le truc capitaliste consiste à intégrer le cycle de la mode à même le cycle productif avec le prêt-à-porter jetable ce qui déshabille les écologiques friperies structurant le recyclage des vêtements… quoique pointe à l'horizon l'électronification du vêtement, en ce moment un luxe fantaisiste.

L'habitat et l'aménagement du territoire et celui urbain sont un noyau plus dur en ce sens que demeure incontournable la villa campagnarde, plus prosaïquement appelée maison unifamiliale, pour ne pas que s'effondre le château de cartes de la consommation de masse dont elle est l'assise. Cette assise est indispensable à l'accumulation capitaliste dont l'autre face est l'économie de guerre permanente, se justifiant par la prolifération des guerres, qui reprend du poil de la bête. La prééminence de la villa campagnarde, en combinaison avec l'auto solo électrique-électronique, permettent le maintien de l'étalement urbain qui dévore les milieux naturels en association avec l'agro-industrie carnée. Cette dernière se présente comme l'autre versant incontournable du capitalisme vert dont l'équivalent de l'auto solo électrique-électronique est la haute-technologique et ultra-transformée viande cultivée, à ne pas confondre avec la viande végétale, qui arrive à peine à percer le marché due à sa cherté et à ses potentiels risques pour la santé.

On frappe ici le blocage à la fois matériel et idéologique qui fait le lit de l'extrême-droite. Crispée sur ses acquis ou en rêvant, la propagande capitaliste — dite publicité — aidant, la prétendue classe moyenne, en réalité la petite bourgeoisie et la couche supérieure du prolétariat qui est aussi la plus organisée, cherche un bouc émissaire à ses misères et frustrations pour ne pas voir l'éléphant capitaliste dans la pièce. Aiguillonnée par l'extrêmedroite et de plus en plus par la droite qui lui vole sa thématique, la « classe moyenne » blâme la population immigrante, se gardant une petite gêne pour ne pas dire racisée, comme voleuse de logements, de services publics et d'emplois. La raison fondamentale à cette pénurie est pourtant la grève des investissements sociaux et pro-climat du capital qui n'y trouve pas son compte. Comme dans les pays du Nord, cette prétendue classe moyenne forme la courte majorité de la population (une composante de ce 40% de la population mondiale qui produit 40% des GES), son conservatisme survolté par la droite populiste entrave le plein déploiement de la lutte sociale. [Ce n'est pas un hasard si parmi les pays du vieil impérialisme membres du G-20, l'Italie et l'Espagne sont les plus mobilisés pour Gaza car ils en sont par habitant les plus pauvres.]

Marc Bonhomme, 4 octobre 2025

27 septembre 2025 | The Guardian
Source : https://www.theguardian.com/environment/2025/sep/27/meat-gas-emissions-reporting

Sentient Media révèle que moins de 4 % des articles sur le climat mentionnent l'agriculture animale comme source d'émissions de carbone. | Note : les mises en évidence en gras sont de moi

L'alimentation et l'agriculture contribuent pour un tiers aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, juste après la combustion de combustibles fossiles. Pourtant, la grande majorité de la couverture médiatique de la crise climatique néglige ce secteur critique, selon une nouvelle analyse de données de Sentient Media.

Les résultats suggèrent que seul un quart des articles sur le climat parus dans 11 grands médias américains, dont le Guardian, mentionnent l'alimentation et l'agriculture comme cause de la crise. Sur les 940 articles analysés, seuls 36, soit 3,8 %, mentionnent l'agriculture animale ou la production de viande, qui est de loin la principale source d'émissions liées à l'alimentation.

Ces données révèlent un environnement médiatique qui occulte un facteur clé de la crise climatique. La production de viande est à elle seule responsable de près de 60 % des émissions climatiques du secteur alimentaire et pourtant son impact est largement sous-estimé : un sondage réalisé en 2023 par le Washington Post et l'Université du Maryland a révélé que 74 % des personnes interrogées aux États-Unis pensent que manger moins de viande a peu ou pas d'effet sur la crise climatique.

Sentient Media a analysé les articles en ligne les plus récents sur le changement climatique provenant de 11 grands médias américains : le Guardian, le Boston Globe, le Chicago Tribune, CNN, le Los Angeles Times, le New York Post, le New York Times, Reuters, le Star Tribune, le Wall Street Journal et le Washington Post. Les articles d'opinion, les articles syndiqués et les articles qui ne mentionnent le changement climatique qu'en passant ont été exclus.

Le groupe final de 940 articles a été collecté à l'aide de l'intelligence artificielle, puis examiné individuellement pour en vérifier l'exactitude. De toutes les causes étudiées dans le rapport, notamment l'exploitation minière, la fabrication et la production d'énergie (55,9 %), les combustibles fossiles (47,9 %) et les transports (34 %), le bétail et la consommation de viande sont de loin les moins abordés.

La rédactrice en chef de Sentient Media, Jenny Splitter, qui a participé à la supervision du rapport, a déclaré qu'elle avait remarqué cette omission depuis longtemps en tant que journaliste couvrant l'intersection du climat et de l'alimentation. « Nous avons pensé qu'une façon d'entamer la conversation avec d'autres journalistes et salles de rédaction était de chiffrer la question », a-t-elle déclaré.

Mark Hertsgaard, directeur général et cofondateur de Covering Climate Now, une organisation à but non lucratif qui aide les salles de presse à renforcer leurs reportages sur le climat, a déclaré que les organes d'information quotidiens ont de la difficulté à mettre l'accent sur les causes profondes du changement climatique. Ils se concentrent souvent sur les mises à jour progressives plutôt que sur les raisons plus générales.

« Ce n'est pas nécessairement infâme », a-t-il déclaré. « Mais comme la crise climatique s'est accélérée, il est de plus en plus indéfendable que la couverture médiatique du changement climatique n'indique pas clairement que cette crise est due à des activités humaines très spécifiques — principalement la combustion de combustibles fossiles. L'alimentation, l'agriculture et la sylviculture viennent toutefois en deuxième position ».

M. Hertsgaard, qui traite de la crise climatique depuis 1990, a déclaré que l'alimentation et l'agriculture étaient depuis longtemps un « oubli flagrant » dans les cercles climatiques. Jusqu'en 2015, le sommet des Nations unies sur le changement climatique n'avait pas consacré de thème à l'agriculture, ce qui reflète son statut négligé dans le monde des décideurs politiques, des groupes de réflexion et des ONG - ce qui a contribué à l'analphabétisme des médias sur le sujet, a déclaré M. Hertsgaard.

Dhanush Dinesh, fondateur du groupe de réflexion Clim-Eat, spécialisé dans les systèmes alimentaires, a déclaré que les organisations de défense du climat hésitent parfois à aborder le sujet en raison du statut culturel délicat de l'alimentation, ce qui a peut-être contribué à le soustraire à l'attention des médias.

« Personne ne veut se mettre en avant et dire aux gens ce qu'ils doivent manger - c'est tout simplement trop délicat », a-t-il déclaré. « Même au sein de l'espace [de défense du climat], nous constatons qu'il y a une forte polarisation. »

Cette tension n'est pas toujours aussi organique. Lorsqu'un rapport publié en 2019 par le Lancet a montré comment les régimes à teneur réduite en viande pouvaient nourrir le monde sans provoquer de dégradation de l'environnement, une coalition soutenue par l'industrie a contribué à financer une partie des réactions négatives à son encontre. Les groupes de l'industrie de la viande bovine adoptent une approche active en matière de messages, notamment en dotant un « centre de commandement » situé à Denver et fonctionnant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, qui scrute les médias sociaux à la recherche d'informations négatives et déploie des contre-messages.

Selon le journaliste Michael Grunwald, le débat sur l'alimentation a aujourd'hui vingt ans de retard sur le débat sur l'énergie et les combustibles fossiles. Il a passé des années à couvrir les questions climatiques pour des médias tels que Time, Politico et le Washington Post avant de commencer à voir les liens entre la nourriture dans nos assiettes et les changements dans l'atmosphère.

« Je ne savais pas grand-chose », a-t-il déclaré. « C'était un élément important de l'équation climatique que j'ignorais de manière spectaculaire. Et je me suis rendu compte que d'autres l'étaient probablement aussi ».

Le nouveau livre de M. Grunwald, We Are Eating the Earth, explique comment les choix alimentaires façonnent la surface de la planète et jouent un rôle important dans son sort final. Cela s'explique en partie par le fait que les ruminants — en particulier les bovins — sont une source majeure de méthane, un puissant gaz à effet de serre qui réchauffe la planète 80 fois plus vite que le dioxyde de carbone.

Mais nourrir des milliards d'animaux d'élevage prend aussi beaucoup d'espace. La moitié des terres habitables de la planète sont déjà consacrées à l'agriculture, et la majeure partie de ces terres — environ 80 % — sont des pâturages et des terres cultivées destinés à l'alimentation animale, ce qui fait de la consommation de viande l'un des principaux moteurs de la déforestation à l'échelle mondiale. Aujourd'hui, nous déboisons un terrain de football de forêt tropicale toutes les six secondes, une perte dramatiquement aggravée par l'appétit croissant de l'humanité pour la viande.

« Lorsque vous mangez un hamburger, vous ne mangez pas seulement une vache » a déclaré M. Grunwald. « Vous mangez des aras, des jaguars et le reste de la distribution de Rio. Vous mangez l'Amazonie. Vous mangez la terre. »

Pourtant, ce bilan tend à être largement méconnu, quand il n'est pas carrément ignoré. Seulement 15 % des articles analysés par Sentient Media mentionnent les changements d'affectation des terres en rapport avec la crise climatique.

Timothy Searchinger, chercheur principal à Princeton, a passé des décennies à démontrer que nous ne pouvons pas résoudre le problème du climat sans repenser la manière dont nous utilisons les terres.

« Chaque arbre, une fois l'eau retirée, contient environ 50 % de carbone. Les forêts stockent donc de grandes quantités de carbone », a-t-il déclaré. « Si nous continuons à défricher les forêts, nous sommes en mesure d'aggraver considérablement le changement climatique. »

Cette conversion des forêts en terres agricoles a des conséquences inconcevables : elle est responsable, chaque année, d'autant d'émissions de carbone que l'ensemble des États-Unis. Parallèlement, la population mondiale devrait passer de 8 à 10 milliards d'habitants d'ici à 2050. Pour résoudre la crise climatique, il faudra donc produire plus de nourriture avec moins d'émissions sur la même superficie de terre ou, dans l'idéal, sur une superficie encore plus réduite.

« Il n'y a aucun moyen de résoudre les problèmes d'utilisation des terres dans le monde sans modérer les régimes alimentaires - la consommation de viande, en particulier de bœuf - dans les pays développés », a déclaré M. Searchinger.

Si la consommation de viande de ruminants dans les pays riches tels que les ÉtatsUnis tombait à environ 1,5 hamburger par personne et par semaine — soit environ la moitié de ce qu'elle est aujourd'hui, mais toujours bien plus que la moyenne nationale pour la plupart des pays —, cela suffirait presque à éliminer la nécessité d'une déforestation supplémentaire due à l'expansion de l'agriculture, même dans un monde comptant 10 milliards d'habitants, selon une analyse du World Resources Institute.

Bien qu'elle reconnaisse que le chiffre de 3,8 % est faible, Jessica Fanzo, professeur de climatologie à l'université de Columbia, a déclaré qu'elle ne blâmait pas tant les médias que la difficulté de traduire le consensus scientifique en action réelle — un blocage structurel qui a rendu les progrès, et donc les récits, plus difficiles.

« Les gouvernements hésitent à s'attaquer au changement de régime alimentaire, aux émissions du bétail ou à la dépendance à l'égard des engrais parce qu'ils suscitent des sensibilités culturelles et risquent des réactions politiques négatives », a-t-elle déclaré par courrier électronique. Elle ajoute qu'il est difficile d'agir sur le vaste secteur agricole décentralisé. Bill McKibben, auteur et défenseur du climat, a abondé dans ce sens, soulignant dans des commentaires envoyés par courriel que 20 entreprises de combustibles fossiles sont responsables de la majeure partie des émissions mondiales, alors que l'alimentation dépend de l'action de millions d'agriculteurs.

Pendant ce temps, la politique agricole américaine est principalement axée sur l'augmentation de la production de céréales et d'aliments pour animaux par le biais de subventions — une approche qui privilégie les calories bon marché par rapport à la réduction des émissions de carbone. Et les solutions disponibles du côté de la demande, telles que les taxes sur la viande ou les lundis sans viande dans les écoles publiques, risquent desusciter une controverse.

Mais dans cet environnement divisé, les médias peuvent jouer un rôle crucial, a déclaré David McBey, spécialiste du comportement à l'université d'Aberdeen, qui se concentre sur les liens entre alimentation et climat.

« Les campagnes d'information ne modifient pas les comportements », a-t-il déclaré. « Mais elles constituent une base importante. Si l'on veut que les comportements changent, il est important que les gens sachent pourquoi ils doivent changer ».

Source : https://www.theguardian.com/environment/2025/sep/27/meat-gas-emissions-reporting

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Accord UE-États-Unis : Une capitulation européenne ?

7 octobre, par David Cayla — , , ,
Le 27 juillet dernier, la Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le Président américain Donald Trump se sont entendus autour des grands principes d'un (…)

Le 27 juillet dernier, la Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le Président américain Donald Trump se sont entendus autour des grands principes d'un accord permettant de mettre un terme au conflit commercial déclenché par la Maison blanche.

Tiré de : La chronique de Recherches internationales
David Cayla
Économiste, université d'Angers

Letexte officiel de cet accord a été divulgué le 21 août par la partie européenne. Il est complété par des communiqués publiés sur les sites de laMaison blanche et de la Commission européenne qui s'adressent à leurs populations respectives. Le texte de la Commission indique que l'accord « n'est pas juridiquement contraignant », laissant supposer qu'un accord final pourrait être conclu et ratifié par la suite. Pourtant, la procédure permettant de le mettre en œuvre a déjà été engagée par la Commission qui a proposé de supprimer tout droit de douane sur les biens américains importés. Du coté américain, la mise en œuvre de l'accord est également bien avancée, même si la légalité des décrets de la Maison blanche fait débat. La Cour suprême est saisie. Elle devrait rendre son jugement en novembre.

L'accord pose de nombreuses questions, qui relèvent moins de ses conséquences économiques que de sa portée politique et symbolique. Beaucoup d'observateurs, notamment l'ancien Commissaire et ministre de l'Économie Thierry Breton, ont dénoncé les concessions faites par l'UE à la partie américaine. Une proposition de résolution opposé à l'accord a même été déposée par le député Emmanuel Maurel à l'Assemblée nationale.

Le fait est que la stratégie européenne consistant à unir les marchés des différents pays pour peser davantage dans les négociations commerciales semble être prise en défaut. En effet, l'UE va devoir subir des droits de douane de 15 % sur ses exportations vers les États-Unis alors que le Royaume-Uni, isolé depuis le Brexit, est parvenu à négocier un taux plus favorable de 10 %. Ce résultat questionne la légitimité du processus d'intégration européen.

Un narratif américain biaisé

L'argument avancé pour expliquer la différence de traitement entre les économies britanniques et européennes est que les États-Unis dégagent un excédent commercial avec le Royaume-Uni alors qu'ils subissent un déficit vis-à-vis de l'UE. Pourtant, à bien y regarder, les chiffres du commerce transatlantique ne sont pas si avantageux pour l'Europe. Certes, en 2024 la balance des biens a affiché un excédent de près de 160 milliards d'euros au profit de l'UE. Mais dans le commerce des services, ce sont les États-Unis qui sont excédentaires pour près de 110 milliards. Ainsi, l'excédent commercial total dont bénéficie l'UE vis-à-vis des États-Unis n'est que de 50 milliards d'euros. Cet excédent disparaît presque totalement si on tient compte de la balance des revenus primaires qui est déficitaire de près de 45 milliards d'euros. En fin de compte, la balance des transactions courantes sur le commerce UE – États-Unis affiche globalement un équilibre, ce qui contredit le discours de Trump sur le caractère déséquilibré de la relation commerciale. Pourtant, à aucun moment la partie européenne n'a contesté le narratif américain. Elle a au contraire semblé accepter l'idée qu'un « rééquilibrage » du commerce impliquait une hausse tarifaire sur ses exportations aux États-Unis.

Une grande partie du déséquilibre sur les balances des services et des revenus primaires est liée au secteur numérique et au retard de l'UE dans ce domaine. En septembre 2024, le rapport Draghi avait souligné l'importance de mener une politique de souveraineté en la manière, faute de quoi les pays européens risquent de devoir payer aux géants du numérique américains un montant toujours plus important, dégradant par la même les balances des services et des revenus. Afin de développer une stratégie de souveraineté numérique, Bruxelles a engagé une politique de règlementation combinée à des exigences en matière de concurrence et d'accès aux marchés pour les petites entreprises. Le problème est que l'accord ne reconnait pas le droit des Européens à réguler le secteur numérique. Cela a conduit Trump à menacer l'UE de nouvelles sanctions à la suite de l'amende de près de 3 milliards d'euros infligée à Google le 5 septembre dernier. Le fait que l'accord ne permette pas de sécuriser la stratégie européenne en matière numérique constitue un important problème.

Des orientations stratégiques sacrifiées

L'absence d'un volet numérique n'est pourtant pas l'aspect le plus inquiétant de l'accord. Le problème le plus grave concerne les concessions non commerciales qui constituent autant de renoncements stratégiques de la part de l'UE.

Lors du discours prononcé à l'occasion de sa campagne de réélection à la tête de l'exécutif européen en juillet 2024, von der Leyen avait déploré que « 300 milliards d'euros provenant de l'épargne des familles européennes quittent l'Europe pour les marchés étrangers ». Elle s'était engagée à faire en sorte que l'argent européen finance prioritairement des investissements en Europe ; une stratégie qui constituait l'un des axes centraux du rapport Draghi. Pourtant, à rebours de cet engagement, l'accord promet que les Européens financeront un volume de 600 milliards de dollars d'investissements aux États-Unis d'ici 2028. Dans ce même discours, la présidente de la Commission affirmait son engagement à réduire de 90 % les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2040. Or, l'accord propose d'acheter 750 milliards de dollars de produits pétroliers et gaziers aux États-Unis. Enfin, von der Leyen s'était engagée à développer une industrie de la défense autonome ; mais dans l'accord, elle propose que l'UE augmente « considérablement » (sans plus de précision) ses achats d'équipements militaires américains.

La lecture de l'accord soulève une question fondamentale. Pourquoi, alors que lors du premier mandat Trump l'UE avec répondu aux mesures protectionnistes de l'administration Trump par des rétorsions commerciales, il n'en a pas été de même cette fois-ci ? La réponse est que l'UE se trouve aujourd'hui dans une position de grande faiblesse économique. L'industrie allemande est en crise depuis 2019 ; une crise qui ne s'est pas arrangée avec la pandémie de Covid et le déclenchement de la guerre en Ukraine. Pour éviter une quatrième année consécutive de récession, elle a absolument besoin d'exporter. Or, son excédent commercial, qui représentait 6-7% de son PIB dans les années 2014-2019, et tombé à 2-4 % ces dernières années. Ce marasme pèse sur les économies d'Europe centrale et explique en grande partie les contestations populistes qui se développent dans ces pays. Ainsi, en acceptant l'accord proposé par Trump, von der Leyen a surtout cherché à éviter le pire, c'est-à-dire une hausse de 25 % des tarifs douaniers américains. Le problème est que, pour sauver le court terme, elle a abandonné le long terme en démontrant au monde entier que les grandes orientations stratégiques qu'elle défendait pour son second mandat peuvent être sacrifiées sur l'autel de la préservation de l'industrie allemande.

Aussi, le danger pour l'UE est que sa raison d'être et sa crédibilité sortent affaiblies de cet épisode. Si l'exécutif européen ne parvient pas à démontrer que « l'union fait la force », et surtout s'il ne parvient pas à élaborer une véritable stratégie industrielle et commerciale qui tienne compte des nouvelles réalités du monde, s'il continue de s'enfermer dans une posture libre-échangiste à courte vue, il est probable que ce qui reste de légitimité au projet européen finisse par disparaitre pour de bon.

Cette chronique est réalisée en partenariat rédactionnel avec la revue Recherches internationales à laquelle collaborent de nombreux universitaires ou chercheurs et qui a pour champ d'analyse les grandes questions qui bouleversent le monde aujourd'hui, les enjeux de la mondialisation, les luttes de solidarité qui se nouent et apparaissent de plus en plus indissociables de ce qui se passe dans chaque pays.
Site : http://www.recherches-internationales.fr/
https://shs.cairn.info/revue-recherches-internationales?lang=fr
Mail : recherinter@paul-langevin.fr

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Propaganda Monitor : RSF publie son rapport sur la géopolitique de la propagande du Kremlin

7 octobre, par Propaganda Monitor — , ,
Défendre l'information fiable, c'est aussi savoir déjouer les mécaniques de propagande qui s'y opposent à des fins idéologiques. Reporters sans frontières (RSF) lance (…)

Défendre l'information fiable, c'est aussi savoir déjouer les mécaniques de propagande qui s'y opposent à des fins idéologiques. Reporters sans frontières (RSF) lance aujourd'hui un nouveau rapport compilant l'ensemble des contenus de son projet « Propaganda Monitor », un site dédié qui expose les mécanismes de propagande et de désinformation, pour mieux agir face à eux. Cette publication, consacrée aux stratégies du Kremlin en Russie et à l'international, est illustrée par des dessinateurs de presse du réseau Cartooning for Peace.

27 septembre 2025 | tiré du site Entre les lignes entre les mots

Lire le rapport (FR/EN)

La première saison du Propaganda Monitor, projet d'enquête de RSF sur la géopolitique de la propagande, est consacrée à la Russie de Vladimir Poutine, où la propagande d'État s'impose comme un instrument central de la politique intérieure et extérieure.

Pour imposer son récit unique, le Kremlin a déployé un écosystème de propagande diversifié, combinant médias d'État, relais en ligne, influenceurs et structures parallèles. Les acteurs sont multiples – RT, Sputnik, Wagner – et les outils varié – brouillage de la réalité, campagnes de désinformation, usurpation d'identité, ou encore création de fausses écoles de journalisme, etc.

Depuis plus d'un an, RSF documente ses acteurs, réseaux, mécaniques en Russie et à l'international, accompagnée d'un comité d'experts du sujet, installés en France, en Serbie, au Sénégal ou encore en Colombie. L'organisation publie la compilation augmentée de ce travail, en version bilingue, illustrée par le réseau de dessinateurs de presse Cartooning for peace.

« Depuis longtemps, Moscou rêve de réduire au silence toute alternative à sa vision du monde. Et le contexte international favorise cette ambition. La décision du 14 mars 2025 de Donald Trump de démanteler l'Agence américaine pour les médias mondiaux (USAGM), a été accueillie avec satisfaction par le Kremlin : moins de voix indépendantes, c'est plus d'espace pour ses récits. Mais avec le Propaganda Monitor, l'idée est simple : nous devons reprendre la main face à la propagande. L'ambition est claire : donner aux citoyennes et citoyens des clés de compréhension pour ne pas subir un discours obéissant aux intérêts et qui se diffuse et se reproduit avec une agilité déconcertante » – Thibaut Bruttin, Directeur général de RSF

Les informations clés du rapport

1. Une répression organisée des journalistes et des médias

Pour asseoir un discours unique au service d'un pouvoir autoritaire et impérialiste, le régime de Vladimir Poutine a progressivement pris le contrôle, au travers de multiples lois, d'un paysage médiatique qui s'était ouvert dans les années 1990.

La promulgation de lois « sur les agents de l'étranger » et les « organisations indésirables » entérine la volonté du Kremlin de stigmatiser les médias et les journalistes et de complexifier voire d'empêcher l'exercice de leur fonction d'information.

Ce cadenassage des médias se double d'un ciblage direct des journalistes : 48 sont toujours en détention, dont 26 Ukrainiens. Les forces russes les tuent également dans la guerre qu'elles mènent en Ukraine : 12 professionnels de l'information sont morts sur le terrain et une en prison, tandis qu'au moins 48 autres ont été blessés.

2. Le narratif de la désinformation amplifié

Les Ukrainiens sont des « nazis », la guerre menée par la Russie en Ukraine est une « opération spéciale » et non une guerre, les médias indépendants sont des « agents de l'étranger », financés par un « Occident décadent »… Ce discours ancré, martelé depuis des années, infusait dans la société bien avant le déclenchement de l'invasion à grande échelle le 24 février 2022. Il s'est amplifié.

Dans le même temps, le Kremlin s'efforce de diversifier ses techniques de désinformation – création d'« écoles de journalisme », usurpation d'identité, utilisation de l'IA… Le chercheur David Colon explique : « La propagande russe a pour particularité de reposer sur une démarche globale qui ne distingue pas les outils numériques des outils traditionnels (…) l'IA générative permettant aux propagandistes russes de changer l'échelle de leurs campagnes. »

3. Les acteurs d'influence de la propagande russe

Médias d'État, influenceurs militaires, « contractuels de l'influence », les acteurs sont nombreux et variés pour relayer le discours souple et transnational du Kremlin qui s'adapte en fonction du public ciblé. Si l'empire médiatique de la milice Wagner a en partie été démantelé, ses réseaux restent un vecteur de diffusion central de la propagande. Dans l'ombre d'Evgueni Prigojine, fondateur de Wagner mort en août 2023, Alexandre Malkevitch, entrepreneur actif de médias de propagande, continue d'agir en coulisses. Des propagandistes étrangers, se font aussi l'écho de ce discours.

4. L'expansion internationale des réseaux du Kremlin

En Europe, en Afrique, en Amérique latine, au Moyen-Orient et en Amérique du Nord, le discours se diffuse, se propage, s'implante. En Afrique, le chercheur Maxime Audinet, explique que la Russie capitalise sur la fragilité des écosystèmes médiatiques locaux pour s'implanter dans des pays par le biais de « contractuels de l'information ». En Europe, malgré les sanctions, RT et Sputnik parviennent néanmoins à diffuser un discours anti-européen tandis qu'en Amérique latine, le discours anti-impérialiste séduit les populations.

5. Des solutions pour contrer cette propagande

La première riposte contre la propagande consiste à rétablir les faits. RSF soutient des médias indépendants russes et biélorusses en exil, des médias ukrainiens impactés par l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, tout en encourageant des initiatives de fact-checking et des outils comme la norme Journalism Trust Initiative (JTI), qui permettent d'identifier les sources fiables. Cette démarche essentielle contribue à contrer la désinformation et à restaurer la confiance dans l'information.

6. Les recommandations de RSF pour lutter contre la désinformation et favoriser le journalisme fiable

La propagande du Kremlin passe par une telle diversité de vecteurs qu'il est vain de chercher à y répondre uniquement par le biais d'une politique répressive facilement contournable. C'est en renouvelant leur engagement en faveur du journalisme, tout en veillant à ne pas compromettre son indépendance, que les démocraties peuvent remporter cette bataille pour le droit à l'information fiable de leurs citoyens.

Le comité d'experts du Propaganda Monitor de RSF : Maxime Audinet (France), chargé de recherche à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM) ; David Colon (France), enseignant-chercheur à Sciences Po Paris et membre du groupe de recherche “Internet, IA et société” du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ; Valdez Onanina (Sénégal), rédacteur en chef du bureau francophone d'Africa Check, première organisation indépendante de fact-checking en Afrique ; Daniel Milo (Slovaquie), expert de la défense de la démocratie, spécialisé dans la lutte contre la désinformation, les menaces hybrides et l'extrémisme ; Rasa Nedeljkov (Serbie), directeur de programmes au Center for Research, Transparency and Accountability (CRTA), organisation œuvrant à la promotion de la transparence, de la responsabilité et de la gouvernance démocratique ; Vladimir Rouvinski (Colombie), professeur au département d'études politiques de l'Université Icesi à Cali, spécialiste des relations de la Russie avec l'Amérique latine et les Caraïbes ; Dorka Takácsy (Hongrie), chercheure spécialisée dans la désinformation et la propagande en Europe centrale et orientale.

Cartooning for Peace (CFP) : Réseau international de dessinateurs et dessinatrices engagés à promouvoir, par le langage universel du dessin de presse, la liberté d'expression, les droits humains et le respect mutuel entre des populations de différentes cultures ou croyances. Créée en 2006 à l'initiative de Kofi Annan, prix Nobel de la paix et ancien secrétaire général des Nations unies, et du dessinateur de presse Plantu, CFP est aujourd'hui présidée par le dessinateur français Kak.
www.cartooningforpeace.org

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