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Le droit des femmes à vivre sans violence doit être fermement protégé
Le Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes souligne l'importance du droit international, face aux menaces croissantes
Tiré de Entre les lignes et les mots
Il ne fait aucun doute que les droits des femmes sont actuellement menacés de manière destructrice, à l'échelle mondiale.
C'est dans ce contexte régressif que le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a tenu sa 91ème session, du 16 juin au 4 juillet. Le Comité a examiné le respect pardivers pays de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination against Women, CEDAW), et a publié une déclaration sur la nécessité d'appliquer fermement le droit international relatif aux droits humains.
Cette déclaration répond aux efforts de certains pays visant à élaborer un nouveau Protocole facultatif à la CEDAW qui serait axé en particulier sur la violence fondée sur le genre (« gender-based violence »). Toute modification de l'actuel Protocole facultatif, indique la déclaration du Comité, « devrait être fondée sur les normes existantes » dans ce domaine.
La violence sexiste à l'égard des femmes et des filles constitue une violation de la Convention CEDAW. Déjà en 1992, le Comité l'avait souligné : « La violence sexiste est une forme de discrimination qui entrave gravement la capacité des femmes à bénéficier de leurs droits et libertés sur un pied d'égalité avec les hommes. »
Faire pression en faveur d'un nouveau Protocole concernant des droits déjà inscrits dans le droit international, dans le contexte actuel de menaces aux droits des femmes, risque d'affaiblir ces droits. La déclaration du Comitéévoque ce risque : « Toute initiative qui aboutirait à un système de protection inégale parmi les États parties compromettrait les protections et garanties existantes au titre de la Convention. Le Comité est convaincu qu'un nouveau Protocole facultatif risque de créer un processus parallèle susceptible de compromettre l'obligation de rendre des comptes pour des abus en vertu de la Convention. »
Les attaques contre les droits des femmes surviennent dans un nombre alarmant de pays ; un rapport d'ONU Femmes a signalé qu'en 2024, « une hostilité croissante vis-à-vis de l'égalité des sexes » a été observée dans près d'un pays sur quatre. Le recul des droits reproductifs –aux États-Unis, en Roumanie et ailleurs – n'en est qu'un exemple. Le danger est aussi de plus en plus visible dans des enceintes internationales comme l'ONU, où les droits des femmes sont pris pour cible par certains activistes et mis à mal par des coupes budgétaires drastiques. Un nombre croissant d'États œuvrent ouvertement, dans ces enceintes, à affaiblir les protections des droits des femmes.
Cependant des défenseures des droits des femmes à travers le monde poursuiventleurs efforts, s'unissant pour défendre et appliquer résolument le droit international, notamment la Convention CEDAW, qui reconnaît le droit des femmes à l'égalité. Les mises en garde du Comité de la CEDAW méritent une attention particulière.
Comme le rappelle le Comité : « Le principe de non-discrimination énoncé dans la Convention couvre la violence sexiste à l'égard des femmes et des filles. » Les instruments juridiques internationaux sont clairs, tout comme leur interprétation. Il est essentiel que les gouvernements respectent leurs obligations juridiques internationales, et mettent fin à toutes les formes de violence à l'égard des femmes.
Heather Barr, Directrice adjointe, division Droits des femmes
https://www.hrw.org/fr/news/2025/07/14/le-droit-des-femmes-a-vivre-sans-violence-doit-etre-fermement-protege
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Prises entre deux pressions : militarisme et contrôle de la reproduction
Comment les femmes des régions frontalières de la Russie vivent-elles aujourd'hui sous la double pression militariste et reproductive ? Pourquoi la guerre est-elle le moyen le plus efficace pour dissuader les femmes d'avoir des enfants ? La militante féministe Anna Shalamova a recueilli trois monologues de femmes vivant dans la région de Koursk.
Tiré de Entre les lignes et les mots
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Comment les femmes des régions frontalières de la Russie vivent-elles aujourd'hui sous la double pression militariste et reproductive ? Pourquoi la guerre est-elle le moyen le plus efficace pour dissuader les femmes d'avoir des enfants ? La militante féministe Anna Shalamova a recueilli trois monologues de femmes vivant dans la région de Koursk.
Au cours des trois ans et demi d'opérations militaires actives, la population combinée des régions de Koursk, Belgorod et Briansk a diminué de 127 500 personnes. À titre de comparaison, la perte totale de population entre 2011 et 2022 était de 145 700 personnes. Deux raisons principales expliquent ce déclin : l'augmentation de la mortalité et l'exode de la population. Quatre-vingt pour cent de la perte de population enregistrée est due à un nombre de décès supérieur à celui des naissances. Les 20% restants sont attribués aux personnes qui quittent les zones frontalières. Cependant, les chiffres réels sont probablement plus élevés, car tout le monde ne met pas à jour son domicile officiel lorsqu'il déménage. D'après les seules statistiques officielles, les régions frontalières, en particulier la région de Koursk, ont perdu environ 30% de leur population.
Bien que les bureaux d'état civil russes (ZAGS) aient commencé à dissimuler les données relatives aux naissances et aux décès, il est clair que l'appareil répressif de l'État n'est pas parvenu à améliorer la situation démographique par des mesures restrictives. La région de Koursk sert depuis longtemps de terrain d'essai pour les restrictions anti-avortement qui sont ensuite mises en œuvre dans toute la Russie. Il s'agit notamment d'un projet de loi interdisant « l'avortement forcé », la suppression des services d'avortement dans les cliniques privées et le « conseil pré-avortement » obligatoire avec des psychologues et des travailleurs ou des travailleuses sociales. D'autres mesures consistent à diffuser des films pro-vie dans les écoles et à offrir des cadeaux tels que des chaussons pour bébés aux femmes qui envisagent un avortement. La région est devenue un pionnier dans la mise en œuvre de telles restrictions.
Ainsi, deux « opérations spéciales » se déroulent simultanément dans la région de Koursk : l'une militaire et l'autre démographique.
Conformément au discours traditionaliste qui a gagné en popularité depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les responsables politiques reprochent souvent aux femmes de ne pas avoir d'enfants, affirmant que leurs valeurs sont « complètement erronées ». Les femmes nées dans les années 1990 sont particulièrement critiquées pour se concentrer sur leur carrière et être influencées par la propagande occidentale.
Mais qu'en pensent les jeunes femmes sans enfants des régions frontalières ? Comment vit-on sous la pression du militarisme et de la reproduction ? Voici les témoignages de trois femmes de la région de Koursk.
Angelina, 30 ans
Travaille en poste (rotation)
« Le 17 février 2022, j'ai découvert que j'étais enceinte. Mon petit ami et moi étions ensemble depuis plus de deux ans et vivions ensemble depuis un an. Nous n'essayions pas d'avoir un bébé, mais nous ne faisions pas non plus particulièrement attention. Honnêtement, je n'étais pas opposée à l'idée d'être enceinte. Je sentais qu'il était temps de fonder une famille. Nous avions un logement, des emplois décents et une relation stable. Je me suis dit que si cela arrivait par accident, je ne me ferais pas avorter. »
Ma mère m'a eue sur le tard et elle voulait vraiment des petits-enfants. Elle en parlait souvent avec mon petit ami et moi, nous suggérant de nous marier et d'avoir des enfants tant qu'elle était encore là et en bonne santé pour nous aider. Je n'étais donc pas ravie quand j'ai découvert que j'étais enceinte. Mais je l'ai accepté. Je me suis dit que le moment était venu et que j'étais prête à avoir un bébé. Mon petit ami était fou de joie. Il a immédiatement commencé à planifier un mariage au printemps ou en été et à réfléchir à des prénoms pour le bébé.
Le début de la guerre a été un choc total pour moi. J'avais de la famille à Kyïv et à Kharkiv, et des cousin·es à Kherson et à Soumy. Ma mère a grandi à Soumy. Mon père était originaire de Kherson. J'ai visité Soumy plusieurs fois quand j'étais enfant. Ma mère était proche de nos parent·es ukrainien·nes et leur parlait souvent. Nous étions folles d'inquiétude. Pour vous donner des nouvelles, mes cousin·es sont maintenant en sécurité en Allemagne, et nos proches de Kharkiv et Kiev vont bien aussi. Mon petit ami était originaire d'une petite ville frontalière de la région de Koursk. Ses parents y vivent toujours. Je pensais qu'il comprendrait mon inquiétude pour mes proches. Mais environ une semaine après le début de la guerre, il a semblé perdre son sang-froid.
Avant, il ne buvait que quelques bières. Mais soudain, il s'est mis à descendre des litres de vodka et de cognac. Une fois, il a bu quatre litres de cognac en seulement deux jours. Cette beuverie a duré des semaines sans interruption. Il a quitté son travail. Il s'est mis à me crier dessus. Il criait qu'il était patriote et qu'il allait rejoindre la société militaire privée Wagner pour aller faire la guerre, alors qu'il n'avait jamais fait son service militaire ! Je ne reconnaissais plus l'homme dont j'étais tombée amoureuse. Ce n'était plus Sasha. Il était devenu quelqu'un d'autre : colérique, cruel, un véritable psychopathe. J'ai commencé à avoir peur de lui.
Pour couronner le tout, il s'est mis à insulter mes parents. Il disait des choses comme : « Les Khokhols [ndlr : terme russe péjoratif désignant les Ukrainien·nes] ne sont même pas des êtres humains. Que quelqu'un devrait les dénoncer et faire contrôler leurs proches ukrainiens. Et s'ils étaient des espions ou faisaient partie de l'armée ukrainienne ? » Un jour, il s'est saoulé, m'a frappée au visage et m'a tant violée que j'ai saigné. J'avais enfin atteint mes limites. J'ai emménagé chez mes parents et j'ai décidé d'avorter. J'ai réussi à le faire à temps : l'avortement a été pratiqué à 12 semaines.
J'ai demandé à mon père d'aller chez Sasha pour récupérer mes affaires. Je ne voulais absolument pas le voir. Pour aggraver les choses, il a découvert que j'avais avorté et a commencé à m'envoyer des menaces et des insultes depuis de faux comptes. Il m'a traitée de meurtrière, de monstre et de salope. Il m'a écrit qu'il aurait dû commencer à me battre plus tôt et m'attacher au radiateur pour m'empêcher « d'aller tuer notre bébé ». Pendant ce temps, mon ex ne voyait aucun problème à me faire risquer une fausse couche en me violant.
Puis, j'ai découvert que quelqu'un avait retiré 45 000 roubles de ma carte bancaire, ce qui m'a coûté des intérêts substantiels. Il s'est avéré que c'était bien Sasha. Depuis un autre faux compte, il m'a écrit que c'était une « compensation » pour le fait que j'avais « tué notre enfant et privé de la possibilité de devenir père ». Honnêtement, je ne pouvais pas croire à quelque chose d'aussi absurde. Mes parents ont insisté pour que j'aille à la police et que je porte plainte pour vol.
Mon ex-fiancé n'a jamais rendu l'argent, mais il est parti à la guerre. Je ne sais pas s'il a rejoint une société militaire privée ou s'il a fini ailleurs. Tout ce que je sais, c'est qu'il est vivant et qu'il se bat quelque part.
Je suis aujourd'hui dans une relation saine. Je ne me suis sentie en sécurité qu'au début de cette année, lorsque mon nouveau petit ami et moi avons déménagé ensemble pour travailler en rotation. À un moment donné, j'ai réalisé que je ne pouvais plus marcher dans les rues de Koursk sans avoir peur. Je voyais Sasha dans chaque soldat, comme s'il était revenu pour se venger de moi. J'ai commencé à avoir des crises de panique, des insomnies, des cauchemars et une peur des endroits bondés. Je ne me sens à peu près normale que lorsque je suis loin de Koursk, dans un endroit où il n'y a pas de militaires. Mon petit ami et moi avons décidé de quitter la ville pour de bon et d'emmener mes parents avec nous.
Je suis fermement opposée à toute restriction d'accès ou interdiction de l'avortement. Si je n'avais pas pu avorter, j'aurais été liée à jamais à un homme instable et dangereux. Honnêtement, il aurait mieux valu mourir que de continuer à vivre comme je l'ai fait pendant ces semaines du printemps 2022.
Je pense qu'il ne faut pas dissuader les femmes d'avorter. Lorsque je me suis rendue à la clinique spécialisée, le personnel a fait pression pour que je poursuive ma grossesse. Iels ont essayé de me faire peur en évoquant l'infertilité et le cancer. Iels ont également fait appel à un psychologue et à une travailleuse social. Iels m'ont dit que je prendrais du poids et que je deviendrais masculine en raison de déséquilibres hormonaux. Iels ont déclaré que l'avortement était un péché terrible. Si je n'avais pas été déterminée à avorter et à rompre mes fiançailles, je ne l'aurais probablement pas fait. Iels m'auraient brisée.
Honnêtement, c'est un sentiment dégoûtant que de s'humilier devant des étranger·es et d'expliquer pourquoi on a besoin d'avorter. J'ai lu un jour un article sur une femme qui avait vécu une expérience similaire dans une clinique. Elle disait que cela l'avait fait se sentir impuissante, désespérée, comme si elle avait perdu le contrôle de sa vie. C'est exactement ce que j'ai ressenti. Comme un morceau de viande molle entre les mains de quelqu'un ·ed'autre. Comme une poupée ou un jouet. Pas comme une personne vivante. Je ne souhaite cela à personne. Ce soi-disant « accompagnement » dans les cliniques pour femmes est tout simplement cruel et psychologiquement violent.
Aleriya, 33 ans
Ouvrière d'usine
« Depuis quelques années, je rêve d'avoir un enfant. C'est douloureux et absurde de lire toutes ces affirmations selon lesquelles le gouvernement a créé des conditions idéales pour les femmes et que la seule raison pour laquelle nous ne donnons pas naissance à des enfants est le féminisme ou la « propagande anti-enfants ». Eh bien, me voici : une femme qui veut avoir un bébé. À quoi cela me sert-il si je n'en ai tout simplement pas la possibilité ?
Je vis avec ma mère retraitée. Elle m'a eue à 42 ans après avoir lutté contre l'infertilité pendant des années. Mon père est décédé il y a dix ans.
Aujourd'hui, ma mère est handicapée et a presque complètement perdu la vue. Elle risque de devenir complètement aveugle prochainement. Malheureusement, le traitement standard proposé par le système de santé public n'a pas aidé, et nous n'avons pas les moyens de payer des thérapies expérimentales. Tout notre argent est consacré aux factures, à la nourriture et aux médicaments.
J'ai commencé à travailler dans l'industrie manufacturière dès la fin de mes études universitaires. Je n'ai jamais quitté ce secteur depuis. Je gagne exactement 30 000 roubles par mois. Cela correspond à six jours de travail par semaine. Ici, tout le monde gagne des clopinettes malgré une charge de travail importante. En plus de cela, nous sommes constamment obligées de verser de l'argent « pour soutenir nos garçons au front ». Ils collectent des fonds presque chaque semaine pour acheter des lunettes tactiques, des gants, des médicaments ou autre chose. Chaque travailleur et chaque travailleuse doit contribuer à hauteur d'au moins mille roubles. Si vous refusez, ils commencent à faire des vagues et à proférer des menaces. « Comment pouvez-vous ne pas donner d'argent aux défenseurs de Koursk ? », disent-ils. Ils menacent de vous refuser des congés quand vous le souhaitez si vous ne contribuez pas. Ils menacent également de déduire l'argent de votre salaire, de vous licencier ou de vous dénoncer aux autorités.
Sur le chemin du travail, je suis passée devant un panneau d'affichage exhortant les habitants de la région de Koursk à signer un contrat militaire et à rejoindre le combat dans le cadre de l'« opération militaire spéciale ». Ils promettent des sommes d'argent colossales, des centaines de milliers de roubles. Actuellement, on reçoit 800 000 roubles rien que pour signer le contrat. Je continue à me poser la question et je ne comprends pas : s'ils offrent autant d'argent, pourquoi continuent-ils à collecter des dons auprès de femmes qui ne gagnent que 20, 30 ou 40 000 roubles par mois ? Parfois, je vois des militaires acheter de l'alcool onéreux en gros au magasin. Ils se comportent de manière arrogante, harcèlent les femmes et crient des choses comme « On a de l'argent, on t'achètera tout ce que tu veux ». Honnêtement, ça me donne envie de pleurer. Les retraité·es et les enseignant·es grattent des sous pour acheter des chaussettes à envoyer au front, tandis qu'eux dépensent leur argent comme si de rien n'était.
J'ai essayé d'en parler avec des connaissances et des collègues. Mais jusqu'à présent, cela n'a servi à rien. Beaucoup reconnaissent que c'est injuste, mais elles et ils ont trop peur pour s'élever contre ces cotisations obligatoires.
Si je prenais un congé maternité aujourd'hui, je toucherais l'allocation minimale, soit environ 13 000 roubles par mois. Comment une personne avec un enfant peut-elle survivre avec cela ? Et une fois que l'enfant atteint l'âge de 18 mois, l'aide cesse complètement. On peut peut-être espérer quelques aides de l'État.
Cependant, je doute de la générosité des hommes. Dans ce pays, la dette liée aux pensions alimentaires impayées a déjà dépassé les 250 milliards de roubles. Le père de votre enfant peut abandonner sa famille à tout moment, cesser de payer la pension alimentaire et ne subir aucune conséquence. Même si j'ai eu la chance d'avoir un bon père, la plupart des pères de mes amies sont exactement comme je viens de le décrire. Je veux avoir un bébé « toute seule », comme on dit ici. Je serai heureuse de devenir mère si je rencontre la bonne personne. Mais je veux quand même devenir mère, même si ce n'est pas le cas. Il y a quelques années, je me suis promise que si je n'avais pas trouvé de partenaire prêt à avoir un enfant avec moi avant 35 ans, j'essaierais de le faire seule. Mais aujourd'hui, je ne suis plus sûre que cela arrivera. Et ce n'est pas une question d'argent.
Je vis près d'une base militaire. La sirène d'alerte antimissile est si forte qu'elle me réveille même lorsque j'ai fermé les fenêtres et mis des bouchons d'oreille. Pour vous donner une idée, elle peut retentir jusqu'à 20 fois par jour. Parfois, il y a quatre ou cinq alertes en une heure. J'ai commencé à prendre des somnifères juste pour pouvoir me reposer. Et puis, il y a les bruits constants des explosions des systèmes de défense aérienne ou des drones qui frappent à proximité. Comment pourrais-je endormir un bébé dans ces conditions ?
Nous voyons souvent des véhicules aériens sans pilote (UAV) et des drones voler au-dessus de nos têtes. Il y a déjà eu plusieurs « frappes » dans la cour de notre immeuble. Chaque soir, quand je me couche, je ne suis pas sûr que notre immeuble passera la nuit. Et, honnêtement, ce serait une chance si ce n'était qu'un drone et non des fragments de missiles.
Cela peut sembler dramatique, mais je me pose sérieusement la question suivante : ai-je le droit moral de mettre un nouvel être au monde si je ne peux lui offrir ni sécurité ni certitude quant à son avenir ? Par exemple, il y a eu beaucoup de problèmes, voire des guerres, dans le Caucase du Nord dans les années 90 et 2000. Mais notre ville était relativement sûre. Au moins, nous n'avions pas à chercher des abris anti-bombes. Aujourd'hui, l'idée de planifier une grossesse alors que je sais que mon enfant aura probablement moins d'opportunités que moi me donne l'impression de le trahir avant même sa naissance.
Irina, 29 ans
Cheffe d'entreprise
« J'ai commencé à sortir avec mon mari alors que nous étions toustes les deux en troisième. Nous nous sommes marié·es dès son retour du service militaire. Nous avions toujours prévu d'avoir au moins un enfant, et idéalement deux, avant d'avoir trente ans. Pendant un certain temps, cela semblait possible. Je pense qu'on peut dire que notre vie était bonne, voire vraiment heureuse.
À l'âge de vingt ans, nous avons créé ensemble une petite entreprise. Nous travaillions dur tout en étudiant par correspondance. Au début, nous n'avions pas beaucoup de moyens. Chaque centime que nous économisions était investi dans le développement de l'entreprise. Et après quelques années, nous avons commencé à connaître un réel succès. Nous sommes devenus rentables et avons loué un deuxième local. Lorsque le COVID a frappé, nous avions déjà cinq locaux à Kursk. Nous avons pu acheter une petite maison et des voitures pour nous deux. Je me souviens avoir pensé : « Pourquoi ne pas profiter encore quelques années de la vie et voyager ? Ensuite, nous essaierons d'avoir notre premier enfant. »
Le COVID et les confinements nous ont durement touché·es. Même si l'entreprise était complètement à l'arrêt, nous devions continuer à payer le loyer et à verser une partie des salaires des employé·es. Pendant plusieurs mois, nous n'avons pas pu exercer notre activité en raison des restrictions liées à la pandémie. Nous ne nous étions jamais vraiment souciés des prêts auparavant. Mais soudain, ils sont devenus une source de stress. Beaucoup de nos concurrents ont fermé leur entreprise, mais nous avons réussi à rester à flot sans fermer un seul établissement, même si notre réserve financière était fortement réduite. Néanmoins, à l'automne 2021, nous avons recommencé à reprendre espoir, convaincu·es que nos difficultés étaient enfin derrière nous.
Nous nous sommes senti·es complètement perdus·e lorsque la guerre a éclaté. Nous ne savions pas qui écouter ni quoi croire. Avant cela, nous ne nous intéressions pas beaucoup à la politique. Cependant, à partir de février 2022, nous avons commencé à regarder différents vloggers sur YouTube et à suivre l'actualité. Je pense que les gens peuvent s'habituer à tout avec le temps. C'est ce qui nous est arrivé. Nous nous sommes adapté·es au fait qu'il y avait une guerre à proximité, que notre ville était attaquée par des drones et qu'il y avait de nouvelles menaces autour de nous. Lorsque la mobilisation a commencé, mon mari et moi étions terrifié·es à l'idée qu'il soit appelé sous les drapeaux, car il est jeune, en bonne santé et a servi dans l'armée. Mais finalement, rien ne s'est passé. Il n'a jamais reçu de convocation. Bien sûr, notre qualité de vie s'est détériorée, nos revenus ont baissé et l'anxiété est devenue une présence constante. Malgré tout, nous avons essayé de continuer à vivre comme avant et à développer notre entreprise. C'est peut-être une sorte de mécanisme de défense psychologique. On se crée son petit monde et on refuse d'accepter que le monde extérieur s'effondre. Avec le recul, je pense que nous ne voulions tout simplement pas affronter la nouvelle réalité.
Tout a changé lorsque les forces armées ukrainiennes ont lancé des opérations actives dans la région de Koursk. Mon mari est originaire d'un petit village situé juste à la frontière avec l'Ukraine. Il vivait à Koursk depuis l'âge de 14 ans avec son frère aîné afin de pouvoir fréquenter une école de la ville et s'inscrire plus tard à l'université. Sa mère et sa grand-mère sont restées dans ce village. La situation y était instable depuis le début de la guerre. Il y avait des frappes d'artillerie, de drones ou de missiles. Cependant, elles ont refusé de partir jusqu'au tout dernier moment. Lorsque nous avons appris que les forces ukrainiennes étaient entrées dans la région, nous avons tout laissé tomber et nous sommes partis en voiture pour les chercher.
Je ne veux même pas me souvenir de ce que nous avons vécu. Je dirai simplement ceci : nous nous en sommes sorti·es de justesse. Nous avons dû éviter les mines terrestres le long de la route, et la portière de la voiture était criblée d'impacts de balles. Depuis lors, la mère et la grand-mère de mon mari vivent avec nous.
À partir de ce moment-là, tout ce qui allait bien dans notre vie a commencé à s'effondrer. J'avais toujours été fière de mon équipe soudée. Mais à la fin de l'année 2024, près de la moitié de mes employé·es expérimenté·es avaient quitté Koursk à cause de la guerre. Certain·es ont déménagé à Moscou, Saint-Pétersbourg, Voronej, Krasnodar ou Nijni Novgorod. Aujourd'hui, la majorité du personnel est partie. La formation des nouvelles ou nouveaux employés prend beaucoup de temps. Hélas, iels finissent par partir eux aussi. Mon mari a immédiatement fait une demande pour bénéficier du programme d'allègement des prêts proposé aux habitant·es des régions frontalières. Cependant, la banque a fait traîner les choses pendant près de six mois. Elle a rejeté la demande et exigé des photos des destructions dans le village, des photos de la maison, des documents relatifs à la propriété et d'autres absurdités. Le fait que les forces ukrainiennes se trouvent dans cette région a été complètement ignoré. Pour cette raison, nous ne pouvons pas nous rendre sur place pour prendre des photos ou rassembler des documents. En conséquence, nous avons déjà dû fermer deux de nos cinq établissements, et d'ici la fin de l'été, nous en fermerons un autre. Par rapport au premier semestre 2023, nos revenus ont été divisés par six ou sept. Je frémis à l'idée de ce que ce serait si nous avions un enfant en ce moment !
Un système de défense aérienne se trouve à quelques centaines de mètres de notre maison. À cause de cela, il y a un bruit assourdissant constant. Les murs tremblent. Les sirènes anti-missiles retentissent sans cesse. Nous avons trois chats et un petit chien à la maison. Le chien se cache désormais régulièrement dans un coin, refuse de manger, gémit et fait pipi à l'intérieur. Je ne sais pas quoi faire ni comment aider nos animaux de compagnie. J'ai pris la décision difficile d'essayer de leur trouver un foyer avec des personnes bienveillantes en dehors de Koursk. Jusqu'à présent, je n'ai réussi à placer qu'un seul des chats.
Je pense souvent à ce qui se serait passé si j'avais eu un enfant en bas âge. Comment aurait-il réagi à tout cela ? Nous aurions probablement dû abandonner notre maison et partir sans rien. Une famille avec quatre enfants vivait à côté de chez nous. J'ai vu de mes propres yeux à quel point la situation les affectait profondément. Le plus jeune était terrifié par les bruits forts. Par exemple, chaque fois qu'il entendait un klaxon, il se jetait par terre au milieu de la rue, se couvrait les oreilles et se mettait à crier et à pleurer. Finalement, ils n'ont plus supporté cette situation. Ils ont simplement quitté leur maison et déménagé. Avec le recul, je me sens incroyablement chanceuse de ne pas avoir eu d'enfant avant l'invasion.
Je n'ai jamais aimé les discours agressifs autour de la maternité. À mon avis, seuls les couples ont le droit de décider quand avoir un enfant. Personne d'autre ne devrait s'en mêler. Si une femme n'est pas prête à avoir un enfant, elle a des raisons valables, et celles-ci doivent être respectées. Mais au cours de l'année écoulée, j'ai ressenti quelque chose qui s'apparente à de la fureur chaque fois que j'entendais quelqu'un insister sur le fait que les femmes doivent avoir autant d'enfants que possible, aussi vite que possible. Ces défenseurs pensent-ils seulement aux conséquences mentales et physiques que cela aura sur ces enfants ? Leur état psychologique ressemblera-t-il à celui que je constate chez mes animaux de compagnie Ou chez le petit garçon d'à côté ? Je ne comprends pas comment on peut souhaiter cela à son enfant. Les nerfs de ce bébé seraient brisés dès la naissance.
Je suis révoltée lorsque je lis les informations concernant l'interdiction de la soi-disant « propagande en faveur de l'avortement », la restriction de toute mention positive du fait de ne pas avoir d'enfants, la suppression des services d'avortement dans les cliniques privées et la limitation de l'accès à la contraception d'urgence.
Je me suis abonnée à plusieurs chaînes Telegram pro-choix et je les soutiens par des dons. Mon mari et moi étions certain·es de vouloir des enfants, au moins deux. Et oui, nous avions tout ce qu'il fallait pour les élever. Cependant, les conditions pour élever un enfant sont aujourd'hui tout simplement inexistantes. Et honnêtement, je ne sais même pas si j'aurai un jour envie d'avoir un enfant.
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La propagande russe continue de présenter l'« opération militaire spéciale » comme se déroulant uniquement sur le sol ukrainien et n'ayant que peu ou pas d'effet sur la vie quotidienne des Russes ordinaires. Tout au plus, elle mentionne les réfugié·es des zones frontalières ou fait vaguement référence à des problèmes que les responsables russes prétendent résoudre héroïquement. Mais en réalité, le gouvernement russe continue d'ignorer l'impact profond et global que la guerre a eu sur tous les aspects de la vie dans les régions frontalières.
Toutes les femmes à qui nous avons parlé ont exprimé un profond sentiment de vulnérabilité. Elles ont perdu leurs sources de stabilité familières et n'en ont pas trouvé de nouvelles. Les autorités prétendent les « protéger » contre des menaces imaginaires telles que « l'avortement forcé » et « l'idéologie sans enfants », tout en ne faisant rien pour les protéger contre les dangers réels, comme la violence domestique. Les responsables de l'administration de plus en plus militarisée de Poutine sont obsédés par les taux de natalité, tandis que les femmes de Koursk s'inquiètent pour la santé des enfants qu'elles ont déjà. Ces enfants doivent s'endormir au son des explosions et des sirènes de défense aérienne. Les législateurs nient l'autonomie des femmes qui choisissent de ne pas avoir d'enfants, les rejetant comme des victimes de « l'influence occidentale ». Mais les femmes de Koursk racontent une autre histoire, qui ne repose pas sur une idéologie, mais sur la réalité vécue. Ce n'est pas l'Occident, mais la guerre de Poutine qui les a contraintes à reconsidérer leur décision de mettre au monde un nouvel enfant.
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Plaidoyer pour une médiatisation féministe pour contrer la propagande christofasciste
Face à la montée du christofascisme, il est urgent d'appliquer aux violences systémiques les leçons des mobilisations féministes : nommer les agresseurs, refuser les faux prétextes et inscrire chaque acte dans un système de domination. Une médiatisation féministe est essentielle pour contrer leur propagande.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Les mobilisations féministes, à travers des campagnes comme Les Mots Tuent ou l'imposition du terme « féminicide », ont profondément transformé le traitement médiatique des violences sexistes. Nommer les auteurs, refuser les prétextes et inscrire chaque meurtre dans un système de domination ne relève pas d'un simple détail de langage, mais d'un enjeu politique majeur. Ce cadre théorique et militant permet aujourd'hui d'analyser un autre phénomène structurel : la montée des fascismes, notamment le christofascisme*, aux États-Unis et la propagande qui les légitime. Il constitue un outil essentiel pour éviter, dans la médiatisation de ce phénomène, les écueils qui ont trop longtemps marqué, et continuent de marquer, le traitement médiatique des violences fondées sur le genre.
Les travaux féministes ont établi que le langage n'est jamais neutre : il façonne notre perception de la violence et contribue au maintien des systèmes de pouvoir. Dans ses analyses, Kate Manne a mis en lumière deux mécanismes centraux : la himpathy, soit la sympathie disproportionnée accordée aux agresseurs masculins, et la herasure, l'effacement des victimes. C'est précisément cette dynamique qui transparaît dans la médiatisation du décès de Charlie Kirk : figure centrale de l'offensive christofasciste, connu, entre autres, pour avoir ciblé et mis en danger des enseignants progressistes à travers sa « Professor Watchlist », Kirk est aujourd'hui présenté comme un martyr. Cette inversion perverse produit de la sympathie pour le défunt et efface la violence qu'il a lui-même exercée, au détriment des minorités, des universitaires et des groupes qu'il a contribué à persécuter.
La linguiste Julia Penelope, dans Speaking Freely (1990), a montré comment l'usage récurrent de la voix passive efface les auteurs des violences et recentre l'attention sur les victimes, produisant une neutralisation grammaticale de l'agresseur. De son côté, Dale Spender, dans Man Made Language (1980), a démontré que la langue est historiquement façonnée par le patriarcat et érige le masculin en norme. Ces mêmes mécanismes apparaissent dans la médiatisation des suspensions de l'antenne de figures comme Jimmy Fallon ou Jimmy Kimmel. L'auteur véritable, Trump et son appareil christofasciste, est gommé du récit. Les articles préfèrent parler d'un « retrait d'antenne pour des propos sur Charlie Kirk », un motif qui suggère une faute : s'être moqué d'un supposé martyr de la liberté d'expression. En réalité, les propos visaient Trump lui-même, et c'est bien lui qui est à l'origine de la sanction. Ce déplacement du regard, du véritable agresseur vers un prétexte, en transformant le comportement de la victime en cause, reproduit les logiques déjà observées dans les faits divers sexistes : c'est l'équivalent médiatique d'affirmer qu'« elle a été violée parce que sa jupe était trop courte ».
La psychologue Jennifer Freyd a conceptualisé le processus de DARVO (Deny, Attack, Reverse Victim and Offender) pour décrire la manière dont les agresseurs réagissent lorsqu'ils sont confrontés à leurs violences : ils nient les faits, attaquent la crédibilité de ceux qui les dénoncent et inversent les rôles en se présentant comme victimes. À l'échelle politique, Trump mobilise exactement cette logique lorsqu'il criminalise Antifa. Plutôt que de reconnaître la violence fasciste de son propre camp, il la nie, attaque ceux qui la dénoncent et les désigne comme les véritables fauteurs de troubles. Ce renversement rhétorique, c.a.d présenter l'antifascisme comme une menace et le fascisme comme une réaction légitime, fonctionne comme une version systémique du DARVO : une stratégie qui détourne la responsabilité des auteurs pour la projeter sur leurs opposants.
Dans une autre perspective, mais toujours en continuité avec l'idée d'un système de domination et non d'actes isolés, Evan Stark a développé le concept de contrôle coercitif (Coercive Control, 2007). En s'appuyant notamment sur les travaux d'Albert Biderman sur les méthodes de contrainte psychologique utilisées contre les prisonniers de guerre pendant la guerre de Corée (Chart of Coercion, 1957), Stark montre que la violence conjugale constitue une stratégie globale d'assujettissement : priver la victime d'autonomie, contrôler ses ressources, ses relations, son espace et son temps. Transposé au champ politique, ce cadre éclaire la dynamique du régime de Trump. La captation des récits et leur cadrage par l'ensemble des institutions, de la Federal Communications Commission (FCC, l'agence fédérale chargée de réguler les médias et télécommunications) à la Justice en passant par le FBI, fonctionnent comme une forme de contrôle coercitif informationnel : une guerre cognitive menée au sein d'une économie de l'attention pour confisquer les ressources symboliques et réels, saturer l'espace médiatique et empêcher toute contestation de se déployer.
Gommer les auteurs du récit est l'un des moyens par lesquels les systèmes dominants se maintiennent et se reproduisent : les groupes en position de pouvoir ne sont jamais contraints d'interroger leur propre domination. L'un des traits fondamentaux du privilège est précisément cette capacité à rester inquestionné, à se rendre invisible, à apparaître comme neutre, y compris dans des situations qui les concernent directement. La structure même des phrases, la manière dont nous pensons et rapportons la violence systémique, conspire ainsi à détourner l'attention des véritables auteurs de cette violence. Dans le cas des violences fascistes, ce processus se double d'une captation massive des ressources d'attention et d'une criminalisation de toute résistance. C'est pourquoi une pratique féministe de la médiatisation s'impose : nommer clairement les agresseurs, refuser les prétextes qui légitiment leurs actes, inscrire chaque événement dans la stratégie globale de domination qui le rend possible. De la même manière que les féministes ont imposé l'usage du terme « féminicide » pour rendre visibles les structures patriarcales qui produisent ces meurtres, il devient nécessaire d'exiger des professionnels des médias un langage et cadrage précis pour désigner et dénoncer les violences christofascistes.
* La théologienne féministe de la libération Dorothee Sölle a forgé dans les années 1970 le terme christofascisme pour désigner une dérive du christianisme qui exige la soumission aveugle à l'autorité, sacralise les suprémacismes et le capitalisme, et légitime l'injustice sociale. En associant religion, patriarcat et nationalisme, il devient un appui idéologique pour tous ceux qui veulent faire des « disciples des nations », c.a.d transformer nos démocraties en théocraties chrétiennes.
Stephanie Lamy
Féministe, chargée d'enseignement, chercheuse
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L’austérité budgétaire est sexiste
Quand un gouvernement coupe dans les budgets, les femmes sont les premières à en payer le prix. Après l'échec de François Bayrou et de son projet de budget austéritaire, nous voulons rappeler à son successeur que diminuer le financement des services publics n'est pas une fatalité : c'est un choix politique, et nous le dénonçons.
Tiré de Entre les lignes et les mots
L'affaiblissement des services publics frappe deux fois les femmes
Les services publics sont un pilier de l'égalité. Leur affaiblissement frappe deux fois les femmes : comme agentes et comme usagères. Les métiers de la santé, de l'éducation, du social, du soin, de la culture sont massivement féminisés, parfois précaires, souvent sous-valorisés avec des conditions de travail qui se dégradent réforme après réforme. C'est pourquoi, monsieur Lecornu, vous devez renoncer à l'« année blanche » sur les salaires et à la suppression de postes qui surchargent toujours plus les agentes, fragilisent leurs carrières et réduisent leur pouvoir d'achat.
Les femmes gèrent majoritairement l'organisation familiale et s'occupent des démarches administratives plus nombreuses, des soins, de l'accompagnement scolaire et extrascolaire des enfants. Selon l'Observatoire des inégalités, la répartition des tâches ménagères et familiales restetrès inégalitaire, les femmes y consacrent une heure trente de plus par jour que les hommes et assurent l'essentiel du suivi éducatif et de santé.
Les fermetures de services publics, la disparition des maternités de proximité, le manque de places en crèche ou la réduction des structures de soin et d'accompagnement pèsent donc plus lourdement sur elles. Chaque service supprimé accroît leur charge mentale, allonge leurs déplacements et limite leur autonomie économique. Moins de services publics, c'est plus de charge qui leur incombe au prix de leur autonomie économique et de leur santé.
Les coupes budgétaires, comme le recrutement insuffisant de fonctionnaires, laissent craindre d'autres impacts sur les femmes. Car le gel de la revalorisation des aides sociales, des minima sociaux, des revenus concernent majoritairement les femmes, notamment les mères isolées. 94% des familles monoparentalesqui perçoivent le RSA ont des femmes à leur tête. De même, les femmes constituent 61% des allocataires du minimum vieillesse (Aspa), un chiffre qui révèle l'impact de carrières souvent hachées, à temps partiel et avec des salaires plus faibles sur leurs pensions de retraite.
Les femmes touchent aussi plus souvent la prime d'activité que les hommes, car elles sont majoritairement employées à temps partiel. Sa non-revalorisation est un coup dur sur leur budget. Enfin, le doublement des franchises médicales ou les attaques sur l'AME les touchent davantage, car elles sont majoritaires à la tête des familles monoparentales. Chaque euro de plus de frais médicaux est un fardeau supplémentaire qui menace leur équilibre financier.
Être enceinte ne doit pas être un facteur de précarité
Depuis mars 2025, une mesure injuste pénalise les agentes de la fonction publique enceintes : 10% de salaire en moins dès le premier jour d'arrêt maladie ordinaire. Cette disposition est une honte : elle fait payer aux femmes leur état de santé, comme si porter un enfant était une faute. Dans un secteur déjà marqué par les inégalités salariales et la ségrégation professionnelle, cette régression est un scandale. Elle ajoute une violence économique au moment même où les femmes devraient être protégées. Etre enceinte ne doit jamais être un facteur de précarité.
Les associations et les collectivités territorialessont aussi en première ligne dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, mais elles le sont aussi dans les coupes budgétaires. La réduction de leurs dotations implique non seulement un affaiblissement des structures d'aide aux femmes victimes de violences, mais aussi un recul de la prévention et un abandon des associations de terrain, comme le planning familial.
C'est aussi prendre le risque de ruptures sèches dans les parcours d'accompagnement, avec moins de places d'hébergement et un accès aux droits réduit à sa portion congrue. Les femmes victimes de violences risquent de se retrouver isolées, alors même que les besoins explosent. La lutte contre les VSS n'est pas une option : c'est une urgence de santé publique et un enjeu démocratique. La fragiliser par des économies de bout de chandelle, c'est condamner les victimes au silence.
Les réductions budgétaires ne sont pas neutres, elles sont souvent sexistes. Elles touchent plus fortement les femmes : dans leurs droits, dans leur travail, dans leur vie quotidienne. Elles creusent les inégalités et fragilisent la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Nous, responsables d'organisations syndicales et féministes l'affirmons : les baisses de budget sont une violence faite aux femmes. Notre pays a, au contraire, besoin de moyens renforcés pour les services publics, pour les associations, pour les collectivités, afin de garantir les droits, la protection et l'égalité.
Parce que aucune société juste ne peut se construire au détriment des femmes, nous appelons à la mobilisation le 18 septembre : vos prétendues économies, ce sont nos vies.
Signataires : Sophie Binet Secrétaire générale de la CGT, Marylise Léon Secrétaire générale de la CFDT, Caroline Chevé Secrétaire générale de la FSU, Muriel Guilbert et Julie Ferrua Codéléguées de Solidaires, Laurent Escure Secrétaire général de l'Unsa, Sarah Durocher Présidente du Planning familial, Suzy Rojtman Porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes (CNDF), Maïna Cerniawsky Secrétaire générale et porte-parole de l'association Osez le féminisme !, Ana Azaria Présidente Femmes Egalité
https://osezlefeminisme.fr/lausterite-budgetaire-est-sexiste/
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#Metoo syndical : un procès historique contre la parole de femmes syndicalistes
Nous, militantes syndicalistes et féministes, en appelons à votre solidarité et à votre soutien pour notre camarade Christine, qui passe en procès pour diffamation les 16 et 17 octobre 2025 à Paris. Un rassemblement aura lieu le 16 octobre à midi devant le tribunal.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/10/06/metoo-syndical-un-proces-historique-contre-la-parole-de-femmes-syndicalistes-2/?jetpack_skip_subscription_popup
Appel à la solidarité syndicaliste et féministe
Nous, militantes syndicalistes et féministes, en appelons à votre solidarité et à votre soutien pour notre camarade Christine, qui passe en procès pour diffamation les 16 et 17 octobre à Paris.
En décembre 2016, une syndicaliste CGT Ville de Paris du secteur de la Petite enfance dénonçait une agression physique au sein de la Bourse du travail parisienne par un syndicaliste CGT du secteur du nettoiement.
Ses camarades ont soutenu la victime afin qu'elle puisse retourner militer au sein de la Bourse et pour que ce type de violences machistes, trop courantes, cessent au sein du syndicat.
Elles et ils ont interpellé toutes les instances possibles : l'Union Départementale, la Fédération des Services Publics, la Confédération mais aussi la ville de Paris en tant qu'employeur.
La cellule de veille de la confédération CGT va mener une enquête sur les faits, la première en matière de VSS, qui conclura quelques mois plus tard à la nécessité d'une sanction contre le syndicaliste. Mais celui-ci n'est pas inquiété dans son syndicat.
Pour en savoir plus :
https://www.mediapart.fr/journal/france/270618/violences-et-agissements-sexistes-l-affaire-que-la-cgt-etouffee
Les camarades en lutte vont alors créer un collectif femmes/mixité pour élargir la mobilisation : organisation de formations en interne dans la lutte contre les VSS, interventions à différents congrès de la CGT, montée en compétences dans ce combat au bénéfice des agent.es de la ville victimes dans le cadre de leur travail, etc.
C'est la lecture du bilan des 3 années de ce collectif par l'une des membres, Christine, lors du congrès de l'UD CGT Paris début 2020, qui est à l'origine de ce procès en diffamation cinq ans après.
La Confédération CGT est elle aussi poursuivie en la personne de Philippe Martinez, alors secrétaire général, pour le travail d'enquête mené par la cellule de veille confédérale contre les violences sexuelles.
Ce procès en diffamation est une première dans l'histoire de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles au sein d'un syndicat.
Ce procès en diffamation est une démarche patriarcale de musellement de la parole des femmes et de leurs soutiens dans nos structures syndicales. Cette procédure-bâillon vise à punir celles qui ont parlé et exercer une pression telle, que le découragement l'emporte.
Christine ne doit pas être condamnée pour diffamation. Si elle l'était, la possibilité même de dénoncer et de combattre les violences sexuelles, dans les organisations syndicales et partout ailleurs, serait remise en cause.
Si la CGT (au travers de P. Martinez) était condamnée pour le travail de la cellule de veille, ce serait un très mauvais message pour toutes les OS qui tentent de faire sanctionner les militants machistes. L'ensemble des organisations syndicales est en effet confronté aujourd'hui à leur responsabilité pour prévenir, protéger les victimes et sanctionner les violences sexuelles perpétrées en interne (Voir les articles sur CFDT, FO, Solidaires, CFTC :https://www.mediapart.fr/journal/france/dossier/violences-sexuelles-les-syndicats-aussi)
Quel soutien des OS à Christine ?
Christine a été forcée de quitter la CGT, où elle militait depuis vingt ans, suite à cette affaire. Elle est aujourd'hui contrainte de se lancer dans des démarches juridiques coûteuses pour se défendre, alors qu'elle a été avec le collectif Femmes Mixité de l'US CGT Ville de Paris, une lanceuse d'alerte, pour obtenir de son organisation syndicale qu'elle assure la sécurité des syndiquées.
Les faits de violences sexistes commises contre les victimes directes remontent à 2016, soit plus de 8 ans. Chaque nouvelle attaque est une résurgence violente du traumatisme vécu, pour Christine comme pour toutes les victimes. S'attaquer à notre camarade, c'est s'attaquer à toutes les femmes de la CGT, comme de tous les syndicats, qui ont été, sont victimes ou soutiens de victimes de violences sexistes et sexuelles.
Comme nous l'exigeons auprès de nos employeurs, notre camarade devrait bénéficier d'une prise en charge globale et solidaire de tous les frais afférents à cette attaque en justice. La camarade ne doit pas, comme cela s'est déjà passé à FO récemment, payer les préjudices financiers et humains de violences qui n'auraient jamais dû exister.
(cf article AVFT :https://www.avft.org/2024/04/30/lettre-ouverte-a-la-confederation-force-ouvriere/).
Le procès se tiendra au Tribunal correctionnel de Paris – Parvis du tribunal, 75017 Paris – les 16 et 17 octobre à 14h. Nous appelons à un rassemblement à 12h devant le tribunal le 16 octobre.
Pour assurer une présence solidaire, nous appelons les OS à consacrer des moyens syndicaux pour participer à ce procès historique et formateur pour nos luttes. Toutes les organisations syndicales, avec en tête la CGT dont elle était membre, doivent la soutenir.
Exprimons notre soutien syndicalo-féministe à notre camarade et notre détermination à combattre les violences sexistes et sexuelles dans nos organisations, en nous retrouvant sur place. Rejoignez- ous pour en savoir plus : resyfem@riseup.net
Résyfem, un réseau de militantes de la Cgt, de la Fsu, de Solidaires, de Fo, du syndicat de la magistrature, du syndicat des avocats de France.
Paris, le 02 octobre 2025
https://blogs.mediapart.fr/resyfem/blog/031025/metoo-syndical-un-proces-historique-contre-la-parole-de-femmes-syndicalistes
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Madagascar : la mobilisation ébranle le régime
Luffy héros de Manga « One Piece » et symbole des luttes de la Génération Z a changé de couvre-chef. Du chapeau de paille orné d'un ruban rouge il est désormais en raphia multicolore, la coiffe du sud de Madagascar, et accompagne sur les pancartes les manifestations de la jeunesse.
Le 24 septembre lors de l'assemblée générale des Nations-Unis, Andry Rajoelina le président de la grande île déclarait : « il n'y a pas de développement sans une énergie fiable, accessible et abordable. » et poursuivait : « En seulement 6 ans, le taux d'accès à l'électricité dans mon pays est passé de 24 % à 40 %. ». Comme une réponse à ce satisfecit indu, le lendemain la jeunesse entamait les premières manifestations contre les coupures incessantes d'électricité et d'eau.
Miala Rajoelina ! (Rajoelina dégage)
Un problème certes récurrent mais qui s'aggrave. Ces difficultés proviennent d'un manque d'investissement et de maintenance des réseaux de la Jirama la société en charge de la distribution. Mais elles viennent aussi des détournements de fonds dont un des principaux responsables est Mamy Ravatomanga, deuxième fortune du pays et éminence grise du président.
Les manifestants ne s'y sont pas trompés. Très rapidement les revendications ont évolué pour exiger la démission de Rajoelina mais aussi la dissolution du Sénat, de la haute Cour constitutionnelle et de la commission électorale, des institutions synonymes de corruption des élites.
Rajoelina a bien tenté de désamorcer la crise mais à chaque fois trop tard et trop peu. Il a limogé le ministre de l'énergie, puis s'est résolu à congédier son gouvernement et surtout le premier ministre Christian Ntsay. Une pièce maitresse du dispositif politique du clan du président. Même sa prestation télévisée annonçant cette révocation a tourné au ridicule lorsqu'il s'est adressé aux jeunes leur enjoignant d'envoyer leur CV pour la mise en place du nouveau gouvernement.
La mobilisation s'élargie
La lutte au fil du temps s'étend à travers le pays, touchant les principales villes. La volonté des jeunes de la génération Z d'élargir le mouvement s'est concrétisée. Les dirigeants politiques des partis d'opposition notamment les anciens présidents Ravalomanana et Rajaonarimampianina ont timidement apporté leur soutien. D'eux il n'y a rien à attendre au vu de leur passif de pillage des ressources du pays. Les organisations de la société civile se sont fortement mobilisées contre la répression des manifestants pourtant pacifiques, la police laissant par contre les gangs piller les commerces. Une stratégie du chaos qui visait à rallier au moins une partie de la population, en vain.
Le fait nouveau est la mobilisation des travailleurs. Quelques jours après les premières manifestations, les salariés de la Jirama se sont mis en grève, rejoints par le syndicat des enseignant le SEMPAMA. Enfin Herizo Ramanambola leader de la Solidarité Syndicale Malgache a appelé à la grève générale exigeant lui aussi la démission du président.
Rajoelina, pour occulter ses seize années de pouvoir catastrophique dénonce désormais un complot ourdi par des « puissances étrangère ou des agences à la technologie avancée » manipulant grâce aux algorithmes la jeunesse. Bref « des forces des ténèbres » qui poussent les jeunes dans la rue.
A moins que cela soit les posts sur les réseaux sociaux des rejetons des élites malgaches qui exhibent leur vie dorée permise par une richesse spoliée d'un pays où les trois quarts de la population vivent en deçà du seuil de pauvreté.
Paul Martial
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Maroc - Génération Z en colère : quand la répression remplace l’écoute, la rue s’enflamme !
La gestion sécuritaire des manifestations du week-end dernier a révélé un fossé grandissant entre les autorités et la jeunesse marocaine. Plutôt que d'étouffer la colère, la répression l'a exacerbée, mettant en lumière les limites d'une approche autoritaire face à une génération connectée et consciente de ses droits.
Réagir à la colère par le mépris, c'est nourrir le ressentiment. Les événements du dernier week-end au Maroc en sont une illustration éclatante. Ce qui devait être des manifestations pacifiques, menées principalement par des milliers de jeunes de la génération Z, s'est transformé en scènes de violence essentiellement à cause de la manière dont ils ont été gérés.
Au lieu d'encadrer ces manifestations pour en canaliser l'énergie, les forces de l'ordre ont choisi la voie de la répression. Des arrestations ont été ordonnées alors que, selon des milliers de vidéos relayées en ligne, aucune justification ne semblait valable. Ce choix stratégique s'est avéré contre-productif : il a provoqué les débordements que l'on prétendait éviter.
D'après le journal Le Monde "un jeune homme a été grièvement blessé, à Oujda, dans l'est du pays, après avoir été renversé par un fourgon des forces de l'ordre. Diffusée sur les réseaux sociaux, une vidéo virale montre l'estafette bleue filer à toute allure, gyrophares allumés, sur une place de la ville, avant de percuter de plein fouet un manifestant, de lui rouler dessus et de poursuivre sa route"
Lorsqu'une colère est légitime, elle doit pouvoir s'exprimer librement, être écoutée et recevoir des réponses à la hauteur des attentes qu'elle porte. Cette même jeunesse avait déjà pris part, à plusieurs reprises, aux mobilisations contre le génocide à Gaza, sans faire l'objet de répression. Pourquoi, alors, une telle fermeté aujourd'hui ? Sans doute parce que cette fois, leur cri ne vise pas l'extérieur : il renvoie à des responsabilités internes, dérangeant des consciences impliquées dans la corruption, la dégradation des services publics et la flambée du coût de la vie.
En ordonnant des arrestations arbitraires, les autorités ont donné l'impression de sous-estimer, voire de mépriser, cette génération. Comme si l'on pouvait encore gérer les mouvements sociaux avec les réflexes d'une autre époque. Or, le Maroc de 2025 n'est plus celui des années de plomb.
Ce n'est que le mardi suivant, deux jours après les manifestations, que la majorité gouvernementale a publié un communiqué promettant aux jeunes écoute et réformes. Dans le même texte, elle saluait la « gestion équilibrée » des forces de l'ordre et insistait sur le respect des procédures légales. Un discours officiel décalé par rapport à la réalité vécue sur le terrain, renforçant le sentiment d'injustice et de déconnexion.
Reconnaître une erreur n'est pas une faiblesse politique ; c'est souvent le point de départ d'une reconquête de la confiance citoyenne.
L'histoire juridique marocaine rappelle pourtant l'importance des libertés publiques. Dès 1958, avant même la Constitution de 1962, le Dahir du 15 novembre avait établi un cadre libéral pour la presse, les associations et les rassemblements publics, reposant sur un simple régime déclaratif.
Fermer la porte à la liberté de manifester, c'est bloquer la voie de l'émancipation et de la modernisation démocratique.
Certains Marocains, notamment de la diaspora, ont appelé les jeunes au calme. Oui, c'est nécessaire de retrouver le calme en toute urgence. Les jeunes doivent traduire leur colère en discours politique. Par ailleurs, les responsables de cette répression doivent reconnaître leur erreur. Un simple communiqué ne peut apaiser une colère profondément ancrée. Des gestes politiques forts sont nécessaires : libérations rapides de certains détenus d'opinion, ouverture d'un dialogue sincère avec la jeunesse, démission de certains ministres qui ont échoué dans leur mission.
Le Maroc est une nation riche et fière de sa grande histoire. Mais cette histoire s'écrit aussi avec ses citoyens d'aujourd'hui. Ces jeunes manifestants représentent le Maroc contemporain et celui de demain. Ils méritent respect et considération. Leur mobilisation, annoncée pacifique, a été dénaturée par des arrestations injustifiées qui ont rallumé une colère longtemps contenue.
Loin d'être une menace, la colère de la génération Z est un signal d'alerte, une opportunité pour les gouvernants de repenser leur rapport au citoyen. Cette génération constitue, de fait, le meilleur contre-pouvoir démocratique dont le Maroc a besoin pour avancer.
Et qu'on ne vienne pas évoquer une main étrangère derrière cette manifestation populaire. Ce serait une insulte à l'intelligence des Marocains. Les véritables causes sont internes : une gouvernance à bout de souffle et une élite politique sourde aux aspirations populaires.
Dans un pays où la démocratie est encore en construction, empêcher le peuple d'y participer, c'est attaquer le cœur même de cette construction. Il est temps que ceux qui prétendent gouverner se souviennent : ce n'est pas au peuple de craindre l'État, mais à l'État de respecter le peuple et sa Constitution.
Je rappelle aussi que c'est le mouvement du 20 février, inspiré des révoltes du Printemps arabe, qui a amené le roi Mohammed VI à proposer une réforme constitutionnelle. Elle a été soumise au vote populaire. 98,49% des marocains ont voté en faveur de la nouvelle constitution qui réaffirmait, notamment, leur droit à manifester.
Ne pas respecter la constitution revient à ne pas respecter ni le peuple, ni le roi !
Mohamed Lotfi
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La Russie « partenaire stratégique » des élections en Centrafrique !
À l'approche des élections générales du 28 décembre 2025, la République centrafricaine se retrouve dans une situation critique. Avec un déficit budgétaire de près de 4 milliards de francs CFA (environ 6 millions d'euros), le pays peine à mobiliser les ressources nécessaires pour organiser les scrutins prévus (présidentiel, législatif et municipal). Face à cette impasse, la Russie s'est proposée comme partenaire stratégique. Quels sont les enjeux de cette offre qui pourrait compromettre la crédibilité du processus électoral ?
Rédaction de Mondafrique
18 septembre 2025
Par Par Barthélémy Kolapo
Le budget total requis pour les élections est estimé à 9 milliards de francs CFA (≈ 13,7 millions d'euros). À ce jour, seuls 5 milliards ont été mobilisés, entraînant déjà le report des élections locales. Ce manque de financement met en péril l'ensemble du calendrier électoral, dans un pays où les institutions démocratiques restent fragiles. Le 19 août, l'ambassadeur russe à Bangui Alexandre Bikantov a confirmé la volonté de Moscou d'apporter un soutien logistique et matériel. Ce soutien pourrait inclure l'acheminement d'équipements électoraux, la formation d'agents, et un appui technique à l'Autorité nationale des élections (ANE). Mais aucun détail n'a été fourni sur les montants ou les modalités de financement, ce qui suscite des interrogations sur la transparence de cette coopération.
Les risques sont multiples et pourraient entacher la légitimité du scrutin. L'implication russe pourrait refroidir les bailleurs traditionnels qui vont certainement exiger des garanties de neutralité. Par ailleurs, les sanctions occidentales contre la Russie compliquent les transferts financiers. Si Moscou a recours à des circuits non officiels, la RCA pourrait être exposée à des sanctions secondaires ou à une suspension de l'aide multilatérale. Malgré sa présence sécuritaire via Wagner ou ses successeurs, la Russie ne dispose pas d'une infrastructure électorale éprouvée en RCA. Le soutien proposé reste flou et ne répondra probablement pas aux standards internationaux. Les observateurs internationaux pourraient remettre en question la légitimité du scrutin, affectant la reconnaissance des résultats et la stabilité post-électorale.
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Le cas de Betty Lachgar soulève des questions pour nous tous et toutes
Aujourd'hui, 30 septembre, je célébrerai la Journée internationale du blasphème, au cours de laquelle je manifesterai ma solidarité avec les dissidents·e et les militant·es du monde entier pour contester les lois oppressives, défendre la liberté d'expression, la liberté de conscience et de croyance, ainsi que la liberté de ne pas croire sans crainte de violence, d'arrestation ou de persécution.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Je le fais en tant que musulmane et militante des droits humains. Aujourd'hui, je me souviens de tous ceux et toutes celles qui ont perdu la vie, ont été condamné·es à mort et croupissent en prison à cause des lois sur le blasphème. Ces lois privilégient les orthodoxies religieuses dominantes en limitant la liberté d'expression et la dissidence, qui encouragent les réformes et l'évolution vers les principes des droits humains.
Je ne me souviens pas d'une époque où les limites de la liberté d'expression et de la liberté/du droit de manifester aient fait l'objet d'un tel débat public et politique. De la violence politique aux États-Unis contre les républicains et les démocrates, au meurtre de Charlie Kirk, à l'interdiction de Palestine Action en tant que groupe terroriste au Royaume-Uni et aux arrestations qui ont suivi de celles et ceux qui le soutiennent, en passant par les revendications de celles et ceux qui ont défilé dans les rues de Londres le 13 septembre, affirmant que la liberté d'expression est menacée au Royaume-Uni. Il ne se passe pas un jour sans qu'il y ait des commentaires sur la liberté d'expression ou son absence. Dans le même temps, il semble y avoir une réaction hostile à l'égard du régime international des droits des êtres humains dans de nombreuses régions du monde, et il est devenu extrêmement difficile, voire souvent dangereux, de défendre ses droits ou ceux d'autrui. On constate une augmentation du nombre de représailles contre les défenseur·es des droits des êtres humains et des appels à un recul de la législation en matière de droits des êtres humains dans des pays comme le Royaume-Uni.
Au milieu de tout cela, il y a le cas de Betty Lachgar, qui touche au cœur même du débat sur la liberté d'expression et la liberté de conscience, mais qui a reçu beaucoup moins d'attention que moi-même et d'autres pensons qu'il mérite. Betty a été arrêtée et emprisonnée au Maroc pour avoir porté un t-shirt portant le slogan « Allah est lesbienne ». Selon la sœur de Betty, Siham Lachgar, Betty s'est inspirée de la citation suivante pour créer ce slogan : « J'ai vu Dieu. Elle est noire, communiste et lesbienne », attribuée à la féministe française Anne-Marie Fauret.
Ibtissame Lachgar, que nous connaissons sous le nom de Betty, est une féministe marocaine de premier plan, militante des droits humains et défenseure des droits des personnes LGBT. Betty se définit comme athée et considère la religion comme « patriarcale et misogyne ». Elle a fondé en 2009 le Mouvement alternatif pour la défense des libertés individuelles, qui prône un « féminisme universaliste et laïc ». Son organisation revendique l'égalité des droits pour les femmes et les communautés LGBT, et milite pour la dépénalisation de l'avortement, des relations homosexuelles et des relations sexuelles hors mariage, qui restent interdites ou strictement réglementées au Maroc. Betty est une femme incroyablement courageuse et audacieuse, que je suis reconnaissante d'avoir rencontrée et avec laquelle j'ai pu partager une tribune.
La photo de Betty portant ce t-shirt a été publiée sur ses réseaux sociaux en 2022 en réaction à la condamnation et à la peine de mort prononcées à l'encontre de deux militant·es LGBT+ en Iran. Ce n'était pas la première fois que Betty était vue portant ce t-shirt. En 2021, elle l'avait porté lors d'une interview diffusée sur la chaîne de télévision française LCI. Depuis, elle a été photographiée à plusieurs reprises avec ce t-shirt afin de promouvoir ses campagnes en faveur des droits des femmes et des personnes LGBT. Selon sa famille, Betty n'a jamais porté ce t-shirt au Maroc, où les relations entre personnes du même sexe sont illégales.
En 2022, le t-shirt n'avait pas suscité d'inquiétudes auprès des autorités marocaines. Cependant, lorsqu'il a été diffusé par un inconnu et largement partagé sur les réseaux sociaux en juillet dernier, il était accompagné d'un message appelant à l'arrestation de Betty. La foule des réseaux sociaux, tellement offensée par le t-shirt de Betty, a attiré l'attention des autorités marocaines qui ont arrêté et emprisonné Betty le 10 août alors qu'elle séjournait à Rabat. Le 3 septembre, Betty a été condamnée à 30 mois de prison en vertu de l'article 267-5 du Code pénal marocain qui punit toute personne qui offense l'islam. L'emprisonnement de Betty est, à mon avis, inhumain et injuste, notamment en raison de son état de santé défaillant.
Le cas de Betty est choquant et soulève d'importantes questions sur l'application des lois sur le blasphème et les limites de la juridiction des pays qui ont encore ces lois horribles et dépassées dans leurs codes. Betty ne portait même pas le t-shirt au Maroc et, pendant plusieurs années, le fait qu'elle le porte n'a pas inquiété les autorités marocaines. Et pourtant, il semble qu'à la suite d'une publication anonyme sur les réseaux sociaux et d'une foule en colère, Betty ait été arrêtée, emprisonnée et condamnée par un tribunal marocain pour une « infraction » commise en dehors des frontières et de la juridiction du Maroc. Que signifie cette affaire pour celles et ceux d'entre nous qui protestent contre le traitement réservé aux femmes, aux communautés LGBT+ et aux minorités dans les pays où les lois sur le blasphème sont toujours en vigueur ? Pouvons-nous nous aussi être arrêté·es et emprisonné·es si nous voyageons dans ces pays ? Les lois sur le blasphème n'ont-elles donc aucune limite ? Pourquoi la communauté internationale reste-t-elle silencieuse sur le cas de Betty et d'autres personnes ?
Le cas de Betty soulève des questions sur le droit à la liberté d'expression et à la liberté de religion ou de croyance. Ce droit fondamental de détenir et d'exprimer des opinions, de recevoir et de communiquer des informations et des idées sans censure ni ingérence de l'État est protégé par le droit international, notamment la Déclaration universelle des droits des êtres humains (DUDH), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la loi sur les droits des êtres humains. Rejeter le contrôle religieux est un acte de résistance, tout comme rejeter toutes les formes d'abus, de discrimination, d'oppression et de persécution. La liberté de religion et la liberté de ne pas adhérer à une religion sont protégées par les lois internationales relatives aux droits des êtres humains notamment la DUDH et l'article 9 de la Convention européenne des droits des êtres humains.
Je sais que je vais recevoir des commentaires et des condamnations de toutes parts pour mon soutien à Betty et à la campagne visant à la libérer, ainsi que pour avoir appelé à la fin des lois sur le blasphème partout dans le monde. En tant que femme musulmane et femme de couleur, mon engagement dans la lutte pour la liberté, la justice et l'égalité a été façonné et renforcé par ma foi. De plus, je ne peux en toute conscience appeler à la fin de la misogynie, du racisme et de la haine anti-musulmane et rester silencieuse face à d'autres formes de discrimination, d'oppression et de persécution. #FreeBetty
Yasmin Rehman
Je suis féministe, militante des droits humains et chercheuse. Je travaille depuis plus de 30 ans principalement sur les questions de violence à l'égard des femmes et des filles, de race, de religion et de genre, ainsi que sur les droits humains.
https://yasminrehman.substack.com/p/the-case-of-betty-lachgar-raises
traduit par DE
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France : Après Lecornu, imposons par nos luttes un gouvernement populaire de rupture !
Trois petits tours et puis s'en vont. A peine arrivé, voilà le gouvernement Lecornu déjà reparti. Près d'un mois après sa nomination, Sébastien Lecornu avait dévoilé un gouvernement fait de revenantEs et de morts-vivants : Darmanin, Retailleau, Dati, et même Le Maire… 12 heures plus tard, Lecornu a donc posé sa démission : il signe le mandat le plus court de premier ministre de la Vème république, symbole d'une crise politique qui s'approfondit et s'accélère.
6 octobre 2025 | L'Anticapitaliste | Photo : © Photothèque Rouge / Martin Noda / Hans Lucas
https://inprecor.fr/france-apres-lecornu-imposons-par-nos-luttes-un-gouvernement-populaire-de-rupture
Macron incarne un pouvoir illégitime, moribond, faible et détesté. A chaque jour qui passe, la crise de régime s'approfondit. Macron est incapable aujourd'hui de trouver un gouvernement qui puisse durer plus de quelques jours. Dans ce contexte, il devra pousser toujours plus loin ses alliances vers la droite, jusqu'à amener le RN au pouvoir. Qu'il le fasse en nommant un premier ministre RN ou en dissolvant l'assemblée nationale, sa seule feuille de route est de poursuivre la politique de l'offre au service des plus riches et du patronat. Le RN mènera des politiques violemment anti-migrantes, racistes et liberticides en plus d'être ouvertement favorables aux classes dominantes, Le Pen et Bardella ont depuis longtemps donné tous les gages au patronat et au Medef.
Alors que Macron s'était présenté en 2017 comme le prétendu rempart face à l'extrême-droite, il lui aura ouvert la voie durant ses deux mandats. Sa responsabilité est totalement engagée dans la crise que nous vivons. Il ne lui reste plus qu'une chose à faire : partir !
Demain ou dans quelques jours, le RN et derrière lui toutes les forces les plus réactionnaires, autoritaires et racistes de ce pays peuvent prendre le pouvoir (comme elles l'ont déjà déjà fait aux USA, en Russie ou encore en Israël). Face à cette perspective sinistre, le NPA-l'Anticapitaliste appelle l'ensemble de la gauche sociale et politique à discuter et à se retrouver d'urgence pour préparer la victoire de notre camp et faire barrage à l'extrême droite. En premier lieu, il faut renforcer les mobilisations qui vont venir après celles, réussies, du 10 et 18 septembre. Organisations politiques, forces syndicales, associations, « Bloquons tout », nous devons marcher ensemble autour d'un programme qui est majoritaire dans la population : le programme issu de celui du NFP et les revendications que l'intersyndicale avait portées pour le 18 septembre constituent une base pour un gouvernement populaire de rupture.
Dans l'unité la plus large, les travailleurs et travailleuses et la jeunesse doivent reprendre l'offensive et imposer par leurs mobilisations une véritable rupture sociale, démocratique et environnementale.. Nos mots d'ordre pour en finir avec Macron et la 5eme République : unité des forces de gauches sociales et politiques, grève générale, gouvernement des travailleurs et constituante ! Tout doit être mis en œuvre afin que ces revendications majoritaires dans la population puissent être réalisées au plus vite : un véritable partage des richesses, la taxation des riches, l'interdiction des licenciements, la retraite à 60 ans, le développement des services publics et des gratuités, la hausse des salaires, des pensions et de tous les minimas sociaux ! Reprenons la rue toutes et tous ensemble !
Publié le 6 octobre 2025 par le NPA-L'Anticapitaliste
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La construction d’une gauche antilibérale au Portugal est difficile mais nécessaire
Le Portugal connaît un important mouvement vers la droite, visible notamment dans le résultat des dernières élections législatives. Ces difficultés sont provoquées par les effets de la crise mondiale sur le pays.
30 septembre 2025 | tiré d'Inprecor | Photo : Meeting du Bloc le 14 mai 2025 à Braga.
https://inprecor.fr/la-construction-dune-gauche-antiliberale-au-portugal-est-difficile-mais-necessaire
Comment analyses-tu le résultat des dernières élections ?
Le changement le plus important survenu le 18 mai est la progression du parti Chega 1, qui devient le deuxième parti du pays avec 60 député·es, soit deux de plus que le Parti socialiste. Dans la nouvelle composition parlementaire, aucun des trois plus grands partis (droite : PSD+CDS, 31 % ; extrême droite : CH, 23 % ; Parti socialiste, 23 %) n'est en condition de former une majorité en s'alliant avec des petits partis. La durée de vie du gouvernement de droite dépendra donc du soutien des principales lois – à commencer par le budget de l'État – par le CH ou le PS. Aucun accord post-électoral n'a été conclu pour l'instant.
Contrairement à ce qui se passait jusqu'en mai, la possibilité d'accords parlementaires avec le CH est désormais ouvertement admise par le PSD. Le cadre parlementaire devient ainsi très perméable aux conflits et tensions sociales, y compris ceux créés autour des « perceptions » pour insuffler le discours de haine sur la sécurité et l'immigration.
D'autre part, les député·es à droite du PS représentent pour la première fois plus des deux tiers des élu·es, seuil nécessaire pour modifier la Constitution. Cela introduit un risque réel de modification régressive du régime constitutionnel, une vieille ambition de la droite. Les ultralibéraux de l'Initiative libérale (IL) (5 %) et le CH ont déjà annoncé leur soutien à cette éventuelle révision.
Le Bloco de Esquerda [Bloc de Gauche] obtient le pire résultat électoral de son histoire (2 %) et n'a plus qu'une seule députée (la coordinatrice du parti, Mariana Mortágua), derrière Livre [Verts européens] (4 %) et le PCP [Parti communiste] (3 %). Rappelons qu'entre 2015 et 2022, le Bloco obtenait 10 % des votes et 19 député·es élué·es, devenant le parti le plus important d'un champ politique qui totalisait 20 % des voix : le Bloco, le PCP, le Livre 2 et le PAN (animalistes). Aujourd'hui, l'ensemble de ces partis n'obtient que la moitié des votes alors récoltés, et un tiers des députés.
Que révèle la montée de l'extrême droite, qui est la grande nouveauté, dans le contexte et l'histoire du Portugal ?
Le résultat de l'extrême droite démontre sa capacité à conserver le vote des abstentionnistes qu'elle avait récupéré en 2024, et de l'augmenter sur tout le territoire, en particulier dans les zones les plus défavorisées socialement, en province et dans les anciennes ceintures industrielles. Le CH devient le premier parti dans les districts au sud du Tage (Setúbal, Portalegre, Beja, Faro – qui étaient autrefois des bastions du PCP et du PS). Le CH est en position de postuler au gouvernement. Cette nouvelle situation se traduira par une dégradation générale des conditions d'exercice de la démocratie, tant au parlement – où le CH mène depuis plusieurs années une stratégie d'épuisement des conditions de débat et d'expression – que dans la société, avec la banalisation de la violence raciste et fasciste.
L'occupation du centre du débat politique par le thème de l'immigration a été un facteur important dans la défaite de la gauche. Le Portugal a subi l'une des transformations les plus profondes de sa composition sociale et du profil de la classe ouvrière. En quelques années, le nombre de travailleurs étrangers a été multiplié par dix et représente aujourd'hui environ un tiers de la population active. Une partie importante de cette nouvelle classe ouvrière ne vient pas des pays lusophones. Le discours de l'extrême droite a été renforcé par la faillite des services d'accueil et de régularisation et par la réduction des investissements dans des réponses globales en matière de logement, de services publics et d'accès à la langue. Le gouvernement a utilisé sa propre version de la rhétorique sécuritaire et xénophobe pour justifier la nouvelle législation anti-immigré·es, aidé en cela par le recul du PS sur cette question. Ce discours a été popularisé par le sensationnalisme de certains médias et surtout par la manipulation des masses à travers les réseaux sociaux. Dans les faits, l'extrême droite a réussi à faire de l'immigration l'explication la plus acceptée des difficultés de la vie de la population.
L'action antiraciste et antifasciste, la création d'espaces communs et unitaires, l'expression d'un programme de transformation sociale dans les territoires populaires où s'enracinent aujourd'hui l'autoritarisme et le discours de haine continuent de jouer un rôle central. Il est crucial de trouver des moyens d'ouvrir les syndicats aux travailleurs étrangers, de créer des mécanismes d'inclusion, d'empêcher l'exploitation des différences pour promouvoir le ressentiment social et la division de la classe ouvrière.
Comment vois-tu la suite concernant les discussions au sein de la classe dominante et les possibilités de développement de cette extrême droite ?
Montenegro 3 voit dans l'actuel rapport de forces parlementaire l'occasion de relancer, avec le soutien du CH et de l'IL, une contre-réforme du travail – laissée en suspens avec la chute du gouvernement de la troïka 4 (gouvernement dirigé par Passos Coelho jusqu'en 2015) – et ainsi supprimer le peu de protection qu'il reste aux travailleur·ses et introduire des restrictions au droit de grève et une déréglementation des horaires. Il s'agit d'une guerre contre le travail et l'organisation collective des travailleur·ses.
Après une première année de gouvernement interrompue par les élections, la droite tient des discours et légifère pour concurrencer CH sur son terrain, celui de la xénophobie, et semble vouloir approfondir sa radicalisation à droite – dans son discours, dans la structure gouvernementale, dans la composition du gouvernement, dans son programme (en grande partie occulté pendant la campagne électorale par l'AD : révision des lois du travail et du droit de grève, anticipation de l'objectif des dépenses de défense, législation anti-immigré·es. Au point que le nouveau leader du PS, José Luís Carneiro, remet en question la disponibilité, initialement annoncée par les socialistes.
Dans ses hésitations, le centre politique portugais suit le modèle européen dans sa décomposition : capitulation libérale, aggravation des inégalités et du ressentiment social, adhésion au sens commun xénophobe et sécuritaire qui confirme les thèses de l'extrême droite. Les partis à gauche du PS doivent reconnaître le changement historique que représente la position actuelle du CH et empêcher que la lutte politique se résume à la dialectique entre le néofascisme ascendant et le centre libéral en crise.
Le résultat est difficile pour le Bloco, comment analyses-tu ce recul, alors que le PS recule moins ?
Entre 2015 et 2022, le Bloco a été le plus grand parti d'un espace politique qui a totalisé 20 % des voix. En tenant compte de cette diversité, il a soutenu des propositions et mis en avant des alternatives de progrès social et de justice climatique, ayant le potentiel de s'affirmer comme un champ politique autonome. Quatre ans après les accords de la « geringonça » , ces partis se maintenaient à 20 %, bénéficiant de leur capacité à garantir, entre 2015 et 2019, une stabilité politique fondée sur une redistribution (modeste mais réelle) des richesses : annulation des coupes budgétaires et des impôts, augmentation du salaire minimum, titres de transport, manuels scolaires, fin des frais d'accès à la santé. Au cours de cette période, le PS a réalisé de graves attaques contre les services publics, mais le plan libéral de Passos Coelho (à commencer par la privatisation de la sécurité sociale) a été bloqué par la solidité de la gauche. Une vengeance politique et de classe restait alors à accomplir.
Quand le contexte international (Covid, inflation, guerre) a aggravé la pression sur les salaires, le logement et les services publics (en particulier la santé) – et malgré un certain allègement de la pression de l'UE et la minorité de la droite –, le PS a refusé toute réforme, préférant provoquer des élections pour se débarrasser de la pression des partis à sa gauche, dont il dépendait au parlement. Sans action coordonnée pour rejeter les budgets de stagnation, les partis à gauche du PS sont devenus plus vulnérables à la tactique hostile du Premier ministre de l'époque, António Costa, qui leur a imputé la responsabilité de la crise politique. Ils ont perdu une partie de leur représentation en 2022, lorsque le PS a obtenu une majorité absolue éphémère, puis à nouveau en 2024, après que celle-ci a implosé dans un nuage de corruption.
Dans ce nouveau contexte politique, le Bloco a revu son modèle de campagne électorale. Nous n'avons pas abandonné les combats programmatiques qui font l'identité du Bloc, tels que les services publics, l'égalité, le rejet de la xénophobie, l'opposition au militarisme, mais nous nous sommes concentrés sur quelques thèmes marquants : le plafonnement des loyers, les droits des ouvrier·es et l'impôt sur la fortune. C'est également ainsi que nous avons évité une discussion stérile sur la gouvernabilité, en mettant en avant les mesures qui permettraient de changer la vie d'une partie importante de la population et que notre représentation parlementaire défendrait en toutes circonstances. Cette politique a porté ses fruits : la question du plafonnement des loyers a occupé une place importante dans le débat politique, a obligé tous nos adversaires à se prononcer, a été renforcée par les nouvelles de plus en plus alarmantes sur la crise du logement et a été identifiée par une partie de la population comme une réponse valable. Elle restera l'un des combats les plus importants pour la vie de notre peuple. Cependant, aucun d'entre eux n'a favorisé une relance électorale.
Notre campagne a favorisé les initiatives décentralisées de contact direct, avec du porte-à-porte. Nous avons visité plus de vingt mille foyers et lancé une forme d'action politique qui sera fondamentale à l'avenir. Nous l'avons fait de manière variée dans le pays, en mobilisant des jeunes militant·es, des adhérents récents et d'autres plus anciens, qui ont pu constater qu'ils pouvaient intervenir directement et non pas en tant que spectateur·rices de la campagne électorale. Pour la même raison, nous avons remplacé les traditionnels rassemblements par des « discussions de café », ouvertes au dialogue avec tout le monde, et par des fêtes et des sessions publiques créatives et animées.
Le Bloco ne cessera pas de se battre pour ce que nous avons défendu dans ces élections : une politique populaire du logement, les droits des ouvrier·es, la lutte contre les inégalités et pour la qualité et la garantie des services publics, contre les menaces fascistes et pour l'unité dans la défense de la vie démocratique et des règles constitutionnelles qui la protègent.
Est-ce que cela remet en cause l'orientation politique et l'utilité du Bloco ? Ou est-ce qu'au contraire cela confirme la nécessité d'une telle organisation dans le recul politique que l'on vit à l'échelle mondiale ?
Dans cette nouvelle phase, la convergence à gauche du PS est une condition sine qua non pour remporter la victoire démocratique face à la droite radicalisée. Isolées, aucune des forces de gauche ne sera suffisante pour faire face à cette montée des droites. Toutes les forces politiques, les militant·es sociaux et syndicaux de ce champ politique sont appelés à constituer un camp qui soit une référence transformatrice, en opposition à la gouvernance de droite soutenue par le centre, incarné par le PS.
Ce chemin de rapprochement et de convergence est difficile, mais c'est celui du Bloco. Il doit se trouver une expression électorale et doit construire des espaces et une expérience sociale communs, sans abandonner aucun drapeau – des luttes syndicales au mouvement étudiant, du féminisme aux droits LGBTQI+, de la fraternité avec les immigré·es à l'antimilitarisme.
Il est certain qu'il existe de fortes différences dans ce domaine : le Livre s'aligne sur un européisme sans critique et de fortes ambiguïtés sur les questions d'armement. Du côté du PCP, aux erreurs de lecture résultant d'un « campisme » effréné s'ajoute le sectarisme qui se renforce au rythme du recul de l'influence du parti. Le mouvement syndical en paie le prix fort, avec l'atrophie sectaire des syndicats de la CGTP, déjà menacés par la dérive vers la droite de la société. Cependant, il existe des expériences récentes de mobilisations effectivement unitaires qui ouvrent des perspectives : dans les banlieues de la capitale, dans les luttes pour le droit au logement, contre le racisme et en réponse aux violences policières et des bandes fascistes. Dans le feu de ces luttes et dans l'ouverture de ces espaces, des solidarités doivent se forger qui révèlent les contours d'une alternative transformatrice capable d'affronter et de vaincre les expressions de haine qui se mobilisent. Le rôle du Bloc de gauche est irremplaçable dans tous ces débats et processus de lutte.
Comment vois-tu la rentrée sociale et politique au Portugal ?
Comme dans de nombreux pays, l'opinion publique est sensible au génocide en cours à Gaza. La participation de la députée du Bloco, Mariana Mortágua, à l'initiative de la Flottille pour Gaza témoigne de notre engagement envers la cause palestinienne et fait écho à un sentiment de solidarité qui se répand dans le pays.
Parallèlement, au niveau syndical, un débat important aura lieu sur la réponse à apporter au paquet de mesures gouvernementales en matière d'emploi qui, en plus d'annuler toutes les petites avancées obtenues sous les gouvernements PS, prévoit de nouvelles attaques. La nécessité d'une action convergente entre les centrales syndicales communiste et socialiste (CGTP et UGT, respectivement) fait l'objet d'un débat en cours en vue de la convocation d'une grève générale. Dans le même temps, la défaite du gouvernement devant le Tribunal constitutionnel sur des aspects essentiels de sa loi anti-immigration (par exemple, les obstacles au regroupement familial) a donné un nouvel élan aux mouvements d'immigrant·es pour des mobilisations en septembre, qu'il importe de relier aux luttes syndicales.
Sur le plan électoral, la rentrée est marquée par les élections municipales du 12 octobre, lors desquelles l'extrême droite ambitionne de conquérir plusieurs mairies, dont certaines des plus grandes du pays (Sintra, près de Lisbonne, par exemple). Le Parti communiste aura beaucoup de mal à conserver les quelques exécutifs qu'il gouverne encore, mais il a refusé tout dialogue avec les partis de gauche. Le Bloco se présente aux élections municipales dans plusieurs communes, y compris dans le cadre de coalitions avec Livre dans plus d'une vingtaine de grandes communes. À Lisbonne et à Ponta Delgada (capitale de la région des Açores), le Bloco participe à des coalitions élargies au Parti socialiste pour faire échec aux maires de droite.
En janvier 2026, l'élection présidentielle aura lieu. Le président est une figure secondaire du régime constitutionnel, avec une intervention limitée dans le processus législatif, bien qu'il ait le pouvoir de dissoudre le parlement. À droite comme à gauche, le scénario est celui d'une fragmentation politique, chaque parti cherchant à avoir son propre candidat, ce qui rend l'issue future peu prévisible. Il est probable que l'ancienne coordinatrice du Bloco, Catarina Martins, sera la candidate soutenue par le Bloco.
Le 3 septembre 2025
Le Bloco tiendra son prochain congrès en novembre. Il y poursuivra la discussion sur la situation, le bilan des élections et son orientation.
Jorge Costa a commencé à militer au Parti socialiste révolutionnaire (PSR, section portugaise de la IVe Internationale) en 1991, à l'âge de 15 ans, en participant au mouvement de protestation contre la première guerre du Golfe, puis aux mouvement étudiants contre les gouvernements PS et PSD. Dirigeant du Bloc de gauche portugais (Bloco de Esquerda) depuis sa formation en 1999, il a été député en 2009-2011 et 2015-2019. Il est aujourd'hui membre de la direction permanente du parti et de la direction de la IVe Internationale.
Article traduit par Luc Mineito.
Notes
1. Le parti d'extrême droite Chega, ce qui en portugais signifie « Assez » ou « Ça suffit », inexistant aux élections de 2015, avait obtenu 1,3 % des voix en 2019, 7,2 % en 2022 et 18,1 % en 2024. NdT.
2. Le Livre (libre) est membre du Parti vert européen.
3. Luís Montenegro, dirigeant du PSD, était le chef du précédent gouvernement depuis avril 2024. Accusé de favoriser l'entreprise Spinunviva qu'il a fondée et que dirige son épouse, l'opposition a refusé de voter la confiance. Le Président du Portugal a alors dissous le parlement et convoqué les élections anticipées de mai 2025. Suite à la victoire relative de AD (Alliance Démocratique), formée par le PSD et le CDS, Montenegro est, de nouveau, chargé de former un gouvernement. NdT.
4. Mémorandum signé en mai 2011 entre le gouvernement du Portugal, le FMI et la BCE. NdT.
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Italie : un mouvement est né
Lundi 22 septembre, l'Italie a connu l'une de ses plus grandes mobilisations des vingt dernières années. Des centaines de milliers de personnes (les organisateurs parlent d'un million de participant·es) se sont mises en grève et sont descendues dans les rues aux quatre coins du pays, ou ont bloqué des gares, des ports, et des autoroutes, contre le génocide et l'envoi d'armes en Palestine et en soutien à la Global Sumud Flotilla.
L'appel à la mobilisation avait été lancé par les dockers de Gênes il y a quelques semaines, puis ce sont des petites organisation syndicales et politiques (notamment USB et Potere al Popolo) qui ont appelé à « tout bloquer » le 22 septembre, sans la participation des grands syndicats, du Parti démocrate ou du Mouvement des 5 étoiles. Ces mêmes organisations ont annoncé une nouvelle journée de mobilisation le 4 octobre prochain et l'occupation de « cent places pour Gaza ».
Contretemps va traduire et publier plusieurs articles sur cette mobilisation internationaliste et anticoloniale en Italie. Voici l'éditorial de la revue Jacobin Italia. On pourra également lire sur notre site le texte de Progetto Me-TI, qui constitue en partie une réponse à cet éditorial.
26 septembre 2025 | tiré de contretemps.eu
https://www.contretemps.eu/italie-un-mouvement-est-ne/
Un mouvement est né. Un vaste mouvement, autour d'une grève générale, en solidarité avec la Flottille Global Sumud, surtout en solidarité avec Gaza et contre le génocide en cours. La grève du 22 septembre a mis en évidence une force au sein de la société italienne – entre le monde du travail et celui des étudiants, mais beaucoup plus généralisable – dont on percevait l'importance, en particulier sur les réseaux sociaux mais aussi dans tous les lieux de sociabilité en général. Et l'imaginaire de la grève, et de la grève générale, a été véritablement ravivé, comme cela n'était pas arrivé depuis longtemps dans notre pays.
Les défilés et les rassemblements ont dépassé toutes les prévisions partout, avec des blocages de la circulation – moins de la production – et la capacité d'attirer les forces les plus diverses. Il faut rendre hommage à l'USB (Union syndicale de Base), à l'ADL (Association de défence des travailleurs·euses), à la CUB (Confédération unitaire de base) et à la SGB (Syndicat général de base) d'avoir su saisir la nécessité de cette date, notamment en raison de sa convergence avec le départ en mer de l'expédition de la Global Sumud Flotilla. La date du 22 septembre a en effet eu une force décisive car elle a été lancée par les dockers de Gênes qui ont donné de la crédibilité au mot d'ordre « Bloquons tout » grâce au blocage du transport des armes d'abord, puis au soutien à la Flottille. Mais la « grève pour Gaza » a vraiment dépassé toutes les limites organisationnelles. Un peuple s'est réapproprié la grève générale, qui n'appartient pas aux organisations syndicales mais aux travailleurs et travailleuses.
À Rome, les gens se sont massés pendant des heures sur la Piazza dei Cinquecento, rendant leur dénombrement presque impossible, la préfecture de police elle-même changeant plusieurs fois les chiffres, avec une participation dépassant largement les 100 000 personnes, capables d'encercler la gare Termini, provoquant sa fermeture temporaire, puis, après plusieurs heures, d'animer un grand cortège qui a réussi à monter sur le périphérique et à le bloquer (sous les applaudissements des automobilistes) et a finalement occupé la faculté des lettres de la Sapienza.
Plus de 50 000 personnes à Milan, où l'irruption dans la gare centrale a provoqué une réaction disproportionnée de la police, qui a fait plusieurs blessés et procédé à des arrestations, donnant ainsi un aperçu de la réponse du gouvernement et de la droite à ce mouvement, en essayant par ce biais d'occulter médiatiquement la participation massive.
Des charges avec des gaz lacrymogènes ont également eu lieu à Venise, pour empêcher la tentative de blocage du port, qui a en revanche été stoppée à Gênes et Livourne, tandis qu'à Bologne, l'autoroute a été bloquée et à Pise, la Fi-Pi-Li (Florence-Pise-Livourne), impliquant une violation massive du projet de loi dit « Ddl sicurezza » (le décret « sécurité » adopté en juin en Italie, et qui réduit dangereusement les libertés publiques, et criminalise le blocage de certaines routes, ndlr). De grands cortèges ont également défilé à Florence, puis à Naples, Turin, Trieste, Palerme, Ancône, Bari et dans d'autres villes.
Les places italiennes, très animées et très déterminées, vont bien au-delà des sigles syndicaux et de leurs identités, dépassent les organisations et s'affirment comme une entité à part entière, avec une dynamique qui doit désormais être développée en respectant leur auto-organisation et leurs parcours.
C'est précisément cette caractéristique qui met en évidence l'erreur commise par la CGIL (Confédération générale italienne du travail, l'équivalent italien de la CGT, ndlr) en appelant à une grève le 19 septembre, juste et méritoire car unique dans le panorama syndical européen majoritaire, mais auto-référentielle, conçue davantage pour des raisons d'organisation que pour contribuer à l'affirmation de ce mouvement si large et au blocage concret de la production. Le 22 septembre, de très nombreux travailleurs et travailleuses de la CGIL sont descendus dans la rue et ont fait grève, et l'on est vraiment surpris de voir que la page d'accueil du site Collettiva, le journal de la CGIL, ne rend pas compte de cette journée, du moins au moment où nous écrivons cet article (le 23 septembre, ndlr).
Nous espérons qu'il sera temps de rattraper le retard, car la tragédie humanitaire de Gaza, le génocide perpétré par Israël et la tentative d'épuration ethnique en cours ces jours-ci se poursuivent, tout comme se poursuit l'expédition de la Flottille et donc la nécessité d'une mobilisation unitaire et toujours plus large. On peut supposer qu'une manifestation nationale unitaire pourrait être utile aujourd'hui, mais ce n'est pas forcément la voie à suivre. Les tentatives faites le 22 septembre pour bloquer certains nœuds logistiques importants – les ports, les gares, les autoroutes, les périphériques – indiquent les objectifs déjà identifiés par ceux qui se sont mobilisés : l'idée que pour aider Gaza, il faut agir sur les centres névralgiques de la distribution, mais aussi bloquer au moins une partie importante de la production, est un mot d'ordre aussi spontané que nécessaire. Parce qu'elle remet au centre le pouvoir des travailleurs et des travailleuses, la pratique de la grève comme expression de la force démocratique face à une domination aveugle et sourde. Et parce qu'il faut appeler tout le pays, puis l'Europe, ses peuples, ses syndicats, ses mouvements, à se réveiller pour éviter que le massacre ne se déroule dans le silence et surtout pour qu'il soit arrêté.
Le chemin à parcourir est encore long. Malgré les pratiques, vraiment incisives et massives, et le blocage de la circulation mis en place par le mouvement, les places pleines n'ont pas été accompagnées d'un blocage tout aussi général de la production – une situation qui aurait été très différente si le blocage avait été pratiqué de manière convergente par plusieurs syndicats – sauf dans une grande partie de la fonction publique et de l'école, et il faut donc relancer la mobilisation pour combler ce fossé. Sachant que l'on peut compter sur un ingrédient essentiel à la mobilisation et qui revient toujours lorsqu'il s'agit de mouvements de masse qui transcendent les conditions matérielles essentielles : l'indignation.
La Flottille pour Gaza représente, et c'est la raison de son succès et du soutien dont elle bénéficie au niveau international, la manifestation en mer de cette indignation et la détermination à faire quelque chose, n'importe quoi, pour envoyer le signal que les États et les gouvernements ne savent pas et surtout ne veulent pas envoyer. Certes, le 22 septembre, d'importantes déclarations de reconnaissance de l'État palestinien ont été faites, qui ne doivent pas être sous-estimées, même si, n'étant pas accompagnées de mesures concrètes – boycott actif de l'économie israélienne, sanctions, coupe des approvisionnements militaires, isolement diplomatique –, elles constituent davantage un moyen de faire un clin d'œil à l'opinion publique interne qu'une véritable stratégie de solidarité avec le peuple palestinien.
Néanmoins, ces reconnaissances consacrent l'existence d'un « État palestinien » au regard du droit international, ce qui constitue un signe important pour réaffirmer l'illégalité, voire le caractère criminel, du projet israélien et la nécessité de défendre le droit des Palestiniens à avoir une terre, un État, une liberté qui leur sont aujourd'hui refusés. Un soutien général est donc apporté par l'indignation morale qui s'exprime dans de nombreuses régions de l'Occident, y compris dans les rues.
L'indignation face au massacre sans fin d'un peuple sans défense, face à une injustice presque séculaire, face à un déséquilibre des forces indécent, face à un discours occidental hypocrite et de mauvaise foi, asservi aux intérêts des États-Unis, de l'Union européenne et d'Israël. C'est ce qui caractérise aujourd'hui le gouvernement Meloni qui, sans surprise, refuse de reconnaître l'État palestinien et exalte les affrontements de Milan comme image clé du 22 septembre pour tenter d'occulter son soutien à Israël.
Cela faisait très longtemps qu'on n'avait pas vu dans la rue un mouvement internationaliste et solidaire d'un peuple opprimé. Contrairement au passé, cette solidarité est fortement teintée d'impulsions humanitaires, mais elle parvient également à apercevoir les distorsions mondiales, économiques, sociales et politiques qui soutiennent l'oppression et s'interroge sur le destin du monde. C'est pourquoi, pour renforcer les places publiques et les slogans entendus partout, il y a aussi le non à la guerre et en particulier le non au réarmement européen et au militarisme trumpien, qui caractérisent les choix et l'idée de société d'un Occident en crise.
Il s'agit donc d'une ressource morale, mais aussi politique, comme cela a souvent été le cas dans les mobilisations internationalistes du passé, il suffit de penser au mouvement contre la guerre au Vietnam, mais aussi à celui du début du millénaire contre la guerre en Irak, qui a été qualifiée de « deuxième puissance mondiale ». Par rapport à ce dernier, qui fut énorme mais ne parvint pas à arrêter la guerre, on prend aujourd'hui conscience que pour avoir un impact, il faut essayer de « tout bloquer ».
S'il est vrai qu'un mouvement est né, il faudra donc le cultiver et le faire grandir, en favorisant son auto-organisation, avec des comités et des coordinations locales, et en construisant de nouveaux lieux de convergence entre des organisations de différents types, capables de rassembler cette impulsion unitaire venue de la base. Sous des formes qui, espérons-le, pourront également tirer les leçons de l'urgence de la situation actuelle, de plus en plus orientée vers une guerre mondiale.
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La guerre d’agression de Poutine en Ukraine : Les États-Unis, la Russie, l’Europe … et nous !
Lors de la Grande Guerre de 1914-1918 coexistaient deux mondes non totalement étrangers l'un à l'autre : la ligne de front et « l'arrière ». L'actuelle guerre d'agression contre l'Ukraine, elle, se déploie dans deux théâtres d'opérations qui paraissent s'ignorer.
17 septembre 2025 | tiré du site Entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/09/17/la-guerre-dagression-de-poutine-en-ukraine-les-etats-unis-la-russie-leurope-et-nous/#more-97863
L'un est celui de l'affrontement entre l'armée russe et la résistance ukrainienne. Résistance de ses soldat·es luttant pied à pied sur le front, résistance d'une population qui, bien que soumise à la menace permanente des bombardements, est impliquée de multiples manières dans cette résistance.
L'autre est celui des manœuvres politiques à l'échelle internationale : un spectacle politico-médiatique d'ampleur inégalée, avec ses vedettes, ses retournements et ses suspenses…
L'évolution du premier est fonction de la résistance ukrainienne dans cette guerre d'attrition, donc de la capacité du peuple ukrainien à tenir sans céder à l'épuisement et à la démoralisation. Mais c'est du second que dépend grandement le dénouement de la guerre, c'est-à-dire de ces dirigeants pour lesquels comptent pour peu les souffrances et engagements humains.
Si la solidarité avec le peuple ukrainien oblige à s'intéresser au cirque des rencontres internationales, aux marchandages et négociations entre deux impérialismes, pour en démonter les ressorts et observer les effets, ce doit être en conscience de ce qu'a de scandaleux ce mépris arrogant à l'égard de la réalité que vivent l'Ukraine et le peuple ukrainien.
L'irruption d'un facteur nouveau, l'illusionniste et erratique Trump
Si la présidence de Trump entraîne une rupture majeure dans les rapports de force, c'est que le soutien politique et militaire des États-Unis à l'Ukraine, notoirement insuffisant mais néanmoins décisif, est remis en cause et devenu précaire. Trump peut le neutraliser à tout moment. Pis : il menace d'un renversement d'alliances prenant à revers l'Ukraine et l'Europe. Á l'égard de Poutine il affiche une complaisance et une réelle complicité.
Malgré ses rodomontades, on voit une perméabilité au narratif poutinien. Les responsables de la guerre ? Biden et Zelensky ! Qui doit voir garantie sa sécurité ? La Russie, les territoires qu'elle occupe ou revendique en Ukraine, au motif fallacieux de protéger les « minorités russophones » d'Ukraine ! Qui exerce un pouvoir ? Non pas Poutine, mais Zelensky !
C'est ainsi que, pour Trump, un accord de paix peut apparaître à portée de main ! D'autant qu'il s'appuie sur certains fondamentaux de la politique américaine, qu'il applique avec une brutalité hors normes. D'une part, la primauté des intérêts états-uniens sur ceux des autres pays, y compris alliés, et sur les principes du droit international. D'autre part, le caractère
central de la rivalité avec la Chine dans la course à la puissance mondiale et le pivotement géostratégique vers le Pacifique. Ces deux paramètres le conduisent à mépriser l'importance de l'Ukraine, voire de l'Europe, et donc à rechercher les moyens de se débarrasser de la question ukrainienne, avec peut-être l'espoir, de détacher la Russie de la Chine, voire de l'ériger en un partenaire pour les réorganisations mondiales.
Poutine même affaibli campe sur ses positions bellicistes et annexionnistes
Poutine a su effacer partiellement l'échec patent de la prétendue « opération militaire spéciale » contre l'Ukraine, qui visait par une offensive éclair à conquérir Kyiv, à faire tomber le gouvernement Zelensky et à rétablir la domination russe sur l'Ukraine. Cette offensive s'est brisée sur la résistance ukrainienne. Mais l'obstination de Poutine conduit à une guerre longue, destructrice, qui dure depuis plus de trois ans.
Le peuple ukrainien en paie un prix terrible. Mais la Russie également, en termes de pertes humaines, de recul économique, de dégradation croissante de la vie démocratique et de discrédit international. Sans que Poutine ne renonce à sa politique belliciste.
Celle-ci répond à un impératif auquel le régime Poutine s'identifie : restaurer la puissance impériale de la Russie sur son ancien espace géopolitique. D'où les interventions sanglantes menées hier en Tchétchénie, celles en Moldavie, en Géorgie, et depuis 2014 l'agression contre l'Ukraine.
Écraser la souveraineté de l'Ukraine, son aspiration à la démocratie et sa volonté de rapprochement avec l'Union européenne représente le test décisif pour la poursuite de cette politique.
Car il joue sur des atouts non négligeables
° Réduire ses objectifs à la recherche de gains territoriaux ? Ce serait une erreur de le croire (erreur aggravée pour certains qui s'autorisent à juger celle-ci « légitime »). Ces territoires représentent autant de points d'appui pour imposer la domination politique du Kremlin sur une Ukraine anéantie comme État et préparer d'autres étapes de son expansionnisme : on voyait déjà ce qu'il en était en Géorgie (occupation de l'Abkhazie, puis de l'Ossétie du Sud), en Moldavie (l'occupation de facto de la Transnistrie), la Crimée et une partie du Donbass occupées en 2014…
Du fait de la réussite de ces coups de force, acceptés au plan international au nom des compromis pour la paix, ces territoires ont été consolidés comme bases pour des offensives ultérieures. Les pays qui ont été naguère intégrés à l'espace de l'ex-URSS ou ont subi sa domination (en premier lieu, les Pays baltes, mais également la Pologne et la Finlande), comprennent parfaitement qu'une victoire russe contre l'Ukraine se traduirait par de nouveaux appétits sans limites.
° L'autre erreur est d'ignorer la temporalité spécifique du Kremlin (en contraste avec la frénésie imposée par Trump à la politique mondiale). Poutine parie sur le temps long, estimant que l'épuisement de la résistance ukrainienne, les divisions et la fatigue des Européens, ne feront que croître, alors qu'à cette heure son régime n'est pas vraiment menacé par les difficultés économiques et la colère populaire. Il peut escompter s'assurer dans la durée un rapport qui lui est favorable, du fait de l'inégalité démographique et des atouts militaires dont il dispose : un arsenal nucléaire qui intimide les Occidentaux, les moyens dans le domaine de la guerre hybride et du cyberespace…
Avec un autre atout, décisif celui-là, Trump.
Le prétendu sommet qui a réuni Trump et Poutine en Alaska a représenté une incroyable victoire symbolique pour celui-ci et un camouflet pour celui-là. La mise en scène a eu valeur de réhabilitation internationale de Poutine, qui, de criminel de guerre (mandat d'arrêt de la CPI du 17 mars 2023) s'est vu transfiguré en codirigeant de l'ordre mondial. Quant à Trump, il a remisé l'exigence d'un cessez-le-feu qu'il se faisait fort d'imposer, pour l'« accord de paix » – proposé par Poutine. Ce dernier sait pertinemment que cela implique un temps long au cours duquel il aura les mains libres pour poursuivre ses attaques dévastatrices en Ukraine. Et imposerait des conditions catastrophiques pour l'Ukraine (et dont on peut soupçonner Trump de les avoir acceptées « en privé ») : l'abandon des territoires occupés par la Russie et au-delà (tout le Donbass, les parties non occupées des oblasts de Kherson et Zaporijjia, et donc la perte des lignes de fortifications protégeant le reste de l'Ukraine), une Ukraine neutralisée renonçant à tout rapprochement avec l'Union européenne et l'OTAN, l'éviction de Zelensky (revendication relayée par d'aucuns en Europe !) qui, quelles que soient les critiques que nous formulons légitimement à l'égard d'un libéralisme dominant, incarne la résistance ukrainienne !
Bref, pour l'Ukraine, la capitulation. Et, pour les « Européens », le renoncement à assumer leurs responsabilités internationales. Après l'acceptation de leur impuissance au Moyen-Orient, qui laisse le gouvernement Netanyahou mener son offensive génocidaire à Gaza, et l'accélération de la colonisation de la Cisjordanie, annihilant la perspective de « deux États » et tout espoir de paix, c'est le devenir même de l'Europe qui leur échapperait.
L'alternative est de ne pas céder sur le droit à l'autodétermination du peuple ukrainien et à sa souveraineté nationale. Donc d'assumer l'exigence d'une défense européenne, question redoutable pour la gauche et les écologistes à laquelle il est impossible d'échapper. Une question sur laquelle il faudra entamer, ou poursuivre, une réflexion approfondie.
Les « Européens » face à un « diktat »
Avec retard, réticences et divisions les « Européens » – les membres de l'Union européenne (à l'exception de la Hongrie et de la Slovaquie), et le Royaume-Uni -, avec le soutien d'importants pays non européens (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, voire Japon…) s'accordent sur le caractère vital du soutien à l'Ukraine face à l'agression de la Russie de Poutine… Ce qui implique des engagements d'aide politique, économique et militaire.
Mais le problème auquel ils sont confrontés est que cette aide militaire est étroitement dépendante de la puissance militaire américaine et des armes états-uniennes. D'où l'obligation, excessivement contraignante, de « faire avec Trump » !
Compte tenu des accords de fond entre Poutine et Trump, et de la « personnalité » particulière de ce dernier, les « Européens » se retrouvent à mener avec Trump une diplomatie de pression, qu'il leur faut à la fois ménager et pousser de l'épaule vers le bon côté…
Le « spectacle » se révèle aussi permanent qu'ahurissant.
L'urgence était de corriger « l'effet Anchorage » et de compenser le succès relatif engrangé par Poutine. Le « contre-sommet » de Washington a en partie répondu à cette préoccupation.
Trump a dû accepter de recevoir (courtoisement, cette fois !) Zelensky, accompagné (et de fait protégé) par une brochette de sept responsables de haut rang (représentant cinq États européens, plus l'UE et l'OTAN), pour mener au vu du monde une discussion d'apparence ouverte.
Au prix de flatteries éhontées à l'égard de Trump, ce pack diplomatique a su borner cette « conversation » à hauts risques : discrétion sur la question explosive des territoires susceptibles d'être concédés à la Russie, pour mettre l'accent sur les garanties de sécurité devant être données à l'Ukraine dans la perspective d'un accord de paix (lesquelles supposent une implication des États-Unis), accord appuyé à la perspective d'un sommet tripartite (avec Zelensky), voire quadripartite (aves les Européens)… L'urgente nécessité d'un cessez-le-feu, décisive, a été rappelée sans pouvoir être imposée.
Le seul résultat tangible est que Trump s'est montré fort d'avoir convaincu Poutine de l'intérêt d'une rencontre incluant Zelensky, qui pourrait confirmer la mauvaise volonté de Poutine. Sans compter que tout cela reste soumis aux voltes-faces habituelles de Trump !
Comment ne pas dénoncer cette fantasmagorie diplomatique dont dépend le sort du peuple ukrainien, et au-delà le devenir de ce qui reste de droit international et de démocratie ?
Et aussi ne pas constater que les gouvernements européens déploient des trésors de flagornerie pour dire leur mot sur le devenir du continent ?
Reste qu'on est contraint de s'y intéresser pour s'efforcer de peser sur le réel…
Cela en solidarité, une solidarité internationaliste
toujours aussi indispensable, avec le peuple ukrainien !
Le 28.08.2025
John Barzman, Stefan Bekier, Jean-Paul Bruckert, Armand Creus, Bernard Dreano, Hugues Joscaud, Didier Martin, Roland Mérieux, Henri Mermé, Robi Morder, Vincent Présumey, Mariana Sanchez, Henri Saint-Jean, Francis Sitel
Télécharger le document au format PdF : tract-ukraine-chateaudin-enrichi-f-huma
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« Nous avons besoin d’une alternative humaniste au capitalisme »
Pourquoi certaines féministes iraniennes soutiennent-elles l'Ukraine ? Que pouvons-nous apprendre des féministes en Iran ? La féministe socialiste irano-américaine Frieda Afary réfléchit à l'opposition iranienne en exil et discute de sa vision d'une alternative mondiale au capitalisme
Tiré de
https://www.posle.media/article/we-need-a-humanist-alternative-to-capitalism
Alors que l'invasion russe de l'Ukraine a plongé de nombreux gauchistes dans le monde entier dans une crise d'identité, certains tolérant ou même soutenant ouvertement le prétexte de Poutine de résister à l'expansion de l'OTAN vers l'est, certains membres de l'opposition iranienne – et vous personnellement – n'ont vu aucune difficulté à prendre le parti de l'indépendance de l'Ukraine. Pourquoi ?
— L'opposition progressiste iranienne au sens large est contre l'invasion de l'Ukraine par la Russie parce que les Iraniens ont souffert de la relation forte de la Russie avec la République islamique et de son soutien à celle-ci. La Russie fournit à la République islamique des centrales nucléaires et des armes. Il achète des drones et des missiles iraniens et les utilise dans des assauts contre les infrastructures civiles ukrainiennes. La Russie vote également en faveur de l'Iran à l'ONU.
Le 2 mars 2022, la leader féministe iranienne et militante des droits de l'homme Nasrin Sotoudeh a publié une déclaration condamnant l'invasion de la Russie et défendant l'Ukraine. Appelant le Secrétaire général de l'ONU à utiliser « tous les moyens internationaux pour mettre fin à cette agression flagrante », elle aécrit :
« En solidarité avec le peuple ukrainien et en me tenant à ses côtés, je dis que la paix mondiale n'est pas possible sans résister à l'invasion de l'Ukraine par la Russie et sans soutenir l'Ukraine. »
Malheureusement, une grande partie de la gauche iranienne, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Iran, répète encore le discours de désinformation russe selon lequel il s'agit d'une guerre par procuration déclenchée par l'OTAN. Ils adhèrent à la perspective stalinienne, qui ne voit que l'impérialisme américain et occidental comme la source des problèmes du monde et continue de justifier les actions de la Russie aujourd'hui, même si la Russie n'a même plus de prétention au socialisme.
Ma position est enracinée dans mon histoire d'opposition au soi-disant anti-impérialisme stalinien, qui a conduit une grande partie de la gauche iranienne à soutenir les fondamentalistes islamiques après la révolution de 1979contre le roi soutenu par les États-Unis. Je viens d'une branche du marxisme, appelée marxisme-humanisme, qui a été fondée par la philosophe et féministe d'origine ukrainienne Raya Dunayevskaya. Dunayevskaya a développé une théorie du capitalisme d'État pour s'opposer au totalitarisme en Union soviétique en 1941, puis a développé cette théorie en relation avec le capitalisme d'État totalitaire en Chine maoïste. J'ai également beaucoup appris des dialogues avec des féministes socialistes ukrainiennes et d'autres socialistes indépendants ukrainiens, notammentOksana Dutchak, Yuliya Yurchenko, Hanna Perekhoda, Artem Chapeye et Vlodyslav Starodubtsev. Ils contestent fortement l'opinion promue par la gauche occidentale selon laquelle la guerre en Ukraine est une « guerre par procuration ». Ils sont profondément enracinés dans l'histoire ukrainienne, s'opposant à l'impérialisme russe tout en luttant simultanément pour les droits du travail et des femmes et l'émancipation du genre en Ukraine. Ils s'opposent au capitalisme d'un point de vue humaniste, se souciant sincèrement et travaillant en solidarité avec les luttes nationales et internationales du Moyen-Orient à l'Afrique, en Asie et en Amérique latine. J'ai également beaucoup appris d'Alla Solod et del'atelier féministe de Lviv lors de la production d'un court-métrage sur la solidarité féministe avec l'Ukraine. Malgré toutes les difficultés de la vie sous les bombardements russes, elles ont patiemment recherché et édité des enregistrements de déclarations de féministes ukrainiennes et ont accueilli les contributions des féministes noires américaines et iraniennes en solidarité avec l'Ukraine.
— J'aimerais que vous partagiez votre expérience avec l'opposition iranienne en exil, alors que les persécutions et la législation répressive en Russie ont forcé la plupart des dissidents à quitter le pays. Aujourd'hui, nous recevons de moins en moins d'informations provenant de journalistes et de chercheurs russes indépendants. La plupart des informations sont simplement réinterprétées par les médias d'opposition à partir de sources gouvernementales officielles. Pensez-vous que l'opposition est capable de représenter avec précision les développements sur le terrain ? Comment l'opposition iranienne a-t-elle tenté de pallier le manque d'informations fiables ?
— Entre la fin des années 1990 et jusqu'à la guerre entre Israël/États-Unis et l'Iran en juin 2025, Internet a créé des opportunités de communication en ligne avec les dissidents iraniens. Cependant, depuis lors, le gouvernement iranien a réprimé encore plus les dissidents et a fermé de nombreuses portes à la communication. De plus en plus de progressistes ont été arrêtés, et certains ont été exécutés.
Zamaneh, un média indépendant très progressiste en langue persane basé aux Pays-Bas, a des écrivains iraniens plus jeunes, récemment exilés, et continue de recevoir des contributions de l'intérieur de l'Iran. Il y a aussi d'autres sites Web progressistes et des journalistes en exil qui communiquent avec des personnes à l'intérieur de l'Iran.
Il y a une tendance croissante parmi l'opposition libérale russe en exil à se considérer comme les représentants légitimes des Russes anti-guerre, et ils ont tenté de former des « gouvernements en exil ». Comme on pouvait s'y attendre, ces tentatives ont échoué. Alors que les contacts avec les gens à l'intérieur du pays diminuent, certains semblent espérer que le régime sera renversé par l'Occident plutôt que par les Russes eux-mêmes. Les récentes attaques des États-Unis et d'Israël contre l'Iran semblent avoir suscité des sentiments similaires parmi l'opposition iranienne. Dans quelle mesure cette attitude est-elle viable ? Pensez-vous que c'est inévitable ? Votre expérience de la politique de l'opposition iranienne pourrait-elle révéler plus que ces tendances simplistes et autoritaires parmi les forces « pro-démocratie » ?
— L'aspect le plus révélateur des bombardements israéliens et américains de l'Iran pendant la guerre de juin 2025 a été le bombardement de la prison d'Evin. La prison d'Evin est un symbole des dissidents progressistes et l'endroit où certains des futurs dirigeants les plus prometteurs de l'Iran étaient détenus. Divers prisonniers, des visiteurs familiaux et des membres du personnel de soutien ont été tués et mutiléspendant le bombardement. Les prisonniers survivants ont ensuite été transférés dans des prisons où les conditions de détention étaient bien pires.
Cet attentat à la bombe a démontré que ni Israël ni les États-Unis ne veulent voir des dirigeants progressistes accéder au pouvoir en Iran.
Ils espèrent soit promouvoir les monarchistes iraniens, soit conclure un accord avec une faction du régime actuel – ou les deux.
La guerre de juin 2025 a fait plus de 1 000 morts et 5 000 blessés en Iran. Il a causé des dommages massifs aux infrastructures et rendu l'air iranien déjà pollué encore plus toxique. Cela a également brisé les illusionsde beaucoup de ces Iraniens qui croyaient qu'une invasion par Israël et les États-Unis pourrait les sauver. Cependant, cela ne signifie pas que l'opposition monarchiste a perdu toute sa base.
Quant à l'opposition russe, je ne vois pas comment elle peut penser que l'administration Trump, qui est alliée à Poutine à la fois idéologiquement et politiquement, va renverser le régime russe.
— Le féminisme est-il associé à l'Occident en Iran ? Pensez-vous qu'il pourrait y avoir un féminisme non occidental et non laïc ? En vous appuyant sur l'expérience du récent mouvement « Femme, vie, liberté » de 2022-2023, pensez-vous que l'agenda féministe pourrait obtenir un large soutien dans la société iranienne ?
— Le féminisme a des racines autochtones en Iran, qui remontent à la révolution constitutionnelle de 1906-1911 et aux efforts de diverses femmes leaders pour promouvoir l'éducation des filles et des femmes. Au cours des trente dernières années, les féministes iraniennes ont traduit en persan certaines œuvres de féministes occidentales. Nous avons déjà des féministes iraniennes indépendantes en Iran. Cependant, je ne pense pas qu'il soit possible d'avoir un féminisme non laïc. À tout le moins, le féminisme exige l'égalité des sexes et les droits reproductifs, y compris le droit à l'avortement. Il exige des lois qui sont exemptes de dogmes religieux. De plus, après avoir connu plus de quatre décennies de République islamique, la société iranienne souhaite maintenant principalement la séparation de la religion et de l'État.
Ce qui est devenu connu sous le nom de mouvement « Femme, vie, liberté » à la fin de 2022 et au début de 2023 n'était pas une révolution féministe à part entière, mais il avait quelques caractéristiques féministes distinctes. Par exemple, les étudiants universitaires se sont efforcés de mettre fin à la ségrégation dans les cafétérias et les salles de classe des universités, qui étaient soumises à la ségrégation sexuelle. Le mouvement comprenait également une large participation des femmes de la classe ouvrière, notamment des femmes kurdes du nord, des femmes arabes du sud et des femmes baloutches du sud-est de l'Iran, la province la plus défavorisée et la plus misogyne du pays.
En sept mois, la police et l'armée iraniennes ont arrêté plus de 20 000 manifestants. Plus de 500 personnes ont été tuées lors des manifestations. Quatre jeunes ont été pendus pour avoir participé aux manifestations à l'époque, et d'autres jeunes participants arrêtés ont été exécutés au cours des trois dernières années. De nombreux manifestants, en particulier des femmes, ont été touchés aux yeux ou aux parties génitales par des tireurs d'élite. Beaucoup ont été violées par la police, à la fois en prison et en dehors. Certaines qui ont été violées et torturées à mort ont été annoncées comme s'étant suicidées. Des milliers d'écolières ont été empoisonnées.
Divers groupes féministes et syndicaux en Iran ont publié des déclarations exprimant leurs revendications pour un Iran démocratique à l'avenir.Ces déclarations demandaient ce qui suit : une éducation gratuite et de qualité égale pour les femmes et les hommes à tous les niveaux, sans ségrégation entre les sexes ; la participation égale des femmes dans les domaines social, politique et économique ; le droit à la reproduction et à l'avortement ; le divorce et le droit de garde ; l'interdiction des mutilations génitales féminines, du mariage des enfants et de la polygamie ; la criminalisation de la violence sexiste et du harcèlement sexuel ; la catégorisation du travail domestique comme un travail onéreux, nécessitant une meilleure rémunération ; et des services juridiques et de santé pour les femmes incarcérées. Certaines féministes ont fait valoir que les revendications devraient aller au-delà du niveau minimum de la société civile pour inclure les droits de l'homme des minorités nationales, religieuses et sexuelles opprimées, ainsi que des migrants (principalement des Afghans), et plaider pour la justice sociale et la discrimination positive, ce que nous appelons aux États-Unis la discrimination positive.
Cependant, trois ans plus tard, plusieurs féministes iraniennes emprisonnées risquent la peine de mort. En septembre 2023, le gouvernement iranien a adopté la loi sur le hijab et la chasteté, imposant une application plus stricte du code vestimentaire islamique et imposant des sanctions allant de l'amende à l'expropriation de biens et à l'emprisonnement. Les taux signalés de féminicide, de violence sexiste et de suicide chez les femmes ont augmenté. Le taux d'exécution des prisonniers en général, et des femmes en particulier, a augmenté. Depuis janvier 2025, le gouvernement iranien a également expulsé 1,8 million de migrants afghans d'Iran. Il promeut également la haine contre la population migrante afghane d'Iran pour détourner l'attention de sa propre histoire et de ses politiques destructrices.
La contradiction entre le soutien de masse reçu par le mouvement « Femme, Vie, Liberté » et les développements régressifs actuels peut s'expliquer par le régime. Les pressions économiques, politiques, sociales et environnementales sur la société, combinées à la dernière guerre ouverte entre Israël et les États-Unis. et l'Iran, ainsi que les dommages massifs causés à l'infrastructure et à la psyché iraniennes, ne laissent pas de place pour un développement progressiste.
Lorsque vous avez condamné l'invasion de Poutine, vous avez expliqué que l'État russe utilise fréquemment une rhétorique misogyne. De plus, l'État russe est obsédé par le contrôle du corps des femmes et l'imposition de soi-disant valeurs familiales à tout le monde. Ironiquement, ces valeurs sont basées sur des indicateurs démographiques plutôt que sur la spiritualité ou la Bible. Pensez-vous que les droits des femmes sont plus importants que les « valeurs familiales » ? Ou les « valeurs familiales » ne servent-elles qu'à justifier des politiques misogynes menaçant la vie ?
La droite a défini les « valeurs familiales » comme le patriarcat, l'homophobie, les rôles familiaux traditionnels et les structures qui oppriment les femmes et les enfants. Ces valeurs ne permettent pas la création de relations familiales aimantes et bienveillantes. Parmi ces « valeurs », citons les politiques de Poutine en Russie et en Ukraine, la mise en œuvre du Projet 2025 par l'administration Trump et l'imposition de la charia par le régime iranien. Certaines féministes socialistes ont critiqué la famille traditionnelle et ont plutôt cherché à redéfinir les valeurs familiales. Ils envisagent les valeurs familiales libérées comme des relations humaines non oppressives et non exploitantes dans lesquelles les gens ne s'utilisent pas les uns les autres comme de simples moyens à une autre fin, mais se soucient véritablement de la croissance, du développement et du bien-être de l'autre.
Cet effort comprend les droits à la reproduction et à l'avortement, ainsi que le rejet des normes qui promeuvent l'agression et la domination chez les hommes et l'obéissance chez les femmes.
Cependant, il y a beaucoup plus à faire pour transcender les normes de genre oppressives capitalistes et précapitalistes.
Compte tenu de l'agenda « traditionaliste » partagé par l'extrême droite mondiale, pensez-vous que le féminisme offre une réponse unificatrice, du moins pour la gauche ?
Le féminisme peut offrir une réponse unificatrice à l'extrême droite mondiale s'il cherche à dépasser les limites du capitalisme, qu'il soit privé ou étatique.
L'un des principaux obstacles à la solidarité féministe aujourd'hui est le carriérisme, qui réduit le féminisme à la promotion étroite de son propre agenda.
Qu'il s'agisse de prôner le capitalisme libéral occidental ou les relations postcoloniales et anti-américaines. L'impérialisme, le féminisme ont réduit la libération à la réalisation du pouvoir et de la domination. Certaines féministes anti-impérialistes font également l'apologie de l'autoritarisme russe, chinois, vénézuélien et cubain.
Le féminisme socialiste que je prône remet en question la marchandisation et la déshumanisation des femmes et des personnes non binaires, ainsi que les relations humaines aliénées sous le capitalisme. Dans mon livre Socialist Feminism : A New Approach (Pluto Press, 2022), je discute de l'évolution des relations entre les sexes et de l'autoritarisme au 21e siècle, en évaluant de manière critique les théories féministes socialistes de l'oppression de genre et en explorant les alternatives socialistes-humanistes et féministes au capitalisme et à la domination.
Pour que le féminisme puisse offrir une réponse unificatrice à la montée de l'autoritarisme et du fascisme, il doit développer une alternative humaniste.
— Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre livre ? Quels penseurs féministes trouvez-vous utiles aujourd'hui ? Qu'est-ce qui manque et comment combler cette lacune ?
Je soutiens qu'au XXIe siècle, nous avons besoin d'une alternative humaniste au capitalisme qui défie toutes les formes de domination et transcende les modèles oppressifs de l'ex-URSS et de la Chine maoïste, ainsi que les revendications plus récentes du socialisme, comme au Venezuela.
Mon effort pour repenser le féminisme socialiste est une tentative d'aller au cœur du problème auquel nous sommes confrontés : transcender le capitalisme, le racisme, le sexisme et l'hétérosexisme aux niveaux structurel et personnel, transformer les relations humaines et développer des relations réfléchies entre les humains, entre l'esprit et le corps, et entre l'humanité et la nature. Les cadres conceptuels féministes socialistes discutés dans ce livre – la reproduction sociale, l'aliénation, le féminisme noir et les théories queer – ont tous été des voies pour poser des questions sur le développement d'une alternative humaniste.
Des penseurs écoféministes comme Maria Mies et Ariel Salleh, ainsi que d'autres féministes autonomes comme Silvia Federici et Kathi Weeks, ont fait des propositions importantes, telles que la récupération des biens communs, la création de coopératives et la mise en place d'un revenu de base universel. Cependant, ils n'abordent toujours pas la question de savoir comment surmonter le travail aliéné.
Je soutiens que, si le corps d'idées de Marx doit être distingué des formes totalitaires de gouvernement qui ont revendiqué son nom, sa philosophie humaniste dans son ensemble prône la révolution des relations humaines, y compris ce qu'Ann Ferguson a appelé les « pratiques affectives » en 2018. La compréhension de Marx du capitalisme ne le limite pas à un système basé sur l'inégalité économique. Au contraire, il l'identifie comme un système basé sur le travail aliéné qui pousse à l'extrême la division du travail mental et manuel et la séparation de l'esprit et du corps. Pour lui, la dégradation et la violence que subissent les femmes sont des manifestations évidentes de cette séparation.
L'alternative affirmative de Marx ne se limite pas à la revendication des biens communs et à la collectivisation du travail, ou à l'abolition du travail et au fait de s'appuyer uniquement sur les machines et la technologie pour faire le travail.
Il plaide pour l'émancipation des êtres humains du travail aliéné et de « l'auto-aliénation humaine » en faveur d'une existence consciente, et d'une relation à double sens entre l'esprit et le corps comme clé de la libération humaine.
La penseuse féministe noire Audre Lorde pose la question du travail et de la vie dans The Uses of the Erotic, offrant un aperçu d'une existence non aliénée. Pour Lorde, l'élément clé de l'émancipation est une existence consciente où l'esprit, le corps et le cœur communiquent entre eux et sont en harmonie avec soi-même et avec les autres, que ces autres soient des personnes ou des travailleurs. Pour elle, l'émancipation est une existence dans laquelle nous ne sommes pas fragmentés, mais où nous avons la possibilité de développer tous nos talents naturels et acquis.
Aujourd'hui, il semble y avoir un fossé entre ceux qui s'intéressent aux questions du féminisme et du genre et ceux qui s'intéressent à la « grande politique ». Vous le voyez très clairement avec l'opposition russe. Alors que les hommes discutent principalement des manœuvres militaires, de la politique internationale et de l'économie, les féministes discutent de l'interdiction de l'avortement. C'est rarement l'inverse qui se produit. Pourquoi pensez-vous que cela se produit ? Cette division aide-t-elle à résoudre les problèmes, ou en crée-t-elle davantage ?
Bien qu'il ne soit pas nouveau pour ceux qui s'intéressent à la grande politique d'ignorer l'oppression de genre, nous devons également nous demander pourquoi tant de féministes se concentrent uniquement sur nos luttes particulières en tant que femmes ou personnes non binaires sans développer une vision mondiale démontrant leur maîtrise de la politique mondiale et de la socio-économie. C'est peut-être parce qu'il s'agit d'un défi incroyablement difficile. Il est plus facile de se concentrer sur un sujet particulier sans toujours avoir une vue globale.
Le développement d'une alternative au capitalisme nécessite une vision globale qui transcende les divisions entre l'individualité, les luttes spécifiques au genre et les luttes universelles et les idées d'émancipation humaine.
La structure de mon livre tente d'aider les féministes à briser ces divisions. Il se termine également par des idées pour l'organisation révolutionnaire mondiale féministe socialiste, y compris la solidarité avec les féministes ukrainiennes et russes.
Le monde a désespérément besoin de féministes socialistes éthiques et mondaines qui se soucient véritablement de l'avenir de l'humanité et reconnaissent l'urgence du moment actuel, alors que le fascisme est en hausse et que nos acquis s'érodent rapidement.
Frieda Afary peut être contactée via son site web, https://socialistfeminism.org/
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1er octobre, journée des défenseur-es de l’Ukraine
Aujourd'hui, à l'occasion de la Journée des défenseurs et défenseuses de l'Ukraine, nous saluons tous ceux et celles qui défendent notre territoire, en particulier nos camarades de gauche, les travailleurs de tous les secteurs et les syndicalistes qui ont quitté leur vie paisible et leur lieu de travail pour se joindre aux rangs des Forces armées ukrainiennes contre l'armée russe.
1 Octobre 2025 | tiré d'Europe solidaire sans frontières
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article76463
Cette fête célèbre votre courage et votre abnégation, votre capacité à faire passer la liberté et la vie des gens avant votre propre bien-être. C'est grâce à vos efforts que toute la société tient bon.
Le Sotsialnyi Rukh s'efforce d'apporter un soutien complet aux militaires, qu'il s'agisse d'une aide juridique pour obtenir les avantages sociaux auxquels ils ont droit ou d'une aide financière pour répondre à leurs besoins les plus urgents. Nous sommes aidés dans cette tâche par des représentants de réseaux internationaux de solidarité qui sont conscients de la valeur planétaire de la résistance ukrainienne. Il est regrettable que les autorités ukrainiennes, par leurs décisions, compliquent souvent l'accomplissement du devoir militaire en réduisant la protection sociale tant des défenseurs eux-mêmes que des couches populaires dont ils sont majoritairement issus.
Nous espérons que l'expérience acquise dans l'armée sera utile dans la vie civile et renforcera la capacité à lutter collectivement pour un avenir meilleur, tout en introduisant dans la politique une demande de véritable justice.
Défenseurs et défenseuses de l'Ukraine, vous êtes l'espoir de tout le monde libre.
Sotsialnyi Rukh, 1er octobre 2025
P.S.
Source : RESU / PLT
https://aplutsoc.org/2025/10/02/1er-octobre-journee-des-defenseur-es-de-lukraine-sotsialnyi-rukh/
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Les médias français et la condamnation de Sarkozy : les dessous d’une semaine de mensonges en continu
Sur les principales chaînes d'information en continu, la défense de Nicolas Sarkozy a pris toute la place au détriment des faits. Sur BFMTV, des consignes envoyées aux présentateurs ont été ignorées et une journaliste, un peu trop rigoureuse, a même été convoquée.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
Dans l'affaire Sarkozy-Kadhafi, comme de coutume sur CNews, la réalité des faits est rapidement écrasée par l'instrumentalisation partisane qui en est faite. Que l'ancien président soit déclaré coupable ou non, condamné à une peine de prison ou non, la chaîne info de Vincent Bolloré avait de toute façon l'intention de se saisir de ce jugement historique pour faire le procès des magistrats et de leur acharnement supposé contre Nicolas Sarkozy.
Ainsi a-t-on vu défiler jeudi 25 septembre, sur les plateaux de Pascal Praud, Laurence Ferrari, Christine Kelly et autres, des commentateurs venus fustiger « un procès politique », « une erreur extraordinaire de justice », « un règlement de compte » judiciaire et une condamnation fondée sur « aucune preuve ». Un traitement univoque qui s'est prolongé toute la semaine.
Garante du respect du pluralisme et de la rigueur dans le traitement de l'information, l'Arcom a reçu de nombreux signalements dénonçant ce flot d'intox, a fait savoir l'autorité de régulation des médias. En mars déjà, lors du jugement de Marine Le Pen dans l'affaire des assistants parlementaires, l'autorité indépendante avait rappelé CNews à l'ordre pour son traitement « sans mesure, ni modération » de la condamnation de la cheffe de file du RN. Comme à chaque fois, pendant que l'Arcom ouvre des procédures, prend des sanctions et prononce des amendes, CNews continue sereinement à tordre les faits.
Rien de très inhabituel donc à observer la galaxie Bolloré se mettre en branle pour blanchir médiatiquement Nicolas Sarkozy. Depuis longtemps maintenant CNews, mais aussi Europe 1 et le JDD – qui n'ont pas jugé utile de préciser que Nicolas Sarkozy et Valérie Hortefeux, ex-compagne de Brice Hortefeux, siègent au conseil d'administration de leur maison mère, Lagardère – ont bazardé toute notion d'équilibre et d'honnêteté dans leur traitement de l'information. Il est en revanche plus saisissant de constater à quel point CNews semble avoir contaminé avec ses pratiques l'ensemble de l'espace médiatique.
Sur les autres chaînes, la condamnation de Nicolas Sarkozy à cinq ans de prison a généré un niveau exceptionnel d'approximations, de déformations des faits et d'erreurs factuelles. D'abord, à travers les réactions des proches de l'ancien président ou des commentaires de chercheurs ou d'éditorialistes jamais contredits.
Dans C dans l'air sur France 5, par exemple, Jérôme Jaffré, chercheur associé au Cevipof, s'est dit « bouleversé » par la condamnation de l'ancien président puis s'est aventuré à commenter le jugement en affirmant qu'aucune trace d'argent n'avait été retrouvée dans les comptes de la campagne de 2007.
Sur le plateau du service public, personne pour répliquer qu'il a été solidement établi par l'enquête judiciaire qu'au total 6,5 millions d'euros ont transité de la Libye vers les proches de Sarkozy. « La justice se paye la politique dans cette affaire », a-t-il lâché, avant de railler le lendemain sur France Inter une « justice trop sévère », qui a « mal fait son travail ».
Partout, les journalistes ont invité des défenseurs de Nicolas Sarkozy pour les laisser, sans jamais les corriger, dire, au choix, que le dossier était vide, que l'enquête reposait sur un faux ou que le président a été condamné sur la base d'une simple « intention ».
Dans l'émission Quotidien, le journaliste Jean-Michel Apathie a ainsi pu déclarer qu'il n'existait « aucune preuve » que Nicolas Sarkozy était au courant d'un pacte corruptif et a comparé le raisonnement des juges à une « loterie ». Toujours au sein du groupe TF1, Éric Brunet a estimé sur LCI que l'exécution provisoire de la peine de prison avait « peut-être » pour but d'« humilier » l'ancien président. « Moi, je trouve que les peines lourdes sont plutôt déployées à l'endroit de personnalités de droite », a-t-il conclu pour asseoir l'idée d'un complot.
Une journaliste de BFMTV convoquée
Sur BFMTV, plusieurs présentateurs se sont adonnés au même exercice de réécriture du jugement. Le 25 septembre, en édition spéciale, Olivier Truchot a multiplié les contresens, en répétant à plusieurs reprises que le casier judiciaire de Nicolas Sarkozy était vierge, en assurant que l'exécution provisoire était « censée être une exception » ou en affirmant, à tort, que « l'affaire est partie avec la publication d'une note de Mediapart ».
Une note qui selon lui « est un faux » et qui expliquerait pourquoi le tribunal « afait tomber trois charges sur quatre ». Très sérieusement, le journaliste Christophe Delay a aussi évoqué le témoignage de Ziad Takieddine et sa rétractation « sur BFMTV », sans jamais mentionner les détails de cette manipulation qui incrimine la chaîne.
Des erreurs factuelles qui sont d'autant moins pardonnables que les journalistes « rubricards » police-justice qui ont suivi par intermittence les trois mois d'audience pour BFMTV ont balisé le terrain avant et après la décision de justice, pour éviter tout contresens sur l'affaire.
Dans un mail envoyé le mardi 23 septembre et consulté par Mediapart, ayant pour objet « SARKOZY/KADHAFI : une décision très attendue ce jeudi — tout ce qu'il faut savoir » et transmis en interne à l'ensemble des collaborateurs de la chaîne, le service police-justice du canal 13 a pris soin de rafraîchir les mémoires sur les points clés du dossier.
« Les trois mois d'audience ont été relativement accablants pour Nicolas Sarkozy et ses plus proches, mettant en lumière des coïncidences très difficiles à justifier », avaient notamment pointé les rubricards deux jours avant la condamnation de l'ex-chef d'État. Dans cette notice à destination entre autres des présentateurs, rédacteurs en chef et programmateurs de la chaîne, il est rappelé la « succession de voyages à Tripoli à partir de l'automne 2005 de Claude Guéant et Brice Hortefeux » avec le terroriste Abdallah Senoussi, mais aussi les « explications farfelues de Thierry Gaubert sur l'arrivée d'un demi-million d'argent libyen sur son compte », ainsi que les agendas de l'ex-ministre du pétrole libyen, dans lesquels ont été retrouvés la mention « d'un déjeuner lors duquel avaient été évoqués trois virements d'un total de 6,5 millions d'euros “pour Sarkozy” ».
Pendant les heures de direct consacrées à la condamnation de Nicolas Sarkozy, aucun présentateur ne prendra pourtant la peine de rappeler à l'antenne les éléments listés dans ce document et tous laisseront les invités fustiger « un dossier vide ».
Dans ce même mail, les « autres affaires judiciaires » de l'ancien président sont également évoquées, notamment sa condamnation définitive dans l'affaire Bismuth. Ce qui n'empêchera pas Olivier Truchot d'insister à plusieurs reprises sur le casier judiciaire vierge de Nicolas Sarkozy et sur la supposée sévérité des juges. Pire, de cette note, les journalistes ne retiendront que les paragraphes mentionnant « la défense de Nicolas Sarkozy ».
- La chaîne n'a pas de commentaire à apporter sur le travail journalistiquement indépendant et irréprochable de la rédaction.
- - BFMTV en réponse à Mediapart
En plateau pourtant, la journaliste Alexandra Gonzalez, qui a couvert plusieurs audiences du procès pour BFMTV, tente tant bien que mal de rétablir quelques vérités. Face aux errements d'Olivier Truchot, de Christine Boutin, ancienne ministre sarkozyste, qui compare cinq ans de prison à « la guillotine », et de Jonas Haddad, porte-parole adjoint du parti Les Républicains, qui évoque un complot « politico-médiatique », elle rappelle les faits : le casier judiciaire de l'ex-chef d'État n'est pas vierge, la condamnation est l'aboutissement d'une enquête judiciaire qui a duré dix ans et non d'une instruction menée par des journalistes. Elle martèle aussi le fait que l'exécution provisoire n'a rien d'une exception.
Pour avoir simplement énoncé des faits, Alexandra Gonzalez sera convoquée le lendemain, selon nos informations, dans le bureau de Camille Langlade, directrice de la rédaction de BFMTV. Non pas pour la féliciter mais pour lui reprocher son positionnement lors du direct, jugé trop en défense des magistrats et du jugement prononcé contre Nicolas Sarkozy.
Contactées, ni Alexandra Gonzalez ni Camille Langlade n'ont répondu à nos questions. De son côté, BFMTV nous a fait savoir que « la chaîne n'a pas de commentaire à apporter sur le travail journalistiquement indépendant et irréprochable de la rédaction ».
Ainsi en est-il du fonctionnement des chaînes d'info, où l'on préfère laisser discourir à partir d'approximations ou d'intox des éditorialistes et invités de différentes obédiences, sans jamais trancher les débats par les faits. Le commentaire y est sacré et les faits minoritaires. Et lorsque les journalistes tentent de rétablir quelques vérités, on leur reproche de choisir un camp ou de prendre parti.
Le soir de la condamnation de l'ex-chef d'État, le service police-justice de BFMTV envoie à la rédaction un nouveau document, cette fois intitulé « SARKOZY / KADHAFI - Comprendre le jugement à l'encontre de Nicolas Sarkozy ». La notice cite des extraits de la décision rendue par le tribunal de Paris. Elle rappelle que l'incarcération est motivée par l'exceptionnelle « gravité des faits » et insiste sur la caractérisation de l'association de malfaiteurs dont Nicolas Sarkozy a été jugé coupable et qui « avait pour but de lui procurer un avantage dans la campagne électorale. »
Pour autant, les défenseurs de Nicolas Sarkozy défileront encore un à un pour dérouler leurs commentaires sans contradiction et les bandeaux diffusés par BFMTV auront tous la même tonalité : « La justice va-t-elle trop loin ? », « Une peine disproportionnée ? », « Un verdict politique ? », « Exécution provisoire ou exécution politique ? », « Mediapart, média militant ? »
« La condamnation sans preuve, elle est assumée », accuse le conseiller Henri Guaino devant une journaliste muette. « Je ne vous ai quand même jamais entendu dire des mots aussi forts contre la justice », se contente-t-elle de répondre. Dans une autre émission du 29 septembre, le chroniqueur économique Emmanuel Lechypre se moque du couplet « pro-juge » de l'éditorialiste Laurent Neumann lorsque ce dernier évoque les menaces reçues par les magistrats et Géraldine Woessner, du Point, assène qu'« il n'y a aucune preuve » du pacte de corruption.
L'opinion avant l'information
« Ce qui est stupéfiant pour une bonne part du traitement médiatique audiovisuel, c'est que les informations et les débats portent essentiellement sur les infractions retenues ou écartées, sur le mandat de dépôt, mais pas sur les faits établis par le tribunal », s'étonne Ismaël Halissat, journaliste qui a alternativement couvert le procès pour Libération avec deux de ses collègues.
Alors comment expliquer une telle désinformation ? Nombre de rubricards police-justice que nous avons interrogés soulignent l'inculture générale de la profession sur le fonctionnement de la justice, qui rend impossible la bonne restitution d'un dossier aussi complexe.
« Il n'est pas nécessaire que le tribunal apporte la preuve absolue que l'argent libyen ait irrigué la campagne de Sarkozy pour que le pacte de corruption soit constitué, s'agace Thierry Lévêque, qui a suivi les trois mois d'audience pour le média Les Jours. Le cœur de l'affaire, c'est bien qu'on a été solliciter de l'argent libyen et que cet argent a été en partie versé. Et c'est ça qu'on devrait retenir journalistiquement. »
Des tensions dans la presse écrite
- Selon nos informations, le traitement de la condamnation de Nicolas Sarkozy a suscité quelques tensions au sein du journal Libération. Pendant que la rédaction préparait un dossier avec des explications et analyses des trois journalistes ayant suivi le procès, Jean Quatremer, salarié du même quotidien, courait les plateaux télé. Non pas pour relayer le travail de ses collègues, mais pour reprendre les éléments de langage du clan Sarkozy et dénoncer les magistrats « qui font de la politique ». « On ne condamne pas un ancien président de la République comme on condamne moi ou vous », a-t-il notamment déclaré sur LCI, avant d'ajouter : « On peut se dire que les juges jouent quand même avec la République. »
- Pour le journal Marianne, Laurent Valdiguié, qui a suivi l'intégralité du procès, a publié un hors-série reprenant tous les enjeux de l'affaire de manière factuelle et documentée. Une approche qui tranche radicalement avec l'autre numéro de l'hebdomadaire en kiosque depuis mercredi. Dans son édito, la directrice Ève Szeftel déplore « le soupçon de partialité qui entache ce jugement » et pose cette question en une : « La vengeance politique des juges ? » En réponse, Laurent Valdiguié a partagé sur X un célèbre adage : « À tout titre d'article journalistique se terminant par un point d'interrogation, il peut être répondu par la négative. » Selon nos informations, il a aussi demandé à retirer sa signature d'un des articles publiés dans ce numéro.
De manière générale, il faut dire que les journalistes étaient peu nombreux à assister à ce procès unanimement décrit comme historique. À peine une dizaine de reporters étaient présents quotidiennement au tribunal. Les télés et radios ont couvert une poignée d'audiences, lors des réquisitions du parquet et des plaidoiries de la défense principalement.
« Tous les journalistes sont venus le jour où Sarkozy est arrivé à l'audience avec son bracelet, mais lorsqu'il y avait des audiences cruciales sur le fond de cette affaire, il n'y avait ni télé ni radio, remarque Thierry Lévêque, qui a même chroniqué le procès sur son blog personnel. Le résultat, c'est que le lecteur n'a pas vraiment été mis en mesure de comprendre ce qui se passait et d'un seul coup le jugement a dégringolé, comme si ça sortait de nulle part. » Le narratif du clan Sarkozy était ainsi beaucoup plus facile à imposer.
Yunnes Abzouz et David Perrotin
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« Les manifestations de la génération Z ont le vent en poupe »
Sous ce titre, qui est du New York Times, nous donnons la traduction d'un article paru dans ce quotidien « de référence » nord-américain ce 1° octobre 2025. L'on peut sans doute se risquer à dire que nous avons un mouvement mondial de la jeunesse, comme on disait en 1968, mais cette fois de la jeunesse pauvre et prolétarienne, et un mouvement partie d'Asie orientale, qui est en train de déferler sur Madagascar. En Europe, ce sont la Serbie, le plus important soulèvement de la jeunesse depuis mai 68, et les mouvements pro-démocratie et anti-corruption en Ukraine. Et, depuis le 10 septembre, il y a au moins un français notoire qui s'inquiète de ce qui pourrait germer et grossir et s'attache à provoquer et réprimer : M. Retailleau !
Tiré de Arguments pour la lutte sociale
1er octobre 2025
Par Aplutsoc2
Document
Les manifestations de la génération Z ont le vent en poupe.
Le mois dernier, le Népal, l'Indonésie, les Philippines et Madagascar ont connu d'importantes manifestations menées par des jeunes indignés par la corruption gouvernementale et les inégalités. Un drapeau commun flottait au-dessus de chaque manifestation : une tête de mort souriante coiffée d'un chapeau de paille.
Ce drapeau est tiré d'un manga et d'une série animée japonais de longue date intitulé « One Piece », qui suit une bande de pirates combatifs face à un gouvernement corrompu et répressif. La franchise, récemment relancée en live-action sur Netflix, a été doublée dans plus d'une douzaine de langues et a conquis un public considérable, avec plus de 500 millions d'exemplaires de la version imprimée.
L'une des premières fois que le drapeau a flotté lors de manifestations, c'était en 2023, lors de marches pro-palestiniennes en Indonésie et en Grande-Bretagne. Depuis, il est devenu un symbole des manifestations organisées par la jeunesse à travers le monde.
Il était accroché aux portes du complexe gouvernemental népalais, incendié lors des manifestations qui ont finalement renversé le gouvernement. Il a été peint sur les murs de Jakarta et hissé par la foule à Manille. Cette semaine, il a fait son apparition à Madagascar, où des manifestations ont forcé la dissolution du gouvernement lundi. (1)
« Nous savons que la génération Z manifeste partout dans le monde, et nous voulions utiliser des symboles qui parlent à notre génération », a expliqué Rakshya Bam, 26 ans, l'un des organisateurs népalais de la manifestation de la génération Z, à ma collègue Hannah Beech. « Le drapeau pirate, le Jolly Roger, c'est comme un langage commun maintenant. »
Le drapeau « One Piece » n'est pas seulement un emblème, c'est une allégorie. Le protagoniste, Luffy, est un terroriste ou un combattant de la liberté, selon la personne à qui l'on pose la question. Son chapeau de paille emblématique était un cadeau de son héros d'enfance, qui croyait que Luffy et sa génération finiraient par triompher.
L'intrigue rend ce symbole particulièrement percutant, a confié à ma collègue Hannah Irfan Khan, un autre manifestant népalais. « Le pirate, c'est comme une façon de dire que nous ne tolérerons plus l'injustice et la corruption », a-t-il déclaré.
Ce n'est pas la première fois que les manifestants s'unissent à des références culturelles liées à la jeunesse. Dans les années 2010, les manifestants contre un coup d'État militaire en Thaïlande ont adopté le salut à trois doigts du film dystopique « Hunger Games », un geste qui perdure dans des pays comme la Birmanie.
« Je pense que nous entrons dans une nouvelle ère d'organisation qui s'inspire largement de la culture numérique, pop et des jeux vidéo, créant un vocabulaire commun », a déclaré Raqib Naik, directeur du Center for the Study of Organized Hate, un groupe de surveillance américain qui surveille l'activité en ligne et la désinformation.
Le drapeau « One Piece » est utilisé par des manifestants qui se trouvent à des milliers de kilomètres les uns des autres. Mais ils sont liés par la culture commune de leur génération, fusionnant récits populaires et politiques contestataires pour former une force qui a fait tomber au moins deux gouvernements – et ce n'est pas fini.
Pranav Baskar, le 01/10/2025.
(1) Et au Maroc, et au Pérou …
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L’écocide israélien à Gaza envoie le message suivant : même si nous arrêtions de larguer des bombes, vous ne pourriez pas vivre ici.
Présentation
La brutalité et la totalité de l'écocide sioniste équivaut à ceux du génocide et viceversa. Dommage que l'on ne l'oublie trop souvent. Je retiens en autre chose « que les forces armées mondiales produisent environ 5,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Pourtant, en partie grâce au lobbying du gouvernement étatsunien, elles sont exemptées de l'obligation de déclaration prévue par l'accord de Paris sur le climat. » Je signalais dans un article récent que les émanations de GES provenant des feux de forêt sont aussi généralement exclues de cette obligation sous prétexte qu'ils sont « naturels ». Faut-il se surprendre que les statistiques officielles colligées par l'ONU masquent l'effrayante réalité que les émanations mondiales de GES, telles que directement mesurées dans l'atmosphère, croissent à un taux croissant… qu'il l'est de plus en plus depuis le début de ce siècle.
Marc Bonhomme, 5/10/25
Samedi 27 septembre 2025 |The Guardian | Traduction : Marc Bonhomme
Source : https://www.theguardian.com/commentisfree/2025/sep/27/israelecocide-gaza-bombs-agricultural-land-genocide
Considérez l'anéantissement des terres agricoles parallèlement au génocide - et saisissez la totalité effrayante de cette tentative d'éliminer toute vie
Un peuple sans terre et une terre sans peuple : tels sont, semble-t-il, les objectifs du gouvernement israélien à Gaza. Il y a deux moyens d'y parvenir. Le premier est le massacre et l'expulsion des Palestinien-ne-s. Le second consiste à rendre la terre inhabitable. Parallèlement au crime de génocide, une autre grande horreur se déroule : l'écocide.
Si la destruction des bâtiments et des infrastructures à Gaza est visible dans toutes les vidéos que nous voyons, la destruction parallèle des écosystèmes et des moyens de subsistance est moins visible. Avant l'atrocité du 7 octobre qui a déclenché l'assaut actuel sur Gaza, environ 40 % des terres étaient cultivées.
Malgré son extrême densité de population, Gaza était en grande partie autosuffisante en légumes et en volailles, et répondait à une grande partie de la demande de la population en olives, en fruits et en lait. Mais le mois dernier, les Nations unies ont indiqué qu'à peine 1,5 % des terres agricoles restaient accessibles et intactes. Cela représente environ 200 hectares, soit la seule surface restante directement disponible pour nourrir plus de 2 millions de personnes.
Cette situation s'explique en partie par la destruction systématique des terres agricoles par l'armée israélienne. Les troupes au sol ont démoli les serres, les bulldozers ont renversé les vergers, labouré les cultures et écrasé le sol, et les avions ont pulvérisé des herbicides au-dessus des champs.
Les Forces de défense israéliennes (FDI) justifient ces attaques en affirmant que « le Hamas opère souvent à partir de vergers, de champs et de terres agricoles ». Et apparemment aussi à partir d'hôpitaux, d'écoles, d'universités, de zones industrielles et de toutes les autres ressources dont dépendent les Palestiniens. Pour justifier la destruction, il suffit aux FDI de suggérer que le Hamas a opéré ou pourrait opérer à partir de ce qu'elles veulent détruire. Et s'il n'y a pas de preuves, tant pis, c'est trop tard.
Les FDI étendent progressivement la « zone tampon » le long de la frontière orientale de Gaza, qui contient justement une grande partie des terres agricoles de la bande de Gaza. Comme le souligne Hamza Hamouchene, spécialiste des droits humains, plutôt que de « faire fleurir le désert » – un pilier de la propagande d'État israélienne –, elles transforment des terres fertiles et productives en désert.
Depuis des décennies, le gouvernement israélien abat les oliviers centenaires des Palestiniens afin de les priver de leurs moyens de subsistance, de les démoraliser et de rompre leur lien avec la terre. Les olives sont à la fois cruciales sur le plan matériel, puisqu'elles représentent 14 % de l'économie palestinienne, et symboliquement puissantes : sans oliviers, il ne peut y avoir de branche d'olivier. La politique de la terre brûlée menée par Israël, associée à son blocus des approvisionnements alimentaires, garantit la famine.
L'assaut des forces de défense israéliennes sur Gaza a provoqué un effondrement du traitement des eaux usées. Les eaux usées brutes inondent les terres, s'infiltrent dans les aquifères et empoisonnent les eaux côtières. Il en va de même pour l'élimination des déchets solides : des montagnes d'ordures pourrissent et couvent parmi les ruines ou sont poussées dans des décharges informelles, où elles sont contaminées par lixiviation. Avant l'assaut actuel, les habitants de Gaza avaient accès à environ 85 litres d'eau par personne et par jour, ce qui, bien que peu abondant, correspond au niveau minimum recommandé. En février de cette année, la moyenne était tombée à 5,7 litres. L'aquifère côtier crucial de Gaza est encore plus menacé par l'inondation des tunnels du Hamas par les FDI avec de l'eau de mer : l'intrusion de sel, au-delà d'un certain point, rendra l'aquifère inutilisable.
Le programme des Nations unies pour l'environnement a estimé l'année dernière que chaque mètre carré de Gaza contenait en moyenne 107 kg de débris provenant des bombardements et des destructions. Une grande partie de ces débris est mélangée à de l'amiante, à des munitions non explosées, à des restes humains et aux toxines libérées par l'armement. Les munitions contiennent des métaux tels que le plomb, le cuivre, le manganèse, des composés d'aluminium, du mercure et de l'uranium appauvri. Des rapports crédibles font état de l'utilisation illégale par les FDI de phosphore blanc, une arme chimique et incendiaire hideuse qui entraîne également une contamination généralisée du sol et de l'eau. L'inhalation de poussières toxiques et de fumées a un impact majeur sur la santé des populations.
Outre les effets immédiats dévastateurs sur la vie des habitants de Gaza, les émissions de carbone liées à l'assaut israélien sont astronomiques : une combinaison de vastes émissions directes causées par la guerre et le coût climatique stupéfiant de la reconstruction de Gaza (si jamais elle est autorisée) - la reconstruction à elle seule produirait des gaz à effet de serre équivalents aux émissions annuelles d'un pays de taille moyenne.
Lorsque l'on considère l'écocide en même temps que le génocide, on commence à saisir la totalité de la tentative de l'État israélien d'éliminer à la fois les Palestinienne-s et leur patrie. Comme l'affirme l'écologiste palestinien Mazin Qumsiyeh : « La dégradation de l'environnement n'est pas fortuite - elle est intentionnelle, prolongée et vise à briser l'éco-sumud (fermeté écologique) du peuple palestinien. »
Au fil des ans, j'ai très peu écrit sur l'impact environnemental des forces armées, car je pense que si l'on ne parvient pas à convaincre les décideurs que tuer des êtres humains est mal, on ne parviendra jamais à les convaincre que tuer d'autres formes de vie est également mal. Je pense que beaucoup d'autres partagent ce sentiment, ce qui explique en partie pourquoi l'armée échappe généralement à la surveillance environnementale dont font l'objet d'autres secteurs. Mais son empreinte, même en temps de paix, est énorme. L'Observatoire des conflits et de l'environnement estime que les forces armées mondiales produisent environ 5,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Pourtant, en partie grâce au lobbying du gouvernement étatsunien, elles sont exemptées de l'obligation de déclaration prévue par l'accord de Paris sur le climat. Elles ne sont pas non plus tenues de rendre compte de leurs nombreux autres dommages environnementaux, de la déforestation à la pollution, en passant par la destruction des sols et les décharges non réglementées.
Personne parmi ceux qui se soucient de cette question ne réclame des « balles vertes » ou des « bombes vertes », mais les chercheurs militaires et les ministères de la défense tentent régulièrement de nous persuader qu'ils peuvent désormais faire exploser des personnes de manière durable. Depuis de nombreuses années, les militants écologistes soulignent que la paix et la protection de l'environnement doivent aller de pair. La guerre est aussi dévastatrice pour les écosystèmes que pour les populations, et la dégradation de l'environnement est une cause majeure de guerre.
Pour le gouvernement israélien, la destruction des écosystèmes et des moyens de subsistance des populations semble être un objectif stratégique majeur. Il semble rechercher ce que certains ont appelé un « holocide » : la destruction complète de tous les aspects de la vie à Gaza. Même en l'absence d'une loi spécifique sur l'écocide, que beaucoup d'entre nous réclament, la destruction des écosystèmes palestiniens est en violation flagrante de l'article 8 du Statut de Rome et devrait être considérée comme un crime grave au même titre que le génocide.
Mais si le projet final consiste à créer une « Riviera de Gaza » ou un projet similaire visant à construire une technopole élitiste et inquiétante, dépourvue de lieu et d'histoire, du type de celles que Donald Trump et certains hauts responsables politiques israéliens privilégient, alors qui a besoin d'arbres, de sol ou de cultures pour cela ? Il n'y a aucun coût pour les auteurs de ces crimes. Du moins, pas avant qu'ils ne soient traduits en justice.
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Jane Goodall s’est éteinte, son héritage scientifique et militant perdure
La primatologue britannique Jane Goodall est morte le 1er octobre, à l'âge de 91 ans. Celle qui a bouleversé sa discipline laisse en héritage un institut et une nouvelle génération de chercheurs prêts à marcher dans ses pas.
Tiré de Reporterre.
C'est une pionnière de la primatologie et une activiste infatigable, à la curiosité et à l'émerveillement inépuisables, qui s'est éteinte. La Britannique Jane Goodall est morte mercredi 1er octobre à Los Angeles, à l'âge de 91 ans. Elle laisse derrière elle des apports scientifiques considérables et une approche révolutionnaire de l'étude des grands singes, basée sur l'observation de long terme et l'attention aux sentiments et émotions.
Jane Goodall n'avait que 26 ans et aucun diplôme universitaire quand elle a débarqué sur le site tanzanien de Gombe, aux abords du lac Tanganyika, en juillet 1960. Le paléontologue kényan et britannique Louis Leakey l'avait embauchée comme secrétaire puis, impressionné par son sens de l'observation, l'a missionnée pour étudier les chimpanzés sauvages. « Il croyait alors en son regard naïf, sans carcan universitaire », explique l'éthologue Emmanuelle Grundmann. Il a eu le nez creux : il n'a fallu que quatre mois à la jeune femme pour découvrir que les chimpanzés de Gombe, adeptes de termites, effeuillent des tiges qu'ils introduisent et tournent dans les terriers pour cueillir leurs proies — dit autrement, ils fabriquent et utilisent des outils.
« Il faut désormais redéfinir l'homme ou accepter le chimpanzé comme humain », commente Leakey, un propos rapporté par Le Monde.
Militante écologiste
Avec ses complices l'Étasunienne Dian Fossey, qui étudiait les gorilles au Rwanda, et la Canadienne Biruté Galdikas, qui s'est dévouée aux orangs-outans de Bornéo, elle a fondé la primatologie moderne et bouleversé sa méthodologie. Emmanuelle Grundmann l'a rencontrée au tournant des années 2000, alors qu'elle-même était étudiante au Muséum national d'histoire naturelle.
« Outre la fabrication d'outils, Jane Goodall a découvert de nombreux comportements chez les chimpanzés : des guerres, des comportements d'entraide, d'empathie, l'existence de cultures », admire-t-elle. Des observations consignées et analysées dans de nombreux livres — My Friends the Wild Chimpanzees (1969), In the Shadow of Man (1971), The Chimpanzees of Gombe : Patterns of Behavior (1986) — et qui l'ont entrainée dans une carrière universitaire. Elle a décroché un doctorat en éthologie à l'université de Cambridge en 1965.
« Mais la première chose qu'elle a apportée à la primatologie, c'est la reconnaissance de chaque chimpanzé comme un individu distinct, avec sa personnalité propre », poursuit Emmanuelle Grundmann. Jane Goodall était ainsi connue pour donner des noms aux chimpanzés qu'elle observait, une pratique inédite dans la recherche occidentale qui numérotait les animaux. « Je me souviens d'un de mes professeurs au Muséum qui trouvait ça scandaleux », rit Emmanuelle Grundmann.
Elle avait aussi pour habitude, comme Diane Fossey d'ailleurs, de se fondre dans le groupe qu'elle observait, jusqu'à partager des moments de la vie quotidienne. « Maintenant, on a tendance à garder un peu plus de distance, pour ne pas biaiser les observations, indique Marie Pelé, directrice de recherche en éthologie et en primatologie au laboratoire Ethics de l'Université catholique de Lille. Mais à l'époque, c'est quelque chose que personne n'avait jamais fait, d'approcher autant les individus en les considérant comme tels. »
Ce lien révolutionnaire à l'animal l'a rapprochée des primatologues japonais, précurseurs de la discipline et qui, à l'instar du spécialiste des macaques japonais Kinji Imanishi, refusaient de hiérarchiser le vivant. Elle a d'ailleurs entretenu avec certains d'entre eux, comme Tetsurō Matsuzawa, des liens très forts.
Pour Marie Pelé, tout ceci fait de Jane Goodall une « pionnière dans cette démarche de rapprocher l'être humain des autres espèces animales ». La chercheuse continue d'ailleurs d'explorer cette même voie en s'intéressant « à ces comportements qu'on a longtemps considérés comme spécifiquement humains mais dont on s'aperçoit qu'ils existent aussi chez d'autres espèces animales : comportements économiques à travers les échanges réciproques et calculés, expression des émotions par le dessin ».
- « Elle a montré que les femmes pouvaient partir sur le terrain »
En tant que femme, Jane Goodall a aussi ouvert la voie à de nombreuses chercheuses dans le monde entier. « Elle a été la première et surtout la plus médiatisée, raconte Emmanuelle Grundmann. Elle a montré que les femmes pouvaient faire de la science et partir sur le terrain, ce qui était hors de question auparavant. »
C'est d'ailleurs grâce à elle qu'est née la vocation de Marie Pelé : « Dès petite, je savais que je voulais observer des animaux en Afrique. Mais c'est en voyant un documentaire sur ses travaux de terrain à Gombe, en 1997-1998, que j'ai eu le déclic : je me suis tournée vers mon père et je lui ai dit "c'est ça que je veux faire". Jane Goodall a ensuite eu un rôle pivot dans mon parcours. »
Très vite, l'éthologue britannique se double d'une militante écologiste. En 1977, elle a fondé le Jane Goodall Institute. Aujourd'hui présente dans 25 pays, l'organisation œuvre pour la conservation des chimpanzés sauvages sur toute la ceinture équatoriale africaine, du Sénégal et de la Gambie jusqu'à la Tanzanie.
« Nous nous adaptons systématiquement à chaque situation, précise Galitt Kenan, directrice du Jane Goodall Institute France. Nous pouvons aussi bien gérer un parc national qu'être partenaire d'une réserve naturelle communautaire. Ces actions sont menées par, pour et avec les populations locales. » L'institut possède aussi deux sanctuaires en Afrique, où sont recueillis 290 chimpanzés blessés, orphelins, sauvés du trafic ou de la boucherie. « 5 000 chimpanzés vivent aussi sous notre protection dans leur habitat naturel », précise encore la directrice.
Un cri d'alarme sur notre lien dévastateur à la nature
Outre ce travail de terrain, l'institut de Jane Goodall porte une action de plaidoyer pour des lois nationales et internationales de lutte contre la déforestation et le trafic d'animaux sauvages. Jane Goodall a aussi créé en 1991 le programme Roots & Shoots destiné aux plus jeunes, qui propose des actions telles que nettoyage de forêts et plantation d'arbres.
« Elle sentait que le monde ne tournait pas très rond et qu'il était indispensable de sensibiliser les jeunes, en particulier dans les pays qui abritent les grands singes, avec cette idée qu'on ne protège que ce qu'on connaît, se souvient Emmanuelle Grundmann, qui est également fondatrice de l'antenne française du Jane Goodall Institute. Elle avait conscience que la vie n'était pas simple dans les zones tropicales. Mais elle voulait montrer qu'il existait des alternatives à la déforestation, à la chasse et au trafic, qui pouvaient être mises en place par les populations locales. »
- « Plaider pour une réconciliation entre les humains et les autres animaux était devenu toute sa vie »
À partir du début des années 1990 et jusqu'à sa mort, elle n'a cessé d'arpenter le monde avec son chimpanzé en peluche, enchaînant sans relâche les conférences pour la défense des grands singes et de leur environnement, alertant sur notre responsabilité indirecte dans la déforestation via notre consommation d'huile de palme, de bois tropicaux, de minerais et de pétrole.
« Elle dégageait quelque chose d'incroyable, un mélange de cette humilité propre aux grandes figures, de douceur et de détermination, se souvient Emmanuelle Grundmann. Elle délivrait un message de paix. On sentait que plaider pour les chimpanzés et pour une réconciliation entre les humains et les autres animaux était devenu toute sa vie. »
Ce dont se souvient Galitt Kenan, c'était de son « humour absolument incroyable » : « Comme elle était très observatrice et attentionnée, elle voyait beaucoup de choses et faisait des remarques extrêmement drôles. C'était aussi sa manière de mettre tout le monde à l'aise, de désamorcer les sources de stress. » Mais aussi et surtout de son message d'espoir : « Il était au cœur de son dernier livre, The Book of Hope : A Survival Guide for Trying Times, paru en 2021. Elle ne percevait pas l'espoir comme quelque chose de passif : l'espoir, c'est se relever les manches et agir. »
Elle laisse derrière elle des scientifiques et militantes prêts à poursuivre son combat. « Ce n'est pas un hasard si j'ai étudié les animaux et en particulier les grands singes, et si j'écris des livres autour de la nature et des animaux, dit Emmanuelle Grundmann. C'est pour essayer de transmettre cette fascination mais aussi ce cri d'alarme sur notre lien dévastateur à la nature, comme elle l'a si bien fait pendant toute sa vie. »
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Manifeste Antiextractiviste
L'appropriation et la marchandisation des territoires et de la nature par les entreprises s'étendent partout, en termes de secteurs concernés et sur le plan géographique et politique. Les mégaprojets extractivistes liés à l'exploitation des minerais essentiels, le développement de grands parcs d'énergies renouvelables, les macrofermes agro-industrielles, les agro-industries et les infrastructures gigantesques de toutes sortes occupent une place prépondérante en tant qu'espaces réservés pour l'accumulation du capital. De même, les projets classiques d'extraction minière et d'hydrocarbures conservent leur caractère stratégique de maintien de la dynamique capitaliste.
Tiré de Afriques en Lutte
2 octobre 2025
Par Réseau international
Le capitalisme définit un rapport mercantiliste et d'exploitation de la nature, tout en restant incapable de résoudre les crises énergétiques, sanitaires, écologiques et socio-économiques qui touchent principalement les classes populaires du monde entier. Il s'agit d'une phase néocoloniale, rentière, du capitalisme où la spoliation de la nature par l'extractivisme, le pouvoir des entreprises et la militarisation mènent une véritable offensive autour d'eux, dans les pays dépendants et semi-dépendants. On assiste à une lutte croissante pour l'approvisionnement en énergie et matières premières qui, au final, continue à alimenter une consommation non durable, principalement dans les pays du Nord, fondée sur une exploitation des ressources naturelles qui détruit les habitats et profite exclusivement à une petite élite économique et politique.
Les hydrocarbures et les matières premières essentielles au développement des secteurs de ce néocapitalisme vert, militaire et numérique, sont concentrés dans des endroits spécifiques, généralement en dehors des frontières des principaux États, ce qui, dans la pratique, revient à encourager l'extractivisme et, plus précisément, les grandes multinationales minières à exploiter tout le nécessaire pour changer la principale source de ressources énergétiques. Pendant ce temps, le discours dominant s'emploie à habiller cette fièvre extractiviste par des concepts de neutralité climatique, de transition verte et numérique ou par des accords politiques tels que le Pacte vert européen ou le Green New Deal, qui ne font que repeindre en vert ce capitalisme vorace.
La transition verte et numérique ne fait qu'approfondir les inégalités sociales à l'échelle planétaire, tout en renforçant une matrice énergétique extractiviste et en nous rapprochant toujours plus vite du point de rupture des limites biophysiques de la planète.
De plus, sur le plan géopolitique, elle accroît encore davantage le pouvoir des entreprises transnationales, encourage la marche vers la guerre et approfondit l'offensive néocoloniale.
C'est pourquoi les grandes puissances se disputent l'accès et la domination des filières d'approvisionnement nécessaires à leurs économies, mettant au service de cette stratégie un ensemble de dispositifs économiques, diplomatiques et militaires.
Leurs intérêts se déploient à travers la signature d'accords de libre-échange et d'investissements, qui confirment le mode opératoire habituel de la mondialisation capitaliste : alors que toutes sortes d'avantages sociaux, en termes d'emplois, droit du travail et protection de l'environnement sont promis aux pays signataires, non seulement ceux-ci ne se répercutent pas positivement sur la majorité de la population, mais leurs effets se traduisent au contraire par de graves impacts socio-écologiques. Dans le même temps, on voit proliférer les accords - bilatéraux ou à l'échelle régionale - sur l'énergie et les matières premières, au seul profit des élites et des grandes entreprises, en appauvrissant la classe ouvrière et les peuples. La militarisation et l'instauration d'un état de guerre dans de nombreux territoires stratégiques sont des effets palpables de cette offensive néocoloniale.
L'exploitation minière à petite ou grande échelle a des conséquences irréparables en termes de dommages sur les terres, de pollution de l'air, de pollution des eaux de surface et souterraines, d'impacts sur la flore et la faune et de déplacements de communautés hors de leurs territoires d'origine par une violence qui ne fait que reproduire la logique du colonialisme.
Les activités d'extraction des ressources se trouvent généralement dans des espaces naturels écologiquement très sensibles tels que les hauts plateaux, les savanes, les plaines, les mers, les forêts, les bassins hydrologiques, les sources d'eau, ainsi que dans des territoires reposant sur une économie agro-pastorale où les dommages causés finissent par affecter la production alimentaire, au détriment des populations rurales et urbaines. Le développement des giga-exploitations minières, de l'industrie pétrolière ou de l'agrobusiness signifie la poursuite du saccage des territoires et l'interdiction de produire notre propre nourriture dans le cadre de la souveraineté alimentaire, en favorisant au contraire les grandes chaînes de production alimentaire.
Si une transition écosociale est nécessaire et incontournable, elle doit s'appuyer sur une vision de classe, populaire et démocratique : qui décide quoi, qui et comment y parvenir. L'extractivisme, volet fondamental du mode de production capitaliste basé sur l'exploitation intensive et dévastatrice de la classe ouvrière, des paysans et de la terre nourricière, a de graves répercussions sociales, économiques, culturelles et environnementales sur les communautés et les territoires du monde entier. Dans ce contexte, l'auto-organisation sociale et populaire devient un outil fondamental pour la défense des droits territoriaux, la justice environnementale et la construction d'un projet écosocialiste alternatif qui s'oppose à l'offensive extractiviste et à son engrenage juridique, politique et entrepreneurial. Il est temps d'envisager d'autres avenirs possibles au-delà de ce modèle de prédation et de spoliation.
Face aux avancées de l'idéologie privatisatrice et extractiviste, les classes populaires, paysannes, autochtones, mettent en avant d'autres moyens de produire de la richesse dans nos territoires, où il existe déjà une immense richesse ethnique et culturelle avec ses potentialités propres, respectueuses de la nature. Ouvrir la voie à d'autres formes d'organisation de l'économie et de la vie sociale ne passe pas par une délégation de pouvoir aux États alliés du patronat, ni en faisant confiance à la bonne volonté des possédants de grandes fortunes. Les limites politiques des gouvernements progressistes quand ils sont aux affaires et des accords interclassistes sont évidentes, il est donc nécessaire d'aller plus loin : réarticuler entre eux les espaces mondiaux, nationaux et locaux animés par des organisations populaires qui contribuent à renforcer une dynamique de confrontation explicitement dirigée contre l'hégémonie des élites politico-économiques.
Une solidarité internationaliste qui articule les communautés en lutte et les peuples en résistance pour affronter l'ordre capitaliste, hétéropatriarcal, colonial et écocide reste essentielle.
La seule issue équitable à la crise passera par les peuples et la lutte populaire pour la défense des territoires face au pouvoir des entreprises, en renforçant les projets alternatifs et les réseaux transnationaux anti-hégémoniques qui exigent et fassent respecter les droits des majorités sociales. En ce sens, l'idée de pouvoir articuler les luttes des peuples fait apparaître une lueur d'espoir pour construire une organisation populaire internationaliste et poursuivre les luttes de défense de nos territoires en réunissant nos forces. Nous pourrons ainsi amplifier la lutte contre toutes les formes d'extractivisme et l'identifier en tant que secteur parmi les plus actifs de la lutte sociale, qui met l'accent sur les contradictions du capitalisme.
Il est donc proposé la création d'un réseau international des peuples contre l'extractivisme, qui se revendique anticapitaliste, antipatriarcal, anticolonial et en faveur de la justice climatique, dont l'objectif est le suivant :
01. Stratégie
Proposer des stratégies communes de lutte contre les entreprises extractivistes transnationales ; elles sont l'ennemi commun auquel nous pourrons riposter avec d'autant plus d'impact et de force depuis cet espace internationaliste.
02. Union
Travailler à l'union des organisations populaires qui luttent contre l'exploitation minière et l'extractivisme sous toutes ses formes, qui résultent directement des dynamiques capitalistes à l'échelle mondiale.
Nous partons du principe qu'il n'est pas possible de lutter contre les effets sans lutter contre les causes qui sont à l'origine du modèle économique qui permet et encourage toutes sortes de relations d'oppression, de néocolonisation et de spoliation.
03. Défense
Mettre en avant la défense de la planète, de la vie présente dans la flore et la faune, dans une perspective radicalement de classe, des peuples opprimés et en particulier de ceux qui subissent les pires conséquences environnementales et sociales de ce système prédateur.
Concrètement, nous appelons tous les peuples frères avec lesquels nous luttons pour un monde nouveau à se joindre à ce cri d'espoir et à se coordonner à travers ce grand réseau international. Pour y parvenir, notre feuille de route serait la suivante :
• Identifier dans chacun de nos pays les luttes sur le sujet et nous coordonner en s'impliquant fortement dans la création ou le renforcement d'alliances larges avec des organisations sociales, politiques et syndicales en tant qu'objectif clé du réseau.
• Le pari d'un internationalisme écoterritorial, lié aux réseaux communautaires.
• Le rejet actif des logiques guerrières et néocoloniales d'exploitation et d'invasion.
• Une composition diversifiée, enracinée dans les luttes populaires et qui regarde au-delà des frontières étatiques, en considérant qu'il n'est pas le seul cadre d'action politique possible.
Afin d'approfondir davantage cette question, nous invitons les organisations de base, les peuples en lutte et les différents mouvements de résistance anti-extractivistes à une rencontre internationale au cours de laquelle cette coordination mondiale sera présentée, en marge du Sommet des peuples qui se tiendra en novembre 2025 à Belém (Brésil).
C'est ainsi que nous nous convoquons nous-mêmes, à travers un monde en crise écologique et sociale.
Ils ont déjà signé :
AMÉRIQUE DU SUD
Equateur
Confederación de Nacionalidades Indígenas del Ecuador (CONAIE)
Frente Nacional Antiminero
Brésil
Movimento Pela Soberania Popular na Mineração – MAM
Articulación de los Pueblos Indígenas de Brasil – APIB
Colombie
Congreso de los Pueblos
Argentine
FOL-Frente de Organizaciones en Lucha en la Coordinadora por el Cambio Social
Tierra para Vivir
Cooperativa de producción Agroecológica CoPa
AFRIQUE
Maroc
ATTAC/CADTM Maroc
Amérique centrale
Guatemala
CODECA-MLP
Honduras
Consejo Cívico de Organizaciones Populares e Indígenas de Honduras (COPINH)
La Coordinadora de Organizaciones Populares del Aguan (COPA).
Panama
Alianza Pueblo Unido por la Vida
Mexique
Frente de Pueblos en Defensa de la Tierra y el Agua – Morelos, Puebla y Tlaxcala (FPDTA-MPT)
Consejo de ejidos y comunidades opositoras a la presa La Parota (CECOP)
Sindicato Nacional de Trabajadores de los Pueblos Originarios al Cuidado del Bosque (SNTPOCB)
RÉSEAUX INTERNATIONAUX
ATTAC/CADTM Internacional
EUROPE
Ecosse
Climate Camp Scotland
France
Soulèvements de la Terre
Péninsula Ibérique
Observatorio Ibérico de la Minería
Ecologistas en Acción
Amigas de la tierra
Asociación ambiental e cultural Tralapena
Plataforma Mina Touro O Pino Non
Euskal Herria
Euskal Herriak Kapitalari Planto
Suisse
CADTM Suisse
Groupe Écosocialiste
Belgique
Code Rouge
Faisons de l'internationalisme un outil vivant et combatif, pour que le monde change de base !
Rejoins le réseau mondial des peuples contre l'extractivisme :
¡Súmate !
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Aux États-Unis, le « shutdown » est un coup de grâce pour l’environnement
Déjà fragilisées par la politique anti-écologique de Trump, les agences environnementales étausniennes pourraient voir leurs effectifs encore drastiquement réduits à la faveur du « shutdown ».
Tiré de Reporterre
2 octobre 2025
Par Émilie Massemin
Faute d'accord sur le budget entre les républicains de Donald Trump et l'opposition démocrate, les États-Unis ont basculé, mercredi 1er octobre en situation de « shutdown ». - Mehmet Eser / Middle East Images via AFP
Pour la première fois depuis 2018, c'est la paralysie quasi-totale outre-Atlantique. Faute d'accord sur le budget entre les républicains de Donald Trump et l'opposition démocrate, les États-Unis ont basculé, mercredi 1er octobre à minuit, en situation de « shutdown ». Quelque 750 000 fonctionnaires fédéraux se retrouvent au chômage technique, le versement de leurs traitements différé.
Les agences en charge des politiques environnementales ne sont pas épargnées. Pire : le gouvernement pourrait saisir l'occasion de ce blocage pour procéder à des licenciements massifs, selon le média spécialisé Inside Climate News. Ainsi, Russell Vought, directeur du Bureau de la gestion et du budget au gouvernement fédéral, a demandé aux agences fédérales de se préparer à des licenciements massifs. Si le gouvernement ferme, « nous allons licencier beaucoup de personnes de manière permanente », annonçait Donald Trump à NBC News le 28 septembre, sans préciser l'ampleur de ces suppressions.
À court terme et pendant le blocage, l'Agence de protection de l'environnement (EPA), une agence fédérale indépendante dont les principales missions sont de faire appliquer les lois environnementales, pourrait voir ses effectifs drastiquement réduits. Seuls 11 % de ses 15 000 employés pourraient continuer à travailler, selon les derniers plans d'urgence réclamés par l'État et élaborés par l'agence dans la perspective du shutdown.
« Personne ne tiendra les pollueurs responsables pendant la fermeture de l'EPA »
Ceci, alors qu'elle avait déjà été grandement fragilisée par la politique anti-écologique du président étasunien : elle avait déjà perdu 4 000 employés à la suite de licenciements et de mesures de départ volontaire, et l'administration Trump avait proposé une réduction de 55 % du financement de l'EPA dans son budget pour 2026.
« L'objectif semble être de supprimer l'expertise et l'expérience nécessaires à la mise en œuvre de nos lois fédérales sur la protection de l'environnement, et tant qu'il y aura des personnes qui ont ces compétences, je pense que l'objectif est de supprimer cela autant que possible », a accusé Jeanne Briskin, ancienne directrice du Bureau de la protection de la santé des enfants de l'EPA, lors d'un point presse.
Les conséquences de cet affaiblissement de l'EPA s'annoncent dramatiques. « Personne ne tiendra les pollueurs responsables de ce qu'ils rejettent dans l'air que nous respirons et dans l'eau que nous buvons pendant la fermeture de l'EPA », a déclaré à l'agence AP Jeremy Symons, ancien responsable politique de l'EPA sous la présidence de Bill Clinton, aujourd'hui conseiller principal du Réseau de protection de l'environnement.
Une étudesur la pollution provenant d'environ 200 centrales électriques au charbon lors du précédent shutdown de 2018-2019 pendant le premier mandat de M. Trump, d'une durée record de trente-cinq jours, a révélé qu'elles « avaient considérablement augmenté leurs émissions de particules en raison de la fermeture de l'EPA ». La pollution par la suie est liée àdes milliers de décès par an aux États-Unis.
Incertitudes sur des données énergétiques clés
Globalement, c'est tous les aspects environnementaux du fonctionnement d'un État qui risquent d'être affectés. L'Agence américaine d'information sur l'énergie (EIA), le ministère américain de l'Énergie (DOE) et le ministère américain de l'Intérieur n'avaient pas encore publié de plans actualisés sur la manière dont elles comptent gérer le shutdown.
Cela pourrait entraîner une incertitude quant à la publication par l'EIA de données énergétiques clés, ainsi que sur la manière dont l'administration Trump gèrera les licences d'exportation de gaz naturel liquéfié et la surveillance du développement pétrolier et gazier sur des millions d'hectares de terres fédérales, selon Argus Media, un site d'information spécialisé dans les marchés des matières premières.
Le shutdown pourrait aussi mettre en congé environ 42 000 employés du Département de l'agriculture des États-Unis, soit environ la moitié des employés de l'agence, selon son plan d'urgence pour 2025. En conséquence, les rapports sur les matières premières sensibles au marché publiés par le ministère américain de l'Agriculture et les programmes nutritionnels qui nourrissent des millions d'Étasuniens pourraient être perturbés, selon Reuters. L'agence utiliserait des fonds d'urgence pour poursuivre certains programmes, à l'instar de ceux de santé animale, mais suspendrait l'octroi de nouveaux prêts agricoles.
Les parcs nationaux, victimes du précédent shutdown
Autres victimes de cette situation de blocage, les parcs nationaux. Lors du précédent shutdown, les parcs nationaux étaient restés ouverts et sans personnel pendant trente-cinq jours, avec pour conséquences du vandalisme, la destruction d'habitats et l'accumulation de déchets. La semaine dernière, plus de 35 anciens directeurs du Service des parcs nationaux ont donc exhorté le gouvernement à fermer les parcs en cas de shutdown pour empêcher que de tels dégâts se reproduisent.
Dans leur lettre adressée au secrétaire à l'Intérieur Doug Burgum, ils rappelaient que ces parcs étaient déjà « au bord du gouffre » en raison des réductions de personnel et de budget opérées en 2025. Cette année-là, quelque 5 000 employés du Service forestier, rattaché au ministère de l'Agriculture, avaient accepté l'offre de départ volontaire ; entre mars et avril, le Service des parcs nationaux avait vu ses effectifs se réduire de 13 % ; quant aux effectifs du parc national de Carlsbad Caverns (Nouveau-Mexique), ils avaient fondu de 20 %.
Pour l'heure, difficile de savoir si ce plaidoyer pour une fermeture des parcs sera suivi d'effets : l'administration Trump prévoyait en effet de maintenir la plupart des parcs nationaux ouverts au public, selon Politico.
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2015-2023 : chronologie de la vague de tueries de masse racistes aux États-Unis
Le 16 septembre dernier, 404 Media a révélé la suppression d'une étude sur les attentats d'extrême droite aux États-Unis par le ministère de la Justice américain. Notre timeline retrace la vague de tueries de masse motivées par des idéologies racistes et revient sur leurs contextes sociaux et politiques, s'appuyant sur l'analyse de Joe Lowndes, spécialiste des droites américaines.
Tiré du blogue de l'auteur.
1- Au lendemain de l'assassinat de Charlie Kirk, le ministère de la Justice américain a retiré de son site internet une étude du National Institute of Justice sur la prépondérance de la violence de l'extrême-droite aux États-Unis ces trente dernières années. Ainsi la Maison blanche a-t-elle rapidement saisi la balle qui a frappé le fondateur de Turning Point USA pour braquer les projecteurs et orienter le débat mondial sur “la violence de la gauche”. Mais invisibiliser les chiffres ne fait pas disparaître les corps : le terrorisme intérieur le plus meurtrier aux États-Unis est bien le fait de fanatiques d'extrême-droite, néonazis, masculinistes, incels et autres suprémacistes blancs.
Diagrammes propose de revenir sur l'explosion du nombre de tueries de masse sur le sol étatsunien inspirées par la rhétorique de haine de Donald Trump et de ses soutiens depuis la campagne présidentielle de 2015. Charleston, Charlottesville, El Paso, Buffalo, Allen… “L'effet Trump” est visible à travers tout le territoire et lisible dans les manifestes des auteurs de ces massacres. “I'm extremely proud to call Trump my President !” (Je suis extrêmement fier de pouvoir dire que Trump est mon Président” !), écrira l'un d'eux sur les réseaux sociaux deux ans avant d'abattre “le plus de Mexicains possible” dans un supermarché texan.
Cette timeline accompagne notre entretien en libre accès avec le politiste Joe Lowndes, spécialiste des droites américaines, qui a intégré les rassemblements de Turning Point USA comme élément clé de ses récentes recherches de terrain, mais aussi les conventions du Parti républicain et les multiples groupuscules néofascistes. Ce qui lui a notamment permis de mettre en lumière un phénomène sociologique à la fois frappant et récent : le suprémacisme blanc n'est plus l'apanage des Blancs. C'est de l'avènement de cette extrême-droite multiraciale, de la haine utilisée comme arme politique et plus largement des États-Unis à l'ère post-démocratique dont nous parle Joe Lowndes dans notre entretien, et qu'illustre cette timeline.
2- 2015-2023
Il aura fallu 19 ans pour voir le nombre de victimes de crimes de haine aux États-Unis baisser de 36 %. En 2014, il connaît son plus bas niveau depuis les années 1990. Il aura fallu 9 ans pour le voir augmenter de 115 %.
Plusieurs chercheurs, dont Griffin Sims Edwards et Stephen Rushkin, ont documenté l'impact de la rhétorique haineuse de Donald Trump, et sa validation par son élection, sur l'envolée de ce terrorisme intérieur depuis 2015. Voici quelques exemples de ce qu'ils ont appelé “l'effet Trump”.
3- 17 juin 2015
Dylann Roof, suprémaciste blanc et néonazi autoproclamé de 21 ans ouvre le feu sur la communauté noire de l'église Mother Emanuel de Charleston, en Caroline du Sud. Il avait assisté, pendant 1 heure, au cours d'étude biblique au sein de l'établissement religieux avant d'abattre 9 de ses participants.
“J'ai failli ne pas le faire parce que tout le monde était tellement gentil avec moi”, dira-t-il à la police, mais l'homme est déterminé à déclencher une guerre raciale. Radicalisé en ligne après avoir passé des heures à lire les diatribes racistes du Council of Conservative Citizens, Roof, natif de Caroline du Sud, regrettait amèrement le bon vieux temps des États confédérés pour qui “l'esclavage et la subordination à la race supérieure sont [la] condition naturelle et normale [du nègre]”.
Le lendemain de la tuerie, tous les drapeaux avaient été mis en berne, seul le drapeau confédéré, avec lequel Roof aimait tant se prendre en photo, continuait de flotter fièrement sur le Capitole de Columbia.
4- 11 et 12 août 2017
À Charlottesville, en Virginie, des centaines de suprémacistes blancs, néoconfédérés, néofascistes, néonazis, membres de l'alt-right, du Ku Klux Klan et de milices d'extrême droite se rassemblent pour protester contre la décision de la ville de retirer d'un parc la statue du général confédéré Robert E. Lee.
Le “Unite the Right rally”, qui a pour ambition d'unifier le mouvement nationaliste blanc américain, rencontre sur place la résistance de nombreux militants antifascistes. Le 12 août, le néonazi James Alex Fields Jr. fonce, au volant de sa voiture, sur un groupe de contre-manifestants blessant 35 personnes et tuant Heather Heyer, 32 ans. Loin de condamner le rassemblement et les motivations haineuses de ses initiateurs, Donald Trump instaure une équivalence entre les néofascistes et les antifascistes qui s'affrontent à Charlottesville déclarant qu'”il y a des gens très bien des deux côtés”.
5- 3 août 2019
À El Paso, ville texane située à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, Patrick Crusius commet l'une des tueries de masse les plus meurtrières commises sur le territoire américain depuis la Seconde guerre mondiale. Déclarant vouloir tuer le plus de Mexicains possible, il ouvre le feu dans un supermarché Walmart assassinant 23 personnes et en blessant tout autant.
Avant de passer à l'acte, Crusius faisait preuve d'une certaine obsession pour le débat sur l'immigration. Louant sur les réseaux sociaux la politique frontalière dure de Donald Trump, tout dans le manifeste qu'il a rédigé pour dénoncer “l'invasion hispanique” fait écho à la rhétorique présidentielle sur l'immigration mexicaine. Trois mois plus tôt, lors d'un rassemblement en Floride, le chef de l'État demandait à ses partisans des idées pour “stopper ces gens”. L'un de ses supporters a crié “Tirez-leur dessus !”. Rire de la foule, sourire du président.
6- 14 mai 2022
Payton Gendron, 18 ans, adepte de la théorie du “grand remplacement”, se décrivant comme ethno-nationaliste et suprémaciste blanc, tue 10 personnes, toutes noires, et en blesse 3 autres, dans une épicerie de Buffalo, dans l'État de New York. Il souhaite, par cet acte “terroriser toutes les personnes non-blanches et non-chrétiennes, et les pousser à quitter le pays”.
Dans le manifeste qu'il a publié en ligne avant l'attaque, Gendron dit s'être d'abord identifié comme étant de gauche, avant d'avoir été convaincu par les positions idéologiques populistes, suprémacistes, antisémites et écofascistes du néonazi Andrew Anglin. Ce dernier a été l'un des premiers soutiens de Donald Trump en 2015, appelant ses lecteurs à le suivre, il écrivait : “votons pour la première fois de notre vie pour le seul homme qui représente vraiment nos intérêts”.14 mai 2022
7- 6 mai 2023
Mauricio Martinez Garcia, néonazi, suprémaciste blanc (non blanc) et incel, tue 8 personnes, dont un petit garçon d'origine asiatique de 3 ans, dans un centre commercial à Allen, au Texas. Lors de l'attaque, il portait un gilet tactique brodé d'un écusson “RWDS” (Right Wing Death Squad / Escadron de la Mort d'Extrême-droite).
Sur son profil du réseau social russe Odnoklassniki, il postait des photos de ses tatouages fascistes, exprimait sa haine envers les Asiatiques, les Arabes, les Juifs et les femmes, et fantasmait sur des guerres raciales et l'effondrement de la société.
8- Chaque entretien Diagram[me]s est chapitré et accompagné d'une chronologie mais aussi d'un dossier documentaire destinés à introduire les discussions, à les étayer et à les relier entre elles : biographie de l'invité, repères historiques, synthèses des événements mentionnés, définitions des concepts clés, portraits des figures citées
Découvrez en libre accès l'entretien complet de Joe Lowndes et l'article de 404 Media mentionné dans le chapô.
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Trump intensifie la répression contre ses ennemis politiques
Le président Donald Trump, rompant avec tous les usages, utilise le ministère de la Justice pour poursuivre ses ennemis politiques, s'en prend aux fondations et ONG libérales et progressistes, et envoie encore de troupes dans une nouvelle ville pour intimider les manifestantEs.
2 octobre 2025 | tiré de l'Hebdo L'Anticapiliste 769
https://lanticapitaliste.org/actualite/international/trump-intensifie-la-repression-contre-ses-ennemis-politiques
Trump a licencié les avocats du ministère de la Justice qui refusaient de faire passer ses ordres avant la loi et les a remplacés par des laquais. Il a promis des « représailles » à ses adversaires politiques de haut niveau et il est en train de les mettre en œuvre. Il s'en prend à la gauche politique, affirmant qu'il désignera Antifa, autrement dit le mouvement antifasciste, comme une organisation terroriste nationale, bien qu'il n'existe pas davantage d'organisation de ce type que de qualification juridique de terrorisme national.
Guerre judiciaire
L'ennemi numéro un de Trump est en ce moment James B. Comey, ancien directeur du FBI nommé par l'ancien président Barack Obama, qui était chargé d'enquêter sur la première campagne du candidat Trump et sur une éventuelle coordination avec l'ingérence russe dans les élections américaines. Trump a licencié Comey en 2017, mais depuis, il cherche à se venger. La Maison Blanche a accusé Comey d'avoir fait une fausse déclaration devant le Congrès et d'avoir entravé une procédure parlementaire, ce qui lui fait encourir une peine de dix ans de prison.
Le ministère de la Justice s'en prend également à George Soros, un milliardaire donateur du Parti démocrate qui finance également l'Open Society Foundations (OSF). Trump réclame depuis un certain temps que Soros soit jeté en prison. Soros n'a pas encore été inculpé mais une note interne indique qu'il pourrait être accusé de crimes allant de l'incendie criminel au soutien matériel au terrorisme. L'OSF, à laquelle Soros a donné des milliards de dollars, a été fondée à l'origine pour aider les pays du bloc de l'Est à devenir des sociétés capitalistes et démocratiques. Mais elle donne également des millions de dollars à des associations de défense des droits civiques et de justice sociale aux États-Unis.
Guerre militaire
Trump s'en prend également aux militantEs de gauche qui protestent contre les raids de l'Immigration and Customs Enforcement (ICE, la police de l'immigration). À Portland, dans l'Oregon, plusieurs dizaines de manifestantEs se rassemblent régulièrement devant un bâtiment de l'ICE pour protester jour et nuit. Après minuit, des agents fédéraux en sortent pour affronter les manifestantEs, ce qui donne lieu à des échauffourées. Aujourd'hui, Trump envoie la Garde nationale, comme il l'a déjà fait à Los Angeles et à Washington, D.C., prétendument pour mettre fin aux actions de l'Antifa.
La gouverneure démocrate Tina Kotek et le maire Keith Wilson affirment qu'« il n'y a pas de rébellion », seule justification légale pour l'envoi de la Garde nationale. Kotek a déclaré : « Il n'y a pas de menace pour la sécurité nationale à Portland. Nos communautés sont sûres et calmes. » Elle a ajouté que « tout déploiement serait un abus de pouvoir ». Portland est connue pour ses manifestations militantes et il y aura certainement d'autres manifestations contre l'ICE et Trump. La lutte pour la défense de la démocratie aux États-Unis est lancée.
Dan La Botz, militant de DSA (Democratic Socialists of America)
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Trump prix Nobel ?
On parle de l'attribution du prix Nobel de la paix au président américain Trump. Est-ce possible ? Après tout, il a tant œuvré pour la paix ! Rappelons-nous. N'a-t-il pas manifesté sa volonté de rattacher le Canada aux États-Unis en tant que nouvel État fédéré ? N'a-t-il pas revendiqué le Groenland au Danemark ? N'a-t-il pas déclaré que le canal de Panama devrait être restitué aux USA ?
Tiré de : La chronique de Recherches internationales
Enis Coskun
Ancien Secrétaire général et fondateur du Mouvement de la Paix de Turquie
N'est-il pas, au prétexte de la sécurité d'Israël, au nom de son appui inconditionnel et de son principal pourvoyeur d'armes, complice du génocide commis à Gaza ? N'a-t-il pas tenu des propos ahurissants sur la transformation de l'enclave en complexe touristique et dans ce dessein n'apporte-t-il pas son soutien à l'expulsion des Palestiniens de Gaza ?
Lors du sommet de l'OTAN de La Haye en juin 2025, n'a-t-il pas imposé aux États membres de l'Union européenne – même s'il n'a pas réussi à faire plier l'Espagne - l'augmentation de leurs dépenses de défense à hauteur de 5 % de leur PIB, contre 2 % par exemple pour la France à l'heure actuelle ?
A-t-il vraiment invité les Présidents d'Azerbaïdjan et d'Arménie à la Maison-Blanche pour parachever l'accord de paix entre les parties ou bien pour ouvrir la voie à une domination politique, militaire et commerciale dans la région, et profiter des richesses de son sous-sol, notamment du pétrole ? N'a-t-il pas ainsi obtenu des droits exclusifs sur le développement du corridor de Zanguezour qui relie l'Azerbaïdjan aux Républiques d'Asie centrale, renforçant ainsi la position des États-Unis face à l'Iran, la Russie et la Chine ?
Sa rencontre avec Poutine en Alaska en vue de négocier un hypothétique échange de territoires et un accord de paix entre l'Ukraine et la Russie n'avait-elle pas pour véritable objectif, au mépris des intérêts mêmes de l'Ukraine, de tenter de battre en brèche les relations croissantes entre la Russie et la Chine concrétisées par le développement de l'Organisation de coopération de Shanghai, et de lui permettre de concentrer son action stratégique sur la Chine, principal rival économique et politique des États-Unis ?
N'a-t-il pas déclenché une guerre économique contre le monde entier, en particulier la Chine et les pays de l'Union européenne en augmentant les droits de douane à des niveaux exorbitants ?
Sous prétexte de lutte contre les narcotrafiquants, n'a-t-il pas envoyé une armada de guerre dans les eaux territoriales vénézuéliennes pour déstabiliser le gouvernement en place ? N'a-t-il pas au même moment rebaptisé le Département américain de la Défense en « Département de la Guerre », affichant ainsi au monde entier son amour de la paix ?
Non content de mobiliser l'armée à la frontière mexicaine pour stopper les migrants, n'a-t-il pas continué à ériger de hauts murs le long de la frontière ?
En pleine crise économique n'a-t-il pas déployé l'armée dans les rues de Washington pour mener la guerre contre ses propres concitoyens pauvres et sans abri ?
N'a-t-il pas envoyé des unités militaires dans les États américains gouvernés par l'opposition démocrate, sous prétexte d'y combattre la criminalité ?
Que pourrait faire de plus ce « faiseur de paix » pour prouver qu'il mérite ce prix ? On pourrait poursuivre l'énumération au risque de susciter la lassitude du lecteur. En vérité Trump poursuit avec détermination une politique de « faucon à l'intérieur, busard à l'extérieur ». Mais l'oiseau symbole de la paix n'est ni un busard ni un faucon, c'est la colombe rendue célèbre par Picasso. Or, Trump veut chasser cette colombe. Parmi les rabatteurs figurent certains chefs d'État qui appellent de leurs vœux l'attribution du Nobel de la paix à Trump. À la suite d'Israël, le Pakistan, le Cambodge, le Gabon, l'Azerbaïdjan et l'Arménie ont rejoint la « caravane ».
On ne peut évoquer les velléités de Trump et de ses soutiens pour l'obtention du Nobel de la paix sans se souvenir d'un précédent historique. Le 29 septembre 1938, le Premier ministre britannique Chamberlain, le Premier ministre français Daladier, le ministre italien des Affaires étrangères Galeazzo Ciano et Hitler signaient les accords de Munich qui entérinèrent l'occupation par l'Allemagne de la région des Sudètes, au sud de la Tchécoslovaquie. Les signataires prétendirent avoir sauvegardé la paix au mépris des nombreuses critiques et mises en garde sur l'expansionnisme hitlérien. Moins d'un an après ces accords, le 1er septembre 1939, Hitler attaquait la Pologne, déclenchant la guerre la plus sanglante de l'Histoire.
Douze parlementaires suédois proposèrent alors la candidature de Chamberlain au prix Nobel de la paix au nom de ce « succès ». En revanche, l'un des membres antifascistes du parlement suédois, le député Erik Brandt, adressait le 27 janvier 1939 une lettre au Comité Nobel de la Paix par laquelle il proposait, par pure dérision, la candidature de Hitler. Dans sa lettre, Brandt écrivit : « Avant tout, après la Bible qui est peut-être la plus grande et la plus répandue œuvre littéraire du monde, c'est grâce à son amour pour la paix et à ses succès décrits dans son célèbre livre Mein Kampf… qu'il mériterait vraiment le Prix de la Paix. »
Les sarcasmes de Brandt eurent un large écho dans le monde entier. Bien entendu les nazis accueillirent avec joie cette proposition, car pour eux Hitler était « digne » du Prix Nobel de la Paix. A contrario, certains milieux, n'ayant pas saisi le caractère satirique de la lettre, l'avaient vivement rejetée. Brandt, par une lettre envoyée au Comité norvégien du Prix Nobel de la Paix la veille de l'annonce officielle des candidats, le 1er février 1939, informa qu'il retirait sa proposition. Il semble que le Comité ait compris le message : en 1939 le Prix Nobel de la Paix n'a pas été décerné. La rancune d'Hitler ne se fit pas attendre longtemps : le 9 avril 1940 il envahissait la Norvège.
Au cours du XXe siècle plusieurs présidents et hommes politiques américains ont obtenu le prix Nobel de la Paix. Deux d'entre eux retiennent une attention particulière : le premier est Wilson. Il est l'auteur des principes qui ont permis aux États-Unis de développer leur suprématie sur la scène internationale et de forger les ressorts de la « Pax americana ». Ils ont servi de base intellectuelle au Traité de Sèvres de 1918 qui permit le partage du territoire de la Turquie entre les pays occidentaux. Le second est le général Marshall, l'un des bâtisseurs du « rideau de fer » de la guerre froide et d'un Plan d'aide économique prétendument désintéressé aux pays européens à l'issue de la Seconde Guerre mondiale.
Si, à première vue, la proposition d'attribuer le Nobel de la paix à Trump pouvait s'apparenter à une plaisanterie, à y regarder de plus près elle apparaît répugnante et effrayante. Cette sidérante proposition est lourde de significations sur les menaces qui pèsent sur la paix dans le monde. Elle exprime le visage barbare et tyrannique de l'impérialisme, de la montée de l'extrême droite et de l'impuissance du droit international.
L'attribution du prix à Trump romprait avec l'esprit même du Prix Nobel de la Paix.
Le Comité Nobel ne doit pas céder aux sirènes de l'impérialisme. Il doit choisir parmi les personnalités qui ont véritablement lutté pour la paix et consacré leur vie à cette cause.
Cette chronique est réalisée en partenariat rédactionnel avec la revue Recherches internationales à laquelle collaborent de nombreux universitaires ou chercheurs et qui a pour champ d'analyse les grandes questions qui bouleversent le monde aujourd'hui, les enjeux de la mondialisation, les luttes de solidarité qui se nouent et apparaissent de plus en plus indissociables de ce qui se passe dans chaque pays.
Site :http://www.recherches-internationales.fr/
https://shs.cairn.info/revue-recherches-internationales?lang=fr
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Trump classe « l’anticapitalisme » comme un crime politique avant l’heure
Le nouveau décret de sécurité de Donald Trump qualifie les convictions anticapitalistes de signe avant-coureur de violence politique. Ironie du sort : l'analyse structurelle de gauche, elle, détourne justement les gens des attaques individuelles pour les orienter vers l'organisation collective du changement.
10 octobre 2025 | tiré du site Jacobin
https://jacobin.com/2025/10/trump-anti-capitalism-political-pre-crime
La désignation par Donald Trump du mouvement « antifa » comme « organisation terroriste intérieure », la semaine dernière, est un parfait condensé à la fois de l'autoritarisme et du ridicule de son administration. Quiconque se souvient de la réponse du gouvernement Bush aux attentats du 11 septembre devrait frémir en entendant des responsables politiques employer à nouveau le mot « terrorisme ». Ce terme a souvent servi de passe-droit pour justifier toutes sortes d'atteintes aux libertés civiles.
De plus, « antifa » n'est même pas le nom d'une organisation. Ce label général (désignant des formes militantes d'auto-organisation se réclamant de l'« antifascisme ») renvoie tout au plus à de petits groupes divers et disparates. En outre, il n'existe en droit américain aucune catégorie légale appelée « organisation terroriste intérieure » : il est donc difficile de savoir quelle portée réelle pourrait avoir cet ordre présidentiel.
Le décret utilisait un terme fourre-tout pour condamner un ensemble vague d'acteurs à un sort incertain. C'était presque comme si, dans une mise en scène tonitruante, le président avait promis d'exécuter extrajudiciairement des vampires en les exposant à la lumière du soleil.
Une initiative bien plus sérieuse et inquiétante, adoptée à peu près au même moment, est passée largement inaperçue. Trump a signé un mémorandum de politique de sécurité nationale intitulé « Lutte contre le terrorisme intérieur et la violence politique organisée » (Countering Domestic Terrorism and Organized Political Violence), connu sous le nom de NSPM-7.
De tels mémorandums sont beaucoup plus rares que les décrets présidentiels. Alors que ces derniers régissent les opérations quotidiennes du gouvernement, les directives de sécurité peuvent redéfinir les grandes orientations dans l'ensemble des appareils militaires, policiers et de renseignement fédéraux. Comme son numéro l'indique, il ne s'agit que de la septième directive de ce type depuis le début du mandat de Trump.
Selon le journaliste Ken Klippenstein, le NSPM-7 « ordonne une nouvelle stratégie nationale visant à “démanteler” tout individu ou groupe “qui fomente la violence politique”, y compris “avant qu'ils ne commettent des actes violents” ».
Stephen Miller, chef adjoint de cabinet à la Maison-Blanche et membre parmi les plus ouvertement autoritaires de l'administration Trump, s'est vanté que ce soit « la première fois dans l'histoire américaine qu'un effort gouvernemental total est lancé pour démanteler le terrorisme de gauche ».
Pour expliquer à quel point cette mesure est inquiétante, Klippenstein fait référence au film de science-fiction dystopique Minority Report, dans lequel des personnes sont arrêtées non pour ce qu'elles ont fait, mais pour des « pré-crimes » prédits par des individus dotés de pouvoirs psychiques.
Dans notre monde bien réel, les « indicateurs » de violence politique future listés dans le rapport sont les suivants :
- l'antiaméricanisme ;
- l'anticapitalisme ;
- l'antichristianisme ;
- le soutien au renversement du gouvernement des États-Unis ;
- l'extrémisme en matière de migration ;
- l'extrémisme en matière de race ;
- l'extrémisme en matière de genre ;
- l'hostilité envers les personnes défendant des vues américaines « traditionnelles » sur la famille ;
- l'hostilité envers les vues « traditionnelles » sur la religion ;
- et l'hostilité envers les vues « traditionnelles » sur la morale.
C'est, au minimum, une directive visant à surveiller et à ficher des formes d'expression clairement protégées par la Constitution. Les cibles tomberaient sous suspicion simplement pour avoir défendu une ou plusieurs convictions de gauche ordinaires, arbitrairement requalifiées en extrémisme et supposément annonciatrices de violence.
Pensez-vous que l'impérialisme américain pose problème ? Organisez-vous des manifestations contre les guerres menées par les États-Unis à l'étranger ? Dénoncez-vous le génocide appuyé par Washington à Gaza ?
Ces positions pourraient être considérées comme de « l'antiaméricanisme ».
Souhaitez-vous abolir l'agence ICE ? Cela pourrait être interprété comme un « extrémisme sur la question migratoire ». Vos opinions deviennent alors des « facteurs de risque » de violence, et leur simple expression constitue un crime avant l'heure.
Même l'athéisme militant — dont les figures les plus connues, comme Richard Dawkins, sont loin d'être des gauchistes radicaux — est désormais classé comme une sorte de pré-crime lié à la violence politique. Cette logique est presque caricaturalement autoritaire.
Et contrairement au décret qui déclarait qu'une organisation inexistante appartenait à une catégorie juridique inexistante, il est ici tout à fait concevable que cette directive serve de base à la surveillance et à la répression d'opinions que l'administration juge indésirables (avec, en prime, la possibilité que des employeurs privés s'en inspirent pour sanctionner des salariés exprimant de telles idées).
Ce qui est moins évident, c'est à quel point la prémisse même de ce texte est absurde.
L'idée selon laquelle les personnes détenant ces opinions — que Trump et Miller qualifieraient d'« extrêmes » sur les questions de race, de genre, de famille, de morale, de religion, d'économie ou de politique étrangère — seraient plus enclines à la violence politique est tout simplement fausse. En réalité, c'est souvent l'inverse.
Les structures du pouvoir
Dans tous ces cas, l'analyse de gauche pousse à penser en termes de structures de pouvoir plutôt qu'à accuser des individus. Si vous pensez qu'un cadre d'assurance-santé refuse un remboursement parce qu'il est un monstre, vous pourriez croire que la meilleure solution est de lui tirer dessus. Mais si vous comprenez que les problèmes du système de santé américain sont systémiques — que quiconque occuperait ce poste agirait de la même manière sous la pression des mêmes incitations —, vous serez plutôt porté à vous organiser politiquement pour transformer ce système.
On ne détruit pas une structure sociale injuste avec une arme à feu. Il faut une action politique de masse pour réorganiser la société. La prévalence de cette approche structurelle à gauche explique pourquoi il existe tant de militant·es pour Medicare for All et de partisan·es de Bernie Sanders, et si peu de « Luigi Mangione ». Ce dernier, auteur d'un acte violent isolé, est devenu célèbre du jour au lendemain justement parce qu'il est l'exception qui confirme la règle : l'analyse structurelle de gauche tend à dissuader de la violence individuelle et à orienter vers des campagnes collectives pour un changement systémique.
Cela est particulièrement évident dans le cas de « l'anticapitalisme ». Si l'on estime que les capitalistes n'exploitent pas les travailleurs parce qu'ils seraient moralement mauvais, mais en raison de leurs intérêts de classe, alors les actes de violence individuels (comme les assassinats) n'ont aucun sens.
Vous pourriez tuer tous les milliardaires et PDG de la planète : si vous ne changez pas la structure économique sous-jacente, leurs successeurs se comporteront exactement de la même façon.
Changer cette réalité suppose d'organiser la classe travailleuse dans son ensemble pour mener une action politique collective.
Pour s'en convaincre, on peut relire Karl Marx dans la préface de 1867 au Capital :
« Pour éviter tout malentendu, disons-le clairement. Je ne dépeins nullement le capitaliste ou le propriétaire foncier sous des couleurs flatteuses. Mais les individus ne sont pris ici qu'en tant qu'ils personnifient des catégories économiques, des rapports et des intérêts de classe particuliers. Mon point de vue, qui considère le développement de la formation économique de la société comme un processus d'histoire naturelle, rend moins que tout autre l'individu responsable de rapports dont il reste, socialement parlant, la créature, si haut qu'il puisse se placer subjectivement au-dessus d'eux. »
Leon Trotsky allait encore plus loin, dans son essai de 1911 « Pourquoi les marxistes s'opposent au terrorisme individuel » :
« L'assassinat d'un patron d'usine ne produit que des effets d'ordre policier, ou tout au plus un changement de propriétaire sans aucune signification sociale. L'État capitaliste ne repose pas sur ses ministres, et on ne peut pas l'abolir en les supprimant. Les classes qu'il sert trouveront toujours de nouveaux hommes ; le mécanisme reste intact et continue de fonctionner... Le terrorisme individuel est inadmissible précisément parce qu'il diminue, dans la conscience des masses, leur propre rôle, les réconcilie avec leur impuissance et tourne leurs yeux vers un grand vengeur et libérateur. Mais une fois la confusion dissipée, la panique retombée, le successeur du ministre assassiné prend sa place, la vie reprend son cours, la roue de l'exploitation capitaliste tourne comme avant — seule la répression policière devient plus brutale. Et au lieu de l'espoir, c'est le désenchantement et l'apathie qui s'installent. »
Quiconque tient à vivre dans une société libre doit rejeter l'idée selon laquelle certaines opinions idéologiques doivent être surveillées et contenues, quelle qu'en soit la nature. Même les idées les plus détestables doivent être combattues sur le terrain des idées.
Mais il est particulièrement absurde de traiter l'« anticapitalisme » et d'autres analyses structurelles des rapports de pouvoir comme des signes avant-coureurs de violence. Trotsky et Marx — sans doute les « extrémistes » suprêmes aux yeux de Trump et Miller — étaient parfaitement clairs : l'analyse anticapitaliste conduit à la conclusion que la terreur politique ou la violence isolée sont pires qu'inutiles et doivent être découragées.Plus les gens découvrent leurs idées aujourd'hui, plus ils sont susceptibles d'en convenir.
À un moment où se multiplient les attaques individuelles motivées politiquement, les conservateurs qui dénoncent l'« endoctrinement marxiste radical » sur les campus devraient, paradoxalement, souhaiter que cette « menace » imaginaire devienne réalité.
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Le maire de Chicago à propos de la menace de Trump d’utiliser les « villes dangereuses » comme « terrains d’entraînement pour notre armée »
Nous nous entretenons avec Brandon Johnson, maire de Chicago, alors que le président Donald Trump a désigné la ville comme terrain d'entraînement pour l'armée et la Garde nationale. Des agents fédéraux militarisés du FBI et de la Patrouille des frontières se sont déjà joints à ceux de l'ICE (Immigration and Customs Enforcement) pour mener une répression à l'échelle de la ville contre les immigrants et les manifestants. Des accusations criminelles ont été portées contre des manifestants au centre de détention de Broadview de l'ICE. « C'est un autre exemple de la manière dont ce président militarise les forces de l'État, dans le but ultime d'occuper les villes », déclare Johnson, qualifiant les menaces de Trump de « coup politique » et « d'affront à la démocratie ».
1er octobre 2025 – Democracy Now !
https://www.democracynow.org/2025/10/1/chicago_brandon_johnson
AMY GOODMAN : Le président Trump s'est adressé mardi à un rassemblement sans précédent de 800 généraux et amiraux américains lors d'une réunion tenue à la base du Corps des Marines de Quantico, organisée par le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, qui avait fait venir les officiers du monde entier. Le président Trump a exhorté l'armée à utiliser les villes comme terrains d'entraînement, affirmant que les États-Unis étaient « envahis de l'intérieur ».
PRÉSIDENT DONALD TRUMP :
« Celles qui sont dirigées par les démocrates d'extrême gauche — regardez ce qu'ils ont fait à San Francisco, Chicago, New York, Los Angeles — sont des endroits très dangereux. Et nous allons remettre de l'ordre, une par une. Cela va être une mission majeure pour certains d'entre vous ici présents. C'est une guerre, aussi. Une guerre de l'intérieur. (…) J'ai dit à Pete que nous devrions utiliser certaines de ces villes dangereuses comme terrains d'entraînement pour notre armée, pour la Garde nationale, mais surtout pour l'armée, parce que nous allons très bientôt entrer à Chicago. C'est une grande ville, avec un gouverneur incompétent, stupide. Stupide. »
AMY GOODMAN : Les remarques de Trump sur Chicago interviennent après plusieurs menaces répétées d'envoyer la Garde nationale dans la ville. Le gouverneur de l'Illinois, JB Pritzker, a averti qu'il poursuivrait le gouvernement fédéral pour bloquer un tel déploiement. Des agents armés de l'ICE, du FBI et de la Patrouille des frontières ont déjà arrêté des centaines de personnes à Chicago dans le cadre de l'« Opération Midway Blitz ». Des dizaines d'agents en tenue militaire ont patrouillé dans le centre-ville ce week-end, et mardi, environ 300 agents sont descendus de camions et ont effectué une descente depuis un hélicoptère Black Hawk dans un complexe résidentiel, arrêtant une trentaine de personnes sans papiers.
Parallèlement, cinq personnes font face à des accusations criminelles fédérales à la suite de manifestations devant le centre de détention de Broadview. Voici Dana Briggs, un vétéran de 70 ans de l'Armée de l'air, qui affirme qu'un agent de l'ICE l'a plaqué au sol samedi alors qu'il essayait de tendre son téléphone à un autre manifestant. Accusé d'avoir frappé un agent fédéral, il a été inculpé d'agression criminelle. Il a témoigné à CBS News Chicago.
DANA BRIGGS :
« Il ne m'a pas laissé le temps de bouger. Tout ce que j'ai vu, c'est une main qui m'attrapait après que j'ai passé mon téléphone. (…) Je suis surtout indigné qu'ils s'en prennent à des gens ordinaires. Avons-nous dit des choses qu'ils n'ont pas aimées ? Oui, sans doute. Mais c'est la liberté d'expression. »
AMY GOODMAN : Pour en parler, nous allons à Chicago, où nous rejoint le maire Brandon Johnson.
Monsieur le maire, bienvenue à Democracy Now ! Pouvez-vous réagir aux propos de Trump selon lesquels votre ville, parmi d'autres, deviendrait un « terrain d'entraînement » pour l'armée américaine ?
MAYOR BRANDON JOHNSON : Oui, il a absolument tort dans sa description de notre ville. C'est à la fois absurde et révoltant que le président des États-Unis décrive Chicago ou d'autres villes américaines comme des ennemis de l'intérieur. C'est impensable. C'est irresponsable. C'est dangereux. C'est pourquoi nous résistons avec force pour défendre notre démocratie et protéger l'humanité de chaque habitant de notre ville.
JUAN GONZÁLEZ : Monsieur le maire, pouvez-vous commenter les dernières actions à Chicago ce week-end — des agents de l'ICE défilant dans le centre-ville, arrêtant des gens dans une démonstration de force, puis cette descente de mardi ?
MAYOR BRANDON JOHNSON : Absolument. La campagne de déportation de Trump n'a rien à voir avec la sécurité. C'est une question de profit. C'est encore un exemple de la militarisation des forces de l'État par ce président, avec pour objectif d'occuper les villes. C'est pourquoi nous avons repoussé cette opération avec vigueur, refusant la militarisation et l'occupation de nos communautés.
Ce que nous avons vu à Chicago ce week-end, alors que des résidents et des visiteurs profitaient d'une journée paisible et ensoleillée, c'est une mise en scène politique menée par un président déséquilibré. Et ce que nous avons vu il y a quelques nuits sur le South Side — des hommes masqués détruisant des biens, pénétrant de force dans des maisons, braquant des fusils sur des résidents noirs —, c'est un affront à la démocratie. C'est la manifestation d'un mal que Martin Luther King dénonçait déjà : la militarisation de notre pays. En tant que travailleuses et travailleurs, nous devons nous opposer à ce mal et construire une véritable réponse collective à cette dérive autoritaire.
JUAN GONZÁLEZ : Monsieur le maire, vous avez récemment signé un décret exécutif inédit sur le droit de manifester, qui prévoit que la police de Chicago collabore avec les organisateurs pour établir des plans alternatifs consensuels. Pouvez-vous nous en parler ?
MAYOR BRANDON JOHNSON : Oui. J'ai signé deux décrets municipaux parmi les plus ambitieux du pays. Celui-ci garantit la protection du Premier amendement. Nous voyons partout aux États-Unis — et même ailleurs — des manifestants pacifiques visés par des tirs et des violences policières. À Broadview, juste à l'extérieur de Chicago, des agents de l'ICE ont tiré des balles au poivre sur des manifestants, y compris sur une journaliste venue couvrir l'événement. Tout cela vise à créer un prétexte pour justifier l'envoi de la Garde nationale. Ce décret garantit que notre police locale travaillera en coordination avec les citoyens pour que leur droit constitutionnel à la protestation soit respecté, et pour empêcher toute ingérence fédérale.
AMY GOODMAN : Les images sont en effet incroyables : des agents descendant d'un hélicoptère Black Hawk, d'autres masqués sortant de camions banalisés, et une journaliste de CBS recevant une balle au poivre en plein visage depuis la fenêtre de sa voiture. En Californie, une loi récemment adoptée, le No Secret Police Act, interdit le port du masque pour les agents. L'administration Trump a déjà annoncé qu'elle ne respecterait pas cette loi. L'Illinois envisage-t-il une mesure semblable ?
MAYOR BRANDON JOHNSON : Qualifier nos villes — pas seulement Chicago — de terrains d'entraînement pour l'armée est absolument répugnant. Les hommes et les femmes courageux qui s'engagent pour défendre notre pays ne le font pas pour terroriser leurs voisins. J'ai d'ailleurs émis un décret exigeant que tous nos policiers soient identifiables, avec uniforme, badge et carte visible. Nous demandons aux agents fédéraux d'en faire autant.
Malheureusement, ce président s'est engagé à saboter ce qui fait la raison d'être de notre démocratie. Vous avez raison : la militarisation secrète du pays s'appuie sur un chèque en blanc de 170 milliards de dollars confié à Tom Homan, un homme qui a touché un pot-de-vin de 50 000 dollars pour attribuer des contrats à des centres de détention privés dont plusieurs ont financé la campagne de Trump. Encore une fois, sa soi-disant campagne de déportation n'a rien à voir avec la sécurité. C'est une machine à profit.
JUAN GONZÁLEZ : Le président Trump affirme que les villes dirigées par les démocrates sont des « enfers de criminalité ». Quelle est la réalité à Chicago ?
MAYOR BRANDON JOHNSON : La réalité, c'est que Chicago est la plus grande ville du monde ! Nous avons 20 % de l'eau douce mondiale à nos portes, entre le lac Michigan et le fleuve Saint-Laurent. Notre économie est l'une des plus diversifiées du globe — aucun secteur ne représente plus de 20 % du PIB. Nos aéroports battent des records chaque jour. Nous avons parmi les meilleures universités et la main-d'œuvre la plus qualifiée.
Les projets de développement en cours génèrent 20 milliards de dollars de nouvelles recettes pour la région. C'est ici qu'un immigrant haïtien noir et une femme Potawatomi se sont rencontrés et ont fondé un comptoir de traite sur les rives du fleuve — une véritable histoire d'amour américaine.
Et contrairement au discours du président, la violence recule : les homicides ont diminué de 30 %, les fusillades de 35 %. Il reste du travail, mais nous construisons la grande ville la plus sûre et la plus abordable d'Amérique. Condé Nast nous a désignés huit années consécutives comme la meilleure grande ville des États-Unis, et treize années d'affilée comme la plus attractive pour les sièges sociaux. Nous avons une économie florissante, des universités de pointe et, surtout, des habitants extraordinaires.
AMY GOODMAN : Merci beaucoup, maire Brandon Johnson, ancien enseignant et organisateur syndical du Chicago Teachers Union, de nous avoir parlé depuis votre ville de Chicago.
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Equateur : Chasse aux sorcières contre les dirigeants et militants des mouvements sociaux
L'Équateur est à la croisée des chemins. Tout en accentuant la répression contre les manifestations, Noboa a lancé une chasse aux sorcières contre les dirigeants et les militants des mouvements sociaux.
Tiré de Viento Sur
1er octobre 2025
D'un côté, une nouvelle période de lutte sociale a commencé. Depuis le 23 septembre, la CONAIE (Confédération des nationalités indigènes de l'Équateur) a lancé une série de manifestations qui, pour l'instant, se sont déroulées avec le plus d'intensité dans les provinces d'Imbabura, Pichincha, Cotopaxi et Chimborazo ; il s'agit d'une réponse à l'augmentation des prix du diesel. Mais quelques jours auparavant, le 16 septembre, une manifestation massive rassemblant 100 000 personnes a défilé dans la ville de Cuenca pour défendre l'eau, dont les sources sont menacées par les licences environnementales accordées par le gouvernement à des entreprises transnationales.
Quelques semaines auparavant, à l'initiative du FUT (Front unitaire des travailleurs), une vingtaine d'organisations ont formé le Front pour la défense de la santé, de l'éducation publique, du travail décent, de la sécurité sociale, des droits humains et de la nature. Le FUT et ce nouveau Front ont organisé plusieurs actions, mobilisations et sit-in pour protester contre les lois antidémocratiques sur l'intégrité, la sécurité et le renseignement (qui instaurent une sorte d'état d'urgence permanent et étendent l'espionnage contre les organisations et les dirigeants sociaux), contre une proposition de réforme de la loi sur la sécurité sociale qui ouvrira la porte aux banques privées pour qu'elles puissent contrôler une partie des portefeuilles de crédits de la BIESS (la banque de l'Institut équatorien de sécurité sociale), contre les milliers de licenciements de fonctionnaires (on estime que le gouvernement licenciera 70 000 travailleurs), contre la crise que l'inaction du gouvernement a provoquée dans le domaine de la santé publique.
Mais, d'autre part, la réponse du gouvernement a été la persécution, l'espionnage et la répression. Ce n'est pas surprenant car, depuis janvier 2024, Noboa s'est consacré à la mise en place et au perfectionnement d'un régime autoritaire, qui subordonne et menace les autres fonctions de l'État afin de les mettre au service de la volonté du président et de son groupe : s'il s'est lancé contre sa vice-présidente au début de son premier mandat, ces derniers mois, il s'en est pris de préférence à la Cour constitutionnelle. Si la Cour a donné son feu vert au référendum populaire de Noboa et à sa proposition d'Assemblée constituante, avec laquelle il espère supprimer tous les droits qui subsistent, elle n'a en revanche pas accepté tous les articles des lois antidémocratiques de Noboa ; le président se venge en accusant la Cour d'être responsable de la violence liée au trafic de drogue.
Le président a pu faire avancer la mise en place d'un régime autoritaire en se retranchant derrière la « guerre interne » qu'il a déclarée contre le « terrorisme » et en utilisant comme prétexte la peur de la population face à la violence perpétrée par le trafic de drogue ; mais il est désormais évident que cette guerre était en réalité préparée contre les manifestations sociales.
Au lieu d'écouter la voix du peuple, Noboa renforce le caractère antidémocratique de son régime. À peine les manifestations indigènes avaient-elles été annoncées que le président a menacé de « les dénoncer pour terrorisme » et de les envoyer « 30 ans en prison ». Lors des premières mobilisations, Noboa a déclaré qu'il ne s'agissait « pas de protestations, mais d'actes de terrorisme », qu'il s'agissait « de la même mafia que d'habitude » et que les manifestations étaient financées par l'exploitation minière illégale et les cartels de la drogue.
Les mobilisations ont été durement réprimées et l'armée a même perquisitionné des maisons dans des communautés indigènes pour arrêter des jeunes. D'autres personnes ont été arrêtées sans avoir participé aux manifestations. Parmi les détenus figurent 12 jeunes indigènes d'Otavalo qui ont été arbitrairement transférés dans des prisons d'Esmeraldas et de Portoviejo où, quelques heures auparavant, un nouveau massacre avait fait une trentaine de morts ; en les transférant dans ces prisons, le gouvernement met en danger la vie de ces jeunes militants.
Il a immédiatement ordonné le blocage des comptes bancaires des dirigeants de la CONAIE et du Cabildo del Agua de Cuenca. Dans le même temps, il a lancé une procédure judiciaire par l'intermédiaire du parquet. Ces derniers jours, le parquet chargé de la criminalité organisée, transnationale et internationale a « demandé des informations » à Edwin Bedoya, président du FUT (Front unitaire des travailleurs) et de la CEDOCUT (Confédération équatorienne des organisations classistes pour l'unité des travailleurs), à Andrés Quishpe, président de l'UNE (Union nationale des éducateurs), à Gary Esparza, président de la FENOCIN (Confédération nationale des organisations paysannes, indigènes et noires), à Nery Padilla, président de la FEUE (Fédération des étudiants universitaires de l'Équateur).
Dans le même temps, le parquet a ouvert une enquête « pour enrichissement privé injustifié » à l'encontre de 58 militants et dirigeants de la Conaie, du Front national antimines et de plusieurs autres organisations sociales et ONG environnementales liées aux mouvements sociaux.
Marlon Vargas, président de la CONAIE, Leonidas Iza, ancien président de la CONAIE, et Guillermo Churuchumbi, coordinateur de Pachakutik, ont également été accusés par le parquet de la ville de Riobamba d'avoir organisé la grève. Dans le même temps, les médias communautaires, tels que la chaîne de télévision du Mouvement indigène et paysan de Cotopaxi (MICC), sont censurés.
Les mobilisations de ces dernières semaines marquent un nouveau tournant dans la lutte sociale en Équateur, car elles montrent qu'une opposition populaire se structure contre le gouvernement antidémocratique et néolibéral de Daniel Noboa. C'est désormais un fait, indépendamment de l'ampleur et de la profondeur que prendront les manifestations actuelles. Dans le même temps, les luttes cherchent des moyens de se rapprocher et de créer des espaces d'unité plus larges.
Ces deux éléments sont considérés comme une menace par le gouvernement et les oligarchies dominantes, qui agissent donc avec une telle violence et une telle mauvaise foi. Face à cela, il devient urgent de manifester notre solidarité avec les organisations, leurs dirigeants et les luttes engagées.
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Argentine : Le pouvoir de Milei est fragilisé
Le gouvernement de Milei connait sa plus grande crise politique depuis son arrivée au pouvoir à la suite des élections de décembre 2023. Sa cuisante défaite aux élections régionales de Buenos Aires le 7 septembre dernier a fracturé le bloc gouvernemental et surtout la majorité (relative) dont il disposait à la chambre des députés et même au Sénat. Ce qui s'est répercuté sur un approfondissement des signaux économiques qui lui sont défavorables. Toutefois ces éléments n'ont pas encore provoqué une mobilisation massive dans la rue susceptible de menacer son pouvoir et il n'est pas écrit que Milei ne puisse pas redresser la situation en sa faveur tant sur le plan économique que sur le plan politique et notamment lors des élections législatives générales (hors Buenos Aires) du 23 octobre prochain.
1 octobre 2025 | tiré d'Inprecor.fr
https://inprecor.fr/argentine-le-pouvoir-de-milei-est-fragilise
La défaite du 7 septembre à Buenos Aires
C'est son ampleur qui a constitué la surprise. La coalition du parti de Milei (Libertad Avanzada) avec celui de Macri (PRO) a perdu par plus de 13% d'écart. Milei perd 2 millions de voix par rapport à leur score de 2023. Le péronisme et le reste de l'opposition ne progressent pas, c'est surtout en s'abstenant que ses électeurs se sont détachés de Milei. Il semble en outre que ce soit la portion populaire et jeune de l'électorat de Milei qui se soit le plus abstenue. Plus qu'une victoire du péronisme, c'est une défaite de Milei, la première depuis son élection et qui a eu immédiatement des conséquences sur le plan législatif. Cela dit, la figure du gouverneur péroniste Kicillof, qui cultive une image de « péroniste progressiste » qui a provoqué ces élections anticipées sort grandie.
La « crise législative »
Milei et son parti sont loin d'avoir la majorité au parlement. Depuis deux ans, il n'a contenu l'opposition parlementaire qu'en alliance avec la droite libérale de Macri et en fédérant au coup par coup les centristes et les gouverneurs d'obédiences diverses à la recherche de faveurs gouvernementales. Même ainsi le gouvernement Milei n'est pas assuré d'une majorité absolue au parlement. Avant les élections à plusieurs reprises il avait dû mettre son veto à des lois d'origine parlementaire, répondant à des mobilisations populaires et qui allaient à l'encontre de son programme ultra libéral. Pour que la chambre des député·es passe outre un veto présidentiel, il faut que les deux tiers de l'assemblée le rejettent. Jusqu'ici Milei avait presque toujours réussi à l'empêcher.
Mais depuis le début de l'année, l'image de Miléi s'est dégradée. Les résultats économiques, surtout concernant la hausse du dollar et la baisse du crédit financier international de l'Argentine, divers scandales touchant notamment sa sœur et principale conseillère y ont largement contribué. Dans la rue cette opposition croissante s'est exprimée à plusieurs reprises, notamment dès le 1er février où en réponse au discours ultra réactionnaire de Milei au forum de Davos, la journée « d'orgueil antifasciste et anti raciste » a rassemblé des centaines de milliers de manifestant·es.
Tout cela s'est traduit par des fractures au sein du bloc majoritaire, de nombreux député·es ou gouverneurs de la droite et du centre commençant à prendre leurs distances vis-à-vis de Milei et de son parti. La cuisante défaite de Milei aux élections de septembre à Buenos Aires les a approfondies. La semaine dernière la chambre des député·es a repoussé deux vetos présidentiels contre deux lois qu'elle avait votées, l'une sur la santé, l'autre sur l'éducation. Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées devant le parlement pour fêter ce nouvel échec de Milei.
Et maintenant ?
Malgré de nombreuses mobilisations sectorielles ou sociétales, pour l'instant il n'y a pas de mobilisation massive pour le renversement du gouvernement. La crise législative, qui se traduit par des défections ou des prises de distances n'a pas rompu le bloc majoritaire qui reste uni sur les objectifs fondamentaux de Milei : imposer l'austérité et briser les résistances populaires. La défaite électorale de septembre à Buenos Aires n'implique pas nécessairement une défaite aux élections dans tout le reste de l'Argentine en octobre. Le crédit de Milei dans l'opinion reste important. Milei maintient son cap et son discours, il vient d'annoncer qu'il n'appliquerait pas les lois votées par le parlement, malgré le rejet de son véto.
Deux choses seront déterminantes dans les semaines à venir. La situation économique, le redémarrage ou non de l'inflation et la stabilisation du crédit financier de l'Argentine d'une part, l'unification des mobilisations populaires sur une base politique d'autre part.
Le 24 septembre 2025, avec correspondant·es
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Chine, le travail comme champ de bataille
Usines, administrations publiques, chantiers : un système de travail qui consume les corps et les vies, créant ainsi de la précarité. Des ouvrières aux fonctionnaires, le mécontentement grandit. Les actions de protestation augmentent de 73 %.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
Une série d'analyses et de reportages réalisés au cours du dernier mois permet de dresser, à partir de cas précis, un tableau général de la situation difficile des travailleurs chinois et de la tendance en Chine à protester davantage et de manière nouvelle. Des usines de chaussures du Fujian aux chaînes de montage des iPhone, de l'administration publique aux services de livraison, on voit émerger un système de travail en profonde mutation, marqué par une précarité croissante, une exploitation systématique et des formes inédites de résistance.
L'armée des précaires
L'économie chinoise a généré une armée de travailleurs précaires d'une ampleur sans précédent. Deux cents millions de personnes, soit environ 40 % de la main-d'œuvre urbaine du pays et environ un quart de la main-d'œuvre totale, vivent aujourd'hui dans des conditions d'emploi flexibles, écrit The Economist. Cette masse de travailleurs précaires représente l'épine dorsale invisible de l'économie chinoise, mais elle reste largement exclue des protections et des droits que le système garantit officiellement aux salarié.e.s fixes. Leur situation est désormais devenue un phénomène structurel.
Les histoires individuelles révèlent une profonde modification d'une génération à l'autre : des millions de jeunes Chinois.e.s ont rejeté le modèle de travail des générations précédentes, celui des usines-villes où l'on restait pendant des années en acceptant la monotonie et la discipline en échange de la stabilité. Une partie importante de ces travailleurs a consciemment embrassé la précarité, préférant la liberté de partir quand ils le souhaitent à la sécurité d'un contrat à durée indéterminée. Beaucoup utilisent les plateformes numériques pour passer d'un emploi à l'autre, alternant constamment entre différentes applications afin de maximiser leurs gains à court terme. Cette maîtrise de l'économie des plateformes permet à de nombreux travailleurs flexibles de gagner plus que les employés réguliers, du moins à l'heure actuelle, créant ainsi l'illusion d'un contrôle personnel qui masque la réalité structurelle de leur vulnérabilité.
La composition démographique de cette armée de précaires présente des caractéristiques particulières. Dans les usines, l'âge moyen est de 26 ans. 80 % sont des hommes, 75 à 80 % sont célibataires et sans enfants. Dans des villes comme Kunshan, de plus en plus de jeunes travailleurs dorment dans les parcs et sous les ponts routiers. Jusqu'à récemment, on pouvait en voir des dizaines dormir dans l'un des plus grands parcs de la ville après le travail, souvent avec leurs bagages, avant que la police ne les expulse. De grandes foules se rassemblent sur les marchés dits « du travail », où des agences intermédiaires embauchent des personnes pour des emplois temporaires dans le bâtiment ou dans les usines.
Cette tendance s'inscrit dans le contexte plus large des difficultés économiques du pays. En août, la croissance des ventes au détail a atteint son niveau le plus bas. Les prix et les ventes immobilières continuent de baisser, ce qui déprime encore davantage le climat général, le chômage urbain est en hausse et le déclin démographique a contraint les dirigeants du pays à instaurer un système d'allocations pour encourager les naissances. Dans ce contexte, les travailleurs flexibles représentent à la fois une ressource et un problème : ils offrent aux entreprises la flexibilité nécessaire pour s'adapter aux fluctuations du marché mais leur situation précaire en fait des consommateurs médiocres et des parents incertains. La contradiction apparaît clairement lorsque l'on considère que le gouvernement chinois vise à stabiliser la consommation intérieure et à encourager la formation de familles, mais qu'il alimente en même temps un système de travail qui entrave ces deux objectifs. Sans contrat formel, ces travailleurs ne cotisent pas pour leur retraite, n'ont pas accès aux services urbains en raison du système hukou et n'ont souvent pas les moyens d'acheter une maison. Leur liberté de mouvement, qui peut sembler libératrice au premier abord, s'avère être un piège qui les condamne à rester éternellement en marge de la société urbaine chinoise.
L'usine comme dispositif de contrôle
Cette masse de travailleurs précaires s'inscrit dans un système de production qui a radicalement transformé les méthodes de contrôle et d'exploitation par rapport au passé. Les usines chinoises modernes fonctionnent comme des dispositifs disciplinaires qui façonnent le corps et l'esprit des travailleurs à travers des rythmes de production qui dépassent les limites de la résistance humaine. Le cas de l'usine de chaussures du Fujian étudié par le chercheur Zhu Zhanyuan met à nu ces mécanismes.
La chaîne de montage de l'usine produit jusqu'à 3 000 paires de chaussures par jour, à une vitesse de 300 tours par minute. Chaque personne doit produire plusieurs paires par minute, ce qui est présenté comme « une véritable guerre ». Xie Silan, une ouvrière de 53 ans originaire du Jiangxi, travaille à l'endroit le plus délicat de la chaîne, la pose des semelles. Elle ne se trompe jamais : elle parvient à sentir au toucher si la semelle est correctement positionnée. Ses mains sont abîmées, ses ongles poussent près des doigts et se recourbent vers l'intérieur. Le manque de sommeil chronique fait d'elle la personne qui cède le plus souvent à la fatigue pendant le travail. Le système de surveillance est omniprésent et sophistiqué, et l'usine dispose de caméras de surveillance avec un grand écran accroché dans le bureau. Le propriétaire exerce un contrôle strict : lorsqu'il aperçoit des travailleurs qui rient ou plaisantent, son message d'avertissement est si fort que tout le monde baisse instinctivement la tête, intimidé. Dans les usines Foxconn de Zhengzhou, selon l'enquête de China Labor Watch, les travailleurs doivent se soumettre à des contrôles encore plus intrusifs, y compris des radiographies qui excluent de fait les femmes enceintes ; les minorités ethniques, notamment les Ouïghours, les Tibétains et les Hui, font l'objet d'une discrimination systématique.
Les rythmes de travail sont délibérément planifiés de manière à tester les limites de la résistance humaine. La vitesse de la chaîne de montage dépasse les capacités d'une personne, à tel point que si quelqu'un parvient à suivre le rythme, il est considéré comme un héros. Les travailleurs essaient de s'adapter progressivement à ces rythmes impossibles, s'efforçant de ne pas créer de problèmes à leur niveau par crainte de ralentir l'ensemble de la chaîne. Le contrôle est si strict que lorsqu'un ouvrier a secrètement tenté de ralentir son indicateur réglable, la direction a réagi violemment. La longueur des chaînes ajoute à la difficulté, avec le risque constant que les chaussures se chevauchent au cours du parcours.
Les conditions de travail ont un impact direct sur la santé physique des travailleurs. Outre les problèmes gastriques causés par des repas irréguliers, des années passées penchées sur le tapis roulant ont également déformé le cou et le dos de nombreuses femmes, qui se sont retrouvées avec une bosse. Selon le rapport de China Labor Watch, dans la production de composants pour iPhone, de nombreux travailleurs doivent effectuer 60 heures par semaine, voire jusqu'à 75 heures pour certains. Les salarié.e.s en contrat à durée déterminée reçoivent un salaire de base de 2 100 yuans par mois (environ 300 euros), soit le salaire minimum dans la province du Henan, et doivent accumuler les heures supplémentaires pour survivre.
Le contrôle ne se limite pas à la dimension physique du travail, il envahit également le temps libre. Après plus de dix heures de travail quotidien, 80 % des travailleuses les plus âgées de l'usine continuent à travailler à temps partiel à lacer des chaussures. Elles sont assises sur de petits tabourets, des paquets de lacets entre leurs jambes. Une compétition silencieuse s'installe : certaines cachent le matériel de peur que leurs collègues plus rapides ne parviennent à le récupérer, d'autres viennent se servir directement lorsqu'elles n'en ont plus. Les erreurs dans la distribution des lacets ou dans les commandes alimentent automatiquement cette rivalité. La rémunération pour le laçage des chaussures est similaire d'une usine à l'autre : généralement 0,25 yuan (0,03 euro) par paire, avec une différence maximale d'un ou deux centimes. Pendant les quelques jours de pause mensuelle, Xie Silan continue à faire ce travail à temps partiel, heureuse de pouvoir lacer des chaussures pendant trois quarts de travail et de gagner plus que ce qu'elle aurait touché avec son salaire normal.
Les corps sacrifiés : morts au travail et santé bafouée
Les conditions de travail extrêmes décrites jusqu'à présent trouvent leur épilogue le plus dramatique dans les décès qui constellent régulièrement le paysage du travail chinois. Le 27 juillet 2025, quatorze personnes travaillant à la journée ont perdu la vie lorsque leur minibus a quitté la route en raison de fortes pluies près de la ville de Guqianbao, dans la province du Shanxi. Les dix corps récupérés par l'équipe de secours ont révélé que les victimes étaient des habitants du village local, principalement des femmes d'âge moyen et âgées qui travaillaient à temps partiel, parties sous la pluie pour gagner seulement quelques centaines de yuans afin de compléter le revenu familial. Un an auparavant, dans le comté de Ye, dans la province du Henan, c'était un camion frigorifique, chargé illégalement de passagers, qui avait causé la mort de huit travailleuses qui avaient fait des heures supplémentaires jusque tard dans la nuit.
La plupart des travailleuses âgées d'aujourd'hui sont nées dans les années 60 et 70. Certaines n'ont jamais travaillé en dehors de leur ville natale, tandis que d'autres n'ont travaillé loin de chez elles que pendant leurs premières années d'activité. Après leur accouchement, elles ont dû rester dans les zones rurales pendant de longues périodes afin de s'occuper des personnes âgées et des enfants, ce qui les a empêchées de partir travailler loin. Le système de santé représente un luxe inaccessible pour ces femmes. Une étude menée dans les régions du centre et de l'ouest a révélé que les travailleuses âgées reprennent souvent prématurément le travail agricole après l'accouchement, ce qui entraîne des problèmes de santé chroniques. Le fait qu'elles exercent pendant longtemps des emplois physiquement pénibles augmente encore les risques pour leur santé. Avec l'âge, leurs dépenses médicales dépassent celles des femmes urbaines, tandis que leur accès aux soins reste limité. Elles négligent souvent les troubles mineurs et, lorsqu'elles consultent un médecin, leur état est déjà grave.
Cette vulnérabilité se reflète également de manière dramatique chez les jeunes générations. Une tragédie emblématique, décrite par Sohu, est celle de Xiaoxiang, un étudiant de 20 ans qui a effectué un stage dans une entreprise de logistique dans le cadre d'un partenariat avec son université pendant les vacances d'été de sa deuxième année. Responsable de l'équipe de nuit chargée de la manutention des colis et du déchargement des marchandises, Xiaoxiang a travaillé sans interruption du 25 août au 13 septembre, sans aucun jour de repos. Son planning prévoyait 26 jours de travail en août avec 5 jours de congé, et 26 jours en septembre avec 4 jours de congé. Selon sa famille, Xiaoxiang s'est plaint à son établissement de sa trop grande fatigue, mais il a été menacé de sanctions. Le 13 septembre, il a été transporté à l'hôpital au retour du travail. Malgré les efforts déployés pour le sauver, il est décédé, le certificat de décès indiquant « mort cardiaque subite ». Ce cas illustre comment même des jeunes en pleine forme peuvent être épuisés par un système qui traite les corps humains comme des composants remplaçables d'une machine de production.
Une machine bureaucratique malade
Le marché du désespoir se retrouve dans une situation parallèle inquiétante au sein même de l'appareil étatique chinois, où se dessine un tableau de dégradation psychologique systématique décrit en détail par le journal taïwanais Initium Media. Le « Rapport sur le développement de la santé mentale nationale chinoise (2017-2018) » a révélé que parmi les fonctionnaires, le pourcentage de personnes présentant des niveaux moyens à élevés d'anxiété, de dépression et de stress a atteint respectivement 35 %, 33 % et 52 %. Zou Jia, fonctionnaire dans un organisme gouvernemental à Pékin, a fait l'expérience de cette dégradation à ses dépens. Un mois avant d'obtenir son contrat définitif, lorsqu'une collègue lui a demandé si elle était heureuse, elle a répondu par un « pas du tout » catégorique. Au cours de l'année précédente, elle n'avait jamais eu un week-end complet de congé et, en semaine, elle travaillait souvent jusqu'à minuit. La veille du Nouvel An, elle avait été réprimandée par son supérieur pour un document de 400 mots qui avait été remanié quinze fois. En pensant que c'était pour elle le résultat de plus de dix ans d'études, elle avait eu des haut-le-cœur.
Le processus de domestication des nouveaux fonctionnaires suit des schémas précis. Zou Jia subit ce qu'on appelle un « test d'obéissance », le premier niveau de ce qui est appelé la transformation systémique. Tout comme un prisonnier qui vient d'entrer en prison doit se faire raser les cheveux et apprendre à crier « Je demande l'autorisation » avant chaque action, le nouveau fonctionnaire est soumis à une série d'épreuves destinées à étouffer tout esprit d'autonomie. Il est délibérément affecté à des tâches pour lesquelles il n'a pas les compétences requises, chargé de missions qui créent des conflits avec ses collègues, critiqué et félicité tour à tour afin de brouiller ses critères de jugement, jusqu'à ce qu'il apprenne à tout évaluer selon les normes de son supérieur. Xu Ming, qui travaille dans un bureau financier du district de Pékin depuis deux ans avant Zou Jia, a échoué au deuxième niveau de ce test. Diplômée en sciences, elle raisonnait en fonction de la logique et des informations disponibles, et avait du mal à se soumettre à l'autorité. Ses collègues ont commencé à lui confier tous les documents à rédiger. Au plus fort de son activité, elle devait produire plus de quatre-vingts documents par jour, allant des demandes d'ordinateurs aux rapports d'audit financier municipal. Lorsqu'elle s'est adressée à son supérieur, elle a été accusée de ne pas être solidaire avec ses collègues et de ne penser qu'à son travail sans tenir compte des intérêts de la structure.
La bureaucratie a déclenché des mécanismes d'autodestruction à tous les niveaux. En mars 2018, la loi sur la supervision a transformé la commission disciplinaire du Parti communiste, qui était un organe purement administratif, en une institution dotée également de pouvoirs exécutifs. Pour consolider sa position, cette structure doit continuellement enquêter sur des affaires importantes, ce qui crée un climat de peur qui pousse chaque fonctionnaire à dénoncer ses collègues pour s'attirer des mérites, détourner l'attention de ses propres erreurs ou éliminer ses rivaux. La paranoïa a atteint des niveaux grotesques. Un fonctionnaire local en déplacement, trouvant tous les véhicules de service occupés, accepte de se faire conduire par un subordonné dans sa propre voiture. Son supérieur propose de rembourser l'essence, mais un collègue le dénonce à la commission disciplinaire en l'accusant d'appropriation de biens publics. Heureusement, la commission locale ne l'a pas arrêté, se contentant de lui faire rédiger une autocritique, de lui faire rembourser l'essence et de lui faire reconnaître publiquement son erreur devant tout le monde lors d'une réunion spéciale.
Chen Lu, fonctionnaire de niveau intermédiaire, estime que seulement 10 % de l'énergie est consacrée au travail effectif, principalement à la rédaction de documents, 40 % est gaspillée en réflexions sur la valeur et la signification de ce qui est fait et 50 % est absorbée par les luttes intestines. Il en résulte une bureaucratie paralysée. De nombreux fonctionnaires ne sont désormais plus capables que de scander des slogans et de rédiger des déclarations, leur condition physique et surtout mentale les empêchant de mener des recherches concrètes ou de prendre des décisions. Xu Ming raconte que son organisme copie ouvertement les résultats d'autres unités. Une fois, après avoir révisé plus de vingt fois un document trop abscons, son supérieur hiérarchique a fait copier directement le texte à produire à partir de celui d'un district périphérique de Pékin, alors que les caractéristiques des deux entités administratives étaient complètement différentes. Elle-même a fini par comprendre cette logique : puisque personne ne lira vraiment ces documents, pourquoi prendre le risque de faire le travail soi-même ? Le résultat global est une bureaucratie paralysée, capable uniquement de produire des slogans et des documents, désormais dépourvue des compétences nécessaires pour mener des recherches sérieuses ou prendre des décisions.
Les stratégies de survie, entre résistance et adaptation
La détérioration des conditions générales a donné lieu à des réponses adaptatives complexes de la part des travailleurs, qui développent des formes de résistance souvent paradoxales et contradictoires. Ces stratégies de survie révèlent autant la créativité humaine face à l'oppression que les limites structurelles dans lesquelles celle-ci s'exerce. Les femmes des usines de chaussures du Fujian, par exemple, ont transformé le surmenage volontaire en une source d'identité et d'estime de soi, rationalisant leur condition par des récits d'affirmation de soi et de contrôle personnel.
Xie Silan décrit son besoin compulsif de lacer ses chaussures après son quart de travail comme une véritable dépendance, même si son corps montre des signes de refus. Par une journée pluvieuse et froide, elle s'est surprise à vouloir rester chez elle, préparer quelque chose de bon et passer du temps au chaud avec son téléphone portable. Mais elle est quand même allée travailler. Les travailleuses comme elle se considèrent comme diligentes mais sans exagération, contrairement à celles qui tombent gravement malades ou meurent subitement à cause du surmenage. Xie Silan reconnaît que tout le monde aurait besoin de repos, mais elle cherche continuellement des excuses pour ne pas s'arrêter. Les femmes se soutiennent mutuellement pour légitimer cette surcharge constante, affirmant que celles qui ne lacent pas leurs chaussures le soir sont simplement dans une situation économique plus favorable, ou se répétant avec résignation qu'elles n'ont pas d'autre choix.
À l'opposé, on trouve une forme de résistance générationnelle incarnée par les jeunes qui rejettent l'éthique traditionnelle du travail. Les « Dieux de Sanhe », du nom d'un centre de recrutement à Shenzhen, sont devenus un phénomène culturel. Ils abandonnent leur travail pendant des jours entiers, occupant leur temps avec leurs téléphones portables et pas grand-chose d'autre. Ils sont décrits comme des maîtres de leur propre temps et paresseux, en contraste flagrant avec les travailleurs des générations précédentes qui sacrifiaient tout pour satisfaire les exigences de leurs employeurs.
Les réseaux informels d'entraide correspondent à une stratégie de survie moins visible. Dans les usines, les travailleurs se transmettent des petites astuces pour accélérer les gestes, comme saisir les boîtes de chaussures avec trois doigts sans défaire les sangles qui maintiennent les lots de dix. Pendant les sessions de laçage du soir, l'atmosphère change. Les travailleuses rient, bavardent, certaines se plongent tellement dans les conversations qu'elles en oublient presque de travailler. Elles s'appellent « sœur » dans le dialecte local, se racontent des anecdotes familiales, évoquent le passé et montrent des vidéos trouvées sur TikTok pour conforter leurs opinions. Cette dimension sociale transforme un travail aliénant en un espace de relation.
La solitude apparaît comme l'une des principales raisons qui poussent les travailleuses à participer à ces séances collectives. Beaucoup vivent seules dans des chambres individuelles, des appartements loués ou des dortoirs. Même le chercheur, après avoir partagé leur expérience, a commencé par se désintéresser des séances de laçage du soir, mais chaque fois qu'il retournait dans son logement vide, il ressentait le poids de l'ennui et finissait par revenir aux séances de laçage. Trois hommes fréquentaient occasionnellement le groupe, eux aussi attirés par l'animation du lieu. Ils travaillaient plus calmement que les femmes : après 20 ou 30 paires de chaussures, ils se levaient pour fumer une cigarette ou boire un verre d'eau, puis retournaient s'asseoir. Les femmes, en revanche, restaient immobiles pendant des heures, n'interrompant que rarement leur travail.
Signes de rupture : des protestations individuelles à la mobilisation sociale
Le point culminant de ces stratégies de survie et des tensions systémiques se manifeste dans l'escalade des protestations qui traverse aujourd'hui la Chine. L'organisation China Dissent Monitor a recensé près de 12 000 manifestations depuis juin 2022, dont plus de 2 500 au cours des six premiers mois de 2025, soit une augmentation de 73 % par rapport à la même période l'année précédente. Les manifestations liées au travail ont augmenté de 67 %, tandis que celles liées spécifiquement au secteur de la construction, menées principalement par des ouvriers et des entrepreneurs non payés ou par des acheteurs de logements jamais achevés, ont doublé. Cette flambée n'est pas un phénomène fortuit mais le produit direct des conditions de travail et sociales qui poussent de plus en plus de travailleurs et de citoyens au-delà du seuil de tolérance.
Le désespoir croissant se manifeste par des formes de protestation de plus en plus créatives et extrêmes. Qi Hong, un électricien de 42 ans qui avait commencé à utiliser un VPN pendant la pandémie pour accéder à Internet au-delà du pare-feu chinois, a installé un projecteur dans une chambre d'hôtel à Chongqing afin de projeter des slogans contre le Parti communiste sur un immeuble situé en face, qu'il a actionné à distance après avoir quitté le pays. Son action a été inspirée par Peng Lifa, condamné à neuf ans de prison pour avoir déployé une banderole similaire sur un pont de Pékin en 2022, et par Mei Shilin, qui avait déployé en avril des banderoles sur un pont de Chengdu pour réclamer des réformes politiques. Ces gestes individuels révèlent de nouvelles tendances dans la dissidence chinoise : une augmentation du nombre de manifestations, une créativité croissante et une connexion toujours plus forte entre les individus en Chine et les activistes à l'étranger qui passent par Internet.
85 % des manifestations concernent des questions qui affectent les finances personnelles des individus et visent principalement les entreprises privées et leurs dirigeants. Les protestataires s'adressent souvent d'abord aux autorités locales ou centrales, et il est courant de voir des manifestant.e.s s'incliner devant les fonctionnaires pour implorer leur aide. La plupart des protestataires ne recourent à la dissidence publique qu'après avoir tenté sans succès des méthodes institutionnelles de pétition et d'appel. Les manifestations qui ne sont pas politiques au départ peuvent le devenir si elles sont confrontées à une répression sévère, et près d'un tiers de toutes les manifestations documentées ciblent les gouvernements locaux, même si beaucoup ne commencent pas de cette façon
.Cette intensification des protestations révèle une contradiction profonde dans le modèle de développement chinois. La masse des travailleurs précaires qui constituent désormais l'épine dorsale de l'économie est non seulement exclue des protections sociales, mais vit dans des conditions qui alimentent l'instabilité et le mécontentement. Les marchés du travail informels, les logements précaires et le manque de perspectives créent des poches de marginalisation urbaine que le Parti communiste peine à contrôler avec les outils traditionnels de pacification sociale. La promesse de stabilité et d'ordre sur laquelle repose la légitimité du régime entre en tension croissante avec un système économique qui produit une précarité de masse.
La mobilisation des travailleurs précaires se heurte toutefois à des obstacles propres à leur condition. Les 200 millions de travailleurs « flexibles » de Chine ont du mal à faire valoir leurs droits. Sans relation de travail stable, les plus jeunes ne développeront jamais les compétences professionnelles nécessaires pour progresser. Ayant quitté leurs villages d'origine, ils risquent de ne pas pouvoir s'enraciner dans les villes où ils passent continuellement d'un emploi à l'autre. Sans documents attestant d'un emploi fixe, le système d'enregistrement familial hukou leur refuse l'accès aux services publics urbains.
Pourtant, paradoxalement, c'est précisément cette situation d'extrême précarité qui alimente un mécontentement généralisé et des formes de conflit de plus en plus aiguës. Si, d'une part, la fragmentation et la mobilité continue entravent l'organisation collective traditionnelle, d'autre part, la concentration de masses de jeunes travailleurs sans perspectives et sans liens stabilisés avec le territoire crée un substrat d'instabilité croissante. Sans même la promesse d'une stabilité future qui accompagnait autrefois la discipline au travail, ces jeunes ont de moins en moins de raisons d'accepter passivement les conditions qu'ils subissent.
La montée du mécontentement s'explique par la vulnérabilité particulière de la nouvelle génération de travailleurs et travailleuses. Cette génération est davantage connectée que les précédentes, équipée de smartphones et consacre des heures chaque jour à naviguer sur les réseaux sociaux. Les jeunes travailleurs flexibles semblent moins déférents envers le Parti communiste que leurs prédécesseurs. Il n'est pas difficile d'imaginer une masse croissante de travailleurs sans domicile, mécontents et en proie à un profond sentiment de désenchantement, fissurant de plus en plus la façade d'ordre des villes chinoises. Les manifestations, autrefois considérées comme des gestes extrêmes et isolés, sont désormais considérées par beaucoup comme des moyens légitimes et nécessaires pour résister à la restriction des droits.
Andrea Ferrario
Sources utilisées : WeChat, Initium Media, Economist, China Labor Watch, Financial Times, South China Morning Post, Sohu, Le Monde, Xinhua, NetEase
• Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l'aide de DeepL.
Source - Andrea Ferrario, 29 septembre 2025
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Les Kurdes au cœur des tensions en Syrie
En Syrie, les négociations continuent entre les nouvelles autorités syriennes et des responsables des Forces démocratiques syriennes (FDS) de l'autre. Les sujets sont nombreux : armée, contrôle des frontières, retour des déplacés, institutions, éducation, énergie, rôle des femmes. Mais l'écart entre les deux camps reste profond.
Tiré d'Orient XXI.
Le 10 mars 2025, le président syrien Ahmed Al-Charaa et Mazloum Abdi, dirigeant militaire des Forces démocratiques syriennes, avaient signé un accord prévoyant des avancées concrètes sur le statut et la place des Kurdes. Six mois plus tard, sa mise en œuvre se fait toujours attendre. La Turquie et Israël tentent activement de bloquer ce processus : Ankara pousse pour un État syrien centralisé, Tel-Aviv préfère un morcellement du pays. Les États-Unis, eux, donnent l'impression de changer de cap au gré des événements. Les Kurdes et leurs alliés plaident pour une autonomie dans une Syrie unifiée, un équilibre complexe.
Le 12 juillet 2025, Tom Barrack, ambassadeur des États-Unis en Turquie et envoyé spécial pour la Syrie et le Liban, a reproché aux FDS leur lenteur à s'intégrer à l'armée. Il a rappelé que la Syrie est « un seul pays, une seule nation avec une seule armée ». Les dirigeants kurdes ont immédiatement répondu : « Un retour à la situation antérieure à 2011 n'est pas négociable, c'est exclu. » Pas question d'un retour à la centralisation d'avant-guerre. Les FDS acceptent de rejoindre l'armée, mais comme force autonome en coordination avec Damas.
Volte-face étatsunienne
Changement de ton un mois plus tard : lors d'une réunion à Amman, le 12 août, Barrack plaide pour une Syrie décentralisée et affirme que les Unités de protection du peuple (YPG) ne sont pas liées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), mais alliés des États-Unis. Pour Patrice Franceschi, auteur de Avec les Kurdes (Gallimard, 2020), la raison est limpide : « Les États-Unis ne comprennent pas grand-chose de la situation en Syrie, c'est comme en Afghanistan. Leur politique varie comme une girouette. Le massacre des Druzes les a fait changer d'avis. »
« Quant à la Turquie, poursuit-il, elle veut liquider toute autonomie kurde en Syrie et transformer la nouvelle Syrie en un État centralisé à la turque. Si cela échoue, elle va reprendre son intervention militaire, peut-être à travers l'Armée nationale syrienne qu'elle équipe et entraîne. » Selon lui, les Kurdes le savent très bien et ils se préparent. « Depuis la chute de Bachar Al-Assad, Ankara est à la manœuvre. C'est le projet turc qui se met en place actuellement. Ahmed Al-Charaa ne peut rien faire sans l'accord de la Turquie. Il a tout au plus 20 000 combattants. »
Le journaliste Sylvain Mercadier renchérit :
- Les États-Unis ont changé de ton suite aux violences entre les Druzes d'un côté et les forces tribales soutenues par des milices du gouvernement de Damas de l'autre. Ces dernières sont responsables des massacres à Soueïda. Cela a certainement influencé la politique étatsunienne et démontre que Tom Barrack et Washington naviguent à vue dans leurs efforts de sortie de crise. C'est l'amateurisme et le court-termisme classique de la politique extérieure de Trump.
Les retombées du massacre des Druzes
Un rapport d'Amnesty International Syrie (1) confirme la responsabilité des forces gouvernementales et de leurs alliés dans l'exécution de dizaines de Druzes les 15 et 16 juillet 2025 :
- Le 15 juillet, les forces gouvernementales avaient annoncé être entrées dans la ville de Soueïda. (…) L'escalade de la violence n'a pris fin qu'avec le retrait des forces gouvernementales tard dans la nuit du 16 juillet, laissant derrière elles plusieurs dizaines de corps assassinés. Sur certaines vidéos authentifiées, on peut voir des hommes armés en uniforme, sans insigne, circuler à bord de camions portant clairement le logo du ministère de l'intérieur.
Les Druzes, communauté issue d'une branche du chiisme, sont en première ligne depuis ces massacres. Leur chef spirituel syrien, Hikmat Al-Hijri, a réclamé une séparation administrative d'avec Damas. Mais Walid Joumblatt, leader du Parti socialiste progressiste et de la communauté druze au Liban, nous a déclaré s'y opposer farouchement :
- Je suis contre la séparation des Druzes de l'État syrien, car cela signifierait la dislocation du pays. Le projet initial israélien, sioniste, c'est de disloquer toute la région, en partant de la Syrie. (…) Les Druzes vivent ensemble avec les Bédouins dans la même région depuis des siècles, on ne peut pas les séparer.
En mai 2025, Joumblatt s'était rendu à Damas pour dialoguer avec Al-Charaa et des responsables druzes :
- Il faut œuvrer à une réconciliation entre les Druzes et le gouvernement de Damas, ce qui a été le cas tout au long de l'histoire. (…) Je ne suis pas pour tout centraliser à Damas, mais pour que les habitants de Soueïda, Druzes et Bédouins, restent dans une Syrie unifiée avec une nouvelle formule de gouvernement, non centralisé comme avant, mais avec une gestion conjointe de la police, de l'armée et aussi de l'économie.
Quelle autonomie ?
La participation de milices pro-régime aux massacres des Alaouites en janvier 2025 puis des Druzes en juillet 2025 a creusé la méfiance. Et les propos récents d'Al-Charaa n'ont rien arrangé. Le 12 septembre 2025, il déclarait que « les FDS ne représentent pas tous les Kurdes, que la région qu'elles contrôlent est à majorité arabe ». La réplique d'Aldar Khalil, un dirigeant des FDS, lancée sur une place de Qamishili le 17 septembre, a été cinglante :
- Qui représentes-tu ? Qui t'a amené à Damas ? La côte syrienne, le nord-est de la Syrie et Soueïda ne t'acceptent pas, et les Alaouites, les Druzes, les Yézidis, les Arméniens et les sunnites ne t'acceptent pas non plus. Aucune élection n'a eu lieu, qui représentes-tu ?
Al-Charaa ne semble prêt qu'à concéder une autonomie communautaire limitée dans certaines zones kurdes comme Kobané ou Qamishli, assortie de quelques postes symboliques. Les Kurdes, eux, rejettent une logique ethnique ou confessionnelle à la libanaise et défendent une décentralisation régionale inspirée de l'Espagne, de la Suisse ou de la Belgique.
Shahrazad Al-Hussein Al-Jasem de Deir ez-Zor, membre de Zenobia, une association de femmes arabes basée à Raqqa, explique qu'elle ne fait pas partie des Arabes qui veulent se séparer des Kurdes.
- Nous ne voulons pas le retour de Damas dans notre région, parce que le gouvernement de Damas est un gouvernement d'une seule couleur, ce n'est pas un gouvernement inclusif. Les gens de Deir ez-Zor soutiennent les FDS. Nous voulons rester avec eux. Nous voulons une gouvernance décentralisée.
Georgette Barsoum, représentante de l'Union des femmes syriaques, confirme :
- Après la bataille contre l'Organisation de l'État islamique nous avons créé nos propres organisations et nous avons obtenu des acquis, pas seulement pour les femmes, mais au niveau du fonctionnement démocratique de la société. Nous avons de fortes craintes que ce gouvernement autoproclamé de Damas veuille casser nos acquis. Ils ne veulent pas de notre projet d'autogouvernement. (2).
L'appel d'Abdullah Öcalan
Malgré tout, les discussions se poursuivent sur des sujets précis. À Damas, Îlham Ahmed, la ministre des affaires étrangères de l'Administration autonome dans le nord et l'est de la Syrie (AANES), a rencontré le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani. Ils ont abordé le contrôle des frontières, en envisageant une gestion conjointe ainsi que la réouverture de l'aéroport de Qamishli. Les diplômes des universités de Kobané, Qamishli et Raqqa sont aussi désormais reconnus par Damas, et la langue kurde est de facto acceptée.
Le retour des déplacés reste en suspens : environ 350 000 personnes, chassées lors des offensives turques à Afrin en 2018 puis à Tal Abyad et Ras al-Aïn en 2019, survivent toujours dans des camps. L'accord du 10 mars 2025 prévoit leur retour, mais les milices pro-turques refusent de quitter ces zones. « Le retour des déplacés d'Afrin est lié à un accord global sur l'armée. La Turquie veut d'abord un désarmement des FDS avant de donner l'ordre à ses proxys de quitter la zone (…) », explique Hozan Ahmed, secrétaire du bureau Rojava Europe. Le dossier énergétique, lui, paraît plus simple : les Kurdes contrôlent les champs pétroliers et gaziers du nord-est et de Deir ez-Zor, mais affirment que ces ressources appartiennent à tous les Syriens.
Depuis sa prison, Abdullah Öcalan, fondateur du PKK, observe avec impatience l'évolution sur le terrain. Le 27 février 2025, il avait annoncé la dissolution du parti, hors Rojava, mais attend toujours un geste d'Ankara. En septembre 2025, il a mis en garde :
- Si on désarme les FDS maintenant, les Kurdes subiront le même sort que les Druzes et les Alaouites. Si Damas ou Ankara exigent le désarmement des FDS, on arrête tout le processus de paix en Turquie. (…) Ankara et Damas ont intérêt à accepter l'offre de paix des Kurdes, car notre but est le vivre ensemble, c'est la coexistence. Si cette offre échoue, ce seront les États-Unis et Israël qui vont modeler la région. Et leur but est la division entre les peuples.
Notes
1- « Une nouvelle enquête révèle que les forces gouvernementales et affiliées ont exécuté de manière extrajudiciaire des dizaines de Druzes à Soueïda », Amnesty International, 2 septembre 2025.
2- Ces propos ont été recueillis lors de la fête de L'Humanité, le 13 septembre 2025.
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