Recherche · Dossiers · Analyses
Toujours au devant

Les médias de gauche

Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)

Derniers articles

Stop austérité : de l’argent pour le non-marchand !

27 mai, par Gauche anticapitaliste — , ,
Nous publions ci-dessous la version longue du tract que nous distribuerons lors de la grève-manifestation du secteur non marchand, ce jeudi 22 mai à Bruxelles, lors de laquelle (…)

Nous publions ci-dessous la version longue du tract que nous distribuerons lors de la grève-manifestation du secteur non marchand, ce jeudi 22 mai à Bruxelles, lors de laquelle nous marcherons au sein du bloc de Commune Colère. Le tract est également disponible en version courte et bilingue fr/nl au format PDF en cliquantici.

19 mai 2025 | tiré du site de la Gauche anticapitaliste
https://www.gaucheanticapitaliste.org/stop-austerite-de-largent-pour-le-non-marchand/

Face à la casse sociale programmée par l'Arizona et les autres niveaux de pouvoirs, il est urgent de nous unir pour lutter. Cette manifestation est un point de convergence pour toutes les luttes en cours depuis l'arrivée du nouveau gouvernement. La santé, le social, les services publics, l'enseignement, la culture, l'associatif : servons-nous de ce moment pour amplifier la résistance et la faire durer. Toustes dans la rue le 22 mai : l'Arizona veut la guerre de classe, les travailleur·euses ripostent en masse !

Alors que le secteur non-marchand se mobilise massivement depuis plusieurs années(1) pour un refinancement et des conditions de travail dignes, le gouvernement Arizona et ses émanations régionales en Flandre et en Wallonie dessinent une offensive sociale de grande ampleur contre les travailleur·euses du secteur. Dans la santé, la norme de croissance prévue par le fédéral est insuffisante pour répondre aux besoins réels, malgré les fausses promesses de Vooruit ou des Engagés ; les subsides des structures associatives sont rabotés ou menacés d'austérité alors que le secteur est déjà sous-financé ; la petite enfance, en lutte depuis des années contre la pénurie de personnel et pour une révision de la norme d'encadrement, voit ses revendications reportées indéfiniment (alors que le taux de couverture atteint à peine 40% en FWB). Par ailleurs, si les travailleur·euses des arts sont parvenu·es à faire reculer l'Arizona sur le statut d'artiste, les conditions d'octroi de ce statut seront désormais plus strictes. La culture est toujours l'objet d'une offensive trumpiste de George-Louis Bouchez.

De façon plus générale, les graves attaques contre l'ensemble des travailleur·euses (offensives contre les pensions et les allocations sociales, flexibilisation du travail, …) impacteront de plein fouet les femmes*, et toucheront particulièrement un secteur déjà précarisé par des décennies d'austérité néolibérale, dans lequel la pénibilité des conditions de travail cause de nombreuses souffrances, physiques et psychiques.

La plupart de ces métiers ont en commun de concerner le soin, c'est-à-dire de répondre aux besoins sociaux, affectifs, relationnels et éducationnels de la population. Ces fonctions indispensables à la société sont majoritairement portées par des femmes*, comme l'illustre la large féminisation du secteur : la défense du non-marchand est un enjeu féministe et sociétal majeur. En s'attaquant à ce secteur, les gouvernements s'en prennent non seulement aux travailleur·euses, mais également aux usager·ères, qui dépendent de ces structures pour des besoins vitaux : nous sommes toustes concerné·es ! Par leur mépris et leurs sous-financements, l'Arizona et les coalitions régionales illustrent bien la nature de leurs programmes, conformes aux intérêts des capitalistes et en faveur d'un monde soumis à la loi du profit, dans lequel les humain·es n'ont de valeur que s'iels sont productif·ves pour le capital !

Les secteurs de la culture et de l'enseignement se mobilisent déjà depuis plusieurs mois contre la guerre sociale orchestrée par la droite ; la petite enfance était en grève le 16 avril, et le secteur associatif porte de son côté de plus en plus sa voix parmi les mobilisations : nous plaidons pour que la manifestation du 22 mai crée un espace de convergence pour toutes ces revendications et constitue une nouvelle impulsion dans le cadre du plan d'action contre les gouvernements de droite, vers la chute de l'Arizona !

Nous revendiquons :

  • Le financement massif et structurel des services publics et non-marchands, à hauteur des besoins (crèches, santé, éducation, culture, services sociaux, infrastructures d'accueil, homes).
  • Recrutement massif pour alléger la charge de travail et pour améliorer les services, allant de paire avec une réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauche compensatoire.
  • Une sécurité financière pour toustes : pensions pour toustes ; augmentation des allocations sociales garantissant ainsi une vie digne pour chacun·e ; fin du statut de cohabitant÷e ; fin des temps partiels imposés qui maintiennent dans la précarité économique.
  • Un système de soin soustrait aux logiques de marché : assurant la gratuité des soins, capable de prendre en compte les réalités des femmes*, des personnes racisées, des personnes sans-papier et des personnes LGBTI+ et orienté en fonction des besoins grâce à une planification démocratique.
  • Une société du prendre soin où les fonctions de soins (crèche, soins aux malades, aux personnes âgées,…) ne sont plus assurées majoritairement par les femmes mais collectivisées.
  • Une école qui répond à nos besoins et non ceux du capital : ouverte, démocratique et émancipatrice.
  • La fin des politiques migratoires racistes et la régularisation sans condition de toutes les personnes sans-papiers pour mettre fin à leur exploitation et garantir un accès complet aux soins et aux droits sociaux.
  • Dehors l'Arizona : pour une alliance large des mouvements sociaux et des syndicats, en défense d'une autre société : solidaire, démocratique, féministe, anti-raciste et écologiste !
*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

L’accord sur les minerais est-il bénéfique pour l’Ukraine ?

Aujourd'hui, la Verkhovna Rada vote la ratification de l'accord entre les gouvernements de l'Ukraine et des États-Unis sur la création du Fonds d'investissement pour la (…)

Aujourd'hui, la Verkhovna Rada vote la ratification de l'accord entre les gouvernements de l'Ukraine et des États-Unis sur la création du Fonds d'investissement pour la reconstruction américano-ukrainienne. Malgré les promesses bruyantes de « partenariat » et d'« investissement », le document suscite de sérieuses inquiétudes.

8 Mai 2025 | tiré du site Arguments pour la lutte sociale
https://aplutsoc.org/2025/05/08/declaration-du-sotsialnyi-rukh-sur-laccord-sur-les-terres-rares/

L'accord, signé le 30 avril, reflète la volonté du capital américain d'accéder sans entrave au sous-sol ukrainien. Dans le même temps, la partie ukrainienne bénéficie de beaucoup moins de droits et d'opportunités. Le document stipule que l'accord prime sur la législation ukrainienne, ce qui limite la capacité à protéger les intérêts nationaux. Les entreprises américaines pourront retirer leurs bénéfices d'Ukraine sans entrave.

Tout cela s'inscrit dans des conditions où le processus d'approbation a été mené en secret, sans débat public. Aucun accord supplémentaire n'a encore été rendu public et il n'existe pas d'évaluation d'experts du projet. Cela porte atteinte à la légitimité de l'accord et prive la société du droit d'influencer les décisions décisives et porte atteinte à la gestion de ses propres terres et de son sous-sol.

L'accord fixe également la voie à suivre pour un modèle d'extraction de matières premières dans la politique économique de l'Ukraine – au lieu de développer des technologies ou l'industrie, il s'agit principalement d'extraire des ressources. Les aspects sociaux et environnementaux sont complètement ignorés. Ni les syndicats, ni les organisations environnementales n'ont été impliqués dans la discussion.

Finalement, l'accord est présenté comme un instrument de sécurité, mais ne garantit rien de concret : l'aide américaine reste conditionnelle et politiquement vulnérable. Dans le même temps, cela crée le sentiment que l'Ukraine a perdu le contrôle de ses propres ressources.

Ce n'est pas une catastrophe, mais un signal d'alarme. La seule façon de changer la situation est de construire une économie véritablement démocratique et socialement orientée, où le peuple contrôle les ressources et où les partenariats internationaux sont basés sur l'égalité et non sur la subordination.

8 mai 2025

Sotsialnyi Rukh

Publication originelle de cette déclaration : https://rev.org.ua/chi-korisna-ukra%d1%97ni-ugoda-pro-korisni-kopalini-top-5-problem/

Source : RESU / PLT.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

« Creuse, bébé, creuse » : comment l’extraction et l’exportation de matières premières essentielles peuvent aggraver le piège des ressources en Ukraine

L'intérêt pour les richesses minérales de l'Ukraine a explosé dans un contexte de concurrence mondiale pour les matières premières essentielles à la transition vers les (…)

L'intérêt pour les richesses minérales de l'Ukraine a explosé dans un contexte de concurrence mondiale pour les matières premières essentielles à la transition vers les énergies vertes et les nouvelles technologies. Cette transition, présentée comme une voie vers le développement durable et la lutte contre le changement climatique, cache de plus en plus une lutte géopolitique acharnée pour les ressources, où différents acteurs s'efforcent de s'assurer le contrôle des chaînes d'approvisionnement.

20 mai 2025 | tiré du site Entre les lignes entre les mots

L'attention mondiale se concentre désormais particulièrement sur « l'accord minier » entre l'Ukraine et les États-Unis, dans lequel les premières propositions de Donald Trump visant à échanger l'aide militaire américaine contre l'accès à une partie importante des richesses minérales de l'Ukraine ont révélé la nature cynique de cette course mondiale. Cet accord, présenté comme « des minerais en échange d'armes », a déclenché de vifs débats sur la question de savoir si l'Ukraine possède réellement la quantité et la qualité de minerais stratégiques capables de justifier des attentes aussi astronomiques et les ambitions coloniales de la nouvelle administration américaine.

Après l'invasion à grande échelle de la Russie en 2022, le gouvernement ukrainien a intensifié ses efforts pour positionner des ressources telles que le lithium, le titane, le graphite et les terres rares comme des atouts stratégiques destinés à attirer les investisseurs étrangers. L'objectif principal est de canaliser ces investissements vers la reconstruction d'après-guerre, en mettant particulièrement l'accent sur une « reprise menée par le secteur privé », qui sera coordonnée par BlackRock, la plus grande société de gestion d'actifs au monde.

Dans le même temps, il est bien connu que les accords basés sur l'exploitation des ressources naturelles profitent rarement aux pays où ces ressources se trouvent. L'expérience de nombreux pays d'Afrique et d'Amérique latine en est la preuve.

L'exemple de la République démocratique du Congo (RDC) est particulièrement révélateur. En février 2024, l'Union européenne et le Rwanda ont signé un accord sur les minerais visant à établir un partenariat stratégique sur des matières premières essentielles telles que le tantale, l'étain, le tungstène, l'or et le niobium. Dans le même temps, il est bien établi que les groupes rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, contrôlent des zones minières dans l'est de la RDC et font passer clandestinement des minerais au Rwanda, qui entrent ensuite dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. Ces rebelles sont accusés de graves violations des droits humains, notamment de violences sexuelles systématiques et de crimes de guerre. Cette spirale de violence a régulièrement suscité des appels à l'UE pour qu'elle mette fin à son accord sur les matières premières avec le Rwanda afin d'éviter de contribuer à une nouvelle escalade du conflit.

La course mondiale aux matières premières essentielles peut provoquer des ingérences étrangères et mettre en danger les pays et les communautés qui deviennent la cible d'un extractivisme prédateur. La Bolivie, par exemple, est depuis longtemps au centre de la lutte mondiale pour les ressources minérales stratégiques. Le président bolivien Evo Morales a nationalisé les vastes réserves de ressources naturelles du pays, y compris le lithium, peu après son arrivée au pouvoir en 2006. Dans le cadre de plans visant à industrialiser la chaîne de production du lithium, des accords ont été signés avec la Chine et la Russie, prévoyant des partenariats avec la société publique YLB, des investissements dans les infrastructures locales et des transferts de technologie. La destitution de Morales en 2019 est directement liée à sa politique de nationalisation du lithium, qui a restreint l'accès des entreprises occidentales, dont Tesla, et favorisé le rapprochement avec la Chine et la Russie. Cet extractivisme prédateur dans la course aux matières premières est illustré par la réaction d'Elon Musk aux accusations selon lesquelles Tesla aurait été impliqué dans le coup d'État en Bolivie : « On fera un coup d'État contre qui on veut ! Faites avec. »

L'exploitation minière et l'utilisation des ressources minérales représentent environ la moitié de la capacité industrielle de l'Ukraine et jusqu'à 20% de sa main-d'œuvre. En 2024, les recettes provenant des exportations de minerais ne représentaient que 8,1% des exportations totales. Par rapport à 2021, ces chiffres ont baissé de près de 60%. En même temps, l'expérience de l'Ukraine avec ses propres ressources minérales — du charbon, qui a alimenté l'industrialisation soviétique, au lithium moderne, essentiel à la transition énergétique — montre un schéma familier : tant les acteurs externes qu'internes ont toujours cherché à profiter de cette richesse, souvent au détriment de la souveraineté du pays et de son développement économique durable.

Ce cycle d'exploitation s'inscrit parfois dans une dynamique mondiale plus large associée à ce qu'on appelle la « malédiction des ressources » ou le « syndrome hollandais », un paradoxe selon lequel les pays riches en ressources naturelles sont souvent confrontés à l'instabilité économique, à la montée de la corruption et aux abus des intérêts étrangers. Le « syndrome hollandais » apparaît généralement lorsque d'importants afflux de devises étrangères, provenant principalement des exportations de matières premières, entraînent un renforcement de la monnaie nationale, rendant les autres secteurs d'exportation moins compétitifs et entraînant le déclin de l'industrie manufacturière ou des exportations à forte valeur ajoutée. En même temps, cette vision, qui utilise les notions de « malédiction » et de « nature », a tendance à essentialiser la dynamique coloniale qui consiste à extraire systématiquement les ressources de la périphérie pour le développement du centre. Le discours sur la « malédiction » des pays riches en ressources présente les questions de dépendance et d'inégalité comme inévitables, découlant du simple fait de posséder des ressources. Ce faisant, il néglige souvent la persistance des structures de pouvoir coloniales.

Dans le contexte de l'intégration de l'Ukraine dans l'UE, les matières premières critiques sont devenues l'un des sujets de négociation, d'autant plus que l'UE cherche à garantir la continuité des chaînes d'approvisionnement pour la transition énergétique et à réduire sa dépendance vis-à-vis de la Chine. En 2021, dans le cadre du partenariat stratégique entre l'Ukraine et l'UE sur les matières premières, les réserves ukrainiennes de 22 des 34 minéraux essentiels à l'UE ont été identifiées. Depuis lors, la coopération s'est approfondie : l'Union européenne propose un « accord gagnant-gagnant » visant à promouvoir le développement durable et le partenariat stratégique.

Le piège des ressources : l'économie ukrainienne et les exportations de matières premières

L'Ukraine figure parmi les leaders mondiaux en matière de réserves et de production de minéraux essentiels, notamment le minerai de fer, le charbon, le manganèse, le titane, le graphite et les terres rares. Cette richesse minérale a joué un rôle crucial dans le développement de l'Empire russe et de l'Union soviétique. L'exploitation des gisements de charbon, de minerai de fer, de manganèse et d'uranium de l'Ukraine a été essentielle à l'industrialisation et à la puissance militaire de l'URSS. L'Ukraine a également joué un rôle clé dans la production de concentrés de titane, fournissant 90% de la production totale de l'ancienne Union soviétique. Les concentrés de titane sont utilisés comme matières premières pour la production d'alliages et de pigments de titane, largement utilisés dans les industries aérospatiale, militaire, médicale et chimique. Fait intéressant, sous la loi martiale, l'Ukraine a vendu la United Mining and Chemical Company (UMCC), la plus grande entreprise publique de production de minerai de titane du pays. Cette entreprise a été créée en 2014, lorsque l'État a repris le contrôle de deux entreprises clés du secteur du titane qui appartenaient auparavant à l'oligarque Dmytro Firtash. L'objectif stratégique de l'UMCC était de passer de l'exportation de matières premières à la fabrication de produits plus avancés technologiquement. Cependant, malgré son potentiel, l'entreprise n'a pas modernisé sa production et est restée un exportateur de matières premières. L'État n'a finalement pas réussi à exploiter le potentiel de l'UMCC et a perdu le contrôle de cet actif stratégique : à la suite d'une vente aux enchères en octobre 2024, à laquelle une seule entreprise a participé, l'homme d'affaires azerbaïdjanais Nasib Hasanov est devenu le nouveau propriétaire.

À l'époque soviétique, l'Ukraine produisait une large gamme de biens industriels et était l'un des principaux fournisseurs de charbon, de fonte, de minerai de fer et d'acier. Cependant, elle restait dépendante des importations de composants et de technologies de haute précision provenant d'autres républiques soviétiques. La plupart des fabricants ukrainiens ne disposaient pas de cycles de production complets, ce qui rendait la coopération avec les usines de l'URSS coûteuse. Au lieu de transformer ses propres matières premières, l'Ukraine les exportait vers d'autres républiques pour y être transformées, renforçant ainsi sa dépendance économique et les déséquilibres structurels façonnés par les priorités de l'Union plutôt que par son propre développement industriel.

Depuis son indépendance en 1991, la structure des exportations de l'Ukraine est restée principalement orientée vers les matières premières. L'industrie ukrainienne a continué à dépendre d'intrants bon marché, principalement l'énergie provenant de Russie, tout en exportant des produits à faible valeur ajoutée à des prix mondiaux plus élevés. Cependant, au lieu de profiter des termes de l'échange favorables pour diversifier et moderniser l'économie, les profits supplémentaires ont été distribués à un cercle restreint de « l'élite », ce qui a conduit à la concentration d'actifs importants entre les mains d'un petit groupe d'oligarques. En 2000, les métaux et les produits minéraux représentaient la moitié des exportations de l'Ukraine et, avec les produits agroalimentaires et chimiques, ces secteurs représentaient un peu plus de 70% des exportations totales du pays.

Certaines études citent l'Ukraine comme un exemple peu étudié du « syndrome hollandais » causé par une dépendance excessive aux ressources. Selon les chercheurs, la dépendance excessive de l'Ukraine à l'égard des exportations d'acier et de métaux ferreux, qui représentent près de 30% du total des exportations, a conduit à une structure économique faussée, caractérisée par la désindustrialisation, la vulnérabilité aux fluctuations mondiales des prix des matières premières et la stagnation de la production de haute technologie. Ils affirment que l'Ukraine souffre d'une variante du « mal hollandais », qui n'est pas due aux exportations d'énergie, mais à un modèle basé sur les matières premières qui canalise les ressources vers des secteurs à faible productivité et à la recherche de rentes plutôt que vers l'innovation et la fabrication. Lorsque les prix mondiaux de l'acier et des métaux ferreux ont augmenté, les recettes d'exportation de ce secteur ont considérablement augmenté, stimulant la demande de hryvnia sur les marchés des changes et renforçant ainsi la monnaie. Ça a rendu les produits ukrainiens plus chers pour les acheteurs étrangers, ce qui a profité aux exportateurs d'acier pendant le boom des marchés des matières premières, mais a nui à d'autres secteurs, comme la construction mécanique et la technologie, dont les produits sont devenus moins compétitifs à l'étranger. Dans le même temps, bien que l'Ukraine présente des symptômes similaires à ceux du syndrome hollandais, tels que la désindustrialisation, la prédominance des exportations de matières premières et la faiblesse des secteurs de haute technologie, il convient de noter que le déclin des industries de haute technologie a commencé plus tôt, après l'effondrement de l'Union soviétique, lorsqu'elles n'ont pas été en mesure de rivaliser au niveau mondial. La rupture des liens de coopération dans l'espace post-soviétique, le manque d'investissements et la perte de marchés, en particulier après la crise financière de 1998 en Asie et en Russie, ont accéléré le déclin des producteurs ukrainiens. L'orientation de l'Ukraine vers les matières premières est donc devenue une adaptation forcée plutôt que le résultat d'un effet d'éviction causé par l'appréciation de la monnaie induite par les exportations de matières premières.

La crise économique mondiale de 2008 a porté un coup dur à l'économie ukrainienne. Le secteur financier s'est effondré, révélant la dépendance critique de l'Ukraine à l'égard des matières premières, qui avait alimenté la croissance au début des années 2000. La crise a aussi entraîné un déclin rapide des industries à valeur ajoutée restantes qui n'avaient pas réussi à se moderniser : par exemple, la production de voitures, d'autobus et de tracteurs a baissé respectivement de 98%, 90% et 77% entre 2007 et 2021. En fin de compte, la dépendance à l'égard des exportations de matières premières a créé un cercle vicieux dans lequel la croissance économique est restée liée à la volatilité des marchés mondiaux des matières premières, entravant la modernisation d'autres secteurs.

Aujourd'hui, la structure des exportations de l'Ukraine reste dominée par les matières premières et les produits peu transformés.

Cependant, alors qu'en 2008, les produits métallurgiques représentaient 43,2% des recettes totales d'exportation de l'Ukraine, leur part était tombée à 24,9% à la fin de 2017. Cette baisse est principalement due à la chute des prix mondiaux de l'acier, à la perte de compétitivité de l'acier ukrainien sur les marchés internationaux, à une baisse importante des investissements dans le secteur sidérurgique et, enfin, à la guerre. Aujourd'hui, le secteur agricole génère environ la moitié des recettes d'exportation de l'Ukraine. En 2024, les matières premières représentaient plus de 66% des exportations totales de l'Ukraine, les https://eba.com.ua/en/bdo-v-ukrayini-pidtrymuye-plan-dlya-ukrayiny-pro-zbilshennya-eksportu-na-50-do-2030-roku-vid-logistyky-do-tehnologij/] restant les principales sources de revenus d'exportation. La part de l'industrie manufacturière dans le PIB est actuellement d'environ 10%, soit la moitié seulement de la référence de l'OCDE.

Depuis son indépendance, l'économie ukrainienne est restée dépendante des exportations de matières premières peu transformées. Cette dépendance a rendu l'Ukraine vulnérable aux fluctuations des prix sur les marchés mondiaux des matières premières, contribuant à la désindustrialisation et entravant le développement des industries de haute technologie.

La géopolitique des matières premières essentielles de l'Ukraine

Les matières premières essentielles telles que le lithium, le cobalt, le nickel, le graphite, les terres rares, le cuivre et le silicium sont indispensables à la fabrication de semi-conducteurs, de batteries et d'une large gamme d'appareils de haute technologie. Leur rôle important est particulièrement évident dans le secteur des énergies renouvelables. Les terres rares sont essentielles à la production d'aimants permanents, qui sont des composants essentiels des éoliennes et des moteurs de véhicules électriques. Parallèlement, les réseaux électriques nécessitent des quantités importantes de cuivre et d'aluminium , le cuivre étant le matériau de base de presque toutes les technologies liées à l'électricité.

La saisie agressive des ressources naturelles de l'Ukraine est un élément clé de la stratégie militaire de la Russie. L'occupation des territoires ukrainiens a permis au Kremlin de prendre le contrôle de vastes réserves de minéraux essentiels, de ressources énergétiques et de terres agricoles. Il n'est donc pas surprenant que la Russie se soit récemment fixé pour objectif de supprimer complètement sa dépendance vis-à-vis des importations de matières premières essentielles d'ici 2030. Selon le directeur de Rosnedra, Evgeny Petrov, « grâce à une série de mesures prises,nous prévoyons d'éliminer d'ici 2030 notre dépendance vis-à-vis des importations de 12 matières premières rares, notamment le lithium, le niobium, le tantale, les métaux rares, le zirconium, le manganèse, le tungstène, le molybdène, le rhénium, le vanadium, le spath fluor et le graphite. Pour une ressource high-tech comme le lithium, on espère y arriver d'ici 2028. » Depuis 2014, et surtout après l'invasion à grande échelle de 2022, la Russie cible systématiquement les gisements de lithium, de titane, de terres rares, de charbon, de pétrole et de gaz. La Russie se prépare déjà activement à l'exploration géologique de minéraux critiques dans les territoires temporairement occupés de l'Ukraine, en particulier dans les régions de Donetsk, Louhansk, Zaporijia et Kherson. Les médias russes ont accordé une attention particulière au gisement de lithium de Shevchenkivske dans la région de Donetsk et au gisement de lithium de Kruta Balka dans la région de Zaporijia. Au final, le contrôle de la Russie sur les réserves ukrainiennes va accélérer son expansion dans les chaînes d'approvisionnement mondiales et augmenter considérablement sa pression sur l'UE et d'autres pays en consolidant son contrôle sur les matières premières critiques. Les ambitions de la Russie sont encore renforcées par son partenariat de plus en plus étroit avec la Chine. Des commentateurs russes ont évoqué la coordination des stratégies de la Russie et de la Chine en matière de métaux rares comme une « arme commune » contre l'influence occidentale et pour contrôler les chaînes d'approvisionnement essentielles aux technologies de pointe. En même temps, la Russie développe activement sa coopération avec les pays du Sud dans le domaine des matières premières essentielles. Par exemple, fin 2023, la Bolivie et la Russie ont annoncé un investissement de 450 millions de dollars dans un projet pilote de production de lithium dans le désert de sel d'Uyuni, en Bolivie. En échange, Rosatom construit un centre de recherche et de technologie nucléaire en Bolivie.

La Chine occupe une position dominante dans la chaîne d'approvisionnement mondiale de matières premières essentielles, tant au niveau de l'extraction que de la transformation, comme le cuivre, le cobalt, le lithium, le graphite et les terres rares. Par exemple, la Chine représente près de 100% de la transformation mondiale du graphite sphérique, environ 80% du gallium, environ 60% du raffinage du lithium et du germanium, et plus de 60% de la transformation du cobalt.

Compte tenu de la domination mondiale de la Chine et de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le gouvernement ukrainien a intensifié ses efforts pour promouvoir les matières premières essentielles du pays en tant qu'atout stratégique afin d'attirer les investissements occidentaux et de soutenir la reconstruction après la guerre. Le Premier ministre Denys Shmyhal a déclaré que l'une des principales priorités du gouvernement était de développer un nouveau modèle économique pour l'Ukraine, dans le but de faire du pays un centre de ressources pour l'Europe. Selon le Guide de l'investissement en Ukraine, publié par la Kyiv School of Economics et le ministère de l'Économie, l'Ukraine possède 117 des 120 types de minéraux les plus courants. Le gouvernement souligne également que l'Ukraine figure parmi les dix premiers producteurs mondiaux de plusieurs minéraux stratégiques, notamment le titane, le manganèse, le minerai de fer, le zirconium, le graphite et l'uranium.

Dans le même temps, les États-Unis font pression sur l'Ukraine pour qu'elle accélère l'extraction et l'exportation de matières premières essentielles dans le cadre de leur stratégie visant à réduire la dépendance américaine vis-à-vis de la Chine. Étant donné que la Chine représente plus de 70% des importations américaines de terres rares et qu'elle a récemment imposé des restrictions à l'exportation, toute nouvelle restriction pourrait avoir de graves conséquences. En 2023 et 2024, la Chine a imposé des restrictions à l'exportation de gallium, de germanium, de graphite et d'antimoine, et en décembre 2024, elle a complètement interdit la fourniture de gallium, de germanium et d'antimoine aux États-Unis, invoquant la sécurité nationale. Ces mesures faisaient suite aux restrictions imposées par les États-Unis au secteur chinois des semi-conducteurs. En réaction, Washington a commencé à voir les vastes réserves minérales de l'Ukraine comme une alternative pour renforcer sa sécurité nationale. Les restrictions à l'exportation imposées par la Chine sur les technologies de pointe en matière de transformation sapent directement les efforts des États-Unis et de l'UE pour développer leur capacité industrielle dans ce domaine, alors que les deux parties recherchent activement des équipements et des compétences de pointe. Cependant, la plupart de ces solutions de haute technologie sont concentrées en Chine, ce qui n'est pas surprenant compte tenu des quatre décennies d'investissement. Au cours de cette période, les États-Unis et l'UE ont non seulement réduit leur capacité de production, mais aussi considérablement réduit le financement de la recherche et du développement dans ce secteur, ce qui les a placés dans une position désavantageuse. Ces dernières années, les États-Unis se sont efforcés de retrouver leur rôle dans le secteur des terres rares. La seule mine de terres rares de Mountain Pass, en Californie, qui était à l'arrêt depuis longtemps, a repris sa production en 2017. Cependant, jusqu'à récemment, les matières premières extraites étaient envoyées en Chine pour être transformées.

La coopération de l'Ukraine avec les États-Unis est devenue de plus en plus transactionnelle depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui a présenté l'accès aux ressources ukrainiennes comme une compensation pour les milliards de dollars d'aide fournis par les États-Unis pendant la guerre. Les négociations actuelles sont tendues : l'Ukraine cherche à obtenir des garanties de sécurité, mais l'approche américaine reflète la logique de Trump, qui consiste à rechercher des avantages directs des investissements étrangers tout en limitant l'influence de la Chine sur les chaînes d'approvisionnement critiques. Cette stratégie est similaire au modèle chinois « ressources contre infrastructures », notamment l'accord Sicomines de 2007 en République démocratique du Congo, dans le cadre duquel la Chine devait investir 3 milliards de dollars dans les infrastructures en échange de droits miniers évalués à 93 milliards de dollars. Si cet accord a apporté à la RDC des capitaux dont elle avait grand besoin, le pays a par la suite cherché à le renégocier, exprimant ses inquiétudes quant au fait de ne pas recevoir une part équitable des bénéfices. Une partie des infrastructures promises n'a pas été entièrement réalisée ou a été construite avec des matériaux de mauvaise qualité. Parallèlement, les bénéfices des activités minières sont principalement allés à des entreprises chinoises, tandis que la RDC n'a reçu qu'une part relativement faible des revenus réels. L'accord sur les minerais conclu entre les États-Unis et l'Ukraine risque de perpétuer les schémas de contrôle extérieur et de répartition inégale des bénéfices, au détriment de ce pays riche en ressources. De tels accords peuvent entraîner une augmentation des coûts des projets, car ils obligent souvent les gouvernements à coopérer avec des entreprises spécifiques sans appel d'offres concurrentiel. Des problèmes de qualité et de contrôle peuvent survenir, car les entrepreneurs contrôlent généralement le financement et la mise en œuvre des projets, ce qui limite la capacité de surveillance du gouvernement. La structure complexe et non transparente augmente le risque de mauvaise gestion, et l'absence de concurrence et la nature à long terme de ces accords peuvent créer des déséquilibres financiers qui profitent à l'investisseur au fil du temps. L'accord signé par l'Ukraine et les États-Unis le 30 avril 2025 accorde aux États-Unis un accès quasi exclusif à de nouvelles licences pour l'extraction de minéraux et de matières premières essentielles, comme le souhaitait le président Trump. Si l'accord n'oblige pas l'Ukraine à rembourser l'aide américaine antérieure ni à transférer la pleine propriété des ressources, il ne prévoit pas non plus de garanties de sécurité de la part des États-Unis.

L'Union européenne dépend à 100% de la Chine pour tous les éléments de terres rares lourds, notamment le dysprosium (aimants dans les véhicules électriques et les éoliennes), l'erbium (dispositifs à fibre optique, lasers), le lutétium (détecteurs, imagerie médicale), le terbium (phosphores pour écrans), le thulium (lasers, appareils de radiographie portables) et autres – et à 85% des éléments de terres rares légères, comme le cérium (matériaux de polissage), le lanthane (batteries, verre optique), le néodyme (aimants, lasers, verre), le praséodyme (alliages, aimants, verre) et le samarium (aimants, réacteurs nucléaires, verre). Bien que la dépendance de l'UE à l'égard de la Chine pour d'autres matières premières essentielles soit légèrement moins importante, elle reste significative. Par exemple, la Chine fournit 71% des importations de gallium de l'UE, 97% de son magnésium, 40% de son graphite naturel et 62% de son vanadium. En raison de cette dépendance, l'UE s'intéresse de plus en plus à l'Ukraine depuis quelques années comme fournisseur potentiel de matières premières essentielles.

Les matières premières critiques de l'Ukraine dans le contexte de l'intégration européenne

En juillet 2021, avant l'invasion russe, l'Union européenne et l'Ukraine ont signé un protocole d'accord visant à renforcer l'intégration des chaînes de valeur dans les secteurs des matières premières critiques et des batteries. À la suite de la signature du protocole d'accord, une feuille de route a été élaborée, décrivant les mesures spécifiques convenues par les deux parties pour établir un partenariat stratégique. Il est à noter que cet instrument ne prévoit pas la création d'un organisme indépendant chargé de surveiller les activités dans ce domaine. La participation du public n'est pas envisagée, tandis que les représentants des secteurs économique et industriel sont prioritaires. Dans l'ensemble, la formulation de ces documents reste assez vague. Bien que l'UE exprime son intention d'intégrer l'Ukraine dans la chaîne de valeur des matières premières et des batteries, les documents signés ne mentionnent pas explicitement la production de produits finis directement en Ukraine.

En mars 2023, le gouvernement ukrainien a adopté la loi « sur les modifications de certains actes législatifs ukrainiens visant à améliorer la législation dans le domaine de l'utilisation du sous-sol », qui vise à déréglementer le secteur. Elle supprime notamment la nécessité d'obtenir l'autorisation des autorités locales, du Service national de géologie et des ressources minérales, du Service national du travail et d'autres organismes pour accéder au sous-sol, exploiter des gisements, prélever de l'eau et concevoir des installations minières. Ces changements, qui visent à attirer les investissements et à réduire les charges administratives pour les entreprises, ont en fait exclu les communautés du processus décisionnel. La loi autorise aussi la délivrance de permis spéciaux d'utilisation du sous-sol sans enchères aux entreprises qui ont fait des études géologiques à leurs frais. Même si cette pratique existe dans d'autres pays pour stimuler les investissements, elle comporte souvent des risques de corruption : les entreprises peuvent faire des recherches minimales et ensuite acquérir des actifs précieux sans concurrence. L'absence de vérification indépendante des résultats des recherches géologiques crée d'autres possibilités d'abus. En plus, dans le cadre des efforts de déréglementation en cours, le Conseil des ministres a adopté la résolution n°749 le 4 juillet 2023, qui supprime l'obligation de coordonner avec le ministère de la Protection de l'environnement et des Ressources naturelles la vente de permis pour les sites où des explorations géologiques ont déjà été menées. Le cas du secteur naturel de la forêt vierge de Makove Boloto (« marais aux coquelicots ») dans la région de Rivne, où un permis d'extraction de tourbe a été accordé, illustre clairement ce problème. Ce permis couvrait toute la superficie du secteur, officiellement créé fin 2021, et ouvrait effectivement la voie à sa destruction, car l'extraction de la tourbe implique l'élimination complète de la végétation et de la couche arable. Des cas similaires se sont produits dans la réserve naturelle de Starovyzhivskyi et à proximité de la réserve historique et culturelle de Busha.

Les matières premières critiques font désormais l'objet d'une section spécifique dans l'instrument « Ukraine Facility » doté de 50 milliards d'euros pour la période 2024-2027. Selon le plan de l'Ukraine au titre de cet instrument, le partenariat avec l'UE vise à approfondir l'intégration des chaînes de valeur dans les secteurs des matières premières critiques et des batteries en développant les ressources minérales de l'Ukraine sur la base d'une approche durable et socialement responsable. En même temps, le secteur devrait être réglementé selon les normes de l'UE, en tenant compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), ainsi que des lignes directrices de l'OCDE pour les entreprises multinationales sur la conduite responsable des entreprises et des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme. Cependant, les normes spécifiques auxquelles le gouvernement fait référence ne sont pas précisées. Ces documents internationaux sont volontaires et fournissent des orientations pour des pratiques commerciales éthiques, mais ils n'ont pas force de loi s'ils ne sont pas intégrés dans la législation nationale. De même, si le gouvernement fait référence au respect des principes ESG, il ne précise pas quelles normes, quels indicateurs ou quels mécanismes de vérification seront appliqués. Le paysage des normes ESG est lui-même fragmenté, avec des niveaux d'ambition et d'application variables. L'une des réformes décrites dans le plan est l'élaboration d'une étude visant à évaluer la législation actuelle en matière de reporting environnemental, social et de gouvernance dans le secteur minier. Le fait que le gouvernement prévoie d'« approuver et publier l'étude » alors qu'il a déjà mis en œuvre des mesures de déréglementation importantes dans le secteur montre clairement que les considérations ESG n'ont pas été systématiquement intégrées dans les réformes initiales. Des formulations telles que « introduction progressive de l'obligation de reporting ESG » et le respect du principe « ne pas causer de préjudice significatif » – dans la mesure du possible dans des conditions de guerre ou de reconstruction après-guerre – soulignent plutôt une approche formelle, orientée vers l'UE, de ces engagements.

L'adoption du règlement de l'UE sur les matières premières critiques en mars 2024 renforcera encore la coopération déjà établie. En décembre 2024, le Parlement ukrainien a approuvé un programme national actualisé pour le développement de la base minérale et des matières premières de l'Ukraine pour la période allant jusqu'en 2030, qui sert d'indicateur de la mise en œuvre de la facilité pour l'Ukraine. Le programme actualisé définit les critères de classification des ressources minérales comme stratégiquement importantes. Dans l'ensemble, cette loi vise à élargir considérablement les projets d'extraction à grande échelle. Il est à noter que dans la section consacrée à la tourbe, la loi souligne que l'exploitation de nouveaux gisements de tourbe, qui nécessite un drainage, entraîne la perte des fonctions biosphériques, une augmentation des risques environnementaux dans la région et la transformation des tourbières de puits de carbone en sources importantes d'émissions de gaz à effet de serre. Bien que le document reconnaisse la nécessité d'aligner l'extraction de la tourbe sur la politique climatique et environnementale de l'État, il ne prévoit pas de mécanismes pratiques ni de garanties pour assurer cette harmonisation. La loi prévoit également la poursuite des investissements dans les gisements de houille et l'expansion de l'extraction du lignite (charbon brun). À l'heure actuelle, le programme national semble contredire le plan national de l'Ukraine en matière d'énergie et de climat, qui prévoit l'élimination progressive du charbon dans le secteur de l'électricité d'ici 2035, conformément aux objectifs du Pacte vert européen.

Les risques du piège des ressources : les leçons à tirer

La proposition du gouvernement ukrainien d'utiliser les ressources minérales comme un moyen d'attirer l'aide internationale risque de reproduire les modèles d'exploitation typiques d'autres pays dépendants des ressources. Mettre l'accent sur l'exportation de matières premières essentielles pour garantir un soutien extérieur pourrait renforcer la dépendance à long terme vis-à-vis des acteurs étrangers, compromettant ainsi les efforts visant à reconstruire une économie diversifiée et autosuffisante. Une dépendance excessive à l'exportation de matières premières essentielles pourrait donner aux États étrangers un moyen de pression sur la politique économique de l'Ukraine. Un exemple parlant est la dépendance de l'Ukraine vis-à-vis des ressources énergétiques russes et leur impact sur les processus politiques et économiques ukrainiens, en particulier lorsque la Russie a utilisé ses approvisionnements en gaz comme moyen de pression politique et de chantage économique, tentant à plusieurs reprises de prendre le contrôle d'infrastructures stratégiques, notamment le réseau de transport de gaz ukrainien.

L'histoire du contrôle oligarchique en Ukraine, en particulier dans des secteurs tels que la métallurgie et la production de titane, où les matières premières étaient exportées au lieu d'être transformées dans le pays, montre comment la mainmise des élites sur les ressources et la faiblesse de la gouvernance peuvent détourner les revenus miniers destinés à la reconstruction nationale vers des intérêts privés. Ça risque de renforcer le rôle de l'Ukraine en tant que fournisseur de matières premières plutôt que de la transformer en producteur de biens à forte valeur ajoutée. Exporter des matières premières, c'est aussi passer à côté d'opportunités de développer les secteurs manufacturiers nationaux, et avec eux, des revenus et des emplois potentiels.

En même temps, l'exploration et l'extraction de matières premières essentielles sont des projets à haut risque et à forte intensité de capital, généralement accessibles uniquement à un petit nombre de grandes entreprises. Ces initiatives minières nécessitent des investissements initiaux importants, allant de 500 000 à 15 millions d'euros par projet, et impliquent des étapes longues et complexes : exploration géologique, études de faisabilité et obtention des permis d'exploitation. La mise en production industrielle d'un gisement minéral peut prendre des années et coûter entre 1 million et plus d'un milliard de dollars américains, selon le type de mine. Des études indiquent que, en moyenne, il faut jusqu'à 16,5 ans entre la phase d'exploration et le début de la production. Les grands groupes commerciaux ukrainiens qui ont accès à des capitaux sont capables de participer à des projets miniers à grande échelle. Mais leur implication soulève de sérieuses questions sur la transparence, la répartition équitable des bénéfices et le risque que les profits tirés des ressources essentielles de l'Ukraine finissent une fois de plus entre les mains d'un petit groupe d'individus, au lieu de contribuer à un développement économique global et à l'intégration avec l'Union européenne.

La volatilité des prix mondiaux des matières premières peut aussi déstabiliser l'économie ukrainienne. L'expérience de l'Ukraine en tant qu'exportateur de métaux ferreux illustre clairement ce risque. Au cours de la dernière décennie, les entreprises sidérurgiques ukrainiennes ont été très vulnérables aux fluctuations imprévisibles des prix mondiaux, qui ont eu un impact direct sur les volumes d'exportation, les revenus des entreprises et la balance des paiements du pays. Actuellement, les perturbations de la chaîne d'approvisionnement causées par la guerre, la stagnation du marché intérieur et les conditions d'exportation de plus en plus défavorables, notamment les droits de douane, limitent les activités du secteur sidérurgique ukrainien. Selon les représentants du secteur, la production d'acier devrait baisser de 9% en 2025, avec une chute des exportations de 16%. Cette dépendance vis-à-vis des exportations de matières premières signifie que les chocs extérieurs peuvent rapidement déstabiliser l'économie, perturber les recettes budgétaires de l'État et mettre en péril des emplois.

En plus, l'extraction de matières premières essentielles pose des risques environnementaux importants, tels que des émissions importantes de gaz à effet de serre, la pénurie et la pollution de l'eau, la dégradation des sols et la perte de biodiversité. L'utilisation de l'eau constitue un défi supplémentaire, car de nombreuses mines sont situées dans des régions déjà confrontées à des pénuries, et les activités d'extraction et de transformation contaminent souvent les ressources en eau locales avec des substances toxiques et des métaux lourds. L'extraction du cuivre et du lithium est particulièrement gourmande en eau, ce qui exerce une pression supplémentaire sur des ressources déjà limitées. L'expansion physique des zones minières entraîne la déforestation, l'érosion des sols et la destruction des habitats naturels, menaçant la biodiversité locale. En plus, dans l'extraction des terres rares, même dans les meilleures conditions, seulement environ 2% de la masse extraite contient des matériaux précieux, même si les concentrations peuvent atteindre jusqu'à 20% dans certains gisements. Ces minerais contiennent souvent des impuretés nocives comme l'arsenic, le thorium, le fluor et l'uranium. Pendant des décennies, des quantités importantes de ces sous-produits toxiques ont été rejetées dans l'environnement, se répandant dans l'air et l'eau. En conséquence, les polluants sont entrés dans la chaîne alimentaire, et des études à grande échelle ont établi un lien entre l'exposition à ces polluants et des effets graves à long terme sur la santé, notamment des troubles du développement chez les enfants, une augmentation de l'incidence des maladies osseuses et d'autres maladies chroniques.

En fin de compte, alors que le gouvernement se concentre entièrement sur la participation du secteur privé à la reconstruction de l'Ukraine, en donnant la priorité aux projets d'extraction de matières premières essentielles à long terme, le pays risque une fois de plus d'être pris au piège dans le cercle vicieux qui consiste à servir de fournisseur de matières premières pour d'autres économies.

Maryna Larina, 14 mai 2025
https://commons.com.ua/en/resursna-pastka-ukrayini/
Traduction de l'ukrainien : Pavlo Shopin en Français Deepl revue ML
https://www.reseau-bastille.org/2025/05/18/creuse-bebe-creuse-comment-lextraction-et-lexportation-de-matieres-premieres-essentielles-peuvent-aggraver-le-piege-des-ressources-en-ukraine/

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Hong Kong se joint à la lutte pour sauver les inscriptions des 6 700 étudiant.es de Harvard

26 mai, par Isabel Cortés
Isabel Cortés, correspondante Dans un affrontement dramatique entre l’indépendance académique et les abus gouvernementaux, une juge fédérale de Boston a émis, vendredi le 23 (…)

Isabel Cortés, correspondante Dans un affrontement dramatique entre l’indépendance académique et les abus gouvernementaux, une juge fédérale de Boston a émis, vendredi le 23 mai 2025, une ordonnance de restriction temporaire bloquant la tentative de l’administration Trump de priver l’Université (…)

Alors que les opioïdes tuent, Vancouver investit dans le luxe

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/05/Untitled-e1748194136970.jpg25 mai, par West Coast Committee
Face à la multiplication des décès par overdose en Colombie-Britannique, des centaines de personnes ont manifesté à Vancouver le mois dernier pour réclamer des solutions à la (…)

Face à la multiplication des décès par overdose en Colombie-Britannique, des centaines de personnes ont manifesté à Vancouver le mois dernier pour réclamer des solutions à la crise. Une semaine plus tard, faisant la sourde oreille, l'administration municipale a modifié le zonage de Downtown (…)

Le Forum social mondial des intersections arrive à Montréal

24 mai, par Communiqué des réseaux
Communiqué du FSMI Montréal, 24 mai 2025 – Du 29 mai au 1er juin 2025, Montréal sera l’hôte de la toute première édition du Forum social mondial des intersections (FSMI), un (…)

Communiqué du FSMI Montréal, 24 mai 2025 – Du 29 mai au 1er juin 2025, Montréal sera l’hôte de la toute première édition du Forum social mondial des intersections (FSMI), un événement d’envergure qui réunira plus de 400 groupes issus du Québec et de partout dans le monde et près de 3 000 (…)

Canada à vendre

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/05/notforsale.jpg24 mai, par L'Étoile du Nord
L’article Canada à vendre est apparu en premier sur L'Étoile du Nord.

L’article Canada à vendre est apparu en premier sur L'Étoile du Nord.

Repenser la révolution, la migration et la nation

24 mai, par Nehal Kumar Singh
Un entretien avec Baburam Bhattarai menée par Nehal Kumar Singh À une époque d’incertitude croissante et de fragmentation politique, peu de voix en Asie du Sud parlent avec une (…)

Un entretien avec Baburam Bhattarai menée par Nehal Kumar Singh À une époque d’incertitude croissante et de fragmentation politique, peu de voix en Asie du Sud parlent avec une richesse d’expérience et de vision comparable à celle de Docteur Baburam Bhattarai. Ancien Premier ministre du Népal et (…)

Le tournant identitaire : « nos valeurs priment sur vos droits »

23 mai, par Ligue des droits et libertés
Retour à la table des matières Droits et libertés, printemps / été 2025 Le tournant identitaire : nos valeurs priment sur vos droits Louise Pelletier, membre du comité (…)

Retour à la table des matières Droits et libertés, printemps / été 2025

Le tournant identitaire : nos valeurs priment sur vos droits

Louise Pelletier, membre du comité exécutif et du CA de la Ligue des droits et libertés Maryève Boyer, membre du comité exécutif et du CA de la Ligue des droits et libertés Déposés à l’hiver 2025, deux projets de loi s’attaquent directement à la Charte et aux droits humains au Québec, au nom de « nos valeurs québécoises ». Récemment, le premier ministre Legault, en parlant de prières dans l’espace public, statuait que selon lui ce n’est pas quelque chose « qu’on devrait voir au Québec ». Un cadre de référence bien arbitraire et malléable qu’emploie le gouvernement, alors que des obligations claires lui incombent en matière de respect des droits humains de tout-e-s. Il nous parait important de replacer les débats actuels sur la laïcité de l’État dans leur contexte historique : la crispation identitaire dont nous sommes témoins actuellement doit être prise fort au sérieux. En assimilant le hijab au voile des religieuses enseignantes, le gouvernement Legault nous a présenté comme progressiste une posture d’arrière-garde : comme si être laïc, c’est rejeter le hijab, c’est affirmer sa laïcité, qui serait une valeur collective des Québécois-e-s. Pourtant, la société québécoise est loin d’être consensuelle! Tel que dans une opération de propagande classique, le gouvernement Legault s’appuie sur des mythes pour faire de la Loi sur la laïcité de l'État la pièce maîtresse de sa législation. Au fondement de cette loi, un mythe selon lequel les Québécois-e-s auraient chassé la religion de leurs écoles lors de la Révolution tranquille, conquête historique qu’il faut préserver par fidélité à notre glorieux passé. Tout est faux dans ce récit : la Révolution tranquille n’a pas sorti la religion de l’école, la population était loin d’être unanime sur cet enjeu, ce n’est qu’après de longues négociations, tant avec des groupes sociaux qu’avec le clergé, que le gouvernement Lesage a fait adopter en 1964 la loi qui crée le ministère de l’Éducation enlevant aux Églises le contrôle du système scolaire. Les écoles restent confessionnelles, exigence de l’Assemblée des évêques qui a cédé sur un point : les écoles catholiques seront désormais ouvertes aux enfants des non croyants. Il s’agit d’une bien petite ouverture : pendant les cours de religion, ces enfants ont le droit d’attendre dans le corridor. Même quand la Charte des droits et libertés de la personne du Québec adoptée en 1975, oblige les écoles à offrir le choix de l’enseignement moral, 90 % des parents continuent d’inscrire leurs enfants aux cours de religion. La plupart des Québécois-e-s, devenus majoritairement non pratiquant-e-s, associent encore la religion à l’identité nationale. En 1995, un rapport gouvernemental propose une conception de l’école basée sur l’égalité et liberté de conscience et de religion pour toutes et tous : fin des commissions scolaires catholiques et protestantes. Il faudra attendre la loi 118, en 2000, pour que finalement les commissions scolaires confessionnelles soient abolies pour être remplacées par des commissions scolaires basées sur la langue et que les écoles soient déconfessionnalisées. Près de 45 ans après la création du ministère de l’Éducation, l’enseignement religieux est retiré des programmes. Avec l’école neutre, des enfants de toutes les religions se retrouvent sur les bancs des écoles francophones, ce qui réveille de vieilles peurs. En 2001, dans la cour de son école, un jeune sikh nommé Gurbaj Singh Multani échappe accidentellement son kirpan, poignard rituel que les sikhs portent sous leurs vêtements. L’école lui interdit de le porter. Les parents protestent au nom de la liberté de religion. En 2006, la Cour suprême leur donne raison soulevant un tollé dans une partie de la population, qui y voit une mise en péril du droit de la majorité à exister : les religions des autres sont désormais suspectes. Les médias dénoncent la prière musulmane dans une cabane à sucre, le menu halal à l’école et les accommodements raisonnables. « Nos valeurs collectives, tout autant que les droits individuels, doivent être reconnues. » Ainsi s’exprime Guy Rocher, dans un manifeste signé par 3 000 « Intellectuels pour la laïcité ». Le gouvernement Marois y trouve son mantra - les valeurs collectives – et propose en 2013 le projet de loi sur la laïcité, nommée « Charte des valeurs québécoises », qui prétend rendre les droits conditionnels au respect de valeurs qui sont issus des peurs et préjugés ambiants. Peur de l’Islam et du sort qu’il réserve aux femmes ? La laïcité de l’État, une valeur collective, garantit l’égalité à toutes. Peur du hijab et autres signes religieux? La loi les interdit. Peur des accommodements raisonnables? La loi les restreint. Une partie de la société, incluant des organisations de droits humains, résiste et parvient à renverser la vapeur : la loi ne sera pas adoptée. Mais l’idée de rogner les droits des minorités au nom des valeurs gagne des adeptes. L’islamophobie aussi. En 2019, deux ans après l’attentat de la Grande Mosquée de Québec, le gouvernement Legault fait adopter sous bâillon la Loi sur la laïcité de l’État, où le respect des droits est conditionnel au respect des valeurs de la majorité. Une loi qui déroge de façon préemptive aux deux Chartes, canadienne et québécoise, tout en mettant de l’avant une conception erronée et instrumentalisée de la laïcité qui, plutôt que de garantir la neutralité de l’État face aux différentes religions, viole les droits humains de plusieurs groupes de Québécois-e-s. La véritable laïcité était-elle en danger? La réponse du professeur Louis-Philippe Lampron est claire : « Si l’on abrogeait, demain matin, la Loi sur la laïcité de l’État, le Québec serait toujours un État où le principe de la séparation du religieux et de l’État s’applique ». Plus de cinq ans après son application, il est avéré que la loi 21 discrimine les femmes portant le hijab, contredisant la soi-disant valeur collective de l’égalité femmes-hommes, et viole les libertés de conscience, d’expression et de religion de nombreuses personnes. Contrairement aux droits, les valeurs n’ont jamais protégé personne. Pourtant, elles apparaissent maintenant dans plusieurs textes de loi du gouvernement. En flattant l’ego national, elles ont pour rôle de faire accepter par la population des mesures discriminatoires envers les minorités. En 2024, on apprend qu'à l’école Bedford, des enseignant-e-s musulman-e-s sont soupçonné-e-s de faire du prosélytisme. Pour répondre à ce type de situations, le ministre Bernard Drainville dépose en mars 2025,  le projet de loi no 94 qui interdit les signes religieux à tout le personnel des centres de services scolaires et des services de garde foulant aux pieds les droits de centaines de femmes, en plus d’autres mesures qui risquent de faire obstacle à la participation de tou-te-s et à l’exercice du droit à l’éducation… alors que les mis en cause de l’école Bedford ne portaient pas de signes religieux. Le projet de loi no 84 sur l’intégration nationale (PL84) fait reposer le fardeau de l’intégration sur les immigrant-e-s et insiste pour leur adhésion, et pour l’intégration des minorités culturelles, aux valeurs québécoises, suggérant à nouveau que ces valeurs soient en péril. Ce PL84 prétend même assujettir la Charte québécoise au modèle d’intégration nationale, plutôt que d’adopter un modèle d’intégration qui y serait conforme ! En donnant l’impression de valoriser Notre histoire, Notre culture, Notre nation, les lois du gouvernement dirigent la colère du peuple vers les autres : ceux qui ne parlent pas la langue nationale, qui portent des signes religieux, qui n’adhèreraient pas assez à notre culture, à nos valeurs, le tout en ignorant délibérément les nations autochtones présentes sur le territoire québécois. Partout en Occident les démolisseurs de la démocratie procèdent de la même manière. Ils sont à nos portes.

L’article Le tournant identitaire : « nos valeurs priment sur vos droits » est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Les postiers prêt « à continuer de se battre » en vue de la grève

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/05/20250515_164340-scaled-e1747927631840-1024x614.jpg22 mai, par L'Étoile du Nord
Les membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes se sont rassemblés jeudi devant le centre de tri de Postes Canada de la rue Almon, à Halifax, en prévision (…)

Les membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes se sont rassemblés jeudi devant le centre de tri de Postes Canada de la rue Almon, à Halifax, en prévision de la grève à venir. Les travailleurs voulaient démontrer leur volonté de continuer à lutter, cinq mois après avoir été (…)

Les travailleurs et les étudiants condamnent les coupes dans les Cégeps

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/05/signal-2025-04-03-142739_002-1-1536x864-2-e1747880340526-1024x440.jpg22 mai, par Comité de Montreal
Encore une fois, la CAQ impose l'austérité budgétaire à la fédération des Cégeps. Après avoir coupé dans le budget des Cégeps à quelques jours de la rentrée l'an dernier, la (…)

Encore une fois, la CAQ impose l'austérité budgétaire à la fédération des Cégeps. Après avoir coupé dans le budget des Cégeps à quelques jours de la rentrée l'an dernier, la ministre Pascal Déry revient à la charge et impose des compressions de 150 millions pour l'année à venir. Cela représente (…)

Droit à la ville vs Capitalisme : Les résistances s’organisent lors du FSMI

22 mai, par Mario Gil Guzman
Dans le cadre de l’École de formation politique en économies transformatrices pour la vie et le Forum Social Mondial des intersections FSMI Montréal, 28 mai 2025 – À Montréal (…)

Dans le cadre de l’École de formation politique en économies transformatrices pour la vie et le Forum Social Mondial des intersections FSMI Montréal, 28 mai 2025 – À Montréal comme ailleurs, nos villes se transforment en machines à exclure. Spéculation immobilière, gentrification effrénée, (…)

Activité du Journal à LGT-FSMI sur les États-Unis : Combattre l’oligarchie ! Fighting Oligarchy !

22 mai, par Ronald Cameron
Panel sur la mobilisation de la gauche américaine contre l’oligarchie ! Le 31 mai, 16 h à l’UQAM, Pavillon Hubert Aquin, salle A-1760 Depuis le 5 novembre aux États-Unis, la (…)

Panel sur la mobilisation de la gauche américaine contre l’oligarchie ! Le 31 mai, 16 h à l’UQAM, Pavillon Hubert Aquin, salle A-1760 Depuis le 5 novembre aux États-Unis, la mobilisation n’a pas cessé de se développer. Toutefois, les attaques sont sévères et elles viennent de tous les côtés. (…)

Ce n’est plus le temps des paroles, c’est le temps d’agir !

21 mai, par Coalition du Québec URGENCE Palestine
Tiohtià:ke/Mooniyang/Montréal, le 21 mai 2025 — Le lundi 19 mai, le Canada, la France et le Royaume-Uni ont émis une déclaration conjointe qui marquait un revirement en (…)

Tiohtià:ke/Mooniyang/Montréal, le 21 mai 2025 — Le lundi 19 mai, le Canada, la France et le Royaume-Uni ont émis une déclaration conjointe qui marquait un revirement en haussant nettement le ton à l’endroit d’Israël. Maintenant qu’ils assistent à l’horrible aboutissement logique des plans (…)

Escalade militaire entre l’Inde et le Pakistan : remettre de l’avant la perspective cachemirie

21 mai, par Léo Palardy
Léo Palardy, correspondant Le discours médiatique hégémonique tend à faire de l’attentat non revendiqué de Pahalgam le point de départ de toute analyse de la récente escalade (…)

Léo Palardy, correspondant Le discours médiatique hégémonique tend à faire de l’attentat non revendiqué de Pahalgam le point de départ de toute analyse de la récente escalade militaire entre les États indien et pakistanais. Rappelons que l’événement du 22 avril dernier au Cachemire sous (…)

L’opération Sindoor de Modi

21 mai, par Léo Palardy
Poème attribué à Lalita Ramdas Lalita Ramdas est la veuve de Laxminarayan Ramdas qui fut le treizième chef de l’état major de la marine indienne. Le poème a massivement circulé (…)

Poème attribué à Lalita Ramdas Lalita Ramdas est la veuve de Laxminarayan Ramdas qui fut le treizième chef de l’état major de la marine indienne. Le poème a massivement circulé sur les réseaux sociaux au moment du déclenchement de l’opération Sindoor, menée par l’Inde et visant le Pakistan suite (…)

Philippe Bihouix : « Le monde d’après sera celui de la sobriété systémique »

21 mai, par Hervé Kempf — , ,
Alors que les ressources se raréfient et que le monde s'automatise toujours plus, l'ingénieur pionnier des low-tech Philippe Bihouix prône dans cet entretien une « sobriété (…)

Alors que les ressources se raréfient et que le monde s'automatise toujours plus, l'ingénieur pionnier des low-tech Philippe Bihouix prône dans cet entretien une « sobriété systémique » organisée par l'État. Philippe Bihouix est ingénieur. Après avoir été l'un des premiers à alerter sur la pénurie à venir des métaux, il a été un pionnier en France de la low-tech. Il a publié, avec Vincent Perrot, la BD Ressources (éd. Casterman). Cet entretien de notre série Le Monde d'après a été enregistré au Musée des arts et métiers, en partenariat avec celui-ci.

Lisez ce grand entretien ci-après ou écoutez-le ci-dessous ou sur une plateforme d'écoute de votre choix et regardez-le en vidéo.

24 avril 2025 | tiré de reporterre.net |Photo de Bihouix : Mathieu Génon
https://reporterre.net/Philippe-Bihouix-Le-monde-d-apres-sera-celui-de-la-sobriete-systemique

Reporterre — Vous êtes ingénieur et avez été l'un des premiers à alerter sur la pénurie prochaine des matières premières. Comment imaginez-vous le monde d'après le capitalisme ?

Philippe Bihouix — C'est un monde où l'on est réconciliés avec le vivant, mais aussi où l'on a réussi à s'organiser collectivement autour d'une sobriété systémique. Je ne parle pas ici d'un retour à l'âge de pierre — l'image est convoquée chaque fois que l'on évoque une trajectoire autre que l'astrocapitalisme promu par Elon Musk [le patron, notamment, de Tesla] ou Jeff Bezos [le patron, notamment, d'Amazon] —, mais d'un monde où l'on a fait évoluer nos valeurs et, d'une certaine manière, nos rêves.

Les vieux rêves de l'humanité ont peut-être toujours été les mêmes : l'immortalité, l'abondance, la capacité à avoir des esclaves qui nous servent. Dans l'Antiquité, il y avait des esclaves humains, puis il y a eu des esclaves machines, qui désormais ne suffisent plus. On nous promet donc à présent des esclaves robots, avec cette idée que l'on va tous avoir des assistants personnels.

Je pense donc que, dans le monde d'après, il y aura à la fois des enjeux techniques et technologiques autour de la préservation des ressources et de la réduction de l'extractivisme, et surtout un enjeu d'affirmation de valeurs et de rêves. Au fond, il est important d'avoir un récit — c'est par exemple le cas de Donald Trump : on peut lui reprocher mille choses, mais il embarque des gens avec lui. Il faut que l'on trouve des contre-récits : voilà l'enjeu de ce monde d'après.

Qu'est-ce que la sobriété systémique ?

Le mot sobriété s'est invité dans le débat public avec l'explosion des prix de l'énergie liée à la guerre en Ukraine. Et ce terme, comme d'autres qui l'ont précédé — par exemple « développement durable » —, est polysémique. L'acception qu'en a le gouvernement renvoie à la notion d'efficacité, en particulier industrielle, avec l'idée qu'en électrifiant certains process qui fonctionnent aujourd'hui avec des énergies primaires (le gaz, le charbon, le fioul), nous allons pouvoir consommer moins.

Ce mot peut aussi renvoyer à la sobriété individuelle, avec l'idée, par exemple, de baisser le chauffage chez soi. Cela a une efficacité technique indéniable… mais c'est problématique pour les personnes souffrant déjà de précarité énergétique. La sobriété individuelle demande des efforts substantiels.

La sobriété systémique, elle, renvoie à quelque chose de différent : elle ne repose pas sur une somme de gestes individuels et sur l'idée qu'au fond, tout serait toujours un peu de notre faute. La sobriété systémique, c'est quelque chose qui est organisé, favorisé, influencé voire imposé par la puissance publique via des décisions réglementaires et fiscales.

Pouvez-vous donner un exemple ?

Imaginons que l'on veuille aller vers un monde où les voitures seraient de petite taille. En tant qu'ingénieur, il est évident que pour réduire les émissions de CO2, il faudrait déjà que les véhicules soient moins lourds, moins puissants, moins rapides. La puissance publique pourrait donc réfléchir à une fiscalité sur les gros véhicules, à certaines obligations réglementaires, à des aides fléchées de telle ou telle manière…

Mais aujourd'hui, les entreprises ne peuvent pas se permettre que leurs produits ne se vendent pas. Cela a pour conséquence de créer de l'inflation technologique entre concurrents : si telle entreprise propose tel service pour sa voiture, l'autre doit aussi le faire — ce qui entraîne une utilisation plus importante de ressources. Il y a donc aussi cet aspect culturel à déconstruire.

« La sobriété systémique doit être organisée par la puissance publique »

De façon générale, avec l'arrivée de l'automatisation, de la robotisation et à présent de l'intelligence artificielle — en bref, avec le remplacement des humains par des machines —, nous consommons davantage de ressources. Le problème est que toutes les organisations — entreprises et administrations — sont incitées à fonctionner de cette manière : c'est meilleur pour le résultat net, cela augmente la qualité des produits et, en plus, une machine ne fait pas grève.

Dans le même temps, cela crée des externalités environnementales négatives et entraîne un pillage des ressources. D'autant plus qu'on ne met personne au travail pour réparer tout ce que l'on abîme.

C'est un problème : nous abîmons de plus en plus d'endroits.

Bien sûr. Au-delà du réchauffement climatique, l'époque de l'Anthropocène se caractérise par les milliards de tonnes de ressources extraites par les humains, et par la création de déchets. À un moment donné, il sera nécessaire que davantage de personnes travaillent dans des secteurs ayant pour but de réparer ces dommages. Cela dit, il y a déjà des activités professionnelles qui promeuvent des promesses technoréparatrices de la planète : la géo-ingénierie, la capture et le stockage de carbone…

Mais ces innovations peuvent servir de justification à la continuation des destructions en cours, non ? Tout comme les plans d'adaptation au changement climatique, comme celui lancé par le gouvernement français en mars 2025.

Il y a des gens de bonne foi, des jeunes ingénieurs, qui ont envie de faire des choses allant dans le bon sens. Mais je ne sais pas si, en effet, ces innovations permettent de justifier le maintien de notre trajectoire actuelle.

Dans les années 2010, il y a d'ailleurs eu un débat assez aigu autour de la question de l'atténuation ou de l'adaptation au changement climatique. Durant ces années-là, la plupart des gens qui travaillent sur le climat, les écologistes, ne voulaient pas entendre parler d'adaptation en ce qu'elle était un renoncement à la trajectoire de décroissance qu'ils appelaient de leurs vœux.

C'est seulement à partir de 2020 que finalement, les émissions continuant à croître chaque année, il a été question de mettre les deux fers au feu : à la fois l'atténuation mais aussi l'adaptation.

Au fond, cette situation relève de choix politiques. Par exemple, la non-rénovation énergétique des bâtiments en France est le fruit d'un choix politique de l'État.

Ce n'est en effet pas une fatalité. Mais en l'occurrence, si l'on prend l'exemple du secteur de la ville et du bâtiment, il se caractérise par sa grande inertie. Pour transformer l'ensemble des bâtiments, il faudrait multiplier par vingt la vitesse à laquelle nous allons aujourd'hui, dégager des moyens financiers, impliquer des filières industrielles… Ce n'est pas si évident que cela.

En revanche, il existe déjà des solutions low tech. Elles ne sont pas basées sur l'adaptation du bâti en tant que tel, qui est une chose complexe à mettre en œuvre, mais sur l'adaptation comportementale ou organisationnelle.

On pourrait par exemple s'inspirer de ce qui se passe en Espagne. Que font les Espagnols en cas de forte chaleur ? Ils ne vont pas à l'école aux mêmes heures que d'habitude et ils font la sieste. Il s'agit là d'une adaptation organisationnelle, d'une adaptation des rythmes de vie, d'une adaptation culturelle.

Il y a plein de choses à inventer. Par exemple, concernant l'utilisation de l'énergie en période de pénurie, on pourrait imaginer dans un futur proche de flécher prioritairement celle-ci vers les services essentiels, comme les hôpitaux et les transports. Et que, par exemple, pendant deux jours à la maison, je m'enveloppe dans une couette plutôt que de mettre le chauffage.

« On pourrait imaginer dans un futur proche de flécher prioritairement l'énergie vers les services essentiels »

En fait, aujourd'hui, nous sommes très capricieux en tant que citoyens-consommateurs, alors que la plupart des services auxquels nous avons accès fonctionnent au cordeau. Prenons l'exemple du train : quand je prends un TGV roulant à 300 km/h et qu'il s'arrête en pleine voie, si, dans les deux minutes, je n'ai pas d'explications de pourquoi le train est arrêté, je vais twitter rageusement et dire que les employés de la SNCF sont des feignasses. Je simplifie bien sûr en disant cela, mais je pense que nous sommes vraiment devenus très exigeants en tant que consommateurs [Philippe Bihouix est ingénieur à la SNCF].

Peut-être que demain nous reviendrons à des logiques où l'on acceptera des dégradations de performance, lesquelles auront été décidées de manière plus démocratique que technocratique.

Ce monde où tout marche parfaitement ne marche pas si parfaitement que ça. Par exemple, le tissu ferroviaire a disparu, et les gens sont obligés de prendre leur voiture parce qu'il n'y a plus de services publics à proximité.

Il est certain qu'il faut remettre la priorité sur les trains du quotidien. Cela dit, il faut toujours faire attention aux comparaisons avec le passé. La situation du ferroviaire a beaucoup évolué : le nombre de trains qui circulent a énormément augmenté, mais le réseau est quasiment resté le même. Le nombre de trains du quotidien est tellement énorme aujourd'hui que toute perturbation génère des problèmes en cascade. La situation est donc compliquée.

Quoi qu'il en soit, il est évident que des choix politiques et financiers sont faits aujourd'hui, et que certains secteurs sont laissés pour compte. Je pense notamment à la justice ou à l'hôpital public. Que se passe-t-il à l'hôpital ? À l'image de ce qui se passe dans le monde agricole, on assiste à une inflation technologique. Le problème est que les machines et leur maintenance coûtent extrêmement cher. Cela fait que de plus en plus d'argent est investi dans les machines au détriment des humains.

Voilà pourquoi le discernement technologique est important : les machines permettent un certain nombre de choses souhaitables et bénéfiques — en permettant aux humains de s'éviter certains actes professionnels pénibles — mais, dans le même temps, il y a une course en avant stupide qui crée des besoins artificiels et, par ricochet, de la production qui permet de les assouvir. L'idée serait de trouver une espèce de juste mesure entre les deux.

Les « low-tech » sont-elles la technologie du monde d'après ?

Les low-tech, au départ, renvoient à la question des ressources. Je suis passionné par les notions de ressource non renouvelables et d'inéluctabilité de la consommation des ressources. Lorsqu'il est en fin de vie, le recyclage est en effet beaucoup plus complexe et donc impraticable malgré ce que l'on nous dit. Or l'un des paramètres de cette question du recyclage est l'inflation technologique : les objets qui nous entourent contiennent de plus en plus de choses bizarres. Des circuits intégrés miniaturisés, des écrans, des afficheurs… Cette course extractiviste nous éloigne d'une possible logique de circularité. L'idée est donc de ne pas produire des objets se caractérisant par leur haute technologie, mais plutôt par leur basse technologie.

Cela renvoie à un monde de sobriété, d'économie de ressources et de durabilité. À l'heure où la question des ressources vient heurter celle des limites planétaires, et alors que l'on assiste à une raréfaction des ressources, il faudrait faire de la sobriété tout court, en renonçant à des choses dont nous n'avons pas besoin. Ensuite, nous pourrions faire de la sobriété de dimensionnement, d'usage, de fonctionnement, par exemple en partageant des voitures, des bâtiments, des objets…

Par ailleurs, nous pourrions aller vers un monde avec beaucoup plus de réparation, de maintenance et d'entretien des objets. Cela demanderait évidemment des évolutions réglementaires et fiscales. Mais, au fond, si nous avons tendance à acheter du neuf, c'est tout simplement parce que c'est moins cher. Nous pourrions donc bricoler un peu plus — de quoi sauver un peu la planète mais aussi nous rendre plus résilients et souverains par rapport à des chaînes de valeur mondiales très complexes, dont nous ne savons pas si elles survivront à des chocs géopolitiques.

Et puis, cela permettrait la mise en œuvre d'activités sociales intéressantes, de choses à faire ensemble, de savoirs à se transmettre. Auparavant, il y avait la fierté ouvrière et artisanale. Dans le futur, nous pourrions très bien développer une fierté autour de notre capacité à savoir maintenir des objets.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

La base se mobilise à l’approche d’une grève de la construction résidentielle

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/05/APCHQ-Action-5-scaled-e1747784928651-1024x466.jpg20 mai, par Comité de Montreal
Au bord d’une possible grève dans la construction résidentielle au Québec, les négociations entre l’Alliance syndicale et l’association patronale du secteur restent au point (…)

Au bord d’une possible grève dans la construction résidentielle au Québec, les négociations entre l’Alliance syndicale et l’association patronale du secteur restent au point mort. La tension monte: le résidentiel est maintenant le seul secteur sans entente, alors que les quatre autres ont obtenu (…)

Un programme ne peut se contenter de présenter une vision politique et une philosophie gouvernementale

20 mai, par Bernard Rioux — , ,
Le mandat de la révision du programme est interprété par le texte Programme actualisé - ÉBAUCHE version 1 [1] - comme visant à faire du programme de QS une « vision politique (…)

Le mandat de la révision du programme est interprété par le texte Programme actualisé - ÉBAUCHE version 1 [1] - comme visant à faire du programme de QS une « vision politique guidant une philosophie gouvernementale générale de transformations sociales et politiques ». La révision « doit mettre de côté des engagements politiques trop spécifiques et présenter les grandes orientations politiques du parti, en dehors des réflexions conjoncturelles. » Cela signifie que cette version du programme élimine les analyses précises de la situation dans laquelle Québec solidaire doit œuvrer et des revendications précises que devrait défendre Québec solidaire comme parti ou comme gouvernement.

Cette conception du programme implique que le programme ne porte pas d'orientations et des revendications précises en ce qui concerne l'élaboration des plates-formes électorales et ne fournit aucune précision sur les actions proposées comme parti de la rue sur les enjeux précis en dehors des périodes électorales. Alors que la situation économique, politique et écologique évolue à vitesse grand V et nous place devant de nouveaux enjeux, on ne peut se contenter d'en rester à des considérations idéologiques générales et à un travail de réécriture formelle et se contenter « d'éliminer les éléments caducs et trop spécifiques. »

Le programme de Québec solidaire doit tracer :
• une analyse des problématiques qui traversent la société dans laquelle nous vivons, que ce soit aux niveaux local, national ou international ;
• les orientations et les propositions que nous faisons à la population, qui permettraient de résoudre ces problématiques dans une perspective de transformations sociales visant égalité et émancipation ;
• et des stratégies permettant de parvenir à réaliser notre projet de société. Cela signifie qu'il identifie les forces sociales pouvant se saisir de ces propositions ainsi que les initiatives qu'elles peuvent prendre pour résister immédiatement, afin de concrétiser des perspectives en termes de débouché politique.

Nous appliquerons cette conception du programme à la critique du premier chapitre de l‘ébauche d'actualisation du programme intitulé : créer une économie verte et solidaire.

CHAPITRE 1 : CRÉER UNE ÉCONOMIE VERTE ET SOLIDAIRE )

Introduction

L'introduction souligne que « pour Québec solidaire, un système économique est au coeur de cette crise (environnementale) : le capitalisme », que « Québec solidaire entend, à terme, dépasser le capitalisme », qu'il vise à « donner au peuple du Québec les moyens concrets d'exercer sa souveraineté sur son économie et son avenir, sur un territoire sain », et qu'il va promouvoir « une économie axée sur un principe du commun pour assurer une création de richesse au service de la collectivité » et qu'il prendra « des mesures déterminantes pour réorienter le modèle de développement québécois vers plus d'écoresponsabilité et de démocratie. »

Si on peut se questionner sur ce que signifie l'expression du dépassement à terme du capitalisme. Parler d'un modèle de développement faisant plus de place à l'écoresponsabilité, c'est flou à souhait. On a ici une bonne illustration de ce que l'on entend par la réduction du programme à une vision politique. En fait, dans cette approche, l'analyse de la situation économique et politique est escamotée, les classes sociales, leurs intérêts divergents et les rapports de force entre ces dernières sont invisibilisés. On verra que cela demeure une constante dans l'ensemble du texte de l'ébauche.

Les objectifs d'une économie solidaire

La seule priorité affirmée en ce qui a trait à la lutte aux changements climatiques est celle de réaliser, « d'ici 2050, une économie décarbonisée, c'est-à-dire de réduire de 95% les émissions de gaz à effet de serre (GES) en dessous du niveau de 1990. »

Cette seule priorité clairement définie ne se distingue en aucune façon de celle avancée par les autres partis politiques au Canada et au Québec. Aucune cible pour 2030 ; aucune reprise des propositions du GIEC et des groupes écologistes en termes de cible. On se contente de généralités sur l'accélération de la transition socioécologique sans en définir le contenu.

En ce qui concerne la biodiversité, le texte affirme que « nous devons en arriver à une société où la cohabitation harmonieuse entre territoires protégés et territoires développés deviendra la règle et non l'exception. » Mais aucun des fondements de la perte de la biodiversité ne sont identifiés soit la prédation des ressources naturelles (mines et forêts), l'artificialisation générale des sols, l'agriculture industrielle centrée sur des monocultures et sur la production carnée. Sans constats essentiels on en reste à des généralités.

« Considérant ce qui précède, Québec solidaire vise, à long terme, la socialisation des activités économiques. Il est normal que l'économie devienne l'affaire du peuple et non d'une minorité. »

Un programme ne doit-il pas d'expliquer pourquoi il n'en est pas ainsi et comment parvenir à faire de l'économie l'affaire du peuple et d'indiquer les obstacles qui devront être renversés pour ce faire. On indique bien la création par le gouvernement d'entreprises collectives, mais est-ce pour entrer en concurrence avec les entreprises occupant déjà le terrain. Où vont être pris les fonds qui vont permettre la création de telles entreprises ?

Comment atteindre nos objectifs

« Québec solidaire propose de sortir du modèle économique dual (privé-public) pour adopter un modèle quadripartite : 1. une économie sociale… 2. une économie domestique … 3. une économie publique étatique et paraétatique… 4. une économie privée … Considérant ce qui précède, Québec solidaire vise, à long terme, la socialisation des activités économiques. » « Considérant ce qui précède, Québec solidaire vise, à long terme, la socialisation des produits et des services. » L'économie privée est définie comme « composée d'entreprises dont le but est de produire et de vendre des produits et des services. » Cette définition fait disparaître la notion de profit et le capital financier et foncier.

Cette conception du modèle économique quadripartite n'explique pas qu'il y a une économie dominante, l'économie capitaliste et que celle-ci informe les autres secteurs de l'économie. L'économie domestique est articulée à l'économie capitaliste et fournit un soutien à la reproduction de la force de travail capitaliste. L'économie domestique est un des lieux de l'exploitation des femmes au service de l'économie capitaliste : utilisation du travail gratuit des femmes dans la production, la formation et l'entretien de la force de travail pour l'économie capitaliste. Faut-il entretenir ou favoriser le dépérissement de l'économie domestique ? La socialisation des tâches domestiques peut se concrétiser par la généralisation de garderies publiques, cafétérias publiques, ateliers de réparation de vêtements … ne devrait-elle pas être développée ? Soeit-on favoriser le salaire au travail ménager ou la socialisation des tâches domestiques ?

L'économie sociale est le plus souvent prise dans les obligations du marché. L'économie publique est constamment soumise aux pressions à la privatisation, comme le révèle clairement la privatisation du système de santé. La socialisation ne peut se réduire à l'économie sociale ou aux coopératives, qui ne sont pas en rupture avec l'économie capitaliste. On voit comment les Caisses Desjardins ont été remodelées selon les normes du grand capital financier.

L'économie privée capitaliste est dominée par les grandes entreprises (souvent multinationales) et les grandes banques qui contrôlent nombre de PME. Que signifie la socialisation des produits et des services, si les grandes entreprises continuent à déterminer les choix de production et de consommation en s'appuyant sur la propriété des entreprises et de banques.

« Il est normal qu'elle devienne l'affaire du peuple et non d'une minorité. Il faut que la logique de l'accumulation illimitée du profit cesse de guider notre économie, c'est impératif pour réussir la nécessaire transition écologique. » Comment y parvenir ? Quels sont les obstacles ? Quels intérêts contradictoires sont-ils en jeu ?

La socialisation (expropriation des grandes entreprises et contrôle des travailleurs et des travailleuses et des citoyen-nes) des principaux moyens de production et d'échange, la socialisation des banques sont inévitables si nous voulons casser la domination de la minorité capitaliste dominante. Éviter de poser cette nécessité, c'est croire que nous pouvons changer la dynamique d'évolution de l'économie sans remettre en cause les pouvoirs les plus structurants sur cette économie.

Approche différente de la socialisation, la nationalisation de certaines industries stratégiques (leur mise sous contrôle gouvernemental) sera nécessaire pour assurer la transition socioécologique. Québec solidaire établira trois critères qui mènent à la nationalisation :
1. Le caractère stratégique d'une ressource ou d'un secteur pour la transition socioécologique
2. Une grande quantité de capital est nécessaire pour l'achat d'entreprises existantes soit pour des investissements
3. La démonstration de l'échec du secteur privé à gérer cette ressource ou ce secteur.

Ce paragraphe sur la nationalisation est plus clair que ce qui avait dans le programme qui demeurait toujours au conditionnel. Ne faudrait pas définir les ressources et les entreprises stratégiques au lieu de s'en tenir à un critère abstrait. Faut-il exclure l'expropriation sans compensation d'entreprises qui se sont payées depuis longtemps par leur prédation sur les richesses naturelles du Québec ? Les nationalisations doivent-elles être inspirées par une logique technocratique comme cela a été le cas pour Hydro-Québec ou les nationalisations ne doivent-elles pas jeter les bases d'une socialisation -démocratisation de ces secteurs de l'économie. La disponibilité d'une grande quantité de capital nécessaire à la reconstruction de l'économie et au financement de la transition énergétique passera par la socialisation des banques… et la création d'une banque centrale dans un Québec indépendant.

Occupation et aménagement du territoire

Les propriétaires immobiliers doivent être expropriés et les grandes entreprises de construction doivent être placées sous le contrôle public pour pouvoir faire de la construction de logements sociaux une priorité. Les grandes entreprises de construction sont guidées par la logique du marché, par la recherche de ventes les plus lucratives. Et comment la richesse se concentre de plus en plus dans les sommets de la société, elles produisent des condos de luxe pour une clientèle fortunée et ne se lancent pas dans la construction de logements à faible coût.

L'eau et l'énergie

L'eau

Le texte reprend à son compte le principe de l'eau comme bien commun, mais des enjeux essentiels sont passés sous silence : les dégâts causés par Hydro-Québec par les barrages hydro-électriques, l'utilisation industrielle massive de l'eau par les minières et les projets énergivores (aluminium, batteries et hydrogène dit vert) ; et l'exportation d'eau en vrac et sa mise en marché par des embouteilleurs. Ces situations doivent être dénoncées, pour clarifier les cibles des luttes qui seront à mener. L'ébauche parle de redevances. Pourquoi ? Cela veut-il dire qu'on n'exclut pas une certaine privatisation de cette ressource.

L'énergie

« La souveraineté énergétique du Québec doit être prise en charge par le secteur public et la transition vers un autre système énergétique doit comprendre en priorité les économies d'énergie et les énergies renouvelables. La stratégie de l'État québécois doit être établie démocratiquement par toute la collectivité, dans laquelle les personnes salariées des secteurs impliqués ont leur mot à dire en collaboration avec les citoyennes et citoyens des différentes communautés concernées. »

Mais le texte ne propose aucune transformation du modèle énergétique : offre infinie, centralisation, exportation massive ni aucun plan de réduction de la production et de la consommation d'énergie au Québec et la réorientation d'Hydro-Québec vers la sobriété énergétique. Il faudrait orienter toute l,économie, notamme l'énergie, vers la décroissance démocratiquement planifiée en accord un rôle central aux travailleuses et travailleurs et aux collectivités territoriales.

Si la production de l'hydro-électricité est importante et est essentielle pour l'éclairage et le chauffage. Une grande partie de l'énergie utilisée au Québec provient de l'importation des énergies fossiles ? Pourquoi, parce que le système de transport est basé sur des autos et camions qui fonctionnent aux énergies fossiles et que le transport public est sous-développé.

Au lieu de faire ce lien, on reporte la question des transports à une partie intitulée nos activités économiques : nous déplacer, produire, consommer et jeter. On nous propose de « préparer un vaste plan de transport à l'échelle du Québec. Québec solidaire entend diminuer la prédominance de l'auto privée comme principal moyen de transport » et de préparer « un vaste plan de transport du Québec , incluant le développement du transport des personnes et des marchandises. »

Mais on ne nous dit rien sur ce plan. On n'identifie pas les intérêts en jeu. On n'explique pas que les grands de l'auto veulent continuer à développer l'ampleur du parc automobile. On n'inscrit pas ce plan dans une logique d'économie d'énergie et de métaux.

Comme le rappelait le Réseau Militant Écologiste dans nombre de ces publications, une politique énergétique alternative (proposition du RMÉ) passera par
• La nationalisation des énergies propres et renouvelables et le renforcement du rôle des entreprises publiques dans ce domaine, notamment celui d'Hydro-Québec.
• Le refus de la privatisation d'Hydro-Québec – et l'abrogation de toutes les lois privatisant l'énergie au Québec.
• Le rejet de la filière batteries et de l'auto électrique comme solution à la crise climatique et la production locale de moyens de transports publics (tranis, autobus, tramways) pour les personnes, et la nationalisation des chemins de fer existants pour le transport des marchandises.
• L'implantation des initiatives prioritaires de sobriété et de décroissance énergétiques, notamment la réduction du parc automobile, l'accessibilité au transport en commun public, gratuit et adapté aux réalités régionales, dla rénovation massive et écologique des logements, la durabilité et la réparabilité des biens.
• Le soutien à la recherche et l'innovation publiques dans le domaine de l'énergie propre et renouvelable.
• La mise en place d'une planification écologique et démocratique qui réponde de manière résiliente aux besoins énergétiques de la population aux échelles locale, régionale et nationale, et qui donne un rôle primordial et décisionnel aux travailleuses et travailleurs concerné·es.
• La mise en place des mécanismes démocratiques et décentralisés pour une participation citoyenne directe dans la gestion des ressources énergétiques.
• Le soutien des municipalités dans le développement et la gestion des microréseaux intelligents énergétiques adaptés à leurs besoins.
• Le refus de la relance de la filière nucléaire, y compris l'exploitation de l'uranium.

L'agriculture et l'alimentation

L'agriculture est traitée de la même façon, on nous présente une série de principes les plus intéressants les uns que les autres. :

« •La souveraineté alimentaire du peuple québécois. •La sécurité alimentaire de la population québécoise. •Une agriculture écoresponsable. •Une surveillance étroite de la salubrité des aliments et l'identification de leur provenance et de leur composition. •La valorisation du métier d'agriculteur, agricultrice. •La sécurité du revenu et la qualité de vie des agriculteurs et agricultrices. •Le soutien à la relève agricole, particulièrement des agricultrices. •Le bien-être animal. •La protection et l'occupation dynamique du territoire agricole. Une mise en valeur des paysages et de la biodiversité des territoires. •La protection du secteur agroalimentaire dans les accords de libre-échange. • La préoccupation de contribuer à nourrir la planète dans le respect d'un commerce juste et équitable. »

Là encore, on se contente d'élaborer de grands et beaux principes. On ne propose pas d'affronter directement le pouvoir des grandes entreprises de l'agro-industrie ni celui des grandes chaînes de distribution. On se contente de « soutenir » un autre modèle. Mais il ne pourra s'imposer tant que l'agriculture sera soumise aux lois du capital.

Pourtant, l'agro-industrie productrice des matériels agricoles et des semences et la grande distribution déterminent les conditions de la production agricole, les prix payés aux producteur·trices, les conditions de travail dans la chaîne de production et de transformation. Elles dictent aussi les politiques de transport, de transformation, de conservation et de mise en marché. Il est donc essentiel de remettre en cause ce pouvoir ; sans parler de l'endettement des producteurs agricoles par le capital financier.

Mais surtout, on ne dit rien sur la façon d'appliquer les grands principes mentionnés. On ne précise pas quels sont les obstacles et les groupes d'intérêts devront être confrontés pour appliquer ces principes. Peut-on par exemple parler de bien-être animal, sans préciser comment dépasser les grands élevages industriels et la production carnée centrée sur l'exportation. Peut-on parler de défense de la biodiversité, sans indiquer comment les monocultures et l'élevage industriel, l'utilisation de polluants chimiques, l'exploitation des forêts constituent des attaques à la biodiversité. Peut-on assurer la souveraineté alimentaire sans définir un programme de définanciarisation du secteur agricole pour mettre fin à l'endettement des producteurs agricoles. Et ainsi de suite…

Les mines et la forêt

« Afin de concrétiser la responsabilité publique et collective des ressources naturelles québécoises, Québec solidaire préconise de placer l'industrie minière sous une étroite surveillance publique, en nationalisant, au besoin, des minéraux stratégiques. De plus, afin de réaffirmer la souveraineté de l'État et de la collectivité sur le territoire québécois, un gouvernement solidaire élaborera une nouvelle loi sur les mines à la suite d'une consultation populaire. Un gouvernement solidaire transformera le secteur forestier en commençant par surveiller et évaluer en continu les entreprises publiques, privées ou coopératives qui interviennent en forêt à partir de critères et d'objectifs socioécologiques, avec retrait de contrat en cas d'échec. »

Pour l'industrie forestière, le programme propose également de placer, au besoin, cette industrie sous contrôle public, mais on refuse d'affirmer que ce contrôle public ne peut reposer que sur la nationalisation/socialisation des grandes entreprises de cette industrie. Le contrôle public n'est pas défini dans cette ébauche d'actualisation du programme.

Il faut analyser et décrire les ravages du modèle forestier actuel et préciser la nécessité de réduction des volumes de coupes, la récupération des droits de coupes par les communautés locales et soutenir la gestion de proximité par les communautés locales et les nations autochtones.

L'ébauche d'actualisation du programme souligne la nécessité de nationalisation, du moins partielle et avance des propositions qui décrivent ce que serait une gestion écosystémique de la forêt. Ce n'est pas sans intérêt, mais le but d'un programme est d'indiquer les voies de la construction du pouvoir populaire permettant d'imposer cette démocratie économique et l'usage des ressources naturelles pour satisfaire les besoins de la majorité de la population. Sinon, on en reste aux grands principes, on ignore les combats réels qui sont à mener.

Une orientation générale en matière d'utilisation sobre des ressources naturelles nécessitera une rupture avec l'économie capitaliste afin de remettre à la majorité populaire la possibilité de faire les choix économiques et écologiques nécessaires à la satisfaction des besoins essentiels et à la protection de la nature.

Encadrer le libre-échange et la finance

« Suivant la même logique, Québec solidaire mettra de l'avant certains principes devant guider à une refondation de cadre international en matière de finance : limitation des activités spéculatives ; abolition du secret bancaire ; interdiction des transactions avec les paradis fiscaux ; et meilleure taxation des institutions financières. »

Il ne s'agit pas seulement d'encadrer le libre-échange, il faut définir les secteurs stratégiques de l'économie qui ont été délocalisés et qui doivent être relocalisés.

La socialisation des banques est nécessaire pour disposer du capital-argent et être capable de financer les investissements nécessaires à la réorientation de l'économie dans le sens de la post-croissance et de la production de biens au service de la majorité populaire.

L'ébauche ne développe pas assez les leviers fiscaux. Pourtant, sans réforme radicale de la fiscalité, la transition écologique et sociale restera impraticable. Il faut donc : taxer massivement la richesse, les profits et les héritages ; fermer les échappatoires fiscales et lutter contre l'évitement fiscal des grandes entreprises, repenser le rôle de la Caisse de dépôt et les autres sociétés para-étatiques similaires, pour en faire un outil de transformation économique et non un fonds spéculatif.

Humaniser le travail

Le programme de Québec solidaire de 2019 divisait cette section en six parties : 1. politique de plein emploi, 2. reconnaissance du travail non rémunéré, 3. réduction du temps de travail, 4. protection des emplois, 5. santé et sécurité au travail et 6. droits syndicaux, 7. La discrimination du travail, 8. le salaire minimum.

Si le texte de l'ébauche suit, dans l'ensemble, la même structure, les revendications retenues sont moins précises. Cela est vrai tant de la réduction du temps de travail, des mesures concernant les droits syndicaux que la discrimination ou le salaire minimum. Au lieu de fixer une cible à la réduction du temps de travail réduction de la semaine de travail à 35 heures, puis à 32 heures sans baisse des salaires comme cela était faite dans le programme initial, on écrit « un gouvernement solidaire réduira le temps de travail et accordera une plus grande flexibilité aux travailleurs et travailleuses dans leurs horaires de travail, notamment afin de faciliter la conciliation famille-travail. » Des revendications précises permettent d'utiliser le programme non seulement comme un guide pour de futures politiques gouvernementales, mais également pour un guide pour l'action et dans les luttes extraparlementaires avec nos allié-es des mouvements sociaux, notamment les syndicats.

Conclusion

En conclusion, l'ébauche d'actualisation du programme fait un rappel essentiel, mais tardif : « une élite, une minorité a tout avantage à conserver le système tel qu'il est. Elle est composée des personnes qui profitent financièrement de la destruction de l'environnement, qui exploitent les travailleuses et les travailleurs et qui près du pouvoir, qui veulent conserver leurs privilèges et ceux de leurs amis. Ces élites feront tout en leur pouvoir pour ralentir la transition, tout en prétendant être très préoccupées par les changements climatiques, bien sûr » et d'ajouter : « Pour affronter ces forces réactionnaires, le Québec doit compter sur une longue tradition profondément ancrée de pratiques démocratiques, écologiques, autogestionnaires, coopératives et communautaires ».

C'est sûr, mais n'est-ce pas l'objectif de ce programme de préciser ces pratiques, de proposer des stratégies et les alliances qu'il faut nouer pour parvenir à nos objectifs de transformations sociales. C'est pourquoi un programme ne peut être réduit à présenter une vision politique et une philosophie gouvernementale générale, et il doit être également un guide pour la lutte, y compris sur le terrain extraparlementaire.

L'ébauche de révision du programme de Québec solidaire affirme vouloir sortir du capitalisme « à terme », mais il n'explicite pas ce qu'il oppose comme alternative systémique. L'idée d'une économie « au service du bien commun » reste floue si elle n'est pas accompagnée d'un projet clairement anticapitaliste, écosocialiste, démocratique et planifié.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le SCO trahit sa mission d’aide aux sourds, disent des grévistes

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/05/CHS-4-1024x771.jpg20 mai, par Southern Ontario Committee
Le conseil d'administration et la PDG du Service canadien de l'ouïe (SCO) refusent actuellement de négocier avec leurs salariés, qui fournissent des services essentiels aux (…)

Le conseil d'administration et la PDG du Service canadien de l'ouïe (SCO) refusent actuellement de négocier avec leurs salariés, qui fournissent des services essentiels aux sourds et aux malentendants. Ces derniers craignent que les patrons du SCO ne veuillent détruire le syndicat et que (…)

Le « vote stratégique » aux dernières élections et ses conséquences antidémocratiques

20 mai, par Dennis Pilon — ,
Le système électoral canadien, vestige de l'ère pré-démocratique, perdure parce que certains y trouvent leur compte. Les élections fédérales de 2025 ont suscité beaucoup de (…)

Le système électoral canadien, vestige de l'ère pré-démocratique, perdure parce que certains y trouvent leur compte. Les élections fédérales de 2025 ont suscité beaucoup de gros titres concernant les enseignements pouvant être tirés du scrutin, notamment la perte de ce qui semblait être une victoire assurée des conservateurs, la résurrection spectaculaire du Parti libéral sous la direction de son nouveau chef Mark Carney et l'effondrement du soutien électoral aux tiers partis du pays : les Verts, le Bloc Québécois et surtout le NPD.

The ‘strategic voting' election and its undemocratic consequences
2 mai 2025
Dennis Pilon
Tiré de Canadian Dimension

Traduction Johan Wallengren

L'impact des menaces de Trump d'annexer le Canada et d'imposer des droits de douane très pénalisants sur les produits canadiens a clairement été signalé par la plupart des commentateurs comme étant à l'origine de ces résultats. Mais on s'est beaucoup moins intéressé à la manière dont les institutions électorales canadiennes ont rendu la réponse à ces menaces beaucoup plus compliquée et moins démocratique qu'elle ne devrait l'être. Si l'on regarde au-delà des manchettes, on voit que le principal défi auquel les électeurs et électrices ont été confrontés lors de cette élection tournait réellement autour du vote stratégique. Le système majoritaire uninominal (SMU) à un tour du Canada amplifie la pression exercée sur les électeurs et électrices pour qu'ils/elles votent de manière stratégique tout en les privant des informations nécessaires pour le faire efficacement. Et là où le bât blesse, c'est qu'il n'y aurait pas du tout besoin de voter stratégiquement si notre mode de scrutin était plus représentatif, plus inclusif et, en fin de compte, plus démocratique – en d'autres termes, une forme ou une autre de représentation proportionnelle (RP).

Permettez-moi de revenir en arrière pour expliquer un peu plus en détail ce qu'est le vote stratégique et pourquoi il domine les élections dans notre système électoral. Le principe même d'un système censément démocratique est que les électeurs et électrices votent directement pour le camp qu'ils/elles veulent voir triompher. C'est ce que les théoriciens de la chose appellent un vote « sincère ». Or, le mode de scrutin en vigueur peut avoir une influence sur la décision des citoyens et citoyennes de voter sincèrement ou non. Le SMU fonctionne de telle manière que le candidat ou la candidate qui obtient le plus grand nombre de voix remporte tous les suffrages. S'il n'y a que deux candidat(e)s en lice, il est fort probable que l'une ou l'autre de ces personnes obtienne la majorité. Mais dans le cadre du système multipartite du Canada, de nombreux sièges sont remportés avec une majorité relative (un candidat(e) obtient plus de voix que les autres, mais pas au point de faire pencher la balance générale en sa faveur). Les électeurs et électrices doivent alors se demander non seulement si un vote sincère leur permettrait d'obtenir le résultat souhaité, mais aussi s'ils/elles ne risquent pas d'élire par inadvertance une personne qu'ils/elles ne soutiennent pas vraiment. C'est là que la notion de stratégie entre en jeu. Prenons un exemple concret. Dans la circonscription de Nanaimo-Cowichan, la députée NPD sortante a été battue par une candidate conservatrice qui n'a obtenu que 35 % des voix, tandis que les candidats libéraux, verts et NPD ont respectivement récolté 28, 18 et 18 % des voix. Avant de voter, quelqu'un d'opposé aux conservateurs devait se demander quel candidat des autres partis avait de bonnes chances de l'emporter. Étant donné que la circonscription avait porté au pouvoir des candidats des partis néo-démocrate et vert par le passé, il était logique que quelqu'un d'autre qu'un conservateur l'emporte. Mais choisir le candidat non conservateur ayant le meilleur potentiel n'était pas évident, comme l'ont clairement montré les résultats.

Le problème du vote stratégique est que, de par la conception de notre SMU, les électeurs et électrices ne disposent pas des informations nécessaires pour faire des choix stratégiques. Pour savoir quel parti est le mieux à même de battre les conservateurs dans la circonscription de Nanaimo-Cowichan, les électeurs et électrices auraient besoin d'informations sur les intentions de vote des autres électeurs et électrices au niveau de la circonscription, ce qui aurait un coût prohibitif. Sans ces informations, les électeurs et électrices doivent se fier à leur intuition pour savoir qui est le candidat le mieux placé pour emporter la mise, ce qui revient généralement à se fier aux affiches visibles de la campagne locale, aux sondages au niveau national et à tous les indices qu'ils/elles peuvent recevoir du parti qu'ils/elles souhaitent voir gagner. Quelques jours avant les élections, les réseaux sociaux abondaient de commentaires selon lesquels les organisateurs et organisatrices du NPD tentaient désespérément de faire comprendre aux électeurs et électrices des circonscriptions où siégeaient des député(e)s néo-démocrates sortants que le NPD était dans les faits le choix stratégique pour battre les candidats conservateurs et candidates conservatrices dans ces circonscriptions, et non les libéraux. Mais de nombreux électeurs et électrices qui ont utilisé les sondages nationaux largement diffusés comme guide ont plutôt choisi les libéraux, contribuant ainsi aux pertes du NPD et aux gains des conservateurs.

Ce qui est particulièrement frustrant à propos de cet impact manifestement négatif du vote stratégique est qu'en modifiant simplement nos institutions électorales de manière qu'elles offrent aux électeurs et électrices des moyens plus directs d'enregistrer leurs préférences de vote, il n'y aurait plus lieu de voter stratégique. N'importe quel mode de scrutin à représentation proportionnelle ferait l'affaire. Il y a trois raisons essentielles à cela. La première est que dans le cadre de la RP, les électeurs et électrices savent que leur vote compte pour l'élection d'une personne déterminée. Dans le cas du SMU, il en va tout autrement, puisque d'ordinaire la moitié des voix sont « perdues » et ne contribuent à l'élection de personne, alors qu'un système de RP permet généralement de convertir de 90 à 95 % des voix en sièges. La deuxième raison est que les électeurs et électrices n'auront pas à craindre qu'en votant pour qui ils/elles veulent, ils/elles risquent de favoriser l'élection d'une personne à laquelle ils/elles sont fortement opposé(e)s, sachant que la RP ne donne pas toutes les voix au candidat ou à la candidate qui arrive en tête, ce qui élimine le risque de fractionnement des voix entre des partis ayant des idées en commun. La troisième raison est que la proportionnelle mettrait fin aux gouvernements dits « majoritaires » sans l'être vraiment, le parti gagnant ayant remporté une majorité des sièges sans avoir obtenu la majorité du vote populaire. Presque tous les gouvernements majoritaires au Canada ne l'ont pas été au sens littéral. Depuis 1921, nous avons organisé 31 élections fédérales, mais seulement deux d'entre elles (1940 et 1958) ont vu un parti remporter une nette majorité du vote populaire (51 % ou plus). De toute évidence, lors de l'élection qui vient de se dérouler, de nombreux électeurs et électrices ont voté stratégiquement non pas parce qu'ils/elles ont soudainement trouvé les libéraux plus attrayants, mais parce qu'ils/elles craignaient que les conservateurs soient en mesure de remporter une majorité avec beaucoup moins de 50 % du vote populaire (comme ils l'ont fait en 2011 avec seulement 39 % des voix). L'adoption de la RP éliminerait ces préoccupations stratégiques.

Des appels ont été lancés en faveur de réformes mesurées du système électoral canadien. Par exemple, Justin Trudeau s'est présenté en 2015 en promettant de « faire en sorte que chaque vote compte ». Sa solution de substitution au SMU consistait en un scrutin majoritaire à un tour, soit une formule qui a cours en Australie, où elle est qualifiée de vote alternatif. Il est facile de voir comment l'utilisation du scrutin de liste aurait pu offrir aux électeurs et électrices non conservateurs de Nanaimo-Cowichan quelques options pour éviter de diviser le vote, mais dans l'ensemble ce mode de scrutin tend également à surreprésenter les partis les plus importants, à laisser de nombreux électeurs et électrices sans représentation et à créer des gouvernements majoritaires n'ayant obtenu qu'une part minoritaire des votes. Autrement dit, une grande partie des aspects négatifs associés au vote stratégique ne peuvent être évités avec cet autre mode de scrutin.

Vu que l'adoption de la RP faciliterait l'acte de voter et supprimerait les dilemmes du vote stratégique, pourquoi n'y procédons-nous pas ? La réponse courte est qu'il y a des partis qui privilégient leurs intérêts propres. Fondamentalement, les deux principaux partis traditionnels au pouvoir au niveau fédéral ne veulent pas de la RP pour les raisons exposées ci-dessus. De fait, un scrutin proportionnel permettrait aux gens de mieux s'exprimer au moyen de leur vote et cela mettrait fin à l'habitude de porter au pouvoir un parti ne bénéficiant que d'une majorité relative, c'est-à-dire soutenu par une minorité de votants. Dans le cadre d'un système de RP, les partis devraient probablement partager le pouvoir, ce qui imposerait une plus grande transparence des décisions gouvernementales et rendrait plus difficiles les accords financiers en coulisses sur lesquels les deux grands partis ont coutume de s'appuyer. Un tel système permettrait également aux électeurs et aux électrices de rendre les partis pour lesquels ils/elles votent plus responsables, du fait d'avoir l'option de voter pour un autre parti cadrant avec leurs préférences. Certains politiciens et politologues malavisés tentent de faire valoir que nous n'avons pas adopté un système de RP parce que ce mode de scrutin ne correspond pas aux valeurs canadiennes ou serait source de confusion et conduirait à un gouvernement instable. Mais ces commentateurs n'apportent aucune preuve crédible à l'appui de ces affirmations. En réalité, il ne s'agit généralement que de justifications post hoc d'un statu quo qui sert des intérêts politiques plutôt que le bien public.

Les élections fédérales de 2025 illustrent les défaillances de nos institutions électorales et le déficit démocratique qui en découle. Or, il est important de rappeler que les élections de ce type n'ont jamais été conçues ni maintenues avec des objectifs démocratiques à l'esprit. Le système électoral canadien est un vestige de l'ère pré-démocratique qui perdure parce que certains y trouvent leur compte. Depuis l'époque de la Confédération, il y a eu dix réformes du mode de scrutin au niveau provincial au Canada, ce qui prouve que nos élites politiques ne sont que trop heureuses de changer les règles (et de les rétablir au besoin) lorsqu'elles se sentent menacées et/ou que cela peut servir leurs intérêts. Changer le système électoral au niveau fédéral n'est donc pas simplement un impératif sur le plan technique, mais également un moyen d'injecter plus de substance démocratique dans notre système politique. Pour y parvenir, un mouvement de réforme démocratique devra prendre corps. Il n'est pas surprenant que lorsqu'ils sont laissés à eux-mêmes, nos partis dominants préfèrent que les électeurs et électrices canadiens restent enfermé(e)s dans une camisole de force d'options de vote stratégiques limitées à bonnet blanc conservateur et blanc bonnet libéral.

Dennis Pilon est un ancien membre du collectif éditorial de Canadian Dimension. Il est actuellement professeur et directeur du département de politique de l'Université York. Un panorama de ses écrits sur la démocratie canadienne et la réforme du système électoral (en anglais) est offert ici.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

La dérive des médias québécois vers la droite

20 mai, par À gauche — ,
La droitisation des médias québécois est au centre du débat. Une lettre co-signée par plus de 2 000 intellectuels et personnalités de la société civile a d'ailleurs été publiée (…)

La droitisation des médias québécois est au centre du débat. Une lettre co-signée par plus de 2 000 intellectuels et personnalités de la société civile a d'ailleurs été publiée pour s'opposer au financement public d'un groupe médiatique de droite radicale comme Québecor. Depuis plusieurs années, cette question de la dérive médiatique est abordée dans nos entrevues. Dans ce montage, vous pouvez écouter les réponses de plusieurs personnalités qui tentent d'expliquer les causes de cette dérive, souvent occultée par les médias eux-mêmes, qui ne réalisent pas que la crise actuelle les pousse à se radicaliser, parfois par nécessité économique, parfois pour des raisons idéologiques.

Dans cette vidéo, vous entendrez notamment : Alexandre Dumas, Catherine Dorion, Fred Savard, Frédéric Bérard, Jonathan Durand-Folco, Guillaume Wagner, Marc-André Cyr et Maïka Sondarjee.

16 mai 2025 | tiré de la chaine À gauche

Le média À gauche

Le média «  À gauche  » est une chaîne YouTube politique francophone fondée au Québec en 2021. Elle est principalement animée par des créateurs québécois et se consacre à la diffusion d'idées et de débats progressistes. La chaîne propose des entretiens avec des personnalités issues de divers courants de gauche, couvrant des thématiques telles que la critique du capitalisme, les inégalités sociales, la justice sociale, l'écologie, le féminisme et l'antiracisme. Elle est également active sur plusieurs plateformes, notamment Spotify, X (anciennement Twitter), Facebook, Instagram et Bluesky.

En 2025, « À gauche » compte environ 59 000 abonnés et plus de 20 millions de vues sur YouTube, avec une audience principalement composée de sympathisants de gauche en France et au Québec, mais aussi d'autres régions francophones

(Wikipédia)

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Les sécessionnistes du « Maple MAGA » au Canada

20 mai, par Gil McGowan — ,
La poussée séparatiste de droite en Alberta, alimentée par l'opportunisme politique et la puissance pétrolière, pourrait représenter un sérieux défi pour la démocratie (…)

La poussée séparatiste de droite en Alberta, alimentée par l'opportunisme politique et la puissance pétrolière, pourrait représenter un sérieux défi pour la démocratie canadienne — avec des conséquences potentiellement graves pour les travailleuses et travailleurs, l'économie, les services publics et le pays tout entier.

13 mai 2025 | tiré de Jacobin | Photo : Danielle Smith, première ministre de l'Alberta et cheffe du Parti conservateur uni (PCU), lors d'une conférence de presse à l'Assemblée législative de l'Alberta, le 6 mai 2025, à Edmonton. (Artur Widak / NurPhoto via Getty Images)

Moins de vingt-quatre heures après la victoire électorale du premier ministre libéral Mark Carney, Danielle Smith, première ministre de l'Alberta, a exprimé son mécontentement. Moins d'une semaine plus tard, elle dévoilait un plan visant à organiser un référendum sur la séparation de l'Alberta du reste du Canada.

Pour les observateurs américains, cette tournure peut sembler étrange. Après tout, la victoire de Carney a été attribuée, à juste titre, à une montée du patriotisme canadien. Les électeurs canadiens, inquiets des tarifs douaniers imposés par Donald Trump et de ses menaces de transformer le Canada en « 51ᵉ État », ont en majorité choisi Carney pour « tenir tête au tyran ».

Mais en pleine vague pro-Canada, Danielle Smith et son gouvernement du PCU ont fait cavalier seul. Pour eux, le nouveau premier ministre et son gouvernement à Ottawa représenteraient une menace plus grande pour l'Alberta que l'administration Trump à Washington.

Le contraste est frappant : alors que la plupart des premiers ministres provinciaux appelaient à l'unité autour du drapeau canadien, Smith, elle, prenait l'avion pour Mar-a-Lago, participait à des collectes de fonds organisées par PragerU, et imitait des gouverneurs républicains américains (ses modèles déclarés : Ron DeSantis et Kristi Noem).

Ottawa, bouc émissaire

Pourquoi Smith est-elle aussi décalée par rapport aux autres Canadien·ne·s — y compris la majorité des Albertain·e·s qui s'opposent à la séparation ? La réponse courte : la direction du PCU a vendu son âme au MAGA, ou du moins à son équivalent canadien, pour accéder au pouvoir.

Les racines du problème remontent au 5 mai 2015, quand les progressistes conservateurs (PC), traditionnellement dominants en Alberta, ont été battus par le Nouveau Parti démocratique (NPD), de gauche, dans une victoire historique. C'était la première fois que le NPD remportait une élection provinciale, et cela s'est produit parce que le mouvement conservateur s'était divisé.

D'un côté, les PC, au pouvoir depuis quarante-quatre ans dans cette province riche en pétrole ; de l'autre, le Wildrose Party, soutenu par des militants de style MAGA et des compagnies pétrolières avides de baisses d'impôts et de déréglementation. Inspiré par Fox News et le Tea Party américain, le Wildrose a divisé le vote conservateur, permettant au NPD de l'emporter.

Pour bien des conservateurs albertains, la victoire du NPD fut vécue comme un affront personnel. Le choc de la défaite a mené à une fusion rapide entre le PC et le Wildrose pour créer le Parti conservateur uni, qui a défait le NPD en 2019, puis de justesse en 2023. Mais cette unité conservatrice a eu un prix : le contrôle de facto du parti a basculé vers sa faction « Maple MAGA », de plus en plus radicale.

Comme pour les républicains aux États-Unis, la pandémie a accentué l'extrémisme du PCU. Son chef fondateur, Jason Kenney, a été évincé pour avoir eu le « tort » de prendre la COVID-19 au sérieux. Il a été remplacé par Smith, qui a marginalisé les experts de la santé publique et flatté la base la plus en colère du parti.

À l'image de son prédécesseur, Smith maintient l'unité de sa coalition en alimentant le ressentiment envers Ottawa. Elle accuse les libéraux fédéraux d'être « anti-énergie » — bien que le gouvernement de Justin Trudeau ait investi 34 milliards de dollars publics pour agrandir un pipeline qui génère des profits records pour les pétrolières albertaines.

Cette stratégie anti-Ottawa fonctionne si bien que lorsque Trump a évoqué l'idée de faire du Canada le « 51ᵉ État », une partie importante de la base du PCU — déjà conditionnée à voir Ottawa comme l'ennemi — a perçu la séparation comme l'étape logique pour défendre les intérêts de l'Alberta. Selon un sondage Angus Reid, environ un tiers des Albertain·e·s y sont favorables — mais ce chiffre grimpe à 65 % chez les électeurs du PCU.

Dans une entrevue récente, Smith a admis que sa volonté de faciliter un référendum sur la séparation repose sur une crainte : « s'il n'y a pas de soupape, un nouveau parti va émerger ». Autrement dit, dans l'esprit du « plus jamais ça » qui a motivé la fusion des PC et du Wildrose, elle préfère risquer de briser le pays plutôt que de diviser le vote conservateur, ce qui pourrait ramener le NPD au pouvoir.
La situation s'aggrave avec la naissance du Parti républicain de l'Alberta, qui a lancé une campagne bien financée d'annonces sur les réseaux sociaux, de sondages téléphoniques et de porte-à-porte pour vanter les mérites de la sécession.

Le business de la sécession

Qui finance tout cela ? Le Parti républicain de l'Alberta est-il une véritable force politique — ou une opération de façade alignée sur le PCU ? Existe-t-il des liens avec les réseaux MAGA américains ? Des acteurs étrangers cherchent-ils à exploiter cette vague populiste pour obtenir des contrats, de l'influence ou un accès aux ressources ?

Ces questions peuvent sembler spéculatives, mais elles méritent d'être posées, étant donné les milliards de dollars en jeu dans les sables bitumineux. Les intérêts extérieurs — étrangers ou non — pourraient chercher à tirer profit de cette instabilité politique. Ce qui est certain : ce n'est pas un exercice. C'est une menace réelle pour l'avenir de la fédération canadienne.

La bonne nouvelle, c'est que cette menace a mobilisé les Albertain·e·s non affiliés au PCU — en particulier les Premières Nations et le mouvement syndical.

Les dirigeants des organisations autochtones de l'Alberta, ainsi que plusieurs chefs de conseils de bande, ont envoyé des lettres à Smith affirmant qu'aucun gouvernement provincial n'a le droit de faire sécession sans le consentement des peuples autochtones. Ce serait, disent-ils, une violation des traités signés entre la Couronne et les Premières Nations.

Pendant ce temps, les délégués de la Fédération du travail de l'Alberta ont adopté à l'unanimité une déclaration s'engageant à combattre toute tentative de retirer l'Alberta du pays qu'ils « aiment, honorent et chérissent ».

Les raisons du refus

Les travailleuses et travailleurs, ainsi que leurs syndicats, s'opposent à la séparation pour plusieurs raisons clés :

1. Ils comprennent que la promotion du séparatisme par le PCU est une manœuvre cynique servant à protéger les intérêts partisans de la droite albertine, non le bien commun.

2. Ils y voient une distraction, destinée à détourner l'attention des échecs politiques et des scandales du PCU — notamment le scandale « CorruptCare », où le gouvernement Smith a attribué des contrats douteux à des proches du parti pour démanteler et privatiser le système de santé publique.

3. Ils savent que l'incertitude liée à la sécession nuira aux investissements et détruira des emplois — comme cela s'est produit au Québec lors des référendums de 1980 et 1995.

4. Ils reconnaissent qu'une Alberta indépendante, plus petite et moins viable économiquement, aurait du mal à maintenir ses services publics actuels — notamment la santé et l'éducation, déjà parmi les moins financées au pays. Une Alberta dirigée par le PCU aurait aussi du mal, voire refuserait, de maintenir des programmes nationaux comme le Régime de pensions du Canada, ou des services universels comme les soins dentaires, la pharmacare ou les services de garde.

5. Enfin, les syndicats albertains rejettent la séparation car ils savent qu'elle pourrait rapidement mener à l'annexion par l'Amérique de Trump.

Refaire de l'Alberta une province canadienne

Les Albertain·e·s refusent aussi l'idée de faire partie d'un pays où la démocratie se délite à vue d'œil ; où les droits syndicaux ont été supprimés pour des centaines de milliers de travailleurs du secteur public ; où les droits des femmes, des immigrants et des minorités sont systématiquement remis en cause ; où la science est niée ; où le déni du climat, de la COVID et des droits humains est devenu la norme ; et où des milliardaires, y compris le président lui-même, remplacent l'économie néolibérale par une économie mafieuse encore plus brutale.

Ainsi, malgré l'inquiétude provoquée par le séparatisme albertain, une volonté croissante de riposte s'installe. Smith et le PCU ont peut-être lancé cette bataille par pur cynisme — mais les peuples autochtones, les travailleurs et de nombreux Albertain·e·s sont déterminés à la gagner.

Ils croient que le Canada mérite qu'on se batte pour lui — et ils ont clairement indiqué qu'ils ne cesseront pas le combat tant que la menace du Maple MAGA ne sera pas neutralisée.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

« Les faux réfugiés de Trump » : alors que les États-Unis accueillent des Sud-Africains blancs, Trump dénonce à tort un « génocide »

20 mai, par Democracy now ! — , ,
L'administration Trump a suspendu la réinstallation des réfugiés dans la plupart des pays du monde, mais a accueilli lundi 59 Afrikaners sud-africains blancs à qui le statut de (…)

L'administration Trump a suspendu la réinstallation des réfugiés dans la plupart des pays du monde, mais a accueilli lundi 59 Afrikaners sud-africains blancs à qui le statut de réfugié a été accordé. Le président Trump affirme que les Afrikaners sont victimes de discrimination raciale — alors même que la minorité blanche en Afrique du Sud possède toujours la majorité des terres agricoles, plusieurs décennies après la fin de l'apartheid — et prétend qu'ils fuient un « génocide ». « Il s'agit d'une théorie du complot et d'un mythe qui circulent depuis des décennies dans les cercles populistes de droite et suprémacistes blancs », affirme Andile Zulu, essayiste politique et chercheur au Centre d'information alternative et de développement au Cap. Nous nous entretenons également avec Herman Wasserman, professeur de journalisme à l'Université de Stellenbosch, qui estime que l'administration Trump utilise les Afrikaners comme « des pions, des figurants dans une campagne qui prétend promouvoir la suprématie blanche ».

15 mai 2025 | tiré de Democracy now !

NERMEEN SHAIKH : Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a annoncé qu'il rencontrera le président Trump à la Maison-Blanche la semaine prochaine, après l'arrivée aux États-Unis lundi d'environ 59 Afrikaners ayant obtenu le statut de réfugié. Les Afrikaners sont les Sud-Africains blancs qui dirigeaient le pays pendant l'apartheid. Cela survient alors que l'administration Trump a suspendu la réinstallation des réfugiés pour presque tous les autres pays.

Lundi, Trump a affirmé que les Sud-Africains blancs subissaient une discrimination raciale, bien que la minorité blanche détienne encore la majorité des terres agricoles. Il a déclaré qu'il les autorisait à venir aux États-Unis pour échapper à un soi-disant « génocide ».

DONALD TRUMP : C'est un génocide qui a lieu et dont personne ne veut parler, mais c'est une chose terrible. Des agriculteurs sont tués. Ils sont blancs, mais qu'ils soient blancs ou noirs m'importe peu. Mais des fermiers blancs sont brutalement tués, et leurs terres sont confisquées en Afrique du Sud.

NERMEEN SHAIKH : Lundi, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a réfuté les accusations de Trump, les qualifiant de « récit complètement faux ». Mardi, il a rapporté sa conversation téléphonique avec Trump.

CYRIL RAMAPHOSA : J'ai parlé avec le président Trump au téléphone. Il m'a demandé : « Que se passe-t-il chez vous ? » Je lui ai répondu : « Président, ce qu'on vous a dit, par ceux qui s'opposent à la transformation en Afrique du Sud, n'est pas vrai. » Je lui ai ajouté que nous avions été bien formés par Nelson Mandela et d'autres leaders comme Oliver Tambo pour bâtir une nation unie à partir de nos diverses communautés. Nous sommes le seul pays du continent où les colonisateurs sont restés, et nous ne les avons jamais chassés. Ils vivent ici, et ils progressent. Ce sont des groupes marginaux, peu soutenus, qui s'opposent à la transformation et au changement, et qui préféreraient voir l'Afrique du Sud revenir à des politiques de type apartheid.

NERMEEN SHAIKH : Le conseiller de Trump d'origine sud-africaine, Elon Musk, a lui aussi accusé le gouvernement sud-africain de promouvoir un soi-disant « génocide blanc ». Le grand-père de Musk avait déménagé en Afrique du Sud pour soutenir le système d'apartheid.

AMY GOODMAN : Mercredi, le chatbot d'intelligence artificielle de Musk, Grok, est devenu un sujet tendance sur X (ex-Twitter), après avoir répondu à des questions en déclarant qu'il était « programmé par ses créateurs » pour accepter comme réel et raciste le génocide blanc, quelle que soit la question posée. Nous sommes rejoints au Cap, en Afrique du Sud, par deux invités :
Herman Wasserman, professeur de journalisme et directeur du Centre pour l'intégrité de l'information en Afrique à l'Université de Stellenbosch. Son nouvel article s'intitule « Les faux réfugiés de Trump ». Il est lui-même un Afrikaner blanc.
Andile Zulu, analyste politique au Centre d'information alternative et de développement, auteur d'un article intitulé « Race, pouvoir et politique de la distraction ».

HERMAN WASSERMAN : Ma première réaction a été l'incrédulité, suivie d'un sentiment de dégoût face à cette notion de « génocide blanc ». C'est une accusation rejetée par la majorité des Sud-Africains, y compris parmi les blancs.

ANDILE ZULU : Cette idée de génocide blanc qui vient de la Maison-Blanche est une vieille théorie du complot des milieux populistes d'extrême droite. Elle prétend que les Afrikaners sont victimes d'une violence étatique délibérée. Mais tous ceux qui connaissent la réalité du pays — la pauvreté, les inégalités, le chômage — savent que c'est totalement faux.

En réalité, cette propagande sert à mobiliser la peur d'une petite frange blanche mécontente d'avoir perdu ses privilèges. Cela rejoint aussi l'agenda du mouvement MAGA aux États-Unis, qui se présente comme défenseur de la « civilisation blanche ».

Cela a commencé avec l'adoption par Ramaphosa d'une nouvelle loi remplaçant l'Expropriation Act de 1975. Ce n'est même pas une loi radicale. Elle prévoit que l'État peut exproprier des terres pour l'intérêt public avec une compensation équitable. Et les cas où cette compensation serait nulle seraient très rares, selon les experts.

NERMEEN SHAIKH : Pour rappel, une loi de 1913 avait attribué plus de 90 % des terres sud-africaines aux Blancs. Aujourd'hui, bien qu'ils représentent environ 7 % de la population, ils détiennent encore environ 50 % des terres. Les Afrikaners figurent parmi les plus riches du pays. Andile, comment cette nouvelle a-t-elle été reçue en Afrique du Sud ?

ANDILE ZULU : C'est un mélange de frustration et d'incompréhension. Les statistiques parlent d'elles-mêmes : le chômage chez les Blancs est à 7,9 %, contre 36,9 % chez les Noirs. Le taux de pauvreté est de 1 % chez les Blancs, contre 64 % chez les Noirs. Les victimes de violence sont en immense majorité des jeunes Noirs vivant dans les townships.

Oui, les Sud-Africains blancs peuvent eux aussi être victimes de criminalité, mais ce n'est pas parce qu'ils sont blancs. C'est dû à un État dysfonctionnel, gangrené par la corruption et la politique néolibérale imposée à une économie en crise.

AMY GOODMAN : Herman Wasserman, aux États-Unis, des personnalités comme Elon Musk, Peter Thiel et d'autres membres de la « mafia PayPal » ont des liens avec l'Afrique du Sud de l'apartheid. Alors que la majorité des réfugiés dans le monde sont refusés, ce groupe de 59 Afrikaners est accueilli. Quelle est la signification de cela ?

HERMAN WASSERMAN : De nombreux médias sud-africains parlent de ces « réfugiés » entre guillemets, car tout le monde sait qu'ils ne le sont pas réellement. Cela contredit les conditions dramatiques dans lesquelles vivent de véritables réfugiés dans le monde.

Ce récit de persécution est le fruit d'une campagne de désinformation orchestrée depuis des années par des groupes comme AfriForum, qui militent à Washington, interviennent dans les médias conservateurs comme Tucker Carlson, et participent à des événements comme le CPAC. Ils y présentent l'Afrique du Sud comme un pays où les Blancs seraient persécutés, en proie à une sorte d'« apartheid inversé ».

Cette stratégie a porté ses fruits auprès de l'entourage de Trump, en particulier d'anciens Sud-Africains blancs proches de lui. Et maintenant, cette campagne trouve son apogée dans la reconnaissance de ces « réfugiés ».

Il faut aussi comprendre que cette décision vise à punir l'Afrique du Sud pour avoir porté plainte contre Israël devant la Cour internationale de justice. L'ordre exécutif mentionne explicitement la position sud-africaine sur Gaza.

En somme, ces 59 Afrikaners sont utilisés comme pions dans une vaste campagne politique, à la fois aux États-Unis — pour nourrir l'imaginaire de la « blancheur menacée » — et en Afrique du Sud, où ces groupes veulent faire pression sur le gouvernement. AfriForum ne cherche même pas à quitter le pays. Il s'agit d'un coup de force politique.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

77ème anniversaire de la Nakba : Noura Erakat s’adresse à l’ONU

À l'occasion du 77e anniversaire du début de la Nakba, Noura Erakat, juriste et coéditrice de Jadaliyya, s'est adressée à l'ONU (vidéo ci-dessous). Dans son discours, elle a (…)

À l'occasion du 77e anniversaire du début de la Nakba, Noura Erakat, juriste et coéditrice de Jadaliyya, s'est adressée à l'ONU (vidéo ci-dessous). Dans son discours, elle a mis en lumière les insuffisances du droit international face à la guerre génocidaire menée par Israël contre la population palestinienne de Gaza. Elle a également formulé des propositions concrètes d'intervention pour la communauté internationale. Enfin, elle a replacé l'impuissance actuelle des Nations Unies dans une perspective plus large, marquée par l'histoire de la domination impériale, de l'impunité coloniale et des logiques de conquête fascistes. Cliquez ici pour regarder l'intégralité de la commémoration du 77e anniversaire de la Nakba par l'ONU.

Tiré du site de la revue Contretemps.

La Nakba continue

Aujourd'hui marque le 585e jour du génocide. Chacun est ponctué d'atrocités inédites. Il y a deux jours, une petite fille en genouillère rouge, âgée de moins d'un an, a été amputée des deux jambes. Un missile a éventré un hôpital pour tuer un journaliste renommé qui y recevait des soins. Un garçon de 12 ans, témoin du massacre de 15 ambulanciers, a été assassiné ; les secouristes ont été ensevelis dans une fosse commune.

Israël a détruit 92 % des bâtiments résidentiels de Gaza, rendu ses 36 hôpitaux inopérants, et bloqué l'entrée de nourriture et de produits de première nécessité. Ce faisant, Israël ne se contente pas de tuer des Palestiniens aujourd'hui : il compromet l'avenir même du peuple palestinien. Une campagne qui vise à anéantir l'avenir d'un peuple est un génocide. Pourtant, malgré l'ampleur des faits et l'avis de la CIJ affirmant la plausibilité du crime de génocide, cette réalité demeure controversée. Pourquoi ?

L'argument avancé le plus fréquemment est qu'Israël ne cible pas les Palestiniens en tant que peuple, mais uniquement le Hamas. Laissons de côté les nombreuses objections juridiques et factuelles à cette thèse, et examinons quelques données :

À ce jour, au moins 2 % de la population de Gaza a été tuée (environ 52 400 personnes), dont plus de 20 000 enfants enterrés ou portés disparus. Les noms des enfants de moins d'un an remplissent les 14 premières pages d'un document de 649 pages. 1 200 familles entières ont été rayées des registres d'état civil. Trois mois après le début de la guerre, le coordinateur humanitaire de l'ONU a déclaré Gaza « inhabitable » — et la situation ne cesse d'empirer. On est bien au-delà d'une opération contre les seuls combattants du Hamas.

Israël soutient que ces chiffres ne sont pas pertinents, car ils seraient dus à l'usage de « boucliers humains » par le Hamas. Mais, là encore, au-delà du débat juridique, voici quelques-unes des méthodes utilisées par l'armée israélienne elle-même :

– Tirer délibérément sur des enfants au-dessus de la taille

– Utiliser des drones pour viser des enfants blessés allongés au sol

– Détruire la plus grande clinique de FIV (Al Basma), y compris 4 000 embryons

– Exécuter des patients les mains liées, puis les jeter dans des fosses communes

– Agressions sexuelles contre des prisonniers détenus sans procès

– Bombardement de routes désignées comme “sûres” pour l'évacuation des civils

– Bombardement de zones dites “refuge”

– Torture et exécution de médecins

– Destruction de plus de la moitié des usines de dessalement, compromettant l'accès à l'eau potable

– Raser quatre universités principales, attaquer des usines, bibliothèques, boulangeries, sites patrimoniaux, 247 mosquées, trois églises, seize cimetières

Comme l'a écrit la professeure Sherene Seikaly,

« Tout observateur honnête de cette guerre comprend que la cible des forces israéliennes et des armes fournies par les États-Unis est la population civile palestinienne. Les combattants du Hamas sont des « dommages collatéraux ».

L'objectif de cette campagne est la destruction du peuple palestinien, sous couvert de la sécurité à long terme d'Israël — ce que j'appelle « la paix de la Nakba », un oxymore violent fondé sur l'élimination des Palestiniens au nom de la sécurité juive-israélienne.

Depuis 77 ans, Israël expulse des Palestiniens dans la poursuite de ses ambitions territoriales. Depuis 58 ans, il maintient une occupation militaire permanente en Cisjordanie et à Gaza. Depuis 17 ans, il impose un blocus à 2,3 millions de Palestiniens. Ce que nous vivons depuis 585 jours est l'épisode le plus cruel et le plus brutal de la Nakba en cours.

Le 12 novembre 2023, le ministre de l'Agriculture, Avi Dichter (1952), nous l'a dit clairement : « C'est la Nakba 2023 ». Cette campagne se déploie dans toutes les régions palestiniennes, y compris dans le nord de la Cisjordanie, où environ 40 000 Palestiniens ont été expulsés cette année. L'administration Trump avait intégré cet objectif dans son projet de transformation de Gaza en une « Riviera », en envisageant l'expulsion des Palestiniens vers le Soudan, la Somalie ou la Syrie. Plus récemment, le 4 mai 2025, le cabinet israélien a voté à l'unanimité la réoccupation de l'ensemble de la bande de Gaza et le nettoyage ethnique de sa population restante.

C'est pourquoi le retour, début 2025, de plus de 300 000 Palestiniens dans leurs foyers du nord de Gaza fut un événement aussi extraordinaire. Pour la première fois en près de huit décennies de Nakba, nous avons assisté à un retour massif des Palestiniens, incarnant les trois aspirations nationales fondamentales du peuple palestinien. Comme l'a raconté Ahmed Abu Artema (1984), qui a rejoint sa maison à pied :

Ce jour-là, j'ai marché comme jamais auparavant, environ 15 km sans m'arrêter. Je suis entré dans la ville de Gaza, un rêve longtemps caressé pendant les jours de guerre, désormais réalisé.

Malgré une cruauté sans précédent, les Palestiniens ont refusé de se rendre et ont marché vers leur foyer à pied. C'est précisément pour cette raison que les Palestiniens sont considérés comme une menace pour la sécurité : parce que nous refusons de disparaître. La Nakba se poursuit, tout comme la résistance palestinienne à notre élimination.

Le droit international

Il existe suffisamment de lois appelant à mettre fin au génocide, lever le blocus, mettre fin à l'occupation et garantir l'autodétermination du peuple palestinien. Si le droit international avait jamais été réellement efficace, les réfugiés palestiniens élèveraient aujourd'hui leurs familles et cultiveraient leurs jardins sur leurs terres d'origine, plutôt que de chercher les restes de leurs enfants sous les décombres.

Fait remarquable : cette période de génocide a également été marquée par des avancées judiciaires notables en faveur de la libération du peuple palestinien.

En janvier 2024, la Cour internationale de Justice (CIJ) a estimé que la campagne menée par Israël relevait d'un génocide plausible. En mai 2024, elle a adopté une nouvelle mesure provisoire ordonnant le retrait des troupes israéliennes de Rafah. Le même mois, la Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d'arrêt contre Benjamin Netanyahou (1949) et Yoav Gallant (1958).

En juillet 2024, la CIJ a rendu un avis consultatif déclarant illégale la présence israélienne en Cisjordanie et à Gaza, exigeant le retrait des colons et des forces militaires, ainsi que des réparations en faveur du peuple palestinien. Le mois dernier, la CIJ a examiné un recours relatif à l'interdiction de l'UNRWA – l'agence onusienne pour les réfugiés palestiniens – désormais interdite dans le cadre d'une campagne de famine qui a causé la mort de 57 enfants en deux mois.

Dans les derniers jours de son mandat, l'administration Biden a reconnu l'existence d'un génocide contre la tribu ethnique Masalit au Darfour par les Forces de soutien rapide. Lorsqu'on lui a demandé si les mêmes critères pouvaient être utilisés pour statuer sur la campagne d'Israël à Gaza, l'ambassadrice itinérante des États-Unis pour la justice pénale mondiale a répondu que « c'est finalement aux juges [de la CIJ] d'en décider », sans la moindre ironie sur le fait que les États-Unis n'ont pas eu à présenter de preuves devant la CIJ dans le cas du Soudan.

Il ne s'agit pas d'une controverse juridique, mais d'un conflit politique. La déférence sélective envers la CIJ, lorsqu'il s'agit du génocide des Palestiniens, vise essentiellement à se défausser de toute responsabilité. Parallèlement, une contre-révolution mondiale s'attaque aux militants et cherche à réécrire l'histoire contemporaine. Depuis 2020, un consensus croissant parmi les ONG de défense des droits humains – ainsi qu'au sein de la CIJ – désigne Israël comme un régime d'apartheid. Mais au lieu de le boycotter, de désinvestir et de sanctionner, la communauté internationale a préféré normaliser cet apartheid. Cinq ans plus tard, nous en voyons les conséquences.

L'apartheid et le génocide s'inscrivent dans un même continuum. Trois des actes spécifiques permettant de maintenir un régime d'apartheid sont identiques à ceux constitutifs d'un génocide. Dans le premier cas, ils sont motivés par l'intention de dominer ; dans le second, par celle de détruire. Le génocide est l'aboutissement logique de tout projet de conquête et de colonisation d'un territoire habité par un autre peuple – à moins qu'on ne l'arrête.

Nombre d'entre vous ont connu le colonialisme, ou sont les descendants directs de celles et ceux qui l'ont subi. Vous connaissez intimement l'héritage qu'il laisse. C'est pourquoi, en 1974, cette institution a déclaré avec force que les Palestiniens formaient un peuple au regard du droit, qu'ils existent et méritent d'exister. En reléguant la question palestinienne au rang de différend politique bilatéral, hors du cadre des normes internationales, vous avez contribué à normaliser l'occupation. En renonçant aux sanctions et au boycott, beaucoup d'entre vous ont normalisé l'apartheid – et aujourd'hui, par votre inaction, vous êtes en passe de normaliser le génocide.

Mais si vous normalisez le génocide, il ne restera plus rien.

Si l'on permet qu'un peuple soit nié dans son existence, enfermé, soumis à une guerre systématique ; si l'on utilise l'intelligence artificielle pour le bombarder sans répit dans ses maisons, le brûler vif dans des tentes, le transformer en cobaye de drones suicides ; si l'on refuse à ses malades les soins médicaux, aux prématurés l'accès aux soins intensifs, aux femmes enceintes l'anesthésie ; si l'on l'affame alors que les camions d'aide humanitaire s'accumulent sans pouvoir décharger leur cargaison – et que tout cela reste sans conséquences, voire justifié au nom de la « souveraineté » des colons sionistes –, alors je vous le dis : plus personne n'est en sécurité. Comme l'a affirmé le président colombien Gustavo Petro (1960) : « Gaza est une répétition pour le reste du monde.

Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich (1980), a récemment déclaré que la victoire dans cette guerre signifierait la destruction totale de Gaza et le déplacement de ses habitants. Il s'est également vanté que les Israéliens « vont enfin conquérir la bande de Gaza. Nous n'avons plus peur du mot occupation ». L'audace de Smotrich est notre échec.

Vous devez empêcher Smotrich et tous ceux qui partagent son opinion de se vanter d'une conquête par le génocide au XXIe siècle, vous devez faire en sorte que ceux qui tiennent de tels propos soient réduits à murmurer leur propos.

L'incapacité d'un système mondial

Soyons honnêtes, la plupart d'entre vous craignent les représailles des États-Unis. Le génocide à Gaza est l'une des atrocités majeures de notre époque, et la majorité des habitants de la planète s'y opposent. Notre incapacité à l'arrêter reflète un système international où l'égalité entre les États-nations demeure un principe idéal, mais rarement appliqué.

Il serait peut-être bon de rappeler que les États-Unis sont un empire, mais qu'ils ne sont pas le monde. À l'heure actuelle, les parlementaires américains accueillent à la Maison Blanche Benjamin Netanyahou, criminel de guerre international. Des parlementaires et universités américaines ont aussi reçu Itamar Ben Gvir (1976), ministre de la Sécurité nationale, disqualifié du service militaire pour son appartenance au mouvement Kahane, reconnu comme organisation terroriste par les États-Unis eux-mêmes et par Israël.

Peut-on imaginer une personne tellement extrême qu'elle soit exclue de l'armée israélienne ? La même armée qui a criblé de 335 balles une fillette de cinq ans et demi, exécuté quinze ambulanciers et les a enterrés, avec leurs ambulances, dans une fosse commune ? L'armée israélienne n'a pas voulu de Ben Gvir, mais il a été accueilli à bras ouverts par des législateurs et des universités étatsuniennes, tout comme ils se sont entendus pour faire expulser, disparaître ou arrêter des étudiants. Ne cherchez pas de leadership moral ou politique en Occident. Les États-Unis ont depuis longtemps abandonné cette position. Ne laissez pas les États-Unis et Israël renverser l'ordre mondial.

En défendant Israël, les États-Unis mettent en péril l'ensemble de l'architecture juridique établie après la Seconde Guerre mondiale :

– Ils ont opposé leur veto à cinq résolutions de cessez-le-feu destinées à mettre fin au génocide, malgré l'invocation exceptionnelle de l'article 99 par le Secrétaire général de l'ONU, et deux recours à la résolution « Unis pour la paix ». Par ailleurs, au Conseil de sécurité, les Etats-Unis ont opposé leur veto cinq fois pour bloquer un cessez-le-feu en Palestine (49 vetos depuis 1967), et 15 fois pour protéger l'apartheid en Afrique du Sud (entre 1963 et 1988).

– Les administrations Biden et Trump ont toutes deux discrédité la CIJ : John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, a qualifié l'affaire portant sur la Convention sur le génocide de « sans fondement, contre-productive et totalement dénuée de toute base factuelle ».

– Les États-Unis ne sont pas signataires du Statut de Rome, fondateur de la CPI. L'administration Trump a même émis un décret pour sanctionner le procureur et toute personne coopérant avec la Cour.

– En octobre 2024, 107 membres du Congrès ont menacé de suspendre le financement de l'ONU si elle prenait des mesures contre Israël. Ils ont littéralement menacé son budget… pour avoir fait son travail.

– À quoi sert donc l'ONU, si elle est incapable d'empêcher un génocide et une famine organisée visant 2 millions de personnes ?

La communauté internationale a déjà échoué, à maintes reprises, avec un coût humain dévastateur. L'un des échecs les plus tragiques remonte à 1936, lorsque la Société des Nations a laissé Mussolini envahir l'Éthiopie, un État indépendant. Elle a décrété des sanctions symboliques, refusé l'embargo pétrolier, toléré l'usage d'armes chimiques et qualifié la lutte éthiopienne de « bouclier humain ». Ce racisme impérial a précipité l'effondrement de la Société des Nations.

L'ONU est née de cet échec. Elle est née de la promesse de ne plus jamais permettre des atrocités comme le génocide des Namibiens, celui des Arméniens ou l'Holocauste. C'est cet engagement qui est aujourd'hui mis à l'épreuve. Si vous ne vous élevez pas pour dénoncer ces crimes, ce système périra sous les coups de la guerre génocidaire menée par les États-Unis et Israël contre le peuple palestinien.

Aujourd'hui, nous n'avons pas besoin d'une ONU comme simple symbole de la coopération internationale. Ce qu'il faut, c'est une action collective puissante et décisive.

Conclusion

À l'heure actuelle, plusieurs choix s'offrent à nous. Nous pouvons reconnaître la campagne d'Israël comme un génocide et imposer un embargo sur les armes, bloquer les ports, rompre les relations diplomatiques, suspendre tout commerce civil et militaire, imposer des boycotts culturels et universitaires, et sanctionner Israël pour ses violations persistantes.

Si le terme de génocide vous semble trop fort, vous pouvez considérer cette horreur comme une guerre — plus précisément, une guerre coloniale menée par un régime raciste et une puissance occupante. Dans ce cadre, les protocoles additionnels et le droit coutumier de la guerre permettent de reconnaître les captifs comme prisonniers de guerre, de leur garantir un traitement humain, de reconnaître les militants palestiniens comme des combattants, et d'autoriser l'intervention d'une tierce partie. Le droit peut être mobilisé pour protéger les hôpitaux, les écoles et les refuges ; pour assurer la sécurité des journalistes, des médecins et des travailleurs humanitaires ; pour ouvrir de force des couloirs humanitaires ; et pour faire exécuter les mandats d'arrêt émis par la CPI contre Netanyahou et Gallant dès leur arrivée.

Si la guerre semble un terme trop fort, vous pouvez alors considérer cette situation comme une tragédie humanitaire. Dans ce cas, vous pouvez envoyer une mission de maintien de la paix pour protéger les Palestiniens, à qui l'on dénie depuis près de huit décennies le droit à l'autodéfense.

Et si même la tragédie humanitaire vous semble trop lourde à porter, alors éprouvez au moins la force d'éprouver de la pitié pour les enfants palestiniens — ceux qu'on a extraits des décombres, amputés, orphelins, enfermés dans des cages sans nourriture ni eau.

Ne restez pas assis, détenteurs de pouvoir, sans agir. Les États-Unis sont un empire, mais les États-Unis ne sont pas le monde. Vous êtes le monde. Chacun d'entre vous détient le pouvoir de mettre fin à cette mascarade et d'accomplir le devoir minimal de garantir à un peuple le droit d'exister.

Chacun d'entre vous est l'ancêtre de quelqu'un. Un jour, vous serez un souvenir. Notre passage sur cette terre est éphémère : je vous implore de lui donner un sens.

Comme nous le rappelle le poète palestinien Mahmoud Darwich (1941-2008) :

  1. « Nous ne sommes pas le peuple le plus élu au monde, mais personne n'est plus élu que nous. »
  1. Vous ne pouvez pas abandonner la Palestine sans trahir votre héritage, vos descendants, et vous-mêmes.
  1. Puissions-nous transformer ce monde en un lieu digne de nos enfants.
  1. Puissiez-vous être protégés.
  1. Puissiez-vous être forts.
  1. Puissions-nous être victorieux.
  1. Libérez la Palestine — et que la Palestine nous libère tous.

*

Illustration : Jaber Jehad Badwan / Wikimedia Commons.

Noura Erakat est professeure d'études africaines et du programme de justice pénale à l'Université Rutgers, à New Brunswick. Noura Erakat est l'autrice de Justice for Some : Law and the Question of Palestine (Stanford University Press, 2019), ouvrage couronné par le Palestine Book Award et la médaille de bronze des Independent Publishers Book Awards dans la catégorie Actualités / Affaires internationales. Elle est cofondatrice et rédactrice en chef de la revue Jadaliyya, elle siège également aux comités de rédaction du Journal of Palestine Studies et de Human Geography. Elle est par ailleurs membre fondatrice du conseil d'administration du DC Palestinian Film and Arts Festival.

Juriste de formation, elle a été conseillère juridique auprès d'une sous-commission du Congrès des États-Unis, avocate pour le Badil Resource Center for Palestinian Refugee and Residency Rights ainsi qu'organisatrice nationale de la campagne aux États-Unis pour mettre fin à l'occupation israélienne.

Noura Erakat a aussi produit plusieurs documentaires vidéo, notamment « Gaza In Context » et « Black Palestinian Solidarity ». Ses articles ont été publiés dans The Washington Post, The New York Times, Los Angeles Review of Books, The Nation, Al Jazeera et Boston Review. Elle intervient régulièrement sur CBS News, CNN, MSNBC, CBS, Fox News, la BBC et NPR. Elle a été chercheuse invitée au Religious Literacy Project de la Harvard Divinity School (2021) et Freedom Fellow de la Fondation Marguerite Casey.


Initialement publié par Jadalyya. Traduit de l'anglais pour Contretemps par Christian Dubucq

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Cachemire, Inde, Pakistan : sur l’histoire et les enjeux internationalistes d’un état de guerre

20 mai, par Pierre Rousset — , , ,
Cet article tente de faire le point après la récente crise « chaude » qui a opposé l'Inde et le Pakistan autour de la question du Cachemire. De nombreux facteurs sont à prendre (…)

Cet article tente de faire le point après la récente crise « chaude » qui a opposé l'Inde et le Pakistan autour de la question du Cachemire. De nombreux facteurs sont à prendre en compte. Les récents événements s'inscrivent sans conteste dans une longue histoire de tensions militaires et de guerres qui remontent à la partition désastreuse imposée au sous-continent par l'impérialisme britannique en 1947.

Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
17 mai 2025

Par Pierre Rousset

Dans la dernière période cependant, des changements profonds ont affecté les pays concernés, ainsi que l'environnement géopolitique, la gestion régionale des ressources en eau ou les armements utilisés. On ne peut donc pas partir du postulat selon lequel l'histoire ne ferait que se répéter quasiment à l'identique. C'est peut-être la principale question qui nous est posée : qu'y a-t-il de neuf ? C'est évidemment avant tout aux organisations de gauche de la région d'y répondre. Je me contenterai de soumettre à la discussion et à la critique des éléments d'analyse ou des hypothèses, quitte à devoir réviser ma copie.

La partition de 1947 a imposé un gigantesque déplacement forcé de population, concernant environ 15 millions de personnes, selon des critères religieux. Les musulmans ont été regroupés au Pakistan à l'ouest (dans le bassin de l'Indus) et à l'est du sous-continent (dans le bassin du Gange, le Pakistan oriental étant devenu le Bangladesh après la guerre d'indépendance de 1971). Il reste cependant aujourd'hui encore une très importante population musulmane dans l'Etat indien d'Hyderabad. Bon nombre d'hindou.es qui vivaient en territoire « musulmans » ont pour leur part rejoint l'Inde, mais pas toutes et tous.

Le Cachemire est un pays himalayen qui était inclus dans les frontières de l'Empire britannique. Sa population est majoritairement musulmane. Il a été fracturé par la partition dite « inachevée » de 1947 et la Première Guerre indo-pakistanaise qui a suivi. Un vote d'autodétermination était promis, il n'a évidemment jamais eu lieu. Le Pakistan occupe aujourd'hui les territoires de l'Azad Cachemire et du Gilgit-Baltistan ; l'Inde les territoires du Jammu-et-Cachemire et du Ladakh ; la Chine l'Aksai Chin et la vallée de Shaksgam.

[Carte du Cachemire - Wikipedia-https://en.wikipedia.org/wiki/Kashmir#/media/File:Kashmir_region._LOC_2003626427_-_showing_sub-regions_administered_by_different_countries.jpg]

Une tension permanente et trois guerres

Les conséquences de la politique impériale du « diviser pour régner » se font toujours sentir, mais essentiellement parce que les élites au pouvoir les ravivent en permanence. Cet état latent de guerre de basse intensité est utilisé par les régimes pakistanais et indiens pour marginaliser ou faire taire les oppositions, en appeler (avec un succès inégal) à l'union nationale, détourner l'attention des problèmes sociaux, justifier l'ampleur des budgets militaires, etc.

Trois guerres de haute intensité ont eu lieu. La première en 1947-1949, dans la foulée de la partition. Elle se conclut sous l'égide de l'ONU par l'établissement d'une ligne de contrôle coupant le Cachemire en deux (il ne s'agit pas d'une frontière reconnue). La deuxième en 1965-1966 et la troisième en 1999, sur les hauteurs de Kargil, faisant plusieurs milliers de morts de part et d'autre. Les combats se mènent en altitude dans des conditions très éprouvantes.

L'Inde s'est dotée de l'arme nucléaire en 1974, en réponse à la Chine avec qui elle est aussi en conflit à la frontière himalayenne. Le Pakistan a importé la technologie idoine et a procédé à ses premiers essais en 1998 (c'est le seul pays musulman à la posséder). Pas plus qu'en Europe cependant, « l'équilibre de la terreur » n'a mis met fin aux conflits militaires, même si la situation est bien différente que dans la péninsule coréenne où il est difficile d'ignorer les risques de « dérapages ». La France cherche pour sa part à « normaliser » politiquement l'idée de son usage en évoquant ses recherches sur un armement « tactique » - un dangereux nuage de fumée. Le désarmement nucléaire universel reste une urgence première.

Le déroulé de la crise présente

Le 22 avril, un groupe armé religieux commet un attentat à Pahalgam dans la partie orientale du Cachemire (sous occupation indienne). L'Inde dénonce le Pakistan.

Le 7 mai, New Delhi lance l'opération Sindoor. Outre les tirs d'artillerie usuels de part et d'autre de la ligne de contrôle au Cachemire, son aviation et ses drones s'attaquent à de nombreuses cibles en territoire pakistanais.

Le conflit prend de l'ampleur, le Pakistan envoyant notamment des drones détruire des objectifs en profondeur en Inde, y compris des aéroports.

Dans les deux pays, les médias ont enflammé le nationalisme guerrier. Mais il est clair que l'usage massif de drones, notamment, a changé la donne. La bourgeoisie indienne était partie prenante de l'hystérie patriotique, elle a dessoulé et exigé du Premier ministre Narenda Modi qu'il accepte un cessez-le-feu. L'Inde tente de profiter du confit Washington-Pékin pour attirer les capitaux internationaux. Souffler sur les braises de l'idéologie antimusulmane, c'est bon pour la politique ethnonationaliste du BJP (le parti de Modi) qui vise à finaliser le processus d'« hindouisation » illibérale du pays - mais l'insécurité militaire, c'est mauvais pour les affaires.

Le pouvoir indien a toujours eu un sentiment de supériorité vis-à-vis de son voisin pakistanais. La démographie, la profondeur stratégique (1.600 km d'est en ouest), les capacités économiques et aujourd'hui une idéologie raciste nourrissent ce sentiment. Stratégiquement, le Pakistan n'a pas ces avantages. Les liens entretenus de longue date par les services secrets de l'armée avec les talibans afghans, à sa frontière nord-ouest, devaient en faire un pays « amis », le dotant précisément d'une certaine profondeur stratégique. Lesdits talibans afghans sont aujourd'hui devenus ses premiers ennemis, soutenant les talibans pakistanais.

La défense pakistanaise s'est cependant révélée plus efficace que prévu. Ses pilotes seraient mieux entraînés que ceux de son grand voisin. Elle est dotée d'une flotte aérienne et de missiles chinois qui peuvent frapper de très loin l'attaquant. Cinq avions indiens auraient ainsi été abattus, dont le Rafale français, ses capacités de contre-mesures protégeant des missiles ne semblant pas avoir été efficaces ou activées.

Islamabad ne peut cependant pas soutenir un effort de guerre durable. Le pays croule sous les dettes et il est sous intense pression du FMI. Chaque pays clamant victoire, la signature de l'accord de cessez-le-feu s'est imposée le 10 mai et fut annoncée le 12. Ce n'est qu'une trêve, pas une paix. Après avoir chauffé à blanc les partisans du BJP, qui ne comprennent pas cette trêve, Narenda Modi a ainsi déclaré que l'opération Sindoor n'était pas terminée, qu'elle serait même devenue une politique permanente du pouvoir. Il se prépare ainsi à d'importantes échéances électorales, notamment dans l'Etat du Bihar, en continuant d'attiser la « haine antimusulmane » contre son voisin, ainsi que contre l'importante communauté musulmane d'Inde dans l'Etat d'Hyderabad. Les chrétiens sont aussi la cible des fondamentalistes hindouistes, tenants du suprémacisme hindou (le Hindutva).

Qui a commis l'attentat de Pahalgam ?

Qui est le groupe armé fondamentaliste qui a mené l'opération terroriste du 22 avril, à Pahalgam, au Cachemire sous occupation indienne, faisant 26 victimes parfaitement innocentes ? L'Inde a immédiatement dénoncé le Lashkar-e-Taiba, ce qui lui permet de mettre directement en cause Islamabad, le LeT étant effectivement lié à l'armée pakistanaise. Rien n'indique cependant que tel soit le cas.

Tout en se refusant à soutenir le régime indien et à s'intégrer dans une dynamique union nationale (ce qu'ont fait les deux grands partis de gauche CPI et CPM), mes camarades indiens semblent persuadés que l'attentat de Pahalgam a été effectivement commandité par les services pakistanais. Ce qui me paraît étrange, c'est que la possibilité, voire la probabilité, d'une action (absolument condamnable dans son caractère terroriste) menée par un groupe proprement cachemiri ne soit apparemment pas envisagée. Cette hypothèse mérite pourtant d'être prise au sérieux.

Ce groupe a opéré très loin de la ligne de démarcation sans moyens sophistiqués, avec l'armement de base de toute guérilla, semble-t-il (des armes automatiques, mais pas d'explosifs de qualité), dans une zone ultra-militarisée où les déplacements sur de longues distances sont dangereux. La situation au Jammu-et-Cachemire ne cesse de s'aggraver pour les habitants tant sur le plan social que religieux. Le statut d'autonomie dont « bénéficiait » le territoire n'a jamais signifié grand-chose en pratique, mais le fait qu'il a été abrogé en 2019 annonçait un durcissement brutal de la politique coloniale de dépossession menée par New Delhi, impulsant une dynamique d'hindouisation de l'administration, etc. Les « personnes disparues » sont si nombreuses que l'on parle des « demi-veuves », des femmes qui ne savent pas si leur mari est mort ou vivant. Une situation répressive que dénoncent sans ambiguïté mes camarades indiens. Dans ces conditions, ce qui serait étonnant, c'est qu'aucun groupe local de résistance ne se forme.

Les conditions sont beaucoup moins drastiques dans les territoires cachemiris sous administration pakistanaise.

Il est indubitable que l'armée et les services du renseignement militaire (Inter-Service Intelligence, ISI) ont formé et encadré les organisations terroristes qui opéraient dans le Jammu-et-Cachemire. Cependant, dernièrement, la situation a changé. Une bonne partie des formations fondamentalistes basées au Pakistan auraient pris leur autonomie, poursuivant dorénavant leurs propres objectifs. Quant aux Talibans afghans, ils soutiennent les Talibans pakistanais (le Tehreek Taliban Pakistan, TTP)… qui combattent les militaires et contrôlent une partie du territoire. Ils leur ont fourni un armement lourd pris sur les stocks laissés par les Etats-Unis et leurs alliés locaux quand ils ont quitté en catastrophe le pays en 2021.

Le Pakistan a longtemps vécu sous des régimes militaires directs ou indirects (comme aujourd'hui, avec pour façade le gouvernement de Shehbaz Sharif), les périodes démocratiques n'étant que des interludes. Il traverse cependant une crise de régime probablement sans précédent. L'armée pakistanaise est très impopulaire depuis qu'elle a jeté en prison son protégé d'hier, Imran Kahn, qui était devenu trop puissant et qui est resté étonnamment populaire. Un haut gradé pakistanais peut plastronner après l'attentat pour tenter de redorer sont blason, mais l'appel à l'union nationale derrière la caste militaire semble rester pour l'heure lettre morte, quelle que soit la colère ressentie dans la population après les attaques de l'opération Sindoor qui a visé, outre des installations militaires, des écoles religieuses (madrasas) et des mosquées qui n'étaient plus des centres de formation fondamentalistes.

Géopolitique de l'eau et des pouvoirs

La tension régionale a été considérablement aggravée par la décision du gouvernement Modi de suspendre le Traité de l'Indus. Le partage équitable de ses eaux est en effet vital pour le Pakistan, contribuant notamment à l'irrigation de l'agriculture au Pendjab, grenier à blé du pays. Signé en 1960, ce traité constitue un mécanisme de coopération stable entre les deux pays, chose assez rare pour le souligner. Cette suspension, prise après l'attentat de Pahalgam, équivaut à un véritable acte d'hostilité. Comme l'on sait, à l'heure du réchauffement climatique, le contrôle des ressources aquifères devient un enjeu stratégique plus encore que par le passé.

La Turquie et des Etats du Proche ou Moyen-Orient sont intervenus en médiateurs pour l'arrêt des combats. Ils défendront par ailleurs le Pakistan – l'un des plus grands pays musulmans du monde avec l'Indonésie et celui qui pourrait leur donner accès à l'arme nucléaire. Mais les deux puissances qui comptent restent les Etats-Unis et la Chine. Qui peut prédire ce que fera Trump demain ? Reste Pékin.

Le « corridor pakistanais » a une importance majeure pour le régime chinois, lui permettant de contourner par l'ouest l'Inde pour accéder à l'océan. La voie nord-sud qui conduit au port de Gwadar (en construction) commence au Cachemire sous administration pakistanaise (au Gilgit-Baltistan) pour se terminer au Baloutchistan, zone de conflit où opèrent divers mouvements de résistance indépendantistes (soutenus parfois par l'Inde ?) où l'armée pakistanaise ne fait pas dans la dentelle (ici aussi, des personnes « disparaissent). Les investissements chinois sont considérables et ses forces armées sont présentes tout du long du corridor, sous couvert des services de sécurité des entreprises… chinoises. L'emprise de Pékin est si manifeste que cela a provoqué quelques remous au sein des élites pakistanaises, mais cela ressemble fort à un fait accompli.

Voilà une donnée que le régime Modi ne peut se permettre d'ignorer.

Prendre en compte le neuf, décentrer son regard, agir en internationaliste

Il nous faut penser le neuf. Dans le cas qui nous intéresse ici, le « neuf » est considérable : en Inde, la dynamique excluante de l'Hindutva (Modi revendique l'entièreté des frontières de l'ancien Empire britannique) ; au Pakistan une crise de régime majeure dans un pays taraudé par les régionalismes et les conflits armés ; un bouleversement de la géographie des mouvements fondamentalistes ; les effets accélérés de la crise climatique ; le renouvellement des enjeux géopolitiques avec l'inconnue que représente l'avenir d'une autre crise de régime, celle dans laquelle s'enfoncent les Etats-Unis et dont les répercussions seront mondiales…

Il est normal que dans un premier temps, chaque organisation analyse l'état de crise régionale, disons à partir de son pays et de son orientation politique propre. Cependant, pour pousser l'analyse et agir en commun, au-delà des frontières, il faut faire l'effort de décentrer son regard en observant la situation telle que vu d'autres pays impliqués dans la crise (et d'autres organisations avec lesquelles on veut agir).

Cela vaut en Europe (que les ouest européens voient la guerre ukrainienne telle qu'elle est vécue en Europe de l'Est), où pour un Européen qui cherche à comprendre une lointaine crise asiatique…

L'internationalisme est évidemment le fil à plomb pour les forces qui se réclament de la gauche en cas de conflit militaire. Dans leur grande majorité, mes camarades des pays concernés ont maintenu ce fil à plomb à contre-courant et face à d'intenses pressions, maintenant leurs positions contre l'union nationale et le militarisme, pour la pleine reconnaissance du droit à l'autodétermination des Cachemiris, un devoir premier pour les militant.es pakistanais.es, indien.nes et… chinois.es.

La mise en œuvre de ce droit à l'autodétermination n'est pas simple, y compris parce que chaque territoire cachemiri a vécu une séparation des décennies durant. Néanmoins, tant que ce droit d'autodétermination des Cachemiri.es ne sera pas reconnu, il n'y aura aucune solution durable à une crise régionale qu'instrumentalisent bien des pouvoirs établis, étatiques ou non.

Pierre Rousset

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Des cadres du NPD tentent de truquer la course à la direction en faveur d’un candidat de l’establishment

20 mai, par Martin Lukacs — ,
Le parti a besoin d'un renouveau audacieux et démocratique — mais les initiés veulent une course rapide et manipulée pour verrouiller le statu quo. La course à la direction du (…)

Le parti a besoin d'un renouveau audacieux et démocratique — mais les initiés veulent une course rapide et manipulée pour verrouiller le statu quo. La course à la direction du Nouveau Parti démocratique n'a même pas encore commencé que l'establishment du parti semble déjà vouloir en biaiser l'issue en sa faveur.

14 mai 2025 | tiré du site Breach media
https://breachmedia.ca/ndp-leadership-race-insiders-establishment-candidate-lobby/

On pourrait croire qu'après l'implosion du NPD lors de la récente élection, les stratèges qui dirigent le parti depuis deux décennies feraient une pause. Peut-être un peu d'introspection. Voire consulter les membres déçus du parti — sans parler des près de deux millions d'électeurs néo-démocrates qui ont voté pour d'autres partis le mois dernier.

Mais la caste des consultants professionnels, où se concentre le pouvoir, ne voit aucun problème fondamental dans son approche. Ces stratèges alternent entre des postes de direction au sein des partis fédéral et provinciaux et des firmes corporatives post-partisanes lucratives, et ils ont modelé le NPD à leur image : plus modéré, méfiant envers les membres et les mouvements sociaux, et déconnecté des réalités de la classe ouvrière.

Loin de considérer le moment comme une occasion d'un nécessaire redémarrage, ils cherchent plutôt à s'assurer que la course à la direction soit hostile à toute candidature qui voudrait faire évoluer le NPD dans une nouvelle direction.

Le Globe and Mail leur a rendu service la semaine dernière, en publiant un article sur les modalités que devrait selon eux suivre la course — basé exclusivement sur les propos de quatre initiés : trois consultants, et la chef de cabinet et directrice fédérale du parti depuis 2019. (Le journal a même titré « Les néo-démocrates disent », comme si le parti se résumait à une poignée de lobbyistes en manteau orange.)

L'article était clairement un ballon d'essai lancé par la direction du parti : une tentative de tester la réaction du public à leurs conditions préférées et de leur donner une légitimité auprès des membres du NPD.

Toutes leurs préférences — en particulier un calendrier excessivement court et un changement radical dans la pondération des votes — visent à écarter les candidats qui voudraient faire les choses autrement. Et si les modalités d'une course à la direction peuvent sembler techniques, elles sont en réalité au cœur d'un affrontement sur l'avenir du parti.

D'abord, organiser une course qui ne durerait que quatre à six mois, comme le souhaitent ces initiés, annihilerait tout espoir de reconstruction en profondeur. Les membres et les sympathisants ont besoin de temps pour analyser les ravages causés par le règne autoritaire et idéologiquement timide des consultants. De nombreuses associations de comté sont des coquilles vides. Les militants sont partis en masse. Les mouvements sociaux se sentent mis de côté. Le public n'a pas de vision claire du NPD.

Une course courte ne changerait rien à cela. Une course plus longue — disons neuf à douze mois — pourrait au contraire créer des occasions de capter l'attention du public : des assemblées publiques diffusées en direct, des discussions thématiques, des rassemblements, des débats sur des idées fortes pour contrer les attaques de Donald Trump et l'emprise extrême des grandes entreprises sur notre système économique. Le tout pourrait servir à exposer l'agenda des élites, tant chez les libéraux que chez les conservateurs.

Ce serait un exercice d'éducation politique comme le parti n'en a pas connu depuis des décennies. Cela permettrait non seulement de regarnir les rangs du NPD, mais aussi de mobiliser une nouvelle base électorale à travers le pays — amorçant la construction d'une culture de mouvement autour du parti, plus ancrée dans la classe ouvrière.

Et tout aussi cruciale que la date du vote est celle de la clôture des adhésions. Les initiés souhaitent probablement une règle limitant le droit de vote à ceux qui sont membres depuis 90 jours (comme ce fut le cas lors de la récente course à la direction du NPD de Colombie-Britannique). Si c'est la règle, une convention en décembre — qui peut sembler lointaine — exigerait en réalité une campagne d'adhésion précipitée pendant l'été, à un moment où même les Canadiens de gauche les plus engagés souhaitent faire une pause.

Les initiés veulent également pondérer les votes par région — un signe évident que l'establishment cherche à manipuler la course. Ils tentent d'abandonner le système démocratique du vote par un membre/un vote, en place depuis 20 ans et adopté après de longs débats internes. Ce processus est inscrit dans la constitution du parti, et son changement nécessiterait un congrès — ce que les initiés ne devraient pas faire à la hâte.

À la place, ils veulent un système où chaque circonscription aurait un nombre de points égal. Ces points seraient alloués en fonction du vote dans chaque circonscription, qu'elle soit inactive ou qu'elle compte des milliers de membres actifs. Il est vrai que le NPD a négligé certaines régions (comme le Québec), mais ces lacunes devraient être corrigées sans fausser démocratiquement une course à la direction.

Le résultat serait absurde : un·e candidat·e qui recrute des dizaines de milliers de membres pourrait perdre face à quelqu'un·e qui n'en recrute qu'une fraction. La course ne mesurerait plus la capacité d'un·e leader à générer un enthousiasme national, mais celle à micro-cibler 343 circonscriptions — un net avantage pour ceux qui bénéficient de l'appui des rouages internes du parti.

Et il ne faut pas sous-estimer les manœuvres douteuses de l'establishment. Dans une course où la connaissance détaillée des associations locales est cruciale, les initiés pourraient fournir à leur candidat·e favori·te les listes d'anciens membres ou des bases de données de campagnes précédentes — des ressources auxquelles seuls eux ont accès.

Ce genre de sabotage a déjà eu lieu, notamment lorsque l'activiste éco-socialiste Anjali Appadurai a défié David Eby lors de la course à la direction du NPD de la C.-B. en 2022. Les initiés du parti avaient modifié les règles en cours de route, utilisé leur accès aux listes de membres pour filtrer et disqualifier agressivement des personnes — puis Appadurai elle-même.

Le même réseau de consultants qui a truqué cette course cherche aujourd'hui à garder la mainmise sur le parti. Ironiquement, l'effondrement électoral ayant entraîné des mises à pied massives parmi les cadres supérieurs, le NPD se retrouve essentiellement entre les mains de sa directrice fédérale Lucy Watson (désormais consultante en solo, visiblement un peu seule dans le manteau orange).

C'est elle qui détient le pouvoir de proposer les règles de la course à l'exécutif et au conseil du parti — les instances dirigeantes du NPD. Ce groupe de militant·e·s est habituellement traité comme une simple chambre d'enregistrement, tenu dans l'ignorance des décisions jusqu'à quelques heures des réunions clés. Il va falloir rompre avec cette habitude.

Les enjeux sont existentiels : un·e chef·fe fade, modéré·e et compatible avec l'establishment pourrait confirmer la non-pertinence à long terme du parti. Le NPD a besoin d'une personne dotée d'une vision politique radicalement différente de celle des libéraux, engagée dans la démocratisation du parti, et capable de tisser des liens avec les mouvements sociaux du pays et la classe ouvrière multiraciale.
Pour que la base — ancienne et nouvelle — du NPD ait une chance de se battre, la course à la direction devra être tout ce que ne sont pas les consultants du parti : audacieuse, transparente, accessible et démocratique.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Comment le fascisme gagne la France

20 mai, par Ugo Palheta — , , ,
De Macron à Le Pen Éditions La Découverte Par Ugo Palheta RN aux portes du pouvoir, répression violente des mouvements populaires, politiques racistes et anti-immigrés, (…)

De Macron à Le Pen

Éditions La Découverte

Par Ugo Palheta

RN aux portes du pouvoir, répression violente des mouvements populaires, politiques racistes et anti-immigrés, offensive réactionnaire contre les droits des femmes et des minorités, diabolisation de la gauche d'émancipation, omniprésence de l'extrême droite et de ses obsessions dans les médias, complicités actives des appareils " républicains ", de droite comme de gauche, islamophobie généralisée, etc. L'énumération signale une dynamique mortifère que le règne de Macron a largement amplifiée et qu'il nous faut affronter. Plusieurs questions nous taraudent : de quoi ces symptômes morbides sont-ils le nom ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Et comment conjurer le désastre annoncé ?
Ugo Palheta avance l'hypothèse que nous vivons la renaissance – sous de nouvelles formes – du fascisme, conçu comme une potentialité inhérente au capitalisme. Refusant le morcellement académique des approches, il se propose d'articuler l'analyse par en haut du champ politique et l'étude par en bas des électeurs d'extrême droite, de penser ensemble les politiques néolibérales et le racisme systémique, de prendre au sérieux aussi bien la montée de l'autoritarisme d'État que la progression électorale du RN, tout en avançant quelques pistes pour vaincre ce dernier.

Version papier : 20.90 €
Version numérique : 14.99 €

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Un programme de combat, et non de gouvernement, pour un Québec solidaire anticapitaliste vers une société du soin et du lien

20 mai, par Marc Bonhomme — , ,
Note : Québec solidaire est en processus de mise à jour de son programme. Une nouvelle version devra être votée par le prochain congrès du parti l'automne prochain. On demande (…)

Note : Québec solidaire est en processus de mise à jour de son programme. Une nouvelle version devra être votée par le prochain congrès du parti l'automne prochain. On demande aux membres d'y contribuer bien que le parti ait déjà écrit une première ébauche. Voici ma contribution par l'intermédiaire du CAP-écologie et du groupe « Parti de la rue ».

La crise fondamentale du XXIe siècle est la rupture des grands équilibres de l'écosystème terrestre. Cette rupture se manifeste principalement par la rapide fuite en avant du réchauffement de la Terre-Mère d'un confortable Holocène qui a vu l'émergence de la civilisation vers une terre-étuve chaotique qui la fera disparaître et peut-être l'Humanité elle-même. Cette fin du monde dit civilisé, si la tendance se maintient, a été prouvée tant par les travaux scientifiques du GIECONU que par la multiplication des réellement existantes catastrophes climatiques incommensurablement plus graves au Sud qu'au Nord. Le réchauffement se conjugue et accélère la sixième grande extinction des espèces dont les habitats disparaissent comme une peau de chagrin. Et il envenime une continuelle pollution de l'air, des eaux et des terres.

Le GIEC a établi que pour ne pas dépasser le seuil critique d'un réchauffement planétaire de 1.5°C, il faudrait réduire les gaz à effet de serre (GES) de 50% par rapport à 1990 d'ici 2030. La Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement de 1992 stipule qu'« étant donné la diversité des rôles joués dans la dégradation de l'environnement mondial, les États ont des responsabilités communes mais différenciées ». Se basant sur les travaux du GIEC et cette Déclaration, à l'occasion de la COP26 de Glasgow, le Réseau action climat Canada, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Équiterre, Greenpeace, Nature-Québec, la Fondation David Suzuki et Oxfam-Québec ont requis que le Québec réduise ses GES des deux tiers d'ici 2030. Le seuil de 1.5°C est déjà en passe d'être atteint. Pourtant le gaz carbonique atmosphérique continue de s'accumuler. Pire, il le fait, selon la NOAA, en quantité annuelle moyenne croissante depuis au moins 1960, avec deux records annuels en 2023 et 2024. L'urgence climatique est d'autant plus grande pour ne pas franchir de fatidiques points de bascule.

Le croissancisme du Capitalocène génère une pluricrise menant au néofascisme

La présente ère géologique, irrémédiablement chamboulée par le genre humain, est souvent qualifiée d'Anthropocène. Elle pourrait tout aussi bien être qualifiée de Capitalocène tellement la croissance capitaliste en est la cause fondamentale. Cette croissance résulte de la compétition entre entreprises privées et États à leur service pour maximiser leurs profits afin de survivre comme entreprises ou de ne pas être vaincus comme États. En découle une accumulation de capital tendanciellement exponentielle donnant naissance à des transnationales gargantuesques dirigées par des oligarques. Cette concentration de la richesse et du pouvoir explique que les 10% les plus riches ont causé les deux tiers du réchauffement global depuis 1990.

Cette accumulation est interrompue par des crises de plus en plus profondes et des guerres de plus en plus dévastatrices et devenant génocidaires. Ces crises dite « pluricrise », guerres et accumulation en panne empêchent la mobilisation de la lutte pour le climat et la biodiversité tellement elles résultent en misère, inégalité, chômage, précarité, injustice, dislocation sociale et massacres. En sont d'abord frappées femmes, enfants et personnes racisées, handicapées et LGBTQ+. Faute d'alternatives et de mobilisations anticapitalistes à la hauteur ces personnes opprimées deviennent les boucs émissaires des classes moyenne et même ouvrière atomisées, désemparées et décontenancées.

C'est de ce terreau nauséabond que surgissent les fausses solutions néofascistes balayant le capitalisme néolibéral victime de ses propres contradictions. Celles-ci sont devenues évidentes avec l'austérité permanente et la concomitante accentuation répressive et guerrière depuis la Grande récession de 2008 suivie de la crise pandémique de 2020.

Exproprier le 1%, détruire la richesse du 10% et l'American Way of Life du 40%

La tâche clef anticapitaliste est d'élaborer une alternative et de construire une organisation en mesure de bloquer la montée néofasciste. Pour se faire il faut démontrer au peuple-travailleur, qui entraînera la classe moyenne, la crédibilité de notre stratégie. Celle-ci doit tracer une voie pour empêcher la dégringolade vers la terre-étuve à travers crises, guerres et gigantesques migrations provenant d'un Sud transformé en enfer climatique et social. La clef de cette stratégie mondiale est d'exproprier le pouvoir oligarchique du 1%, détruire la richesse corruptrice et polluante du 10%, en finir avec l'American Way of Life du 40% (± les deux tiers pour le Québec) et répondre aux besoins pressants et urgents du 50% le plus pauvre (± le quart pour le Québec).

Le bonheur factice du 40% auquel aspire le 50% repose sur la consommation de masse, contrepartie de l'accumulation capitaliste. Ses piliers en sont la maison « campagnarde », l'auto solo et l'alimentation carnée et ultra-transformée. C'est ce bonheur clin-clan, plus rêve aliénant que réalité, qui est entretenu par la propagande capitaliste appelée publicité. Ce pseudo bonheur coince le peupletravailleur au mieux entre fin du mois et fin du monde et au pire entre la hantise du prochain repas ou du loyer à payer… à moins d'être sans-abri. Le stress compétitif résultant de la précarité et de l'atomisation, combiné à l'alimentation carnée et industrialisée, détruisent le « mens sana in corpore sano » en générant accidents et maladies physiques et mentales.

Il faut dès maintenant entreprendre la lutte contre le 1% oligarchique et ses alliés de la classe moyenne supérieure du 10% afin d'édifier une société du soin et du lien en radicale décroissance matérielle. Le grand blocage idéologique à vaincre pour mobiliser la majorité est le faux bonheur idéalisé de l'American Way of Life. Est indispensable sa critique qui renforcera l'aiguisement de ses contradictions vis-àvis la réalité de la pluricrise. Ainsi le 40% arrivera à déconstruise cette idéologie paralysante qui justifie son autodestructeur régime de consommation le rendant dépendant du capital exploiteur. Quant au 50% il pourra émerger de la misère et de la pauvreté sur la base d'une société de plein emploi écologique et solidaire le libérant du faux semblant d'une énergivore accumulation matérielle et du cumul de capital fictif que la pluricrise évaporera.

Les revendications clefs d'une société du soin et lien en décroissance matérielle

  • La réponse à l'hégémonie pétro-gazière du Canada et à son Quebec bashing c'est l'indépendance nationale tenant compte du droit à l'autodétermination autochtone.
  • La réponse à la crise du logement c'est le collectif logement social écoénergétique pour tout le monde et pas seulement pour les pauvres.
  • La réponse aux logements déficients c'est leur rapide mise à niveau écoénergétique par un programme public selon un code du logement tendant à l'énergie zéro.
  • La réponse à la crise de la mobilité c'est le transport en commun gratuit, partout, fréquent, confortable et électrique, et un complément d'autopartage communautaire.
  • La réponse à la ville infernale et dangereuse c'est la ville piétonnière et cyclable, de services de proximité, d'agriculture urbaine et de parcs nature.
  • La réponse à l'étalement et à la congestion urbains envahissant la campagne c'est l'interdiction de l'auto solo privé et de la maison « campagnarde ».
  • La réponse au gaspillage c'est la garantie de la réparation accessible ou du remplacement, du bannissement de la publicité et de la mode commerciale.
  • La réponse à la crise de l'embonpoint c'est l'alimentation surtout végétarienne cultivée biologiquement et disponible en produits frais et peu transformés.
  • La réponse à la mauvaise santé et au stress sont le plein emploi, le contrôle ouvrier des cadences, la baisse du temps de travail, le revenu et services minimum garantis.
  • La réponse aux croissantes pandémies dues au zoonoses c'est la préservation des forêts et zones humides d'où en finir avec l'expansive agriculture carnée.
  • La réponse à la hausse des prix… c'est tout ce qui précède… et le contrôle des loyers, des prix des aliments indispensables et la gratuité de l'électricité de base.
  • La réponse à l'austérité des services publics c'est leur ample bonification quantitative et qualitative et la resocialisation des pans privatisés.
  • La réponse aux hydrocarbures et à l'énergivore croissance est la sobriété inhérente à la société du soin et lien ce qui est démontré par les mesures précédentes.
  • La réponse à la fausse pénurie d'électricité c'est la suffisante actuelle production hydraulique et éolienne plus du solaire intégré aux bâtiments écoénergétiques.
  • La réponse au financement d'une société écologique c'est son implicite bon marché, la socialisation de la Finance et l'imposition des profits et du capital.
  • La réponse à la résistance du « marché » c'est l'expropriation des secteurs stratégiques tels la Finance, l'énergie, les communications, le transport, la santé.
  • La réponse aux divisifs sexisme et racisme c'est l'écoféminisme donnant la priorité aux activités du soin et du lien et aux travaux essentiels des personnes racisées.
  • La réponse à l'impérialisme génocidaire, c'est le soutien aux peuples en lutte pour leur libération par tous les moyens nécessaires y compris par les armes s'il le faut.
  • La réponse aux migrations c'est une frontière ouverte avec une politique d'accueil intégrant au sein d'une société de plein emploi écologique et socialement utile.

Le front uni des pauvres et opprimé-e-s pour secouer les créateurs de plus-value

Le combat anti-néofasciste pour ouvrir la voie vers une société du soin et du lien exige la construction du front uni du 50% et des personnes opprimées du 40%, en particulier des écoféministes « mères au front ». Ce front aura comme première tâche d'ébranler le noyau dur surtout masculin des cols bleus fortement pénétrés par le sexisme et le racisme ou, pour certains crispés sur leurs acquis. C'est pourtant ce noyau, nombreux dans la logistique et la construction, qui a la main haute sur la création directe de plus-value, source du profit. L'ont démontré la répression fédérale habituellement rapide des grèves dans les ports, la poste et les chemins de fer… et la sauvagerie antisyndicale de l'oligarque Bezos.

Ce front a bien sûr ses propres antinomies mais il est objectivement uni comme victime immédiate de l'austérité, de la répression néofascistes et des conséquences des catastrophes climatiques. Le jour où ce front uni aura pleinement intégré les créateurs directs de plus-value dans son combat écoféministe, tant par une tactique d'encerclement que par un laborieux travail interne d'éducation, le monde sera à la veille d'être révolutionné. Les syndicats de l'austérisé secteur public, majoritairement féminins, sont l'épine dorsale de ce front uni et la jonction vers les cols bleus bien que le racisme les gangrène aussi. Ils le sont du simple fait d'être le secteur le plus organisé du soin et du lien et le noyau de cette société dématérialisée à consolider et à développer.

Un parti-guide pour muer l'historique Front commun en front uni internationalisé

Le Front commun historique composé des syndicats du secteur public québécois a été le fer de lance de la lutte ouvrière depuis un demi-siècle. Et il l'est encore aujourd'hui. La lutte indépendantiste est dirigée contre la bourgeoisie du Canada et non contre son peuple-travailleur malgré qu'il soit empoisonné par le Quebec bashing. Cette pierre d'achoppement n'exclut en rien, au contraire exige comme facteur neutralisant si ce n'est de soutien pour l'indépendance, une étroite coordination des peuples-travailleurs. L'exemple par excellence, qui cependant s'éloigne dans le temps, en a été cette trop brève grève générale pancanadienne anti-inflationniste de 1976. Ce travail politique doit se déployer sur un large éventail de revendications à mettre de l'avant au gré de la conjoncture, à travers une panoplie de secteurs et d'organisations populaires, et internationalement du simple fait de la mondialisation de la crise écologique et de l'offensive néofasciste.

Au Québec, il ne dépend que de notre parti, Québec solidaire, de devenir cette organisation politique qui trace la voie dans ce dédale de complexités. Le chemin vers le centre-gauche à la NPD intégrerait le parti à l'actuel système institutionnel. S'il parvenait alors à former un gouvernement majoritaire, les forces du capitalisme en décadence et devenues réactionnaires le paralyseraient. Ces forces ont neutralisé les gouvernements NPD de la Saskatchewan et de la Colombie britannique dans de bien meilleures circonstances du temps des « trente glorieuses » en faisant de ces partis NPD au mieux que des « Libéraux pressés ».

Remplacer la démocratie de l'Argent par celle écosocialiste du peuple-travailleur

Par contre, le chemin de la gauche anticapitaliste vers la société du soin et du lien à radicale décroissance matérielle substitue à la grande noirceur du cul-de-sac électoraliste la lumière écosocialiste au bout du tunnel de la dure lutte antinéofasciste. C'est dans ce combat que va se forger la démocratie du peupletravailleur. Sa base en seront les assemblées syndicales, celles des multiples assemblées populaires tant sectorielles que territoriales qui au fur et à mesure du développement des luttes fusionneront en fédérations jusqu'au niveau national et finalement mondial. La forme en sera déterminée par l'évolution des luttes. En attendant, bien sûr, il faudra réclamer la démocratisation autant que possible de la limitée démocratie parlementaire qu'étouffe la puissance de l'Argent, par exemple par le vote proportionnel et par le droit de rappel.

On aura compris que la société du soin et du lien ne cherche pas à maximiser la consommation, reflet de la maximisation du profit dans la sphère de la production. Elle requiert la maximisation du temps de la liberté et du partage entre toustes du temps contraint. Ce temps libre, celui de la science, des arts et du loisir, est immédiatement et impérieusement requis comme temps de la militance sociale et politique. Il est nécessaire de commencer à construire dès maintenant cette fédérative démocratie du peuple-travailleur en démocratisant les syndicats et en créant des organisations populaires redevables et contrôlées par leur militance.

Bien sûr le traquenard de la cherté du coût de la vie assise sur l'endettement hypothécaire et celui de l'auto-solo crée un sérieux obstacle pour réclamer la baisse du temps de travail et même pour entreprendre toute lutte syndicale. Mais simultanément la part des profits dans le revenu national, élevée sous le règne du capitalisme néolibéral en voie de néo-fascisation, crée la marge de manœuvre nécessaire. Cette marge permet de lutter pour la baisse du temps de travail sans baisse du revenu et sans hausse de l'intensité du travail, tant dans les conventions collectives que comme législation. Ainsi le mouvement ouvrier retrouvera-t-il l'inspiration pour le « 30 heures payées 40 », revendication clef des syndicats avantgardistes avant l'ère de la consommation de masse.

Marc Bonhomme, 18 mai 2025
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Crise de l’eau au Nunavik : un appel à l’action qui coule de source

20 mai, par Audrey Parenteau — , , ,
Le manque d'accès à l'eau potable dans le nord du Québec est un enjeu majeur que la CSQ dénonce depuis longtemps. Dans un récent article publié par La Presse, la journaliste (…)

Le manque d'accès à l'eau potable dans le nord du Québec est un enjeu majeur que la CSQ dénonce depuis longtemps. Dans un récent article publié par La Presse, la journaliste Ariane Lacoursière rapporte la situation critique du village de Puvirnituq, frappé par une grave pénurie d'eau. Cette réalité vient confirmer toute la pertinence de la campagne lancée, il y a quelques semaines, par le Mouvement ACTES.

Tiré de Ma CSQ.

Selon La Presse, depuis plus d'un mois, les résidentes et résidents de Puvirnituq, au Nunavik, vivent sans accès adéquat à l'eau courante. La crise atteint un point critique : écoles fermées, hôpital insalubre, flambée de gastroentérite.

Ce drame quotidien rejoint directement les revendications de la CSQ, qui, à travers le Mouvement ACTES, souhaite mobiliser la population, notamment le milieu de l'éducation, pour dénoncer ces injustices. La campagne, Le droit à l'eau, ça coule de source !, amorcée lors de la Journée mondiale de l'eau, le 22 mars dernier, interpelle les élèves, les enseignantes et enseignants ainsi que les élues et élus autour d'un message simple : l'accès à l'eau potable n'est toujours pas garanti pour des centaines de familles autochtones au Québec.
Les témoignages recueillis il y a quelques mois par le Mouvement ACTES brossent également un portrait saisissant. Dans plusieurs villages du nord du Québec, des jeunes manquent l'école parce qu'ils ne peuvent pas se laver. À Aupaluk et à Ivujivik, par exemple, les résidentes et résidents attendent pendant des semaines l'arrivée d'un camion-citerne. Les solutions temporaires sont fragiles et les infrastructures inadéquates.

La CSQ exige des engagements clairs des gouvernements pour garantir un accès permanent, sécuritaire et universel à l'eau potable dans toutes les communautés, peu importe leur localisation. Car au-delà des campagnes de sensibilisation, c'est d'un véritable engagement politique dont ces communautés ont besoin. Il est temps d'agir pour que l'eau coule de source.

En savoir plus

Visitez le site Web du Mouvement ACTES pour tout savoir sur la campagne Le droit à l'eau, ça coule de source !

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

7452 résultat(s).
Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)

gauche.media

Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.

En savoir plus

Membres