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Rapport Addameer : « plus de 10 100 prisonniers politiques identifiés dans les prisons israéliennes en mai 2025 »

Nous publions ci-dessous notre traduction du dernier rapport porté par la Commission des affaires des détenus, la Société des prisonniers palestiniens (PPS) l'association Addameer, association palestinienne de soutien aux prisonniers et d défense des droits humains.
Tiré d'Agence médias Palestine.
Les forces d'occupation israéliennes continuent de procéder à des arrestations massives lors de raids violents et incessants dans les maisons et les lieux publics palestiniens dans les villes, les villages et les hameaux de toute la Cisjordanie. Le nombre total d'arrestations en avril 2025 a atteint 530, dont 60 enfants (moins de 18 ans) et 18 femmes. Ce chiffre comprend les personnes qui sont toujours en détention et celles qui ont été libérées par la suite.
Dans ce rapport mensuel spécial, la Commission des affaires des détenus, la Société des prisonniers palestiniens (PPS) et l'Association Addameer pour le soutien aux prisonniers et les droits de l'homme présentent les faits et chiffres clés relatifs aux milliers de prisonniers politiques palestiniens détenus par l'occupation israélienne.
Ces campagnes d'arrestations massives se poursuivent dans le contexte du génocide en cours à Gaza et de l'escalade de l'agression en Cisjordanie, en particulier dans les villes du nord de Jénine et de Tulkarem, qui sont confrontées à des arrestations massives, des exécutions sommaires, des déplacements forcés et des destructions généralisées. Ces chiffres n'incluent pas les centaines de personnes soumises à des interrogatoires violents sur le terrain en Cisjordanie, en particulier dans les camps de réfugiés et les villes. Ces interrogatoires s'accompagnent souvent de passages à tabac, d'abus et d'intimidations, visant même les enfants et les femmes. L'occupation a également continué à utiliser des civils comme otages et boucliers humains, et a poursuivi et arrêté à nouveau d'anciens prisonniers, dont certains avaient été libérés lors des accords d'échange récents.
Avec les données recueillies en avril 2025, le nombre total d'arrestations effectuées par les forces d'occupation israéliennes en Cisjordanie depuis le début du génocide en octobre 2023 s'élève à environ 17 000 cas, incluant les personnes actuellement détenues et celles qui ont été libérées par la suite. Ce chiffre ne tient pas compte des milliers d'arrestations qui auraient eu lieu à Gaza.
En avril, les autorités d'occupation israéliennes ont annoncé la mort de deux prisonniers palestiniens détenus par leurs soins : Musab Odeili, originaire de Naplouse, assassiné le 16 avril 2025 (sa mort a été confirmée le lendemain), et Nasser Khalil Radaydeh, originaire de la ville d'Al-Ubeidiya, près de Bethléem, assassiné le 20 avril 2025. Il convient de noter qu'un certain nombre de détenus enlevés à Gaza ont été informés de manière informelle par leurs familles que leurs proches avaient été assassinés pendant leur détention par l'occupant. Les groupes de prisonniers n'ont pas encore reçu de réponse claire de l'armée israélienne concernant le sort de ces détenus.
Toujours en avril, les résultats de l'autopsie du jeune détenu palestinien de 17 ans assassiné en mars ont été rendus publics. Les médecins ont conclu que la cause principale du décès de Walid Ahmad, originaire du village de Silwad, près de Ramallah, était la privation de nourriture.
Les groupes de défense des prisonniers signalent également une forte augmentation du nombre d'ordres de « détention administrative » émis par l'armée en avril, ce qui a entraîné une augmentation significative du nombre de personnes arrêtées en Cisjordanie et détenues en vertu de ces ordres. Début mai, on comptait 3 577 « détenus administratifs », dont plus de 100 enfants, soit plus que le nombre de prisonniers condamnés et de personnes en attente de jugement dans les prisons israéliennes. Les détenus administratifs sont des personnes détenues sans procès ni inculpation sur la base d'un « dossier secret » auquel ni le détenu ni son avocat n'ont accès, ce qui signifie qu'ils n'ont aucun moyen de se défendre devant les tribunaux militaires israéliens, structurellement oppressifs.
Chiffres clés au début du mois de mai 2025
Le nombre de Palestiniens identifiés détenus dans les prisons centrales, les camps militaires, les centres d'interrogatoire et de détention de l'occupation dépasse les 10 100 personnes au début du mois de mai 2025. Ce chiffre n'inclut pas tous les Palestiniens enlevés à Gaza, en particulier ceux détenus dans les camps militaires de l'occupation.
Ce chiffre comprend :
– 3 577 Palestiniens arrêtés en Cisjordanie occupée et détenus sans procès ni inculpation en vertu de l'ordre de « détention administrative » israélien
– Au moins 400 enfants, dont au moins 100 en « détention administrative ».
– 35 femmes, dont deux enceintes de cinq mois et une malade du cancer.
– 1 846 Palestiniens arrêtés dans la bande de Gaza occupée et détenus sans procès ni inculpation en vertu de la loi israélienne sur les « combattants illégaux ».
Avant le génocide, il y avait au total 5 250 prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes, dont 40 femmes, 170 enfants et environ 1 320 « détenus administratifs ».
À noter : le nombre total de Palestiniens identifiés détenus sans procès ni accusation sous différents prétextes juridiques – en Cisjordanie et à Gaza – s'élève à 5 423 personnes, ce qui signifie que plus de la moitié des 10 100 Palestiniens identifiés comme détenus sont emprisonnés arbitrairement et sans procédure judiciaire régulière.
Depuis le 7 octobre 2023, au moins 66 prisonniers politiques palestiniens identifiés ont été tués directement ou indirectement par des gardiens de prison de l'occupation israélienne. Ce chiffre n'inclut pas les dizaines de détenus non identifiés qui ont été arrêtés à Gaza et tués dans des circonstances inconnues des avocats et des institutions palestiniennes de défense des prisonniers. L'occupation israélienne continue de refuser toute information sur leur sort, leur identité et leur lieu de détention, laissant leurs proches dans l'ignorance.
Le nombre total de détenus palestiniens identifiés comme martyrs depuis 1967 s'élève désormais à 303 personnes.
Violations systématiques des droits humains des détenus
Sur la base de dizaines de visites effectuées par nos équipes juridiques auprès de détenus tout au long du mois d'avril 2025, il est évident que le système pénitentiaire de l'occupation israélienne continue de se livrer à des abus systématiques et brutaux à l'encontre des prisonniers. Il s'agit notamment de torture, de privation délibérée de nourriture et de soins médicaux. Les témoignages des prisonniers révèlent la propagation continue de maladies, notamment la gale, qui est devenue un moyen de torture physique et d'exécution lente, en particulier dans les prisons de Naqab (Néguev) et de Megiddo. Face à l'aggravation de cette crise sanitaire, les organisations de prisonniers ont appelé l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à intervenir et à faire pression sur l'occupant pour qu'il mette fin aux politiques à l'origine de ces épidémies, en particulier le refus d'accorder aux prisonniers l'accès aux produits d'hygiène et d'assainissement les plus élémentaires.
En termes d'abus systématiques, les conditions des Palestiniens enlevés à Gaza et détenus par l'armée israélienne sont les pires. Les témoignages des prisonniers sont parmi les plus choquants, révélant des niveaux extrêmes de torture, d'abus et d'humiliation. Les témoignages d'agressions sexuelles, qui occupent une place importante dans les récits recueillis, notamment ceux documentés en avril lors de visites au camp militaire d'Ofer et dans d'autres installations, sont particulièrement alarmants. L'occupant israélien continue également de pratiquer des disparitions forcées, refusant de communiquer l'identité de nombreux détenus enlevés à Gaza, y compris ceux qui sont morts ou ont été tués en détention.
La répression exercée par les forces armées pénitentiaires s'est également intensifiée, avec des raids et des agressions systématiques contre les détenus dans toutes les prisons et tous les camps de détention. Des dizaines de détenus ont été victimes de violents passages à tabac, dont beaucoup ont subi des blessures plus ou moins graves. Ces attaques ont particulièrement visé les leaders du mouvement des prisonniers, qui continuent d'être soumis à un isolement carcéral prolongé depuis le début du génocide.
La répression violente s'étend aux femmes détenues dans la prison israélienne de Damon, où se trouvent actuellement 35 Palestiniennes, dont deux femmes enceintes de cinq mois et une malade du cancer. Outre les agressions physiques continues, ces femmes sont soumises à un isolement collectif, au déni de leurs besoins fondamentaux et à la négligence médicale, notamment le refus de soins ou d'un suivi médical adéquat.
La situation des enfants détenus s'est également considérablement détériorée depuis le début du génocide, marquée par une augmentation alarmante de l'ampleur et de la brutalité des crimes commis à leur encontre. Cela inclut l'intensification des campagnes d'arrestations et l'augmentation du nombre d'enfants détenus, ainsi que leur exposition aux mêmes abus que les prisonniers adultes, hommes et femmes.
L'administration pénitentiaire israélienne continue de restreindre systématiquement les visites des équipes juridiques aux prisonniers et tente d'entraver le travail des avocats par tous les moyens possibles. Cela inclut une surveillance étroite pendant les visites et leur programmation à des intervalles irréguliers. Les organisations de défense et de soutien des prisonniers sont également confrontées à de graves difficultés pour obtenir l'accès aux prisons de Nafha et Ramon (désormais appelée prison de Ganot), en raison d'un retard délibéré dans l'attribution des dates de visite. Ce problème s'est récemment aggravé, de nombreux avocats se voyant totalement interdits de visite.
Le système pénitentiaire persiste également à intensifier les mauvais traitements infligés aux détenus lors de leur transfert vers les lieux de visite, ce qui conduit de nombreux prisonniers à ne pas divulguer certaines informations par crainte de représailles après leur visite, comme cela a été le cas pour des dizaines de détenus au cours des derniers mois.
Les groupes de prisonniers soulignent que le temps est le facteur clé qui détermine le sort et la vie des prisonniers. Plus ils restent longtemps sous la garde de l'occupation israélienne, plus leur sort et leur vie sont menacés.
Traduction : JB pour l'Agence Média Palestine
Source : Addameer
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« Le rendre inhabitable » : la stratégie israélienne de destruction totale des infrastructures urbaines

Début avril, quelques semaines seulement après avoir repris leur offensive sur Gaza, les forces armées israéliennes ont annoncé qu'elles avaient pris le contrôle de la ville de Rafah située à l'extrême sud de Gaza afin de créer le « corridor de Morag » (l'Axe Morag), un nouveau corridor militaire qui divise encore davantage la bande de Gaza. Selon le Bureau des médias du gouvernement de Gaza, l'armée aurait détruit plus de 50 000 logements à Rafah, soit 90% de ses quartiers résidentiels au cours de la guerre. Aujourd'hui, l'armée a entrepris de raser les dernières structures de Rafah, transformant toute la ville en zone tampon et coupant le seul point de passage entre Gaza et l'Egypte.
Tiré d'À l'encontre.
Y., un soldat récemment revenu de son service de réserve à Rafah, a décrit les méthodes de démolition de l'armée au magazine +972 et à Local Call. « J'ai obtenu quatre ou cinq bulldozers [d'une autre unité], et ils ont démoli 60 maisons par jour. Une maison d'un ou deux étages est détruite en une heure ; une maison de trois ou quatre étages prend un peu plus de temps », a-t-il déclaré. « La mission officielle était d'ouvrir une voie logistique pour les manœuvres, mais dans la pratique, les bulldozers détruisaient simplement les maisons. La partie sud-est de Rafah est complètement détruite. L'horizon est plat. Il n'y a plus de ville. »
Le témoignage de Y. concorde avec ceux de dix autres soldats qui ont servi à différents moments dans la bande de Gaza et dans le sud du Liban depuis le 7 octobre, et qui se sont entretenus avec +972 et Local Call. Il correspond également aux vidéos publiées par d'autres soldats, aux déclarations officielles et officieuses d'officiers supérieurs actuels et anciens, à l'analyse d'images satellites et aux rapports d'organisations internationales.
Ensemble, ces sources brossent un tableau clair : la destruction systématique des bâtiments résidentiels et des infrastructures publiques est devenue un élément central des opérations de l'armée israélienne et, dans de nombreux cas, son objectif principal.
Une partie de ces destructions est le résultat de bombardements aériens, de combats au sol et d'engins explosifs improvisés placés par des militants palestiniens à l'intérieur de bâtiments à Gaza. Cependant, bien qu'il soit difficile d'obtenir des chiffres précis, il semble que la plupart des destructions à Gaza et dans le sud du Liban n'aient pas été causées par des frappes aériennes ou pendant les combats, mais plutôt par des bulldozers ou des explosifs israéliens, dans le cadre d'actes prémédités et intentionnels.
Selon l'enquête de +972 et Local Call, cette décision a été motivée par une stratégie délibérée visant à « raser la zone » afin de garantir que « le retour des populations dans ces espaces ne soit pas possible », comme l'a déclaré Yotam, qui a servi comme commandant adjoint d'une brigade blindée à Gaza.
Les destructions « non opérationnelles », dépourvues de justification militaire directe, ont commencé dès les premiers mois de la guerre. Dès janvier 2024, le site d'investigation israélien The Hottest Place in Hell [Le lieu le plus brûlant dans l'enfer] a rapporté que l'armée avait procédé à la « destruction systématique et complète de tous les bâtiments situés à moins d'un kilomètre de la barrière [de séparation entourant Gaza] toutefois à l'intérieur de la bande de Gaza, sans qu'ils aient été identifiés comme des infrastructures terroristes, ni par les services de renseignement ni par les soldats sur le terrain », dans le but de créer une « zone tampon de sécurité ».
Le rapport citait des soldats qui affirmaient que dans les zones proches de la barrière frontalière, telles que Beit Hanoun et Beit Lahia, le quartier de Shuja'iyya dans le nord de la bande de Gaza, ainsi qu'à Khirbet Khuza'a, à la périphérie de Khan Younès, entre 75% et 100% des bâtiments avaient été détruits à cette date, de manière quasi indiscriminée. Mais ce qui a commencé dans la périphérie de Gaza est rapidement devenu une méthode largement déployée dans toute la bande de Gaza, liée au plan plus large d'Israël visant à rendre une grande partie de Gaza invivable pour les Palestiniens.
Ces actions constituent des violations flagrantes du droit de la guerre, selon Michael Sfard, avocat israélien et expert en droits de l'homme. « La destruction de biens [individuels] qui n'est pas impérativement requise par les nécessités de la guerre constitue un crime de guerre », a-t-il expliqué, « et il existe également un crime de guerre spécifique et plus grave, à savoir la destruction [gratuite et] généralisée de biens non justifiée par des nécessités militaires. Parmi les experts juridiques, les militants des droits humains et les universitaires, il existe un débat important sur la nécessité d'établir un crime contre l'humanité appelé “domicide”, c'est-à-dire la destruction d'une zone utilisée pour l'habitation humaine. »

« Nulle part où retourner »
Depuis qu'Israël a violé le cessez-le-feu en mars 2025, environ 2800 Palestiniens ont été tués à Gaza [jusqu'en date du 15 mai], et près de 53 000 ont été tués et 120 000 blessés au cours de la guerre. Comme +972 l'a déjà signalé le 3 avril, les frappes aériennes sont responsables de la grande majorité des victimes civiles. Mais c'est la destruction systématique de l'espace urbain de Gaza qui prépare le terrain pour le nettoyage ethnique de la bande de Gaza, appelé « mise en œuvre du plan Trump » dans le discours politique israélien.
Le Premier ministre Benyamin Netanyahou a ouvertement approuvé cette vision fin mars, peu après la reprise de la guerre par Israël. « Le Hamas déposera les armes. Ses dirigeants seront autorisés à partir. Nous veillerons à la sécurité générale de la bande de Gaza et permettrons la mise en œuvre du plan Trump pour une migration volontaire », a affirmé Netanyahou. « Tel est le plan. Nous ne le cachons pas et sommes prêts à en discuter à tout moment. »
Cette semaine encore, Netanyahou a établi plus explicitement le lien entre la destruction de bâtiments civils et le déplacement forcé. « Nous détruisons de plus en plus de maisons – ils n'ont nulle part où retourner », aurait-il déclaré lors d'une réunion de la commission des affaires étrangères et de la sécurité [de la Knesset]. « Le seul résultat attendu sera le désir des Gazaouis d'émigrer hors de la bande de Gaza. »
En décembre 2024, l'ONU estimait que 69% de tous les bâtiments de la bande de Gaza, dont 245 000 logements, avaient été endommagés, et que plus de 60 000 bâtiments avaient été complètement détruits. Fin février 2025, ce chiffre était passé à 70 000, selon Adi Ben Nun, spécialiste en GIS (Geographical Information Systems) à l'Université hébraïque de Jérusalem, qui a réalisé une analyse satellite pour +972 et Local Call. Au moins 2000 structures supplémentaires ont été détruites en mars, dont plus de 1000 à Rafah.
Aujourd'hui, selon une analyse visuelle réalisée par le chercheur Ariel Caine pour Local Call et +972, plus de 73% des bâtiments de Rafah et de ses environs ont été complètement détruits, moins de 4% ne présentant aucun dommage visible. La zone comptait environ 28 332 bâtiments, s'étendant du corridor de Philadelphie au corridor de Morag.
Certains des bâtiments de Gaza qui ont été complètement rasés par des bulldozers ou des explosifs lors de démolitions planifiées avaient déjà été endommagés, soit par des frappes aériennes, soit lors de combats au sol. Cependant, les données de l'ONU fournissent une indication du grand nombre de structures détruites sans nécessité opérationnelle : entre septembre et décembre 2024, période durant laquelle il n'y a pas eu de combats intenses à Gaza, plus de 3000 bâtiments supplémentaires ont été endommagés à Rafah et environ 3100 nouveaux bâtiments dans le nord de la bande de Gaza.
L'arme principale de l'arsenal de destruction de l'armée est le bulldozer blindé D9 de Caterpillar, utilisé depuis longtemps pour commettre des violations des droits humains dans les territoires palestiniens occupés. Mais les soldats qui se sont entretenus avec +972 et Local Call ont également décrit une autre méthode privilégiée pour détruire des quartiers résidentiels entiers : remplir des conteneurs ou des véhicules militaires hors d'usage avec des explosifs, puis les faire exploser à distance.
« Au final, le D9 [bulldozer blindé] a façonné le visage de la guerre », a tweeté le journaliste israélien de droite Yinon Magal début février. « C'est ce qui a poussé les Gazaouis à retourner dans le sud, après [être venus dans le nord pour rejoindre leurs maisons pendant le cessez-le-feu] et avoir réalisé qu'ils n'avaient nulle part où aller… Et ce n'était pas une directive du chef d'état-major ou de l'état-major général, c'était une politique du “terrain”, des commandants de division, des commandants de brigade, des commandants de bataillon et même des équipes du génie militaire qui ont changé la réalité. »
Un ancien haut responsable de la sécurité dans l'armée israélienne, qui a maintenu des contacts avec de nombreux commandants, a confirmé que certains commandants sur le terrain ont pris l'initiative d'ordonner la destruction d'autant de bâtiments que possible à Gaza, même en l'absence de directives militaires officielles de la part des officiers supérieurs. « J'ai reçu des rapports d'officiers sur le terrain indiquant que des mesures inutiles du point de vue opérationnel étaient prises : démolition de maisons, expulsion de dizaines et de centaines de milliers d'habitants, destruction systématique de Beit Hanoun et Beit Lahia. Ils m'ont dit que les unités D9 opéraient hors de leur contrôle », a-t-il déclaré à +972 et Local Call. « Je ne sais pas quel pourcentage correspondait à des destructions non opérationnelles, mais c'était beaucoup. »
Les commandants à Gaza disposent d'un large pouvoir discrétionnaire en matière de démolition de bâtiments, a admis une source militaire officielle, tout en niant l'existence d'une directive à Gaza visant à « détruire pour le plaisir de détruire ». « Un commandant peut démolir un bâtiment qui pourrait constituer une menace », a-t-il déclaré, soulignant que les commandants de rang inférieur étaient peut-être responsables des destructions les plus importantes.
Par ailleurs, plusieurs réservistes ont témoigné que la méthode de rasage systématique et délibéré des infrastructures civiles par l'armée avait également été employée dans le sud du Liban, lors de l'invasion terrestre d'octobre-novembre 2024. Selon un réserviste, les préparatifs de l'invasion comprenaient un entraînement à la démolition, dont l'objectif explicite était de détruire les villages chiites, presque tous considérés comme des bastions du Hezbollah, afin d'empêcher les habitants de revenir.
« Si les soldats prenaient leur temps, vérifiant sur quel mur fixer les explosifs, puis sortaient du bâtiment et filmaient l'explosion, cela prouve qu'il n'y avait aucune justification [opérationnelle] à cela », a expliqué Muhammad Shehada, chercheur invité au Conseil européen des relations internationales et originaire de Gaza. Un de ses amis, qui possède un passeport étranger et est entré dans la bande de Gaza pendant le cessez-le-feu, lui a décrit à quel point la destruction était méthodique. « Il a dit qu'on pouvait voir que [les soldats avaient] démoli une maison, nettoyé les décombres et passé à la suivante. »
Avant la guerre, Muhammad Shehadeh vivait lui-même à Tel Al-Hawa, un quartier de Gaza connu pour ses immeubles de grande hauteur et où vivent des fonctionnaires et des universitaires, non loin du corridor de Netzarim. « Lorsque les habitants de Gaza apprennent que l'armée va ouvrir un corridor, ils savent qu'il ne restera plus un seul bâtiment. Nous savions que Tel Al-Hawa allait disparaître. »
« Le message est clair : nous allons tout détruire »
Lorsque le cessez-le-feu est entré en vigueur fin janvier 2025, des milliers de Palestiniens se sont précipités pour retourner à Jabalia, dans le nord de Gaza, pour découvrir que le camp de réfugiés tel qu'ils le connaissaient n'existait plus, des quartiers entiers avaient été réduits en ruines. Leurs récits de la destruction concordent avec les témoignages des soldats qui ont servi à Jabalia entre octobre 2024 – date à laquelle l'armée israélienne est revenue dans le camp – et le cessez-le-feu.
Avraham Zarviv, un opérateur D9 surnommé « le niveleur de Jabalia » en raison des vidéos de destruction qu'il a publiées sur les réseaux sociaux, a expliqué ses méthodes dans une interview accordée à Channel 14.
« Je n'avais jamais vu un tracteur de ma vie, seulement en photo », a déclaré Avraham Zarviv, qui est juge au tribunal rabbinique dans la vie civile. La brigade Givati, dans laquelle il a servi, a décidé quelques mois après le début de la guerre de créer une unité d'ingénierie spécialisée dans les opérations de démolition. « Nous sommes montés sur des tracteurs, des D9, des excavatrices… nous avons appris le métier, nous sommes devenus très professionnels. Vous ne comprenez pas ce que c'est que de démolir un immeuble – sept, six, cinq étages – les uns après les autres. »
Entre octobre 2024 et janvier 2025, Avraham Zarviv a déclaré avoir détruit en moyenne « 50 bâtiments – pas des logements, des bâtiments… A Rafah, ils n'ont nulle part où aller, à Jabalia, ils n'ont nulle part où retourner. » Avraham Zarviv est récemment retourné servir à Rafah. Avant le seder de Pâque en avril dernier, il a mis en ligne une vidéo de Rafah le montrant devant une rue où certains bâtiments étaient encore debout. Avraham Zarviv n'a pas précisé dans la vidéo ce qu'il faisait exactement à Rafah, mais a déclaré qu'il était revenu « pour se battre jusqu'à la victoire, jusqu'à la colonisation… Nous sommes ici pour toujours. »
Alors que certains opérateurs D9 comme Zarviv ont fièrement vanté leurs crimes de guerre, d'autres soldats ne parlent pas publiquement de la destruction. Selon Y., « il y a une certaine indifférence : les gens en sont à leur quatrième ou cinquième déploiement, ils s'y sont habitués ». Mais quel que soit leur niveau de zèle, affirme Y., les soldats comprenaient à quoi servaient les bulldozers. « Il n'y a pas eu d'ordre officiel [de détruire Rafah], mais le message est clair : nous allons tout détruire. »
L'armée a procédé à l'anéantissement complet de Rafah malgré le fait, comme l'a souligné Y., qu'« il n'y a eu aucune confrontation [avec des combattants du Hamas], nous n'avons croisé que des ambulanciers », en référence à l'incident au cours duquel des soldats israéliens ont tué 15 ambulanciers et pompiers dans le quartier de Tel Al-Sultan [voir sur ce site l'article publié le 5 avril 2025].
Comme Y., les autres soldats interrogés par +972 et Local Call ont déclaré n'avoir vu aucun ordre écrit de l'état-major de l'armée pour procéder aux démolitions, et que ces ordres provenaient généralement de la brigade ou de la division.
L'ancien haut responsable de la sécurité a déclaré avoir contacté l'état-major après avoir appris la destruction systématique dans le nord de la bande de Gaza, et il est « convaincu que cela ne venait pas du chef d'état-major [Herzi Halevi], mais qu'il a perdu le contrôle de la situation. La destruction qui n'est pas liée à des objectifs militaires est un crime de guerre. Cela venait d'en bas [des officiers de niveau intermédiaire, notamment les commandants de brigade et de bataillon]. La vengeance n'est pas un objectif militaire [officiel], mais on a laissé faire. »
« Quand tu entres dans une maison, tu la fais sauter »
H. a servi deux fois dans la réserve à Gaza, la première fois au début de 2024, et la seconde entre mai et août en tant que commandant de la salle des opérations d'un bataillon stationné dans le corridor de Netzarim. « Lors de ma première période de réserve, j'étais à Khirbet Khuza'a [un village près de Khan Younès]. Nous avons tout détruit, mais il y avait une logique : élargir la ligne de contact [zone tampon] parce qu'elle était proche de la frontière. [La deuxième fois], la zone où nous nous trouvions était le long du corridor de Netzarim, près de la mer. Il n'y avait aucune justification opérationnelle pour démolir les bâtiments. Ils ne représentaient aucune menace pour Israël. C'était devenu une routine : l'armée s'était habituée à l'idée que lorsqu'on entre dans une maison, on la fait exploser. Ce n'était pas une initiative locale, cela venait du commandant du bataillon ».
H. a poursuivi : « Les cibles à démolir [les bâtiments marqués pour destruction] étaient transmises à la brigade. Je suppose que cela remontait jusqu'à la division. Le commandant du bataillon marquait les bâtiments d'un X et vérifiait la quantité d'explosifs disponible. Il envoyait un commandant de compagnie vérifier qu'il n'y avait pas de prisonniers de guerre ou de personnes disparues [otages] à l'intérieur. Dans les cas où des Palestiniens se trouvaient encore dans les maisons, on leur disait de partir, mais c'était rare. »
Selon H., les destructions étaient quotidiennes. « Certains jours, nous démolissions huit à dix bâtiments, d'autres jours aucun. Mais au total, pendant les 90 jours où nous étions là-bas, mon bataillon a détruit entre 300 et 400 bâtiments. Nous nous éloignions de 300 mètres [du bâtiment] et nous le faisions exploser. »
Lorsque H. est arrivé dans le corridor de Netzarim en mai 2024, celui-ci ne s'étendait que sur quelques dizaines de mètres de large au nord et au sud. A la fin de son service, trois mois plus tard, les démolitions avaient élargi le corridor à sept kilomètres de chaque côté. « Nous avons pris trois kilomètres à Zaytoun [au nord de Netzarim] et également à Al-Bureij et Nuseirat [au sud]. Il ne reste plus rien, pas un seul mur de plus d'un mètre de haut », a-t-il déclaré. « L'ampleur et l'intensité de la destruction sont tellement gigantesques que c'est indescriptible. »
Yotam, le commandant adjoint de la compagnie, a rejoint les réserves le 7 octobre et a servi pendant 207 jours à Gaza, participant à la première incursion terrestre dans la ville de Gaza et le long du corridor de Netzarim. Il a ensuite été renvoyé de l'armée après avoir signé une lettre appelant les soldats à cesser de servir jusqu'à la libération des otages.
« Nous nous réveillions et le bataillon se voyait attribuer une compagnie du génie pour la journée, ainsi qu'une quantité spécifique d'explosifs », a expliqué Yotam, décrivant comment les missions de démolition commençaient. « Cela signifiait démolir entre un et cinq bâtiments [par jour]. »
En tant que commandant adjoint de la compagnie, Yotam était chargé de diriger les missions. « Je suis allé voir le commandant du bataillon qui m'a dit : “Trouvez quelque chose d'important sur le terrain et démolissez-le.” Je lui ai répondu : “Je ne ferai pas une mission comme ça.” Je suis donc allé voir le commandant de la compagnie du génie, nous avons ouvert une carte et sélectionné cinq bâtiments. Si nous ne l'avions pas fait, ils auraient simplement choisi des bâtiments au hasard – de toute façon, ils voulaient démolir tout le quartier. Le sentiment général était : “Nous avons une compagnie du génie aujourd'hui, allons détruire quelque chose.” »
Comme d'autres soldats qui se sont entretenus avec +972 et Local Call, Yotam a affirmé que l'objectif militaire principal de la deuxième phase de la guerre, en mars et avril 2024, était la destruction pour la destruction. Il a ajouté qu'un commandant de division avait déclaré qu'il s'agissait d'un « moyen de pression sur le Hamas » pour parvenir à un accord sur les otages, mais qu'au niveau pratique « ce n'est pas une mission opérationnelle. Elle ne sert aucun objectif concret. Il n'y a pas de protocole établi. »
Yotam a déclaré que dans la région de Netzarim, les unités sur le terrain avaient une grande liberté pour décider de ce qu'elles voulaient détruire. « La logique opérationnelle était que ce territoire était détenu par l'armée israélienne et ne serait pas rendu de sitôt, et que personne ne se souciait de la vie des Palestiniens qui s'y trouvaient. Ce n'est pas une zone qui va redevenir un quartier palestinien. J'ai vu de mes propres yeux des centaines de bâtiments rasés. Des quartiers entiers au nord de l'hôpital de l'amitié turco-palestinienne [dans le centre de la bande de Gaza] ont été détruits. On ne peut rester indifférent à une destruction d'une telle ampleur. »
« Un spectacle tous les soirs »
Plusieurs soldats interrogés ont décrit les rituels cérémoniels qui accompagnaient les démolitions à Gaza. Un caporal réserviste de la brigade 55 qui a servi près de Khan Younès a raconté son expérience lors de missions : « Nous passions dans les maisons, nous vérifiions qu'il n'y avait pas d'informations intéressantes ni de militants présents, puis l'unité du génie entrait dans chaque bâtiment avec des charges de 10 kg qu'elle fixait aux piliers. C'était comme un spectacle tous les soirs : un officier supérieur, généralement un commandant de compagnie ou plus haut gradé, communiquait par radio avec l'unité de déminage et le corps du génie, prononçait un discours expliquant pourquoi nous étions là, comptait à rebours, puis boum. Nous regardions derrière nous et il ne restait plus rien. »
Yotam a également évoqué ces rituels pendant son service de réserve à Gaza. « Quand une rangée de bâtiments était détruite, le commandant du bataillon prenait la radio, prononçait un discours héroïque sur quelqu'un qui était mort et sur la nécessité de poursuivre la mission, puis ils faisaient exploser toute une rangée de bâtiments. »
Une autre pratique courante consistait à incendier les maisons que les forces israéliennes avaient utilisées comme installations militaires temporaires, marquant ainsi la fin d'une mission, comme l'a déjà documenté +972 le 8 juillet 2024. « C'était une routine, ils le faisaient tout le temps », a déclaré Yotam. « Plus tard, ils ont arrêté et n'ont brûlé que les maisons qui avaient servi de centres de commandement. »
Les soldats comprenaient également la signification plus large de ces démolitions ritualisées. En l'absence de tout objectif opérationnel, elles servaient un objectif politique et idéologique : rendre Gaza invivable pour les générations à venir.
« En fin de compte, nous ne combattons pas une armée, nous combattons une idée », a déclaré le commandant du bataillon 74 au journal israélien Makor Rishon [quotidien ultranationaliste et conservateur qui prône l'annexion des territoires palestiniens] en décembre 2024. « Si je tue les combattants, l'idée peut subsister. Mais je veux rendre cette idée irréalisable. Quand ils regardent Shuja'iyya et voient qu'il n'y a plus rien, juste du sable, c'est ça le but. Je ne pense pas qu'ils pourront revenir ici avant au moins 100 ans. »
« Personne ne sait mieux que nous que les Gazaouis n'ont nulle part où retourner », a expliqué un commandant dont le bataillon a participé à la destruction d'environ un millier de bâtiments en deux mois en 2025. Un soldat qui a servi dans le même bataillon a ajouté : « L'idée était de tout détruire. Juste créer des zones de destruction. »

« Vous détruisez toute une rue en un seul coup »
En avril 2025, le journaliste israélien Yaniv Kubovich est entré dans « le corridor de Morag » – la bande de terre que l'armée a nettoyée entre Khan Younès et Rafah – et a rapporté avoir vu les restes d'un ancien véhicule blindé de transport de troupes (APC) près d'un des bâtiments détruits.
Les soldats lui ont expliqué qu'il s'agissait d'une autre méthode utilisée pour faire s'effondrer les bâtiments, qui cause d'importants dégâts à l'environnement. « L'armée israélienne charge [le véhicule blindé] d'explosifs et l'envoie de manière autonome dans une rue ou un bâtiment préalablement bombardé par l'armée de l'air. Mais après un an et demi de guerre, les véhicules blindés remplis d'explosifs sont devenus une alternative moins coûteuse. »
Selon Yaniv Kubovich, les restes de ces véhicules blindés explosifs sont désormais visibles partout dans la bande de Gaza, et leur utilisation semble s'être considérablement développée depuis le début de la guerre.
A., qui a effectué plusieurs missions à Gaza, a déclaré à +972 et Local Call que cette méthode ne se limite pas aux anciens APC. « Vous prenez deux conteneurs géants, vous utilisez des dizaines, voire des centaines de litres d'explosifs, et à l'aide d'un D9 ou d'un Bobcat [petit bulldozer] télécommandé, vous les placez à un endroit prédéterminé, puis vous les faites exploser. En un seul coup, vous détruisez toute une rue. Une fois, nous sommes entrés dans un complexe qui servait autrefois de centre éducatif pour les jeunes. Nous y avons passé une nuit, puis ils l'ont fait sauter. Nous étions à un kilomètre et demi [de l'explosion] et nous avons quand même senti le souffle passer au-dessus de nous, comme une forte rafale de vent. J'ai cru que le bâtiment s'était effondré sur moi. »
A. a déclaré que cette méthode était parfois utilisée à des fins relativement opérationnelles : faire exploser une zone soupçonnée de contenir un engin explosif, par exemple, ou dégager le passage pour les troupes.
Mais Yotam l'a décrite comme un autre outil principalement utilisé pour détruire des bâtiments. « La mission est définie une fois que vous recevez la quantité [d'explosifs] qui vous est allouée, puis c'est : “OK, allez-y”. Une partie de la mission politico-militaire consiste à raser des bâtiments ou à rendre une zone inutilisable. » Y., qui a récemment servi à Rafah, a également témoigné : « Chaque nuit, ils font exploser un ou deux [de ces véhicules blindés]. La force est incroyable, ça rasera tout autour. »
Alors que les forces israéliennes rasent Rafah, les dizaines de milliers de Palestiniens contraints d'évacuer en avril peuvent entendre de loin la destruction de leurs maisons. Le Dr Ahmed al-Sufi, maire de Rafah, a déclaré à +972 et Local Call que lorsqu'il est retourné dans la ville en janvier, au début du cessez-le-feu, il a été choqué par l'ampleur des destructions. Aujourd'hui, à nouveau déplacé à l'extérieur de Rafah, il entend les bombardements aériens et les explosions incessantes au sol, et il craint que la situation ne soit bien pire. « Personne ne sait à quoi ressemble la ville aujourd'hui, mais nous nous attendons à ce qu'elle soit complètement détruite. Il sera très difficile pour les habitants de revenir. »
« L'armée israélienne utilise diverses méthodes pour détruire la ville, soit par des bombardements aériens incessants, soit en faisant exploser des bâtiments piégés », a expliqué Mohammed Al-Mughair, directeur de l'approvisionnement de la défense civile à Gaza. « Il y a également des robots piégés qui sont envoyés dans des maisons et des quartiers entiers et qui explosent à l'intérieur. Il y avait plusieurs zones où des bâtiments étaient encore intacts et habitables [pendant le cessez-le-feu], mais avec ces bombardements incessants, nous ne savons pas ce qui s'est passé, en particulier dans les zones entourant le corridor de Morag. »
« Notre objectif était de détruire les villages chiites »
Cette politique de destruction systématique – une tactique visant à empêcher les civils de retourner chez eux – a également été mise en œuvre lors de l'invasion terrestre de deux mois menée par Israël dans le sud du Liban. Une analyse des images satellites réalisée fin novembre 2024, peu après la conclusion du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, a révélé que 6,6% de tous les bâtiments situés dans les districts au sud du fleuve Litani avaient été complètement ou fortement détruits.
G., réserviste dans le bataillon du génie 7064, s'est présenté à l'entraînement à l'été 2024, avant l'invasion prévue. Il a déclaré à +972 et Local Call que le briefing indiquait explicitement que l'objectif du bataillon était de détruire les villages chiites. « Lors de l'entraînement à la démolition avant l'invasion [terrestre], un major du bataillon nous a expliqué que notre objectif en entrant au Liban serait de détruire les villages chiites. Il n'a pas parlé de “terroristes”, d'“ennemis” ou de “menaces”. Il n'a utilisé aucun terme militaire, juste « villages chiites ». Il s'agit d'une destruction sans objectif militaire, uniquement politique. L'objectif était d'empêcher les habitants de revenir. Cela a été clairement énoncé. L'idée était qu'il n'y aurait aucune possibilité de reconstruction après la guerre. Rétrospectivement, nous avons vu qu'ils avaient détruit des écoles, des mosquées et des installations de purification de l'eau. » Il a refusé de se présenter pour d'autres missions de réserve, mais n'a pas été puni.
Pendant la formation de G., aucune distance spécifique par rapport à la frontière n'a été fixée comme limite pour la destruction, mais « la brigade 769, dont nous dépendions, a décidé d'un rayon de 3 kilomètres. D'après ce que j'ai vu [du côté israélien de la frontière], ils ont réussi. » Dans une interview accordée à Srugim [journal en ligne], le commandant de la Brigade 769 a confirmé ces propos : « Partout où il y a du terrorisme, des soupçons de terrorisme ou même un parfum de terrorisme, je détruis, démolis et élimine. »
L., un réserviste qui a servi à Gaza et sur le front oriental du Liban, a déclaré que l'armée avait fait venir « un nombre considérable de forces du génie, tant régulières que de réserve ». Son unité au Liban « n'a rencontré que peu ou pas de résistance, bien moins que prévu », et l'un des objectifs était « de détruire toutes les infrastructures des villages, car presque tous étaient considérés comme des bastions du Hezbollah. Ils ont commencé à détruire les villages de manière assez complète et intense – presque toutes les maisons, pas seulement celles marquées comme étant celles des commandants du Hezbollah. Mines, explosifs, pelleteuses, D9 – [ils ont utilisé] tous les outils pour démolir les bâtiments. Ils ont également détruit les infrastructures électriques, hydrauliques et de communication, afin de les rendre inutilisables à court terme, et même si [les habitants] reviennent, il faudra beaucoup de temps pour les reconstruire. »
Selon L., les maisons épargnées étaient souvent celles appartenant à des familles chrétiennes. « J'ai remarqué que les bâtiments avec des croix à l'intérieur restaient souvent debout », a-t-il expliqué.
G., comme indiqué, a refusé d'entrer au Liban afin de ne pas participer à la destruction des villages, mais depuis le côté israélien de la frontière, il a vu et entendu ce que son bataillon faisait là-bas. « Une partie des destructions a eu lieu après que tout avait déjà été conquis et qu'il n'y avait plus de résistance… J'ai vu des preuves de destructions intentionnelles sur le WhatsApp du bataillon. Des soldats du bataillon se sont filmés en train de faire sauter des bâtiments. Mon bataillon n'est entré qu'après qu'il n'y avait plus de Hezbollah, plus d'armes, plus de bâtiments utilisés à des fins militaires secondaires [contre Israël] – rien qui [puisse être pris pour cible] en vertu du droit de la guerre. »
Cette logique de destruction massive a également été appliquée en Cisjordanie, bien qu'à une échelle moindre. En fait, une source militaire a déclaré à +972 et Local Call que la nature des destructions à Gaza découle des tactiques développées par l'armée lors de l'opération « Bouclier défensif » en Cisjordanie pendant la deuxième Intifada –« mettre à nu le terrain » dans le jargon militaire.
Selon un rapport de l'OCHA (Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU) datant de mars 2025, depuis le début de l'année 2024, Israël a démoli 463 bâtiments en Cisjordanie dans le cadre d'activités militaires, déplaçant près de 40 000 Palestiniens des camps de Jénine, Nur Shams et Tulkarem dans le cadre de l'« opération Mur de fer ». Dans le camp de réfugiés de Jénine, comme l'a déjà rapporté +972, l'armée a fait exploser des quartiers résidentiels entiers et rasé des rues dans le cadre d'une campagne visant à remodeler le camp afin de réprimer la résistance palestinienne et de saper le droit au retour. L'armée a récemment annoncé son intention de démolir 116 autres maisons dans les camps de réfugiés de Tulkarem et Nur Shams.
D'après les chiffres fournis par des soldats ayant servi à Gaza, un seul bataillon dans la bande de Gaza pourrait détruire autant de bâtiments en une semaine. Mais l'idée sous-jacente est la même. La destruction n'est plus simplement le résultat des activités militaires d'Israël, ni une partie d'une stratégie militaire plus large : elle semble être l'objectif même.
Le porte-parole de l'armée israélienne a répondu à notre demande de commentaires par la déclaration suivante : « L'armée israélienne n'a pas pour politique de détruire des bâtiments en tant que tels, et toute démolition d'une structure doit respecter les conditions établies par le droit international. Les allégations concernant les déclarations de soldats au sujet de démolitions sans rapport avec des objectifs opérationnels ne sont pas suffisamment détaillées et ne correspondent pas aux politiques et aux ordres de l'armée israélienne. Les incidents exceptionnels font l'objet d'un examen par les mécanismes d'enquête et de contrôle de l'armée israélienne.
»L'armée israélienne opère sur tous les fronts dans le but de contrecarrer le terrorisme dans un contexte sécuritaire complexe, où les organisations terroristes établissent délibérément des infrastructures terroristes au sein des populations et des structures civiles. Les affirmations contenues dans l'article reflètent une incompréhension des tactiques militaires du Hamas dans la bande de Gaza et de la mesure dans laquelle ces tactiques impliquent des bâtiments civils.
»En Cisjordanie (Judée-Samarie) également, les organisations terroristes opèrent et exploitent la population civile comme boucliers humains, la mettant ainsi en danger. Elles plantent des explosifs et cachent des armes dans la région. Dans le cadre de la campagne contre le terrorisme dans le nord de la Samarie, les routes de la région sont parfois détruites, ce qui nécessite la démolition de bâtiments conformément à la loi. Cette décision a été prise pour des raisons opérationnelles et après examen des alternatives.
»L'armée israélienne continuera d'agir conformément à la loi [israélienne] et au droit international, de neutraliser les bastions terroristes et de prendre toutes les précautions possibles pour minimiser les dommages causés aux civils. »
Article publié par le site +972, une version en hébreu a été publiée sur le site Local Call, le 15 mai 2025 ; traduction rédaction A l'Encontre.
Meron Rapoport est rédacteur à Local Call. Oren Ziv est photojournaliste, reporter pour Local Call et membre fondateur du collectif de photographes Activestills.
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SOS Palestine. Levons-nous contre l’extermination et la barbarie !

Israël affame Gaza jusqu'à la mort dans le cadre de sa stratégie d'« offensive finale ». Les mouvements humanitaires et des travailleur·ses du monde entier doivent se mobiliser pour mettre fin au génocide !
Tiré de Inprecor
16 mai 2025
Par Bureau exécutif de la IVe Internationale
Jaber Jehad Badwan, CC BY-SA 4.0
La barbarie perpétrée par l'État sioniste d'Israël contre le peuple palestinien est sans limite. Au-delà les 120 000 blessé·es et 52 000 civil·es tué·es (selon les chiffres officiels), dont des milliers d'enfants et de femmes, les 1,9 million de personnes déplacées à l'intérieur du pays (80 % des habitants de Gaza), les attaques contre les convois de solidarité, l'exécution de médecins et de journalistes, ces dernières semaines, le génocide qui dure depuis 19 mois a pris des contours encore plus terrifiants.
Depuis la fin du cessez-le-feu en mars, Netanyahou, son cabinet d'extrême droite et les faucons de l'armée, avec le soutien direct des États-Unis et le soutien indirect des pays européens, torturent la population de Gaza par la faim et le manque de médicaments, en raison du siège du territoire et de l'interdiction de toute aide humanitaire, des frappes aériennes sur les hôpitaux et les infrastructures alimentaires.
L'ONU, Oxfam, Amnesty International et d'autres observateurs des droits humains rapportent que la famine à Gaza est « pire qu'avant le cessez-le-feu ». Les infrastructures du territoire sont au bord de l'effondrement total, 93 % de la population est confrontée à une insécurité alimentaire aiguë, au niveau de l'extermination par la famine. Les décès dus à la malnutrition aiguë, à la déshydratation, aux maladies et aux blessures non soignées sont très nombreux, tandis que le carburant, l'eau, l'électricité et les fournitures médicales font défaut.
La torture collective actuellement infligée est un instrument délibéré du gouvernement qui est la pointe avancée de l'extrême droite mondiale : le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a annoncé sans ambages que, comme au cours des deux derniers mois, Israël continuera d'empêcher toute entrée de nourriture, d'eau, de médicaments et de carburant à Gaza. Il a également défendu le bombardement d'entrepôts alimentaires et de générateurs électriques. Et la torture collective des Gazaoui·es n'est qu'un moyen opportun pour préparer une offensive « finale » visant à « libérer Gaza du Hamas », comme l'a annoncé Netanyahou début mai.
Comme l'a fait remarquer un militant palestinien dans un grand journal britannique, les génocidaires utilisent des moyens bon marché, silencieux et brutaux pour commettre des meurtres de masse.
Briser le silence qui tue
Les gouvernements impérialistes et les médias complices tentent de faire taire les voix de la protestation, soit en effaçant l'information, soit par la répression. La stratégie dans ce cas est de faire passer la barbarie qui se déroule en Palestine comme « naturelle » et acceptable.
Nous devons de toute urgence briser ce mur de silence et d'inaction !
La Quatrième Internationale se joint à l'appel lancé par La Via Campesina et 17 autres organisations pour la mobilisation des États et des agences internationales, qui ont l'obligation légale d'intervenir lorsqu'il y a obstruction à l'aide humanitaire d'une manière qui contribue au génocide, aux crimes de guerre ou aux crimes contre l'humanité.
Il est nécessaire et urgent d'intensifier la pression sur les gouvernements, principalement ceux de gauche, de centre-gauche et démocrates, afin qu'ils acceptent de collaborer à la création de couloirs humanitaires et à la mise en place de forces de protection pour les civils de Gaza, comme le propose La Via Campesina. Les mouvements sociaux et les partis de gauche ont un rôle fondamental à jouer dans cet effort, à travers des rassemblements, des pétitions, des manifestations, des campagnes téléphoniques et des journées mondiales d'action coordonnées. Les parlementaires et les dirigeants de masse du monde entier sont appelés à lancer une offensive concentrée pour dénoncer cette nouvelle phase du génocide.
En ce terrible anniversaire de la Nakba, la Quatrième Internationale appelle à une mobilisation internationale de masse, sur le long terme, en solidarité avec le peuple palestinien. Nous exigeons que les gouvernements complices rompent toutes leurs relations économiques, diplomatiques et universitaires avec l'État génocidaire. Occupons les rues, les universités et les lycées ! Luttons pour empêcher les bateaux transportant les instruments de mort d'atteindre Israel ! Interdisons la répression contre les voix et les organisations qui défendent la Palestine,
• Mettons fin au siège et au blocus humanitaire meurtrier imposé par Israël, avec le silence complice des gouvernements de droite et d'extrême droite !
• Dans les rues et dans les parlements, faisons pression sur les gouvernements et les agences internationales officielles pour qu'ils prennent immédiatement position et agissent contre le blocus de Gaza.
• Soutien total à la Flottille pour la liberté, qui tente de rejoindre les côtes de Gaza avec de l'aide humanitaire !
• Pour une large coalition d'organisations sociales et humanitaires nationales et internationales afin de coordonner les initiatives mondiales contre le génocide !
Le 15 mai 2025
Déclaration du Bureau exécutif de la Quatrième Internationale
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De la lutte syndicale à la lutte pour le pouvoir politique ?

« À l'offensive ». C'était le slogan du 39e Congrès du Conseil Central du Montréal Métropolitain de la Confédération des syndicats nationaux (CCMM-CSN) qui s'est déroulé du 5 au 9 mai 2025 au Palais des Congrès de Montréal.
Le CCMM est une sous-structure de la CSN, la deuxième plus grosse centrale syndicale du Québec (330 000 membres, dont 12 000 de plus ces trois dernières années). Il regroupe environ 400 syndicats, 110 000 membres de la grande région de Montréal, pour la grande majorité du secteur public (mais aussi dans la construction, l'hôtellerie, Ikea, Béton provincial, Rolls-Royce, Amazon avant la répression antisyndicale etc.).
L'équipe est composée d'un exécutif de cinq membres élu·es, d'employé·es de bureaux (deux ou trois ?) et de salarié·es de la « maison-mère » CSN, affectés au CCMM (une vingtaine). Son mandat (article 11 et 12 ) est principalement d'aider les différents syndicats de la région lors des grèves ou lock out, de contribuer à la formation syndicale, de favoriser la mise en réseau des membres et d'encourager la lutte sociale. En effet, depuis la fin des années 60, les membres de la CSN s'engagent à mener la lutte sur deux fronts, la lutte syndicale et la lutte « sociopolitique », « sur des enjeux plus globaux tels que l'environnement, la condition féminine, l'éducation etc. ». Dans l'historique disponible sur le site internet, on peut lire que le Conseil est « reconnu comme l'une des organisations les plus combatives du milieu syndical ».
Compte tenu de cet historique, du contexte social et du fait qu'il est rare qu'autant de travailleurs et de travailleuses se réunissent aussi longtemps pour échanger sur la situation syndicale, il nous semblait important de revenir un peu longuement sur cet évènement.
Et pour aller à l'essentiel, après avoir assisté par intermittence au Congrès, on peut effectivement témoigner de l'indignation, de la colère et de la combativité qui ressortaient des interventions aux micros et de nos échanges avec certain·es des plus de 500 délégué·es présent·es [1], un record parait-il.
– Une colère très politique
Dans l'immense salle du 5e étage du Palais des congrès, assis à l'une des soixante tables rondes, les délégué·es étaient chaque jour invité·es à écouter des présentations de l'exécutif, de syndicalistes, d'universitaires, de responsables des nombreux comités etc. (le contenu des présentations des panelistes est résumé ici). Plus rarement, des ateliers étaient organisés aux différentes tables. Enfin, lors des pauses du midi, les membres étaient parfois convié·es à participer à des actions, à manifester devant le bureau du Ministre du travail Jean Boulet pour dénoncer les attaques contre le droit de grève ou devant la Caisse de dépôt et de placements du Québec (CDPQ) pour dénoncer les investissements en Israël.
Aussi, après chaque panel, aux tables ou lors des trop courtes périodes de questions, de nombreux travailleurs et travailleuses ont témoigné et partagé leurs préoccupations immédiates. Et il ressortait clairement de ces échanges une volonté de passer « à l'offensive » et de mener le combat tant sur le terrain de la lutte syndicale que sur le terrain politique.
Les témoignages ont ainsi constamment dénoncé des salaires qui stagnent, les « profits écœurants des patrons », les inégalités sociales qui explosent, les exigences patronales intenables, notamment celles qui visent à obtenir plus de « flexibilité » (horaires variables, augmentation des temps partiels, précarisation des emplois etc.), le recours accru à la sous-traitance qui prive les salarié·es des assurances sociales et d'une retraite décente, de violentes pratiques antisyndicales (comme la fermeture des entrepôts d'Amazon, le recours aux briseurs de grève chez Rolls-Royce, à l'Hôtel Reine Elisabeth ou par la société d'État des casinos) etc.
Mais les interventions ne se limitaient pas à dénoncer le patronat. De nombreuses prises de paroles ciblaient spécifiquement le Gouvernement, des « politiciens au service de la bourgeoisie » qui privatisent à tout va et qui s'acharnent méthodiquement, sans relâche contre tous les biens communs, contre tous les services publics (santé, éducation, CPE, fonctionnaires etc.), qui se contrefichent de l'environnement, d'empoisonner l'air et les sols, qui s'attaquent aux droits des travailleurs, au droit de grève etc. Enfin, à la tribune comme dans la salle, des intervenant·es ont dénoncé un Gouvernement Legault qui, avec son ciblage systématique des étrangers et des demandeurs d'asile, fait la courte échelle à l'extrême droite. De même, des interventions ont souligné la tolérance du pouvoir en place à l'égard des discours racistes, sexistes, homophobes, transphobes etc. – comme ceux véhiculés dans les médias et les réseaux sociaux par les néofascistes Trump, Musk, Vance etc – et qui pavent la voie au fascisme.
– Quelques interventions de la salle
Simplement pour illustrer la teneur des prises de paroles et des échanges dans la salle, lors de l'une des toutes premières « période de questions » un ouvrier lance au micro de la salle : « le fascisme ça ne se négocie pas !... Et eux, ils vont rien négocier du tout ! … Il faut se préparer ». Et la salle applaudit vivement.
Toujours pour l'exemple, le même jour c'est la présidente du syndicat d'un CIUSS qui témoigne en colère, révoltée par l'incompétence criminelle du gouvernement dans le secteur de la santé :
« C'est dégueulasse ce qui se passe ! C'est dégueulasse au quotidien ! Je suis en tabarnack ! Il faut que ça cesse ! Je gère tous les jours des urgences…. Là, tout à l'heure à la pause, je vais devoir annoncer à une travailleuse qui travaille avec nous depuis plus de 20 ans que soit elle accepte un poste où elle gagnera 5 dollars de moins par heure, soit elle quitte !... Je peux témoigner moi ; on tue les services sociaux et les hôpitaux ; les travailleuses n'en peuvent plus… Il n'y en a que pour les riches ! ».
Les 500 délégué·es se lèvent d'un bond et applaudissent à tout rompre.
Le lendemain c'est un travailleur d'Amazon qui raconte depuis la tribune, la répression qui s'est abattue sur les 4 500 travailleurs et travailleuses des entrepôts de Montréal, des étrangers pour la plupart, viré·es du jour au lendemain pour avoir tenté et réussi à se syndiquer, sans que le Gouvernement Legault ne lève le plus petit doigt. C'est aussi un employé du Cimetière de Notre dame de Grâce de Montréal qui revient sur les 15 mois de grève et qui dénonce l'ignoble instrumentalisation de leur lutte par le Ministre du travail Jean Boulet qui, pour justifier la suppression du droit de grève, invoque les « cadavres dans les frigidaires ».
Dans les deux cas, la salle se lève, applaudit et scande « solidarité, solidarité… ».
Aux tables, mon voisin m'interpelle. Il est employé depuis plus de 25 ans au Stade Olympique où travaillent environ 300 personnes, dans l'évennementiel. Ils et elles sont sans convention collective depuis des mois et ils viennent de se doter d'un mandat de grève pour la semaine prochaine. Faisant écho aux présentations du panel consacré au droit du travail, il me tape sur l'épaule et me dit :
« Ostie ! C'est la même chose chez nous. Ce sont des écœurants qui veulent sous-traiter tous les services et casser le syndicat. Regarde ! ». Il me tend son téléphone et me montre un SMS qu'il vient de recevoir. Je lis : « Sais-tu si c'est légal que le patron il puisse embaucher des jeunes stagiaires pendant nos journées de grève ? Il vient d'en recruter une pelletée » ».
Plus tard, une autre voisine de table, qui travaille à l'accueil dans un grand hôtel de Montréal :
« chez nous ils coupent partout. Ils ne remplacent personne. On demande toujours plus au préposées…. Ils ne veulent que des occasionnels, des part-time, pas de régulier. Ils veulent plus payer les avantages sociaux, veulent pas de syndicat… Et le Gouvernement qui n'en a rien à faire, qui les laisse faire ».
L'avant-dernier jour du congrès, la parole se délie davantage encore, y compris sur des sujets plus polémiques. Ainsi, quand à la tribune l'exécutif du CCMM-CSN propose d'adopter une nouvelle résolution pour créer un énième « évènement de réflexion avec des alliés pour combattre le capitalisme », un syndicaliste avec plus de 35 ans d'expérience, calme mais profondément agacé, lance aux camarades présents à la table :
« j'espère qu'ils réfléchiront vite cette fois-ci et qu'ils seront plus rapide que les États généraux du syndicalisme… Criss ! Ça fait des années que les centrales syndicales nous parlent d'États généraux au Québec ; là elles viennent seulement de se mettre d'accord pour se rencontrer et elles le crient partout. Pis après elles nous disent qu'il faut attendre un an pour…. pour avoir quoi ? Ben… une nouvelle conférence… Ça n'avance pas ! Ostie ! ». Les six autres syndicalistes de la table appuient, s'agacent à leur tour…
Au même moment, sur le même thème, une jeune enseignante de CEGEP au micro de la salle partage son irritation au sujet de ces résolutions qui visent uniquement à autoriser le CCMM à organiser des « journées de réflexion », qui n'engagent à rien ni personne alors qu'il y a urgence à agir :
« Ce n'est pas difficile de se prononcer sur ces résolutions… Je ne vends pas un scoop en vous apprenant que celle-ci sera, comme toutes les autres, adoptée à l'unanimité. Mais ce n'est pas avec ces résolutions et en faisant des représentations politiques à l'Assemblée pour défendre le Code du travail qu'on va obtenir quoique ce soit... D'ailleurs, contrairement à ce qu'on a entendu le code du travail n'est pas un compromis en faveur des travailleurs... C'est un compromis en faveur du capitalisme. Alors si on veut passer à l'offensive il faut commencer par obtenir le retrait du PL89 [contre le droit de grève]. Et ça on ne l'obtiendra pas en restant dans le cadre que nous offre le patronat et le gouvernement. C'est en sortant du cadre. En faisant la grève sociale… Et est-ce qu'on va la faire cette grève, tous ensemble ? Qu'est-ce qui est prévu ici pour les empêcher d'adopter la loi … ? Est-ce qu'on la fera la grève de solidarité ? C'est maintenant que la question se pose ! L'enjeu de grève de solidarité, il se pose là, maintenant ! ».
Elle est chaleureusement applaudie par la salle. Un membre de l'exécutif la remercie et lui répond que la réflexion doit effectivement se poursuivre…
Bref, au-delà de la dénonciation des conditions de travail, il ressortait une claire volonté des membres à s'organiser collectivement sur le terrain politique. C'était donc la question de la politisation de la lutte et du pouvoir politique qui était, au moins implicitement, posée. Et sur ce point, il nous semble que l'on peut percevoir un certain décalage entre ces aspirations à poursuivre la lutte syndicale sur le terrain politique d'une part et le programme d'action proposé par l'exécutif et les résolutions adoptées tout au long du congrès d'autre part.
– Les « bilans » et le « texte d'orientation » de l'exécutif
L'exécutif a remis aux membres trois documents importants, un « bilan de l'exécutif », un « bilan de la mobilisation » et un « texte d'orientation ». Le Bilan de l'exécutif est essentiellement une reddition de comptes du travail réalisé par les cinq membres élu·es. Le document énumère les innombrables actions syndicales, conseils, comités, assemblées auxquels ils et elles ont participé au cours des trois dernières années. Et, de toute évidence, l'exécutif n'a vraiment pas manqué de travail au cours des trois dernières années.
Le second document, le Bilan de la mobilisation est une liste des principales grèves et lock out des syndicats membres du CCMM-CSN. Ce document est précieux en ce qu'il documente les conflits, les revendications des salarié·es et les pratiques anti-syndicales du patronat, ces trois dernières années dans le Montréal Métropolitain. On ne peut cependant s'empêcher de relever dès maintenant qu'à la lecture des résumés de ces différents conflits, on a parfois l'impression que, pour l'exécutif, tout s'est toujours (ou presque) bien terminé : grâce aux luttes menées par les syndicats, les travailleurs et les travailleuses ont pu retourner au travail avec des augmentations salariales qu'ils et elles n'auraient pas obtenu, sans lutter. C'est une évidence dans bien des cas. Seules les luttes paient, évidemment. Mais il est aussi certain que d'autres conflits ont laissé des impressions bien amères, que ce soit sur le déroulement de la lutte, sur les résultats des négociations ou sur le travail syndical. À titre d'exemple, il est pour le moins contestable d'écrire, comme on peut le lire dans le document, qu'il y a seulement eu « quelques déceptions » en ce qui concerne la mobilisation exceptionnelle du Front commun à l'automne 2023. Il s'agissait là l'une des plus grandes mobilisations de l'histoire ouvrière en Amérique du Nord, avec plus de 500 000 personnes activement mobilisé·es en défense des services publics, une opportunité unique pour imposer un autre agenda à un Gouvernement complètement discrédité. Mais au final les résultats de la négociations, comme le comportement des centrales syndicales, ont été évidemment l'objet de vives critiques, qu'il ne semble pas très constructif de minimiser si l'on veut mobiliser et passer « À l'offensive »… la prochaine fois.
Enfin, le Texte d'orientation, définit la ligne politique et les actions proposées par les élu·es du Conseil. Dans ce document de quatre pages, théoriquement le plus important pour l'avenir du CCMM, l'exécutif se déclare résolument anticapitaliste (« nous n'avons pas à nous cacher de rejeter le capitalisme »). Et il invite à « transformer en profondeur nos modes de vie et de production » et à lutter contre l'exploitation des humains et de la nature. À plus court terme et plus concrètement, l'une des rares mesures identifiées dans le texte d'orientation contre laquelle il faut se battre est la remise en cause du droit de grève par le Gouvernement Legault : « la réforme annoncée du Code du Travail par la CAQ et le projet de loi 89 n'augurent rien de bon », ce qui est un bel euphémisme.
Aussi, le texte précise que le principal objectif poursuivi par l'exécutif pour ce Congrès est « évidemment » plus modeste, plus limité, au point qu'il apparait finalement très défensif. « Lors de ce 39e congrès, donnons-nous comme objectif de nous organiser afin d'agir pour protéger nos droits et ceux de l'ensemble de la population, à notre échelle ». Et à cette fin, « [t]enons-nous debout, solidairement, et organisons notre action pour que celle-ci soit la plus percutante possible ».
Pour résumer, le Texte d'orientation est ainsi passé de la nécessité de lancer « l'offensive » pour lutter contre le capitalisme et changer nos modes de vie pour sauver la planète, à celle de défendre nos droits, à notre échelle, en se tenant debout et en s'organisant. Quels droits précisément ? À quelle échelle ? En s'organisant avec qui et contre qui ? Comment ? Quand ? Le document ne le précise pas ce qui peut désorienter quelque peu les membres.
- Les résolutions adoptées
Quand on regarde ensuite les résolutions finalement adoptées lors du congrès – toutes à l'unanimité et sans jamais aucun débat notable - le CCMM apparait à première vue comme un think tank syndical, invité à beaucoup réfléchir, à poursuivre sa réflexion et à créer des comités et des évènements à cette fin.
Plus précisément, après cinq jour de congrès et pour les trois prochaines années, les membres « mandatent » le CCMM pour qu'il organise « des journées de la transition juste », des « activités d'éducation populaires… afin de contrecarrer les discours de droite et d'extrême droite », « un évènement de réflexion … pour combattre le capitalisme ». Il est également invité à travailler à contrecarrer la réforme du droit de grève, à appuyer la campagne sur « l'information un bien public », à « amorcer une réflexion sur les GAFAM », à mettre « en place un comité ad hoc » pour lutter contre le capacitisme, à « poursuive sa collaboration » avec le comité syndicalisation de la CSN » et avec les groupes alliés pour exiger l'abolition du permis de travail fermé », à « se mobiliser pour la régularisation et la justice migrante » et enfin à s'engager « à lutter contre le colonialisme et le néo-colonialisme ».
Deux résolutions à incidence financières ont également été adoptées. La première est la création « d'un poste budgétaire » pour financer « des initiatives ponctuelles visant entre autres à faire avancer ses positions politiques auprès des syndicats affiliés et dans la société́ en générale, notamment en libérant des militantes et militants pour y contribuée ». La seconde est le remboursement des « frais d'utilisation de véhicules en autopartage ».
Enfin, deux décisions se distinguent un peu par leur caractère potentiellement un peu plus « politiques ». La première, proposée par le syndicat des enseignant·es du Cegep d'Ahuntsic, a été d'exiger du CCMM-CSN qu'il « se dote d'un comité… de formations politiques et militantes » pour fournir des « outils politiques pour s'organiser sur et hors » des milieux de travail.
La seconde résolution, adoptée à l'initiative de l'exécutif cette fois-ci, mandate le comité de solidarité internationale du CCMM afin qu'il renforce ses liens « avec les alliés locaux et internationaux » pour lutter contre l'extrême droite à l'échelle internationale. C'est potentiellement une bonne nouvelle sachant que pour le moment l'activité du comité reste principalement centrée sur la dénonciation du néofascisme aux États-Unis, sur la solidarité avec la Palestine (voir la résolution adoptée) et l'Amérique du Sud. Le CCMM-CSN, comme la CSN dans son ensemble, restent en revanche, malgré plusieurs demandes, étrangement silencieux sur le néofascisme russe et sur les appels à l'aide des camarades d'Ukraine en particulier.
C'est à peu près tout ce qui était proposé et qui a été adopté [2].
- Lutte politique et démocratie syndicale
Au final, après lecture des documents et des comptes-rendus publiés, après avoir participé à la majorité des panels du congrès, nous nous permettons de partager quelques réflexions et impressions, celles d'un délégué, nouveau participant au Congrès.
Tout d'abord, l'absence de bilan écrit sur la situation politique et syndicale au Québec, au Canada, comme à l'échelle internationale peut surprendre [3]. Les Bilans et le Texte d'orientation ne proposent aucune analyse de fond sur les politiques du Gouvernement Legault depuis son arrivée au pouvoir en 2018 et leurs effets dramatiques sur la classe ouvrière, l'environnement, le logement, la santé, l'éducation etc. De même, les propositions alternatives des différents partis politiques d'opposition sur le plan syndical et social ne sont pas questionnées (toutes aussi insignifiantes soient-elles). L'arrivée de Trump au pouvoir et ses conséquences potentielles sur la classe ouvrière québécoise et canadienne ne sont pas questionnées, au-delà de formule très générale sur la montée du fascisme. La défaite surprise des conservateurs et l'élection de M. Carney n'a pas été abordée, comme si cela n'avait aucun impact sur les travailleurs et les travailleuses au Québec. La débandade du NPD, historiquement le parti politique canadien considéré comme le plus proche de la classe ouvrière, n'est pas analysée. Certes, un panel s'intitulait bien « politiser pour lutter » mais il ne fut pas question de questionner les programmes et les politiques des différents partis politiques au pouvoir ou qui aspirent à l'être. Comme si la question du pouvoir de l'État n'était pas un enjeu. Or comment passer « À l'offensive » pour les droits des travailleurs et des travailleuses, sans faire un bilan de la situation politique au Québec, comme au Canada ? Sans faire un bilan des victoires mais aussi des défaites du mouvement ouvrier dans son ensemble ? Sans faire un bilan du rapport de force avec la bourgeoisie ?
On pouvait parfois avoir l'impression qu'au-delà des discours sur l'unité et sur le deuxième front, la tribune souhaitait éviter de « politiser » le Congrès, éviter de parler des choses qui fâchent et qui pourraient potentiellement diviser les membres. Comme s'il valait mieux taire les divergences politiques que de les identifier. Comme si la lutte syndicale pouvait se suffire à elle-même. Par exemple, l'une des premières interventions du Secrétaire général a été d'informer la salle qu'il était interdit de laisser des tracts de partis politiques : « Pas la peine d'essayer. Ça n'arrivera pas » lance-t-il, sans plus d'explication aux 500 délégué·es qui n'auront pourtant de cesse d'expliquer à la tribune, comme dans la salle, qu'ils et elles sont « crinqués contre le gouvernement Legault ». On a certes bien lu que, selon ses statuts, le CCMM est un organisme syndical « indépendant de tous les partis politiques ». Mais, toujours selon ces mêmes statuts, le conseil « peut prendre parti pour ou contre des mesures, des doctrines et des lois intéressant les travailleuses et travailleurs » et « peut exercer toute autre forme d'action politique ». Bref, quoiqu'on en pense, l'indépendance politique du CCMM ne signifie pas qu'il est interdit de documenter, de débattre et de se positionner à l'égard du pouvoir politique et donc des partis politiques.
Pour donner un exemple le plus concret possible, l'absence de débouchés politiques suite à l'une des plus grandes mobilisations ouvrières de l'histoire du Québec et plus largement, en Amérique du Nord, en faveur des services publics à l'automne 2023, n'a pas été abordée. Et cela, alors même que le Bilan de mobilisation du CCMM souligne à juste titre que « 100 % des syndicats » avaient alors adopté un mandat de grève et qu'effectivement, « On peut dire que les membres étaient prêts à exercer la grève ! ». Le silence complice des partis politiques d'opposition pendant toute la durée du conflit, comme les pratiques très questionnables des différentes centrales syndicales (par exemple le choix des jours de grève, le secret absolu des négociations, la confidentialité des ententes conclues etc.) et les résultats décevants de la négociation ne sont pas questionnés. Or comment comprendre les reculs des droits des travailleurs et des travailleuses et les succès des attaques patronales sans faire un bilan des pratiques syndicales et politiques ? Quelle mobilisation plus manifeste de la classe ouvrière faut-il pour que les centrales et les organisations syndicales considèrent qu'il est temps de passer « À l'offensive » ?
Dans le même registre, certain·es pourraient également regretter que l'exécutif n'ait proposé aucun plan d'action ou de calendrier de luttes pour passer « À l'offensive ». Certes, la chose n'est pas aisée. Mais, par exemple, à la tribune comme dans la salle, les participant·es n'ont eu de cesse de dénoncer le Projet de loi 89 contre le droit de grève, comme « la plus grande attaque contre le droit du travail des 30 ou 40 dernières années ». Et malgré ce constat unanime, la simple idée de prévoir une manifestation intersyndicale, avec les autres centrales, n'a pas même été évoquée.
Et plus largement, alors que la salle et la tribune insistaient sur la nécessité d'unir nos forces et de faire front commun contre le gouvernement, contre la montée du fascisme ou bien plus modestement pour obtenir une convention collective décente - comme l'a souligné au micro une travailleuse de CPE qui dénonçait les effets catastrophiques de la concurrence entre les syndicats - la question de l'unité intersyndicale n'a quasiment pas été abordée ou appuyée. Au contraire, lors d'une présentation PPT sur la syndicalisation on apprenait que « nos trois ennemis naturels » étaient les employeurs, nous-mêmes et … en premier sur la diapositive, les « syndicats adverses ». Bref en matière de solidarité intersyndicale, il fut essentiellement mention des États généraux du syndicalisme dont les travaux s'étaleront sur plus d'une année… L'urgence d'agir et d'unir nos forces apparait alors en pratique toute relative.
Enfin, dernier point, pour quelqu'un qui participait pour la première fois à un Congrès du CCMM, certaines pratiques pouvaient paraître un peu surprenantes. À titre d'exemple, il était troublant de voir les multiples résolutions être adoptées les unes après les autres, sans aucun débat, à l'unanimité, par acclamation. Comment l'expliquer ? Les membres étaient-ils tous et toutes d'accord avec leur contenu ? Certain·es membres n'ont pas osé exprimer d'éventuels désaccords ? Étaient-elles dépourvues d'enjeu ? Dans le même sens, le mode d'élection de l'exécutif, sans programme, sans présentation orale et par acclamations, pouvait obliger le nouveau venu à s'interroger sur le déroulement des élections. Le simple fait qu'il ait fallu que des jeunes membres aillent au micro pour exiger, et finalement obtenir après un vote majoritaire…, une période d'échanges avant les mises en candidatures de la direction est révélateur d'un questionnement plus profond sur la démocratie syndicale. Quoiqu'il en soit, en l'absence d'autres candidat·es, sans surprise, sans programme, sans discours, la majeure partie de l'exécutif précédent a été reconduit, à l'unanimité, par acclamation.
Encore une fois, il s'agit là de réflexions et d'impressions d'un nouveau venu et écrites à l'issue d'un 39e Congrès dont nous retenons surtout la participation record, l'indignation, la colère, la combativité et la détermination affichées des membres pour passer « À l'offensive » contre le Gouvernement Legault, le patronat et le fascisme. C'est encourageant, tant d'un point de vue syndical que politique.
Martin Gallié
Délégué du SPUQ
13 mai 2025
[1] La plupart sont« libéré·es » par leur syndicat ou aidé·es financièrement par le CCMM
[2] À l'initiative de syndicats membres, d'autres questions ont été abordées sous forme de résolutions ou de « questions de privilèges », sur le fonctionnement de la présidence du CCMM-CSN, sur les formations en santé mentale, sur les horaires des formations, en faveur du « désinvestissement de la CPDQ auprès des entreprises associées à des violations des droits humains en Palestine »
[3] Le discours d'ouverture de la présidente de la CSN, Caroline Senneville, fut à cet égard une exception.

Soirée des luttes et des communs

Événement en personne
24 mai 2025
17h30 – 20h00 / Entrée : 17h00
Le Livart
3980 Rue Saint-Denis, Montréal, QC, Canada
Pour acheter des billets : cliquez sur le lien du site de l'événement : https://lepointdevente.com/billets/soireedesluttes?lang=fr
Pour plus d'information à propos de cet événement, veuillez contacter l'organisateur de l'événement, Soirée des luttes et des communs, à soireedesluttes@gmail.com.
Face à la montée du fascisme, à la peur qui paralyse et à l'apathie qui gagne du terrain, il est temps de s'organiser. Pendant que l'oligarchie prospère, que la planète brûle et que l'extrême droite avance, la gauche piétine. Et trop de gens décrochent.
Trump n'est pas un accident : il incarne l'échec d'un système à bout de souffle. De Biden à Legault, ces gouvernements au service des banques ont trahi les classes populaires et divisé le peuple en alimentant la peur de l'autre. Ce sont leurs échecs qui ont ouvert la voie à l'extrême droite et au fascisme.
Contre l'apathie, on organise. Contre la montée du fascisme, on riposte. Mettons en commun nos luttes et ravivons la flamme d'une gauche populaire, joyeuse, combative !
Lieu de l'évènement
Retrouvez nous au Livart (3980 rue Saint-Denis, Montréal) le samedi 24 mai dès 17h pour une soirée
où vous pourrez entendre :
-* Emilie Nicolas, chroniqueuse
- Kate Logan, membre de l'assemblée législative du Vermont et organisatrice de manifs anti-Trump
- Mireille Elchacar de Mère au front
- Yara El-Ghadban, romancière
- David Bergeron-Cyr, syndicaliste
- Artistes invité·es : Safia Nolin et Thierry Larose

La déconfiture du Bloc : Aïe aïe aïe, quel gâchis !

Le Bloc Québécois vient de subir un recul important passant de 32 députés à 22. Ce recul est d'autant plus significatif qu'au premier janvier dernier, le Bloc caracolait en tête dans les sondages à plus de 37% alors que les libéraux étaient troisième à 22%.
Germain Dallaire
On parlait même du statut d'opposition officielle pour le Bloc. Plusieurs, chez les indépendantistes, se plaisaient à évoquer l'image des trois périodes : 1- Victoire du Bloc 2-Victoire du PQ 3- Victoire au référendum. Que s'est-il passé depuis ? Tout le monde connaît la réponse : la tempête Trump. Mais pourquoi cette tempête a-t-elle profité aux libéraux plutôt qu'au Bloc ?
La réponse à cette question se trouve dans la stratégie du Bloc, une stratégie clairement énoncée lors d'une entrevue donnée par Yves François Blanchet à l'émission de Benoît Dutrizac quelque jours avant le début de la campagne. L'élément central de cette stratégie est la mise sur la glace de l'indépendance, le temps que les négociations commerciales soient terminées. Selon M. Blanchet, l'indépendance se fera en période de stabilité économique. Outre que cela contredit à peu près toutes les expériences historiques, on a peine à comprendre ce qui pourrait pousser les Québécois à tout bouleverser quand ça va bien. Toujours est-il que tout en se défendant de s'intéresser aux sondages, M. Blanchet nous annonce pratiquement lors de cette entrevue un gouvernement libéral avec une balance du pouvoir pour le Bloc. Toute la campagne s'est déroulée dans cette logique, M. Blanchet n'ayant de cesse de pratiquer le mélange des genres en prenant fréquemment la posture du commentateur qui nous annonce un gouvernement libéral. Dans un excès de patriotisme canadien, il est même allé jusqu'à proposer un Buy Canadien Act. C'est seulement à la fin que, sentant la débâcle qui s'en venait, il avance que Mark Carney instrumentalise la peur Trump. Comme dirait l'autre « vaut mieux tard que jamais ».
Manifestement, M. Blanchet n'a tiré aucune leçon des plus de 25 années d'errance péquiste qui ont suivi le référendum volé de 1995. Pendant ces années, les dirigeants péquistes n'ont eu de cesse d'inventer des formules repoussant la tenue d'un référendum, le summum étant atteint sous Jean-François Lisée avec le référendum à un hypothétique deuxième mandat. Résultat, ils sont presque disparus de la carte et c'est seulement après avoir réaffirmé leur objectif fondamental sous PSPP qu'ils ont repris vie.
Les bloquistes n'ont récolté que ce qu'ils ont semé. Un parti indépendantiste qui ne met pas de l'avant l'indépendance n'est pas indépendantiste. À la limite, les électeurs pouvaient se dire « de toute façon, c'est pas la question » et c'est exactement ce que Blanchet leur disait. Des électeurs, tout indépendantistes qu'ils soient, ne peuvent aller plus loin que leurs leaders. M. Blanchet s'est placé en allié objectif de Mark Carney.
Mark Carney, l'avenir ne manquera pas de le confirmer, est rien de plus qu'un bleu peinturé en rouge. Avec lui, c'est le pire des deux mondes : conservateur au niveau économique et en continuité parfaite avec les politiques libérales sur les droits individuels. Il a commencé son règne en éliminant la taxe carbone, un vieux fantasme des conservateurs. Il s'est prononcé pour une gestion plus serrée des finances publiques mais avec une augmentation importante des budgets de défense en plus d'ouvrir grande la porte aux pipelines. Par rapport au Québec, malgré une résolution unanime de l'Assemblée Nationale, il a refusé de rembourser les 800 millions d'impôts québécois qui ont servi à faire son cadeau électoral au reste du Canada dans le cadre de l'annulation de la taxe carbone. Il nous a fait une démonstration magistrale de sa capacité à parler des deux côtés de la bouche lorsqu'il a annoncé contester la loi 96 en Cour Suprême et quelques jours plus tard, se placer en défenseur de la loi 96 face à un Trump qui considérait cette dernière comme une barrière tarifaire. Voilà ce que M. Blanchet appelle un chef parlable.
La suite des choses n'annonce rien de bon. Poursuivant comme si de rien n'était, M. Blanchet a annoncé son intention de collaborer avec Mark Carney. Ce dernier a d'ailleurs souligné l'ouverture du chef du Bloc sur la question des barrières commerciales entre provinces. Mine de rien, sur plusieurs éléments, ce dernier dossier touche à l'identité profonde du peuple québécois. Plusieurs de ces « barrières » concernent directement la protection de la langue française ou encore des protections que les travailleurs québécois se sont données au fil des ans. Le protectionnisme n'est pas que trumpiste !
Sur cette question du libre-échange, on a assisté, depuis l'arrivée de Trump, à un curieux revirement de situation qui a conduit directement à l'élection de Carney. Devant les extravagances de Trump, le libre-échange est devenu un idéal célébré unanimement par toute la classe politique et ses pigeons voyageurs que sont les médias. C'est oublier bien vite que nous sommes sous ce régime depuis une bonne quarantaine d'années. Le libre-échange, c'est rien de moins que l'abdication du politique et la remise en main du sort de nos sociétés entre les mains du capital et de sa recherche infinie de profits. Ici au Québec, nous vivons un exemple parfait de cette logique avec la CAQ. Nos services publics tout comme nos infrastructures publiques sont à la dérive. La CAQ ne trouve pas d'argent pour ces services mais elle en trouve pour faire des cadeaux aux entreprises. Depuis son arrivée au pouvoir en 2018, la CAQ a donné en moyenne 216 millions par mois aux entreprises soit 67% de plus que sous le gouvernement Couillard pourtant réputé proche du patronat.
Aux États-Unis, le libre-échange a été tout simplement dévastateur. Dans un article du Monde Diplomatique (Un autre protectionnisme est toujours possible), Benoît Bréville rappelle que, « depuis l'entrée en vigueur de l'Alena (1992), plus de 90 000 usines ont disparu aux États-Unis, soit presque 8 par jour. » Ce qui a fait pencher la balance en faveur de Trump en 2016 comme en 2024 est l'appui des États faisant partie de « la ceinture de rouille » (de la Pennsylvanie au Wisconsin). Des États jadis industriels et prospères qui ont été frappés de plein fouet par la désindustrialisation consécutive aux accords de libre-échange. Les électeurs de Trump ne sont pas que de gros épais.
Tout projet indépendantiste le moindrement conséquent se doit d'opérer une rupture avec le libre-échangisme. Faute de le faire, Blanchet s'est livré pieds et poings liés à Carney. Suite au résultat désastreux de l'élection fédérale, PSPP a fait une montée de lait face à la stratégie du Bloc. Pourtant, juste avant la campagne, il s'était aussi exprimé en faveur d'une mise sur la glace de l'indépendance le temps des négociations commerciales. Parler des deux côtés de la bouche est peut-être suffisant quand on aspire à remplacer un parti discrédité mais ce ne l'est sûrement pas pour mettre un pays au monde. Au cours des prochains mois, les indépendantistes devront choisir : suivre Carney ou développer un projet de pays mobilisant en rupture avec le ron-ron mortifère des 40 dernières années.
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Remarques, amendements et nouvelles propositions au Bloc 5 – Orientations politiques, 23e Conseil national de Québec solidaire

Dans son entrevue au journal Le Devoir, le 30 avril dernier, notre porte-parole Ruba Ghazal affirmait : « Et il [le Manifeste pour une Québec solidaire de ses travailleuses et de ses travailleurs, tiré des propositions du Bloc 5 – Orientations politiques] pourrait très bien nourrir la plateforme électorale en vue de 2026. » Présenté comme une « ligne de conduite du parti », les propositions du Bloc 5 méritent d'être précisées et complétées par de nouvelles orientations. Une nouvelle mouture du Manifeste pourrait répondre à ces préoccupations.
Remarques
1. Analyse du système capitaliste
Les orientations actuelles identifient correctement certaines conséquences du capitalisme néolibéral (inflation, crise du logement, austérité, attaques contre les syndicats), mais elles n'abordent pas les causes structurelles : la logique d'accumulation illimitée, l'exploitation de la main-d'œuvre (souvent migrante), la marchandisation du logement et des services, et l'extractivisme comme mode dominant de production.
2. Racisme systémique
Aucune mention explicite n'est faite du racisme structurel, alors qu'il joue un rôle fondamental dans la hiérarchisation du travail : travailleurs migrants surexploités, accès inégal à un emploi décent, discrimination syndicale, précarité imposée par les permis fermés, etc.
3. Patriarcat et inégalités de genre
Le texte est silencieux sur les inégalités genrées dans le monde du travail. Il ignore le fait que les femmes (et particulièrement les femmes racisées) sont surreprésentées dans les emplois précaires, sous-payés et dans les services publics.
4. Crise climatique
Les propositions n'intègrent pas l'urgence climatique ni l'impact de la transition écologique sur les travailleuses et travailleurs. La transition juste, pourtant centrale pour une gauche de rupture, est absente. Le projet demeure productiviste dans ses orientations implicites (chantiers massifs, relance de l'État développeur).
Cette refonte vise à intégrer la lutte de la classe travailleuse à celles contre le racisme, le patriarcat et la destruction écologique, en rompant avec les angles morts d'un discours trop étroitement économiste ou centré sur un « travailleur-type » blanc, cisgenre, permanent. Elle donne des outils pour construire un front uni et pluriel, capable de s'opposer à l'offensive du patronat, des gouvernements à son service et à la montée actuelle de l'extrême droite dans le monde.
Amendements aux propositions
Proposition 1 – Logement (modifiée)
Un gouvernement solidaire s'attaquera frontalement aux spéculateurs immobiliers, particulièrement ceux qui ciblent les quartiers populaires et les communautés racisées. Il élargira et durcira l'éventail des sanctions contre les propriétaires voyous, y compris les formes discriminatoires de location. Il renforcera le rôle de l'État dans la construction et la gestion de 100 000 logements écologiques, accessibles et non discriminatoires, en tenant compte des besoins spécifiques des personnes migrantes, des familles monoparentales et des communautés autochtones et racisées.
Proposition 2 – Pouvoir d'achat (modifiée)
Un gouvernement solidaire remettra de l'argent dans les poches des travailleuses et travailleurs, y compris les migrants et les personnes sans statut, en établissant un salaire minimum décent à 25 $/h, indexé à l'inflation, en indexant les retraites et en élargissant les protections salariales à tous les statuts d'emploi. Il détaxera les biens essentiels (nourriture, médicaments, contraception gratuite), tout en soutenant la production locale, écologique et syndiquée.
Proposition 3 – Qualité de vie (modifiée)
Pour une vie digne et équitable, un gouvernement solidaire garantira un minimum de 4 semaines de vacances pour toutes et tous, y compris les travailleuses et travailleurs temporaires et migrants. Il instaurera un droit à la déconnexion, protégera les horaires familiaux et reconnaîtra les charges mentales genrées dans les politiques de santé au travail.
Proposition 4 – Services publics (modifiée)
Un gouvernement solidaire rebâtira des services publics universels, inclusifs et écoresponsables, avec une gestion démocratique enracinée dans l'expertise des travailleuses et travailleurs ainsi que des communautés. Il abolira le temps supplémentaire obligatoire, mettra fin à la privatisation en santé et au financement privé de l'éducation, et reconnaîtra le rôle central des femmes dans ces services.
Proposition 5 – Droits des travailleuses et travailleurs (modifiée)
Un gouvernement solidaire interdira les lock-out, inscrira le droit de grève dans la Charte, et étendra les protections à toutes les personnes, sans exception de statut migratoire. Il abolira les permis de travail fermés, reconnaîtra les droits des travailleuses et travailleurs migrants à se syndiquer, et luttera activement contre le racisme et le harcèlement systémiques dans le monde du travail.
Nouvelles propositions nécessaires
Proposition 6 – Pour une transition écologique juste
Un gouvernement solidaire mettra en place une planification écologique visant une économie de la post-croissance : une transition écologique, démocratique et syndicalement encadrée, sans perte nette d'emploi, orientée vers la décarbonation des secteurs clés (transport, bâtiment, énergie). Des mesures de formation, de reconversion et d'indemnisation seront priorisées pour les travailleuses et travailleurs, avec une attention particulière aux populations racisées, migrantes et rurales.
Proposition 7 – Pour une justice migratoire et syndicale
Un gouvernement solidaire exigera la régularisation de toutes les personnes sans statut, l'abolition des permis fermés et le plein accès aux droits syndicaux, sociaux et de citoyenneté pour tous les travailleurs et travailleuses, peu importe leur statut migratoire, tout en facilitant leur accès à la francisation.
Proposition 8 – Pour une économie féministe et antiraciste
Un gouvernement solidaire adoptera une approche féministe et antiraciste du travail, reconnaissant et valorisant le travail de soin, l'économie informelle et les luttes des femmes autochtones, noires et migrantes. Des politiques de redistribution de la richesse et du temps seront mises en œuvre pour réduire les écarts de genre, de race et de classe.
Proposition 9 – Pour un Québec indépendant, pluriel et solidaire
Pour porter ces propositions jusqu'au bout, il est essentiel de défendre l'indépendance du Québec comme un véritable projet de société : un Québec indépendant, démocratique, égalitaire, multinational et pluriculturel, fondé sur l'autodétermination des peuples qui y vivent et sur la justice sociale. L'indépendance ne peut être dissociée de la lutte pour une société plus juste, inclusive et solidaire.
Proposition 10 – Pour une solidarité internationaliste militante et active
Un gouvernement solidaire inscrira la défense de la classe travailleuse dans une perspective internationaliste, en reconnaissant le caractère global des luttes sociales, écologiques et migratoires. Face à l'offensive mondiale du capital, à la déréglementation des marchés, à la crise climatique et aux déplacements forcés qu'elle engendre, un gouvernement solidaire tissera des liens concrets de solidarité avec les mouvements progressistes, syndicaux, autochtones, féministes et écologistes à travers le monde. Cela impliquera le refus du cours guerrier de l'impérialisme, la dénonciation des accords de libre-échange néocoloniaux et le soutien actif aux luttes pour la justice climatique, la souveraineté alimentaire et les droits humains.
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Une politique canadienne d’appui constant à Israël

L'appui du Canada envers Israël est constant et profondément marqué. Du « plan de partage » déclaré par l'ONU en 1947, qui octroi officiellement 55% du territoire palestinien à Israël, à aujourd'hui, le Canada s'est toujours montré en faveur de la colonisation et du sionisme.
Tiré du Journal des alternatives.
Le 23 avril dernier a eu lieu la quatrième soirée d'une série de cinq événements organisés par la coalition du Québec URGENCE Palestine à l'UQAM sur la politique canadienne d'appui au projet sioniste. Cette conférence a démontré l'implication importante et méconnue des politiques canadiennes en faveur du sionisme et de la colonisation de la Palestine. Animée par Diane Lamoureux, elle a donné la parole à Rachad Antonius, professeur titulaire retraité de sociologie à l'UQAM et auteur de La conquête de la Palestine et Yves Engler, auteur et journaliste, critique de la politique étrangère canadienne. Il est notamment l'auteur de Canada and Israel : Building Apartheid.
Une histoire de colonisation profondément ancrée
Rachad Antonius fait ressortir trois mouvements qui expliquent la situation actuelle.
De 1917 à 1947, c'est la préparation de la conquête. La Grande Bretagne est responsable du territoire et soutient l'établissement d'un « foyer national juif » en Palestine. L'immigration juive est croissante, soutenue par le mouvement sioniste européen et encouragée par les autorités coloniales, provoquant une dépossession progressive des terres palestiniennes et une résistance de plus en plus forte des populations arabes locales. Les tensions culminent en révoltes palestiniennes violemment réprimées, jusqu'à ce que, la Grande-Bretagne remette sa responsabilité à l'ONU, menant au plan de partage de 1947.
Après la Seconde Guerre mondiale, l'ONU propose un plan de partage qui prévoit la création de deux États, l'un juif et l'autre arabe, attribuant 55 % du territoire à la minorité juive.
Yves Engler mentionne que déjà à ce moment, le diplomate canadien et futur premier ministre Lester B. Pearson affirme son appui au sionisme. Pearson a fortement contribué à l'adoption du plan de partage, qu'il considérait comme une opportunité d'ancrer un « avant-poste de l'Ouest au Moyen-Orient ». Son objectif était de diviser les alliances entre Arabes et Soviétiques. Il s'est inspiré d'un racisme profondément ancré de la population arabe palestinienne en ligne avec les attitudes judéo-chrétiennes à l'égard de la terre sainte, ainsi que des préjugés coloniaux et « orientalistes ».
Conquête par la guerre et l'occupation
De 1947 à 1993, c'est la conquête par la guerre et l'occupation. Alors que l'ONU signe en 1960 la déclaration qui condamne la colonisation et soutient le droit des peuples colonisés à l'autodétermination, Israël continue d'expulser violemment le peuple palestinien de ses terres pour gagner plus de territoire. Ce qui mène peu à peu à l'occupation de 78 % du territoire contre 22 % attribué aux Palestinien.nes.
Bien que le Canada soutienne en théorie cette déclaration de l'ONU et la quatrième convention de Genève, il déclare être en faveur d'une solution « négociée » fondée sur la coexistence de deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte.
Aujourd'hui, la position du Canada n'a pas changé
De 1993 à 2023, on entre dans des fausses excuses de paix. Les termes officiels changent suite aux déclarations de l'ONU et à la Quatrième Convention de Genève, mais la colonisation gagne du terrain et Israël escalade la violence menant au génocide actuel.
Alors que le droit international condamne la colonisation, les pays occidentaux ne peuvent pas défier ouvertement ces principes, ils continuent de soutenir Israël sous d'autres prétextes.
La position canadienne officielle met l'accent sur la nécessité de préserver un « processus de paix » et d'éviter toute perturbation, préférant un règlement négocié plutôt que des mesures qui condamnent Israël.
Le Canada subventionne Israël avec des centaines d'organisations et de fondations diverses et variées. Sur le plan militaire, bien que la loi canadienne interdit l'envoi d'armes à un pays qui viole les droits humains, le Canada continue les transferts d'armes vers Israël.
D'après Amnesty International, entre le 7 octobre et le 6 décembre 2023, des documents d'Affaires mondiales Canada révèlent que des exportations de près de 30 millions de dollars de matériel militaire ont été autorisées. Ces exportations s'ajoutent à plus de 140 millions de dollars de biens militaires transférés à Israël au cours de la dernière décennie. Le gouvernement a affirmé que les licences délivrées concernaient uniquement du matériel non létal, mais des spécialistes soulignent que ces composants peuvent être intégrés dans des systèmes d'armement utilisés dans des opérations militaires.
Même si les termes actuels changent et que les politiques canadiennes se prononcent publiquement en faveur de la Palestine aujourd'hui, les actions ne suivent pas et ne montrent pas de réel soutien.
Pour en savoir plus
Coalition du Québec URGENCE Palestine
A Brief History of Canada's Role in the Colonization of Palestine
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Israël va « occuper Gaza » après que le gouvernement a approuvé l’extension de la guerre

Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, a déclaré que son pays allait « enfin » occuper la bande de Gaza, le gouvernement de Benyamin Netanyahou ayant ordonné un élargissement de la guerre contre l'enclave palestinienne.
Tiré d'À l'encontre.
Le ministre d'extrême droite a déclaré qu'Israël ne se retirerait pas de Gaza, même si les prisonniers israéliens étaient libérés en échange, soulignant que leur libération n'était possible que si le Hamas était « maté ».
« Nous allons enfin occuper la bande de Gaza. Nous allons cesser d'avoir peur du mot “occupation” », a déclaré Bezalel Smotrich au journaliste Amit Segal de Channel 12 lors d'une conférence de presse.
« Nous allons prendre enfin le contrôle de toute l'aide humanitaire, afin qu'elle ne serve pas à approvisionner le Hamas. Nous séparerons le Hamas de la population, nous nettoierons la bande de Gaza, nous ramènerons les otages et nous vaincrons le Hamas », a-t-il ajouté.
Le plan d'Israël pour étendre son offensive à Gaza diffère des opérations précédentes. Une source politique a déclaré à Ynet (Yedioth Ahronoth) que Netanyahou avait déclaré à ses ministres : « Nous passons de la méthode des raids à celle de l'occupation des territoires et de notre maintien sur place. »
Selon le plan annoncé, les Palestiniens seront contraints de se déplacer vers le sud de Gaza, et Israël est en pourparlers avec d'autres pays concernant le projet d'expulsion de la population de Gaza promu par le président Donald Trump.
« Netanyahou a souligné lors de la discussion qu'il s'agissait d'un bon plan, car il permettait d'atteindre les objectifs de vaincre le Hamas et de libérer les otages », a déclaré la même source à Ynet.
Cependant, « l'opinion publique israélienne » et d'autres officiels affirment le contraire.
Le Forum des familles des otages et des disparus, un groupe qui se consacre au retour des otages israéliens de Gaza, a riposté en qualifiant cette opération de « plan Smotrich-Netanyahou » (Haaretz, 5 mai 2025), qui, selon lui, vise à « abandonner les otages, la sécurité et la résilience nationale d'Israël ».
Dans le même temps, le chef d'état-major Eyal Zamir [occupant cette fonction depuis le 5 mars] a averti que ce plan pourrait mettre en danger la vie des otages restants à Gaza. « N'oubliez pas que dans le cadre d'une vaste manœuvre, nous pourrions perdre les otages », aurait déclaré Eyal Zamir à Netanyahou.
« L'avertissement du chef d'état-major devrait priver de sommeil tous les citoyens israéliens. Une écrasante majorité de la population est unie autour de l'idée qu'une victoire israélienne ne peut être obtenue sans le retour des personnes enlevées », a répondu le Forum des familles des otages et des disparus.
« Perdre les personnes enlevées signifie une perte pour Israël. La sécurité nationale et la cohésion sociale dépendent du retour de toutes les personnes enlevées, jusqu'à la dernière. »
Contrôle militaire de la distribution de l'aide
Israël refuse toute aide humanitaire à Gaza depuis qu'il a rompu unilatéralement le cessez-le-feu avec le Hamas il y a deux mois.
Lors des discussions du cabinet sur le contrôle de la distribution de l'aide, le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a souligné qu'aucun produit de première nécessité ne devait être acheminé dans l'enclave, malgré les niveaux critiques de famine enregistrés à Gaza et l'effondrement de son secteur médical. « Nous devrions bombarder les réserves alimentaires du Hamas », aurait déclaré Itamar Ben Gvir lors des réunions.
Eyal Zamir a fait remarquer que ce type de suggestions était « dangereux pour nous », ce à quoi Itamar Ben Gvir a répondu : « Nous n'avons aucune obligation légale de nourrir ceux que nous combattons, il y a suffisamment de nourriture. »
La famine imposée et les punitions collectives constituent des crimes de guerre. Vendredi 2 mai, Amnesty International a appelé Israël à mettre fin à son blocus de Gaza, qu'elle a qualifié d'« acte génocidaire, de forme flagrante de punition collective illégale et de crime de guerre consistant à utiliser la famine des civils comme méthode de guerre ».
En outre, les Nations unies et des organisations humanitaires ont dénoncé ces nouveaux plans, car la distribution de nourriture et de produits de première nécessité à plus de deux millions de personnes à Gaza sera dirigée par l'armée israélienne.
Dans une déclaration commune publiée dimanche, les agences des Nations unies et les ONG ont déclaré que ce plan « contrevient aux principes humanitaires fondamentaux et semble conçu pour renforcer le contrôle sur les articles de première nécessité comme moyen de pression, dans le cadre d'une stratégie militaire ».
Elles ont ajouté que les responsables israéliens s'efforçaient de « mettre fin au système actuel de distribution de l'aide géré par les Nations unies et ses partenaires humanitaires », ce qui pourrait signifier qu'une grande partie de la bande de Gaza n'aurait plus accès à l'aide humanitaire. « Il est dangereux de pousser les civils dans des zones militarisées pour collecter des rations, mettant ainsi en danger des vies, y compris celles des travailleurs humanitaires, tout en renforçant encore les déplacements forcés », ajoute la déclaration.
Les agences des Nations unies et les organisations de défense des droits humains ont déclaré qu'elles ne participeraient à « aucun programme qui ne respecte pas les principes humanitaires mondiaux d'humanité, d'impartialité, d'indépendance et de neutralité ».
« L'action humanitaire répond aux besoins des populations, où qu'elles se trouvent… Nous exhortons les dirigeants mondiaux à user de leur influence pour que cela se produise. C'est maintenant ou jamais », ont-elles déclaré.
Selon Munir al-Bursh, directeur général du ministère de la Santé à Gaza, le blocus, qui est aujourd'hui le plus sévère depuis le début de la guerre il y a 18 mois, a plongé près de 91% de la population, soit environ deux millions de personnes, dans une crise alimentaire.
Le nombre d'enfants traités pour malnutrition a augmenté de 80% en avril par rapport à mars, en raison du blocus, a rapporté le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).
Selon l'OCHA, 92% des enfants âgés de six mois à deux ans – et leurs mères – ne reçoivent pas l'alimentation minimale requise, tandis que 65% de la population de Gaza n'a pas accès à l'eau potable.
Les forces israéliennes ont tué plus de 52 500 Palestiniens dans l'enclave assiégée, dont plus de 15 000 enfants, et blessé 118 600 autres. Au moins 10 000 personnes supplémentaires sont portées disparues.
Article publié sur le site Middle East Eye le 5 mai 2025 ; traduction rédaction A l'Encontre.
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J’accuse…

À Gaza, on garde les yeux fixés sur le ciel au cas où une goutte d'eau pourrait tomber pour calmer une langue sèche et tremblante incapable de prononcer un seul mot.
On scrute l'horizon pour tenter de détecter un camion ou un bateau porteur d'un morceau de pain qui pourrait empêcher les affres de la faim. On regarde autour de soi au cas où un figuier magique sortirait du sol pour nourrir le bébé affamé parce que le sein sec de sa mère ne peut plus le nourrir. Qui peut hurler à sa place pour déranger un monde veule et insouciant qui ne veut pas entendre les gémissements des mourants ?
Depuis longtemps, des gens prennent la plume pour dénoncer les injustices et les ignominies. Le 13 janvier 1898, l'écrivain Émile Zola publiait son manifeste personnel, J'accuse, dans le journal l'Aurore pour dénoncer la vilenie des témoignages truqués qui avaient fait condamner Alfred Dreyfus, officier d'état-major français d'origine alsacienne et de confession juive, faussement accusé d'avoir trahi la France et d'avoir collaboré avec les Allemands. Zola a pris sur lui de faire éclater la vérité. Aujourd'hui, considérant le sacrifice humain de la population de Gaza soumise à la faim et à la soif et devant tenter de déjouer la mort en raison de la violence guerrière.
La planète entière regarde les débordements de la démence guerrière et de la tyrannie d'une armée israélienne vouée à la destruction humaine et matérielle de Gaza. Devant cet état de fait, dans Le Devoir du 8 mai, Émilie Nicolas pose la bonne question : « La question qui se pose à nos élus, comme à toute la communauté internationale, c'est : pourquoi laisse-t-on faire ? »
Alors que l'on souligne la fin de la guerre 1939-1945 et la fin des camps de concentration d'extermination des Juifs et de milliers d'autres personnes jugées indésirables (Roms, communistes, etc.) selon les critères nazis, on semble avoir oublié les leçons de l'Holocauste. Les victimes gazées et brûlées dans les fours crématoires seraient-elles mortes en vain ? De leur côté, les survivant.e.s de ce drame humain ont clamé sur tous les tons depuis des décennies que toutes les tentatives d'extermination d'un peuple sont inacceptables, ignobles et condamnables. Bien sûr, le vécu dans les camps de concentration et celui des Gazouis n'est pas de même nature, mais les similitudes de sens et les conséquences à plus ou moins long terme relèvent d'une volonté d'extermination parente. Malgré les leçons tirées de la barbarie nazie, la guerre américano-israélienne impitoyable contre les habitants de Gaza, à cause de la bêtise des dirigeants politiques du Hamas qui ont orchestré une attaque insensée et funeste de civils israéliens en octobre 2023, reste condamnable.
Après la 2e Guerre mondiale, plusieurs personnes ont plaidé l'ignorance des camps de la mort pour justifier leur silence, mais aujourd'hui, personne ne peut ignorer l'utilisation d'une force létale démesurée à Gaza. Le silence devient injustifiable.
J'accuse les puissances militaires américaines et israéliennes de trahir la mémoire des victimes des camps d'extermination nazis.
J'accuse les dirigeants américains et israéliens de planifier la mort lente du peuple palestinien.
J'accuse l'État israélien d'utiliser les privations de nourriture, d'eau et de soins de première nécessité comme arme de guerre, ce en violation assumée du droit des populations civiles à la protection.
J'accuse les dirigeants politiques occidentaux de faire montre d'hypocrisie en gardant un silence complice en observant les ignominies commises à Gaza.
J'accuse particulièrement le gouvernement canadien et ses complices, les fabricants d'armes, de rester silencieux devant le massacre des Gazaouis, ce malgré la diminution partielle du soutien militaire canadien à Israël.
J'accuse le gouvernement canadien de maintenir abusivement la position, maintenant intenable, du droit d'Israël à se défendre ; Israël est maintenant en mode d'extermination et d'occupation, pas de défense.
J'accuse le gouvernement canadien de suivre aveuglément la politique américaine de soutien inconditionnel à Israël dans sa stratégie de colonisation et de destruction du territoire palestinien.
J'accuse les dirigeants des pays membres de l'OTAN, dont le Canada, toujours prompts à adopter des sanctions contre la Russie, de rester les bras croisés devant la destruction et le désarroi du peuple palestinien.
J'accuse les dirigeants des pays membres de l'OTAN, dont le Canada, à promouvoir la construction perpétuelle d'un ennemi, la préparation de la guerre par la sacralisation de l'augmentation scandaleuse des budgets militaires au détriment d'un développement social et économique durable et pacifique.
J'accuse leur duplicité silencieuse, généralisée, assumée, leurs faux-semblants et leurs singeries.…
Comme l'écrivait Amélie Nicolas dans Le Devoir en référant au récit Primo Levi, Si c'est un homme, récit de survivant d'Auschwitz : « Comprend-on que la honte, la tache sur l'âme, les silences, les tabous peuvent aussi rejaillir — non, vont nécessairement rejaillir — et altérer la boussole morale de l'humanité entière pour des générations si on laisse faire ? On le sait pourtant très bien déjà : même 80 ans plus tard, les mots de Levi ont toujours le pouvoir de nous faire frémir. »
Peut-on apprendre à vivre la paix et la justice en relisant les pages de l'histoire des guerres alors nous nous laissons engloutir collectivement par les remous de la désinformation et de l'indolence face à la misère ?
André Jacob, artiste pour la paix
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Inde-Pakistan. Au bord du gouffre ?

L'Inde et le Pakistan se préparent à la guerre. Le casus belli est, une fois de plus, le Cachemire occupé. Depuis 1947, le contrôle de cette région contestée est le principal obstacle à la normalisation des relations entre les deux Etats [1]. Le 22 avril 2025, un groupe de militants cachemiris a pris pour cible et tué 26 touristes qui admiraient la beauté des prairies fleuries, des ruisseaux cristallins et des montagnes enneigées de Pahalgam. La responsabilité de l'attaque a été revendiquée puis rapidement rejetée par une organisation peu connue appelée « Front de résistance ».
Tiré d'À l'encontre.
Il s'agissait d'un camouflet particulier pour Narendra Modi (qui a notamment présidé, en tant que ministre en chef, au massacre d'environ 2000 civils lors du massacre du Gujarat en 2002, et qui est depuis longtemps un défenseur des pogroms anti-musulmans). Nationaliste hindou d'extrême droite, actuellement au pouvoir pour son troisième mandat en tant que Premier ministre de l'Inde, Narendra Modi avait précédemment déclaré qu'il n'y avait plus de problème sérieux au Cachemire. Sa dernière solution – révoquer le statut d'autonomie du Cachemire en 2019 – était couronnée de succès [2].
Rien ne justifie le massacre des vacanciers de Pahalgam, et très peu de musulmans cachemiris ou indiens soutiendraient des actions de ce type. Mais le contexte historique est nécessaire pour comprendre la situation globale dans la province. Même Israël a un quotidien comme Ha'aretz. Pas l'Inde. Le Cachemire reste un sujet tabou. Cette province à majorité musulmane n'a jamais été autorisée à déterminer son propre destin, comme l'avaient promis les dirigeants du Congrès au moment de l'indépendance. Au lieu de cela, elle a été partagée entre les nouvelles républiques de l'Inde et du Pakistan après une courte guerre au cours de laquelle le commandant britannique de l'armée pakistanaise a refusé d'accepter son engagement, laissant une force hétéroclite affronter les troupes régulières indiennes. Le célèbre pacifiste Mahatma Gandhi a béni l'invasion indienne. Les articles 370 et 35A de la Constitution indienne étaient censés garantir le statut spécial du Cachemire, notamment en interdisant aux non-Cachemiris d'acheter des biens immobiliers et de s'y installer. Cette mesure s'accompagnait d'une répression brutale de toute manifestation de mécontentement, transformant le Cachemire en un Etat policier où les unités militaires n'étaient jamais très loin. Les meurtres et les viols étaient monnaie courante. Des fosses communes ont été découvertes.
Des citoyens et citoyennes indiens courageux (Arundhati Roy, Pankaj Mishra et d'autres) ont sans relâche dénoncé ces crimes. Angana Chatterji [co-éditrice avec Tariq Ali de l'anthologie d'essais intitulée Kashmir : The Case for Freedom, Verso Books, octobre 2011] a cité de nombreux exemples révélés au cours de son travail de terrain entre 2006 et 2011 : « Beaucoup ont été contraints d'assister au viol de femmes et de filles membres de leur famille. Une mère qui aurait reçu l'ordre de regarder le viol de sa fille par des militaires a supplié qu'on libère son enfant. Ils ont refusé. Elle a alors supplié qu'on la laisse sortir de la pièce, sinon elle se tuerait. Le soldat a pointé son arme sur son front, déclarant qu'il exaucerait son souhait, puis il l'a abattue avant de violer sa fille. »
Cela n'aurait pas été illégal. La loi de 1958 sur les pouvoirs spéciaux des forces armées accorde l'impunité aux défenseurs en uniforme de l'Etat central dans les « zones perturbées », comme l'a confirmé la Cour suprême indienne.
La stratégie de Modi en 2019 consistait à inonder le Cachemire de troupes indiennes, à imposer des mesures de confinement, à arrêter les dirigeants locaux et les journalistes et à semer suffisamment la terreur parmi la population pour éviter toute manifestation susceptible de provoquer des objections de la part des puissances occidentales. L'objectif était de transformer la vallée en centre laitier pour tout le pays. La répression semblait avoir fonctionné, jusqu'à présent.
***
Le gouvernement indien est convaincu que ces assassinats [du 22 avril] ont été orchestrés par l'armée pakistanaise. Aucune preuve n'a été fournie à ce jour, mais cette accusation est plus plausible que la réponse pakistanaise, qui affirme qu'il s'agit d'une opération sous faux pavillon. Pour ajouter à la confusion, le 24 avril, le ministre pakistanais de la Défense, Khawaja Muhammad Asif, a confirmé à la télévision britannique (Sky News) que le Pakistan avait une longue histoire de formation et de financement de telles organisations terroristes, déclarant : « Nous faisons ce sale boulot pour les Etats-Unis depuis environ trois décennies. » Quelques jours plus tard, Asif a également prédit une « incursion » indienne au Pakistan, avant de se rétracter.
Les politiciens indiens de presque tous les bords appellent à la guerre. Shashi Tharoor, membre du Congrès et ancien haut fonctionnaire des Nations unies, a déclaré : « Oui, il y aura des effusions de sang, mais davantage du côté pakistanais que du nôtre. » L'opinion publique est favorable à une guerre de vengeance courte et intense. Le génocide perpétré par Israël à Gaza a été cité en exemple, mais un autre modèle est plus probable. Après le bombardement par Israël de l'ambassade iranienne à Damas en avril 2024, la CIA s'est empressée d'organiser une riposte soigneusement maîtrisée, avec les défenses aériennes américaines, françaises, britanniques et jordaniennes dans la région prêtes à abattre les drones et les missiles iraniens.
L'armée et l'aviation indiennes sont actuellement en train de planifier une attaque, mais celle-ci pourrait s'apparenter à celle menée par l'Iran. Des généraux à la retraite se vantent des réserves de drones de l'Inde. La mesure la plus extrême envisagée consiste à occuper le Cachemire contrôlé par le Pakistan et à le réunir avec sa partie occupée par l'Inde. Les menaces de couper l'approvisionnement en eau du Pakistan ne sont que des fanfaronnades et la riposte de Bilawal Bhutto [président du Parti du peuple pakistanais, fils de Benazir Bhutto] – « Si l'eau ne coule pas, c'est votre sang qui coulera » – était immature et stupide, même pour un ancien ministre des Affaires étrangères pakistanais.
La presse indienne a affirmé qu'un discours public incendiaire prononcé le 17 avril par le chef de l'armée pakistanaise, le général Asim Munir, devant des représentants de la diaspora pakistanaise, avait donné le signal pour Pahalgam. D'autres, dont un ancien major de l'armée pakistanaise, Adil Raja, affirment que l'attaque était une initiative personnelle de Munir visant à renforcer sa propre position et à ouvrir la voie à une nouvelle dictature militaire. Cette initiative aurait été combattue par l'ISI [Inter-Services Intelligence, services secrets pakistanais, « un Etat dans l'Etat »]. Contrôle des dommages ou vérité ? Difficile à dire, même si le discours effroyable de Munir donne quelques indices.
Ce discours visait clairement à faire comprendre aux riches Pakistanais de l'étranger que l'armée dirige le pays. Certains membres de l'auditoire avaient sans doute été engagés pour applaudir debout les remarques d'une grossièreté, d'une vulgarité et d'une ignorance sans précédent du chef de l'armée. Je ne me souviens pas qu'un seul dictateur militaire du pays se soit jamais exprimé de cette manière. Le général Ayub Khan [1958-1969], formé à Sandhurst [Académie royale militaire britannique], était fade et laïc. Le général Yahya Khan [1969-1971] était très divertissant lorsqu'il était ivre et évitait les apparitions publiques. Le général Zia-ul-Haq [1978-1988] était un sadique religieux, mais cherchait désespérément à conclure un accord avec l'Inde ; dénoncer les hindous n'était pas son style. Le général Musharraf [2001-2008] était essentiellement laïc, relativement cultivé et très attaché au rapprochement avec l'Inde.
La tentative du général Munir de se présenter comme une version pakistanaise en uniforme de Modi a été un échec cuisant. Il a fait trois affirmations, toutes des mensonges nationalistes répugnants. Premièrement, que les hindous étaient et avaient toujours été l'ennemi, et que les musulmans ne pourraient jamais vivre avec eux. C'est l'inverse de l'affirmation de Modi selon laquelle tous les musulmans indiens sont des convertis de l'hindouisme et devraient revenir à leur ancienne foi. Quelqu'un aurait dû informer le général : les musulmans ont coexisté avec les hindous, puis avec les sikhs, pendant près de douze siècles avant 1947. La période moghole (1650-1720) – haïe tant par Modi que par les fondamentalistes islamiques) – a donné naissance à des armées intégrées, composées de généraux et de soldats hindous et musulmans qui défendaient l'empire créé par les musulmans.
L'islam s'est propagé si rapidement que de nombreuses traditions et rituels préislamiques d'Afrique de l'Ouest, d'Europe, d'Inde, de Chine et d'Asie du Sud-Est ont été intégrés à la nouvelle religion. La version exclusivement wahhabite de l'histoire enseignée aujourd'hui au Pakistan est étroite et fausse. Il y a eu de nombreux exemples de culte commun des saints par les hindous et les musulmans dans certaines régions de l'Inde pré-britannique et même plus tard. Cette version imbécile de l'histoire islamique rend un très mauvais service aux Pakistanais, tant dans leur pays qu'à l'étranger. C'est l'une des raisons pour lesquelles tant de jeunes musulmans sont incapables de lutter contre l'islamophobie.
Munir a évoqué le Cachemire dans ces termes : « Ce sera notre veine jugulaire, nous ne l'oublierons pas, nous n'abandonnerons pas nos frères cachemiris dans leur lutte historique. » En réalité, la majorité des Cachemiris vivent sous domination indienne depuis août 1947. Le Cachemire contrôlé par le Pakistan ne correspond pas à la métaphore anatomique du général. Il serait plus approprié de le comparer à un canal superflu du foie du général Yahya.
La troisième référence, très émotionnelle, concernait le caractère inviolable de la « théorie des deux nations », qui était le fondement de la charte idéologique du Pakistan. Mais celle-ci a été violée par l'armée pakistanaise en 1970, lorsqu'elle a refusé de reconnaître le fait que les Bengalis du Pakistan oriental avaient remporté la majorité absolue [Ligue Awami] aux élections de cette année-là. C'est le refus du général Yahya d'accepter le résultat qui a conduit à d'énormes massacres de musulmans bengalis par leurs soi-disant frères du Pakistan occidental [initiés en mars 1971], suivis d'une guerre civile et de l'intervention indienne [en décembre 1971, guerre indo-pakistanaise qui aboutit à l'indépendance du Pakistan oriental sous le nom de Bangladesh]. Ce fut la fin de la théorie des deux nations. Contrairement à ce que le général a dit à son auditoire, loin de sauver le Pakistan, le haut commandement de l'armée l'a conduit au bord de la ruine politique et économique. Une liste des chefs de l'armée qui ont pris leur retraite, en tant que milliardaires, aurait dû être mise à la disposition des expatriés réunis.
***
Admettons, pour les besoins de l'argumentation, que Pahalgam était une opération pakistanaise. Pourquoi maintenant ? Les responsables pakistanais affirment que l'Inde est derrière l'Armée de libération du Baloutchistan (BLA), une organisation nationaliste de guérilla qui veut que la province du sud-ouest se sépare du Pakistan. L'action la plus audacieuse de la BLA ces derniers temps a eu lieu le 13 mars, lorsqu'elle a fait dérailler un train dans la région sauvage du col de Bolan et pris en otage les passagers civils. Les unités de la BLA ont attaqué assez régulièrement des campements militaires et des gares ferroviaires. Cette dernière attaque particulièrement atroce avait été très bien préparée. Le Pakistan est convaincu, et de nombreux observateurs partagent cet avis, que l'Inde arme et finance la BLA. Les spéculations sur l'activité navale chinoise dans le port de Gwadar [issu d'un projet sino-pakistanais, inauguré en 2007] suggèrent à beaucoup que les Etats-Unis pourraient s'ajouter à la liste des bailleurs de fonds de la BLA. Des dizaines de travailleurs chinois ont été tués par des nationalistes baloutches.
La situation est complexe et le Pakistan est loin d'être irréprochable dans la création de ce mélange explosif, mais comme l'ont découvert les nationalistes kurdes, il n'y a pas de véritable indépendance dans le monde d'aujourd'hui ; les Kurdes se sont alliés à Israël et aux Etats-Unis en Irak et en Syrie. La BLA est confrontée à des choix similaires ; expulser la Chine de Gwadar ne peut être son seul objectif. Les anciens nationalismes progressistes et décolonisateurs ont disparu depuis longtemps. Les Baloutches ont le choix entre le Pakistan ou l'Inde, ainsi que leurs alliés respectifs. Comme dans les régions kurdes, les dirigeants désignés s'enrichiront tandis que la population souffrira. Le Baloutchistan ne fera probablement pas exception, et ses minerais et autres ressources souterraines seront exploités par des multinationales géantes. Regardez l'Irak.
L'opération de Pahalgam était-elle une riposte à l'attaque du col de Bolan un mois auparavant ? C'est possible. La guerre résoudra-t-elle quoi que ce soit, même si l'Inde parvient à ajouter une minuscule parcelle au Cachemire qu'elle occupe ? J'en doute. En coulisses, l'Inde a proposé au Pakistan un accord selon les termes suivants : « Acceptons le statu quo et reconnaissons la ligne de contrôle (frontière) comme permanente. Ensuite, nous signerons un traité de paix, libéraliserons le commerce, lèverons toutes les restrictions sur le cricket pakistanais et supprimerons les visas. » On m'a dit que l'armée pakistanaise était tentée, mais divisée. La faction « Le Cachemire est notre veine jugulaire » l'a emporté.
Pour la plupart des Cachemiris, la meilleure solution serait un Etat autonome unifié dont la sécurité serait garantie par le Pakistan et l'Inde et le rétablissement des articles 370 et 35A de la Constitution indienne. Trop beau pour être vrai ? Peut-être. Mais les alternatives sont irréalisables, voire pires.
Lors de la dernière vague de manifestations contre le régime autoritaire de Modi en Inde [3], comme après la chute de la dictature militaire de Zia en 1988, des étudiants et d'autres personnes, hindous, musulmans, chrétiens et sikhs, se sont rassemblés des deux côtés de la frontière pour réciter un poème de Faiz Ahmad Faiz, qualifié d'« anti-hindou » par les partisans de Modi :
Nous verrons
Nous verrons sûrement
Le jour qui a été promis
gravé dans la pierre au commencement des temps
nous serons témoins du jour
où la puissante montagne d'oppression et de cruauté
sera balayée comme de la ouate
quand sous nos pieds, nous les opprimés
La terre bougera, vibrera et tremblera
Quand au-dessus des têtes de ceux qui gouvernent
Le tonnerre et les éclairs jailliront et brilleront
Et seul le nom de Dieu restera
qui est tout autour de nous et caché à nos yeux
Qui est à la fois le spectacle et le public
Et le slogan s'élèvera : « Je suis la vérité »
Et cela signifie moi, et cela signifie vous
Et le peuple de Dieu régnera enfin
Et cela signifie moi, et cela signifie vous
Nous verrons certainement ce jour
(Article publié sur le site Sidecar le 3 mai 2025 ; traduction et édition rédaction A l'Encontre)
Notes
[1] Suite à la partition en 1947 – de facto sous la houlette de l'impérialisme anglais – de l'Inde en Union indienne, majoritairement hindoue, et du Pakistan, à majorité musulmane, le Cachemire, comme le souligne Jean-Luc Racine dans Le Monde du 11-12 mai, « incarne l'inachèvement [de cette partition] » dont « les conséquences continuent d'alimenter les tensions entre les deux pays ».
Jean-Luc Racine continue ainsi : « Le 27 octobre 1947, des milices musulmanes, venues des zones tribales proches de l'Afghanistan, entrent au Cachemire et marchent sur Srinagar. Face à ces incursions, le maharaja sollicite l'aide de l'Inde. Le premier ministre Nehru accepte d'envoyer des troupes, à la condition que le royaume signe l'acte d'accession le rattachant officiellement à l'Inde. Le maharaja accepte. Ce geste déclenche le premier conflit indo-pakistanais, qui s'achève par un cessez-le-feu, le 1er janvier 1949, autour d'une ligne scindant en deux le Cachemire. La région est, depuis, régulièrement agitée par des tensions militaires, parfois extrêmes [au moins 70 000 morts et 8000 disparus parmi les civils, depuis la fin des années 1980]. » (Réd.)
[2] Jean-Luc Racine précise à ce propos dans l'entretien cité au Monde : « En 2019, les articles 370 et 35A sont abrogés par le gouvernement de Narendra Modi, au motif que ce statut spécial freine l'intégration nationale et favorise le séparatisme. Pour le Parti du peuple indien [BJP, parti nationaliste hindou au pouvoir], la suppression de ce statut constitue une étape vers l'unité de l'Inde, rassemblée autour de l'hindutva, l'hindouité. Le Jammu-et-Cachemire perd alors son autonomie, devient un territoire de l'Union, placé sous le contrôle direct de New Delhi. Le marché foncier et les emplois sont désormais ouverts à tous les citoyens indiens, suscitant des craintes de changement démographique, au profit des hindous acquis à New Delhi. C'est d'ailleurs ce point qu'a invoqué le Front de résistance du Cachemire, en revendiquant l'opération terroriste de Pahalgam – avant un démenti. » (Réd.)
[3] Au plan du climat électoral, l'élection de l'Assemblée législative dans l'Etat oriental du Bihar – il compte 130 millions d'habitants – qui se dérouleront en octobre et novembre 2025 n'est pas absente de la rhétorique guerrière de Modi, en faisant la démonstration aux yeux des électeurs de représailles décidées contre les « terroristes ». Quant aux militaires pakistanais, qui tirent les ficelles du pouvoir, Christophe Jaffrelot, sur le site Asialyst (7 mai 2025), précise : « Je crois qu'on n'a pas vu une armée aussi impopulaire depuis la défaite de l'armée pakistanaise au Bangladesh en 1971. C'est dans ce contexte que, pour se refaire une virginité, pour apparaître comme les protecteurs de la nation, les militaires font volontiers de la surenchère vis-à-vis du Cachemire, pour que l'unité nationale se refasse derrière eux. C'est à ça que j'attribuerais une sortie anti-indienne assez étonnante du Général Munir, dans laquelle il est allé très loin : au-delà du Cachemire, c'est la différence entre hindous et musulmans qu'il a soulignée d'une manière caricaturale. » (Réd.)
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« Sortons la Caisse du Québec des crimes en Palestine »

Le samedi 31 mai à Québec, nous allons appuyer la campagne urgente « Sortons la Caisse des crimes en Palestine » lancée par la Coalition du Québec Urgence Palestine, composée d'au moins 50 groupes du Québec. Il s'agit d'une manifestation à Québec, qui se veut accessible au grand public, organisée par le Collectif de Québec pour la paix en collaboration avec Cégep de Sainte-Foy pour la Palestine, et avec l'appui de quelques groupes communautaires et syndicaux.
Manifestation le samedi 31 mai à Québec
« Sortons la Caisse du Québec des crimes en Palestine »
Pas un sous pour l'oppression, jamais en notre nom.
Cette manifestation focalise surtout sur nos propres responsabilités collectives et obligations internationales face aux crimes impensables commis contre la population de Gaza (près d'un million d'enfants à Gaza souffrent actuellement de faim, soif, etc.), et aussi contre d'autres Palestinien-nes. Nous nommons aussi ici les revendications immédiates et pour les droits connus, exigées aussi par les Nations unies.
Nos obligations internationales et nos responsabilités ...
*Revendication principale* : nous demandons que la Caisse de dépôt et de placement du Québec désinvestisse des entreprises qui soit
1) font affaire ou assistent les colonies illégales en violation patente de l'obligation internationale déclarée par le Conseil de sécurité de l'ONU, ou
2) font affaire avec l'armée israélienne malgré les Crimes contre l'Humanité, dont un génocide désormais incontestable (manifeste devant nos yeux), et des Crimes de guerre innombrables et incessants. Cela inclut, par exemple, des firmes d'ingénierie qui construisent un train reliant les colonies illégales, mais aussi les entreprises qui offrent des services à l'armée israélienne.
– Voir la campagne : cdpq-palestine.info
Aussi ...
* Le gouvernement du Canada doit s'assurer qu'aucune exportation à partir des territoires canadiens vise à fournir du matériel à l'armée israélienne, que cela soit officiellement des armes ou non. Il doit aussi s'assurer qu'aucun produit en provenance des colonies illégales ne soit sur les marchés canadiens.
* Nous exigeons que le gouvernement du Québec annule son bureau commercial en Israël, car non seulement ouvrir ce bureau récemment est irresponsable face à l'occupation de la Cisjordanie et des blocus de Gaza, mais c'est aussi inhumain face au contexte génocidaire actuel. Pendant que le gouvernement Legault se dit touché, ses actions témoignent plutôt d'une indifférence irresponsable.
– Nous résumons les exigences onusiennes et l'Histoire plus bas ... __
HEURE / LIEU / TRAJET QUAND : samedi 31 mai 2025, à 13 h
Rassemblement 13 h ; Discours 13 h 15 ; Départ 13 h 30.
OÙ : devant le Centre Lucien-Borne : 100 chemin Ste-Foy (intersection Salaberry)
TRAJET : une courte partie de l'ave. Cartier, du boul. René-Lévesque, de Turnbull*, mais surtout rue Saint-Jean (arrêt Place D'Youville), pour terminer à l'Édifice Price (bureau de la CDPQ, près de l'Hôtel de Ville).
https://www.google.com/maps/d/u/0/edit?mid=1iD6KoUWZqYuT6lX5aPxe8aWsD-ZkREE&usp=sharing
[5 mai : le trajet a été transmis au SPVQ. Nous attendons une réponse.]
SITE : www.paix.reseauforum.org - Liens vers les actions et les groupes à Québec.
FACEBOOK : événement Facebook sous peu (nous attendons l'affiche finale)
COURRIEL : paix@reseauforum.org
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L'affiche : elle devrait être disponible sur le site du Collectif Paix dès mardi et nous invitons les organismes solidaires de Québec à informer leurs membres et peut-être imprimer une affiche dans leurs bureaux. L'événement Facebook sera aussi publié mardi dès que nous avons l'affiche finale.
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Les solutions exigées par les Nations unies et que nous appuyons ...
* mettre fin d'urgence aux Crimes contre l'Humanité en cours, dont à un génocide, et aux innombrables Crimes de guerre ;
* mettre fin à l'occupation de la Cisjordanie, et donc aussi aux colonies déclarées illégales par l'ONU ;
* mettre fin aux blocus de Gaza ;
* mettre fin aux violations massives et systématiques des droits humains, notamment aux « détentions administratives », perpétrées par l'État israélien ;
* respecter réellement la souveraineté de l'Autorité palestinienne sur la Cisjordanie et Gaza ;
* respecter réellement des droits égaux pour toute personne, qu'elle soit arabe, juive, bédouine, etc., peu importe l'État ;
* permettre le droit de retour des personnes réfugiées, dont les familles ont fui jadis les crimes israéliens.
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77 années de dépossession violente, de crimes et d'oppression (1948-2025) :
Focaliser sur nos responsabilités et solutions actuelles ne signifie pas nier l'Histoire. Mai 2025, c'est 77 années de crimes violents, incluant d'incessants Crimes de guerre, de déplacements forcées, de dépossession, mais aussi d'occupation illégale (droit international), d'oppression, incluant des violations massives et systématiques des droits humains comme lesdites « détentions administratives », etc. En 1947, des milices sionistes attaquent des villages. En mai 1948, l'État israélien est déclaré sans égard à la population locale et fait expulser les populations de plus de 500 villages, soit près de la moitié de toute la population arabe. C'est ce que les Palestinien-nes nomment la Nakba, soit la catastrophe, journée de commémoration reconnue même par l'Assemblée générale des Nations unies[ [ https://www.un.org/unispal/about-the-nakba/ ]. ->https://www.un.org/unispal/about-the-nakba/]
Qui sommes-nous :
Le Collectif de Québec pour la paix est né de coalitions régionales (à Québec) en 2002 dénonçant d'abord des attaques militaires en territoires palestiniens et organisant ensuite de nombreuses manifestations importantes contre l'invasion de l'Irak en 2003. Depuis, nous avons organisé de nombreuses activités (conférences, discussions, assemblées citoyennes d'organisation, manifestations, etc.) pour demander la fin de diverses occupations militaires et situations d'oppression armée. www.paix.reseauforum.org
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Opération Craie-Mazie

Québec, le 9 mai 2025. Le 13 mai 2025, à partir de 7h et jusqu'à 8h30 du matin, le Conseil de quartier Montcalm organise l'Opération Craie-Mazie.
Conseil de quartier Montcalm
Par cette action, il désire manifester le souhait de la communauté de voir l'intersection Crémazie / Des Érables être sécurisée. Afin de rendre visible le passage fugace des piétons et cyclistes, le Conseil de quartier Montcalm tracera à la craie les empreintes de pas des gens qui traversent l'intersection. La somme des empreintes devrait parler d'elle-même en offrant un visuel coloré.
Si le Conseil a décidé d'organiser cette action citoyenne, c'est qu'il y a tout près d'un an, le 28 mai 2024, trois enfants ont failli être frappés par un autobus du RTC au coin de l'avenue des Érables et de la rue Crémazie Ouest, intersection qui n'a ni arrêt obligatoire, ni mesure d'apaisement, malgré les demandes répétées des parents et des citoyens depuis plusieurs années. À la suite de cet événement, une résolution du Conseil de quartier réclamait que l'intersection des Érables et Crémazie Ouest soit sécurisée, que ce soit par l'ajout d'une intersection surélevée, par un arrêt, par une traversée avec affichage, des saillies de trottoirs et un îlot refuge, ou un autre type d'aménagement. La Ville a refusé sous prétexte que « [l]es analyses de justification pour implanter des feux, des arrêts ou un passage pour piétons ont toutes été effectuées récemment, et aucun aménagement ne répond aux critères des normes du ministère du Transport et de la Mobilité durable (MTMD, anciennement MTQ). » Or, des arrêts ont été ajoutés à deux endroits récemment dans le quartier à des intersections similaires pour favoriser la mobilité active et améliorer la sécurité des piétons et cyclistes (Fraser et Bougainville ; Crémazie Ouest et Salaberry1). Ces normes du MTMD sont donc suffisamment flexibles pour que l'intersection Crémazie et des Érables soit sécurisée aussi..
La Ville a certes affirmé qu'« une problématique de visibilité réciproque a été constatée, et [qu'elle allait] demander l'interdiction de stationnement à proximité de l'intersection ». Cette dernière mesure semble bien mince compte tenu qu'un grand nombre d'élèves de l'école Anne-Hébert circulent à cet endroit matin et soir, mais aussi sur l'heure du dîner. Il y en aurait 34 uniquement au Projet Bourlamaque adjacent.
Plus encore, des citoyens ont observé que les automobilistes s'arrêtent naturellement à cette intersection et invitent les piétons à traverser d'un signe de la main, ce qui est parfois très dangereux, surtout pour les enfants, parce qu'un automobiliste qui arrive en sens inverse ne s'arrêtera pas forcément aussi.
Par l'Opération Craie-Mazie, le Conseil de quartier Montcalm souhaite que la Ville apporte des améliorations avec diligence ; n'attendons pas qu'un accident survienne pour agir.
Hélène Paradis, responsable du Comité Transport
Jonathan Tedeschi, co-président
Ann-Julie Rhéaume, citoyenne, responsable de Pas une mort de plus
Note
1. Ville de Québec, Sommaire décisionnel numéro TM2024-185 [en ligne]
https://gpddocs.ville.quebec.qc.ca/gpdblob/TM2024-185.pdf (site consulté le 18 juin 2024).
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