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L’absurde budget Carney via Trump et l’OTAN

3 juin, par Pierre Jasmin — , ,
Afin d'éviter le dévoilement des conséquences budgétaires de ses décisions inacceptables, notre banquier national Carney repousse son budget à l'automne, Par Pierre Jasmin, (…)

Afin d'éviter le dévoilement des conséquences budgétaires de ses décisions inacceptables, notre banquier national Carney repousse son budget à l'automne,

Par Pierre Jasmin, secrétaire général des Artistes pour la Paix

Le Bureau des affaires spatiales des Nations unies (United Nations Office for Outer Space Affairs, UNOOSA) est une organisation de l'Assemblée générale des Nations unies chargée des questions liées à l'espace mise sur pied le 13 décembre 1958. Elle maintient notamment le registre des objets lancés dans l'espace. Basé au Vienna International Centre en Autriche, l'organisme est dirigé depuis 2023 par Aarti Holla-Maini qui a succédé à Simonetta Di Pippo.

Un budget totalement déséquilibré

Afin d'éviter le dévoilement des conséquences budgétaires de ses décisions inacceptables, notre banquier national Carney repousse son budget à l'automne, après avoir « amadoué » Trump en lui présentant des promesses de budget militaire haussé à 82 milliards de $ dès 2030 et cela, sans compter les 61 milliards de $ que Trump lui réclame pour son Dôme d'or et les nouvelles exigences de l'OTAN à 5% du P.I.B. à ses 32 pays membres. Ayant évité NOTRE question posée par notre pétition du 7 mai où va notre humanité si on laisse un génocide se produire, les éditorialistes mainstream, toujours irresponsables, cachent comme ils peuvent la dénonciation de l'ancien ministre libéral des Affaires extérieures, Lloyd Axworthy, de ce Dôme d'or avalé par Carney. Fiction irréalisable comparable au programme Star Wars (abandonné par Reagan), le Dôme d'Or ridiculisé par le caricaturiste de LA PRESSE Serge Chapleau, met en outre en danger les ententes de l'ONU sur l'espace non militarisé, qui empêchent la Chine, déclarée impérialiste par la propagande médiatique (i), d'avoir le feu vert pour exploiter son indéniable avantage technologique creusé par ses universités bien financées (contrairement à Harvard et autres attaquées par Trump).
Le professeur Byers invité par Science for Peace

Parlons, puisque les médias n'en parlent pas, de la présentation fort pertinente du professeur Michael Byers, co-directeur de l'Outer Space Institute (UBC) affilié à l'UNOOSA (voir plus haut) devant 35 membres de SCIENCE FOR PEACE mercredi le 14 mai à Toronto. J'ai assisté à toute la présentation par zoom.

1- Il y a demandé le retour de l'idéal ONUSIEN du peacekeeping interrompu au cours des 30 dernières années du gouvernement canadien. Le Canada pourrait agir en toute légalité à Gaza et en Ukraine, en étonnant le monde entier par un retour d'influence auquel il a tourné le dos, en préférant prendre de l'argent à l'aide internationale pour le verser dans le puits sans fond de « la Défense ».

2- Le gouvernement prétend protéger notre North, strong and free (dixit le discours du trône de Charles III) de « la Russie qui possède 50% de l'Arctique total et n'a aucune intention de s'emparer de notre Arctique. Et pourquoi la Chine envahirait-elle notre Arctique dont elle possède légalement toutes les mines » a dit le professeur Byers ?

3- Pourquoi construire des frégates militaires Irving-Lockheed à plus de cent milliards de $, alors que « les besoins ne sont que pour des brise-glaces dotés d'armes opérationnelles aux mains de la RCMP contre les contrebandiers » ?

4- « Pourquoi construire des F-35 contrôlés par les USA et pour lesquels la main d'œuvre en pilotes et en techniciens est à peu près impossible à trouver ? » Absurde pour le professeur pour une fois d'accord avec Elon Musk qui les déclare obsolètes, vu le progrès des drones militarisés. En conclusion, le professeur a dénoncé l'augmentation du budget militaire à 2% du PIB canadien comme « absurde et contreproductif ».

La réplique yankee ne s'est pas fait attendre - la mienne, un peu

Deux jours après, l'ambassadeur américain Pete Hoekstra prenait la parole à la Chambre Canadienne de Commerce à Ottawa pour vanter les F-35 au nom de « l'interopérabilité » et le Dôme d'Or, comme « une extension bienvenue de NORAD ».

Personnellement, je m'explique mal pourquoi des pacifistes canadiens-anglais articulés comme Doug Roche, Steven Staples (Peace Quest), Robin Collins, Cesar Jaramillo qui vient de démissionner comme porte-parole de Project Ploughshares où il était en porte-à-faux avec son fondateur Ernie Regehr plus pacifiste, évitent par peur du gouvernement de dénoncer unanimement et fort le biais pro-nucléaire de Carney (ii) et l'OTAN comme le font

1- Le Réseau canadien pour la paix et la justice (iii)

2- Medea Benjamin, cofondatrice de CODEPINK et de GLOBAL EXCHANGE, organisme
international de défense des droits de la personne - merci pour cette terminologie à l'Artiste pour la Paix 1992 Simonne Monet-Chartrand, membre alors de la Voix des Femmes, qui a toujours demandé qu'elle succède à l'expression « droits de l'homme » - et
3- David Swanson de World beyond War .
C'est dans un ouvrage préfacé par le professeur Jeffrey Sachs de l'Université de Columbia, proche conseiller du Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres (on trouve sur youtube ses conférences européennes qui démolissent le proto-fascisme d'Ursula von der Leyen).
Cet ouvrage publié au Québec en français par LUX s'intitule fort justement : L'OTAN, une alliance au service de la guerre.

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Gaza mérite plus que des mots, M. Carney

Monsieur le Premier Ministre Mark Carney, la société civile québécoise est témoin depuis des mois de l'insoutenable inhumanité imposée par Israël au peuple de Gaza. En silence, (…)

Monsieur le Premier Ministre Mark Carney, la société civile québécoise est témoin depuis des mois de l'insoutenable inhumanité imposée par Israël au peuple de Gaza. En silence, ou presque. Cela suffit.

Voir tous les jours des civils — en majorité des femmes et des enfants — mourir de faim, succomber à leurs blessures dans des hôpitaux assiégés ou tomber sous les bombes nous indigne. Voir des travailleurs humanitaires et des journalistes assassinés impunément est inacceptable. Voir le droit humanitaire international bafoué par un État dit démocratique et ses dirigeants accusés de crimes de guerre est tout aussi révoltant.

Vingt mois et plus de 50 000 morts plus tard, infrastructures détruites et terres massacrées, la famine accable dans la bande de Gaza une population exsangue.

Nous refusons d'être maintenus dans l'impuissance et la passivité. Nous refusons le jugement que l'Histoire portera sur notre silence.

Nous appuyons fermement la position prise par le gouvernement du Canada le 19 mai dernier dans une déclaration commune avec la France et le Royaume-Uni. Devant les « actes honteux » du gouvernement Nétanyahou, les trois États demandent la fin de l'offensive militaire et le déploiement de l'aide humanitaire cruellement nécessaire, et se disent prêts, sinon, à prendre des « mesures concrètes ».

Nous, de la société civile, demandons aux élus d'aller plus loin que les mots, et plus rapidement. M. Carney, nous vous demandons de faire pression avec vos alliés pour que s'accélère la distribution d'eau, de nourriture et de soins de santé à la population de Gaza par les agences des Nations unies. Nous réclamons également la déclaration d'un cessez-le-feu immédiat de même que la libération immédiate des otages.

Il est temps de retirer tout appui au gouvernement Nétanyahou, notamment en cessant de vendre et de livrer de l'armement à Israël. Il faut aussi cesser toute importation en provenance des colonies illégales de Cisjordanie.

Nous proposons que le Canada joue un rôle prépondérant dans la pacification de la région, fort de son expérience en maintien de la paix et fort de ses nombreuses personnalités extrêmement qualifiées pour intervenir, dont le général Roméo Dallaire ainsi que les juges Louise Arbour et Louise Otis.

Notre intervention ne justifie en rien les actions terroristes du Hamas et nous réfutons à l'avance toute accusation d'antisémitisme. Nous sommes solidaires des Israéliens et Israéliennes, qui n'approuvent ni le gouvernement Nétanyahou ni le massacre mené en leur nom et qui recherchent une paix juste et équitable.

Nous parlons au nom de la société civile. Mesdames et messieurs les élus, à votre tour d'agir.

* La liste complète des signataires est ici.

Afin d'éviter le dévoilement des conséquences budgétaires de ses décisions inacceptables, notre banquier national Carney repousse son budget à l'automne,

Par Pierre Jasmin, secrétaire général des Artistes pour la Paix

Le Bureau des affaires spatiales des Nations unies (United Nations Office for Outer Space Affairs, UNOOSA) est une organisation de l'Assemblée générale des Nations unies chargée des questions liées à l'espace mise sur pied le 13 décembre 1958. Elle maintient notamment le registre des objets lancés dans l'espace. Basé au Vienna International Centre en Autriche, l'organisme est dirigé depuis 2023 par Aarti Holla-Maini qui a succédé à Simonetta Di Pippo.

Un budget totalement déséquilibré

Afin d'éviter le dévoilement des conséquences budgétaires de ses décisions inacceptables, notre banquier national Carney repousse son budget à l'automne, après avoir « amadoué » Trump en lui présentant des promesses de budget militaire haussé à 82 milliards de $ dès 2030 et cela, sans compter les 61 milliards de $ que Trump lui réclame pour son Dôme d'or et les nouvelles exigences de l'OTAN à 5% du P.I.B. à ses 32 pays membres. Ayant évité NOTRE question posée par notre pétition du 7 mai où va notre humanité si on laisse un génocide se produire, les éditorialistes mainstream, toujours irresponsables, cachent comme ils peuvent la dénonciation de l'ancien ministre libéral des Affaires extérieures, Lloyd Axworthy, de ce Dôme d'or avalé par Carney. Fiction irréalisable comparable au programme Star Wars (abandonné par Reagan), le Dôme d'Or ridiculisé par le caricaturiste de LA PRESSE Serge Chapleau, met en outre en danger les ententes de l'ONU sur l'espace non militarisé, qui empêchent la Chine, déclarée impérialiste par la propagande médiatique (i), d'avoir le feu vert pour exploiter son indéniable avantage technologique creusé par ses universités bien financées (contrairement à Harvard et autres attaquées par Trump).
Le professeur Byers invité par Science for Peace

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1- Il y a demandé le retour de l'idéal ONUSIEN du peacekeeping interrompu au cours des 30 dernières années du gouvernement canadien. Le Canada pourrait agir en toute légalité à Gaza et en Ukraine, en étonnant le monde entier par un retour d'influence auquel il a tourné le dos, en préférant prendre de l'argent à l'aide internationale pour le verser dans le puits sans fond de « la Défense ».

2- Le gouvernement prétend protéger notre North, strong and free (dixit le discours du trône de Charles III) de « la Russie qui possède 50% de l'Arctique total et n'a aucune intention de s'emparer de notre Arctique. Et pourquoi la Chine envahirait-elle notre Arctique dont elle possède légalement toutes les mines » a dit le professeur Byers ?

3- Pourquoi construire des frégates militaires Irving-Lockheed à plus de cent milliards de $, alors que « les besoins ne sont que pour des brise-glaces dotés d'armes opérationnelles aux mains de la RCMP contre les contrebandiers » ?

4- « Pourquoi construire des F-35 contrôlés par les USA et pour lesquels la main d'œuvre en pilotes et en techniciens est à peu près impossible à trouver ? » Absurde pour le professeur pour une fois d'accord avec Elon Musk qui les déclare obsolètes, vu le progrès des drones militarisés. En conclusion, le professeur a dénoncé l'augmentation du budget militaire à 2% du PIB canadien comme « absurde et contreproductif ».

La réplique yankee ne s'est pas fait attendre - la mienne, un peu

Deux jours après, l'ambassadeur américain Pete Hoekstra prenait la parole à la Chambre Canadienne de Commerce à Ottawa pour vanter les F-35 au nom de « l'interopérabilité » et le Dôme d'Or, comme « une extension bienvenue de NORAD ».

Personnellement, je m'explique mal pourquoi des pacifistes canadiens-anglais articulés comme Doug Roche, Steven Staples (Peace Quest), Robin Collins, Cesar Jaramillo qui vient de démissionner comme porte-parole de Project Ploughshares où il était en porte-à-faux avec son fondateur Ernie Regehr plus pacifiste, évitent par peur du gouvernement de dénoncer unanimement et fort le biais pro-nucléaire de Carney (ii) et l'OTAN comme le font

1- Le Réseau canadien pour la paix et la justice (iii)

2- Medea Benjamin, cofondatrice de CODEPINK et de GLOBAL EXCHANGE, organisme
international de défense des droits de la personne - merci pour cette terminologie à l'Artiste pour la Paix 1992 Simonne Monet-Chartrand, membre alors de la Voix des Femmes, qui a toujours demandé qu'elle succède à l'expression « droits de l'homme » - et
3- David Swanson de World beyond War .
C'est dans un ouvrage préfacé par le professeur Jeffrey Sachs de l'Université de Columbia, proche conseiller du Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres (on trouve sur youtube ses conférences européennes qui démolissent le proto-fascisme d'Ursula von der Leyen).
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Le SPEDE dore de sucre l’amère pilule de la CAQ et des entreprises

3 juin, par Marc Bonhomme — , ,
Vu de loin, il semble que par rapport aux autres provinces canadiennes et aux états des ÉU, le Québec, avec la Californie, sont devenus les champions de la lutte climatique par (…)

Vu de loin, il semble que par rapport aux autres provinces canadiennes et aux états des ÉU, le Québec, avec la Californie, sont devenus les champions de la lutte climatique par le maintien de leur tarification du carbone. Pendant que le gouvernement canadien, sous la pression du slogan « Axe the Tax » des Conservateurs trumpiens, abandonnait sa taxe carbone applicable au transport, mais non celle applicable aux grands pollueurs industriels,« [l]es élus de la Coalition avenir Québec (CAQ) ont appuyé mercredi [8 avril] le texte d'une motion de Québec solidaire demandant que ‘‘l'Assemblée nationale réaffirme son engagement envers le maintien [de la Bourse du carbone] au Québec''. Aucun député en Chambre ne s'y est opposé. » Unanimes, les parlementaires québécois ont fait un pied-de-nez au chef du parti Conservateur du Québec sans aucune représentation au parlement malgré que son parti ait obtenu 13 % du vote populaire aux élections de 2022 contre 15.5 % pour Québec solidaire avec ses onze élu-e-s.

Ce « front républicain » parlementaire contre la droite extrême en déni de l'enjeu climatique s'est drapé de la mesure-phare du capitalisme vert soit le marché du carbone californien-québécois dit SPEDE. Pour reprendre les propos du président du Comité consultatif->https://www.ledevoir.com/environnement/883444/crise-climatique-nous-coutera-dizaines-milliards-dollars ?] sur les changements climatiques [CCCC] du gouvernement du Québec, « L'objectif, pour le bien commun, est de sortir des énergies fossiles et de réduire les émissions de gaz à effet de serre le plus rapidement possible pour respecter les engagements de l'Accord de Paris sur le climat. Il faut donc envoyer un signal de prix, c'est-à-dire augmenter le prix des énergies fossiles, pour inciter les gens à changer leurs comportements [je souligne], ce qui est essentiel. […] Si on continue sur notre trajectoire d'émissions de gaz à effet de serre, on se dirige vers un scénario catastrophique qui entraînera des coûts très élevés pour nos sociétés. Nous n'avons pas le choix. »

D'ajouter fort à propos le directeur général d'Ouranos et aussi membre du CCCC, « il est stratégique de passer le plus vite possible du pétrole à l'électricité. Nous en sortirons nettement gagnants. Au lieu de dépenser de l'argent pour acheter du pétrole qui est produit ailleurs, on peut dépenser de l'argent chez nous, dans nos propres ressources et dans une entreprise qui est la propriété du gouvernement. On dit qu'on veut acheter davantage au Québec et boycotter les États-Unis. C'est une belle occasion de le faire, surtout qu'on dépense des sommes spectaculaires chaque année pour acheter du pétrole. »

Pour ces maigrelets succès Québec mise sur le marché carbone et l'auto solo

Ces deux experts auraient pu ajouter que « [l]e Québec est encore loin de ses objectifs de GES, malgré des signaux encourageants » comme le titrait Le Devoir. Le truc de la CAQ pour dorer la pilule consiste justement à joindre au déficient bilan proprement québécois les achats de droits de polluer issus du marché du carbone de la Californie. Résulte de ce tour de passe-passe qu'en 2022, dernière année disponible, le Québec aurait réduit ses GES de 18.8% et non pas de seulement 7.1% par rapport à 1990 en soustrayant des GES produits au Québec les « droits de polluer » achetés en Californie. Quand on examine la liste détaillée des mesures proprement québécoises pour atteindre l'objectif de 2030, on s'aperçoit que sur 22 mesures seulement 5 ont atteint la marque d'au moins 25 % dont 4 concernent directement ou indirectement l'électrification de l'auto solo. Quant au transport collectif, il semble oublié.

La stratégie du gouvernement du Québec consiste donc à tout changer pour que rien ne change. Il s'agit d'électrifier tels qu'ils sont tant la structure économique du Québec, en ajoutant une augmentation de la production électrique de 50% en partie au bénéfice du secteur privé, que le mode de consommation de masse assis sur l'auto solo, la maison « campagnarde », la ville tentaculaire, l'agro-industrie et le régime alimentaire carné et ultra-transformé. Encore plus dommageable, cet objectif de baisse des gaz à effet de serre de 37.5 % d'ici 2030 par rapport à 1990 est loin du compte du GIEC pour ne pas dépasser le seuil critique d'un réchauffement planétaire de 1.5°C, probablement déjà atteint, mâtiné des principes d'équité du Sommet de Rio en 1992.

La catastrophe est à ce point à nos portes que « [s]elon de nouvelles données de l'Organisation météorologique mondiale (OMM) des Nations unies, les températures mondiales pourraient atteindre près de 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels pour la première fois au cours des cinq prochaines années. » Le respect de ces deux contrainteshttps://oxfam.qc.ca/cop26-quebec-climat/ signifierait pour le Québec, selon le Réseau action climat Canada, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Équiterre, Greenpeace, Nature-Québec, la Fondation David Suzuki et OxfamQuébec, un objectif de baisse des deux tiers et non d'un peu plus du tiers.

Le marché et taxe carbone misent sur le marché pour mater le réchauffement

Ceci dit, les commentaires de ces deux experts sont par ailleurs tout à fait pertinents, en particulier le rapport entre la sortie des hydrocarbures et la rupture vis-à-vis le chantage trumpiste. Le hic, tel que je l'ai souligné, c'est le fondement mercantile de leur politique, une politique correctrice qui loin de rompre avec le « marché », sous le joug de la Finance et de quelques centaines de transnationales, s'y soumet. Ça ne semble pas déranger certains de nos grands organismes écologiques. Mais si c'était quand même efficace, sans doute objecteraient-ils. Chat noir, chat blanc, pourvu qu'il attrape la souris disait Deng Xiaoping. C'est que justement il ne l'attrape pas. La modification des rapports de prix même importante, en l'absence de restructurantes politiques gouvernementales impulsées par la lutte sociale et la myriade de micro-projets alternatifs, ne transforme en rien ou si peu ou si lentement la structure urbaine, le lien ville-campagne, le système de transport basée sur l'auto solo, le camion et la maison « campagnarde » avec son énergivore étalement dévoreur de nature.

Socialement ce système emprisonne le peuple-travailleur dans le piège de la dette bancaire d'où la contradiction entre la fin du monde et la fin du mois. Si, de surcroît, on lui inflige une taxe carbone ou une tarification due au marché carbone, soit l'équivalent d'une régressive taxe de vente c'est-à-dire l'ajout du même montant à l'achat du produit carboné quelque soit le revenu de l'acheteur, cette taxe ou ce tarif se mue en goutte qui fait déborder le vase de l'injustice jusqu'à la révolte. Telle fut la base matérielle du soulèvement de la révolte des Gilets jaunes en France en 2018. Bien que ce mouvement ne fut pas à l'initiative de l'extrême-droite il a ouvert une brèche vers le ralliement populaire au néofascisme qui instrumentalise les augmentations de prix et de coût attribuables au marché ou taxe carbone ou autres mesures écologiques. Ce fut le cas par exemple de la révolte de ces petits et moyens propriétaires que sont les agriculteurs européens et aussi québécois en 2024. Et c'est encore plus vrai en période d'augmentation du coût de la vie sur fond d'austérité.

La taxe carbone redistributive fédérale restait centrée sur l'efficacité du marché

Afin de parer à cette main tendue à l'extrême droite dont la négation ou la minimisation du réchauffement planétaire est une marque de commerce, le gouvernement canadien avait mis en place une taxe carbone redistributive à la Hansen dorénavant abandonnée par le gouvernement Carney. En autant que la redistribution est fréquente — elle était aux trois mois pour la taxe d'Ottawa — afin d'éviter l'obligation de détenir un fonds de roulement dont ne dispose pas les plus pauvres, la taxe carbone de régressive devenait quelque peu progressive. Le hic c'est qu'elle ne fournit pas à l'État les moyens financiers d'une politique d'intervention seule en mesure de restructurer l'économie. On me répondra, avec raison, que l'État devrait plutôt financer cette politique en imposant capital, profits, richesse et hauts revenus comme ça devrait être le cas pour n'importe quelle politique gouvernementale.

Le problème crucial, cependant, est que cette taxe carbone redistributive, habituellement l'épine dorsale d'une politique climatique, laisse entendre que c'est par la modification des rapports de prix, donc par l'intermédiaire du marché, qu'adviendra la victoire contre le réchauffement climatique. Elle est donc une incitation à la minimisation de l'interventionnisme étatique que ce soit dans les secteurs du logement, du transport, de l'énergie, de l'agriculture et de l'urbanisme. De ce constat découle la nécessité, et soi-disant la possibilité étant donné la redistribution, que cette taxe pour être efficace s'élève rapidement, jusqu'à une hauteur de ±200 $US la tonne de CO2 selon certains experts et l'EPA étasunienne pré-Trump, et même davantage.

La taxe carbone fédérale s'élevait à 80 $ la tonne de CO2 avant de disparaître alors que le prix du marché carbone québécois s'élève à ±40 $ soit environ 10¢ le litre pour l'essence. On conçoit que l'augmentation de la taxe et du prix carbone pour raison d'efficacité ne peut que forcer les gouvernements à intervenir à moins de croire que les transnationales le feront à temps et assez rapidement par euxmêmes. C'est ce que croit le gouvernement fédéral qui maintient la taxe s'appliquant aux industries laquelle cependant n'est pas redistributive. Un niveau élevé, surtout s'il n'est pas redistributif, ne peut faire autrement que dérouler le tapis rouge à l'extrême-droite étant donné l'effet-choc de la hausse des prix sur le peuple-travailleur, redistribution ou non. C'est sur cet effet qu'a joué avec succès le parti Conservateur canadien malgré qu'il se soit fait damer le pion par les Libéraux.

Le marché carbone SPEDE, un cadeau aux entreprises sous couvert écologique

La CAQ, en conservant son marché carbone, dit SPEDE, intégré à celui de la
Californie serait-elle devenue la championne canadienne de la lutte climatique au Canada ? Il y a ici anguille sous roche. D'avouer un membre du CCCC interviewé par Actualités UQAM à l'automne 2024, « Il faut aussi souligner que le marché constitue une source de revenus significative pour le Québec. Plus de 9,2 milliards de dollars ont été amassés depuis le lancement du marché du carbone, en 2013… » On a vu plus haut le peu d'efficacité du Fonds d'électrification et de changements climatiques (FECC), alias Fonds Vert, alimenté par le SPEDE et son préjugé favorable à l'auto solo électrique. En plus, cette taxe régressive, rappelons-le, a fourni une belle excuse à la CAQ pour réduire l'impôt sur les revenus, lui progressif.

Au moins, dira-t-on, ce sont les entreprises qui doivent débourser pour acheter les droits de polluer émis par l'État nécessairement en diminution chaque année. Formellement oui, réellement non, car comme toute taxe de vente, le coût est refilé à l'acheteur consommateur au bout de la ligne, ce qui est très évident pour l'achat de carburant pour les véhicules. Quant aux permis pour les industries, « une fraction non négligeable des permis, autour de 30%, […] sont alloués gratuitement par les gouvernements à certaines industries davantage exposées à la concurrence internationale. […] Par exemple, les alumineries, cimenteries, papetières et usines chimiques reçoivent beaucoup de permis gratuits, mais leur nombre décroît d'année en année. […] Les émetteurs du secteur des combustibles fossiles, qui comptent pour environ 50% des émissions de GES au Québec, ne reçoivent aucun permis gratuit. »

« Il y a environ 125 entreprises au Québec, dont 80 émetteurs industriels, qui sont assujetties au marché du carbone. Ces entreprises représentent 75 à 80 % de toutes les émissions de GES du Québec. » En plus des permis gratuits, les entreprises ont pu accumuler des permis non utilisés à cause d'un nombre de droits trop généreux les premières années et suite aux réductions de production lors de la pandémie, permis qui restent ensuite valables. Si ce cumul a été modeste au Québec, il a été plus important en Californie donc rachetable à bon marché par des entreprises du Québec. En plus, pour rassurer l'anxiété des entreprises, le SPEDE comporte une réserve soit « une provision qui permettrait au gouvernement, si jamais le prix du marché devenait trop élevé, d'ajouter des crédits au prix de la réserve [qui agit] comme un prix plafond. » Le CCCC voudrait voir disparaître graduellement tant les droits de polluer en excédant que ceux de la réserve d'ici 2030. À voir.

Comme si ça ne suffisait pas, viennent ensuite les crédits compensatoires surtout applicables aux forêts qui ensuite brûlent et ainsi envoient dans l'atmosphère leur CO2 emmagasiné :

Si une entreprise dans un secteur non couvert [agriculture, déchets] réduit ses émissions de GES, elle peut créer un crédit compensatoire et une entreprise assujettie peut acheter ce crédit. […] Actuellement, ces crédits ne peuvent pas compter pour plus que 8% du total de leurs droits d'émission. […] En plus des secteurs non couverts, les milieux naturels, en particulier la foresterie, ont aussi été mis à contribution pour la création de crédits compensatoires. […] Toutefois, la comptabilité des émissions est beaucoup plus incertaine dans le secteur forestier que dans celui des déchets et ou de l'agriculture. Et cette incertitude n'a pas diminué avec le temps, surtout avec les risques de feux de forêt. […] Le Québec avait édicté des règles très strictes sur les crédits forestiers, par rapport à la Californie. Cela a fait en sorte qu'il y a eu zéro crédit forestier généré au Québec et plusieurs dizaines de millions en Californie. Comme les crédits forestiers représentent 80 % des crédits compensatoires, soit beaucoup plus que ceux provenant de l'agriculture ou du secteur des déchets, et compte tenu de l'incertitude par rapport à la valeur véritable de ces crédits, nous [le CCCC] avons proposé qu'ils soient exclus. […] Pour ce qui est de la foresterie, nous proposons de garder la base réglementaire du Québec et que ce soit le gouvernement qui achète ces crédits pour appliquer les réductions de GES équivalentes au bilan québécois.

Québec solidaire est « pressé » de sauver le SPEDE californien au profit de la CAQ

Comme on l'a vu plus haut, la Californie a sauvé, ou presque, la mauvaise performance du Québec en ce qui concerne la réduction des GES :

Entre 2015 et 2020, qui est la dernière année pour laquelle nous avons des données complètes, le Québec était un importateur net de droits d'émission de GES. C'est en achetant des permis aux Californiens qu'il a pu respecter ses plafonds d'émission. Cela signifie que la Californie a dépassé son objectif de 2020 et fait plus de réductions que prévu, alors que le Québec en a fait moins. Comment expliquer cela ? En Amérique du Nord, le secteur le moins cher à décarboner au cours de la dernière décennie était la production d'électricité. En Californie, il y a eu des occasions de fermer des centrales au charbon à relativement peu de frais, alors qu'au Québec, la production d'électricité était déjà décarbonée. Donc, d'une certaine façon, le Québec a profité de la possibilité d'éliminer des GES dans le secteur de la production d'électricité en Californie.

La CAQ, et les Libéraux et le PQ avant elle, ont fait avec le SPEDE une bonne affaire au profit des entreprises et aux dépens du peuple-travailleur tout en ayant l'air d'être des champions de l'écologie. Et il a fallu que Québec solidaire en rajoute une couche en prenant l'initiative d'une motion pro-SPEDE appuyée unanimement. Quel beau cadeau à l'extrême-droitiste parti Conservateur du Québec qui a habilement copié le « Axe the Tax » du parti Conservateur du Canada. Cette revendication lui a valu un énorme succès populaire avant que les Libéraux ne lui coupe l'herbe sous les pieds en reprenant sa revendication à leur compte et ensuite en se montrant des défenseurs plus conséquents contre Trump que le chef Conservateur qui l'admire et l'imite.

Pour le professeur-expert Pineau, il faut restructurer de fond à comble la société

Faut-il insister que la véritable alternative au négationnisme Conservateur n'est pas le capitalisme vert dont le marché ou la taxe carbone sont le noyau fiscal mais une société du soin et du lien à radicale décroissance matérielle dont l'expropriation de la Finance est le noyau dur anticapitaliste. Ce tournant qui est plutôt une rupture serait-il irréaliste ? Ce n'est pas ce que pense l'expert Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie de HEC Montréal et coauteur de la 11e édition de l'État de l'énergie au Québec parue en février dernier :

M. Pineau pense que, si le Québec veut atteindre rapidement son objectif, il doit en premier lieu retirer des automobiles des routes. « Ça ne prendrait pas des investissements économiques très forts, ça demanderait surtout de miser davantage sur le covoiturage, le transport en commun, l'autopartage et les transports actifs. Tout ça, ce sont des choses qu'on peut déployer assez rapidement », explique le spécialiste du secteur de l'énergie. Pour inverser la tendance, le professeur Pineau appelle donc les gouvernements à faire des changements structurels — revoir l'aménagement du territoire et le transport, notamment, mais aussi nos bâtiments, nos industries et nos habitudes de vie. « Si on voulait vraiment se mettre sur une trajectoire de carboneutralité, les améliorations à la marge ne suffiraient pas ».

Marc Bonhomme, 31 mai 2025
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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Que se trame-t-il chez Stablex ?

3 juin, par Climat Québec — , ,
Blainville, mercredi 28 mai 2025 - La Coalition des citoyens de Blainville et Climat Québec s'inquiètent de ce qu'ils observent lors de vigies devant Stablex. Des indices (…)

Blainville, mercredi 28 mai 2025 - La Coalition des citoyens de Blainville et Climat Québec s'inquiètent de ce qu'ils observent lors de vigies devant Stablex. Des indices préoccupants laissent croire que l'entreprise Stablex pourrait avoir obtenu – ou croire pouvoir s'octroyer – une autorisation spéciale pour devancer ses travaux d'aménagement de la cellule 6 à Blainville. Alors que la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs interdit toute activité de défrichage entre avril et septembre, des préparatifs sont déjà en cours sur le site pour entamer les travaux dès le début juin.

« Après la mairesse Poulin et la CAQ qui ferment les yeux sur les défaillances du procédé de Stablex, voilà maintenant que le gouvernement fédéral semble ignorer l'empressement de l'entreprise à reprendre les travaux dans la tourbière, en pleine violation de sa propre loi sur la protection des oiseaux migrateurs. Comment se fait-il que Stablex puisse ainsi multiplier les dérives sans jamais être freinée ? » déclare Martine Ouellet cheffe de Climat Québec

La question est donc posée : Stablex a-t-elle bel et bien reçu un passe-droit du gouvernement pour contrevenir à cette protection environnementale essentielle ? Et si ce n'est pas le cas, alors comment expliquer que l'entreprise se prépare à agir en toute illégalité, en pleine saison de nidification ?

Peu importe la réponse, le constat demeure troublant : Stablex outrepasse les règles, au su ou à l'insu des autorités, dans un climat d'opacité inquiétant. Une roulotte de chantier et des systèmes d'éclairage nocturne sont déjà en place, suggérant des travaux de nuit en cours ou à venir. Tout semble indiquer une précipitation inhabituelle, et une volonté d'agir dans l'ombre.

« On sent une urgence, une précipitation anormale, comme si quelque chose devait être caché ou accompli avant que la population ne réalise l'ampleur du projet. C'est inquiétant, et nous exigeons des explications publiques et immédiates. » ajoute Marie-Claude Archambault pour la Coalition des citoyens de Blainville contre la cellule #6 de Stablex

Que se passe-t-il vraiment chez Stablex ? Pourquoi autant de silence, autant d'improvisation, et autant de risques pris en toute impunité ? Les citoyens de Blainville et du Québec méritent des réponses claires. Et ils les méritent maintenant.

SOURCE :

climat.quebec

communications@climat.quebec

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Déclaration de la MMF Bangladesh

La violence à l'égard des femmes est souvent qualifiée de violence fondée sur le genre. En juillet 2024, le Bangladesh a connu un intense mouvement de réforme des quotas, au (…)

La violence à l'égard des femmes est souvent qualifiée de violence fondée sur le genre. En juillet 2024, le Bangladesh a connu un intense mouvement de réforme des quotas, au cours duquel le gouvernement a dû démissionner. Par la suite, la situation s'est aggravée et les femmes ont été confrontées à la violence, ce qui a affecté leurs déplacements réguliers et leurs revenus. Elles souffrent donc d'une crise financière de la sécurité sociale. L'activisme fondamentaliste s'est aggravé de jour en jour. Ils s'opposent aux femmes. Le groupe fondamentaliste veut contrôler le corps et la vie des femmes.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/05/30/declaration-de-la-mmf-bangladesh/?jetpack_skip_subscription_popup

Amis et camarades,

Une commission de réforme des affaires féminines a été mise en place pour réformer la loi et la discrimination à l'égard des femmes dans ce domaine. La commission a remis son rapport au conseiller principal, le professeur Muhammad Yunus, le 19 avril, recommandant des mesures pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes et parvenir à l'égalité avec les hommes. Si les objectifs généraux de la commission sont admirables, plusieurs de ses recommandations semblent en décalage avec le contexte socio-économique et religieux du Bangladesh, ce qui les rend controversées et difficiles à mettre en œuvre.

Depuis des décennies, l'autonomisation des femmes est au cœur de la politique de développement du Bangladesh. Citant le ministère des affaires de la femme et de l'enfant, le rapport lui-même note que 56 lois, politiques et réglementations sont déjà en place pour protéger les droits des femmes et des enfants. Ces dernières années, la participation des femmes au marché du travail a entraîné des progrès économiques et sociaux tangibles, salués par l'ensemble de la société. Malgré ces améliorations, le harcèlement et la violence à l'égard des femmes persistent en public, au travail et à la maison. Dans ce contexte, la commission a eu l'occasion de proposer des solutions viables et mûrement réfléchies. Malheureusement, le rapport de la commission a manqué du tact nécessaire, risquant d'être perçu comme provocateur par une grande partie de la population et de condamner ses recommandations avant même qu'elles ne prennent de l'ampleur.

Alors que la commission de réforme soumet sa recommandation, le groupe fondamentaliste Hefazat-e-Islam Bangladesh a menacé de paralyser le pays si toutes ses demandes, y compris l'abolition de la commission de réforme des affaires féminines, n'étaient pas immédiatement satisfaites. Ils demandent notamment l'abolition de la commission de réforme des affaires féminines et l'annulation de son rapport, qui est contraire au Coran. Elles ont organisé une grande manifestation, un cortège contre la commission, avec la participation de toutes les femmes.

Le 16 mai, à la suite du soulèvement sans précédent du 24 juillet, nous nous sommes réunis à un moment crucial et urgent. Nous exigeons un Bangladesh démocratique et juste, où la dignité et les droits de tous sont fondés sur les valeurs communes de non-discrimination et d'égalité. Nous souhaitons la bienvenue à tous les participants à ce voyage d'amitié sur le chemin de l'égalité et de la justice.

Aujourd'hui, nous sommes rejoints par les proches des personnes blessées et tuées lors de l'émeute de juillet, des militants des droits de l'homme, des professionnels, des artistes, des ouvriers de l'habillement, des travailleurs des plantations de thé, des travailleurs du sexe, des militants des droits des personnes handicapées, des transgenres, des personnes issues de la diversité des genres et d'autres communautés marginalisées, des jeunes hommes et femmes, des étudiants, des autochtones, des non-Bengalis et bien d'autres personnes encore. Ces personnes sont les représentants du Bangladesh d'aujourd'hui, qui sont inspirés par le désir d'égalité, de liberté, de justice, de diversité et de tolérance. Aujourd'hui, nous sommes solidaires de ces aspirations qui étaient au cœur du long mouvement des femmes et du soulèvement de juillet.

Mais nous sommes préoccupés par le fait que les groupes réactionnaires et les systèmes sociaux patriarcaux continuent de créer divers obstacles au progrès des femmes et des autres groupes marginalisés. Ils créent également des obstacles dans la vie normale des femmes. Les efforts visant à décourager la participation des femmes dans l'arène politique par le biais d'attaques personnelles, d'obstacles à la prise de décision et de harcèlement en ligne sont clairs comme de l'eau de roche. Les embuscades, les obstacles à la circulation, les attaques planifiées de la foule, la police morale, le harcèlement sexuel, les viols et les viols collectifs, les coups en public et divers types de menaces se poursuivent dans plusieurs endroits.

Récemment, dans le cadre de l'initiative de réforme, cette commission a soumis 433 recommandations visant à améliorer le niveau de vie des femmes qui travaillent, des femmes issues de communautés marginalisées et des femmes économiquement en retard. Comme toutes les autres commissions, les recommandations de cette commission ont également fait l'objet de discussions et de critiques. Mais nous avons vu que depuis la publication du rapport, la plupart des recommandations importantes et liées aux droits fondamentaux sont délibérément évitées et divers types de propagande sont diffusés sans laisser aucune possibilité de discussion et de critique constructives. Des interprétations intentionnellement erronées sont présentées aux compatriotes. Les membres de la Commission ont été honteusement insultés en public.

Même après des attaques aussi virulentes contre des membres de la commission de réforme des affaires féminines, le gouvernement n'a pris aucune mesure.

Nous voyons la demande d'égalité sapée, le désir de dignité et de justice ignoré et le rêve de démocratie transformé en un outil de domination et de contrôle de la majorité. Nous tenons à affirmer sans équivoque qu'en cas d'inégalité structurelle et de violence, le fait d'entraver, de menacer ou de déformer la lutte pour la justice démontre en fait la nécessité de cette lutte. Cela rétablit l'intégrité et la justice de nos revendications.

L'État ne reconnaît toujours pas les femmes dans les secteurs de l'agriculture, de la pêche et du travail domestique. Les femmes continuent de recevoir des salaires inférieurs à ceux des hommes pour le même travail. Les femmes dalits, harijans et tribales sont victimes d'oppression ethnique. L'armée commet des tortures indicibles contre les femmes dans les Chittagong Hill Tracts. Aujourd'hui, alors que nous nous sommes rassemblées pour réclamer des droits, les femmes du BOM sont en prison. 96% des femmes bangladaises sont toujours privées de propriété foncière. Le Bangladesh est le premier pays d'Asie pour le nombre de mariages d'enfants. Le Bangladesh se classe au quatrième rang mondial pour les cas de violence à l'encontre des femmes de la part de leurs maris ou partenaires ; les femmes sont systématiquement victimes de viols conjugaux. 97% des cas de viols conjugaux sont signalés. Dans 97% des cas de crimes graves, tels que le viol, le viol collectif, le meurtre après viol, le meurtre pour dot, la complicité de suicide et l'agression sexuelle, il n'y a pas de procès. En raison de l'absence d'un droit de la famille uniforme et d'erreurs ou de complications institutionnelles, de nombreuses femmes se voient refuser le droit à la propriété, au divorce et à la garde des enfants après une séparation. Les travailleurs du sexe ne bénéficient toujours pas d'une protection civile. Les personnes ayant un sexe différent ne sont toujours pas reconnues. Les travailleurs migrants rentrent souvent chez eux à l'état de cadavres. Notre lutte organisée est contre toutes ces discriminations structurelles, notre objectif est d'établir l'égalité et les droits de l'homme.

Des militants (dont la MMF) et des organisations de la société civile ont défilé ensemble pour éliminer toute discrimination et stigmatisation à l'égard des femmes.

MMF Bangladesh

https://marchemondiale.org/2025/05/declaration-de-la-mmf-bangladesh/?lang=fr

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Le retour de l’austérité : travailler dans l’incertitude

3 juin, par Julie Lampron-Lemire — , ,
Décote du crédit du gouvernement québécois, budget 2025-2026 écrit à l'encre rouge avec des sous-investissements dans nos réseaux, gels d'embauche et abolition de postes : (…)

Décote du crédit du gouvernement québécois, budget 2025-2026 écrit à l'encre rouge avec des sous-investissements dans nos réseaux, gels d'embauche et abolition de postes : l'austérité est bel et bien de retour au Québec.

Tiré de Le point. syndical.
https://www.csn.qc.ca/actualites/le-retour-de-lausterite-travailler-dans-lincertitude/
Par Julie Lampron-Lemire
Illustration : Luc Melanson

« On doit refuser l'austérité ! Refuser de se rendre malade, refuser de faire toujours plus avec moins ! », scandait à la manifestation contre le gel d'embauche dans les cégeps, en avril dernier devant le Conseil du trésor à Montréal, Ryan William Moon, vice-président à la Fédération des professionèles–CSN.

Les manifestations contre l'austérité se multiplient depuis un an. Les syndicats ne veulent pas rejouer dans ce film. Les travailleuses et les travailleurs des réseaux de la santé et de l'éducation se remettent à peine de la pandémie, et le gouvernement leur demande – encore – de se serrer la ceinture et de travailler plus fort.

En novembre 2024, le gouvernement annonçait un gel d'embauche dans certains ministères et sociétés d'État. En santé et services sociaux ainsi qu'en éducation, cette politique ne vise pour le moment que le personnel administratif. Mais ça n'empêche pas les suppressions de postes. Parce qu'en même temps que le gel d'embauche, il y a eu les mauvaises nouvelles au sujet de Santé Québec : des coupes de 1,5 milliard de dollars en dépenses, donc plusieurs emplois abolis.

Au Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), ça représente 26 postes de préposé-es aux bénéficiaires et sept d'agentes administratives en moins.

Impacts dévastateurs

« Ces compressions ont un impact profond et dévastateur sur les conditions de travail du personnel. Les gens sont épuisés, tant physiquement que mentalement, ce qui mène à des risques accrus d'épuisement professionnel », déclare Anick Mailhot, présidente du syndicat des employé-es du CHUM.

Elle ajoute que les préposées aux bénéficiaires sont brûlées parce qu'elles sont tout le temps débordées. « Tu n'as jamais l'impression de bien accomplir ton service. Ça vient affecter mentalement les membres », croit-elle.

Les compressions faites au CHUM ont engendré un gros mouvement de main-d'œuvre et une série de supplantations. « Des dizaines de vies sont chamboulées. Des femmes monoparentales, dont l'horaire travail-famille est réglé, apprennent du jour au lendemain que leur poste est supprimé. Imagine un peu : tu changes d'horaire, tu changes de milieu de travail, tu changes d'unité. Ça crée de gros impacts dans la vie des travailleuses et des travailleurs », explique Guillaume Clavette, représentant du personnel paratechnique, des services auxiliaires et des métiers à la Fédération de la santé et des services sociaux–CSN.

« C'est aussi de l'expertise qu'on perd, ajoute Mme Mailhot. On est spécialisés, on connaît le service par cœur, on sait comment ça fonctionne. On n'a besoin de personne pour nous dire quoi faire ».

Vient avec ça la surcharge de travail. « Quand des collègues partent en maladie et qu'ils ne sont pas remplacés à cause du gel d'embauche, ça génère un surplus de tâches pour le personnel restant », soutient Marie-Noël Bouffard, présidente par intérim du secteur soutien cégeps de la Fédération des employées et employés de services publics–CSN.

« Ça peut mener à des épuisements professionnels, c'est ça qu'on veut éviter », soutient Ryan William Moon.

Guillaume Clavette s'inquiète de la baisse du sentiment d'appartenance au sein de ses troupes. « On a le sentiment d'être un simple numéro dans Santé Québec. On ne se sent plus impliqué. Ces compressions ont provoqué de l'amertume. Ça fait que le monde quitte le bateau. »


On avance en arrière

Au cours des dernières années, les syndicats avaient l'impression d'avoir avancé. Le gouvernement, durant la pandémie, avait compris qu'il devait dégager le personnel soignant de la paperasse. Il a donc engagé 3000 agentes et agents administratifs. C'est maintenant un retour en arrière. Il gèle leur embauche. Qui va faire leur job ?

Lors de la dernière négociation dans le secteur de la santé, le gouvernement voulait créer plus de postes à temps plein. « Mais les mesures négociées ne sont pas mises en place, et on réduit les postes à temps complet. Quel est le message que nos membres reçoivent ? », s'insurge M. Clavette.

Même type d'accroc à la convention collective des professionnel-les des cégeps. Dans leur nouveau contrat de travail, il est écrit que la décision de ne pas remplacer une personne ne devrait pas aboutir à une charge excessive pour les personnes qui restent.

Ces clauses se devaient d'offrir plus de stabilité d'emploi ou de perspectives aux travailleuses et travailleurs à statut précaire. Avec cet arrêt de recrutement, le gouvernement vient changer unilatéralement les termes et l'application de la convention collective.

Invitation à la sous-traitance

« Affirmer que le personnel administratif d'un cégep, par exemple, peut ne pas être remplacé, c'est négliger qu'un cégep est un tout », soutient Benoit Lacoursière, président de la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ–CSN).

Parfois, le nombre d'absents non remplacés est tellement grand que les directions se tournent vers la sous-traitance. Car elle n'est pas considérée dans la même enveloppe budgétaire.
Marie-Noël Bouffard explique : « les salaires et les coûts de la sous-traitance proviennent de budgets distincts. La loi prévoit que si quelqu'un à l'interne peut faire la job, on n'a pas le droit d'aller en sous-traitance. Mais là, on ne peut pas embaucher… c'est une belle passe pour les contrats à l'externe. C'est malsain comme façon de voir les choses. »

« Les vautours tournent autour, résume la présidente de la CSN, Caroline Senneville. Là où les services de l'État ne sont plus maintenus, le privé rentre en ligne de compte. On le voit en santé et en éducation. »


Impacts sur la population

Il est faux de croire que les compressions budgétaires n'ont pas d'impacts sur la clientèle du réseau public. « La CAQ peut jouer sur les mots, le personnel du réseau de la santé et les bénéficiaires ne sont pas dupes : les coupes sont bien réelles et elles font mal, en plus de mettre la population en danger, affirme Anick Mailhot. Certains préposé-es et des employé-es administratifs m'envoient couramment des informations sur ce qui se passe dans les départements. On est confrontés à de grosses problématiques. Des cas de patientes et patients qui ont dû attendre 45 minutes assis à la toilette à faire sonner la cloche… mais aucun employé ne pouvait aller les aider. »

« Il y a des personnes alitées qui doivent être levées deux ou trois fois par jour, mais qui ne le sont pas. Il faut deux préposé-es pour les mobiliser et il est difficile d'en trouver deux libres en même temps. Ça rend le rétablissement des bénéficiaires plus long et ça accentue la perte d'autonomie des personnes âgées », ajoute-t-elle.

Dans les écoles, il s'agit souvent de livres de bibliothèque non commandés ou de nouveaux équipements de laboratoire qui ne sont jamais installés. Bref, ce sont les outils d'apprentissage aux élèves qui sont tout simplement négligés.

Des infrastructures en ruines

C'est en matière d'infrastructures que les compressions font le plus mal. Comme l'illustre le cas des travaux à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont qui sont sans cesse reportés.

Même constat du côté des cégeps. « Les budgets alloués aux infrastructures sont tout simplement insuffisants pour rattraper le déficit d'entretien », croit Benoit Lacoursière. En décembre 2023, le cégep de Saint-Laurent a dû condamner un pavillon complet parce que la façade était en trop en mauvais état. Il est d'ailleurs toujours fermé.

Pendant ce temps, il y a une augmentation de la population étudiante. Les directions doivent improviser des solutions, mettre plus de monde dans une même classe, offrir davantage de cours en ligne ou de soir.

Ce sont les choix que le gouvernement a faits. Les prochains mois ne s'annoncent pas faciles sur le plan économique avec la décote, et l'intérêt du ministre des Finances, Eric Girard, d'implanter ce qui pourrait ressembler à un DOGE québécois. Les compressions historiques dans les cégeps, dévoilées en mai dernier, auront également des conséquences importantes.

Ryan William Moon rappelle quant à lui au gouvernement : « Que la création d'emplois, ça passe aussi par l'éducation. En période d'incertitude ou de déclin économique, le réseau de l'enseignement est très sollicité par les personnes qui veulent se recycler ou qui cherchent une formation pour se remettre en action après la perte d'un boulot. »

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L’APCHQ refuse de faire voter ses membres : l’Alliance syndicale a déclenché la grève ce mercredi

3 juin, par Alliance syndicale de la construction — , ,
L'Alliance syndicale de la construction – regroupant les cinq syndicats de l'industrie – confirme que l'Association des professionnels de la construction et de l'habitation du (…)

L'Alliance syndicale de la construction – regroupant les cinq syndicats de l'industrie – confirme que l'Association des professionnels de la construction et de l'habitation du Québec (APCHQ) n'a pas répondu positivement à sa demande de soumettre la dernière offre à ses membres, afin de passer au vote. Pour cette raison, l'Alliance syndicale confirme qu'une grève générale illimitée sera déclenchée ce mercredi 28 mai, à 00h01, dans le secteur résidentiel.

Tiré de L'infolettre de la CSN En mouvement

26 mai 2025

Rappelons que l'Alliance syndicale avait exhorté l'APCHQ de faire voter ses membres en se référant à l'article 44.1 de la Loi R-20, dans laquelle il est notamment stipulé qu'une « association représentative peut conclure une entente sectorielle […] si elle y est autorisée par la majorité de ses membres qui exercent leur droit de vote lors d'un scrutin secret ».

« Il est déplorable que l'APCHQ prive ses membres d'un tel droit de parole. Nous croyons fermement que les entrepreneurs membres de l'APCHQ auraient été favorables à l'acceptation de la dernière offre de l'Alliance syndicale dans le contexte actuel, tout comme les membres des autres associations patronales l'ont été dans les dernières semaines, pour les secteurs Institutionnel-Commercial et Industriel (IC-I) et du Génie civil et Voirie (GCV) » affirme Alexandre Ricard, porte-parole de l'Alliance syndicale de la construction.

« Obtenir une telle entente dans le secteur Résidentiel aurait favorisé le maintien de la paix industrielle et aurait permis d'éviter la grève » poursuit-il.

Que cache l'APCHQ ?

L'APCHQ fait preuve d'entêtement injustifié dans le cadre des négociations en cours, en refusant de consulter ses membres pour leur présenter la plus récente offre de l'Alliance syndicale. L'APCHQ a-t-elle peur de la réponse positive qu'elle pourrait obtenir ? Qui cherche-t-elle à protéger ? Les ménages québécois qui bénéficient des travaux destinés à l'habitation, ou les promoteurs immobiliers qui s'en mettent plein les poches ?

L'Alliance syndicale croit fermement que le gouvernement ne doit pas se mêler des discussions. Pourtant, l'APCHQ se cache derrière celui-ci. Au lieu de répondre positivement à une simple demande d'appel au vote, elle repousse volontairement le processus de consultation et se dirige elle-même vers un conflit de travail, en espérant que le ministre du Travail intervienne.

En route vers la grève

L'Alliance syndicale a obtenu un fort mandat de grève (83,8%) en bonne et due forme, en exécutant une consultation au scrutin secret, accessible à l'ensemble des membres des cinq syndicats. Un préavis de déclenchement de grève a été formellement envoyé aujourd'hui au ministre du Travail.

Les cinq syndicats communiqueront activement avec leurs membres dans les prochaines heures afin de partager les informations relatives aux lieux de rassemblement et les détails logistiques nécessaires pour le début de la grève. Les travailleurs et les travailleuses du secteur Résidentiel méritent les mêmes salaires et conditions que dans tous les autres secteurs de l'industrie et doivent pouvoir récupérer le pouvoir d'achat perdu. Leur contribution à la construction de logements et de maisons est essentielle et doit être reconnue.

À propos de l'Alliance syndicale de la construction

L'Alliance syndicale est composée des cinq syndicats de l'industrie de la construction : la FTQConstruction, le Syndicat québécois de la construction (SQC), le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International), la CSD-Construction et la CSN-Construction. Ils unissent leurs voix pour représenter l'ensemble des travailleurs et des travailleuses de l'industrie lors de la négociation des conventions collectives. www.facebook.com/AllianceSyndicale/

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Pétition contre la privatisation et la déréglementation des tarifs d’électricité

3 juin, par Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-Québec) — , ,
Des rumeurs persistantes sur un possible recours au bâillon concernant le projet de loi no 69 par la ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie, Christine (…)

Des rumeurs persistantes sur un possible recours au bâillon concernant le projet de loi no 69 par la ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie, Christine Fréchette, font craindre le pire au secteur énergie du SCFP. Déréglementation, privatisation et hausse des tarifs d'électricité sont à prévoir.

Bonjour à toutes et à tous,

Nous vous invitons à signer cette pétition en ligne sur le site de l'Assemblée nationale, qui demande la suspension de l'étude détaillée du projet de loi :

Pétition : Suspension de l'étude détaillée du projet de loi no 69, Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives

La CAQ serait sur le point de recourir au bâillon avant la fin des travaux parlementaires le 6 juin. La ministre vient tout juste de déposer une cinquantaine d'amendements à un projet de loi de 157 articles ! Pour nous, c'est un manque de transparence flagrant et un déni de démocratie, d'autant plus que les consultations particulières ont déjà été faites.

Ce projet de loi controversé, rédigé par le ministre démissionnaire Pierre Fitzgibbon, prévoit mettre fin au droit exclusif d'Hydro-Québec de distribuer l'électricité et permettra à des entreprises privées comme TES Canada et autres entités semblables de vendre de l'électricité.

Complice dans cette affaire, cet ex-dirigeant de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), responsable du fiasco du REM à Montréal, induit la population en erreur en déclarant publiquement que la privatisation est « stupide » tout en développant des PPP pour le secteur éolien, et ce, à des prix prohibitifs et sans que les bénéfices ne retournent entièrement à l'État québécois. Rien de surprenant de la part d'un financier qui a attribué le qualificatif de « technocrates » au personnel de la Régie de l'énergie qui, doit-on le rappeler, est un tribunal.

Il y a des investissements importants à faire dans notre énergie hydroélectrique et dans l'efficacité énergétique. Cela doit rapporter à l'ensemble de la population québécoise et aux communautés locales, pas seulement à des entreprises privées qui maximisent leurs profits. Cela fait des années que le milieu financier canadien envie la richesse créée par Hydro-Québec. On constate que Michael Sabia et François Legault ont trouvé leur porteuse d'eau pour mener à terme un projet qui sera néfaste pour le Québec.

Merci de votre appui et salutations solidaires !

Pierre-Guy Sylvestre
Économiste
Syndicat canadien de la fonction publique – Québec
565, boul. Crémazie Est
Bureau 7100
Montréal (Québec)

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50e du CISO !

3 juin, par Centre international de solidarité ouvrière (CISO) — , ,
Le seul centre intersyndical de solidarité ouvrière international en Amérique du Nord célèbre ses 50 ans et invite la population à se joindre aux festivités Montréal, 29 (…)

Le seul centre intersyndical de solidarité ouvrière international en Amérique du Nord célèbre ses 50 ans et invite la population à se joindre aux festivités

Montréal, 29 mai 2025 — Le Centre international de solidarité ouvrière (CISO) invite la population à célébrer ses 50 ans d'engagement aux côtés des travailleur·euse·s du monde entier. Fondé en juin 1975 à l'initiative de Michel Chartrand et de plusieurs leaders syndicaux et de libération à l'échelle internationale, le CISO œuvre depuis à renforcer les liens de solidarité entre les peuples, dans la lutte pour le respect des droits, l'amélioration des conditions de travail et la construction d'une société plus juste et démocratique.

Les festivités débuteront par une exposition photographique retraçant l'histoire du CISO présentée du 3 au 29 juin à l'Écomusée du fier monde, avant de partir en tournée à travers différents événements syndicaux au Québec. Deux invitées d'honneur y seront présentes au vernissage de cette exposition le 3 juin :

• L'honorable Louise Harel, ancienne ministre et députée provinciale, qui participa en mars 1987 à une délégation d'observation des droits des prisonnières chiliennes. Grâce à son engagement, le drapeau de la Palestine fut hissé au-dessus de l'Assemblée nationale en novembre 2004.

• Ghislaine Raymond, politologue et militante syndicale, qui prit part, en 1972, à une mission pour la Palestine aux côtés de Rezeq Faraj et Michel Chartrand — initiative qui mènera à la création du CISO.

Encore aujourd'hui, le CISO demeure un carrefour essentiel de l'action syndicale québécoise. Il favorise la mutualisation des ressources, encourage le dialogue critique et soutient les échanges d'information alternative. Dans le contexte politique actuel, marqué par la montée inquiétante de l'extrême droite, la remise en question des droits fondamentaux et les attaques multiples envers le système du droit international, la mission du CISO est plus pertinente que jamais.

Face à ces menaces, le CISO appelle à une mobilisation collective, intersyndicale et solidaire !

Autres faits saillants du 50e anniversaire :

📌 2 décembre 2025 — Journée de réflexion sur la solidarité intersyndicale internationale

Cette rencontre rassemblera des travailleur·euse·s, des syndicats et des représentant·e·s de partenaires historiques du CISO afin d'établir un état des lieux des tendances mondiales influençant l'état du monde et de développer un plan d'action commun. Ce sera également l'occasion de renforcer les liens entre luttes syndicales et mouvements de défense des droits humains, ici comme dans le Sud global.

🌐 Lancement du nouveau site web du CISO

Le CISO dévoile également une nouvelle plateforme numérique offrant un accès public inédit à ses archives historiques. Le site héberge notamment une exposition photo sur les récupérateur.trice.s de déchets du Mexique et du Québec (Valoristes) — des travailleur·euse·s de l'économie informelle et circulaire souvent invisibilisés et marginalisés.
À travers cette programmation, le CISO souhaite faire de son histoire un levier pour inspirer l'action syndicale d'aujourd'hui et de demain. Il réaffirme avec force : les luttes menées dans le Sud global demeurent une source essentielle d'inspiration, particulièrement en cette ère marquée par les reculs démocratiques et les violences autoritaires.

À propos du CISO

Le Centre international de solidarité ouvrière (CISO) est une organisation intersyndicale de solidarité internationale qui regroupe près de 80 syndicats québécois, des groupes populaires et des membres individuels. Il développe des projets d'éducation et de coopération internationale visant à sensibiliser la population et à renforcer les liens entre les travailleur·euse·s du Nord et du Sud.

Tous ses projets sont conçus en collaboration avec ses partenaires locaux, dans un esprit de réciprocité, d'égalité et de confiance, et dans une perspective d'autodétermination des peuples et des communautés.

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PL 89 – Un bouleversement aux lourdes conséquences pour le Québec

3 juin, par Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Centrale des syndicats démocratiques (CSD), Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Confédération des syndicats nationaux (CSN), Fédération autonome de l'enseignement (FAE), Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ), Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ), Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) — , ,
Le projet de loi 89, adopté aujourd'hui, aura de lourdes conséquences pour l'ensemble de la main-d'œuvre du Québec. « Le premier ministre et son ministre du Travail n'ont (…)

Le projet de loi 89, adopté aujourd'hui, aura de lourdes conséquences pour l'ensemble de la main-d'œuvre du Québec. « Le premier ministre et son ministre du Travail n'ont vraisemblablement pas saisi l'ampleur des dégâts qu'occasionnera cette nouvelle législation. Il s'agit d'une journée sombre pour les travailleuses et les travailleurs », dénoncent les porte-paroles Robert Comeau de l'APTS, Luc Vachon de la CSD, Caroline Senneville de la CSN, Éric Gingras de la CSQ, Mélanie Hubert de la FAE, Julie Bouchard de la FIQ, Magali Picard de la FTQ, Christian Daigle du SFPQ et Guillaume Bouvrette du SPGQ.

29 mai 2025

Tiré de L'Infolettre de la CSN En mouvement

Des conséquences pour toutes les personnes salariées du Québec

Il ne fait aucun doute pour les organisations syndicales que les impacts du projet de loi se feront sentir bien au-delà des personnes syndiquées. « Nous le répétons, les gains obtenus par la négociation exercent une pression positive sur les milieux non syndiqués, obligeant les employeurs à s'ajuster pour demeurer compétitifs. C'est à l'ensemble de la main-d'œuvre québécoise que le gouvernement s'attaque en limitant la capacité des travailleuses et des travailleurs à défendre et à améliorer leurs conditions de travail », déplorent les porte-paroles.

Une menace à la paix industrielle

Les règles entourant le recours et l'exercice de la grève permettaient jusqu'ici de maintenir l'équilibre fragile, mais essentiel entre les travailleuses, les travailleurs et les patrons. Les organisations syndicales ne s'expliquent pas pourquoi Jean Boulet a voulu tout bouleverser, si ce n'est pour assujettir l'ensemble des personnes salariées au bon vouloir des employeurs et pour faire plaisir au patronat ainsi qu'à un conseil des ministres aux tendances antisyndicales. « L'encadrement entourant l'exercice du droit de grève, qui était somme toute limitatif, offrait aux travailleuses et aux travailleurs la possibilité d'améliorer leurs conditions à l'intérieur de balises claires. Le ministre semble s'être trouvé des prétextes pour bafouer leurs droits et, de ce fait, il menace la paix industrielle », évoquent les représentants syndicaux. « Il nous semble clair que les limitations au droit de grève contenues dans cette législation ne passeront pas le test des tribunaux. Les constitutions, tant canadienne que québécoise, ainsi que l'arrêt Saskatchewan sont sans équivoque à ce propos. Les droits syndicaux sont aussi des droits humains. »

Des gains obtenus grâce aux luttes

Au fil des décennies, de nombreuses avancées sociales bénéficiant à l'ensemble de la société ont été obtenues grâce aux luttes menées par les travailleuses et les travailleurs syndiqués. L'équité salariale, l'implantation du réseau des CPE, le salaire minimum, les congés parentaux sont quelques-uns des gains obtenus grâce à la mobilisation syndicale. « Ce sont nos moyens de pression et nos grèves qui ont permis à des millions de Québécoises et de Québécois de bénéficier de ces droits. Priver les travailleuses et les travailleurs de leur capacité à lutter, c'est freiner les progrès de toute la société québécoise », insistent les porte-paroles.

« Le lien de confiance est rompu »

Dès l'évocation par Jean Boulet de ses intentions, à la fin 2024, les organisations syndicales ont invité le ministre du Travail à la prudence. « Nous avons rapidement saisi que le ministre ne serait pas ouvert à la discussion afin de trouver des solutions satisfaisantes pour tous. D'ailleurs, nous nous expliquons mal cette volte-face complète de la part du ministre du Travail, qui a drastiquement changé de ton à partir de ce moment : il a choisi de rompre le dialogue avec les travailleuses et les travailleurs du Québec. Le lien de confiance est rompu », concluent les porte-paroles.

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Financement des arts : Il ne restera pas toujours la culture

3 juin, par Eve-Marie Lacasse — , ,
22 mars 2025 : des milliers de personnes marchent partout au Québec, répondant à l'appel de la Grande mobilisation pour les arts au Québec (GMAQ). Ce mouvement, qui rassemble (…)

22 mars 2025 : des milliers de personnes marchent partout au Québec, répondant à l'appel de la Grande mobilisation pour les arts au Québec (GMAQ). Ce mouvement, qui rassemble artistes, travailleuses et travailleurs de la culture – théâtre, danse, cirque, musique, arts visuels, littérature et plus encore – exige une meilleure reconnaissance des arts et une hausse des budgets gouvernementaux dédiés à la culture. Quatre jours plus tard, le ministre des Finances du Québec présente son budget. Le financement du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) est rehaussé de façon importante, répondant en partie aux demandes de la GMAQ.

Tiré du Point syndical.

« Les victoires sont rares. Nous célébrons cette hausse de financement du CALQ. Mais nous demeurons réalistes : on sauve tout juste les meubles, le ministre de la Culture nous a avisés que pour les années à venir, l'investissement ne sera pas indexé. Le problème de fond demeurera. Parce que la précarité dans le milieu des arts et de la culture, c'est beaucoup plus large », observe Valérie Lefebvre-Faucher, autrice, rédactrice en chef de la revue Liberté et représentante de la GMAQ.

Sans filet

Les travailleuses et travailleurs culturels, souvent autonomes ou indépendants, vivent dans une grande précarité. « Une majorité d'entre nous cumule les emplois pour arriver. Quand nous réussissons à obtenir du financement, c'est bien souvent le projet qui est financé, pas notre temps de création », continue Mme Lefebvre-Faucher.

La Fédération nationale des communications et de la culture (FNCC–CSN) appuie la GMAQ dans ses revendications. La fédération explore l'idée d'un filet social pour les artistes. « Il y a un travail de fond à faire afin que socialement, on réalise que la création, ce n'est pas un passe-temps. C'est un travail et des droits devraient venir avec ça », martèle Jean-Philippe Bergeron, écrivain et président du Syndicat des travailleuses et travailleurs de Copibec–CSN.

Le filet de sécurité conçu pour les salarié-es censé soutenir le revenu des individus lorsqu'ils sont confrontés aux aléas de la vie est souvent inexistant pour les artistes. Ce filet serait destiné à compenser les périodes de transition ou de précarité financière entre deux projets et à éviter que les artistes aient à occuper deux, parfois trois emplois pour avoir les moyens de créer. « Nous sommes en défrichage sur ces questions. On pourrait s'inspirer des travailleurs des pêches et de leur accès à l'assurance-emploi : c'est un exemple parmi d'autres. Mais des solutions peuvent être mises en place », termine M. Bergeron.

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Bravo les artistes !

Alors que le génocide ordonné par les sionistes, suprémacistes et néofascistes de Tel-Aviv contre la population de Ghaza se poursuit, des voix s'élèvent en Occident pour (…)

Alors que le génocide ordonné par les sionistes, suprémacistes et néofascistes de Tel-Aviv contre la population de Ghaza se poursuit, des voix s'élèvent en Occident pour dénoncer ce qui se précise chaque jour davantage comme un nettoyage ethnique. Une déportation planifiée des Palestiniens, aussi bien des 2,3 millions de personnes qui vivent dans l'enclave que ceux des territoires occupés de Cisjordanie, pourchassés par l'armée israélienne et les colons juifs qui les poussent à quitter leurs terres et à abandonner leurs villages.

Tiré d'El Watan.

L'annonce d'un plan pour l'implantation de 22 nouvelles colonies dans les territoires occupés depuis 1967 ne signifie rien d'autre qu'une annexion de fait par l'expansion des colonies juives en Cisjordanie. Un plan auquel les suprémacistes sionistes et néofascistes de Tel-Aviv tiennent plus que tout, d'Itamar Ben-Gvir au ministre de la Défense sioniste Israël Katz en passant par Benyamin Netanyahu. Tous ont insisté pour que le Premier ministre de l'entité sioniste ordonne une vaste offensive sur Ghaza, en vue de son annexion à Israël.

Quant au ministre de la Défense israélien, il ne s'est pas privé de répondre au président français qui a « osé » dire à Singapour : « Si nous abandonnons Ghaza et laissons faire Israël, nous perdrons toute crédibilité. » Le ministre sioniste a précisé : « Macron et ses amis reconnaîtront un Etat sur le papier, et nous construirons un Etat juif ici sur le terrain », en d'autres termes à Ghaza et en Cisjordanie. Au passage, son homologue des Affaires étrangères a accusé le président français de mener une croisade contre les juifs.

La messe est dite pour Emmanuel Macron, dont le pays présidera conjointement avec l'Arabie Saoudite une conférence internationale sur la Palestine, à partir de la seconde quinzaine du mois de juin à New York. On voit bien que pour les suprémacistes néofascistes de Tel-Aviv, la solution à deux Etats au Moyen-Orient a vécu. Pour eux, il ne pourrait y avoir qu'un seul Etat, l'Etat juif d'Israël, comprenant la Cisjordanie et la bande Ghaza annexées.

Jusqu'à quand les pays occidentaux se contenteront-ils de condamnations verbales, d'incantations adressées à l'entité sioniste qui continue d'agir en toute impunité dans la région, en se comportant comme le gendarme du Moyen-Orient, s'en prenant tour à tour au Liban, à la Syrie, à l'Irak et même au lointain Yémen ? Des actes donc ! Les dirigeants des pays occidentaux ne semblent pas compris cela. Sur ce point, ils sont en retard sur leurs sociétés civiles, comme viennent de le prouver jeudi dernier 300 personnalités du monde des arts et de la culture du Royaume-Uni.

Ces artistes, dont la popstar Dua Lipa ou encore l'acteur Benedict Cumberbatch, ont publié une lettre, dans laquelle ils demandent au Premier ministre britannique Keir Starmer de suspendre les livraisons d'armes à Israël et à agir pour l'obtention d'un cessez-le-feu à Ghaza. Les termes de cette tribune diffusée largement au Royaume-Uni sont on ne peut plus clair en direction du locataire du 10 Downing Street. « Nous vous exhortons à prendre des mesures immédiates pour mettre fin à la complicité du Royaume-Uni dans les horreurs à Ghaza.

Nous vous demandons de suspendre immédiatement toutes les ventes d'armes et licences d'exportation britanniques vers Israël. » Tout comme ils demandent au Premier ministre britannique d'utiliser tous les moyens disponibles pour garantir un plein accès de l'aide humanitaire à Ghaza, par le biais d'organisations expérimentées et sans ingérence militaire.

Tout comme ils lui demandent de « prendre un engagement envers les enfants de Ghaza de négocier un cessez-le feu permanent et de mettre fin à la famine ». Quarante-huit heures auparavant, 380 écrivains d'Angleterre, d'Ecosse, du pays de Galles, d'Irlande du Nord et de la République d'Irlande ont, dans un appel largement diffusé, demandé à leurs nations et aux nations du monde de se joindre à eux pour mettre fin au silence et à l'inaction collective face à l'horreur.

L'utilisation du termes « génocide » ou actes de génocide pour décrire ce qui se passe à Ghaza n'est plus contestée, ont-ils écrit. Ils réclament eux aussi la distribution de l'aide par l'ONU ainsi qu'un cessez-le feu. Faute de quoi, des sanctions devraient être prises.

Quelques jours auparavant, plus de 300 écrivains francophones, dont deux prix Nobel de littérature, ont publié une tribune dans le quotidien français Libération, dans laquelle ils déclarent : « Nous pouvons plus nous contenter du mot horreur, il faut aujourd'hui nommer le génocide à Ghaza. » Ils exigent eux aussi des sanctions contre Israël.

Plusieurs questions reviennent dès lors avec insistance : Est-ce que ces représentants du monde des arts seront-ils entendus par les dirigeants politiques de leurs pays respectifs ? Et surtout est-ce qu'ils seront suivis par leurs homologues des autres pays occidentaux ? De quoi créer un climat d'opinion favorable pour qu'enfin des actes soient pris pour faire cesser cet odieux génocide.

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Lancement de la 5e édition de la campagne En juin, je lis autochtone : « Place aux littératures autochtones ! »

3 juin, par Je lis autochtone ! — , ,
Wendake, le 2 juin 2025 - Du 1er au 30 juin, l'organisme à but non lucratif Je lis autochtone ! invite les gens à découvrir les littératures autochtones dans le cadre du Mois (…)

Wendake, le 2 juin 2025 - Du 1er au 30 juin, l'organisme à but non lucratif Je lis autochtone ! invite les gens à découvrir les littératures autochtones dans le cadre du Mois national de l'histoire autochtone.

Pour l'occasion, près80 librairies et plus de 200 bibliothèques partout au Québec se pareront des couleurs de la campagne et mettront de l'avant les livres écrits par des auteur·ice·s membres de Premiers Peuples dans une section dédiée. Plusieurs auteur·ice·s autochtones animeront, par le fait même, des dizaines d'activités dans les établissements participants afin de permettre aux lecteur·ice·s d'échanger avec les artistes, d'en apprendre davantage sur leur parcours et leurs œuvres. Le but : mettre en vedette la diversité des œuvres que les Premières Nations, les Métis et les Inuit ont à offrir et permettre des rencontres interculturelles des plus enrichissantes.

Une 5e édition sous le signe du théâtre

Sous le thème « Place aux littératures autochtones », c'est le théâtre qui sera la star de cette édition. « Sur scène, les mots s'animent et prennent vie. », affirme l'auteurice Moira-Uashteskun Bacon, Pekuakamiulnu de Mashteuiatsh et porte-parole de cette édition. « C'est une façon pour nous de montrer toute la diversité qu'offrent les littératures autochtones. Elles prennent toutes sortes de formes et il y en a pour tous les goûts. », d'ajouter Elizabeth Dubé, coordonnatrice de l'OBNL.
Une littérature foisonnante

Bien que les littératures autochtones aient longtemps été discrètes sur les tablettes, elles connaissent un bel essor et c'est plus d'une soixantaine de titres qui ont été publiés en français au Québec dans la dernière année. Le public les trouvera dans le carnet annuel qui sera disponible gratuitement dans toutes les succursales participantes ainsi que sur le Web. Il pourra également en profiter pour y lire un texte inédit ainsi que des suggestions littéraires et théâtrales.

Pour tout connaître sur la campagne et voir la programmation, visitez le jelisautochtone.caainsi que les pagesFacebook et Instagram de l'organisme.

Cette campagne est rendue possible grâce à la participation du Conseil des arts du Canada, du Secrétariat aux relations avec les Premières Nations et les Inuit et le Réseau Les Libraires ainsi que celle de plusieurs maisons d'éditions telles que les Éditions Boréal, les Éditions Hannenorak, les Éditions Alire et les Éditions Prise de Parole.

À propos de Je lis autochtone ! :

Je lis autochtone ! est un organisme à but non lucratif qui a pour objectifs de promouvoir les littératures autochtones au grand public ; offrir un meilleur accès aux livres des Premiers Peuples aux communautés autochtones et accroître la littératie au sein des Premières Nations, Métis et des Inuit. Je lis autochtone ! souhaite ainsi favoriser la rencontre interculturelle grâce à la littérature et faire rayonner le talent des auteur·trice·s des Premières Nations, des Inuit et des Métis publié·e·s en français au Canada.

À propos de Moira-Uashteskun Bacon :

Pekuakamiulnu de Mashteuiatsh, Moira-Uashteskun Bacon s'inspire de sa propre jeunesse, en communauté et en milieu urbain, pour écrire. Lorsque sa tête n'est pas hantée par les personnages de ses histoires, Moira partage sa passion en animant des ateliers d'écriture pour les enfants à Montréal. En 2023, son premier roman, Envole-toi, Mikun, paru aux éditions Hannenorak, lui a valu d'être finaliste à plusieurs prix littéraires, dont celui du Gouverneur général. L'amie de mon père est son deuxième roman.

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Le 47ème Festival International de Films de Femmes de Créteil

3 juin, par Ghaïss Jasser — , ,
Depuis la fondation du Festival International de Films de Femmes (FIFF) à Sceaux en 1979 par Jackie Buet et Elisabeth Thréard, nous étions quelques féministes cinéphiles et (…)

Depuis la fondation du Festival International de Films de Femmes (FIFF) à Sceaux en 1979 par Jackie Buet et Elisabeth Thréard, nous étions quelques féministes cinéphiles et universalistes à l'avoir régulièrement suivi.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Nous étions toutes convaincues qu'à l'instar d'un grand nombre de romancières ou de poétesses, des réalisatrices méconnues existaient et qu'il fallait seulement avoir la passion, le courage et la persévérance de les découvrir et de les faire connaître en exhumant les unes, comme Alice Guy, en honorant les confirmées, comme Margareth Von Trotta, et en invitant et encourageant celles qui viennent de faire leurs premiers pas dans la réalisation.

Nous n'étions guère étonnées par l'envergure internationale que le FIFF a rapidement gagnée grâce à son caractère unique et singulier. Mais nous étions souvent frustrées de le voir timidement accueilli sur le plan national et parfois même occulté.

Enfin, c'est grâce à sa dimension internationale et universelle qu'il a réussi à réaliser 560 leçons de cinéma avec des réalisatrices de cinq continents, leçons numérisées par l'INA (Institut National de l'Audiovisuel), partenaire fidèle et indispensable.

Nous fûmes cette année enthousiastes et agréablement surprises par le grand nombre de films reflétant l'actualité internationale, politique et sociale.

Flowers of Ukraines, d'Adelina Borets (2024) : Natalia, femme de 67 ans, vit à Kiev sur un terrain fleuri qu'elle protège contre vents et marées. Elle refuse avec humour et liberté toutes les propositions matériellement alléchantes des promoteurs qui veulent la déloger. Sa lutte devient plus poignante lorsque l'Ukraine commence à être bombardée et envahie par la Russie. Natalia refuse de quitter son petit paradis pour se réfugier dans un abri, même lorsque les bombes pleuvent sur Kiev. Elle se cache avec ses quelques poules dans un minuscule abri construit par ses soins. Elle incarne à elle seule un symbole d'espoir et de résistance. Ce long documentaire a récolté trois prix, celui du meilleur long métrage documentaire par le grand jury, le prix du public et celui du jury « graines de cinéphage ».

Par ailleurs, Arte et le FIFF ont choisi trois documentaires de femmes issus de la collection « génération ukrainienne » :

« Intercepté » (2024) d'Oksana Karpowych : un film qui met à nu l'impérialisme de la Russie et la déshumanisation engendrée par la guerre.

« Marioupol, trois femmes et une guerre » (2024) de Svitlana Lishchynska : portrait sensible de trois générations de femmes vivant à Marioupol tournées culturellement vers la Russie, mais que la guerre fait subir à leur identité un déchirement insoutenable.

« Ukraine : la guerre ordinaire » (2024), d'Olha Zhurba : entamé dès les premiers jours de l'attaque russe, ce documentaire saisissant dresse un « portrait collectif de l'Ukraine en guerre au travers d'une population en état de choc, qu'elle ait fui les affres de la guerre ou soit restée pour vivre sous la menace et les bombardements constants » (catalogue du FIFF p. 35).

Toxic, de Saulé Bliuvaité (Lituanie, 2024) présenté en séance de clôture du Festival au cinéma Saint André des Arts en présence de la réalisatrice. Celle-ci met en scène de jeunes adolescentes, Marija et Kristina, qui se rencontrent dans une école de mannequinat locale. Une concurrence ardue les pousse à brutaliser leur corps tout en ignorant « la cruelle réalité saisie par la cinéaste : celle d'un monde où les règles sont conçues pour qu'elles perdent » (catalogue du FIFF p. 10).
« Toxic est fait de fragments de vie (…) les corps y disent la solitude, l'enfance encore proche, la souffrance, l'espoir d'une reconnaissance. Un film à fleur de peau, fort comme un journal intime » Frédéric Strauss, Télérama.
Ce film a eu le grand prix du Festival de Locarno en 2024.
Nous avons surtout été impressionnées par la force de suggestion que reflètent certaines images : quelques photos d'adolescentes défigurées nous renvoient par exemple à cette société qui défigure ses propres enfants.

Soudan, souviens-toi, de Hind Meddeb, 2023, en avant première et en présence de la réalisatrice.
« Après 30 ans de dictature, le portrait d'une jeunesse soudanaise qui, par ses mots, poèmes et créations, défie la répression militaire et lutte pour ses rêves de démocratie. En croisant leurs itinéraires, Hind Meddeb articule les fragments d'une révolution impossible, de ses débuts prometteurs jusqu'à ce que la guerre détruise tout, mettant les Soudanais sur les routes de l'exil » (catalogue du FIFF, p. 39).

En effet, les débuts prometteurs de cette révolution nous avaient vraiment enthousiasmés, car les tueries contre une jeunesse joyeuse, décidée à braver tous les dangers n'avaient pas encore commencé, comme en Syrie.

Mais les militaires sont toujours là pour écraser toute aspiration à la liberté. Ils vont même engager des milices, dans le but d'être soutenus dans leur action répressive. Mais ces milices, comme il arrive souvent dans des cas similaires, une fois armées jusqu'aux dents, commencent à rêver du pouvoir. Les milices amies du pouvoir deviennent alors des ennemies et doivent leur durabilité grâce au financement de pays comme les Emirats Arabes Unis.

Enfin, le plus bouleversant dans le film de Hind Meddeb sont les poèmes en arabe classique ou dialectal, récités ou chantés par des jeunes qui promettent de ne jamais arrêter leur lutte.

Green Line, de Sylvie Balliot, France-Liban, 2024. « Fida a grandi à Beyrouth dans les années 80, pendant la guerre. La banalisation de la mort la fait douter de la valeur de la vie et du sens de cette interminable guerre. Avec l'aide de figurines et de maquettes miniatures, elle va à la rencontre de miliciens et confronte sa vision avec la leur » (catalogue du FIFF, p. 15).
Ce film qui a reçu plusieurs prix – au Festival de Locarno, celui d'Ismaïliya (Egypte) et au Festival de Marrakech – est à la fois très intéressant et frustrant, car il permet d'une part de découvrir plusieurs visages de certains miliciens repentis et d'autres convaincus d'avoir fait ce qu'il fallait. Mais il est dommage que ce film ne soit pas étoffé aussi par des analyses de journalistes et de politologues libanais et arabes qui ont réussi à jeter sur cette guerre absurde des éclairages rarement mentionnés dans les mass-média.

D'autres longs métrages documentaires ont été sélectionnés par ce FIFF, comme Larry (IEL), de Catherine Legault, (Canada, 2024). « Portrait de Laurence Philomène, jeune photographe, trans non-binaire, qui s'impose comme l'une des voix les plus originales de sa génération et une icône de la communauté LGBTQ+ » (catalogue du FIFF, p. 15).

Ce film a en effet l'avantage de nous propulser au cœur de la vie quotidienne de Laurence Philomène qui assume sa transsexualité avec autant de douleur que de sérénité. Néanmoins, ce film nous rappelle que le débat autour du genre est loin d'être terminé. Garantir la liberté de choix d'un sexe ou d'un genre voudrait-il dire que la porte est fermée à tout débat sur le sujet ? Tout comme le débat entre féministes essentialistes et anti-essentialistes qui reste toujours d'actualité, même s'il est en train de subir des mutations dans le discours LGBTQ+.

Après avoir cité les longs métrages documentaires qui nous ont marqué, faut-il oublier la sélection de plusieurs longs métrages fiction qui nous promènent de la République Dominicaine avec « Sugar Island » (2024) de Johanné Gomez Terrero qui a eu le prix du Grand Jury, au Portugal avec « Le vent qui siffle dans les grues » (2023) de Jeanne Wallz, à la Turquie avec « On the water surface », de Zeynep Köpratu (2024)…

Dans le cadre des réalisatrices pionnières, le Festival choisit cette année de passer plusieurs films de la réalisatrice tchèque Vera Chytilova, sans oublier de rappeler que cette cinéaste a fait partie des réalisatrices historiques du FIFF depuis 1987. « Que faut-il retenir de son cinéma, écrit Jackie Buet, une permanente innovation et lucidité sur l'entrelacs des destins humains et des intrigues partisanes. Un grand cinéma politique avec une fraicheur humaine revigorante. Un talent fou qui appuie sur les points névralgiques et les possibilités d'échappée : alternative entre la liberté ou la soumission, le personnel ou le collectif » (catalogue du FIFF, p. 30).

Le FIFF, ayant accompagné presque toutes les sorties de films de Margareth Von Trotta, a choisi de proposer à son public pour la soirée avec Arte et en avant-première, le film de cette grande réalisatrice allemande « Voyage dans le désert ». Elle y relate un épisode de vie de la poétesse autrichienne Ingeborg Bachmann. Celle-ci rencontre au sommet de sa carrière le célèbre dramaturge Max Frisch. La poétesse prend soudain la décision de voyager dans le désert égyptien, afin de se libérer de cette tumultueuse relation devenue parfois irrespirable.

N'oublions surtout pas ce court-métrage belge de Juliette Léonard « Rides du lion et pattes d'oie », « Vieillir quand on est femme est un drame. Comment me défaire de cette idée débile et profondément ancrée dans mon crâne et ma société » (catalogue du FIFF, p. 20). En effet, cette réalisatrice brise un tabou d'une manière à la fois hilarante et angoissante, car dès l'âge de 30 ans, beaucoup de femmes ne savent plus quoi faire de leur corps, sujet de toutes les projections dont elles demeurent prisonnières, car toujours invitées à corriger ce qui ne va pas et donc à acheter et à utiliser des gels et des crèmes qui remplissent les étagères de leur chambre et surtout de leur salle de bain. Ce court métrage eut le prix du Jury INA, aussi bien qu'une mention spéciale du Jury UPEC (Université Paris-Est Créteil).

Le Festival choisit presque tous les ans un thème autour duquel il organise un colloque ou une table-ronde. Cette année, trois femmes furent réunies et invitées à partager leur vision de l'humour. Nous eûmes à cette occasion la surprise de découvrir que l'une d'entre elles, Chantal Montellier, artiste pionnière de la bande-dessinée, a publié sous sa direction un livre « Je suis Razan, un visage pour la Palestine » aux éditions Arcane 17, dans lequel se sont exprimé une vingtaine de journalistes, de chercheur.ses, d'hommes et de femmes politiques, etc. sur la mort de la secouriste palestinienne Razan, sous les balles israéliennes à Gaza en 2018.

Ghaïss Jasser, 31 mai 2025.

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Une exposition présente des récits de courage et de résistance queer à Washington

3 juin, par Musée canadien pour les droits de la personne — , ,
Washington D.C., le 27 mai 2025 – Une exposition du Musée canadien pour les droits de la personne (MCDP) sur la purge LGBT au Canada ouvre aujourd'hui à la galerie d'art de (…)

Washington D.C., le 27 mai 2025 – Une exposition du Musée canadien pour les droits de la personne (MCDP) sur la purge LGBT au Canada ouvre aujourd'hui à la galerie d'art de l'ambassade du Canada à Washington, D.C. L'expo-kiosque est présentée dans le cadre de WorldPride, un événement annuel qui vise à promouvoir la visibilité et la sensibilisation aux questions 2ELGBTQI+ à l'échelle internationale.

Photo :L'expo-kiosque Amours cachés : La purge LGBT au Canada ouvre aujourd'hui à la galerie d'art de l'ambassade du Canada dans le cadre de WorldPride.

L'exposition Amours cachés :La purge LGBT au Canada relate le harcèlement et le congédiement des membres 2ELGBTQI+ des Forces armées canadiennes, de la Gendarmerie royale du Canada et de la fonction publique fédérale entre les années 1950 et 1990. Cet épisode historique bien documenté, mais peu connu, est devenu connu sous le nom de « purge LGBT ».

« Le Musée canadien pour les droits de la personne, ainsi que toutes nos expositions et tous nos programmes, reposent sur la conviction que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits », a déclaré Isha Khan, directrice générale du MCDP. « Il est de notre responsabilité collective de veiller à ce que ces droits soient protégés et respectés pour tout le monde. »

L'expo-kiosque et une version complète ont été conçues dans le cadre d'un partenariat entre le Fonds Purge LGBT et le Musée canadien pour les droits de la personne. La puissante exposition présente ce chapitre douloureux de l'histoire du Canada tout en rendant hommage au courage et à la résilience des personnes qui se sont battues pour la justice et dont le militantisme a mené à des changements juridiques et sociaux durables.

« Cette exposition met en lumière la persécution tragique et injustifiée dont ont été victimes les personnes 2ELGBTQI+ qui voulaient servir leur pays », a déclaré Michelle Douglas, survivante et directrice générale du Fonds Purge LGBT. « Elle comporte des leçons importantes pour aujourd'hui et s'efforce de transmettre au public visiteur une idée de la résilience des personnes qui ont vécu la purge. Nous espérons également que cette exposition incitera les gens à réfléchir et empêchera l'histoire de se répéter. »

L'expo-kiosque d'environ 47 mètres carrés (500 pieds carrés) est l'un des volets du partenariat entre le MCDP et le Fonds Purge LGBT, qui comprend aussi une exposition complète actuellement présentée au MCDP à Winnipeg, au Manitoba. L'expo-kiosque et l'exposition complète continueront de circuler et de faire connaître ces histoires importantes.

La galerie d'art de l'ambassade du Canada, située au 501 Pennsylvania Avenue N.W. à Washington, est ouverte en semaine de 9 h à 17 h et l'entrée est gratuite.

À propos du Musée canadien pour les droits de la personne

Le Musée canadien pour les droits de la personne (MCDP) est le premier musée du monde exclusivement consacré à l'évolution des droits de la personne, à leur avenir et à leur célébration. Seul musée national du Canada dans l'Ouest canadien, le MCDP est situé sur le territoire visé par le Traité n° 1, à Winnipeg, au Manitoba, au cœur du continent. Son mandat est d'explorer les droits de la personne au Canada et ailleurs en vue d'accroître la compréhension du public à cet égard, de promouvoir le respect des autres et d'encourager la réflexion et le dialogue. Sa vision est de créer un monde où tout le monde valorise les droits de la personne et se fait le devoir de promouvoir le respect et la dignité de chaque personne.

Au sujet de la purge LGBT

Des années 1950 aux années 1990, le gouvernement du Canada a systématiquement enquêté sur des membres 2ELGBTQI+ des Forces armées canadiennes, de la GRC et de la fonction publique fédérale – plus de 9 000 personnes – puis les a harcelés et congédiés. Appelée aujourd'hui « la purge LGBT », cette politique officielle a détruit des milliers de carrières, causé des dommages psychologiques incalculables et ruiné des vies. Il s'agit de l'une des violations des droits de la personne en milieu de travail les plus vastes et les plus longues de l'histoire du Canada.

En 1992, un procès historique contre les politiques militaires discriminatoires à l'égard des membres LGBT a eu lieu et a finalement mis un terme à la purge. Un recours collectif intenté en 2018 a permis de rendre justice à des centaines de survivant·e·s de la purge, notamment grâce à un règlement de 145 millions de dollars et à des excuses officielles de la part du gouvernement canadien. Le règlement prévoyait des fonds pour des projets d'héritage, dont cette expo-kiosque, afin d'honorer les survivant·e·s ainsi que les personnes qui n'ont pas vécu assez longtemps pour recevoir une indemnisation

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L’Orchestre Symphonique de Montréal résiste aussi !

Dans son chant incantatoire en langues sotho du sud et en zulu, il entraîne non seulement les musiciens de l'OSM qui l'entonnent avec lui, mais aussi le public qu'il réussit à (…)

Dans son chant incantatoire en langues sotho du sud et en zulu, il entraîne non seulement les musiciens de l'OSM qui l'entonnent avec lui, mais aussi le public qu'il réussit à éduquer jusqu'à des pianissimi seyant aux nombreuses répétitions soupirées de ses motifs. Gagnée par la joie subversive de l'œuvre, la salle entière s'est levée d'un bond unanime pour l'ovationner.

Par Pierre Jasmin, artiste pour la paix

Photo : Le violoncelliste sud-africain Abel Selaocoe et la cheffe chinoise Xian Zhang

Merci à Christophe Huss du DEVOIR pour ses compliments, que toute ma famille, aimerait partager car nous étions tous les quatre à la Maison symphonique de Montréal, tout en haut avec des billets à 30$, prix étudiants pour mes deux grands. « Il s'est passé comme un petit miracle avec la venue du violoncelliste et vocaliste sud-africain Abel Selaocoe aux côtés de l'OSM. L'expérience emmène le mélomane hors des sentiers battus pour un moment unique. Selaocoe est une vraie grande apparition d'une individualité artistique dans notre monde musical — la plus noble incarnation et expression de ce que peuvent apporter à l'humanité, à toutes les formes de civilisation et de cultures, certains artistes inattendus qui ont émergé récemment et ouvert nos oreilles à la découverte de répertoires ou de formes d'expressions [uniques]. (...) » Dans son chant incantatoire en langues sotho du sud et en zulu, il entraîne non seulement les musiciens de l'OSM qui l'entonnent avec lui, mais aussi le public qu'il réussit à éduquer jusqu'à des pianissimi seyant aux nombreuses répétitions soupirées de ses motifs. Gagnée par la joie subversive de l'œuvre, la salle entière s'est levée d'un bond unanime pour l'ovationner.

Xian Zhang, cheffe énigmatique chinoise quoique non inconnue du public montréalais, a maîtrisé cette œuvre complexe rythmiquement appelée Quatre Esprits, comme elle avait exploré la subtilité du Ravel de Ma mère l'Oye. Roméo et Juliette de Prokofiev concluait la soirée, la marche des Montague et Capulet, introduite par les dissonances en climax des cuivres, exploitées sans aucune retenue sonore pour bien montrer l'horreur et l'absurdité des guerres, des rivalités. L'émotion de se rappeler la pièce de Shakespeare provoque des larmes, avec sa conclusion pacifiste All are punished, si bien prononcée dans le film de Zeffirelli. Quant au compositeur, il avait a vu sa femme d'origine espagnole trop bavarde expédiée en Sibérie par le même Staline qui lui volera sa mort, puisque tous deux étant décédés à moins d'une heure d'intervalle, le parti communiste obligera la famille de Sergueï à attendre une semaine avant d'annoncer son décès pour ne pas voler le chagrin populaire dû au vainqueur des Nazis. Anecdote personnelle : ayant arrangé le voyage de ma femme chinoise pianiste au début des années 80 à Londres, une richissime Juive rescapée des camps de concentration à qui j'avais donné des leçons de piano à Vienne accepta de lui payer ses leçons auprès d'Alissa Kezeradze-Pogorelich parfois 3 fois par semaine ; Kuo-Yuan fit un soir la connaissance de la veuve de Prokofiev, admiratrice des enregistrements du pianiste Ivo de la sixième sonate pour piano de son mari, première des trois sonates de guerre enregistrée sur Deutsche Grammophon, avec mes notes musicologiques, dans leur première édition couplée avec Gaspard de la Nuit de Ravel.

Un immense merci au directeur artistique de l'OSM, le Vénézuélien élevé par el sistema, Rafael Payare, autre magicien de la musique, époux d'une violoncelliste qui l'a probablement influencé dans le recrutement d'Abel Selaocoe. Mais il est inconcevable que son génie ait pu prévoir la synchronicité de la venue de ce dernier sur le continent nord-américain avec celle, la veille, du président sud-africain Cyril Ramaphosa à la Maison Blanche, exposé à la fable raciste de Trump selon laquelle un nombre génocidaire (!!!) de fermiers blancs auraient été assassinés. Heureusement, cette fable fut vertement dénoncée par Radio-Canada grâce au témoignage concordant des journalistes Azeb Wolde-Georghis à Washington et Sophie Langlois de retour d'un voyage en Afrique du Sud, invitées à la même émission.

Ne ratez sous aucun prétexte l'un des trois concerts de mercredi à vendredi soirs, toujours à la Maison symphonique, qui mettra en scène en première partie deux courtes œuvres d'inspiration autochtone (avec entre autres Elizabeth St-Gelais que je vous avais vantée il y a un an) aux titres évocateurs : You can die properly Now d'Ana Sokolovic, dédiée aux enfants jamais revenus des pensionnats autochtones et Un cri s'élève en moi, aux paroles de Natasha Kanapé Fontaine sur une musique d'Ian Cusson. Ces deux œuvres seront suivies du chef d'œuvre absolu de la première moitié du XXième siècle occidental, l'ultime Chant de la terre de Gustav Mahler aux six parties d'autant plus bouleversantes qu'elles prophétisent les traumatismes causés à notre terre. Mais Mahler, hélas, est mort, tel Moïse, sans avoir jamais dirigé son chef d'œuvre basé sur des poèmes de la dynastie Tang pourtant écrits entre 618 et 907 : la fin, Der Abschied, erronément traduite par l'adieu, alors qu'on devrait la qualifier de déchirement ou séparation ultime plus laïcs, laisse résonner la répétition éthérée du mot ewig, éternel, le consolant sans doute de la mort cruelle de leur petite fille, à Alma et à lui. Réalité artistique de la souffrance, qui rapproche ces grands créateurs du commun des mortels en les éloignant des puissants qui se croient immortels dans leurs guerres.

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Boys club

3 juin, par Éditions du Remue-Ménage, Martine Delvaux — ,
Parution le 27 mai 2025 au Québec Parution le 22 août 2025 en Europe Parce que le moment contemporain rend nécessaire la mise à jour du Boys club, œuvre de Martine Delvaux (…)

Parution le 27 mai 2025 au Québec
Parution le 22 août 2025 en Europe

Parce que le moment contemporain rend nécessaire la mise à jour du Boys club,
œuvre de Martine Delvaux désormais incontournable.

« J'avais accompli une tâche, une sorte de service public. C'était un geste de résistance, à mon sens nécessaire. Si j'avais pris plaisir en rédigeant les différents chapitres du livre, parce que j'aime enquêter, analyser et écrire, je n'ai jamais cessé de regretter devoir le faire. Et je n'ai jamais cessé d'avoir peur. »

Ils sont tournés les uns vers les autres. Ils s'observent et s'écoutent. Ils s'échangent des idées, des armes, de l'argent ou des femmes. Dans cet univers clos réservé aux hommes, le pouvoir se relaie et se perpétue à la façon d'une chorégraphie mortifère. Le boys club n'est pas une institution du passé, il est terriblement actuel et tentaculaire : État, Église, armée, université, fraternités, firmes... et la liste s'allonge.

Dans cette nouvelle édition revue et augmentée, Martine Delvaux analyse la portée historique et politique du procès de Mazan, déplore le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, la prise de pouvoir de la « broligarchie » et la montée des discours masculinistes dans l'espace public. À la manière d'une chasse à l'image, l'autrice traque aussi le boys club dans ses représentations au cinéma et à la télévision. Véritable plongée en eaux noires, ce livre nous invite à refuser coûte que coûte l'entre-soi au cœur de la domination masculine.

Écrivaine et militante féministe, MARTINE DELVAUX est professeure de littérature des femmes à l'Université du Québec à Montréal.

Le boys club fait partie de la liste des 25 nouveaux classiques de la littérature québécoise, selon La Presse.

« Avec Le boys club, Martine Delvaux, une des intellectuelles les plus influentes de ce premier quart de siècle, signait son œuvre maîtresse, celle qui contient la somme de tous ses engagements. En faisant la démonstration que même si les tavernes sont ouvertes aux dames, les lieux de pouvoir demeurent le fief des hommes, elle braquait une salutaire lumière sur une société qui préfère se gargariser du mot « égalité » que d'ouvrir les yeux sur toutes ces antichambres où elle peine à advenir. Elle offrait aussi à ses lectrices les mots pour nommer ce qu'elles avaient déjà sans doute toutes vécu dans leur chair. » — Dominic Tardif, La Presse

Près de 15 000 exemplaires vendus au Québec et en Europe. Publié en format poche chez Payot Rivages en 2021 et traduit en espagnol (Península / Planeta, 2023) et en anglais (Talonbooks, 2024)

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« Fatou Cissé » par Maurice Genevoix, préface...

3 juin, par Maurice Genevoix —
« Fatou Cissé » par Maurice Genevoix, préface de Fatou Diome, éditions Flammarion, collection "GF-Flammarion", Paris, 2025. EAN : 9782080470089. 240 pages. Prix : 10,50 euros. (…)

« Fatou Cissé » par Maurice Genevoix, préface de Fatou Diome, éditions Flammarion, collection "GF-Flammarion", Paris, 2025. EAN : 9782080470089. 240 pages. Prix : 10,50 euros. À paraître le 28 mai 2025. < https://editions.flammarion.com/fatou-cisse/9782080470089 >.

Information publiée le 22 mai 2025 par Marc Escola < escola[a]fabula.org > sur le site internet « Fabula : La Recherche en littérature » < www.fabula.org/actualites/127806/maurice-genevoix-fatou-cisse-pref-fatou-diome.html <http://www.fabula.org/actualites/12...> >.

*Chronologie de Mireille Sacotte*
*Préface de Fatou Diome*

Longtemps employée comme domestique dans une famille blanche, Cissé, jeune Sénégalaise, part vivre avec son mari sur une petite île de la côte guinéenne. Devenue mère, elle place en son fils Luc un espoir immense, attendant avec mélancolie le passage du bateau où il travaille comme matelot. Mais Luc n'est pas le fils parfait que Cissé s'imagine.

Avec un humanisme et une empathie rares pour son temps,/Fatou Cissé /(1954) dessine le portrait sensible d'un personnage sur qui pèsent autant le système colonial que sa condition de femme, et pose des questions qui résonnent encore aujourd'hui : comment vivre entre deux mondes ? Que valent les sentiments lorsqu'ils sont tributaires des statuts des uns et des autres ?

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Enseigner féministement la philosophie par Vanina Mozziconacci.

3 juin, par Djéhanne Gani, Vanina Mozziconacci — ,
* Tiré de : Le Café pédagogique, Paris, 26 mai 2025 https://cafepedagogique.net/2025/05/26/enseigner-feministement-la-philosophie-par-vanina-mozziconacci/ Propos (…)

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Tiré de : Le Café pédagogique, Paris, 26 mai 2025
https://cafepedagogique.net/2025/05/26/enseigner-feministement-la-philosophie-par-vanina-mozziconacci/

Propos recueillis par Djéhanne Gani

L'éducation à la sexualité, une pédagogie féministe pour « changer non seulement l'éducation des filles, mais aussi et surtout celle des garçons » ? À l'occasion de la sortie de son livre « Apprendre à philosopher en féministe » (1), le Café pédagogique s'entretient avec la philosophe Vanina Mozziconacci. Il est question de didactique et de pédagogie féministe : autant de résonances d'actualité et de réflexions qui traversent l'École en France, avec la libération de la parole des victimes de violences et la publication des programmes d'EVARS (2) .

*Pour commencer, pouvez-vous préciser la distinction que vous analysez entre pédagogie et didactique féministe ?*

La pédagogie, dans son sens strict, aborde directement les relations interpersonnelles dans un espace éducatif sans tenir compte de la spécificité des savoirs enseignés. La didactique, en revanche, entre dans la logique propre à une discipline : les connaissances qu'elle produit, la façon dont elle les produit et dont elle les évalue. C'est cette seconde approche qui m'intéresse pour aborder l'enseignement de la philosophie. En réalité, je distingue deux aspects qui sont souvent mêlés dans les textes que j'étudie. En effet, une partie importante de mon corpus sur les pédagogies féministes est anglophone ( bell hooks, Berenice Fisher, Kathleen Martindale, etc.). Or, la didactique, avec l'autonomie que nous lui attribuons en France, n'existe pas dans l'aire de recherche anglo-états-unienne ; c'est pourquoi ces travaux qui utilisent la catégorie de pédagogie mêlent indistinctement des considérations pédagogiques et des considérations qu'on peut qualifier de « didactiques », en intégrant ces dernières avec les réflexions sur les contenus des programmes, le curriculum.

*Vous vous intéressez à la didactique. Vous écrivez « en changeant la façon dont la philosophie se fait en s'enseignant, on change la philosophie tout court ». Pouvez-vous développer ce point ?*

Pierre Bourdieu et d'autres sociologues à sa suite ont montré à quel point le monde de la philosophie française a pour centre de gravité l'institution scolaire et l'enseignement de la philosophie. Louis Pinto avance ainsi que même si « les débats autour des méthodes et des programmes de la discipline pourraient sembler bien modestes, sinon ternes », en réalité, c'est en leur sein que se joue l'identité même de la discipline ; de là, dit-il une « continuité relative » entre le « grand intellectuel » et « le professeur inconnu de province ».

*L'enseignement de la philosophie ne serait pas féministe ? « La philosophie en féministe implique nécessairement de changer la façon d'enseigner la philosophie ». Qu'est ou serait un enseignement féministe de la philosophie ?*

On m'a déjà demandé plusieurs fois : « Pourquoi l'enseignement de la philosophie serait-il sexiste ? », ce à quoi je réponds : mais pourquoi ne le serait-il pas ? La philosophie n'existe pas en apesanteur sociale, à l'abri des dynamiques qui traversent nos sociétés… et ce, bien que cette revendication d'être « coupé du monde » soit omniprésente chez les philosophes (Bourdieu parle de « posture scolastique » pour qualifier ce positionnement ; scolastique vient de skholè, qui signifie « temps libre » et qui a donné le mot école : c'est le temps libéré des urgences du quotidien, avec un regard indifférent au contexte).

Bien sûr, la question qui se pose est celle des spécificités du sexisme tel qu'il se déploie dans le champ de la philosophie et de son enseignement. Pour prendre un exemple parmi d'autres : la figure de l'enseignant comme « maître à penser », qui peut aller jusqu'à une forme de mise sous tutelle de « ses » « disciples ». La philosophe Michèle Le Dœuff décrit bien la recherche d'une forme de dévotion que certains mandarins attendent de leurs étudiants et surtout de leurs étudiantes, et dans ces configurations, l'emprise, voire les violences sexuelles, ne sont jamais loin.

La complaisance qu'on peut avoir vis-à-vis de l'image du professeur de philosophie qui a une relation amoureuse et/ou sexuelle avec des étudiantes (voire avec des élèves) en témoigne ; pensons à tous les films qui vont jusqu'à romantiser ce genre de situations sans jamais problématiser l'abus de pouvoir qu'elles contiennent ("Noce blanche", "L'ennui", "L'homme irrationnel", "L'amant d'un jour"…).

Enseigner féministement la philosophie, cela commencerait déjà par déconstruire ces représentations, faire preuve de réflexivité et de vigilance critique vis-à-vis de ce type de relation qui, sous prétexte d'hériter de l'érotisme socratique, constitue en fait l'échec pédagogique par excellence, comme le montre très bien la philosophe Amia Srinivasan.

*Philosopher en féministe, une question de méthode, d'une manière de faire, quid des contenus ?*

Les pédagogues Margo Culley et Catherine Portuges écrivent, dans l'introduction d'un ouvrage sur l'enseignement féministe : « changer ce que nous enseignons implique de changer la façon dont nous enseignons ». En effet, on ne peut pas se contenter de rajouter au programme quelques femmes, quelques concepts féministes, quelques textes sur le genre, bien mélanger le tout, et considérer que cela suffit. Comme je le disais juste avant, la posture enseignante elle-même est en jeu, mais aussi la question des pratiques qu'on choisit de mettre en place pour apprendre à philosopher.

Par exemple, la philosophe Janice Moulton a montré la dimension genrée d'un philosopher réduit à un « duel », où l'on s'affronte à coups d'arguments jusqu'à la victoire. Plus fondamentalement, c'est aussi la définition de la discipline elle-même qui peut être questionnée, et en particulier son idéalisme ; la philosophe Kristie Dotson invite à repenser la place de la théorie à partir du moment où l'on se montre soucieuse du contexte, de la pluralité des expériences, de la praxis, etc.

*Enseignement féministe et neutralité de l'enseignant, est-ce compatible ?*

C'est une question fondamentale. Il faut commencer par se demander ce qu'on appelle neutralité. Est-ce le fait de s'abstenir de tout discours axiologique dans la salle de classe ? Si c'est bien cela, alors il sera compliqué de faire de la philosophie en cours, car c'est une discipline qui traite la question des valeurs, et même celle de la valeur des valeurs. Les perspectives évaluative et normative font partie intégrante de la discipline (il arrive qu'on considère que c'est ce qui la distingue des sciences humaines et sociales).

Si on prend acte de cela, alors la question à se poser, c'est plutôt : doit-on faire de la politique en classe (au sens de Jacques Rancière : contester un ordre établi au nom de l'égalité) ou doit-on faire la police (toujours au sens de Rancière : maintenir l'ordre établi) ? Il y a de grandes chances pour que, si l'on se considère « neutre » (ni pour, ni contre) vis-à-vis de cet ordre établi, en réalité, on le soutienne passivement, en ne le questionnant pas. Donc il ne faut pas se leurrer : si on critique l'ordre établi, il y a des valeurs en jeu ; si on le soutient, il y a des valeurs en jeu ; et si on se prétend neutre, il y a, encore et toujours, des valeurs en jeu. Nous sommes embarqué.e.s, comme dirait Pascal.

*L'EVARS pour éduquer au féminisme, en féministe ?*

Quand j'ai commencé mes recherches sur les éducations féministes, il y a plus de dix ans, j'avais pour hypothèse que l'éducation à la sexualité était probablement un point d'entrée privilégié pour aborder les questions de genre. Et quand j'ai étudié, dans ma thèse, les revendications des militantes féministes françaises de la première vague (aux alentours de 1900), j'ai constaté que la sexualité constituait l'un des rares sujets pour lesquels elles envisageaient qu'il fallait changer non seulement l'éducation des filles, mais aussi et surtout celle des garçons. L'éducation sexuelle était un cadre dans lequel elles parvenaient à penser que ce n'est pas seulement l'éducation des opprimées qui pose problème, mais également celle des oppresseurs. C'était donc un élément clef.

Toutefois, en se focalisant sur l'EVARS, le risque est de réduire les questions de genre à des questions de sexualité, comme le sens commun peut le faire, parfois en allant jusqu'à les confondre. On met alors de côté des enjeux sociaux massifs comme l'exploitation du travail domestique et du travail de /care/. La sociologue Christine Delphy le rappelle très bien : « Tout centrer sur la sexualité est une pente glissante, car on en arrive à céder facilement à l'idée que ce qui est central, c'est la sexualité et on en revient à une question individuelle, car le rapport sexuel est entre deux personnes [sic] ». Par ce biais, on est tenté.e.s de moraliser des individus, alors que le féminisme, c'est d'abord une politisation, comme le résume le fameux slogan « le personnel est politique ».

Propos recueillis par Djéhanne Gani, Le Café pédagogique, 2025-05-26.

(1) Vanina Mozziconacci, « Apprendre à philosopher en féministe ». Éditions La Dispute, avril 2025. ISBN : 9782843033476. Table des matières sur https://ladispute.fr/catalogue/apprendre-a-philosopher-en-feministe/

(2) EVARS : Éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité < https://www.education.gouv.fr/un-programme-ambitieux-eduquer-la-vie-affective-et-relationnelle-et-la-sexualite-416296 >

*Vanina Mozziconacci*

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Mobilisation : organiser la lutte des classes en milieu de travail

3 juin, par M Éditeur — , ,
De M Éditeur M ÉDITEUR À LA GRANDE TRANSITION ! Pour souligner la parution de Mobilisation : organiser la lutte des classes en milieu de travail, Guillaume Tremblay-Boily, (…)

De M Éditeur

M ÉDITEUR À LA GRANDE TRANSITION !

Pour souligner la parution de Mobilisation : organiser la lutte des classes en milieu de travail, Guillaume Tremblay-Boily, auteur d'une thèse sur l'implantation marxiste-léniniste, et Roger Rashi, militant et ancien membre de la revue Mobilisation, viendront discuter des réflexions tactiques et stratégiques exposées dans la revue entre 1971 et 1974.

Des exemplaires de notre anthologie de la revue Mobilisation – en librairie dès septembre 2025 – seront disponibles en primeur à la vente de livres de la Grande transition.
À PROPOS

De 1971 à 1975, la revue Mobilisation a joué un rôle structurant dans la recomposition de la gauche québécoise. Désireuse de rompre avec un militantisme qu'elle juge désorganisé, l'équipe de la revue cherche à combler la distance idéologique et culturelle qui la sépare des travailleur·ses.

Si Mobilisation publie des textes d'analyse politique et des articles de fond sur les enjeux internationaux, l'originalité de sa contribution réside dans sa réflexion sur les différentes stratégies de liaison entre les intellectuel·les et le mouvement ouvrier et, plus particulièrement, dans ses bilans pratiques sur l'implantation dans les lieux de travail.

Au fil de leurs expériences dans les usines et les hôpitaux, les militant·es de Mobilisation ont élaboré une approche singulière de l'implantation, centrée sur la création de comités de travailleurs, et ont ainsi contribué à démocratiser – voire à radicaliser – les luttes ouvrières de l'époque.

Cinquante ans après la parution de son dernier numéro, à l'heure où la combativité du mouvement syndical souffre de la bureaucratisation des grandes centrales, cette anthologie des réflexions stratégiques de
Mobilisation éclaire les possibilités et les défis de la jonction entre les militant·es de gauche et les travailleur·euses du Québec.

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DEADLINE AMERICA

3 juin, par Antoine Char — , ,
Un essai qui nous plonge dans les coulisses d'un journal américain pour comprendre l'actualité politique.. Ajout d'un long reportage du Dallas Morning News au sujet de la (…)

Un essai qui nous plonge dans les coulisses d'un journal américain pour comprendre l'actualité politique.. Ajout d'un long reportage du Dallas Morning News au sujet de la réélection de Donald Trump.

DEADLINE AMERICA
d'Antoine Char
En librairie le 3 juin

Un essai qui nous plonge dans les coulisses d'un journal américain pour comprendre l'actualité politique.

En 2007, le journaliste Antoine Char nous avait fait pénétrer dans les salles de rédaction de dix grands et moins grands journaux des États-Unis, assistant en direct à la confection de la « une » du journal en marge d'autant d'événements historiques. À travers l'étude de divers faits marquants de l'Histoire contemporaine américaine, allant de l'exécution de Timothy McVeigh, à l'élection très serrée de George Bush contre Al Gore, aux mariages gais au Massachusetts ou encore au
procès de Michael Jackson, l'auteur nous montrait les disparités régnant dans les valeurs des Américains.

Cette réédition de l'essai marquant _Deadline America_ offre maintenant un long reportage réalisé au _Dallas Morning New_s lors de la soirée électorale de 2024, qui a vu Donald Trump élu président.


L'auteur

Professeur à l'École des médias de l'UQAM (1995-2019), journaliste au _Jour_, à l'_Agence France-Presse_, à _La Presse canadienne_, à I_nter Press Service _et au _Devoir,_ Antoine Char a publié des essais aux Presses de l'université Québec, _Deadline America_ (Hurtubise, 2007) et _Poker Grigri_ (1961 Digital Edition, 2013), un roman policier. Il coordonne le site internet _En Retrait,_ rédigé par des journalistes retraités. En2024, il dirige le collectif _Les mille visages du populisme_
paru aux éditions Somme toute / Le Devoir.

Extrait – Deadline America

« Dans le grand bazar de l'information, les « unes » des douze quotidiens américains « disséquées » dans ce livre reflètent des moments importants d'un pays continent, insulaire à bien des égards, toujours en train de renaître, toujours en fièvre, avec ou sans la « saga Donald Trump ». […]

Chacun de ces récits représente une « journée dans la vie d'un quotidien » au moment où il confectionne sa première page en mettant toujours en évidence ses meilleurs articles pour mieux inviter le lecteur, de plus en plus happé par la « crise mondiale de l'inattention », à déambuler au milieu de ses colonnes de reportages, de faits divers, de chroniques, d'éditoriaux, de photos, d'infographies et de caricatures.

Avec un peu de chance, et surtout de temps, le promeneur de l'information s'arrêtera le temps de quelques battements de cils pour réfléchir sur le sujet du jour. » Antoine Char

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Comptes rendus de lecture du mardi 3 juin 2025

3 juin, par Bruno Marquis — , ,
Les têtes réduites Jean-François Nadeau J'aime beaucoup lire Jean-François Nadeau en raison de tout ce qu'il nous apprend sur notre petite et grande histoire. Cet essai, (…)

Les têtes réduites
Jean-François Nadeau

J'aime beaucoup lire Jean-François Nadeau en raison de tout ce qu'il nous apprend sur notre petite et grande histoire. Cet essai, dans la même veine que « Un peu de sang avant la guerre », « Les radicaux libres », et « Sales temps », est peut-être le meilleur d'entre eux, même si je les ai tous bien aimés. Il nous y parle de cette époque de notre histoire où une certaine élite canadienne-française valorisait la pauvreté, du Couac, mensuel satirique que j'aimais bien et qui avait à l'époque publié certains de mes textes, de l'attentat de janvier 2015 dans les locaux de Charlie Hebdo, dans lequel son grand ami le dessinateur Charb (Stéphane Charbonnier) a perdu la vie, de Serge Bouchard et de nos origines sociales, d'Anne Hébert, de René Lecavalier... Un autre de ses bouquins que j'ai dévoré et où j'ai encore appris plein de choses, qui m'a donné le goût de lire d'autres bouquins d'autres auteurs, d'en apprendre plus… Je vous en recommande la lecture !

Extrait :

La famille élargie des Hébert vivait en quasi-autarcie. Anne appartenait à un microcosme, à un monde doté d'un riche capital culturel. Dès sa prime enfance, elle a bénéficié de discussions et d'échanges érudits. Anne Hébert s'abreuvait à des sources qui n'étaient pas accessibles au commun des mortels. Elle lisait et s'instruisait, protégée par le cocon d'une classe sociale privilégiée.

Le lambeau
Philippe Lançon

C'est la lecture de l'essai « Les têtes réduites », de Jean-François Nadeau, qui m'a ramené ce livre à l'esprit. Il s'était mérité le prix Femina 2018 et j'avais alors mis beaucoup de temps à mettre la main dessus, tellement il était populaire. « Le Lambeau » ressemble plus à une autobiographie ou à un témoignage qu'à un roman. C'est surtout un livre troublant. L'auteur, chroniqueur à Charlie Hebdo, est l'un des survivants de l'attaque terroriste dans les locaux de ce journal satirique le 7 janvier 2015. Il nous décrit en longueur, jusque dans l'intimité, les moments tragiques de cette triste matinée, puis les mois d'hospitalisation dans le service de chirurgie maxillo-faciale de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et aux Invalides afin de récupérer une mâchoire fonctionnelle pour parler et manger, ainsi que les conséquences psychologiques associées au traumatisme. Une lecture attachante qui nous ouvre les yeux sur les conséquences de la violence.

Extrait :

Souvent, Gabriela m'appelait sur FaceTime depuis New York. Soit j'essayais de dormir, soit j'étais en soins, soit je recevais une visite : ce n'était jamais le bon moment, ni les bonnes paroles. Elle continuait de me prêcher l'optimisme désespéré dont elle-même croyait avoir besoin pour affronter son mari le banquier, son père malade à Copiapó, sa solitude. Elle tentait de m'enseigner des façons de guérir qui n'avaient aucun sens pour moi : je suis hermétique aux méthodes Coué et à la méditation. Elle me parlait d'un type qui s'était fait manger le bras par un requin, d'un autre qui avait été gravement brûlé dans un accident. Les deux avaient écrit des livres exemplaires, à l'américaine, pour raconter leurs « combats », célébrer la volonté, expliquer à quel point l'épreuve les avait rendus plus forts en rendant plus belle la vie. Les livres étaient bien entendu dédiés à leurs familles sans qui, etc. Les estrades et les télés américaines étaient remplies de ces survivants qui, d'un désastre surmonté, faisaient un show évangélique. Ces niaiseries volontaristes m'agaçaient d'autant plus que je pouvais à peine parler. Je regardais le sourire de Gabriela apparaître sur FaceTime, ce sourire que j'avais tant aimé, que j'aimais toujours, puis, pensant à l'homme au bras mangé par un requin, je lui substituais le sourire de Kafka ; et, tandis qu'elle me parlait de ces survivants modèles en état de résurrection prophétique, je repensais à une phrase de l'écrivain devenu compagnon de bloc : « Ce n'est que dans la mort que le vivant peut se concilier avec la nostalgie. »

J'enterre mon lapin
François Barcelo

L'écrivain François Barcelo nous a quitté le 25 mai dernier. Je n'avais lu de lui qu'un seul de ses nombreux livres, et je l'avais bien aimé. « J'enterre mon lapin » est un petit roman drôle et intriguant, mais surtout très humain, qui vous donnera assurément le goût de lire ce bon romancier québécois trop peu connu. C'est le protagoniste Sylvain Beausoleil qui, plus d'une fois, enterre son lapin...

Extrait :

Je fais rien que des grosses lettres. Ça aussi c'est pas difficile. Je va sur Police en haut. C'est pas comme la vraie police en auto de police. C'est juste la police dans l'ordinateur. Je prends la police que j'aime le mieux. Garamond que ça s'appelle. Puis là je décide quelle grosseur que je veux sur Corps. Armand dit C'est facile de te rappeler ça fait comme Corps de police. Je prends 18. Ça se voit bien. Puis ça va me fer moins de pages pour fer mon livre.

Martin Luther King
Sylvie Laurent

C'est un article du Monde diplomatique qui m'a donné le goût de lire cette biographie de Martin Luther King, peut-être la meilleure qui ait été écrite sur cet important militant non-violent pour les droits civiques des Noirs américains, mais aussi pour la paix et contre la pauvreté. La biographe Sylvie Laurent ne partage pas les nombreux mythes qui se sont construits au cours du temps autour des États-Unis, dont celui de sa « destinée manifeste », et de nombre de ses personnages historiques. Combattant sans relâche, de façon pacifique, pour les droits des Noirs, King était détesté et vilipendé par une grande partie de l'Amérique blanche de l'époque. Agressé, emprisonné sans réel motif à plusieurs reprises, mort assassiné en 1968 à l'âge de 39 ans seulement, il était l'antithèse de la société américaine de l'époque et même de la société américaine d'aujourd'hui, demeurée raciste, malgré les avancées attribuables à King et aux siens, profondément inégalitaire aussi et peu soucieuse du bien-être commun ; si bien que c'est uniquement en l'instrumentalisant complètement que l'on en a fait, avec le temps, une figure emblématique des États-Unis d'Amérique. C'est l'une des meilleurs biographies que j'ai lues jusqu'ici.

Extrait :

Quoi de plus glorieux dans l'histoire nationale que cet homme mort en martyr pour révéler la fraternité des hommes et la bonté fondamentale de l'Amérique ? La vie de King est devenue un conte pour enfants, la chronique d'une rédemption nationale ouverte par Abraham Lincoln et refermée par le discours de 1963, « Je fais un rêve ». Ce souvenir-écran oblitère la réalité même de cet événement, une mobilisation syndicale massive organisée par des socialistes pour réclamer des emplois décents, des investissements publics et de meilleurs salaires. Les dernières années de la vie de King sont passées sous silence et le pasteur, pétrifié dans le marbre de l'amour et dans le registre du rêve patriotique, est devenu l'objet d'une consensus d'autant plus troublant qu'il fut la personnalité la plus contestée et à certains égards la plus haïe de son époque. Comme tous les mythes fondateurs, le King auquel on a consacré un jour éponyme, imposant un devoir de mémoire collective, sert à l'édification nationale et à la légitimation institutionnelle de la démocratie américaine d'après-guerre. On l'enseigne dans les écoles à des fins d'instruction civique. La légende du « grand homme » permet de taire le rôle de ses prédécesseurs, socialistes et communistes, d'effacer la contribution essentielle des dissidents du SNCC, sans lesquels la révolution n'aurait pas eu lieu, et d'établir une opposition binaire entre le bon pasteur Martin et le diabolique Malcolm X.

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La voix de son maître

3 juin, par Jean-François Delisle — , ,
Le billettiste de droite Richard Martineau a commis un autre commentaire démagogique dans sa chronique du Journal de Montréal, jeudi le 28 mai dernier. Il a intitulé son (…)

Le billettiste de droite Richard Martineau a commis un autre commentaire démagogique dans sa chronique du Journal de Montréal, jeudi le 28 mai dernier.

Il a intitulé son texte : "Trump tire le monde vers le bas." Ce qui sert de base à son argumentation est une comparaison facile avec John F. Kennedy, à partir d'une biographie qu'a consacrée à l'ancien président Fredrick Logevall, lauréat d'un prix Pulitzer. Soit dit en passant, mine de rien, sous son style populiste, Martineau nous indique qu'il a des lectures ! Il faut donc le prendre au sérieux. Bien entendu, le chroniqueur se sert de l'essai de Logevall pour comparer Kennedy à Trump, au détriment de ce dernier, mais sans le moindrement tenir compte de la différence des contextes historiques qui sépare les deux présidents. Martineau tombe dans la facilité en reprenant à son compte le discours antitrumpiste dominant.

Là où les choses clochent, c'est lorsqu'il en profite pour dénigrer une fois de plus le "wokisme". Il tombe dans la démagogie la plus facile. Il en fait un dada, une fixation. Il reprend à son compte l'hostilité des conservateurs sociaux qui voient dans le wokisme une menace pour la liberté d'expression et les valeurs traditionnelles. Le wokisme se caractérise pourtant par une volonté de justice sociale et de redistribution de la richesse produite. Il prône aussi un certain multiculturalisme et une ouverture à l'autre. Examinons quels termes Martineau emploie pour aborder le wokisme.

"On dit du wokisme que c'est la gauche dans ce qu'elle a de pire. La "bienveillance/" poussée jusqu'à la niaiserie. Eh bien, le trumpisme, c'est la droite dans ce qu'elle a de pire."

Il ajoute :

"Bien sûr qu'il faut mettre un frein à l'immigration massive, à la criminalité, au communautarisme, à la dégradation des institutions d'enseignement, qui ressemblent de plus en plus à des usines destinées à former des militants extrémistes.
Mais pas comme ça.
Pas avec un batte de baseball.
Trump, c'est la pire des réponses à une excellente question."

Il ajoute :

"Les wokes nous poussent vers l'extrême gauche ? On va aller à l'autre extrême !"

Entre les lignes du texte de Richard Martineau, on discerne l'inquiétude d'une partie notable des élites économiques devant la montée de l'extrême droite dont les politiques risquent de compliquer la gestion du capitalisme "modéré" et l'accumulation du profit ; en résumé, de compromettre le bon fonctionnement du système.

Martineau n'est pas le seul billettiste du Journal à s'en prendre aux tenants et tenantes du wokisme, mais lui tombe dans la plus épaisse des démagogies. Par exemple, affirmer le plus sérieusement du monde que les institutions d'enseignement façonnent une masse de "militants extrémistes" relève d'un aveuglement volontaire, d'une mauvaise foi éclatante, ou encore des deux.

Évidemment, le courant woke ne précise guère ses objectifs dans les détails, il demeure un peu vague là-dessus tout comme les moyens à employer pour réaliser ses buts. Il est tout aussi susceptible de critique que n'importe quel autre courant idéologique. Mais il n'est pas monolithique et il existe en son sein diverses approches dans leur analyse sociale. C'est normal. Il est plus flou que ne l'était le communisme des années 1970 et tout aussi marginal en fin de compte que le marxisme-léninisme et le maoïsme l'étaient dans le temps au Québec.

Précisément, quelle aurait été la réaction de Martineau et de ses semblables devant le noyautage des plusieurs organisations étudiantes et communautaires de cette époque par des groupuscules marxistes ? Ils auraient sombré dans un anticommunisme primaire et crié au déclin de la démocratie. Ils se seraient aussi alarmés du radicalisme de certains militants syndicaux.
L'antiwokisme représente donc la forme mise au goût du jour d'un certain antigauchisme propre à des fractions influentes des classes dominantes. Martineau et ses congénères s'en font les porte-voix, on les paie pour cela. Leurs jappements sont destinés à effrayer le bon peuple.

Jean-François Delisle

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États-Unis : De grandes entreprises violent les droits des travailleurs des plateformes numériques

(Washington) – Des grandes entreprises gérant des plateformes numériques de services (« gig companies ») aux États-Unis désignent de façon erronée des personnes travaillant (…)

(Washington) – Des grandes entreprises gérant des plateformes numériques de services (« gig companies ») aux États-Unis désignent de façon erronée des personnes travaillant pour elles comme des entrepreneurs indépendants, les privant ainsi de leurs droits de travailleurs, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui.

26 mai 2025 | tiré du site Entre les lignes entre les mots
États-Unis : De grandes entreprises violent les droits des travailleurs des plateformes numériques
Ce rapport de 155 pages, intitulé « “The Gig Trap” : Algorithmic, Wage and Labor Exploitation in Platform Work in the US » (« Le piège “Gig” » : Exploitation algorithmique et violations des droits des travailleurs des plateformes numériques aux États-Unis ») examine les pratiques de sept grandes entreprises de ce type aux États-Unis : Amazon Flex, DoorDash, Favor, Instacart, Lyft, Shipt et Uber. Ces sociétés prétendent offrir la « flexibilité » aux personnes travaillant pour elles en tant que « gig workers » (terme parfois traduit comme « travailleurs à la demande » ou « travailleurs de plateformes numériques »), mais au final les rémunèrent souvent moins que le salaire minimal de l'État ou de la municipalité. Six de ces sept entreprises emploient des algorithmes aux règles opaques pour assigner les tâches et déterminer les rémunérations, ce qui fait que les travailleurs ne savent pas combien ils seront payés jusqu'à ce qu'ils aient terminé le travail.

« Les plateformes numériques de services ont créé un modèle commercial qui leur permet d'échapper aux responsabilités d'un employeur tout en maintenant les travailleurs sous un étroit contrôle algorithmique, dominé par des décisions opaques et imprévisibles », a déclaré Lena Simet, chercheuse senior sur les questions de pauvreté et d'inégalité à Human Rights Watch. « Ces entreprises promettent de la flexibilité, mais en réalité, elles laissent leurs travailleurs à la merci de rémunérations instables et inférieures au salaire minimal, avec peu de protection sociale et dans la crainte constante d'une interruption de contrat sans voie de recours. »

Les sept entreprises examinées utilisent des algorithmes pour assigner des tâches aux travailleurs, pour les superviser, pour les rémunérer, mais aussi pour terminent leurs contrats. À l'exception d'Amazon Flex, qui se fonde sur un tarif horaire fixe, toutes emploient des algorithmes opaques et variant fréquemment pour calculer la rétribution de chaque mission ou service. Les applications et les plateformes sont conçues pour maintenir les travailleurs « gig workers » en activité pendant de longues périodes de travail pour des tarifs minimes, et les algorithmes de tarification dynamique font qu'il leur est extrêmement difficile de planifier leur emploi du temps et de contrôler leurs revenus. Gérés par des algorithmes, les travailleurs ne peuvent jamais tout à fait comprendre de quelle manière on leur attribue le travail, ni comment on calcule leur rétribution. Sans aucune transparence, il leur est extrêmement difficile de remettre en question les décisions concernant leur travail ou leur rémunération.

Human Rights Watch a examiné les conditions de travail des travailleurs assurant des services de taxi informel (« ride-hailing »), de courses et de livraison de repas, notamment au Texas. Le rapport est fondé sur des entretiens semi-structurés avec 95 travailleurs de plateformes au Texas et dans douze autres États américains, ainsi que sur une enquête auprès de 127 travailleurs du Texas.

Les faibles revenus, le contrôle algorithmique et les obstacles à la syndicalisation enferment de nombreux travailleurs dans l'insécurité économique, a constaté Human Rights Watch, alors même que les entreprises multimilliardaires étendent leurs parts de marché et leurs bénéfices.

La faiblesse des règlementations autorise ces sociétés à considérer abusivement leurs travailleurs comme des entrepreneurs indépendants et non pas comme leurs employés, même si la nature de leur travail et le degré de contrôle qu'elles exercent sur eux répondent souvent aux critères juridiques du statut d'employé. Cela permet à ces sociétés de ne pas respecter les lois sur le salaire minimal, la rémunération des heures supplémentaires et la contribution aux avantages sociaux. Pour les travailleurs, cela signifie qu'ils doivent prendre à leur charge le véhicule, le carburant, l'assurance et l'entretien, mais aussi payer la part employeur des contributions à la sécurité sociale et à l'assurance maladie.

Les revenus des travailleurs texans interrogés étaient inférieurs de 30% au salaire minimum fédéral et de 70% à ce que le Massachusetts Institute of Technology considère comme un salaire permettant de vivre au Texas. Ces conclusions viennent renforcer les recherches de gouvernements locaux, d'instituts universitaires et de chercheurs en matière de politiques, qui constatent toutes que ces travailleurs ont des revenus inférieurs ou égaux au salaire minimal local et bien inférieur au seuil d'un niveau de vie décent.

Les États-Unis disposent de l'un des marchés des services de plateformes numériques (parfois appelé « gig economy » ou « économie des petits boulots ») au monde. Le nombre de personnes qui gagnent leur vie à travers le « gig work » (parfois appelé « ubérisation » en français) a explosé ces dernières années. D'après des estimations, en 2021, 16% des adultes américains avaient travaillé au moins une fois pour une plateforme numérique de services. Parmi les travailleurs des plateformes, on compte une part disproportionnée de personnes d'origine afro- ou latino-américaine.

Les travailleurs ayant répondu à l'enquête de Human Rights Watch gagnaient en moyenne 16,90 USD de l'heure (pourboires compris), mais en dépensaient près de la moitié en charges liées à leur travail. En tenant compte des avantages sociaux, que les employeurs couvrent souvent pour les autres travailleurs, leur paye effective tombait à 5,12 USD de l'heure. Certains travailleurs ont même rapporté qu'une fois déduites les charges, ils ne gagnaient rien du tout.

Trois quarts des travailleurs interrogés ont déclaré qu'ils avaient eu du mal à payer leur logement au cours de l'année écoulée et la majorité a rapporté des difficultés pour acheter à manger, faire les courses, régler l'électricité et l'eau. Plus d'un tiers d'entre eux estimaient qu'ils auraient du mal à faire face à une urgence médicale coûtant 400 USD.

Les travailleurs ont expliqué à Human Rights Watch qu'ils vivaient dans la crainte quasi-permanente de se faire « désactiver » ou renvoyer par une application, souvent sans explication ni voie de recours. Près de la moitié de ceux qui avaient ainsi été automatiquement renvoyés ont pu par la suite être acquittés de toute faute, ce qui suggère qu'il existe un taux élevé de désactivations erronées de comptes.

L'insécurité financière des travailleurs des plateformes est d'autant plus frappante que les revenus des sociétés elles-mêmes sont en forte hausse. Uber, qui détient 76% de parts du marché américain du covoiturage (« ride-sharing »), a déclaré 43,9 milliards USD de chiffre d'affaires en 2024, soit 17,96% de plus que l'année précédente, et un bénéfice net de 9,8 milliards USD. En avril 2025, Uber disposait d'une capitalisation boursière de 169,41 milliards USD. DoorDash, avec 67% de parts du marché de la livraison de repas aux États-Unis, a enregistré un chiffre d'affaires de 10,72 milliards USD en 2024 et était évaluée à 81,03 milliards USD en avril 2025.

En présentant abusivement leurs travailleurs comme des entrepreneurs indépendants, les sociétés des plateformes évitent par ailleurs de contribuer à la sécurité sociale, à l'assurance maladie et à l'assurance chômage, privant ainsi les fonds publics de ressources cruciales. Ayant consulté les données fiscales issues des statistiques sur les structures non employeuses (« Nonemployer Statistics ») du Bureau du recensement, Human Rights Watch estime que, entre 2020 et 2022, le Texas aurait pu collecter auprès des entreprises des plateformes plus de 111 millions USD de contributions à l'assurance chômage, si les travailleurs assurant les services de covoiturage, de livraison et à domicile avaient été déclarés comme employés. Le manque à gagner réel est certainement bien plus élevé si l'on tient compte des revenus non déclarés.

En réponse à la demande de commentaires adressée par Human Rights Watch, la société Lyft a déclaré : « Le travail basé sur des applications fournit à des millions d'Américains des opportunités de travail à la flexibilité unique, leur laissant ainsi la possibilité de poursuivre d'autres objectifs, d'assurer d'autres engagements ou obligations. Bien mieux qu'un emploi traditionnel aux horaires fixes, il leur permet de gérer leurs nombreux engagements réels et imprévisibles et leurs emplois du temps chargés. » Amazon a accepté de rencontrer Human Rights Watch pour parler du rapport, mais n'a pas fourni de réponse officielle. Les autres sociétés n'ont pas répondu.

Le droit international relatif aux droits humains exige des conditions de travail justes et favorables pour tous les travailleurs, y compris ceux des plateformes numériques.

Le département du Travail des États-Unis, la Commission fédérale du commerce (Federal Trade Commission), la Commission des travailleurs du Texas (Texas Workforce Commission) ainsi que les entités homologues des autres États devraient prendre des mesures immédiates pour assurer la sécurité du travail aux « gig workers » et protéger leurs droits à la syndicalisation, a déclaré Human Rights Watch.

« Les plateformes numériques de services ont créé une main-d'œuvre qui ne jouit d'aucun des droits et des protections pour lesquelles les travailleurs se sont battus pendant des décennies », a conclu Lena Simet. « Alors que de plus en plus de personnes sont attirées par le travail “gig work” pour boucler leurs fins de mois, les autorités de l'État fédéral et des États devraient passer à l'action pour leur garantir les protections auxquelles elles ont droit et œuvrer, aux côtés de l'Organisation internationale du travail, à l'établissement d'une norme mondiale contraignante pour le travail des plateformes numériques. »

https://www.hrw.org/fr/news/2025/05/12/etats-unis-de-grandes-entreprises-violent-les-droits-des-travailleurs-des

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« Le désordre programmé qui submerge Trump »

3 juin, par Claudio Katz — , ,
Fidèle à son style de parieur téméraire, Trump a semé le chaos sur les marchés mondiaux. Il a introduit, retiré puis reformulé une liste de droits de douane qui a déclenché un (…)

Fidèle à son style de parieur téméraire, Trump a semé le chaos sur les marchés mondiaux. Il a introduit, retiré puis reformulé une liste de droits de douane qui a déclenché un désordre majeur. Sa provocation a fait revivre les pires cauchemars financiers de ces dernières décennies.

28 mai 2025| tiré du site inprecor.fr

Le magnat a mis en place un scénario inédit de crise mondiale provoquée délibérément. Certains analystes estiment qu'il a tendance à reculer face aux résultats défavorables de ses mesures, mais d'autres considèrent qu'il continue d'effrayer ses interlocuteurs pour les forcer à capituler.

Il règne également une impression superficielle que Trump est devenu fou et que, dans leur déclin, les Etats-Unis sont tombés sous le règne d'un personnage extravagant. Le magnat ment, insulte, agresse et semble diriger la première puissance mondiale comme s'il s'agissait d'un fonds d'investissement. Mais en réalité, il suit une stratégie approuvée par d'importants groupes de pouvoir et il ne faut pas le sous-estimer (Torres López, 2025).

Il a trois objectifs sur le plan économique : restaurer l'hégémonie du dollar, réduire le déficit commercial et, finalement, encourager le rapatriement des grandes entreprises. La hiérarchie et l'articulation de ces objectifs constituent la grande interrogation du moment.

Centralité monétaire

Certaines approches soulignent, à juste titre, la primauté des objectifs financiers et monétaires sur les objectifs commerciaux ou productifs. Elles soulignent que Trump entend instaurer un dollar bon marché pour l'exportation et un dollar fort comme monnaie de réserve. Il entend favoriser les exportations états-uniennes tout en assurant le statut privilégié de la devise américaine en tant que monnaie mondiale (Varoufakis, 2025).

Les deux principaux conseillers du président, Stephen Miran et Scott Bessent, ont confirmé cette intention, avouant que les pressions commerciales sont un instrument au service des exigences monétaires [voir l'essai de Stephen Miran, novembre 2024, dans Hudson Bay Capital : « A User's Guide to restructuring the Global Trading system, november 2024 » – réd. À l'encontre].

Pour parvenir à la dévaluation du dollar et à son maintien comme monnaie de réserve, Trump doit renforcer la soumission des banques centrales d'Europe et du Japon. Cette subordination est indispensable pour préserver le rôle des titres de la dette états-unienne (bons du Trésor) comme principal refuge du capital.

Cette garantie détermine l'afflux vers Wall Street de l'argent liquide excédentaire dans le monde. Tokyo et Bruxelles doivent continuer à acheter ces bons du Trésor afin de valider le cours du dollar fixé par Washington, évitant ainsi les tensions monétaires qui feraient s'effondrer tout le projet.

Trump exige le maintien du règne continu du dollar et la capacité des Etats-Unis à se financer aux dépens du monde entier. L'impérialisme du dollar permet à la première puissance mondiale de s'endetter sans limite et de mettre toutes les économies du globe sous sa coupe.

Pour faire face aux sérieuses remises en question dont cet atout fait actuellement l'objet, Trump entend recréer les accords de Plaza que les Etats-Unis ont imposés à l'Allemagne et au Japon en septembre 1985. A l'époque, les deux pays subordonnés avaient accepté de soutenir la dépréciation du dollar et de maintenir une parité qui garantissait la primauté mondiale du dollar.

Trump adapte cette exigence aux temps actuels et encourage la création de nouvelles monnaies numériques liées au pouvoir politique du dollar. Le potentat a créé un fonds de cryptomonnaies adossé à sa propre personne et promeut ce marché (les stablecoins) comme un pilier supplémentaire du dollar. Il a déjà positionné ces instruments parmi les 10 plus grands détenteurs de bons du Trésor (Litvinoff, 2025).

Le président des Etats-Unis rêve de replacer le dollar sur son trône initial de Bretton Woods [1944]. Son plan B consiste à réutiliser cette influence pour atteindre le niveau de prépondérance obtenu par Nixon et Reagan. Dans le premier cas, le dollar a été libéré de la convertibilité en or [15 août 1971] et a entamé un long cycle de prédominance sans contrepartie métallique objective. Dans le second cas [1985], le dollar a été renforcé par la hausse des taux d'intérêt, l'émergence du néolibéralisme et la financiarisation sous la houlette de la Réserve fédérale. Ces deux présidents partageaient avec Trump le même profil de personnalités médiocres, mais ils ont introduit des changements significatifs dans le statut mondial du dollar.

Pour réitérer cet exploit, Trump doit freiner la tendance à la dédollarisation qui menace la suprématie du billet vert. Cette érosion est alimentée par les BRICS, qui ont commencé à concevoir des instruments de substitution à la devise américaine, par le biais d'opérations de paiement, de transactions commerciales et de mécanismes de compensation financière (Sapir, 2024).

Il existe même déjà un projet de création d'une monnaie des BRICS qui, suivant une trajectoire différente de celle de l'euro, aboutirait à un effet similaire. Ce plan prévoit la mise en place progressive d'une banque d'émission, dotée de fonds de réserve et d'agendas détaillés concernant les rythmes, les taux et les législations (Gang 2025).

Trump est conscient de ces menaces et a précipité le chaos pour déclencher la bataille contre les contestataires de la devise américaine. Il encourage cette panique afin de discipliner tous ses alliés sous son contrôle. A partir de cette centralisation, il espère redresser le dollar et réinitialiser le système économique mondial en faveur des Etats-Unis.

Mais Trupm doit limiter la portée de la crise qu'il génère, car si cette convulsion recrée le scénario de la pandémie ou le contexte de l'effondrement bancaire de 2008, le séisme finira par affecter son propre architecte (Marco del Pont, 2025a).

Le thermomètre immédiat de cette épreuve de force est le comportement des bons du Trésor. Le Japon est le principal détenteur de ces titres depuis que la Chine a commencé à les délaisser [en 2013, elle détenait pour 1277,7 milliards de dollars de bons de Trésor, en 2024, 772,5 milliards – réd.]. Les banques européennes et d'autres pays asiatiques détiennent également un stock important de ces titres. Le plan de Trump échouera rapidement si, comme l'ont laissé entrevoir les récentes turbulences, les détenteurs de la dette américaine vendent cet actif.

Mais au-delà de ce calcul immédiat, la grande question est la capacité générale des Etats-Unis à redresser leur monnaie. Il existe plusieurs différences substantielles avec l'ère Nixon et Reagan. Le déclin de la première puissance est bien plus important, le réseau de domination impériale s'est érodé, l'effondrement de l'URSS et les débuts de la mondialisation sont derrière nous et l'essor économique de la Chine est fulgurant.

La stratégie monétaire de Trump est également soumise à une forte tension avec les banques, tandis que Wall Street observe avec méfiance une orientation qui menace de réduire les énormes profits réalisés ces derniers temps.

Le boomerang des droits de douane

Le deuxième objectif de Trump est commercial et vise à réduire l'énorme déficit extérieur des Etats-Unis. Il s'agit d'un objectif à moyen terme, qui n'a pas l'acuité du tournant monétaire et dépend dans une large mesure de la recomposition du dollar. Trump introduit et modifie quotidiennement les droits de douane en fonction du rôle complémentaire de ces instruments dans les négociations avec chaque pays.

Le locataire de la Maison Blanche radicalise, dans les faits, la tendance protectionniste qui a commencé lors de la crise financière de 2008 et le déclin de la mondialisation commerciale. Depuis cette date, 59 000 mesures restrictives ont été introduites dans les échanges internationaux et les droits de douane ont atteint leur plus haut niveau depuis 130 ans (Roberts, 2025a). La guerre commerciale déclenchée par Trump avec son paquet de droits de douane spectaculaire s'inscrit dans cette lignée.

Trump a recouru à une formule absurde pour pénaliser les différents pays. Il a inventé un critère arbitraire de réciprocité pour définir le pourcentage de chaque sanction, avec des estimations farfelues du déficit commercial états-unien qui omettaient de comptabiliser l'excédent des Etats-Unis dans les services. Il a également omis que les déséquilibres commerciaux n'ont pas été causés par les pays sanctionnés, mais par les firmes américaines elles-mêmes, qui ont implanté leurs investissements à l'étranger afin d'améliorer leurs profits.

Les chances de succès du plan trumpiste sont très faibles, car les importations et les exportations états-uniennes ne constituent plus une force prépondérante dans le commerce mondial. Elles sont passées de 14% en 1990 à 10,35% aujourd'hui, tandis que dans la même période, les BRICS sont passés de 1,8% à 17,5%. La guerre tarifaire n'a pas de pouvoir dissuasif en soi et les ventes affichées par la première puissance mondiale dans le secteur des services sont insuffisantes pour faire basculer la balance (Roberts, 2025b).

Certaines estimations soulignent même que si les Etats-Unis suspendaient toutes leurs importations, 100 de leurs partenaires parviendraient à replacer leurs ventes sur d'autres marchés en seulement cinq ans (Nuñez, 2025).

Le plus grand problème de la guerre commerciale est la possibilité d'une escalade incontrôlable. En 1929-1934, la spirale descendante du commerce international qui a suivi le paquet protectionniste [loi Smoot-Hawley du 17 juin 1930) a provoqué une chute de 66% des échanges, et cet effondrement a touché tous les concurrents concernés. Trump pense qu'il évitera cette séquence grâce à des négociations bilatérales imposées depuis son bureau.

Mais l'histoire suggère une autre issue lorsque les conflits s'intensifient sans être maîtrisés. L'effet récessif du protectionnisme sur l'économie mondiale est aussi bien connu que le lien entre la Grande Dépression et le recul du commerce. Bien que les interprétations les plus courantes relient superficiellement ces deux processus – en omettant les racines capitalistes de ce qui s'est passé dans les années 1930 –, il ne fait aucun doute que le protectionnisme a déclenché, renforcé ou précipité l'effondrement au cours de cette période.

Le plus important dans une éventuelle répétition de ce précédent serait son effet sur l'économie états-unienne, qui est aujourd'hui beaucoup plus vulnérable aux turbulences mondiales. Cette incidence est d'autant plus grande que le poids du commerce extérieur est passé de 6% (1929) à 15% (2024) du PIB des Etats-Unis.

Trump réintroduit le protectionnisme à un moment historiquement inopportun. Les droits de douane ont été un instrument efficace pour les Etats-Unis dans le passé, mais ils ne remplissent plus la même fonction aujourd'hui. Ils ont facilité l'essor des puissances montantes face à des concurrents favorables au libre-échange, afin de maintenir leur domination sur le marché mondial. Le protectionnisme a été utilisé avec beaucoup d'avantages par l'Allemagne au XIXe siècle et par le Japon ou la Corée du Sud au siècle dernier. Mais ce même outil n'a pas permis à la Grande-Bretagne de contenir son déclin et cette inefficacité affecte aujourd'hui les Etats-Unis. Trump prône un protectionnisme inadapté, car au lieu d'encourager l'industrie naissante, il cherche à sauver une structure obsolète. Il ignore tout simplement que les Etats-Unis ne sont plus ce qu'ils étaient.

Le rêve du retour de l'industrie

Le troisième objectif de Trump est d'ordre productif. Il encourage le retour des entreprises sur leur territoire d'origine et considère cette relocalisation comme le seul moyen de rendre effective la reprise de l'hégémonie états-unienne. C'est pourquoi il a associé le début de son offensive (le « Jour de la libération » le 2 avril) à la réindustrialisation du pays.

Trump est le premier dirigeant à reconnaître ouvertement les difficultés engendrées par la délocalisation des usines. Il recourt à des mesures drastiques pour inverser cette tendance, car il comprend que la mondialisation a fini par affecter la puissance qui a promu cette internationalisation. Il constate que la primauté des Etats-Unis dans les services, la finance ou l'univers numérique ne compense pas le recul de l'industrie et l'érosion consécutive du pilier de toute économie.

Mais son plan de rapatriement industriel est plus irréalisable que son projet monétaire ou tarifaire. Aucune alchimie monétaire ou tarifaire n'offre un attrait suffisant pour inciter les entreprises, qui ont réalisé des profits élevés à l'étranger, à revenir. Aussi persuasives que soient les incitations de Trump, produire aux Etats-Unis a un coût plus élevé. La restauration industrielle nécessiterait un investissement massif que les entreprises ne sont pas disposées à réaliser compte tenu de la faible rentabilité actuelle sur le marché intérieur.

Le virage protectionniste vise à réduire cet écart, mais il se heurte à la difficulté de fermer l'économie dans un contexte de chaînes logistiques mondialisées. Le produit final de nombreuses marchandises intègre des intrants provenant d'usines implantées dans de nombreux pays.

Il est difficile d'imaginer comment les Etats-Unis pourraient retrouver leur compétitivité en recréant les anciens modèles de fabrication nationale. De combien faudrait-il augmenter les droits de douane pour qu'il soit moins coûteux de recommencer à fabriquer dans le pays d'origine ?

Il suffit de regarder le cas de Nike, qui possède 155 usines au Vietnam et emploie un nombre considérable de personnes dans ce pays pour approvisionner un tiers des importations de chaussures des Etats-Unis. La différence de coûts de production est tellement énorme qu'un retour aux Etats-Unis semble impensable (Tooze, 2025). Le découplage du processus de fabrication en Chine aurait un impact similaire pour des entreprises comme Apple.

Les économistes de Trump affirment également que son projet sera réalisable si la primauté du dollar est rétablie et si le déficit commercial est réduit. Ils estiment que ce processus corrigera les déséquilibres mondiaux en matière de consommation, d'épargne et d'investissement qui affectent la première puissance mondiale. A l'opposé, les critiques néoclassiques et keynésiens rappellent que Trump n'a pas réussi à amorcer cette transformation au cours de son premier mandat.

Le débat entre les deux positions porte sur l'impact positif ou négatif du protectionnisme sur les dépenses, les revenus, l'épargne et la consommation. Mais il oublie que le recul des Etats-Unis ne se situe pas dans ces domaines. Il découle de la faible productivité de la principale économie occidentale face à son concurrent oriental (la Chine) en pleine ascension. Les indicateurs de ce fossé sont aussi nombreux que les preuves de son élargissement continu.

Il suffit d'observer la tendance généralisée des entreprises américaines à privilégier les investissements financiers ou à fonctionner comme un distributeur automatique de billets pour Wall Street pour que l'on constate leur compétitivité décroissante. Elles ont tendance à dépenser plus en rachats d'actions et en versements de dividendes qu'en investissements à long terme.

Une grande partie de ces entreprises ont mondialisé leurs processus de fabrication afin de contrebalancer les coûts de production élevés au niveau intérieur. Mais ce revirement les a rendues très dépendantes des importations de biens de consommation bon marché en provenance du continent asiatique afin de maintenir les salaires locaux à un niveau bas.

Le degré de dépendance à l'égard de l'approvisionnement chinois a été confirmé par la décision même de Trump d'exempter tous les puces et composants électroniques des droits de douane imposés à son rival asiatique. Le même problème s'étend aux biens d'équipement et aux biens intermédiaires, qui représentent environ 43% des importations totales de la Chine (Mercatante, 2025).

Le recul américain n'est pas dû à des erreurs commerciales et son inversion ne passe pas par un ultimatum protectionniste. Il y a certes un changement de modèle en cours qui érode la division mondiale du travail forgée au cours de décennies d'internationalisation de la production. Mais ce déclin n'inaugure pas le processus inverse de nationalisation industrielle imaginé par Trump, car la capacité des Etats-Unis à mener ce changement s'est considérablement réduite.

Le recul face à la Chine

Il est évident que la Chine est l'épicentre de la guerre économique déclenchée par Trump. Elle a été la principale cible des droits de douane qui ont déclenché l'escalade vertigineuse entre les deux pays. Les 34% initiaux imposés par Washington ont été suivis par Pékin avec le même pourcentage et la confrontation est rapidement passée à 84%-104 %, puis à 145%-125%. A ces niveaux, le commerce entre les deux pays tend à être anéanti.

La place centrale de la Chine dans l'offensive de Trump a été confirmée par sa décision de maintenir les sanctions contre ce pays, après les avoir suspendues pour le reste du monde [pour 90 jours]. Les droits de douane très élevés imposés au Vietnam, au Cambodge et au Laos s'inscrivent dans le même contexte, car la Chine contrôle les chaînes d'approvisionnement de ces pays voisins et réexporte ses marchandises à partir de là [cette situation explique le récent voyage de Xi Jinping dans ces pays, y compris la Malaisie – réd.].

Pékin a réagi fermement en imposant immédiatement des droits de douane réciproques et en indiquant clairement qu'il n'accepterait pas le chantage des Etats-Unis. Il a préparé cette riposte depuis longtemps cette réaction et entend mener la bataille sur le terrain de la productivité, en cherchant à ne dévaluer que marginalement le yuan. Il s'efforce déjà de trouver des clients compensateurs et conçoit des arguments spécifiques pour l'Europe et l'Asie.

L'establishment occidental craint largement l'issue finale de cette épreuve de force. De nombreuses estimations prévoient le succès final de la Chine si Trump continue à se tirer une balle dans le pied.

Chaque jour, de nouvelles données confirment la supériorité asiatique dans d'innombrables domaines. Le géant oriental forme, à l'échelle mondiale, déjà 65% des diplômés en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques. Il maintient un taux de croissance deux fois supérieur à celui de son homologue. Il représente 35% de l'industrie manufacturière mondiale et devrait atteindre 45% en 2030. Jusqu'en 2001, 80% des pays commerçaient davantage avec les Etats-Unis qu'avec la Chine, et aujourd'hui, les deux tiers de ce total ont inversé cette relation (Ríos, 2025).

Au cours du premier mois de la présidence de Trump, la Chine a lancé 30 nouveaux projets d'énergie « propre » en Afrique, a commencé la construction du plus grand barrage du monde au Tibet et a présenté une nouvelle génération de trains à grande vitesse. Son réacteur nucléaire a atteint un record de production de plasma à une vitesse qui le place près de la production d'énergie « propre » illimitée. Ses chantiers navals ont mis à l'eau le plus grand navire d'assaut amphibie au monde et les tests de la 6G sur les réseaux de téléphonie mobile laissent présager sa victoire dans cette course (MIU, 2025).

Toute la politique de Trump est une tentative désespérée de freiner l'avancée chinoise. Cette expansion ne faisait que commencer au début du millénaire, lorsque la première puissance a cessé de recevoir des transferts de revenus en sa faveur de la part de son partenaire asiatique. C'est là qu'a commencé un échange défavorable qui a aujourd'hui atteint un pic difficile à inverser.

Trump entend modifier ce scénario défavorable par des mesures drastiques. Mais l'écart entre les deux puissances ne tient pas seulement à des différences de politique monétaire, commerciale ou productive. Il réside dans la structure sociale et la gestion de l'Etat. En Chine, d'importantes classes capitalistes spéculent sur leurs fortunes et exploitent les travailleurs. Mais ces groupes ne contrôlent pas le pouvoir étatique, ce qui explique la capacité et l'autonomie de la direction politique à orienter l'économie selon des modèles efficaces.

Trump n'a pas de formule pour faire face à ce désavantage, qui dépasse toutes ses intentions et tous ses projets. Pour comble, il met en œuvre des mesures qui aggravent les deux grands maux du capitalisme contemporain : les inégalités sociales et le changement climatique. Il s'est lancé dans une bataille différée pour maintenir le leadership américain d'un système en crise, mais il accentue le déclin américain par les mesures qu'il adopte, modifie et réinstaure.

Le lexique impérial nostalgique

Trump tente de rétablir la centralité impériale des Etats-Unis. C'est le seul moyen de glorifier les capitalistes de son pays aux dépens du reste du monde. Le train de sanctions, de droits de douane et de chantages qu'il a mis en place exige de revitaliser l'empire.

Trump tente de rétablir cette primauté par des attitudes belliqueuses. Il se vante d'avoir réussi à faire négocier les droits de douane par 75 pays, après la frayeur provoquée par son tableau tarifaire. Mais il maquille la réalité avec des fanfaronnades qui occultent le déroulement réel des négociations.

Avec l'Union européenne, il aggrave un conflit qui a débuté avec l'introduction puis la suspension de droits de douane de 25%. Trump aspire à imposer un vassalisme européen qui lui permettrait de réindustrialiser son pays en désindustrialisant son partenaire transatlantique.

La première étape de cette opération consiste à réarmer le Vieux Continent, avec des dépenses en énergie, en technologie numérique et en équipements fournis par les Etats-Unis. Le potentat a semé la panique parmi les élites européennes qui, dans un élan de russophobie, se sont lancées dans un bellicisme aveugle. Elles réduisent les dépenses sociales et remplacent déjà la transition verte tant vantée par une transition grise, purement militaire.

Mais ce revirement n'est pas sans conflits et l'accord rapide que Trump espérait conclure avec Poutine (pour s'approprier les richesses de l'Ukraine) n'est pas seulement enlisé avec la Russie. Il a également déclenché un conflit sans précédent entre Washington et Londres pour déterminer qui empochera le butin des terres rares (Marco del Pont, 2025b).

Plus déterminantes encore sont es négociations avec les partenaires subordonnés en Asie. Le Japon, la Corée du Sud, Taïwan et les Philippines ont toujours répondu avec une discipline sans faille à leur parrain américain. Mais la grande nouveauté de ces dernières années est le renforcement des relations économiques de ces pays avec Pékin. L'ampleur de ces échanges commerciaux a suscité de sérieux doutes au sein du bloc anti-chinois promu par la Maison Blanche.

Trump déploie des messages impériaux explicites pour faire valoir ses exigences. Il utilise un lexique si direct que le début de son second mandat a suscité de nombreuses remarques journalistiques à ce sujet. La réticence traditionnelle des grands médias à utiliser le terme irritant d'impérialisme a été dissipée par la franchise du magnat (voir The New York Times du 21 janvier 2025, The Washington Post du 24 janvier 2025).

La même démonstration de puissance impériale a entouré l'annonce de la liste des droits de douane. Trump a pompeusement inclus dans cette liste tous les pays du monde pour souligner qu'aucun n'échappera au joug de Washington. Il n'a pas hésité à y inscrire des nations qui ne commercent pas avec les Etats-Unis ou à y ajouter des îles uniquement habitées par des pingouins. Mais les proclamations impériales du riche New-Yorkais contiennent plus d'ingrédients nostalgiques qu'efficaces. Trump regrette les actes de dirigeants lointains, qui ont combiné protectionnisme et expansion impériale pendant la gloire du capitalisme américain.

Il exalte avec une emphase particulière le président McKinley (1897-1901), qui s'est profilé comme un « Napoléon du protectionnisme ». Il a introduit une augmentation drastique de 38 à 50% des droits de douane (1890), tout en commandant l'expansion vers le Pacifique (Hawaï, Philippines, Guam) et la conquête des Caraïbes (Porto Rico et aspiration à Cuba). Trump idolâtre autant sa défense virulente de l'industrie que son extension du rayon territorial américain par les armes (Borón, 2025).

Mais cette évocation se heurte à la réalité du XXIe siècle. Trump ne peut pas mettre en œuvre le protectionnisme agressif de son idole et a choisi de combiner la pression tarifaire et la prudence militaire. Loin de reprendre les interventions du Pentagone partout dans le monde, il modère l'élan expansionniste afin de contenir la détérioration de la compétitivité économique états-unienne.

Dans un élan de réalisme, Trump a pris note de l'échec militaire de Bush et du revers économique de Biden. C'est pourquoi il tente une troisième voie, celle de la modération militaire et d'une refonte monétaire et commerciale. Il sait que la capacité offensive des Etats-Unis a été considérablement limitée par une économie qui représente 25% du PIB mondial (et non plus 50% en 1945), face à la Chine qui en représente 18%.

Trump accentue le discours interventionniste face à ses adversaires extérieurs. Comme ses prédécesseurs contemporains, il doit contrer le déclin économique en faisant largement étalage de la puissance géopolitique et militaire qui préserve son pays. Mais il sait que la compensation militaire des faiblesses économiques aggrave les tensions entre les secteurs militaristes et productivistes de l'establishment. Les bellicistes ont tendance à favoriser des campagnes destructrices à tout prix qui affectent le budget de l'Etat et détériorent la compétitivité des entreprises.

Trump navigue entre ces deux secteurs, soutenant la reprise économique par des mesures protectionnistes. Il encourage les dépenses militaires, mais limite les guerres et cherche à limiter l'effet négatif du gigantisme militaire sur la productivité. L'hypertrophie militaire imposée par le Pentagone est une maladie incurable dont souffre l'économie américaine depuis longtemps et que Trump ne peut tempérer.

Tensions locales

Les contradictions internes qui affectent le projet protectionniste ont la même portée que les tensions externes. Elles comportent un effet inflationniste comme menace la plus immédiate. Les droits de douane rendront les marchandises plus chères par la simple introduction d'un coût supplémentaire sur les produits importés.

Cet effet sera important, tant pour les denrées alimentaires de base que pour les produits manufacturés. Le Mexique fournit par exemple plus de 60% des biens alimentaires frais et on estime qu'un droit de douane de 25% sur les voitures fabriquées dans ce pays (ou au Canada) augmenterait le prix final de chaque unité de 3000 dollars. Récemment, Trump s'est félicité de la délocalisation décidée par Honda, qui va fabriquer sa nouvelle voiture Civic dans l'Indiana plutôt qu'à Guanajuato (Mexique). Mais ce transfert augmenterait le coût moyen de chaque voiture de 3000 à 10 000 dollars (Cason ; Brooks, 2025).

Il est vrai que l'inflation pourrait également contribuer à réduire la valeur réelle de la dette, mais son impact négatif sur l'ensemble de l'économie serait bien supérieur à cette réduction du passif.

Tous les analystes s'accordent à souligner l'effet récessif du virage protectionniste, qui pourrait entraîner une contraction de 1,5 à 2 points de pourcentage du PIB. Le ralentissement de l'activité, qui n'était pas prévu dans les prévisions économiques, est désormais une forte probabilité dans un avenir proche.

Cette perspective tend les relations de Trump avec la Réserve fédérale (FED), qui s'oppose à la baisse des taux d'intérêt. Trump encourage cette baisse afin de contrer la chute probable de la production, de la consommation et de l'emploi. L'effondrement des marchés déclenché par l'annonce de son programme protectionniste a aggravé ce sombre scénario et les disputes qui ont suivi entre le président et la direction de la FED (Jerome Powell).

Trump poursuit également sa bataille contre les secteurs mondialistes, qui défendent les intérêts des entreprises et des banques les plus internationalisées. L'élite de Davos est discréditée par ses échecs, mais elle attend l'occasion de reprendre l'offensive. Si les résultats du virage protectionniste sont négatifs, ce revers frappera fort et placera les démocrates en pole position dans la course aux élections de mi-mandat de 2026.

Le chef de la Maison Blanche s'est entouré d'hommes d'affaires en pleine ascension, qui se disputent avec leurs homologues du spectre traditionnel. L'establishment a donné son feu vert à son projet, mais s'attendait à des droits de douane modérés et à un comportement plus proche de la prudence du premier mandat de Trump [janvier 2017-janvier 2021]. Les bouleversements actuels les incitent à exiger un frein à la déferlante présidentielle. Les multimilliardaires sont exaspérés par la forte réduction de leur patrimoine causée par l'effondrement des marchés.

Les tensions s'étendent à l'entourage même du président, qui doit arbitrer entre les protectionnistes extrêmes (Peter Navarro, conseiller du président, entre autres sur le commerce) et les fonctionnaires ayant des investissements à l'étranger (Elon Musk). Le plan de contrôle des droits de douane conduit en outre à l'introduction d'un enchevêtrement de réglementations, qui s'oppose à la réduction de la bureaucratie promise par la nouvelle administration (Malacalza, 2025). Les innombrables conflits auxquels Trump est confronté dépassent largement le nombre de ceux qu'il peut résoudre.

Bonapartisme impérial

Les conflits extérieurs, l'absence de résultats immédiats, la forte opposition des mondialistes et la fragile cohésion interne poussent Trump à renforcer l'autoritarisme de son administration. C'est pourquoi il tentera à nouveau la voie bonapartiste qu'il a explorée sans succès lors de son premier mandat. Il doit également renforcer le pouvoir de la Maison Blanche pour faire face au repli des investissements des capitalistes états-uniens.

Trump vient du monde impitoyable des affaires et a l'habitude de négocier en tapant du poing sur la table pour obtenir des concessions de ses adversaires. Ce comportement le distingue de ses homologues du système politique, forgés par les négociations, les conciliabules et l'hypocrisie verbale.

Pour consolider son rôle central, il s'est lancé dans une hyperactivité et se distingue par la signature quotidienne d'innombrables décrets. Il cherche à centraliser le pouvoir pour déstabiliser ses opposants et privilégie la loyauté à toute autre qualité chez ses collaborateurs.

Il expérimente son côté bonapartiste dans la tradition américaine du leader charismatique. Il tente d'assumer un rôle messianique d'interprète de la nation, en stigmatisant les migrants et en dénigrant le progressisme. Avec ce personnalisme extrême, il cherche à renforcer l'image d'un homme prédestiné à réaliser le rêve américain. Mais cette orientation renforce les tensions avec l'establishment mondialiste, qui contrôle les médias les plus influents (Wisniewski, 2025).

Trump comble le vide laissé par le discrédit des politiciens traditionnels. Il profite du climat créé par le rejet des magouilles parlementaires douteuses et utilise les attributions du présidentialisme pour renforcer son image (Riley, 2018).

Il tient un discours proche de la tendance conservatrice, qui exacerbe l'opposition culturelle entre les Etats-Unis et le reste du monde. En opposition à la tradition assimilationniste, il rejette l'immigration latino-américaine et exalte la langue anglaise. Il glorifie les idéaux anglo-protestants de l'individualisme et de l'éthique du travail, méprisant la tradition hispanique, qu'il associe à la paresse et à l'absence d'ambition.

Le discours trumpiste reprend l'héritage protectionniste (Alexander Hamilton, « père du dollar ») et patriotique (Thomas Jefferson, président de 1801 à 1809) qui privilégie la prospérité intérieure (Andres Jackson, président de 1829 à 1837). Il conteste le libéralisme cosmopolite (Thomas Wilson, président de 1913 à 1921) qui associe ce bien-être à l'ouverture vers l'extérieur (Anzelini, 2025).

Avec cette vision, Trump régénère les postulats des souverainistes, qui ont traditionnellement privilégié le racisme et l'anticommunisme dans la détermination des alliances extérieures. La sympathie de cette tendance américaniste pour le nazisme a inclus dans le passé une affinité avec le Ku Klux Klan et l'apartheid sud-africain. Cet héritage est actuellement repris par Elon Musk et, dans cette veine, le trumpisme redouble ses campagnes contre le profil multiethnique, multiracial et multiculturel du Parti démocrate.

Le courant dirigé par le magnat exprime une variante ethnocentrique de l'impérialisme yankee, aussi éloignée du néoconservatisme républicain que du cosmopolitisme démocrate. Il met en avant les aspects identitaires de l'idéologie américaine et exalte le patriotisme réactionnaire comme élément essentiel de son credo. Mais avec cette adhésion idéologique, il participe au même conglomérat impérialiste que les deux autres courants.

Bush, Biden et Trump constituent trois modalités du même impérialisme qui maintient le capitalisme américain. Les différentes modalités de cette domination constituent des modalités internes d'un même bloc. L'impérialisme est une nécessité systémique du capitalisme qui fonctionne en confisquant les ressources de la périphérie, en évinçant les concurrents et en étouffant les rébellions populaires. Trump gouverne selon ces paramètres et sa brutalité révèle clairement cette affiliation.

Trajectoires, ambitions et résistances

Il est juste de qualifier Trump de capitaliste-lumpen, au sens où Marx désignait les spéculateurs financiers de la classe supérieure, impliqués dans de multiples fraudes. Le parcours du magnat réunit tous les ingrédients de ce modèle par le nombre d'escroqueries, d'évasions fiscales, de faillites frauduleuses, de transactions avec la mafia et de blanchiment d'argent qui ont marqué son passage dans les affaires. Il s'est entouré de personnages du même acabit, avec de lourds casiers judiciaires dans l'univers des cavernes financières (Farber, 2018).

Mais ce parcours personnel n'a pas caractérisé son premier mandat, ni ne définit son mandat actuel. Trump agit en tant que représentant de secteurs capitalistes très importants et dirige une administration fondée sur une coalition de groupes d'entreprises états-uniennes, comprenant des entreprises numériques qui ont pris leurs distances ave le mondialisme. Il s'appuie sur le secteur sidérurgique, le complexe militaro-industriel, la fraction conservatrice du pouvoir financier et les entreprises centrées sur le marché intérieur, qui ont été pénalisées par la concurrence chinoise (Merino ; Morgenfeld ; Aparicio, 2023 : 21-78).

Trump a obtenu son mandat actuel grâce au soutien d'une ploutocratie numérique, qui a mis de côté ses préférences pour les démocrates. Les cinq géants de l'informatique constituent actuellement le secteur dominant du capitalisme américain, qui a besoin de la belligérance trumpiste pour lutter contre ses rivaux asiatiques.

Plus controversée est la signification du nouveau pouvoir politique que les milliardaires du numérique obtiennent grâce à Trump. Ils ont déjà enchaîné le public à leurs réseaux et préservent leurs clients liés à un enchevêtrement d'algorithmes. Cette dépendance leur permet d'étendre leur lucrative intermédiation dans la publicité et les ventes. Ils tentent désormais de projeter ce pouvoir à une autre échelle, en prenant directement le contrôle de plusieurs domaines du gouvernement.

Ces groupes forment de puissants oligopoles que certains assimilent à de la prédation et à la captation de rente. C'est pourquoi ils utilisent le terme de « technoféodaux » pour conceptualiser leur activité (Cédric Durand, 2025).

D'autres approches contestent cette appellation, qui dilue le sens capitaliste d'entreprises clairement intégrées dans les circuits de l'accumulation. Leur leadership technologique leur permet de profiter de la plus-value extraordinaire qu'ils absorbent du reste du système. Ils n'évoluent pas dans le domaine des rentes naturelles et ne tirent pas de profits de la coercition extra-économique (Morozov, 2023).

Mais les deux visions s'accordent pour souligner la gestion inédite de la vie sociale qui a permis à un secteur de se lancer à la conquête de parts importantes du pouvoir politique. Sous la protection de Trump, elles cherchent avant tout à neutraliser toute tentative de régulation étatique des réseaux.

La ploutocratie numérique s'est lancée dans la gestion directe des leviers de l'Etat afin de modeler l'activité politique à son service. Certains auteurs utilisent la notion de « capitalisme politique » pour singulariser cette appropriation. Ils observent l'émergence d'un régime d'accumulation fondé sur la dépendance nouvelle des entreprises à l'égard d'un pouvoir politique qui définit les bénéficiaires avec une plus grande marge de manœuvre fiscale que par le passé. Le trumpisme pourrait être l'artisan de ces transformations intervenant au sommet du capitalisme (Riley ; Brenner, 2023).

Mais sa dérive autoritaire a déjà suscité la résistance dans les rues. Sous un slogan unificateur et mobilisateur [« Hands Off ! », le 5 avril, avec une suite le 20 avril], 150 organisations ont organisé une manifestation massive et réussie dans un millier de villes. Elles ont commencé à reprendre la réponse venue de la base à laquelle Trump s'est affronté lors de son premier mandat et qu'il a réussi à tempérer lors de son retour. Les grandes manifestations qui ont suivi ont montré le rejet du potentat et des oligarques qui l'entourent [voir le succès des meetings de Bernis Sanders placés sous le mot d'ordre « Fight Oligarchy » – réd.].

Les marches canalisent le mécontentement face à la réduction des droits démocratiques menée par l'occupant de la Maison Blanche. Si l'érosion de la légitimité interne de Trump se conjugue à la résistance qu'il suscite dans le monde, la voie sera ouverte à une grande bataille contre son gouvernement. De cette convergence pourrait émerger une alternative qui commencerait à remplacer l'oppression impériale par la fraternité des peuples.

Buenos Aires, 15 avril 2025 ; traduction rédaction A l'Encontre


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3 juin, par Antoine Dubiau — ,
L'extrême-droite progresse partout dans le monde. Face à cette dynamique, la gauche s'écharpe notamment sur la bonne manière de la qualifier : certaines franges posent le mot (…)

L'extrême-droite progresse partout dans le monde. Face à cette dynamique, la gauche s'écharpe notamment sur la bonne manière de la qualifier : certaines franges posent le mot de fascisme, quand d'autres considèrent qu'une telle qualification manque de lucidité. Certains cadres analytiques peuvent peut-être permettre de sortir de ce débat miné et seront discutés lors d'une plénière de notre université de printemps 2025.

9 mai 2025 | tiré de Solidarités | Photo : Une pancarte contre le fascisme, Carnaval populaire et deter, Lausanne, 22 mars 2025 - Gustave Deghilage
https://solidarites.ch/journal/449-2/le-moteur-imperial-du-fascisme/

Dans un certain nombre de pays, l'extrême droite est aujourd'hui installée au gouvernement – à sa tête ou dans une coalition. Lorsqu'elle n'a pas formellement accédé au pouvoir, son hégémonie idéologique sur le débat public tire (encore plus) vers la droite une classe dirigeante radicalisée par la crise généralisée du capitalisme. À gauche, un vif débat s'est alors ouvert concernant la bonne manière de qualifier cette dynamique : est-il pertinent de parler de fascisation, voire de fascisme ?

Le débat pourrait sembler n'être que théorique, voire sémantique. En réalité, l'usage du terme fascisme, comme son refus, dessinent des perspectives politiques. Réduire le désaccord à sa seule dimension historico-théorique masque en effet la dimension affective et mobilisatrice du concept de fascisme lui-même pour une partie de notre camp.

Faiblesse des approches analogiques

Pour déterminer le caractère fasciste (ou non) de l'extrême droite contemporaine, l'histoire est souvent convoquée pour servir de référence. La démarche est alors analogique : il s'agit d'identifier les continuités et discontinuités entre fascismes historiques et formes contemporaines de l'extrême droite. Le remplissage d'un certain nombre de critères historiquement déterminés serait ainsi nécessaire pour qu'il apparaisse pertinent de qualifier comme fascistes des forces politiques contemporaines. La mobilisation de l'histoire du fascisme est évidemment nécessaire, mais son caractère généralement analogique mine d'emblée tout débat sur l'existence potentiel d'un fascisme de notre temps. Aucun consensus ne peut effectivement être trouvé dans l'établissement de « critères » du fascisme – leur nombre comme leurs modalités de remplissage pouvant être débattus sans fin.

Penser le fascisme, au passé comme au présent, nécessite plutôt de considérer la dynamique dans laquelle il s'inscrit, c'est-à-dire de le rapporter à son contexte plutôt que le figer dans ses formes historiques. La société des années 1920 et 1930 étant radicalement différente de la société d'aujourd'hui, l'impossibilité d'une reproduction à l'identique du fascisme est une évidence dont il n'est pas possible de se satisfaire.

Nouveau contexte, nouveau fascisme

Le caractère matérialiste d'une analyse réside toujours dans l'ajustement de ses catégories plutôt que dans leur fétichisation. Le cas du fascisme n'échappe pas à la règle : pour le penser dans son contexte, encore faut-il mettre en évidence les caractéristiques de ce dernier. S'il est impossible de proposer ici un panorama global de la société contemporaine, deux éléments saillants méritent d'être mentionnés afin de penser le « nouveau » fascisme – au-delà d'une certaine continuité idéologique sur la régénération nationale, qu'elle soit formulée en termes raciaux ou culturels.

L'analyse marxiste du fascisme comme produit du capitalisme permet de caractériser sa dynamique : au siècle dernier comme aujourd'hui, celui-ci s'enracine dans une profonde crise économique. Pourtant, le capitalisme a connu de profondes mutations lors de la centaine d'années qui sépare les deux situations.

D'une part, l'économie mondiale a fait l'objet d'un processus de transnationalisation au cours des quarante dernières années : l'État-nation apparaît de moins comme le principal cadre d'organisation de l'économie, les capitalistes collaborant désormais directement sur des marchés excédant le pouvoir régulateur national – lequel apparaît aujourd'hui affaibli face à la puissance du capital, alimentant ainsi une certaine crispation nationaliste.

D'autre part, la structure de classe elle-même a été radicalement transformée. L'antagonisme historique entre bourgeoisie et prolétariat n'a pas disparu, mais il s'est complexifié objectivement – avec le développement notable d'une « classe d'encadrement » composée d'agent·es subalternes de la domination du capital – et subjectivement – par la critique de l'identité ouvrière, masculine et blanche promue par le mouvement ouvrier traditionnel. La société capitaliste apparaît ainsi comme particulièrement atomisée, faisant ainsi de la « nation » l'un des seuls marqueurs identitaires auquel se raccrocher.

Dans les années 1920 et 1930, le mouvement ouvrier constituait le principal adversaire du mouvement fasciste dans l'arène politique. Ce dernier s'est alors construit sur le plan organisationnel contre le spectre de la révolution et du socialisme qui hantait encore l'Europe. La rétraction du mouvement ouvrier et l'avènement du néolibéralisme depuis les années 1980 changent radicalement les coordonnées politiques de la période. Leur principal rival dans l'arène politique étant désormais le néolibéralisme, ce sont avant tout des éléments idéologiques et discursifs de ce dernier que les forces fascistes vont chercher à digérer et reformuler à l'aune de leur projet de régénération national.

Ce nouveau contexte politique interdit toute fétichisation des formes historiques des régimes fascistes, qui n'étaient que la matérialisation historiquement située d'un certain rapport de force spécifique qui n'a plus cours. Il s'agit alors davantage de porter le regard sur le type de réaction politique que représente le fascisme.

Inscrire le fascisme dans l'histoire longue de l'impérialisme

Suivant les travaux sur le « fascisme tardif » d'Alberto Toscano, une analyse inscrite dans la longue durée est peut-être préférable aux analogies historiques. Comme d'autres, le théoricien italien caractérise certes la montée du fascisme comme un produit de la crise du capitalisme, mais il va plus loin en montrant que cette crise elle-même découle d'une forme de déclassement impérial.

Hier comme aujourd'hui, les capitaux occidentaux verraient effectivement leur hégémonie mondiale être contestée, menaçant le bon accroissement des profits. Du côté de la base sociale fasciste, le mode de vie impérial – qui repose structurellement sur l'échange inégal à l'échelle mondiale, c'est-à-dire sur l'exploitation asymétrique des ressources naturelles, du travail et des capacités de régénération écologique du reste du monde – serait également menacé. Il ne s'agit pas d'identifier une continuité entre fascismes historiques et contemporains, mais plutôt d'insister sur le fait qu'ils s'enracinent dans une histoire commune, celle de l'impérialisme occidental.

Ce geste permet de dé-singulariser certaines formes spécifiques du fascisme historique. Pour réfuter l'existence d'un fascisme contemporain, l'absence de milices organisées est souvent mise en avant. Une approche analogique considère effectivement un tel critère comme essentiel, tout en l'appréhendant de manière figée. Au contraire, l'inscription du fascisme dans l'histoire longue de l'impérialisme permet de montrer que la forme même du parti-­milice trouve sa source dans la violence coloniale européenne de la fin du 19e et du début du 20e siècle. Elle s'opposait aussi à la puissance du mouvement ouvrier traditionnel, qui s'appuyait lui aussi sur des franges paramilitaires.

Aujourd'hui, l'exercice fasciste de la violence raciale s'inscrit dans un autre contexte impérial, marqué par le capitalisme globalisé – ainsi que la faiblesse d'un mouvement prolétarien organisé. Ses sources se trouvent donc davantage dans la répression policière (dont les moyens techniques se sont grandement accrus lors du dernier siècle), la violence aux frontières et l'incarcération de masse.

Hier comme aujourd'hui, la violence fasciste ne se caractérise donc pas par un changement de nature, mais plutôt par un changement d'échelle et une institutionnalisation d'autant plus importante de formes de violence étatique pré-existantes.

Fascisme mondial ou fascisation du monde ?

La crise de l'hégémonie impériale des puissances occidentales nourrit ainsi la montée de mouvements fascisants, voire fascistes, au sein de leurs régimes libéraux. Par-­delà les spécificités nationales, cette dynamique peut apparaître comme un véritable rouleau compresseur. Au sein d'une partie de la gauche, le spectre d'un « fascisme mondial » entretient ainsi des inquiétudes légitimes, mais trompeuses sur la véritable nature de l'ennemi auquel nous faisons face. Cette formule laisse effectivement penser qu'un régime transnational serait en train de se constituer à l'échelle de la planète, par la collaboration des extrêmes droites au-delà des frontières nationales au sein desquelles elles opèrent traditionnellement.

Malgré certaines apparences, aucun « fascisme mondial » ne se profile. L'identification courante d'une « internationale fasciste » participe notamment de la confusion. Un certain nombre de dirigeant·es d'extrême droite, ayant ou non accédé au pouvoir, semblent effectivement se soutenir dans la conquête du pouvoir – comme en témoigne par exemple l'implication d'Elon Musk dans les récentes élections fédérales allemandes. Toutefois, cette collaboration n'a rien de définitif : les gouvernements fascisés, voire fascistes, gardent la défense des intérêts suprêmes de la nation comme raison d'être.

Porter le regard sur la politique impériale des gouvernements fascisés permet d'y voir un peu plus clair. Dès son retour au pouvoir, Donald Trump a radicalement réorienté l'impérialisme étasunien en revenant à une forme particulièrement stricte d'unilatéralisme. Le retrait des États-Unis d'un certain nombre de cadres internationaux de collaboration se fait effectivement au nom du slogan America first qui témoigne de la primauté des intérêts étasuniens sur tout autre rationalité politique. La prise du pouvoir par l'extrême-droite au sein d'États européens apparaît alors comme une donnée relativement secondaire, qui n'infléchira pas la vassalisation du Vieux continent que visent Donald Trump et son gouvernement. Leurs revirements sur la question des taxes douanières participent de la même stratégie impérialiste visant à raffermir la puissance des capitaux américains dans l'économie mondiale, dans une guerre commerciale contre la Chine. Le piétinement de l'Ukraine doit également être lu à cet aune : le sort du peuple ukrainien n'est que secondaire pour le pouvoir étasunien, qui privilégie la négociation avec le Kremlin pour tirer profit de l'agression russe. Ces exemples sont des facettes d'un seul et même unilatéralisme aux accents fascistes.

Le risque auquel nous faisons face aujourd'hui n'est pas celui d'un « fascisme mondial » mais plutôt celui d'une fascisation du monde : les extrêmes droites fascisantes se soutiennent dans la conquête du pouvoir, mais leurs affinités idéologiques ne les conduiront pas nécessairement à collaborer dans une seule et même direction politique. Sans surprise, leur attelage apparaît donc profondément instable, sclérosé par la concurrence capitaliste-­impériale dont mouvements et régimes fascistes sont le produit.

Antoine Dubiau

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DOGE : un accélérationnisme réactionnaire

3 juin, par Yves Citton — , ,
Les premiers mois du gouvernement Trump 2 doivent-ils conduire à caractériser celui-ci comme fasciste, pré-fasciste, post-fasciste, vecto-fasciste, ludo-fasciste ? Derrière (…)

Les premiers mois du gouvernement Trump 2 doivent-ils conduire à caractériser celui-ci comme fasciste, pré-fasciste, post-fasciste, vecto-fasciste, ludo-fasciste ? Derrière Elon Musk qui joue à faire un salut nazi, on peut mettre à jour une autre filiation – plus dérangeante pour nos habitudes de pensée, mais peut-être plus utile pour la préparation de contre-attaques à la hauteur des défis du présent.

Yves Citton est professeur de littérature et médias

En 2013 paraissait un Manifeste pour une politique accélérationniste, signé par Nick Srnicek et Alex Williams, émanant de cercles intellectuels d'une gauche radicale réunis dans les années 1990 autour de Nick Land et Sadie Plant à l'Université de Warwick sous le nom de CCRU (Cybernetic Culture Research Unit). On y trouvait, entre autres choses, cinq propositions majeures :

a) Contrairement à ce que l'on entend souvent, le capitalisme n'opère pas aujourd'hui comme un vecteur d'accélération, mais comme un poids qui nous enferme dans les contraintes de structures légales et économiques obsolètes (la propriété privée des moyens de production, la course compétitive au profit, l'indifférence envers les conséquences environnementales de l'optimisation économique).

b) L'une des tâches cruciales d'une gauche réellement progressiste et écologique doit être de se réapproprier les innovations technologiques (numériques et autres) pour libérer le temps humain des processus susceptibles d'être automatisés.

c) Nos infrastructures techniques étant désormais interdépendantes à l'échelle globale, c'est à cette échelle planétaire et sur ces infrastructures que doivent porter les revendications et les actions politiques les plus urgentes.

d) Du double fait de cette échelle planétaire et des contraintes temporelles relatives à l'urgence climatique, l'attachement de la gauche radicale à l'horizontalité des processus de décision politique (assemblisme, spontanéisme, primat du bottom up) doit être non abandonné, mais reconsidéré pour coordonner des actions bien plus larges et plus ambitieuses que ce qui se fait depuis vingt ans.

e) La priorité stratégique des mouvements progressistes doit porter sur la constitution de médias de masse capables d'élaborer et de diffuser à l'échelle internationale le nouvel agenda révolutionnaire appelé par notre situation historique sans précédent.

Une traduction française de ce manifeste a paru dans Multitudes en 2014, dans une indifférence à peu près générale (à peine teintée d'hostilité condescendante)[1]. Outre quelques maladresses qu'on pouvait reprocher avec raison à ce texte – son ton inutilement polémique et méprisant envers « l'écologie folklorique » des zad et des résistances locales, une insuffisante prise en compte des problèmes réellement posés par le prométhéisme industriel – ses thèses principales semblent plutôt avoir été refoulées que réfutées (ou même combattues).

Douze ans plus tard, Elon Musk occupe la Maison Blanche et son Department Of Governmental Efficiency (DOGE) dévaste les institutions fédérales états-uniennes sous les coups brutaux d'une armée de jeunes programmeurs brandissant les IA génératives comme leur arme ultime et leur principal drapeau de ralliement. Parmi les nombreuses interprétations possibles du moment présent, voir dans le DOGE un retour du refoulé accélérationniste mérite peut-être une brève réflexion.

Plus que mal formulé, le manifeste accélérationniste a été mal entendu. Son ton velléitaire était perçu comme obsolète parce qu'il datait (et se revendiquait) d'une époque où la gauche assumait des postures non seulement rebelles mais audacieuses et programmatiques. Cela paraît désormais inaudible pour une gauche crispée sur des positions purement défensives et, de fait, « conservatrices » (dans tous les sens du terme : défendre les acquis, sauvegarder l'environnement, préserver l'État social). La proposition d'un découplage entre appareillages techniques (automation) et systèmes juridico-économiques (capitalisme), avec son pendant de nouvelle alliance possible entre infrastructures numériques et politiques progressistes (comme les années 1990 avaient pu rêver d'une telle alliance), tout cela est littéralement tombé dans l'oreille de sourds. N'en payons-nous pas le prix avec les ravages commis aujourd'hui depuis la Maison Blanche (mais aussi avec ce qui se met en place du côté du Parti Communiste Chinois) ?

La récupération droitière

En intitulant son livre La rébellion est-elle passée à droite ?[2], Pablo Stefanoni formule une clé importante pour comprendre notre époque. De façon comparable, on peut observer comment, au cours de la décennie, l'accélérationnisme est passé à droite. Nick Land, le provocateur-inspirateur du CCRU de Warwick, a dérivé vers des positions assimilées à l'extrême-droite, au point d'être triomphalement récupérable du côté d'un Dark Enlightenment qui veut davantage accélérer l'effondrement de l'État-providence que le dépassement du capitalisme. Sa critique de longue date d'élites universitaires décrites comme sectatrices abruties d'une Church (« Église ») s'inscrit parfaitement dans l'anti-intellectualisme du mouvement MAGA.

Plus généralement, Eoin Higgins a bien analysé la façon dont, au cours de la dernière décennie, des voix influentes au centre-gauche du spectre politique états-unien se sont fait récupérer par des agendas et des médias d'extrême-droite (Glenn Greenwald, Matt Taibbi). Mais il analyse surtout la façon dont des magnats du numérique et de la finance (Peter Thiel, Elon Musk, Marc Andreessen) ont déplacé la lutte politique en mettant en place une puissance médiatique bien plus efficace et conquérante que ce dont pouvait rêver le manifeste accélérationniste pour la gauche progressiste[3].

Une redoutable alliance s'est progressivement constituée autour d'un accélérationnisme d'extrême-droite qui, comme celui de Srnicek et Williams, compte lui aussi dépasser la phase actuelle du capitalisme (point a extrait de leur manifeste ci-dessus), en misant sur les développements technologiques et l'automation (point b), la verticalité (point d) et la conquête des médias (point e) – et cela à l'échelle planétaire (point c). C'est bien le programme stratégique du manifeste accélérationniste qu'ils ont implémenté au cours des dix dernières années, tandis que les forces de gauche concentraient leurs forces sur la glorieuse bataille (perdue) des retraites[4] (quand elles ne se déchiraient pas autour de la laïcité ou de l'accusation d'antisémitisme).

Même s'il n'inscrit pas ses analyses dans les méandres complexes de cette dérive droitière de l'accélérationnisme, Lorenzo Castellani, dans un article du Grand Continent paru le 8 novembre 2024, a donc eu parfaitement raison d'annoncer, dès la victoire électorale de Donald Trump, la prise du pouvoir par les tenants d'une accélération réactionnaire[5]. Le recours à de nouvelles technologies porteuse d'automation, l'instrumentalisation politique des médias (numériques et autres), le primat d'une certaine efficacité (informelle) sur le respect scrupuleux des règles instituées (bureaucratiques), une vision explicitement articulée à l'échelle planétaire (particulièrement dans le domaine des ressources, mais aussi des forces sociales et des dynamiques médiatiques), et surtout l'affirmation du besoin d'aller-plus-vite dans nos réactions collectives à des menaces existentielles (quitte à court-circuiter des procédures désirables en elles-mêmes mais irréalistement chronophages) : tout cela caractérise assez précisément l'agenda (haïssable) du DOGE, emblématisé par la personne (détestable) d'Elon Musk.

Les leçons à tirer de cette convergence autour d'un programme accélérationniste peuvent bien entendu être radicalement opposées. C'est un triomphe facile pour les critiques. Voyez donc où mènent vos appels (anti-démocratiques) à une « efficacité » fétichisée pour elle-même, vos courts-circuits technosolutionnistes, vos rêves d'emprise médiatique et vos soifs de verticalité : à un gouvernement mafieux qui brutalise ses employés, avant de brutaliser sa population en supprimant des services sociaux et des réglementations environnementales, sous prétexte de remplacer le tout par des IA dociles, qui multiplieront les profits comme le pouvoir d'une élite technocapitaliste !

Mais on pourrait aussi retourner la perspective : que se serait-il passé si – au lieu des gouvernements Obama et Hollande – les Démocrates états-uniens ou une gauche européenne un peu radicale avaient entrepris d'accélérer les bifurcations socio-écologiques dont nous savons avoir dramatiquement besoin ?

Un accélérationnisme réactionnaire

Et si le problème n'était pas tant l'accélérationnisme que son orientation réactionnaire ? Et si c'était parce que la gauche n'a pas voulu entendre la proposition d'un accélérationnisme progressiste que nous prenons dans la figure un accélérationisme néo-féodal ? Et si – malgré toutes les apparences du contraire (des apparences qui nous plombent le moral et l'horizon) – c'était parce que nos sociétés ont réellement progressé vers davantage de droits, de démocratie, de respect des minorités, d'anti-autoritarisme et d'esprit critique que les forces réactionnaires se voyaient aujourd'hui contraintes de recourir précipitamment à davantage de brutalité et de contrainte pour espérer maintenir les privilèges et les dominations en place ?

Ce qui est clair, c'est l'inversion d'un certain sens de l'histoire qui caractérise la récupération droitière de l'accélérationnisme issu du CCRU. Au lieu d'orienter un dépassement du capitalisme vers un revenu universel, la réduction des inégalités, l'émancipation des minorités, la décolonisation, la justice sociale et la transition écologique, les nouveaux accélérationnistes promeuvent le tourisme spatial pour millionnaires, le dynamitage de l'éducation publique et de l'État social, le démantèlement de toute réglementation environnementale et le retour aux bonnes vieilles valeurs du passé (travail, famille, patrie). Ils n'hésitent pas à précipiter la fin du monde, pour prévenir à tout prix la fin du capitalisme.

Pour qui a fréquenté les textes des années 2013-2015 (en particulier le manifeste xénoféministe du collectif Laboria Cuboniks[6]), le programme idéologique revendiqué par un Vivek Ramaswamy (candidat républicain aux primaires, collaborateur précoce et éphémère du DOGE) se lit comme un renversement symétrique – caricaturalement réactionnaire – des thèses de l'accélérationnisme progressiste. Parmi les dix « Vérités » proclamée par son livre Truths de 2024, on trouve en effet : « 1. Dieu est bien réel ; 2. L'agenda du changement climatique est un canular (hoax) ; 3. Une frontière ouverte n'est pas une frontière ; 4. Il n'y a que deux genres. […] 6. La famille nucléaire est la plus grande forme de gouvernance connue de l'humanité. 7. Le racisme à l'envers est bien du racisme. 8. Le nationalisme n'est pas un vilain mot.[7] »

On peut se gausser de telles déclarations, comme on peut s'étonner d'une articulation topologiquement contradictoire entre une accélération technologique (vers l'avant, forward, vorwärts !) et retour en arrière idéologique (vers le bon vieux temps passé de la suprématie masculine blanche). L'important est de comprendre le vide dans lequel s'engouffre le succès actuel du mouvement MAGA – un vide qui doit peut-être beaucoup à l'incapacité de la gauche à entendre le manifeste accélérationniste et à articuler un programme à la hauteur des défis du présent.

Le refoulé bureaucratique

La méthode du Department Of Governmental Efficiency d'Elon Musk est move-fast-and-break-things. Leur accélérationnisme est brutal, et essentiellement destructeur. Entre stratégie du choc et inondation de la zone, leur pulsion les pousse à ne rien respecter de l'existant, à tout remettre à plat, à identifier ce qui était vraiment nécessaire au nombre cris de détresse et de victimes causés par sa suppression. Les conséquences en sont d'ores et déjà terribles – comme il se doit, puisque le DOGE s'attaque de façon très ciblée à tout ce qui empêche la clique trumpienne de tyranniser la planète pour son profit partidaire et financier à court terme.

La question n'est toutefois pas (seulement) de percer à jour les motivations éhontées et cyniques de la MAGA-mafia, mais de comprendre ce qui l'a portée au pouvoir, et ce qui pourrait consolider (provisoirement ?) sa tyrannie – au cas où la réaction à la réaction (le backlash d'auto-défense populaire contre le backlash populiste) ne conduisait pas la clique trumpienne à être éjectée de la Maison Blanche avec du goudron et des plumes. Si toutes les administrations fédérales semblent pouvoir être impunément brutalisées, c'est que le DOGE surfe – temporairement ? – sur la double vague d'un fort ressentiment (contre les lourdeurs, les irritations et les aberrations de la surabondance de red tape) et d'un puissant mantra (l'automation promise par le déploiement des IA).

Avant de coloniser la planète Mars, l'accélérationnisme réactionnaire promet de réduire les absurdités, les coûts et les tyrannies d'une bureaucratie que tout le monde déteste (souvent pour de bonnes raisons), mais que les forces identifiées à la gauche se trouvent défendre de façon généralement acritique et quasi-pavlovienne – alors même qu'une tradition progressiste, autour d'un Cornélius Castoriadis, en avait fait un objet majeur d'analyse critique dans les années 1960. La question est bien entendu complexe et, ici comme ailleurs, l'idéologie qui porte le DOGE relève bien davantage de l'enfumure hypocrite (truffée de fake news et de fausses solutions) que d'un effort sincère de rationaliser l'État fédéral.

En France comme aux USA, nous savons que les dynamiques de reproduction de nos existences engagent des interdépendances trop complexes, imbriquées et multi-couches pour être abandonnées au bon (ou mauvais) vouloir des acteurs individuels. Nous avons évidemment besoin de formalisations législatives, de catégorisations légales, de réglementations, de dispositifs de surveillance et de contravention pour « sécuriser » nos interactions au sein de ces interdépendances. Ce sont ces structures bureaucratiques qui permettent à la plupart d'entre nous de jouir de certains droits fondamentaux, que le coup d'État trumpiste piétine insolemment, révélant leur terrible fragilité à ceux qui s'en croyaient protégés – une fragilité dont avaient depuis longtemps une conscience douloureuse ceux qui s'en trouvaient de facto partiellement exclus. Que cela nous plaise ou non, un État centralisé (à Paris ou à Bruxelles) est nécessaire pour coordonner et « enforcer » de tels droits. Et, de par l'échelle de ses prérogatives, un tel État comporte nécessairement sa part de lourdeurs, de lenteurs et de rigidités – frustrantes mais inévitables.

Quoique le libertarianisme technocapitaliste soit clairement une idéologie simpliste et funeste, quoique certains combats contre les règlementations écologiques (de la part des millionnaires et des corporations complices de Trump, comme de la part de la FNSEA) soient attribuables à un ancien monde qui refuse de voir une certaine réalité en face, nous avons tous et toutes nos expériences concrètes de multiples procédures bureaucratiques dont les effets vont à l'encontre du bon sens comme des finalités qu'elles visaient originellement. Dire que toute machine (administrative) comporte sa part de frictions est vrai, mais insuffisant.

Ce qui répand un sentiment de rigidité, d'aberration et de révolte parmi nous – sentiment qu'instrumentalise le DOGE –, c'est un mode de formalisation bureaucratique qui a pour but avoué de créer les conditions de la confiance à l'échelle de nos sociétés tentaculaires, mais qui a pour effet de mécaniser une défiance funeste pour le corps social. C'est cette défiance, systématisée par ce mode de formalisation, qui se retourne violemment contre les agents de l'État fédéral à travers les licenciements brutaux opérés aujourd'hui par le DOGE.

Si le vectofascisme théorisé par Grégory Chatonsky[8] peut surfer sur le ressentiment causé par cette défiance, s'il peut se réclamer d'une certaine rhétorique anarchiste (en elle-même respectable), c'est que la gauche officielle (celle des partis politiques) a abandonné une valorisation de l'informalité – et de la confiance qui doit l'accompagner –, qui a pourtant nourri les mouvements progressistes de tous les temps (non sans se retourner occasionnellement en terreur sanguinaire…). Au niveau (très local) des pratiques de terrain, comme à celui (très médiatique) des conversations concrètes, nous avons besoin d'informalité : faire et dire les choses selon ce qui convient aux aspérités du moment, plutôt qu'à un règlement formalisé et décrété en haut lieu.

Au niveau local : les cultivateurs pratiquant la permaculture sont effectivement mieux placés que des fonctionnaires parisiens ou bruxellois pour savoir quand (ne pas) respecter le cadrage nécessaire mais abstrait de règles générales (largement tuyautées par ls lobbies agro-industriels). Au niveau médiatique : une partie du charme exercé par l'histrionisme de Trump tient à ce qu'il dit tout ce qui lui passe par la tête, sans aucun égard pour les règles du politiquement correct ou de la simple décence, avec un mépris affiché (et désormais vengeur) pour tout ce qui relève de la loi, de la constitution ou des formalités judiciaires. Ce dernier exemple montre à la fois que nous avons effectivement besoin de normes, mais aussi que les plus importantes ne prennent peut-être pas la forme de règles formelles, édictées de haut et enforcées par un appareil punitif, mais plutôt celle d'une politesse endémique, dont le lien avec la politique doit être réinstauré[9].

L'important est que la prévalence de la formalisation bureaucratique dont nous héritons des XIXe et XXe siècles est en partie responsable de rigidités, d'aberrations et de lenteurs d'un business as usual que les évolutions actuelles de nos menaces écologiques et sociales ne permettent pas de poursuivre à l'identique. Il faut aller plus vite et plus loin – plus radicalement et plus souplement – dans la transformation-transition-bifurcation de nos modes de (re)production. L'accélérationnisme progressiste tentait (maladroitement) de faire face à ce défi. Son refoulement a ouvert un boulevard à l'extrême droite, qui y a investi ses pires tendances.

Au nom de la lutte contre le red tape, les gaspillages et les lenteurs administratives, le DOGE démantèle des systèmes de protection étatiques dont nous avons tous et toutes besoin – laissant les renards opérer sans entraves dans un poulailler enfin libéré, déchaînant sous couvert de « libération » une licence autorisant ceux qui tiennent le couteau par le manche à prélever toutes les livres de chair qu'ils souhaiteront de celles et ceux qui subissent leur tyrannie. Le nouveau livre du philosophe Brian Massumi analyse admirablement à la fois les causes (médiatiques) qui ont permis à cette licence de s'emparer du pouvoir exécutif et les effets (politiques) qui permettent à l'exécutif, par cette même licence, d'ignorer et d'écraser toutes les résistances provenant d'autres branches (supposées indépendantes) de la démocratie représentative[10].

Qu'est-ce que l'efficacité gouvernementale ?

Les historien.nes à venir devront analyser finement ce qui s'est dit et passé dans les débats idéologiques et les luttes de pouvoir faisant certainement rage aujourd'hui au sein du DOGE. Initialement lancé comme co-dirigé par Elon Musk et Vivek Ramaswamy (l'auteur des dix vérités de Truths évoqué plus haut), ce Département de l'Efficacité Gouvernementale (dont le sous-titre accélérationniste affiché sur son site web est « Le peuple a voté pour des réformes majeures[11] ») a rapidement vu une partie des idéologues se réclamant de la guerre au red tape abandonner le navire (ou être jeté par-dessus bord). Avant la fin janvier, Vivek Ramaswamy, partisan d'« emprunter la voie réglementaire et légale pour dégraisser l'État fédéral et faire des économies » était victime du mantra trumpien (You're fired !), laissant Musk tout seul pour verticaliser l'anarchie à partir d'une vision « technocentrée [qui] entend transformer le gouvernement de l'intérieur, en modernisant notamment la technologie et les logiciels fédéraux afin de maximiser l'efficacité et la productivité de l'administration américaine[12] ». Ramaswamy voulait réduire l'emprise des régulations « pour favoriser la croissance dans le long terme », tandis que Musk veut du chiffre, « pour diminuer les dépenses » tout de suite, en affichant chaque jour sur X le nombre de contrats « terminated » et de fonctionnaires limogés – s'attirant les critiques d'une partie de la droite, qui lui reproche sa « sloppiness » irréfléchie[13].

Derrière les postures d'un X-Terminator amphétaminé à une verticalité/brutalité aux relents de révolution culturelle maoïste, l'un des opérateurs idéologiques majeurs du DOGE est à chercher dans la hype actuelle sur les malnommées Intelligences Artificielles génératives[14]. Les (fausses) promesses de « remplacement » de l'humain par des IA renversent ici leur valeur : de cauchemar d'un chômage généralisé, elles deviennent rêve de réduction des coûts, de « rationalisation », de « modernisation » et d'« efficacité ». Le DOGE casse allégrement tout ce qui entrave son programme réactionnaire en promettant de tout reconstruire demain, en mieux et gratis, par la grâce des IA génératives, qui sauront optimiser la computation des big data pour trouver à chaque problème son algorithme.

Les premiers mois de 2025 auront ainsi été une grande expérimentation exhibant à ciel ouvert la stupidité des intelligences artificielles et de leurs manipulateurs décervelés. La censure de l'Enola Gay comme propagande wokiste peut servir d'emblème aux aberrations bureaucratiques d'une IA censée remédier aux aberrations bureaucratiques – et la multiplication de telles inepties mérite certainement de faire des gorges chaudes, en une période où les rires sont bien trop rares.

Mais qui peut dire, à ce stade, s'il est délirant ou simplement ambitieux de vouloir réaménager en quelques mois, comme l'annonce le DOGE, les 60 millions de lignes de code de l'Administration de la Sécurité Sociale de son substrat en langage COBOL, hérité des années 1950, vers un langage plus récent et plus efficace ? Les plus grandes banques ont essayé de le faire depuis des années, et la plupart y ont renoncé. Tant que COBOL fonctionne (pas trop mal), pourquoi vouloir absolument le mettre au goût du jour, en prenant le risque bien réel de crasher le système, avec des conséquences humaines terribles pour les plus précaires des Américains [15] ? D'un autre côté, qui aurait pu croire, il y a dix ans seulement, que DeepL atteindrait aussi rapidement son degré actuel de fidélité, et d'« efficacité » (qui ne remplace pas le travail d'une traducteurice littéraire, mais qui rend d'inestimables services automatisés) ?

Es Musk nicht sein !

En composant son dernier quatuor à cordes, Beethoven a écrit en marge de la partition : Muss es sein ? Es muss sein ! (« Cela doit-il être ? Cela doit être ! »). Le dramatique coup d'État actuellement en cours aux USA rejoue ce questionnement sur le mode de la farce tragique. Musk es sein ? Même si l'arbre accélérationniste ne saurait cacher la forêt réactionnaire, même si l'histrionisme mafieux de Trump n'agite la mascotte de l'automation que pour mieux asseoir sa dictature – et mieux se remplir les poches par des tactiques de pump-and-dump[16] – c'est un certain destin des fausses promesses et des vraies puissances des IA qui se joue aussi dans le moving fast du DOGE[17].

Derrière la vengeance punitive, derrière la violence vectofasciste, derrière la destruction ciblée de ce qui fait tenir ensemble une société, c'est une rencontre (tragi-comique) de notre époque avec ses besoins d'accélération qui se joue sur la scène états-unienne. Aussi désolant soit-il, l'épisode trumpiste est à prendre comme un catalyseur de clarification. De l'usage des IA au velléitarisme des executive orders, le principal enseignement à en tirer est que les forces progressistes ne devraient pas différer plus longtemps leur confrontation à la question accélérationniste. Celle-ci ne saurait se réduire à un impératif de moving fast, et encore moins aux facilités du breaking things. Elle ne tient pas non plus à faire la part de ce qui doit aller « de l'avant » et de ce qui devrait revenir « en arrière ». Elle consiste plutôt à tenter de comprendre et discriminer – analytiquement et expérimentalement, pragmatiquement et consensuellement – ce qui gagnerait à être accéléré, ce qui devrait au contraire ralentir, et ce qui demande à être préservé.

Ainsi, dans le cas des IA, la question n'est pas d'être pour ou contre, de croire à leurs promesses ou de les récuser. Alors que la bulle spéculative tente de les imposer de force dans tous les interstices de nos vies – où aucun besoin réel ne se fait sentir, sinon celui d'étendre l'emprise du capitalisme de plateforme –, la véritable proposition accélérationniste consiste à se demander où et pourquoi les faire intervenir, quels espaces gagnent à en être préservés, et quelles formes d'agirs humains se découvrent à leur contact et à leur contraste. Loin de vouloir tout précipiter et tout digitaliser, un accélérationnisme « de bon aloi » chercherait à spécifier les domaines d'expérience et de collaboration où nous n'avons pas besoin d'IA – ni même d'électricité, les deux finissant par se rejoindre tangentiellement. Non pas muss es sein ?, mais plutôt qu'est-ce qui a besoin de se faire avec elles, ou protégé d'elles ?

La première réponse, insuffisante mais évidente, est claire : es Musk nicht sein. La rapidité et de verticalité dont se targuent les occupants actuels de la Maison Blanche illustrent moins une raison accélérationniste, dont les IA seraient le vecteur privilégié, qu'un tropisme tyrannique bien identifié par Spinoza dans son Traité politique de 1677 : « Si Sagonte succombe pendant que les Romains délibèrent, il est vrai aussi que la liberté et le bien commun périssent lorsqu'un petit nombre d'hommes décident de tout par leur seule passion[18] ».

La reconstruction commence maintenant

À moyen ou plus long termes – à l'horizon des échéances électorales à venir en Europe comme aux USA – l'accélérationnisme réactionnaire trumpien doit impérativement être instrumentalisé et retourné pour accélérer les transformations, les convergences de fond et les revendications constitutives des mouvements progressistes. Les élections canadienne et australienne paraissent déjà refléter un rejet endémique envers le backlash trumpiste. La gigantesque casse socio-écologique en cours aux USA forcera nos sociétés à reconstruire d'autres normes et d'autres institutions sur le grand chantier de démolition traumatisé par les tronçonneuses de l'extrême droite.

Ici aussi, le véritable ennemi des forces progressistes seront les choix faussement binaires (accélérer ou ralentir, l'économie ou l'écologie, etc.). Il faut sans attendre travailler à l'élaboration de programmes communs qui puissent à la fois assouplir les contraintes envers les moins bien munis et mettre les nouvelles technologies d'automation au service de la réduction des inégalités et des nuisances environnementales. Bien accélérer – dans la bonne direction – implique d'écouter (ce qui prend le temps de l'étude et de la conversation), et non seulement de calculer (ce qui peut être automatisé par la computation).

Contrairement aux hantises apocalyptiques dont profite Trump pour accélérer la fin du monde (sous la promesse fumeuse de rendre sa grandeur passée à l'Amérique grâce à un repli sur soi obsidional), un accélérationnisme progressiste doit à la fois se donner le temps de la consultation et se donner la confiance dans la possibilité d'un avenir désirable pour toutes et tous. On ne le répète pas assez : nos ressources planétaires sont plus que suffisantes pour satisfaire tous les besoins fondamentaux de toutes les populations (et pas seulement les caprices des Américains ou des Européens).

Sous couvert de lutte contre l'antisémitisme et le wokisme, Trump a d'excellentes raisons de s'en prendre en priorité aux politiques de DEI : le défi du progressisme est d'accélérer la réalisation d'une Diversité, d'une Équité et d'une Inclusion promises, et faisant l'objet de larges aspirations à l'échelle planétaire, mais encore terriblement en souffrance. À nous de relever ce défi authentiquement progressiste. Sans attendre.

Yves Citton

Professeur de littérature et médias, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, Co-directeur de la revue Multitudes

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Le yuan peut-il remplacer le dollar d’ici 2050 ?

3 juin, par Haifei Lu — , , ,
Le dollar a été déstabilisé par la stratégie d'escalade tarifaire chaotique de la Maison Blanche. Il reste dominant dans les transactions internationales mais sa crédibilité (…)

Le dollar a été déstabilisé par la stratégie d'escalade tarifaire chaotique de la Maison Blanche. Il reste dominant dans les transactions internationales mais sa crédibilité s'érode. Le yuan avance à pas mesurés sur la scène mondiale, dans une logique d'alliances monétaires et d'encerclement. Il s'agit moins de remplacer le roi dollar que de créer un monde monétaire multipolaire dont le yuan serait un des grands pôles.

22 mai 2025 | Tiré d'Asialyst

La trêve commerciale conclue le 12 mai 2025 entre Washington et Pékin a offert un répit bienvenu aux marchés mondiaux. Pourtant, sous cette accalmie apparente se cache une réalité plus inquiétante pour les États-Unis : celle d'une crédibilité en berne. Affaibli par des mois d'escalade tarifaire, un dollar en perte de vitesse, et une stratégie commerciale chaotique, le leadership financier américain est mis à mal. Les investisseurs étrangers, autrefois friands de bons du Trésor et d'actions américaines, se montrent désormais plus prudents face à la volatilité du billet vert.

Pendant ce temps, Pékin joue une autre partition. Loin des flamboyances diplomatiques, la Chine avance prudemment mais résolument vers l'internationalisation de sa monnaie. Avec le lancement en 2023 du Swap Connect, un dispositif inédit permettant aux investisseurs offshore d'accéder au marché chinois des produits dérivés de taux d'intérêt, et son optimisation en mai 2024, la Banque populaire de Chine (banque centrale) renforce l'attractivité des actifs libellés en RMB. À ce jour, plus de 12 000 transactions ont été enregistrées, pour un montant total de 6 500 milliards de yuans (soit environ 900 milliards de dollars). Pékin ne se contente plus de dénoncer l'hégémonie du dollar : elle construit patiemment une alternative, adossée à des réformes concrètes et à une intégration régionale renforcée. Dans ce contexte, la montée en puissance du yuan n'est plus une simple hypothèse, mais une stratégie géopolitique méthodiquement déployée sur le long terme.

La part du dollar américain, quoique dominant dans les réserves de change, diminue au fil du temps, tandis que celle des autres devises augmente.

Le « R5 », stratégie monétaire des BRICS

Le yuan chinois s'impose progressivement comme une alternative stratégique au dollar américain parmi les membres des BRICS et au-delà, dans un contexte où les sanctions occidentales, notamment contre la Russie, ont mis en lumière les risques de dépendance au système financier dominé par Washington. De Moscou à Buenos Aires, en passant par Téhéran, Dacca et Brasilia, les exemples se multiplient : la Russie, étranglée par l'exclusion du système de virements interbancaires SWIFT et le gel de la moitié de ses réserves en devises, effectue désormais plus de transactions en roubles-yuans qu'en roubles-dollars. L'Argentine, confrontée à une crise économique chronique, a puisé 2,7 milliards de dollars en yuans dans son swap avec Pékin pour rembourser le FMI. L'Iran, frappé par un embargo sévère, préfère aujourd'hui facturer son pétrole en yuans qu'en dollars. Le Bangladesh a réglé ses importations russes de centrales nucléaires en yuans. Et le Brésil, poids lourd de l'Amérique latine, a signé un accord avec la Chine pour régler leurs échanges commerciaux en monnaies locales. Derrière cette montée en puissance du yuan, c'est une volonté partagée d'échapper à l'arme monétaire américaine, de renforcer une souveraineté économique malmenée, et de construire un ordre financier multipolaire.

La dédollarisation prend aujourd'hui des allures de stratégie concrète pour de nombreux États désireux de reprendre la main sur leur politique monétaire et de contourner une hégémonie financière jugée intrusive et punitive. Dans ce cadre, les BRICS avancent sur la création d'une monnaie commune, le R5, fondée sur un panier de devises nationales, une idée inspirée des droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI. Selon une proposition de Paulo Nogueira Batista Jr., ancien vice-président de la Banque de développement des BRICS, les parts du R5 seraient fixées en fonction du poids économique des membres : 40 % pour le yuan, 25 % pour la roupie, 15 % pour le rouble et le real, et 5 % pour le rand sud-africain. Ce panier, initialement arrimé au DTS, permettrait d'amortir la volatilité en équilibrant des monnaies aux cycles économiques opposés, exportateurs de matières premières d'un côté (Brésil, Russie, Afrique du Sud), importateurs de l'autre (Inde, Chine).

Le R5 pourrait d'abord être une unité de compte, sans émission physique ni remplacement des monnaies nationales. Sa version digitale serait utilisée pour les règlements entre banques centrales, servant aussi de monnaie de réserve et d'épargne, sans nécessiter la création d'une banque centrale unique. En lieu et place de l'or, sa valeur serait plutôt garantie par des obligations émises par la future banque du R5, à l'image du modèle du dollar. Dans cette configuration, le yuan, par son poids et son usage croissant, est bien placé pour piloter cette internationalisation monétaire tout en s'abritant derrière la démarche collective des BRICS. À long terme, le R5 pourrait s'étendre comme moyen de règlement et réserve officielle, notamment pour les banques centrales du Sud global, si des plateformes régionales en monnaies locales émergent.

Mais ce projet n'est pas sans obstacles : l'hétérogénéité des économies BRICS complique la coordination, tandis que la convertibilité limitée de certaines devises, en particulier le yuan et la roupie, freine leur rôle de monnaies de réserve. Par ailleurs, le manque de confiance institutionnelle entre les membres et le scepticisme des marchés internationaux, qui voient ce projet comme politique plus que stable, risquent d'entraver son adoption. Le contrôle étroit du yuan par Pékin suscite aussi des craintes de domination unilatérale au sein du groupe. Le R5 incarne ainsi l'audacieuse volonté du Sud global de refaçonner l'ordre monétaire international. Mais son succès dépendra moins des discours que de la capacité des BRICS à bâtir un cadre institutionnel crédible, inclusif et solide, condition indispensable pour que cette ambition devienne réalité.

Comment Pékin soutient la montée en puissance du yuan

L'internationalisation du renminbi a réellement pris son envol en 2009, dans le sillage de la crise financière mondiale, alors que des doutes croissants s'élevaient sur la stabilité du système monétaire international dominé par le dollar. En l'espace de quinze ans, la monnaie chinoise est passée d'un usage international quasi nul à une présence significative sur les marchés mondiaux, une progression marquée certes par des à-coups, mais constante. Cette dynamique s'explique par plusieurs facteurs : les premiers effets des réformes des systèmes de règlement, l'expansion continue de la taille de l'économie et du commerce chinois, l'ouverture progressive (et parfois irrégulière) du compte de capital, les fluctuations du taux de change du renminbi (ou RMB, nom officiel du yuan) face aux principales devises internationales comme le dollar américain, le renforcement de la coopération monétaire et financière internationale, et surtout, l'impulsion donnée par la Banque populaire de Chine elle-même, fer de lance de cette montée en puissance.

Ce processus s'est structuré autour de réformes profondes, marquant une transition majeure d'un modèle fondé sur le commerce transfrontalier à un modèle tourné davantage vers les flux financiers. Si le commerce avait été le principal moteur à l'origine, les investissements directs, les placements en titres et les prêts bancaires ont désormais pris le relais, avec un volume de transactions en RMB largement supérieur à celui généré par les échanges commerciaux. Cette évolution a été soutenue par une série d'innovations financières : la mise en place des dispositifs Stock Connect entre les Bourses continentales chinoises et Hong Kong, du Bond Connect ou encore du Swap Connect, ont renforcé l'accessibilité des investisseurs étrangers au marché obligataire chinois. La Banque populaire de Chine a également stabilisé le marché offshore en émettant régulièrement des bons à Hong Kong et en favorisant le développement d'instruments financiers libellés en RMB, tels que des options, des futures, des ETF et des fonds immobiliers cotés (REITs). En parallèle, l'intégration du RMB dans le panier des Droits de Tirage Spéciaux (DTS) du FMI – avec une pondération passée de 10,92 % en 2016 à 12,28 % en 2022 – a constitué une reconnaissance internationale de son poids croissant.

Le RMB a aussi commencé à jouer un rôle dans la cotation des matières premières mondiales, avec 24 produits financiers internationaux ouverts aux investisseurs étrangers, et un montant de règlements transfrontaliers atteignant 2 100 milliards de yuans en 2023 (soit l'équivalent de 300 milliards de dollars). Par ailleurs, l'Initiative des Nouvelles Routes de la Soie (BRI) a servi de vecteur d'expansion stratégique du RMB, grâce à une coopération monétaire renforcée avec les partenaires de la BRI et une réduction des coûts de conversion pour les entreprises. Enfin, la Chine a considérablement développé ses infrastructures de paiement, notamment à travers son système de paiement interbancaire transfrontalier (CIPS), qui a traité 175 000 milliards de yuans de paiements transfrontaliers en 2024 (+43 % sur un an), pour un total cumulé proche des 600 000 milliards. Dans un contexte mondial de remise en question de la domination du dollar, ces transformations techniques, économiques et institutionnelles renforcent la crédibilité du RMB comme alternative crédible et pérenne sur la scène monétaire internationale.

En chinois, le mot désignant la monnaie s'écrit avec deux idéogrammes : 货币. Le premier, 货 (huò), signifie « marchandises », « biens », tandis que le second, 币 (bì), désigne la « monnaie » ou « devise ». Autrement dit, dans la pensée chinoise classique, l'argent (币) n'est pas une abstraction : il est indissociable des biens qu'il permet d'échanger (货). Cette association reflète le pragmatisme chinois classique, nommant les choses en fonction de leur usage concret. Cette référence linguistique s'inscrit dans la même veine que les ambitions chinoises pour le yuan. Dans une économie mondiale fragmentée et en recomposition, Pékin cherche moins à imposer sa devise comme symbole de pouvoir abstrait qu'à l'ancrer dans des circuits réels d'échange, qu'il s'agisse de commerce bilatéral, de financement d'infrastructures, ou de flux d'investissement dans ses marchés financiers.

La réforme économique chinoise à l'épreuve du leadership mondial

Qu'est-ce qui fait d'une monnaie nationale une devise internationale ? Trois critères sont essentiels : la taille, la liquidité, et la crédibilité.

D'abord, l'économie émettrice doit être d'envergure mondiale, en termes de PIB, de commerce extérieur, et de marchés financiers. Une telle dimension assure une intégration profonde dans les échanges mondiaux, et donc une influence certaine dans le choix des devises utilisées à l'international. Ensuite, le pays doit disposer de marchés financiers développés, liquides, appuyés par des infrastructures robustes, une diversité d'instruments financiers et une certaine ouverture du compte de capital. Enfin, la crédibilité de l'économie, de son système financier et de sa monnaie est cruciale : elle repose sur la stabilité macroéconomique, une banque centrale indépendante, un cadre réglementaire transparent, la protection des droits de propriété et un climat propice à l'investissement.

C'est dans cette optique que la Chine a entamé une refonte profonde de son modèle économique depuis son entrée dans l'OMC en 2001. Le commerce extérieur a longtemps été le moteur de sa croissance, atteignant un pic de 64 % de dépendance au commerce en 2006 selon les données de la Banque mondiale. Mais cette dépendance excessive a engendré des déséquilibres : pression à la hausse sur le yuan, tensions commerciales accrues, et vulnérabilité stratégique face aux cartels internationaux de matières premières. Sans oublier les critiques récurrentes sur une politique de prédation des ressources mondiales. En réponse, la Chine a progressivement réorienté sa trajectoire : en 2023, son taux de dépendance commerciale est retombé à 37 %.

Ce recentrage s'est accéléré après la crise financière de 2008, mais c'est en 2020 que Pékin a théorisé un nouveau paradigme : la « double circulation ». L'idée ? Articuler un modèle dans lequel la circulation intérieure devient la force motrice de la croissance, tout en maintenant des échanges extérieurs dynamiques. Cette stratégie est désormais au cœur du 14e Plan quinquennal et s'est matérialisée par l'appel, en avril 2022, à construire un « marché national unifié ». Objectif : briser les cloisonnements locaux, éliminer les protections régionales et créer un grand marché intérieur fluide, capable de soutenir une croissance autonome.

Le pilier de cette réforme ? La mise en marché des facteurs de production, désormais étendue aux données, aux côtés du travail, de la terre, du capital et de la technologie. La Chine mise sur une économie numérique puissante, en industrialisant les technologies digitales et en modernisant les secteurs traditionnels. Depuis 2020, cette stratégie a stimulé la productivité grâce à une intégration croissante du facteur « données » dans les chaînes de valeur.

Mais derrière ces mutations, la véritable force du modèle chinois réside dans son économie mixte unique, comme l'analyse l'économiste chinoise Jin Keyu. Elle met en lumière l'agilité institutionnelle née de la compétition entre provinces, qui accélère l'innovation et la croissance. Or, au-delà de cette dynamique, c'est surtout la cohabitation stratégique entre les entreprises publiques et privées qui fait la différence. Loin d'être antagonistes, ces deux piliers se complètent.

Prenons l'économie numérique : les entreprises publiques construisent les infrastructures de pointe, pendant que les entreprises privées, comme ByteDance ou DeepSeek, innovent sur les applications et les usages. Résultat : des succès mondiaux, une consommation intérieure dopée et une présence technologique chinoise accrue sur la scène internationale. DeepSeek, un modèle d'IA développé à Hangzhou, a même fait vaciller les marchés boursiers américains, causant un choc temporaire pour les entreprises d'IA cotées.

Mais cette montée en puissance ne signifie pas pour autant une volonté d'hégémonie. La Chine n'a aucun intérêt à remplacer les États-Unis comme puissance dominante mondiale. Entrer dans ce que les politologues appellent le « piège de Kindleberger », où le nouveau leader doit assumer les coûts de la stabilité globale, les responsabilités diplomatiques et le risque de conflits croissants, serait contraire à sa vision. Pékin affiche au contraire l'idée d'une ascension pacifique, fondée sur l'interdépendance économique, le multilatéralisme, et le respect des souverainetés.

Le yuan comme pôle de stabilité

Toutefois, la seule puissance économique de la Chine ne suffit pas à faire du renminbi une monnaie véritablement globale. L'histoire rappelle que la domination monétaire ne suit pas automatiquement la montée en puissance économique. Les États-Unis ont dépassé le Royaume-Uni en PIB dès la fin du XIXème siècle, mais Londres est restée la capitale financière du monde. Ce n'est qu'après la Première Guerre mondiale, et surtout après 1945, que le dollar a pris le relais, soutenu par une influence militaire, institutionnelle, technologique et culturelle sans équivalent.

La Chine, malgré son statut de superpuissance manufacturière (seul pays au monde possédant toutes les catégories industrielles répertoriées dans la classification industrielle des Nations Unies) et sa croissance soutenue, ne dispose pas encore d'un réseau d'alliances structuré, ni d'un système financier suffisamment ouvert et fiable pour garantir la liquidité et la confiance nécessaires à une monnaie de réserve globale. Son budget militaire reste le tiers de celui des États-Unis, et sa présence géopolitique demeure limitée, avec 2 bases militaires à l'étranger (comparé aux centaines des États-Unis) et une unique alliance formelle avec la Corée du Nord. À l'inverse, les États-Unis bénéficient d'un ancrage stratégique via l'OTAN, l'AUKUS ou le QUAD, et d'une capacité à externaliser les coûts de leur puissance grâce à l'internationalisation du dollar.

Pour autant, l'histoire n'est pas linéaire. Des événements imprévisibles peuvent accélérer ou bouleverser les équilibres existants. La domination américaine repose sur un modèle de consommation intense voire insoutenable, des déséquilibres commerciaux chroniques et un système politique de plus en plus instable, comme l'a illustré la politique erratique de Donald Trump. Sa « Trade War 2.0 », relancée en 2025, pourrait, par effet boomerang, pousser Pékin à accélérer la mise en place d'alternatives financières crédibles, et renforcer l'attractivité du yuan dans les échanges Sud-Sud. En somme, si le yuan n'a pas vocation à remplacer le dollar d'ici 2050, il pourrait néanmoins devenir un des piliers d'un système monétaire plus fragmenté, où coexisteraient plusieurs pôles de stabilité.

C'est un modèle hybride, pragmatique et encore en évolution que la Chine propose : une superpuissance qui cherche moins à dominer qu'à transformer l'ordre existant depuis l'intérieur. Si l'avenir du renminbi en tant que monnaie internationale reste incertain, il est clair que la Chine entend s'appuyer sur sa puissance commerciale et financière pour transformer lentement le yuan en une devise de référence fonctionnelle.

Par Haifei Lu

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Quelle riposte à la guerre commerciale de Trump ?

3 juin, par Arnaud Zacharie — , , ,
Pour faire face à la guerre commerciale de Trump, qui vise à imposer la domination américaine et affaiblir les régulations environnementales, sociales et numériques, l'UE doit (…)

Pour faire face à la guerre commerciale de Trump, qui vise à imposer la domination américaine et affaiblir les régulations environnementales, sociales et numériques, l'UE doit refuser aussi bien l'escalade tarifaire que la logique de soumission, et apporter une réponse stratégique basée sur la coopération, la durabilité et la solidarité internationale.

Carta Academica est un collectif d'universitaires belges qui a décidé d'intervenir dans le débat public

L'Administration Trump a déclaré une guerre commerciale au reste du monde. En particulier, elle a annoncé lors du « Liberation Day » du 2 avril 2025 l'imposition de « droits réciproques » sur toutes les marchandises importées et s'est lancée dans une escalade tarifaire d'une ampleur inédite avec la Chine (145%). Certes, ces annonces ont été revues à la baisse à de multiples reprises en fonction des réactions des partenaires commerciaux et des marchés financiers. Il n'en reste pas moins que les droits de douane en vigueur représentent, même après les suspensions et exemptions annoncées, un puissant choc protectionniste qui ébranle les chaînes de production mondiales.

Il s'agit moins d'une rupture qu'un durcissement de la politique commerciale appliquée lors du premier mandat de l'Administration Trump. La même rhétorique présentant les États-Unis comme les victimes d'accords commerciaux inéquitables est mobilisée. Les droits de douane permettent selon cette rhétorique de faire d'une pierre trois coups : réduire le déficit commercial, relocaliser les industries et enregistrer d'importantes recettes fiscales.

Bien que s'inscrivant dans la continuité de son premier mandat, l'ampleur et la radicalité de ce durcissement, s'il était confirmé, provoquerait une rupture radicale avec l'ordre économique mondial post-1945 dirigé par les États-Unis. Il est crucial pour le reste du monde, à commencer par l'Union européenne et les pays en développement, de prendre la mesure de cette rupture radicale et de s'y adapter.

L'impact économique aux États-Unis

Les droits de douane peuvent s'avérer utiles pour protéger des industries naissantes et des secteurs stratégiques, garantir la souveraineté alimentaire ou se prémunir contre la concurrence déloyale et le dumping social ou environnemental. Mais la stratégie de l'Administration Trump, qui consiste à imposer des droits de douane sur quasi toutes les marchandises de presque tous les pays, a toutes les chances de manquer sa cible et de provoquer plusieurs effets contre-productifs.

D'ailleurs, la stratégie des droits de douane appliqués lors du premier mandat de l'Administration Trump a été un échec : le déficit commercial des États-Unis a augmenté de 870 à 1 173 milliards de dollars entre 2018 et 2022, l'impact sur la réindustrialisation et les emplois a été nul, les recettes douanières n'ont représenté que 2% des recettes publiques et le coût des droits de douane a été quasi intégralement payé par les ménages américains[1].

La Chine a en outre rendu coup pour coup et n'a pas hésité à suspendre les exportations de terres rares dont les secteurs stratégiques américains ont besoin. La faiblesse des États-Unis est que leurs exportations vers la Chine sont très centrées sur les produits agricoles, que la Chine peut facilement trouver auprès d'autres fournisseurs comme le Brésil, alors que de nombreux biens importés de Chine concernent des équipements électroniques et des composants industriels essentiels pour les entreprises américaines[2].

L'impact économique dans le reste du monde

La guerre commerciale ayant des effets sur les chaînes de valeur mondiales, personne n'est épargné par ses conséquences économiques et sociales. Les entreprises et les consommateurs doivent faire face à la hausse des prix et les pays dont l'économie repose sur les exportations vers les États-Unis sont directement pénalisés.

Le choc est brutal pour les pays en développement, qui se voient privés des préférences commerciales en plus des programmes de l'USAID dont ils bénéficiaient. Quant à l'Union européenne, outre le coût des droits de douane, elle risque de voir affluer sur son territoire les produits bon marché que la Chine ne peut plus exporter aux États-Unis. Déjà, les droits de douane imposés le 12 mars par les États-Unis sur l'acier et l'aluminium se sont directement traduits par des exportations croissantes d'acier chinois en Europe, incitant la Commission européenne à appliquer des mesures de sauvegarde pour protéger la sidérurgie européenne.

La stratégie politique de Trump

La stratégie commerciale de l'Administration Trump, qui traite ses alliés sur le même pied que ses rivaux stratégiques, s'inscrit dans une stratégie politique plus large. Les droits de douane sont ainsi utilisés comme levier de négociation pour refonder l'ordre international selon les intérêts économiques et idéologiques de l'Administration Trump, qui défend une conception « néo-impériale » des relations internationales et un ordre mondial fondé sur la domination plutôt que sur la coopération[3].

C'est dans cette optique que l'Administration Trump revendique le contrôle des minerais stratégiques (au Groenland, au Canada, en Ukraine), des routes maritimes (le canal de Panama), des données personnelles (en contestant les réglementations de l'UE sur les services numériques). L'objectif de puissance est également monétaire, selon la stratégie du conseiller économique en chef de l'Administration Trump, Stephen Miran[4], qui vise à utiliser la menace des droits de douane et de la fin du parapluie militaire américain pour forcer les autres puissances à accepter de collaborer pour opérer une dévaluation du dollar et financer la dette américaine à long terme à des taux d'intérêt faibles.

C'est aussi dans cette optique qu'elle cherche à imposer son idéologie conservatrice de la société en exigeant la fin des politiques de diversité, des réglementations environnementales, du droit à l'avortement ou du cordon sanitaire contre les partis d'extrême droite dans les pays européens.

Comment répondre à la stratégie de Trump ?

Etant donné que le coût des droits de douane de l'Administration Trump est essentiellement payé par les ménages américains, il n'est pas indiqué d'y répondre en faisant la même chose ; mieux vaut laisser le gouvernement des États-Unis se tirer une balle dans le pied, et chercher d'autres partenaires commerciaux plus fiables[5].

Il est néanmoins crucial de riposter, car il s'agit d'un rapport de force et d'un moyen de coercition utilisé par l'Administration Trump pour imposer ses vues économiques et idéologiques. Le défi consiste à frapper fort en ciblant les talons d'Achille des États-Unis tout en restant inflexible dans la défense des valeurs de démocratie, de coopération et de solidarité et d'un modèle de société juste et durable.

L'Administration Trump veut éviter aux géants du numérique d'être soumis aux législations européennes qui protègent les données personnelles ou qui empêchent la désinformation et les propos haineux sur les réseaux sociaux ? Il faut non seulement appliquer ces législations, mais aussi cibler les profits enregistrés par les filiales de ces géants dans l'UE et les milliardaires qui les possèdent et qui soutiennent la politique du président Trump[6].

Trump veut empêcher les politiques de lutte contre le dérèglement climatique et démanteler le Green Deal ? L'UE pourrait cibler les produits qui ne respectent pas les normes environnementales et sanitaires, en imposant des mesures miroirs ou en renforçant le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'UE ou la directive sur le devoir de vigilance des multinationales en matière de droits humains[7].

Les États-Unis veulent tuer la concurrence et libérer les entreprises américaines des objectifs de durabilité ? L'UE pourrait adopter un « Buy European and Sustainable Act » en vue de favoriser le développement des entreprises européennes durables via la commande publique[8].

L'Administration Trump souhaite utiliser les droits de douane comme moyen de coercition ? L'UE peut activer l'Instrument anti-coercition, adopté en 2023 dans le but de pouvoir imposer des mesures anti-dumping aux pays qui restreignent le commerce pour tenter d'imposer un changement dans la politique de l'UE.

Les États-Unis veulent mettre fin aux tarifs préférentiels dont bénéficient les pays en développement et mettre fin aux programmes de coopération au développement de l'USAID ? L'UE devrait négocier des accords commerciaux garantissant à la fois un traitement spécial et différencié aux pays en développement et des normes sociales et environnementales contraignantes, tout en augmentant son budget d'aide au développement.

Malheureusement, les réponses apportées à ce jour par la Commission européenne ne sont guère encourageantes et l'Administration Trump dispose de puissants relais parmi les États membres (à commencer par l'Italie de Georgia Meloni qui milite pour mettre fin au Green Deal) et au sein du Parlement européen (où le PPE et les partis nationalistes et d'extrême droite considèrent que la Commission européenne ne va pas assez loin dans la déréglementation environnementale et sanitaire).

Il est donc à craindre que l'offensive de l'Administration Trump débouche sur une vague de déréglementation alimentant une course au moins-disant fiscal, social, environnemental et sanitaire en Europe et dans le monde, mais il est encore temps de prendre la mesure de la rupture en cours et de se donner les moyens de disposer d'une autonomie stratégique durable soutenue par une politique commerciale ouverte, mais encadrée par des règles contraignantes d'intérêt général au service de la santé, du travail décent, du climat et du développement durable.

Arnaud Zacharie, Maitre de conférences à l'ULB et à l'ULiège et Secrétaire général du Centre national de coopération au développement (CNCD-11.11.11), pour Carta Academica (https://www.cartaacademica.org/).

Les points de vue exprimés dans les chroniques de Carta Academica sont ceux de leur(s) auteur(s) et/ou autrice(s) ; ils n'engagent en rien les membres de Carta Academica, qui, entre eux d'ailleurs, ne pensent pas forcément la même chose. En parrainant la publication de ces chroniques, Carta Academica considère qu'elles contribuent à des débats sociétaux utiles. Des chroniques pourraient dès lors être publiées en réponse à d'autres. Carta Academica veille essentiellement à ce que les chroniques éditées reposent sur une démarche scientifique.

Notes

[1] Bouët A., « Après l'échec des droits de douane de Trump 1, pourquoi cela serait-il un succès sous Trump 2 ? », The Conversation, 3 avril 2025.

[2] Krugman P., « Why Trump will lose his trade war », Substack, 16 avril 2025.

[3] Viala-Gaudefroy J., « Droits de douane et nostalgie impériale : la vision économique très politique de Donald Trump », The Conversation, 8 avril 2025.

[4] La doctrine Miran : le plan de Trump pour disrupter la mondialisation | Le Grand Continent

[5] Rodrik D., « How not to respond to Trump's tariffs », Project Syndicate, 6 février 2025.

[6] Zucman G., « Avec le retour de Donald Trump, l'Europe doit s'engager dans un protectionnisme d'interposition », Le Monde, 20 janvier 2025.

[7] Dupré M., Colli M, Garnier J.F., « L'UE doit rapidement inventer un néoprotectionnisme vertueux », Le Monde, 28 Février 2025.

[8] Note politique - Les marchés publics au service de l'emploi et du climat

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Trump, protectionnisme et conflit impérial dans le capitalisme mondial

3 juin, par Ashley Smith, Michael Roberts — , , ,
L'administration Trump a pris les rênes à Washington en menant une véritable guerre de classe, en désignant des boucs émissaires parmi les groupes opprimés et en restructurant (…)

L'administration Trump a pris les rênes à Washington en menant une véritable guerre de classe, en désignant des boucs émissaires parmi les groupes opprimés et en restructurant en profondeur l'appareil d'État.

27 mai 2025 | tiré de contretemps.eu

Parallèlement à cette offensive intérieure, elle a mis en œuvre une nouvelle stratégie d'unilatéralisme radical sous la bannière de « America First » : elle a imposé des tarifs douaniers sans précédent, menacé d'annexer des territoires souverains et engagé une rivalité féroce avec les autres grandes puissances pour le partage du monde en zones d'influence.

Dans cet entretien, Ashley Smith interroge Michael Roberts sur Donald Trump, les oligarques qui l'entourent et les répercussions de leur projet sur la trajectoire des États-Unis, le capitalisme mondial et la concurrence impérialiste.

Ashley Smith — Le régime Trump vient de franchir le cap des cent premiers jours. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il bouleverse en profondeur l'ordre politique et économique, aux États-Unis comme à l'échelle mondiale. Ce second mandat tranche nettement avec le premier, marqué par l'impréparation et les divisions internes entre républicains de l'establishment et nouveaux nationalistes autoritaires.

Désormais, l'équipe au pouvoir affiche une plus grande cohérence, articulée autour du Projet 2025. Mais elle reste traversée par des tensions : entre l'extrême droite MAGA — protectionniste, à l'image de Peter Navarro — et des capitalistes comme Elon Musk, qui voient dans les droits de douane un levier pour obtenir un meilleur rapport de force au sein du système mondial.

Quelle est la nature de ce régime Trump 2.0 ? Quelles lignes de fracture le traversent ? Et quel programme commun ces différentes factions cherchent-elles à mettre en œuvre ?

Michael Roberts — Comme vous le soulignez, Trump 2.0 se distingue nettement de son premier mandat. Il peut toujours compter sur le noyau dur de la mouvance MAGA, enracinée dans les rangs du Parti républicain : petits patrons, animateurs de télévision, agents immobiliers, mais aussi une frange fasciste intransigeante qui le soutient coûte que coûte. Leur objectif est clair : gouverner par la démagogie, attiser le racisme, abolir ce qu'ils nomment le « wokisme » et écraser toute forme de contestation.

Mais Trump bénéficie désormais du soutien d'une nouvelle coalition d'oligarques milliardaires — étrangers au monde traditionnel de la finance et des grandes entreprises de Wall Street. Elon Musk en est un représentant typique : un cow-boy du capitalisme dérégulé, prêt à accaparer autant de richesses que possible. Trump est l'un des leurs. Lors de son premier mandat, les géants de la tech et des réseaux sociaux ne le soutenaient guère. Mais sa victoire inattendue et ses attaques contre le statu quo ont fini par les amener à rallier sa bannière.

Pour autant, les secteurs dominants de la finance et du big business restent prudents. Leur logique est plus internationaliste : ils maximisent leurs profits à travers les investissements mondiaux, non en repliant leurs activités sur le territoire national. Ces élites financières restent donc en retrait, prêtes à se désengager si les politiques de Trump menacent leurs intérêts. Pour le moment, elles espèrent que les mesures tarifaires resteront limitées, que les réductions fiscales seront effectives, et que les coupes dans les dépenses publiques leur profiteront — sans entrer, pour l'heure, en opposition frontale.

Ashley Smith – Alors que de larges pans du capital avaient soutenu Kamala Harris lors de la présidentielle, ils ont finalement accueilli favorablement l'arrivée de Trump au pouvoir, l'inondant de financements en espérant qu'il renonce à ses menaces protectionnistes pour se concentrer sur les baisses d'impôts et la déréglementation.

Pourtant, le jour qu'il a lui-même désigné comme celui de la « libération », Trump a imposé des droits de douane dits « réciproques » à presque tous les pays du monde. Le capital a réagi négativement à cette mesure, provoquant l'effondrement des marchés boursiers, obligataires et du dollar, et contraignant Trump à faire marche arrière. Il a maintenu un tarif global de 10 %, suspendu les droits les plus élevés pour permettre des négociations, prévu des exemptions, et recentré sa guerre commerciale sur la Chine.

Pourquoi le capital s'est-il globalement opposé à ces droits de douane réciproques ? Quels sont les secteurs qui les soutiennent ? Que signifie le recul de Trump pour l'ensemble de son programme protectionniste ? Veut-il réellement bouleverser le système commercial mondial ou simplement obtenir de meilleures conditions dans le cadre existant ? Les États-Unis et la Chine peuvent-ils vraiment se découpler ?

Michael Roberts – S'adressant au Congrès des États-Unis après cent jours de mandat, Donald Trump a affirmé que les nouveaux droits de douane imposés aux principaux partenaires commerciaux des États-Unis ne provoqueraient qu'une « légère perturbation ». Le 2 avril, qu'il a surnommé « jour de la libération », il a proposé des droits de douane « réciproques » pour tous les pays exportant vers les États-Unis. À l'aide d'une formule simpliste — déficit commercial bilatéral des États-Unis divisé par le volume des importations depuis ce pays, puis encore divisé par deux —, son équipe a calculé les hausses tarifaires pays par pays.

Cette formule est absurde à plusieurs titres. D'abord, elle exclut le commerce des services, où les États-Unis sont excédentaires avec nombre de pays. Ensuite, elle impose des droits de douane de 10 %, y compris à des pays où les États-Unis enregistrent un excédent commercial sur les biens. Elle ne tient pas compte des barrières tarifaires ou non tarifaires réellement appliquées par les pays partenaires, ni des nombreuses barrières que les États-Unis eux-mêmes imposent aux exportations étrangères. L'objectif de Trump est clair : restaurer la base manufacturière étatsunienne.

Une part importante des importations étatsuniennes en provenance de pays comme la Chine, le Viêt Nam, l'Europe, le Canada ou le Mexique provient en réalité de filiales d'entreprises étatsuniennes implantées à l'étranger, qui produisent à moindre coût. Depuis quarante ans, dans le cadre de la mondialisation, les multinationales des États-Unis, d'Europe et du Japon ont délocalisé leur production vers le Sud global, attirées par une main-d'œuvre bon marché, l'absence de syndicats et de réglementations, et la possibilité d'exploiter les technologies les plus récentes. Mais les pays d'Asie ont réussi à industrialiser rapidement leurs économies, gagnant ainsi des parts de marché dans la fabrication et l'exportation, tandis que les États-Unis se repliaient sur le marketing, la finance et les services.

Est-ce important ? Trump et son équipe le croient. Leur objectif stratégique est d'affaiblir et d'étrangler la Chine afin de provoquer un « changement de régime » et de rétablir l'hégémonie étatsunienne sur l'Amérique latine et le Pacifique, renouant ainsi avec l'esprit de la doctrine Monroe. Pour cela, les États-Unis doivent disposer d'une force militaire écrasante. Trump a annoncé un budget militaire record de 1 000 milliards de dollars par an. Mais les industriels de l'armement ne sont pas en mesure de soutenir un tel effort sans une base productive solide sur le sol national.

Joe Biden a tenté de répondre à ce besoin via une politique industrielle subventionnant les technologies et les infrastructures. Mais cela s'est traduit par une forte hausse des dépenses publiques, propulsant le déficit budgétaire à des niveaux inédits. Trump, lui, préfère imposer des droits de douane pour forcer les entreprises étatsuniennes à relocaliser leur production et inciter les entreprises étrangères à investir directement aux États-Unis. Selon lui, cette stratégie permettrait de renforcer la production nationale, d'accroître les dépenses militaires, de baisser l'impôt des entreprises, tout en réduisant les dépenses civiles et en stabilisant le dollar.

Cette stratégie est-elle viable ? Certains analystes — même à gauche — le pensent. Il est vrai que plusieurs alliés semi-dépendants des États-Unis semblent prêts à céder aux exigences de Trump : c'est le cas de la Corée du Sud, du Japon ou encore du Royaume-Uni. Mais cela sera insuffisant pour inverser la tendance. Les partisans de Trump rappellent que les États-Unis ont déjà réussi, par le passé, à modifier les équilibres économiques mondiaux en leur faveur. En 1971, Nixon a mis fin à la convertibilité du dollar en or pour financer les importations et les investissements à l'étranger. Cette décision a érigé le dollar en monnaie hégémonique mondiale. Cela n'a toutefois pas empêché l'érosion des parts de marché manufacturières des États-Unis dans les années 1970.

En 1979, Paul Volcker (1927-2019), président de la Réserve fédérale, a relevé les taux d'intérêt à 19 % pour juguler l'inflation, ce qui a provoqué une récession mondiale profonde. Le dollar s'est alors apprécié au point que l'industrie étatsunienne a commencé à délocaliser massivement sa production. C'était le début de l'ère néolibérale. En 1985, les États-Unis ont obtenu de leurs partenaires commerciaux un renforcement de leurs monnaies face au dollar (Accords du Plaza). Cet accord a contribué à démanteler la puissance industrielle japonaise, mais n'a pas permis de restaurer la base manufacturière étatsunienne. Il en ira de même aujourd'hui : l'augmentation des droits de douane ne suffira pas.

Pour redevenir compétitive, l'industrie étatsunienne doit disposer d'une avance technologique qui permette de réduire fortement les coûts de main-d'œuvre. Si les États-Unis possèdent encore le deuxième secteur manufacturier mondial (13 % de la production, contre 35 % pour la Chine), l'emploi manufacturier a chuté depuis la fin des années 1960. Ce déclin s'explique davantage par la baisse de rentabilité du secteur et la substitution de la technologie à la main-d'œuvre que par la libéralisation du commerce.

D'ailleurs, l'équipe de Trump mise sur une relance industrielle par les robots et l'intelligence artificielle — ce qui ne créera que très peu d'emplois. Voilà qui relativise l'affirmation de Trump selon laquelle il serait « fier d'être le président des travailleurs, pas des sous-traitants ; le président qui défend Main Street, pas Wall Street ».

En réalité, M. Trump ne peut pas faire machine arrière et redonner aux États-Unis leur statut de première puissance manufacturière mondiale. Ce navire a déjà coulé. Avec la mondialisation, la chaîne de valeur de l'industrie est devenue transnationale : composants et matières premières sont dispersés à l'échelle de la planète. Comme l'a souligné le Wall Street Journal : « Même si les exportations manufacturières étatsuniennes augmentaient suffisamment pour combler le déficit commercial — ce qui est hautement improbable —, et si l'emploi croissait dans les mêmes proportions, la part de la main-d'œuvre dans l'industrie manufacturière ne passerait que de 8 à 9 %. Ce n'est pas vraiment une transformation. »[1]

Si Trump veut restaurer la base industrielle du pays, cela nécessiterait des investissements massifs sur le territoire national. Or, les entreprises étatsuniennes, à l'exception des « Sept Magnifiques » (les géants du numérique), connaissent déjà une rentabilité relativement faible, et sont donc peu enclines à se lancer dans de tels investissements — sauf dans le secteur de l'armement, financé par des contrats publics.

La réaction d'Elon Musk, ancien conseiller de Trump, face à la hausse des droits de douane, est révélatrice de l'attitude des grandes entreprises : Musk a violemment attaqué Peter Navarro (1949), conseiller économique de Trump, le qualifiant de « crétin » et de « plus bête qu'un sac de briques », après que Navarro l'a accusé d'opposer aux tarifs douaniers des objections intéressées (ce qui, au demeurant, est exact).[2]

Trump et les stratèges du camp MAGA considèrent que tous ces chocs sont le prix à payer pour restaurer l'hégémonie manufacturière étatsunienne. Une fois la tempête passée, affirment-ils, l'Amérique sera redevenue « grande ». La destruction du commerce mondial engendrerait selon eux un renouveau « créatif » — du moins pour les États-Unis. Mais cette vision relève de l'illusion. La chute annoncée de Trump ne fera que confirmer l'échec de cette stratégie.

En dépit de l'impasse évidente que représentent les droits de douane comme levier de réindustrialisation, Trump semble déterminé à poursuivre son agenda protectionniste jusqu'au bout. Cela ne peut qu'accélérer l'émergence d'une nouvelle crise — aux États-Unis comme dans les principales économies mondiales. Il ne s'agit pas d'un simple facteur aggravant, mais bien d'un déclencheur. Car ces économies, y compris celle des États-Unis, connaissent déjà un ralentissement structurel.

En période de récession imminente, il est d'usage que les investisseurs se tournent vers les obligations d'État, perçues comme des valeurs refuges. Mais cette fois, ce schéma ne se reproduit pas : les prix des obligations chutent, tout comme le dollar, sous l'effet conjugué des craintes d'inflation et des doutes croissants sur la sécurité des actifs libellés en dollars. La Chambre de Commerce Internationale des États-Unis est si alarmée par la situation qu'elle évoque un risque de krach comparable à celui de la Grande Dépression des années 1930, si Trump ne renonce pas à ses projets.

« Ce qui nous inquiète profondément, c'est que cela puisse marquer le début d'une spirale descendante nous ramenant à l'ère des guerres commerciales des années 1930 », a déclaré Andrew Wilson, secrétaire général adjoint de la CCI. Les mesures de Trump pourraient donc s'avérer bien plus qu'une « petite perturbation ».

Ashley Smith –Adam Tooze a mis en garde contre le « lavage de cerveau » que constituent les politiques tarifaires erratiques de Trump. Pourtant, au milieu de toutes les menaces et des volte-face, Stephen Miran — président du Conseil des conseillers économiques de Trump — a exposé un argumentaire cohérent en faveur des droits de douane.

Selon lui, ceux-ci permettraient de réduire le déficit commercial des États-Unis, de relocaliser la production industrielle, et d'affaiblir le dollar pour stimuler les exportations tout en maintenant son statut de monnaie de réserve mondiale. Il serait même question d'un accord à Mar-a-Lago visant à rééquilibrer les monnaies et les échanges commerciaux.

Que pensez-vous du plan de Miran ? Est-il viable ? Quels problèmes pourrait-il engendrer ?

Michael Roberts – Contrairement à ce que pense Adam Tooze (1967), je crois qu'il y a une méthode dans cette folie. [3]Sur le plan international, Trump cherche à « rendre sa grandeur à l'Amérique » en augmentant le coût des biens importés pour les entreprises et les ménages étatsuniens. En réduisant cette demande, il espère diminuer le déficit commercial abyssal du pays avec le reste du monde. L'objectif est aussi de contraindre les entreprises étrangères à produire et investir directement aux États-Unis plutôt que d'y exporter.

Même si Trump a momentanément renoncé à appliquer ses droits de douane « réciproques » à tous les pays du globe — y compris les îles Heard-et-MacDonald, peuplées uniquement de manchots et situées à deux mille kilomètres au sud-ouest de l'Australie —, la guerre tarifaire est loin d'être terminée. La trêve de quatre-vingt-dix jours s'achève début juillet.

Trump a reculé face à des signes croissants de tensions sur le marché obligataire, susceptibles d'entraîner un resserrement du crédit, notamment pour les fonds spéculatifs détenant d'importants volumes d'obligations étatsuniennes. Si les cours avaient plongé, de nombreuses entreprises auraient été menacées de faillite — en particulier les « entreprises zombies », surendettées, qui représentent environ 20 % du tissu entrepreneurial étatsunien. Un tel enchaînement aurait pu déboucher sur un krach financier et une récession majeure.

Ce n'était pas la seule menace. La hausse de 125 % des droits de douane sur les importations en provenance de Chine risquait d'entraver les exportations de produits de consommation high-tech des entreprises étatsuniennes implantées en Chine. Des firmes comme Apple, qui exportent massivement depuis la Chine, auraient été directement touchées : environ 90 % de la production et de l'assemblage des iPhones y sont localisés.

Pourtant, les travailleurs chinois ne représentent que moins de 2 % du coût total de production d'un iPhone, tandis qu'Apple dégage une marge brute estimée à 58,5 % sur ses téléphones. Rompre cette chaîne d'approvisionnement aurait davantage nui aux États-Unis qu'à la Chine. Les entreprises étatsuniennes ont protesté vivement, et Trump a dû faire marche arrière. Tous les produits technologiques grand public importés de Chine — soit 22 % du total des importations étatsuniennes depuis ce pays — ont été exemptés.

L'absurdité de la stratégie tarifaire de Trump se confirme encore par le fait que les composants entrant dans la fabrication des iPhones et iPads restent soumis à ces droits de douane, alors que les produits finis en sont exemptés. Or, selon la National Association of Manufacturers, 56 % des biens importés aux États-Unis sont en réalité des intrants industriels, dont une part importante provient de Chine. La hausse des prix sur ces composants rejaillira sur les produits finaux.

Par ailleurs, les exemptions accordées aux biens technologiques ne concernent que les droits « réciproques » ; toutes les importations chinoises, y compris les produits exemptés, restent soumises à une taxe additionnelle de 20 %. Et Trump prévoit encore d'alourdir les droits sur les semi-conducteurs — un coup dur pour des entreprises comme Apple.

Les États-Unis dépendent fortement de la Chine pour plusieurs catégories de produits : en 2024, 24 % de leurs importations de textiles et vêtements (soit 45 milliards de dollars), 28 % de leurs meubles (19 milliards), et 21 % de leurs équipements électroniques et machines (206 milliards) provenaient de Chine. Une hausse de 100 points de pourcentage sur ces droits de douane entraînera immanquablement une augmentation des prix pour les entreprises et les consommateurs étatsuniens.

Ainsi, loin de pénaliser la Chine, ces mesures frapperont surtout l'économie des États-Unis. En réalité, la Chine est peu dépendante des exportations vers les États-Unis, qui représentent moins de 3 % de son PIB. Ce sont les consommateurs et industriels étatsuniens qui subiront la hausse des prix — comme cela s'est déjà produit lors des précédentes offensives tarifaires.

Dans le cas actuel des États-Unis, la chute importante des prix du pétrole brut met déjà en péril la rentabilité de la production pétrolière étatsunienne. Les agriculteurs subissent de lourdes pertes sur les marchés mondiaux, la Chine se tournant vers le Brésil pour ses achats de denrées alimentaires et de céréales. La part des États-Unis dans les importations alimentaires de la Chine s'est déjà effondrée, passant de 20,7 % en 2016 à 13,5 % en 2023, tandis que celle du Brésil est passée de 17,2 % à 25,2 % au cours de la même période. Les ventes de bœuf du Brésil à la Chine ont augmenté d'un tiers au premier trimestre 2025 par rapport à l'année précédente, tandis que les expéditions agricoles étatsunienne vers la Chine ont chuté de 54 %.

La Chine représente 7 % des exportations de biens des États-Unis, soit à peine 0,5 % du PIB étatsunien. Selon le cabinet Pantheon Macroeconomics, les représailles agressives de Pékin provoqueront un manque à gagner supérieur aux éventuels gains de croissance que pourraient apporter les droits de douane « réciproques ». Trump et ses conseillers MAGA affirment que les recettes douanières serviront à financer des baisses d'impôts pour les entreprises et ainsi stimuler l'investissement.

Mais, selon les dernières estimations de la Tax Foundation — avant même l'annonce par Trump d'une taxe de 104 % sur les importations chinoises —, ces droits rapporteraient en moyenne 300 milliards de dollars par an, soit bien en deçà des 2 milliards par jour évoqués par Trump… et dérisoires au regard des pertes de revenus réels qu'ils occasionneraient.[4]

Vous évoquez les arguments économiques de Stephen Miran, conseiller de Trump à la Maison Blanche. Il soutient que les pays enregistrant un excédent commercial avec les États-Unis devraient compenser le « sacrifice » que ces derniers consentent en mettant à disposition le dollar comme monnaie de commerce et d'investissement mondiaux. Mais, comme l'a rétorqué Larry Summers, économiste keynésien influent

« Si la Chine veut nous vendre des choses à des prix très bas et que les transactions signifient que nous obtenons des capteurs solaires ou des batteries que nous pouvons mettre dans des voitures électriques et qu'en retour nous leur envoyons des morceaux de papier que nous imprimons, pensez-vous que c'est une bonne ou une mauvaise affaire pour nous ? » [5]

En 1959, l'économiste belgo-américain Robert Triffin (1911-1993) a prédit que les États-Unis ne pourraient pas continuer à enregistrer des déficits commerciaux avec d'autres pays et à exporter des capitaux à l'étranger tout en maintenant un dollar fort. Il écrivait : « Si les États-Unis continuaient à enregistrer des déficits, leurs engagements extérieurs finiraient par dépasser de loin leur capacité à convertir les dollars en or à la demande, provoquant une “crise de l'or et du dollar” ».

Selon Triffin, lorsqu'un pays dont la monnaie sert de monnaie de réserve mondiale — détenue par d'autres nations comme réserve de change pour soutenir le commerce international — doit fournir cette monnaie au reste du monde afin de satisfaire la demande mondiale en devises, cela entraîne un déficit commercial chronique.

Mais Triffin comme Miran présentent l'histoire à l'envers. Si les États-Unis ont pu, pendant des décennies, bénéficier d'importations bon marché tout en creusant leur déficit commercial, c'est parce que les pays exportateurs vers les États-Unis ont accepté d'être payés en dollars, et ont ensuite réinvesti ces dollars dans des obligations d'État étatsuniennes ou d'autres actifs libellés en dollars. Ce ne sont pas les pays en excédent commercial qui « imposent » un déficit aux États-Unis ; c'est simplement que les exportateurs étatsuniens ne parviennent pas à être compétitifs — du moins dans le domaine des biens (puisque, dans les services, les États-Unis affichent un excédent significatif).

Heureusement pour les entreprises et les consommateurs étatsuniens, les pays excédentaires ont accepté, jusqu'à présent, d'être payés en dollars. S'ils cessaient de le faire, l'économie étatsunienne se retrouverait en sérieuse difficulté — tout comme de nombreux pays pauvres qui ne disposent pas d'une monnaie internationalement reconnue. Les États-Unis seraient alors contraints de dévaluer le dollar ou d'emprunter à des taux d'intérêt plus élevés.

Dans le capitalisme, il existe toujours des déséquilibres commerciaux et de flux de capitaux entre les économies — non pas parce que les producteurs les plus efficaces « imposent » un déficit à ceux qui le sont moins, mais parce que le capitalisme est un système de développement inégal et combiné, dans lequel les économies dont les coûts de production sont les plus bas parviennent à capter de la valeur dans les échanges internationaux, au détriment de celles qui sont moins compétitives.

Ce qui inquiète réellement les capitalistes étatsuniens, ce n'est pas que les pays en excédent les « forcent » à émettre des dollars ; c'est que la Chine réduit progressivement l'écart de productivité et de technologie qui la sépare des États-Unis — et menace ainsi la domination économique étatsunienne.

Néanmoins, certains économistes du courant dominant reprennent à leur compte l'argument absurde de Miran ainsi que l'erreur d'analyse de Triffin. L'économiste Michael Pettis, installé en Chine et aujourd'hui très en vogue, affirme que des pays comme la Chine ont généré des excédents commerciaux parce qu'ils ont « réprimé la demande intérieure afin de subventionner leur propre secteur manufacturier ».

Par conséquent, l'excédent qui en découle « a été absorbé par leurs partenaires commerciaux, qui exercent beaucoup moins de contrôle sur leurs comptes courants et leurs flux de capitaux ». Selon cette logique, les déséquilibres commerciaux sont donc imputables à la Chine (et, jusqu'à récemment, à l'Allemagne), et non à l'incapacité de l'industrie manufacturière étatsunienne à rester compétitive sur les marchés mondiaux face à l'Asie — voire à l'Europe.

En l'absence de gouvernance mondiale ou de coopération internationale en matière de régulation monétaire, Pettis rejoint Miran : « Les États-Unis sont en droit d'agir unilatéralement pour ne plus être ceux qui s'adaptent aux distorsions politiques étrangères, comme c'est actuellement le cas. » Il ajoute que « la mesure la plus efficace consisterait probablement à imposer des contrôles sur le compte de capital étatsunien afin de limiter la capacité des pays excédentaires à équilibrer leurs excédents en acquérant des actifs étatsuniens ». Il ne s'agirait donc pas seulement d'imposer des droits de douane sur les importations chinoises, mais également de restreindre l'accès de ces pays aux actifs libellés en dollars

Au fond, cela revient à une autre manière de dévaluer le dollar afin de réduire l'avantage compétitif de la Chine en matière d'exportation et à favoriser les intérêts étatsuniens — autrement dit, une version dissimulée de la stratégie du « chacun pour soi » (beggar-thy-neighbor).

La proposition Miran-Pettis vise à faire baisser la valeur du dollar, comme l'ont fait les États-Unis à deux reprises dans le passé : d'abord en 1971, lorsque Nixon a mis fin à la convertibilité du dollar en or ; puis en 1985, avec l'accord dit du Plaza en 1985, qui a contraint des pays excédentaires comme le Japon à relever leurs taux d'intérêt et à laisser s'apprécier leur monnaie, le yen, réduisant ainsi leurs exportations. Aujourd'hui, la réponse envisagée face au succès manufacturier et exportateur de la Chine consisterait à effacer ses avoirs en dollars et à affaiblir la monnaie étatsunienne.

Mais cette stratégie ne fonctionnera pas. Elle n'a pas permis de sauver l'industrie manufacturière étatsunienne dans les années 1970 et 1980. À l'époque, lorsque la rentabilité s'est effondrée, les industriels étatsuniens ont réagi en délocalisant leur production vers des pays à bas salaires pour restaurer leurs marges. Si cette politique était répétée aujourd'hui, un affaiblissement du dollar provoquerait une nouvelle flambée de l'inflation intérieure (comme ce fut le cas dans les années 1970), et les fabricants étatsuniens continueraient à chercher des sites de production moins coûteux à l'étranger — qu'il y ait ou non des droits de douane.

De plus, si le dollar perd de sa valeur par rapport à d'autres monnaies, les détenteurs étrangers de dollars — comme la Chine, le Japon ou l'Union Européenne — chercheront à diversifier leurs réserves vers d'autres devises. Cela signifie-t-il pour autant que la domination du dollar touche à sa fin et que nous entrons dans un monde véritablement multipolaire et multidevise ? Certains, à gauche, encouragent cette évolution. Mais nous en sommes encore loin. Le rôle international du dollar ne va pas disparaître de sitôt. Les alternatives ne sont pas plus sûres : toutes les grandes économies tentent elles-mêmes de maintenir leur monnaie à un niveau bas pour rester compétitives — d'où la ruée actuelle vers l'or sur les marchés financiers.

Quant aux « BRICS », ils ne sont pas en position de supplanter le dollar. Il s'agit d'un groupe hétérogène, sans véritable cohérence économique ou politique, si ce n'est une volonté commune de résister à l'hégémonie étatsunienne. Et malgré tous les discours sur un prétendu effondrement du dollar, la réalité est que celui-ci reste historiquement fort par rapport aux autres grandes monnaies d'échange, en dépit des zigzags de Trump.

Ce qui mettra véritablement fin au déficit commercial étatsunien, ce ne sont ni les droits de douane sur les importations, ni les contrôles sur les investissements étrangers aux États-Unis, mais un effondrement économique. Un tel effondrement impliquerait une chute brutale de la consommation et de l'investissement des ménages comme des entreprises, entraînant mécaniquement une diminution des importations — et donc une réduction du déficit extérieur. Autrement dit, Trump pourrait éliminer le déficit commercial… en provoquant une crise intérieure majeure.

Ashley Smith –Les tarifs douaniers imposés par Trump à la Chine vont faire grimper les prix de presque tous les biens de consommation, des voitures jusqu'aux poupées Barbie. Se posant en Marie-Antoinette des temps modernes, il a exhorté la population à tenir bon et a suggéré que les enfants se contentent de moins de jouets.

Au-delà de cette indifférence cruelle, ces droits de douane auront un effet classique : accroître l'inflation tout en freinant la croissance, voire en déclenchant une véritable récession. Cette dynamique a mis le régime Trump en conflit direct avec le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell (1953), qui a adopté une politique d'équilibre : maintenir les taux d'intérêt suffisamment élevés pour contenir l'inflation, mais pas au point d'étouffer la croissance économique.

Trump, quant à lui, exige des taux plus bas pour relancer l'économie — quitte à risquer une nouvelle flambée des prix. Il est même allé jusqu'à menacer de limoger Powell pour le remplacer par un banquier plus docile, avant de reculer sous la pression des marchés financiers.

Pourquoi Trump exerce-t-il une telle pression sur Powell ? Pourquoi Powell résiste-t-il ? Que révèle ce conflit sur les tensions internes au sein du capital ? Et vers quoi tout cela nous conduit-il ?

Michael Roberts –Les prix dans les magasins étatsuniens vont bientôt augmenter de manière significative, car les biens de consommation importés d'Asie deviennent plus chers — et les coûts des matières premières et des composants grimpent aussi pour les entreprises étatsuniennes. Une grande partie des hausses tarifaires les plus marquées visent des pays comme le Viêt Nam (produits alimentaires, biens courants) et Taïwan (semi-conducteurs)

Selon le Yale Budget Lab, les prix des légumes, fruits et noix — dont beaucoup sont importés du Mexique et du Canada — devraient augmenter de 4 %. De façon générale, ce groupe de réflexion estime que les ménages étatsuniens dépenseront en moyenne 3 800 dollars de plus par an à partir de 2026 à cause de l'inflation induite par les droits de douane.

L'objectif officiel de la Fed est de contenir l'inflation des prix à la consommation personnelle à 2 % par an. Or, en mars, les prix de base (hors alimentation et énergie) continuaient d'augmenter à un rythme annuel de 2,6 %. Lors de sa dernière réunion, la Fed a reconnu que « les risques d'une hausse du chômage et d'un maintien de l'inflation ont augmenté ». En d'autres termes, un parfum de stagflation commence à flotter dans l'air.

Et l'impact des droits de douane imposés par Trump se fait toujours sentir. La Fed se trouve désormais confrontée à un dilemme majeur : doit-elle maintenir des taux d'intérêt élevés pour tenter de contrôler l'inflation, ou bien les baisser pour éviter un effondrement de l'activité économique ? Trump réclame des baisses de taux pour stimuler la croissance. Mais l'élite financière, elle, souhaite que l'inflation reste sous contrôle. Le président de la Fed, Jerome Powell, résistera à Trump et continuera de défendre les intérêts du secteur financier — du moins pour l'instant.

Cependant, si la détresse de Main Street (l'économie réelle, des ménages et des petites entreprises) devient manifeste, il finira par abaisser les taux rapidement. Pour l'instant, l'économie étatsunienne semble stable, mais cette stabilité est illusoire : comme une boule posée au bord d'un précipice, elle pourrait basculer à tout moment.

Ashley Smith –Le protectionnisme de Trump constitue une rupture décisive avec le consensus néolibéral de Washington en faveur de la mondialisation fondée sur le libre-échange. Le néolibéralisme a été la stratégie capitaliste dominante adoptée pour surmonter la crise de rentabilité qui a frappé le capitalisme dans les années 1970. Par la guerre de classe, la restructuration industrielle, les politiques d'austérité et la mondialisation, le capital a pu restaurer en partie sa rentabilité — sans toutefois retrouver les niveaux atteints lors du boom d'après-guerre.

Mais cette expansion néolibérale a pris fin avec la crise financière mondiale de 2008, marquant le début de ce que vous avez appelé une longue dépression, caractérisée par une faible rentabilité, une stagnation prolongée, des crises périodiques et des reprises anémiques. Dans ce contexte, le protectionnisme de Trump semble être une tentative de restaurer la suprématie capitaliste étatsunienne et la rentabilité — mais cette fois au détriment des autres pays et de leurs entreprises.

Peut-il réussir à restaurer la rentabilité du capital ? Ou bien finira-t-il simplement par protéger des segments non compétitifs et non rentables du capital étatsunien ? Et selon vous, quelles conditions seraient nécessaires pour restaurer véritablement la rentabilité ?

Michael Roberts – Si Trump a effectivement rompu avec les politiques néolibérales de mondialisation et de libre-échange au nom du slogan « Make America Great Again », ce tournant ne s'applique qu'à l'international. À l'intérieur du pays, il n'a pas abandonné les fondamentaux néolibéraux. Trump veut libérer la grande entreprise étatsunienne de toute contrainte, hormis celle de faire du profit. Pour lui, le seul objectif légitime est la rentabilité, non la satisfaction des besoins sociaux ou la préservation de l'environnement.

Cela implique aucune dépense jugée inutile pour atténuer le changement climatique ou réduire les dégâts écologiques. Les entreprises doivent simplement générer davantage de profits, sans se soucier des « externalités ». Dans la vision de Trump, les États-Unis sont une grande entreprise capitaliste, et lui-même en est le PDG. Comme dans son émission The Apprentice, il se voit comme un patron qui embauche et licencie à volonté.

Il dispose d'un conseil d'administration — composé d'oligarques étatsuniens, de quelques économistes et politiciens MAGA — chargé de le conseiller et de lui obéir. Quant aux institutions traditionnelles de l'État (Congrès, tribunaux, gouvernements des États), il les considère comme des obstacles à contourner, ou comme des organes exécutifs chargés d'appliquer les directives du chef.

En bon agent immobilier, Trump pense que la meilleure manière d'accroître les profits de son « entreprise » est de négocier des accords : soit pour prendre le contrôle d'autres entités, soit pour conclure des accords commerciaux avantageux, garantissant des profits maximaux aux firmes étatsuniennes. Comme toute grande entreprise, Trump S.A. ne veut pas voir ses concurrents gagner des parts de marché à ses dépens.

Il s'emploie donc à renchérir les coûts des entreprises rivales — européennes, canadiennes, chinoises — en augmentant les droits de douane sur leurs exportations. Il multiplie aussi les pressions sur des pays plus faibles pour les contraindre à importer davantage de biens et services étatsuniens — dans les secteurs de la santé, de l'armement, de l'agroalimentaire, de l'énergie, etc. — dans le cadre de traités commerciaux bilatéraux, comme avec le Royaume-Uni.

Il ambitionne enfin d'accroître les investissements étatsuniens dans des secteurs à forte rentabilité : les énergies fossiles (Alaska, fracturation hydraulique, forage offshore), les technologies dites exclusives — c'est-à-dire contrôlées par quelques grandes firmes comme Nvidia, dans l'intelligence artificielle, etc. — et surtout l'immobilier, y compris dans des territoires aussi divers que le Groenland, le Panama, le Canada… ou même Gaza.

Toutes les entreprises cherchent à réduire leurs impôts sur les revenus et les bénéfices, et c'est précisément ce que Trump entend faire pour sa propre « entreprise étatsunienne ». Lui et son « conseiller » Elon Musk (1971) se sont attaqués aux ministères, à leurs fonctionnaires et à toutes les dépenses publiques, avec pour objectif affiché de « faire des économies ». En réalité, il s'agissait de réduire les coûts — autrement dit, diminuer les impôts sur les bénéfices des entreprises et sur les ultra-riches qui siègent au conseil d'administration de Trump S.A. et exécutent ses ordres exécutifs.

Mais il ne s'agit pas seulement de réduire les impôts ou le rôle de l'État. L'« entreprise étatsunienne » doit aussi être libérée de toutes les “petites” réglementations qui entravent l'activité capitaliste : qu'il s'agisse des normes de sécurité, des conditions de travail dans la production, des lois contre la corruption, des règles contre les pratiques commerciales déloyales, de la protection des consommateurs contre les fraudes, ou encore des contrôles sur la spéculation financière et les actifs risqués comme le bitcoin et les cryptomonnaies. Dans la vision de Trump, l'entreprise étatsunienne ne doit être soumise à aucune contrainte. La déréglementation totale est une condition essentielle pour « rendre sa grandeur à l'Amérique ».

Trump a demandé au ministère de la Justice de suspendre pendant 180 jours toutes les mesures d'application du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) — une loi anticorruption adoptée en 1977, qui encadre les pratiques comptables des entreprises étatsuniennes à l'étranger et interdit le versement de pots-de-vin à des agents publics étrangers, afin de garantir l'intégrité des transactions commerciales internationales.

Il vise par ailleurs à supprimer dix réglementations pour chaque nouvelle règle édictée, au nom de la « libération de la prospérité par la déréglementation ». Il a également limogé le directeur du Consumer Financial Protection Bureau(CFPB) et ordonné à ses employés de cesser toute activité de supervision et d'examen. Le CFPB, créé à la suite de la crise financière de 2007-2008, est chargé de rédiger et faire appliquer les règles encadrant les sociétés de services financiers et les banques, en veillant à protéger les consommateurs, notamment en matière de prêts.

Trump souhaite encourager le développement de cryptomonnaies spéculatives, y compris celles lancées par ses propres fils. Il a même lancé sa propre cryptomonnaie. Les révisions récemment proposées aux normes comptables permettraient aux banques et aux gestionnaires d'actifs de détenir plus facilement des crypto-actifs, rapprochant ainsi cet actif extrêmement volatile du cœur du système financier.

Pourtant, il y a à peine deux ans, les États-Unis se sont retrouvés au bord de la plus grave vague de faillites bancaires depuis la tempête financière de 2008. Plusieurs banques régionales se sont effondrées, dont certaines étaient aussi grandes que les principaux établissements européens. La chute de la Silicon Valley Bank, en particulier, a failli déclencher une crise systémique.

Cet effondrement a eu plusieurs causes immédiates : la valeur des obligations détenues par la banque s'érodait à mesure que les taux d'intérêt étatsuniens augmentaient. En quelques clics sur une application, la clientèle technophile, interconnectée et affolée de la banque a retiré ses dépôts à un rythme insoutenable, poussant des multimillionnaires à supplier l'intervention du gouvernement fédéral.

Pendant ce temps, les impôts sont réduits pour les grandes entreprises et les ultra-riches, mais l'objectif déclaré est aussi de réduire la dette fédérale et les dépenses publiques — sauf bien sûr pour le budget militaire. Cette année, le déficit budgétaire étatsunien devrait atteindre près de 2 000 milliards de dollars, dont plus de la moitié correspond à des intérêts nets, soit un montant équivalent à celui que les États-Unis consacrent à leur armée. La dette publique totale atteint désormais 30 200 milliards de dollars, soit 99 % du PIB. Exprimée en pourcentage du PIB, la dette étatsunienne va bientôt dépasser son niveau record atteint pendant la Seconde Guerre mondiale. Selon les projections du Congressional Budget Office, la dette publique dépassera 50 000 milliards de dollars d'ici 2034, soit 122,4 % du PIB. À ce moment-là, les seuls paiements d'intérêts annuels atteindront 1 700 milliards de dollars.

Trump a laissé Elon Musk s'attaquer aux dépenses de l'État fédéral, fermer des ministères (comme, potentiellement, celui de l'Éducation) et licencier des milliers de fonctionnaires pour « réduire les gaspillages ». Mais le problème pour Musk, c'est que la majorité des “gaspillages” budgétaires se trouvent dans la défense, un secteur qui ne sera évidemment pas touché. Il poursuivra donc ses coupes dans les services civils et même dans des « programmes sociaux » comme Medicare.

Trump a pour objectif de « privatiser » autant que possible le gouvernement fédéral. Le Bureau de gestion du personnel de son administration déclarait d'ailleurs

« Nous vous encourageons à trouver un emploi dans le secteur privé dès que possible. »

Pour Trump, le secteur public est improductif, contrairement — bien sûr — au secteur financier. Il affirme :

« Le chemin vers une plus grande prospérité américaine consiste à faire passer les gens d'emplois à faible productivité dans le secteur public à des emplois à plus forte productivité dans le secteur privé. »

Sauf que ces “emplois formidables” n'ont jamais été identifiés. Et si le secteur privé cesse de croître à mesure que la guerre commerciale s'intensifie, ces prétendus emplois à plus forte productivité risquent fort de ne jamais voir le jour.

Ashley Smith –La guerre commerciale menée par Trump semble s'inscrire dans une nouvelle stratégie radicale de l'impérialisme étatsunien. Au lieu que les États-Unis continuent à superviser l'ordre international fondé sur les règles de la mondialisation néolibérale et du libre-échange, Trump s'est engagé dans une stratégie nationaliste et unilatérale, sous le slogan « America First ». Il cherche à tailler une sphère d'influence propre, allant jusqu'à menacer d'annexer le Groenland et le Panama, et entre en compétition directe avec d'autres grandes puissances comme la Chine, la Russie et l'Union Européenne.

Mais cette stratégie est fondamentalement contradictoire, car les sphères d'influence de ces puissances se chevauchent, notamment en Asie et en Europe. Tout cela rappelle étrangement les années précédant la Première Guerre mondiale, avec une longue dépression, des guerres commerciales, une intensification de la concurrence géopolitique, et une hausse spectaculaire des dépenses militaires.

Sommes-nous engagés dans une trajectoire qui pourrait mener à une guerre impérialiste, en particulier entre les États-Unis et la Chine ? Quels sont les facteurs de dissuasion qui pourraient empêcher une telle issue ? Et quels conflits pourraient jouer le rôle de détonateur ?

Michael Roberts –Dans les années 1930, la tentative des États-Unis de protéger leur base industrielle via les droits de douane Smoot-Hawley n'a fait qu'accentuer la contraction de la production, dans le contexte de la Grande Dépression qui frappait alors l'Amérique du Nord, l'Europe et le Japon. À l'époque, les grandes entreprises et leurs économistes ont vivement condamné ces mesures. Henry Ford (1863–1947) a tenté de convaincre le président Hoover de leur opposer son veto, les qualifiant de « stupidité économique ».

Aujourd'hui, des critiques similaires sont formulées par les porte-parole du capital financier, comme le Wall Street Journal, qui a qualifié les droits de douane de Trump de « guerre commerciale la plus stupide de l'histoire ». Il est vrai que la Grande Dépression des années 1930 n'a pas été provoquée par le protectionnisme étatsunien, mais les tarifs douaniers ont exacerbé la crise, contribuant à une dynamique de repli nationaliste. Entre 1929 et 1934, le commerce mondial s'est effondré de 66 %, alors que de nombreux pays adoptaient des mesures de rétorsion commerciales.

La stratégie de Trump est en réalité l'aboutissement logique des transformations de l'économie mondiale depuis la Grande Récession de 2008 et la longue dépression des années 2010. La Chine, de son côté, n'a pas joué le jeu en ouvrant pleinement son économie aux multinationales occidentales. En réaction, les États-Unis sont passés d'une politique d'engagement à une politique d'endiguement vis-à-vis de Pékin.

Parallèlement, les États-Unis et leurs alliés européens ont renforcé leur volonté d'étendre leur influence vers l'Est, afin d'empêcher la Russie d'imposer sa domination sur ses voisins et de l'affaiblir durablement comme puissance rivale du bloc impérialiste occidental. Cette dynamique a conduit à l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Et elle a aussi mené à la destruction massive de Gaza et à la tragédie infligée à des millions de Palestiniens, qui y vivent — et y meurent.

La mondialisation et la coopération entre les puissances capitalistes ne reviendront que si — et seulement si — le capitalisme retrouve un nouveau souffle, fondé sur une rentabilité accrue et durable. Or, cela semble hautement improbable sans qu'intervienne un nouvel effondrement majeur — voire une nouvelle guerre.

On peut ici reprendre les propos lucides de Christine Lagarde (1956), présidente de la Banque centrale européenne :

« Cela signifie que la forte domination militaire et financière des États-Unis et de leurs alliés repose sur des pieds d'argile, faits d'une productivité, d'un investissement et d'une rentabilité relativement faibles. C'est la recette d'une fragmentation et d'un conflit à l'échelle mondiale. »

La longue dépression actuelle ne pourra se transformer en nouvel âge d'or que si des mesures d'ampleur comparable à celles prises en temps de guerre sont engagées : des investissements publics massifs, la propriété publique de secteurs stratégiques, et une direction planifiée des secteurs productifs par l'État.

Même John Maynard Keynes (1883–1946) reconnaissait que l'économie de guerre avait démontré, je cite :

« Il semble politiquement impossible pour une démocratie capitaliste d'organiser les dépenses à l'échelle nécessaire pour faire les grandes expériences qui prouveraient mon point de vue — sauf dans des conditions de guerre. »

Ashley Smith –L'espoir, dans ce scénario terriblement sombre de dépression et de conflits impérialistes, réside dans les vagues de soulèvements des travailleurs et des opprimés à travers le monde. Aux États-Unis, une nouvelle résistance sociale s'est réellement manifestée depuis les mobilisations du 5 avril. Nous venons d'assister, le 1er mai, à des manifestations réunissant des centaines de milliers de personnes, mêlant migrants et syndicalistes dans les rues.

L'un des grands défis de cette résistance le positionnement politique qu'elle adopte, notamment sur la question des droits de douane. De nombreux membres du mouvement ouvrier sont persuadés que le commerce international est responsable de la désindustrialisation et de la perte d'emplois dans le secteur manufacturier. Sean Fain, président réformateur du syndicat United Auto Workers, est même allé jusqu'à soutenir le protectionnisme de Trump.

Quel est le problème avec cette analyse ? Et pourquoi ce soutien aux droits de douane risque-t-il de plonger le mouvement ouvrier dans le piège du nationalisme des grandes puissances, du racisme et du militarisme incarnés par Trump ? Quelle alternative la gauche internationale devrait-elle proposer face au faux choix entre protectionnisme et libre-échange néolibéral ?

Michael Roberts –Les dirigeants syndicaux ne doivent pas se laisser berner par l'idée que les droits de douane pourraient « sauver les emplois » ou protéger l'industrie nationale. L'histoire elle-même dément ce mythe, comme le montre la propagande tarifaire menée par William McKinley (1843–1901) dans les années 1890. Trump s'est d'ailleurs référé explicitement à McKinley en annonçant ses propres décrets tarifaires :

« Sous sa direction, les États-Unis ont connu une croissance économique rapide et une période de prospérité, accompagnées d'une expansion territoriale. McKinley a défendu les droits de douane pour protéger l'industrie manufacturière, stimuler la production nationale et porter l'industrialisation américaine à de nouveaux sommets. »

Mais cette présentation est un détournement historique. En 1890, alors qu'il était représentant au Congrès, McKinley a proposé une série de droits de douane destinés à protéger l'industrie étatsunienne, qui furent adoptés. Toutefois, ces mesures n'ont pas empêché une grave dépression, qui a commencé en 1893 et duré jusqu'en 1897.

Élu président en 1896, McKinley a instauré une nouvelle vague de tarifs douaniers via le Dingley Tariff Act de 1897. Comme cette période a coïncidé avec une reprise économique, McKinley a pu revendiquer à tort que les droits de douane en étaient la cause. Surnommé le « Napoléon du protectionnisme », il a lié sa politique commerciale à l'expansion militaire étatsunienne, avec la prise de contrôle de Porto Rico, de Cuba et des Philippines — un peu à la manière de Trump aujourd'hui, mêlant commerce, impérialisme et nationalisme.

Mais cette politique a aussi attisé la colère populaire : au début de son second mandat, McKinley a été assassiné par un anarchiste qui le tenait pour responsable des souffrances des ouvriers agricoles pendant la récession de 1893–1897. Le protectionnisme n'a jamais sauvé d'emplois ni augmenté les revenus des travailleurs.

L'idée selon laquelle l'augmentation des dépenses militaires créerait des emplois pour les travailleurs de l'industrie de l'armement constitue un nouveau leurre, destiné à détourner l'attention des travailleurs de leurs véritables intérêts. Mais, plus fondamentalement, le keynésianisme militaire est antagonique aux intérêts des travailleurs et de l'humanité tout entière. Peut-on sérieusement soutenir qu'il est acceptable de fabriquer des armes pour tuer des êtres humains… simplement pour créer des emplois ? C'est pourtant ce que défendent certains dirigeants syndicaux, qui font passer l'argent avant la vie.

John Maynard Keynes disait un jour :

« Le gouvernement devrait payer les gens pour qu'ils creusent des trous, puis les rebouchent. »

Ce à quoi on lui rétorquait :

« C'est absurde. Pourquoi ne pas les payer pour construire des routes ou des écoles ? »

Et Keynes répondait :

« Très bien, qu'ils construisent des écoles. L'important, c'est que le gouvernement crée des emplois. Peu importe lesquels. »

Mais Keynes avait tort. Cela a de l'importance.

Le keynésianisme se contente de creuser des trous pour les reboucher afin de créer de l'emploi. Le keynésianisme militaire, lui, consiste à creuser des tombes pour les remplir de cadavres — toujours pour créer des emplois. Et si la manière dont on crée des emplois n'a pas d'importance, pourquoi ne pas relancer massivement l'industrie du tabac, et promouvoir l'addiction, pour créer de l'emploi ? La plupart des gens s'opposeraient à cela aujourd'hui, car ils considèrent à juste titre que c'est directement nocif pour la santé.

Eh bien, la fabrication d'armes — conventionnelles ou non — est tout aussi nuisible. Et il existe d'innombrables alternatives socialement utiles qui permettraient de créer des emplois et des revenus : écoles, logements, infrastructures sociales. Pour élever le niveau de vie et répondre aux besoins sociaux, il ne faut ni droits de douane, ni dépenses militaires. C'est l'investissement public dans l'industrie, la technologie et les services collectifs qui est décisif. Et la condition pour que les travailleurs aient accès à de bons emplois, avec des salaires décents et une formation de qualité, c'est de construire des syndicats combatifs qui luttent pour eux.

Mais cet investissement public ne peut réussir que s'il repose sur la propriété publique des principales institutions financières et industrielles. Ce n'est qu'alors qu'un plan de production et d'investissement pourra fournir des services publics universels, des pensions suffisantes, un accès gratuit à la santé et à l'éducation, et soutenir les petites entreprises pour qu'elles offrent des emplois dignes et de bonnes conditions de travail.

Les syndicats des États-Unis doivent étendre leurs alliances avec les travailleurs du reste des Amériques, d'Europe et d'Asie. L'avenir des travailleurs des États-Unis ne réside pas dans la destruction des économies étrangères, mais dans la construction d'organisations ouvrières à l'échelle internationale, capables de conquérir un véritable pouvoir politique — pour briser l'emprise du capital, combattre le nationalisme, le militarisme et l'impérialisme, et poser les bases d'une alternative socialiste mondiale.

*

Cet entretien a été publié initialement par la revue états-unienne Spectre. Traduit de l'anglais pour Contretemps par Christian Dubucq.

Ashley Smith est un écrivain et militant socialiste basé à Burlington, dans le Vermont. Il a contribué à de nombreuses publications de gauche, notamment Truthout, International Socialist Review, Socialist Worker, ZNet, Jacobin, New Politics, Harper's et Against the Current. Il est également membre de l'équipe éditoriale de la revue Spectre.

En juin 2024, il a coécrit l'ouvrage China in Global Capitalism : Building International Solidarity Against Imperial Rivalry (La Chine dans le capitalisme mondial : construire une solidarité internationale face aux rivalités impérialistes, Haymarket Books) avec Eli Friedman, Kevin Lin et Rosa Liu. Il travaille actuellement à un nouvel ouvrage, intitulé Socialism and Anti-Imperialism, à paraître chez Haymarket Books.

Michael Roberts a travaillé pendant plus de quarante ans comme économiste à la City de Londres. Il a observé de près les machinations du capitalisme mondial depuis l'antre du dragon. En parallèle, il s'est engagé durablement dans le mouvement syndical britannique. Une fois à la retraite, il s'est consacré à la recherche marxiste et à la publication d'ouvrages d'économie politique.

Parmi ses principaux livres :

– The Great Recession : A Marxist View (Lulu, 2009).

– The Long Depression : Marxism and the Global Crisis of Capitalism (Haymarket Books, 2016).

– Marx 200 : A Review of Marx's Economics :200 Years After His Birth (Lulu, 2018).

– World in Crisis : A Global Analysis of Marx's Law of Profitability, codirigé avec Guglielmo Carchedi (Haymarket Books, 2018).

Michael Roberts est également l'auteur de nombreux articles scientifiques et de tribunes publiées dans des revues marxistes ou de gauche. Il anime depuis plusieurs années un blog : thenextrecession.wordpress.com.

Notes

[1] Jared Bernstein and Dean Baker, “Tariffs Won't Bring a Boom in American Manufacturing,” Wall Street Journal, March 26, 2025. https://www.wsj.com/opinion/tariffs-wont-bring-a-boom-in-american-manufacturing-risk-recession-trade-policy-d37c7dca

[2] Tweet by Gorklon Rust (@elonmusk), X, April 8, 2025, 9:47 a.m. https://x.com/elonmusk/status/1909604085025956133 ; Tweet by Gorklon Rust (@elonmusk), X, April 8, 2025, 9:52 a.m., https://x.com/elonmusk/status/1909605316121198860.

[3] Adam Tooze, “Chartbook 363 Stockholm syndrome in Mar-A-Lago : The belief that “something must be done” and the sanewashing of economic policy in the age of Trump,” Chartbook(substack), March 19, 2025, https://adamtooze.substack.com/p/chartbook-363-stockholm-syndrome.

[4] War,” Tax Foundation, May 9, 2025, https://taxfoundation.org/research/all/federal/trump-tariffs-trade-war/.

[5] “Tariffs, Decline, and the Promise of AI,” YouTube video, 112:56, posted by “University of Austin (UATX),” April 9, 2025,https://www.youtube.com/watch?v=Sy-fn5MWFIk.

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