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Marché du carbone et taxe sur l’essence : le gouvernement fait le bon choix selon des organisations environnementales

27 mai, par Fondation David Suzuki, Greenpeace Canada, Nature Québec, Vivre en ville — , ,
MONTRÉAL | TERRITOIRE TRADITIONNEL ET NON CÉDÉ DE LA NATION KANIEN'KEHÁ:KA, le 23 mai 2025 — L'Alliance TRANSIT, Équiterre, la Fondation David Suzuki, Greenpeace Canada, Nature (…)

MONTRÉAL | TERRITOIRE TRADITIONNEL ET NON CÉDÉ DE LA NATION KANIEN'KEHÁ:KA, le 23 mai 2025 — L'Alliance TRANSIT, Équiterre, la Fondation David Suzuki, Greenpeace Canada, Nature Québec, le Réseau action climat Canada et Vivre en Ville expriment leur appui envers les récents propos du premier ministre François Legault et du ministre des Finances Éric Girard au sujet du marché du carbone et de la taxe sur l'essence, des mesures écofiscales clés pour lutter contre la triple crise du climat, de la biodiversité et du coût de la vie.

« C'est un soulagement d'entendre le premier ministre et le ministre des Finances réaffirmer l'importance du marché du carbone et de la taxe sur l'essence pour financer notre action climatique. Notre marché du carbone, malgré ses défauts, fait la renommée du Québec à l'international. Quel message enverrait-on si on reculait sur ce qui fait de nous un leader ? On le répète, réduire nos émissions de gaz à effet de serre est indispensable pour que la vie soit abordable à long terme », déclare Andréanne Brazeau, analyste principale des politiques pour le Québec à la Fondation David Suzuki.

« Malgré ses défauts, le marché du carbone demeure un outil essentiel pour la transition énergétique au Québec. Mettre la hache dedans servirait d'abord et avant tout les intérêts de Trump et du lobby pétrolier — le Québec doit se tenir debout face à l'offensive des grands pollueurs qui n'attendent que le feu vert des gouvernements pour nous faire reculer d'une décennie en matière de lutte aux changements climatiques », estime Louis Couillard, responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada.

Un système essentiel mais imparfait

Alors qu'il y a à peine quelques mois, le gouvernement avait sur sa table à dessin une réforme du marché du carbone afin de le rendre plus efficace, les organisations l'appellent à rapidement mener à terme cette réforme en priorisant les changements les plus porteurs pour augmenter la contribution des grands pollueurs industriels et limiter l'impact sur les ménages, dont plus particulièrement ceux à plus faible revenu.

Elles réitèrent leurs recommandations publiées en 2022 ainsi que celles du Comité consultatif sur les changements climatiques pour rapidement renforcer le marché du carbone au bénéfice de toute la population.

« Le problème, ce n'est pas le marché du carbone en soi. L'heure est venue de faire les réformes nécessaires pour resserrer la vis aux gros pollueurs, par exemple en réduisant dès maintenant les “droits de polluer” offerts gratuitement aux grandes industries et en augmentant le prix du carbone. À l'heure où des milliers de familles québécoises sont aux prises avec une hausse fulgurante du coût de la vie et se retrouvent à défrayer la majorité des coûts de la crise climatique, demandons aux responsables d'assumer leurs responsabilités », recommande Charles-Édouard Têtu, analyste des politiques climatiques et énergétiques, Équiterre.

« Le Québec accuse un retard considérable sur ses cibles climatiques, et ce sont nos communautés qui en paient le prix. Le marché du carbone a le potentiel d'être un véritable levier de justice climatique s'il applique mieux le principe du pollueur-payeur et si la gestion des fonds est plus rigoureuse et transparente. Nous avons tout à gagner à renforcer les outils déjà en place », ajoute Leïla Cantave, responsable pour le Québec au Réseau action climat Canada.

Le marché du carbone : un outil pour rendre la vie plus abordable

Pour les organisations, là où le bât blesse, c'est dans la distribution des fonds récoltés via la bourse du carbone et la manière de la communiquer à la population, à l'heure où la crise climatique entraîne des coûts individuels et collectifs croissants.

« Le marché carbone est une excellente mesure d'écofiscalité, qui fait du Québec un leader nord-américain et qui contribue à lutter à moindre coût contre les changements climatiques. On doit en faire plus pour accélérer une transition écologique qui ne laissera personne derrière, et c'est ce à quoi nos énergies devront être consacrées pour consolider la tarification du carbone au Québec », analyse Christian Savard, directeur général de Vivre en Ville.

« Par le passé, l'argent récolté grâce au SPEDE a permis de développer des services de mobilité durable au Québec, mais il est temps de réviser sa gestion pour qu'il en fasse encore bien plus dans toutes les régions, d'autant plus qu'un surplus de 1,6 milliard demeure inutilisé. Quant à la taxe sur l'essence, qui finance l'entretien des infrastructures de mobilité, elle envoie un signal-prix essentiel, mais demeure insuffisante », ajoute Samuel Pagé-Plouffe, coordonnateur de l'Alliance TRANSIT.

« Il ne faut pas oublier qu'une partie des revenus du marché du carbone sert à financer l'adaptation aux changements climatiques. Montrer à la population du Québec comment cet argent peut les aider dans leur quotidien à faire face aux feux, aux inondations ou encore aux glissements de terrain permettrait une meilleure adhésion au marché du carbone, surtout à l'heure où de plus en plus d'assureurs ne veulent plus assumer le coût de ces catastrophes », conclut Anne-Céline Guyon, analyste climat-énergie chez Nature Québec.

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Des pipelines au Québec ? Le mouvement citoyen dit non à un retour en arrière !

27 mai, par Collectif — , ,
Cette lettre est cosignée par des membres de 84 organisations citoyennes et personnalités publiques ayant contribué directement à la lutte contre les projets d'énergies (…)

Cette lettre est cosignée par des membres de 84 organisations citoyennes et personnalités publiques ayant contribué directement à la lutte contre les projets d'énergies fossiles au Québec au cours des dernières décennies*. Elle est aussi endossée par 29 organisations environnementales et autres ainsi que par plusieurs dizaines de citoyennes et citoyens individuel·les qui adhèrent à son contenu**.

Mesdames et Messieurs les parlementaires du Québec à Ottawa et à Québec,

Messieurs les candidats à la chefferie du Parti libéral du Québec,

Ceci est un message du mouvement citoyen qui a fait échec aux projets d'énergies fossiles qu'on a tenté d'imposer au Québec au cours des dernières décennies : centrale au gaz du Suroît, port méthanier Rabaska, forages aux Îles de la Madeleine, dans le golfe et le fleuve Saint-Laurent, dans la vallée du Saint-Laurent, en Gaspésie, au Bas-Saint-Laurent et sur l'île Anticosti, oléoduc Énergie Est et port pétrolier de Cacouna, gazoduc/usine de liquéfaction GNL Québec (Gazoduq/Énergie Saguenay).

Au fil des ans, nous avons combattu sans relâche toutes les tentatives d'intrusion fossile au Québec. Nous avons tenu des séances d'information publiques et des assemblées de cuisine, publié des infolettres, organisé des forums citoyens, tapissé nos parterres de pancartes, talonné nos député·es, fait signer 65 657 refus d'accès à la propriété, assailli nos conseils municipaux et obtenu l'adoption de centaines de déclarations, résolutions et règlements, marché, manifesté encore et encore, même au plus froid de l'hiver, pulvérisé la désinformation, encore et toujours, écrit des mémoires et des livres, participé aux consultations, même bidon, tourné et projeté des films, chanté, dessiné, donné des formations en résistance citoyenne, alerté les médias et fait tant d'autres choses. Nos familles, nos ami·es, nos voisin·es ont compris les enjeux et à la fin, chaque fois, nous avons remporté le combat de l'opinion publique. Ainsi, malgré la pugnacité avec laquelle les promoteurs et même les gouvernements ont voulu enfoncer ces projets dans la gorge des Québécois·es, ils ont tous été retirés.

C'est donc avec stupéfaction que nous avons appris que certains d'entre vous se disent « ouverts » à la construction d'oléoducs ou de gazoducs qui traverseraient le Québec. L'urgence climatique ne s'est pas atténuée depuis l'abandon des projets que nous avons vaincus. Elle s'accentue et ses premières manifestations donnent déjà froid dans le dos. L'effondrement de la biodiversité, nourri par le dérèglement du climat, s'accélère aussi à un rythme terrifiant. Aucun doute : il faut cesser de produire, distribuer et brûler des combustibles fossiles. Nous nous battrons encore becs et ongles dans ce but, s'il le faut, et nous savons qu'une toute nouvelle génération de militantes et militants sautera à son tour dans l'arène pour défendre son droit à un avenir viable.

Monsieur Steven Guilbeault, lieutenant du Parti libéral du Canada au Québec, il vous revient de convaincre votre chef, le premier ministre Mark Carney, et vos collègues à Ottawa de ne pas céder au chantage de l'Alberta en faisant fi des choix du Québec. La nature ne peut plus souffrir de reculs stratégiques, vous le savez. Et les travailleurs et travailleuses du secteur pétrogazier méritent mieux que des emplois maintenus artificiellement par le déni scientifique.

Monsieur Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois, vous êtes le seul leader d'un grand parti fédéral à avoir opposé un non catégorique aux projets de pipelines. Nous comptons sur vous pour faire de cet engagement une priorité absolue et une condition de votre appui au gouvernement Carney.

Monsieur Alexandre Boulerice, député du Nouveau Parti Démocratique au Québec, nous vous invitons à exiger plus de rigueur de votre parti : un pipeline qui « n'endommage pas l'environnement », comme l'a évoqué votre chef pendant la campagne, ça n'existe pas.

Mesdames et Messieurs les député·es de la Coalition avenir Québec à l'Assemblée nationale, qui aviez promis de défendre les intérêts du Québec à Ottawa, comment avez-vous pu voter contre la motion du deuxième groupe d'opposition demandant au gouvernement de s'opposer à tout projet de pipeline au Québec ? La démonstration a été faite, sans ambiguïté, que de tels projets seraient néfastes pour le climat, compromettraient la santé des cours d'eau et des écosystèmes touchés, menaceraient l'eau potable de millions de Québécois·es, dans le cas d'un oléoduc, et auraient des retombées économiques minuscules pour le Québec.

Et vous, députées du Parti libéral du Québec, qui avez aussi rejeté la motion sur les pipelines, pourriez-vous rappeler aux candidats à la direction de votre parti que Philippe Couillard, dernier premier ministre libéral à ce jour, s'est cassé les dents sur le mur social que nous avons érigé entre le Québec et les projets fossiles qu'il caressait avec le lobby pétrogazier ? À vous d'encourager Pablo Rodriguez, Charles Milliard, Karl Blackburn et les autres aspirants-chefs à renoncer bien vite à suivre ses traces dans ce cul-de-sac.

Mesdames et Messieurs les parlementaires québécois·es et candidats à la chefferie du PLQ, vous avez mieux à faire que de souffler sur les braises de la pétroéconomie canadienne, souvent au bénéfice d'investisseurs étrangers, mais toujours au détriment du Québec et de la planète. La transition sociale et écologique nous appelle et vous appelle. Unissons-nous pour la réaliser.

* Ont cosigné cette lettre :

Odette Sarrazin, Vigilance Brandonnie, Saint-Gabriel-de-Brandon, depuis 2012 ; sur la base de l'étude indépendante de Jacques Harvey et ÉcoGestion Solution, mobilisation menant au refus catégorique par la MRC de D'autray, le 4 février 2015, du passage de l'oléoduc Énergie Est sur son territoire ; en 2017, campagne de financement pour la défense (victorieuse) de Ristigouche-Partie-Sud-Est (158 habitants) contre la poursuite de la pétrolière Gastem.

Daniel Green, co-président, Société pour vaincre la pollution.

Philippe Duhamel, Comité Vigilance Hydrocarbures Trois-Rivières (depuis 2010).

Stéphane Poirier, cofondateur de NON à une marée noire dans le Saint-Laurent (depuis 2010).

Martin Poirier, Coule pas chez nous !

Alain Mignault, Chorale du peuple, Montréal, depuis 2011.

Vincent Marchione, Comité de vigilance environnementale de l'est de Montréal (CVEEM).

François Geoffroy, Travailleuses et travailleurs pour la justice climatique (TJC), organisateur des grèves climatiques de 2019 et 2022.

Henri Jacob, président, Action boréale.

Shirley Barnea, porte-parole de Pour le futur Montréal (2019-2024), organisatrice de manifestations et grèves étudiantes.

Lucie Sauvé, Ph.D., professeure émérite, chercheure du Centre de recherche en éducation et formation relatives à l'environnement et à l'écocitoyenneté, UQAM, responsable du Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec.

Guy Coderre, enseignant à la retraite, Centre de formation en traitement de l'eau, auteur d'études sur la vulnérabilité des stations de purification d'eau en cas de contamination par les hydrocarbures (2016).

Esther Auger, Pétroliques anonymes, Rivière-du-Loup (2013-2024).

Dominic Champagne, artiste, militant contre le gaz de schiste, réalisateur du film Anticosti : la chasse au pétrole extrême.

Lucie Bergeron, membre de Stop Oléoduc Capitale-Nationale (2013-2019), aujourd'hui Transition Capitale-Nationale.

Sylvie Berthiaume, présidente, Solidarité Environnement Sutton.

Gisèle Comtois, membre de Mobilisation environnement Ahuntsic-Cartierville (MEAC) depuis 2015, Montréal.

Odette Lussier, citoyenne de L'Islet, membre de Stop Oléoduc Montmagny-L'Islet de 2013 à 2015.

Greg Mikkelson, co-founder, Cross Border Organizing Working Group.

Louis Couillard, ancien coordonnateur de la coalition contre GNL/Gazoduq, membre du comité organisateur de la marche pour le climat du 27 septembre 2019 avec Greta Thunberg qui a réuni 500 000 personnes à Montréal et ailleurs au Québec. Aujourd'hui responsable de la campagne Climat - Énergie chez Greenpeace Canada.

Jacques Tétreault, co-organisateur de la campagne « Vous n'entrerez pas chez nous » : 65 657 lettres de refus d'accès à la propriété signées par des citoyen·nes pour dire non à la fracturation, déposées à l'Assemblée nationale en 2012 et 2014.

Martine Chatelain, présidente d'Eau Secours ! de 2010 à 2015, porte-parole jusqu'en 2018.

France Pomminville, Réalité Climatique Canada.

Lucie Massé, porte-parole, Action Environnement Basses-Laurentides.

Nastassia Williams, porte-parole de Tache d'huile (2012-2018).

Sophie Thiébaut, conseillère municipale de 2009 à 2021 (arrondissement du Sud-Ouest, Montréal), porteuse de résolutions d'opposition concernant la perte de pouvoir des municipalités à protéger leur territoire de l'extraction des hydrocarbures (Loi 106) ainsi que la sécurité ferroviaire liée au déplacement des hydrocarbures.

Irène Dupuis, présidente, Saint-Antoine-de-Tilly - Milieu de vie et Lotbinière en transition (2015-2020), co-organisatrice des forums citoyens Quand l'or noir rencontre l'or bleu (2015) et Demain Lotbinière, on s'emballe pour le climat (2018).

Rose-Hélène Tremblay, Environnement Vert Plus, Gaspésie (depuis 1986).

Louise Morand, Comité vigilance hydrocarbures de la MRC de L'Assomption (depuis 2016).

Marie-Claire Binet, présidente, L'Assomption en transition.

Pierre Dostie, comité de coordination de la Coalition Fjord (GazoduQ-GNL Non merci ! 2018-2021).

Olivier D. Asselin, réalisateur de Pipelines, pouvoir et démocratie.

Annie Landry, citoyenne engagée des Îles de la Madeleine, scénariste du film Le peuple de la mer et auteure de La pêche ou le pétrole.

Geoff Clayden, représentant, La Planète s'invite au parlement-Gaspé (2019-2022).

Majorie Lapierre, Énergie alternative aux Îles de la Madeleine (2010-2017).

Lise Houle, Regroupement Gaz de schiste Verchères (2011-2018).

Simon Côté, porte-parole de Stop Oléoduc Kamouraska (2013 à 2016), coordonnateur général d'Arbre-Évolution Coop.

Ellen Nutbrown, membre de Citoyens du Bassin de Chambly contre l'oléoduc Énergie Est depuis 2016.

Serge Fortier, Pierre Bluteau et Pierre Brazeau, cofondateurs du RIGSVSL (Regroupement interrégional sur le gaz de schiste de la vallée du Saint-Laurent) (2011-2014), initiateur d'un mouvement citoyen fort contre le gaz de schiste au Québec, et du CMAVI (Collectif, Moratoire, Alternatives, Vigilance et Intervention) (2014-2018).

Normand Léo Beaudet, Diane Roy et Denise Brouillard, membres de la Coalition Alerte à l'enfouissement Rivière-du-Nord (CAER) opposée à l'inversion de l'oléoduc 9b d'Enbridge (2014) et au gazoduc Ste-Sophie en lien avec le méga dépotoir de la multinationale WM (2023-2024).

Mikael Rioux, Vigile citoyenne Cacouna, Marche des peuples pour la terre mère.

André Lafrance, cofondateur du mouvement citoyen Alerte pétrole Rive-Sud (2014-2018).

Guy Boudreau, Comité vigilance hydrocarbures Lavaltrie (2014-2023).

Benoit St-Hilaire, Prospérité Sans Pétrole.

Me Rodrigue Turgeon, cofondateur et coporte-parole du Collectif abitibien Gazoduq, parlons-en ! (2019 à 2021).

Réal Lalande, coordonnateur, Stop Oléoduc Outaouais (SOO) 2016 à 2018 et président, Action Climat Outaouais (ACO), dont les membres ont organisé la Marche citoyenne pour nos rivières (125 km de Saint-André-d'Argenteuil aux centres-villes de Gatineau et d'Ottawa) en opposition au projet d'oléoduc Énergie Est, du 14 au 20 août 2016.

Chantale Gamache, L'Association des Saint-Marcois.

Denise Campillo, Comité de vigilance gaz de schiste de Roxton Falls.

Albert Geuzaine, coordonnateur régional Montérégie (RVHQ) - contre le gaz de schiste (2011-2013).

Serge Giard, Comité gaz de schiste St-Hugues.

Gérard Montpetit, Comité Non-Schiste La Présentation et auteur du recueil L'histoire de la lutte aux hydrocarbures à travers 100 textes de Gérard Montpetit.

André Bélisle, président, Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA).

Éric Pineault, professeur, département de sociologie et Institut des sciences de l'environnement, UQAM et auteur du livre Le Piège Énergie Est.

Marc Nantel, Regroupement Vigilance Mines de l'Abitibi et du Témiscamingue.

Estelle Le Houx, Marche des peuples pour la terre mère.

Karen Busque, Les AmiEs de la Terre de Québec.

Marc Brullemans, Comité vigilance gaz de schiste de la Mauricie et coordonnateur interrégional au RVHQ (2010 à 2018).

Denise Laprise, militante, initiatrice de Montmagny en transition.

Raymond Gauthier, militant puis porte-parole du regroupement Madelinots pour le Respect du Golfe (MRG) de 2004 à 2013 et cofondateur de la Coalition Saint-Laurent.

France Mercille, coréalisatrice du film 20 000 puits sous les terres (2012).

Catherine Berger, Rimouski en transition.

Joyce Renaud, fondatrice et vice-présidente de Mobilisation climat Trois-Rivières, opposante à Énergie Saguenay.

Marielle Boisjoly, militante, Vigilance Lanoraie depuis 2012.

Johanne Béliveau, citoyenne, co-auteure de l'ouvrage L'héritage des luttes environnementales au Québec - Un souffle éco-citoyen.

Laure Waridel, écosociologue, PhD et Anaïs Barbeau-Lavalette, cinéaste et autrice, instigatrices de Mères au front ; Gabrielle Spenard-Bernier et Myriam Thériault, co-directrices.

Alyssa Symons-Bélanger, La Marche pour le Vivant.

François Gagné et Guy Leclerc, architectes, membres du collectif fondateur de CAP-RN (Coalition Anti Pipeline-Rouyn-Noranda), film Une couleuvre dans ma chambre.

Jacques Benoit, membre de GMob (Group Mobilisation) à l'origine de la Déclaration citoyenne universelle d'urgence climatique-DUC reconnue par plus de 525 municipalités représentant plus de 80 % de la population du Québec, corédacteur du Plan de la DUC.

Hugues Bonenfant, Comité de Vigilance de St-Valérien (2012-2019).

Robert Marquette pour Solidarité populaire Richelieu Yamaska.

Martin Archambault membre fondateur de OLEA Oxygène Laval En Amont.

Marie-Eve Leclerc, organisatrice de la Marche Action Climat du 11 avril 2015 devant l'Assemblée nationale à Québec (25 000 personnes) et de la Marche 100 % Possible du 29 novembre 2015 devant le Parlement d'Ottawa (aussi 25 000 personnes).

Jean Falaise pour le Comité pour l'action climatique et environnementale Durham-Sud.

Julie Hevey, Citoyens au Courant (2015-2018).

Carol Saucier, porte-parole du regroupement citoyen Solidarité Gaspésie qui a joué un rôle décisif dans la lutte victorieuse contre le projet pétrolier Galt près de Gaspé (2018-2021).

Chantal Levert, Réseau québécois des groupes écologistes RQGE.

Ulla Gunst, Stop Oléoduc Île d'Orléans (2016-2017), Caravane la Gaspésie à cœur« Eau et hydrocarbures : le tour de la question » (2018).

Geneviève Tremblay-Racette, Table ronde des organismes volontaires en éducation populaire de l'Outaouais (TROVEPO).

Lilas Lamontagne, co-porte-parole Mouvement citoyen littoralement inacceptable (MCLI) Haute-Côte-Nord (2014 à 2020).

Josée Barrette, Regroupement Vigilance Hydrocarbures Sutton (2014-2019).

Paul Bibeau, Comité du regroupement vigilance hydrocarbure du Québec (Repentigny) 2014-2017).

Rébecca Pétrin, directrice générale d'Eau Secours.

Anne-Marie Chapleau, Mères au front Saguenay

Carole Dupuis, porte-parole du Mouvement écocitoyen UNEplanète depuis 2018. Coordonnatrice générale du Regroupement vigilance hydrocarbures Québec de 2015 à 2018, initiatrice de la campagne Vous ne passerez pas ! en 2017.

** Ont endossé cette lettre :

Organisations

1. Martin Legault, coordonnateur pour le MARE (Mouvement d'action régional en environnement).

2. Danielle Demers, présidente, Les Amis de la Chicot de Saint-Cuthbert.

3. Claude Vaillancourt, président, Attac Québec.

4. André Bélanger, directeur général, Fondation Rivières.

5. Arlene Slocombe, Executive Director, Water Watchers.

6. Mélanie Busby, responsable de la Coalition large sur l'énergie, Front commun pour la transition énergétique.

7. Sepideh Anvar, Lâche RBC/Quit RBC.

8. Bertrand Guibord, président, Conseil central du Montréal métropolitain–CSN.

9. Karl Janelle, président, Coalition climat Montréal.

10. Exécutif de la section québécoise de la fondation Sierra Club Canada.

11. Michèle Lavoie, co-fondatrice du Collectif Antigone.

12. Pierre Jasmin, secrétaire, Les Artistes pour la Paix.

13. Rachel Fahlman, présidente de Vent d'élus.

14. Anne-Céline Guyon, analyste climat-énergie chez Nature Québec, ancienne présidente de la fondation Coule pas chez nous ! et coordonnatrice des luttes contre Énergie Est et GNL Québec

15. Yolande Henry, membre de Transition écologique La Pêche Coalition for a Green New Deal.

16. Gilles Labrosse, pour le comité de coordination action/mobilisation de Sauvons la sablière d'Arthabaska.

17. Jennifer Ricard Turcotte, Mères au front Rouyn-Noranda.

18. Jacob Pirro, porte-parole francophone de Dernière Génération Canada.

19. Nathalie Ainsley, pour Mères au front Montréal.

20. Maxime Laplante, Union paysanne.

21. Yvan Fleurant, Pour un choix éclairé dans Nicolet-Yamaska.

22. Andréanne Brazeau, analyste principale des politiques et porte-parole pour le Québec, Fondation David Suzuki.

23. Charles-Edouard Têtu, Analyste politique - Climat et énergie, Équiterre.

24. Sophie-Laurence H. Lauzon, codirectrice générale, Réseau des femmes en environnement.

25. Sylvie Clermont pour le Regroupement écocitoyen de Sainte-Marthe-sur-le-lac.

26. Adrian Burke, président de Nature Hudson, pour Nature Hudson.

27. Linda Robichaud pour Mères au front Vaudreuil-Soulanges.

28. Shelagh McNally pour Pincourt Vert.

29. Jérôme Leclerc, Association pour la santé publique du Québec.

Citoyennes et citoyens

Bruno Detuncq, professeur à la retraite, Polytechnique Montréal.

Jacques Lebleu, citoyen.

Henri-Charles Baudot, citoyen, membre de Mobilisation environnement Ahuntsic-Cartierville (MEAC) et de Eau Secours.

Estelle Carde, citoyenne, membre de Mobilisation environnement Ahuntsic-Cartierville (MEAC).

Frédérique Bertrand-Le Borgne, citoyenne, membre de Mobilisation environnement Ahuntsic-Cartierville (MEAC).

Sylvie Clermont, citoyenne engagée, membre du MARE, de la Coalition Verte, du Fonds d'héritage pour l'environnement et du Réseau Demain le Québec.

Gabriel Cliche, citoyen, bénévole pour Coule pas chez nous Québec (2013-2016).

Emmanuel Patola, citoyen.

Catherine Vallée, citoyenne engagée, membre du Mouvement d'action régional en environnement (MARE), de la Coalition Verte et du Réseau Demain le Québec.

Christophe Reutenauer, professeur de mathématiques, UQAM.

Lucien Beaupré, citoyen.

Jocelyne Alain, citoyenne.

Réal Vigneau, citoyen.

Françoise Cadorette, citoyenne.

Georges Karpat, citoyen, membre du Ralliement contre la pollution radioactive (RCPR).

Jean-Philippe Waaub, professeur associé, à la retraite, département de géographie, UQAM, membre du Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec et du GEIGER, Institut des sciences de l'environnement UQAM.

Francis Waddell, La planète s'invite au parlement.

Louise Legault.

Hélène Crevier, citoyenne.

Jean-François Boisvert, citoyen.

Jacques Gelineau, environnementaliste et réalisateur des émissions de Maya découvre le Saint-Laurent.

Isabelle Catafard, membre Le vivant se défend (2025) et Mères au front (2022), Fondation Rivières, mémoire au Bape contre GNL Québec (2020), Montréal.

Luc Falardeau, citoyen.

Monique Courchesne, citoyenne aînée.

Francine Salvas, membre du RVÉQ depuis 2012.

Joceline Sanschagrin, citoyenne.

François Prévost, citoyen.

Denise Campillo.

Marc St Cyr, citoyen, militant depuis 2012.

Isabelle Nadeau, citoyenne, Stop Oléoduc Capitale-Nationale (2013-2018) et comité de coordination de la Coalition Fjord (2020-2021).

Isabelle Gagné, citoyenne.

Nicole Lamarche, citoyenne.

Nicole Comtois, citoyenne.

Jacques Rousseau citoyen.

Jean-Paul St-Amand, citoyen.

Lucien Jutras, citoyen.

Émilien Pelletier citoyen de Saint-Hyacinthe.

Marie-Claire Mayeres, citoyenne.

Annette Landry, citoyenne madelinienne, militante de MRG (Madelinots pour le Respect du Golfe) entre 2004 et 2013.

Yanick Binet, professeur de philosophie, Collège Lionel-Groulx.

Marie Saint-Arnaud, Ph.D., comité de coordination du Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec.

Sophie Sarrazin, enseignante de musique au primaire.

Pierre Benoit.

Jocelyne Lachapelle, citoyenne, écologiste.

Eloise Gauthier, Montreal.

Pierre-Luc Tremblay, militant écologiste et membre du comité de coordination de la Coalition Fjord (2019-2023).

Camille-Amélie Koziej Lévesque, militante et coporte-parole au sein de la Coalition Fjord lors de la lutte contre GNL Québec (2018-2021).

Simon Barry, Montréal.

Stéphane Caron, Montréal.

Nata Porowska, Énergie alternative, Îles de la Madeleine (2010-2017).

Pascale Boucher-Mercier, enseignante au préscolaire, organisatrice d'activités de protection de l'environnement avec ses élèves, Mont-Laurier.

Ginette Guillemette, citoyenne.

Jean Morisset, citoyen de L'Islet, membre de Stop Oléoduc Montmagny-L'Islet (2013-2017).

Marie-Josée Larocque, membre de Stop Oléoduc Montmagny-L'Islet (2013-2017).

Marie Laberge, membre de Stop Oléoduc Montmagny-L'Islet (2013-2017).

André Jolicoeur, membre du Comité de Vigilance Val de Milt, St-Valérien de Milton.

Denis Dessaint, citoyen.

Martine Leclerc, membre du Comité de Vigilance, St-Valérien-de-Milton (2012-2019).

Arnaud Theurillat-Cloutier, membre de Travailleuses et travailleurs pour la justice climatique (TJC).

Jean-Claude Plourde.

Jean Guilbert, porte-parole, Non aux éoliennes en territoire agricole à St-Maurice.

Jacques Ouellet, Solidarité Gaspésie.

François Lépine, citoyen.

Suzanne Fortin, citoyenne.

Catherine Béliveau, artiste multidisciplinaire et militante.

Josée Desmeules, militante Mobilisation 6600 Parc Nature MHM.

Valeria Moro, citoyenne.

Yann Pezzini, citoyen, doctorant.

Yves Galipeau, citoyen, membre de Solidarité Gaspésie.

Mélanie J. Gervais, citoyenne.

Martin Couture, citoyen.

Joris Maillochon.

Jocelyn Fournier, Action Climat Outaouais (2016 à 2023)

Sylvie Rousseau, comédienne, auteure et metteure en scène de la comédie dramatique « Notre Drame de par Ici », à l'affiche aux Îles de la Madeleine (étés 2005 et 2006), pour sensibiliser la population locale et les visiteurs à la menace d'hydrocarbures dans le Golfe.

Bernard Bonneau, maraîcher et membre de Citoyens au Courant (2013-2017).à

Jacinthe Brassard, membre du groupe citoyen Prendre Parole Vaudreuil-Dorion.

Yvon Couillard, citoyen, Montréal.

Michael Fleckenstein, citoyen.

Rachel Nadeau, citoyenne.

Anik Tremblay, citoyenne engagée, membre du Mouvement d'action régional en environnement (MARE) et de Mères au front.

Guylaine Thibodeau, citoyenne et membre du Regroupement écocitoyen de Sainte-Marthe-sur-le-Lac.

Isabel Delarosbil, citoyenne et membre du Regroupement écocitoyen de Sainte-Marthe-sur-le-Lac.

Claire Lapointe, citoyenne engagée, membre et résidante de la Maison des rebElles, groupe écoféministe.

Ginette Demers, Mères au front Montréal.

Rémi Pelletier, citoyen.

Claude Boileau, administrateur de « À Châteauguay, quelle ville voulons-nous ? », membre du Mouvement d'action régional en environnement (MARE), de Multitudes, de Vivre en Ville et d'autres groupes environnementaux et sociaux.

Claire Dufour, citoyenne engagée, photographe, militante.

Laurence Goulet, citoyenne et membre du Regroupement écocitoyen de Sainte-Marthe-sur-le-Lac.

Lyne Lefebvre, membre Centr'ERE, mère au front Montréal.

Julia Lévy-Ndejuru, Mères au front Montréal.

Nathalie Beauregard , citoyenne.

Alexis Beauregard , citoyen.

Yves Mailhot, Comité de citoyens responsables de Bécancour

Françoise Brunelle, Comité de citoyens responsables de Bécancour

Laetitia Lioussanne, Ph. D., Sciences biologiques et Environnement.

Hélène Charpentier, citoyenne.

Isabelle Senécal, Ph.D., mère au front.

Léa Delambre, Centr'ERE.

François Doucet, citoyen.

Amandine Alessandra, citoyenne engagée.

Jerome Rigaud, citoyen.

Carmen Montour, citoyenne engagée pour le climat.

Eugene Massam, étudiant.

Raymond Trempe, citoyen.

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Quand même des anciens cadres en ont assez

27 mai, par Germain Dallaire, Martine Ouellet — , ,
Germain Dallaire Depuis plusieurs années, des gens du Saguenay-lac-Saint-Jean alertent sur les pertes d'emplois liées à Rio Tinto (anciennement Alcan) qu'on met toujours en (…)

Germain Dallaire
Depuis plusieurs années, des gens du Saguenay-lac-Saint-Jean alertent sur les pertes d'emplois liées à Rio Tinto (anciennement Alcan) qu'on met toujours en balance avec l'immense privilège donné à la multinationale de posséder 8% de la production hydroélectrique au Québec. Déjà en 1995, les travailleurs d'Alcan à Arvida faisaient œuvre d'immenses lanceurs d'alerte par une grève de 11 jours visant à se distribuer la rareté en obtenant un partage du temps de travail. Aujourd'hui, les chiffres parlent d'eux-mêmes, on est rendu à la corde : 12 000 emplois au début des années 60 comparativement à 2 700 actuellement. C'en est rendu au point où même des anciens cadres ont sauté la barrière. Parmi eux, Jacques Dubuc et Myriam Potvin. Pendant un temps, M. Dubuc était la voix publique d'Alcan au Saguenay-lac-Saint-Jean. Avec Mme Potvin, il vient de sortir un livre réquisitoire sur Rio Tinto.

L'essentiel du livre se trouve dans les deux premiers chapitres où les auteur(e)s étoffent le dossier de détails inconnus. Ils ont une connaissance profonde de leur sujet et ça paraît. Ils suivent pratiquement les mégawatts à la trace même si, ils le démontrent amplement, Rio Tinto et Hydro-Québec font tout pour semer la confusion. Leur conclusion sur cette question est que Rio Tinto est actuellement en surplus d'électricité. Question bourrage de crâne, Rio Tinto est passé maître dans cet art. En terme de lobbyistes auprès des gouvernements, on parle de 21. En termes de lobbyistes auprès de la population qu'on désigne par l'euphémisme de relations publiques (ces qualificatifs sont de moi et non des auteurs), on parle aussi d'une vingtaine.

Le cœur du livre se trouve dans l'évaluation des retombées consécutives à la signature du bail de Péribonka en 1984. Contrairement aux trois barrages à l'embouchure du lac Saint-Jean et sur le Saguenay, Rio Tinto ne possède pas l'espace physique (fond de rivière et terrains adjacents), le tout est loué au gouvernement du Québec et fait l'objet d'un bail qui a été renouvelé en 1984. Lors de ce renouvellement, Alcan à l'époque, s'est engagé à la construction de trois usines pour 2009. À cette date, seules deux usines (Alma et Laterrière) avaient été construites et la construction de la troisième usine a fait l'objet de trois reports (en 2006 pour 2015, en 2015 pour 2020 et en 2020 pour 2025), reports à toutes les fois associés à de généreux cadeaux du gouvernement (prêt sans intérêt de 400 millions, blocs d'énergie…). Les trois reports ont été promulgués par décrets alors que le bail de Péribonka est une loi. En termes juridiques, une loi a préséance sur un décret. Selon les auteurs, « les engagements de Rio Tinto pris dans l'entente de 2006 sont toujours valides. Le dernier délai pour réaliser cet engagement aurait dû être le 31 décembre 2025. Son non-respect devrait avoir pour conséquence de libérer le gouvernement de ses propres engagements dans l'entente de 2006, comme précisé dans le renouvellement du bail de Péribonka. » En clair, cela signifie qu'à la fin de cette année, le gouvernement serait en droit de reprendre possession des barrages, des centrales et des droits d'eau sur la rivière Péribonka. Comme le disent les auteurs : « Le levier du bail de location des forces hydrauliques de la rivière Péribonka et des conditions qui s'y rattachent se trouvent toujours entre les mains du gouvernement du Québec. Et c'est bien le fondement de notre intervention ». C'est là une conclusion forte qui porte à conséquences et doit faire réfléchir la population ainsi que les dirigeants politiques. Pour ces raisons et bien d'autres, ce livre a intérêt à être lu et bien digéré par le plus de gens possible.

Avec la bénédiction des autorités politiques, Rio Tinto est en train d'opérer sa mue de compagnie d'aluminium à compagnie d'électricité. Tout pointe dans cette direction : 1- la nomination à la tête de Rio Tinto Aluminum de Jérôme Pécresse qui supervisait précédemment l'installation d'éoliennes en mer pour General Electric ; 2- l'annonce il y a 2 semaines d'un investissement de 1,7 milliard dans son barrage d'Îles Malignes ; 3- la construction prochaine d'un parc éolien de 1000 mégawatts. On ajoute à ça le projet de loi 96 qui permet à Rio Tinto de vendre l'électricité à des tiers et tout devient limpide. Le dossier de Rio Tinto au Saguenay-lac-Saint-Jean est rien de moins qu'accablant. Comme le disait il y a longtemps un célèbre duo, je dirais même, je dirais même plus : « Honteux ».

L'EXPLOITATION DE NOTRE EAU PAR RIO TINTO, Quel avenir pour le Québec ? Jacques Dubuc et Myriam Potvin, Édition Somme Toute.

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Des ex-cadres lèvent le voile sur Alcan/Rio Tinto et son électricité
« Il est plus que temps que ça change

» Martine Ouellet

Montréal, le lundi 26 mai 2025 – Martine Ouellet, cheffe de Climat Québec, souligne l'importance des révélations contenues dans un livre-choc rédigé par deux anciens cadres d'Alcan/Rio Tinto. Ces auteurs lèvent le voile sur les privilèges exorbitants dont bénéficie la multinationale grâce à ses barrages privés, mettant en lumière des enjeux majeurs sur l'avenir de la production hydroélectrique au Québec et la mainmise croissante d'intérêts privés sur une ressource collective aussi stratégique que notre eau.

Dans « L'exploitation de notre eau par Rio Tinto », publié aux Éditions Somme Toute, Jacques Dubuc et Myriam Potvin, deux anciens cadres dont l'un fut la voix d'Alcan au Saguenay–Lac-Saint-Jean pendant de nombreuses années, sonnent l'alarme. Leur constat : Rio Tinto dévie dangereusement des engagements historiques pris lors de l'exception à la nationalisation de ses barrages en 1962.

À l'époque, les installations d'Alcan — représentant environ le quart de la production électrique du Québec — avaient été soustraites à la nationalisation en raison de leur impact majeur sur l'emploi, avec 12 000 emplois directs. Aujourd'hui, que ce nombre est tombé à moins de 3 000.

« En combinant les subventions déguisées liées à ses barrages, les passe-droits fiscaux et les exemptions pour les GES, ce sont 1,2 milliard de dollars par année que Rio Tinto reçoit en manque à gagner pour les contribuables québécois. Il est plus que temps que ça change. » déclare Martine Ouellet, cheffe de Climat Québec

Le livre révèle également le non-respect des engagements juridiques pris par Alcan en 1984 lors du renouvellement du bail de la rivière Péribonka, engagements reconduits par Rio Tinto en 2006. Selon Dubuc et Potvin, ce manquement ouvre la porte à une reprise légale des trois barrages concernés par le gouvernement du Québec. L'ouvrage aborde également les enjeux liés au projet Elysis et à la gestion des rives du lac Saint-Jean.

« Avec les révélations de ce livre, l'ensemble de la classe politique a le devoir de revisiter le pacte social et d'exiger de Rio Tinto des retombés à la hauteur de ses privilèges. Sans cela, il est du devoir du gouvernement de reprendre les droits d'eau et d'en faire meilleur usage au bénéfice de la population. » ajoute Martine Ouellet

Il semble s'opérer un vaste réorientation du coté de Rio Tinto avec le nouveau PDG qui provient de GE volet énergie renouvelable qui investit massivement dans la production électrique, avec un parc éolien de 1 000 MW et 1,7 milliard $ pour la rénovation du barrage d'Îles Malignes. Combiné avec les volontés exprimées dans le projet de loi 69, qui permettrait aux producteurs privés de vendre leur électricité à des tiers, une question s'impose : Rio Tinto est-elle en voie de devenir une entreprise énergétique privée voulant vendre de l'électricité plutôt que de l'aluminium et ce au détriment du bien commun ?

30-

SOURCE :

climat.quebec

Relations médias communications@climat.quebec

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Le milieu de l’enseignement supérieur réclame plus d’écoute et de soutien

27 mai, par Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche (FPPU) — , , ,
Montréal, le 20 mai 2025 — La Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche (FPPU) se joint à ses organisations alliées du monde syndical pour (…)

Montréal, le 20 mai 2025 — La Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche (FPPU) se joint à ses organisations alliées du monde syndical pour réclamer un changement de garde au ministère de l'Enseignement supérieur. Depuis sa nomination, en octobre 2022, la ministre Pascale Déry a totalement antagonisé le milieu qu'elle avait pour mission de servir. Cette fracture irréductible ne lui permet plus d'accomplir ses fonctions.

La Politique québécoise de financement des universités lancée en juin 2024 ainsi que le budget 2025-2026 ont signifié une baisse effective des fonds alloués à l'éducation postsecondaire. La FPPU déplore ce désinvestissement, qui met en péril nombre d'emplois professionnels contractuels. Faut-il rappeler que le personnel hautement qualifié joue un rôle clé dans le soutien aux communautés enseignante et étudiante ?

Par ailleurs, la « surtaxe » imposée aux personnes de l'étranger, qui paient désormais à prix fort leurs études au Québec, mine l'écosystème universitaire. Et le plafonnement des admissions par l'État n'arrange rien. Ces mesures restrictives grèvent le budget de plusieurs établissements et entravent les échanges internationaux qui nourrissent la vie intellectuelle. Elles suscitent l'indignation de beaucoup de nos membres, notamment chez ceux et celles dont le travail consiste à accompagner la population étudiante.

Enfin, la FPPU déplore que le rapport qui doit encadrer l'usage responsable de l'intelligence artificielle en enseignement supérieur tarde autant à paraître. La communauté universitaire et collégiale est abandonnée à elle-même face à cette révolution technologique d'une ampleur inédite, émergée il y a plus de deux ans. Notre propre mémoire sur le sujetremonte déjà à juillet 2023.

Que la députée de Repentigny soit nommée ministre de l'Enseignement supérieur avait surpris en 2022, sa carrière s'étant déroulée loin des campus. On a laissé la chance à la coureuse, mais Pascale Déry, hélas, n'a pas su franchir le fil d'arrivée. Méconnaissance de la culture du secteur, accrocs à la liberté académique et à l'autonomie universitaire, manque d'écoute et de transparence... Pas étonnant qu'environ 800 membres du personnel enseignant aient exigé sa démission dans cette lettre ouverte. À leur instar, la FPPU réclame la nomination d'un élu ou d'une élue plus en phase avec le milieu. Reconstruisons sur des bases neuves cette relation, si essentielle à notre société du savoir, entre le gouvernement et les diverses universités du Québec.


À PROPOS

Fondée en 1979, la Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche (FPPU) représente des membres à qualification élevée du réseau de l'enseignement supérieur. Elle soutient près de 3000 personnes réparties en 10 syndicats et associations, au Québec et au Nouveau-Brunswick.

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Réforme du régime de négociation : Des solutions pour rétablir un réel équilibre

27 mai, par Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) — , ,
Québec, le 21 mai 2025 — En commission parlementaire aujourd'hui, le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) proposera différentes (…)

Québec, le 21 mai 2025 — En commission parlementaire aujourd'hui, le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) proposera différentes modifications au projet de loi 100 sur la réforme du régime de négociation dans le secteur public afin de rétablir un réel équilibre dans les négociations.

Services essentiels

Force est de constater que des enjeux majeurs ont été ignorés au moment de la rédaction du projet de loi, notamment en ce qui a trait à la négociation des services essentiels. « Le Code du travail précise que la négociation des services essentiels doit se faire avec diligence et bonne foi. Or, dans la pratique, c'est une tâche lourde et chronophage pour les syndicats. Il n'est pas rare que la partie patronale propose une longue liste imprécise et exagérée. Le SPGQ propose d'imposer un délai maximal de dix jours à l'employeur pour répondre aux précisions demandées par les syndicats tel qu'on le prévoit dans le secteur de la santé. L'employeur ne doit plus avoir la possibilité de laisser traîner les choses indéfiniment pour retarder l'exercice du droit de grève », illustre Annie Morin, première vice-présidente du SPGQ.

Influence excessive du Conseil du trésor

Il est aussi primordial de prévoir des aménagements pour le régime de négociation applicable aux organismes gouvernementaux. « Le projet de loi ne corrige pas les problèmes actuels et confirme l'influence excessive du Conseil du trésor dans les négociations. Cette approche centralisée a déjà entraîné plusieurs situations regrettables, dont l'instrumentalisation de clauses remorques précédemment négociées, exacerbant les tensions à la table de négociation et portant notamment atteinte à la crédibilité des parties concernées », signale Mme Morin.

Maraudage

Le projet de loi pourrait entraîner des répercussions importantes sur la période de maraudage en modifiant les moments applicables aux secteurs public et parapublic. « Cela aurait pour effet de retarder le processus de négociation et de repousser la conclusion des ententes, nuisant ainsi à l'efficacité du processus. Nous invitons le législateur à revoir les règles encadrant le maraudage dans les organismes gouvernementaux, lesquelles ne sont pas adaptées à la réalité de ces milieux », indique Mme Morin.

Dépôts simultanés demandés

Enfin, l'obligation pour les syndicats de déposer leurs demandes bien avant celles de l'employeur devrait aussi être retirée. Celle-ci déséquilibre les négociations. « L'employeur peut alors adapter ses propositions en fonction des informations reçues, sans pour autant exposer ses réelles revendications. Cette dynamique réduit considérablement la capacité des parties à négocier de manière équitable sur la base des véritables enjeux, ce qui va à l'encontre de l'efficacité souhaitée » explique Mme Morin.
Le SPGQ demande au gouvernement de faire preuve d'ouverture relativement à ses propositions afin d'en arriver à un projet de loi bénéfique pour l'ensemble des parties sans perdre de vue ses objectifs de simplifier et d'accélérer les négociations.

À propos du SPGQ
Le SPGQ est le plus grand syndicat de personnel professionnel du Québec. Créé en 1968, il représente plus de 35 000 spécialistes, dont environ 26 000 dans la fonction publique, 6 000 à Revenu Québec et 3 000 répartis dans les secteurs de la santé, de l'enseignement supérieur et au sein de diverses sociétés d'État.

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Source
Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec

Coupures dans les organismes communautaires

27 mai, par Fédération des syndicats de l'action collective (FSAC-CSQ) — , ,
Comme vous le savez déjà, de nombreux organismes communautaires sont victimes de coupures qui vont même jusqu'à menacer leur existence. C'est le cas entre autres de plus d'une (…)

Comme vous le savez déjà, de nombreux organismes communautaires sont victimes de coupures qui vont même jusqu'à menacer leur existence. C'est le cas entre autres de plus d'une dizaine d'entre eux à Montréal seulement.

Affilié à notre Fédération syndicale, nos camarades du Carrefour jeunesse-emploi de Verdun doivent réduire leurs heures parce que leur organisme voit ses subventions réduites de plus de 70K$ par année alors que les besoins de la population qu'il désert ne cessent de croître, ce qui a un impact majeur, et sur les services offerts, et sur les travailleuses et les travailleurs de cet important organisme.

Par ailleurs, le CALACS Longueuil, les organisme Le boulot vers… et Carrefour relance ainsi que d'autres groupes devront carrément fermer sous peu faute du renouvellement de leurs subventions. Les coupures sont catastrophiques et elles touchent aussi des programmes essentielles pour les population déjà marginalisées. On peut penser à cet effet aux coupures inhumaines qui s'opèrent dans les service d'aide à domicile, ce que déplore d'ailleurs l'organisme Ex Aequo.

Bref, nous allons tenir un point de presse pour dénoncer les coupures dans les différents organismes communautaires et mettre la lumière sur le saccage de notre filet social par la CAQ. En plus de multiplier les attaques sur l'accès au logement, à l'éducation et à la santé via des politiques néolibérales qui servent la petite classe des riches au pouvoir, le gouvernement de la CAQ instrumentalise nos citoyens issus de l'immigration et il précarise encore davantage celleux qui en arrachent déjà ! Et pour ajouter l'insulte à l'injure, ce même gouvernement veut sabrer dans les organismes qui plus souvent qu'autrement sont le tout dernier maillon qui peut prendre soin de la classe des gens qu'il a déjà attaqué.

Nous devons être nombreux à dénoncer les coupures dans les organismes communautaires et faire comprendre à la CAQ qu'on ne laissera pas ça passer ! Ce sera le moment de donner la parole aux organismes et au travailleuses et travailleurs du milieu communautaire à cet occasion.

Fédération des syndicats de l'action collective (FSAC-CSQ)

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Grève à l’entretien du RTC : « L’employeur a sa part de responsabilité », selon le syndicat

27 mai, par CSN communication — , ,
Les membres du Syndicat des Salariés(ées) d'entretien du RTC (CSN) ont dressé des piquets de grève cette nuit devant le 720, rue des Rocailles. Ils seront en grève aujourd'hui (…)

Les membres du Syndicat des Salariés(ées) d'entretien du RTC (CSN) ont dressé des piquets de grève cette nuit devant le 720, rue des Rocailles. Ils seront en grève aujourd'hui et demain, les 22 et 23 mai. Le syndicat estime que l'employeur a sa part de responsabilité dans le conflit et dénonce une instrumentalisation politique de la grève.

22 mai 2025
Tiré de L'infolettre de la CSN En mouvement

« Soyons clairs : ce n'est pas le syndicat qui a décidé de suspendre complètement le service à la population, c'est l'employeur », déclare Nicolas Louazel, président du Syndicat des Salariés(ées) d'entretien du RTC (CSN). « Ils n'étaient pas obligés de fermer pendant deux jours ». Le syndicat avait d'ailleurs choisi d'y aller graduellement avec son mandat de grève pour permettre à la partie patronale de s'organiser. Le RTC aurait voulu maximiser l'impact de la grève pour retourner l'opinion publique contre les syndiqués qu'il ne s'y serait pas pris autrement. « L'employeur a sa part de responsabilité dans le conflit », martèle Nicolas Louazel. « En 42 jours de négociation, dont 4 jours de conciliation, on n'a même pas commencé à travailler sur les vrais enjeux parce que l'employeur a fait trop de demandes et se traine les pieds ».

Le RTC parle souvent de bien-être de la population et de qualité du service, ce qui est ironique selon le syndicat. « La paix industrielle, s'entendre avec les syndicats, adresser les enjeux vécus par les salarié-es, c'est ça qui va assurer la qualité du service et le bien-être de la population, » explique Nicolas Louazel. « Du monde heureux au travail, c'est du monde productif. Il est plus que temps que le RTC investisse dans son capital humain ». Le syndicat estime que ses demandes ne coûteront pas plus cher à la population puisqu'il est en mesure de suggérer et de générer des économies substantielles pour le transporteur.

« Le transport en commun est un élément clef du développement économique et social du Québec, en plus d'être un élément incontournable de la transition juste », rappelle Stéphanie Gratton, vice-présidente de la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP–CSN), « c'est important de prendre soin de nos salarié-es et de maintenir de bonnes conditions de travail ». La vice-présidente note toutefois qu'il y a des limites à ce qu'il est possible d'atteindre en négociation. « Non seulement les sociétés de transport doivent agir de bonne foi et négocier des conditions décentes pour maintenir des services de qualité », explique Stéphanie Gratton, « mais les gouvernements supérieurs doivent s'impliquer et s'assurer que le transport en commun soit adéquatement financé pour pouvoir jouer son rôle ».

« La région de Québec a pris du retard en matière de transport en commun et de mobilité durable », poursuit Barbara Poirier, présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN). « Au lieu d'aller de l'avant et de soutenir le réseau adéquatement, on fait la vie dure aux salarié-es et on étire les négociations avec les syndicats, c'est le monde à l'envers ». Pour la présidente du Conseil central, ce que vivent les syndicats au RTC avec des négociations qui s'éternisent n'est pas sans rappeler ce que vit la population : « Pendant que les gens attendent le bus, nos membres, eux, attendent le boss ; on pourrait se dire que c'est la vie, mais non, ce n'est pas obligé d'être comme ça. Le RTC peut et doit faire mieux ».

Pour Katia Lelièvre, vice-présidente de la CSN, la direction du RTC instrumentalise la grève des salarié-es d'entretien pour marquer des points politiques. « Ils ne s'en cachent même pas, ils en parlent ouvertement en conférence de presse : ils veulent revenir à la situation antérieure, récupérer les services essentiels et limiter le droit de grève de leurs employé-es », explique Katia Lelièvre. Pour la vice-présidente de la CSN, le conflit au RTC illustre, malheureusement, tous les problèmes soulevés par le projet de loi 89 du ministre Boulet, visant à limiter le droit de grève. « Au lieu d'accélérer les choses, limiter le droit de grève des salarié-es va les ralentir encore plus », conclut la syndicaliste. « On va en voir de plus en plus souvent des employeurs se traîner les pieds en négociation, pourquoi ils se presseraient si à la fin si le ministre peut suspendre une grève et qu'un arbitre peut imposer une convention collective ? »

La CSN et ses organisations affiliées réitèrent son appui au Syndicat des Salariés(ées) d'entretien du RTC (CSN). Toutes les ressources sont mises à la disposition du syndicat pour soutenir la négociation et la mobilisation pour obtenir une bonne convention collective. Rappelons que la convention collective des salarié-es d'entretien du RTC est échue depuis le 27 septembre 2024.

À propos

Le Syndicat des salariés(ées) d'entretien du RTC (CSN) représente 363 travailleuses et travailleurs des garages de la société de transport. Il est affilié à la FEESP–CSN, qui regroupe 65 000 membres répartis dans 425 syndicats dans les services publics et parapublics ainsi qu'au Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CCQCA–CSN) qui compte 45 000 membres dans 240 syndicats de toutes provenances. Pour sa part, la CSN compte plus de 330 000 membres syndiqués provenant tant du secteur privé que du secteur public.

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PL89 : le ministre discrétionnaire

27 mai, par François L'Écuyer — , ,
23 décembre 2024. Au détour d'une entrevue de fin d'année accordée dans sa circonscription, Jean Boulet affirme analyser la possibilité d'élargir la notion de services (…)

23 décembre 2024. Au détour d'une entrevue de fin d'année accordée dans sa circonscription, Jean Boulet affirme analyser la possibilité d'élargir la notion de services essentiels et de s'arroger le pouvoir de mettre fin à une grève.

Tiré du Point syndical.

est la première fois qu'un ministre du Travail québécois ose évoquer aussi explicitement de nouvelles restrictions au droit de grève, du moins depuis sa reconnaissance en tant que droit constitutionnel par l'arrêt Saskatchewan il y a dix ans.

Le ministre Boulet n'aura pas chômé. Dès février, il présente sa pièce législative : la Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève introduit un nouveau chapitre au Code du travail et instaure des pouvoirs discrétionnaire inédits pour le ministre.

Par simple décret, celui-ci pourrait dorénavant permettre à l'une des parties négociantes de saisir le Tribunal administratif du travail (TAT) afin que celui-ci détermine si des « services minimalement requis pour éviter que ne soit affectée de manière disproportionnée la sécurité sociale, économique ou environnementale » doivent être maintenus. À défaut d'entente entre les parties, le TAT serait alors mandaté à stipuler les services qui doivent être maintenus.

Le ministre s'arroge également le droit de mettre un terme à un conflit de travail et le droit d'imposer aux parties l'arbitrage obligatoire. Simplement par décret, sans aucune forme de débat parlementaire.

Un interventionnisme sans précédent

Aux fins de l'analyse, mettons de côté un instant les représentations effectuées par les organisations syndicales et patronales, que d'aucuns pourraient soupçonner d'être teintées d'intérêts particuliers.

N'en déplaise au ministre, les avis des experts indépendants sont unanimes : les spécialistes du droit et des relations de travail qui sont intervenus en commission parlementaire ont tour à tour pourfendu les modalités contenues dans le projet de loi 89. Tant pour ses atteintes à la liberté d'association et au droit de grève que pour le déséquilibre majeur qu'il entraînera dans le système des relations de travail qui prévaut au Québec.

Tous trois professeurs à l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal, Patrice Jalette, Mélanie Laroche et Gregor Murray s'interrogent d'abord, dans un mémoire présenté en commission parlementaire, sur la pertinence même du projet de loi, qui s'apparente à leurs yeux à « une distraction inutile par rapport aux priorités auxquelles les parties patronales et syndicales sont confrontées ». Si les dernières années ont vu une recrudescence relative des conflits de travail, c'est en grande partie dû à la montée de l'inflation postpandémie, juxtaposée à une importante pénurie de main-d'œuvre, précisent les auteurs.

Rappelant à quel point le droit de grève est encadré au Québec et qu'il demeure indissociable à notre régime de paix industrielle, les professeurs sont particulièrement préoccupés par « l'encadrement excessif du droit de grève » et par « la politisation accrue des relations du travail dans le secteur privé », entraînés par tant de pouvoirs discrétionnaires accordés au ministre.

« En 30 ans de militantisme syndical, je n'ai jamais vu une telle attaque aux droits des travailleuses et travailleurs », assure le premier vice-président de la CSN, François Enault.

Contestations à venir

Plusieurs éléments du projet de loi 89 risquent de ne pas passer le test des tribunaux, soulignent des spécialistes intervenus en commission parlementaire.

C'est le cas d'un groupe de huit professeurs de droit et de relations industrielles associés au Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT).

Craignant une « banalisation de la violation des droits consacrés par les chartes », ces experts prévoient que l'adoption du projet de loi « conduira inévitablement à une prolifération de contestations constitutionnelles et à une judiciarisation des conflits de travail ».

L'obligation de maintenir des services assurant le bien-être économique, social et environnemental de la population risque également d'être taillée en pièces par les tribunaux, rappellent les universitaires. À ce jour, seules la santé et la sécurité de la population sont reconnues par les tribunaux comme étant des critères raisonnables qui justifient de restreindre le droit de grève, tel que confirmé par l'arrêt Saskatchewan.

D'autant plus qu'à très court terme, malgré les contestations à venir, c'est le rapport de force des syndicats qui risque d'en pâtir. À ce sujet, les avis sont sans équivoque : sans même avoir à être mise en exécution, la seule possibilité du ministre de mettre un terme à un conflit ou d'exiger le maintien de services minimaux au-delà des exigences de santé et de sécurité de la société entraînera une perte d'efficacité de la grève.

Pour la présidente de la CSN, le projet de loi 89 doit être retiré. « Nous avons la profonde conviction que ce projet de loi contrevient aux chartes. Les experts sont de notre avis. S'il est adopté, nous le contesterons avec vigueur devant les tribunaux. Mais les dommages sur nos conditions de travail auront été faits. Et ça, le ministre le sait, c'est ce qui est particulièrement enrageant ».

À plusieurs reprises durant les travaux parlementaires, le ministre Boulet s'est défendu de vouloir abuser de ces nouveaux pouvoirs, y voyant là plutôt l'occasion d'intervenir dans des circonstances exceptionnelles.

Les huit experts du CRIMT ne sont pas dupes pour autant : rappelant la métaphore du fusil de Tchekhov, « de tels pouvoirs sont octroyés pour être utilisés », soulignent-ils dans leur mémoire.

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« Un simple accident » remporte la palme d’or

Jafar Panahi refuse de céder au cynisme, comme au régime. Son film, qui vient de remporter la palme d'or à Cannes est drôle, parfois absurde, et pose les questions essentielles (…)

Jafar Panahi refuse de céder au cynisme, comme au régime. Son film, qui vient de remporter la palme d'or à Cannes est drôle, parfois absurde, et pose les questions essentielles de la légitimité de la violence et de la vengeance. Un film aux dialogues ciselés qui désamorce les instincts punitifs, comme une invitation à l'invention d'une autre société pacifiée.

Tiré du blogue de l'autrice.

Un couple et leur fille en voiture la nuit. L'homme est derrière le volant, mutique, sa femme à côté de lui est enceinte. La petite demande à monter le son de la musique, quelque chose percute la voiture. Un chien errant, il est mort. La petite serre sa peluche qui ressemble au Milou de Tintin, elle n'a plus le cœur à la fête. Un simple accident, que Dieu a mis sur leur chemin.

Mais la voiture tombe en rade. Le père de famille s'en remet à un ouvrier devant une usine. Dans l'arrière boutique près de la volière Vahid est au téléphone avec sa mère. Quelque chose passe dans son regard lorsqu'il entend la démarche chuintante du père de famille. Ses yeux se figent, il prend congé de sa mère au téléphone. La voiture redémarre, il la suit en filature. Le lendemain, il fulmine, abat sa pelle sur la tête du conducteur et l'embarque fissa à l'arrière de sa camionnette. Il va l'enterrer dans le désert. Cet homme est son tortionnaire, celui qui a bousillé sa vie. C'est sûr, c'est lui. Pourtant, Vahid ne parvient pas à en avoir le cœur net.

Au cours du road-movie tragi-comique qui va suivre, il entrainera dans son expédition punitive une équipe improbable d'anciens codétenus. Certains l'appelaient la Guibole, d'autres l'Éclopé, mais tous se souviennent de son sadisme, de sa cruauté, du zèle exemplaire qu'il mettait à soumettre leurs corps aux sévices corporels.

La fiction rejoint la réalité

Comme dans Taxi Téhéran, Jafar Panahi filme depuis une camionnette, dans l'habitacle. C'est un dispositif scénique indispensable à plusieurs égards : il répond au besoin des protagonistes du film – et du tournage – de passer sous le radar du régime, d'échapper à sa surveillance.

Le réalisateur iranien a passé 200 jours en prison. Lorsque ses personnages parlent des sévices qu'ils ont subis, il sait de quoi ils parlent. Le secret a d'ailleurs été maintenu autour du film jusqu'à sa diffusion, là aussi pour échapper à la censure et à la répression du régime.

Plutôt que de montrer les geôles, Panahi laisse de l'espace à l'humour et à l'espoir. Dans une scène en plein désert, les protagonistes citent et rejouent En attendant Godot. Allah pourtant, n'a pas vraiment volé à leur secours lorsque la corde menaçait sans cesse de leur pendre au cou. Pour l'espoir et les signaux faibles de libéralisation, il y a les têtes des femmes davantage découvertes. Mais quand il s'agit des institutions, le constat est plus amer, une femme en train d'accoucher doit être sous la responsabilité d'un homme, elle n'a d'identité donc de droit aux soins que sous cette condition.

Inversion de rôles

Avec son film, Panahi montre la versatilité avec laquelle des humains s'élancent dans la vengeance. Qu'ils soient dans une conversation douce avec leur mère comme Vahid, sur le point de se marier comme Maria, ou en train de travailler comme Shiva ou de zoner comme Hamid, tous ou presque acceptent l'invitation à l'expédition punitive. Davantage pour mettre la main à la pâte que pour se poser en justiciers de l'otage inconnu. Masqué, brimé, le père de famille Eclopé présumé, se retrouve réduit à la position de ses anciennes victimes.
Pour qu'il puisse se soulager, Vahid va pourtant jusqu'à le porter sur son dos. Lui qu'on surnommait la Cruche parce qu'il se tient toujours la hanche de douleur, et à cause de l'incontinence qu'il a héritée de la prison. Malgré ses souffrances il se retrouve à porter sur son dos l'homme qu'il soupçonne fortement d'être son bourreau.

Panahi réserve un coquin de sort à ses anciennes victimes qui revêtent les habits de tortionnaires. Pourront-ils encore se regarder en face s'ils réalisent qu'ils sont capables de commettre les mêmes horreurs que le régime d'Ali Khamenei ?

Sans relativiser la violence du régime, Panahi parvient, par son regard sociologique, à passer au crible les instincts vengeurs et punitifs qui gravitent en nous. L'engrenage infernal de la violence, le dilemme cornélien, les joutes verbales, plaidoyers et réquisitoires, tout est ciselé dans les dentelles langagières et les circonvolutions d'une argumentation étayée, qui sont l'une des marques de fabrique du cinéma iranien (on pense à Un héros et à Le Client d'Asghar Farhadi). Par sa photographie aussi le film désenclave le regard, élargit la focale et éclaircit l'horizon.

Un simple accident nous parle de l'Iran, mais aussi d'Israël-Palestine. Il nous parle de tous les régimes autoritaires, des guerres héréditaires, qui ne peuvent s'éteindre que dans le difficile renoncement à la vengeance. Un acte de résistance et de résilience politique, qui invite à toujours s'interroger sur l'éthique humaniste de ses actes.

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En marche : l’amour et la résistance queers

Lancement national du long métrage documentaire de l'ONF En marche : l'amour et la résistance queers. Début des projections ce mois-ci dans les villes canadiennes et diffusion (…)

Lancement national du long métrage documentaire de l'ONF En marche : l'amour et la résistance queers. Début des projections ce mois-ci dans les villes canadiennes et diffusion sur les plateformes ONF et TVO durant le Mois de la Fierté

Le 20 mai 2025 – Toronto – Office national du film du Canada (ONF)

Le long métrage documentaire En marche : l'amour et la résistance queers, qu'ont créé le réalisateur winnipegois Noam Gonick et la productrice torontoise Justine Pimlott pour l'Office national du film du Canada, braque les projecteurs sur le militantisme ayant donné son impulsion au mouvement 2ELGBTQI+ au Canada. Des projections évènements auront lieu dès le mois de mai dans les villes du pays avant la mise en ligne sur ONF.ca le 27 juin.

La version française du film sera présentée en première sur les plateformes de l'ONF durant le Mois de la Fierté, et s'accompagnera d'événements en présentiel qui se tiendront à la salle Alanis-Obomsawin de l'ONF, dans le Quartier des spectacles. Plusieurs projections en anglais d'En marche sont également confirmées, ainsi que des diffusions ponctuelles et en continu en juin sur TVO.

Récemment présentée à l'ouverture deHot Docs, la production figure parmi les 10 films favoris du public du festival.

À propos d'En marche

Sans compromis, audacieux, exaspérant, porteur d'espoir, ce chapitre capital de l'histoire queer retrace les moments décisifs qui ont mené à l'émergence du mouvement 2ELGBTQI+, et rend hommage aux militantes et militants dont les actes de résistance nous ont valu nos droits actuels.

À l'aide d'images d'archives rarement vues et de témoignages, le film entraîne le public en première ligne du combat. Des descentes de police jusqu'aux premiers spectacles de drag queens, et des communautés qui s'organisent jusqu'à la Chambre des communes, l'histoire complexe de la diversité canadienne se dessine sous nos yeux.

Le récit de ces jalons déterminants illustre la puissance de l'action collective, mais nous rappelle également que des droits acquis de haute lutte peuvent aisément nous être retirés. C'est dire qu'il s'agit là d'un documentaire essentiel pour l'ensemble des Canadiennes et Canadiens.

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Aires de jeux, aires de guerre

27 mai, par Omar Haddadou — ,
– Aire de jeux. - Enfants heureux. - Aire de guerres. - Enfants sous terre. - Aire de jeux. - Des cris de joie. - Aire de guerres. - Horreur et effroi. - Aire (…)

Aire de jeux.
- Enfants heureux.
- Aire de guerres.
- Enfants sous terre.
- Aire de jeux.
- Des cris de joie.

- Aire de guerres.
- Horreur et effroi.
- Aire de jeux.
- Bac à sable et balançoires.
- Aire de guerres.
- Décombres et cadavres le soir.
- Aire de jeux.
- Cheveux dans l'vent et belles mines.

- Aire de guerres.
- Exode et grande famine.
- Aire de jeux.
- Ciel plein de couleurs.
- Aire de guerres.
- Snippers et drones tueurs.
- Aire de jeux.
- Je te dessine un Koala.
- Aire de guerres.

Tu n'es plus là !

Omar HADDADOU En hommage aux enfants de Gaza Mai 2025

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« Le livre noir de Gaza », un acte de résistance contre l’indifférence

27 mai, par MondAfrique — , ,
Un an après l'attaque terroriste du Hamas contre Israël et la riposte implacable de Tsahal, un ouvrage collectif, coordonné par Agnès Levallois – vice-présidente de l'Institut (…)

Un an après l'attaque terroriste du Hamas contre Israël et la riposte implacable de Tsahal, un ouvrage collectif, coordonné par Agnès Levallois – vice-présidente de l'Institut de Recherche et Études Méditerranée Moyen-Orient –, se dresse comme un monument de papier contre l'oubli. Le Livre noir de Gaza – titre évocateur d'un genre littéraire né des cendres de la Shoah, et utilisé ensuite pour documenter les génocides au Cambodge et au Rwanda – se veut le gardien d'une mémoire fragile : celle du peuple palestinien dont les dirigeants de l'État d'Israël souhaitent effacer, non seulement les souffrances, mais l'existence même.

21 mai 2025 | tiré du site Monafrique
https://mondafrique.com/loisirs-culture/un-acte-de-resistance-contre-le-blocus-mediatique-qui-entoure-gaza/

La chronique de Jean-Jacques Bedu sur Le Livre noir de Gaza, signé Agnès Levallois et préfacé par Rony Brauman, Le Seuil, 04/10/2024, 304 pages, 21,50 €

Ce Livre noir est un ouvrage exigeant, dur, parfois accablant. En nous mettant face à notre propre responsabilité, à notre humanité devant l'inacceptable et à l'injustice, il doit être pas seulement lu, mais aussi entendu et compris. Cet ouvrage nous lance ce défi : et si l'indifférence était le pire des génocides ; l'oubli la plus grande victoire de l'oppresseur ? Les génocidaires ont déjà perdu la bataille contre l'oubli. Notre résistance mémorielle sera la plus forte.

Documenter l'indicible

Face à l'immonde barbarie subie le 7 octobre 2023, crime abominable qui ne peut être ni excusé, ni oublié, l'État d'Israël avait le devoir de se défendre face aux attaques du Hamas : « Pourtant comme l'a sobrement résumé Jean‑Louis Bourlanges, président de la commission des Affaires étrangères du Parlement français, « la violence du Hamas est sans excuse, mais pas sans cause ». Remarque de bon sens, bien souvent ignorée, voire criminalisée en tant que justification du terrorisme. » Nonobstant, ce droit est en principe encadré par le droit international, qui impose des limites à l'usage de la force. Les crimes de guerre commis à Gaza, et désormais au Liban (bien que les conflits soient très différents), ne sont pas seulement une tragédie humaine : ils constituent une violation flagrante de ce droit international, dont les dirigeants de l'État israélien devront rendre compte selon l'ordonnance rendue le 26 janvier 2024. Mais c'est déjà peine perdue : les États-Unis, la Chine, l'Arabie saoudite n'ont jamais ratifié le Statut de Rome ; la Russie a retiré sa signature en 2016. Tous ces pays ont violé – ou violent encore – de manière manifeste ce droit international, sans être le moins du monde inquiétés par la Cour pénale. Et nous ne parlerons même pas de la trentaine de résolutions de l'ONU qu'Israël a violé ! La vengeance aveugle et la destruction massive n'ont jamais été légitimes. Elles ne font qu'alimenter la spirale de la violence et de la haine, rendant la paix encore plus inaccessible. Mais qu'importe ! Machiavel avait déjà fixé les règles : « Dès l'instant que le salut de l'État est en jeu, aucune considération de justice ou d'injustice, d'humanité ou de cruauté, de gloire ou d'ignominie, ne doit plus intervenir. Tout moyen est bon qui sauve l'État et maintient sa liberté. » Ou, mieux encore, comme le disait Henry Kissinger : « l'illégal, nous le faisons immédiatement ; l'inconstitutionnel, nous y réfléchissons. »

Le brouillard de la guerre

Dès les premières pages, nous sommes frappés par l'ampleur du projet de d'Agnès Levallois : rendre compte d'un événement d'une telle brutalité, survenu dans un territoire étroitement contrôlé et hermétiquement fermé à la presse internationale, relève d'un véritable tour de force. En organisant cet ouvrage, la spécialiste du Moyen-Orient se positionne en archiviste d'un massacre, en gardienne d'une mémoire collective qu'elle refuse de laisser sombrer dans l'oubli, ou d'être déformée par les récits simplificateurs d'une géopolitique manichéenne. Et c'est là toute la force de ce livre collectif : il nous contraint à regarder la réalité de Gaza en face, à la fois dans sa quotidienneté insupportable, et dans l'immensité de ses souffrances.

Au cœur d'un conflit marqué par une propagande intense et la manipulation de l'information, Le Livre noir de Gaza s'impose donc comme un contrepoint nécessaire, une quête de vérité au milieu du brouillard de la guerre. L'ouvrage se propose de documenter méthodiquement les violences infligées à la population civile palestinienne, en s'appuyant sur des sources incontestables : rapports d'ONG telles qu'Amnesty International, Human Rights Watch, Médecins Sans Frontières et Reporters Sans Frontières, enquêtes d'experts indépendants et témoignages de journalistes qui risquent leur vie pour rendre compte de l'horreur quotidienne. L'ouvrage se démarque donc des récits manichéens, des simplifications médiatiques et du sentimentalisme facile. Le choix est fait d'une objectivité chirurgicale : la violence est exposée sans fard ni complaisance, à travers la froideur des chiffres, la précision des rapports et la puissance brute des témoignages, laissant au lecteur la liberté de juger et de se forger sa propre opinion.

Le Livre noir souligne également l'importance de documenter les crimes commis dans l'ombre du silence, non seulement pour rendre justice aux victimes, mais aussi pour empêcher que l'impunité ne devienne la norme, et que l'oubli ne s'abatte sur la conscience collective. Il s'agit d'un acte de résistance contre l'effacement, celui des victimes, celui de la mémoire, et celui de la légitime identité palestinienne.

La polyphonie des voix

Le Livre noir de Gaza se nourrit de la richesse et de la complexité des points de vue recueillis. Ce n'est pas seulement le récit des ONG occidentales qui nourrissent ces pages, mais aussi les voix des ONG palestiniennes et israéliennes, des analystes et des experts issus de divers horizons géopolitiques, offrant une palette de perspectives aussi instructives que nécessaires. Dans Le Livre noir de Gaza, chaque contributeur apporte une perspective unique et essentielle à la compréhension du conflit, enrichissant l'ouvrage par la diversité de ses angles d'analyse.

Par exemple, les contributions sur les droits des enfants mettent en lumière l'impact dévastateur du blocus et des bombardements sur les plus vulnérables, détaillant la souffrance psychologique et physique des jeunes Gazaouis. D'autres textes se concentrent sur l'impact humanitaire, soulignant la difficulté pour les ONG d'accéder à une population coupée du monde et documentant les violations flagrantes du droit international humanitaire. Enfin, l'analyse géopolitique replace la situation de Gaza dans un cadre plus large, expliquant comment ce conflit s'articule avec les dynamiques de pouvoir au Moyen-Orient, les intérêts stratégiques internationaux, et les jeux d'alliances qui perpétuent ce cycle de violence. Ces voix plurielles permettent de dresser un tableau complet et nuancé de la réalité sur le terrain, et leur juxtaposition crée un récit polyphonique qui refuse toute simplification réductrice. Mais ne nous méprenons pas : ce n'est pas le Hamas qui parle ici, ni les dirigeants politiques ou les militants armés, mais les civils ordinaires : des mères de famille, des enseignants, des étudiants qui décrivent comment, jour après jour, ils tentent de préserver un semblant de normalité au milieu de l'horreur. Ils parlent de la difficulté d'envoyer les enfants à l'école lorsque chaque bâtiment peut s'effondrer à tout instant, de l'impossibilité de trouver un emploi lorsque le blocus asphyxie l'économie, de la douleur d'enterrer ses proches sans espoir de justice.

« Gaza, une prison à ciel ouvert. » Cette expression, tant de fois répétée, semble avoir perdu de son sens tant elle est devenue un cliché ; au-dessus de Gaza s'étend le regard impitoyable des drones israéliens, les frappes soudaines et meurtrières de l'aviation, et cette chape de terreur ne laisse aucun répit aux habitants de ce territoire minuscule, compressé entre la mer et la barrière de sécurité. Le livre ne se contente pas de présenter une accumulation de faits. Il s'interroge sur les causes profondes de la violence, et ouvre la réflexion sur les obstacles à une paix juste et durable : le manque de confiance mutuelle, la radicalisation croissante des deux côtés, et l'inaction complice de la communauté internationale, notamment des pays occidentaux, soutiens inconditionnels d'Israël. Le texte se veut également une réflexion sur les modalités de l'information en temps de guerre. L'usage des réseaux sociaux est analysé : ils jouent un rôle ambigu dans ce conflit en permettant à la fois la diffusion d'informations censurées, et la propagation rapide de la propagande et des fausses nouvelles.

L'œil de celui qui a vu, Rony Brauman

La préface d'un ouvrage est comme un seuil ; elle nous invite à franchir une porte, à nous engager sur un chemin parfois ardu, et nous prépare à ce que nous allons découvrir. Dans Le Livre noir de Gaza, c'est Rony Brauman, ancien Président de Médecins Sans Frontières et figure incontournable de l'humanitaire, qui se charge de cet accueil du lecteur. Son regard, forgé par des années d'engagement auprès des victimes de conflits et de crises humanitaires partout dans le monde, est empreint d'une lucidité acérée et d'une profonde humanité. Rony Brauman n'est pas un observateur distant et froid ; c'est un homme qui a vu de ses propres yeux l'horreur, la souffrance, la violence. Et cette expérience l'autorise à parler avec une autorité morale qui ne souffre aucune contestation.

Dès les premières lignes, Rony Brauman déconstruit le récit dominant sur la guerre à Gaza. Il pointe du doigt la tendance médiatique à occulter la réalité quotidienne de l'occupation israélienne et à passer sous silence les violences et les crimes commis contre les Palestiniens « en temps de paix ».

Ce qui est souvent décrit comme une « période calme » en Israël-Palestine – caractérisée par l'absence de morts israéliens – est en réalité une période de violences insidieuses et quotidiennes, que subit la population palestinienne sans pouvoir se défendre : harcèlement des paysans par les colons, destructions de récoltes et d'habitations, expulsions, assassinats arbitraires et arrestations sans procès.

Rony Brauman nous interpelle : comment le monde peut accepter de fermer les yeux sur cette injustice, au nom d'une « stabilité » illusoire et précaire ?

Face à la déshumanisation des Palestiniens, Rony Brauman plaide pour une approche basée sur l'empathie et la reconnaissance de leur souffrance. Il nous rappelle que la victime, avant d'être Palestinienne ou Israélienne, est d'abord humaine. Il dénonce la tendance à juger les Gazaouis à travers le prisme du terrorisme et de l'islam, à oublier que l'histoire et la géopolitique jouent un rôle déterminant dans le cycle de la violence. Il invite à replacer l'attaque du 7 octobre 2023 dans le contexte de l'occupation, du déni des droits des Palestiniens et de l'humiliation qu'ils subissent au quotidien, soulignant ainsi les frustrations et les désespoirs qui conduisent à la radicalisation et à la violence. Cette préface de Rony Brauman n'est pas seulement un plaidoyer pour les victimes, c'est aussi un appel à la conscience. Il interpelle directement le lecteur et le met face à ses propres responsabilités. Sommes-nous prêts à accepter que notre silence et notre inaction nourrissent l'impunité et la barbarie ? Il dénonce l'hypocrisie des gouvernements occidentaux qui se contentent de déplorer les victimes, tout en continuant de livrer des armes à Israël, et en fermant les yeux sur les violations du droit international.

Rony Brauman souligne l'urgence d'un changement radical de l'approche internationale face au conflit. Le soutien aveugle à l'un des belligérants et la minimisation systématique de la souffrance de l'autre sont contre productifs et contribuent à enkyster le conflit dans un cycle sans fin de vengeance et de haine.

Répartition de la population de la bande de Gaza selon le niveau d'insécurité alimentaire actuel et projeté, d'après les données de l'IPC publiées le 21 décembre 2023 – AFP / AFP / NALINI LEPETIT-CHELLA

L'architecture d'un réquisitoire

Le Livre noir de Gaza ne se veut pas seulement un ouvrage d'information, mais aussi un outil de compréhension, une invitation à la réflexion critique et un appel à la mobilisation contre l'injustice. Sa structure est donc délibérément conçue pour créer un impact sur le lecteur et l'inciter à agir. N'imaginons pas que nous sommes impuissants : La responsabilité cosmopolite, concept philosophique puissant, affirme que chaque individu, en tant que citoyen du monde, possède le devoir moral et la capacité d'agir concrètement contre les injustices internationales, transcendant ainsi les frontières et l'impuissance apparente face aux défis globaux.

Le recueil est donc divisé en sept chapitres thématiques qui détaillent les différentes facettes du drame vécu par les Gazaouis : l'asphyxie progressive d'un territoire en état de siège ; l'effondrement du système de santé et la mort programmée des civils ; la manipulation de l'information et l'éradication du journalisme (ce que la municipalité RN de Perpignan ne s'est pas gênée de faire en refusant de remettre un Prix à un photoreporter palestinien sous un motif fallacieux) ; le ciblage délibéré de la population civile ; la violence démesurée des armes employées et l'invisibilisation calculée des victimes ; la destruction systématique de l'environnement et les perspectives, hélas, sombres pour l'avenir.

Cette architecture savante permet de confronter les analyses, de donner la parole à des voix diverses et de montrer la complexité de la réalité. Le livre se déroule comme une partition musicale, où les notes graves des chiffres et des rapports s'entrelacent avec la mélodie plaintive des témoignages individuels et la puissance percutante de certaines analyses géopolitiques, créant ainsi un réquisitoire implacable contre la violence étatique et l'indifférence du monde. L'ouvrage ne cherche surtout pas à minimiser les violences commises par le Hamas — elle les documente au contraire avec une rigueur impitoyable, mettant en lumière les exactions du mouvement islamiste, ses attaques aveugles et souvent suicidaires contre Israël. Mais ce qui transparaît ici, c'est avant tout l'immense disproportion entre les forces en présence. D'un côté, une milice armée, certes puissante localement, mais dépourvue de moyens militaires sophistiqués ; de l'autre, une armée régulière suréquipée, bénéficiant d'un soutien logistique et diplomatique massif de la part des États-Unis et de l'Europe.

Cette asymétrie, l'ouvrage la décortique en s'appuyant sur des chiffres édifiants : le nombre de victimes civiles, les infrastructures détruites, les écoles et les hôpitaux réduits en cendres sous le prétexte de « frappes ciblées ». La lecture de ces chapitres est accablante : elle dévoile une machine de guerre implacable, guidée par une stratégie qui ne laisse aucune place à la modération ou à la proportionnalité. On s'interroge face à cette logique du « moindre mal » revendiquée par l'armée israélienne, qui prétend minimiser les pertes civiles, tout en infligeant des destructions massives.

Le Livre noir de Gaza s'intéresse aussi à la dimension psychologique de cette guerre. Elle cite les propos glaçants de Yoav Gallant, ministre de la Défense israélien, qui qualifie les Gazaouis d'« animaux humains ». Ce type de déshumanisation n'est pas nouveau, mais dans le contexte actuel, et au regard de l'histoire du peuple juif, il résonne avec une intensité particulière. Le discours officiel israélien, loin de simplement viser le Hamas, s'attaque à l'existence même de Gaza en tant que communauté humaine. La population civile devient un dommage collatéral acceptable dans la « guerre contre la terreur ». Et cette rhétorique trouve un écho dans certaines déclarations de responsables occidentaux, prêts à justifier l'injustifiable au nom de la lutte contre l'extrémisme. Combien Gilles Kepel a été inspiré d'écrire par ailleurs que : « les génocidés sont devenus les génocidaires »…

No pasarán de la mémoire

Le Livre noir de Gaza dépasse le cadre strict du conflit israélo-palestinien pour nous interroger sur des questions d'une portée universelle, telles que : le respect des droits humains dans les zones de conflit ; la légitimité de la force dans les relations internationales ; le rôle et la responsabilité de la communauté internationale face aux crimes de guerre et aux violations du droit international humanitaire ; et enfin les fondements mêmes d'une éthique de la guerre dans un monde gouverné par la loi du plus fort et les intérêts géostratégiques. Car vivre à Gaza, c'est ne pas vivre. C'est survivre dans une condition de vulnérabilité extrême, où la mort est omniprésente, où chaque espace, chaque recoin, peut devenir une cible potentielle. Le Livre noir de Gaza est un cri de résistance qui, face aux forces implacables de l'oubli et de la déshumanisation, résonne comme le « No pasarán » de La Pasionaria : une barrière de mots dressée contre l'avancée inexorable du silence, affirmant haut et fort que, malgré le siège de la mémoire, ceux qui tentent d'effacer l'histoire ne passeront pas.

Comptes rendus de lecture du mardi 27 mai 2025

27 mai, par Bruno Marquis — , ,
À qui appartient l'eau ? Maude Barlow Traduit de l'anglais J'avais déjà lu « Vers un pacte de l'eau » de Maude Barlow il y a une quinzaine d'années. Beaucoup de chemin a (…)

À qui appartient l'eau ?
Maude Barlow
Traduit de l'anglais

J'avais déjà lu « Vers un pacte de l'eau » de Maude Barlow il y a une quinzaine d'années. Beaucoup de chemin a été parcouru depuis pour l'accès à l'eau potable et sa protection, même s'il en reste encore beaucoup à parcourir, et c'est ce dont l'auteure rend compte dans ce récent essai. Maude Barlow nous y appelle à contrer la privatisation de cette ressource vitale par de grandes entreprises comme Veolia, Suez, Coca-Cola et Nestlé, en incitant nous-mêmes nos municipalités, nos écoles, nos collèges, nos universités et nos autres institutions à devenir des communautés bleues. Ce mouvement citoyen, né au Canada, vise à faire reconnaître le droit à l'eau et à s'assurer que la gestion des services d'eau demeure exclusivement sous la gouverne publique. Un bel effort de conscientisation pour changer notre monde et un ouvrage très intéressant pour faire le tour de cette importante question… et agir.

Extrait :

Ce livre traite d'espoir. Il raconte l'histoire de gens ordinaires qui défendent les ressources en eau de leurs communautés et protègent au sens plus large le droit à l'eau en s'assurant que cette précieuse ressource demeure à jamais un bien commun, qui ne doit pas tomber aux mains d'entreprises à but lucratif.

PoéVie
Gilbert Langevin

C'est Normand Baillargeon qui m'a amené à lire cet important poète dont il ne tarissait pas d'éloges. Gilbert Langevin est un peu oublié de nos jours et cette anthologie nous permet de mieux le connaître et l'apprécier. Sa poésie exprime beaucoup de chaleur, d'ouverture au monde, de tendresse fraternelle aussi. Vous en trouverez probablement la lecture un peu difficile, mais vous en sortirez sans doute aussi un peu… transformé.

Extrait :

Quand on fait de la peine
à son meilleur ami
quand on bafoue son frère
qu'on est jaloux de lui
on ne sait plus quoi faire
on devrait fuir d'ici
jusqu'au bout de la terre
jusqu'au bout de la nuit

chaque homme a sa misère
qui partout le poursuit
chaque homme a sa manière
de faire parler de lui
chaque homme a sa lumière
de sagesse ou de folie
chaque homme est notre frère
même s'il nous injurie

un amour millénaire
nous a donné la vie
mais pourquoi cette guerre
qui n'est jamais finie
on ne vient pas sur terre
pour se détruire ainsi
le monde est un mystère
l'homme un mystère aussi

là n'est pas mon affaire
on me l'a souvent dit
parle-nous de rivière
de neige ou de la pluie
parle-nous de ton père
ou de l'astrologie
mais laisse aux militaires
les histoires de fusil

que peuvent les colères
de notre poésie
contre les mercenaires
des forces de la nuit
nous sommes la poussière
de leur démocratie
nous les bénéficiaires
du royaume infini

Une école sans murs
Rabindranath Tagore
Versions originales en bengali

Rabindranath Tagore est le premier non-Européen à s'être mérité - en 1913 - le prix Nobel de littérature. Cette sélection de ses principaux textes sur l'éducation m'a beaucoup plu. Sa vision de ce que devrait être l'éducation, qui laisse une très grande place aux arts, à la nature et surtout à la découverte de l'autre et à la liberté, demeure dans une large mesure une excellente critique du modèle d'éducation que nous avons encore en place de nos jours. Comme il s'agit d'une sélection, les mêmes idées sont parfois exprimées dans plus d'un texte, mais ça n'enlève rien à la valeur de cette précieuse anthologie.

Extrait :

Tant que j'ai été contraint de fréquenter l'école, je l'ai vécu comme une torture intolérable. J'ai souvent compté le nombre d'années qui me séparaient du jour où je serais libre. Mes frères plus âgés avaient déjà terminé leurs études et débuté leur vie active, chacun à sa façon. Comme je les enviais lorsque, après un repas pris en hâte le matin, je trouvais, m'attendant à la porte, l'inévitable chariot qui nous emmenait à l'école. Comme j'aurais souhaité, par un quelconque sortilège, pouvoir traverser en un instant les quinze ou vingt ans me séparant de l'âge adulte. J'ai compris plus tard que ce qui pesait sur mon esprit était la pression du système d'éducation contre nature qui prévalait partout.

La Curée
Émile Zola

C'est ce roman qui a donné au mot curée son sens figuré de ruée avide pour s'emparer des biens, des places et des honneurs laissés vacants. Ayant comme trame l'enrichissement spéculatif et la dépravation des mœurs sous le Second Empire, c'est assurément l'un des romans les plus critiques de la série des Rongon-Macquart de Zola. À la suite de son mariage arrangé avec une toute jeune femme, Renée Béraud du Chatel, Aristide Rougon, devenu Saccard, commence à spéculer et à s'enrichir frauduleusement. De grands travaux transforment alors des parties entières de Paris.

Extrait :

Celui-ci ne broncha pas. La société en question venait de crouler avec un effroyable scandale. Des actionnaires trop curieux avaient voulu savoir où en était l'établissement des fameuses stations commerciales sur le littoral de la Méditerranée, et une enquête judiciaire avait démontré que les ports du Maroc n'existaient que sur les plans des ingénieurs, de fort beaux plans, pendus aux murs des bureaux de la Société. Depuis ce moment, M. Toutin-Laroche criait plus fort que les actionnaires, s'indignant, voulant qu'on lui rendît son nom pur de toute tache. Et il fit tant de bruit que le gouvernement, pour calmer et réhabiliter devant l'opinion cet homme utile, se décida à l'envoyer au Sénat. Ce fut ainsi qu'il pêcha le siège tant ambitionné, dans une affaire qui avait failli le conduire en police correctionnelle.

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Le monde regarde Gaza périr !

27 mai, par Omar Haddadou — , ,
L'hécatombe à Gaza a atteint inconcevablement l'apogée de l'horreur, avec plus de 54 000 victimes. Hier lundi, 55 Gazaouis ont péri sous les bombardements. Les promesses de (…)

L'hécatombe à Gaza a atteint inconcevablement l'apogée de l'horreur, avec plus de 54 000 victimes. Hier lundi, 55 Gazaouis ont péri sous les bombardements. Les promesses de Netanyahou de ramener les otages font la « Une ». A Paris, des milliers de manifestants (es) ont appelé à l'arrêt du génocide.

De Paris, Omar HADDADO

Le Politique décide, le militaire trucide, la Résistance impavide !

A Paris, les plaisirs de la vie, l'hédonisme, l'apparat et les « éternuements des Peoples », prennent le pas sur le génocide du peuple palestinien, devenu une espèce d'indisposition itérative gâchant impromptuement les délices inassouvis du quotidien. Qu'importe si le nettoyage ethnique et ses 54 000 victimes, femmes, enfants, personnes âgées et même handicapées, se poursuit avec une complicité dégoutamment validée par une Europe vassalisée et une Amérique plus que jamais prédatrice et orgueilleusement « westernisée ».

Les bonnes causes ont encore du chemin à faire pour éveiller les cerveaux embrumés de nombre de Français (es), déviés de la réalité par le semi (bio) du racisme ambiant, les réseaux sociaux et la vie des célébrités, tel le scoop sur la torgnole, d'avant-hier, de Brigitte Macron à son époux Emmanuel.

Ou, plus pernicieux, les cavalcades xénophobes d'un Retailleau ayant fait de sa haine envers les Immigrés et les Musulmans un fonds de commerce au sein d'une majorité citoyenne dénuée de tout discernement ! Bonne prise !
L'innommable n'intéresse point la Droite ni l'Extrême Droite. Elles n'ont d'yeux que pour la Présidentielle. Les 15 613 enfants retrouvés sous les décombres, les 34 173 blessés et les 11 200 portées disparus, ne les interpellent pas.
La France aseptisée, n'a cure du constat du Centre satellitaire des Nation Unies (Unosat) qui fait état de 70% des bâtiments de l'enclave détruits ou endommagés. Elle s'en moque comme de l'an quarante des relevés de l'OMS, rappelant la réduction de la capacité d'accueil des hôpitaux à 1 800 lits. Comme elle se bat l'œil quand l'Unicef affirme que depuis le 7 octobre 2023, des centaines d'écoles ont été directement frappés et 19 universités endommagées.

Hier, dans la soirée, le Premier ministre Netanyahou avait promis de ramener tous les otages, « les vivants et les morts ». « Si nous n'y arrivons pas aujourd'hui, on arrivera demain, et si ce n'est pas demain, alors après-demain. On n'abandonne pas ! » déclare -t- il en clôturant les festivités de la Journée de Jérusalem.
Dix-neuf mois de conflit. Des milliers de vies détruites, la famine, l'exode et le trauma endémique.

Gaza n'est plus qu'un champ de ruines ! Une honte du genre humain !

Le refus, ce lundi, du Hamas d'accepter l'offre du cessez-le-feu proposée par les Etats-Unis, par la voix de son émissaire Steve Witkoff, n'a fait qu'exacerber le drame des Palestiniens.

Drame dont la Gauche française, réconciliée in extrémis, dénonce avec force : « Heureux, de voir toutes les tendances du PS rallier notre position contre le génocide à Gaza, appeler à pavoiser aux couleurs de l'Etat palestiniens sans craindre d'être traitées d'agent du Hamas ou du Hezbollah, ou d'antisémite, comme ils faisaient naguère contre nous ! » S'exclamait hier Jean Luc Mélenchon (LFI) sur son compte X.

Socialistes, Ecologistes et Communistes ont, à l'issue d'une réunion dénoncé « Un génocide caractérisé. Une politique hélas pensée, planifiée et même revendiquée », selon Olivier Faure.

Reste la voix de la rue qui ne cesse de relèver les défis.

Paris, 15 heures tapantes Place de la République, ce dimanche. Après une minute de silence en hommage aux victimes de Gaza, le 11 ème arrondissement a vibré toute l'après-midi au rythme des clameurs de milliers de manifestants réclamant un cessez-le feu immédiat. Une Jeunesse tantôt courroucée, tantôt enthousiaste plaidait avec ferveur la cause palestinienne. Le rassemblement avait fédéré citoyens (es), étudiants, travailleurs, syndicats et autres collectifs mobilisés pour la circonstance. Des représentants et leaders de chaque mouvement se sont relayés derrière le micro pour lire leurs communiqués, condamnant avec force la politique « génocidaire » de Netanyahou.

A l'unisson, la foule scandait avec rage : « Une seule solution, arrêter l'occupation ! »

Puis la voix d'une déléguée du corps médical de fuser : « Nous devons continuer jusqu'à la Libération de la Palestine ! ». Et la foule de s'égosiller d'une seule voix en guise de réponse : « Free, free Palestine ! », « Résistance, résistance, c'est la loi de l'existence ! » « Netanyahou casse-toi ! La Palestine n'est pas à toi ! » « Embargo militaire pour l'Etat génocidaire ! » Un militant de Révolution Permanente se saisit du micro et tonitrue : « Ça va Paris ? » et toute la masse humaine de rétorquer : « Ouais ! » « Est-ce qu'on va lâcher ? » et la place de s'époumoner : « Non ! ».

Les poignets brandis en l'air, tout le monde bat la mesure :

« Palestine, vivra, Palestine vaincra ! »

O.H

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L’opinion de Mgr William Barber est sans appel : « Une énorme et horrible proposition de loi, destructive et mortifère »

27 mai, par Amy Goodman, Juan Gonzalez, Mgr William Barber — ,
Amy Goodman : Le Président Trump a rendu une rare visite au Capitol pour faire pression sur les élus.es républicains.es afin que la proposition de budget mis au débat soit (…)

Amy Goodman : Le Président Trump a rendu une rare visite au Capitol pour faire pression sur les élus.es républicains.es afin que la proposition de budget mis au débat soit adoptée. Elle comprend d'énormes déductions d'impôts pour les riches, déduit brutalement le dépenses de Medicaid, le programme d'aide à l'alimentation (food stamps), y est aussi largement amputé de même que les subventions pour l'énergie propre. Un estimé avance que presque 14 millions de personnes pourraient perdre leur assurance maladie. Une nouvelle analyse du Congressional Budget Office (CBO) montre que ce projet de loi implique aussi 535 milliards de dollars de coupes dans le budget de Medicare.

Democracy Now 21 mai 2025 - https://www.democracynow.org/2025/5/21/budget_bill_medicaid_taxes
Traduction, Alexandra Cyr

Les négociations se sont poursuivies toute la nuit car un groupe de républicains.es voulaient encore plus de réductions dans les dépenses et certains.es d'entre eux demandaient un élargissement des diminutions d'impôts en augmentant les déductions des impôts et taxes locales.

Mardi, accompagné par le speaker de la Chambre, M. Mike Johnson, le Président, devant les journalistes, a louangé ce projet de loi, le plus important par son étendue selon lui dans le pays et l'a qualifié de grand, énorme et magnifique, qui offre les plus grandes baisses d'impôts de toute l'histoire américaine. Il a ajouté que c'était tout aussi incroyable pour Medicare et Medicaid.

Durant ce débat, Mme Brendan Boyle, représentante démocrate, a souligné la manière par laquelle cette proposition de loi allait déduire plus d'un demi-milliard de dollars du budget de Medicare : « C'est toute un nouvelle. Quand le Comité du budget a déclenché ce processus il y a environ trois mois, le Président Trump s'était engagé à ce qu'il n'y ait pas de coupes dans le budget de Medicare dans cette proposition de loi. Depuis que le début des discussions nous n'avons jamais parlé de Medicare. On a parlé de Medicaid mais pas de Medicare. Nous voici ici ce soir, parce que comme vous l'avez expliqué à cause de l'ampleur des déficits, de la loi Pay-As-You-Go, les appropriations budgétaires pour Medicare seraient affectées pour un total de 500 mille milliards de dollars. Les prévisions du CBO confirment 535 mille milliards de dollars dans le budget de Medicare.

Mgr William Barber nous rejoint. Il est le président de Repairers of the Breach, le fondateur et directeur du Center for Public Theology and Public Policy à Yale Divinity School. Il est aussi président associé de la Poor People's Campaign et co-auteur de White Poverty : How Exposing Myths About Race and Class Can Reconstruct American Democracy. Il a été arrêté deux fois récemment durant les manifestations dites Moral Mondays contre la proposition de loi budgétaire, devant le Capitol. Dites-nous pourquoi.

Mgr. W. Barber : Merci beaucoup Amy.

L'autre jour je parlais de cela avec Joan Baez, de comment notre époque est affreuse mais aussi comment nous sommes obligés.es de nous tenir debout. Nous avons dû affiner nos propos. Avec d'autres, j'ai été arrêté dans la rotonde (du Capitol) simplement pour avoir prié devant l'horreur de cette proposition de loi. Des personnes qui représentent des milliers, des centaines de milliers de religieux de toutes sortes ont aussi été arrêtées. Nous allons y retourner le 2 juin pour un autre Mass Moral Monday, organisé par Repairers of the Breach et 20 autres partenaires parce qu'il faut se tenir debout en ce moment. C'est une énorme et horrible proposition de loi destructive et mortifère. Il faut commencer à en parler de cette façon. Ce ne sont pas que des baisses d'impôts pour les riches, même si c'est ça aussi. Mais c'est une marche vers la mort et la destruction pour les pauvres, les personnes âgées et le jeunes de notre pays, indépendamment de leur couleur. Une des choses que nous devons faire, c'est de démêler ce qui va arriver dans les États, que vous soyez dans les Appalaches ou en Alabama. Ils mentent, disent que c'est pour lutter contre la fraude, mais ce n'est absolument pas ça. Ce sont des coupes dans des programmes qui sauvent des vies légitimement, qui sont nécessaires et pour lesquels nous nous sommes battus pendant des années.

Amy, rapidement, je veux faire comprendre aux auditeurs.rices ce dont nous parlons quand nous parlons de coupes dans le budget de Medicaid. Nous parlons d'abord de personnes à faible revenu, peu importe la race, la croyance ou la couleur. Ce sont des familles, des enfants, des femmes enceintes, des personnes âgées ou des handicapés.es. On nous parle de 500 milliards de coupes pour Medicare. Ce programme s'adresse aux personnes de 65 ans et plus. Nous parlons d'enfants atteints.es de maladies rénales et de personnes souffrant de la maladie de Lou Gehrig. Des recherches nous montrent que pour chaque million de personnes, 2,500 mourront par défaut de soins. Et nous sommes dans un temps ou déjà, 800 personnes meurent tous les jours des effets de la pauvreté et des bas salaires.

C'est une proposition de loi énorme, horrible mortifère et destructive. On doit y résister partout, dans les lieux de pouvoir, du haut de la chaire, dans les rues. Nous devons prier, nous exposer physiquement parce qu'environ 13 millions 700 mille personnes risquent de perdre leurs droits à Medicare et leur assurance maladie. Et nous savons déjà que ce genre de coupes touchera éventuellement Social Security. Car les montants ne seront pas à la hauteur. Dans une vidéo, Steve Bannon a déclaré que leur objectif est de prendre le contrôle de cinq mille milliards de dollars du budget de telle sorte qu'ils puissent contrôler en fin de course environ 70 mille milliards des actifs du gouvernement. C'est une prise énorme, une proposition de loi énorme, mauvaise, horrible, destructive et mortifère. Environ 11 millions de personnes vont perdre leur aide à l'alimentation, dont 4 millions d'enfants. Il y aura 6 mille milliards 500 millions d'investissements retirés des programmes pour une énergie verte.

Et ils disent que ces réductions d'impôts sont faites pour aider la société. Mais, l'école dont le Président se vente avec enthousiasme avoir fréquentée, la Wharton School, a déclaré que ces changements que la proposition de loi apporte au système fiscal fera que les pauvres et les personnes à faibles revenus dans le pays, subiront une baisse de revenu annuel. Elles perdront environ 1,035$ annuellement. Mais pour les biens nantis.es ce rapport démontre qu'ils et elles recevront 389,000$ de plus chaque année.

Cette énorme, mauvaise, horrible, destructive et mortifère proposition de loi, va frapper les pauvres, les personnes à faibles revenus, et finalement le pays lui-même. S'ils le font ; ils disent vouloir le faire sur dix ans. Il va y avoir une destruction massive des services de santé dans les zones rurales. Nous allons vivre les effets de ces restrictions budgétaires immorales qui font que les riches gagnent alors que les pauvres et les familles ouvrières perdent. En plus ils ne veulent pas seulement faire ces coupes pour avoir plus d'argent, mais ils veulent ajouter un autre 350 milliards de dollars pour payer les contracteurs de la défense et plus d'argent aussi pour les expulsions. Donc, avec cette proposition de budget qui porte la marque d'E. Musk et du DOGE ils en adoptent les buts. Finalement, Amy, avec un processus de réconciliation qui n'exige que 50 votes et non 60 …..

Donald Trump a dit une chose qui est vraie : C'est une énorme proposition de loi. Mais elle n'est pas grande qui signifierait bonne. C'est une grande, très grande mauvaise, horrible, destructive, mortifère et démoralisante proposition de loi qui va heurter les pauvres et les personnes à bas salaire pendant des années et des années. Et cela pourrait aussi affaiblir notre démocratie si nous laissons faire.

Juan Gonzalez : Mgr Barber, on rapporte que dans les zones rurales, beaucoup d'hôpitaux sont forcés de fermer à cause du retrait des subventions du gouvernement fédéral. Pouvez-vous en parler ? Qu'en est-il dans votre région, la Caroline du nord et dans d'autres zones rurales ? Quel impact direct résultera de tout cela ?

W.B. : Il faut se rappeler l'épisode du COVID qui a mis au jour beaucoup de problèmes dans notre système de santé. Dans de nombreux États, qui n'avaient pas étendu les bénéfices de Medicaid, beaucoup, vraiment beaucoup de personnes sont mortes qui ne l'auraient pas dû. Le taux de mortalité chez les pauvres et les personnes à faible revenu, peu importe la race, a été le même : une solide augmentation. C'était immoral, affreux.

Nous savons que quand les États n'acceptent pas d'étendre les bénéfices de Medicaid, et cette proposition de loi ferait en sorte de restreindre encore plus cette expansion, les hôpitaux ruraux ont beaucoup de mal à se maintenir. Laissez-moi vous raconter une histoire qui va vous donner une idée de ce que nous attend. Par exemple, en Caroline du nord, quand l'expansion des bénéfices de Medicaid a été refusée, j'avais rencontré une jeune femme du nom de Portia. Elle est la première personne de Belhaven en Caroline du nord, une communauté rurale, à mourir parce que l'hôpital était fermé ; l'État avait refusé d'étendre les bénéfices de Medicaire. Elle n'a pas pu survivre ; elle est morte dans le terrain de stationnement d'une école en attente qu'un hélicoptère vienne la chercher. Le médecin a déclaré que si l'hôpital avait été fonctionnel, elle aurait probablement survécu parce qu'elle aurait eu les soins à l'intérieur de ce que nous appelons « l'heure dorée ». Cette proposition de loi va encore plus loin et nous allons entendre parler de plus en plus de coupes budgétaires dans les hôpitaux, de plus en plus d'hôpitaux incapables de poursuivre leur mission et de prendre soin des gens.

Amy et Juan, je veux retourner chez-moi et trouver des gens qui vont observer comment les vies des populations seront affectées. Nous devons commencer à parler de cette proposition de loi comme d'une forme de meurtre social et politique, d'un projet social et politique de caractère mortel ; ils savent ce qu'ils font. Et si j'utilise le terme « meurtre » c'est parce qu'ils savent qu'il y aura des morts. Les études démontrent ce qui se passe quand l'accès aux soins de santé diminuent, mais ils vont de l'avant. Même en plein milieu de la nuit. Ils ne veulent pas de débats durant le jour quand les gens sont éveillés et peuvent voir ce qui se passe. Ils le font la nuit parce que c'est une énorme, grande, mauvaise, horrible, mortifère proposition de loi destructive.

J.G. : Mgr Barber, il y a des Républicains.es qui ont tardé à voter pour cette proposition parce qu'ils et elles veulent encore augmenter les coupes budgétaires. Comment pensez-vous que les gens devraient résister à ces manœuvres durant les jours à venir au Congrès ?

W.B. : Les budgets sont des documents moraux. C'est pour cela que nous convoquons les gens à nous rejoindre le lundi 2 juin, pour une messe qui sera célébrée devant la Cour suprême et le Capitol. Ce sera la messe du lundi moral. Le clergé sera en vêtements cléricaux. Il a de l'impact sur les gens et sur d'autres avocats.es de la cause. Nous devons apparaître partout et déclarer qu'il ne s'agit pas de soutient aux Démocrates ou aux Républicains.es, ou de la gauche ou de la droite ; c'est vraiment au sujet du bien et du mal.

Et cela devrait être notre préoccupation principale, car si vous acceptez qu'un tel budget passe, vous démantelez le gouvernement. Et c'est ce qu'ils cherchent : démanteler l'État, l'administration de l'État. C'est mortel et destructeur. Nous devons l'identifier comme un enjeu moral. Et nous devons mettre des visages sur ceux et celles qui seront heurtés.es, sur ce qui va se passer. J'en appelle à tous les médias, pour qu'ils mettent sur la carte des États-Unis où les diminutions de budget vont frapper, vont affecter des personnes en dehors de votre communauté et la vôtre aussi bien sûr.

Tous les élus.es démocrates et ceux et celle des républicains qui sont contre cette proposition de budget, devraient inviter des personnes touchées à occuper les galeries (de la Chambre des représentants). Elles devraient défiler dans les couloirs du Capitol pour rendre visible qui sera touché, quelles vies sont mises en jeu.

C'est un moment crucial pour les États-Unis, pour les voix morales du pays. Nous ne pouvons pas nous défiler. Si cela devient effectif, disons pendant 10 ans, ce sont 10 années où ce pays sera handicapé et blessé. C'est ce qui va se passer avec ce budget. Et il ne s'agit pas de ce qu'ils coupent il s'agit aussi de ce qu'ils financent. Ils financent des programmes qui vont apporter encore plu de mort, d'expulsion et de destruction.

Par quelque côté que vous examiniez cela, c'est une énorme, grande, horrible, mortifère, mauvaise, destructive, et handicapante proposition de loi contre laquelle nous devons nous élever de toutes les façons possibles. Personne ne doit se défiler, spécialement les leaders moraux, les pasteurs, le clergé, les imams et les rabbins qui s'occupent des gens et s'en soucient. Parce que c'est nous, particulièrement les dirigeants.es des congrégations, qui vont enterrer les morts.es, qui devront être avec les familles qui seront affaiblies par cette grande, énorme, horrible, mortifère, destructive et handicapante proposition de loi avec laquelle on veut nous assommer.
(…)

Je ne connais pas l'état d'esprit des gens quand ils se lèvent le matin, quelle mythologie est installée dans leur tête mais ce qu'on peut imaginer, c'est que la moindre des choses est d'imaginer combien de personnes vous allez heurter, combien de vies vous mettez à risque, combien vous allez en détruire, avec combien de mauvaises politiques. C'est fou. Et pour ceux et celles d'entre nous qui ne sont pas frappés.es par cette maladie il est temps de se tenir debout.

A.G. : Mgr Barber, (…) merci beaucoup d'avoir été avec nous.

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Donald Trump et l’Internationale brune

27 mai, par Michael Löwy — ,
La spectaculaire victoire de Donald Trump à l'élection américaine de 2025 est un tournant historique pour les peuples du monde entier. Tiré de Inprecor 20 mai 2025 Par (…)

La spectaculaire victoire de Donald Trump à l'élection américaine de 2025 est un tournant historique pour les peuples du monde entier.

Tiré de Inprecor
20 mai 2025

Par Michael Löwy

Netanyahou et Trump le 7 avril 2025 à la Maison Blanche. The White House - Public Domain

On peut longuement débattre de si cette victoire est le résultat des défaillances des Démocrates – de leur absence de programme, de leur adhésion au néolibéralisme – ou d'une réaction raciste et misogyne contre Kamala Harris. Grâce à un discours associant agressivité et vulgarité verbale, utilisation systématique de mensonges et fake news, ainsi que des arguments prétendument anti-élites et anti-establishment, il a réussi à obtenir une majorité absolue du vote populaire (1). Le résultat est en tout cas désastreux pour les peuples.

Son gouvernement est la représentation directe de la haute bourgeoisie, de l'oligarchie fossile (pétrole, charbon, etc.) et du grand capital financier : jamais autant de milliardaires – dont Elon Musk est l'exemple le plus frappant – n'ont été présents au sommet de l'État américain (2).

L'élection de Trump n'est que la dernière manifestation d'une vague d'extrême droite réactionnaire, autoritaire ou néofasciste sur toute la planète : elle gouverne déjà beaucoup de pays de plusieurs continents. Parmi les exemples plus connus : Modi (Inde), Orban (Hongrie), Erdogan (Turquie), Meloni (Italie), Milei (Argentine), Netanyahou (Israël). Poutine (Russie) n'est pas très loin de ce modèle. Dans d'autres pays de l'Europe et de l'Amérique latine, ce courant n'est pas encore au pouvoir, mais n'est pas loin de la victoire. C'est bien entendu le cas de la France, où le Rassemblement national de Le Pen est un sérieux candidat au pouvoir.

Trump est sans doute le plus dangereux de ces personnages, parce qu'il se trouve à la tête de l'empire capitaliste le plus puissant, du point de vue économique et militaire. Sa victoire est aussi un formidable encouragement à cette Internationale brune en formation, que des personnages comme Steve Bannon essayent d'organiser.

Dans le cas français – mais cela vaut pour la plupart des pays européens – l'essor du néofascisme est étroitement lié au racisme d'origine coloniale, comme le montrent Ugo Palheta et les autres auteurices de l'excellent ouvrage Extrême droite : la résistible ascension (3). Mais cette analyse ne s'applique pas, ou en tout cas, pas dans les mêmes termes, pour les mouvements néofascistes de pays du Sud global (Argentine, Brésil, Inde, etc.).

Les caractéristiques des néo-fascistes

Malgré leur diversité, certains traits sont communs à la majorité, sinon à tous ces dirigeants et/ou mouvements : l'autoritarisme, le nationalisme intégral – « Deutschand über alles » et ses variantes locales : « America First », « O Brasil acima de tudo », etc. –, le racisme et la violence policière/militaire comme seule réponse aux problèmes sociaux. La caractérisation comme fasciste ou semi-fasciste peut s'appliquer à certains, mais pas à tous.

Enzo Traverso utilise le terme de « post-fascisme », en désignant à la fois une continuité et une différence. Alberto Toscano propose quant à lui, le terme de « fascisme tardif », pour mettre en évidence le changement résultant du contexte socio-économique. Miguel Urban, dans un brillant livre récent qui embrasse l'ensemble de ces mouvements (4), parle de « Trumpisme », en référence au poids du modèle américain. J'utilise plutôt le concept de « néofascisme » pour désigner à la fois la nouveauté et la ressemblance. Mais tous ces termes sont utiles pour rendre compte de ces nouvelles formations.

Fascistes ou populistes ?

Par contre, le concept de « populisme », employée par certains politologues, par les médias et même par une partie de la gauche, est parfaitement incapable de rendre compte du phénomène en question, et ne sert qu'à semer la confusion. Si dans l'Amérique latine des années 1930 jusqu'à 1960 le terme correspondait à quelque chose de relativement précis – le varguisme, le péronisme, etc. – son usage en Europe à partir des années 1990 est de plus en plus vague et imprécis.

On définit le populisme comme « une position politique qui prend le parti du peuple contre les élites », ce qui est valable pour presque n'importe quel mouvement ou parti politique ! Ce pseudo-concept, appliqué aux partis d'extrême droite, conduit – volontairement ou involontairement – à les légitimer, à les rendre plus acceptables, sinon sympathiques – qui n'est pas pour le peuple contre les élites ? – en évitant soigneusement les termes qui fâchent : racisme, xénophobie, fascisme, extrême droite. « Populisme » est aussi utilisé de façon délibérément mystificatrice par des idéologues néolibéraux pour opérer un amalgame entre l'extrême droite et la gauche radicale, caractérisées comme « populisme de droite » et « populisme de gauche », puisque opposées aux politiques libérales, à l'« Europe », etc.

Aujourd'hui et les années 30

S'agirait-il d'un retour aux années 1930 ? L'histoire ne se répète pas : on peut trouver des ressemblances ou des analogies, mais les phénomènes actuels sont assez différents des modèles du passé. Surtout, nous n'avons pas – encore – des États totalitaires comparables à ceux d'avant-guerre. L'analyse marxiste classique du fascisme le définissait comme une réaction du grand capital, avec le soutien de la petite-bourgeoise, face à une menace révolutionnaire du mouvement ouvrier. On peut s'interroger si cette interprétation rend vraiment compte de l'essor du fascisme en Italie, Allemagne et Espagne, dans les années 20 et 30. En tout cas, elle n'est pas valable dans le monde actuel, où l'on ne voit, nulle part, de « menace révolutionnaire ». Mais il y a un aspect de l'analyse marxiste du fascisme classique qui est pertinent pour notre époque : le désir de la grande bourgeoisie industrielle, financière et rurale de se débarrasser, une fois pour toutes, de l'ensemble des forces du mouvement ouvrier, politiques ou syndicales, qui imposaient certaines limites à l'exploitation. C'est ainsi qu'on a vu, par exemple en Allemagne, les partis bourgeois, de la droite ou du « centre », porter à la chancellerie du Reich, en janvier 1933, un certain Adolf Hitler qui n'avait pas réussi à obtenir une majorité dans les élections (voir à ce sujet les remarquables travaux de l'historien Johann Chapoutot) (5).

Les gouvernements ou partis de type néofasciste actuels se distinguent radicalement de ceux des années 1930, qui étaient « étatistes » et national-corporatistes du point de vue économique, par leur néolibéralisme extrême. Ils n'ont pas, comme dans le passé, des puissants partis de masse et des sections d'assaut uniformisées. Et ils n'ont pas la possibilité, au moins jusqu'à maintenant, de supprimer totalement la démocratie et créer un État totalitaire.

Si le fascisme des années 30 avait une base surtout petite-bourgeoise ou rurale, ce n'est pas le cas du néofascisme du 21e siècle, qui est implanté dans toutes les couches de la société, depuis la bourgeoisie jusqu'à la classe ouvrière. Certes, dans chaque pays la configuration sociologique du phénomène est spécifique. En France, les sondages semblent indiquer que le soutien au Lepenisme est plus fort chez les couches qui ont peur du déclassement et dans certaines franges de la grande bourgeoisie.

Les politiques d'extrême droite aujourd'hui

Comment expliquer cet essor de l'extrême droite ? On peut donner des explications propres à chaque pays, en fonction de son histoire, des forces politiques en présence, ou du rôle de la religion. Mais le phénomène est planétaire ! Il nous faut donc une explication à l'échelle mondiale. Les hypothèses proposées par la gauche – la chute de l'URSS, la crise économique de 2008, les politiques néolibérales, la mondialisation – sont pertinentes, mais insuffisantes.

Aux États-Unis, Donald Trump est en train de démanteler l'État de droit et la démocratie. On ne peut pas encore prévoir s'il réussira, et jusqu'où ira sa dérive autoritaire, raciste et xénophobe. On ne peut pas prévoir non plus si la résistance – des femmes, des immigré·es, des Afro-Américain·es, des ouvrier·es, de la jeunesse – qui a déjà commencé aux États-Unis sera capable de bloquer son offensive. Mais sa victoire signifie un changement important du rapport de forces à l'échelle internationale.

En Europe, l'extrême droite est déjà au pouvoir en Italie et en Hongrie, et participe au gouvernement en Hollande, Belgique, Suède et d'autres pays. De plus en plus influente, elle est une candidate sérieuse au pouvoir en France et (dans une moindre mesure) en Allemagne. Mais le phénomène ne se limite pas aux pays capitalistes avancées : en Inde, Modi, héritier du mouvement fasciste hindouiste des années 1930, persécute les musulmans, tandis que les États musulmans autocratiques (Iran, Afghanistan), attaquent les minorités religieuses et les femmes.

En Amérique latine aussi on trouve différentes sortes de régimes ou mouvements autoritaires. Un des plus répressifs est la dictature de la famille Ortega au Nicaragua, suivi du gouvernement de Bukele au Salvador. Mais le principal axe de l'extrême droite néofasciste se trouve dans le cône Sud. Les trois principaux exemples sont Javier Millei, déjà au pouvoir en Argentine, Bolsonaro, pour le moment neutralisé, au Brésil, et José Antonio Kast, candidat au pouvoir au Chili. Millei est le plus fanatiquement néolibéral, Bolsonaro (ou ses partisans) le plus attaché à l'héritage de la dictature, et Kast celui qui a les racines nazies (sa famille allemande). Ce que Anibal Quijano désignait comme « la colonialité du pouvoir » en Amérique latine est une piste intéressante pour comprendre ce phénomène dans les pays du continent, ainsi que, dans le cas du Brésil, les quatre siècles d'esclavage. Il faut ajouter, bien entendu, l'héritage des sanglantes dictatures militaires dans ces trois pays, entre 1964 et 1976.

Plus difficile est de comprendre l'adhésion de vastes couches populaires à ces représentants du néofascisme latino-américain : est-ce la déception par rapport aux gouvernements de centre-gauche ? Est-ce la peur du déclassement, ou la panique suscitée par l'inflation ? Est-ce une situation de crise économique et/ou politique ? Encore une fois, chaque pays à des causes spécifiques, mais le phénomène s'étend à diverses nations du continent, et n'est pas sans avoir des affinités avec Trump, qui sert d'inspiration et de modèle.

Sept caractéristiques

Malgré leurs différences, toutes ces figures de l'Internationale brune de l'extrême droite, autoritaire et/ou néofasciste, du Nord au Sud global, ont beaucoup en commun :

1) L'autoritarisme, l'adhésion à un homme fort, un chef, un Duce capable de « restaurer l'ordre »,

2) L'idéologie répressive, le culte de la violence policière, l'appel au rétablissement de la peine de mort, et à distribuer des armes à la population pour sa « défense contre les criminels »,

3) Au nom d'une prétendue « défense de la famille », le refus de l'avortement et l'intolérance envers les sexualités dissidentes (LGBTI). C'est un thème agité, avec un certain succès, par des secteurs religieux réactionnaires, souvent néo-pentecôtistes, mais parfois aussi catholiques. C'est l'aspect proprement conservateur de leur idéologie,

4) Le néo-libéralisme le plus débridé, le démantèlement des services publics, la privatisation et la marchandisation générales,

5) La haine de la gauche, des syndicats, des mouvements sociaux, notamment le féminisme, l'antiracisme et l'écologie (dénoncés comme « woke »),

6) La négationnisme de la crise climatique, le refus de mesures écologiques minimales.

7) Le racisme et/ou l'intolérance religieuse, la persécution des minorités, des immigrés, souvent aussi des femmes.

Comment lutter ?

Léon Trotsky avait proposé, au début des années 1930, une stratégie de Front unique ouvrier – incluant toutes les forces du mouvement ouvrier, révolutionnaires ou réformistes – pour résister à la montée du nazisme. L'unité de la gauche reste, encore aujourd'hui, le point de départ indispensable pour confronter l'offensive néo-fasciste.

Mais il faut aussi prendre en compte que le système capitaliste, surtout en périodes de crise, produit et reproduit constamment des phénomènes comme le fascisme, les coups d'État et les régimes autoritaires. La racine de ces tendances est systémique, et l'alternative doit être radicale, c'est-à-dire anti-systémique.

L'enjeu pour les révolutionnaires est de garder le cap sur la rupture avec le système, tout en évitant l'isolement sectaire ; de promouvoir et participer à l'unité de toute la gauche, sans tomber dans les ornières du réformisme. Dans certains pays comme le Brésil, soutenir (critiquement) des gouvernements de centre-gauche contre la menace fasciste, tout en gardant son indépendance et œuvrant à la constitution d'une force anticapitaliste. Il n'y a pas pour cela de recette magique. Dans chaque pays la configuration est différente, et c'est la tâche des révolutionnaires de trouver les modalités concrètes pour associer l'unité et la radicalité. Avec toutes ses limites, le Nouveau Front populaire français est – ou a été ? – une tentative importante de constituer une alliance antifasciste, sur un programme de rupture avec le néolibéralisme.

En 1938, Max Horkheimer, un des principaux penseurs de l'École de Francfort de la Théorie critique, écrivait « si vous ne voulez pas parler du capitalisme, vous n'avez rien à dire sur le fascisme ». En d'autres termes, l'antifasciste conséquent est un anticapitaliste.

Le 28 avril 2025

Notes

1. Voir l'entretien de Laura Camargo dans Inprecor, avril 2025, « Le discours trumpiste a entraîné un changement radical dans la façon de comuniquer des droites mondiales ».

2. Voir le brillant article de John Bellamy Foster, “The US ruling class & the Trump Regime", Monthly Review, vol 78, n° 11, April 2025. Foster décrit Trump comme un néofasciste.

3. Préface de Johann Chapoutot, Postface de Clémence Guetté, coordonné par Ugo Palheta, Paris, Éditions d'Amsterdam, 2024.

4. Trumpismos, neoliberales y utoritarios, Verso Libors, 2024.

5. Johann Chapoutot, Irresponsables. Qui a porté Hitler au pouvoir ? Paris, Gallimard, 2025.

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La guerre où le corps des femmes a perdu ses droits

La guerre à Gaza n'est pas seulement une histoire de décombres et de frappes aériennes. C'est l'histoire d'une fillette qui a ses règles sous les bombardements, de la mère qui (…)

La guerre à Gaza n'est pas seulement une histoire de décombres et de frappes aériennes. C'est l'histoire d'une fillette qui a ses règles sous les bombardements, de la mère qui saigne en silence et fait une fausse couche sur des sols froids ou qui accouche sous des drones.

Tiré de Mondoweiss

Par Mariam Khateeb 19 mai 2025 0
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Beit Lahia, au nord de Gaza, le 20 février 2025. (Photo : Omar Ashtawy/APA Images)

En octobre, j'ai saigné pendant dix jours sans avoir accès à une vraie salle de bain.

La maison où nous nous sommes enfuis – comme la plupart des abris à Gaza – n'avait aucune intimité. Quarante personnes dormaient dans deux pièces. La salle de bain n'avait pas de porte, seulement un rideau déchiré. Je me souviens d'avoir attendu que tout le monde dorme pour pouvoir me nettoyer avec une bouteille d'eau et des bouts de tissu. Je me souviens d'avoir prié pour ne pas tacher le matelas que je partageais avec trois cousins. Je me souviens de la honte – non pas de mon corps, mais de ne pas pouvoir en prendre soin.

En temps de guerre, le corps perd ses droits, surtout le corps féminin.

Les gros titres parlent rarement de cela, de ce que cela signifie pour une fille d'avoir ses règles sous les bombardements, des mères forcées de saigner en silence et de faire une fausse couche sur des sols froids ou d'accoucher sous des drones. La guerre à Gaza n'est pas seulement une histoire de décombres et de frappes aériennes. C'est l'histoire de corps interrompus, envahis et privés de repos. Et pourtant, d'une manière ou d'une autre, ces corps continuent.

En tant que femme palestinienne et étudiante déplacée vivant maintenant en Égypte, je porte ce souvenir corporel avec moi. Non pas comme une métaphore, mais comme un fait. Mon corps tressaille encore aux bruits forts. Ma digestion vacille. Mon sommeil se présente par fragments. Je connais beaucoup de femmes – des amies, des parentes, des voisines – qui ont développé des maladies chroniques pendant la guerre, qui ont perdu leurs règles pendant des mois, dont les seins se sont desséchés en essayant d'allaiter dans des refuges. La guerre entre dans le corps comme une maladie et y reste.

Le corps de Gaza est une carte d'interruption. Il apprend tôt à se contracter – à prendre moins de place, à rester en alerte, à réprimer le désir, la faim, le saignement. La nature publique du déplacement détruit la vie privée, tandis que la peur constante ronge le système nerveux. Les femmes qui gardaient autrefois leur pudeur changent maintenant de vêtements devant des inconnus. Les filles arrêtent de parler de leurs cycles. La dignité devient un fardeau que personne ne peut se permettre.

C'est le paradoxe de la survie : le même corps à qui l'on refuse la sécurité devient l'instrument de la résistance. Les femmes font bouillir des lentilles à la lueur des bougies, elles calment les enfants dans les sous-sols, elles bercent les mourants. Ces actes ne sont pas passifs ; Ils sont radicaux. Avoir ses règles, porter, nourrir, apaiser – au milieu de la destruction – c'est insister sur la vie.

Je reviens encore et encore à l'image de ma mère pendant la guerre. Le dos penché sur une casserole, les mains tremblantes, les yeux scrutant le plafond à chaque bruit. Elle n'a pas mangé avant que tout le monde ne le fasse. Elle n'a pas dormi avant que les enfants ne le fassent. Son corps portait à la fois l'architecture de la guerre et de la maternité. Je me rends compte maintenant à quel point son épuisement était politique – comment son travail, comme celui de tant de femmes palestiniennes, a défié la logique de l'anéantissement.

Il n'y a pas de tente pour le corps à Gaza. Pas d'espace sûr où le corps féminin peut se déployer sans crainte. La guerre nous dépouille – non seulement de nos maisons et de nos biens, mais aussi des rituels qui nous rendent humains : le bain, les règles, le deuil en privé. Mais même sans abri, notre corps perdure. Ils se souviennent. Ils résistent.

Et peut-être, dans leur persévérance tremblante, écrivent-ils l'histoire la plus vraie de toutes.

Mariam Khateeb
Mariam Mohammed El Khatib est une écrivaine, poète et militante palestinienne de Gaza. Elle étudie la dentisterie en Égypte, où elle poursuit également son travail littéraire. Ses écrits – publiés sur des plateformes telles que This Week in Palestine, We Are Not Numbers et Avery Review – explorent les thèmes de la mémoire, de la guerre et de la résistance, en particulier d'un point de vue féministe et existentiel. Elle utilise la narration comme une forme de résistance culturelle, documentant l'expérience palestinienne et amplifiant les voix de son peuple.

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Les invisibles

Depuis le 7 octobre, on trouve en Israël des dizaines de milliers de photographies affichées sur les murs. Il est impossible d'échapper à ces visages : ceux des victimes du (…)

Depuis le 7 octobre, on trouve en Israël des dizaines de milliers de photographies affichées sur les murs. Il est impossible d'échapper à ces visages : ceux des victimes du massacre. Les mêmes images sont diffusées de manière répétitive dans les médias. Pourtant, ces médias semblent souffrir d'un angle mort : celui des victimes civiles de l'autre camp, qui restent invisibles.

Tiré du blogue de l'auteur.

Depuis le 7 octobre, on trouve en Israël des dizaines, voire des centaines de milliers de photographies — souvent de petite taille — affichées sur les murs des abribus, les kiosques, dans les stations de train… En somme, elles envahissent l'ensemble de l'espace public. Il est impossible d'échapper à ces visages : ceux des victimes du massacre, des disparus et des otages, accompagnés d'une phrase qui leur est attribuée à titre posthume.

Rien de plus naturel que cette volonté de rendre hommage aux êtres chers ou de partager la douleur de leur perte. Traumatisée, la population israélienne cherche ainsi à faire face à ce qui fut sans doute l'un des événements les plus dramatiques de l'histoire du pays. Rapidement, les portraits des otages prennent une place prépondérante, souvent réunis sur un seul panneau, tels une iconostase tragique.

Ces panneaux, accompagnés de l'inscription « Ramenez-les à la maison maintenant », sont devenus le cri de ralliement d'une société pour laquelle il est impensable d'abandonner un soldat ou un civil entre les mains de l'ennemi.

C'est sur une place située en face du musée d'art contemporain de Tel-Aviv — jouxtant également la bibliothèque principale de la ville —, rebaptisée pour l'occasion « la Place des Otages » et devenue le principal lieu de contestation contre la poursuite de la guerre, que la densité de ces portraits d'absents prend toute son importance.

La proximité du musée — ce lieu consacré à d'autres types d'images, resté fermé pendant une longue période après le 7 octobre — crée un contraste étrange avec la rupture brutale introduite par ces nouveaux visages, qui captent désormais toute l'attention des passants.De plus, pendant de longs mois, « la Place des Otages » est occupée par des monuments improvisés, touchants dans leur maladresse. Leurs auteurs, souvent anonymes, évitent toute forme de sophistication et s'adressent directement aux nombreux visiteurs qui parcourent ce lieu de mémoire.

Les mêmes images sont diffusées de manière répétitive dans les médias — télévision, journaux, réseaux sociaux — afin d'éviter que le sort des victimes ne sombre dans l'oubli. Pourtant, ces médias semblent souffrir d'un angle mort : celui des victimes civiles de l'autre camp, qui restent invisibles — sauf, parfois, dans le journal Haaretz ou sur la chaîne 13.

Les quelques tentatives de briser cette cécité ont été empêchées, les journalistes étrangers n'ayant pas le droit d'exercer leur métier. Plus grave encore, les journalistes israéliens admis à Gaza n'ont accès qu'aux activités liées au Hamas, essentiellement aux tunnels et aux dépôts d'armes. Volontairement ou non, ces reportages contribuent à justifier la prolongation d'un conflit d'une violence inouïe.

Les rares apparitions des Palestiniens à l'écran se limitent à des foules en mouvement, sans jamais s'arrêter sur la souffrance d'un individu particulier. Tout porte à croire que ces images pourraient ébranler la certitude selon laquelle le conflit armé doit se poursuivre malgré les « dégâts collatéraux ».

Ce filtrage s'explique sans doute par un réflexe de solidarité nationale et par la nécessité de refouler une réalité insupportable.

Il suffit d'écouter Eli Bar-Navi, ancien ambassadeur d'Israël en France et fervent défenseur d'une paix durable au Moyen-Orient, qui affirme comprendre que les Israéliens pleurent d'abord leurs compatriotes. Néanmoins, il est difficile d'accepter une telle invisibilisation, un tel déni, dans une société qui se revendique fièrement humaniste.

Cette situation n'est pas nouvelle. Depuis longtemps, l'image du Palestinien est pratiquement absente du regard du public juif en Israël. Devenu une menace, il n'est plus représenté comme un individu réel. Presque jamais nommé, doté d'un caractère collectif, il incarne la terreur existentielle qui étreint le protagoniste juif et l'empêche de vivre sa vie comme il l'aurait souhaité.

Des exceptions existent néanmoins, notamment lorsque des artistes cherchent à confronter le public à cette histoire en recourant à des documents dits « objectifs » : photographies, cartes, journaux… Ainsi, en novembre 2003, une exposition présentée au Musée national d'Israël à Jérusalem montra les œuvres de David Reeb, réalisées à partir de photographies prises dans les territoires par Michael Kratzman et Alex Levac. À partir de ces images, Reeb exécuta des toiles de grand format, de facture réaliste, véritables constats grandeur nature d'une réalité tragique et de ses personnages. Isolées par des parois, ces œuvres formaient parfois un story-board éclaté, une mosaïque juxtaposant deux réalités qui se côtoient sans vraiment se voir.

Sans détails, sans précision, sans virtuosité illusionniste, ces toiles semblent, malgré leur taille, peintes à la hâte, dans une urgence palpable — comme des croquis réalisés, si l'on ose dire, sur le motif. Ce sont des images d'une réalité prosaïque que le public israélien ne voit pas. Isolées, agrandies, extraites de leur contexte médiatique et projetées dans l'espace artistique, retouchées par l'artiste qui laisse visibles les traces de la matière picturale, elles acquièrent une qualité improvisée, presque maladroite.

Le travail de Reeb rappelle que, dans une société en conflit, même si tout peut être visible, tout n'est pas montrable — et encore moins regardé. Il souligne aussi que cette cécité partielle, cette forme d'autisme développée par la société israélienne, n'est plus tenable lorsqu'il s'agit de la société palestinienne.

La différence est simple mais cruciale : quand l'occupé voit sans cesse l'occupation — car elle détermine et enferme son espace vital sans alternative — l'occupant, lui, s'efforce d'oblitérer tout signe visible de cette occupation, adoptant une attitude qui lui permet de prétendre qu'elle n'existe pas, ou du moins, de n'en tenir aucun compte. L'expression camera obscura prend ici tout son sens, et ce n'est pas un hasard si une autre exposition de Reeb organisée à Tel-Aviv portait ce titre. Pour dire les choses sans détour : ce sont des œuvres créées sous occupation.

Soyons justes : ce déséquilibre visuel n'est pas l'apanage des médias israéliens. La représentation de l'Israélien, voire du Juif, dans les médias arabes n'est guère meilleure. Peut-être, un jour, un historien de l'art palestinien posera-t-il, à son tour, un regard critique sur la manière dont son peuple se représente l'« autre ». Peut-être, un jour aussi, les Palestiniens accepteront-ils l'idée que, parmi les Israéliens, certains tournent leur regard vers eux sans haine.

Itzhak Goldberg


Professeur émérite en Histoire de l'art à l'Université Jean
Monnet à Saint- Etienne`

Critique à Journal des Arts

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Une presse « objective » ne vous alertera pas sur les menaces qui pèsent sur la démocratie

27 mai, par Jim Naureckas — , ,
Intercept : Trump poursuit une démocrate du Congrès pour avoir fait son travail. La réponse des médias : Pas grave. Natasha Lennard (Intercept (20/05/25) : « Les organes de (…)

Intercept : Trump poursuit une démocrate du Congrès pour avoir fait son travail. La réponse des médias : Pas grave.
Natasha Lennard (Intercept (20/05/25) : « Les organes de presse devraient... ont depuis longtemps cessé d'accorder à l'administration Trump une couverture aussi crédule ».

Tiré de la page web de FAIR
https://fair.org/home/an-objective-press-wont-alert-you-to-threats-to-democracy/
Jim Naureckas

Un article de FAIR (22/05/25) sur la défense sélective de la liberté de la presse par l'éditeur du New York Times A.G. Sulzberger (New York Times, 13/05/25) l'a décrit comme quelqu'un qui « s'accroche au faux dieu de la neutralité journalistique à tout prix ». L'article de Natasha Lennard dans The Intercept (20/05/25) sur la couverture médiatique de l'arrestation par l'administration Trump de la représentante LaMonica McIver (D-N.J.) illustre ce que nous entendons par là.

McIver, a écrit Lennard, a été accusée d'avoir « agressé » un agent de l'ICE lorsqu'elle « a tenté d'effectuer une visite de surveillance plus tôt ce mois-ci dans un nouveau centre de détention de l'ICE dans sa ville natale de Newark, dans le New Jersey ». Une telle surveillance fait partie du devoir constitutionnel des représentants et est spécifiquementautorisée par la loi dans le cas des installations de l'ICE. Lennard a noté que si cela s'était produit dans un autre pays – un pays qui n'a pas la faveur de Washington – cela aurait été rapporté, assez précisément, comme quelque chose comme : « Le régime cible les politiciens de l'opposition avec des accusations fabriquées de toutes pièces pour avoir exercé une surveillance ».

Mais comme cela s'est produit aux États-Unis, ce n'est pas ainsi que les principaux organes de presse américains, y compris le New York Times (19/05/25), l'ont rapporté. « Le représentant McIver accusé d'agression à la suite d'un affrontement à l'extérieur du Newark ICE Center » était le titre du Times à propos d'un article qui suivait le livre de style du Times. "Les deux parties ont montré du doigt des vidéos de la bagarre chaotique... pour s'accuser mutuellement d'être à l'origine de l'altercation.

Comme l'a fait remarquer le sous-titre de The Intercept, « Vous ne sauriez jamais en lisant le New York Times que les accusations contre la représentante LaMonica McIver ne sont rien d'autre qu'une attaque autoritaire. » L'article du Times n'a pas fourni le contexte selon lequel l'ICE a saisi des immigrants sans procédure régulière et les a expédiés dans des prisons étrangères enviolation des ordonnances du tribunal – un contexte essentiel pour juger si la poursuite d'un législateur qui a tenté d'enquêter sur l'agence est de bonne foi.

NYT : Le représentant McIver accusé d'agression lors d'un affrontement à l'extérieur du Newark ICE Center
« Clash » est un mot utile si vous voulez faire passer un législateur non armé pour un adversaire égal pour les commandos de la Sécurité intérieure (New York Times, 19/05/25).

Dans son essai, Sulzberger a averti que sans la liberté de la presse, les gens pourraient ne pas savoir quand leurs droits sont retirés ou que les structures démocratiques sont sapées :

Sans une presse libre, comment les gens sauront-ils si leur gouvernement agit légalement et dans leur intérêt ? Comment les gens sauront-ils si leurs dirigeants disent la vérité ? Comment les gens sauront-ils si leurs institutions agissent dans l'intérêt de la société ? Comment les gens sauront-ils si leurs libertés sont soutenues, défendues et défendues – ou érodées par des forces qui cherchent à remplacer la vérité et la réalité par la propagande et la désinformation ?

Mais si vous suivez l'approche du Times en matière de journalisme, dans laquelle vous ne devez jamais dire que quelque chose se passe si quelqu'un au pouvoir prétend que ce n'est pas le cas, alors votre public ne saura pas quand son gouvernement agit illégalement ou nie la vérité et la réalité. (« Vous ne pouvez pas simplement dire que le président ment », a déclaré la journaliste du Times Elisabeth Bumiller à un panel de DC – Extra !,1-2/05 – exprimant une règle réelle qui a été appliquéemême aux chroniqueurs d'opinion du journal.)

Les journalistes ont inévitablement, inéluctablement, des valeurs, et ces valeurs influencent nécessairement ce qu'ils communiquent à leurs publics. S'ils valorisent la démocratie, ils communiquent à leur auditoire que les arrestations de législateurs de l'opposition sont dangereuses. Si, d'un autre côté, ils accordent plus d'importance à l'apparence de neutralité qu'à toute autre chose, alors le message que les lecteurs recevront est : Qui peut le dire ?

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Sensibiliser à l’industrie de la mode rapide

27 mai, par Comité de solidarité internationale de la Coordination du Québec de la marche mondiale des femmes (CQMMF) — ,
La CQMMF a produit une série de vignettes visant à sensibiliser à l'industrie de la mode rapide. On y observe les mêmes mécanismes employés par les entreprises transnationales (…)

La CQMMF a produit une série de vignettes visant à sensibiliser à l'industrie de la mode rapide. On y observe les mêmes mécanismes employés par les entreprises transnationales pour maximiser leur profits que dans d'autres domaines, tel que l'énergie, l'alimentation ou les mines.

Tiré de l'Infolettre de la Coalition Québécoise de la Marche Mondiale des femmes CQMMF

Seulement dans l'industrie de la mode ?

Si l'industrie de la mode rapide (fast fashion) est ici citée en exemple, nous souhaitons rappeler que les entreprises transnationales utilisent des mécanismes similaires pour maximiser leurs profits. Voici quelques exemples : décolalisation pour bénéficier des normes plus laxistes, rémunération à bas salaire, pollution de l'environnement voir destruction de l'écosystème, barrière à la syndicalisation, contexte de travail dangereux, etc.

Pour toutes les visionner cliquer sur ce lien : ici

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Leadership féminin

Renforcement du leadership féminin : 20 femmes formées dans le cadre du projet "Chanjman Bèl, Nap Fèl" Port-au-Prince, 17 mai 2025-Du 12 au 16 mai 2025, l'organisation (…)

Renforcement du leadership féminin : 20 femmes formées dans le cadre du projet "Chanjman Bèl, Nap Fèl"

Port-au-Prince, 17 mai 2025-Du 12 au 16 mai 2025, l'organisation Refuge des Femmes d'Haïti (Ref-Haïti) a tenu une formation intensive à Port-au-Prince, dans les locaux de Housing Works Haiti, à destination de vingt femmes issues de milieux divers. Cette initiative s'inscrit dans le cadre du projet "Chanjman Bèl, Nap Fèl", appuyé par l'Organisation des États Américains (OEA) et l'Ambassade du Canada en Haïti.

L'objectif de cette formation était clair : renforcer les capacités de leadership féminin en mettant l'accent sur des enjeux majeurs tels que les violences basées sur le genre (VBG), les droits en santé sexuelle et reproductive (DSSR), la prévention du VIH, mais également l'éducation civique, le marketing social et l'entrepreneuriat féminin.

Les participantes ont bénéficié d'un cadre interactif favorisant la participation active, les échanges d'expériences, la réflexion critique et la mise en réseau. Pour les organisateurs, cette dynamique constitue une étape cruciale vers l'autonomisation des femmes à l'échelle communautaire.

Avec ce projet, Ref-Haïti et ses partenaires entendent non seulement renforcer les compétences individuelles des participantes, mais aussi favoriser l'émergence de nouvelles voix féminines engagées dans les dynamiques sociales, économiques et politiques du pays.

À travers "Chanjman Bèl, Nap Fèl", c'est une vision inclusive du changement qui prend forme : celle d'une Haïti où les femmes ne sont pas seulement bénéficiaires, mais véritables actrices du progrès.

Smith PRINVIL

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À Malen, des femmes qui luttent pour les terres et les moyens de subsistance

Dans lachefferie de Malen , au sud de la Sierra Leone, le palmier à huile est plus qu'une simple culture commerciale. Depuis des générations, les femmes de cette région (…)

Dans lachefferie de Malen , au sud de la Sierra Leone, le palmier à huile est plus qu'une simple culture commerciale. Depuis des générations, les femmes de cette région dépendent de cette ressource pour se nourrir, générer des revenus et avoir une stabilité économique. Cependant, l'arrivée des plantations industrielles de palmiers à huile a bouleversé leurs moyens de subsistance traditionnels, car des multinationales comme SOCFIN Agricultural Company (SAC) accaparent les terres, souvent sans le consentement des communautés locales.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/04/04/larticulation-des-femmes-decvc-envoie-une-lettre-ouverte-a-hansen-sur-la-position-des-femmes-dans-la-vision-pour-lagriculture-et-lalimentation-autre-texte/?jetpack_skip_subscription_popup

Depuis 2011, la SAC, une filiale de la multinationale SOCFIN basée au Luxembourg, a acquis plus de 18 000 hectares de terres pour la production industrielle d'huile de palme dans la chefferie de Malen. Il s'en est suivi un conflit foncier acharné entre l'entreprise, les autorités locales et les communautés, qui s'est intensifié, donnant lieu à des violences, des déplacements forcés et une lutte incessante pour la justice. Au cœur de la tourmente, les femmes de la chefferie de Malen se sont organisées et luttent pour protéger leurs terres et leur mode de vie.

Jeneba Samuel : une histoire de résilience

Jeneba Samuel, veuve et agricultrice de la section Panina dans la chefferie de Malen, incarne la résilience de sa communauté. Pendant des années, elle a cultivé du riz et des palmiers à huile sur des terres héritées de feu son père, faisant vivre sa famille grâce à l'agriculture. Cependant, en 2011, sa vie a basculé lorsque le chef suprême et d'autres dirigeant·es communautaires ont vendu les terres familiales à la SAC sans son consentement.

« Ils ont pris nos terres sans nous demander notre avis », se souvient Jeneba. « Quand j'ai essayé de me battre pour les récupérer, j'ai été battue et agressée sexuellement par cinq hommes. Cela a été une expérience douloureuse, et ça l'est encore aujourd'hui. »

Jeneba a porté son affaire devant la police et la Commission nationale des droits humains, mais aucune mesure n'a été prise. En quête de soutien, elle a rejoint l'Association des propriétaires et usagers de terres de Malen (MALOA), une association créée en 2011 pour lutter contre les accaparements de terres dans la chefferie. Malgré leurs efforts, Jeneba et les autres femmes concernées n'ont pas pu récupérer leurs terres.

« Je n'ai plus rien », dit-elle. « Pas de terre à cultiver, aucune indemnité reçue de l'entreprise, aucun emploi pour ma famille ou moi-même. Nous luttons pour survivre. »

L'histoire de Jeneba est révélatrice d'un problème plus large dans la chefferie de Malen. Les femmes qui dépendaient autrefois du palmier à huile et de leurs autres cultures pour nourrir leurs familles et générer des revenus sont aujourd'hui confrontées au déplacement forcé et à la précarité économique. Les plantations de la SAC n'ont pas seulement pris leurs terres, elles ont également perturbé le tissu social et économique de la communauté.

« Les dirigeants partagent les bénéfices avec ceux qu'ils connaissent », explique Jeneba. « Les autres comme nous se retrouvent sans rien. »

Unrapport publié en 2017 par FIANBelgique fait écho aux affirmations de Jeneba. Il a révélé de graves allégations de corruption et un manque de transparence dans les opérations de SOCFIN. Les fonds destinés au paiement des loyers fonciers ont été détournés au profit des élites locales, sans qu'aucun compte ne soit rendu. Le rapport a également mis en évidence un fossé entre les promesses de SOCFIN en matière de responsabilité sociale des entreprises et la réalité. Entre 2011 et 2017, la société a annoncé qu'elle consacrerait 16,4 millions d'euros à des projets communautaires, notamment des écoles, des hôpitaux et des routes. Cependant, seuls 2,5 millions d'euros ont été effectivement déboursés.

Les femmes à la tête de la résistance

Malgré les adversités, les femmes de Malen ont fait preuve d'un courage et d'une détermination immenses. Le 21 septembre 2017, environ 150 à 200 femmes ont été bloquées par la police alors qu'elles se rendaient à Pujehun pour exiger que des mesures soient prises contre SOCFIN suites aux accaparements de terres et violations des droits humains. Les femmes, qui brandissaient des banderoles et des pancartes dénonçant les injustices, l'accaparement des terres et les arrestations généralisées, ont refusé de reculer.

« Nous avons tenu bon », raconte une participante. « Nous avons dit aux journalistes qui arrivaient sur les lieux que la paix était la voie à suivre, mais nous avons aussi clairement fait savoir que nous ne serions pas réduites au silence. »

Après plusieurs heures de confrontation, la plupart des femmes sont rentrées chez elles à contrecœur, mais six d'entre elles ont poursuivi la route jusqu'à Pujehun pour assister à une réunion de district des principales parties prenantes, qu'elles ont décrite comme une petite mais importante victoire.

Le conflit a atteint un point culminant tragique le 21 janvier 2019, lorsqu'un accrochage entre des membres de la communauté et la police et l'armée qui protégeaient les biens de la SOCFIN a tourné au drame. Deux personnes ont été tuées par balle. Dans les heures qui ont suivi, des descentes de police et de l'armée ont été menées dans les villages environnants. Des habitant·es ont été battu·es, des maisons vandalisées et des biens pillés. Des centaines de personnes ont fui leur domicile et 15 personnes ont été arrêtées, s'ajoutant ainsi à une longue liste de détentions arbitraires ciblant les militant·es de MALOA.

Dans ce contexte, une coalition d'organisations de la société civile sierra-léonaise et internationale a appelé à une action urgente.

Un appel à la solidarité et à l'action

L'appel de Jeneba est à la fois un appel à la résilience et à l'espoir. Elle exhorte ses camarades à rester fortes et à continuer à se battre pour leurs droits. « Nous ne devons pas abandonner », dit-elle. « L'avenir de nos enfants en dépend. »

Mais la lutte à Malen ne se limite pas à la terre : il s'agit de garantir un avenir durable à la communauté. Des femmes comme Jeneba Samuel sont en première ligne de cet effort et leur résilience témoigne de la force de celles qui refusent d'être réduites au silence.
Télécharger le livret ici

[1] Un Ejido est un terme utilisé au Mexique pour désigner une zone de terres communales utilisées pour l'agriculture dans laquelle les membres de la communauté ont des droits d'usufruit plutôt que des droits de propriété sur la terre – voir la fiche Ejido sur Wikipedia.

https://grain.org/fr/article/7263-la-voix-des-femmes-semons-la-resistance-a-l-agriculture-industrielle

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La baisse des financements humanitaires menace les droits des femmes 

La moitié des organisations dirigées par des femmes ou œuvrant pour les droits des femmes dans les zones de crise humanitaire pourraient cesser leurs activités d'ici six mois, (…)

La moitié des organisations dirigées par des femmes ou œuvrant pour les droits des femmes dans les zones de crise humanitaire pourraient cesser leurs activités d'ici six mois, faute de financement. Un scénario alarmant, qui priverait des millions de femmes et de familles de services essentiels, avertit un nouveau rapport mondial d'ONU Femmes publié mardi.

Tiré de Entre les lignes et lesm ots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/05/23/la-baisse-des-financements-humanitaires-menace-les-droits-des-femmes/

Selon l'enquête menée par ONU Femmes, 90% des 411 organisations de femmes actives dans 44 pays touchés par des crises ont déclaré souffrir de la baisse de l'aide étrangère.

« La situation est critique. Les femmes et les filles ne peuvent tout simplement pas se permettre de perdre les bouées de sauvetage que constituent les organisations de femmes », explique Sofia Calltorp, responsable de l'action humanitaire chez ONU Femmes, signalant que « malgré leur rôle essentiel » les organisations de femmes étaient déjà gravement sous-financées avant même la récente vague de réductions budgétaires.

Un impératif stratégique

À l'échelle mondiale, 308 millions de personnes ont besoin d'une aide humanitaire dans 73 pays, un chiffre qui ne cesse d'augmenter avec l'escalade des conflits, le changement climatique, l'insécurité alimentaire et les épidémies.

Les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée par la crise. Outre les morts évitables liées à la grossesse, elles souffrent de malnutrition et de taux élevés de violence sexuelle.

Malgré l'augmentation de ses besoins, le système humanitaire est confronté à une grave crise de financement et les coupes budgétaires menacent des services essentiels, vitaux pour les femmes et les filles.

Suspension de programmes

La réduction drastique du financement pousse de nombreuses organisations à un point de rupture, signale le rapport intitulé At a Breaking Point : The Impact of Foreign Aid Cuts on Women's Organizations in Humanitarian Crises Worldwide (À un point de rupture : l'impact des coupes budgétaires sur les organisations de femmes dans les crises humanitaires mondiales).

Si près de la moitié d'entre elles s'attendent à fermer dans les six mois si les niveaux de financement actuels se maintiennent, plus de 60% ont déjà réduit leurs interventions, perturbant l'apport d'un soutien vital allant des soins de santé d'urgence et des services de lutte contre la violence fondée sur le genre, à l'aide économique et aux solutions d'hébergement.

Près des trois quarts déclarent avoir été contraintes de licencier du personnel, souvent de manière significative.

Pression intense

En 2024, seuls 7% des 44,79 milliards de nécessaires pour répondre à l'escalade des conflits et aux catastrophes ont été atteints. Alors que les principaux pays donateurs ont annoncé des réductions importantes de leur aide étrangère.

Si le système humanitaire dans son ensemble est contraint de réduire la voilure, les organisations locales et nationales dirigées par des femmes sont parmi les plus durement touchées, alors qu'elles jouent un rôle de premier plan dans la distribution de l'aide et l'accès aux communautés marginalisées.

DuMyanmar à laPalestine, en passant par le Soudanet l'Afghanistan, ces organisations de femmes fournissent des services vitaux et jouent un rôle essentiel dans l'action humanitaire.

Les données montrent que les programmes humanitaires tenant compte de la dimension de genre génèrent un retour sur investissement de 8 dollars pour chaque dollar investi.

Néanmoins, en 2024, seulement 1,3% des fonds humanitaires étaient consacrés à la lutte contre la violence fondée sur le genre.

Plus que des prestataires de service
ONU Femmes souligne que les organisations de femmes ne sont pas seulement des prestataires de services, ce sont des cheffes de file et des défenseures fiables qui atteignent les communautés défavorisées grâce à un soutien adapté à leur culture.

Elles fournissent des espaces sûrs, des services psychosociaux et une assistance juridique aux survivantes de la violence fondée sur le genre.

Elles veillent à ce que la voix des femmes soit prise en compte dans la planification humanitaire et les décisions politiques.

Elles renforcent la résilience à long terme en autonomisant les femmes sur le plan économique et social.

Lorsque ces organisations sont sous-financées ou contraintes de fermer, c'est l'ensemble de l'action humanitaire qui perd en efficacité, en inclusivité et en responsabilité à l'égard des personnes qui en ont le plus besoin.

Face aux défis croissants, ces organisations restent inébranlables. Elles montrent courageusement la voie, défendent leurs communautés et reconstruisent des vies avec résilience et détermination, selon ONU Femmes.

L'agence onusienne affirme se tenir aux côtés des organisations de femmes du monde entier et se fait l'écho de leur appel urgent à un financement durable.

https://news.un.org/fr/story/2025/05/1155506

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Géorgie. Les manifestantes de plus en plus ciblées par des violences et des représailles liées au genre

27 mai, par Amnistie internationale — , ,
En Géorgie, la police a de plus en plus souvent recours à des violences liées au genre, telles que des insultes sexistes, des menaces de violence sexuelle et des fouilles au (…)

En Géorgie, la police a de plus en plus souvent recours à des violences liées au genre, telles que des insultes sexistes, des menaces de violence sexuelle et des fouilles au corps illégales et dégradantes, contre les femmes qui participent à des manifestations, dans un contexte de campagne plus générale visant à intimider et punir les manifestant·e·s pacifiques, indique Amnesty International dans unenouvelle synthèserendue publique vendredi 23 mai.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/05/25/georgie-les-manifestantes-de-plus-en-plus-ciblees-par-des-violences-et-des-represailles-liees-au-genre/

Les scènes de brutalité policière et de violentes agressions physiques par des personnes non identifiées contre des manifestant·e·s pacifiques se sont multipliées de façon inquiétante depuis le début d'un puissant mouvement de protestation pro-européen et anti-gouvernemental qui a éclaté dans le pays l'an dernier. Défiant la répression des autorités, les manifestantes sont devenues des symboles de courage – mais aussi les cibles des humiliations et des violences physiques et psychologiques infligées par des membres des forces de l'ordre et leurs assistants non identifiés.

« Les autorités ont peut-être espéré qu'en ciblant les femmes avec des menaces de violence sexuelle, des descentes à leur domicile, des fouilles au corps illégales et des détentions arbitraires, elles écraseraient l'esprit de résistance, dissuaderaient les manifestant·e·s de se rassembler à nouveau et les réduiraient au silence. Cependant, les femmes de Géorgie se sont révoltées encore plus vigoureusement, en dénonçant ces violences, en demandant justice et en affichant leur résistance et leur défiance face à la répression », a déclaré Denis Krivosheev, directeur adjoint pour l'Europe de l'Est et l'Asie centrale à Amnesty International.

Une violence d'État et des fouilles au corps déshumanisantes

Au cours des derniers mois, Amnesty International a recueilli de nombreux témoignages de manifestant·e·s ayant subi des insultes sexistes et des menaces de violence sexuelle, ainsi que des fouilles au corps humiliantes. Ce traitement semble cibler de plus en plus les femmes, qui en sont les principales victimes. Ces violences sont non seulement contraires au droit géorgien, qui interdit le déshabillage complet lors des fouilles, mais également au droit international relatif aux droits humains et aux normes connexes visant à préserver la dignité humaine et à protéger les personnes des violences fondées sur le genre.

Elene Khoshtaria, une dirigeante de l'opposition, a raconté avoir été maîtrisée avec brutalité par des policières, déshabillée et forcée à s'allonger nue par terre lors de son arrestation le 28 mars 2025. Malgré ses problèmes de santé, les agentes ont refusé de la laisser accéder à des médicaments et à des toilettes après qu'elle a eu une crise d'hypertension et a été prise de vomissements.

Kristina Botkoveli, cofondatrice d'un groupe Facebook de protestation, a été forcée à se déshabiller entièrement devant sa mère âgée, en plus de subir des menaces lors d'une descente de police à son domicile le 1er février 2025. Elle a fait une crise d'angoisse qui a nécessité une prise en charge médicale urgente.

La militante Nino Makharadze a été arrêtée lors d'une manifestation pacifique le 13 janvier 2025 et soumise à une fouille corporelle invasive dans un centre de détention provisoire. Elle n'a pas été autorisée à informer ses proches du lieu où elle se trouvait et n'a pu contacter son avocat qu'après cette fouille au corps. Le 5 mai, elle a signalé avoir été prise dans une embuscade avec deux amies alors qu'elles rentraient d'une manifestation. Un agresseur non identifié les a aspergées de gaz poivre et de peinture verte en les insultant. Les trois femmes ont subi des blessures, notamment des brûlures chimiques qui ont nécessité une hospitalisation.

Des violences verbales et des intimidations sexistes

Les insultes sexistes et les menaces de violence sexuelle contre des manifestant·e·s pacifiques constituent une autre tactique communément employée par les forces de l'ordre pour intimider et harceler. Lors de la manifestation du 2 février 2025 près d'un centre de commercial à Tbilissi, une personne représentant Amnesty International a vu des policiers traiter des manifestantes de « putes » et les menacer ainsi que leurs familles. Plusieurs femmes ont également déclaré avoir été menacées de viol par des fonctionnaires masqués.

Après son arrestation au cours d'une manifestation le 19 novembre 2024, Natia Dzidziguri a été forcée à s'agenouiller dans un fourgon de police, entourée d'hommes tandis que des policiers lui jetaient des insultes sexistes et faisaient des gestes à caractère sexuel.

Mzia Amaghlobeli, journaliste de renom, a été arrêtée à deux reprises le 11 janvier 2025 lors de manifestations pacifiques. À chaque fois, elle a subi des insultes sexistes de la part de policiers, et le chef de la police de Batumi lui aurait craché dessus et l'aurait menacée de violence. Les autorités ont utilisé la vidéo dans laquelle Mzia Amaghlobeli gifle ce dernier, à la suite de leur altercation, pour la poursuivre. Elles n'ont en revanche pas tenu compte de la vidéo où le chef de la police la couvre d'insultes sexistes et d'autres propos violents.Mzia Amaghlobeli a été placée en détention à l'issue d'une audience expéditive lors de laquelle elle a subi une injustice supplémentaire quand le juge a refusé d'examiner le moindre élément présenté par la défense. Jusqu'à présent, les autorités n'ont pas enquêté sur les policiers accusés de mauvais traitements et d'insultes contre elle ou d'autres manifestant·e·s. Aucun agent ayant fait l'objet de graves allégations, de la part de Mzia Amaghlobeli ou d'autres personnes, n'a été suspendu de ses fonctions pendant l'enquête.

Des violations systématiques, et non des cas isolés

Les cas signalés ne sont pas isolés et semblent relever d'une pratique plus large des violences et de l'impunité au sein des organes chargés de l'application des lois en Géorgie. Les humiliations, les propos sexistes et les violences physiques visant des manifestantes dans le pays s'inscrivent dans une politique généralisée d'intimidation des personnes qui participent aux manifestations actuelles. Selon des défenseur·e·s des droits humains vivant sur place, de nombreuses victimes de traitements humiliants de la part de policiers, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes, se taisent par crainte ou par honte.

Ces agissements, qui peuvent constituer des formes de torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, sont non seulement contraires à la Constitution et à la législation de la Géorgie, mais aussi à ses obligations découlant du droit international, notamment de la Convention des Nations unies contre la torture, et des normes connexes.

« Des fouilles au corps illégales, invasives et dégradantes semblent être utilisées en Géorgie pour humilier et intimider les manifestant·e·s, en particulier les femmes. Il s'agit d'une violation manifeste du droit national et international. Les autorités géorgiennes doivent immédiatement mettre fin à toute forme de représailles fondées sur le genre et à tout recours illégal à la force par les responsables de l'application des lois, enquêter sur toutes les allégations de violence pendant les manifestations et veiller au respect de l'obligation de rendre des comptes à tous les niveaux », a déclaré Denis Krivosheev.

https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2025/05/georgia-women-protesters-are-targeted-with-escalating-violence-and-gender-based-reprisals/

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Iran – le mouvement « Femme, Vie, Liberté » continue !

Entrevue réalisée par Tina Mostel, correspondante en stage, avec Mina Fahkavar, doctorante d'origine iranienne. Tiré du Journal des ALternatives (…)

Entrevue réalisée par Tina Mostel, correspondante en stage, avec Mina Fahkavar, doctorante d'origine iranienne.

Tiré du Journal des ALternatives
https://alter.quebec/iran-le-mouvement-femme-vie-liberte-continue/?utm_source=Cyberimpact&utm_medium=email&utm_campaign=JdA-PA-2025-05-22
Par Tina Mostel -19 mai 2025

Photo Manifestation en Iran, 6 Mars 2025 / via Wikimédia

Depuis 1979, la République islamique d'Iran impose le port obligatoire du hijab, fondé sur la charia. Les années 1980 renforcent cette politique : ségrégation hommes-femmes dans l'espace public, licenciements massifs de femmes dans la fonction publique, et durcissement du code vestimentaire. En 2022, le slogan « Femme, Vie, Liberté » devient l'emblème de la résistance. Le décès de Jina Mahsa Amini, 22 ans, arrêtée pour un voile jugé mal porté, déclenche une vague de protestations internationales. Elle incarne une lutte collective, bien qu'elle ne soit pas un cas isolé.

Le président Massoud Pezeshkian, élu en juillet 2024, promet des réformes en faveur des femmes, suscitant une attente prudente. Madame Mina Fahkavar, doctorante vivant au Canada, née à Téhéran et formée en France, consacre sa thèse à la condition féminine en Iran. Son expérience personnelle offre un éclairage essentiel sur cette lutte pour les droits et les libertés.

Tina Mostel – D'après vous, aujourd'hui, est-ce que la situation politique du pays joue un rôle dans l'accentuation des répressions envers les femmes ?

Mina Fahkavar – Absolument. En réalité, la situation politique actuelle en Iran joue un rôle majeur dans l'accentuation des répressions envers les femmes, devenues la cible principale et prioritaire d'un système politique aux abois, un régime fragilisé qui cherche désespérément à restaurer son autorité en reprenant le contrôle des corps féminins, là où il l'a le plus spectaculairement perdu.

Depuis la révolte historique de 2022, portée par le slogan subversif « Femme, Vie, Liberté », les femmes iraniennes n'ont cessé de défier l'ordre patriarcal d'État.

En réponse, le gouvernement iranien a enclenché une politique de revanche autoritaire, que l'on pourrait qualifier de contre-insurrection patriarcale, où le corps des femmes est à nouveau érigé en champ de bataille. Le projet « Noor », présenté cyniquement comme un projet de moralisation et de sécurité à partir du mois d'avril 2024, constitue en réalité un projet de surveillance numérique généralisée et de contrôle algorithmique des femmes dans l'espace public.

Mais cette répression d'État s'accompagne d'un phénomène parallèle tout aussi alarmant : l'augmentation vertigineuse des féminicides. En 2024, selon les données du Center for Human Rights in Iran, l'Iran a triplé le nombre d'exécutions de femmes par rapport à la moyenne des deux décennies précédentes. La situation est si alarmante qu'on peut désormais parler d'un féminicide judiciaire d'État. Des femmes sont condamnées à mort dans des procès iniques, souvent fondés sur des aveux extorqués sous la torture, sans défense adéquate ni respect des normes internationales de justice.

TM – Dans un second temps, le président Massoud Pezeshkian, élu en juillet 2024, avait fait des promesses à son peuple avant son élection. Quelles répercussions les actions qu'il a mises en place depuis ont-elles eues sur la situation des femmes ?

MF – Le système politique iranien est théocratique, vertical, patriarcal et profondément autoritaire.

Dès lors, les promesses de Massoud Pezeshkian, qui, durant sa campagne, avait déclaré vouloir « apaiser les tensions sociales » et « réduire les discriminations », n'étaient que des manœuvres discursives visant à recréer une illusion de réforme sans toucher à l'architecture du pouvoir.

Plus encore, le régime, avec Pezeshkian comme façade modérée, tente aujourd'hui de rétablir des canaux de négociation diplomatique avec les États-Unis, les mêmes qu'il a qualifiés de « Grand Satan » pendant des décennies. Cette inflexion stratégique est perçue comme une trahison idéologique, et elle affaiblit encore davantage la légitimité du pouvoir aux yeux de la population.

TM – Enfin, comment se dessine l'avenir du combat des femmes iraniennes ? Quelles seraient les actions à mener localement et à l'international pour envisager une amélioration de leur situation actuelle ?

MF – L'avenir du combat des femmes iraniennes n'est pas une question spéculative : il s'inscrit déjà dans le présent. Il s'écrit, chaque jour, dans l'acte de marcher tête nue dans une rue de Téhéran, de danser dans une voiture, de parler à visage découvert sur les réseaux sociaux. Ce sont des gestes simples, mais extraordinairement politiques.

Elles désobéissent. Et ce refus massif, quotidien, est devenu le front principal de la contestation contre le régime. Il faut comprendre que la République islamique n'a jamais été aussi proche de l'effondrement symbolique que depuis que les femmes iraniennes ont cessé d'avoir peur.

Mais l'histoire iranienne, et plus largement celle de la région, est traversée par l'imprévisible : rapports de force géopolitiques, ingérences, récupérations. Rien ne garantit que la chute du régime mène à une société plus juste. C'est pourquoi il est crucial de renforcer les actions à plusieurs niveaux : localement, transnationalement, juridiquement, politiquement.

Au niveau local :

• Continuer à créer des espaces de désobéissance collective et de soutien mutuel (cafés, salons, cercles de lecture, réseaux numériques féministes).

• Développer une éducation critique, mais aussi diffuser du courage, des outils de résistance et des stratégies de désobéissance sur les réseaux sociaux, notamment auprès des jeunes filles, des femmes des provinces, et des minorités ethniques et religieuses.

C'est précisément grâce à ces actes de parole courageux que des organisations comme Amnesty International ou la mission d'enquête de l'ONU ont pu établir des rapports détaillés sur l'ampleur systémique des violences sexuelles et genrées utilisées par le régime contre les militantes, les dissidentes, les manifestantes.

Témoigner, c'est résister à l'effacement. C'est refuser l'impunité.

À l'international :

• Reconnaître le régime iranien comme un régime d'apartheid de genre, selon les normes du droit international.

• Rompre avec la complaisance diplomatique : arrêter de considérer les violations des droits des femmes comme des « affaires internes », ou comme des expressions culturelles qu'il faudrait tolérer au nom du relativisme.

• Soutenir les exilées, les chercheuses, les artistes, les journalistes iraniennes qui continuent le combat depuis l'extérieur, souvent dans l'isolement et la précarité.

• Exiger que les technologies de surveillance ne soient plus exportées vers des régimes autoritaires, et que les entreprises complices soient poursuivies.

Ce combat est à la fois profondément iranien et universel. Il s'enracine dans l'histoire de l'Iran, dans ses douleurs, ses révoltes, ses espoirs trahis, mais il parle à toutes les femmes qui vivent sous des régimes de contrôle patriarcal. C'est pourquoi la solidarité féministe transnationale ne doit pas être un slogan : elle doit devenir une stratégie.

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« La crise de l’hégémonie libérale est la raison pour laquelle tant de gens se tournent vers l’extrême droite. »

27 mai, par Ilya Budraitskis, Philipp Schmid — , ,
Dans cette interview, Ilya Budraitskis, politologue et militant russe en exil, explique les causes de la montée de l'extrême droite, les objectifs poursuivis par les nouveaux (…)

Dans cette interview, Ilya Budraitskis, politologue et militant russe en exil, explique les causes de la montée de l'extrême droite, les objectifs poursuivis par les nouveaux fascistes et les leçons que la gauche radicale devrait tirer du 20e siècle dans la lutte contre le fascisme. Enfin, il formule des suggestions sur les pistes à explorer aujourd'hui pour une politique antifasciste. Entretien avec Ilya Budraitskis ; par Philipp Schmid (BFS Zurich)

À18 mai 2025 | tiré du site d'inprecor.fr
https://inprecor.fr/node/4748

L'évolution politique en Europe est extrêmement préoccupante. Le parti fasciste Alternative pour l'Allemagne (AfD) a obtenu 20,8 % des voix aux élections fédérales de 2025. Lors des manifestations en Allemagne, les gens disent qu'il n'est pas minuit moins cinq, mais 17h33. Cette panique est-elle justifiée ?

Oui, je pense que ces craintes sont justifiées. Nous pouvons observer comment l'influence des différents partis d'extrême droite en Europe, aux États-Unis, en Amérique latine, etc. ne cesse de croître. Bien sûr, cette tendance mondiale se manifeste différemment selon les contextes nationaux, mais le danger est réel. En effet, elle est liée à la volonté de certaines fractions des élites de changer radicalement les configurations politiques du pouvoir bourgeois et d'instaurer un régime politique différent. Cela s'est déjà produit en Russie et le processus est en cours aux États-Unis. En Europe occidentale, l'extrême droite a remporté des succès électoraux majeurs, mais la transformation du pouvoir politique ne s'est pas encore concrétisée. Compte tenu de sa force croissante, cela reste toutefois un scénario possible pour l'avenir.

Quel ordre politique visent-ils ?

C'est aux États-Unis que cela se voit le mieux. Avec Trump, l'extrême droite est de retour au pouvoir. Elle contrôle les rouages les plus importants de l'appareil d'État, tels que le Sénat, la Chambre des représentants et la Cour suprême. Et maintenant, elle tente de restructurer le système politique par le haut pour le faire évoluer vers un régime autoritaire. Celui-ci doit être organisé comme une entreprise capitaliste. C'est l'objectif de Trump et de Musk. Cela implique la suppression de la démocratie libérale et son remplacement par une sorte de monarchie moderne. Ils aspirent à un régime dans lequel l'autorité ne repose pas sur la légitimité démocratique, mais sur le principe du pouvoir personnalisé et d'un dirigeant autoritaire.

Quel est le programme idéologique de l'extrême droite, outre la restructuration autoritaire de la société ?

Le cœur de leur programme idéologique est que la démocratie libérale est arrivée à son terme. Elle serait factice et ne serait qu'un gouvernement fantoche derrière lequel se cacherait une élite mondiale secrète, guidée par de faux principes tels que le droit international et la tolérance. L'extrême droite critique la morale et les valeurs supposées de l'élite libérale parce qu'elles protègeraient les faibles et non les forts.

Selon l'extrême droite, le seul principe de la politique internationale devrait être la loi du plus fort. C'est la manière « naturelle » de gouverner la société. C'est la logique qui sous-tend la manière dont Trump et Poutine gouvernent. On le voit dans l'exemple de la critique de Poutine à l'égard du soutien à l'Ukraine : dans son esprit, les petites nations qui ne peuvent pas se défendre n'ont pas le droit d'exister. Et donc, leur souveraineté, c'est-à-dire leur existence en tant que pays indépendants, est artificielle aux yeux de l'extrême droite.

Comment expliquez-vous la montée des forces d'extrême droite et fascistes en Europe au cours des dix dernières années ?

Il y a de nombreuses raisons qui expliquent le succès électoral croissant des partis d'extrême droite en Europe. L'une des plus importantes est la transformation des sociétés européennes à la suite des réformes néolibérales de ces dernières décennies. L'atomisation sociale progressive des populations, le démantèlement des syndicats et d'autres formes d'auto-organisation des travailleurs vont de pair avec le déclin des traditions démocratiques, qui doivent être comprises non seulement comme un système d'institutions libérales, mais aussi comme la capacité de la société à se défendre collectivement et de manière organisée.

C'est là le fondement matériel de la crise idéologique des élites libérales, car les citoyens sont de plus en plus désabusés par la démocratie libérale bourgeoise et ses institutions. Ils se sentent non représentés et non entendus. L'extrême droite exploite habilement ces sentiments largement répandus.

L'analyse marxiste classique du fascisme a toujours considéré le fascisme comme une réaction à la crise du capitalisme et comme la réponse de la bourgeoisie au renforcement du mouvement ouvrier. Cette analyse est-elle toujours valable ?

Malgré les différences historiques, il existe certainement des similitudes entre les années 1920/1930 et la situation actuelle. La crise des institutions politiques de la République de Weimar, la Grande Dépression à partir de 1929 et les bouleversements sociaux considérables qui l'ont accompagnée ont constitué le terreau fertile de la montée et de la prise du pouvoir par le fascisme allemand. Même s'il n'y avait pas de danger immédiat de révolution prolétarienne, le mouvement ouvrier allemand était l'un des plus puissants au monde. Le SPD social-démocrate et le KPD communiste étaient des partis de masse avec lesquels les fascistes se disputaient l'influence. En raison de la crise sociale générale, la population était massivement désabusée par le système de la démocratie libérale bourgeoise. Nous pouvons également observer cela dans la situation actuelle, qui se caractérise également par une crise multiple de l'ordre capitaliste. Il existe toutefois une différence fondamentale.

Laquelle ?

Dans les années 1920 et 1930, les fascistes rivalisaient avec le mouvement ouvrier pour proposer des visions alternatives à l'avenir du système capitaliste. Ils propageaient une vision d'un avenir sans conflits de classe, où la gloire nationale unirait la population. Et ils avaient l'ambition de créer un homme nouveau, lié à la société dans un esprit de solidarité nationale et une sorte de collectivisme fasciste. C'est pourquoi cette utopie fasciste réactionnaire était si attrayante pour beaucoup de gens en Europe dans les années 1920 et 1930. Et c'est pourquoi elle était en concurrence avec l'utopie socialiste et la vision socialiste d'un autre type de relations humaines. Aujourd'hui, je ne vois aucune concurrence entre des visions alternatives de l'avenir.

Mais les fascistes ne propagent-ils pas toujours une société différente, avec des frontières nationales, un peuple homogène et des genres clairement définis ?

Oui, mais le sens et la compréhension du temps sont très différents de ce qu'ils étaient il y a cent ans en Europe. À l'époque, la question d'un avenir meilleur et du progrès social était au cœur des aspirations sociales. Sous le règne du capitalisme tardif depuis les années 1980, l'idée d'avenir a disparu. Les gens sont principalement préoccupés par le présent et les interprétations du passé qui ont conduit à la situation actuelle. Nous vivons dans le présent, où un avenir alternatif est inimaginable. C'est précisément le résultat de la réorganisation néolibérale de la société. La célèbre phrase de Margaret Thatcher « il n'y a pas d'alternative » (TINA) est plus ou moins devenue le consensus social. Le programme politique de Trump le montre clairement. Il ne fait aucune proposition concrète et ne propage pas de vision claire de l'avenir. Il se contente de nier le « présent libéral » au nom d'une « vérité » qu'il définit lui-même.

Revenons à la caractérisation de la nouvelle extrême droite. Dans son livre publié en 2017, Les nouveaux visages du fascisme, le célèbre chercheur marxiste spécialiste du fascisme Enzo Traverso propose le terme « post-fascisme » pour caractériser les nouveaux fascistes. Qu'entend-il par là ?

Enzo Traverso estime que les partis post-fascistes d'aujourd'hui, contrairement à leurs modèles historiques, ne cherchent pas à rompre avec les mécanismes de la démocratie libérale bourgeoise. Au contraire, ils utilisent avec succès les mécanismes de la démocratie pour étendre leur influence. Ils veulent seulement utiliser le système pour arriver au pouvoir. L'exemple de l'Italie en est une illustration. La post-fasciste Giorgia Meloni n'a pas renversé le système politique pour le remplacer par un régime fasciste. Un tel scénario est également peu probable en cas de participation de Marine Le Pen au gouvernement français ou de l'AfD en Allemagne. Ils tenteront plutôt de changer progressivement la mentalité des sociétés et des élites. Il n'existe toujours pas de consensus dans les cercles dirigeants pour transformer le système politique en une nouvelle forme de fascisme autoritaire. Cependant, cela pourrait changer sous la pression soutenue de l'extrême droite.

Aujourd'hui déjà, les gouvernements libéraux et conservateurs adoptent les revendications de l'extrême droite. Nous devons comprendre que l'utilisation des institutions bourgeoises libérales et des élections par l'extrême droite pourrait représenter un point de transition pour tous ces mouvements sur la voie de la réalisation de leur projet politique final. Pour ces raisons, je pense que le terme « post-fascisme » est utile pour décrire les similitudes et les différences entre l'extrême droite contemporaine et les fascistes historiques.

Cette analyse peut-elle également s'appliquer à la Russie et au régime de Poutine ?

Oui, la Russie a traversé exactement ce processus et est aujourd'hui un régime ultra-autoritaire. Au cours des 25 dernières années du gouvernement Poutine, le régime russe a fondamentalement changé. Au cours de la première décennie, dans les années 2000, la Russie était plutôt un régime autoritaire, technocratique et néolibéral. La crise économique mondiale de 2007/2008 a entraîné une crise politique générale non seulement dans le monde arabe, mais aussi en Russie. Des manifestations massives contre la réélection de Poutine ont eu lieu à Moscou et dans d'autres villes russes en 2011/2012. Ces manifestations de la société civile ont été perçues comme une menace politique et idéologique et ont conduit les élites russes à croire qu'une transformation autoritaire de leur régime était nécessaire.

Quel a été l'impact de cette transformation ?

L'idée que des mouvements sociaux issus de la base puissent renverser un gouvernement constitue une menace existentielle pour les régimes autocratiques. C'est pourquoi le retour de Poutine à la présidence en 2012 s'est accompagné d'un glissement idéologique vers des valeurs dites traditionnelles et antidémocratiques. Ces éléments antidémocratiques reposaient sur l'idée que l'État russe n'était pas le résultat d'un contrat social, mais le fruit de l'histoire. La Fédération de Russie est la continuation directe de l'Empire russe et de l'Union soviétique. Cela signifie que Poutine n'a pas besoin d'être élu par le peuple, mais qu'il est conduit par le destin à diriger le pays. Poutine se considère comme le successeur direct de Pierre le Grand et de Staline. Ces idées ont finalement été inscrites dans la Constitution russe en 2020. Au fond, ces convictions sont également responsables de la réaction violente aux événements en Ukraine lors des manifestations du Maïdan en 2013/2014.

Pourquoi ?

Les Ukrainiens du Maïdan protestaient contre l'influence de la Russie et en faveur de la souveraineté nationale de l'Ukraine. Les manifestations ont non seulement été qualifiées par le régime russe de « mises en scène depuis l'extérieur », mais elles ont également été perçues comme une menace interne pour la « Russie historique ». Au cours de cette deuxième décennie du règne de Poutine, l'intervention militaire en Ukraine a commencé, avec notamment l'annexion de la Crimée. Elle s'est accompagnée d'une croissance de l'autoritarisme du régime de Poutine et de son installation à la tête du pays à vie.

Comment la population civile russe, attachée à la démocratie, a-t-elle réagi à ces développements ?

Poutine a été une nouvelle fois confronté à un mouvement de protestation démocratique croissant et au mécontentement d'une grande partie de la société russe. Il a également vu dans cette vague de protestation une combinaison de menaces externes et internes. Toutes les révolutions, y compris la révolution russe de 1917, auraient été secrètement contrôlées par les ennemis extérieurs de la Russie. L'Occident aurait empoisonné la société russe avec des idées fausses, libérales ou socialistes. La réponse de Poutine aux nouvelles manifestations a été d'envahir l'Ukraine en février 2022. Pour Poutine, la question ukrainienne n'est pas seulement une question d'intérêts géostratégiques de l'État russe sur la scène mondiale. Il n'était pas seulement préoccupé par la concurrence avec l'OTAN, mais aussi par l'existence de son propre régime. C'est pourquoi l'invasion de l'Ukraine a marqué un tournant. Poutine a utilisé la guerre pour transformer le régime en une dictature répressive.

Alors, décrivez-vous le régime de Poutine aujourd'hui comme fasciste ?

Oui, pourquoi pas ? Bien sûr, le fascisme d'aujourd'hui diffère du fascisme historique à bien des égards. En Russie, contrairement à l'Allemagne et à l'Italie, le fascisme n'a pas de modèle historique. Il existe plutôt diverses autres traditions autoritaires dont le régime de Poutine peut s'inspirer. Par exemple, Poutine utilise la tradition extrêmement conservatrice et cléricale de l'Empire russe pour justifier son autocratie. Des pratiques répressives issues du passé stalinien ont également été reprises, comme le montre le rôle des services secrets du FSB (successeur du KGB). Aujourd'hui, le FSB est l'élément le plus influent du régime russe.

Une partie de la gauche radicale occidentale ignore – ou pire, nie – le danger que représente le régime fasciste en Russie.

Exactement, et ce qui est encore plus tragique, c'est qu'elle n'est absolument pas préparée à la montée du fascisme dans ses propres pays. La montée du nouveau fascisme est un défi majeur pour la gauche. Aux États-Unis, par exemple, avant la réélection de Trump, la gauche radicale concentrait ses critiques principalement sur Biden et le Parti démocrate, oubliant le danger réel que représente le trumpisme. Aujourd'hui, elle est complètement perdue. Cela peut également se produire dans d'autres pays. L'histoire nous enseigne que la gauche n'était pas préparée à la montée du fascisme au 20esiècle. L'Internationale communiste stalinienne a trop longtemps banalisé la menace fasciste. La différence avec aujourd'hui est que la gauche radicale est beaucoup plus faible qu'il y a cent ans.

Quelles autres leçons peut-on tirer de la résistance antifasciste au 20e siècle ?

La leçon la plus importante de l'histoire est que le fascisme conduit toujours à la militarisation et à la guerre. Les antifascistes européens ne s'en sont pas rendu compte au début de la montée au pouvoir des fascistes dans les années 1920 et 1930. Aujourd'hui, cela est beaucoup plus évident et nous devons donc combiner notre propagande antimilitariste et anti-impérialiste avec une propagande antifasciste. La gauche ne doit pas se limiter à critiquer l'augmentation des dépenses militaires. Un régime comme celui de Poutine rejette toute forme de coexistence pacifique et glorifie la guerre comme moyen de diriger le pays et d'étendre son influence. C'est la logique qui sous-tend le concept de « monde multipolaire », un monde dans lequel il n'y a plus de droits ni de règles universels, mais où la nation la plus forte prévaut.

Sur quoi devrait se fonder un antifascisme du 21e siècle pour lutter plus efficacement contre le (post-)fascisme ?

Nous devons former de larges coalitions contre la montée de l'extrême droite. Cependant, celles-ci ne doivent pas invoquer la défense des institutions bourgeoises libérales. Ce n'est pas notre tâche et cela serait vain. Après tout, la crise de l'hégémonie libérale est l'une des raisons pour lesquelles tant de personnes perdent confiance dans les structures existantes et se tournent vers l'extrême droite.

À mon avis, la gauche radicale devrait poursuivre deux lignes d'attaque : Premièrement, nous devons répondre au mécontentement social, mais proposer d'autres solutions. L'extrême droite veut faire croire aux gens que l'immigration est la cause de tous leurs problèmes. Le fait que cela ne soit pas objectivement vrai est démontré par le fait que l'AfD a remporté le plus grand nombre de voix lors des élections fédérales de 2025 dans les circonscriptions où la proportion d'immigrés était la plus faible. Cela ouvre un vide politique potentiel que la gauche doit combler en mettant en évidence les véritables causes des problèmes réels des gens.

Et deuxièmement ?

Deuxièmement, nous devons nous concentrer sur la défense de la « démocratie », et non d'une « démocratie » limitée aux institutions démocratiques bourgeoises et à leur fonctionnement. Nous devons combiner la défense de la « démocratie » avec la revendication de l'égalité et de la participation, car c'est là tout le sens de son émergence aux 18e et 19e siècles : la lutte des classes populaires pour l'influence politique et la représentation. Une telle conception de gauche ou socialiste de la démocratie comme « pouvoir d'en bas » peut servir de base commune à une large coalition antifasciste qui rassemble les partis de gauche, les syndicats et les diverses formes d'auto-organisation féministe, antiraciste, écologique et de quartier. Ce sont précisément ces projets que les post-fascistes et les néo-fascistes veulent détruire, car ils contredisent leur idée d'un ordre étatique hiérarchique structuré comme une entreprise capitaliste.

Publié le 15 mai par Socialismus

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En Égypte, les Palestiniens de Gaza sous haute surveillance

Critiquée pour son absence de mobilisation en soutien aux Palestiniens de Gaza, l'Égypte du président Abdel Fattah Al-Sissi rend également la vie dure à ceux qui ont réussi à (…)

Critiquée pour son absence de mobilisation en soutien aux Palestiniens de Gaza, l'Égypte du président Abdel Fattah Al-Sissi rend également la vie dure à ceux qui ont réussi à quitter l'enclave depuis le 7 octobre 2023. Tout est fait pour les garder dans un état de précarité pour couper court à toute velléité d'installation, par un régime qui ne regarde la situation que par le prisme sécuritaire.

Tiré d'Orient XXI.

À l'est du Caire, près de l'aéroport, Roula (1) et sa famille habitent un appartement dans un compound (2) décrépit. Ils ont quitté Gaza en mars 2024, juste avant l'occupation par l'armée israélienne du corridor de Philadelphie et la fermeture du point de passage de Rafah deux mois plus tard. Ils font partie de celles et ceux qui avaient les moyens de fuir, en payant les « frais de coordination » à la compagnie égyptienne Hala (3) — c'est-à-dire plusieurs milliers de dollars. Arrivée au Caire, la famille obtient un permis de séjour d'une durée de 45 jours, non renouvelable. Ils vivent depuis sans papiers.

  1. En un an, on a dû changer trois fois de logement. Les propriétaires nous font des contrats courts. Arrivés à échéance, ils augmentent le loyer. Ils savent qu'on a du mal à trouver un logement dans notre situation, donc soit on paye soit on trouve autre chose.

On estime à un peu plus de 110 000 le nombre de Palestinien.ne.s ayant fui Gaza vers l'Égypte depuis le 7 octobre. La plupart des personnes rencontrées ne souhaitent toutefois pas y rester, comme l'assure Roula :

  1. Toutes nos économies ont servi à payer le tansiq [frais de coordination]. Si on avait pu, on serait partis vers un autre pays ensuite. Ici, on n'arrive pas à se projeter. Depuis qu'on est sortis, on n'a eu aucun moment de répit. Notre quotidien c'est toujours la guerre, mais à distance maintenant.

Des familles séparées par la guerre

Tous les membres de la famille de Roula ont pu sortir à l'exception d'un de ses neveux, âgé de 25 ans, que les autorités israéliennes ont refusé d'inscrire sur la liste de la coordination. Il ne n'est pas le seul dans ce cas. Zeinab, une autre Palestinienne de Gaza que nous avons rencontrée, s'est rendue au Caire le 4 octobre 2023 avec son mari et deux de ses enfants pour une semaine. Deux de ses filles se sont retrouvées coincées à Gaza pendant plusieurs mois avant de pouvoir sortir. Des milliers d'étudiant·e·s palestinien·ne·s inscrits dans des établissements d'enseignement supérieur égyptiens se sont également retrouvés séparés de leurs familles à Gaza, lesquelles subvenaient à leurs besoins.

Certain·e·s étudiant·e·s ont bénéficié d'aides de la part d'associations ou de partis politiques, qui ont pris le relais et payé leurs frais de scolarité, à l'instar du Parti social-démocrate ou encore du Courant de la réforme démocratique palestinien. Branche dissidente du Fatah, ce dernier est implanté au Caire depuis plusieurs années. Son leader étant proche du régime égyptien, les activités du parti sont tolérées. Déjà avant le 7 octobre 2023, celles-ci reposaient sur des actions caritatives, le financement de bourses d'études pour des étudiant·e·s palestinien·ne·s dans des universités égyptiennes, la prise en charge de frais médicaux, la distribution de colis alimentaires, etc. Depuis plusieurs mois, le Courant a intensifié ses activités, recréant un réseau de solidarité en exil.

Une présence illégale mais tolérée

Avec l'impossibilité pour les exilés gazaouis de scolariser leurs enfants à l'école ou de travailler, que ce soit dans le secteur public ou dans le privé — où la procédure pour obtenir un permis de travail est complexe et décourage souvent les employeurs —, ils deviennent tributaires des réseaux de solidarité, créés pour la plupart par des binationaux résidant en Égypte depuis des années. À titre d'exemple, certaines écoles accueillent, après les heures d'ouverture, des élèves palestinien·ne·s qui peuvent y suivre des cours gratuitement. Même la souscription à un contrat de ligne téléphonique est impossible sans statut légal. Cette organisation informelle est néanmoins tolérée par les autorités égyptiennes « tant que ce n'est pas trop institutionnel ni trop visible », selon une militante égyptienne de droits humains. Elle affirme que le ministère de l'intérieur a décidé de ne pas arrêter les Palestinien·ne·s sans papiers s'ils venaient à se faire contrôler. « Ils travaillent aussi sans problème, même si officiellement ils n'en ont pas le droit », confirme un conseiller de l'ambassadeur de Palestine en Égypte.

L'ambassade, qui a d'ailleurs été déplacée, après le 7 octobre, de Doqqi, au centre du Caire, vers une zone périphérique à l'est de la capitale, n'a pas non plus fourni l'assistance attendue par ses ressortissant·e·s. En collaboration avec le ministère de l'éducation à Ramallah, elle a simplement essayé d'assurer une continuité de l'enseignement en proposant des cours en ligne et en accueillant dans ses bureaux les épreuves du bac. Interrogé sur la question du permis de résidence, le conseiller de l'ambassadeur explique que ce dernier a essayé de négocier avec les autorités égyptiennes un permis de résidence temporaire, jusqu'à la fin de la guerre, pour les Palestinien·ne·s arrivé·e·s après le 7 octobre. En vain.

Les craintes du régime

À la fin du mois d'avril 2025, 110 Palestinien·ne·s de Gaza — personnels de l'Institut français, lauréat·e·s de bourses d'études en France, du programme pause (4) ou encore bénéficiaires du rapatriement familial — ont été évacués via le point de passage de Kerem Abou Salem. Les papiers des Palestinien·ne·s ont été contrôlés par l'armée israélienne, et la fouille assurée par des membres d'une famille de Gaza. Cette sous-traitance sécuritaire d'Israël contribue davantage à créer le chaos dans le tissu social palestinien.

Depuis Kerem Abou Salem, et en l'espace de 24 heures, les personnes évacuées ont été acheminées par bus vers Amman, la capitale de la Jordanie, et logées dans un hôtel en attendant d'embarquer pour Paris, selon un témoignage que nous avons recueilli. Malgré l'exigence de discrétion formulée par les consulats français de Jérusalem et d'Amman, en charge de l'évacuation, l'interview d'une rescapée filmée à Amman a fait le tour des réseaux sociaux (5). Les autorités françaises, accusées de prendre part au déplacement forcé des Palestinien.ne.s de Gaza ou au contraire submergées de demandes pour procéder à de nouvelles évacuations, a publié un communiqué justifiant cette opération (6).

L'évacuation récente de ces Palestinien·ne·s via Kerem Abou Salem s'explique par le maintien par les autorités égyptiennes de la fermeture du point de passage de Rafah, depuis le mois de mai 2024. Une décision renforcée par l'annonce du président étatsunien Donald Trump d'un plan consistant à vider la bande de Gaza de ses habitant·e·s. L'arrivée massive de « réfugiés » palestinien·ne·s en Égypte menacerait la stabilité du régime d'Abdel Fattah Al-Sissi, dans la mesure où des cadres influents de l'armée ainsi que la population civile y sont opposés.

La crainte du régime d'un débordement du conflit sur son territoire n'est pas nouvelle. Les évènements récents rappellent que, particulièrement depuis l'arrivée au pouvoir du président Al-Sissi, les Palestinien·ne·s de Gaza sont perçus et traités par le régime comme un enjeu pour la sécurité nationale égyptienne. La progressive sécurisation de la frontière égypto-palestinienne traduit bien ce phénomène. La privatisation croissante du point de passage de Rafah repose sur des partenariats publics-privés et a généré une industrie migratoire à travers le système de « coordination ». Les régimes de restriction dans l'espace frontalier s'étendent au Nord du Sinaï, zone militarisée, mais aussi aux Palestinien·ne·s de la diaspora en Égypte.

« Criminalisation de la solidarité »

La période post-révolutionnaire en Égypte est à ce titre révélatrice de la transformation progressive des Palestinien.ne.s en menace sécuritaire. Et les médias se font les relais de la propagande du régime. Le « lynchage médiatique » des Frères musulmans, depuis le printemps 2013, ainsi que du Hamas — que le régime associe à la confrérie — a contribué à construire les Palestinien·ne·s en général, mais surtout les Palestinien·ne·s de Gaza, en menace pour la sécurité intérieure.

Depuis le 7 octobre 2023, les blessés et malades évacués de Gaza vers l'Égypte pour y être soignés ont été transférés dans plusieurs hôpitaux, à El-Arish, Ismaïliya, Port-Saïd, ou encore au Caire, ainsi que dans des bâtiments mis à disposition par le ministère égyptien de la solidarité sociale. Ils doivent souvent payer pour leurs médicaments et traitements, alors que les autorités égyptiennes s'étaient engagées à les prendre en charge. De plus, ces hôpitaux s'apparentent à des lieux d'incarcération, très surveillés et dont ils n'ont pas le droit de sortir.

De même, quelque 130 prisonniers politiques palestiniens, la plupart du Hamas et du Djihad islamique, libérés lors des périodes de cessez-le-feu en échange d'otages israéliens, ont été expulsés vers l'Égypte. Ils ont été placés provisoirement dans un hôtel près de l'aéroport du Caire, qu'ils ne peuvent pas, là non plus, quitter librement. Les négociations de cessez-le-feu en cours doivent déterminer quels pays les accueilleraient — probablement la Turquie et le Qatar —, et dans quelles conditions.

Ce traitement sécuritaire affecte aussi toute personne qui les soutient ouvertement. Un rapport de l'ONG Refugee Platform in Egypt accuse le régime de « criminalisation de la solidarité avec le peuple palestinien » (7). Le rapport fait état d'arrestations de citoyens égyptiens ayant pris part à des manifestations, à l'instar des mobilisations autour de la mosquée d'Al-Azhar le 20 octobre 2023, ou à des initiatives de solidarité envers les Palestinien.ne.s.

« Réfugiés » en Égypte. Ni statut légal ni droits

Les Palestinien·ne·s en Égypte ne sont pas considérés comme réfugiés et ne bénéficient donc pas de l'assistance et des services de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Le régime refuse que l'agence onusienne opère sur son sol, pour ne pas donner, selon lui, un blanc-seing au projet américano-israélien d'expulsions forcées des Palestinien.ne.s de Gaza vers l'Égypte et la Jordanie.

Signataires notamment du Protocole de Casablanca de 1965 octroyant aux Palestinien·ne·s des droits de résidence, des permis de travail ou de voyage, les autorités égyptiennes n'appliquent pas complètement, dans les faits, les articles ratifiés (8). Refusant, comme tous les pays arabes, la naturalisation des ressortissant·e·s palestinien·ne·s, selon la résolution de la Ligue arabe de 1952 consacrant la préservation de l'identité palestinienne, Le Caire leur octroie des visas de résidence pour lesquels la législation a évolué de façon restrictive au fil du temps. Entre 1978 et 1982, soit après la signature des accords de Camp David entre Le Caire et Tel-Aviv, les Palestiniens, sauf cadres de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), deviennent des « étrangers » en Égypte. Ils se voient en outre retirer leurs droits de résidence, excepté pour les ressortissant·e·s marié·e·s à des Égyptien·ne·s, les étudiant·e·s, les personnes travaillant dans le secteur privé, propriétaires d'une entreprise ou investissant dans le pays. En 2004, la loi de nationalité 1975 autorise une Égyptienne mariée à un Palestinien à transmettre sa nationalité à ses enfants. Un effet rétroactif a été appliqué pendant la période du Conseil suprême des forces armées (2011-2012) (9)

Les Palestinien·ne·s, arrivé·e·s légalement en Égypte depuis le 7 octobre, pourraient demander l'asile. En décembre 2024, une loi sur le droit d'asile en Égypte a été présentée au Parlement puis adoptée par décret présidentiel. Elle vise à terme à remplacer l'agence du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) par un organe gouvernemental, le Comité permanent aux affaires pour les réfugiés. De nombreuses organisations humanitaires y sont opposées et estiment que cette loi laissera à la discrétion des autorités le pouvoir de révocation de l'asile et d'expulsion. La loi stipule entre autres l'interdiction pour les demandeurs d'asile ou les bénéficiaires du statut de réfugié d'exercer toute activité politique et partisane. Elle criminalise également l'aide informelle fournie aux demandeurs d'asile.

Notes

1- Toutes les personnes interviewées apparaissent sous pseudonyme.

2- NDLR. Un quartier résidentiel sécurisé.

3- Lire « The Argany Peninsula », Mada Masr, 13 février 2024.

4- NDLR. Le programme PAUSE soutient des scientifiques et des artistes en exil en favorisant leur accueil dans des établissements d'enseignement supérieur et de recherche ou des institutions culturelles.

5- La vidéo, postée à l'insu de la personne interviewée, a depuis été effacée.

6- « Israël/Territoires palestiniens — Sorties de la bande de Gaza (25 avril 2025) », France Diplomatie.

7- « “Where do they go ?” A full year of siege, the denial of rights and the criminalization of solidarity », Refugee Platform in Egypt, 5 novembre 2024.

8- Oroub El-Abed, « The forgotten Palestinians : how Palestinian refugees survive in Egypt », Forced Migration Review, mai 2004.

9- Oroub El-Abed, « Unprotected Palestinians in Egypt since 1948 », Institute for Palestine studies, 2009.

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« Le problème foncier est le cancer de l’Afrique du Sud »

27 mai, par Marianne Séverin, Nathalie Prévost — , ,
Entretien · La loi foncière adoptée le 24 janvier dernier par l'Afrique du Sud s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui accuse le pays de « discrimination raciale » à (…)

Entretien · La loi foncière adoptée le 24 janvier dernier par l'Afrique du Sud s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui accuse le pays de « discrimination raciale » à l'encontre de la minorité blanche. Or, pour comprendre les enjeux autour du texte, il faut retourner à l'Histoire, marquée par une spoliation continue de la terre par les colons blancs. La politiste Marianne Séverin dessine les grands chapitres d'un très long combat.

Tiré d'Afrique XXI.

Remise en cause d'accords commerciaux, arrêt de l'aide états-unienne, boycott de la présidence sud-africaine du G20, proposition d'accueil des fermiers afrikaners souhaitant émigrer aux États-Unis : Donald Trump s'est beaucoup démené, ces dernières semaines, pour fustiger l'Afrique du Sud après l'adoption d'une nouvelle loi foncière (1) « pour promouvoir l'inclusivité et l'accès aux ressources naturelles » qui permet, au nom de l'intérêt général, des expropriations sans compensations financières de terres à l'abandon.

Peut-être faut-il voir dans cette colère, réelle ou feinte, l'influence d'Elon Musk et de Peter Thiel, deux grands patrons illibéraux très proches du président états-unien, qui ont grandi dans les régimes d'apartheid d'Afrique du Sud et de Namibie. Ou bien le fruit d'un lobbying intense mené par une mouvance afrikaner revancharde, très active en Europe et aux États-Unis, qui invoque un prétendu « apartheid à l'envers ». Ou encore, un prétexte pour sanctionner des choix politiques internationaux.

Mais au-delà des outrances états-uniennes, traduction d'une « campagne de désinformation et de propagande » dénoncée le 8 février par un communiqué du ministère sud-africain des Affaires étrangères, la nouvelle loi foncière en vigueur se voit plutôt reprocher, en Afrique du Sud, sa timidité et son incapacité à redessiner en profondeur la géographie héritée de l'apartheid. La réparation des injustices foncières, qui a toujours été au cœur du combat contre le régime de ségrégation raciale, est, en effet, très difficile.

Chercheuse associée au laboratoire scientifique « Les Afriques dans le monde » (LAM), à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France, Marianne Séverin est spécialiste du contexte politique sud-africain. Elle est l'autrice d'une thèse (2) sur les réseaux du Congrès national africain (African National Congress, ANC).

« Les Afrikaners ont éliminé la concurrence des fermiers noirs »

Nathalie Prévost : Pouvez-vous nous parler de l'histoire de la politique agraire de l'Afrique du Sud, notamment des lois sur les terres indigènes de 1913 et 1936 qui ont limité à 8 % puis 13 % seulement du territoire sud-africain les terres des Africains non blancs ?

Marianne Séverin : Il faut remonter au-delà de l'apartheid, à la fin de la période coloniale et à la rivalité entre les descendants des premiers colons néerlandais et les Britanniques. La deuxième guerre anglo-boer, de 1899 à 1902, s'achève à l'avantage des Britanniques, avec un traité de paix qui exprime la volonté de réconcilier la population blanche et de renforcer son contrôle politique et économique sur le pays, naturellement au détriment de la majorité africaine de la population. C'était une façon de protéger les acquis sociaux des Afrikaners et, en même temps, de disposer d'une main-d'œuvre bon marché au service de l'expansion minière et industrielle du pays après la découverte, entre le milieu et la fin du XIXe siècle, des mines d'or et de diamants.

L'Union sud-africaine est formée le 31 mai 1910. Elle scelle l'union des deux communautés blanches, auxquelles elle attribue plus de 90 % des terres, grâce aux premières lois discriminatoires qu'elle vote presque immédiatement, parmi lesquelles la loi sur les terres indigènes de 1913.

Nathalie Prévost : Chassés de leurs terres et cantonnés dans des réserves, les fermiers africains deviennent alors une main-d'œuvre forcée pour les fermiers blancs ?

Marianne Séverin : Oui. Ils deviennent la main-d'œuvre des fermes, la main-d'œuvre des mines, puis les femmes de ménage, les maids. En fait, une main-d'œuvre au service de la population blanche. Privés de terre, ils n'ont plus d'autre choix ! Par ailleurs, l'accaparement des terres par les Afrikaners permet d'éliminer la concurrence des fermiers noirs.

L'objectif, à la création de l'Afrique du Sud moderne, est de développer les intérêts agricoles et commerciaux des Blancs, particulièrement des Afrikaners. La loi de 1913 interdit aux Africains d'acheter ou de vendre des terres hors des réserves (3) où ils sont désormais confinés. Évidemment, cela pose beaucoup de problèmes aux Africains dans leur vie quotidienne. Certains, par exemple, se voient privés de l'accès aux sépultures de membres de leur famille enterrés sur des terres désormais dévolues aux Blancs.

L'ANC est né à la même époque, en 1912. On l'appelle « l'ANC des pères fondateurs ». Alors que les royaumes bantous avaient été vaincus par les colons, les Noirs éduqués avaient compris la nécessité de s'organiser pour réclamer une grande nation africaine en Afrique du Sud et dénoncer les lois raciales. La terre a été leur première bataille. On peut reprocher beaucoup de choses à l'ANC, mais la redistribution des terres a toujours été son combat.

« La loi foncière gère tout l'espace, rural et urbain »

Nathalie Prévost : Quelle évolution l'apartheid a-t-il imprimée ensuite ?

Marianne Séverin : En 1949, le régime d'apartheid arrive au pouvoir et, en 1950, il adopte une batterie de lois pour garantir la pureté de la race, la séparation physique des populations, la domination politique et le contrôle de la population. La même année, une loi détermine les zones géographiques dans lesquelles doivent vivre les Sud-Africains en fonction de leur couleur de peau. Avec cette loi, on exproprie les Africains, les métis et les Indiens au profit des Blancs. À partir de 1950, si vous êtes Africain et que vous vivez dans ce que les autorités considèrent être une zone blanche, on vous force à déménager.

Trois lois importantes sont adoptées dans ces années-là : en 1950, celle sur la délimitation des zones géographiques ; en 1951, celle sur la législation discriminante dans les campagnes, qui limite la capacité et la volonté des Africains à maintenir une existence agricole indépendante hors des réserves ; et en 1954, la loi sur les indigènes, qui restreint le nombre d'Africains dans les zones urbaines : les Africains ne peuvent plus vivre dans les centres-villes considérés comme des zones blanches.

La loi sur le foncier ne s'intéresse pas qu'aux terres agricoles. Elle gère tout l'espace, rural et urbain. Et chaque groupe se voit attribuer un ratio en fonction de sa couleur de peau et de son ethnie. À la suite de la création des Bantoustans, dans les années 1960 et 1970, des Sud-Africains noirs perdent leur nationalité parce que certains Bantoustans deviennent indépendants. Dès lors, on ne pense plus l'Afrique du Sud que blanche. Pour les non-Blancs, il n'y a plus de libre circulation : il faut un pass pour se déplacer.

Nathalie Prévost : Après la chute de l'apartheid, en 1994, une loi sur la restitution des droits fonciers aux personnes dépossédées de leur propriété après le 19 juin 1913 est adoptée. Cette loi prévoit également la réforme de la tenue foncière dans les ex-Bantoustans et une redistribution permettant l'acquisition foncière avec le soutien de subventions publiques. Qu'est-ce que cette loi a changé ?

Marianne Séverin : Cette loi de 1994 n'a pas été très bien ficelée. Il y a eu des débats à l'intérieur de l'ANC. Ce dernier n'est pas un parti politique homogène. Différents courants s'y affrontent, certains plus populistes, et d'autres plus raisonnables qui estiment que l'Afrique du Sud doit appartenir à tout le monde. L'exemple du Zimbabwe (4), qu'on leur ressasse à longueur de temps, a aussi conduit l'ANC à rester très prudent.

La redistribution des terres n'a pas été effective. Les Blancs n'ont pas forcément voulu vendre et, quand ils vendaient, les prix étaient élevés. Et lorsque les fermiers noirs pouvaient acquérir ces terres, parfois, par manque d'expérience, ils n'ont pas fait du bon travail. C'était aussi très difficile de rapporter la preuve de leur dépossession en 1913 pour ceux qui prétendaient bénéficier des dispositions de la loi de restitution des terres. Et puis il y a eu de la corruption au niveau des subventions publiques prévues pour acquérir les terres. Actuellement, 72 % des terres agricoles sont toujours entre les mains des fermiers blancs (contre 87 % après la loi de 1936). Vous comprenez le malaise quand on entend Donald Trump dire qu'on exproprie les Afrikaners ! Bref, cette loi n'a pas produit de grands effets. On a beaucoup parlé mais peu agi. Et certaines des terres mises en vente n'étaient même pas cultivables.

« La terre doit être partagée entre ceux qui la travaillent »

Nathalie Prévost : Quelle était la vision de l'ANC sur cette question ?

Marianne Séverin : La Freedom Charter (Charte de la Liberté), écrite en 1955 par l'ANC, est le cœur même de la Constitution sud-africaine. Voici ce qu'elle proclame : « La terre doit être partagée entre ceux qui la travaillent ! Les restrictions à la propriété foncière sur une base raciale doivent être supprimées et toutes les terres doivent être redistribuées entre ceux qui les travaillent afin de bannir la famine et le manque de terres. L'État doit aider les paysans en leur fournissant des outils, des semences, des tracteurs et des barrages afin de préserver le sol et d'aider les cultivateurs ; la liberté de mouvement est garantie à tous ceux qui travaillent la terre ; chacun a le droit d'occuper la terre où il le choisit ; les gens ne seront pas dépouillés de leur bétail ; le travail forcé et les prisons agricoles seront abolis. »

La Constitution sud-africaine de 1996 parle dans son préambule de la nécessité de reconnaître les injustices du passé (« recognize the injustices of our past »). Cet aspect est très important. Parfois, je suis étonnée de lire ce qu'écrivent certains Sud-Africains blancs. Il y a une Constitution en Afrique du Sud. Elle a été écrite, négociée et gravée dans le marbre. Et la première chose qu'on y lit, c'est : « Reconnaître les injustices de notre passé. » Certains dénoncent des expropriations à venir.

En réalité, il s'agit d'une tentative de réparation de l'Histoire.

Quand vous voyez des organisations de la société civile liées à l'extrême droite qui racontent je ne sais quoi, ces personnes semblent ignorer leur propre Constitution. Elles le font parce que, dans leur inconscient, l'Afrique du Sud appartient toujours à la minorité blanche. On ne peut pas demander aux Sud-Africains d'oublier cette histoire sous prétexte que l'apartheid est terminé. Oui, l'apartheid est terminé, mais le cancer même de ce pays c'est le problème foncier, qui remonte à plus de cent ans. L'enjeu, c'est de parvenir à redistribuer des terres tout en préservant celles des Afrikaners, qui sont des citoyens de ce pays depuis des générations et qui assurent la sécurité alimentaire du pays. Personne n'a demandé aux Afrikaners d'abandonner leurs terres. D'ailleurs, les Africains n'ont pas tous envie de travailler dans l'agriculture.

Nathalie Prévost : Alors, qu'est-ce qui a présidé à l'élaboration de la nouvelle loi, et quels sont ses objectifs ?

Marianne Séverin : L'objectif de la loi de 2025 est d'aligner les lois sud-africaines sur l'expropriation sur la Constitution du pays, en particulier l'article 25. L'article 25 autorise l'expropriation dans l'intérêt public. C'est l'intérêt public qui a été ajouté à la loi foncière de 1994. Cette loi élargit la définition de la propriété pour inclure les biens mobiliers et immobiliers. Cela signifie que si vous avez une terre qui est abandonnée et qui n'est plus valorisée, l'État peut la préempter pour s'en servir. On a le même système en France ! Et on dit bien que la loi est stricte, prévoit des obligations claires en matière de consultations et de notifications aux propriétaires de terres concernés, qui ont le droit de faire des observations. Il faut suivre les règles, et il y a des mécanismes pour résoudre les litiges.

Nathalie Prévost : Quelle était la nécessité de cette loi ?

Marianne Séverin : En fait, lorsque vous avez des terres qui ne sont pas vendues et qui n'ont plus d'autre intérêt que spéculatif, l'État considère que ces terres peuvent être utilisées pour des projets utiles pour le bien de tous. C'est une façon aussi de réparer les injustices. Le débat sur la terre est un débat qui pourrit l'Afrique du Sud et empêche la réconciliation. Il n'y a pas de partage des richesses, ni des terres. Et ce sont toujours les mêmes qui ont le pouvoir économique au détriment de la majorité.

« Si l'Afrique du Sud ne s'aligne pas derrière les États-Unis, elle est punie »

Nathalie Prévost : Comment interprétez-vous la charge impromptue de Donald Trump ?

Marianne Séverin : Le problème de la terre est un prétexte pour Donald Trump. Il parle d'un génocide, de violations des droits humains. Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas de meurtres de fermiers blancs, mais il y en a aussi de fermiers noirs. L'Afrique du Sud est l'un des pays les plus violents du monde. Certains Blancs, en particulier afrikaners, considèrent que l'Afrique du Sud n'a pas lieu d'être noire, multiraciale ni inclusive. Il faut faire un parallèle entre ce qui se passe aux États-Unis actuellement et cette attaque contre l'Afrique du Sud.

Aux États-Unis, ils sont en train d'essayer d'éliminer tout cet aspect de solidarité, d'inclusion. Vous avez, en face, un pays qui fait tout le contraire, ce qui ne correspond pas à la vision de Trump. Je ne parle même pas d'Elon Musk, qui a grandi dans le contexte de l'apartheid avec un père raciste notoire. On voit aussi des liens avec l'extrême droite états-unienne et la diffusion de fausses informations. Lors de son premier mandat, Donald Trump avait déjà parlé de génocide des Blancs. Ce monsieur n'a jamais mis les pieds dans ce pays ni ailleurs en Afrique, ça ne l'intéresse pas, et il se permet d'insulter tout le monde !

Autre source de mécontentement des États-Unis, l'Afrique du Sud fait partie des pays qui n'ont pas condamné la Russie pour la guerre en Ukraine. Les liens avec la Russie datent de la lutte contre l'apartheid.

Le fait que l'Afrique du Sud fasse partie des Brics déplaît également. Et, comble de l'horreur, Pretoria a porté plainte devant la Cour internationale de justice contre Israël. Les États-Unis lui ont demandé de faire marche arrière et elle a refusé de céder. Même sous Biden, il y a eu un incident diplomatique entre les deux pays. Peu de gens le savent, mais la Palestine a contribué à la lutte anti-apartheid. En 1994, à l'investiture de Nelson Mandela, Yasser Arafat avait été invité. Ça avait fait du bruit, mais Nelson Mandela avait dit : « Les Palestiniens nous ont aidés. »

Pour résumer, si l'Afrique du Sud ne s'aligne pas derrière les États-Unis ou derrière les Occidentaux en ce qui concerne Israël et ses actions dans la bande de Gaza, elle est punie.

Nathalie Prévost : Ils ne sont pas les seuls à avoir un pied dans chaque camp !

Marianne Séverin : Non, mais c'est tellement plus facile de s'attaquer à ce pays ! Tout cela est aussi le fruit de l'agitation menée par deux organisations de la société civile afrikaner ()5 proches des milieux trumpistes. Puis rétropédalage lorsque Trump a proposé de donner le statut de réfugiés aux Afrikaners. Tout ça, c'est basé sur des fake news ! Le ministre de l'Agriculture, John Henry Steenhuisen, a dit : « Pour l'instant, je ne vois pas de fermier [blanc] qui veut quitter l'Afrique du Sud. » Certains ont pensé : « Il y a des problèmes dans notre pays, mais on y vit confortablement. Qu'est-ce qu'on va aller faire aux États-Unis alors que les fermiers états-uniens se plaignent ? »

Rappelez-vous les paroles de l'ex-président Thabo Mbeki au sujet des États-Unis : « Ils n'ont pas à nous donner de leçons parce qu'ils ne nous ont pas soutenus durant l'apartheid. » La Constitution est écrite. La loi est votée. C'est une vraie démocratie, ce pays, même s'il y a des problèmes sociaux et économiques. Les États-Unis n'ont pas à s'ingérer dans la politique intérieure de l'Afrique du Sud pour lui dicter ce qu'elle doit faire ou pas et la punir. En suspendant, par exemple, l'accord économique entre les États-Unis et l'Afrique du Sud [l'African Growth and Opportunity Act, promulgué en 2000 par Washington, NDLR]. L'ironie de l'histoire, c'est que l'Europe, face aux attaques de Trump, soutient désormais Pretoria. L'avenir s'annonce mouvementé !

Notes

1- Loi numéro 13 sur l'expropriation 2024. Le PDF est disponible ici.

2- Marianne Séverin, « Les réseaux ANC (1910-2004) – Histoire de la constitution du leadership de la nouvelle Afrique », 2006.

3- Créées à partir de 1850 à l'époque des guerres cafres (ou xhosas), les réserves deviennent des Bantoustans, ou Homelands, dans les années 1960 et 1970.

4- En mai 2002, Robert Mugabe ordonne l'expulsion de 2 900 des 4 500 propriétaires blancs du pays, dans le cadre d'une réforme agraire ayant pour but de redistribuer une partie des 40 % des terres arables de l'ex-Rhodésie appartenant aux Blancs. Une grande crise politique et agricole s'ensuit.

5- L'AfriForum, qui a pour ambition de protéger les droits et les intérêts de la communauté afrikaner, et le mouvement Solidarity, qui affirme que les Afrikaners sont traités comme des citoyens de seconde zone.

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Guerre au Soudan : la bataille des discours

27 mai, par Sudfa — , ,
Comment les acteurs de la guerre au Soudan justifient-ils toute cette violence ? Dans ce texte, la militante Muzan Alneel analyse les discours mobilisés par les deux camps pour (…)

Comment les acteurs de la guerre au Soudan justifient-ils toute cette violence ? Dans ce texte, la militante Muzan Alneel analyse les discours mobilisés par les deux camps pour s'attirer le soutien de la population. Elle défend la nécessité de mettre en avant un contre-discours révolutionnaire, fondé sur des analyses de gauche, pour proposer une alternative politique crédible.

Tiré du blogue de l'auteur.

On trouve dans le débat public soudanais des définitions divergentes de la guerre, à travers des expressions telles que « guerre existentielle », « guerre pour la dignité », « guerre pour la démocratie », « guerre absurde », « guerre contre l'État de 1956 » ou « guerre contre le néocolonialisme ». Ce phénomène n'est ni rare, ni inattendu au Soudan. Il reflète une dynamique globale en temps de guerre dans laquelle des récits concurrents prolifèrent. Ces récits découlent de la nécessité pour les forces combattantes de justifier leurs stratégies politiques et de mobiliser le soutien populaire en faveur de leurs opérations militaires.

A travers des discours qui cherchent à légitimer leurs positions, les parties impliquées dans le conflit au Soudan s'affrontent non seulement sur le champ de bataille, mais aussi dans l'arène de l'opinion publique. Tous les groupes affectés par le conflit, qu'ils soient affiliés à l'un des camps ou extérieurs à ceux-ci, s'emploient à créer leurs propres récits, qui reflètent les enjeux idéologiques, les intérêts matériels et les stratégies de survie propres à chacun. (…)

Le discours des Forces de Soutien Rapide (RSF) : une guerre pour la démocratie et la défense des « marginalisés »
Les Forces de Soutien Rapides (RSF, milice autrefois alliée à l'armée) tentent de faire croire qu'elles mènent guerre pour la démocratie contre le gouvernement putschiste [issu du coup d'Etat du général Al-Burhan en 2021], mené par les forces politiques islamistes [de l'ancien régime d'Omar El-Béshir].

Ce discours a été accueilli avec sarcasme par l'opinion publique soudanaise dès les premiers jours de la guerre. (…) La population soudanaise, témoin des meurtres, des pillages et des tortures qu'elle subit de la part des Forces de Soutien Rapide, a alerté sur la contradiction entre ces actes et la rhétorique « démocratique » mise en avant par les RSF. Pourtant, malgré leur échec évident à obtenir le moindre soutien populaire, les RSF n'ont pas cessé d'utiliser ce discours. (…) Ce discours ne s'adresse pas au peuple soudanais, mais vise plutôt d'autres acteurs, probablement la communauté internationale, [ce qui a permis aux RSF d'obtenir le soutien diplomatique direct ou indirect de plusieurs pays étrangers]. Cette interprétation est renforcée par le fait que les Forces de Soutien Rapide mobilisent le vocabulaire typique des organisations internationales, par exemple en décrivant l'armée et leurs alliés comme des « organisations terroristes ».

Le deuxième discours sur la guerre défendu par les Forces de Soutien Rapide consiste à dépeindre celle-ci comme un conflit entre la « périphérie » et le « centre », une lutte des marginalisés et les laissés-pour-compte contre les oppresseurs. Ce discours [qui connaît un succès important depuis plusieurs années dans le champ politique et intellectuel soudanais] est de plus en plus repris dans les déclarations officielles des RSF, reflétant leur tentative de rallier le soutien de groupes sociaux et ethniques historiquement marginalisés.

Mais la crédibilité de ce récit a été elle aussi mise à mal face aux atrocités commises par les RSF, ciblant les villageois pauvres, les femmes, les personnes âgées, et par la richesse et le pouvoir dont jouissent les dirigeants de la milice. En se basant sur ces arguments, les RSF ont une vision des « défavorisés » qui ne prend pas en compte le statut socio-économique des personnes, mais qui s'intéresse uniquement à l'appartenance ethnique.

C'est là que, dans cette bataille des définitions, une voix socialiste critique et organisée aurait pu offrir un cadre d'analyse révolutionnaire pour répondre à cette question [de la domination entre le « centre » et les « marges » du pays], très importante pour le peuple soudanais. Cette position critique pourrait souligner les intérêts [qui poussent les RSF à se réapproprier la rhétorique de la lutte contre les dominations] et appeler à la création d'une alliance entre tous les démunis contre ceux qui monopolisent le pouvoir et la richesse, quelle que soit leur appartenance ethnique.

L'absence d'une telle voix a permis à l'argument fallacieux des RSF de se transformer en un outil pour attiser la division raciale (…). Malgré tout ça, leur récit est resté faible et incapable de mobiliser suffisamment le soutien de la population pour légitimer leur revendication du pouvoir.

Le discours de l'armée (SAF) : une guerre pour défendre l'État soudanais et assurer la sécurité de la population

En revanche, le narratif des forces armées soudanaises (SAF) a rencontré plus de succès (…). Très tôt, l'armée a défini la guerre comme une guerre contre une milice rebelle. Le caractère institutionnel de l'armée nationale (…) est utilisé comme une preuve que sa position est forcément juste. Ce récit efface les crimes qui ont été commis durant les années précédant la guerre par Forces de Soutien Rapide sous la supervision de l'armée soudanaise [quand elles étaient alliées], ainsi que les crimes commis par l'armée soudanaise elle-même.

Ainsi, dans ce discours qui cherche à légitimer institutionnellement la violence, la légitimité des acteurs politiques est évaluée en fonction de leur position dans l'appareil d'État et de leur structure bureaucratique, plutôt qu'en fonction de leur impact réel sur la vie des gens. Ce discours est aussi vieux que le concept d'État lui-même, et c'est un outil que les élites ont historiquement utilisé pour justifier la violence qu'elles infligent aux sociétés qu'elles exploitent, en utilisant les armes violentes de l'État autorisées par la loi, qu'il s'agisse de la police, de l'armée ou autres. Cet argument a été popularisé par des décennies de propagande, qui ont façonné la conscience des citoyens et normalisé la violence d'État.

La promesse de sécurité et de retour à la stabilité est également mise en avant dans les déclarations des commandants des forces armées, qui répètent depuis le début que la guerre se terminera bientôt, « dans une semaine ou deux », comme ils l'avaient déjà dit il y a deux ans. Dès les premiers jours de la guerre, cet argument a trouvé du soutien dans l'opinion publique. Mais il a aussi été utilisé pour justifier la destruction d'habitations civiles et alimenter les appels à des attaques meurtrières contre les RSF [et des civils soupçonnés de les avoir aidés]. (…)

Les forces armées soudanaises ont redéfini la guerre comme une guerre pour la dignité et la souveraineté. Dans ce contexte, l'armée est devenue synonyme de l'État, et l'État, synonyme de dignité personnelle. Ce cadrage [très problématique] a permis d'exploiter la colère populaire contre les atrocités commises par les RSF comme une arme pour légitimer les actions de l'armée, alors même que celle-ci ne garantit pas la sécurité des citoyens. La légitimité de l'armée s'est ainsi ancrée dans des notions abstraites comme la "fierté nationale", allant même jusqu'à stigmatiser de façon subtile les tribus qui composent les rangs des RSF et à remettre implicitement en question leur "soudanité".

Ces récits libèrent l'armée de ses obligations de protection ou d'aide aux civils et justifient la banalisation de ses crimes. Par ailleurs, en pointant du doigt l'illégitimité et la criminalité des relations entre les RSF et des acteurs internationaux, en particulier les Émirats Arabes Unis, l'armée fait mine d'ignorer que toute relation internationale avec le gouvernement putschiste qui la dirige est elle aussi illégitime. De plus, de nombreux rapports font état de liens économiques étroits, et de l'exportation continue d'or, entre l'armée et le même État exploiteur, les Émirats arabes unis. Il s'agit donc d'un récit fondé principalement sur des demi-vérités.

Une réponse révolutionnaire à ce narratif aurait été de refuser de définir la légitimité sur la base de revendications abstraites, et de la fonder plutôt sur la manière dont chaque partie affecte la vie des gens. Cela commence par affirmer que la sécurité est un droit fondamental, et non une monnaie d'échange utilisée pour justifier un régime militaire. Nous devons aussi rappeler que la prétendue « stabilité » antérieure mise en avant par les militaires était un régime fondé sur la violence et l'exploitation systémique, que nous devons vaincre, et non raviver.

Comment les civils se positionnent-ils par rapport à ces discours ?

Parmi les civils non armés soutenant l'une ou l'autre des parties au conflit, les définitions de la guerre et les indicateurs de victoire varient en fonction des classes sociales. Pour les groupes aisés, disposant de richesses matérielles ou de privilèges hérités, la priorité est de prendre le contrôle des lieux emblématiques du pouvoir souverain et des monuments historiques, ce qui montre leur désir de restaurer les structures sociales qui sous-tendent leur statut. A l'inverse, les communautés marginalisées mettent l'accent sur le besoin de sécurité et de services de base. (…) Ces priorités divergentes révèlent un net clivage social.

Les discours de la société civile évoluent également dans le temps. Certains groupes, qui avaient initialement rejeté les exigences de loyauté inconditionnelle de l'armée soudanaise, les ont ensuite acceptées face à la fatigue de la guerre et au désespoir de trouver une solution. D'autres, qui s'étaient moqués des revendications absurdes des RSF prétendant mener une « guerre pour la démocratie », ont fini par les approuver tacitement face à la montée d'un discours nationaliste pro-armée qui renoue avec la tendance centralisatrice de l'État soudanais et risquerait de perpétuer leur marginalisation. (…)

Cette approche survivaliste de la guerre existe aussi bien chez les civils non organisés que chez les groupes de résistance organisés. Les comités de résistance, par exemple, qui constituaient la force la plus influente du mouvement révolutionnaire, ont d'abord condamné les deux parties du conflit. (…) Au début de la guerre, de nombreux comités ont donné la priorité à « l'arrêt de la guerre et à la sauvegarde de la vie des civils », s'engageant à défendre les revendications révolutionnaires malgré la violence du conflit. Cependant, au fil du temps, il leur est devenu difficile de concilier les principes révolutionnaires avec un soutien tactique (bien que temporaire) aux forces armées. Pour les comités, il s'agit d'une étape intermédiaire permettant de rétablir le statu quo à un niveau « gérable » de répression aux mains de l'État, plutôt que de faire face à la violence brutale des RSF.

Cette contradiction a aliéné les militants et délégitimé leur rôle dans le discours public. De nombreuses organisations révolutionnaires sont devenues les bras armés de la guerre. De nombreux intellectuels de la résistance ont fourni des armes théoriques pour soutenir la légitimité des forces armées soudanaises (SAF), leur soi-disant partenaire temporaire. Ils ont donné la priorité à la protection de l'appareil d'État, sans tenir compte de l'équilibre des pouvoirs au sein de cet appareil, de son impact sur la vie des exploités, et même de ses échecs structurels évidents et de ses injustices systémiques.

La nécessité d'un contre-discours révolutionnaire de gauche

(…) Depuis le début de la guerre, des réseaux d'entraide populaires, en particulier les « salles d'intervention d'urgence », se sont organisées en autogestion pour fournir des services de base aux personnes affectées par la guerre et défendre les droits des citoyens, tels que l'accès aux soins et à une éducation gratuite. Ces initiatives ont soutenu les communautés assiégées et déplacées, abandonnées par les forces combattantes, mais elles ont fonctionné sans une vision politique révolutionnaire qui aurait fait de l'entraide la base d'un modèle de gouvernance durable et anti-guerre, dirigé par et pour les populations elles-mêmes. Au lieu de cela, les efforts sont restés confinés à l'aide d'urgence, limités par un discours d'espoir de « retour à la normale » qui ignore l'oppression structurelle dans l'histoire du Soudan. Ce vide a laissé la place aux récits des forces armées, plus lucratifs sur le plan politique, pour consolider leur pouvoir et gagner le soutien de la population.

Cette spirale ne peut être brisée que par la construction d'un parti de gauche organisé, capable de construire des institutions idéologiques et culturelles révolutionnaires pour contrer l'hégémonie de la classe dirigeante, les compromis bourgeois et les trahisons du système existant.

L'expérience récente a constamment souligné la nécessité d'un parti révolutionnaire. Une telle organisation - basée sur les principes socialistes et la délibération démocratique - analyserait systématiquement les stratégies et contrerait la propagande de la classe dirigeante, fournirait aux exploités une analyse et un projet politique alternatif qui placerait leurs priorités et leurs besoins en tête de son programme, et mobiliserait collectivement les leçons tirées des luttes passées. Elle lutterait également en interne contre les tendances bourgeoises des intellectuels, qui sont souvent déformées par des préjugés résultant de leurs privilèges matériels, façonnés par l'accès aux ressources, à l'éducation et à la formation institutionnelle, ce qui les conduit à s'écarter des intérêts de la majorité de la population.

Même si les récits révolutionnaires se sont estompés, il existe encore des aperçus occasionnels d'un projet alternatif, incarné par des demandes populaires pour une paix juste ; des aperçus qui sont fugaces, mais réels.

Cette mission, loin des projecteurs, est urgente et inévitable.


Par : Muzan Alneel

Publication originale en arabe : Atar

Traduction en français et édition : Sudfa Media

Article original en arabe : « A travers leur regard. Qui définit la guerre au Soudan ? », publié le 26/04/2025 par Atar.

Note de traduction : l'article a été légèrement raccourci, les inter-titres et les parties entre crochet ont été rajoutées par l'équipe de Sudfa pour donner des éléments de contexte.

Cet article reflète l'opinion de l'autrice et n'engage pas la rédaction de Sudfa Media.


Muzan Alneel est une militante socialiste, journaliste et chercheuse soudanaise. Elle a dirigé un think-tank “Innovation, Science and Technology Think-tank for people-centered Development (ISTinaD)” au Soudan. Elle a publié de nombreux articles dans des revues internationales sur les comités de résistance et la stratégie révolutionnaire au Soudan.


Atar est un magazine créé à l'initiative de l'ONG Sudan Facts Center for Journalism Services, qui a commencé à paraître six mois après le début de la guerre contre les civils au Soudan. Ses publications sont principalement en arabe mais aussi en anglais. Il est distribué sur différents réseaux sociaux. Atar offre un lieu d'accueil pour les informations basées sur les faits dans un paysage médiatique fortement réprimé, accueillant les contributions de journalistes, écrivains et chercheurs.

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Sud Soudan : La paix mise à mal

27 mai, par Paul Martial — , ,
Il existe un risque important que le Sud Soudan plonge de nouveau dans un conflit généralisé qui s'ajouterait à une crise financière majeure. En se séparant du Soudan pour (…)

Il existe un risque important que le Sud Soudan plonge de nouveau dans un conflit généralisé qui s'ajouterait à une crise financière majeure.

En se séparant du Soudan pour devenir un Etat indépendant en 2011, le Sud soudan n'aura connu qu'une succession de conflits. Le plus meurtrier est la guerre civile de 2013 qui aura causé la mort de 400 000 personnes le déplacement de quatre millions de réfugiés. Un accord de paix fut signé en 2018 entre le président de la république Salva Kiir appartenant à la communauté dinka, et son vice-président Riek Machar à celle des Nuer.

La fin de l'accord de paix

Cet accord de paix prévoyait notamment l'unification des différentes milices dans une armée nationale, la mise en place d'une élection présidentielle et la collégialité dans la gouvernance du pays. Aucun de ces engagements n'ont été honorés. Les conflits entre la présidence et la vice-présidence n'ont eu de cesse d'augmenter jusqu'à l'épisode sanglant dans l'Etat du Haut Nil.

Le mois dernier l'Armée Blanche, une milice nuer, a envahi la base militaire de Nasir de peur que la garnison militaire présente soit remplacée par des membres de communautés leur étant hostiles. La présidence a réagi en envoyant l'aviation bombarder la ville provoquant de nombreuses victimes civiles. La violence s'est étendue dans le pays entre les forces du Sudan People's Liberation Movement (SPLM) favorable au Président Kiir et le SPLM-IO (In Opposition) dirigé par Machar. Ce dernier ainsi que plusieurs de ses compagnons ont été arrêtés, accusés d'avoir fomenté l'attaque de Nasir.

Une crise aux multiples facettes

Les deux dirigeants cultivent le conflit entre les Dinka et Nuer, ces deux populations sont essentiellement pastorales et sont souvent en compétition pour l'accès à l'eau et aux pâturages. Les Dinka se sentent dépositaires de l'indépendance du pays de par leur lutte, contrairement aux Nuer qui dans certaines périodes ont tissé des alliances avec les forces soudanaises. Pour Kiir et Machar l'enjeu principal reste la lutte pour le pouvoir et la captation des richesses de l'Etat.

Salva Kiir a développé une politique clientéliste largement financée par la production du pétrole. Avec la guerre au Soudan, l'oléoduc convoyant l'or noir a été détruit tarissant du même coup la principale source du budget du pays, entrainant une crise politique à l'intérieur du camp présidentiel. Une crise favorisée par la santé défaillante du Président encourageant les velléités pour sa succession bien que Salva Kiir ait choisi son conseiller financier en la personne de l'homme d'affaires Benjamin Bol Mel.

Si le SPLM IO s'est affaiblit, cela n'exclut nullement une reprise d'un conflit généralisé dans le pays où de nombreuses milices se sont créées, avec un risque de connexion avec un autre conflit, celui qui déchire le Soudan.
Cette situation accroît la pauvreté multidimensionnelle. En 2024, 92,6 % de la population était privée d'éducation, d'accès aux services de base, de logement décent contre 84 % en 2023. Avec les risques de guerre cette détérioration ne pourra que s'amplifier.

Paul Martial

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