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Le scrutin de 2026 ; victoire péquiste, défaite souverainiste ultérieure ?

Selon le plus récent sondage (16 mai) de Qc125.com, en cas de référendum, le NON à la souveraineté l'emporterait par 64% et le OUI ne recueillerait que 36% d'appuis. Pourtant, les intentions de vote paraissent à première vue contredire ce modeste score indépendantiste.
Selon le dernier sondage Léger du 14 mai, le Parti québécois gagnerait les élections par 33% des voix, le Parti libéral du Québec irait chercher 21% des votes, la Coalition avenir Québec atteindrait à peine 20%, le Parti conservateur d'Éric Duhaime récolterait 13% et Québec solidaire fermerait la marche avec 12%.
Le sondage Léger met aussi en lumière le nombre élevé de citoyens et citoyennes qui souhaitent changer de gouvernement (63%) contre seulement 18% qui optent pour la stabilité gouvernementale, incarnée par la Coalition avenir Québec (CAQ).
Le Parti québécois de Paul Saint-Pierre Plamondon (PSPP) semble se diriger vers une victoire électorale, à moins que les libéraux ne réussissent une remontée-surprise, surtout si Pablo Rodriguez remplace le chef intérimaire Marc Tanguay. Mais cet éventuel regain de vigueur reste hypothétique pour l'instant.
Ironiquement, si une majorité de Québécois est prête à accorder sa confiance au Parti québécois, elle refuse son option fondamentale, sa raison d'exister : faire la souveraineté. Il s'agit là du dilemme cruel et frustrant pour les militants et militantes indépendantistes : leur parti peut aspirer au pouvoir, mais pas réaliser leur rêve souverainiste.
De ces chiffres, il ressort que si les Québécois et Québécoises aspirent à un remplacement de la CAQ par le PQ, l'option fondamentale de celui-ci, l'indépendance demeure très minoritaire. Bien entendu, le prochain scrutin se tiendra seulement en octobre 2026 au plus tard, ce qui laisse au cabinet caquiste de François Legault une certaine marge de manoeuvre temporelle, comme les libéraux fédéraux ont remplacé Justin Trudeau par Mark Carney ce qui lui a permis de remporter la mise électorale. Mais il y avait la menace trumpiste, ce qui joue beaucoup moins en faveur de François Legault, les relations internationales relevant avant tout d'Ottawa.
Si un référendum se tenait maintenant, et si on se fie aux résultats des sondages tels que mentionnés plus haut, le résultat serait à peu près le même qu'en mai 1980 : environ 40% de citoyens soutiendraient la souveraineté-association et 60% s'y opposeraient. En 1995,les chiffres avaient été beaucoup plus serrés en raison de la conjoncture particulière de l'époque mais dans l'ensemble, lis ne bougent guère. Les récents sondages mentionnés dans le texte en apportent une confirmation sans équivoque.
Pour organiser un référendum et accéder enfin à la souveraineté tant désirée, le Parti québécois doit conquérir le pouvoir, mais il ne peut y arriver qu'en remisant son option. Il compte sur un référendum pour rendre le Québec indépendant, mais jusqu'à présent, il a perdu les deux mis sur pied (quoique de peu dans le second cas). Une majorité de Québécois veut d'un parti autonomiste au pouvoir à Québec, mais pas "séparatiste".
Les péquistes peuvent bénéficier des avantages du pouvoir, certes, mais dans dans un cadre provincial qu'ils rejettent. La distinction entre "bon gouvernement" d'une part, et accession à l'indépendance d'autre part remonte à novembre 1974 lorsque la direction du parti a introduit la notion de référendum.
Tel est le paradoxe québécois : élire un parti indépendantiste à condition qu'il ne réalise pas sa raison d'exister. Peut-on le briser ? Cette responsabilité relève avant tout de la population elle-même. Jusqu'à maintenant, la majorité de celle-ci paraît bien s'accommoder de ce paradoxe. Mais les souverainistes sont tout de même assez nombreux pour teinter de leurs aspirations toute une partie de la culture politique québécoise et inquiéter Ottawa. La partie n'est peut-être pas encore définitivement jouée.
Jean-François Delisle
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Le cellulaire à l’école : Parfois, il faut interdire !

Ce qu'il y a d'intéressant, d'instructif et de significatif dans le débat sur le cellulaire à l'école, c'est la valeur que certaines personnes donnent ou ne donnent pas à la technologie. Dans le camp des « jovialistes », il y a ceux qui voient le développement de l'IA, de la robotique, de l'informatique sous tous ses aspects comme un fait tout aussi « naturel » que l'influence de la lune sur les marées ou que le processus de la photosynthèse adopté par les plantes pour leur croissance.
Cela rappelle étrangement le même culte que certains économistes et politiciens vouent à la croissance économique (PIB, PNB, revenu par habitant, etc.) comme quelque chose que nous porterions dans nos gènes, donc qui s'imposerait à nous et devant lequel nous n'aurions aucun pouvoir ni aucune liberté réelle. Tenter de limiter la multiplication à l'infini des objets de consommation « numériques » ou chercher à encadrer l'économie de marché capitaliste selon des critères qui vont au-delà de la logique du profit dessine, pour eux, les contours d'un véritable « sacrilège », d'un blasphème et d'une hérésie qu'il faut combattre de toutes ses forces.
En face, il y a le camp des « réalistes » (dont je suis) qui apprécient les services rendus à l'humanité par les progrès de la technique moderne mais qui ne renoncent pas pour autant à exercer leur esprit « critique » face à l'enthousiasme immodéré de certains (les « jovialistes ») devant les possibilités soi-disant « infinies » des nouvelles technologies, la nouvelle Ère dans laquelle elles nous feraient entrer et le Nouvel Homme qu'elles sont en voie de constituer. On reconnaît là, ultimement, les tenants du « transhumanisme » qui croient pouvoir « améliorer » l'espèce (ou la nature) humaine par une combinaison savante de biologie moléculaire, d'Intelligence artificielle, d'ingénierie algorithmique, bref par l'Avènement du « cyborg » (l'Homme-Machine à l'image des sciences-fictions hollywoodiennes), c'est-à-dire Frankenstein version futuriste.
La décision du Ministre de l'Éducation d'interdire l'utilisation du cellulaire aux étudiant-e-s de « toutes » les écoles primaires et secondaires de la province s'inscrit d'emblée dans la vision défendue par le camp des réalistes. La réaction des jovialistes à ce qu'ils considèrent comme étant une position intransigeante, dogmatique et trop radicale est symptomatique de ce que l'on pourrait appeler le syndrome du « Meilleur des Mondes ». L'idée étant que si l'on est en mesure d'utiliser les techniques les plus avancées issues de la recherche fondamentale (menée très souvent à des fins d'abord militaires, avec de l'argent « public »), il serait bête de ne pas en profiter en fonçant tête baissée dans leurs applications les plus généralisées sans tenir compte du principe de « précaution », des enjeux éthiques et environnementaux soulevés par cette utilisation dans la vie de tous les jours des citoyens, des conséquences socio-économiques de l'intrusion des technologies de l'information dans l'intimité, l'espace privé, personnel et familial de chaque individu. La société devient ainsi un laboratoire, un champ d'expérimentation pour pouvoir évaluer jusqu'où la technologie peut aller trop loin. Tant pis pour les pots cassés ; les médecins, psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux, professeurs, éducateurs (spécialisés ou non) sont là pour ramasser les dégâts et s'occuper des dommages collatéraux ; après tout, c'est leur travail...
Dans les commentaires rédigés suite à un article de Narjiss Aoukach paru dans Le Devoir du 8 mai dernier, article qui ne laisse pas sa place à ce jovialisme naïf (inquiétant et dangereux, surtout de la part d'une enseignante) qui voit dans le téléphone cellulaire un outil « indispensable » à l'émancipation de nos jeunes, on peut prendre connaissance de cette crédulité aberrante face à un avenir robotisé tout tracé, inscrit dans l'Histoire des Hommes en grosses lettres :
« Dans une dizaine d'années, ce seront des robots conversationnels qui enseigneront au collégial et à l'université. Dans une dizaine d'années, pour éviter la tricherie, il n'y aura plus d'examens écrits ou de dissertations ; il n'y aura que des examens oraux devant un robot conversationnel spécialisé dans un domaine d'étude précis, capable d'évaluer les performances des élèves du secondaire, des étudiants du collégial et de l'université, de façon formative ou sommative. » C'est moi qui souligne.
Voilà qui est bien dit et qui nous ouvre des perspectives « inouïes » sur l'avenir de notre système d'éducation. La robotisation des relations humaines, l'automatisation de toutes les tâches quotidiennes « ingrates » et dévalorisantes, le recours à l'IA pour la planification gouvernementale de l'économie, des programmes sociaux, du système de santé, pour la prédictibilité des actes criminels, jusqu'à la rédaction d'articles de journaux, nous n'aurons bientôt plus rien à faire sauf à dialoguer joyeusement avec : « [...] Gemini, un robot conversationnel, […] [Ainsi...] Imaginez la richesse des conversations qu'un jeune ado pourrait avoir en toute confidentialité avec Gemini ! » (!) C'est moi qui souligne.
Au moment de l'industrialisation massive de l'Europe, au dix-neuvième siècle, sous l'égide du capitalisme marchand, Marx avait observé un phénomène (qu'on pourrait qualifier de « psycho-social ») en lien direct avec ce nouvel ordre économique, à savoir la « fétichisation » de la marchandise qui atteindra son paroxysme au vingtième siècle, après la deuxième guerre mondiale, avec l'avènement de la société de consommation, servant d'exutoire à la surproduction capitaliste et qui nous a mené droit vers le précipice devant lequel nous nous trouvons aujourd'hui avec la crise environnementale, largement tributaire de ce mode de production/consommation énergivore et auto-destructeur. Depuis la révolution informatique qui s'est enclenchée en Occident dans les années 1980, suivie par l'arrivée d'Internet, du numérique, de l'Intelligence artificielle, nous avons franchi une nouvelle étape dans le processus d'aliénation face à la chose désirée, voulue, mythifiée et finalement consommée : le « fétiche » (produit d'une névrose obsessionnelle, bien connue des ethnologues, anthropologues et psychanalystes, dont l'origine remonte loin dans notre histoire commune). Tout comme le porte-bonheur (la médaille, le bracelet, l'amulette, le gris-gris) que l'on traîne avec soi comme protection contre les aléas de l'existence, le fétiche est affublé de propriétés « magiques », « symboliques », voire « mystiques » qu'il n'a pas au départ mais qu'on lui attribue par besoin de transcender les simples règles, parfois absurdes, brutales et arbitraires de la société, de la nature, de l'univers.
Il faut reconnaître le fait que la dimension plus ou moins grande de la portée « symbolique » du fétiche est directement proportionnelle à sa capacité de créer un sentiment de contrôle, de puissance, de liberté qui repousse toujours plus loin les limites spatio-temporelles qui encadrent la vie de tous les jours. Or, les technologies de pointe (dont le cellulaire est l'un des spécimen les plus accomplis) ont pour effet d'intensifier cette impression de distance (voire de déconnexion) avec la réalité (prosaïque, banale, ordinaire), de nourrir l'illusion d'une possible satisfaction ininterrompue de nos désirs, d'une possible volonté de vivre éternelle, d'une possible totalisation de notre être et de notre existence. D'où la panique ressentie à l'idée d'être dépossédé de ce prolongement du cerveau perçu, dorénavant, comme absolument essentiel au bon fonctionnement de tout un chacun, qu'il soit à l'école, au travail, au café, au restaurant, avec des amis, des parents, en vacances, etc.
Autre (et dernier) parallèle : la crise climatique. Il est possible d'envisager (et même de prédire, étant donné la passivité avec laquelle nous intervenons en amont du problème) un futur dans lequel il n'y aura presque plus de forêt, où l'air sera de plus en plus difficile à respirer, l'eau douce de plus en plus difficile d'accès, les canicules de l'été tellement insupportables qu'elles nous obligeront à passer nos vacances enfermés dans nos maisons « hyper-climatisées », où le niveau des océans aura tellement monté que des lieux comme les Pays-Bas ne seront plus habitables, des sites touristiques comme Venise en Italie, confrontés à de telles érosions que ses structures urbaines ancestrales ne tiendront plus le coup et, plus près de nous, qu'il sera dangereux de rouler sur la 132 le long de la vallée du Saint-Laurent à cause des nombreux éboulis provoqués par un fleuve devenu trop imprévisible.
Malgré ce scénario « catastrophe » (très plausible, comme nous le disions), il est possible du même coup d'imaginer une humanité, appuyée sur son instinct de survie, continuant à vivre de cette manière pendant encore longtemps, en attendant que l'anthropocène finisse son œuvre mortifère. De même, nous pouvons aussi nous résigner à l'envahissement de notre quotidien par la technologie, devenue de plus en plus omniprésente, addictive, aliénante tellement les exigences perpétuelles de renouvellement de la flotte de gadgets, rendu nécessaire pour doper la croissance économique, elle-même dépendante d'un processus sans fin d'innovation, appartiendront au sens commun et seront élevées au rang de biens de premières nécessités, autant sinon encore plus essentiels que ceux nous permettant de nous nourrir, nous abriter, nous reproduire. Tout comme notre rapport à l'environnement, celui à la technique n'est pas déterminé d'avance par un soi-disant besoin incompressible d'avoir toujours plus, toujours mieux, d'être toujours plus performant, d'avoir une maîtrise toujours plus grande sur tout ce qui nous entoure. C'est ce prométhéisme qui menace notre intégrité, à la fois physiologique et psychologique...
Mario Charland
Shawinigan
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Contexte international

Nous vous présentons ici notre analyse de la conjoncture internationale, qui met en lumière les multiples crises et bouleversements façonnant notre réalité actuelle, qui nous appelle à se mobiliser pour la 6e édition de l'action de la Marche
mondiale des femmes. Les inégalités grandissantes, les conflits, les reculs démocratiques, les crises économiques et environnementales révèlent l'ampleur des injustices systémiques et renforcent la nécessité de notre mobilisation. Face à ces
défis, notre engagement collectif s'impose comme une réponse essentielle pour défendre les droits, la justice sociale et l'égalité, affirmant ainsi la pertinence d'un mouvement de solidarité féministe transnational.
Tiré du GUIDE D'OUTILS D'ÉDUCATION POPULAIRE AUTONOME FÉMINISTE
Marche mondiale des femmes 2025
file :///C :/Users/coord/Downloads/CQMMF_Guide_EPAF_NUM.pdf
La situation internationale en 2025 : un monde en grand bouleversement dans un immense cycle de la violence.
1. Concentration de la richesse et inégalités
La mondialisation économique néolibérale a permis l'accumulation de richesses d'un cercle restreint d'individus : pour chaque dollar gagné par les 90 % les plus pauvres, les milliardaires ont gagné 1,7 million de dollars2. Ils accumulent leur fortune grâce aux actifs des marchés financiers, et profitent également d'un système fiscal qui leur
est favorable.
De plus en plus d'éléments indiquent que les entreprises contribuent à l'inflation3. Nous le voyons autant dans le prix des aliments que dans celui de l'énergie. Le droit à un logement adéquat est aussi soumis à la spéculation. Dans ce système économique donnant priorité au marché, les impacts négatifs sur la vie des populations s'en font sentir, notamment par la hausse de la pauvreté des femmes, bien que ce soient encore elles qui s'occupent le plus fréquemment de nourrir, éduquer
et soigner les membres de leur famille. Les personnes migrantes veulent se soustraire à la pauvreté, à la violence et aux bouleversements climatiques, mais sont exposées à des risques dans leur migration et dans leur intégration sur leur nouvelle terre d'accueil4.
2. Concentration du pouvoir et violences
Non seulement les milliardaires à la tête de transnationales possèdent des ressources et une influence pour façonner le cours des économies, mais ils sont en mesure d'influencer les paysages politiques en prônant une réduction du rôle de l'État. Des gouverne ments de droite et d'extrême droite sont arrivés au pouvoir dans plusieurs pays (Italie, Autriche, Suède, Argentine, États-Unis) et la tendance en vogue est de libéraliser les marchés, de s'attaquer aux programmes sociaux et de privatiser les services publics, empêchant ainsi une juste redistribution de la richesse5.
Le tout à la croissance économique domine sur la démocratie. De plus en plus, les règles démocratiques sont détournées pour imposer une vision ou un projet économique. Cela favorise les entreprises, et ce, au mépris du respect des droits et libertés des collectivités et de la population. Parfois, on outrepasse même le pouvoir judiciaire6 (désinformation, manque de transparence dans les projets en développement, manipulation des médias sociaux, corruption, etc.).
Des valeurs conservatrices sont prônées par des extrémistes et idéologues religieux, renforcées par le courant des masculinistes, qui condamnent la diversité sexuelle et de genre, et préconisent le retour des rôles traditionnels des femmes et des hommes, notamment par le contrôle de la vie et du corps des femmes. Les violences envers les femmes passent non seulement par la hausse du nombre de féminicides, mais par toutes formes de déshumanisation et d'invisibilisation des femmes, jusqu'à l'extrême comme dans le cas des femmes afghanes.
3. L'exploitation de la planète et destruction du vivant
L'accaparement des richesses passe par l'exploitation de la nature, et ces richesses sont convoitées par les principaux pays impérialistes7 (États-Unis, Chine, Russie). Des tensions, des violences politiques et des guerres sévissent partout (Moyen-Orient, Afrique, Ukraine et plusieurs pays) et impliquent souvent des acteurs non étatiques et des sociétés militaires privées. Les conflits armés renforcent le modèle patriarcal, et font augmenter la violence domestique, le viol et la traite des femmes8. Les rapports colonialistes9 persistent avec l'appropriation des territoires des pays du Sud et ceux des populations autochtones.
La production d'énergie avec les combustibles fossiles et certains secteurs d'activités comme le transport et la construction ont fait augmenter le taux d'émission de gaz à effet de serre, ce qui contribue entre autres aux dérèglements climatiques actuels.10 De plus, la déforestation pour libérer des espaces agricoles modifie les habitats des animaux, mettant ceux-ci en péril. Les conséquences de ces changements climatiques alourdissent davantage la charge mentale des femmes liée à l'organisation de la famille pour les soins qu'elles prodiguent à leurs proches dans les cas de catastrophes naturelles
ou d'épidémies11, et peuvent générer une surcharge dans leur milieu de travail.
Même si les études scientifiques crient au danger pour l'avenir de la vie humaine, le mode de développement économique capitaliste12 prend toujours de l'expansion en poursuivant la marchandisation de la nature, incluant les êtres humains qui y habitent13.
4. Soulèvements et luttes des femmes
Ce portrait mondial est à la fois alarmant et redoutable, mais il nous exige d'avancer pour imposer notre volonté et exprimer notre résistance. Soyons réalistes : la lutte n'est pas terminée et sera longue et difficile. Les femmes ont déjà réalisé de grandes avancées après de longues luttes : le droit de voter et de se présenter aux élections, le droit de travailler et de faire une carrière dans plusieurs domaines autrefois interdits aux femmes, le droit de décider de sa maternité, le droit de décider de sa sexualité, le droit de prendre des congés parentaux, et biens d'autres encore. En effet, ces progrès ont été possibles grâce aux mobilisations, et c'est pour cette raison qu'il est essentiel de les maintenir. Cependant, il est important de
nuancer que ces avancées n'ont pas profité à toutes les femmes de manière égale. Nous devons continuer de lutter pour que ces droits soient étendus à TOUTES les femmes, sans exception.
Le mouvement des femmes a fait tomber des barrières immenses pour l'obtention de lois forçant l'égalité des droits pour toutes et tous – même si d'immenses pas restent à faire. Au cours des dernières années, une multitude de mouvements ont pris forme : #moiaussi pour dénoncer les violences sexuelles faites aux femmes ; celui contre les féminicides ; « Femme, vie, liberté » en Iran qui aspire à un changement pour éliminer la discrimination et la violence fondées sur le genre ; les luttes de plusieurs communautés contre l'exploitation des ressources naturelles et énergétiques qui dévaste leurs territoires ; les mobilisations des travailleuses en milieux majoritairement féminins pour la défense des réseaux publics, accessibles et de qualité de l'éducation et de la santé et services sociaux, etc.
Les protestations contre les inégalités, le racisme, les violences envers les femmes ou contre la destruction de l'environnement ne sont pas épargnées par la répression policière ou militaire, ni par l'augmentation de la surveillance et de la criminalisation de ces mouvements sociaux14.
C'est pourquoi les actions de la CQMMF en 2025, inspirées par les valeurs de la Charte mondiale des femmes pour l'humanité, sont si importantes et demeurent pertinentes encore aujourd'hui !
Travaillons à unir nos forces, à rassembler les différentes générations et à regrouper les luttes multiples afin de sortir les femmes et les familles de la pauvreté et leur donner la possibilité de vivre et travailler dans un milieu exempt de violence. Assurons-nous que nos choix de vie respectent l'environnement, notre « bien vivre » ; Sortons de nos chemins et revendications spécifiques pour faire en sorte de créer un mouvement de résistance uni pour le maintien de nos acquis si chèrement gagnés, et progresser dans nos trois grandes orientations.
Avec cette force collective qui se déploie dans toutes les régions du Québec, chacune de nos actions est une pierre pour ériger notre édifice de la résistance en 2025. Rassemblons-nous le 18 octobre prochain et démontrons la force de notre mouvement et de notre unité pour construire et défendre nos choix de société pour la durabilité de la vie.
Notre colère est notre moteur pour résister, pour dénoncer la privatisation de notre société et pour exiger le respect de nos droits collectifs. Ce slogan résume fort bien notre engagement et notre volonté d'agir :
Encore en marche pour transformer le monde !
Notes
2.OXFAM International. « Chapitre 1 : La loi du plus riche ou l'explosion des inégalités » dans La loi du plus riche :
pourquoi et comment taxer les plus riches pour lutter contre les inégalités, Royaume-Uni, OXFAM International,
janvier 2023, p.17. https://oxfamilibrary.openrepository.com/bitstream/handle/10546/621477/bp-survival-of
the-richest-160123-fr.pdf
3.HARVEY, Pierre-Antoine. Le rôle potentiel des profits dans l'inflation élevée se confirme, Institut de recherche
et d'informations socioéconomiques, 1er septembre 2022. https://iris-recherche.qc.ca/blogue/economie-et
capitalisme/le-role-potentiel-des-profits-dans-linflation-elevee-se-confirme/
4.United Nations High Commissioner for Refugees. Global Trends Forced Displacement, Édition 2020,
Denmark, United Nations High Commissioner for Refugees, 72p. https://www.unhcr.org/statistics/
unhcrstats/60b638e37/global-trends-forced-displacement-2020.html
5.DIAZ MAHEUX, Alexandre. « Pourquoi nos démocraties sont-elles à risque ? », Le Devoir, 12 novembre 2024.
https://www.ledevoir.com/opinion/idees/823485/idees-pourquoi-democraties-sont-elles-risque
6.Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec. Pour en finir avec les inégalités,
sortons du capitalisme, Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec, mai
2024. https://mepacq.qc.ca/wp-content/uploads/2024/05/Pour-en-finir-avec-les-inegalites-sortons-du
capitalisme.pdf
7. Impérialisme : caractérise toute politique de conquête qui vise à construire un empire.
8.Amnesty international. Les crimes commis contre les femmes lors des conflits armés, Londres, 8 décembre
2004, 83 p. https://www.amnesty.org/fr/wp-content/uploads/sites/8/2021/06/act770752004fr.pdf
9.Voir Annexe II-b du présent document.
10.Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Réchauffement planétaire de 1,5 °C : rapport
spécial du GIEC sur les conséquences d'un réchauffement planétaire de 1,5 °C par rapport aux niveaux
préindustriels et les trajectoires associées d'émissions mondiales de gaz à effet de serre, dans le contexte
du renforcement de la parade mondiale au changement climatique, du développement durable et de la lutte
contre la pauvreté, 2019, 94 p. https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/09/SR15_Summary_
Volume_french.pdf
11.COUTURIER, Eve-Lyne et Julia POSCA. L'impact des crises sur les femmes : Inégales dans la tourmente,
Montréal, Institut de recherche et d'informations socioéconomiques, mars 2021, 68 p. https://iris-recherche.
qc.ca/wp-content/uploads/2021/03/Femmes_et_crises_WEB1.pdf
12.Voir Annexe II-b du présent document.
13.Programme des Nations Unies pour le développement. Rapport sur le développement humain 2020 : La
prochaine frontière : Le développement humain et l'Anthropocène, New York, Programme des Nations Unies
pour le développement, 2020, 445 p. https://hdr.undp.org/system/files/documents/hdr2020fr.pdf
14.DORAN, Marie-Christine. « Criminalisation », Antropen, 19 décembre 2020, 7 p. https://revues.ulaval.ca/ojs/
index.php/anthropen/article/view/40949/218

17 mai, journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie

En cette journée du 17 mai, journée internationale de lutte contre l'homophobie et la transphobie, nous vous écrivons toutes les deux pour élever notre voix au nom de nos communautés LGBTQIA2S+.
Chères solidaires, chers solidaires,
Les gens de nos communautés font encore beaucoup trop souvent face à la haine, à l'intimidation et à la violence. Partout à travers la planète, la droite conservatrice remet en question l'égalité des genres et la diversité sexuelle. Au sud comme à l'est et l'ouest du Québec, les personnes non-binaires et fluides dans le genre sont effacées de l'histoire et des institutions, alors que ces personnes existent depuis des millénaires dans plusieurs sociétés à travers le monde.
Le terme « gay » est de plus en plus utilisé dans nos écoles québécoises de façon péjorative, nuisant à la santé mentale et physique des plus jeunes d'entre nous.
L'augmentation des crimes haineux ciblant une orientation sexuelle a augmenté de 69% au Canada entre 2022 et 2023 selon Statistique Canada. Ceux contre les personnes trans ont doublé depuis 2020.
Nos communautés sont inquiètes.
La Coalition Avenir Québec n'a pas de position claire et assumée. Le Parti Québécois utilise les petites avancées de nos communautés, comme les toilettes mixtes, pour diviser les Québécoises et les Québécois.
Sous peu, le Comité des « sages », créé pour conseiller le gouvernement dans sa prise de position sur les enjeux d'identité de genre, déposera son rapport qui pourrait ébranler profondément les droits des membres de nos communautés.
Soyons vigilantes et vigilants. Nous aurons besoin de vous.
Aujourd'hui comme toujours, nous faisons un appel à l'empathie. Un appel à l'introspection, sur l'ensemble de nos paroles et nos gestes. Un appel vibrant à toutes les personnes alliées.
Nous aurons besoin de chacune et de chacun d'entre vous, pour éviter la dégradation de nos droits, pour éviter la stigmatisation, pour éviter de perdre nos acquis si durement gagnés.
Résistons à la haine, qu'elle se trouve dans nos écoles, dans nos institutions, dans nos rues.
Soyons libres, soyons fier⋅es, soyons solidaires. ✊
Manon Massé
Députée de Sainte-Marie–Saint-Jacques
Roxane Milot
Présidente de Québec solidaire
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Belgique - Fier·es mais pas dupes : l’Arizona doit tomber

Nous publions ci-dessous la version longue du tract que nous distribuerons lors de la Pride bruxelloise et européenne, qui aura lieu le samedi 17 mai, au départ du Mont des Arts. Le tract est également téléchargeable en version courte au format PDF en cliquant ici.
Tiré de Gauche anticapitaliste
7 mai 2025
Par Gauche anticapitaliste
Communiqués, LGBTQI+
Bain de sang social contre les LGBTI+
Le gouvernement Arizona et ses homologues régionaux organisent une véritable boucherie sociale et les personnes LGBTI+ seront parmi les premières impactées par les mesures austéritaires ! Au niveau fédéral, c'est presque 22 milliards d'euros qui vont nous être arrachés.
Après un bilan de la Vivaldi essentiellement symbolique et non accompagné de budgets suffisants malgré quelques mesures concrètes (la fin des thérapies de conversion, la fin des mutilations des enfants intersexes), la précarité reste forte et aucune des racines matérielles des difficultés rencontrées par les personnes LGBTI+ n'a été éliminée.
Les attaques contre le droit au chômage et les CPAS n'ont rien d'anodin pour notre communauté quand nous savons à quel point les personnes transgenres sont surreprésentées dans les statistiques du chômage. De la même manière, s'attaquer aux CPAS, c'est mettre en danger les jeunes LGBTI+ ne pouvant pas compter sur leur famille pour avoir la moindre aide matérielle, précarité accentuée par la limitation des allocations d'insertion à un an ! L'offensive contre le monde médical (avec le flicage des médecins qui mettraient “trop” de certificats) met aussi en danger les personnes LGBTI+ qui sont en moins bonne santé, notamment avec plus de problèmes d'addiction et de santé mentale.
L'associatif n'est pas épargné non plus dans ce dépeçage en règle : suppression de subventions, gel voire suppression pure et simple de l'indexation des subventions de plusieurs dispositifs réglementaires, baisses de financement atteignant jusqu'à 25 % dans certains secteurs, réduction de la déductibilité fiscale des dons aux ASBL, etc. Les personnes LGBTI+ dépendent fortement de la vie associative pour socialiser et avoir accès à certains mécanismes de solidarité littéralement vitaux, on comprend bien les effets extrêmement négatifs sur notre communauté de ces attaques.
L'Arizona déteste aussi la lutte contre les discriminations, puisqu'elle coupe un quart des subsides d'UNIA, organe de lutte contre les discriminations : c'est la même logique d'austérité qui est à l'œuvre et qui touche forcément les plus précaires.
Des transphobes au gouvernement
À un mois de la Pride, le ministre de l'intérieur MR Bernard Quintin débarque avec une proposition d'optionnalité de l'enregistrement du genre sur la carte d'identité. Une mesure qui risque de créer deux régimes d'enregistrement qui mettrait les LGBTI+ en danger au sein de pays LGBTI+phobes, et qui est complètement en décalage avec les consultations faites avec le secteur associatif. De son côté, Vooruit surfe également sur le mois des Fiertés en proposant la constitutionnalisation du mariage homosexuel, ce que personne n'avait demandé. Les homos exclu·es du chômage par l'Arizona lui seront probablement reconnaissant·es pour ce bel exercice de pinkwashing ! L'Arizona n'a aucune volonté de se concerter avec qui que ce soit, le monde du travail comme la communauté LGBTI+.
Certains de ces partis contribuent même avec enthousiasme à la dégradation de la santé mentale des personnes LGBTI+, comme la N-VA et le MR qui mettent des personnes clairement LGBTI+phobes à des postes de ministres et défendent leurs sorties haineuses. On n'oubliera pas la promotion du pamphlet transphobe “Transmania” par David Clarinval, vice-premier ministre, qui sera défendu à l'époque par un Georges-Louis Bouchez qui assimilait alors les critiques de son protégé à du nazisme, purement et simplement. Sans parler du Premier Ministre De Wever et de son sbire Francken (qui écrivait en 2007 : « Le mouvement arc-en-ciel a tout gagné (…) Que veulent-ils de plus ? »), dont la campagne électorale de 2024 basée sur « l'antiwokisme » contribue clairement à l'aggravation d'un climat déjà dangereux pour les LGBTI+.
Nous l'avons défendu des années durant : la N-VA n'a pas sa place à la Pride et aujourd'hui, le MR a lui aussi clairement franchi certaines lignes rouges de la discrimination LGBTI+phobe, récemment en collaborant sur la question de l'EVRAS avec l'institut Thomas More (financé par le milliardaire français Pierre-Edouard Stérin, architecte du plan PERICLES dont l'objectif est de faire advenir une alliance gouvernementale de la droite et de l'extrême-droite).
Nous ne célébrerons rien avec nos bourreaux ! La Pride DOIT expulser ces partis du cortège.
Solidarité contre l'internationale réactionnaire
L'actualité internationale est plus qu'inquiétante, tant la recrudescence des attaques LGBTI+phobes est forte tout autour du globe : Russie, USA, Hongrie, Géorgie, Afghanistan, Iran, Royaume-Uni, Brésil, … Récemment, la décision de la Cour Suprême britannique, qui fait reposer la définition d'une femme sur la seule biologie (excluant également les femmes intersexes), crée un dangereux précédent dont les transphobes s'empareront pour justifier les exclusions des femmes trans, par exemple des dispositifs de soutien aux femmes, notamment les violences sexistes et sexuelles.
Nous sommes solidaires de nos adelphes partout et seule l'ouverture des frontières permettra de les accueillir dans la dignité sans avoir à violer l'intimité de qui que ce soit pour savoir s'iel est “vraiment” queer. Pour rappel, une personne qui reste au placard dans son pays d'origine est une personne qui ne peut prouver qu'elle est en danger selon le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA).
L'Arizona, avec ses politiques anti-migrant·es, va dans la direction inverse en sortant encore plus explicitement le statut de réfugié·e de l'état de droit : la Vivaldi s'était déjà illustrée par son refus à appliquer les décisions de justice concernant ce statut, l'Arizona vient maintenant réduire fortement les recours judiciaires possibles. Limiter le droit d'asile à une époque de montée des guerres, des génocides et du fascisme, c'est être complice de la brutalité qui touchera les personnes LGBTI+ qui seront dans les premières lignes.
En même temps, la Belgique jouit d'une réputation de paradis pour les LGBTI+ : ce n'est vrai qu'en théorie (les “classements” se basent sur la législation, non sur les faits) et en comparant à la situation catastrophique des personnes queers à travers le globe. Derrière les premières places dans les classements internationaux se cachent l'augmentation des discriminations LGBTI+phobes, les hauts taux de suicide et la précarité. Nous ne sommes pas dupes des états qui jouent aux bons élèves avec une stratégie de pinkwashing tout en étant indifférents à notre sort ou au respect des droits humains les plus élémentaires, que ce soit en Belgique, aux Pays-Bas ou en Israël.
Face à une situation aussi catastrophique au plan national et international, une seule solution : s'organiser !
Résistance unie contre l'Arizona
Le mouvement LGBTI+ en Belgique s'illusionne encore trop sur des relais politiques au gouvernement : face à l'Arizona, aucune concertation n'est envisageable et le mouvement LGBTI+ doit former un front de résistance et mobiliser ses militant·es au-delà de la seule entraide matérielle. Nous défendons la nécessité de construire un mouvement LGBTI+ massif, autonome et international, qui s'allie aux autres mouvements sociaux pour imposer un véritable rapport de force, seul à même d'aboutir à la libération de toutes les personnes LGBTI+ ! Notre nombre n'est pas à notre avantage, il est donc nécessaire d'unir les différentes communautés queers derrière une grande bannière sans pour autant chercher à dissimuler les différences entre nous.
Face à l'Arizona, un important mouvement de contestation prend forme depuis plusieurs mois. Si le plan d'action syndical échoue encore à trouver le chemin de la victoire, il est crucial de continuer à l'amplifier, pour dégager le gouvernement De Wever/Bouchez. En s'en prenant à tout le monde, la coalition fédérale ouvre une brèche pour une riposte collective des opprimé·es et des exploité·es. Alors que la droite et l'extrême-droite accélèrent leurs attaques contre les LGBTI+, notre place est au cœur de cette lutte, pour faire valoir nos revendications, et contribuer à la construction d'un front uni des résistances contre la guerre sociale organisée par les capitalistes.
Le retour en force de l'extrême-droite sur le globe doit nous mettre en alerte maximale : face à la N-VA, au MR et au Vlaams Belang, le pire est possible et il faut nous tenir prêt·es face aux attaques présentes et futures. L'Arizona ne cédera rien, sa légitimité démocratique ne repose que sur le mensonge et il faudra lutter jusqu'à sa chute.
Face à ces attaques sociales qui touchent les LGBTI+ de plein fouet, nous défendons :
. Un logement pour tous·tes ! Réquisition des logements vides, plus de logements sociaux et de refuges ;
. La fin du statut de cohabitant·e qui précarise les personnes LGBTI+, et l'individualisation des droits sociaux ;
. L'égalité pour le don de sang pour les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (HSH) : pour l'instant, les HSH doivent être abstinents pendant 4 mois là où les autres n'ont pas cette restriction ;
. Des investissements massifs dans le secteur de la santé et la sécurité sociale, notamment pour rembourser les soins spécifiques des personnes LGBTI+ ;
. La reconnaissance immédiate du droit d'asile aux personnes LGBTI+ et la régularisation de toutes les personnes sans-papiers ;
. La fin de la répression policière et de l'instrumentalisation de nos luttes à des fins racistes par la droite et l'extrême-droite ;
. Le développement de politiques publiques d'éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS), non cishétéro-centré, obligatoire à l'école, avec les moyens nécessaires, par divers centres et associations pluriels de promotion des droits sexuels et reproductifs et anti-violences ;
. Un véritable plan d'action syndical, crescendo, discuté de la base au sommet, vers une vraie grève générale au finish, avec pour objectif la chute du gouvernement !
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30 ans de luttes contre la pauvreté, pour l’égalité et la dignité – Marchons pour Du pain et des roses, encore et plus que jamais !

Du 26 mai au 4 juin, des dizaines de marches locales, organisées par des organisations féministes, syndicales et du mouvement communautaire, mixtes et non-mixtes, auront lieu dans la plupart des régions. Des citoyen·nes en réaliseront aussi dans leurs milieux respectifs. Le point culminant de cette mobilisation consistera en une marche à Québec le 7 juin.
« En ces temps troublés et inquiétants, les femmes ressentent plus que jamais le désir de se mobiliser avec tous ceux qui les appuient dans le combat pour leurs droits. Les actions de mai et juin 2025 seront des moments de retrouvailles mais aussi de réaffirmation de la nécessité de revendiquer ensemble un Québec juste et égalitaire. Un prélude au grand rassemblement du 18 octobre prochain, organisé par la Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes ! » souligne Françoise David, présidente de la FFQ au moment de la marche de 1995 et co-porte-parole des actions de « Marchons pour Du pain et des roses, encore et plus que jamais ».
Des marraines de 1995 seront également présentes à différents moments, parfois accompagnées de comarraines illustrant ensemble la force, la diversité et la persistance du mouvement féministe. Les informations sur les événements seront progressivement annoncées sur le site web de la FFQ et sur Facebook. En hommage au trajet de 1995, le total des kilomètres parcourus y sera répertorié. La population est invitée à se vêtir de mauve durant les événements.
« Marchons pour Du pain et des roses, encore et plus que jamais » est organisé par la FFQ, en collaboration avec la Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes. Les marches locales du 26 mai au 4 juin sont réalisées par des organisations autonomes et celle du 7 juin à Québec est organisée grâce à la contribution du Regroupement des groupes de femmes de la Capitale-Nationale.
Source : FFQ, 13.05.2025
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Le retour du ministère des Femmes et de l’Égalité des genres : une victoire de la mobilisation féministe

Nous saluons le retour du poste de ministre des Femmes et de l'Égalité des genres, aboli sans explication en mars dernier lors du remaniement ministériel de Mark Carney, alors nouvellement nommé premier ministre du Canada. Grâce à la mobilisation rapide et soutenue de groupes féministes pancanadiens, ce ministère crucial est de nouveau en place, tel qu'annoncé le 13 mai dernier. L'honorable Rechie Valdez a été nommée ministre des Femmes et de l'Égalité des genres, ainsi que secrétaire d'État aux petites entreprises et au tourisme.
Nous sommes heureuses de cette nomination et prêtes à collaborer avec la ministre Valdez pour faire avancer la justice de genre et les politiques publiques féministes. En l'absence d'un engagement politique clair, sa présence est l'un des seuls remparts pour éviter que les enjeux de genre soient écartés des décisions gouvernementales.
Cependant, nous demeurons consternées par l'absence d'une nomination à la Diversité, à l'Inclusion et aux Personnes en situation de handicap. Ce silence envoie un message inquiétant. Plus d'un quart de la population vivant au Canada vit avec un handicap – et ce chiffre grimpe à un tiers lorsqu'on parle des femmes. Pourtant, aucune personne ministre ne porte désormais cette réalité dans le Conseil des ministres.
Nous rappelons que, sans voix officielle au sein du gouvernement, ce sont les groupes de la société civile, les femmes, les personnes en situation de handicap et les communautés marginalisées elles-mêmes qui continueront à porter ces enjeux et à revendiquer des changements concrets. Nous continuerons notre plaidoyer politique pour que personne ne soit laissé derrière !
Merci à toutes celles et ceux qui se sont mobilisé·es. La vigilance reste de mise.
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La Nakba à 77 ans

Le 15 mai, nous commémorons la Nakba, la catastrophe infligée au peuple palestinien par les milices sionistes et l'armée israélienne naissante. Plus de 750 000 personnes ont été violemment expulsées et forcées de fuir leurs terres, plus de 530 villages ont été détruits et des communautés entières ont été massacrées et détruites par les sionistes.
Tiré de Voix juives indépendantes
Cette année, nous célébrons l'anniversaire de cette catastrophe, qui s'est traduite par 77 ans de nettoyage ethnique, de dépossession et de déshumanisation, et maintenant par 19 mois de génocide.
Depuis sa création, le sionisme est un projet de colonisation fondé sur l'effacement des Palestinien.ne.s.
En 1937, David Ben-Gourion, qui deviendra plus tard le premier Premier ministre d'Israël, écrivait : « Nous devons expulser les Arabes et prendre leur place ». Trois ans plus tard, Yosef Weitz, du Fonds national juif, déclarait : « Il n'y a pas de place pour les deux peuples dans ce pays… il ne faut laisser aucun village, aucune tribu. »
Ces déclarations reflètent une croyance fondamentale de l'idéologie sioniste : les Palestiniens doivent être expulsés de leurs terres ancestrales pour faire place à l'occupation coloniale.
La violence qui a commencé en 1948 n'a jamais cessé. Elle se poursuit par la famine de masse et le bombardement de Gaza. Dans la violence armée des colons et les incursions militaires en Cisjordanie.
Depuis octobre 2023, au moins 62 600 Palestinien.ne.s ont été tués, dont plus de 17 800 enfants. Un demi-million de personnes sont aujourd'hui confrontées à ce que l'Organisation mondiale de la santé appelle « la faim catastrophique, la malnutrition aiguë, la famine, la maladie et la mort ». Depuis qu'Israël a commencé à bloquer l'aide à Gaza en mars, au moins 57 enfants sont morts de faim, un chiffre qui devrait continuer à augmenter.
Dans ce contexte, le Canada refuse de prendre des mesures significatives et maintient son soutien commercial, militaire et diplomatique à Israël.
Alors qu'Israël commet un génocide au vu et au su du monde entier, la complicité du Canada est indéniable et impardonnable.
Pourtant, la résistance perdure. Depuis 77 ans, les Palestinien.ne.s refusent d'être effacés par le sionisme.
Face à la violence des colons et aux déplacements forcés, la Palestine survit. Elle vit avec ceux qui survivent au génocide à Gaza, qui résistent à l'empiétement des colons en Cisjordanie, dans le défi des étudiant.es.s qui réclament justice, dans l'organisation sans relâche des communautés diasporiques, dans le déchirement et l'espoir de chaque réfugié qui se souvient du nom de son village.
En ce jour de la Nakba, alors qu'Israël célèbre son « indépendance », nous nous souvenons de la vérité : l'existence d'Israël est née d'une dépossession violente et est maintenue aujourd'hui par une violence militaire écrasante. Qu'un mensonge sur « une terre sans peuple pour un peuple sans terre » a été utilisé pour justifier une catastrophe qui n'a jamais pris fin.
En ce jour de la Nakba, nous nous souvenons. Nous pleurons et nous résistons. Nous exigeons la fin du génocide, de l'apartheid et des catastrophes continues du sionisme.
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À voix égales félicite le Premier ministre Carney et appelle à poursuivre les progrès en matière d’équité entre les genres

À voix égales félicite le Premier ministre Mark Carney pour sa victoire électorale et la formation du prochain gouvernement du Canada. En tant qu'organisation multipartite dédiée à l'avancement de l'équité des genres en politique canadienne, À voix égales souligne l'importance de maintenir des actions concrètes afin que le Canada continue de progresser vers une représentation politique équitable des genres.
À la suite des élections fédérales de 2025, la représentation des femmes et des personnes de la diversité des genres parmi les députés, selon leur affiliation politique, est la suivante :
• Parti libéral : 67 sur 169 députés (39,6 %)
• Parti conservateur : 26 sur 144 députés (18,1 %)
• Bloc québécois : 5 sur 22 députés (22,7 %)
• Nouveau Parti démocratique : 4 sur 7 députés (57,1 %)
• Parti vert : 1 sur 1 député (100 %)
Ces résultats portent la proportion totale de femmes et de personnes de la diversité des genres à la Chambre des communes à 30,03%, ce qui représente une légère baisse par rapport à 30,5% en 2021.
Lors de l'élection fédérale précédente (2021) :
• Parti libéral : 57 sur 160 députés (35,6 %)
• Parti conservateur : 22 sur 119 députés (18,5 %)
• Bloc québécois : 12 sur 32 députés (37,5 %)
• Nouveau Parti démocratique : 11 sur 25 députés (44,0 %)
• Parti vert : 1 sur 2 députés (50 %)
« Cette élection démontre clairement que les progrès sont fragiles », a déclaré Lindsay Brumwell, directrice générale par intérim d'À voix égales. « Nous ne pouvons pas considérer la représentation comme acquise — l'équité des genres en politique exige un engagement soutenu et des actions de la part de tous les partis. Les Canadiens méritent un Parlement qui reflète pleinement la diversité de notre pays. »
Le changement systémique et sociétal commence par un leadership fort. Un siège réservé aux femmes à la table du Cabinet démontre que les politiques inclusives comptent. Nous encourageons tous les chefs de partis à reconnaître les compétences et l'expertise des femmes comme étant essentielles pour élaborer les solutions dont le Canada a besoin, aujourd'hui et pour l'avenir. À voix égales exhorte le Premier ministre et l'ensemble du Parlement à faire en sorte que les contributions des femmes soient valorisées au plus haut niveau des décisions, dans toutes les priorités et occasions gouvernementales.
À voix égales s'engage à faire en sorte que les femmes et les personnes de la diversité des genres soient non seulement élues, mais aussi placées en position de diriger et de s'épanouir. Par l'éducation, le mentorat, la recherche et le développement de réseaux, l'organisation soutient un changement durable du paysage politique canadien.
À propos d'À voix égales :
À Voix Égales est un organisme de bienfaisance enregistré dédié à l'amélioration de la représentation des genres en politique canadienne par la recherche et l'éducation. Depuis 2001, À Voix Égales est à l'avant-garde de la promotion d'une représentation équitable des femmes et des personnes de diversité de genre au Parlement du Canada, dans les législatures provinciales et territoriales ainsi que dans les conseils municipaux et autochtones. Par l'éducation, la formation et le développement du leadership, À Voix Égales travaille à créer un système politique équitable et inclusif à tous les niveaux de gouvernement.
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Nomination du Conseil des ministres : « Est-ce que le tandem Carney Hajdu sera celui qui réformera l’assurance-emploi ? »

Montréal, le 13 mai 2025 – Le Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC) souhaite réagir à la nomination de Patty Hajdu comme ministre de l'Emploi et des Familles, responsable du programme d'assurance-emploi.
« Nous allons travailler avec la nouvelle ministre, qui chapeaute maintenant le plus important programme social canadien », ont déclaré Selma Lavoie et Milan Bernard, co-porte-paroles du CNC.
« Au cours des derniers jours, on a vu les conséquences réelles de l'affaiblissement de l'économie canadienne par les politiques de Donald Trump, avec l'augmentation du chômage et l'incertitude économique. Il faut des signaux clairs et des actions concrètes pour améliorer de manière durable le programme d'assurance-emploi pour soutenir les travailleurs et les travailleuses dans le contexte actuel et face aux prochaines crises. Il faut absolument agir, rien n'est réglé dans la guerre commerciale ! En campagne électorale, Mark Carney et les Libéraux se sont engagé à « renforcer le filet social » et à
« travailler pour que l'assurance-emploi soit mieux adapté aux réalités modernes du travail en offrant un soutien flexible et fiable ». Ils conservent donc leur orientation des dernières années : ils devront rapidement clarifier cet engagement et surtout le mettre en œuvre », a déclaré Selma Lavoie, co-porteparole du CNC
« Parce qu'au cours du dernier mandat libéral, ce fut un processus pour le moins agonisant : malgré deux lettres de mandat bien claires, le seul résultat de tout cela fut l'organisation d'une longue série de consultations. La réforme a été constamment retardée, remise à demain, et au surlendemain. Elle devait finalement être annoncée à l'été 2022, il y a trois ans, pour être mise de côté jusqu'à maintenant. Cela explique notre scepticisme. Enfin, les exclusions du cabinet de Jean-Yves Duclos, qui connaissait bien le programme et était connu pour son penchant progressiste, et de Karina Gould, qui a proposé l'amélioration du programme d'assurance-emploi lors de la course à la chefferie, font également sourciller. Avec le certain virage conservateur de Carney, ce sont des sources d'inquiétude », a pour sa part affirmé Milan Bernard, co-porte-parole du CNC.
À propos du CNC :
Fondé en 2005, le Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC) est la force organisée de défense et de promotion des droits des chômeurs et chômeuses, et plus largement des travailleurs et travailleuses. Il rassemble une dizaine d'organismes locaux et régionaux se voulant des acteurs proactifs pour une réforme globale du programme de l'assurance-emploi.
Þ Pour en savoir plus : www.lecnc.com
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Pourquoi une délégation canadienne à la Global March to Gaza ?

Parce que le Canada a joué un rôle central dans le génocide du peuple de Gaza, par son soutien actif à Israël et sa couverture politique et diplomatique constante à l'État sioniste. Depuis qu'Israël a imposé le blocus de la bande de Gaza en 2007, le Canada — aux côtés des États-Unis et de l'Union européenne — a facilité, par son inaction, la situation catastrophique que nous vivons aujourd'hui.
Depuis toutes ces années, Israël contrôle la vie des habitants de Gaza, décidant ce qui peut y entrer, quand et comment — en imposant un blocus terrestre, maritime et aérien qui a asphyxié plus de deux millions de personnes. Bien que ce blocus ait été déclaré illégal par les Nations Unies, les alliés d'Israël non seulement l'ont toléré, mais n'ont rien fait pour l'atténuer. Le résultat : une famine sans précédent, des dizaines de milliers de morts civils, et une campagne de nettoyage ethnique ouvertement assumée au XXIe siècle.
Le Canada est complice de cette situation. Mais le gouvernement canadien ne représente pas la volonté de nombreux citoyens.
Une grande partie de la société canadienne est profondément sensibilisée à la souffrance du peuple palestinien et rejette avec force le génocide en cours à Gaza. D'un bout à l'autre du pays, des initiatives de solidarité se multiplient : mobilisations, lettres ouvertes, actes de désobéissance civile, campagnes de soutien. De ce rejet du génocide, et de l'indignation face à l'inaction gouvernementale, est née la délégation canadienne à la Global March to Gaza.
Il est des moments dans l'histoire où les citoyens doivent devenir les garants de l'humanité lorsque leurs gouvernements les trahissent. Nous croyons que nous vivons l'un de ces moments.
Le Canada a le pouvoir d'imposer un embargo sur les armes à destination d'Israël. Il peut rappeler l'ambassadeur israélien et adopter une position claire et ferme contre le génocide. Il dispose de tous les moyens nécessaires pour montrer son respect du droit international et, face à une intention génocidaire déclarée, il peut — et doit — agir.
Mais il ne l'a pas fait. Depuis des mois, le gouvernement canadien — d'abord sous Justin Trudeau, aujourd'hui sous Mark Carney — a choisi la lâcheté et la complicité. Loin d'assumer ses responsabilités, il s'est déclaré sioniste, a soutenu sans réserve le gouvernement de Netanyahu et s'est opposé à toute initiative internationale visant à exiger des comptes à Israël.
Il a même renoncé à enquêter sur les citoyens canado-israéliens impliqués dans des crimes de guerre, abandonnant délibérément ses engagements en matière de droits humains.
La délégation canadienne à la Global March to Gaza envoie un message clair : la population canadienne, en ce qui concerne la défense des droits du peuple palestinien, se trouve du bon côté de l'histoire. Et nous continuerons à participer à des initiatives courageuses pour attirer l'attention du monde sur des crimes qui ne doivent, en aucune circonstance, être tolérés par un gouvernement prétendant nous représenter.
Comité Canadien de Coordination pour la Marche Mondiale vers Gaza
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TES Canada – Où est la vérité ?*

Nul besoin d'être un grand visionnaire pour comprendre ce qui se trame autour du projet TES Canada. Depuis le début, le promoteur multiplie les déclarations floues, les zones grises, et les intentions changeantes. Il est temps que la population se pose les vraies questions et que nos dirigeants exigent des réponses claires.
*Possibilité 1 : Un projet vidé de sa substance, sans preuve d'efficacité*
La première possibilité, bien réelle, serait que TES Canada abandonne l'idée de produire de l'hydrogène pour le transport lourd, ne conservant que le volet de méthanisation de l'hydrogène pour injection dans le réseau d'Énergir. Problème : aucune étude ne confirme les bénéfices de cette approche pour la décarbonation. On parle ici de 80 000 tonnes de gaz naturel renouvelable (GNR) de 3e génération, accompagnées de 220 000 tonnes de CO₂ biogénique injectés dans le réseau — mais sans qu'aucun contrat formel ne lie Énergir à l'achat de ce gaz de synthèse. Pire encore, aucune entente ne semble conclue pour l'approvisionnement de ce CO₂, pourtant essentiel au procédé.
Et même si l'on continue à croire que TES Canada souhaite réellement produire de l'hydrogène vert, on peut se demander comment la ministre de l'Énergie, Christine Fréchette, peut fermer les yeux sur les inefficacités flagrantes du procédé. Des experts et scientifiques de partout dans le monde dénoncent déjà l'aberration énergétique du projet : d'énormes pertes
d'énergie pour un rendement minimal.
La ministre envisagerait même de *subventionner* ce gaz pour compenser l'écart de prix avec le gaz naturel fossile. Est-ce là le rôle de l'État ? De tous les experts, aucun ne croit que ce type de projet puisse devenir viable sans injection massive de fonds publics. Les coûts de conversion sont bien trop élevés. Et tout ça pour quoi ? Injecter une goutte d'hydrogène dans un océan de gaz naturel polluant. Une illusion de progrès à fort coût collectif.
*Possibilité 2 : Un projet qui lorgne l'exportation*
Deuxième scénario : TES Canada viserait en réalité l'exportation de son hydrogène. On nous a toujours dit que le projet était destiné au marché québécois. C'est d'ailleurs ce qui est écrit noir sur blanc dans l'Avis de projet. Pourtant, aucun contrat d'achat ne lie le promoteur à des clients québécois. Alors, on produit pour qui ? Pourquoi ?
La seule conséquence, selon la ministre, en cas de non-respect des engagements ? Retirer le bloc d'énergie octroyé. Une simple tape sur les doigts. Aucune véritable pénalité. Aucune obligation de résultats. Si TES ne réussit pas à trouver d'acheteurs, il pourrait simplement tout abandonner — sans conséquence majeure.
*Possibilité 3 : Une privatisation déguisée de nos ressources*
Et si le véritable objectif était ailleurs ? Sans contrat local, sans projet exportateur viable, TES pourrait très bien se contenter… de produire de l'électricité. Une production assurée, sans appel d'offres, et surtout, extrêmement rentable — grâce à l'énergie publique fournie par Hydro-Québec. Ce serait alors une *privatisation déguisée* de notre accès à l'énergie. Un
précédent grave.
On permettrait ainsi à un promoteur étranger de s'implanter en territoire québécois, avec toute la latitude pour exploiter nos ressources, occuper nos terres et imposer ses conditions. Le tout, avec une *opacité jamais vue* et un discours marketing bien huilé, promettant espoir et développement durable à l'échelle planétaire… alors que les fondements mêmes du projet
sont loin d'être clairs.
Pendant ce temps, nos élus — municipaux, provinciaux et fédéraux — préfèrent jouer à l'autruche. Ils ferment les yeux sur les contradictions, refusent de poser les vraies questions et laissent le promoteur avancer, sans jamais devoir rendre de comptes à la population.
Il est temps de *demander des réponses*. Il est temps de *voir clair* dans ce projet qui prétend sauver la planète, mais qui pourrait bien, au contraire, devenir un cheval de Troie de la privatisation et du greenwashing énergétique.
La vérité, elle, attend toujours.
Pierre Pouliot
Citoyen préoccupé
Notre-Dame-du-Mont-Carmel
Merci à monsieur Haroun Bouazzi d'avoir posé les bonnes questions à la ministre de l'Énergie, madame Christine Fréchette, lors de l'une des dernières séances en commission parlementaire de l'assemblé nationale.
https://www.youtube.com/watch?v=dEx1_YzO9rs
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Aucune surprise : Le rapport de la Commission, commandé par le gouvernement, recommande la vaste majorité des positions de Postes Canada

Le rapport de la Commission d'enquête sur les relations de travail, dirigée par le commissaire William Kaplan, penche fortement en faveur des positions et des recommandations de Postes Canada. Nous sommes fondamentalement en désaccord avec la majeure partie de ses recommandations et contestons certains des renseignements sur lesquels elles sont fondées. Nous nous sommes également opposés au processus de la Commission dans son ensemble, mais nous étions d'avis que nous nous devions d'y participer afin de donner une voix aux travailleurs et travailleuses des postes. Le rapport présente également trois situations possibles après le 22 mai. Il est important de noter que les recommandations du commissaire Kaplan ne seront pas nécessairement mises en œuvre ; il revient à la ministre Patty Hadju de décider si elle donnera suite au rapport ou non.
L'un des points positifs du rapport est que le commissaire convient que « Postes Canada doit continuer d'exister en tant que service public, y compris pour la distribution des lettres et des colis. » Cependant, certaines de ses recommandations vont à l'encontre de cette déclaration, notamment son soutien à l'égard des comptoirs franchisés.
Les recommandations
Le rapport présente sept recommandations qui, selon le commissaire Kaplan, sont nécessaires pour préserver le mandat institutionnel, national et indispensable de Postes Canada. Ces recommandations sont de nature réglementaire et visent également les conventions collectives.
1- Réviser les normes de livraison aux termes du Protocole du service postal canadien, mettre fin à la livraison à domicile, mais maintenir le service de livraison à la porte pour les entreprises.
2- Mettre fin au moratoire sur la fermeture des bureaux de poste et au moratoire sur la conversion aux boîtes postales communautaires (BPCOM).
3- Inclure dans les deux conventions collectives toutes les dispositions ayant fait l'objet d'un accord avant le déclenchement de la grève, ainsi que tout ce qui a été convenu dans les accords de principe quasi définitifs. Les parties doivent aussi s'efforcer de réduire les divergences sur tous les points qui ont fait l'objet d'un accord partiel.
4- En ce qui concerne la livraison la fin de semaine et les volumes de courrier additionnels durant la semaine, établir des postes à temps partiel donnant droit aux mêmes conditions de travail et taux de salaires que les postes réguliers, ainsi qu'à des avantages sociaux établis au prorata et au régime de retraite. Il ne doit pas s'agir d'emplois précaires.
5- Modifier la convention collective de l'unité urbaine pour permettre à l'employeur de confier du travail aux employées et employés pour toutes les heures rémunérées.
6- Créer et mettre en œuvre un projet pilote d'acheminement dynamique afin d'adapter les itinéraires en fonction de la fluctuation quotidienne des volumes.
7- Établir un mécanisme simplifié pour l'augmentation des tarifs postaux.
La mise en œuvre de ces recommandations se traduirait par une réduction de services, le recours à la sous-traitance et des reculs importants sur d'importantes dispositions de nos conventions collectives existantes. De plus, il n'y a aucune garantie que ces changements permettraient à Postes Canada d'intensifier ses activités de livraison des colis. Les coûts des propositions de Postes Canada n'ont pas été ventilés, et nous n'avons pas reçu de plans de mise en œuvre concrets en ce qui les concerne. Les recommandations vont également à l'encontre des revendications que vous nous avez transmises et des solutions que nous défendons depuis des années pour préserver et bonifier le service postal public. Toute modification visant la réglementation ou les services devrait faire l'objet d'un examen public complet du mandat de Postes Canada. Le rapport de la commission Kaplan rejette catégoriquement nos propositions de diversification des services comme solution immédiate à la crise financière de Postes Canada, malgré le succès qu'ont connu de nombreuses administrations postales ailleurs dans le monde en diversifiant leur offre de services pour générer de nouveaux revenus.
Il importe de noter qu'en ce qui concerne la troisième recommandation, c'est-à-dire les questions considérées comme étant statu quo, celles sur lesquelles nous avions des désaccords mineurs et celles sur lesquelles les parties s'étaient entendues, nous étions en plein chantier lorsque Postes Canada a décidé de quitter la table de négociation cette semaine.
Enfin, le STTP préconise depuis des années l'indexation du prix des timbres en fonction de l'indice des prix à la consommation et d'autres coûts d'exploitation. La situation difficile de Postes Canada est en partie attribuable au fait qu'elle a négligé de donner suite à cette recommandation.
Les voies possibles à partir du 22 mai
Le rapport n'envisage que trois possibilités après l'expiration des conventions collectives prolongées.
Postes Canada soumet une offre finale au vote des membres.
Un arbitrage de différends est imposé ou convenu.
Une grève ou un lock-out est déclenché, le gouvernement s'engageant à ne pas intervenir.
Le soutien de la population a été crucial
Nous tenons à remercier sincèrement tous les travailleurs et travailleuses des postes, actifs ou à la retraite, qui ont pris le temps de présenter un mémoire à la Commission. La fierté que vous tirez de votre travail s'est manifestée haut et fort. Nous sommes également reconnaissants aux communautés autochtones, aux municipalités et aux entreprises qui ont fait de même.
Bien que le rapport rejette nombre des solutions que vous avez proposées, il reconnaît votre soutien sincère au maintien du caractère public du service postal, vos préoccupations, vos souhaits en matière de diversification des services et l'importance que le service postal public revêt dans votre vie et votre collectivité.
Notre rencontre avec la ministre Hajdu
Ce matin, nous avons rencontré le ministre Hajdu et le secrétaire d'État au Travail, John Zerucelli. La ministre Hajdu a cherché à nous rassurer en mentionnant que Postes Canada croit au processus de négociation et qu'elle nous présentera bientôt de nouvelles offres. Il se pourrait bien que Postes Canada tente de suivre la première voie suggérée dans le rapport et qu'elle soumette ses nouvelles propositions directement à un vote auprès des membres. Nous préférons retourner à la table de négociation avec Postes Canada et conclure directement des conventions collectives que nos membres seront en mesure de ratifier. Comme le reconnaît le rapport, tout le monde s'entend pour dire que les meilleures conventions collectives sont celles qui sont négociées à la table de négociation.
Le rapport admet également que l'ingérence du gouvernement a en partie contribué à la situation actuelle. Nous espérons que la ministre tiendra parole, puisqu'elle dit ne pas avoir l'intention d'intervenir.
Le rapport est maintenant disponible en ligne.
Nous continuerons de vous tenir au courant de la situation. Je vous encourage à vous inscrire au Somm@ire pour recevoir les dernières nouvelles directement dans votre boîte de courriels.
Solidarité,
Jan Simpson, Présidente nationale
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Projet de loi no 89 : rétablissons les faits

Protéger le public ou régler des comptes ? Après la puissante mobilisation du Front commun en 2023, le ministre du Travail, Jean Boulet, n'a visiblement pas apprécié de voir son gouvernement reculer devant les syndicats. Résultat ? Le dépôt précipité du projet de loi no 89 (PL89), qui sabote directement le droit de grève des travailleuses et des travailleurs. Pour la CSQ, une chose est claire : ce projet de loi est une attaque directe à l'équilibre déjà fragile des relations de travail.
L'IEDM exagère, le gouvernement obéit
L'Institut économique de Montréal (IEDM) agitait récemment l'épouvantail d'une « épidémie de grèves », accusant le Québec d'être l'épicentre de 91 % des conflits de travail au Canada depuis 2023. L'IEDM réclame d'ailleurs une intervention encore plus sévère du gouvernement, en élargissant la portée du PL89 aux travailleuses et travailleurs de la santé et de la fonction publique. Mais derrière ces chiffres choc, la réalité est bien différente.
Des chiffres trompeurs qui déforment la réalité
Contrairement au portrait alarmiste dressé par l'IEDM, les conflits de travail sont en chute libre au Québec depuis les années 1970. L'année 2024, présentée par l'IEDM comme une année record avec 700 conflits recensés, inclut surtout la mobilisation exceptionnelle du Front commun, regroupant à elle seule plus de 400 accréditations syndicales et autant de conflits de travail au sens de la loi. Les autres conflits ? Rien d'étonnant : ils étaient principalement liés aux pénuries et à l'inflation galopante, poussant les travailleuses et les travailleurs à exiger un traitement équitable.
Il est bon de rappeler que la grande majorité (95 %) des négociations se règlent sans conflit de travail. Alors, pourquoi changer les règles d'un jeu qui fonctionne ?
De mauvais perdants au pouvoir
Soyons clairs : le gouvernement n'a tout simplement pas digéré l'issue de la dernière négociation du secteur public. Depuis des décennies, les règles du jeu étaient à son avantage, mais, maintenant qu'il est mécontent du résultat, il les modifie en sa faveur. Pourtant, dans le contexte actuel où collaboration et dialogue sont nécessaires, s'en prendre au droit de grève n'est pas seulement injustifié, c'est contre-productif.
Le droit de grève n'est pas un caprice syndical : c'est un droit constitutionnel fondamental, durement acquis et défendu devant les tribunaux pendant des décennies. La CSQ refuse catégoriquement ce recul et le martèle : ce projet de loi est un véritable sabotage du rapport de force des travailleuses et des travailleurs.
Négocier à armes égales, c'est vital
Depuis 1964, date où le Code du travail a officiellement reconnu le droit de grève dans les services publics, la définition des services essentiels a toujours été strictement liée à la santé et à la sécurité publique. Aujourd'hui, le gouvernement introduit une notion vague et dangereuse : le « bien-être » de la population.
Ce flou juridique soulève des inquiétudes majeures : sans critères clairs, comment le Tribunal administratif du travail (TAT) pourra-t-il juger équitablement des services à maintenir ? Cette notion imprécise risque simplement d'annuler tout effet réel des grèves, transformant un droit fondamental en geste symbolique sans impact réel.
La grève, un outil de dernier recours
La grève, rappelons-le, n'est jamais prise à la légère par les travailleuses et les travailleurs. Elle implique une perte de salaire, une pression énorme et une incertitude sur le retour au travail. Mais elle reste indispensable quand les négociations bloquent, garantissant un rapport de force équitable entre employeurs et employés.
Le projet de loi no 89 est donc une attaque frontale et injustifiée contre ce droit précieux. Une grève qui ne dérange personne ne fait avancer aucune négociation. Et sans avancées dans les négociations, c'est toute la société québécoise qui en paie le prix.
Bref, le PL89 est une erreur stratégique, politique et sociale que la CSQ entend bien combattre avec vigueur, n'en déplaise aux majorettes du patronat.
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Québec coupe dans l’intégration de la relève infirmière : une décision irresponsable, juge la FIQ

La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec–FIQ dénonce fermement les compressions qui touchent de plein fouet les programmes d'externat pour les étudiantes en soins infirmiers. Ces stages, offerts à celles ayant complété une partie de leur formation, leur permettent de réaliser certaines activités professionnelles dans les établissements de santé et de contribuer au soutien du réseau.
Cette décision, appliquée par plusieurs centres intégrés de santé et de services sociaux et centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux, est incohérente et nuit directement à la formation, l'intégration et la rétention de la relève infirmière, dans un réseau déjà en crise. Pour la FIQ, c'est une preuve de plus que le gouvernement et les gestionnaires du réseau sous-estiment la gravité de la situation et l'importance d'investir dans les futures professionnelles.
« C'est incompréhensible. On manque d'infirmières partout, et pourtant, on sabre dans un programme qui contribue directement à former et fidéliser la relève. Quel signal envoie-t-on à ces futures professionnelles, pendant que celles qui tiennent encore le réseau peinent à envisager un avenir stable et respecté ? Empêcher une étudiante de faire son externat, c'est nuire à sa formation, miner sa motivation et risquer de la décourager de rester dans le réseau. Et après, on s'étonne de ne pas réussir à recruter ni à retenir ! », dénonce Julie Bouchard, présidente de la FIQ.
L'externat est une passerelle essentielle entre la formation académique et la pratique sur le terrain. Il permet aux étudiantes d'acquérir des compétences concrètes, de développer un sentiment d'appartenance au réseau public et de forger leur jugement clinique — trois leviers indispensables à une entrée réussie dans la profession. Dans un contexte où le temps consacré à l'orientation et à l'accompagnement a été considérablement réduit, et où le soutien clinique a été largement coupé cette année, l'externat devient plus que jamais un outil vital pour arriver prêtes et confiantes sur le terrain.
Dès mars, le Syndicat interprofessionnel en soins de santé de l'Abitibi-Témiscamingue a alerté le ministère de la Santé sur les effets de ces compressions sur la sécurité des soins et la stabilité des équipes. Le ministère a aussitôt rejeté la responsabilité sur Santé Québec. En région, le manque de main-d'œuvre est criant. Le programme d'externat permet aux candidates de découvrir le milieu et de s'ancrer dans leur réalité. Il joue un rôle essentiel dans la rétention des professionnelles en soins.
« Ce n'est pas vrai que, sous prétexte “d'équilibre budgétaire”, on va sabrer dans ce qui fonctionne. Si le gouvernement veut économiser, qu'il cesse de gaspiller des millions dans le privé, les agences ou des projets bancals comme Northvolt ou SAAQclic. Certainement pas dans la formation des infirmières de demain », conclut Julie Bouchard.
La FIQ salue les interventions de la Fédération des cégeps et de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, et se joint à leur appel pour qu'une directive claire rétablisse rapidement l'accès aux externats partout au Québec. La FIQ exige aussi un réinvestissement immédiat dans les externats et une reconnaissance de leur rôle stratégique dans la lutte contre la pénurie.
À propos de la FIQ
La FIQ compte plus de 80 000 membres, infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes cliniques œuvrant dans les établissements de santé aux quatre coins du Québec. Elle est une organisation féministe, composée à près de 90 % de femmes, vouée à la défense de ses membres, mais également à celle des patient-e-s et du réseau public de santé.
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Compressions de 151 millions $ dans les cégeps La ministre fait de la pensée magique

Québec, le 12 mai 2025 — La ministre de l'Enseignement supérieur, Pascale Déry, fait de la pensée magique en s'imaginant que les cégeps peuvent couper 151 millions $ sans que les services soient affectés, juge le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec.
« La ministre trompe le public en disant que les cégeps ont la marge de manœuvre nécessaire pour effectuer des compressions de cette ampleur. Les services aux étudiantes et étudiants vont nécessairement écoper. On va se retrouver avec des jeunes qui vivent des difficultés et qui n'auront plus accès à un psychologue, un conseiller en orientation ou un aide pédagogique individuel, par exemple », illustre Guillaume Bouvrette, président du SPGQ.
La ministre doit comprendre qu'il ne s'agit pas seulement d'apporter des changements à des chiffres dans son fichier Excel, des êtres humains vont subir les conséquences de ces décisions. « Au Collège Montmorency, à Laval, par exemple, l'employeur nous a fait part du fait qu'on lui a demandé de couper près de 54 000 heures de travail pour l'ensemble de l'établissement, toutes catégories de postes confondues. Faire plus avec moins, ça a des limites. On ne peut pas décemment imaginer que les services aux étudiants ne vont pas souffrir de telles compressions », signale M. Bouvrette.
Le SPGQ rappelle au gouvernement que plusieurs autres moyens existent pour améliorer ses finances comme de mettre fin à la sous-traitance abusive qui a notamment mené au scandale SAAQclic, arrêter les mauvais investissements comme dans le projet de NorthVolt et mettre en priorité la lutte à l'évasion fiscale.
À propos du SPGQ
Le SPGQ est le plus grand syndicat de personnel professionnel du Québec. Créé en 1968, il représente plus de 35 000 spécialistes, dont environ 26 000 dans la fonction publique, 6 000 à Revenu Québec et 3 000 répartis dans les secteurs de la santé, de l'enseignement supérieur et au sein de diverses sociétés d'État.
Source
Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec
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ATSA, où l’art devient acte de résistance contre l’emprise des algorithmes

Entrevue avec Annie Roy – co-fondatrice, directrice générale et artistique d'ATSA, accompagnée d'Anne-Marie St-Louis – la chargée du projet Cuisine ta ville et de la médiation culturelle. Réalisée par Maria Kiteme, correspondante au Journal des Alternatives et participante au Parcours d'éducation à la citoyenneté de Katalizo.
Tiré du Journal des alternatives.
Fondé en 1997 par les artistes Annie Roy et Pierre Allard, ATSA – connu aujourd'hui sous « QuAnd l'ArT paSse à l'Action » – incarne une vision engagée de la création artistique. Bien plus qu'un organisme à but non lucratif, ATSA s'impose depuis plus de vingt-cinq ans comme un catalyseur de conscience collective, en plaçant l'art au cœur du paysage urbain québécois et à l'international. En cohérence avec cette vision, ATSA sera présent au Forum social mondial des intersections (FSMI) à Montréal, proposant ainsi une programmation alliant art, réflexion critique et appel à l'action face aux grands enjeux contemporains.
ATSA comme moteur de transformation sociale
À travers des œuvres événementielles, transdisciplinaires et relationnelles, ATSA s'empare de l'espace public avec une énergie ludique et percutante, où l'art est utilisé sous toutes ses formes afin de « […] pointer du doigt les grands enjeux de notre société actuelle et permettre aux citoyen·nes d'entamer une réflexion […] », explique Annie.
Fidèle à ses racines féministes, pacifistes et écoresponsables, l'engagement d'ATSA se manifeste dans la défense des droits humains ainsi que la protection de l'environnement. Leur dimension participative situe constamment le public dans un rôle actif, en prise directe avec les œuvres et les messages qu'elles portent. Ainsi, en transformant la rue en lieu de mobilisation citoyenne, chacun·e devient un·e agent·e de changement positif, nous confie Annie.
Depuis 2017, Cuisine ta ville prolonge de manière inspirante la mission initiée par ATSA. Sous la direction d'Anne-Marie Saint-Louis, ce projet offre des parcours-balados créatifs à travers quelques parcs de Montréal et dans différentes villes canadiennes. Ce projet audio nous invite à écouter les témoignages touchants de personnes réfugiées et immigrantes sur les enjeux migratoires.
Les dérives d'un monde désormais trop intelligent
Aujourd'hui, l'apathie pousse les sociétés à se réfugier dans l'indifférence, convaincues à tort de leur impuissance face aux systèmes dominants. Depuis ses débuts, ATSA s'inscrit dans une tradition où l'art devient un acte militant. Il est courant dans les milieux activistes de recourir à divers médiums artistiques comme outils de résistance et de dénonciation.
Dans un monde de plus en plus polarisé et gangréné par la désinformation, Annie dit vouloir briser les murs de silos qui cloisonnent les individus. Avec l'essor de l'intelligence artificielle, le numérique a su s'immiscer dans toutes les sphères de nos vies – tant publiques que privées – et ce, de manière subversive. En quelques années, on a pu créer une machine ultra énergivore et envahissante, jusqu'à complètement chambouler nos quotidiens. Le projet d'ATSA cherche à provoquer cette indignation face aux injustices d'un capitalisme qui réduit l'humain à une simple donnée au service d'algorithmes toujours plus puissants.
Il y a cette dangereuse banalisation de l'impact que laisse cet écosystème digital sur l'individu, détaché de son humanité. Nos données personnelles sont captées à notre insu, nos comportements surveillés, notre intimité dissoute dans les rouages d'un système qui sert même à alimenter des machines de guerre, dénonce Annie. Au-delà de son impact écologique néfaste, l'industrie du numérique accentue un fossé d'inégalités, déjà profond entre les pays du Nord et ceux du Sud.
Mais tout n'est pas perdu. « C'est un système malade et écrasant, mais une révolution est possible », affirme Annie.
En l'occurrence, il suffirait de résister à l'illusion d'un monde contrôlé par ces élites numériques.
Réhumaniser le monde, une œuvre à la fois
La participation d'ATSA à un événement comme le FSMI est essentielle, car elle réunit une diversité d'organismes et de membres de la société civile internationale dans un lieu commun de dialogue. Cette année, l'organisme propose une programmation d'activités gratuites réparties sur plusieurs jours, ouvrant la conversation autour des enjeux liés à l'intelligence artificielle.
La Ferme
Tout d'abord, dans une atmosphère à la fois conviviale et humoristique, Annie Roy et la comédienne Geneviève Rochette partageront la scène afin d'interpréter La Ferme ou comment nourrir un futur intelligent. Cette expérience participative engage le public à une démarche critique sur l'IA, complétée par des discussions ouvertes et vivantes. Annie a su mêler différents médiums pour remettre l'humain au centre de ses interrogations, abordant comment sociétés doivent affronter un monde ne cessant d'être envahi par la technologie. Pleine d'esprit et sans prétention, La Ferme nous invite à « se réemerveiller devant le réel », comme le dit si bien Annie.
Il y aura trois représentations gratuites de cette pièce de théâtre : le vendredi 23 mai à 19h, le samedi 24 mai à 19h et le dimanche 25 mai à 16h, sur l'esplanade Tranquille du Quartier des spectacles à Montréal.
Une œuvre audiovisuelle
En dehors des moments de performance, l'installation vidéo UN TEMPS sera diffusée en continu. Cette œuvre audiovisuelle invite chaque spectateurs·rices à ralentir, à rêver et à réfléchir dans un état contemplatif, malgré l'agitation d'une ville aussi animée comme Montréal.
Trois ateliers-conférences
ATSA propose aussi trois ateliers-conférences au Réfectoire de l'esplanade Tranquille, visant à outiller les citoyen·ne·s face aux enjeux de l'intelligence artificielle. Du samedi 24 mai au dimanche 25 mai, quelques expertes du sujets aborderont les thèmes de la sobriété numérique, souveraineté numérique, et de la responsabilité humaine face à l'IA.
D'autres activités connexes seront au rendez-vous, dont la diffusion du film Les sacrifiés de l'IA de Henri Poulain le samedi 24 mai à 21h. D'ailleurs, la BANQ aura un espace réservé sur l'Esplanade Tranquille et au Salon de l'Esplanade Tranquille pour inviter chacun·e dans la lecture de quelques livres.
Cuisine ta ville au FSMI
Parallèlement, pendant le FSMI, l'artiste médiatrice Anne-Marie St-Louis de Cuisine ta ville animera une activité de collage solidaire le jeudi 29 mai 19h à 20h30. Cette activité de médiation culturelle gratuite invite le public à réfléchir sur l'inclusion, la solidarité et les identités multiples à travers l'écoute d'un témoignage issu de l'immigration. Par la suite, les participant·es seront invité·es à créer un collage ou une lettre en réponse aux thèmes abordés, dans une démarche artistique et introspective.
Avec un tel forum, c'est la parfaite occasion pour ATSA de faire rayonner sa démarche artistique à l'échelle internationale, tout en démontrant la puissance de l'art comme outil de progrès social. Annie ajoute ainsi que l'accessibilité de l'art demeure au centre de leur démarche. C'est grâce à ses actions artistiques que le groupe peut s'engager auprès de publics variés et mobiliser les forces de la réflexion collective. Enfin, si le numérique peut enrichir nos vies, il est plus que jamais nécessaire d'en redéfinir les règles et de reprendre le contrôle sur notre avenir démocratique.
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Grande mobilisation pour les arts au Québec

La GMAQ célébrait en mars dernier une victoire historique et saluait la décision du gouvernement d'augmenter le budget du Conseil des arts et des lettres du Québec.
La GMAQ rappelait que cette majoration des budgets permanents du CALQ constitue une mesure d'urgence essentielle qui apporte un bref répit pour un milieu des arts en péril.
LA GMAQ rappelait une chose trop souvent oubliée : la lutte paie !
La lutte paie et elle continue !
La GMAQ porte depuis un an plusieurs revendications centrales :
1. la majoration des fonds destinés au CALQ, à laquelle répond en bonne partie le budget du ministre Girard ;
2. que cette augmentation se répercute majoritairement sur les programmes dédiés aux artistes (indépendants.e.s) pour des activités de création ;
3. la création d'un programme de soutien continu aux artistes (filet social).
Ces revendications sont toujours sur la table et restent indispensables pour sortir les artistes de l'état de précarité endémique et permanent qui est le leur depuis trop longtemps. Il revient à l'ensemble de la société de s'assurer que les personnes qui créent la culture puissent le faire dans des conditions décentes et soutenables à long terme.
La GMAQ appelle à une sixième grande manifestation, dans la capitale nationale, à Québec, le jeudi 22 mai à 15h.
La manifestation débutera devant l'Assemblée nationale (au 1150 Av. Honoré-Mercier), il y aura ensuite une marche jusqu'au bureau du Ministère de la culture et des communications (au 225 Grande Allée E).
Rassemblons-nous pour montrer que la culture d'ici nous tient à coeur.
Visuel par Clément de Gaulejac
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« Jeunes mères » de Luc et Jean-Pierre Dardenne : les frères belges s’essaient au film choral

Deux fois lauréats de la Palme d'or ( "Rosetta" en 1999 et « l'Enfant, en 2005 ), Luc et Jean-Pierre Dardenne signent leur premier film choral avec le portrait intimiste de cinq jeunes femmes confrontées à des problématiques d'adultes.
*Bande-annonce : *https://diaphana.fr/film/jeunes-meres/
Par Michaël Mélinard, L'Humanité, France, le vendredi 16 mai 2025
Article dans son intégralité sur L'Humanité
N'en déplaise aux esprits chagrins,Luc et Jean-Pierre Dardenne <> font recette. Avant cette 10e sélection en compétition cannoise, sept de leurs neuf films ont été récompensés sur la Croisette. Et s'il est prématuré de leur promettre à nouveau un prix – leur long métrage est présenté le 23 mai, veille des délibérations du festival –, la fratrie belge est revenue au meilleur de sa forme avec « Jeunes mères », le portrait choral d'adolescentes dans une maison maternelle. Si cette manière de tisser des histoires est une première pour les cinéastes, ils en dénouent les fils avec talent, justesse et une mise en scène tout en maîtrise.
Julie, ancienne/junkie/, veut éviter la récidive. Perla tente de convaincre son compagnon immature de vivre en couple. Jessica, enceinte, part en quête de sa mère biologique, alors qu'Ariane s'affranchit peu à peu d'une génitrice toxique. Comme une étoile filante, Naïma ne fait que passer pour évoquer sa fierté d'être une mère célibataire. Avec leur manière de ne pas y toucher, les Dardenne continuent d'évoquer les sans-grade, les madame Tout-le-Monde, les enfants confrontés à des problématiques d'adultes dans cette œuvre forte et puissante où le déterminisme social semble voué à être dépassé.
*« Jeunes mères » dresse le portait d'adolescentes dans une maison maternelle. Comment voyez-vous votre film à l'aune du féminisme ?*
*Jean-Pierre Dardenne* - Quand on fait un film, il s'inscrit dans une époque. Le titre, c'est « Jeunes mères ». Il n'y a pas si longtemps, ces jeunes mères étaient appelées des « filles mères ». Cette stigmatisation a disparu de nos sociétés. Raconter la maternité à l'âge de ces jeunes filles, qui n'est pas la règle dans nos sociétés, impliquait de réussir à changer de point de vue : affirmer qu'on ne peut garder un enfant et qu'on préfère le confier à une famille aimante n'est pas un acte honteux. C'est aussi ça le féminisme.
Il a une place dans la vraie vie de la maison maternelle. Dans notre film, il devait aussi être là, même si le cinéma ne se résume pas à un acte militant. Être une jeune mère, c'est apprendre à avoir une relation avec son bébé, et c'est également dire : je ne peux pas. À part un qui est là, les hommes sont absents. Mais les filles ne sont pas traitées dans notre film comme des personnes auxquelles il manque quelque chose.
*Luc Dardenne -* Le féminisme critique la maternité lorsque le patriarcat donne à la femme le rôle de pondeuse. C'est lié à l'histoire des hommes qui, ici, brillent par leur absence. Dire aujourd'hui, comme l'un de nos personnages, je n'ai pas honte d'être une mère célibataire, c'est être féministe.
*Dans quelle mesure votre cinéma constitue-t-il une forme d'éloge du service public ?*
*Luc Dardenne -* C'est effectivement en creux. Et là, on ne peut pas dire que, dans ces structures, il y a une carence, même si les subventions pouvaient être supérieures. Ce système de maison maternelle existe chez nous. C'est très différent de l'Angleterre, et de ce que décrit « Ladybird », le film de Ken Loach (une jeune femme se voit retirer la garde de ses enfants nés de pères différents par l'aide sociale parce qu'elle est pauvre – NDLR). Chez nous, il y a un vrai travail de responsabilisation de ces jeunes filles pour les rendre autonomes. Elles sont aussi aidées financièrement et pour le logement. Ces endroits sont maternants dans le bon sens du terme. Sans ces institutions, il y aurait beaucoup de dégâts.
*En quoi est-ce un film sur le soin ?*
*Jean-Pierre Dardenne* - Tout au long du film, il y a cette bienveillance de la part de toutes ces femmes qui entourent les jeunes mères, qui prennent soin d'elles, qui leur apprennent à être autonomes. Chacune de ces filles a aussi une histoire individuelle, existe aussi en dehors de cette maison. Elles ont leur solitude, leur drame, leur histoire avec laquelle elles doivent se débrouiller. Elles s'aident aussi, se soutiennent.
C'est une des raisons qui nous a amenés à faire ce film, après avoir passé du temps dans cette maison maternelle où nous nous documentions sur un autre projet que nous n'avons finalement pas réalisé. Cette entraide et la présence des bébés ont joué un grand rôle. Les bébés amènent une vitalité, un rythme à nos personnages, à la mise en scène. Tous ces petits êtres vivants amènent leur poids. Chacune des jeunes mères doit en tenir compte. Nous aussi. Donc, on l'a répercuté dans notre mise en scène.
*Pourquoi avez-vous réalisé un film choral ?*
*Luc Dardenne* - Il y a eu une alchimie. Nous avions envie de nous aventurer ailleurs tout en nous disant qu'il fallait faire ce que nous savions faire. Mais s'enferrer dans une manière de filmer, c'est devenir de plus en plus radical, dans le mauvais sens du terme. Dans cette maison où nous étions présents, comme l'a dit Jean-Pierre, pour un autre scénario et le personnage principal d'un autre film, nous nous sommes dit : pourquoi ne pas filmer un groupe ? Nous n'avions jamais réussi à raconter plusieurs histoires et c'est devenu un challenge implicite, qui a trouvé sa forme dans les rencontres de cette maison maternelle.
Comment l'évolution de votre vision du monde se traduit-elle dans votre mise en scène ?*
*Luc Dardenne -* Quand nous filmions Olivier Gourmet en plan serré dans « le Fils », nous essayions d'être dans sa tête sans y parvenir. C'est l'impossibilité du cinéma. Nous filmions souvent dans son dos pour éviter son regard et conserver un suspense sur ses actes. Dans Jeunes mères, nous sommes plus paisibles. Nous essayons d'être dans la douceur que demande le soin du bébé. Il faut être délicat avec un bébé et la caméra l'accompagne.
Nous sommes moins à l'arraché. Ce qui est filmé doit être en osmose avec la manière dont on filme. Avec Rosetta, on ne savait pas ce que serait demain, si elle avait un travail ou pas. Elle allait à gauche, à droite. Elle était toujours sur le qui-vive. Elle nous surprenait tout le temps comme elle était surprise par sa vie.
*C'est votre 10e sélection en compétition à Cannes. Vous avez eu la palme d'or pour « Rosetta », avec déjà une adolescente, Émilie Dequenne. Quel regard portez-vous vingt-six ans après sur ce film et sur Émilie Dequenne qui vient, hélas, de nous quitter ?*
*Luc Dardenne* - Mourir à l'âge d'Émilie, c'est évidemment inadmissible. C'est vraiment un sale coup, nous pensons à ses proches. On se souvient d'elle, on ne l'oublie pas et le fait que le Festival de Cannes ait décidé de passer notre film le dernier jour (le 23 mai – NDLR), comme Rosetta il y a vingt-six ans, est une décision que nous apprécions. Émilie sera là avec nous. Elle aimait la vie et aurait été la première à dire : « Place à ces cinq jeunes filles, ces cinq jeunes actrices qui comme moi sont là aujourd'hui dans le film des frères avec lesquels j'ai travaillé il y a vingt-six ans. »
Jeunes mères, de Luc et Jean-Pierre Dardenne, 1 h 45, Belgique. En salles le 23 mai en France.
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RD Congo. Quand pleurent les arbres de sang

L'artiste congolais Sammy Baloji vient de présenter son film L'Arbre de l'authenticité, qui revient – notamment – sur l'exploitation forestière du Congo et sur la trajectoire du biologiste Paul Panda Farnana. Un essai cinématographique puissant qui multiplie les allers-retours entre les années d'accaparement colonial et le présent d'un pays surexploité.
Tiré d'Afrique XXI.
Il suffit parfois d'une image pour faire brutalement rejaillir le passé. Dans L'Arbre de l'authenticité, film réalisé par l'artiste congolais Sammy Baloji, c'est un plan fixe de quelques secondes qui rappelle toute l'horreur d'une histoire que l'on aimerait cantonnée à jamais au XXe siècle. Le cadre est serré sur le tronc rugueux et blessé d'un arbre ; une main armée d'un couteau biseauté ôte habilement un long lambeau d'écorce ; aussitôt, la sève se met à couler, formant une rigole d'un blanc laiteux ; c'est du latex, que les hommes utilisent pour fabriquer le caoutchouc. Et cet « arbre qui pleure », c'est l'hévéa, dont on ne peut évoquer la culture sans penser aux atrocités de la colonisation belge au Congo et au sang, bien rouge celui-là, qu'elle fit couler. L'artiste, né en 1978 à Lubumbashi, confirme :
- L'image du caoutchouc offre différentes résonances. Dans l'histoire du Congo, cela fait bien entendu penser à la culture de l'hévéa et aux punitions corporelles qui y étaient associées au temps de Léopold II. Des punitions qui pouvaient aller jusqu'à l'amputation des bras et des mains pour ceux qui ne produisaient pas assez. Mais le caoutchouc renvoie aussi à son utilisation dans l'industrie militaire au cours des deux guerres mondiales. L'extraction ne concerne pas que les minerais, elle concerne toutes les ressources naturelles et humaines, elle concerne l'ensemble de l'environnement.
Comme le montre très bien la romancière Jennifer Richard dans ses livres Il est à toi ce beau pays et Notre royaume n'est pas de ce monde (Albin Michel, 2018 et 2022), l'exploitation sanguinaire du Congo a commencé avec l'ivoire à la fin du XIXe siècle, pour se poursuivre avec le caoutchouc, puis l'huile de palme et enfin les minerais tels le cuivre, l'or, le coltan, l'uranium, etc. Selon certaines estimations, quelque 10 millions de personnes auraient succombé à l'insatiable appétit occidental durant la période où l'« État indépendant du Congo » était la propriété privée du roi Léopold II, entre 1885 et 1908.
La guerre d'un côté, l'exploitation de l'autre
Depuis longtemps, Sammy Baloji travaille sur les industries extractives. Rien de tout à fait surprenant quand on est né dans le chef-lieu du Haut-Katanga, parfois surnommé la « capitale du cuivre ». S'il a d'abord photographié le patrimoine industriel et architectural de son pays, en lien avec la longue histoire coloniale, l'artiste privilégie désormais une approche multidisciplinaire mêlant images, sculptures, performances, films, éclairant les angles morts du passé à la lueur d'un regard contemporain.
Avec « Essay on Urban Planning », présenté dans le pavillon belge (construit sous Léopold II) lors de la Biennale de Venise de 2015, il opposait des images aériennes de Lubumbashi et des collections de mouches et de moustiques sous cadre. Une manière de montrer le cordon sanitaire mis en place par le colonisateur pour séparer les quartiers blancs des quartiers noirs, un couloir large de 700 mètres censé correspondre à la distance maximale qu'un moustique porteur du paludisme pouvait parcourir. Une manière de raconter aussi l'obligation faite aux ouvriers de rapporter à leur employeur cinquante mouches afin de pouvoir toucher leur ration de nourriture… Avec l'installation « 802. That is where, as you heard, the elephant danced the Malinga. The place where they now grow flowers », présentée à la galerie Imane Farès en 2016, Sammy Baloji exposait des douilles d'obus (en cuivre) servant de pot à des Ficus elastica, dits « figuiers à caoutchouc ». Encore une fois : la guerre d'un côté, l'exploitation de l'autre…
Avec L'Arbre de l'authenticité, présenté en France au mois d'avril, l'artiste continue de creuser son sillon dans le sous-sol et le passé congolais, concentrant cette fois son analyse sur les liens entre l'exploitation de la forêt, la manipulation des espèces et le changement climatique. L'idée du film est née de la lecture d'un article du Britannique Daniel Grossman paru dans The Guardian en septembre 2017. Dans son texte, Grossman raconte la découverte, par le biologiste belge de l'université de Gand Koen Hufkens, d'innombrables archives abandonnées dans un vieux bâtiment de la station biologique de Yangambi, qui fut autrefois l'une des plus prestigieuses institutions de recherche sur l'agriculture et la forêt en Afrique.
À la rencontre de Paul Panda Farnana
Parmi les trouvailles de Hufkens, de nombreux relevés compilés par des scientifiques pendant plus de vingt ans. « La collection contenait les observations hebdomadaires de 2 000 arbres entre 1937 et 1958, écrit Grossman. Les techniciens avaient méticuleusement noté quand les arbres fleurissaient, fructifiaient, lâchaient leurs fruits et perdaient leurs feuilles. » Combinées avec d'autres statistiques, comme celles concernant la pluviométrie ou les variations de température, ces données représentent un véritable trésor pour des chercheurs comme Hufkens qui s'intéressent aux réactions de la forêt face au changement climatique – et à la diminution des pluies tropicales. Grossman poursuit :
- Les jungles comme la forêt congolaise jouent un rôle critique dans le contrôle du niveau de réchauffement global ; la végétation absorbe environ 25 % du dioxyde de carbone que crachent nos pots d'échappement et nos cheminées. Les scientifiques estiment qu'une grande partie de ce CO2 fini stocké dans les troncs des arbres tropicaux, ceux du Congo, en retenant à eux seuls quelque 250 milliards de tonnes.
C'est d'ailleurs cet élément précis qui était à l'origine du voyage de Hufkens, puisqu'il avait alors dans l'idée d'installer à Yangambi une tour de mesure du flux de carbone.
Frappé par ce récit, Sammy Baloji a, comme à son habitude, remonté le fil de l'histoire dans la région de Yangambi, localité située sur la rive droite du Congo, dans la province de la Tshopo. Outre accueillir depuis la fin des années 1970 une réserve de biosphère de plus de 230 000 hectares, Yangambi est connu pour avoir abrité l'Inéac (Institut national pour l'étude agronomique du Congo belge), créé dans les années 1930. Mais l'artiste congolais est remonté plus loin encore dans le passé, ce qui lui a permis de rencontrer un personnage hors du commun et peu connu du grand public : l'agronome congolais Paul Panda Farnana, à qui toute la première partie du film est consacrée.
La probité des gens de ma race est mise en doute
L'Arbre de l'authenticité commence ainsi avec le monologue d'un homme né en 1888 à Nzemba, qui se raconte par la voix de l'acteur Edson Anibal (13 en colère, La nuit se traîne...) tandis que défilent des images contemporaines de la région tournées par Franck Moka (1). L'itinéraire de Paul Panda Farnana est exceptionnel : premier Congolais à avoir accompli des études supérieures en Belgique et en France, spécialiste des cultures tropicales diplômé en 1907, il a été nommé au Jardin botanique d'Eala, près de Coquilhatville (actuelle Mbandaka, dans le Nord-Ouest), en 1909, avant d'être nommé directeur de la station de Kalamu (commune de Kinshasa), en 1911. Un parcours de biologiste qui s'est heurté de plein fouet à la dure réalité coloniale :
- Même là, isolé dans la brousse, je rencontre l'hostilité. Monsieur Michiels, chef de culture de deuxième classe, vient me contrôler régulièrement. Il donne des ordres tous azimuts et il a même porté plainte contre moi auprès de la direction sans que cela ait une concordance avec les faits qui ont réellement eu lieu. Il me semble que les paroles de mes collègues blancs pèsent plus que les miennes. Je reçois réprimandes et blâmes pour tout et pour rien. Il m'est impossible d'émettre des idées. Je remarque que même pour ce qui concerne les plantes, la probité des gens de ma race semble toujours mise en doute. Je ressens une rage… Plutôt une fureur… Je pense sincèrement à quitter l'administration coloniale.
Les nombreux textes écrits par Paul Panda Farnana ont été repris, pour les besoins du film, par la scénariste Ellen Meiresonne, avec Sammy Baloji. Ils permettent de découvrir toute l'histoire de cet homme, racontée à la première personne : son emploi de biologiste, bien sûr, mais aussi son engagement dans la Première Guerre mondiale dans le Corps des volontaires congolais, son emprisonnement en Allemagne dans le camp de Soltau, puis son implication dans le mouvement panafricain qui le conduit à participer aux assises en 1919 au premier Congrès panafricain en compagnie de Blaise Diagne, alors député du Sénégal, et de W.E.B. Du Bois, le sociologue africain-américain à la tête de la National Association for the Advancement of Coloured People (NAACP). L'Arbre de l'authenticité permet de suivre l'ensemble de cet itinéraire engagé jusqu'au retour de Panda au Congo, dans son village natal, et sa mort inexpliquée en 1930, à l'âge de 41 ans. Une vie qui a déjà inspiré une bande dessinée (Paul Panda Farnana, une vie oubliée, par quatre auteurs congolais, chez Africalia), et un film (Panda Farnana, un Congolais qui dérange, de Françoise Levie, 2011).
Produire en quantité ce dont l'Occident a besoin
Si cette première partie du film couvre la période allant de 1909 à 1930, la deuxième commence durant la Seconde Guerre mondiale, en 1941. Les images tournées au Congo demeurent contemporaines mais, cette fois, c'est un administrateur belge qui s'exprime, un certain Abiron Beirnaert, interprété par Diederik Peeters (artiste et performeur), sur un texte écrit par David Van Reybrouck – l'auteur acclamé de Congo. Une histoire et de Revolusi. L'Indonésie et la naissance du monde moderne (tous deux traduits en français par Isabelle Rosselin, Actes Sud, 2012 et 2022).
Cette fois, le ton se fait plus lyrique, et le texte, aux accents proprement conradiens – on ne peut s'empêcher de penser à Au cœur des ténèbres du romancier d'origine polonaise –, plonge le spectateur dans l'ambiance délétère d'un poste de recherche coupé de tout tandis que le monde est à feu et à sang. Mais Sammy Baloji ne perd pas la ligne de son récit, puisqu'ici il est encore question d'environnement et de manipulation de la nature à des fins productivistes. Abiron Beirnaert prend la parole :
- J'ai presque 40 ans. Je suis le directeur de la section agriculture de la Station centrale d'essais de l'Institut national pour l'étude agronomique du Congo belge de Yangambi. Mes recherches expérimentales sur la culture du palmier à huile sont considérées comme pionnières dans toutes les colonies. En 1936, j'ai fait un voyage d'étude en Afrique de l'Ouest pour visiter les principaux instituts et les principales plantations. L'année dernière, j'ai été envoyé en Extrême-Orient pendant des mois ; en Malaisie britannique, en Indochine française, aux Indes néerlandaises pour étudier leurs méthodes de culture afin de voir comment augmenter notre production au Congo.
Quelques phrases qui suffisent pour comprendre toute la machinerie mise en place pour produire en quantité ce dont l'Occident a besoin – en l'occurrence de l'huile de palme – en imposant à un territoire qui n'en a pas l'usage une monoculture destructrice. Les recherches d'Abiron Beirnaert ont en effet conduit à la création d'une variété hybride de palmier, le Tenera, aux rendements plus élevés. L'homme, lui, a trouvé la mort dans un mystérieux accident de voiture, en mai 1941, quand sa voiture a quitté la route, entre Aketi et Bumba, pour s'écraser plus bas dans la rivière…
Je vois l'humanité combattre pour la suprématie
La nature, transformée, manipulée, exploitée jusqu'à l'épuisement n'a d'autre langage, pour faire valoir ses droits, que celui de son dérèglement. Inondations, sécheresses, réchauffement disent chaque jour, en silence, l'ampleur des déséquilibres créés de main d'homme. Dans la troisième et dernière partie de L'Arbre de l'authenticité, Sammy Baloji lui donne directement la parole. Et c'est à travers la voix d'un arbre qu'elle s'exprime :
- J'ai plus de 300 ans. Les scientifiques m'appellent Pachyelasma tessmannii. Mais ici, dans la forêt, les gens me nomment « lileko ». Je suis un témoin. Je vois l'humanité combattre pour la suprématie. J'écoute les hommes se battre avec des fusils et des lances. Je les regarde construire des hiérarchies de couleurs. J'expérimente en première ligne leur soif d'argent. J'observe les scientifiques aller et venir. Des hommes comme Paul Panda Farnana et Abiron Beirnaert.
S'adressant aux humains qui « n'ont pas le temps d'écouter les arbres », Pachyelasma tessmannii rappelle son histoire : il fut surnommé « l'arbre du roi » après que Léopold II s'était reposé sous son ombre, puis il fut qualifié d'« arbre de l'authenticité », « pilier de la nouvelle nation » par le maréchal Mobutu… « En réalité, tout le film est raconté par l'arbre, explique Baloji. Panda et Beirnaert sont des voix qu'il a captées au moment de leur passage, et ce dispositif me permet d'entrer directement dans le présent de Yangambi. » Ce présent, c'est un paysage modelé par l'action de l'homme, un environnement blessé et un pays toujours en guerre.
Mais l'artiste ne propose pas que le désespoir d'un présent où l'exploitation se poursuit sans vergogne : il sait que de la nature peut venir le salut. Si cet arbre bien particulier avoue que « [son] écorce tue les poissons » et que « [ses] feuilles mettent fin aux grossesses », il sait aussi que « [son] tronc stocke le carbone de l'air » et que certains agronomes essaient aujourd'hui de cultiver ses graines afin que ses jeunes pousses « sauvent le monde ». En un saisissant raccourci, Sammy Baloji filme successivement la haute stature d'un immense lileko et la structure métallique de la tour à flux de carbone de Yangambi, haute de 55 mètres et opérationnelle depuis 2020, qui a pour objectif de comprendre la contribution des forêts tropicales à l'atténuation du changement climatique. Lucide sur notre faible capacité à écouter les arbres pleurer, Sammy Baloji nous indique pourtant la voie à suivre : tendre l'oreille à ce que la nature nous hurle.
Notes
1- Franck Moka (1989, Kisangani) est un rappeur, compositeur, artiste sonore et cinéaste. Il vit et travaille à Kisangani.
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Soudan. Se souvenir de la révolution

Le film de Hind Meddeb retrace la révolution soudanaise qui a renversé la dictature d'Omar Al-Bachir en 2019. Projeté à Calais, il met également en lumière la tragédie actuelle : alors que des millions de Soudanais fuient la violence, ceux qui ont défié la tyrannie se heurtent à un nouveau combat en exil, marqué par le racisme et la stigmatisation en Europe. Le récit de leur révolution devient ainsi un appel à la mémoire et à la solidarité face à l'indifférence.
Tiré d'Orient XXI.
Voir la bande-annonce.
C'est un Khartoum méconnu : vivant, peuplé de jeunes gens qui peignent sur les murs, dansent, chantent et déclament des poèmes dans la rue, sourire aux lèvres. Face à ces scènes de joie, un frisson parcourt la salle de cinéma parisienne, ce lundi 5 mai. Sur l'écran, ils et elles parlent de démocratie, d'égalité, et surtout de liberté. Ils et elles viennent de faire tomber l'un des pires dictateurs au monde, Omar Al-Bachir, en avril 2019, qui a dirigé le Soudan d'une main de fer pendant trente ans. Ce Khartoum enchanté apparaît dans les premières minutes du documentaire de Hind Meddeb Soudan, souviens toi, sorti dans les salles françaises le 7 mai.
Pendant plusieurs mois, un mouvement de désobéissance a maintenu la pression sur les militaires pour exiger un gouvernement civil. Mais les Forces de soutien rapide dirigées par le général Mohamed Hamdan Dogolo, dit Hemetti, l'ancien tombeur d'Al-Bachir après en avoir été le bras armé, accusé de génocide au Darfour par les États-Unis (au moins 300 000 morts), répriment et tuent cette jeunesse pleine d'espoir. Le 3 juin 2019, les milices se filment en train de saccager les sit-in et de tuer (au moins 100 morts) plusieurs mois d'ivresse démocratique. « On a bien fait le travail », lance l'un d'eux, goguenard.
Le peuple se soulève de nouveau et ne se résigne pas. Après avoir fait tomber un dictateur, pourquoi ne parviendrait-il pas à tordre le bras de ceux qui veulent lui confisquer la révolution ? Mais les poèmes récités dans la rue pour galvaniser les foules ne peuvent rien face aux chars et aux armes automatiques. Las, Hemetti et le général Abdel Fatah Al-Burhan, après avoir un temps codirigé le pays, finissent par s'affronter, soutenus de part et d'autre par des puissances étrangères — dont les Émirats arabes unis — qui veulent accaparer les terres fertiles du Nil. Quelque 13 millions de Soudanais·es ont aujourd'hui fui leur domicile, ce qui fait d'eux la première nationalité de personnes déplacées au monde.
Ils avaient presque oublié qu'ils avaient renversé un dictateur
Le film a été projeté à Calais, en France. Cette ville est bien connue pour « accueillir » des milliers d'exilés qui, à partir de là, tentent de traverser la Manche pour rejoindre l'Angleterre. Au moins 76 d'entre eux ont péri en mer en 2024. Une centaine de Soudanais sont venus voir le documentaire. « Ils m'ont expliqué qu'ils étaient très émus de revoir les images de la révolution, relate Hind Meddeb, certains d'entre eux m'ont dit qu'ils avaient presque oublié ce qu'ils avaient fait : renverser un dictateur. »
Ces jeunes hommes et ces jeunes femmes – ces dernières, privées de tout sous Al-Bachir, sont particulièrement mises en avant dans le film car elles ont joué un rôle déterminant dans les évènements – ont bravé la mort pour atteindre un idéal : la démocratie. Ils et elles savent qu'une révolution n'est pas un aboutissement, mais bien souvent une étape dans un long processus ponctué de répressions et de coups d'État. « Le Soudan est un exemple dans le monde arabe », affirme Hind Meddeb, qui rappelle que le pays a connu trois révolutions depuis l'indépendance – et quelques parenthèses démocratiques.
Coupables d'être musulmans
Mais plutôt que d'applaudir les héros soudanais parce qu'ils ont lutté contre l'abjection et montré la voie de la liberté, parfois au prix de leur vie — « Vous pouvez me tuer, mais pas mes idées », était l'un des slogans de la révolution —, plutôt que de louer leur courage et de les accueillir dignement en Europe et en France, les services policiers les soumettent à un harcèlement quotidien. Le pouvoir français les désigne avant tout comme des « migrants » qui n'auraient pas vocation à rester, comme des « envahisseurs », et agite la rhétorique raciste du « grand remplacement » et de la « submersion migratoire ». Ils s'en prennent à une communauté dont la culture ne serait pas « compatible » avec les valeurs françaises.
Ils sont aussi et surtout coupables d'être musulmans dans un pays où l'islam est constamment dénigré. Il faut pourtant entendre ces jeunes, en 2019, demander en criant un Soudan multireligieux et débarrassé du tribalisme. « Ils ne rejettent pas la religion mais refusent qu'elle soit instrumentalisée », rappelle encore la réalisatrice. « Toutes et tous n'aspirent qu'à une seule chose : vivre chez eux, dans un pays démocratique. » En France, l'ignorance et la propagande rejettent, trient, accusent, soupçonnent, matraquent. La répression coule les embarcations de fortune pour entraver la liberté de circuler de celles et ceux qui rêvent d'un avenir loin des tueries de Khartoum… Une sale besogne rétribuée plus d'un demi-milliard d'euros par l'Angleterre.
Pas un responsable politique, des deux côtés de la Manche, n'a une once du courage de ces exilé·es. Après avoir affronté la dictature, l'avoir renversée, avoir bravé la répression, finalement pris le chemin de l'exil alors que la situation était inextricable, échappé à la mort dans les camps libyens, survécu miraculeusement à la traversée de la Méditerranée, les tombeurs d'Al-Bachir se retrouvent à nouveau sous les coups, dans un pays qui, pourtant, a nourri leur vision révolutionnaire : 1789 et la Révolution française sont, selon Hind Meddeb, au cœur de leurs références. Lorsque ces jeunes gens reviendront libérer le Soudan — ce qu'ils veulent tous —, pas sûr que « le modèle français » les inspire encore.
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Comptes rendus de lecture du mardi 20 mai 2025


La simplicité volontaire, plus que jamais...
Serge Mongeau
Serge Mongeau, le père de la simplicité volontaire, nous a quittés à l'âge de 88 ans, il y a une dizaine de jours. Militant écologiste, éditeur et auteur, médecin, il aura grandement influencé de nombreux lecteurs de ma génération et permis la création de mouvements comme le Réseau québécois de la simplicité volontaire, le Mouvement québécois pour une décroissance conviviale et le réseau Transition Québec. Je garde un bon souvenir de notre rencontre, il y a plusieurs années, lors d'un salon du livre. Publié à plusieurs reprises depuis 1985, son ouvrage le plus connu, « La simplicité volontaire », nous fait réfléchir sur notre rapport à la consommation et notre pouvoir d'organiser notre vie d'une façon différente. L'auteur y questionne la société de consommation, mais aussi notre état d'aliénation devant ces nombreuses sollicitations pour toujours posséder davantage. Un très bon bouquin de référence à lire et à relire.
Extrait :
Jamais l'humanité n'a disposé d'autant de richesses, jamais elle n'a possédé de techniques aussi efficaces et puissantes, jamais elle n'a maîtrisé un tel savoir, et pourtant jamais au cours de l'Histoire autant d'êtres humains n'ont été privés de l'essentiel, jamais non plus n'a-t-on prévu dans un avenir si proche autant de changements catastrophiques de l'équilibre naturel, changements dus à l'activité humaine. Les appels à l'action fusent de toutes parts, pour la justice sociale, pour la solidarité, pour le respect de la nature, mais rien n'y fait : ce sont les entreprises multinationales qui contrôlent le monde et, avec la complicité des gouvernements qui se soumettent à leurs desiderata, établissent les priorités nationales et internationales, lesquelles se résument à « profits », « compétitivité » et « libre-échange ».

Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes
Jean-Jacques Rousseau
J'ai été heureux de réaliser récemment que l'on enseignait encore au cégep le « Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes » de Jean-Jacques Rousseau. C'est, avec le « Contrat social », l'un des principaux ouvrages du grand écrivain et philosophe du XVIIIe siècle. Rousseau y développe sa conception de l'état de nature, qui précède l'État, et de la perfectibilité humaine. Précurseur de la pensée progressiste, il y décrit la propriété privée, dans son sens exact, comme la source de toutes les inégalités. Une œuvre fondamentale !
Extrait :
Voilà donc toutes nos facultés développées, la mémoire et l'imagination en jeu, l'amour-propre intéressé, la raison rendue active et l'esprit arrivé presque au terme de la perfection, dont il est susceptible. Voilà toutes les qualités naturelles mises en action, le rang et le sort de chaque homme établi, non seulement sur la quantité des biens et le pouvoir de servir ou de nuire, mais sur l'esprit, la beauté, la force ou l'adresse, sur le mérite ou les talents, et ces qualités étant les seules qui pouvaient attirer de la considération, il fallut bientôt les avoir ou les affecter, il fallut pour son avantage se montrer autre que ce qu'on était en effet. Être et paraître devinrent deux choses tout à fait différentes, et de cette distinction sortirent le faste imposant, la ruse trompeuse, et tous les vices qui en sont le cortège. D'un autre côté, de libre et indépendant qu'était auparavant l'homme, le voilà par une multitude de nouveaux besoins assujetti, pour ainsi dire, à toute la nature, et surtout à ses semblables dont il devient l'esclave en un sens, même en devenant leur maître ; riche, il a besoin de leurs services ; pauvre, il a besoin de leur secours, et la médiocrité ne le met point en état de se passer d'eux. Il faut donc qu'il cherche sans cesse à les intéresser à son sort, et à leur faire trouver, en effet ou en apparence, leur profit à travailler pour le sien : ce qui le rend fourbe et artificieux avec les uns, impérieux et dur avec les autres, et le met dans la nécessité d'abuser tous ceux dont il a besoin, quand il ne peut s'en faire craindre, et qu'il ne trouve pas son intérêt à les servir utilement. Enfin l'ambition dévorante, l'ardeur d'élever sa fortune relative, moins par un véritable besoin que pour se mettre au-dessus des autres, inspire à tous les hommes un noir penchant à se nuire mutuellement, une jalousie secrète d'autant plus dangereuse que, pour faire son coup plus en sûreté, elle prend souvent le masque de la bienveillance ; en un mot, concurrence et rivalité d'une part, de l'autre opposition d'intérêt, et toujours le désir caché de faire son profit aux dépens d'autrui, tous ces maux sont le premier effet de la propriété et le cortège inséparable de l'inégalité naissante.

La Petite Fadette
George Sand
George Sand, de son vrai nom Amantine Aurore Lucile Dupin, compte parmi les écrivains les plus prolifiques. On lui doit plus de 70 romans, des nouvelles, des contes, des pièces de théâtre et des écrits politiques. Elle fut une femme libre, prenant la part des femmes, prônant la passion, fustigeant le mariage et luttant contre les préjugés de la société conservatrice de son temps. « La Petite Fadette » est l'un de ses romans champêtres qui s'intéresse aux monde paysan. La Petite Fadette, Fanchon Fadet, fille laide que l'on surnomme aussi le Grelet, est la petite-fille d'une sorcière de village. On lui donne mauvaise réputation en raison des pouvoirs de sourcière qu'on lui attribue elle aussi. Mais lentement, sûrement, dans une longue et belle ascension, elle deviendra la jeune femme dont les jumeaux Landry et Sylvinet s'éprendront. Vraiment, un très beau roman, comme probablement tous les romans de George Sand.
Extrait :
Eh bien, Fanchon Fadet, puisque tu parles si raisonnablement, et que, pour la première fois de ta vie, je te vois douce et traitable, je vas te dire pourquoi on ne te respecte pas comme une fille de seize ans devrait pouvoir l'exiger. C'est que tu n'as rien d'une fille et tout d'un garçon, dans ton air et dans tes manières ; c'est que tu ne prend pas soin de ta personne. Pour commencer, tu n'as point l'air propre et soigneux, et tu te fais paraître laide par ton habillement et ton langage. Tu sais bien que les enfants t'appellent d'un nom encore plus déplaisant que celui de grelet. Ils t'appellent souvent le màlot. Eh bien, crois-tu que ce soit à propos, à seize ans, de ne point ressembler encore à une fille ? Tu montes sur les arbres comme un vrai chat-écurieux, et quand tu sautes sur une jument, sans bride ni selle, tu la fais galoper comme si le diable était dessus. C'est bon d'être forte et leste ; c'est aussi bon de n'avoir peur de rien, et c'est un avantage de nature pour un homme. Mais pour une femme trop est trop, et tu as l'air de vouloir te faire remarquer. Aussi on te remarque, on te taquine, on crie après toi comme après un loup. Tu as de l'esprit et tu réponds des malices qui font rire ceux à qui elles ne s'adressent point. C'est encore bon d'avoir plus d'esprit que les autres ; mais à force de le montrer, on se fait des ennemis. Tu es curieuse, et quand tu as surpris les secrets des autres, tu les leurs jettes à la figure bien durement, aussitôt que tu as à te plaindre d'eux. Cela te fais craindre, et on déteste ceux qu'on craint. On leur rend plus de mal qu'ils n'en font. Enfin, que tu sois sorcière ou non, je veux croire que tu as des connaissances, mais j'espère que tu ne t'es pas donnée aux mauvais esprits ; tu cherches à le paraître pour effrayer ceux qui te fâchent, et c'est toujours un assez vilain renom que tu te donnes là. Voilà tous tes torts, Fanchon Fadet, et c'est à cause de ces torts-là que les gens en ont avec toi. Rumine un peu la chose, et tu verras que si tu voulais être un peu plus comme les autres, on te saurait plus de gré de ce que tu as de plus qu'eux dans ton entendement.
Robespierre - La fabrication d'un monstre
Jean-Clément Martin
C'est bien évidemment la première biographie que je lisais de Maximilien de Robespierre, qui devait plus tard lui-même se renommer Maximilien Robespierre, l'un des principaux et des plus controversés acteurs de la Révolution française. Le livre est décidément très instructif et réussit bien, comme le veut l'auteur, à remettre les choses en perspective quant au rôle de Robespierre au cours des années 1789-1994, mais le texte est tellement dense, détaillé et chronologique plutôt qu'explicatif, qu'on à parfois de la peine à suivre l'auteur. Mais « Robespierre – La fabrication d'un monstre » est tous compte fait une biographie honnête et éclairante qui contribue à nous prémunir contre les jugements faciles.
Extrait :
Comment un jeune notable est-il devenu l'élu des savetiers ? Reconnaissons que rien ne prédisposait Robespierre à cette évolution. Alors qu'il jouissait d'une position sociale reconnue dans sa ville, il rompt avec son milieu, ou tout au moins ses grandes figures. C'est ce passage complexe qu'il faut expliquer, sans rester en tête à tête avec Maximilien, puisqu'il partage un itinéraire avec beaucoup d'autres de ses semblables, jeunes avocats talentueux, ambitieux et mécontents de leur sort.
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Gaza, génocide annoncé – Un tournant dans l’histoire mondiale

Gilbert Achcar
La nouvelle catastrophe subie par le peuple palestinien à Gaza est pire que la Nakba de 1948. C'est le premier génocide perpétré par un État industriel avancé depuis 1945, avec la participation des États-Unis et le soutien de l'Occident, France incluse.
Gilbert Achcar montre que ce génocide n'est ni un accident de l'histoire ni essentiellement une réaction aux tueries perpétrées par le Hamas le 7 octobre 2023, mais qu'il était inscrit dans la trajectoire de l'État sioniste depuis sa fondation. L'auteur analyse le processus historique qui a conduit à la catastrophe actuelle et mène une investigation rigoureuse et documentée de ses conséquences pour la population palestinienne, les peuples de la région et pour les relations internationales dans leur ensemble.
Gilbert Achcar est chercheur franco-libanais, professeur émérite à l'École des études orientales et africaines (SOAS) de l'université de Londres et collaborateur régulier du Monde
diplomatique.
Commentaires de l'édition anglaise
« Adoptant à la fois grand angle et vision rapprochée, le recueil d'essais bouleversants et perspicaces de Gilbert Achcar met en lumière les facteurs historiques et politiques qui ont permis le génocide israélien des Palestiniens de Gaza. Montrant le lien entre le soutien occidental à l'atroce guerre menée par Israël et la banalisation de l'extrême droite mondiale, Achcar ne se contente pas d'analyser la tragédie et de l'interpréter. Il propose également des pistes possibles pour un changement positif qui atténuent quelque peu l'avenir sombre qu'il entrevoit. »
Amira Hass, correspondante de Haaretz pour les territoires occupés de 1967 et autrice de Boire la mer à Gaza.
« Rendant compte et analysant de façon originale et opportune le génocide de Gaza sous de multiples angles, cet ouvrage offre une exploration minutieuse du sens, de la connotation, du contexte et des liens coloniaux qui ont convergé dans cette étroite bande de terre. Gaza, génocide annoncé est l'examen la plus approfondi et le plus complet de ce génocide en rapport avec la Shoah. Considérant le génocide de Gaza comme une conséquence prévisible de l'histoire récente, Achcar tient compte du contexte historique tout au long de son analyse, jusqu'à la toute dernière page. »
Khaled Hroub, chroniqueur et auteur de Hamas : A Beginner's Guide
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La campagne du salaire au travail ménager...

LA CAMPAGNE DU SALAIRE AU TRAVAIL MÉNAGER
Parution le 13 mai 2025 au Québec
Parution le 30 mai 2025 en Europe
https://www.editions-rm.ca/livres/wages-for-housework-la-campagne-du-salaire-au-travail-menager/#tab-description
Présentée par Louise Toupin ·
Avec des textes de Selma James, Mariarosa Dalla Costa, Silvia Federici, Leopoldina Fortunati, Wilmette Brown, Gisela Bock et Barbara Duden, Maria Pia Turri, Wages Due Collective, Black Women for Wages for Housework, Collectif L'Insoumise, Sylvie Dupont et Valérie Simard.
« Nous voulons un salaire pour chaque toilette sale, pour chaque naissance difficile, pour chaque agression sexuelle, pour chaque tasse de café, et pour chaque sourire. »
Si certains écrits de Selma James, de Mariarosa Dalla Costa et de Silvia Federici – instigatrices de la campagne Wages for Housework – ont été traduits en français, aucune anthologie réunissant les textes clés de cette « Internationale des femmes » n'avait jusqu'ici été publiée. C'est ce que propose l'autrice et chercheuse Louise Toupin, après avoir contribué à sauver de l'oubli cette pensée féministe révolutionnaire. Les textes de ces penseuses de premier plan, dont certains sont inédits en français, témoignent de l'originalité et de la force politique du courant de la reproduction sociale. Avant l'heure, ce mouvement proposait une grille d'analyse à l'intersection des questions de genre, de sexe, de race et de classe.
© Chloé Charbonnier
Militante du Front de libération des femmes du Québec (1969-1971) et cofondatrice des Éditions du remue-ménage, LOUISE TOUPIN est chercheuse indépendante et auteure de Le salaire au travail ménager : chronique d'une lutte féministe internationale, 1972-1977 (Remue-ménage, 2014). Elle est en outre coauteure de trois anthologies de textes de militantes féministes publiées aux Éditions du remue-ménage : Québécoises Deboutte ! (1982-1983, avec Véronique O'Leary), La pensée féministe au Québec (2003, avec Micheline Dumont), et de Luttes XXX (2011, avec Maria Nengeh Mensah et Claire Thiboutot). Son livre, Le salaire au travail ménager.Chronique d'une lutte féministe internationale, 1972-1977 est traduit en anglais, en espagnol, en allemand et en italien.
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Introduction au livre de Joseph Daher : Gaza : un génocide en cours

Alors que l'écriture de ce livre prenait fin, en janvier 2025, l'État d'apartheid, colonial et raciste d'Israël signait un cessez-le-feu avec l'organisation palestinienne Hamas, suspendant temporairement la guerre génocidaire menée contre la population de la bande de Gaza à la suite de l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023 [1].
17 mai 2025 | tiré d'entre les lignes entre les mots
Quelques jours après l'entrée en vigueur de l'accord de cessez-le-feu, le 19 janvier 2025, et la fin du blocage par les autorités d'occupation israéliennes du corridor de Netzarm – qui coupe le territoire en deux, de la frontière israélienne jusqu'à la mer –, des centaines de milliers de personnes palestiniennes déplacées regagnaient le nord de la zone, quand bien même leurs maisons étaient probablement détruites. La trêve est cependant fragile, alors que les menaces et pressions israéliennes, avec le soutien des États-Unis, se poursuivent contre les Palestiniens de la bande de Gaza[2].
Les 2,4 millions d'habitantes et habitants de la bande de Gaza ont vécu depuis octobre 2023 sous des bombardements israéliens constants et d'une violence sans précédent jusqu'à la conclusion de l'accord de cessez-le-feu. Plus de 2 millions de Palestiniennes et Palestiniens ont été déplacés dans le territoire, soit près de 90% de sa population totale. La très grande majorité d'entre elles et eux a été logée dans des tentes de fortune, particulièrement inadaptées aux conditions hivernales.
À la suite de la conclusion du cessez-le-feu, le bilan officiel s'élevait à 61 709 morts – dont 17 881 enfants – et au moins 111 588 blessés. Mais malheureusement, le chiffre est probablement bien plus élevé. Un article publié en juillet 2024 par la revue scientifique médicale britannique The Lancet suggérait que l'attaque alors en cours pourrait d'ores et déjà conduire à 186 000 décès palestiniens. Dans un article paru dans le quotidien The Guardian en septembre, Devi Sridhar, présidente du département de santé publique mondiale à l'université d'Édimbourg, estimait que si la mortalité à Gaza devait se poursuivre au rythme actuel – environ 23 000 décès par mois –, elle pourrait au total atteindre environ 335 500 décès.
Selon un rapport de la Banque mondiale publié à la mi-décembre 2024, 90% de la population dans la bande de Gaza est confrontée à une insécurité alimentaire marquée, dont 875 000 personnes en situation d'urgence et 345 000 personnes en situation d'urgence absolue. En outre, près de 90 % des logements ont été détruits ou sévèrement endommagés. Plus largement, c'est l'ensemble des structures de base du territoire qui sont désormais anéanties : les réseaux de communication sont presque complètement détruits, malgré les efforts des opérateurs locaux pour maintenir de la connectivité ; le secteur privé est également largement réduit à néant, avec plus de 88 % des entreprises détruites ou endommagées, tout comme 70% du réseau routier ; certains secteurs d'activité, tels que l'agriculture ou la pêche, la construction, l'industrie, le transport ou la finance, n'existent tout simplement plus sur le territoire. Le chef du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), Achim Steiner, a en effet déclaré à la suite du cessez-le-feu que son organisation estimait qu'environ deux tiers de toutes les constructions ont été détruites ou endommagées par les intenses bombardements de l'armée d'occupation israélienne. Il a ajouté qu'« environ soixante ans de développement ont été perdus dans ce conflit en quinze mois[3] ». La reconstruction de la bande de Gaza pourrait prendre trois cent cinquante ans si le blocus reste en place et était estimée à plus de 53 milliards de dollars[4].
La guerre contre la bande de Gaza constitue sans aucun doute une nouvelle Nakba (catastrophe), encore plus destructrice et meurtrière que celle de 1948, au cours de laquelle plus de 700 000 Palestiniennes et Palestiniens ont été chassés de force de leurs foyers et sont devenus des réfugiés. Ce processus de nettoyage ethnique et d'entreprise génocidaire, qui ne s'est jamais interrompu, s'est poursuivi de manière extrêmement violente durant quinze mois.
En outre, ce livre cherche à inscrire l'histoire de l'oppression des Palestiniennes et Palestiniens par l'État d'Israël dans une approche régionale et internationale. Ainsi, dans sa première partie, qui propose une analyse historique de la trajectoire de la question palestinienne, l'ouvrage examine également le rôle historique joué par l'État d'Israël au Proche-Orient au service de l'impérialisme occidental, et plus particulièrement de la défense des intérêts des États-Unis.
Dans sa deuxième partie, l'ouvrage examine ensuite l'extension de la guerre israélienne au Liban après le 7 octobre 2023, mais plus particulièrement à la suite de l'accélération de la violence israélienne à la mi-septembre 2024. Dans cette partie, nous revenons également brièvement sur l'histoire des agressions et des occupations israéliennes au Liban, dans lesquelles trouve son origine le Hezbollah libanais.
Dans la troisième partie, la chute du régime Assad, au pouvoir en Syrie depuis 1970, est analysée, ainsi que les défis qui se présentent pour les aspirations démocratiques et sociales des classes populaires syriennes.
Dans la section suivante, nous examinons l'impact de la guerre sur les dynamiques politiques régionales du Proche-Orient et différents protagonistes régionaux, comme les monarchies du Golfe, l'Égypte et la Jordanie, ainsi que sur l'Iran et son réseau d'influence régionale.
Finalement, nous abordons la question de la solidarité internationale, ainsi que son importance cruciale dans le cadre de la libération de la Palestine et les liens de cette dernière avec la libération des classes populaires régionales.
Joseph Daher : Gaza : un génocide en cours
Editions Syllepse, Paris 2025, 168 pages, 12 euros
https://www.syllepse.net/gaza-un-genocide-en-cours-_r_25_i_1112.html
Notes
1 Il est à noter également que de nombreux civils israéliens enlevés le 7 octobre 2023 ont été tués par les forces d'occupation israéliennes, notamment du fait de tirs d'obus de char sur des maisons où des Israéliens étaient détenus.
2 L'accord de trêve comprend trois phases devant mener à un arrêt complet des violences israéliennes contre la bande de Gaza et sa reconstruction sur un plan long terme, mais le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a affirmé à plusieurs reprises que son pays gardait « le droit de reprendre la guerre » contre le Hamas à tout moment avec l'appui des États-Unis. Début mars 2025, il a d'ailleurs annoncé le blocage de toute aide humanitaire à la fin de la première phase de l'accord de cessez-le-feu.
3 L'ONU estime que si la tendance de croissance de 0,4% observée entre 2007 et 2022 devait se poursuivre, il faudrait pas moins de 350 ans pour que le territoire retrouve les niveaux de PIB de 2022. AFP, « La guerre a effacé 60 ans de développement à Gaza, dit un haut responsable de l'ONU », 25 janvier 2025,
www.lorientlejour.com/article/1445030/la-guerre-a-efface-60-ans-de-developpement-a-gaza-dit-un-haut-responsable-de-lonu-entretien.html
4 « Plus de 50 milliards de dollars nécessaires pour la reconstruction de Gaza », 20 février 2025,
www.lorientlejour.com/article/1448574/update-1-more-than-50-billion-needed-to-rebuild-gaza-world-bank-joint-assessment-says.html
P.-S.
Avec l'aimable autorisation des Editions Syllepse
Via
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/05/17/introduction-au-livre-de-joseph-daher-gaza-un-genocide-en-cours/

« Israël veut couper tout lien des Palestiniens avec leur terre »

La bande de Gaza est confrontée à « un génocide, un écocide et un futuricide », dénonce l'historienne et politiste Stéphanie Latte Abdallah. Elle a dirigé l'ouvrage collectif « Gaza, une guerre coloniale », paru le 14 mai.
Tiré de Reporterre. Photo : Des ruines autour du camp d'Al Bureij, dans le centre de la Bande de Gaza, le 2 février 2025. Moiz Salhi/Middle East Images/AFP.
Stéphanie Latte Abdallah est historienne et politiste. Elle étudie le Moyen-Orient et les sociétés arabes, s'intéressant notamment aux alternatives sociales et écologiques. Directrice de recherche au CNRS, elle a dirigé avec Véronique Bontemps l'ouvrage collectif Gaza, Une guerre coloniale, paru le 14 mai aux éditions Actes Sud.
Reporterre — Y a-t-il un génocide à Gaza ?
Stéphanie Latte Abdallah — La Cour internationale de justice a pris entre janvier et mai 2024 quatre ordonnances dans l'affaire portée par l'Afrique du Sud mettant en cause l'État israélien pour génocide. À chaque fois, elles ont demandé des mesures conservatoires pour l'empêcher. Ces mesures conservatoires n'ont pas été appliquées. Il apparaît donc clair, de surcroît avec les développements ultérieurs, notamment l'utilisation de la famine comme arme de guerre, et avec le siège total imposé depuis le 2 mars, qu'il s'agit bien d'un cas de génocide.
Aujourd'hui, on compte presque 53 000 tués dans la bande de Gaza et 120 000 blessés, selon les chiffres fournis par le ministère de la Santé gazaoui, corroborés par l'ONU. Mais différentes projections font état de chiffres bien supérieurs, notamment en raison de milliers de personnes dont les corps sont bloqués sous les décombres, mais aussi des morts indirectes causées par la famine, par la destruction des infrastructures de santé, qui rend impossible de se faire soigner, par un ensemble de maladies chroniques qui ne peuvent être traitées, dont celles causées par la pollution des eaux, etc.
« La pollution des eaux, des sols et de la mer est dramatique »
Une étude publiée dans le journal scientifique The Lancet estimait déjà en juillet 2024 le nombre total de morts à 186 000. On serait donc a minima autour de 200 000 morts, soit 8 à 10 % de la population de la bande de Gaza. C'est absolument terrifiant.
Peut-on aussi parler d'un écocide ?
Oui. Le militaire et les guerres génèrent une très forte toxicité. Cette guerre a ainsi produit une quantité énorme de gaz à effet de serre. Durant les seuls trois premiers mois, du fait des avions de bombardement et de reconnaissance, des drones, on a comptabilisé une émission de CO2 équivalente à celle d'entre 20 et 33 pays à plus faibles émissions pendant un an. 85 000 tonnes de bombes ont été larguées sur ce petit territoire de 360 km2 [à peine plus de trois fois la superficie de Paris] entre octobre 2023 et décembre 2024. Des bombes de deux tonnes ont été employées, ainsi que des bombes au phosphore. Quantité d'entre elles n'ont pas explosé.
Les destructions ont créé plus de cinquante millions de tonnes de gravats, sans compter plus de 350 000 tonnes de déchets qui s'amoncellent. La pollution des eaux, des sols et de la mer est dramatique. Des experts avaient analysé le sol de la bande de Gaza en 2014, après des bombardements qui avaient duré cinquante-et-un jours, et il était déjà toxique. On est aujourd'hui dans une situation sans commune mesure.
« La production agricole, qui permettait une relative autonomie, a été quasiment réduite à néant »
Près de 70 % des zones agricoles ont été rasées et, pour une large partie, sont devenues des zones militaires. Toutes les usines de traitement de l'eau ont été touchées. 83 % des végétaux ont été détruits, l'ensemble de l'élevage (volailles, ovins, caprins) a été décimé, soit par la guerre, soit en raison de la famine pour une consommation immédiate. La production agricole, qui permettait une relative autonomie alimentaire de la bande de Gaza, a été quasiment réduite à néant : entre 70 et 80 % des terres cultivables ont été détruites, de même que les fermes, les puits, les serres, les systèmes d'irrigation... Mais au-delà de l'écocide, je parle aussi d'un « futuricide ».
Que voulez-vous dire par là ?
On détruit le présent, on veut agir sur le passé, l'appartenance, mais aussi sur le futur. Par l'écocide et la destruction de toutes les infrastructures vitales, mais aussi par la destruction des écoles, des universités, des lieux culturels, en s'attaquant également aux souvenirs, aux traces, aux morts même dans les cimetières, le gouvernement israélien entend couper tout lien des Palestiniens et des Palestiniennes de Gaza avec leur terre et les effacer, les arracher au lieu.
Les projets qui sont discutés et qui ont commencé à être mis en œuvre sont ceux d'une occupation durable [70 % de la bande de Gaza est occupée militairement ou soumise à des ordres d'évacuation], d'une nouvelle colonisation assortie de la déportation des Palestiniens dans d'autres pays. Cela place les personnes dans une incertitude que je qualifie de radicale et entend occuper aussi l'espace de projection dans un futur vivable dans ce lieu : cette futurité coloniale est un futuricide pour les Gazaouis, puisqu'ils en seraient exclus. Les colonialismes de peuplement se sont élaborés sur des futuricides des populations autochtones.
Pourquoi l'État israélien se comporte-t-il de façon si abominable ?
Au fil des guerres conduites par Israël contre Gaza, on a observé un abaissement progressif du souci d'éviter ce qui est nommé par ce terme atroce de « dommages collatéraux », pour finalement viser la population civile, véritable objectif de cette guerre. En 2006, a été formulée, à partir de la guerre faite au Liban, la doctrine militaire Dahiya. Elle indique que, pour affaiblir vraiment l'adversaire, il faut viser les infrastructures et les civils, pour pousser la population à se retourner contre le Hezbollah et, ici, le Hamas.
De plus, l'armée israélienne cherche maintenant à éviter au maximum les pertes pour maximiser l'acceptabilité de la guerre auprès de la population israélienne — d'autant qu'elle s'appuie beaucoup sur les réservistes — donc à éviter le corps-à-corps. La guerre est conduite surtout par le ciel, par les drones et les avions de bombardement, mais avec des bombes de diverses précisions, parce que les bombes précises sont plus chères.
« Ce gouvernement ne cache pas son racisme, ni ses intentions »
Quand on vise des personnes qu'on considère de moindre importance, on utilise des bombes peu précises, qui touchent très largement les civils. L'artillerie, elle aussi peu précise, a été privilégiée. Et puis, l'intelligence artificielle s'en est mêlée, pour automatiser la recherche et la destruction des cibles. Pour le dire vite, c'est une forme de néolibéralisation de la guerre : il faut aller vite, pouvoir afficher un certain nombre de cibles atteintes, tout en se déresponsabilisant par la technologie et la mise à distance.
Peut-on dire qu'il y a une désinhibition israélienne à l'égard des effets de la guerre ?
Ah oui, très clairement. Et puis la guerre est menée par un gouvernement d'extrême droite, dont un grand nombre de ministres sont suprémacistes, qui ne fait pas mystère de ses intentions. Les Palestiniens sont à leurs yeux complètement déshumanisés.
Ils considèrent que les Palestiniens sont une race inférieure ?
C'est exprimé très clairement. L'ancien ministre de la Défense Yoav Gallant a lui-même parlé des Palestiniens comme d'« animaux humains » et les déclarations en ce sens des dirigeants israéliens sont très nombreuses. Ce gouvernement ne cache pas son racisme, ni ses intentions.
Une autre raison de la détermination israélienne serait la présence de ressources pétrolières au large de Gaza. Qu'en est-il ?
Il y a deux grands champs gaziers et pétroliers au large du Liban, d'Israël, mais aussi de Gaza : Leviathan et Karish. Au large de Gaza, les réserves pétrolières seraient de 1,7 milliard de barils, selon les chiffres publiés en 2019 par la Cnuced [Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement]. Il est déjà exploité par Israël depuis 2022 sur sa partie nord, en accord avec le Liban. Mais il y a toute une partie qui ne l'est pas, notamment le long des côtes gazaouies.
On peut donc se demander si l'une des intentions de cette guerre n'est pas aussi de s'approprier l'ensemble du champ. Avec la guerre en Ukraine, il s'est produit une redirection de l'approvisionnement en gaz, Israël en a bénéficié et se voit comme un fournisseur potentiel important de l'Europe. L'extractivisme participe de l'écocide.
Ce qui se passe à Gaza ne présage-t-il pas ce que pourrait devenir un capitalisme totalement autoritaire et violent ?
Je crois que oui. Un capitalisme néolibéral, militarisé, violent, couplé à un humanitaire militarisé, puisque c'est ce qu'ils veulent mettre en place, en empêchant toute forme d'autonomie au territoire. La dépendance de la bande de Gaza a été mise en place au fil du temps et prend une tournure dramatique aujourd'hui avec un siège hermétique.
« En Israël, la militarisation de l'économie va s'accroître plus encore avec ce conflit »
On constate d'ailleurs des coopérations fortes entre l'armée israélienne — notamment son unité 8200, spécialisée dans la tech — et Microsoft et OpenAI. Microsoft est un partenaire de l'armée israélienne de longue date et, sans cette entreprise — et d'autres de la Silicon Valley — l'armée ne pourrait pas avoir développé ces nouvelles technologies et plateformes léthales, ni conduire cette guerre high-tech avec l'utilisation de l'intelligence artificielle, qui produit des assassinats de masse. En retour, en Israël, la militarisation de l'économie va s'accroître plus encore avec ce conflit. À une échelle plus globale, une économie plus militarisée encore est en train de s'installer.
Dans le livre que vous codirigez, on lit une histoire très forte qui montre comment, malgré toutes les destructions de la guerre, des paysans ont réussi à relancer une production agricole, marginale, mais réelle. Cela signifie-t-il qu'il sera possible de restaurer Gaza ? Cela ne dément-il pas le concept de futuricide ?
Bien sûr qu'il sera possible de restaurer. Le futuricide est une intention israélienne, cela ne veut pas dire qu'elle sera réalisée. Et il est de la responsabilité morale et politique de la communauté internationale, de l'Europe, de la France, d'agir enfin pour l'empêcher. Les Palestiniens inventent chaque jour des possibilités et des initiatives matérielles et concrètes, artistiques, créatrices, d'envisager l'avenir sur cette terre.
Se projeter dans un avenir, c'est aller contre la futurité coloniale, ne pas l'accepter. Il y a, malgré tout, une énergie impressionnante. Des histoires comme celle-ci sont nombreuses. Un poème de l'universitaire et poète Refaat Alareer, qui a été assassiné par l'armée israélienne le 6 décembre 2024, dit : « Si il est écrit que je dois mourir, alors que ma vie apporte l'espoir, que ma mort devienne un conte ». Il signifie que tant que seront transmises les histoires des gens et de la vie en ce lieu, tout sera possible. Il y aura un futur à Gaza et en Palestine, en dépit de celui qu'on veut leur imposer.
Gaza, une guerre coloniale, sous la direction de Stéphanie Latte Abdallah et Véronique Bontemps, aux éditions Actes Sud, mai 2025, 320 p.
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Homophobie et transphobie dans nos écoles
En cette Journée de lutte contre l'homophobie et la transphobie, les médias soulignent la montée inquiétante des deux phénomènes dans nos écoles.
dénoncées par les Artistes pour la Paix le 17 mai
Faits statistiques
Avec raison, ils relatent des résultats d'enquêtes sur le terrain qui révèlent l'inconfort des jeunes, en particulier des gars, face à l'éventualité d'avoir un meilleur ami gai, qui de 66,2% en 2017/18 est monté à un alarmant 84,8% cette année. Chez les femmes, le recul par rapport à l'acceptation des lesbiennes est moins spectaculaire, de 59.6% à 75,3% : les spécialistes rémunérés qui luttent contre de tels phénomènes s'entendent pour y voir des reculs majeurs, et ce dans un laps de temps étonnamment court. Les solidaires Roxane Milot et Manon Massé demandent la solidarité de la part de tous-tes pour contrer cette vague anti-queer.
Solutions médiatisées
On appuie évidemment certaines solutions mises de l'avant pour célébrer l'avancée des femmes par l'ouverture de la Place des Montréalaises par Valérie Plante, célébrant un « Montréal féministe et fier de l'être ». Nathalie Provost, nouvelle ministre fédérale issue de Polysesouvient collectif que les APLP appuient depuis 1990, fêtait cet événement avec Kim Thuy et on soulignait, comme signe d'avancement d'anti-racisme, l'ouverture de la Place Marie-Josèphe Angélique, nommée en l'honneur d'une esclave noire née en 1705 et victime d'un procès expéditif l'ayant accusée et exécutée comme responsable d'un grave incendie en 1734. Les médias s'entendent, entre autres par intérêt financier, pour accuser les réseaux sociaux d'accélérer la montée de l'homophobie, de la transphobie et du racisme, notamment par leur reproduction de discours brefs, injurieux et polarisants.
Montée de l'extrême-droite guerrière
Alors qu'ils censurent notre condamnation du génocide en cours à Gaza, les « radios-poubelles » de Québec vantent Poilievre et Duhaime, ainsi que les discours guerriers de Nétanyahou, Zelensky, Kim Jung-un et Trump, qui malgré sa tendance récente à vouloir favoriser des solutions de paix, n'en a pas moins haussé les dépenses militaires américaines à des niveaux astronomiques, incitant M. Carney à en faire autant dans leur rencontre vantée comme un succès par nos médias. Les Artistes pour la Paix sont censurés en tout : ce n'est qu'hier, que Radio-Canada faisait un reportage détaillé remettant en question l'appui invraisemblable des démocrates américains à un Biden vieillissant, alors que nous félicitions au début juillet 2024 le comédien George Clooney de lancer ce signal d'alarme.
Tandis que nos écoles, mais surtout nos collèges et universités sont définancés par le gouvernement Legault et la ministre Déry, les citoyens de moins en moins éduqués et privés de productions culturelles en pannes de financement ouvrant leurs horizons, se détournent des analyses favorisant la diplomatie plutôt que la guerre, la construction de transports collectifs plutôt que la voiture individuelle et l'opposition aux pipelines et à l'énergie nucléaire coûteux, donc défendus par de riches groupes d'intérêts privés sans éthique inondant les médias.
Issues des cris d'alarme payants pour l'OTAN et les propriétaires de médias également propriétaires d'usines d'armement, des analyses primaires médiatiques de la guerre en Ukraine censurent Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU, et le professeur Jeffrey Sachs de l'Université Columbia. Et on ignore des publications détaillées sur la révolution du Maïdan à la crédibilité indéniable (i).
Conséquemment, la montée des partis de droite en Europe frappe tout azimut : une pétition « d'initiative citoyenne » d'un million d'Européens appelle impérativement à interdire les « thérapies de conversion » des personnes LGBTQI.
Le Québec est privilégié de voir émerger des initiatives telles que NOUS, nouveau magazine pour tous.tes financé par la Table de la Concertation intersectorielle violence conjugale-Est et les opinions diffusées et les films de Léa Clermont-Dion et de Guylaine Maroist ; mais ils sont à une dose infime par rapport aux films Minecrafts, Thunderbolts, L'amateur, Combattre ou fuir, Star Wars et autres déchets américains toxiques qu'on voit présentement à l'affiche.
Qui va voir Le temps de François Delisle, une dystopie qui annonce vers où le monde court ? Qui a écouté l'émission de Claude Saint-Jarre du 15 mai 2025 de 50 minutes avec comme invité Pierre Jasmin, secrétaire général des Artistes pour la paix parlant de l'actualité guerrière qui développe l'agressivité ambiante qui enfle pour attaquer les plus fragilisés de notre société ? À écouter sur https://www.cfak.ca/balados/a-nous-le-futur
Nostalgie
Les Artistes pour la Paix remerciaient Jean-Daniel Lafond, cinéaste et écrivain, présent le 15 février 2016 à la remise du prix de l'APLP de l'Année à l'autochtone Samian à la Mairie de Montréal, honorant aussi Michel Rivard, encadré par Guylaine Maroist et Judi Richards et dont une chanson été interprétée par le groupe multi-ethnique Surkalen.
Nous déplorions alors à propos de l'exposition de jeunes musulmanes au Musée des Beaux-Arts de Montréal favorisée par la Fondation Michaëlle Jean, l'absence totale de couverture de nos médias francophones, alors que la majorité des artistes couronnées s'exprimait en un français impeccable et que the Gazette et la CBC avaient saisi l'importance de l'événement ! C'était grâce à Nathalie Bondil, maintenant à la tête à Paris de l'Institut du monde arabe qui lance une initiative remarquable (ii). Nous avions alors souligné l'interprétation par Joël Janis d'une superbe version très applaudie d'une chanson non moins superbe de Michel, aux paroles inspirées reproduites dans notre article intitulé l'art de l'inclusion. Nous publiions alors des statistiques alarmantes qui parlaient d'elles-mêmes de la nécessité de développer la politique du vivre-ensemble, par exemples :
• 70% de la population montréalaise n'est pas née à Montréal ;
• 33% sont nés à l'extérieur du Canada ;
• suite à une forte immigration entre 2001 et 2011, 10% sont musulmans ;
• mais malgré leur taux plus élevé de scolarisation, ils souffrent d'un taux de
chômage de 18%, taux qu'on ne peut attribuer seulement à leur plus jeune âge.
C'est aujourd'hui la mode de critiquer le fardeau de l'immigration haïtienne et autre, et vu la censure de nos articles, le nombre de nos membres diminue : nous publierons bientôt, toujours sans subvention, notre infolettre pour inviter les LGBTQIA à se joindre à nous !
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Forum social mondial des intersections 2025 (FSMI)

Face à une époque marquée par des extrémismes croissants, des inégalités sociales exacerbées et une crise écologique sans précédent, le FSMI offre un espace d'articulation. Il vise à rassembler celles et ceux qui agissent pour construire des alternatives durables et solidaires.
L'histoire du FSMI
Le Forum social mondial des intersections 2025 (FSMI) est une démarche qui chemine vers un grand rassemblement ayant lieu du 29 mai au 1er juin 2025. Son principal objectif : encourager des changements systémiques, grâce aux intersections de perspectives, de savoirs et d'espoirs. Il a ainsi pour ambition de décloisonner les milieux d'action, les cultures et les pratiques, tout en créant des connexions intergénérationnelles et transnationales, du local au global. Le FSMI 2025 s'inscrit dans la dynamique du Forum social mondial (FSM), le plus grand rassemblement de la société civile mondiale créé en 2001 au Brésil. Ce dernier réunit, à chaque édition, des milliers de participant·es autour de centaines d'activités (ateliers, conférences, performances artistiques…) axées sur des thématiques variées telles que le développement social, l'économie solidaire, les droits humains ou encore l'environnement.
Le FSMI 2025 se situe comme un important moment de mobilisation pour le prochain Forum social mondial qui aura lieu à Cotonou au Bénin en janvier 2026.
Face à une époque marquée par des extrémismes croissants, des inégalités sociales exacerbées et une crise écologique sans précédent, le FSMI offre un espace d'articulation. Il vise à rassembler celles et ceux qui agissent pour construire des alternatives durables et solidaires.
Nous avons besoin de lieux pour croiser nos perspectives, mutualiser nos savoirs et renforcer nos actions. Le FSMI est un appel à l'espoir et à la solidarité, pour unir la force des initiatives locales et l'ambition d'un changement global indispensable.
Nous sommes fiers de collaborer avec le collectif la Grande transition et le Festival des saveurs pour cette première édition.
L'achat de votre billet pour le FSMI vous donne également accès à ces deux événements ! Consultez leur site web pour découvrir leur programmation, qui se déroulera aussi entre le 29 mai et le 1er juin 2025.
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« Geonomics », nationalisme et commerce, par Michael Roberts

Dans cette analyse, l'économiste marxiste Michael Roberts revient, à travers le concept à la mode des « geonomics », sur le revirement de certains économistes étasuniens, passant d'une approbation totale du libre-échange à une stratégie protectionniste, afin de battre en brèche leurs espoirs de redresser l'impérialisme américain grâce à cette nouvelle politique.
14 mai 2025 | Tiré de Révolution Permanente
Cet article a été publié le 13 mai 2025 sur le blog Michael Roberts.
Les « geonomics » sont un néologisme utilisé pour parler des théories et politiques économiques internationales. Gillian Tett déclarait récemment dans le Financial Times, que dans le passé, « il était généralement admis que c'était l'intérêt économique rationnel qui régnait, et non pas les magouilles politiques. La politique était considérée comme un dérivé de l'économie, et non l'inverse. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. La guerre commerciale déclenchée par le président américain Donald Trump a choqué de nombreux investisseurs, tant elle semble irrationnelle au regard des normes de l'économie néolibérale. Mais « rationnelle » ou non, elle reflète le passage à un monde où l'économie a pris le pas sur les jeux politiques, non seulement en Amérique, mais aussi partout dans le monde ».
Lénine disait que « la politique est l'expression concentrée de l'économie », argumentant ainsi que les politiques des États et leurs « continuations par d'autres moyens », c'est-à-dire les guerres, étaient justifiées en dernière instance par les intérêts économiques des classes dirigeantes et du capital de chaque pays. La politique de Donald Trump aurait renversé ce paradigme : l'économie serait désormais régie par la politique ; les intérêts de classe des bourgeoisies nationales par les intérêts politiques de castes. Et nous aurions donc besoin de théories économiques capables de modéliser ce tournant : place aux « geonomics ».
Voilà que les geonomics émergent pour rendre cette politique respectable et « réaliste ». La démocratie libérale et le multilatéralisme ainsi que l'économie libérale – c'est-à-dire le libre-échange et les marchés libres –, ne sont plus pertinents pour les économistes, formés auparavant à promouvoir un monde économique d'équilibre, d'égalité, de concurrence et d'« avantages comparatifs » pour tous. Tout cela, c'est fini : désormais, l'économie consiste en des luttes de pouvoir menées par des États poursuivant leurs propres intérêts nationaux.
Dans un récent article, les économistes spécialisés dans l'OMC et les politiques commerciales internationales Aaditya Mattoo, Michele Ruta et Robert W. Staiger défendaient que les économistes doivent aujourd'hui considérer que pour exercer leur puissance, les pays n'useront plus de l'aval économique, mais du pouvoir politique brut. Dans cette perspective, dans les prochaines années les États-Unis mettraient de côté leurs gains de productivité et d'investissements intérieurs pour contraindre par la force les autres pays à aller dans leur sens. Ainsi, selon ces économistes, « les pays hégémoniques cherchent souvent à influencer des entités étrangères sur lesquelles ils n'ont pas de contrôle direct. Ils le font soit en menaçant de conséquences négatives si la cible n'entreprend pas les actions souhaitées, abaissant ainsi l'option extérieure de la contrainte de participation, soit en promettant des avantages positifs si la cible entreprend les actions souhaitées ».
Selon ces chercheurs de la Banque Mondiale, ce virage vers une « économie du pouvoir » peut bénéficier à la fois aux grandes puissances et aux cibles de leurs menaces : « l'hégémonie peut être façonnée de manière à ce que l'économie mondiale en tire profit ». Une opinion qui n'est sûrement pas partagée par la Chine, dont Trump, en tant que dirigeant de la seule puissance hégémonique aujourd'hui, tente d'étrangler l'économie à coup de sanctions, de taxes douanières exorbitantes et de boycott des entreprises et investisseurs chinois partout dans le monde. Les États-Unis sont déterminés à utiliser tous les moyens de politique, y compris la guerre si nécessaire, contre leurs opposants pour maintenir leur place sur l'échiquier mondial et le remodeler en leur faveur. Mais l'agressivité des États-Unis pourrait tout de même être bénéfique pour l'économie mondiale. Que les pays pauvres du monde entier qui sont confrontés à des droits de douane importants sur leurs exportations vers les États-Unis se le tiennent pour dit.
Bien entendu, l'idée d'une coopération internationale entre acteurs égaux pour faciliter le commerce et l'extension des marchés a toujours été une illusion. Il n'y a jamais eu de commerce entre égaux ; il n'y a jamais eu de concurrence « loyale » entre des capitaux de taille à peu près égale au sein des économies ou entre les économies nationales sur la scène internationale. Les grands et les forts ont toujours mangé les faibles et les petits, en particulier lors des crises économiques. Qui plus est, cela fait deux siècles que les puissances impérialistes occidentales pillent sans relâche des milliers de milliards de dollars de ressources des économies périphériques de pays dominés.
Ceci dit, il est vrai qu'une partie des élites capitalistes a changé d'avis sur la politique économique, en particulier depuis la crise financière mondiale de 2008 et la longue dépression qui s'est ensuivie au niveau de la croissance économique, de l'investissement et de la productivité. Dans l'immédiat après-guerre, des agences commerciales et financières internationales ont été créées sous le contrôle, principalement, des États-Unis. La rentabilité du capital dans les principales économies était élevée, ce qui a permis au commerce international de se développer, parallèlement à la renaissance de la puissance industrielle européenne et japonaise. C'est également à cette époque que l'économie keynésienne a dominé, c'est-à-dire que l'État a agi pour « gérer » le cycle économique en cours et soutenir l'industrie au moyen d'incitations et même d'une certaine stratégie industrielle.

Titre : Taux de profit sur le capital du G7 (pondéré) %
Texte du graphique : l'âge d'or, profitabilité ; baisse de la profitabilité ; émergence du néolibéralisme : reprise de la profitabilité ; longue dépression : baisse de la profitabilité.
Cet « âge d'or » des Trente Glorieuses a pris fin dans les années 70, lorsque les taux de profit du capital ont brutalement chuté (si l'on suit la théorie de Marx) et que les grandes économies ont subi le premier effondrement simultané en 1974-75, suivi en 1980-2 par un profond ralentissement de l'industrie manufacturière. L'économie a abandonné le keynésianisme, perçu comme un échec, et est revenue à l'idée néoclassique des marchés libres, de la libre circulation des échanges et des capitaux, de la déréglementation de l'ingérence de l'État et de la propriété de l'industrie et de la finance, et de l'écrasement des organisations syndicales et du mouvement ouvrier.
Mais l'économie ne peut pas échapper à la théorie du profit, et les principales économies ont de nouveau vu les taux de profit de leurs secteurs productifs chuter au début du XXIe siècle. Cette réalité a beau avoir été maquillée par un essor considérable du crédit dans la finance, l'immobilier et d'autres secteurs dits improductifs, elle n'en est pas moins restée une crise sous-jacente de la rentabilité. Dans le graphique ci-dessous, la ligne bleue représente la rentabilité des secteurs productifs américains, et la ligne rouge, la rentabilité globale.

Source : BEA NIPA tables, calculs de l'auteur
Cette stratégie a inévitablement mené à une crise financière mondiale, la crise de la dette européenne et une période de « Longue Dépression » suite à la récession de 2008-2009, aggravée par la crise du Covid en 2020. Le capital européen en est sorti déstabilisé. Suite à un essor prodigieux dans l'industrie, le commerce, ainsi que la technologie, l'économie américaine a vu émerger un nouveau rival que les crises successives des économies occidentales n'ont pas touché : la Chine.
Au début des années 2020, comme le souligne Gillian Tett du Financial Times, « le balancier oscille à nouveau vers un protectionnisme plus nationaliste (avec une touche de keynésianisme militaire), ce qui correspond à un schéma historique. Aux États-Unis, le trumpisme constitue une forme extrême et instable de nationalisme, qui semble désormais être étudiée sérieusement par la toute nouvelle école de « geonomics ». L'intervention et le soutien du gouvernement, de type keynésien, pour protéger et relancer les secteurs productifs affaiblis aux États-Unis est une politique que Biden avait lancée, en parallèle d'une “stratégie industrielle” d'incitations et de financements gouvernementaux en faveur des géants américains de la technologie, associée à des droits de douane et des sanctions contre les rivaux, c'est-à-dire la Chine. Ce que fait Trump aujourd'hui, ce n'est que de durcir cette stratégie. »
La politique protectionniste de Trump sur le plan international s'accompagne au niveau national d'une politique d'intervention qui consiste à décimer les services publics, à mettre fin aux dépenses de protection de l'environnement et du climat, à déréguler la finance et l'environnement, tout en renforçant les forces militaires et de sécurité intérieure (en particulier pour augmenter les déportations et la répression).
Les économistes de droite œuvrent donc pour rendre sensée et enviable cette politique économique brutale aux yeux de la population américaine. Marc Fasteau et Ian Fletcher, deux économistes adulés par la communauté MAGA et membres du “Council for a Prosperous America” (Conseil pour une Amérique prospère), un organisme financé par un groupe de petites entreprises de la production et du commerce intérieur, ont récemment déclaré dans un nouveau livre intitulé Industrial Policy for the United States : « Nous sommes une coalition inégalée d'industriels, de travailleurs, d'agriculteurs et d'éleveurs qui travaillent ensemble pour reconstruire l'Amérique pour nous-mêmes, nos enfants et nos petits-enfants. Nous privilégions l'emploi de qualité, la sécurité nationale et l'autosuffisance nationale par rapport à la consommation bon marché. » Cet organisme défend donc activement l'unité entre le capital et les travailleurs pour « rendre à l'Amérique sa grandeur ».
Fasteau et Fletcher défendent que si l'hégémonie des États-Unis est en difficulté sur la scène internationale, c'est à cause du néolibéralisme et de l'économie de marché néoclassique : « Le laissez-faire a échoué et une politique industrielle solide est le meilleur moyen pour l'Amérique de rester prospère et sûre. Trump et Biden ont mis en place certains éléments, mais les États-Unis ont maintenant besoin de quelque chose de systématique et de complet, y compris des droits de douane, un taux de change compétitif et un soutien fédéral à la commercialisation – et pas seulement à l'invention – des nouvelles technologies. »
La « politique industrielle » que défendent ces deux auteurs repose sur trois piliers : reconstruire les industries nationales clés ; protéger ces industries de la concurrence étrangère par le biais des taxes douanières et de sanctions à l'encontre des économies étrangères qui posent un problème aux exportations américaines ; et enfin, « gérer » le taux de change du dollar de manière que le déficit commercial américain disparaisse – c'est-à-dire dévaluer le dollar.
Fasteau et Fletcher réfutent la théorie ricardienne de l'avantage comparatif, théorie sur laquelle s'appuie encore le discours économique dominant pour affirmer que le « libre » échange international profitera à tous les pays, toutes choses égales par ailleurs. Ils considèrent que le « libre-échange » peut en fait réduire la production et les revenus d'un pays comme les États-Unis en raison des importations bon marché, provenant de pays où la main d'œuvre est peu chère, qui détruisent les producteurs nationaux et affaiblissent la capacité de ces derniers à gagner des parts de marché à l'exportation au niveau mondial.
Ils affirment que les politiques protectionnistes de taxation des importations peuvent stimuler la productivité et les revenus de l'économie nationale. Ce qui les amène à dire que « la politique américaine de libre-échange, forgée à une époque révolue de domination économique mondiale, a échoué tant en théorie qu'en pratique. Des modèles économiques novateurs ont montré comment des droits de douane bien conçus, pour ne citer qu'un exemple de politique industrielle, pourraient nous offrir de meilleurs emplois, des revenus plus élevés et une croissance du PIB ». Ainsi, en suivant leur raisonnement, Fasteau et Fletcher en viennent à affirmer que l'augmentation des taxes douanières fait augmenter les salaires.
Ce que révèle en réalité la position des deux économistes en question, ce sont les intérêts du capital américain à se recentrer sur une économie nationale pour pallier le fait qu'il n'est plus en mesure d'être compétitif sur les marchés comme il l'était jusqu'à présent. Comme l'affirmait Engels au XIXe siècle, le libre-échange est soutenu par la puissance économique hégémonique tant qu'elle domine les marchés internationaux avec ses produits ; mais lorsqu'elle perd sa position dominante, elle adopte des politiques protectionnistes. C'est ce qui s'est passé à la fin du XIXe siècle avec la politique britannique. Aujourd'hui, c'est au tour des États-Unis.
Ricardo (et les économistes néoclassiques d'aujourd'hui) a tort de prétendre que tous les pays profitent du commerce international s'ils se spécialisent dans l'exportation de produits pour lesquels ils disposent d'un « avantage comparatif ». Le libre-échange et la spécialisation fondée sur l'avantage comparatif n'entraînent pas une tendance à l'avantage mutuel. Ils créent davantage de déséquilibres et de conflits. En effet, la nature des processus de production capitaliste crée une tendance à la centralisation et à la concentration croissantes de la production, ce qui conduit à un développement inégal et à des crises.
D'autre part, les apologistes du protectionnisme ont tort de prétendre que les droits de douane et d'autres mesures du même acabit peuvent rétablir la part de marché antérieure d'un pays. Mais Fasteau et Fletcher n'ont pas que les droits de douane en tête. Ils définissent la politique industrielle comme suit : « Un soutien gouvernemental délibéré aux industries, ce soutien pouvant être classé en deux catégories. Premièrement, les politiques générales qui aident toutes les industries, comme la gestion des taux de change et les allègements fiscaux pour la R&D. Il y a ensuite les politiques qui ciblent des industries particulières ou des secteurs particuliers. Deuxièmement, les politiques qui ciblent des industries ou des technologies particulières, telles que les taxes douanières, les subventions, les marchés publics, les contrôles à l'exportation et la recherche technologique effectuée ou financée par le gouvernement. »
La stratégie industrielle de Fasteau et Fletcher ne fonctionnera pas. Dans une économie donnée, la hausse de la productivité et la baisse des prix nécessitent un investissement dans les secteurs qui génèrent de la productivité. Mais l'économie capitaliste est régie par des entreprises avides de profits, qui n'investiront pas dans lesdits secteurs si le taux de profit décroît, à l'image de la situation économique des deux dernières décennies. Fasteau et Fletcher veulent un retour aux politiques de temps de guerre et à la stratégie de la guerre froide pour développer l'industrie nationale, la science et les forces militaires. Mais cela ne fonctionnerait que par le biais d'investissements massifs vers le secteur public, par le biais d'entreprises publiques avec une planification industrielle nationale. Une perspective dont ni Fasteau et Fletcher ni Trump ne veulent entendre parler.
Fasteau et Fletcher affirment que leur politique économique n'est ni de gauche ni de droite, ce qui est vrai d'un certain point de vue. L'utilisation d'une stratégie industrielle du même ordre est revendiquée par les keynésiens de gauche en Grande-Bretagne, par Elizabeth Warren et par Sanders aux États-Unis, et même par Mario Draghi en Europe. Cette « stratégie industrielle » a été adoptée comme politique économique dans la plupart des économies d'Asie de l'Est au cours de la seconde moitié du XXe siècle (bien qu'elle soit de moins en moins utilisée).
Bien entendu, la prétendue neutralité de leur stratégie industrielle ne s'applique pas à la Chine, puisque cette dernière est, en leurs propres termes, « la première menace qui soit à la fois militaire et économique à laquelle les États-Unis sont confrontés en plus de 200 ans ». Ils le disent sans ambages : « Un nombre croissant d'industries chinoises sont en rivalité aiguë avec des industries américaines de grande valeur, et les gains de la Chine sont nos pertes. Les États-Unis ne peuvent rester une superpuissance militaire sans être une superpuissance industrielle. » Voilà en quelques mots les raisons pour lesquelles le capitalisme américain abandonne l'économie néoclassique et son laisser-faire, son libre-échange, qui faisaient jusqu'à présent unanimité dans les institutions économiques. La domination économique des États-Unis et de l'Europe est affaiblie, au point que la Chine pourrait les remplacer d'ici à quelques décennies. Dans ce contexte, plus besoin de prendre des pincettes pour justifier une stratégie protectionniste et impérialiste agressive.
Fini la fable de la libre concurrence, du marché et du commerce, qui de toute façon n'ont jamais existé. Place au réalisme : aujourd'hui, il faut gagner la bataille pour le droit à l'hégémonie et à la domination du capitalisme mondial. Et dans cet âpre combat, la fin justifie les moyens. Voilà ce qu'est réellement la théorie des « geonomics », de plus en plus revendiquées chez certains économistes, et qui ne manqueront pas de se faire bientôt une place dans les départements d'économie des grandes universités américaines et européennes – et ce malgré l'opposition d'arrière-garde des professeurs néoclassiques et néolibéraux actuellement dominants.
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Li Anderson : « Il y a des pays où des forces plus progressistes maintiennent vivant l’agenda du travail »

Dans une interview avec Esquerda.net, la députée européenne de l'Alliance de la Gauche et ancienne ministre de l'Éducation de Finlande, Li Anderson, parle de l'agenda progressiste pour le travail dans l'Union européenne et de l'exploitation de la main-d'œuvre en situation irrégulière.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Les économies européennes profitent de la main-d'œuvre en situation irrégulière pour faire baisser la valeur du travail. Cette main-d'œuvre migrante entre dans les pays européens pour répondre aux besoins causés par les crises démographiques européennes, mais elle finit par être ultra-précarisée et surexploitée. Cela a un impact sur l'ensemble du marché du travail européen.
Dans une interview avec Esquerda.net, la députée européenne de l'Alliance de Gauche de Finlande, ancienne ministre de l'éducation et ancienne leader de son parti, parle des défis de l'agenda du travail européen, des attaques que l'extrême droite mène contre les travailleurs et du modèle d'immigration de l'UE.
L'Union européenne traverse une crise démographique, qui a été comblée par le travail des migrants. Mais la droite a attaqué les immigrés tout en les exploitant. Y a-t-il une contradiction ici ?
« Le changement démographique est une réalité dans l'UE. Si nous regardons simplement les chiffres, il est assez clair que notre main-d'œuvre diminue constamment. Elle diminuera d'environ un million par an jusqu'en 2030. Bien sûr, il existe plusieurs solutions à cela, car nous avons également des personnes sous-représentées sur le marché du travail. Il existe encore des pays dans l'UE où les femmes ne peuvent pas participer pleinement au marché du travail. Tous les pays de l'Union européenne font face à des défis majeurs avec les personnes handicapées, par exemple. Elles ne participent pas pleinement au marché du travail. Je n'aime pas le discours qui associe l'immigration uniquement au besoin de main-d'œuvre en Europe. Je pense que la politique d'immigration doit être fondée sur le respect des droits fondamentaux et des droits de l'homme. »
En termes de droits du travail, quelles garanties pouvons-nous donner aux travailleurs migrants ?
« Nous devons veiller à ce que les droits de tous soient respectés de manière égale sur le marché du travail. Nous avons un problème en Europe avec l'insertion au travail des travailleurs migrants, tant dans ces situations transfrontalières qu'au sein des pays. Nous devons travailler encore plus pour renforcer les accords de négociation collective, les syndicats, les services d'inspection nationaux, afin que nous puissions garantir que tous ceux qui travaillent ici ont également droit à un salaire décent et au même respect en ce qui concerne les droits du travail. »
J'ai voulu aborder le sujet car c'est un thème de campagne au Portugal. Nous avons des milliers de personnes qui se trouvent dans des situations fragiles, avec des procédures en attente. Comment, en tant qu'Union européenne, dans un sens plus large et plus global, mettons-nous en œuvre ces politiques ?
« C'est simple. Plus il y a de politiques nationales pour garantir que les gens ne vivent pas sans documents ou sans identification, plus il sera facile de lutter contre les situations irrégulières. En Finlande, avant que l'extrême droite ne commence à modifier la politique migratoire, nous avions un système où, s'il n'était pas possible d'obtenir un permis de séjour permanent pour une raison quelconque, un permis temporaire était accordé. Pourquoi est-ce si important ? Parce que cela signifie que lorsqu'on est dans un pays, on y est légalement et on y travaille aussi légalement. Si nous commençons à restreindre les possibilités pour les gens d'obtenir des permis de séjour, par exemple, ils doivent continuer à vivre d'une manière ou d'une autre. Ils devront manger, ils devront dormir quelque part, ils devront payer un loyer. Dans ce scénario, on crée les conditions pour le travail sans papiers et aussi pour l'exploitation du travail, car cela signifie également que les gens n'ont pas la possibilité de formaliser leur travail. »
La réponse est la régularisation.
« Avoir un système de permis de séjour basé sur l'idée que, si une personne est ici pour une raison quelconque, elle doit pouvoir le faire officiellement, avoir des documents et avoir au moins un permis de séjour temporaire. C'est aussi la meilleure façon de lutter contre l'exploitation du travail. »
Au Portugal, l'agenda politique de la gauche sur le travail s'est concentré sur la récupération des droits perdus pendant la crise de la Troïka, mais aussi sur des propositions pour les travailleurs postés ou sur la semaine de quatre jours. Quelles propositions sur les droits du travail la gauche présente-t-elle dans le reste de l'Europe ?
« Au niveau européen, il existe plusieurs exemples intéressants de pays où des forces plus progressistes maintiennent vivant l'agenda du travail et mettent également en œuvre des politiques. L'Espagne en est un exemple, où ils avancent avec une réforme pour une semaine de travail plus courte. La Pologne a introduit un nouveau jour libre, ce qui n'est pas super révolutionnaire, mais représente quand même moins de temps de travail. Ils sont sur le point de faire une expérience avec une semaine de travail plus courte. En Islande, les syndicats ont réussi à approuver une réforme basée sur un accord collectif pour la réduction du temps de travail. En fait, je pense qu'il existe des exemples inspirants de différentes régions d'Europe sur la nécessité de ce type de politique progressive. La Finlande est, d'une certaine manière, un très mauvais exemple, car ce pour quoi nous luttons actuellement en Finlande, ce sont les piliers essentiels de tout notre modèle de marché du travail, que l'extrême droite tente de démanteler. Ils ont restreint le droit de grève et maintenant ils promeuvent une réforme qui rendra plus coûteux d'être syndiqué, ce qui conduira à une baisse du taux de syndicalisation. Ils attaquent les syndicats d'une manière que nous n'avons jamais vue dans l'histoire de la Finlande. »
Comment caractériserais-tu cette attaque ?
« Ils font un grand changement dans le système. Ils sortent la Finlande du contexte nordique et la transforment en un pays plus semblable à ceux de l'Europe de l'Est en ce qui concerne la législation du travail. Je pense que la Finlande est un exemple effrayant de ce que fait réellement l'extrême droite lorsqu'elle arrive au pouvoir. Quelles sont leurs politiques réelles en ce qui concerne les travailleurs ? Ils font d'énormes réductions d'impôts pour les revenus les plus élevés et pour les entreprises et, en même temps, limitent les droits fondamentaux du travail. Au niveau européen, nous assistons à une très grande lutte. Ce sera une lutte énorme pendant ce mandat sur la direction que prendra l'Union européenne, par exemple, en ce qui concerne les droits des travailleurs et les questions du marché du travail. »
Les économies périphériques européennes, comme le Portugal et l'Espagne, sont construites sur le tourisme. En même temps, nous formons de plus en plus de personnes. Sommes-nous en train de créer un système de fuite des cerveaux de la périphérie vers le centre ?
« Le premier exemple qui me vient à l'esprit est la Grèce, où il y a eu une énorme fuite des cerveaux, de personnes avec un niveau d'instruction plus élevé, après la crise. Cela montre qu'il existe ce danger. Une question que j'ai abordée est que, maintenant que la Commission a l'intention d'accorder un traitement spécial à la défense en termes de règles budgétaires, nous devrions faire de même avec l'investissement dans la recherche et l'éducation, par exemple. Nous avons également besoin d'instruments financiers et d'incitations pour que les États membres investissent dans la recherche et l'éducation, qui n'existent pas actuellement au niveau européen, car, jusqu'à présent, le seul argent qui a bénéficié d'un traitement spécial est l'argent destiné à la défense. Ce serait une façon, je pense, d'aborder la question. Mais le plus grand problème dans cette question est encore lié aux politiques migratoires. Parce que l'UE construit sa propre politique migratoire en se basant sur le recrutement de travailleurs qualifiés hors de l'Union européenne. Cela se voit déjà dans des pays assez proches comme l'Albanie. »
Au Portugal, des résidences spéciales ont également été créées pour attirer des cadres qualifiés d'autres pays.
« Exactement. Si nous regardons les Balkans, par exemple, qui perdent des médecins nouvellement formés dont ils auraient besoin dans leur propre main-d'œuvre, nous nous rendons compte que cela crée vraiment cette périphérie de l'Union européenne. Ce déséquilibre. La discussion réelle que nous devrions avoir est que l'UE voit la migration comme une voie à sens unique où nous pouvons choisir ce que nous voulons. Qu'est-ce que l'UE donne en retour ? Quelle est la relation entre l'Union européenne et le monde extérieur ? Cela devrait faire partie de la discussion sur le marché du travail. »
Maria Luís Albuquerque, commissaire européenne responsable des Services Financiers et de l'Union de l'Épargne et des Investissements, a suggéré de faciliter l'utilisation des pensions des citoyens européens pour l'investissement dans l'industrie militaire. Est-ce une menace pour le système de retraite de l'UE ?
« J'ai entendu dire que cette idée est très populaire au sein du Parti Populaire Européen [parti politique européen, auquel appartiennent le PSD et le CDS]. L'idée d'utiliser tout l'argent des retraites pour les besoins d'investissement que nous avons actuellement. Je pense qu'il y a de meilleures façons d'obtenir de l'argent que d'utiliser l'épargne-retraite des gens. Mon parti est favorable à plus de recettes pour l'Union européenne, nous pourrions donc avoir des taxes environnementales, nous pourrions taxer les riches, il pourrait y avoir une véritable taxe numérique pour les grandes entreprises de réseaux sociaux. Tout cela pourrait être utilisé pour les besoins d'investissement de l'Union européenne, que ce soit dans le domaine du climat, de l'énergie ou tout autre. »
Li Andersson
Daniel Moura Borges
https://www.esquerda.net/artigo/li-anderson-ha-paises-onde-forcas-mais-progressistas-estao-manter-agenda-do-trabalho-viva
Traduit pour l'ESSF par Adam Novak
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article74993
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