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« Nous vivons dans une dictature fasciste »

1er avril, par Amy Goodman, Elie Mystal, Juan Gonzalez — , ,
"Ma réponse aux violations des multiples jugements par D. Trump, c'est que le peuple doit prendre les devants parce que les tribunaux ne le feront pas. Ils ne le peuvent pas. (…)

"Ma réponse aux violations des multiples jugements par D. Trump, c'est que le peuple doit prendre les devants parce que les tribunaux ne le feront pas. Ils ne le peuvent pas. Vous voulez que M. Khalil soit libéré ? Il faut aller à Jena et le libérer. C'est en quelque sorte ce qu'il faut (faire)."

Democracy Now, 19 mars 2025
Traduction et organisation du texte, Alexandra Cyr

Amy Goodman : (…) Le juge en chef de la Cour suprême a publié une rare déclaration qui critique le Président Trump et ses alliés.es pour leurs appels à la procédure de destitution contre des juges fédéraux qui ont émis des jugements contre le Président. Le juge en chef Roberts écrit : « Depuis plus de deux siècles il a été établi que la destitution n'est pas la réponse appropriée quand on est pas satisfait d'une réponse judiciaire. La procédure d'appel existe dans ces cas ».

La déclaration du juge en chef Robert est émise après que le Président Trump ait attaqué à plusieurs reprises un juge de district fédéral, le juge James Boasberg qui a ordonné à l'administration de cesser d'employer la loi sur les ennemis étrangers de 1798 pour expulser des immigrants.es. Cette loi n'a été employée que deux fois de toute l'histoire américaine et c'était en temps de guerre. Samedi, l'administration a ignoré le jugement du juge Boasberg de faire revenir aux États-Unis trois vols emportant des immigrants.es expulsés.es vers une prison à sécurité maximale du secteur privé au Salvador.

Dans une publication sur un réseau social, le Président Trump en a appelé de la destitution du juge Boasberg en le décrivant comme « un juge lunatique de la gauche radicale, un fauteur de troubles et un agitateur ». Mais pour vous donner une idée de ce juge, c'est lui qui avait ordonné la publication des courriels de Mme Hilary Clinton (durant la campagne présidentielle de 2016. N.d.t.).

Plusieurs des membres de l'administration Trump ont publiquement menacé de défier les jugements des tribunaux. Voici la déclaration de celui qu'on nomme le tsar des frontières, M. Tom Homan sur Fox News :

Tom Homan : Je suis fier de faire partie de cette administration. Nous n'arrêtons pas. Je n'ai rien à faire de ce que pensent les juges. Je me fiche de ce que pense la gauche. Nous sommes en route.

A.G. : Lundi sur les ondes de CNN, le conseiller à la Maison blanche, M. Stephen Miller, a déclaré que le juge Boasberg n'avait pas l'autorité de juger de (l'application) de la loi sur les ennemis étrangers de 1798. (…) Lundi au cours d'une audience le juge Boasberg a accusé l'administration d'adopter une approche telle que : « Nous n'en avons rien à faire, nous faisons ce que nous voulons ».

Tout cela survient alors que l'administration est face à de plus en plus de poursuites devant les tribunaux. Lundi, un autre juge a bloqué le bannissement des personnes transgenres dans les armées, décrété par le Président Trump. Un autre juge fédéral a statué que le démantèlement de l'USAID exécuté par Elon Musk violait la Constitution de plusieurs façons. Le Président a répondu sur les ondes de Fox News :

Président D. Trump : Nous allons faire appel. Nous sommes face à des juges voyous qui détruisent notre pays.

A.G : Comme les craintes d'une crise constitutionnelle augmentent, nous discuterons de la situation avec Elie Mystal correspondant du secteur justice sur The Nation. Son dernier article est intitulé : Trump is Trying to Create His Own Personal Legal Strike Force ». Il est aussi l'auteur d'un ouvrage qui sera publiédans quelque temps : Bad Law : Ten Popular Laws That Are Ruining America ».

Elie merci d'être de nouveau sur les ondes de Democracy Now ! Que se passe-t-il en ce moment avec ces attaques présidentielles contre les juges ?

Elie Mystal : Nous vivons dans une dictature fasciste. En ce moment c'est notre réalité. C'est ce que nous ressentons. Nous en sommes là. Ce n'est pas une crise constitutionnelle à venir, nous sommes en pleine crise constitutionnelle. (…) Comment pouvons-nous penser que nous sommes en démocratie, comment pouvons-nous nous dire dans une nation de droit si un seul homme, Donald Trump, peut défier les deux autres branches du gouvernement ? C'est ce dans quoi nous sommes. Et c'est ce que le Président a promis de faire et de fait, c'est ce qu'il fait.

Amy, vous avez diffusé le clip où le Président s'exprime, vous avez mentionné la déclaration du juge John Roberts et vous avez correctement pointé du doigt qu'il s'exprime rarement. Arrêtons-nous sur ce qu'il dit. C'est la déclaration la plus faible qu'il pouvait faire. Il tourne autour du pot en laçant ses jolis mots comme : « n'entreprenez pas de procédure de destitution contre les juges fédéraux. C'est mal » Il ne dit rien à propos des violations flagrantes des jugements des tribunaux par le Président Trump. Il ne dit absolument rien à ce sujet.

Encore une fois, (le juge) Roberts n'est pas votre ami. Il ne vient pas nous aider. Je pense qu'il est aussi effrayé par D. Trump que le reste du gouvernement. (…) Je ne connais pas de définition de la dictature fasciste que celle dans laquelle nous nous retrouvons en ce moment.

Juan Gonzalez (D.N.) : Elie, il y a une différence qualitative entre la situation actuelle et les confrontations antérieures entre l'exécutif et les tribunaux. Il faut remonter à 1800, quand il y a eu une fameuse bataille entre le Président Andrew Jackson et la Cour suprême à propos de la relative souveraineté des peuples amérindiens. Et F.D. Roosevelt a aussi eu ses conflits avec la Cour. Mais, comme vous le dites se sont une multitude de juges partout dans le pays qui émettent des jugements contre l'administration Trump. Qu'elle est, selon vous, la différence entre ce qui se passe maintenant et ces batailles historiques ?

E.M. : Donc, en ce moment, l'administration Trump s'exprime directement ; vous venez tout juste de diffuser (la déclaration) de ce dépravé de Stephen Miller qui déclare directement que les juges fédéraux n'ont pas autorité sur cette administration. C'était premièrement. C'est la coupure la plus profonde avec le passé. Ils ne prétendent même pas reconnaitre le pouvoir du système judiciaire fédéral à restreindre ou contrôler cette administration. (…)

Deuxièmement, si vous étudiez ces exemples historiques, pour la plupart il est question de financement militaire. (…) Andrew Jackson dit que les juges ont ainsi jugé pour l'empêcher d'aller de l'avant avec sa politique contre les amérindiens. C'était un génocide. Et Teddy Roosevelt avait expédié la Marine à mi-chemin dans le Pacifique. Il déclare quelque chose qui ressemble à : « Congrès, je suis sûr que vous allez les financer pour qu'ils reviennent n'est-ce pas » ? Il est question d'une branche exécutive exerçant sont large contrôle. Le commandant en chef exerce un large contrôle sur les militaires américains.nes. (…) Ici, il ne s'agit pas d'une situation militaire.

Les fonds de USAID lui ont été attribués par le Congrès. (On lui coupe son financement pour que les fonds reviennent au gouvernement et le juge ordonne que cela cesse). Que dit D. Trump ? « Non je ne le ferai pas, absolument pas ».

Un autre juge ordonne : « Ramenez ces avions et leurs passagers ». Trump déclare : « Non je ne ferai pas ça non plus ». C'est clairement de l'autoritarisme. Clairement, un homme, les caprices d'un seul homme contrôlent le pays. Et comme vous l'avez diffusé, sont tsar des frontières déclare littéralement qu'il ne respectera pas les jugements de cours. Stephen Miller dit cela aussi. D. Trump le dit. C'est ce qui diffère du passé.

Si qui que ce soit pense que c'est équivalent, je veux rappeler que je suis assez vieux pour me souvenir quand la Cour suprême a, inconstitutionnellement à mon avis, rendu l'avortement illégal. Je suis assez vieux pour me rappeler que le Président Biden n'est pas allé au Texas et dire quelque chose comme : « L'avortement pour toutes » ! D'accord ? Non il a respecté le jugement ridicule de la Cour suprême quant au droit des femmes de choisir. Alors, je voudrais seulement faire la comparaison entre la retenue de J. Biden quant aux jugements et ce que nous voyons de la part de l'administration Trump.

J.G. : Je voulais aussi vous demander (votre opinion) à propos de du détournement du Département de la justice en armement même s'il (D. TRump) prétend que c'est ce qu'on a fait antérieurement contre lui. Lors de son discours dans le Great Hall de ce département, il a déclaré : « À titre de chef de l'application de la loi dans notre pays, je vais insister et exiger complète et totale responsabilité pour tout ce qui s'est passé de mal et d'abusif antérieurement ». Il était avec le directeur du FBI, Kash Patel et la ministre de la justice, Mme Pam Bondi, tous deux en service.

E.M. : Oui et encore une fois, c'est D. Trump faisant ce qu'il avait promis de faire. C'est un dictateur agissant comme un dictateur n'est-ce pas ? C'est un homme qui prend personnellement le contrôle de l'appareil d'application de la loi aux États-Unis pour que ses membres attaquent ses ennemis.es politiques. C'est ce qu'il a promis de faire. Je suis surpris que les gens en soient surpris. Que pensiez-vous que cet homme allait faire ? Suivre la loi ? Il a même promis de faire cela. Alors, pourquoi les gens sont-ils surpris qu'il ne le fasse pas maintenant ?

Il est allé au Département de la justice (…), historiquement il est censé y avoir un mur de séparation entre ce Département et le Président des États-Unis. Revenons encore à J. Biden, il n'aurait pas contacté Merrick Garland (ministre de la justice d'alors n.d.t.) pour lui demander s'il faisait quelque chose à propos des personnes qui ont attaqué le Capitole le 6 janvier.

Mais, mettons cela de côté. Le Président Trump est allé au Département de la justice pour déclarer, annoncer, confirmer qu'il a l'intention d'utiliser ce Département pour attaquer ses ennemis.es politiques, spécialement les avocats.es. Il a énuméré plusieurs d'entre eux et elles durant son discours, Jack Smith, Andrew Weissmannn, Norm Eisen spécifiant que cette tâche reviendrait aux avocats.es du Département (…). Ils et elles travaillent pour lui, pas pour le peuple américain. Il a rendu cela très clair. Les avocats.es de ce département vont, à sa demande, poursuivre les avocats.es qu'il croit s'opposer à lui. C'était le clou de son discours au Département de la justice.

Et qu'à fait Mme Bondi ? Qu'à fait M. Patel ? Ils se sont assis là et ont applaudi. Ils ont applaudi comme le flagorneur et la flagorneuse qu'ils sont. Et nous pouvons prendre pour acquis que les demandes illégales faites par le Président de poursuivre des avocats.es qu'il croit s'opposer à lui, seront exécutées.

Durant ce discours, à un moment donné il dit : « Sur CNN et MSDNC, on dit 97,6% de mauvaises choses contre moi ». C'est de l'exact D. Trump normal. Mais politiquement et légalement, il dit que vous pourriez poursuivre le média parce qu'il écrit de mauvaises choses contre vous. Encore une fois, si ça n'est pas de l'autoritarisme, de la dictature, du fascisme je ne comprends pas ce que ces mots veulent dire.

A.G. : Elie, je voulais connaitre votre opinion à propos des jugements de cours que l'administration défie clairement. Il y a le cas des prisonniers transférés dans une prison super maximum au Salvador alors que le juge a directement interdit cette opération en ordonnant : « Ramenez ces avions ». Il y en avait encore un sur le tarmac. Aussi le cas de la docteure Rasha Alawieh, professeure à Brown University spécialiste du rein. Un juge a statué qu'elle ne devait pas être expulsée, elle l'a été quand même. Pouvez-vous nous faire part de votre opinion à propos de ces cas et celui de Mahmoud Khalil qui se qualifie de prisonnier politique comme vous le savez. Il est détenu dans une prison de la police des frontières (ICE), à Jena en Louisiane. Il a protesté contre le soutien américain à Israël dans sa guerre à Gaza. Pouvez-vous nous parler de tout cela ?

E.M. : Amy, après son élection (D.Trump), le 5 novembre dernier, on m'a dit que les tribunaux allaient nous sauver, allaient le modérer, qu'ils seraient notre dernier gardien qui préviendrait une dictature militaire. Et j'ai répondu que ce ne serait pas le cas, parce que les tribunaux ne peuvent (concrètement) faire respecter leurs décisions. C'est l'exécutif qui voit à le faire. Et quand vous avez un exécutif comme celui de D. Trump, prêt à ignorer ces jugements il n'y a rien que les tribunaux puissent faire.

Donc, une partie de ma réponse sera de me retourner vers mes interlocuteurs qui m'ont répété pendant des mois que les tribunaux allaient nous sauver. Qu'est-il advenu jusqu'à maintenant ? Quel est votre plan maintenant ? Quand les tribunaux ont émis des jugements que D. Trump ignore, quel est le plan B ? Parce que le plan A qui disait que les tribunaux allaient nous sauver ne fonctionnera jamais.

Ma réponse aux violations des multiples jugements par D. Trump, c'est que le peuple doit prendre les devants parce que les tribunaux ne le feront pas. Ils ne le peuvent pas. Vous voulez que M. Khalil soit libéré ? Il faut aller à Jena et le libérer. C'est en quelque sorte ce qu'il faut (faire). Ce n'est pas parce qu'un.e juge va l'écrire sur une feuille de papier que ça va arriver. D. Trump va tout simplement l'ignorer. Nous l'avons vu quand ces Vénézuliens ont été expulsés illégalement après qu'un juge eut ordonné que les avions devaient revenir (aux États-Unis). Et aussi avec la docteure, qu'il a aussi expulsée en disant que ça c'était « fait trop vite » pour que les tribunaux aient eu le temps de juger.

Et encore une fois, je vais revenir au juge en chef Roberts, qui n'a rien dit à ce sujet. D'accord ? Et tout cet écran de fumée que représente « Oh ! Je ne destitue pas mes juges » ! Il n'a rien dit à propos du Président Trump qui refuse de faire revenir les avions tel qu'ordonné par un jugement de cour. C'est le genre de fascisme sous lequel nous vivons. C'est comme ça que je me sens mes amis.es.

A.G. : Merci beaucoup E. Mystal d'avoir été avec nous.

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États-Unis – Effondrement constitutionnel

1er avril, par Aziz Rana — , ,
Pour les constitutionnalistes, le retour au pouvoir de Trump a créé un véritable vertige. La violation systématique des procédures légales et des normes constitutionnelles (…)

Pour les constitutionnalistes, le retour au pouvoir de Trump a créé un véritable vertige. La violation systématique des procédures légales et des normes constitutionnelles établies s'est déroulée à un rythme effréné, donnant lieu à plus d'une centaine de procédures judiciaires, un chiffre qui ne cesse d'augmenter.

25 mars 2025 | tiré du site Entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/25/etats-unis-effondrement-constitutionnel/#more-92147

Trump a émis une avalanche de décrets qui violent explicitement les lois du Congrès ainsi que le contenu de la Constitution, sur tous les sujets, du refus de la citoyenneté par le droit du sol à la lutte contre les mesures d'inclusion fondées sur la race, le sexe et l'orientation sexuelle, en passant par la dissolution d'agences gouvernementales établies par la loi. Parallèlement, Elon Musk s'est vanté de vouloir prendre le contrôle du gouvernement fédéral, dans le but de privatiser « tout ce qui peut raisonnablement l'être » en procédant à des licenciements massifs, à la vente d'actifs publics (dont « 443 propriétés fédérales », auxquelles pourraient s'ajouter d'innombrables œuvres d'art appartenant au domaine public) et au démantèlement de services essentiels : le tout en violation des dispositions du Congrès et de la Constitution interdisant aux citoyens non confirmés par le Sénat d'effectuer des tâches dévolues aux hauts fonctionnaires.

Ces éléments ont conduit certains commentateurs à établir des analogies entre ce qui se passe aux États-Unis et la situation de la Russie post-soviétique dans les années 1990. Cette période a connu la privatisation quasi complète de l'État russe et une redistribution massive des richesses entre les mains d'un petit nombre de kleptocrates, à l'abri de toute sanction, à l'exception de celles que leurs rivalités pouvaient les amener à s'imposer mutuellement. Mais il existe peut-être un lien plus profond avec l'histoire de la Russie : le système constitutionnel américain du XXe siècle s'est forgé et a trouvé son sens dans son antagonisme avec l'Union soviétique. Les principes fondamentaux américains, qui allient le concept de l'égalité raciale à un État-providence limité, se sont consolidés au cours de trois décennies décisives, du New Deal des années 1930 à la Seconde Guerre mondiale, en passant par la guerre froide et la révolution des droits civiques des années 1960.

De nos jours, l'Union soviétique a disparu depuis longtemps. Et maintenant, Trump (un milliardaire élu), Musk (un milliardaire non élu et bien plus riche) et une petite coterie de fidèles cherchent à provoquer l'effondrement de ce modèle constitutionnel américain en concurrence avec le leur. Leur action ne permet pas de savoir ce qui est à venir. Mais elle modifie fondamentalement le terrain sur lequel la gauche américaine intervient et nécessitera un mode d'opposition politique que le pays n'a pas connu depuis les années qui ont porté Roosevelt au pouvoir.

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Pour comprendre ce qui se passe, il est nécessaire de saisir le fondement de l'ordre constitutionnelaméricain. Celui-ci comprend une série de composantes idéologiques et institutionnelles qui correspondent à ce que le sociologue suédois Gunnar Myrdal a qualifié en 1944 de « credo américain », à savoir l'idée que les États-Unis incarnaient la promesse d'une liberté égale pour toutes et tous. À une époque de rivalité planétaire avec l'Union soviétique dans un monde en voie de décolonisation, les élites nationales se sont explicitement ralliées à ce credo constitutionnel. Ses éléments constitutifs consistaient notamment en une compréhension de la Constitution comme étant fondée sur l'élimination progressive des inégalités raciales, sur la base des principes de la lutte contre la discrimination ; une conception antitotalitaire des libertés civiles et des droits à la liberté d'expression ; une défense du capitalisme de marché, partiellement contrebalancée par un État de droit et de protection sociale constitutionnellement établi ; l'acceptation de contrôles et de contrepoids institutionnels, avec les tribunaux fédéraux, en particulier la Cour suprême, en tant qu'arbitre ultime de la loi ; et un attachement à la suprématie mondiale des États-Unis organisée par un pouvoir présidentiel fort.

Tout cela montre clairement que ce n'est pas seulement le progressisme racial qui est attaqué. Les collaborateurs de Trump déchaînent le pouvoir présidentiel de manière à exploiter les tensions internes du système pour faire s'effondrer les dispositions constitutionnelles qui en constituent le fondement. Nous pouvons le constater avec les décisions de Trump de suspendre l'octroi de fonds, de retirer les habilitations de sécurité, d'interdire les discours « pro-diversité » ou d'expulser et peut-être même de traduire en justice des individus pour cause de participation à des manifestations. Bien sûr, l'ordre établi du milieu du XXe siècle a toujours connu des pratiques maccarthystes et n'a pas tenu ses promesses d'intégration, que ce soit par l'internement des Japonais ou les violations des droits pendant la « guerre contre le terrorisme ». Pourtant, après le déclin de la « peur du rouge » des années 1950, le maccarthysme, en tant que projet visant à attiser la peur généralisée, a été considéré par les élites politiques comme fondamentalement « anti-américain » et inconstitutionnel.

Ces pratiques répressives n'ont jamais disparu, mais elles étaient généralement réservées à des groupes défavorisés relativement circonscrits, tels que les radicaux noirs ou les critiques arabes et musulmans de la politique étrangère américaine (en particulier d'origine palestinienne). Ainsi, le soutien de Biden à la répression des manifestations contre la guerre à Gaza s'inscrit dans cette histoire houleuse de la période qui a suivi les années de la « peur du rouge ». En revanche, l'administration Trump, s'appuyant sur les dispositions sécuritaires de l'ère McCarthy et même des années 1790, a commencé à instrumentaliser l'action militante en faveur de la Palestine pour réprimer de manière radicale la liberté d'expression des citoyens non américains. Elle utilise également cette action militante, ainsi que les programmes universitaires et les mesures mises en place par les institutions autour de la diversité, de l'équité et de l'inclusion (DEI), comme prétextes pour porter un coup sans précédent à l'autonomie interne et à la liberté académique des universités. Cette attaque s'inscrit dans le cadre d'une offensive plus large contre la liberté d'organisation du centre et de la gauche américains, qui vise actuellement les cabinets d'avocats proches du Parti démocrate et pourrait bientôt s'étendre aux groupes de la société civile et aux plateformes de collecte de fonds.

Le détournement du pouvoir présidentiel effectué par les représentant.e.s de Trump en vue de démanteler l'appareil administratif de l'État, et peut-être aussi les grandes avancées sociales du milieu du XXe siècle, s'opère de manière similaire. Il pousse à l'instabilité l'équilibre constitutionnel établi entre capitalisme et régulation, pouvoir présidentiel et pouvoir judiciaire, de telle sorte que l'ordre ancien est de plus en plus difficile à maintenir. La pratique constitutionnelle américaine a toujours fait preuve d'un dualisme classique. Le pacte du milieu du siècle était régi à la fois par une Cour suprême à l'autorité impériale et par une présidence à l'autorité tout aussi impériale. Concrètement, l'attachement commun de l'élite à la domination mondiale des États-Unis signifiait que les tribunaux s'en remettaient au président pour les questions de sécurité nationale, ce qui permettait aux présidents de jouir d'un pouvoir de coercition extraordinaire à l'étranger ou aux frontières et d'agir dans le domaine des affaires étrangères comme un législateur quasiment incontrôlé.

Cette forme de déférence était le résultat d'une série de décisions de justice datant de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide, dans lesquelles les juges s'abstenaient largement d'exiger des comptes sur les pratiques sécuritaires, telles que les extraditions de communistes ou le déclenchement de la guerre du Vietnam. Cela ne signifiait pas que les tribunaux ne contrôlaient jamais l'action de l'exécutif en matière d'affaires étrangères, mais que ces rares moments de contrôle s'inscrivaient dans un contexte de permissivité générale. Cette attitude de déférence « là-bas » s'est combinée à l'exercice par les tribunaux de contrôles étendus sur des questions considérées comme nationales, au point que le pouvoir judiciaire fédéral a effectivement fait office d'organe décisionnel dont les décisions finales vis-à-vis des autres instances du pouvoir étaient acceptées sans discussion. Cet équilibre a persisté parce que tant les tribunaux que les présidents ont largement accepté cette répartition des compétences entre affaires étrangères et affaires intérieures.

Mais à mesure que le pouvoir judiciaire fédéral américain devenait de plus en plus conservateur, la relation entre la présidence et le pouvoir judiciaire a pris une nouvelle dimension. Dans le domaine domestique, les tribunaux ont commencé à utiliser ce vaste pouvoir décisionnel pour s'attaquer à la réglementation économique, et ce, en élargissant le pouvoir présidentiel à l'intérieur même du pays. Pendant des décennies, des avocats conservateurs ont élaboré des arguments juridiques pour expliquer pourquoi les agences créées par voie législative constituaient une menace pour un « exécutif unitaire », c'est-à-dire le pouvoir intérieur du président de déterminer du fonctionnement de l'exécutif, indépendamment des directives législatives. Les décisions récentes des tribunaux n'ont peut-être pas démantelé les agences existantes. Mais elles ont eu deux effets : elles ont donné aux juges plus de pouvoir sur les procédures et les décisions des agences, sapant ainsi des acquis réglementaires établis de longue date. Et elles ont remis en question la possibilité qu'une législation inspirée du New Deal puisse limiter le pouvoir présidentiel de décision unilatérale en matière de fonction publique. En effet, la jurisprudence conservatrice sapait silencieusement les fondements de l'État administratif du milieu du siècle, donnant aux juges de droite un plus grand pouvoir pour affaiblir les agences et aux futurs présidents de droite un plus grand pouvoir pour faire de même.

Et donc, tout comme dans d'autres domaines, les décrets de Trump – démantelant unilatéralement les institutions fédérales au mépris des lois du Congrès ou des injonctions des tribunaux – exploitent les faiblesses du système constitutionnel. Comme ceux qui entourent Trump ne le savent que trop bien, une fois les agences fermées, le personnel licencié et les bâtiments vendus, il sera extrêmement difficile de reconstituer le cadre administratif antérieur. Ces dernières années avaient peut-être été ponctuées par des agressions judiciaires conservatrices de faible envergure contre les agences fédérales, soutenues par l'application au coup par coup de certaines théories en matière de pouvoir exécutif. Aujourd'hui, Trump et son équipe s'emparent de ces théories et appliquent la force brute d'un président impérial sans limites – que l'on a déjà pu voir à l'œuvre lors d'interventions à l'étranger – au fonctionnement quotidien de la gestion des affaires publiques nationales. C'est l'autoritarisme planétaire qui s'installe chez nous.

*

Comment les États-Unis en sont-ils arrivés là ? Tout d'abord, il est essentiel de comprendre que les institutions juridiques et politiques américaines sont notoirement antidémocratiques. Elles sont organisées autour d'un système étatique qui accorde la représentation sur une base géographique plutôt qu'à des individus, et qui comprend de nombreux mécanismes de veto qui réduisent le caractère décisif du vote. Cette fragmentation est obtenue par le biais du Collège électoral, du Sénat, de la structure et du processus de nomination de la magistrature fédérale, ainsi que de la marge de manœuvre des États pour redécouper les circonscriptions, limiter le droit de vote ou faire obstacle aux programmes nationaux d'intérêt général. Comme nous l'avons vu, ce n'est que dans les circonstances extraordinaires du milieu du XXe siècle que l'État-providence limité et le « libéralisme racial » issus du New Deal ont été intégrés à la Constitution. Cela a nécessité un degré remarquablement élevé d'organisation et de mobilisation des travailleurs dans le contexte de la Grande Dépression. Et plus tard, cela s'est nourri du spectre de l'Union soviétique, de sorte que les élites politiques étaient prêtes à rechercher un compromis entre les partis afin de mettre en œuvre des réformes dans le domaine de la discrimination raciale, considérées par le centre-gauche comme par le centre-droit comme un impératif de sécurité nationale.

Mais à mesure que la guerre froide s'est atténuée et, surtout après l'effondrement de l'Union soviétique, la droite, de plus en plus enhardie, a été moins contrainte de respecter le pacte constitutionnel du milieu du siècle. Celui-ci a toujours suscité l'opposition virulente de l'ethno-nationalisme américain, une force puissante et persistante dans la vie collective, qui n'a pas disparu après les avancées des droits civiques des années 1960. Alors que nous avons tendance à nous concentrer sur la manière dont la guerre froide a entraîné aux États-Unis la répression violente des socialistes et autres militants de gauche, la perception du besoin de faire front commun contre l'Union soviétique a également incité les responsables politiques de droite à endiguer l'extrême droite, notamment en se livrant à une subtile chorégraphie avec le nationalisme blanc américain, à l'aide de « signaux codés » pour signifier leur sympathie tout en s'abstenant de cautionner explicitement certaines prises de position idéologiques.

Cependant, une fois l'URSS disparue, nous avons assisté à l'émergence progressive d'une droite réactionnaire prête à rompre tous les accords économiques et raciaux existants. Stratégiquement, la droite s'est concentrée sur le recours aux outils qui permettent d'exercer un pouvoir minoritaire dans l'ordre constitutionnel existant, avec ou sans majorité électorale. Au fil du temps, les avantages institutionnels de la représentation étatique lui ont permis de s'emparer de la Cour suprême, du Sénat et même de la présidence à deux reprises, malgré la perte de la majorité électorale. Plus fondamentalement, elle a instauré au sein de l'appareil du Parti républicain et de sa base électorale une culture qui considérait la démocratie multiraciale comme une menace quasi existentielle.

Dans le même temps, l'ordre constitutionnel souffrait du poids de ses propres limites idéologiques et institutionnelles. Les deux dernières décennies ont été marquées par une série de crises sociales – dont la plus importante a été l'effondrement financier et ses répercussions en cascade – qui ont mis en évidence la nécessité d'un renouvellement constitutionnel. Pourtant, les politiciens des années 2000 et 2010, qu'il s'agisse de Bush et McCain ou d'Obama, des Clinton et de Biden, étaient tributaires de l'ancien pacte, axé sur le caractère exemplaire des institutions américaines, la foi dans le libéralisme de marché, la valeur morale de l'interventionnisme mondial et la nécessité de réformes raciales mineures. Le problème, bien sûr, était que ces engagements avaient contribué à générer nombre des problèmes endémiques du pays et qu'ils ne pouvaient certainement pas les résoudre maintenant.

Pendant ce temps, la nature sclérosée du système constitutionnel impliquait que même lorsque les Démocrates contrôlaient les leviers du gouvernement, il devenait presque impossible de s'attaquer à ces questions. Sans le soutien populaire de l'époque du New Deal ou l'engagement bipartite en faveur du progressisme racial, pratiquement toute initiative démocratique significative était vouée à l'échec. Même si elle était adoptée par la Chambre des représentants, il fallait, avec le recours à l'obstruction systématique, obtenir soixante voix sur cent au Sénat. Mais le Sénat, en raison de la surreprésentation des zones rurales et des petites agglomérations, penchait déjà massivement en faveur de la minorité républicaine. Pour les démocrates, obtenir soixante voix signifiait donc remporter une supermajorité par-dessus une supermajorité. Les outils qui avaient forgé le pacte constitutionnel de la Déclaration d'indépendance n'étaient plus opérationnels, et l'impasse qui en résultait intensifiait la désaffection politique généralisée.

Il en a résulté un ensemble de circonstances presque idéales pour l'ascension et maintenant le retour de Trump. La préservation d'un ordre constitutionnel rigide issu du XXe siècle, bien après le moment historique qui l'a engendré, a non seulement empêché les réformes nécessaires et attisé la frustration à l'égard des présidents en exercice, mais elle a également permis à Trump d'accéder à la présidence en 2016 sans l'emporter au suffrage universel, puis de restructurer la Cour suprême selon des orientations complètement en décalage avec l'opinion publique. Lorsque Trump a tenté de contester le résultat des élections de 2020, les institutions en place ont rendu extrêmement difficile l'imposition de sanctions à son encontre, que ce soit par une procédure de destitution, des poursuites judiciaires ou son exclusion des futurs scrutins. En réalité, les institutions elles-mêmes n'avaient jamais effectué le travail essentiel de facilitation des réformes ou de prévention des crises de succession ; elles avaient toujours reposé sur un degré élevé de cohésion culturelle de l'élite, que ce soit au début de la République ou à l'époque des droits civiques pendant la guerre froide. Et maintenant, cette cohésion n'existait plus du tout.

Les défaillances de la Cour suprême, que les élites du milieu du siècle avaient conçue pour inculquer des valeurs communes et contenir les conflits, l'illustrent parfaitement. La Cour, presque ouvertement partisane, a joué un rôle crucial dans cette crise, depuis les mesures visant à supprimer la voix des électeurs de droite jusqu'à l'immunité quasi totale accordée à Trump après ses tentatives de faire annuler les élections de 2020. Et avant cela, ce sont ses décisions qui ont ouvert les vannes de l'argent des grands groupes pour le financement des campagnes électorales. Résultat : aujourd'hui, quelqu'un comme Musk peut utiliser sa fortune illimitée pour à lui seul bouleverser les motivations électorales des responsables politiques, en particulier au sein du Parti républicain, puisque les dépenses engagées lors de sa campagne pour les primaires lui permettent de neutraliser à volonté les ennemis qu'il a ciblés.

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Trump est donc bien placé pour tenter de démanteler l'ordre constitutionnel des États-Unis. Contrairement à peut-être toute autre personnalité politique de l'histoire américaine moderne, y compris Roosevelt dans les années 1930, il jouit d'une capacité remarquable à imposer la discipline de parti aux responsables républicains, un pouvoir que le compte en banque de Musk ne fait qu'amplifier. Trump n'est peut-être pas en mesure de garantir l'élection d'un candidat qu'il soutient, mais ses liens avec sa base électorale signifient que les candidats qui n'ont pas sa faveur seront presque certainement écartés. En outre, il semble motivé par des griefs mesquins et un désir personnel de vengeance ; d'où l'importance qu'il accorde à l'amnistie de ses partisans et à la chasse à quiconque aurait précédemment tenté de s'n prendre à lui. Ce faisant, il a fait de la loyauté personnelle une valeur sacrée et a permis à ses partisans les plus zélés d'exercer une influence politique significative. Il en résulte un second mandat dominé par des idéologues d'extrême droite comme Russell Vought du Project 2025, ou Ed Martin, aujourd'hui au ministère de la Justice, qui sont bien moins motivés par des calculs électoraux que le responsable républicain typique.

De même, Musk semble avoir pour priorité l'accroissement de son pouvoir et son enrichissement personnel, et sa démarche est motivée par l'objectif connexe d'éliminer les contraintes que l'État fédéral impose aux entreprises privées. Ses initiatives visant à licencier en masse les fonctionnaires fédéraux sont révélatrices à cet égard. Bien que le New Deal n'ait jamais systématiquement cherché à limiter l'arbitraire de l'employeur dans le secteur privé, il a instauré des protections au niveau fédéral qui ont restreint le pouvoir des employeurs par rapport à ce qui se faisait ailleurs. L'objectif de Musk est de mettre fin à cette contrainte et de subordonner tous les emplois, publics ou privés, aux diktats des employeurs. Bien qu'il s'agisse clairement d'objectifs anciens de la droite, Musk agit également de manière indirectement motivée par des calculs électoraux. Pour Musk, le parti semble surtout être un outil utile pour libérer les entreprises du contrôle démocratique.

Cette conjonction de facteurs a suscité une volonté d'aller bien au-delà des limites qui ont traditionnellement freiné les républicains par le passé. Pourtant, l'administration est confrontée à des vents contraires non négligeables. Pour commencer, malgré l'idée d'un mandat évoquée par Trump, il reste historiquement impopulaire, n'ayant pas réussi à obtenir 50% des voix lors des élections de novembre. Sa victoire a été fondamentalement obtenue par défaut, en raison du rejet du président sortant lors d'un scrutin où la participation a été plus faible qu'en 2020. Et malgré les discours des Républicains selon lesquels Trump tient ses promesses électorales, la vérité est qu'il a nié vouloir mettre en œuvre des éléments clés de cette rupture constitutionnelle lors de sa campagne électorale, déclarant lors du premier débat : « Je n'ai rien à voir avec le Projet 2025 ». Pour de nombreux électeurs, Trump était considéré en 2024 comme un « modéré » et peu attaché à une idéologie particulière, une perception qui a favorisé sa campagne.

S'il dispose sans doute d'une base de soutien puissante, celle-ci reste minoritaire. Ce projet d'extrême droite ne bénéficie d'aucun soutien majoritaire, même de loin. En effet, la vision dérégulatrice de l'ère néolibérale a perdu de plus en plus de terrain au cours de la dernière décennie. Sa mise en œuvre dans une version extrême n'est viable qu'à court terme en raison de la discipline que Trump et Musk peuvent imposer au parti.

Mais l'horloge tourne, à la fois en raison de l'âge de Trump et de la limite de deux mandats (le narcissisme du président fait qu'il ne semble pas s'intéresser à la question de sa succession). De fait, l'une des conséquences probables à moyen terme de l'offensive trumpiste pourrait être le succès des Démocrates aux élections de mi-mandat de 2026 et un retour des Démocrates à la Maison Blanche en 2028, compte tenu de la prédominance du sentiment d'opposition au président sortant. Tant que les élections aux États-Unis restent plus ou moins équitables, il n'y a pas de chemin clairement tracé pour permettre à Trump, Vought, Musk, Martin et d'autres de consolider un nouvel ordre constitutionnel qui remplacerait l'ancien. C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles les trumpistes s'efforcent de mobiliser la machinerie étatique pour attaquer l'infrastructure institutionnelle du Parti démocrate : ses avocats, sa capacité à mobiliser les électeurs et ses réseaux d'ONG. Outre la punition des opposants à Trump, l'un des objectifs pourrait être de restreindre la force électorale démocrate sur le modèle des mesures de suppression des électeurs prises dans les années 2010 mais dont l'efficacité a finalement été limitée. S'il est trop tôt pour prédire l'issue de cette opération, il est clair que la base trumpiste n'est de loin pas assez importante pour rendre possible la répétition de telles opérations lors d'élections libres.

Cela ne veut toutefois pas dire que les effets potentiels de l'offensive en cours contre l'ordre constitutionnel existant sont à négliger. Si Vought et Musk parviennent à démanteler une grande partie de l'appareil étatique de réglementation et de protection sociale, il sera probablement impossible de le reconstituer sous sa forme antérieure. Compte tenu du contrôle de la Cour suprême par les trumpistes, on peut donc imaginer un résultat contrasté où certaines des mesures de l'administration seront finalement jugées inconstitutionnelles tandis que d'autres seront maintenues. Bien que ce résultat puisse suffire à satisfaire les centristes qui estimeraient alors que l'ordre ancien reste en place, la situation réelle sera néanmoins celle d'une compétence réglementaire considérablement réduite ainsi que d'un démantèlement plus poussé des réformes raciales et des droits fondamentaux des ressortissants étrangers. Élément crucial, alors que les principes fondamentaux de l'égalité raciale et des libertés civiles étaient autrefois inscrits dans un pacte partagé par les plus hautes sphères dirigeantes, ils pourraient désormais bien être remis en question à chaque échéance électorale.

Un tel résultat montre à quel point l'offensive constitutionnelle de Trump est fondamentalement une offensive culturelle dirigée contre les convictions fondamentales forgées au cours du XXe siècle. La politique d'extrême droite aux États-Unis épouse une conception ethnonationaliste ouverte d'essence chrétienne, doublée d'un individualisme forcené et cupide. Faire passer de telles idées pour normales s'inscrit dans une stratégie politique d'ensemble. Ceci est visible dans les vidéos réalisées ou promues par la Maison Blanche, qui se délectent de cruauté envers les immigrants ou transforment le nettoyage ethnique des Palestiniens en une plaisanterie sur les tours Trump à Gaza.

Effectivement, les coups portés à l'État administratif et aux universités s'inscrivent dans cette volonté de refonder la vie en société selon les valeurs de l'extrême droite. Même après une privatisation à grande échelle, l'État trumpiste aurait encore un rôle à jouer, mais en tant que lieu de pouvoir coercitif contre ceux qui sont perçus comme des ennemis et les éléments extérieurs, et en tant que source de subventions frauduleuses pour les kleptocrates de l'intérieur. L'université trumpiste aurait également sa fonction, mais en tant que moteur néolibéral encore plus extrême pour le retour sur investissement, en relation avec la promotion d'une culture de la « civilisation occidentale ».

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Quelles implications pour la gauche ? Une réponse courante aux agissements de Trump a été de se rassembler autour de la Constitution et même de croire que les tribunaux sauveront le pays. On le voit dans l'idée que, en refusant de se conformer aux décisions de justice, Trump a déclenché une « crise constitutionnelle » ou une « mise à l'épreuve de sa résistance » – ce qui implique que tout pourrait encore revenir à la normale tant que les responsables écoutent les juges. Contre ce raisonnement, nous devons rappeler que c'est le système constitutionnel qui a ouvert la voie à l'ascension, au retour et à l'offensive actuelle de Trump. Compte tenu de la mainmise de la droite sur la magistrature fédérale, tout regain de confiance dans les juges n'est que le reflet du désir des Démocrates de convaincre suffisamment de bons Républicains de revenir à la raison et de désavouer Trump : un plan qui a échoué à plusieurs reprises.

Ce n'est pas en raison d'une confiance de principe dans les juges ou les normes constitutionnelles qu'il faut s'opposer à la violation des décisions de justice par Trump. La paralysie du système constitutionnel, aggravée par un mécanisme d'amendement impossible à mettre en œuvre, a fait que nombre des acquis démocratiques du pays, de la Reconstruction au New Deal, ont eux-mêmes nécessité un certain degré de transgression des règles. Les grands mouvements sociaux du passé, de l'abolition des esclavages aux droits civiques, en passant par le droit du travail et le droit de vote des femmes, ont appelé à défier les décisions de justice injustes qui ont maintenu l'esclavage, la ségrégation et la privation des droits civiques, ou criminalisé la syndicalisation. Compte tenu du contrôle actuel de la droite sur les tribunaux, la gauche pourrait se retrouver dans une situation similaire dans les années à venir, et appeler à la désobéissance civile à l'autorité judiciaire.

La gauche devrait néanmoins soutenir fermement les actions en justice et dénoncer le mépris de Trump pour les tribunaux, mais pour des raisons différentes. Ces actions sont un moyen, bien que limité, de protéger les plus déshérités contre une violence débridée. Et plus généralement, le mépris de Trump témoigne de l'acceptation générale de l'impunité par l'administration, qu'il s'agisse de tentatives de remise en cause du résultat des élections, de corruption massive, de licenciements arbitraires ou de représailles contre des opposant.e.s politiques. Aucun système démocratique, libéral ou socialiste, ne peut fonctionner si une clique puissante peut systématiquement s'exonérer de la loi tout en utilisant les rouages de l'État pour répandre la peur et l'intimidation.

L'exemple du New Deal rappelle également à la gauche américaine la nécessité de construire une base populaire capable d'imposer des changements significatifs dans l'ordre constitutionnel. Même avant l'agression actuelle de Trump, cet ordre avait échoué en tant que mécanisme permettant de résoudre les crises interconnectées de notre époque : économique, écologique, raciale. Toute perspective réelle de changement positif exigera une majorité solide, même si elle est inférieure aux très fortes majorités que nous avons connues dans la première moitié du XXe siècle. C'est une condition préalable essentielle pour que la gauche puisse rompre avec les règles, mais au nom de la démocratie.

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Il est certainement envisageable que la faiblesse des Démocrates conduise à une nouvelle victoire républicaine lors des prochaines élections. Cependant, si les Démocrates se retrouvent au pouvoir, leur victoire pourrait s'avérer aussi creuse que celle de Trump : une victoire par défaut, remportée par un.e candidat.e parce que non sortant.e. S'ils parviendront peut-être à stopper les pires éléments de l'extrême droite américaine à court terme, en l'absence de véritables transformations au sein du parti lui-même, ils ne feront que reproduire le cycle de la désaffection à l'égard des sortant.e.s.

Malheureusement, rien dans le Parti démocrate actuel ne suggère qu'il comprenne la tâche que cela implique, ou qu'il soit capable de se comporter comme une opposition organisée et coordonnée. La récente défection de Chuck Schumer, le chef de la minorité au Sénat, qui n'a pas soutenu la direction élue du parti dans ses démarches visant à empêcher Trump d'obtenir l'adoption d'un budget, témoigne d'un manque de cohérence et de courage internes. L'appareil et les dirigeant.e s démocrates semblent prendre des décisions en fonction de leurs objectifs électoraux immédiats, sans tenir compte du contexte politique plus large. Alors que Trump et ses partisans agissent comme une avant-garde, la hiérarchie démocrate a été tellement façonnée par les règles de l'ancien pacte constitutionnel qu'elle semble manifestement incapable de s'en écarter.

Il en résulte une possible ouverture pour la gauche américaine. Alors que les démocrates centristes tentent en vain de maintenir l'ancien ordre constitutionnel et que l'extrême droite ne parvient pas à le remplacer par autre chose que la prédation et la xénophobie, le rôle des forces socialistes démocratiques pourrait être de proposer un autre choix crédible. Un telle initiative devra prendre de multiples formes. Elle nécessitera de défendre les personnes particulièrement vulnérables aux attaques de Trump, parmi lesquelles les non-citoyens, les personnes transgenres et les militants des droits des Palestiniens. Les politiciens et les commentateurs centristes ont fait preuve d'une volonté manifeste de mettre de côté tous ces groupes, en partie par pure suspicion idéologique, en partie par pur opportunisme électoral. Mais il est une leçon qu'a apprise depuis longtemps l'opposition politique confrontée à des régimes autoritaires, que ce soit dans le Sud des États-Unis à l'époque de la ségrégation ou ailleurs, et c'est que la volonté de défendre ses principes est un moyen essentiel d'instaurer la confiance et la solidarité entre les mouvements, y compris en période électorale. Cela implique de prendre des risques, même lorsque cela n'est pas dans l'intérêt immédiat du parti. Et l'incapacité de nombreux Démocrates à agir ainsi, c'est ce qui ouvre la voie aux formations de gauche.

Deuxièmement, la gauche doit mettre en place des structures qui puissent jeter les bases de changements transformateurs, tant au niveau de la Constitution que de la société dans son ensemble. Cela implique de protéger et de développer les institutions porteuses de sens – syndicats de travailleurs et de locataires, formations politiques de toutes sortes, lieux de liberté académique et d'autonomisation des travailleurs dans les universités, pour n'en citer que quelques-unes – qui intègrent les valeurs de démocratie et de solidarité dans la vie quotidienne. Prenons l'exemple des partis politiques. Aux États-Unis comme dans d'autres régions du monde, les partis ont longtemps joué le rôle de communautés sociales, proposant toute une gamme de services et de dispositifs et intégrant les individus dans leur environnement social au sens large. Mais aux États-Unis, le parti n'est pas une véritable organisation qui repose sur l'adhésion de ses membres, et encore moins une communauté sociale. Il s'agit exclusivement d'un moyen pour les élites liées à l'appareil officiel de se présenter aux élections et d'exercer des fonctions officielles. Les Américain.e.s interagissent rarement avec le parti, sauf pendant la période électorale, lorsque des sommes considérables sont dépensées au profit des futur.e.s élu.e.s.

Kamala Harris a réussi à récolter plus d'un milliard de dollars malgré sa défaite. Imaginez qu'un parti ait plutôt utilisé ses vastes ressources pour créer des structures au niveau local. Bien sûr, il existe des règles électorales fédérales aux États-Unis visant à limiter l'achat direct de votes, même si ces règles ont grandement facilité la tâche des entreprises et des milliardaires qui ont pu faire exactement la même chose. Mais cela n'empêche pas de réfléchir de manière créative à l'infrastructure communautaire plus large dans laquelle un parti s'inscrit. Les Black Panthers ont sans aucun doute commis de nombreuses erreurs stratégiques, voire éthiques, mais ils se considéraient comme une formation d'opposition ancrée dans la société civile. Parmi leurs réalisations concrètes les plus durables, on peut citer la fourniture de services à certaines des personnes les plus marginalisées du pays (petits-déjeuners pour les enfants, dispensaires, ambulances, vêtements, services de bus, soutien aux prisonniers et centres éducatifs). Il s'agissait de réponses à un besoin social réel, qui s'inscrivait dans une démarche d'intégration des populations locales au cadre organisationnel du parti. Ils cherchaient à créer, selon les termes de l'historien du populisme Lawrence Goodwyn, une « culture du mouvement » en opposition à celle qui prévalait.

C'est une leçon que la gauche pourrait retenir, compte tenu des initiatives parallèles de l'extrême droite en vue d'établir l'hégémonie de sa propre culture d'opposition. Si le succès électoral de Trump est dû en partie à la capacité de l'extrême droite à créer un univers façonné autour de sa personnalité, la gauche doit élaborer un projet qui fasse contrepoids. Son objectif devrait être de transformer le monde tel que les gens le vivent au quotidien à travers la médiation assurée par ses propres institutions : au travail, à l'école, dans leurs quartiers. Elle devrait contester la réalité à ce niveau élémentaire.

Le problème, bien évidemment, est que le terrain politique actuel – façonné par le long processus d'étouffement du travail et par la richesse et le pouvoir de la classe milliardaire – est très hostile. Les militants de gauche, à l'intérieur comme à l'extérieur du Parti démocrate, sont aussi constamment attaqués par leurs adversaires centristes, plus puissants et mieux coordonnés, qu'il s'agisse des manœuvres visant à faire échouer les campagnes présidentielles de Sanders ou de la répression des manifestations sur les campus en faveur de Gaza. La bataille se mène sur un terrain difficile. Mais le fait est que ni le centre ni l'extrême droite ne peuvent offrir une issue à la décadence institutionnelle de l'Amérique. Il fut une époque où, aux États-Unis et ailleurs, un univers culturel de gauche existait, et il n'y a pas d'autre solution que de le reconstruire.

Aziz Rana

Source – Sidecar. NLR. 21 mars 2025 :
https://newleftreview.org/sidecar/posts/constitutional-collapse
Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l'aide de DeepLpro.
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article74155

Trump, la science et la création d’ignorance

1er avril, par Joelle Palmieri — , ,
Trump donne du fil à retordre aux scientifiques. C'est dans l'ordre des choses d'un fanatique, dont les alliés, les évangélistes et les propriétaires du numérique, se frottent (…)

Trump donne du fil à retordre aux scientifiques. C'est dans l'ordre des choses d'un fanatique, dont les alliés, les évangélistes et les propriétaires du numérique, se frottent les mains. Leur but : éradiquer tout ce qui leur nuit, consolider une base disciplinée, et pour se faire créer de l'ignorance. La science est bousculée mais ses disciples empruntent-iels les bonnes stratégies ?

26 mars 2025 | tiré du site Entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/26/trump-la-science-et-la-creation-dignorance/

Le nouveau gouvernement Trump s'en prend aux scientifiques. À peine deux mois après son investiture, le président états-unien a licencié des dizaines de milliers de chercheureuses, réduit les subventions allouées à la recherche, arrêté la collecte de données scientifiques et plus précisément celles portant sur l'environnement ou le climat mais aussi sur les discriminations sociales (race, classe, sexe), limité le droit à manifester sur les campus. Robert Proctor évoque une « guerre contre la science » [1]. Cette offensive ultraconservatrice participe, selon le professeur d'histoire des sciences, à « un âge d'or de l'ignorance ». Elle est facilitée par les soutiens les plus actifs du président, le très important mouvement chrétien évangélique qui essaime un imaginaire pauvre, complotiste, climato-septique, antiféministe, masculiniste, raciste. Se rallient sans sourciller à cette mouvance, les propriétaires du numérique, dont Bezos (Amazon), Zuckerberg (Meta), Musk (X, Tesla, Space X), toujours animés par la course aux technologies, la conquête de l'espace et la quête de profit financier rapide.

Asseoir un pouvoir souverain

La guerre contre les sciences et les scientifiques n'est pas nouvelle. Celle-ci connaît deux piliers concomitants et imbriqués. La première raison pour créer de l'ignorance est idéologique. Trump et ses alliés du capitalisme entendent éliminer tout ce qui leur nuit. Ce parti pris rappelle des périodes et des choix politiques délétères qui ont fini par échouer. Proctor mentionne le nazisme et sa « peur de moindre influence extérieure sur son monde ». On peut aussi mobiliser une brochette de dictateurs, Pinochet et Franco en tête, qui ont, dès leur coup d'État, mené une chasse aux intellectuel·les. Trump fait penser à d'autres homologues élus, et en particulier à Mahmoud Ahmadinejad, président de la République islamique d'Iran de 2005 à 2013, qui s'est fait élire en promettant de mettre l'argent du pétrole sur la table des démunis. Il a en fait suivi l'exemple de ses aînés pour mieux asseoir ses populisme et clientélisme religieux, dans son cas l'islam. Cela est passé par le nettoyage des universités des intellectuel·les dit « libéraux », la fermeture de journaux prisés par les étudiant·es et les milieux intellectuels et l'amplification de la censure (interdiction de publication de livres et de production de films) [2]. Dans tous les cas, l'objectif finalement banal de ces dirigeants est de barrer la route aux opposant·es en lutte contre le capitalisme, les discriminations et les violences, et de consolider un pouvoir souverain sur une population passive, voulu suiviste et docile. Assise sur un masculinisme politique et sur un alignement plus ou moins affirmé aux thèses de l'extrême-droite, la virtuosité de leurs agressions verbales et réelles se mesure à la production de violences épistémiques (expressions, imaginaires, représentations et descriptions de savoirs et connaissances) et par ricochet à la production d'ignorance.

Accélérer la société de l'ignorance

La deuxième raison pour créer de l'ignorance est techno-politique. Trump suit sans sourciller son club de milliardaires issus du numérique, des hommes blancs hétérosexuels riches diplômés, aux ambitions financières et technologiques internationales. Tous sont issus de la contre-culture nord-américaine, dont ils ont adopté la branche antipolitique : se méfier à tout crin de l'État et rejeter le politique. Pourtant tous ont convolé en noces avec les États qui depuis la naissance du secteur sous-traitent les politiques d'éducation, de santé, de transports, etc. Cette collaboration permanente s'illustre aux États-Unis mais aussi en dehors [3]. Pour seul exemple, Macron rencontrait Musk le 3 décembre 2022 à la Nouvelle-Orléans qui un mois plus tard apportait son soutien à la très contestée réforme des retraites [4]. Par l'intermédiaire des réseaux sociaux, des moteurs de recherche, des plateformes de diffusion audiovisuelles ou de communication en ligne, des applications de suivi d'activités sportives ou culturelles, de l'intelligence artificielle, etc. de nouvelles épistémès s'insinuent dans les esprits des utilisateurices que nous sommes au point de nous abêtir. Par exemple, dans notre très grande majorité, nous nous adaptons sans mot dire et continuellement aux changements que le propriétaire du numérique impose comme une mise à jour de sécurité ou logicielle. Nous nous soumettons à ces incises permanentes par souci de confort tandis que lui augmente sa capacité de concurrence commerciale [5]. Nous adoptons son langage, le like, le tweet, les story, les trolls, les threads. Nous modifions nos comportements. Parfois de mauvaise grâce, nous nous plions aux normes imposées par les logiciels que nous utilisons, alors que nous n'avons absolument pas été consulté·es dans leur création. En fait, tous les jours, nous empruntons un sens unique à très grande vitesse, celui mis en place par une poignée d'hommes qui nous interdisent d'aller dans un autre sens. Nous en arrivons à ne plus nous croiser ni à faire demi-tour tant rester entre nous nous rassure. Nous nous suivons, nous engouffrons dans un tunnel, cet entre soi qui nous conforte dans nos idées ou alimente nos seuls points de vue. Notre esprit critique se développe moins car nos pensées s'échangent de plus en plus sans contradiction avec d'autres. Petit à petit, nos pensées sont bouleversées : elles s'occidentalisent, se libéralisent, se sexualisent, se racisent.

Dirigeants politiques et propriétaires du numérique construisent ainsi depuis les années 1990 une société de l'ignorance dont nous acceptons les règles. Michel Foucault avait évoqué la société disciplinaire [6], organisée autour d'institutions d'enfermement (usines, hôpitaux, écoles, prisons). Gilles Deleuze avait parlé des autoroutes de la société de contrôle [7] : celleux qui les empruntent sont confronté·es à des normalisations qu'ielles acceptent volontiers pour avancer plus vite alors qu'elles sont des formes de pouvoir. Désormais, les « autoroutes de l'information » [8] nous contraignent à une constante surveillance, susceptible d'être suspendue par décision discrétionnaire, sans que nous ayons aucune prise sur les raisons qui la motivent. Finalement, sur ces autoroutes, où les relations de pouvoir sont invisibilisées [9] et où les réalités complexes et les connaissances associées sont dépréciées [10], nous diminuons nos connaissances.

Rompre avec l'agnotologie des sciences

Proctor a bien raison de souligner cet « âge d'or de l'ignorance ». Malheureusement, nous vivons un paradoxe car une grande partie de la science dite dure, celle, en plus des sciences humaines, qui est fortement attaquée par Trump, produit de la connaissance tout en créant de l'ignorance délibérée, ce que le professeur d'histoire des sciences appelle l'agnotologie. Cette situation rend le développement d'une nouvelle épistémologie du soin, de l'éducation, de la recherche, du climat… très difficile. Prenons un exemple. La médecine produit de l'agnotologie de genre et de race [11], notamment parce que le système de santé français est fortement empreint de paternalisme, d'essentialisme mais aussi d'histoire de l'esclavage, de la colonisation et de l'après-colonisation.

Commençons par l'agnotologie de genre. En pratiquant majoritairement ses essais cliniques sur les hommes, en sous-orientant les diagnostics des pathologies chez les femmes [12], et plus globalement en n'intégrant pas le genre dans la santé, la médecine maltraite les femmes. La recherche médicale continue de se concentrer sur le contrôle de leurs corps en tant que personnes dédiées à la reproduction sexuelle [13] et à la gestion de la vie quotidienne (éducation, santé, alimentation des ménages) si bien qu'elle continue à les réduire à leur essence féminine, qui connaîtrait des troubles liés à leurs chromosomes, leurs hormones, leur cycle, leurs humeurs.

De fait, les médecin·es expérimentent des traitements sur des personnes qu'ils considèrent d'emblée soumises, en adoptant une posture de père (de mineur·es civiques) ou de maître (d'esclaves) [14]. Rappelons que pendant la colonisation, les médecins, très majoritairement des hommes, ont par leurs rapports médicaux, leurs essais sur les situations sanitaires des colonies ou encore dans leurs mémoires, dépassé le cadre de la pratique médicale pour jouer un rôle majeur dans l'entreprise coloniale de création de dépendance [15]. Aujourd'hui, Ils perpétuent en particulier l'idée que le corps noir est plus immunisé, plus fort, plus endurant que celui des Blanc·hes [16] tout en renvoyant « le nègre » à l'état d'animal dont le corps doit être bridé et l'esprit domestiqué [17]. De la même façon, avec le syndrome méditerranéen, un stéréotype bien ancré dans la profession, des médecin·es considèrent que les personnes, et plus particulièrement les femmes, nord-africaines ou noires vivant autour de la Méditerranée, exagèrent leurs symptômes et leurs douleurs [18]. De nombreux faits d'actualité en témoignent. L'ensemble construit une agnotologie de race.

La médecine peut alors représenter l'exégèse de cette science qui met volontairement ses piliers – patriarcat, esclavage, colonisation – sous le tapis. Alors, comment soutenir les scientifiques et les espaces de transmission des savoirs dominants ? Comment les aider à transformer la pédagogie à mettre en place dans les enseignements scientifiques ? Comment les soutenir efficacement dans la lutte contre les assauts religieux, technicistes, idéologiques ultraréactionnaires ? En les incitant à balayer devant leur porte.

Joelle Palmieri, 23 mars 2025

Notes

[1] Hervé Morin et Nathaniel Herzberg, « Robert Proctor, historien des sciences : « Nous vivons un âge d'or de l'ignorance », Le Monde, 9 mars 2025,
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2025/03/09/robert-proctor-historien-des-sciences-nous-vivons-un-age-d-or-de-l-ignorance_6577603_1650684.html
[2] Mohammad-Reza Djalili, « L'Iran d'Ahmadinejad : évolutions internes et politique étrangère », Politique étrangère, Printemps (1), 2007, 27-38.
[3] Alexandra Saemmer et Sophie Jehel (dir.), Éducation critique aux médias et à l'information en contexte numérique, Presses de l'ENSSIB, 2020.
[4] Sophie Cazaux, « Elon Musk apporte un soutien inattendu a la réforme des retraites du gouvernement », BFM patrimoine, 21 janvier 2023,
https://www.bfmtv.com/economie/patrimoine/retraite/elon-musk-apporte-un-soutien-inattendu-a-la-reforme-des-retraites-du-gouvernement_AN-202301210053.html.
[5] Jules Naudet, « Le numérique restructure le social – Entretien avec Roberta R. Katz », La vie des idées, Dossier : Faut-il avoir peur de la révolution numérique ?, 8 juin 2022,
https://laviedesidees.fr/Le-numerique-restructure-le-social.html.
[6] Michel Foucault, Construction politiques : savoirs, pouvoirs et biopolitique, Liège, Centre Franco Basaglia, 2012.
[7] Gilles Deleuze, « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle », L ‘autre journal, n°1, mai 1990.
[8] Cette terminologie, utilisée pour la première fois en 1993 par le sénateur Al Gore, alors vice-président des États-Unis, va entrer dans les discours et rapports pour qualifier les réseaux de communication et leur importance pour la croissance économique de tous les pays.
[9] Fred Turner, L'usage de l'art – de Burning Man à Facebook, art, technologie et management dans la Silicon Valley, Paris, C&F Éditions, 2020.
[10] Edgar Morin, La méthode 4. Les idées, Paris, Le Seuil, coll. Essais, 1991.
[11] Joelle Palmieri, « Agnotologie de genre de la médecine : l'exemple de la douleur », in « La santé : un immense enjeu », Paris : Éditions du Croquant, collection Les débats de l'ITS, n° 15, mai 2024.
[12] Danielle Bousquet, Geneviève Couraud, Gilles Lazimi et Margaux Collet, « La santé et l'accès aux soins : une urgence pour les femmes en situation de précarité », Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, Rapport n° 2017-05-29-SAN-O27 publié le 29 mai 2017.
[13] Paola Tabet, La Construction sociale de l'inégalité des sexes. Des outils et des corps, Paris-Montréal : L'Harmattan (« Bibliothèque du féminisme »), 1998, 206 p.
[14] Grégoire Chamayou, « L'expérimentation coloniale », Les corps vils, sous la direction de Grégoire Chamayou, Paris, La Découverte, 2014, p. 341-384.
[15] Malek Bouyahia, « Genre, sexualité et médecine coloniale. Impensés de l'identité ‘indigène' », Cahiers du Genre, vol. 50, no. 1, 2011, p. 91-110.
[16] Delphine Peiretti-Courtis, Corps noirs et médecins blancs : La fabrique du préjugé racial, XIXe-XXe siècles, Paris, La Découverte, La Découverte, 2021.
[17] Achille Mbembé, Critique de la raison nègre, Paris, La Découverte, 2013.
[18] Isabelle Lévy, « La douleur : signification, expression, syndrome méditerranéen », Revue internationale de soins palliatifs, vol. 28, n° 4, 2013, p. 215-219.

https://joellepalmieri.org/2025/03/23/trump-la-science-et-la-creation-dignorance/

Budget 2025 du Québec—Aides pour les patrons, coupes pour les autres

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/03/Screenshot-2025-03-31-at-6.55.52%E2%80%AFPM-1024x711.png1er avril, par Comité de Montreal
À la fin du mois de mars, le ministre des Finances du Québec, Éric Girard a déposé son budget pour l'année financière 2025-2026. Prétextant un « déficit record », la CAQ fait (…)

À la fin du mois de mars, le ministre des Finances du Québec, Éric Girard a déposé son budget pour l'année financière 2025-2026. Prétextant un « déficit record », la CAQ fait d'importantes coupures dans la santé, l'éducation et le transport en commun. Pourtant, les subventions aux entreprises (…)

Le co-réalisateur de No other land kidnappé par l’armée israélienne

31 mars, par Artistes pour la paix — ,
Avant l'aube du 25 mars, Hamdan Ballal, qui venait tourner à nouveau dans le village filmé par No other land, a été attaqué par des colons juifs, particulièrement déchaînés (…)

Avant l'aube du 25 mars, Hamdan Ballal, qui venait tourner à nouveau dans le village filmé par No other land, a été attaqué par des colons juifs, particulièrement déchaînés depuis qu'ils savent leurs violences légitimées par l'hystérie génocidaire antipalestinienne de Nétanyahou.

Par les Artistes pour la Paix - matin du 25 mars

Le réalisateur Hamdan Ballal aux côtés de la coréalisatrice Rachel Szor récompensés à Hollywood par un Oscar en mars 2025

L'épuration ethnique par Israël du peuple palestinien, à qui il ne reste que la Cisjordanie et Gaza, est régulièrement dénoncée par l'ONU comme étant illégale au regard du droit international.
Mais le Canada à qui les Artistes pour la Paix ont encore demandé hier de reconnaître la Palestine comme pays indépendant (comme 75% des pays de l'ONU l'ont fait) semble tolérer les violences israéliennes, qui selon les responsables de la santé de Gaza viennent de faire exploser le bilan à plus de 50 000 morts (sans compter des milliers de disparus). Le Conseil de Sécurité de l'ONU ne peut agir, bloqué par l'absurde et injuste blocage états-unien.

Radio-Canada, ce matin, raconte bien les événements dramatiques des blessures de Hamdan Ballal au ventre et à la tête aux mains de colons, mais le pire allait survenir plus tard, quand à peine entré dans une ambulance appelée par ses compagnons, il en a été extirpé manu militari par des soldats israéliens qui l'ont emmené dans une destination inconnue. Comment dire notre indignation extrême ?

No other land

« Il y a deux mois je suis devenu père, et j'espère que ma fille ne vivra pas la même vie que moi, à craindre la violence des colons, les démolitions et les déplacements forcés que ma communauté, Masafer Yatta, subit tous les jours sous l'occupation israélienne. No other land reflète la dure réalité que nous subissons depuis des décennies et face à laquelle nous résistons, tandis que nous appelons à la fin la guerre, à la fin des injustices, à la fin du nettoyage ethnique des Palestiniens. »

Le co-réalisateur Yuval Abraham prend la parole : « Quand je regarde Basel, je vois mon frère, mais nous ne sommes pas égaux. Nous vivons dans un régime où je suis libre, sous des lois civiles, et Basel est sous des lois militaires qui détruisent sa vie et qu'il ne peut pas contrôler. Il y a un autre chemin, une solution politique sans suprématie ethnique, avec des droits nationaux pour nos deux peuples. Et je dois dire, puisque je suis ici [aux États-Unis], que la politique étrangère de ce pays participe au blocage de ce chemin. Ne voyez-vous pas que mon peuple ne peut être en sécurité que si le peuple de Basel est libre et en sécurité ? »

L'Oscar du meilleur documentaire a été décerné le 2 mars 2025 à No Other Land, produit par un collectif palestino-israélien, qui suit l'histoire d'un militant palestinien qui se lie d'amitié avec un journaliste israélien pour qu'il l'aide dans sa quête de justice, alors que son village de Masafer Yatta est attaqué en raison de l'occupation israélienne.

Il s'agit du premier film réalisé par Basel Adra, Hamdan Ballal, Yuval Abraham et Rachel Szor, qui l'ont décrit comme un acte de résistance sur le chemin de la justice. No Other Land reflète la dure réalité qu'ils ont endurée pendant des décennies et à laquelle ils continuent de résister, appelant le monde à prendre des mesures concrètes pour mettre fin à l'injustice et à l'épuration ethnique du peuple palestinien. Malgré le succès du film aux Oscars et sa distribution dans 24 pays, No Other Land n'a pas trouvé de distributeur aux États-Unis "en raison de son sujet" selon le site IMDb.

Les risques du tournage

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Nous avons réalisé ce film, Palestiniens et Israéliens, parce qu'ensemble, nos voix sont plus fortes. Ce film puissant couvre une période de quatre ans, de 2019 à 2023, de la vie sous occupation dans la ville. Même s'il a remporté de nombreux prix, notamment le Panorama Audience Award du meilleur documentaire et le Berlinale Documentary Award lors du Festival international du film de Berlin 2024, l'objectif de la production de "No Other Land" n'était "pas le prix lui-même, mais... d'atteindre le cœur des gens. Nous voulons que les gens voient la réalité de ce qui se passe dans notre communauté de Masafer Yatta, dans toute la Cisjordanie et la vie quotidienne sous cette occupation brutale".

La réalisation du film comportait pour Basel Adra de nombreux risques, comme l'invasion de sa maison et la confiscation de ses caméras par des soldats israéliens. "Et j'ai été physiquement agressé sur le terrain lorsque je me déplaçais pour filmer ces crimes" a poursuivi Basel Adra dans une entrevue après l'Oscar, une sorte de prévision du cauchemar que vit présentement son collègue Hamdan Ballal.

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Sénégal : appel à la mobilisation pour l’annulation de la dette illégitime

31 mars, par Serigne Sarr
Serigne Sarr, correspondant à Dakar Le Fonds monétaire international (FMI) a récemment révélé qu’entre 2019 et 2023, une dette de 7 milliards de $ US (4 000 milliards de FCFA) (…)

Serigne Sarr, correspondant à Dakar Le Fonds monétaire international (FMI) a récemment révélé qu’entre 2019 et 2023, une dette de 7 milliards de $ US (4 000 milliards de FCFA) aurait été dissimulée sous la présidence de Macky Sall. Cette annonce a provoqué un choc au sein de l’opinion publique (…)

Les assises de l’État de droit attaquées aux USA

30 mars, par Guylain Bernier, Yvan Perrier — , ,
Nous vivons en ce moment des événements qui permettent de penser qu'un grand chambardement est en cours. De fait, il y a des décisions qui se prennent à Washington qui nous (…)

Nous vivons en ce moment des événements qui permettent de penser qu'un grand chambardement est en cours. De fait, il y a des décisions qui se prennent à Washington qui nous mettent en présence d'une sorte de grand bouleversement des règles du jeu et même de quelque chose qui va au-delà. Depuis le retour de Trump II au Bureau ovale de la Maison-Blanche, nous nous retrouvons dans une dynamique de rupture à plus d'un titre. Nous pouvons même affirmer qu'il s'agit d'un coup d'État, à moins que le Congrès et les tribunaux mettent le holà aux décrets (déroutes) présidentiel(le)s. Pour comprendre le tout, nous proposons la piste de la Fenêtre d'Overton et de la Théorie du fou.

Sur certaines tendances qui caractérisent le moment actuel

Le moment actuel se caractérise à coup sûr, par une exacerbation de la déréglementation et une parenthèse dans la mondialisation. De plus, il y a une remise en question des alliances internationales et l'ennemi intérieur est de plus en plus identifié clairement.

Au pays de l'Uncle Sam, les coupures ne se sont pas fait attendre. À l'instar de Javier Milei, président argentin, Elon Musk y est allé du même instrument (la tronçonneuse) pour réduire la taille de l'État et s'attaquer à certaines missions, dont certaines sont fondamentales, de l'État fédéral américain. Ce sont environ 90 000 employéEs qui sont cibléEs pour perdre leur emploi à l'Internal Revenue Service (IRS). USAID a vu ses effectifs amputés de 2 000 postes et il est même question de faire disparaître cette agence d'ici septembre prochain. Le ministère de l'Éducation sera, conformément à un décret présidentiel signé récemment, éliminé, démembré. Idem pour Voice of America. Et la liste pourrait s'allonger. Nous pouvons parler ici d'un authentique début de démantèlement de l'État fédéral. Rien de moins.

Depuis le premier jour de son assermentation comme 47e président des USA, Trump II évoque ou annonce l'entrée en vigueur de tarifs douaniers allant à l'encontre de traités signés avec des pays considérés jusqu'alors comme de fiables partenaires économiques. Les liens entre les USA et Israël sont plus que jamais affirmés et annoncent une dramatique suite des choses pour les habitantes et les habitants de la bande de Gaza. La Russie redevient pour les USA un pays avec lequel une alliance peut être envisagée en vue d'isoler le nouvel ennemi principal extérieur, à savoir : la République populaire de Chine ; mais encore là, il existe une certaine proximité entre la Chine et la Russie, sorte d'alliance dont la valeur authentique demeure latente. Les alliés occidentaux sont traités comme de mauvais partenaires politico-économiques et sont perçus, par les dirigeants politiques du Bureau ovale de la Maison-Blanche, comme des pays profiteurs qui s'enrichissent aux dépens des USA. L'imposition de tarifs douaniers est envisagée comme solution inauthentique en vue de rétablir la balance commerciale présentement déficitaire des USA.

Sur le plan intérieur, les gouverneurEs des États fédérés doivent se montrer très dociles si elles et ils veulent recevoir les subventions de l'État fédéral. Même chose du côté des universités. Un climat de peur s'installe au sein de la communauté scientifique, des professeurEs et des chercheurEs du milieu universitaire. La pensée critique est provisoirement suspendue au sein de l'intelligentsia. S'ajoute en plus le contrôle médiatique, alors que les voix des radios qui diffusaient sur la scène internationale et qui développaient un point de vue allant à l'encontre de la propagande des régimes dictatoriaux et liberticides sont dorénavant réduites au silence. Les journalistes qui assistent aux points de presse de la Maison-Blanche sont triés sur le volet. Place maintenant à un début de ce qui avait pour nom, à une certaine époque pas si lointaine, du règne de « La pensée unique ».

Bref, celles et ceux qui veulent continuer « comme avant » sont priéEs de prendre note de cette nouvelle administration qui veut imposer et voir triompher un seul point de vue : celui du chef de l'exécutif dans quasiment tous les domaines qui concernent les champs d'activités de l'État et la morale à respecter dans la société. De plus, il est quasiment interdit de remettre en question les compétences des personnes sélectionnées par le président pour agir en tant que Secrétaire d'État, et ce même dans l'actuel scandale du SignalGate ; à savoir, la fuite des plans militaires sur les réseaux sociaux concernant le plan d'attaque militaire de l'armée américaine contre les Houtis du Yémen. Les bourdes monumentales de certains membres de l'administration Trump II sont tout simplement minorées. À ce sujet — et comme d'habitude —, le président américain dénonce une « chasse aux sorcières ».

Toutes et tous doivent rentrer dans le rang, sinon elles et ils s'exposent à des coupures drastiques de l'État fédéral ou à l'exclusion (bannissement, censure, emprisonnement arbitraire et quoi encore). Il s'installe en ce moment, au sud de la frontière canadienne, un climat de peur et d'intimidation. Le régime Trump II rompt décidément avec la routine et la tradition. Pour l'essentiel et dans ses grandes lignes, Trump II ne respecte pas certains traités signés par lui ou ses prédécesseurs. C'est le retour de l'extractivisme destructeur de l'environnement, de l'obscurantisme et l'annonce d'une nouvelle ère, celle de l'imposition de mesures inspirées par l'antiféminisme, l'antiwokisme (EDI), l'anti-LGBTQ+, la déréglementation, l'État minimal, le libertarisme, le protectionnisme et les idéologies illibérale et broligarque. Tout se passe comme si, à Washington, Trump II veut « javelliser » la société américaine et la rendre conforme à sa vision de la pureté du slogan Make America Great Again. « Dehors les réfugiéEs », « Dehors les migrantEs », « Dehors les dissidentEs », « Dehors les Left Lunatics (les « gauchistes lunatiques ») » qui ne pensent pas comme le président et n'oublions pas Drill, baby, drill. Et Last but not least, l'administration Trump II annonce un bras de fer avec les juges. Les juges qui vont invalider les ukases du président seront accusés d'activisme et menacés de destitution. L'actuel président semble prêt à se lancer dans une crise constitutionnelle avec la justice de son pays. Ses modèles d'inspiration ici sont Orban et Netanyahou.

C'est manifestement tout un virage, le tout, en plus, sur une très brève période de temps. Qu'on se le dise, pour Trump II il y a minimalement deux ennemis : à l'intérieur, les intellectuelLEs critiques et pour ce qui est de l'extérieur, il y a la République populaire de Chine (RPC) et, comme nous l'avons vu dans nos articles précédents, tous les pays avec lesquels les USA commercent.

L'ébranlement et le détournement des assises de l'État de droit

De la fin des années soixante à aujourd'hui, le cadre conceptuel utilisé par certains politologues, juristes et philosophes s'est modifié. Il y a soixante ans, certains spécialistes des sciences sociales désignaient l'État en tant « (qu')État capitaliste » ou « État bourgeois ». Aujourd'hui, depuis l'effondrement des régimes communistes de l'Europe de l'Est, dans la littérature spécialisée, on semble préférer l'expression plus édulcorée « (d')État de droit ». Autres temps... autre concept, diront certainEs. Au sujet du concept d'État de droit, Andrée Lajoie a déjà écrit ce qui suit :

« Son contenu est flou, mais on s'entend généralement pour y inclure minimalement le gouvernement des lois plutôt que des hommes, c'est-à-dire la démocratie, de préférence parlementaire, et la limitation des pouvoirs de l'exécutif par des moyens variés et selon des fondements différents, auxquels s'ajoutent, sauf en Angleterre, le contrôle judiciaire de la constitutionnalité. Des corollaires s'y rattachent dont l'importance relative et les modalités varient selon les traditions juridiques où il s'incarne : suprématie du droit constitutionnel et contrôle judiciaire de la constitutionnalité ; hiérarchie des normes et contrôles de l'administration, exercés à l'intérieur d'une juridiction unifiée ou duelle et fondés sur des règles issues de la « justice naturelle » ou du droit positif. » (Lajoie, 2000, p. 31).

Derrière le concept d'État de droit, on retrouve l'idée selon laquelle l'action de l'État serait, dans les sociétés libérales et démocratiques, limitée par le droit et la loi.

Avec le retour au pouvoir de Trump II à la présidence des USA et la nomination d'Elon Musk à un « Département » aux assises juridiques artificielles et douteuses, il y a lieu de pousser un peu plus loin la réflexion sur l'État de droit aux USA, et ce, tel qu'il se remodèle sous notre regard non pas uniquement depuis deux mois, mais depuis quelques années et parfois à l'aide de certaines décisions des tribunaux. Les résultats de certaines élections présidentielles depuis le début du présent siècle, l'achat de votes lors de la campagne de 2024 ainsi que la distribution de 2 millions de dollars à des électeurs du Wisconsin en vue d'élire un juge à la Cour suprême de cet État du Midwest correspondent, selon nous, à un déni des règles élémentaires de la démocratie électorale. Nous pouvons nous demander en effet que reste-t-il de l'État de droit quand la volonté majoritaire des électrices et des électeurs est détournée par un Collège électoral qui accorde ses votes selon la règle du Winner-takes-all (« le vainqueur prend tout ») ? À noter que Bush fils (en 2000) et Trump I (en 2016) ont été élus sans avoir obtenu un résultat majoritaire de l'électorat.

Que reste-t-il de l'État de droit quand un ultra milliardaire utilise ses dollars (par millions, voir même par centaines de millions) pour orienter le résultat final de la consultation populaire ? Avec le tandem Trump-Musk, l'élément oligarchique se présente sous son vrai jour soit, la ploutocratie1, c'est-à-dire une oligarchie qui veut et qui est en mesure de quasiment tout s'acheter pour voir les trois composantes du pouvoir étatique (exécutif, législatif et dans une certaine mesure judiciaire) diriger la société d'une manière conforme à ses intérêts et non selon le bien commun. Il y a bel et bien en ce moment péril en la demeure. Plusieurs décisions de Trump II sont adoptées dans le cadre de décrets qui vont au-delà de son pouvoir décisionnel. Le coup d'État présentement en cours consiste à faire fi des règles de base du caractère pluriel de la démocratie libérale constitutionnelle américaine. Les libertés de pensée, de parole et de voter sont ainsi brimées.

Sur les défaillances de l'État de droit aux USA

Bien entendu, ce n'est pas sur le sujet de la démocratie électorale et de l'État de droit que les USA risquent de se noyer face à son nouveau principal ennemi de l'extérieur qu'est la République populaire de Chine. Pourtant, les défaillances de la démocratie américaine ne sont pas récentes et sont absolument inquiétantes. Le rôle de l'argent (pensons spécifiquement ici à la place de certaines fortunes privées et de richissimes fondations de la droite et de l'ultra droite) dans le financement des campagnes électorales est nettement colossal et disproportionné. La Cour suprême des USA a même assoupli, dans une décision rendue en 2014, les règles de financement électoral. De plus, la redéfinition annoncée des règles d'inscription sur la liste électorale vise à décourager certaines catégories de citoyennes (les femmes mariées) et de citoyens (les noirs et les pauvres) à exercer leur droit de vote. Les membres du Congrès qui siègent sous la bannière du Parti républicain abdiquent devant celui qui contrôle la caisse électorale du parti. Pour ce qui est du garde-fou que représente le pouvoir judiciaire, le président dénonce les juges qui ne pensent pas comme lui, il les intimide et aspire à un contrôle qui va au-delà d'une simple majorité de juges républicains qui adhèrent au courant dit originalisme.

Il y a corruption, nous enseigne les grands philosophes de l'Antiquité grecque, quand le bien commun est perdu de vue par les dirigeantEs et que les ressources de la caisse commune sont détournées au profit d'intérêts privés. Il y a corruption quand le président d'une république décide d'abolir par décret la loi anti-corruption. Il y a corruption quand une personne peut dépenser sans limite lors d'un processus électoral. La corruption est, si nous avons bien lu la section 4 de l'article 2 de la Constitution américaine, un motif de destitution pour le président, le vice-président et les fonctionnaires civils des États-Unis. Il y a détournement de la démocratie électorale quand le découpage territorial répond d'abord et avant tout à des impératifs partisans. Il est de notoriété publique que le remaniement territorial des circonscriptions à la Chambre des représentants s'effectue en vue de donner, plus souvent qu'autrement, un avantage au Parti républicain.

USA versus RPC

Trump II semble craindre la République populaire de Chine. C'est l'avenir de la relation sino-américaine qui est devenue la préoccupation stratégique majeure des USA. C'est ce qui peut provisoirement expliquer le virage dans la conduite de la politique extérieure des USA, virage qui annonce un retour au protectionnisme et un arrêt provisoire du libre-échange. Mais les USA sont toujours actuellement les grands maîtres des circuits financiers et monétaires internationaux. Les moyens militaires et technologiques qu'ils disposent sont toujours en avance sur ceux des Chinois, des Russes et des Européens. Bref, l'effritement hégémonique qui est en cours depuis l'ère de Nixon (la suspension de la convertibilité du dollar en or et l'humiliante défaite de l'impérialisme américain au Vietnam) se poursuit, mais il y a encore des années à venir devant nous avant que nous assistions à la véritable chute de l'Empire américain ; ce qui ne signifie pas l'absence d'un déclin. En attendant, il y a un net durcissement du régime politique. Un coup d'État liberticide prend forme sous nos yeux. La démocratie libérale est mise à mal. Les libertés de parole, de pensée et les droits d'opposition au régime sont sévèrement surveillés. Les droits sociaux et les prestations de certains groupes font l'objet d'un réexamen. Jusqu'où Trump II ira-t-il dans la remise en question de l'État redistributeur et l'État de droit ? Qu'en sera-t-il de la riposte à anticiper de la part des personnes qui seront les perdantes de ces réorganisations ? Tout cela est et reste à suivre. Pour le moment, pour décoder Trump II, nous suggérons de suivre une première piste.

La Théorie du fou ou la négociation psychotique

Se tourner vers l'illibéralisme suppose le désir d'un changement, d'une réforme importante au régime étatique en vigueur. Il s'agit d'un événement, du sens de Hannah Arendt (1972, p. 147) qui les définit tels « des concours de circonstances qui interrompent le déroulement des procédures et des processus habituels […]. » Ainsi, l'illibéralisme s'inscrit dans cette voie et représente :

« une forme de gouvernement se situant quelque part entre une démocratie libérale traditionnelle et un régime autoritaire, un système où certains aspects de la pratique démocratique, comme les élections, sont respectés, mais où d'autres aspects tout aussi fondamentaux, comme la séparation des pouvoirs, sont ignorés, tandis que les droits civils sont violés » (Urban, 2022, 22 mars).

Or, il serait envisageable de modifier cette dernière définition, afin d'y voir, en vertu de l'inclination de la présidence américaine actuelle, un libéralisme autoritaire à la couleur particulière. Bien que la pratique démocratique ait servi à lui accorder le pouvoir, la suite vise à le conserver, en capitalisant sur diverses manoeuvres de manipulation médusant l'opinion publique et les mentalités. Mais avant de s'intéresser à ce qui se trame à l'intérieur du pays, débutons avec les relations extérieures.

Sans reprendre tout ce qui a été dit au sujet des actions contre ses partenaires commerciaux, une chose revient sans cesse en songeant à la présidence américaine, c'est-à-dire l'imprévisibilité et l'illogisme. Si l'avenue tend vers la psychose, il existe pourtant une rationalité derrière cette activité jugée irrationnelle et troublée, puisqu'une explication théorique apparaît. La Théorie du fou (ou « madman theory ») rappelle la présidence de Richard Nixon, particulièrement durant la Guerre du Vietnam, et le principe consiste en ceci : « ‘‘En politique étrangère, un dirigeant imprévisible et irrationnel aurait l'avantage dans les négociations internationales'' » (cité dans Fischer, 2025, 14 février). C'est la crainte de l'escalade qui amène les autres dirigeantEs à vouloir amadouer l'adepte de cette théorie, de façon à accepter des compromis. Par cette stratégie de l'imprévisibilité, le but vise à déstabiliser et à prendre en main la gouverne de la négociation. Mais à cela s'ajoute la submersion d'informations pouvant en plus être contradictoires. Et comme le souligne Élodie Mielczareck, sémiologue spécialisée dans le langage verbal et non verbal, au média Ouest-France : « ‘‘Le chaos profite toujours à celui qui l'organise'' » (cité dans Fischer, 2025, 14 février). Tous les moyens de communication peuvent servir à mettre en oeuvre la stratégie, alors que l'objectif revient évidemment à lancer toutes sortes d'informations et même des absurdités dans le but de rendre hébétés tout genre d'opposants (dirigeantEs d'autres pays, adversaires politiques, médias traditionnels, etc.).

En revenant sur Nixon et la Guerre du Vietnam, alors que des manoeuvres ont été exécutées par la présidence afin de dissoudre dans la pléthore les oppositions, Arendt (2009, p. 333) avait dénoncé cette volonté à nourrir l'amnésie collective, voire ces :

« plus vieilles méthodes que le genre humain a développées pour se débarrasser des réalités déplaisantes […]. Oublions le Viêt-nam, oublions le Watergate, oublions la dissimulation et la dissimulation de la dissimulation imposée par le pardon présidentiel prématuré au principal acteur de l'affaire, lequel refuse même aujourd'hui d'admettre aucune malversation ; ce n'est pas l'amnistie, mais l'amnésie qui guérira nos blessures. »

Si la Théorie du fou sert à faire oublier, elle peut tout aussi bien servir à faire accepter certaines choses qui, normalement, seraient inacceptables. La ruse se déploie dans la menace et le chaos engendré. Il est question de prendre les rênes de la négociation, de démontrer une supériorité à même ce qui semble être l'irrationalité. Mais le facteur de l'inacceptable s'avère capital, au point où on peut envisager non pas l'oubli, comme l'a présenté Arendt, mais l'encouragement au changement de façon à faire approuver par la population des idées pouvant être extrêmes (ou radicales).


La Fenêtre d'Overton et la légalisation de la dictature

Dans le tournant du milieu du XXe siècle, Friedrich A. Hayek (2013[1946], p. 163) était préoccupé par les idées vantant une intervention plus marquée de l'État, au point de mener vers le totalitarisme, et rappelait les motifs de la propagande :

« La manière la plus efficace de diriger les efforts de tous vers l'objectif du plan social, c'est d'amener chacun à croire en cet objectif. Il ne suffit pas que tout homme soit obligé de travailler à la réalisation des mêmes buts pour que le système totalitaire fonctionne bien. Il est essentiel que les gens les adoptent. Il faut désigner aux gens un but, le leur imposer, mais il faut aussi qu'il devienne un article de foi, une croyance générale qui fera agir les individus avec toute la spontanéité désirée. Si l'oppression dans les pays totalitaires est moins ressentie qu'on ne l'imagine dans les pays libéraux, c'est que les gouvernements totalitaires réussissent très bien à faire penser le peuple de la manière qui leur convient. »

Réorienter les mentalités de façon à amener une population à agir dans le sens désiré revient aussi à ce qu'elle accepte de subir cette influence ou ce pouvoir. En toute logique, l'oppression est condamnée à l'intérieur d'une société ayant comme valeur fondamentale les droits et les libertés individuelles. Autrement dit, l'oppression y est inacceptable. Si on utilise maintenant l'exemple de la dictature placée dans un régime démocratique, donnant le pouvoir à la population de choisir ses représentantEs, la même interprétation survient : la dictature y serait inacceptable. Pourtant, le président américain exerce ses fonctions par décrets en négligeant la Chambre des représentants, il fustige en plus l'institution de la Justice. Même s'il est élu, son mandat s'inscrit à l'intérieur d'un régime constitutionnel respectueux des voeux de toutes les citoyennes et de tous les citoyens des États-Unis. Il a d'ailleurs prêté serment en ce sens. Mais l'assaut du Capitole du 6 janvier 2021 fournissait des indices sur ses intentions, encore plus évidentes avec le pardon présidentiel accordé aux protagonistes.

Un objectif apparaît ici : faire croire que sa présidence est la meilleure chose pour les Américaines et les Américains. Selon sa rhétorique, tous ses décrets visent seulement leur plus grand bonheur. Son style est certes singulier, mais il y a des résultats. On s'éloigne de la lenteur des anciens gouvernements. D'ailleurs, des vérités alternatives et des exagérations statistiques servent à démontrer la gestion inefficace des présidents antérieurs. Même si extrêmes, ses idées contribueront à corriger les erreurs du passé et à ramener un âge d'or. Plus de richesse, plus de liberté, plus de grandeur pour la nation, voilà des valeurs très américaines. Or, selon les supporteurs immédiats de Donald Trump, les USA croulent sous les dettes à cause d'une intrusion socialiste et communiste. Il faut renverser la tendance, ramener l'État sur le droit chemin. Pour ce faire, un homme doit se lever et diriger l'ensemble de la nation ; un homme fort, un homme ambitieux, un homme qui a réussi, un homme fier d'être américain. À cause de la corruption idéologique, l'État doit être épuré, afin de revenir aux valeurs véritables des USA. Voilà pourquoi il est nécessaire d'y aller par des décrets, se veut essentiel un Département (DOGE) destiné à cette tâche et sous l'autorité exclusive du président. Mais le travail commencé exigera du temps, de la patience. Un seul mandat ne sera pas suffisant.

Par étape et suractivité, un nouvel ordre s'implante au sein du pays, en médiatisant les bienfaits d'un gouvernement dirigé par un président qui exerce son pouvoir. Ainsi, se légalisera la dictature.

Pourtant, la démocratie représente une valeur primordiale dans un pays qui se dit libre comme les USA. Malgré les attaques portées aux institutions, malgré des gestes radicaux, des idées extrêmes ou absurdes, l'opposition ne semble avoir que peu d'écho sur la place publique. Comment le justifier ? Apparaît parmi les réponses possibles le concept de la fenêtre d'Overton, c'est-à-dire vouloir gagner l'opinion publique d'une façon peu coutumière : « en promouvant délibérément des idées extrêmes, l'opinion publique sera plus encline à accepter, par effet de comparaison, des idées qui étaient jusqu'alors considérées comme marginales » (Fischer, 2025, 14 février). En s'y prenant autrement pour désigner le concept, soulignons son but d'aller plus loin dans l'exagération et l'abus, de choquer, de décréter des mesures insensées à première vue, de répéter souvent des paroles et des gestes qui dépassent l'entendement, pour ne pas dire de se verser totalement dans la Théorie du fou, afin de « relativiser les vraies idées radicales » et d'agir sur l'opinion publique sans laisser l'impression d'avoir manipulé les auditrices et auditeurs (Bichler, 2019, 18 novembre).

Il s'agit de rendre acceptable l'impensable. Renverser un régime démocratique pour la dictature suppose de trouver les moyens de la rendre plus raisonnable. Sur la base d'exemples historiques, alors que des monarques des temps jadis oeuvraient pour le bien de leur nation, la dictature pourrait ainsi permettre la liberté en réduisant le fardeau bureaucratique de l'État. À cela s'ajoutent des théories ou des études scientifiques sur la difficulté de prendre des décisions à l'intérieur d'une assemblée trop nombreuse et trop hétéroclite. Cette rhétorique historique et scientifique pourrait être promue et martelée, de façon à stigmatiser les opposantEs de fidèles du statu quo, mais surtout de socialistes et de communistes cherchant en ankyloser le régime. Et de là devient essentiel le rôle des médias. Autour de la présidence américaine actuelle gravite des milliardaires avec leurs réseaux sociaux et même des médias traditionnels. Comme le soulignent Bruno Andreotti et Camille Noûs (2020), un pseudo-rationalisme peut imprégner ces médias et servir, comme dans notre exemple, la cause de la légitimation de la dictature en territoire démocratique libéral, au même titre qu'il sert à promouvoir le platisme (la croyance de la terre plate) et le scepticisme aux changements climatiques (ou son négationnisme). On approche ainsi de l'illibéralisme à travers le courant libertarien instrumentalisant la science :

« La ‘‘métapolitique'' libertarienne a toutefois d'autres objectifs stratégiques que ceux, défensifs, théorisée par la Nouvelle Droite. Considérant que le consensus libéral n'est pas assez favorable au business, elle vise à la dérégulation totale de l'industrie et de l'agriculture en promouvant une mutation autoritaire et illibérale du néolibéralisme. La première tactique consiste à promouvoir un marché de l'opinion dérégulé faisant la part belle à l'expression des idées les plus extrêmes de l'Alt-right (racisme et antisémitisme, suprématie blanc, néonazisme, négationnisme), au nom d'un dévoiement de la liberté d'expression, le free speech. » (Andreotti & Camille, 2020, p. 43).

Les mêmes auteurs rappellent aussi l'alliance du mouvement libertarien et de l'Alt-Right au sein du Parti républicain, alors que des investissements ont été effectués dans des entreprises spécialisées dans la manipulation des opinions (soit Cambridge Analytica et AggregateIQ). Des vérités alternatives sont alors reprises dans des publications présentées comme étant scientifiques ou légitimes, pour ensuite favoriser une nouvelle étape à travers l'intrusion de ce discours à l'intérieur d'une diffusion culturelle (films, romans, musique, journaux, etc.) dans le but de rendre accessible au plus large public possible l'idéologie débattue. On présentera alors des tyrans sous un angle favorable, les dépeignant souvent comme des sauveurs, des héros. Il y a aussi cette possibilité offerte de finalement personnifier le pouvoir étatique, de garantir une plus grande transparence dans les décisions prises ; autrement dit, la population se libère ainsi de l'impersonnalisation de l'État. Et la proximité du président avec d'autres personnalités connues peut aussi influencer l'opinion publique, surtout si elles vantent les mérites du chef d'État et laissent planer l'avenue d'une dictature comme moyen d'éliminer tous les problèmes actuels.

Un pas suffit enfin pour la légaliser, dans un changement constitutionnel et un rejet des anciennes lois. À la fin du processus, le régime républicain tel que connu disparaîtra pour se voir remplacer par un nouvel empire.

Vers une ère de banalisation

La fenêtre d'Overton insinue une banalisation de certaines idées et actions extrêmes, de façon à modifier la perception sur la morale, pour ne pas dire sur le bien et le mal. Cette allusion fait craindre le pire et rappelle des propos tenus par Arendt (2009, p. 15) sur la banalité du mal à son époque : « […] la banalité du mal n'était pas une théorie ni une doctrine, mais elle signifiait la nature factuelle du mal perpétré par un être humain qui n'aurait pas réfléchi […] ». Parce que cette personne a non seulement incorporé en elle-même de nouvelles pensées, mais évolue parmi des semblables qui y ont été aussi converties. Mais il y a plus. En prenant comme limite extrême l'Allemagne nazie et ses atrocités commises, la tendance à définir tout autre acte de « moindre mal » revient tout de même, selon Arendt (2009, p. 79), à accepter le mal et elle ajoute :

« Malheureusement, il semble être bien plus facile de conditionner le comportement humain et d'inciter les gens à se conduire de la façon la plus inattendue et la plus scandaleuse que de convaincre qui que ce soit de tirer des leçons de l'expérience, comme on dit ; c'est-à-dire de commencer à penser et à juger au lieu d'appliquer des catégories et des formules qui sont profondément implantées dans notre esprit, mais dont les fondements dans l'expérience sont oubliés et dont la plausibilité réside dans leur cohérence intellectuelle plutôt que dans leurs adéquations aux événements réels. »

Cela doit-il nous amener à comprendre comment la capacité à transformer les mentalités, par l'emploi de la fenêtre d'Overton, mènerait des gens à poser des actes moraux sous la dictature qui seraient illégaux et criminels sous le régime démocratique ? La réponse risque d'être affirmative, puisque des droits et des libertés en seront affectés, et ce, sur la base de propos tenus plus tôt au sujet d'alliances entre certains groupes d'extrême droite.

Conclusion

Guerres commerciales, démantèlement du fonctionnariat, attaques contre la Science et la Justice, pression sur l'État de droit, mise en place d'un réseau médiatique alternatif, exécution de décrets sans vergogne et ainsi de suite, ainsi de suite, l'ensemble de ce résumé très succinct expose un changement drastique vécu aux USA et se répercutant ailleurs dans le Monde. Mais il s'agit aussi d'un événement majeur, digne de l'Histoire. Si l'irrationalité et le chaos servent à le décrire autrement, même dans le désordre il y a de l'ordre. Des théories et des concepts peuvent alors servir à mettre des mots sur les raisons derrières les paroles et les gestes posés. Entre la négociation psychotique et la légalisation de la dictature s'élève une idéologie visant à établir un nouvel ordre. L'illibéralisme, autant libertarien qu'autoritaire, cherche une voie de salut différente. Il s'agit d'un courant de pensée, voulant ainsi dire qu'une personne, même président des États-Unis, ne peut l'incarner à elle seule, malgré toute la publicité qu'elle bénéficie. Cela exige des groupes, des moyens, des représentantEs agissant ici et là. Une stratégie a été développée dans le temps, des arguments pseudo-scientifiques et même scientifiques ont servi à donner une forme au mouvement. Des conversions ont débuté. Reste à savoir ce qui nous attend. Mais Arendt (2009, p. 334) y voit plutôt une même continuité du passé, non pas qui se répète, mais qui ne meurt jamais :

« Je crois plutôt avec Faulkner que ‘‘le passé ne meurt jamais, il ne passe même pas'', et ce, pour la simple et bonne raison que le monde dans lequel nous vivons à n'importe quel moment est le monde du passé ; il consiste dans les mouvements et les reliques de ce qu'ont accompli les hommes pour le meilleur comme pour le pire ; ses faits sont toujours ce qui est devenu […]. En d'autres termes, il est assez vrai que le passé nous hante ; c'est d'ailleurs la fonction du passé de nous hanter, nous qui sommes présents et souhaitons vivre dans le monde tel qu'il est réellement, c'est-à-dire qui est devenu ce qu'il est désormais. »

C'est peut-être pour cette raison que la fenêtre d'Overton ne sait que couvrir ce que contient son cadre, allant vers plus ou moins de liberté. Mais aussi, que la Gauche face aux menaces tarifaires du président américain s'est détournée de sa voie pour défendre l'échange capitaliste entre les nations. Chose certaine, la valeur de l'égalité est mise à rude épreuve, mais surtout la liberté de pouvoir définir ce que veut dire l'égalité. Des dictatures totalitaires sont survenus, en songeant au communisme, alors que le courant se dirige désormais vers la dictature de la droite, ce qu'a connu aussi l'Histoire. La fenêtre reste la même, le passé reste notre présent et deviendra notre futur.

Guylain Bernier
Yvan Perrier
29-30 mars 2025

Note

1. La ploutocratie correspond à un système de gouvernement où la richesse constitue la base principale du pouvoir politique.

Références

Andreotti, Bruno, & Noûs, Camille. 2020. « Contre l'imposture et le pseudo-rationalisme. Renouer avec l'éthique de la disputatio et le savoir comme horizon commun ». Zilsel, no 7, p. 16-53.

Arendt, Hannah. 1972. Du mensonge à la violence. Essais de politique contemporaine. Paris : Calmann-Lévy, 328 p.

Arendt, Hannah. 2009. Responsabilité et jugement. Paris : Payot & Rivages, 362 p.

Bichler, Camille. 2019, 18 novembre. « Des lobbyistes aux populistes : la fabrique de la ‘‘fenêtre d'Overton'' ». France culture. https://www.radiofrance.fr/franceculture/des-lobbyistes-aux-populistes-la-fabrique-de-la-fenetre-d-overton-7217514. Consulté le 28 mars 2025.

Fischer, Arnaud. 2025, 14 février. « Connaissez-vous la ‘‘théorie du fou'', utilisée par Trump pour instaurer un rapport de force ». Ouest-France.
https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2025-02-14/connaissez-vous-la-theorie-du-fou-utilisee-par-trump-pour-instaurer-un-rapport-de-force-0cb2ae7d-8944-4810-8966-3820222e4b64. Consulté le 27 mars 2025.

Hayek, Friedrich A. 2013[1946]. La route de la servitude (6e éd.). Paris : Presses Universitaires de France, 260 p.

Lajoie, Andrée. 2000. « La primauté du droit et la légitimité démocratique comme enjeux du Renvoi sur la sécession du Québec ». Politique et Sociétés, Vol. 19, nos 2-3, p. 31-41. https://www.erudit.org/fr/revues/ps/2000-v19-n2-3-ps2497/040223ar.pdf. Consulté le 28 mars 2025.

Urban, Miguel. 2022, 22 mars. « Le néolibéralisme autoritaire et ses nouveaux visages. L'illibéralisme, une phase supérieure du néolibéralisme. Les cas de la Hongrie et de la Pologne ». Presse-toi à gauche ! https://www.pressegauche.org/L-iilibéralisme-une-phase-superieure-du-neoliberalisme-Les-cas-de-la-Hongrie. Consulté le 22 mars 2022.

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Le capital se fascisant réprime de plus en plus les gens opprimés

30 mars, par Marc Bonhomme — , ,
Dans le sillage du trumpisme, les événements perturbateurs retenant notre attention ne manquent pas. C'est même une tactique de Trump que de créer un chaos médiatique afin de (…)

Dans le sillage du trumpisme, les événements perturbateurs retenant notre attention ne manquent pas. C'est même une tactique de Trump que de créer un chaos médiatique afin de déstabiliser ses adversaires. Au Québec et au Canada s'y ajoutent la guerre des tarifs, les péripéties des Libéraux fédéraux et maintenant celles de l'élection fédérale, les coups bas du gouvernement Legault envers le peuple-travailleur, le budget québécois, à l'international les conséquences dramatiques pour l'Ukraine et l'Europe du retournement des alliances de Trump… et pour la gauche québécoise, la crise de Québec solidaire.

Pendant ce temps en Palestine le génocide reprend en s'approfondissant

À travers ce chapelet qui ne cesse de s'allonger, la rupture de la trêve à Gaza par le gouvernement sioniste et la reprise de la guerre génocidaire avec plus d'intensité que jamais passent quasiment inaperçu malgré l'ajout barbare d'un blocus pour affamer les Gazaouis. Maintenant, le néo-fascisant Trump non seulement cautionne la reprise de l'aspect tuerie du génocide mais y additionne le nettoyage ethnique heureusement hors portée, pour le moment, à cause du refus gazaoui à travers mille souffrances et de la pression populaire sur les dictatures susceptibles d'y collaborer. Est-ce paradoxalement à cause de la forte association Trump- Netanyahou et de la persécution ouverte de la propalestinienne militance racisée étatsunienne par Trump que nos grands média montrent enfin plus de sympathie à la cause palestinienne ?

N'en reste pas moins que le drame palestinien reste le dernier des soucis du gouvernement canadien. Il s'assoit sur ses positions mi-chair mi-poisson à la mode Libéral en particulier pour l'exportation d'armements. C'est ce que dénonce la campagne « Votez Palestine » « développée en consultation avec la communauté palestinienne et ses partenaires solidaires à travers le Canada » et qui réclame d'« imposer à Israël un embargo bilatéral sur les armes », de « mettre fin à l'implication du Canada dans les colonies israéliennes illégales », de « Lutter contre le racisme anti-palestinien et protéger la liberté d'expression sur la Palestine », de « Reconnaître l'État de la Palestine », et de « Financer correctement les efforts de secours à Gaza, y compris l'UNRWA ».

Pour les sans statut de couleur et les LGBTQ+, c'est l'enfer face à un Canada fermé

Dans la sillage anti-immigrant habituel des ÉU, présidences démocrates comprises, Trump rajoutent couches sur couches. Dernièrement, il n'a pas craint de faire fi du système judiciaire pour déporter des centaines de Vénézuéliens vers le bagne quasi-esclavagiste construit sur mesure par l'autocrate président du San Salvador. Puis il a décidé d'enlever leur statut légal à un demi-million de migrants latinoaméricains les plongeant dans les pires angoisses. Trump s'acharne en particulier sur les gens LBGTQ+ et plus encore sur ceux trans jusqu'au « ‘'nettoyage'' des références au ‘'délire transgenre'' ». Plus largement, ce nettoyage va jusqu'à l'instauration d'une ‘novlangue' supprimant, entre autres, toute référence aux politiques de diversité, d'équité et d'inclusion (DEI) accusées de crimes imaginaires.

S'ensuit comme le titre Le Devoir que « L'exode américain LGBTQ+ vers le Canada a commencé » à coups de « centaine de demandes par semaine ». Faut-il se surprendre que face à Trump qui lors de son discours d'intronisation « a enfoncé le clou sur lequel il tapait déjà en campagne : ‘'À partir d'aujourd'hui, la politique officielle du gouvernement des États-Unis sera qu'il n'y a que deux sexes, masculin et féminin'', avait-il alors déclaré, avant de signer dans la soirée un décret présidentiel en ce sens. » Faut-il se surprendre que les personnes LGBTQ+ qui en ont les moyens financiers et sociaux se disent « On va [,,,] payer tout ce qu'il faut pour sortir de cet enfer ». Le Canada leur ouvre-t-il les bras ? « La réponse courte de l'avocate en immigration Stéphanie Valois : non. Même si théoriquement, les Américains peuvent demander l'asile, comme toutes les autres personnes, ‘'être accepté serait très très difficile'', statut la coprésidente de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration (AQAADI). »

La « nation » tape encore sur le droit à l'avortement : les femmes doivent enfanter

Quant au droit à l'avortement, le jugement de la Cour suprême de 2022 abolissant l'arrêt Roe c. Wade et ainsi la garantie fédérale du droit à l'avortement ne suffit pas à Trump. Il a pris des mesures anti-avortement supplémentaires devant des milliers de personnes « pro-vie » manifestant à Washington. « Ce rassemblement s'est déroulé au lendemain de la grâce accordée par le nouveau président républicain à 23 personnes qui avaient participé à des manifestations contre l'interruption volontaire de grossesse (IVG) et étaient poursuivies sous la précédente administration du démocrate Joe Biden. » Le président américain a abrogé deux décrets pris visant à protéger certains accès à la santé reproductive des femmes. « Son chef de la diplomatie a, dans le même temps, ordonné l'arrêt de toute subvention publique américaine en faveur de l'avortement à l'étranger ». Et que dire de la déclaration du vice-président Vance qui « a insulté en 2021 les femmes sans enfants en les traitant de ‘'childless cat ladies'' (des femmes aux chats sans enfants) » ?

Le borné nationalisme de la CAQ et du PQ a depuis longtemps pris la voie trumpiste

L'ultra-nationalisme trumpien ne craint pas d'aller jusqu'au bout de la lutte contre le « wokisme », comme la droite prénomme, pour mieux la stigmatiser, la lutte et la défense des personnes opprimées. Le borné nationalisme duplessiste de la CAQ a depuis longtemps pris ce chemin, du refus de la reconnaissance du racisme systémique lors de l'affaire Joyce Echaquan, et malgré le précédent épouvantable de la tuerie de la Grande mosquée de Québec, jusqu'au renforcement de l'islamophobe loi 21. L'affaire du député Solidaire Haroun Bouazzi a plus que montré non seulement le racisme inhérent du principal parti de l'Assemblée nationale mais aussi de l'autre parti au nationalisme mesquin qui domine les sondages en disputant au premier son électorat. Que ce soit l'ancien meneur de claques de la soi-disant Charte des valeurs du PQ qui est aujourd'hui le parrain du projet de loi bonifiant la loi 21 est en soi révélateur. Quant aux deux autres partis, ils n'ont pas trouvé mieux, y compris le sien et avec le concours des médias, que de tomber à bras raccourcis sur le tête du député.

L'ultranationalisme néo-fascisant exige de reproduire la famille traditionnelle

La politique générale de Trump, qui n'a de chaotique que l'apparence, s'en prend à l'ensemble du peuple-travailleur, disons au 90 %. Toutefois, elle vise d'abord et avant tout celles et ceux sur la première ligne de tir soit les gens opprimés parce qu'ils ne répondent pas aux normes sociétales traditionnelles de la famille bourgeoise. L'épine dorsale en est la transmission de l'héritage à la descendance du mâle… de préférence aux fils qu'aux filles. En découle la persécution des genres non conformes à la reproduction de la famille traditionnelle, les gens LGBTQ+..

Cette persécution s'étend aux personnes racisées réputées irresponsables tant visà-vis la loi, d'où leur profilage policier, que face à la fidélité maritale. (À remarquer que le racisme en marginalisant ces personnes racisées peut paradoxalement engendrer illégalité et familles brisées.) Les préjugés envers les personnes handicapées donnent lieu aux mêmes stéréotypes. Quant aux femmes, inutile de dire que leurs rapports sexuels doivent être sous surveillance mâle, fidélité oblige. Les mâles, eux, peuvent s'accoupler sans limites. La fascisation du monde nous ramène à ce dogmatisme conservateur dont s'abreuvent toutes les grandes religions et que leur fondamentalisme transforme souvent en caricature sordide.

Québec solidaire parlera aux « travailleurs »… qu'advient-il des gens opprimés ?

Pour se sortir du trou, la direction de Québec solidaire prétend dorénavant ne plus s'adresser aux « classes moyennes », interprétées comme un mélange de la petitebourgeoisie professionnelle et de la couche la plus instruite du prolétariat. Néanmoins, la jeunesse de ces couches n'est pas nécessairement la mieux payée, plusieurs tirant le diable par la queue. On reconnaît là cet entre-deux qui constitue la direction / permanence / militance Solidaire plein de mansuétude pour les gens opprimés. Cependant, elles ont soin de s'en distinguer malgré que socioéconomiquement parlant elles en partagent souvent la précarité et la pauvreté si ce n'est qu'en tant que population étudiante.

Opportunisme électoral oblige, le parti à partir de maintenant s'adressera aux travailleuses et aux travailleurs. La vieille gauche férue de luttes syndicales et mal à l'aise avec tout ce qui s'en différencie ne s'en plaindra pas. « Pour elle [Ruba Ghazal], le choix est clair ; c'est la lutte pour les droits des travailleurs et contre les répercussions de la hausse du coût de la vie [‘'et du délabrement de nos services publics'' d'ajouter la présidente du parti dans sa lettre aux membres, NDLR] qui devrait figurer au sommet du programme solidaire d'ici la prochaine élection. » Pourrait-il en ressortir des boules à mites, ce qui est loin d'être une évidence, la revendication non-pragmatique des nationalisations ? Qu'advient-il de tous ces gens victimes d'oppressions de toutes sortes contre lesquels s'acharnent les gouvernements ultra-nationalistes qui pullulent et dont le duo Trump-Poutine est le chef de file mondial ?

Les « faibles » sont majoritaires et la majorité « forte » deviendra demain « faible »

La direction Solidaire a-t-elle remarqué que les femmes étant la moitié du ciel, ces non mâles blancs sont de loin la majorité de la population québécoise et la très grande majorité de celle mondiale ? Cette minorité d'hommes blancs hétérosexuels et en bonne santé qui trône au pinacle de la pyramide sociale, ayant pris soin de coopter des gens de paille parmi les couches opprimées pour bien paraître, risque fort demain de faire le grand plongeon. Ce plongeon affectera surtout ceux ne faisant pas partie du 1%, grand accapareur de la plus-value capitaliste. Même pour ces derniers, rien n'est garanti : pensons à la longue agonie douloureuse de Steve Jobs, le fondateur d'Apple.

Ils ne sont pas à l'abri d'accident, de maladie chronique, d'important handicap permanent, de chômage ou tout simplement de l'inexorable et souvent débilitante vieillesse. Quand on y pense sérieusement, au point de départ la majorité nationale ou mondiale appartient au camp des « faibles » et la majorité du camp des « forts » d'aujourd'hui passera demain au camp des « faibles ». Cette prise de conscience que toutes et tous sont concernés devrait produire un réflexe de front uni pour la défense des gens opprimés, par le fait même un front uni contre leurs pires persécuteurs, les forces et les gouvernements néofascistes si ce n'est tout simplement ultranationalistes. C'est une question d'humanisme élémentaire.

Le front uni des gens opprimés pour préparer la voie de celui pour le soin et le lien

L'exigence de front uni ne se limite pas à la lutte « wokiste » pourrait-on dire. La catastrophe en cours et s'accélérant de l'effondrement climatique et de la sixième grande extinction menace par définition le monde entier. Certes, quelques multimilliardaires, tout comme ils recherchent sans rire l'« éternelle jeunesse », se préparent une planque pour eux et leur descendance quand la terre sera devenue un four. Le commun des mortels, cependant, est condamné à vivre sur terre. Le tournant « travailleur » Solidaire laisse voir qu'il fait fi de sa priorité d'antan soit la lutte climatique et pour la biodiversité. Pourtant l'alternative d'une société solidaire du soin et du lien, expression tirant son origine de la principale centrale syndicale française, répond aux besoins socio-économiques du monde du travail. Elle y répond en réduisant drastiquement, et pour un plus grand bien-être, les besoins directs d'énergie et ceux indirects pour la fabrication d'une orgie de matériaux pour la consommation de masse.

La collectivisation du logement social écoénergétique pour toutes et tous et celle du mur à mur transport en commun électrifié, confortable et fréquent libèrent le budget des ménages populaires de ses deux poids majeurs qui en plus font peser sur lui le joug du capital financier. Cette dématérialisation draconienne, d'autant plus que l'économie québécoise est déjà dotée de ressources naturelles et moyens de production adéquats pour la fabrication de logements et celle de moyens de transport collectifs, libère le Québec du chantage tarifaire à la Trump. L'alimentation non carnée par l'agrobiologie, un défi plus difficile, fera le reste aiguillonnée par une politique de prix administrés découplée du marché.

La propriété socialisée comme conséquence du soin et du lien, et non sa cause

Comme les soins aux gens et à la terre-mère sont incompatibles avec la rentabilité et que la décroissance l'est par rapport à l'accumulation, la propriété privée des moyens de production est condamnée à faire choux blanc dans une société de soin et de lien. En découlera pour la réaliser la socialisation de l'épargne nationale, de l'énergie, de la communication, des transports, du logement et de la pharmacie. Par contre l'inverse n'est pas vrai car les monopoles étatiques peuvent rentabiliser l'entreprise privée. Hydro-Québec peut, plus efficacement que le privé, doubler la production électrique afin de satisfaire la croissance du capitalisme vert. En prime, la société du soin et du lien permettra de partager un temps de travail réduit et de créer la solidarité nécessaire à l'accueil et au soutien des « damnés de la terre ». Comme quoi, le jeu vaut la chandelle d'une rude bataille contre le capitalisme qui en se néo-fascisant ne lâchera rien.

Marc Bonhomme, 30 mars 2025
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

L’impact de l’art mural dans une ville

30 mars, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local L’art mural, par son essence, raconte des histoires et transmet des messages au cœur même de la vie urbaine. À (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local L’art mural, par son essence, raconte des histoires et transmet des messages au cœur même de la vie urbaine. À Rimouski, une impressionnante murale d’Isabelle Duguay orne la façade ouest de l’immeuble de Place St-Laurent. Cette œuvre est (…)

2025 : centenaire de naissance de Frantz Fanon

29 mars, par Rédaction-coordination JdA-PA
Cette année 2025 est l’anniversaire de naissance de Frantz Fanon (1925 – 1961) qui a incarné une vision combative de la décolonisation, alliant théorie et action. La Fondation (…)

Cette année 2025 est l’anniversaire de naissance de Frantz Fanon (1925 – 1961) qui a incarné une vision combative de la décolonisation, alliant théorie et action. La Fondation Frantz Fanon a décidé de célébrer le centenaire de la naissance de Frantz Fanon qui sera l’occasion de rendre hommage à (…)

Des syndiqués d’Amazon s’invitent à un colloque de la CNESST

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« Amazon ne respecte pas la loi sur les indemnités de licenciement! », lance Félix Trudeau, président du syndicat d'Amazon Laval, sur le parvis du Palais des Congrès de (…)

« Amazon ne respecte pas la loi sur les indemnités de licenciement! », lance Félix Trudeau, président du syndicat d'Amazon Laval, sur le parvis du Palais des Congrès de Montréal. Ce midi, celui-ci et quelques militants du syndicat et de la campagne de boycott d'Amazon sont allés s'imposer à un (…)

Pour se révolter : écoutons Radio Jean Boulet !

Visiblement, l'incompétence du Gouvernement Legault, les centaines de millions de dollars dilapidés dans Northvolt (mais aussi pour Amazon, la venue des Kings etc.), (…)

Visiblement, l'incompétence du Gouvernement Legault, les centaines de millions de dollars dilapidés dans Northvolt (mais aussi pour Amazon, la venue des Kings etc.), l'explosion des inégalités sociales malgré un déficit public record, le pillage des fonds publics par une toute petite oligarchie de privilégiés (financiers, assureurs, riches entrepreneurs, médecins etc.), la privatisation des biens publics comme Hydro-Québec (PL69), la corruption au sein de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) le bas-de-laine des québécois·es, les hôpitaux insalubres, les urgences et les soins de santé inaccessibles, les soins dentaires inabordables, des salaires qui ne suivent pas l'inflation...

... le coût des produits de base qui explose, les transports en commun en faillite et toujours plus chers, les routes éventrées et les infrastructures qui s'effondrent tranquillement, les CHSLD transformés en d'ignobles mouroirs faute de ressources, l'empoisonnement des enfants à Rouyn Noranda, la protection de la jeunesse incapable de remplir ses missions de base, les écoles publiques et les CÉGEPS délabrés, surchargés et en sous effectifs, les logements insalubres et transformés en passoires énergétiques, les expulsions de logement à la chaine, les morts-vivants drogués jusqu'à la moelle et abandonnés dans les parcs des centre-villes, l'agriculture en crise, la mise en esclavage des ouvriers agricoles, les petites villes qui meurent peu à peu faute de services publics, les passe-droits pour les multinationales étatsuniennes pour qu'elles ravagent l'écosystème de Blainville ou du Nord du Québec, le ciblage systématique des étrangers, le paternalisme et le mépris du Premier ministre qui ne cesse de répéter – à la manière de « big brother - que « tout se passe bien », ne suffisent pas pour que la gauche québécoise, Québec solidaire, les centrales syndicales, les groupes communautaires se rassemblent, s'organisent en front populaire et exigent urgemment la démission du Gouvernement Legault.

Alors pour se mobiliser davantage, on a peut-être trouvé une solution : écouter le Ministre du travail, Jean Boulet, défendre son projet de Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out en Commission parlementaire.

Au-delà de l'enfumage du Ministre, ce projet de loi poursuit comme objectif de permettre au Gouvernement de supprimer le droit de grève dès qu'il estime que c'est nécessaire pour « assurer le bien-être de la population ». Les secteurs ciblés sont les derniers à avoir le droit de faire grève sans trop de limitations et à pouvoir s'opposer aux attaques continues contre l'État social québécois : l'éducation et les transports en commun.

Nous faisons l'hypothèse que celles et ceux qui travaillent ou ont déjà travaillé au salaire minimum, qui ont déjà été humilité au travail, qui ont osé se lever ou s'organiser pour revendiquer quoique ce soit à leur supérieur, qui ont déjà participé à une grève, ne tiennent pas plus de cinq minutes devant les interventions du Ministre sans avoir envie de lui demander de se taire et de quitter sans plus tarder l'Assemblée nationale ; bref, pour exiger qu'on « l'expulse humainement » pour reprendre une formule du Premier ministre au sujet des demandeurs d'asile.

Ce n'est pas une question de ton, même si les monologues du Ministre et son ton obséquieux, sont insupportables. Dans ce registre, il est à peine meilleur que son maitre, François Legault et que de nombreux député·es et employeurs. C'est le fond qui révolte. Pendant des heures, M. Boulet marmonne la même rengaine : il faut restreindre davantage encore le droit de grève pour « assurer le bien-être de la population ». On doit « améliorer le taux de 95% des conventions collectives obtenues sans arrêt de travail ».

On pensait avoir atteint des sommets après les contre-vérités de François Legault et les mensonges quotidiens de Donald Trump et de ses amis depuis leur retour au pouvoir. Et bien on a trouvé un nouveau champion, pour le Québec à tout le moins.

Trois exemples, qui sont ceux que le Ministre répète ad nauseam à l'Assemblée nationale. Tellement en boucle, qu'on sent qu'il est lui-même un peu gêné de les répéter quand il s'aperçoit que son auditoire s'en rend compte et que ça commence à sérieusement énerver tout le monde.

Premier exemple, il faut protéger les enfants, explique le Ministre sans rire. Ah bon ? Oui. C'est important. Il faut même protéger les 54 000 enfants qui souffrent de handicap, qui ont des troubles de santé mentale, autistes. Mais attention, pas n'importe quand. Surtout (ou uniquement ?) pendant les grèves. C'est de fait ce que l'on est obligé de conclure quand on se rappelle que pendant plus d'un an de négociation collective, les 60 000 enseignantes de la FAE n'ont eu de cesse de réclamer, en vain, des ressources au Gouvernement pour aider les enfants, en particulier pour ceux et celles en difficulté. Mais même après des semaines de grève illimitée, le Gouvernement a refusé de concéder quoique ce soit de conséquent sur les ressources en classe qui restent surchargées et ingérables. M. Boulet voudrait nous faire croire qu'il se préoccupe désormais des enfants ? Des enfants de Rouyn Noranda ? Des enfants de la DPJ ? Des parents d'élèves handicapés ? C'est abject ! Et une telle mauvaise foi (pour une anthologie on peut renvoyer à l'échange avec le très serviable Dr Égide Royer ) est à elle seule suffisamment écœurante pour donner envie à n'importe quelle enseignante de descendre de nouveau dans la rue, d'hurler de rage et d'exiger la démission du Ministre.

Deuxièmement pérore le Ministre, il faut protéger les travailleurs et les travailleuses, surtout les plus pauvres, ceux et celles qui ne peuvent pas faire grève et qui n'ont pas d'autre choix que de prendre les transports en commun : « 50% des travailleurs pauvres utilisent le transport collectif pour des raisons médicales ou pour aller au travail... Le transport scolaire c'est fondamental… C'est super important de s'intéresser à ces personnes-là ». Mais attention, là encore, pas n'importe quand. Uniquement lors des grèves dans les transports en commun. C'est du moins ce que constatent ceux et celles qui utilisent quotidiennement les transports en commun, les préposées aux chambres, les préposées aux bénéficiaires, les femmes de ménages, les travailleurs et travailleuses des entrepôts d'Amazon, les travailleuses des CPE, les serveurs, les serveuses, les ouvriers, les ouvrières etc. qui voient leur condition de vie et de travail se détériorer, qui se font virer comme des délinquant·es sous prétexte qu'ils et elles tentent de faire valoir leurs droits et de se syndiquer, sans que cela émeuve le moins du monde le Gouvernement Legault. Et M. Boulet voudrait nous faire croire qu'il se préoccupe d'eux et elles ? Quelle infamie !

Enfin, pour conclure, il faut penser « aux familles endeuillées… quand les dépouilles s'accumulent dans les frigidaires faute de pouvoir précéder à l'inhumation » nous dit le Ministre. « C'est une question de dignité ! ». De quoi s'agit-il ? Le ministre fait référence à la grève de la petite quinzaine d'employé·es du cimetière de Notre Dame de Grâce à Montréal pendant laquelle l'employeur a bloqué toute négociation pendant plus d'un an. Ici, le ministre, sans vergogne, instrumentalise les morts et les familles endeuillées, lui qui n'a strictement rien fait pour régler ce conflit et qui refuse toujours d'intervenir dans les conflits de travail (les chauffeurs de bus en grève en savent quelque chose) tant que les employeurs ne font pas appel à lui. Quelle ignominie !

Bref, pour celles et ceux qui espèrent de leur vivant une Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en tout temps et qui auraient besoin de se remotiver, on recommande : Radio Boulet !

Camille Popinot
26 mars 2025

La pêche en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent

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Des LGBTQ+ du Québec vivant aux États-Unis envisagent de rentrer au Canada

27 mars, par Charline Caro
Charline Caro, correspondante Dès les premiers jours de son mandat, Donald Trump a signé une série de décrets restreignant les droits des personnes LGBTQ+. Né.es ou expatrié.es (…)

Charline Caro, correspondante Dès les premiers jours de son mandat, Donald Trump a signé une série de décrets restreignant les droits des personnes LGBTQ+. Né.es ou expatrié.es aux États-Unis, des Québécois·es appartenant à la communauté queer témoignent des conséquences de cette LGBTphobie (…)

Les étudiants-employés de Queen’s en grève pour une troisième semaine

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/03/PSAC901-e1743060462409-1024x508.png27 mars, par Southern Ontario Committee
Les cours et les travaux dirigés de l'Université Queen's dirigés par les membres de la section locale 901 de l'AFPC restent paralysés alors que leur grève se poursuit pour une (…)

Les cours et les travaux dirigés de l'Université Queen's dirigés par les membres de la section locale 901 de l'AFPC restent paralysés alors que leur grève se poursuit pour une troisième semaine. Environ 2 000 assistants de recherche, assistants d'enseignement et postdoctorants réclament des (…)

Du campus à la rue : le mouvement étudiant se mobilise contre la corruption en Serbie !

26 mars, par Maria Kiteme
Maria Kiteme, correspondante en stage Depuis trois mois, le mouvement étudiant intensifie ses rassemblements pour dénoncer la corruption en Serbie. Le 15 mars a été marqué par (…)

Maria Kiteme, correspondante en stage Depuis trois mois, le mouvement étudiant intensifie ses rassemblements pour dénoncer la corruption en Serbie. Le 15 mars a été marqué par une manifestation historique, la plus grande depuis l’arrivée d’Aleksandar Vučić au pouvoir. Un organisme indépendant (…)

Le co-réalisateur de « No other land » kidnappé par l’armée israélienne

26 mars, par Pierre Jasmin
Le 24 mars dernier, le réalisateur du long-métrage documentaire oscarisé « No Other Land », est enlevé par l’armée israélienne après une attaque sur le village de Soussiya, au (…)

Le 24 mars dernier, le réalisateur du long-métrage documentaire oscarisé « No Other Land », est enlevé par l’armée israélienne après une attaque sur le village de Soussiya, au sud de la Cisjordanie, par des colons israéliens. Il est cependant libéré le lendemain et pris en charge dans un hôpital (…)

Du nettoyage ethnique au génocide (1967-2025)

26 mars, par Coalition du Québec URGENCE Palestine — , ,
Du nettoyage ethnique au génocide (1967-2025) Deuxième d'une série de cinq soirées d'information sur les racines du génocide à Gaza, sous le thème « Palestine : une histoire (…)

Du nettoyage ethnique au génocide (1967-2025)

Deuxième d'une série de cinq soirées d'information sur les racines du génocide à Gaza, sous le thème « Palestine : une histoire qui n'a pas commencé le 7 octobre 2023 », organisées par la Coalition du Québec URGENCE Palestine.

THÈMES ABORDÉS : Le processus israélien d'appropriation territoriale depuis 1967 : l'occupation militaire , la construction des colonies de peuplement en territoire palestinien occupé, la dépossession de la population palestinienne et sa transformation en réfugié.es. L'offensive actuelle à Gaza et le caractère génocidaire du projet israélien.

Avec Joël Bedda et Anne Latendresse.

Animation : Diane Lamoureux.

✦ Joël Bedda est diplômé de l'Institut du Droit de la Paix et du développement (Nice), détenteur d'une Maîtrise II en Sécurité internationale, Défense et intelligence économique. Il est chercheur juridique pour l'organisation palestinienne de défense des droits humains, Al Haq.

✦ Anne Latendresse est professeure au département de géographie de l'UQAM. Active au sein du mouvement de solidarité avec le peuple palestinien depuis de nombreuses années, elle a vécu plus de deux ans en Cisjordanie occupée pour y mener une recherche. Elle a notamment été co-présidente d'Alternatives de 2020 à 2025.

✦ Diane Lamoureux est professeure émérite de science politique à l'Université Laval et militante de la Coalition du Québec URGENCE Palestine.

L’écologie entre instrumentalisations politiques et enjeux régionaux

26 mars, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local L’écologie est aujourd’hui au cœur des préoccupations sociétales, notamment dans des régions comme le (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local L’écologie est aujourd’hui au cœur des préoccupations sociétales, notamment dans des régions comme le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, riches en biodiversité et en ressources naturelles. Cependant, cette question environnementale est (…)

Des syndicalistes envahissent le ministère du Travail contre le PL89

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/03/PXL_20250325_163245673-scaled-e1742973278740-1024x511.jpg26 mars, par Comité de Montreal
Les bureaucrates du ministère du Travail à Montréal n’ont pas pu dîner en paix hier. Une centaine de manifestants de plusieurs syndicats ont occupé l’édifice pendant environ 40 (…)

Les bureaucrates du ministère du Travail à Montréal n’ont pas pu dîner en paix hier. Une centaine de manifestants de plusieurs syndicats ont occupé l’édifice pendant environ 40 minutes pour dénoncer le projet de loi 89, qui limiterait fortement le droit de grève, pourtant protégé par la Charte (…)

Les étudiants de l’Université de C.-B. accentuent la pression

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/03/Screenshot-2025-03-24-at-5.57.30%E2%80%AFPM-1024x710.png25 mars, par West Coast Committee
Le 15 mars, les étudiants et le personnel de l'Université de la Colombie-Britannique (UBC) ont lancé une grève de la faim pour protester contre le blocage des négociations de (…)

Le 15 mars, les étudiants et le personnel de l'Université de la Colombie-Britannique (UBC) ont lancé une grève de la faim pour protester contre le blocage des négociations de désinvestissement par l'administration. Deux jours plus tard, 7 000 étudiants ont voté en faveur d'une grève pour faire (…)

Budget Girard : les réactions des organisations populaires

25 mars, par Presse-toi à gauche — , ,
Voici la revue de presse des réactions des organisations syndicales, féministes et populaires au dépôt du budget du ministre des finances Eric Girard. Elle sera mise à jour au (…)

Voici la revue de presse des réactions des organisations syndicales, féministes et populaires au dépôt du budget du ministre des finances Eric Girard. Elle sera mise à jour au fur et à mesure de la publication des réactions par communiqués.


Budget provincial : Couper en éducation, une décision inacceptable et scandaleuse

MONTRÉAL, le 28 mars 2025 - Le Conseil national du soutien scolaire du syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau — (CNSS-SEPB-Québec-FTQ) dénonce avec une grande vigueur les coupes budgétaires en éducation annoncée par la CAQ lors du dépôt de son budget cette semaine.

La présidente du CNSS, Manon Cholette ne décolère pas, « un gouvernement un tant soit peu responsable ne devrait jamais au grand jamais couper en éducation. Le secteur scolaire c'est la fondation de notre société, nos membres façonnent l'avenir des jeunes au quotidien et la CAQ leur enlève les moyens de bien faire leur travail, comment peut-on en arriver là ?", demande-t-elle.

Ne vous laissez pas berner. La CAQ annonce une augmentation de 2,2% des dépenses en éducation, mais dans les faits cette augmentation anémique représente une diminution face aux défis auxquels font face nos membres.

« Les infrastructures sont en décrépitude depuis des années, la violence dans les écoles est un problème criant. De plus en plus d'élèves demandent une attention particulière, nous aurions souhaité des annonces qui nous auraient permis de garder la tête hors de l'eau. Au lieu de ça, on nous annonce une enveloppe budgétaire qui au mieux favorisera le statu quo et au pire fera sombrer le milieu scolaire dans un marasme plus important », ajoute Mme Cholette.

Renforcement de la Loi 21, un autre coup dur

Comme si ce n'était pas suffisant, la CAQ a également annoncé qu'elle comptait renforcer la Loi 21 afin de favoriser davantage la laïcité dans le réseau scolaire. Le CNSS estime que cette initiative n'aura pour effet que d'empirer la pénurie d'employé.es qui sévit actuellement dans le réseau.

« Ne nous cachons pas la tête dans le sable, le renforcement de la Loi 21 vise principalement un groupe formé surtout de femmes. Ces dernières sont nombreuses à occuper un poste dans nos centres de services et commissions scolaires et si on les oblige à choisir entre leur foi et leur travail, nous allons les perdre », dénonce Mme Cholette.

Le manque de personnel dans les centres de services et commissions scolaires du Québec est criant. Le recrutement et la rétention du personnel sont difficiles parce que les conditions de travail ne sont pas alléchantes.

« Le gouvernement a gelé les embauches pendant plusieurs mois et voilà qu'il se propose de lancer un ultimatum à nos collègues au risque d'en perdre plusieurs. C'est un enjeu de dignité pour nos membres et au niveau des ressources humaines c'est une grave erreur stratégique », conclut Mme Cholette.


Budget du Québec 2025-2026 : L'AGRTQ préoccupée par la faible place occupée par le développement du logement communautaire et social dans les priorités des programmes publics du Gouvernement du Québec

QUÉBEC, le 27 mars 2025 - L'Association des groupes de ressources techniques du Québec (AGRTQ) préoccupée par la faible place occupée par le développement du logement communautaire et social, réitère que ce dernier doit être au cœur des priorités des programmes publics du Gouvernement québécois.

Pas de nouveaux investissements à la mise en chantier pour de nouveaux projets

Pendant que les listes d'attente pour un logement communautaire et social augmentent, le budget annoncé par le ministre des Finances ne prévoit pas de nouveaux investissements qui permettront de mettre en chantier de nouveaux projets afin de répondre aux nécessités des personnes à besoins spécifiques et des populations vulnérables.

Lors d'une consultation récente de ses membres ancrés sur l'ensemble du territoire québécois, les groupes des ressources techniques témoignent que les organismes à but non lucratif, qui offrent des services aux communautés sont prêts à mettre en œuvre des projets en habitation communautaire et sociale dans une proportion de 10 000 unités dès maintenant. Malheureusement, en regard des orientations budgétaires actuelles, rien ne laisse pressentir la mise en œuvre rapide de ces projets.

Au précédent budget, le Gouvernement entendait réaliser son objectif de livrer plus de 23 000 logements entre 2023 et 2029. Cela représente un investissement de 2,6 milliards de dollars sur six ans.

Nous observons que cet investissement demeure identique dans le présent budget et que la cible n'a pas été bonifiée. Conséquemment, il n'y a pas de nouveaux subsides disponibles pour la réalisation de projets supplémentaires en habitation communautaire et sociale.

De plus, nous constatons que la mise en chantier sera en décroissance significative à partir de l'année 2027-2028. On passera de 8 373 unités en 2026-2027, puis 2 914 unités en 2027-2028 et à 65 unités en 2028-2029.

Nous sommes d'avis que la réalisation de projets devrait être en continu dans un programme autonome dédié à l'habitation communautaire et sociale, avec des périodes de dépôt et des cibles d'unités clairement définies, favorisant une atteinte de cibles cohérentes répondant aux besoins des populations vulnérables.

« Investir dans le logement communautaire et social, c'est investir dans nos communautés sur l'ensemble du territoire et offrir un milieu de vie abordable, accessible, durable et de qualité. Les groupes de ressources techniques du Québec sont ancrés partout au Québec et ils accompagnent tous les jours les organismes à buts non lucratifs et les coopératives d'habitation désireux d'offrir un toit pour tous. L'état doit contribuer en investissant massivement dès maintenant dans le logement communautaire et social », mentionne Ambroise Henry, président de l'AGRTQ

Quelques mesures accueillies positivement

L'AGRTQ tient à souligner un investissement de 302,6 millions de dollars sur 5 ans afin de soutenir l'accès au logement. Ce budget vise notamment a préserver le parc d'habitations à loyer modique et à répondre aux besoins urgents en matière de logement.

Le Réseau québécois des OBNL d'habitation et l'AGRTQ saluent « la revalorisation du financement pour l'accès au logement de 302,6 millions de dollars étalé sur cinq ans. Toutefois, la répartition du montant alloué au maintien du parc d'habitations à loyer modique de 228 millions de dollars nous pousse à nous interroger sur les possibilités d'action offertes aux OSBL d'habitations afin de maintenir un parc de logement abordable et décent alors que ce budget, prévu sur 3 ans, diminue drastiquement chaque année ».

L'AGRTQ tient également à souligner l'investissement de 38 millions de dollars afin de renflouer le Programme d'adaptation de domicile dédié aux personnes en situation de handicap. Ces fonds étaient épuisés depuis plusieurs mois et cette mesure permettra de relancer les travaux d'aménagement. Un engagement pour les années suivantes aurait été bienvenu considérant l'ampleur des besoins de ces personnes.

Enfin, l'AGRTQ souligne l'engagement pris par le Programme de financement en habitation de la Société d'habitation du Québec (SHQ) d'utiliser de nouveaux outils financiers, notamment des garanties de prêt et des prêts à conditions avantageuses afin de compléter le financement de projets d'unités abordables. L'AGRTQ offre son entière collaboration dans la réflexion, l'élaboration et la mise en place des stratégies.

Le logement communautaire et social doit être considéré comme un chantier d'infrastructure majeur

En l'absence d'investissements massifs dans le budget pour le secteur du logement communautaire et social, nous sommes contraints de nous adapter à la faible part qui est associée dans le Plan Québécois des Infrastructures (PQI) 2025-2035. En effet, l'investissement prévu pour les 10 prochaines années s'élève à 3 986,6 milliards sur un budget total de 164 milliards, soit une part de 2.4%.

L'AGRTQ a la ferme conviction que la population québécoise a le droit d'avoir accès à un milieu de vie abordable, durable et de qualité. Les logements doivent être diversifiés et répondre aux besoins de l'ensemble de la population tout en créant des milieux où il fait bon vivre en communauté.

« Nous demeurons convaincus que ces logements doivent demeurer à l'abri de la spéculation immobilière et être menés par et pour les communautés. Les retombées du logement communautaire et social sont majeures et nombreuses dans l'écosystème québécois et nous avons le devoir d'investir massivement dès maintenant » souligne Tommy Théberge, directeur général de l'AGRTQ.

Ambroise Henry, président de l'AGRTQ, affirme que « Le moment est venu de considérer l'habitation communautaire et sociale comme une infrastructure majeure qui a des retombées économiques et sociales sur tout le territoire québécois ».


En contexte économique incertain, investir en petite enfance est essentiel - Le Collectif petite enfance exprime ses préoccupations concernant le budget 2025-2026 du Québec

MONTRÉAL, le 27 mars 2025 - À la suite du dépôt du budget 2025-2026 du gouvernement du Québec, le Collectif petite enfance est inquiet quant aux orientations budgétaires concernant les services destinés aux tout-petits et à leurs familles. Au-delà des coupures que peuvent représenter les faibles augmentations des dépenses en santé et services sociaux ou en éducation, le Collectif constate l'absence d'investissements majeurs et transversaux pour les tout-petits et leur famille.

Notamment, l'organisation, regroupant 23 membres et alliés experts nationaux en petite enfance et périnatalité, est inquiète quant à l'absence apparente de suite au Grand chantier pour les familles, entre autres pour la complétion du réseau des services de garde éducatifs à l'enfance. Assurer l'accès à une place de qualité pour chaque enfant est essentiel pour favoriser l'égalité des chances, alors que ce soutien aux familles bénéficie aussi au marché de l'emploi.

Le Collectif petite enfance reconnaît que certains investissements positifs ont été faits pour améliorer les conditions de vie des enfants les plus vulnérables et les services leur étant destinés. Cependant, les investissements annoncés pour la mise en œuvre de la stratégie nationale intégrée de prévention en santé - financement pour une année seulement et d'une ampleur diminuée comparativement aux années précédentes - soulèvent des doutes. Le Collectif suivra l'évolution de ce dossier avec attention.

Citation

« Même en période d'incertitudes économiques et de restrictions budgétaires, on ne peut jamais faire l'économie des investissements en petite enfance et en périnatalité. Les rendements de ces investissements sont les plus élevés pour l'État. Ils constituent une approche préventive qui génère des retombées positives dans plusieurs sphères de la société et permettent de réduire les dépenses futures dans les systèmes de santé, d'éducation et de services sociaux. Négliger la petite enfance aujourd'hui engendrera inévitablement des coûts supplémentaires à court, moyen et long termes », affirme Elise Bonneville, directrice du Collectif petite enfance.


Budget du Québec et transport collectif : « Pour la CAQ, c'est le tout-à-l'auto » -SCFP

MONTRÉAL, le 27 mars 2025 - Le Conseil provincial du secteur transport terrestre (CPSTT-SCFP), qui représente près de 9000 travailleurs et travailleuses dans le transport collectif au Québec, abonde dans le sens des organismes de la société civile qui sont amèrement déçus par le budget Girard déposé ce mardi. Pour le CPSTT, le document est marqué par un grave manque d'ambition et de vision, et trahit la préférence pour l'automobile du gouvernement Legault.

« Ce budget rate complètement la cible, que ce soit pour l'entretien des infrastructures existantes, le développement de nouvelles infrastructures indispensables, ou plus généralement pour l'amélioration du service dans les différentes sociétés de transport », de commenter Simon Mathura, président du CPSTT.

« Bien sûr, il y a la participation au projet de tramway à Québec, mais là encore, le gouvernement de la CAQ s'est retrouvé à y participer quasiment contre son gré et pour des raisons apparemment électoralistes. Pour le reste, c'est une sorte d'abandon tranquille et une préférence implicite pour le tout-à-l'auto. C'est une bien triste nouvelle pour les Québécois et Québécoises qui ne peuvent se passer du transport en commun et qui sont déjà les plus touchés par la crise du coût de la vie. Et bien évidemment, c'est un manque d'ambition flagrant par rapport aux objectifs climatiques du Québec, donc un pelletage par en avant du problème aux générations suivantes », de conclure Simon Mathura.


Des décisions budgétaires dangereuses, déplore la FQPPU : malgré la précarité, le gouvernement sabre dans le financement universitaire

MONTRÉAL, le 27 mars 2025 - La Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université (FQPPU) exprime sa vive inquiétude et son indignation devant la décision du gouvernement du Québec de réduire le financement des universités pour l'année budgétaire 2025-2026. À l'heure où notre réseau peine déjà à faire face aux conséquences majeures de récentes décisions gouvernementales malavisées, et dans un contexte économique singulièrement difficile, cette décision constitue une menace directe à l'intégrité de toutes les universités québécoises, grandes comme petites, dans les centres urbains comme dans les régions. Les coupes imposées les placent en effet dans une position impossible, les contraignant à faire des choix qui pourraient notamment avoir pour conséquence d'alourdir davantage la charge de professeur•es déjà en surcharge de travail, mettant à risque l'excellence de la recherche et de l'enseignement pour les années à venir.

Un sous-financement chronique, une précarisation durable
Cette réduction du financement arrive d'ailleurs au pire moment, alors que les pertes anticipées liées à la diminution forcée du nombre d'étudiantes et étudiants internationaux (estimées à environ 200 millions de dollars pour les deux prochaines années) aggravent considérablement la crise budgétaire actuelle. Cette situation prescrit déjà aux administrations universitaires des choix aux conséquences délétères, exacerbant le déséquilibre entre ressources disponibles et besoins croissants. Le gouvernement semble également ignorer que cette réduction de financement, conjuguée à une surcharge de travail accrue des professeurs, menace directement la capacité de nos universités à maintenir leur excellence en recherche et à offrir une formation de qualité. La FQPPU demande donc au gouvernement de revoir immédiatement sa stratégie budgétaire pour assurer la pérennité et la compétitivité du réseau universitaire québécois.

« Année après année, la diminution des ressources impose aux professeur•es universitaires un effort démesuré pour maintenir la qualité de leur enseignement et de leur recherche », souligne Madeleine Pastinelli, présidente de la FQPPU. « À force de devoir constamment prendre le relais pour combler des lacunes croissantes, nos collègues nous disent à quel point elles et ils sont au bord de l'épuisement. La situation devient intenable. Et, tout autant que le bien-être et la santé des professeur•es, c'est l'université et sa mission d'intérêt public qui se trouvent fragilisées. Couper ainsi les ailes de la recherche et de l'enseignement, c'est faire preuve d'une vue courte qui aura, bien malheureusement, des conséquences graves pour de nombreuses années. »

Dans ce contexte particulièrement préoccupant, la FQPPU rappelle aux administrations universitaires qu'elles doivent jouer leur rôle pour préserver l'intégrité de la contribution des professeur•es à la mission fondamentale des universités. Ainsi, elles doivent à tout prix éviter de céder à la tentation d'accroître davantage la charge administrative des professeur•es en réponse aux contraintes budgétaires actuelles, ce qui ne ferait qu'aggraver une situation déjà critique, affaiblissant davantage la capacité des professeur•es à s'acquitter adéquatement de leurs tâches essentielles d'enseignement et de recherche. La FQPPU invite plutôt les administrations à collaborer avec les représentant•es des professeur•es et autres parties prenantes pour identifier et élaborer des solutions qui évitent d'amplifier les nombreuses difficultés que vit déjà la communauté universitaire, notamment la surcharge administrative du corps professoral. Face à des décisions budgétaires qui menacent nos lieux de savoir, il est nécessaire d'agir avec vision, en plaçant le bien commun avant des mesures de contrôle administratif contreproductives et dommageables.

En bref

Un coup porté à l'université : devant déjà faire face à un marasme financier, les universités voient de nouveau leur financement réduit par le gouvernement du Québec, ce qui compromet leur capacité à remplir leur mission d'enseignement et de recherche.

Des professeur•es au bord de l'épuisement : alors que les ressources diminuent, la surcharge de travail des professeur•es atteint un seuil critique, menaçant leur santé, la qualité de l'encadrement étudiant et la vitalité de la recherche.

Un appel à la concertation : la FQPPU exhorte le gouvernement à revoir sa stratégie et appelle les administrations à ne pas aggraver la situation par des alourdissements administratifs inutiles. Il est temps de défendre collectivement la mission d'intérêt public de l'université.


Réaction au budget provincial de 2025-2026 - Accueil glacial de ce budget pour les Auberges du cœur du Québec

MONTRÉAL, le 27 mars 2025 - Le Regroupement des Auberges du cœur du Québec (RACQ) constate le mépris pour le travail colossal des Auberges du cœur. Cet exercice annuel est l'occasion pour le gouvernement d'indiquer à la population ses priorités. Ce budget laisse planer un flou total concernant la somme allouée à nos actions. Faut-il en conclure qu'il n'y a tout simplement rien ? Manifestement, ce dernier ne considère pas l'impact essentiel qu'auront les Auberges face à la guerre commerciale et à ses conséquences.

Le RACQ revendique pour ses membres un rehaussement significatif de leur financement à la mission depuis de nombreuses années, s'élevant aujourd'hui à 33 M$. Pourtant, après plusieurs rencontres avec le personnel des ministres des Services Sociaux, des Finances et de l'Action communautaire, plusieurs participations à des comités et des consultations ainsi que la présentation d'un plan de rattrapage financier sur quelques années, rien n'y fait. En termes de financement à la mission, les Auberges du cœur restent à la traîne des ressources d'hébergements dont la mission est similaire.

« Certaines des Auberges peinent à boucler leur budget annuel, plusieurs termineront l'année avec un déficit. Non seulement elles ne reçoivent pas plus, mais tout ce qui touche la transition à la vie adulte des jeunes non plus. Logements abordables, prévention de l'itinérance, soin de santé mentale. Rien pour ces jeunes. Ces jeunes sont dans nos ressources et on doit en refuser plusieurs par manque de place. C'est vraiment choquant. », affirme Paule Dalphond, directrice générale du RACQ.

Le 10M$ alloué à l'ensemble des organismes communautaires autonomes en santé et services sociaux (OCASSS) est une honte, mêlée à un mépris envers les besoins des Auberges du cœur. Ce montant dérisoire ne fait qu'entretenir leur précarité, rendant difficile le maintien de leurs services et d'en développer de nouveaux pour répondre aux besoins de plus en plus importants des jeunes vulnérabilisés.

La CAQ abandonne les jeunes vulnérables

Le ministre Lionel Carmant s'est clairement engagé à accorder un financement supplémentaire aux Auberges du cœur, dans une entrevue accordée à Nathalie Collard, le 15 décembre dernier. Il a pris le temps de rencontre Paule Dalphond, directrice générale du RACQ, pour l'en aviser ce qui rend son désaveu envers notre travail incompréhensible. Faut-il comprendre que les belles paroles de ce gouvernement n'ont aucune valeur lorsque vient le temps de respecter ses engagements ?

Nous déplorons l'absence d'un défenseur de la jeunesse au sein du gouvernement, depuis le départ de Samuel Poulain. Nous appuyons la nécessité d'un adjoint parlementaire dédié à la jeunesse afin d'assurer une réelle prise en compte des enjeux qui la concernent. Pendant ce temps, le gouvernement concrétise une gestion néolibérale de l'État québécois, appliquant une logique marchande à un secteur où les relations humaines, l'éthique et l'équité sociale sont les pierres d'assise. Plus que jamais, les Auberges du cœur seront essentielles, malheureusement plusieurs ne pourront répondre à l'appel faute de financement.

Le Regroupement des Auberges du cœur du Québec

Le Regroupement des Auberges du cœur du Québec est le trait d'union de 32 membres qui opèrent 34 maisons d'hébergement communautaires pour jeunes vivant des difficultés ou en situation d'itinérance dans 10 régions du Québec. Elles doivent refuser plus de 6 000 demandes d'hébergement, généralement faute de place. Les Auberges du cœur hébergent et soutiennent chaque année plus de 4 500 jeunes âgé•e•s entre 12 et 35 ans. Au total, l'ensemble des Auberges du cœur offre plus de 780 places (416 en maison d'hébergement et 364 autres places en appartements supervisés ou logements sociaux). C'est aussi près de 500 travailleur•euse•s et 450 bénévoles qui gravitent autour de ces jeunes. Ces chiffres ne reflètent qu'une partie des besoins des jeunes pour le type d'hébergement et de soutien que nous offrons considérant les territoires où de telles ressources sont inexistantes.


Budget 2025-2026 : la vision austéritaire de la CAQ !

En somme, avec ce budget, les dépenses prévues sont loin d'être suffisantes pour préserver la qualité des services publics et réduire les écarts de richesse !

❗Aucune mesure structurante pour améliorer les conditions de vie des femmes et des personnes en situation de pauvreté ni pour faire face à la crise du logement et au recul de la justice sociale.

❗La CAQ s'obstine à refuser d'aller chercher les sous là où il y en a (faire payer plus d'impôts sur le revenu ou le patrimoine aux plus riches).

❗Au moins, c'est une bonne nouvelle que la CAQ semble prête à trouver que le déficit n'est pas si préoccupant et qu'il est loin d'un niveau record, ce que des organismes comme l'IRIS défendent depuis des années !

❗La CAQ continue de faire des économies sur le dos des travailleuses et des travailleurs et des personnes en situation de pauvreté. Et on n'oublie pas les récentes coupures de la CAQ : la fermeture du bureau d'aide juridique en immigration de l'est du Québec , les 1,5 milliards en santé, les coupes en éducation, et plus !

Les mauvaises nouvelles du budget

❌ Aucun argent neuf pour les maisons d'aide et d'hébergement en violence conjugale.

❌ Aucun nouvel investissement pour la réalisation de logements sociaux.

❌Aucune mesure structurante pour permettre aux personnes en situation de pauvreté d'améliorer leurs conditions de vie.

❌ Des miettes pour le milieu communautaire pour 2025-2026, avec un maigre 22,9 millions contre les 2,6 milliards estimés nécessaires. Rien pour les groupes en défense collective des droits et une diminution aberrante pour les organismes d'accompagnement et de soutien à l'intégration des personnes immigrantes.

❌ Compressions majeures en santé : hausse de 3%, alors que les coûts de fonctionnement nécessitent 5,4% par année - ce à quoi s'ajoutent les coupes récentes de 1,5 milliards.

❌ L'environnement, le grand oublié : le budget diminue les investissements avec un montant prévu pareil à 2024-2025 (baisse par rapport à la hausse de l'inflation) et comprend un ridicule 100 000$ pour les organismes environnementaux !

❌ Coupes majeures à prévoir dans les services à la population si le plan de retour au déficit zéro d'ici 2029-2030 est maintenu (limite de la hausse des dépenses du gouvernement québécois à 1,7 % en moyenne sur 5 ans, alors que l'inflation anticipée est de 2,25% !).

❌ Des investissements insuffisants et insatisfaisants en éducation : investissements en dessous de l'inflation qui mettent en péril le maintien des services en place ; diminution de l'investissement dans les infrastructures par rapport à l'année dernière.

❌ Une baisse de 166 M$ sur dix ans des investissements pour les services de garde éducatifs à l'enfance, selon le Plan québécois des infrastructures.

❌ Recul des investissements en transport en commun (seulement 30% du budget en transport).

❌ Coupe dans des mesures d'aide financière aux travailleuses et travailleurs à faible revenu – exemples : le bouclier fiscal, qui compense les pertes de certains transferts fiscaux dans l'année où survient une hausse de revenus d'emploi ; frais de garde d'enfants maintenant seulement jusqu'à 14 ans.

Les consolations du budget

✔️ Maintien (in extremis) du programme d'accès aux services d'interprétariat pour femmes allophones pour deux ans. Heureusement que les groupes ont lutté pour défendre ce programme !

✔️ 1000 nouvelles unités pour le Programme de supplément au loyer (dont peuvent bénéficier les femmes victimes de violence conjugale).

✔️ 1,4 M$ pour poursuivre le travail de l'équipe de la Sûreté du Québec dédiée à la violence entre partenaires intimes.

✔️ Investissements additionnels de 228 millions $ pour la rénovation et l'exploitation des habitations à loyer modique (HLM).

✔️ 42,6 millions $ sur 5 ans pour « permettre au Ministère de la Santé et des Services sociaux d'assurer l'accompagnement des personnes vulnérables » - mais ces investissements iront-ils dans le soutien communautaire en logement social et communautaire ?

✔️ Retour du programme d'adaptation à domicile actuellement suspendu par manque de fonds (programme qui vise à permettre aux propriétaires de rendre leur logement accessible et adapté aux besoins des personnes en situation d'handicap).

✔️ En santé, de bonnes intentions sont annoncées mais sans détails ni moyens de confirmer la concrétisation de ces mesures (à surveiller !) :

Réduire le temps supplémentaire obligatoire

Implanter l'autogestion des horaires du personnel

Limiter le recours aux agences de placement (on aimerait mieux leur abolition !)

Favoriser le soutien à domicile et améliorer la première ligne.

✔️ Investissement dans la sécurisation culturelle des personnes autochtones dans le réseau de la santé et des services sociaux (10 M$ par année, ce qui reste minime compte tenu de la discrimination systémique). Mais sans la reconnaissance de cette discrimination systémique !

✔️ Culture : 317,9 millions de dollars sur cinq ans. Les mobilisations ont été au moins partiellement répondues !

Sources

Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale

Collectif pour un Québec sans pauvreté

Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS)

Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU)

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)

Fédération de la santé et des services sociaux de la CSN

Fédération autonome de l'enseignement (FAE)

Réseau québécois de l'action communautaire autonome (RQACA)


Budget du Québec 2025-2026 : De mauvais choix qui fragilisent le filet social québécois -Coalition des Tables régionales d'organismes communautaires

Le 26 mars 2024, Saint-Lin-Laurentides - La Coalition des Tables régionales d'organismes communautaires (CTROC) réagit avec beaucoup de déception face au budget Girard-Legault 2025-2026. Des 830 millions supplémentaires demandés par les organismes communautaires autonomes intervenant en santé et services sociaux, seulement 10 millions d'investissements ont été annoncés dans le budget. En d'autres termes, le gouvernement s'attend à ce que plus de 3 000 organismes se partagent 10 millions, ce qui revient à un maigre 3 000 dollars par organisme.

En sommes-nous à un point de rupture du filet social québécois ?

Entretemps, le filet social québécois continue de péricliter par manque de soins. Non seulement le budget 2025-2026 prive le réseau public de la santé et des services sociaux des moyens nécessaires pour continuer à offrir des services à la population, il devra en outre couper dans ses dépenses avec l'imposition d'une limite de croissance de 3%.

Selon Daniel Cayley-Daoust, porte-parole de la CTROC : “Ces décisions, combinées à celle d'accorder une augmentation risible de 10 millions aux organismes communautaires, conduisent inévitablement à un seul constat : c'est la population qui, encore une fois, écopera des choix budgétaires gouvernementaux.” Vers un détournement des responsabilités des organismes communautaires ?

En dépit de la Loi sur la gouvernance en santé et services sociaux et de la politique
gouvernementale sur l'action communautaire qui garantissent aux organismes leur liberté de pratiques, d'orientations et de gestion, le réseau public se tourne de plus en plus vers eux pour combler les services qu'il ne peut plus offrir par manque de ressources. Or, si les organismes désirent pour la plupart collaborer, ils visent d'abord et avant tout à répondre aux besoins des personnes qui les fréquentent. Moins le réseau public dispose de ressources, plus la pression est forte pour utiliser les organismes communautaires à ses propres fins. “Un financement à la mission adéquat constitue le meilleur garde-fou pour protéger l'autonomie face aux tentatives de transférer les responsabilités du réseau public vers les organismes”, constate Daniel Cayley-Daoust.

La CTROC et ses membres craignent grandement que l'insuffisance de rehaussement financier pour l'année 2025-2026 accentue cette volonté gouvernementale de détourner les organismes communautaires de leur mission première pour son propre bénéfice et ceci, au détriment de la population.

La CTROC tient à mettre le gouvernement en garde contre toute tentative de se défi ler de ses responsabilités d'offrir des services publics de santé et de services sociaux adéquats et suffi sants, et de transmettre cette charge aux organismes communautaires autonomes. Pour le bénéfi ce de la population, le gouvernement se doit d'investir tant dans le réseau public que dans le milieu communautaire en respect de leurs missions respectives.


Grande mobilisation pour les arts au Québec : La lutte paie et elle continue

La GMAQ salue la décision du gouvernement d'augmenter le budget du Conseil des arts et des lettres du Québec. La majoration des budgets permanents du CALQ à 165 millions et l'augmentation de ses crédits totaux à 200 millions pour les trois prochaines années constituent une mesure d'urgence essentielle qui apporte un bref répit pour un milieu des arts en péril.

Ce gain est le résultat d'une extraordinaire mobilisation concertée d'une multitude d'acteur.ice.s des arts, qui démontre que la lutte politique paie. Voilà plus d'un an que la Grande mobilisation pour les arts au Québec, alliée au Front commun pour les arts, est dans la rue et dans les médias pour porter les revendications des artistes et des travailleur.euse.s des arts de toutes les disciplines. Aujourd'hui, nous recueillons les premiers fruits de notre travail et de notre ténacité. Bravo et merci à toutes les personnes engagées dans ce mouvement ! Maintenant, la lutte pour les arts doit continuer !

La GMAQ porte deux revendications centrales : la majoration des fonds destinés au CALQ, à laquelle répond en bonne partie le budget du ministre Girard, et la création d'un programme de soutien continu aux artistes (filet social). Cette deuxième revendication est toujours sur la table et reste indispensable pour sortir les artistes de l'état de précarité endémique et permanent qui est le leur depuis trop longtemps. Il revient à l'ensemble de la société de s'assurer que les personnes qui créent la culture puissent le faire dans des conditions décentes et soutenables à long terme.

La GMAQ continuera de se battre pour la reconnaissance du rôle crucial des arts et pour un meilleur soutien aux artistes et aux travailleur.euse.s indépendant.e.s de toutes les disciplines, dans une vision inclusive, ouverte et expérimentale de la culture. Nous serons d'ailleurs attentif.ives.s à l'usage qui sera fait des crédits supplémentaires accordés au CALQ, pour nous assurer qu'ils se rendront jusqu'aux poches des artistes.


Budget 2025-2026 : trop peu, trop tard pour l'enseignement supérieur selon la FECQ

QUÉBEC, le 25 mars 2025 - Dans un contexte où l'enseignement supérieur a cruellement besoin d'un changement de cap, le budget 2025-2026 arrive avec une rame cassée. Avec une hausse des dépenses d'à peine plus de 2%, bien en deçà des augmentations des dernières années, la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) déplore un manque flagrant d'ambition. Et pourtant, les besoins sont urgents : des infrastructures qui tombent presque en ruine, des cégeps de région en difficulté, et une population étudiante de plus en plus précaire.

Infrastructures collégiales

Aujourd'hui marquait le dépôt du premier budget caquiste depuis la publication, en mai dernier, du rapport accablant du VGQ sur l'état du parc immobilier des cégeps. La FECQ s'attendait à une réponse forte, mais déplore un sérieux manque de vision du gouvernement. Le budget alloué au maintien du parc stagne, et les sommes destinées à résorber le déficit de maintien d'actif pour 2025-2026 — soit 70 M$ — restent bien en deçà des besoins. Rappelons que l'an dernier, le déficit de maintien d'actif était estimé à 764 M$, sans qu'aucune mise à jour ne soit proposée cette année pour évaluer l'état réel des bâtiments.

Au-delà de la vétusté, le réseau collégial est aussi confronté à un manque criant d'espace pour accueillir la hausse des effectifs. À la rentrée 2024, par exemple, le Collège Montmorency a dû refuser l'admission de plus de 1 000 personnes étudiantes. La FECQ salue néanmoins l'ajout de près de 100 M$ sur deux ans pour bonifier le parc immobilier, qui est un pas dans la bonne direction, mais encore loin de suffire à répondre à l'ampleur des besoins.

Vitalité des cégeps de région

Dans un budget qui prétend miser sur l'innovation et anticiper les risques liés aux tensions tarifaires avec les États-Unis, l'absence de mesures pour soutenir les cégeps en région est pour le moins décevante. Ces établissements jouent pourtant un rôle central dans le développement économique et social de plusieurs régions du Québec. Or, sans mesures concrètes pour contrer la baisse des effectifs étudiants, celle-ci ne fera que s'accentuer, fragilisant l'offre de formation et limitant l'impact positif de ces cégeps sur leur milieu.

Plus spécifiquement, la FECQ déplore qu'aucune bonification n'ait été prévue pour le programme de bourses Parcours, qui vise à encourager la mobilité interrégionale, alors que certains établissements peinent à répondre à plus du tiers des demandes, faute de ressources suffisantes. Alors que plusieurs cégeps urbains font face à un contexte de surpopulation, il aurait été judicieux de bonifier ce programme afin d'inciter davantage de personnes étudiantes à réaliser leur parcours collégial en région.

Précarité financière étudiante

Depuis la rentrée 2024, la FECQ et plus de 200 000 personnes étudiantes demandent à la CAQ de renverser le poids de la précarité. Dans ce budget, un seul signal a été entendu : une indexation de l'aide financière aux études d'une valeur de 225 M$ sur cinq ans. Un pas dans la bonne direction, certes, mais insuffisant à lui seul pour répondre à l'ampleur des besoins.

Alors que le gouvernement met fin aux bourses Perspective — une coupe de 250 M$ — la FECQ s'attendait à ce que ces sommes soient réinvesties là où les besoins sont les plus criants, à commencer par la rémunération des stages. Or, aucune mesure n'a été annoncée. Et pendant que 40 % de la population étudiante vit de l'insécurité alimentaire, pas un seul dollar n'a été prévu pour le réseau postsecondaire à ce chapitre, alors que la FECQ réclamait pourtant moins d'un million par année. En refusant d'agir sur les enjeux les plus criants, le gouvernement tourne le dos à une génération qui, pourtant, continue de se mobiliser pour son avenir.

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« Le rapport de la VGQ sonnait l'alarme incendie. La CAQ, elle, arrive avec un verre d'eau tiède. Aucune hausse pour le maintien du parc, aucune mise à jour de l'état des infrastructures : ce n'est pas un plan d'action, c'est un plan de table. Et comme si ça ne suffisait pas, après avoir sabré 250 M$ dans les bourses Perspective, le gouvernement n'a même pas cru bon de rémunérer les stages ni de proposer des mesures contre l'insécurité alimentaire. La FECQ accueille néanmoins favorablement l'indexation de l'aide financière aux études pour une valeur de 225 M$ sur cinq ans. », mentionne Antoine Dervieux, président de la FECQ


Budget Québec 2025-2026 : L'audiovisuel ignoré, l'AQTIS 514 IATSE exprime sa déception

QUÉBEC, le 26 mars 2025 - L'AQTIS 514 IATSE se dit déçue de l'absence de soutien direct à l'industrie des productions visuelles dans le budget 2025-2026, malgré une augmentation du budget culturel global de 717 millions de dollars. Loin de renforcer un secteur pourtant crucial, le budget 2025-2026 semble ignorer les défis urgents auxquels il est confronté.

Au-delà de l'absence de nouvelles mesures, l'AQTIS 514 IATSE s'inquiète de la trajectoire à la baisse annoncée pour la mise en valeur de la culture et de l'identité québécoise, qui verra ses fonds diminuer de 124,2 millions à 96 millions de dollars d'ici 2029-2030.

Si le maintien du soutien à la SODEC est noté, l'association insiste sur la nécessité de traduire rapidement les futures recommandations du Groupe de travail sur l'avenir de l'audiovisuel au Québec (GTAAQ) en actions concrètes et en investissements significatifs pour les années à venir. Rappelons que l'AQTIS 514 IATSE a participé aux travaux de ce groupe en déposant un mémoire proposant des solutions spécifiques aux enjeux actuels.

« Ce budget envoie un mauvais signal : l'importance stratégique de notre secteur pour l'économie et la culture québécoise n'a malheureusement pas été entendue », déplore Bernard Larivière, président de l'AQTIS 514 IATSE. « Alors que nous faisons face à des enjeux cruciaux de protection de notre identité et de nos valeurs dans le contexte international actuel, cette absence de soutien est non seulement décevante, mais potentiellement dommageable pour l'avenir de notre industrie. »

Rappelons que l'industrie des productions visuelles étrangères, véritable moteur économique pour le Québec, génère des milliers d'emplois et des retombées financières considérables tout en assurant le rayonnement de la culture québécoise mondialement.


Budget 2025-2026 du Québec - Les enfants vulnérables toujours aussi vulnérables -Association québécoise des centres de la petite enfance

MONTRÉAL, le 26 mars 2025 /CNW/ - Alors que les associations nationales des centres de la petite enfance (CPE) et des garderies privées subventionnées (GS) ont fait de multiples représentations et une démonstration des besoins grandissants pour accueillir et accompagner les enfants les plus vulnérables dans les services éducatifs à l'enfance, les 82 millions de dollars sur 5 ans annoncés aujourd'hui seront insuffisants pour accompagner les enfants.

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« Le gouvernement reconnaît sur le bout des lèvres les besoins du réseau pour le bien-être et le développement des enfants issus de contexte socio-économique précaire ou ayant des besoins de soutien particulier, mais le montant octroyé est loin d'être à la hauteur des besoins. Nous avions demandé près de 240 millions de dollars pour la seule année 2025-2026, ce qui illustre l'ampleur », déplore Samir Alahmad, président de l'Association des garderies privées du Québec (AGPQ).

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« L'annonce d'aujourd'hui équivaut à 16,4 millions de dollars par année. C'est décevant sachant que le gouvernement s'était donné jusqu'à l'année 2025-2026, avec l'axe 6 du , pour assurer un accès plus équitable aux services de garde éducatifs et une réponse mieux adaptée aux besoins des familles les plus vulnérables » déplore Samir Alahmad, président de l'Association des garderies privées du Québec (AGPQ).Grand chantier pour les Familles, pour assurer un accès plus équitable aux services de garde éducatifs et une réponse mieux adaptée aux besoins des familles les plus vulnérables », observe Marie-Claude Lemieux, directrice générale de l'Association québécoise des CPE (AQCPE).

Des conséquences majeures pour les familles et la société

Les services éducatifs à l'enfance sont déjà sous pression, dû à la grave pénurie de la main-d'œuvre qui sévit, notamment en regard de la qualification du personnel, essentielle pour réussir cette profession. Il n'y a plus de latitude pour alourdir une tâche déjà considérablement augmentée depuis quelques années.

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« En 2023, 91% des gestionnaires de SGEE ont dit avoir des besoins de soutien par des professionnels non comblés dans leur milieu. Résultat : 20% des gestionnaires ont réduit le temps de fréquentation des enfants concernés par manque de ressources humaines. Malgré l'investissement annoncé, nous craignons que ce pourcentage augmente encore », explique Mario Ranallo, président du Rassemblement des garderies privées du Québec (RGPQ).

Beaucoup de parents, devant l'absence de services adéquats pour leur enfant, auront des choix difficiles à faire. Certains devront réduire leur nombre d'heures travaillées, d'autres seront contraints de quitter leur emploi, alors même que l'égalité des chances est au cœur de la triple mission des services éducatifs à l'enfance.

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« Il est prouvé que l'accès précoce à des services de garde éducatifs de qualité contribue à prévenir des difficultés de développement et permet une meilleure préparation pour l'école. L'investissement dans la petite enfance est donc non seulement un acte de justice sociale, mais aussi un investissement à long terme. C'est d'autant plus vrai pour les enfants vulnérables pour lesquels il a été déterminé que les effets positifs d'une fréquentation d'un service éducatif de qualité sont plus importants et agissent comme facteur de protection », expose Francine Lessard, directrice générale du Conseil québécois des services éducatifs à la petite enfance (CQSEPE).

La CAQ fait des choix avec l'argent des Québécois

Le contexte économique impose des choix difficiles pour les prochaines années et le réseau des services éducatifs à l'enfance en est conscient. Mais investir dans le développement des tout-petits n'est pas une dépense vaine. C'est un acte de prévention qui permettrait à l'État d'économiser des millions pour compenser des problématiques qui auraient pu être évitées. On le constate d'ailleurs avec les sommes considérables qui ont été annoncées pour la réussite scolaire.

Il est impératif de poursuivre le travail entamé pour une meilleure inclusion et des services adéquats pour les enfants les plus vulnérables dans les services de garde éducatifs du Québec.

Source

AQCPE, Enquête sur l'expérience des éducatrices et responsables en milieu familial sur l'accueil et l'accompagnement des enfants vulnérables en services de garde éducatifs à l'enfance, 2021. Voir l'étude complète ici.

Observatoire des tout-petits, Tout-petits ayant besoin de soutien particulier - Comment favoriser leur plein potentiel ? Faits saillants. Voir l'étude complète ici.


Budget 2025-2026 : L'Union étudiante du Québec s'insurge contre une réduction du financement des universités québécoises de 31 millions $

QUÉBEC, le 26 mars 2025 - L'Union étudiante du Québec (UEQ) se désole de voir le financement des universités réduit de 31 millions lors de l'exercice budgétaire 2025-2026. Principalement causée par une diminution du nombre d'étudiants dans nos universités, cette réduction de 31 millions de dollars met en lumière l'échec des politiques de la CAQ pour les universités québécoises. À un moment où le Québec souffre sévèrement d'une pénurie de main-d'œuvre dans de multiples domaines, le Québec n'a pas le luxe de voir le nombre d'étudiants universitaires diminuer.

De plus, cette réduction du nombre d'étudiants dans nos universités ne fait que mettre en lumière l'improvisation du gouvernement en matière d'étudiants internationaux. Le gouvernement ne fait qu'aggraver la crise de financement des universités en réduisant le nombre d'étudiants internationaux. Rappelons que la ministre Déry a déposé une nouvelle politique de financement des universités en juin 2024 dont la principale source de nouveau financement provenait des étudiants internationaux. L'UEQ avait à l'époque dénoncé l'incohérence de cette politique et les intentions du gouvernement en matière d'immigration. Force est de constater que ce sont les universités québécoises qui devront maintenant payer la note de cette blessure que la CAQ s'est auto-infligée.

De plus, l'UEQ s'attriste de constater qu'aucun investissement supplémentaire en recherche universitaire n'a été effectué. Dans un contexte économique instable, l'UEQ croit qu'il est crucial d'investir dans nos chercheurs et chercheuses, notamment en augmentant les bourses du FRQ qui leur sont dédiées. La CAQ manque ainsi une occasion de faire preuve de leadership et reste en retrait par rapport au gouvernement du Canada en matière de recherche et d'innovation étudiante.

Citation :
« Créer un trou de 31 millions pour nos universités à cause de politique incohérente, c'est inacceptable ! Assoiffer nos universités avec les menaces à notre économie que l'on connaît, pendant que la pénurie de main-d'œuvre sévit, alors que le Québec doit investir en recherche et innovation, ça fait aucun sens. », s'indigne Étienne Paré, président de l'Union étudiante du Québec (UEQ).


Malgré la grave crise du logement, le budget Girard ne prévoit aucun nouvel investissement pour la réalisation de logements sociaux -FRAPRU

QUÉBEC, le 26 mars 2025 - Le Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) est amèrement déçu que, malgré la crise du logement vécue durement par les locataires, en particulier ceux à faibles et modestes revenus, le 7ème budget Girard ne prévoit aucun nouvel investissement pour la réalisation de logements sociaux. Sa porte-parole déplore avec véhémence les choix politiques et fiscaux du gouvernement Legault, alors que le contexte économique incertain offrait une occasion supplémentaire à saisir pour traiter le nécessaire chantier de logement sociaux et communautaires comme un chantier d'infrastructures publiques. « Le budget table sur la création de richesse alors que l'absence de mesures structurantes pour aider les locataires à faire face aux graves conséquences de l'inabordabilité croissante du logement, appauvrira encore un trop grand nombre de personnes. On y retrouve que quelques mesurettes loin de répondre aux besoins criants » a réagit Véronique Laflamme.

Le FRAPRU avait demandé au ministère des Finances dans ses représentations pré budgétaires d'offrir enfin la prévisibilité indispensable à la planification à long terme du logement social dans l'objectif d'augmenter significativement la maigre part qu'il occupe sur le parc locatif. Selon le regroupement, la construction d'un nombre significatif de logements sociaux sous différentes formes (HLM, OSBL et de coopératives d'habitation) est plus que jamais essentielle pour limiter l'effet inflationniste des logements privés neufs qui se construiront dans les prochaines années. D'autant plus que la récente Stratégie gouvernementale en habitation vise la construction de 560 000 logements locatifs en 10 ans. Selon le FRAPRU, le budget 2025-2026 aurait dû permettre de doter la Stratégie gouvernementale d'objectifs chiffrés de logements sociaux à construire sur plusieurs années et prévoir les investissements nécessaires à cette fin.

Le seul objectif énoncé dans le Plan budgétaire 2025-2026 demeure le même depuis la dernière campagne électorale, note le FRAPRU, soit de réaliser autour de 23 000 logements d'ici 2029. Non seulement ces logements ne sont pas tous sans but lucratif rappelle le FRAPRU, mais près de la moitié avaient déjà été budgétés à l'arrivée de la CAQ au pouvoir. Même les 8000 unités annoncées dans la mise à jour économique de novembre 2023 sont toutes réservées et il n'y a eu aucun appel de projet du Programme d'habitation abordable Québec (PHAQ) depuis plus de 18 mois, alors que l'attribution de fonds publics par décret gouvernemental s'est généralisée. « L'insuffisance et le manque de prévisibilité du financement du logement social ralentit le développement de nouveaux projets et maintient un climat d'incertitude contreproductif » insiste la porte-parole du FRAPRU qui craint que cela ne coupe les ailes des municipalités qui doivent elles aussi se doter d'objectifs chiffrés sur plusieurs années pour planifier le développement sur leur territoire.

Même si le ministre des Finances semble miser sur le fait que « les déséquilibres s'estompent graduellement sur le marché locatif », le FRAPRU rappelle que celui-ci demeure très tendu avec un bas taux d'inoccupation à 1,9% à l'échelle provinciale, mais surtout que la construction de logements neufs sur le marché privé s'est accompagnée d'une hausse exponentielle des loyers. Depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement caquiste en 2018, le loyer moyen au Québec a augmenté de près de 50 %. Selon Véronique Laflamme, « l'insuffisance de l'offre de logements sociaux qui ne constituent à peine que 11 % du parc locatif, combinée à une hausse folle des loyers, n'est plus tenable pour trop de locataires qui cherchent désespérément des alternatives aux logements trop chers sur le marché privé. La situation les précarise, les conduits à l'endettement, et pousse certain•es à la rue ».

Quelques mesures bien reçues quoiqu'insuffisantes

Le FRAPRU apprécie les investissements additionnels de 228 millions $ pour la rénovation et l'exploitation des habitations à loyer modique (HLM). « Si on veut augmenter la part occupée par le logement social sur le parc locatif, il faut se donner les moyens de préserver ceux que nous avons déjà », souligne Véronique Laflamme. Cependant, selon elle, les rénovations à venir serait une occasion de densifier certains sites en ajoutant des logements comme le demande aussi la Fédération des locataires de HLM du Québec. Or, le budget n'en donne pas les moyens en ne finançant pas la réalisation de nouveaux logements.

En dehors de ces sommes, le budget finance 1000 suppléments au loyer supplémentaire qui aident les locataires à faibles revenus à payer un loyer correspondant à leur capacité de payer. Même si le budget ne le garantit pas, ces unités pourraient servir dans des projets de logements sociaux actuellement en développement. Dans la configuration actuelle des programmes, ces subventions sont essentielles dans les projets de logements sociaux en développement afin de permettre aux locataires à faibles revenus d'y avoir une place et devraient leur être réservées, rappelle le FRAPRU qui souligne que leur nombre risque d'être largement insuffisant.

Le budget Girard prévoit 42,6 millions $ sur 5 ans pour « permettre au Ministère de la Santé et des Services sociaux d'assurer l'accompagnement des personnes vulnérables », sans préciser que ces investissements iront dans le soutien communautaire en logement social et communautaire. Les principaux regroupements du milieu de l'itinérance et de l'habitation sociale et communautaires y demandent pourtant des investissements annuels de 50 millions $.

Le FRAPRU se réjouit du financement de 38 millions $ en 2025-2026 du programme d'adaptation à domicile (PAD), visant à permettre aux propriétaires de rendre leur logement accessible et adapté aux besoins des personnes en situation d'handicap, actuellement suspendu par manque de fonds.

Quant au financement pour l'aide d'urgence autour du 1er juillet, le FRAPRU note que la somme prévue cette année représente seulement la moitié de celle prévue l'an dernier. Il constate que déjà, malgré le financement par Québec de services d'aide à la recherche de logement à l'année, de très nombreux locataires se font référer directement dans des ressources en itinérance déjà débordées. Plus souvent qu'autrement, ils ne se font déjà pas offrir d'aide concrète comme de l'hébergement temporaire ou de l'aide à l'entreposage. « Tous les jours, nos groupes membres assistent en direct à la création de situations d'itinérance. On perd carrément des gens qu'on ne reverra plus et qui vont s'ajouter à ces personnes nouvellement en situation d'itinérance au prochain dénombrement de l'itinérance visible », dénonce Véronique Laflamme. Ironiquement, le budget ne prévoit pas d'investissements supplémentaires ni dans la lutte à la pauvreté, ni dans la lutte à l'itinérance ni dans les logements sociaux nécessaires pour en sortir.

Québec devra prendre ses responsabilités en matière de droit au logement

Dans les circonstances, le FRAPRU est extrêmement inquiet et prédit que la situation des locataires va continuer à se dégrader rapidement. Il promet de se mobiliser dans les prochaines semaines pour forcer Québec à prendre ses responsabilités à l'égard du droit au logement. Il espère également obtenir des engagements ambitieux des partis en lice pour former le prochain gouvernement fédéral, ce qui pourrait, il l'espère contribuer à changer la donne.


Budget Québec 2025-2026 : 2,6 millions de dollars de plus pour l'action communautaire autonome en éducation

MONTRÉAL, le 26 mars 2025 - Le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec (RGPAQ) constate avec satisfaction que le Programme d'action communautaire sur le terrain de l'éducation (PACTE) bénéficiera, pour l'année 2025-2026, de crédits supplémentaires de l'ordre de 2,6 millions de dollars, un rehaussement de 5,56 % de son enveloppe budgétaire. Le PACTE finance actuellement 220 organismes œuvrant dans les domaines de l'alphabétisation populaire, la prévention de l'analphabétisme, la formation continue ou encore la lutte au décrochage et le raccrochage scolaire (écoles de la rue).

« Malgré le contexte économique incertain dans lequel nous nous trouvons collectivement, le gouvernement et son ministre de l'Éducation ont fait le choix judicieux d'investir dans le PACTE. Ces nouveaux fonds permettront à tout le moins de maintenir la capacité d'action des 220 organismes soutenus, dont 131 interviennent en alphabétisation populaire et en prévention de l'analphabétisme », soutient Caroline Meunier, coordonnatrice du RGPAQ.

Un sous-financement qui perdure néanmoins

Les groupes d'action communautaire autonome financés au PACTE ont fait valoir, dans la dernière année, un manque à gagner de près de 42 millions de dollars, dont près de 20 millions pour les groupes d'alphabétisation populaire. On estime même qu'il faudrait plus que tripler l'enveloppe du PACTE pour que l'ensemble de ces organismes réalise pleinement leur mission éducative et sociale.

Rappelons qu'en matière d'alphabétisation, les besoins sont malheureusement criants. Les dernières données issues du Programme pour l'évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA, 2022) indiquent qu'en une décennie, le pourcentage d'adultes de 16 à 65 ans ayant de grandes difficultés avec l'écrit a augmenté de 19 % à 22 %. Pire encore, le pourcentage d'adultes de ce même groupe d'âge, se situant au niveau le plus faible de l'échelle de la littératie (niveau inférieur à 1) a doublé, passant de 4 % à 8 %. Il s'agit donc de près de 1,3 million d'adultes de 16 à 65 ans qui ont besoin d'être soutenus et accompagnés dans le maintien, l'acquisition et le développement de leurs compétences en littératie, numératie et littératie numérique et dans l'amélioration de leurs conditions de vie.

Le RGPAQ et ses 78 organismes membres constatent que le financement qui leur est octroyé n'est pas à la hauteur de la tâche qui les attend au quotidien. « Nous espérons que la consultation attendue en vue de l'élaboration de la prochaine politique gouvernementale d'éducation des adultes et de formation continue débouchera sur des actions structurantes et un financement à la hauteur des défis que pose la lutte à l'analphabétisme », conclut madame Meunier.


Budget 2025 : Une claque au visage des groupes communautaires en santé et services sociaux

MONTRÉAL, le 25 mars 2025 - _La Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB) et ses membres sont sans mot devant la mépris négligence du gouvernement envers les groupes communautaires autonomes et, conséquemment, envers la population qu'ils accompagnent au quotidien. En effet, dans son budget 2025, le ministre des Finances n'accorde que 10M$ de plus pour les organismes communautaires autonomes du domaine de la santé et des services sociaux (OCASSS). C'est le même montant que l'année passée, ce qui n'équivaudrait qu'à 3000$ par groupe. Qui plus est, rien n'indique que ce maigre montant prendra la forme de subventions à la mission globale, ni qu'il sera destiné à tous les OCASSS par le Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC).

Les OCASSS agissent déjà au meilleur de leurs capacités, faisant constamment face à des défis de recrutement et de rétention de personnel. Ils n'avaient pas besoin d'une telle claque. « Les groupes ont non seulement besoin de pourvoir des postes vacants, mais aussi d'agrandir leurs équipes. Les OCASSS ont besoin de beaucoup plus que 3000$ pour tenir le rythme face aux demandes constantes de la population. » avance Anne Lagarde, membre du comité de coordination de la campagne _CA$$$H (Communautaire autonome en santé et services sociaux — Haussez le financement.)_

Le PAGAC 2022-2027 ne contenait pratiquement rien pour les OCASSS et le budget de 2025 ne rectifie pas le tir. « À 24$/heure en moyenne, les salaires offerts dans les groupes communautaires accusent un écart de 42 % avec le salaire moyen[1] au Québec. Un rehaussement consistant du financement aurait entrainé l'amélioration significative des conditions de travail dans le communautaire. Faut-il spécifier que ces personnes feront aussi face à l'augmentation des coûts et à l'incertitude économique, de la même manière que la population accompagnée au quotidien et que 80 % des emplois dans le mouvement communautaire sont occupés par des femmes ? Le gouvernement vient de rater une occasion de réduire la pauvreté et de faire avancer l'équité au Québec », souligne Stéphanie Vallée, présidente de la TRPOCB.

« Alors que les OCASSS réclament depuis plusieurs années une augmentation de l'enveloppe du PSOC pour la mission globale de 1,7G$ afin de soutenir 2,25 millions de personnes, le ministre des Finances sort 1G$ de son chapeau pour aider les entreprises à faire face aux tarifs américains. Le gouvernement semble oublier que les groupes communautaires aussi font rouler l'économie et qu'ils font également partie du marché de l'emploi » poursuit Mme Vallée.

Les OCASSS réclament aussi l'équité par l'application de seuils planchers communs et adaptés aux OCASSS de même que l'indexation des subventions selon l'Indice des coûts de fonctionnement du communautaire (ICFC). « Le budget nous apprend que le gouvernement a refusé d'appliquer l'ICFC pour n'indexer les subventions que de 2,2%, en s'appuyant uniquement sur sa prévision de l'Indice des prix à la consommation (IPC). Or, appliquer l'ICFC ne représentait qu'une différence de 7,8M $. Comment le gouvernement a-t-il pu trouver ce montant facilement quand il était question de hockey, mais refuser de soutenir la pérennité des groupes communautaires ? Comment interpréter

Musique. En Patagonie, les groupes de metal font revivre les cultures autochtones

Aux confins de l'Argentine, la musique metal n'est pas qu'un exutoire. Le “metal patagón” s'inscrit aussi dans un processus de réappropriation de l'héritage indigène, souligne (…)

Aux confins de l'Argentine, la musique metal n'est pas qu'un exutoire. Le “metal patagón” s'inscrit aussi dans un processus de réappropriation de l'héritage indigène, souligne le magazine d'anthropologie “Sapiens”.

Tiré de Courrier international. Légende de la photo : Le groupe de métal Neyen Mapu joue de la trutruca, un inst5rument traditionnel mapuche, dans le clip de son morceau "Paso de indios". Capture d'écran Youtube/Neyen Mapu.

Death, doom, power, nu, black… Il existe de nombreux sous-genres dans la musique metal, eux-mêmes divisés en diverses sous-catégories. Ceux précités sont parmi les plus célèbres, mais connaissez-vous le metal patagón ? Comme son nom l'indique, ce dernier a pour berceau la Patagonie, immense territoire à cheval entre le sud de l'Argentine et le sud du Chili.

Ce courant du metal “a émergé dans le sud de l'Argentine [et] mêle le metal national argentin avec la musique folklorique de Patagonie”, explique Erin Wheeler Streusand. Cette anthropologue linguistique (et amatrice de metal) y consacre un article très documenté, paru dans le magazine scientifique Sapiens.

Réappropriation culturelle

Venu d'Europe et des États-Unis, le metal s'est implanté un peu partout. Il n'est donc pas surprenant d'en trouver des pratiquants en Patagonie. Ce qui est notable avec le metal patagón, note la chercheuse, c'est sa contribution à l'autoreconocimiento (“autoreconnaissance”), processus par lequel les peuples autochtones de Patagonie se réapproprient leur histoire et leur culture, invisibilisées et discriminées en Argentine.

Comme le rappelle l'article de Sapiens, la Patagonie a été colonisée tardivement – et brutalement – lors de la “conquête du Désert”, menée par l'armée argentine à la fin du XIXe siècle. Des milliers d'Amérindiens, notamment du peuple mapuche, ont été tués ou déplacés. Et la vision de “l'Argentine comme une nation blanche d'immigrés européens” est bien ancrée.

Langues, instruments et mobilisations

À l'arrivée du metal en Argentine, dans les années 1980, retrace Erin Wheeler Streusand, “les musiciens de la classe ouvrière patagonienne ont trouvé [en lui] un puissant moyen pour exprimer leur mécontentement à l'égard des difficultés économiques, des gouvernements déconnectés de la réalité, de l'effacement des populations autochtones et de l'isolement de leur région par rapport au reste du pays”.

Les groupes de metal patagoniens, avec comme pionniers Aonikenk, notamment (voir ici), avaient des inspirations musicales diverses mais se sont retrouvés dans leur volonté de redécouvrir et de transmettre leur héritage indigène. On l'observe dans les esthétiques, les noms et les paroles en langues mapudungun ou tehuelche chantées par certains groupes, comme Awkan.

Les chansons abordent l'histoire des peuples autochtones de Patagonie mais aussi des événements contemporains, comme la mobilisation des Mapuche contre les projets d'extraction minière sur les terres de leurs ancêtres.

Musicalement, des instruments traditionnels comme le kultrun, un tambour de cérémonie, ou la trutruca, instrument à vent que l'on peut entendre dans ce morceau de Neyen Mapu, sont fréquemment utilisés :

“Je ne sais pas pourquoi le metal s'accorde si bien avec le folklore patagonien”, se demande Rogelio Calfunao, grand promoteur de la musique patagonienne qu'a rencontré Erin Wheeler Streusand. Avant de donner lui-même des éléments de réponse : “À cause des paroles, de la rébellion, de la puissance.”

Maxime Bourdier

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Un des réalisateurs de l’oscarisé « No other land » arrêté par l’armée israélienne après une attaque de colons

« Un groupe de colons vient de lyncher Hamdan Ballal. Ils l'ont roué de coups et il souffre de blessures ouvertes à la tête et au ventre », dénonce un autre coréalisateur du (…)

« Un groupe de colons vient de lyncher Hamdan Ballal. Ils l'ont roué de coups et il souffre de blessures ouvertes à la tête et au ventre », dénonce un autre coréalisateur du film oscarisé.

Tiré. de L'orient le jour.

L'armée israélienne a arrêté Hamdan Ballal, l'un des coréalisateurs palestiniens du film documentaire oscarisé No other land, après qu'il a été violemment agressé par des colons israéliens, rapporte le Haaretz.

Selon le quotidien israélien, des dizaines de colons en Cisjordanie ont attaqué Hamdan Ballal, le blessant ainsi que d'autres personnes. Il a été placé dans une ambulance pour recevoir des soins, mais à l'arrivée des soldats israéliens, ceux-ci l'ont extrait du véhicule et arrêté.

Le journaliste israélien Yuval Abraham, autre co-réalisateur du film, a dénoncé cette agression sur X, affirmant que Hamdan Ballal avait été « lynché » et souffrait de blessures à la tête et à l'abdomen. « Un groupe de colons vient de lyncher Hamdan Ballal, a-t-il écrit. Ils l'ont roué de coups et il souffre de blessures ouvertes à la tête et au ventre. Des soldats ont fait irruption à l'intérieur de l'ambulance qu'il avait appelée et l'ont emmené. Depuis, plus aucune nouvelle de lui ».

Les faits se sont déroulés à Soussiya, dans le sud de la Cisjordanie, occupée par Israël depuis 1967, selon le Center for jewish Nonviolence, une ONG opposée à l'occupation israélienne, dont des membres étaient sur place et affirment avoir filmé les évènements. Interrogée par l'AFP, l'armée israélienne a dit qu'elle vérifiait ces informations.

Le film No other land traite de la colonisation israélienne en Cisjordanie vue par ceux qui la subissent. Il a remporté il y a moins d'un mois l'Oscar du meilleur documentaire après avoir été récompensé en 2024 du prix du meilleur documentaire à la Berlinale. Le ministre israélien de la Culture, Miki Zohar, avait qualifié l'attribution de l'Oscar au documentaire israélo-palestinien de « triste moment pour le monde du cinéma ». Tourné à Massafer Yatta, zone du sud de la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, No other land suit Basel Adra, un jeune Palestinien luttant contre ce que l'ONU qualifie de déplacement forcé des habitants des villages de cette région.

Massafer Yatta, dont Adra, l'un des réalisateurs est originaire, a été déclarée zone militaire par Israël. Après une longue bataille judiciaire, la Cour suprême a donné raison en mai 2022 à l'armée israélienne, dans une décision ouvrant la voie à l'expulsion des habitants des huit villages installés là où l'armée souhaite établir un champ de tir.

La colonisation de la Cisjordanie par Israël est régulièrement dénoncée par l'ONU comme étant illégale au regard du droit international.

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Après le départ de GND comme porte-parole, un important bilan s’impose

25 mars, par André Frappier, Bernard Rioux, Yves Bergeron — ,
Dans une entrevue accordée à la revue L'actualité (1) en 2016, soit un an avant son entrée à Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois analysait les lacunes de la gauche (…)

Dans une entrevue accordée à la revue L'actualité (1) en 2016, soit un an avant son entrée à Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois analysait les lacunes de la gauche québécoise en expliquant que celle-ci était en position défensive dans l'arène politique et « semblait avoir perdu sa créativité, son audace ».
Gabriel expliquait pourquoi, à son avis, les jeunes se désintéressaient du projet d'indépendance : « Cela s'explique peut-être par le fait que, au-delà de ces différences stratégiques, le projet de pays a, au fil des années, été vidé de sa portée révolutionnaire, de son caractère transformateur pour la société, pour être relégué à un simple changement d'ordre constitutionnel. En vertu d'un phénomène semblable à celui qui affecte la gauche, il semblerait qu'à force de répondre aux campagnes de peur du camp fédéraliste, à trop vouloir rassurer leurs concitoyens, les indépendantistes ont dédramatisé le processus d'accession à la souveraineté au point d'en faire un projet inoffensif, sans substance, sans passion. »
Il évaluait aussi les limites du travail parlementaire : « Il existe bien sûr des élus qui œuvrent de façon honnête à l'Assemblée nationale, des hommes et des femmes qui ont le sens du service public. Malheureusement, cette bonne volonté ne pèse pour rien lorsque c'est la dynamique politique elle-même qui s'est enrayée. Le Québec a besoin d'un grand ménage politique, et celui-ci ne pourra advenir qu'en s'appuyant sur une large mobilisation sociale. »

Que s'est-il passé depuis à QS pour en arriver à une politique de recentrage ?

Ce serait une erreur de centrer notre attention uniquement sur GND. Aux élections, Québec solidaire réussit à faire élire 3 député-e-s dont une nouvelle députée, Manon Massé. La lenteur de la progression rejette la perspective d'un pouvoir gouvernemental à un horizon indéfini (10 %… au niveau national). L'espoir d'un saut qualitatif face au danger de faire du surplace se manifeste et la crainte d'entrer éventuellement dans une spirale de reculs se développe. C'est pour répondre à une telle appréhension que le bilan des élections de 2014 propose une série de pistes centrées sur la recherche de crédibilité.

La recherche des voies de dépassement (2014)

Dès 2014, tout de suite après les élections, Québec solidaire s'engageait dans une réflexion qui l'amenait à considérer différents scénarios dont celui de la crédibilité et du pouvoir. Au-delà de l'autosatisfaction, la crainte d'éventuellement entrer dans une spirale de reculs se développe, Il y a une baisse du nombre de membres et des difficultés à assurer le renouvellement du membrariat. (2)

– Il y a une nécessité d'avoir des candidatures plus connues ayant une bonne crédibilité et, pour certaines, une expertise économique.
– On devrait former une équipe de candidates et de candidats pouvant être perçue comme une équipe de ministrables.
– Il faut approfondir la professionnalisation de nos stratégies de communication – ce qui est déjà bien entamé.
– Enfin, il est impératif de développer une crédibilité économique : ouverture aux propositions des acteurs et actrices de l'économie sociale et des coopératives pour tenir compte de leurs préoccupations dans l'élaboration de propositions.

Ces idées étaient en débat. Il n'y avait pas de consensus mais on observait des résistances face à ces perspectives.

D'autres militant-es donnent la priorité à la base militante et aux liens que QS doit nouer avec les luttes sociales réelles. Pour ce qui est du choix des candidat-es du parti, des militant-es ont réaffirmé la volonté de laisser aux bases le choix des candidat-es et ont exprimé la peur que la pression pour faire place à des candidat-es vedettes ne nuise au contrôle du parti sur ses candidat-es et au maintien de la parité hommes-femmes.

Ces débats commençaient à poser des questions essentielles : Comment intervenir sur le terrain électoral sans détourner l'attention des luttes sociales ? Quelle est la place de l'intervention parlementaire dans le contexte d'une action (lutte) politique plus large ?

Lors des élections de 2018, étant en phase avec la remontée des mouvements sociaux et la compréhension de la lutte aux changements climatiques, Québec solidaire connaît un saut qualitatif

Au cours de ces élections, Québec solidaire a réussi à démontrer qu'il portait un projet de société véritable. Il a défendu une réelle redistribution de la richesse en proposant de taxer les riches et de taxer les grandes entreprises, de mettre en place des 10 paliers d'imposition, d'augmenter le salaire minimum à 15$, etc. Toutes les mesures avancées dans le cadre financier proposé par Québec solidaire visaient à faire payer aux plus riches leur juste part. Québec solidaire a su se faire inspirant en faisant la démonstration que toutes ses propositions étaient centrées sur le bien-être de la majorité populaire.

Alors que la lutte aux changements climatiques est une question de survie, Québec solidaire a présenté un plan d'investissement massif pour développer les réseaux de transport en commun. C'était le plus grand chantier proposé depuis la Révolution tranquille.

Ces propositions du plan de transition s'inscrivaient dans le cadre de la bataille menée par les mouvements environnementalistes et citoyens contre l'exploitation des gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent et contre la construction du pipeline Energie Est. Ces propositions du Plan de transition économique de Québec solidaire reflétaient les revendications des mouvements de résistance sur le terrain de l'environnement et l'importance de la lutte qui est devant nous. L'apport de Québec solidaire à ce combat a donc pu s'exprimer par un large soutien électoral.

La pandémie de COVID-19, attaque la dynamique des mouvement sociaux et réduit la vie démocratique au sein de Québec solidaire

Au cours des années 2020 et 2021, l'épidémie de COVID-19 grandement affecté la dynamique des mouvements sociaux. Le mouvement contre la crise climatique a connu un recul important. Legault, malgré des improvisations catastrophiques, comme celles concernant les CHSLD, réussit à se présenter comme un protecteur de la nation. Pour les militant-es, c'est une période d'isolement social et d'atténuation de la vie démocratique interne.

L'élaboration de la plateforme à l'élection de 2022 sera marquée par le réalisme et le pragmatisme…

L'essentiel des activités du Parti a alors été porté par son aile parlementaire. Cette dernière a insisté sur sa volonté d'adopter une politique « crédible » qui positionnerait le parti comme ayant fait ses preuves en tant que parti d'opposition et qui serait maintenant prêt et capable de gouverner. Les propositions mises en discussion dans le cadre de l'élaboration de la plate-forme électorale écartaient toutes les propositions qui sous-entendaient une transformation sociale au-delà du capitalisme qui seule permettraient de s'attaquer aux racines de la dérive climatique et des injustices sociales. Les propositions visant à nationaliser les grandes entreprises minières et forestières n'ont pas été retenues. Le Parti disait vouloir se réapproprier notre territoire, mais il hésitait à affirmer qu'on veut l'arracher au contrôle exercé par les multinationales et les corporations.

Le report de la gratuité scolaire à un objectif (réaliste) à long terme a été un révélateur important de la transformation rapide de cette partie de la jeunesse qui avait pourtant conduit le Québec à rêver d'un changement de société, il y a déjà, on dirait bien, une éternité.

L'important pour la direction sous l'influence de GND, c'était qu'il fallait proposer aux Québecois-es une plateforme politique plus modérée et vendable.

S'opposer à la crise climatique implique de s'attaquer aux puissances économiques et politiques et de jeter les bases d'une société moins consommatrice d'énergies et moins gaspilleuse. Prendre au sérieux la gravité de la situation implique de remettre en cause un mode de production, un mode de consommation, bref un mode de vie construit sur un rapport de prédation à la nature. On ne peut, au nom de la crédibilité électorale, masquer les tâches politiques que cela implique.

Une plateforme qui rejette globalement les perspectives de nationalisation empêche toute chance de réaliser l'objectif de réduction des GES. On ne peut atteindre une baisse radicale des émissions de GES tout en laissant la propriété et leurs capacités d'investissement aux grandes entreprises qui exploitent nos ressources minières et forestières et qui n'en finissent pas de saccager la forêt québécoise et de ne pas respecter la biodiversité. La survie de la planète nécessite un changement de société, une rupture avec le capitalisme qui détruit la planète. Penser le contraire n'est tout simplement pas réaliste.

À plusieurs reprises, l'aile gauche du parti a averti que le recentrage du programme mènerait à un recul des appuis populaires. Partout dans le monde, l'expérience des partis socio-démocrates a montré qu'une droitisation du programme menait à une impasse. Que l'on pense au cas du NPD de Thomas Mulcair qui, aux lendemains de la vague orange de Jack Layton, a mené une opération de normalisation du programme dont a découlé l'effondrement électoral du parti et fait passer sa députation québécoise de 59 sièges et 42,99% des voix en 2011, à 16 élu-es et 25,3% des voix lors de l'élection suivante en 2015, à un seul élu et 10,8% en 2019. Toute une chute ! Le phénomène n'est pas unique au Canada. Le PASOK grec, le PS en France, les sociales-démocraties allemande et scandinaves, toutes sont en recul historique et certaines sont même menacées de disparition. Comment la direction de QS a-t-elle pu faire fi de ces leçons de l'histoire et penser qu' elle serait meilleure que les autres ? Encore une fois, Albert Einstein aura eu raison !

…et a conduit à la stagnation

QS était dans une relative montée au cours des premières semaines de la campagne de 2022. Le plan de transport collectif permettait de mettre sur la table une proposition emballante pour tout le Québec offrant une alternative à l'auto solo pour les déplacements interurbains et, dans une certaine mesure, pour les transports régionaux. La question du financement a cependant frappé un écueil. Au lieu de cibler les multinationales et leurs évasions fiscales, qui n'étaient pas mentionnées dans le plan de communication, la population a senti que ce serait elle et particulièrement les personnes qui ont une propriété et un fonds de retraite qui étaient ciblées. La montée de QS s'est arrêtée à ce moment.

Cela aurait dû sonner une alarme. Il fallait tirer une leçon et remettre la barre à gauche, là où sont nos perspectives de changement social qui rejoignent les besoins de la population. Au contraire, la direction de QS où GND a joué un rôle déterminant a mis sur la table, au congrès de Saguenay en mai 2023, une proposition pour que le programme soit exempt d'engagements politiques trop spécifiques. Cette proposition a été adoptée. La déclaration de Saguenay concernant la reconnaissance du rôle central de l'industrie forestière stipulait « qu'un gouvernement solidaire va adopter une stratégie d'adaptation des forêts aux changements climatiques, en collaboration avec les communautés touchées et l'industrie. »
Cela remplaçait le programme antérieur qui stipulait : « En plus du secteur minier, Québec solidaire préconise de placer la grande industrie forestière sous contrôle public (participation majoritaire de l'État) en envisageant, au besoin, la nationalisation complète. »

QS et l'immigration

Durant la dernière campagne électorale, Québec solidaire parlait d'un seuil d'immigration permanente situé entre 60 000 et 80 immigrant-es par an. [6] Il proposait un plan intitulé « objectif Régions » qui s'adressait à celleux qui s'établissent en région et qui y cumulent 12 mois d'emploi avec une preuve d'intention d'y demeurer. « Ce programme permettra, écrivait-on, de répondre à la pénurie de main-d'œuvre touchant différents services essentiels comme dans le réseau de la santé ou dans les écoles par exemple, en plus d'assurer la revitalisation économique en région ». [7] On aurait pu s'attendre à une critique de l'ensemble de la politique du gouvernement Legault en immigration et à une rupture avec une logique utilitariste de l'immigration brimant les droits des personnes migrantes, mais tel n'a malheureusement pas été le cas. Québec solidaire doit rompre avec la logique de l'établissement de quotas, en préconisant l'ouverture des frontières et la garantie de la liberté de circulation et d'installation. Personne n'est illégal sur Terre. Tout le monde doit avoir le droit de se déplacer. Les frontières doivent être ouvertes à toustes celles et ceux qui fuient leur pays, que ce soit pour des raisons sociales, politiques, économiques ou environnementales. L'ouverture des frontières ne signifie pas que les flux migratoires ne sont pas régulés, mais que cette régulation se fait à partir des conditions et de principes fondamentaux qui affirment que les immigrant-es sont une richesse et que fermer les frontières est inefficace et inhumain.

Aujourd'hui, définir un projet de société alternatif et égalitaire nous permettant d'en finir avec notre dépendance à l'égard de l'économie américaine et des projets de vassalisation de Trump

La direction de GND a gagné son pari de recentrer le programme du parti en faisant adopter la déclaration de Saguenay. Un congrès lui a donné raison en modifiant les statuts du parti. Et pourtant, les appuis au parti s'effondrent alors que cette opération devait permettre de progresser dans les appuis populaires.

Dans une entrevue accordée au Devoir, Amir affirmait que « le recentrage ne fonctionne pas. Québec solidaire s'est trop éloigné de son image de « parti des urnes et des rues » dans les dernières années. Moi, je ne conçois pas une gauche capable de faire quoi que ce soit dans des démocraties libérales cadenassées par les grands intérêts financiers s'il n'y a pas un mouvement social. »

Nous devrons remettre les perspectives de luttes sociales écosocialistes et féministes et le renforcement des mouvements sociaux à l'avant plan et faire du travail parlementaire notre portevoix des luttes de ces derniers. Nous ne sommes pas un parti qui a comme perspective de faires quelques améliorations au système capitaliste. À l'heure actuelle, ce système nous a amenés dans une situation de crise où non seulement la survie de la population, particulièrement du sud global, est en péril, mais la survie de la planète elle-même est en danger extrême. À l'heure de l'offensive de vassalisation du gouvernement Trump, il faut développer une politique fondée sur une véritable indépendance économique face aux États-Unis.

Cette dernière ne peut être réalisée qu'à partir des luttes sociales, politiques et culturelles des classes ouvrières et populaires s'assignant de s'engager dans la voie de la socialisation de leur économie et dans la redéfinition des institutions politiques actuelles qui pourront jeter les bases du refus de cette vassalisation. Elle passera par :

a) la relocalisation des productions stratégiques (aliments, médicaments, moyens de transport…) car on ne peut se contenter d'avancer un protectionnisme de rétorsion. Il faut définir une politique industrielle publique qui permette de fonder notre indépendance et d'en finir avec la dépendance vis-à-vis des États-Unis ;
b) la lutte pour la sortie des énergies fossiles et le refus de la construction de pipelines ou de gazoducs ;
c) le refus d'augmenter la production d'hydro-électricité à des fins d'exportation et une politique de sobriété énergétique passant par la rénovation thermique des logements qui sont des passoires énergétiques et cela, dans une perspective de décroissance. Il faudra tourner l'économie vers une économie de l'énergie et des ressources naturelles, la réparabilité des objets de consommation, les activités de soin aux personnes et aux liens sociaux, la fin de la production de marchandises inutiles et de services favorisant la surconsommation ;
d) le refus de la privatisation d'Hydro-Québec – et le rejet du projet de loi 69 et la nationalisation/socialisation des énergies renouvelables ;
e) le rejet de la filière batteries et de l'auto électrique comme solution à la crise climatique, la production locale de moyens de transports publics pour les personnes et l'utilisation des chemins de fer pour le transport des marchandises ;
f) le développement d'une agriculture écologique centrée sur la souveraineté alimentaire et la protection de la biodiversité en réorientant la production vers les marchés locaux et régionaux et non vers l'exportation et, dans cette optique, la fin de la production carnée centrée sur l'exportation.

C'est en offrant un projet de société alternatif et indépendant qu'on pourra retrouver nos appuis et notre enracinement chez la majorité populaire et qu'on pourra en finir avec une défection silencieuse de membres actifs qui ne se reconnaissent plus dans ce qu'est devenu QS. Le parti connaitra inévitablement des moments de questionnement, de débats et de réflexion sur les façons de dépasser la situation actuelle. Ce sera l'occasion de donner un nouveau souffle à la construction d'une véritable alternative de gauche sans faire l'économie d'un bilan sérieux portant notamment sur les rapports entre le parti et son aile parlementaire ainsi qu'avec la permanence.

Mais cela pose un défi important. D'une part, il faut reprendre le travail de politisation, particulièrement dans une période de montée de l'extrême droite. Il faut également restructurer ce parti pour permettre des lieux de débats en personne. Il faut remettre à l'avant plan la participation des collectifs et des associations au prorata des membres dans toutes les sphères du parti et remettre toutes les décisions et délibérations et votes dans les instances nationales et non par référendums. En somme, il faut redonner le pouvoir à la base.

Nous défendons l'amélioration des conditions sociales comme la santé, l'éducation et le logement, mais nous comprenons que les améliorations que nous pouvons apporter dans ce travail parlementaire sont insuffisantes et, en bout de pistes, inutiles si nous ne travaillons pas dès maintenant à construire la solidarité populaire pour le contrôle de notre société contre les consortiums financiers et les multinationales qui contrôlent le monde actuellement et qui nous amènent à la déchéance humanitaire.

Le dernier congrès a voté en faveur de la création d'un nouveau poste responsable à la solidarité internationale et pancanadienne au Comité de coordination national. Il est maintenant plus que temps de reconstruire nos réseaux afin d'alimenter et d'inspirer nos projets et de conjuguer nos luttes.

Bernard Rioux, André Frappier et Yves Bergeron

Notes

(1) L'actualité, septembre 2016, p 40 et 41
(2) Les défis du dépassement : Québec solidaire à la croisée des chemins
mardi 22 mars 2016 / DE : BERNARD RIOUX, Présentation faite aux Nouveaux Cahiers du socialisme le 17 mars 2016

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L’importance des liens

25 mars, par Marc Simard
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De la sidération à la contestation ouverte

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« Représentez-vous maintenant le Prince tel qu'il est fréquemment. Il ignore les lois, est assez hostile au bien général, car il n'envisage que le sien ; il s'adonne aux (…)

« Représentez-vous maintenant le Prince tel qu'il est fréquemment. Il ignore les lois, est assez hostile au bien général, car il n'envisage que le sien ; il s'adonne aux plaisirs, hait le savoir, l'indépendance et la vérité, se moque du salut public et n'a d'autres règles que ses convoitises et son égoïsme. » Érasme (1964[1511], p. 74).

Deux mois absolument intenses

Vaut-il la peine de rappeler certains faits sur lesquels reposerait un court condensé des deux mois de la présidence américaine en place depuis le début de l'année 2025 ? D'un côté, un sentiment mariant évitement et épuisement semble vouloir l'éviter, de l'autre, un besoin de se sortir un tant soit peu de ce tourbillon afin de véritablement profiter d'un portrait général et ainsi voir où nous en sommes renduEs. Faisons donc ici le choix de ce second côté, car mieux vaut se familiariser avec les changements de notre environnement extérieur que d'opter pour le déni, et récapitulons comme suit : l'actuel occupant de la Maison-Blanche met à rude épreuve, à peu d'exception près, pour le moment, la patience de ses homologues — qu'elles ou qu'ils soient ses alliéEs — et ce, à travers le monde.

Aussitôt installé au pouvoir, il a fait l'annonce d'un projet d'investissement de 500 milliards de dollars dans le projet SpaceGate. Projet qui a eu pour effet d'emballer et de réjouir les compatriotes du Tech Power de la Silicon Valley. Il a procédé à un renversement d'alliances en matière de relations internationales et d'échanges commerciaux. Il a retiré son pays de l'Organisation mondiale de la santé et affiche une attitude hostile à l'endroit de ses partenaires économiques que sont la Chine, le Canada, le Mexique et les pays de l'Europe de l'Ouest. Dans le conflit militaire qui oppose l'Ukraine à la Russie, il a sacrifié celle-là au profit de celle-ci. Bref, il jette par-dessus bord ses alliés occidentaux pour afficher clairement son parti pris en faveur de la Russie. Son abandon de l'Ukraine s'explique en raison de la richesse des minéraux présents sur son territoire, dont il convoite l'accès avec Poutine.

Il reçoit au Bureau ovale de la Maison-Blanche le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou avec qui il convient de la mise en application d'un plan d'évacuation militaire et belliqueux de la population palestinienne de la bande de Gaza. Après avoir annoncé durant la campagne présidentielle qu'il réglerait la guerre en Ukraine en moins de 24 heures…, deux mois plus tard, Poutine se montre plus exigeant avant de convenir ou d'accepter un cessez-le-feu.

Certains de ses traditionnels pays alliés ne semblent plus en mesure de le suivre et pour cause : Trump ne cesse de changer d'idée constamment. Il annonce des tarifs douaniers et, à la veille de l'entrée en vigueur de la mesure, s'accorde le droit de rétropédaler pour ensuite tantôt la reporter, tantôt l'imposer. Pour ce qui est des tarifs eux-mêmes, ils sautillent ; ils vont, un jour, en ordre décroissant (25 %, 20 % ou 10 %) et le lendemain, ils doublent (passant de 25 % à 50 %). Dans le cadre d'une mesure de rétorsion, le pourcentage qui accompagne la menace pulvérise les plafonds précédents, en clair c'est l'escalade : Trump II évoque des droits de douanes pouvant atteindre 200 %. Bref, au premier temps de la valse, il annonce la possibilité d'imposer des tarifs, au deuxième temps de la valse, ses partenaires réagissent avec des contre-tarifs et, au troisième temps de la valse, Trump réplique avec des sur-tarifs.

Et dans un proche avenir, il prévient la planète que le 2 avril sera le « Jour de la libération » pour les USA, car en cette journée entreront en vigueur des « Tarifs douaniers réciproques ». Une mesure susceptible de créer un imbroglio administratif ingérable en raison du nombre élevé de produits concernés ; selon les premières données, il s'agit de 2,6 millions de tarifs qui devront être appliqués. Bonne chance aux agentes et aux agents ici !

À première vue, Trump II est, et cela n'a rien de nouveau, imprévisible. Il ressemble à une poule étêtée. Il agit d'une manière erratique. Il se comporte comme un être parfaitement irrationnel. Qu'il le soit ou non, une chose est par contre certaine : le programme qu'il applique prend sa source dans trois idéologies, c'est-à-dire libertarienne, illébérale et broligarque. Qu'est-ce que cela veut dire ?

Débutons avec son point de vue, à notre avis, en ce qui concerne le marché extérieur. Il voit son pays comme une victime du libre-échange et, en vue de renverser le cours des choses, il met unilatéralement entre parenthèses les règles du jeu de la mondialisation.

Maintenant à l'intérieur des frontières de son pays, il entreprend des coupures drastiques dans l'État fédéral, autant du côté de la taille de l'appareil gouvernemental que du nombre d'employéEs, de façon à se situer en deçà du minimum requis pour un État régalien. Par ailleurs, l'idée consiste certes à couper le personnel d'abord, pour installer ensuite de nouvelles et nouveaux titulaires dont la fidélité et la loyauté à son endroit seraient hors de doute ; autrement dit, l'exercice consiste à garantir un personnel entièrement soumis à l'influence du chef.

Pour ce qui est des subventions votées et adoptées au préalable par les membres du Congrès, elles peuvent être coupées, et ce selon son humeur du moment et ses critères arbitraires, pour ne pas dire ses caprices présidentiels. En bref, tout semble y passer : l'administration (le nombre d'employéEs), la redistribution des ressources monétaires, certains des contrats signés ainsi que des engagements pris, et ce, autant sur les plans intérieur qu'extérieur.

Il agit donc de la sorte, à la tronçonneuse, d'abord parce qu'il est un grand adversaire de l'administration publique et un farouche partisan de l'entreprise privée, ensuite en raison du fait qu'il entend réduire la dette fédérale coûte que coûte — dette qui s'élève à 36 000 milliards de dollars US. Et pour ce faire, il n'est pas seulement question du délestage des fonctionnaires du côté du ministère de l'Éducation, mais de son abolition pure et nette qui aura des conséquences indubitables. On peut s'attendre à ce qu'il y ait, éventuellement, auprès des jeunes et des nouvelles générations, un affaiblissement du récit unificateur sur le plan de la nation, car c'est bien là un des rôles du système de l'éducation américain, c'est-à-dire de contribuer à la diffusion d'un sentiment national à travers un tronc commun d'enseignement appelé maintenant à relever de chaque État-membre. S'ajoute à cela une opération de révision-épuration terminologique et l'imposition d'une Chape de plomb sur la communauté scientifique et universitaire.

Trump II veut contrôler et orienter la recherche scientifique. Il coupe dans les budgets et les subventions, en plus d'imposer sa novlague aux chercheuses et chercheurs. Son ennemi de l'intérieur est maintenant bien ciblé : les Left Lunatics (les « gauchistes lunatiques »). Lire ici, les universitaires, les journalistes qui refusent de relayer les paroles présidentielles qui sont à ses propres yeux vérités d'Évangile. D'ailleurs, un scientifique français a été refoulé aux frontières américaines pour des opinions anti-Trump. Pour avoir manifesté activement son soutien à la population de Gaza, durant le printemps 2024, l'étudiant de l'Université Columbia, Mahmoud Khalil, est maintenant accusé par l'administration Trump de « terroriste ». Il est présentement emprisonné et risque rien de moins que la déportation. Trump II sabre par centaine de millions de dollars dans les universités. Ces dernières licencient et réduisent en masse leurs effectifs. La relève scientifique se retrouve dans une situation précaire et les plus âgés développent un sentiment de peur. Il veut que les arts fassent la promotion de son régime et de ses idéologies. Il congédie les journalistes de la chaîne de Radio Voice of America. Trump II pratique, verbalement, un nationalisme offensif et agressif.

Nous avons appris, au moment même où nous écrivons le présent texte, que l'administration Trump a mis fin au statut légal de 500 000 latinos américains en provenance de Cuba, d'Haïti, du Nicaragua et du Venezuela. Ces personnes devront quitter les USA d'ici le 24 avril, sauf si elles parviennent à obtenir un nouveau statut d'immigration leur permettant de rester aux États-Unis.

Il vise à élargir son territoire par la reprise unilatérale (le canal de Panama), l'annexion (le Canada), l'achat ou la guerre (le Groenland). Il ne se gêne pas pour dire qu'il a pour modèle William McKinley (1897 à 1901), ce président américain qui a mené une politique active d'acquisition territoriale. Dans une même journée, il peut affirmer sans ambages qu'il n'a pas besoin de la production canadienne et immédiatement après prétendre avec un sourire intéressé que le territoire qui est voisin au nord devrait accepter de devenir le 51e État des USA. Ici, il faut vraiment trouver l'erreur.

Avec lui, au Bureau ovale de la Maison-Blanche, l'extractivisme est au poste de commande, et ce sans égard pour les conséquences sur le plan de l'environnement. Le développement durable, la crise écologique, pour lui, c'est « Ne connais pas ». Drill baby drill ! Telle est sa devise susceptible de faire revivre à son pays un nouvel Golden Age. Il a sabré dans l'Agence NOAA, responsable de l'étude de l'océan et de l'atmosphère. Trump est climatosceptique. Il a un plan pour l'accumulation d'une réserve de cryptomonnaie qui sera probablement profitable pour certains membres de son entourage qui en détiennent déjà. Il multiplie l'adoption de décrets, dont un qui a pour effet de suspendre les poursuites dans le cadre de la loi « anticorruption ».

Sous prétexte qu'il a été élu par 70 millions d'électrices et d'électreurs, il annonce que son programme politique prime sur les décisions des juges. Il méprise, par conséquent, certaines décisions des tribunaux. Il demande même la révocation d'un juge qui a rendu une décision qui ne lui convenait pas. Il est manifestement à la tête d'un État d'exception. Il est même prêt à provoquer une crise constitutionnelle. Avec Donald Trump, c'est l'ère du « Grand chambardement » même s'il semble difficile, à première vue, d'identifier clairement dans quelle(s) direction(s) il s'oriente et quels objectifs précis il vise.


Une première synthèse

Tentons une première synthèse : c'est un ultra radical de droite, un contre-révolutionnaire, il méprise l'ordre international, les traités signés par son pays, la séparation des pouvoirs, etc.. Il se détourne de ses alliés traditionnels et veut nouer des relations privilégiées avec des dictateurs ou d'autres régimes autoritaires. Il a mis à sa main une majorité des membres du Congrès américain. Il est sous l'impression qu'il contrôle la majorité des juges de la Cour suprême des USA (ce qui n'est pas nécessairement le cas). Le juge en chef de la Cour suprême, John Roberts, vient de le rabrouer publiquement dans l'affaire qui oppose le président à un juge fédéral au sujet de l'expulsion de 200 migrants déportés au El Salvador. Force est de constater que, pour Donald Trump, être le président élu veut dire qu'il a obtenu un blanc-seing. Il peut, selon lui, gouverner sans entraves. Il a toute liberté pour agir à sa guise, sans avoir à se soumettre à l'instance juridique. Bref, il considère qu'il n'est aucunement lié par l'État de droit. Il est l'autorité suprême. Il n'a aucunement l'obligation d'agir dans le cadre du respect de la constitution. Il peut aller de l'avant en toute impunité, sans avoir à accepter l'examen de ses décisions ou de ses décrets par des juges. Son pouvoir, selon lui, s'exerce sans partage.

De notre côté, nous n'avons aucune antenne privilégiée à Washington. Tout au plus, nos sources d'information, qui sont les mêmes que n'importe quel quidam qui suit l'actualité, nous permettent d'abord de constater certains éléments de la vie politique américaine et ensuite de spéculer et de hasarder des hypothèses. Dès lors, certaines questions doivent être posées, afin de juger un tel agissement de la part d'un chef d'État. Si des raisons économiques et de sécurité nationale semblent servir de base argumentaire à ces actions politiques multiples (décrets), il y a lieu de réfléchir sur d'autres points assurément capitaux. En effet, qu'est-ce que la science ? qu'est-ce que la justice ? qu'est-ce que l'échange ? Si la tâche serait digne d'un imposant volume, allons-y de quelques pistes seulement.

Premièrement, l'évocation de la sécurité nationale repose sur une aversion à accepter la différence. Autrement dit, l'intolérance repose sur le mépris alimenté par des stéréotypes, des généralisations et des prima de conclusion. Ces types, étant davantage de l'ordre de l'opinion que des faits véritables, méritent normalement d'être rationalisés pour éviter des débordements néfastes. Le problème ici concerne leur intrusion au sein des pouvoirs de décision. Sur la base d'un argument de sécurité nationale, des droits et libertés individuelles sont (et seront) bafoués en toute légalité. Ce contournement n'a rien à voir avec le bien-être général et les lois officielles, puisqu'une pensée, une vision, voire une idéologie le supporte. Il semble donc y avoir tentative de ramener des distinctions de classes au sein de la société américaine, de façon à faire trôner la « race blanche » et « l'homme blanc » au sommet. Ainsi, les anciennes et actuelles luttes sociales pour la reconnaissance chez plusieurs groupes, sans tous les nommer, se voient soudainement rabrouer par des décrets allant à l'opposer de l'esprit des lois en vigueur, à l'opposer donc de l'acceptation du bien-être pour toutes et tous.

Deuxièmement, la question économique et de l'échange au sens large permet d'envisager cette fois-ci une utopie trumpiste rattachée au label Made in USA. Avant d'être président des États-Unis, Donald Trump se voulait à l'origine un promoteur immobilier. Par contre, ses constructions n'avaient rien d'iconique en soi, mais portaient un nom qui les rendait, semble-t-il, plus « valuable ». Ainsi, « TRUMP » est devenu une marque de commerce pour des gratte-ciel et autres réalisations immobilières, de façon à les distinguer et à gagner en valeur aux yeux du public et des acquéreurs. La marque de commerce constitue un actif incorporel, voire un bien immatériel pouvant rapporter gros, tout dépendant de la foi ou de la conviction accordée à ce qui s'y trame (bien entendu, la réputation et l'expérience entrent en ligne de compte). Tout est une question d'argent, voire de facilité pour en créer et en accumuler.

Pour le président américain, l'argent est le noeud de la guerre et doit être entièrement recherché. Son allusion aux balances commerciales déficitaires se base sur la perte d'argent pour les États-Unis, d'où l'idée selon laquelle le pays financerait ses partenaires commerciaux. Il s'agit là d'une conception particulière des échanges internationaux qui rappelle même des discours de l'époque des métropoles et des colonies ou, pour être encore plus précis, de celle du mercantilisme. Les métaux précieux étaient alors le produit le plus prisé dans les échanges, puisque leur accumulation rendait automatiquement le pays acquéreur plus riche. Cantillon (1755, pp. 309-310) soulignait d'ailleurs au sujet des échanges avec l'étranger : « […] il faut encourager, tant qu'on peut, l'exportation des ouvrages et des manufactures de l'État, pour en retirer, autant qu'il est possible, de l'or et de l'argent en nature. […] Cependant il ne serait pas avantageux de mettre l'État dans l'habitude annuelle d'envoyer chez l'étranger de grandes quantités du produit de son crû, pour en tirer le paiement en manufactures étrangères. Ce serait affaiblir et diminuer les habitants et les forces de l'État par les deux bouts » (grammaire et orthographe adaptées aux règles actuelles).

Autrement dit, tout échange avec les autres pays ou territoires doit viser à faire entrer plus d'argent dans l'État. Et que fait la présidence américaine ? Elle cherche à ramener des industries et des entreprises dans le but de les inciter à produire à partir des États-Unis, d'où toutes sortes de tarifs en vogue et en devenir. L'idée revient à utiliser leur production à la fois pour les besoins intérieurs et pour l'exportation contre de l'argent. La présidence américaine actuelle cherche donc non seulement à créer un marché à ce point enviable pour inciter les étrangers à y avoir accès, mais aussi à créer un « nom » qui donnera une plus-value à la production nationale vendue à l'extérieur. Autrement dit, une marque de commerce Made in USA, dont la présence sur chaque produit vendu en fera augmenter la valeur et, conséquemment, le prix. Derrière les tarifs s'expose une stratégie d'enrichissement par un retour à l'industrialisme, avec pour support un nom à ajouter afin de créer une plus-value, soit un moyen facile d'enrichissement, à condition que les acheteurs reconnaissent toutefois cette prétendue valeur ajoutée.

Troisièmement, la science se voit soudainement soumise à des restrictions ou à un nouvel ordre. Il importe de dépasser le désir de son instrumentalisation, afin de revenir à son essence. Une liaison naturelle se fait entre la science et la connaissance ; alors que ce qui est connu possède une valeur de vérité. Mais pour devenir connaissance, celle-ci doit avoir été testée, scrutée, reproduite et admise par des personnes légitimes et reconnues pour leurs expertises scientifiques. Descartes (1901[1637], pp. 20-21) précisait d'ailleurs quelques considérations au sujet de la science dans ses sciences : « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ; car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux mêmes qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n'ont point coutume d'en désirer plus qu'ils en ont. En quoi il n'est pas vraisemblable que tous se trompent ; mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger et distinguer le vrai d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes [dans le sens que tout être humain sait raisonner, sans signifier qu'il raisonne bien G.B. et Y.P.] ; et ainsi, que la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons par les mêmes choses. Car ce n'est pas assez d'avoir l'esprit bon, mais le principal est de l'appliquer bien. »

De là, l'importance de s'entendre sur des méthodes utiles à identifier la connaissance. Mais le vrai se jumelle au faux, car la connaissance repose aussi sur la non-vérité (Benmakhoulf, 2006). Autrement dit, la science doit nous permettre de dire ce qui est vrai et ce qui est faux, en fonction de la connaissance admise qui doit reposer sur des méthodes éprouvées et non sur des idéologies trafiquant les résultats. Ce postulat se lève donc face à un chef d'État qui prêche des vérités alternatives. Or, son pouvoir d'autorité manifeste doit-il dominer à ce point sur la science qui, par essence, consiste en une quête de vérité destinée à l'humanité et non à la politique ? Si la science aux États-Unis subit des entraves, des effets se feront sentir sur la connaissance humaine en général. Cela suppose un devoir allant au-delà des frontières, insinuant ainsi une déterritorialisation et une souveraineté de la science. Par contre, son exercice implique des balises, afin d'éviter les dérives éthiques. Son importance exige certes un encadrement législatif, sur la base de principes et donc d'une discussion engageant diverses parties prenantes de divers milieux et non un seul homme.

Quatrièmement, la justice subit des assauts comme jamais auparavant. En apostrophant les juges de la Cour suprême, le président des États-Unis vise à fragiliser la dernière instance pouvant freiner ses élans décisionnels. Mais il y a lieu de se questionner sur ses actions et se demander si elles sont véritablement justes. Sans nommer des philosophes pour en rester à certains principes, est juste ce qui ne cause pas de tort à autrui, aux règles communes et aux institutions garantissant la bonne marche de la société. La justice se base sur des valeurs communes, pour ne pas dire aussi une morale et une éthique régissant les conduites humaines. Ce corpus apparaît d'ailleurs au sein des lois régies par une institution chapeautant tout groupe et individualité évoluant dans un État déterminé. En conséquence, cela inclut aussi les représentantEs des gouvernements et donc le président des États-Unis. Dans les divisions du pouvoir, Montesquieu voyait dans le système judiciaire un garde-fou contre les visées absolutistes et/ou arbitraires de dirigeantEs. Il s'agit alors d'une institution capitale sur laquelle repose, comme déjà dit, les règles et les valeurs d'un vivre ensemble jugé harmonieux — en respect conséquent des droits et des libertés individuelles. Or, le président américain juge comme étant une entrave à ses droits et libertés de gouverner toute intervention de la Cour. Mais cela doit être justifié, sur la base de l'État de droit, toujours dans le but de garantir le bon ordre de la société. Rawls (1987, pp. 495-496) dit en ce sens : une société bien ordonnée est « conçue pour favoriser le bien de ses membres et étant gouvernée efficacement par une conception publique de la justice. Ainsi, c'est une société où chacun accepte et sait que les autres acceptent les mêmes principes de la justice et où les institutions sociales de base respectent — et sont connues pour respecter — ces principes ». Par conséquent, la justice reconnaît chez le président américain des intentions qui contreviennent aux principes reconnus dans sa propre société.

Il aurait été possible de se questionner aussi sur l'État américain, quoique déjà plusieurs points aient permis de mettre en lumière une transformation profonde de son régime. L'espace nous limitant ici, l'occasion se présentera assurément plus tard. Cela dit, un constat inquiétant apparaît, dans la mesure où le président américain et sa garde rapprochée attaquent les derniers piliers d'opposition à son libre agir total, c'est-à-dire la Science et la Justice, sans négliger les résistances extérieures à ses aspirations économiques et hégémoniques.

De la sidération à l'opposition de la rue

L'opposition du Parti démocrate ne semble pas s'être encore remise de sa défaite électorale de novembre dernier. Les victimes de l'agence DOGE d'Elon Musk manifestent maintenant de plus en plus bruyamment, tout en prenant connaissance ou en attente de jugements des tribunaux de première instance. Les personnes trompées ou congédiées par Trump prennent la rue et elles aussi manifestent bruyamment. Après la sidération, place à la contestation. Il y a un début de mouvement d'opposition parlementaire qui prend forme. Un nouveau rapport de force est en train de se mettre en branle. Rapport de force qui traverse plusieurs couches de la société. Le milieu de la finance assiste à l'effondrement du marché boursier et les perspectives de croissance économique sont fragilisées par les déclarations incohérentes du président. Les promesses en lien avec la chute de l'inflation ne se concrétisent pas à la vitesse annoncée — en effet, comment réduire la hausse des prix, lorsque les tarifs à l'importation les font augmenter ? Pour Trump, tout ce qui va mal est imputable à l'administration précédente et pour ce qui va bien, à ses yeux, tout le crédit lui revient. Trump a un plan. Il entend baisser les impôts, lesquels ou de qui ? C'est à suivre. Nous le verrons quand il déposera les différentes mesures à ce sujet. Il veut combattre l'inflation et réduire le déficit du gouvernement fédéral en effectuant des coupes drastiques dans les effectifs, les agences gouvernementales, les programmes, les prestations ou aides à des personnes dans le besoin, etc.. Il est convaincu que l'imposition de tarifs douaniers aura pour effet de rétablir la balance commerciale de son pays et amènera l'implantation d'entreprises sur le sol américain. Ce qui aura pour effet de réduire le chômage et qui sait de créer des emplois mieux rémunérés que les Mac Job's. Son plan de guerre commerciale tous azimuts prévoit un moment de démondialisation et seul l'avenir pourra dire si cela s'avérera durable dans le temps. Il veut aller plus loin que Ronald Reagan en matière de déréglementation et de réduction des effectifs de l'administration publique et d'agences gouvernementales. L'achat de Bitcoins — ou autres cryptomonnaies — diminuera éventuellement l'importance de la FED dans la détermination de la politique monétaire et profitera à certaines personnes de son entourage qui en détiennent déjà. Il entend élargir l'accès de son pays aux ressources des territoires voisins comme le Canada (l'eau), le Groenland (les minerais) et l'Ukraine (les terres rares), etc.. Réussira-t-il dans l'atteinte des objectifs qu'il poursuit ? Le temps et le temps seul, ce puissant principe de réalité, nous le dira.

Hypothèses

Élu démocratiquement ? Certes, et ce par une très faible majorité sur sa concurrente. Oligarque ? Avec la quantité de milliardaires qui l'entourent (dont un a des affinités fascistes clairement affichées), indubitablement. Autoritaire ? Absolument. Tyrannique ? Assurément. Raciste, antiféministe, antiwoke, nationaliste agressif ? Cela ne saurait faire aucun doute et les preuves à ces sujets sont accablantes. Dictatorial ? Il en donne constamment des signes. Totalitaire à la manière des Mussolini, Hitler et Staline ? Toujours pas. Oppresseur ? Osons simplement rappeler les deux classes de l'oppression selon Simone de Beauvoir : d'un côté, celle qui profite sur divers plans des avantages de l'humanité, de l'autre, celle condamnée « à piétiner sans espoir'' dans une vie répétitive dont l'unique but est la reproduction matérielle de la collectivité » (cité dans Cuerrier, 1990, p. 84). Autrement dit, l'oppresseur ordonne et les oppresséEs exécutent. Et il aurait été possible de parler « du pouvoir sur le corps », à la manière de Michel Foucault, non seulement dans l'industrialisme trumpiste imposé à la population américaine, mais aussi au droit notamment des femmes et des personnes du groupe LBGTQ+ sur leur propre corps.

Conclusion

À ce moment-ci, même si la liberté d'opinion et de pensée est menacée, attaquée et pas réellement respectée par le 47e président des USA, il est important que les scientifiques prennent la parole et n'hésitent pas à contester les affirmations erronées de Donald Trump et de J.-P. Vance, respectivement président et vice-président américains. Les économistes doivent montrer le caractère loufoque des thèses présidentielles au sujet de la balance commerciale et dénoncer le caractère mensonger de l'impact qu'il attend sur le budget national de l'imposition des tarifs douaniers. Les constitutionnalistes et les politologues doivent signaler les dérives anticonstitutionnelles de ce président dont on peut s'interroger sérieusement sur la nature même de sa personnalité. Donald Trump sait qu'il n'y a qu'une vérité. Le problème ici est le suivant : il ne croit que dans sa seule vérité. Il est mythomane. Dans son cas, des spécialistes en santé mentale devraient prendre la parole. Les psychiatres doivent maintenant soulever des hypothèques(1) quant à la condition mentale requise pour occuper la fonction de chef politique du supposément plus puissant pays du monde, et ce avant que cela ne soit trop tard. Le juge en chef de la Cour suprême émet des avis extraordinaires en ce moment. Il faut se rappeler que le pouvoir judiciaire est le plus faible des pouvoirs étatiques, malgré toute sa valeur. Il se peut que la voie judiciaire s'avère impuissante devant les décisions unilatérales de Trump. Les scientifiques, les universitaires, les gens d'affaires, les représentantEs du monde du travail, les éditorialistes, les porte-parole de la société civile, les artistes sont des personnes influentes. Il appartient à chacune et à chacun de prendre position à ce moment-ci et de choisir par conséquent son camp. Avant de clore ce présent texte, nous osons nous demander si, avec le duo Trump-Vance à la tête de la direction politique des USA, Albert Einstein aurait choisi ce pays pour fuir Hitler ?

Pré-scriptum

Vous souvenez-vous de la citation mise en exergue ? Il nous semble qu'elle s'applique parfaitement à Donald Trump : « Représentez-vous maintenant le Prince tel qu'il est fréquemment. Il ignore les lois, est assez hostile au bien général, car il n'envisage que le sien ; il s'adonne aux plaisirs, hait le savoir, l'indépendance et la vérité, se moque du salut public et n'a d'autres règles que ses convoitises et son égoïsme », disait ainsi Érasme (1964[1511], p. 74) dans son Éloge de la folie. Et dire que ceci a été écrit il y a plus de cinq cents ans. Décidément, plus ça change, plus c'est pareil. Ce qui est généré est appelé à se corrompre, mais en attendant jusqu'à quel point faut-il tolérer l'intolérable et accepter l'inacceptable sans mot dire, sans maudire ?

Guylain Bernier

Yvan Perrier

22-23 mars 2025

6h15

(1) Au sens de prendre le temps d'identifier les difficultés susceptibles d'entraver l'accomplissement de quelque chose.

Références

Benmakhlouf, Ali. 2006. Vérité. Dans Dominique Lecourt (dir.), Dictionnaire de l'histoire et philosophie des sciences. Paris : Presses Universitaires de France, pp. 1128-1133.

Cantillon, Richard. 1755. Essai sur la nature du commerce en général. Londres : Fletcher Gyles, dans Holborn, 430 p.

Cuerrier, Jacques. 1990. L'Être humain, panorama de quelques grandes conceptions de l'homme. Montréal : McGraw-Hill, 136 p.

Descartes, René. 1901[1637]. Discours de la méthode. Paris : Librairie Ch. Poussielgue, 139 p.

Érasme. 1964[1511]. Éloge de la folie. Paris : FGF-Flammarion, 94 p.

Honneth, Axel. 2000. La lutte pour la reconnaissance. Paris : Éditions du Cerf, 350 p.

Rawls, John. 1987. Théorie de la justice. Paris : Seuil, 672 p.

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Derrière le départ annoncé de Gabriel Nadeau Dubois

25 mars, par Pierre Mouterde — , ,
Dans le camp de la gauche, il y a des annonces publiques qui sonnent bien mal, et celle de Gabriel Nadeau Dubois donnant sa démission comme porte-parole de Qs en ce début (…)

Dans le camp de la gauche, il y a des annonces publiques qui sonnent bien mal, et celle de Gabriel Nadeau Dubois donnant sa démission comme porte-parole de Qs en ce début d'année 2025, en fait assurément partie.

Non pas que depuis son arrivée en 2017 à QS, tous et toutes aient toujours partagé ses points de vue, ni se soient parfaitement retrouvés dans son style de leadership, loin de là ! Mais voilà, avec la montée en force de la droite-extrême un peu partout au monde, et la nécessité que les forces progressistes fassent front uni à son encontre, sa démission résonne malheureusement comme le départ d'un capitaine quittant le navire alors que se prépare à l'horizon une tempête de premier ordre.

Aujourd'hui, on aurait besoin que tout le monde —et d'abord les plus expérimentés et aguerris— se retrouvent sur le pont et soient prêts à se serrer les coudes, pour faire face aux inquiétantes menaces qui s'amoncellent devant soi. On aurait besoin que mouvements sociaux en luttes, syndicats, forces et partis politiques de gauche ou progressistes se retrouvent unis pour parvenir à juguler la montée de "tendances politiques fascisantes" qui, déjà présentes chez notre puissant voisin du sud, pourraient bien se répandre ici bien plus facilement qu'on ne l'imagine.

Tenter d'y voir clair

Mais peut-être faut-il ici faire contre mauvaise fortune bon coeur et, pour tenter d'y voir clair, s'attarder plutôt aux raisons profondes qui ont conduit à sa démission et amené le parti dans l'état de difficultés où il se trouve aujourd'hui. Amir Khadir ne disait il pas encore tout récemment que QS se trouvait dans de "sales draps" ?

On s'en souviendra, Gabriel Nadeau Dubois lorsqu'il était arrivé avec son groupe Faut qu'on se parle à QS en 2017, avait annoncé qu'il voulait « amener de nouveaux visages, unir des forces, renouveler des stratégies » ? Et on peut dire que dans un premier temps et malgré bien des appréhensions, beaucoup ont pensé qu'il allait y arriver, notamment dans le sillage d'un accroissement important de membres ainsi que de la percée électorale de 2018 (10 députés) dont les acquis ont été maintenus en 2022 (avec 11 députés).

Pourtant derrière ces indéniables avancées sur la scène électorale, se cachaient bien des fragilités d'ordre structurel, comme si en quelque sorte « l'arbre » des percées électorales cachait « la forêt » des dures réalités sociales et politiques du Québec.

Peu en effet avaient à l'époque pris la mesure des enjeux auxquels devait prendre garde un parti de gauche en ce début du 21ième siècle. Et cela, notamment parce qu'on était entré dans d'une période politique de vives tensions et de crises multiples, en même temps que partout au monde la gauche —en panne de modèle et de stratégie— peinait à trouver les moyens de s'imposer, se perdant plus souvent qu'autrement dans les voies sans issue de la vie institutionnelle imposée par le néolibéralisme (voir les déboires de Podemos ou encore de Syriza en Grèce).

En ce sens, il faut le rappeler : on ne doit pas faire reposer la responsabilité des difficultés que connaît QS sur les seules épaules de son porte-parole le plus connu. Car c'est quand même une majorité de militants qui lui a ouvert la porte en 2017 et lui a permis, loin de toute prudence, de monopoliser d'importants pouvoirs de direction, non seulement comme tout nouveau jeune député, mais aussi comme co-porte-parole masculin [1] .

C'est aussi une bonne majorité de militants qui, en dépit des avertissements contraires venant de la gauche du parti, n'a pas jugé urgent de mettre en place des mécanismes d'encadrements démocratiques plus agiles, ni non plus d'alimenter de véritables débats de fond qui auraient permis d'assainir la vie interne du parti. Ces mesures auraient aussi porté les uns et les autres à être plus attentifs aux particularités de la période politique dans laquelle on entrait, comme aux stratégies plus audacieuses que QS aurait dû privilégier, par exemple sur la question nationale, sur le féminisme, sur la laïcité, sur le racisme, etc., de manière à incarner auprès des classes populaires du Québec une véritable alternative politique à la montée de l'extrême-droite populiste.

Des travers grandissants

Il s'est ainsi installé toute une série de travers grandissants au sein du parti, dont les débats et conflits soulevés par Catherine Dorion et Émilise Lessard Therrien, n'étaient finalement que la pointe visible de l'iceberg. Dans un contexte difficile et en dépit des efforts acharnés d'une opposition de gauche par trop fragmentée pour en renverser le cours, le parti "des urnes et de la rue", qu'avait voulu être QS (féministe, altermondialiste, social, écologiste, voire même anti-capitaliste), était désormais en train de se muer en un seul parti des urnes, en un seul parti de gouvernance institutionnelle. Le tout, sous la direction d'une équipe parlementaire ainsi que d'un groupe de com. qui chaque fois prenaient plus de place et dont Gabriel était devenu peu à peu à la fois le symbole et le véritable chef d'orchestre.

Il s'est donc effectué peu à peu sous sa houlette un recentrage du parti qui remonte à loin, mais qui n'est apparu cependant pour ce qu'il était aux yeux de tous et toutes que lors du vote sur la déclaration du Saguenay (au Conseil national de mai 2024) [2] .

Mais comme depuis lors, ce virage n'a donné aucun des résultats escomptés, ni en terme de renouveau du « membership », ni en terme de mobilisation militante (voir à ce propos les nombreux sondages défavorables et le rétrécissement notables des bases militantes de QS), il était tout naturel que Gabriel ait eu envie de partir et de donner sa démission.

Quelque part, il fallait bien qu'il prenne acte de l'échec d'une stratégie qu'il avait peu ou prou cautionnée depuis son arrivée à QS.

On le voit les choses ne sont donc pas simples, car ce n'est pas seulement au remplacement d'un co-porte parole masculin auquel il faut désormais penser, mais à toute la stratégie de QS qui s'est peu à peu cristallisée dans une seule direction depuis le départ de Françoise David et Amir Khadir.

Dans ce contexte, comme le dit si bien le cinéaste Samuel Matteau qui a travaillé en 2018 auprès de lui, il faut souhaiter que, "son départ entraine un réel travail de fond sur les structures opérationnelles internes du parti et sur le souffle qui animera Québec solidaire dans les années avenir".

En ces temps de montée si préoccupante de l'extrême-droite, tout nous montre la nécessité de penser à des alternatives sociales et politiques, à la fois stimulantes et audacieuses, appelant à ce que QS soit comme jamais « un parti des urnes et de la rue » travaillant d'arrache-pied avec les mouvements sociaux au dépassement des impasses grandissantes alimentées par le capitalisme néolibéral ?

N'est-ce pas de ce côté que git sa raison d'être ? N'est-ce pas ce à quoi il doit revenir ? N'est-ce pas ainsi qu'il restera ce sel de la terre dont a tant besoin le Québec d'aujourd'hui ?

Pierre Mouterde
Sociologue et essayiste
Québec, le 24 mars 2025


[1] Voir https://www.pressegauche.org/Que-dire-de-l-arrivee-en-force-de-Gabriel-Nadeau-Dubois-a-Quebec-solidaire. On était en mars 2017 et j'avais écrit à propos de son arrivée à QS : « (…) il n'en reste pas moins que ce changement mené par le haut et que l'on a cautionné à portes fermées lors de rencontres préalables, n'est pas sans conséquences : voilà qu'on donne à quelqu'un qui n'a jamais milité à QS, n'a pas participé à sa construction, à ce patient travail collectif de construction, de délibération et d'échange (ayant fait ce qu'est devenu QS), qui s'en est même défié (comme organisation partisane) pendant longtemps, voilà donc qu'on lui donne un formidable pouvoir d'orientation qui n'a malheureusement rien de très démocratique et qui pourrait être à l'avenir lourd de conséquences. Et quand on regarde le blogue personnel GDN2018 que Gabriel Nadeau Dubois vient de lancer –avec ses 3 axes (Amener de nouveaux visages, Unir des forces, renouveler des stratégies)— on ne peut que se demander de manière un peu troublante au nom de qui parle-t-il exactement ? De lui-même ? De QS ? À se demander même ici si le « moi-je » n'a pas la malencontreuse tendance à vouloir primer sur le "nous", un "nous"qui à QS —nouveau parti de gauche soucieux de pluralisme démocratique !— garde toute son importance ? »

[2] Ses toutes dernières déclarations le 24 mars dernier à Radio Canada tendent à confirmer cette hypothèse. Ne disait-il pas regretter de ne pas avoir proposer plus tôt ce recentrage ?

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