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Dépasser le capitalisme algorithmique par les communs ? Vers un communisme décroissant et technosobre

6 septembre, par Rédaction

À la suite de la crise financière de 2007-2008, le monde a basculé vers un nouveau stade du capitalisme basé sur l’extraction massive de données personnelles, l’hégémonie des plateformes et le développement accéléré de l’intelligence artificielle (IA)[1]. Ce « capitalisme algorithmique », aussi nommé « capitalisme de plateforme[2] » ou « capitalisme de surveillance[3] », contribue à l’amplification des inégalités sociales en termes de classe, de sexe et de race, à la consolidation du pouvoir des géants du numérique, à l’émergence de nouvelles formes de contrôle social et à l’exacerbation de la crise climatique[4]. La dynamique d’accumulation s’effectue toujours plus par la mainmise du capital sur les données et la production de machines algorithmiques, celles-ci augmentant la productivité au sein des entreprises, mais contribuant aussi à la transformation des modèles de subjectivité et des institutions. La « rationalité néolibérale », qui était jadis omniprésente au sein de la vie sociale et politique, est maintenant intégrée et dépassée par une « logique algorithmique » qui s’étend dans tous les secteurs de la société.

Face à cette reconfiguration inédite du capitalisme dans le premier quart du XXIe siècle, comment penser les voies de sortie et les stratégies de dépassement de ce système mortifère ? Trop souvent, la gauche se trouve démunie face aux enjeux numériques, et encore plus avec l’arrivée de l’IA qui semble échapper aux grilles d’analyse du marxisme classique ou aux analyses d’inspiration sociale-démocrate. L’encadrement de ces technologies par des lois, les stratégies de nationalisation et d’autres réformes étatiques semblent impuissantes, ou du moins insuffisantes, pour proposer une alternative globale et cohérente sur le plan sociotechnologique. Il existe des rapports d’organismes comme le Conseil d’innovation du Québec qui proposent d’encadrer l’industrie technologique par des règlements peu contraignants, qui font la promotion de la rhétorique de l’IA responsable et d’un programme « IA pour le Québec » lequel vise à positionner l’État québécois en « leader et modèle » dans le domaine[5]. Cette vision du « capitalisme algorithmique régulé par l’État » est présentement hégémonique au Québec et ailleurs dans le monde. Pendant ce temps, un parti de gauche comme Québec solidaire, au printemps 2024, n’avait presque aucun élément dans son programme concernant le numérique, les plateformes et l’IA.

Malgré ces insuffisances de la gauche sur le plan programmatique, de nombreuses luttes populaires et alternatives socioéconomiques esquissent déjà la voie vers la construction d’une société postcapitaliste sur le plan technologique. On n’a qu’à penser à l’existence de logiciels libres, à l’encyclopédie Wikipédia ou encore à certaines plateformes coopératives comme Eva qui font concurrence à Uber en matière de service de transport urbain[6]. Toutefois, la plupart des initiatives collectives visant à bâtir un autre monde numérique et à orienter différemment le progrès technologique restent dispersées et isolées. Elles demeurent de belles « utopies réelles[7] » sans grande portée face aux grandes entreprises privées et aux jeunes pousses qui récoltent les millions de dollars de financement de l’État, à l’instar de la compagnie montréalaise Element AI, « fleuron québécois » dans le secteur de l’IA, qui fut vendue au géant américain ServiceNow[8]. Bref, il nous manque un projet de société plus vaste et radical prenant au sérieux la question de l’infrastructure technologique et du rôle central du capital algorithmique.

Le retour des communs

Nous faisons l’hypothèse que le point de départ pour bâtir une société postcapitaliste repose sur la protection et la multiplication des « communs ». Les communs sont un modèle de gestion collective de ressources partagées, permettant de (re)produire, d’utiliser et de cogérer des biens au-delà de la propriété privée et de la gestion étatique centralisée. Nous pouvons penser par exemple à des forêts de proximité gérées par les habitants, des bâtiments industriels récupérés par la communauté, des monnaies locales complémentaires, etc. Comme le soulignent Pierre Dardot et Christian Laval : « La revendication du commun a d’abord été portée à l’existence par les luttes sociales et culturelles contre l’ordre capitaliste et l’État entrepreneurial. Terme central de l’alternative au néolibéralisme, le “commun” est devenu le principe effectif des combats et des mouvements qui, depuis deux décennies, ont résisté à la dynamique du capital et ont donné lieu à des formes d’action et de discours originales[9] ».

Les communs ont l’avantage de lier ces diverses formes de résistances, d’innovations sociales et de projets collectifs ancrés dans l’économie sociale et solidaire, le milieu associatif et communautaire, les luttes territoriales axées sur les « zones à défendre », de même que des expérimentations dans le monde numérique. L’idée centrale consiste à combattre l’« idéologie propriétaire[10] » en créant progressivement « une société des communs » qui serait plus libre, juste et écologique.

Or, la littérature universitaire sur les communs dans la sphère technologique se concentre habituellement sur les « communs numériques » comme les logiciels libres, Wikipédia ou les licences Creative Commons[11], laissant de côté plusieurs autres pans de l’infrastructure technologique qui restent largement sous l’emprise du capital algorithmique. Que faire des données, des algorithmes et de l’IA qui sont principalement stockés, analysés, produits et monétisés par les GAFAM ? Il est impératif de répondre à cette lacune en montrant comment les communs pourraient « communaliser » différentes sphères de l’infrastructure technologique. Cela constitue le cœur de notre argument, qui consiste à montrer que le principe des communs, aussi nommé « logique communaliste », peut servir de boussole pour créer une infrastructure technologique postcapitaliste, viable et démocratique.

L’impact écologique des algorithmes

Néanmoins, même une communalisation complète de l’infrastructure technologique nous laisse encore face au problème majeur de l’impact environnemental des machines algorithmiques, qui peuvent se multiplier et croitre à l’infini. En effet, l’IA ne représente pas seulement un ensemble d’outils, d’algorithmes et de larges modèles de langage (LLM), mais une « industrie extractive » prenant la forme d’une infrastructure à l’échelle planétaire. Comme le souligne Kate Crawford, l’IA « est à la fois incarnée et matérielle, faite de ressources naturelles, de carburant, de main-d’œuvre humaine, d’infrastructures, de logistique, d’histoires et de classifications[12] ».

Il faut ainsi tenir compte de l’appétit vorace de l’infrastructure algorithmique pour des ressources de toutes sortes, notamment les centres de données à forte intensité de calcul qui ont un coût énergétique élevé, une empreinte carbone massive et un besoin énorme de quantité d’eau à des fins de refroidissement. « Pour alimenter leurs centres, de nombreuses entreprises technologiques puisent dans les réserves d’eau publiques et les aquifères, ce qui ajoute au stress hydrique régional – tout en étant construits dans certaines des régions du monde les plus sujettes à la sécheresse[13] ». À cela s’ajoute l’extraction grandissante de minéraux pour produire les appareils informatiques, laquelle alimente les dynamiques d’accumulation par dépossession du capitalisme racial dans les pays du Sud global[14]. Bien que plusieurs entreprises prétendent vouloir contribuer à la transition écologique par une IA alimentée aux énergies renouvelables ou par diverses solutions technologiques pour résoudre la crise climatique, il s’avère que l’impact exponentiel de cette industrie dépasse largement les gains d’efficacité relatifs à des innovations particulières.

Pour résoudre cette contradiction, nous soutiendrons la thèse selon laquelle une « société des communs » écologiquement soutenable doit nécessairement s’accompagner d’une perspective de « descente énergétique », de « technosobriété » et de « décroissance »[15]. Une telle synthèse se trouve esquissée notamment chez le philosophe japonais Kohei Saito, qui propose de bâtir un « communisme décroissant » appuyé sur la multiplication des communs, les technologies ouvertes, l’autonomie locale et la décélération de l’économie[16]. Nous critiquerons enfin les approches techno-optimistes comme l’« écomodernisme[17] », l’« accélérationnisme[18] » et le « communisme pleinement automatisé[19] », montrant que celles-ci sont irréalistes sur le plan écologique et non souhaitables d’un point de vue démocratique. Ainsi, notre objectif consiste à articuler l’approche des communs et de la décroissance afin de jeter les bases d’un postcapitalisme technosobre, dans la lignée d’un scénario de transition socioécologique frugal[20].

Vers une infrastructure technologique communalisée

Comment développer une infrastructure technologique complètement libérée du joug du capitalisme ? Rappelons d’abord que le monde numérique n’est pas une sphère purement immatérielle (parfois nommée « cyberespace »), mais un système technique complexe composé de plusieurs strates ou couches superposées. Il y a ainsi « à la base, une couche physique, qui comprend des câbles de cuivre ou de fibre optique, des ondes circulant grâce à des satellites et des tours de communication, mais aussi des ordinateurs qui peuvent jouer le rôle de serveurs (qui hébergent du contenu) ou de « clients » (qui accèdent aux serveurs). Sur cette infrastructure matérielle, on trouve ensuite une couche logicielle : du code informatique, soutenu par des protocoles standardisés et ouverts, assure le traitement et la circulation de l’information. Finalement, au sommet ou en surface, on trouve les contenus de toutes sortes qui circulent grâce à ces applications : messages, courriels, pages contenant textes, sons et images[21] ».

À ces différentes couches, il faut ajouter trois autres dimensions liées plus spécifiquement à la dynamique du capital algorithmique : 1) l’extraction et le stockage de données liées aux contenus produits par les utilisatrices et utilisateurs et leurs comportements en ligne ; 2) les algorithmes d’apprentissage automatique et d’apprentissage profond permettant d’analyser les données et d’assurer le fonctionnement global de l’IA, que celle-ci prenne la forme d’applications comme ChatGPT, Google Maps, DeepL, les fils d’actualité sur les médias sociaux, etc. ; 3) les plateformes comme Meta, Amazon, Uber ou Airbnb qui sont des interfaces « entreprise-marché » où s’opèrent la collecte et la monétisation des données, l’exploitation du travail digital (digital labour), ainsi que la vente de services auprès d’individus ou d’organisations de toutes sortes[22].

En résumé, pour construire une « infrastructure technique complètement communalisée », il faut explorer la manière dont les communs peuvent se déployer à différentes échelles : a) infrastructure matérielle (incluant les réseaux de télécommunications, les centres de données) ; b) couche logicielle (codes, systèmes d’exploitation, applications) ; c) données (cadre juridique et gouvernance) ; d) algorithmes (production et contrôle de l’IA) ; e) plateformes (modèle d’affaires des entreprises technologiques). Regardons brièvement comment le paradigme des communs peut déjà s’appliquer à ces différentes strates de l’infrastructure.

A – Des réseaux de télécommunications en « partenariat public-commun »

Lorsque vient le temps de parler des réseaux de télécommunications, le principal réflexe de la gauche consiste à penser en termes de nationalisation des infrastructures numériques. Cette vision étatiste de la socialisation des moyens de production se trouve notamment dans le programme de Québec solidaire, qui proposait dans sa plateforme électorale de 2022 d’explorer la création de « Réseau-Québec, une société d’État responsable d’offrir une infrastructure publique pour Internet[23] ». Cela représente une piste intéressante, mais un nombre croissant de recherches suggèrent que la gestion démocratique des services publics serait mieux assurée par la (re)municipalisation de ceux-ci ou par leur communalisation (par des coopératives de transport collectif par exemple) ou encore par une combinaison des deux.

Par exemple, le Transnational Institute a publié un rapport montrant qu’entre 2000 et 2019, plus de 2400 villes dans 58 pays dans le monde ont repris le contrôle des services publics dans une foule de secteurs : eau, énergie, gestion des déchets, logement, transport, santé, télécommunications, etc.[24] Aux États-Unis, plus de 141 nouveaux services de communication ont été établis par les municipalités, que ce soit par des entreprises municipales (entreprises publiques locales) ou encore par des partenariats avec des organismes à but non lucratif ou avec des coopératives. Au Québec, la Coopérative de télécommunications Antoine-Labelle (CTAL) assure des services d’Internet haute vitesse, de télévision et de téléphonie, en collaboration avec la Municipalité régionale de comté Antoine-Labelle qui possède l’infrastructure de fibre optique.

Cet exemple de « partenariats public-commun », lesquels constituent une alternative économique aux partenariats public-privé qui se sont généralisés sous le capitalisme néolibéral, met en évidence comment un bien public peut être cogéré avec une organisation collective chargée de répondre aux besoins de la communauté. Ainsi, il serait possible de « créer des instances régionales de gouvernance des infrastructures de télécommunication (datacenters, antennes 5G, fibre, câbles, sous-marins, etc.). […] Ces instances seraient composées des gestionnaires privés, des collectivités territoriales, des représentants de l’État, des usagers et des associations environnementales. Ces deux derniers collèges auraient un droit de véto pour garantir la gestion démocratique et écologique des infrastructures du numérique à l’échelle locale[25] ».

B – Généraliser les logiciels libres et les communs numériques

Bien qu’une partie croissante d’Internet soit maintenant contrôlée par des intérêts privés et quelques oligopoles, il faut aussi noter que plus de 90 % des serveurs Web, des applications mobiles et des superordinateurs fonctionnent à partir de communs numériques comme les logiciels libres ou open source. Rappelons ici que l’émergence des logiciels libres remonte aux années 1980 pour contrer la généralisation des logiciels propriétaires, selon un modèle popularisé par la création de la Free Software Foundation en 1985 qui établit les quatre principes de l’informatique libre : 1) liberté d’exécuter le programme pour tous les usages ; 2) liberté d’étudier le fonctionnement du programme et de l’adapter à ses besoins ; 3) liberté de redistribuer des copies du programme ; 4) liberté d’améliorer le programme et de distribuer ces améliorations au public, pour en faire profiter toute la communauté. Linux, Libre-Office, Firefox, WordPress, VLC media player sont différents exemples de logiciels libres, lesquels sont promus par des organismes comme Framasoft en France ou encore FACIL au Québec. Nous pouvons ajouter à cela la présence de licences libres comme le Copyleft ou les Creative Commons qui représentent des solutions alternatives à la propriété intellectuelle et aux droits d’auteur (copyright) qui freinent l’innovation ouverte.

Les logiciels libres font face à une limite principale : l’hégémonie des logiciels propriétaires dans les entreprises, l’administration publique et les ménages. Il faut aussi ajouter le manque de ressources consacrées à ces voies non capitalistes. Ainsi, les logiciels libres sont souvent oubliés, négligés ou écartés lorsque vient le temps d’utiliser ou de construire des outils numériques, notamment de la part des pouvoirs publics. C’est pourquoi des organismes comme La société des communs en France propose une série de réformes institutionnelles visant à déployer ces communs numériques : structuration d’un écosystème européen du logiciel libre, l’innovation ouverte et l’interopérabilité; création d’une fondation consacrée aux communs numériques; inciter, voire obliger, les administrations publiques à recourir aux logiciels libres lorsque cette option existe[26]. Un exemple de cette transition numérique basée sur les communs est la ville de Barcelone qui a mis en place un plan de migration vers des logiciels libres en 2018, en consacrant 70 % du budget logiciel à ces communs numériques et en embauchant 65  développeurs, hommes et femmes, pour assurer cette transition ainsi que la formation au sein de la fonction publique[27]. Barcelone a également créé la plateforme numérique de participation citoyenne Decidim (logiciel libre) et a rejoint la campagne européenne Public Money, Public Code (Argent public ? Code public) organisée par la Free Software Foundation Europe.

C – Les communs de données

Alors que la vaste majorité des données produites en ligne et sur les plateformes sont accaparées, possédées, monétisées et échangées par des entreprises privées, il importe de concevoir un modèle alternatif pour assurer leur contrôle et leur gestion. Face au pouvoir oligopolistique des GAFAM, certains auteurs préconisent de miser sur la propriété privée des données personnelles que l’individu pourrait librement consentir à vendre ou à partager (via des data trusts privés ou fiducies de données privées); mais cette solution néolibérale ne fait qu’étendre la logique de privatisation et la marchandisation en la confiant à des individus-entrepreneurs de soi. Une autre alternative se trouve du côté de la propriété publique des données, mais celle-ci reproduit les problèmes liés à la gestion étatique et centralisée de l’information, souvent synonyme de concentration du pouvoir et de surveillance des individus par l’État.

Heureusement, il existe une troisième voie, soit les communs de données qui « impliquent des données partagées à titre de ressource commune et dont la gestion est assurée par une communauté d’utilisateurs[28] ». Les communs de données peuvent prendre diverses formes juridiques. Par exemple, les coopératives de données permettent une propriété collective et une gestion démocratique des données, à l’instar de MIDATA (en Suisse), Driver’s Seat (coopérative de mobilité aux États-Unis) ou Salus Coop (coopérative de santé à Barcelone). Au Québec, des chercheurs proposent d’utiliser le véhicule juridique des fiducies d’utilité sociale (FUS), utilisé notamment pour la protection du patrimoine bâti ou pour des espaces naturels face aux dynamiques de marchandisation. La particularité de la FUS est qu’elle vise à dépasser la logique propriétaire en confiant la gestion d’un bien d’intérêt général à un collectif chargé d’assurer sa pérennité. « La fiducie offre ainsi une alternative à la propriété. Elle concilie d’une part le besoin de partager et de mutualiser des données et d’autre part le besoin de contrôler l’utilisation et l’accès à ces données selon une finalité déterminée[29] ».

D – Des modèles algorithmiques à code ouvert

Les enjeux touchant les logiciels libres et le code source ouvert (open source) renvoient également à la fabrication des algorithmes qui sont au cœur des technologies d’intelligence artificielle. Cela représente un enjeu stratégique de premier plan, considérant le fait que les plus grands joueurs dans la course à l’IA sont présentement les GAFAM et leurs compagnies associées. Pour donner un exemple : la firme OpenAI qui a développé ChatGPT a été créée comme une entreprise à but non lucratif en 2015, avant de développer un volet commercial à but lucratif et de former un partenariat stratégique de plusieurs milliards de dollars avec Microsoft à partir de 2019. ChatGPT et son modèle algorithmique GPT-4 sont développés de façon complètement opaque, dans le plus grand secret industriel, et s’appuient sur l’exploitation du travail du clic et sur une course à la montre pour développer le modèle le plus puissant en minimisant les enjeux de sécurité[30].

Les principaux concurrents d’OpenAI sont présentement Google, Amazon et Meta, cette dernière entreprise ayant lancé le modèle algorithmique baptisé LLaMA qui est développé en mode open source. Cela signifie que cette IA peut être utilisée, modifiée et adaptée selon les besoins des femmes et des hommes utilisateurs et développeurs. Cela représente-t-il une petite révolution au sein de l’industrie de l’IA ou bien d’une ruse du capital algorithmique ?

En fait, plusieurs entreprises technologiques capitalistes contribuent depuis un moment au développement de codes sources ouverts et de logiciels libres, à l’instar d’IBM, car cela s’avère rentable en raison des moindres coûts associés à l’usage de ces codes qui n’ont pas besoin d’être achetés, et de l’expertise gratuite de contributeurs et contributrices qui peuvent corriger et améliorer ces programmes et applications[31]. Plusieurs ont d’ailleurs remarqué cette instrumentalisation des communs dans le monde numérique[32], mais il n’en demeure pas moins que cela démontre la viabilité économique du modèle open source et libre qui peut aussi être utilisé dans une perspective non capitaliste.

Il s’avère même que les modèles algorithmiques open source présentent un niveau de performance presque équivalent aux modèles développés par le secteur privé, et pourraient même dépasser les algorithmes des grandes entreprises en utilisant moins de ressources[33]. Des chercheurs soutiennent d’ailleurs l’importance de construire l’IA selon les principes de l’open-source afin de favoriser l’accessibilité, la collaboration, la responsabilité et l’interopérabilité[34]. L’interopérabilité désigne ici la capacité d’un système à pouvoir fonctionner avec d’autres systèmes sans restriction d’accès ou de mise en œuvre, sans les contraintes de « jardins clos » qu’on retrouve dans la logique propriétaire. Tout cela ne permet pas de démontrer la supériorité de l’IA open source sur l’IA propriétaire ou capitaliste, mais cela montre la possibilité de bâtir des modèles algorithmiques selon une logique contributive, ouverte et postcapitaliste.

E – Les plateformes coopératives

Enfin, l’exploitation des données et le développement de l’IA se font principalement à travers le modèle d’affaires des « plateformes », lesquelles sont des interfaces multifaces capables d’extraire, d’analyser et de monétiser les données en entrainant des modèles algorithmiques toujours plus puissants[35]. Avec l’émergence de « l’économie collaborative » (aussi nommée sharing economy), des plateformes comme Uber, Airbnb, TaskRabbit, Doordash, Tinder, Spotify ou Netflix ont montré leur capacité à restructurer plusieurs secteurs de l’économie liés aux transports, à l’hébergement, aux petits boulots, aux rencontres amoureuses, à la musique et au cinéma. La puissance des plateformes capitalistes réside avant tout dans l’attractivité de leur design et leur facilité d’utilisation, dans l’effet de réseau lié à la participation de millions d’utilisateurs et d’utilisatrices à travers le monde, ainsi que dans la vitesse à laquelle elles se sont diffusées dans la société, avec un marketing agressif et des campagnes de lobbying visant à court-circuiter ou à remodeler diverses législations. Le terme « ubérisation » s’est d’ailleurs répandu pour décrire ce processus de marchandisation accéléré par le biais des plateformes capitalistes et algorithmes[36].

Cela dit, rien n’empêche les plateformes d’adopter une structure non capitaliste, de fonctionner selon le modèle des coopératives ou des entreprises privées à but non lucratif. Par exemple, la compagnie Eva créée au Québec est une coopérative qui fait concurrence à Uber, FairAirbnb, née à Amsterdam, vise à contrecarrer Airbnb par une plateforme numérique d’hébergement favorisant la redistribution de ses profits aux municipalités pour financer le logement social, Resonate cherche à mieux rémunérer les artistes que Spotify, et ainsi de suite. Le terme coopérativisme de plateforme (platform cooperativism) fut utilisé pour la première fois par Trebor Scholz pour désigner un modèle postcapitaliste concurrent au capitalisme de plateforme qui sévit dans différents secteurs de l’économie[37]. Ce mouvement cherche ainsi à élargir le spectre du mouvement coopératif dans l’univers numérique, mais il peut aussi s’élargir à toute forme d’entreprise issue de l’économie sociale et solidaire visant à proposer une alternative postcapitaliste sur le plan technologique en matière d’applications, de réseaux sociaux, de plateformes d’échanges et de services, etc. La plateforme En commun développée par Projet collectif au Québec, lancée en 2023 pour accélérer la transition socioécologique et la coconstruction de connaissances par diverses pratiques collaboratives et communautés de pratiques, représente un exemple parmi d’autres de ce mouvement.

Tous ces exemples démontrent qu’une infrastructure technologique postcapitaliste est possible à partir d’une approche basée sur les communs. L’enjeu principal d’une telle proposition demeure l’articulation de ces différents niveaux et initiatives, de manière à former un projet sociotechnique global qui soit viable sur le plan économique et politique. Certains auteurs soutiennent notamment que le municipalisme pourrait servir de levier pour construire une « souveraineté technologique » basée sur les communs[38]. Sans se limiter à l’échelle locale, il s’agit de recréer un mouvement ascendant (bottom-up) formé par l’alliance d’initiatives postcapitalistes, de mouvements sociaux et de « mairies rebelles » afin de créer un nouveau système socioéconomique « par le bas[39] ».

Les limites de la croissance technologique et l’impératif de sobriété

Cela dit, un enjeu crucial reste l’empreinte écologique majeure de l’infrastructure technologique nécessaire au déploiement des outils numériques et algorithmiques, y compris dans une perspective postcapitaliste. Même en admettant que ces technologies soient développées selon une logique ouverte (open source), contributive, horizontale et débarrassée de l’impératif de profit, il n’en demeure pas moins que le développement continu et exponentiel de la numérisation et de l’IA continuera de peser sur les écosystèmes et d’augmenter la production de gaz à effet de serre (GES) qui amplifient la crise climatique.

C’est pourquoi nous voulons ici présenter une critique rapide de certains courants contemporains se réclamant du marxisme et qui proposent de poursuivre le développement technologique tous azimuts pour construire une économie postcapitaliste. Nous pouvons penser à l’écomodernisme de Matt Huber hostile à la décroissance[40], l’« accélérationnisme de gauche » qui considère que la propulsion du développement technique et l’exacerbation des contradictions du capitalisme contribueront au dépassement de ce système[41], ou encore au « communisme pleinement automatisé » (Fully automated luxury communism) qui représente l’utopie ultime d’une société libérée du travail par l’entremise des robots, le revenu de base, l’extraction de minéraux sur les astéroïdes et la planification algorithmique de l’économie[42]. Toutes ces variantes du marxisme productiviste estiment que le développement technologique est somme toute positif, seule la propriété privée des moyens de production ou le contrôle capitaliste pose problème. Comme l’affirma jadis Lénine en boutade : « Le communisme, c’est le gouvernement des Soviets plus l’électrification de tout le pays ».

Or, il s’avère que cette vision basée sur une vision linéaire, évolutionniste, eurocentrique et prométhéenne du progrès a été remise en question par Marx lui-même à la fin de sa vie[43]. Contrairement à la vision très répandue du marxisme orthodoxe selon laquelle les sociétés devraient passer par les mêmes stades de développement pour parvenir au socialisme puis au communisme, il s’avère que Marx aurait remis en question ce schéma simpliste de l’histoire au profit d’une vision où des institutions comme les communs et les communes rurales (le mir en Russie, par exemple) permettraient le passage vers le communisme sans passer par l’étape intermédiaire du capitalisme industriel[44].

Qui plus est, l’argument le plus fort à l’endroit d’une telle conception productiviste de l’écosocialisme réside dans les limites planétaires objectives liées à une croissance continue, que celle-ci soit déployée selon une logique capitaliste ou socialiste, car le développement massif de nouvelles technologies implique forcément une consommation immense de ressources naturelles et énergétiques[45]. Face à ce constat, il s’avère essentiel de proposer un modèle postcapitaliste alternatif, axé sur la « descente énergétique[46] » et la « technosobriété », c’est-à-dire l’idée d’une modération dans la production et l’usage des technologies numériques et algorithmiques au sein de la vie sociale et économique[47].

Vers un communisme décroissant

À quoi ressemblerait une telle société postcapitaliste, débarrassée de l’impératif de croissance et où les nouvelles technologies joueraient un rôle restreint dans la vie sociale ? Selon Kohei Saito, il s’agit de construire un « communisme décroissant » appuyé sur la multiplication des communs, les technologies ouvertes, l’autonomie locale et la décélération de l’économie[48]. Le terme « communisme » pourrait être traduit par le terme « commonisme », car il ne s’agit pas d’imiter le socialisme d’État des anciens régimes soviétiques, mais de construire une société axée sur les communs, l’entraide et la coopération, hors de la logique étatique bureaucratique et centralisée[49].

S’appuyant sur les écrits du philosophe français André Gorz, Saito considère qu’il est essentiel d’opérer une distinction entre les « technologies ouvertes » et les « technologies verrouillées » pour échapper aux problèmes du productivisme. « Les technologies ouvertes sont celles qui impliquent un échange avec d’autres, qui sont liées à la communication et à l’industrie coopérative. En revanche, les technologies verrouillées sont celles qui divisent les gens, qui transforment les utilisateurs en esclaves et qui monopolisent la fourniture de produits et de services[50] ». Dans cette perspective, il s’agit de développer des infrastructures de télécommunications, des centres de données, des logiciels, des modèles de gestion de données, des modèles algorithmiques et des plateformes basés sur des « technologiques ouvertes » comme les communs.

Ainsi que nous l’avons montré précédemment, cela s’avère chose possible, bien qu’il soit nécessaire d’articuler ces diverses strates technologiques au sein d’un projet social global et cohérent. Le problème réside plutôt dans la place que doit prendre l’infrastructure numérique et le rôle de l’IA au sein de la vie sociale et économique. Doit-on miser sur une planification globale de l’économie par les algorithmes, proscrire leur usage, ou bien opter pour un « juste milieu » où ces technologies pourraient servir à optimiser certaines prises de décision tout en laissant une large place à des échanges en dehors de cet appareillage technologique ?

C’est ici que la « vraie réflexion » concernant la planification démocratique de l’économie s’amorce : de quoi avons-nous réellement besoin[51] ? Nous aboutissons ainsi sur le besoin de délimiter collectivement les limites d’une économie technosobre, c’est-à-dire d’une société dans laquelle les technologies numériques et algorithmiques ne jouent pas un rôle excessif dans la production, la distribution et la consommation de biens et services essentiels à l’épanouissement humain. Il importe donc d’éviter l’approche techno-utopique et non soutenable des courants accélérationnistes et productivistes, mais également les postures anti-technologiques que nous retrouvons parfois dans certains courants anti-industriels, certaines versions de la décroissance ou encore l’anarchoprimitivisme.

Que signifient les termes « excessif », « nécessaire », « utile » ou « superflu » dans un hypothétique modèle économique technosobre ? Selon nous, il n’existe pas de définition purement objective ou impartiale de ces termes, car la détermination des besoins et des moyens de les satisfaire doit inévitablement passer par un débat démocratique. Comme le notait déjà Nancy Fraser, il existe une « lutte pour l’interprétation des besoins » qui se déroule nécessairement dans l’arène politique[52]. L’important ici est de bâtir des institutions dans lesquelles ce genre de débat pourra avoir lieu afin de déterminer ce qui mérite d’être produit en priorité pour répondre aux besoins sociaux urgents, ce qui doit être laissé à l’initiative individuelle ou encore à des modalités de production locale de façon flexible[53].

Quatre scénarios de transition

En guise de conclusion, nous suggérons de comparer quatre scénarios stratégiques élaborés par l’Agence de la transition écologique de la France : S1 Génération frugale, S2 Coopérations territoriales, S3 Technologies vertes et S4 Pari réparateur[54] (figure 1).

Alors que les scénarios S3 Technologies vertes et S4 Pari réparateur correspondent à la trajectoire actuelle du capitalisme vert et de la transition énergétique technocentrée, les scénarios S1 Génération frugale et S2 Coopérations territoriales se rapprochent davantage du communisme décroissant, ou d’un écosocialisme municipal démocratisé. Nous ne pouvons pas ici décrire en détail chaque scénario, mais il nous semble essentiel de viser les scénarios S1 et S2 en misant sur une valorisation des technologies réparables, ouvertes et émancipatrices (low-tech), un mode de vie moins énergivore et un nouveau mode de production postcapitaliste débarrassé de l’impératif de croissance.

Figure 1 – Quatre scénarios de transition

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Source : ADEME, « Les scénarios », Agence de la transition écologique de France, 2021.

Dans ces deux scénarios, les communs joueraient un rôle essentiel dans la démocratisation des infrastructures et des outils technologiques, que ce soit en matière de systèmes de télécommunications, de logiciels, de données, d’algorithmes et de plateformes. Le communisme décroissant technosobre nous invite ainsi à penser la communalisation des moyens de production technologiques, sans nous enfermer dans une vision idéaliste où le seul changement de propriété de ces technologies suffirait à nous émanciper.

Au bout du compte, la question la plus complexe à répondre est : quelle place occuperont le monde numérique et l’IA dans une société future postcapitaliste, cette société devant être à la fois juste, démocratique et écologiquement soutenable ? Ainsi, l’infrastructure technologique du postcapitalisme ne reposera pas sur une demande infinie de ressources et d’énergie, mais sur la délibération démocratique et sur le travail humain ancré au sein de communautés locales, avec l’aide d’outils algorithmiques au besoin. Une fois que nous aurons déterminé le profil souhaité pour la société future à construire, il nous restera encore à établir les meilleurs moyens et stratégies pour y parvenir, et en se préparant aux luttes sociales et politiques que cela implique. Autrement dit, si nous parvenons à rassembler plusieurs groupes anticapitalistes autour du projet de communisme décroissant technosobre, il faudra encore se poser la question stratégique suivante : que faire ?

Par Jonathan Durand Folco, professeur à l’École d’innovation sociale Élisabeth-Bruyère de l’Université Saint-Paul


  1. Nick Dyer-Witheford, Atle Mikkola Kjøsen et James Steinhoff, Inhuman Power. Artificial Intelligence and the Future of Capitalism, Londres, Pluto Press, 2019.
  2. Nick Srnicek, Capitalisme de plateforme. L’hégémonie de l’économie numérique, Montréal, Lux, 2018.
  3. Shoshana Zuboff, L’âge du capitalisme de surveillance, Paris, Zulma, 2020.
  4. Jonathan Durand Folco et Jonathan Martineau, Le capital algorithmique. Accumulation, pouvoir et résistance à l’ère de l’intelligence artificielle, Montréal, Écosociété, 2023.
  5. Conseil de l’innovation du Québec, Prêt pour l’IA. Répondre au défi du développement et du déploiement responsables de l’IA au Québec, rapport, janvier 2024.
  6. Charlotte Mercille, « Le modèle coopératif au service de l’économie de plateforme », Le Devoir, 27 mars 2021.
  7. Erik Olin Wright, Utopies réelles, Paris, La Découverte, 2017.
  8. Ulysse Bergeron, « La vente d’Element AI à une firme américaine suscite la grogne », Le Devoir, 1er décembre 2020.
  9. Pierre Dardot et Christian Laval, Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle, Paris, La Découverte, 2014, p. 15.
  10. Benjamin Coriat (dir.), Le retour des communs. La crise de l’idéologie propriétaire, Paris, Les Liens qui libèrent, 2015.
  11. Yochai Benkler, The Wealth of Networks. How Social Production Transforms Markets and Freedom, New Haven, Yale University Press, 2006 ; Christian Fuchs, « The ethics of the digital commons », Journal of Media Ethics, vol. 35, n° 2, 2020, p. 112-126.
  12. Jane Crawford, Le contre-atlas de l’intelligence artificielle. Les coûts politiques, sociaux et environnementaux de l’IA, Paris, Zulma, 2022.
  13. « The Climate Cost of Big Tech », AI Now Institute, 11 avril 2023.
  14. Durand Folco et Martineau, 2023, op. cit.
  15. Yves-Marie Abraham, Guérir du mal de l’infini. Produire moins, partager plus, décider ensemble, Montréal, Écosociété, 2019.
  16. Kohei Saito, « Marx au soleil levant : le succès d’un communisme décroissant », Terrestres, 17 mars 2023 ; Kohei Saito, Slow Down. The Degrowth Manifesto, New York, Astra House, 2024.
  17. Matt Huber, « The problem with degrowth », Jacobin Magazine, 16 juillet 2023.
  18. Alex Williams et Nick Srnicek, « # ACCELERATE MANIFESTO for an Accelerationist Politics », Rhuthmos, 2013.
  19. Aaron Bastani, Fully Automated Luxury Communism, New York, Verso, 2019.
  20. ADEME, « Les scénarios », Agence de la transition écologique de France, 2021.
  21. Philippe de Grosbois, Les batailles d’Internet. Assauts et résistances à l’ère du capitalisme numérique, Montréal, Écosociété, 2018, p. 23.
  22. Antonio Casilli, En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic, Paris, Seuil, 2019.
  23. Québec solidaire, Changer d’ère, Plateforme électorale de 2022, p. 25.
  24. Satoko Kishimoto, Lavinia Steinfort et Olivier Petitjean, The Future is Public. Towards Democratic Ownership of Public Services, Transnational Institute, 2020.
  25. Société des communs, Regarder notre souveraineté technologique par les communs numériques, Livret 02, 2023, p. 15.
  26. Ibid.
  27. Luis López, « Barcelone envisage de changer Windows pour Linux et les logiciels libres », Linux/UnixAddicts, 2018.
  28. Margaret Hagan, Jameson Dempsey et Jorge Gabriel Jiménez, « A Data Commons for Law », Medium, 2019.
  29. Jessica Leblanc, Gouvernance des données. La fiducie d’utilité sociale, un outil à fort potentiel, Territoires innovants en économie sociale et solidaire (TIESS), 2021, p. 31.
  30. Gary Grossman, « OpenAI drama a reflection of AI’s pivotal moment », VentureBeat, 22 novembre 2023.
  31. Benkler, 2006, op. cit.
  32. Dardot et Laval, 2014, op. cit.
  33. Ben Dickson, « How open-source LLMs are challenging OpenAI, Google, and Microsoft », TechTalks, 2023.
  34. Yash Raj Shrestha, Georg von Krogh et Stefan Feuerriegel, « Building open-source AI », Nature Computational Science, vol. 3, n° 11, 2023, p. 908-911.
  35. Casilli, 2019, op. cit.
  36. Denis Jacquet et Grégoire Leclercq, Uberisation. Un ennemi qui vous veut du bien ?, Paris, Dunod, 2016.
  37. Trebor Scholz, Platform Cooperativism. Challenging the Corporate Sharing Economy, New York, Fondation Rosa Luxemburg, 2016, p. 436.
  38. Evgeny Morozov et Francesca Bria, Rethinking the Smart City. Democratizing Urban Technology, vol. 2, Fondation Rosa Luxemburg, 2018.
  39. Jonathan Durand Folco, À nous la ville! Traité de municipalisme, Montréal, Écosociété, 2017.
  40. Huber, 2023, op. cit.
  41. Williams et Srnicek, 2013, op. cit.
  42. Bastani, 2019, op. cit.
  43. Saito, Marx in the Anthropocene, 2023, op. cit.
  44. Dardot et Laval, 2012, op. cit.
  45. Abraham, 2019, op. cit.
  46. Rob Hopkins, Manuel de transition. De la dépendance au pétrole à la résilience locale, Montréal, Écosociété, 2010.
  47. Martineau et Durand Folco, 2023, op. cit.
  48. Saito, 2024, op. cit.
  49. Saito, « Marx au soleil levant…», 2023, op. cit.
  50. Saito, 2024, op. cit., p. 175.
  51. Jonathan Durand Folco, Ambre Fourrier et Simon Tremblay-Pepin, « Redéfinir démocratiquement les besoins pour planifier l’économie », Politique et Sociétés, vol. 43, n° 2, 2024.
  52. Nancy Fraser, « La lutte pour l’interprétation des besoins. Ébauche d’une théorie critique féministe et socialiste de la culture politique du capitalisme tardif », dans Le féminisme en mouvements. Des années 1960 à l’ère néolibérale, Paris, La Découverte, 2012, p. 75-112.
  53. Martineau et Durand Folco, 2023, op. cit., chap. 19.
  54. ADEME, 2021, op. cit. 

 

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Les temporalités sociales et l’expérience du temps à l’ère du capitalisme algorithmique

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Cet article explore les répercussions des nouvelles technologies algorithmiques à la base de l’intelligence artificielle (IA) sur les temporalités sociales et les rapports individuels et collectifs au temps autour de trois idées principales. Premièrement, le déploiement des technologies algorithmiques brouille la distinction traditionnelle entre temps de travail et temps de loisir. Deuxièmement, et de façon reliée, les technologies algorithmiques accélèrent le temps, en particulier les rythmes de vie. Troisièmement, les algorithmes participent aujourd’hui à la construction sociale des rapports individuels et collectifs au passé, au présent et au futur, et cette base technologique des temporalités sociales sous-tend un régime d’historicité présentiste.[1]

Algorithmes et brouillage des catégories de temps traditionnelles

Depuis la Grèce antique, une distinction s’opère entre deux catégories d’emploi du temps, le temps de la production des nécessités de la vie ou le temps de travail d’un côté, et le temps de loisir de l’autre. Cette distinction traditionnelle des catégories de temps prend plusieurs formes historiques, mais perdure somme toute dans l’histoire. Or, les technologies algorithmiques ont aujourd’hui un impact important sur le temps de travail et le temps de loisir, allant même jusqu’à brouiller cette distinction.

Il faut d’abord examiner les effets des technologies algorithmiques sur les temps de loisir, en débutant avec deux aspects fondamentaux sur le plan historique. D’une part, ce sont largement des temps dits « discrétionnaires », c’est-à-dire des temps qui demeurent sous le contrôle de l’individu, organisés et meublés de pratiques à sa discrétion. D’autre part, et malgré des variations et différences selon les contextes sociohistoriques, on peut néanmoins y voir d’importantes continuités sur la longue durée, notamment le fait que le temps de loisir a été conçu et pratiqué comme une forme de temps « extraéconomique ». En effet, les temps de loisir ne participent généralement pas de la fonction économique de la vie, c’est-à-dire de la production des nécessités, des biens et services qui reproduisent matériellement les corps. Ils se conçoivent et se pratiquent donc à l’écart des pratiques productives, du travail et du marché. Le capitalisme industriel reproduit cette distinction temporelle entre temps des nécessités de la reproduction économique et temps de loisir et la radicalise à plusieurs égards, notamment en la spatialisant. Le travail et son temps sont, dans l’idéal type de la société industrielle, confinés à un espace-temps bien défini : le quart de travail salarié. Le temps de loisir, de son côté, se passe à l’extérieur du lieu de travail, que ce soit à la maison ou dans des lieux où se pratiquent des activités de loisir. Dans ce régime temporel, temps de travail et temps de loisir sont bien distingués et délimités, et le temps de loisir ne produit pas de valeur d’échange. En ce sens, nous avons hérité d’une distinction historique entre temps de travail et temps de loisir où le premier est productif de valeur économique et le deuxième est exempt de tâches productives – souvent d’ailleurs au prix d’une exploitation du travail d’autrui, notamment du travail domestique effectué par les femmes – et peut être consacré à des pratiques de vie bonne et de réalisation de soi, à l’écart de la production et du marché. Nous constatons aujourd’hui, en revanche, une colonisation massive des temps de loisir par le marché, jusqu’à poser la question de la caducité de cette distinction.

L’arrimage du temps de loisir au marché par l’entremise de la consommation est un phénomène qui précède la période contemporaine du capitalisme algorithmique[2]. Autrement dit, les temps de loisir se meublent de pratiques de consommation bien avant les années 2000 et 2010. Ces processus prennent toutefois de l’ampleur aujourd’hui, notamment en raison de la place grandissante et de l’efficacité redoutable des mécanismes de la publicité ciblée que développent les nouvelles technologies algorithmiques dont l’utilisation occupe également les périodes de loisir. Cependant l’arrimage du temps de loisir au marché atteint désormais un nouveau stade à l’ère du capital algorithmique : le temps de loisir, un temps non travaillé et non rémunéré, devient lui-même productif : il produit des données qui, une fois valorisées, participent de l’accumulation du capital. Ce développement est si spectaculaire qu’il oblige à repenser les catégories mêmes de temps – et de valeur – puisqu’il complique grandement la distinction entre temps de travail « productif » et temps de loisir « non productif ».

Pour bien saisir les causes de ces bouleversements, il faut regarder du côté de l’infrastructure technologique du capital algorithmique : la prolifération des écrans d’ordinateur, des tablettes, des téléphones intelligents, des technologies portables, des senseurs, des caméras, des capteurs qui participent non seulement d’une réorganisation du temps de travail, mais plus encore qui exacerbent de façon importante la tendance qu’ont les temps de loisir de se réduire à des « temps d’attention » passés devant l’écran, à des « temps d’écran ». Le temps en ligne et le temps d’écran ont augmenté de façon spectaculaire dans les dernières années, et couvrent maintenant une bonne partie des heures éveillées, travaillées ou non. Par exemple, des données récentes montrent que les Américaines et Américains passent en moyenne jusqu’à 11 heures par jour en interaction avec un média quelconque. Les médias sociaux et les applications de messagerie occupent en moyenne 2 heures et 31 minutes de la journée. Une étude britannique fait état d’une moyenne de 25,1 heures par semaine passées en ligne, deux fois plus qu’il y a dix ans. Le groupe d’âge des 16-24 ans est particulièrement « connecté » à l’Internet via les écrans, passant en moyenne 34 heures par semaine en ligne. Dans ce groupe d’âge, 4 heures par jour en moyenne sont passées à regarder l’écran du téléphone (la moyenne pour tous les adultes est de 2 h 39 min). Certaines des applications les plus populaires captent jusqu’à près d’une heure de temps d’attention par jour en moyenne (58 minutes pour Facebook, 53 minutes pour Instagram)[3]. De plus, ce temps d’attention est effectivement monnayable dans les marchés publicitaires et produit des données qui, une fois traitées, forment un matériau, un actif valorisé par les compagnies comme Google et Meta qui en font la collecte. Par ailleurs, cette extraction dépasse le « temps d’écran » proprement dit, et se poursuit dans nos interactions avec des objets connectés (autos, électroménagers, outils), des applications de toutes sortes (diète, sport, exercices) et notre présence dans des environnements connectés[4].

Il nous reste toujours le temps de sommeil, non ? Là aussi s’insère le capital algorithmique. Comme l’a montré Crary, le temps de sommeil n’est plus le rempart ultime contre l’exploitation/extraction du capital, les technologies numériques selon lui parvenant à déranger le temps de sommeil et à dégager des moments « productifs », par exemple le cellulaire au lit dans des périodes d’éveil nocturne. Des « innovations » se présentent également sur le marché, comme l’appareil « Halo » de la jeune entreprise (startup) américaine PropheticAI qui utilise l’apprentissage machine afin d’induire des états de rêve lucide lorsque l’utilisatrice ou l’utilisateur est en sommeil profond, de façon à « augmenter la productivité nocturne », en permettant par exemple de coder la nuit[5].

Au bout du compte, le temps de travail, le temps de loisir, voire même le temps de sommeil, sont happés par l’appareillage technologique du capital algorithmique[6]. À notre époque, le temps d’attention captif devient la principale catégorie de l’expérience vécue du temps, et l’extraction de données se poursuit dans toutes nos interactions connectées. Le résultat net de ces processus est un arrimage croissant des temps vécus, rémunérés ou non, au marché capitaliste et à l’accumulation du capital algorithmique.

L’accélération algorithmique

Rappelons un paradoxe important dans les études du temps social qui concerne l’accélération des rythmes de vie, un sentiment partagé par une proportion toujours croissante d’individus[7]. Alors que l’expérience qualitative de manquer de temps est largement partagée dans la population, les données quantitatives d’usage du temps font plutôt état d’un rythme de vie assez stable, où indépendamment des qualifications relatives aux différences socioéconomiques, les gens disposent en moyenne d’autant de temps de loisir qu’auparavant, dorment et travaillent en moyenne le même nombre d’heures. Pouvons-nous trouver dans les développements de l’appareillage de captation du temps d’attention du capital algorithmique un facteur explicatif du sentiment d’accélération des rythmes de vie ? Comme nous l’avons vu, cette nouvelle catégorie sociale de temps d’attention passé devant l’écran brouille substantiellement la distinction entre temps de travail et temps de loisir. Ultimement, c’est en occupant une part de plus en plus grande du temps de loisir que le temps d’attention captif de l’écran le dégrade en réduisant le « loisir pur[8] », en multipliant les interruptions, les sollicitations, et en le désorganisant. C’est ainsi que le sentiment d’accélération du rythme de vie se trouve renforcé par cette diminution de la qualité discrétionnaire du temps de loisir par son arrimage aux impératifs et aux pressions du marché.

Rappelons aussi l’argument similaire de Judy Wajcman à propos du temps de travail : les technologies informationnelles le pressurisent également afin de le rendre plus productif, plus intensif, ce qui peut sous-tendre un sentiment d’accélération[9]. Désormais, les technologies algorithmiques et l’IA contribuent à intensifier le temps de travail rémunéré, voire à l’accélérer. Des travaux récents montrent que l’IA n’automatise pas le travail en général, mais automatise et réorganise certaines tâches, en créant par ailleurs pour les humains une série de nouvelles tâches d’entretien et de supervision des algorithmes plus fragmentées, aliénantes, et parfois même non rémunérées[10]. Les technologies algorithmiques au travail ont des répercussions complexes et différenciées sur le travail selon les secteurs et selon les types d’algorithmes et d’IA, mais, de façon générale, elles visent à augmenter la production de survaleur relative et intensifient ainsi le travail[11]. Le temps de travail comme expérience vécue est donc accéléré même si la quantité d’heures travaillées demeure stable, puisque ces heures sont accrues en intensité.

Le temps d’attention est une forme de temps qui peut facilement s’arrimer au temps du marché par la médiation de l’écran et de l’univers des interfaces, plateformes, applications et réseaux sociaux; il peut, sous la logique de pratiques de publicité ciblée, de marketing, de création d’addictions et d’extraction de données, subir la pression des impératifs de productivité, de rapidité, d’efficacité et d’accélération de cette forme de temps du marché. L’arrimage grandissant des temps de loisir au marché et la capture du temps d’attention par l’appareillage addictif du capitalisme algorithmique accélèrent notre temps et l’orientent vers une logique de réalisation de soi fortement liée aux pratiques en ligne de consommation et de socialisation. De plus, les temps de loisir ainsi arrimés au marché sont sujets à diverses formes de désorganisation temporelle, ce qui entraine une perte du contrôle discrétionnaire sur le déroulement des pratiques de loisir. Autrement dit, en s’arrimant au marché et en devenant ainsi un temps économique, le temps de loisir échappe davantage au contrôle de l’individu. Davantage de pressions émanant du marché, comme les incitations à performer, à entretenir son soi numérique, à produire des données, à consommer, à répondre aux messages, à vérifier les notifications entrecoupent le loisir pur et dégradent sa qualité discrétionnaire.

En somme, le capital algorithmique, surtout dans le déploiement de son infrastructure technologique extractive, transforme les catégories sociales de temps et l’expérience vécue du temps, ce qui exacerbe l’accélération sociale et l’aliénation temporelle qui en découle. Les pratiques de vie bonne qui requièrent de longs moments de réflexion, des interactions sociales en personne, le développement d’une technique exigeant beaucoup de temps d’apprentissage, un espace-temps libre des soucis économiques, une adéquation entre les moyens et les fins d’une pratique deviennent en conséquence de plus en plus difficiles à atteindre dans un régime temporel contemporain si peu propice à ce type d’usage du temps et où le loisir pur s’effrite. La qualité temporelle que nécessitent certaines des « pratiques focales » dont parle Albert Borgmann[12], par exemple cuisiner et partager un repas, courir, faire une promenade en forêt, apprendre une langue pour le plaisir est plus difficile d’accès. Meubler nos horaires de pratiques de vie bonne et de temps véritablement libre constitue un défi herculéen à l’ère du capitalisme algorithmique, de la dépendance aux écrans et des sollicitations qui diminuent les vertus discrétionnaires du temps.

Au bout du compte, nous pouvons postuler que les technologies algorithmiques risquent d’alimenter encore plus la dynamique globale d’accélération sociale qui a accompagné la modernité capitaliste depuis ses débuts[13]. En ce sens, il n’y a pas de rupture radicale avec l’avènement de l’intelligence artificielle, des médias sociaux et des technologies numériques; ils ne font que prolonger et intensifier un processus d’accélération qui était déjà en cours depuis des siècles. Ainsi, l’arrivée des machines algorithmiques dans les différents recoins du monde social contribuera encore davantage à l’accélération du rythme de vie. Cela invalide l’hypothèse selon laquelle l’intelligence artificielle pourrait enfin rendre possible l’utopie de la « société des loisirs », comme certaines spéculations qui affirment avec naïveté que ChatGPT va enfin libérer l’humanité du travail. Au lieu de nous libérer du temps, le capitalisme algorithmique va au contraire amplifier l’expérience vécue de « pénurie temporelle », le sentiment que tout va toujours trop vite, que nous sommes constamment sollicités, que nous sommes perpétuellement dépassés par les événements et la marche frénétique du progrès technologique qui semble hors de notre contrôle. Le manque de temps, la multiplication des cas d’épuisement professionnel, mais aussi la cyberdépendance, l’anxiété et autres troubles psychiques associés à la surconsommation numérique constituent diverses formes de pathologies sociales liées au développement du capitalisme contemporain. Le temps éclaté annonce aujourd’hui une nouvelle phase de l’accélération sociale : l’accélération algorithmique.

La construction algorithmique des trois dimensions du rapport au temps

La technique est — et a toujours été — le grand médiateur du rapport au temps sur le plan collectif et individuel. L’organisation sociale du temps s’opère à l’aide d’objets, d’outils, d’appareils et éventuellement de technologies et d’institutions sociales de temps. Le gnomon[14], les calendriers, l’astrolabe, la clepsydre[15], les horloges et montres mécaniques, le temps universel coordonné appuyé sur des horloges atomiques : différentes technologies organisent et institutionnalisent le temps en société, toujours en rapport avec des formes de pouvoir social[16]. Le substrat technologique des relations sociales de temps joue également un rôle déterminant dans l’expérience et la conscience du temps, et l’élaboration de ce que François Hartog appelle les « régimes d’historicité[17] » est toujours en rapport complexe avec ce substrat technologique.

De plus, il est également possible de concevoir la technique elle-même comme une structure mémorielle. Chaque objet technique, et le monde technique en général, est dépositaire d’un savoir-faire, d’une tekhnê[18] humaine, et le monde objectif qui nous entoure est constitué d’une accumulation de mémoire, de rétentions ainsi déposées dans des objets techniques. De même l’écriture, l’art, l’architecture, l’ingénierie, etc. On peut donc voir la technique, ou aujourd’hui la vaste infrastructure technologique qui supporte la vie sociale et individuelle, comme une « structure rétentionnelle » où se loge un savoir, une mémoire collective et un savoir-faire collectif. Le monde technique est en ce sens le passé présent parmi nous, à partir duquel nous construisons le futur[19].

De ce point de vue, la prolifération des technologies algorithmiques aux échelles individuelles et sociales occasionne également une certaine reconfiguration des rapports au temps. Tant sur le plan individuel que collectif, les algorithmes organisent et médiatisent le rapport au passé, au présent et au futur.

Premièrement, l’accès au passé collectif, à la mémoire collective désormais constituée d’une immense structure rétentionnelle informatisée et industrialisée (base de données, serveurs, Internet, etc.) est largement médiatisé par des algorithmes. La vaste numérisation des documents et des supports informationnels qui ont colligé la mémoire collective d’une part importante de l’histoire humaine, couplée à la mise en place de moyens de classement, d’archivage et de recherche d’information algorithmique (moteurs de recherche, mots-clés, base de données numérisées, etc.) font en sorte que des technologies algorithmiques, souvent développées et contrôlées par des entreprises privées dont les opérations sont toujours sujettes à l’attraction gravitationnelle de l’impératif de profit, médiatisent l’accès au passé, à l’information stockée dans ces structures rétentionnelles numérisées, à la mémoire collective. Sur le plan individuel, nous faisons par exemple souvent confiance à Google pour notre accès à l’information, Sur le plan collectif, notre mémoire est désormais accessible selon des programmes informatisés, souvent des technologies algorithmiques, sur lesquelles le public, la démocratie ou encore l’agentivité humaine n’ont que peu de prise réelle.

Deuxièmement, le présent est lui aussi désormais largement construit par les technologies algorithmiques, et ce, sous deux aspects : l’extraction et la « curation[20] ». D’une part, le présent devient un moment extractiviste, c’est-à-dire que la vaste infrastructure d’extraction algorithmique déployée dans toutes les sphères de la vie sociale prélève de chaque instant une immense quantité de données qui forment ensuite un matériau brut qui reproduit l’accumulation du capital algorithmique. De ce point de vue, le présent est réduit à un matériau, à une « ressource première » enregistrée comme données. Le présent algorithmique est ce qui est effectivement extrait, numérisé, enregistré et ensuite stocké dans les structures rétentionnelles informatisées. Ce qui ne l’est pas, « l’événement » dont les points de données ne sont pas extraits/enregistrés par l’infrastructure d’extraction technologique, ne participera pas à la construction de l’expérience d’un présent collectif désormais vécue et médiatisée par les interfaces technologiques[21]. Cette occurrence, cet événement non enregistré tombe dans l’oubli de la temporalité algorithmique.

Cela mène au second aspect de la construction du présent par les technologies algorithmiques : la curation. L’expérience vécue, qu’elle soit individuelle ou collective, est de plus en plus médiatisée par des technologies algorithmiques. Ainsi, cette expérience nous est « présentée » par des interfaces qui organisent le présent « actuel » selon un processus de curation. Prenons par exemple les médias sociaux et les « fils d’actualité » qu’on y retrouve. Ces fils sont une suite d’éléments structurée par un algorithme avec l’impératif de générer du temps d’attention. Ils organisent ce fil d’actualité, ce qui « se passe », tel un présent qui défile sous nos yeux. Ce qui fait partie ou non de ce présent, de cette actualité, est tributaire d’un enregistrement/extraction préalable par des technologies extractives. Ainsi l’expérience individuelle est une interaction avec une actualité, un présent, produit d’un processus d’extraction et de curation algorithmique.

Troisièmement, et sans doute de façon encore plus inquiétante, les technologies algorithmiques construisent un futur… qui est lui-même une répétition du passé. Cette temporalité algorithmique est tributaire de la condition technique même des algorithmes : ce sont des machines à prédire le futur à partir du passé. Plus précisément, les algorithmes sont entrainés à partir de « données massives » extraites des moments présents individuels et collectifs et stockées dans des serveurs. Ces données, traitées par divers processus de travail digital, entrainent les algorithmes à prédire des événements ou des comportements futurs sur la base du contenu des données d’entrainement. Par exemple, la police prédictive entraine des algorithmes de prédiction de crime à partir des données de l’histoire criminelle d’une certaine société[22]. Si cette histoire est marquée par des pratiques policières racistes, la criminalisation de la pauvreté ou encore un système juridico-carcéral discriminatoire, l’algorithme entrainé par ces données « prédira » un risque de récidive plus élevé chez un prévenu racisé et pauvre, ou encore une zone à risque de crime dans des quartiers où vivent des communautés racisées et défavorisées. La surveillance accrue de ces communautés augmente en retour les chances d’y intercepter des activités criminalisées. La prédiction du crime est ici davantage une production de crime, une forme de prophétie autoréalisatrice[23]. La même temporalité de répétition sous-tend la publicité ciblée. L’extraction de données comportementales qui vous identifie comme un consommateur de musique de jazz « prédit » une forte probabilité que vous achetiez des billets pour le prochain spectacle local d’Esperanza Spalding, prédiction dont on peut favoriser l’avènement par des publicités ciblées combinées à des techniques de nudge[24] subtiles et efficaces[25].

Dans cet éternel retour du même, l’algorithme ne fait que refléter l’état probabiliste des choses révélé par ses données d’entrainement. En somme, les algorithmes codifient le passé, et c’est là leur prédiction du futur. En ce sens, le futur algorithmique est une automatisation de la répétition du passé qui exclut la nouveauté, la naissance, l’imprévisible, la « différance » au sens derridien du terme. La temporalité algorithmique constitue ainsi une fermeture tragique de l’horizon temporel humain, une négation de notre agentivité individuelle sur le cours de notre vie et une négation de notre capacité collective à faire l’histoire. C’est une automatisation machinique non pas de la mesure du temps, mais du temps lui-même. En outre, la construction de la temporalité par les algorithmes nous enferme dans la reproduction éternelle de l’accumulation et du pouvoir du capital. Les luttes pour la libération des temps et des espaces de l’emprise du capital algorithmique deviennent dès lors des luttes pour une réappropriation de notre temps.

Nous pouvons donc qualifier la temporalité algorithmique de présentiste[26]. Non pas qu’elle éradique le passé et le futur : elle les construit activement au contraire. L’horizon temporel et les subjectivités temporelles individuelles et collectives sont toutefois absorbés dans ce processus de reconduction, de reproduction d’états de fait passés, codifiés, automatisés et reproduits. Le passé et le futur se fondent ainsi dans un présent hypertrophié qui code le passé et reproduit le présent ad vitam aeternam, où derrière une culture de la vitesse et une soi-disant innovation tous azimuts, c’est l’éternel retour du même qui s’accélère.

Conclusion

La temporalité algorithmique est une construction complexe et multidimensionnelle. Premièrement, elle participe d’une économie politique extractive en arrimant nos temps vécus (travail, loisir, voire sommeil) aux mécanismes d’extraction de données qui alimentent l’accumulation du capital. Deuxièmement, les algorithmes sont des accélérateurs du temps social, surtout au niveau technique de l’optimisation des processus mécaniques, et sur le plan de l’accélération des rythmes de vie en déqualifiant les temps de loisir et en soumettant de plus en plus les temps vécus, sous la forme de temps d’attention captif, aux pressions et impératifs du marché capitaliste. Troisièmement, les technologies algorithmiques construisent un rapport au passé, au présent et au futur qui nie de façon fondamentale l’agentivité individuelle et collective et le contrôle que nous pouvons exercer sur notre vie et sur nos futurs collectifs.

L’idéologie des élites technologiques de la Silicon Valley s’approprie le futur en déployant de grands récits autour des intelligences artificielles générales, des risques existentiels, de techno-utopies cosmistes, extropianistes, longtermistes et transhumanistes, où tous les problèmes sociaux se solutionnent à terme par l’IA, où la technologie sauve le monde et nous promet des lendemains chantants, prospères, heureux, voire intergalactiques[27]. Cet imaginaire futuriste cache en fait une temporalité profondément présentiste et récurrente, où le futur est la reproduction du pouvoir actuel d’une élite technocapitaliste, de l’actuel développement technologique effréné et aveugle, et de la fermeture d’horizons temporels alternatifs, technosobres, low-tech, conviviaux, décroissancistes et postcapitalistes. Devant ce constat, il s’agit de lutter afin de libérer des temps et des espaces individuels et collectifs de l’horizon du capital algorithmique, bloquer les mécanismes d’accumulation du capital algorithmique, fonder et alimenter des modes d’organisation alternatifs technosobres et non capitalistes et ainsi se réapproprier nos temps.

Par Jonathan Martineau, professeur adjoint au Liberal Arts College de l’Université Concordia


  1. Cet article reproduit, condense et développe plus avant des idées et des passages des publications suivantes : Jonathan Martineau, « Du rapport au temps contemporain : l’accélération de l’histoire et le présentisme, entre historicité et temporalité », Philosophiques, vol. 50, no 1, 2023, p. 175‑89 ; Jonathan Martineau et Jonathan Durand Folco, Le capital algorithmique. Accumulation, pouvoir et résistance à l’ère de l’intelligence artificielle, Montréal, Écosociété, 2023 ; Jonathan Martineau et Jonathan Durand Folco, « Paradoxe de l’accélération des rythmes de vie et capitalisme contemporain : les catégories sociales de temps à l’ère des technologies algorithmiques », Politique et Sociétés, vol. 42, no 3, 2023. Je remercie Écosociété pour la permission de reproduire ici des passages, de les résumer ou les développer davantage. Je réfère les lecteurs et lectrices à ces travaux pour approfondir les thèses présentées ici et pour consulter des listes de références détaillées.
  2. Martineau et Durand Folco, Le capital algorithmique, 2023, op. cit.
  3. Charles Hymas, « A decade of smartphones : we now spend an entire day every week online », The Telegraph, 2 août 2018 ; Charles Hymas, « A fifth of 16-24 year olds spend more than seven hours a day online every day of the week, exclusive Ofcom figures reveal », The Telegraph, 11 août 2018 ; BroadbandSearch, Average time spent daily on social media (latest 2020 data), 7 février 2023 ; Dave Chaffey, Global social media statistics research summary 2023, 7 juin 2023 ; Ashley Rodriguez, « Americans are now spending 11 hours each day consuming media », Quartz, 31 juillet 2018 ; Ofcom, Adults’ Media Use & Attitudes. Report 2020 , 24 juin 2020.
  4. Shoshana Zuboff, L’âge du capitalisme de surveillance, Paris, Zulma, 2022.
  5. Jonathan Crary, 24/7. Late Capitalism and the Ends of Sleep, Londres, Verso, 2014 ; Marcus Dupont-Besnard, « Cet appareil neural est sorti de Black Mirror. Objectif : travailler en dormant », Numerama, 5 décembre 2023.
  6. Pour un examen de la colonisation du temps de la reproduction sociale par le capital algorithmique, voir la thèse 6 de Martineau et Durand Folco, Le capital algorithmique, 2023, op. cit. ; voir aussi Jonathan Martineau et Jonathan Durand Folco, « The AI fix ? Algorithmic capitalism and social reproduction », Spectre, no 8, automne 2023.
  7. John P. Robinson et Geoffrey Godbey, Time for Life, University Park, Pennsylvania State University Press, 2008 ; Hartmut Rosa, Aliénation et accélération. Vers une théorie critique de la modernité tardive, Paris, La Découverte, 2012.
  8. Le « loisir pur » désigne un temps sous la discrétion et le contrôle du sujet, continu, meublé d’une pratique de vie bonne telle que définie et voulue par le sujet.
  9. Judy Wajcman, Pressed for Time. The Acceleration of Life in Digital Capitalism, Chicago, The University of Chicago Press, 2014.
  10. Antonio A. Casilli, En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic, Paris, Seuil, 2019 ; Mary L. Gray et Siddharth Suri, Ghost Work. How to Stop Silicon Valley from Building a New Global Underclass, Boston, Houghton Mifflin Harcourt, 2019.
  11. Aaron Benanav, Automation and the Future of Work, Londres/New York, Verso, 2020; Wajcman, op. cit..
  12. Albert Borgmann, « Focal things and practices », dans Craig Hanks (dir.), Technology and Values. Essential Readings, Hoboken, Wiley-Blackwell, 2010.
  13. Rosa, Aliénation et accélération, 2012, op. cit.
  14. Cadran solaire rudimentaire composé d’une tige verticale dont l’ombre se projette sur une surface horizontale.
  15. Horloge à eau utilisée dans l’Antiquité.
  16. Jonathan Martineau, L’ère du temps. Modernité capitaliste et aliénation temporelle, Montréal, Lux, 2017.
  17. François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2015.
  18. NDLR. Mot grec signifiant art, artisanat, métier.
  19. Bernard Stiegler, La technique et le temps, Paris, Fayard, 2018.
  20. NDLR. Curation : sélection et mise en valeur de données, de contenus.
  21. Stiegler, op. cit.
  22. Andrew G. Ferguson, The Rise of Big Data Policing. Surveillance, Race, and the Future of Law Enforcement, New York, New York University Press, 2017.
  23. Ruha Benjamin, Race After Technology, Medford (MA), Polity Press, 2019.
  24. Cet anglicisme désigne un outil conçu pour modifier nos comportements au quotidien, sous la forme d’une incitation discrète. Il se traduit littéralement en français par « coup de coude » ou « coup de pouce ».
  25. Karen Yeung et Martin Lodge (dir.), Algorithmic Regulation, New York, Oxford University Press, 2019.
  26. Hartog, Régimes d’historicité, 2015, op. cit.; Christophe Bouton, L’accélération de l’histoire. Des Lumières à l’Anthropocène, Paris, Seuil, 2022 ; Martineau, « Du rapport au temps contemporain…», 2023, op. cit.
  27. Voir Émile P. Torres, « TESCREALism : The Acronym Behind Our Wildest AI Dreams and Nightmares », Truthdig, 15 juin 2023.

 

Venezuela : le peuple sait ce qui s’est passé – texte collectif

4 septembre, par Collectif
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Texte collectif – traduit par Johan Wallengren Aujourd’hui, un mois après le raz-de-marée électoral qui a débouché, le 28 juillet, sur le choix d’un président, la démocratie au Venezuela semble être suspendue pour une période indéterminée. On veut interdire la vérité. Le pouvoir a fait son lit (…)

Delhi : grève dans le taxi contre Uber et Ola

3 septembre, par Stage Été 2024 Alternatives
Anne-Florence Maranda, stagiaire d’Alternatives en Inde Le 22 et 23 août dernier, près de 400 000 syndiqué.es du taxi se sont rassemblé.es et mobilisé.es afin d’organiser une (…)

Anne-Florence Maranda, stagiaire d’Alternatives en Inde Le 22 et 23 août dernier, près de 400 000 syndiqué.es du taxi se sont rassemblé.es et mobilisé.es afin d’organiser une grève à grande échelle contre des services comme Uber et Ola à Delhi. Les 15 syndicats qui les représentent condamnent (…)

Le Comité d’accueil populaire se mobilise à l’occasion du caucus de la CAQ à Rimouski

3 septembre, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local La Coalition Avenir Québec (CAQ) a choisi Rimouski pour tenir son caucus pré-sessionnel, un événement qui survient (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local La Coalition Avenir Québec (CAQ) a choisi Rimouski pour tenir son caucus pré-sessionnel, un événement qui survient dans un contexte marqué par une série de crises touchant la société québécoise. En effet, la population fait face à une (…)

Tunisie : la baie de Monastir ne sent pas la rose

3 septembre, par Stage Été 2024 Alternatives
Marie-Ève Riel, stagiaire d’Alternatives en Tunisie L’une des zones côtières les plus importantes en Tunisie est désormais marquée par des odeurs d’œufs pourris, de poissons (…)

Marie-Ève Riel, stagiaire d’Alternatives en Tunisie L’une des zones côtières les plus importantes en Tunisie est désormais marquée par des odeurs d’œufs pourris, de poissons morts, d’algues vertes toxiques et de marées de boues. Actuellement, le golfe de Monastir est devenu une préoccupation (…)

Vidéo de l’IRIS sur le projet de loi 69

3 septembre, par Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS) — , ,
Dès le dépot du projet de loi 69, l'IRIS a organisé une discussion sur le projet de loi 69, Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques et modifiant (…)

Dès le dépot du projet de loi 69, l'IRIS a organisé une discussion sur le projet de loi 69, Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives.

Ce projet de loi a été présenté par M. Pierre GFitzgibbon, ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie.

Voici la vidéo de cette discussion réalisée en juin 2024 qui nous permet de comprendre les tenants et aboutissants de ce projet de loi et des intentions de gouvernement Legault.

Grande manifestation pour la suite du monde partout au Québec

3 septembre, par Pour la suite du monde — ,
Le mouvement Pour la suite du monde lance un appel à l'action et à la mobilisation à travers le Québec le 27 septembre prochain afin d'exiger la mise en place d'actions (…)

Le mouvement Pour la suite du monde lance un appel à l'action et à la mobilisation à travers le Québec le 27 septembre prochain afin d'exiger la mise en place d'actions concrètes en faveur de la transition sociale et environnementale.

Depuis plusieurs années, la société civile québécoise étudie, documente, consulte, se concerte et s'entend sur des principes et des actions pour réaliser et mettre en œuvre cette transition.

À l'inverse, le gouvernement ne veut rien entendre, navigue sans planification adéquate, ni direction claire. C'est de ce ras-le-bol qu'est né notre mouvement.

👉 Nous demandons un dialogue social pour mettre en oeuvre une véritable transition écologique et sociale, car c'est ensemble que nous pourrons construire le Québec de demain.

Les décideurs sont en mesure de faire des choix courageux pour mener la société vers un avenir plus sécuritaire, écologique et juste.

Il est temps de créer un rapport de force et de reprendre le pouvoir d'agir sur l'avenir du Québec.

💪📢 Sortons dans les rues le 27 septembre pour exiger une véritable transition écologique et sociale !

Montréal : https://www.facebook.com/share/8PtixWhJRRSBnu4f/
Québec : https://www.facebook.com/share/RvQLEocynacEX9Uk/
Joliette : https://fb.me/e/1y9dZ2dn7
Sherbrooke : https://www.facebook.com/share/tRhVeGu7JRgfRs1r/
Gaspé : https://www.facebook.com/events/7825597804230297/
Saint-Jérôme : https://www.facebook.com/share/71H3zBhWBoHMAD85/

Plusieurs manifestations auront lieu partout au Québec. Restez à l'affût !
Visitez notre site web : pourlasuitedumonde.ca


Dialogue difficile avec le gouvernement Legault sur la transition sociale et environnementale : 50 organisations appellent à manifester le 27 septembre

MONTRÉAL, le 29 août 2024 - Les représentant-e-s de 50 organisations de la société civile appellent la population à manifester dans les rues l e 27 septembre prochain pour dénoncer un dialogue difficile avec le gouvernement Legault et des avancées trop lentes et insuffisantes en matière de transition sociale et environnementale. Selon elles et eux, « les décisions prises en vase clos ne peuvent plus continuer ».

Lors du lancement du mouvement Pour la suite du monde le 22 mai dernier, les partenaires ont sollicité une rencontre avec le gouvernement québécois afin de réclamer la mise en place d'actions concrètes en faveur d'une véritable transition sociale et environnementale. Cet appel à une plus grande participation démocratique dans la prise de décision demeure encore à ce jour sans réponse de la part du gouvernement Legault.

Une politique menée à tâtons

En plus de ne pas répondre à cette demande de dialogue, le gouvernement du Québec refuse de prendre acte de l'urgence d'agir dans plusieurs domaines, en plus de poursuivre un agenda législatif et économique parfois incompatible avec ses obligations environnementales.

La procrastination dans le dossier du caribou, un projet de loi sur l'exploitation minière qui effleure à peine les demandes de la société civile, un projet de loi sur l'énergie au service d'une politique industrielle aux visées imprécises et qui ne répond pas pleinement aux besoins de décarbonation, le manque de financement pour les réseaux de transport collectifs existants sont tous des symptômes du manque de dialogue avec la société civile et d'écoute envers les solutions concrètes promues par celle-ci.

Des solutions prêtes à mettre en oeuvre

Les signaux sont tous au rouge : un autre été catastrophique, marqué par des épisodes de pluies diluviennes dévastatrices, des records de température élevée, des feux de forêt incontrôlables et leurs conséquences sur nos activités quotidiennes, notre économie et notre santé. Dans ce contexte, la société civile mobilisée affiche aujourd'hui un front uni afin d'appeler le gouvernement Legault à mettre en place les solutions avancées par nos organisations pour accélérer la transition sociale et environnementale et adapter le Québec aux défis de demain.

Depuis le 22 mai dernier, le mouvement a accueilli en son sein une dizaine de nouvelles organisations, portant le nombre de partenaires représentés à plus de 50. Leur appel à un véritable dialogue avec le gouvernement se fera entendre le 27 septembre prochain lors de la grande journée de mobilisation qui s'organise à travers la province. La population est invitée à descendre dans la rue afin de joindre sa voix à celle des organisations membres.

Des manifestations sont actuellement prévues à Montréal, Québec, Sherbrooke, Joliette, Gaspé, Saint-Jérôme et Nicolet. D'autres villes s'ajouteront à la liste prochainement.

Ce qu'ils et elles en disent

« Si nous voulons réellement diminuer nos émissions de GES de façon significative, on ne peut pas miser seulement sur un projet de la filière batterie : il faut mettre en place plusieurs projets structurels et collectifs qui touchent à l'ensemble des sphères de la société. Il est grand temps de donner un coup de barre si on veut réduire l'impact négatif des changements climatiques. Les travailleuses et les travailleurs du Québec demandent formellement aux gouvernements du Québec et du Canada d'enfin mettre en place un plan clair et un financement suffisant pour s'assurer d'une vraie transition écologique et sociale qui ne laisse personne derrière. » affirment les organisations du secteur syndical.

« Notre système économique basé sur l'extraction débridée de ressources naturelles, le gaspillage et la destruction du vivant est à transformer. Il est urgent de réapprendre à vivre en harmonie avec la nature, en s'éloignant de cette logique nocive et dangereuse de croissance infinie. Nous devons décider ensemble de notre avenir commun afin de faire face aux enjeux socio-environnementaux auxquels nous sommes confrontés. C'est pourquoi les gouvernements doivent écouter la société civile, mettre en œuvre les solutions qui existent déjà, et agir sans plus tarder pour une transition socioécologique qui nous permettra de vivre collectivement en sécurité et en santé. »
- Thibault Rehn, Vigilance OGM, représentant du secteur environnemental

« Cela fait des années que le mouvement communautaire tire la sonnette d'alarme devant un filet social québécois qui s'évapore à vitesse grand V. En y ajoutant les impacts dévastateurs de la crise climatique et celle de la biodiversité sur les populations que nous soutenons au quotidien, l'accroissement des injustices et des inégalités s'accélère et nous fait craindre le pire pour notre futur collectif. Enclencher une transition écologique juste et respectueuse des droits humains, c'est ne laisser personne derrière, surtout pas les plus vulnérables. »
- Claudia Fiore-Leduc, Réseau québécois pour l'action communautaire autonome, représentante du secteur communautaire

« L'avenir de notre planète ne doit pas reposer uniquement sur les épaules de la jeunesse. La crise climatique concerne tout le monde. Face à l'inaction des gouvernements, nous avons besoin de l'engagement et de la mobilisation de chaque personne citoyenne pour faire face à ce défi crucial. Les autorités doivent assumer leurs responsabilités et prendre des mesures concrètes pour assurer un avenir durable pour toutes et tous. »
- Marie Maltais, étudiante, représentante du secteur jeunesse

« De plus en plus de gens se rendent compte des liens étroits entre la santé environnementale et la santé humaine, de même qu'avec la justice sociale, et l'acceptabilité sociale des projets y est d'ailleurs aussi de plus en plus associée. Le gouvernement québécois doit enfin entendre et prendre en compte les solutions qui sont discutées dans la société civile, par rapport aux possibilités et aux importants bénéfices qu'elles comportent. Pour la santé de tous et toutes, à travers tout le Québec - citoyen.ne.s, patient.e.s et professionnel.le.s de la santé, et même de notre économie, de concert avec une réduction des coûts de notre système de santé. »
- Patricia Clermont de l' Association québécoise des médecins pour l'environnement, représentante du secteur de la santé

« Que le veuille ou non le gouvernement actuel, la transition socio-écologique est inévitable. Les limites planétaires et sociales ont été atteintes et notre système économique actuel ne fonctionne que pour une minorité d'individus. Un changement de logique économique est donc essentiel, mais surtout possible. Au Québec, des modèles économiques qui prennent soin à la fois des personnes et de la planète existent et sont déjà bien ancrés. Le gouvernement doit reconnaître et soutenir les secteurs, les entreprises et la diversité de personnes qui travaillent à absorber les chocs des changements climatiques et à réduire notre empreinte carbone. Parce qu'une transition peut seulement fonctionner si tout le monde fait partie de la solution. »
- Julie McClatchie, Oxfam-Québec, représentante du secteur de l' économie

« Nous subissons aujourd'hui la dépossession tranquille de nos meilleurs acquis économiques, sociaux et environnementaux. Le gouvernement du Québec n'a aucune vision structurante de la transition écologique et il continue de se préoccuper davantage des profits des multinationales que de la protection de nos joyaux naturels et du bien commun. Les Québécoises et Québécois n'ont certainement pas voté pour ça. »
- Louise Morand, Regroupement Vigilance Énergie Québec, représentante des regroupements citoyens

« La démocratie et la participation citoyenne devraient être au cœur de la transition énergétique, sociale et écologique. Le refus massif d'un trop grand nombre d'élus de tous les paliers, mais particulièrement du palier municipal, d'impliquer activement la population dans les décisions à prendre témoigne d'un manque de volonté politique et de vision pour notre avenir collectif. »
- Rachel Fahlman, porte-parole du regroupement d'élu.e.s municipaux Vent d'élus

Le Québec fait face à des décisions importantes. Il est impératif que les décisions ne soient pas prises derrière des portes closes, mais plutôt en collaboration et en dialogue avec la société civile pour que cette transition sociale et environnementale nécessaire se fasse au bénéfice de tous et toutes.

L'ensemble des mobilisations sont répertoriées sur le site Pourlasuitedumonde.ca .

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SOURCE Collectif Pour la suite du monde

Anthony Côté-Leduc, acoteleduc@equiterre.org, (514) 605-2000

Gabriel Danis, danis.gabriel@lacsq.org, (514) 219-1485

À propos du Collectif pour la suite du monde

Nous sommes un mouvement réunissant des organisations syndicales, environnementales, de santé, communautaires, étudiantes, économiques ainsi que des collectifs citoyens et d'élus autour d'une vision démocratique de la transition environnementale et sociale.

À travers diverses actions, nous nous mobilisons afin de forcer nos gouvernements à mettre en place des solutions démocratiques porteuses de justice sociale et environnementale.

Notre mouvement rassemble une cinquantaine d'organisations, représentant plus de deux millions de personnes.

https://pourlasuitedumonde.ca/

Organisations du mouvement Pour la suite du monde

Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), AREQ - Le mouvement des personnes retraitées CSQ, Association québécoise des médecins pour l'environnement (AQME), Attac Québec, Centrale des syndicats démocratiques (CSD), Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Chantier de l'économie sociale, Coalition Alerte à l'Enfouissement RDN (CAER), Coalition Québec meilleure mine, Coalition Québécoise des lacs incompatibles avec l'activité minière (QLAIM), Coalition Verte / Green Coalition , Confédération des syndicats nationaux (CSN), Cyclo Nord-Sud, Demain Verdun, Eau Secours, ENvironnement JEUnesse, Équiterre, Fédération autonome de l'enseignement (FAE), Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ), Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec-FIQ, Fondation David Suzuki, Fondation Monique-Fitz-Back, Fondation Rivières, Front commun pour la transition énergétique, Greenpeace Canada, La planète s'invite au parlement, L'Assomption en Transition, Les ami.e.s de la Forêt du lac Jérôme, sa rivière, son ruisseau, ses milieux humides et ses sentiers, Les oubliés de l'autobus, Mères au front, Mouvement d'action régional en environnement (MARE), Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec (MÉPACQ), Mouvement Démocratie Nouvelle, Nature Québec, Oxfam Québec, Réalité climatique Canada, Regroupement écocitoyen de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, Regroupement Vigilance Énergie Québec (RVÉQ), Réseau québécois de l'action communautaire autonome (RQ-ACA), Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE), Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec), Solidarité pour l'environnement à Sutton (SES), Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec, Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, Table de pastorale sociale des diocèses catholiques du Québec, Travailleuses et travailleurs pour la justice climatique (TJC), Union étudiante du Québec (UEQ), Vigilance OGM, Vent d'élus.

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De la filière batterie au Plan d’ action 2035 et au projet de loi 69

3 septembre, par Marc Bonhomme — ,
Si ni la réduction de GES ni la création d'emploi ne sont les buts réels du développement de la filière batterie tout en profitant d'abord et avant tout aux transnationales (…)

Si ni la réduction de GES ni la création d'emploi ne sont les buts réels du développement de la filière batterie tout en profitant d'abord et avant tout aux transnationales hors Québec, comme on l'a constaté dans l' article précédent portant sur l'analyse de la filière batterie, qu'est-ce qui motive l'engouement des gouvernements ? La loi 69 « pour moderniser les lois entourant l'énergie » en fournit la clef. Avant d'y arriver, il faut cependant passer par la médiation du « Plan d'action 2035 » d'Hydro-Québec indispensable à la réalisation de la filière batterie :

Hydro-Québec a dévoilé [au début novembre 2023] son « Plan d'action 2035 – Vers un Québec décarboné et prospère », qui prévoit des investissements sans précédent de 155 à 185 milliards de dollars d'ici 2035, soit une moyenne annuelle de 12 à 16 milliards de dollars. Cela équivaut aussi à des investissements 50 % plus élevés, en dollars constants de 2023, que lors des années de développement de la Baie-James.
Uniquement pour « répondre à la croissance de la demande », qui serait appelée à doubler à l'horizon 2050, la société d'État prévoit investir dans un premier temps de 90 à 110 milliards de dollars au cours des 12 prochaines années. Ces sommes sont nécessaires pour ajouter de 8000 à 9000 mégawatts (MW) de puissance au cours de cette période…
L'énergie éolienne sera aussi appelée à jouer un rôle beaucoup plus important dans la province, puisque la société d'État prévoit « tripler la production » d'ici 2035, afin d'ajouter 10 000 MW de nouvelles capacités éoliennes…
Au-delà de la consommation en forte croissance, la société d'État souhaite « doubler les économies d'énergie » afin d'atteindre 3500 MW d'ici 2035.
Dans ce contexte, la filière solaire devrait faire partie du paysage énergétique du Québec dans les prochaines années, tout comme le développement de la capacité de stockage de l'énergie produite.

Si les principaux bénéficiaires de la filière batterie sont les transnationales étrangères, l e Plan d'action 2035 devrait réserver aux entreprises québécoises une meilleure place. L'entreprise privée québécoise s'est taillé un bon créneau dans la génération de l'énergie éolienne qui occupe en ce moment une modeste part de la génération de l'électricité québécoise, le tout gracieuseté des client d'Hydro- Québec qui, selon l'IREC, « [d]epuis 2009, […] ont payé plus de 6,09 G$ pour la priorité accordée au développement de la filière éolienne par des investisseurs privés. » D'ajouter le chercheur de l'IREC :

« Depuis vingt-cinq ans, on a créé les conditions d'une éventuelle privatisation de la production d'électricité au Québec. C'est exactement le modèle qui a été mis en place au tournant des années 2000 quand on s'est conformé à l'ALENA dans le but d'exporter notre électricité. En ce moment, on est à un point tournant. La privatisation c'est maintenant que ça se passe ».

Une hausse inévitable du coût due à la rente propre aux ressources naturelles

Le projet de loi 69, déposé en juin 2024 comme plat principal du menu automnal de l'Assemblée nationale, ouvre la voie royale à la privatisation. De dire un titre du journal Les Affaires : « Projet de loi 69 : « c'est Noël » pour des PME » même si le Conseil du patronat s'inquiète de l'inévitable hausse des coûts de l'électricité pour l'entreprise privée :

Ce sont justement ces coûts qui inquiètent les entreprises. « On sous-entend qu'une hausse des tarifs d'électricité est inévitable pour les clients commerciaux et industriels, ce qui risque de miner leur compétitivité », a signifié Norma Kozhaya, vice-présidente à la recherche et économiste en chef au Conseil du patronat, par voie de communiqué. […] Mathieu Lavigne déplore qu'on traite encore différemment les clients résidentiels et commerciaux. En effet, Québec compte protéger les clients résidentiels, mais pas les commerces et les industries.

En effet, étant donné qu'en matière de ressources naturelles les meilleurs sites sont développés avant les moins rentables, le coût marginal des nouveaux projets, qui seront nombreux, sera mathématiquement supérieur au coût moyen « patrimonial » et que, politiquement parlant même pour la CAQ, il y a des limites à refiler la facture aux ménages qui historiquement ont pris pour acquis que l'hydroélectricité bon marché reste une conquête populaire de la « révolution tranquille » des années 60- 70. C'est ce qui explique la surprenante mansuétude du projet de loi 69 qui limite, sur l'horizon électoraliste de la prochaine élection, à 3% l'an les hausses de tarifs pour les ménages… quitte à mettre à contribution le gouvernement pour compenser Hydro-Québec. Cependant, « le projet de loi pointe vers une hausse tarifaire supérieure à 3 % et l'imposition de la tarification dynamique à partir de 2026, ce qui rend le sort des consommateurs incertain au-delà de cet horizon […car l]e projet de loi se contente d'énoncer que le gouvernement doit déterminer les modalités du programme… »

La privatisation par les contrats, la sous-traitance et des décisions centralisées

À cette exception près, la loi 69 encadrant le plan d'action 2035, sur cette lancée du libre-échange depuis le début du millénaire, donne un « [c]oup de barre pour le privé » comme le sous-titre Le Devoir :

... le projet de loi confie par ailleurs aux producteurs privés d'électricité le droit de distribuer leurs surplus d'énergie à un autre client situé « sur un emplacement adjacent [à leur] site de production ». …la réforme énergétique du ministre Fitzgibbon prévoit autoriser Hydro-Québec à se départir de davantage de ses centrales hydroélectriques au profit de petits intervenants, comme les municipalités ou les communautés autochtones. Si le projet de loi est adopté tel quel, la société d'État aura le droit de louer des installations hydroélectriques d'une capacité allant jusqu'à 100 mégawatts. M. Fitzgibbon souhaite ainsi qu'Hydro « focalise sur les gros projets » de barrages en laissant le contrôle des moyennes et des petites centrales à d'autres.

En ce qui concerne l'importante production éolienne prévue, jusqu'ici assurée grassement par l'entreprise privée en association avec les municipalités, la nouvelle donne des gigantesques parcs éoliens en régions éloignées dépasse la capacité des moyennes entreprises privées limitées aux modestes projets en zones habitées près des lignes de distribution d'Hydro-Québec, ce qui met à leur disposition toutes les infrastructures routières et distributives nécessaires à la rentabilité faramineuse de leurs projets. L'envers de la médaille est l'acceptabilité sociale qui fait de plus en plus défaut malgré l'appui intéressé des maires. La méthode nouvelle sera d'associer à Hydro-Québec, à parts égales, les peuples autochtones et les quelques municipalités blanches concernées dans ces zones nordiques. Comme ces peuples n'ont aucune expertise en développement éolien ni les fonds requis pour s'associer à la propriété de ces parcs, il leur faudra s'adresser au capital financier et aux entreprises expertes pour aller de l'avant, le tout garanti par Hydro-Québec ou directement par le gouvernement :

Le premier « méga-parc » éolien d'Hydro-Québec se déploiera au Saguenay–Lac- Saint-Jean, […]. Le projet, qui sera le deuxième en importance au monde, s'étendra sur un territoire équivalant à 13 fois l'île de Montréal.

Les deux communautés autochtones et la MRC seront partenaires et actionnaires du projet éolien, dont l'investissement est estimé à 9 milliards de dollars. Les participations seront réparties de manière égale entre les partenaires communautaires et Hydro-Québec, peut-on lire dans le communiqué de presse commun qui sera rendu public mercredi matin.
Le chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, a partagé ses doutes à propos de la capacité [financière] des communautés à investir dans de tels projets. Chaque communauté actionnaire devrait mettre sur la table des centaines de millions de dollars. Les communautés ne sont pas au niveau de l'industrie, il faudrait assurer une mise à niveau sur le plan du capital, croit Ghislain Picard, évoquant la possibilité de créer un fonds spécial qui pourrait être mis en œuvre par le gouvernement, où les communautés pourraient investir.

Cette percée prévue du privé ne s'accomplira pas par l'intermédiaire du spontanéisme du libre marché mais par la centralisation du pouvoir aux mains du super-ministre de l'Économie libéré du processus des appels d'offre :

Le projet de loi confie également au ministre la tâche d'établir et de mettre en œuvre un plan de gestion intégré des ressources, sorte de feuille de route pour l'atteinte des objectifs de carboneutralité en 2050.
Le projet de loi 69 vise aussi à retirer l'obligation, pour Hydro-Québec, de procéder par appels d'offres pour ses contrats d'approvisionnement en électricité.

L' enjeu clef : moins l' imposée privatisation que la « sobriété » esquivée

Les critiques n'ont pas tardé divisant le lot entre celles modérées et les autres plus radicales. Le plus surprenant, côté syndical, est la différence entre la FTQ qui regroupe la grande majorité des personnes syndiquées cols bleus, dont celles d'UNIFOR syndiquant des entreprises et celles de la construction, et le SCFP, membre de la FTQ, qui syndique les personnes employées par Hydro-Québec. Si la FTQ évoque des craintes vis-à-vis la centralisation et la privatisation, elle « compte bien participer au processus de consultation dans un esprit positif… ». Le SCFP parle plutôt d' un « pas de recul gigantesque pour les personnes citoyennes du Québec. » Il précise que « nous assistons à une avancée pour les entreprises privées et les fonds d'investissement [et que] la tarification dynamique, mise en place à partir du 1 er avril 2026, est une mesure régressive qui pénalisera les ménages à faible revenu. » De cette critique émane quelques timides éléments concrets d'une politique alternative : « Le SCFP estime que des efforts devraient plutôt être faits pour l'efficacité énergétique. […] « Diminuons la demande résidentielle, commerciale et institutionnelle en améliorant la performance des équipements de chauffage et de l'éclairage… » Quant à la critique de la CSN, elle navigue entre les deux positions.

Parmi les autres organisations membres du Front commun pour la transition énergétique, plusieurs se situent dans le camp des modérées à la FTQ mais d'autres comme Greenpeace, l'IRIS, le Réseau vigilance énergie Québec (RVÉQ) prennent des positions plus tranchées.Greenpeace ne craint pas, au-delà de l'enjeu de la privatisation, de poser l'enjeu fondamental de la sobriété :

« La proposition du ministre Fitzgibbon est inquiétante à plusieurs égards, car elle menace la décarbonation du Québec et ouvre toute grande la porte à une plus grande privatisation de l'électricité au Québec. Alors que la sobriété énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre de l'économie actuelle devraient être les priorités absolues, le ministre met la table pour augmenter la production d'électricité en vue d'alimenter de nouvelles industries qui vampiriseront des mégawatts qui ne seront pas disponibles pour se libérer des hydrocarbures.

Soulignons la prise de position d'Équiterrehttps://www.equiterre.org/fr/articl..., pourtant habituellement fort modéré, qui met le doigt sur la contradiction clef du projet de loi 69 sans toutefois suggérer des alternatives : « …le gouvernement parle des deux côtés de la bouche. Le ministre souligne l'importance de la sobriété et de la diminution de la consommation, mais l'objectif réel c'est d'accélérer la production énergétique. […] le projet de loi est clair : c'est la politique cadre sur les changements climatiques qui devra s'ajuster au plan intégré des ressources et non l'inverse. » Le RVÉQ va dans le même sens mais en plus invoque l'enjeu démocratique :

Une nécessité de décarboner la société québécoise doit être la priorité, mais il semble encore une fois que le développement de l'industrie soit le moteur de la réforme proposée. Une décarbonation ne doit pas être articulée uniquement sur une production supplémentaire d'énergie, il est essentiel que des programmes d'efficacité et de sobriété énergétique soient mis de l'avant. Dans le projet de loi présenté il est question d'efficacité énergétique et de gestion de la demande, mais cela semble référer à des mesures ponctuelles et rien en termes de vision d'ensemble. Quant au mot « sobriété » il n'apparaît nulle part.
Autre considération, aller vite c'est aussi consulter qu'en surface et surtout ne pas permettre à la population plus large de prendre part au débat, c'est un déni de démocratie. Au gouvernement nous décidons, ils payeront, c'est l'idée générale. La transition énergétique est une chose trop sérieuse pour la laisser entre les mains d'un seul ministre, c'est une transformation profonde qui demande l'assentiment de la majorité de la population pour que le mouvement soit compris et accepté par la majorité
.

Notons que dans le même sens que le RVÉQ, l'Union des municipalités du Québec « a demandé que les citoyens soient activement impliqués dans la planification de cette transition énergétique. » Comme quoi « développement de l'industrie » rime avec autoritarisme (centralisation) le moyen terme étant la privatisation comme le souligne l'IRIS qui fait le lien avec l'austérité :

Le projet de loi déposé aujourd'hui, dont l'objectif est de transformer le cadre réglementaire entourant la distribution et la production d'électricité au Québec de manière à attirer des investissements privés, s'inspire du modèle développé en Alberta. Dans cette province, le secteur de l'électricité est libéralisé, c'est-à-dire que la production et la distribution sont contrôlées par des entreprises privées, à l'instar de l'époque pré-nationalisation au Québec. […] Le but est d'accroître la production d'électricité sans engager les fonds publics colossaux requis.

Côté partis politiques, pendant que les Libéraux provinciaux dénonçaient le choc tarifaire à prévoir à partir de 2026, pour le Parti québécois « Hydro-Québec, c'est une richesse collective, c'est un levier économique central pour l'avenir du Québec. Ce qu'on ne veut pas voir arriver, c'est cette fameuse socialisation des investissements, des pertes, de la gestion des risques et [une] privatisation des profits. » Quant à Québec solidaire, il questionne l'iniquité structurelle de la consommation de l'énergie électrique. Ce constat, une invitation à tenir compte pour la tarification tant du type de consommation que des rapports propriétaires- locataires, ne vise cependant pas dans le mille de la loi 69 :

« Il y a des inégalités dans l'accès à l'énergie. Il y a des personnes qui vivent dans des passoires énergétiques, qui, pour arriver aux 20 degrés dont ils ont besoin à la maison, [paient] plus cher que d'autres. De l'autre côté, évidemment, il y a d'autres besoins qui sont moins importants que de se chauffer l'hiver : chauffer un jacuzzi en plein hiver ou chauffer une piscine. Donc, il y a une conversation à avoir. » — Haroun Bouazzi, porte-parole de Québec solidaire en matière d'énergie.

Un projet de néolibéralisme tronqué requérant une forte dose austéritaire

De ces prises de position, en particulier de celles les plus critiques, on voit bien que comme un train en cache un autre, la porte grande ouverte à la privatisation pour la production d'électricité masque le renoncement à la sobriété qui ne devient qu'une politique d'appoint sous forme surtout d'efficacité énergétique et non d'économie d'énergie. La politique industrielle de la filière batterie amenant le Plan d'action

2035 et encadrée par la loi 69 s'inscrit dans la logique capitaliste de la croissance qui condamne la lutte climatique à devenir semblable à un chien fou qui court après sa queue. Cette politique industrielle s'ins ère dans un marché mondial imposé par les accords de libre-échange cependant de plus en plus tarifé dans un cadre d'affrontement géopolitique ÉU-Chine. Ce nouveau protectionnisme éclaboussant le dogme néolibéral est commode pour protéger les retardataires transnationales occidentales de l'extractivisme vert aux dépens des consommateurs. Et au diable la lutte contre l'inflation !

Ainsi, les gouvernements, qu'ils y consentent ou non, se voient astreints à l'austérité f iscale et salariale, compétitivité oblige. La résultante en est que la course vers le fond du baril pour devenir les champions nationaux de l'extractivisme vert se résume à attirer chez soi, en faisant valoir les attraits de ses ressources naturelles et de sa main-d'œuvre, la poignée de grandes (et quelques petites) transnationales détentrices de l'expertise nécessaire et de la capacité de se financer auprès des grands investisseurs… en autant que l'État socialise d'éventuelles pertes. On devine que cette politique industrielle énergivore, polluante, risquée et saignant à blanc les gouvernements les contraignant à renforcer l'austérité ne peut que générer de l'opposition. Le déploiement de cette opposition et ses éventuels succès sont directement proportionnels à la densité démocratique de la société. Il s'ensuit que les promoteurs de cette politique industrielle voudront fortifier la centralisation politique et, au besoin, durcir la répression.

Ce durcissement n'est pas en ce moment nécessaire. Lors de l'analyse de la filière batterie, on a constaté que l'opposition sur le terrain était faible, éclatée et déclinant des revendications modérées à peu de choses près. L'opposition hors terrain des grandes organisations nationales en réaction aux annonces du plan 2035 et de la loi 69 est certainement plus articulée et pour certaines plus radicale mais elle reste déclaratoire et pauvre en termes d'alternatives concrètes. L'ennemi à vaincre est écrasant dans sa vastitude économicopolitique et convaincant dans son argumentation, justifiant l'extractivisme vert comme inéluctable voie pour rétablir les grands équilibres écologiques, stabilisant climat et biodiversité tout en relançant la croissance capitaliste. On a pourtant constaté sa fragilité concurrentielle tout comme l'ampleur de ses dégâts environnementaux. Mais tant que cette filière apparaît pour la majorité populaire comme un mal nécessaire pour « sauver la planète » tout en donnant l'impression de battre en brèche l'extractivisme des hydrocarbures, elle demeurera un bulldozer économico-social.

L' extractivisme vert, c' est le chien fou, pétri de peur, qui court après sa queue

Au Québec, la filière batterie apparaît d'autant plus forte que son caractère énergivore n'entraîne pas une recrudescence de l'extractivisme hydrocarbure ni de l'énergie nucléaire comme presque partout ailleurs dans le monde — 80 % de l'énergie mondiale reste fossile — mais un boost de l'hydroélectricité réputée verte malgré le bouleversement des bassins versants des cours d'eau harnachés et la pollution au méthyl-mercure des réservoirs de rétention. Il n'en demeure pas moins que non seulement une partie des composantes des batteries sera importé mais surtout que la quasi-entièreté des véhicules dans lesquels ces batteries seront utilisées le sera. Ce n'est là que la pointe de l'iceberg. Pendant au moins un bout de temps, pour les ménages en ayant les moyens le véhicule électrique se combinera avec celui à essence plus pratique pour les longs trajets, et les moins fortunés auront plutôt recours aux hybrides rechargeables. D' où la panne actuelle du marché des véhicules électriques.

Et ça continue. L'organisation de l'espace assise sur le véhicule individuel, électrique ou à essence, et le camion pour le transport des marchandises avec sa banlieue tentaculaire et sa congestion, continuera de croître. On peut prévoir que la polarisation sociale étendra l'étalement urbain au-delà des « suburbs » vers les « exburbs » des riches, engouffrant davantage de terres agricoles et de forêts. Pendant que l'étalement urbain, avec l'agro-industrie carnée, avale la forêt tempérée du Sud québécois, les mines à ciel ouvert engloutissent la forêt boréale. Cet étalement urbain requiert une consommation considérable de ciment et d'acier, tous deux particulièrement énergivores, générant énormément de GES, malgré la recherche d'alternative technologique, non seulement pour l'énergie requise mais aussi pour le processus de production proprement dit, tout comme pour l'aluminium.

À l'étalement urbain, les réformistes proposent le remède du transport en commun. Fort bien mais leur transport en commun ne remplace pas le règne de « l'auto solo » dans la trame urbaine mais s'y superpose en haut (le train aérien) ou en bas (le métro) ou à côté (le tramway et le train). On peut peut-être en attendre un soulagement momentané de la congestion et une moindre construction de maisons individuelles — les jeunes et les vieilles générations tout comme les personnes seules habitant les tours combinés avec les centres commerciaux des carrefours de transport — mais une durable production matérielle supplémentaire qui fait cohabiter à des niveaux différents deux systèmes de transport.

Soit dit en passant, les équipements d'énergie dite renouv elable exigent aussi du ciment (barrage), de l'acier (éoliennes) et d e l'aluminium (véhicules) sans compter la production de nouveaux matériaux pour les panneaux solaires dont « [l]e processus de production […] n'a pas un très bon impact écologique ». Quant au recyclage tant vanté des batteries, on oublie de mentionner que la récupération et la purification d'une quasi-dizaine de matériaux entremêlés est un processus énergivore, donc cher, et polluant au point que le gouvernement du Québec n'a pas osé dispenser Northvolt d'un examen de son usine de recyclage par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) contrairement à l'usine principale de fabrication.

En un mot, l'extractivisme vert dont fait partie la filière batterie, « c'est tout changer pour que rien ne change » ou, dit autrement, c'est le statuquo croissanciste du capitalisme qui fonce tête baissée dans le chaos de la pluri-crise dont il est la cause fondamentale afin de lancer un nouveau cycle de prospère rentabilité succédant aux cycles des « trente glorieuses » 1945-1975 et du « capitalisme pur » de l'ère néolibérale 1980-2008. Comment assurer la stabilité politique d'une telle folle entreprise ? Par la peur de la catastrophe dont l'extractivisme vert serait le seul remède possible. Ainsi le peuple travailleur encaisserait sans maudire et sans mot dire une austérité permanente afin de financer à perte de gargantuesques infrastructures censés sauver l'humanité y compris, quand l'inéluctable deviendrait plus qu'évident pour la grande majorité, une pléthore d'équipements de capture et d'élimination de GES par ailleurs eux-mêmes énergivores. Encore une fois le chien fou qui court après sa queue.

Le mot d' ordre de ‘sobriété' ne contre pas le nihilisme bourgeois toutes tendances

On devine que cette dynamique démentielle, l'idéologie ne suffisant jamais pour assurer la paix sociale, provoquerait soulèvements par-dessus soulèvements dans la lignée de ceux qui se sont produits dans le monde depuis 2011 sur fond de la Grande Récession de 2008 envenimée depuis la décennie 2010 par la multiplication des extrêmes climatiques en progression exponentielle. Faute d'alternatives et d'organisations politiques crédibles pour les porter en ont résulté des gouvernements autoritaires, réactionnaires jusqu'à fascisants qui essaiment sur le monde. A utant de facteurs de guerre qui activent les tisons belliqueux de l' ordinaire impérialisme néolibéral. Il y a urgence civilisationnelles si ce n'est d e survie de l'humanité à arrêter ce train de la mort qui fonce à toute vapeur dans le mur du grand chaos.

La crise politique de la France, là où l'antagonisme de classe est le plus aiguisé dans le monde du vieil impérialisme, démontre que la classe affairiste dominant mondialement ne tolère plus la moindre réforme, quitte à saboter la démocratie parlementaire, car elle sait dans son for intérieur que le réformisme conséquent déboucherait sur une remise en cause de la sacro-sainte croissance. Qu'advient-il de la crise climatique ? Pendant que les COPs annuelles occupent la galerie, l'aile réactionnaire de la bourgeoisie nie le problème en pratique quand ce n'est pas en théorie, son centre réalo-réaliste s'en remet à la lubie des technologies de capture et de séquestration pour abaisser le réchauffement quand il sera catastrophique — ne l'est-il pas déjà ? — ignorant l' irréversibilité des points de bascule.

Quant à l'aile réformiste, elle fuit la réalité terre-à-terre des GES croissant à un taux croissant telle que jaugés par les mesures directes des gaz concernés dans l'atmosphère et non à partir des sources terrestres, selon les protocoles de l'ONU, de plus en plus fortement biaisées parce que tronquées par les rapports d'émetteurs intéressés ou mises à l'écart parce qu'exceptionnelles alors qu'elles deviennent normalisées comme les feux de forêt canadiens. Cette aile réformiste rêve d'une surabondante énergie solaire gratuite pour demain comme pour l'énergie nucléaire dans les années 1950 : « D'ici 2030, estime M. Chase [spécialiste de la question chez Bloomberg], l'énergie solaire sera absolument gratuite et fiable pendant les heures ensoleillées de la journée, et ce pendant une grande partie de l'année, "à peu près partout". »

Face à ce grand dérapage de la bourgeoisie de la plus réactionnaire à la plus réformiste, se pose immédiatement et clairement la nécessité du renversement du capital pour sauver le monde de la catastrophe. Pour employer un vocabulaire ancien, les soulèvements populaires étant à l'ordre du jour mondial depuis 2011, mais sans organisation prolétarienne crédible pour les diriger, la nécessité de la révolution anticapitaliste devient une urgente question de propagande afin de vivement se transformer en mot d'ordre agitationnel. N'y mène pas le mot d'ordre alternatif de ‘sobriété' qui relève davantage de la moralité qu'il se démarque politiquement. À preuve, il est avancé tant par les meilleurs critiques que par le piètre ministr e de l'Environnement du Québec.

La ‘sobriété' mène au rejet des cibles du GIEC exigeant la décroissance matérielle

La ‘sobriété' du ministre ne l'empêche pas de clamer « carrément impossible » la cible d' un « recul de 65 % d'ici 2030 par rapport au niveau de 1990 » pour le Québec proposé par « le Réseau action climat Canada, qui regroupe 150 organisations au pays, dont des groupes écologistes, des syndicats, des organismes du domaine de la santé et des groupes jeunesse » y compris Greenpeace et la FTQ ». Ce Réseau ne souffre pas d'élucubration : « …selon l'Agence internationale de l'énergie, les émissions mondiales doivent reculer de 80 % d'ici 2035, par rapport au niveau de 2022, pour les économies développées comme le Québec. Les pays développés doivent aussi devancer leur objectif global de carboneutralité pour tendre vers le « net zéro » en 2045, d'après l'AIE. Le Québec espère atteindre la carboneutralité en 2050. »

Signalons ici l'étrange gymnastique de la direction Solidaire sur le sujet crucial de la cible de réduction de GES pour 2030. Le congrès Solidaire de l'automne 2021 faisait passer la cible de réduction de GES pour 2030 de 45% pour la plateforme électorale 2018 à « d'au moins 55% par rapport au niveau de 1990 d'ici 2030, en se rapprochant le plus possible de la cible de 65 % » pour la plateforme électorale de 2022. Mais le programme maintient la cible à 45% sous prétexte que le Conseil national du printemps 2018, pour raison « d'urgence » (électoraliste) avait modifié la cible programmatique adoptée au congrès de 2016 qui était de 67%. On voit bien que ce tour de passe-passe qui maintient la cible programmatique à 45%, à peine supérieure à celle de la CAQ à 37.5 %, ne correspond pas à la décision la plus récente (55% tendant vers 65%) qui répondait aux dernières analyses du GIEC-ONU et aussi à la décision d'organisations écologiques majeures du Québec de l'élever à 65%.

Une cinquantaine de ces organisations au Québec appellent « à manifester dans différentes villes du Québec le 27 septembre, cinq ans après la venue de Greta Thunberg à Montréal. » Il faut certainement en faire partie et y mobiliser. Cependant, ils ont beaux accuser le gouvernement du Québec « de se préoccuper davantage des profits des multinationales que de la protection de nos joyaux naturels et du bien commun » et d'exiger qu'il mette en place « plusieurs projets structurels et collectifs qui touchent à l'ensemble des sphères de la société » ils pensent que la filière batterie fait partie du lot alors qu'elle en constitue un sabotage de première classe. Le saut qualitatif qui manque est celui de passer de la catégorie morale fourre-tout de ‘sobriété' à celle socio-politique, irrécupérable par la gent capitaliste, de ‘décroissance matérielle'. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard que le dernier Conseil national de Québec solidaire, friand de sobriété, ait rejeté ce concept de ‘décroissance matérielle'.

La décroissance matérielle augmente le bien-être en diminuant la consommation

Comment concrétiser ce mot d'ordre propagandiste — pour l'heure — qui fait peur ? La décroissance matérielle procure au peuple travailleur un niveau de bien- être supérieur paradoxalement par l'intermédiaire d'une réduction drastique de son « niveau de vie » compris comme niveau de consommation. Elle le libère de la hantise de la contradiction entre la fin du mois et la fin du monde en éliminant les deux mamelles de l'endettement des ménages au profit des banques que sont l'hypothèque sur la maison individuelle et celle en rangée, exclusivement privées, et la dette de consommation pour l'auto (le VUS) solo et l'équipement ménager.

Elles seront remplacées par l'habitation collective sociale (hors marché) et le transport public gratuit et fréquent jusqu'au moindre village avec un complément d'autopartage dans le cadre du quartier ou village quinze minutes, entremêlé d'agriculture urbaine et de parcs nature. Ser ont relégués dans les caves du musée de l'Histoire l'énergivore étalement urbain avec sa polluante et aliénante congestion, l'obsolescence planifiée remplacée par la systématisation de la réparation obligatoire et facile d'accès, l'agro-industrie carnée remplacée par l'agrobiologie sur la base d'une alimentation végétarienne… qui pourrait peut-être imitée la viande sans fâcheuses conséquences écologiques. Ce bien-être libérateur aura comme garantie l'égalité de l'habitat et du transport collectifs doublée d'une bonification qualitative et quantitative des actuels services publics de santé, d'éducation et de garderies.

Cet ensemble de services publics anciens et nouveaux, et la production de leurs équipements, assureront du travail pour tous et toutes tant socialement utile et écologiquement restaurateur par le partage de la masse totale de travail nécessaire. Tant la fin de la consommation de masse que celle de l'économie militaire en passant par la réduction drastique de la criminalité, des accidents de toutes sortes, des maladies physiques et mentales permettront la réduction drastique du temps de travail et l'accueil massif des damnées de la terre tout comme le soutien à leurs luttes de libération. Sera donc bon marché cette économie solidaire, assise sur la richesse authentique de la multiplication des rapports sociaux égalitaires. Cette société écosocialiste sera débarrassée de toute accumulation de capital comme de son imitation forcée par les ménages populaires de produits immobiliers et mobiliers. Cette accumulation populaire simili-capitaliste provient de la déficience de politiques de logement social pour toutes et tous, de transport public mur-à-mur, d' alimentation de base et d' électricité de base subventionnées, de santé répondant à tous les besoins et sociales répondant adéquatement à tous les aléas de la vie dont la retraite.

L' expert de Radio-Canada trace la voie de la révolution du système de transport

En ce qui regarde spécifiquement la politique de transport alternative à la filière batterie exigeant le doublement de la production d'électricité d'ici 2050 dans le cadre de la loi 69, la critique carabinée du « tout-électrique » de la CAQ par le journaliste attitré de Radio-Canada en septembre 2023 peut servir de canevas. Cette critique peut tout aussi bien être appliquée aux Libéraux fédéraux et tutti quanti. Il faudrait bien sûr y ajouter une politique de mise à niveau écoénergétique des bâtiments récupérables et une pour les nouvelles constructions de même que pour la conversion de l'agro-industrie en agroécologie y compris pour la forêt sans oublier une contre l'obsolescence programmée. En voici les passages essentiels avec certains de mes commentaires entre parenthèses :

[La] politique [tout-électrique] n'est pas suffisante, et la vérité est sortie de la bouche même du ministre québécois de l'Économie, Pierre Fitzgibbon, il y a quelques semaines : si on veut atteindre nos cibles de réduction des émissions de GES, il faudra réduire de façon significative la grandeur du parc automobile du Québec.
Là où le bât blesse, c'est qu'en se focalisant sur la voiture électrique individuelle, le gouvernement contribue à perpétuer le modèle de développement qui est en partie la cause de la crise climatique : la croissance constante du nombre de voitures sur les routes, l'étalement urbain toujours de plus en plus imposant, la construction de nouvelles infrastructures lourdes pour accueillir les voitures, l'effritement des terres agricoles sacrifiées à la construction de nouveaux quartiers, la destruction de milieux naturels qui jouent le rôle de puits de carbone, et j'en passe (les accidents de la route, l'accaparement de l'espace urbain).
[La solution c]'est la fameuse approche R-T-A élaborée par Québec, qui se décline en trois étapes : Réduire d'abord, Transférer ensuite et Améliorer enfin.
Selon la politique du gouvernement, la priorité absolue doit consister à réduire les besoins en déplacements motorisés et à réduire leur distance. Cette approche appelle à revoir en profondeur l'aménagement du territoire dans les villes, notamment dans les banlieues, pour que les citoyens aient accès à la majorité des services dont ils ont besoin sans devoir prendre une voiture (les quartiers et villages « quinze minutes » ce qui signifie, si on est sérieux, l'habitation collective mur à mur à majorité sociale et la substitution du véhicule privé par l'autopartage sur fond de transport collectif mur à mur.
La deuxième étape vise à favoriser chez le citoyen le transfert d'un mode de transport motorisé à un mode moins énergivore, comme le transport collectif, la marche ou le vélo. Cette stratégie commande la mise en place de réseaux de transport structurants — transport en commun (gratuit), voies cyclables, espaces pour les piétons — qui permettraient à la plupart des citoyens de se rendre là où ils veulent au quotidien de façon sécuritaire et efficace, avec confort et à haute fréquence.
Ces deux premières stratégies ont pour but de modifier la structure des déplacements. Elles appellent à de grands changements et à de gros investissements (financés principalement par l'imposition des hauts revenus, des profits et du patrimoine, et couplés à de grosses économies pour les ménages débarrassés des fardeaux de la dette hypothécaire et du « deuxième loyer » qu'est le paiement et l'entretien du véhicule privé).
Et la troisième étape, alors qu'on a enclenché les deux premières, vise à améliorer l'efficacité énergétique des véhicules. C'est à cette ultime étape que la politique d'électrification des transports devrait trouver sa place.
On le comprend, Québec semble faire les choses à l'envers.
Un des exemples que je donne souvent pour illustrer les lacunes de cette politique est celui-ci : on a beau aider financièrement les villes pour qu'elles achètent des autobus électriques, si la fréquence de ces autobus n'est pas améliorée et si les autobus continuent à ne passer qu'une fois l'heure plutôt qu'aux dix minutes, (et qu'ils sont coincés dans la circulation automobile) les citoyens ne les prendront pas plus.
Électrique ou pas, si l'autre option qu'on offre aux propriétaires de voitures complique et ralentit leurs déplacements, il n'y aura aucun transfert de l'auto individuelle vers les transports collectifs.
Or, au cours de la prochaine décennie, le Plan québécois des infrastructures 2023- 2033 prévoit des investissements de plus de 30 milliards pour la bonification et le maintien du réseau routier, contre 14 milliards pour les transports en commun. Au Québec, 43 % des émissions de GES proviennent du secteur des transports, un ratio qui augmente d'année en année.
S'il y a toujours plus de voitures électriques sur les routes du Québec depuis quelques années, il y a aussi toujours plus de voitures en général, qui sont toujours de plus en plus grosses. Et François Legault refuse d'imposer des contraintes financières pour décourager ceux qui achètent ces rutilants véhicules. Si le gouvernement du Québec veut se donner les moyens d'atteindre sa cible de réduction des émissions de GES, soit une baisse de 37,5 % d'ici 2030 (selon le programme Solidaire « d'au moins 55% par rapport au niveau de 1990 d'ici 2030, en se rapprochant le plus possible de la cible de 65 % »), il devra donner aux Québécois les moyens de changer leurs habitudes, et pas seulement en les incitant à acheter un nouveau véhicule, tout électrique qu'il soit.
On peut demander autant qu'on veut aux citoyens de changer leur mode de vie et de délaisser la voiture. Ces choix individuels ne seront possibles que s'ils sont soutenus et accompagnés par des choix collectifs conséquents.

Profiter du freinage pour faire un débat dans le mouvement, le parti, la société

Dans un État démocratique normal, la loi 69 devrait être la priorité législative de l' automne pour l' Assemblée nationale puisqu' elle encadrera la stratégie de développement industrielle en cours de la prochaine génération. Pour éviter un débat de société qu' elle sait perdant pour elle, la CAQ, comme presque partout dans le vieux monde impérialiste, ne cesse de mettre sur le dos de l'immigration, temporaire ou non, tous les problèmes sociaux. Le PQ, en tête des sondages, lui emboite le pas.

Raison de plus pour le mouvement écologiste québécois d' organiser ce débat. Le Front commun pour la transition énergétique regroupant la grande majorité des syndicats et des organisations écologiques est parfaitement en mesure d' organiser un processus d' états généraux régionaux et national centré sur la filière batterie, le Plan d' action 2035 d' Hydro-Québec et le projet de loi 69 d' autant plus que la mauvaise conjoncture freine le déploiement de la filière pour au moins 18 mois. Ce serait l' occasion pour les organismes partisans de la décroissance, tel le RVÉQ, d' y marquer des points.

Rien n' empêche, de son côté, Québec solidaire d' organiser dans ses propres rangs militants un même débat ouvert vers une panoplie de prises de position dont celle d' un rejet de la filière batterie pour une stratégie de décroissance matérielle. Rien n' empêche non plus l' aile parlementaire du parti de réclamer que le gouvernement organise ce même débat mené par une commission de parlementaires et de personnes représentants la société civile qui siègerait à travers le pays avant de présenter leur rapport faisant état de l' éventail de prises de positions. Entretemps, le parti aurait beau jeu de rejeter la loi 69 et le plan d' Hydro-Québec comme prématurés.

Marc Bonhomme, 1 er septembre 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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Propositions des jeunes de la CAQ pour l’école

3 septembre, par Carmen Duplain — , ,
Les jeunes de la CAQ proposaient récemment de rendre obligatoire l'uniforme et le vouvoiement dans les écoles, pour promouvoir un retour à la discipline. « Tu casses, tu (…)

Les jeunes de la CAQ proposaient récemment de rendre obligatoire l'uniforme et le vouvoiement dans les écoles, pour promouvoir un retour à la discipline.

« Tu casses, tu répares, tu salis, tu nettoies, tu défies l'autorité, on t'apprend à respecter l'autorité. »
Cette ritournelle a été utilisée au cours des dernières saisons par le tout dernier premier ministre du gouvernement Macron, Gabriel Attal. Les paroles et la musique sont tellement proches de celles utilisées dernièrement par les jeunes caquistes que celleux-ci pourraient presqu'être accusé-es de plagiat. Mais non, il s'agit d'une ritournelle qui appartient à la tradition et qui revient souvent chez celleux qui se montrent nostalgiques de l'école d'autrefois. Obliger et interdire, uniformiser, renforcer le conformisme, voilà ce qu'elle prônait.

Et comme mesures pour y arriver, deux propositions en particulier : imposer le port d'un uniforme dans toutes les écoles ainsi que le vouvoiement du personnel enseignant. À coût nul pour l'état, ces mesures n'engageraient de frais supplémentaires que pour les parents. Elles ont pourtant déjà été mises en place dans différents milieux et, faut-il s'en surprendre, elles n'ont eu aucun impact sur le climat, sur la motivation ou sur la réussite des élèves. Sous couvert de faire régner le « respect », ce sont des mesures visant plutôt à contrôler et soumettre les jeunes.

Il s'agit encore d'un autre faux débat. Pour intervenir sur les problématiques reliées aux comportements dans les écoles, les enseignant-es disposent d'un grand éventail de moyens d'intervention et sont soutenu-es en ce sens par une équipe incluant des éducateurs et éducatrices spécialisé-es, des psychoéducateurs et psychoéducatrices,… dans la mesure ou l'état joue son rôle et y pourvoie. De plus, la loi oblige les écoles à se doter d'un plan de lutte contre la violence et l'intimidation. Les écoles élaborent toutes également un code de conduite (incluant un code vestimentaire et le vouvoiement si le milieu lui-même y voit là des mesures qui lui sont appropriées). En fait, les propositions (des jeunes) caquistes sont méprisantes pour les acteurs et actrices de l'école. Elles sous-entendent une sorte d'incompétence des milieux scolaires et des enseignant-es à instaurer un climat de respect dans les classes.

Les problèmes vécus à l'école sont cependant multiples et ils nous ont été rappelés avec force lors de la grève des enseignant-es (et du personnel de soutien) l'hiver dernier. Ces derniers et ces dernières, plus que quiconque, les connaissent et réclament des changements et les ressources suffisantes ainsi que l'appui nécessaire pour enseigner mais aussi accompagner, soutenir, guider les jeunes dans leur devenir et vers leur épanouissement. De plus, depuis 2017, le mouvement L'école ensemble, en se basant sur des études sérieuses et documentées, nous parle des conséquences désastreuses de l'école à trois vitesses sur notre société, modèle priorisé et aucunement remis en question par le gouvernement de la CAQ, malgré les inquiétudes manifestées par l'ONU. La CAQ s'acharne plutôt à favoriser un système scolaire parfaitement compatible avec ses visées économiques : un système qui met en compétition, qui sélectionne, qui compare… et qui exclut.

Carmen Duplain

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Fini le petit trot ; la privatisation des soins de santé avance au galop au Nouveau-Brunswick

3 septembre, par Gary Heathcote — ,
Pendant des décennies, des centaines de coupes de fonds ont fait mourir notre système public de soins et ça nous rends fous de rage. Plusieurs d'entre nous sont arrivés.es à la (…)

Pendant des décennies, des centaines de coupes de fonds ont fait mourir notre système public de soins et ça nous rends fous de rage. Plusieurs d'entre nous sont arrivés.es à la conclusion que la privatisation pourrait nous sortir de notre marasme. Alarmant ! Il faut de toute urgence chercher à convaincre ceux et celles qui croient à ce fantasme et qui sont un peu ouverts.es et beaucoup le sont, que ce n'est qu'une fantaisie.

Gary Heathcote, Canadian Dimension, 7 août 2024
Traduction, Alexandra Cyr

Comment notre système de soins en est-il arrivé à ce point de mal fonctionnement ?

La privatisation du système de santé se faisait discrètement, à petits pas en 2016. Elle est arrivée à sa pleine vitesse en 2022. Et ce tempo ne fait qu'augmenter. Le phénomène a été bien documenté dans le rapport de la New Brunswick Health Coalition (NBHC) et par d'autres sources qui seront citées ici et dont les travaux sont plus récents.

Les grands médias ont mal présenté les nombreuses critiques faites à cette politique de déplacement de soins financés par la puissance publique y compris ses conséquences à long terme. En fait elles ont été ignorées. C'est particulièrement évident au Nouveau-Brunswick où virtuellement tous les journaux sont la propriété du réseau de droite Postmedia et par Brunswik News Inc., propriété des descendants de feu le multimillonnaire, K.C. Irving.

Le fil de la privatisation au Nouveau-Brunswick

Les plus ardents contributeurs à ce courant politique ont été le Parti progressiste conservateur actuellement au pouvoir avec son premier ministre, M. Blaine Hggs depuis 2018. Il nous avait pourtant annoncé sa sortie pour 2022.

Cette année, M. Higgs et son entourage ont augmenté la vitesse des transferts des soins de santé publics vers le secteur privé sous couvert de « partenariats publics-privés ». Durant les deux derniers plans de ce type un programme pilote de gestion a servi de véhicule. Il concerne les traitements de dépressions majeures qui seront administrés par une compagnie à but lucratif de gestion de soins de santé. Un soit disant programme plus valable de surveillance de la médication a été accordé à compagnie de technologie en soins de santé également à but lucratif. Ce dernier programme a été annoncé à coups de fanfare mais les médias, sauf quelques exceptions, ne l'ont guère interrogé.

C'est une politique qui vient de plus loin. Les dernières décisions de privatisations des services de santé de l'actuel gouvernement conservateur s'appuient sur celles du gouvernement libéral (provincial) à la fin des années 1990. Elles ont augmenté jusqu'au milieu des années 2000. (On peut trouver sur l'original de l'article la liste des institutions et services ainsi privatisés).

Depuis 1997, les services de santé du Nouveau-Brunswick ont été entourés ou mis en partenariat avec des entreprises privées et d'autres organisations par les gouvernements libéraux et conservateurs à tour de rôle. Ils ont ainsi compromis notre système public de soins. Ces services, (ceux existant à l'époque) dans le secteur public, étaient administrés par des agences de la New Bruswick Crown Corporation et aussi, au début de 2008, par la New Brunswick's Horizon Health Network, pour la population anglophone et Vitalité Health Network pour les Francophones.

La bénéficiaire la plus importante de cette politique est sans contre-dit, Medavie qui possède Medavie Health Services et Medavie Blue Cross. Ce sont des entreprises privées sans but lucratif. Medavie gère en ce moment, sept services essentiels dans la province dont les services ambulanciers, les médicaments, les services externes et NB Health Link.

Les transferts opérés par le gouvernement Higgs vers les entreprises privées et des organisations, ont une autre allure. On en compte 12 durant ses 7 ans au pouvoir. Contrairement aux gouvernements libéraux de Frank McKenna, Shawn Graham et Brian Gallant qui ont largement favorisé une compagnie, Medavie, le gouvernement de Blaine Higgs a attribué des contrats de services et signé des ententes avec toute une série d'entreprises à but lucratif, 10 en fait, et avec deux sans but lucratif. (…)

Cette politique des deux administrations d'accord pour la privatisation de la majorité du système de soins l'a littéralement incorporée chez, Medavie Health Services, pour 7 services, et Clinidata Inc, Accreon Inc, Shannex Intrahealth CPI Card Group, Medavie Blue Cross, New Brunswick Medical Society, Maple, Acadie-Bathurst Ophthalmology, Beal University, Oulton College, Canadian Health Labs, WINMAR Hamilton, Miramichi Cataract Surgical Centre, Edmunston Medical and Surgical Eye Centre, Canadian Health Solutions Inc et Leap Orbit LLC, pour 1 service chacun et chacune.

Et alors ? Formater les attitudes envers la privatisation

Pour beaucoup, rien d'alarmant dans ça. Plusieurs au Nouveau-Brunswick et ailleurs au Canada y compris ceux et celles pour qui la situation personnelle n'oblige pas à bénéficier des services privatisés, embrassent sans inquiétude le point de vue des « promoteurs » de cette politique. Il faudra beaucoup de discours convainquants pour les faire changer d'opinion. Ne dit-on pas que les services rendus par les entreprises sont de meilleure qualité ? L'effet est immédiat attaché qu'il est au cynisme qui classe les services publics du côté de l'inefficacité et du coût élevé, de ce qui passe pour de la bureaucratie gouvernementale.

Le public sous-estime le rôle subversif joué par les membres conservateurs et libéraux influants.es dans le dénigrement et la diabolisation du gouvernement en général, qui a commencé au cours des années 1970. C'est le travail incessant des groupes de réflexion de droite qui a fait que tant de personnes adhèrent aux idées qui s'affichent contre tout ce qui est « gouvernement ». Leurs arguments en faveur de la privatisation des soins de santé reviennent toujours au même. Paraphrasant le New Brunswick Common Front for Social Justice, ces avocats.es de la privatisation rassurent le public :
Les entreprises du secteur privé peuvent donner de meilleurs services médicaux parce qu'elles sont par nature plus efficaces et innovantes que les bureaucraties gouvernementales et de plus, peuvent le faire en réduisant les coûts pour le gouvernement et les contribuables. Pour rassurer les sceptiques, on invoque parfois que ces entreprises (…) devraient promettre d'examiner et évaluer les services qu'elles vont assumer.

Ces promesses sont énormes et séduisantes dans leur présentation. L'intention ultime est de rassurer le public que l'opération peut ne pas être permanente si les résultats attendus ne sont pas atteints. Mais bien des exemples de surveillance et d'annulation de ces privatisations une fois saisies par le capital privé montrent que c'est aussi difficile que de trouver une aiguille dans un tas de foin. Et les promesses de rationalisation se sont avérées le plus souvent être illusoires.

Le débat national sur la privatisation des services de santé

Dans les grands médias canadiens cette illusion est respectable et le débat sur les mérites de la privatisation des services de santé est souvent présenté sans critique et de manière biaisée. Il s'y trouve un manque d'arguments contraires ou de vérification des faits quant aux bénéfices proclamés par les promoteurs de la privatisation. Souvent les transactions sont présentées comme nobles, créatives de solutions pour sauver un système qui est dans les câbles, spécialement lorsque des entreprises sans but lucratif sont en cause.

Comparativement, les interventions du Premier ministre ontarien, M. D. Ford, pour présenter les solutions « fortes et innovantes » de son administration aux problèmes du secteur de la santé ont reçu une couverture nationale importante. M. Ford et sa ministre de la santé, Mme Sylvia Jones ont assuré à répétition que les patients.es pourraient toujours se servir de leur carte d'assurance maladie provinciale, qu'ils et elles n'auraient pas à utiliser leurs cartes de crédit personnelles alors que la privatisation va de l'avant dans la province.

Ces réassurances découlent des actuels transferts planifiés de services de santé et de chirurgie vers les capitaux privés. Et D. Ford ajoute, s'appuyant sur le Premier ministre libéral J. Trudeau, que ces transferts sont en phase avec la Loi canadienne sur la santé.

Cette affirmation devrait enrager la plupart des Canadiens.nes compte-tenu de l'affection que nous portons dans tous les partis, pour Tommy Douglas, le père de la loi sur l'assurance maladie et au système lui-même qui donne accès aux soins sans égards à la richesse des patients.es, qui est basé sur les besoins (de soins).

Dans un récent exposé, The Breach a traité de l'assaut de D. Ford contre les services de santé publics dans sa province. Le texte a traité de trois avantages de la privatisation selon ses promoteurs : 1- les coûts sont moindres, 2- cela permet de réduire considérablement les listes d'attente et 3- les capacités sont largement augmentées. La démonstration a été faite que ce sont là des mythes qu'aucune preuve ne corrobore. Au contraire, avec la privatisation, les coûts augmentent, les temps d'attente (pour les soins) sont plus longs et le système public est ainsi privé de ses travailleurs.euses essemtiels.les, il se dégrade.

Par ailleurs, l'organisation Canadian Doctors for Medicare a produit une analyse de la politique défendue par les tenants de la privatisation. Elle est centrée sur quatre arguments : 1- les services privés permettent de diminuer le temps d'attente (pour les soins) dans le secteur public, 2- la propriété privée à but lucratif des installations de soins génèrent de meilleurs résultats pour la santé (de la population), 3- le financement privé rend la dispensation des soins plus efficace, 4- nous ne pouvons plus financer le secteur public.

Aucune preuve de ces affirmations n'a été trouvée. De fait, 1- le temps d'attente pour les soins n'est réduit que pour ceux et celles qui ont les moyens de payer. L'attente est ainsi empirée pour les autres. 2- La recherche du profit n'améliore pas la qualité des soins, bien au contraire. 3- Le système public de soins dépenses moins en administration ce qui signifie plus de fonds qui sont attribués directement aux patients.es. 4- Le présent défi de financement du service public prend racine dans l'obligation (qu'à la population) de payer des services privés pour remplacer ce que les services publics ontariens ne dispensent pas. La solution réside donc dans l'amélioration du système public, pas dans son démantèlement.

Même si les critiques de The Breach et de Canadian Doctors for Medicare concernent l'Ontario, la situation est semblable partout au pays. Et les arguments de D. Ford en faveur de la privatisation sont les mêmes que ceux mis de l'avant par le Premier ministre Higgs au Nouveau-Brunswick.

Le problème de fond de la privatisation des services gouvernementaux

La réaction des populations du Nouveau-Brunswick et d'ailleurs au Canada est influencée par les notions simplistes de bonnes et mauvaises entreprises. Avec de telles notions, les transferts vers des entreprises privées sans but lucratif posent moins de problèmes et la démarche est perçue plus éthique que celle menant à des transferts vers des entreprises à but lucratif.

Ce qui est évacué ici, c'est que même les transferts vers les entreprises sans but lucratif retirent aux citoyens.nes et aux élus.es le pouvoir d'intervenir sur ce qui a été transféré de façon à s'assurer que les services sont vraiment dirigés vers les besoins du public plutôt que vers les désirs des personnes en charge de ces services.

Cette vérité s'applique à toutes les entreprises ayant pris en mains des services qu'elles soient avec ou sans but lucratif, qu'elles ne soient qu'une partie d'une grande compagnie couvrant tout le pays comme Medavie ou par des professionnels.es de la province comme les médecins regroupés dans New Brunswick Medical Society.

Suivons la trace de l'argent…comme si c'était si simple !

Pour atteindre les tenants et aboutissants de la poussée vers la privatisation il faut bien sûr « suivre l'argent ». Qui en bénéficie, ou s'y attache, dans ces transferts de services essentiels du secteur public vers n'importe quelle compagnie ou organisation à but lucratif ou non ?

Bien sûr, personne, sauf ceux et celles impliqués directement, ne peut savoir ce qui s'est passé derrière les portes closes durant les arrangements avec New Brunswick Medical Society, Medavie et la myriade d'autres compagnies ou organisations qui présentement gèrent une partie critique des soins de santé dans la province. Aucun.e lanceur.euse d'alerte n'a été là pour suivre l'argent ni au Nouveau-Brunswick ni ailleurs au Canada. Le rapport de New Brunswick Health Coalition de 2022 nous dit pourquoi :

Notre première source d'information sur la qualité des services rendus et sur les coûts de la privatisation devrait être les rapports annuels des différents ministères du gouvernement. Malheureusement, ils ne donnent pas d'information suffisamment détaillée pour que le public puisse avoir une idée de l'impact des ententes de privatisation.

L'autre source d'information pourrait être dans les rapports des diverses compagnies impliquées dans la privatisation, disponibles sur le Web. Mais la plupart de ces rapports ne sont pas accessibles au public, donc impossible de connaitre leur performance ou comment elles font face aux difficultés.

Des décennies de sous-financement gouvernemental persistant

Comment, au Nouveau-Brunswick, le système de santé en est-il arrivé à ce niveau de mal fonctionnement ? Le manque de médecins et d'infirmiers.ères occupe les discussions dans notre système malade et vraisemblablement plus du tout fonctionnel. Ici, comme ailleurs au Canada, beaucoup n'ont pas de médecin de famille ou d'infirmier.ère praticien.ne et vont chercher leurs soins dans les cliniques sans rendez-vous ou dans les salles d'urgence des hôpitaux qui manquent de personnel.

En 2023, le New Bruswick Health Council rapportait qu'en 1997, moment où la privatisation a commencé, presque toute la population avait un accès à médecin de famille. En 2023, la proportion était descendue à 79%. Même si les politiques d'austérité et de privatisation du gouvernement ne sont pas les seules responsables de l'échec du recrutement des médecins, d'infirmiers.ères et autres professionnels.les de soins, les résultats de cette enquête devraient faire comprendre qu'au Nouveau-Brunswick et dans n'importe quelle juridiction canadienne, la privatisation ne nous sortira pas de la crise dans les soins médicaux.

Ici, au Nouveau-Brunswick, la cause essentielle de cette crise est le sous-financement du système par les deux partis qui ont occupé le pouvoir. Récemment, la New Brunswick Medical Society a critiqué le gouvernement Higgs pour son budget 2024 qu'elle a qualifié de complètement inadéquat, « conçu pour allonger les listes d'attente » pour des soins. De fait, ce budget n'offre aucune possibilité de stabiliser encore moins de transformer le système médical en déroute. Pourquoi ? À cause de décennies de sous-financement.

Comme nous le rappelle Tracy Glynn, quand « les services médicaux sont inadéquats, le secteur privé entre en jeu et profite des besoins » ainsi ouverts. Dans de telles circonstances, ce genre d'intervention est souvent intéressé. (Le tout se décide) avec des agences sans gêne aucune, derrière des portes closes dans des salles de réunions où tous les arrangements sont négociés. Pour paraphraser Noan Chomsky, les standards techniques de la privatisation exigent que le gouvernement cesse de financer ou sous-finance les services et s'assure qu'ils ne fonctionneront pas. Ainsi la colère de la population s'exprime permettant au gouvernement de transférer ces services déficients aux compagnies privées.

États d'esprit et propagande

La majorité de la population du Nouveau-Brunswick est en colère avec raison devant la faillite de notre système de santé. Même si cela se passe partout au Canada, ici, les conséquences de la privatisation son pires.

L'Institut Angus Reid a procédé à un sondage sur les visions de la population des points de vue politique et démographique quant à la privatisation des services de santé. Trois états d'esprit y ont été retenus pour des fins analytiques : 1- des services publics purs et durs, 2- avec des composantes privées, 3- expression de curiosité avec de l'hésitation. Les répondants.es de cette catégorie ont été qualifiés.es de « sympathiques aux arguments des deux côtés du débat ».

Les répondants.es attachés.es aux services publics purs et durs se situaient dans la catégorie de la population la plus éduquée et avaient tendance à voter pour le NPD ou le Parti libéral alors que ceux et celles qui acceptaient des composantes privées avaient tendance à avoir de très hauts revenus et à voter pour le Parti conservateur. Les autres avaient un diplôme d'étude secondaire ou moins.

On peut décrire cette dernière catégorie comme vulnérable et désespérée. Elle est vulnérable financièrement et à cause de son faible niveau de formation. Elle est aussi désespérée parce qu'elle est confrontée à un plus haut niveau des souffrances et de mort parce qu'elle doit naviguer à travers ce système complètement désorganisé. Dans ce genre de système les chances de succès reposent sur l'habilité de la personne à défendre sa propre cause médicale. Tommy Douglas n'a sûrement jamais imaginé que l'accès à de bons soins allait reposer sur l'habilité des personnes à naviguer dans notre système national de soins à l'échelle locale.

Actuellement, selon son niveau d'éducation, de ses conditions économiques ou ses convictions politiques, la population de la province rassemble ses forces pour faire face à une autre envolée de privatisation avec ses conséquences. Certains.es sont confus.es à ce sujet. Les vulnérables et les désespérés.es peuvent se questionner plus que d'autres à propos de ce que cette nouvelle situation pourra vouloir dire pour elles et eux, leur entourage et la société toute entière. La propagande peut aussi les toucher plus fortement par rapport à la réduction des bénéfices publics d'un gouvernement qui rétréci, se retire de l'obligation de donner des soins en transférant tout cela à des propriétaires plus « efficaces » dans le secteur privé plus « créatif ».

Dans ce contexte l'évaluation de la propagande est une préoccupation majeure, étant donné les réalités économico-sociales dans la province : 1- un haut niveau de pauvreté relative et absolue par rapport à l'ensemble du Canada, 2- les niveaux insuffisants d'éducation acquis, 3- les connaissances en alphabétisation, en calcul sont faibles et les habiletés en résolution de problèmes également.

Ici, il faut être prudents.es à propos du fait que la population du Nouveau-Brunswick serait plus sensible à la propagande autour des meilleurs bénéfices en soins de santé avec la privatisation. Le sondage Angus Reid place la province dans la catégorie plus large des « provinces atlantiques » ce qui crée un certain biais.

Ceci dit, une des questions de ce sondage est particulièrement pertinente : « Les provinces diminuent intentionnellement les services de santé pour rendre ceux des compagnies privées plus attrayants ». Seulement 39% des répondants de toutes les provinces atlantiques sont d'accord avec cette assertion. 19% ont dit ne pas savoir ou ont refusé de se prononcé. Donc, 61% des répondants.es à ce sondage ont exprimé de l'incrédulité ou du scepticisme devant la perspective que leur gouvernement diminuerait intentionnellement les services publics de santé pour paver la voie à de futures privatisations.

Cette conviction est le parfait exemple canadien de la confiance que nous avons dans nos institutions publiques et en même temps elle est très inquiétante. En effet, en ces temps de restrictions économiques, un tel degré de méconnaissance ouvre la porte toute grande aux idéologues du « marché libre » et à leurs acolytes du secteur privé qui planifient et mettent en marche la dégradation de ces institutions qui éloignent les loups envieux.

Contrer la privatisation et en finir

Au Nouveau-Brunswick c'est par l'éducation et une bonne stratégie de communication que passe la solution. Avec ces outils, les citoyens.nes, pourront élire des députés.es engagés.es à reconstruire et soutenir le système public de soins.

Nous sommes à l'aube d'une nouvelle campagne électorale et l'opposition pourra facilement critiquer l'échec du Premier ministre Higgs et de son administration à résoudre la crise du système de santé de la province. Ses résultats sont terribles et il ne peut s'appuyer là-dessus (pour se faire réélire). Mais ces critiques manqueront le but si elles ne se concentrent que sur une simple amélioration des services proprement dits.

Il faut que ces critiques envers Ms Higgs, Ford et les autres engagent les populations à penser aux « racines » des causes de la crise. Il faut aussi comprendre qu'il est futile et mal avisé de pelleter vers l'avant, vers les compagnies privées et autres organisations, cela ne nous mènera pas vers un meilleur fonctionnement du système.

Il faut insister pour dire que M. Higgs n'est pas un pragmatique même s'il se présente ainsi dans la presse. Ses déclarations et ses actions révèlent qu'il croit vraiment que les « meilleures pratiques » de distribution des services publics, en santé et ailleurs, ne peuvent venir que de celles de base dans la gestion d'affaires, celles que les entreprises privées adoptent et pratiquent. Si une telle foi dans le « libre marché » n'a pas été introduite par Ronald Reagan durant les années 1980, son amplification l'a été. Elle continue d'être le socle de plusieurs conservateurs.trices du Canada et d'autres néolibéraux. Nous en avons la preuve constamment. Les meilleurs gouvernements sont ceux qui gouvernent le moins selon cette idéologie et l'histoire de l'austérité continue.

Il est clair que M. Higgs et ses collègues ont adopté cette vision « reagonesque » du rôle du gouvernement et sont vraisemblablement incapables de la remettre en question. Cela mettrait en danger toute leur conception de la santé et des fonctions de notre système de soins.

Perspectives et actions de la gauche au Nouveau-Brunswick

Les critiques de la part des corporations et du milieu alternatif à propos du mal fonctionnement chronique (du système de santé) ont largement manqué le coche dans les médias. Envers le manque de médecins, d'infirmiers.ères, du défaut de soutient du personnel qui fait face à nombre de décès tragiques dans les urgences, des patients.es qui décèdent avant d'être vus.es. Comme les leaders politiques, aucun.e n'a manifesté l'intention de prendre les mesures radicales appropriées pour agir sur les causes fondamentales de la crise et travailler à les corriger avec un plan d'action holistique et intégré.

Même si la cheffe du Parti libéral, Mme Susan Holt, a déclaré qu'elle était contre toute future privatisation dans le secteur, elle se trouve en porte-à-faux puisque c'est son Parti qui a commencé cette politique dans les années 1990, les a étendues au début des années 2000 et à nouveau en 2017. On peut légitimement se demander s'il mérite notre confiance. Surtout quand on se souvient de la propension de ce Parti à faire de beaux discours avant l'élection et à n'en faire qu'à sa tête une fois au pouvoir.

Le NPD provincial et le Parti de l'alliance du peuple sont tous les deux relativement dépourvus de membres et d'influence générale. Ils sont virtuellement invisibles dans la bataille provinciale pour le système de santé public. C'est un triste commentaire qui reflète la diminution de l'influence du centre-gauche et des partis populistes dans la province.

Le porteur de flambeau pour un changement en profondeur, pourrait être le Parti vert et son chef David Coon. Il a déclaré que l'enjeu des grandes entreprises dans la santé serait présent lors de la prochaine élection provinciale. C'est encourageant d'autant plus que la critique du Parti en matière de santé, Mme Megan Mitton a publié une mise en garde sur les dangers de la privatisation. Mais les paroles et les réprimandes ne sont qu'un début. Jusqu'à maintenant, le Parti n'a rien dit sur les moyens qu'il compte prendre pour renverser la lourde tendance à la privatisation du système public de soins au Nouveau-Brunswick ou pour tenter de mettre en place des alliances politiques capables de défaire des décennies de sous-financement et d'affaiblissement de ces institutions.

Que faut-il ? : un financement adéquat et le retour des services dans le secteur public

Avant la prochaine élection, il doit y avoir un campagne d'éducation sur les raisons fondamentales qui font que le système s'effondre : le sous-financement chronique du système public et en même temps que son transfert vers les capitaux privés par l'actuel gouvernement et ses prédécesseurs. Ce message doit être communiqué clairement et efficacement en démontrant les liens entre les deux.

Pendant des décennies, des centaines de coupes de fonds ont fait mourir notre système public de soins et ça nous rends fous de rage. Plusieurs d'entre nous sont arrivés.es à la conclusion que la privatisation pourrait nous sortir de notre marasme. Alarmant ! Il faut de toute urgence chercher à convaincre ceux et celles qui croient à ce fantasme et qui sont un peu ouverts.es et beaucoup le sont, que ce n'est qu'une fantaisie.

Sans rechercher vraiment les causes (de cette situation), les tentatives parcellaires d'améliorer ce système dégradé sont vouées à l'échec. Si des décisions fermes ne sont pas prises contre la privatisation et ses agents.es dans le gouvernement, nous sommes en grave danger de perdre une part importante de ce qui définit une société décente, soit un système auquel tous et toutes ont accès pour recevoir des soins de santé de qualité.

N.B. M. Gary Heathcote est professeur adjoint en anthropologie à l'Université St. Thomas à Fredericton. Il soutient et contribue occasionnellement à New Brunswick Media Co-op. Il est un des 90,000 citoyens.nes de la province sans médecin de famille ou autre professionnel de la santé.

Pour une étude encore plus approfondie à ce sujet,
Santé Inc, Mythes et faillites du privé en santé, par
Anne Plourde, Écosociété, Montréal, 2024

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Une grave crise politique mine le gouvernement extrémiste de Tel-Aviv : Grève générale et manifestations de colère contre Netanyahu

3 septembre, par Salima Tlemçani — , ,
La découverte, samedi dernier, des corps de six otages israéliens à Ghaza a accentué la grave crise politique qui secoue le gouvernement extrémiste de Benyamin Netanyahu. (…)

La découverte, samedi dernier, des corps de six otages israéliens à Ghaza a accentué la grave crise politique qui secoue le gouvernement extrémiste de Benyamin Netanyahu.

Tiré d'El-Watan.

Jamais Israël n'a vécu une crise aussi grave que celle qu'elle traverse depuis près de 11 mois, particulièrement depuis les négociations autour d'un accord présenté par le président américain, qui permettrait un cessez-le-feu et l'échange des otages israéliens par la libération des détenus palestiniens.

Exacerbée par la découverte, samedi dernier, des corps de six otages israéliens à Ghaza, la colère contre le gouvernement extrémiste de Benyamin Netanyahu – après avoir été l'apanage de l'opposition et les familles des otages – a fini par gagner de nombreux pans de la société, après avoir empoisonné les relations entre le Premier ministre et certains de ses plus proches et puissants collaborateurs, qui lui reprochent d'avoir « torpillé » les négociations et sacrifié les otages, en insistant sur le maintien du contrôle sur les corridors Philadelphie qui relie Ghaza à l'Egypte et Netzarim qui sépare le nord de Ghaza de son sud.

Hier, alors que des milliers de personnes se rassemblaient devant la Knesset, réclamant « une trêve immédiate » et « un accord sur la libération des otages », de nombreuses municipalités, à leur tête celle de Tel-Aviv, appuyées par la puissante Fédérations syndicale (Histadrut), le Forum israélien des affaires représentant quelque 200 des plus grandes entreprises et le Forum des familles des otages et le chef de l'opposition, Yair Lapid, ont appelé à une grève générale, dès aujourd'hui.

L'appel est également lancé par les syndicats des professionnels de la santé à rejoindre le mouvement de grève afin d'exiger « le retour des otages vivants ». Pour Yair Lapid, les six otages, dont les corps ont été retrouvés samedi, « étaient vivants. Netanyahu et le cabinet de la mort ont décidé de ne pas les sauver », a-t-il écrit dans une déclaration publiée sur les réseaux sociaux, ajoutant : « Il y a encore des otages vivants là-bas, un accord peut encore être conclu. Netanyahu ne le fait pas pour des raisons politiques. »

Des heures après l'annonce de la découverte des corps des otages, Netanyahu a diffusé une vidéo dans laquelle il accusé le Hamas d'avoir tué les captifs et menacé de poursuivre ses combattants et de les tuer. Il a tenté de se défendre des accusations de torpillage de l'accord, en renvoyant la balle vers le Hamas.

Selon lui, « Israël a accepté le contenu de l'accord soutenu par les Etats-Unis en mai et une version actualisée en août, mais le Hamas avait refusé de l'accepter et même maintenant il continue à refuser toute offre ». Netanyahu n'a pas expliqué que la version de l'accord américain, accepté par les deux parties, au mois de mai dernier, a été modifiée par ses soins, au mois de juillet, afin de garder les corridors Philadelphie et Netzarim sous le contrôle de l'armée israélienne, alors que le Hamas exigeait dès le début des négociations pour l'évacuation de tout le territoire de Ghaza.

De nombreuses informations parvenues aux médias israéliens et américains, ont fait état des lourdes divergences apparues au sein même du cabinet de Netanyahu à cause de ce revirement.

Gallant exhorte Netanyahu à faire davantage de compromis

Citant la chaîne israélienne Channel 12, le journal The Times of Israel a affirmé que le Premier ministre « a indiqué la semaine dernière au ministre de la Défense, Yoav Gallant, qu'il donnait la priorité au maintien des troupes israéliennes dans les corridors Philadelphie plutôt qu'au sauvetage des otages », ajoutant que « Gallant et les chefs de la sécurité ont exhorté à plusieurs reprises Netanyahu à faire davantage de compromis dans les négociations, notamment concernant le corridor de Philadelphie, craignant que les positions dures du Premier ministre ne fassent échouer un accord ».

Citant des responsables israéliens sans les nommer, le site électronique américain, Axios, « la confrontation a montré le profond désaccord entre Netanyahou et la grande majorité de l'establishment de la défense et de la communauté du renseignement israéliens sur ce que devrait être la stratégie d'Israël à Ghaza, près d'un an après les attaques du 7 octobre ».

Mais si Israël choisit de ne pas accepter un accord, a souligné la même source, « cela laisserait l'armée israélienne embourbée à Ghaza, tout en exacerbant les tensions à travers le Moyen-Orient, ce qui pourrait conduire à une guerre régionale, tandis que l'attention de l'armée israélienne serait ailleurs ».

Jeudi dernier, Netanyahu et sept ministres ont voté en faveur du maintien du contrôle militaire total sur le corridor de Philadelphie, contre une seule voix, opposée, celle de Gallant, partageant sa position avec les chefs des services de sécurité et de renseignement qui plaident pour un accord qui permet la libération des otages. « Gallant, le chef d'état-major de Tsahal, le général Herzi Halevi, et le directeur du Mossad, David Barnea, ont affirmé que la proposition de Netanyahu de voter une résolution visant à maintenir le contrôle israélien total le long du corridor de Philadelphie, compromettrait un éventuel accord.

Nous avons prévenu Netanyahu et les ministres du cabinet de ce scénario précis, mais ils n'ont pas voulu écouter », a écrit Axios. Peut-on croire que la découverte des corps des six otages à Ghaza a sonné la fin de récréation pour Netanyahu ? Il est un peu tôt pour répondre à cette question, cependant la contestation contre le Premier ministre montre d'un cran. Les appels à la grève générale pour aujourd'hui se sont élargis en quelques heures seulement.

Deux organisations de familles des otages, parmi les plus actives, ont rendu public un communiqué, hier, appelant à une grève générale et une manifestation populaire imposante contre Netanyahu. « Netanyahou a abandonné les otages. C'est désormais un fait. A partir de demain (aujourd'hui), le pays va trembler. Nous appelons la population à se préparer. Nous allons mettre le pays à l'arrêt. L'abandon est terminé », lit-on dans leur communiqué.

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Les exigences du capital - La sinistre clarification d’Emmanuel Macron

3 septembre, par Romaric Godin — ,
En refusant de nommer Lucie Castets à Matignon, le président a confirmé que, pour lui, l'espace démocratique est désormais soumis aux exigences du capital. Rien d'important ne (…)

En refusant de nommer Lucie Castets à Matignon, le président a confirmé que, pour lui, l'espace démocratique est désormais soumis aux exigences du capital. Rien d'important ne saurait changer dans le domaine économique. Du pain bénit pour l'extrême droite.

27 août 2024 | tiré d'Europe solidaire sans frontières | Photo : À gauche, le président du Medef Patrick Martin. À droite, Emmanuel Macron. © Photomontage Mediapart avec AFP
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article71816

Et si, malgré tout, la dissolution de l'Assemblée nationale avait bien été une clarification politique ? Pas celle à laquelle on pense immédiatement, bien sûr, avec une majorité établie et un gouvernement solide. Mais ce qui a été clarifié par la décision du chef de l'État, le 26 août, d'exclure tout gouvernement du Nouveau Front populaire (NFP) est bien plus vaste : c'est le cadre dans lequel la démocratie française est autorisée à fonctionner.

Le refus de nommer Lucie Castets, la candidate du NFP, à Matignon a beau se cacher sous les atours de la « stabilité institutionnelle », le premier ministre par intérim Gabriel Attal, par ailleurs chef du groupe présidentiel à l'Assemblée (un double rôle qui en dit long sur le respect de ce camp pour ces mêmes institutions), a précisé les conditions de ce refus : c'est évidemment le programme économique du NFP qui, selon lui, conduirait « à un effondrement économique de notre pays ». En cela, il partage l'idée avancée lundi par Marine Le Pen qu'un gouvernement NFP « mènerait une politique dangereuse pour les Français ».

Les limites à la démocratie

Hasard du calendrier, ce même 26 août, le président du mouvement des entreprises de France (Medef), Patrick Martin, a, dans le discours d'ouverture de son université d'été à l'hippodrome de Longchamp, confirmé ce même cadre en refusant le programme du NFP qui, selon lui, « se paiera cash » par « le déclassement » de la France.

D'ailleurs, Patrick Martin est allé plus loin en demandant la poursuite des « politiques pro-business » menées par les gouvernements depuis au moins 2017. Il a d'ailleurs salué chaleureusement son « cher ami » Bruno Le Maire, locataire démissionnaire de Bercy, pour avoir été un « artisan déterminant et déterminé » de ces politiques.

Et pour enfoncer le clou, le matin même sur France Inter, Patrick Martin a même prétendu que les élections législatives n'avaient pas « sanctionné la politique économique du gouvernement actuel ». Cette offensive du Medef est une clarification importante par son alignement sur la stratégie menée à l'Élysée. Elle confirme un fait trop souvent sous-estimé à gauche : la seule boussole qui détermine les choix d'Emmanuel Macron, c'est la préservation de l'ordre économique.

La politique est soumise à une force plus impérieuse, celle de l'intérêt du capital.

Depuis le 9 juin, tout tourne autour de cette obsession. Il faut trouver une formule politique qui ne remette pas en cause les politiques économiques menées à la demande et à la satisfaction du capital. La formation du gouvernement est donc soumise à d'autres forces que celles de la logique majoritaire ou constitutionnelle, elle est soumise à ce cadre rigide d'un autre gouvernement, celui du capital.

La preuve la plus éclatante de cette réalité est que le programme du NFP est lui-même issu d'un compromis. Il est, rappelons-le, particulièrement modéré en économie. Il propose une option keynésienne qui prend acte de l'échec des fameuses politiques pro-business et de leurs conséquences néfastes. Mais ce n'est pas un programme anticapitaliste : les entreprises restent le cœur de l'organisation économique.

Mais la situation du capital est telle que même cette modération est inacceptable pour lui. C'est bien ce message que Patrick Martin, décidément très bavard ces temps-ci, a confirmé dans un entretien au Figaro le 25 août : le programme du NFP serait « insupportable » pour le pays. Rien ne serait possible pour les entreprises : ni la hausse du smic, ni l'abolition de la réforme des retraites, ni l'indexation des salaires. Le Medef se présente même comme gardien du temple de la supposée « rationalité économique » pour éviter que « nos décideurs ne s'égarent ».

L'Élysée garde le temple économique

Le patron des patrons peut être rassuré : l'Élysée est parfaitement sur cette ligne et a donc fixé les règles du jeu. Désormais, pour être acceptable, tout prétendant à Matignon devra montrer patte blanche et faire allégeance à cette fameuse « rationalité économique ». Et cela inclut de ne pas toucher aux mesures engagées depuis 2017.

Le cadre d'acceptabilité de la politique économique s'est donc fortement restreint et c'est ce cadre qui détermine la possibilité de la construction gouvernementale. Pour ceux qui en doutait encore (ils étaient apparemment encore nombreux), la politique est soumise à une force plus impérieuse, celle de l'intérêt du capital. Et c'est de cette hiérarchie dont est garant le président de la République. Bien plus que de la stabilité institutionnelle.

Les macronistes n'accepteront pas de compromis hors du cadre étroit défini par le Medef.

Emmanuel Macron a toujours défendu cette logique d'encastrement de la démocratie dans les intérêts économiques. Toute sa politique depuis 2017 le prouve. On se souviendra qu'aucune crise, ni les « gilets jaunes », ni la crise sanitaire, ni la guerre en Ukraine, ni l'accélération du désastre écologique ne lui ont fait remettre en cause ses réformes fiscales et notamment la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). On se souviendra que le rejet général de la réforme des retraites ne l'a pas freiné et que ladite réforme a été imposée au nom même de cette pseudo « rationalité » qui n'est qu'un paravent d'intérêts concrets.

Il y a de quoi sourire à voir le camp présidentiel sauter comme un cabri pour appeler à des « compromis » tout en défendant ce bilan présidentiel et en refusant de remettre en cause toute réforme d'importance des sept dernières années sur le plan économique. On veut bien accepter une taxation des « super rentes » que l'on peinera à définir et qui ne changera rien d'essentiel, mais pas davantage.

La réalité, c'est que les macronistes n'accepteront pas de compromis hors du cadre étroit défini par le Medef : la politique économique doit rester la même. C'est ici qu'agit la clarification présidentielle : l'économie est désormais exclue du champ démocratique. Emmanuel Macron entend rendre réel ce vieux rêve néolibéral, mais en le rendant encore plus contraignant car ce qu'il défend ce n'est pas seulement l'indépendance du politique et de l'économique, c'est la soumission du politique à l'économique.

Une République sous tutelle

La République si fière de sa laïcité est désormais soumise à une religion nouvelle : celle des forces économiques qui s'imposent à chacun de ses choix. Comme jadis les actes de la vieille République romaine étaient soumis à la validation des dieux par la consultation des augures, notre République moderne ne peut plus agir sans avoir reçu le blanc-seing des intérêts du capital. Ou bien la colère de la déesse économie se déchaînera sur le pays.

En d'autres termes : la République règne, mais ne gouverne pas. Celui qui gouverne, c'est le capital et il gouverne même en l'absence de gouvernement. D'ailleurs, la décision de Gabriel Attal de geler, c'est-à-dire de réduire, les crédits pour 2025 sans avoir de validation parlementaire n'est rien d'autre qu'une preuve de ce gouvernement du capital.

Pourtant, cette sacralisation des politiques économiques « pro-business » ne règle rien. Patrick Martin peut bien prétendre que la population est fort satisfaite des politiques économiques menées, les faits disent le contraire. La crise politique est la conséquence de cette politique. Le mécontentement est bien là. On peut mettre le couvercle dessus et regarder ailleurs comme le fait le patron du Medef. Mais cette réalité se rappellera immanquablement à nous.

Si les Français acceptent, de mauvaise grâce, le nouveau cadre démocratique restreint, leur mécontentement économique et social prendra inévitablement d'autres formes. Et c'est évidemment l'extrême droite qui en profitera en faisant de cette colère une nouvelle vague xénophobe. C'est d'ailleurs pour cette raison que le Rassemblement national (RN) et ses alliés n'ont aucune raison de remettre en cause le cadre que vient de définir clairement le président de la République.

Derrière son discours lénifiant sur la stabilité, il n'y a que le fanatisme économique d'Emmanuel Macron. En excluant l'économique du champ démocratique, le président ouvre la porte à tous les excès au nom même de la « stabilité », c'est-à-dire au nom de la stabilité sociale.

En 121 avant notre ère, un réformateur modéré soucieux d'améliorer la situation économique de la plèbe romaine, Caïus Gracchus, fut violemment tué à Rome avec ses partisans par l'aristocratie sénatoriale dix ans après son frère. Cet acte fut validé par le Sénat au nom de la « sauvegarde de l'État », une sauvegarde qui passait donc par le refus de toute modification de l'ordre social. Peu après, le consul qui avait mis à mort Caïus, Lucius Opimius décida de reconstruire, sur le Forum, le temple de la Concorde. Une main inconnue vint écrire, selon Plutarque, une nuit, sur la base de ce nouveau temple, cette ligne : « Un travail de folle discorde a produit un temple à la Concorde. » Voilà à quoi ressemblent les leçons de stabilité de l'Élysée.

Romaric Godin
P.-S.

• Mediapart, 27 août 2024 à 19h05 :
https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/270824/la-sinistre-clarification-d-emmanuel-macron

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Nourrir l’espoir, agir pour le changement : Repenser notre rapport au vivant

3 septembre, par Regroupement des organismes communautaires des Laurentides (ROCL) — , ,
Saint-Jérôme, 27 août 2024 - Réunis en lac-à-l'épaule en juin dernier, l'équipe de travail et les membres du nouveau conseil d'administration du Regroupement des organismes (…)

Saint-Jérôme, 27 août 2024 - Réunis en lac-à-l'épaule en juin dernier, l'équipe de travail et les membres du nouveau conseil d'administration du Regroupement des organismes communautaires des Laurentides (ROCL) ont élaboré un plan d'action étoffé répondant aux cinq priorités adoptées en assemblée générale annuelle où plus de 120 personnes étaient présentes.

L'une de ces priorités consiste notamment à s'approprier collectivement les réalités entourant la justice sociale et climatique dans le milieu communautaire.
« On ne peut plus nier l'existence de la crise climatique et l'impact social qu'elle engendre quand on regarde les dernières années : vagues de chaleur plus fréquentes et plus intenses, feux de forêt, détérioration de la qualité de l'air, sécheresses, érosion côtière, inondations, etc. Les impacts de la crise environnementale sont réels, concrets et ont déjà une incidence sur notre quotidien et notre bien-être » affirme Isabelle Cloutier, vice-présidente du ROCL.

Fort de ses 161 organismes communautaires, le ROCL s'inquiète des impacts de la crise climatique sur le milieu communautaire. « Les groupes communautaires oeuvrent directement avec les personnes qui sont les plus touchées par les inégalités sociales et la pauvreté. Comme ces personnes seront les plus impactées par la crise climatique, il est réaliste de présager que les groupes communautaires seront confrontés à une exacerbation des problématiques rencontrées par leurs membres dans les prochaines années » constate Benoit Larocque, coordonnateur du ROCL.

Madame Cloutier partage son inquiétude : « Nous l'avons bien vu dans les dernières années, en temps de crise, qu'elle soit économique, sanitaire, sociale ou climatique, ce sont les droits des personnes les plus vulnérables qui sont particulièrement éprouvés. Nous sommes peut-être toutes et tous dans la même tempête, mais nous ne possédons pas le même bateau. Et s'il y a une certitude, c'est que les années à venir seront encore plus difficiles ».

« La culture « des gestes individuels » doit rapidement céder sa place à une culture « des gestes collectifs » si nous voulons mettre en place de réels changements structurants, efficaces et durables en termes de justice sociale et climatique. Les instances politiques ont tendance à individualiser les solutions aux enjeux environnementaux. Or, il faut élargir les spectres d'actions pour que toutes les instances prennent leurs responsabilités, poursuit Benoit Larocque ».

Rappelons que le mouvement communautaire a toujours eu un rôle crucial à jouer dans l'avancement des droits de la personne et dans l'amélioration de leurs conditions de vie en menant de nombreuses luttes sociales pour donner une voix aux personnes qui en avaient peu. C'est en misant sur la force collective, l'indignation et l'espoir en un monde plus égalitaire, que les organismes communautaires autonomes du Québec ont pu faire avancer des causes importantes. Le ROCL croit profondément que la crise climatique est l'une de ces causes qui méritent pleinement l'attention et l'implication collective. Il y a encore des raisons d'espérer, de rester en action contre l'inaction et d'œuvrer pour plus de justice sociale et climatique.

Face à l'immobilisme des gouvernements, le ROCL a décidé de se saisir de cet enjeu pour que la lutte contre les inégalités sociales, le respect du vivant et la crise climatique deviennent une réelle priorité.

Le ROCL est un regroupement existant depuis près de 30 ans constitué de plus de 160 organismes communautaires autonomes qui œuvrent dans les Laurentides. Lieu de rassemblement pour les organismes de la région, il offre de la formation, de l'accompagnement et du soutien aux organismes du territoire afin de leur permettre de s'épanouir pleinement dans leurs racines communautaires. Il vise par son action, son approche et son rôle de représentation à faire rayonner l'identité des organismes communautaires autonomes et à opérer de profonds changements pour plus de démocratie, de solidarité et de justice sociale et climatique.

www.roclaurentides.com

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Une capsule vidéo contre une idée fausse sur la pauvreté

3 septembre, par ADT Quart monde Canada — , ,
Dans le cadre de sa vaste campagne pour combattre les idées fausses sur la pauvreté, le Mouvement ATD Quart Monde lance aujourd'hui la seconde de trois capsules vidéo. La (…)

Dans le cadre de sa vaste campagne pour combattre les idées fausses sur la pauvreté, le Mouvement ATD Quart Monde lance aujourd'hui la seconde de trois capsules vidéo. La prochaine capsule sera dévoilée mercredi 4 septembre.

Trop d'idées fausses sur la pauvreté influencent négativement les personnes en position de pouvoir, celles qui conçoivent les programmes et mettent en place des services de lutte à la pauvreté. Cela fait en sorte que trop souvent ces actions ratent leur cible. Déjà les personnes manquent de revenu, mais elles souffrent en plus du jugement social qu'imposent ces idées fausses.

On vit bien sur le BS - FAUX !

Il est facile de rêver être rentier ou rentière, c'est-à-dire, recevoir de l'argent sans travailler, comme les enfants héritiers d'auteur et d'autrice de chanson ou de livres, comme les enfants de riches investisseurs ou comme les gagnants et gagnantes de Loto-Québec. Mais la situation des personnes assistées sociales est très différente. Elles ne sont pas rentières de l'État.

L'assistance sociale donnée pour une personne seule qui serait apte à travailler est de 807$ par mois. L'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS) a calculé la mesure du panier de consommation (MPC) pour 2023 à 2001$ par mois. Il s'agit du montant pour couvrir ses besoins de base, pour une personne seule vivant à Montréal. Ce n'est pas encore être sorti de la pauvreté. De plus, si deux personnes sont en couple, vivant ensemble, elles ne reçoivent qu'un montant pour le couple, qui est de 1225$ par mois, soit moins l'équivalent de 612,50$ par personne par mois. Avec le coût des logements, de l'épicerie et du transport, peut-on encore imaginer qu'on vit bien à l'aide sociale ?

L'aide sociale de protège pas de la faim, car 2 ménages sur 3 souffrent d'insécurité alimentaire. De plus, l'espérance de vie est de 10 ans inférieur pour les personnes vivant dans un quartier pauvre que celle vivant dans un quartier mieux nantis. Sans compter, que selon une étude sur l'opinion publique, les personnes à l'aide sociale sont les plus discriminées dans les médias et elles font l'objet d'une opinion publique québécoise nettement moins favorable que celle accordée à d'autres groupes sociaux marginalisés, comme les personnes issues de l'immigration ou les minorités sexuelles.

Ces données nous amènent à changer notre regard sur les personnes en situation de pauvreté et à repenser nos programmes sociaux pour éliminer la pauvreté, ce, tout en respectant la dignité de ceux et celles qui la vivent.

En finir avec la pauvreté, c'est d'abord en finir avec les idées fausses

Consultez la fiche

La fiche contre l'idée fausse "On vit bien sur le BS" est disponible pour diffusion dans vos médias et réseaux sociaux.

Vous pouvez les imprimer librement également pour faire changer les idées sur la pauvreté.

[Aller sur le site Internet](https://civicrm.atdquartmonde.ca/fr/civicrm/mailing/url?u=1535&qid=78685)

https://civicrm.atdquartmonde.ca/fr/civicrm/mailing/url?u=1535&qid=78685

Des outils pour un regard juste sur la pauvreté

Ces capsules vidéo sont des outils qui viennent enrichir nos moyens afin de rétablir un regard juste sur les personnes qui vivent la pauvreté. [Les fiches cartes-postales sont déjà disponibles sur notre site Internet.](https://civicrm.atdquartmonde.ca/fr/civicrm/mailing/url?u=1535&qid=78685) Le manuel d'accompagnement de la campagne sera mis en ligne gratuitement le 10 septembre. Des commandes pour des copies papier de ces outils sont également possibles.

[Visiter le site de la campagne](https://civicrm.atdquartmonde.ca/fr/civicrm/mailing/url?u=1535&qid=78685)

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Les Conservateurs de Poilevre : le sourd grondement d’un retour à l’austérité ?

3 septembre, par Jean-François Delisle — , ,
Certains commentateurs (dont Josée Legault dans le Journal de Montréal) ne s'alarment pas outre mesure de la perspective d'un changement de gouvernement à Ottawa ; en effet (…)

Certains commentateurs (dont Josée Legault dans le Journal de Montréal) ne s'alarment pas outre mesure de la perspective d'un changement de gouvernement à Ottawa ; en effet soutiennent-ils en substance, le gouvernement libéral de Justin Trudeau serait usé et en manque de politiques de rechange. Il faut donc en déduire que pour eux, l'arrivée au pouvoir des conservateurs "poilievréens" ne constituerait pas nécessairement une catastrophe.

De sérieux bémols s'imposent ici.

Tout d'abord, le gouvernement Trudeau a renoué avec des politiques redistributives qui contrastent avec la période du conservateur Stephen Harper (2006-2015). On n'a qu'a penser à la création du SRG (Supplément de revenu garanti), lequel augmente les prestations de retraite aux prestataires à faible revenu de la sécurité de la vieillesse ; de plus, il n'est pas imposable.

On peut évoquer aussi de la Prestation canadienne d'urgence (PCU) lmisre sur pied lors de la pandémie de 2020 et de l'augmentation marquée des prestations d'assurance-emploi à la même période, mesure temporaire hélas mais qui a apporté un soutien financier important aux chômeurs et chômeuses ayant perdu leur emploi en raison de la COVID-19.

Évidemment, le cabinet Trudeau étant minoritaire, il a du s'appuyer sur le Nouveau Parti démocratique (lNPD) pour se maintenir en place, ce qui l'a sans doute obligé à adopter ces mesures. Autrement, sa "générosité" aurait été plus mesurée. On a lui fait par ailleurs bien des reproches comme l'inflation galopante et l'immigration massive au Canada que je ne reprendrai pas ici, vu qu'on en a déjà beaucoup traité.

Posons-nous plutôt la question suivante : que ferait un cabinet Poilievre ? Quelles mesures adopterait-il pour régler les problèmes de la société canadienne ? Représente-t-il une solution de rechange convaincante ?

Difficile de répondre à ces interrogations légitimes.

En effet, le chef conservateur demeure vague sur des problèmes-clés.
Par exemple, il ne s'engage pas sans équivoque à maintenir le programme de soins dentaires universel mis sur pied par les libéraux (et qui, soit dit en passant, empiète sur les compétences des provinces).

Pour ce qui regarde le déficit et la dette, deux phobies rétrolibérales, Poilievre s'en tient à des généralités convenues. Il s'engage à réduire les dépenses gouvernementales et à présenter un budget équilibré.

Pour ce qui est de la place du Québec dans la fédération, Poilievre ne prévoit pas de renouvellement de, donc de pouvoirs accrus pour le Québec. Mais il prône un gouvernement fédéral de stature plus modeste, bien dans la logique rétrolibérale.
Sur la question délicate de la loi 21, il partage la conviction de Justin Trudeau hostile à cette mesure et participerait à la contestation à une contestation judiciaire de cette loi devant la Cour suprême.

Il abolirait aussi les mesures établies par Trudeau pour le contrôle des armes à feu. Même chose pour la protection de l'environnement.

Pour conclure, y gagnerait-on avec un gouvernement Poilievre à Ottawa ?

Il faut rappeler ici que cet homme a fait partie du gouvernement Harper en tant que ministre d'État des institutions démocratiques (de 2013 à 2015) et de ministre des ressources humaines et du développement social (en 2015). Il cultive le flou et la vague quand il s'agit de préciser comment il réaliserait ses projets une fois au pouvoir. Mais si cela arrivait, il faudrait s'attendre à des politiques assez drastiques visant en particulier la protection sociale et l'environnement.

Affirmer que le gouvernement Trudeau a fait son temps et qu'il doit être remplacé est une chose, mais par qui ? Après tout, la coalition libérale-néo-démocrate a donné des résultats assez convaincants sur divers problèmes, toutes choses étant très relatives par ailleurs bien entendu.

Au contraire, on peut se douter que sur certains plans, l'éventuelle conquête du pouvoir à Ottawa par les conservateurs représenterait un recul.

Le problème dépasse la personnalité des deux chefs. Comment agirait le successeur de Trudeau s'il remportait le prochain scrutin ? Persévérerait-il dans la voie tracée par son prédécesseur ou se lancerait-il dans l'austérité pour couper l'herbe sous le pied à Poilieve ?

On peut se le demander non sans perplexité et même inquiétude. Libéraux, néo-démocrates et conservateurs ne sont pas interchangeables, et ce en dépit du fait qu'aucune de ces formations ne conteste le capitalisme. Mais les deux premières au moins adhèrent (surtout les néo-démocrates) à une version moins brutale que les conservateurs du droit "sacré" au profit. Le fantôme de Keynes "l'ange gardien" de la redistribution se profile derrière elles.

Jean-François Delisle

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Pétition pour le retrait de la TPS sur les billets d’autocars et de trains

3 septembre, par Les oubliés de l'autobus — , ,
Les oubliés de l'autobus <http://www.oubliesdelautobus.sitew.ca/> ont déposé pour signature sur le site du gouvernement fédéral une pétition qui demande le retrait de la (…)

Les oubliés de l'autobus <http://www.oubliesdelautobus.sitew.ca/> ont déposé pour signature sur le site du gouvernement fédéral une pétition qui demande le retrait de la TPS sur les billets d'autocars et de trains, cette taxe ajoutant 5% à leurs prix déjà très élevés. Le groupe constate que ce choix éco-responsable est taxé quand pourtant l'utilisateur de transport collectif contribue déjà au-delà de sa juste part à construire et maintenir les infrastructures routières.

Voici le texte de la pétition e-5053

Attendu que :
Le transport est un besoin essentiel, particulièrement dans les régions éloignées des centres ;

Les taxes sur les transports collectifs qui s'ajoutent aux prix des billets les rendent prohibitifs pour les usagers les plus démunis ;

Les fournisseurs de service de transport collectif peinent à maintenir des horaires suffisants et des circuits universels ;

Les services de transport collectif contribuent efficacement à la diminution des gaz à effet de Serre (GES) ;

Les citoyens qui utilisent ces services doivent être encouragés car ils collaborent à réduire la congestion et l'émission de GES.

Nous soussignés, citoyennes et citoyens utilisateurs de services de transport collectif au Canada, prions la Chambre des communes réunie en Parlement de supprimer la taxe (TPS/TVH) sur la vente de billets d'autocars interurbains et de trains de passagers.

<https://www.noscommunes.ca/petition...> .

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Féminicides : Appel à la mobilisation !

3 septembre, par Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale (Portneuf-Ouébec-Charlevoix) — , ,
La vague de féminicides qui a eu lieu durant la première partie de l'année est passée sous silence. Arrêtons de tolérer la banalisation des violences envers les femmes. (…)

La vague de féminicides qui a eu lieu durant la première partie de l'année est passée sous silence. Arrêtons de tolérer la banalisation des violences envers les femmes.

Contexte

Elles sont 17 à avoir été assassinées depuis janvier 2024, presque toutes par des hommes de leur entourage. Ces meurtres ne sont pas des événements isolés : ils s'inscrivent sur un continuum de violences, exacerbé par le contexte social actuel.

Pendant les vacances parlementaires, l'inflation, la crise du logement et le sous-financement des services publiques et des groupes communautaires ont continué de menacer la sécurité des femmes. Il y a urgence de retisser un filet de sécurité mis à mal par les crises actuelles et par le manque de vision du gouvernement qui ne propose aucune mesure globale relatives à la sécurité et au bien-être des femmes.

Le 12 septembre prochain à midi, vous êtes invité-es à nous joindre à l'Assemblée nationale. Profitons de la rentrée parlementaire pour crier haut et fort que l'ensemble des violences envers les femmes, c'est un problème social sur lequel on doit agir dès MAINTENANT.

Montrons notre volonté de lutter pour une société sécuritaire et égalitaire qui prendra en considération toutes les femmes !

Action en non-mixité inclusive. Femmes, personnes trans et non-binaires bienvenues.

Lien vers l'événement : https://www.facebook.com/events/1579760535917739/?ref=newsfeed

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Rencontrez Nedjma Ziarati, la talentueuse directrice artistique de notre murale collective pour GÉNÉRATIONS !

3 septembre, par Fédération des femmes du Québec — , ,
Née au Canada en 1997, @nedjma_ziarati est le fruit de multiples cultures, avec un père iranien et une mère algéro-allemande. Cette diversité culturelle se retrouve dans son (…)

Née au Canada en 1997, @nedjma_ziarati est le fruit de multiples cultures, avec un père iranien et une mère algéro-allemande. Cette diversité culturelle se retrouve dans son art, où chaque œuvre raconte une histoire unique et vibrante.

Formée auprès de la miniaturiste iranienne Sahar Bakhtiari, issue de l'école du grand maître Mohammad Bagher Aghamiri, Nedjma puise son inspiration dans l'art ancien de la miniature persane.

Avec une minutie remarquable, elle explore les détails les plus fins, mêlant paysages naturels et figures féminines, dans une symphonie de couleurs vives. Ses créations sont une invitation au voyage, empruntant des éléments du Japon, de la Chine et du Moyen-Orient.

Dans son univers, la fluidité et le mouvement règnent en maîtres, où la nature, la roche et l'eau fusionnent pour créer des œuvres poétiques, libérées des contraintes de la perspective.

Pour l'événement GÉNÉRATIONS, Nedjma guidera la création d'une murale collective, où le figuratif et l'abstrait s'entrelaceront pour donner vie à une œuvre qui ouvre la voie au rêve et à l'émerveillement.

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Début des audiences du BAPE à Rouyn-Noranda | Plusieurs questions cruciales à poser sur l’inquiétant projet minier Horne 5

3 septembre, par Collectif — , ,
Plusieurs organismes communautaires, comités citoyens et coopératives de Rouyn-Noranda, appuyés par des groupes régionaux et nationaux de défense de l'environnement et des gens (…)

Plusieurs organismes communautaires, comités citoyens et coopératives de Rouyn-Noranda, appuyés par des groupes régionaux et nationaux de défense de l'environnement et des gens unissent leurs voix pour inviter la population à venir poser des questions ce soir sur le projet minier Horne 5 de Ressources Falco à Rouyn-Noranda devant le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE).

La société civile est prête pour l'exercice. Malgré le déclenchement du dossier en plein été et une présentation de la documentation anarchique et sans préavis de la part de la compagnie, les groupes sont parvenus à étudier en détail le dossier en mettant leurs ressources en commun.

L'étude approfondie du projet minier Horne 5 soulève de sérieuses questions extrêmement préoccupantes. Ce soir et demain, les groupes adresseront ces questions cruciales directement à la compagnie et au gouvernement.
Parmi la multitude de problèmes environnementaux, sociaux et économiques provoqués par le projet, cinq enjeux névralgiques se dégagent :

L'aggravation de la qualité de l'air

Les dangers liés à la sismicité dans la ville et sous la Fonderie (tremblements de terre et effondrements)

Le coût social et économique du projet pour la Ville de Rouyn-Noranda et les citoyen-ne-s

Les risques de pollution de l'eau

Le manque d'utilité du projet et les cadeaux fiscaux accordés à la compagnie
La première partie des audiences publiques sur le projet minier Horne 5 débute ce soir le 27 août à 19h à l'hôtel Noranda. Les audiences reprendront demain, mercredi 28 août, à 13h et 19h. D'autres dates et lieux pourraient suivre.

Citations

« Un projet industriel de cet ampleur inquiète grandement la vingtaine de membres de la Coopérative d'habitation Boréale, vivant dans le quartier du vieux Noranda qui est déjà fortement impacté à bien des niveaux par la Fonderie Horne. Par ailleurs, les dernières années n'ont en rien rassuré nos membres. L'ajout potentiel d'un nouveau projet industriel de cette ampleur à proximité du centre-ville, déjà aussi pollué est d'autant moins rassurant pour des habitant·e·s dont la confiance envers les institutions gouvernementales censées s'occuper de santé et d'environnement s'effrite malheureusement. Nos enfants et nous-même méritons d'habiter dans un environnement sain et sécuritaire », Jean-Philippe Rioux-Blanchette, président de la Coopérative Boréale.

« L'arrivée de 500 travailleurs avec le projet Horne 5, majoritairement masculins et avec un salaire élevé, inquiète hautement notre organisme sur les différents impacts pour les femmes, dont les inégalités économiques et les risques de violence », Johanne Alarie, intervenante communautaire, Centre Entre-Femmes – Rouyn-Noranda.

« Nous sommes très inquiètes car le projet Horne 5 fait peser des risques supplémentaires sur la population de Rouyn-Noranda déjà exposée à de nombreux risques en raison des émissions toxiques de la Fonderie Horne qui affectent de façon importante la qualité de l'air et des sols. Bien que certains aspects du projet puissent sembler présenter des risques négligeables, leurs conséquences potentielles, quant à elles, pourraient être graves et irréversibles. Il est essentiel de rappeler que chaque citoyen a le droit de vivre dans un environnement sain et sécuritaire, et ce droit doit être respecté et protégé avant tout développement économique. », Jennifer Ricard Turcotte, Mères au front de Rouyn-Noranda et leurs allié.e.s.

« La surexposition de nos enfants, de la population, et la réduction insuffisante des rejets dans l'air exigée par le gouvernement à la Fonderie Horne de Glencore nous inquiètent déjà au plus haut point. L'arrivée d'une autre source de rejets dans notre environnement est vraiment inadmissible : nous avons vraiment l'impression que notre population est sacrifiée au nom d'intérêts économiques », Nicole Desgagnées, Comité Arrêt des rejets d'émissions toxiques (ARET).

« L'exploitation d'une mine de grande profondeur peut provoquer des mouvements de terrain. Le REVIMAT s'inquiète des effets sur les infrastructures vieillissantes de la Fonderie Horne, dont le bassin et l'usine d'acide, qui peuvent mettre en danger la sécurité de la population en cas d'accident. Nous nous questionnons si Falco pourra sécuriser la population lors du BAPE avec un enjeu aussi important », Marc Nantel, porte-parole, Regroupement vigilance mines de l'Abitibi et du Témiscamingue (Revimat).

« Alors que la population de Rouyn-Noranda vit déjà une situation très anxiogène avec le projet de zone tampon dans le quartier Notre-Dame, que les émissions atmosphériques sont toujours trop élevées, que les impacts cumulatifs des activités industrielles en cours induisent déjà une pression aiguë sur le milieu, le CREAT s'interroge à savoir pourquoi le gouvernement du Québec a fait le choix volontaire de déclarer recevable un projet qui ne ferait qu'ajouter des sources de contaminations à celles que subissent déjà la population. Dans le contexte actuel, cette démarche démontre un manque flagrant de considération de la part du gouvernement du Québec envers les citoyens·ne·s de Rouyn-Noranda, qui peinent déjà à obtenir des réponses dans le dossier de la Fonderie Horne » BIanca Bédard, directrice générale, Conseil régional de l'environnement de l'Abitibi-Témiscamingue.

« Ce projet, dont les profits proviendront principalement de l'extraction d'or et d'argent – des métaux à la pertinence presque nulle au regard des grands défis écologiques qu'affronte l'humanité, nécessitera le pompage de millions de mètres cubes d'eau hautement contaminée hors du sous-sol de Rouyn-Noranda, et l'entreposage de millions de résidus miniers acidogènes en amont du lac Dufault, la source d'eau potable de la ville. Les risques encourus par la population, pour les profits de quelques-uns, nous semblent purement déraisonnables et invitent à une révision sérieuse de nombreux volets de cette bombe à eau minière, dont l'éclatement pourrait avoir des conséquences irréparables », Émile Cloutier-Brassard, responsable des dossiers miniers, Eau Secours.

« Le projet minier Horne 5 risque d'ajouter à la contamination du bassin Osisko qui dépasse déjà les normes. Plus de daphnies et plus de truites vont mourir si Falco ne s'engage pas à décontaminer son site industriel avant la construction de son concentrateur », Daniel Green, président, Société pour vaincre la pollution.

« L'Action boréale est d'avis que le projet Falco 5 ne pourrait générer qu'une augmentation de la pollution à Rouyn-Noranda. C'est pourquoi nous réitérons notre demande de fermer définitivement la fonderie Horne par un plan de transition qui permettrait de recouvrer la santé de ce territoire et de ses habitants empoisonnés depuis cent ans », Richard Desjardins, vice-président de l'Action Boréale.

« Proposer une mine sous une ville commande de grandes responsabilités. Hélas, la compagnie a failli à son devoir de présenter son projet de manière intelligible et accessible au public dans des délais raisonnables. Ces manquements et cette précipitation laissent croire que nous allons découvrir plusieurs éléments préoccupants dans les prochaines heures. Au moins, Falco et le gouvernement ne pourront pas se défiler devant les questions de la population », Rodrigue Turgeon, avocat, co-porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine et coresponsable de MiningWatch Canada.

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