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L’État sans la libération : la réponse de l’Europe face au génocide en Palestine
Depuis octobre 2023, l'assaut colonial d'Israël contre Gaza a produit l'une des plus grandes catastrophes de l'histoire récente — un génocide en cours rendu possible par les puissances occidentales qui soutiennent Israël, et qui se poursuit sans relâche malgré l'immense solidarité mondiale pour la Palestine.
En réponse à cette catastrophe, plusieurs États européens ont commencé à reconnaître l'État de Palestine. En septembre 2025, la France, le Royaume-Uni, la Belgique, entre autres, ont reconnu l'État palestinien. La vague récente de reconnaissances symboliques, initiée en 2024, semble désormais être la seule mesure que beaucoup de puissances européennes soient disposées à prendre face au génocide, après deux années de soutien moral, militaire et diplomatique continu au régime israélien.
Parce qu'il est impératif de faire entendre les voix palestiniennes à ce sujet, nous publions cet entretien avec trois analystes politiques du think tank palestinien al-Shabaka— Diana Buttu, Inès Abdel Razek, et la codirectrice d'al-Shabaka, Yara Hawari – initialement publiésur leur site.
Réalisé le 14 août 2025 sous la forme d'une table-ronde, cet entretien aborde les questions suivantes : pourquoi les pays européens reconnaissent aujourd'hui l'État palestinien, soit près de quarante ans après sa proclamation en 1988 ? Quels intérêts politiques motivent cette vague de reconnaissances ? Et que signifie reconnaître un État palestinien, sur le papier, tout en soutenant l'État colonial israélien ?
1 octobre 2025 | tiré de contretemps.eu
https://www.contretemps.eu/palestine-etat-sans-liberation-genocide/
La reconnaissance de l'État palestinien constitue-t-elle une réelle avancée ?
Diana Buttu : Il est essentiel de replacer la vague actuelle de reconnaissances dans un contexte historique. L'effort pour obtenir la reconnaissance de l'État palestinien n'a pas commencé en 2024 comme réponse au génocide ; il remonte à 2011. À la suite de l'assaut israélien sur Gaza en 2008-2009, l'Autorité Palestinienne (AP) s'est retrouvée politiquement démunie.Avec l'effondrement du cadre de négociation basé sur la solution à deux États et sans processus de paix en vue, le président Mahmoud Abbas s'est tourné vers l'arène internationale.
Privé de stratégie viable, Abbas a lancé la campagne pour la reconnaissance avec deux objectifs : renforcer la position de l'Autorité Palestinienne — dont le rôle d'entité transitoire avait depuis longtemps expiré — et retrouver une place sur la scène politique. Désormais surtout connue pour son rôle de sous-traitant sécuritaire du régime israélien, l'AP avait un besoin urgent de légitimité. En même temps, la campagne offrait aux États européens un moyen d'éviter la confrontation avec Israël — confrontation qui aurait exigé des mesures telles que des sanctions ou des embargos.
Ce cas de figure s'est répété en 2024, lorsque l'Irlande, l'Espagne, la Norvège, la Slovénie, et plus récemment la France et le Royaume-Uni, ont accordé une reconnaissance en réponse au génocide en cours. La stratégie sert à la fois l'AP et les États européens : elle soutient une autorité discréditée tout en offrant aux puissances occidentales un moyen commode d'éviter toute responsabilité.
D'où un certain illusionnisme politique. L'idée selon laquelle la reconnaissance déclenchera une action internationale est sans fondement. Si le monde n'est pas capable d'intervenir pour arrêter un génocide, pourquoi agirait-il simplement parce qu'un État membre de l'ONU en occupe un autre ?
Inès Abdel Razek : Ce que nous voyons dans la dernière vague de reconnaissances européennes n'est pas un soutien à l'autodétermination palestinienne ; c'est une approbation politique de l'Autorité palestinienne (AP). Par exemple, la Norvège a centré sa reconnaissance sur l'AP et son infrastructure institutionnelle. Ce recadrage mine l'autodétermination palestinienne et ne satisfait même pas aux critères juridiques les plus élémentaires de l'État. Après tout, l'Autorité Palestinienne n'exerce aucun contrôlesur les frontières, l'espace aérien, les ressources naturelles ou le territoire — Israël s'en charge. La reconnaissance de la Norvège a donc été accordée à une entité politique opérant sous contrôle israélien, dépourvue tant de souveraineté que de légitimité démocratique.
Pire encore, les gestes symboliques comme la reconnaissance passent souvent pour des actes de courage moral là où il est surtout question, en réalité, d'assurer ses arrières diplomatiques. Même les lobbyistes pro-israéliens ont reconnu que de telles démarches ne changent rien à la réalité sur le terrain. Elles permettent plutôt aux États de donner l'impression d'agir tout en éludant leurs obligations légales d'imposer des sanctions à Israël.
Tout ceci reste en phase avec la stratégie globale d'Israël : détruire, déposséder, puis pousser les Palestinien·nes à négocier des miettes selon des conditions dictées par la puissance occupante. Des accords d'Oslo dans les années 1990 jusqu'aux mécanismes humanitaires actuels à Gaza, le régime israélien a constamment manœuvré pour rester maître du jeu. La reconnaissance symbolique d'un État palestinien ne fait que récompenser cette manipulation. L'indignation affichée par les responsables étatsuniens et israéliens face à la reconnaissance de l'État palestinien est, bien entendu, purement théâtrale.
Dans ce contexte, le génocide à Gaza, en guise de conséquences, a droit à des cérémonies. L'AP reste avant tout préoccupée par son image et les États occidentaux font des gestes symboliques, tandis que les Palestinien·nes restent privé·es à la fois de justice et d'État, et que se creuse le fossé entre la réalité vécue et les gesticulations internationales.
Yara Hawari : Nous devons être clairs sur ce qui est réellement reconnu lorsque des États déclarent leur soutien à « l'État de Palestine ». Loin d'être une reconnaissance de souveraineté, il s'agit avant tout d'une fiction diplomatique. Fondamentalement, elle codifie un récit de partition coloniale visant la fragmentation de la Palestine historique en enclaves géographiques et politiques.
Ce type de reconnaissance n'est pas seulement inefficace — il est dangereux. Il renforce un cadre étroit de partition qui réduit la « Palestine » à la Cisjordanie et à Gaza, et le peuple palestinien à moins de la moitié de ce que nous sommes.
Pour les États européens, la reconnaissance sert de diversion face à leur complicité. Ces déclarations ne s'accompagnent le plus souvent d'aucune sanction, d'aucun embargo sur les armes, ni d'aucun engagement concret en faveur du démantèlement de l'occupation ou l'apartheid. Elles opèrent plutôt comme des gestes symboliques dans le domaine juridique tout en protégeant Israël de toute responsabilité pour crimes de guerre et violations systémiques.
L'affirmation selon laquelle la reconnaissance donnerait accès à des forums internationaux et pourrait aider à équilibrer le terrain diplomatique est à la fois naïve et trompeuse. Les États ne sont pas égaux dans l'ordre mondial. Les États-Unis, avec leur droit de veto, s'assurent qu'Israël n'a jamais aucun compte à rendre. Et en tant que principal allié d'Israël, ils font en sorte que les Palestinien·nes ne négocieront jamais sur un pied d'égalité.
Et c'est tout le problème : nous ne sommes pas un État souverain. Nous sommes un peuple colonisé, assiégé et occupé, confronté à un génocide à Gaza. Tout engagement politique sérieux doit partir de cette réalité, et non de l'illusion d'un État qui n'existe pas. Au lieu de stopper le génocide et la famine forcée — largement facilités par ces mêmes États qui offrent une reconnaissance — on nous demande de nous concentrer sur un État chimérique que personne n'est disposé à faire advenir. Voilà une incohérence qui en dit long.
Que révèle la récente vague de reconnaissances de l'État palestinien sur la manière dont les États abordent leurs responsabilités juridiques au regard du droit international ?
Inès Abdel Razek : La plupart des gouvernements continuent d'opérer dans le cadre dépassé du soi-disant processus de paix au Moyen-Orient. Ce cadrage domine encore la façon dont la Palestine est abordée et oriente presque toutes les décisions politiques actuelles. Nous l'avons vu, par exemple, lors de la conférence sur la solution à deux États, co-parrainée par l'Arabie saoudite et la France à l'ONU, à New York, fin juillet.
Tout l'événement a été structuré autour de l'idée qu'il y a « deux parties » en conflit. Ce cadrage reste omniprésent, comme en témoignent les remarques récentes du Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, affirmant que la seule solution viable demeure la solution à deux États, « avec Israël et la Palestine vivant côte à côte dans la paix et la sécurité ». Ce langage présente la situation comme un différend mutuel entre égaux, escamotant la réalité de l'occupation, de l'apartheid et d'une agression unilatérale.
Nul mention de colonisateur et de colonisé. Aucune reconnaissance d'un agresseur et d'un peuple assailli. Aucun constat d'occupation ou d'apartheid. Cette fausse équivalence n'est pas seulement trompeuse — c'est un piège politique dangereux.
Il faut en finir avec ce paradigme du processus de paix, et sur le terrain juridique, les choses sont déjà claires quant à l'action que les États devraient mener. La Cour internationale de justice (CIJ), dans ses avis consultatifs de 2004 et 2024, font valoir un cadre juridique de responsabilité qui offre un recours à l'impasse politique du cadre à deux États.
En effet, les avis juridiques de la CIJ placent la communauté internationale devant la responsabilité qu'elle a à agir, et non à s'en tenir au rôle de médiatrice. Pourtant, les grandes puissances continuent de s'abriter derrière leur prétendue neutralité et la fausse symétrie, protégeant Israël contre toute conséquence et éludant toute responsabilité. Tant qu'on parlera des « deux côtés », l'impunité israélienne se renforcera, et le génocide ne fera que s'aggraver.
Diana Buttu : Ce qui est particulièrement troublant, c'est que même cette reconnaissance symbolique reste piégée dans la logique des négociations bilatérales. Elle est encore enracinée dans l'idée que les Palestinien·nes doivent négocier chaque aspect de leur liberté, comme si la libération devait toujours être conditionnelle, graduelle et soumise à l'appréciation de leur colonisateur. Et nous n'arrivons pas à sortir de cette logique.
C'est précisément ainsi que l'Europe, en particulier, a cherché à s'absoudre de responsabilités plus profondes. Les gouvernements européens continuent d'agir comme s'ils étaient des observateurs neutres, comme si leurs mains étaient liées. Mais ils ne sont pas neutres. Ce sont des acteurs tiers avec des obligations contraignantes en droit international : reconnaître l'occupation pour ce qu'elle est, ne pas en favoriser la poursuite et travailler à y mettre fin. Ce sont des obligations qu'ils choisissent d'ignorer.
Yara Hawari : Je préférerais voir les États reconnaître le génocide plutôt que de reconnaître un État palestinien. En droit international, la reconnaissance d'un génocide entraîne des obligations claires : les États sont tenus de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour le prévenir et l'arrêter. Je ne me fais pas d'illusion sur le fait qu'ils rempliraient ces obligations, mais au moins le cadre juridique existe, et la pression qu'il induit est réelle.
Choisir plutôt de se focaliser sur la reconnaissance d'un État palestinien permet commodément aux États de se décharger de leurs responsabilités juridiques au titre de la Convention sur le génocide et du droit international humanitaire. On fait ainsi mine d'agir, tout en s'épargnant le fardeau qu'impliquerait tout engagement significatif.
De manière plus générale, on a investi une énergie démesurée — même parmi certains alliés et soutiens — dans la reconnaissance de l'État palestinien. Mais si nous devons continuer à nous engager dans l'arène juridique internationale, l'accent doit être mis sur la responsabilité. La responsabilité est le seul chemin viable pour arrêter les horreurs qui se déroulent à Gaza et le seul moyen d'empêcher qu'elles ne se répètent.
De plus, la reconnaissance d'un État palestinien ne dissuade en rien de nouvelles violences. Elle n'a pas la même force juridique, et n'entraîne pas les conséquences requises par la reconnaissance d'un génocide en cours — en ce moment même — à Gaza.
L'Europe utilise-t-elle la reconnaissance d'un État palestinien pour faire avancer la normalisation arabo-israélienne ?
Yara Hawari : Nous avons récemment vu émerger un nouveau récit : l'idée que la reconnaissance d'un État palestinien par des pays européens pourrait servir de passerelle à la normalisation saoudienne avec Israël. De cette façon, la reconnaissance ne concerne pas les droits ou la justice pour les Palestinien·nes, mais devient une monnaie d'échange dans le cadre plus vaste de la géopolitique régionale. L'idée est simple : plus les États européens sont nombreux à reconnaître la Palestine, plus il devient facile pour l'Arabie saoudite de justifier la normalisation de ses liens avec Israël.
C'est une logique profondément transactionnelle et un marché de dupes. Comme nous l'avons déjà dit, la reconnaissance est au mieux symbolique. Elle n'offre aucune garantie aux Palestinien·nes d'arrêt du génocide, de démantèlement de l'occupation, ou de réalisation de leurs droits inaliénables. Mais pour le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane, la reconnaissance fournit une couverture politique commode pour ce qu'il vise depuis longtemps : des relations normalisées avec Israël.
C'est ce qui rend ce moment si dangereux. L'anti-normalisation – autrefois position de principe à échelle régionale, considérant qu'Israël est un régime colonial de peuplement construit sur la dépossession des Palestinien·nes – a été presque entièrement abandonnée au niveau étatique. Un système de récompenses s'y est durablement substitué : normalisez avec Israël, et vous bénéficierez de mesures incitatives, militaires, économiques ou diplomatiques, en particulier de la part des États-Unis.
Les Accords d'Abraham ont rendu cette logique explicite ; accords transactionnels et non réalignements idéologiques. Malgré cela, les opinions publiques dans la région restent fortement attachées à laPalestine et opposées à la normalisation. Mais les gouvernements continuent d'agir en sens inverse.
Ce à quoi nous assistons à présent, c'est la reconnaissance utilisée non pas comme outil de justice, mais comme leurre politique. Les reconnaissances européennes donnent aux régimes arabes, en particulier à l'Arabie saoudite, l'excuse dont ils ont besoin pour normaliser leurs relations avec Israël, tandis que les Palestinien·nes continuent de faire face au génocide, à la famine et à l'occupation.
Diana Buttu : Ce qui est frappant à propos de la normalisation, c'est que les Israéliens, dans l'ensemble, y sont indifférents. Ce n'est même plus un sujet de débat public. Même lors des négociations de normalisation de 2020 dans le cadre des Accords d'Abraham, la chose n'eut pratiquement aucun écho dans l'opinion publique israélienne ; ni enthousiasme, ni grand débat.
Après tout, ces accords ne se sont accompagnés d'aucune interactions entre les peuples concernés eux-mêmes. A ce niveau-là, ils furent un échec. Et en termes d'avantages pour les États signataires, ils n'ont rapporté guère plus que des contrats sécuritaires et une coopération en matière de renseignement, qui étaient probablement l'objectif principal dès le départ.
En réalité, les informations concernant une éventuelle normalisation avec l'Arabie saoudite n'ont que peu de signification pour le public israélien. Cela ne les concerne tout simplement pas. Plus le prince héritier saoudien et les dirigeants européens poussent à la normalisation — désormais liée à la reconnaissance de l'État palestinien — plus l'enjeu semble déconnecté des réalités populaires.
Les sondages montrent que la majorité des Israéliens s'opposent à de telles démarches, non pas par solidarité avec les Palestinien·nes, mais parce que la normalisation ne leur apporte rien. Beaucoup d'Israéliens ne peuvent même pas citer cinq pays arabes, et encore moins exprimer un intérêt pour la région. Leur orientation culturelle et politique est tournée vers l'Europe, pas vers le monde arabe.
En fait, nous sommes face à un paradoxe étrange. Les dirigeants régionaux et occidentaux promeuvent avec empressement la reconnaissance et la normalisation, comme si ces démarches devaient apporter des changements fondamentaux, alors que sur le terrain — pour les Palestinien·nes comme pour les Israéliens — elles ne correspondent à peu près à rien. Et en particulier, pour le Premier ministre Benjamin Netanyahou et sa base, elles sont sans objet.
Et cela nous ramène au point central : la reconnaissance d'un État palestinien n'a rien à voir avec de vraies solutions ou un changement significatif. Tout ici est affaire d'image, de mise en scène donnant une impression d'effervescence, tout en ne faisait à peu près rien pour arrêter le génocide.
Inès Abdel Razek : Du point de vue des États arabes, en particulier ceux qui flirtent avec la normalisation, il devient de plus en plus difficile de justifier l'inaction. L'expansion coloniale d'Israël ne se limite pas à la Palestine. Ses forces d'occupation intensifient leurs campagnes militaires au Liban — occupant des parties du sud — tout en poursuivant leurs opérations et leur enracinement en Syrie. L'annexion du plateau du Golan a été progressivement normalisée, les frontières de l'impunité étant sans cesse repoussées. La situation est devenue de plus en plus inconfortable pour les régimes arabes et perturbatrice pour les dynamiques régionales, sans toutefois déclencher de réactions à la hauteur, à l'évidence.
Nous sommes très éloignés du type de réponses observées lors de la guerre d'octobre 1973, lorsque l'Égypte et la Syrie ont lancé une campagne militaire coordonnée pour reprendre les territoires occupés, et que les régimes arabes ont imposé un embargo pétrolier aux États-Unis et à leurs alliés en protestation contre leur soutien à Israël. Ce moment de pression collective paraît aujourd'hui un souvenir lointain. De nos jours, la volonté d'en découdre a cédé la place aux gestes symboliques et à la diplomatie d'évitement.
Pendant ce temps, Israël poursuit sa stratégie de terre brûlée, détruisant tout sur son passage, annexant des terres et poussant les Palestinien·nes au seuil de la mort. Dans ce contexte, même le plus petit geste, comme autoriser un seul camion d'aide à entrer à Gaza, est présenté comme une percée et un acte de bienveillance censé signaler une issue enfin positive. Les régimes arabes sont acquis à ce scénario.
Tout comme les anciennes formules comme la « paix économique » et la « reconstruction de Gaza » ont permis au régime israélien de mener ses campagnes militaires en sachant que les bailleurs internationaux en financeraient les conséquences, aujourd'hui, c'est la livraison de biens essentiels comme la farine et le carburant qui fait figure d'intervention stratégique.
Pourquoi la solution à deux États reste-t-elle le principal cadre d'approche pour l'autodétermination palestinienne — et que faudrait-il pour aller au-delà ?
Yara Hawari : Une partie de la réponse réside dans le fait que la direction qui porte cette stratégie — la solution à deux États, la reconnaissance et la partition — n'opère pas avec un mandat élu ou populaire. Cette direction n'a aucune légitimité réelle auprès des Palestinien·nes et ne correspond pour nous à aucune représentation démocratique valable. C'est pourquoi il est si important — surtout en ce moment — de nous demander : que signifie la souveraineté au-delà de la logique de la partition et de la fragmentation coloniale ? À quoi ressemble l'autodétermination si nous rejetons les limites de la « faisabilité » qui nous sont imposées depuis des décennies ?
On nous répète, encore et encore, que l'État palestinien et la reconnaissance internationale sont les seules voies viables. Pourtant, l'une reste perpétuellement hors de portée et l'autre n'est guère plus qu'un discours diplomatique. Ces cadres ne nous libèrent pas ; ils nous enferment, nous diminuent, et reformulent notre lutte dans des termes acceptables pour ceux qui ont intérêt à maintenir le statu quo, pas à obtenir la justice.
Bien sûr, il est difficile ne serait-ce que d'engager ces débats en plein génocide. D'une certaine manière, cela semble un privilège de débattre d'horizons politiques alors que les habitants de Gaza sont bombardés, affamés et exterminés en temps réel. Mais je pense aussi que c'est précisément ce qui rend ces débats encore plus urgents.
En tant que Palestinien·nes, c'est notre responsabilité de poser ces questions et de les adresser directement à notre soi-disant direction. Notre souveraineté ne peut, et ne doit pas, être définie par des cadres prenant pour acquis notre fragmentation. Nous devons imaginer quelque chose de plus — car ce qui est proposé n'est pas la libération. C'est l'endiguement.
Inès Abdel Razek : Nous devons aussi reconnaître que beaucoup de gouvernements occidentaux continuent de traiter Israël comme un acteur de bonne foi dans le cadre de la perspective à deux États, lui renouvelant le bénéfice du doute malgré les preuves écrasantes qu'Israël n'est digne d'aucun crédit.
En réalité, Israël continue d'être considéré comme un acteur crédible et digne de foi, alors que la tromperie est depuis longtemps une caractéristique centrale de sa stratégie diplomatique et militaire. Qu'il s'agisse de couvrir l'assassinat de la journaliste Shireen Abu Aqleh (1971-2022), de justifier le bombardement d'hôpitaux, ou d'attaquer la crédibilité de l'UNRWA, le régime israélien s'est systématiquement appuyé sur des versions des faits mensongères pour s'épargner d'avoir à rendre des compte. Cette attitude est aussi systématique que délibérée.
Pourtant, de nombreux États occidentaux prennent ces versions pour argent comptant. Ils reçoivent souvent des documents officiels israéliens en hébreu, langue que peu de fonctionnaires de leurs ministères des affaires étrangères maîtrisent, et pourtant ces notes d'information sont accueillies sans être questionnées, et sont présumées crédibles. Au-delà du parti pris politique, ces attitudes reflètent une vision du monde plus profonde, souvent racialisée : Israël est perçu comme moderne, rationnel et crédible. Les Palestiniens et les Palestiniennes, en revanche, sont perçu·es comme irrationnel·les, suspect·es ou sans intérêt.
À moins de déconstruire intégralement cette logique, rien ne changera. Tant que le régime israélien sera vu comme agissant de bonne foi, il n'y aura pas aucune obligation à rendre des comptes. Et tant que la communauté internationale ne s'attaquera pas au schéma israélien de tromperie et d'expansion coloniale, la justice pour les Palestinien·nes — et la reconnaissance de leur droit d'exister et de résister — restera hors de portée.
Diana Buttu : Je me souviens que, lors des négociations post-Oslo, nous demandions souvent : pourquoi limitons-nous notre vision de la libération à un État sur seulement 22 % de notre patrie historique — un État qui exclut la majorité des Palestinien·nes et n'offre aucune véritable perspective pour le retour ?
Et la réponse qu'on nous donnait — à l'époque comme maintenant — était que les colonies sont un cancer. C'était le mot : cancer. La logique suivait que, pour arrêter ce cancer, il nous fallait un processus — n'importe quel processus — qui puisse stopper l'expansion des colonies, ralentir la colonisation et préserver la possibilité d'un État.
Cette logique imprègne aujourd'hui le débat sur la reconnaissance. Les diplomates insistent sur le fait que reconnaître un État palestinien est urgent parce que cela pourrait aider à stopper ce cancer. La reconnaissance, affirment-ils, pourrait freiner l'annexion, tracer une ligne rouge politique, ou au moins geler l'expansion des colonies.
Mais nous savons que ce n'est pas vrai. La reconnaissance n'a pas stoppé le cancer. C'est un geste symbolique ponctuel, qui déploie du capital politique sans modifier les rapports de forces. Au final, Israël s'en tire non pas avec moins, mais au contraire avec plus de légitimité.
La direction palestinienne aurait pu choisir un autre chemin. Elle aurait pu lancer une campagne sérieuse et tenace pour mettre le régime israélien devant ses responsabilités, en réclamant des sanctions, des embargos sur les armes, et en mobilisant les mécanismes juridiques.
Oui, l'AP n'a aucune légitimité électorale, mais cela ne veut pas dire qu'elle n'a aucune capacité. La direction de l'AP aurait pu lutter pour sa survie plutôt que pour sa capitulation. Elle a préféré mettre de côté — et parfois même saboter — la quête de justice.
Voilà le cœur du problème : si, au milieu d'un génocide, la revendication politique suprême est « s'il vous plaît, reconnaissez-nous », comment prétendre revenir ensuite pour exiger des sanctions ou la justice ? Accepter la reconnaissance symbolique comme suffisante, c'est saper la crédibilité de toute exigence future de reconnaissance réelle des responsabilités.
***
Diana Buttu est une avocate palestinienne-canadienne, spécialiste du droit international et des droits humains. Elle a été conseillère juridique auprès de l'équipe de négociation de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) au début des années 2000, dans le cadre du processus de paix post-Oslo, avant de la quitter en 2005. Elle a contribué à la procédure portée devant la Cour internationale de justice contre le mur de séparation israélien, qui a abouti à l'avis consultatif de 2004. Elle a enseigné à Harvard, et a été experte invitée en résidence à Georgetown University au Qatar. Elle publie régulièrement dans The New York Times, The Guardian et Al Jazeera.
Inès Abdel Razek est diplomate et analyste politique palestinienne, directrice exécutive du Palestine Institute for Public Diplomacy (PIPD). Spécialiste des relations internationales et de la communication politique, elle a travaillé pour la délégation générale de la Palestine auprès de l'Union européenne et pour l'Union pour la Méditerranée. Diplômée de Sciences Po Paris (master en affaires publiques internationales), elle écrit sur la diplomatie publique, la solidarité internationale et les droits des Palestinien·nes. Elle publie notamment dans Le Monde diplomatique et Middle East Eye, et intervient régulièrement dans des médias internationaux.
Yara Hawari est chercheuse et analyste politique palestinienne, codirectrice d'Al-Shabaka : The Palestinian Policy Network. Elle est titulaire d'un doctorat en politique du Moyen-Orient de l'Université d'Exeter, où elle a également enseigné. Ses travaux portent sur le colonialisme de peuplement, la résistance palestinienne et les stratégies de narration politique. Elle intervient régulièrement comme commentatrice dans The Washington Post, The Independent, Al Jazeera English et Middle East Eye. Elle est aussi l'autrice de The Stone House (Hajar Press, 2021), un court roman explorant mémoire, exil et attachement à la terre.
Al-Shabaka : The Palestinian Policy Network est un think tank transnational palestinien fondé en 2009. Indépendant et à but non lucratif, il regroupe des analystes, chercheur·euses et militant·es de Palestine et de la diaspora. Sa mission est de produire des analyses critiques et accessibles afin de promouvoir la libération, l'autodétermination et la justice pour le peuple palestinien.
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Traduit de l'anglais pour Contretemps par Christian Dubucq et Thierry Labica.
Illustration : « Al-Quds » (Jérusalem), 1983. Tableau de Sliman Mansour, peintre palestinien.
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Les incels. Du clic à l’attentat
Les incels. Du clic à l'attentat
Annvor Seim Vesthreim | Préface de Léa Carrier
Parution le 28 octobre 2025 au Québec
Parution le 20 février 2026 en Europe
Qui sont donc les incels, cette communauté de « célibataires involontaires » qui gagne de plus en plus d'adeptes à travers le monde ? Ne sont-ils qu'une bande de trolls prisonniers de leur univers numérique, et dont il faudrait avoir pitié ?
Annvor Seim Vestrheim s'est plongée dans le plus grand forum du genre en ligne pour mieux analyser cette sous-culture de la manosphère. Elle y découvre un langage codé et un ensemble complexe de règles et de normes bien définies. Unis par la frustration d'un soi-disant rejet par les femmes, animés par une soif de vengeance, les membres qu'elle croise justifient leurs difficultés amoureuses et sexuelles par la biologie évolutionniste. Plusieurs défendent sans gêne la suprématie mâle, tandis que d'autres héroïsent les auteurs d'attentats...
Des Chads aux Stacys, en passant par la pilule noire, ces idées misogynes finissent par se frayer un chemin dans l'espace public et chez les jeunes. Bienvenue dans la terrifiante nébuleuse des incels.
Annvor Seim Vestrheim vit en Norvège, où elle travaille comme journaliste et conseillère sur des questions de langue, de médias et de culture. Elle est titulaire d'une maîtrise en science politique de l'Université du Québec à Montréal.
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La reconnaissance de la Palestine doit s’accompagner d’actions concrètes
Le 1er octobre 2025 — La reconnaissance de la Palestine doit s'accompagner d'actions concrètes : pour sauver des vies, les États doivent mettre fin aux crimes d'Israël et garantir l'autodétermination du peuple palestinien, plaident plus de 20 organisations indépendantes dans une déclaration commune.
La majorité des pays reconnaissent l'État de Palestine, mais les violations du droit international par Israël s'accélèrent, dans une impunité quasi totale, provoquant des déplacements massifs, des décès généralisés et une crise humanitaire de plus en plus grave dans l'ensemble du Territoire palestinien occupé. Pour un impact réel et afin d'éviter toute complicité, les États doivent transformer leurs expressions de solidarité en actions concrètes et salvatrices. Toute feuille de route future doit placer le peuple palestinien au centre, en tant que véritable architecte de son propre avenir.
La reconnaissance de l'État palestinien est une étape importante et bienvenue vers la réalisation du droit du peuple palestinien à l'autodétermination. Mais elle ne peut rester symbolique ni être traitée comme une récompense. Elle n'exonère pas les États membres de leurs obligations juridiques et morales de mettre fin à l'occupation israélienne du Territoire palestinien occupé (Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est) – une occupation que la Cour internationale de justice a jugée illégale en ce qu'elle constitue une violation du droit du peuple palestinien à l'autodétermination – et de faire cesser ce que la Commission d'enquête des Nations unies a qualifié de génocide perpétré par Israël à Gaza.
La crise humanitaire qui en résulte est largement documentée et bien connue. Au cours des deux dernières années, les ordres d'expulsion, les démolitions, les blocus, les arrestations arbitraires et les attaques directes menés par Israël ont entraîné le plus grand déplacement forcé en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, depuis le début de l'occupation en 1967. En 2024, le plus vaste accaparement de terres depuis trois décennies a été officiellement approuvé, et les violences commises par les colons ont atteint un niveau sans précédent. À Gaza, les autorités israéliennes mènent une opération militaire meurtrière qui a tué ou blessé plus de 136 000 personnes, forcé 2 millions de personnes à fuir à plusieurs reprises, et détruit 90 % des bâtiments. Partout à Gaza et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, les forces israéliennes ont attaqué près de 1 650 installations de santé. Elles ont restreint la liberté de circulation – par des postes de contrôle militaires, des portails, des barrières, des corridors et des zones interdites – avec des conséquences dévastatrices sur la capacité des communautés à accéder aux moyens de subsistance, aux soins de santé, à l'éducation et à d'autres services essentiels.
Les dirigeants mondiaux ne peuvent prétendre ignorer la situation. Même si quatre pays sur cinq dans le monde reconnaissent l'État de Palestine, le Parlement israélien a récemment approuvé une motion visant à annexer complètement la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, où vivent 3,3 millions de Palestiniens. Des responsables israéliens ont réaffirmé leur volonté d'exercer une « souveraineté complète » sur la Cisjordanie, déclarant qu'« il n'existe pas de peuple palestinien ni d'État palestinien », et que « cette terre appartient aux Israéliens ». Des intentions similaires ont été clairement exprimées pour l'ensemble de Gaza.
Ces déclarations ne sont plus marginales : elles révèlent ce qui motive l'effacement accéléré d'un peuple. La fragmentation et l'annexion par Israël de terres reconnues internationalement comme palestiniennes rendent la perspective d'un État palestinien viable de moins en moins réaliste.
Agir n'est pas une option. En juillet 2024, la Cour internationale de justice a précisé que tous les États membres de l'ONU sont tenus de ne pas reconnaître ni soutenir l'occupation illégale d'Israël, y compris par le commerce et les investissements. Par ailleurs, la Commission d'enquête des Nations unies a conclu que tous les États doivent « prendre toutes les mesures nécessaires pour tenter d'éviter ou d'arrêter la commission d'un génocide ».
Au cours des quelques semaines écoulées depuis que plusieurs pays supplémentaires ont reconnu l'État de Palestine, des centaines de Palestiniennes et de Palestiniens ont été tués et plus de 1 500 blessés par des tirs israéliens dans l'ensemble du Territoire palestinien occupé. La prise militaire de la ville de Gaza s'est intensifiée dans son ampleur et sa brutalité : des frappes meurtrières contre des tentes, des logements et des bâtiments publics ont contraint des dizaines de milliers de personnes à fuir à nouveau, alors que la majorité n'a nulle part où aller. Plusieurs établissements de santé dans le nord ont dû fermer, laissant des centaines de milliers de personnes avec un accès extrêmement limité aux soins médicaux. En Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, les attaques de colons, les incursions militaires et les arrestations se sont intensifiées. Des dizaines de structures palestiniennes ont été démolies. La Commission de la sécurité nationale du Parlement israélien a fait avancer les discussions visant à restreindre l'accès humanitaire aux prisons, où sont détenus plus de 9 500 Palestiniens et Palestiniennes, ainsi qu'un projet de loi autorisant la peine de mort pour les personnes détenues.
Chaque heure de retard signifie une famille brisée de plus, un enfant affamé de plus, une maison réduite en poussière de plus, un autre pan de la vie palestinienne effacé.
Pour éviter un scénario où il ne resterait qu'un État palestinien sans le peuple palestinien, et pour empêcher les forces israéliennes et les colons d'imposer de nouvelles représailles aux communautés, les États doivent mobiliser tous les outils politiques, économiques et juridiques à leur disposition pour :
* Un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza, permettant au peuple palestinien de concevoir et diriger lui-même ses projets et processus de (re)construction, conformément à son droit inaliénable à l'autodétermination ;
* La fin de l'occupation illégale par Israël de l'ensemble du Territoire palestinien occupé, afin de garantir les conditions nécessaires au maintien du peuple palestinien sur ses terres ;
* Un accès humanitaire sans restriction, coordonné par l'ONU et protégé conformément au droit international humanitaire, dans tout le Territoire palestinien occupé ;
* La fin du commerce avec les colonies illégales, y compris la fourniture de services et les investissements ;
* L'arrêt immédiat de toutes les ventes et de tous les transferts d'armes vers Israël ;
* La responsabilisation pour les crimes commis ;
* La réouverture immédiate d'un corridor entre Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, pour les évacuations médicales et autres besoins humanitaires.
Les signataires (en ordre alphabétique) :
1. ActionAid International
2. Al Awda Health and Community Association
3. American Friends Service Committee (AFSC)
4. Arab Educational Institute - Pax Christi Palestine
5. Bystanders No More
6. Churches for Middle East Peace (CMEP)
7. CIDSE - International Family of Catholic Social Justice Organisations
8. Emmaus International
9. Global Centre for the Responsibility to Protect
10. Global Legal Action Network (GLAN)
11. HelpAge International
12. Insecurity Insight
13. Médecins du Monde International Network (MdM)
14. Norwegian People's Aid
15. Oxfam International
16. PARC - Agricultural Development Association
17. Pax Christi International
18. Palestinian Institute for Climate Strategy (PICS)
19. Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
20. Sabeel-Kairos UK
21. The Middle East Children's Alliance
22. Terre des Hommes Italy
23. United Against Inhumanity
Notes
* En 2025, les politiques et pratiques israéliennes ont forcé au moins 40 000 Palestiniens et Palestiniennes à quitter leur domicile dans le nord de la Cisjordanie — un record depuis le début de l'occupation israélienne en 1967 — en raison de démolitions ordonnées par Israël, d'expulsions et de l'intensification des attaques menées par des colons et les forces armées. Au moins 66 800 autres personnes sont directement menacées de transfert forcé, environ 663 km² de terres étant vulnérables à la colonisation ou à l'expansion des colonies.
* En juillet 2024, les autorités israéliennes ont approuvé le plus vaste vol de terres en Cisjordanie depuis trois décennies, ainsi que la construction de plus de 15 000 unités de logement et de 22 nouvelles colonies illégales rien qu'en 2025, et l'établissement de plus de 121 nouveaux avant-postes. Il y a quelques semaines, les autorités israéliennes ont donné leur approbation finale au projet de colonie « E1 », qui isole de facto Jérusalem-Est de la Cisjordanie occupée, fragmentant davantage le territoire.
* Depuis deux ans, les forces israéliennes bombardent Gaza sans relâche. L'opération militaire a tué au moins 66 000 personnes, blessé 170 000 autres, et forcé près de 2 millions de personnes à fuir à plusieurs reprises. Plus de 92 % des unités d'habitation et 90 % des bâtiments scolaires sont désormais détruits, et seulement 1,5 % des terres agricoles sont encore utilisables.
* Depuis 2007, les autorités israéliennes bloquent l'entrée de biens essentiels à Gaza, y compris un siège total de 11 semaines plus tôt cette année, qui a provoqué une famine extrême, confirmée dans le nord de Gaza, ainsi que des pénuries critiques dans les infrastructures de santé.
* Depuis octobre 2023, les forces israéliennes ont attaqué près de 1 650 établissements de santé à travers l'ensemble du Territoire palestinien occupé.
* Les autorités israéliennes ont imposé d'innombrables restrictions à la liberté de circulation dans tout le Territoire palestinien occupé, notamment sous la forme de corridors militarisés, de postes de contrôle et de zones interdites à Gaza (82 % du territoire est désormais inaccessible), et de plus de 800 portails, checkpoints et barrières en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, avec des conséquences dévastatrices sur la capacité des populations à accéder à leurs moyens de subsistance, aux soins de santé, à l'éducation et à d'autres services vitaux.
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Chicago veut repousser les forces trumpistes
Trump avait annoncé la bataille de Chicago pour son investiture, c'est-à-dire le lâcher des troupes de l'ICE (Immigration and Customs Enforcement) sur les migrants et étrangers réels et supposés et leurs proches, et s'était dégonflé. La mobilisation s'était amorcée, autour notamment des écoles et du syndicat de l'enseignement, le Chicago Teachers Union, pour' protéger les enfants et les familles latinos et au delà.
La bataille de Chicago a été annoncée par un incroyable tweet de Trump, pas du tout un fake, datant du 7 septembre au matin. Entre janvier 2025 et maintenant l'affrontement, démocratique et donc social, n'a cessé de grandir aux Etats-Unis. L'ICE a massivement recruté des nervis : l'équivalent des milices fascistes s'y concentre. Le langage et les objectifs du pouvoir sont clairement la guerre : la guerre, la Civil War, aux Etats-Unis, contre les pouvoirs locaux et contre la démocratie. Et il fait référence au ministère des Armées, confié au taré masculiniste Egseth, qu'il vient précisément de rebaptiser ministère de la Guerre. Voici le tweet de Trump :
Il fut un temps, pas lointain, où un POTUS (président des Etats-Unis) qui annonçait ainsi vouloir anéantir militairement une grande ville du pays, car à la lettre c'est cela le message de Trump, subissait immédiatement une procédure de destitution. Ne cherchons pas à faire l'autruche en disant « oui mais c'est du Trump, c'est du cinéma, on voit bien qu'il fait le bravache et qu'il s'amuse ». Qu'il fait le bravache, certainement. Qu'il s'amuse, non : Trump ne sait pas ce que c'est. La référence est le colonel fou du film Apocalypse Now qui fait bombarder au napalm les villages vietnamiens au son de la chevauchée des Walkyries de Wagner. Symbole de la connerie furieuse impérialiste, symbole connoté très positivement pour Trump, qui paraphrase sa phrase fétiche, « J'aime l'odeur du napalm au petit déjeuner » : « J'aime l'odeur des déportations au petit matin ».
Voici le fascisme 2.0, nourri à l'Axe Trump/Poutine et à la synthèse MAGA-libertarianisme-masculinisme-accélérationnisme du capital-extractivisme fou. « Oui mais où sont les Sections d'Assaut qui détruisent le mouvement ouvrier organisé ? », réciteront encore quelques fossiles politiques incapables de saisir le réel. Faut-il attendre que les Sections d'Assaut aient fait leur office pour reconnaître l'ennemi mortel ?
Les habitants de Chicago ne s'y sont pas trompés. C'est la plus grande manifestation de cette année qui a éclaté à Chicago en réaction au tweet de Trump.
Le Chicago Teachers Union appelle à la mobilisation, sans toutefois envisager l'organisation de l'autodéfense physique pour interdire à l'ICE et éventuellement à la Garde nationale et à l'armée l'entrée dans la ville et les quartiers, cela bien lorsqu'il parle de résistance à l'occupation annoncée :
Mais une rumeur concernant le maire démocrate de Chicago (où le conseil municipal ne comporte pas de républicains et comprend une opposition de gauche formée d'élus socialistes-démocratiques par ailleurs liés au Chicago Teachers Union), Brandon Johnson, selon laquelle il avait donné un signal fort en faisant intervenir les services municipaux pour disposer des sacs de sable et de sel sur les lieux d'entrée dans la ville, et positionner les camions anti-neige en barricades, rumeur à laquelle nous avons cru car elle a dominé pendant quelques heures les réseaux sociaux américains … s'est avérée fausse.
Le maire n'a pas voulu faire de la résistance passive à l'ICE suggérant en fait une résistance active. En fait, ce positionnement de camions serait une mesure banale liée à des manifestations dans la ville …
N'empêche : la rumeur ne dénonce-t-elle pas la nécessité ? Ne faut-il pas des barricades modernes, avec les travailleurs organisés pour repousser et infliger, avec le moins de pertes possibles, la raclée nécessaire aux bandes de l'ICE ? Un peu plus sérieuse en effet que les alignements de camions à sel, qui donnent quand même une idée !
Oui, il faut organiser l'auto-défense physique et donc armée quand c'est nécessaire contre les raids trumpistes ! L'illégalité est de leur côté : la défense de la démocratie est avec la résistance, et la résistance doit passer à la contre-attaque :
CONTRE TRUMP ET SES BANDES
GREVE ET AUTODEFENSE SONT INDISPENSABLES !
Le 07/09/2025.
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L’opinion des Américains.es au sujet du socialisme démocratique
Depuis la candidature contestataire de Bernie Sanders à la nomination présidentielle en 2016, le socialisme démocratique est sorti des marges de la politique américaine et est devenu un courant visible et populaire. Les socialistes démocratiques des États-Unis, (DSA) présentent et soutiennent maintenant des candidatures qui ont un réel pouvoir dans les conseils municipaux et dans les législatures des États partout dans le pays. Ils ont ainsi ramené des demandes économiques progressistes dans les débats.
Jared Abbott et Bhaskar Sunkara
Tiré de Jacobin.com, septembre 2025
https://jacobin.com/2025/09/democratic-socialism-poll-economic-populism
Traduction, Alexandra Cyr
Note : J'ai choisi d'utiliser les mots « socialisme démocratique » plutôt que sociale démocratie parce que j'estime que les deux termes ne désignent pas la même chose dans le contexte américain du texte. A.C.
Plus récemment, l'élu de la Chambre de l'État de New-York, Zohran Mamdani a choqué l'establishment politique en gagnant très franchement la candidature DSA à la mairie de la ville. Il a battu les autres candidats favoris qui visaient le remplacement de l'actuel maire, Eric Adams. Son succès repose grandement sur l'attention précise qu'il a porté sur les enjeux de coût de la vie ce qui a rejoint directement les soucis matériels de New-Yokais.ses les moins fortunés.es. Il offre un test pour le potentiel des politiques sociales démocratiques et pour les rhétoriques populistes disciplinées.
Mais cela soulève aussi des questions plus étendues. Comment les socialistes démocratiques voient-ils les États-Unis dans leur ensemble ? Est-ce que leur appel se confine pour l'instant, aux grandes villes démocrates ? Et est-ce que les candidats.es qui annoncent leur identité socialiste risquent d'atténuer la force de leur populisme économique ?
Pour y voir plus clair sur ces questions, le Fond DSA, Jacobin et le Rosa Luxembourg Stiftung ont procédé du 22 au 24 août à un sondage national auprès de 1,257 personnes susceptibles de voter (aux prochaines élections). L'échantillon a été calibré par âge, genre, éducation, race, géographiquement, et par rapport au vote présidentiel. Quelques résultats émergent de l'enquête qui nous aident à nous situer à la fois sur l'état du socialisme démocratique dans la politique américaine et le potentiel de visibilité que pourraient avoir des campagnes contestataires du style Mamdani dans les zones plus conservatrices du pays.
Premièrement, le socialisme démocratique est maintenant reconnu à l'intérieur du parti démocrate. Les démocrates qui ont participé au sondage préfèrent le socialisme démocratique au capitalisme par une bonne marge. Leur préférence va vers les socialistes démocrates comme B. Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez plutôt qu'aux Démocrates comme Chuck Schumer et Hakeem Jeffries. Leur soutient va autant aux candidats.es se présentant comme socialistes démocrates qu'à ceux et celles qui s'affichent simplement comme Démocrates. Deuxièmement, même si ce n'est pas uniforme, l'ouverture aux socialisme démocrate dépasse la base du Parti démocrate. Il y a chez les Latinos.as et dans la classe ouvrière des espaces de réceptivité même si les termes » « socialisme démocratique » puissent être un véritable repoussoir dans les contextes plus républicains et conservateurs. Cela soulève la question des moyens les plus adaptés pour présenter ce type de politiques à des électorats qui ont peut-être des penchants pour l'économie populiste mais restent sceptiques devant le socialisme démocratique tel qu'ils l'entendent. Troisièmement, le populisme économique est le moyen le plus étendu pour présenter le socialisme démocratique à l'ensemble de la population, soit, un appui important aux messages sur les salaires, les coûts de la vie, la corruption, la bonne gouvernance des entreprises et de leur pouvoir, les coupes en liens avec les positions partisanes, l'ethnicité, les classes sociales, et la géographie.
Pour tirer avantage des progrès immenses que le socialisme démocratique a fait au cours des dernières décennies, les progressistes doivent continuer le travail commencé vers la construction d'un pôle d'économie populiste robuste dans les politiques américaines qui rejette les fausses promesses des deux partis dominants. Tout en étant sérieusement confrontés.es aux compromis électoraux surtout dans les circonscriptions déterminantes, l'expansion doit se faire en dehors des bastions démocrates.
Suivent quelques réflexions clés tirés de ce sondage.
1- Les démocrates sont déjà favorables au socialisme démocratique. D'autres peuvent être convaincu.
Malgré des appels de Démocrates renommés.es comme le représentant Tom Suozzi, à ce que les socialistes démocrates forment leur propre parti, le sondage DSA Fund/Jacobin/Rosa Luxembourg Stiftung montre que les Démocrates sont vraiment heureux.ses que ce courant soit dans leurs rangs. Ce sondage montre aussi que 45% de l'électorat soutien le socialisme démocratique. C'est une modeste remontée par rapport aux 36-39% recueillis dans les sondages nationaux au cours des décennies passées. L'approbation dans l'électorat démocrate a augmentée sérieusement : 74% y sont favorables. C'est une progression par rapport à un.e membre sur dix déclarant cette position en 2016. Aussi, les Démocrates participant au sondage sont plus d'accord avec A. Occasion-Cotez, B. Sanders et Z. Mamdani que les actuels dirigeants, C. Shumer, K. Jeffries et l'ancienne présidente de la Chambre, Mme N. Pelosy par 20 points de différence (53% contre 33%). Leur préférence va aussi légèrement plus vers les socialistes démocrates (79%) que vers les « Démocrates » (77%).
Ce sondage laisse aussi entrevoir un espace important pour élargir les rangs devant des politiques sociales démocrates. Des 54% de répondants.es qui n'en avaient jamais entendu parler, 43% y étaient plus favorables par rapport au capitalisme ; seuls.es 38% soutenaient cette option. Cette ouverture présente donc un grand potentiel ; il y a là un groupe d'électeurs.trices sympatisants.es qui doivent être invités.es dans le travail de campagne, dans les chapitres locaux et les coalitions.
La proposition socialiste rejoint des parties de l'électorat assez surprenantes. Par exemple, presque une personne sur 6, soit 15% de l'échantillon, qui a voté pour D. Trump en 2024, déclare quand même préférer le socialisme démocratique au capitalisme. Si on compare cet échantillon avec ceux et celles qui ont voté pour D. Trump, on peut voir qu'il est âgé de moins de 45 ans, et plus facilement de couleur autre que blanche. Ce sont les deux groupes qui ont migré vers les Républicains en 2024. Ces électeurs.trices ne constituent pas un groupe figé et représentent une ouverture pour les appels du socialisme démocratique en faveur de ses politiques envers le coût de la vie. C'est une opportunité d'écoute sympathique.
Les dirigeants.es sociaux démocratiques sont aussi percus.es plus favorablement que les Démocrates traditionnels.les parmi toute une série de blocs électoraux déterminants pour le maintien desquels les Démocrates se sont battu dans leurs rangs au cours des dernières années. L'aile Sanders/AOC est perçue plus favorablement que l'establishment du parti par une marge de 42% c. 28% par les répondants.es au sondage membres de la classe ouvrière. De même chez les Latinos.as par 59% c. 29%, chez les ruraux par 37% c.29%, et les électeurs.trices sans diplômes universitaires par 37% c. 29%. Par contre, chez les répondants.es avec une éducation universitaire et qui sont en dehors de la classe ouvrière, l'appui au courant Démocrate traditionnel se tient entre 43% c. 38% pour les premiers et 36% c. 28% pour les autres. Ces résultats démentissent l'idée que le socialisme démocratique n'intéresse que les électeurs.trices professionnels.les possédant un haut niveau d'éducation.
2- L'image des socialistes démocratiques s'améliore mais il reste du travail à faire
La nouvelle la plus inquiétante est que parmi l'électorat démocrate, l'étiquette « socialisme démocratique » peut coûter cher. En présentant un message avec une candidature sur une plateforme dédiée au coût de la vie, remplacer couramment le mot « Démocrate » par « Socialiste démocratique », dans le sondage, l'appui y tombait sérieusement dans les circonscriptions progressistes clés. Il faudrait donc développer des forces électorales en dehors de la structure démocrate. Parmi les indépendants.es la chute va de 77% à 59% mais ce niveau est encore important. Chez les Républicains.es on passe de 58% à 40%. Cette chute est aussi importante en zone rurale à hauteur de 25 points, substantielle chez les sans diplômes universitaires (-12 points), et au sein de la classe ouvrière, par 11 points.
Plus largement, le concept de socialisme démocratique n'est en faveur de celui de capitalisme que par quelques points. Mais, parmi les indépendants.es et les Républicains.es la différence est de 11 points pour les premiers.ères et un énorme 60 points pour les autres. Les résultats indiquent aussi que la géographie a un impact dans l'attitude envers le socialisme démocratique. L'électorat urbain le favorise par 54% mais les ruraux le font à 52%, les banlieusards.es à 49% contre 40% pour le capitalisme. Si on s'arrête sur les emplois, les travailleurs.euses manuels.les préfère le capitalisme à 57%, les cols bleus à 46% et les employés.es de services à 44 quand même, 41% appuient le socialisme démocratique. Mais chez les travailleurs.euse du secteur socio culturel, les professionnels.les comme les avocats, les universitaires et les journalistes, la faveur va fortement vers le socialisme démocratique à hauteur de 54% c. 35% d'appuis au capitalisme.
Ce portrait ne constitue pas une raison de retrait. Au contraire il milite pour une stratégie (adaptée). Parmi l'électorat sensible aux idées de gauche, une présentation franchement socialiste démocrate, pourrait clarifier les ambiguïtés dans le Parti démocrate et dynamiser l'électorat progressiste. Dans les circonscriptions républicaines ou plus conservatrices, les candidats.es sociales démocrates devraient réfléchir et être créatifs.ves pour trouver une manière de maximiser leur option avec des termes politiques auxquels les indépendants et même quelques Républicains.es puissent se rallier.
3- Parler des enjeux polarisants mais avec précaution et stratégie
Le sondage s'est aussi intéressé aux succès des candidats.es selon leur manière de parler des enjeux polarisants ou de se taire. Le but était d'évaluer si les candidats.es socialistes perdaient des appuis face à leurs politiques économiques les plus déterminantes par rapport à d'autres positions moins populaires qu'ils et elles peuvent prendre selon certains.es critiques. Les résultats sont à la fois encourageants et imposent une sérieuse réflexion.
D'une part, le sondage révèle que prendre position contre la police de l'immigration et des frontières (ICE) mène à une sérieuse augmentation pour le soutien à celles en faveur de l'amélioration du coût de la vie chez les candidats.es qui en font une priorité. L'augmentation est à deux chiffres chez les indépedants.es et même à 40 points de plus chez les Démocrates. Ce phénomène est aussi présent chez les répondants.es de la classe ouvrière (+11 pts) et dans l'électorat sans diplômes universitaires (+7 pts). De même lorsque les candidats.es s'affichent en faveur des droits civiques des personnes transsexuelles, de ceux du peuple Palestinien au lieu de ne rien dire à ces sujets, la baisse d'approbation est négligeable de l'ordre de 3 à 4 points. Même que le soutien au droit des personnes transsexuelles, ne change pas l'appui des indépendants.es. Chez les Démocrates il en est de même, et pour les deux enjeux.
Par ailleurs, les candidats.es qui expriment leur opposition à ICE, voient leur appuie décliner de 20 points chez les Républicains.nes et ceux et celles qui défendent les droits des transsexuels.es y perdent 32 points. De même l'appui en milieu rural baisse de 7 points comme parmi l'électorat sans diplôme universitaire, de 21 points dans celui des personnes de couleur, de 15 points dans celui de la classe ouvrière. Aussi, parler de la cause palestinienne fait baisser de 21 points l'appui des Républicains.nes de 11 points celui des indépendants.es, de 18 points dans l'électorat rural et de 11 points dans celui de ceux et celles qui ne détiennent pas de diplôme universitaire.
Ces résultats ne signifient pas que les socialistes démocratiques devraient changer leurs positions pour se plier aux convictions de l'électorat plus centriste, ou encore de ne pas parler des enjeux moraux importants de notre époque. Ils nous invitent à une approche très disciplinée pour faire campagne autour des enjeux polarisants qui impliquent des différences radicales dans des contextes politiques et sociaux, selon les districts.
Ces réalités en action, qui pèsent sur les séquences et encadrent ( les activités de campagne) peuvent s'avérer critiques spécialement là où la victoire dépend de dépasser la base démocrate et d'atteindre les rangs des indépendants.es et même des Républicains.es.
4- L'économisme populiste est le point d'appui immédiat pour construire les chances du socialisme démocratique
Comme beaucoup d'autres recherches récentes, ce sondage démontre que, indépendamment de leurs allégeances politiques, de leur ethnicité, de leur classe sociale et de leur lieu de résidence, les électeurs.trices prennent à partie directement le pouvoir des entreprises et demandent une amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière dans notre pays.
L'énoncé : « notre système économique est biaisé en faveur des entreprises et des riches » est soutenu par 60% des participants.es dans tous les groupes démographiques sondés. Les Républicains.nes le soutienne tout juste en dessous de ce niveau. L'appui monte à 70% chez les personnes qui ne détiennent pas de diplôme universitaire, chez les personnes de couleur et les Latinos.as et chez les moins de 45 ans. Au moins six répondants.es sur 10 dans tous les groupes démographiques sont d'accord avec l'énoncé : « les entreprises et les plus riches ont trop d'influence dans le parti pour lequel je vote habituellement ». De même, dans tout l'échantillon, la vaste majorité accuse les propriétaires et les banques de profiter de la crise du logement. Alors qu'une mince majorité de Républicains.nes trouve qu'il est bon que le nombre de multimillionnaires augmente, la majorité des Démocrates rejette cette assertion comme la majorité des indépendants.es, des gens de couleur, des blancs.ches, des diplômés.es universitaires, de ceux et celles qui n'en détiennent pas et des membres de la classe ouvrière.
Ces résultats invitent à un programme comme celui que mettent de l'avant Z. Mamdani et B. Sanders et comme un progressiste économique populiste qui ne se présente pas comme socialiste. Dit clairement, il s'agit d'augmenter les salaires, diminuer les prix, faire cesser les arnaques sur les prix, punir la corruption, protéger les droits des travailleurs.euses à se syndiquer et négocier collectivement, investir pour de bons emplois et les biens publics qui réduiront les dépenses des ménages. Même si l'étiquette « socialisme démocratique » peut être repoussante pour certains.nes, le programme socialiste assis sur la lutte pour le pain et le beurre génère une surprenante large coalition.
Au cours de la dernière décennie, un pôle socialiste démocratique crédible s'est construit dans la politique américaine. Au cours de la prochaine nous devrions voir s'il peut arriver à un programme économique populiste majoritaire tout en encadrant les véritables responsabilités d'une certaine partie de l'électorat et en naviguant entre les entre les enjeux sociaux polarisants en dehors des rangs démocrates. Le faire et faire campagne comme le fait Z. Mamdani ne sera pas qu'animer, ce sera une réaction spontanée prouvant que les politiques concernant les travailleurs.euses d'abord et avant tout peuvent pénétrer partout dans le pays et gagner.
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« Le rejet de l’écologie est largement déterminé par des intérêts matériels »
L'invitation de Paul Watson à des événements de gauche cet été a suscité des polémiques.
Paul Watson est invité parce qu'il apparaît comme une figure écologiste aux yeux du grand public : sa présence permet tout simplement de faire venir du monde sur des événements qui en ont besoin. Par contre, toutes les invitations ne sont pas équivalentes. Le festival Climax à Bordeaux ou l'université d'été de REV (Révolution écologique pour le vivant, le parti d'Aymeric Caron) ont invité l'activiste canadien en le laissant contrôler le récit de son engagement, sans apporter de véritable contradiction. Le cas de la fête de l'Humanité est différent, puisque Paul Watson a été interrogé sur certains sujets à propos desquels ses positions sont critiquées — en particulier son rapport à l'immigration. Des figures comme lui ayant déjà accès à toutes les tribunes médiatiques qu'iels souhaitent, continuer de les inviter nourrit des critiques légitimes. Toutefois, le dispositif proposé par l'Huma me semble plutôt intéressant : cela permet de pousser Paul Watson dans ses retranchements, plutôt que de simplement lui dérouler le tapis rouge.
D'une certaine manière, son intervention à la fête de l'Huma fut plutôt « utile » puisqu'elle a permis de voir à quel point sa pensée était creuse et inoffensive. Malgré son action et son esthétique radicales, presque anarchistes, le « capitaine » mène un combat extrêmement consensuel aux yeux de la société occidentale puisqu'il ne s'attaque pas vraiment aux intérêts de celle-ci. L'écologie de Paul Watson n'est pas apolitique comme il l'affirme, elle est plutôt dépolitisée puisqu'elle ne désigne pas vraiment d'adversaire dont il faudrait cibler les intérêts à perpétuer le ravage écologique. Ce contraste entre radicalité pratique et consensualité politique confère à l'activiste canadien un large capital sympathie, jusqu'au sommet de l'État.
Hebdo L'Anticapitaliste - 769 (02/10/2025)
https://lanticapitaliste.org/opinions/ecologie/le-rejet-de-lecologie-est-largement-determine-par-des-interets-materiels
Dès lors, peut-on vraiment le considérer comme un écofasciste ?
Bien qu'il ait récemment endossé lui-même le terme dans un texte publié par Sea Shepherd France, je ne caractériserais pas Paul Watson comme un véritable écofasciste. Dans son discours écolo, on ne retrouve pas les deux caractéristiques fondamentales de l'écofascisme que sont la défense de l'enracinement (un supposé lien écologique entre un individu ou une communauté et son territoire d'origine) et le fait de considérer la nature comme un ordre intangible qui structurerait la société. En revanche, Paul Watson est assurément écomalthusien, obsédé par la démographie mondiale : il répète systématiquement qu'il y a trop d'humains sur Terre.
Probablement conscient du racisme qui fonde presque tous les discours sur la surpopulation, il prétend se contenter de poser des constats sans dicter de programme politique pour réduire la population. Sauf qu'en agitant la question démographique de la sorte, Paul Watson alimente le racisme écomalthusien même s'il affirme ne pas s'y ancrer lui-même. Bien que je ne le considère pas comme écofasciste lui-même, son rapport dépolitisé et malthusien à l'écologie fait de lui un acteur majeur du processus de fascisation de l'écologie que j'ai tenté de circonscrire dans mon livre.
Tu articules désormais deux notions, celle d'écofascisme, qui était au cœur de ton livre, et celle de carbofascisme.
Malgré la critique courante dont il fait l'objet dans les espaces militants, l'écofascisme présente un risque relativement marginal par rapport au risque fasciste plus général. Au sein de l'extrême droite contemporaine, le rejet de l'écologie reste dominant : c'est ce que le concept de « carbofascisme » permet de caractériser, en évitant certains écueils.
Le rejet de l'écologie par l'extrême droite est souvent considéré comme relevant du climatoscepticisme. Ce constat n'est pas faux (et certaines déclarations récentes de Trump l'ont encore montré), mais il cadre le problème de manière relativement idéaliste : le rejet de toute politique climatique ou écologique découlerait d'un manque de connaissances ou d'une absence de croyance dans la science climatique ou écologique. En réalité, ce rejet est largement déterminé par des intérêts matériels, menacés par une politique climatique ou écologique ambitieuse, qu'il faut prendre en compte. Plus que de climatoscepticisme, il serait ainsi plus judicieux de parler d'obstruction climatique ou écologique : cela permet de pointer concrètement les entraves à la recherche comme aux politiques publiques, plutôt que de rester au niveau des discours.
L'obstruction climatique est une composante particulièrement visible du carbofascisme, qui reste le rapport à l'écologie dominant au sein de ce camp politique. Ce concept désigne la convergence d'intérêts entre le capital fossile et l'extrême droite organisée. Pour le capital fossile, il s'agit de s'allier avec une force politique lui étant favorable afin de garantir ses intérêts économiques directs, en pérennisant la réalisation de profits par l'extraction et l'exploitation d'hydrocarbures. Pour l'extrême droite, les intérêts en jeu sont plutôt politiques : elle prétend défendre une « civilisation occidentale » fantasmée, laquelle est largement adossée aux énergies fossiles. Dans de nombreux cas, la convergence d'intérêts ressemble plutôt à un vrai partage, puisque certains acteurs jouent sur les deux tableaux. En France, c'est notamment le cas de Vincent Bolloré : son empire logistique repose sur la consommation d'hydrocarbures tandis que son offensive médiatique vise explicitement à consolider le camp réactionnaire sur le plan politique. Aux États-Unis, le capital fossile est un soutien indéfectible de Donald Trump depuis 2016. Sa dernière campagne était financée à plus de 15 % par des acteurs du secteur, directement par des entreprises ou par des milliardaires à titre individuel. L'autre exemple particulièrement manifeste de carbofascisme, c'est la Russie de Poutine : plusieurs oligarques russes sont à la tête de grandes firmes d'extraction et d'exploitation d'hydrocarbures. Pour le Kremlin, les ressources fossiles sont également un moyen de pression géopolitique permettant de garantir les intérêts impériaux de la Russie.
Le carbofascisme est-il porté uniquement par le grand capital ou sa base sociale est-elle plus composite ?
Les principaux travaux sur le sujet se sont focalisés sur le grand capital, notamment le fameux Fascisme fossile du Zetkin Collective (La Fabrique, 2020). Pour compléter ce panorama, il faudrait aussi caractériser la base sociale du carbofascisme. Celle-ci recouvre la classe d'encadrement ainsi qu'une fraction stabilisée (dans l'emploi, dans la propriété, dans le modèle familial nucléaire) des classes populaires, notamment implantées dans les espaces périurbains. Cette situation géographique rend ces populations dépendantes de la voiture individuelle pour leurs déplacements quotidiens, comme l'ont documenté de nombreuses analyses — notamment pendant les Gilets jaunes. Parce qu'elle est garante d'une certaine stabilité du mode de vie adopté et du confort y étant associé, la voiture individuelle fait aussi l'objet d'une forme d'attachement, qui ne s'oppose pas à la dépendance mais qui s'y ajoute.
Fondé sur un échange écologique inégal permettant aux sociétés occidentales de profiter de la prédation des ressources du Sud global, le mode de vie dont la voiture individuelle est un reflet peut ainsi être considéré comme impérial, ainsi que le font les sociologues allemands Brand et Wissen dans Le mode de vie impérial. Ainsi, la base sociale du (carbo)fascisme contemporain repose sur des intérêts matériels bien spécifiques, plutôt que sur la seule circulation du climatoscepticisme dans la société. Les rapports entre écologie et extrême droite ne sont donc pas qu'une affaire sectorielle : l'analyse écologique peut permettre de décrire la dynamique générale de l'extrême droite, tant dans ses rapports avec le grand capital que dans la constitution de sa base sociale.
Propos recueillis par la rédaction

Manifestation unitaire contre le Budget et en soutien à Gaza.
Cinq Premiers ministres se sont brûlés les ailes ! La France connait une crise institutionnelle inédite depuis la seconde guerre mondiale. Poussé aux abois par la Gauche, Macron voit, depuis hier, le sol de l'Elysée se dérober sous ses pieds. Lecornu aussi ! Entre guerre des Chefs (ffes) et chienlit, la France vacille !
France
De Paris, Omar HADDADOU
Embourbée dans une instabilité politique inédite, la France de Macron n'incite pas à franchir le pas pour Matignon !
Aux abois, Emmanuel, qui soutient « qu'il prendra ses responsabilités en cas d'échec », sent le vent de sa destitution ou de démission souffler derrière la porte de l'Elysée. Son gouvernement est démissionnaire depuis hier 6 octobre 2025, dans un contexte de brumaille et de passage à la trappe irréversible.
L'heure n'est plus à la prise en charge des affaires courantes, mais à la sauvegarde des contreforts de la République, secouée par des dissolutions en file indienne.
Dans l'urgence, le Président a demandé au Premier ministre de mener, d'ici mercredi, les ultimes consultations que d'aucuns avaient rejetées d'un revers de main.
La Gauche assiste à ce qui s'apparente à la « chute d'un Monarque », décontenancé par l'accélération de la déroute brutale que cette dernière lui a patiemment accommodée.
Hier, Manuel Bompard, Porte-parole de la France Insoumise (LFI), n'a pas mâché ses mots pour pousser le Président - en chute dans les derniers sondages - vers la sortie, qualifiant l'obstination de Macron de « Spectacle affligeant ».
Le Député « déplore une situation d'une gravité absolue » et exige « la démission du chef de l'Etat ». Plus furax, la Présidente de LFI sentencie : « La politique de Macron a été battue 3 fois dans les urnes. Lecornu a été censuré sous les gouvernements Barnier / Bayrou. Il a été pourtant nommé Premier ministre. Et a démissionné. Mais Macron charge ce même Lecornu de continuer cette politique qui n'a plus aucune légitimité. La fin de règne de la Macronie est interminable. Qu'ils s'en aillent tous ! », a-t-elle martelé.
En proie au chaos politique et à la disgrâce, le Président a accordé, hier soir (sous forme d'ultimatum) au très volatil et ressuscité aléatoirement, Sébastien Lecornu, deux jours pour former son gouvernement. La démission de Lecornu a mis à nues les inimitiés et les appétits au sein de la Droite (LR).
Le jeu des accointances avec le Chef du gouvernement sortant défraie la chronique.
Bruno Retaillau, antérieurement Ministre de l'Intérieur, mentor des Républicains aux ambitions présidentielles ardentes, voit son aura et sa gravitation au-dessus du lot, compromises par l'entrée en lice d'un poids lourd en la personne de Michel Barnier.
D'où sa sortie, in extrémis : de ne pas participer, ce mardi, à la réunion du Socle commun.
Le « flingueur » des Immigrés, manœuvre en coulisse et par téléphone en vue d'une rencontre en tête à tête avec Sébastien Lecornu.
Côté Socialistes (PS), Olivier Faure, honni par les Insoumis, a abattu insolemment ses cartes sans rougir, annonçant qu'il « répondrait positivement, s'il était appelé à Matignon ».
Se voulant conciliante, la Secrétaire générale des Ecologistes, Marine Tondellier souhaite une réunion de tous (tes), après avoir échangé avec l'ensemble des partis de gauche.
Le climat délétère de fragmentation de la classe politique française, témoigne du rejet d'un Budget injuste et une politique macaroniste courtisant le Patronat.
D'où le coup de gueule de Sophie Binet, Secrétaire générale de la CGT,, samedi 4 octobre à la Place d'Italie lors de la gigantesque manif contre le Budget du Premier ministre, Sébastien Lecornu. En première ligne du cortège, elle a aussitôt mis en garde le locataire de Matignon : « Soit il répond aux exigences sociales, soit il ne répond pas, et il ira très vite au cimetière des Premiers ministres ! » .
Le Budget 2025 acte la mort d'un modèle social et les acquis arrachés de très haute lutte. L'intersyndicale et les manifestants (es) ont promis de dégommer les Politiques qui entraveraient leur combat pour une Justice sociale s'articulant autour de la Retraite, le Chômage, la Santé, etc.
Parmi les slogans frappants, on notera : « Des milliards pour les salaires pas pour la guerre ! Des milliards pour la Paix, pas pour l'Armée ! ».
La cause palestinienne a été au cœur d'un cortège en ébulition, avec les emblèmes et incontournables cris de rage : « Palestine vivra, Palestine vaincra ! ».
Contre le Budget de l'austérité eten soutien à la lutte pour la dignité, Paris et la flottille restent mobilisés !
O.H
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François Legault ou la volonté de recomposition autoritaire du capitalisme québécois
Le discours de François Legault, prononcé le 30 septembre dernier à l'Assemblée nationale manifeste un virage populiste conservateur dans l'espoir d'en tirer un maximum de soutien électoral aux élections de 2026. Sous des airs de gestion responsable et de fierté nationale, le premier ministre a formulé ce qui ressemble de plus en plus à un programme de recomposition nationaliste autoritaire du capitalisme québécois. Derrière les slogans de « prospérité », de « sécurité » et de « valeurs québécoises » se profile une offensive systématique contre les syndicats, les services publics et les migrant·es, en faisant les responsables de tous les maux de la société québécoise.
Un projet de classe pour le grand capital
Legault a voulu présenter son discours comme un appel à « se retrousser les manches » pour assurer la croissance du Québec. Mais pour qui ? Il ne s'adresse pas à la majorité laborieuse, ni aux femmes travaillant dans les services publics, ni aux jeunes étouffé·es par le coût du logement. Son message est clair : le gouvernement se met au service du capital industriel et financier, et il mobilisera la Caisse, Hydro-Québec et Investissement Québec pour soutenir le développement des grandes entreprises.
Il promet qu'Investissement Québec pourra soutenir les industries de l'armement, au nom de l'indépendance de cette industrie vis-à-vis des États-Unis ! Quand il parle d'une « Baie-James du XXIᵉ siècle », il s'agit d'une plateforme de subventions massives et d'accès à des blocs d'électricité au capital extractif.
Derrière l'efficacité, la déréglementation et la casse sociale
L'État, selon François Legault, sera chargé de garantir la rentabilité du capital sous prétexte de transition énergétique, alors qu'il envisage dans un même temps la déréglementation environnementale, la privatisation partielle d'Hydro et la mise au pas des communautés locales. La transition énergétique et l'électrification de l'économie ne sont pas envisagées comme un plan de lutte contre les changements climatiques mais comme une stratégie pour créer des avantages compétitifs pour les entreprises d'ici et d'ailleurs.
Le mot d'ordre de Legault est clair : « simplifier, accélérer, alléger ». La « réduction de la bureaucratie » annoncée n'est rien d'autre qu'un plan de compressions et de centralisation autoritaire. Moins de fonctionnaires, plus de sous-traitance, plus de contrats aux firmes privées. Mais il ne dit rien sur la perte d'expertise de la fonction publique et des organismes gouvernementaux au profit du privé avec les pertes d'argent public qui en découlent, comme l'a illustré le scandale de SAAQclic.
Une attaque frontale contre les syndicats
Dans le même souffle, il s'en prend directement aux syndicats, accusés d'être « favorisés » et responsables du « trop grand nombre de grèves ». En réalité, c'est le pouvoir collectif des travailleurs et des travailleuses qui est visé. « Il est temps, affirme le premier ministre, que les syndicats recentrent leurs actions sur leur mission essentielle. » Il vise essentiellement à réduire les capacités des syndicats à intervenir sur les problèmes de société par une ingérence dans l'utilisation des finances syndicales. Il s'attaque également au droit de grève, dans la perspective de soumettre les syndicats aux volontés patronales. Comble d'insulte, l'ineffable ministre du Travail, Jean Boulet, parle de défendre les syndiqué·es contre les syndicats.
L'austérité sélective et le mirage fiscal
Legault se vante d'avoir « remis de l'argent dans le portefeuille des Québécois ». Mais ces baisses d'impôts et aides ponctuelles ne visent qu'à acheter la paix sociale et à se construire une rente électorale. Elles profitent surtout aux classes moyennes et supérieures, tout en préparant le terrain à une nouvelle phase d'austérité.
Pour le premier ministre Legault, si les finances publiques ont un problème, ce n'est pas que les banques, les grandes entreprises et les plus riches ne paient pas leur juste part, c'est qu'on dépense trop et qu'il faudra donc couper dans les services publics. Pendant ce temps, il se vante de subventionner les grandes entreprises minières à coup de centaines de millions de dollars. Il ne faut d'ailleurs pas oublier Northvolt et l'argent qu'il a tiré par les fenêtres.
Sécurité, ordre et répression
La « sécurité » est un autre volet de son projet. Il vise le renforcement des pouvoirs policiers et pénaux. Il promet plus d'arrestations, plus de prisons, plus de sanctions. Mais il ne dit rien des causes sociales de la violence : pauvreté, crise du logement, mauvaises conditions de travail, problèmes de santé mentale. Son approche est purement répressive, orientée contre les plus pauvres, les sans-abri, les toxicomanes.
Cette politique s'inscrit dans une vision du monde profondément conservatrice : celle où l'État protège l'ordre établi, la propriété privée et les “valeurs traditionnelles”, au lieu de protéger la dignité et les droits des citoyennes et des citoyens.
Identité et laïcité : le masque de la division
La dernière partie du discours, consacrée à la « protection des valeurs québécoises », dévoile le cœur idéologique du projet de ce gouvernement. En invoquant la menace des « islamistes radicaux » tout en affirmant ne pas viser les musulmans, la déclaration semble équilibrée. En réalité, cette nuance est au cœur d'une stratégie de communication bien rodée : dire tout haut ce que plusieurs pensent tout bas, mais sous une forme politiquement correcte. En séparant les « bons musulmans » des « islamistes radicaux », le premier ministre se protège contre l'accusation d'islamophobie, tout en entretenant le soupçon que la menace viendrait de l'intérieur de cette même communauté. C'est ce qu'on appelle une dénégation performative : on nie vouloir stigmatiser un groupe, tout en le présentant comme porteur potentiel du danger.
Ce double langage n'est pas accidentel. Il est central à la rhétorique du populisme identitaire : affirmer la tolérance pour mieux légitimer la peur. En d'autres mots, François Legault souffle le chaud et le froid. Il prétend apaiser, mais il excite les réflexes de méfiance qui traversent déjà une partie de la société québécoise. En ciblant les « islamistes radicaux », Legault construit un ennemi intérieur racialement marqué, légitimant des mesures coercitives et un contrôle accru sur les communautés musulmanes. Cette logique nourrit le nationalisme conservateur bâti sur la peur de disparaître face à l'autre, la peur du métissage culturel et linguistique.
C'est une vieille stratégie : diviser pour régner. En désignant des boucs émissaires – immigrants temporaires, musulmans, demandeurs d'asile, comme responsables de tous les maux qui frappent la société québécoise – François Legault détourne la colère populaire de sa véritable cible : le capitalisme québécois et ses alliés politiques. Il habille ce nationalisme de mots nobles : laïcité, culture, langue. Mais derrière cette rhétorique se cache une offensive idéologique contre la gauche, les mouvements syndicaux, féministes et antiracistes, et contre toute forme de solidarité de classe.
La laïcité est au cœur du discours de Legault. Mais la laïcité qu'il invoque n'a plus grand-chose à voir avec la neutralité de l'État ou la liberté de conscience. Elle est devenue une bannière nationaliste, voire un instrument de contrôle culturel. La laïcité devrait servir à libérer l'espace public des discriminations, pas à les justifier.
Un projet de Constitution du Québec respectant la constitution canadienne et élaboré sans intervention de la majorité du peuple québécois.
Le projet d'une « Constitution du Québec » participe de cette même logique. « Je vous annonce aussi que, pour renforcer notre autonomie juridique, pour défendre nos valeurs communes et notre identité, le gouvernement va bientôt déposer à l'Assemblée nationale un projet de constitution du Québec. Ce qui nous définit, c'est aussi beaucoup notre culture. Notre belle langue française, notre histoire, notre patrimoine, les arts et ce qu'on appelle nos productions culturelles. » La constitution n'est pas vue comme un instrument de souveraineté populaire où le peuple se prononcerait sur les institutions et la mise en place d'une démocratie citoyenne, il s'agit pour ce gouvernement conservateur d'imposer un cadre institutionnel au nationalisme bourgeois, recentré sur l'ordre, l'autorité et la compétition économique.
Reconstruire une contre-hégémonie populaire
Le moment est grave, mais il peut devenir un moment de bascule. Car ce projet de recomposition autoritaire du capitalisme québécois ne triomphera que si le peuple n'approfondit pas sa mobilisation et son unité. À l'inverse, chaque lutte – des syndicats, du mouvement étudiant, des locataires, du mouvement écologiste, des communautés autochtones – peut contribuer à bâtir une contre-hégémonie populaire au discours conservateur et nationaliste.
Conclusion
Le discours de François Legault est un manifeste de classe : celui d'un bloc nationaliste bourgeois qui veut consolider sa domination en conjuguant le néolibéralisme économique, l'autoritarisme politique et le nationalisme identitaire et régressif.
Une résistance victorieuse du camp populaire au bloc nationaliste bourgeois ne peut s'appuyer que sur la convergence des luttes : celles pour le contrôle collectif de l'énergie et des ressources ; celles pour les réinvestissements massifs dans nos services publics ; celles pour le droit à un logement décent ; celles en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes ; celles contre le racisme systémique ; celles pour la justice migratoire ; celles pour la redistribution des richesses par une réforme de la fiscalité ; celles pour la défense du syndicalisme comme pouvoir collectif et démocratique des travailleurs et des travailleuses ; et finalement, celles pour la souveraineté populaire dans la définition d'une constitution réellement démocratique et indépendantiste. C'est seulement par une telle convergence des luttes que nous pourrons inverser le rapport de force, briser l'hégémonie conservatrice et rouvrir la voie à un Québec indépendant, égalitaire, féministe, écologiste, antiraciste et véritablement démocratique.
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Au-delà des chiffres : l’immigration au service d’une société juste et inclusive
Synthèse des recommandations de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) dans le cadre de la consultation gouvernementale sur la planification de l'immigration pour 2026-2029
Août 2025 www.tcri.qc.ca
Pour lire le mémoire, cliquez ici
Qui sommes-nous ?
La Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) regroupe 158 organismes communautaires à travers toutes les régions du Québec. L'intégration et la défense collective des droits des personnes réfugiées, immigrantes et sans statut sont au centre de sa mission depuis plus de 45 ans. Chaque année, ce sont plus de 120 000 personnes nouvellement arrivées qui sont accueillies dans les organismes du réseau, tous statuts d'immigration confondus.
La TCRI accomplit sa mission :
En offrant un lieu d'échange, de concertation, d'information et de formation à ses organismes membres autour de divers enjeux : jeunes, femmes immigrées et racisées, accueil et intégration, protection des personnes réfugiées, régionalisation, employabilité, parrainage, jumelage interculturel, etc. ;
- En coopérant avec d'autres réseaux et secteurs d'activités communautaires, parapublics, publics et privés pour renforcer la défense des droits des personnes réfugiées, immigrantes et sans statut ainsi qu'améliorer les services aux personnes nouvellement arrivées ;
- En faisant avancer l'analyse critique des politiques et l'échange d'informations relatives aux personnes réfugiées, immigrantes et sans statut au Québec, au Canada et sur le plan international ;
- En développant la recherche-action communautaire pour alimenter la réflexion sur les pratiques et l'intervention des organismes communautaires et de leurs partenaires ;
- En défendant les droits des personnes réfugiées, immigrantes et sans statut dans ses relations avec les médias et les gouvernements ;
- En sensibilisant et en mobilisant la population pour une meilleure connaissance des réalités des personnes réfugiées, immigrantes et sans statut au Québec et au Canada.
À titre de regroupement des organismes communautaires du réseau de l'immigration et de l'intégration du Québec, la TCRI s'inscrit dans le mouvement de l'action communautaire autonome. Elle met à profit son expertise comme agente de transformation et de développement social. Par leurs pratiques diversifiées et une approche interculturelle, les organismes de la TCRI œuvrent pour un Québec inclusif et riche de sa diversité. Avant de présenter ce mémoire, la TCRI et ses membres souhaitent reconnaître que leurs activités se déroulent sur des territoires dont la majorité n'a pas été cédée. Nous exprimons notre solidarité envers les Premiers Peuples ici au Québec et ailleurs. Nous souhaitons rappeler que le néocolonialisme actuel est intimement lié aux enjeux migratoires contemporains, et continue de priver de nombreuses personnes de leurs droits fondamentaux.
Synthèse des recommandations
Introduction
Le présent mémoire s'inscrit dans le cadre de la planification pluriannuelle de l'immigration au Québec pour les années 2026 à 2029. Il vise à éclairer les décisions gouvernementales à partir de l'expertise terrain des organismes membres de la TCRI, en mettant de l'avant une lecture critique des orientations proposées. Le mémoire est structuré autour de neuf grandes parties, qui abordent chacune un enjeu central pour les personnes immigrantes et réfugiées au Québec.
Il s'ouvre par un préambule qui analyse les discours politiques, l'approche de la TCRI et la responsabilité du Québec en matière d'immigration. Les sections suivantes portent respectivement sur les travailleurs étrangers temporaires, les étudiants internationaux, la régionalisation de l'immigration, l'immigration en région, l'intégration en emploi inclusive, la reconnaissance des compétences, les enjeux de l'immigration humanitaire (dont les personnes en demande d'asile, les personnes incluses dans la catégorie “autres immigrants”, les initiatives humanitaires ponctuelles et le regroupement familial), ainsi qu'une section spécifique pour les personnes réfugiées.
Chaque partie propose des constats étayés, des analyses ancrées dans les réalités de terrain et des recommandations.
Notre approche
Face à ces orientations gouvernementales et à l'absence de consensus sur les seuils, la TCRI propose une perspective différente, fondée sur l'expérience du terrain et le respect des droits. Notre approche privilégie la concertation, l'inclusion et la reconnaissance de la diversité des parcours et des besoins.
L'expertise des membres de la TCRI
La TCRI porte une approche ancrée sur la concertation de ses membres. Cette approche s'appuie sur l'expertise incontournable des organismes communautaires membres de la TCRI. Présents dans toutes les régions du Québec, ces organismes sont les véritables experts du terrain : ils accompagnent quotidiennement les personnes réfugiées, immigrantes et sans statut, en répondant à leurs besoins multiples, souvent dans des conditions précaires. Leur contribution, bien qu'essentielle, est trop rarement reconnue à sa juste valeur. Dans le présent cahier, la mention de leur apport est quasi-inexistante. Ces organismes doivent constamment s'adapter à des pressions accrues et à des changements soudains de directives gouvernementales, tout en demeurant au service des personnes concernées. Leur action, ancrée dans la proximité, la solidarité et l'engagement social, constitue un pilier fondamental de toute politique d'accueil et d'intégration réellement inclusive.
Le respect des droits
La TCRI défend une vision de l'immigration fondée sur la dignité, l'inclusion, la justice sociale et l'égalité réelle pour toutes les personnes, sans distinction de statut ou d'origine. Cette approche rejette toute instrumentalisation de l'immigration à des fins économiques ou utilitaristes. Il ne s'agit pas de réduire les personnes à leur utilité, mais de reconnaître pleinement leurs droits et leurs parcours. Le vivre-ensemble ne se décrète pas : il se construit à travers des politiques équitables et la valorisation de chaque trajectoire. La TCRI rappelle aussi que les politiques migratoires n'ont pas les mêmes effets pour tous et toutes. Selon le statut, le genre, l'origine ou d'autres facteurs, elles peuvent renforcer l'exclusion ou la précarité. C'est pourquoi la lutte contre toutes les formes d'oppressions systémiques demeure au cœur de l'engagement du réseau.
Approche intersectionnelle et ADS+
Afin de lutter contre toutes les formes d'oppressions systémiques, il est essentiel de les reconnaître et d'adopter des approches qui peuvent nous guider.
Pourtant, le Cahier de consultation pour la planification de l'immigration au Québec 2026-2029 [1] omet entièrement l'approche intersectionnelle ainsi que l'Analyse différenciée selon les sexes plus (ADS+), ce qui est particulièrement préoccupant. L'absence de ces cadres, notamment à la section 11.1 sur les principes, invisibilise les discriminations croisées vécues par les personnes immigrantes, notamment en lien avec le genre, la race, la classe sociale, le statut migratoire, l'orientation sexuelle, religieuse ou encore le handicap.
En ne tenant pas compte de ces dimensions, le document perpétue une vision homogène et utilitariste de l'immigration, centrée presque exclusivement sur des critères économiques et linguistiques. Cette approche réduit les personnes concernées à leur potentiel de contribution au marché du travail, sans reconnaître la diversité de leurs parcours, de leurs besoins et des obstacles systémiques auxquels elles font face. Elle va à l'encontre des engagements du gouvernement du Québec en matière d'égalité, de diversité et de lutte contre les discriminations systémiques, notamment ceux énoncés dans la Stratégie gouvernementale pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2022-2027 (Gouvernement du Québec, 2022).
L'intégration de l'approche intersectionnelle et de l'ADS+ ne constitue pas un ajout accessoire, mais une condition essentielle pour bâtir une politique migratoire juste, cohérente et respectueuse des droits fondamentaux. Elle permettrait de mieux répondre aux défis d'inclusion, de cohésion sociale et de justice sociale auxquels le Québec est confronté, tout en valorisant pleinement la richesse et la diversité des parcours migratoires.
Responsabilité du Québec
La TCRI rejette les discours qui associent l'immigration à une pression sur les services. Ces propos masquent les responsabilités politiques réelles et alimentent des représentations injustes des personnes migrantes. Depuis 1991, la gestion de l'immigration au Québec s'inscrit dans un cadre unique, issu de l'Accord Canada-Québec. Cette entente a conféré au Québec un pouvoir élargi de sélection des personnes immigrantes, tout en lui déléguant l'entière responsabilité des services d'intégration. En contrepartie, le gouvernement fédéral verse chaque année des sommes importantes au Québec pour la prestation de ces services (Paquet 2025, 28). En effet, « le montant reçu pour la compensation fédérale pour l'année 2024-2025 est de 867,3 M$ » (IRCC 2025).
Cette responsabilité confère au gouvernement une marge d'action pour définir des politiques migratoires justes, cohérentes et alignées sur les principes d'inclusion et d'équité. Face aux transformations profondes du phénomène migratoire, une planification structurante s'impose. Cela suppose de dépasser les logiques de gestion à court terme et les réponses fragmentées dictées par l'urgence. Une telle planification ne peut être efficace sans une communication interministérielle cohérente et fluide. Les responsabilités liées à l'accueil, à l'intégration et à l'accès aux services sont partagées entre plusieurs ministères : immigration, santé, éducation, entre autres. Or, un manque de coordination entre ces instances compromet la mise en œuvre de mesures efficaces et cohérentes. Pour que les programmes soient réellement accessibles, adaptés et structurants, il est essentiel que les ministères travaillent de manière concertée, en partageant les données, en harmonisant les pratiques et en agissant selon une vision commune des enjeux liés à l'immigration.
La TCRI appelle à un exercice de planification objectif, guidé non par les perceptions fluctuantes ou les pressions conjoncturelles, mais par une vision collective à long terme. Ce mémoire s'inscrit dans cette perspective : il propose une lecture ancrée dans le terrain, nourrie par l'expérience des organismes communautaires, et structurée par des principes clairs. Il vise à contribuer à la construction d'un Québec pleinement engagé dans l'accueil et la reconnaissance des personnes migrantes.
Récapitulatif des recommandations de la TCRI par thématique
Travailleurs étrangers temporaires - Recommandations
1. Que le gouvernement du Canada abolisse le permis de travail fermé ;
2. Que des actions plus conséquentes soient mises en place auprès des employeurs afin de prévenir les abus en matière de droits des travailleurs et imposer des mesures punitives aux employeurs récalcitrants ;
3. Que des permis de travail ouverts pour travailleurs vulnérables, pour les titulaires de permis fermés victimes d'abus, soient octroyés plus facilement, afin de leur permettre de faire respecter leurs droits vis-à-vis d'un employeur abusif ;
4. Que la résidence permanente pour les titulaires de permis de travail qui sont à l'emploi au Québec soit octroyée, et ce, de manière croissante ;
5. Que les milieux de travail diminuent leur dépendance aux travailleurs étrangers temporaires et offrent des conditions de travail décentes.
Étudiants internationaux - Recommandations
6. Que le gouvernement du Québec favorise le passage de l'immigration temporaire à l'immigration permanente pour les étudiants internationaux ;
7. Que le gouvernement soutienne équitablement tous les programmes d'études, en reconnaissant que l'ensemble des diplômé·es, quel que soit leur niveau, constitue une relève essentielle pour le marché du travail à l'échelle provinciale ;
8. Que le gouvernement du Québec lève la suspension sur le volet Diplômés du programme de l'expérience québécoise (PEQ).
La régionalisation de l'immigration - Recommandations
L'immigration en région - Recommandations
9. Que le gouvernement du Québec octroie l'accès aux services de régionalisation ainsi que d'accueil et installation pour toutes les personnes immigrantes, peu importe le statut ;
10. Que le gouvernement du Québec traduise la reconnaissance de l'expertise des organismes en régionalisation par leur inclusion dans les processus décisionnels, par le financement à la mission et par une plus grande confiance en leur autonomie ;
11. Que le gouvernement du Québec reconnaisse que la régionalisation est un processus qui s'insère dans la durée pour les personnes immigrantes. Il doit également reconnaître que ce processus engendre une charge de travail soutenue pour les organismes qui les accompagnent, nécessitant une adaptation adéquate des ressources pour répondre aux besoins sur le terrain ;
12. Que le gouvernement du Québec reconnaisse l'importance des services d'employabilité dans le cadre de la régionalisation.
13. Que le gouvernement du Québec révise les critères d'admissibilité aux programmes financés par le MIFI afin de permettre aux organismes de répondre adéquatement aux besoins des personnes issues de l'immigration en région, peu importe leur statut ;
14. Que le gouvernement du Québec reconnaisse les réalités distinctes entre les organismes d'accueil des personnes immigrantes, notamment les spécificités régionales ;
15. Que le gouvernement du Québec assure des conditions d'accueil équitables et similaires entre les régions ;
16. Que le gouvernement du Québec assure le maintien et le développement des services publics de proximité favorables à l'intégration des personnes issues de l'immigration en région, peu importe leur statut.
Une intégration en emploi inclusive - Recommandations
Reconnaissance des compétences - Recommandations
17. Que le MESS offre des services en employabilité adaptés à tous les statuts d'immigration qui sont en droit de travailler au Québec ;
18. Que le gouvernement du Québec reconnaisse la contribution et le potentiel des personnes immigrantes qui ne sont pas issues de la catégorie de l'immigration économique.
19. Que le gouvernement du Québec offre la reconnaissance des acquis et des compétences, quel que soit le statut migratoire ;
20. Que le gouvernement du Québec offre la reconnaissance des compétences au niveau universitaire, au même titre que les formations professionnelles et collégiales ;
21. Que le gouvernement du Québec facilite davantage l'accès aux ordres professionnels et aux professions réglementées.
Immigration humanitaire - Recommandations
22. Que le gouvernement du Québec adopte une façon de comptabiliser la présence des personnes en demande d'asile qui ne les confondent pas avec la catégorie plus générale des résidents non permanents ;
23. Que le gouvernement du Québec cesse de comptabiliser les personnes réfugiées reconnues sur place qui sont en attente de la résidence permanente en tant que résidents non permanents ;
24. Que le gouvernement du Québec collabore de façon bilatérale avec les autres provinces canadiennes dans la mise en place d'un système de répartition des personnes en demande d'asile qui aurait pour principes centraux la participation volontaire et le consentement libre et éclairé des personnes participantes ;
25. Que le gouvernement du Québec s'abstienne de demander des restrictions aux politiques migratoires qui laissent des personnes victimes de persécution sans protection internationale, en conformité avec les obligations internationales du Canada.
26. Que le gouvernement du Québec abroge le décret de 1996 qui prive les personnes en demande d'asile de nombreux services (ex. : services d'employabilité, services d'accueil et d'intégration), rétablisse les services coupés et maintienne les services qui leur sont offerts ;
27. Que le gouvernement du Québec revoit les critères d'accès à l'hébergement temporaire destiné aux personnes en demande d'asile afin de prendre en compte les nouvelles trajectoires, notamment pour les personnes qui présentent une demande asile à l'interne ;
28. Que le gouvernement du Québec bonifie les ressources allouées à l'aide juridique destinée aux personnes immigrantes et réfugiées ;
29. Que le gouvernement du Québec, en conformité avec l'orientation 3, élimine les barrières à la participation des personnes en demande d'asile aux cours de francisation, ce qui inclut de garantir l'accès aux services de garde subventionnés, et ce, peu importe la décision que la Cour suprême du Canada rendra dans ce dossier ;
30. Que le gouvernement du Québec admette en continu les personnes reconnues réfugiées sur place et ne les comptabilise pas dans le calcul des cibles annuelles d'admission ;
31. Que le gouvernement du Québec permette aux personnes réfugiées reconnues d'accéder aux services réservés aux résidents permanents ;
32. Que le gouvernement du Québec informe adéquatement les ministères et organismes au sujet des services auxquels ont droit les personnes réfugiées reconnues ;
33. Que le gouvernement du Québec admette en continu les personnes visées par la catégorie « Autres immigrants » et ne les comptabilise pas dans le calcul des cibles annuelles d'admission ;
34. Que le gouvernement du Québec permette aux personnes visées par la catégorie « Autres immigrants » qui sont titulaires de CSQ d'accéder aux services réservés aux résidents permanents ;
35. Que le gouvernement reconnaisse l'apport des personnes réfugiées parrainées et prises en charge, à la société québécoise ;
36. Que le gouvernement lève la suspension du programme de parrainage collectif dès 2026 ;
37. Que le gouvernement établisse une sous-catégorie propre à l'immigration humanitaire à l'étranger ;
38. Que le Gouvernement établisse et augmente des cibles fixes et distinctes pour la sélection de personnes parrainées et pour les RPCE indépendamment du nombre de personnes réfugiées reconnues sur place ;
39. Que le gouvernement crée un mécanisme d'urgence pour des parrainages dans le contexte de crises internationales multiples ;
40. Que le Gouvernement offre un soutien financier adéquat aux organismes offrant des services d'accueil et d'intégration aux RPCE.
Conclusion
En somme, ce mémoire vise à rappeler que la planification de l'immigration ne peut se limiter à une gestion chiffrée de l'immigration. Elle doit s'appuyer sur une vision inclusive, structurante et respectueuse des droits, qui tient compte de la diversité des parcours migratoires et des réalités vécues par les personnes concernées au Québec. À travers l'ensemble de ses sections, la TCRI formule des recommandations concrètes pour que les politiques en matière d'immigration soient à la hauteur des principes de notre société. N'oublions pas que les organismes communautaires jouent un rôle central dans cet effort collectif. Leur expertise, leur engagement et leur présence dans toutes les régions du Québec doivent être reconnus comme des leviers incontournables pour bâtir un Québec véritablement accueillant
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Collaborer ou partir : Le cruel ultimatum d’Israël aux groupes humanitaires à Gaza
Sous couvert de réenregistrement, Israël cherche à forcer toutes les ONG internationales à se conformer au modèle de la Gaza Humanitarian Foundation, transformant ainsi l'aide en un moyen de nettoyage ethnique.
Tiré de Association France Palestine Solidarité
1er octobre 2025
+972 par Lee Mordechai et Liat Kozma
Photo : Un employé de l'UNRWA réconforte un enfant dans un abri scolaire du camp de Nuseirat, dans la bande de Gaza, 12 mars 2025 © Ashraf Amra
En mars, le ministère israélien des Affaires de la diaspora et de la lutte contre l'antisémitisme a lancé un processus de réenregistrement de six mois pour toutes les organisations humanitaires opérant dans les territoires palestiniens occupés. Ce processus, dont la date limite a depuis été repoussée à la fin de l'année civile, peut sembler banal, mais il représente en réalité une menace existentielle pour les activités de nombreuses organisations humanitaires internationales, dont beaucoup œuvrent depuis des décennies à l'amélioration des conditions de vie des Palestiniens sous occupation israélienne.
Comme condition à la réinscription, Israël exige que ces organisations fournissent une liste de tous leurs employés, y compris les Palestiniens. Tout groupe jugé comme menant des « activités de délégitimation » contre Israël, ou employant une personne ayant publiquement appelé au boycott d'Israël au cours des sept dernières années, pourrait perdre son autorisation de travailler dans les territoires occupés. La réglementation implique que les travailleurs signalés par un comité interministériel doivent être sommairement licenciés afin que leurs organisations puissent continuer à fonctionner.
Les organisations humanitaires savent que fournir à Israël une liste de leurs employés palestiniens pourrait les exposer à une surveillance accrue, à des pressions et à des représailles, en particulier à Gaza. Mais refuser de le faire et choisir plutôt de protéger la vie privée et la sécurité de leurs employés compromettrait leur capacité à continuer de fournir des services essentiels aux Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie. Ce dilemme a aggravé les divisions existantes au sein de la communauté humanitaire – conformément à la politique de "diviser pour mieux régner" menée de longue date par Israël – et a laissé les organisations humanitaires dans l'inquiétude quant à l'avenir de leur travail.
Alors qu'Israël semble préférer maintenir la présence de certaines organisations humanitaires à Gaza pour des raisons de légitimité internationale, l'objectif du processus de réenregistrement est d'expulser la majorité des groupes d'aide et de coopter ceux qui restent dans le cadre du Fonds humanitaire pour Gaza (GHF) – qui, depuis mai, détient un quasi-monopole sur la distribution de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza, avec des conséquences extrêmement meurtrières. Ce faisant, Israël cherche à accélérer la dissolution du modèle d'aide humanitaire basé sur les besoins à Gaza, pour le remplacer par un modèle qui instrumentalise les flux d'aide d'une manière conforme au projet plus large de nettoyage ethnique mené par le gouvernement.
Sur le terrain, cette dynamique est très évidente. Le fait qu'il n'y ait encore que quatre sites de distribution d'aide du GHF actifs à Gaza, et qu'aucun d'entre eux ne soit situé dans le nord de la bande de Gaza, où Israël procède actuellement à un déplacement forcé massif de la population, souligne leur fonction de vecteur d'ingénierie démographique. Dans le même ordre d'idées, si Israël a finalement accepté le mois dernier d'autoriser l'entrée d'un nombre limité de tentes à Gaza, celles-ci n'ont été autorisées à entrer que par le poste de contrôle sud de Kerem Shalom/Karem Abu Salem et étaient réservées uniquement à ceux qui avaient fui la ville de Gaza, dans le nord.
Une guerre d'usure médiatique
Israël cherche depuis longtemps à restreindre les activités des organisations humanitaires internationales opérant dans les territoires occupés. Mais son offensive intensifiée contre la mission d'urgence des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) et son mandat de 75 ans visant à fournir une aide indispensable aux réfugiés palestiniens a marqué une escalade considérable. En janvier 2024, Israël a accusé le personnel de l'organisation d'avoir participé aux attaques du 7 octobre, ce qui a conduit plusieurs pays donateurs à suspendre leur soutien financier. Neuf mois plus tard, la Knesset a adopté une loi qualifiant l'UNRWA d'organisation terroriste et lui interdisant tout contact avec le gouvernement israélien, rendant ainsi son travail à Gaza et en Cisjordanie pratiquement impossible.
Grâce à cette nouvelle stratégie, Israël ne vise plus simplement à limiter les activités des groupes qui fournissent de l'aide, dénoncent les violations du droit international par Israël et refusent d'être cooptés, mais à les bannir, une entreprise facilitée par l'indifférence de la communauté internationale. Commençant par l'UNRWA et poursuivant avec d'autres agences des Nations unies et organisations non gouvernementales internationales (ONGI), Israël mène une intense campagne de délégitimation visant à les présenter toutes comme inefficaces au mieux et complices du terrorisme au pire, à moins qu'elles ne se soumettent au programme GHF.
Dans cette guerre de communication, Israël dispose de deux avantages distincts. Premièrement, ses porte-parole officiels et officieux disposent de plus de ressources, d'une plus grande portée et de meilleures relations avec les médias internationaux que les porte-parole de l'ONU ou des ONG internationales, ce qui leur permet de diffuser leur message plus fort et dans plus de sphères que les organisations humanitaires, qui ont peu de soutiens dans ces combats. Deuxièmement, Israël peut attaquer et discréditer ses adversaires à volonté, tandis que les organisations humanitaires sont limitées dans leurs critiques à l'égard d'Israël, car elles restent dépendantes de son accord pour travailler à Gaza et en Cisjordanie occupée.
Ces tensions se sont renforcées après qu'Israël a interdit toute aide à entrer à Gaza en mars 2025, et encore plus après l'introduction du dispositif GHF en mai. Depuis lors, Israël tente de contraindre les ONG internationales à accepter le GHF comme une organisation humanitaire partenaire légitime. Il en résulte, en substance, une guerre d'usure en matière de relations publiques. Israël pense pouvoir tenir plus longtemps que les ONG internationales et les intimider pour qu'elles acceptent le GHF, tandis que les organisations estiment que le mécanisme du GHF est une mesure temporaire qui finira par s'effondrer et conduira à la reprise de l'ancien système d'aide.
Sous couvert d'anonymat par crainte de représailles, plusieurs employés d'ONG internationales ont déclaré au +972 Magazine qu'ils pensaient être en train de perdre la guerre de l'image, malgré la très mauvaise presse dont fait l'objet le GHF. « Je ne pense pas que nous parvenions à contrer le nouveau discours du GHF », a expliqué l'un d'entre eux. « C'est comme s'il n'y avait pas de faits concrets et que tout le monde se basait uniquement sur des opinions. »
Dans cette guerre de communication, le GHF cherche à trouver du soutien partout où il le peut. Il met par exemple en avant sa collaboration avec Samaritan's Purse, une organisation missionnaire américaine controversée et connue pour ses messages anti-musulmans. Le GHF s'est également vanté récemment d'avoir le soutien de « 200 ONG et groupes confessionnels », sans toutefois en citer aucun.
Pendant ce temps, les organisations humanitaires qui enfreignent les règles tacites subissent de vives représailles. L'ONG Rahma était ouverte à une collaboration limitée avec le GHF : après avoir obtenu les autorisations nécessaires pour acheminer 4 000 colis alimentaires à Gaza, qu'elle ne pouvait pas apporter elle-même, Rahma a remis l'aide au GHF. Selon Rahma, au lieu de se contenter de distribuer l'aide comme convenu, le GHF a diffusé des photos le montrant en train de distribuer des colis portant le logo de Rahma, ce qui a renforcé la méfiance des autres ONG internationales qui considéraient que Rahma avait enfreint la ligne convenue. Rahma a protesté publiquement contre le GHF et, quelques semaines plus tard, Israël a révoqué son autorisation de mener des actions humanitaires.
Le retrait surprise de Rahma de la liste a envoyé un message aux autres ONG internationales sur ce qu'Israël leur permet ou ne leur permet pas de faire. D'autres représailles ont été dirigées contre des individus : peu après avoir publiquement accusé Israël de créer « des conditions propices au meurtre » sur les sites d'aide à Gaza, le chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) dans les territoires palestiniens occupés, Jonathan Whittall, a découvert qu'Israël ne renouvellerait pas son visa, le forçant ainsi à quitter son poste.
Isoler, éliminer, coopter
Après neuf mois d'entretiens avec des travailleurs humanitaires opérant à Gaza, il est clair que leur discours a considérablement changé. Si, au début, les travailleurs humanitaires hésitaient à reconnaître le traitement différencié appliqué par le COGAT – l'unité israélienne qui supervise la coordination logistique des missions humanitaires à Gaza –, aujourd'hui, ce traitement est discuté ouvertement.
Certaines organisations continuent d'espérer que les relations personnelles qu'elles ont réussi à nouer avec des responsables israéliens au sein du COGAT ou ailleurs leur permettront de poursuivre leurs activités dans les territoires occupés. D'autres groupes considèrent que ces relations compromettent la neutralité de l'action humanitaire et créent un climat général de suspicion. Comme l'a fait remarquer un travailleur humanitaire, « d'après ce que nous entendons de la part de certaines de ces organisations, plus elles [deviennent] complices, plus elles obtiennent de faveurs ».
Israël maîtrise l'art d'éroder progressivement les normes humanitaires : il commence par une première étape qui suscite un certain tollé dans l'opinion publique, avant de lancer une offensive beaucoup plus large que même les voix critiques sont trop épuisées pour remarquer. Israël avait déjà désigné six organisations palestiniennes de défense des droits humains comme organisations terroristes en 2021, sans susciter de réaction internationale notable. La guerre de Gaza a fourni un prétexte pour étendre cette offensive aux organisations humanitaires internationales.
« Ils lancent toujours des ballons d'essai, et nous avons donc déjà eu des ballons d'essai de cette radiation », a déclaré à +972 un travailleur humanitaire qui a souhaité rester anonyme. « Ce qui s'est passé en octobre 2024 [lorsque Israël a interdit à six ONG médicales d'entrer à Gaza] en est un exemple. Ce qui se passe actuellement avec Rahma est un ballon plus gros, et je ne vois pas de tollé international.
Ce qu'ils ont fait à l'UNRWA, ils vont le faire à d'autres organisations : délégitimer, radier, expulser les internationaux et refuser de désamorcer les conflits [c'est-à-dire garantir de ne pas cibler] les itinéraires, les bureaux et les cliniques, les rendant ainsi indignes de protection », a poursuivi le travailleur humanitaire. « Ce qui m'inquiète particulièrement, c'est qu'ils n'ont pas commencé par des groupes plus petits, mais par l'UNRWA. Ce n'est pas un hasard ; c'est instructif, et cela va avoir un effet d'entraînement ailleurs. »
Les ONG internationales ont toujours la possibilité de faire appel devant les tribunaux israéliens si leur enregistrement est révoqué. Mais dans les circonstances actuelles, il est très improbable que la Cour suprême infirme une décision du ministère de la Diaspora.
Une personne interrogée estime qu'il est peu probable qu'Israël interdise d'un seul coup toutes les organisations humanitaires, mais qu'il va plutôt les isoler et les éliminer une par une, loin des regards du public. Celles qui resteront, poursuit le travailleur humanitaire, seront intimidées pour qu'elles acceptent un rôle dans le cadre du programme GHF.
« Israël ne veut pas d'internationaux ici, c'est là que commence la politique », a expliqué un autre travailleur humanitaire. « [C'était déjà le cas] avant le 7 octobre, mais maintenant, ils ont trouvé une occasion d'accélérer le mouvement. À l'exception des journalistes palestiniens, les travailleurs humanitaires ont été les seuls à signaler et à surveiller les violations [sur le terrain] et à les dénoncer. Nous avons mis à mal leur discours. Et Israël ne veut plus de cela. »
Cependant, le travailleur humanitaire a admis qu'il avait de plus en plus le sentiment qu'ils menaient un combat perdu d'avance. « Parfois, j'ai l'impression que nous [les ONG internationales] devrions tous faire nos valises et partir. Nous ne sauvons pas des vies comme nous le devrions, nous ne protégeons pas les Palestiniens comme nous nous y sommes engagés, et nous sommes trop silencieux. Nous sommes incapables de mettre en œuvre notre impératif humanitaire. Nous avons dépassé nos limites. La seule façon pour nous d'opérer est dans ces camps mis en place par Israël. Et en Cisjordanie, nous ne pouvons pas accéder aux communautés les plus vulnérables.
Traduction : AFPS
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Les femmes africaines sont là, encore une fois !
7 septembre Pré-session : De l'échelle locale à l'échelle mondiale : le pouvoir des femmes africaines dans l'action pour le climat
Tiré de Entre les lignes et les mots
Nous, femmes et filles africaines, gardiennes de la terre, nourricières de la vie, gardiennes de nos communautés et gardiennes du savoir, sommes réunies ici aujourd'hui, pour la deuxième fois, afin d'affirmer notre engagement collectif et résolu à protéger notre continent, nos pays, nos communautés et notre planète contre les effets dévastateurs de la crise climatique. Nous sommes réunies ici pour démontrer notre pouvoir et notre leadership et revendiquer la place qui nous revient dans les processus décisionnels.
Collectivement, nous refusons d'être confinées à l'intérieur des frontières coloniales, et nous sommes ici en tant qu'Africaines pour affirmer et embrasser les idéaux du panafricanisme. Nous sommes unies dans la diversité de nos identités, représentant les femmes des collines et des montagnes, celles de la savane et des îles, les femmes des communautés agricoles et pastorales, du gouvernement et de la société civile, ainsi que les universitaires, englobant les jeunes, les personnes âgées et celles ayant des capacités différentes. Nous reconnaissons que les structures sociales patriarcales, les modèles économiques exploiteurs et les structures politiques existantes, avec leur héritage colonial, nous affectent de manière disproportionnée, soulignant l'urgence de faire entendre chaque voix et de reconnaître et amplifier chaque lutte. C'est précisément pour cela que nous sommes ici.
Dans cet espace, en ce jour, nous envoyons un message clair et retentissant à nos gouvernements africains, à l'Union africaine et à leurs institutions alliées : la voix des femmes africaines ne doit JAMAIS être reléguée au second plan. Nous refusons d'être utilisées comme des symboles, invitées pour embellir les panels ou utilisées pour remplir des quotas d'inclusivité. Les femmes africaines constituent la majorité de la population de ce continent ; par conséquent, les débats, les discussions, les décisions et les actions sur le climat doivent être menés par nous, pour nous et avec nous, et non dictés par les entreprises ou les soi-disant partenaires impérialistes développés et leurs agences. L'exclusion et la marginalisation systématiques des voix des femmes africaines et de leur programme sur leur propre territoire par leurs propres institutions sont inacceptables. Nous sommes ici, organisées en marge de ce sommet pour la deuxième fois, afin de manifester nos préoccupations et de demander des comptes au Nord global et aux pollueurs climatiques. Les femmes africaines les surveillent de près.
Le seul rôle qu'ils devraient avoir dans le Sommet africain sur le climat ici à Addis-Abeba est de s'engager à assumer leurs responsabilités, à fournir leur juste part de financement sous forme de subventions et à s'abstenir de promouvoir des programmes destructeurs basés sur le marché au nom des solutions climatiques.
Pour celles et ceux qui doutent encore de la réalité ou de la gravité de la crise climatique, nous sommes ici pour partager des témoignages sur la manière dont elle affecte aujourd'hui les femmes africaines, nos sociétés, nos moyens de subsistance, notre bien-être et nos économies. Elle affecte notre santé, nos cultures, notre patrimoine et nos traditions. Les difficultés rencontrées par les jeunes femmes des petites communautés insulaires, les petites agricultrices confrontées à des conditions météorologiques imprévisibles, les femmes handicapées face aux urgences climatiques ou les femmes vivant dans des communautés urbaines pauvres sont des témoignages frappants des impacts, des pertes et des dommages subis aujourd'hui sur ce continent. Les voix de ces communautés doivent être au centre de l'ordre du jour du sommet sur le climat.
À celles et ceux qui pensent que les femmes africaines ne sont que des victimes impuissantes attendant d'être secourues par des missionnaires blancs, nous sommes ici pour affirmer et revendiquer nos réalités complexes. Oui, nous sommes parmi les plus touchées par la crise climatique, mais nous sommes aussi les créatrices de solutions climatiques réelles, durables et équitables entre les sexes. Aujourd'hui, nous amplifions ces solutions, grâce à nos connaissances en matière de préservation des systèmes semenciers, de la biodiversité et des nutriments du sol pour une agriculture urbaine régénérative, ainsi qu'à des entreprises d'énergie renouvelable dirigées par des femmes. Les filles africaines utilisent les technologies modernes pour sensibiliser à la crise climatique et promouvoir le recyclage. Nous sommes également ici pour proposer des analyses bien conçues et fondées sur des données factuelles, ainsi qu'une présentation de l'état de la crise climatique en Afrique, accompagnées de solutions politiques pratiques et ambitieuses conçues pour faire face à la crise climatique et à ses défis interdépendants.
Alors que nous sommes réunies ici, nos revendications collectives sont claires :
À nos gouvernements africains :
Engagez-vous à placer le leadership des femmes africaines au cœur des actions climatiques. L'Afrique est le continent où les femmes sont les moins représentées dans les processus politiques mondiaux liés au changement climatique. Les gouvernements africains doivent soutenir de manière intentionnelle la participation et l'engagement des femmes dans tous les aspects de la politique climatique, de la conception à la mise en œuvre et au suivi, et veiller à ce qu'ils soient adaptés à leur expérience et à leur réalité quotidienne.
S'engager à promouvoir l'adoption d'un plan d'action solide et ambitieux en faveur de l'égalité des sexes lors de la COP30 à Belém. Veiller à ce que les négociateurs et négociatrices africaines chargées des questions de genre bénéficient d'un soutien total, de ressources suffisantes et des moyens nécessaires pour s'engager de manière significative et jouer un rôle de premier plan dans l'élaboration et l'adoption du nouveau plan d'action en faveur de l'égalité des sexes qui guidera les mesures climatiques sensibles au genre pour les neuf prochaines années.
Rester fermes et uni·es pour exiger la mise en place d'un financement climatique sous forme de subventions et de fonds publics, guidé par les principes de responsabilités collectives mais différenciées (CBDR), en alimentant le Fonds pour les pertes et dommages afin de couvrir les pertes et dommages économiques et non économiques, et en renforçant l'engagement à reconstituer le fonds d'adaptation à l'échelle et à la vitesse nécessaires pour soutenir les programmes d'adaptation sensibles au genre dans les pays et les communautés de la majorité mondiale.
À Belém, continuer à faire preuve d'un leadership fort dans les négociations sur l'adaptation afin de garantir que l'objectif mondial en matière d'adaptation soit assorti d'indicateurs solides et mesurables permettant de suivre les progrès réels. Ceux-ci doivent inclure des indicateurs spécifiques au genre afin de favoriser une planification, une conception, une mise en œuvre et un suivi de l'adaptation inclusifs et sensibles au genre. En parallèle, travailler en collaboration avec des partenaires afin de faire progresser et de mettre en place un mécanisme de transition juste qui défende l'équité, la justice et la résilience.
Promouvoir des solutions climatiques équitables entre les sexes et menées par l'Afrique en soutenant l'ingéniosité des jeunes, des femmes et des communautés africaines qui apportent déjà des réponses pratiques, abordables et évolutives à la crise climatique. Leur fournir les ressources et les environnements politiques propices à l'innovation, tout en préservant leurs systèmes de connaissances et leurs droits de propriété intellectuelle. Dans le même temps, rejeter fermement les solutions technologiques imposées de l'extérieur qui risquent d'entraîner une mauvaise adaptation et de détourner les ressources des priorités africaines.
Rejeter les fausses solutions mises en place sur notre territoire dans le but de générer des profits privés et de légitimer le manque d'ambition des pays du Nord en matière de réduction des émissions. Le zéro net n'est pas un zéro réel, et les marchés du carbone et la géo-ingénierie sont de fausses solutions qui nuisent à notre territoire et à nos populations.
Impliquer activement et systématiquement les citoyen·nes et les communautés africaines dans les programmes de sensibilisation au changement climatique et les actions climatiques afin de garantir l'appropriation par les communautés des actions climatiques, en particulier dans les domaines de l'adaptation, de la transition juste et de la réduction des risques de catastrophe.
Aux pays du Nord et aux pollueurs :
Réduisez vos émissions en éliminant progressivement les combustibles fossiles DÈS MAINTENANT.
Fournissez votre juste part de subventions et de financements publics, et NON des prêts et des financements privés basés sur le marché.
Abandonnez la mentalité de l'ère coloniale. Les espaces multilatéraux doivent adopter les idéaux du leadership collectif et mettre fin à la domination ouverte et cachée des pays du Nord. Les gouvernements africains et les autres gouvernements du Sud ont le droit à un pouvoir décisionnel égal dans le processus multilatéral.
Nous, femmes africaines, nous engageons à utiliser notre pouvoir pour nous libérer, nous et nos communautés, de l'exploitation des systèmes économiques et sociaux existants qui ont contribué aux crises auxquelles nous sommes actuellement confrontées. Que nos voix soient entendues et que notre pouvoir soit un phare d'espoir pour un avenir durable et juste pour tous et toutes.
Adopté lors du Sommet africain sur le climat 2 – Journée du genre, Addis-Abeba, 7 septembre 2025
Télécharger la déclaration (en anglais)
Traduit par DE
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Comptes rendus de lecture du mardi 7 octobre 2025
Démocratie - Histoire politique d'un mot
Francis Dupuis-Déri
Ce livre devrait être lu par tout le monde ! C'est un document essentiel pour bien comprendre l'histoire des derniers siècles et nos supposées démocraties et prendre position sur le monde d'aujourd'hui. C'est un essai fouillé, d'une lecture facile et des plus agréables qui remettra peut-être à l'épreuve – qui sait ? – certaines de vos conceptions politiques. Vous en redemanderez, j'en suis sûr... Si c'est le cas, je vous suggère, du même auteur, « La peur du peuple », que vous aimerez probablement aussi beaucoup.
Extrait :
Il a suffi d'à peine deux ou trois générations pour que le mot « démocratie », qui signifiait depuis deux mille ans le gouvernement du peuple par le peuple, en vienne à désigner un régime politique où une poignée de politiciens élus prennent les décisions au nom du peuple. Si le droit de voter et d'être élu s'est élargi pour les hommes, au point où l'on parle de suffrage « universel », ces électeurs n'ont pas plus qu'avant le droit de participer directement à l'élaboration des lois et le pouvoir est toujours entre les mains de quelques centaines de politiciens élus.
Entretiens avec Guy Rocher
François Rocher
Le sociologue Guy Rocher nous a quitté le mois dernier à l'âge de 101 ans. Les plus jeunes générations l'ignorent en grande partie, mais la contribution de cet intellectuel à la transformation et à l'épanouissement du Québec a été des plus importantes, entre autres dans les domaines de l'éducation et du statut de la langue française. Ces entretiens avec le politicologue François Rocher ont été publiés il y a une quinzaine d'années. Guy Rocher y parle du nationalisme canadien-français et de l'indépendance du Québec, de changement social et de réformes, de culture et de langue, d'éducation, des jeunes et des rapports entre les générations et du droit et de la sociologie du droit. Une lecture vraiment enrichissante !
Extrait :
Le droit est fait de contraintes, c'est sa nature, son essence. Dans la mesure où le droit se multiplie, on multiplie les contraintes. Le paradoxe est qu'en même temps, cette multiplication du droit est une condition de notre liberté. Le droit nous confère en même temps des obligations et des droits subjectifs. Il y a donc ce paradoxe dans le rapport entre les liberté et le droit : la liberté a constamment besoin d'être redéfinie par le droit en même temps que le droit multiplie les contraintes et fixe les limites de cette liberté. C'est avant tout le cas dans nos sociétés contemporaines : on y a développé une législation de la liberté, ce qui est assez étonnant, même contradictoire dans les termes. Les chartes institutionnalisent ce paradoxe : il a fallu légiférer pour nous dire quelles étaient nos libertés, et du même coup les baliser, les encadrer, les juridiciser jusqu'à parfois nous priver de certaines.
Nouvelle histoire de Mouchette
Georges Bernanos
Ce roman se veut modeste jusque dans son titre, où l'auteur reprend le prénom d'un personnage utilisé dans un précédent roman. Pourtant, sous ce titre discret, se cache véritablement l'un des chefs-d'œuvre de Georges Bernanos et de la littérature. Bernanos nous emmène avec une jeune fille dans un univers grisâtre et boueux. Malgré son désir à peine conscient de révolte contre le déterminisme qui la relègue au rang des indésirables, Mouchette, par son manque d'expérience des relations humaines, est incapable de se prémunir des dangers liés à la concupiscence et la duplicité de certains adultes. C'est ce qui fera d'elle une victime passive de son malheur. Imprégnée de ses émotions et de ses peurs, elle expérimente avec détresse la solitude dans laquelle l'incompréhension des autres plonge les êtres différents comme elle. Un de ces très beaux romans qui vous amènent tout droit à l'amour de la littérature…
Extrait :
Ils s'assoient de chaque côté de l'âtre et Mouchette tient les yeux fixés sur ses galoches. La réflexion lui est si peu familière qu'elle n'a aucune conscience de l'effort qu'elle fait pour comprendre. S'il lui arrive de s'échapper souvent d'elle-même, grâce au rêve, elle a perdu depuis longtemps le secret de ces routes mystérieuses par lesquelles on rentre en soi. Il lui semble seulement que tout le feu de sa vie, toute sa vie est maintenant concentrée au même point, au même point douloureux de sa petite poitrine, qu'elle y prend peu à peu la dureté, l'inflexible éclat du diamant. Oui, du diamant, d'une de ces pierres magiques dont Madame affirme qu'elles se rencontrent, enfermées là depuis des siècles, au cœur noir d'un bloc de charbon. Elle n'ose regarder M. Arsène. Mais ce qu'elle redoute le plus, c'est de l'entendre. Une parole de lui, dans ce silence, la briserait sûrement comme verre.
Les mauvais jours finiront
Samuel Mercier
Si le titre de ce livre laissait espérer une approche beaucoup plus optimiste et stimulante quant à l'avenir, cet « hommage aux indésirables » n'en constitue pas moins un excellent essai sur ceux et celles que notre société s'efforce d'invisibiliser – les personnes âgées, les pauvres, les autochtones et les minorités. Plus généralement, comme on peut le lire en quatrième de couverture, il explore « des lieux tantôt communs, tantôt secrets dans lesquels des individus survivent à un monde où tout est devenu jetable, y compris les êtres humains ».
Extrait :
Notre système pourri de retraites rend la transmission du patrimoine difficile. Les pensions d'État, au maximum, arrivent à peine à vous garder sous le niveau de la pauvreté, et la plupart des régimes de retraites ne sont pas indexés dans un monde où l'inflation rogne vos revenus. Dans ce contexte, le capital immobilier est souvent le seul fond de retraite des baby boomers, et ils devront tôt ou tard se départir de biens qui retomberont entre les dents des requins bien avant de servir leurs héritiers.
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Une façon nouvelle d’entrevoir la gestion à Hydro-Québec
Je viens d'entendre la publicité des salariés d'Hydro-Québec à la Télévision et j'ai visité le site WEB qui fait partie de leur campagne en vue d'obtenir sans délai une conventions collective négociée.
À vari dire je ne fais pas que les appuyer, je propose que des salariés soient intégrés à l'administration d'Hydro-Québec pour qu'ils aient plus de pouvoir dans la gestion de la compagnie nationalisée. En effet la main-d'œuvre, les salariés eux-mêmes, sont le meilleur capital dont dispose la société d'État pour réaliser son mandat de fournir et d'acheminer de l'électricité au meilleur coup aux citoyens québécois.
Je suis socialiste et crois au pouvoir ouvrier. À vrai dire le contrôle ouvrier a été instauré dans les pays socialistes, après la guerre au XXième siècle, pour donner raisons aux insatisfactions des salariés face à l'administration des société publiques. En effet les salariés, au cœur de la gestion des entreprises d'État, sont les mieux placés pour voir à ce que les méthodes de gérance soient les plus modernes et les plus efficaces possible. Qui mieux que les travailleurs eux-mêmes pour surveiller les gestionnaires dans les pratiques de gouvernance au quotidien. Ils sont tous les jours ceux qui ont les mains dedans, comme on dit. Ils sont à même d'observer les manquements de la direction dans la gestion de leur travail et de les rapporter à qui de droit.
Mis sous le contrôle de leurs salariés, par leur présence au conseil d'administration, les gestionnaires seraient obligés de tenir compte de leurs avis dans leur travail de planification tactique et du contrôle du travail des salariés. Il y aurait moins de frustration dans les différentes directives que reçoivent les travailleurs manuels qui sont chargé d'accomplir les tâches quotidiennes.
Aguerris aux procédures démocratiques de délégation de pourvoir ou d'élections, les syndicats pourraient être responsables de la nomination aux postes concernés des représentants des travailleurs. Inclus dans les conventions, ces nouveaux droits à la gestion seraient des moyens de faire connaitre les avis des salariés. Aussi, à l'interne, pourrait être constitué un bassin de gestionnaires ambitieux et aguerris aux méthodes modernes des gestion de la compagnie d'État. Pourrait être instaurés et offerts aux salariés des cours d'administration pour les préparer à occuper ces postes supérieurs.
C'est mon avis, que directement impliqués dans le gouvernement de la société d'État, les salariés pourraient contribuer, par leurs expertises, à la bonne marche et aux bonnes pratiques de la direction.
Somme toute, la participation effective des travailleurs dans leur propre gouvernement améliorerait les méthodes de gouvernance de l'entreprise et rendrait fluide la transmissions des ordres de commandement en réduisant les contradictions qui apparaissent au jour le jour dans la planification d'une entreprise d'une telle ampleur. Les travailleurs, entre eux, savent se comporter de telle manière que les frustrations sont assouplies par des comportement fraternels et des méthodes démocratiques de gouvernement.
Là est l'avenir de relations plus harmonieuses à l'intérieur d'Hydro-Québec où les gestionnaires sont soumis aux regards critiques des salariés.
Guy Roy
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Les États-Unis : de la démocratie à la « démocrature » ?
C'est la question que l'on peut se poser devant la montée brutale de l'autoritarisme trumpiste chez nos voisins américains. Comment définir le terme « démocrature » ? On peut davantage la décrire que la qualifier, mais pour mieux comprendre la montée de ce phénomène, on pourrait avancer qu'on est en présence du recours de plus en plus fréquent par Trump et ses affidés de mesures autoritaires et arbitraires pour imposer leur idéologie réactionnaire, tant sur les plans social que politique. Sur le plan international, on assiste à la tentative de revigorer l'impérialisme américain. Alors que le prédécesseur démocrate de Donald Trump, Joe Biden, procédait de manière plus feutrée, Trump fonce comme un taureau sur ses cibles de prédilection : la « gauche radicale », les « antifas », les wokes, les criminels, les immigrants illégaux, tous mis dans le même panier. Bref, sus à l'ennemi de l'intérieur !
Ùn des signes les plus inquiétants de cette fuite en avant est l'utilisation de l'armée pour intimider l'opposition politique dans les zones démocrates, en particulier à Chicago et à New-York. Non que l'armée tente de se substituer à la police dans les tâches du maintien de l'ordre et de la répression de la criminalité (du moins, pas encore),mais la rumeur veut que plusieurs officiers de haut rang se situent à l'extrême-droite, dans la lignée trumpiste. Par ailleurs, Trump a beaucoup fait depuis son accession au pouvoir pour truffer l'appareil d'État de ses créatures idéologiques.
À ma connaissance, c'est la première fois qu'un président utilise l'armée de manière aussi partisane contre ses propres concitoyens et concitoyennes, ce qui indique une mentalité très répressive, à la limite prête à se lancer dans une guerre civile. Certes, des groupes de défense des droits réagissent et entament des procédures devant les tribunaux pour contrer les mesures répressives trumpistes, mais ils ont affaire à un adversaire particulièrement coriace qui bafoue la légalité lorsqu'elle contrarie ses projets. Depuis les neuf mois qu'il occupe la présidence, Trump a plus fait pour affaiblir la démocratie américaine que n'importe lequel de ses prédécesseurs, aidé en cela par l'étonnante et affligeante veulerie de la majorité républicaine au Congrès et de divers secteurs de la société américaine. Même à l'étranger, dans l'Union européenne par exemple, on évite en général de le heurter trop directement. Pour leur part, les démocrates, depuis la déconfiture de Kamala Harris, se cherchent et donnent l'impression d'être à la dérive, de ne plus trop savoir de quel côté se tourner.
Il subsiste toutefois des motifs d'espoir, même modestes. Tout d'abord, si Trump presse le pas dans l'imposition de ses obsessions réactionnaires, c'est parce qu'il sait que le temps lui est compté. La structuration libéralo-électorale du système politique américain lui impose certaines limites. Il en est à son second et dernier mandat comme président. Il ne peut enfreindre cette règle d'alternance sans déclencher une crise constitutionnelle majeure dont il ne sortirait certainement pas vainqueur. La meilleure stratégie pour assurer la pérennité de la culture politique autoritariste qu'il incarne consiste plutôt à à miser comme successeur sur un « poulain », un adepte en quelque sorte.
Le pays a beau être très polarisé par les temps qui courent, il ne se trouve pas au bord de la guerre civile, et cela pour une bonne raison : l'électorat dispose encore du droit de vote, susceptible de lui permettre d'imposer un changement d'orientation à la tête de l'État. Il suffirait à une part substantielle d'électeurs et d'électrices d'envoyer une majorité de démocrates au Congrès au scrutin de mi-mandat, et surtout d'élire un autre président. Le droit de vote est une condition nécessaire pour qu'on puisse parler de démocratie, en dépit du fait qu'il n'est pas suffisant. Mais même une simple majorité démocrate au Congrès, pourvu qu'elle compte suffisamment de progressistes, suffirait sans doute à ralentir l'élan réactionnaire trumpiste.
Reconquérir la présidence s'avère cependant beaucoup plus problématique pour les démocrates, vu l'absence apparente d'un candidat crédible à l'échelle nationale dans leurs rangs. Seule une présidence démocrate, même modérément progressiste, pourrait enfin permettre de sortir le pays du marasme trumpiste. Ce serait tout un contraste !
Trump joue des muscles pour intimider ses adversaires mais on voit mal comment son système ultra-conservateur pourrait lui survivre à long, ou même à moyen terme. Il se livre par conséquent à un jeu dangereux qui va de la violence verbale au déploiement de la force militaire, mais ces mesures tournent à vide. Des dérapages majeurs sont toujours possibles avant le grand rendez-vous des prochaines présidentielles, mais quoi qu'on en dise, la Constitution américaine a prévu des garde-fous pour limiter les abus de pouvoir et dont Trump doit tenir compte, du moins jusqu'à un certain point. Cependant d'ici là, il faudra lui tenir tête et pas juste aux États-Unis. C'est d'autant plus crucial que même s'il sait que son rêve ne se concrétisera jamais, Trump évoque encore de temps à autre sa lubie de transformer le Canada en 51ème État américain...,
Jean-François Delisle
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Heather McPherson se porte candidate à la direction du NPD et oppose son parcours à celui de la dynastie Lewis
McPherson a lancé sa campagne en appelant le NPD à se débarrasser des « tests de pureté ». Elle a déclaré que ses parents n'étaient pas « très politisés ». Son auditoire savait que le père et le grand-père de son adversaire avaient été chefs du NPD en Ontario et au niveau fédéral dans les années 1970.
Le NPD compte désormais deux candidats officiellement reconnus à la direction du parti, ainsi qu'un candidat qui a recueilli beaucoup de soutien, mais qui n'est pas (encore) officiel.
Ce candidat non officiel est Yves Engler, dont les partisans apprécient son soutien indéfectible à la Palestine et son engagement à renouveler l'engagement (depuis longtemps abandonné) du NPD envers le socialisme.
Le premier candidat officiel était Avi Lewis, l'un des leaders du groupe Leap Manifesto en 2015.
Leap cherchait à relier le NPD aux mouvements environnementaux, communautaires et autochtones, et à définir la politique économique et sociale en termes environnementaux.
La deuxième candidate officielle, la députée Heather McPherson, a annoncé sa candidature le dimanche 28 septembre dans sa circonscription d'Edmonton. Elle était accompagnée de l'ancienne chef du NPD et première ministre de l'Alberta, Rachel Notley.
McPherson est l'une des sept députés du NPD. Elle est la seule de ces députés à se présenter aux élections. Pour beaucoup, elle semble être la candidate préférée de l'establishment du NPD.
Un lancement à l'ancienne devant un public en direct
Au niveau fédéral, l'Alberta n'a pas été un terrain fertile pour le NPD.
Mais la circonscription urbaine d'Edmonton-Strathcona, représentée par Mme McPherson, constitue une exception notable et significative à la règle. L'écologiste Linda Duncan a remporté la circonscription pour les néo-démocrates en 2008, et celle-ci est restée solidement orange depuis lors.
McPherson, qui a une formation en développement international, représente sa circonscription depuis 2019.
À son arrivée à Ottawa, la direction du NPD a confié les affaires étrangères à McPherson. À ce titre, elle peut se targuer d'avoir réussi à faire évoluer la politique du gouvernement libéral.
McPherson a longtemps défendu l'idée que le Canada devait reconnaître l'État palestinien, ce que le gouvernement Carney vient de faire.
Alors qu'Avi Lewis a choisi de lancer sa campagne avec une vidéo soignée, dans laquelle il se promène dans un paysage urbain réaliste et s'adresse à la caméra à la manière de Rick Mercer, Mme McPherson a organisé un événement à l'ancienne, en direct, devant un groupe de partisans enthousiastes.
(M. Lewis a organisé un événement en direct très fréquenté dans le centre-ville de Toronto, quelques jours après la diffusion de la vidéo.)
Le lancement de McPherson comprenait des discours d'échauffement de Notley et des deux enfants adolescents de la candidate à la direction.
Lorsqu'elle a pris la parole, la députée d'Edmonton Strathcona a tenu à préciser que ses propres parents n'étaient pas « très politisés ».
Elle a déclaré à son auditoire qu'elle ne « venait pas d'une longue lignée de néo-démocrates ».
Pour la candidate albertaine, évoquer ses origines « modestes » était une tentative à peine voilée de se démarquer d'Avi Lewis, qui est, comme chacun sait, le descendant d'une dynastie néo-démocrate.
Le père de Lewis, Stephen Lewis, a été chef du NPD de l'Ontario de 1970 à 1978, puis ambassadeur du Canada auprès des Nations unies. Il a ensuite mené une brillante carrière dans la lutte contre le sida sur la scène internationale.
Le grand-père d'Avi Lewis, David Lewis, a été chef fédéral du NPD de 1971 à 1975. David Lewis était le deuxième chef du NPD. Il a succédé à Tommy Douglas.
Dans sa vidéo, Lewis, candidat à la direction du parti en 2025, évoque les combats menés par son grand-père contre la cupidité des entreprises.
Ironiquement, les véritables ancêtres d'Avi Lewis au sein du parti n'étaient pas son père et son grand-père, mais plutôt les membres du mouvement Waffle des années 1960 et 1970, dont le slogan était : « Pour un Canada indépendant et socialiste ».
L'un des leaders du Waffle, feu James Laxer, est arrivé deuxième derrière David Lewis lors du congrès à la direction de 1971.
David et Stephen Lewis considéraient le Waffle comme trop radical. Pire encore, ils le décrivaient comme un « parti au sein du parti ». Tous deux ont travaillé dur et ont réussi à faire dissoudre le Waffle.
Quant à Heather McPherson, son père était propriétaire d'une petite entreprise de camionnage, tandis que sa mère, selon ses propres termes, « restait à la maison avec nous ». Mme McPherson a évoqué la vie typique de sa famille de classe moyenne, avec des séjours au ski et des étés mémorables au chalet.
Bien que ses parents ne fussent pas politisés, Mme McPherson a souligné qu'ils lui avaient transmis, ainsi qu'à ses frères et sœurs, les « valeurs des Prairies » que sont le partage, l'inclusion et l'équité.
« Tout le monde était le bienvenu à notre table », a déclaré McPherson.
Elle a ensuite fait une analogie avec le défi auquel le NPD est actuellement confronté.
Selon la candidate d'Edmonton, le parti doit devenir plus comme sa famille. Il doit devenir plus ouvert et accueillant.
« Nous devons cesser de repousser les gens », a déclaré Mme McPherson à son auditoire. « Nous devons cesser de nous replier sur une sorte de test de pureté. Nous devons inviter les gens à se joindre à nous. »
Mme McPherson s'est montrée passionnée sur ce point.
« Nous devons avoir plus de gens à la table et nous devons les écouter. Le NPD a été fondé par des agriculteurs et des travailleurs urbains qui se sont unis, et nous devons renouer avec ces deux groupes. »
McPherson a beaucoup parlé de l'unité du parti et de la pertinence du NPD dans toutes les régions du pays.
Elle a déclaré que les libéraux sont principalement un parti urbain, tandis que les conservateurs sont principalement ruraux. Le NPD, a-t-elle soutenu, devrait être le parti de tous les Canadiens.
Jusqu'à présent, la course à la direction ne met pas l'accent sur la politique
Curieusement, ni Lewis ni McPherson n'ont jusqu'à présent beaucoup parlé du virage à droite du gouvernement libéral de Mark Carney.
McPherson a cité dans son discours la première ministre conservatrice de l'Alberta, Danielle Smith, et le chef conservateur fédéral, Pierre Poilievre. Mais elle a, pour l'essentiel, ignoré le premier ministre Mark Carney, se contentant de le décrire comme « un conservateur dans un maillot libéral ».
Elle n'a pas non plus beaucoup parlé de la figure menaçante du président américain et de son régime rapace. Avi Lewis a mentionné cette menace dans sa vidéo.
De nombreux néo-démocrates semblent avoir décidé que la question centrale de la campagne électorale d'avril dernier n'était plus d'actualité. Certains stratèges du NPD l'ont d'ailleurs déclaré dans des interviews accordées aux médias.
Au lieu de s'attarder sur les menaces qui pèsent sur l'existence même du Canada, Lewis et McPherson insistent tous deux sur le fait qu'ils se soucient profondément des difficultés économiques que connaissent de nombreux Canadiens.
Ils affirment tous deux que trop de Canadiens n'ont pas les moyens de se loger décemment ou de se nourrir correctement.
Jusqu'à présent, les campagnes à la direction n'ont pas beaucoup abordé les alternatives qu'elles privilégieraient par rapport aux politiques actuelles du gouvernement libéral, même si le discours de Lewis fait écho, dans une certaine mesure, au Manifeste Leap, adapté à une époque différente.
Dans sa vidéo, Lewis a notamment proposé d'instaurer un impôt sur la fortune. Il s'agit là d'une idée encore radicale pour les libéraux traditionnels et la plupart des commentateurs économiques.
En revanche, dans son discours de lancement de campagne, McPherson n'a littéralement pas dit un mot sur les politiques concrètes qu'elle souhaite voir le NPD proposer aux Canadiens.
Elle a entièrement mis l'accent sur sa capacité à diriger, à s'organiser et à établir des liens avec la base.
Certains professionnels de la politique affirment que des politiques cohérentes n'ont pas beaucoup d'importance à l'heure actuelle. Selon eux, la politique est une affaire superficielle, qui repose uniquement sur l'image et l'impression, et non sur le fond.
Ils ont peut-être raison.
Le chef conservateur Pierre Poilievre a réussi à rallier un large soutien simplement en exprimant son inquiétude pour les Canadiens ordinaires, sans vraiment préciser ce qu'il comptait faire pour remédier à leurs difficultés.
Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, doit presque entièrement son succès à son image d'homme simple et franc, qu'il a soigneusement cultivée. Il change si souvent d'avis qu'on pourrait avoir le tournis en essayant de comprendre sa position sur les questions politiques.
Mais les néo-démocrates, contrairement aux autres partis, ont toujours été très axés sur les politiques. Jack Layton disait souvent qu'il s'intéressait davantage aux propositions qu'à l'opposition.
La campagne pour la direction du parti sera longue.
La date limite pour déclarer les candidats officiellement sanctionnés est dans quatre mois, le 31 janvier 2026.
Les autres candidats auront donc tout le temps de se présenter, et les candidats actuels de proposer des options politiques nouvelles et créatives.
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Hegseth et Trump prennent des mesures pour s’assurer la loyauté des hauts gradés de l’armée envers eux par dessus la Constitution.
Il y a quatre jours, Oaklandsocialist mettait en garde contre la réunion imminente de tous les hauts gradés avec Hegseth et Trump. « Attention aux démarches de Trump/Hegseth au sein de l'armée américaine ! » écrivions-nous. Nous expliquions qu'il s'agirait d'une mesure visant à garantir la loyauté totale des hauts gradés envers Trump, plutôt qu'envers la Constitution américaine, c'est-à-dire les instruments traditionnels du pouvoir capitaliste.
Tiré de Arguments pour la lutte sociale
1er octobre 2025 | https://aplutsoc.org/2025/10/01/hegseth-et-trump-prennent-des-mesures-pour-sassurer-la-loyaute-des-hauts-grades-de-larmee-envers-eux-par-dessus-la-constitution-par-oakland-socialist/
30 septembre 2025 - Trump vient de leur dire : "Je n'ai jamais vu une salle aussi silencieuse... Si vous voulez applaudir, applaudissez. Vous pouvez faire ce que vous voulez. Si vous n'aimez pas ce que je dis, vous pouvez quitter la salle. Vous perdrez votre rang et votre avenir."
Nous expliquions qu'il s'agissait de prendre des mesures pour garantir que les élections de 2026 ne conduisent pas Trump à perdre le contrôle des deux chambres du Congrès. Nous expliquions également que cela impliquait la théorie de l'« exécutif unitaire » de la présidence. (Voir notre article pour plus d'explications et cet articlepour une analyse historique de cette idée et de ses conséquences.)
Il était évident que c'était bien de cela qu'il s'agissait. Bien sûr, il serait exagéré d'attendre d'un seul dirigeant syndical ou d'un seul syndicat qu'il lance un tel avertissement. Surtout quand certains syndicats soutiennent le pire candidat de MAGA – Vivek Ramaswamy – au poste de gouverneur de l'Ohio, et sans la moindre protestation de la part d'aucun autre secteur du mouvement syndical. Il serait également exagéré d'espérer que le mouvement socialiste – tel qu'il est – y prête attention.
Après tout, la plupart d'entre eux ont effectivement fait campagne pour Trump l'année dernière. Ils l'ont fait en concentrant tous leurs tirs sur les Démocrates pendant la campagne électorale, sans un seul avertissement quant à ce que Trump et MAGA leur réservaient. Depuis, ils n'ont rien appris. Presque pas un mot sur les droits de douane. Presque pas un mot sur la menace que Trump représente pour les élections de l'année prochaine. Presque pas un mot sur les attaques de Trump contre les médias grand public ou les grands cabinets d'avocats. Oh non ! Cela les ferait passer pour des partisans du Parti démocrate, qu'ils considèrent comme le plus grand danger. Même quelques démocrates commencent à s'inquiéter des actions de Trump concernant les prochaines élections – un peu tard et discrètement, mais au moins ils disent quelque chose.
La réunion militaire a eu lieu et a confirmé tout ce que nous avions écrit. Lors de la réunion des hauts gradés aujourd'hui, Hegseth a donné le ton à Trump, en disant aux généraux que s'ils n'adhéraient pas totalement à son programme, ils devraient démissionner. Trump a poursuivi sur sa lancée. Il a déclaré que les villes américaines sont « des endroits très dangereux, et nous allons les redresser une par une. Et cela va être un point crucial pour certaines personnes présentes dans cette salle. C'est aussi une guerre. C'est une guerre intérieure. J'ai dit [au secrétaire à la Défense Pete Hegseth] que nous devrions utiliser certaines de ces villes dangereuses comme terrains d'entraînement pour nos militaires – [pas seulement] la Garde nationale, mais aussi nos militaires, car nous allons bientôt intervenir à Chicago. »
Il en a dit beaucoup plus (que nous analyserons la semaine prochaine), mais l'objectif principal de la réunion était de garantir que lorsque Trump ordonnera à l'armée de violer la Constitution américaine, il obtiendra une obéissance absolue sur toute la ligne. Leur capacité à y parvenir dépendra en grande partie de la manière dont les soldats obéiront sans hésitation aux ordres. Cela dépendra en grande partie de l'ampleur de la résistance ouvrière. À en juger par toutes les performances, une telle résistance devra se développer de manière semi-spontanée et organique, car les dirigeants de la classe ouvrière – les dirigeants syndicaux – ne feront rien pour l'organiser, et la gauche socialiste, qui n'est en grande partie que la « couverture de gauche » des dirigeants syndicaux « progressistes » (lorsqu'ils n'affichent pas leurs références « révolutionnaires »), ne le fera pas non plus… même si elle avait des racines dans la classe ouvrière, ce qui n'est heureusement pas le cas.
Il appartient donc aux socialistes issus de la classe ouvrière de se préparer dès maintenant. Une étape importante consiste à trouver des syndicalistes prêts à organiser des groupes de base au sein des syndicats, désireux et capables de s'organiser pour une véritable transformation de nos syndicats. Ce n'est pas une tâche facile, certes, mais cela n'a jamais été aussi nécessaire.
Le 01/10/2025.
Nota : L'intégrale du discours prononcé par Peter Hegseth le 30 septembre 2025 devant la crème des généraux de l'armée US est disponible sur Le Grand Continent.
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Investir dans les cerveaux
Le 23 septembre dernier, devant l'ONU, le président Trump a livré un discours sidérant où il exposait tout son mépris pour les faits scientifiques. Entre autres, il déclarait que les changements climatiques étaient « la plus grande arnaque jamais perpétrée dans le monde ».
Selon cette logique trumpienne, « l'empreinte carbone est un canular inventé par des personnes ayant de mauvaises intentions. »[1] Face aux changements climatiques observables au niveau planétaire et devant le consensus de la vaste majorité des experts et les rapports du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) depuis trente ans,[2] on peut se demander qui a de « mauvaises intentions » ?
Quoi qu'il en soit, ce discours se veut une tentative d'internationaliser la politique anti-science qui caractérise sa politique intérieure. Lors de l'émission Découverte de la SRC du 21 septembre, [3] nous apprenons que des coupes draconiennes ont été faites au financement d'institutions aussi réputées que le CDC (Center for Disease Control)[4], la FDA (Food and Drug Administration)[5], le NIH (National Institute of Health)[6], la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration)[7], et l'EPA (Environmental Protection Agency)[8]. Une partie de l'émission Découverte décriait en outre les coupes au financement de la recherche qui a pour but de vérifier l'état de santé des eaux frontalières des Grands Lacs. Ça, c'est sans parler des coupures de postes à la tronçonneuse effectuées par le DOGE (Department of Government Efficiency) d'Elon Musk ![9]
Décourageant ! Le secteur Recherche et développement (R et D) est le fondement de l'économie de demain ; c'est cette recherche de pointe qui a permis aux USA de devenir la superpuissance du 20e siècle. Malgré son slogan de redonner aux États-Unis leur grandeur d'antan, M. Trump adopte une politique qui ne peut que mettre son pays sur une voie d'évitement de l'histoire. Dans ce contexte politico-économique, comment tirer notre épingle du jeu ?
La question de l'urne des élections du mois d'avril a été de savoir qui serait le plus apte à faire face à la politique trumpienne. Oui, il faut diversifier nos exportations vers l'Europe et le reste du monde ! Oui, il faut renégocier l'Accord de libre-échange avec les É-U et le Mexique ! Mais la carte gagnante serait d'investir massivement dans le domaine que la politique trumpienne a évacué : la recherche et le développement ! Faisons comme à l'époque du « New Deal » de Roosevelt. Beaucoup de scientifiques avaient fui l'Allemagne nazi ; les États-Unis les ont accueillis à bras ouvert, dont un certain Albert Einstein. De même, je me souviens que dans mon école secondaire ontarienne, la devise était « Knowledge is power » (la connaissance, c'est la puissance). La connaissance, c'est l'avantage scientifique et technologique ; c'est la clé de voûte qui a permis aux Américains de rayonner dans le monde durant le 20e siècle.
Nos projets d'INTÉRÊT NATIONAL ne doivent pas être les pipelines, ni le développement des sables bitumineux. Ne commettons pas l'erreur de M. Trump de nous retourner vers les énergies du passé. La Chine l'a compris en devenant le leader mondial de l'éolien et des panneaux solaires. Les Chinois maîtrisent le marché mondial des terres rares et des minéraux stratégiques. Quant à leurs véhicules électriques (VE), ils sont tellement en avance sur la concurrence nord-américaine que les États-Unis et le Canada doivent imposer des tarifs de 100% pour maintenir temporairement l'industrie nord-américaine sur le respirateur artificiel. Même M. Farley, PDG de Ford, a été impressionné en conduisant un VE chinois. Sans ces tarifs vertigineux, « les VE chinois sont tellement peu dispendieux et de haute technologie qu'ils pourraient étouffer la compétition de toutes les voitures, pas seulement celles à propulsion électrique. »[10] Face à l'avance technologique de l'industrie automobile chinoise, le PDG de Ford a trouvé l'expérience troublante ![11]
Non ! Les changements climatiques ne sont pas une arnaque ! N'en déplaise à M. Trump, ceux qui miseront sur la technologie de l'avenir domineront le monde de demain. Dans le cadre de la loi C-5, notre principal projet D'INTÉRÊT NATIONAL se doit d'être une invitation à tous les chercheurs qui ont été évincés ou qui ont perdu leur financement par suite de la politique obscurantiste trumpienne. On doit financer massivement ces chercheurs et leur ouvrir les bras dans nos universités. Miser sur les cerveaux et la connaissance est le meilleur investissement que nous puissions faire. En tournant le dos à la connaissance, le résultat probable de cette politique états-unienne rétrograde risque fort de condamner l'Amérique à devenir un pathétique État dépassé, à l'opposé du « MAGA » : « Make America a HAS BEEN country ? »
En investissant dans la connaissance, nous misons sur l'avenir en nous servant des erreurs stratégiques de M. Trump !
Gérard Montpetit
La Présentation
le 1er octobre 2025
2 ] https://www.goodplanet.info/2022/02/28/dernier-rapport-du-giec-lessentiel/
3] https://ici.radio-canada.ca/tele/decouverte/site/episodes/1113345/grands-lacs-eau-douce-trump
4] https://en.wikipedia.org/wiki/Centers_for_Disease_Control_and_Prevention
5] https://en.wikipedia.org/wiki/Food_and_Drug_Administration
6] https://fr.wikipedia.org/wiki/National_Institutes_of_Health
7] https://en.wikipedia.org/wiki/NOAA_in_the_second_Trump_administration
8] https://en.wikipedia.org/wiki/United_States_Environmental_Protection_Agency
9] https://www.cbc.ca/news/world/musk-doge-federal-workers-explain-report-past-week-1.7466152
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10) https://www.theatlantic.com/technology/archive/2025/08/ford-china-electric-cars/683880/
11] https://insideevs.com/news/764318/ford-ceo-china-evs-humbled/

Contre la complicité – Déclaration de la diaspora pakistanaise rejetant l’adhésion du Premier ministre Shehbaz Sharif au plan Trump-Netanyahou pour Gaza
« Ce passeport est valable dans tous les pays du monde, à l'exception d'Israël. »
– Le passeport pakistanais
Photo Serge D'Ignazio
Tiohtià:ke/Montréal, le 4 octobre 2025
En tant que diaspora pakistanaise concernée, nous exprimons par la présente notre plus vive condamnation de l'approbation par le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif de la proposition de Donald Trump concernant Gaza et ne pouvons rester les bras croisés alors que le Pakistan se rend complice du génocide du peuple palestinien actuellement en cours.
Nous tenons à préciser que le peuple pakistanais maintien son soutien au peuple palestinien et à son droit à l'autodétermination. Nous sommes aux côtés du peuple palestinien et lui exprimons notre solidarité sans équivoque.
Nous rejetons toute tentative des dirigeants pakistanais de négocier des accords qui légitimeraient des politiques impérialistes ou qui conduiraient à la dépossession du peuple palestinien. Si le plan présenté par Trump n'est pas celui auquel les diplomates pakistanais ont donné leur accord, nous exhortons les dirigeants à s'en distancier.
Le plan proposé n'ouvre pas la voie vers la paix ; il s'agit d'un projet imposé de l'extérieur, conçu afin d'asservir les Palestiniens et effacer leur droit à l'autodétermination. Depuis octobre 2023, Israël a dévasté Gaza, attaqué et tué des innocents au Liban, au Yémen, en Syrie, en Tunisie et en Iran. Israël a également lancé une attaque ciblée au Qatar alors qu'un dialogue diplomatique avec les représentants du Hamas était en cours. Tout cela s'est produit en toute impunité et avec la protection des puissances impérialistes occidentales, en particulier les États-Unis d'Amérique. Nous refusons toute tentative d'alliance avec tout état-nation qui aurait permis la destruction de Gaza. De plus, nous condamnons fermement l'utilisation du terme « guerre » par le Premier ministre Shehbaz Sharif pour décrire l'attaque d'Israël contre Gaza. Il s'agit d'un génocide. Des juristes internationaux, des experts de l'ONU et des organisations de défense des droits humains ont présenté des preuves irréfutables de destruction systématique, de meurtres de masse et de punitions collectives. Faire fi de cette vérité revient à accorder l'impunité à Israël pour ses actions visant à décimer Gaza et à massacrer des dizaines de milliers de civils innocents, dont des centaines de milliers sont portés disparus, ensevelis sous les décombres.
Les membres fondateurs de cette nation savaient ce que représentait la Palestine. En 1938, à Patna, Quaid-e-Azam Muhammad Ali Jinnah, reconnaissant le fait que les Arabes palestiniens avaient été « trahis » par la déclaration Balfour de 1917, déclara dans son discours présidentiel devant la Ligue musulmane pan-indienne (AIML) :
« Parmi les questions urgentes auxquelles nous devons faire face, et qui pourraient être soulevées devant le Comité des sujets, figure la question palestinienne. Je sais à quel point les sentiments des musulmans ont été profondément remués par la question palestinienne. Je sais que les musulmans ne reculeront devant aucun sacrifice s'il le faut pour aider les Arabes qui luttent pour leur liberté nationale. Vous savez que les Arabes ont été traités de manière honteuse : ces hommes qui, tout en se battant pour la liberté de leur pays, ont été qualifiés de gangsters et soumis à toutes sortes de formes de répression. Pour avoir défendu leur patrie, ils sont réprimés à la pointe d'une baïonnette et à l'aide de lois martiales. Mais aucune nation, aucun peuple digne de vivre en tant que nation, ne peut accomplir de grandes choses sans faire de grands sacrifices, comme ceux que font les Arabes de Palestine. Toute notre sympathie va à ces vaillants martyrs qui mènent un combat de liberté contre les usurpateurs. »
De plus, l'une des premières déclarations politiques internationales du Pakistan a été faite en solidarité avec la Palestine. En 1947, Sir Muhammad Zafrullah Khan, premier ministre des Affaires étrangères du Pakistan, a averti les Nations unies que la partition de la Palestine contre la volonté de son peuple constituerait « le risque le plus grave de compromettre, de manière irréparable, toute chance de coopération réelle entre l'Orient et l'Occident, en enfonçant de force ce qui équivaut en fait à une faille occidental au cœur du Moyen-Orient ». Prononcées il y a plus de soixante-dix ans, ses paroles résonnent encore aujourd'hui avec une clarté troublante.
Nous appelons donc à tous les Pakistanais, tant de la société civile que des partis politiques, à exiger du gouvernement :
1. Le retrait officiel et complet de tout soutien aux « plans de paix » imposés de l'extérieur à Gaza.
2. Une déclaration publique reconnaissant que l'attaque actuelle d'Israël contre Gaza constitue un génocide et la condamnant en tant que telle.
3. Une politique étrangère renouvelée qui place l'autodétermination palestinienne en son centre, rejette la normalisation sans justice, rejette la démilitarisation de la bande de Gaza et insiste sur le fait que toute paix doit être ancrée dans la pleine souveraineté, et non sous quelconque tutelle ou « conseil » étranger.
4. Un soutien solide (diplomatique, financier, moral) aux représentants légitimes de la Palestine, et des résolutions parlementaires affirmant cela.
Les Palestiniens doivent être au centre de toutes les négociations ou décisions concernant leur patrie. Toute tentative de la part de l'entité sioniste ou du régime américain visant à marginaliser les Palestiniens, qui sont les autochtones de leur terre, ne sera pas tolérée. Il ne s'agit pas seulement d'une question de politique régionale ; mais teste également la relation qu'a le Pakistan avec les injustices coloniales et le droit international. Soit, nous nous rangeons sans équivoque du côté de ceux qui résistent à une occupation brutale, comme l'affirment les principes du droit international et le droit à l'autodétermination, soit nous risquons d'affaiblir notre propre engagement en faveur de la justice, de la souveraineté et du cadre juridique même qui nous protège tous.
Source : Pakistanis For Palestine (Pakistanais pour la Palestine)
https://www.instagram.com/pakistanis4palestine/
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Pour réaliser la transition socioécologique, reconnaître la réalité économique du secteur privé
Il est important de relire attentivement la section 1.2.2 du « Programme actualisé » proposée pour adoption par le congrès extraordinaire de 2025 de Québec solidaire. Et c'est d'autant plus important que cette section n'est pas présentée dans le Cahier de propositions et qu'elle pourrait être adoptée sans discussion s'il n'y a pas d'amendements à cette partie du Programme actualisé.
En résumé, ce passage de la proposition de programme affirme : que l'entrepreneuriat québécois et les petites et moyennes entreprises (PME) constituent un outil de choix pour l'habitation du territoire et la vitalité économique québécoise ; que le secteur industriel doit être mobilisé vers la transition socioécologique , qu'un gouvernement solidaire rendra l'investissement et l'aide gouvernementale aux entreprises conditionnels à des critères de responsabilité sociale et environnementale stricts ; qu'un gouvernement solidaire cessera d'accorder toute subvention et aide aux entreprises participant au maintien du capital fossile dans l'économie du Québec
Le secteur industriel au Québec, qui comprend majoritairement de PME, est dominé au niveau des investissements les plus stratégiques par les grandes entreprises (minières, forestières, pétrochimiques, métallurgiques) et par les banques. Ces grandes entreprises jouent un rôle déterminant dans l'exploitation des ressources et tiennent en sous-traitance nombre de PME. Une caractérisation de l'entrepreneuriat privé est donc nécessaire à l'établissement de politiques concrètes et différenciées en direction du secteur privé. C'est pourquoi nous suggérons une réécriture de cette section du Programme actualisé. (Pour lire cette section du Programme actualité, cliquez ici)
1.2.2. Reconnaître la structure du secteur privé et des industries
L'entrepreneuriat québécois et les petites et moyennes entreprises (PME) occupent une place essentielle dans l'économie et dans l'occupation du territoire. Souvent locales et familiales, elles répondent à des besoins concrets de la population et incarnent un savoir-faire propre au Québec. Elles représentent aussi un levier important pour la transition socioécologique. Toutefois, leur contribution demeure limitée et un important décalage existe entre l'intention et l'action . Ce dernier s'explique par plusieurs obstacles : manque d'incitations économiques claires, coûts de transition élevés, incertitudes opérationnelles, ainsi que les pressions de la rentabilité, de la compétitivité qui freine leur engagement. Pourtant, certains facteurs favorisent l'implication : la présence d'une expertise environnementale, l'engagement de la direction et des conseils d'administration, ainsi que la pression exercée par les clients, les employés ou encore la réglementation. Ces éléments démontrent qu'avec un environnement économique adéquat, les PME peuvent jouer un rôle beaucoup plus actif.
C'est pourquoi un gouvernement solidaire devrait leur offrir un soutien concret : mesures de protection face à la concurrence déloyale des multinationales subventionnées, réglementation pour limiter la spéculation, accompagnement financier et technique pour l'innovation verte à petite échelle. Ce soutien permettrait aux PME de privilégier les circuits courts, l'économie circulaire et les marchés locaux, tout en renforçant leur capacité à investir dans la transition énergétique.
De plus, pour assurer un véritable fonctionnement démocratique dans ces milieux de travail, il est essentiel de favoriser la syndicalisation des PME. Cela permettrait aux travailleuses et aux travailleurs de participer pleinement aux décisions touchant l'avenir de leur entreprise et de leur région, consolidant ainsi non seulement le tissu économique régional, mais aussi son ancrage social. En combinant consolidation, démocratisation et accompagnement vers la transition, le Québec peut transformer ses PME en acteurs centraux d'un tissu économique diversifié, enraciné dans les communautés, et capable de porter les changements écologiques et sociaux nécessaires.
Mais au-delà de ce tissu local, le secteur industriel et manufacturier est dominé par de grandes entreprises stratégiques, souvent filiales de multinationales étrangères, dans des domaines comme l'aluminium, l'exploitation forestière, l'aéronautique, le papier et les mines. Ces entreprises sont à la fois des émetteurs majeurs de gaz à effet de serre et des acteurs centraux de toute politique industrielle.
Leur logique actuelle de recherche du profit sans toujours tenir compte des limites de la planète, les place en tension avec les impératifs sociaux et écologiques. Pour qu'elles puissent contribuer réellement à la transition, il ne suffit pas de conditionner les aides publiques : il est nécessaire de prendre un contrôle collectif sur ces leviers de production. Cela implique une politique de nationalisation et de socialisation des grandes entreprises stratégiques afin que leurs orientations soient dictées non plus par la logique du marché mondial, mais par les besoins sociaux, écologiques et territoriaux du Québec.
La nationalisation, dans ce cadre, ne se limite pas à un transfert de propriété vers l'État. Elle doit être accompagnée d'une véritable socialisation, c'est-à-dire d'une démocratisation de la gestion des entreprises. La démocratie ne peut s'arrêter aux portes des usines ou des sièges sociaux : elle doit intégrer les travailleuses et travailleurs, ainsi que les citoyennes et citoyens des régions concernées, dans la définition des priorités de production et dans le suivi des pratiques sociales et environnementales. C'est de cette manière que l'on pourra construire une économie réellement planifiée de façon démocratique, tournée vers la satisfaction des besoins collectifs et respectueuse des limites écologiques.
Cette perspective est encore plus urgente face aux industries fossiles et extractives. Ces secteurs, dominés par de grands capitaux privés et intégrés aux marchés mondiaux, constituent le principal bloc de résistance à la transition. Leur modèle d'affaires repose sur l'utilisation et le commerce des hydrocarbures et des ressources non renouvelables, en contradiction frontale avec la lutte contre la crise climatique. Il ne suffit pas de leur imposer quelques contraintes : il faut procéder à la nationalisation de la pétrochimie, des entreprises de distribution de gaz, et des différentes entreprises liées au capital fossile pour en organiser le démantèlement graduel et planifié. Par ce contrôle collectif, il sera possible de mettre fin aux subventions nuisibles, de réorienter les investissements vers les énergies renouvelables et de garantir une transition juste pour les travailleurs et travailleuses de ces secteurs.
Le secteur financier, pour sa part, joue un rôle structurant. Les banques et la Caisse de dépôt continuent de soutenir massivement les énergies fossiles tout en affichant une ouverture opportuniste à l'économie verte. Pour que leur puissance serve réellement la transition, l'État doit imposer des mécanismes de réorientation des capitaux et créer des outils financiers publics et communautaires dédiés. La socialisation des leviers financiers est ici essentielle afin que l'épargne collective, plutôt que d'alimenter la spéculation ou l'extraction destructrice, serve le développement des filières stratégiques de la transition.
Ainsi repensée, la politique industrielle québécoise ne viserait plus à adapter l'économie aux marchés mondiaux, mais à relocaliser la production et à créer des emplois de qualité dans toutes les régions. Son cœur serait la transition socioécologique, portée par des entreprises socialisées, démocratisées et orientées vers le bien commun. Les filières stratégiques à développer sont nombreuses : électrification des transports, matériel roulant pour le transport collectif, équipements d'énergie renouvelable, économie biosourcée, valorisation du bois. En articulant ces secteurs autour de la planification démocratique et du contrôle collectif, le Québec peut construire une économie résiliente, innovante et capable de répondre à la crise climatique tout en renforçant son autonomie économique. Ce tournant créerait les conditions d'une véritable coopération avec les PME du Québec.
La même logique s'applique à la gestion des matières résiduelles. Considérer les surplus comme des déchets à éliminer est l'héritage d'un modèle de surconsommation. Une société solidaire doit tendre vers l'absence de déchets, en appliquant systématiquement le principe d'écoresponsabilité : réutilisation, compostage, consigne et valorisation des matériaux dans les secteurs industriels et commerciaux. Là encore, la démocratisation de la gestion des filières est essentielle pour impliquer les communautés locales, les travailleurs et les travailleuses dans la construction d'un cycle économique soutenable et collectif.
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Semaine d’action et grève étudiante en solidarité avec la résistance palestinienne
Tiohtià:ke/Mooniyang/Montréal, le 2 octobre 2025 – Le collectif Désinvestir pour la Palestine (D4P) et la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC) lancent un appel à une large mobilisation populaire du6 au 12 octobre 2025 en solidarité avec la Palestine. Cette semaine d'action vise à réaffirmer la légitimité de la résistance à la colonisation en Palestine, par tous les moyens nécessaires.
33 associations étudiantes représentant plus de 35 000 étudiant·es ont déjà voté la grève pour les 6 et 7 octobre. 21 associations supplémentaires (40 000 étudiant·es) ont également prévu des assemblées de grève dans les prochains jours. Enfin,71 organisations de la société civile ont appuyé la semaine d'action.
Parmi les actions prévues, D4P et la CLAC organisent une journée d'ateliers axés sur les résistances anticoloniales le 6 octobre de 10h à 17h à l'Université de Montréal ainsi qu'un rassemblement le 7 octobre à 16h00 au Square-Victoria.
Les organisateurs dénoncent l'instrumentalisation de la date du 7 octobre pour justifier le génocide du peuple palestinien. Comme le souligne Benoît Allard, porte-parole du collectif D4P : « la véritable tragédie, c'est qu'on laisse "Israël", l'agresseur, prendre le rôle de la victime, et s'en servir pour poursuivre un génocide colonial ».
La semaine d'action vise à mettre de l'avant la résistance continue du peuple palestinien au projet colonial sioniste. « Le 7 octobre n'a pas seulement mis à nu devant le monde entier l'étendue et l'horreur du projet colonial sioniste, mais il a aussi montré qu'aucun dispositif de contrôle, si brutal soit-il, ne viendra à bout de la résistance palestinienne et de sa lutte de libération », affirme Safa Chebbi, porte-parole du collectif D4P.
En solidarité avec la résistance palestinienne, les organisateurs et leurs alliés réitèrent que le Canada et le Québec doivent cesser immédiatement toute complicité avec le génocide en cours. Ils exigent des sanctions immédiates, un embargo bilatéral sur les armes et le matériel militaire, ainsi que la rupture de tous les liens militaires, économiques, commerciaux, politiques, diplomatiques et culturels avec l'entité coloniale sioniste « Israël ». Cela inclut la fin de l'accord de libre-échange Canada-Israël et la fermeture du bureau du Québec à Tel-Aviv.
L'appel à la semaine d'action fait écho à celui lancé le 20 juillet 2025 par six groupes politiques et organisations de résistance dans la bande de Gaza. Ceux-ci appellent l'ensemble des militant·es solidaires de la lutte de libération du peuple palestinien à travers le monde à intensifier leurs actions pour que leurs gouvernements cessent tout soutien ou complicité avec l'entité sioniste.
Faits saillants
Semaine d'action en solidarité avec la Palestine, du 6 au 12 octobre :
www.clac-montreal.net/semaine
Journée d'ateliers, lundi 6 octobre de 10h à 17h, Université de Montréal :
[www.clac-montreal.net/fr/node/1065
https://www.clac-montreal.net/fr/no...->https://www.clac-montreal.net/fr/node/1075]
Rassemblement Vive la résistance, jusqu'à la libération, mardi 7 octobre à 16h00 Square Victoria : www.clac-montreal.net/fr/node/1075
Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC)
Collectif dédié à la diffusion d'idées et de pratiques anticapitalistes, anti-oppressives, anti-autoritaires et décoloniales. La CLAC se veut un espace d'organisation collective non hiérarchique pour les mouvements qui luttent contre la violence de l'État et du capital à Tiohtià:ke/Mooniyang/Montréal et ses environs.
Site web : www.clac-montreal.net/semaine
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Quand la folie a le dos large
Intitulée Quand la folie a le dos large, cette déclaration déplore une tendance à instrumentaliser des peurs sociales autour de la santé mentale.
MONTRÉAL, le 3 octobre 2025 - Trois organisations majeures en défense des droits et pour l'Alternative en santé mentale — l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ), le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec (RRASMQ), et la Ligue des droits et libertés (LDL) — ont lancé une déclaration commune le 16 septembre dernier pour dénoncer une dérive inquiétante dans la réforme annoncée de la Loi P-38 par le ministre Carmant.
Intitulée Quand la folie a le dos large, cette déclaration déplore une tendance à instrumentaliser des peurs sociales autour de la santé mentale pour justifier un élargissement des mesures coercitives, telles que les hospitalisations et les soins forcés. Elle compte déjà 500 appuis individuels et collectifs, dont 17 organisations nationales, telles que le Regroupement des organismes de défense de droits collectifs, le Réseau québécois de l'action communautaire autonome, la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes, le FRAPRU et la CSN. On compte aussi au nombre des signataires des organismes féministes, en itinérance, pour la communauté LGBTQ+, en déficience intellectuelle, pour les personnes neuroatypiques, pour la lutte à la pauvreté et en immigration. Les appuis individuels sont tout aussi diversifiés : des professionnel·les de la santé, en droit, en travail social, des chercheur·es, des travailleur·euses du communautaire et plusieurs citoyen·es.
« La Loi P-38 devait être une mesure exceptionnelle, mais elle est déjà utilisée plus de 20 000 fois par an. On constate des abus, des décisions arbitraires, et une confusion entre dangerosité réelle et marginalité sociale. Ce n'est pas la loi qu'il faut élargir, mais les ressources pour accompagner les personnes en détresse », affirment les signataires.
La déclaration souligne que la réforme proposée va bien au-delà de la seule Loi P-38 : elle s'inscrit dans un glissement plus large vers l'utilisation de la psychiatrie comme outil de contrôle social, notamment envers des populations déjà stigmatisées. On craint ainsi que les personnes déjà en marge de la société soient davantage hospitalisées de force, sous le couvert d'une nécessité de soins, dans un système psychiatrique dont les pratiques peuvent être profondément traumatisantes. On assisterait à une centralisation du pouvoir dans l'appareil médico-légal, aux dépens des approches humaines et volontaires.
Les signataires de la déclaration appellent le gouvernement à renoncer à cette logique répressive et à plutôt investir dans la prévention, le soutien communautaire et les droits humains, comme le recommandent l'OMS et le Haut-Commissariat aux droits de l'homme.
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4 octobre – Journée nationale de commémoration pour les femmes, filles et personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinées
Chaque 4 octobre, nous honorons celles qui nous ont été arrachées et réaffirmons notre devoir de mémoire et de justice.
En ce jour, l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) se joint aux familles, aux communautés et aux alliés pour commémorer les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinées.
Cette journée de vigile est un moment de mémoire et de solidarité. Elle rappelle une réalité tragique : les femmes et filles autochtones représentent toujours 24 % des victimes d'homicide au Canada, alors qu'elles ne constituent que 4 % de la population féminine.
L'APNQL réaffirme son soutien aux familles et aux survivantes et rappelle l'importance de mettre en œuvre les appels à la justice de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, afin de mettre fin aux violences systémiques touchant l'ensemble de nos communautés.
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Mon OSBL n’est pas un lobby
Depuis plusieurs années, le commissaire au lobbyisme du Québec tente d'assimiler tous les OSBL à des lobbyistes. Malgré ces tentatives et grâce à des énergies considérables de la part des OSBL, aucun gouvernement n'a encore cédé à ses demandes. Par contre, le ministre responsable des institutions démocratiques a l'intention d'ouvrir la Loi avant la fin de son mandat en octobre 2026, tandis que le commissaire a rédigé un projet de loi.
La coalition Mon OSBL n'est pas un lobby regroupe près de 150 organismes à but non lucratif, dont L'R des centres de femmes du Québec, qui s'opposent à l'idée d'être assujettis à la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme. Celle-ci doit encadrer la recherche de profits ou de bénéfices, ce que ne font pas les OSBL. Ce n'est pas leur nature ni leur manière de faire des activités de représentation au nom de leurs membres.
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Luttes queer contre l’offensive transphobe : retour sur la mobilisation à New York
Dans cet article, Danielle Bullock, Eric Fretz et Keegan O'Brien, trois militant·es basé·es à New York, reviennent sur l'organisation des ripostes locales aux attaques anti-trans de l'administration Trump, en particulier dans les écoles et les hôpitaux.
Tiré de la revue Contretemps
30 septembre 2025
Par Danielle Bullock, Keegan O'Brien et Eric Fretz
L'offensive implacable de Trump contre les personnes transgenres est l'une des caractéristiques de son second mandat. Comme toutes ses récentes attaques contre les libertés civiles, l'offensive contre les personnes transgenres a été rapide et spectaculaire dès les premiers mois de sa présidence. Depuis son entrée en fonction, le président a signé cinq décrets visant les personnes transgenres, leurs soins de santé, leur éducation et leur capacité à participer à la vie publique.
L'intensification soudaine de ces attaques a semé l'inquiétude jusque chez les personnes trans vivant à New York (NYC), pourtant considérée depuis longtemps comme un bastion de résistance queer et trans, ainsi qu'un refuge relatif face à l'agenda transphobe de la droite qui déferle sur le pays depuis plusieurs années. À NYC, les soins d'affirmation de genre sont disponibles à la fois dans les hôpitaux publics et privés ; les règlements scolaires publics de la ville et de l'État protègent explicitement les droits des jeunes trans, et les agences municipales sont encadrées par une politique anti-discrimination trans-inclusive. Plus récemment, le conseil municipal a adopté une législationambitieuse visant à renforcer les droits des communautés trans et non-binaires.
Il faut cependant se rappeler que ce statut protecteur est le fruit de luttes. En 1969, New York était une ville dangereuse pour les jeunes queer, et le Christopher Street Park, dans le West Village, n'offrait qu'un abri précaire face aux violences et aux abus dont étaient victimes les jeunes LGBTQ+ dans l'espace public. L'explosion a eu lieu cet été-là, le 28 juin, lors d'une descente de police au Stonewall Inn, un bar gay de Greenwich Village [1]. À l'époque, les descentes de police dans les bars homosexuels étaient courantes, et les clients pouvaient être arrêtés sur la base de fausses accusations, comme la contrebande d'alcool ou le trouble à l'ordre public. Mais cette nuit-là, les choses ont basculé : au lieu de se disperser comme à l'accoutumée, les personnes présentes ont résisté, et c'est ainsi qu'a débuté la révolte de Stonewall, une émeute de six jours.
Bien entendu, Stonewall n'a pas transformé d'un coup le quotidien de tou·te·s. Le Gay Liberation Front (GLF) [2] fut fondé quelques semaines plus tard, et la Christopher Street Liberation March, organisée un an après les émeutes, rassembla des milliers de personnes. Mais les plus vulnérables de la communauté queer — personnes trans, racisé·es, lesbiennes, travailleur·euses du sexe, personnes sans-abri — furent en grande partie marginalisé·es par le mouvement dominant. Sylvia Rivera(1951-2002) et Marsha P. Johnson (1945-1992) fondèrent les Street Transvestite Action Revolutionaries (STAR) [3], un collectif qui offrait logement, nourriture, assistance juridique, et surtout un espace politique radical pour les personnes trans. « STAR, c'était pour les jeunes queer des rues, souvent sans-abri, pour toutes celles et ceux qui avaient besoin d'aide à ce moment-là », se souvenait Sylvia Rivera dans une interview avec Leslie Feinberg [4].
Malgré les avancées importantes obtenues par les personnes queer de New York au cours des 55 années qui ont suivi Stonewall, même la relative sécurité de la ville a été remise en cause par les décrets de Trump. Mais, comme en 1969, les personnes queer ne se laisseront pas faire sans se battre. Quelques jours après le premier décret anti-trans de Trump, des manifestations ont été organisées et les personnes transgenres et leurs alliés ont commencé à se rassembler en grand nombre pour manifester leur opposition à New York et ailleurs. Pour développer et soutenir cette opposition, il est important que les militant·es retracent le déroulement de la lutte jusqu'à présent et en tirent les leçons.
Pourquoi les écoles sont-elles si importantes dans la lutte pour les droits des personnes trans ?
Sans surprise, les attaques de Trump contre les personnes trans se sont principalement concentrées sur les services publics — en particulier les écoles publiques. Ces dernières ont toujours été un terrain de lutte, mais les enjeux n'ont jamais été aussi cruciaux qu'aujourd'hui. Nous avons assisté à des attaques contre le Département fédéral de l'Éducation, contre les initiatives DEI (diversité, équité, inclusion) dans les écoles à travers tout le pays, et même contre des enseignant·es individuellement, accusé·es de soutenir les élèves trans et non-conformes aux normes de genre.
Jusqu'à présent, le responsable du système scolaire new-yorkais (Chancellor) a affirmé que les écoles publiques resteraient un refuge sûr pour les personnes trans et queer, en particulier les jeunes. Mais les militant·es savent qu'il faut rester en alerte. Cette vigilance est d'autant plus nécessaire dans le contexte du contrôle direct du système scolaire par le maire. Début avril, un juge fédéral a prononcé l'abandon de toutes les charges de corruption contre le maire de New York, Eric Adams — une décision prise à la demande du ministère de la Justice, qui a fait valoir qu'Adams ne pouvait pas mettre en œuvre les « politiques et initiatives fédérales en matière d'immigration » tant que ces accusations étaient maintenues. Avec un maire désormais acquis à Trump, les jeunes trans et leurs allié·es s'interrogent : combien de temps faudra-t-il avant qu'Adams n'exige des changements dans la politique scolaire de la ville, au détriment des élèves les plus vulnérables — les enfants trans, mais aussi les élèves immigré·es, en situation de handicap ou racisé·es ?
L'école, un deuxième foyer ?
On considère souvent que l'école est un « second foyer » pour les élèves — mais ce n'est pas toujours vrai pour les jeunes trans. Il est certain que les écoles de New York bénéficient de protections absentes dans de nombreuses autres régions du pays. Le règlement du Département de l'Éducation de la ville garantit un environnement sûr et bienveillant pour tous les élèves ; les enseignant·es queer peuvent, dans l'ensemble, être ouvertement queer au travail ; des alliances genre et sexualités, GSA (Gender and Sexuality Alliances) [5] peuvent exister dans tout établissement qui en organise une ; et les programmes scolaires sont censés intégrer une approche inclusive envers les personnes LGBTQ+. Mais au-delà de ces politiques générales, il reste difficile, au cas par cas, d'évaluer si chaque établissement scolaire est réellement un espace sûr pour les élèves LGBTQ+. Selon un rapport sur le climat scolaire publié en 2019 par le GLSEN, les écoles new-yorkaises n'étaient pas toujours sûres pour les élèves LGBTQ, 54 % des élèves trans ne pouvaient pas utiliser les toilettes correspondant à leur genre, et 36 % se voyaient interdire l'usage de leur prénom ou de leurs pronoms choisis à l'école.
Les décrets présidentiels de Trump n'ont fait qu'accentuer ces disparités. Ses attaques à l'échelle nationale contre les groupes les plus vulnérables constituent également une menace pour les enseignant·es, les élèves et l'intégrité du système éducatif new-yorkais. Dans un contexte fédéral de permissivité vis-à-vis des discriminations et de la violence envers les personnes trans, les responsables et les enseignant·es des écoles de NYC subissent moins de pression pour faire respecter les droits et la sécurité des élèves trans. Les enseignant·es en poste qui encadrent les GSA, qui créent des espaces sûrs pour les élèves et qui s'opposent aux pratiques scolaires discriminatoires sont désormais confronté·es à des défis nouveaux et parfois dangereux. Les écoles de NYC sont un terrain de lutte, et les enseignant·es sont en première ligne — engagé·es à faire en sorte que chaque élève se sente en sécurité, pour que chaque élève puisse apprendre.
Les attaques contre les jeunes transgenres de New York dans le deuxième district de Manhattan
Comme le rapporte le magazine Tempest, des membres du Community Educational Council (CEC)[6] du District 2 de Manhattan, soutenus par le groupe conservateur Moms for Liberty,[7] mènent une véritable offensive contre la jeunesse trans à New York — mais les enseignant·es et les membres de la communauté ne se laissent pas faire. Depuis mars 2024, élèves, parents et allié·es mènent une mobilisation continue depuis 15 mois contre une résolution transphobe votée par ce CEC à majorité conservatrice : la résolution 248 [8]. Ce texte recommande au Département de l'Éducation de NYC de revenir sur sa politique autorisant les jeunes trans à participer aux équipes sportives correspondant à leur genre. Bien que cette recommandation n'ait pas de valeur contraignante, les élèves trans et leurs soutiens se sont rapidement mobilisé·es pour la contester.
Depuis mars 2024, des centaines de militant·es, de parents et d'habitant·es en colère se rassemblent chaque mois aux réunions du CEC du District 2 pour exiger l'abrogation de la résolution 248. Les collectifs. Aunties and Friends for Liberation et Trans Formative Schools sont mobilisés depuis un an pour combattre la transphobie, avec des interventions et des actions soigneusement préparées lors des réunions mensuelles. Ils ont également organisé une liste de parents du District 2 pour affronter les candidat·es d'extrême droite et les évincer lors des élections du printemps 2025. Le CEC du District 2 a pris un virage fortement réactionnaire avec l'élection de Maud Maron, membre de Moms for Liberty, et de ses allié·es, qui ont plongé le Conseil dans le chaos et la crise.
Le 10 avril, une lettre adressée à Melissa Avilés-Ramos, chancelière des écoles publiques de la ville de New York, a été signée par de nombreux·ses élu·es new-yorkais·es. Elle dénonçait l'absence flagrante de démocratie et les manœuvres de manipulation du règlement interne utilisées lors des réunions du CEC du District 2 — manœuvres destinées à empêcher les militant·es d'abroger la résolution haineuse. Cette lettre appelait la chancelière à enquêter sur le fonctionnement de l'organisme et à faire appliquer les lois garantissant la transparence des réunions publiques. Elle dénonçait avec force les comportements de certain·es membres du CEC D2, accusé·es de compromettre le fonctionnement du conseil, de trahir la confiance du public et de fouler aux pieds les principes élémentaires de gouvernance démocratique.
En échangeant avec les enseignant·es et les élèves lors de la réunion du CEC du District 2 en avril, un sentiment revenait constamment : la frustration et la défiance. Les élèves trans exprimaient leur désir de se sentir en sécurité et reconnus à l'école. « En tant qu'élève trans, ce dont j'ai besoin pour me sentir en sécurité, à l'aise et heureux·se à l'école, c'est de voir des adultes trans dans mon établissement. C'est quelque chose d'absolument crucial pour moi. J'avais un·e enseignant·e trans qui a quitté l'école, mais iel a joué un rôle essentiel dans le début de ma transition — iel m'a littéralement sauvé la vie », a déclaré Mina, 17 ans, élève et militante.
Les actions mensuelles ont aussi renforcé l'engagement des allié·es.
« Je pense qu'il ne faut pas sous-estimer les petits gestes, mais reconnaître que ça ne suffit plus », explique Auggie, autre militant·e trans impliqué·e dans le collectifAunties and Friends for Liberation. « Il faut être prêt·e à se battre pour la sécurité des enfants trans, parce que je sais qu'au fond de vous, si un enfant était en danger, vous voudriez vous interposer entre lui et ce danger. Donc ça va au-delà du fait de mettre ses pronoms dans sa signature mail. » [9]
Les manifestations mensuelles sont massives, dynamiques et porteuses d'espoir. Elles montrent qu'il est possible de construire une mobilisation durable, avec la participation croissante de personnes trans, de parents et d'activistes. C'est une force collective qui se renforce mois après mois, un message clair aux membres conservateurs du CEC : nous ne partirons pas sans nous battre.
L'ambiance est à la fête et à la solidarité lorsque les participant·es se rassemblent pour entrer ensemble dans la grande salle de l'école. La convergence avec d'autres luttes est forte. Il n'est pas rare d'apercevoir de nombreux keffiehs dans l'assemblée, et les témoignages publics font souvent le lien avec les droits des personnes migrantes ou en situation de handicap. Participer à ces réunions est source d'émancipation. Le mouvement grandit, notamment avec la participation active de parents qui ont décidé de se présenter face aux élu·es conservateurs. Les élections aux CEC à l'échelle de la ville se sont tenues le 13 mai, et les résultats doivent être annoncés d'ici la fin du mois. Les militant·es espèrent que leur longue bataille contre la résolution 248 aura un impact décisif sur l'issue du scrutin.
La mobilisation dans le District 2 montre que, même dans un moment politique hostile et réactionnaire, il est possible de mener des luttes offensives.
Réagir à l'annulation des soins d'affirmation de genre
Les hôpitaux sont un autre service public pris pour cible par la croisade anti-trans de Trump. En réponse à un décret présidentiel menaçant de suspendre les financements fédéraux aux hôpitaux qui fournissent des soins d'affirmation de genre aux mineur·es, plusieurs établissements privés, dont NYU Langone Health[10], ont annulé de manière préventive leurs rendez-vous pour les enfants trans. L'hôpital NYU Langone jouait un rôle crucial pour de nombreuses personnes, en particulier pour les jeunes trans en quête de soins, comme les thérapies hormonales ou les bloqueurs de puberté. Mais à la suite du décret de Trump, la clinique a discrètement annulé tous les rendez-vous de soins d'affirmation de genre [11] pour les mineur·es de 17 ans et moins.
En réaction, les Democratic Socialists of America (DSA) de New York ont organisé un rassemblement d'urgence le 3 février, pour exiger la reprise immédiate des soins à l'hôpital. Environ deux mille personnes se sont réunies dans St. Vartan's Park, près du site de NYU Langone à Murray Hill. Parmi les intervenant·es figuraient des élèves trans, des militant·es, des personnalités et des représentant·es syndicaux·ales, notamment du syndicat NYU Contract Faculty United (CFU-UAW local 7902) [12], ainsi que le Dr Michael Zingman, psychologue spécialiste des enfants et adolescents à NYU, engagé au sein du Committee of Interns and Residents (CIR-SEIU) [13].
La rabbin Abby Stein [14], de l'organisation Jews for Racial and Economic Justice, a évoqué sa congrégation accueillante envers les personnes trans, tandis que l'actrice Cynthia Nixon exprimait ses inquiétudes pour sa propre famille queer. La militante noire trans locale Qween Jean Johnson a rattaché la lutte à d'autres causes queer, promettant de ne jamais cesser de lutter jusqu'à la victoire.
La présence syndicale était particulièrement visible, notamment celle de l'UAW, dont les membres arboraient le symbole en forme de roue dentée, immédiatement reconnaissable.
Le parc St. Vartan's est en retrait de la rue, et seule la partie centrale était éclairée au moment où le rassemblement a commencé. Après les prises de parole des élues Tiffany Cabán (conseillère municipale DSA) et Kristen Gonzalez (sénatrice DSA de l'État de New York), l'animateur·rice a réaffirmé que DSA poursuivrait le combat et a invité les participant·es à rejoindre l'organisation.
Cependant, aucune invitation n'a été faite à constituer une coalition plus large, ni à proposer des formes d'engagement pour celles et ceux ne souhaitant pas adhérer à la DSA — qu'ils viennent de la gauche ou d'ailleurs. Pourtant, la manifestation était un exemple concret de collaboration entre divers courants militants, qui aurait pu être prolongé sous une forme organisationnelle durable.
Nombreux·ses étaient celles et ceux qui voulaient marcher jusqu'aux portes de l'hôpital, mais le NYPD (la police de New York) l'a interdit, invoquant le nombre trop important de manifestant·es pour occuper les trottoirs. Heureusement, Jay W. Walker [15] de Reclaim Pride a lancé des slogans et conduit la foule sur le trottoir longeant la Première Avenue, derrière une longue ligne de policiers.
Après une brève altercation entre policiers et manifestant·es, la marche a avancé le long de l'avenue, face aux entrées de l'hôpital, scandant : « Shame on you, NYU ! » et « When trans kids are under attack… stand up, fight back ! » (« Honte à toi, NYU ! » / « Quand les enfants trans sont attaqué·es… levons-nous, résistons ! »)
Le jour même de la manifestation, on apprenait que d'autres hôpitaux de la ville s'alignaient sur la politique de Trump avant même tout retrait effectif de financement fédéral. Mais quelques jours plus tard, la procureure générale de l'État de New York, Letitia James, a publié une déclaration rappelant aux hôpitaux qu'ils enfreignaient la loi de l'État en refusant des soins aux mineur·es trans. Des actions similaires ont eu lieu devant des hôpitaux en Arizona, à Chicago, au Colorado, à Los Angeles et en Virginie, où les soins aux jeunes trans avaient également été suspendus temporairement.
Cinq jours plus tard, une foule encore plus nombreuse s'est rassemblée à Union Square, à Manhattan, pour la manifestation « Rise Up For Trans Youth » (Debout pour les jeunes trans) à l'appel du Gender Liberation Movement, [16]d'ACT UP-NY et de Trans Formative Schools.
La jeunesse y était très présente, même si la visibilité syndicale y était moindre que lors du premier rassemblement. Zohran Mamdani, député DSA à l'Assemblée de l'État de New York et candidat à la mairie de New York, y a participé, aux côtés de nombreux·ses intervenant·es trans.
Eliel Cruz, du Gender Liberation Movement, a rappelé que New York se soucie de sa jeunesse trans, et que les quelques responsables politiques cherchant à les diaboliser ou à leur retirer l'accès aux soins ne représentent pas la majorité. Il s'est dit convaincu que les hôpitaux finiraient par céder.
Une mère d'une fillette trans de six ans a été ovationnée lorsqu'elle a lancé à la foule : « Nos enfants sont en première ligne des grands combats de notre époque… Ils se battent pour vous, alors vous battrez-vous pour eux ? »
Organisation du mouvement pour la libération des genres
Une initiative coordonnée visant à fusionner les luttes pro-queer et pro-transgenres est visible dans le mouvement pour la libération de genre (GLM) récemment formé, qui a organisé sa première série d'appels massifs le 27 janvier. L'appel a rassemblé environ 900 participants lors de sa première réunion virtuelle, et la participation aux appels est restée élevée depuis. Cette forte participation reflète l'indignation et l'horreur généralisées ainsi que le sentiment d'urgence parmi un nombre important de militants, nouveaux et chevronnés.
Pour replacer l'organisation du GLM dans son contexte historique, il est important de rappeler qu'il y a encore dix ou quinze ans, les droits des personnes transgenres étaient relégués à la marge du mouvement LGBT traditionnel. Au cours de l'été 2020, une grande marche pour la libération des personnes transgenres à Brooklyn, au plus fort du soulèvement Black Lives Matter (BLM), a donné naissance au GLM, marquant une avancée qualitative et un tournant dans le mouvement pour les droits des personnes transgenres.
Ces développements ont été l'aboutissement de plusieurs facteurs convergents dans le paysage post-égalité du mariage et ont représenté une radicalisation du mouvement queer vers l'intégration des questions de libération du genre et d'autonomie corporelle, de justice raciale et économique, d'impérialisme (principalement la solidarité avec la Palestine) qui, jusqu'à récemment, étaient des points de discorde et des sources de division extrême.
Pratiquement tous les groupes LGBT traditionnels se sont transformés en entreprises ou se sont concentrés sur un modèle d'organisation de type ONG. Depuis la fin des années 1980 et le début des années 1990, toute forme de protestation ou de stratégie de construction de mouvements populaires a été rejetée au profit de la collecte de fonds et du lobbying.
Le fait qu'un groupe se soit formé pour tenter de construire un mouvement pour la libération des personnes trans et queer, basé sur la remise en question des deux partis politiques et centré sur une stratégie de protestation et d'activisme populaire, constitue une avancée importante. La capacité des organisateurs à sortir du modèle ONG et à créer des espaces d'organisation ouverts et démocratiques, offrant aux nouveaux militants la possibilité de débattre, d'élaborer des stratégies et de devenir des leaders actifs dans l'orientation de la lutte, déterminera si cet élan se transformera en un mouvement durable.
Compte tenu des efforts concertés de Trump et de la classe dirigeante pour écraser et faire reculer de manière agressive les différents mouvements sociaux des années 2010, et du degré incroyable auquel beaucoup ont été absorbés par le Parti démocrate au cours des quatre dernières années (le contraste entre l'ampleur des manifestations lors de l'investiture de Trump en 2017 et en 2025 en dit long), le fait que de nouvelles organisations militantes cherchent activement à construire une résistance renouvelée en dehors des limites de l'électoralisme traditionnel et s'efforcent délibérément de mettre au premier plan la libération des Palestiniens, la solidarité syndicale, l'antiracisme et la justice économique comme éléments centraux d'une vision plus large et plus complète de la libération des personnes queer et trans est significatif.
Cette évolution démontre à quel point Trump et les secteurs du capital qu'il représente, qui mènent une attaque frontale contre notre classe, les peuples opprimés et la gauche, n'ont pas réussi à anéantir complètement les acquis idéologiques de notre camp ni à briser toutes les formes de résistance qu'il a accumulées au cours des quinze dernières années. Une fois encore, la capacité de ce nouveau mouvement à construire le pouvoir social disruptif nécessaire pour obtenir des victoires matérielles durables dépendra de la capacité des organisateurs à dépasser le modèle des ONG qui a dominé la gauche tout au long de l'ère néolibérale et à construire des espaces d'organisation ouverts et démocratiques qui favorisent la discussion et le débat critiques et facilitent le développement de nouveaux leaders et combattants organiques du mouvement.
Une prochaine étape importante dans le développement de cette nouvelle résistance consiste à soutenir, dans la mesure du possible, l'organisation par les membres, au niveau local et national, comme alternative aux approches des ONG, de leurs employés et des approches descendantes. Même les actions spectaculaires, conçues pour attirer l'attention des médias, négligent parfois l'organisation quotidienne et la construction d'une base, qui sont pourtant si nécessaires à l'heure actuelle.
Contrairement à ceux qui affirment que les gens sont « épuisés » par les manifestations et qu'il faut trouver des moyens plus « créatifs » de résister, beaucoup de gens sont aujourd'hui déçus par le Parti démocrate et ont clairement conscience que les démocrates sont tout aussi responsables de la situation actuelle. Ils sont furieux que le parti ait abandonné les questions transgenres lors des dernières élections.
Ces conclusions offrent l'occasion de changer d'approche par rapport à la forme courante d'organisation que l'on trouve aujourd'hui, où un petit nombre de personnes prennent des décisions en coulisses et où les manifestations sont censées être spectaculaires et étroitement orchestrées pour cibler les politiciens, plutôt que d'encourager et d'organiser davantage les masses populaires à s'auto-organiser. L'accent mis sur la première approche peut limiter le degré d'implication de nouvelles personnes dans l'organisation et la construction de nouvelles infrastructures de résistance.
Dans l'ensemble, l'organisation et les actions menées dans les écoles de New York, ainsi que le refus de laisser les administrateurs hospitaliers de New York et d'ailleurs tourner le dos aux jeunes transgenres, témoignent d'importantes luttes offensives. Des organisations telles que le Mouvement de libération de genre pourraient être en mesure d'étendre l'influence des militants et d'assurer leur cohésion sur ces fronts de lutte apparemment disparates. Notre résistance ne doit pas reposer uniquement sur les tribunaux ; une résistance active est possible même dans les moments politiques les plus hostiles.
*
Danielle Bullock est artiste visuelle queer et enseignante dans une école publique de Brooklyn. Militante syndicale, elle dirige une section locale du syndicat des enseignant·es (UFT) et milite au sein du courant progressiste MORE (Movement of Rank-and-File Educators). Elle est également membre du collectif socialiste Tempest.
Eric Fretz est militant socialiste à New York. Ancien membre d'ACT UP, il a ensuite participé à la création d'un syndicat au sein de l'organisation Housing Works, un réseau d'assistance aux personnes précaires et séropositives à New York. Il écrit régulièrement pour Marx21US.org et la revue International Socialism.
Keegan O'Brien est activiste queer, enseignant dans le public et militant syndical à Brooklyn. Il est membre du collectif Tempest et ses articles ont été publiés dans Spectre Journal, Teen Vogue et Jacobin.
Cet article a été initialement publié sur le site du collectif socialiste étatsunien Tempest. Traduction de l'anglais (États-Unis) pour Contretemps par Christian Dubucq.
Notes
[1] L'émeute de Stonewall, survenue en juin 1969 à New York, est considérée comme l'un des événements fondateurs du mouvement LGBTQ+ contemporain. Elle a été menée notamment par des personnes trans racisées comme Marsha P. Johnson et Sylvia Rivera.
[2] Le GLF est l'un des premiers mouvements organisés de libération homosexuelle aux États-Unis, né dans la foulée de Stonewall. Il a inspiré de nombreux collectifs en Europe, notamment en France (FHAR, puis CUARH). Il prône une rupture radicale avec les normes hétéropatriarcales et le capitalisme, en opposition aux approches assimilationnistes.
[3] STAR (Street Transvestite Action Revolutionaries) est un collectif fondé en 1970 à New York. Il est souvent cité comme l'une des premières organisations trans radicales, centrée sur les personnes trans, racisées, pauvres et sans-abri.
[4] Leslie Feinberg (1949–2014) était une figure majeure du marxisme queer aux États-Unis, auteur·ice de Stone Butch Blues (1993) et militant·e trans dans le Workers World Party.
[5] Les Gender and Sexuality Alliances (anciennement Gay–Straight Alliances, GSA) sont des associations étudiantes créées et dirigées par des élèves aux États-Unis. Elles rassemblent des jeunes LGBTQ+ et leurs allié·es pour offrir un espace sûr, favoriser le soutien mutuel et lutter contre l'homophobie et la transphobie dans les établissements scolaires.
[6] Les Community Education Councils sont des conseils locaux d'éducation publique à New York, composés principalement de parents d'élèves, élus à l'échelle des districts scolaires. Bien qu'ils n'aient pas de pouvoir décisionnel contraignant, ils émettent des recommandations et peuvent influencer la politique éducative locale.
[7] Moms for Liberty est une organisation d'extrême droite fondée en Floride en 2021. Se présentant comme un groupe de défense des « droits parentaux », elle est en réalité active dans les campagnes contre les droits des personnes LGBTQ+, contre les programmes scolaires sur le racisme ou le genre, et soutenue par le mouvement trumpiste.
[8] Résolution adoptée en mars 2024 par le CEC du District 2 de Manhattan, visant à recommander l'exclusion des élèves trans des équipes sportives correspondant à leur identité de genre. Bien que symbolique, elle s'inscrit dans une vague de mesures anti-trans aux États-Unis.
[9] Aux États-Unis, il est courant dans les milieux progressistes d'indiquer ses pronoms de genre (par ex. she/her, they/them) dans sa signature électronique comme geste de reconnaissance et de respect de la diversité des identités de genre.
[10] Grand réseau hospitalier privé affilié à l'université de New York (NYU), réputé pour ses soins spécialisés, dont des traitements d'affirmation de genre pour mineur·es trans.
[11] Ensemble de soins médicaux, psychologiques et sociaux destinés à accompagner les personnes trans dans leur transition. Cela inclut notamment les bloqueurs de puberté, les traitements hormonaux, le soutien psychologique, etc.
[12] Syndicat représentant les enseignant·es contractuel·les de NYU, affilié à l'Union UAW (United Auto Workers). Ce syndicat participe activement aux luttes sociales et queer à New York.
[13] Syndicat national regroupant les internes et résident·es en médecine (médecin·es diplômé·es en formation spécialisée), affilié au syndicat SEIU (Service Employees International Union). Présent à NYU, il défend les droits des soignant·es et des patient·es.
[14] Militante trans juive orthodoxe, première femme trans issue d'une communauté hassidique à être visible publiquement. Engagée pour les droits LGBTQ+ et les justices sociale et raciale.
[15] Activiste queer new-yorkais, cofondateur de Reclaim Pride Coalition, un collectif militant qui a relancé la Queer Liberation March en opposition à la dérive commerciale de la Pride officielle.
[16] Mouvement militant émergent aux États-Unis visant l'émancipation des personnes trans et non-binaires, en particulier la jeunesse, à travers l'accès à la santé, à l'éducation et à la justice sociale.
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Un marxisme classique et queer
À l'occasion de la parution en anglais du livre d'Alan Sears Eros and alienation, Peter Drucker aborde les relations entre marxisme, aliénation et sexualité.
Tiré de Inprecor
4 octobre 2025
Pendant les quinze dernières années, qui ont vu le développement du marxisme queer, Alan Sears a été constamment présent et ce avant même que le marxisme queer ne prenne forme. Il a engagé un dialogue constructif avec toutes les figures de proue de ce courant et leurs différentes approches, depuis l'application inédite par Kevin Floyd du concept de réification de Georg Lukács au genre et à la sexualité, jusqu'à mon approche pour la périodisation du capitalisme et ses différentes « formations homosexuelles », en passant par l'utilisation par Holly Lewis de la théorie de la reproduction sociale pour mettre en lumière le rôle des corps genrés et en particulier des corps transgenres (1).
Depuis le début du 21e siècle, Sears lui-même a toujours lié l'étude de la sexualité aux fondements du marxisme. Il a exploré les implications sexuelles du néolibéralisme dans la « dérégulation morale ». Il a montré comment les luttes pour la libération sexuelle font partie intégrante du processus de fondation de la « nouvelle gauche », après le déclin des gauches des années 1920/1930 et 1960/1970 (2). Il a également mis de plus en plus en avant son inspiration auprès des chercheur·ses queer racisé·es, en mettant l'accent particulièrement sur le militantisme et la théorie autochtones au Canada. Tout au long de son œuvre, il s'est distingué par son engagement indéfectible en faveur d'un marxisme classique mais contemporain.
Alienation
Le dernier ouvrage de Sears constitue sa contribution majeure au marxisme queer à ce jour. Il évoque dans son titre l'ouvrage toujours crucial d'Herbert Marcuse, Éros et civilisation (3), et mérite de figurer à ses côtés. Le livre de Sears affiche ses références classiques en mettant l'accent sur l'aliénation. Malgré l'importance de l'aliénation dans l'œuvre de Marx, ce concept a été éclipsé par les 2e et 3e internationales. Il a refait surface dans les débats marxistes du milieu du 20e siècle, dans le cadre des efforts visant à dépasser la social-démocratie et le stalinisme, en particulier après la redécouverte du jeune Marx. Il est toutefois resté controversé, notamment en raison de l'insistance de Louis Althusser sur le fait que ce concept serait antérieur à la « coupure épistémologique » (4) de Marx et n'avait pas sa place dans la pensée scientifique mature de Marx. Si Sears n'aborde pas ces anciens débats marxologiques, il défend implicitement une vision de l'aliénation comme élément central de l'ensemble de l'œuvre de Marx, y compris dans Le Capital lui-même.
Alors que les discussions marxistes passées sur l'aliénation étaient principalement philosophiques – concernant l'aliénation des êtres humains par rapport à la nature et les un·es par rapport aux autres – ou économiques – concernant l'aliénation des travailleur·ses par rapport au processus et au produit du travail –, Sears élargit le concept pour y inclure l'aliénation des personnes par rapport à leur corps et à leur sexualité. « Le projet de ce livre est de situer l'acte sexuel dans le cadre plus large de la création humaine », y compris l'aliénation sexuelle, écrit-il. La « contrainte et la violence quotidiennes qui façonnent l'organisation contemporaine du genre et de la sexualité » constituent une « logique anti-queer profondément ancrée dans [...] l'aliénation du travail au cœur du système ». Lier l'aliénation sexuelle à l'aliénation productive peut sembler « à première vue [...] un peu exagéré », concède-t-il, mais pas lorsque l'aliénation est considérée non seulement dans le cadre d'un emploi rémunéré, mais aussi dans celui du travail reproductif non rémunéré (« soins, ménage et cuisine »).
Sears décrit l'organisation de la sexualité sous le capitalisme comme un « enclos érotique ». Le sexe est « confiné aux marges de la journée », « souvent à la faveur de l'obscurité, nourri uniquement par l'énergie épuisée qui reste après avoir accompli le travail nécessaire à la survie ». Pour alimenter la consommation tout en maintenant la production, « l'encadrement moral de la classe ouvrière dans les sociétés capitalistes implique un équilibre complexe et changeant entre la limitation et la libération du désir ». Le sexe qui en résulte est comme un aliment transformé, un piètre simulacre. Sa vérité se trouve dans la pornographie et le travail du sexe. Le « money shot » (5) dans la pornographie reflète « l'impératif orgasmique » imposé au sexe dans ces conditions. Le travail du sexe est « l'une des stratégies de survie dans des conditions d'aliénation qui conduisent les dépossédé·es à monnayer leurs capacités humaines ».
Dans ce contexte, le néolibéralisme – Éros et aliénation s'appuie ici sur les réflexions approfondies de Sears depuis vingt ans – intensifie spécifiquement l'aliénation capitaliste de la sexualité, dans laquelle les corps travailleurs, handicapés et racialisés sont considérés comme inférieurs et non érotiques. Pourtant, cette période a également été marquée par une normalisation croissante de l'homosexualité. Une bonne partie des hommes gays et des lesbiennes parviennent aujourd'hui à s'inscrire dans le modèle du libéralisme sexuel, qui adopte un « cadre contractuel » de fausse égalité. Dans ce cadre, le consentement formel ignore et aplatit les complexités du désir qui « peut s'enflammer et être suivi d'un changement d'avis en l'espace d'un souffle » (pour citer Jacqueline Rose) (6). Tant que les deux partenaires disent « oui » au sexe et qu'aucun des deux ne retire son consentement, ils sont censés accepter tout ce qui se passe. Cela est supposé passer outre les réalités du racisme, des différences de pouvoir et d'autres formes d'inégalité, et si un participant se sent utilisé et insatisfait, eh bien, il aurait dû se rappeler de « se méfier ». Sous le capitalisme, le désir humain réel cède la place au commerce de « l'attrait sexuel en tant que propriété aliénable », et une fois l'appât avalé, l'affaire est conclue. En l'absence d'une communauté soudée et soutenue par un engagement envers l'amour en tant que dimension de la vie collective, les gens sont livrés à eux-mêmes et souvent déçus par l'incapacité des rencontres sexuelles à mener à la relation amoureuse durable dont ils rêvaient.
Nature
L'un des aspects les plus remarquables de Éros et aliénation est son apport à la fondation d'une écologie queer. Sears s'appuie pour cela sur la distinction faite par Neil Smith entre « première » et « seconde nature ». Dans les deux cas, les humains font partie de la nature, et la production et la reproduction humaines sont une interaction métabolique avec le reste de la nature. Dans la première nature, cependant, une « écologie de l'intimité » tisse des liens entre le foyer, l'atelier et le langage dans un mode de vie harmonieux (pour citer la théoricienne autochtone Leane Simpson). Dans la seconde nature, le capitalisme sape cette harmonie, produisant une « rupture métabolique » (un concept attribué à Marx par John Bellamy Foster).
Sears détourne ce concept de seconde nature en citant le Central Park Ramble de New York et d'autres espaces « naturels » urbains comme exemples d'une création humaine romantique (décrite par l'écologiste marxiste Andreas Malm comme une « nature sauvage relative »), qui conviennent parfaitement comme lieux de rencontre pour les hommes gays et comme « oasis érotiques » de la masculinité blanche. Sans « réseaux de mutualité, [il s'agit] d'un nouveau type de solitude », habité par de nouveaux types de corps. Dans la seconde nature capitaliste, les corps qui ressemblent à des produits sont valorisés, et les gens sont humiliés lorsque leur corps n'est pas « façonné par l'entraînement, le régime alimentaire et la mode ». Dans ce monde, la féministe noire Roxane Gay a décrit son propre corps réel comme « sauvagement indiscipliné » (7). Mais les corps sexy et disciplinés, note Sears, « sont littéralement éphémères, capturés à un moment éphémère d'apogée esthétique ». Les salles de sport qui produisent des corps désirables reproduisent la logique des usines et dépendent de pratiques malsaines, « la nature étant bannie de leur physique ».
Nous ne pouvons pas plus revenir à la première nature que nous ne pouvons vivre de manière durable dans la seconde nature, conclut Sears. Il adhère au concept d'Edward Saïd d'une troisième nature, dans laquelle le lien avec la terre (et nos corps) est rétabli sur une nouvelle base, incluant la réparation des destructions écologiques, la réparation du vol des terres et de nouvelles relations durables avec nos corps. Ce n'est que de cette manière que la réciprocité pourra être rétablie entre les humains et avec l'environnement naturel.
Utopie
Cette utopie d'une troisième nature est aussi, pour Sears, une utopie queer. Citant José Muñoz, il considère la singularité queer (8) « comme l'illumination chaleureuse d'un horizon imprégné de potentialité ». La singularité queer n'est pas seulement un synonyme de LGBTQ, c'est « une façon de voir un monde meilleur que nous n'avons pas encore atteint ». « Cette libération doit aller au-delà de la transgression pour aboutir à la transformation », affirme Sears. Il s'appuie sur divers penseurs pour définir sa vision utopique. Par exemple, il adhère à l'injonction de Dennis Altman de « prendre du plaisir avec tout son corps ». S'inspirant de l'excellent ouvrage de M.E. O'Brien, Family Abolition (9), il envisage un monde d'amour comme « des pratiques partagées de soins mutuels ». Compte tenu du rôle accru de la famille dans l'hégémonie capitaliste sous le néolibéralisme, cela implique nécessairement l'abolition de la famille telle qu'elle existe actuellement : selon les termes d'O'Brien, « les horreurs de la famille sont immenses, ses abus généralisés, sa logique coercitive ». Passant d'Edward Carpenter aux utopies de science-fiction (Ursula le Guin, Marge Piercy, Samuel Delany) et de Rosemary Hennessy à bell hooks (10), Sears réaffirme sans cesse que l'amour est essentiel. Et que la sexualité peut offrir « un avant-goût de la liberté », surtout lorsque nous rompons avec une approche transactionnelle de celle-ci.
Au-delà de cela, Sears ne prétend pas avoir une feuille de route vers un avenir glorieux de libération sexuelle. Il adopte plutôt une perspective de « révolution sexuelle permanente », dans laquelle une prise de pouvoir par en bas et à l'échelle de la société peut ouvrir la voie à la découverte de nouveaux modes de vie grâce à un débat et à une expérimentation permanents.
En attendant...
La date de publication de Éros et aliénation, achevé avant la réélection de Trump, a empêché Sears d'aborder plus que superficiellement les menaces et les défis immédiats les plus récents pour la libération des LGBTIQ. Il reconnaît dans son introduction que la montée de l'extrême droite, en particulier le déluge actuel de transphobie et de racisme, remettent en cause la normalité LGBTIQ « fragile et menacée » et les acquis des mouvements LGBTIQ. Répondre à ce problème nécessitera une discussion approfondie, car la survie et la refondation de la gauche queer sont en jeu dans ce combat.
Comme je l'ai déjà soutenu ailleurs (11), une contribution queer à part entière à la lutte contre l'extrême droite nécessitera une rupture nette avec l'homonormativité définie par Lisa Duggan : l'imitation de la division des genres et des familles hétérosexuelles qui permet à la droite d'offrir la possibilité d'une tolérance à certain·nes gays et lesbiennes, mais bannit les personnes trans et non binaires dans les ténèbres extérieures. La lutte contre l'extrême droite exige également une bataille sans merci contre l'homonationalisme – la complicité des LGBTIQ avec l'impérialisme – défini par Jasbir Puar (12). Cette rupture avec l'homo-nationalisme est magnifiquement illustrée par la participation radicale des queers à la solidarité avec la Palestine. Comme Sears lui-même a été actif dans la solidarité avec la Palestine, je suis convaincu qu'il serait d'accord avec moi sur ce point. Je ne doute pas qu'il puisse apporter une contribution majeure à cette discussion, en reliant et en approfondissant son analyse de Éros et aliénation. J'ai hâte de lire et d'échanger avec lui sur ses réflexions dans ce sens.
Été 2025
Peter Drucker est militant de la IVe Internationale aux Pays-Bas, diplômé d'histoire de l'Université de Yale et titulaire d'un doctorat en sciences politiques de l'Université de Columbia. Il travaille sur le mouvement de libération sexuelle et ses débats.
Notes
1. La réification du désir : Vers un marxisme queer, Kevin Floyd, 2009 (Amsterdam, 2013) ; Peter Drucker, Warped : Gay Normality and Queer Anticapitalism (Leiden/Chicago : Brill/Haymarket, 2014/2015) ; Holly Lewis, The Politics of Everybody : Feminism, Queer Theory, and Marxism at the Intersection (Londres : Bloomsbury, 2024, éd. rév.).
2. Alan Sears, « Queer in a Lean World », la revue Against The Current 89 (novembre-décembre 2000) ; Alan Sears, The Next New Left : A History of the Future (Halifax, NS : Fernwood, 2014).
3. Éros et civilisation – Contribution à Freud, 1963, Les Éditions de Minuit.
4. Dans les articles réunis dans Pour Marx, Louis Althusser a transposé au développement intellectuel de Marx la conception bachelardienne d'une rupture entre théories scientifiques et expérience ordinaire (idéologie) et qu'il y a identifié une « coupure épistémologique ». Selon Althusser, il convient de distinguer dans l'œuvre de Marx une période de jeunesse, « idéologique », qui porte la marque de l'anthropologie de Feuerbach, et une période « scientifique », qui débute en 1845-1846 avec les Thèses sur Feuerbach et L'Idéologie allemande, et durant laquelle Marx est censé avoir développé tant une nouvelle science de l'histoire qu'une nouvelle philosophie. Repenser la « coupure épistémologique ». lire Marx avec et contre Althusser, par Urs Lindner, 19 mai 2011.
5. Dans le cinéma, scène spectaculaire et coûteuse censée attirer le public. Par extension, dans la pornographie, le plan de l'éjaculation masculine remplissant le même objectif.
6. « I am a knife », Jacqueline Rose, London Review of Books, 22 février 2018.
7. « I am a knife », op. cit.
8. Peter Drucker utilise le terme queerness, qui désigne la qualité, l'état ou l'essence de ce qui est queer.
9. M.E. O'Brien, Family Abolition : Capitalism and the Communizing of Care (Londres : Pluto Press, 2023).
10. Gloria Jean Watkins, connue sous son nom de plume bell hooks (écrit sans majuscule), née en 1952 et morte en 2021 dans le Kentucky, est une intellectuelle, universitaire et militante américaine, théoricienne du black feminism.
11. Peter Drucker, « Far-Right Antisemitism and Heteronationalism : Building Jewish and Queer Resistance », Historical Materialism (vol. 32, n° 1, 2024).
12. Lisa Duggan, The Twilight of Equality ? Neoliberalism, Cultural Politics, and the Attack on Democracy (Boston : Beacon Press, 2003) ; Jasbir Puar, Terrorist Assemblages : Homonationalism in Queer Times (Durham, Caroline du Nord : Duke University Press, 2007).
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La défense des services publics
Entre novembre 2023 et novembre 2024, la CQMMF a organisé une série de cinq (5) webinaires qui avait pour but de faire le tour du monde des résistances féministes. Chaque webinaire a été consacré à un thème spécifique et à une région du monde nous permettant de partager nos expériences et surtout de mieux comprendre comment s'organisent les résistances féminises.
Tiré de la page web de la CQMMF
https://cqmmf.org/tour-du-monde-de-resistances-feministes.html?utm_source=Cyberimpact&utm_medium=email&utm_campaign=Infolettre-large--fevrier-2025#MENA
Europe
Le premier webinaire a eu lieu le 21 novembre 2023 avec des représentantes de l'Europe, la France et le Pays Basque (Euskadi) avec le thème général : les services publics dans nos sociétés.
Christine Mead de Marseille en France, est militante à ATTAC France, une association altermondialiste. Elle est très impliquée dans les causes anti-racistes, féministes et sociales. Elle est engagée à la Marche mondiale des femmes depuis 2010.
Izaskun Guarrotxena Martinez du Pays basque (Euskadi) est une militante féministe. Elle est une spécialiste de l'égalité dans l'administration et est très engagée comme syndicaliste pour LAB (Commissions ouvrières patriotes).
Les services publics en France
Christine Mead a fait un bref retour historique sur la construction des services publics après la deuxième guerre mondiale (les services de santé, l'accès à l'eau, l'éducation, la reconstruction des lieux publics, etc.).
Mais force est de constater que les services publics sont durement attaqués. Il y a une privatisation importante et une diminution des services publics offerts à la population, avec une forte réduction des effectifs. Le gouvernement organise les services en utilisant des règles comptables plutôt que de chercher à offrir des services accessibles et de qualité.
Cette importante dégradation des services publics touche majoritairement les femmes. Elles représentent 76% des utilisatrices et proches aidantes (tout en ayant à s'occuper des membres de la famille, des personnes âgées, etc.).
Cette situation s'ajoute à la croissance des inégalités économiques, à l'inflation des produits alimentaires et à la hausse importante du coût du logement.
Les services publics au Pays Basque (Euskadi)
La situation est très semblable au Pays Basque car les services publics sont affaiblis de façon importante.
En effet, les conditions de travail sont de plus en plus difficiles avec une privatisation accélérée des services de santé et des services sociaux (la main-d'œuvre regroupe de nombreuses immigrantes avec des bas salaires et une importante précarité).
Quant au secteur de l'éducation publique, il est à noter une baisse des investissements ce qui provoque une décroissance du secteur public vers le secteur privé.
l'économie féministe
La deuxième partie du webinaire a porté sur l'économie féministe.
La Marche mondiale des femmes propose une alternative politique en mettant de l'avant l'économie féministe afin de mettre la vie et la nature au cœur de nos luttes. C'est une réponse concrète, une façon de résister et de s'organiser pour répondre aux besoins et intérêts des femmes dans la société, et ce, particulièrement concernant les services publics.
Pour organiser cette résistance, il nous faut renforcer nos solidarités, bien cibler nos revendications afin de renforcer les services publics, et ce, tout en améliorant les conditions de travail des travailleuses et travailleurs.
Grève des femmes
D'ailleurs, dans le cadre de cette orientation, avec la Marche mondiale des femmes, au Pays Basque, s'organise le 30 novembre prochain, une journée de grève féministe pour améliorer et consolider les services publics. Le mot d'ordre général : il faut sortir dans les rues, se mobiliser !
En France, la mobilisation est différente. Les féministes vont accentuer la mobilisation pour le prochain 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, tout en poursuivant le travail pour créer des convergences avec d'autres secteurs importants de la société.
Il est à souligner aussi que la bataille sur les retraites a eu un impact négatif particulièrement pour les femmes de même que la période Covid-19 qui a nui à la mobilisation.
Mais des liens sont construits particulièrement avec des organisations syndicales (CGT-FSU, Solidaires) pour convenir de revendications communes et pour renforcer la mobilisation des membres et de la population. Et, des solidarités se développent pour accueillir les personnes immigrantes et des luttes permettent d'améliorer les conditions de travail de nombreuses femmes (dont la victoire des travailleuses du secteur de l'hôtellerie qui a mené une longue grève).
Somme toute, nous avons pu constater que les services publics sont essentiels et que ce qui est vécu en France et au Pays Basque se vit aussi au Québec. D'ailleurs, des mobilisations et des grèves sont en cours actuellement dans le secteur de la santé, des services sociaux et de l'éducation. Ces luttes sont importantes. Elles vont permettre de bonifier les services à la population, de contrer la privatisation des services publics de même que d'améliorer les conditions de travail des travailleuses et des travailleurs.
L'enregistrement du webinaire
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La MMF 2025 : un front de résistance ici comme ailleurs
Alors que les crises politiques, économiques et sociales se multiplient, les droits des femmes vacillent. Pourtant, partout, des femmes marchent, s'organisent et résistent. Trente ans après la Marche du pain et des roses, le mouvement féministe reprend la rue. En 2025, la 6e action internationale du réseau de la Marche mondiale des femmes (MMF) appelle à la mobilisation pour défendre les acquis, dénoncer les inégalités persistantes et revendiquer un avenir fondé sur la justice et la paix.
Tiré du Journal des alternatives.
Ce mouvement mondial est une occasion précieuse de réflexion, de convergence et d'action autour des conditions de vie des femmes, qui varient selon les contextes locaux et globaux. Se mobiliser pour les droits des femmes, c'est tisser une sororité militante où femmes et filles unissent leurs voix pour revendiquer l'égalité, la justice sociale et la fin des violences systémiques. De cette action collective naît l'espoir d'un avenir féministe, solidaire et inclusif.
Une lutte née au Québec, portée dans le monde
La MMF est un mouvement féministe autonome, pluraliste et indépendant, fondé à Montréal. Elle repose sur une organisation démocratique et structurée, composée de coordinations nationales dans 61 pays, toutes reliées au Comité international. Tous les trois ans, ces coordinations se réunissent afin de débattre, se former et définir les grandes orientations du mouvement.
Depuis la tenue de la première marche mondiale en 2000, les différentes coordinations du mouvement œuvrent à affiner les analyses, à enrichir les pratiques féministes et à transformer en profondeur les structures sociales et politiques. Pour la période 2020-2025, le mouvement axe ses réflexions et ses actions autour de quatre grandes thématiques :
1- La défense des biens communs face aux entreprises transnationales ;
2- La promotion d'une économie féministe, fondée sur la viabilité de la vie et la souveraineté alimentaire ;
3- L'autonomie des femmes sur leur corps et leur sexualité ;
4- La paix et la démilitarisation.
D'ailleurs, la prochaine rencontre est prévue en 2026, en Tunisie, et portera notamment sur l'actualisation des conjonctures, l'évaluation des luttes et l'élaboration d'un nouveau plan de travail féministe mondial.
Un rendez-vous incontournable
De mars à octobre 2025, des actions ont lieu dans les différents territoires où la MMF est active. Au Québec, la grande action de clôture de cette 6e action internationale se tiendra le 18 octobre prochain.
Dans ce contexte, la coordination québécoise articule ses revendications autour d'une économie au service du vivant. Une lutte contre la pauvreté systémique, critique du capitalisme extractiviste, réclame la justice climatique et valorise les savoirs et les luttes des femmes autochtones, migrantes et racisées.
En écho aux thématiques internationales, elle propose une lecture intersectionnelle de la réalité des femmes, en liant les luttes économiques, environnementales et sociales. Inspirée du mot d'ordre historique « du pain et des roses », elle dénonce les effets dévastateurs du néolibéralisme sur les femmes les plus marginalisées, et appelle à une transformation radicale de nos modèles de développement.
Une mobilisation mondiale plus que jamais nécessaire
Cette mobilisation est d'autant plus cruciale dans le contexte mondial actuel marqué par une inquiétante recrudescence des attaques contre les droits des femmes et des personnes minorisées. Les crises — sanitaires, économiques, politiques, environnementales — aggravent les inégalités existantes et touchent les femmes de manière disproportionnée. La montée de l'autoritarisme s'accompagne des guerres et ses effets dévastateurs sur les populations civiles, en particulier les femmes et les enfants.
Cette mobilisation internationale est une invitation à réfléchir, à s'unir et à agir. Elle montre que le changement se construit par les luttes, les solidarités, et la puissance des mouvements populaires enracinés dans les communautés.
Une mobilisation de résistance
La MMF 2025 n'est pas qu'un simple événement. C'est un mouvement de résistance profondément ancré dans les réalités locales, tout en étant relié aux luttes mondiales. C'est un appel à se lever, à s'unir, à marcher pour exprimer une volonté de s'opposer aux régressions sociales que veulent nous imposer les courants les plus réactionnaires.
Le contexte politique renforce la nécessité de construire des solidarités transnationales et d'un militantisme féministe global. Dans un monde secoué par les crises, la MMF 2025 rappelle une chose essentielle : aucun progrès n'est garanti. Chaque droit, chaque avancée, doit être défendu collectivement, sans relâche. Les mots de Simone de Beauvoir résonnent avec une actualité troublante : « N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
Joignez la mobilisation à Québec
📍Lieu : Place de l'Assemblée nationale
📅Date : Samedi 18 octobre 2025
🕙Heure : Animations dès 10 h — départ de la marche à 12 h
Cérémonie festive et engagée à 15 h
Pour plus d'informations :
https://www.cqmmf.org/
Partagez l'événement :
https://www.facebook.com/events/2170711116725305/?active_tab=about
Pour vous inscrire à un transport :
https://www.cqmmf.org/transport-6e-action-mmf.html
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Santé et sécurité du travail | Le gouvernement Legault veut instaurer un régime sexiste et dangereux dans les réseaux publics
Des centaines de travailleuses et de travailleurs ont protesté ce midi à Montréal contre le projet de loi 101 du gouvernement québécois qui prévoit instaurer un régime sexiste et dangereux en santé et sécurité du travail pour les salarié-es en santé et services sociaux et en éducation. Le gouvernement du Québec, le plus grand employeur de la province, s'octroie par le fait même un traitement privilégié, alors qu'il devrait montrer l'exemple en matière de santé et sécurité du travail. Rendre tous les milieux de travail du Québec plus sécuritaires commence avec des règles adéquates et fortes s'appliquant à toutes et tous.
Le 6 octobre 2025 marque les quatre ans de l'entrée en vigueur de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, laquelle prévoit l'implantation de mécanismes de prévention et de participation dans tous les secteurs d'emploi au Québec. Or, des centaines de milliers de travailleuses en seront potentiellement exclues, car le projet de loi 101 prévoit que la vaste majorité des établissements en santé, services sociaux et en éducation, des secteurs à prédominance féminine, n'auraient plus à appliquer ces mécanismes.
« Aujourd'hui, nous sommes dans la rue parce que les travailleuses et travailleurs de la santé et des services sociaux méritent mieux. Le gouvernement avait promis des mécanismes de prévention et de participation solides, mais leur impose finalement un régime à deux vitesses, injuste et discriminatoire. Nous exigeons une véritable prévention pour protéger celles et ceux qui prennent soin de la population du Québec »
– Christine Prégent, vice-présidente de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)
« Il est urgent de renforcer le régime de santé et de sécurité du travail dans tous les milieux. Depuis déjà trop longtemps, les gouvernements et les employeurs se concentrent sur le volet indemnisation et privilégient les économies à court terme plutôt que de miser sur la prévention, pensant qu'il suffit de payer pour réparer les lésions du travail. Il faut une fois pour toutes renverser cet état d'esprit et instaurer une culture de prévention forte et audacieuse partout, car la prévention quand c'est bien fait, ça fonctionne et ça rapporte longtemps, autant dans le public que le privé. L'État, comme employeur, devrait d'ailleurs agir en exemple auprès des autres employeurs »
– Luc Vachon, président de la Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
« Ce qui est bon pour tous les employeurs du Québec ne l'est pas pour le plus gros boss du Québec, l'État employeur. Si le gouvernement Legault ne revient pas sur son intention avec son projet de loi 101, cela confirmera que nous sommes dirigés par un gouvernement sexiste, qui veut s'offrir un traitement préférentiel en refusant à ses propres travailleuses et travailleurs la même protection qu'aux autres ».
– Caroline Senneville, présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN)
« Avec le projet de loi 101, le gouvernement veut nous ramener à une époque où les emplois féminins étaient de moindre importance. Empêcher le personnel de l'éducation et de la santé, majoritairement des femmes, de participer pleinement à la gestion de leur santé et sécurité au travail, ça revient à créer deux classes de travailleuses et de travailleurs au Québec. Nommons un chat un chat : c'est tout simplement discriminatoire ! »
– Nadine Bédard-St-Pierre, première vice-présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
« La santé et la sécurité au travail des travailleuses et travailleurs, quel que soit le milieu de travail, doit avoir la même valeur aux yeux du gouvernement. Or, le projet de loi no 101 crée une disparité dans l'accès aux mécanismes de prévention et de participation et accentue la précarité des conditions de travail des femmes pour les secteurs de l'éducation et de la santé et des services sociaux – secteurs à prédominance féminine et à risque élevé de violence et de lésions professionnelles. Ce projet de loi alimentera et perpétuera la discrimination systémique envers les femmes. Pour une organisation comme la Fédération autonome de l'enseignement qui représente plus de 75 % de femmes, c'est totalement inacceptable et le ministre du Travail doit le retirer »
– Mélanie Hubert, présidente de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE)
« Les travailleuses de la santé et des services sociaux sont parmi les plus touchées par les lésions professionnelles. C'est donc totalement insensé de réduire les mécanismes de prévention qui les touchent, d'autant plus que cela crée une inégalité flagrante avec d'autres secteurs majoritairement masculins, comme celui de la construction. Le projet de loi 101 est un recul majeur pour la santé et la sécurité des femmes du réseau public et la FIQ demande au gouvernement de faire marche arrière dès maintenant »
– Julie Daignault, vice-présidente SST de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
« Provenant moi-même du secteur des services sociaux et considérant que les niveaux d'accident de travail restent très élevés dans les milieux de travail en éducation et en santé, il est tout à fait inacceptable que ce gouvernement envisage d'implanter et de perpétuer des mesures de prévention insuffisantes dans ces milieux. La prédominance féminine de ces milieux de travail explique- t-elle cette orientation du gouvernement ? »
– Vincent Leclair, secrétaire général du Conseil régional de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) Montréal métropolitain (CRFTQ MM)
« Le projet de loi 101 introduit un processus de négociation vicié, qui bafoue tous les principes d'une médiation juste et équitable, pour régler des litiges dans les dossiers de lésions professionnelles. Des milliers de victimes d'accidents et de maladies du travail perdront leurs droits aux indemnités ou aux traitements à cause de ce processus. Ça ne passe pas ! »
– Félix Lapan, secrétaire général de l'Union des travailleuses et travailleurs accidentés ou malades (UTTAM)
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gauche.media
Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.












