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Faut-il vraiment mourir pour exister ?
 
		Voici un texte que je vous propose pour publication. Il a été écrit par Marie-Claude Tadros-Giguère, juste avant sa mort, le 23 août dernier, à l'âge de 89 ans. Cette femme a grandi à Jaffa et a dû fuir lors de la création de l'État d'Israël en 1948. Elle a été au cœur du mouvement de solidarité entre le Québec et la Palestine depuis les années 1970 jusqu'à aujourd'hui.
Le texte de Marie-Claude Tadros Giguère nous a été envoyé par Sébastien Bouchard.
Je n'aurais jamais cru quitter ce monde au moment où mon pays d'adoption allait enfin reconnaître mon foyer d'origine. Mais voilà qu'une violente tumeur met fin à mes jours. Je termine ma vie alitée, amaigrie et sans force, sordide coïncidence avec l'agonie de mon peuple.
Je ne serai plus des vôtres quand la prochaine Assemblée générale des Nations Unies s'ouvrira. Tout l'Occident, à part les États-Unis, se joindra alors aux 148 pays qui ont déjà reconnu la justesse de notre projet national. Avant que le premier ministre Carney ne fasse sa déclaration à l'ONU, je tenais à partager avec vous l'étonnante saga qui m'a menée jusqu'ici, chez vous, et qui reflète bien les soubresauts perpétuels qui secouent le Proche-Orient depuis le début du siècle dernier. Car c'est ici que j'ai entrepris mon combat en 1969, peu après mon arrivée, pour faire reconnaître le droit des Palestiniens à leur foyer. À l'heure de l'effroyable carnage de Gaza déjà décimé par la famine et du spectaculaire projet de colonisation « E1 » que vient d'approuver la Knesset, le rêve de deux États, palestinien et israélien, s'est envolé en fumée. Alors dites-moi : de simples proclamations sur la Palestine suffisent-elles pour changer le cours de l'histoire et dicter la paix ? Ou servent-elles plutôt d'exutoire pour se dédouaner de 77 années d'indifférence ?
Voici ce qu'aurait pu devenir la Palestine au sortir de la Première Guerre mondiale, sur les promesses de Lawrence d'Arabie : un peuple libéré des empires ottoman et britannique, où Juifs et Arabes auraient pu créer un pays cosmopolite, où coulent le lait et le miel qui caractérisaient toute la côte levantine.
Je suis née en 1936 dans le quartier d'Al-Ajami, à Jaffa, à dix minutes au sud de Tel- Aviv. C'est là que mon grand-père maternel, Alfred Roch, un Palestinien diplômé en génie agricole en France, avait aménagé une orangeraie. Du port de Jaffa, il exportait ses savoureuses oranges vers l'Europe à bord des navires danois de la Maersk. Ce furent d'ailleurs les émissaires de cette entreprise qui m'accueillirent plus tard à Montréal.
Alfred avait épousé Olinda Baldensperger, ma précieuse grand-mère, à qui j'aimais me confier durant mon adolescence. Née elle aussi à Jaffa, elle descendait d'une famille alsacienne installée en Palestine dès 1848. C'est de cette lignée que me vient mon prénom francophone, qui suscite souvent l'étonnement. Rien de très arabe, direz-vous, pourtant, je parlais et lisais couramment le mashriqi ammiya, ce dialecte arabe qui rrrroule les ‘r' typiques de toute la région.
Il y a près d'un siècle, mon grand-père Alfred participa aux premières négociations palestiniennes avec les Britanniques. Après avoir été conseiller municipal à Jaffa, il rejoignit la Révolte arabe contre l'Empire ottoman en 1916. Mal lui en prit : il fut exilé en Anatolie avant de pouvoir revenir à son orangeraie, puis se faire élire au premier Congrès national palestinien de Jérusalem en 1928. Mais rien n'y fit. Les dés étaient pipés : les Britanniques avaient pris parti pour un foyer national juif avant même de prendre le relais colonial ottoman, sans considération pour le peuple qui y vivait.
Mon autre grand-mère, Sofia Feinberg, était née la même année qu'Alfred Roch, en 1882. Elle venait d'une famille juive d'Odessa qui avait fui les persécutions en Russie. Elle fit ainsi partie de la première grande vague d'immigration juive, ou aliyah, en Palestine. Avant la Première Guerre mondiale, Sofia fit la rencontre de mon grand-père, Théodore Tadros, un Grec orthodoxe de Jérusalem. Et comme leurs deux familles renièrent la mixité de leur mariage, Théodore et Sofia durent s'exiler en Égypte, où Sofia se convertit au christianisme.
J'étais une drôle de Sémite, un reflet du méli-mélo culturel et religieux du Levant d'alors. Car on oublie souvent que les Palestiniens sont autant sémites que les Juifs sépharades d'Israël, davantage même que les Ashkénazes venus d'Europe, qui sont devenus l'élite dirigeante du jeune État juif. D'où l'ironie de nous faire accuser d'être antisémites lorsqu'on critique Israël.
Mon père Michel, qui avait grandi en Égypte, est revenu en Palestine où il devint dentiste. C'est là qu'il a rencontré ma mère, Paulette Roch. J'achevais une enfance paisible, entourée de trois de mes jeunes frères (un quatrième naîtra à Amman), dans les odeurs de l'orangeraie, lorsque tout chavira en 1948. J'avais douze ans. Sept cent mille d'entre nous durent fuir le pays sous les tirs israéliens. Ce jour funeste devint Al- Nakba, « la catastrophe », un exode sans retour possible.
Mon père nous a alors conduits en urgence à Amman, en Transjordanie, tandis que mon grand-père Tadros organisait notre établissement à Alexandrie. C'est là que j'ai poursuivi mes études, avant de prendre la route vers Montréal en 1965.
J'y ai rencontré mon mari, Luc Giguère, un économiste au siège du Mouvement Desjardins à Lévis. Avec lui, je découvre le Québec, son histoire et sa culture. Je connaissais déjà Félix Leclerc, que j'écoutais en boucle sur notre gramophone familial en Égypte. Entrainée par mon mari, j'ai également plongé dans la politique québécoise.
Et c'est lors d'une assemblée du Mouvement Souveraineté-Association en 1968 que j'ai tendu la main à René Lévesque et me suis présentée comme Palestinienne. Le dialogue s'est ouvert. Plus tard, avec Michel Chartrand, il témoignera de son appui à la création d'un État palestinien au congrès de la Fédération canado-arabe à Montréal. Tous deux prendront aussi part, avec moi, à une table ronde à l'Université Laval.
En 1969, j'ai participé avec un groupe d'universitaires de Montréal à la première grande semaine d'information sur la Palestine, qui en dura deux finalement. Des conférences furent présentées dans les cégeps naissants, les universités et les assemblées syndicales ici et là au Québec. Ce fut l'éclosion d'un mouvement d'information durable qui distingua le Québec du reste du pays. Quand le Parti québécois devint membre observateur de l'Internationale socialiste après son élection en 1976, l'Organisation de libération de la Palestine fit de même et délégua un représentant à son congrès.
Au même moment, j'aidais nombre de journalistes, dont Pierre Nadeau et Clément Trudel, à se familiariser avec la cause palestinienne. J'accompagnais en Cisjordanie des délégations comme celle dont faisait partie, en 1986, le président de la CSN Gérald Larose, accompagné du comédien Daniel Gadoua, de Michel Duchesne du cégep Montmorency et de la grande Monique Fitz-Bach, alors membre du Bureau national de la Centrale de l'enseignement du Québec.
En 1972, nous avons créé le Comité Québec-Palestine. Mais ce n'était pas sans risques, ni aberration. Les locaux de la Fédération canado-arabe furent truffés de micros de la GRC, tandis que la police fédérale dépêchait un agent pour me mettre en garde contre tout « acte délictueux » lors de la visite de Jean-Paul II à Québec, en 1984.
À Ottawa, j'ai rencontré plusieurs députés et ministres, y compris Mitchell Sharp, qui dirigea plusieurs ministères. Peine perdue. Malgré toutes ses opérations de paix et l'envoi de casques bleus à travers le monde, le Canada s'est contenté de contribuer à l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA), un organisme que les Israéliens viennent de bannir tant à Gaza qu'en Cisjordanie.
Avant de fermer les yeux, je ne demande qu'une faveur aux Québécois, mes alliés, mes amis : celle de poursuivre leurs revendications pour une justice pleine et entière au Proche-Orient, et pour la reconnaissance d'un foyer pour le peuple palestinien. Reste à savoir si pareil projet paraît plus réalisable aujourd'hui que celui d'un État laïc, binational, regroupant Juifs et Palestiniens, qui marquerait enfin l'histoire de l'humanité.
Marie-Claude Tadros Giguère, Québec 2025

Guy Rocher (1924-2025) : Un phare s’éteint
 
		Guy Rocher est incontestablement un grand sociologue qui mérite d'être qualifié de monument de la pensée sociologique. Tout au long de sa vie adulte, il a mis son expertise scientifique et ses qualités professionnelles au profit de la société québécoise.
 
Il a incontestablement été un chef de file de sa génération et un intellectuel influent durant la période allant de la Révolution tranquille jusqu'à tout récemment. Dans ses nombreuses prises de position, Guy Rocher prônait l'égalité des chances, la justice sociale et l'égalité entre les sexes ou les genres. Il a adhéré à un certain nombre de grandes causes comme la laïcité, la défense et la promotion de la langue française, l'accès à l'éducation pour le plus grand nombre par le biais de la gratuité scolaire et du salaire étudiant et, last but not least, l'indépendance du Québec. Nul doute que l'implication de cet homme dans nos grands débats de société, de la fin des années cinquante jusqu'à aujourd'hui, a été profitable à une frange importante de la population d'ici. Dans les prochaines lignes, je veux vous parler du sociologue que j'ai lu et de l'acteur social qui m'a interpellé. On me permettra d'esquisser, à grands traits, des éléments de sa vie et de m'étendre un peu plus longuement sur d'autres aspects étroitement associés au changement social de la province. De plus, je présenterai quelques points forts de sa démarche théorique en sociologie.
De 1924 jsqu'au début des années cinquante
Guy Rocher a vu le jour le 20 avril 1924. Après de brillantes études classiques, il s'engage à temps plein au sein de la Jeunesse étudiante catholique (JEC). Il effectue, quelques années plus tard, un retour aux études qui le mènera de l'Université Laval à la prestigieuse Université Harvard où il obtiendra un philosophiæ doctor (Ph. D.) en sociologie. C'est grâce à une bourse d'études du Père Lévesque - qui a d'abord sollicité un prêt auprès de Jean Marchand, Secrétaire général de la Confédération des travailleurs catholiques canadiens (l'ancêtre de la CSN) - que Guy Rocher a été en mesure d'acquitter ses frais de scolarité américains qui étaient, même à cette époque, exorbitants.
Guy Rocher a grandi et évolué dans un Québec tantôt frappé d'immobilisme - «  L'ancienne société traditionnelle, cléricale, repliée sur elle-même » - et tantôt pleinement engagé sur la voie de la mutation et de la modernisation de certaines de ses institutions politiques, sociales et culturelles - « une société postindustrielle, laïque, appartenant de plus en plus à la civilisation nord-américaine ».
Authentique « sociologue citoyen », il n'a jamais craint, dans ses analyses, de porter un regard critique sur la réalité sociale. Sa pratique sociologique a été marquée par un va-et-vient presque incessant entre, d'une part, la pratique de l'action et, d'autre part, la pratique de l'interprétation. Cette dynamique, entre ces deux pratiques, a débouché sur une soif de comprendre et d'expliquer l'énigme du changement social tout en participant à la transformation de la réalité sociale. La célèbre triade du chanoine Cardijn - fondateur des mouvements d'Action catholique -, c'est-à-dire « voir, juger, agir », aura eu l'heureux effet d'inspirer le jeune Rocher sur le plan de la méthode à appliquer dans l'observation et la nécessaire intervention transformatrice du social. Mais, les quatre années passées - de 1943 à 1947 - en tant que dirigeant permanent de la JEC, si riches soient-elles, lui font réaliser « la pauvreté » de son « appareil intellectuel » pour interpréter « le milieu social et l'énigme de ses transformations ». La découverte de la sociologie sera alors déterminante dans la suite de sa carrière.
Guy Rocher connaît certes un parcours scolaire atypique. Après des études classiques ininterrompues qui le mènent à l'obtention d'une licence en droit, son association à la JEC l'amène à militer bénévolement sur diverses questions qui touchent la société québécoise, alors que deux hommes auront une influence majeure dans sa destinée : le père Georges-Henri Lévesque et bien entendu Paul Gérin-Lajoie. Pourquoi ces deux personnes ? D'une part, comme mentionnée plus haut, c'est le père Lévesque qui a parrainé Guy Rocher dans ses démarches d'inscription à l‘Université Harvard et, d'autre part, Paul Gérin-Lajoie en fera un commissaire chargé de formuler des recommandations porteuses d'avenir en matière d'éducation pour la province de Québec - et j'ai nommé la célèbre Commission Parent, nous y reviendrons.
De retour à l'université, vers la fin des années quarante, Guy Rocher se familiarise avec les grandes théories interprétatives sociologiques qui ont pour auteurs : Comte, Marx, Weber, Durkheim et Parsons. Il prend connaissance également des résultats des recherches empiriques des sociologues rattachés à l'École de Chicago. Une « muraille » se dresse toutefois entre ces deux approches qui lui semblent aux antipodes l'une par rapport à l'autre. Aucun accord « entre la théorie » et « les recherches empiriques » ne lui apparaît envisageable. C'est la lecture de l'ouvrage d'Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique (1835), qui donne l'occasion à Guy Rocher de faire le lien entre les grandes théories sociologiques et la réalité empirique, ce qui sous-entend le passage de la pratique sociale à l'interprétation du changement.
Pour l'essentiel, la nature des propos de Tocqueville, lui permet ce « premier regard sur une société en mutation  ». Autrement dit, ce livre l'amène à saisir comment un processus de mutation sociale peut se trouver orienté dans la voie de « l'implantation d'une démocratie  ». C'est d'ailleurs le même livre d'A. de Tocqueville qui rend possible à Guy Rocher «  (d')entrer dans les arcanes de la sociologie théorique de Talcott Parsons  ». Une lecture plus « attentive » de ce dernier lui fait découvrir qu'il y a là «  une théorie sociologique de la société démocratique face aux sociétés totalitaires fascistes et communistes  ». Mais, cette approche théorique parsonnienne ne lui apporte pas l'essentiel de la méthode qu'il réclame pour mieux comprendre la dynamique du changement social. 
Les années cinquante
Au début des années cinquante, son expulsion de l'Université Laval, d'abord à cause de son implication dans la campagne d'appui aux grévistes d'Asbestos ; ensuite sa pratique de la sociologie, alors qu'il observe durant cette décennie les membres des groupes dominants - le clergé et le pouvoir politique - réfractaires au changement ; puis enfin, son implication dans les années soixante qui lui procurent « l'intense sentiment d'assister et de participer à une mutation sociale, politique et culturelle  », tout ceci amène Guy Rocher à réaliser qu'il porte en lui les marques indélébiles de son « temps historique  ». Il réalise donc qu'il est complètement imperméable à toute forme de déterminisme et constate aussi, qu'il n'y a «  pas d'évolution nécessaire ni irréversible. ». Refusant les dogmes « qu'ils soient religieux, politiques ou autres », sa perception du changement lui sera suggérée par le mot suivant : «  contingent ». Est contingent « ce qui peut se produire ou non  ». Rocher nous confie que ses pratiques théorique et orientée vers la réforme sociale découlent d'une approche qui nous ramène toujours à sa lecture d'Alexis de Tocqueville, c'est-à-dire qu'il ne peut y avoir dans les sociétés démocratiques que des « changement(s) raisonné(s) ». Il devient donc clair pour Guy Rocher que la dynamique du changement social ne réside pas dans de supposées « lois de l'histoire  », bien plutôt dans cette force mobilisatrice qui accompagne des acteurs sociaux suffisamment motivés pour s'engager dans la voie du changement social désiré. Pour le théoricien qu'est Guy Rocher, il ne peut y avoir qu'une sociologie : celle qui crée des outils pour comprendre le changement social. Il en est ainsi, parce que « (l)e changement social, inhérent à la société, à la vie sociale, à tout ce qui est vivant, sera une source indéfinie de nouveaux défis ». La tâche du sociologue consiste justement à «  comprendre ce qui change, comment les sociétés se transforment et d'expliquer pourquoi le changement, dans sa « contingence », est allé, va ou peut-être ira dans telle direction plutôt que telle autre. 
Des années cinquante jusqu'aux années 2010
Une fois son doctorat en poche, il est embauché comme professeur de sociologie, d'abord à l'Université Laval et ensuite à l'Université de Montréal. Le professeur Guy Rocher est aussi connu pour sa contribution au sein de la Commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province de Québec, mieux connue sous le nom de Commission Parent. C'est cette commission qui allait proposer la démocratisation du système d'éducation au Québec et la création des centres d'éducation générale et professionnelle – les fameux cégeps, nous y reviendrons. Lors de la crise d'Octobre 1970, il décide de rompre certaines amitiés avec des libéraux fédéraux. Il passe alors du nationalisme canadien à celui québécois. Rappelons qu'il a été sous-ministre au développement culturel de 1977 à 1979 et sous-ministre au développement social de 1981 à 1983 au sein de gouvernements péquistes. Il a joué un rôle très important dans la rédaction de la Charte de la langue française au Québec (la loi 101). Des années quatre-vingt jusqu'à tout récemment, il exerce le rôle de professeur-chercheur au Centre de recherche en droit public de la Faculté de droit. Il prend sa retraite en 2010, à l'âge de 86 ans, et quelques mois plus tard, on lui décerne le titre de professeur émérite.
La sociologie du changement social
Le moins que l'on puisse dire, au sujet de Guy Rocher, c'est qu'il correspond à un sociologue au parcours long et également exceptionnel par la multitude de ses points d'intérêts. Nommons ici les objets de recherche suivants : les rapports entre l'Église et l'État ; l'évolution des théories sociologiques de l'action sociale ; les aspirations scolaires des jeunes Québécois ; la question linguistique ; la sociologie du droit ; l'éthique dans le domaine de la pratique médicale ; la sociologie des réformes, etc. Certains de ses ouvrages ont été traduits dans de nombreuses langues. La grande qualité de ses travaux scientifiques en sociologie en fait incontestablement un modèle pour plusieurs. Attardons-nous un peu sur sa vision du changement social, de la sociologie du droit et de la sociologie des forces hostiles au social-réformisme.
Le changement social occupe une place de choix dans la démarche analytique de Guy Rocher. De manière plus précise, ce sont les processus qui rendent possible le changement qui l'ont grandement intéressé. Dans ses Entretiens avec François Rocher, il explique pour quelles raisons il opte pour une sociologie des réformes - et non des révolutions - pour comprendre l'évolution et les transformations des sociétés occidentales au XXe siècle en général : « [N]ous vivons dans une période historique, en Occident, où il n'y a pas eu d'importantes révolutions. La dernière, bien sûr, c'est la révolution bolchevique de 1917. […] Cela veut dire que les changements planifiés se sont faits davantage par des réformes que par des révolutions, depuis un siècle environ. Pourquoi ? […] En général, les révolutions ont pu se produire parce que l'État faiblissait, n'était plus en mesure de résoudre les problèmes ni d'assurer le contrôle. Dans les sociétés occidentales d'aujourd'hui, nous vivons avec des États qui sont relativement forts, qui sont établis et dont la légitimité n'est généralement pas contestée. Et cela, parce que ce sont des États de droit, basés sur la rationalité juridique […]. Ce genre d'État de droit se prête à des réformes plutôt qu'à des révolutions.  »
Guy Rocher déplore que les sociologues actifs durant les années mille neuf cent soixante et soixante-dix ne se soient pas intéressés davantage à la sociologie des réformes. Ces derniers semblaient préférer les luttes révolutionnaires comme authentique vecteur du changement social ou de la transformation sociale. N'allons pas croire cependant que Guy Rocher mésestime l'apport de Marx en regard du développement de la pensée en Occident. À Georges Khal, il dira : « Le marxisme a certainement contribué […] à la pensée du XIXe et du XXe siècles. Avec le freudisme ou la psychanalyse, le marxisme fut une des grandes révolutions intellectuelles, sociales et culturelles de la pensée occidentale moderne. Il a donné à la philosophie et à la pensée politique des bases beaucoup plus solides et beaucoup plus ancrées dans la réalité. Le grand mérite de la pensée de Marx, […] c'est d'avoir jeté un éclairage nouveau sur les relations entre la pensée, la culture et la vie matérielle, d'avoir renversé les perspectives du vieil idéalisme et mis en valeur le rôle des conditions matérielles de vie, des rapports de travail et de la technologie dans l'histoire humaine. » Rocher indiquera aussi : « Je suis ouvert à la pensée de Marx et d'Engels, mais pas à celle de Lénine ». Il reprochera à ce dernier, avec raison d'ailleurs, d'avoir instauré « un État et une société totalitaires  ».
La sociologie du droit
Constatant que le pouvoir politique s'exprime, pour l'essentiel, à travers des lois, des règlements et des normes écrites qui concourent, à l'occasion, à réformer la société, Guy Rocher y va de sa contribution au développement d'une théorie sociologique du droit. C'est à l'aide des concepts de pluralisme juridique, d'ordres juridiques, d'internormativité, d'efficacité et surtout d'effectivité qu'il théorise le droit. Au sujet de ces deux derniers concepts, il énonce ce qui suit : «  L'efficacité, c'est la façon dont le droit a des effets qui correspondent à l'intention de celui qui le fait, qu'il s'agisse du législateur, d'un tribunal ou de contractants. Par ailleurs, il y a ce que j'appelle l'effectivité : ce sont les effets qui n'étaient pas prévus, ou des effets à très long terme. » Il y a pour lui deux moments dans le droit : d'abord, celui où «  l'on crée le droit » et ensuite, celui « où on l'applique ». Le concept d'effectivité est nécessaire pour comprendre comment le droit évolue. Il porte à notre attention la position que «  [l]es juristes ont beaucoup d'imagination, soit pour inventer du nouveau droit, soit pour faire dire à des lois ou des règlements ce qu'on n'avait pas pensé qu'ils allaient vouloir dire  ». Le droit est «  le bras de l'État  » qui se prête à des « dérives  ». Guy Rocher nous incite donc à rester vigilants face au droit. Celui-ci peut être sans effets réels ou se transformer en son contraire.
La sociologie des forces hostiles au social-réformisme
La vie sociale ne nous confronte pas à un changement linéaire. À l'heure où l'idéologie néolibérale triomphe et où les acquis sociaux issus de la période keynésienne sont frontalement remis en question par les gouvernements de droite qui dirigent les pays avancés, il importe de créer une nouvelle branche de la sociologie. La preuve est faite, les partis politiques qui un jour ont prôné le changement progressiste se sont permutés en forces d'inertie. L'esprit réformiste qui habitait jadis le Parti libéral s'est volatilisé. Idem pour le Parti québécois. Dans la foulée des travaux de Guy Rocher, il faut penser maintenant à une sociologie de ces forces d'inertie – des forces de résistance, comme les a appelées le sociologue – hostiles au social-réformisme. Nous devons aussi travailler à l'expansion d'une «  grille d'analyse à la fois systématique et critique du droit  », ainsi qu'à mettre au point une sociologie… des sociétés animales. Invité par la prestigieuse revue Commentaire à indiquer des avenues futures de recherche pour la sociologie, Guy Rocher y est allé en effet d'une étonnante réponse qui illustre à merveille que même nonagénaire il était capable d'adopter un point de vue original. Il se disait d'avis que «  la sociologie ne s'est pas encore souciée de l'immense champ de recherche des sociétés animales, des plus petites aux plus grandes, des terrestres et des maritimes. La collaboration entre la sociologie et les savants de la faune est encore à venir  ». C'est peut-être là, au sein de certaines sociétés animales, qu'il est possible de trouver la clef des rapports de coopération au lieu des rapports de combat et de compétition qui caractérisent les sociétés humaines.
Une écriture accessible
Guy Rocher est un brillant scientifique. Il est un des rares à pouvoir communiquer avec clarté dans une langue accessible au plus grand nombre. Son style d'écriture s'oppose au langage hermétique de trop nombreux sociologues nébuleux. L'étude portant sur les aspirations scolaires - l'étude du groupe ASOPE dont il était un membre important - nous en a appris beaucoup sur les raisons expliquant pourquoi certains jeunes abandonnaient l'école. Dans certains cas, la raison principale résidait dans le fait que le personnel de l'école et certains parents demandaient à leurs enfants : « Que vas-tu faire à la fin de tes études ? ». La fin des études correspondait ici au secondaire 5. Les résultats de cette recherche nous ont permis de comprendre que la réponse à certains faits sociaux ne résidait pas uniquement dans un cadre théorique élaboré au XIXe siècle ou dans les écrits d'universitaires localisés dans la tour d'ivoire des institutions prestigieuses. Guy Rocher n'adhère pas au déterminisme à la manière d'Émile Durkheim. Il est d'avis que la découverte sociologique est à la fois le résultat d'une intervention de la société sur elle-même et implique également de reconstruire le tout dans les gestes et les paroles des individus concernés par le phénomène à l'étude. Inspiré en cela par Max Weber, Guy Rocher a pratiqué le constructivisme sociologique bien avant que celui-ci soit de mise dans la recherche actuelle.
En écoutant ou en lisant Guy Rocher, nous nous retrouvons avec un scientifique qui tient des discours ou qui rédige des textes invitant à douter des théories doctrinales. Sa démarche nous incite fortement à analyser et à nuancer ce qui mérite de l'être. La pensée de Guy Rocher s'éloigne d'un manichéisme simpliste ou des oppositions élémentaires et souvent binaires.
L'acteur social
Comme mentionné plus tôt, Guy Rocher a été un membre très actif de la Commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province de Québec. C'est elle qui a osé proposer rien de moins que la démocratisation de l'éducation - à travers la création d'un ministère portant le même nom -, la laïcisation des institutions d'enseignement, l'égalité des chances entre les sexes et les groupes linguistiques, l'accessibilité du plus grand nombre, l'élargissement de la gratuité à tous les niveaux, la régionalisation de certains services, la création d'une université d'État, etc.. Les travaux de cette commission ont obligé les membres de la classe dirigeante à effectuer une panoplie de réformes qui ont été porteuses de mutations sociales profitables aux femmes et aux personnes issues de familles modestes. Ce sont maintenant plus de 2 millions de personnes qui ont fréquenté un établissement scolaire postsecondaire au Québec, soit autour d'une personne adulte sur quatre ; ce qui s'avère considérable pour une société qui affichait le taux de scolarisation le moins élevé en Amérique du Nord en 1961.
C'est grâce aux travaux des membres de la Commission Parent et aux audacieuses propositions de réformes contenues dans leur rapport qu'il y a eu, durant les années soixante, la création d'une kyrielle de nouvelles institutions scolaires au Québec – telles que les polyvalentes, les cégeps et aussi le réseau de l'Université du Québec. En bref, la création de plusieurs dizaines d'établissements d'enseignement susceptibles de permettre au plus grand nombre de développer leurs aspirations scolaires et de pouvoir poursuivre leurs études en s'endettant le moins possible.
Guy Rocher a donc osé rêver l'amélioration de la population du Québec grâce à l'instruction, ce qui supposait un système d'éducation public, accessible et gratuit de la prématernelle jusqu'à l'université. Mais Guy Rocher c'est plus qu'un ex-membre de la Commission Parent, c'est aussi un grand intellectuel inspirant et, comme il le confiait à sa fille Anne-Marie, « un battant ».
Durant certaines grèves de ses collègues universitaires, il n'a d'ailleurs pas hésité à prendre parti en leur faveur. Tout en étant attaché à l'Université de Montréal, il a demandé en 2009 à la ministre de l'Éducation de l'époque, madame Michelle Courchesne, de financer adéquatement l'UQAM. Que dire de ses interventions lors des grèves des professeurEs de l'Université Laval et de l'Université du Québec à Montréal en 1976-1977 ? À cette époque, il a été un sous-ministre du développement culturel qui n'a pas eu peur d'ouvrir la porte de son bureau aux présidents de syndicats, alors que le ministre de l'Éducation préférait de son côté entendre le seul point de vue des recteurs de ces universités désertées pendant plus de 15 semaines.
Guy Rocher et la curiosité
Lors d'une intervention au Collège Montmorency, Guy Rocher a déclaré qu'il existait deux sources d'accès au bonheur : la curiosité et l'adhésion à une cause susceptible de modifier l'organisation de la vie dans la Cité. C'est en effet l'étonnement ou la curiosité, si vous préférez, qui le conduit depuis fort longtemps dans la voie de la résolution de l'énigme du changement social. Sans la curiosité, il n'y a pas, selon lui, de connaissances susceptibles de nous permettre de comprendre le monde ou ses phénomènes concrets et de trouver des voies qui mènent à la résolution du changement raisonné. Pourquoi les filles et les garçons n'ont-ils pas accès aux mêmes programmes de formation scolaire et universitaire ? Pourquoi les francophones, les autochtones, les allophones subissent-elles et subissent-ils des discriminations face aux anglophones ? La quête du savoir ou de la connaissance chez Guy Rocher puise incontestablement dans une forme de stupeur devant le monde tel qu'il se présentait ou se dresse devant lui. C'est la persistance de son étonnement, tout au long de sa longue vie d'adulte, qui lui a permis de continuer à interroger d'une manière franche et authentique le monde dans lequel nous sommes et retrouvons à la fois des personnes voulant le garder intact et d'autres contribuant à le refaçonner.
Devant la vie de Guy Rocher, Sénèque aurait probablement modifié certains passages de son livre intitulé Sur la brièveté de la vie.
Un homme actif au sein de sa société jusqu'à quasiment son dernier souffle
Guy Rocher a été sollicité jusqu'à ses toutes dernières années de sa vie pour donner son avis sur certains enjeux majeurs de notre avenir collectif. Jusqu'à tout récemment, il a rédigé des mémoires et fait des présentations à l'Assemblée nationale. Il nous a montré qu'il était possible d'intervenir, même en tant que nonagénaire et jeune centenaire, dans les débats avec intelligence et passion. Il nous a démontré en plus que la vie peut être heureuse pour celles et ceux qui savent jouir pleinement de leurs ressources personnelles. Pour lui, il importait de toujours rester curieuses et curieux devant la réalité, et d'adhérer à un certain nombre de causes à défendre.
Homme du XXe et du premier quart du XXIe siècle, Guy Rocher fait partie des personnages d'envergure qui ont façonné notre existence collective lui qui en a été un acteur majeur durant au moins 75 années de sa longue vie.
Une vie qui a contribué à changer – en partie - le monde
Personnellement, quand je regarde la vie de Guy Rocher, je retiens la perspective d'analyser, dans le cadre d'une démarche rigoureuse et originale, notre monde en vue de le changer en fonction des intérêts du plus grand nombre. Guy Rocher est pour moi un sociologue et un citoyen qui s'est mis au service des membres de la société en nous suggérant fortement d'envisager la nécessité de s'enrôler socialement et politiquement, d'abord en observant notre monde, ensuite en identifiant les injustices et finalement en s'engageant dans la voie du changement afin de combattre les discriminations intolérables entre les sexes, les oppressions inqualifiables entre les groupes ethniques et culturels ainsi que les exclusions inacceptables des groupes minoritaires ou exploités.
Pour conclure
De tout ce qui précède, deux mots minimalement me viennent en tête : générosité et inspiration. Le professeur Guy Rocher a été un être profondément généreux. Il a beaucoup donné aux autres et a longtemps été disponible pour continuer à donner. Il a démontré qu'une personne, même centenaire, pouvait entreprendre avec passion ce qu'elle avait le goût de faire. Contrairement à ce que suggère Sénèque, Guy Rocher a été la preuve que même à un âge avancé il n'est pas nécessaire de se retirer de la scène publique. Incontestablement, il y a beaucoup de lui dans ce que nous sommes. Son enseignement et ses travaux ont été une source d'inspiration pour de nombreuses personnes qui ont décidé d'inscrire leurs recherches dans le sillage de sa démarche originale.
Guy Rocher n'est plus. Sa voix s'est éteinte et ses yeux sont maintenant fermés à tout jamais. Il nous reste par contre ses voies analytiques et son regard sociologique pour continuer à observer et à analyser le monde dans lequel nous sommes en vue de le transformer au bénéfice du plus grand nombre. Nous pouvons certes poursuivre son œuvre dans ce que j'appelle : « La voie de ses regards… »
Yvan Perrier 
Professeur de science politique 
Cégep du Vieux Montréal
3 septembre 2025
16h30
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Sources :
Duchesne, Pierre. 2019. Guy Rocher : Voir – Juger – Agir. Tome I (1924-1963) ; Montréal : Québec / Amérique, 458 p..
Duchesne, Pierre. 2021. Guy Rocher : Le sociologue du Québec. Tome II (1963-2021). Montréal : Québec / Amérique, 618 p..
Kahl, Georges. 1989. Guy Rocher : Entre les rêves et l'histoire. Entretiens avec Georges Khal. Montréal : VLB éditeur, 232 p..
Lemay, Violaine et Karim Benyekhleh. 2014. Guy Rocher : Le savant et le politique. Montréal : Presses de l'Université de Montréal, 243 p..
Rocher, Anne-Marie. 2002. Guy Rocher : Un sociologue militant. VHS. Productions Testa et le Centre de Banff.
Rocher, François. 2010. Guy Rocher : Entretiens. Montréal : Boréal, 243 p..
Saint-Pierre, Céline et Jean-Philippe Warren (dir.). 2006. Sociologie et société québécoise : Présences de Guy Rocher. Montréal : Les Presses de l'Université de Montréal, 319 p. ;

Le potentiel radical inexploré du NPD
 
		L'historien Ian McKay discute du défi du NPD face au libéralisme canadien et à sa propre dérive centriste, et de ce qu'il pourrait faire pour saisir son potentiel transformateur
5 septembre 2025 | tiré du site The Breach media
La course à la direction du Nouveau Parti démocratique (NPD) a officiellement été lancée cette semaine. Après avoir subi une défaite écrasante aux élections d'avril, le NPD a perdu son statut de parti et a été réduit à seulement sept député·e·s, son chef Jagmeet Singh démissionnant immédiatement.
Quelle est la prochaine étape pour le parti ? Quelles leçons son histoire offre-t-elle ? Sa dérive centriste des dernières décennies est-elle irréversible ? Ou bien possède-t-il, comme l'avance l'historien Ian McKay, une « possibilité radicale » encore non réalisée ?
D'ici la fin mars 2026, lorsque la course à la direction se conclura, nous aurons peut-être quelques réponses.
McKay, professeur émérite à l'Université McMaster, est l'un des historiens de gauche les plus incisifs du Canada. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Rebels, Reds, Radicals : Rethinking Canada's Left History, Radical Ambition : The New Left in Toronto, et Warrior Nation : Rebranding Canada in an Age of Anxiety.
Martin Lukacs s'est entretenu avec McKay pour The Breach Show, et l'entrevue a été complétée par une correspondance par courriel.
The Breach (Martin Lukacs) : Donnez-nous un aperçu général du terrain politique canadien auquel un parti comme le NPD est confronté, que vous analysez depuis longtemps comme « l'ordre libéral » résilient du pays.
Ian McKay : Ma position est que le Canada est un ordre libéral. Par là, je ne veux pas seulement dire que les partis libéraux sont, depuis les années 1840, nos seuls partis fédéraux au pouvoir (même si cela en dit déjà long). Je veux dire que l'idéologie libérale, pénétrée par les valeurs capitalistes, façonne de nombreux détails de nos vies.
Le mot « libéral » est bien sûr contesté. Aux États-Unis, depuis les années 1930, il a été confusément appliqué à toute personne cherchant une version plus humaine du capitalisme. En Europe, il conserve davantage son sens originel de philosophie politique où l'individu est la fin ultime. Historiquement, le Canada s'est rapproché de ce second sens. Dans les deux versions, toutefois, les liens entre capitalisme et libéralisme sont évidents.
Nous, Canadiens, grandissons généralement avec un idéal « d'individualisme possessif », terme forgé par l'économiste politique C.B. Macpherson. Notre estime de nous-mêmes est liée à la quantité de biens que nous accumulons et au prestige social qui l'accompagne. Cet imaginaire idéologique façonne autant les petits détails de nos vies que le cadre global de notre politique. Nous sommes très matérialistes, dans un sens grossier d'accumulation toujours croissante. Nous considérons la propriété—surtout la nôtre—comme sacrée. Nous nous disons que c'est la juste récompense de notre dur labeur. Et nous faisons généralement abstraction de toutes les façons dont l'État et l'ordre social ont rendu possible pour certains d'entre nous de devenir de tels « individus autonomes », ainsi que de toutes les raisons structurelles (comme le colonialisme) qui empêchent d'autres de le faire.
Ainsi, toute suggestion d'interférer avec les « droits de propriété »—et ici les guillemets sont essentiels—suscite une résistance farouche, même si, au fond, nous réalisons que, à l'ère du capitalisme d'entreprise, l'idée que le travail acharné mène à la sécurité et à la prospérité est dépassée. Aujourd'hui, on peut travailler dur toute sa vie et ne jamais gagner autant qu'un ploutocrate en un après-midi. Et ce ploutocrate a souvent bénéficié d'un avantage initial grâce à l'héritage, aux bonnes écoles et aux bonnes connexions.
Ou, comme dirait Antonio Gramsci, l'individualisme possessif est hégémonique. Nos relations entre nous et avec la nature en viennent à paraître immuables. Même si, à un certain niveau, vous désapprouvez cet individualisme acquisitif—pour des raisons religieuses ou philosophiques—vous n'avez pratiquement pas d'autre choix que de vous y conformer dans votre vie quotidienne.
Mais voici le problème. Ce système d'hypothèses sociales, ce culte de l'accumulation de biens, ce régime de prestige et de pouvoir, et les rapports sociaux capitalistes qu'il incarne, mènent l'humanité à un effondrement civilisationnel. Ainsi, comme l'a dit prudemment Macpherson et comme l'a affirmé Gramsci, nos notions de propriété, de liberté et d'individualisme doivent être repensées, jusque dans nos présupposés les plus fondamentaux sur le monde social. La tâche de toute gauche sérieuse, et de tout parti véritablement de gauche, n'est pas d'accepter le statu quo, le capitalisme et l'ordre libéral, mais de les critiquer, les contester et les remplacer.
The Breach : Dans l'introduction d'une excellente anthologie sur le CCF-NPD intitulée Party of Conscience, vous décrivez le NPD comme représentant, au mieux, « une possibilité radicale partiellement réalisée » qui a atténué cet individualisme débridé dont vous parlez. Mais il a aussi souvent succombé à une révolution passive libérale où toutes les tendances véritablement démocratiques et radicales sont réduites au plus petit dénominateur électoral commun et absorbées par un Parti libéral toujours adaptable. Pouvez-vous expliquer les façons dont il a atténué cet individualisme débridé et celles dont il y a succombé ?
Ian McKay : Les grandes réalisations du mouvement de gauche au XX ? siècle—j'entends par là les sociaux-démocrates, les communistes et les mouvements sociaux égalitaires en général, unis par leur volonté de dépasser les rapports sociaux capitalistes—sont : les syndicats industriels, la santé publique, l'éducation publique, l'assurance-maladie, certaines mesures de sécurité sociale, la reconnaissance et la défense des droits des nations opprimées, l'écosocialisme, et l'égalité des genres et des sexualités. Toutes ces avancées ne devraient ni être dénigrées ni minimisées.
Mais à cause de la puissance durable de l'individualisme possessif et du capitalisme, chacune de ces avancées a été, avec le temps, intégrée et rendue relativement inoffensive par l'ordre libéral dominant. Prenons le cas du mouvement ouvrier. Des gens—y compris une légion de communistes de base et de socialistes radicaux—se sont battus, et certains sont morts, pour les syndicats au Canada. Comme historien du travail, je pense ici aux mineurs de charbon, mais il y en a bien d'autres. Ces luttes ont changé les choses. Les enfants de huit ans ne descendent plus dans les mines, des mesures de sécurité industrielle existent, et les travailleurs harcelés par leur patron peuvent faire appel à un représentant syndical. Avec le temps, les libéraux—farouchement et logiquement anti-syndicaux au départ, car les syndicats portaient directement atteinte aux « droits de propriété »—ont fini par accepter le syndicalisme, sous peine de voir l'ordre capitaliste sombrer dans le chaos. Les syndicats sont ainsi devenus de plus en plus respectables légalement. Nous n'attendons plus que des mitrailleuses soient pointées sur les grévistes—du moins pas au Canada, et pas en 2025.
Mais l'ordre libéral a exigé un prix pour ces avancées. Les syndicats sont devenus intensément légalistes. Aujourd'hui, il faut un avocat pour naviguer à travers les subtilités d'une convention collective moyenne. Les grèves existent toujours, mais contrairement aux grands moments de lutte systémique du passé ouvrier—les grandes grèves en Nouvelle-Écosse de 1909-1911 et 1921-25, la grève générale de Winnipeg en 1919, les luttes du CIO de 1937 à 1946, les luttes du Front commun au Québec dans les années 1970—elles tendent à être plus localisées et limitées. Elles portent rarement des revendications remettant en cause le système. Les syndicats défendent de plus en plus leurs intérêts corporatifs étroits sous un régime de « légalité industrielle ».
Un autre exemple de révolution passive est le système de santé public canadien, fruit en grande partie du CCF en Saskatchewan, qui a jeté les bases du régime pancanadien que nous connaissons aujourd'hui. Ce fut un défi énorme à l'individualisme possessif. Il signifiait que des individus « autonomes » ne pouvaient plus s'enrichir sur le dos des malades, des personnes fragiles et âgées. Il avait une portée universelle. Aujourd'hui, comparé aux États-Unis, un infarctus ou un diagnostic de cancer ne vous mènera (généralement) pas à la faillite au Canada. Si les socialistes n'avaient pas lutté âprement pour cette conquête de 1944 à 1962, traités de fanatiques délirants avides de priver les individus de leurs droits et libertés, les libéraux étant à la pointe de l'attaque, aucun de ces acquis ne ferait partie de la vie canadienne.
Mais regardez comment la santé publique universelle a été minée de l'intérieur par les intérêts corporatifs et l'individualisme. Les compagnies pharmaceutiques, les médecins et administrateurs grassement rémunérés, les hôpitaux fonctionnant comme des entreprises—ce qui semblait à beaucoup de socialistes être la conquête d'un droit humain fondamental a été progressivement affaibli par des libéraux prêchant la concurrence et pratiquant l'austérité. La pandémie récente a révélé, par exemple, à quel point les conservateurs acquisitifs et affairistes, dont une belle brochette de ténors conservateurs ontariens, ont remodelé les conditions de vie des personnes âgées, qui ont souffert et sont mortes en masse au Canada parce que les concepts égalitaires de soins universels de santé et aux aînés n'ont jamais vraiment été concrétisés.
De cette manière, et bien d'autres encore, l'ordre libéral absorbe, à petites doses homéopathiques, des éléments de l'égalitarisme socialiste. Mais une fois digérés, on ne reconnaît plus vraiment ce qui, à l'origine, constituait un défi radical à l'individualisme possessif. Ces acquis sont, pour ainsi dire, modifiés au point de devenir méconnaissables. Voilà, selon moi, la logique d'une révolution passive libérale. Et c'est la logique des deux grands partis libéraux du Canada—les Conservateurs (qui étaient il y a un siècle les Libéraux-Conservateurs) et les Libéraux (anciens Réformistes)—les seuls partis qui ont gouverné au niveau fédéral.
Regardez notre récente élection fédérale de 2025. Le NPD a subi une défaite historique—6,3 % du vote populaire, perdant son statut de parti officiel, son pire résultat de mémoire d'homme. Pourquoi ? Essentiellement parce que les partisans du NPD ont déserté en masse pour rejoindre le Parti libéral, vu comme un rempart contre Poilievre et l'extrême droite. Résultat : un Parti libéral pro-entreprises dirigé par un banquier central élu grâce aux votes de millions d'électeurs de gauche. C'est comme si l'ancienne boutade du premier ministre Mackenzie King (ce maître libéral des arts de la révolution passive), selon laquelle les CCF-NPDistes n'étaient que des « libéraux pressés » et non engagés dans la construction d'un nouvel ordre social, se voyait confirmée. Difficile de déceler, dans la dernière campagne électorale du NPD, la moindre remise en cause de l'ordre dominant. J'y vois la démonstration que les élites du NPD sont devenues elles-mêmes des partisanes de l'ordre libéral établi—et les socialistes démocratiques restés au sein du parti en ont payé le prix fort.
Le libéralisme, au sens large, érige l'individualisme possessif en religion séculière. Nous vivons dans une société où, à grande comme à petite échelle, l'individualisme possessif est omniprésent. C'est l'un des schémas les plus persistants de l'histoire politique canadienne. Le prix à payer pour ignorer cette réalité, ou y souscrire implicitement, c'est de perdre la raison d'être fondamentale du NPD. Voilà la leçon de 2025.
Il me semble que cette question de savoir comment l'ordre libéral, au sens large, doit être contesté remonte à la fondation même de la CCF. On considère généralement, dans l'histoire dominante, que la CCF a toujours été composée de sociaux-démocrates guidés principalement par des intellectuels de la classe moyenne, de tempérament modéré, qui fuyaient le radicalisme. Mais des travaux historiques récents ont révisé cette histoire des origines pour inclure des militants socialistes issus de la classe ouvrière et d'inspiration marxiste, qui ont tenté de créer un mouvement ancré dans des principes socialistes, tout en cherchant à obtenir un large soutien. Pouvez-vous en parler ?
Ian McKay : James Naylor, dans son livre The Fate of Labour Socialism, a vraiment, à mon sens, fait un travail brillant en montrant à quel point cette vision dominante de la CCF est limitée. Bien sûr, cette vision rend compte d'une partie de l'histoire du parti — les professeurs d'université issus de la classe moyenne, certains partisans modérés de l'Évangile social chrétien, tout un éventail de réformateurs sérieux de la classe moyenne. Mais ce qu'elle omet, comme le montre Naylor, c'est la force persistante d'un socialisme ouvrier défendant une alternative post-capitaliste. Comme le souligne Naylor, le Regina Manifesto, déclaration fondatrice de la CCF en 1933, reflète en grande partie l'influence des réformateurs de la classe moyenne sur le parti.
J'ai personnellement un faible pour ce Manifeste — il n'existe pas beaucoup d'autres manifestes socialistes dans le monde qui insistent sur la nécessité de passages à niveau ferroviaires, et son côté terre-à-terre et pragmatique reflète la volonté de répondre à des problèmes immédiats. Nous voulons acheminer nos récoltes vers le marché, bon sang ! Mais regardez la conclusion du Manifeste, qui déclare que nous ne nous reposerons pas tant que le capitalisme n'aura pas été éradiqué. Cela semble en décalage avec le reste du texte. Comme Naylor l'explique très bien, cela révèle en réalité la tension qui traversait le parti. Les socialistes ouvriers étaient trop faibles à Regina — voyager jusque-là leur coûtait cher, entre autres — pour imposer l'orientation de l'ensemble du Manifeste. Mais ils étaient assez forts pour exiger cette phrase finale percutante. Elle reflétait leur conviction (et la mienne) que le capitalisme, en tant que système, est cruel, irrationnel et qu'il appelle à être dépassé. Il existait — et il continua d'exister — un noyau de radicalisme au sein de la CCF que les récits dominants ont tendance à balayer sous le tapis ou à présenter comme l'œuvre d'excentriques inadaptés.
Comment analyseriez-vous l'évolution du parti dans les années 1940 et 1950 ?
Ian McKay : Les années 1940 furent une décennie charnière. Les communistes, qui constituaient une force puissante dans les années 1920 et 1930 — bien plus démocratique et enracinée à la base qu'on ne s'en souvient généralement — perdirent la lutte pour l'hégémonie à gauche, en partie, ironiquement, parce que la CCF avait appris d'eux de nombreuses techniques d'organisation et les avait dépassés sur leur gauche. Globalement, je pense que la CCF fut prise en main par une direction très issue de la classe moyenne dans les années 1940. Grâce à un excellent livre de J.F. Conway, The Prairie Populist : George Hara Williams and the Untold Story of the CCF, nous comprenons beaucoup mieux comment une partie des militants de la CCF, qui imaginaient un parti contestant les rapports de propriété capitalistes dans les campagnes, furent écartés par une direction plus centriste. Sous M.J. Coldwell, puis Tommy Douglas, le parti se rapprocha de plus en plus de positions libérales de gauche et recruta surtout dans les classes moyennes. Il s'engagea fortement dans la Guerre froide, y compris en soutenant la guerre de Corée, en partie pour affaiblir les communistes.
Mais même en dehors de ces lignées socialistes ouvrières marginalisées, il subsistait encore des éclats de socialisme affirmé. Make This Your Canada, publié en 1943 par Frank Scott et David Lewis — ce dernier étant une figure partagée entre le socialisme ouvrier et la Ligue pour la reconstruction sociale, plus bourgeoise, et qui fournit une direction intellectuelle à cette prise en main par la classe moyenne — imaginait un Canada gouverné par une planification socialiste. Incroyablement, ce n'est pas Occupy Wall Street qui inventa l'expression « les 99 % contre le 1 % », mais bien Scott et Lewis. Le livre se vendit à des dizaines de milliers d'exemplaires et fut un best-seller de son époque, étudié par les militants de la CCF à travers tout le pays.
Ian McKay : Oui, Make This Your Canada est un livre vraiment surprenant pour ceux qui adhèrent à l'idée que la CCF n'aurait été qu'un mouvement modéré, désintéressé de toute remise en cause du capitalisme, car l'hypothèse de base qui traverse le livre est que l'État doit gérer l'industrie.
On peut imaginer des exceptions où l'État ne s'en chargerait pas, mais l'essentiel de Make This Your Canada repose sur un État parlementaire socialiste efficace. Les auteurs rendaient hommage aux « labeurs titanesques » de Marx, et on les voit encore plaider pour un Canada socialiste dans lequel la propriété publique serait la norme. C'est sur la base de cette déclaration programmatique que la CCF obtint de bons résultats au milieu des années 1940. Le message résonnait bien, en particulier auprès des soldats — un sondage montra que la CCF devançait à la fois les libéraux et les conservateurs. C'est un livre frappant pour qui croit au récit dominant sur la CCF.
Dix ans plus tard, ce message socialiste avait été largement étouffé dans le parti.
Pourquoi ? D'abord, à cause d'une vaste campagne de peur après la Seconde Guerre mondiale, menée par les partis libéraux, soutenus par un bataillon de capitalistes influents, qui convainquirent de nombreux électeurs qu'un vote socialiste équivalait à un « suicide social » (pour reprendre le titre d'un de leurs pamphlets les plus célèbres et diffusés). Selon eux, si vous votiez pour la CCF, tout allait changer : vous ne pourriez plus prier dans vos églises, les familles seraient détruites, les femmes maltraitées par les praticiens de santé publique, l'Armée rouge occuperait Ottawa — et ainsi de suite. Cette propagande porta ses fruits, et on en retrouve encore aujourd'hui des échos dans les discours de la droite. La Guerre froide réduisit un mouvement communiste autrefois influent à un noyau pro-soviétique résiduel. De plus, le niveau de vie s'éleva pour beaucoup dans les années 1950 et début 1960.
À bien des égards, la CCF et son successeur, le NPD, sont devenus, dans les années 1950 et jusque dans les années 1960, une sorte de parti keynésien de gauche libérale. Le sens commun de l'époque était que la gestion keynésienne de la demande avait résolu les contradictions de l'économie capitaliste. Tous les discours sur le socialisme, la classe ouvrière et la propriété publique — toutes les notions de remplacement systémique du capitalisme — en vinrent à être considérés comme des antiquités du passé.
Dans ce contexte, le succès du gouvernement de la CCF de la Saskatchewan à mettre en place l'assurance-maladie, malgré les nombreux défauts de ce régime — surtout sur les questions autochtones et environnementales — fut exceptionnel, le produit de certains dirigeants qui firent de l'accès égal aux soins de santé une question de principe. Un Parti libéral fédéral en difficulté emprunta cette idée socialiste, l'édulcora et la revendiqua comme sienne. Avec le temps, bien sûr, les libéraux la trahirent à maintes reprises, le Parti libéral contemporain menant même la plus brutale attaque contre elle au milieu des années 1990.
Dans l'ensemble, il y eut un glissement marqué du parti vers la gestion du capitalisme, et non son renversement. La Déclaration de principes de Winnipeg ne dit presque rien sur la classe ou le conflit de classes. Les premiers pas vers le Nouveau Parti démocratique déroulèrent le tapis de bienvenue à tous les « Canadiens d'esprit libéral ».
Je pense donc qu'à la fin des années 1960, le NPD était un parti plutôt modéré. Ed Schreyer arriva au pouvoir au Manitoba comme premier ministre élu sous la bannière du NPD. Son gouvernement mit en place l'assurance automobile publique, qui resta une revendication constante du NPD des années 1960 aux années 1990 (symptôme du profond libéralisme du NPD de Bob Rae qui, après avoir fait campagne élection après élection sur cette base, abandonna même ce principe central). Dans l'ensemble, toutefois, le gouvernement Schreyer fut très modéré, et Schreyer lui-même reçut sa grande récompense des libéraux — la fonction de gouverneur général.
Nous voilà donc dans les années 1960, période de turbulences et de guerres impériales brutales, de nouvelles mouvances de gauche en effervescence, et de la contestation la plus connue de l'orientation du NPD : le Waffle. Parlez-moi de la façon dont vous percevez cela, avec plusieurs décennies de recul.
Ian McKay : Par souci de transparence, je devrais dire qu'au lycée, j'étais un membre mineur du Waffle, j'ai assisté au congrès de 1971 et milité pour Jim Laxer, le candidat du Waffle à la direction, qui força David Lewis jusqu'au quatrième tour de scrutin. Je garde encore de la sympathie pour ce mouvement. J'admirais Mel Watkins, l'autre dirigeant en vue du Waffle, et je suis devenu ami avec John Smart, figure clé en Ontario et (assez ironiquement) mon étudiant diplômé. Je ne suis pas un commentateur neutre. Un « Canada socialiste indépendant », slogan central du Waffle, est une idée que je défendrais encore aujourd'hui. Je n'ai joué aucun rôle important dans le mouvement, mais je l'ai vu — et je le vois toujours — positivement.
Comme historien de la gauche, cependant, je pense aussi qu'il est important d'évaluer les mouvements de gauche, y compris — peut-être surtout — ceux que nous favorisons, à la fois avec sympathie et avec réalisme. Dans ce cas, j'ai de la sympathie pour la façon dont le Waffle a capté une part de l'élan radical de la Nouvelle Gauche, que Peter Graham et moi, dans notre livre Radical Ambition : The New Left in Toronto, décrivons comme centré sur des principes tels que l'autogestion, la libération nationale et la communauté — et comment, un temps, il a réussi à faire percer l'idée d'un Canada socialiste indépendant à travers le blocus imposé par les médias libéraux canadiens contre les idées radicales.
Mais je suis aussi critique. Prenons le Manifeste du Waffle, débattu à Winnipeg à la fin des années 1960. Consultez-le en ligne, et vous verrez qu'il est rédigé de manière rigide, rempli de slogans, avec un anti-américanisme superficiel se substituant à une analyse du capitalisme mondial. Quand je l'ai relu récemment, je me suis dit : Vraiment ? C'est le mieux que nous pouvions faire ? Il n'y a rien sur les peuples autochtones, l'antiracisme, les femmes, les luttes LGBTQ+. Même sur le Québec, où le Waffle allait plus tard faire un travail important, le Manifeste semble prisonnier d'un modèle de « deux nations » hérité des libéraux et des conservateurs.
Ce qu'on oublie facilement, c'est que le Manifeste faisait partie d'un processus — et pas la partie la plus importante, à mon avis. La CBC a réalisé un documentaire fascinant sur la réunion fondatrice du Waffle, qui nous présente certaines de ses figures les plus importantes. Cela m'a révélé à quel point le document fut un travail bâclé, conçu pour frapper les esprits lors d'un congrès du NPD. Mais cela a aussi biaisé notre perception globale du mouvement, en donnant l'impression d'un cercle d'universitaires masculins complotant dans le salon torontois de Gerald Caplan. En réalité, le Waffle s'avéra bien plus ambitieux, inclusif et impressionnant que ne le laissent croire le Manifeste et ce documentaire. Il y eut de nombreux « mouvements Waffle » à travers le pays.
Par exemple, on pourrait croire — en voyant le documentaire et en lisant certains écrits — que le Waffle fut une affaire exclusivement masculine. Mais les femmes du Waffle furent une force avec laquelle il fallait compter. Elles menèrent de nombreuses campagnes, autour du droit à l'avortement et de l'égalité salariale. Elles défièrent les mouvements syndicaux rétrogrades et les NPD provinciaux sur la question des droits des femmes. Elles imposèrent l'idéal de la parité des sexes dans les principaux comités du parti, une proposition extrêmement contestée en 1971 et qui devint une pratique acceptée par le parti dès la décennie suivante. Le féminisme socialiste acquit au Canada une force supérieure à celle de bien d'autres régions du monde, avec des résultats durables.
De même, le silence du Manifeste du Waffle sur les enjeux autochtones ne doit pas être vu comme représentatif du mouvement. En Saskatchewan, les militants du Waffle mirent l'accent sur les droits autochtones, et Mel Watkins joua un rôle clé pour faire connaître la résistance autochtone au pipeline de la vallée du Mackenzie.
L'impression donnée par certains écrits est que le Waffle fut un phénomène éphémère centré en Ontario, sans réelle portée. La nouvelle historiographie suggère le contraire (et j'aimerais ici saluer une thèse de David Blocker à l'Université Western et les travaux de Roberta Lexier à l'Université Mount Royal, deux grandes contributions à la recherche). Elle montre que les expériences du Waffle variaient selon les régions. En Ontario, les militants du Waffle furent expulsés en 1972 à la demande de la direction du parti, inquiète des menaces venant des syndicats « internationaux » (c'est-à-dire basés aux États-Unis) dont le parti dépendait financièrement. Le Waffle avait commencé à s'implanter dans les mouvements ouvriers de certains endroits — Hamilton, Toronto, Sudbury, et même ma ville natale, Sarnia — ce qui agaça visiblement plusieurs figures syndicales puissantes.
Mais Blocker montre surtout qu'à travers le pays, les expériences furent diverses. Si, en Ontario, les militants du Waffle voulaient rester dans le parti et résistèrent à leur expulsion, au Manitoba et en Saskatchewan, ils s'éloignèrent du NPD dominant et ne se considéraient pas comme liés organiquement à lui. En Colombie-Britannique, selon Blocker, les militants du Waffle entrèrent tout simplement dans le parti et ne furent pas expulsés. Au Nouveau-Brunswick, le parti provincial passa sous le contrôle d'une direction liée au Waffle, ce qui alarma tellement le NPD fédéral qu'il reconstitua inconstitutionnellement le parti provincial d'en haut. Au Québec, l'insistance des militants du Waffle sur l'autodétermination créa des liens avec l'aile gauche du Parti québécois, et il n'est pas exagéré de dire que la position actuelle du parti sur le droit du Québec à tracer sa propre voie dans (ou hors de) la Confédération s'appuie sur des positions du Waffle des années 1970.
En somme, le récit établi — selon lequel l'expulsion du Waffle en Ontario en 1972 marqua la fin de son histoire — paraît de moins en moins convaincant. Le mouvement fut plus complexe et plus significatif à long terme qu'on ne l'avait d'abord imaginé.
Et certains enjeux de l'époque, comme la montée d'un nationalisme de gauche en réaction à l'impérialisme américain, semblent aujourd'hui revenir sur le devant de la scène.
Oui, et je pense que cela nous dit deux choses : d'abord, à quel point il est important de saisir cette histoire de façon précise et détaillée. Ensuite, à quel point le NPD a changé à partir des années 1990. Avant cela, le NPD mettait beaucoup l'accent sur l'indépendance canadienne, notamment en luttant pour un nouveau type de politique énergétique. Une chose que Blocker souligne, et que j'ai été stupéfait de découvrir, est que le NPD de l'Ontario avait officiellement approuvé lors d'un congrès la nationalisation d'Imperial Oil, une revendication du Waffle.
Je ne savais pas cela !
Ian McKay : Moi non plus, je ne le savais pas, avant de le découvrir dans son travail. L'évaporation de ce principe fondamental de la gauche — à savoir que nous contestons la propriété des grandes entreprises et la politique qui l'accompagne — aide à expliquer la parodie actuelle d'un premier ministre conservateur en Ontario et de l'ancien gouverneur de la Banque d'Angleterre à Ottawa se faisant passer pour le « Capitaine Canada ». Leurs partis respectifs ont défendu depuis des décennies l'intégration économique continentale capitaliste. Nous récoltons maintenant les fruits de leurs politiques. Le NPD devrait élaborer un mouvement de résistance populaire contre la prise de contrôle du Canada et dénoncer l'hypocrisie flagrante des partis libéraux dont les politiques nous ont conduits à notre situation actuelle de dépendance abjecte vis-à-vis de l'Empire américain.
Tu as déjà évoqué l'un des gouvernements provinciaux néo-démocrates des années 1970. Mais il semble vraiment que dans les années 1990, le NPD ait été confronté à un déclin de la capacité fiscale de l'État, à une rupture de ses liens avec la classe ouvrière, amorçant ainsi ce qui allait s'accélérer en une capitulation plus complète au néolibéralisme. Les conséquences furent nombreuses, mais au cours des années 2000, Brad Lavigne, l'un des principaux conseillers de Jack Layton puis brièvement de Mulcair, décrivait le parti comme ayant abandonné « les grands projets pour de petites choses faisables ».
Ian McKay : L'exemple classique ici est le gouvernement Bob Rae. Il est arrivé au pouvoir avec une majorité en 1990 (avec seulement environ 37 % des voix). Ils ont remporté le pouvoir sur un programme traditionnel du NPD — assurance automobile publique, etc. Ils ont instauré certaines bonnes mesures, comme une loi anti-briseurs de grève. Mais dès le tout début, ils ont été confrontés à une catastrophe économique : un Ontarien sur dix sans emploi, l'effondrement des grandes industries, et une dette provinciale qui inquiétait Wall Street. Après avoir expérimenté des approches keynésiennes de gauche, que les grands médias torontois ont fustigées, le gouvernement s'est tourné vers l'austérité. Il n'a pas réussi à maintenir son alliance avec le mouvement syndical et a même piétiné les droits de négociation collective.
En essence, il est passé de la social-démocratie au néolibéralisme. The Left in Power de Steven High, qui vient de paraître chez Between the Lines, offre une interprétation subtile et puissante de ce moment. Il va bien au-delà du Rae-bashing pour explorer les dilemmes structurels de son gouvernement, qui comptait à la fois quelques socialistes honnêtes et la cohorte habituelle d'opportunistes et de renégats.
Ce débâcle était un signe des temps. Partout au Canada, les néo-démocrates, même ceux officiellement opposés aux nouvelles orthodoxies néolibérales, en sont venus à les adopter eux-mêmes. En Saskatchewan, le régime a même supprimé de nombreux hôpitaux ruraux, ce qui a grandement contribué à miner son soutien dans les campagnes. En Alberta, le gouvernement néo-démocrate s'est adapté plutôt que de remettre en cause radicalement une économie fondée sur les combustibles fossiles, complice du changement climatique mondial. Les gouvernements néo-démocrates du Manitoba et de la Saskatchewan ont mis en place des programmes d'austérité néolibérale semblables à ceux imposés par les régimes conservateurs et libéraux ailleurs. Le gouvernement néo-démocrate de Darryl Dexter en Nouvelle-Écosse, obsédé par le déficit et limité à un seul mandat, s'est conformé essentiellement à ce modèle.
Pour un partisan constant d'un Canada socialiste indépendant, ces compromis étaient décourageants. Ils révélaient les limites d'un socialisme parlementaire dépendant du capitalisme. Dans tant de cas, les gouvernements néo-démocrates se débattaient d'urgence en urgence — et il n'y avait pas, et il n'y a toujours pas, d'analyse globale sur la manière de répondre aux crises récurrentes du capitalisme d'une façon qui aille au-delà de l'atténuation de leurs conséquences. Steven High a une belle formule à propos de la « brume du pragmatisme ». Et une fois la brume dissipée, ce sont toujours les mêmes classes possédantes qui dirigent, comme elles l'ont toujours fait. Pas étonnant que tant de jeunes, condamnés à des vies de précarité permanente, aient si peu de foi dans le parti. Ils sentent bien que toutes les belles paroles ne changeront pas vraiment les réalités de leur existence.
Je soulignerais aussi le début de l'émergence d'un nouveau type d'opérateur néo-démocrate dans cette même décennie. Un professionnel hautement spécialisé de la politique qui, parfois en travaillant dans des firmes privées à but lucratif comme celles qui se sont formées au Manitoba au milieu des années 1990, est devenu membre d'une plus large coterie de consultants, spécialistes en communication et agences de publicité servant de tapis roulant à la politique néolibérale blairiste de la troisième voie. Leur paradigme est recyclé encore et encore dans toutes les campagnes provinciales et fédérales subséquentes du NPD.
Ian McKay : C'est un très bon point. On pourrait dire : « de Tommy Douglas au télémarketing ». Je pense qu'une fois que le NPD commence à se voir comme un parti qui joue simplement le même jeu que les autres, il veut naturellement gagner ce jeu. Comment y parvenir ? Eh bien, on engage des experts qui organisent des groupes de discussion, adaptent les publicités et élaborent des stratégies persuasives sur les réseaux sociaux — et ainsi de suite. Au bout du compte, le parti ne se distingue plus vraiment des autres partis.
Rae et Mulcair sont tous deux des symptômes de ce tournant loin d'une véritable alternative de gauche. J'ai presque apprécié Mulcair dans son rôle d'imitation de Perry Mason à la Chambre des communes, mais quelqu'un se souvient-il maintenant des scandales qu'il dénonçait si obsessionnellement ? Peut-on citer un discours de Jagmeet Singh qui remet en cause le système ? Ces figures ont été absorbées sans douleur par le système — un reflet du schéma persistant de la révolution passive libérale. L'histoire du CCF-NPD compte une longue liste de telles figures, exemples individuels de la révolution passive en action.
J'ajouterais que ceux qui se trouvent à la gauche de ce consensus néolibéral portent une certaine responsabilité dans cette situation désastreuse. Les intellectuels de gauche depuis les années 1980 — en économie politique, histoire, sociologie, études culturelles, théorie féministe — ont produit un travail important (puisque j'en fais partie, je suppose que je suis bien placé pour le penser). Mais, en partie à cause de la disparition du Waffle, en partie à cause de leurs façons de parler souvent obscures, ils ne parviennent généralement pas à atteindre les masses de travailleurs.
L'attaque actuelle contre le « marxisme culturel » est menée par des gens qui ont inventé un croquemitaine sur la base d'une absence totale de compréhension de la tradition qu'ils diffament. Mais leur message toxique trouve un écho parce que, dans une large mesure, les marxistes ont passé les quarante dernières années à se parler entre eux. Ils s'expriment souvent dans un langage qui dit en gros : « Nous ne sommes pas comme vous. »
La gauche a perdu sa capacité à parler aux gens ordinaires. Elle doit la retrouver. Et je ne parle pas de cette façon simplifiée de propagande néo-démocrate — « les gens comptent davantage, nous nous battons pour vous », etc. J'appellerais tout cela des formulations sans cerveau. Je parle de réellement comprendre où en sont les travailleurs aujourd'hui, de vraiment le saisir et de ne pas leur parler de haut.
Le résultat d'un NPD accommodant envers le néolibéralisme et d'une gauche inefficace est un sentiment généralisé que personne dans la politique fédérale n'est vraiment capable de faire une quelconque différence. Ayant abandonné les principes fondamentaux qui sous-tendaient le CCF et que le Waffle avait ravivés, les néo-démocrates traditionnels peinent à expliquer pourquoi les gens devraient voter pour eux et non pour les libéraux. Pourquoi s'attarder auprès de personnes qui ne savent pas qui elles sont et qui, au bout du compte, semblent tout à fait disposées à passer chez les libéraux chaque fois que cela leur convient ? La tragédie est qu'un tel conformisme ne nous aide pas à changer les dynamiques d'un système qui nous pousse tous vers une catastrophe multidimensionnelle — une « crise organique » de l'ordre établi, pour citer Gramsci. Cela nous détourne du travail de compréhension et de maîtrise de cette crise.
Parlez un peu de ce qu'est l'héritage, même dans l'histoire de la CCF et du NPD, en ce qui concerne ce travail intellectuel et culturel. Parce que je pense que vous avez vous-même souligné qu'à différentes époques — avec le socialisme ouvrier des années 1930, avec la pensée oppositionnelle des années 1960 qui a mené au Waffle, avec les féministes socialistes des années 1980 — il y a eu des moments d'effervescence intellectuelle. Qu'est-il advenu de tout cela ?
Ian McKay : L'un des grands mérites d'une lecture sérieuse, non polémique et réaliste de l'histoire de la gauche est qu'elle montre que, confrontés à leurs propres crises déchirantes du capitalisme, les militants de gauche au Canada ont souvent créé de puissants mouvements anticapitalistes. Au plus fort de la Grande Dépression et de la guerre froide, ils ont persévéré. Ils méritent d'être respectés comme nos ancêtres collectifs.
énération après génération, les militants de gauche au Canada nous ont légué de précieuses ressources de pensée et de lutte. Il est facile de sous-estimer la première génération des années 1890-1920, dont beaucoup concevaient le socialisme comme une science évolutive de la transformation et se considéraient comme des révolutionnaires. Ils ont fondé des revues, produit des livres et aidé à organiser des grèves massives. La deuxième vague de socialistes a été fortement influencée par la Révolution russe — et tous n'étaient pas membres du Parti communiste, loin de là. La troisième, incarnée par la CCF, s'est attachée à transformer les États canadiens existants et à les développer comme instruments de réorganisation de la société. La quatrième et la cinquième — la Nouvelle Gauche et les nouveaux mouvements sociaux — ont travaillé à partir des idées de libération sociale et personnelle face aux contraintes de la société capitaliste.
Puis est arrivé le néolibéralisme. Et le néolibéralisme n'est pas seulement une technique d'économie politique : c'est en réalité une philosophie totalisante et envahissante de la vie — un individualisme possessif dopé aux stéroïdes. Lorsqu'il a commencé à s'imposer au Canada, en grande partie à l'instigation des partis libéral et conservateur, mais ironiquement aussi avec l'aide de gouvernements provinciaux néo-démocrates, il est devenu difficile d'imaginer une gauche cohérente et théoriquement ambitieuse. Nous ne repartons pas de zéro — toutes ces générations passées de militants ont beaucoup à nous enseigner — mais nous devons imaginer une nouvelle formation de gauche au Canada, capable de défier le néolibéralisme tant sur le plan national que mondial.
C'est difficile, étant donné la puissance du néolibéralisme — qui est en essence un programme cohérent et systématique de démobilisation puis de destruction du mouvement ouvrier et de la gauche. Le système a cette capacité de normaliser ce qui ne l'est pas : une planète à l'agonie, une ploutocratie gavée face à des travailleurs réduits à des vies de misère, et même un génocide en cours défendu au nom de « l'Occident ». Pas besoin d'être marxiste — même si ça aide — pour voir que ces phénomènes étroitement liés constituent tous une menace directe, non seulement pour les travailleurs du monde entier, mais pour la civilisation humaine dans son ensemble. La prochaine formation de gauche devra placer cette menace au cœur de sa politique.
D'un autre côté, on a l'impression qu'aujourd'hui, plus que jamais dans ma propre vie, il existe une tendance culturelle contre-hégémonique et un appétit pour une pensée audacieuse et radicale, anti-corporatiste et anti-néolibérale. Mais il semble que le parti, le NPD, dans son état actuel, n'ait absolument aucune volonté de s'y engager, de l'alimenter, de l'éduquer.
Ian McKay : En effet. Dans son état actuel, le NPD ne fait presque aucun travail sérieux pour analyser le système social ou pour transformer la vision du monde de ses membres. Contrairement à l'époque où la CCF organisait des groupes d'étude consacrés à l'analyse socio-économique, où l'on s'attendait des communistes à étudier sans cesse, ou encore à l'époque où Make This Your Canada exposait avec finesse une politique très différente, le NPD actuel réagit passivement aux crises de l'ordre néolibéral.
Bien sûr, la rhétorique est encore parfois là — les gens avant les profits, mettre la communauté en premier, défendre les familles de travailleurs, etc. Mais si la rhétorique n'est pas suivie d'un travail acharné d'analyse et d'action, elle ne résonne pas. Le parti fait très peu d'éducation. Je n'arrive pas à me souvenir de la dernière fois où j'ai eu l'impression qu'on me présentait un message cohérent du NPD allant au-delà d'une propagande simpliste.
Le parti ne mène pas non plus beaucoup de travail éducatif entre les élections (il y a certaines exceptions notables, comme les campagnes provinciales inspirées du NPD en Nouvelle-Écosse sur la crise du logement). Il n'a aucune présence intellectuelle dans la société civile — pas un seul quotidien reflétant une perspective contre-hégémonique. Ainsi, non seulement il lui manque une vision socialiste cohérente, mais il lui manque aussi le sens qu'il faut transformer la société civile pour obtenir un changement politique durable.
Rien de tout cela ne relève du pessimisme ou du fatalisme. Toutes ces tendances peuvent être combattues. Les formations de gauche passées l'ont fait. C'est un élément encourageant que l'on retrouve dans l'histoire de la gauche.
Au plus fort de la Dépression, alors que des gens étaient abattus pour avoir été au chômage, on a en réalité créé une opposition socialiste efficace et militante. Même chose dans les années 1960 : face au Vietnam, face à toutes les énormités de l'ordre capitaliste libéral, les gens ont massivement répondu et fait une différence significative. Il n'y a aucune raison que cela ne puisse pas se reproduire. Nous devons simplement réapprendre à le faire, encore une fois, en prêtant attention de manière réaliste à notre contexte spécifique et à la manière dont il peut être transformé, dans un exercice que Gramsci appelait la « reconnaissance ».
Quelque chose que vous avez dit avant l'enregistrement m'a frappé : il y avait en réalité beaucoup plus de place pour le débat et la dissidence, même, par exemple, à l'époque où le Waffle était actif, puis en voie d'être purgé, dans les années 1970.
Ian McKay : C'est exact. Il se passait beaucoup de choses dans ce moment du Waffle qui laissent penser que les dirigeants du parti étaient disposés à écouter et à prendre au sérieux sa critique. Par exemple, Stephen Lewis lisait avec une certaine sympathie le Waffle Manifesto avant de devenir le principal adversaire du mouvement. Ed Broadbent était proche du mouvement avant de s'en distancer (et comme je le lui ai rappelé dans une entrevue peu de temps avant sa mort, son professeur Macpherson, à l'Université de Toronto, lui avait sévèrement enjoint de retrouver son anticapitalisme). On avait le sentiment qu'un débat honnête sur les fondamentaux au sein du parti pouvait être une bonne chose.
Je ne retrouve plus cette impression aujourd'hui. Ce que je ressens du parti, c'est une tendance assez autoritaire à faire taire les dissidents potentiels. On pense à Sarah Jama, à Hamilton, expulsée parce qu'elle a été, sur la question de Gaza, une antifasciste prématurée. Ou aux divers candidats du NPD choisis par leurs associations de circonscription et ensuite rejetés par la direction. Il y a dans le parti un autoritarisme inquiétant qui permet aux dirigeants de réprimer les dissidents au lieu de les écouter. Dans un parti véritablement démocratique, on permet aux gens d'être en désaccord avec la ligne du parti et on en débat. On a des discussions franches et claires. Homogénéiser le parti, lui imposer une règle verticale et descendante, c'est le contraire de la démocratie.
À quoi attribuez-vous cela ? Car j'ai souvent souligné que des partis de droite, comme le Parti conservateur, entretiennent souvent une relation plus saine avec leur propre aile droite, en les utilisant comme chevaux de Troie pour déplacer les limites du débat acceptable. Alors que, du côté de la gauche, on trouve une orientation très différente. Est-ce une sorte de résidu du complexe de guerre froide du NPD ?
Ian McKay : Oui, en partie. Et un autre facteur de l'anti-intellectualisme de gauche a été le désintérêt de nombreux théoriciens de gauche pour s'engager avec les gens sur des questions qui comptent directement pour eux, dans un langage qu'ils peuvent comprendre. La montée du néolibéralisme a eu un effet extrêmement fragmentant sur une gauche déjà hétérogène.
Je pense que c'est aussi, et là je suis un peu autocritique, un aspect durable de la culture de gauche, depuis le XIXe siècle en réalité, où si je discute avec vous et que nous ne sommes pas d'accord, je vous déclare essentiellement ennemi, persona non grata, vous devez être expulsé du mouvement, votre nom traîné dans la boue. On voit cela tout au long des polémiques de Marx contre ses adversaires : Anti-Dühring. Mais qui se souvient de Dühring, franchement ? Personne ne s'en rappelle, alors que tout le monde se rappelle du Manifeste… qui fait 400 pages. La gauche a hérité de cette tendance, accentuée par beaucoup des nouveaux mouvements sociaux dans les années 1970. Je pense que c'est très contre-productif.
Les militants de gauche, souvent, à mon expérience, pensent que les gens devraient penser exactement comme eux. Ou ils imaginent que, s'ils accrochent une affiche avec la faucille et le marteau dans la cafétéria universitaire ou qu'ils utilisent certaines déclarations comme « nous, le peuple », ils parlent réellement au nom du peuple. Or, c'était le dilemme tragique classique des partis d'avant-garde dans les années 1970.
Ils se déclaraient « partis révolutionnaires ouvriers », ou quelque variante de ce nom, mais en réalité, il y avait très peu d'ouvriers dans ces partis. Et les gens de la classe ouvrière les ignoraient simplement. Ils ne comprenaient pas leur langage. Ils ne saisissaient pas leurs références historiques. Tout cela leur paraissait étrange et étranger.
Donc oui, la guerre froide est pour beaucoup là-dedans. Mais il y a aussi un certain élément d'autoritarisme de gauche, cette culture de l'anathème. Et dans les deux cas, il faut aller au-delà. Il faut développer de nouvelles façons de se parler qui ne soient pas de cet ordre. Pas seulement parce que c'est discourtois, mais aussi parce que cela rebute les gens.
Il me semble qu'aux meilleurs moments du parti, peut-être pas organisationnellement, mais dans certaines campagnes, les formations CCF/NPD ont su élaborer des critiques très efficaces du système économique et mener des campagnes percutantes. Je pense à la campagne de David Lewis en 1972, où il a ciblé de façon célèbre les « corporate welfare bums » (les parasites de l'aide corporative).
Ian McKay : Bon point. David Lewis, nourri dans les traditions marxistes juives, n'a jamais perdu le sens qu'un message central de la gauche devait être de dévoiler et de résister aux irrationalités du capitalisme. Bien qu'ardent combattant dans les campagnes de la guerre froide contre les communistes, je pense qu'il n'a jamais perdu ce sentiment sous-jacent que le capitalisme devait être combattu et dépassé. Sa campagne de 1972 s'est attachée à éduquer les gens sur la corruption du système, avec des entreprises se gavent à la mangeoire publique. Chaque jour, il y avait une nouvelle révélation sur le festin corporatif de l'État. Les médias ont largement relayé son message radical. La campagne n'était pas parfaite. Même le slogan central reprenait l'idée de « welfare bums », un reste du libéralisme traditionnel. Mais elle était encore bien meilleure que beaucoup des campagnes qui ont suivi, avec leurs mots creux et sucrés sur la justice et l'égalité.
Alors, avec votre « chapeau d'historien », quel conseil donneriez-vous à une formation émergente qui imagine que le NPD pourrait réaliser une partie de ce potentiel radical jamais concrétisé ?
Ian McKay : D'abord, je recommanderais de développer une conscience solide de ce que, depuis plus d'un siècle, la gauche canadienne a accompli contre des obstacles énormes. Il est facile de se laisser submerger par la crise organique actuelle de l'ordre capitaliste et d'oublier qu'elle se poursuit depuis longtemps. Les militants de gauche de l'époque de la Dépression, qu'ils soient communistes ou socialistes, confrontés à des droitiers prompts à tirer et à des conditions plus sombres que celles que la plupart d'entre nous ne connaîtront jamais, ont réalisé des prouesses étonnantes de résistance et de renouveau culturel, allant de la Marche sur Ottawa au théâtre d'agit-prop jusqu'aux premiers balbutiements du féminisme socialiste. Les militants de la Nouvelle Gauche, face à l'obscénité de la guerre du Vietnam et aux autorités complices, furent tout aussi impressionnants à leur manière. Le féminisme socialiste et la libération homosexuelle qui se sont développés au sein de la Nouvelle Gauche ont transformé les rapports de genre au Canada. Ces formations successives de la gauche ont fait une grande différence. La prochaine gauche peut en faire autant.
Ensuite, j'examinerais de près comment les expériences dans des contextes similaires à celui du Canada se sont déroulées. Syriza en Grèce, Podemos en Espagne, La France Insoumise, l'ascension et la chute de Jeremy Corbyn, le phénomène Bernie Sanders aux États-Unis, les expériences socialistes en Colombie, au Brésil et au Chili : toutes méritent une étude attentive. On ne peut pas simplement importer des modèles d'ailleurs dans le contexte canadien, mais on peut en tirer beaucoup d'enseignements. Elles peuvent servir à la fois d'avertissements et d'exemples inspirants.
Troisièmement, je travaillerais à développer des mouvements sociaux et culturels qui « entourent » le parti avec des militants véritablement engagés dans l'analyse et le dépassement du capitalisme. C'est une leçon que je tirerais du féminisme socialiste et de l'écologisme radical — deux courants qui ont acquis une influence significative en dehors du parti et auxquels celui-ci a dû répondre. Les féministes socialistes nous offrent un exemple de la manière de combiner l'activisme extra-parlementaire avec le travail à l'intérieur du parti — un thème favori, d'ailleurs, du Waffle, qui n'a jamais été seulement un mouvement centré sur le NPD et qui a souvent poussé pour un parti capable de mener des luttes au niveau communautaire.
Quatrièmement, je développerais et affinerais la critique de la propriété et du complexe culturel de « l'individualisme possessif ». Cela impliquerait de montrer, dans un langage terre-à-terre à la manière du CCF, à quel point il a été désastreux de traiter les droits de propriété comme des absolus. Bien sûr, les libéraux, comme ils l'ont fait dans leurs croisades passées contre les droits syndicaux, l'assurance-maladie, une politique étrangère indépendante, etc., lanceront le cri que les socialistes veulent dépouiller les gens ordinaires de leur logement et de leur voiture. En tant que croyants fidèles à l'ordre établi, c'est leur rôle idéologique. Mais le nôtre est de souligner à quel point la société qu'ils défendent si ardemment est autodestructrice, irrationnelle et cruelle. L'enjeu est l'éradication de la propriété capitaliste et des rapports sociaux qui l'accompagnent, et non la confiscation des petites possessions qui protègent les gens ordinaires des ravages du marché. Entre libéraux et socialistes, il existe une rivière de feu. Il n'existe pas de « bloc progressiste » qui unirait les deux.
Et cinquièmement, pour revenir au point de départ de notre conversation, il s'agit d'avoir une analyse du libéralisme et une alternative à celui-ci. Depuis au moins les années 1920, les processus de révolution passive libérale ont aspiré de nombreux militants de gauche à imaginer que les libéraux (et, dans bien des cas, le Parti libéral) sont nos amis. Depuis un siècle, cette confusion a été désastreuse pour la gauche — comme l'a montré de manière si douloureuse la récente élection. Nos deux partis dominants, ainsi que leurs homologues pseudo-populistes, doivent être contestés radicalement — tant sur leurs principes sous-jacents que sur leurs pratiques. Se rapprocher des libéraux, c'est la mort pour la gauche. Ils ne sont pas nos amis.
Beaucoup des nouveaux mouvements sociaux apparus depuis les années 1970 ont été des exemples admirables de telles critiques efficaces. Ils se sont appuyés sur les idées de la nouvelle gauche des années 1960 et 1970 en matière d'autonomisation des communautés, de soulèvement des groupes opprimés et de revendication d'un avenir meilleur. Mais je pense que ce qui manquait à beaucoup de militants de la nouvelle gauche des années 1960, et qui manque aussi à beaucoup de militants actuels, c'est la nécessité d'un mécanisme de coordination, d'un organe général permettant de mettre en dialogue ces divers mouvements sociaux afin qu'ils créent quelque chose de plus grand qu'eux-mêmes. Seul un tel corps cohérent peut tirer des leçons des expériences passées et chercher à les transmettre à une population plus large. On a encore besoin d'un parti, malgré tous les problèmes inévitables qu'il comporte. Un parti dans lequel les gens peuvent véritablement confronter leurs divergences et élaborer un programme. Peut-être que ce parti pourrait même être un NPD fondamentalement transformé.
Merci d'avoir trouvé une lueur d'espoir pratique et de possibilité dans une histoire qui n'a pas toujours été porteuse d'espoir. Merci pour votre temps, Ian.
Ian McKay : Avec plaisir.

Sur le génocide de Gaza et sa négation
 
		Ce n'est pas qualifier la guerre d'Israël de génocide qui est tendancieux. C'est le rejet de cette qualification qui relève de la négation de génocide (une catégorie qui inclut la négation de la Shoah).
Tiré du blogue de l'auteur.
4 septembre 2025
Dès le début de la riposte israélienne à l'opération Déluge d'al-Aqsa du 7 octobre 2023, il était clair que l'État sioniste avait lancé une guerre plus meurtrière et plus destructrice que toutes ses guerres précédentes. C'était là le résultat de l'interaction entre le gouvernement le plus extrémiste de l'histoire de cet État et l'attaque la plus grave lancée par une organisation palestinienne armée dans l'histoire de la résistance palestinienne. Ce que j'avais prédit dans mon premier commentaire sur les événements, trois jours seulement après l'opération menée par le Hamas, s'est malheureusement réalisé à la lettre :
L'opération Déluge d'al-Aqsa a permis de réunifier une société israélienne qui souffrait d'un profond schisme et d'une grave crise politique. Elle a permis à Benyamin Netanyahou et à ses collègues de l'extrême droite du mouvement sioniste d'entraîner avec eux les sionistes du camp politique opposé en préparation d'une guerre qui prend de plus en plus et de manière alarmante les caractéristiques d'une guerre génocidaire. Cela commence par l'imposition d'un blocus total, y compris électricité, eau et nourriture, à toute la bande de Gaza et sa population de près de deux millions et demi d'habitants. Il s'agit d'une violation flagrante et extrêmement grave du droit de la guerre, qui confirme que les sionistes se préparent à commettre un crime contre l'humanité du plus haut calibre.
Depuis la création de l'État d'Israël, la droite sioniste rêve d'achever ce qui a commencé avec la Nakba de 1948 par une nouvelle expulsion massive des Palestiniens de l'ensemble des territoires de la Palestine entre le fleuve et la mer, bande de Gaza comprise. Il ne fait aucun doute qu'ils voient maintenant ce qui s'est passé samedi dernier comme un choc qui leur permettra d'entraîner le reste de la société sioniste derrière eux dans la réalisation de leur rêve à Gaza d'abord, en attendant l'occasion de le mettre en œuvre en Cisjordanie. La gravité de ce qui s'est passé en Israël samedi dernier est susceptible d'atténuer l'effet dissuasif de la prise d'otages par le Hamas, contrairement à ce qui s'est passé lors des précédentes séries de confrontations entre le mouvement et l'État sioniste. Il est très probable que cette fois-ci, ce dernier ne se contentera de rien de moins que de la destruction de la bande de Gaza dans une mesure dépassant tout ce que nous avons vu jusqu'à présent, afin de la réoccuper au moindre coût humain possible pour Israël et de provoquer le déplacement de la majeure partie de sa population vers le territoire égyptien, le tout sous prétexte d'en éradiquer complètement le Hamas. (« Le Déluge d'al-Aqsa risque d'emporter Gaza », Al-Quds al-Arabi, 10 octobre 2023, en arabe).
Pour s'en apercevoir, il n'était nul besoin d'être doté d'un pouvoir de prédiction singulier ; cela était plutôt clairement visible pour quiconque voulait voir et n'était pas aveuglé par l'idéologie, les émotions ou les illusions. Trois jours plus tard, le 13 octobre 2023, moins d'une semaine après le début de la tragédie, Raz Segal, professeur d'études de l'Holocauste et du génocide à l'Université de Stockton aux États-Unis (et citoyen israélien), publiait un article retentissant sur le site web du magazine progressiste américain Jewish Currents, commentant ce qui avait commencé à se dérouler à Gaza sous le titre « Un cas d'école de génocide ». Segal mettait en exergue la dure réalité de la prolifération des déclarations de responsables israéliens indiquant une intention génocidaire explicite, associée au meurtre indiscriminé de civils à Gaza et aux incitations et mesures visant à leur déplacement.
Depuis les premiers jours de la guerre d'Israël contre Gaza, la « guerre des récits » fait intensément rage, parallèlement à l'horrible assaut militaire. Il a fallu des semaines, voire des mois, avant que le débat ne se déplace de la pertinence de comparer l'opération Déluge d'al-Aqsa aux pogroms des Juifs dans l'histoire européenne, jusques et y compris le génocide nazi, à la pertinence d'appliquer le concept de « génocide » à ce que l'État d'Israël fait dans la bande de Gaza.
Un an après le début de l'invasion, les condamnations de ce qui se déroulait à Gaza en tant que génocide ont commencé à se multiplier, qu'elles soient émises par des organisations juridiques, des organisations de défense des droits humains ou des groupes universitaires. Il s'agit, entre autres, des accusations portées par la Cour pénale internationale et la Cour internationale de justice, et des rapports publiés par Amnesty International, Human Rights Watch, la Rapportrice spéciale des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, ainsi que, plus récemment, par deux organisations israéliennes : le Centre israélien d'information sur les droits humains dans les territoires occupés (connu sous le nom de B'Tselem) et Médecins pour les droits humains (Physicians for Human Rights).
La position retentissante la plus récente à cet égard est la résolution adoptée par l'Association internationale des universitaires spécialistes du génocide (IGSA) le 31 août, qui a été soutenue par 86 % des votants parmi les 500 membres de l'association. La reconnaissance que ce qui se passe à Gaza est un génocide est devenue si largement partagée que le débat est maintenant passé de l'accusation selon laquelle qualifier la guerre d'Israël de génocide serait tendancieux à l'accusation selon laquelle le rejet de cette qualification relève de la négation de génocide (qui inclut la négation de la Shoah). Cette accusation a été lancée avec force par Daniel Blatman, un historien israélien spécialisé dans l'histoire de la Shoah et professeur à l'Université hébraïque de Jérusalem, dans un article publié le 31 juillet dans Haaretz sous le titre « L'identité de victime qu'Israël s'est forgée au fil des générations alimente aujourd'hui sa négation du génocide à Gaza ».
L'un des exemples les plus déplorables de négationnisme est un article publié dans le Jerusalem Post par l'avocate israélienne Nitsana Darshan-Leitner, présidente de l'Israel Law Center (Shurat HaDin), qui défend l'État sioniste devant la Cour pénale internationale. L'article, publié le 28 juillet, a peut-être contribué à inciter Blatman à écrire le sien. Dans cet article, l'avocate répond avec véhémence à Omer Bartov, également professeur d'études de l'Holocauste et du génocide, enseignant à l'Université Brown aux États-Unis, qui a publié un article dans le New York Times le 15 juillet intitulé « Je suis spécialiste du génocide. Je sais reconnaître un génocide quand j'en vois un ».
Le déplorable dans l'article de Darshan-Leitner atteint son apogée lorsqu'elle critique la description par Bartov des actions d'Israël comme constituant un génocide, en affirmant que cela « déprécie » le terme et « efface l'horreur unique » des génocides internationalement reconnus, parmi lesquels l'autrice mentionne ce qui s'est passé en Bosnie. Le fait est que le génocide bosniaque, qui a eu lieu pendant la guerre de Bosnie dans la première moitié des années 1990, a entraîné la mort d'environ 30 000 personnes et le déplacement d'environ un million de non-Serbes sur un total de 2,7 millions (soit 37 %). Qu'en est-il alors de ce qui se passe à Gaza, où le nombre de morts directes a jusqu'à présent atteint environ 64 000 (sans compter les morts inconnus sous les décombres et les morts indirectes, qui dépassent de loin le nombre de morts directes) et le déplacement d'environ deux millions sur un total de 2,2 millions (c'est-à-dire plus de 90 %) ? Comment cet horrible résultat peut-il « déprécier » le concept de génocide et « effacer son horreur unique » en comparaison de ce qui s'est passé en Bosnie ?
La vérité, qui devient de plus en plus difficile à nier, est que le génocide en cours à Gaza, tant en termes de proportion de la population totale qu'en termes de degré de brutalité de ses auteurs, est déjà entré dans l'histoire comme l'un des cas les plus horribles de génocide que le monde ait connus depuis la Seconde Guerre mondiale, surtout de la part d'un État industrialisé dont la distinction technologique même, adossée à l'État le plus puissant de la planète, lui a permis de se distinguer dans la barbarie.
* Dernier ouvrage paru : Gaza, génocide annoncé. Un tournant dans l'histoire mondiale.
Traduit de ma chronique hebdomadaire dans le quotidien de langue arabe, Al-Quds al-Arabi, basé à Londres. Cet article est d'abord paru en ligne le 2 septembre. Vous pouvez librement le reproduire en indiquant la source avec le lien correspondant.
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Les Etats-Unis dans la zone crépusculaire
 
		Dans cette zone crépusculaire des Etats-Unis post-constitutionnel, où la Constitution est remise en question par le deuxième mandat de Trump, des conflits imbriqués sont en train de converger. Ni l'ordre national ni l'ordre mondial ne sont plus « fondés sur des règles » de la manière dont on le pensait auparavant. Les conséquences sont imprévisibles, mais risquent d'être explosives.
Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
30 août 2025
Par Against the Current
Chicago : défense des droits des immigrés lors du 1er mai. (Sarah Jane Rhee)
  
Bien évidemment, les socialistes sont les critiques les plus virulents de l'ordre constitutionnel tant vanté des États-Unis, avec toutes ses barrières antidémocratiques solidement ancrées. Et « l'ordre international fondé sur des règles » a toujours signifié pour les pays du Sud une domination et une exploitation impérialistes, un endettement écrasant et des massacres.
Nous reconnaissons toutefois que les offensives actuelles menées par la droite et les forces ultra-racistes et suprémacistes chrétiennes, facilitées par le cloaque sans fond dans lequel se vautrent Trump et ses acolytes corrompus, visent clairement à paralyser les droits et libertés démocratiques fondamentaux, et non à les étendre. Cela doit être le point de départ de toute discussion sérieuse sur la situation actuelle. Les crises qui requièrent une attention particulière à l'heure actuelle sont les suivantes :
1) La destruction génocidaire de Gaza et la menace imminente qui pèse sur la survie du peuple palestinien sur sa terre. L'impérialisme américain est indifférent au sort de la Palestine : n'importe quelle issue lui convient, tant qu'il y a « stabilité » et suprématie américaine au Moyen-Orient.
Mais le gouvernement israélien actuel, et le mouvement néonazi des colons qui dicte son programme, envisagent un avenir dans lequel aucune population palestinienne substantielle ne viendrait entraver l'expansion du « Grand Israël ». Ce projet exige le déplacement massif de la population de Gaza (et de Cisjordanie), mais il n'y a bien sûr nulle part où les envoyer.
La réalité de la privation généralisée de nourriture à Gaza, telle qu'elle avait été prédite avec précision il y a plusieurs mois, ne peut plus être cachée à la communauté internationale ni à l'opinion publique américaine, d'où l'effondrement du soutien à Israël et à la politique américaine, en particulier parmi les jeunes et les électeurs du Parti démocrate. À l'échelle mondiale, le spectacle de cette catastrophe est en train de détruire le prestige et l'image de « pays pilote » des États-Unis, même si cette dynamique n'est pas encore assez rapide.
En attendant, ce « crime impérialiste du siècle » alimente directement la politique américaine. Le gouvernement Trump exerce une dictature et fait chanter les universités américaines en utilisant comme arme la diffamation pour dénoncer « l'antisémitisme rampant sur les campus » (voir l'analyse détaillée de Purnima Bose sur l'université de l'Indiana dans ce numéro).
Règne de la terreur dans les communautés immigrées
2) La majeure partie de la population américaine ne vit pas dans les conditions d'un État policier. Mais une partie importante de la population est confrontée précisément à cette réalité : les familles et les communautés immigrées — et pas seulement les sans-papiers, qui peuvent à tout moment être arrêtés par des agents masqués de l'ICE dans des fourgons banalisés, pour être incarcérés dans des camps de détention de masse, puis expulsés sans ménagement. La majorité d'extrême droite de la Cour suprême (il est tout à fait trompeur de la qualifier de « conservatrice ») a encouragé ces pratiques dans une série de décisions qui sont dénoncées avec vigueur dans les mises en garde éloquentes des juges Jackson et Sotomayor en particulier.
Outre le caractère proprement cruel de ce sadisme gratuit, les vagues de raids anti-immigrés, les mises en détention et les expulsions — sans possibilité de recours — vers des pays tiers (El Salvador, Guatemala, Soudan du Sud !) constituent la principale méthode utilisée par le régime Trump pour expérimenter l'exercice d'un pouvoir exécutif illimité, passant outre les procédures légales établies et les protections constitutionnelles en vigueur depuis longtemps.
Ces méthodes peuvent être étendues à tout le monde, citoyen.ne.s, résident.e.s ou autres. Le recours à des rafles massives, la proclamation de « situations d'urgence nationale » manifestement fondées sur des prétextes frauduleux pour déployer la Garde nationale et l'armée dans les rues, la démonisation de communautés de personnes bénéficiant d'un statut protégé par la loi (« ils mangent les chiens ! »), la révocation définitive de leur statut... Tout cela peut être le signe avant-coureur de mesures qui seront prises à l'encontre de populations plus larges.
Les administrations précédentes préféraient maintenir les expulsions et les déportations pour l'essentiel sous le radar, tandis que pour Trump et ses conseillers clairement fascistes comme Stephen Miller, il s'agit d'être aussi transparent et brutal que possible. Cela satisfait la base du MAGA et terrorise les communautés avec le spectre des disparitions, de « Alligator Alcatraz », de Guantanamo et de la prison-centre de torture salvadorienne CECOT.
Cette campagne pourrait entraîner une vague d'auto-expulsions de personnes pour qui il est tout simplement insupportable de vivre et de travailler dans le climat de terreur d'un État policier. D'un autre côté, les initiatives communautaires et les actions juridiques en défense des immigrant.e.s se multiplient, tandis que grossit le sentiment général de dégoût suscité par les arrestations lors des audiences judiciaires, les expulsions expéditives de jeunes et d'immigrant.e.s qui travaillent et vivent aux États-Unis depuis des décennies, voire depuis leur enfance.
Les expulsions et les rumeurs d'expulsion peuvent également avoir des effets dévastateurs dans les secteurs de l'agriculture, de la construction, de l'hôtellerie et de la restauration. Le fait est que le système d'immigration américain, défaillant et restrictif, est incompatible avec la dépendance réelle d'une grande partie de l'économie à l'égard du travail effectué par les immigré.e.s.
Le test du droit du sol
3) La tentative flagrante de Trump d'abolir le droit du sol constitue le premier défi posé à toute limitation du pouvoir exécutif arbitraire. Cette initiative a été bloquée par des décisions de justice et sera finalement examinée par la Cour suprême, à majorité d'extrême droite, dont la légitimité est également mise en cause.
Rien dans la Constitution américaine, et même peu de choses dans la langue anglaise, ne peut être plus clair que le libellé simple du quatorzième amendement adopté après la guerre civile, selon lequel toutes les personnes nées aux États-Unis « et soumises à leur juridiction » (c'est-à-dire autres que les familles de diplomates non soumises à la loi américaine) sont « citoyennes des États-Unis et des États où elles résident ».
Outre l'importance évidente que cela revêt en soi pour les personnes et les familles concernées, la suppression du droit à la citoyenneté par naissance rendrait effectivement toutes les protections constitutionnelles en vigueur, du premier amendement au droit de vote, tributaires des caprices du pouvoir exécutif.
Il en résulterait un vide béant quant à ce qui définit les conditions ouvrant droit à la citoyenneté, ou le pouvoir de l'accorder ou de la retirer, et créerait toute une classe de personnes apatrides de naissance, dépourvues du « droit d'avoir des droits » (comme l'a si bien formulé Hannah Arendt). Plus encore, la machine Trump est prête à tenter de retirer leur citoyenneté à un grand nombre de ressortissant.e.s américain.e.s naturalisé.e.s.
Si la Cour suprême – qui a déjà interdit aux tribunaux de district de prendre des arrêtés à portée nationale contre le pouvoir exécutif arbitraire – autorisait finalement le gang Trump à supprimer la citoyenneté par droit de naissance, toutes les protections constitutionnelles seraient réduites à un simple décor (y compris l'autorité de la Cour elle-même), ce qui ouvrirait la perspective d'un véritable cirque où chaque État définirait sa propre conception de la citoyenneté.
Comme dans ce scénario presque inimaginable, il n'est pas tout à fait garanti que le pays en sorte indemne, il semble logique de supposer que la tentative de Trump de s'attaquer au droit du sol sera stoppée.
Mais il y a déjà deux juges d'extrême droite (Thomas et Alito) pour lesquels aucune mesure de protection ni aucun acquis, pas même (par exemple) le droit à la contraception, n'est à l'abri d'une remise en question. Comme dans d'autres circonstances, le degré d'intérêt et d'attention du public influera sur l'issue juridique de cette véritable crise constitutionnelle.
Des contradictions explosives
4) La cupidité et l'indolence extrêmes de la classe dirigeante américaine, ainsi que le racisme à peine dissimulé d'une grande partie de celle-ci, rendent une grande partie du programme économique de Trump très attrayant pour le capital.
Mais en imposant des droits de douane de manière débridée (et souvent illégale), Trump menace la stabilité de l'économie américaine et mondiale, notamment en risquant de provoquer une récession de type « stagflation » et une hémorragie potentielle du marché obligataire, qui, via la vente de bons du Trésor, est absolument essentiel au financement de la dette américaine. Une catastrophe de l'ampleur de l'effondrement du marché immobilier de 2008-2009 ou de l'impact de la pandémie de Covid se profile à l'horizon.
Certains éléments du programme de tarification douanière ont un sens d'un point de vue impérialiste. Si les États-Unis veulent dominer le monde (ce qui n'est pas notre objectif, mais certainement celui du capital américain), ils ont besoin d'industries nationales de l'acier, de l'aluminium et des semi-conducteurs.
Mais en imposant des droits de douane généralisés, y compris à des alliés amis qui sont essentiels dans la confrontation entre les États-Unis et la Chine, ils ne font que mettre en place une taxation régressive qui pénalise les consommateurs américains les moins aisés et frappe le plus durement les plus pauvres, tout en obligeant le Canada, le Mexique et les pays européens à se démener pour trouver des partenaires commerciaux plus diversifiés.
Même cela n'est rien comparé au démantèlement du gouvernement fédéral par Trump et DOGE. Il ne s'agit pas vraiment de réduire les coûts, mais plutôt de détruire les éléments du gouvernement qui fonctionnent bien et fournissent des services essentiels, allant de la surveillance des phénomènes météorologiques dangereux à la fourniture de données économiques précises, sans oublier les menaces terrifiantes pour la santé publique que représentent les annulations de programmes de développement de vaccins et le démantèlement du ministère de la Santé et des Services sociaux.
Les observateurs sont stupéfaits de voir les « conservateurs traditionnels » républicains se soumettre au culte de Trump, approuvant les nominations au Cabinet, les coupes dans Medicaid et d'autres mesures budgétaires dont ils savent pertinemment qu'elles sont désastreuses.
Le grand « magnifique » projet de loi met le pays sur la voie de la faillite (3 400 milliards de dollars ajoutés à la dette sur 10 ans), expose les hôpitaux ruraux et certains hôpitaux urbains à un risque extrême en raison des coupes dans Medicaid, élimine des travaux de recherche scientifique essentiels et les capacités d'alertes météorologiques pour les événements extrêmes, et provoque toute une série d'autres catastrophes.
Ce qui pourrait sauver les Républicains d'une violente réaction politique, c'est le fait que le Parti démocrate est, à bon droit, encore plus impopulaire et dépourvu de toute stratégie identifiable au niveau national.
Quel est l'objectif ?
L'administration Trump n'a pas hérité d'une crise profonde et immédiate. Il existe des problèmes à long terme liés à l'appareil fédéral, et certainement un impératif impérialiste face à la rivalité croissante et à la confrontation potentielle avec la Chine. Certaines choses, comme l'enseignement supérieur, sont de moins en moins accessibles financièrement (un problème que la volonté de transformer nos universités en succursales de la Trump University aggrave au lieu de le régler).
Rien de tout cela ne justifiait la destruction totale des services publics ou les violentes attaques policières contre les communautés d'immigrants vulnérables.
Si l'on réfléchit à des exemples de régimes réactionnaires ou autoritaires, leurs politiques servent en général un objectif identifiable. La présidence Reagan des années 1980 a commencé par une forte récession provoquée par les hausses des taux d'intérêt décidées par Paul Volcker pour juguler l'inflation, puis a donné naissance à l'« économie de l'offre » néolibérale, avec des conséquences désastreuses pour la classe ouvrière, mais des avantages très tangibles pour les profits et la « stabilité » du capital.
Le coup d'État de Pinochet au Chili en 1973 a permis de contrer une potentielle révolte révolutionnaire de la classe ouvrière et a donné lieu à des « réformes » sauvages en faveur du libre marché qui, au moins au début, ont satisfait le capital et certains secteurs de la classe moyenne.
Même si l'on considère des régimes totalitaires extrêmes, les premières années du régime hitlérien ont relancé l'économie allemande, renforçant ainsi sa base politique. Et la période initiale du régime stalinien (au milieu des années 1920) en Union soviétique a été marquée par une reprise économique et quelques années relativement favorables pour la paysannerie, avant le virage violent vers la collectivisation forcée, qui a entraîné une famine génocidaire en Ukraine et d'autres horreurs.
Sans vouloir en aucun cas mettre ces exemples disparates sur un pied d'égalité, chacun d'entre eux représentait un projet de classe et/ou une réponse à des crises. Le programme de Trump, mis à part quelques points stratégiques identifiables de nationalisme économique (par exemple, les droits de douane sur l'acier) et de capacité militaire (l'expansion effrayante des capacités de guerre à l'intelligence artificielle et à la technologie spatiale, catastrophiques en elles-mêmes), produit plus de problèmes qu'il n'en « résout ».
Des spéculations circulent quant à la possibilité que les élections de mi-mandat de 2026 soient annulées sous un prétexte « d'urgence ». Cela ne semble guère nécessaire. Le découpage électoral partisan extrême déjà en cours, à nouveau rendu possible par la Cour suprême, pourrait faire l'affaire dans un pays où l'électorat national est divisé de manière très serrée. Nous assistons également aux tentatives de Trump de restreindre fortement les nouvelles inscriptions sur les listes électorales, aux menaces juridiques et au harcèlement dans les bureaux de vote, ainsi qu'à la tentative de modification du recensement.
Nous comprenons comment les racines profondes de l'ascension de Trump sont alimentées par la croissance effroyable des inégalités, les craintes justifiées d'une grande partie de la population qu'elle et ses enfants n'aient pas d'avenir abordable, et les contradictions d'un colosse impérial qui cherche à dominer le monde alors que sa société intérieure est confrontée à la stagnation, voire pire.
La zone crépusculaire institutionnelle créée par Trump et sa secte présente de nombreuses caractéristiques effrayantes et des résultats potentiels encore plus désagréables, y compris ce qui pourrait devenir une « crise post-constitutionnelle » à part entière. Nous n'avons fait qu'effleurer quelques-unes des menaces centrales de la nouvelle présidence Trump - la première fois sous forme de farce, la seconde sous forme de tragédie.
Ce qui en résultera dépendra fortement de la manière dont la population, les mouvements sociaux et surtout les travailleurs et les syndicats réagiront. L'initiative « May Day Strong » des secteurs activistes du mouvement ouvrier n'est qu'un début. La classe ouvrière ne doit pas être spectatrice de sa propre destruction, ni de la famine génocidaire de Gaza.
La rédaction, Against the Current
P.-S.
• Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l'aide de DeepLpro.
Source - Against the Current No. 238, September-October 2025, Samedi 30 août 2025 :
https://againstthecurrent.org/atc238/letter-from-the-editors-in-twilight-zone-usa
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France - Le 10 septembre on bloque tout, le 18 on continue !
 
		La crise politique s'accélère à l'approche du vote de confiance du 8 septembre, qui pourrait faire tomber le gouvernement Bayrou. Deux dates de mobilisation émergent : le 10 septembre pour « tout bloquer » et le 18 septembre à l'appel de l'intersyndicale. L'enjeu : construire un mouvement durable et offensif.
Hebdo L'Anticapitaliste - 765 (04/09/2025)
Par Le Comité exécutif du NPA
Depuis l'annonce du vote de confiance pour le 8 septembre, et la probable chute consécutive du gouvernement, la crise politique ne cesse de s'approfondir en France. Il faut d'abord en prendre la mesure : si Bayrou tombe, quatre Premiers ministres se seront succédé depuis 2022, un record sous la 5e République. Bayrou s'est ainsi vu obligé de rassurer un patronat très inquiet à l'université d'été du Medef. Dans les rangs de la majorité, certains appellent déjà à reculer sur la suppression des deux jours fériés, comme Bruno Retailleau ou Yaël Braun-Pivet.
Le bal des prétendants au fauteuil de Premier ministre a déjà commencé, depuis Darmanin jusqu'au Parti socialiste qui se déclare, seul et en dehors de l'alliance moribonde du NFP, prêt à gouverner. La possible dissolution de l'Assemblée nationale pourrait de reconduire une assemblée tripartite sans majorité claire ou d'ouvrir davantage la voie à l'extrême droite.
L'heure n'est pas à chercher des réponses institutionnelles ou électorales à la crise, elle est à l'organisation et au développement de la mobilisation. Les réunions et assemblées qui se tiennent dans de nombreuses villes connaissent une dynamique ascendante et témoignent de la colère et de la détermination des participantEs.
En somme, la crise politique continue et s'aggrave. Tout repose sur notre capacité à la faire exister et à l'approfondir dans la rue.
L'appel à « tout bloquer » le 10 septembre
L'appel à « tout bloquer » le 10 septembre est bien sûr un point d'appui pour cela. La composition sociale et politique du mouvement a été analysée par le politologue Antoine Bristielle, à partir des réseaux sociaux de la mobilisation, sur les réponses d'un millier de personnes1. Il en ressort que même si 27 % d'entre elles étaient Gilets jaunes en 2019, leur composition sociologique est différente. Il s'agit de personnes clairement politisées à gauche : aux dernières présidentielles, 70 % ont voté LFI, 10 % NPA. Elles ont ensuite un profil plus jeune, mieux intégré et plus diplômé que la moyenne. Néanmoins, certains liens peuvent être faits avec les Gilets jaunes — ainsi, les personnes mobilisées proviendraient plus des petites et des moyennes communes que des métropoles, exprimeraient une grande défiance vis-à-vis de la politique traditionnelle, en particulier des partis, et hésiteraient sur leurs buts et leurs moyens d'action (lire page 10).
LFI s'est tout de suite insérée dans cette mobilisation en appelant à la grève générale pour le 10 septembre. Plus récemment, Solidaires, la CGT et la FSU s'y sont jointes. L'intersyndicale (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, FSU, Solidaires) a réussi quant à elle à se reconstituer de manière unitaire et à sortir un communiqué et un appel commun à la mobilisation pour le 18 septembre. Bien que l'intersyndicale ne soutienne pas explicitement la date du 10, ce qui est regrettable, il faut se saisir de la date du 18 car le projet de loi de finances ne tombera pas le 10 au soir. Les deux dates ne doivent pas être construites en opposition, mais ensemble, ce qui implique aussi que l'intersyndicale, de même que l'ensemble de la gauche sociale et politique, s'empare de la date du 10.
Tout l'enjeu est donc de construire dans la durée, au plus près des collectifs de travail et à travers l'auto-organisation un mouvement puissant qui puisse gagner sur nos revendications. En un mot : le 10 on bloque tout, et le 18 on continue !
Le 10 septembre, une étape clé dans un mouvement encore à construire
Face à une telle crise politique, à une telle accélération de la situation, le signal doit être donné que c'est le moment d'y aller, toutes et tous ensemble ! Le mouvement va s'inscrire dans la durée. Nous devons donc construire les cadres d'auto-organisation : sur nos facs, sur nos lieux de travail, dans nos quartiers, nous constituons les AG de celles et ceux qui luttent et se mettent en grève. Sans tomber dans la substitution : c'est bien sûr aux grévistes de décider des suites de leur grève. Enfin, nous devons donner un horizon politique à la mobilisation. Après Bayrou, Macron doit tomber. Mais au-delà, le NPA portera la nécessité d'en finir avec la 5e République et d'en appeler à une Constituante. La base pour cela, ce sera bien sûr les organes d'auto-organisation qui auront émergé de la mobilisation.
C'est pourquoi le NPA sera de toutes les luttes de ce mois de septembre. Le 10 n'est qu'un début, construisons la suite !
Comité exécutif du NPA-l'Anticapitaliste
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Juifs et Palestiniens unis envoient une lettre à la Ville de Montréal
 
		Une lettre exigeant que l'équipe cycliste Israel Premier Tech ne soit pas autorisée à participer au Grand Prix Cyclistes de Montréal, qui aura lieu le 14 septembre 2025, a été remise par huissier au bureau de la mairesse Valérie Plante le vendredi 5 septembre.
Montréal le 7 septembre 2025 - Sylvan Adams – (ami proche du criminel Benjamin Netanyahou) – propriétaire de l'équipe cycliste Israel Premier Tech, (anciennement connu sous le nom d‘Israel Start-Up Nation)s'est présenté comme un « ambassadeur autoproclamé de l'État d'Israël » et a indiqué que les cyclistes d'Israel-Premier Tech sont également considérés comme des ambassadeurs du pays.
Faut-il rappeler que de multiples organisations israéliennes de défense des droits humains, dont B'Tselem et Physicians for Human Rights Israel, et la plus grande association mondiale de spécialistes du génocide, soit International Association of Genocide Scholars, ont publiquement qualifié les actions d'Israël à Gaza de génocide, de crime contre l'humanité, et de crime de guerre.
En permettant à une équipe agissant comme agent de promotion d'un État accusé de violations des droits humains à un évènement qu'elle parraine, la Ville de Montréal s'expose à un risque réel de complicité et de blanchiment de ces crimes par le sport, communément appelé le « sportswashing. »
Il faut noter que le directeur technique du Tour d'Espagne, qui est présentement en train d'avoir lieu, a tout récemment suggéré que l'équipe Israël-Premier Tech se retire de la compétition.
PAJU estime que cela constitue un motif supplémentaire pour procéder à l'exclusion de l'équipe Israël-Premier Tech du Grand Prix Cycliste de Montréal.
Par conséquent, PAJU demande formellement à la Ville de Montréal, et particulièrement à la Mairesse Valérie Plante, d'utiliser leur autorité pour exiger l'exclusion immédiate de l'équipe Israël-Premier Tech de la liste des participants au Grand Prix Cycliste de Montréal 2025.
info@paju.org
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À la rescousse de François Legault
 
		Avec la saga SAAQclic, le premier ministre Legault en a plein les bras et, « comprenant la colère des Québécois », il souhaite se relancer « humblement » avec de nouvelles idées, de nouveaux ministres.
Jacques Benoit
GMob (GroupMobilisation)
J'ai pensé apporter mon humble contribution à la réflexion de notre PM, et j'ai utilisé Chatgpt. Comme Yoshua Bengio l'a dit, l'IA peut servir au bien comme au mal.
Alors puisque la question de la richesse au Québec obsède notre PM, je me permets ici de partager avec lui la réponse obtenue à ma question : « Quelles solutions pour lutter contre les inégalités et la pauvreté au Québec ? »
RÉPONSE : « Très bonne question ! 
Lutter contre la pauvreté et les inégalités sociales au Québec nécessite des solutions à la fois économiques, sociales et politiques. Voici les principaux leviers d'action :
 1. Agir sur les revenus et l'emploi
 • Hausser le salaire minimum pour qu'il corresponde au revenu viable dans chaque région.
 • Favoriser les emplois de qualité (stabilité, avantages sociaux, progression salariale).
 • Réduire l'écart salarial entre hommes et femmes, et entre groupes majoritaires et minorités.
 • Encourager la formation continue afin que les travailleurs puissent s'adapter aux nouvelles réalités économiques (numérique, transition écologique).
 2. Améliorer l'accès au logement
 • Développer davantage de logements sociaux et abordables, surtout dans les grands centres.
 • Encadrer plus fortement les loyers pour limiter la spéculation immobilière.
 • Soutenir la rénovation et l'entretien des logements existants dans les quartiers défavorisés.
3. Renforcer l'éducation et la formation
 • Accès équitable à l'éducation préscolaire (CPE et services de garde subventionnés) pour briser le cycle de la pauvreté dès l'enfance.
 • Soutien accru aux élèves en difficulté (tutorat, aide financière, accompagnement psychosocial).
 • Réduire les obstacles financiers aux études supérieures (bourses plus accessibles, logement étudiant abordable).
4. Soutenir la santé et le bien-être
 • Accès élargi aux soins non couverts (santé mentale, soins dentaires, lunettes).
 • Développer des services de proximité dans les régions éloignées et les quartiers défavorisés.
 • Programmes de prévention en alimentation, activité physique et santé mentale.
5. Lutter contre les discriminations systémiques
 • Reconnaissance plus rapide des diplômes étrangers pour les immigrants.
 • Programmes ciblés pour les communautés autochtones : logement, santé, éducation, autonomie économique.
 • Mesures contre le racisme et la discrimination à l'embauche et dans l'accès au logement.
6. Renforcer le filet social
 • Augmenter l'aide sociale et les prestations pour qu'elles couvrent réellement les besoins de base.
 • Bonifier les allocations familiales pour soutenir les familles monoparentales.
 • Développer l'économie sociale et solidaire, qui combine emploi et impact social.
7. Agir sur la redistribution de la richesse
 • Réformer la fiscalité pour qu'elle soit plus progressive (les plus riches contribuent davantage).
 • Limiter l'évasion fiscale des grandes entreprises et des particuliers fortunés.
 • Investir davantage dans les services publics (santé, éducation, transport, culture), qui bénéficient surtout aux ménages à revenu faible et moyen.
En résumé, il n'y a pas de solution unique : il faut agir en parallèle sur le revenu, le logement, l'éducation, la santé, la lutte contre les discriminations et la redistribution de la richesse.
C'est ce qui permet non seulement de réduire la pauvreté, mais aussi de créer une société plus égalitaire et inclusive.
Veux-tu que je te propose un plan structuré de lutte contre les inégalités ? »
J'ai pensé que le PM pouvait continuer tout seul à interroger Chatgpt.
Lui, ou tous les partis en lice aux élections de 2026.
Et avant le remaniement ministériel, le ministre Charrette, qui est encore responsable de la lutte aux changements climatiques, pourrait aussi poser à Chatgpt la question : « Quelles solutions pour lutter contre les changements climatiques au Québec ? »
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Être collectif dans un monde qui divise
 
		Saint-Jérôme, 2 septembre 2025 – Dans un contexte marqué par les inégalités sociales grandissantes, les crises multiples et le désengagement de l'État, le Regroupement des organismes communautaires des Laurentides (ROCL) lance un appel vibrant d'humanité pour réaffirmer la force du collectif dans un monde qui divise. L'histoire nous l'a prouvé maintes fois : c'est dans la solidarité que réside notre véritable force.
Réunis lors d'un lac-à-l'épaule en juin dernier, l'équipe du ROCL et son nouveau conseil d'administration ont élaboré un plan d'action porteur de cette vision collective. Le cœur de ce plan ? Un congrès d'orientation qui se tiendra les 21 et 22 octobre 2025, un rendez-vous solidaire qui marquera un tournant stratégique pour le mouvement communautaire laurentien.
« L'année 2025 marque un tournant crucial pour le milieu communautaire. L'effritement des services publics, la montée des inégalités, la polarisation sociale : ce sont nos communautés et les organismes communautaires qui y sont ancrés qui en subissent les contrecoups directs », témoigne Benoit Larocque, coordonnateur du ROCL. Crise du logement, crise écologique, insécurité alimentaire, violence, pauvreté, santé mentale : les enjeux sont multiples, et ce sont les populations les plus vulnérables qui en paient le prix.
Devant cette urgence d'agir, les groupes communautaires se retrouvent aux premières loges de cette détresse humaine et bien malgré eux, finissent par pallier les absences de l'État, au détriment de leur mission première, celle de transformer la société et défendre les droits des personnes les plus marginalisées.
« Le milieu communautaire n'est pas un pansement. Il est une force de résistance, de transformation et de solidarité. C'est là que se déploie ce qu'il y a de plus humain en nous : la capacité de rêver, de se rassembler, d'espérer, d'agir », rappelle Christine Richard, présidente du ROCL.
Toutefois, dans un contexte où les inégalités s'accentuent, où le financement demeure instable, où les exigences administratives s'alourdissent et où la précarité des conditions de travail fragilise les équipes, comment les organismes communautaires peuvent-ils rester pleinement ancrés dans leur mission de transformation sociale et de militance ?
C'est précisément pour réfléchir à ces questions de fond que se tiendra le congrès d'orientation en octobre prochain. Un moment pour entendre la voix des 164 organismes que le ROCL représente, afin de dégager une posture et des stratégies pour mieux les soutenir dans les années à venir, des années qui seront marquantes pour l'identité du mouvement communautaire, qui se façonne en même temps que l'histoire dans laquelle il s'inscrit.
Et c'est dans le « Nous » que réside la réponse. Cette force collective qui, tout au long de l'histoire et à travers de nombreuses luttes, a permis de faire émerger davantage de justice, d'égalité et de liberté. Comme le disait Desmond Tutu : « Faites le bien par petits bouts, là où vous êtes ; car ce sont tous ces petits bouts de bien, une fois assemblés, qui transforment le monde. »
Face à un monde qui fragmente, les organismes communautaires du Québec affirment, jour après jour, qu'il est possible d'humaniser davantage notre société. À travers son congrès, le ROCL lance un appel à l'unité malgré les différences, à la cohésion, à la réflexion et à la connexion. Un appel à co-créer ensemble un avenir qui nous rassemble et qui nous ressemble à travers nos luttes sociales, nos solidarités, nos coeurs ouverts et nos voix qui refusent de se taire. 
Dans un monde en crise, choisir l'humanité est un acte radical. Et ensemble, nous continuerons de choisir ce qui unit plutôt que ce qui divise.
Le ROCL est un regroupement existant depuis près de 30 ans constitué de plus de 160 organismes communautaires autonomes qui œuvrent dans les Laurentides. Lieu de rassemblement pour les organismes de la région, il offre de la formation, de l'accompagnement et du soutien aux organismes du territoire afin de leur permettre de s'épanouir pleinement dans leurs racines communautaires. Il vise par son action, son approche et son rôle de représentation à faire rayonner l'identité des organismes communautaires autonomes et à opérer de profonds changements pour plus de démocratie, de solidarité et de justice sociale et écologique.
P.J. Sur la photo, sept des neuf membres du C. A. et l'équipe de travail du ROCL
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Journée internationale de l’alphabétisation :La stratégie nationale de lutte à l’analphabétisme ne peut plus attendre !
 
		Montréal, le 8 septembre 2025 — En cette Journée internationale de l'alphabétisation, le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec (RGPAQ) presse le gouvernement du Québec d'inscrire au rang de ses priorités la lutte à l'analphabétisme et le développement des compétences en littératie, numératie et littératie numérique de la population. Pour y arriver, l'adoption d'une stratégie nationale de lutte à l'analphabétisme doit impérativement faire partie des orientations phares de sa Politique d'éducation des adultes et de formation continue en cours d'élaboration.
En une décennie, la proportion de personnes peu alphabétisées a augmenté au Québec. En 2012, 19 % de la population québécoise âgée de 16 à 65 ans, soit plus d'un million d'adultes, avaient de grandes difficultés avec l'écrit. En 2022, cette proportion a grimpé à 22 %. Ces plus récents résultats issus du Programme pour l'évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA 2022) commandent à la fois une action gouvernementale d'envergure et structurante et l'allocation de ressources suffisantes.
Selon Caroline Meunier, coordonnatrice du RGPAQ, « le fait qu'une partie importante de la société québécoise se situe aux plus faibles niveaux de littératie engendre des coûts sociaux et économiques majeurs, en plus d'avoir des effets délétères sur la trajectoire de vie des personnes directement concernées et celle de leurs enfants. Cela compromet la capacité de ces personnes à exercer pleinement leurs rôles sociaux et est source d'inégalités sociales et économiques. Tout cela justifie une intervention vigoureuse de l'État, ainsi que de l'ensemble de la société. »
En juin dernier, le gouvernement du Québec conviait des représentants de la société civile à un rendez-vous visant à actualiser la Politique gouvernementale d'éducation des adultes et de formation continue datant de 2002. Le RGPAQ espère fortement que cet exercice de mise à jour sera l'occasion pour l'État québécois d'enfin prendre acte de la nécessité d'agir en matière d'alphabétisation et de lutte à l'analphabétisme. Le RGPAQ l'exhorte, par le fait même, à lancer un grand chantier de travail pour doter le Québec d'une réelle stratégie nationale de lutte à l'analphabétisme.
« Le Québec doit impérativement se doter d'une stratégie nationale de lutte à l'analphabétisme et renforcer ses mesures de lutte à la pauvreté et l'exclusion, soutient Caroline Meunier. Une telle stratégie, élaborée et mise en œuvre avec le concours d'acteurs clés de la société civile, devra s'attaquer aux causes et aux conséquences de l'analphabétisme. Surtout, davantage de ressources devront être investies pour soutenir à la fois les adultes, désirant améliorer leur niveau de littératie, et les lieux d'apprentissage leur offrant cette occasion. Notre réseau se tient prêt à collaborer à cet important chantier de travail. »
Le RGPAQ<https://rgpaq.qc.ca/> représente 78 organismes d'alphabétisation populaire à travers le Québec. Il est voué à la promotion et au développement de l'alphabétisation populaire et des groupes populaires d'alphabétisation ainsi qu'à la défense collective des droits des adultes peu alphabétisés. Il partage avec l'ensemble du mouvement de l'action communautaire autonome la vision d'une société juste, égalitaire et démocratique.
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Fin du mauvais théâtre à Longueuil ?
 
		« Catherine Fournier a mis fin au « mauvais théâtre » qui divisait Longueuil », pouvait-on lire samedi dans le Devoir.
Curieusement, l'espace « commentaires », habituellement à la fin des articles, était inexistant. Condition de son équipe de communications ? Le Devoir qui prend parti discrètement dans l'élection ?
Je me permets donc d'intervenir ici pour rappeler quelques hauts faits de notre grande « metteuse en scène ».
1. Le dossier de l'aéroport 1 : dans son programme électoral de 2021, elle avait écrit « Nous exercerons un leadership solide afin que le développement de l'aéroport soit soumis à des conditions strictes d'acceptabilité sociale ». Deux consultations publiques en 2022, l'une pilotée par le député fédéral Denis Trudel, l'autre résultant de l'Office de participation publique de Longueuil issu de l'administration Fournier, sont arrivées à la même conclusion : aucun développement/expansion sans dépôt pour discussion publique d'études pertinentes (économique, sanitaire, environnementale, climatique). Or, quatre mois après le dépôt des deux rapports de consultation, l'expansion de l'aéroport était annoncée, sans dépôt des études demandées, dans une conférence de presse où les journalistes recevaient l'information sans droit de poser des questions, et où la porte-parole médiatique était la mairesse qui répétait partout qu'il y avait acceptabilité sociale, puisque 58 % de la population sondée s'était dite favorable à une augmentation du nombre de vols à l'aéroport (sans définition de l'augmentation : nombre et types d'avions). Voici ce qu'étaient les « conditions strictes d'acceptabilité sociale » de Catherine Fournier.
2. Le plan climat : en chantier dès 2022, promis pour 2024, mais pourtant retardé d'un an, sans doute, pour obtenir la plus grosse subvention du programme québécois Accélérer la transition climatique locale. Or, la lecture du plan nous apprend que ses données datent de 2019 : conséquemment, l'expansion de l'aéroport, qui fait partie de la Ville de Longueuil, n'est pas incluse dans le portrait des émissions de gaz à effet de serre (GES) du territoire. C'est pas rien puisque cette expansion ajoutera aux appareils des écoles de pilotage, surnommés « tondeuses à gazon volantes » par la population importunée, plus d'une centaine d'avions de ligne chaque jour, sans compter les vols privés et les vols nolisés. Plusieurs centaines de milliers de tonnes de GES seront émises annuellement, en plus des particules fines cancérigènes découlant de la combustion du carburant dans les moteurs. Cette pollution ne s'arrêtera pas les jours d'été où la fumée des incendies de forêt rend l'air dangereusement irrespirable pour la population, entre autres pour la santé des enfants. Quant aux promesses de réductions du plan, elles seront vite effacées par les GES du nouvel aéroport.
3. La chaise des générations : fascinée par ce symbole lancé par le maire de Québec, soit placer dans la salle du conseil municipal une chaise des générations pour rappeler aux élu.e.s que leurs décisions ont des impacts sur les générations futures, la mairesse commanda à Mères au Front - Rive-Sud une telle chaise qu'elle s'empressa de recevoir avec tout son conseil un soir de séance. Du bien beau théâtre ! Ensuite ? Ensuite, rien. On a placé la chaise dans un coin, et on a continué d'agir comme avant : « business as usual » !
 4. Temps des questions publiques réduit de 5 à 2 minutes, interventions coupées au nom du “décorum”, réponses éludées. Une vraie farce de démocratie !
Imitant son conseiller Sylvain Larocque, la mairesse peut maintenant crier : fin du mauvais théâtre, place au stand-up !
Jacques Benoit
Citoyen de Longueuil
Membre de GMob (GroupMobilisation)
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Entre Battle River-Crowfoot, Londres et Victoria, des chemins différents vers un même objectif : se débarrasser du système électoral actuel
 
		À dessein, les 214 candidatures indépendantes sur les bulletins de Battle River-Crowfoot font réagir. Par cette action, le Longest Ballot Committee (LBC) revendique de remplacer le système électoral fédéral en mettant en place une assemblée citoyenne. Je peux concevoir qu'une telle assemblée soit appropriée à ce niveau, puisqu'aucun modèle de remplacement n'a encore été déposé. Qu'une assemblée citoyenne ne soit pas mon choix pour le Québec ne m'empêche cependant pas d'être solidaire des mouvements qui la choisissent, et j'éprouve la même solidarité envers des opérations comme celles du LBC.
Leur action a fait ressortir la pire démagogie dont Pierre Poilievre est capable, hiérarchisant les candidatures valables à ses yeux versus les autres. Quant à la réaction d'Élections Canada,elle prouve qu'il est facile d'afficher la liste des candidatures pour simplifier le vote, procédure tout à fait normale sous divers modèles proportionnels, annulant ainsi un vieil argument du camp du statu quo.
Les médias d'ici n'en parlent pas, mais ce statu quo est actuellement contesté au Royaume-Uni et en Colombie-Britannique. Les parlementaires y ont entamé des travaux qui pourraient bien mener à la fin du mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour… celui que nous devrions aussi mettre au rebut.
Pour la première fois, la Chambre des Communes britannique fait un premier pas vers le remplacement du mode de scrutin portant son nom, et c'est un événement. Qualifiées comme étant les pires de l'histoire du Royaume-Uni, les élections de 2024 ont permis au parti Labour de former un gouvernement majoritaire avec seulement 34% des voix, produisant un indice de distorsion de 24, ce qui est très élevé.
Ce réveil brutal a contribué à ce que des organisations comme Electoral Reform Society. Fair Vote UK et Make Votes Mattermettent le sujet dans l'actualité. Et il y est.
Audébut décembre 2024, un projet de loi proposant d'établir un système proportionnel pour les élections nationales et locales a été déposé (Bill 138). Le 30 janvier, les parlementaires britanniques ont débattu durant 2,5 heures sur le sujet, mais il faut maintenant que le principe du projet de loi soit adopté afin qu'une Commission parlementaire en fasse l'examen, ce qui est actuellement prévu pour le printemps. L'opinion publique étant maintenant au rendez-vous, le calendrier pourrait s'accélérer, le plus récent sondage du National Centre for Social Research rapportant que 60% de la population britannique appuie le changement du mode de scrutin, confirmant la tendance observée depuis 2021.
Du côté de la Colombie-Britannique, depuis octobre 2024, un gouvernement tout juste majoritaire a été formé par le Nouveau Parti démocratique, avec 47 des 93 sièges, versus 44 pour le Parti conservateur et 2 pour le Parti vert.
À peine 2 mois plus tard, le NPD et le Parti vert signaient une entente de collaboration, renouvelée en mars, créant notamment un comité multipartisan pour consulter et recommander un nouveau mode de scrutin. À la différence de bien d'autres gouvernements, cette promesse n'a pas servi à repousser le sujet ; le 18 juillet le Special Committee on Democratic and Electoral Reform concluait 11 journées d'auditions et son rapport sera déposé fin novembre. Malgré la saison estivale, 136 personnes et 46 organisations y ont été entendues, dont le tiers par des femmes. Les mémoires déposés ne sont pas encore disponibles, mais mon analyse du verbatim des 182 présentations démontre un très grand intérêt envers le remplacement du système électoral.
Outre les personnes et organisations s'étant exprimées uniquement sur le 2e volet de la consultation, pour un vote à 16 ans et l'éducation à la démocratie, le remplacement du système électoral a été abordé dans 140 auditions, mais surtout, 134 fois en faveur de l'implantation d'un système de la famille proportionnelle. Un appui à 96%, dont le Comité ne pourra faire abstraction !
Ce message impressionnant démontre aussi que les écueils des 20 dernières années n'ont pas eu raison du mouvement dans cette province. La plupart des présentations se sont concentrées sur les objectifs démocratiques à atteindre, mais plusieurs ont spécifié vouloir une proportionnelle mixte compensatoire, suivie du vote unique transférable (STV), confirmant le choix exprimé au référendum de 2018.
Les probabilités sont grandes pour que les travaux de ces deux parlements mènent, au début de 2026, au rejet du « modèle britannique », ce qui serait assez cocasse considérant leurs noms respectifs. Leurs processus sont très différents, mais dans les deux cas, ils devront se conclure par la modification de leur loi électorale.
Les événements du Royaume-Uni et de la Colombie-Britannique ont plus de chances d'influencer Mark Carney, François Legault ou Paul St-Pierre-Plamondon que l'allongement du bulletin de vote, mais tout doit être tenté.
Mercédez Roberge, autrice de Élections québécoises de 2022 et précédentes : s'indigner et remplacer le système électoral(2024) et de Des élections à réinventer, un pouvoir à partager (2019 - Éditions Somme toute). Présidente du Mouvement démocratie nouvelle de 2003 à 2010.
11 août 2025
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La Caisse et la Palestine : tenter de rassurer tout en évitant de répondre
 
		Le 15 juillet, La Presse publiait une lettre ouverte du PDG de la Caisse, Charles Émond, intitulée “Nous nous préoccupons de la crise humanitaire en Palestine”. Dès le lendemain, nous avons contacté La Presse pour sonder leur intérêt à publier une réaction de la Coalition. Après quelques échanges, nous avons reçu la réponse suivante le 21 juillet : “La Presse a publié plusieurs textes sur cette question récemment, qui présentaient des points de vue différents, c'est pourquoi nous n'avons pas retenu le vôtre pour publication.” Il s'agit d'une réponse standard qu'on aurait pu nous faire dès le départ... Mais, en nous répondant ainsi après quelques jours de réflexion, La Presse prend surtout la décision de laisser le dernier mot à La Caisse, car elle n'a publié aucun texte de réponse à la lettre ouverte de Charles Émond.
 Pour mieux comprendre cette décision, il faut savoir que c'est La Presse qui avait elle-même sollicité cette lettre ouverte de La Caisse dans des circonstances, disons, un peu troubles, autour de la publication d'un autre article intitulé “Sortez nos caisses de retraite de « l'économie du génocide »”, initialement soumis le 7 juillet et paru le 15 juillet, sous la signature de Rafaëlle Sinave et 124 autres personnes. Cette lettre avait fait l'objet de longues discussions et de nombreux ajustements de contenu entre son autrice principale et la section “Dialogue” de La Presse, qui avait indiqué, tour à tour, que la lettre pourrait être publiée le 9, puis le 10, puis le 11 juillet. Puis, coup de théâtre, l'autrice apprend le 10 juillet que La Presse décide de ne pas publier ! Et enfin, dernier revirement, face aux protestations plus que légitimes de Rafaëlle Sinave, La Presse offre une nouvelle date de publication, le 15 juillet, à condition que La Caisse – qu'ils avaient eux-mêmes pris l'initiative de solliciter entretemps – accepte de publier une lettre ouverte en même temps. Que la publication d'une lettre de citoyen.nes dépende de la publication d'une lettre d'une institution publique qui jouit de multiples forums pour faire connaître sa position est plutôt renversant !
 Notons finalement que Le Devoir a décidé de ne pas publier le texte de la Coalition, en invoquant qu'une “réplique” devait être faite dans le même média que le texte critiqué. Et que Le Soleil n'a pas répondu à notre demande.
La Caisse de dépôt et placement du Québec (La Caisse) est nommément pointée du doigt dans le rapport du 30 juin de la Rapporteuse spéciale de l'ONU, Me Francesca Albanese, intitulé « De l'économie d'occupation à l'économie de génocide ». En réponse à la couverture médiatique significative de ce rapport, le PDG de La Caisse, Charles Émond, a adressé une lettre ouverte à tous les Québécois.es, parue dans La Presse le 15 juillet. Sa lecture révèle une simple opération de sauvetage de l'image de La Caisse, évitant systématiquement d'aborder les enjeux véritables tout en appelant à « continuer d'avoir un dialogue constructif ».
Quel est le fond de la question ?
Le droit international interdit de fournir des armes, de la machinerie, de l'équipement, des matériaux, des produits et des services de quelque nature que ce soit qui contribuent au génocide à Gaza, à l'établissement, au maintien ou à l'expansion des colonies israéliennes, au régime d'apartheid israélien et à l'occupation militaire en Palestine.
Ce que le rapport de Me Albanese démontre, c'est que les grandes entreprises et institutions financières de partout dans le monde ont systématiquement ignoré leurs obligations à cet égard, y compris jusqu'au génocide actuel. Le rapport de Me Albanese indique que la CDPQ investit 9,6 milliards $ dans la quarantaine de compagnies qui y sont nommées. Me Albanese indique qu'il ne s'agit que de la pointe de l'iceberg. Uneanalyse plus détaillée de la Coalition du Québec URGENCE Palestine et du Mouvement pour une paix juste, en avril 2025, montre en effet qu'il s'agit plutôt de 27,4 milliards $ dans 76 entreprises. C'est sur cette base que se mène la campagne panquébécoise «  Sortons la Caisse des crimes en Palestine ».
La Caisse déforme ou minimise ce qui lui est reproché
D'entrée de jeu, la Caisse se disculpe et se veut rassurante. Elle ramène les critiques qui lui sont adressées à des « allégations ». Elle se défend par la simple réaffirmation de sa bienveillance. Et elle prétend qu'elle a déjà agi, en bloquant tout nouvel investissement en Israël et dans le Territoire palestinien occupé (TPO).
Or, comme nous l'avons fait savoir plusieurs fois à la Caisse, ce qui nous préoccupe ce ne sont pas principalement ses investissements en Israël, mais bien ses investissements dans des compagnies de partout dans le monde, dont certaines activités s'inscrivent dans l'économie d'occupation et l'économie de génocide, dénoncées par Me Albanese. M. Charles Émond nomme bien quelques-unes de ces compagnies, mais il prend soin de ne jamais mentionner ce qui leur est reproché.
Concernant Lockheed Martin, qui fournit à Israël la majorité des avions servant à bombarder Gaza, largement responsables pour les 62 000 morts et 112 000 blessés depuis le début du génocide, M. Émond ramène le problème à « une exposition de 0,025 % » dans « des actions déjà en circulation sur les marchés, qui font partie de paniers de titres standards ». En quoi ce jargon financier exonère-t-il La Caisse ?
Concernant Caterpillar, M. Émond affirme qu'il « est extrêmement difficile de tracer une ligne entre les entreprises qui ont des politiques pourtant claires et l'utilisation finale de leurs produits par leurs clients ». Or l'utilisation des bulldozers D9 de Caterpillar par l'armée israélienne pour démolir des dizaines de milliers de maisons palestiniennes est documentée depuis des décennies et a fait l'objet de nombreuses campagnes de dénonciation, notamment par Human Rights Watch(2004) et Amnesty International (2010). Dans le génocide en cours à Gaza, les bulldozers D9 de Caterpillar ont joué et continuent de jouer un rôle central dans la destruction impitoyable de toutes les infrastructures civiles de Gaza. M. Émond mentionne aussi que Caterpillar « fabrique des machines pour usage dans la construction, dont de grands projets d'infrastructure ». Nous lui rappelons qu'en plus des démolitions, cette entreprise a notamment participé aux « grands projets d'infrastructure » des colonies où plus de 700 000 Israélien.nes vivent illégalement dans le TPO, et du mur de séparation de plus de 700 kilomètres qui a servi à annexer près de 10% de la Cisjordanie.
Pour qu'un dialogue soit possible, il faut un réel attachement aux droits
Les activités des compagnies mentionnées ci-haut et de dizaines d'autres dans lesquelles la Caisse investit participent à des crimes commis par Israël. De répéter qu'il ne s'agit que d'une petite partie de leurs activités dans le monde démontre le peu d'importance qu'accorde la Caisse au droit international et, particulièrement, aux violations des droits du peuple palestinien.
La Caisse décrit la situation en Palestine avec des termes vagues comme « conflit » et « crise humanitaire », alors que c'est d'occupation militaire, de colonisation, d'apartheid et de génocide qu'il s'agit, comme le démontre bien le rapport de Me Albanese. Il documente abondamment la participation de nombreuses entreprises à travers le monde, dont la CDPQ, à la commission de ces crimes.
C'est notre argent que gère la Caisse et elle doit le faire de manière responsable, éthique et transparente. S'assurer qu'aucun de ses investissements ne contribue, de manière directe ou indirecte aux crimes commis contre le peuple palestinien fait partie de ses obligations. À mesure que la population québécoise est mise au courant, son indignation croît. Le déni total de la Caisse ne passera pas !
Bruce Katz (Palestiniens et Juifs Unis – PAJU)
Martine Eloy (Collectif Échec à la guerre)
Raymond Legault (porte-parole de la Coalition du Québec URGENCE Palestine)
Amélie Nguyen (Centre international de solidarité ouvrière – CISO)
Catherine Pappas (Alternatives)
Glenn Rubenstein (Voix juives indépendantes – Montréal)
membres du Comité de coordination de la Coalition du Québec URGENCE Palestine
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L’interdiction de livres en Alberta et une confrontation avec le syndicat des enseignants
 
		La première ministre Danielle Smith et ses ministres de l'Éducation et des Finances ont passé une grande partie de la journée de vendredi dernier, le 29 août, à s'enfoncer davantage dans les impasses qu'ils avaient eux-mêmes créées avec leur soi-disant « interdiction qui n'en est pas une » et leur impasse auto-infligée dans les négociations avec le syndicat des enseignants de la province.
2 septembre 2025 | Rabble.ca | Photo : La première ministre de l'Alberta, Danielle Smith, lors de sa conférence de presse sur la carte d'identité santé, où le sujet de l'interdiction des livres a été abordé.
Riez, et le monde rit avec vous ; interdisez The Handmaid's Tale (La servante écarlate), et le monde se moque de vous.
Avec cette interdiction de livres, la première ministre Smith et son armée de robots sur les réseaux sociaux semblent apparemment ignorer que si vous accusez un conseil scolaire de « conformité vicieuse » pour avoir tenté d'établir une liste de livres à interdire en réponse à votre propre arrêté ministériel mal rédigé, vous exposez en réalité votre propre incompétence au grand jour.
C'est ce qui arrive lorsque vous ordonnez à un tiers réticent de faire un sale boulot afin de ne pas avoir à affronter les conséquences lorsque la liste des livres à brûler (pardon, je voulais dire interdire) inclut inévitablement un ou deux titres (ou cinquante) qui suscitent la controverse parmi les personnes instruites.
Oui, vous vous retrouvez ridiculisé, et il faudra du temps pour vous en remettre, même si vous avez enfin présenté une preuve de couverture médicale qui ne ressemble pas à quelque chose imprimé sur une imprimante matricielle.
Oui, tout le Canada se moque maintenant du gouvernement conservateur social autoritaire de l'Alberta, parce que The Handmaid's Tale (La servante écarlate) de Margaret Atwood s'est retrouvé sur une liste de livres interdits que le même gouvernement avait ordonné au conseil scolaire d'Edmonton de créer, et ils ne vont pas arrêter de rire simplement parce que vous essayez de blâmer le conseil scolaire. Le reste du monde se joindra probablement aux rires plus tard.
« Edmonton Public fait clairement un peu de conformité un peu excessive quant à la direction à suivre », a déclaré Smith avec humeur lors de la conférence de presse sur la carte d'identité santé. (AlbertaPolitics.ca considère cela comme une preuve que la première ministre lit notre blog.)
« S'ils ont besoin que nous les guidions dans le processus pour identifier quels types de documents sont appropriés », a-t-elle ajouté sarcastiquement, « nous travaillerons avec eux, avec plaisir, pour passer leur liste en revue, un par un, afin que nous soyons très clairs sur ce que nous essayons de faire. »
Comme nous l'avions déjà noté ici, ce qu'ils essayaient de faire était déjà parfaitement clair. À savoir : assurer le soutien politique continu des parents évangéliques d'enfants en âge scolaire, provoquer les éléments homophobes et « anti-woke » de la base de l'UCP, et piéger les adversaires politiques en les forçant à défendre la pornographie.
L'erreur du conseil scolaire public d'Edmonton a été de tenter de se conformer à cet ordre ridicule en premier lieu, au lieu de dire au ministre d'aller se faire voir.
Comme l'avocat éminent d'Edmonton, Simon Renouf, l'a commenté dans le billet d'hier, l'ordre du ministre de l'Éducation Demetrios Nicolaides n'établit ni objectifs ni normes, contrairement à ce qu'il prétend. « Il impose de nouvelles tâches, et contestables, aux conseils scolaires pour faire le sale boulot du gouvernement, qui dépassent largement le cadre de la Loi sur l'éducation. »
Renouf poursuit : « Assurément, tout conseil scolaire digne de ce nom (ceux qui ne sont pas intimidés par les agitateurs de Take Back Alberta) devrait dire : Désolé, ministre, nous n'irons pas là. Interdire des livres n'est pas du ressort du conseil scolaire. Nous engageons des enseignants et des bibliothécaires professionnels pour sélectionner les livres dans nos bibliothèques, et nous irons devant les tribunaux pour affirmer notre droit – et notre obligation – de le faire. »
Hélas, en Alberta comme dans le pays au sud de nous, il existe un étonnant manque de courage institutionnel pour résister aux impulsions autoritaires de nos gouvernements MAGA.
Quant à la faible tentative de Nicolaides et du ministre des Finances Nate Horner lors d'une conférence de presse matinale pour faire porter à l'Association des enseignants de l'Alberta la responsabilité d'une grève possible des enseignant-es en septembre, il s'est avéré que ce n'était qu'une reprise du communiqué de presse peu convaincant de la veille au soir.
Il y a quelque chose d'intrinsèquement comique dans le spectacle de quelques politicien-nes professionnel-les, bien que dans ce cas peu talentueux, accusant des gens qui ont de vrais emplois de « faire de la politique ».
La réponse de Larry Booi, ancien président de l'Association des enseignants de l'Alberta, que la CBC a retrouvé en vacances en Nouvelle-Écosse, résume bien le problème auquel le gouvernement est confronté à cause de l'ingérence mal informée de ces deux ministres dans les relations de travail – qui, à l'instar du fonctionnement des bibliothèques scolaires, s'avère être une activité qu'il vaut mieux laisser aux professionnel-les.
« Ces deux ministres tournent tellement vite qu'ils doivent souffrir de vertige aujourd'hui », a-t-il déclaré à l'intervieweur de l'émission matinale d'Edmonton. « Quand on peut se présenter comme les protecteurs des conditions d'enseignement et qu'on est complice de leur destruction depuis six ans, c'est tout un exploit ! »
« Ils ont enfin reconnu la nécessité d'améliorer ces conditions de classe », a poursuivi Booi. « Mais s'ils n'améliorent pas aussi les conditions salariales, je pense que les enseignant-es n'ont aucune raison de s'excuser de demander les deux. »
Danielle Smith expose ses goûts littéraires
Comme cela avait également été prédit ici hier, la première ministre Smith n'était pas vraiment ravie de la proposition de proscription du conseil scolaire public d'Edmonton selon les ordres de Nicolaides concernant Atlas Shrugged d'Ayn Rand, un livre que la première ministre a indiqué dans le passé préférer à l'œuvre de Mme Atwood.
« Je n'ai pas lu Atlas Shrugged avant mes 22 ans », a confessé Smith à un journaliste curieux, ce qui explique beaucoup de choses. « J'avais un ami en 10e année qui l'avait lu. Peut-être devrions-nous en faire une lecture obligatoire au lycée, car c'est un livre assez influent et je pense qu'il explique vraiment l'importance de valoriser nos entrepreneurs et notre économie de marché libre. » De plus, a-t-elle ajouté, il est « absolument approprié pour les enfants d'âge scolaire ».
Je laisserai aux lecteurs la célèbre évaluation très juste du scénariste John Rogers sur le chef-d'œuvre de feu Rand : « Il existe deux romans qui peuvent changer la vie d'un adolescent de quatorze ans passionné de lecture : Le Seigneur des anneaux et La Révolte d'Atlas (Atlas Shrugged). L'un est un conte fantastique enfantin qui engendre souvent une obsession permanente pour ses héros invraisemblables, conduisant à une vie adulte émotionnellement atrophiée, socialement handicapée, incapable de faire face au monde réel. L'autre, bien sûr, met en scène des orques. »

Déclaration du Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC)
 
		Nous avons pris connaissance des mesures annoncées par le bureau du Premier ministre quant à l'assurance-emploi dans le cadre de la guerre commerciale avec les États-Unis.
En premier lieu, la prolongation des mesures suspendant le délai de carence et les règles entourant le traitement des indemnités de cessation d'emploi jusqu'en avril 2026 est une bonne nouvelle, qu'il faut souligner. Encore une fois, il faudra penser à les rendre permanentes une bonne fois pour toute.
En second lieu, si l'introduction de semaines supplémentaires de prestations d'assurance-emploi pour les « travailleurs de longue date » pourra permettre d'accorder un soutien aux travailleurs et travailleuses de certains secteurs de l'économie, elle laisse tomber plusieurs milliers d'autres en ressuscitant une mesure discriminatoire de l'ère Harper qui inspira son odieuse contre-réforme. En ciblant les « travailleurs de longue date », on crée une division artificielle et inéquitable parmi les travailleurs et travailleuses. En ne prolongeant pas la mesure qui permet une admissibilité élargie à l'assurance-emploi dans le contexte actuel d'instabilité économique, le gouvernement met les travailleurs et travailleuses précaires dans une position vulnérable, et ne semble pas réaliser que la crise n'affecte pas juste les gens qui ont des emplois depuis plusieurs années.
Plutôt que de diviser les travailleurs et travailleuses en catégories arbitraires, Mark Carney devra considérer l'amélioration du programme d'assurance-emploi afin de fournir à l'ensemble des travailleurs et aux travailleuses une réelle protection en cas de chômage, peu importe les tempêtes économiques éventuelles. Alors que le taux de chômage continue de grimper, il y a de quoi être inquiet, surtout face aux volte faces répétées du gouvernement Carney face aux États-Unis. Devant la crise et l'instabilité, il faut penser à tout le monde.
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Harcèlement lesbophobe : « Cette histoire, nous ne la connaissons que trop bien »
 
		On ne connaît pas personnellement Caroline Grandjean. On ne connait pas non plus ses proches, ni leurs souhaits, même si on a d'immenses pensées. Mais cette histoire, nous ne la connaissons que trop bien. Notre histoire lesbienne est criblée des injures létales infligées à nos sœurs. La lesbophobie tue. Les insultes tuent.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/09/05/harcelement-lesbophobe-cette-histoire-nous-ne-la-connaissons-que-trop-bien/?jetpack_skip_subscription_popup
Texte lu le 2 septembre 2025 par Alice Coffin dans le cadre d'un événement organisé par Label Gouine* au Bonjour Madame (bar parisien du 11eme arrondissement) et rédigé en collaboration avec la LIG (Fonds de dotation Lesbiennes d'Intérêt Général), L'Observatoire de la lesbophobie, SOS homophobie, Label Gouine*, 1001 Queer.
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On ne connaît pas personnellement Caroline Grandjean. On avait appris le harcèlement lesbophobe dont elle était la cible par la presse. On ne connait pas non plus ses proches, ni leurs souhaits, même si on a d'immenses pensées, pour elles, pour eux, et d'abord pour sa femme mentionnée dans les articles de presse. On va donc, sans parler de sa vie à elle, et en attendant, on l'espère très vite, d'en savoir plus et de pouvoir lui rendre un hommage plus personnel, simplement lui adresser un femmage lesbien. Car sans connaitre Caroline, cette histoire nous ne la connaissons que trop bien.
Notre histoire lesbienne est criblée des injures létales infligées à nos sœurs. La lesbophobie tue. Les insultes tuent.
Caroline Grandjean, directrice de l'école primaire de Moussages, village du Cantal,s'est suicidée hier après des mois de harcèlement et d'insultes lesbophobes. Elle avait effectué des signalements (plusieurs plaintes ont été déposées) et avait dénoncé à maintes reprises le manque d'appui institutionnel. « Sale gouine », « Gouine = Pédophile », « Dégage la gouine » : ce sont les tags qui ont été inscrits sur les murs de son école. Elle avait également reçu une menace de mort dans la boîte aux lettres de l'établissement et évoqué le manque de soutien de la mairie face à ce déferlement.
Elle s'est [jetée d'une falaise, hier, jour de la rentrée des classes.
Le Syndicat des Directrices et Directeurs d'École a affirmé aujourd'hui que Caroline Grandjean a été « broyée par l'institution », ainsi que « par son village, par ses parents d'élèves ».
C'était déjà, la fin du film La Rumeur, récit fiction de deux enseignantes, Martha et Karen, poursuivies par la lesbophobie de tout un village. Le film se termine par le suicide de Martha. La scène finale voit Karen marcher, seule, et digne, face aux villageois. C'est cette fierté qu'il faut garder.
C'était déjà le début de Stone Butch Blues. Leslie Feinberg y décrivait l'horreur du harcèlement butchophobe à l'école.
D'autres œuvres ont suivi, témoignant de la persistance de cette mécanique mortelle. Blue Jeans, en 2022, met en scène une prof de sport harcelée à l'école après la promulgation de la loi « Section 28 » par Margaret Thatcher en 1988. Cette loi stipulait qu'il ne fallait « promouvoir l'enseignement dans aucune école publique de l'acceptabilité de l'homosexualité en tant que prétendue relation familiale ».
Rappelons qu'en 2022, Emmanuel Macron affirmait à propos des questions liées à l'orientation sexuelle : « Je ne suis pas favorable à ce que cela soit traité à l'école primaire. Je pense que c'est beaucoup trop tôt. Je suis sceptique sur le collège mais ma position n'est pas arrêtée ».
Au-delà des œuvres, nos pensées pour Caroline Grandjean renvoient à nos mémoires. Celles de professeures ou d'élèves tuées par la lesbophobie. Nous pensons à Dinah, 14 ans, qui s'est suicidée après avoir été la cible à l'école d'un harcèlement lesbophobe et raciste.
Il n'existe pas de statistiques en France, mais on peut penser qu'elles seraient similaires à celles établies au Royaume-Uni. Plus de 75% des enseignant∙es LGBT+ ont subi du harcèlement ou des brimades professionnelles. Plus de 60% ont été discriminées pendant leur carrière.
Au-delà de notre émotion profonde, de notre colère immense, nous voulons terminer cet hommage lesbien non pas par une minute de silence, car silence = death (silence = mort) comme le scandait Act up, mais par desimages d'action. Celles du mythique groupe de gouines les Lesbian Avengers. Leur premier combat, leur première action, portait contre l'homophobie à l'école. Voici quelques images, avec des témoignages d'enseignantes lesbiennes, pour nous encourager à continuer le combat, en mémoire de Caroline Grandjean.
Un rassemblement plus large est prévu cette semaine. Nous manifesterons devant le ministère de l'Education nationale pour dénoncer son inaction coupable et mortifère.
Rendez-vous vendredi 5 septembre à 18h30, à l'angle des rues Grenelle et Saint-Simon.
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6e action de la Marche mondiale des femmes
 
		Le grand rassemblement du 18 octobre 💜🌍
Horaire : 
10h00 à 12h00 : Arrivée des autobus, micro-ouvert
12h00 à 15h00 : Marche
15h00 à 16h00 : Cérémonie de clôture (performances et prises de paroles)
Lieu :
Place de l'Assemblée nationale (Ville de Québec)
Sur la Marche :
Trajet de 2 km et relativement plat
Des transports adaptées suivront la marche
Fontaines d'eau sur place pour remplir votre gourde 💧
Chaises en quantité limité
Apportez vos imperméables, gourdes, repas, collation et une serviette pour pique-niquer, il n'y aura pas suffisament de tables
Les parapluies ne sont pas autorisés
Autobus
Nous invitons toutes les organisations qui coordonnent des transports de remplir ce formulaire avant le 8 septembre
En savoir plus
Village féministe - 17 octobre
Les mobilisations pour la 6e action de la Marche mondiale des femmes sont commencées depuis le 8 mars ! Et dans le calendrier d'actions, on vous propose de participer au Village féministe la veille du grand rassemblement.
Parce qu'une journée de mobilisation ce n'est pas assez et que les moments de formation sont essentiels à l'action !
🗺️Au programme :
Ateliers créatifs, panels, activités d'éducation populaire autonome, kiosques interactifs, théâtre engagé… pour rire, se mobiliser, créer et s'organiser collectivement.
👩🦽L'événement est accessible : interprétation LSQ, accessibilité aux personnes à mobilité réduite, dîner gratuit). Évènement en non-mixité inclusive.
Merci au Regroupement des groupes de femmes de la Capitale-Nationale pour l'organisation de cette journée.
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Sit-in de Mères au Front « pas de futur, sans nature ! »
 
		TIOHTIÁ:KE / MONTRÉAL, 3 septembre – Dans le contexte de la destruction sans précédent de la biodiversité, les groupes Mères au front de Montréal, de la Rive-sud, des Basses-Laurentides, du Saguenay, ainsi que le groupe Vigie citoyenne Port de Contrecœur appellent à un sit-in spécial « Pas de futur, sans nature ! », ce dimanche 7 septembre à 11 h 30, à l'occasion de la Journée internationale de l'air pur pour des ciels bleus.
Message des groupes co-organisateurs : « nos territoires et la vie qu'ils portent doivent être réellement protégés, non pas sacrifiés aux intérêts industriels ». Les mobilisations contre l'agrandissement du site toxique de Stablex, contre l'expansion du Port de Contrecœur, contre la destruction de milieux naturels par l'usine Northvolt, et contre le projet de loi 97 qui définit un nouveau régime forestier, sont autant de batailles locales qui illustrent un même combat à l'échelle du Québec : celui de freiner l'accaparement et la dévastation des territoires. Des centaines de personnes sont attendues pour cette mobilisation, où se rassembleront citoyen·ne·s et groupes environnementaux autour d'une exigence unique : mettre fin à la complaisance de nos gouvernements envers les projets destructeurs et garantir un avenir habitable.
Cet événement rappelle également que la lutte des Mères au front, ici comme ailleurs, est celle du droit universel à respirer, à vivre sainement et à transmettre une planète vivante à nos enfants ainsi qu'aux sept prochaines générations.
Quoi : En plus de l'animation, des prises de parole et de la musique, les participant·e·s seront invité·e·s à prendre part à un die-in, et à assister à une performance du groupe Puppets for the Planet.
Quand : Le dimanche 7 septembre de 11 h 30 à 13 h 00
Où : Devant le bureau de François Legault à Montréal, au 770 Sherbrooke Ouest
Qui : Plusieurs centaines de citoyennes et citoyens, Laure Waridel, écosociologue PhD et co-fondatrice de Mères au front, ainsi que plusieurs groupes alliés tels que FREDA-Front de résistance écologique et de défense autochtone, la Société pour Vaincre la Pollution (SVP), la Coalition des organismes contre Stablex, le MARE - Mouvement d'action
régional en environnement, Eau Secours, Mobilisation 6600, Last Generation, Greenpeace et plusieurs autres.
Porte-parole : Des porte-parole seront sur place pour répondre aux questions des médias.
 * Sylvie Cantin, Mère au front Rive-Sud et coordonnatrice du Comité Northvolt de Mères au front
 * Rebecca Pétrin, directrice d'Eau Secours [2] et représentante de la coalition des organismes contre Stablex
 * Hélène Reeves, porte-parole de Vigie citoyenne Port de Contrecœur pour l'agrandissement du Port de Montréal à Contrecœur
 * Anne-Marie Chapleau, Mère au front et porte-parole du comité Forêt/caribou de Mères au Front pour le projet de loi 97
 * Anick Bonneville, Membre fondatrice de FREDA-Front de résistance écologique et de défense autochtone [3] et mère au front pour le cas du projet de loi 97
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SIT-IN DE MÈRES AU FRONT « PAS DE FUTUR, SANS NATURE ! »
7 SEPTEMBRE 2025
5 septembre 2025, Montréal / Tiohtià:ke (Québec) - Depuis maintenant trois ans, les Mères au front et leurs allié·e·s se réunissent tous les premiers dimanches du mois pour rappeler à François Legault et à son gouvernement ses responsabilité concernant l'avenir des générations présentes et futures, menacé par l'inaction du gouvernement face à la crise environnementale en cours. À l'occasion de la Journée internationale de l'air pur pour des ciels bleus, ce dimanche 7 septembre à 11h30, des groupes de Mères au front du Saguenay, des Basses-Laurentides, de la Rive-Sud et de Montréal, se joindront à la Vigie citoyenne du port de Contrecœur, FREDA-Front de résistance écologique et de défense autochtone et la Coalition des organismes contre Stablex pour un sit-in Spécial au cours duquel iels exigeront que les territoires et la biodiversité qu'ils abritent soient véritablement protégés. Il y a urgence d'agir face aux conséquences sans précédent de l'écocide en cours.
Ensemble, iels dénoncent le fait qu'au nom de l'économie, le gouvernement du Québec et celui du Canada, permettent la destruction de forêts, du fleuve, de milieux humides et de terres agricoles. Un environnement sain représente un bien commun précieux à protéger, et essentiel à la bonne santé des populations, particulièrement face à la crise climatique.
« Nous demandons au gouvernement la révision, voire l'abandon des projets de développement industriels comme Northvolt, Stablex, le Port de Contrecoeur et le projet de loi 97 sur le régime forestier, qui contribuent à détruire le territoire et la biodiversité, ce qui va à l'encontre du bien-être des communautés et de la population. À cela,
nous répondons : "Pas de futur, sans nature !” » - Isabelle Senécal, pour Mères au front Montréal
Lors du sit-in, il y aura des prises de parole des représentant·e·s de différents groupes et organisations, et de la musique. Les participant·e·s seront également invité·e·s à prendre part à un die-in, en plus d'assister à une performance du groupe _Puppets for the Planet_.
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Sondage : Les Québécois(es) veulent des projets au service du bien commun sans sacrifier l’environnement
 
		Montréal, 8 septembre 2025 — Dans un nouveau sondage effectué par la firme Léger pour le compte d'Équiterre concernant la nouvelle loi fédérale Bâtir le Canada (C-5), la population québécoise a exprimé clairement sa préférence : elle souhaite des projets qui bénéficient directement aux collectivités et elle rejette massivement le contournement des lois environnementales.
Les gens veulent des impacts concrets — pas un pipeline
Les personnes sondées ont identifié la bonification des services publics, la protection des collectivités affectées par les phénomènes climatiques extrêmes et les mesures d'adaptation aux changements climatiques comme prioritaires.
Le projet d'intérêt national recevant le moins d'appui ? Un pipeline ou un gazoduc.
Depuis que la loi C-5 a été présentée, les promoteurs pétrogaziers salivent à l'idée de faire traverser le territoire canadien avec un gros tuyau pour mettre nos ressources naturelles sur un bateau. Or, c'est la dernière chose que les Québécois(es) veulent (48 %). Le gouvernement fédéral et celui du Québec devront être à l'écoute.
« Les gens veulent des systèmes de détection et des équipements de lutte contre les feux de forêt (83 %), ils veulent protéger leurs villes et villages contre les inondations (78 %), ils veulent construire des logements abordables (80 %), des hôpitaux (77 %) et des écoles (72 %). C'est ça qu'ils privilégient comme projets d'intérêt national parce que ce sont des projets concrets qui vont avoir un impact direct sur leur qualité de vie », explique Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales d'Équiterre.
On ne touche pas à l'environnement
Il serait difficile de ne pas souligner le fort rejet de l'approche gouvernementale visant à contourner les lois environnementales comme celles sur les espèces en péril (61 %), les oiseaux (59 %) ou les poissons (59 %).
- « Le message est clair : les gens veulent que ça bouge, mais ils ne veulent pas que le gouvernement fasse n'importe quoi et sacrifie l'environnement au passage », ajoute Marc-André Viau.
Des consultations essentielles
Depuis l'annonce du dépôt de la loi, le gouvernement a choisi de bouger à vitesse grand V en imposant notamment un bâillon à toutes les étapes du processus parlementaire. Le sondage suggère que le gouvernement ne pourra pas esquiver encore longtemps les bonnes pratiques en matière d'acceptabilité sociale.
Selon les personnes sondées, le gouvernement doit tenir compte de l'avis des gouvernements provinciaux (84 %), des populations locales (80 %) et des peuples autochtones (71 %) dans la désignation des projets.
Elles sont aussi majoritairement opposées à l'imposition d'un projet que refuserait un gouvernement provincial (67 %), la population locale (67 %) ou les peuples autochtones (59 %).
« On ne pourra pas continuer longtemps à travailler ce dossier-là derrière des portes closes. Il va falloir, plus tôt que tard, impliquer la population et lui proposer des projets qui l'intéressent », conclut Marc-André Viau.

Pour une vision écologique et citoyenne du développement au sud de l’aéroport de Québec
 
		La ville de Québec entend répondre aux « besoins » industriels pour justifier la destruction d'une grande partie de milieux naturels situés sur plus d'un km2. Le secteur sud de l'aéroport est constitué de boisés, de trois ruisseaux et de vastes milieux humides, mais également de bonnes terres agricoles inutilisées. Pour ce secteur, nous proposons plutôt une vision d'avenir, une vision qui réponde aux besoins actuels mais également futurs de la population de Québec.
S'il est un besoin universel, c'est bien celui de respirer un air pur, rendu possible par les végétaux terrestres et aquatiques qui produisent l'oxygène et assainissent l'air. Le secteur est déjà affecté par la pollution générée par l'aéroport et d'importantes voies de circulation. La pollution nuit également à la santé des autres espèces animales alors que les normes visent seulement les humains. La destruction d'écosystèmes ne fera qu'aggraver la situation.
Le besoin de se nourrir est également incontestable. Tout comme les milieux naturels, les terres agricoles de ce secteur constituent un héritage précieux. Les événements météorologiques extrêmes affectant de plus en plus les récoltes, les chaînes d'approvisionnement et les voies de circulation, les États décideront de nourrir leur population plutôt que de poursuivre les exportations. Se donner la possibilité d'assurer notre sécurité alimentaire à proximité devrait donc être privilégié surtout que ce territoire offre déjà framboises, pommes, cerises, noisettes, mûres, amélanches, asclépiade et bien d'autres ressources.
Vivre dans un état optimal de santé physique et mentale constitue également une aspiration universelle. Et le seul contact avec la nature offre des bénéfices incalculables et gratuits. Une amélioration du fonctionnement du système immunitaire, la prévention du déclin cognitif, une réduction de la tension artérielle, une diminution des comportements hyperactifs et impulsifs chez les enfants et une augmentation des interactions sociales n'en sont que quelques exemples. Observer tranquillement les plantes se développer, apercevoir des traces de vie animale ou bouger intensément au grand air, à travers la beauté naturelle, sont des activités qui peuvent être mises en place rapidement sans investissement important. 
 
Nous devons réaliser que la place de l'humain se situe au sein même des écosystèmes plutôt qu'à l'extérieur ou au-dessus. Le respect de la nature dont nous dépendons pourrait alors devenir le centre de nos préoccupations et se refléter dans l'orientation prioritaire d'aménagement de notre territoire, de sorte que nos besoins humains pourraient être plus adéquatement et durablement satisfaits.
Pour assurer ce respect, il est nécessaire d'avoir en main les études de caractérisation indépendantes nous permettant de de connaître parfaitement les espèces animales et végétales peuplant le territoire. Des études devraient également être faites, notamment, concernant les espaces de liberté à consentir aux ruisseaux et aux milieux humides puisqu'ils se déplacent au fil des changements environnementaux.
Un autre besoin humain fondamental est celui d'avoir un abri. Dans les zones appropriées, nous devrions développer du logement social et abordable puisque c'est ce type d'habitation dont la population a actuellement le plus besoin. La Ville agirait enfin dans le sens inverse au marché spéculatif qui fait en sorte que ce sont davantage les banques, que les personnes, qui sont propriétaires de leur habitation. Nous sommes aussi d'avis que le milieu de vie devrait inclure différentes catégories de gens, dans un même édifice : personnes âgées, familles, personnes à faible revenu, notamment, car ce sont ces personnes qui ont actuellement le plus besoin de logement à coût raisonnable.
Puisque le lien social et l'autonomie sont également des besoins humains fondamentaux, la densification résidentielle constituerait la règle. Pour optimiser l'espace intérieur, des aires communes dédiées à différents usages, collectifs ou individuels comme recevoir un invité, devraient être envisagées, tout en prévoyant des espaces d'intimité.
La construction de bâtiments économes en énergie, par exemple en les positionnant dans une orientation favorable à une basse consommation énergétique, devrait être favorisée ainsi que l'utilisation de matériaux à faible empreinte environnementale.
D'autres usages complémentaires aux vocations résidentielles et agricoles pourraient également être inclus, dans la mesure où ils s'inscrivent dans une perspective écologique, comme des services de garde, le partage des savoirs, diverses formations dont l'agroécologie, et des ateliers de réparation. La réduction, la récupération et le traitement sur place des déchets, notamment liés à la construction, devraient d'ailleurs faire partie intégrante de la planification.
Par ailleurs, puisque l'ensemble des zones naturelles sont interdépendantes, il n'est généralement pas question, de segmenter le territoire, par exemple par des routes asphaltées traversant de part et d'autre le secteur. Ainsi, on devrait tenir compte de la proximité avec la route de l'aéroport à l'est et de la route Jean-Gauvin à l'ouest dans le choix des lieux à développer. La connexion entre les nouveaux secteurs et avec les zones déjà existantes au sud serait finalisée grâce à des sentiers pédestres, de vélo, de ski et de raquette.
Les modes de transports collectifs réduiront aussi notre empreinte sur le territoire en évitant le recours à de vastes stationnements. Et cela abaissera les coûts de transport individuels.
La perspective écologique, en plus de viser à ce que les humains entretiennent des relations équilibrées avec la nature, concerne également l'organisation humaine. L'entraide a permis à la nature de prospérer généreusement, bien davantage que la concurrence. Par exemple, les champignons mycorhiziens dans le sol sont essentiels à la plante pour se nourrir et la plante lui fournit en retour les sucres qu'elle synthétise grâce à l'apport du soleil. La coopération a également permis à l'humanité de tirer le meilleur d'elle-même.
Les personnes qui évolueront au sien de nouveau milieu de vie, celles qui y produiront la nourriture ou celles qui y assumeront diverses autres responsabilités devraient être impliquées dans la planification et la création des différents espaces. La participation du voisinage dès les premières phases des projets, devrait également être favorisée, encouragée et activement recherchée afin qu'ils s'intègrent harmonieusement au quartier actuel et puissent susciter des collaborations. Tous ces gens contribueront à la création de cette vision pacifiste et démocratique en favorisant espaces communs, transports collectifs et actifs, constructions et activités ayant un impact minimal sur la nature.
Réunir des personnes qui ne se connaissent pas et proviennent d'horizons divers constitue un beau défi. Des organisations ayant l'expérience dans ce genre de défi devraient appuyer les personnes concernées afin qu'un dialogue respectueux et constructif puisse permettre un avancement harmonieux des différents projets. Des ressources plus spécialisées dans le domaine de la construction, par exemple, devraient également s'adjoindre aux groupes citoyens.
La ville a la possibilité d'agir pour favoriser la création d'un milieu de vie agréable dans le secteur sud de l'aéroport qui soit à l'image des populations qu'il pourrait desservir. Surtout, elle a le devoir de favoriser la résilience face aux changements climatiques, ce qui inclut de conserver la fraîcheur de la ville et les fonctions écologiques des milieux naturels. Ce faisant, elle peut contribuer à préserver la santé de ses citoyennes et citoyens ainsi que des autres êtres vivants actuels et futurs auxquels nous sommes intrinsèquement liés.
Cela implique que la Ville et ses partenaires cessent de traiter l'environnement comme un dossier parmi d'autres en minimisant l'importance des milieux naturels. Les ressources humaines, matérielles et financières pourraient alors être redirigées de manière à ce que les écosystèmes puissent demeurer nos alliés à perpétuité, tout en favorisant la création d'emplois conséquents. Aucun objectif, même économique, ne peut être atteint sans stabilité et durabilité écologique - fondement de toute aspiration humaine depuis toujours.
Résidents et résidentes de Québec ayant signé :
Coralie Rousseau, pour un futur vert et sain
Maxine Dandois-Fafard, Mère au front Québec
Enrique Macias, La Ville que nous voulons
Claire Murati, Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale nationale
Marie-Hélène Joannette-Cartier, Mère au front pour Céleste
Katherine Robitaille, Doctorante à l'Université Laval
Ariane Leduc, Mère au front
Béatrice Lara Bilodeau, Mère au front pour Rose
Thms Gsln, Citoyen concerné et engagé pour la préservation des écosystèmes
Linda Auclair, citoyenne consciente que le VIVANT est essentiel et qu'il doit être aimé et protégé inconditionnellement
Marie-Hélène Felt, Mère au front pour Élie et Jeanne
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Plus de salaire, mais moins de démocratie syndicale – Une victoire compliquée à Air Canada
 
		Comme le rapporte la Presse Canadienne, les agent·es de bord d'Air Canada ont rejeté à 99,1 % l'entente de principe avec la compagnie aérienne alors que le taux de participation au vote s'est élevé à 99,4% selon le SCFP. Cette décision n'aura cependant pas d'influence sur les vols, puisqu'aucune grève ni lock-out ne pourra avoir lieu. Air Canada et le SCFP avaient envisagé cette éventualité et se sont entendus pour ne pas déclencher de grève ou de lock-out pendant que les négociations se poursuivaient par voie de médiation et d'arbitrage. 5 Septembre 2025. (PTAG)
2 septembre 2025 tiré d'International Viewpoint
Après quatre jours de grève inspirants, les agent·es de bord d'Air Canada votent maintenant sur une entente de principe (EP) qui offre des gains salariaux significatifs. Mais pour obtenir cette EP, les dirigeants syndicaux ont aussi accepté de sacrifier le droit des travailleuses et travailleurs de rejeter l'ensemble de l'entente et de lutter pour plus. Le socialiste canadien David Camfield explique les circonstances inhabituelles de cette lutte – et l'entente tout aussi inhabituelle qui l'a conclue.
Les agent·es de bord d'Air Canada (AC) et d'Air Canada Rouge, environ 10 500 travailleuses et travailleurs, ont fait grève du 16 août jusqu'au matin du 19 août. Le personnel est composé à 70 % de femmes et surtout de jeunes – les trois quarts ont moins de cinq ans d'ancienneté. Ils sont membres du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) parce qu'Air Canada était autrefois une société d'État fédérale (une entreprise publique) qui a ensuite été privatisée.
Les travailleurs n'étaient en grève que depuis quelques heures lorsque le gouvernement fédéral libéral est intervenu. La ministre du Travail a ordonné au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI), l'organisme fédéral compétent pour les travailleur·euses du transport aérien, d'ordonner au syndicat de mettre fin à la grève et de trancher le conflit par arbitrage exécutoire. Cette intervention était largement attendue, puisque les libéraux l'avaient déjà fait à plusieurs reprises, en utilisant l'article 107 du Code canadien du travail.
La plupart du temps, les dirigeants syndicaux s'étaient simplement pliés à cette décision, mais pas cette fois-ci. La grève a continué.
Le président national du SCFP, Mark Hancock, a déchiré l'ordonnance de retour au travail du CCRI devant une foule de grévistes en liesse à l'aéroport Pearson de Toronto. Le message des dirigeant·es du SCFP national et de la composante Air Canada du syndicat était clair : la grève ne serait réglée que par la négociation. C'était une défiance ouverte de l'ordonnance fondée sur l'article 107, dont les dirigeant·es du SCFP contestaient la légitimité.
Hancock a déclaré qu'il était prêt à aller en prison si nécessaire. Cela peut arriver : Grace Hartman, présidente nationale du SCFP, avait purgé une peine de prison en 1981 pour avoir refusé d'ordonner aux travailleuses et travailleurs des hôpitaux ontariens en grève illégale de retourner au travail. Jean-Claude Parrot, du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, avait lui aussi été emprisonné en 1978 pour avoir refusé de dire à ses membres de respecter une loi de retour au travail qui mettait fin à une grève postale.
La grève était absolument solide, sans surprise, car le vote de grève avait été adopté à 99,7 % avec une participation de 94,6 %. Les agent·es de bord soutenaient fermement les revendications syndicales clés : des augmentations salariales substantielles pour compenser l'érosion du pouvoir d'achat subie sous la précédente convention collective – qui avait duré dix ans ! – et la fin du travail non rémunéré, une pratique de longue date dans l'industrie. En effet, les agent·es de bord n'étaient payé·es que pour le temps passé en vol, et non pour tout le temps passé dans l'avion au sol, avant ou après un vol.
Bien que la grève ait cloué au sol tous les vols d'Air Canada et perturbé les voyageur·euses, il y avait beaucoup de sympathie pour les agent·es de bord. Le SCFP avait préparé le terrain grâce à une communication publique efficace centrée sur la question du travail non rémunéré. Des membres d'autres syndicats et des personnes pro-syndicales ont commencé à se joindre aux piquets de grève.
Pour beaucoup de syndicalistes actif·ves, de militant·es de gauche et, je crois, pour de nombreux travailleurs et travailleuses, voir Hancock déchirer l'ordonnance de retour au travail et insister pour que la grève ne prenne fin qu'avec une entente négociée a été électrisant. Pour quiconque était consterné par l'usage du fameux article 107 pour étouffer les grèves et inquiet que cela donne des idées aux gouvernements provinciaux d'ajouter des dispositions semblables aux lois provinciales du travail – qui couvrent environ 90 % des travailleuses et travailleurs de l'État canadien –, voir le SCFP tracer une ligne de résistance a été très inspirant.
Le Congrès du travail du Canada (CTC), équivalent de l'AFL-CIO aux États-Unis, a publié le 17 août une déclaration exigeant le retrait de l'ordonnance. Il promettait un appui financier et autre à la grève, ainsi qu'une « solidarité indéfectible » si le gouvernement intentait une action contre le SCFP. Sans surprise, il restait vague sur la nature concrète de cet appui, mais il s'agissait tout de même d'un soutien sans équivoque à une grève défiant la loi. Le CTC appelait aussi le gouvernement à s'engager à ne plus jamais utiliser l'article 107 contre une grève et à l'abroger dès la prochaine session parlementaire.
La grève a continué jusqu'au lundi 18 août, alors que les négociations étaient suspendues. Mais ce soir-là, on annonçait que l'équipe de négociation du syndicat rencontrerait Air Canada. Tôt le matin du mardi, un accord était annoncé et la grève terminée. Le communiqué du SCFP donnait l'impression d'une grande victoire :
« Les agents de bord d'Air Canada et d'Air Canada Rouge ont conclu une entente de principe, obtenant un changement transformationnel pour notre industrie après une lutte historique pour affirmer nos droits constitutionnels. Le travail non rémunéré, c'est fini. Nous avons retrouvé notre voix et notre pouvoir. Quand nos droits ont été bafoués, nous avons tenu bon, nous avons riposté – et nous avons obtenu une entente de principe sur laquelle nos membres peuvent voter. »
C'est ainsi que la plupart des gens qui soutenaient la grève perçoivent le résultat, mais il n'a pas fallu longtemps avant que des faits viennent nuancer ce tableau.
L'entente de principe soumise au vote ne donne en réalité aux membres que le choix entre ratifier l'accord ou le rejeter, auquel cas les salaires seraient tranchés par arbitrage, tandis que toutes les autres clauses négociées seraient quand même intégrées dans la convention collective. Ce n'est pas du tout ainsi que fonctionne normalement la négociation collective au Canada. Les travailleuses et travailleurs syndiqués ont le droit de voter pour accepter ou rejeter une entente de principe dans son intégralité, sauf en cas d'arbitrage exécutoire. Mais ici, de façon très inhabituelle, et parce que le CCRI avait déclaré la grève terminée juridiquement, les travailleuses et travailleurs font face à un vote de ratification qui ne leur permet pas vraiment de rejeter l'entente. Les dirigeant·es du SCFP ont accepté un règlement qui prive les travailleurs-euses de ce droit et les empêche de reprendre la grève pour obtenir mieux dans ce cycle. Ils n'ont pas gagné une véritable entente de principe négociée que les membres pouvaient accepter ou rejeter, ce qui aurait rendu l'ordonnance de retour au travail lettre morte, encore moins forcé son retrait.
Les travailleurs et travailleuses doivent donc se prononcer sur un vote de ratification qui ne leur permet pas réellement de rejeter l'entente. (Voir l'introduction)
Quant au contenu de l'entente de principe de quatre ans, elle prévoit des augmentations salariales. Pour celles et ceux ayant moins de cinq ans d'ancienneté, une hausse de 12 % dès la première année ; pour les autres, 8 %. Ensuite, 3 %, 2,5 % et 2,75 % les trois années suivantes. Il y a aussi une rémunération partielle au sol, d'une heure ou un peu plus par segment de vol, selon la largeur du fuselage, avec un pourcentage progressant de 50 % du taux horaire cette année à 70 % en 2028. Ce sont des gains, absolument, mais cela ne signifie pas que le travail non rémunéré est terminé ni qu'il s'agit d'un changement « transformationnel ».
Le vote de ratification est en cours, du 27 août au 6 septembre, en ligne et par téléphone, et je m'attends à ce que certains ne votent pas du tout en raison de leur déception, de leur colère et de leur résignation face au fait que, même s'ils rejettent l'entente, ils ne seront pas autorisés à se battre pour une meilleure. Mais comme les attentes étaient élevées, peut-être qu'une majorité votera non. Bien qu'il soit théoriquement possible que les agent·es de bord rejettent l'entente puis déclenchent une grève sauvage qui défie la loi et leurs responsables syndicaux, je ne pense pas que cela se produira. Il faudrait pour cela une organisation vraiment solide parmi les travailleuses et travailleurs de la base, en dehors de la structure syndicale officielle, avec des dirigeants combatifs et sûrs d'eux, des conditions préalables qui semblent douteuses en ce moment.
Dans l'ensemble, je pense que le résultat est une victoire partielle et compliquée. Les travailleurs·euses ont obtenu de réels gains salariaux, mais ils n'ont pas le droit de rejeter une entente et de lutter pour une meilleure. Ce qui s'est passé ne semble guère de nature à dissuader le gouvernement fédéral d'utiliser à l'avenir l'article 107 pour mettre fin aux grèves.
Il convient de souligner que négocier une entente que les travailleurs·euses n'ont pas réellement le droit de rejeter présentait des avantages à la fois pour la compagnie et pour les responsables du SCFP. La compagnie a obtenu la garantie que la grève ne reprendrait pas, et les dirigeants syndicaux ont obtenu une protection contre la pression de la base les incitant à se battre pour une meilleure entente et à mener davantage d'actions de grève.
De plus, le résultat d'une entente que les travailleurs·euses ne peuvent pas réellement rejeter est néfaste pour la construction syndicale. Ce n'est pas démocratique. Cela a retiré des mains des travailleurs et travailleuses la décision de savoir si l'entente était suffisante. Cela n'encouragera pas les militantes et les militants les plus combatifs, qui ont été vraiment inspiré·es par la grève, à s'impliquer davantage dans le syndicat.
Une victoire plus importante était certainement possible. Air Canada était complètement clouée au sol. Elle perdait beaucoup d'argent et était donc sous une forte pression. La direction n'était absolument pas préparée à ce qui s'est produit. Elle s'attendait à ce que le gouvernement fédéral intervienne et que les dirigeants du SCFP disent alors aux travailleurs·euses de se conformer à un ordre de retour au travail. Pendant la grève, le SCFP a publié en ligne une image contenant une citation tirée d'une entrevue accordée par le PDG d'AC, Michael Rousseau, à BNN Bloomberg le 18 août. Rousseau a déclaré : « Eh bien, nous pensions, évidemment, que l'article 107 serait appliqué, et qu'ils n'essaieraient pas illégalement de l'éviter. »
Si la grève s'était prolongée, je pense que le SCFP aurait pu remporter une victoire beaucoup plus grande pour les agent·es de bord et pour la classe ouvrière dans son ensemble. Même sans forcer le gouvernement à annuler l'ordonnance, ils auraient pu obtenir une entente avec des gains plus importants, qui ignorait l'ordre de retour au travail — une entente que les travailleurs·euses auraient pu ratifier ou réellement rejeter. Cela aurait été un précédent incroyable. Et si des actions de solidarité avaient eu lieu, de la part de travailleurs·euses d'aéroport ou de travailleurs·euses de WestJet, principal concurrent d'AC — par exemple des ralentissements, des arrêts maladie, ou le refus de franchir les lignes de piquetage — d'autres employeurs auraient paniqué en coulisses et auraient fait pression sur AC pour régler le conflit. Je ne sais pas si de telles actions de solidarité auraient eu lieu si la grève s'était prolongée, puisque c'est illégal et que la plupart des travailleurs·euses aujourd'hui n'ont aucune expérience de ce type d'action, mais il n'est pas impossible qu'au moins un peu de cela se soit produit, surtout si le gouvernement avait décidé de punir le SCFP pour avoir défié la loi.
Alors, pourquoi les responsables du SCFP ont-ils mis fin à la grève de la façon dont ils l'ont fait ? Pour les dirigeants nationaux du SCFP, je pense que l'objectif principal était de négocier un règlement avec certains gains pour les agent·es de bord. Ils ne voulaient pas que tout soit décidé par un arbitre. Après l'intervention du gouvernement, cela restait leur objectif primordial. Remporter une victoire politique contre l'utilisation de l'article 107 pour casser des grèves — ce qui aurait été une victoire pour la classe ouvrière dans son ensemble — passait au second plan. Une fois qu'ils ont forcé AC à revenir à la table des négociations, ils ont abandonné cet objectif et se sont concentrés sur le but principal.
Pourquoi ont-ils agi ainsi ? Surtout parce qu'ils sont attachés à la négociation collective. Ce processus légalement encadré et strictement contrôlé est au cœur de ce que fait la couche des permanents syndicaux, qu'il s'agisse des dirigeants élus ou du personnel — cela, ainsi que la gestion des griefs, qui est la manière de traiter les différends sur les droits des travailleurs·euses entre deux rondes de négociation.
Je pense que les dirigeants du SCFP ont montré qu'ils sont prêts à soutenir une action militante si c'est ce qu'il faut pour préserver la négociation collective conventionnelle. Cela les distingue des chefs de nombreux autres syndicats. L'intervention flagrante du gouvernement avec des ordres ou des lois de retour au travail mine la négociation collective conventionnelle. Ils sont donc parfois disposés à soutenir les travailleurs·euses qui la contestent, ou même à diriger cette contestation, comme ils viennent de le faire. Ils sont parfois prêts à utiliser des tactiques militantes pour lutter pour des objectifs qui ne sont pas radicaux.
Il faut se rappeler que défier la loi peut entraîner des amendes massives pour les syndicats. Cela peut les affaiblir en tant qu'institutions, voire menacer leur capacité à fonctionner. Pour l'appareil syndical, composé de dirigeants et de permanents à temps plein, c'est un problème d'une autre nature que pour les syndiqué·es de la base, car leur fonction dépend du maintien de la machine syndicale. Donc, une fois que les principaux dirigeants du SCFP ont vu une voie vers une entente qui mettrait fin à la grève et écarterait la menace d'amendes importantes ou de poursuites pour avoir défié la loi, ils l'ont saisie.
Un connaisseur du SCFP m'a dit ceci : « Il faut reconnaître au National d'avoir si bien joué ses cartes — ils se donnent efficacement l'image de militants audacieux auprès des membres et du public, tout en contenant les luttes dans les limites du statu quo. Ils ont le beurre et l'argent du beurre. »
Ce n'est pas la première fois qu'ils agissent ainsi. En 2022, lorsque le Conseil des syndicats scolaires de l'Ontario (OSBCU) du SCFP était en négociation et qu'il a été frappé par une loi provinciale préventive pour l'empêcher de faire grève, ils ont défié la loi et ont quand même fait grève. L'organisation d'actions de solidarité pour soutenir l'OSBCU avait commencé. Dès que le premier ministre provincial a dit qu'il retirerait la loi si la grève cessait, les responsables nationaux du SCFP et d'autres dirigeants syndicaux ont fait pression sur la présidente de l'OSBCU pour qu'elle accepte l'offre et retourne à la table de négociation sans le levier que représentaient les travailleurs et travailleuses en grève et leurs nombreux soutiens. Et c'est ce qui s'est passé.
De loin, le résultat de la grève d'Air Canada peut facilement sembler être ce que le SCFP national a dit qu'il était. Beaucoup de gens pensent donc probablement que ce fut tout simplement une immense victoire. Cela encouragera les militant·es syndicaux à l'utiliser comme exemple positif. Ils pourront dire : « Regardez, le SCFP a défié la loi et a gagné, c'est ce que nous devrions nous préparer à faire si nécessaire. » C'est bien. C'est positif que les agent·es de bord aient montré qu'on peut mener une grève populaire qui défie la loi et qui gagne, même si cela cause des désagréments à beaucoup de gens. C'est bien que le geste de Hancock, déchirant l'ordre de retour au travail, ait été largement relayé dans les médias.
Mais ce qui s'est réellement passé n'est pas ce que cela semble être vu de loin. Pour moi, ce qui s'est passé confirme que nous ne pouvons pas compter sur l'appareil syndical pour nous battre et gagner de façon cohérente, même quand les responsables semblent plus combatifs. Les membres qui veulent des syndicats réellement combatifs, démocratiques et solidaires doivent s'organiser eux-mêmes et travailler à transformer nos syndicats. Nous devons construire des caucus, des groupes de membres qui prennent à cœur ce que disait le Comité des travailleurs de Clyde en Écosse en 1915 : « Nous soutiendrons les responsables tant qu'ils représenteront correctement les travailleurs, mais nous agirons indépendamment dès qu'ils les trahiront. »
30 août 2025
Source : Tempest.

Braver l’interdit Histoire féministe de l’avortement au Québec [1969-1988]
 
		Parution le 16 septembre au Québec
— Marie-Laurence Raby
En 1969, une vaste réforme du Code criminel ouvre la porte à la décriminalisation partielle de l'avortement au Canada et rend possibles certaines interventions pour des raisons thérapeutiques. Au Québec, c'est l'occasion pour le mouvement féministe de se mobiliser et de demander l'accessibilité complète et universelle des services et le retrait de la tutelle médicale. Certaines militantes mettent sur pied un vaste réseau de services d'avortement, actif jusqu'à l'arrêt Morgentaler de 1988.
Les militantes ont défié les lois, joué au chat et à la souris avec la police, traversé la frontière états-unienne et mobilisé leur savoir-faire pour offrir des avortements sécuritaires. C'est cette histoire de l'ombre que raconte ici Marie-Laurence Raby. Une aventure souvent occultée dans l'histoire par le travail des hommes médecins.
« Le mépris n'aura qu'un temps ! »
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L’anti-impérialisme ne peut se diviser sans trahir tous les peuples
 
		Comment stopper les crimes de guerres, les politiques d'apartheid, les crimes contre l'humanité, les génocides, les féminicides, les viols ? Comment arrêter des gouvernements élus ou non, des bandes armées, des autoproclamés serviteurs de dieu ? Comment réduire les soutiens ou les silences institutionnalisés qui permettent à certains de tuer, massacrer, piller, exproprier… ?
Tiré du numéro 14 de la revue Adresse : internationalisme et démocratie.
Aucune condition préalable ne doit être mise aux actions collectives pour neutraliser les responsables de ces crimes. Cependant, la compréhension des mécanismes et des rapports sociaux qui ont favorisé ou permis les ignominies, est plus que jamais nécessaire pour envisager d'agir dans l'intérêt du plus grand nombre.
Nous ne devons jamais négliger les résistances internes (que certain·es cependant continuent publiquement de nier) aux différents exactions des gouvernements, comme, par exemple, au sein de la Fédération de Russie. Ce que nous rappellent à propos de l'avenir de la Fédération de Russie Kirill Medvedev (« Protestations en temps de guerre à l'intérieur des frontières de la Fédération de Russie ») et Liliya Vejevatova (« La résistance féministe en Russie »). On a pu voir également avec la « révolution des cartons », comment les Ukrainien·nes ont su rappeler à leur gouvernement que la conduite de leur guerre contre l'invasion russe était inséparable de l'approfondissement de la démocratie. Différentes formes d'autoritarisme, comme l'analyse Enzo Traverso dans « Autoritarisme et démocratie au 20e siècle », se dessinent, s'entrecroisent, se complètent ou s'affrontent.
L'agression, avec la dimension génocidaire des enlèvements d'enfants et son cortège de crimes de guerre, de la Fédération de Russie de l'Ukraine se poursuit. A Gaza, les crimes de l'armée israélienne sont aujourd'hui nommés politique d'affamement et génocide (voir, entre autres, l'article de Shatha Yaish : « Notre génocide ») ; la politique d'expropriation des populations palestiniennes en Cisjordanie s'amplifie. Tout cela avec la complicité active de certains États et le double langage d'autres (dénonciations du génocide et livraison de minéraux, collaboration institutionnelle, commerce dont celui des armes).
Sans prise en compte de l'ensemble des situations, la pensée devient hémiplégique (et se transforme souvent en soutien implicite à certains dictateurs), les repères s'effondrent, les mensonges se travestissent en vérités, les mots perdent leur sens. Il est donc temps de se pencher sur les propositions de Vladislav Starodubtsev : « Repenser un programme de gauche ».
La crise du mode de production capitaliste (stagnation de la productivité du travail, problèmes liés à valorisation du capital ou au taux de profit dégagé) et des relations sociales (dont la polarisation des richesses captées par des minuscules minorités dans la plupart des pays) qui s'y déploient se traduisent par la montée de l'autoritarisme. Aux choix démocratiques, les possédants opposent leur arbitraire (Samuel Farber : (Réflexions sur l'arbitraire »).
Aux États-Unis, Trump et son vice-président s'efforcent de cocher toutes les cases de ce qu'Enzo Traverso nomme le postfascisme :
– Revendications territoriales pour satisfaire l'espace vital de l'État dominant : Canada, Groenland.
– En finir avec les règles de la mondialisation, appliquer des droits de douane aux pays exportateurs en fonction de l'arbitraire étasunien.
– Désignation de l'ennemi intérieur, l'Autre, les immigré·es.
– Constitution d'une police fédérale dédiée à leur « chasse » (ICE : Immigration and customs enforcement).
– Interdiction et arrestations des manifestant·es pour la Palestine. Poursuite des étudiant·es pro-palestinien·nes.
– Destitutions de juges. La parole gouvernementale primant sur les décisions de justice.
– Glorification de l'armée et indirectement fête d'anniversaire du chef (le 14 juin).
– Restrictions des crédits aux universités. Fermeture de départements contestant le savoir officiel. Intervention directe dans l'élaboration des programmes en fonction de ce « savoir ».
– Fermeture du ministère fédéral de l'éducation.
– Construction de la « vérité officielle » y compris contre les faits établis (licenciement de la directrice chargée d'établir les chiffres de l'emploi, du chef du renseignement militaire). La propagande devenant la parole officielle.
– Chasse aux transexuel·les dans l'armée et les services publics.
– Pour verrouiller l'ensemble de ces mesures « antilibérales » que nous ne pouvons pas toutes énumérer ici, l'emploi de la « Garde nationale » fédérale contre l'avis des maires et gouverneurs : à Los Angeles contre les manifestations contre les exactions de l'ICE, à Washington pour quadriller la ville en attendant de faire de même à Chicago et dans les autres villes démocrates. La sécurité, la sécurité au moment des élections voulue par l'instigateur de l'assaut du Capitole (6 janvier 2021) est toujours le prétexte avancé pour justifier ce qui se déploie : un coup d'État rampant.
S'étendre sur ce point est important car nous connaissons les dictatures (Chine, Russie…) les États « illibéraux » (Hongrie, Inde…) mais jamais nous n'avions assisté à la transformation d'une démocratie bourgeoise en un État post-fascisme en direct au vu et au su du monde entier. Certes, résister est encore possible, dans la rue comme au moment du No Kings Day, dans les syndicats et les associations, mais sans unité des travailleurs et des travailleuses, des partisans·es de l'extension de la démocratie, des communautés, la course contre la montre risque fort d'être perdue.
Le refus des « encadrements » démocratiques et de leur concrétisation sous la forme de droits individuels et collectifs se traduit aussi par le refus des instances internationales comme la CPI et la CIJ. Pourtant par leurs simples existences elles limitent les arbitraires et participent du commun collectif. Le droit international n'est pas une coquetterie (voir les articles dans des précédents numéros d'Adresses). La déclaration Cour internationale de justice (CIJ), « Les États ont l'obligation légale de réduire leurs émissions et de protéger le climat », nous rappelle que nous vivons dans un monde borné. Réduire les émissions de gaz de serre des uns (les pays historiques les plus riches, la Chine et les pays producteurs de pétrole) est une urgence pour tous et toutes.
De la Kanaky à Mayotte, du Sahara occidental à la Palestine, la question coloniale, les politiques néocoloniales ne peuvent être contournées par celles et ceux qui gardent comme boussole le Principe espérance (Ernst Bloch) et qui luttent pour l'émancipation de toutes et tous. Kevin Anderson dans un entretien avec Grusha Gilayeva : « Les chemins de la révolution et le marxisme aujourd'hui », nous invite à reconsidérer des théories toujours en élaboration.
La majorité des travailleurs à travers le monde sont des travailleuses, la majorité des migrants sont des migrantes. L'apartheid dont elles sont victimes en Afghanistan et en Iran semble laisser plus indifférent que l'apartheid subit par les Palestinien·nes. Si les structures sexistes des sociétés et des pouvoirs sont généralisées dans le monde, leurs constructions sont cependant historiques et évolutives. La violence sexiste ne vient pas de nulle part. Un exemple et une analyse nous sont proposés par Roomaan Leach : « Les fondements structurels de la violence sexiste en Afrique du Sud ».
Dans ce numéro aussi, d'autres Adresses à visiter, des sites et des journaux, pour des informations et des analyses.
Partagez pour discuter ensemble.

Éditorial sur les cotisations syndicales : S’acharner sur la mauvaise cible
 
		Dans le contexte de nombreuses crises actuelles, il est pour le moins surprenant qu'un gouvernement considère l'attaque des organisations syndicales comme une voie à privilégier.
Les intentions de vote de la CAQ sont au plus bas. La solution du gouvernement Legault est de ressortir les mêmes vieilles cartes usées dans l'espoir de se relancer. Il mise sur un grand tour de magie et s'en prend encore une fois à l'immigration et aux syndiqué-es.
Cette stratégie est un cul-de-sac parce que la baisse de confiance de la population vient d'ailleurs. Le gouvernement déplait en imposant une énième vague d'austérité qui nuit aux services publics, tout en multipliant de mauvais investissements faits avec les fonds publics.
Restreindre le droit de grève, droit qui permet d'améliorer les conditions de travail et les salaires de milliers de Québécoises et de Québécois n'était pas suffisant. Voilà qu'on s'en prend maintenant aux cotisations et aux finances des syndicats.
Cette nouvelle salve s'inspire des attaques similaires menées par la droite extrême chez nos voisins du sud, avec les résultats que l'on connait : un taux de syndicalisation famélique, une classe moyenne qui en arrache devant des riches de plus en plus fortunés, le tout dans un climat social très préoccupant.
Dans le contexte de nombreuses crises actuelles, il est pour le moins surprenant qu'un gouvernement considère l'attaque des organisations syndicales comme une voie à privilégier. Des milliers de Québécoises et de Québécois peinent à se loger et à composer avec la hausse du coût de la vie. Et la solution serait de s'en prendre à l'institution qui est le meilleur garde-fou pour la classe moyenne ? Rappelons que les syndicats demeurent l'un des meilleurs outils pour freiner les inégalités sociales.
Disons-le-nous franchement : depuis la hausse de l'inflation, des milliers de travailleuses et de travailleurs ont réussi à obtenir de bonnes augmentations salariales. Tout ça parce que leur employeur leur aurait fait de beaux cadeaux en remerciement du service rendu ? Que nenni ! Ce sont les luttes syndicales qui, d'hier à aujourd'hui, permettent d'améliorer le quotidien des travailleuses et des travailleurs.
Le rôle des syndicats ne peut se confiner à négocier des conventions collectives. Les travailleuses et les travailleurs ne sont pas des robots qu'on éteint après leur shift. Ce sont des citoyennes et des citoyens qui subissent la hausse du prix des loyers et des propriétés et les impacts des coupes et des réformes centralisatrices du secteur public. Rien ne sert d'avoir le meilleur contrat de travail si tu ne peux te loger ou avoir accès à des services d'éducation et de santé. C'est grâce aux luttes syndicales que nous avons obtenu l'équité salariale, des services publics de qualité, une protection en santé et sécurité du travail et de bonnes conventions collectives. Ce n'est certainement pas le patronat qui a milité pour mettre sur pied un régime d'assurance parentale ! Ces gains font une différence dans la vie de la majorité de la population.
Attaquer les syndicats ne fait que déséquilibrer davantage le rapport de force entre les employeurs et les travailleurs. Notre système de relations de travail s'ancre dans un compromis historique. Pour obtenir la paix industrielle, les employeurs et les gouvernements ont consenti à reconnaître les syndicats.
Pendant que le gouvernement s'en prend aux cotisations syndicales, pas un mot sur les millions de dollars dépensés par les associations patronales pour faire du lobbying auprès des élu-es. Si l'on veut regarder de près les finances des syndicats, pourquoi ne pas en faire autant pour les entreprises ? Est-ce que certaines décisions de syndicats peuvent être remises en question ? Tout à fait. Ils ne sont pas parfaits. Mais s'attaquer sans cesse à la même cible favorise le pouvoir patronal et accentue les inégalités sociales.
Militer syndicalement, c'est accepter de déranger. C'est accepter de contrarier les puissants ; pas pour le plaisir, mais pour améliorer la vie des travailleuses et des travailleurs. Et c'est la voie que la CSN continuera de suivre.
Caroline Senneville
Présidente de la CSN

Grande mobilisation citoyenne contre les compressions budgétaires
 
		Des centaines de personnes se sont réunies le 7 septembre dernier devant les bureaux du ministère de l'Éducation, à Montréal, afin de dénoncer les compressions budgétaires en éducation. Rassemblés à l'initiative du mouvement citoyen Uni-es pour l'école, parents, enfants, citoyennes et citoyens, personnel de l'éducation, organismes de la société civile et syndicats, dont la CSQ et ses fédérations, ont revendiqué un investissement massif et durable en éducation.
« Le gouvernement prend nos enfants en otage en leur coupant les ailes », a dénoncé l'une des porte-paroles du mouvement, Geneviève Simon Potvin. La mère de deux adolescents s'est dite « particulièrement inquiète et désabusée » par le système d'éducation : « On va accepter ça, jusqu'où ce lent et sournois démantèlement du réseau public ? »
« On nous répète que l'éducation est une priorité pour le gouvernement, mais à la rentrée, ce qu'on voit, ce sont des classes sans enseignant, des élèves sans soutien et des écoles qui tombent en ruine, a-t-elle ajouté. Les élèves dans nos classes aujourd'hui, ce sont aussi les élèves qui ont souffert de la pandémie hier. Et au lieu d'investir et de compenser, d'aider et de prioriser, on coupe. Ce n'est pas prioriser ça, c'est nous mentir. »
Pour Adam Pétrin, également porte-parole d'Uni-es pour l'école, ce qui se passe en ce moment, « c'est un manque de volonté politique. Le gouvernement a de l'argent puisqu'il a réussi à trouver des milliards de dollars pour Northvolt, pour le fiasco SAAQclic et pour la baisse d'impôt. »
Plusieurs représentantes et représentants de la CSQ et de ses fédérations de la petite enfance, de l'éducation et de l'enseignement supérieur étaient également présents à la mobilisation afin de soutenir le mouvement. D'autres manifestations ont également eu lieu simultanément dans d'autres régions du Québec, notamment en Outaouais et à Québec.
Rappelons que la CSQ et ses fédérations réclament depuis plusieurs mois une grande réflexion collective en éducation qui impliquerait l'ensemble des actrices et acteurs du milieu. Elles souhaitent parler de la réussite éducative des jeunes, de l'égalité des chances, de mixité scolaire et sociale. Elles veulent également un plan, un projet collectif, structurant et inspirant pour le Québec de demain.

Contrats en informatique Le SPGQ appuie la demande de moratoire
 
		Québec, le 7 septembre 2025 — Le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) appuie la demande de moratoire de Québec solidaire sur l'octroi de nouveaux projets de transformation numérique de l'État jusqu'à ce que les recommandations de la commission Gallant soient mises en œuvre et que les enquêtes de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) et de l'Autorité des marchés publics (AMP) soient complétées.
« La solution aux problèmes dans les projets informatiques passe par le développement de l'expertise interne. C'est beaucoup plus économique que d'embaucher des consultants tout en offrant un bien meilleur contrôle sur l'exécution des projets. Il faut absolument éviter d'autres scandales comme SAAQclic qui mènent à un gaspillage éhonté de fonds publics », plaide Guillaume Bouvrette, président du SPGQ.
Le gouvernement se trompe de cible quand il met à pied des centaines de personnes dans la fonction publique. « C'est dans la sous-traitance que le gouvernement devrait faire le ménage pour assainir ses finances. Fin du gel de recrutement, conditions attrayantes pour favoriser l'attraction et la rétention de talents et formation du personnel, voilà des mesures plus efficientes et économiques que la sous-traitance pour offrir à la population des services numériques dignes de ce nom ! Actuellement, le gouvernement coupe dans les ressources et plaide ensuite qu'il doit faire appel à des firmes externes par manque d'expertise. C'est insensé », juge M. Bouvrette.
À titre d'exemple, au ministère de la Cybersécurité et du Numérique, les appels d'offres ont totalisé près de 200 millions $ en 2024 (excluant les contrats de moins de 100 000 $) et les contrats de gré à gré plus de 126 millions $. « Le gouvernement doit sortir de cette relation toxique avec les firmes de consultation informatique. Il paie continuellement des consultants à des tarifs moyens de 800 $ à 900 $ par jour et parfois beaucoup plus. Les dépassements de coûts sont monnaie courante. Il faut arrêter de s'imaginer qu'on économise en faisant appel à des sous-traitants, c'est tout simplement faux », insiste M. Bouvrette.
À propos du SPGQ
Le SPGQ est le plus grand syndicat de personnel professionnel du Québec. Créé en 1968, il représente plus de 35 000 spécialistes, dont environ 26 000 dans la fonction publique, 6 000 à Revenu Québec et 3 000 répartis dans les secteurs de la santé, de l'enseignement supérieur et au sein de diverses sociétés d'État.
Source
Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec
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Lock-out et gourmandise patronale
 
		La colère gronde ce mercredi soir, 3 septembre 2025, dans la salle du Conseil central du Montréal Métropolitain de la CSN. 150, peut être 200 personnes remplissent la salle, des dizaines sont debout, appuyées sur les murs avec des banderoles, des pancartes, des chandails syndicaux.
Elles sont « crinquées », peut-on entendre ; elles sont écœurées par un Gouvernement Legault au service exclusif du patronat et d'une minorité de privilégiés, qui octroie en pure perte des centaines de millions de dollars de fonds publics à des multinationales (Northvolt, IBM etc.) sans étude ou garantie sérieuse, de manière opaque, en outrepassant ses propres règlements environnementaux ou autres, au nom… de l'emploi et de la compétitivité du Québec. Ce même gouvernement qui, dans le même temps, coupe des millions de dollars dans les services publics québécois, restreint davantage encore le droit de grève, s'attaque aux syndicats, aux immigrant·es et qui continue d'exiger toujours plus de sacrifices de la part des travailleurs et des travailleuses de la santé, de l'éducation, des transports collectifs comme du secteur privé et cette fois-ci au nom, sans rire et sans vergogne... d'une saine gestion des fonds publics québécois, de la transparence et du "bien être" de la population.
Et ce soir, cette colère elle est portée et personnifiée par les dizaines de travailleurs et de travailleuses de chez Demix (anciennement Béton provincial) et de chez Héroux-Devtek qui, à 19h, prennent encore le temps de partager leur histoire.
Ils et elles sont en lock out, certains depuis neuf mois.
Ceux de Demix sont les premiers à témoigner. C'est la seconde fois depuis décembre 2024 qu'ils se déplacent au CCMM-CSN un mercredi soir. Gilets de sécurité jaune et orange sur le dos, ce sont des opérateurs de bétonnières, des mécaniciens, des doseurs. Ils sont employés par l'une des plus grandes entreprises de béton du Canada mais aussi « le pire employeur ; plus personne ne veut bosser pour lui… il recrute maintenant des travailleurs étrangers temporaires », témoigne l'un d'entre eux. Celui-ci poursuit et raconte que depuis le 5 décembre, ils sont en lock-out. Pourquoi ? « Eh ben parce qu'on s'est tenu debout ! ». Ils ont en effet eu l'impudence de refuser l'« offre » patronale, à savoir : un gel des salaires pendant quatre ans, l'abolition de la contribution patronale au REER collectif, soit une diminution de 5.5% du salaire ; la réduction de la contribution patronale aux assurances collectives (de 100% à 50%) ; une convention de sept ans ; des coupes dans le temps supplémentaire etc.
Le travailleur poursuit. Cela fait donc neuf mois, dans le froid ou en pleine canicule, qu'ils tiennent chaque jour la ligne de piquetage, font le tour des cimenteries et des chantiers du Québec, manifestent devant les résidences de leur patron etc. On apprend ainsi que ce dernier, un « philanthrope de Matane », vient de s'acheter « un chalet à 11 millions à Magog ».
« Même histoire classique mais violente pareil »
C'est ensuite au tour des travailleurs et des travailleuses de chez Héroux-Devtek de témoigner. Chandails verts et logo CSN sur le dos, ils et elles s'approchent de l'estrade.
Un représentant syndical raconte à son tour la « même histoire classique mais violente pareil » pour reprendre ses termes. L'employeur, une multinationale de l'aéronautique, spécialisée dans les trains d'atterrissage, a décrété un lock out le lendemain du rejet de l'« offre patronale », le 8 juillet dernier. Là encore, c'est donc la même histoire de dizaines d'employé·es déterminé·es qui déclarent aimer leur travail mais qui subissent un lock out, qui doivent vivre quotidiennement avec des pertes des salaires, qui fatiguent sur les lignes de piquetage et qui s'inquiètent pour leur avenir et celles de leurs proches.
De son côté, l'employeur recourt allègrement à des briseurs de grève selon le Tribunal administratif du travail et, peut-être en récompense pour avoir violé la loi, il verse « 1.6 millions et 1.2 millions de dollars aux deux principaux dirigeants de la compagnie ».
Pendant ce temps, toute honte bue, le Gouvernement et le Conseil du patronat du Québec dénoncent la surenchère, accusent les syndicats de faire durer les conflits et s'offusquent de la « gourmandise syndicale » qui nuit à la compétitivité et détruit les emplois. George Orwell ou Donald Trump, chacun dans son registre bien entendu, auraient pu s'inspirer d'eux.
Martin Gallié 
Délégué du Syndicat des professeur·es de l'UQAM (SPUQ)
Illustration : "La gourmandise" de Louis Leopold Boilly, 1824
Photos du CCMM-CSN du 3 septembre : https://www.facebook.com/photo?fbid=1238511884958527&set=pcb.1238512198291829

Margaret Atwood publie une nouvelle satirique critiquant l’interdiction de livres au Canada
 
		L'auteure a plaisanté en disant qu'elle avait écrit une œuvre « appropriée » après que l'interdiction scolaire de l'Alberta ait inclus son roman « La Servante écarlate. »
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
Cette controverse s'inscrit dans un mouvement plus large de censure dans les institutions éducatives nord-américaines, où des groupes conservateurs utilisent la rhétorique de la « protection des enfants » pour cibler principalement des œuvres traitant de diversité sexuelle et de genre, ainsi que des classiques de la littérature mondiale abordant des thèmes sociaux complexes.
Margaret Atwood a publié une nouvelle critiquant les responsables élus pour une interdiction de livres de grande envergure dans la province canadienne de l'Alberta [1]. La décision controversée de retirer des livres prétendument contenant du « contenu sexuel explicite » a vu de nombreuses œuvres littéraires emportées dans le filet, y compris l'œuvre dystopique d'Atwood La Servante écarlate.
Dans un message sur les réseaux sociaux, Atwood a écrit que puisque son œuvre célèbre n'était plus autorisée dans les écoles de l'Alberta, elle avait écrit une œuvre courte « appropriée » pour les adolescents, ajoutant que l'œuvre était nécessaire parce que le ministre de l'Éducation de la province pensait que les étudiants étaient des « bébés stupides ».
L'histoire extrêmement brève retrace la vie de John et Mary, deux enfants « très, très bons ».
« Ils ne se curaient jamais le nez, n'avaient jamais de selles ou de boutons », a-t-elle écrit dans les premières lignes, ajoutant qu'ils étaient des chrétiens fervents qui « ne prêtaient aucune attention à ce que Jésus avait réellement dit sur les pauvres » et pratiquaient plutôt « un capitalisme égoïste et rapace » dans la veine de l'héroïne littéraire conservatrice Ayn Rand [2].
« Oh, et ils ne mouraient jamais, parce qui veut s'attarder sur, vous savez, la mort et les cadavres et beurk ? »
Atwood écrit que tandis que le couple « vécut heureux pour toujours », les avertissements sinistres de son roman de 1985 La Servante écarlate – qui décrit un régime fondamentaliste totalitaire dans lequel des femmes asservies sont forcées de porter des enfants – « se réalisèrent se réalisèrent et [la première ministre de l'Alberta] Danielle Smith [3] se retrouva avec une belle nouvelle robe bleue mais sans emploi » – une référence aux épouses d'élite du roman qui ont du pouvoir mais ne sont pas autorisées à travailler.
« Fin. »
Les groupes « droits des parents » gagnent du terrain
L'interdiction de l'Alberta a émergé comme le produit d'un lobbying intense par des groupes socialement conservateurs de « droits des parents » dans la province et reflète une tendance aux États-Unis.
Action4Canada et Parents for Choice in Education (PCE) [4] ont revendiqué le mérite de l'interdiction de livres et ce dernier a envoyé un courriel aux partisans après l'annonce de l'interdiction les remerciant pour leurs efforts à contacter les responsables gouvernementaux au sujet des livres « graphiques ».
Le gouvernement de l'Alberta définit le « contenu sexuel explicite » dans sa politique comme « contenu contenant une description détaillée et claire d'un acte sexuel ». Les étudiants de la maternelle à la 12e année [5] ne peuvent accéder à aucun « contenu » dans une bibliothèque scolaire qui répond à cette définition.
Les écoles publiques de l'Alberta ont jusqu'en octobre pour se conformer à l'ordre, mais certaines écoles ont déjà publié leurs listes de livres interdits. Le conseil scolaire d'Edmonton [6] a dit qu'il retirerait 200 livres des bibliothèques scolaires, y compris La Servante écarlate.
Une liste controversée d'œuvres littéraires classiques
D'autres livres à retirer des étagères incluent le roman dystopique de George Orwell 1984, dont les responsables disent qu'il contient des passages qui discutent de rapports sexuels et de viol ; I Know Why the Caged Bird Sings de Maya Angelou [7] et Le Meilleur des mondes d'Aldous Huxley.
La semaine dernière, Smith a critiqué les responsables pour avoir établi une liste si large de livres à retirer, décrivant la mesure comme une « conformité vicieuse ».
Smith a montré aux journalistes des extraits de romans graphiques – y compris Gender Queer de Maia Kobabe [8] – qui ont provoqué les nouvelles règles en premier lieu pour les illustrations explicites d'actes sexuels qu'ils contiennent. Le livre est une histoire de passage à l'âge adulte acclamée mondialement sur la vie adolescente et le début de l'âge adulte. Les critiques de l'interdiction disent que des groupes de pression de plus en plus puissants ciblent des livres qui affirment les identités LGBTQ+ [9].
Avant l'interdiction, Atwood avait aussi posté sur les réseaux sociaux mettant en garde contre la lecture de La Servante écarlate parce que « vos cheveux prendront feu ! »
« Procurez-vous-en un maintenant avant qu'ils organisent des autodafés publics. »
Leyland Cecco

Pop fascisme VS Pop gauchisme : qui va l’emporter ?
 
		La pop culture est devenue le terrain d'une lutte intense, qui se joue à coups de memes, de vidéos Youtube, de stories d'influenceurs et de shorts de Tik-tokeuses. « bataille de civilisation » VS « lutte des classes » : à chaque camp, son écosystème, ses mots et ses codes. Retour sur ce combat pour l'hégémonie culturelle autour des travaux de Bolchegeek, Maxime Macé et Pierre Plottu.
Tiré du blogue de l'auteur.
Vous l'aurez sans doute noté, à moins de vivre dans une grotte ou la boîte crânienne de Pascal Praud : l'extrême-droite la plus virulente a le vent en poupe, et inonde le champ culturel et médiatique. Et ce, notamment, nous disent les éditions Divergences, qui ont publié en septembre dernier « Pop-Fascisme. Comment l'extrême-droite a gagné la bataille culturelle sur internet » des journalistes Maxime Macé et Pierre Plottu, « grâce à un intense combat mené par la fachosphère et ses troufions sur Internet ». Et « cet écosystème coordonné, pensé et interconnecté a permis à ces « idées » de se répandre jusque dans les médias, avec l'appui de Bolloré et de ses sbires littéralement en croisade. Combien de vues se transforment en voix pour le Rassemblement national ? Comment en est-on arrivé là ? ».
Viande rouge, cigares et « grand-remplacement »
Au menu (littéralement) : de la viande rouge, des cigares et du sport, car homme-blanc-alpha-manger-viande, pas comme ces hommes-soja (nom donné par l'extrême-droite aux gauchistes supposés maigres et mal nourris) à cheveux bleus et de moins de 100 kilos. Plottu et Macé, sur le plateau de l'émission Au Poste, de David Dufresnes (1), donnent ainsi l'exemple du très suivi Baptiste Marchais, « influenceur culturiste qui connaît le succès avec ses ‘'repas de seigneur'' », dîners lors desquels il peut ressortir la rhétorique d'extrême-droite la plus éculée : « l'homme blanc solide a disparu avec la bataille de Verdun, parce que ce sont eux les courageux morts au front, tandis que ne subsistent aujourd'hui que les lâches ».
Lui-même mène donc un business de coach en musculation, ce qui lui permet, en plus de son programme idéologique, de mettre un juteux beurre dans ses épinards. Car cette fachosphère est financièrement profitable, d'autant que soutenue par les milliardaires Pierre-Edouard Stérin et Bolloré, qui rachètent tout ce qu'il leur est possible de racheter, donnant ainsi une image médiatique favorable, et des canaux de diffusion massifs, à des collectifs fascistes comme les Némésis, dont Retailleau a récemment dit « partager les combats ». Avec, toujours, comme modus operandi, la construction de la « menace » gauchiste et « immigrationiste », avec une phraséologie de « l'ennemi intérieur » identique à celle de la presse antisémite des années 30 : « C'est très important de caricaturer l'ennemi. D'abord parce qu'il est beaucoup plus simple de lutter contre un adversaire caricaturé plutôt qu'un adversaire pluriel, et puis parce que ça renforce ses propres positions », dit Macé dans cette même émission, où il rapporte aussi ce bandeau observé sur la chaîne LCI, à propos de la déportation de migrants en Albanie par la mussolinienne Georgia Meloni : « La re-migration : une solution ? ».
Quand The Boys massacre le trumpisme
Je retrouve Benjamin Patinaud, dit le Bolchegeek, à la terrasse d'un petit bar de Lyon. Spécialisé dans ces questions, entre autres pour Blast, le journal l'Humanité et sur sa propre chaîne Youtube, il a réalisé il y a peu une vidéo sur la série Canal « Paris Police », série historique fort gauchiste, dont la saison 2, se déroulant en 1905, a vu le très catholique Bolloré censurer, suppose-t-il, toute mention… de la loi 1905 de séparation de l'église et de l'État, un comble. De même pour un affrontement entre les ligues d'extrême-droite et la police et les anarchistes, se déroulant hors-champ. Reste, malgré le coup de pression, cette réalité d'une série grand public, populaire, de qualité, assumant fièrement son ancrage féministe, antifasciste, antiraciste… Mais le constat d'ensemble de la pop, malgré son caractère apparemment progressiste, est-il si optimiste, si positif ? C'est l'objet de notre rencontre.
Nous en venons rapidement à parler de la série The Boys, sur Amazon Prime, à laquelle il a également consacré une vidéo. Une série « très pas subtilement de gauche (rires) », où l'on suit une troupe de massacreurs badass de super-héros machistes et fascistes, dirigés par Homelander, caricature de Superman à la sauce Trump, bébé-cadum grotesque pathologiquement accro à la violence et au pouvoir. Mais il s'est tout de même trouvé des groupes masculinistes pour déclamer leur amour de ce personnages, obligeant l'acteur interprète, Anthony Starr, à prendre la parole à de nombreuses reprises, déclarant : « Ce personnage n'est absolument pas un héros… Pourtant, beaucoup le glorifient et l'adorent. C'est vraiment surréaliste. » Et poussant, donc, Bolchegeek à faire sa vidéo sur la mécompréhension de la série (2) : « Il y a plein de gens qui me demandaient Andor, tu vois, un des meilleurs trucs sur la révolution dans la pop culture. Mais j'ai voulu plutôt réagir là-dessus, car à un moment il faut arrêter les conneries : présenter The Boys comme « anti-woke » alors que ça dit tout le contraire, c'est juste n'importe quoi, il faut redescendre ».
Car c'est l'une des particularités de cette série. Présenter, à traits épais, une sorte de « fascisme 2.0 », un dystopique néo-nazisme « inclusif » drivé par une armée de marketeux ayant pour but d'instrumentaliser les thématiques antiracistes, LGBTQIA+ et féministes pour servir leur plan idéologique ultra-conservateur. « Et ça, c'est totalement un move de gauche, en fait ! Il y a des gens d'extrême-droite, ils se disent, ah, ça critique l'hypocrisie homo, etc. Ils se rendent pas compte qu'en fait, dans les milieux LGBT, le pink-washing, c'est l'ennemi, quoi ». Même s'il se veut optimiste sur le fait que « la majorité du public de The Boys, c'est des gens qui sont quand même sensibles aux idées progressistes », et « qu'on surestime aussi le nombre de gens qui comprennent pas », il montre cependant la puissance de déni et de toxicité culturelle de la fachosphère, capable d'essayer de tirer vers soi la couverture d'une série qui lui crache très ouvertement à la gueule.
La pop a-t-elle une réelle influence ?
Je demande à Benjamin si, à ses yeux, ce genre de productions culturelles a un réel pouvoir d'influence sur les imaginaires. Il réfléchit. De mon côté, lui dis-je, « je pense qu'il y a une incidence positive. Je ne peux pas m'imaginer qu'un gamin qui mate The Boys et qui trouve les personnages super cool, et où les nazis sont présentés comme étant des grosses merdes, ne va pas être influencé ». Il est, lui, plus nuancé : « C'est une question qu'on me pose souvent, et je trouve que ça serait cool d'avoir une discussion collective un peu là-dessus, parce que j'ai pas trop d'idées arrêtées. En fait, mon intérêt, ça serait de dire que la bataille culturelle, c'est important, que c'est là que tout se joue, et de la surestimer. Mais je n'ai pas envie de faire ça. Et vu l'état du monde, il faut bien croire que ça n'a pas non plus une incidence si forte que ça. Pour l'instant, je me dis que c'est forcément mieux d'avoir des séries, des films » allant dans notre sens, comme le carton du film Sinners, de Ryan Coogler, hommage à la Blaxploitation se concluant par un massacre de blancs du KKK, ou la série Watchmen, « qui imagine une uchronie où en fait, il y aurait eu un tournant progressiste. Comme il y a eu un tournant Reagan, tu vois. Sauf que là, c'est pas Reagan, c'est Robert Redford, le président (rires). Mais évidemment la morale, même si ça critique certains aspects de la gauche, c'est que c'est toujours mieux d'être de notre côté que de celui des fascistes ».
 
Il donne aussi l'exemple de Beyond the spider-verse, film d'animation de Sonny Marvel où l'on retrouve le personnage de Spider-Punk, un anarchiste « qui est juste génial. Le gamin d'un pote, qui doit avoir six ans, quand, dans le film, il enlève son masque, et qu'en plus, c'est un Noir, avec des dreads, et qu'on voit que c'est le personnage le plus stylé de l'univers, il fallait voir sa gueule... il va s'en souvenir toute sa vie ». Il conclut : « Et il y a plein de petits trucs comme ça, je pense qu'on ne se rend pas compte de l'impact sur les nouvelles générations » ; « Une génération qui aura vécu avec des Spider-Punks, c'est pas la même génération qui aura vécu avec des héros reaganiens ». Car les productions culturelles estampillées de droite, il en a regardé, notamment pour le podcast Dis-Cor-Dia : « c'est tout le temps des merdes. La dernière fois, ils m'ont fait faire la trilogie adaptée de La Grève de Ayn Rand. L'idée du bouquin est trop conne : tous les entrepreneurs se disent qu'ils en ont marre des collectivistes et donc ils se cassent. C'est fait par une espèce de boîte de prod' de droite, mais nulle, avec de moins en moins de budget à chaque film. Personne ne regarde ça. C'est des trucs nazes de Bac DVD… »
Une offensive réactionnaire réelle - et efficace ?
Si quelqu'un comme Louis Sarkozy, fils de, nouvelle coqueluche des réac' du pays, n'a vendu que 2000 exemplaires de son bouquin malgré son passage sur tous les plateaux télé, le livre de Jordan Bardella, ou la revue fasciste Furia, de Papacito et Obertone, diffusés dans tous les points de vente Bolloré, sont de véritables succès - même si, tempère Benjamin, « Salomé Saqué a vendu autant si ce n'est plus, avec une exposition médiatique moindre ». Et, selon lui, citant les travaux de Vincent Tiberj critiquant la prétendue « droitisation de la société », « la pop culture est quand même massivement progressiste. Les artistes ont tendance à être au moins un peu plus progressistes que la moyenne, quoi. Et sans artistes, tu ne produis rien ». « Faire des bons films, des bons livres, ils galèrent. La culture meme, internet, tiktok, ils y arrivent très bien. Mais c'est vrai que faire une culture, ils n'y arrivent pas ».
 
Ces contenus immédiats, qui touchent principalement les jeunes ados, adeptes de trucs courts basés sur « la déconne », arriveront-ils à asseoir en eux une véritable idéologie ? Difficile de le savoir. Mais « ce qui est observé par contre c'est qu'il y a un retour, notamment chez les jeunes mecs, du masculinisme, notamment via les influenceurs. C'est terrifiant. J'espère qu'ils en reviendront. Et s'ils n'en reviennent pas tout de suite, ça fait quand même des dégâts. S'ils grandissent avec ça, il y a du chemin à faire pour eux…. »
A la fin de leur essai, Maxime Macé et Pierre Plottu rappellent que lorsque le Rassemblement National, après la dissolution, a manqué d'arriver en tête du second tour des législatives, Squeezie, suivi par 19 millions de personnes, a pris clairement position contre l'extrême-droite, de même que Lena Mahfouf, dite Lena Situation - 11 millions d'abonnés. Cependant, précisent les auteurs, « passée la joie, les influenceurs ayant pris la parole contre le RN se sont inquiétés pour la suite. « Je considère que ce n'est qu'un sursis et non une victoire », a ainsi estimé le vidéaste MisterMV, près de 500 000 abonnés sur Youtube, pour qui la gauche doit désormais « reconstruire et trouver une solution pour parler aux circonscriptions tombées sous le joug du RN » […] Reste à savoir si cet élan perdurera au-delà de l'urgence d'un scrutin. Car, en parallèle, la fachosphère continue à fourbir ses armes ». A la gauche de faire de même, sur le vaste terrain de lutte de la pop.
Par Macko Dràgàn
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(1) https://www.auposte.fr/pop-fascisme-trump-aux-usa-influenceurs-en-france-auposte-x-mediapart/
(2) Bolchegeek, Pourquoi personne ne comprend THE BOYS, vidéo Youtube

Des acteurs et réalisateurs s’engagent à ne pas collaborer avec des institutions cinématographiques israéliennes “impliquées dans un génocide”
 
		Des centaines d'acteurs, réalisateurs et autres professionnels de l'industrie cinématographique ont signé un nouvel engagement dans lequel ils promettent de ne pas collaborer avec des institutions cinématographiques israéliennes qu'ils estiment “impliquées dans un génocide et un apartheid contre le peuple palestinien”. “En tant que cinéastes, acteurs, travailleurs et institutions du cinéma, nous reconnaissons le pouvoir du cinéma à façonner les perceptions”, indique le texte de l'engagement. “Dans ce moment de crise urgente, où nombre de nos gouvernements permettent le carnage à Gaza, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour lutter contre la complicité dans cette horreur incessante.”
Parmi les signataires figurent les réalisateurs Yorgos Lanthimos, Ava DuVernay, Asif Kapadia, Boots Riley et Joshua Oppenheimer ; ainsi que les acteurs Olivia Colman, Mark Ruffalo, Tilda Swinton, Javier Bardem, Ayo Edebiri, Riz Ahmed, Josh O'Connor, Cynthia Nixon, Julie Christie, Rebecca Hall, Aimee Lou Wood et Debra Winger. L'engagement comptait 1 200 signataires dimanche soir.
Le texte, partagé en exclusivité avec le Guardian, affirme s'inspirer du boycott culturel qui a contribué à la fin de l'apartheid en Afrique du Sud.
Les signataires s'engagent à ne pas projeter de films, à ne pas apparaître dans ou à ne pas collaborer d'aucune manière avec les institutions considérées comme complices, incluant festivals, cinémas, diffuseurs et sociétés de production. Les exemples de complicité incluent “le blanchiment ou la justification d'un génocide et d'un apartheid, et/ou un partenariat avec le gouvernement qui les commet”.
“Nous répondons à l'appel des cinéastes palestiniens, qui ont exhorté l'industrie cinématographique internationale à refuser le silence, le racisme et la déshumanisation, ainsi qu'à faire tout ce qui est humainement possible pour mettre fin à la complicité dans leur oppression”, peut-on lire dans le communiqué.
L'engagement a été publié par le collectif Film Workers for Palestine (Travailleurs du cinéma pour la Palestine). Le scénariste David Farr, l'un des signataires, a déclaré :
“En tant que descendant de survivants de la Shoah, je suis bouleversé et révolté par les actions de l'État israélien, qui impose depuis des décennies un système d'apartheid au peuple palestinien dont il a pris les terres, et qui perpétue aujourd'hui un génocide et un nettoyage ethnique à Gaza.Dans ce contexte, je ne peux pas soutenir que mon travail soit publié ou joué en Israël. Le boycott culturel a eu un impact significatif en Afrique du Sud. Il en aura un cette fois-ci aussi, et selon moi, il doit être soutenu par tous les artistes de conscience.”.
Une foire aux questions (FAQ) jointe à l'engagement explique comment identifier les institutions impliquées, en précisant que :
“Les principaux festivals de cinéma israéliens (notamment, mais sans s'y limiter : le festival du film de Jérusalem, le festival international du film de Haïfa, Docaviv et TLVFest) continuent de collaborer avec le gouvernement israélien pendant qu'il mène ce que des experts de premier plan qualifient de génocide contre les Palestiniens à Gaza”.
Et d'ajouter : “La grande majorité des sociétés de production et de distribution israéliennes, des agents de vente, des cinémas et autres institutions cinématographiques n'ont jamais soutenu les droits des Palestiniens tels que reconnus internationalement.”
L'engagement note cependant que « certaines institutions israéliennes ne sont pas complices » et recommande de suivre les lignes directrices fixées par la société civile palestinienne.
Les signataires précisent également que l'engagement ne les empêche pas de travailler avec des individus israéliens : “L'appel vise à inciter les professionnels du cinéma à refuser de collaborer avec les institutions israéliennes complices des violations des droits humains du peuple palestinien.
Ce refus vise la complicité institutionnelle, et non l'identité. Il y a aussi 2 millions de Palestiniens citoyens d'Israël, et la société civile palestinienne a élaboré des directives adaptées à ce contexte.”
L'engagement ne mentionne pas explicitement le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), le principal effort de la société civile visant à identifier les complicités avec Israël. Cependant, il s'agit de l'une des initiatives de boycott culturel les plus notables annoncées contre Israël depuis le début de l'offensive sur Gaza, près d'un an après qu'un millier d'écrivains ont signé une déclaration similaire.
Cette initiative évoque le collectif Filmmakers United Against Apartheid, fondé en 1987 par Jonathan Demme, Martin Scorsese et d'autres grands noms du cinéma, qui refusaient de projeter leurs films dans l'Afrique du Sud de l'apartheid.
Cette campagne s'inscrit dans un contexte de multiplication des protestations dans l'industrie du divertissement contre la guerre menée par Israël à Gaza. Plus tôt cet été, des centaines d'acteurs et de réalisateurs, dont Joaquin Phoenix, Pedro Pascal, Ralph Fiennes et le réalisateur Guillermo del Toro, ont signé une lettre ouverte dénonçant le silence de l'industrie cinématographique face à la campagne militaire israélienne à Gaza.
Beaucoup des signataires de ce nouvel engagement figuraient également parmi les membres du Screen Actors Guild qui, l'année dernière, ont demandé à leur syndicat de protéger les membres contre d'éventuelles représailles en raison de leurs prises de position sur la Palestine. Plus récemment, le syndicat des acteurs norvégiens a recommandé à ses membres de ne pas travailler avec certaines institutions culturelles israéliennes.
L'été dernier, Variety rapportait qu'une soixantaine de cinéastes palestiniens avaient signé une lettre accusant Hollywood de “déshumaniser” les Palestiniens à l'écran depuis des décennies.
Dans cette lettre, les cinéastes appelaient leurs collègues internationaux à “refuser de collaborer avec des sociétés de production profondément complices de la déshumanisation des Palestiniens, ou du blanchiment et de la justification des crimes d'Israël contre nous.”
La semaine dernière, The Voice of Hind Rajab, un nouveau film sur une fillette de cinq ans tuée par les forces israéliennes à Gaza en 2024, a reçu une standing ovation de 23 minutes après sa première au festival du film de Venise. Brad Pitt, Jonathan Glazer, Joaquin Phoenix, Rooney Mara et Alfonso Cuarón comptent parmi les producteurs exécutifs du film.
Traduction par RM pour l'Agence Média Palestine.
Source : The Guardian.
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