Derniers articles

Journée internationale des droits des femmes : Le thème du 8 mars 2026 : Générations deboutte !
Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, continue d'être un des temps forts en actions féministes à la FTQ. C'est un moment privilégié pour célébrer entre nous nos victoires comme travailleuses et comme femmes. On en profite aussi pour faire des bilans, réfléchir ensemble, échanger, s'encourager et, bien sûr, se mobiliser. C'est donc plus qu'un symbole.
Dans le contexte actuel de la montée de la droite, le 8 mars garde encore toute son importance et sa pertinence.
Inspirés par l'audace et la solidarité, le visuel et le thème du 8 mars nous rappellent l'importance de la mobilisation pour la Journée internationale des droits des femmes.
Aujourd'hui, plus que jamais, nous faisons face à des menaces qui veulent remettre en question nos droits, nos libertés et nos choix. Aujourd'hui, plus que jamais, nous sommes… Deboutte !
Le thème du 8 mars 2026 : Générations deboutte !
Il y a plus de 50 ans, le journal Québécoises deboutte ! faisait vibrer les rues et les consciences. Par ces deux mots, il portait la voix d'un féminisme émergeant déterminé à se faire entendre malgré les interdits de l'époque. Plus qu'un slogan, c'est un appel à l'action, un cri de ralliement pour une société plus juste, plus égalitaire et plus libre.
Aujourd'hui encore, les forces économiques, politiques et sociales divisent, oppressent, et cherchent à restreindre nos droits, à freiner nos avancées, à semer la peur et la haine. D'une génération à l'autre, nos appels se répondent, nos luttes s'entrelacent et nos victoires se tissent ensemble vers l'égalité. Le féminisme se renouvelle, s'enracine et se nourrit de la diversité. Pour contrer ces courants réactionnaires, allons puiser dans nos forces féministes vivantes, solidaires et multiples. Reprenons cet élan, ne tolérons aucun recul : Générations deboutte !
L'épinglette : symbole des luttes féministes
Montrez que vous aussi vous êtes Deboutte ! en vous procurant l'épinglette et en téléchargeant les déclinaisons numériques ci-dessous.
Matériel à télécharger
Affiche : à venir
Arrière-plan Teams : à venir
Arrière-plan Zoom : à venir
Bannière Facebook : à venir
Bannière X : à venir
Bannière YouTube : à venir
Profil photo : à venir
Signature courriel : à venir
Pour toute utilisation du visuel, les droits d'autrices doivent être cités de la façon suivante : à venir
Le matériel produit est la propriété du Collectif 8 mars. Toute utilisation ou reproduction par des partis politiques est strictement interdite. Toute correction, transformation ou adaptation de l'illustration est interdite en l'absence du consentement préalable et écrit du Collectif 8 mars.
Activités
À venir
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Création d’un Institut pour faire évoluer les pratiques en matière de violence conjugale : une nouvelle référence au Québec
Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale lance aujourd'hui l'Institut Écho : un carrefour d'échange et de formation unique pour soutenir les professionnel·le·s amené·e·s à intervenir auprès des victimes de violence conjugale.
Tendre la main aux victimes, à la première occasion
Le comité d'examen des décès liés à la violence conjugale nous apprend que des professionnel·le·s de différentes ressources étaient en contact avec les victimes dans 76% des événements de violence conjugale ayant causé des décès. Dans près de 8 cas sur 10, quelqu'un a eu une occasion d'agir.
Avec l'Institut Écho, le Regroupement souhaite aider les professionnel·le·s à se mobiliser autour des victimes, à saisir chaque occasion pour leur tendre la main, et ainsi renforcer le filet de sécurité.
« Il suffit parfois d'une simple question ou d'une écoute attentive pour changer la trajectoire des femmes victimes de violence conjugale. En étant à leur contact, les professionnel·le·s ont une posture privilégiée pour faire une différence. » illustre Annick Brazeau, présidente du Regroupement.
Former aux meilleures pratiques, transformer la prise en charge en matière de violence conjugale
L'Institut Écho est né d'une conviction forte : pour mieux soutenir les femmes et les enfants victimes de violence conjugale, il faut d'abord soutenir celles et ceux qui les accompagnent.
Unique au Québec par la diversité de ses formations et activités, l'Institut Écho offre aux professionnel·le·s et aux intervenant·e·s des formations adaptées à leur pratique, des conférences avec des expert·e·s, et des outils concrets.
Grâce à cet espace dédié à la formation, à l'échange et à la co-construction de savoirs, l'Institut vise à transformer l'intervention auprès des victimes pour la rendre plus humaine, sensible et solidaire.
« Avec nos activités, on veut encourager la circulation des idées et des bonnes pratiques, et susciter une envie d'agir qui puisse se concrétiser facilement. Ultimement, on veut que les femmes et leurs enfants trouvent des alliés, quelle que soit la porte à laquelle elles frappent » résume Mathilde Trou, qui pilote l'Institut.
Dans sa première phase, l'Institut cible quatre pôles : le milieu communautaire, le milieu judiciaire, le milieu de la santé et des services sociaux, ainsi que les employeurs et syndicats.
Pour en savoir plus sur l'Institut : institut-echo.ca
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Mort d’un nourrisson : une responsabilité collective face à l’exclusion et à la santé des femmes en situation d’itinérance
À la suite du drame survenu à Longueuil, où un nourrisson a perdu la vie, La Table de concertation des groupes de femmes de la Montérégie (TCGFM) et la Table Itinérance Rive-Sud (TIRS) tiennent à rappeler que cet événement tragique met en lumière des enjeux systémiques persistants touchant les femmes en situation d'itinérance.
Tiré de l'infolettre de L'R des Cetres de femmes
Saint-Lambert, le 5 novembre 2025 –
Partenaires du premier projet de recherche régional portant sur l'itinérance au féminin en Montérégie, les deux organisations et les chercheures impliquées déplorent qu'il ait fallu la mort d'un nourrisson pour que la société s'émeuve enfin d'une réalité qui perdure pourtant depuis des années. Pourquoi ne s'inquiète-t-on que lorsqu'un bébé en meurt ? Pourquoi ne pas se préoccuper des femmes avant que l'irréparable ne survienne ? Pour Catherine Flynn, Ph.D, chercheure principale de l'étude Itinérance des femmes en Montérégie - Un portrait régional pour mieux répondre aux besoins, ce drame qui témoigne d'une extrême précarité n'est pas un cas isolé.
« 𝐶𝑒𝑡 𝑒́𝑣𝑒́𝑛𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑡𝑟𝑎𝑔𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑑𝑜𝑖𝑡 𝑠𝑒𝑟𝑣𝑖𝑟 𝑑'𝑒́𝑙𝑒𝑐𝑡𝑟𝑜𝑐ℎ𝑜𝑐 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑚𝑒𝑡𝑡𝑟𝑒 𝑒𝑛 𝑙𝑢𝑚𝑖𝑒̀𝑟𝑒 𝑙𝑒𝑠 𝑑𝑒́𝑓𝑎𝑖𝑙𝑙𝑎𝑛𝑐𝑒𝑠 𝑑'𝑢𝑛 𝑠𝑦𝑠𝑡𝑒̀𝑚𝑒 𝑞𝑢𝑖 𝑙𝑎𝑖𝑠𝑠𝑒 𝑒𝑛𝑐𝑜𝑟𝑒 𝑡𝑟𝑜𝑝 𝑑𝑒 𝑓𝑒𝑚𝑚𝑒𝑠 𝑠𝑎𝑛𝑠 𝑟𝑒𝑠𝑠𝑜𝑢𝑟𝑐𝑒𝑠, 𝑠𝑎𝑛𝑠 𝑙𝑜𝑔𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑒𝑡 𝑠𝑎𝑛𝑠 𝑎𝑐𝑐𝑒̀𝑠 𝑎𝑑𝑒́𝑞𝑢𝑎𝑡 𝑎̀ 𝑑𝑒𝑠 𝑠𝑒𝑟𝑣𝑖𝑐𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑠𝑎𝑛𝑡𝑒́ 𝑒𝑡 𝑑𝑒 𝑠𝑜𝑢𝑡𝑖𝑒𝑛 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑎𝑙. 𝐿𝑒𝑠 𝑓𝑒𝑚𝑚𝑒𝑠 𝑒𝑛 𝑠𝑖𝑡𝑢𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑'𝑖𝑡𝑖𝑛𝑒́𝑟𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑣𝑖𝑣𝑒𝑛𝑡 𝑢𝑛𝑒 𝑟𝑒́𝑎𝑙𝑖𝑡𝑒́ 𝑑'𝑢𝑛𝑒 𝑒𝑥𝑡𝑟𝑒̂𝑚𝑒 𝑝𝑟𝑒́𝑐𝑎𝑟𝑖𝑡𝑒́, 𝑠𝑜𝑢𝑣𝑒𝑛𝑡 𝑚𝑎𝑟𝑞𝑢𝑒́𝑒 𝑝𝑎𝑟 𝑙𝑎 𝑣𝑖𝑜𝑙𝑒𝑛𝑐𝑒 𝑒𝑡 𝑙𝑎 𝑠𝑡𝑖𝑔𝑚𝑎𝑡𝑖𝑠𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛. 𝐿𝑒𝑢𝑟 𝑟𝑎𝑝𝑝𝑜𝑟𝑡 𝑎𝑢𝑥 𝑖𝑛𝑠𝑡𝑖𝑡𝑢𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑒𝑡 𝑎𝑢𝑥 𝑜𝑟𝑔𝑎𝑛𝑖𝑠𝑚𝑒𝑠 𝑒𝑠𝑡 𝑓𝑟𝑒́𝑞𝑢𝑒𝑚𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑡𝑒𝑖𝑛𝑡𝑒́ 𝑑𝑒 𝑚𝑒́𝑓𝑖𝑎𝑛𝑐𝑒, 𝑓𝑟𝑢𝑖𝑡 𝑑'𝑒𝑥𝑝𝑒́𝑟𝑖𝑒𝑛𝑐𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑗𝑢𝑔𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑜𝑢 𝑑𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑡𝑟𝑜̂𝑙𝑒, 𝑝𝑎𝑟𝑡𝑖𝑐𝑢𝑙𝑖𝑒̀𝑟𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑒𝑛 𝑙𝑖𝑒𝑛 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑙𝑒𝑢𝑟 𝑒𝑥𝑝𝑒́𝑟𝑖𝑒𝑛𝑐𝑒 𝑑𝑒 𝑚𝑎𝑡𝑒𝑟𝑛𝑖𝑡𝑒́. » - Catherine Flynn, Ph.D.
Depuis plusieurs mois, nous menons une recherche qualitative visant à mieux comprendre les parcours et les besoins des femmes ayant vécu, vivant ou étant à risque de vivre une situation d'itinérance en Montérégie. À ce jour, ce sont 38 femmes qui ont été r.encontrées par notre équipe afin de partager leur expérience. Bien que la collecte de données se poursuive, des constats préliminaires préoccupants émergent déjà :
1 𝑫𝒆𝒔 𝒑𝒓𝒐𝒃𝒍𝒆̀𝒎𝒆𝒔 𝒅𝒆 𝒔𝒂𝒏𝒕𝒆́ 𝒈𝒓𝒂𝒗𝒆𝒔, 𝒍𝒂𝒊𝒔𝒔𝒆́𝒔 𝒔𝒂𝒏𝒔 𝒓𝒆́𝒑𝒐𝒏𝒔𝒆.
De nombreuses femmes en situation d'itinérance vivent avec des problèmes de santé physique et mentale sérieux, souvent sans traitement. L'accès aux soins, aux médicaments et au suivi demeure hors de portée pour plusieurs, compromettant à la fois leur santé, leur sécurité et leurs possibilités de réinsertion sociale.
2. 𝑼𝒏𝒆 𝒔𝒑𝒊𝒓𝒂𝒍𝒆 𝒅𝒆 𝒑𝒓𝒆́𝒄𝒂𝒓𝒊𝒕𝒆́ 𝒆𝒕 𝒅𝒆 𝒔𝒕𝒊𝒈𝒎𝒂𝒕𝒊𝒔𝒂𝒕𝒊𝒐𝒏.
La vie dans la rue aggrave les problèmes de santé déjà présents. Les conséquences des violences dont elles ont été victimes, leurs états de santé mentale ou leur consommation de substances psychoactives accentuent la stigmatisation dont ces femmes sont la cible, les enfermant dans une spirale où la maladie, la marginalisation et l'exclusion se renforcent mutuellement.
3. 𝑫𝒆𝒔 𝒕𝒓𝒂𝒋𝒆𝒄𝒕𝒐𝒊𝒓𝒆𝒔 𝒅𝒆 𝒔𝒐𝒊𝒏𝒔 𝒎𝒂𝒓𝒒𝒖𝒆́𝒆𝒔 𝒑𝒂𝒓 𝒍𝒆 𝒄𝒐𝒏𝒕𝒓𝒐̂𝒍𝒆 𝒆𝒕 𝒍𝒆𝒔 𝒓𝒖𝒑𝒕𝒖𝒓𝒆𝒔 𝒅𝒆 𝒔𝒆𝒓𝒗𝒊𝒄𝒆𝒔.
Même lorsqu'elles parviennent à accéder aux soins, les femmes décrivent des expériences empreintes de coercition, de contrôle ou de jugement, plutôt que d'écoute et de soutien. À leur sortie d'hôpital, plusieurs se retrouvent livrées à elles-mêmes, sans suivi adéquat. Une absence d'accompagnement et de services de soutien adaptés à leurs réalités qui les ramène trop souvent vers la rue.
𝐔𝐧 𝐞́𝐜𝐡𝐞𝐜 𝐜𝐨𝐥𝐥𝐞𝐜𝐭𝐢𝐟 𝐪𝐮'𝐨𝐧 𝐧𝐞 𝐩𝐞𝐮𝐭 𝐩𝐥𝐮𝐬 𝐢𝐠𝐧𝐨𝐫𝐞𝐫
Ce drame ne doit pas être perçu comme un fait divers isolé, mais comme le symptôme d'un échec collectif quant à la protection des femmes les plus vulnérables. 𝐿𝑒 𝐶𝑜𝑚𝑖𝑡𝑒́ 𝐼𝑡𝑖𝑛𝑒́𝑟𝑎𝑛𝑐𝑒 𝐹𝑒𝑚𝑚𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑇𝐼𝑅𝑆 souligne qu'il est essentiel de renforcer les mécanismes de soutien et d'accompagnement, pour assurer la continuité des soins. Il s'agit d'une responsabilité collective qui exige des actions concertées entre les milieux communautaires, institutionnels et gouvernementaux.
Les organismes communautaires, groupes de femmes et chercheuses travaillant auprès de ces femmes insistent sur l'importance d'adhérer à une approche féministe tenant compte des différentes réalités vécues.
« 𝐸𝑛 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑑'𝑎𝑠𝑠𝑢𝑟𝑒𝑟 𝑙𝑎 𝑐𝑜𝑛𝑡𝑖𝑛𝑢𝑖𝑡𝑒́ 𝑑𝑒𝑠 𝑠𝑜𝑖𝑛𝑠, 𝑖𝑙 𝑛𝑜𝑢𝑠 𝑎𝑝𝑝𝑎𝑟𝑎𝑖̂𝑡 𝑒𝑠𝑠𝑒𝑛𝑡𝑖𝑒𝑙 𝑑𝑒 𝑠𝑒𝑛𝑠𝑖𝑏𝑖𝑙𝑖𝑠𝑒𝑟 𝑙𝑒 𝑝𝑒𝑟𝑠𝑜𝑛𝑛𝑒𝑙 𝑑𝑒𝑠 𝑖𝑛𝑠𝑡𝑖𝑡𝑢𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑒𝑛 𝑠𝑎𝑛𝑡𝑒́ 𝑒𝑡 𝑠𝑒𝑟𝑣𝑖𝑐𝑒𝑠 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑎𝑢𝑥 𝑎̀ 𝑙'𝑖𝑚𝑝𝑜𝑟𝑡𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑑'𝑢𝑛𝑒 𝑎𝑝𝑝𝑟𝑜𝑐ℎ𝑒 𝑖𝑛𝑐𝑙𝑢𝑠𝑖𝑣𝑒 𝑒𝑡 𝑛𝑜𝑛 𝑠𝑡𝑖𝑔𝑚𝑎𝑡𝑖𝑠𝑎𝑛𝑡𝑒 𝑏𝑎𝑠𝑒́𝑒 𝑠𝑢𝑟 𝑙𝑒 𝑟𝑒𝑠𝑝𝑒𝑐𝑡, 𝑙𝑎 𝑑𝑖𝑔𝑛𝑖𝑡𝑒́, 𝑙'𝑖𝑛𝑐𝑙𝑢𝑠𝑖𝑣𝑖𝑡𝑒́ 𝑒𝑡 𝑙𝑎 𝑠𝑜𝑙𝑖𝑑𝑎𝑟𝑖𝑡𝑒́. » - Linda Crevier, directrice générale de la TCGFM.
Ils appellent les instances gouvernementales à investir dans des services adaptés aux réalités des femmes en situation d'itinérance, incluant des espaces sécuritaires pour la grossesse et la maternité, permettant notamment de stabiliser leurs conditions de vie afin d'être en mesure de répondre à leurs besoins et à ceux de leurs enfants.
𝐀̀ 𝐩𝐫𝐨𝐩𝐨𝐬 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐫𝐞𝐜𝐡𝐞𝐫𝐜𝐡𝐞
La recherche partenariale Itinérance des femmes en Montérégie - Un portrait régional pour mieux répondre aux besoins est rendue possible grâce au financement accordé dans le cadre de l'Entente sectorielle pour la structuration Montérégienne du développement social 2023-2027. Elle vise à répondre au manque de données disponibles sur l'itinérance au féminin dans la région, à mieux comprendre les réalités et besoins spécifiques des femmes étant, ou ayant été, en situation d'itinérance ainsi qu'à émettre des recommandations quant aux ressources, services et pratiques nécessaires pour répondre adéquatement aux besoins des femmes, assurer leur sécurité, leur bien-être et leur stabilité.
𝐀̀ 𝐩𝐫𝐨𝐩𝐨𝐬 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐓𝐂𝐆𝐅𝐌
La Table de concertation des groupes de femmes de la Montérégie (TCGFM) est un regroupement d'organismes à but non lucratif engagés dans la défense des droits des femmes et l'atteinte de l'égalité entre les genres.
𝐀̀ 𝐩𝐫𝐨𝐩𝐨𝐬 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐓𝐈𝐑𝐒
La Table Itinérance Rive-Sud (TIRS) est un regroupement d'acteurs de l'agglomération de Longueuil œuvrant à la défense et la promotion des intérêts des personnes en situation d'itinérance ou à risque de l'être.
******
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre
Chaire Troubles, dissidences et esthétiques avec Elsa Dorlin
L'autodéfense politique. Professeure de philosophie politique contemporaine, Elsa Dorlin travaille une autre histoire des corps à travers la généalogie des rapports de pouvoir modernes. Poursuivant sa réflexion sur la complexité des mécaniques de la domination, du sexisme, du racisme et du capitalisme, sa pensée se tient au plus près des résistances saisies à l'échelle de la chair, des muscles et des sens.

12 jours d’actions contre les violences faites aux femmes
Du 25 novembre, Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, au 6 décembre, Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes, ont lieu les 12 jours d'actions contre les violences faites aux femmes.
Tiré de l'Infolettre du Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale (RGF) L'Écho féministe 11 novembre 25
Marche du 6 décembre, Journée de commémoration et d'actions contre les violences faites aux femmes
36 ans après la tuerie antiféministe de Polytechnique, rappelons-nous des victimes et crions notre indignation face à cette violence qui tue ! Joignez-vous à nous lors de la Journée de commémoration et d'actions contre les violences faites aux femmes afin de dire non aux violences patriarcales.
Venez nous rejoindre à 13h00 pour le départ de la marche à Limoilou, au coin de la 4e rue et de la 1re Avenue. Nous nous dirigerons vers le parc Sylvain-Lelièvre pour la fin de la marche prévue à 14h00.
Portez votre ruban blanc comme symbole des violences faites aux femmes (distribution sur place). Lien vers l'événementFacebook : https://www.facebook.com/events/1607619736871997/?
C'est action est en mixité, bienvenue à toustes.
Calendrier des 12 jours d'actions
Merci de nous faire parvenir les actions et activités organisées dans vos groupes dans le cadre des 12 jours d'action contre les violences faites aux femmes à info@rgfcn.org. Nous nous assurerons d'en faire la diffusion.
Ensemble, contre les violences faites aux femmes !
******
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Problematik : soutenez le lancement d’un média queer pour dégager l’horizon !
Plus de 200 organisations et personnalités issues du monde des médias, de la culture et des luttes, dont Fatima Daas, Guillaume Meurice, Sara Forever, Usul, Mélissa Laveaux, Camille Kouchner, Océan, #Nous Toutes et les Inverti.e.s soutiennent le lancement de Problematik, un nouveau média d'alternatives queers. Alexis Cukier, Fanny Gallot, Aurore Koechlin et Ugo Palheta, membres du comité de rédaction de Contretemps, ont également signé cette tribune.
Tiré de la revue Contretemps
17 novembre 2025
Par Collectif
***
L'extrême droite gagne du terrain. Les frontières se referment, les droits reculent, les débats s'asphyxient. Entre le front autoritaire mondial, la menace d'une dystopie technologique, le capitalisme en crise permanente et le dérèglement climatique qui s'accélère, il est évident que nous sommes à un point tournant de notre histoire… Mais les médias dominants continuent de recycler à l'infini les mêmes angles morts.
Les alternatives ne s'inventent jamais au centre d'une société violente. Elles naissent des marges, de celles et ceux qui ont appris à ruser contre l'oppression, pour inventer d'autres manières de vivre. C'est pour cela que nous soutenons le lancement de Problematik.
Les marges au centre de la lutte contre le fascisme
Le fascisme discipline et trie les corps. Certains sont façonnés pour être aptes au travail, à reproduire la famille ou à mourir pour la Patrie. Les autres sont sacrifiés sur l'autel de la violence coloniale et du suprémacisme blanc. L'explosion du racisme et des violences contre les personnes trans, les meurtres d'hommes homosexuels ou le ciblage des artistes drag sont les deux faces de ce même projet, dans lequel l'autre est l'ennemi à abattre, car il pourrait faire dérailler le système.
Dans ce contexte, assumer un point de vue politique queer est d'autant plus essentiel. « Queer » est d'abord une insulte en anglais — « bizarre », « inadapté », « cassos ». L'histoire politique et culturelle attachée à ce mot a le potentiel de mettre à nu les mécanismes qui tiennent le monde. « Queer » ouvre la possibilité de les renverser. Et si ce mot est contesté, ambigu, souvent déclaré mort ou récupéré, c'est justement parce qu'il échappe sans cesse.
Assumer un point de vue c'est se donner les moyens de dévoiler ce que d'autres naturalisent. Problematik veut analyser l'actualité en profondeur pour révéler les lignes de force structurantes : qui définit l'ordre, qui en profite, qui en paie le prix.Si on l'utilise souvent comme un synonyme de LGBTQI+, le queer n'est pourtant pas fait pour décrire des identités. Ici, queer n'est pas une case définie mais bien une manière de déplacer les lignes.
L'urgence d'un media queer pérenne
Or, dans les médias comme en politique, les perspectives LGBTQI+ sont encore trop souvent assignées au particulier, au sociétal. On leur oppose des discours « universels » ou des médias « généralistes » qui opèrent depuis une norme (hétéro-cis-blanche) qui ne veut pas dire son nom. Pourtant les personnes gays, lesbiennes, bi·es et trans sont des travailleur·ses, iels façonnent nombre de luttes sociales et d'initiatives. Ce sont donc elles et eux qui sont à même de dévoiler l'architecture du pouvoir : la famille qui hiérarchise, l'État qui discipline, la frontière qui trie les vies.
Ces dernières années, il y a bien eu ça et là quelques efforts en faveur de « l'inclusion » mais ils se sont souvent révélés aussi superficiels que fragiles. Pour pallier les manques évidents, des initiatives se développent sur les réseaux sociaux, mais celles-ci sont soumises aux politiques opaques et conservatrices des plateformes. Les voix queers existent aujourd'hui bien sûr dans les espaces précieux que sont les médias féministes et communautaires. Mais face à l'offensive réactionnaire,il faut plus que jamais multiplier les espaces de résistance et amplifier les voix minoritaires dans les espaces de pouvoir.
Il manque encore un média queer pour s'occuper de tout. Un espace qui parle aussi bien de luttes sociales, de géopolitique, de culture, d'environnement ou d'économie depuis un prisme queer assumé. L'indépendance est la seule voie pour garantir ce travail journalistique engagé, a fortiori quand celui-ci est porté par des personnes minorisées. Car en plus d'un climat politique défavorable, elles ont déjà accès à moins de ressources. Leur donner le soutien nécessaire pour exister de façon viable dès le départ, c'est briser cette frontière de verre qui les maintient à la marge. Affirmons, par un soutien massif, que leur voix compte et doit compter dès maintenant.
Un ensemble médiatique/ Communauté(s)
C'est pour cela que nous soutenons un projet comme Problematik, un média web porté par un collectif et dont la base principale se situe hors des réseaux sociaux.
Problematik s'ancre dans le paysage médiatique comme un espace qui relie les points. Un média de liens, entre des sujets qu'on traite de manière trop isolée, mais aussi entre des communautés. Problematik est la promesse d'un espace de rencontre, dont nous avons besoin parce que la solidarité est notre seule chance de survie.
Afin de construire ce média à la hauteur des enjeux, une campagne de levée de fond est en cours sur Ulule jusqu'à début décembre.
210 premiers signataires (par ordre alphabétique)
Personnalités
Adam Priscilia, agente d'artistes ; Alloush Sandra, Angelica Stratrice, drag-queen ; Astier Valentin, ecrivain ; Aubry Journet Jean-Michel, Éditeur musical, cofondateur de @musictoofrance, membre de MeTooMedia ; Aubry Manon, Eurodéputée La France Insoumise, Présidente du groupe The Left au Parlement européen ; journaliste ; Babouchka Babouche, Drag queen, femme politique et mannequin ; Bagieu Pénélope, autrice BD ; Baly Stéphane, Conseiller municipal, candidat à la mairie de Lille ; Banasiak Piotr, formateur, coach et militant ; Barathon Julien, acteur eco ; Barbin Matthieu / Sara Forever, artiste ; Barette Lucie, autrice ; Bartoli Marc-Antoine, militant et coordinateur prévention d'Act Up-Paris ; Belhôte hortense, artiste ; Belliard David, Maire Adjoint Ecologiste de Paris ; Bellone Marcus, journaliste ; Benguigui Flore, artiste et militante ; Bertrand Antoine, attaché de presse indépendant ; Boin-Mocci Romain, militant ; Bon Adélaïde, autrice ; Bourdet Anaïs (@mauvaisecie), Féministe, designer enseignante ; Brasme Clémence, militante ; Brossat Ian, sénateur de la ville de Paris ; Burgalassi Mathieu, journaliste ; Burger Claire, Autrice Réalisatrice ; Cadiot Margaux, militante ; Cass Andre, streamer ; Caramés-Blanco Marcos, auteur et metteur en scène ; Chaillot Mathias, Journaliste, auteur et photographe ; Charlet Léa, militante et élue locale ; Chave Loïc, chercheur.euse ; Chen Mélie, éditrice et traductrice ; Chéri (@jesuischerie_), Autrice, Compositrice, Interprète ; Chichi Mohamed, Adjoint au Maire de Lyon ; Claude Emanuelle, artiste pluridisciplinaire ; Claverie Aurore, directrice d'association et poétesse ; Crochet Morgan, Journaliste, ancien rédacteur en chef de têtu ; Cukier Alexis, philosophe et militant ; Daas Fatima, autrice ; Daisy Letourneur, autrice et militante transféministe ; De Boni Marc, Journaliste et créateur de contenu ; De Cock Laurence, historienne et enseignante ; De Rochechouart Alice, autrice et podcasteuse ; Desombre Camille, auteur et documentariste ; Devynck Hélène, journaliste et écrivaine ; Dibondo Douce, artiste et écrivaine ; Djazia Satour, artiste ; Dubiau Antoine, chercheur en géographie et auteur ; Eloy Soan (@soan_t_informe), militant et créateur de contenu ; Emycause, militant-e ;EVK, DJ ; Fania Noël, Militante, essayiste et sociologue afroféministe ; Fayolle Azélie, chercheuse ; Ferrari Pauline, journaliste ; Foliveli Joanna, artiste ; Framont Nicolas, Rédacteur en chef de Frustration magazine ; Frère Jonathan, Ancien pasteur, militant des droits humains ; Gaillard Jérome, militant ; Gallot Fanny, historienne ; Garcin Sebastien, entrepreneur ; García Galán Irene (@irenevrose), militante et autrice féministe ; Garlenq Soraya, comédienne ; Grosos Mathias, Journaliste et créateur de contenu ; Gueunet Maureen, programmatrice ; Guerra Manon, attachée de presse ; Guiguet Naïla, artiste ; Hammar Liza, chercheuse et militante ; Holin Sandrine, autrice ; Hurin Victor, artiste ; Ixpé, DJ et militant ; Jasienski Morgan, militant LGBTQIA+ ; Juthier Camille, artiste ; Karaki Samah, Neuroscientifique, essayiste ; Kerbrat Andy, député ; King fu, artiste drag ; Kondracki Aziliz, chercheuse en sciences sociales ; Koechlin Aurore, Militante féministe et sociologue ; Kouchner Camille, écrivaine ; Krol Aurore, doctorant·e en science politique ; La Roserie, rappeuse ; Labarthe Margaux, journaliste et militante ; Labatut Clémence, metteuse en scène et comédienne ; Lacroix Alban, militant ; Lafon Cadilhac Laura, artiste ; Landès Ju, entrepreneur-e ; Laurier The Fox, auteur BD militant ; Laveaux Melissa, autrice, compositrice, interprète ; Lazy Flow, Compositeur, Réalisateur de musique, DJ ; Le coin des LGBT+, militant LGBT+ ; Le tréma, créateur de contenu ; Léa de Merci Beaucul, créatrice de contenu ; Lebreton Fred, Journaliste et activiste de la lutte contre le sida ; Lebref Pierre, militant et artiste ; Lerault Mathieu, militant LGBTQI+ ; Leter Sam, Programmateurice et militant•e ; Lexie (@aggressively_trans), autrice militante ; Liguori-Galliot Emmi, militante ; Liotard Inès, chercheur ; Liu Le Lann Thomas, artiste ; Louisadonna, Chanteuse et psychologue ; Lucas Lucie, actrice ; Lumi, journaliste politique ; LY (@lydroppedthemic), rappeur ; Madesta Tal, Journaliste et auteur ; Maedusa, autrice BD ; Malaisé Céline, conseillère régionale d'Ile-de-France ; Manelli Florent, auteur et illustrateur ; Margorito, créatrice de contenu ; Margueritat Anna, journaliste indépendante ; Marin Belfond Samuel, travailleur de l'art ; Mars O10c, DJ ; Martet Christophe, journaliste et militant gay ; Martinière Tanguy / Lapop Lexomil, acteur et drag-queen ; Mendez Florence, Comédienne, chroniqueuse, autrice ; Merakchi Taous, autrice ; Meurice Guillaume, humouriste ; Merlin Charles (@vivremoinscon), créateur de contenu ; Mitteaux Valérie, réalisatrice de documentaires ; Molard Mathieu, co-rédacteur en chef de StreetPress.com ; Moon, militante, artiste drag ; Morel Louise, autrice ; Morgan Lucas (@morgan.noam), formateur, auteur, créateur de contenu ; Nkake Sandra, artiviste ; Ouazzani Jamal (@jins_podcast), Artiviste, poète et militant ; Océan, auteur comédien ; Ostpolitik, chroniqueur ; Palheta Ugo, sociologue et militant ; Paloma Hugo Bardin , réalisateur et drag-queen ; Paniac Julien, créateur de podcasts ; Pelphine (@corpscools), Fat activiste ; Pereira Diogo Laura, cofondatrice de l'association #StopFisha ; Picot Justine, militante queer féministe ; Piet Thomas, auteur et militant ; Pillaud-Vivien Pablo, rédacteur en chef de la revue Regards ; Pleen Le Jeune, Chercheur·euse et militant·e ; Puvaneswaran Vipulan, militant écologiste décolonial ; Racisme Invisible, créateur de contenu militant ; Rapilly Ferniot Pauline, Militante et élue écologiste à Boulogne-Billancourt ; Redon David, acteur culturel ; Rayonde Nordine, Candidat LFI à la mairie de Bordeaux ; Reboulleau-Petit Laeticia, journaliste, autrice ; Richard Gabrielle, sociologue et autrice ; Rivières Florence, auteurice ; Romy Alyzée, artiste ; Roussel Claire, journaliste ; Sagaspe Chloé, Conseillère politique écologiste ; Sapphist Eye, artiste ; Sarah Dulaurier – Mirlö, artiste ; Sauthier Charles, militant ; Schimdt Fiona, autrice féministe ; Sergeant Nicolas, travailleur social, militant de la lutte contre le VIH ; Seignol Jeannot (@jeannotselivre), créatrice de contenu ; Shkyd, producteur de musique ; Sorente Isabelle, écrivaine ; Suzes Jessica, militante ; Tata Drapi, créateur de contenu ; Tate2gauche, DJ paydaydegauche ; Ti_boug_bumidom, militant antiraciste ; Toni Viot Mathilde, Militante féministe et lesbienne ; Tüller Sebastien, activiste et juriste pour les droits humains ; Usul, vidéaste ; Vernin Nina, Artiste performeuse ; Vinciguerra Anne-Lise, militante ; Violente Violette, artiste drag et militant-e ; Volet Bixente, réalisateur ; Wainstain Jérémie, citoyen ; Walduck Jo Anne, militante, thérapeute, écrivaine ; Weill Benjamine, autrice ; Wikipedal ; Xelka Wissam, militant et streamer ; Zourli Bettina, autrice et militante féministe.
Organisations
#NousToutes, Act Up Sud Ouest, AFA Cergy-Pontoise, Alternatives Européennes, APGL association des parents et futurs parents gays et lesbien, Association Arc Essentiel, bi_pan_bxl, CAELIF, Club Humide, Collectif Lucioles de l'Université d'Angers, Consentis, Discoquette, Féministes Révolutionnaires, Groupe féministe de Fougères, l'Agence du Lobby, La Barbe Liège, La Petite, La Station – Centre LGBTQIA+ Strasbourg Alsace, Label Gouine*, Laquent'House, Les Inverti.e.s, Les Pétrolettes, MAG Jeunes LGBT+, Mawjoudin, Psychotic Monks, SHAMS-France, Strass – Syndicat du travail sexuel, team sama, The Feminist Society, Transat, Un livre et une tasse de thé, Union communiste libertaire, With Us, Zéro Millions.
*
Crédit photo : Hayan Abdallah.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Le premier ministre Carney présente une deuxième série de projets « d’intérêt national » en pleine COP30, menaçant les communautés et le climat
Bélem, Brésil, 13 novembre 2025 - Alors que le premier ministre Mark Carney dévoile une nouvelle série de « projets d'intérêt national » en plein coeur des négociations climatiques de la COP30, la société civile canadienne sonne l'alarme.
La liste des grands projets comprend entre autres le terminal de GNL de Ksi Lisims, qui fait présentement l'objet de contestations judiciaires de la part de la bande Lax Kw'alaams et de la Première Nation Metlakatla. Ksi Lisims se verrait alimenté par le gazoduc Prince Rupert Gas Transmission (PRGT), lui aussi contesté par les défenseur·e·s des terres autochtones.
Cette annonce survient alors qu'à la COP30, les discussions pour une transition juste prennent de l'ampleur, exigeant que les individus et les communautés puissent avoir un poids dans les décisions qui les concernent. Un principe qui contraste fortement avec l'annonce d'aujourd'hui.
Citations
Caroline Brouillette, directrice exécutive, Réseau action climat Canada :
« La société civile a été claire : nous sommes prêt⸱es à collaborer à des projets d'intérêt national qui profitent aux communautés et renforcent la résilience du Canada, tant sur le plan économique que face aux effets des changements climatiques. Mais le gouvernement actuel s'engage dans la mauvaise direction.
« Le premier ministre Carney continue de supposer que renoncer à une véritable collaboration avec la société civile, les travailleur⸱euses, les communautés locales, et à un réel engagement à respecter et défendre les droits et la souveraineté des peuples autochtones permettra d'accélérer les choses. Quoi qu'en pensent les dirigeants des grandes entreprises et certain⸱es premier⸱es ministres provinciaux, ce n'est tout simplement pas vrai.
« Cette semaine, les dirigeants mondiaux réunis à Belém parlent de comment le monde peut s'affranchir de sa dépendance aux énergies fossiles pour se tourner vers des énergies renouvelables plus vertes et plus abordables, et vers un avenir viable. Pendant ce temps, le premier ministre Carney fonce à toute vitesse vers le GNL, pourtant néfaste pour le climat. Est-ce vraiment le message que le Canada veut envoyer au monde en ce moment ? Le Canada arrive aux négociations mondiales sur le climat les mains vides, accumulant les reculs au niveau national, et c'est vraiment triste à voir. »
Rébecca Pétrin, directrice générale d'Eau Secours :
« Alors que Nouveau Monde Graphite se présentait comme une solution à la crise climatique, nous savons maintenant que le quart du graphite ira à l'industrie militaire ! De plus, ce projet n'en était qu'à l'étape des forages exploratoires et nous observions déjà une détérioration inquiétante des cours d'eau autour de son site. Qu'en sera-t-il des impacts sur l'eau lorsque la compagnie creusera, en accéléré, une fosse de 2 kilomètres ? »
Brendan Haley, Directeur principal de la stratégie politique, Efficacité énergétique Canada :
« Le gouvernement devrait commencer à penser au-delà des mégaprojets de ressources et des infrastructures d'approvisionnement énergétique. Bâtir la nation peut aussi signifier investir dans le savoir, l'innovation et les forces des communautés afin de tirer davantage parti de l'énergie que nous produisons et consommons déjà. L'efficacité énergétique est le projet national le plus rapide et le plus abordable du Canada — permettant de faire progresser les priorités du gouvernement en matière de productivité, de compétitivité des entreprises et du pouvoir d'achat des Canadiens et Canadiennes. »
Louis Couillard, responsable de la campagne climat-énergie chez Greenpeace Canada :
« Accélérer le développement des énergies fossiles affaiblit le Canada au lieu de le renforcer. Alors que des personnes courageuses du monde entier luttent pour limiter les impacts des changements climatiques de plus en plus catastrophiques à la COP 30 au Brésil, le premier ministre Carney annonce un projet massif d'énergies fossiles en Colombie-Britannique. On ne doit pas se laisser berner : le gaz de fracturation n'est pas une solution climatique, au contraire.
L'Agence internationale de l'énergie (AIE) vient de nous annoncer que les énergies renouvelables bon marché peuvent mettre fin à l'ère des combustibles fossiles. Appuyer le projet GNL de Ksi Lisims détenu par des intérêts américains ne fera qu'accroître la dépendance du Canada aux énergies fossiles qui menacent notre patrimoine naturel et notre bien-être.
Les minéraux critiques doivent servir à combattre les changements climatiques, pas à faire la guerre. Le Canada devrait développer ces ressources de manière responsable, notamment en réservant leur utilisation pour accélérer la transition vers les énergies renouvelables, et non pour fabriquer des armes. »
Melissa Lem, Présidente, Association canadienne des médecins pour l'environnement (ACME) :
« Si les investissements dans l'électricité propre sont les bienvenus, le financement massif du GNL constitue un recul dangereux. L'expansion des infrastructures pour le gaz méthane liquéfié – un facteur avéré et puissant de réchauffement climatique – entraîne davantage de fracturation hydraulique, associée à de graves impacts sur la santé, en particulier pour les communautés autochtones et rurales. Autoriser le projet de GNL Ksi Lisims sans le consentement de toutes les communautés autochtones et sans une évaluation complète des impacts sur la santé est inconcevable. »
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Palmarès 2024 : Près de 300 municipalités dépassent les bornes
Novembre, c'est gris... comme les eaux usées. Et ça coïncide avec la sortie de la 6e édition du palmarès des déversements d'eaux usées pour l'année 2024. Pour la première fois, on est en mesure de vous présenter la liste des municipalités dont les déversements ont le plus d'impact sur les rivières.
Celles qui ont déversé des eaux usées non traitées par temps sec (interdit) ou qui ont dépassé les normes de rejet par temps de pluie fixées par le ministère de l'Environnement durant certaines périodes sensibles, comme l'été, où les milieux naturels sont plus fragiles et où les usages sont plus importants (prises d'eau potable, baignade, etc.).
Sur les 270 municipalités qui les ont dépassées au moins une fois durant l'année 2024, 18 se sont démarquées avec plus de 100 dépassements l'année dernière dont Thetford Mines (645 dépassements), Sorel-Tracy (627) et Saint-Jean-sur-Richelieu (308).
Consultez le Palmarès
Nous avons aussi fait une importante mise à jour de la carte interactive, ce qui vous permet de voir la localisation de chacun des 4 247 ouvrages de surverses au Québec et de savoir s'ils débordent et à quel endroit.
Il y a quand même du bon cette année, puisqu'il y a eu 44 809 épisodes de déversements en 2024, soit 6 000 de moins qu'en 2023, ce qui s'expliquerait par un été très sec. Été sec ou pas, on va quand même accueillir les bonnes nouvelles quand elles passent...
******
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Le Québec : pas de report pour la transition énergétique
Montréal, le 12 novembre 2025 — Face à l'affirmation du premier ministre François Legault selon laquelle latransition énergétique serait selon lui reportée de quatre ans , le Front commun pour la transition énergétique rappelle que la lutte contre les changements climatiques et la nécessaire transformation de notre modèle énergétique ne peuvent s'accommoder d'aucun délai.
Le premier ministre Legault cite notamment les incertitudes internationales. Cette prise de
position crée un décalage préoccupant : alors que l'urgence climatique se fait plus pressante et que l'effort de transformation doit s'accélérer, reporter les mesures affaiblit notre crédibilité et notre capacité d'action. Au contraire, la situation internationale doit nous appeler à être à la hauteur pour lutter contre les crises actuelles. Le Québec dispose des moyens, des ressources et des responsabilités pour aller de l'avant, dès maintenant.
Une transition énergétique rapide indispensable
Sur le plan environnemental, nous ne pouvons nous permettre de différer les mesures. Chaque retard nous empêche dangereusement de garder une hausse des températures sous la barre de +1,5°C voire +2°C. Le temps presse.
Sur le plan économique, les investissements dans les énergies renouvelables, la sobriété,
l'efficacité énergétique, l'électrification des transports et des bâtiments sont autant d'occasions de création d'emplois, de leadership technologique et de développement régional. Il ne faut pas non plusnégliger les coûts astronomiques de l'inaction auxquels nous faisons déjà face chaque année causés par les événements météorologiques extrêmes.
Sur le plan social, la transition énergétique bien menée peut renforcer la justice énergétique,
réduire la dépendance aux énergies fossiles et améliorer la qualité de vie de la population.
Nous demandons :
● Que le gouvernement du Québec propose un calendrier concret de sortie graduelle et
prévisible, mais rapide, des énergies fossiles.
● Pour y arriver, ce plan de sortie des énergies fossiles doit s'accompagner d'un vrai plan de
décarbonation de l'économie abordant la sobriété et l'efficacité énergétique, la mobilité
électrique ainsi que la rénovation des bâtiments. Les retombées positives d'un tel plan pour
l'économie québécoise sont évidentes.
● Que les choix de société entourant la production et la consommation d'énergie soient faits
avec la population et de manière démocratique.
La transition énergétique n'est pas un luxe différable, c'est une nécessité immédiate. Nous
appelons le gouvernement à rétablir un cap ambitieux et clair, pour le bien-être de cette génération et des suivantes.
« Une réelle transition énergétique ne signifie pas de saisir uniquement les opportunités
d'affaires pour augmenter la production industrielle. Nous devons aller de l'avant avec une
transition sociale et écologique impliquant des transformations pour décarboner les transports, les bâtiments et les industries. Ce leadership ne doit pas être tributaire des reculs des États-Unis », souligne Myriam Thériault, présidente du conseil d'administration du Front commun pour la transition énergétique.
Au front commun pour la transition énergétique, nos 80 membres sont mobilisés autour de la mise en place d'un système énergétique décarboné qui respectera les capacités de support des écosystèmes. La transition, il faut la faire, et maintenant.
******
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Un bilan de la grève illimitée de la FAE et du Front commun de l’automne 2023
Le 23 novembre 2023, il y a deux ans presque jour pour jour, 570 000 travailleuses et travailleurs du Québec étaient en grève, soit plus de 10 % de la population active. Selon les centrales syndicales québécoises, "jamais dans l'histoire du Québec, du Canada et même de l'Amérique du Nord (depuis la grève d'AT&T en 1983), n'avons-nous été si nombreux à faire valoir ce droit pour améliorer notre condition ».
Les 65 000 enseignantes de la Fédération automne de l'enseignement (FAE) sont alors en première ligne de ce mouvement historique, après avoir déclenché ce même jour une grève illimitée ; une grève qu'elles tiendront cinq semaines sans fond de grève et qui bénéficiera d'un soutien populaire exceptionnel.
Après la publication d'une première Chronique des conflits du travail du GIREPS consacrée à la mise en contexte de la grève des enseignantes, puis une seconde retraçant la chronologie des évènements, cette troisième et dernière Chronique propose un bilan et de dégager quelques pistes de réflexion en vue de recherches à venir.

À quoi servent 14 cents ou le b-a-ba des cotisations syndicales à la CSN
Si l'on observe le budget triennal de la CSN, on constate que la proportion qui sert au financement des campagnes s'élève à 14 sous par semaine pour le membre moyen.
Tiré de l'infolettre de la CSN En Mouvement
13 novembre 25
Ces dernières semaines, en raison des mauvaises priorités établies par les ministres de la CAQ, on a beaucoup entendu parler de cotisations syndicales et du fait qu'elles seraient utilisées pour « autres choses que la défense des droits des travailleuses et des travailleurs ». Eh bien, nous avons des petites nouvelles pour le gouvernement : la loi qui régit les syndicats stipule que « les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude, la défense et le développement des intérêts économiques, sociaux et moraux de leurs membres. » Autrement dit, si nous ne nous préoccupions pas des enjeux politiques, on ne serait pas conforme à la loi !
Allant plus loin, le gouvernement a même décidé de déposer un projet de loi pour rendre facultative une partie du montant de la cotisation syndicale. Le problème, c'est qu'il n'a aucune idée de la méthode de calcul utilisée pour fixer une telle cotisation et surtout, comment elle est utilisée concrètement. En tant que trésorier de la CSN, je trouve important d'expliquer tout cela.
Comment établit-on la cotisation syndicale ?
Premièrement, le pourcentage de la cotisation est décidé démocratiquement par les membres lors d'un vote dans une assemblée générale, soit à la constitution du syndicat ou dans une assemblée générale ultérieure. À la CSN, le pourcentage moyen est de 1,8 %.
Si on applique ce 1,8 % sur le salaire annuel moyen des travailleuses et travailleurs affiliés à la CSN, qui est de 48 350 $, cela équivaut à une cotisation syndicale annuelle de 870,30 $. Quand on ramène cela sur une semaine, ça donne 16,74 $.
De cette cotisation, une partie demeure dans la caisse du syndicat local. Cela permet aux représentantes et représentants élus du syndicat de réaliser tous les mandats qui leur sont confiés par les membres en assemblée, tels que l'accueil des membres, l'application des droits prévus à l'entente collective, le règlement de mésententes, la négociation de la convention collective, la prévention et la défense en santé et en sécurité du travail et la gestion des activités du syndicat.
D'autres parties de la cotisation vont à la CSN, au palier régional ainsi qu'au secteur d'emploi, soit à la fédération à laquelle le syndicat est affilié.
Tout cet argent sert à la défense des droits des travailleuses et des travailleurs. Sur le 1,8 %, 0,72 % revient à la CSN. À quoi sert ce 0,72 % ? Encore à défendre les droits. Par exemple, nous avons un service juridique. Ce dernier sert à défendre les travailleuses et travailleurs et peut même aller jusqu'à les représenter au Tribunal administratif du travail. Nous avons aussi un service de santé-sécurité et d'environnement. Ce service accompagne les travailleuses et les travailleurs qui vivent des problématiques en matière de santé et de sécurité, notamment à la défense des accidenté-es.
14 sous pour les campagnes
Si l'on observe le budget triennal de 322 millions $ de la CSN, on constate que la proportion qui sert au financement des campagnes se chiffre à 7,4 millions $. Concrètement, qu'est-ce que ça signifie quand on applique ce montant à la cotisation syndicale moyenne d'un membre ? Du 16,74 $ de tout à l'heure, ça correspond à 14 sous par semaine. 14 sous. Eh oui, vous lisez bien 14 sous. C'est ce montant que le gouvernement veut rendre facultatif. Pour nous museler.
Ce montant cotisé par membre, tout de même minime en proportion de tout le reste, nous permet cependant de faire de grandes choses. Notamment, de mener des luttes pour les travailleuses et les travailleurs, comme celle livrée pour l'équité salariale. Il nous permet aussi de défendre le système de santé vraiment public et de lutter pour l'augmentation du salaire minimum. Ces luttes, nous les menons pour toutes les travailleuses et tous les travailleurs.
Leçon de transparence
On parle aussi du manque de transparence des syndicats quant à leur budget. Les états financiers de la CSN ne sont pas uniquement produits par le trésorier et ensuite rendus publics. Il existe un comité de surveillance, comme dans tous les syndicats d'ailleurs, dont les membres sont élus en assemblée générale, qui s'assurent que tout est bien en règle. Et, en plus de tout ça, tous les trois ans, la firme Deloitte vérifie nos états financiers.
De plus, par souci de transparence, deux fois par année – et une fois approuvée en instance –, nos états financiers sont déposés sur notre site web, pour que tous puissent les consulter.
Peut-on en dire autant des finances du gouvernement de la CAQ ?
******
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Un autre coup porté au personnel de l’État
Québec, le 15 novembre 2025. — Le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) déplore la décision du gouvernement du Québec d'obliger les employés à travailler trois jours au bureau au lieu de deux.
Cette décision s'ajoute aux autres éléments qui rendent la fonction publique de moins en moins attrayante. « Le gouvernement poursuit son sabotage et fragilise la santé psychologique de son personnel : après les coupures de postes, l'angoisse qui plane et la surcharge de travail, maintenant le retour au bureau à trois jours pour tous. Le télétravail est un élément important dans l'attractivité de la main-d'œuvre. On constate que le gouvernement coupe aussi là-dedans comme il coupe n'importe qui n'importe comment ! », constate Guillaume Bouvrette, président du SPGQ.
« Le personnel professionnel apprend la nouvelle en même temps que nous dans les médias. Ce n'est pas une façon adéquate et humaine de gérer le personnel professionnel. Cette décision unilatérale et irréfléchie va provoquer d'autres départs et ce sont les services à la population qui vont en souffrir, encore une fois », déplore Guillaume Bouvrette.
Comme ce dernier n'a pas été consulté sur la décision du gouvernement, il se questionne sur le véritable objectif de celui-ci : « Qu'est-ce qui motive ce changement de cap ? Est-ce pour faire vivre les centres-villes ? Est-ce que l'État gagnera en efficacité en ajoutant une journée supplémentaire au bureau ? »
Les effets positifs du télétravail sont déjà prouvés : « Depuis le tout début, le SPGQ revendique une flexibilité des modalités du télétravail, notamment en l'adaptant à la nature de la tâche, à la complexité de celle-ci et à la région d'où elle est effectuée. Les effets bénéfiques de la flexibilité dans la prestation de travail ont été prouvés, les employées et employés sont beaucoup plus performants lorsqu'ils choisissent eux-mêmes le moment où il y a une valeur ajoutée de travailler à être sur place ou à distance », conclut le président.
À propos du SPGQ Le SPGQ est le plus grand syndicat de personnel professionnel du Québec. Créé en 1968, il représente plus de 35 000 spécialistes, dont environ 26 000 dans la fonction publique, 6 000 à Revenu Québec et 3 000 répartis dans les secteurs de la santé, de l'enseignement supérieur et au sein de diverses sociétés d'État.
******
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Non à la réduction des seuils d’immigration permanente
Le Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CCQCA–CSN) et le Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTI) dénoncent fermement la décision du gouvernement du Québec de réduire les seuils d'immigration permanente. Cette sortie s'inscrit dans le mois d'action de la campagne québécoise pour la régularisation et la justice migrante.
« On dénonce haut et fort la baisse des seuils d'immigration permanente », lance François Proulx-Duperré, secrétaire général du CCQCA–CSN. « On joue du violon aux travailleuses et travailleurs partout sur la planète en leur disant qu'on a besoin d'aide ici, au Québec, en leur laissant miroiter qu'ils et elles vont pouvoir rester durablement. À leur arrivée, on change les règles du jeu, puis on leur dit que ce ne sera pas possible d'accéder à la résidence permanente ! C'est inacceptable. Ce monde-là laisse tout derrière : maison, logement, famille, ami-es et vivent l'exil. Ce sont avant tout des personnes, mais on les traite comme de la main-d'œuvre jetable et des numéros », s'exclame M. Proulx-Duperré.
Le CCQCA rappelle qu'au-delà du respect fondamental des droits humains, cette politique met en péril la stabilité même de plusieurs milieux de travail.
« Nos syndicats comptent déjà plusieurs travailleuses et travailleurs temporaires. Leur départ forcé pourrait fragiliser la pérennité de certaines organisations et entreprises », ajoute François Proulx-Duperré. « On parle de 142 000 personnes déjà sélectionnées et en attente de résidence permanente. Si le gouvernement impose une limite à 45 000 par année, on étire ça sur des années ! C'est indécent. Les TET sont nos frères et nos sœurs, déjà intégrés à la société québécoise. Ils et elles doivent pouvoir rester de façon permanente », conclut-il.
De son côté, le Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTI) rappelle que la lutte pour la dignité et la justice migratoire doit passer par des gestes concrets.
« Il faut défendre le droit des travailleuses et travailleurs temporaires à la résidence permanente », affirme Raphaël Laflamme, organisateur communautaire au CTI.
« On doit en finir avec les permis de travail fermés, qui ouvrent la porte à toutes les formes d'abus. Et il est plus que temps de mettre sur pied un véritable programme de régularisation pour les personnes sans papiers. La décision de diminuer les seuils d'immigration trahit aussi des milliers de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires (TET) déjà établis ici, qui contribuent chaque jour à faire tourner notre économie et à faire vivre nos communautés », de clore monsieur Laflamme.
Pour Mélanie Pelletier, vice-présidente du CCQCA–CSN, cette annonce du gouvernement s'inscrit dans une tendance inquiétante.
« Avec la campagne Faire Front, la CSN dénonce depuis des mois les politiques gouvernementales qui s'en prennent aux plus vulnérables et divisent la population », souligne-t-elle. « Aujourd'hui, ce sont les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires qu'on trahit, mais c'est toute la société québécoise qui en subira les conséquences. On doit faire front commun pour défendre la dignité et l'avenir de toutes et tous », s'exprime Mélanie Pelletier.
D'ailleurs, les différentes organisations syndicales du Québec organisent un grand rassemblement le 29 novembre à Montréal pour dénoncer les orientations antisyndicales et anti-travailleurs du gouvernement du Québec.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Laïcité : les 120 ans de la loi de 1905
La commémoration des 120 ans de la loi de 1905 bat son plein. Les sollicitations ont été très nombreuses et, bien qu'en utilisant, pour certaines, la visioconférence, je n'ai pas pu répondre à toutes les demandes. C'est pourquoi je donne ici le compte-rendu d'une intervention que j'ai faite au Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE).
Tiré du blogue de l'auteur.
La commémoration des 120 ans de la loi de 1905 bat son plein. Les sollicitations ont été très nombreuses et, bien qu'en utilisant, pour certaines, la visio-conférence, je n'ai pas pu répondre à toutes les demandes. C'est pourquoi je donne ici le compte-rendu d'une intervention que j'ai faite au Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE).
Je remercie la personne du CESE qui a retranscrit mon exposé et la discussion qui l'a suivi. J'ai anonymisé les personnes qui m'ont posé des questions. Pour les Parisiennes et les Parisiens que cela pourrait intéresser, je signale, entre autres, trois « événements » qui auront lieu dans la capitale : le vendredi 28 novembre à 19 heures, la présentation de mon ouvrage (1882-1905 ou la laïcité victorieuse) à la librairie Atout Livres (203 bis avenue Daumesnil, 75012 Paris), le matin du samedi 6 décembre une manifestation de la Vigie de la Laïcité (voir les détails et les modalités d'inscription sur son site) et, enfin, le matin du 9 décembre, y partir de 9h30 (ne pas arriver en retard, il risque y avoir du monde !), une table-ronde autour de mon dernier livre (1882-1905 ou la laïcité victorieuse, PUF) au Grand Amphithéâtre du Centre de Colloques du Campus Condorcet (Place du Front populaire, 93322 Aubervilliers, métro : Front Populaire), organisé par le Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (CNRS – EPHE – PSL) à l'occasion des trente ans de sa fondation. Pour les habitants de l'Yonne, j'indique la conférence que je ferai à Auxerre (Fédération du Bâtiment de l'Yonne), organisée par le grand Orient de France, le samedi 22 novembre à 17.
Enfin, celles et ceux qui le souhaitent peuvent trouver sur YouTube un exposé que j'ai présenté à la Grande Loge de France.
Voici donc la retranscription de la séance au CESE :
LE PRÉSIDENT.- Merci à vous, Monsieur Baubérot-Vincent, d'avoir accepté de vous rendre disponible, malgré un agenda très chargé. Nous avons souhaité entendre votre parole dans le cadre d'un chantier que nous avons ouvert avec, en ligne de mire, un événement que le CESE organisera le 9 décembre 2025. C'est une date symbolique, et nous souhaitons centrer cet événement sur la laïcité, avec notamment un retour sur les enjeux autour de la loi de 1905. C'est précisément sur ce point que nous avons souhaité vous entendre.
BAUBÉROT-VINCENT.- Je vais d'abord revenir sur le contexte de l'époque, puis aborder les enjeux à proprement parler. Enfin, je tenterai de donner une brève conclusion comportant quelques éléments d'actualisation.
On peut aborder le contexte de deux manières. D'abord, envisager le contexte dans la longue durée. Le XIXe siècle est marqué non seulement par la ratification, en 1802, d'un Concordat entre l'Etat français et Rome, élaboré l'année précédente, mais également -on l'oublie trop souvent- par une organisation religieuse pluraliste autour d'un régime juridique de « cultes reconnus ». Lorsque l'article 2 de la loi de 1905 affirme que « la République ne reconnaît aucun culte, il s'agit d'un terme technique. Cela signifie que l'on met fin au régime des cultes reconnus incluant le catholicisme, le protestantisme et le judaïsme. Cependant, cette tentative de pluralisme juridique a été politiquement surdéterminée par ce que les historiens appellent « le conflit des deux France ».
Ce conflit oppose, pour faire simple, une France traditionnelle, séculaire, « fille ainée de l'Eglise » catholique, et une France moderne, héritière de la Révolution française — celle de 1789, bien sûr, mais aussi des années suivantes : 1793, 1794, marquées par un combat antireligieux, et 1795, où a alors eu lieu une première tentative de séparation, qui n'a pas duré.
Ce qui importe pour nous, c'est que ce conflit politico-religieux génère une instabilité politique. Le XIXe siècle voit se succéder sept régimes politiques différents, avec une durée de vie moyenne d'environ quinze à vingt ans chacun. Lorsque la République — la Troisième — parvient à se stabiliser, à la fin des années 1870 et au début des années 1880, le grand enjeu pour les républicains de gouvernement consiste à en faire le régime définitif de la France, objectif qui suppose de surmonter le risque de retour monarchique ou bonapartiste, et aussi d'éviter l'émeute populaire — souvenons-nous de la Commune.
Pour faire de la république le régime définitif de la France, il faut résoudre le conflit des deux France, et donc la question du rôle politique du catholicisme. Dans les années 1880, la solution retenue par les républicains est ce que j'appelle un anticléricalisme libéral : on impose la liberté aux religions, en particulier au catholicisme.
Un exemple emblématique de cet anticléricalisme libéral est la loi rétablissant le droit au divorce, en 1884. Les catholiques la perçoivent comme une loi persécutrice, parce qu'elle heurte leur conception de la famille. En réalité, elle ne contraint personne à divorcer : elle permet aux protestants et aux juifs, qui tolèrent le divorce, d'exercer ce droit, si besoin, et aux libres penseurs d'en faire usage. Quant aux catholiques, ils sont libres d'obéir ou non à l'interdiction de l'Eglise catholique ; cela relève désormais d'une adhésion volontaire.
On connaît mieux la loi sur la laïcité dans l'école publique (loi Ferry de 1882), mais sont également votées d'autres lois, telle celle sur la liberté des funérailles ou celle sur la neutralité les cimetières, mettant fin à la division entre « terre bénite » et « terre maudite ». Cet anticléricalisme libéral ne diminue pas la liberté religieuse mais il établit la liberté face aux normes de la religion, en distinguant loi civile et normes religieuses — ce qui aurait dû être le cas depuis la Révolution française, mais qui ne l'était pas vraiment dans les faits (ainsi le divorce autorisé en 1792, fut interdit en 1816).
Voyons, ensuite, le contexte plus immédiat, celui du tournant du siècle. En 1892, le pape Léon XIII appelle les catholiques à se rallier à la République. Ce ralliement est souvent présenté comme un apaisement du conflit entre les deux France. En réalité, rapidement, c'est tout le contraire. Le ralliement est conditionnel : il vise à changer la République de l'intérieur. Le catholicisme apparaît alors encore plus menaçant et le ralliement ravive les peurs républicaines. La Croix, par exemple, se déclare le journal « le plus anti-juif de France ». C'est dans ce contexte que survient l'affaire Dreyfus : les catholiques ralliés cessent de dénoncer globalement la République ; ils distinguent « la Gueuse » et une République des « honnêtes gens », opposée à celle qui se trouverait accaparée par les francs-maçons, les juifs et les protestants.
Dans cette conjoncture de tensions croissantes, les gouvernements successifs de Défense républicaine de Waldeck-Rousseau puis le Bloc des gauches, sous la direction d'Emile Combes, adoptent une posture que l'on peut qualifier d'anticléricalisme autoritaire. Une lutte est ainsi menée contre les puissantes congrégations enseignantes et, en outre, sous le ministère Combes, les relations avec le Saint-Siège se détériorent fortement. Emile Combes souhaite en effet un concordat renforcé, ce qui ne fait qu'aggraver les tensions, d'autant plus que Léon XIII, relativement souple, meurt et laisse la place à Pie X.
Traditionnellement, on considère que le processus de séparation des Églises et de l'État a été initié par Emile Combes. Celui-ci prend parti pour la Séparation en septembre 1904, dépose un projet de loi en novembre, puis quitte le pouvoir en janvier 1905, transmettant, dit-on, le relais à Aristide Briand. À mon sens, cette lecture des événements est beaucoup trop simpliste.
En réalité, dès 1903, un véritable conflit oppose deux visions de la laïcité. Les partisans de l'anticléricalisme d'Etat autoritaire ne sont pas opposés à la Séparation sur le fond, mais considèrent que les conditions ne sont pas encore réunies. Ils estiment qu'il faut d'abord instaurer un véritable monopole de l'enseignement public avant d'envisager la Séparation. Tant que subsiste la liberté d'enseignement, l'école n'est pas « laïque, gratuite et obligatoire ». Il faudra donc attendre qu'une génération nouvelle soit éduquée exclusivement par l'école laïque pour se poser la question de la Séparation ; sinon enlever la possibilité d'un contrôle de l'Etat sur l'Eglise catholique apparait trop dangereux.
Mais le désir de supprimer la liberté de l'enseignement crée une fracture au sein même du camp républicain et laïque. Clemenceau, par exemple, s'oppose fermement à l'idée de monopole : il affirme que, s'il faut choisir « entre la République et la liberté », il choisira toujours « la liberté ». D'autre part, au sein du Parlement, une commission sur la Séparation est constituée, en juin 1903, réunissant 17 députés séparatistes et 16 députés concordataires issus du centre et de la droite : vu l'abstention de certains députés de gauche souhaitant différer la Séparation, l'opposition a fait jeu égal avec la majorité. Beaucoup pensent que la Commission va être paralysée ; en fait, elle travaille dans un tout autre esprit que le Bloc des gauches. Si les affrontements sont presque un rituel au Parlement, cette commission, présidée par Ferdinand Buisson, ‘ancien adjoint de Ferry, et dont le rapporteur est Aristide Briand, opère des « transactions » pour élaborer un projet à peu près consensuel.
Ce conflit des deux laïcités aboutit à une crise entre le projet de la commission, prêt dès juillet 1904, et Combes, qui choisit de déposer un projet différent, en novembre, dans une logique d'hostilité vis-à-vis de la commission et visant plutôt à une certaine séparation entre l'Eglise catholique en France et Rome qu'à la Séparation des Eglises et de l'Etat.
Finalement, c'est le couple Buisson Briand qui l'emporte et c'est le projet, un peu modifié, de la commission qui est soumis au Parlement, en mars 1905. Ce point est fondamental, sinon on ne comprend pas pourquoi la séparation de 1905 n'est pas le couronnement de l'anticléricalisme d'Etat autoritaire, mais, au contraire, un retour aux principes de l'anticléricalisme libéral des années 1880.
Les premières années du XXe siècle, on fait face à un dilemme : chaque mesure anticléricale prise se révèle inefficace. Chaque échec pousse à adopter une mesure plus dure encore, dans une spirale idéologique inflationniste. Au final, les libertés démocratiques sont écornées. On atteint un point où il faut choisir : soit on s'éloigne des principes d'une République libérale, démocratique, soit on change de stratégie. C'est un véritable dilemme au sein du camp républicain.
Initialement, l'optique de la commission est minoritaire. Progressivement toutefois, l'environnement évolue. Combes défendait l'idée qu'on pouvait aller jusqu'à une quasi-guerre civile entre Français, car l'horizon international était pacifique. Mais, en février 1904, éclate la guerre russo-japonaise. Elle concerne la France, à cause de sa colonie indochinoise et, surtout, de l'alliance franco-russe : progressivement, les défaites russes dégagent le front est de l'Allemagne, qui redevient dangereuse. L'argument visant à mener à son terme un combat laïque quoi qu''il en coûte perd de son impact. Il faut au contraire éviter de maximaliser le conflit entre Français. Cet aspect, non souligné par les historiens, me paraît crucial.
D'autre part, le choix de l'anticléricalisme autoritaire s'est fait au détriment de la question sociale. Sous le gouvernement du Bloc des gauches, les résultats sociaux sont très faibles. Ainsi, les retraites ouvrières sont sans cesse ajournées en raison de la priorité donnée à l'anticléricalisme d'État. Ainsi, à partir de l'été 1904, Jean Jaurès souhaite une séparation libérale, qui, autant que faire se peut, pacifiera le conflit des deux France et permettra d'affronter enfin la question sociale, là où la France accuse du retard sur l'Allemagne.
***
Le contexte étant posé, j'aborderai les enjeux de la loi elle-même. Trois enjeux me semblent décisifs ; un quatrième concernant l'application de la loi.
Le premier enjeu s'articule autour de l'interprétation de la notion de liberté de conscience. Personne n'est contre, mais la gauche républicaine en donne trois interprétations différentes.
L'interprétation la plus extrême, considère que la liberté de conscience n'inclut pas la liberté religieuse. Selon cette vision, la religion est, par essence, une oppression des consciences. Il faut donc émanciper les individus de la religion, promouvoir la primauté de la raison sur la croyance, et, dans cette logique, accorder le moins de liberté possible aux expressions religieuses. C'est la conception de Maurice Allard, d'Edouard Vaillant, des socialistes révolutionnaires, et d'une petite minorité de radicaux-socialistes.
Émile Combes prône, quant à lui une autre conception : il n'est pas antireligieux, et se veut un « philosophe spiritualiste ». Il affirme, dans des conversations privées avec le chef de cabinet du président de la République, que son objectif consiste réconcilier la République et l'Église catholique. Pour y parvenir, il faut républicaniser le catholicisme, y compris de manière autoritaire, avec des mesures répressives. En réalité, nous l'avons vu, Combes cherche surtout à séparer l'Église catholique française de Rome, davantage qu'à séparer les Églises de l'État. Bien des radicaux (et radicaux-socialistes), sans être tout à fait de cet avis, veulent profiter de l'occasion pour développer un « catholicisme républicain ».
Briand défend, avec beaucoup de ténacité, une troisième conception. On dit souvent qu'il était plus habile que convaincu, mais, en l'occurrence, sur la liberté de conscience, il a vraiment fait preuve de constance ; chaque fois qu'on enlevait de la loi ce principe de la liberté de conscience, il le remettait en tête de l'article premier, en le faisant suivre du « libre exercice des cultes. » Attention : il s'agit bien du libre exercice des cultes – au pluriel – et pas seulement de l'exercice du culte. Briand le rappelle à plusieurs reprises : le mot « culte », en droit, désigne la religion depuis la Révolution, ce qui inclut, précise-t-il, les « manifestations extérieures du culte », pas seulement l'acte cultuel lui-même.
Un exemple : la loi de 1905, contrairement à la première séparation de 1795, permet le port de la soutane dans l'espace public. Briand l'affirme : la soutane devient, avec la séparation, « un vêtement comme un autre ». S'ensuit une banalisation du vêtement religieux. Par ailleurs, la liberté des processions est accrue par rapport au régime des cultes reconnus. Après 1905, cette liberté de procession est plus grande en France qu'en Alsace-Lorraine, alors devenue allemande, où le système bonapartiste s'applique toujours.
La liberté de conscience est donc la liberté de manifester ses convictions, qu'elles soient religieuses ou irréligieuses, dans le cadre démocratique, avec l'existence d'une police des cultes prévenant les troubles à un ordre public démocratique. En 2021, certains ont affirmé qu'il n'y avait pas de police des cultes dans la loi de 1905. C'est faux. Elle existe. Peut-être faudrait-il simplement l'appliquer. C'est un débat.
C'est donc cette conception inclusive de la liberté de conscience qui l'emporte, et inclut le libre exercice des cultes (l'article 1).
Deuxième enjeu : L'article 2 met fin au système des cultes reconnus. « La République ne reconnaît, ne finance ni ne subventionne aucun culte ». Toutefois, à la fin de cet article, figure une exception : les aumôneries, dans les lieux fermés, peuvent bénéficier de fonds publics. Il est bien précisé que cette exception vise à pouvoir assurer le « libre exercice des cultes ». Autrement dit, l'article 2 reconnaît la primauté de l'article 1. Si une tension existe entre la liberté des cultes et le non-financement, c'est le non-financement qui doit s'assouplir. Clemenceau, notamment, est très clair sur ce point.
Se pose, troisième enjeu, le problème de la neutralité. Là encore, il s'agit d'un débat complexe, avec plus de 40 000 édifices religieux, propriété publique, à attribuer à de futures « associations cultuelles », et des biens (400 millions de franc or) liés à ces édifices. Ces derniers étaient jusqu'alors gérés par des représentants des Églises, mais aussi de l'État. Certains, à gauche, veulent en récupérer une partie ; d'autres, plus libéraux, estiment que ces biens doivent revenir entièrement aux associations cultuelles. Cette position l'emporte ; mais un nouveau conflit éclate entre les républicains de gauche. En effet, un ajout de l'article 4 précise : les biens reviendront aux associations qui se conformeront aux « règles générales d'organisation » de leur culte,
Ce point est crucial, car derrière cette formulation technique, cela signifie que les associations cultuelles catholiques doivent être conformes à leur hiérarchie religieuse : le prêtre de l'association doit se trouver en conformité avec l'évêque, et l'évêque avec le pape. C'est la fin de l'espoir des radicaux de promouvoir un « catholicisme républicain » qui serait « schismatique » par rapport à Rome.
Il y a eu un conflit intra-républicain virulent, allant de l'adoption (par la droite et une partie seulement de la gauche) de cet ajout à l'article 4, jusqu'au dépôt par les républicains de gauche battus d'un article 6 bis (qui aurait tempéré les conséquences de cet ajout). Pendant un mois et demi, une part de la gauche (essentiellement des radicaux qui ont une conception individualiste de la liberté de conscience, alors que les socialiste jauressiens intègrent une dimension collective) tente de faire reconnaître que, même si le dogme doit être respecté, la discipline – l'obéissance hiérarchique – ne doit pas être obligatoire pour disposer des églises et hériter des biens. C'est un échec total. L'article 6 bis est rejeté, par l'action conjointe de Jaurès et de Briand, mettant fin à l'idée d'un catholicisme républicain autonome.
C'est une neutralité qu'on qualifie alors, dans les débats, de « respectueuse ». Respectueuse des différentes constitutions ecclésiastiques. Ce mot de respect est d'ailleurs repris dans la Constitution de 1958 : « la République respecte toutes les croyances ».
Il y a, enfin, l'enjeu de l'application de la loi : par l'encyclique Gravissimo (août 1906), Pie X refuse la loi, qui met fin au concordat dont un pape était cosignataire. Mais, l'on ignore souvent, ce refus a été suivi de trois autres, entre décembre 1906 et mai 1908. Le pape rejette toutes les solutions alternatives de « droit commun » que Briand propose et fait voter par la gauche du Parlement. Cela ne se fait pas sans mal : une partie de cette gauche républicaine renâcle face à cette « humiliation » devant Rome – on parle d'aller à « Canossa ».
Briand, soutenu par Buisson pendant la préparation de la loi et par Jaurès au moment de son élaboration, est soutenu, alors, par Clemenceau, devenu ministre de l'Intérieur, puis président du Conseil. C'est le couple, Briand-Clemenceau qui l'emporte. Briand invente des solutions libérales, Clemenceau les impose à toute la gauche.
De fait, la gauche qui a voté, en 1905, une loi loin de correspondre aux aspirations de certains de ses membres, vote également, de façon unanime, trois autres lois permettant d'appliquer la séparation. Ainsi on en arrive à la formule de « l'Église catholique légale malgré elle ». Cette dernière refuse, en effet, les propositions juridiques qui lui sont faites, notamment celle de l'association de 1901. C'est pour permettre aux catholiques de contourner la loi de 1905 qu'est autorisée, par une nouvelle loi de 1907, la gestion cultuelle via des associations loi de 1901. C'est pourquoi les musulmans, aujourd'hui, peuvent utiliser ce cadre pour gérer leur culte.
Le pape a refusé cette solution. Cependant, « l'Église [devient] légale malgré elle » et, jusqu'à l'accord de 1923-1924, ses prêtres occupent les églises « sans titre juridique ». Il faut insister sur ce point : les lois de 1905-1908 ne sont pas le couronnement de l'anticléricalisme d'État, mais constituent un changement de paradigme. Briand, avec Clemenceau, mène ce changement. Au final, même les libres penseurs, qui, en 1903, lors du combisme, interrompent des messes en s'adressant aux « prédicateurs-citoyens », changent d'attitude : alors même que les catholiques refusent la loi de 1905 et le droit commun, les libres-penseurs s'abstiennent de toute provocation. Certains d'entre eux agissent même pour permettre à l'Église catholique d'exister légalement. Pas tous, bien sûr, mais un nombre suffisant pour que cela fonctionne.
Toute la gauche, à ce moment-là, a privilégié ce que Max Weber appelle « l'éthique de responsabilité » sur « l'éthique de conviction » : la loi de 1905, et plus encore les modalités de son application au vu des refus du pape, ne satisfaisait pas les souhaits de beaucoup d'entre eux. Pourtant, ils ont assumé le choix de la responsabilité politique.
Si une telle stratégie s'est montrée efficace, cette situation a fait de l'Église catholique une préoccupation constante, obsédante, pour Briand, pour le gouvernement, les tribunaux. Cela a permis, et ce n'est certes pas rien ! de pacifier relativement le « conflit des deux France », qui prenait de plus en plus d'ampleur, mais cela s'est effectué, il faut aussi le reconnaître, au détriment d'une égale liberté de conscience et d'une égale liberté religieuse.
Concernant la liberté de conscience d'abord : on a multiplié les accommodements envers le catholicisme, parfois en oubliant un peu les libres penseurs. Aujourd'hui encore, contrairement à la Belgique, ceux ne bénéficient pas de l'équivalent des aumôneries pour aider ceux qui veulent réfléchir au sens de la vie en dehors des traditions religieuses. Concernant la liberté religieuse ensuite : certains catholiques voulaient désobéir au pape et, créer des associations cultuelles, mais ils n'ont obtenu ni les églises, ni les biens. Le paradoxe de la loi de 1905, c'est qu'on a finalement privilégié ceux qui refusaient la loi – ceux qui suivaient Pie X – parce qu'ils se conformaient à l'ajout de l'article 4, resté valable même en l'absence d'association cultuelles catholiques « romaines ». Les catholiques qui voulaient créer, en conformité avec la loi, des associations cultuelles, se sont heurtés à l'opposition de Briand, de Clemenceau, du Conseil d'Etat et de l'administration, ils ont été dépossédés des églises.
La loi de 1905, aussi remarquable soit-elle, ne règle pas tous les problèmes. La culture française a été profondément marquée, surdéterminée même, par le conflit dualiste des deux France. La séparation de 1905, au lieu de donner naissance à une véritable culture pluraliste, a été façonnée avant tout pour apaiser ce conflit. Non pas pour le faire disparaître, mais pour le ramener dans les tensions normales d'une démocratie. Ce déficit d'habitus pluraliste dans la culture politico-religieuse française présente aujourd'hui un effet boomerang. Voilà un aspect majeur, le plus souvent méconnu.
Je conclurai rapidement.
Actuellement, nous faisons face à une réinterprétation de la laïcité. En 2003, un des leaders de la majorité gouvernementale de l'époque, François Baroin, rédige un rapport pour le premier ministre. Il en appelle à une « nouvelle laïcité », plus culturelle et identitaire. En schématisant, on peut dire que, globalement, cette nouvelle laïcité reprend davantage les peurs et les postures de ceux qui ont perdu en 1905 que de ceux qui ont gagné. En fait, elle prolonge, en partie, la vision de la laïcité des vaincus de 1905.
Pourquoi cette optique, défaite alors, est-elle devenue dominante aujourd'hui ? Parce qu'en 1905, on croyait fortement au « Progrès. » Un Progrès qui reliait le progrès technique et scientifique au progrès moral et social par l'action politique. Pour dire les choses vite : la « fée électricité », les chemins de fer, la morale laïque et la vitalité démocratique coexistaient.
Cette croyance a commencé à se trouver ébranlée par la guerre russo-japonaise, qui a montré que l'arbitrage entre nations dites « civilisées » ne suffisait pas pour éviter une guerre. A plus forte raison, les deux guerres mondiales ont détruit l'idée d'un progrès indifférencié. On a distingué, alors, un « bon » progrès pacifique d'un « mauvais » progrès guerrier. Aujourd'hui, même cette distinction se trouve mise en doute avec l'ensemble des problèmes liés au changement climatique, à la destruction de la biodiversité...
Les discours dominants sont désormais à teneur apocalyptique. Ces discours sur les crises environnementales et les risques que court la planète sont devenus obsédants et font que l'incroyance au Progrès prédomine. Dans ce climat, resurgissent des désirs de pureté : pureté religieuse – c'est le succès du salafisme –, mais aussi, faute d'être capable de construire un avenir souhaitable, désir d'une pureté laïque.
Le récent roman d'Aurélien Bellanger, mal nommé Les derniers jours du Parti socialiste, illustre bien les dérives que peut donner cette quête de pureté laïque. L'enchainement de lois et de mesures, considérées ensuite comme inefficaces, et, bien sûr, elles le sont puisqu'elles ne portent pas sur les racines du problème, va dans le même sens. Dans cette conjoncture, deux camps risquent de s'opposer comme des frères ennemis : les partisans d'une pureté laïque combattant les partisans d'une pureté religieuse (et inversement), avec une inflation réciproque. Ce processus me semble analogue à celui de l'anticléricalisme autoritaire de Combes. De même qu'au début du XXe siècle, un discours du danger (clérical, intégriste) fleurit ; mais, comme on reste en démocratie, les mesures prises ne peuvent pas être à la hauteur des menaces mises en avant. Alors les gens sont frustrés, demandent des mesures plus fortes, qui elles-mêmes échouent. Et ainsi de suite. Il faudrait sortir du cadre démocratique pour empêcher que ceux que l'on « exclut par la porte » ne « reviennent par la fenêtre ». C'est un engrenage.
En conséquence de cette perspective, la « nouvelle laïcité » opère un glissement de la liberté de conscience vers la neutralité. Si vous analysez les discours de 1905, le terme central, c'est « liberté de conscience ». Déjà dans les années 1880, avec Jules Ferry et Ferdinand Buisson, et en 1905, Buisson, Jaurès, Briand, Clemenceau, tous insistent : la laïcité, c'est avant tout la liberté de conscience. Briand le dit très clairement dans son Rapport. Aujourd'hui, quand on parle de laïcité, un mot revient : « neutralité ». Laïcité et neutralité sont devenues presque synonymes. Or, la neutralité constituait, en 1905, un moyen au service de la liberté de conscience. Une neutralité arbitrale, qui permettait à chacun d'exercer librement ses convictions, aujourd'hui la neutralité tend à devenir une fin en soit, et elle ne s'applique pas de la même manière aux différentes religions.
De plus, l'interprétation du mot « neutralité » change. En 1905, on parlait d'une neutralité de respect. Aujourd'hui, il s'agit plutôt d'une neutralisation. Une privatisation du religieux, cantonnée à l'intime – dans une société où l'intime a presque disparu, en tout cas a beaucoup rétréci son domaine, à cause du numérique, des médias, des moyens techniques nouveau de surveillance permanente.
On sort alors de l'idéal de rationalité qui était au cœur de la pensée laïque (et a, sans doute, permis, à l'époque, de faire prévaloir l'éthique de responsabilité sur l'éthique de conviction). Ce que Briand appelait une « laïcité de sang-froid » est remplacé par une laïcité avant tout émotionnelle. Mon collègue Gilles Kepel parle de « salafisme d'atmosphère », de « djihadisme d'atmosphère ». Moi, j'ai proposé le terme de « Trumpisme d'atmosphère » pour désigner cette dérive de la laïcité. Je vous remercie.
LE PRÉSIDENT.- Merci, Monsieur Baubérot-Vincent. Je me tourne immédiatement vers les membres de la commission pour ne pas perdre de temps et engager le dialogue. Vous avez posé un constat de haute volée. Je suis sûr que mes collègues y réfléchissent encore. Peut-être certains se sont-ils même reconnus dans l'un ou l'autre des portraits que vous avez dressés.
BAUBÉROT-VINCENT.- Encore une fois, j'ai forcément été rapide, surtout dans ma conclusion. Vous ajouterez toutes les nuances nécessaires.
LE PRÉSIDENT.- Tout à fait. Vous avez été surtout très complet, et c'est ça l'essentiel. Chers collègues, quelqu'un souhaite-t-il intervenir ou poser une question à Monsieur Baubérot-Vincent ?
Mme X.- Bonjour, je vous remercie beaucoup pour votre intervention, particulièrement dense. Cela rend presque difficile l'envie d'intervenir tant les propos sont riches. Je me présente : je suis conseillère au CESE, je fais partie du groupe Familles. J'aimerais que vous précisiez ce que vous entendez exactement par « neutralisation ». Vous avez insisté sur cette idée d'une laïcité qui irait au-delà de la neutralité, vers une forme de neutralisation. Vous avez également évoqué un lien avec la question de l'intimité ou de son absence.
BAUBÉROT-VINCENT.- Je vais donner un exemple concret. Dans les débats sur l'article 28 de la loi de 1905 – article qui interdit les emblèmes religieux sur les places et monuments publics –, Briand précise, et c'est ce qui pousse la droite à retirer certains amendements, qu'il ne s'agit pas d'une neutralité des personnes. Les individus ont le droit de manifester leur appartenance religieuse dans l'espace public. Des débats ont porté sur le port de la soutane, mais celui-ci a été autorisé. Briand donne, alors, un exemple : un homme possède un jardin qui donne sur une place publique et y installe un grand calvaire visible de tous. C'est permis.
De même, les groupes ont le droit d'exprimer leur appartenance religieuse dans l'espace public. C'est tout le débat sur les processions. Il fut rude, car la gauche était divisée. Certains maires radicaux pour ne pas avoir à décider s'ils devaient autoriser ou non les processions, voulaient que la loi les interdise. Et, selon certains laïques, ces manifestations, où une religion s'appropriait l'espace public, heurtaient leur liberté de conscience.
Toutefois, la réponse donnée a été claire : la liberté de conscience oblige à accepter que chacun puisse s'exprimer, même collectivement. Ce qui est interdit, ce sont les emblèmes religieux qui apparaîtraient comme des représentations de la collectivité : la commune, l'État, etc. Ainsi, une crèche dans une mairie, par exemple, devient problématique, car elle manifeste une croyance particulière et l'élève au rang de symbole collectif.
Aujourd'hui, on tend vers une conception où des portions de plus en plus étendues de l'espace public lui-même devraient être neutres et où l'obligation de neutralité s'étend à un nombre de plus en plus important de personnes. Quand les agents publics représentent clairement l'État, là, la neutralité est logique. Mais faut-il imposer cette neutralité à quelqu'un qui vide les poubelles, dans le cadre d'une entreprise qui a une délégation de service public ? Depuis les lois de 2016 et 2021, c'est devenu possible.
C'est ce que j'appelle une tendance à la neutralisation. On élargit de plus en plus les obligations de neutralité à des individus pour qui le lien avec l'État est faible, voire inexistant. On fait de la neutralité d'apparence, la neutralité vestimentaire, une fin en soi, alors que l'important dans la neutralité c'est de mettre en œuvre le principe d'impartialité.
Y.- Merci beaucoup. C'est très précieux de replonger ainsi dans la complexité historique. Aujourd'hui, on célèbre les lois centenaires en oubliant leur contexte politique. Or, ce contexte est essentiel.
Je voudrais poser deux questions. D'abord : dans la loi de 1905, le mot « laïcité » n'apparaît pas, pas plus que « laïque ». Pourtant, on résume souvent la loi à ces termes. Étaient-ils utilisés à l'époque ? Sinon, à partir de quand se sont-ils imposés dans le débat public ?
Deuxième question, plus contemporaine : vous connaissez bien les conditions du débat parlementaire de 1905. Comment évaluez-vous la qualité des débats autour des lois de 2004, 2010, 2021, que vous avez citées ? Aborde-t-on encore aujourd'hui la complexité de ces questions comme on le faisait alors ? Ou bien la polarisation idéologique empêche-t-elle des débats de qualité ?
BAUBÉROT-VINCENT .- Pour répondre à la première question, sur le terme « laïcité » : ni la loi de 1882, qui laïcise l'école publique, ni la loi de 1905 ne contiennent le mot « laïcité ». C'est assez remarquable, car ce sont pourtant les deux lois fondatrices de la laïcité en France. Aucune des deux ne mentionne le terme. Sans doute n'avait-on pas le fétichisme des mots. En 1905, il y a, aussi, la volonté de se différencier du combisme qui parle de « laïcité intégrale »
Le Rapport Briand, au nom de la commission, utilise le mot « laïcité » dans un seul chapitre : celui consacré aux législations étrangères (et ce n'est sans doute pas un hasard). Briand y explique que le régime des cultes reconnus en France constitue une forme de « demi-laïcité », parce qu'il tolère un certain pluralisme, que l'agnosticisme est permis, etc, mais ce n'est pas une laïcité pleine et entière, puisque certains cultes sont semi-officiels. Il affirme qu'il faut passer à une « complète laïcité », comme l'ont déjà fait les États-Unis.
Cependant, il reste lucide : il évoque la possibilité que les États-Unis rencontrent plus tard des problèmes de cléricalisme. Il reste vigilant. Le Mexique apparait à l'époque le grand modèle pour des laïques français : un pays catholique qui a séparé l'Église et l'État, dès 1859, malgré la puissance d'une Église catholique qui, au début du XXe siècle, reste forte dans ce pays. Cela prouve, estime-t-on que la Séparation s'avère possible dans un pays catholique, sans passer par la persécution et sans que l'Etat soit perdant.
Bien sûr, une guerre civile éclatera dix ans plus tard au Mexique et un régime plus dur s'installera. En 1905, le modèle mexicain est perçu comme strict, mais non persécuteur. Briand cite également le Brésil, le Canada, Cuba, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et plusieurs colonies britanniques. Il évoque une dizaine de pays ayant déjà opéré une séparation et abolit les Églises officielles : pour lui, ces Etats vivent dans un régime de laïcité.
Ce qui est intéressant, c'est que l'Assemblée nationale a réédité le rapport Briand en 2005, puis en 2020, et qu'elle a supprimé ce chapitre sur les législations étrangères. J'ai souligné ce point, il m'a été répondu que cela n'avait pas de signification idéologique. Peut-être, mais il n'est tout de même pas inodore d'avoir ôté le seul chapitre où apparaissent les termes « laïcité » (sept fois) et d'autres mots de la même famille (en tout quatorze fois).
À mes yeux, c'est le chapitre le plus important, car il montre qu'il existait deux modèles possibles de séparation : le modèle révolutionnaire de 1795, très strict – où les manifestations extérieures de la religion étaient limitées, et où coexistaient, dans les églises, fêtes civiques et pratiques religieuses ; et un autre modèle, beaucoup plus inspiré des exemples étrangers. Briand valorise le Mexique, Jaurès les États-Unis – il se montre même très pro-américain dans ses discours. Ce second modèle sera finalement choisi. En supprimant ce chapitre, on évacue le fait qu'un tel choix a été opéré. Je ne veux pas prêter d'intentions malveillantes, mais les conséquences de cette omission ne sont pas neutres.
Sur la qualité des débats parlementaires, je dirais que le problème principal aujourd'hui, c'est la visibilité. En 1905, les journaux consacraient des pages entières aux débats parlementaires. Même quand j'étais jeune, dans Le Monde, on trouvait des pages et des pages de compte rendu presque in extenso des débats. Aujourd'hui, Le Monde publie encore des articles consistants, mais ce qui passe à la télévision ou sur les réseaux sociaux, ce sont les « petites phrases ». Il est devenu très difficile pour les parlementaires de mener des débats de fond. Certains essaient, mais ils n'ont quasiment aucune visibilité. C'est un système d'emprise, dont l'aboutissement est ce qu'on nomme la « post-vérité ». Il faut le combattre.
Il ne s'agit pas de dire qu'en 1905 les parlementaires étaient plus intelligents. Il y avait déjà des gens brillants et d'autres moins. C'est encore le cas aujourd'hui. Aujourd'hui toutefois, si vous voulez être visible, vous devez passer par les médias – or, le système médiatique est très réducteur. Ce qui est retenu, ce sont les propos excessifs, schématiques, péremptoires. L'art de la nuance devient socialement invisible.
C'est exactement ce qui se passe avec la laïcité actuelle. Si la grande majorité des musulmans ne basculent pas dans l'extrémisme, malgré les discours islamistes qui leur disent « vous êtes discriminés », c'est parce qu'à côté de ce que j'appelle la « laïcité émergée » – combative, médiatisée, simplificatrice – il existe une « laïcité immergée », qui représente les neuf dixièmes de la réalité quotidienne.
Cette laïcité immergée s'applique encore selon l'esprit de la jurisprudence de 1905. C'est elle qui permet, par exemple, l'existence de carrés musulmans dans les cimetières, alors qu'une application littérale de la loi l'interdirait. C'est elle qui permet également aux municipalités de coopérer avec des représentants musulmans pour organiser l'Aïd, pour gérer l'abattage rituel. C'est cette laïcité accommodante qui, dans la difficulté parfois, a permis la construction de mosquées, l'ouverture de salles de prière, validées par le Conseil d'État. C'est une laïcité de terrain, tolérante, mais elle est invisible socialement. Elle ne fait pas événement. Donc, on n'en parle pas.
Je vous donne un autre exemple : l'armée française. Elle met en œuvre une laïcité accommodante. Elle fournit des barquettes casher aux soldats juifs, des barquettes halal aux soldats musulmans. Lorsqu'elle était déployée en Afghanistan, elle a construit une mosquée pour les soldats musulmans, y compris ceux d'autres armées, car certaines forces étrangères n'en avaient pas prévu. Un rapport parlementaire dit que l'armée est « étanche à la radicalisation ». Heureusement, et jusqu'à présent, l'opération Sentinelle n'a connu aucune bavure. Mais imaginez s'il y avait eu des atteintes à la laïcité dans l'armée et que l'opération Sentinelle avait été entachée d'incidents… Cela aurait été extrêmement dramatique.
Donc oui, il y a des choses qui fonctionnent bien, mais comme elles ne génèrent pas de scandale, elles passent inaperçues. Pourtant, cette laïcité conciliante existe, elle est réelle. Mais jusqu'à quand ? C'est toute la question, car à force de croire que la laïcité, c'est seulement cette laïcité émergée, à force de la réduire à ce modèle spectaculaire et conflictuel, on finit par voter des lois qui grignotent la laïcité conciliante.
Mme Z.- Ma question rejoint un peu celle posée par Madame X. Je fais aussi partie du groupe des familles. Je voulais vous demander, par rapport à ce que vous avez dit sur le passage d'une neutralité à une neutralisation, comment vous analysez les décisions comme l'interdiction du voile islamique à l'école ou du burkini dans les piscines. Selon vous, ces mesures sont-elles conformes à la conception actuelle de la laïcité ? Le cas échéant, à quelle conception précisément ?
BAUBÉROT-VINCENT.- J'ai été acteur sur ce sujet, puisque j'étais membre de la commission Stasi en 2003. J'avais alors soumis deux propositions.
La première, consistait à légiférer en reprenant l'avis du Conseil d'État de 1989. Cet avis disait que les signes religieux étaient tolérés tant qu'ils n'étaient ni ostentatoires ni revendicatifs. Dans certains cas (prosélytisme, provocation, contestation des cours et de la discipline, …), on pouvait les interdire. Pour moi, l'Éducation nationale n'a pas su gérer cet avis. Elle s'est d'abord montrée trop rigide – notamment avec la circulaire de François Bayrou, en 1994, qui, après avoir assoupli la loi Falloux pour les écoles privées, a voulu se donner un brevet de laïcité. Il a été pro-catholique, et a contrebalancé cette attitude sur le dos des musulmans, pour dire les choses de façon rapide et schématique. En application de la circulaire, on a exclu des élèves, mais une circulaire n'est pas une loi et certaines de ces exclusions ont été désavouées par les tribunaux administratifs, en raison même de l'avis du Conseil d'État, devenu source de contentieux à partir de 1992.
Alors, après ce désaveu, le service juridique de l'Éducation nationale est tombé dans l'excès inverse : il est devenu trop laxiste. Je peux en témoigner, j'étais conseiller à la citoyenneté auprès de Ségolène Royal en 1997 et 1998. Je voyais des cas où, selon l'avis du Conseil d'État, on aurait pu exclure certaines élèves, mais on ne le faisait pas. Il y avait une sidération de l'institution scolaire, peu habituée à voir la justice intervenir dans ses affaires internes.
Après avoir été trop rigide, elle est devenue trop permissive. Donc ma première proposition – inscrire en loi l'avis du Conseil d'État – avait peu de chances d'être acceptée.
Mon plan B, consistait à dresser une liste précise de signes religieux interdits. Parce que tout peut devenir un signe religieux : le voile, mais aussi le bandana, la casquette, etc. J'acceptais que le voile islamique soit inclus dans cette liste, à condition d'en exclure explicitement le bandana, qui n'est pas un « signe religieux ostensible ». Plusieurs membres de la commission étaient favorables à cette solution. Mais le staff a refusé de la soumettre au vote. Et la commission n'a pas réagi. Elle n'a pas dit : « Ce n'est pas à vous de décider, c'est à nous. » Résultat : ma proposition n'a même pas été mise aux voix.
Je me suis, en conséquence, abstenu lors du vote sur ce qui est devenu la loi de 2004. Je ne l'ai pas soutenue, mais je ne voulais pas non plus être récupéré par les islamistes, donc je n'ai pas voté contre. Selon moi, ce qui est plus problématique que la loi elle-même, c'est la circulaire qui l'accompagne. Au moins, dans la commission Stasi, on avait proposé une liste fixte. Mais la circulaire dit en substance : « Tout signe qui contournerait la loi peut être interdit. » Et là, on entre dans un jeu du chat et de la souris. On n'est plus maître du terrain. C'est l'adversaire qui fixe les termes du débat.
Et on en arrive alors, logiquement, aux débats sur la robe longue, sur l'abaya. On ne sait plus vraiment ce qui est permis et ce qui est interdit, puisque tout signe potentiellement religieux peut être interdit. Si demain des élèves viennent avec une ceinture verte et qu'on juge qu'elle est religieuse, on pourrait l'interdire aussi.
La circulaire a créé une instabilité que l'Éducation nationale ne peut pas gérer. Et je vais être direct : pour moi, l'armée gère la laïcité plus intelligemment que l'école. C'est paradoxal, je suis de gauche, mais je le pense comme sociologue. Quand je dis « école », je parle de l'institution, pas des professeurs – il y a autant de cas que de situations.
L'institution scolaire n'arrive pas à gérer la situation. Beaucoup l'avaient déjà dit à la commission Stasi, mais cela ne figure pas dans le rapport. Certains ont voté pour la loi en pensant que l'Éducation nationale était incapable de gérer l'avis du Conseil d'État – mais ils ne l'ont pas écrit.
Je serais favorable à l'abolition de la circulaire, mais aujourd'hui, avec le contexte sécuritaire, c'est difficile. Tant qu'il y a un risque terroriste, ce sera compliqué. A terme en revanche, une clarification s'imposera : dire ce qui est permis, ce qui est interdit, et que cela soit stable. Qu'on sorte de cette logique de course-poursuite. Je reste persuadé que le meilleur était l'avis du Conseil d'Etat..
Quant à la loi de 2004 elle-même, il faut rappeler qu'à l'origine, elle se voulait une exception dans un cadre où la liberté restait la règle. Exception justifiée par le fait que les élèves sont mineurs, qu'il s'agit d'un cadre scolaire. Tant que Jacques Chirac a été au pouvoir, cette logique a été respectée, et la HALDE, qu'il avait créée, a veillé à ce que cette exception reste une exception.
Ensuite, sous Nicolas Sarkozy, la situation s'est détériorée avec la question des mères de famille. Pourtant, la loi de 2004 visait uniquement les élèves mineurs. Au sein de la commission Stasi, il n'avait jamais été question d'imposer aux parents d'élèves une obligation de neutralité vestimentaire.
Mais voilà, on a commencé à viser les mères de famille. Puis, il y a eu la loi interdisant la dissimulation du visage, en 2010. Le Conseil d'État, à ce sujet, avait précisé qu'il existait des lieux où l'on ne peut effectivement pas dissimuler son visage. Par exemple, une mère qui vient chercher son enfant à l'école à 18 h – il est normal que l'enseignant voie à qui il confie l'enfant. Rien à redire là-dessus. Mais le Conseil d'État s'était opposé à une interdiction généralisée. Pourtant, une interdiction totale a été adoptée.
En fait, le tournant le plus important, à mes yeux, c'est lorsque le dossier « laïcité » a été confié au Haut Conseil à l'intégration. Symboliquement, c'est très significatif : cela signifie que les Franco-Français, comme Obélix, seraient tombés dans la « marmite de la laïcité » à leur naissance, tandis que les immigrés devraient, eux, reprendre régulièrement « une dose de potion magique laïcité ».
En plus, ce Haut Conseil à l'intégration n'était guère compétent : il a publié un historique de la laïcité – trois pages et demie – comportant onze erreurs factuelles ! Dont celle affirmant que le Mexique avait imité la France en matière de Séparation. Résultat : en 2009, lors du 150e anniversaire de la loi de séparation mexicaine, un discours a été prononcé où le Mexique « remerciait » la France, en affirmant qu'elle considérait les Mexicains comme le peuple le plus intelligent du monde, puisqu'en 1859 ils avaient deviné ce que la France ferait en 1905 et avaient décidé de l'imiter… Vous voyez à quel point cela peut prêter à sourire – ou à devenir ridicule à l'international.
LE PRÉSIDENT.- Monsieur Baubérot-Vincent, merci beaucoup pour ces éclairages. Je dois dire que, comme le soulignait M. Y tout à l'heure, il est essentiel de bien replacer ces débats dans leur contexte, ce à quoi vous avez grandement contribué par votre intervention. Cela nous aide, nous qui vivons la laïcité au quotidien sans toujours en avoir une connaissance historique approfondie, à retrouver des repères. Votre intervention nous rappelle que nous avons encore des marges pour nous inscrire dans l'instant historique.
D'autant que, parallèlement, nous sommes aussi des citoyens confrontés aux débats contemporains. En ce moment même, un débat se lance sur la question : « Qu'est-ce qu'être Français ? » – et la laïcité est au cœur de cette interrogation.
BAUBEROT- VINCENT.- C'est un débat récurrent.
LE PRÉSIDENT.- Oui, un débat récurrent, mais ce que vous avez dit en réponse à Madame Z est très éclairant. Cela montre à quel point ce débat peut être facilement caricaturé. Et non, vous ne l'avez pas caricaturé, bien au contraire. Mais votre propos montre aussi les chemins que certains pourraient vouloir nous faire emprunter. En tout cas, merci pour l'ensemble de vos interventions. Elles nous éclairent considérablement. Je vous invite tous à vous plonger dans les ouvrages de Monsieur Baubérot-Vincent. Ils sont nombreux et permettent vraiment de mieux comprendre.
BAUBEROT- VINCENT.- Vous me permettez une minute d'auto-publicité ?
LE PRÉSIDENT. – Allez-y, vous avez une minute !
BAUBEROT. – Je publie aux PUF, un ouvrage intitulé 1882-1905, la laïcité victorieuse. J'y montre comment, à deux reprises, la laïcité a triomphé en devant hégémonique. J'opère une distinction entre hégémonie et domination. La domination cherche à écraser l'adversaire, elle ne peut donc pas instaurer la paix. Tandis que l'hégémonie peut, elle, réaliser la paix, car elle est capable d'intégrer ce qui, chez l'autre, est non négociable dans son propre horizon. C'est ainsi, me semble-t-il, que la laïcité a su gagner : en offrant aux catholiques la possibilité de pratiquer librement leur religion, alors même que les moyens de cette liberté étaient considérés comme politiquement dangereux à l'époque.
Je n'ai pas eu le temps de l'indiquer, mais autour de la loi de 1905, il y avait des propos antisémites émanant de certains milieux catholiques. Le quartier général des opposants aux inventaires, à Paris, c'était La Libre Parole, un quotidien antisémite notoire. Malgré cela, Aristide Briand a su faire la distinction. Il disait : « Il faut accorder aux catholiques ce qui est nécessaire pour vivre en catholiques. » Et il mettait en garde contre « les victoires excessives », car elles « déclenchent des rancœurs, des haines ». Ce discours est, selon moi, le plus beau de Briand ; il a même été salué à l'époque dans La Croix, et, pourtant, il n'est jamais cité, allez savoir pourquoi ! Mais c'est notamment à partir de ce discours, contre les victoires excessives, que j'ai construit cette distinction entre hégémonie et domination.
Notes
1- LE PRÉSIDENT.- Merci pour cette précision. Nous avons bien noté la parution de votre ouvrage. Je suis certain que mes collègues en prendront connaissance avec grand intérêt.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

1918-2025 : L’actualité brûlante de la Première Boucherie mondiale !
Parce que nous n'oublions pas et parce que nous ne voulons pas oublier, nous republions ce texte écrit et publié pour la première fois en 1998 dans « Epohi », avec l'introduction qui l'accompagnait en 2016. À l'heure où, sous les yeux du monde entier, les villes d'Ukraine sont bombardées sauvagement et un massacre qui est la définition même du génocide est perpétré à Gaza, les mots sont superflus pour décrire « l'actualité insupportable de la Première Guerre mondiale »...
Tiré du blogue de l'auteur dans Médiapart
Yorgos Mitralias
Nous republions le texte « L'actualité insupportable du premier carnage mondial » pour au moins trois raisons :
1. Puisque l'énorme compte à régler avec les « éminences » responsables de la boucherie et l'obligation morale envers les dizaines de millions de leurs victimes ne peuvent être épuisés dans un simple rappel commémoratif du type « 1914-2014, il y a un siècle, la Première Guerre mondiale », comme cela s'est produit il y a deux ou trois ans. C'est pourquoi, non seulement en 2017, mais aussi en 2018, puis en 2019, et l'année suivante... jusqu'à ce qu'il y ait la grande Catharsis finale de la justice sociale, nous continuerons à nous souvenir et à rappeler le grand crime des « ceux d'en haut » et le grand massacre de « ceux d'en bas », qui nous a définitivement plongés dans l'époque contemporaine de la bestialité humaine et, en même temps, dans tous les dilemmes existentiels de l'humanité.
2. Parce que jamais auparavant, malheureusement, « l'actualité de la première e boucherie mondiale » n'avait été aussi insupportable qu'aujourd'hui, à l'heure où se multiplient les bains de sang des innombrables guerres « locales » qui nous entourent, où l'extrême droite, le néofascisme et le racisme le plus féroce balayent à nouveau l'Europe, et que sur la rive opposée de l'Atlantique, un Caligula d'extrême droite contemporain du nom de Donald Trump s'apprête à diriger la superpuissance américaine.
3. Parce que seule la prise de conscience et l'approfondissement de cette « actualité insupportable de la première boucherie mondiale » de la part des « ceux d'en bas » - et de leurs dirigeants - peut orienter de manière réaliste et efficace leurs choix politiques et autres, et définir leurs tâches immédiates à ce moment si critique de l'histoire de l'humanité.
1914-2014
L' insoutenable actualité de la première boucherie mondiale
Pourquoi une page de « Epohi » consacrée à la Première Guerre mondiale ? La question n'est pas posée correctement. Pourquoi une seule page sur la Première Guerre mondiale et uniquement dans Epohi ?*
Exagérations, dira le lecteur. Tout cela appartient désormais au passé, c'est de la pure nostalgie à l'ère de l'Europe unie. D'ailleurs, une telle guerre des tranchées serait aujourd'hui inconcevable, même si elle ressemble comme deux gouttes d'eau au massacre (très européen) de Bosnie.
Si seulement c'était le cas. Mais malheureusement, ce n'est pas le cas. Ne serait-ce que pour une seule raison : nous sommes tous, même si nous ne le savons pas, les véritables enfants de cette première grande horreur de quatre ans qui a hanté le siècle. Et parce que nous sommes les descendants de ces 10 000 000 d'adolescents morts avant d'avoir atteint l'âge adulte et des 20 000 000 de mutilés qui ont survécu, c'est pourquoi nous ne parviendrons jamais à « sortir de la préhistoire de l'humanité » si nous ne réglons pas d'abord nos comptes avec les assassins, légués en tout premier lieu par ce carnage sans précédent de 1914-1918.
Ne nous faisons donc pas d'illusions. Cette guerre est toujours d'actualité car elle reste la « mère de toutes les guerres », celles d'hier, celles d'aujourd'hui et, malheureusement, celles de demain. Pour les chercheurs impartiaux, elle est la matrice d'où est sorti le monde moderne, avec ses nouvelles superpuissances et ses nouvelles technologies révolutionnaires, avec ses avantages mais aussi ses défauts. Une sorte de baptême du feu dans lequel l'humanité a dû plonger pour entrer dans l'ère de ses grandes conquêtes.
Des paroles creuses, même si elles contiennent une part de vérité. Par-dessus tout, 1914-1918 marque l'entrée brutale de l'humanité dans notre barbarie actuelle. Dans la guerre « industrialisée ». Dans le grand stress du XXe siècle. C'est la première rencontre avec le cauchemar qui mène directement au dilemme existentiel toujours d'actualité de Rosa (et de l'humanité) : « socialisme ou barbarie ». Avant cela, nous étions innocents et naïfs. Mais après cela, personne ne peut plus prétendre ignorer que « ceux d'en haut » sont capables de tout ! Même de mener au massacre inutile de millions de paysans et de prolétaires pour une « raison insignifiante » dont personne ne se souvient plus. Hier, Sarajevo, aujourd'hui « notre » Boukephalas et MegAlexandros (1) ! Et demain, quoi ?
Mais au-delà de l'histoire, il y a aussi les gens ordinaires, en chair et en os. Les simples soldats. Cher lecteur, prends la peine de les imaginer en train de pisser dans leur culotte pendant que leur chef (français, allemand, italien, Anglais, Allemand, Italien, Américain ou Grec) leur ordonne de sortir de leur tranchée pour se suicider en se jetant sur les mitrailleuses ennemies qui les fauchent. Prends la peine de te mettre à leur place, ne serait-ce que quelques secondes. De ressentir tout leur désespoir dans la boue épaisse qui ne faisait qu'un avec les couches successives de cadavres. Leur horreur lorsqu'ils recevaient de plein fouet le « quart », c'est-à-dire une tête avec l'épaule et le bras. Leur rage lorsqu'ils comprennent que le fil de leur vie est coupé avant même d'avoir pu faire l'amour pour la première fois. Prends la peine de t' identifier aux milliers de « muins » imberbes au moment où ils sont exécutés par leurs généraux « pour l'exemple »... et souviens-toi que ces crimes sont voués à se répéter tant que l'engeance des assassins restera impunie.
Nous aimerions « illustrer » cette page avec l'une de ces photos de soldats monstrueusement défigurés que le mouvement anti-guerre de l'entre-deux-guerres utilisait pour « qu'il n'y ait plus jamais de guerre ». Mais on nous a dit que le spectacle serait insupportable, et ils ont probablement raison. C'est pourquoi nous avons recours à une page de l'album magistral que le grand dessinateur français Tardi a consacré à la « guerre des tranchées » que lui racontait son grand-père (ancien combattant et antimilitariste). Avec Tardi, nous concluons donc par les dernières lignes de sa brève introduction : « Chaque année, le 11 novembre, on medaille un « vieillard » (combien en reste-t-il ?). Lui aussi avait vingt ans en 1915 et on l'a dépossédé de sa jeunesse et de son avenir. Alors, te moque pas... ».
* Le texte ci-dessus a été publié pour la première fois dans « Epohi », en novembre 1998, à l'occasion du 80e anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale. Nous pensons que sa republication aujourd'hui, 16 ans plus tard, se justifie par le fait qu'il est tout aussi, voire plus, d'actualité qu'à l'époque.
Note
1. Allusion aux visées expansionnistes grecques de l'époque sur des territoires ayant appartenu, il y a 25 siècles, a Alexandre le Grand et son cheval légendaire Boucephale.
Traduit du grec
******
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Nuremberg le film, précipitez-vous !
Dans son ouvrage à l'origine du scénario de Nuremberg, l'historien Jack El-Hai retrace la démarche de Douglas Kelley, jeune psychiatre américain qui, en faisant le profil psychologique de Hermann Göring avant sa comparution au procès de Nuremberg, empêchera le procureur Robert H. Jackson de verser dans l'autocomplaisance idéologique américaine : elle aurait sûrement fait dérailler le procès, le premier de l'histoire avant ceux célèbres de la Cour Pénale Internationale, incluant sa condamnation de Nétanyahou à la prison de La Haye.
Par Pierre Jasmin, Artiste pour la Paix
Après le film de Paul Thomas Anderson A battle after Another où Leonardo di Caprio combattait le mal militariste personnifié par Sean Penn, Nuremberg est certainement le film de l'année, n'en déplaise au Devoir l'ayant mal coté à cause de sa « lourde insistance sur des parallèles entre l'Allemagne d'alors et les États-Unis d'aujourd'hui », un même aveuglement politique aussi propre au critique de La Presse : « Vanderbilt conclut son film avec une allusion aussi visible que le nez au milieu du visage sur le présent. Un plaquage facile à deviner et, à notre avis, inutile. » Bref, deux intellectuels incapables de voir le nez au milieu des visages fascistes de Trump ...et de nos leaders de pays de l'OTAN, pourtant démasqués par des budgets militaristes caricaturaux comme celui du Canada.
Écrit et réalisé par James Vanderbilt, le film oppose la conception individuelle d'un psychiatre « perdant », joué par Rami Malek : pour la petite histoire, son livre n'aura aucun rayonnement, mais son suicide au cyanure amènera El-Hai à raconter son histoire avec beaucoup plus de succès. D'abord persuadé de trouver l'origine du mal personnifié par Göring et les autres nazis emprisonnés à Nuremberg, dans des traumatismes de l'enfance ayant gonflé leurs égocentrismes à toute épreuve, Kelley épousera plus tard la réponse inquiétante de l'essai de Hannah Arendt : « la banalité du mal » ou la responsabilité de l'individu s'effaçant dans l'obéissance bureaucratique aggravée en des sociétés militarisées, qui plus est enfoncées dans la fascination contagieuse de leaders tels que Hitler. Entre l'individu Rami Malek aux valeurs humanistes et l'imposant Reichsmarshall au discours politique renforcé par l'art oratoire et la présence de Russell Crowe, le combat du film aurait été inégal ...sans les scènes horrifiques de camps de concentration qui furent montrées pour la première fois au cours du procès historique. Verrons-nous un jour Nétanyahou devoir supporter des images de Gaza à son futur procès ? La victoire de Nuremberg tient aussi à la confrontation juridique de lois adoptées par les Nazis à Nuremberg, contre les Juifs devenus boucs émissaires i, contre la prétention de Göring d'en ignorer les conséquences qu'il attribuait à Himmler. N'est-il pas juste que ces lois iniques ont trouvé leur anéantissement dans une cour de justice à Nuremberg, mais n'avons-nous rien appris ?
La culture des petits pays proches de la Russie nous enseigne des vérités
Lui-même en marge des puissances anglophones d'Amérique, le Québec ne peut qu'être séduit par les œuvres marquantes de cinéastes et auteurs de pays d'Europe centrale (j'ai enseigné quatorze étés consécutifs en Tchécoslovaquie), nichés en marges de la Russie.
• La Hongrie, au chef politique très critiqué, nous a donné 90% de Nuremberg tourné
à Budapest, avec acteurs et techniciens hongrois, alors qu'elle venait de nous donner le prix Nobel de Littérature 2025 et l'œuvre cinématographique dont on ressent encore le choc heurtant nos valeurs, le Brutaliste, histoire d'un architecte hongrois joué par Adrien Brody, remportant successivement les British Award, César, Golden globe et Oscar ;
• Le suédois Stieg Larsson, mort à cinquante ans, faisant éclater un combat épique en
trois volumes contre les Nazis ou « hommes qui n'aimaient pas les femmes » ;
• Le finnois Väinö Linna à l'œuvre antimilitariste soldats inconnus (1954) ;
• Le serbe Kusturica dont la passion fait exploser nos dichotomies abusives ;
• Le polonais Penderecki à la Passion selon St-Luc rejoignant la foi de Tarkovski ;
• Le tchèque Kundera et son Insoutenable légèreté de l'être réinterprétée avec une
grâce effaçant la lourdeur machiste du roman par Juliette Binoche ;
• Les Roumains Dumitriu et Gheorghiu de nos années soixante : ont-ils fait école ?
Notes
L'encyclopédie de l'enseignement multimédia de la Shoah nous informe, comme le film, qu'en septembre 1935, deux lois distinctes furent adoptées dans l'Allemagne nazie, connues sous le nom de Lois de Nuremberg : la Loi sur la citoyenneté du Reich et la Loi sur la protection du sang et de l'honneur allemands. Symboles de nombreuses théories raciales inhérentes à l'idéologie nazie, ces lois allaient fournir un cadre juridique à la persécution systématique des juifs en Allemagne.

Je suis riche... !
( La nuit rappela le délire de l'Humanité à une trêve nocturne précaire. Quand soudain… : )
– Je suis RIIIICHE… !
- Hé, Mamadou ! Tu sais l'heure qu'il est ?
- Il est l'heure de vous rallier à ma félicité. Je suis riiiche… !
– L'Empereur Octave, Crésus, Cléopâtre et ma grand-mère, l'étaient aussi. Depuis quand un Africain (e) purotin serait riche ?
- Depuis sa naissance. Mais les « flibustiers costumés » de votre acabit et les Improbes, lui ont fauché ce qu'il foulait sous les pieds.
– Tu serais pas le braqueur du Louvre ? Les Unes s'arrachent ton morceau de bravoure.
- Bravo ! Votre pif est aussi creux que le Veryovkina ! Oui, c'est bien moi. J'ai récupéré une miette des trésors colossaux coloniaux qui font tourner vos Musés à Paris.
- T'as trop forcé sur le bouchon, Mamadou. Il est 3 heures du matin. Noël, c'n'est pas aujourd'hui.
– Vous fêtez Noël et ne dites même pas bonjour au voisin du palier.
– C'est pas ton affaire.
– Tant de jeunes conifères fauchés qui finissent sur la benne. Pauvre population africaine qui manque d'oxygène !
– Je vais appeler les flics.
– Ils mangeront dans le creux de ma main : Je suis RIIICHE !!!
( L'épouse de M.Sistrat*, tente de le soustraire de la prise de bec, en vain )
– Continue à brayer comme ça, Mamadou, et tu vas savourer une prune de 4ème classe pour atteinte à la tranquillité du voisinage.
- Eh ! Vous qui êtes plus intelligent que moi ; les Linguistes français se prennent les pieds dans le tapis en décortiquant la subtilité et l'altérité des verbes SPOLIER et SPOILER. Vous pourriez peut-être…
– Va t'coucher, l'Afro ! Sinon j'appelle Retailleau !
- Actualise-toi ! Il est Sénateur. C'est le propre de la Droite républicaine de magouiller et finir en apogée !
- Espèce de taré !
- Eh ! Plus ses membres sont Scélérats et ses leaders Bandits de grand chemin, habiles au déroutage de l'argent public, mieux ils sont gratifiés le lendemain ! Aah, pour faire la peau aux mendigots, vous êtes costauds ! Sauf pour l'équipe de Sarko !
- Rentre Quentin, mon chéri ! Ce gueux déguisé, est bourré comme un coing !
( Mamadou parvient à discipliner sa jubilation et, chemin faisant, il se projette dans un futur immensément radieux. Le bonheur à fleur de peau, il soliloque : )
– 400 millions d'euros ! 400 millions d'euros ! Moi l'Africain éprouvé, l'incarnation de la misère assassine dans un monde écrasé par la Finance. Je n'en crois pas mes yeux. Qu'Allah m'absolve, moi qui suis pieux, pour ce ticket du Loto.
– (…)
- Mamadou ! Respire, tu n'es plus indigent ! (Balbutie l'homme chanceux, en remerciant le Seigneur pour Sa Bonté).
– (…)
- La première chose à entreprendre, dit-il, est de m'affranchir de la Zakate, d'allouer des parts substantielles aux pauvres et aux orphelins (es). Une fois l'obligation accomplie, je garderai la tête sur les épaules pour le Business Plan.
( L'Africain pose son séant sur un banc public et laisse son regard scruter le lointain : )
– Ah Paris ! Rien ne sera comme avant ! Mamadou t'a donné sa sueur et son sang pour que tu scintilles et rayonnes dans le concert des Nations. T'es ingrate, sangsue !
( Puis, pris de nouveau d'une pulsion extatique, il tonitrue : )
– 400 millions d'euros. Non ! Non ! Faut qu'j'appelle mon pote Youcef et après la famille… (…)
– Allo ?
- Youcef, c'est Mamadou.
– Il est 4 heures du matin, Mamadou. Tu m'as fichu une de ses trouilles.
– Ça valait l'coût mon pote. Il m'arrive un truc de oufs !
– Bon ou mauvais ?
- 400 millions d'euros ! J'ai tapé dans le mille.
– Le ticket du loto ?
- Ouaiiis !
- Prends un verre d'eau, Mamadou ! C'est pas possible !
– Moi aussi je n'y croyais pas. T'inquiète ! Tu auras ta part.
– Ramasse d'abord tes esprits. L'oseille…
– Ouallah, tu seras servi grassement, camarade.
– J'ai rien fait, moi ?
- Comment ça rien ? J't' ai demandé de me filer 5 numéro et 1 complémentaire.
– A brûle - pourpoint, je ne les avais pas. Et comme j'étais en train de regarder les infos, j'ai noté les 2 premiers chiffres de la somme du casse du Musée du Louvre et rajouté l'année de ma naissance.
- Et paf ! Bingo !
- Sans être désobligeant. J'peux te poser une ou deux questions Mamadou ?
- Eh, t'es un frérot pour moi. Vas- y !
- T'en fais quoi de ce pactole ?
- Ah très bonne question !
( A l'écoute des millions d'euros, les oreilles de Youcef se déploient tels des panneaux d'un Satellite Géostationnaire )
- Je vais investir dans la pierre. Qu'est- ce t'en penses ?
– Excellente idée ! Par exemple : acheter un immeuble, deux ou trois villas au bord de mer, un terrain arable ou à bâtir, des locaux à louer aux particuliers, enfin tout ce qui suinte la plus-value.
– Je te conseille aussi un placement pérenne, à savoir un parking.
– Je valide, mon Youyou.
– Eh ! Le diminutif de Youcef ne marche pas ! Ça donne une autre signification.
- C'est vrai. Bon, pour la suite de l'investissement, je te convie à un resto oriental haut de gamme.
– Et le chèque, tu l'as encaissé.
– Demain à 10 heures. Surprise pour la famille.
( Le jour J , Mamadou s'est mis sur son tente et un, avec une cravate dorée. Il vérifie qu'il a bien en sa possession la pièce d'Identité, le RIB et le ticket gagnant. Le Directeur du Centre de Paiement de la FDJ et ses Assistants (es) lui resservent un accueil digne d'un Ministre ).
– La FDJ, déclare le Chef de l'Etablissement d'un ton jovial, a l'honneur et la joie de vous remettre le chèque d'un gain de 400 millions d'euros. Félicitations, M. Mamadou !
( Au moment de saisir le gros chèque, une main le secoue vivement )
– Réveille-toi Mamadou ! lui crie sa femme, ton chef d'équipe vient de téléphoner pour décharger les palettes de parpaing du camion.
– Bande de fumiers… ! Même dans le rêve, vous nous privez d'être riches.
Texte et illustration Omar HADDADOU Nov. 2025
* Sistrat : Anagramme phonétique de Raciste. NB : - Bien qu'il débusque le réel, le texte demeure fictif. - Le tutoi
******
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre
ement et le vouvoiement traduisent la domination de la supériorité sur l'infériorité.

Embrasser les pieds de sa mère
Il a marché droit vers elle et, de tout son corps, s'est jeté à ses pieds pour les embrasser. Longtemps. Comme si ce geste pouvait recoller le temps. Elle a voulu le relever, mais il s'est accroché encore un peu, les yeux fermés, les larmes sur le béton. Puis il s'est levé, a pris les mains de son père pour les embrasser à la manière des anciens.
Ensuite, il s'est tourné vers son frère et l'a serré fort, d'un geste qui disait tout, la perte, la survie, le retour. Autour d'eux, la gare du Caire, les annonces, les voyageurs, mais plus rien n'existait. Il n'y avait que cette famille, ce cœur qui battait de nouveau au centre d'un monde abîmé.
Après un très long hiver, Nader retrouve les siens. Cela fait vingt et un ans qu'ils attendaient d'être à nouveau réunis. C'est le retour du fils prodige. Le Samaritain rebelle. Nader Haraqa.
Vingt et un ans plus tôt, Nader avait quitté Naplouse menotté, emporté dans un véhicule militaire. Vingt et un ans enfermé à Petah Tikva, le centre où l'on apprend aux hommes à se taire. Tortures psychologiques, nuits sans sommeil, lumières jamais éteintes. Ils voulaient son aveu, son épuisement, sa reddition. Ils n'ont obtenu que son silence. Pas une phrase, pas un nom, pas une faille. Dans l'obscurité, il gardait le souvenir du mont Garizim, cette montagne où les Samaritains disent que brûle la première flamme de Dieu. Ce n'était pas qu'une croyance, c'était son ancrage. Fils du plus petit peuple au monde, 786 âmes, héritier d'une foi que le temps a presque effacée, Nader Sadaqa a tenu bon. Son identité, palestinienne et israélite, était son bouclier.
Quand le Hamas a négocié l'échange de prisonniers, son nom est revenu comme une évidence. Leurs porte-paroles ont insisté, « Pas d'accord sans lui. » Car Sadaqa n'était pas qu'un détenu, il était devenu un symbole, un pont entre des mondes que tout semblait séparer, la plus ancienne foi d'Israël et la cause palestinienne contemporaine. Israël ne voulait pas de lui dehors, trop dangereux, trop inspirant, trop différent. Mais le Hamas n'a pas lâché. Et lorsque l'échange a eu lieu, quarante-huit soldats israéliens contre près de deux mille otages palestiniens, Nader Sadaqa faisait partie de la liste.
Né à Naplouse en 1977, il avait grandi sur les hauteurs du mont Garizim, ce lieu où la communauté samaritaine garde encore la Torah la plus ancienne du monde. Il avait étudié l'histoire et l'archéologie à l'université An-Najah, fouillant les ruines pour comprendre ce que les pierres disaient du présent. Quand la Seconde Intifada a éclaté, il a quitté les salles de cours pour rejoindre les Brigades Abou Ali Mustafa, branche armée du Front populaire de libération de la Palestine. Là, il s'est imposé comme un commandant méthodique, discipliné, porté par la conviction que la résistance, c'est d'abord une fidélité à la terre, à la vérité, à la dignité.
En 2004, après deux ans de traque, ils l'ont arrêté près du camp d'Aïn. Le verdict a été brutal : six peines de prison à perpétuité, plus quarante-cinq ans. Comme si l'État pouvait condamner une idée. À Petah Tikva, il n'a pas perdu son temps. Il a enseigné à ses co-détenus l'histoire, la politique, la résistance. Il leur a appris à lire différemment le passé, à ne pas céder sur la pensée. Pour lui, l'éducation était une arme. Il disait, « Ils peuvent t'enfermer, mais pas t'empêcher de comprendre. » Et dans le silence des cellules, il est devenu le penseur, celui dont les mots circulaient sous la porte, copiés à la main sur des feuilles volantes, lus à voix basse comme des prières.
Aujourd'hui, il est libre. Mais Israël refuse qu'il rentre à Naplouse. Ils veulent l'exiler, le tenir loin du mont Garizim, comme si son absence pouvait effacer sa trace. Mais comment effacer un homme qui incarne tout ce que tu crains ? Chez les Samaritains, on dit qu'il a rendu leur nom à l'histoire. Chez les Palestiniens, on dit qu'il a rappelé que la nation dépasse la religion. Dans les deux cas, il est devenu un mythe vivant, un gardien revenu du fond des murs.
Sur le quai du Caire, la foule a fini par se disperser, mais sa mère ne lâchait pas sa main. Son père le regardait sans parler, fier et fatigué. Son frère, toujours à ses côtés, répétait son nom comme pour s'assurer qu'il était bien réel. Nader Sadaqa, fils du mont sacré, le Samaritain rebelle, celui qu'ils n'ont pas réussi à briser.
Il a embrassé la liberté comme il avait embrassé les pieds de sa mère, avec respect, douleur et promesse.
Parce que Nader Sadaqa sait que la vraie victoire, ce n'est pas de sortir libre. C'est de rester entier.
Mohamed Lotfi
12 novembre 2025
******
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

C’est quoi « l’écosocialisme » ?
Dissipons tout de suite un malentendu éventuel : l' “écosocialisme” n'a rien à voir avec les alliances moroses et désespérantes entre le Parti Socialiste et celui de Marine Tondelier. Le terme a connu une certaine audience au début des années 2010 sous l'impulsion, entre autres, de Jean-Luc Mélenchon et de son Parti de gauche (sorte d'ancêtre de la France Insoumise) qui s'en réclamait. On en entend depuis un peu moins parler, alors qu'on a là une proposition pourtant très intéressante face à l'écologie de marché, bref ce macronisme repeint en vert qui fait du racket électoral sur le dos des luttes écologistes et sociales. L'écosocialisme est une “utopie concrète”, une proposition d'une civilisation alternative réconciliant les besoins écologiques, sociaux et démocratiques, tout en tirant des leçons des échecs des expériences communistes du siècle passé et en prenant en compte l'urgence de la situation et l'impératif d'agir “dès maintenant”. Un de ses principaux penseurs et théoriciens, le franco-brésilien Michael Löwy, a publié l'année dernière un ouvrage aux Editions Amsterdam intitulé Étincelles écosocialistes, qui permet d'en dessiner les principaux traits. Regardons ça de plus près.
13 novembre 2025 | tiré de Frustrations
https://frustrationmagazine.fr/ecosocialisme
L'enjeu : la survie de l'humanité
Dès les premières pages de son livre, Michaël Löwy rappelle que la question écologique n'est plus une affaire de générations futures, mais bien de survie immédiate. Citant le climatologue James Hansen, ancien directeur du Goddard Institute de la NASA, il rappelle que « la poursuite de l'exploitation de tous les combustibles fossiles de la Terre menace (…) la survivance de l'humanité elle-même ». Autrement dit, si le système mondial continue sur sa trajectoire actuelle le désastre n'est plus une possibilité lointaine, mais une certitude à court terme : dérèglement climatique brutal, montée des eaux, destruction des conditions mêmes de la vie humaine.
Audition de James Hansen devant le Congrès des États-Unis le 23 juin 1988. Domaine public
Pour rendre compte de l'ampleur du danger, l'auteur convoque plusieurs références philosophiques et scientifiques. Hans Jonas, dans Le Principe responsabilité (1979), appelait à une éthique tournée vers les générations futures ; Löwy, lui, souligne qu'il ne s'agit plus seulement de préserver l'avenir, mais bien de sauver notre propre génération.
Il insiste aussi sur un autre biais de la communication environnementale dominante : à force de parler d'« ours polaires » ou de « planète », on entretient l'illusion d'un problème lointain, abstrait, extérieur à l'humain. Or, rappelle-t-il, la fonte des glaces n'est, par exemple, pas seulement une menace pour la faune arctique : elle met directement en péril la moitié de l'humanité, et notamment des grandes villes du monde : Londres, Amsterdam, New York, Rio, Shanghai, Hong Kong…
Löwy se distingue toutefois des discours “collapsologues” qui considèrent l'effondrement comme inévitable. Contre le fatalisme, l'auteur défend l'idée que l'avenir reste ouvert et cite pour se faire le dramaturge Bertolt Brecht : « Celui qui lutte peut perdre. Celui qui ne lutte pas a déjà perdu. »
Une incompatibilité entre le capitalisme et la préservation de l'environnement
Marine Tondelier, candidate écologiste à la présidentielle de 2027 en France, l'avait dit dans une émission du journal communiste L'Humanité, la critique écologique du capitalisme serait “se branler la nouille”. Elle ajoutait, interloquée “c'est quoi le capitalisme ?” parlant de “débats déconnectés”. Michael Löwy et les écosocialistes, eux, ne pensent pas ça.
Pour Michaël Löwy, la crise écologique ne peut être comprise ni combattue sans une critique radicale du capitalisme. Comme le pressentaient déjà Marx et Engels dans L'Idéologie allemande, les forces productives engendrées par le capitalisme finissent par se transformer en forces destructrices. L'auteur reprend ce fil marxien pour en faire le cœur de son diagnostic : le développement « irréfléchi » des forces productives mine les conditions mêmes de la vie humaine.
Daniel Tanuro, ingénieur agronome et fondateur de l'ONG belge “Climat et Justice Sociale”, le formule clairement : si la critique du consumérisme est nécessaire, elle reste vaine tant qu'on ne s'attaque pas au mode de production lui-même. La logique expansive et destructrice du capital, fondée sur la rentabilité et la croissance illimitée, est fondamentalement incompatible avec la préservation d'un environnement viable.
Dès Le Capital, Marx formulait une intuition écologique majeure : la rupture du métabolisme entre la société humaine et la nature. Chaque progrès de l'agriculture capitaliste, écrivait-il, est un progrès « dans l'art d'exploiter le travailleur, mais aussi dans l'art de dépouiller le sol ». Engels faisait le même constat dans La Dialectique de la nature (1873), décrivant la destruction des forêts cubaines par les planteurs de café comme un exemple typique de l'attitude prédatrice du capitalisme envers la nature.
Cette lecture écologique du marxisme trouve des échos chez le philosophe André Gorz, un “précurseur” selon Löwy, pour qui l'écologie n'a de sens que si elle relie la destruction de la Terre à celle des rapports sociaux de production : « l'écologie n'a toute sa charge critique et éthique qui si les dévastations de la Terre, la destruction des bases naturelles de la vie sont comprises comme les conséquences d'un mode de production et que ce mode de production exige la maximisation des rendements et recourt à des technologies qui violent les équilibres biologiques ». Pour Gorz la sortie du capitalisme devient une condition de survie : « il est impossible d'éviter une catastrophe climatique sans rompre radicalement avec les méthodes et la logique économique qui y mènent depuis 150 ans. (…) la décroissance est donc un impératif de survie. », écrivait-il en 2007, dans un de ses derniers textes intitulé « la sortie du capitalisme a déjà commencé ».
André Gorz et son épouse Dorine, domaine public, CC0, via Wikimedia Commons
La critique vise aussi les illusions du « capitalisme vert ». Les mécanismes de marché, censés réduire les émissions, se sont révélés à la fois antisociaux et inefficaces : ils font payer la transition écologique aux classes populaires sans infléchir la trajectoire du désastre. Löwy rappelle, à la suite de Greta Thunberg, qu'il est « mathématiquement impossible » de résoudre la crise climatique dans le cadre de l'ordre économique actuel.
La logique du profit illimité, de la concurrence et de la croissance sans fin est incompatible avec toute rationalité écologique. Le mode de production et de consommation des pays capitalistes avancés ne peut être étendu au reste du monde sans provoquer un effondrement environnemental global ; il repose donc nécessairement sur l'inégalité structurelle entre le Nord et le Sud. Dans son encyclique Laudato Si' (2015), le pape François dénonçait lui aussi « un système de relations commerciales et de propriété structurellement pervers », fondé sur le principe de maximisation du profit, responsable à la fois de l'injustice sociale et de la destruction de notre maison commune.
Greta Thunberg en 2019, par Lëa-Kim Châteauneuf, CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons
Hannah Arendt avait noté dans La Condition de l'homme moderne (1958) que l'accumulation de richesses s'accompagne d'un pouvoir de destruction inédit : « nous sommes capables de détruire toute vie organique sur terre. » Löwy reprend ce constat pour affirmer que le capitalisme, en tant que mode de vie total, ne peut être réformé à la marge : il faut rompre avec son impératif catégorique, « croître ou mourir ».
Dès lors, l'alternative devient limpide : c'est soit le capital, soit notre avenir comme espèce.
Avec le capitalisme viennent la “réification”, le “fétichisme”, l'“aliénation” et la marchandisation
Avec le capitalisme s'instaure une véritable civilisation de la marchandise. Michaël Löwy rappelle, à la suite de penseurs comme Marx, Weber et Polanyi, que le capital n'est pas seulement un système économique : c'est une machine de “réification” qui transforme tout — la nature, les relations sociales, les êtres humains eux-mêmes — en choses quantifiables et échangeables.
Karl Polanyi, dans La Grande Transformation (1944), montrait déjà que le capitalisme ne peut fonctionner qu'à condition de transformer la « substance naturelle et humaine de la société en marchandises ». La terre, le travail, les liens sociaux deviennent des variables d'un calcul abstrait, soumis aux lois impersonnelles du profit et de l'accumulation. L'économie cesse alors d'être enchâssée dans le social : elle s'impose comme une sphère autonome, totalisante, qui régit tout selon sa logique propre.
Max Weber, un des fondateurs de la sociologie, dans Économie et société (1921), saisissait lui aussi la nature profondément « chosifiée » du capitalisme moderne. Parce qu'il repose sur un fonctionnement impersonnel, fondé sur l'abstraction monétaire et la rationalité instrumentale (utiliser la raison uniquement pour choisir les moyens les plus efficaces pour atteindre un but donné), il est structurellement incompatible avec toute régulation éthique. Comme le note Löwy, Weber, malgré sa neutralité apparente, touche à l'essentiel : le capital est, par essence, non éthique.
Ce règne totalitaire de la valeur marchande atteint aujourd'hui une intensité inédite. Dans le système capitaliste, la “valeur d'usage” (l'utilité ou la fonction pratique d'un objet pour satisfaire un besoin humain) n'est plus qu'un moyen au service de “la valeur d'échange” (la capacité d'un bien ou d'un service à être échangé contre d'autres biens ou contre de l'argent). Les produits n'existent plus pour répondre à des besoins, mais pour produire du profit. C'est pourquoi nos sociétés sont saturées d'objets inutiles, créés non pour être utilisés mais pour être vendus. L'offre ne répond pas à la demande : elle la fabrique. Par le marketing, la publicité, et l'obsolescence programmée, les entreprises engendrent artificiellement le besoin de leurs propres produits. Le consumérisme n'a donc rien de naturel : il est le fruit d'une construction sociale et idéologique propre à la modernité capitaliste. Les sociétés précapitalistes, rappelle Löwy, ignoraient ces pulsions d'achat sans fin. Les pratiques compulsives de consommation relèvent d'un véritable culte fétichiste de la marchandise, dans lequel les objets se voient attribuer une puissance quasi magique, détachée des conditions de leur production et des souffrances qu'ils engendrent.
L'écologie qui se détourne de la critique marxiste du fétichisme de la marchandise se condamne ainsi à n'être qu'un correctif moral au productivisme, sans en atteindre les causes profondes. Car la question écologique n'est pas d'abord technique : elle est sociale. Ce ne sont pas les outils qui détruisent le monde, mais le système qui les produit. Contrairement au philosophe Heidegger et à ses héritiers, Löwy refuse de faire de « la Technique » une entité abstraite : la technologie actuelle est inséparable du capital qui la façonne. Elle n'est pas un ensemble d'outils neutres, mais une forme de rapports sociaux, un instrument de l'accumulation.
L'analyse de l'aliénation, déjà présente dans les Manuscrits de 1844, éclaire ce processus. Marx y décrit comment les produits du travail humain deviennent indépendants de leurs créateurs et se dressent contre eux comme des forces étrangères et hostiles. Aujourd'hui, cette puissance aliénée prend la forme du marché mondial, des énergies fossiles, de l'agriculture industrielle ou du consumérisme : autant de mécanismes qui échappent à tout contrôle collectif, fonctionnent selon des logiques automatiques, et menacent la survie même de l'humanité.
Des conférences internationales inutiles
Löwy traite donc, pour renforcer son argumentation, des piteuses tentatives de réformer le capitalisme et dont le point culminant sont sans doute les “conférences internationales”. Présentées comme des instruments de régulation planétaire, elles illustrent en réalité l'extraordinaire inertie des gouvernements capitalistes.
Les conférences de Rio (1992) et de Johannesburg (2002) n'ont produit aucun changement significatif. Le protocole de Kyoto, fondé sur le « marché du carbone » et autres mécanismes marchands, des « politiques de gribouille » pour reprendre les mots de l'écologiste belge Daniel Tanuro, ont démontré que la logique capitaliste rend impossible toute limitation effective des émissions. Ce qu'ont permis en réalité ces dispositifs, c'est aux puissances industrielles de préserver leur droit à polluer, sous couvert de régulation internationale.
Conférence de Rio. Crédit : CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons
La COP 21 de Paris en 2015 a constitué, sur le papier, la plus grande avancée : les gouvernements reconnaissaient la nécessité de limiter le réchauffement à 1,5 °C et annonçaient publiquement leurs engagements de réduction d'émissions. Mais ces promesses, dépourvues de mécanismes de contrôle ou de sanctions, restent largement symboliques. Même si tous les pays les respectaient, le GIEC estime que la température globale atteindrait 3,3 °C, bien au-delà du seuil critique.
La Conférence des Nations unies sur le climat à New York en 2019 a illustré la même inertie. Greta Thunberg, prenant la parole devant les dirigeants mondiaux, avait d'ailleurs dénoncé l'écart entre les paroles et les actes : « Les gens souffrent, ils meurent. Des écosystèmes entiers s'effondrent, nous sommes au début d'une extinction de masse, et tout ce dont vous parlez, c'est d'argent, et des contes de fées de croissance économique éternelle ? Comment osez-vous ! ».
L'histoire récente confirme ce diagnostic : les dispositifs officiels, même les plus sophistiqués, restent impuissants tant qu'ils s'inscrivent dans le cadre du capitalisme, dont la logique de profit et d'accumulation continuera de primer sur toute considération écologique. En conséquence, l'espoir de “sauver la planète” ne repose pas sur les conférences ou les promesses des gouvernements, mais sur les mouvements sociaux réels, capables de faire pression et de proposer des alternatives radicales à la logique capitaliste.
L'impasse de l'écologie électorale et des partis “verts”
C'est dans cette incapacité à comprendre la contradiction structurelle entre capitalisme et écologie que Michael Löwy voit une des limites fondamentales des principaux courants de l'écologie politique, incarnés par les partis verts. Ces formations semblent penser qu'il est possible de réconcilier le capitalisme avec la préservation de la planète, sans s'attaquer aux fondements mêmes du système économique dominant. Entre Marine Tondelier qui dit ne pas savoir ce qu'est le capitalisme, et son prédécesseur Yannick Jadot (dont elle était d'ailleurs la porte-parole de campagne en 2022) qui beuglait en 2019 : “l'économie de marché ? Tout le monde est pour l'économie de marché ! Vous voulez que les paysans bio vendent dans les sovkhozes ? Vous voulez l'économie de Maduro ?””, difficile de ne pas confirmer le diagnostic.
https://x.com/coachouicoachv2/status/1871476195524771879?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1871476195524771879%7Ctwgr%5Ed80ee2b97de575d4acbc9551d2177abd423f4203%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Ffrustrationmagazine.fr%2Fecosocialisme
Marine Tondelier a fait une interview remarquée à l'Humanité où elle s'est retrouvée en difficulté. Son agacement, visible ici, a moins circulé.
Dans ce thread, je souhaite analyser la tactique de la leadeuse d'EELV à travers l'observation de ses interviews. Un fil
La logique capitaliste repose sur l'expansion illimitée du capital, la course au profit et l'accumulation constante. Tant que ces impératifs demeurent, aucune politique « verte » électorale ne pourra empêcher les catastrophes écologiques. Les partis verts proposent souvent des mesures cosmétiques ou vaguement régulatrices, qui, dans le meilleur des cas, pourraient alléger ponctuellement les impacts, mais ne remettent jamais en cause la dynamique fondamentale du système.
Cette incapacité à intégrer la critique du capitalisme conduit à deux conséquences :
- Les mesures adoptées restent symboliques, incapables d'infléchir réellement le cours des émissions ou de la destruction écologique.
- L'écologie électorale devient un outil de légitimation du système existant, offrant l'illusion d'un progrès environnemental tout en préservant la logique de croissance et de profit.
Löwy insiste : il ne s'agit pas de critiquer l'engagement individuel ou l'action politique ponctuelle, mais de poser la question de l'alternative structurelle. La lutte écologique ne peut être efficace que si elle se traduit par une remise en cause des rapports sociaux et économiques qui engendrent la crise, et non par des ajustements ponctuels dans le cadre capitaliste
Que propose l'écosocialisme ?
L'écosocialisme se fonde donc sur cette idée simple mais radicale : il n'y a pas de solution écologique véritable dans le cadre du capitalisme. La logique de profit, l'accumulation illimitée et la course à la croissance sont intrinsèquement destructrices pour l'environnement. Selon Michaël Löwy, seule une prise en charge démocratique de la production permettrait de répondre aux besoins sociaux tout en préservant la planète : réduire le temps de travail, supprimer les productions inutiles, éliminer l'obsolescence programmée, et substituer les énergies fossiles par des renouvelables. Cela implique une réorganisation profonde de la propriété et une planification économique, avec un secteur public renforcé et la gratuité de certains biens et services.
L'écosocialisme promeut la “macrorationalité” sociale et écologique, qui remplace la microrationalité du profit. Le but n'est plus l'accumulation, mais le développement humain, la justice sociale et le bien commun. Comme le rappelait Marx, le socialisme met l'accent sur l'être humain et ses potentialités, et non sur l'avoir. La civilisation écosocialiste rompt avec le productivisme et le consumérisme pour favoriser le temps libre, l'autonomie et l'épanouissement individuel et collectif. Cette vision se fonde sur l'idée que la liberté commence là où s'achève le travail contraint et où se développe le temps libéré, propice à la culture, l'art, l'éducation et les activités sociales. André Gorz et les Grundrisse (1857) de Marx insistent sur cette transformation : le temps libéré devient la véritable mesure de la richesse et le développement des facultés humaines l'objectif central.
En résumé, l'écosocialisme propose :
- La socialisation des moyens de production et une planification démocratique.
- La satisfaction des besoins réels plutôt que la maximisation du profit.
- La réduction du temps de travail et l'extension du temps libre.
- La construction d'une civilisation où la richesse se mesure à l'épanouissement humain et non aux biens matériels.
Une rupture avec le “marxisme vulgaire”, le communisme totalitaire du XXe siècle et son productivisme
L'écosocialisme se distingue radicalement des expériences socialistes du XXᵉ siècle, marquées par le communisme bureaucratique et productiviste. Dans l'Union soviétique stalinienne, l'industrialisation et la collectivisation agricoles ont été imposées par des moyens totalitaires, tandis que les préoccupations écologiques et les voix dissidentes étaient éliminées. Une planification autoritaire a été mise en place au lieu d'une démocratie réelle et de la participation collective, et la propagande n'avait rien à envier à la publicité capitaliste.
Certains marxistes hétérodoxe des années 1930, comme Walter Benjamin, ont déjà formulé une critique de l'idéologie productiviste du « progrès » et de l'exploitation « socialiste » de la nature. Benjamin soulignait par exemple que dans le programme de Gotha (le programme adopté en 1875 par la fusion des partis socialistes allemands qui fût vivement critiqué par Marx), héritage du positivisme social-démocrate, “le travail vise à l'exploitation de la nature, exploitation qu'on oppose avec une naïve satisfaction à celle du prolétariat”. Contrairement au marxisme vulgaire et évolutionniste, et contre Marx lui-même qui affirmait dans le Capital que “la production capitaliste engendre sa propre négation”, Benjamin ne conçoit pas la révolution comme un résultat inévitable du progrès économique ou des contradictions entre forces et rapports de production. Dans Sur le concept d'histoire (1940), il critique donc une vision déterministe (que refuse également Löwy) : « Marx a dit que les révolutions sont la locomotive de l'histoire mondiale. Peut-être que les choses se présentent autrement. Il se peut que les révolutions soient l'acte par lequel l'humanité qui voyage dans le train tire le frein d'urgence ». Fondamentalement, comme le soulignait l'économiste américain Paul Burkett, le capital peut continuer à s'accumuler sous des conditions naturelles extrêmement dégradées, tant qu'il n'y aura pas une extinction totale de l'humanité. Son règne ne peut donc être renversé que par une action résolue.
Löwy va aussi dans le sens d'André Gorz : un socialisme qui ne change pas radicalement les outils du capitalisme reproduira les mêmes dynamiques de domination et de destruction : « Si la classe ouvrière (…) s'emparait des moyens du capitalisme sans les changer radicalement, elle finirait par reproduire (comme cela s'est fait dans les pays soviétisés) le même système de domination ».
Ainsi, le socialisme productiviste et dictatorial du XXᵉ siècle, fondé sur l'industrialisation massive et un ouvriérisme dogmatique, constitue aussi une impasse. L'écosocialisme propose une rupture : il s'agit non seulement de mettre fin au capitalisme, mais aussi de refonder la production sur des critères sociaux et écologiques, en dépassant le productivisme.
Des points communs et des différences d'approches entre Michaël Lowy et Kohei Saito
Dans un article pour Frustration, Charles Plantade expliquait le “communisme de la décroissance” du philosophe japonais Kohei Saito qui cherche à montrer que l'écologie avait une place très importante dans la pensée tardive de Marx.
Kohei Saito à la foire du livre de Francfort en 2024, Martin Kraft, CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons
Comme Saito dans Karl Marx's Ecosocialism : Capitalism, Nature, and the Unfinished Critique of Political Economy (2017), Löwy considère les écrits de Marx et Engels sur la nature non pas comme un bloc uniforme et définitif, mais comme une pensée en mouvement. Le penseur japonais montre l'évolution des réflexions de Marx sur l'environnement, “dans un processus d'apprentissage, de rectification et de reformulation”. Avant la rédaction du Capital (1867), Marx adopte encore une vision plutôt acritique du « progrès » capitaliste. C'est très visible dans le Manifeste du Parti communiste (1848), co-écrit avec Engels, où il célèbre « l'assujettissement des forces de la nature » et le « défrichement de continents entiers » par la bourgeoisie.
Toutefois Löwy n'est pas totalement aligné avec Saito. Ce dernier écrit que Marx, sur la fin de sa vie, considérait l'insoutenabilité environnementale comme la contradiction centrale du capitalisme, et que la rupture métabolique représentait pour lui « le plus sérieux problème du système ». Löwy n'y croit pas : au XIXᵉ siècle, l'insoutenabilité n'était pas encore une question décisive et considère que Saito surestime parfois la centralité de la question environnementale dans la pensée marxiste.
Des différences avec l'écologie sociale et le “municipalisme libertaire” de Murray Bookchin
À partir de l'ouvrage de Patrick Chastenet, Les racines libertaires de l'écologie politique (2023, L'Echappée), j'avais traité dans un précédent article des théories liant écologie et anarchisme, dont l'américain Murray Bookchin est un des importants représentants. L'écosocialisme de Michael Löwy est une approche différente. Bookchin partage avec l'écosocialisme un même rejet du capitalisme et du productivisme, mais s'en distingue profondément par la manière d'en identifier les causes et les solutions. Pour lui, l'écologie véritable doit être une écologie fondée sur l'autogestion, la démocratie directe et la décentralisation, dans ce qu'il appelle le « municipalisme libertaire » : un modèle de société où les communes autonomes, fédérées entre elles, gèrent collectivement les affaires économiques et écologiques. Mais Löwy indique que pour Bookchin la racine de la crise écologique réside avant tout dans la hiérarchie plutôt que dans les rapports capitalistes de production et que celui-ci tend ainsi à effacer leur spécificité : la logique d'accumulation et de profit qui structure la destruction écologique contemporaine.
Comment faire face à l'urgence ?
L'une des principales objections adressées à l'écosocialisme tient à l'urgence écologique.
Michael Löwy est tout à fait conscient de l'urgence. Il cite d'ailleurs de nouveau Walter Benjamin, dans l'un des fragments de Sens unique intitulé « Avertissement d'incendie » où celui-ci évoque la nécessité d'un renversement révolutionnaire avant que les forces productives, sous la direction du capital, n'aient conduit l'humanité à sa perte : si la bourgeoisie n'est pas renversée par le prolétariat « avant un moment presque calculable de l'évolution technique et scientifique », écrit-il, « tout est perdu. Il faut couper la mèche qui brûle avant que l'étincelle n'atteigne la dynamite. »
Mais l'objection repose plutôt sur l'idée que nous n'aurions pas le temps d'attendre l'avènement d'un nouveau mode de production, et qu'il faudrait donc agir ici et maintenant, dans le cadre du capitalisme. Mais précisément : les écosocialistes ne sont pas dans l'attente passive d'un futur idéal. Ils se mobilisent dès aujourd'hui pour enrayer la dynamique destructrice du système. “Toute victoire partielle”, tout ralentissement du désastre, est déjà considéré par elles et eux comme hautement positif.
Ce que les écosocialistes refusent toutefois, c'est l'illusion d'un « capitalisme soutenable ». Des programmes comme le Green New Deal peuvent jouer un rôle positif en ouvrant des brèches, mais ils ne constituent pas une fin en soi : ils ne sont qu'un “moment dans un processus de contestation antisystémique”, appelé à se radicaliser.
L'écosocialisme n'est donc pas seulement un projet d'avenir mais aussi une pratique politique, organisée autour d'objectifs concrets et immédiats. Ne pas croire à la possibilité d'« écologiser » le capitalisme ne revient pas à renoncer aux luttes ici et maintenant ; cela signifie plutôt les inscrire dans une perspective de transformation structurelle. Certaines revendications immédiates constituent ainsi des points de convergence entre mouvements sociaux et écologistes : la promotion des transports publics bon marché ou gratuits (trains, métros, bus, tramways), la défense des systèmes de santé publics, la réduction du temps de travail. S'il ne faut pas se bercer d'illusions sur un hypothétique « capitalisme propre », il est néanmoins nécessaire de gagner du temps et d'imposer des mesures élémentaires : un moratoire sur les OGM, une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, une régulation stricte de la pêche industrielle et des pesticides, une taxe sur les véhicules polluants, le développement massif du transport ferroviaire, le remplacement progressif des camions par les trains. C'est la logique de ce que les marxistes appellent un “programme de transition” : chaque victoire partielle ouvre la voie à une revendication plus ambitieuse, “à un objectif plus radical”.
Un projet de “planification écologique” et démocratique
Face à la logique aveugle du marché, l'écosocialisme propose une planification démocratique à plusieurs échelles — locale, nationale et internationale. Il s'agit de définir collectivement :
- quels produits doivent être “subventionnés ou même distribués gratuitement”
- quelles sources d'énergie doivent être développées, même si elles ne sont pas les plus « rentables » à court terme ;
- “comment réorganiser le système des transports” selon “des critères sociaux et écologiques” ;
- quelles mesures mettre en œuvre pour réparer, le plus rapidement possible, les dégâts environnementaux accumulés.
L'économiste belge Ernest Mandel, cité par Löwy, donnait une définition éclairante de cette forme de planification : « une économie planifiée signifie (…) pour les ressources relativement rares de la société, qu'elles ne soient pas réparties aveuglément (« à l'insu du producteur consommateur ») par l'action de la loi de la valeur, mais qu'elles soient consciemment attribuées selon des priorités établies au préalable. Dans une économie de transition où la démocratie socialiste règne, l'ensemble des travailleurs détermine démocratiquement le choix de ces priorités ».
La “planification démocratique”, combinée à une réduction massive du temps de travail, représenterait une avancée majeure vers ce que Marx appelait « le royaume de la liberté ». Le temps libre n'est pas seulement une conquête individuelle : il constitue la condition d'une véritable participation des travailleurs à la gestion démocratique de l'économie et de la société.
Dans une économie socialiste planifiée, la production de biens et de services ne serait plus guidée par la recherche du profit, mais par le seul critère de la valeur d'usage (l'utilité ou la fonction pratique d'un objet pour satisfaire un besoin humain). Il ne s'agit pas pour autant de planifier chaque détail de la vie économique comme par exemple l'administration des petits commerces, boulangeries ou artisans, ni celle des services de proximité. En effet, comme le soulignait André Gorz, la planification doit se limiter à la « sphère de la nécessité », celle “des besoins socialisés” (énergie, transport, logement, santé, alimentation de base etc.). Cette sphère, appelée à se réduire, doit permettre l'élargissement maximal de la « sphère de la liberté » — celle des activités autonomes, créatives, qui ont leur fin en elles-mêmes.
Socialiser les entreprises ne suffira pas
Pour Michaël Löwy la transformation socialiste ne saurait se réduire à une “simple” socialisation de la propriété (même s'il s'agit déjà d'un sacré chantier). Il fait le parallèle avec les remarques de Marx sur la Commune de Paris où celui-ci soulignait déjà que les travailleurs ne peuvent pas s'emparer de l'appareil d'État capitaliste et le faire fonctionner à leur service, mais doivent le briser et le remplacer par un autre, d'une nature totalement différente. Pour Michael Löwy, ces considérations valent aussi pour l'appareil productif. Celui-ci n'est pas neutre : par sa structure même, il est conçu pour servir les exigences du capital, de la rentabilité et de l'expansion illimitée du marché. Une transformation écosocialiste ne peut donc pas se limiter à changer les rapports de propriété sans transformer en profondeur les forces productives elles-mêmes. Dans certains cas, il s'agira même de « briser » certaines branches de la production — celles dont la logique est incompatible avec la soutenabilité écologique et les besoins sociaux fondamentaux.
Pour Michael Löwy, il apparaît désormais évident qu'une transition socialiste authentique doit transformer non seulement les relations de production, mais aussi “les forces productives”, “les modèles de consommation, les systèmes de transport, et, en dernière analyse” l'ensemble de “la civilisation capitaliste”.
L'écosocialisme n'est donc pas une simple réorganisation de la propriété ou de la redistribution : il implique une révolution du mode de vie. Transformer l'économie sans transformer les besoins, les rythmes de production, les formes d'habitat et de mobilité reviendrait à reproduire la logique destructrice du capital. L'écosocialisme vise au contraire une nouvelle forme de civilisation, fondée sur la sobriété, la coopération et la valeur d'usage plutôt que sur la marchandise et l'accumulation.
Une révolution énergétique est nécessaire
Michael Löwy insiste sur la nécessité d'une révolution énergétique. Il ne s'agit pas seulement de modifier les sources d'approvisionnement, mais de transformer en profondeur le rapport de la société à l'énergie. Cela implique le remplacement progressif des énergies non renouvelables – charbon, pétrole, gaz et nucléaire – par des énergies « douces » et renouvelables, issues de l'eau, du vent et du soleil.
Les énergies fossiles sont responsables de la majeure partie de la pollution planétaire et constituent la principale cause du réchauffement climatique. Rompre avec leur utilisation est donc une nécessité.
Photo de American Public Power Association sur Unsplash
L'énergie solaire, en particulier, doit, pour le penseur franco-brésilien, devenir un champ prioritaire de recherche et de développement. Mais l'écosocialisme refuse de céder à l'illusion d'une abondance infinie : si le vent et le soleil sont des biens inépuisables, les matériaux nécessaires à leur exploitation – lithium, terres rares etc. – ne le sont pas.
C'est pourquoi une transition énergétique véritable ne peut se contenter de « verdir » le capitalisme : elle doit impliquer une réduction de la consommation globale d'énergie, une décroissance sélective des productions inutiles ou nuisibles, et une réorganisation des besoins sociaux. Ces mesures sont inimaginables dans le cadre du capitalisme, dont la logique repose sur la croissance illimitée, la compétition et la rentabilité.
Le nucléaire : une fausse solution ?
Pour remplacer les énergies fossiles, beaucoup d'écologistes considèrent le nucléaire comme un moindre mal. C'est par exemple le cas de quelqu'un comme l'ingénieur Jean-Marc Jancovici. Michael Löwy ne partage pas cet optimisme concernant cette source d'énergie.
Photo de Frédéric Paulussen sur Unsplash
“Après la catastrophe de Tchernobyl, le lobby nucléaire occidental” avait cru trouver une parade commode : si un tel désastre s'était produit, affirmait-on, c'était à cause de la gestion bureaucratique et incompétente propre au système soviétique – c'est d'ailleurs un peu le parti pris de la série britannique à succès Chernobyl. L'argument a longtemps servi à dédouaner les grandes puissances industrielles occidentales de toute remise en cause de leur modèle énergétique. Mais que reste-t-il de cette justification depuis Fukushima, où c'est “le fleuron de l'industrie privée japonaise” qui a été frappé ? Pour Löwy : “l'insécurité est inhérente à l'énergie nucléaire”. Les accidents ne sont pas des anomalies, mais des éventualités statistiques inévitables. Il écrit : “Pour paraphraser Jean Jaurès, on pourrait dire que le nucléaire porte en lui la catastrophe comme la nuée porte l'orage”.
Il note également que “le mouvement ouvrier traditionnel en Europe (…) reste encore profondément marqué par l'idéologie” productiviste du XXe siècle. Nombre de ses représentants continuent de défendre des secteurs industriels destructeurs, de l'automobile à l'énergie nucléaire, au nom de la croissance et de l'emploi. Le seul moyen de convaincre ces secteurs est d'assurer les travailleurs et travailleuses d'une vraie garantie à l'emploi.
Développer massivement les transports en commun
Pour Michaël Löwy, il faut une refonte profonde des modes de transport, notamment le remplacement progressif du transport routier par le rail (là aussi dans un cadre de garantie du plein emploi, afin d'éviter que la transition écologique ne se fasse au détriment des travailleurs).
Photo de Connor Wang sur Unsplash
La voiture individuelle, reconnaît Löwy, “répond à un besoin réel”. Mais dans une société “fondée sur l'abondance de transports publics gratuits,” efficaces et accessibles, son rôle se réduirait considérablement. Ce qui, aujourd'hui, est devenu un “fétiche marchand” – “un signe de prestige” et d'appartenance sociale – redeviendrait un simple outil au service de besoins concrets.
Les voitures électriques ne constituent pas une solution miracle. Certes, elles “sont moins polluantes” que les véhicules thermiques et “émettent moins de CO₂”, mais l'électricité qu'elles consomment reste, dans la majorité des pays, produite à partir d'énergies fossiles. L'amélioration apparente des bilans carbone est ainsi compensée par une augmentation des émissions globales dues à la production énergétique.
Réduire drastiquement les émissions implique donc une diminution importante du nombre de voitures privées, au profit de moyens de transport collectifs et non polluants : “transports publics gratuits, zones piétonnes, voies cyclables”.
Lutter contre la publicité
Comment distinguer les “besoins authentiques” des besoins artificiels ? Pour Michaël Löwy, la publicité est l'un des mécanismes centraux du capitalisme, chargée de brouiller cette distinction. “Pièce indispensable au fonctionnement du marché”, elle ne se contente pas de promouvoir des produits : elle façonne les désirs, fabrique les manques et entretient une frustration permanente chez les consommateurs.
Photo de Eleni Afiontzi sur Unsplash
Dans une société de transition vers le socialisme, explique Löwy, la publicité serait “vouée à disparaître”, remplacée par une information transparente diffusée par des associations de consommateurs. Le critère proposé “pour distinguer un besoin réel d'un besoin artificiel” est simple : seul le besoin qui persiste après la suppression de la publicité peut être considéré comme authentique. Loin d'exprimer une « nature humaine » immuable, le désir d'accumulation infinie de biens et de produits est le produit historique de “l'idéologie bourgeoise” et de la publicité de masse. Löwy rappelle à ce titre la célèbre phrase du PDG de TF1 : « Notre objectif, c'est de vendre à Coca-Cola du temps de cerveau disponible des spectateurs. »
La publicité constitue en outre un gaspillage colossal de ressources matérielles et énergétiques. En France, elle représente “plusieurs dizaines de milliards d'euros” de dépenses annuelles, autant d'investissements détournés des besoins sociaux et écologiques réels. Dans cette perspective, toute initiative visant à limiter “l'agression publicitaire” est “un devoir écologique”.
Le Sud global en avance
Pour Michaël Löwy, les peuples du Sud global, qui sont les premières victimes du réchauffement global alors qu'ils en sont les moins responsables, montrent la direction. Les luttes indigènes et paysannes y incarnent déjà, dans les faits, ce que l'écosocialisme propose en théorie — une résistance collective au capitalisme destructeur, enracinée dans la défense des biens communs et dans des formes de vie communautaires.
La militante hondurienne Berta Cáceres, fondatrice du Conseil citoyen des organisations populaires et indigènes du Honduras (COPINH), symbolise cette convergence entre écologie, anticapitalisme et autonomie des peuples. À seulement vingt ans, elle mène la lutte contre les mégaprojets hydroélectriques des multinationales qui privent les communautés de leur eau. Son assassinat, en avril 2016, par des sicaires au service des capitaliste, illustre la violence du système qu'elle combattait.
Par Luis Alfredo Romero, CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons
D'autres exemples marquent cette avant-garde du Sud. Lors du Forum social mondial de Porto Alegre en 2001, des militants du Mouvement des Sans Terre (MST) brésilien, aux côtés de la Confédération paysanne de José Bové, arrachent une plantation de maïs transgénique de Monsanto.
Löwy cite également Chico Mendes, figure mythique du syndicalisme amazonien, qui invente avec ses camarades seringueiros (les ouvriers et paysans de l'Amazonie qui récoltent le latex des arbres à caoutchouc) une forme de lutte non violente inédite : les « empates », blocages humains opposant des familles entières, mains nues, aux bulldozers des compagnies forestières. Ces résistances populaires, souvent victorieuses, prouvent qu'un courage collectif peut enrayer, même temporairement, la logique du profit. Mendes obtiendra d'importantes conquêtes sociales et écologiques, avant d'être assassiné en 1988 par les tueurs à gage des propriétaires terriens. La déforestation de l'Amazonie, financée par des banques internationales, illustre la violence néocoloniale du capitalisme global.
Chico Mendes avec sa femme Ilsamar chez eux à Xapuri en 1988. Crédit : Miranda Smith, Miranda Productions, Inc., CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons
Ces luttes rejoignent la conception de Joel Kovel, un des fondateurs de l'écosocialisme, pour qui celui-ci est “préfiguratif”, c'est-à-dire enraciné dans les pratiques de communautés déjà en résistance, comme les bases indigènes zapatistes du Chiapas.
En s'appuyant sur Max Weber, Löwy souligne que dans de nombreuses cultures orientales ou amérindiennes, la nature n'est pas perçue comme une mécanique inerte, mais comme un « jardin enchanté », un monde vivant, porteur de sens et de lien. Une conception diamétralement opposée à celle de la civilisation bourgeoise occidentale, qui réduit le monde naturel à un simple gisement de ressources ou à un dépotoir. Ces résistances du Sud montrent que l'écosocialisme est déjà en germe dans les pratiques concrètes de peuples qui, en défendant leur territoire, défendent l'humanité tout entière.
Un membre de l'EZLN cagoulé jouant du Guitarrón (Chiapas). Crédit : Jose Villa at VillaPhotography, CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons
L'ouvrage de Michaël Löwy permet de comprendre que l'écologie et le socialisme ne peuvent être dissociés si l'on veut affronter la crise écologique. Les partis « verts » façon Tondelier et les réformettes qu'ils proposent ne suffisent pas : ils ne remettent pas en cause la logique de profit, d'accumulation et de croissance illimitée, qui est au cœur à la fois du capitalisme et de la destruction écologique. Löwy met en évidence la nécessité d'un écosocialisme, articulant la prise démocratique de la production, afin de répondre aux besoins sociaux réels plutôt qu'aux logiques de marché, la planification écologique et démocratique, aux niveaux local, national et international, la réorganisation des modes de vie et des transports, la réduction du temps de travail, la mobilisation des luttes sociales et écologiques, à travers des projets concrets et des victoires partielles, tout en construisant un horizon radicalement alternatif. L'écosocialisme rompt donc tout autant avec le marxisme productiviste du XXe siècle, le « socialisme réel » soviétique qu'avec le capitalisme vert, pour proposer un changement de civilisation. Les luttes concrètes du Sud global — les résistances des peuples indigènes, des communautés paysannes et des syndicalistes amazoniens — incarnent déjà cette vision. Elles montrent que la pratique de l'écologie populaire précède souvent la théorie, et qu'une alternative écosocialiste n'est pas seulement désirable mais possible.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Macron, 100 rafales et des chimeres… !
Dans une guerre ukrainienne propice aux affaires, le Président Macron a réussi, ce lundi 17 novembre à Paris, à déblayer le terrain pour une éventuelle opération financière historique qui ferait les choux gras des actions de Dassault-Aviation et Thales. Les deux groupes du CAC 40 pourraient sabrer le champagne, si l'achat par l'Ukraine de 100 avions Rafale se concrétise.
De Paris, Omar HADDADOU
Macron en passe de décrocher le contrat du siècle… !
Tout s'y prête pour faire « exploser » les puissantes capitalisations. Agissant en stratège de business, en vue de contracter des contrats XXL, Macron, l'ancien Banquier, n'hésite pas à agiter le spectre des menaces de « l'ogre » russe. Et ça fait mouche ! Il corsète toute l'Europe et la contraint à s'engager dans un élan de dissipation budgétaire aveugle pour la mettre sur le pied de guerre d'une militarisation débridée.
Et partant, il s'échine à remplir les caisses de sa nébuleuse capitaliste. Les manchettes des journaux libéraux lui taillent la part belle et l'accompagnent allègrement dans sa « Goinfrerie ».
De toute évidence, les Occidentaux connaissent l'issue de la guerre en Ukraine et son épilogue cousu honteusement de fil blanc, mais se bornent à vendre au « pauvre » Zelensky une chimère sous forme de cheval de Troie gavé de convoitises et de business étatique. L'Histoire nous a constamment enseignés les pulsions prédatrices occidentales, dans le malheur des peuples.
Pourquoi miroiter au Président Zelensky des lendemains qui chantent et une victoire qui continue à jouer l'Arlésienne depuis l'invasion russe en 2022 ? Une guerre dispendieuse ayant pour seule constante, un rapport de forces disproportionné et des familles endeuillées sur l'autel d'un sacrifice consternant.
En France, dans certaines officines de la dynamique socioéconomique, on voudrait bien que l'affrontement prenne le pas sur la Paix pour que l'Indice Phare de la Bourse de Paris plafonne de plus belle.
Le sourire exubérant de Macron, ce lundi à la base de Villacoublay, trahit irréfutablement toute la quintessence d'une probable transaction financière dont seuls les actionnaires du CAC 40, les Industriels de l'armement militaires et les bailleurs, tirent substantiellement profit. La démarche du Président français s'inscrit expressément dans une volonté du maintien de l'escalade par le chatoiement d'un triomphe illusoire.
Macron sait se convertir en Attaché commercial, en Bonimenteur aguerri pour vendre une guerre qui lui remplit les poches par le seul fait d'arme : celui de faire du Profit ! Le protocole était parfait. Quant à l'aboutissement ? Je laisse le soin de la consigne aux Historiens.
On a tous et toutes acté, ce 17 novembre 2025, que Volodymyr Zelensky et Emmanuel Macron ont signé une « Déclaration d'Intention » pour l'achat de 100 avions de chasse Rafale sur les 10 prochaines années. S'en suivent les commandes de drones, de Systèmes de Défense aérienne nouvelle génération, de bombes guidées SAMPT/T nouvelle génération, la maintenance, la fourniture de la pièce détachée, la formation des pilotes, etc.
Le carnet de commandes du Groupe Dassault-Aviation et Thales, affiche complet.
Eh oui ! Il suffit de créer les conditions adéquates pour écouler le concept lucratif ! Un Rafale coûte 80 millions pièce. Armé et équipé, l'appareil atteint les 130 millions d'euros. Jusqu'à 200 avec la maintenance. Entre 8 et 20 milliards d'euros pour les 100 avions Rafale commandés.
La rivalité vers le gain entre Européens et Américains se cristallise ostensiblement à travers cette surenchère dans la chasse au client. Parmi les pays qui ont mordu à l'hameçon, les Emirats arabes unis, signataires d'un contrat de 80 rafales.
Macron, plaidoyer de l'Europe de la Défense, aura réussi son opération pécuniaire de réarmement : « Ce contrat, déclare-t-il, est un investissement pour la Paix ! »
Mais, pour certains Experts, cette « Déclaration d'Intention » aura du mal à se concrétiser : « J'y vois une volonté de la France de continuer à aider l'Ukraine, mais pas pour intimider la Russie ! » a fait savoir l'un d'eux. Quand un Pilote de chasse à la retraite conclut par une phrase mettant en évidence le profit : « Si cette lettre s'avère effective, ce sera le Contrat du siècle ! »
Santé pour le CAC 40 !
O.H
******
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Spéculer sur la catastrophe : la Jamaïque, les ouragans et les assureurs
Comme les entreprises pétrolières, les sociétés d'assurance ont très tôt pris conscience des dégâts causés par le dérèglement climatique. Le coût des catastrophes atteint désormais des sommets. Les assureurs classiques commencent à déserter certaines zones : c'est le cas en Californie, en Floride, au Texas ou en Arizona...
10 novembre 2025 | Blog d'Antoine Costa
Comme les entreprises pétrolières, les sociétés d'assurance ont très tôt pris conscience des dégâts causés par le dérèglement climatique. Munich Re fait état des menaces que font peser les inondations, la sécheresse et les incendies dans un rapport dès 1973[1]. Mais ces risques n'étaient pas assurés de manière spécifique, et les simulations quant aux éventuels dégâts faisaient l'objet d'estimations grossières.
En 1987, Karen Clark fonde la société Applied Insurance et décide d'affiner les prévisions liées aux dégâts potentiels causés par des événements climatiques. En combinant prévisions météorologiques, données cadastrales et informations issues des ventes immobilières, elle crée une nouvelle discipline : la modélisation de catastrophes[2].
Quand, en 1992, l'ouragan Andrew se dirige vers la Floride, les assureurs de la City londonienne prévoient que les dégâts n'excéderont pas trois ou quatre milliards de dollars — pas plus, en tout cas, que ceux de l'ouragan Hugo, qui avait touché les Caraïbes trois ans auparavant. Karen Clark, avec le logiciel qu'elle avait développé, arrive à un montant tout autre : 13 milliards de dollars. Personne ne la prend au sérieux. Et elle s'était effectivement trompée : l'ouragan causa 15 milliards de dollars de dégâts. Les assureurs étaient complètement à côté de la plaque, et dix compagnies firent faillite.
Les années suivantes allaient confirmer deux choses : la multiplication des risques et l'explosion des indemnisations. Le 11 septembre, l'un des événements les plus coûteux de l'histoire, la crise des subprimes de 2008, mais aussi — et surtout — les événements climatiques (incendies, sécheresses, ouragans) obligèrent les assureurs à repenser la manière de couvrir leurs clients. L'une des solutions consista à se tourner vers les marchés : à transformer le contrat d'assurance, autrefois un simple engagement entre un assureur et un assuré, en un produit financier circulant de main en main et de Bourse en Bourse.
Quel est l'avantage de cette financiarisation ? Comme l'explique Razmig Keucheyan dans La nature est un champ de bataille, elle fait basculer le contrat du marché traditionnel de l'assurance à celui des marchés financiers : « Un événement de type Katrina coûtant 100 milliards de dollars ou davantage est susceptible de mettre sérieusement en péril le marché traditionnel de l'assurance ; il représente une variation minime pour les marchés financiers. »[3]
Pour les assureurs, cela représente un choc immense mettant en péril leur pérennité ; pour les marchés financiers, une variation insignifiante.
Illustration 1Agrandir l'image : Illustration 1
Le cas de la Jamaïque
La Jamaïque est une île régulièrement touchée par les ouragans (23 depuis 1950), et ces phénomènes s'accentuent avec le temps. Sur les conseils de la Banque mondiale, l'île fut le premier État insulaire à recourir aux obligations catastrophes, ou Cat Bonds. Le « IBRD CAR Jamaica » est une obligation signée avec une quinzaine d'investisseurs mondiaux. En 2021, elle couvrait, pour 185 millions de dollars d'indemnisation, trois saisons d'ouragans.
En clair, si un ouragan se déclare, l'argent se débloque plus rapidement que dans le cas d'une assurance classique. S'il n'y a pas d'ouragan — et il n'y en a pas eu —, l'obligation ne se déclenche pas, et les investisseurs perçoivent un rendement de 7 %, supérieur à la moyenne des investissements. Sur cette période, l'île a déboursé 10,5 millions de dollars d'intérêts.
Concrètement, l'île est découpée en 19 zones paramétriques recoupant des villes, des zones agricoles, touristiques et forestières. Ces zones sont définies par des seuils de pression. Le versement de l'indemnité, partielle ou totale, dépend de la manière dont la tempête traverse ces cases et remplit une condition : que sa pression soit inférieure au seuil défini par l'assureur. En vérité, même si le Cat Bond ne s'est pas déclenché, il y a bien eu des ouragans.
Illustration 2Agrandir l'image : Illustration 2
Beryl : l'ouragan qui ne répond pas aux conditions de l'assureur
L'ouragan Beryl commença sa course fin juin 2024 sur les côtes africaines. Au début, ce n'était qu'une onde atmosphérique de basse pression. Habituellement, les ouragans ne se forment pas avant août ou septembre dans les Caraïbes. Mais 2024 fut l'année la plus chaude jamais enregistrée — comme 2023 avant elle. Beryl devint ainsi l'ouragan de catégorie 5 le plus précoce jamais observé.
Beryl ne traversa pas le cœur de l'île, mais dévasta sa côte sud. Les rafales atteignirent 320 km/h. Il détruisit 13 500 maisons, arracha les toits d'hôpitaux et laissa une ardoise de 250 millions de dollars aux Jamaïcains. La Jamaïque avait souscrit un Cat Bond à hauteur de 150 millions de dollars. Le rendement avait augmenté : il était désormais de 12 %.
Les règles étaient claires, définies par des seuils paramétriques. À Kingston, la capitale, où l'on pouvait s'attendre à des dégâts importants, le seuil de déclenchement était fixé à 969 millibars. L'ouragan fut certes d'une extrême violence, mais dans les zones qu'il traversa, la pression restait 9 millibars au-dessus du seuil défini par le contrat d'assurance. Pour ces 9 millibars, les Jamaïcains n'obtiendront rien. Beryl n'avait pas rempli les conditions du contrat.
Pour établir un contrat, il faut bien fixer des règles. Le problème des Cat Bonds, c'est qu'ils reposent sur une donnée partielle, mais facilement mesurable : la pression atmosphérique.
Josh Morgenman est un chasseur de tempêtes[4]. Il aime se retrouver dans l'œil du cyclone pour prendre des photos. En 2014, il s'est retrouvé au cœur de la tempête Odile, au Mexique. Autour de lui, les toits étaient arrachés, les vitres explosées et des trombes d'eau envahissaient les rues. Il mesura une pression de 943,1 millibars et publia ses données sur Twitter.
Quelques semaines plus tard, il retrouva ce chiffre de 943,1 millibars dans des rapports d'assureurs. Ces derniers s'étaient servis de ses données pour ne pas rembourser le Mexique.
« Un assureur, c'est celui qui te tend un parapluie quand il fait beau et te le retire quand il pleut », dit l'adage.
Josh prit alors la parole publiquement : la pression atmosphérique n'est qu'une donnée, et elle ne peut à elle seule définir la violence d'un ouragan. D'autres facteurs entrent en jeu : sa taille, la puissance du vent ou la quantité d'eau.
FR Se connecter Hurricane Hunter crews BRAVE DEADLY MELISSA : Dramatic Video Shows EXTREME TURBULENCE © Diario AS
Melissa, 2025
Concernant Melissa, la NOAA — l'équivalent américain de Météo France — a enregistré une pression de 901 millibars : la plus basse pour une tempête cette année. Très vite, devant le carnage annoncé, il devint à peu près certain que le Cat Bond concernant la Jamaïque serait déclenché, probablement en intégralité. Avec des vents atteignant près de 300 km/h et 19 morts, c'est la tempête la plus violente qu'ait connue l'île en 170 ans. Les dégâts sont colossaux et se chiffrent à un tiers du PIB du pays.
Bizarrement, alors que tous les assureurs comprirent qu'ils devraient passer à la caisse, les marchés ne s'affolèrent pas. À partir de la fin octobre, l'indice d'Aon — le plus grand réassureur mondial et détenteur du Cat Bond jamaïcain — ne cessait de monter[5]. Celui de Swiss Re aussi[6]. Un autre investisseur déclara qu'un Cat Bond qui se déclenche n'est pas forcément un mauvais investissement et que cela ne freinerait pas la demande[7].
Malgré les incendies en Californie en début d'année et la saison des cyclones qui s'ouvrait, toutes les sociétés de réassurance affichaient une hausse spectaculaire de leur chiffre d'affaires : un premier trimestre « record », un second « exceptionnel », un troisième « supérieur à la moyenne », titraient les rapports du média de référence sur le sujet[8].
Sur un an, 21,7 milliards de Cat Bonds ont été émis. Il y en a désormais 300 dans le monde, dont une majorité couvrent l'Amérique du Nord (93 %), principalement les villas de luxe de Floride. Un marché de 50 à 55 milliards de dollars, avec des taux de rendement atteignant désormais 14 %
Illustration 4Agrandir l'image : Illustration 4
évolution du taux de rendement des cat bonds. © Bloomberg Media
Mais alors, où est le problème ?
Le coût des catastrophes atteint désormais des sommets. Les assureurs classiques commencent à déserter certaines zones : c'est le cas en Californie, en Floride, au Texas ou en Arizona, où des millions de foyers sont désormais mal assurés. Une maison mal assurée perd de la valeur, et certains annoncent une « bulle climatique du marché immobilier »[9].
Les petits États insulaires sont contraints de se tourner vers les réassureurs et leurs Cat Bonds aux rendements insolents. Les Nations unies estiment que les pays en développement auraient besoin de 310 à 365 milliards de dollars pour s'adapter aux conséquences du dérèglement climatique. À la COP26 de Glasgow, les pays riches s'étaient engagés à créer un fonds d'adaptation de 40 milliards. Cette somme, déjà bien inférieure aux besoins réels, ne sera pas atteinte : avec 21 à 28 milliards d'investissements, il manque encore beaucoup d'argent dans les caisses[10].
Le problème de ces systèmes assurantiels, c'est qu'ils sont centrés sur l'individu et la réparation, contrairement à l'adaptation, qui se concentre sur le bien public et la collectivité. Financer une digue ou l'entretien d'une forêt est souvent une mesure moins onéreuse et plus équitable qu'un Cat Bond assurant des villas de luxe et laissant sur le carreau des millions de personnes. Dans bien des cas, des systèmes d'adaptation ou de prévoyance — pour prévenir sécheresses, incendies ou montée des eaux — seraient moins coûteux à financer et plus justes.
NOTES
[1] The Insurance Apocalypse Is Upon Us, Jacobin, 32 septembre 2024
[2] The Phones Started Ringing Right Away' : Cat Modeling Pioneer Karen Clark Recalls Hurricane Andrew, Insurance Journal, 1er juin 2022
[3] La nature est un champ de bataille, Razmig Keucheyan, Zones, 2014
[4]Opinion : Insurers denied Mexico ‘cat bond' payouts after Hurricane Odile due to my data. The system is broken, Los Angeles Times, 4 mai 2018
[5] https://www.nyse.com/quote/XNYS:AON
[6] https://markets.ft.com/data/equities/tearsheet/summary?s=SR9A:BER
[7] Investors expect Jamaica hurricane to trigger ‘catastrophe bond' payout, Financial Times, 28 octobre 2025
[8] www.artemis.bm
[9] Voir l'article de Jacobin cité en premier.
Billet de blog 10 novembre 2025
Spéculer sur la catastrophe : la Jamaïque, les ouragans et les assureurs
Comme les entreprises pétrolières, les sociétés d'assurance ont très tôt pris conscience des dégâts causés par le dérèglement climatique. Le coût des catastrophes atteint désormais des sommets. Les assureurs classiques commencent à déserter certaines zones : c'est le cas en Californie, en Floride, au Texas ou en Arizona...
Signalez ce contenu à notre équipe
antoine costa (avatar)
antoine costa
journaliste
Abonné·e de Mediapart
Ce blog est personnel, la rédaction n'est pas à l'origine de ses contenus.
Comme les entreprises pétrolières, les sociétés d'assurance ont très tôt pris conscience des dégâts causés par le dérèglement climatique. Munich Re fait état des menaces que font peser les inondations, la sécheresse et les incendies dans un rapport dès 1973[1]. Mais ces risques n'étaient pas assurés de manière spécifique, et les simulations quant aux éventuels dégâts faisaient l'objet d'estimations grossières.
En 1987, Karen Clark fonde la société Applied Insurance et décide d'affiner les prévisions liées aux dégâts potentiels causés par des événements climatiques. En combinant prévisions météorologiques, données cadastrales et informations issues des ventes immobilières, elle crée une nouvelle discipline : la modélisation de catastrophes[2].
Quand, en 1992, l'ouragan Andrew se dirige vers la Floride, les assureurs de la City londonienne prévoient que les dégâts n'excéderont pas trois ou quatre milliards de dollars — pas plus, en tout cas, que ceux de l'ouragan Hugo, qui avait touché les Caraïbes trois ans auparavant. Karen Clark, avec le logiciel qu'elle avait développé, arrive à un montant tout autre : 13 milliards de dollars. Personne ne la prend au sérieux. Et elle s'était effectivement trompée : l'ouragan causa 15 milliards de dollars de dégâts. Les assureurs étaient complètement à côté de la plaque, et dix compagnies firent faillite.
Les années suivantes allaient confirmer deux choses : la multiplication des risques et l'explosion des indemnisations. Le 11 septembre, l'un des événements les plus coûteux de l'histoire, la crise des subprimes de 2008, mais aussi — et surtout — les événements climatiques (incendies, sécheresses, ouragans) obligèrent les assureurs à repenser la manière de couvrir leurs clients. L'une des solutions consista à se tourner vers les marchés : à transformer le contrat d'assurance, autrefois un simple engagement entre un assureur et un assuré, en un produit financier circulant de main en main et de Bourse en Bourse.
Quel est l'avantage de cette financiarisation ? Comme l'explique Razmig Keucheyan dans La nature est un champ de bataille, elle fait basculer le contrat du marché traditionnel de l'assurance à celui des marchés financiers : « Un événement de type Katrina coûtant 100 milliards de dollars ou davantage est susceptible de mettre sérieusement en péril le marché traditionnel de l'assurance ; il représente une variation minime pour les marchés financiers. »[3]
Pour les assureurs, cela représente un choc immense mettant en péril leur pérennité ; pour les marchés financiers, une variation insignifiante.
Illustration 1Agrandir l'image : Illustration 1
Le cas de la Jamaïque
La Jamaïque est une île régulièrement touchée par les ouragans (23 depuis 1950), et ces phénomènes s'accentuent avec le temps. Sur les conseils de la Banque mondiale, l'île fut le premier État insulaire à recourir aux obligations catastrophes, ou Cat Bonds. Le « IBRD CAR Jamaica » est une obligation signée avec une quinzaine d'investisseurs mondiaux. En 2021, elle couvrait, pour 185 millions de dollars d'indemnisation, trois saisons d'ouragans.
En clair, si un ouragan se déclare, l'argent se débloque plus rapidement que dans le cas d'une assurance classique. S'il n'y a pas d'ouragan — et il n'y en a pas eu —, l'obligation ne se déclenche pas, et les investisseurs perçoivent un rendement de 7 %, supérieur à la moyenne des investissements. Sur cette période, l'île a déboursé 10,5 millions de dollars d'intérêts.
Concrètement, l'île est découpée en 19 zones paramétriques recoupant des villes, des zones agricoles, touristiques et forestières. Ces zones sont définies par des seuils de pression. Le versement de l'indemnité, partielle ou totale, dépend de la manière dont la tempête traverse ces cases et remplit une condition : que sa pression soit inférieure au seuil défini par l'assureur. En vérité, même si le Cat Bond ne s'est pas déclenché, il y a bien eu des ouragans.
Illustration 2Agrandir l'image : Illustration 2
Beryl : l'ouragan qui ne répond pas aux conditions de l'assureur
L'ouragan Beryl commença sa course fin juin 2024 sur les côtes africaines. Au début, ce n'était qu'une onde atmosphérique de basse pression. Habituellement, les ouragans ne se forment pas avant août ou septembre dans les Caraïbes. Mais 2024 fut l'année la plus chaude jamais enregistrée — comme 2023 avant elle. Beryl devint ainsi l'ouragan de catégorie 5 le plus précoce jamais observé.
Beryl ne traversa pas le cœur de l'île, mais dévasta sa côte sud. Les rafales atteignirent 320 km/h. Il détruisit 13 500 maisons, arracha les toits d'hôpitaux et laissa une ardoise de 250 millions de dollars aux Jamaïcains. La Jamaïque avait souscrit un Cat Bond à hauteur de 150 millions de dollars. Le rendement avait augmenté : il était désormais de 12 %.
Les règles étaient claires, définies par des seuils paramétriques. À Kingston, la capitale, où l'on pouvait s'attendre à des dégâts importants, le seuil de déclenchement était fixé à 969 millibars. L'ouragan fut certes d'une extrême violence, mais dans les zones qu'il traversa, la pression restait 9 millibars au-dessus du seuil défini par le contrat d'assurance. Pour ces 9 millibars, les Jamaïcains n'obtiendront rien. Beryl n'avait pas rempli les conditions du contrat.
Pour établir un contrat, il faut bien fixer des règles. Le problème des Cat Bonds, c'est qu'ils reposent sur une donnée partielle, mais facilement mesurable : la pression atmosphérique.
Josh Morgenman est un chasseur de tempêtes[4]. Il aime se retrouver dans l'œil du cyclone pour prendre des photos. En 2014, il s'est retrouvé au cœur de la tempête Odile, au Mexique. Autour de lui, les toits étaient arrachés, les vitres explosées et des trombes d'eau envahissaient les rues. Il mesura une pression de 943,1 millibars et publia ses données sur Twitter.
Quelques semaines plus tard, il retrouva ce chiffre de 943,1 millibars dans des rapports d'assureurs. Ces derniers s'étaient servis de ses données pour ne pas rembourser le Mexique.
« Un assureur, c'est celui qui te tend un parapluie quand il fait beau et te le retire quand il pleut », dit l'adage.
Josh prit alors la parole publiquement : la pression atmosphérique n'est qu'une donnée, et elle ne peut à elle seule définir la violence d'un ouragan. D'autres facteurs entrent en jeu : sa taille, la puissance du vent ou la quantité d'eau.
FR Se connecter Hurricane Hunter crews BRAVE DEADLY MELISSA : Dramatic Video Shows EXTREME TURBULENCE © Diario AS
Melissa, 2025
Concernant Melissa, la NOAA — l'équivalent américain de Météo France — a enregistré une pression de 901 millibars : la plus basse pour une tempête cette année. Très vite, devant le carnage annoncé, il devint à peu près certain que le Cat Bond concernant la Jamaïque serait déclenché, probablement en intégralité. Avec des vents atteignant près de 300 km/h et 19 morts, c'est la tempête la plus violente qu'ait connue l'île en 170 ans. Les dégâts sont colossaux et se chiffrent à un tiers du PIB du pays.
Bizarrement, alors que tous les assureurs comprirent qu'ils devraient passer à la caisse, les marchés ne s'affolèrent pas. À partir de la fin octobre, l'indice d'Aon — le plus grand réassureur mondial et détenteur du Cat Bond jamaïcain — ne cessait de monter[5]. Celui de Swiss Re aussi[6]. Un autre investisseur déclara qu'un Cat Bond qui se déclenche n'est pas forcément un mauvais investissement et que cela ne freinerait pas la demande[7].
Malgré les incendies en Californie en début d'année et la saison des cyclones qui s'ouvrait, toutes les sociétés de réassurance affichaient une hausse spectaculaire de leur chiffre d'affaires : un premier trimestre « record », un second « exceptionnel », un troisième « supérieur à la moyenne », titraient les rapports du média de référence sur le sujet[8].
Sur un an, 21,7 milliards de Cat Bonds ont été émis. Il y en a désormais 300 dans le monde, dont une majorité couvrent l'Amérique du Nord (93 %), principalement les villas de luxe de Floride. Un marché de 50 à 55 milliards de dollars, avec des taux de rendement atteignant désormais 14 %
Illustration 4Agrandir l'image : Illustration 4
évolution du taux de rendement des cat bonds. © Bloomberg Media
Mais alors, où est le problème ?
Le coût des catastrophes atteint désormais des sommets. Les assureurs classiques commencent à déserter certaines zones : c'est le cas en Californie, en Floride, au Texas ou en Arizona, où des millions de foyers sont désormais mal assurés. Une maison mal assurée perd de la valeur, et certains annoncent une « bulle climatique du marché immobilier »[9].
Les petits États insulaires sont contraints de se tourner vers les réassureurs et leurs Cat Bonds aux rendements insolents. Les Nations unies estiment que les pays en développement auraient besoin de 310 à 365 milliards de dollars pour s'adapter aux conséquences du dérèglement climatique. À la COP26 de Glasgow, les pays riches s'étaient engagés à créer un fonds d'adaptation de 40 milliards. Cette somme, déjà bien inférieure aux besoins réels, ne sera pas atteinte : avec 21 à 28 milliards d'investissements, il manque encore beaucoup d'argent dans les caisses[10].
Le problème de ces systèmes assurantiels, c'est qu'ils sont centrés sur l'individu et la réparation, contrairement à l'adaptation, qui se concentre sur le bien public et la collectivité. Financer une digue ou l'entretien d'une forêt est souvent une mesure moins onéreuse et plus équitable qu'un Cat Bond assurant des villas de luxe et laissant sur le carreau des millions de personnes. Dans bien des cas, des systèmes d'adaptation ou de prévoyance — pour prévenir sécheresses, incendies ou montée des eaux — seraient moins coûteux à financer et plus justes.
NOTES
[1] The Insurance Apocalypse Is Upon Us, Jacobin, 32 septembre 2024
[2] The Phones Started Ringing Right Away' : Cat Modeling Pioneer Karen Clark Recalls Hurricane Andrew, Insurance Journal, 1er juin 2022
[3] La nature est un champ de bataille, Razmig Keucheyan, Zones, 2014
[4]Opinion : Insurers denied Mexico ‘cat bond' payouts after Hurricane Odile due to my data. The system is broken, Los Angeles Times, 4 mai 2018
[5] https://www.nyse.com/quote/XNYS:AON
[6] https://markets.ft.com/data/equities/tearsheet/summary?s=SR9A:BER
[7] Investors expect Jamaica hurricane to trigger ‘catastrophe bond' payout, Financial Times, 28 octobre 2025
[8] www.artemis.bm
[9] Voir l'article de Jacobin cité en premier.
[10] How Catastrophe Bonds Can — and Can't — Help Jamaica Post-Melissa, Bloomberg, 29 octobre 2025
[10] How Catastrophe Bonds Can — and Can't — Help Jamaica Post-Melissa, Bloomberg, 29 octobre 2025
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Avec Grokipédia, Elon Musk veut imposer « sa » vérité
Elon Musk lance sa propre encyclopédie, Grokipédia. Alimentés par intelligence artificielle, ses contenus omettent ou détournent les faits qui ne cadrent pas avec la lecture de la fachosphère.
Tiré de Reporterre.
Elon Musk a franchi une nouvelle étape dans son offensive contre la plus grande encyclopédie collaborative du monde. Après avoir accusé Wikipédia d'être « un outil au service du wokisme et de l'extrême gauche », appelé à boycotter les dons et proposé 1 milliard de dollars pour la rebaptiser « Dickipédia », il a lancé sa propre encyclopédie en ligne, lundi 27 octobre. Son nom : Grokipédia. Son but : « Dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité », a-t-il martelé. Ou plutôt imposer sa vérité.
S'il veut rivaliser avec Wikipédia en créant son propre outil de savoir, c'est parce que, malgré ses milliards de dollars, Elon Musk n'a pas pu en prendre le contrôle comme il l'avait fait précédemment avec Twitter, renommé X. « Wikipédia est un bien commun numérique, sans propriétaire ni logique de profit. Ce modèle ne peut pas être acheté, et ça, Elon Musk — un libéral libertarien d'extrême droite — ne le supporte pas », estime Pierre-Yves Gosset, coordinateur des services numériques de Framasoft, association dédiée au logiciel libre et à la défense des communs numériques.
Wikipédia repose sur des contributions humaines, avec un principe de neutralité qui mentionne plusieurs points de vue. « Tout le monde peut rédiger un article à condition de citer des sources fiables, qu'il s'agisse de livres publiés ou de plusieurs articles de presse, rappelle Camille Françoise, qui siège au conseil d'administration de Wikimédia France, association de contributeurs Français. Les articles sont constamment améliorés par la communauté et, en cas de désaccord, les contributeurs discutent pour parvenir à un consensus. »
IA et fachosphère
Grokipédia repose sur un modèle radicalement différent. Ses contenus sont générés par intelligence artificielle (IA), à partir du modèle de langage Grok qui appartient lui aussi à Elon Musk. « Comme toute IA générative, Grok fonctionne comme une boîte noire : il puise en partie les informations chez Wikipédia, mais aussi dans des milliards d'autres sources », poursuit Pierre-Yves Gosset.
Impossible de savoir pourquoi une intelligence artificielle privilégie certaines sources. En revanche, « on sait que Grok a été programmé pour produire des textes compatibles avec les valeurs d'Elon Musk et qu'il a été entraîné sur les données de X, plateforme que le milliardaire a fascisé depuis son rachat », précise-t-il.
Résultat : ces données issues de X tirent vers une lecture beaucoup plus à droite, qui va omettre ou détourner certains faits, car ils sont non représentatifs dans la fachosphère.
Instiller le doute de manière subtile
La preuve avec les termes liés à la crise climatique en cours. Si Grokipédia reconnaît par exemple l'origine humaine du dérèglement climatique, il indique dès le troisième paragraphe que des « enquêtes soulignent une surestimation » de ce consensus.
Ce consensus n'est absolument pas surestimé. Des chercheurs de l'université Cornell aux États-Unis ont analysé plus de 88 000 études sur la réalité du changement climatique publiées depuis 2012 et soumises au processus « d'évaluation par les pairs ». Résultat : 99,9 % d'entre elles montrent que les activités humaines, via l'émission de gaz à effet de serre, altèrent le climat.
« En affirmant cela, Grokipédia relativise l'ampleur du changement climatique, il affaiblit le constat du consensus scientifique pour instiller le doute de manière subtile », dit Gerhard Krinner, climatologue, directeur de recherche au CNRS et coauteur du dernier rapport du Giec, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.
« Grokipédia affaiblit le constat du consensus scientifique »
Toujours sur la même page, Grokipédia accuse les médias grands publics de marginaliser la parole des climatosceptiques comme s'ils devaient avoir voix au chapitre.
Sur la forme, ce n'est pas mieux. Grokipédia se contredit d'une phrase à l'autre et renvoie vers des liens qui sont sans rapport avec la phrase qu'il est censé appuyer, associant des sources au hasard, sans comprendre leur pertinence.
Les mêmes critiques climatorassuristes
Si l'on regarde la page dédiée au Giec, c'est la même logique. Il affirme ainsi que les experts du Giec sont incertains quant au degré de réchauffement précis de la Terre, oscillant entre 1,5 et 4,5 °C. Là encore, c'est faux, répond Gerhard Krinner : « La fourchette initiale de réchauffement a été réduite de moitié dans les derniers rapports du Giec, les climatologues s'accordent très majoritairement sur une estimation d'un réchauffement d'environ 3° C. »
Grokipédia amplifie également les erreurs isolées du Giec. Il revient longuement sur la fameuse coquille du rapport de 2007, où les auteurs avaient écrit que dans certaines conditions, les glaciers de l'Himalaya auraient disparu en 2035 au lieu de 2350. « C'est complètement disproportionné, il donne l'impression d'un Giec incompétent alors qu'il s'agit d'une faute de frappe dans un rapport de 4 500 pages corrigée depuis plus de dix ans », souligne le climatologue.
Et sans présenter ses sources fidèlement. Par exemple, il écrit que la Clintel (Climate Intelligence Foundation) est un groupe d'évaluation indépendant. Encore faux, rétorque Gerhard Krinner : « C'est une organisation ouvertement climatosceptique qui a publié un manifeste signé par des architectes, des pilotes d'avion... Des gens qui n'ont rien à voir avec le climat et dont la principale conclusion est qu'il n'y a pas d'urgence climatique ! »
Des sources évoluant très souvent dans les mêmes milieux. Il cite ainsi régulièrement Bjørn Lomborg, statisticien danois et figure du climatorassurisme, une tendance qui consiste à minimiser les conséquences du dérèglement climatique, estimant que ce n'est pas une menace existentielle.
Des omissions répétées
Les informations parcellaires sont aussi fréquentes sur le site. Par exemple, sur la page dédiée à Donald Trump, rien n'est dit ou presque sur le climat. La seule mention concerne le premier jour de son deuxième mandat où il a abrogé 78 décrets de l'administration Biden, ciblant des réglementations climatiques. Grokipédia ne fait référence ni à ses propos climatodénialistes, ni à la sortie de l'Accord de Paris sur le climat, ni à ses attaques contre la science.
Autre exemple sur la page consacrée à l'intelligence artificielle. Pas un mot sur son coût environnemental colossal lié à sa consommation d'énergie, d'eau, d'usage des sols et l'extraction des métaux rares. Même chose sur la page dédiée à SpaceX, l'entreprise d'Elon Musk : les milliers de tonnes d'émissions de CO2 générés à chaque décollage de la fusée Starship ou la destruction des écosystèmes autour des bases de lancement ne sont jamais mentionnées.
« Entre sa tendance à amplifier les critiques non fondées, ses sources non pertinentes et ses omissions répétées, Grokipédia agit de manière sournoise, résume Gerhard Krinner. Cette approche, subtile, est d'autant plus dangereuse qu'elle peut tromper plus facilement les lecteurs non avertis. »
Au-delà de ses contenus biaisés, pour Pierre-Yves Gosset de Framasoft, Grokipédia illustre la stratégie d'Elon Musk de cliver toujours davantage les internautes comme il l'a fait avec X : « Grokipédia est entraîné sur la base de réactions, plutôt que sur la vérification factuelle, il nous emmène tout droit vers une catastrophe intellectuelle. »
« On finit par douter de tout »
Derrière, c'est l'avenir des communs numériques qui est en jeu. « En parasitant Wikipédia dont il reprend une partie du contenu le plus souvent sans le dire, Grokipédia draine de la connaissance sans la nourrir. Si de plus en plus d'internautes se tournent vers cette alternative qui ne demande aucune participation, Wikipédia risque de perdre ses contributeurs et donc perdre en pertinence, explique Pierre-Yves Gosset, car sa qualité est liée aux milliers de contributeurs qui vérifient, corrigent et enrichissent en permanence les articles. » Comparant les communs numériques à un jardin, il poursuit : « Si personne ne les entretient, ils se transforment en friche et ça Elon Musk l'a très bien compris. »
Et ce n'est que le début : si aujourd'hui Grokipédia n'est disponible qu'en anglais, demain, le site pourrait être disponible en quarante langues. Pierre-Yves Gosset craint que cette offensive s'inscrive dans un mouvement plus large de privatisation et de fascisation du numérique : « Demain, Amazon, Mistral, Deepseek ou d'autres peuvent très bien lancer leur propre encyclopédie et contrôler la production et la diffusion du savoir. »
Deux visions du monde s'affrontent ici : celle de la coconstruction et celle façonnée par les patrons de la tech. « Dans l'ère de la post-vérité que nous traversons, on ne sait plus quoi croire, on finit par douter de tout, cela devient de plus en plus difficile de se faire une opinion, ce qui nous emmène droit vers le fascisme », dit Jean-Yves Gosset, en reprenant l'idée développée par la politologue Hannah Arendt.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Souterrain
Valérie Bah | Préface de Stéphane Martelly
Parution le 11 novembre 2025 au Québec
Parution le 6 mars 2026 en Europe
« Quatre ans après son recueil de nouvelles Les enragé·e·s, Valérie Bah continue d'orchestrer un chœur protéiforme. Son regard sur le monde est toujours aussi incisif, sa plume, acérée. »
Amélie Revert, Le Devoir
Chute-à-Tréfonds est un quartier sujet à toutes les prédations. Qu'il s'agisse de la gentrification agressive de la ville au nom pompeux de Nouveau Stockholm ou des ambitions postmodernes d'une cinéaste documentariste, les périls sont nombreux. Et pourtant, dans ce roman polyphonique à la plume acérée et à l'humour mordant, voici que les habitant·es trouvent malgré tout à vivre et à résister.
« Ma seule consolation, même si ça ne marche pas et qu'on est tous évincés, for real, c'est que même si le monde tire un avantage en nous considérant comme petits et insignifiants, notre petitesse nous rend géants. Comme des étoiles. Tu sais quelle est la taille d'une étoile ? Nos ancêtres le savaient. Mais trop d'entre vous pensent à l'échelle humanoïde caucasienne. Petit et linéaire. Plat comme leurs culs. Pourtant, notre planète est immense et ronde. Ceux qui prétendent être les plus grands et les plus importants se trompent sur l'échelle de l'univers. Ils oublient leur place dans l'équation. Passés à côté. Trop occupés à rendre les choses transparentes. » Mikaela Simms
Valérie Bah est un·e artiste et cinéaste qui réside à Tio'tia:ke / Mooniyang (connue sous le nom colonial de « Montréal »). Alimenté par la pensée féministe Noire, son travail s'intéresse aux résistances Noires, queers et trans ainsi qu'aux actes banals et radicaux de survie.
Dans les décors superposés de la ville du Nouveau Stockholm et de Chute-à-Tréfonds, Valérie Bah fait remonter à la surface ces racines souterraines qui relient les destinées comme des vases communicants. Ces tunnels qui s'étoilent sous la ville-chantier ne sont pourtant jamais aperçus, pas plus que les réseaux nerveux et sanguins ne transgressent le grain serré de la peau. Malgré tous les efforts, ils ne sont peutêtre pas captables. Et pourtant, c'est tatouées sur l'épiderme des peaux, dans le ventre secret des quartiers que persistent les « résistances affectives » les plus fortes et les plus inattendues. — Stéphane Martelly, préface
******
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Un village au Parlement
Valérie Lapointe
Préface de Luc Turgeon
Résumé
Comment expliquer que les communautés LGBTQ+ autrefois criminalisées soient désormais courtisées par les partis politiques en période électorale et possèdent des structures internes de représentation au sein des partis politiques – autant ceux de gauche que de droite ? Comment expliquer la présence de tous les partis politiques aux événements de la Fierté lors de certaines périodes estivales et l'absence de certains partis politiques à d'autres moments ? Quel genre de stratégie le mouvement social a-t-il mis en place pour obtenir autant de gains pendant une période aussi courte dans l'histoire de la démocratie canadienne ?
Alors que plusieurs chercheur·es se sont penché·es sur le nouveau phénomène social que constitue la présence des communautés LGBTQ+ dans la démocratie canadienne, cet ouvrage est le premier à retracer l'histoire de la relation que le mouvement LGBTQ+ a construite et entretenue avec les partis politiques au Canada de 1960 à 2019. Il explore deux dimensions clés de la relation : la mobilisation du mouvement dans l'arène partisane et la réactivité des partis à cette mobilisation.
Appuyé sur des entrevues, des plateformes électorales, des archives et des médias, Un village au Parlement : la mobilisation LGBTQ+ dans l'arène partisane canadienne (1960-2019) met en lumière les dynamiques complexes entre revendications identitaires et calculs électoraux.
L'ouvrage s'adresse aux chercheur·es en science politique, aux militant·es LGBTQ+, aux étudiant·es en études de genre, aux historien·nes du Canada contemporain, et à toute personne intéressée par les dynamiques entre mouvements sociaux et institutions politiques.
******
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Comptes rendus de lecture du mardi 18 novembre 2025
Les nourritures terrestres et Les nouvelles nourritures
André Gide
André Gide a écrit « Les nourritures terrestres » dans la fin de la vingtaine et « Les nouvelles nourritures » trente-huit ans plus tard, dans la fin de la soixantaine. Elles ont toutes deux été considérées au début du dernier siècle comme des chefs-d'œuvre de la littérature. J'ai pour ma part préféré « Les nouvelles nourritures », qui sont les sages paroles d'émancipation et de liberté d'un vieil homme aux plus jeunes.
Extrait :
O toi pour qui j'écris – que j'appelais autrefois d'un nom qui me paraît aujourd'hui trop plaintif : Nathanaël, que j'appelle aujourd'hui : camarade – n'admets plus rien de plaintif en ton coeur.
Sache obtenir de toit ce qui rende la plainte inutile. N'implore plus d'autrui ce que, toi, tu peux obtenir.
J'ai vécu ; maintenant c'est ton tour. C'est en toi désormais que se prolongera ma jeunesse. Je te passe pouvoir. Si je te sens me succéder, j'accepterai mieux de mourir. Je reporte sur toi mon espoir.
De te sentir vaillant me permet de quitter sans regrets la vie. Prends ma joie. Fais ton bonheur d'augmenter celui de tous. Travaille et lutte et n'accepte de mal rien de ce que tu pourrais changer. Sache te répéter sans cesse : il ne tient qu'à moi. On ne prend point son parti sans lâcheté de tout le mal qui dépend des hommes. Cesse de croire, si tu l'as jamais cru, que la sagesse est dans la résignation ; ou cesse de prétendre à la sagesse.
Camarade, n'accepte pas la vie telle que te la proposent les hommes. Ne cesse point de te persuader qu'elle pourrait être plus belle, la vie ; la tienne et celle des autres hommes ; non point une autre, future qui nous consolerait de celle-ci et qui nous aiderait à accepter sa misère. N'accepte pas. Du jour où tu commenceras à comprendre que le responsable de presque tous les maux de la vie, ce n'est pas Dieu, ce sont les hommes, tu ne prendras plus ton parti de ces maux.
Ne sacrifie pas aux idoles.
Attention chien dangereux
Lise Vadnais
« Attention chien dangereux » est un vibrant plaidoyer en faveur d'un strict contrôle des chiens de type pitbull au Québec. Rédigé par Lise Vadnais, dont la sœur Christiane est morte en 2016 de manière atroce des attaques d'un pitbull, l'essai s'appuie sur une recherche exhaustive et sur des études et statistiques à la fois troublantes et convaincantes. On apprend cependant assez vite qu'il existe un vaste lobby pro-pitbull, ici et ailleurs, qui n'hésite pas à produire des documents de façon frauduleuse et à mentir pour éviter que l'on classe les pitbulls dans une catégorie à part, comme chiens dangereux, et qu'on en interdise, même progressivement, la présence au Québec – comme l'a fait l'Ontario, un très grand nombre de pays dans le monde et un très grand nombre d'États américains. Un dossier où la SPCA déshonore.
Extrait :
Pendant ce temps, le chien bondit à nouveau sur Christiane. Il vise sa gorge, son visage. Effrayée, elle a le réflexe de se protéger de son bras gauche. Le rapport du coroner révélera un peu plus tard l'état de ce bras : lacéré jusqu'à l'os. Sentant son sang couler, Christiane se met à paniquer, mais croit encore que le chien finira par la lâcher et retournera là d'où il vient. Elle se demande encore comment il a fait pour entrer dans sa cour et envisage de se rendre à la porte de la clôture pour le faire sortir. Oui, voilà, se rendre à la porte, l'ouvrir, faire sortir le chien. Refermer sur lui la porte, se mettre à l'abri. Puis elle pourra appeler le 911. Pour sa jambe, sa jambe qui saigne. Ce n'est probablement rien, qu'une blessure superficielle qui guérira rapidement. Il faudra qu'elle demande aux ambulanciers de ne contacter personne de sa famille. Surtout pas sa fille. Émilie. Ne pas inquiéter Émile, la protéger. Protéger Émilie.
Le chien recule, la dévisage de ses yeux noirs et ronds comme des billes. C'est à cet instant précis qu'elle comprend que non, elle n'aura pas le temps de se rendre jusqu'à la clôture. C'est à cet instant précis que la peur s'installe. Dans un dernier sursaut de conscience, elle décide de retourner à l'intérieur. Mais à peine a-t-elle posé le pied sur la première marche de l'escalier de sa terrasse que le chien, sans prévenir, récidive. Jambe droite, jambe gauche. Mordre, secouer, arracher. La douleur est si intense qu'elle en tremble. Et sur son beau visage, les larmes coulent, sans qu'elle puisse rien faire pour les contenir. Des larmes d'effroi et de désespoir.
Christiane s'effondre. Sa tête va cogner contre le bois de la seconde marche. De sa main droite, elle s'agrippe à la rampe d'escalier. Une douleur fulgurante lui coupe le souffle, probablement lorsque le chien, qui la secoure comme une poupée de chiffon, lui fracture le péroné. Et puis, il y a le sang, le sang imbibant son chemiser rose, le sang par terre, sur l'escalier, sur les dalles et aussi un peu plus loin, sur le gazon. Du sang, son sang. Elle pense à Émilie, se dit qu'il ne faut pas qu'Émlie voie ça, qu'il ne faut pas qu'Émilie s'inquiète. S'affolant, elle voudrait crier à nouveau à l'aide, mais n'en a plus la force. Avant de fermer les yeux, elle regarde ses jambes, son bras gauche, son corps qui ne lui appartient plus.
Son corps déchiqueté, son sang répondu sur le gris des dalles et sur le vert du gazon, son cœur qui vient ce cesser de battre.
Avril rouge
Santiago Roncagliolo
Traduit de l'espagnol
Ce roman se déroule au Pérou dans le contexte de la lutte armée entre l'État péruvien et le Sentier lumineux. La violence et la cruauté s'y déploient de part et d'autre sans que nous sachions trop où tout cela va nous mener. C'est d'ailleurs ce portrait réaliste et honnête de la situation d'alors qui donne toute sa valeur au roman. Un corps est retrouvé calciné, une croix sanglante tracée à la hache sur le front. Félix Chacaltana, substitut du procureur dans la ville d'Ayacucho, s'interroge...
Extrait :
Vous m'avez demandé si je croyais au Ciel. Je crois à l'enfer, monsieur le substitut. J'y vis. L'enfer, c'est de ne pas pouvoir mourir.
Vivre pour la raconter
Gabriel García Márquez
Traduit de l'espagnol
J'ai toujours aimé les histoires et les récits d'enfance et de jeunesse, que ce soit celles de Renan, de France ou de Tolstoï. Dans son autobiographie « Vivre pour la raconter », l'écrivain colombien Gabriel García Márquez nous raconte ses années de jeunesse à Aracataca, avec ses parents, ses grands-parents, ses nombreux frères et sœurs, puis ses études et ses débuts dans la littérature et le journalisme, jusqu'à son départ pour l'Europe au début de la trentaine. Il nous fait découvrir avec joie la Colombie de l'époque, celle des années 1940 et 1950, avec ses rêves et ses déceptions, ses joies et sa persévérance, malgré l'emprise de gouvernements conservateurs corrompus (soutenus par les États-Unis). Comme ses romans « L'amour au temps du choléra » et « Cent ans de solitude », « Vivre pour la raconter » est un bouquin de vie, de folie et d'espoir. On en sort transformé.
Extrait :
Barranquilla était cela : une ville qui ne ressemblait à aucune autre, surtout de décembre à mars, quand les alizés du nord compensaient la chaleur infernale de la journée par des bourrasques nocturnes qui tournoyaient dans les patios et emportaient les poules dans les airs. Seuls restaient ouverts les hôtels de passe et les cantines de mariniers près du port. Quelques oiselles de nuit attendaient des heures durant la clientèle toujours incertaine des bateaux du fleuve. Un orchestre de cuivre jouait sur le bord de mer des valses langoureuses que personne n'entendait car elles étaient couvertes par les hurlements des chauffeurs de taxi discutant de football parmi les voitures à l'arrêt sur le paseo Bolívar. Le seul endroit accueillant était le café Roma, une taverne de réfugiés espagnols qui restait toujours ouverte pour la bonne raison qu'elle n'avait pas de portes. Elle n'avait pas non plus de toit dans cette ville fouettée par des averses torrentielles, mais personne ne s'est jamais plaint de n'avoir pu manger une omelette aux pommes de terre ou parler affaires à cause de la pluie. Avec ses petites tables rondes peintes en blanc, ses chaises de fer à l'ombre des acacias en fleur, c'était un havre de paix en plein air. Vers onze heures du soir, après le bouclage des journaux du matin, El Heraldo et La Prensa, les rédacteurs s'y retrouvaient pour dîner. Les réfugiés espagnols arrivaient bien avant, vers sept heures, après avoir écouté chez eux le journal parlé du professeur Juan José Pérez Domenech, qui continuait à diffuser des nouvelles de la guerre d'Espagne alors qu'elle était finie depuis douze ans. Une nuit de chance, l'écrivain Eduardo Zalamea y avait jeté l'ancre en revenant de la Guajira et s'était tiré une balle dans la poitrine, sans conséquences graves. La table devint une relique historique que les serveurs montraient aux touristes sans leur permettre de s'y asseoir. Des années plus tard, Zalamea a publié sa mésaventure dans Cuatro años a bordo de mí mismo, un roman qui a ouvert à notre génération des horizons jusqu'alors insoupçonnés.
******
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre
La légèreté comme prière !
Deux fois, je me suis rendu sur place. Il fallait que je « checke ça », comme on dit chez nous. À cet endroit précis de Montréal, où les saisons d'ordinaire se déposent avec la nonchalance des touristes, une autre météo s'était installée. Un front lourd, épais, presque gras. Des prieurs et des anti-prieurs, deux cortèges dressés face à face, séparés seulement par la mince écluse d'une police elle-même traversée par l'ambiguïté des directives. On aurait dit qu'une guerre ancienne, tribale, souterraine, venait soudain remonter à la surface.
Une petite guerre civile se jouait là, en plein centre-ville de Montréal. Des slogans claquaient comme des gifles, des drapeaux québécois s'empêtraient dans le vent en brandissant l'idée d'une identité menacée, tandis que, de l'autre côté, on appelait à la prière avec la conviction que seul un geste vers Dieu pourrait arrêter les massacres à Gaza. Dans les deux camps, personne n'écoutait personne, parce que personne ne s'adressait réellement à l'autre.
Et pourtant, tous vivent sous le même ciel, respirent le même air. Leurs enfants fréquentent les mêmes écoles, ou du moins le même système scolaire. Ils versent les mêmes impôts et, comble d'ironie, empruntent souvent le même itinéraire pour affirmer une solidarité censée les unir autour d'une noble et juste cause. Mais la prière des uns a semblé dresser un mur d'incompréhension chez les autres. Peut-être cette ferveur exhibée sur la voie publique a-t-elle ravivé, chez certains, les échos d'un passé traumatisant dans leur rapport à l'institution religieuse.
Ce n'était sans doute pas la seule explication. Dans le camp des anti-prières de rue, quelques musulmans eux-mêmes s'opposaient à cette démonstration de la foi, lassés de la religion affichée et obligatoire dans les pays qu'ils avaient quittés. Et dans le camp des prieurs, des non-musulmans formaient une sorte de cordon, soucieux d'assurer la sécurité du rassemblement. Les choses, en vérité, ne sont jamais aussi tranchées que certains chroniqueurs veulent bien le faire croire.
Et moi, je suis là, oscillant d'un groupe à l'autre. Je me sens à la fois pleinement des leurs, de tous les leurs, et pourtant étranger à ce communautarisme religieux et idéologique qui se joue devant mes yeux, comme si la scène m'absorbait tout en me rejetant hors d'elle. Si, avant de prier, les prieurs m'avaient demandé mon avis, j'aurais sans doute conseillé de ne pas le faire. Pour cinq raisons, qui n'ont rien à voir avec la laïcité comme telle, puisque la laïcité concerne d'abord les institutions de l'État et non les citoyens dans l'espace public :
1- Prier à l'heure dans un espace publique, ce n'est pas une obligation religieuse.
2- L'espace public devient un obstacle pour la circulation des passants, même si la prière ne dure pas longtemps.
3- Une telle démonstration ouvre la voie à des partis politiques, des médias et des groupes identitaires, de droite et d'extrême droite, qui n'attendent que cela pour instrumentaliser le geste à des fins autrement moins nobles que la solidarité avec la Palestine. Ces prières de rue ont ouvert la voie à un populisme de trottoir !
4- La cause palestinienne mérite une stratégie de lutte plus intelligente et plus rassembleuse.
5- En définitive, ces démonstration n'ont fait que nuire davantage aux musulmans qui souffrent déjà d'une presse souvent hostile et de préjugés tenaces qui n'attendent qu'un prétexte pour se raviver.
Mais personne n'a frappé à ma porte. Résultat : la lourdeur était telle devant la basilique Notre-Dame qu'elle semblait descendre du ciel en plaques de plomb. Oui, ça sentait la crise, celle qui traverse une civilisation lorsque les hommes ne savent plus se reconnaître.
Dans la scène devant moi, j'entendais deux discours communautaristes qui ne peuvent que nuire au vivre-ensemble. D'un côté, les identitaires qui le disent sans détour, pas besoin d'immigrants, surtout pas de musulmans, pour faire le Québec et la souveraineté du Québec. De l'autre, j'entendais : pas besoin de non-musulmans pour défendre la cause palestinienne. Certes, ces deux discours demeurent pour l'instant minoritaires, mais ils tendent à prendre de plus en plus de place dans les narratifs ambiants.
Et pourtant, au milieu de ce théâtre divisé par un rideau de fer, un détail minuscule attira mon attention. Dans le camp des anti-prières de rue, une seule personne portait le même keffieh palestinien que beaucoup de prieurs arboraient. Le même tissu, les mêmes motifs, la même mémoire en étoffe. Un signe partagé, visible comme une ironie silencieuse. C'est ce fil ténu, presque imperceptible, qui m'a inspiré la scène qui suit, scène que, j'ose croire, je n'ai pas entièrement inventée.
« Puis-je me joindre à vous ? » La question paraît anodine, banale. Et pourtant, elle résonne dans l'air comme une note claire au milieu du bruit du monde. Elle surgit sur un trottoir, à quelques pas d'une basilique, où un groupe d'hommes s'apprête à prier. Les tapis sont étendus, les visages tournés vers la même direction. Le temps se suspend, un souffle collectif s'organise. Et voilà qu'un homme, d'apparence non musulmane, probablement de culture chrétienne, s'avance et pose cette question : « Puis-je me joindre à vous ? ». Il voulait simplement placer un mot inattendu dans un moment et un endroit tout aussi inattendus.
Ce geste léger n'a rien d'un hasard. Il vient d'une conviction profonde, seule la légèreté peut sauver le monde. Plus qu'une conviction, c'est un savoir-vivre, le sien. Le mien.
La lourdeur a envahi les existences, alourdissant chaque geste, chaque pensée, chaque émotion. Depuis que la terre est devenue une propriété, l'humanité s'est perdue. Elle a cessé d'habiter le monde pour le posséder. Avant, la terre était un jardin ; elle n'avait pas besoin de barbelés, de titres ni de trottoirs. Mais un jour, l'homme a voulu marquer son territoire, tracer des frontières, dresser des murs. Alors la pesanteur s'est installée. À partir de là, tout s'est mis à peser, le regard, le jugement, la peur, le besoin de dominer. Le ventre a pris le pouvoir sur le cerveau. Le désir a remplacé la paix. L'esprit, encombré de convoitises, ne sait plus s'élever. Il faut redevenir léger.
La légèreté, pourtant, n'est pas une fuite. Elle n'est ni renoncement ni oubli. C'est un mouvement intérieur par lequel on se défait de la lourdeur des certitudes, de la gravité stérile des convictions qui se veulent absolues. Être léger, c'est comprendre sans vouloir posséder. C'est respirer sans retenir son souffle. C'est dire sans chercher à avoir raison. C'est sourire et faire sourire quel que soit la situation. La légèreté libère l'âme de la nécessité d'avoir toujours le dernier mot. Elle rend le monde plus poreux, plus disponible à l'imprévu. C'est dans cet esprit que l'homme a posé sa question, « Puis-je me joindre à vous ? ». La phrase a glissé sur le groupe comme une brise. Certains ont souri, d'autres ont ri. Tous ont été surpris. La lourdeur aurait voulu qu'il y ait tension, méfiance, justification. Mais la légèreté a pris le dessus.
« Bien sûr, avec plaisir », ont-ils répondu, presque d'une seule voix. Presque, l'unanimité serait trop belle. De tous ces hommes, un seul a signifié son désaccord en se retirant du groupe, « Prier avec un mécréant, jamais », a-t-il chuchoté avant d'aller prier seul quelque part sur un autre trottoir. L'un des hommes s'est avancé pour expliquer à celui qui voulait se joindre à eux que sa prière serait mieux reçue s'il faisait d'abord les ablutions d'usage et prononçait une petite phrase, une simple clé d'entrée vers le divin. L'homme demanda s'il pouvait prier à sa façon, en se tenant auprès du groupe « Je ne veux pas me convertir, je veux juste me joindre à vous avec ma propre prière pour Gaza ». Devant cette drôle de demande, un autre homme a lancé « Vous n'avez aucunement besoin de notre permission, le ciel est à Dieu, le trottoir est à tous ».
L'homme ne s'attendait pas à cette ouverture. Il n'avait pas prévu la bienveillance. Dans son esprit, il voulait engager un petit débat sur la pertinence de prier dans un lieu de passage, par une question légère. Et voilà que la réponse l'est tout autant. Il voulait peut-être souligner, d'une façon douce, une incongruité. C'est l'humanité qui lui a répondu. Le voici debout à côté de ces hommes qui se prosternent dans la même direction.
Un détail, pourtant, explique peut-être la douceur de cette scène. L'homme portait un keffieh palestinien. Il était venu, comme eux, manifester pour Gaza. Il partageait leur peine, leur colère, leur solidarité. La prière et la protestation se rejoignaient, l'une tournée vers Dieu, l'autre vers la justice. Dans cet entrelacement de gestes, la frontière des croyances s'est dissoute, ne laissant place qu'à une fraternité d'intention. Et cette fraternité, fragile mais réelle, avait la légèreté du vent sur les visages.
Le soir, dans son lit, l'homme n'était pas devenu musulman. Il ne s'était converti à rien d'autre qu'à la légèreté. Il se sentait simplement plus vivant, plus léger d'avoir parlé, d'avoir osé, d'avoir rencontré des regards. Il avait mis des prénoms sur des inconnus, et cela suffisait à rendre le monde moins lourd.
Il avait compris quelque chose d'essentiel. On ne connaît pas les gens avec qui l'on marche tant qu'on ne leur parle pas. Et pourquoi pas, par la même occasion, partager leur douleur et leur espérance, le temps d'une prière. Rien n'ouvre mieux un cœur qu'une question inattendue, posée sans calcul, avec cette élégance de l'esprit qui sait sourire là où d'autres s'indignent.
Quant à ces hommes qui priaient, ils ont assuré à cet homme que par leurs prières, ils n'avaient nullement l'intention d'instituer une habitude, encore moins une tradition. Leur prière sur le trottoir n'était qu'une coïncidence, une rencontre entre l'heure de la manifestation et celle de la prière. Certes, rien ne les obligeait à le faire là, dans un lieu de passage, même pas la religion. Mais ils se sentaient tellement impuissants devant Gaza, il ne leur restait qu'une prière comme slogan de solidarité.
L'un d'eux ajouta : « Chaque manif dans le monde pour Gaza, c'est déjà une prière, et chaque prière, c'est une marche, une manière de dire notre solidarité pour que l'horreur s'arrête et que la paix revienne, inch'Allah. Tu nous demandes si tu peux te joindre à notre prière… mais regarde, juste en portant ce keffieh sur toi, tu es déjà avec nous, et nous, on est avec toi. Voilà, la messe est dite, non ? », à ces derniers mots, l'homme n'a pu s'empêcher de rire à haute voix.
Pour ajouter à la légèreté, il fit une suggestion, « Regardez donc, juste à votre droite, y'a un lieu de prière, une basilique qui reçoit pas mal plus de touristes que de gens qui viennent vraiment prier. À la prochaine manif, moi je vous dirais de demander à l'archevêque de Montréal s'il peut vous laisser entrer pour faire votre prière là. Il s'oppose pas pantoute à ce que vous priez, il est même venu en personne vous donner sa bénédiction. Rappelez-lui donc que le mot Allah, c'est juste la traduction du mot Dieu, le même pour les chrétiens, les musulmans pis les juifs. Et tant qu'à y être, vous pourriez même lui proposer de se joindre à vous »
Dans les paroles de cet homme, la légèreté comme prière retrouvé sa place, la plus inattendue.
Mohamed Lotfi
13 Novembre 2025
******
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre
Des cadeaux de Noël de seconde main
L'achat de cadeaux de seconde main pour Noël est une bonne façon de poursuivre la tradition des cadeaux des fêtes sans miner son porte-monnaie et sans tomber dans les abus délétères pour la planète.
Si vous avez des jeunes qui souffrent d'éco-anxiété ou des plus vieux qui sont sensibilisés aux problèmes environnementaux, l'achat de cadeaux de seconde main pour les fêtes est une excellente façon de répondre à leurs préoccupations. Ces achats sont bons pour l'environnement et en plus c'est une excellente façon d'acheter local. En effet, même si l'objet a été fabriqué en Chine, par exemple, son achat d'occasion devient local, car tous les bénéfices restent au Québec. Même que, dans la plupart des cas, ce sont des organismes sans but lucratif qui tiennent les magasins d'objets de seconde main, alors il y a des retombées additionnelles sociales positives.
Un grand choix de cadeaux s'offre à vous dans le commerce de seconde main. Que ce soit des articles de sport, CD, DVD, jeux vidéo, bijoux, livres, vêtements, meubles, antiquités, articles pour la cuisine, appareils électriques, etc., vous pouvez trouver presque tout dans une version d'occasion.
Il existe plusieurs endroits où l'on peut se procurer ces objets. Mentionnons les marchés aux puces, les encans, les comptoirs caritatifs, les friperies, les ressourceries, les annonces classées, les babillards et finalement les différents outils de diffusion sur Internet principalement Kijiji et Facebook Marketplace. De plus, récemment, s'est ajoutée, à Montcalm dans la région de Québec, la vente en ligne d'une grande variété d'objets par l'organisme « Nos choses ont une deuxième vie » sur le site www.noschoses.org.
Il faut vaincre certains préjugés quand il s'agit d'offrir des cadeaux seconde main. Toutefois, quand on comprend les bénéfices pour l'environnement, on peut facilement obtenir la reconnaissance de ceux à qui on offre un tel cadeau. De plus, on peut souvent offrir des cadeaux plus gros ou plus nombreux, car les prix dans l'occasion sont de 50 à 75% plus bas que ceux des objets neufs. En ces temps difficiles d'inflation, n'est-ce pas une voie raisonnable à explorer ?
Offrir des cadeaux de Noël de seconde main est une excellente façon de réduire la pression sur la planète en diminuant l'extraction de ressources naturelles, les dépenses pour la fabrication, le transport, la vente puis la production de déchets. On dit souvent que pour vaincre les changements climatiques il faut changer notre mode de vie. Acheter des cadeaux de seconde main est une excellente façon d'y contribuer tout en étant doux pour votre portefeuille.
Pascal Grenier sec.-très.
Nos choses ont une deuxième vie
******
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre
Rationalité et idéologie : Quand la deuxième...
Rédigé par Mohamed LOTFI le Lundi 17 Novembre 2025
Qu'il s'agisse de la Palestine, du Sahara, d'un écrivain comme Boualem Sansal, de la souveraineté d'un pays, d'un peuple, de l'identité, de la laïcité, des prières de rue ou de bien d'autres sujets encore, il semble aujourd'hui impossible d'échapper à la récupération idéologique. Chaque thème devient prétexte à confirmation, non pas d'une réflexion, mais d'un camp. Cette mécanique rend extrêmement difficile l'exercice d'une pensée véritablement libre.
Ali Ahmad Saïd Esber, alias Adonis
Dans l'espace public contemporain, la pensée n'est plus ce qui anime les débats. Ce sont les opinions qui règnent, et la nuance entre pensée et opinion s'efface, souvent au profit de la plus bruyante, de la plus réactive. On pourrait même dire que les avalanches d'opinions, immédiates, impulsives, jetées au milieu du vacarme numérique, ne laissent aucune chance à la pensée de s'installer, de se construire, de circuler et d'évoluer pour tendre vers un horizon commun, celui du bien commun ou de l'intérêt général.
Il suffit d'observer les commentaires qui s'enchaînent sur les réseaux sociaux pour comprendre à quel point cette confusion est devenue la norme. Beaucoup confondent opinion et pensée, comme si elles relevaient de la même démarche, du même niveau d'exigence ou de la même profondeur. C'est précisément l'inverse.
Une opinion, c'est une idée toute faite, une position spontanée, qui ne ressent pas le besoin de se nourrir d'arguments solides ni de se confronter au réel. Elle s'énonce sans précautions, sans doute, sans références, souvent c'est l'émotion qui est son moteur. Elle existe surtout parce qu'elle rassure celui qui l'exprime, elle confirme ce qu'il croit déjà.
Une pensée, au contraire, est le fruit d'une démarche. Elle exige du temps, de la nuance, de l'histoire, des faits, des dates et tout ce qui permet de mettre une idée à l'épreuve. La pensée accepte l'incertitude comme condition de possibilité. Elle ne cherche pas à s'enfermer dans une certitude confortable, mais à explorer le monde en évitant les raccourcis. Elle n'a que faire des bons sentiments. Elle se construit, s'ajuste, se transforme, parfois même se contredit, car elle reconnaît la complexité du réel.
Aujourd'hui, l'idéologie triomphe précisément parce qu'elle propose des opinions instantanées plutôt que des pensées construites. Elle offre un cadre simple, souvent binaire, où chacun peut trouver sa place sans effort intellectuel. Mais ce triomphe a un coût : celui de la liberté intérieure, celle qui permet de penser par soi-même. Or, sans cette liberté, la discussion publique se réduit à une suite d'affrontements stériles, incapables de produire du sens, encore moins du commun.
Retrouver la pensée, c'est donc renouer avec l'exigence : accepter la lenteur, la complexité, le doute, la contradiction. C'est refuser que chaque sujet devienne un drapeau idéologique. C'est remettre au cœur du débat non pas l'emportement, mais la recherche partagée d'une vérité toujours imparfaite, toujours en mouvement.
C'est peut-être cela, aujourd'hui, le véritable acte de résistance.
Pour bien illustrer cette réflexion par un exemple concret, il serait tentant de choisir l'un des sujets brûlants évoqués plus haut. Mais ce serait justement retomber dans l'écueil dénoncé, celui où le simple fait de nommer un thème contemporain suffit à déclencher un déferlement d'opinions instantanées, au détriment de toute pensée véritable. Pour éviter cela, mieux vaut remonter dans le temps et choisir une période où la pensée a pu, précisément, se déployer avec une intensité remarquable malgré les embûches.
Arrêtons-nous donc au XVIIᵉ siècle, moment charnière associé à l'héritage de la Renaissance européenne et à l'essor de l'âge classique. Si cette époque a profondément marqué l'histoire intellectuelle de l'Europe, c'est qu'elle fut une célébration de la pensée. Jamais les philosophes n'avaient été aussi écoutés. Jamais la raison n'avait occupé une place aussi centrale dans les débats. Le rationalisme naît alors non seulement comme méthode, mais comme véritable éthique. Penser devient un engagement envers la vérité, et non envers un camp.
Après Descartes, figure fondatrice du rationalisme, un autre penseur va pousser plus loin encore l'exigence de liberté intellectuelle. Baruch Spinoza. Philosophe hollandais d'origine juive portugaise, il incarne à lui seul ce que signifie penser envers et contre tout. Sa pensée demeure aujourd'hui fascinante non seulement pour sa profondeur conceptuelle, mais pour la liberté inouïe dont elle témoigne. Spinoza ose penser Dieu autrement, non comme une entité extérieure au monde, mais comme la substance même de toute réalité. Une position radicale, audacieuse, qui refuse toute soumission aux orthodoxies.
Cette liberté, Spinoza la paiera cher. Excommunié de sa communauté, menacé de mort, il quitte Amsterdam pour se réfugier à Rijnsburg. C'est là qu'il poursuivra, en solitaire, son travail philosophique. Et c'est là aussi qu'il gagnera sa vie en exerçant un métier humble, mais essentiel pour la science naissante, polisseur de lentilles et de verres optiques. Il était réputé pour l'excellence exceptionnelle de son travail, au point que des savants de toute l'Europe utilisaient ses lentilles pour construire microscopes et télescopes.
Ce métier n'était pas seulement une source de revenus. Il était aussi, pour Spinoza, une discipline intérieure. Le geste lent, patient, méticuleux du polissage, reprendre, ajuster, affiner, recommencer, nourrissait sa pensée. Comme si cet exercice manuel, exigeant et rigoureux, devenait la métaphore concrète de son travail intellectuel. Polir une lentille, c'est permettre au regard de voir plus loin et plus juste ; polir une idée, c'est permettre à la pensée de devenir plus claire, plus précise, plus fidèle au réel. Chez Spinoza, ces deux gestes se rejoignent, se renforcent, la main qui polit éclaire l'esprit, et l'esprit qui réfléchit guide la main.
C'est seulement après sa mort que paraîtra son œuvre majeure, L'Éthique, publiée en 1677. Ce livre unique, construit comme un traité de géométrie, deviendra l'un des monuments de la philosophie européenne. Tous les penseurs qui lui succéderont, Leibniz, Hegel, Nietzsche, Freud, Deleuze, entre autres, seront, d'une manière ou d'une autre, influencés par ce philosophe autodidacte qui n'a jamais laissé une idéologie obscurantiste barrer la route à la pensée.
Spinoza incarne ainsi un modèle rare, celui d'un esprit libre, qui refuse les certitudes faciles, qui travaille la pensée comme on polit une lentille, patiemment, rigoureusement, humblement. Un rappel précieux pour notre époque saturée d'opinions rapides, la liberté intellectuelle ne s'improvise pas, elle se construit. Elle demande un effort, une discipline, un courage que Spinoza, par sa vie comme par son œuvre, n'a cessé de montrer.
Dans ces temps troublés où l'idéologie triomphe trop facilement, je me permets de vous recommander vivement l'ouvrage de Frédéric Lenoir consacré à Spinoza, Le miracle Spinoza, une philosophie pour éclairer notre vie.
Une autre époque où la pensée a connu son heure de gloire. On retrouve un autre moment de ce souffle intellectuel au tournant du XXᵉ siècle, au Moyen-Orient, notamment en Égypte et au Liban. Là, une constellation d'écrivains, de penseurs, de philosophes et de poètes, Taha Hussein, Abbas Mahmoud al-Akkad, Mikhaïl Naïma, Gibran Khalil Gibran, Maarouf al-Rusafi, Mohamed Abduh, Jamal ad-Din al-Afghani et bien d'autres encore, ont incarné ce que signifie penser à contre-courant de son époque. Ce fut une véritable renaissance arabe, un mouvement de libres penseurs qui, souvent au prix de leur tranquillité et parfois de leur sécurité, ont osé bousculer l'ordre établi. Leur héritage, immense, irrigue encore aujourd'hui la pensée de générations entières.
Mais que reste-t-il aujourd'hui de cette liberté intellectuelle que l'on tenait jadis pour un phare, une respiration, une promesse ? Où se tapit encore la pensée vraiment libre, celle qui dérange, qui éclaire, qui fend l'obscurité pour y tracer des passages inédits ? L'espace public bruisse des mêmes voix, celles de Zemmour, de BHL ou de MBC, silhouettes médiatiques qui occupent toute la scène et relèguent dans la pénombre les esprits plus profonds, plus exigeants, plus dérangeants.
Pour rencontrer un véritable penseur indépendant, il faut s'aventurer dans les marges, les sous-sols, les arrière-salles où veillent encore quelques irréductibles, Au Québec, Alain Deneault, Norman Baillargeon, Serge Bouchard… En France, Edgar Morin, Manuel Tod, Jacques Derrida… En Amérique, Noam Chomsky, infatigable démolisseur de certitudes, dont la lucidité reste une boussole dans la tempête. Et dans le monde arabe, Au Maroc, le défient Mohamed Abed El Jaberi et de la syrie, résident en France, le toujours vivant Adonis, poète et libre penseur, l'incompris splendide, dressé seul face à l'immobilisme.
À 96 ans, sa parole libre, sa poésie insurgée, sa lucidité tranchante font de lui une montagne de sagesse et de rationalité. Certains régimes jugent Adonis trop dangereux pour franchir leurs frontières, signe, peut-être, qu'il dit ce qui doit être dit. Et pourtant, par sa critique implacable du sommeil arabe, il rend aux siens le service le plus précieux, celui de les réveiller. Plus qu'un prix Nobel de la littérature, il mérite la reconnaissance des siens que l'histoire lui accordera tôt ou tard au même titre qu'un Moutanabbi ou un Farabi ou un Najib Mahfoud.
Je me garderai de citer ici d'autres penseurs libres contemporains, non par oubli, mais pour ne pas attirer sur eux, ni sur moi, les foudres des idéologies dominantes.
Mohamed Lotfi
15 Novembre 2025
Source :
https://www.lopinion.ma/Quand-la-rationalite-dort-l-ideologie-triomphe_a73981.html
Rationaté et idéologie : Quand le deuxième triomphe de la premier !
lopinion.ma
******
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Monde. Les infrastructures liées aux combustibles fossiles mettent en péril les droits de deux milliards de personnes et des écosystèmes vitaux
- Un travail de cartographie inédit, associé à des recherches qualitatives menées dans plusieurs pays, révèle la gravité et l'ampleur des potentiels préjudices causés par l'industrie
- 520 millions d'enfants vivent dans un rayon de 5 km autour d'infrastructures liées aux énergies fossiles, notamment dans de potentielles « zones sacrifiées »
- Pollution et pillage culturel au moyen de la contrainte, l'intimidation et la délégitimation des défenseur·e·s des droits liés à la terre et à l'environnement
1 2 novembre 2025 | tiré du site d'Amnistie internationale
https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2025/11/global-fossil-fuel-infrastructecosystems-at-risk/ure-is-putting-rights-of-2-billion-people-and-critical-
Les infrastructures liées aux combustibles fossiles constituent un risque pour la santé et les moyens de subsistance d'au moins deux milliards de personnes, soit environ un quart de la population mondiale, écrivent Amnesty International et Better Planet Laboratory dans un nouveau rapport sur les préjudices causés par l'industrie des énergies fossiles au climat, aux personnes et aux écosystèmes à travers le monde.
Ce rapport, intitulé Extraction Extinction. Pourquoi le cycle de vie des énergies fossiles menace la vie, la nature et les droits humains, démontre que le cycle de vie complet des combustibles fossiles détruit des écosystèmes naturels irremplaçables et porte atteinte aux droits humains, en particulier à ceux des populations attenantes aux infrastructures de ce secteur. Il a été démontré que le fait de vivre à proximité d'infrastructures liées au charbon, au pétrole et au gaz augmente les risques de cancer, de maladies cardiovasculaires, de troubles de la reproduction et d'autres effets néfastes sur la santé. Amnesty International s'est associée au Better Planet Laboratory (BPL) de l'Université du Colorado, à Boulder, afin de réaliser une étude cartographique inédite visant à estimer l'ampleur potentielle des dommages causés à l'échelle mondiale par les sites actuels et futurs de production de combustibles fossiles.
L'ère des combustibles fossiles doit prendre fin dès à présent.
Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International
« L'industrie des combustibles fossiles, en constante expansion, met en danger des milliards de vies et transforme de manière irréversible le système climatique. Jusqu'à présent, il n'existait pas d'estimation à l'échelle mondiale du nombre de personnes habitant à proximité immédiate d'infrastructures liées à cette industrie. Le travail que nous avons réalisé avec Better Planet Laboratory (BPL) révèle l'ampleur considérable des risques que représentent les combustibles fossiles tout au long de leur cycle de vie. Les projets liés au charbon, au pétrole et au gaz accentuent le chaos climatique et portent préjudice aux humains et à la nature, a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International.
« Ce rapport démontre une fois de plus que les États et le secteur privé doivent impérativement sortir l'économie mondiale des énergies fossiles afin d'atténuer les pires impacts de la crise climatique sur les droits humains. L'ère des combustibles fossiles doit prendre fin dès à présent. »
À la pointe de la recherche et des calculs à l'échelle mondiale, Better Planet Laboratory (BPL) a cartographié l'ampleur de l'exposition aux infrastructures liées aux combustibles fossiles, en superposant les données sur les emplacements connus des sites de ces infrastructures et des données démographiques maillées, des ensembles de données qui sont des indicateurs d'écosystèmes vitaux, des données sur les émissions quotidiennes mondiales maillées et des données sur la propriété foncière des peuples autochtones. Ses conclusions sont peut-être en deçà de l'ampleur réelle au niveau mondial en raison des disparités dans la documentation sur les projets liés aux combustibles fossiles et des données de recensement limitées dans divers pays.
Ce rapport s'appuie également sur une recherche qualitative approfondie menée avec le concours de la Smith Family Human Rights Clinic, rattachée à la Faculté de droit de l'Université de Columbia, qui se fonde sur plus de 90 interviews, notamment de personnes directement touchées issues des communautés de pêche artisanale au Brésil (baie de Guanabara), de défenseur·e·s des terres autochtones au Canada (territoire des Wet'suwet'en) et de populations côtières au Sénégal (delta du Saloum), mais aussi d'universitaires, de journalistes, d'organisations de la société civile et de représentants gouvernementaux. En outre, il utilise des données en accès libre et la télédétection afin de corroborer et de visualiser les résultats, qui ont été complétés par les résultats et conclusions de précédentes recherches d'Amnesty International et des campagnes en cours contre les géants du pétrole et du gaz en Équateur, en Colombie et au Nigeria.
Un nombre ahurissant de personnes exposées
Au moins 2 milliards de personnes vivent à moins de 5 km de plus de 18 000 sites d'infrastructures exploitant des combustibles fossiles répartis dans 170 pays à travers le monde. Parmi eux, on estime que plus de 520 millions sont des enfants et qu'au moins 463 millions vivent à moins d'un kilomètre de ces sites, ce qui les expose à des risques environnementaux et sanitaires encore accrus.
Les peuples autochtones sont exposés de façon disproportionnée, plus de 16 % des infrastructures mondiales liées aux combustibles fossiles étant situées sur leurs territoires. Au moins 32 % des sites actuels que nous avons cartographiés se trouvaient à cheval sur un ou plusieurs « écosystèmes vitaux ».*
L'industrie des combustibles fossiles continue de se développer : plus de 3 500 sites sont à l'étude, en cours de conception ou en construction dans le monde. Les chiffres de BPL laissent entendre que cette expansion pourrait mettre en danger au moins 135 millions de personnes supplémentaires. Notons que le nombre de projets pétroliers et gaziers devrait augmenter sur tous les continents, tandis que le nombre de mines et de centrales à charbon croît principalement en Chine et en Inde.
« Les gouvernements se sont engagés à éliminer progressivement les combustibles fossiles, mais il est désormais clairement démontré que de nouveaux projets liés à ces énergies se développent à travers le monde, tout particulièrement dans nos écosystèmes les plus vitaux. Cela va directement à l'encontre des objectifs climatiques déclarés », a indiqué Ginni Braich, experte en données au BPL, qui a dirigé la rédaction de l'article sur lequel s'appuient les conclusions du rapport.
Carte du monde avec des points colorés représentant les sites d'infrastructures d'énergies fossiles.
Carte de plus de 18 000 sites d'énergies fossiles connus et en activité, classés par couleur selon le type d'infrastructure.
Le coût humain de la production de combustibles fossiles
« Nous souffrons d'une fatigue intergénérationnelle liée à ce combat… Physiquement, nous ne tiendrons pas le coup. Sans jamais en avoir été les instigateurs, nous subissons pourtant de plein fouet la violence », a déclaré Tsakë ze' Sleydo' (Molly Wickham), défenseure du territoire Wet'suwet'en, au sujet de la construction imminente de nouvelles stations de compression destinées à accroître la rentabilité du gazoduc de Coastal GasLink (CGL) au Canada.
L'extraction, le traitement et le transport des combustibles fossiles portent atteinte aux droits fondamentaux des populations vivant aux alentours et entraînent de graves dégradations de l'environnement, des risques pour la santé et des pertes de culture et de moyens de subsistance.
Certains des groupes interrogés voient l'extraction comme une forme de pillage économique ou culturel, perpétré par le secteur privé au moyen de l'intimidation et de la coercition. « Nous ne sommes pas intéressés par l'argent, nous voulons seulement ce qui nous appartient. Nous voulons simplement pêcher dans la baie de Guanabara, c'est notre droit. Et ils nous enlèvent nos droits », a déclaré Bruno Alves de Vega, pêcheur artisanal urbain de Rio de Janeiro, au Brésil.
Tous les défenseur·e·s des droits environnementaux et des terres autochtones interrogés par Amnesty International étaient confrontés à de graves risques pour leur sécurité, souvent liés à des conflits avec des entreprises dont les activités menacent les modes de vie traditionnels et l'intégrité des écosystèmes.
L'ère des combustibles fossiles touche inévitablement à sa fin et les États doivent cesser de criminaliser les défenseur·e·s des droits liés à l'environnement qui luttent pour protéger leurs communautés.
Candy Ofime, chercheuse et conseillère juridique sur la justice climatique pour Amnesty International
Au-delà des menaces physiques et en ligne, les États et les entreprises livrent une guerre juridique, recourant à des poursuites judiciaires abusives, y compris des procédures pénales, afin de réduire au silence, délégitimer et intimider les défenseur·e·s. « Lorsque nous prenons la défense du Yin'tah (territoire des Wet'suwet'en), nous sommes criminalisés. Les injonctions civiles sont une arme légale coloniale, transformée en mécanisme visant à militariser notre communauté et à criminaliser notre peuple, et permettant aux entreprises de poursuivre leurs extractions destructrices sans le consentement des autochtones », ont déclaré d'autres défenseur·e·s des terres Wet'suwet'en.
Les populations attenantes aux infrastructures liées aux combustibles fossiles condamnent l'absence de véritable consultation directe et de transparence de la part des entreprises privées. Beaucoup ont expliqué ne pas pleinement comprendre l'étendue des activités des exploitants ni leurs projets d'expansion, et ont déclaré ne pas avoir consenti à des projets touchant leur territoire.
Les personnes interrogées par Amnesty International dans le delta du Saloum, au Sénégal, ont fait part de leurs préoccupations quant à la faible diffusion d'informations accessibles sur les potentiels impacts environnementaux et socio-économiques du projet Sangomar par les autorités et l'exploitant du projet, Woodside, grande entreprise australienne du secteur des énergies fossiles.
« Ces études de cas ne sont que quelques exemples d'un problème planétaire. La plupart des groupes touchés ont dénoncé le déséquilibre des pouvoirs entre leurs communautés et les entreprises exploitantes, ainsi que l'absence de recours utiles. L'ère des combustibles fossiles touche inévitablement à sa fin et les États doivent cesser de criminaliser les défenseur·e·s des droits liés à l'environnement qui luttent pour protéger leurs communautés, a déclaré Candy Ofime, chercheuse et conseillère juridique sur la justice climatique pour Amnesty International.
« Les États doivent enquêter sur les menaces physiques et en ligne ciblant les défenseur·e·s et mettre en place des programmes de protection solides afin de permettre aux voix critiques qui plaident en faveur d'une transition énergétique urgente et équitable d'apporter en toute sécurité leur contribution essentielle à l'action climatique. »
Destruction d'écosystèmes naturels irremplaçables
La plupart des projets étudiés ont créé des étendues extrêmement polluées, faisant des populations locales et des écosystèmes vitaux des « zones sacrifiées »**. L'extraction, le traitement, le développement des sites, l'acheminement et le démantèlement des combustibles fossiles ont causé ou risqué de causer des préjudices aux humains et à la flore et la faune, entraîné une pollution grave et des émissions de gaz à effet de serre, et abîmé des zones clés pour la biodiversité ou des puits de carbone.
En dépit des engagements pris aux termes d'accords internationaux sur le climat et des nombreux appels des Nations unies à sortir sans délai des combustibles fossiles, l'action des États demeure complètement insuffisante. Ces énergies représentent toujours 80 % de l'approvisionnement mondial en énergie primaire, tandis que l'industrie redouble d'efforts pour exercer une influence injustifiée dans les forums sur la politique climatique dans le but d'empêcher leur élimination rapide.
Nous devons résister collectivement et exiger que les dirigeants du monde respectent leurs obligations et leurs engagements. L'humanité doit triompher.
Agnès Callamard
« Les États doivent s'engager sans délai vers un abandon des énergies fossiles qui soit rapide, juste et doté des budgets nécessaires, et amorcer une transition juste vers des énergies renouvelables produites dans le respect des droits humains. Amnesty International lance un appel urgent à adopter et mettre en œuvre un traité de non-prolifération des combustibles fossiles, a déclaré Agnès Callamard.
« La crise climatique révèle et catalyse de profondes injustices. Ce rapport fait écho à la vision du Brésil, pays organisateur de la COP30 en 2025, qui veut que ce sommet international permette la participation réelle des peuples de la forêt, notamment les peuples autochtones et les communautés traditionnelles, ainsi que la société civile. Il expose l'ampleur des répercussions sur le climat et les droits humains de la production de combustibles fossiles à travers le monde, illustrant l'impact disparate de cette industrie sur les peuples autochtones et les communautés traditionnelles et soulignant la résistance qu'ils opposent.
« Le secteur des énergies fossiles et ses partenaires étatiques font valoir depuis des décennies que le développement humain requiert ces énergies. Mais nous savons que sous couvert de croissance économique, ils servent plutôt la cupidité et le profit sans limites, tout en bafouant les droits dans une impunité quasi totale et en détruisant l'atmosphère, la biosphère et les océans. Face à ces pratiques acharnées, face à l'économie politique mondiale répressive des combustibles fossiles, nous devons résister collectivement et exiger que les dirigeants du monde respectent leurs obligations et leurs engagements. L'humanité doit triompher. »
Terminologie
*Écosystèmes vitaux : environnements naturels riches en biodiversité, essentiels au piégeage du carbone et/ou qui déclencheraient des effondrements écosystémiques en cascade si les dégradations ou les catastrophes environnementales s'y poursuivaient.
** Zone sacrifiée : zone extrêmement contaminée dans laquelle les populations à bas revenu et marginalisées subissent beaucoup plus que les autres les conséquences de l'exposition à la pollution et aux substances toxiques.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Les trucs des climatoseptiques dévoilés
Un document de quatre pages, présentant les principales tactiques utilisées par des opposants aux conclusions du GIEC dans les négociations sur le climat, a été publié avant la COP30 qui tente d'obtenir des avancées significatives avec l'aide de personnalités s'y présentant.
Autant sur le financement de la transition et des substituts aux énergies fossiles, la conférence de Belém, au Brésil, qui doit se terminer le 21 novembre, a donné lieu à des pourparlers sans consensus malgré la volonté du président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, d'obtenir des résultats concrets. Après une première semaine, les négociations piétinent à la COP30, bien que dix ans après l'Accord de Paris, les conditions climatiques soient alarmantes, que nous allons dépasser le seuil de + 1,5 °C avant 2030, que les émissions de CO2 augmenteront encore dans le monde en 2025 et atteindront un nouveau pic de 38,1 milliards de tonnes.
Tactiques dévoilées
Une des raisons de cette situation pourrait être que le secteur des combustibles fossiles y a envoyé environ 1600 lobbyistes. Un groupe international de chercheurs, le Climate Social Science Network (CSSN) a documenté, en prévision de la COP30, 14 différentes tactiques employées pour bloquer les décisions lors des conférences onusiennes sur le climat. Rejeter la légitimité des arguments, en nier la crédibilité, utiliser des stratégies pessimistes, diriger la responsabilité vers d'autres, manipuler l'agenda des négociations, diminuer leur responsabilité, détourner l'attention, proposer des solutions non transformationnelles, créer des délais de procédures, manipuler les concepts, réduire la transparence, changer les paramètres, diminuer la portée des décisions ou insister sur les petits résultats faciles à obtenir, servent à rendre le processus de décision le plus difficile possible.
Le document identifie aussi les moments ou ces tactiques sont utilisées, soit dans les négociations préliminaires, la création de l'agenda, les délibérations, l'adoption ou l'application des décisions. Il anticipe, même quelles obstructions seront faites durant la COP30, que ce soit sur les objectifs globaux, la forêt, les énergies fossiles, la finance, l'évaluation des dommages, de la crédibilité ou le concept de transition juste. Plus largement, les climatoseptiques pourraient nier leur responsabilité, le contexte géopolitique, les droits humains ou autres.
Ces obstructions sont décrites comme évoluant dans plusieurs niveaux et sont rarement faciles à identifier tant elles sont faites de manière détournée. De nombreux lieux de haut savoir comme l'Université libre de Bruxelles, celle de Californie où Sciences Po sont citées dans les liens pour faire un suivi sur ce document.
Des raisons d'espérer
Pour la première fois de l'histoire des COP, aucune délégation fédérale américaine n'est présente. Plusieurs participants ont affirmé être satisfaits de l'absence de représentants de l'administration Trump, puisqu'ils auraient pu nuire aux négociations. Cette absence entraînerait des opportunités pour la négociation et la formation de coalitions pour des actions concrètes.
En l'absence du président américain, c'est son principal opposant, le gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom, qui s'y est présenté le 11 novembre. Selon le possible candidat à la présidentielle de 2028, le climat doit devenir une question de coût de la vie aux États-Unis. L'énergie verte est une énergie bon marché, y a-t-il affirmé, considérant que c'était selon lui la façon la plus efficace d'intéresser les électeurs américains aux enjeux climatiques.
Un avis rendu le 23 juillet 2025 par la Cour internationale de justice de La Haye a rappelé aux États leurs obligations juridiques à devenir plus ambitieux au fil du temps vis-à-vis de l'accord de Paris, alors que nous sommes au début d'un nouveau cycle de cinq ans, où les pays sont appelés à actualiser leurs Contributions nationalement déterminées (CDN), soit leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu'ils se donnent.
Lors de la COP28 à Dubaï, il y a deux ans, la communauté internationale s'était engagée à une sortie progressive des énergies fossiles. Actuellement 35 pays, responsables d'un quart des émissions de CO2 d'origine fossile, ont réussi à significativement amoindrir leurs rejets au cours de la dernière décennie.
Bien que la sortie progressive des énergies fossiles n'est pas à l'ordre du jour officiel de la 30e Conférence, une cinquantaine de pays militent pour. Luiz Inácio Lula da Silva a appelé la semaine dernière à une feuille de route pour surmonter la dépendance aux combustibles fossiles. Dans ce contexte, beaucoup attendent que la COP30 clarifie les étapes concrètes pour réduire la dépendance aux énergies carbonées.
Michel Gourd
******
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre
gauche.media
Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.













