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En Palestine, les femmes sont les icônes de la révolution
Lisez le discours prononcé par Samah Abunina de La Via Campesina lors de l'Assemblée des femmes du 3e Forum Mondial de Nyéléni
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/11/16/viols-et-de-tortures-sexuelles-dans-les-centres-de-detention-israeliens-et-autres-textes/?jetpack_skip_subscription_popup
Je suis une femme de Palestine, où les voix des femmes sont censées être enterrées sous les décombres. Mais malgré les différentes formes de blocus, je suis ici aujourd'hui pour faire entendre la voix des femmes palestiniennes – paysannes, révolutionnaires, martyres et prisonnières.
Je suis témoin du crime qui se passe, des femmes qui perdent leurs enfants sous les bombardements, des femmes chassées de chez elles, de toute une génération privée du droit de vivre dans la dignité. Nous avons connu le génocide, la famine et les déplacements forcés. Cependant, nous nous accrochons à notre terre, en prenons soin, la protégeons et la défendons.
En Palestine, les femmes sont les icônes de la révolution, de la résurrection et de la renaissance. Ce sont elles qui protègent leurs maisons assiégées et leurs terres, sous la menace d'expropriation et d'implantation [de colons promus par l'entité sioniste]. Les femmes sont les gardiennes de la mémoire collective. Ce ne sont pas de simples victimes, mais des cibles qui, lorsqu'elles sont touchées, ont un impact sur les générations futures.
Je me tiens devant vous aujourd'hui au nom des femmes paysannes qui constituent l'épine dorsale de la souveraineté alimentaire dans le monde entier. En même temps, elles sont parmi les plus vulnérables à la marginalisation et à l'exploitation. Les femmes rurales cultivent leurs terres, préservent les semences, s'occupent des animaux et assument la responsabilité de nourrir les nations. Cependant, elles se voient refuser les droits fondamentaux à la terre, à l'eau et aux semences, et ce sont elles qui subissent la violence patriarcale, sociale et économique. Elles paient le prix le plus élevé de la pauvreté, des déplacements forcés et des conflits armés.
Dans la région arabe, la souffrance des femmes à la campagne est aggravée par des régimes politiques et économiques satellites, subordonnés à des puissances étrangères, limités par des accords qui placent les intérêts des grandes entreprises au-dessus des intérêts du peuple. Les femmes rurales des pays arabes sont privées de ressources et menacées par le changement climatique et la sécheresse. Elles sont confrontées à des politiques agraires néolibérales qui les privent de leurs droits à la terre, au travail et à une vie digne. Cela dit, elles restent inébranlables, luttant pour que la vie continue, pour protéger la terre et défendre le droit des peuples à l'alimentation et à la souveraineté.
La situation dans mon pays, la Palestine occupée, est encore plus difficile. Les femmes paysannes palestiniennes sont confrontées à l'occupation, aux colonies et à la confiscation des terres, en plus de la violence quotidienne perpétrée par la machine de guerre coloniale sioniste.
Le génocide auquel les Palestiniens sont confrontés aujourd'hui révèle l'impérialisme cruel et la complicité des puissances coloniales et capitalistes mondiales. À ce jour, on compte plus de 73 000 martyrs et disparus, dont 19 000 enfants, et plus de 13 000 femmes ont été tuées par les bombardements, la famine et le siège. Les femmes palestiniennes perdent non seulement leurs maisons et leurs terres, mais aussi leurs fils et leurs filles. On leur refuse le droit à la vie. Pourtant, elles continuent de se battre pour la terre, pour la vie, pour un avenir libre et digne.
À La Via Campesina, nous réaffirmons que notre lutte est mondiale. Nous reconnaissons que notre lutte contre l'occupation sioniste en Palestine est la même lutte contre le capitalisme sauvage et les multinationales qui volent les semences des paysans, détruisent l'environnement et asservissent les gens.
Notre lutte contre le génocide en Palestine est une lutte contre les régimes patriarcaux, rétrogrades et impérialistes qui oppriment les femmes partout dans le monde.
Mon message à vous et à toutes les femmes, les jeunes et les hommes du monde qui embrassent des causes justes est : ne laissez pas la Palestine seule. Notre lutte n'est pas locale. C'est la lutte de tout être humain qui rejette l'injustice. Nous sommes inébranlables et nous nous battons. Nous rêvons d'une liberté incassable.
Ensemble, nous devons défendre et protéger les femmes paysannes contre toutes les formes de violence et d'exploitation, en garantissant leur droit à la terre, aux semences et à l'eau. Nous continuerons d'exprimer notre solidarité mondiale avec le peuple palestinien, considérant sa lutte comme indivisible de la lutte du peuple contre l'impérialisme. Nous lutterons contre le régime patriarcal et capitaliste qui marginalise les femmes, opprime les paysans et détruit l'environnement. Nous affronterons les entreprises monopolistiques qui volent les semences des personnes paysannes, imposant une agriculture industrielle dévastatrice au détriment de l'agriculture populaire et de la souveraineté alimentaire. À travers ces actions, nous construirons un mouvement mondial de lutte ancré dans la solidarité et le partage d'expériences et de connaissances, qui place la souveraineté alimentaire au centre de la lutte pour la justice sociale et la libération nationale et féministe.
Camarades, notre lutte est pour la vie face à la politique de la mort. D'ici, nous élevons la voix : il n'y a pas de souveraineté alimentaire sans une Palestine libre, il n'y a pas de justice sociale sans des femmes rurales libres, il n'y a pas d'avenir pour notre peuple sous le contrôle de l'impérialisme, du capitalisme et du retard. Mondialiser la lutte, mondialiser l'espoir !
Samah Abunina est membre de la Via Campesina en Palestine. Le texte est une édition de son discours lors de la Assemblée des Femmes du 3ème Forum mondial Nyéléni.
https://capiremov.org/fr/analyse/en-palestine-les-femmes-sont-les-icones-de-la-revolution/
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« Le désespoir s’installe » : augmentation du nombre de suicides chez les femmes dans l’Afghanistan des talibans
Tout d'abord, on lui a retiré son droit à l'éducation. Ensuite, on lui a imposé un mariage contre son gré avec son cousin, un héroïnomane. Latifa s'est retrouvée confrontée à un choix inimaginable.
Tiré de Entre les lignes et les mots
« J'avais deux options : épouser un héroïnomane et mener une vie misérable, ou mettre fin à mes jours », a déclaré la jeune fille de 18 ans lors d'un entretien téléphonique depuis son domicile dans la province de Ghor, dans le centre de l'Afghanistan.
Les rêves de Latifa d'étudier la médecine ayant été anéantis par l'interdiction par les talibans de l'enseignement secondaire et universitaire pour les filles et sa famille insistant sur le mariage arrangé qui était en préparation depuis six ans, l'adolescente afghane n'a vu qu'une seule option.
« J'ai choisi la seconde », a-t-elle déclaré. Elle a tenté de se suicider l'automne dernier en prenant une overdose de médicaments sur ordonnance.
La tentative de suicide de Latifa n'est pas un cas isolé. Alors que les femmes afghanes voient leurs libertés durement acquises – étudier, travailler et même quitter leur domicile – leur être retirées par les talibans, elles sont de plus en plus nombreuses à choisir de mettre fin à leurs jours par désespoir et désespoir, selon une enquête menée par Zan Times et The Fuller Project.
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le nombre d'hommes qui se suicident est plus de deux fois supérieur à celui des femmes dans le monde. Jusqu'en 2019, dernière année pour laquelle des données officielles sont disponibles, les hommes étaient plus nombreux que les femmes à se suicider en Afghanistan. Mais les chiffres obtenus auprès des médecins des hôpitaux publics et des cliniques du pays pour cette enquête suggèrent que les femmes sont désormais beaucoup plus nombreuses que les hommes à mettre fin à leurs jours, une anomalie mondiale qui souligne l'impact des politiques draconiennes des talibans.
Les femmes étaient plus nombreuses que les hommes à se suicider ou à tenter de se suicider dans neuf des onze provinces afghanes pour lesquelles Zan Times et The Fuller Project ont obtenu des données pour l'année allant jusqu'en août 2022. Ces chiffres ne sont en aucun cas exhaustifs : ils ne couvrent qu'un tiers des 34 provinces afghanes et ne représentent probablement que la partie visible de l'iceberg dans une société où le suicide est considéré comme une source de honte et souvent dissimulé. Mais ils montrent une tendance claire. Au cours des 12 mois qui ont suivi la prise de pouvoir par les talibans, les femmes et les filles ont représenté la grande majorité des personnes ayant tenté de mettre fin à leurs jours et des décès par suicide.
« Lorsque je rencontre des Afghanes à travers le pays, elles me font toutes part de l'impact des restrictions croissantes sur leur bien-être psychologique. L'Afghanistan est en proie à une crise de santé mentale précipitée par une crise des droits des femmes », a déclaré Alison Davidian, représentante nationale de l'ONU Femmes, dans des commentaires envoyés par courrier électronique.
« Nous assistons à un moment où un nombre croissant de femmes et de filles préfèrent la mort à la vie dans les circonstances actuelles, où elles sont privées de la possibilité de mener leur propre vie. »
Perte d'espoir
Les militant·es afghan·es, les agences d'aide internationales et les expert·es des Nations Unies affirment que le taux élevé de suicides chez les femmes en Afghanistan reflète non seulement une perte de liberté pour les femmes, mais aussi une augmentation des mariages forcés et des violences domestiques, ainsi qu'une perte d'espoir.
En juillet dernier, Fawzia Koofi, ancienne vice-présidente du Parlement afghan, a déclaré devant le Conseil des droits humains des Nations unies que la situation était devenue si désespérée qu'« au moins une ou deux femmes se suicident chaque jour ».
Latifa a tenté de mettre fin à ses jours avec des médicaments contre la toux, des comprimés de caféine et des somnifères achetés dans une pharmacie qui ne demandait pas d'ordonnance. Après sa tentative de suicide, elle a déclaré s'être réveillée dans un lit d'hôpital, entourée de sa famille et de médecins, souffrant d'une sensation de brûlure à l'estomac et incapable d'ouvrir les yeux.
Elle a été informée que son cousin, un homme de sept ans son aîné, avait disparu après avoir appris sa tentative de suicide. Il n'y a pas eu d'autres discussions au sujet du mariage, mais Latifa craint toujours qu'il ne revienne à un moment donné.
« S'il revient et que ma famille essaie à nouveau de me forcer [à me marier], je me pendrai pour être sûre de ne pas survivre », a-t-elle déclaré.
L'histoire de l'Afghanistan, marquée par les conflits, les troubles civils et la pauvreté, avait donné lieu à une crise de santé mentale bien avant août 2021.
Une enquête nationale sur les troubles dépressifs et anxieux publiée dans la revue BMC Psychiatry en juin 2021, deux mois avant la prise de pouvoir par les talibans, a révélé que près de la moitié des 40 millions d'habitant·es souffraient de détresse psychologique.
Un rapport publié en 2019 par Human Rights Watch indiquait que plus de la moitié des Afghan·es souffraient de dépression, d'anxiété et de stress post-traumatique, mais que « moins de 10% d'entre elles et eux bénéficiaient d'un soutien psychosocial adéquat de la part de l'État ».
Il est difficile de savoir dans quelle mesure la situation a évolué depuis lors. Une enquête réalisée en 2022 par Gallup a révélé que si « la souffrance est désormais universelle chez les hommes et les femmes » en Afghanistan, les femmes interrogées se montraient plus pessimistes quant à l'avenir.
Les talibans ne publient pas de données sanitaires et toutes les données recueillies par Zan Times et The Fuller Project ont été fournies par téléphone par des professionnel·les de santé s'exprimant sous couvert d'anonymat. Un professionnel de santé mentale de la province occidentale de Herat, qui s'est exprimé sous couvert d'anonymat par crainte de représailles, a déclaré que les talibans avaient interdit aux professionnel·les de santé de publier ou de partager des statistiques sur le suicide, qui étaient auparavant publiées régulièrement.
Les porte-parole des talibans n'ont pas répondu aux multiples demandes de commentaires.
Herat est la province qui a enregistré le plus grand nombre de tentatives de suicide parmi celles pour lesquelles des données ont été obtenues : 123, dont 106 par des femmes. Dix-huit décès ont été signalés, dont 15 femmes. Selon la Commission indépendante afghane des droits humains (AIHRC), aujourd'hui en exil, cette région conservatrice, qui compte une proportion importante de femmes instruites, a toujours enregistré des niveaux élevés de violence sexiste et de tentatives de suicide chez les femmes.
Un travailleur en santé mentale de Herat a déclaré que la province avait toujours connu un taux de suicide élevé, mais que le personnel était désormais débordé. Environ 90% des patient·es en santé mentale de l'hôpital provincial étaient des femmes qui « s'effondraient sous le poids des nouvelles restrictions », a-t-il déclaré.
« Les patient·es ne bénéficient pas du temps d'hospitalisation et des conseils dont elles ou ils ont besoin », a déclaré ce soignant. « Souvent, nous mettons deux patient·es dans un même lit. »
Le soignant a cité la violence domestique et les mariages forcés ou précoces parmi les facteurs de suicide, affirmant que l'arrêt de la scolarité secondaire avait conduit les filles à se marier plus tôt. Les femmes « payaient souvent le prix » lorsque les familles connaissaient des difficultés financières et que les hommes devenaient violents, a ajouté le travailleur.
Stigmatisation sociale
Roya, 31 ans, a été retrouvée pendue dans sa maison de la ville d'Herat en mai 2022.
Son jeune frère, Mohammad, qui a demandé à ce que son vrai nom ne soit pas divulgué, a déclaré que Roya avait parlé à plusieurs reprises à leurs parents du comportement violent de son mari, qui la battait fréquemment.
« Mais à chaque fois, mes parents la persuadaient de préserver l'unité familiale », a déclaré Mohammad. « Un matin, nous avons appris que Roya s'était pendue. Nous n'aurions jamais pensé que les choses iraient aussi loin. »
La famille a déclaré qu'elle était décédée des suites d'une maladie, craignant que son suicide ne soit une source de honte s'il était rendu public, a expliqué Mohammad.
Shaharzad Akbar, ancienne présidente de l'AIHRC, a déclaré que ce type de comportement était courant en raison de la stigmatisation sociale qui entoure le suicide.
« Les rares cas où les parents admettent volontiers le suicide sont ceux où elles et ils ne veulent pas qu'un membre de la famille soit accusé de meurtre », a déclaré Mme Akbar, qui est aujourd'hui directrice exécutive de Rawadari, une nouvelle organisation afghane de défense des droits humains.
Selon les militant·es et les organismes d'aide humanitaire, la santé mentale des femmes et des filles en particulier se détériore, car les talibans ont systématiquement fermé presque toutes les voies d'accès à l'éducation pour les femmes – les filles ne pouvant plus aller à l'école après l'âge de 12 ans – et les possibilités pour les femmes de travailler, de gagner un revenu ou d'exercer une quelconque autonomie.
Selon les chiffres obtenus, la plupart des tentatives de suicide et des décès concernaient des femmes et des filles ayant reçu une éducation, soit parce qu'elles avaient été scolarisées avant la prise de pouvoir par les talibans, soit parce qu'elles avaient des diplômes scolaires. La mort aux rats, facilement accessible en Afghanistan, et la pendaison étaient les méthodes de suicide les plus courantes.
Une étude publiée en août 2022 par Save the Children a révélé que 26% des filles présentaient des signes de dépression, contre 16% des garçons.
Behishta Qaimy, coordinatrice de projet pour Save the Children Afghanistan, a déclaré que les filles étaient de plus en plus découragées depuis qu'elles avaient été interdites d'école, rappelant qu'une d'entre elles avait déclaré aux travailleur·es humanitaires : « Je suis désespérée, je m'énerve rapidement, je pleure pour moi-même et quand je vais me coucher, je fais des cauchemars. »
Si certaines organisations peuvent encore opérer en Afghanistan, beaucoup ont suspendu leurs activités après que les talibans ont interdit aux femmes de travailler pour des ONG nationales et internationales. En conséquence, 11,6 millions de femmes et de filles ne reçoivent plus d'aide vitale, a averti ONU Femmes, et les services destinés aux victimes de violences ou à la prévention de l'exploitation sexuelle ont été fermés.
Selon les Nations Unies, neuf femmes sur dix en Afghanistan sont victimes d'une forme ou d'une autre de violence domestique. Les expert·es affirment que les modestes progrès réalisés dans la lutte contre ce fléau avant la prise de pouvoir par les talibans ont été réduits à néant.
« Le mécanisme de lutte contre la violence domestique a été totalement éradiqué ; les femmes n'ont d'autre choix que de subir la violence ou de se suicider », a déclaré Akbar.
Les avertissements concernant les suicides de femmes ne font que s'intensifier à mesure que les talibans renforcent leur emprise sur les droits des femmes et des filles.
En mai, des expert·es de l'ONU, dont le rapporteur spécial sur la situation des droits humains en Afghanistan, Richard Bennett, ont déclaré après une visite dans le pays qu'elles et ils étaient « alarmé·es par les problèmes de santé mentale généralisés et les témoignages faisant état d'une augmentation des suicides chez les femmes et les filles ».
Certaines personnes considèrent ces actes comme la seule forme de rébellion possible pour les femmes dans un pays où la dissidence et les manifestations sont punies.
« Nous ne pouvons pas réduire le message des femmes qui commettent ces formes très ostentatoires de suicide à un simple acte de désespoir », a déclaré Julie Billaud, professeure d'anthropologie à l'Institut universitaire de Genève et autrice de Kabul Carnival, un livre sur la politique de genre dans l'Afghanistan d'après-guerre.
« Le désespoir s'installe. Peut-être que [le suicide] est la dernière tentative de celles qui n'ont plus aucun pouvoir pour s'exprimer et se faire entendre. »
Cet article est publié en partenariat avec le Fuller Projectet The Guardian.
Zahra Nader, Matin Mehrab et Mahsa Elham, 28/8/2023
* Les noms ont été modifiés afin de protéger l'identité des personnes interrogées. Matin Mehran et Mahsa Elham sont les pseudonymes de journalistes du Zan Times en Afghanistan.
https://zantimes.com/2023/08/28/despair-is-settling-in-female-suicides-on-rise-in-talibans-afghanistan/
Traduit par DE
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Une épidémie de violence sexiste en Afghanistan :« Je ne veux pas vivre. Je veux mourir »
Lorsque le père de Tahmina a compris que les talibans étaient sur le point de revenir au pouvoir, il l'a rapidement mariée à un homme dont la famille avait des liens avec les militant·es. Elle avait 17 ans lorsqu'elle a emménagé dans la maison familiale de son mari, dans le district de Dand-e-Ghori, dans la province de Baghlan, au nord de l'Afghanistan.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Là-bas, elle a été maltraitée dès qu'elle a franchi le seuil de la porte. Son mari la giflait, la frappait et la battait, souvent à la demande de son beau-père. Sa nouvelle famille se moquait d'elle, l'humiliait et la maltraitait.
La vie est devenue encore plus insupportable après que le mari de Tahmina a été pris en embuscade et tué par des bandits. Son père a insisté pour que la jeune veuve, alors mère d'un garçon de deux mois, épouse le frère de son mari, âgé de huit ans. Lorsque Tahmina a refusé, il a tué son bébé en lui tranchant la gorge.
« L'horreur et la colère que j'ai ressenties sont si fortes que je ne veux plus vivre. Je veux mourir », confie Tahmina au Zan Times. Elle explique qu'elle n'a pas pu demander justice car son beau-père avait des liens étroits avec les talibans.
L'Afghanistan connaissait déjà un taux élevé de violence envers des femmes avant la prise de pouvoir des talibans en août 2021. Sous le régime rétabli, la situation s'est encore détériorée. Toutes les avancées législatives réalisées au cours des deux dernières décennies pour protéger les femmes ont été rapidement anéanties.
La grande majorité des 60 femmes interrogées par Zan Times pour ce rapport dans 17 provinces d'Afghanistan ont déclaré avoir été victimes de violences, notamment de tortures physiques, de violences verbales et de travail forcé. Seules huit d'entre elles ont déposé une plainte officielle auprès des autorités.
« Il est à la fois horrible et sans surprise que la violence à l'égard des femmes ait augmenté après la prise de pouvoir par les talibans », déclare Heather Barr, directrice adjointe de la division des droits des femmes à Human Rights Watch. « L'une des premières mesures prises par les talibans — l'une de leurs priorités les plus urgentes — a été de démanteler systématiquement l'ensemble du système qui avait été mis en place pour protéger les femmes et les filles contre la violence. Ce système promettait aux femmes et aux filles une certaine autonomie, la possibilité de faire leurs propres choix et de revendiquer leurs droits – les talibans ne peuvent pas le supporter. Leur vision de la société est celle où les femmes et les filles sont la propriété exclusive de leurs proches masculins, entièrement à leur merci, et sont exclues de la vie publique – et ils y sont largement parvenus. »
En effet, compte tenu des restrictions officielles imposées à la liberté de mouvement des femmes, la plupart d'entre elles se retrouvent effectivement prisonnières de leur foyer, souvent avec des conjoints ou des beaux-parents violents. Parmi les femmes interrogées, une sur cinq a déclaré avoir envisagé de se suicider, tandis que deux ont tenté de mettre fin à leurs jours.
« Les femmes et les filles sont exclues de la vie publique, la dissidence pacifique n'est pas tolérée, la violence et la menace de violence sont utilisées en toute impunité pour contrôler et instiller la peur dans la population », a déclaré Richard Bennett, rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits humains en Afghanistan, le 29 février 2024. « Cette situation est aggravée par une crise économique et humanitaire qui se traduit par le déni des droits économiques, sociaux et culturels. »
Shafiqa, une jeune fille de 18 ans originaire de la ville de Firozkoh, dans la province de Ghor, raconte au Zan Times comment elle a été contrainte d'épouser un homme beaucoup plus âgé qu'elle, qui avait déjà une femme et quatre enfants adultes.
« Parfois, ses enfants me frappaient, et quand je m'en plaignais à mon mari, il me répondait que ce n'était pas grave s'ils me frappaient, que j'avais sûrement fait quelque chose de mal », explique Shafiqa. « Une fois, alors que je me disputais avec son autre femme, il a coupé des branches dans les arbres de la cour et m'a rouée de coups. J'avais des bleus sur tout le corps et j'ai souffert pendant une semaine. »
« J'en avais vraiment marre de la vie », poursuit-elle. En désespoir de cause, elle a rassemblé tous les comprimés qu'elle a pu trouver dans la maison et les a avalés. Au lieu de mourir, elle est tombée malade et a vomi les pilules. Une fois son état amélioré, son mari l'a battue pour avoir terni sa réputation.
Selon l'indice « Femmes, paix et sécurité » (WPS), l'Afghanistan est le pays le plus hostile aux femmes au monde. Cet indice, qui évalue la situation des femmes dans 177 pays, prend en compte des indicateurs tels que l'inclusion économique, sociale et politique, ainsi que la justice et la sécurité.
« L'Afghanistan obtient le score le plus bas pour cet indicateur, avec une note de 0,37 due au régime oppressif des talibans qui a sévèrement restreint la capacité des femmes à obtenir justice de manière sûre et équitable », indique le rapport de l'indice.
Un rapport des Nations unies sur les droits humains publié en janvier 2024 a souligné « un manque de clarté concernant le cadre juridique applicable aux plaintes pour violence sexiste à l'égard des femmes et des filles en Afghanistan, notamment en ce qui concerne la question de savoir quel acteur judiciaire est responsable de chaque étape de la chaîne judiciaire pour ce type de plaintes ». Le rapport souligne que « de nombreuses victimes préféreraient apparemment recourir à des mécanismes traditionnels de résolution des conflits par crainte des autorités de facto ».
« Un enfer pour les femmes »
Fanoos*, issue d'une famille de dix personnes vivant dans la province de Jawzjan, était une étudiante brillante qui a obtenu une licence dans une université privée. Après avoir obtenu son diplôme, elle a rapidement décroché son premier emploi dans le cadre d'un projet de développement.
Elle était fière de ses réalisations et de sa carrière. Mais son indépendance a pris fin brutalement lorsque les talibans ont interdit aux femmes afghanes de travailler pour des ONG, l'ONU et de nombreuses autres organisations. Craignant pour sa sécurité en tant qu'ancienne employée du gouvernement précédent, les parents de Fanoos l'ont contrainte à se fiancer à un Afghan qu'elle n'avait jamais rencontré et qui vit en Turquie. Chaque fois qu'elle suggérait de rompre ses fiançailles, son père et ses frères maltraitaient physiquement la jeune femme de 23 ans. Sa mère refusait également de l'aider.
Le désespoir de Fanoos était tel qu'elle s'est tailladé les poignets avec un couteau, perdant connaissance avant que sa sœur ne la découvre.
« Les femmes n'ont pas le droit de travailler, de choisir leur partenaire de vie ou d'accéder à l'éducation. L'Afghanistan est devenu un enfer pour les femmes », dit-elle. « Dans ces circonstances difficiles et sombres, nous ne pouvons nous plaindre à personne de nos problèmes familiaux car, pour eux, battre les femmes est normal. »
« Selon les talibans, il n'est pas nécessaire que les femmes engagent des poursuites judiciaires et aillent devant les tribunaux. Même si elles sont victimes de violences au sein de leur famille, celles-ci sont soit justifiées, soit elles doivent les gérer en privé, au sein de leur famille », explique Shaharzad Akbar, ancienne présidente de la Commission indépendante des droits humains en Afghanistan, ajoutant que les talibans ne voyaient « aucun rôle pour le système judiciaire dans la protection des femmes contre la violence ».
« Il n'y a pas de porte officielle à laquelle frapper, sauf celle de la famille, si elle est solidaire », explique Akbar, aujourd'hui directrice exécutive de Rawadari, une nouvelle organisation afghane de défense des droits humains.
Les expert·es de l'ONU établissent également un lien entre la résurgence des talibans et l'augmentation du nombre de mariages précoces, qui exposent les filles à un risque particulier de violence sexiste perpétrée en toute impunité.
Nazanin* n'a que 15 ans et est prisonnière d'une vie qu'elle n'a ni choisie ni souhaitée. Elle a été contrainte de se fiancer à 13 ans et mariée à 14 ans. Elle vit dans la ville de Sheberghan, dans la province de Jawzjan, et envie les filles qu'elle voit jouer dans les ruelles près de la maison qu'elle partage avec son mari de 16 ans, qui gagne sa vie en achetant et en vendant de la ferraille, et sa famille.
« Il utilise la moitié de ses revenus pour acheter des cigarettes et donne le reste à son père. Il ne me donne pas d'argent, même si j'en ai besoin », dit-elle. Par conséquent, bien que Nazanin soit enceinte de son premier enfant, elle n'a pas le droit de se reposer. Chaque jour, elle doit transporter deux bidons de 10 litres d'eau depuis la pompe du village. Chaque nuit, elle s'inquiète pour son avenir et celui de son bébé à naître.
« Parfois, quand je pense à quitter la maison, je me demande où je pourrais aller et qui me tendrait la main et m'offrirait une vie meilleure. Je n'ai personne », dit-elle.
Mahtab Safi, Freshta Ghani et Mehsa Elham, 4 mars 2024
Cet article du Zan Times a été publié en partenariat éditorial avec l'IWPR.
* Les noms ont été modifiés afin de protéger l'identité des personnes interrogées et des journalistes.
https://zantimes.com/2024/03/04/an-epidemic-of-gender-based-violence-in-afghanistan-i-dont-want-to-live-i-want-to-die/
Traduction DE
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Lutte contre les violences patriarcales faites aux femmes :nous ne voulons plus attendre !
Partout dans le monde, au travail, à la maison, dans la rue : les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes et aux minorités de genre restent une réalité insupportable. Elles ne viennent pas de nulle part : elles découlent d'un système de domination : le patriarcat ! Violences conjugales, violences sexuelles, violences sexistes au travail, violences intra-familiales touchent en immense majorité les femmes.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/11/17/25-novembre-2025-contre-le-patriarcat-ni-oubli-ni-silence-marchons-contre-les-violences/?jetpack_skip_subscription_popup
Ce système patriarcal qui les génère et les perpétue est la première cible de la lutte à mener. Depuis plusieurs années, Macron se contente de modifications juridiques à la marge sur ce sujet, sans donner les véritables moyens d'éradiquer ces violences. Nous pouvons, nous devons agir !
3 milliards pour que les femmes ne subissent plus les violences sexistes et sexuelles, c'est donc trop demander ?*
La rigueur budgétaire que la Macronie et ses alliés tentent de nous imposer ne pourra qu'accentuer ces violences. Au delà du fait que les femmes sont toujours plus impactées par les coupes budgétaires, ce sont aussi les associations qui en payent le prix. En particulier celles qui luttent contre les violences et accompagnent les victimes au quotidien. Alors que le nombre de femmes victimes de violences conjugales et intrafamiliales n'a jamais été aussi haut (en hausse de 11% en un an selon les chiffres du ministère de l'Intérieur), les subventions des associations diminuent drastiquement, le système d'aide est saturé. 40% des victimes qui demandent un hébergement sont renvoyées chez elles, donc confrontées à un conjoint violent.
Quant à la prise en charge des plaintes, là encore les améliorations se font attendre. Les moyens manquent, notamment en matière de formation des forces de l'ordre, l'Etat ne les prenant plus en charge financièrement depuis janvier !
Pour Solidaires, il est aussi nécessaire d'agir contre les violences conjugales et leurs conséquences sur nos lieux de travail. En sensibilisant l'ensemble du personnel, on permet une meilleure détection et orientation des salariées concernées. Les entreprises comme les administrations doivent prendre des mesures d'actions sociales et administratives pour aider matériellement les victimes (logement, prise en charge des frais juridiques, aménagement d'horaires, facilités de mutation, congés rémunérés pour faire des démarches …).
* Où trouver 3 milliards ? Boîte à idées :
• l'augmentation du budget de l'armée dans le projet de loi de finances 2026 est de 6,7 milliards…
• un nouveau porte-avion nucléaire est en cours de construction en 2025, coût estimé 10 milliards…
• la surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises pourrait rapporter de 4 à 6 milliards en 2026 si elle était maintenue.
Sexisme et culture du viol, toujours ancrés dans la société…
La question spécifique des violences sexuelles n'avance pas ou si peu. Avec l'un des plus petits budgets de l'État, aujourd'hui, les moyens manquent toujours cruellement. Le nombre de victimes de violences sexuelles enregistrées a doublé sur la période depuis 2016, et ça n'est que la partie émergée !
… Et dans les entreprises !
60% des femmes sont ou seront victimes de violence sexistes et sexuelles au travail. Les remarques indécentes répétées, blagues sexistes, attitudes et gestes non sollicités sont encore le quotidien de nombreuses travailleuses. Dans les cas d'agressions sexuelles et de harcèlement, les victimes se confrontent trop souvent à des directions qui tentent de leur mettre des bâtons dans les roues. Ici aussi, elles doivent se battre pour que les rôles ne soient pas inversés, leurs agresseurs considérés comme des victimes et elles, comme des coupables…
La ratification de la Convention 190 de l'Organisation Internationale du Travail de 2019 (première loi mondiale contre les violences sexistes et sexuelles au travail) s'est faite à moyens constants, sans adopter de lois qui auraient permis clairement de valider des droits supplémentaires pour les femmes, ce n'est pas admissible ! Alors que d'autres pays ont pris des mesures comme l'Irlande qui a instauré un congés payés aux victimes de violences domestiques
Malgré tout, les choses bougent, même si c'est encore trop lent, trop rare. Les femmes, seules ou dans des collectifs, des associations féministes, avec les syndicats, parlent et dénoncent les faits dont elles sont victimes et ce dans de nombreux domaines : le sport, la culture, les universités, mais également les associations, les partis politiques, les structures syndicales. Aucun milieu n'est épargné par les violences sexistes et sexuelles.
Désormais il faut agir, concrètement !
L'extrême droite, ennemi mortel… Des femmes !
La montée en puissance des mouvements réactionnaires et masculinistes, en France comme ailleurs dans le monde, représente une menace majeure pour les droits des femmes et des personnes minorisées de genre.
Bien que les tentatives de le dissimuler soient nombreuses, le sexisme demeure l'un des fondements idéologiques de l'extrême droite. Certaines femmes s'y engagent ouvertement et défendent ses thèses, tout en promouvant une vision rétrograde du rôle des femmes : celui d'une mère blanche, gardienne des « valeurs traditionnelles » de la France, dévouée à son foyer et soumise à son mari.
L'une des stratégies les plus efficaces de ces partis d'extrême droite consiste à détourner certaines revendications féministes. Ça n'est qu'un moyen de plus pour diffuser, sous une apparence plus lisse, les idées nauséabondes et réactionnaires des fascistes.
Leur propagande mensongère s'appuie sur des thèmes comme les violences de rue ou le harcèlement, qu'ils attribuent exclusivement aux « étrangers violeurs ».
Derrière cette instrumentalisation des peurs se cache une volonté de contrôler à nouveau les femmes, de les cantonner à un rôle docile et subordonné, loin de toute émancipation politique et sociale.
Solidaires revendique :
* 3 milliards dans le budget consacré à la lutte et la prévention contre les violences sexistes et sexuelles
* Des moyens conséquents pour les associations qui luttent et accompagnent les femmes victimes de violences,
* l'augmentation du nombre de places d'accueil en hébergement d'urgence pour les femmes victimes de violences conjugales.
* Au travail, un droit à 20 jours de congés rémunérés, sans préavis et sans justificatif, destiné à faciliter les démarches nécessaires aux victimes de violences intra-familiales
* Des aménagements de travail tels que des droits à la mobilité géographique, fonctionnelle, ou des changements d'horaires en cas de violences conjugales notamment.
* L'interdiction de sanctions et du licenciement des femmes, et des minorités de genre, victimes de violence.
* Le renforcement des services de soins, de justice et d'accompagnement socio-éducatif compétent en matière de violences intra-familiales.
* Une reconnaissance des violences intrafamiliales pendant le télétravail en accident du travail.
* De faciliter les démarches de déclaration (plaintes, signalements, information à l'employeur) afin d'éviter la répétition des entretiens où les femmes et l'ensemble des victimes doivent exposer les faits de violences intrafamiliales.
* La formation des salarié·es et des différents acteurs de la prévention et de l'encadrement à la lutte et la prise en charge des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles
* La reconnaissance de toutes les violences au travail
* Une véritable prévention avec la mise en place effective et non détournée de l'EVARS (Éducation à la Vie Affective Relationnelle et à la Sexualité).
Solidaires appelle à participer massivement aux manifestations et rassemblements autour de la journée de lutte contre les violences faites aux femmes !
violences !
Pour la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes du 25 novembre, nous manifesterons en solidarité, comme nous l'avons déjà fait le 11 octobre, avec et pour les femmes du monde entier : celles qui sont victimes des violences machistes, des conflits armés, des famines, des spoliations de terres et de leurs biens naturels, des gouvernements réactionnaires et des états théocratiques. Avec toutes celles qui ne peuvent pas parler, dont les voix sont étouffées, qui subissent des violences sexuelles, des tortures et des mutilations.
Le 25 novembre nous marcherons pour rendre hommage à toutes les victimes de la violence machiste, les femmes, les filles, les personnes LGBTQIA+, à toutes celles qui souffrent et qui luttent, en dépit des risques encourus. A toutes celles que nous avons perdues.
Les violences et l'impunité des agresseurs persistent 8 ans après l'élection d'Emmanuel Macron, en plein #MeToo. La plupart du temps, encore, les victimes ne sont pas crues, les plaintes classées sans suite. Le parcours judiciaire revictimise bien souvent les femmes et constitue un obstacle à la sortie de la violence comme la baisse du financement public des associations d'accompagnement des victimes.
Les violences sexistes et sexuelles surviennent partout, et tout le temps : dans nos espaces familiaux, sur nos lieux de travail et d'études, dans l'espace public, dans les transports, dans les établissements de soin, les cabinets gynécologiques, dans les maternités, dans les ateliers des chaînes d'approvisionnement des multinationales, les commissariats, les centres de rétention, dans les milieux du théâtre, du cinéma, du sport, en politique… Dans tous les milieux sociaux.
Elles trouvent racine dans le patriarcat et se situent au croisement de plusieurs systèmes d'oppressions.
Ainsi les femmes les plus touchées par ces violences sont celles qui souffrent déjà de multiples oppressions : les femmes victimes de racisme, d'antisémitisme, d'islamophobie, les femmes migrantes, sans papiers, les travailleuses précaires, les femmes sans domicile et autres femmes précarisées, femmes en situation de handicap, les femmes lesbiennes et bi, les femmes trans, les femmes en situation de prostitution, et celles victimes de l'industrie pédo et pornocriminelle.
Sans autorisation de travailler, les femmes étrangères dont les demandeuses d'asile sont très vulnérables aux réseaux de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains.
En France, en 2024, c'est encore plus d'un féminicide tous les trois jours commis par un conjoint ou un ex-conjoint Des femmes assassinées parce qu'elles sont femmes. Le nombre de femmes victimes de violences dans le couple et les enfants co-victimes ne diminue pas, tout comme les viols ou tentatives.
La quasi-totalité des agresseurs sont des hommes (97,3%).
Une femme en situation de handicap sur cinq a été victime de viol. 50% des lesbiennes et 75% des bi ont été confrontées à des violences dans l'espace public et 85% des personnes trans ont déjà subi un acte transphobe. Les femmes âgées de plus de 70 ans ne sont pas prises en compte dans les enquêtes sur les violences, elles représentent pourtant 21% des féminicides.
160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année, en majorité au sein de la famille. Sur les lieux de travail plus de 8000 viols ou tentatives ont lieu chaque année et un tiers des femmes subissent du harcèlement sexuel. Les employeurs publics et privés doivent faire cesser les violences et protéger les victimes, y compris de violences conjugales.
La montée de l'extrême droite en Europe et dans le monde constitue une menace majeure pour les droits des femmes et en France, le danger de son accession au pouvoir n'est pas écarté. Ces droits sont attaqués dès que l'extrême droite est au pouvoir.
Depuis quelque temps, elle prétend lutter contre les violences faites aux femmes. Sous couvert de défendre certaines d'entre elles, ces mouvements exploitent la question des violences sexistes à des fins racistes et fémonationalistes, ne s'indignant que selon l'origine, la nationalité ou la religion réelle ou supposée des agresseurs. Dans ce climat délétère, les femmes portant le voile sont de plus en plus souvent la cible d'agressions dans la rue, dans les médias, comme dans les discours politiques.
Les groupuscules fascistes attaquent régulièrement des militantes et militants sans réaction des pouvoirs publics.
Derrière les slogans et les postures prétendument féministes, l'extrême droite ne défend ni la liberté des femmes, ni leur émancipation, ni l'égalité, et se désintéresse profondément de la réalité et des droits des femmes qui luttent dans le monde.
Sans politique publique à grands moyens, sans prévention et sans éducation, les garçons et les hommes continueront de perpétrer des violences
Les organisations féministes et syndicales exigent :
* Une loi-cadre intégrale contre les violences, comme en Espagne.
* 3 milliards d'euros nécessaires pour la mettre en œuvre
* Une Éducation à la Vie Affective Relationnelle et à la Sexualité (EVARS) effective partout
* L'arrêt immédiat de la baisse des financements
et un rattrapage du budget des associations qui accompagnent les victimes et assurent l'éducation populaire sur les questions de violences et d'égalité femmes-hommes.
Tant que l'une d'entre nous n'est pas libre, tant que les violences machistes s'exerceront sur une seule d'entre nous, nous lutterons !
Nous appelons à participer aux mobilisations à l'occasion de la journée internationale des droits des enfants et pour le jour du souvenir trans (TDoR).
Contre les violences faites aux femmes et aux filles, les violences sexistes et sexuelles, manifestons partout le samedi 22 novembre 2025 et le mardi 25 novembre 2025 !
Le 20 octobre 2025
Manifestons partout le samedi 22 novembre 2025
et le mardi 25 novembre 2025 !
Premières signataires au 25 Octobre 2025
ACDI Cameroun , ActionAid France, Assemblée des Femmes, Attac France, CGT confédération Générale du Travail, CNT-SO Éducation/Recherche, Coalition féministe et enfantiste pour une loi-cadre intégrale contre les violences sexuelles, Collectif National pour les Droits des femmes, Collectif des Féministes Narbonnais.es, Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes (CLEF), CRID, Égalités, Excision parlons-en !, FAGE, FEMEN France, Femmes Égalité, Femmes Solidaires, Femmes Solidaires 80, Fondation Copernic, Force Féministe (57), France Amérique latine FAL , FSU, Genre et altermondialisme, Iran Justice, Las Rojas Paris, Ligue des Femmes Iraniennes pour la Démocratie-LFID, Maison des femmes Thérèse Clerc de Montreuil, Marche Mondiale des Femmes France, Mouvement de la Paix, Mouvement des femmes kurdes, Organisation de Solidarité Trans (OST), UNEF le syndicat étudiant, Union des femmes socialistes SKB, Union Étudiante , Union syndicale Solidaires, Visa – Vigilance et Initiatives Syndicales Antifascistes.
En soutien
Génération-s, L'APRÈS La France insoumise, Les Jeunes de L'APRÈS, NPA-l'Anticapitaliste, Parti Communiste des Ouvriers de France (PCOF), Parti Communiste Français, Parti de Gauche, Parti Socialiste, Socialisme ou Barbarie France, Réseau coopératif Gauche Alternative, Union communiste libertaire
Télécharger l'appel :
Appel GREVEFEMINISTE 25 novembre 2025 au 25102025
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#25Nov25
Appel à l'action : Ni guerre, ni galère — justice, paix et souveraineté pour les femmes paysannes, maintenant !
Bagnolet, 3 novembre – Depuis 26 ans, le 25 novembre, Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, rappelle au monde : NON à la violence contre les femmes ! Cependant, cette journée intervient dans un contexte marqué par de multiples crises — climatique, alimentaire, économique, politique, migratoire et des soins — qui menacent les avancées en matière d'égalité, au point que, selon ONU Femmes, il faudra près de 300 ans pour atteindre l'égalité de genre.
La situation reste plus alarmante que jamais : les quelques droits acquis par les femmes — en particulier par les femmes paysannes, bergères, pêcheuses, sans-terre, salariées agricoles et saisonnières — reculent aujourd'hui, tandis que les taux de violence continuent d'augmenter en milieu rural.
Selon le rapport du Secrétaire général de l'ONU sur la situation des femmes et des filles rurales, 43% de la population mondiale vit en zones rurales, et parmi les 80% des personnes vivant en situation d'extrême pauvreté dans ces zones, la moitié sont des femmes. Le rapport souligne que l'inégalité persiste : les femmes rurales ne gagnent que 82 centimes pour chaque dollar perçu par les hommes dans l'agriculture, et dans de nombreux pays, seules 29% des lois garantissent effectivement l'égalité des droits fonciers.
Nous observons également avec grande inquiétude la montée de la droite et de l'extrême droite à l'échelle mondiale, ainsi que les conservatismes qui portent atteinte aux droits historiques et fondamentaux des femmes. Cette dynamique s'accompagne de guerres, conflits, génocides, crises climatiques, discriminations, colonisations directes et indirectes des territoires, et militarisme, exposant les femmes paysannes, les enfants et les personnes LGBTQIA+ à de graves menaces pour leur sécurité et à diverses formes de violence systémique et structurelle.
En tant que mouvement paysan international, nous sommes horrifié·e·s de voir que, dans certaines régions du monde — Gaza, le Soudan, le Congo, Haïti et l'Équateur — les populations subissent quotidiennement massacres, exécutions brutales et attaques extrêmes, où la violence atteint son paroxysme.
En 2024, l'ONU a estimé que 676 millions de femmes, filles, soit 17% de la population mondiale, vivaient à moins de 50 km de zones de conflit, le chiffre le plus élevé depuis les années 1990. Cette réalité constitue une catastrophe humanitaire de dimension planétaire. Malgré l'ampleur de ces atrocités, les droits internationaux et les mécanismes de protection restent largement dépassés, incapables de protéger les survivant·e·s. Les femmes, et les filles paient le prix le plus lourd et sont exposées à des tactiques de guerre brutales, telles que l'utilisation de la famine ou de la violence sexuelle comme armes de guerre.
Les femmes rurales comme urbaines, qu'elles vivent dans le monde arabe, en Afrique, en Amérique latine, en Asie ou en Europe, subissent toutes violences, injustices et crimes contre l'humanité. Ces réalités sont indéniables et ne peuvent plus être minimisées. La violence affecte tous les aspects de la vie d'une femme : physique, psychologique, sexuelle, économique, politique, patrimoniale, culturelle, institutionnelle et environnementale.
À cela s'ajoutent des taux alarmants de féminicides, preuve que le droit fondamental à la vie des femmes — gardiennes de la vie — reste en danger permanent. Selon un rapport de l'ONU publié en 2024, chaque jour, 140 femmes, et filles meurent sous les coups ou agissements de leur partenaire ou d'un proche, soit une personne toutes les dix minutes.
Cette réalité reflète les défaillances d'un système mondial à la fois capitaliste, patriarcal, colonial et raciste, qui oriente les politiques locales et internationales et condamne la moitié de la planète à vivre dans un danger permanent et une injustice structurelle, loin de toute égalité de genre. L'universalité de ces faits n'est pas anodine : elle est renforcée par les hiérarchies patriarcales et la faible représentation féministe dans les espaces de pouvoir, perpétuant la violence structurelle et l'inégalité de genre.
Les femmes paysannes, autochtones, travailleuses migrantes, sans terre, bergères, pêcheuses, nomades et cueilleuses sont en première ligne des luttes et résistances contre toutes les formes de violence et contre le système capitaliste mondial qui confisque la souveraineté des peuples et la paix. Gardiennes des systèmes de vie et de la résilience des communautés, elles sont au cœur des combats pour la justice climatique, la terre et une alimentation saine. Protectrices de la terre, elles préservent leurs territoires et les semences, et nourrissent leurs familles, leurs communautés et le monde entier. Leur travail de soin défie les modèles économiques et politiques de mort : elles préservent les pratiques agricoles ancestrales, assurent la production et la transformation des aliments, garantissent une alimentation saine pour toutes et tous et jouent un rôle crucial dans la lutte pour la souveraineté alimentaire, tout en proposant des changements structurels basés sur les droits et en étant actrices politiques de transformations qui soutiennent la vie et la planète.
Elles réalisent un travail productif — qui soutient les économies locales et les territoires — et un travail reproductif — qui préserve la vie, la solidarité et la cohésion des communautés. Pourtant, au cœur même de cette mission vitale, elles se trouvent privées de leur droit à la terre et aux ressources qui garantissent leur autonomie, leur dignité et la justice. Elles sont les plus touchées par la famine, les crises climatiques, la pauvreté et le manque de soins.
C'est pourquoi notre mouvement considère que la véritable révolution vers un monde plus juste, en paix et capable de garantir la souveraineté alimentaire ne pourra advenir sans les femmes et leur justice. Nous poursuivons notre lutte paysanne, femmes et hommes uni.e.s, pour défendre la vie et la justice dans le monde contre ce système global basé sur la logique de destruction et le profit capitaliste, qui menace la Terre-Mère, les systèmes écologiques, les communautés rurales, la souveraineté alimentaire, notre santé et les générations de demain.
Notre vision du monde, basée sur les principes de souveraineté alimentaire, réforme agraire et pratiques agroécologiques, est une réponse à toutes ces crises contre la pauvreté et la famine.
En ce jour, nous appelons toutes nos organisations régionales et locales, nos allié·e·s, nos mouvements et collectifs sociaux, ainsi que toutes les personnes de conscience, à se réunir et à se mobiliser pour mettre fin à la violence contre les femmes, les filles et les diversités, tant à la campagne qu'en ville, et face aux guerres et aux génocides.
Notre lutte pour la paix est collective et solidaire.
Ensemble, nous pouvons changer cette réalité et affronter un système capitaliste mondial qui nous affecte toutes et tous.
Rejoignez l'action mondiale !
Tout au long du mois de novembre, nous vous invitons à vous auto-organiser et à partager vos actions locales avec nous. Nous vous encourageons également à tisser des alliances avec nos organisations nationales et régionales afin d'amplifier nos luttes collectives. Nous le ferons en construisant l'unité d'action ! Il est temps d'enraciner les féminismes dans les luttes paysannes et d'unir nos forces dans la lutte pour la souveraineté alimentaire !
Le 25 novembre, nous lancerons notre nouvelle publication : « Justice climatique, la perspective du féminisme paysan et populaire », disponible en espagnol, français, anglais et portugais. Consultez notre site officiel pour la télécharger et l'utiliser dans les formations aux niveaux régional, national et local.
Kit de communication : lien ICI– Affiche officielle + Formats pour les réseaux sociaux — adaptez l'affiche à votre langue locale ; une version vierge est également disponible.
Mur des actions mondiales : téléversez via ce LIEN les actions locales et régionales que vous réaliserez durant cette journée. Utilisez également ce mur comme outil de consultation pour découvrir toutes les actions menées à l'échelle mondiale.
Utilisez ces hashtags : #25N25 #StopAuxViolencesFaitesAuxFemmes #FemmesEnLutte #FéminismePaysanEtPopulaire
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Envoyez vos actions (communiqués, invitations, photos ou vidéos) à : communications@viacampesina.org
Demandes de presse : press@viacampesina.org
Cette publication est également disponible en English : liste des langues séparées par une virgule, Español : dernière langue.
https://viacampesina.org/fr/25nov25-appel-a-laction-ni-guerre-ni-galere-justice-paix-et-souverainete-pour-les-femmes-paysannes-maintenant/
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Lutte contre les violences patriarcales faites aux femmes :
nous ne voulons plus attendre !
Partout dans le monde, au travail, à la maison, dans la rue : les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes et aux minorités de genre restent une réalité insupportable. Elles ne viennent pas de nulle part : elles découlent d'un système de domination : le patriarcat ! Violences conjugales, violences sexuelles, violences sexistes au travail, violences intra-familiales touchent en immense majorité les femmes.
Ce système patriarcal qui les génère et les perpétue est la première cible de la lutte à mener. Depuis plusieurs années, Macron se contente de modifications juridiques à la marge sur ce sujet, sans donner les véritables moyens d'éradiquer ces violences. Nous pouvons, nous devons agir !
3 milliards pour que les femmes ne subissent plus les violences sexistes et sexuelles, c'est donc trop demander ?*
La rigueur budgétaire que la Macronie et ses alliés tentent de nous imposer ne pourra qu'accentuer ces violences. Au delà du fait que les femmes sont toujours plus impactées par les coupes budgétaires, ce sont aussi les associations qui en payent le prix. En particulier celles qui luttent contre les violences et accompagnent les victimes au quotidien. Alors que le nombre de femmes victimes de violences conjugales et intrafamiliales n'a jamais été aussi haut (en hausse de 11% en un an selon les chiffres du ministère de l'Intérieur), les subventions des associations diminuent drastiquement, le système d'aide est saturé. 40% des victimes qui demandent un hébergement sont renvoyées chez elles, donc confrontées à un conjoint violent.
Quant à la prise en charge des plaintes, là encore les améliorations se font attendre. Les moyens manquent, notamment en matière de formation des forces de l'ordre, l'Etat ne les prenant plus en charge financièrement depuis janvier !
Pour Solidaires, il est aussi nécessaire d'agir contre les violences conjugales et leurs conséquences sur nos lieux de travail. En sensibilisant l'ensemble du personnel, on permet une meilleure détection et orientation des salariées concernées. Les entreprises comme les administrations doivent prendre des mesures d'actions sociales et administratives pour aider matériellement les victimes (logement, prise en charge des frais juridiques, aménagement d'horaires, facilités de mutation, congés rémunérés pour faire des démarches …).
* Où trouver 3 milliards ? Boîte à idées :
• l'augmentation du budget de l'armée dans le projet de loi de finances 2026 est de 6,7 milliards…
• un nouveau porte-avion nucléaire est en cours de construction en 2025, coût estimé 10 milliards…
• la surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises pourrait rapporter de 4 à 6 milliards en 2026 si elle était maintenue.
Sexisme et culture du viol, toujours ancrés dans la société…
La question spécifique des violences sexuelles n'avance pas ou si peu. Avec l'un des plus petits budgets de l'État, aujourd'hui, les moyens manquent toujours cruellement. Le nombre de victimes de violences sexuelles enregistrées a doublé sur la période depuis 2016, et ça n'est que la partie émergée !
… Et dans les entreprises !
60% des femmes sont ou seront victimes de violence sexistes et sexuelles au travail. Les remarques indécentes répétées, blagues sexistes, attitudes et gestes non sollicités sont encore le quotidien de nombreuses travailleuses. Dans les cas d'agressions sexuelles et de harcèlement, les victimes se confrontent trop souvent à des directions qui tentent de leur mettre des bâtons dans les roues. Ici aussi, elles doivent se battre pour que les rôles ne soient pas inversés, leurs agresseurs considérés comme des victimes et elles, comme des coupables…
La ratification de la Convention 190 de l'Organisation Internationale du Travail de 2019 (première loi mondiale contre les violences sexistes et sexuelles au travail) s'est faite à moyens constants, sans adopter de lois qui auraient permis clairement de valider des droits supplémentaires pour les femmes, ce n'est pas admissible ! Alors que d'autres pays ont pris des mesures comme l'Irlande qui a instauré un congés payés aux victimes de violences domestiques
Malgré tout, les choses bougent, même si c'est encore trop lent, trop rare. Les femmes, seules ou dans des collectifs, des associations féministes, avec les syndicats, parlent et dénoncent les faits dont elles sont victimes et ce dans de nombreux domaines : le sport, la culture, les universités, mais également les associations, les partis politiques, les structures syndicales. Aucun milieu n'est épargné par les violences sexistes et sexuelles.
Désormais il faut agir, concrètement !
L'extrême droite, ennemi mortel… Des femmes !
La montée en puissance des mouvements réactionnaires et masculinistes, en France comme ailleurs dans le monde, représente une menace majeure pour les droits des femmes et des personnes minorisées de genre.
Bien que les tentatives de le dissimuler soient nombreuses, le sexisme demeure l'un des fondements idéologiques de l'extrême droite. Certaines femmes s'y engagent ouvertement et défendent ses thèses, tout en promouvant une vision rétrograde du rôle des femmes : celui d'une mère blanche, gardienne des « valeurs traditionnelles » de la France, dévouée à son foyer et soumise à son mari.
L'une des stratégies les plus efficaces de ces partis d'extrême droite consiste à détourner certaines revendications féministes. Ça n'est qu'un moyen de plus pour diffuser, sous une apparence plus lisse, les idées nauséabondes et réactionnaires des fascistes.
Leur propagande mensongère s'appuie sur des thèmes comme les violences de rue ou le harcèlement, qu'ils attribuent exclusivement aux « étrangers violeurs ».
Derrière cette instrumentalisation des peurs se cache une volonté de contrôler à nouveau les femmes, de les cantonner à un rôle docile et subordonné, loin de toute émancipation politique et sociale.
Solidaires revendique :
* 3 milliards dans le budget consacré à la lutte et la prévention contre les violences sexistes et sexuelles
* Des moyens conséquents pour les associations qui luttent et accompagnent les femmes victimes de violences,
* l'augmentation du nombre de places d'accueil en hébergement d'urgence pour les femmes victimes de violences conjugales.
* Au travail, un droit à 20 jours de congés rémunérés, sans préavis et sans justificatif, destiné à faciliter les démarches nécessaires aux victimes de violences intra-familiales
* Des aménagements de travail tels que des droits à la mobilité géographique, fonctionnelle, ou des changements d'horaires en cas de violences conjugales notamment.
* L'interdiction de sanctions et du licenciement des femmes, et des minorités de genre, victimes de violence.
* Le renforcement des services de soins, de justice et d'accompagnement socio-éducatif compétent en matière de violences intra-familiales.
* Une reconnaissance des violences intrafamiliales pendant le télétravail en accident du travail.
* De faciliter les démarches de déclaration (plaintes, signalements, information à l'employeur) afin d'éviter la répétition des entretiens où les femmes et l'ensemble des victimes doivent exposer les faits de violences intrafamiliales.
* La formation des salarié·es et des différents acteurs de la prévention et de l'encadrement à la lutte et la prise en charge des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles
* La reconnaissance de toutes les violences au travail
* Une véritable prévention avec la mise en place effective et non détournée de l'EVARS (Éducation à la Vie Affective Relationnelle et à la Sexualité).
Solidaires appelle à participer massivement aux manifestations
et rassemblements autour de la journée de lutte
contre les violences faites aux femmes !
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25 novembre 2025 : contre le patriarcat : ni oubli, ni silence, marchons contre les violences !
Pour la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes du 25 novembre, nous manifesterons en solidarité, comme nous l'avons déjà fait le 11 octobre, avec et pour les femmes du monde entier : celles qui sont victimes des violences machistes, des conflits armés, des famines, des spoliations de terres et de leurs biens naturels, des gouvernements réactionnaires et des états théocratiques. Avec toutes celles qui ne peuvent pas parler, dont les voix sont étouffées, qui subissent des violences sexuelles, des tortures et des mutilations.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/11/17/25-novembre-2025-contre-le-patriarcat-ni-oubli-ni-silence-marchons-contre-les-violences/?jetpack_skip_subscription_popup
Le 25 novembre nous marcherons pour rendre hommage à toutes les victimes de la violence machiste, les femmes, les filles, les personnes LGBTQIA+, à toutes celles qui souffrent et qui luttent, en dépit des risques encourus. A toutes celles que nous avons perdues.
Les violences et l'impunité des agresseurs persistent 8 ans après l'élection d'Emmanuel Macron, en plein #MeToo. La plupart du temps, encore, les victimes ne sont pas crues, les plaintes classées sans suite. Le parcours judiciaire revictimise bien souvent les femmes et constitue un obstacle à la sortie de la violence comme la baisse du financement public des associations d'accompagnement des victimes.
Les violences sexistes et sexuelles surviennent partout, et tout le temps : dans nos espaces familiaux, sur nos lieux de travail et d'études, dans l'espace public, dans les transports, dans les établissements de soin, les cabinets gynécologiques, dans les maternités, dans les ateliers des chaînes d'approvisionnement des multinationales, les commissariats, les centres de rétention, dans les milieux du théâtre, du cinéma, du sport, en politique… Dans tous les milieux sociaux.
Elles trouvent racine dans le patriarcat et se situent au croisement de plusieurs systèmes d'oppressions.
Ainsi les femmes les plus touchées par ces violences sont celles qui souffrent déjà de multiples oppressions : les femmes victimes de racisme, d'antisémitisme, d'islamophobie, les femmes migrantes, sans papiers, les travailleuses précaires, les femmes sans domicile et autres femmes précarisées, femmes en situation de handicap, les femmes lesbiennes et bi, les femmes trans, les femmes en situation de prostitution, et celles victimes de l'industrie pédo et pornocriminelle.
Sans autorisation de travailler, les femmes étrangères dont les demandeuses d'asile sont très vulnérables aux réseaux de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains.
En France, en 2024, c'est encore plus d'un féminicide tous les trois jours commis par un conjoint ou un ex-conjoint Des femmes assassinées parce qu'elles sont femmes. Le nombre de femmes victimes de violences dans le couple et les enfants co-victimes ne diminue pas, tout comme les viols ou tentatives.
La quasi-totalité des agresseurs sont des hommes (97,3%).
Une femme en situation de handicap sur cinq a été victime de viol. 50% des lesbiennes et 75% des bi ont été confrontées à des violences dans l'espace public et 85% des personnes trans ont déjà subi un acte transphobe. Les femmes âgées de plus de 70 ans ne sont pas prises en compte dans les enquêtes sur les violences, elles représentent pourtant 21% des féminicides.
160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année, en majorité au sein de la famille. Sur les lieux de travail plus de 8000 viols ou tentatives ont lieu chaque année et un tiers des femmes subissent du harcèlement sexuel. Les employeurs publics et privés doivent faire cesser les violences et protéger les victimes, y compris de violences conjugales.
La montée de l'extrême droite en Europe et dans le monde constitue une menace majeure pour les droits des femmes et en France, le danger de son accession au pouvoir n'est pas écarté. Ces droits sont attaqués dès que l'extrême droite est au pouvoir.
Depuis quelque temps, elle prétend lutter contre les violences faites aux femmes. Sous couvert de défendre certaines d'entre elles, ces mouvements exploitent la question des violences sexistes à des fins racistes et fémonationalistes, ne s'indignant que selon l'origine, la nationalité ou la religion réelle ou supposée des agresseurs. Dans ce climat délétère, les femmes portant le voile sont de plus en plus souvent la cible d'agressions dans la rue, dans les médias, comme dans les discours politiques.
Les groupuscules fascistes attaquent régulièrement des militantes et militants sans réaction des pouvoirs publics.
Derrière les slogans et les postures prétendument féministes, l'extrême droite ne défend ni la liberté des femmes, ni leur émancipation, ni l'égalité, et se désintéresse profondément de la réalité et des droits des femmes qui luttent dans le monde.
Sans politique publique à grands moyens, sans prévention et sans éducation, les garçons et les hommes continueront de perpétrer des violences
Les organisations féministes et syndicales exigent :
* Une loi-cadre intégrale contre les violences, comme en Espagne.
* 3 milliards d'euros nécessaires pour la mettre en œuvre
* Une Éducation à la Vie Affective Relationnelle et à la Sexualité (EVARS) effective partout
* L'arrêt immédiat de la baisse des financements
et un rattrapage du budget des associations qui accompagnent les victimes et assurent l'éducation populaire sur les questions de violences et d'égalité femmes-hommes.
Tant que l'une d'entre nous n'est pas libre, tant que les violences machistes s'exerceront sur une seule d'entre nous, nous lutterons !
Nous appelons à participer aux mobilisations à l'occasion de la journée internationale des droits des enfants et pour le jour du souvenir trans (TDoR).
Contre les violences faites aux femmes et aux filles, les violences sexistes et sexuelles, manifestons partout le samedi 22 novembre 2025 et le mardi 25 novembre 2025 !
Le 20 octobre 2025
Manifestons partout le samedi 22 novembre 2025
et le mardi 25 novembre 2025 !
Premières signataires au 25 Octobre 2025
ACDI Cameroun , ActionAid France, Assemblée des Femmes, Attac France, CGT confédération Générale du Travail, CNT-SO Éducation/Recherche, Coalition féministe et enfantiste pour une loi-cadre intégrale contre les violences sexuelles, Collectif National pour les Droits des femmes, Collectif des Féministes Narbonnais.es, Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes (CLEF), CRID, Égalités, Excision parlons-en !, FAGE, FEMEN France, Femmes Égalité, Femmes Solidaires, Femmes Solidaires 80, Fondation Copernic, Force Féministe (57), France Amérique latine FAL , FSU, Genre et altermondialisme, Iran Justice, Las Rojas Paris, Ligue des Femmes Iraniennes pour la Démocratie-LFID, Maison des femmes Thérèse Clerc de Montreuil, Marche Mondiale des Femmes France, Mouvement de la Paix, Mouvement des femmes kurdes, Organisation de Solidarité Trans (OST), UNEF le syndicat étudiant, Union des femmes socialistes SKB, Union Étudiante , Union syndicale Solidaires, Visa – Vigilance et Initiatives Syndicales Antifascistes.
En soutien
Génération-s, L'APRÈS La France insoumise, Les Jeunes de L'APRÈS, NPA-l'Anticapitaliste, Parti Communiste des Ouvriers de France (PCOF), Parti Communiste Français, Parti de Gauche, Parti Socialiste, Socialisme ou Barbarie France, Réseau coopératif Gauche Alternative, Union communiste libertaire
Télécharger l'appel :
Appel GREVEFEMINISTE 25 novembre 2025 au 25102025
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Appel à l’action : Ni guerre, ni galère — justice, paix et souveraineté pour les femmes paysannes, maintenant !
Bagnolet, 3 novembre – Depuis 26 ans, le 25 novembre, Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, rappelle au monde : NON à la violence contre les femmes ! Cependant, cette journée intervient dans un contexte marqué par de multiples crises — climatique, alimentaire, économique, politique, migratoire et des soins — qui menacent les avancées en matière d'égalité, au point que, selon ONU Femmes, il faudra près de300 ans pour atteindre l'égalité de genre.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/11/17/25-novembre-2025-contre-le-patriarcat-ni-oubli-ni-silence-marchons-contre-les-violences/?jetpack_skip_subscription_popup
La situation reste plus alarmante que jamais : les quelques droits acquis par les femmes — en particulier par les femmes paysannes, bergères, pêcheuses, sans-terre, salariées agricoles et saisonnières — reculent aujourd'hui, tandis que les taux de violence continuent d'augmenter en milieu rural.
Selon le rapport du Secrétaire général de l'ONU sur la situation des femmes et des filles rurales, 43% de la population mondiale vit en zones rurales, et parmi les 80% des personnes vivant en situation d'extrême pauvreté dans ces zones, la moitié sont des femmes. Le rapport souligne que l'inégalité persiste : les femmes rurales ne gagnent que 82 centimes pour chaque dollar perçu par les hommes dans l'agriculture, et dans de nombreux pays, seules 29% des lois garantissent effectivement l'égalité des droits fonciers.
Nous observons également avec grande inquiétude la montée de la droite et de l'extrême droite à l'échelle mondiale, ainsi que les conservatismes qui portent atteinte aux droits historiques et fondamentaux des femmes. Cette dynamique s'accompagne de guerres, conflits, génocides, crises climatiques, discriminations, colonisations directes et indirectes des territoires, et militarisme, exposant les femmes paysannes, les enfants et les personnes LGBTQIA+ à de graves menaces pour leur sécurité et à diverses formes de violence systémique et structurelle.
En tant que mouvement paysan international, nous sommes horrifié·e·s de voir que, dans certaines régions du monde — Gaza, le Soudan, le Congo, Haïti et l'Équateur — les populations subissent quotidiennement massacres, exécutions brutales et attaques extrêmes, où la violence atteint son paroxysme.
En 2024, l'ONU a estimé que 676 millions de femmes, filles, soit 17% de la population mondiale, vivaient à moins de 50 km de zones de conflit, le chiffre le plus élevé depuis les années 1990. Cette réalité constitue une catastrophe humanitaire de dimension planétaire. Malgré l'ampleur de ces atrocités, les droits internationaux et les mécanismes de protection restent largement dépassés, incapables de protéger les survivant·e·s. Les femmes, et les filles paient le prix le plus lourd et sont exposées à des tactiques de guerre brutales, telles que l'utilisation de la famine ou de la violence sexuelle comme armes de guerre.
Les femmes rurales comme urbaines, qu'elles vivent dans le monde arabe, en Afrique, en Amérique latine, en Asie ou en Europe, subissent toutes violences, injustices et crimes contre l'humanité. Ces réalités sont indéniables et ne peuvent plus être minimisées. La violence affecte tous les aspects de la vie d'une femme : physique, psychologique, sexuelle, économique, politique, patrimoniale, culturelle, institutionnelle et environnementale.
À cela s'ajoutent des taux alarmants de féminicides, preuve que le droit fondamental à la vie des femmes — gardiennes de la vie — reste en danger permanent. Selon un rapport de l'ONU publié en 2024, chaque jour, 140 femmes, et filles meurent sous les coups ou agissements de leur partenaire ou d'un proche, soit une personne toutes les dix minutes.
Cette réalité reflète les défaillances d'un système mondial à la fois capitaliste, patriarcal, colonial et raciste, qui oriente les politiques locales et internationales et condamne la moitié de la planète à vivre dans un danger permanent et une injustice structurelle, loin de toute égalité de genre. L'universalité de ces faits n'est pas anodine : elle est renforcée par les hiérarchies patriarcales et la faible représentation féministe dans les espaces de pouvoir, perpétuant la violence structurelle et l'inégalité de genre.
Les femmes paysannes, autochtones, travailleuses migrantes, sans terre, bergères, pêcheuses, nomades et cueilleuses sont en première ligne des luttes et résistances contre toutes les formes de violence et contre le système capitaliste mondial qui confisque la souveraineté des peuples et la paix. Gardiennes des systèmes de vie et de la résilience des communautés, elles sont au cœur des combats pour la justice climatique, la terre et une alimentation saine. Protectrices de la terre, elles préservent leurs territoires et les semences, et nourrissent leurs familles, leurs communautés et le monde entier. Leur travail de soin défie les modèles économiques et politiques de mort : elles préservent les pratiques agricoles ancestrales, assurent la production et la transformation des aliments, garantissent une alimentation saine pour toutes et tous et jouent un rôle crucial dans la lutte pour la souveraineté alimentaire, tout en proposant des changements structurels basés sur les droits et en étant actrices politiques de transformations qui soutiennent la vie et la planète.
Elles réalisent un travail productif — qui soutient les économies locales et les territoires — et un travail reproductif — qui préserve la vie, la solidarité et la cohésion des communautés. Pourtant, au cœur même de cette mission vitale, elles se trouvent privées de leur droit à la terre et aux ressources qui garantissent leur autonomie, leur dignité et la justice. Elles sont les plus touchées par la famine, les crises climatiques, la pauvreté et le manque de soins.
C'est pourquoi notre mouvement considère que la véritable révolution vers un monde plus juste, en paix et capable de garantir la souveraineté alimentaire ne pourra advenir sans les femmes et leur justice. Nous poursuivons notre lutte paysanne, femmes et hommes uni.e.s, pour défendre la vie et la justice dans le monde contre ce système global basé sur la logique de destruction et le profit capitaliste, qui menace la Terre-Mère, les systèmes écologiques, les communautés rurales, la souveraineté alimentaire, notre santé et les générations de demain.
Notre vision du monde, basée sur les principes de souveraineté alimentaire, réforme agraire et pratiques agroécologiques, est une réponse à toutes ces crises contre la pauvreté et la famine.
En ce jour, nous appelons toutes nos organisations régionales et locales, nos allié·e·s, nos mouvements et collectifs sociaux, ainsi que toutes les personnes de conscience, à se réunir et à se mobiliser pour mettre fin à la violence contre les femmes, les filles et les diversités, tant à la campagne qu'en ville, et face aux guerres et aux génocides.
Notre lutte pour la paix est collective et solidaire.
Ensemble, nous pouvons changer cette réalité et affronter un système capitaliste mondial qui nous affecte toutes et tous.
Rejoignez l'action mondiale !
Tout au long du mois de novembre, nous vous invitons à vous auto-organiser et à partager vos actions locales avec nous. Nous vous encourageons également à tisser des alliances avec nos organisations nationales et régionales afin d'amplifier nos luttes collectives. Nous le ferons en construisant l'unité d'action ! Il est temps d'enraciner les féminismes dans les luttes paysannes et d'unir nos forces dans la lutte pour la souveraineté alimentaire !
Le 25 novembre, nous lancerons notre nouvelle publication : « Justice climatique, la perspective du féminisme paysan et populaire », disponible en espagnol, français, anglais et portugais. Consultez notre site officiel pour la télécharger et l'utiliser dans les formations aux niveaux régional, national et local.
Kit de communication : lienICI– Affiche officielle + Formats pour les réseaux sociaux — adaptez l'affiche à votre langue locale ; une version vierge est également disponible.
Mur des actions mondiales : téléversez via ce LIEN les actions locales et régionales que vous réaliserez durant cette journée. Utilisez également ce mur comme outil de consultation pour découvrir toutes les actions menées à l'échelle mondiale.
Utilisez ces hashtags : #25N25 #StopAuxViolencesFaitesAuxFemmes #FemmesEnLutte #FéminismePaysanEtPopulaire
Telegram pour les dernières mises à jour : t.me/lvcstruggles
Facebook :@ViaCampesinaOfficial
Instagram : @la_via_campesina_official
X :@viacampesinaFR
Mastodon :@vicampesina_fr@movimientos.social
Envoyez vos actions (communiqués, invitations, photos ou vidéos) à : communications@viacampesina.org
Demandes de presse : press@viacampesina.org
Cette publication est également disponible en English : liste des langues séparées par une virgule, Español : dernière langue.
https://viacampesina.org/fr/25nov25-appel-a-laction-ni-guerre-ni-galere-justice-paix-et-souverainete-pour-les-femmes-paysannes-maintenant/
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« Sans précédent » ! De la Cour suprême, des droits de douane, du droit de vote et l’héritage de J. Roberts avec Lisa Graves
Je veux faire ici une distinction très importante : nous ne contestons pas que ce qui est en cause ici c'est le pouvoir de taxation
Democracy Now ! 07 novembre 2025
Traduction et organisation du texte, Alexandra Cyr
Amy Goodman : (…) Nous restons sur le sujet de la Cour suprême mais à propos d'une cause majeure qui est devant elle, soit le pouvoir ou non du Président Trump d'imposer unilatéralement des vagues de droits de douane sans précédent sur les marchandises importées. Mercredi elle entendu les plaidoyers des deux parties. Le solliciteur général, John Sauer a défendu l'idée que le Président avait ce pouvoir en raison de la loi dite « International Emergency Powers Act » ou IEEPA, adoptée en 1977. Elle garantit au Président le pouvoir de réguler le commerce en période de guerre ou autres urgences nationales. (…) :
John Sauer : Je veux faire ici une distinction très importante : nous ne contestons pas que ce qui est en cause ici c'est le pouvoir de taxation. C'est le pouvoir de réguler le commerce extérieur. Ce sont des droits de douanes qui régularisent. Ce ne sont pas des droits pour augmenter les revenus. S'ils contribuent à faire augmenter les revenus, ce n'est qu'accidentel. Les droits de douane seraient encore plus valables, pour ainsi dire, si personne ne les payait jamais.
A.G. : Ce sont de petites entreprises qui mettent au défi cette politique. Voici l'avocat des plaignantes, l'ancien procureur général Neal Katyal, s'exprimant en dehors de la Cour :
Neal Katyal : Notre message est simple en ce jour : la Constitution, nos fondateurs et 238 années d'histoire américaine disent tous que le pouvoir d'imposer des droits de douane au peuple américain appartient au seul Congrès. Les droits de douane ne sont que des taxes imposées au peuple américain qui devra les payer. Nous ne poursuivons pas le Président mais la Présidence. Rien à voir avec la partisannerie mais tout à voir avec un principe. Et pardessus tout, cela concerne la division des pouvoirs tel que stipulée dans la Constitution qui est le fondement de notre gouvernement. Nous remercions les juges d'avoir questionné aussi à fond les plaidoyers et nous attendons les conclusions.
A.G. : Cette cause avait vite fait son chemin devant les cours fédérales. Jusqu'ici, la Cour suprême a entendu environ 24 appels d'urgence de l'administration Trump. Avec sa majorité conservatrice elle a sans trop de restrictions, approuvé le plan agressif du Président qui a pu aller de l'avant. Mais c'est la première fois qu'elle prendra une décision définitive sur une de ces politiques. Mercredi, les juges, dont les juges conservateurs.trices semblaient sceptiques devant les arguments du gouvernement. Voici le juge en chef, John Roberts :
Juge en chef Roberts : Ici, l'IEEPA est invoquée. Jamais au paravent cette loi n'a servi à justifier l'établissement de droits de douane. Personne ne l'a jamais fait jusqu'à ce jour dans cette cause particulière. Le Congrès établit des droits de douane et d'autres dispositions ; ce n'est pas le cas ici. Et, corrigez-moi si je me trompe, on s'en sert pour pouvoir imposer des droits de douane sur n'importe quel produit de n'importe quel pays, pour n'importe quel montant, et pour des durées illimitées. Cela semble, et je n'insinue pas que ça ne soit pas là, que cette super autorité, et que les arguments de base pour la défense de la cause, soient inappropriés.
A.G. : Afin de creuser cette question des droits de douane et de la cause devant la Cour suprême, nous recevons Mme Lisa Graves. Elle est la directrice et la fondatrice du groupe de recherche sur les politiques, True North Research. Son dernier ouvrage s'intitule : Whitout Precedent : How Chief Justice Roberts and His Accomplices Rewrote the Constitution and Dismantled Our Rights. Elle est aussi ancienne adjointe du procureur général. Nous la rejoignons à Superior au Wisconsin.
Soyez la bienvenue sur Democracy Now ! Donc, le juge en chef est la principale cible dans votre livre portant sur la Cour suprême. Parlez-nous de l'importance de la cause actuelle. Est-ce que vous avez été surprise par les questionnements de la majorité conservatrice du tribunal dont les trois nommés.es par le Président Trump ?
Lisa Graves : C'est une très importante cause. Je crois que les questions que pose le Juge en chef sont sincères. Mais nous nous souvenons que l'an dernier tout juste, il a inventé une immunité au Président dans la cause des poursuites criminelles contre un président, sans aucune base réelle et malgré le fait que la Constitution ne donne pas ce pouvoir. Et nous voilà, l'année suivante devant ce tribunal qui devra décider si oui ou non le Président a le pouvoir d'imposer des droits de douane alors que la Constitution stipule clairement que ce pouvoir appartient au Congrès. L'invocation de cette loi, IEEPA, ne donne pas au Président le pouvoir d'imposer des droits de douane.
Comme vous le savez et de même pour votre auditoire, les droits de douane et les taxes finissent par être payées par le peuple américain qui achète les biens au prix contenant les droits. D. Trump s'est vanté que ces droits de douane produiraient tant et tant de revenus, des milliards et des milliards de dollars. Pourtant, devant le tribunal, le gouvernement plaide que s'il y a des revenus se sera accidentel, qu'il ne s'agit que d'un pouvoir normal de régulation. Ça ne l'est pas. Rien n'est normal dans tout ça.
Je pense que ce tribunal, la Cour du juge en chef Roberts, va rejeter cette cause, mais simplement parce qu'elle doit occasionnellement décider à l'encontre de ce Président. Et comme vous l'avez noté en introduction, cette année, elle est intervenu 24 fois pour permettre les actions irresponsables et dommageables du Président et de son administration envers le peuple américain, de lui faire un mal irréparable. Cette fois, puisque la communauté d'affaire s'implique, peut-être que la décision ira contre le Président. Et elle tentera de se cacher en disant : « Vous voyez, c'est juste », alors que cette cour, sous la direction de J. Roberts, a agit de si nombreuses fois de manière injuste, anti constitutionnellement, de manière à diminuer nos droits dont celui de voter.
A.G. : Donc, parlons de ce qui qui amène cette cause dans l'actualité. Les entreprises (qui sont parties à la cause), ne sont pas les géantes mais des petites et moyennes. Expliquez-nous ce qui fait que ce sont des taxes, contrairement à ce que dit le Président, par exemple : « Nous allons faire payer ces pays », (seront payées par le peuple), comme vous le dites. Qui va payer ?
L.G. : Il ne s'agit de « qui va payer ? ». Les droits de douane s'appliquent aux biens vendus aux États-Unis importés par les États-Unis. Donc, ultimement, ou les entreprises vont acheter des marchandises et/ou composantes de ce qu'elles assemblent ou construisent ou encore, ce seront les consommateurs.trices qui vont les payer en achetant à l'épicerie ou dans d'autres commerces. C'est le peuple américain qui va payer. Dès maintenant, certaines entreprises qui importent ne refilent pas le coût des droits de douane aux consommateurs.trices d'ici. Elles attendent de voir ce qui va arriver en fin de course ; elles les absorbent. Donc, l'idée que se n'en sont pas, ou encore que ce soit quelques revenus accidentels, qu'ils seraient payés par les exportateurs.trices, que ça ne nous affecterait pas, est fausse. C'est nous, les Américains.es qui allons payer en bout de ligne.
Et c'est le Congrès qui a le pouvoir de lever les taxes et impôts. C'est explicite dans la Constitution ; ce n'est pas donné au Président. Donc, par voie de conséquence, le Congrès à le pouvoir d'imposer des droits de douane. Ce que prétend l'administration Trump à ce sujet est inexact : le Président n'a pas le pouvoir de créer des taxes et impôts ni d'imposer des droits de douane. Et il y a de bonnes raisons pour cela et ce n'est pas seulement à cause de la Constitution. Le comportement du Président Trump est une de ces raisons. Si ce pouvoir n'a pas été accordé aux Présidents, c'est que sa concentration dans les mains d'une seule personne permet l'arbitraire, des décisions capricieuses, saugrenues, vindicatives, comme nous l'a démontré D. Trump. La première ronde de ces droits de douane visait même des iles où il n'y a que des pingnouins mais épargnait la Corée du nord et la Russie. Des droits de douane arbitraires. Nous assistons à une sorte de chantage pour arriver à ce que certains pays apaisent l'égo du Président en échange d'élimination des droits de douane ou encore de baisse. Ce n'est pas ainsi qu'une politique de ces droits devrait fonctionner. Le Congrès devrait en avoir été le maitre d'œuvre et en avoir délibéré démocratiquement. Plus encore, comme ce sont des taxes et impôts imposés.es au peuple américain, seul le Congrès peut le faire parce qu'il détient le pouvoir sur les finances nationales ce qui n'est pas le cas du Président. Le Président ne peut à la fois exercer les pouvoirs législatifs et exécutifs.
A.G. : Voici un échange entre la juge Elena Kagan et le procureur général John Sauer durant les plaidoyers et à propos des pouvoir d'urgence :
J. Sauer : Le Président doit déclarer formellement l'état d'urgence ce qui le soumet à un examen intensif de la part du Congrès : revue des actes périmés naturellement, des révisions à répétition, des rapports etc. qui disent tous que vous devez consulter le Congrès le plus possible.
Juge Kagan : (Si je comprends bien), pour vous la déclaration d'urgence nationale ne peut être examinée. Et même si elle ne l'est pas, c'est bien sûr le genre de décision présidentielle à laquelle la Cour devrait porter une déférence considérable. Ça ne semble pas une contrainte très importante.
J.S. : Mais s'en est une.
Juge Kagan : De fait, ces derniers temps, nous avons eu à traiter des urgences issues du pouvoir du Président. Finalement, nous sommes toujours dans les urgences comme la moitié de la planète.
A.G : S'il vous plait, Lisa clarifiez.
L.G. : Sous la loi IEEPA, il s'agit de savoir s'il y a urgence ou non ; c'est la base pour établir les règles conséquentes, en quelque sorte un embargo. Mais ici il n'y en a pas. L'administration a déclaré que la crise du Fentanyl lui permettait d'imposer cette vague énorme et arbitraire de droits de douane. Elle a aussi invoqué le déficit commercial qui fait partie de notre économie depuis des décennies comme une sorte d'urgence. Ça ne l'est pas. D. Trump a aussi déclaré l'état d'urgence à Portland et Los Angeles. En fait il utilise le terme « urgence « pour tenter de se tirer de quoi que ce soit.
Il est vrai que la Cour suprême a traditionnellement accepté les déclarations d'urgence des Présidents. Mais je ne crois pas qu'elle ait quelque obligation que ce soit de le faire pour la requête de ce Président. Elle n'est fondée sur aucun faits, elle n'a pas de base (crédible) si ce ne sont le genre d'arguments que J.Sauer avance pour justifier que son client doit pouvoir faire tout ce qu'il veut. Il n'y a pas d'urgence réelle. Nous ne sommes pas en guerre, seule raison pour se prévaloir du IEEPA. Et même si c'était le cas, ça ne permettrait pas d'imposer des droits de douane.
A.G. : Lisa, vous venez de publier cet ouvrage intitulé : Without Precedent : How Chief Justice Roberts and His Accomplices Rewrote the Constitution and Dismentled Our Rights. Pouvez-vous nous parler des éléments les plus importants de ce livre, spécialement ceux qui concernent le Juge en Chef Roberts ? Commencez par tout ce qui traite de la loi sur le droit de vote. Parlez-nous des origines de l'histoire d'origine du Juge en Chef Roberts.
L.G. : D'accord. Le Juge Roberts a choisi d'être le greffier du Juge Bill Rehnquist, un adversaire notoire du droit de vote qui a travaillé personnellement à rendre plus difficile le droit de vote des électeurs.trices de l'Arizona en visant directement ceux et celles de couleur en les leur supprimant. Il l'a fait personnellement à Bethune et ses environs. Quand il est entré à la Cour suprême, avant que le juge Roberts ne devienne son greffier, il a émis un premier jugement qui tentait d'éliminer la section 2 de la loi sur le droit de vote pour stipuler qu'elle serait sans effets.
Donc, Bill Renquist s'est adressé à Ken Strar qui était alors le chef de cabinet du nouveau procureur général de l'administration R. Reagan et l'a poussé à engager John Roberts qui n'avait aucune expérience en droits de vote tout comme en matière de procès. Sa seule expérience était celle de greffier (…) pour le juge le plus réactionnaire en matière de droits de vote. En passant, le juge Rehnquist l'a aussi poussé à devenir le greffier du côté des dissidents.es dans la cause Brown c. Board of Education, (jugement célèbre de la Cour suprême qui a déclaré la ségrégation inconstitutionnelle dans les écoles publiques). Le juge Rehnquist a donné un coup de main au Sénateur Bary Goldwater qui s'opposait à la loi sur les droits civiques.
Ce sont donc des éléments des débuts de l'histoire du Juge Roberts. Il a passé des centaines d'heures à travailler pour défaire cette loi. Quand la loi sur les droits de vote a été prolongée de 20 ans en 2007, quand il est devenu juge en chef en 2005, aussitôt qu'il y avait une cause devant le tribunal à ce sujet, comme par exemple, celle du Comté de Shelby, (concernant la gestion de la loi sur le droit de vote dans les États) il a voté contre. Il a voté contre d'autres articles qui renforcent la loi dont les sections quatre et cinq qui exigeaient qu'on procède à des changements (en faveur) des juridictions qui avaient une histoire de suppression du vote ou de restriction du vote des gens de couleur. Le jugement de la cause du Comté Shelby a provoqué une avalanche de suppression et de restriction du vote comme on n'en avait pas vu depuis des décennies. Maintenant, exactement en ce moment, ce tribunal, celui du Juge Roberts examine la possibilité de rejeter la section deux de la loi sur le droit de vote. Cela donnerait aux législatures dominée par les blancs.ches de diluer considérablement le droit de vote des gens de couleur, par exemple en Louisiane et d'en d'autres État.
A.G. : (…) Quand vous observez l'actuelle Cour, en ce moment, quels sont vos plus importantes préoccupations ? Et quelles sont les autres Juges face au Juge en chef ?
L.G. : Je pense que ce tribunal agit illégitimement. Les jugements prononcés en urgence qui défont des jugements antérieurs argumentés à raison, fondés sur des faits et sur la légalité, pour imposer des restrictions temporaires à des gestes unilatéraux et extrêmes de ce Président ont des conséquences irréparables démontrées par les porteurs de causes. C'est illégitime de la part de ce tribunal qui ne le fait que pour aider le Président. Ce n'est que la deuxième partie de ce qu'il a fait l'an dernier soit dans les faits, de pardonner le Président en repoussant le procès (qu'il devait subir) pour son implication dans l'émeute du six janvier (2021). Pratiquement cela lui permettait de reprendre le pouvoir. Et maintenant qu'il y est, le Juge Roberts a permis que son pouvoir se renforce, qu'il puisse avancer avec l'aide des juges qu'il a nommé et qui sont associés.es aux Républicains.
Je pense que les démocrates qui siègent à cette Cour, qui sont en minorité, sont frustrés.es. Cela se voit dans leurs dépôts de jugements dissidents quand la majorité du tribunal ne démontre pas pourquoi il défait les causes des tribunaux inférieurs et permet au Président Trump d'avancer encore plus vite alors que le peuple souffre jour après jour.
Je pense que le Juge Roberts et son tribunal sont hors de contrôle. Leurs agissements sont arrogants. Leur intervention dans ces causes a été agressive tout comme dans celle sur l'immunité (du Président). Les jugements des cours inférieures auraient pu être maintenus. Ils étaient bien établis sur les précédents solides légalement, ils se tenaient. Mais c'est le coup de mains à D. Trump qui était recherché à chaque détours. Ce faisant, le tribunal s'est affiché comme un hyper partisan, il n'a pas agi comme il devrait agir mais comme un appui à la Présidence MAGA de D. Trump.
A.G. : Qu'est-ce qui vous a le plus surpris en faisant la recherche pour écrire votre bouquin ?
L.G. : Alors !! Ce fut une petite chose. Vous savez comment le Juge Roberts se présente comme un arbitre, qu'il sera juste et ne fera que gérer la partie de baseball. Quand j'étudie son passé je découvre qu'il n'a jamais joué au baseball que ce soit au secondaire ou au collège. Il jouait au football. Et son coach a déclaré à un groupe monétaire obscur qui a soutenu sa confirmation (à la Cour suprême) qu'il était un plaqueur particulièrement doué, quelqu'un qui étudie ses adversaires et qui cherche un moyen de les plaquer. C'est vraiment ce que nous avons à la tête de la Cour suprême : un joueur sur le terrain qui fait avancer le plan régressif de droite de la révolution Reagan(?), pas l'arbitre juste qu'il prétend être et qu'il a tenté d'introduire dans la tête du peuple américain. Il n'est pas cet arbitre. J'ai pensé l'appeler l'arbitre trumpiste parce qu'il a été si complaisant avec Trump, de toutes sortes de façons qu'il en a étendu le pouvoir bien plus largement que celui de n'importe quel autre Président. De fait, ce jugement a retiré un des piliers fondamentaux des pouvoirs et contrepouvoirs (checks and balances) de notre démocratie. Ce qui rend le serment que Donald Trump a prononcé devant J. Roberts à l'effet qu'il serait fidèle à la loi, presque sans signification.
A.G. : Merci Lisa d'avoir été avec nous. (…)
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Les démocrates ont cédé dans la lutte contre la paralysie budgétaire. Les syndicats les ont laissés faire
La fermeture du gouvernement est le test qui a montré où les forces progressistes sont fortes et où elles sont faibles. Les résultats sont connus après la capitulation des démocrates face au Parti républicain hier soir : la plupart des dirigeants syndicaux ne sont pas à la hauteur de la situation.
Tiré de Jacobin.
10 novembre 2025
Dans un acte spectaculaire de lâcheté et d'idiotie hier soir, sept sénateurs démocrates et un indépendant ont voté pour mettre fin à la paralysie budgétaire selon les conditions des républicains, gaspillant ainsi leur élan et leur influence. Bernie Sanders a exposé les conséquences probables de cette capitulation :
« Cela augmente les primes d'assurance maladie de plus de vingt millions d'Américain·es en les doublant, voire en les triplant ou quadruplant dans certains cas, et cela ouvre la voie à l'exclusion de quinze millions de personnes du programme Medicaid et de l'Affordable Care Act. Des études montrent qu'environ 50 000 Américain·es mourront chaque année inutilement, et tout cela pour accorder un trillion de dollars d'allégements fiscaux aux 1 % les plus riches. »
Aujourd'hui, d'innombrables Américain·es sont à juste titre indigné·es non seulement par les sénatrices et sénateurs qui ont cédé, mais aussi par le chef de la minorité au Sénat, Chuck Schumer, qui a laissé cette capitulation se produire.
Mais il y a un autre groupe qui mérite notre colère aujourd'hui : les dirigeantes et dirigeants syndicaux.
Le principal élément déclencheur de la capitulation d'hier soir a été la décision prise le 27 octobre par la direction nationale de l'American Federation of Government Employees (AFGE) d'appeler les démocrates à mettre fin à la paralysie budgétaire selon les conditions de Donald Trump, sans aucune garantie pour la couverture santé de dizaines de millions d'Américain·es.
La principale justification avancée par le président de l'AFGE, Everett Kelley, était que ses membres souffraient économiquement de la paralysie budgétaire. Il ne fait aucun doute que ce préjudice est bien réel, et je ne doute pas de la sincérité de l'engagement de Kelley envers ses membres. Mais les dirigeant·s de l'AFGE auraient pu décider de faire pression sur les républicain·es plutôt que sur les démocrates pour mettre fin à la paralysie budgétaire. C'était un choix politique.
Les membres de base de l'AFGE ont publié ce matin une lettre ouverte appelant leurs dirigeants nationaux à s'opposer à l'accord. Comme me l'a écrit hier soir un membre de base de l'AFGE : « Beaucoup d'entre nous sont furieux et furieuses contre les dirigeant·es de l'AFGE. [...] Même si les dirigeant·es de l'AFGE estimaient que la paralysie budgétaire était devenue trop coûteuse, ils et elles auraient pu rejeter la responsabilité sur les républicain·es, qui peuvent rouvrir le gouvernement à tout moment en modifiant les règles du Sénat. » Loin de capituler après avoir mené un combat acharné, l'AFGE a refusé, dès le premier jour de cette fermeture, de fixer des limites claires aux républicain·es et de lancer de véritables campagnes de pression à leur encontre.
Les dirigeant·es de l'AFGE ne sont pas les seuls membres du mouvement syndical à avoir ouvert la voie à cette débâcle. Les deux sénateurs démocrates ont cédé au Nevada, un État où le syndicat Culinary Union, affilié à UNITE HERE, principalement composé d'immigrant·es et parfois militant, est l'acteur le plus puissant de la politique démocrate. Il est difficile d'imaginer que les sénateurs du Nevada auraient pris une décision aussi importante sans le feu vert tacite ou explicite des dirigeant·es du syndicat Culinary. En effet, aucune mention n'est faite de la lutte contre la fermeture dans les récents communiqués de presse du syndicat.
Les dirigeant·es du syndicat Culinary craignaient probablement que la poursuite des retards dans le trafic aérien ne nuise à leurs membres en freinant le tourisme à Las Vegas, mais cela ne justifie pas le refus de mener une lutte intersyndicale pour forcer les républicain·es à céder. Les travailleuses et travailleurs du secteur culinaire bénéficient d'une couverture santé réputée excellente ; il est regrettable que les dirigeant·es de leur syndicat semblent encore réticent·es à se battre pour que toustes les Américain·es bénéficient des mêmes droits. (Lors de l'élection présidentielle de 2020, les dirigeant·es du syndicat Culinary s'étaient également opposés à Sanders ainsi qu'à sa revendication d'une couverture médicale universelle.)
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Le projet de « Golden Dome » de Trump. Encore plus d’or pour les oligarques de la Défense et de ses sous-traitants
Au cours des derniers mois, la rédaction du Washington Post s'est progressivement déplacée vers la droite, soutenant l'augmentation des budgets de défense, le recours à la force militaire et même le retour de l'armée états-unienne dans sa plus grande base aérienne en Afghanistan [en septembre 2025, Trump annonçait que « la surveillance de la Chine » impliquait la récupération de la base de Bagram, à 50 km de Kaboul ; début novembre, Trump a réactivé une base militaire abandonnée depuis vingt ans à Porto Rico, celle baptisée Roosevelt Roads, dans le cadre de son opération anti-« Venezuela-Maduro » dans la mer des Caraïbes – réd.]. Dans un récent éditorial intitulé « Comment vivre dans notre “maison de dynamite” nucléaire », le Washington Post a renversé sa position de longue date pour soutenir la construction du bouclier antimissile national du nom de « Golden Dome » [le Dome d'or, ce qui renvoie à une obsession des nazis pour l'or, une obsession que l'on retrouve dans le « trumpisme » – réd.]. La construction de ce système pourrait prendre plus d'une décennie et nécessiter un financement de plus de 1000 milliards de dollars.
10 novembre 2025 | Alencontre.org
https://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/le-projet-de-golden-dome-de-trump-encore-plus-dor-pour-les-oligarques-de-la-defense-et-de-ses-sous-traitants.html
Les États-Unis ont déjà dépensé près de 400 milliards de dollars pour des systèmes de défense au cours des 50 dernières années, sans aucune raison de croire qu'un système de type « Guerre des étoiles » [projet lancé par Reagan en 1983 – réd.] puisse être efficace. Les tests eux-mêmes ont été menés dans des conditions soigneusement contrôlées afin d'en garantir le succès et d'éviter des scénarios réalistes dont l'issue ne serait pas assurée.
Le budget actuel de la défense prévoit déjà une modeste avance de 25 milliards de dollars pour un système qui n'est pas viable. La seule certitude est que des milliards de dollars seront injectés dans les caisses de l'industrie de la défense. Encore plus d'or pour les oligarques ! [1]
Plusieurs décennies d'essais sur des systèmes de défense antimissile nationaux et sur le théâtre des opérations montrent qu'il n'est pas facile de frapper un missile avec un autre, et qu'il n'existe à ce jour aucun système capable de distinguer un missile balistique réel d'un leurre. L'une des raisons pour lesquelles les États-Unis et l'Union soviétique ont conclu un traité sur les missiles antibalistiques (ABM) le 26 mai 1972 était leur reconnaissance du fait que tout système de défense nationale serait inefficace et provoquerait une nouvelle escalade dans les systèmes de vecteurs stratégiques offensifs. Le traité ABM-Anti-Ballistic Missil était considéré comme une avancée majeure en matière de contrôle des armements et de désarmement, qui devait permettre une réduction plus importante des systèmes offensifs. L'abrogation du traité a ouvert la voie à la justification de nouveaux systèmes offensifs.
Dans un monde dépourvu de systèmes nationaux de défense antimissile, les États-Unis et l'Union soviétique/la Russie ont réduit leurs stocks nucléaires de plus de 80% et les essais nucléaires (à l'exception de la Corée du Nord) ont cessé. Cependant, Donald Trump menace aujourd'hui de reprendre les essais pour la première fois depuis 1992. Le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE-Comprehensive Nuclear-Test-Ban Treaty-CTBT] interdit les essais nucléaires, mais les États-Unis, la Russie et la Chine, signataires du TICE, n'ont jamais ratifié le document. Le Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) de 1968 (entré en vigueur en mars 1960) a également réussi à limiter le nombre d'États dotés d'armes nucléaires, mais la reprise des essais et la mise en place d'un système national de défense antimissile aux États-Unis conduiraient à des scénarios plus menaçants. [Les lectrices et lecteurs peuvent disposer d'une information remarquable en écoutant le professeur Benoit Pelopidas dans une vidéo d'Elucid disponible sur la home page du site alencontre.org, grâce à l'aimable autorisation d'Elucid – réd.]
L'une des meilleures raisons de négocier la fin de la guerre en Ukraine serait la possibilité pour les États-Unis de revenir à la table des négociations avec la Russie sur le contrôle des armements et le désarmement. Le dernier traité de contrôle des armements entre la Russie et les États-Unis, le nouveau traité SALT [Strategic Arms Limitation Talks, négocié depuis 1969, le traité SALT I est signé en 1972 et le traité SALT II en 1979 – réd.], expirera en février 2026, et le président russe Poutine et le ministre des Affaires étrangères Lavrov ont indiqué que Moscou était prêt à prolonger la durée du traité et à discuter d'autres questions relatives au contrôle des armements. Une telle mesure contribuerait à réduire le niveau de tension et de suspicion qui existe entre les deux plus grandes puissances nucléaires, et pourrait même inciter la Chine, troisième puissance nucléaire, à entamer un dialogue sur le contrôle des armements. Dans le même temps, la Chine est en passe de disposer d'un stock de 1000 ogives nucléaires d'ici 2020.
L'éditorial du Washington Post affirme avec une certaine désinvolture que la destruction mutuelle assurée et la menace d'une riposte écrasante ont empêché une attaque nucléaire [voir à ce sujet la démythification de Pelopidas]. Il conclut néanmoins que, « tout comme les défenses antimissiles peuvent échouer, la dissuasion peut également échouer ». Il en conclut donc qu'un Golden Dome est nécessaire. Nous n'avons certainement pas besoin d'un système qui ne fonctionne pas et qui risquerait d'entraîner une accumulation accrue d'armes offensives et une course aux armements coûteuse.
Les États-Unis et la communauté internationale auraient tout intérêt à mener des négociations visant à réduire les armes offensives, à empêcher toute idée de défense antimissile nationale, à empêcher la militarisation de l'espace [voir la nomination à la tête de la NASA de Jared Isaacman, un proche d'Elon Musk qui pourra placer le matériel de SpaceX – réd.] et à relever le défi de l'IA (Intelligence artificelle) qui pourrait potentiellement conduire à l'utilisation accidentelle d'armes nucléaires. Pendant ce temps, les États-Unis sont prêts à dépenser des centaines de milliards de dollars pour un système qui n'a jamais été testé avec succès et qui combine des intercepteurs, des radars et des réseaux informatiques de contrôle. Tout système de défense nationale ne fera qu'entraver la coopération nécessaire pour réduire les risques de lancements accidentels et compromettre la coopération nécessaire pour les systèmes d'alerte précoce. (Publié sur le site Counterpunch le 6 novembre 2025 ; traduction et édition rédaction A l'Encontre)
Melvin A. Goodman est chercheur senior au Center for International Policy et professeur de sciences politiques à l'université Johns Hopkins. Auteur récemment, parmi d'autres ouvrages, de Containing the National Security State (Opus Publishing, 2021).
[1] Au National War College à Washington, le 7 novembre, devant des responsables de l'armée et des représentants de l'industrie de défense, le secrétaire à la Guerre Pete Hegseth, ancien chroniqueur à Fox News, a dévoilé sa stratégie pour doper l'armée états-unienne : « Nous orientons le Pentagone et notre base industrielle vers un temps de guerre. Nous posons les bases d'une domination continue pour les décennies à venir. » (Le Grand Continent, 10 novembre 2025)
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« La machine de guerre à mille milliards de dollars » :
Democracy Now ! s'entretient avec William Hartung au sujet de son nouveau livre « The Trillion Dollar War Machine » et de ceux qui profitent de la dérive incontrôlée des dépenses militaires américaines qui alimentent les guerres à l'étranger. Hartung affirme que la politique américaine est « fondée sur le profit » et appelle à repenser nos engagements extérieurs : « Nous n'avons gagné aucune guerre au XXIᵉ siècle. Nous avons causé d'immenses dégâts. Nous avons dépensé 8 000 milliards de dollars », dit-il.
14 novembre 2025 | tiré de Democracy now !
https://www.dem
AMY GOODMAN : C'est Democracy Now !, democracynow.org. Je suis Amy Goodman avec Juan González. Alors que les États-Unis renforcent leur présence militaire en Amérique latine, le secrétaire à la Défense Pete Hegseth a déclaré plus tôt cette semaine que le Pentagone est désormais sur le pied de guerre. Dans un discours majeur, Hegseth a appelé les dirigeants des entreprises d'armement à accélérer la production d'armes pour l'armée.
SECRÉTAIRE PETE HEGSETH : Chaque dollar gaspillé dans la redondance, la bureaucratie et le gaspillage est un dollar qui pourrait être utilisé pour équiper et soutenir le combattant. Nous devons mener une campagne totale pour rationaliser les processus du Pentagone afin de libérer nos équipes d'un travail improductif et de déplacer nos ressources de la bureaucratie vers le champ de bataille.
Notre objectif est simple : transformer tout le système d'acquisition pour fonctionner en temps de guerre, accélérer rapidement la mise en service de nouvelles capacités et se concentrer sur les résultats. Notre objectif est de construire — de reconstruire — l'arsenal de la liberté.
AMY GOODMAN : Nous sommes maintenant rejoints par William Hartung, coauteur du nouveau livre The Trillion Dollar War Machine : How Runaway Military Spending Drives America into Foreign Wars and Bankrupts Us at Home. Bill Hartung est chercheur principal à l'Institut Quincy pour une gestion responsable des affaires étrangères. Bill, bienvenue à nouveau sur Democracy Now !.
Dans quelle mesure le budget du Pentagone est-il aujourd'hui sans précédent, et que fait l'armée ? Par exemple, même le président Trump, dans son décret exécutif, a renommé le Département de la Défense en « Département de la Guerre », bien que seul le Congrès puisse officiellement le faire.
WILLIAM HARTUNG : Le budget du Pentagone n'avait jamais atteint mille milliards de dollars auparavant. Même ses plus fervents partisans ne croyaient pas que nous atteindrions un jour ce seuil. Mais maintenant que nous y sommes, toutes les limites sautent.
Et des discours comme celui de Pete Hegseth reviennent à dire : « Non seulement nous allons dépenser mille milliards, mais il n'y aura plus de règles. Nous n'allons pas tester indépendamment ces armes, nous n'allons pas examiner leur conformité aux droits humains lorsqu'on les exporte. » C'était essentiellement un cadeau à l'industrie de l'armement. Et lorsqu'ils parlent d'accélérer la production… en matière d'armement, la vitesse tue.
AMY GOODMAN : Juan, vas-y.
JUAN GONZÁLEZ : Oui, Bill, je voulais vous interroger sur le déplacement croissant de la machine militaire américaine : moins de troupes, plus de machines. Ce nouveau complexe militaro-industriel issu de la Silicon Valley rêve de mener des guerres sans perdre un seul être humain, grâce aux capacités de mise à mort à distance, aux robots, à l'IA. Jusqu'où cette évolution est-elle allée ?
WILLIAM HARTUNG : Eh bien, elle avance clairement. À Washington, il y a deux mots magiques pour faire de l'argent : si vous mentionnez la Chine, si vous mentionnez l'IA — ou les deux ensemble, c'est encore mieux. Cela repose sur un vieux mythe : la technologie gagnerait les guerres. Ce n'était pas le cas au Vietnam, ni en Irak, ni avec la défense antimissile prétendument « étanche » de Reagan.
Ils vendent une marchandise éventée : une vieille idéologie avec un nouveau logiciel. Et ils sont beaucoup plus agressifs que les PDG traditionnels comme celui de Lockheed Martin. Par exemple, Palmer Luckey dit : « Nous allons être en guerre avec la Chine dans deux ans. Nous allons les écraser. Nous aurons plus de munitions. » Ils agissent comme s'ils dirigeaient notre politique étrangère et se voient comme de nouveaux messies technologiques. Leur idéologie et leur influence politique sont presque aussi dangereuses que les armes qu'ils veulent nous faire utiliser.
JUAN GONZÁLEZ : Et dans votre livre, vous discutez longuement de la guerre à Gaza et de la façon dont elle est devenue une grande source de profits pour les entreprises américaines. Pouvez-vous en parler ?
WILLIAM HARTUNG : Oui. Il existe ce mythe au Pentagone affirmant qu'envoyer des armes, c'est mieux qu'envoyer des troupes : nos soldats ne sont pas en danger et les pays « se défendent eux-mêmes ». Mais bien sûr, Israël a commis un génocide à Gaza. Ce n'était en aucun cas de la défense. Et lorsqu'on envoie des armes, tout l'argent revient aux entreprises. Pas de troupes, pas de logistique : presque du revenu pur.
Et lorsque l'on parle « d'aide militaire à Israël », il s'agit en réalité d'aide militaire à Lockheed Martin et à Palantir. L'argent va en Israël pour revenir immédiatement vers ces entreprises. Palantir a même tenu une réunion de son conseil d'administration durant la guerre à Gaza et a tenté d'inciter d'autres entreprises profitant de la guerre à soutenir plus ouvertement Israël. Ils ont également fourni les logiciels permettant d'accélérer les bombardements.
C'est l'un des épisodes les plus honteux de l'histoire d'une industrie qui, bien sûr, n'est pas basée sur la morale mais sur le profit. Beaucoup de gens fascinés par la technologie disent : « Oh, ces gens sont brillants, ils envoient des fusées dans l'espace, ce sera moins cher. » Mais nous paierons cher cette confiance accordée à ces entreprises.
Et elles sont très proches de l'administration Trump, y compris J. D. Vance, qui a été façonné par la Silicon Valley et doit sa carrière à Peter Thiel. Lorsqu'il a été nommé vice-président, les bouchons de champagne ont sauté dans la Silicon Valley et des sommes énormes sont arrivées derrière Trump.
Ils essaient de remplacer les géants comme Lockheed Martin, mais le gouvernement va payer les deux. Le système Golden Dome aura du matériel de Lockheed Martin et des logiciels d'Anduril et d'autres entreprises. Cela signifie que le seuil du mille milliards sera bientôt dépassé si l'on ne se bat pas — et il faudra se battre durement, ce qui implique de rejeter le mythe de la supériorité technologique.
AMY GOODMAN : Votre livre contient deux chapitres fascinants : « La militarisation de la science américaine : acheter la tour d'ivoire » et « Capturer les médias : comment la propagande alimente la machine de guerre ». Parlez-nous-en.
WILLIAM HARTUNG : Le tournant vers l'IA et les technologies avancées signifie que l'armée a désormais besoin des universités : Lockheed Martin n'a pas ces profils. Ces compétences sont très recherchées. Ils intensifient donc leurs recrutements et leurs financements. Johns Hopkins reçoit un milliard de dollars par an pour travailler sur des missiles balistiques, mais l'étudiant moyen n'en sait rien : le laboratoire est à 60 km.
Berkeley coadministre un laboratoire d'armes nucléaires, mais si vous interrogiez un étudiant sur le campus, il ne le saurait probablement pas. Ils accélèrent tout cela. Il y a aussi les pipelines directs des programmes d'ingénierie vers l'industrie de l'armement.
Quant aux médias, entre la révision des scénarios hollywoodiens, les interventions de think tanks financés par l'industrie de l'armement, et les cadrages favorables… très peu de médias proposent aujourd'hui de vraies critiques du militaire. Certains journaux n'ont même plus de correspondant au Pentagone : ils impriment simplement les communiqués du Pentagone. Dans le paragraphe 32, on cite un type comme Bill Hartung pour dire qu'ils sont « équilibrés ». Mais le cadrage reste entièrement pro-militaire.
Et cette idée persiste : si un événement se produit dans le monde et que nous ne répondons pas par le militaire, nous « ne faisons rien ». Alors que chaque intervention est catastrophique. Certains élus parlent de « paix par la force ». Or, nous n'avons gagné aucune guerre ce siècle. Nous avons causé des ravages, dépensé 8 000 milliards, et des centaines de milliers de soldats souffrent de PTSD sans prise en charge adéquate. Pourtant, le mythe se maintient.
Il y a donc un travail culturel et éducatif à mener, en plus de réduire les sommes colossales versées à ces entreprises.
JUAN GONZÁLEZ : Vous commencez votre livre en citant un discours de campagne de Trump en 2024 dans le Wisconsin, où il promettait de mettre fin aux guerres sans fin. Mais vous affirmez qu'en réalité, Trump ne se distingue pas beaucoup de Biden : les deux sont des partisans farouches de la machine de guerre américaine. Pouvez-vous développer ?
WILLIAM HARTUNG : Trump utilise ce discours quand cela l'arrange. Quand il a attaqué Jeb Bush et Hillary Clinton sur l'Irak, bien qu'il ne s'y soit pas opposé à l'époque. Et ce discours sur les profits de guerre vise une partie de sa base, lassée du capitalisme de connivence, des guerres et de l'aide aux grandes entreprises. Certains ont même voté pour lui en croyant qu'il serait moins interventionniste.
Mais nous en sommes là : faire exploser des bateaux de civils au large du Venezuela, continuer à armer un génocide à Gaza, et dérouler le tapis rouge aux entreprises d'armement : « On vous donne de l'argent, pas de réglementation, carte blanche. » Durant son premier mandat, il a fait pareil, puis s'est rapproché de l'Arabie saoudite pour lui vendre des armes record, affirmant que cela créait des emplois.
Trump voit l'industrie de l'armement comme un allié politique et ne l'affrontera jamais vraiment. Il dit parfois que nous avons trop d'armes nucléaires, mais aucune action ne suit. Les dépenses nucléaires augmentent. Il est erratique, mais cela répond à un objectif : garder le soutien de la partie de sa base sceptique des guerres.
AMY GOODMAN : Avant de terminer, je voulais vous interroger sur une information d'Axios hier : Israël chercherait un nouvel accord de sécurité sur vingt ans avec les États-Unis. Le précédent accord prévoyait environ 4 milliards de dollars par an d'aide militaire, et Israël devrait demander au moins autant.
WILLIAM HARTUNG : Israël veut être un client permanent des États-Unis et que nous financions son agressivité. L'accord actuel comportait quelques limites qui ne plaisaient pas à Israël : par exemple, ils pouvaient autrefois utiliser l'aide américaine pour développer leur propre industrie d'armement — cela devait prendre fin. Sous Trump, cela sera certainement annulé.
Un tel accord nous lierait en permanence aux actions d'Israël dans la région. Par exemple, quand Israël a bombardé l'Iran alors que les États-Unis négociaient, Trump a enchaîné avec des bombardements et des fausses affirmations sur la destruction du programme nucléaire iranien. Il a même réprimandé ses propres conseillers pour avoir admis que c'était faux.
Ce serait l'une des pires orientations possibles : s'attacher à une politique archaïque, dangereuse et déstabilisatrice, tout en encourageant les forces les plus extrémistes en Israël. J'espère qu'il y aura une résistance, mais ces accords se négocient souvent à huis clos.
JUAN GONZÁLEZ : Encore une question : dans la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, la question des terres rares revient comme une faiblesse majeure pour l'armée américaine et pour d'autres industries. À quel point est-ce un problème ?
WILLIAM HARTUNG : Cela contredit leur idée de créer un État-caserne autosuffisant. L'économie est mondiale. Les États-Unis n'ont pas toutes les ressources ni toutes les expertises. L'idée que tout serait produit localement, sous contrôle américain, relève du fantasme.
Même aux moments les plus hégémoniques de leur histoire, les États-Unis n'ont jamais été autosuffisants. Trump vend une illusion intenable — dangereuse lorsqu'il s'agit de paix et de sécurité.
AMY GOODMAN : Bill Hartung, merci d'avoir été avec nous. Il est chercheur principal à l'Institut Quincy pour une gestion responsable des affaires étrangères. Son nouveau livre, coécrit avec Ben Freeman, vient de paraître : The Trillion Dollar War Machine : How Runaway Military Spending Drives America into Foreign Wars and Bankrupts Us at Home.
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Quand un gardien de la liberté vacille : l’annulation d’un colloque sur la Palestine au Collège de France
La liberté académique des scientifiques menant des recherches sur la Palestine est régulièrement remise en cause. Ce texte en dépeint un cas survenu la semaine dernière au prestigieux Collège de France.
Kaveh Boveiri et Michaël Séguin
« La non-liberté est le vrai danger mortel des humains ». Cette phrase très connue, d'un penseurde 19e siècle, maintenant l'adage de toutes formes de la liberté, garde sa vigueur dans tous les domaines de la vie sociale.
A fortiori, on peut argumenter que le respect de la liberté en général, et de la liberté d'expression en particulier, constitue un impératif dans les domaines où une grande partie de l'activité se réalise dans la production, reproduction, distribution, échange et réception des mots et des idées, notamment le milieu académique. Ceci devrait être obligatoirement le cas dans les institutions des pays soi-disant démocratiques, comme la France. À ce propos, une des institutions les plus connues dans l'Hexagone est sans doute le Collège de France. Institué en 1530 à Paris, et avec ses 52 chaires à l'heure actuelle, ce collège est une des écoles les plus prestigieuses du monde universitaire, et jusqu'à tout récemment, un des gardiens importants de la liberté.
Un colloque international, « La Palestine et l'Europe : poids du passé et dynamiques contemporaines », coorganisé par le Professeur Henry Laurens, titulaire de la chaire Histoire du monde arabe du Collège de France, et par le Centre arabe de recherches et d'études politiques de Paris (CAREP), aurait dû avoir lieu les 13 et 14 novembre 2025 à ce collège. Parmi les conférenciers des quatre coins du monde, deux viennent du Canada, le professeur Michaël Séguin de l'Université Saint-Paul (Ottawa) et la doctorante Clara Denis Woelffel de l'Université du Québec à Montréal. Dans un communiqué en date du 9 novembre,l'Administrateur du Collège, Thomas Röner, annonce que celui-ci est annulé en réponse à la politique qu'il suscite et afin de « garantir la sécurité du personnel du Collège de France, ainsi que de ses auditeurs, et d'éviter tout risque quant à l'ordre public ».
Selon deux journalistes du journal Le Monde,Christophe Ayad et Soazig Le Nevé : « Les motivations ayant conduit à cette décision radicale – du jamais-vu depuis le Second Empire, quand le cours d'Ernest Renan fut « suspendu jusqu'à nouvel ordre » par l'empereur Napoléon III, le 26 février 1862 [!] – interpellent dans leur enchaînement. » Et cet enchaînement, impliquant notamment une campagne de pression politiquemenée par un réseau d'intellectuels et d'avocats pro-israéliens ayant fait pression sur le ministre de l'Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, avant qu'il ne fasse à son tour pression sur le Collège, soulève de nombreuses questions.
L'attaque ne se limite toutefois pas à l'annulation de ce colloque à ce Collège, mais à la peur qu'elle inflige dans le milieu académique français. Bien que 1500 universitairesaient signé une lettre collective dénonçant cette situation et demandant la démission du ministre, aucune institution universitaire de la région parisienne n'a accepté d'accueillir le colloque dans ses locaux. Les organisateurs se sont donc repliés sur les modestes locaux du CAREP, lesquels accueillent d'ordinaire une quarantaine de personnes, tout en assurant une diffusion en lignequi, elle, a rejoint des milliers d'intéressés.
Selon Salam Kawakibi, chercheur en science politique et directeur du CAREP, toute cette histoire est plutôt étonnante : « Je n'aurais jamais cru arriver à un jour pareil en France », dit-il en entrevue avec Le Monde. Pour sa part, Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l'ONU pour les territoires palestiniens, également invitée au colloque, n'est pas surprise parce que « les groupes de pression “pro-israéliens” sont très forts, très épanouis un peu partout ».
Le déni de la liberté d'expression du Collège est, certes, un signe d'une absence de liberté académique qui témoigne d'une dérive importante de notre monde contemporain. Si ce type de culture de l'annulation est devenue courante aux États-Unis, cette fois l'attaque se passe à Paris, « la ville des Lumières, la Capitale de liberté, le symbole de droits de l'homme et de la raison critique », pour répéter les mots d'ouverture de Salam Kawakibi. Selon lui, avec ce genre d'action, « nous sommes dans uneère de McCarthyisme à la française ».
Si le manque de liberté est un danger mortel pour tous les humains, il est d'autant plus frappant de constater que la parole de chercheurs reconnus est ici réprimée sous prétexte d'être pro-palestinienne et anti-sioniste. Et donc, parce que des universitaires tentent de faire connaître un génocide commis par l'État d'Israël à Gaza, l'establishment pro-israélien en France a tout mis en œuvre pour les discréditer. Le débat médiatique qui s'en est suivi dans les grands médias français a fait d'autant plus de bruit parce qu'il soulevait un enjeu fondamental : celui non seulement du droit à l'information, mais tout simplement du droit à la vie des Palestiniens et de la complicité européenne face à ce déni.
Ce n'était évidemment pas la première attaque contre la liberté. Il y en a eu beaucoup ces derniers mois, en particulier dans le contexte des camps pro-palestiniens sur les campus universitaires de partout dans le monde. Mais chaque attaque demeure une attaque de trop. Dans ce cas-ci, les syndicats locaux, les associations, les fédérations de l'enseignement, mais particulièrement les autorités universitaires et politiques québécoises et canadiennes ne peuvent pas garder le silence.
Crédit de la photo : Michaël Séguin
La photo représente le débat de clôture avec Josep Borrell, ancien Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, et Dominique de Villepin, ancien Premier ministre et ministre des Affaires étrangères.
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Trois pays africains se retirent de la Cour pénale internationale

Reconsidérer l’impérialisme
Dans ce texte initialement paru dans la revue Traces (vol.62, no.3), l’historien Samir Saul cherche à produire une synthèse des grands débats entourant le concept d’impérialisme. Basé sur les résultats de son récent livre L’impérialisme, passé et présent (Éditions les Indes Savantes, 2023), l’article de Saul a pour objectif d’offrir une définition de l’impérialisme, sans pour autant s’enfermer dans un débat purement théorique. La question impériale est ainsi suspendue à un certain aléas des événements historiques. Ceci implique que, loin d’être une réalité figée, l’impérialisme se modifie selon les configurations historiques et les phases du capitalisme.
Samir Saul est professeur d’histoire à l’Université de Montréal. Il a co-rédigé avec Michel Seymour le livre Le conflit mondial du XXIe siècle (Éditions L’Harmattan, 2025).

Introduction
Comme concept, schéma explicatif et sujet de discussion, l’impérialisme était, il n’y a pas si longtemps, très répandu, voire surutilisé. Sans discontinuité, il a connu une belle fortune à la faveur de l’expansion coloniale du 19e siècle, des guerres mondiales du 20e siècle, de la diffusion du marxisme, de la décolonisation, puis de la lutte contre le sous-développement. De passionnants débats sur l’impérialisme et sur les lectures faites de ce phénomène étaient courants, des salles de classe aux conférences, et même sur la place publique. Sur le plan politique, l’impérialisme était le pain quotidien des marxistes et même de la gauche non marxiste.
Puis vint la crise économique systémique des années 1970 qui mit fin à la croissance continue des Trente Glorieuses. Le keynésianisme, l’interventionnisme de l’État dans l’économie et l’économie mixte ou concertée sont à bout de souffle. Alors même que se réalisent les prédictions des marxistes sur les tendances au fléchissement du taux de profit et à la stagnation économique sous le capitalisme, ils s’avèrent incapables de remplir le vide, se trouvant dépourvus de projet politique en prise avec la situation et accaparés par des luttes intestines, et parfois dans des disputes quasi théologiques sur des points de doctrine. L’ensemble de la gauche perd de son influence, recule et se marginalise. Paradoxalement, c’est le libéralisme, discrédité depuis la Dépression des années 1930, qui profite de la crise du capitalisme. Les années 1980 sont celles de l’offensive néolibérale qui reprend les positions perdues et vise à remettre à flot le capitalisme en misant sur le marché, l’endettement et la délocalisation de la production pour retrouver la rentabilité. La mondialisation devient la voie de salut et la libéralisation est mise de l’avant comme gage de la prospérité pour les pays développés et sous-développés.
Du coup, l’impérialisme est évacué du discours, y compris — fait à noter — de la gauche, ou de ce qu’il en reste. L’hégémonie idéologique du libéralisme et le discours idéaliste sur la mondialisation bénéfique à tous écartent le concept d’impérialisme, lequel tient compte de la domination, de l’exploitation et des conflits. Ainsi le vocable passe à la trappe, à telle enseigne que même des éléments se considérant de gauche ne le comprennent plus. Il se réduit aux Empires coloniaux du passé, lesquels sont démantelés par les décolonisations post-1945, ou à une « nouvelle histoire impériale », faite d’influences réciproques entre métropoles et colonies, entre centre et périphérie. Or, ces perspectives sur l’impérialisme s’apparentent à celle du libéralisme, ainsi qu’on le verra ci-dessous.
Passé de mode comme concept d’usage courant, l’impérialisme n’est pas moins une réalité tangible et observable à l’œil nu, tellement la domination, l’extraction de richesses, les rapports de force sur la scène internationale et la mise en place de systèmes internationaux de contrôle s’imposent à quiconque regarde même distraitement. Comment les expliquer ? Aseptisée, l’idée de la mondialisation écarte ces réalités. Les notions d’Empires et de colonies ne suffisent pas, d’autant plus que leur démantèlement n’a pas mis fin à ces phénomènes. Aux décolonisations a succédé une phase postcoloniale. De fait, l’impérialisme perdure, les Empires n’ayant été qu’un moment délimité de son histoire.
1. Historiciser l’impérialisme
D’où le recours au concept d’impérialisme, lequel englobe le colonialisme, tout en le dépassant. Mais la difficulté sur laquelle on bute est qu’aucune des interprétations existantes de l’impérialisme ne correspond pleinement à la situation. Aucune ne traite le présent, postcolonial, unipolaire, mondialisé. Toutes s’occupent d’une époque du passé. À l’aune de ces interprétations, il n’y aurait plus d’impérialisme, ce qui serait un non-sens vu la persistance de ses caractéristiques et de ses symptômes. L’obstacle est sérieux, car, sans une définition de l’impérialisme, il devient impossible de qualifier une situation, une relation ou une action d’impérialistes.
Par conséquent, il convient d’opérer un retour au concept pour vérifier ce qui peut en être récupéré. Cependant, le domaine est un univers foisonnant d’écrits, un terrain encombré d’interprétations contradictoires, issues du passé, surtout partielles, applicables à un cas, pas à d’autres, et encore moins au présent. Il faut revaloriser et actualiser le concept. De fait, c’est une nouvelle interprétation qui tienne compte du présent, tout en étant valable pour diverses époques, qu’il faut élaborer. On ne saurait se laisser égarer par l’équivalence établie entre l’impérialisme et le colonialisme ; ils sont à distinguer. Le colonialisme, autrement dit, les Empires coloniaux, n’est qu’une phase historique de l’impérialisme, une forme non dissimulée d’impérialisme. Reste la phase actuelle, postcoloniale et universelle, à prendre en compte.
Comment mettre à jour le concept ? Il est possible de se limiter à la théorie et d’essayer d’en tirer une autre théorie. Mais la démarche est circulaire et peut tourner à vide ou en vase clos. Mieux vaut remonter aux sources, aux faits historiques, passés et présents. L’entreprise – et c’est là où réside sa spécificité, voire son originalité – consiste à historiciser le concept impérialisme. L’intention est de produire une interprétation enracinée dans l’histoire. C’est le propos du livre récent dont le présent article est un abrégé[1].
2. Les théories existantes et leurs limites
Tout effort de reconstitution doit débuter par un bilan du savoir disponible, un tour d’horizon des contributions qui ont marqué la réflexion sur le thème de l’impérialisme. Favorables ou défavorables, une demi-douzaine de courants traite l’impérialisme, y apportant leur explication de ses causes, de ses forces motrices et de ses conséquences.
Au préalable, il importe de rappeler que le premier courant qui prône l’impérialisme apparaît avant l’utilisation du mot. Il s’agit du mercantilisme, un ensemble de prescriptions qui ont cours des 16e au 18e siècle, au moment où de nouveaux États dynastiques et territoriaux se mettent en place et se consolident en Europe occidentale. Les guerres sont récurrentes et les besoins pécuniaires pour payer les troupes sont un gouffre financier (lancinants). Le mercantilisme est bullioniste : il prône l’accumulation de métaux précieux, acquis par tous les moyens, dont un commerce extérieur toujours excédentaire (la différence entre exportations et les importations étant réglée par des rentrées d’or et d’argent). Porté vers l’autosuffisance dans une perspective de guerre, le pays doit viser à tout produire chez lui. Le mercantilisme est productiviste et protectionniste. Pour écouler sa production, il recommande l’acquisition de colonies comme formule pour se réserver des marchés à l’abri de la concurrence et comme lieu d’approvisionnement exclusif de produits primaires à transformer (ex. le sucre). La traite et l’esclavage sont des corollaires de cet impérialisme avant la lettre. Les Empires européens des 16e au 18e siècle sont régis par des principes mercantilistes.
Six grands courants abordent l’impérialisme explicitement. Le premier, le libéralisme, relève du mouvement historique d’affirmation des droits individuels contre l’autorité et la tradition. Son volet économique est l’économie politique classique qui se développe dès la fin du 18e siècle en Angleterre en particulier, mais en France aussi. Adam Smith, David Ricardo, John Stuart Mill, Jean-Baptiste Say en sont les chefs de file et les devanciers d’une longue lignée de successeurs. L’industrialisation de l’Angleterre consacre le magistère de l’économie politique classique, qui prend valeur de dogme. Le mot d’ordre est la liberté, y compris dans l’économie. Le libéralisme s’en remet au marché, à la liberté d’entreprise, au « laissez-faire », plutôt qu’à l’intervention de l’État. Il s’ensuit qu’il prend le contrepied du mercantilisme et le dénonce avec vigueur. La possession de colonies est critiquée, étant donné que l’ouverture des frontières tarifaires procure des marchés plus larges que les débouchés coloniaux. La pensée libérale est anti-impérialiste en principe. Pour elle, les Empires n’ont de motivations que politiques (nationalisme, soif de puissance, etc.). Ils sont une erreur économique, une méprise et un gouffre financier. Elle ne connaît pas l’exploitation économique. Toutefois, dans les faits, les pays libéraux ne s’interdisent pas de posséder et d’acquérir des colonies, en dépit de l’idéologie libérale dominante. Ainsi, les plus grands Empires appartiennent aux deux principaux pays libéraux, la Grande-Bretagne et la France. Une conception ayant peu de rapports avec le réel cesse d’être adéquate.
Le deuxième courant émerge en opposition à l’économie politique classique et son analyse voulant que les crises économiques se règlent d’elles-mêmes, que la demande et l’offre finissent par s’équivaloir, que l’appauvrissement se résorbe par l’extension de la production. Les critiques, dont Sismondi, rappellent que les acheteurs potentiels n’arrivent pas à consommer faute de pouvoir d’achat. La critique de ce courant sous-consommationniste est considérée comme « hétérodoxe », une hérésie par rapport à la sacrosainte économie politique classique. Pour ces contestataires, les maux dont souffre le capitalisme lui sont intrinsèques, pas passagers. Aux yeux de certains, par exemple les « réformateurs coloniaux », Paul Leroy-Beaulieu, Jules Ferry et Joseph Chamberlain, des mesures externes contre les crises sont à rechercher, notamment la réhabilitation des colonies. Soupapes pour les marchés métropolitains engorgés en l’absence de clients solvables, elles constitueraient des marchés réservés qui absorberaient les invendus, sans oublier que les pauvres pourraient y émigrer, réduisant le nombre de chômeurs et de bouches à nourrir, tout en éloignant le danger de révolution en métropole. Ce courant sous-consommationniste énonce en termes clairs l’intérêt économique des colonies. Pour la révolutionnaire Rosa Luxemburg, l’existence du capitalisme dépend de la disponibilité de régions sous-développées. Leur perte annoncerait sa fin. Le réformiste John Hobson pensait plutôt qu’il n’y aurait plus besoin de colonies si les marchés métropolitains étaient élargis par l’élévation du pouvoir d’achat. Hobson est le précurseur de John Maynard Keynes. Dans les faits, la possession d’Empires n’a pas prévenu les crises économiques et la hausse des revenus disponibles n’a pas rendu obsolète l’impérialisme. Le sous-consommationnisme est en décalage avec le réel.

À ses débuts, le marxisme, troisième courant, et le plus critique du capitalisme, ne se prononce pas sur l’impérialisme. Marx ne l’évoque pas, même si les Empires et « l’accumulation primitive » jouent un grand rôle dans la naissance du capitalisme. C’est à la fin du 19e siècle que les marxistes s’intéressent à l’impérialisme. Le social-démocrate Rudolf Hilferding observe la concentration du capital en Allemagne dans d’énormes sociétés mêlant l’industrie et la banque dans ce qu’il nomme « capital financier ». Le bolchevik Nikolaï Boukharine se focalise sur les affrontements internationaux de ces sociétés géantes, soutenues par leurs États respectifs. Comme Boukharine, Vladimir Lénine écrit durant la Première Guerre mondiale, que les deux comprennent comme une guerre interimpérialiste pour l’hégémonie mondiale. Lénine produit l’analyse la plus influente de toutes concernant l’impérialisme parce qu’elle traite tous les problèmes relatifs au sujet. Pour lui, l’impérialisme est le dernier stade du capitalisme avant l’avènement du socialisme. Ce stade suprême est celui de la prédominance du capital financier, selon la définition de Hilferding, et du repartage du monde par la guerre. L’analyse de Lénine devient celle du communisme international pendant des décennies en raison de sa construction cohérente et sa force explicative. Elle est si identifiable et répandue qu’elle tend à faire de l’impérialisme un sujet appartenant aux communistes. Opératoire pour la Première Guerre mondiale, elle l’est cependant moins sur d’autres points : le capital financier de Hilferding ne se retrouve vraiment qu’en Allemagne, les « monopoles » ne le sont pas complètement, l’idée qu’ils donnent lieu à un stade nouveau du capitalisme est problématique, le début de l’impérialisme au 20e siècle fait l’impasse sur le colonialisme des siècles précédents, etc. Enfin, l’évolution du capitalisme depuis 1917 appelle l’intégration de nombreuses transformations postérieures à Lénine.

Un quatrième courant, celui de l’« école de la dépendance », se focalise sur une des questions prioritaires de la période post -1945, à savoir le sort du « tiers-monde ». L’impérialisme était jusque-là étudié du côté des métropoles et des conflits entre elles. À la faveur des décolonisations, le regard s’étend sur le sous-développement du Sud, sa quête de développement Karl Marx en 1875, par John Jabez Edwin Mayall et les rapports Nord-Sud. L’idée commune voulant que l’impérialisme apporte le développement à des pays retardataires est rejetée. En réduisant les colonies à de simples compléments des métropoles, spécialisées dans quelques produits exportables, il aurait plutôt apporté le sous-développement et la dépendance. L’intégration au marché mondial serait antithétique au développement et à l’industrialisation. Il fallait s’en déconnecter pour avoir quelque espoir de s’extirper du sous-développement, ce qui va directement à l’encontre des prescriptions libérales. Partant de l’Amérique du Sud, les idées des dependentistas font le tour du monde, exerçant une forte influence dans les milieux universitaires et politiques, portées par le nationalisme anti-impérialiste des pays « en voie de développement ». Paul Baran, Harry Magdoff, André Gunder Frank, Arghiri Emmanuel et Samir Amin acquièrent une réelle notoriété. Si la part de vérité historique dans les analyses historiques de ce courant est incontestable, ses recommandations n’apportent pas les succès escomptés. La sortie du marché mondial n’est souvent pas possible pour les exportateurs de matières premières. Malgré la planification, le développement « autocentré » n’aboutit pas au développement, encore moins à l’industrialisation. Coup fatal : durant les années 1970, des pays de l’Asie de l’Est réalisent l’industrialisation par la voie de l’exportation et en pleine intégration dans le marché mondial. La clé est la présence d’un État fort qui veille à la cohésion de l’économie nationale et empêche sa désarticulation par les forces du marché, national et international. Dernière faiblesse de ce courant : son mutisme sur les pays du Nord et les rapports Nord-Nord. Une compréhension globale de l’impérialisme reste à atteindre.

Un cinquième courant, mettant l’accent sur l’action internationale du capital, renoue avec les analyses classiques, tout en les adaptant à la fin du 20e siècle. Il pallie ainsi aux manques du « dépendantisme » et éclaire des zones d’ombre. S’en prenant frontalement aux « dépendantistes », le marxiste britannique Bill Warren les accuse de nationalisme petit-bourgeois aveugle au rôle transformateur du capital que Marx avait souligné. À ses yeux, le capital international apporte le développement à des régions arriérées et ne doit pas être refusé par amour-propre. La charge est à fond de train et l’éloge du capital est tel que, sous couleur de marxisme, le propos se mue en reprise des idées libérales de modernisation par l’apport extérieur et l’imitation de l’Occident. Ce livre contribue au recul de l’« école », sans en être la raison principale. Pierre-Philippe Rey s’intéresse aux modes de production au sein des formations sociales des pays du Sud. Des modes de production différents — capitalistes et précapitalistes — peuvent coexister et s’articuler dans une même société. Enfin Christian Palloix explique comment s’internationalisent successivement les différents circuits du capital : capital-marchandises, capital-argent, capital productif. Cette conception de l’internationalisation du capital tend à ressembler à la mondialisation, à accorder au capital des métropoles le rôle moteur de la transformation du monde dans un mouvement unilatéral et unidirectionnel, et à laisser de côté l’impérialisme.
Le sixième et dernier groupe est hétéroclite, à l’image de la complexification de l’économie mondiale et de la moins grande lisibilité de l’impérialisme à l’ère de la mondialisation et de l’unipolarité étatsunienne. Marqués par le mondialisme et le postmodernisme triomphants, Michael Hardt et Antonio Negri, deux auteurs issus de la gauche, publient un pavé déconcertant qui reproduit les poncifs répandus par les chantres de la mondialisation : fin des États, monde homogénéisé et réseauté, Empire déterritorialisé et décentralisé, économie immatérielle, etc. La disparition des États, de la politique et de l’impérialisme sont des idées en vogue depuis l’offensive libérale des années 1980 et le pari fait sur la mondialisation néolibérale. Les affirmations des deux auteurs sont en phase avec le courant mondialisant, transnational, post- étatique qui règne sans partage au début des années 2000. Trois ans plus tard, il est rudement rappelé à la réalité par l’invasion étatsunienne de l’Irak. L’impérialisme « classique » et militarisé, l’hégémonisme traditionnel, l’État et la géopolitique se rappellent au bon souvenir du monde, balayant les rêveries et les spéculations idylliques sur un monde sans structures ou rapports de force. Aux commandes, les néoconservateurs parlent le langage désinhibé de la puissance militaire, rendu encore plus agressif par la démagogie sur la prétendue diffusion de la démocratie. La pensée sur l’impérialisme cherche désormais à (ré)intégrer le politique dans la mondialisation économique. C’est ce que font David Harvey, Helen Meiksins Wood et Alex Callinicos. D’autres, comme John Smith et Zak Cope, se refocalisent sur l’exploitation du Sud par le Nord à travers les délocalisations d’entreprises. Enfin, le thème fécond de la financiarisation de l’économie est développé par Pierre Chesnais, Michael Hudson et Costas Lapavitsas. Avancées appréciables, ces contributions laissent toujours pendante la question d’une interprétation d’ensemble de l’impérialisme dans ses composantes Nord-Sud et Nord-Nord, économique et politique, historique et actuelle.

3. Retour à l’histoire et reconceptualisation
L’impossibilité de se limiter à la théorisation disponible et la volonté de remonter à l’observation sans intermédiation du phénomène impérialiste commande d’esquisser un retour à l’histoire. L’histoire est appelée au secours de la théorie. La conception proposée de l’impérialisme par le livre est ancrée dans l’histoire. Il s’agit de l’élaboration d’une nouvelle interprétation de l’impérialisme, fondée sur une démarche historique. Avec l’histoire comme laboratoire de l’exercice, il est fait recours à l’empirisme comme approche et comme méthode de travail.
L’objectif est d’éviter une interprétation de plus qui soit valable pour un moment historique et pas pour un autre. L’intention est de repérer ce qu’il y a constant, récurrent à travers le temps, pour le phénomène impérialiste, sans ignorer les spécificités des époques. De l’Antiquité au Moyen-Âge à l’ère moderne à la période contemporaine, il y a un certain comportement qui représente ce qu’on pourrait comprendre comme l’impérialisme.
Il y a un besoin d’une définition qui concilie le phénomène général et ses manifestations particulières, et qui se prête à une périodisation selon les mécanismes propres à chaque époque, sans perdre son unicité. Par conséquent, il faut prendre un peu de recul et d’altitude pour recadrer (ou redessiner la grille de compréhension). Il importe d’articuler l’impérialisme, le colonialisme, et les Empires coloniaux.
L’exercice arrive à la définition suivante : l’impérialisme est un système de transferts économiques internationaux basé sur des moyens extra-économiques (principalement la force, la coercition politique et/ou militaire). C’est de l’appropriation (ou accaparement) économique sous pression non économique. Autrement dit, l’Impérialisme, c’est l’usage de moyens extra-économiques à des fins économiques. Ce n’est pas seulement des échanges et des relations économiques, même avantageux, mais un abus économique résultant de l’inégalité dans les rapports de force. Il a un caractère primaire, primitif, avec des modalités d’application qui se modernisent. C’est un comportement ancien, avec une mise en œuvre qui s’adapte au temps et au lieu.
Certains fils conducteurs se retrouvent à travers les époques :
- une ponction économique par des leviers non économiques,
- un passage de la rapine et du pillage primaires, bruts, non déguisés, à des systèmes plus complexes et voilés de siphonnage des richesses,
- certains modes d’accaparement privilégiés par chaque période historique, sans nécessairement rendre caducs les précédents.
Les deux points de repère dans cette l’analyse sont l’historicité de l’impérialisme (il est contextualisé) et la persistance de comportements primaires. Il y a autant continuité que de complexité croissante.
4. Les périodes
Les modèles impérialistes se succèdent chronologiquement, se complexifient et se déploient sur une échelle de plus en plus grande. L’analyse menée dans l’ouvrage identifie des périodes durant lesquelles l’impérialisme s’incarne dans des traits spécifiques et communs pour chacune des périodes. Quatre phases historiques émergent et sont présentées dans les quatre parties du livre. En bref, la phase ancienne s’apparente à un pillage non déguisé. Les deux suivantes, les plus connues, sont celles des empires coloniaux formellement constitués, sont tout aussi transparentes. Ces phases sont territorialement définies. L’actuelle, postcoloniale, est la plus voilée et pourtant la plus prégnante et la plus étendue sur le plan territorial, car universelle par vocation.
La première phase est celle de l’Antiquité et de ses prolongements dans l’ère médiévale. Elle recouvre les premiers États agricoles du Proche-Orient, de l’Inde et de la Chine. Les États de la Grèce ancienne et, surtout, l’Empire romain en sont des exemples aboutis. Des formes d’organisation étatique diverses, souvent éphémères, apparaissent suite à la disparition de l’Empire romain. L’impérialisme est dans sa préhistoire, primitif, élémentaire, rudimentaire, sommaire. Le transfert de la richesse s’effectue de manière primaire, par la force brute, sans l’intermédiation de mécanismes économiques. Il relève de la prédation et de la spoliation, du versement d’un tribut et comporte la quête d’une main-d’œuvre à réduire à l’esclavage. D’où le descriptif de cette phase comme étant celle de l’extraction coercitive.
Les deux prochaines phases couvrent l’ère moderne et l’ère contemporaine, soit un demi-millénaire du 15e au 20e siècle durant lesquels le capitalisme émerge et devient graduellement le mode dominant de production et d’organisation sociopolitique. Elles sont coloniales, c’est-à-dire que l’impérialisme s’y incarne dans des Empires coloniaux appartenant à des États, européens pour la plupart. Dans le cadre capitaliste, le pompage/siphonnage des richesses devient structurel et théorisé, notamment par les conceptions mercantilistes. Le centre de gravité se déplace vers l’Atlantique à partir de la « découverte » de l’Amérique et de l’essor des Empires ibériques. Suivront les Empires formés par les autres États de l’Europe occidentale qui étendront leur emprise petit à petit sur le monde entier et s’affronteront régulièrement pour s’imposer aux dépens des autres. L’impérialisme commercial est la première étape de l’impérialisme capitaliste. La recherche des métaux précieux, des épices, des produits tropicaux est effrénée. Les échanges sont forcés ; l’objectif est l’accaparement, le monopole et l’élimination de la concurrence ; le protectionnisme est la règle ; la traite et l’esclavage sont largement pratiqués comme méthodes pour générer revenus et profits. Le caractère structuré et contraint des transferts internationaux de richesses sous l’impérialisme colonial motive sa description comme étant celui de la captation par la force.
Propre à la période moderne (15e–18e siècles), cette description vaut aussi pour l’impérialisme de la période contemporaine (19e–20e siècles) qui est aussi la deuxième phase de l’impérialisme capitaliste. Au capital commercial s’ajoute désormais le capital industriel et son besoin de marchés plus larges pour les produits de la fabrication en masse. Le mercantilisme est abandonné et le protectionnisme desserré au profit de la liberté du commerce afin d’étendre les marchés étrangers, ouverts par tous les moyens, y compris les canonnières. Cette ère du libre-échange est censée élaguer les colonies et les Empires, car, selon les enseignements de l’économie politique classique, ils seraient trop étroits et coûteux à administrer. Or, il n’en est rien ; les Empires sont maintenus, voire agrandis. À la fin du 19e siècle, il y a même une ruée vers l’acquisition de possessions coloniales et l’apparition d’un néomercantilisme prônant le protectionnisme et les zones économiques réservées. Cette troisième phase, néomercantiliste, de l’impérialisme capitaliste ajoute, par l’exportation des capitaux, un volet financier aux objectifs commerciaux et industriels déjà établis. Durant cette phase, le monde entier se trouve partagé entre les Empires territoriaux d’une demi-douzaine de grandes puissances qui s’affrontent dans deux guerres qui entraînent l’implosion de l’impérialisme néomercantiliste.
La quatrième phase de l’impérialisme capitaliste débute après la Seconde Guerre mondiale. Elle est marquée par deux faits nouveaux. D’abord cet impérialisme est postcolonial parce que la décolonisation met fin à six siècles d’Empires coloniaux territorialement définis. Ensuite, une grande puissance, les États-Unis, surclasse toutes les autres et aspire à un impérialisme planétaire s’étendant au monde entier, englobant pays développés et moins développés, le Nord et le Sud. Cet impérialisme extrait les richesses de l’extérieur vers les États-Unis par l’exploitation d’une rente de situation, à savoir les privilèges associés au dollar. Les États-Unis ont la possibilité d’émettre de la monnaie en quantité quasi illimitée, sans tenir compte des règles élémentaires de l’économie, et de s’en servir pour importer des biens et services. Plus abstrait que le pillage d’autrefois, le transfert des richesses (de la valeur) emprunte la voie monétaire. L’absence de tutelle formellement reconnue, comme à l’ère coloniale, ne signifie pas la disparition de la coercition. Ce système est expansionniste par sa nature et tend vers l’absorption du monde entier. Le refus d’y être intégré équivaut à une contestation de la puissance hégémonique et entraîne un usage de la force se traduisant par des bombardements, des invasions ou des déstabilisations/changements de régimes. C’est pourquoi l’impérialisme postcolonial et planétaire actuel est caractérisé par l’incorporation contrainte.
Conclusion
Revisiter l’impérialisme répond à un besoin d’une notion qui permette de donner un sens à des phénomènes tangibles et persistants. La carence en la matière avait pratiquement évacué le terme impérialisme de la pensée ces dernières années. Y revenir exigeait un passage en revue des interprétations existantes, leur réévaluation et leur déconstruction. Était aussi nécessaire une extension à la période actuelle d’une analyse qui en était restée à des temps révolus.
Prendre en charge l’impérialisme dans sa globalité est un défi redoutable. Il ne peut être relevé par davantage de théorisation, sous peine de tourner en rond dans l’abstraction. Le parti est pris ici de fonder la reconstruction du concept sur l’histoire et de dégager une définition qui soit applicable sur toute la trame historique, sans pour autant négliger les conditions spécifiques à chaque époque. On dispose désormais d’un outil d’analyse utilisable pour le passé comme pour le présent.
Samir Saul
[1] Samir Saul, L’impérialisme, passé et présent. Un essai, Paris, Les Indes savantes, 2023.
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Impressions politiques automnales
La mémoire est une faculté qui oublie
Il se peut qu'il y en ait parmi nous, qui ne se rappellent pas d'avoir entendu le premier ministre du Québec, monsieur François Legault, traiter les mairesses et les maires du Québec de « quêteux ».
Il se peut qu'il y en ait parmi nous, qui ne se rappellent pas d'avoir entendu ce même premier ministre affirmer que les employéEs des municipalités étaient trop bien rémunéréEs.
Il se peut qu'il y en ait parmi nous, qui ne se rappellent pas que l'actuel premier ministre du Québec déteste viscéralement les syndicats et souhaite même leur disparition.
Il se peut qu'il y en ait parmi nous, qui ne se rappellent pas d'avoir entendu l'ex-ministre des Transports, madame Guilbault, se réjouir d'avoir sabré dans le financement du transport public.
Il se peut qu'il y en ait parmi nous, qui ne se rappellent pas que le premier ministre du Québec a autorisé une augmentation salariale des députéEs de l'Assemblée nationale de plus de 35 % depuis 2023.
Il se peut qu'il y en ait parmi nous, qui ne savent même pas que le droit de grève est un droit dont l'exercice est protégé par la Constitution.
Il se peut qu'il y en ait parmi nous, qui ne savent même pas comment les « services essentiels » ont vu le jour au Québec et comment ils sont déterminés lors d'un conflit ouvert de travail, c'est-à-dire lors d'une grève.
Il se peut qu'il y en ait parmi nous, qui ne savent même pas à qui incombe l'obligation de démontrer, devant le Tribunal administratif du Québec, que la santé (et la sécurité) de la population est menacée par un arrêt de travail.
Il se peut qu'il y en ait parmi nous, qui ne se rappellent pas qu'une stratégie de négociation patronale, comme syndicale, s'élabore avant même les premières rencontres entre les parties.
Il se peut qu'il y en ait parmi nous, qui s'imaginent que le ministre Boulet agit de manière isolée, sans être en appui avec les Guilbault et Legault. Mais il se peut que cela corresponde exactement à ce que se disent les Guilbault, Legault et Boulet, à savoir : dans le brouhaha de l'actualité déstabilisante, une majorité de la population semble complètement s'y désintéresser et restera indifférente ou incapable de voir clair ou de décoder la stratégie gouvernementale. En termes de stratégie, il est possible d'y lire, tout dépendant de la lunette utilisée, le scénario du sauveur de la population supposément prise en otage par les « syndicats ».
Après le rappel passionnel, la critique
Chez l'humain, il y a souvent cette tendance à pointer du doigt des personnes, surtout en politique, lorsque les choses vont moins bien ou n'avancent pas comme souhaité. Ainsi, nous entrerions dans cette même tendance l'assertion voulant que les Gilbault, Legault et Boulet poursuivent actuellement leur entreprise de privatisation-externalisation (sous-traitance) des services publics, de détournement de la caisse commune vers des subventions aux entreprises privées millionnaires, voire même milliardaires, ce qui contribue, selon ce point de vue, à l'intensification de la cassure sociale et à l'accentuation des écarts entre les riches et les pauvres… Or, ce qui est en cause dépasse les individus ou les ministres pour tenir compte d'une réalité fort simple : nous évoluons dans un régime économique qui vante l'accumulation de richesses et qui considère comme étant anti-productifs les enjeux sociaux, syndicaux et environnementaux, parce qu'ils deviennent des freins à l'idéal d'une économie politique capitaliste et néolibérale. Voilà alors pourquoi il devient aisé de résumer le gouvernement actuel d'« affairiste », de « comptable », d'« antisyndical » et d' « antisocial », du moins, pour les gens qui perçoivent davantage les inconvénients du régime dans lequel nous évoluons que ses avantages. En revanche, il faut rappeler cette propriété du Québec d'être un digne représentant de la sociale démocratie. Le hic repose sur son effritement depuis quelques décennies, notamment en voulant calquer notre politique et la supériorité de la donne économique à ce qui se fait ailleurs et surtout aux États-Unis. Pourtant, il y a moment de tirer notre épingle du jeu, malgré les circonstances mondiales actuelles, sans renier notre identité sociale démocrate, ce qui signifie justement de savoir ramener à l'ordre du jour les raisons pour lesquelles nous aspirons à un système d'éducation et de santé universel et idéalement gratuit, y compris les raisons pour lesquelles nous nous sommes donné le droit de mettre sur pied des syndicats.
Rappelez-vous encore. Durant la pandémie, François Legault parlait des anges gardiennes et des anges gardiens. Il voyait même d'un bon œil, durant une très courte période faut-il le préciser, les syndicats. Il voulait régler vite avec ces derniers le renouvellement des conventions collectives. Le retournement de situation survenu ensuite, pour ne pas dire le retour à la normale, peut certes se justifier sur la base de la fin de la pandémie, mais aussi la guerre tarifaire qui lui a succédé. Peu importe, le régime n'a pas changé ; il demeure celui qui était déjà là. En tout bon gouvernement réactionnaire plutôt que visionnaire, les sommes investies pour augmenter les salaires et le nombre de préposéEs aux soins, de même que l'ouverture aux syndicats, qui alertaient d'ailleurs de la situation de pénurie depuis belle lurette, ne visaient qu'à faire face à la crise, sans plus. Car l'objectif n'a jamais été d'améliorer le système de santé ou de préparer une nouvelle forme de dialogue avec les syndicats. Il a toujours été question de rendre l'État telle une entreprise, capable de productivité et de rendement sur investissement. Ce faisant, l'inflation est entrée par la porte d'en avant, parce que seul le pouvoir d'achat comptait — et compte toujours —, seul l'enrichissement comptait comme toujours. Mais la richesse ne se compte pas seulement en argent… Celle véritable pour un pays représente sa population, sa culture, son territoire et ses ressources.
C'est vrai qu'il n'y a aucun mal à vouloir s'enrichir et garantir un meilleur fonctionnement de l'État. Le problème repose sur le fait de ne pas veiller convenablement à une redistribution équitable de cette richesse et de constamment vouloir favoriser les grandes entreprises qui agissent d'ailleurs en quasi-monopoles et qui ont négligé d'investir dans l'innovation à la hauteur de ce qu'elle aurait dû être, afin de combattre le changement climatique, d'un côté, et d'assurer la requalification des travailleurEUSEs, de l'autre, ce qui aurait permis un gain de productivité et l'amélioration de leurs conditions, comme le souhaitent d'ailleurs les syndicats. Et cette nouvelle richesse aurait pu servir ensuite au gouvernement à refinancer les services publics et parapublics. Mais que s'est-il passé dans la réalité ? La pandémie a amené le gouvernement à donner des sommes à des entreprises qui n'en avaient pas besoin, d'autant plus qu'elles conservaient des fonds en réserve. Les dépenses de soutien ont contribué à créer une inflation, qui a affecté l'ensemble de l'économie et qui se fait encore sentir. Voici le paradoxe : le support à l'économie a été fixé de façon à assurer ou à pallier le manque de consommation, ce qui a créé, à l'inverse, une perte de pouvoir d'achat. On le répète, le meilleur investissement de l'État doit viser le bien-être et la sécurité de sa population et son territoire, non à vouloir devenir maître de l'économie. Voilà une leçon à tirer.
Il est très tristounet le paysage politico-social automnal actuel au Québec. Les solutions présentées jusqu'ici sont entièrement orientées sur l'économie, sans se soucier de la façon dont il serait possible de les conjuguer avec les défis en éducation, en logement abordable, en santé et en environnement. Toujours cette solution magique de l'investissement dans l'économie, dans la grande industrie et dans l'efficacité étatique pour régler tous les problèmes. Quoi penser alors de ce qui est survenu dans Northvolt ? à la SAAQ ? Voyons-y un discours qui manque d'originalité pour l'avenir. En plus, n'oublions pas que ce qu'il y a de minimalement excitant à voir en démocratie électorale représentative est un gouvernement usé, et ce durant les derniers mois qui précèdent son éventuelle cuisante défaite électorale annoncée. Il se révèle très décevant en effet de voir un parti politique bénéficier d'une si grande majorité à l'Assemblée nationale, lui donnant ainsi le pouvoir de réaliser de bonnes choses, mais au final d'avoir si peu de réalisations concrètes positives. Mais rappelons que si la CAQ est au pouvoir, ce n'est pourtant pas en raison de ses performances électorales ou d'un large appui majoritaire de l'électorat. Cette formation politique dirige en raison de la division du vote entre quatre principaux partis politiques (le pluripartisme) et du mode de scrutin uninominal à un tour. Ses faibles appuis électoraux procentuels constituent son principal talon d'Achille.
Être à ce point critique envers un parti politique insinue peut-être deux choses : il est de plus en plus difficile de contenter la population, ce qui devrait augurer des changements dans la manière de faire de la politique, ou encore, le parti au pouvoir ne répond pas adéquatement aux attentes.
Guylain Bernier
Yvan Perrier
13 novembre 2025
20h
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Québec : des organismes dénoncent la militarisation de l’économie aux dépens de la transition écologique et de la justice sociale
Les élections municipales ont un impact sur la scène politique centrale

Le sens et la portée du choix de Sol Zanetti comme porte-parole masculin de Québec solidaire
L'élection de Sol Zanetti avec plus de 50,4 % des voix reflète une recomposition des équilibres internes au sein de Québec solidaire. La majorité de la députation s'était rangée derrière Étienne Grandmont, qui a obtenu 37,9 %. Il n'était pas identifié comme le porteur du projet indépendantiste, mais plutôt comme un député centré sur le travail parlementaire et le soutien aux luttes sociales. Le soutien à Yv Bonnier Viger était d'abord motivé par le désir d'avoir un porte-parole qui ne soit pas membre de l'équipe parlementaire et qui fasse de la reconstruction des associations électorales l'essentiel de son travail. Cette approche n'a toutefois attiré que 9,2 % des membres de Québec solidaire.
Sol Zanetti a bénéficié du ralliement des indépendantistes du parti — notamment des ancien·nes militant·es d'Option nationale — ainsi que de figures comme Ruba Ghazal, qui partage avec lui une vision d'une indépendance ouverte et inclusive. La majorité des membres qui ont voté pour Sol Zanetti y ont sans doute vu un moyen de réaffirmer le projet indépendantiste comme préoccupation essentielle du parti.
Cette élection se traduira donc par un renforcement de la place de l'indépendance dans le profil et la communication de Québec solidaire. Dans le contexte des élections à venir et de la perspective d'un éventuel référendum, le choix des membres visait à replacer Québec solidaire au centre d'un champ politique redéfini par la question nationale.
Son discours d'inauguration
Le discours inaugural de Zanetti a insisté sur l'indépendance comme projet démocratique, social et inclusif, ouvert aux personnes immigrantes et aux nations autochtones, rompant ainsi avec la tradition souverainiste du PQ, fondée sur une conception plus fermée de l'identité québécoise. Ruba Ghazal a repris cette ligne et a formulé une critique bien sentie des propos de PSPP sur la prétendue responsabilité des personnes migrantes dans les maux vécus par la société québécoise.
Ces interventions ont déjà provoqué un conflit ouvert avec le Parti québécois, sur le terrain même de l'indépendance. PSPP a accusé Québec solidaire de chercher à diviser la société québécoise et de nuire à la cause indépendantiste. De nombreux péquistes ont relayé ces attaques sur les médias sociaux.
En même temps, cette première escarmouche réintroduit la centralité de la question de l'indépendance du Québec dans le discours de Québec solidaire, après plusieurs années où elle avait été marginalisée au profit d'enjeux sociaux souvent définis de manière étroite. La campagne électorale de 2022 avait pratiquement écarté la question de l'indépendance.
Ce porte-parolat Ghazal–Zanetti peut-il redéfinir la politique et le profil de Québec solidaire ?
L'enjeu pour le nouveau porte-parolat sera de transformer le discours sur l'indépendance en un projet politique concret, articulé à la transition écologique, à la justice sociale, à la refondation démocratique et à la rupture avec l'impérialisme. Cela nécessitera une vision stratégique claire, une démarcation sans concession face au projet péquiste et une capacité à se lier aux différents mouvements sociaux antisystémiques.
« Un Québec indépendant devra aligner ses politiques économiques et militaires sur celles des États-Unis, malgré la guerre tarifaire menée par Donald Trump », croit Paul St-Pierre Plamondon. Contrairement au premier ministre canadien, Mark Carney, le chef péquiste ne compte pas tourner le dos au voisin américain en cas de victoire du Oui. D'une part pour « favoriser la stabilité » du nouvel État indépendant, d'autre part en raison de sa situation géographique. « Il y a un contexte géopolitique et nos intérêts, au Québec, sont alignés sur ceux des États-Unis », a-t-il déclaré jeudi en dévoilant les premiers éléments de son Livre bleu sur un Québec souverain. [1]
L'indépendance proposée par PSPP n'est pas une indépendance véritable : le Québec demeurerait assujetti aux politiques de l'empire américain et à celles de l'État canadien. Ce serait une indépendance croupion.
À l'inverse, une indépendance pleine et entière devrait s'enraciner dans la souveraineté du peuple, non seulement sur le plan constitutionnel, mais aussi sur les plans économique, écologique, démocratique et culturel. Elle devrait affirmer le droit à l'autodétermination des nations autochtones, rompre avec les logiques néolibérales et impériales, et ouvrir la voie à l'institution d'une république démocratique, solidaire, écologiste et décoloniale — une république du peuple pour le peuple, libre des tutelles du capital et des empires.
Conclusion : un tournant à saisir
Le choix de Sol Zanetti par les membres de Québec solidaire traduit une volonté de réorientation stratégique afin de remettre le projet d'indépendance au centre de la stratégie politique du parti et de replacer celui-ci au cœur d'un champ politique où la question nationale redevient un enjeu essentiel. Mais ce tournant ne prendra sens que s'il s'accompagne d'une repolitisation du parti lui-même : formations sur les enjeux de l'indépendance, explication de la nécessité que la lutte pour une majorité indépendantiste soit portée par un projet de société égalitaire, féministe, écologiste et décolonial.
Le nouveau porte-parolat de Québec solidaire devra relever un défi crucial : rendre le projet solidaire clair, intelligible et convaincant, en démontrant sa nécessité face au projet péquiste d'une indépendance croupion — une indépendance qui ne remettrait pas en cause le Québec néolibéral ni son intégration au cadre géopolitique nord-américain actuel. Il s'agira donc d'affirmer une alternative nette : s'opposer à cette indépendance sans rupture réelle et défendre un projet de société porteur d'une véritable libération nationale, fondée sur la souveraineté populaire et la justice sociale. Il faudra également redéfinir clairement la stratégie de lutte pour une majorité indépendantiste et le caractère essentiel de la perspective de constituante, qui a été remise en cause par l'abandon d'une option claire de sa mise en place lors d'une élection au suffrage universel au dernier congrès. Le pire abandon serait de faire croire qu'une victoire du PQ pourrait constituer une voie royale vers le référendum et vers l'indépendance. Il est des illusions qu'il faudra éviter de nourrir. Reconstruire la pertinence du projet de Québec solidaire pour l'indépendance impliquera de surmonter une série d'obstacles. Comme l'a rappelé Sol Zanetti dans son allocution au congrès : « Il n'y en aura pas de facile. »
[1] Patrick Bellerose, Journal de Québec, 6 novembre 2025.

Définir les orientations politiques pragmatiques d’un futur gouvernement solidaire
Le 18ᵉ congrès de Québec solidaire, consacré à l'« actualisation » du programme, aurait pu être un moment fort de délibération démocratique et de clarification des orientations stratégiques du parti. Il s'est plutôt transformé en un exercice d'encadrement politique et organisationnel révélant la normalisation électoraliste en cours. Derrière le discours rassurant de la « lisibilité » et de la « pédagogie » du programme, la direction a imposé une conception restrictive du mandat confié par le parti : réduire le programme à un document de gouvernement, formulé à un haut niveau de généralité, dénué de propositions concrètes et de toute perspective de rupture radicale avec l'ordre existant, exprimée de façon claire et précise. Sous prétexte de simplification du langage et d'accessibilité pour le grand public, ont été écartés les éléments les plus structurants du projet solidaire : la mention explicite du capitalisme comme responsable de la dégradation de la biodiversité, des crises économiques, politiques et environnementales a été rejetée.
Les débats autour du programme réactualisé se sont faits très rapidement. Il y avait 288 amendements à discuter, sans parler des parties du texte qui n'avaient pas fait l'objet d'amendements et qui ont également été votées. Nous faisons ci-dessous un survol rapide des débats.
La majorité des amendements portaient sur le Bloc I « Économie et transition socioécologique » et sur le Bloc II « Habitation, énergie, ressources naturelles et travail ». Dans les domaines économiques et écologiques, les mesures adoptées restent symboliques ou limitées : la décroissance est réduite aux industries fossiles, et le rôle des PME et du secteur privé est légitimé comme pouvant être l'instrument de la transition socioécologique. Si la discussion a permis de clarifier que le secteur privé ne se limite pas aux PME, mais qu'il comprend également de grandes entreprises engagées dans le capital fossile et dans les industries d'extraction des ressources naturelles, souvent multinationales, aucune politique concrète en direction de ces secteurs n'a été définie. La définition de la décroissance a été limitée aux industries fossiles, évitant toute prise de position explicite sur la décroissance globale. Ainsi, la reconversion des industries militaires en industries productrices de biens utiles (comme des moyens de transport électrifiés), par exemple, n'a pas été discutée. Pourtant, à l'heure où Legault veut relancer cette industrie, une position claire sur sa nécessaire décroissance aurait été indispensable.
Les propositions de nationalisation/socialisation des grands monopoles du secteur de l'énergie, de l'exploitation des ressources forestières ou minières ont toutes été rejetées. Ces propositions ont été présentées comme trop spécifiques, et il a été avancé que ce serait un éventuel gouvernement de Québec solidaire qui pourrait définir les entreprises à nationaliser. Le texte du programme révisé s'est donc contenté de définir des critères. C'est un choix qui empêche de prendre en compte que, tant que les grandes entreprises contrôleront les choix en matière d'énergie et d'exploitation des ressources, la planification démocratique et décentralisée nécessaire à la transition écologique sera entravée. C'est un choix qui reporte dans un avenir indéterminé, après l'accession hypothétique de Québec solidaire au pouvoir, la lutte effective pour la reprise en main de nos ressources naturelles. Les propositions adoptées se contentent de parler de surveillance attentive des entreprises, sans s'interroger sur le pouvoir réel que garderont les grandes entreprises sur l'économie du Québec.
Dans les secteurs sociaux — Bloc III « Santé et services sociaux » — tels que le logement, le travail et l'éducation, des mesures progressistes ont été adoptées. Mais la proposition de réduction du temps de travail à 35 heures, puis à 32 heures, sans baisse de salaire et sans augmentation de l'intensité du travail, qui était reprise de l'ancien programme de Québec solidaire, a été rejetée (jugée trop spécifique). A également disparu, faute d'amendement en ce sens, le soutien à la syndicalisation multipatronale. En ce qui concerne la santé publique et les services sociaux, aucune discussion n'a eu lieu sur la privatisation rampante du système de santé, ni sur la rémunération des médecins. Les débats sur le système de santé sont restés limités à la reconnaissance ou non des médecines traditionnelles.
Dans le Bloc IV, portant sur la fiscalité, les familles, l'éducation et la justice, Québec solidaire a confirmé son refus des politiques d'austérité et adopté une fiscalité orientée vers la réduction de la pauvreté. Les services de la petite enfance ont été élargis et le caractère mixte du réseau scolaire a été maintenu. Des mesures redistributives et progressistes ont été adoptées, mais sans que des propositions concrètes en ce sens ne soient discutées, car elles avaient été d'emblée écartées des débats.
Dans le Bloc V, sur le plan démocratique et culturel, certaines avancées symboliques ont été adoptées : élargissement du droit de vote à 16 ans, protection contre l'usage discriminatoire de la laïcité, régularisation des sans-papiers et promotion de l'inclusion.
Le Bloc VI « Indépendance et altermondialisme » illustre des reculs dont l'importance reste à évaluer. L'abandon de l'élection au suffrage universel de l'Assemblée constituante affaiblit considérablement la stratégie indépendantiste de Québec solidaire. Le débat portait sur le tirage au sort, l'élection au suffrage universel ou le fait de ne pas se prononcer sur le mode de constitution de l'Assemblée constituante. C'est cette dernière proposition qui a été retenue, avec le soutien du porte-parole masculin, Sol Zanetti. Cette position a été, comme les autres, adoptée à la va-vite. Il s'agissait pourtant d'un abandon de la position traditionnelle de Québec solidaire.
L'élection d'une assemblée est essentielle à une réelle expression de la souveraineté populaire.
Cette élection permet de définir le peuple québécois comme le seul détenteur du pouvoir constituant, capable de définir ses institutions, ses droits fondamentaux et son mode de gouvernement. Elle permet à chaque Québécoise et Québécois de participer directement à la fondation de son pays. L'élection d'une assemblée constituante ouvre toute une période où les mouvements sociaux, syndicaux, féministes, écologistes et communautaires sont invités à formuler leurs propres propositions constitutionnelles. Cette élection ouvre un vaste débat public sur la société québécoise à construire. Les peuples autochtones, s'ils le souhaitent, peuvent s'impliquer dans ce processus. L'ensemble des citoyennes et citoyens sont invité·es à se prononcer sur les droits sociaux, sur la protection de l'environnement, sur la laïcité, sur la démocratie économique… Cette élection de la constituante et le travail qui s'en suivrait permettraient d'articuler le projet d'indépendance au projet de société défini collectivement, dans une réelle démarche de souveraineté populaire. L'élection n'est pas qu'un simple mécanisme de désignation : c'est un moment d'expression de la souveraineté populaire. Il faut reconnaître qu'une assemblée élue au suffrage universel, ouverte à toutes les forces politiques et validée par un référendum final, comme le proposait le programme de Québec solidaire, aurait une légitimité indiscutable pour parler au nom du peuple québécois lui-même. Le tirage au sort, lui, court-circuite cette politisation, en réduisant la participation citoyenne. Affirmer que la question reste ouverte, et qu'il sera toujours possible de réactualiser cette position, c'est affaiblir la position de Québec solidaire dans le débat actuel.
Le refus du congrès d'indiquer explicitement qu'un Québec indépendant refuserait de participer à l'OTAN et au NORAD constitue un recul par rapport au programme original de Québec solidaire. L'OTAN est une organisation qui « oblige ses membres à dépenser 5 % de leur PIB au détriment des investissements en santé, en éducation, en logement social et dans la lutte contre les changements climatiques ». À l'heure d'une reprise de la course aux armements, sous l'impulsion de l'OTAN, cette position nous désolidarise de celles et ceux qui mènent chaque jour un combat contre le militarisme.
Le Bloc VII, portant sur le féminisme, les identités sexuelles et de genre, et les peuples autochtones, n'a pas donné lieu à des débats, car, contrairement aux autres, le seul amendement significatif concernait la reconnaissance de l'écoféminisme. Le texte réactualisé a donc été adopté avec un minimum de débats.
Le Bloc VIII, sur l'immigration, l'inclusion et la langue française, a permis l'adoption de mesures favorisant l'inclusion et l'égalité des droits. L'obligation stricte « pour toute personne vivant au Québec de maîtriser suffisamment le français pour en faire sa langue d'usage dans la vie courante comme au travail » a été biffée du texte du programme actualisé. La régularisation des sans-papiers et l'égalité de traitement pour toustes les résident·es ont été adoptées. La tendance qui se dégage est clairement progressiste et inclusive, évitant toute forme de discrimination ou de traitement différencié.
En résumé, le programme se distingue par son caractère idéologique, son absence d'objectifs politiques concrets et sa faiblesse critique à l'égard du pouvoir économique de la classe dominante. Les luttes syndicales, populaires, écologiques, féministes et décoloniales ne sont pas présentées comme le principal moteur du changement. En fait, le programme est réduit, dans l'ensemble, à de futures orientations politiques et sociales d'un éventuel gouvernement de Québec solidaire. Les transformations sociales y sont ainsi présentées comme s'effectuant à partir des sommets de la société. Cela découle du choix d'avoir écarté l'idée de faire du programme une boussole pour les luttes de rupture sociale et écologique, pourtant si nécessaires dans le moment actuel.
L'organisation de la discussion a su imposer l'idée que la « lisibilité » du programme devait primer sur la cohérence politique, et que les débats de fond sur la stratégie de rupture pouvaient être ajournés au nom de la définition d'un projet de société sans propositions spécifiques claires.
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Les grands propriétaires bien servis par le PL60 du gouvernement Ford
La CAQ menace la grève de la STM, les travailleurs battent en retraite

Le budget 2025 prévoit des dépenses massives pour le complexe militaro-industriel, mais des coupes presque partout ailleurs
Mark Carney avait promis d'augmenter les dépenses militaires à 2 % du PIB, et c'est ce qu'il fait dans son premier budget. Le coût pour presque toutes les autres activités du gouvernement est considérable.
Tiré de rabble.ca
5 novembre 2025
Il y a soixante-cinq ans, alors qu'il quittait ses fonctions, le président américain Dwight Eisenhower mettait en garde contre « l'influence injustifiée » du « complexe militaro-industriel ».
Eisenhower n'y est pas allé par quatre chemins.
L'ancien général, qui avait commandé les forces alliées en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, qualifiait le pouvoir « mal placé » de ce complexe de « désastreux ».
À la lecture du premier budget du premier ministre canadien Mark Carney, on constate que l'influence et le pouvoir dangereux contre lesquels Eisenhower avait mis en garde se sont désormais étendus à l'échelle mondiale.
Le budget du 4 novembre du Canada compte de nombreux perdant·es, mais une grande gagnante : l'armée et les industries qui lui sont liées.
Alors que le budget 2025 réduit presque toutes les autres dépenses publiques, y compris celles consacrées aux ancien·nes combattant·es, aux relations entre la Couronne et les Autochtones et à l'aide au développement international, il augmente les dépenses militaires de plus de 16 milliards de dollars par an pendant cinq ans.
Carney et son ministre des Finances, François-Philippe Champagne, qualifient cela d'« investissement générationnel » dans les armes et les appareils de guerre.
Au début de l'année, le gouvernement canadien a promis aux autres membres de l'OTAN qu'il accélérerait le processus visant à porter notre budget de défense à 2 % du produit intérieur brut (PIB), et il a tenu parole.
Mais ce n'est pas tout.
Lors du sommet de l'OTAN en juin dernier, Donald Trump a ordonné aux dirigeant·es de l'alliance réuni·es de sauter, et ils ont tous répondu à l'unisson : « À quelle hauteur ? »
Trump, de manière capricieuse et sans s'appuyer sur aucun fait ni aucune preuve, a décidé que tous les membres de l'OTAN devaient désormais consacrer 5 % de leur production économique à l'achat d'armes, de bombes, de chars, de missiles, de drones et de soldats.
Un tel renforcement massif de l'armement dépassera les pires craintes de Dwight Eisenhower.
Cela représentera bien plus que ce que l'ancien général appelait une « influence injustifiée ».
Elle créera des États-garnisons, armés jusqu'aux dents, partout dans le monde.
Mauvaises nouvelles économiques ; le gouvernement comme catalyseur
Le budget 2025 vise ostensiblement à rendre l'économie canadienne plus résistante face à la guerre économique menée par Trump.
Le document budgétaire plante le décor en brossant un tableau économique sombre pour le Canada :
« Les droits de douane et les perturbations de la chaîne d'approvisionnement devraient freiner les investissements et la productivité des entreprises. Combiné à un ralentissement de la croissance démographique, le niveau du PIB réel devrait être inférieur de 1,8 % à ce qui était prévu en 2024 avant le conflit commercial. »
Parmi les éléments négatifs cités dans le budget 2025, les principaux sont une baisse de 7 % des exportations canadiennes vers tous les pays et une baisse de 10 % des exportations vers les États-Unis.
Les exportations d'acier et d'aluminium ont baissé beaucoup plus, d'environ un tiers.
Pour le gouvernement, ce « choc économique » se traduit par une baisse des recettes fiscales. Il en résulte, selon le budget, une « détérioration du solde budgétaire fédéral de 7 milliards de dollars par an ».
Pour atténuer les effets négatifs induits par Trump, le budget propose une « nouvelle stratégie industrielle ».
Cette approche à plusieurs volets permettrait au gouvernement fédéral d'agir, dans une large mesure, comme catalyseur des investissements du secteur privé.
Ainsi, le budget 2025 prévoit que le gouvernement fédéral dépensera beaucoup dans les infrastructures, un peu moins dans le soutien à la recherche et au développement des compétences et, pour la première fois depuis des décennies, investira dans le logement.
Parallèlement, le gouvernement offrira aux entreprises du secteur privé une série d'incitations fiscales généreuses pouvant atteindre plusieurs milliards de dollars.
L'une de ces mesures fiscales est ce que le budget appelle une « super-déduction pour la productivité ».
Cette mesure permettra aux entreprises de déduire plus rapidement une plus grande partie du coût de leurs investissements dans les machines, les équipements et les technologies.
Les entreprises pourront bénéficier de cet allégement fiscal avant d'avoir dépensé ce qu'elles prévoient investir dans de nouveaux « actifs améliorant la productivité ».
Le budget fait une déclaration ambitieuse concernant ces mesures de stratégie industrielle.
Le gouvernement Carney affirme qu'elles permettront, d'une manière ou d'une autre, de générer plus d'un trillion de dollars d'investissements (un milliard de milliards) au total sur cinq ans. Le budget 2025 ne précise toutefois pas comment cela se produira. Sur ce point, comme sur beaucoup d'autres, le budget manque de détails.
Mais même dans le chapitre consacré à la stratégie industrielle, l'armée occupe une place de choix.
En effet, les prévisions budgétaires concernant les nouvelles dépenses de défense, qui dépasseraient 16 milliards de dollars par an, pourraient être sous-estimées.
Entités d'investissement militaire autonomes
Parmi les piliers de la stratégie industrielle figurent un nouveau Bureau des grands projets et une agence tout aussi nouvelle, Build Canada Homes.
Mais le gouvernement créera également une nouvelle Agence d'investissement dans la défense dans le cadre de ce qu'il appelle sa stratégie industrielle de défense.
L'un des objectifs de ces initiatives de défense autonomes est de détourner les achats canadiens en matière de défense faits aux États-Unis, désormais peu fiables, vers le Canada et les alliés non américains, en particulier en Europe.
Cela semblera une bonne idée à toustes celleux qui n'ont pas dormi depuis l'arrivée au pouvoir de Trump en janvier dernier.
Mais une grande partie des motivations de cette stratégie industrielle axée spécifiquement sur la défense est moins bienveillante. Son objectif est d'intégrer plus étroitement l'activité militaire dans le tissu non militaire de l'économie.
Le document budgétaire le dit clairement. Il vante les avantages des achats militaires pour l'ensemble de l'économie :
« Les opportunités commerciales se trouveront tout au long de la chaîne d'approvisionnement : de la production de matières premières, notamment l'acier et l'aluminium, aux camionneur·euses et cheminots qui assurent leur transport, en passant par ceux qui transforment ces matériaux en équipements, armes, munitions et véhicules. »
Pour faire bonne mesure, le budget 2025 promet que les investissements militaires massifs « stimuleront également l'innovation dans les secteurs technologiques, notamment l'intelligence artificielle, la technologie quantique et la cybersécurité ».
Certain·es pourraient imaginer qu'une augmentation massive des dépenses militaires pourrait aider ce pays à résister aux intentions agressives et hostiles des États-Unis de Donald Trump.
Ce n'est guère le cas.
Il faut tenir compte du fait qu'une bonne partie des nouvelles dépenses militaires sera consacrée à des domaines dans lesquels nous, Canadien·nes, sommes étroitement intégré·es aux Américain·es. Le principal d'entre eux est le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD).
Quoi qu'il en soit, le gouvernement Carney semble ambivalent dans son évaluation de la menace que représente l'Amérique de Trump, malgré tous ses discours musclés.
Un exemple concret : il y a quelque temps, Trump a envisagé d'utiliser les ressources du gouvernement américain pour acheter une grande partie de l'industrie canadienne des minéraux rares.
Interrogé sur les ambitions de Trump et sur les dangers que représente le fait qu'une puissance étrangère possède un actif stratégique tel que les minéraux rares, le ministre des Ressources naturelles de Carney, Tim Hodgson, a répondu : « Les États-Unis sont un allié. »
Oui, les États-Unis sont toujours (en quelque sorte) un allié. Mais leur président actuel ne cache pas son désir de mettre la main sur nos ressources en eau et autres, voire sur l'ensemble du pays.
Réductions importantes des dépenses non militaires
Il y a un coût à nourrir de force le complexe militaro-industriel avec un régime aussi riche. Ce coût sera payé par une grande partie des autres activités gouvernementales.
Une annexe au document budgétaire indique, pour presque tous les ministères, de quelle façon ils doivent réduire leurs dépenses de 15 %.
Les responsables des Pêches et Océans ont reçu pour instruction de « réduire » les activités de recherche et de surveillance pour lesquelles des « sources de données alternatives » (non spécifiées) sont disponibles.
Pour Environnement et Changement climatique, le mot d'ordre est de « réduire ou de réduire progressivement les activités qui ne sont pas essentielles au mandat du ministère », en supposant que de telles activités existent. Le commissaire fédéral à l'environnement a souvent signalé que le ministère de l'Environnement ne remplissait pas bon nombre des activités qui relèvent entièrement de son mandat.
Ressources naturelles Canada supprimera également des programmes environnementaux, notamment le programme Maisons vertes et le programme du gouvernement précédent visant à planter deux milliards d'arbres absorbant le carbone.
En plus d'une série de mesures d'efficacité vaguement définies, le budget 2025 enjoint à l'emploi et au développement de la main-d'œuvre « d'accroître son utilisation de l'intelligence artificielle (IA) afin de rationaliser et d'automatiser les processus internes ».
L'IA connaît un succès fulgurant auprès du gouvernement Carney.
Mais le budget 2025 ne met-il pas la charrue avant les bœufs en matière d'IA ?
Les lecteurs et lectrices se souviendront qu'au début de l'année, le Premier ministre a créé un tout nouveau ministère de l'Intelligence artificielle (IA), dirigé par l'ancien animateur de télévision Evan Solomon. Dans une récente interview, M. Solomon a promis une nouvelle législation pour faire face aux dangers et aux risques potentiels de l'IA.
Mais le gouvernement n'attend pas les nouvelles règles et réglementations de M. Solomon pour se lancer tête baissée dans l'IA – et, comme l'aurait dit Shakespeare, que le diable emporte les derniers.
Certaines institutions culturelles bénéficient d'une augmentation modeste de leur financement.
Le budget 2025 ajoute 150 millions de dollars au financement de CBC/Radio-Canada pour cette année et promet une révision tant attendue du mandat du radiodiffuseur public.
C'est loin de ce que l'ancienne ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, avait recommandé en février dernier.
Mme St-Onge avait proposé que le Canada investisse le montant moyen que les pays du G-7 consacrent à la radiodiffusion publique, soit 62,50 dollars par personne, et en fasse un montant garanti. Actuellement, le Canada dépense environ 37,50 dollars par personne pour le radiodiffuseur public.
Malgré les nouveaux fonds accordés à CBC/Radio-Canada (et à d'autres organismes tels que Téléfilm Canada et l'Office national du film), le ministère responsable de ces organismes, et de bien d'autres choses liées à l'identité canadienne, doit réduire ses coûts de fonctionnement de 15 %.
Il en va de même pour l'Agence du revenu du Canada (ARC), malgré le manque scandaleux de services fournis par cet organisme avec son niveau de financement actuel.
L'aide au développement international est souvent considérée comme le pendant « soft power » des dépenses militaires.
Selon cette théorie, pour parvenir à un monde plus sûr et plus sécurisé, les nations riches doivent contribuer à réduire la pauvreté, les problèmes de santé, les conditions de logement inadéquates, la dégradation de l'environnement et le chômage dans les nations plus pauvres.
C'est pourquoi, il y a plusieurs années, le monde entier a adopté les objectifs du Millénaire pour le développement, qui encourageaient les pays riches à consacrer 0,7 % de leur PIB à l'aide au développement. (Le Canada n'a jamais atteint cet objectif, contrairement à d'autres pays comme le Royaume-Uni.)
Mark Carney ne souscrit manifestement pas à cette théorie.
Son budget 2025 réduit le niveau déjà faible de l'aide apportée par le Canada aux pays moins développés.
Parmi les victimes figurent les programmes de santé mondiaux et les institutions financières internationales.
Et ainsi de suite. Le document budgétaire présente de nombreuses autres coupes similaires.
Le premier ministre a tenu à préciser que son gouvernement ne réduisait pas les transferts aux provinces pour les services de santé et les services sociaux, ni ne supprimait ses propres programmes, tels que celui des soins dentaires, résultat de l'accord conclu par le gouvernement précédent avec les néo-démocrates.
Cependant, le programme d'assurance-médicaments sera victime de ce budget.
À ce jour, seules la Colombie-Britannique, l'Île-du-Prince-Édouard, le Manitoba et le Yukon ont signé des accords d'assurance-médicaments avec le gouvernement fédéral, mettant ainsi le programme en œuvre.
Le plan consistait à négocier des accords similaires avec les autres provinces et territoires. Mais cela ne se produira pas maintenant. L'initiative d'assurance-médicaments sera gelée.
Le budget comporte quelques points positifs et encourageants, mais aussi d'autres éléments inquiétants. Pour cet espace sur rabble.ca, il faudra attendre un autre jour.
Le débat sur le budget 2025 est actuellement en cours à la Chambre, mais celle-ci suspendra ses travaux la semaine prochaine, pour les reprendre la semaine suivante.
C'est à ce moment-là que nous pouvons nous attendre à un vote sur le budget.
L'équipe de Carney a obtenu le soutien d'un député conservateur dissident, Chris d'Entremont, le seul conservateur élu en Nouvelle-Écosse lors du scrutin du printemps dernier.
Cela signifie qu'il ne leur manque plus que deux voix (ou abstentions) pour faire adopter le budget 2025 par le Parlement. S'ils échouent, des élections seront organisées.
Mais un échec semble désormais peu probable.
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« New York restera une ville d’immigrant-es : une ville construite par des immigrant·es, animée par des immigrant·es
Mardi 5 novembre 2025, Zohran Mamdani a gagné les élections municipales à New York avec un million de voix en battant Andrew Cuomo (ancien gouverneur démocrate de l'État de New York) qui était soutenu par Donald Trump et l'establishment. Mamdani a 34 ans et est musulman, il est né en Ouganda. Lors de son discours de victoire il a notamment déclaré ceci en défiant le néofasciste Trump : « New York restera une ville d'immigrant-es : une ville construite par des immigrant-es, animée par des immigrants et, à partir de ce soir, dirigée par un immigrant. ».
Il a également déclaré : « Le 1er janvier, je prêterai serment en tant que maire de la ville de New York. (...) Merci à ceux qui sont si souvent oubliés par la politique de notre ville, qui ont fait leur ce mouvement. Je parle des propriétaires de bodegas yéménites et des abuelas mexicaines. Des chauffeurs de taxi sénégalais et des infirmières ouzbèkes. Des cuisiniers trinidadiens et des tantines éthiopiennes. »
Il faut souligner que Zohran Mamdani qu'en 2021 a soutenu activement le combat des chauffeurs de taxis de NYC (25.000), qui protestaient contre les conditions abusives imposées par les créanciers. La grève de la faim et du travail des chauffeurs a obligé Marblegate, leur principal créancier à un accord dit « Taxi Medallion Debt Relief Deal » qui a conduit à une restructuration de leur dette, à un plafonnement du taux d'intérêt et à la protection de leur logement contre le risque de saisie.
Parmi les propositions de Mamdani qui ont entraîné une importante mobilisation lui assurant la victoire le 5 novembre 2025 : un gel des loyers qui concernerait 1 million de logements ; une augmentation du taux d'imposition sur les sociétés dans l'État de New York jusqu'à 11,5 % (soit un niveau comparable à celui du New Jersey), afin de générer environ 5 milliards de $ par an ; une surtaxe de 2 % sur le revenu des résidents de la ville gagnant plus d'1 million de $ par an ; rendre les bus de la ville gratuits.
Trump avait menacé les New Yorkais·es qui souhaitaient voter pour le « gauchiste » Mamdani de couper la dotation fédérale à la ville. Cela n'a pas réussi à dissuader un million de personnes d'apporter leur soutien à la candidature de celui-ci. Le nombre de voix recueillies par Mamdani n'avait plus été atteint depuis 1969 par un maire élu à New York.
Le CADTM publie dans son intégralité le discours que Zohran Mamdani a prononcé dès que sa victoire a été confirmée le 5 novembre 2025 en fin de soirée. Cela vaut la peine de lire l'ensemble du discours afin de se faire une opinion. Bien sûr il faut exercer un esprit critique. Il n'y a pas de doute qu'il faudra prendre le temps d'analyser de manière contradictoire ce que dit cet élu en le comparant avec la réalité de son action. Il ne faut pas se laisser convaincre par un beau discours, il faut des actes concrets qui doivent correspondre avec les paroles.
Mamdani et son équipe devront surmonter de nombreux obstacles et faire face à de puissants ennemis. Cela s'est déjà vu lors de la campagne durant laquelle, d'après le magazine Forbes, 26 Milliardaires étatsuniens ont dépensé plus de 22 millions de dollars pour empêcher Mamdani d'accéder à la mairie de New-York. Fort heureusement, la volonté et l'énergie populaires, notamment chez les plus jeunes, ont triomphé sur le pouvoir de l'argent et du capital.
Son nouveau mandat de maire commencera le 1er janvier 2026 s'il n'y est pas empêché par un acte criminel. Nous serons attentifs dans les mois qui viennent et en particulier lors des premiers 100 jours du mandat de Mamdani, à ce qu'il mettra en pratique.
Rappelons que l'arrivée de la gauche au gouvernement en Grèce en janvier 2015 avait soulevé d'énormes espoirs. Néanmoins la stratégie politique adoptée par le gouvernement de Tsipras avait été désastreuse. Il avait capitulé face aux ennemis du changement, le grand capital grec et notamment la Troïka (FMI, BCE, Commission européenne). Les dirigeants européens voulaient éviter un virage progressiste tant en Grèce que dans d'autres pays d'Europe comme l'Espagne et le Portugal et ils ont atteint leurs objectifs à cause du manque de combativité et de radicalité de Tsipras et de son gouvernement.
L'arrivée de Zohran Mamdani, membre des Démocrates socialistes d'Amérique (DSA) à la mairie de New York va susciter beaucoup d'attentes, espérons qu'elles ne soient pas déçues et qu'elles contribuent à une authentique contre-offensive face à Trump, au 1% et à l'extrême-droite en général.
6 novembre 2025 ,/ tiré du site du CADTM | Photo : Bingjiefu He, CC, Wikimedia Commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Zohran_Mamdani_at_the_Resist_Fascism_Rally_in_Bryant_Park_on_Oct_27th_2024.jpg
https://frustrationmagazine.fr/new-york-zohran-mamdani
Le discours de victoire de Mamdani
Merci, mes amis. Le soleil s'est peut-être couché sur notre ville ce soir, mais comme l'a dit un jour Eugene Debs [1], « je vois poindre l'aube d'un jour meilleur pour l'humanité ».
Depuis aussi longtemps que nous nous souvenons, les travailleurs de New York se sont entendu dire par les personnes riches et bien connectées que le pouvoir ne leur appartenait pas.
Les doigts meurtris à force de soulever des cartons dans les entrepôts, les paumes calleuses à force de tenir le guidon des vélos de livraison, les jointures marquées par les brûlures de cuisine : ce ne sont pas des mains qui ont été autorisées à détenir le pouvoir. Et pourtant, au cours de ces 12 derniers mois, vous avez osé viser plus haut.
Ce soir, contre toute attente, nous l'avons atteint. L'avenir est entre nos mains. Mes amis, nous avons renversé une dynastie politique.
Je souhaite à Andrew Cuomo tout le meilleur dans sa vie privée. Mais que ce soir soit la dernière fois que je prononce son nom, alors que nous tournons la page d'une politique qui abandonne le plus grand nombre au profit d'une minorité. New York, ce soir, vous nous avez chargés d'une mission. Une mission pour un changement. Une mission pour une nouvelle forme de politique. Une mission pour une ville à la portée de tous. Et une mission pour un gouvernement qui tient exactement ces engagements.
Le 1er janvier, je prêterai serment en tant que maire de la ville de New York. Et c'est grâce à vous. Avant toute autre chose, je tiens donc à vous dire ceci : merci. Merci à la nouvelle génération de New-Yorkais qui refuse d'accepter que la promesse d'un avenir meilleur soit une relique du passé.
Vous avez montré que lorsque la politique s'adresse à vous sans condescendance, nous pouvons nous diriger vers une nouvelle ère de leadership. Nous nous battrons pour vous, car nous sommes vous.
Ou, comme on dit à Steinway, ana minkum wa alaikum [2].
Merci à ceux qui sont si souvent oubliés par la politique de notre ville, qui ont fait leur ce mouvement. Je parle des propriétaires de bodegas yéménites et des abuelas mexicaines. Des chauffeurs de taxi sénégalais et des infirmières ouzbèkes. Des cuisiniers trinidadiens et des tantines éthiopiennes. Oui, des tantines.
À tous les New-Yorkais de Kensington, Midwood et Hunts Point, sachez ceci : cette ville est votre ville, et cette démocratie est aussi la vôtre [3].
Cette campagne concerne des gens comme Wesley, un organisateur du 1199 que j'ai rencontré devant l'hôpital Elmhurst jeudi soir [4].
Un New-Yorkais qui vit ailleurs, qui fait deux heures de trajet aller-retour depuis la Pennsylvanie parce que les loyers sont trop chers dans cette ville.
Elle concerne des gens comme cette femme que j'ai rencontrée il y a des années dans le bus Bx33 et qui m'a dit : « Avant, j'aimais New York, mais maintenant, c'est juste l'endroit où je vis. » Et elle concerne des gens comme Richard, le chauffeur de taxi avec lequel j'ai fait une grève de la faim de quinze jours devant l'hôtel de ville, et qui doit encore conduire son taxi sept jours sur sept. Mon frère, nous sommes à l'hôtel de ville maintenant [5].
Cette victoire est pour eux tous. Et elle est pour vous tous, les plus de 100 000 bénévoles qui ont fait de cette campagne une force imparable [6]. Grâce à vous, nous ferons de cette ville une ville que les travailleurs pourront à nouveau aimer et dans laquelle ils pourront à nouveau vivre. À chaque porte frappée, à chaque signature obtenue, à chaque débat difficilement remporté, vous avez érodé le cynisme qui caractérise désormais notre politique.
Je sais que je vous ai beaucoup demandé au cours de cette dernière année. À maintes reprises, vous avez répondu à mes appels, mais j'ai une dernière requête. New York, inspirez profondément en cet instant. Nous avons retenu notre souffle plus longtemps que nous ne le pensons.
Nous l'avons retenu dans l'attente de la défaite, nous l'avons retenu parce que notre souffle a été coupé trop de fois pour pouvoir les compter, nous l'avons retenu parce que nous ne pouvions pas nous permettre d'expirer. Merci à tous ceux qui ont tant sacrifié. Nous respirons l'air d'une ville qui renaît.
À mon équipe de campagne, qui a cru en moi quand personne d'autre ne le faisait et qui a transformé un projet électoral en quelque chose de bien plus grand : je ne pourrai jamais exprimer toute ma gratitude. Vous pouvez enfin dormir tranquilles.
À mes parents, maman et papa : vous avez fait de moi l'homme que je suis aujourd'hui. Je suis très fier d'être votre fils. Et à ma merveilleuse épouse, Rama, hayati [7] : il n'y a personne d'autre que je préférerais avoir à mes côtés en ce moment, et à chaque instant.
À tous les New-Yorkais, que vous ayez voté pour moi, pour l'un de mes adversaires ou que vous ayez été trop déçus par la politique pour voter, merci de m'avoir donné l'occasion de prouver que je suis digne de votre confiance. Je me réveillerai chaque matin avec un seul objectif : rendre cette ville meilleure pour vous qu'elle ne l'était la veille.
Beaucoup pensaient que ce jour n'arriverait jamais, craignant que nous soyons condamnés à un avenir moins prometteur, chaque élection nous assignant à répéter les mêmes conditions.
D'autres considèrent la politique actuelle comme trop cruelle pour que la flamme de l'espoir continue de brûler. New York, nous avons répondu à ces craintes.
Ce soir, nous nous sommes exprimés d'une voix claire. L'espoir est vivant. L'espoir est une décision que des dizaines de milliers de New-Yorkais ont prise jour après jour, bénévolat après bénévolat, malgré les attaques publicitaires incessantes. Nous étions plus d'un million à nous rassembler dans nos églises, nos gymnases, nos centres communautaires, pour remplir le registre de la démocratie [8].
Et si nous avons voté seuls, nous avons choisi l'espoir ensemble. L'espoir plutôt que la tyrannie. L'espoir plutôt que l'argent et les idées étroites. L'espoir plutôt que le désespoir. Nous avons gagné parce que les New-Yorkais se sont permis d'espérer que l'impossible pouvait devenir possible. Et nous avons gagné car nous avons affirmé que la politique ne serait plus quelque chose que nous subissons. Désormais, c'est quelque chose que nous faisons.
Debout devant vous, je pense aux paroles de Jawaharlal Nehru : « Il arrive un moment, rare dans l'histoire, où nous passons de l'ancien au nouveau, où une époque s'achève et où l'âme d'une nation, longtemps réprimée, trouve enfin sa voix. »
Ce soir, nous sommes passés de l'ancien au nouveau. Alors d'une voix claire et convaincue qui ne peut être mal interprétée, parlons de ce que cette nouvelle ère offrira, et à qui.
Ce sera une ère où les New-Yorkais attendront de leurs dirigeants une vision audacieuse de ce que nous accomplirons, plutôt qu'une liste d'excuses pour ce que nous sommes trop timides pour tenter. Au cœur de cette vision se trouvera le programme le plus ambitieux jamais mis en place pour lutter contre la crise du coût de la vie que connaît cette ville depuis l'époque de Fiorello La Guardia : un programme qui gèlera les loyers de plus de deux millions de locataires bénéficiant d'un loyer stabilisé, rendra les bus rapides et gratuits et offrira des services de garde d'enfants universels dans toute notre ville [9].
Depuis sa victoire aux primaires démocrates, Zohran Mamdani a été comparé à plusieurs reprises à La Guardia. Le gel du prix des loyers fut durant toute sa campagne une de ses mesures phares.
Dans quelques années, notre seul regret sera peut-être que ce jour ait mis si longtemps à arriver. Cette nouvelle ère sera marquée par des améliorations constantes. Nous embaucherons des milliers d'enseignants supplémentaires. Nous réduirons le gaspillage lié à une bureaucratie pléthorique. Nous nous efforcerons sans relâche de rétablir l'éclairage dans les couloirs des immeubles de la NYCHA, où il est défaillant depuis longtemps [10].
La sécurité et la justice iront de pair, car nous collaborerons avec les agents de police pour réduire la criminalité et créer un ministère de la Sécurité communautaire qui s'attaquera de front aux crises de la santé mentale et du sans-abrisme. L'excellence deviendra la norme au sein du gouvernement, et non plus l'exception. Dans cette nouvelle ère que nous créons pour nous-mêmes, nous refuserons de laisser ceux qui sèment la division et la haine nous monter les uns contre les autres [11].
En cette période d'obscurité politique, New York sera la lumière. Ici, nous croyons qu'il faut défendre ceux que nous aimons, que vous soyez un immigrant, un membre de la communauté transgenre, l'une des nombreuses femmes noires que Donald Trump a licenciées et privées d'un emploi fédéral, une mère célibataire qui attend toujours que le prix des produits alimentaires baisse, ou toute autre personne acculée, au pied du mur. Votre combat est aussi le nôtre.
Nous construirons une mairie qui se tiendra fermement aux côtés des New-Yorkais juifs et qui ne faiblira pas dans la lutte contre le fléau de l'antisémitisme ; une mairie où plus d'un million de musulmans sauront qu'ils ont leur place, non seulement dans les cinq arrondissements de cette ville, mais aussi dans les couloirs du pouvoir.
New York ne sera plus une ville où l'on peut faire campagne sur l'islamophobie et remporter une élection. Cette nouvelle ère sera marquée par une compétence et une compassion qui ont trop longtemps été opposées l'une à l'autre. Nous prouverons qu'il n'y a pas de problème trop grand pour que le gouvernement le résolve, ni de préoccupation trop insignifiante pour qu'il s'en soucie [12].
Pendant des années, les responsables de la mairie n'ont aidé que ceux qui pouvaient les aider ; mais le 1er janvier, nous inaugurerons une administration municipale qui aidera tout le monde.
Je sais que beaucoup n'ont entendu notre message qu'à travers le prisme de la désinformation. Des dizaines de millions de dollars ont été dépensés pour redéfinir la réalité et convaincre nos voisins que cette nouvelle ère est quelque chose qui devrait les effrayer. Comme cela s'est souvent produit, la classe des milliardaires a cherché à convaincre ceux qui gagnent 30 dollars de l'heure que leurs ennemis sont ceux qui gagnent 20 dollars de l'heure.
Ils souhaitent que les gens se battent entre eux afin que nous restions distraits du travail de refonte d'un système défaillant depuis longtemps. Nous refusons de les laisser dicter les règles du jeu plus longtemps. Ils peuvent jouer selon les mêmes règles que nous tous.
Ensemble, nous inaugurerons une génération de changement. Et si nous embrassons cette nouvelle voie courageuse, plutôt que de la fuir, nous pourrons répondre à l'oligarchie et à l'autoritarisme avec la force qu'ils redoutent, et non avec l'apaisement qu'ils recherchent.
Après tout, si quelqu'un peut montrer à une nation trahie par Donald Trump comment le vaincre, c'est bien la ville qui l'a vu naître. Et s'il existe un moyen de terrifier un despote, c'est en démantelant les conditions mêmes qui lui ont permis d'accumuler le pouvoir.
Ce n'est pas seulement ainsi que nous arrêterons Trump, c'est aussi ainsi que nous arrêterons le prochain. Alors, Donald Trump, puisque je sais que vous regardez, j'ai trois mots à vous dire : augmentez le volume [13].
Nous demanderons des comptes aux mauvais propriétaires, car les Donald Trump de notre ville ont pris l'habitude de profiter de leurs locataires. Nous mettrons fin à la culture de corruption qui a permis à des milliardaires comme Trump d'échapper à l'impôt et de profiter d'allégements fiscaux.
Nous nous tiendrons aux côtés des syndicats et renforcerons la protection des travailleurs, car nous savons, tout comme Donald Trump, que lorsque les travailleurs ont des droits inaliénables, les patrons qui cherchent à les exploiter deviennent très petits.
New York restera une ville d'immigrants : une ville construite par des immigrants, animée par des immigrants et, à partir de ce soir, dirigée par un immigrant.
Alors écoutez-moi bien, président Trump, lorsque je vous dis ceci : pour nous atteindre, vous devrez passer par nous tous. Lorsque nous entrerons à la mairie dans 58 jours, les attentes seront élevées. Nous y répondrons. Un grand New-Yorkais a dit un jour que l'on fait campagne en poésie, mais que l'on gouverne en prose.
Si cela doit être vrai, faisons en sorte que la prose que nous écrivons rime encore, et construisons une ville brillante pour tous [14].
Et nous devons tracer une nouvelle voie, aussi audacieuse que celle que nous avons déjà empruntée. Après tout, la sagesse conventionnelle vous dirait que je suis loin d'être le candidat idéal.
Je suis jeune, malgré tous mes efforts pour vieillir. Je suis musulman. Je suis un socialiste démocrate. Et le plus accablant de tout, c'est que je refuse de m'excuser pour tout cela.
Et pourtant, si cette soirée nous enseigne quelque chose, c'est que les conventions nous ont freinés. Nous nous sommes inclinés devant l'autel de la prudence, et nous en avons payé le prix fort. Trop de travailleurs ne se reconnaissent pas dans notre parti, et trop d'entre nous se sont tournés vers la droite pour trouver des réponses à leur questionnement sur les raisons pour lesquelles ils ont été laissés pour compte.
Nous laisserons la médiocrité dans le passé. Nous n'aurons plus à ouvrir un livre d'histoire pour prouver que les démocrates peuvent oser être grands.
Notre grandeur sera tout sauf abstraite. Elle sera ressentie par chaque locataire bénéficiant d'un loyer stabilisé qui se réveille le premier jour de chaque mois en sachant que le montant qu'il va payer n'a pas augmenté par rapport au mois précédent. Elle sera ressentie par chaque grand-parent qui peut se permettre de rester dans la maison pour laquelle il a travaillé et dont les petits-enfants vivent à proximité parce que le coût de la garde d'enfants ne les a pas envoyés à Long Island.
Elle sera ressentie par la mère célibataire qui se déplace en toute sécurité et dont le bus circule suffisamment rapidement pour qu'elle n'ait pas à se précipiter pour déposer ses enfants à l'école afin d'arriver à l'heure au travail. Et elle sera ressentie lorsque les New-Yorkais ouvriront leur journal le matin et liront des titres qui parlent de succès, et non de scandales.
Mais surtout, elle sera ressentie par chaque New-Yorkais lorsque la ville qu'ils aiment leur rendra enfin leur amour.
Ensemble, New York, nous allons geler les… [le public : loyers !] Ensemble, New York, nous allons rendre les bus rapides et… [le public : gratuits !] Ensemble, New York, nous allons offrir à tous… [des services de garde d'enfants !]
Que les mots que nous avons prononcés ensemble, les rêves que nous avons rêvés ensemble, deviennent le programme que nous réaliserons ensemble. New York, ce pouvoir, il est à vous. Cette ville vous appartient.
Merci.
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Source : Le Grand Continent
Notes
[1] Eugene Debs est l'une des figures les plus emblématiques du socialisme américain. Cinq fois candidat à l'élection présidentielle américaine entre 1900 et 1920, il devient président de l'American Railway Union en 1893 et crée le premier syndicat industriel d'Amérique en regroupant les travailleurs du rail.
Il devient célèbre dès l'année suivante pour sa participation à de grandes grèves, qui le conduiront à faire six mois de prison. En 1898 il mène la création du Parti socialiste américain.
[2] « Et que la paix soit avec vous tous » en arabe.
[3] Kensington et Midwood sont des quartiers de Brooklyn dont la population est parmi les plus diverses ; ils comptent notamment une importante communauté originaire de l'Asie du Sud. Hunts Point est un quartier du Bronx à population majoritairement hispanique et latino.
De manière générale, Mamdani a connu un succès plus large que Cuomo lors de la primaire démocrate dans les quartiers aux populations diversifiées, avec près de 52 % des voix dans les quartiers à forte population sud-asiatique.
[4] Le Local 1199 est un syndicat de travailleurs de la santé, allié de longue date des candidats démocrates, qui a retiré son soutien à Andrew Cuomo pour l'offrir à Mamdani en juillet, à la suite d'un changement de présidence.
[5] En 2021, Mamdani a participé à la grève de la faim organisée par les taxis de New York pour demander une baisse des paiements à effectuer pour rembourser le « medallion », le certificat permettant d'exercer le métier de chauffeur de taxi à New York, victime d'une forte inflation due à un manque de régulation.
[6] Paola Nagovitch, « One hundred thousand volunteers and one million doors knocked on : Zohran Mamdani's historic campaign for mayor of New York », El Pais, 4 novembre 2025.
[7] Terme affectueux arabe, qu'on peut traduire par « ma vie ».
[8] L'élection a attiré plus de deux millions d'électeurs, contre seulement 1,1 million lors du précédent scrutin, en 2023. Il s'agit du taux de participation le plus élevé depuis 1993.
[9] Fiorello La Guardia était un membre du Parti républicain et maire de New York de 1934 à 1945. Un des soutiens du New Deal, il a créé l'Office of Price Administration, chargé de réguler les prix des produits de première nécessité, comme les loyers ou la nourriture. Il est également à l'origine de la création de la New York City Housing Authority (NYCHA), qui a mené de nombreux projets de construction de logements sociaux.
[10] Créée en 1934, la New York City Housing Authority (NYCHA) est l'organisme public chargé de la gestion des logements sociaux de New York, et l'un des plus importants bailleurs sociaux au monde. L'éclairage de la NYCHA est un sujet récurrent dans la vie urbaine new-yorkaise : elle doit compter avec des coupures de courant et des systèmes électriques défaillants dans le Bronx qui laissent les résidents dépendants de générateurs de secours. En avril 2016, la NYCHA et la police new-yorkaise ont mené une campagne spéciale d'éclairage extérieur pour réduire la criminalité nocturne, bien que l'efficacité de la campagne soit contestée.
[11] Selon un rapport du contrôleur de l'État de New York publié en janvier, le nombre de sans-abri a presque doublé dans l'État entre 2022 et 2024. La ville de New York a représenté à elle seule 93 % de cette augmentation : il y avait plus de 158 000 sans-abri à New York en 2024, soit environ un cinquième des sans-abri du pays.
Le nombre d'enfants sans domicile fixe est ainsi passé de 20 299 en 2022 à 50 773 en 2024. Près d'un sans-abri sur trois à New York est un enfant, ce qui représente l'un des pourcentages les plus élevés du pays. Le taux de sans-abri à New York — environ 8 pour 1 000 habitants — est plus élevé que celui de tous les autres États, à l'exception d'Hawaï et du district de Columbia.
[12] Zohran Mamdani est le premier maire musulman de la ville. Selon un rapport du Centre d'étude de la haine organisée (CSOH), celui-ci a été victime de nombreux discours islamophobes et xénophobes durant la campagne. Ces discours le présentaient notamment comme un terroriste, un djihadiste ou un musulman radical 3.
Son statut de citoyen naturalisé a été remis en cause à plusieurs reprises, avec des appels à sa dénaturalisation et à son expulsion, jugeant qu'il serait incompatible avec les valeurs politiques et civiques américaines, voire un ennemi de la nation.
[13] En septembre, Donald Trump a menacé de réduire les financements fédéraux de New York en cas de victoire de Zohran Mamdani, qu'il considère comme un communiste. La veille de l'élection, il a exhorté ses partisans à voter pour Andrew Cuomo plutôt que pour le candidat républicain Curtis Sliwa, vu comme un original au sein même du GOP, afin d'éviter une division des voix.
[14] Avec ces deux dernières références, Mamdani emprunte directement au père d'Andrew Cuomo, Mario Cuomo, qui fut le 52e gouverneur de New York de 1979 à 1982.
Né dans le Queens, dans une famille d'origine italienne, Mario Cuomo a prononcé un discours télévisé remarqué lors de la Convention démocrate nationale de 1984, A Tale of Two Cities, devant 80 millions de personnes. Dans celui-ci, il s'attaque à Ronald Reagan : « Il y a du désespoir, Monsieur le Président, dans les visages que vous ne voyez pas, dans les endroits que vous ne visitez pas, dans votre ville brillante ».
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Comment la gauche radicale a conquis New York
New York City, ses huit millions d'habitants, ses gratte-ciel du Financial District, ses théâtres de Broadway et… son maire socialiste. Capitale de la mode et de la culture, centre de la finance globalisée, “NYC” représente la 10e économie mondiale en incluant son agglomération. Elle vient d'élire un jeune maire de 34 ans, musulman, immigré naturalisé en 2018 et ouvertement propalestinien. Zohran Kwame Mamdani aura sous sa responsabilité un budget de 115 milliards de dollars et trois cent mille fonctionnaires, dont plus de trente mille policiers. Comprendre comment ce jeune “démocrate socialiste” a conquis la capitale du capitalisme permet de tirer des leçons précieuses.
Tiré de Frustration Magazine
6 novembre 2025
Par Politicoboy
La campagne a également démontré le degré d'acharnement et de violence dont était capable la bourgeoisie, démocrate comme trumpiste, pour s'opposer au modeste projet progressiste porté par Mamdani. Si sa victoire constitue un séisme politique aux États-Unis, Mamdani va faire face à des défis colossaux pour parvenir à incarner une alternative crédible au trumpisme.
Certes, New York est une ville démocrate ayant voté à 76 % pour Joe Biden en 2020 et 68 % pour Kamala Harris en 2024. Certes, Zohran Mamdani n'est pas son premier maire “socialiste”. Mais les élections récentes montrent la tendance de la ville à élire des maires issus de l'aile droite du Parti démocrate, voir des républicains. Le sortant Éric Adams avait été élu sur une ligne sécuritaire, contre le slogan “Defund the police” porté par le mouvement Black Lives Matter. Il a pactisé avec Donald Trump pour obtenir l'abandon des chefs d'accusation pour corruption dont il faisait l'objet. Avant lui, le progressiste Bill de Blasio avait eu toutes les peines du monde à faire oublier le règne de Michael Bloomberg, ancien républicain et milliardaire ayant fait fortune en vendant des terminaux informatiques pour les salles de marché de Wall Street. Bloomberg avait institutionnalisé le contrôle au faciès et succédait au républicain Rudy Giuliani. Si ce dernier s'était illustré par sa réponse aux attentats du 11 septembre, on retiendra davantage son rôle d'homme de main de Donald Trump qui a culminé par son implication dans la tentative de subversion des élections de 2020.
Eric Adams était le maire sortant de New York. Crédit : Metropolitan Transportation Authority of the State of New York, CC BY 2.0 Wikimedia Commons
New York, c'est la rapacité de Wall Street, la brutalité policière du NYPD et la grande pauvreté du Bronx. À la présidentielle de 2024, la ville qui a produit Donald Trump connaît le plus fort transfert d'électeurs du pays vers le candidat républicain. Une hémorragie particulièrement prononcée dans les quartiers populaires new-yorkais où vivent les populations hispaniques et afro-américaines censées constituer le cœur de l'électorat démocrate.
MAMDANI FAISAIT FACE À DES OBSTACLES THÉORIQUEMENT INSURMONTABLES
Loin de tirer les leçons de la présidentielle, les élites démocrates se sont rapidement rangées derrière la candidature du centriste Andrew Cuomo, fils d'un ancien gouverneur de l'État de New York et lui-même gouverneur entre 2011 et 2021. Cuomo avait été contraint de démissionner après avoir été accusé d'harcèlement sexuel par 13 femmes, sur fond de scandale portant sur sa sous-évaluation du chiffre des décès en maison de retraite liés à l'épidémie de Covid. Cuomo, dont le frère cadet était le présentateur vedette du JT de CNN, incarnait une dynastie politique indéboulonnable. Fort de ses réseaux politiques et du soutien des milieux d'affaires, il avait fait de sa victoire à New York une inévitabilité. Battu aux primaires, il s'est représenté comme indépendant à l'élection générale avec le soutien des anciens maires Éric Adams et Michael Bloomberg, de Bill et Hillary Clinton, de 26 milliardaires de Wall Street, de Woody Allen, du lobby pro-israélien AIPAC et d'Elon Musk. Il disposait de trois fois plus d'argent que Mamdani pour faire campagne et bénéficiait du soutien plus ou moins implicite de la presse nationale et locale.
Andrew Cuomo en décembre 2016. Crédit : Metropolitan Transportation Authority of the State of New York, CC BY 2.0 via Wikimedia Commons
Dans ce contexte, le triomphe d'un Musulman ouvertement “démocrate socialiste” et propalestinien ouvre des perspectives politiques saisissantes. D'autant plus que sa victoire s'accompagne d'une participation record, portée par la surmobilisation des jeunes hommes, des classes populaires et des personnes de couleur qui avaient déserté le parti démocrate.
“THE AFFORDABILITY AGENDA" : MANDANI A AXÉ SA CAMPAGNE SUR LE COÛT DE LA VIE EN L'ANCRANT DANS LA CONFLICTUALITÉ
Suite à la réélection de Donald Trump , Mamdani a arpenté les ruesdu Bronx et du Queens pour interroger les anciens électeurs de Biden ayant voté Trump. Systématiquement, la réponse tournait autour du pouvoir d'achat et de l'inflation. Armés de leurs enquêtes d'opinions, les stratèges démocrates estimaient que la mairie de New York se jouerait sur le thème de la sécurité. Ignorant ces conseils, Mamdani a décidé de faire campagne sur les questions relatives au coût de la vie. Et de porter des propositions simples : des bus gratuits et rapides, le gel des loyers pour les deux millions d'appartements à loyer contrôlé, la gratuité des places en crèche et l'instauration d'épiceries de quartier à but non lucratif, gérées par la ville. Cet agenda sera financé par une taxe sur les plus riches et les grandes entreprises, afin d'aligner le taux de prélèvement sur celui pratiqué par l'État voisin du New Jersey.
Avoir un programme populaire, porteur de conflictualité (“les milliardaires ne devraient pas exister”) et soutenu par la majorité des Américains est nécessaire, mais pas suffisant. Le message doit être crédible et entendu. La gratuité des bus peut sembler idéaliste à certains électeurs ou, pour citer une journaliste surpayée de Fox News, le meilleur moyen de détériorer le service en le rendant accessible aux clochards et plus démunis. À ces objections, Mamdani a opposé le test convaincant déjà effectué par l'État de New York sur une poignée de lignes. Et la gratuité des ferrys. De même, l'idée des épiceries publiques a été moquée par la presse et ses concurrents, avant que Mamdani explique que ce type de projet a existé par le passé, qu'il commencerait par un magasin test et qu'il abandonnera le programme en cas d'échec. L'objectif est de baisser le prix des biens essentiels tout en offrant aux quartiers délaissés un accès facile à des supermarchés de proximité. Pragmatisme et connaissance du terrain ont permis à cette proposition de séduire l'électorat.
Enfin, Mamdani maîtrise les dossiers sur le bout des doigts, ce qui lui permet de briller en interview et de démontrer la faisabilité de son programme de manière convaincante. D'autant plus qu'il répond à un besoin réel des New-Yorkais étouffés par la hausse du coût de la vie. Que ce soit dans les quartiers hipster de Brooklyn et West village où les places en crèches coûtent les yeux de la tête, ou au fin fond du Bronx mal desservi par des bus hors de prix.
DES OBSTACLES MAJEURS SURMONTÉS PAR UNE CAMPAGNE PARTANT DE LA BASE ET DU TERRAIN
Zohran Mamdani n'a pas été serveur dans un bar comme Alexandria Ocasio-Cortez. Il n'a pas grandi dans un logement social comme Bernie Sanders. Sa mère est une cinéaste indienne primée et son père un professeur d'université originaire d'Ouganda. Mamdani a immigré à New York à l'âge de 7 ans et a grandi dans le quartier privilégié de l'Upper West Side. Après avoir tenté une carrière dans le rap, Zohran s'est rapidement investi dans la politique auprès du DSA (Democratic Socialist of America, organisation qu'on peut classer un poil plus à gauche que la France Insoumise). Il a fait campagne pour des initiatives locales et des candidats issus du DSA avant d'être à son tour élu sous l'étiquette de ce mouvement au poste de State Assembly (député du parlement de l'État de New York) de la 36e circonscription de l'État recouvrant une partie du Queens et de Long Island. Réélu en 2022 et 2024, il a défendu de nombreuses initiatives populaires, dont la hausse du salaire minimum local. Il a également pris part à une grève de la faim avec les chauffeurs de taxi pour demander l'annulation des dettes contractées pour l'achat des licences désormais dévaluées par l'irruption d'Uber.
“Depuis trop longtemps, mes amis, la liberté appartient uniquement à ceux qui peuvent se permettre de l'acheter. Les oligarques de New York ne veulent pas que l'équation change. Ils feront tout ce qu'ils peuvent pour éviter que leur pouvoir s'amenuise. La vérité est aussi simple que non négociable : nous avons tous le droit à la liberté.”
Zohran Mamdani – dernier meeting de campagne, le 26/09/2025
Si sa légitimité vient du terrain, sa campagne s'inscrit dans le long et patient effortdu DSA pour conquérir le pouvoir dans l'État de New York. Le parlement et le conseil municipal comptent déjà de nombreux élus issus de ce mouvement. La candidature de Mamdani s'inscrit dans cette dynamique et a logiquement bénéficié d'une infrastructure militante conséquente pour prendre son envol.
Crédité de 5 % dans les sondages au début de la campagne, Mamdani a mobilisé des dizaines de milliers de volontaires pour faire du porte à porte dans 3 millions de logements afin de diffuser son message. Ses vidéos virales partagées sur les réseaux sociaux sont probablement le principal aspect de sa campagne retenu par les démocrates de Washington. Mais la forme s'appuie sur le fond : lorsqu'il interroge les célèbres vendeurs de rue de chicken rice sur la hausse de leurs prix, c'est pour identifier le problème. La ville sous-traite à des intérêts privés l'attribution de licences hors de prix. Et de conclure qu'en reprenant la main sur ce cauchemar administratif, Zohran obtiendra un retour du prix de ce plat emblématique en dessous des dix dollars.
Zohran Mamdani parlant lors d'une réunion DSA 101 à l'Église du Village à NYC, le 11 novembre 2024. Crédit : Par Bingjiefu He — Travail personnel, CC BY-SA 4.0
De fait, sa discipline exemplaire en matière de communication, ramenant sans cesse ses réponses à sa vision d'une ville financièrement accessible à tous et pas seulement aux milliardaires, a été un facteur déterminant de son succès. Comme sa volonté d'ancrer ce discours dans une logique de lutte des classes.
ISLAMOPHOBIE ET PROCÈS EN ANTISÉMINISTME : LE FLOP DES ARMES DE LA BOURGEOISIE CONTRE MAMDANI
Le premier tournant de la campagne a probablement eu lieu lors du débat des primaires démocrates. Les candidats devaient donner le nom du premier pays qu'ils visiteraient en tant que maire. Tous ont rivalisé de zèle pour nommer Israël, en partie pour séduire le million d'habitants de confession juive vivant à New York. Mamdani a répondu qu'il resterait à New York pour s'occuper des cinq arrondissements de la ville. Désireux de le pousser à la faute, la modératrice lui demande s'il défend le droit à Israël d'exister en tant qu'État juif (“Right to exist as a jewish state”). Mamdani répond avec le sourire qu'il défend l'existence d'Israël comme État universaliste et démocratique. Il jette ainsi un pavé dans la marre en soulignant le fait qu'Israël ne traite pas de manière égale ses citoyens.
Zohran Mamdani au rassemblement Resist Fascism à Bryant Park le 27 octobre 2024.. Crédit : Par Bingjiefu He — Travail personnel, CC BY-SA 4.0
Selon les stratèges démocrates, cette sortie aurait dû condamner Mamdani. Ses adversaires tentent d'exploiter cette “faute” en déclenchant une première vague d'attaques visant à le repeindre en dangereux antisémite voire en jihadiste. On le somme de condamner des slogans propalestiniens, lui reproche de parler de génocide à Gaza ou d'apartheid en Israël. Mais Mamdani refuse de céder, pointe à chaque interview l'incongruité de la question israélienne dans une élection municipale et pivote toujours sur son programme pour “un New York abordable” (“affordable agenda”). Tout en confirmant qu'il fera arrêter Netanyahou par la police de New York si ce dernier remet les pieds à l'ONU.
Cuomo a instrumentalisé l'islamophobie à outrance et usé du procès en antisémitisme jusqu'à la corde. Il était question de savoir si Mamdani mangeait avec les mains et espérait un nouvel attentat du 11 septembre. Dans les dernières heures de la campagne, les alliés de Cuomo ont publié des vidéos montrant le crash des avions sur les Twin towers pour relier Mamdani à cette tragédie, tandis que Hillary Clinton a évoqué sa crainte pour la sécurité des Juifs new-yorkais en cas de victoire de ce dernier.
LE RÉSULTAT DES PRIMAIRES DÉMOCRATES IGNORÉ PAR LES CADRES ET ÉLITES DU PARTI
Mamdani a largement remporté les primaires démocrates. Les sondeurs n'avaient pas anticipé la surmobilisation des jeunes et des classes populaires en faveur de Mamdani. Assuré de l'emporter à l'élection générale en cas de duel contre le candidat républicain, ce premier succès provoquait déjà des retentissements nationaux.
Joe Biden et Kamala Harris en 2022. Crédit : The White House, Public domain, via Wikimedia Commons
Depuis la lourde défaite de Kamala Harris, le Parti démocrate tétanisé ne parvenait pas à trouver une stratégie d'opposition face à Donald Trump. Ni un projet politique susceptible de mettre fin à l'hémorragie des électeurs jeunes, masculins, non diplômés et non blancs vers le trumpisme. Dans ce contexte, Mamdani propose une solution clé en main : ne rien concéder à l'extrême droite sur ses thèmes de prédilection (sécurité, immigration, question israélienne) et faire campagne sur des thèmes universellement populaires (le pouvoir d'achat, la hausse du salaire minimum, le renforcement des services publics). Si les démocrates ont repris le thème du coût de la vie, ils n'ont pas embrassé la lutte des classes et la taxation des milliardaires qui l'accompagne. Ni ne se sont rangés derrière Mamdani.
Malgré sa nette victoire à la primaire, les cadres du Parti ont refusé de lui apporter leur soutien officiel (“endorsment”). En particulier, la gouverneur de l'État de New York, le sénateur de l'État de New York (Chuck Schumer, président de l'opposition démocrate au Sénat) et Hackeem Jeffries (président de l'opposition démocrate à la Chambre des représentants du Congrès et élu de New York) ont refusé de le soutenir. Pire, un nombre important d'entre eux y sont allés de leurs attaques personnelles pour repeindre Mamdani en dangereux islamiste antisémite. Au point de contaminer l'esprit d'une représentante de la bourgeoisie intellectuelle française comme Laure Adler.
En France aussi les attaques racistes contre Zohran Mamdani ont été relayées.
Si ce n'était pour l'insistance de ses donateurs et le manque de ralliement des cadres du Parti démocrate derrière Mamdani, Andrew Cuomo aurait probablement jeté l'éponge. Au lieu de cela, il s'est présenté en tant que candidat indépendant à l'élection générale. S'il fallait une preuve que les primaires auxquelles tiennent de nombreux acteurs politiques français ne servent qu'à neutraliser la gauche de rupture, le cas new-yorkais est particulièrement parlant.
TRUMP, PRINCIPAL OBSTACLE À LA RÉUSSITE DE MAMDANI ?
Le dernier enseignement de cette campagne provient de la réaction de la droite et de l'extrême droite américaine. La veille du scrutin, Cuomo a obtenu le soutien de Donald Trump. Le président avait un double message à faire passer aux New-Yorkais. Le premier s'adressait aux électeurs républicains pour leur demander de voter Cuomo au lieu de Sliwa, le candidat officiel du Parti conservateur. Cela a fonctionné, Sliwa n'obtenant que 7 % des voix alors que les sondages le créditaient de 15 à 20 %.
Aux démocrates, Trump promettait les foudres de son administration en cas de victoire de Mamdani : suppression de la contribution fédérale au budget de la ville et envoi de la garde nationale dans les rues de New York pour intimider les habitants. Musk a amplifié ce message sur son réseau social, ainsi que ceux des alliés de Donald Trump demandant à ce que Mamdani soit déchu de sa nationalité et expulsé en Ouganda.
Mamdani n'a pas fléchi. Il a promis de résister à Trump tout en dénonçant le fait qu'il avait rompu ses promesses de campagne en ne faisant rien pour améliorer le pouvoir d'achat des Américains. Il a rappelé que le ralliement d'Elon Musk derrière son adversaire avait coûté près d'un milliard de dollars en exonération d'impôts aux New Yorkais via les politiques fiscales mises en place par Cuomo lorsqu'il était gouverneur de l'État.
“Nous pouvons répondre à l'autoritarisme de l'oligarchie par la force qu'elle craint, pas par l'apaisement qu'elle souhaite.”
Zohran Mamdani – discours de victoire, le 5 novembre 2025
L'extrême droite montre ainsi son vrai visage. Elle n'hésite pas à s'allier avec les centristes démocrates pour protéger les intérêts d'un petit groupe de riches New Yorkais menacé d'une modeste hausse d'impôt (Mamdani notait que les 26 milliardaires qui ont financièrement soutenu la campagne de Cuomo ont dépensé plus pour le battre que ce que leur coûterait sa nouvelle taxe). Si la comparaison avec la panique provoquée par la proposition de taxe Zucman en France auprès de la bourgeoisie parisienne semble évidente, l'opposition de Trump à Mamdani s'explique aussi par ce qu'il incarne : un contre-modèle à son capitalisme oligarchique et fascisant.
“IF YOU CAN MAKE IT THERE, YOU CAN MAKE IT ANYWHERE"
Le plus dur reste à faire. Tenir ses promesses électorales nécessitera de composer avec l'hostilité de la toute puissante police new-yorkaise, le risque de fuite des capitaux orchestrée par les pontes de Wall Street, l'opposition de la presse (New York Times compris) et l'ombre de la Maison Blanche, qui pourrait tenter de mettre ses menaces à exécution. Le Parti démocrate représente une autre inconnue. Kathy Hochul, la gouverneur de l'État de New York, a le pouvoir de bloquer divers projets de hausse d'impôts municipaux promis par Mamdani. Si elle a fini par le soutenir, c'est avant tout par crainte de faire face à un candidat proche de lui lors des primaires pour sa propre réélection. Elle a clairement indiqué que ce ralliement ne l'empêcherait pas de s'opposer aux hausses d'impôts. Reste à savoir si le rapport de force lui permettra de tenir cette ligne.
Mamdani semble déterminé à relever ce défi. Il peut compter sur l'exemple de Bernie Sanders, ancien maire ultra populaire de Burlington, avec qui il s'entretient régulièrement. Et sur celui de Fiorello Laguardia à New York, il y a près d'un siècle. Contrairement à de nombreux démocrates, Mamdani comprend que le pouvoir est fait pour servir. “Les républicains n'ont jamais de scrupule à utiliser tout le pouvoir conféré par les institutions, je compte faire de même en tant que maire” expliquait-il. Or, il dispose d'un mandat clair octroyé par une victoire sans appel.
“Je suis un musulman. Je suis démocrate socialiste. Et je refuse de m'en excuser.”
Zohran Mamdani – discours de victoire, le 5 novembre 2025
Porté par une coalition multiculturelle et socialement diverse, il obtient plus de 50 % des voix et provoque la plus forte participation depuis 1969. Les retours de terrain et données électorales montrent qu'il s'agit à la fois d'un vote d'adhésion pour son projet, d'un vote anti-Trump survenant dans un contexte particulier (le blocage budgétaire au Congrès instrumentalisé par Trump pour mettre fin à l'aide alimentaire dont dépendent 41 millions d'Américains) mais également d'un vote contre l'establishment démocrate. Des retraités expliquaient ainsi voter Mamdani pour exprimer leur colère contre les cadres de leur parti, jugés incapables de s'opposer à Trump et promptes aux manœuvres politiciennes. Encore une leçon que la gauche bourgeoise française fera semblant d'ignorer…
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Pour la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes du 25 novembre
Pour la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes du 25 novembre, nous manifesterons en solidarité, comme nous l'avons déjà fait le 11 octobre, avec et pour les femmes du monde entier
Tiré de l'infolettre de Nouveau Parti Anticapitaliste NPA29
3 novembre 25
Celles qui sont victimes des violences machistes, des conflits armés, des famines, des spoliations de terres et de leurs biens naturels, des gouvernements réactionnaires et des états théocratiques. Avec toutes celles qui ne peuvent pas parler, dont les voix sont étouffées, qui subissent des violences sexuelles, des tortures et des mutilations.
Le 25 novembre nous marcherons pour rendre hommage à toutes les victimes de la violence machiste, les femmes, les filles, les personnes LGBTQIA+, à toutes celles qui souffrent et qui luttent, en dépit des risques encourus. A toutes celles que nous avons perdues.
Les violences et l'impunité des agresseurs persistent 8 ans après l'élection d'Emmanuel Macron, en plein #MeToo. La plupart du temps, encore, les victimes ne sont pas crues, les plaintes classées sans suite. Le parcours judiciaire revictimise bien souvent les femmes et constitue un obstacle à la sortie de la violence comme la baisse du financement public des associations d'accompagnement des victimes.
Les violences sexistes et sexuelles surviennent partout, et tout le temps : dans nos espaces familiaux, sur nos lieux de travail et d'études, dans l'espace public, dans les transports, dans les établissements de soin, les cabinets gynécologiques, dans les maternités, dans les ateliers des chaînes d'approvisionnement des multinationales, les commissariats, les centres de rétention, dans les milieux du théâtre, du cinéma, du sport, en politique… Dans tous les milieux sociaux.
Elles trouvent racine dans le patriarcat et se situent au croisement de plusieurs systèmes d'oppressions.
Ainsi les femmes les plus touchées par ces violences sont celles qui souffrent déjà de multiples oppressions : les femmes victimes de racisme, d'antisémitisme, d'islamophobie, les femmes migrantes, sans papiers, les travailleuses précaires, les femmes sans domicile et autres femmes précarisées, femmes en situation de handicap, les femmes lesbiennes et bi, les femmes trans, les femmes en situation de prostitution, et celles victimes de l'industrie pédo et pornocriminelle.
Sans autorisation de travailler, les femmes étrangères dont les demandeuses d'asile sont très vulnérables aux réseaux de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains.
En France, en 2024, c'est encore plus d'un féminicide tous les trois jours commis par un conjoint ou un ex-conjoint Des femmes assassinées parce qu'elles sont femmes. Le nombre de femmes victimes de violences dans le couple et les enfants co- victimes ne diminue pas, tout comme les viols ou tentatives.
La quasi-totalité des agresseurs sont des hommes (97,3%).
Une femme en situation de handicap sur cinq a été victime de viol. 50% des lesbiennes et 75% des bi ont été confrontées à des violences dans l'espace public et 85 % des personnes trans ont déjà subi un acte transphobe. Les femmes âgées de plus de 70 ans ne sont pas prises en compte dans les enquêtes sur les violences, elles représentent pourtant 21% des féminicides.
160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année, en majorité au sein de la famille. Sur les lieux de travail plus de 8000 viols ou tentatives ont lieu chaque année et un tiers des femmes subissent du harcèlement sexuel. Les employeurs publics et privés doivent faire cesser les violences et protéger les victimes, y compris de violences conjugales.
La montée de l'extrême droite en Europe et dans le monde constitue une menace majeure pour les droits des femmes et en France, le danger de son accession au pouvoir n'est pas écarté. Ces droits sont attaqués dès que l'extrême droite est au pouvoir.
Depuis quelque temps, elle prétend lutter contre les violences faites aux femmes. Sous couvert de défendre certaines d'entre elles, ces mouvements exploitent la question des violences sexistes à des fins racistes et fémonationalistes, ne s'indignant que selon l'origine, la nationalité ou la religion réelle ou supposée des agresseurs. Dans ce climat délétère, les femmes portant le voile sont de plus en plus souvent la cible d'agressions dans la rue, dans les médias, comme dans les discours politiques.
Les groupuscules fascistes attaquent régulièrement des militantes et militants sans réaction des pouvoirs publics.
Derrière les slogans et les postures prétendument féministes, l'extrême droite ne défend ni la liberté des femmes, ni leur émancipation, ni l'égalité, et se désintéresse profondément de la réalité et des droits des femmes qui luttent dans le monde.
Sans politique publique à grands moyens, sans prévention et sans éducation, les garçons et les hommes continueront de perpétrer des violences
Les organisations féministes et syndicales exigent :
Une loi-cadre intégrale contre les violences, comme en Espagne.
3 milliards d'euros nécessaires pour la mettre en œuvre
Une Éducation à la Vie Affective Relationnelle et à la Sexualité (EVARS) effective partout
L'arrêt immédiat de la baisse des financements et un rattrapage du budget des associations qui accompagnent les victimes et assurent l'éducation populaire sur les questions de violences et d'égalité femmes-hommes.
Tant que l'une d'entre nous n'est pas libre, tant que les violences machistes s'exerceront sur une seule d'entre nous, nous lutterons !
Nous appelons à participer aux mobilisations à l'occasion de la journée internationale des droits des enfants et pour le jour du souvenir trans (TDoR).
Contre les violences faites aux femmes et aux filles, les violences sexistes et sexuelles, manifestons partout le samedi 22 novembre 2025 et le mardi 25 novembre 2025 !
31 Oct 2025
https://www.grevefeministe.fr/
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Sept thèses sur les insurrections de la génération Z dans le sud global
Les murs de Santiago, au Chili – la ville où je vis – sont marqués de graffitis effacés de l'estallido social (soulèvement social) de 2019. Des années plus tard, ces slogans continuent de se répandre sur les trottoirs, de « Ils nous ont tellement pris qu'ils nous ont même enlevé la peur » à « Ce ne sont pas 30 pesos, ce sont 30 ans ».
Les deux slogans font référence aux 30 années d'austérité néolibérale imposées au peuple chilien, y compris une augmentation de 30 pesos du prix des billets de métro et des coupes profondes dans le système de salaire social du pays. Le soulèvement a été mené par des lycéens nés entre 2001 (18 ans) et 2005 (14 ans), qui font partie de la génération Z ou « Gen Z ». Cependant, ce terme, imposé au monde par les médias grand public, efface souvent la complexité sociale et la spécificité nationale de telles révoltes. Néanmoins, ce terme, ainsi que le concept de « génération », méritent d'être explorés.
Les protestations au Chili – qui ont finalement attiré toutes les tranches d'âge et délégitimé le gouvernement de droite de Sebastián Piñera – n'étaient pas singulières. Les jeunes nés à cette époque ont mené des protestations à travers le monde, y compris des mobilisations de masse contre un viol collectif à Delhi, en Inde (2012) ; la campagne March for Our Lives contre la violence armée aux États-Unis (2018) ; et la campagne Fridays for Future contre la crise climatique (2018), initiée par l'activiste suédoise Greta Thunberg (née en 2003 et récemment torturée par le gouvernement israélien). Le soulèvement chilien a été suivi par la grève nationale en Colombie en 2021, l'Aragalaya (lutte) au Sri Lanka en 2022, et le soulèvement au Népal plus tôt cette année qui a entraîné la démission du gouvernement de centre-droite. Dans chacun de ces cas, ce qui a commencé comme une indignation morale à propos d'une question singulière s'est transformé en une critique d'un système qui s'est avéré incapable de reproduire la vie pour les jeunes.
Le concept de génération a été développé il y a un siècle par le chercheur allemand Karl Mannheim dans son essai « Le problème sociologique des générations » (1928). Pour Mannheim, une génération n'est pas définie par l'époque où une cohorte est née mais par sa « situation sociale » (soziale Lagerung). En termes politiques, une génération se produit lorsqu'elle connaît des changements rapides et perturbateurs qui la font rencontrer à nouveau la tradition par le biais de nouveaux « porteurs de culture » (Kulturträger) – des individus et des institutions qui transmettent la culture – et devient une force active de changement social, bien loin de la manière dont les générations sont devenues une typologie de marketing après la Seconde Guerre mondiale (Baby Boomers, Génération X, Génération Y, etc.). Mannheim voyait les générations comme des forces de changement social, tandis que la culture néolibérale les a transformées en « segments » dans leurs stratégies de marque.
Le terme Gen Z a été utilisé dans les descriptions des protestations qui ont lieu des Andes à l'Asie du Sud, où les jeunes – frustrés par les possibilités limitées d'avancement social – sont descendus dans les rues pour rejeter un système défaillant. Certains éléments de la théorie de Mannheim sont à l'œuvre ici. Il est vrai que les forces impérialistes interviennent souvent pour instiguer et façonner ces protestations, mais il serait inexact de considérer ces protestations comme étant simplement le produit d'une intervention extérieure. Il existe d'importants facteurs sociologiques internes qui nécessitent une analyse afin de comprendre ces « protestations de la génération Z ». Beaucoup d'entre eux sont motivés par une série de processus qui se chevauchent et qui émergent du contexte national tout en étant conditionnés par la conjoncture internationale. Dans cette newsletter, nous proposons sept thèses pour commencer à comprendre ces évolutions et peut-être les canaliser dans une direction progressiste.
Thèse un. Il y a une poussée démographique de la jeunesse à travers le Sud Global, où l'âge médian est de 25 ans, et les gens dans ces jeunes sociétés se retrouvent victimes de politiques d'austérité et de dette sévères, de catastrophes climatiques et de guerres permanentes. En Afrique, l'âge médian est de 19 ans – plus bas que sur n'importe quel autre continent. Au Niger, l'âge médian est de 15,3 ans ; au Mali, de 15,5 ans ; en Ouganda et en Angola, de 16,5 ans ; et en Zambie, de 17,5 ans.
Thèse deux. Les jeunes du Sud sont frustrés par le chômage. Le néolibéralisme a affaibli la capacité de l'État, ne laissant que très peu d'outils pour résoudre ce problème (ce qui a conduit à des demandes telles que l'ouverture d'opportunités d'emploi étatiques, dans le cas du mouvement de réforme des quotas au Bangladesh). Les jeunes éduqués ayant des aspirations de classe moyenne sont incapables de trouver un travail convenable, ce qui entraîne un chômage structurel ou un décalage des compétences. En Algérie, il existe un terme pour désigner les chômeurs qui emprunte à l'arabe et au français : ceux qui « s'appuient contre le mur » pour le soutenir (hittiste, de l'arabe hayt, qui signifie « vie »). Dans les années 1990, le système universitaire a été élargi et privatisé, ce qui a ouvert les portes – moyennant finance – à une grande partie de ce qui allait devenir la génération Z. Il s'agit d'enfants issus des classes moyennes et moyennes inférieures, mais aussi de la classe ouvrière et de petits agriculteurs qui ont réussi à gravir les échelles sociales. La génération Z est la plus instruite de l'histoire, mais c'est aussi la plus endettée et la plus sous-employée. Cette contradiction entre aspiration et précarité engendre un profond ressentiment.
Troisième thèse. Les jeunes ne veulent pas avoir à migrer pour avoir une vie digne. Au Népal, de jeunes manifestants ont scandé contre la contrainte à la migration économique. Nous voulons des emplois au Népal. Nous ne voulons pas avoir à migrer pour travailler. Cette obligation de migrer provoque une honte de sa propre culture et une déconnexion de l'histoire des luttes qui ont façonné sa société. Il y a près de 168 millions de travailleurs migrants dans le monde – s'ils formaient un pays, il serait le neuvième plus grand du monde, après le Bangladesh (169 millions) et devant la Russie (144 millions). Parmi eux, des ouvriers du bâtiment népalais dans les États du Golfe et des travailleurs agricoles andins et marocains en Espagne. Ils envoient des sommes qui soutiennent la consommation des ménages dans leurs pays ; dans de nombreux cas, le total des sommes (qui s'élevait à 857 milliards de dollars en 2023) est supérieur à l'investissement direct étranger (comme au Mexique). La dislocation sociale, la ligne de couleur internationale du travail et le mauvais traitement des migrants y compris le mépris de leurs qualifications éducatives – rendent l'attrait de la migration presque nul.
Quatrième thèse. Les grandes entreprises agroalimentaires et les sociétés minières ont intensifié leur assaut contre les petits agriculteurs et les travailleurs agricoles (l'incitation à la révolte des agriculteurs en Inde). Les jeunes de ces classes, fatigués de la détresse rurale et radicalisés par les protestations souvent ratées de leurs parents, se déplacent vers les villes puis à l'étranger pour trouver du travail. Ils apportent leur expérience de la campagne aux villes et sont souvent la principale phalange de ces mouvements de protestation.
Thèse cinq. Pour la génération Z, la question du changement climatique et de la détresse environnementale n'est pas une abstraction, mais une cause imminente de prolétarisation par le déplacement et les chocs de prix. Les habitants des zones rurales voient que la fonte des glaciers, les sécheresses et les inondations frappent précisément là où les chaînes d'approvisionnement « vertes » impérialistes cherchent des ressources comme le lithium, le cobalt et l'hydroélectricité. Ils comprennent que la catastrophe climatique est directement liée à leur incapacité à construire un présent, encore moins un avenir.
Thèse six. La politique établie est incapable de répondre aux frustrations de la génération Z. Les constitutions ne reflètent pas la réalité, et les pouvoirs judiciaires irresponsables semblent vivre sur une autre planète. Les principales interactions de cette génération avec l'État se font par le biais de bureaucrates insensibles et de policiers militarisés. Les partis politiques sont paralysés par le consensus de Washington sur l'austérité et la dette, et les organisations non gouvernementales se concentrent étroitement sur des questions individuelles plutôt que sur l'ensemble du système. Les anciens partis de libération nationale ont largement épuisé leur programme ou l'ont vu détruit par l'austérité et la dette, laissant un vide politique dans le Sud global. « Débarrassons-nous de tous » est une politique qui se termine par un tournant vers les influenceurs des réseaux sociaux (comme le maire de Katmandou, Balen Shah) qui n'ont pas participé à la politique des partis mais qui utilisent souvent leurs plateformes pour prêcher un évangile d'anti-politique et de ressentiment de la classe moyenne.
Thèse sept. L'essor du travail informel a créé une société désorganisée, sans espoir de camaraderie entre les travailleurs ou d'adhésion à des organisations de masse comme les syndicats. L'ubérisation des conditions de travail a créé une informalité de la vie elle-même, où le travailleur est aliéné de toute forme de relation. L'importance des médias sociaux augmente avec l'accroissement de l'informalité, car Internet devient le principal moyen de transmission des idées, supplantant les anciens modes d'organisation politique. Il est tentant mais inexact de suggérer que les médias sociaux sont eux-mêmes une force motrice derrière cette vague de protestations. Les médias sociaux sont un outil de communication qui a permis une diffusion des sentiments et des tactiques, mais ils ne sont pas la condition de ces sentiments. Il est également important de noter que l'internet est un outil d'extraction de surplus – les travailleurs de plateforme, ou travailleurs à la tâche, sont disciplinés par des algorithmes qui les poussent à travailler de plus en plus dur pour de moins en moins de rémunération.
Les sept thèses ci-dessus tentent de définir les conditions qui ont produit les soulèvements de la génération Z dans le Sud global. Ces soulèvements ont été largement urbains, avec peu d'indications qu'ils aient attiré la paysannerie et les travailleurs ruraux. De plus, les agendas de ces protestations abordent rarement les crises structurelles à long terme dans les pays sous-développés. En réalité, la politique typique des soulèvements de la génération Z mène à l'explosion du ressentiment de la classe moyenne. Ces protestations sont souvent – comme au Bangladesh et au Népal – récupérées par des forces sociales bien établies qui exacerbent les protestations dans les rues et développent un programme qui profite aux financiers occidentaux. Néanmoins, ces soulèvements ne peuvent être ignorés : leur fréquence ne fera qu'augmenter en raison des facteurs que nous avons décrits. Le défi pour les forces socialistes est d'articuler les véritables griefs de la génération Z en un programme qui exige une part plus élevée du surplus social et utilise ce surplus pour améliorer l'investissement fixe net et transformer les relations sociales.
Vijay Prashad, 13 octobre 2025
https://thetricontinental.org/newsletterissue/gen-z-rebellion/
Traduction Gilles Lemaire
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Gouvernement Legault : le Titanic fonce sur l’iceberg et le capitaine appuie sur l’accélérateur
Le gouvernement Legault fait face à des vents contraires, voit sa base électorale fondre comme neige au soleil et sa déroute provoque un exode dans sa députation qui fait craindre un effacement complet de la formation politique lors de la prochaine élection en octobre 2026 (ou avant…). Un tel fiasco s'explique par l'accumulation d'échecs dans ce qui devait représenter son legs, l'effondrement de la filière batterie est symbolique en ce sens.
Les politiques impopulaires, comme celle de la réforme du régime forestier, la négation de la crise du logement, la démission face à la crise climatique, le refus de reconnaître le caractère systémique des discriminations vécues par les nations autochtones, son double discours concernant à la lutte des femmes contre les violences et les féminicides, autant d'échecs politiques dont une majorité de la population lui impute la responsabilité.
Les réactions de la CAQ : faire diversion en pointant de prétendus boucs émissaires responsables de la situation se dégageant ainsi de toute responsabilité. L'immigration serait responsable de la crise du logement. Il serait inutile d'en faire plus pour lutter contre la crise climatique, puisque tous nos voisins ont abandonné ce combat. La « capacité de payer » de la population expliquerait pourquoi il est impossible d'en faire davantage dans la lutte contre la violence faite aux femmes.
Face à cette situation intenable, la CAQ choisit la fuite en avant afin de tenter de regrouper sa base électorale complètement désorientée : une confrontation avec les médecins, des coupures massives dans la fonction publique, un balayage des normes de protection environnementales et des moyens pour les faire appliquer, une réduction importante des seuils d'immigration. Un tour de vis vers une droite de plus en plus décomplexée, qui frise le trumpisme sous certains aspects. La CAQ a choisi d'affronter les organisations qui représentent un contre-pouvoir : les syndicats sont dans sa mire et son intention est d'affaiblir la capacité de ces organisations de modifier le rapport de force en faveur des classes populaires.
Les oppositions : surenchère ou naïveté
C'est un pari risqué : le PQ, en tête dans les sondages, reprend une bonne partie de son discours, tout comme le parti conservateur qui pousse le discours droitier encore plus loin et les libéraux qui reprennent la position de parti du grand capital canadien. Beaucoup de propositions pour un électorat particulièrement segmenté.
Le PQ et le PLQ veulent profiter de la chute de la CAQ dans les intentions de vote. Le PQ s'inscrit en continuité avec le discours de la CAQ à propos de l'immigration. Il propose une alternative résolument campée à droite et profite actuellement de l'incapacité des autres partis à se démarquer. Le PLQ souhaite reprendre son rôle de défenseur du Canada en surfant sur la vague d'impopularité de la guerre tarifaire de Trump contre les intérêts économiques canadiens. Mais il suscite toujours la méfiance d'une majorité de la population qui se rappelle la gestion austéritaire des libéraux au pouvoir. QS est traversé par une crise d'orientation alors que son aile parlementaire et sa direction ont toutes deux tenté de recentrer le programme et le discours du parti de gauche pour lui donner un air de « respectabilité » sans que l'appui au parti ne progresse, loin de là puisqu'il semble croupir dans les bas-fonds des sondages.
Enfin, la majorité des organisations populaires, les centrales syndicales en premier, tiennent un discours prônant la reprise du « dialogue » avec le gouvernement, appelant la CAQ à de meilleures dispositions. Une telle preuve de naïveté désarme les personnes qui souhaitent se mobiliser contre les politiques de la CAQ. Une telle illusion sur la possibilité de ramener la CAQ et les autres partis de pouvoir à de meilleurs sentiments risque de coûter cher lorsque viendra le temps de fixer des objectifs de mobilisation. Laisser croire que la CAQ pourrait modifier son approche alors qu'elle joue sa survie dans les prochains mois repose sur une mauvaise lecture de la situation. Tente-t-on de « sensibiliser » la CAQ ou bien de provoquer sa chute ? Si plusieurs souhaitent que la CAQ soit éjectée du pouvoir, par qui la remplace-t-on ? Les réponses à de telles questions viendront teinter les débats dans les prochains mois.
Des perspectives de lutte bien vivantes
Malgré cela, les possibilités de résistance sont toujours bien réelles : une vaste mobilisation syndicale est prévue pour le 29 novembre, la Marche mondiale des femmes a remporté un franc succès, le milieu étudiant a démontré son potentiel de mobilisation grâce à son engagement envers la Palestine, et la volonté de se remobiliser contre la crise climatique persiste, révélant un grand potentiel de luttes citoyennes.
La formulation de revendications et d'objectifs visant à définir une alternative aux politiques de la CAQ et des partis qui lui ressemblent devient un incontournable. Il faut profiter des quelques mois qui viennent pour mettre de l'avant un programme basé sur les intérêts des classes populaires et se donner les outils politiques nécessaires pour les porter lors de la prochaine campagne électorale afin de les mettre en application. Ni le PQ, ni le PLQ, ni les conservateurs ne doivent remplacer la CAQ au pouvoir. Ce serait blanc bonnet et bonnet blanc. Des ruines caquistes doit émerger une nouvelle alliance sociale et un programme fondé sur les communs, la coopération, la solidarité et l'autonomie populaire.
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