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Les Montréalais·es exigent une Ville Anti-Apartheid
Tiohtià:ke/Montréal, le 8 novembre 2025 *– Une semaine après les élections municipales, une manifestation rassemblant plusieurs centaines de Montréalais·es se termine par un coup d'éclat au Pont Jacques-Cartier, aujourd'hui le samedi 8 novembre 15h00, afin d'exiger des actions immédiates pour que la Ville de Montréal devienne une Ville Anti-Apartheid en soutien
avec le peuple palestinien.
Des Montréalais·es, membres de la communauté cycliste et de la société civile montréalaise, se sont rassemblées à 13h00 au Mont-Royal à l'appel des collectifs Bikers4Palestine, MtlAntiApartheid et Désinvestir pour la Palestine. Iels ont parcouru les rues de Montréal en manifestation à vélo jusqu'au Pont Jacques-Cartier.
Lors des élections, le *mouvement Montreal Anti-Apartheid* a réussi à placer la Palestine au cœur des débats. Grâce à la mobilisation de la jeunesse montréalaise, 109 candidat·es ont signé le pacte « Montréal anti-apartheid », ce qui représente 25% des candidat·es. De ce nombre, 24 ont été élu·es, et parmi eux et elles, 19 siègent au Conseil municipal de
la Ville.
Le message des Montréalais·es est clair : il est temps de passer à l'action ! La nouvelle mairesse, Soraya Martinez Ferrada, le nouveau conseil municipal et le nouveau comité exécutif de la Ville doivent adopter dans les 90 premiers jours une motion pour s'engager à faire de Montréal une Ville anti-apartheid pour rompre toute complicité avec le génocide colonial et les crimes commis par l'entité israélienne contre le peuple palestinien depuis les décennies. La Ville de Burnaby l'a fait, Montréal doit le faire aussi !
En 1987, suite à une campagne retentissante, la Ville de Montréal a adopté des mesures concrètes anti-apartheid en solidarité avec le peuple d'Afrique du Sud. La complicité avec le génocide en cours en Palestine est donc un choix politique. Le nouveau conseil municipal a le pouvoir d'adopter les demandes du mouvement Montréal Anti-Apartheid, énumérées plus bas, et d'être à la hauteur de la solidarité des Montréalais•es.
Les Montréalais·es exigent aussi que le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec rompent tous leurs liens politiques, diplomatiques, économiques, commerciaux et culturels avec l'entité israélienne, et adoptent des sanctions et imposent un embargo immédiat sur les armes.
Le soi-disant « cessez-le-feu » du président Trump est un leurre : l'armée d'occupation israélienne continue ses bombardements sur la bande de Gaza et d'entraver l'acheminement de l'aide humanitaire au Gazaouis.
Revendications
· Coupe ses liens institutionnels avec le gouvernement israélien et ses villes.
· Retire les contrats municipaux et les fonds de pension de l'État d'Israël, de ses institutions, de ses entreprises, ainsi que des compagnies internationales qui contribuent au maintien de l'apartheid et du génocide en cours ;
· Boycotte les représentant·es israélien·nes des milieux sportif, académique et culturel.
· Offre un sanctuaire : Montréal doit offrir un accueil digne et sécuritaire aux réfugié·es palestinien·nes et garantir leur accès aux soins et aux services sociaux.
· Exige du gouvernement canadien l'imposition immédiate d'un embargo bilatéral sur les armes vers et depuis Israël, et la fin de tout commerce militaire avec Israël via la filière américaine.
· Exige du gouvernement canadien l'élargissement du programme de visa TRV pour les Canadien·nes cherchant à se réunir avec leurs proches à Gaza, et la suppression des exigences de vérification excessives dans le processus de demande.
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Réaction au Plan d’immigration du Québec 2026
Planification de l'immigration au Québec, politiques de plus en plus restrictives au Canada : la Campagne québécoise pour la régularisation et la justice migrante (CQRJM) et ses allié·es sonnent l'alarme face à l'érosion des droits des personnes migrantes.
Montréal, le 7 novembre 2025. À l'occasion d'un mois d'action en faveur de la justice migrante du 4 au 28 novembre à travers le Québec, les organisations engagées dans la Campagne québécoise pour la régularisation et la justice migrante (CQRJM) et ses allié·es dénoncent les attaques répétées contre les droits des personnes im·migrantes et enquête d'asile. Elles s'alarment d'un recul historique en matière de justice et de solidarité à l'issue de la publication du Plan d'immigration du Québec 2026, qui prévoit une baisse des seuils d'immigration. Ce scénario nous rend incapables de remplir nos obligations internationales en matière de protection des réfugié·es et de regroupementfamilial, en plus de pousser dans la précarité un nombre croissant des travailleuses et travailleurs migrant·es actuellement au Québec.
Des politiques régressives à tous les niveaux
Au provincial, la nouvelle planification pluriannuelle de l'immigration va aggraver les situations de vulnérabilité et d'abus vécues par de nombreuses personnes im·migrantes. En abaissant les seuils d'immigration permanente et temporaire, le gouvernement leur bloque l'accès à la résidence permanente et confirme sa politique d'affichage de la réduction du nombre de personnes au statut temporaire au mépris de ceux et celles qui vivent déjà au Québec avec ce statut. Et ce d'autant plus qu'il ne remet aucunement en question le permis de travail fermé, source systémique dedépendance, d'exploitation et de vulnérabilité. Parallèlement, le gouvernement instrumentalise les personnes im- migrantes dans ses négociations avec Ottawa, allant jusqu'à menacer de couper l'aide financière de dernier recours pour les personnes en demande d'asile. Cette approche s'inscrit dans un contexte de recul plus large, marqué par la fermeture du bureau d'aide juridique en immigration de Québec et d'autres mesures restreignant l'accès auxservices.
Au fédéral, le projet de loi C-12, anciennement C-2 (Loi visant à renforcer le système d'immigration et la frontière du Canada), limiterait le droit d'asile tout en complexifiant les procédures de demande de statut de réfugié. Il prévoit également d'accorder au gouvernement des pouvoirs accrus pour suspendre ou annuler non seulement desdemandes d'immigration, mais aussi des documents et des programmes, y compris ceux liés à la résidence permanente, tout en facilitant le partage de données personnelles. Pourtant, la mobilisation au Canada de plus de 300 organisations de la société civile avait rejeté fermement l'ensemble du projet de loi C-2. La nouvelle mouture du projet de loi cède aux caprices de l'administration Trump dans l'espoir d'un nouvel accord commercial.
Un mois d'action pour réclamer le respect des droits des personnes migrantes
Cette conférence de presse s'inscrit dans un contexte de recul généralisé des droits des personnes im- migrantes, tantau Québec qu'au Canada, une tendance qui s'observe également à l'échelle mondiale. Elle vise à dénoncer ces politiques d'exclusion et à rappeler l'urgence de défendre une approche fondée sur la justice, la solidarité et les droits humains. À cette occasion, la CQRJM <https://cqrjm.org/> lance le mois d'action pour la justice migrante <https://cqrjm.org/activites/>
, qui se traduit par une série d'événements visant à sensibiliser et mobiliser autour des enjeux migratoires, notamment en demandant auxdéputés de prioriser l'accès à la résidence permanente, entre autres.
Citations :
« Qu'il s'agisse du gouvernement fédéral avec le projet de loi C-12 ou du gouvernement du Québec avec la baissedes seuils d'immigration, on observe la même logique utilitariste : celle d'un tri entre les vies, où certaines sont jugéesplus légitimes que d'autres. » Stephan Reichhold, Directeur général de la Table de concertation des organismes auservice des personnes réfugiées et immigrantes
https://tcri.qc.ca/>
(TCRI)."><https://tcri.qc.ca/> (TCRI).
« Nous désirons réaffirmer que les travailleuses et travailleurs migrant.es temporaires partagent solidairement lamême condition que l'ensemble de la force ouvrière du Québec : nous sommes tous et toutes des travailleurs,travailleuses qui avons des intérêts communs et des droits égaux. À cet égard, la FTQ réclame l'abolition des permisde travail nominatifs (fermés) liant les travailleuses et travailleurs migrant·e·s à un employeur unique et que lesgouvernements mettent en place sans délai des politiques d'immigration permettant l'obtention d'un statut permanent pour tous les travailleuses et travailleurs migrant·e·s. Il est temps de nous rappeler qu'au-delà des considérations purement économiques, ce sont aussi des parcours de vie dont il est question ici. » Marc-Édouard Joubert, président du Conseil régional FTQ<https:/ftq.qc.ca/>'><https://ftq.qc.ca/> Montréal métropolitain.
À propos
La Campagne québécoise pour la régularisation et la justice migrante (CQRJM) regroupe 46 membres https://cqrjm.org/a-propos/>
."><https://cqrjm.org/a-propos/>
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Parmi ses allié·e·s : Amnistie internationale francophone Canada, d'autres organisations du Front commun québécois contre C-12 et le Réseau d'aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ).
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Zohran Mamdani : le miroir dans lequel le Canada devrait se regarder
La victoire de Zohran Mamdani à New York n'a pas seulement été un triomphe contre les républicains. Elle a surtout été une victoire contre l'establishment, y compris contre son propre Parti démocrate, qui en grande partie lui avait tourné le dos. Mamdani a gagné sans trahir ses principes, sans édulcorer son message, sans se soumettre aux grands donateurs.
Dans le contexte politique actuel, c'est déjà une révolution.
Sa victoire devrait rappeler —bien au-delà des frontières américaines— que dans la loterie électorale, l'argent ne fait pas tout. Comptent aussi l'enthousiasme, la capacité à le transmettre, la fermeté des convictions, la cohérence entre le discours et la pratique politique, et le courage de résister à la haine et aux pressions. Mamdani a réussi à faire passer les marges politiques au centre du débat, prouvant que la conviction et l'honnêteté peuvent encore vaincre la puissance économique et médiatique.
Le miroir canadien
Le Canada ferait bien de s'y regarder. Lors des dernières élections fédérales, le Nouveau Parti démocratique (NPD) a perdu une grande partie de ce qu'il avait conquis lors des scrutins précédents, entraîné par le discours de la peur face à Donald Trump et par ce qu'on appelle ici le « vote stratégique », une logique qui a fini par placer Mark Carney au poste de premier ministre.
Moins d'un an plus tard, le nouveau gouvernement a présenté ce que l'on peut appeler sans exagération un budget de guerre. Parmi les mesures phares : une hausse de 62,7 milliards de dollars canadiens des dépenses militaires sur cinq ans, des engagements visant à atteindre —voire à dépasser— 2 % du PIB pour la défense, et une orientation claire vers les investissements en infrastructures et équipements militaires.
Dans un pays où tant de familles peinent à payer leur loyer, où les jeunes s'enlisent dans la précarité, et où l'accès à la santé et au logement devient un privilège, un tel budget ne peut être interprété que comme une déclaration de priorités : le capital avant l'humain, la guerre avant la justice sociale.
Le carrefour du NPD
Le NPD se trouve aujourd'hui face à une opportunité historique : s'opposer résolument à cette dérive belliciste et aux concessions faites à l'industrie de l'armement américaine. Mais pour y parvenir, il doit retrouver ses racines —celles des mouvements sociaux, de la rue, de la solidarité de base qui refuse la logique du profit et de la guerre.
S'il veut rester une force socialiste et transformatrice —à l'image de Mamdani, salué aujourd'hui par la gauche du monde entier—, le NPD doit s'interroger en profondeur sur son rôle actuel. Gérer l'administration ne suffit pas : il faut à nouveau parler d'égalité, de redistribution, de paix et de justice.
Certes, un budget national est un document complexe, truffé de chiffres techniques. Mais certaines données ne laissent place à aucun doute : quand les dépenses militaires explosent pendant que la santé, l'éducation et le logement stagnent, c'est qu'un pays se prépare à la guerre.
Nous y sommes déjà ?
Contre qui, et pourquoi ?
De qui devons-nous nous défendre ?
Et qui avons-nous offensé ?
Une bannière à relever
Un pays qui dépense plus pour les armes que pour les droits fondamentaux de sa population trahit son pacte social. Et si le NPD ne trouve pas le courage de le dire haut et fort, d'autres le feront. L'histoire donne toujours la parole à celles et ceux que les partis oublient d'écouter.
Aujourd'hui plus que jamais, le Canada a besoin que quelqu'un relève la bannière de la justice sociale, avec dignité, clarté et détermination. En ces temps où la gauche ne dispose pas des chiffres pour gouverner, la tâche urgente est de reconstruire le tissu social, d'unir les laissés-pour-compte, afin que demain une véritable majorité puisse se lever.
Personne sans toit. Personne affamé. Pas un dollar pour la guerre.
Manuel Tapial
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Le déficit n’est pas un problème économique, c’est une arme politique
Le budget d'austérité tant attendu de Mark Carney a enfin été présenté au Parlement et devrait porter le déficit à 78 milliards de dollars. Si les détails du budget feront l'objet de débats au cours des prochaines semaines, le tableau d'ensemble montre que le premier ministre a tenu ses promesses : l'augmentation des dépenses en matière de défense et d'infrastructures est « compensée » par plus de 50 milliards de dollars de coupes budgétaires et d'autres économies.
5 novembre 2025
Depuis des mois, Carney prépare le terrain pour ces mesures, faisant des déclarations très médiatisées sur le prétendu problème de dépenses du Canada et promettant de discipliner les fonctionnaires afin de rétablir la santé financière. Ce genre de provocations sur le déficit avait toujours pour but de présenter ses politiques régressives comme la seule ligne de conduite « responsable ».
Cependant, avec ce budget il est difficile de prendre au sérieux les préoccupations de Carney concernant le déficit. Il reste déterminé à maintenir les échappatoires fiscales pour les milliardaires et à garantir que les rentiers de notre pays profitent du système. Après avoir aggravé le déficit avec ses propres politiques fiscales irresponsables au début de l'année, Carney veut utiliser le problème qu'il a lui-même contribué à créer pour justifier des coupes sombres dans presque tous les ministères fédéraux et la suppression progressive de programmes dont dépendent les Canadien·nes (les programmes de santé, d'environnement et de services aux Autochtones sont tous sur la sellette). Dans ce contexte, il est difficile de considérer ses lamentations sur les dépenses opérationnelles comme autre chose que de la mauvaise foi.
Malgré la nature manifestement conservatrice du budget, le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, s'est positionné pour riposter en agitant lui aussi la question du déficit. Il a passé des semaines à tenter d'obtenir une deuxième chance aux élections, affirmant que son parti pourrait ne pas appuyer un budget dont le déficit prévu dépasse 42 milliards de dollars. Le NPD étant également peu susceptible de voter en faveur du budget le 17 novembre, il pourrait revenir au Bloc québécois de décider si suffisamment de ses 18 revendications ont été satisfaites pour faire adopter le budget par le Parlement et éviter aux Canadien·nes de retourner aux urnes.
Lorsque le premier ministre lèvera les yeux au ciel devant les discours cyniques des conservateurs sur le déficit dans les jours à venir, nous devrions nous rappeler que les libéraux sont tout aussi habiles à tirer parti des déficits pour faire avancer leur programme politique et renforcer leur avantage politique.
L'hiver dernier, les libéraux ont mis en scène un drame élaboré autour du déficit. Tout a commencé avec la démission de Chrystia Freeland du cabinet, où elle a fait part de ses inquiétudes quant au fait que Trudeau donnait la priorité à des « gadgets politiques coûteux » plutôt qu'au « capital et à l'investissement ». Quelques jours plus tard, le gouvernement a annoncé une augmentation soudaine du déficit, soit 20 milliards de dollars, qui n'était pas due à de nouvelles dépenses, mais à l'ajout dans les comptes de « passifs éventuels » futurs, tels que les paiements anticipés pour les litiges à venir avec les Autochtones et les dépréciations des prêts accordés pendant la pandémie. Il n'y avait aucune obligation fiduciaire d'ajouter ces passifs au bilan, mais il y avait une forte obligation politique. La crise fabriquée de toutes pièces a fourni le prétexte nécessaire pour orchestrer le départ de Trudeau et lancer une course à la direction, permettant au parti de se refaire une image de marque en tant que parti « responsable » sur le plan financier.
Rétrospectivement, l'année écoulée a été marquée par de nombreux exemples très médiatisés de politicien·nes utilisant les déficits pour manipuler l'opinion publique. Il est tentant de croire que la panique théâtrale de nos politicien·nes indique un véritable problème dans les finances du Canada, mais le déficit réel est assez faible en termes macroéconomiques. Le Canada a réduit son déficit plus rapidement que les autres pays de l'OCDE après la flambée liée à la pandémie, et notre ratio dette/PIB est inférieur à la moyenne du G7 et représente moins de la moitié de celui du Japon. La dette publique nette du Canada est également la plus faible du G7.
À l'échelle mondiale, la dette publique du Canada est modeste et loin d'être alarmante. Nous n'avons tout simplement pas le type de dette susceptible de déstabiliser l'économie nationale. Les dettes écrasantes qui érodent la souveraineté et obligent les nations à mettre en place des programmes d'ajustement structurel présentent deux caractéristiques clés : elles sont détenues à l'étranger et libellées dans une devise étrangère que le gouvernement emprunteur ne contrôle pas. Le Canada n'est confronté à aucun de ces problèmes. La majorité de notre dette est une dette que nous avons envers nous-mêmes. Par ailleurs, les dettes que nous avons envers les investisseurs étrangers sont principalement des obligations libellées en dollars canadiens. En tant que nation souveraine sur le plan monétaire qui emprunte presque exclusivement dans sa propre devise, le risque de défaut involontaire est négligeable.
Le partenariat entre le gouvernement fédéral et la Banque du Canada garantit cette stabilité. La banque centrale fixe non seulement les taux d'intérêt, mais peut également acheter directement des obligations fédérales, ce qui lui permet d'agir en tant qu'acheteur de dernier recours et de garantir que la liquidité ne devienne jamais un frein aux dépenses publiques. Cette capacité distingue le Canada des gouvernements infranationaux, tels que les provinces ou les membres de la zone euro, qui peuvent véritablement « se retrouver à court d'argent ».
Toute évaluation lucide des risques posés par la situation financière du Canada indique que les déficits ne sont tout simplement pas le feu de cinquième alerte qu'on prétend qu'ils sont. Les déficits relativement mineurs du Canada pourraient être résolus dès demain grâce à une réforme fiscale réaliste. En comblant les lacunes et en instaurant une certaine équité de base dans le code fiscal, le gouvernement actuel pourrait bénéficier d'excédents, même si notre économie est assiégée par Donald Trump. Un « budget alternatif » publié par le Centre canadien de politiques alternatives montre qu'un système fiscal rationalisé pourrait ajouter près de 100 milliards de dollars par an au budget fédéral.
La théorie monétaire moderne (MMT) adopte une position encore plus audacieuse, affirmant que les déficits libellés en monnaies souveraines ne présentent aucun risque pour la solvabilité nationale. La MMT postule que les dépenses déficitaires ne deviennent un problème que lorsque l'argent injecté dans l'économie augmente la demande de biens et de main-d'œuvre au-delà de ce que l'économie peut physiquement supporter. Vu sous cet angle, les dépenses déficitaires ne deviennent problématiques que lorsqu'elles entraînent de l'inflation. Un budget MMT prévoirait que les dépenses de fonctionnement et d'investissement soient financées par la Banque du Canada, ce qui est exactement la raison pour laquelle elle a été créée. En fait, des années 1930 aux années 1970, la Banque du Canada a régulièrement créé du crédit pour des investissements publics – de la route transcanadienne aux programmes de logement d'après-guerre – sans déclencher d'inflation galopante ni compromettre la stabilité budgétaire.
Que vous trouviez la MMT convaincante ou non, il est incontestable que le déficit du Canada ne menace pas la stabilité économique. En tant que problème financier, il est tout à fait soluble. Cependant, en tant qu'instrument rhétorique, il est assez dangereux. La fonction première du déficit est politique : c'est un bâton utilisé pour imposer des politiques impopulaires et contraindre le public à accepter une baisse de sa qualité de vie au nom du profit privé. Nous devons cesser de confondre cette stratégie politique avec une nécessité économique.
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Le système d’immigration canadien est perdu dans les broussailles
L'ancien premier ministre canadien Pierre Elliot Trudeau a annoncé le multiculturalisme comme politique officielle du gouvernement le 8 octobre 1971, cette annonce ayant contribué à encourager l'immigration en provenance de pays non européens.
https://rabble.ca/politics/canadian-politics/canadas-immigration-system-is-lost-in-the-bushes/
4 novembre 2025
Depuis lors, nous avons assisté à de nombreux changements et améliorations dans la politique d'immigration canadienne, tels que l'introduction d'un système à points pour sélectionner les immigrant·es en fonction de leurs compétences et de leur niveau d'éducation et la codification d'objectifs humanitaires comme l'établissement des réfugié·es. Les changements récents apportés au cours des dernières années ont créé une certaine confusion et incertitude dans le système d'immigration. Après avoir constaté les déceptions de ces dernières années, dues à une perte d'opportunités, nous devons fixer des objectifs à long terme afin d'atteindre avec succès les objectifs nationaux de développement.
Le 24 octobre 2024, Marc Miller, ancien ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, a annoncé le plan des niveaux d'immigration 2025-2027. En raison de la situation du logement, de l'accessibilité financière et du marché du travail, le gouvernement fédéral a pris cette mesure afin de réduire le quota annuel de résident·es permanent·es de 485 000 à 396 000 et la population de résident·es temporaires de 2,96 millions à 2,52 millions en 2025. Près de 1 262 800 résident·es temporaires devront quitter le pays l'année prochaine pour maintenir ce niveau.
Ces changements ont été annoncés dans le but d'attirer les meilleur·es et les plus brillant·es, avec des objectifs économiques à long terme, ce qui aurait un effet positif sur l'économie et la croissance.
Dans un sondage réalisé en 2023 par l'Environics Institute, basé à Toronto, 44 % des Canadien·nes estimaient que l'immigration au Canada était trop importante, contre 27 % l'année précédente. Et aujourd'hui, pour la première fois en plus d'un quart de siècle, une nette majorité de Canadien·nes ont exprimé leur mécontentement face à l'augmentation du nombre d'immigrant·es. Ce n'est pas la faute de celleux qui viennent ici pour chercher de meilleures opportunités, c'est notre incapacité à répondre aux attentes de l'État et des immigrant·es potentiel·les qui serait en cause.
Lors d'une récente discussion au sommet politique Canada 2020 Future Forward à Ottawa, le 23 septembre 2025, deux anciens ministres de l'Immigration, Marc Miller et Jason Kenney, l'un libéral, l'autre conservateur, se sont accordés sur les lacunes du système d'immigration canadien. Les deux anciens ministres ont déclaré que le Canada devait maintenir l'immigration au cœur de sa stratégie économique. Mais ils ont également tous deux déclaré que le Canada devait prendre des mesures importantes pour réformer le système avant que la confiance du public ne s'effrite davantage.
Le gouvernement souhaitait accueillir des étudiantes et étudiants étrangers dans les universités canadiennes afin de les aider à obtenir une meilleure éducation et d'aider ces établissements à gagner des millions de dollars chaque année. Mais un rapport publié en novembre 2024 indique que plus de 10 000 lettres d'acceptation d'étudiant·es étrangers provenant de collèges et d'universités canadiennes ont été signalées comme potentiellement frauduleuses par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Le chef de l'opposition, Pierre Poilievre, a déclaré à l'époque que le premier ministre Justin Trudeau et son ancien ministre de l'Immigration, Sean Fraser, avaient créé le problème en délivrant un million de visas étudiants sans se soucier des conséquences que cela aurait pour le pays.
De plus, ils ont fermé les yeux sur les fraudes et les abus manifestes commis dans le cadre du Programme des étudiants étrangers. Plus tard, ils ont écrit au Collège des consultants en immigration et en citoyenneté, l'organisme qui délivre les licences aux consultant·es qui auraient attiré bon nombre de ces étudiants étrangers, pour leur demander de régler le problème.
Le gouvernement doit reconnaître son échec dans la gestion d'un système d'immigration efficace.
Selon un rapport publié par Emploi et Développement social Canada, le programme des travailleurs étrangers temporaires (TET) a connu une forte augmentation de la demande en raison de la conjoncture économique post-pandémique, des faibles taux de chômage et des taux de vacance d'emploi record en 2022. Pour remédier à ces pénuries de main-d'œuvre, le programme a adopté une série de changements politiques. Mais en mars 2024, Randy Boissonnault, ministre de l'Emploi, du Développement de la main-d'œuvre et des Langues officielles, a annoncé que certaines mesures temporaires prévues dans la feuille de route du programme des TET ne seraient pas renouvelées et que le gouvernement renverrait 1,2 million de travailleuse et travailleurs temporaires dans leur pays.
L'évolution des voies d'immigration, les défis économiques et la mauvaise planification sont à l'origine de cette situation.
Un récent rapport de Statistique Canada, cité dans le Toronto Star, révèle que les immigrant·es qualifié·es quittent le Canada en nombre record, près de 48 % d'entre elleux le faisant dans les sept ans suivant leur arrivée. Les plaintes les plus courantes concernent les bas salaires, le coût élevé de la vie et le logement inabordable. Nos meilleur·es diplômé·es universitaires sont attiré·es par les États-Unis. Pourquoi investissons-nous dans l'accueil d'immigrantes et d"immigrants talentueux, dans leur éducation et leur formation, pour finalement les perdre au profit des États-Unis ?
Je pose ces questions depuis 26 ans, depuis que je suis arrivé dans ce pays d'opportunités avec une maîtrise en chimie et que j'ai commencé à travailler dans une station-service. Malheureusement, je n'ai pas vu beaucoup de changements pour les immigrant·es ordinaires.
La grande question demeure : quels sont les buts et les objectifs de nos politiques d'immigration sans cesse révisées ? Pouvons-nous espérer des changements significatifs alors que notre gouvernement fédéral fonctionne de manière ponctuelle ?
Les solutions provisoires ne fonctionneront pas ici. Nous avons besoin d'une nouvelle politique d'immigration stable, fondée sur les besoins réels du Canada. Elle devrait également garantir l'intégrité du système d'immigration afin de pouvoir corriger les irrégularités actuelles.
Dans son article de recherche récemment publié, Lisa Brunner, de l'Université de Colombie-Britannique, recommande :
§ De rendre les voies d'immigration pour les étudiant·es claires et prévisibles.
§ D'investir dans le secteur public afin de réduire la dépendance des établissements envers les frais de scolarité internationaux.
§ De mettre en place des services d'établissement universellement accessibles avec une responsabilité partagée.
§ De renforcer la réglementation et la transparence dans les pratiques de recrutement.
En rééquilibrant le paysage politique vers la durabilité et la responsabilité éthique, le Canada peut également mieux soutenir les étudiantes et les étudiants étrangers tout en protégeant sa réputation mondiale et sa résilience économique, a-t-elle ajouté.
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Le Canada doit cesser ses exportations d’armes vers les Émirats arabes unis et mettre fin à son soutien au génocide au Soudan.
Montréal, le 30 octobre 2025 — Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient (CJPMO) exhorte le Canada à suspendre ses exportations d'équipements militaires vers les Émirats arabes unis, craignant que ces derniers ne détournent les armes canadiennes vers les Forces de soutien rapide (RSF), une milice paramilitaire soudanaise.
Les Émirats arabes unis, destination de millions de dollars d'armes canadiennes, sont connus pour armer illicitement les RSF, accusées de génocide. De plus, il a été découvert que des armes canadiennes liées aux Émirats arabes unis étaient utilisées par les RSF, notamment à El Fasher, où elles ont récemment massacré plus de 2 000 personnes. CJPMO demande instamment la suspension immédiate des exportations militaires vers les Émirats arabes unis et l'ouverture d'une enquête pour déterminer si les armes canadiennes alimentent le génocide au Soudan.
« Le Canada continue de vendre des armes aux Émirats arabes unis malgré leur rôle évident de facilitateur du génocide au Soudan », a déclaré Michael Bueckert, président par intérim de CJPMO. « La découverte de véhicules blindés canadiens entre les mains de la RSF à El Fasher, quelques mois seulement avant le dernier massacre, devrait alerter le gouvernement et l'inciter à prendre des mesures immédiates. Le Canada doit mettre fin à l'acheminement d'armes vers les Émirats arabes unis, y compris via les États-Unis », a ajouté M. Bueckert.
Les experts de l'ONU ont à plusieurs reprises mis en garde contre le fait qu'ils soupçonnent les Émirats arabes unis de fournir clandestinement des armes à la RSF via les pays voisins, estimant que les accusations de soutien militaire des Émirats arabes unis à la RSF sont crédibles. Plus récemment, les Émirats arabes unis auraient augmenté leurs livraisons d'armes à la RSF, notamment de drones. De plus, il a récemment été révélé que certaines des armes transférées à la RSF par les Émirats arabes unis avaient été fabriquées au Royaume-Uni, ce qui soulève la possibilité que les Émirats arabes unis puissent également faire passer clandestinement des équipements militaires provenant d'autres pays, tels que le Canada.
L'année dernière, le Canadaa exporté pour 7 millions de dollars canadiens d'armes vers les Émirats arabes unis, notamment dans la catégorie des avions militaires. En août dernier, le Globe and Mail a rapporté que des véhicules blindés produits par le groupe canadien Streit avaient été trouvés entre les mains des RSF lors du siège d'El Fasher. L'usine principale du groupe Streit est située aux Émirats arabes unis, et celui-ci a déjà vendu illicitement des armes au Soudan et à d'autres pays sanctionnés par le Canada.
Le détournement des exportations canadiennes est interdit par la Loi sur les licences d'exportation et d'importation du Canada. En 2020, le Canada a imposé un embargo sur les exportations militaires vers la Turquie afin d'enquêter sur le détournement de la technologie des drones militaires vers l'Azerbaïdjan. Malheureusement, le Canada a levé ces restrictions en 2024 malgré le risque persistant, privilégiant les objectifs politiques aux préoccupations en matière de droits de la personne.
CJPMO s'inquiète également du fait que des armes pourraient parvenir aux Émirats arabes unis (et finalement au Soudan) via la faille américaine, qui permet d'exporter des biens militaires vers les États-Unis sans réglementation ni déclaration, avant de les envoyer aux Émirats arabes unis. Au début de l'année, les États-Unis ont annoncé plus de 200 milliards de dollars américains de contrats d'armement avec les Émirats arabes unis. CJPMO exhorte le Parlement à remédier à ce problème en adoptant le projet de loi C-233, la « No More Loopholes Act », qui garantirait que tout commerce militaire via les États-Unis soit soumis à une surveillance appropriée.
CJPMO exhorte le gouvernement canadien à suspendre toutes les exportations d'armes vers les Émirats arabes unis et à enquêter sur le détournement d'armes canadiennes vers les RSF ; à combler la faille américaine afin de garantir que les équipements militaires ne soient pas transférés vers les Émirats arabes unis sans réglementation ni déclaration via les États-Unis ; et à enquêter sur le groupe Streit pour avoir prétendument contourné les sanctions canadiennes contre le Soudan.
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Réactions des organisations des classes populaires au dépôt du budget fédéral
Voici les réactions d'organisations issues des classes populaires à la suite du dépôt du budget du gouvernement de Mark Carney par le ministre de finances François-Philippe Champagne. Les communiquées sont mis en ligne au fur et à mesure de leur publication.
Le budget fédéral 2025 creuse les inégalités, estime Oxfam-Québec
Montréal, le 5 novembre 2025 — Oxfam-Québec déplore la décision du gouvernement fédéral de sabrer 2,7 milliards $ dans l'aide publique au développement, au moment où les crises mondiales s'intensifient. Face aux conflits, aux dérèglements climatiques et à la montée des régimes autoritaires, le Canada choisit de désinvestir plutôt que de renforcer sa solidarité, tournant le dos aux populations les plus vulnérables. Oxfam-Québec est notamment préoccupée par les compressions dans le financement de la santé mondiale, qui risquent de mettre en péril les droits et la santé des femmes et des filles.
« Ce budget vise à réformer et à relancer l'économie, ce qui est nécessaire. Mais que vaut une relance qui aggrave les inégalités ? Près de 3 milliards $ de moins pour l'aide internationale, aucune initiative pour corriger l'iniquité fiscale et récupérer des revenus auprès des ultrariches et des entreprises polluantes, et trop peu pour les secteurs à prédominance féminine. Nous avons besoin d'une économie qui ne laisse personne de côté. Lutter contre les inégalités, c'est renforcer la stabilité, la démocratie et la prospérité au Canada comme ailleurs, pour tout le monde », souligne Béatrice Vaugrante, directrice générale d'Oxfam-Québec.
Sur le plan climatique, l'absence de tout sentiment d'urgence est consternante. Le gouvernement recule encore sur la mise en place de ses engagements sur la finance durable dans sa stratégie de compétitivité climatique, qui mise davantage sur la compétitivité que sur la réduction réelle des émissions. La stratégie privilégie la création de marchés et la mobilisation de capitaux privés plutôt que des mesures concrètes : imposer davantage les profits des entreprises polluantes, cesser de subventionner l'industrie des énergies fossiles et légiférer pour que les banques canadiennes réduisent leurs émissions de GES.
Le budget ignore aussi l'importance de l'économie du soin et des secteurs à prédominance féminine, piliers de la résilience sociale et climatique. Santé, éducation, services de garde et soins aux personnes âgées sont essentiels pour le bien-être des populations et leur capacité à faire face aux crises. Pourtant, 115 milliards $ sont consacrés aux infrastructures et 30 milliards $ à la défense sur cinq ans, tandis que les services vitaux à la population restent sans investissement chiffré comparable.
Le budget ne propose aucune mesure pour réduire l'iniquité fiscale. Les ultrariches, qui ont vu leur fortune croître de plus de 51% depuis 2020, ne paient en moyenne que 24% d'impôt, contre 37% pour la moyenne des travailleurs. En effet, 100% du salaire est taxé, contre seulement 50% des gains en capital. Le gouvernement renonce ainsi à des revenus indispensables pour financer la transition écologique et renforcer les services publics.
Pour Oxfam-Québec, le premier budget du gouvernement Carney est une occasion manquée de corriger les inégalités et de construire un « Canada fort », juste et durable.
Don Davies, porte-parole du NPD en matière de finances, réagit au budget de l'automne 2025
En réaction au budget de l'automne 2025 présenté par le gouvernement, Don Davies, porte-parole du NPD en matière de finances, a fait la déclaration suivante :
« Le Canada est confronté à de graves défis économiques. Le chômage atteint son plus haut niveau depuis dix ans, les jeunes ayant particulièrement du mal à trouver un emploi. La moitié des Canadiens vivent au jour le jour. Le coût des produits de nécessité, qu'il s'agisse de nourrir votre famille ou de payer votre loyer, ne cesse d'augmenter. Et notre économie est au bord de la récession, le président américain Donald Trump étant déterminé à lui faire subir de nouveaux dommages.
Dans ce contexte, ce budget est crucial et arrive à un moment critique pour notre pays.
Les néo-démocrates comprennent que nous avons été envoyés à Ottawa pour travailler au nom des travailleurs et de leurs familles. Nous avons dit que les Canadiens ont besoin d'un budget qui investira dans la création d'emplois syndiqués de qualité, permettant de subvenir aux besoins d'une famille ; nous avons dit que les Canadiens ont besoin d'un budget qui aidera à construire des millions de nouveaux logements abordables ; nous avons dit que les Canadiens ont besoin d'un budget qui investit dans les programmes et les services dont dépendent les familles, notamment notre système de santé.
Et nous avons dit qu'il est de la responsabilité du premier ministre Mark Carney d'élaborer un budget qui investit dans les besoins des Canadiens et qui peut être adopté à la Chambre des communes. S'il n'est pas en mesure de le faire, il en assume l'entière responsabilité.
À première vue, il semble que ce budget contienne des mesures que nous saluons et que nous avons d'ailleurs revendiquées. Il s'agit notamment de mesures visant à fournir un financement supplémentaire pour les infrastructures liées aux emplois syndiqués, à prendre un engagement explicite en faveur des logements coopératifs et à faire référence à un réseau électrique est-ouest.
Malheureusement, certaines mesures nous semblent aller dans la mauvaise direction, notamment la réduction des travailleurs du secteur public et des services qu'ils fournissent aux Canadiens, la suppression de la taxe sur les logements inoccupés et la réaffirmation de la subvention de plusieurs milliards de dollars accordée par le gouvernement aux géants technologiques américains.
Les néo-démocrates prendront le temps d'étudier le budget et de discuter avec les Canadiens. Nous aurons davantage à dire à ce sujet dans les prochains jours. »
Réaction de Greenpeace Canada au Budget 2025
« C'est un budget qui dépense massivement sur la militarisation du pays. On dépense des milliards pour les frontières, la police et l'armée, pendant qu'on coupe dans les programmes qui aident les personnes et protègent la nature. On ne peut pas dire qu'on prépare l'avenir si on recule sur le climat, en laissant les compagnies pétrolières polluer davantage et en affaiblissant les lois contre l'écoblanchiment. »
– Keith Stewart, stratège sénior en énergie, Greenpeace Canada
Le budget met surtout l'accent sur la sécurité, les frontières et l'armée, plutôt que sur des investissements qui soutiennent les personnes et protègent l'environnement.
Le gouvernement recule sur l'action climatique. Il renonce à sa promesse d'imposer un plafond à la pollution des compagnies pétrolières et gazières et affaiblit les lois contre les fausses déclarations environnementales. Cela s'ajoute à l'abolition de la taxe carbone pour les consommateurs, à la pause des règles sur les véhicules électriques et à une nouvelle loi qui permet d'exempter certains projets, même liés au pétrole et au gaz, des lois environnementales, sous prétexte qu'ils seraient d'intérêt national.
Au lieu d'investir dans des solutions pour protéger la population contre les effets des changements climatiques, le gouvernement continue de miser sur le pétrole. Le budget accorde de nouveaux appuis au gaz naturel liquéfié et au captage du carbone, sans engagement réel pour atteindre les réductions d'émissions que le Canada a promises dans le cadre de l'Accord de Paris.
Le Budget 2025 est présenté comme une « action audacieuse pour assurer l'avenir du Canada ». En réalité, assurer notre avenir aujourd'hui veut dire sortir des combustibles fossiles qui aggravent la crise climatique et miser sur les énergies renouvelables pour bâtir un futur plus vert et plus prospère. D'un océan à l'autre, les Canadien·nes vivent déjà les impacts dévastateurs du climat : feux de forêt, inondations, vagues de chaleur, tempêtes violentes.
Pendant sa campagne, Carney avait promis de protéger l'eau, la nature et la biodiversité en travaillant main dans la main avec les peuples autochtones. Pourtant, dans ce budget, aucune mention de l'engagement du Canada à protéger 30 % des terres et des eaux d'ici 2030. Ni les droits autochtones ni la protection de la nature ne sont pris au sérieux, alors que ce sont des éléments essentiels pour préserver la biodiversité pour les générations futures.
« À qui profite ce budget ? Certainement pas aux générations futures, ni aux terres, à l'eau et aux communautés qui nous font vivre. On ne peut pas parler d'avenir sans placer les droits autochtones et la réconciliation au cœur des décisions. Ce budget montre une vision à court terme qui met de côté les gens et la nature. Carney avait promis une alternative au discours de peur des conservateurs, mais avec ce budget, il leur ressemble plus que jamais, en misant lui aussi sur la peur plutôt que sur un avenir juste et durable. »
Budget fédéral : « Face à Trump, Carney choisit l'inaction » (CNC)
Montréal, le 4 novembre 2025 – Le Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC) exprime sa déception quant au dépôt du budget fédéral.
« Sur la question de l'assurance-emploi, on est loin d'être à la hauteur de la situation. Alors qu'il y a une situation d'instabilité très grave avec la guerre commerciale avec les États-Unis et que les pertes d'emplois s'accumulent, le gouvernement de Mark Carney préfère l'inaction. C'est insensé ! », ont déclaré Milan Bernard et Selma Lavoie, co-porte-paroles du Conseil national des chômeurs et chômeuses. « Nous espérions que Mark Carney et son cabinet saisissent la gravité de la situation actuelle et la fragilité de l'économie canadienne, et agissent ainsi en conséquence, mais ce n'est pas le cas ».
La seule avancée sur la question de l'assurance-emploi est l'élargissement des prestations parentales de l'assurance-emploi aux parents advenant le décès de leur enfant. Une mesure similaire est déjà appliquée au Québec, via le RQAP.
Le CNC est également inquiet quant à la rhétorique austéritaire mise de l'avant par le Premier ministre, et les reculs annoncés sur les positions environnementales de son prédécesseur.
« Dans ce contexte, nous allons continuer d'analyser la situation pour proposer une voie alternative au gouvernement. Ne rien faire n'est pas une option », ont conclu Milan Bernard et Selma Lavoie.
Budget fédéral : le gouvernement met la hache dans les services publics et brime le droit à la négociation collective (AFPC)
Ottawa, 5 novembre 2025 — L'Alliance de la Fonction publique du Canada est très préoccupée par les coupes massives dans les services publics, la mise à pied de plus de 40 000 fonctionnaires fédéraux et l'atteinte au droit à la négociation collective de centaines de milliers de travailleuses et travailleurs que propose le gouvernement.
Malgré les besoins d'une population âgée sans cesse croissante, le gouvernement éliminera des programmes vitaux au cours des trois prochaines années et tassera les fonctionnaires pour faire de la place à l'IA. C'est ce que prévoit l'Examen exhaustif des dépenses entrepris par le gouvernement.
« Ces coupes massives dans les services publics se feront sur le dos des travailleuses et travailleurs, des familles et des collectivités du pays », déplore la présidente nationale de l'AFPC, Sharon DeSousa. « Les gens peuvent s'attendre à des attentes interminables pour un passeport, de l'assurance-emploi ou une allocation pour enfants. À moins de programmes sociaux et encore plus de difficulté à joindre l'Agence du revenu. À peu de ressources consacrées à la santé publique et à l'inspection des aliments. Bref, un gouvernement absent lorsque les gens en ont le plus besoin. »
Au lieu d'investir dans les services de première ligne et les fonctionnaires qui assurent la bonne marche du pays, le gouvernement mise sur l'abolition de postes et l'IA, au détriment de notre filet social.
L'AFPC fera tout en son pouvoir pour protéger les services publics et les gens qui les fournissent en s'assurant que le gouvernement respecte les droits prévus dans les conventions collectives et les lois du travail en vigueur.
« Le premier ministre Carney répète qu'on doit faire des sacrifices, mais à qui impose-t-il réellement des sacrifices dans son budget ?, demande Sharon DeSousa. Certainement pas aux grandes multinationales. Ni aux PDG et riches banquiers. C'est encore aux travailleuses et travailleurs qu'on demande de plier l'échine. »
La négociation collective menacée
La décision de changer unilatéralement les lois qui régissent la fonction publique fédérale nous inquiète tout autant et nous examinerons attentivement les changements législatifs mis de l'avant par le gouvernement.
« Encore une fois, le gouvernement s'en prend directement au droit à la négociation collective. Soyons clairs : les travailleuses et travailleurs ont dû se battre pour en arriver là et on ne laissera pas le gouvernement nous enlever ces acquis comme si de rien n'était. »
Équité pour le personnel de première ligne
Nous sommes heureux de constater que le budget prévoit un régime de retraite équitable pour les membres des forces de l'ordre et de la sécurité publique, qui pourront enfin prendre leur retraite dans la dignité après 25 années de service, sans pénalité. Il y avait longtemps que nous réclamions ce changement.
Des baisses d'impôts qui plombent le premier budget Carney (CSN)
C'est avec beaucoup de réserve que la Confédération des syndicats nationaux (CSN) accueille le premier budget du gouvernement Carney. La centrale syndicale salue d'une part l'accroissement de l'investissement public en réponse à la guerre commerciale qui ébranle l'économie canadienne. Elle considère néanmoins que certains choix budgétaires, tels que des baisses d'impôts et une augmentation démesurée du budget alloué à la défense, minent la capacité du gouvernement à appuyer des secteurs stratégiques et à améliorer les conditions de vie de la population.
Si certains programmes fédéraux comme Maisons Canada ou l'appui à l'industrie du bois ou de l'acier ont toute leur raison d'être, la CSN déplore que le gouvernement se prive de revenus importants en abaissant d'un point le premier palier d'impôt sur le revenu des particuliers et en faisant une croix sur la hausse d'imposition sur les gains en capital, tout en abandonnant la taxe sur les services numériques. Au total, ces trois mesures auraient renfloué les coffres publics d'environ 10 milliards par année, selon les chiffres publiés par le Directeur parlementaire du budget. Et ce, sans compter les 300 millions en réduction fiscale additionnelle accordée aux entreprises par l'entremise de la superdéduction à la productivité.
Des compressions injustifiées
« À la lumière de l'ampleur de ce manque à gagner, les compressions demandées aux ministères et aux organismes publics – de 15 % sur trois ans – nous apparaissent totalement injustifiées », affirme la présidente de la CSN, Caroline Senneville.
La dirigeante syndicale pointe en particulier les compressions apportées au financement de Services correctionnels Canada. « Ces coupes ne peuvent qu'exacerber une situation déjà tendue dans les pénitenciers fédéraux, aux prises avec un problème de surpopulation et de manque d'effectifs », fait-elle remarquer.
La CSN se réjouit toutefois que Radio-Canada ait été épargnée par les mesures d'austérité du gouvernement Carney : son budget sera bonifié de 150 M$ cette année.
Alors que les transferts fédéraux en matière de formation de la main-d'œuvre sont augmentés dans le présent budget, la CSN rappelle qu'ils ne compensent toujours pas les coupes effectuées l'an dernier. « De nombreux travailleurs et travailleurs subissent déjà les effets de cette guerre commerciale. Plusieurs d'entre eux auront besoin d'appui pour se réorienter professionnellement. Le minimum aurait été de compenser entièrement ces compressions budgétaires en matière de formation de la main-d'œuvre », soutient Caroline Senneville.
Dans un tel contexte d'incertitude, la bonification du programme d'assurance-emploi aurait été des plus pertinentes : pourtant, si certaines mesures ont été prolongées, le gouvernement Carney continue d'ignorer la réalité des travailleuses et travailleurs saisonniers, particulièrement dans le secteur forestier.
Enfin, la CSN déplore que, sans objectifs précis, la nouvelle stratégie de compétitivité climatique du Canada ne fasse qu'accroître l'incertitude quant à l'atteinte de cibles de réduction d'émission de gaz à effet de serre. « Les impacts du réchauffement climatique sont déjà ressentis par la population canadienne. La guerre commerciale actuelle ne peut servir de prétexte pour renoncer aux balises environnementales dont le Canada s'est doté », de conclure la présidente de la CSN.
Budget fédéral 2025-2026 - L'UDA salue des investissements essentiels pour la culture
MONTRÉAL, le 5 nov. 2025 - L'Union des artistes (UDA) accueille favorablement les mesures annoncées par le gouvernement fédéral dans le budget 2025-2026. Les investissements sont bienvenus dans un contexte où des coupures étaient redoutées. Ces gestes témoignent d'une volonté de préserver la vitalité culturelle et de soutenir les artistes et les créateur•trice•s, malgré un environnement économique et géopolitique incertain.
Protéger notre souveraineté culturelle doit être une priorité gouvernementale. Elle s'incarne par la protection de nos langues officielles dont le français et par le soutien aux expressions culturelles comme on le constate dans le budget. Notre meilleure défense est la protection de notre identifé collective. Le gouvernement confirme son engagement à renforcer les expériences culturelles locales et à investir dans les industries créatives. Ces initiatives contribueront, nous l'espérons, à la découvrabilité des œuvres canadiennes et québécoises et à la diversité culturelle. En ce sens, nous réitérons notre confiance en Steven Guilbault, ministre du Patrimoine, et espérons qu'il continuera à défendre la culture avec détermination.
Le gouvernement a également annoncé son intention de modifier la Loi sur le droit d'auteur afin d'instituer un droit de suite pour les artistes visuels. L'UDA invite le gouvernement à profiter de cette modification pour moderniser l'ensemble de la Loi, en tenant compte des nouveaux enjeux liés à la diffusion numérique et à l'intelligence artificielle. Il est impératif que les technologies émergentes ne contournent pas les droits d'auteur et que les artistes bénéficient d'une rémunération juste lorsqu'il y a une utilisation de leurs œuvres.
Un enjeu crucial demeure : le filet social des artistes
Malgré ces importants progrès, le budget ne prévoit pas de mesures concrètes pour adapter le régime d'assurance-emploi à la réalité des artistes travailleurs autonomes. Cette réforme est essentielle pour offrir un véritable filet social à des milliers d'artistes interprètes dont la carrière repose sur des contrats ponctuels et une grande précarité. Nous espérons que le gouvernement, dans le cadre des travaux en cours sur la modernisation de l'assurance-emploi, intégrera des dispositions spécifiques pour les artistes. Une telle initiative serait un pas décisif vers une meilleure équité et une reconnaissance des particularités du secteur culturel.
« Nos membres vivent une réalité professionnelle marquée par l'instabilité et l'absence de filet social. Nous espérons que la modernisation de l'assurance-emploi inclura enfin des mesures adaptées à leur situation. Dans un contexte où l'intelligence artificielle transforme la création et la diffusion, il est plus que jamais nécessaire de protéger les droits des artistes et de garantir des conditions de travail dignes. » souligne Tania Kontoyanni, présidente de l'UDA.
L'UDA réitère son engagement à collaborer avec le gouvernement pour bâtir un cadre qui soutienne à la fois la création, la diffusion et la sécurité socio-économique des artistes, tout en assurant la défense de leurs droits dans l'ère numérique.
SOURCE Union des artistes
Budget 2025 : Unifor salue les gains pour les travailleuses et travailleurs, mais réclame une riposte pour protéger les emplois au Canada
OTTAWA, ON, le 4 nov. 2025 - Unifor affirme que les investissements majeurs en capital en matière d'approvisionnement, d'infrastructures et le logement sont des progrès appréciables prévus dans le budget 2025, mais que ces mesures doivent se traduire par des emplois au Canada, une production canadienne et du contenu canadien soutenus par de solides stratégies industrielles sectorielles.
« Pour créer une économie résiliente, les engagements prévus dans le budget fédéral doivent se traduire par de bons emplois syndiqués pour les travailleuses et travailleurs canadiens, a déclaré Lana Payne, présidente nationale d'Unifor. Les tarifs douaniers représentent une menace existentielle et le Canada doit répondre aux attaques afin de protéger les familles des travailleuses et travailleurs tout comme les industries. »
Unifor salue l'engagement du gouvernement dans les secteurs clés comme la foresterie, notamment la somme de 13 milliards de dollars octroyée au programme de logements faits au Canada « Maisons Canada », qui est associé à une stratégie fédérale d'achats canadiens pour les matériaux de bois d'œuvre. Le budget prévoit aussi des investissements dans une stratégie moderne de défense industrielle qui doit obligatoirement dynamiser le développement de l'industrie manufacturière intérieure, y compris dans le secteur de l'aérospatiale.
« Le budget 2025 comprend des annonces qui pourraient stimuler la fabrication, notamment dans nos secteurs de l'aérospatiale et de la foresterie, a déclaré Daniel Cloutier, directeur québécois d'Unifor. Cependant, le gouvernement doit tenir ses promesses et mettre en place des stratégies permettant de protéger les travailleuses et travailleurs des répercussions des tarifs douaniers américains. »
Unifor réitère que le Canada a besoin de stratégies industrielles globales pour soutenir et développer tous les secteurs affectés par les tarifs douaniers, et le syndicat réclame le déploiement dynamique et efficace du Fonds de réponse stratégique de 5 milliards de dollars afin de protéger les emplois industriels.
Le budget prévoit des améliorations spéciales au régime d'assurance-emploi ainsi que des flexibilités de travail partagé pour les travailleuses et travailleurs affectés par les tarifs douaniers. Unifor considère que ces mesures temporaires importantes devraient devenir permanentes dans le cadre d'une réforme élargie du régime d'assurance-emploi.
Les nouvelles dépenses en capital, notamment le montant de 115 milliards de dollars sur cinq ans destiné aux infrastructures dans certains secteurs comme le transport en commun, les soins de santé et le logement, doivent appuyer la création d'emplois au Canada par le biais de règles régissant le contenu intérieur.
La mise en œuvre d'une réglementation sur le gaz méthane réclamée par Unifor doit faire en sorte que les canalisations vieillissantes soient réparées et créer de nouveaux emplois syndiqués. Nous constatons toutefois l'absence dans ce budget 2025 d'engagements concrets visant à renforcer les liens ferroviaires pour le transport énergétique de l'Ouest vers l'Est, y compris l'expédition de produits au moyen de wagons-réservoirs faits au Canada, comme l'a recommandé Unifor.
« Malheureusement, ce budget porte également un dur coup aux services publics essentiels, a ajouté Mme Payne. L'austérité et la privatisation, notamment les menaces persistantes de vente de sociétés publiques et d'aéroports, ne sont pas des approches judicieuses, en particulier en temps de crise. Des services publics forts permettent de faire travailler les gens et de maintenir notre économie à flot. »
Le temps est venu de tirer profit des ressources, des compétences et de la capacité d'innovation du Canada afin de propulser une économie autosuffisante misant sur les produits faits au Canada.
SOURCE Le Syndicat Unifor
Les coupes budgétaires fédérales risquent d'avoir des conséquences réelles pour la population, comme le ralentissement du versement des prestations ou l'affaiblissement des interventions d'urgence (IPFPC)
OTTAWA, ON, le 4 nov. 2025 - L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) prévient que les coupes budgétaires fédérales annoncées aujourd'hui, qui visent à supprimer plus de 40 000 emplois dans la fonction publique, vont bien au-delà de l'« efficacité » et toucheront des services essentiels sur lesquels compte la population.
Les gens veulent que leur gouvernement dépense judicieusement, et les professionnel•les de la fonction publique sont d'accord. Mais si l'on élimine les fonctionnaires chargés d'inspecter les aliments, de distribuer les prestations sociales, de protéger les données et de surveiller les feux de forêt, on ne réduit pas le gaspillage — on augmente les risques.
« Les Canadiennes et les Canadiens attendent de l'efficacité, pas de l'érosion », déclare Sean O'Reilly, président de l'Institut. « Derrière chaque coupe se cache un retard de service, une intervention d'urgence plus lente ou un système qui n'est qu'à une défaillance de la crise. Ces réductions ne nous permettent pas de nous alléger ; elles nous rendent plus fragiles. »
Les professionnel•les de la fonction publique sont les spécialistes qui protègent nos données, gèrent les situations d'urgence, suivent les épidémies et entretiennent les systèmes que les gens voient rarement, mais dont ils dépendent tous les jours. La diminution de leur capacité n'entraîne pas seulement une réduction de la taille de l'administration, mais aussi une érosion de la résilience du Canada.
« Nous partageons l'objectif d'une fonction publique plus efficace et plus innovante. Mais on ne peut pas faire plus avec moins. Une véritable efficacité signifie des investissements plus intelligents, et non pas la suppression de services », ajoute M. O'Reilly.
Parallèlement, le gouvernement continue d'investir des sommes record dans l'externalisation de travaux à des consultants privés : 26 milliards de dollars sont prévus pour cette seule année, soit le montant le plus élevé jamais enregistré selon ses propres estimations. Bien que le budget prévoie une vague réduction de la sous-traitance, l'IPFPC note que des promesses similaires ont déjà été faites sans résultats concrets. C'est une approche qui ne tient toujours pas la route.
« Il n'est pas efficace de remplacer des fonctionnaires expérimentés par des consultants onéreux qui coûtent 25 % de plus qu'un•e professionnel•le de la fonction publique », poursuit M. O'Reilly. « Si l'objectif est de réaliser des économies, il faut commencer par les milliards versés aux entreprises privées, et non par les inspecteur•rices de la sécurité alimentaire ou les scientifiques de la santé publique. »
Les professionnel•les de la fonction publique savent où se situent les véritables inefficacités : mauvaise planification, systèmes obsolètes, manque de confiance et de consultation avec les spécialistes de la fonction publique, et recours excessif à une externalisation coûteuse.
« Il faut donner aux fonctionnaires les moyens de se moderniser de l'intérieur », conclut Sean O'Reilly. « Laissez les professionnel•les prendre les devants. C'est ainsi que l'on obtient une efficacité réelle, sans réduire les services dont dépend la population. »
L'Institut représente plus de 85 000 professionnel•les du secteur public un peu partout au pays, dont la plupart sont employés par le gouvernement fédéral. Suivez-nous sur Facebook sur X (anciennement connu sous le nom de Twitter) et sur Instagram.
SOURCE Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC)
Budget fédéral - « Un budget décevant et traditionnel malgré un enrobage sucré », fait valoir la CSQ
MONTRÉAL, le 4 nov. 2025 - La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) prend acte du premier budget du ministre des Finances du Canada, François-Philippe Champagne, et souligne qu'il s'agit, à bien des égards, d'un budget décevant.
« Il y a beaucoup d'enflure verbale quant à la couleur que le gouvernement souhaite donner à ce premier budget, mais à première vue, ce que l'on constate, c'est que l'approche budgétaire et comptable du gouvernement sert surtout à masquer le fait qu'il s'agit, malgré tout, d'un budget de compressions », de réagir à chaud le président de la CSQ, Éric Gingras.
Que ce soit les quelque 40 000 postes supprimés dans la fonction publique d'ici 2029 ou encore la croissance des dépenses de programmes, qui passera d'une moyenne de 8 % par année à seulement à 0,6 % pour la première année, il est difficile de ne pas y voir une logique comptable qui ne place pas les travailleuses et les travailleurs au cœur de l'équation.
« On se retrouve donc avec un budget qui parle de dépenses et d'investissements, en établissant une distinction arbitraire qui dévalorise les travailleuses et les travailleurs de nos réseaux publics. Comme si leur travail représentait un coût alors qu'il s'agit d'un investissement social. Le gouvernement aurait pu faire davantage et rien ne justifiait de réduire les services à la population, considérant que le ratio dette/PIB du Canada figure parmi les plus bas des pays du G7. »
La CSQ déplore par ailleurs les orientations du gouvernement quant à l'utilisation de l'intelligence artificielle, dont l'objectif premier est de rendre la fonction publique plus productive, tout en doublant ses intentions de compressions de postes.
« C'est exactement ce qu'il ne faut pas faire ! Cela fait des mois qu'on parle de l'importance de placer l'humain au cœur du déploiement de l'intelligence artificielle et du fait qu'elle ne doit pas être utilisée d'abord comme un outil de compressions budgétaires. C'est une grave erreur et, surtout, un modèle à ne pas suivre ! »
Sur la question du logement, la Centrale voit d'un bon œil la volonté du gouvernement de s'attaquer à la crise, mais déplore, du même souffle, l'absence d'investissements dans les logements sociaux et l'absence de mesures structurantes.
« Il y a une volonté claire, et on ne peut que saluer cette transition, même si ce n'est évidemment pas suffisant pour régler la crise. : la question du logement constitue une préoccupation majeure pour les travailleuses et les travailleurs que nous représentons. »
Pour la CSQ, le fait que le gouvernement confirme que la proportion des dépenses en défense atteindra 5 % du PIB en 2035 a de quoi faire sourciller. « Il faut simplement prendre acte du fait qu'il s'agit d'une somme considérable et que c'est un gros morceau qui ne va ni dans les services ni dans les transferts aux provinces dans nos réseaux. Pourquoi, d'ailleurs, ne parle-t-on jamais en termes de proportion du PIB lorsqu'il s'agit de nos réseaux publics, notamment en éducation ? Cela nous permettrait de mieux comprendre et de comparer des pommes avec des pommes. »
Pour conclure, il est impossible de ne pas souligner l'absence quasi totale d'investissements en environnement, ainsi que le statu quo quant à l'assurance médicaments, un programme insuffisant dans son état actuel.
SOURCE Centrale des Syndicats du Québec (CSQ)
Réaction de la FTQ au budget fédéral
MONTRÉAL, le 4 nov. 2025 - La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) prend acte du budget fédéral présenté par le gouvernement et accueille positivement les investissements annoncés pour les entreprises, les infrastructures et le domaine de la science qui doivent créer et maintenir des emplois. Cependant, elle s'inquiète des compressions prévues dans la fonction publique fédérale.
« Nous le savons tous, les travailleurs et travailleuses souffrent des caprices de notre voisin du sud avec sa guerre commerciale sur les tarifs douaniers. La dernière chose que souhaite le Québec en ce moment, c'est une élection fédérale. La FTQ invite donc le gouvernement et les partis d'opposition à trouver des voies de passage pour assurer la stabilité politique afin de mieux répondre aux besoins des travailleurs et travailleuses et de toute la population », déclare la présidente de la FTQ, Magali Picard.
« Il ne faut surtout pas oublier que pour Bâtir un Canada fort comme le souhaite le gouvernement fédéral, cela ne peut se faire sans les travailleurs et travailleuses qui sont appelés à livrer les services à la population, surtout en période de crise », conclut le secrétaire général de la FTQ, Denis Bolduc.
SOURCE (FTQ) Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec
Les syndicats du Canada appellent à des mesures plus fortes relatives aux emplois et aux services publics (CTC)
OTTAWA, ON, le 4 nov. 2025 - Le budget fédéral déposé aujourd'hui tombe à un moment de profonde incertitude. Les travailleuses et travailleurs doivent composer avec la hausse des prix, une crise commerciale grandissante et des programmes publics grevés au maximum. Puisque les tarifs douaniers imposés par les É.-U. éliminent déjà des emplois canadiens, ce budget donnait une occasion de montrer que le Canada est prêt à défendre les travailleuses et travailleurs, à accroître sa résilience, à protéger les emplois et à investir dans les personnes et les services publics.
Le gouvernement Carney a plutôt livré un budget qui réduit les services sur lesquels comptent les travailleuses et travailleurs et qui ne comprend pas les protections que l'actuel gouvernement a été élu pour mettre en œuvre.
« Pour ce qui est de défendre les emplois canadiens, le gouvernement actuel doit se relever les manches de nouveau. Les tarifs de Trump et les menaces commerciales mettent les travailleuses et travailleurs du Canada en péril, et le gouvernement ne peut pas se croiser les bras devant cela. Il nous faut des investissements générationnels dans le logement et l'infrastructure publique — construits par une main-d'œuvre syndiquée à l'aide de matériaux faits au Canada — pour assurer de bons emplois et maintenir la prospérité ici au Canada », déclare Bea Bruske, présidente du Congrès du travail du Canada.
« On ne peut pas créer des emplois en en éliminant des milliers », ajoute madame Bruske. « Pas plus qu'on ne peut aider à la croissance de l'économie en réduisant les services publics. Les travailleuses et travailleurs ont besoin d'un budget qui investit dans les personnes et l'infrastructure publique. »
« Puisque le parlement est minoritaire, ce budget n'est pas un fait accompli et il n'est pas nécessaire de tenir une élection pour que la population canadienne le fasse savoir », dit madame Bruske, « Les syndicats du Canada demandent au gouvernement libéral de travailler avec les autres partis pour modifier le budget de manière à assurer les soutiens, les investissements et les protections dont les travailleuses et travailleurs ont besoin afin de résister aux tarifs douaniers étatsuniens, de protéger les emplois canadiens et d'assurer une sécurité économique durable. Il est temps que le parlement défende les travailleuses et travailleurs. »
Le budget comprend des mesures sur lesquelles il vaut la peine de faire fond, y compris l'affectation de milliards de dollars à la construction d'habitations et d'infrastructures, le doublement des fonds affectés au Programme pour la formation et l'innovation en milieu syndical et le nouveau crédit d'impôt de 1 100 $ pour les personnes préposées aux bénéficiaires. Ces investissements sont précisément du genre dont les travailleuses et travailleurs ont besoin, car ils renforcent les compétences, haussent les salaires et améliorent les soins.
Mais pour vraiment protéger les travailleuses et travailleurs et notre économie, il faut prendre plus de mesures de ce genre — et procéder à moins de coupures.
Le parlement doit s'unir pour modifier le budget afin qu'il protège les services publics, renforce les soins de santé, modernise l'assurance-emploi, voie à ce que le commerce soit assujetti au respect des normes du travail, élimine les échappatoires fiscales dont profitent les entreprises et procède à des investissements générationnels dans le logement, l'infrastructure et la production canadienne dont le Canada a besoin pour garantir notre avenir économique. Les travailleuses et travailleurs sont prêts à bâtir cet avenir — il est temps que notre gouvernement les appuie activement.
« Les travailleuses et travailleurs ont prouvé à maintes reprises qu'ils sont prêts à faire leur part pour rebâtir le Canada au besoin », conclut madame Bruske. « Il est temps que notre gouvernement adopte une détermination semblable — en défendant activement les travailleuses et travailleurs. »
SOURCE Congrès du travail du Canada (CTC)
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Marinvest Energy, un nouveau projet de GNL au Québec ?
Si vous avez eu la chance de partir en vacances cet été et de décrocher des nouvelles, vous ne l'avez peut-être pas vu passer, mais on veut nous refaire le coup d'un projet de transport de gaz dit « naturel » sur le territoire du Québec. En gros, un GNL Québec 2.0 ! Voici donc un résumé de ce que Nature Québec sait de Marinvest Energy pour le moment.
Une nouvelle tentative de projet de gaz fossile ?
Précisions d'entrée de jeu : il n'y a, pour le moment, officiellement aucun projet déposé nulle part. Les informations dont nous disposons sont issues de recherches sur le registre des lobbyistes du Québec, de demandes d'accès à l'information de Greenpeace Canada et d'enquêtes menées par des journalistes. Mais la nature du projet est, elle, déjà bien connue ainsi que ses composantes principales.
Ce nouvel essai énergétique est porté par une compagnie norvégienne, Marinvest Energy AS. Elle a pour idée d'implanter un complexe gazier constitué d'un gazoduc s'étendant de la frontière avec l'Ontario jusqu'à Baie-Comeau, en passant au nord du Lac Saint-Jean, et un terminal : une usine de liquéfaction flottante dans la Baie des Anglais. Ce gaz naturel liquéfié (GNL) albertain serait ensuite transbordé sur des méthaniers et envoyé sur les marchés européens.
Qui est Marinvest Energy AS ?
Créée en 2020, cette entreprise norvégienne se spécialise dans le développement de terminaux et systèmes d'énergie marine pour transporter le GNL. Elle a enregistré récemment une filiale au Québec sous le nom de Marinvest Énergie Canada. Pour le moment, il n'y a qu'un seul employé, le directeur de l'exploitation, Greg Cano, connu pour avoir joué un rôle majeur dans la construction du gazoduc Coastal GasLink en Colombie-Britannique. Ce pipeline avait défrayé l'actualité à cause de la violence avec laquelle les membres de la Nation Wet'suwet'en (1) avaient été traités pour leur opposition au projet.
Qu'est-ce que le GNL ?
GNL est l'acronyme de gaz naturel liquéfié. On parle ici de gaz dit « naturel » (car issu d'un processus terrestre naturel) qu'on refroidit à environ -160°C pour le transformer à l'état liquide, permettant ainsi de le transporter et de le stocker plus facilement sur de longues distances, notamment sur des bateaux qu'on appelle des méthaniers.
Un projet qui aggraverait sans aucun doute la crise climatique
Si certains détails restent flous, l'objectif même de Marinvest Energy — permettre l'augmentation de la production du gaz fossile au Canada et l'exportation de cette ressource sur les marchés mondiaux — ne laisse aucun doute quant aux impacts climatiques et à la hausse des émissions de GES du pays.
Rappelons que le gaz dont on parle ici est du méthane, un gaz à effet de serre 80 fois plus puissant que le CO2 lors de ses vingt premières années de vie dans l'atmosphère. Il est également issu en très grande partie de la fracturation hydraulique, le procédé d'extraction le plus polluant et ayant des impacts sérieux sur la santé des populations vivant à proximité des sites (contamination des nappes phréatiques, destruction de milieux naturels et fuites de méthane qu'il entraîne). C'est d'ailleurs en partie pour ces raisons que la province de Québec a interdit cette pratique en 2021 avec la Loi mettant fin à la recherche d'hydrocarbures ou de réservoirs souterrains, à la production d'hydrocarbures et à l'exploitation de la saumure.
La compagnie veut alimenter en électricité l'usine de liquéfaction grâce à un parc éolien. C'est d'ailleurs sur cet argument qu'elle s'appuie pour qualifier son projet de « carboneutre ». On entend aussi souvent dire que le gaz est une énergie de transition, or ce n'est pas le cas. À la combustion, il émet en effet moins que le charbon ou le pétrole, mais lorsqu'on prend en compte les émissions sur l'ensemble de son cycle de vie, de l'extraction jusqu'à la combustion, le GNL a un bilan d'émission de GES égal, voire pire que le charbon (2).
L'utilisation de termes comme « carboneutre » ou « énergie de transition » dans ce contexte n'est qu'une stratégie de marketing et elle porte un nom : l'écoblanchiment ! Ce projet augmenterait nécessairement les émissions de GES du Canada.
Et les impacts sur la biodiversité et la protection des territoires ?
Les enjeux pour la protection de la biodiversité et du territoire sont nombreux et varient en fonction des différentes infrastructures qui doivent composer le complexe gazier.
Le gazoduc
Avec près de 1000 km de long, sa construction va entraîner de la déforestation sur l'ensemble du tracé ainsi qu'une grande fragmentation des habitats fauniques et floristiques et la destruction de nombreux milieux humides et hydriques. De nombreuses traversées de rivières, dont plusieurs sont actuellement harnachées, présentent aussi des risques pour la faune aquatique et la pollution de l'eau. De plus, l'emprise du pipeline de 60 mètres de large limite beaucoup d'activités comme le reboisement ou l'interdiction de certaines plantations. Nommons également que le tracé de ce gazoduc traverserait des territoires non cédés de plusieurs Premières Nations.
L'usine de liquéfaction
La Baie des Anglais où elle serait construite abrite une riche biodiversité, notamment sur le plan des oiseaux et de la faune aquatique. Elle est reconnue à travers différentes désignations, que ce soit des aires de concentration d'oiseaux aquatiques (ACOA), la zone d'importance pour la conservation des oiseaux (ZICO), ou encore la région de biosphère Manicouagan-Uapishka. Certaines espèces aquatiques en péril comme le rorqual commun, le rorqual bleu ou encore le béluga sont aussi présentes ou susceptibles d'être dans ce secteur. Les travaux de construction de cette nouvelle usine pourraient également augmenter le bruit sous l'eau et causer la mortalité ou le déplacement d'invertébrés benthiques et de poissons fréquentant le site, en plus de détruire ou de modifier localement leurs habitats.
Les éoliennes
Leur installation risquerait d'engendrer déboisement, fragmentation d'habitats fauniques et floristiques à cause des chemins forestiers et perte de milieux hydriques et humides. On sait aussi que leur fonctionnement a des impacts significatifs sur les oiseaux et les chauves-souris.
Les méthaniers
Il est également important de prendre en compte les impacts cumulatifs qu'un tel projet énergétique pourrait avoir sur le climat, la biodiversité, et l'environnement de façon plus générale (p. ex. qualité de l'eau et de l'air), considérant les nombreuses activités industrielles se déroulant déjà dans le secteur.
Est-ce un projet sérieux ?
Après avoir fermé la porte au projet d'oléoduc Énergie-Est et à GNL Québec il y a quelques années, nous pensions en avoir fini avec les projets de pipelines d'énergies fossiles au Québec. Malheureusement, c'était sans compter le chaos géopolitique mondial actuel et son instrumentalisation par les entreprises d'énergies fossiles.
Un lobbyisme intensif en cours
Ce qu'on sait pour le moment, c'est que l'entreprise est en train d'enchaîner les rencontres avec le gouvernement Carney et le gouvernement Legault pour aller chercher leur appui politique afin, ensuite, d'attirer des investisseurs. Et à ce registre, elle ne chôme pas. Depuis le mois de février 2025, ses six lobbyistes ont déjà obtenu de nombreuses audiences. Au provincial, des discussions ont eu lieu avec le cabinet du premier ministre, le ministère de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie et celui de l'Environnement.
Du côté d'Ottawa, c'est le cabinet du premier ministre Carney ainsi que celui du ministre de l'Énergie, Tim Hodgson, qui ont été rencontrés. Ici, aucune surprise quant au fait qu'une partie de la conversation porte sur la possibilité pour le projet d'être désigné comme d' « intérêt national » en vertu des dispositions adoptées sous bâillon avec la loi C-5. Si cela s'avérait, ce complexe gazier pourrait être approuvé de manière accélérée, sans évaluation environnementale approfondie et en contournant les droits des communautés autochtones et plusieurs lois environnementales, comme celle sur les espèces en péril. Au vu des impacts éventuels du projet, c'est loin d'être rassurant.
Un contexte économique loin d'être favorable
Nature Québec a publié en juin 2025 une analyse économique (3) confirmant que pour voir le jour et être rentables, des projets comme celui de Marinvest Energy devraient être financés par les contribuables. Pourquoi ? Premièrement, dans une lettre ouverte (4), 46 économistes ont montré qu'un tel projet coûterait entre 33 et 41 milliards de dollars. Or, notre rapport économique et différentes études consultées (5) sur les projections de la demande pour le gaz abondent toutes dans le même sens : la production mondiale de gaz va excéder la demande, créant un contexte de marché risqué pour les producteurs. Par exemple, le marché européen visé par le projet a vu sa consommation de gaz reculer de 20 % entre 2021 et 2024 (6). Dans ce contexte, la seule façon de réduire les risques pour le secteur fossile privé est de sécuriser du financement public.
Deuxièmement, on se souvient qu'interrogé à plusieurs reprises sur le sujet, François Legault et d'autres membres du gouvernement se sont dit ouverts au projet à condition qu'il amène des retombées économiques pour le Québec. Serait-ce le cas ? En fait, les retombées économiques seraient minimes, presque exclusivement générées lors de la phase de construction des différentes infrastructures. En effet, n'étant qu'un projet de transport de GNL, le Québec ne serait qu'un corridor où circulerait et serait liquéfié le gaz fossile pour ensuite être acheminé vers les marchés européens.
Quel rôle jouera Nature Québec pour la suite ?
Pour notre organisation, il est clair que ce projet de complexe gazier ne tient pas la route, ni économiquement, ni à cause de son impact environnemental. S'il voyait le jour, il constituerait une bombe climatique en plus de causer des dommages irrémédiables aux écosystèmes. Ce GNL Québec 2.0 n'est pas une solution efficace pour l'économie québécoise, ni un gage de beaucoup d'emplois à long terme. Les Québécois, Québécoises et les communautés locales doivent avoir accès à ces informations. C'est pourquoi nous étions à Baie-Comeau en septembre 2025 suite à l'invitation du TROC-CDC Côte-Nord et de Mères au front pour participer à une séance d'informations publique sur les enjeux entourant le projet. Nous créons et partageons également des contenus sur les réseaux sociaux pour informer au mieux le public.
Nous suivons donc de très près le dossier et intervenons à chaque étape pour que ce projet ne voit jamais le jour. Nous sommes intervenu-e-s dans les médias, nous alertons les leaders politiques et nous aidons les Québécois-es à se mobiliser.
Avec nos allié-e-s, nous avons dit non à Énergie-Est et non à GNL Québec.
Aujourd'hui, Marinvest Energy, c'est encore NON !
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Pas de chèque en blanc pour QSL
Plusieurs signes nous laissent croire que le projet de terminal de QSL à la Baie de Beauport pourrait être inclus dans la Loi C-5 dès novembre, c'est-à-dire qu'il ne serait soumis à aucune évaluation environnementale ni consultation citoyenne.
En tant que citoyen·ne·s, regroupements et élu·e·s, nous demandons au Maire de Québec et à ses conseillers·ères de Limoilou et de Beauport de s'opposer à cette dérive autoritaire du gouvernement canadien.
À l'été 2024, la Table citoyenne Littoral Est apprenait dans les médias que l'entreprise QSL développait un autre projet de terminal de conteneurs au Port de Québec : 250 000 conteneurs y seraient transbordés par année. Cette annonce survient trois ans à peine après le refus du projet Laurentia à cause de ses impacts environnementaux importants et la pollution de l'air qu'il aurait occasionné. Les acteurs locaux sont consternés par la résurrection d'un nouveau projet de conteneurs au Port de Québec. Une mobilisation citoyenne s'organise et on interpelle les élu·es. Cependant, autant du côté de l'administration portuaire que de la Ville de Québec, les réponses sont évasives : « il n'y a aucun projet concret sur la table, donc aucune matière pour se prononcer ».
Un an plus tard, il n'y a toujours pas de projet « officiellement » déposé au Port de Québec par QSL, ni aucune information accessible au public quant à son contenu et à ses impacts. Pis encore, les quelques informations existantes ne sont pas transmises, alors que plusieurs demandes ont été faites.
Or, en coulisses, ça semble être tout autre chose : QSL, à grand coup de lobbyisme, fait pression sur le gouvernement Carney pour obtenir les autorisations dont elle a besoin pour avancer. À tel point qu'on est passé en quelques semaines d'un projet inexistant à un projet « d'intérêt national » !
QSL et C-5 : des signes avant-coureurs
En juin dernier, le gouvernement Carney adoptait, sous bâillon, la Loi C-5 qui vise à accélérer le lancement de grands projets d'infrastructures considérés « d'intérêt national », dans un contexte de guerre commerciale avec les États-Unis, en outrepassant les mécanismes d'évaluations environnementales en place.
Pour nous, la menace de voir le projet de QSL bénéficier des échappatoires de la loi C-5 est imminente. Les signes avants-coureurs s'accumulent : les élus libéraux de Québec s'enthousiasment, une étude financée par la chambre de commerce maritime décrit le projet comme « névralgique » et finalement, la semaine dernière, le gouvernement Carney dévoile son premier budget, dont la page couverture est un bateau-cargo à Québec ! On peut y lire que le gouvernement confirme l'ajout de ressources frontalières pour le commerce maritime et que le projet de terminal de QSL est en voie d'être désigné comme port de conteneurs international.
Non à QSL dans la Loi C-5 !
À l'heure actuelle, nous, citoyen·ne·s, regroupements et élu·es, sommes particulièrement inquièt·es que le gouvernement du Canada nous impose ce terminal de conteneurs, sans étude environnementale, sans consultation citoyenne, sans débat démocratique.
Le Maire de Québec, Bruno Marchand, a signifié il y a quelques mois que son appui au projet n'était pas un chèque en blanc ; pourtant, c'est bel et bien ce qu'il sera si le gouvernement Carney l'inclut dans C-5.
Nous demandons donc au Maire de Québec Bruno Marchand et à ses élu·es des districts concernés - Marylou Boulianne, Raymond Poirier et Éric Courtemanche-Baril - de tenir parole en s'opposant à ce que le terminal de QSL fasse partie de C-5. Nous leur demandons de réclamer que le projet soit soumis aux mécanismes que la démocratie a mis en place pour évaluer si un projet est bon ou néfaste pour l'environnement et la communauté.
Limoilou, Beauport et la Basse-Ville de Québec subissent plus que les autres les effets néfastes d'un cocktail de pollution atmosphérique, en raison notamment de la proximité de ces quartiers avec le Port de Québec, où les activités de transbordement et le transport lourd qui en résulte nous empoisonnent quotidiennement. Dans ce contexte, il est inacceptable d'outrepasser les règles environnementales et d'imposer unilatéralement d'autres activités industrielles préjudiciables pour les citoyen·nes des quartiers centraux de Québec, quartiers qui, on doit le rappeler, sont déjà des milieux saturés en matière de pollution. Nous refusons qu'on nous en ajoute encore plus !
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Une délégation jeunesse représente l’AQOCI à la COP30 et au Sommet des peuples au Brésil
Montréal, le 10 novembre 2025 - Une délégation jeunesse de l'Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) participe à la 30e Conférence des parties sur les changements climatiques (COP30) et au Sommet des peuplesqui se déroulent à Belém, au Brésil, du 10 au 21 novembre 2025.
Lors de ces événements déterminants dans la lutte aux changements climatiques, sept jeunes militant·es des quatre coins du Québec représentent l'AQOCI, dont trois jeunes autochtones. Ils et elles portent unplaidoyer pour une justice climatique féministe visant à amplifier les voix des communautés les plus affectées par la crise climatique, notamment les pays du Sud global, et influencer les décideur·euses québécois·es et canadien·nes.
La COP30 a pour objectif principal d'accélérer la mise en œuvre de l'Accord de Paris et son emplacement en Amazonie permet également de mettre en lumière les enjeux liés à la biodiversité et à la préservation des forêts. Parallèlement, Belém accueille le Sommet des peuples, rassemblant la société civile et les peuples autochtones du monde entier pour faire entendre leurs voix.
À travers sa délégation jeunesse et son plaidoyer, l'AQOCI poursuit la lutte pour la justice climatique, en solidarité avec ses partenaires du Sud global, notamment en demandant au Canada de faire sa juste part en termes de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre et de financement climatique.
« La COP30 à Belém, en Amazonie, représente une occasion incontournable de recentrer les discussions sur les territoires les plus touchés par la crise climatique, mais aussi sur les savoirs, les résistances et les solutions qui en émergent. C'est également une opportunité de réfléchir collectivement aux contradictions entre les discours climatiques et les logiques d'extractivismes actuels, et de réaffirmer la nécessité d'une lutte contre les changements climatiques qui soit véritablement juste, inclusive et centrée sur les droits des communautés. » Frédérique Malecki, déléguée jeunesse de l'AQOCI.
« En tant qu'Autochtone et jeune Wendat-Innu, il est primordial d'affirmer l'apport des peuples autochtones à la lutte contre les changements climatiques. La souveraineté alimentaire fait partie intégrante de notre culture : les Trois Sœurs maïs, courges et haricots nourrissaient autrefois notre peuple à plus de 85 %. Nos valeurs de respect, de bienveillance et de pensée circulaire demeurent au cœur de notre quotidien et inspirent la protection de nos forêts, de nos terres, de notre eau et de notre territoire. La COP30 sera pour moi et l'ensemble de la délégation l'occasion de réaffirmer et de faire progresser la lutte contre les changements climatiques depuis cette perspective wendat. » Hadishrayen Diego Gros-Louis Rock, délégué jeunesse de l'AQOCI.
« La crise climatique a des impacts disproportionnés sur les femmes et les personnes de genres divers, particulièrement celles qui font face à de multiples formes de discrimination
croisées. Dans le cadre de la COP30, nous demandons l'adoption d'un nouveau Plan d'action sur l'égalité des genres transformateur et ambitieux. » Marie-Jeanne Eid, déléguée jeunesse de l'AQOCI.
« Il n'est jamais trop tard pour convaincre les États, et la COP est l'un des seuls lieux où la société civile peut approcher directement les décideurs. Mais le plus important réside dans les convergences entre mouvements sociaux internationaux, rendues possibles par la présence de militants du monde entier. Cette première COP dans un régime démocratique depuis 2021 se traduira inévitablement par un regain en puissance des luttes mondiales pour la justice climatique. » Albert Lalonde, délégué·e jeunesse de l'AQOCI.
L'Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) créée en 1976, regroupe plus de 70 organismes de 14 régions du Québec qui œuvrent, à l'étranger et localement, pour un développement durable et humain. L'AQOCI a pour mission de soutenir le travail de ses membres ainsi que leurs initiatives en faveur de la solidarité internationale. En s'appuyant sur la force de son réseau, l'AQOCI œuvre à l'éradication de la pauvreté et à la construction d'un monde basé sur des principes de justice, d'inclusion, d'égalité et de respect des droits humains.
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Le Manifeste pour une révolution écosocialiste : une déclinaison possible aux Philippines
Adopté par la Quatrième Internationale, le « Manifeste pour une révolution écosocialiste – Rompre avec la croissance capitaliste » a été présenté à Manille en octobre 2025 lors d'une discussion réunissant universitaires, militants de mouvements sociaux et d'organisations politiques. La réunion était co-organisée par l'IIRE-Philippines et le Partido Manggagawa. Le texte ci-dessous est celui de l'intervention de Daniel Tanuro, qui a a coordonné le travail de rédaction du Manifeste. Nous publions par ailleurs le texte « Introduction to the Manifesto for an Ecosocialist Revolution : Work Less, Live Better » (sur ESSF, article 76874) que Maral Jefroudi (codirectrice de l'IIRE Amsterdam) a présenté au cours de la même réunion.
Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
31 octobre 2025
Par Daniel Tanuro
Bidonvilles et gratte-ciel sur le front de mer à Manille
Lors de son dernier congrès mondial, la Quatrième Internationale a adopté un document intitulé « Manifeste pour une révolution écosocialiste – Rompre avec la croissance capitaliste ». L'objectif de cette conférence n'est pas d'entrer dans le détail de ce texte, mais plutôt de présenter les problèmes qu'il soulève. En guise de conclusion, je proposerai quelques pistes pour une éventuelle concrétisation dans le contexte philippin.
POINT DE DÉPART : L'IMMENSE MENACE DE LA « CRISE ÉCOLOGIQUE »
Le point de départ est ce que l'on appelle la « crise écologique mondiale ». Nous pensons que cette crise nous confronte à une situation de menace existentielle sans précédent, non seulement dans l'histoire du capitalisme, mais aussi dans l'histoire de l'humanité.
Les scientifiques identifient neuf paramètres qui conditionnent la durabilité humaine sur la planète Terre :
Le changement climatique (principalement dû à la concentration atmosphérique croissante en CO2, par suite principalement de la combustion d'énergies fossiles) ;
La perte de biodiversité (dont le rythme est actuellement plus rapide qu'à l'époque de la disparition des dinosaures, il y a 60 millions d'années) ;
La pollution de l'air par les particules (à l'origine de nombreuses maladies respiratoires) ;
L'empoisonnement des écosystèmes par de « nouvelles substances chimiques » (nucléides radiactifs, pesticides, PFAS… et autres substances cancérigènes, dont certaines s'accumulent car elles ne sont pas – ou très lentement - décomposables naturellement) ;
Le changement d'affectation des sols et leur dégradation (déforestation, érosion, perte de nutriments, destruction des zones humides…) ;
L'acidification des océans (entraînant la disparition des récifs coralliens, hauts lieux de la biodiversité) ;
Les ressources en eau douce ;
La perturbation des cycles de l'azote et du phosphore (la surutilisation des nitrates et des phosphates en agriculture provoque un phénomène appelé eutrophisation : la prolifération excessive d'algues appauvrit l'eau en oxygène dissous) ;
L'état de la couche d'ozone stratosphérique (qui nous protège des rayons UV).
Pour chacun de ces paramètres, les scientifiques ont déterminé un « seuil » de durabilité. Ce seuil n'est pas une limite stricte, mais son franchissement signifie que nous entrons dans une zone dangereuse. Il y a quinze ans, les chercheurs estimaient que trois seuils avaient été franchis : le CO2, la biodiversité et l'azote. Actuellement, ils estiment que sept seuils ont été franchis. Le seul indicateur ayant évolué positivement est l'état de la couche d'ozone (grâce à la mise en œuvre de mesures adéquates, non néolibérales, de régulation, pour des raisons spécifiques qui ne seront pas développées ici). Aucun seuil clair n'a encore été déterminé pour la pollution atmosphérique par les particules.
Il suffit de parcourir cette liste de paramètres pour comprendre que la soi-disant « crise écologique » est aussi une crise sociale majeure aux conséquences potentiellement énormes. Ces conséquences sont bien connues, en particulier dans votre pays : typhons plus violents, pluies torrentielles plus fréquentes, sécheresses plus intenses, vagues de chaleur plus nombreuses, glissements de terrain plus fréquents, inondations côtières et fluviales plus fréquentes, élévation du niveau de la mer, etc. Tous ces phénomènes s'aggravent et continueront de s'aggraver si rien ne change.
Si l'on met de côté la couche d'ozone, les autres facettes écologiques de la crise sont étroitement liées, et le changement climatique occupe une position centrale dans le tableau. Le réchauffement climatique accélère la perte de biodiversité, la combustion des énergies fossiles est une cause majeure de pollution atmosphérique par les particules, l'acidification des océans résulte de la concentration croissante de CO2 dans l'atmosphère, la déforestation est la deuxième source d'émissions de CO2, les nitrates en excès se dégradent en libérant un puissant gaz à effet de serre (l'oxyde nitreux), les pesticides et les PFAS sont des produits de l'industrie fossile (pétro-chimique)…
Les scientifiques alertent depuis des décennies sur une catastrophe imminente, mais les gou-vernements sont restés passifs, ou presque. Aujourd'hui, certains chefs d'État, comme Trump et Milei, nient ouvertement la réalité. D'autres prennent des mesures largement insuffisantes, inefficaces, voire contre-productives ; de plus, ils remettent leurs propres mesures en question au nom de la compétitivité.
Du fait de cette attitude, la catastrophe n'est plus une simple possibilité. Nous y sommes déjà, et elle s'accélère. Si rien ne change, si aucun plan d'urgence n'est mis en œuvre, elle deviendra incontrôlable. L'état physique de la Terre se modifiera, et il n'y aura plus de retour en arrière. La catastrophe se transformera en cataclysme, comparable à celui qui a provoqué l'extinction des dinosaures. Selon certaines recherches récentes, une succession de « rétroactions positives » à partir de 2 °C de réchauffement pourrait suffire à précipiter la planète sur cette voie irréversible.
Les populations les plus pauvres ne sont pas responsables de la catastrophe, mais elles en sont les principales victimes, surtout dans les pays les plus pauvres. À l'heure actuelle, selon le GIEC (AR6, groupe de travail 2, rapport complet), les trois quarts des surfaces cultivées mondiales subissent des pertes de rendement dues à la sécheresse météorologique ; 3 à 3,5 milliards de personnes sont fortement impactées par le changement climatique ; quatre milliards de personnes souffrent de graves pénuries d'eau pendant au moins une partie de l'année. La plupart de ces personnes vivent dans les pays les plus pauvres. Leur existence même est menacée.
Une climatologue de renom, ancienne coprésidente du groupe de travail 1 du GIEC, l'a récemment déclaré lors d'une interview : au rythme actuel, nous nous dirigeons vers une augmentation de 4 °C de la température moyenne mondiale dans les prochaines décennies. Personne ne sait exactement à quoi ressemblera la Terre dans une telle situation, mais une chose est absolument certaine : une planète aussi chaude ne pourra pas supporter 8 milliards d'êtres humains ; probablement seulement la moitié.
Le simple bon sens devrait exiger la prise urgente de mesures drastiques de justice sociale et écologique. Pourquoi n'est-ce pas le cas ? Qu'est-ce qui est plus fort que le bon sens, plus fort que l'instinct de survie collectif ? La réponse est limpide : la course au profit, qui implique inévitablement de produire toujours plus de biens à moindre coût, engendrant ainsi toujours plus d'inégalités et de discriminations sociales.
La vérité est que le capitalisme est un système productiviste, et que ce productivisme est destructiviste. Le capitalisme social n'existe pas. Le capitalisme vert n'existe pas non plus, pour la même raison. Nous devons nous efforcer de sortir de ce système absurde. Sans cela, il écrasera les classes populaires, mutilera la nature dont nous faisons partie et pourrait même détruire l'humanité.
Une révolution – une révolution mondiale sociale, écologique, féministe et anticolonialiste – est objectivement nécessaire. C'est le point de départ de notre Manifeste.
UNE PERSPECTIVE HISTORIQUE MONDIALE RENOUVELÉE
Ce point de départ n'est pas nouveau. Mais il implique une perspective historique mondiale renouvelée. Dans le Manifeste du Parti communiste, Marx et Engels écrivaient que « le prolétariat doit prendre le pouvoir politique pour augmenter la quantité de forces productives ». Ce n'est plus une option envisageable aujourd'hui à l'échelle mondiale. Même une économie stationnaire n'est plus envisageable. À l'échelle mondiale, le franchissement des seuils de la soutenabilité humaine sur Terre signifie clairement que le capitalisme nous a menés trop loin. Il nous faut revenir en arrière, point final. Accroître les forces productives, c'est le propre du capitalisme. Nous devons les réduire globalement. Autrement dit, une décroissance est objectivement nécessaire. Cette décroissance n'est évidemment pas notre projet de société : l'écosocialisme est notre projet. La décroissance globale n'est pas une revendication : c'est une contrainte dont nous devons tenir compte dans la transition vers une autre société.
Cette nécessité de décroissance mondiale semble en totale contradiction avec la situation dans un pays comme les Philippines et d'autres pays pauvres. En effet, d'immenses besoins sociaux restent insatisfaits dans votre pays. Un quart de la population souffre de malnutrition. Il est in-dispensable de développer le système éducatif, le système de santé, un système de distribution d'eau potable pour tous, etc.
Ces besoins sont pleinement légitimes. Nul ne peut les nier, ils doivent être satisfaits. Bien évidemment, cela implique une certaine forme de croissance économique. Construire des logements décents pour tous nécessite du ciment. Produire ce ciment demande de l'énergie et émet du CO2. Des capacités accrues sont indispensables pour relever tous ces défis, dans l'intérêt des populations les plus pauvres.
C'est dire que l'humanité ne pourra faire face à la crise socio-écologique qu'en tenant compte d'un principe fondamental inscrit dans la CCNUCC : le principe des« responsabilités et capacités communes mais différenciées ». Les pays développés sont responsables de la catastrophe, doivent en supporter le coût. Ces pays ont les moyens nécessaires. Ils doivent les transférer. Ils doivent réduire leurs émissions de 15 % par an. Ce n'est possible qu'au prix d'une décroissance économique radicale, sans frapper les populations pauvres de ces pays.
Cependant, le défi de la décroissance concerne aussi les pays pauvres. En effet, le principe des « responsabilités et capacités communes mais différenciées » ne signifie pas que ces pays pourraient suivre le modèle de développement des pays développés.
Ce modèle reposait – et repose encore – sur les énergies fossiles et l'agrobusiness. La classe dirigeante mondiale et les « élites » capitalistes du Sud prétendent que ce modèle extractiviste permettra même aux pays les plus pauvres de rattraper les pays les plus développés. C'est totalement faux. En réalité, si les pays pauvres continuent d'appliquer ce modèle de « développement » – comme le fait la Chine –, cela aggravera la catastrophe dont ils sont déjà victimes, et accélérera la transformation de la catastrophe en cataclysme. On comprend immédiatement qu'il est absurde de persister dans cette voie !
CONSÉQUENCES POUR LES PAYS LES PLUS PAUVRES
Ceci nous amène à une conclusion importante de notre Manifeste. Citation :
« Le discours du « rattrapage du Sud par rapport au Nord » est une chimère, un écran de fumée destiné à masquer la perpétuation de l'exploitation capitaliste et impérialiste, qui creuse les inégalités. Face à la multiplication des catastrophes écologiques, ce discours perd toute crédibilité. (…) L'heure n'est plus au « rattrapage », mais au partage planétaire. (…) Pour satisfaire leurs besoins, les populations des pays dominés ont besoin d'un modèle de développement radicalement opposé au modèle impérialiste et productiviste, un modèle qui privilégie les services publics pour le bien commun et non la production de biens destinés au marché mondial. Ce modèle anticapitaliste et anti-impérialiste exproprie les monopoles des secteurs de la finance, des mines, de l'énergie et de l'agroalimentaire, et les socialise sous contrôle démocratique. »
Le Manifeste va plus loin. Il établit une distinction entre les pays dits « émergents » et les pays plus pauvres. Notamment les Philippines, qui émettent en moyenne 1,4 tCO₂/habitant par an, c'est-à-dire moins que la moyenne mondiale des émissions par habitant nécessaire au respect de l'Accord de Paris.
Voici ce que le Manifeste dit au sujet de ces pays :
« Surtout dans les pays les plus pauvres, la nécessité de satisfaire les besoins de la population exigera une augmentation de la production matérielle et de la consommation d'énergie pendant une certaine période. Dans le cadre d'un modèle de développement alternatif et d'autres échanges internationaux, la contribution de ces pays à la décroissance écosocialiste mondiale et au respect des équilibres écologiques consistera à :
« Imposer une juste réparation aux pays impérialistes.
« Mettre fin à la consommation ostentatoire de l'élite parasitaire.
« Lutter contre les mégaprojets écocides inspirés par les politiques néolibérales capitalistes, tels que les oléoducs géants, les projets miniers pharaoniques, les nouveaux aéroports, les puits de pétrole offshore, les grands barrages hydroélectriques et les immenses infrastructures touristiques qui s'approprient le patrimoine naturel et culturel au profit des riches.
« Mettre en œuvre une réforme agraire écologique pour remplacer l'agro-industrie. » Refuser la destruction des biomes par les éleveurs, les planteurs d'huile de palme, l'agro-industrie en général et l'industrie minière, la « compensation forestière » (projets REDD et REDD+) ainsi que les « accords de pêche » qui offrent des ressources halieutiques aux multinationales de la pêche industrielle, etc. »
Nous avons constaté que cette voie de développement (la décroissance écosocialiste) est contradictoire avec l'approche productiviste du Manifeste du Parti communiste. Mais elle n'est nullement contradictoire avec le marxisme. En effet, Marx lui-même a changé d'avis.
Le Marx du Manifeste du Parti communiste considérait l'émancipation des exploités et des op-primés comme conditionnée par l'accroissement des forces productives. Vingt ans plus tard, le Marx du Capital, conçoit l'émancipation comme conditionnée par la gestion rationnelle des échanges de matière entre l'humanité et le reste de la nature. C'est « la seule liberté possible », dit-il. Il n'est plus productiviste, ni un admirateur de la technologie en général. Au contraire, il dénonce l'alliance entre l'agrobusiness et la grande industrie qui « ruine les deux sources de toute richesse : la Terre et le travailleur ».
Et ce n'est pas le point final de son évolution. Vingt autres années plus tard, à la fin de sa vie, dans sa lettre à la populiste russe Vera Zassoulitch, Marx affirme clairement que la « commune rurale », dans les pays où elle existe, et grâce à l'alliance avec la classe ouvrière des pays développés, pourra construire une société socialiste sans passer par le capitalisme. Cette dernière évolution de sa pensée revêt une grande importance aujourd'hui, notamment au regard des luttes des peuples autochtones.
Nous considérons donc notre Manifeste écosocialiste comme un prolongement et un approfon-dissement de cette évolution de la pensée de Marx.
UN PROGRAMME DE TRANSITION RENOUVELÉ : FEMMES, PAYSANS, PEUPLES AUTOCH-TONES
La nouvelle perspective anti-productiviste de notre Manifeste implique un effort de renouvellement de notre programme, c'est-à-dire de notre vision du monde pour lequel nous luttons, de nos revendications et de notre stratégie. Je ne peux développer tous ces aspects en détail.
Le monde pour lequel nous luttons est le sujet du chapitre trois de notre document. Ce chapitre est essentiel. Il repose sur l'idée que, dès lors que les besoins fondamentaux sont démocratiquement satisfaits, l'être est plus important que l'avoir.
Quant aux revendications de transition qui constituent un pont vers la société nouvelle, nous restons fidèles à la méthode tracée par Léon Trotsky. Nous reprenons les revendications qu'il a formulées - telles que l'expropriation des grands groupes capitalistes, la réduction du temps de travail, le contrôle ouvrier, etc. - mais nous élargissons le champ d'application de sa méthode.
Nous élargissons le champ car nous considérons tous les mouvements sociaux comme faisant partie intégrante de la lutte des classes. Permettez-moi encore une citation de notre document :
« La lutte des classes n'est pas une froide abstraction. (…) ‘Le mouvement réel qui abolit l'état actuel des choses' (Marx) la définit et en désigne les acteurs. Les luttes des femmes, des personnes LGBTQI+, des peuples opprimés, des personnes racisées, des migrant.e.s, des paysan.ne.s et des peuples indigènes pour leurs droits ne sont pas placées à côté des luttes des travailleur·ses contre l'exploitation du travail par les patrons. Elles font partie de la lutte des classes vivante. Elles en font partie parce que le capitalisme a besoin de l'oppression patriarcale des femmes pour maximiser la plus-value et assurer la reproduction sociale à moindre coût. Il a besoin de la discrimination des personnes LGBTI+ pour valider le patriarcat. Il a besoin du racisme structurel pour justifier le pillage de la périphérie par le centre. Il a besoin de “politiques d'asile” inhumaines pour réguler l'armée de réserve industrielle. Il a besoin de soumettre la paysannerie aux diktats de l'agro-industrie productrice de malbouffe, pour comprimer le prix de la force de travail. Et il a besoin d'éliminer la relation respectueuse que les communautés humaines entretiennent encore en elles-mêmes et avec la nature, pour la remplacer par son idéologie individualiste de domination, qui transforme le collectif en automate et le vivant en chose morte. »
Le Manifeste accorde une place centrale aux revendications féministes. Les femmes « prennent soin » davantage que les hommes. Les raisons de cette réalité font débat parmi les féministes : est-ce dû à leur nature de femmes ou à l'oppression patriarcale ? Nous pensons que l'oppression patriarcale est le facteur déterminant, mais là n'est pas la question ici. L'essentiel ici est que « prendre soin des autres » est ce dont nous avons un besoin urgent : en effet, pour lutter contre la catastrophe écosociale, nous devons prendre soin des personnes et de la nature.
Prendre soin implique de reconnaître l'importance centrale de la reproduction sociale par rapport à la production. Cette importance ne peut que croître dans le contexte du tournant nécessaire vers une décroissance juste et écosocialiste. Aujourd'hui, ce n'est pas un hasard si la droite, l'extrême droite et les forces réactionnaires en général s'attaquent violemment aux droits des femmes, en particulier à leur droit de disposer de leur corps et de leur capacité reproductive. Le virilisme et le machisme sont évidement utilisés et encouragés par l'extrême-droite comme armes de domination sur les femmes. Mais cette domination des femmes s'inscrit dans un projet réactionnaire plus vaste de domination de la société et d'appropriation de la nature par le capital. En fin de compte, la violence croissante contre les femmes (et les personnes LGBT+) témoigne de la détermination de la classe dirigeante à défendre par tous les moyens son système d'exploitation du travail et de la nature.
L'importance accordée aux peuples autochtones illustre notre approche renouvelée du pro-gramme de transition. Bien que minoritaires au sein de la population mondiale, les peuples indi-gènes apportent la preuve qu'une autre relation entre l'humanité et le reste de la nature est possible. Leur témoignage revêt ainsi une immense portée idéologique. Citation :
« En particulier, les peuples autochtones et les communautés traditionnelles sont à l'avant-garde de la lutte contre la domination destructrice du capitalisme sur leurs corps et leurs territoires. Dans de nombreuses régions, ils sont même l'avant-garde de nouveaux mouvements révolutionnaires des classes subalternes. C'est pourquoi nous reconnaissons qu'ils sont une partie fondamentale du sujet révolutionnaire du 21e siècle. »
Pour les mêmes raisons, le Manifeste accorde également une grande importance aux luttes et aux revendications des petit.e.s paysan.ne.s face à l'agrobusiness. Citation : Des politiques volontaristes sont nécessaires pour stopper la déforestation et remplacer l'agro-industrie, les plantations industrielles et la pêche à grande échelle respectivement par l'agroécologie paysanne, l'écoforesterie et la pêche artisanale. (…) La souveraineté alimentaire, conformément aux propositions de la Via Campesina, est un objectif clé. Elle passe par une réforme agraire radicale : la terre à celleux qui la travaillent, en particulier les femmes. Expropriation des grands propriétaires terriens et de l'agro-industrie capitaliste qui produisent des biens pour le marché mondial. Distribution de la terre aux paysan·nes et aux paysan·nes sans terre (familles ou coopératives) pour la production agrobiologique. »
UNE STRATÉGIE RENOUVELÉE
Un programme renouvelé implique logiquement une stratégie renouvelée. Le Manifeste rompt avec la vision dogmatique de la lutte des classes comme l'action d'une classe ouvrière industrielle, majoritairement masculine, objectivée et idéalisée. Non seulement les luttes des femmes, des jeunes, des peuples autochtones, des petits paysans, des migrants et des personnes LGBT+ font partie intégrante de la lutte des classes, mais elles y jouent un rôle décisif dans certaines circonstances. Prenons l'exemple de Greta Thunberg : quand elle traverse l'Atlantique à la voile et mobilise 500 000 personnes à Montréal dans une manifestation pour le climat, ou quand elle navigue vers Gaza pour briser le blocus israélien, cette jeune femme est à l'avant-garde de la lutte des classes !
De plus, ces luttes contribuent à combattre l'idéologie productiviste au sein de la classe ouvrière. Ce point avait d'ailleurs été relevé par Lénine dans sa lutte contre l'« ouvriérisme » et l'« économisme ». Dans « Que faire ? », il écrivait ceci : « La conscience politique de classe ne peut être apportée aux travailleurs que l'extérieur de la lutte économique, de l'extérieur de la sphère des rapports entre ouvriers et employeurs. » Le Manifeste, dans son dernier chapitre, insiste donc sur l'importance d'une stratégie fondée sur la convergence et l'articulation des luttes. Le chemin est semé d'embûches, car chaque mouvement social possède son propre rythme et ses spécificités. C'est entre autres pour cette raison qu'il est crucial de construire des partis politiques, avec des membres actifs dans différents mouvements sociaux.
UN PLAN D'URGENCE POUR LE CLIMAT ET LA JUSTICE SOCIALE AUX PHILIPPINES ?
On a vu que le Manifeste communiste n'était pas un point final mais un point de départ dans la pensée de Marx et Engels. Il en va de même pour notre Manifeste écosocialiste, même s'il n'a évidemment pas la même ambition historique !
En réalité, notre Manifeste n'est rien de plus qu'un diagnostic, une perspective qui en découle, et quelques orientations stratégiques et programmatiques. Ces orientations doivent être concrétisées et approfondies au niveau des différents pays et groupes de pays.
Selon le Rapport mondial sur les risques 2017, les Philippines sont le troisième pays le plus vulnérable au changement climatique. Non seulement les pauvres sont et seront les principales victimes, mais la catastrophe engendrera de nouveaux pauvres et alimentera une spirale de vulnérabilité et d'inégalités sociales. Dans ce contexte, la concrétisation du Manifeste pourrait consister à élaborer un « Plan d'urgence pour le climat et la justice sociale ». L'ambition devrait être de s'attaquer aux principaux problèmes sociaux et écologiques combinés, en tenant compte de l'extrême urgence d'une réponse cohérente, planifiée et immédiate.
Il y a un ouvrage bien connu d'Eduardo Galeano intitulé « Les veines ouvertes de l'Amérique latine ». En réalité, les veines des Philippines sont également ouvertes, pour les mêmes raisons : le colonialisme (par le même colonisateur) et le pillage impérialiste avec la complicité des « élites » locales corrompues. La situation est même pire que celle décrite par Galeano, car non seulement votre main-d'œuvre et vos ressources naturelles sont pillées, mais, en plus vous subissez en retour, de plein fouet, la catastrophe écosociale causée par les puissances capitalistes.
À quoi pourrait ressembler un plan d'urgence pour le climat et la justice sociale ? Au vu de ce que nous avons et discuté vu ces derniers jours, l'alternative pourrait reposer sur une réforme agraire radicale visant à généraliser l'agroécologie, dans le respect des droits des peuples autochtones et en protégeant la biodiversité. Vingt pour cent de la population active travaille dans l'agriculture, et 60 % dans le secteur (surtout informel) des services. La question foncière est cruciale pour freiner – et inverser si possible – l'exode rural, la croissance insoutenable d'une mégapole comme Manille et de ses bidonvilles, l'émigration de millions de jeunes (principalement des femmes) vers les pays du Golfe et d'autres régions, ainsi que pour affronter les problèmes de santé liés à la pollution et à la destruction de l'environnement.
Les défis sont immenses et ne doivent pas être sous-estimés. Ils exigent des réponses structurelles. Selon moi, une réforme agraire radicale et démocratique pourrait constituer le pilier central d'un plan répondant aux besoins fondamentaux en matière de santé, d'eau, de logement, d'assainissement et d'éducation.
Prenons, à titre d'exemple, les menaces qui pèsent sur Manille et sa région. Ces menaces résultent de la combinaison de l'accumulation de la pauvreté (due au modèle de développement capitaliste), de l'accélération de la subsidence des sols (due au pompage excessif des eaux souterraines), de la montée du niveau de la mer et de l'intensification des typhons (tous deux liés au changement climatique). On parle d'« élévation relative du niveau de la mer » quand on additionne les effets de la montée du niveau de la mer à l'échelle mondiale, des ondes de tempête et de la subsidence des sols. Les scientifiques estiment cette élévation relative dans la baie de Manille à 60 cm au cours du siècle dernier (soit trois fois la montée du niveau de la mer à l'échelle mondiale). Elle pourrait atteindre 2,04 mètres d'ici 2050. Une telle élévation inonderait de façon per-manente 60 à 80 kilomètres carrés dans la seule métropole de Manille (Metro Manila). Il faut souligner que ces chiffres n'incluent ni les risques croissants d'inondations fluviales dus à la multiplication des fortes pluies et aux mauvaises pratiques d'aménagement du territoire (déforestation, etc.), ni les impacts potentiels d'une dislocation (probable) d'une partie de la calotte glaciaire antarctique !
Une grande partie des habitant.e.s des bidonvilles vivent dans les zones les plus vulnérables de la baie de Manille. Des millions de personnes pauvres sont menacées, notamment les femmes, les enfants et les personnes âgées. Les digues et autres aménagements ne suffiront pas à prévenir le danger. Au contraire, une telle approche, qui vise à maintenir le statu quo, pourrait aggraver la situation (c'est ce que le GIEC appelle la « maladaptation » : une adaptation qui accroît les risques). Surtout si elle est mise en œuvre de manière technocratique, sans contrôle démocratique ni participation des communautés.
La relocalisation de millions de personnes semble inévitable. Mais elle aussi doit être organisée de manière sociale et démocratique. Très souvent, les catastrophes sont instrumentalisées par les gouvernements pour expulser les populations pauvres. À ma connaissance, c'est le cas à Manille. Selon certaines études, 6 000 ménages ont été relogés dans des zones dépourvues d'accès aux services essentiels, transformées en nouveaux bidonvilles. Le dernier rapport du GIEC mentionne qu'à Manille, « la fragmentation des infrastructures urbaines, censée promouvoir la résilience climatique, n'a entraîné qu'une réduction marginale de la vulnérabilité, l'augmentation de la vulnérabilité des communautés exclues compensant largement la diminution de la vulnérabilité des communautés plus aisées ». La raison est politique : « les plans d'adaptation sont principalement évalués sous l'angle de leur viabilité économique et financière », dit le GIEC.
La relocalisation et les autres mesures d'adaptation constituent des demandes immédiates qui exigent un engagement clair en faveur de la justice sociale, de l'écologie et de la démocratie. La relocalisation, en particulier, implique une planification, la propriété publique des terres, des entreprises publiques pour construire des logements décents dans un cadre urbain de qualité, et un contrôle populaire pour prévenir les scandales de corruption. Plus largement, la relocalisation implique un modèle de développement rompant avec les différentes formes d'extractivisme (exploitation minière, agro-industrie et pêche industrielle) qui alimentent un sous-développement néfaste et inégalitaire (le fait que les Philippines ne soient pas autosuffisantes en production de riz est révélateur). En d'autres termes, lutter contre les menaces socio-écologiques requiert des mesures qui commencent à remettre en question les règles du capitalisme.
UNE LUTTE POUR LE POUVOIR POLITIQUE
Mettre en lumière les problèmes urgents et les relier à des solutions anticapitalistes fut la méthode transitoire employée par Lénine dans son célèbre texte « La catastrophe imminente et les moyens de la conjurer ». Nous devrions tous le relire, car il est une source d'inspiration.
Un tel plan d'urgence, ancré dans les principaux problèmes et menaces écosociales immédiats, pourrait paraître exagéré, voire irréaliste. Mais il est, hélas, fort probable que l'évolution de la catastrophe révélera sa pertinence et son urgence aux yeux d'une part croissante de la population.
Cette prise de conscience pourrait être plus lente qu'en Russie entre juillet et octobre 1917 (Lénine écrivit « La catastrophe imminente » en juillet). Cela tient au fait que le rythme de la catastrophe écosociale est encore relativement lent pour le moment. Mais ce rythme n'est pas linéaire, une accélération soudaine est probable. Il nous faut tirer la sonnette d'alarme avec vigueur :
Comme je l'ai mentionné précédemment, la probabilité de la dislocation d'un immense glacier en Antarctique (le glacier Totten) est très élevée. Nul ne sait quand cela se produira, mais les scientifiques la considèrent comme inévitable et cette dislocation provoquera une montée immédiate du niveau de la mer d'au moins 1,5 m.
À titre d'exemple, selon le GIEC, le réchauffement climatique et la disparition des récifs coralliens pourraient entraîner une baisse de 50 % du potentiel halieutique maximal des eaux philippines d'ici 2050, par rapport aux niveaux de 2001-2010.
D'après le World Resources Institute, le pays connaîtra une pénurie d'eau sévère d'ici 2040, avec des conséquences néfastes, notamment pour l'agriculture (baisse de 10 % du rendement du riz par degré Celsius de réchauffement).
Bien entendu, un tel plan d'urgence pour la justice sociale et écologique n'est envisageable que s'il s'inscrit dans une lutte pour le pouvoir politique. En effet, la réalisation du plan suppose un gouvernement fondé sur les besoins et la mobilisation des classes populaires, rompant avec les dogmes capitalistes, la corruption, l'extractivisme et la dictature du capital financier.
Un tel gouvernement aurait du mal à résister à l'impérialisme s'il restait isolé, mais la grande similitude des situations en Asie du Sud-Est (les menaces sur Jakarta et Hô Chi Minh-Ville sont très semblables à celles qui pèsent sur Manille) permet d'espérer une extension de la lutte à plusieurs pays.
Notre plus grand souhait est que notre Manifeste encourage la gauche et les mouvements sociaux à élaborer une telle alternative et à s'unir autour d'elle.
Daniel Tanuro
P.-S.
• Version du 30 octobre 2025.
• Traduit de l'original anglais par l'auteur.
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Faire la part des choses
Chaque fois que se produit un conflit de travail dans le secteur public ou parapublic, les commentateurs de droite (comme Richard Martineau dans le Journal de Montréal, entre autres exemples) qualifient ce mouvement de revendication ou de « prise d'otages » par les grévistes.
Ils se font ainsi la courroie de transmission du patronat dont ils répètent le discours comme des perroquets. Le présent conflit de travail à la STM en fournit un exemple parfait.
Ces gens qui défendent d'habitude le système capitaliste et minimisent le plus souvent ses abus et méfaits se découvrent soudain une grande commisération pour le pauvre peuple, et en particulier les petits travailleurs victimes de l'intransigeance ou du fanatisme syndical, ce qui confine de leur point de vue, à une forme de criminalité. Pas question pour eux de blâmer la partie patronale (ou alors, si peu), dans ce cas-ci la Société de transport de Montréal, ou STM, et surtout le gouvernement du Québec pour des années de négligence dans le financement des transports publics. Tout au plus, ils affirment que les politiciens n'ont pas toujours assumé leurs responsabilités.
Mais tout d'abord, qui finance les transports publics à Montréal ? Avant tout l'Autorité régionale de transport métropolitain (ou ARTM) qui verse à la STM les montants que lui fournissent les deux paliers de gouvernement, avant tout celui du Québec, mais aussi les municipalités, et les usagers et usagères quand ils paient pour emprunter métro et autobus, puis finalement les automobilistes par le biais de la taxe sur l'immatriculation des véhicules automobiles (celle-ci gérée par la Ville de Montréal). L'ARTM subit un déficit d'investissement important, due à l'insuffisance de la contribution gouvernementale. La STM subit donc les contrecoups de cette déficience de financement par l'ARTM, ce qui a une incidence majeure sur les salaires et les conditions de travail des employés et employées.
Les chauffeurs et opérateurs exigent des horaires plus stables, les employés d'entretien veulent l'élimination, du moins la réduction de la sous-traitance dans l'entretien et la réparation des véhicules et dans la question de la maintenance. Ils réclament la fin des plages de temps non rémunérées. Tous visent à obtenir des augmentations de salaires pour compenser les méfaits de l'inflation. Jusqu'à maintenant, on assiste à un dialogue de sourds entre les parties en conflit. La STM se montre inflexible sur ce qu'elle considère comme essentiel : la « flexibilité » (c'est-à-dire l'acceptation de la sous-traitance) par les syndiqués. On ne fait état d'aucun progrès dans les « négociations ». La rigidité de la direction de la STM provient sans doute du budget serré dont elle dispose. D'ailleurs, depuis des années, sinon des décennies, les travailleurs et travailleuses doivent affronter des reculs à divers degrés dans leurs conditions de travail et leur rémunération. Ce qui se passe présentement à la STM n'a donc rien d'inédit.
Il faut garder en tête ce contexte défavorable et ne pas juger trop vite les employés de la STM. Ils sont victimes de politiques budgétaires et financières restrictives. Ils savent bien aussi qu'ils sont l'objet de la vindicte populaire ; en effet. les usagers et usagères sont frustrés dans leur liberté de mouvement, et ce, à juste titre. Mais il est trop facile de s'en prendre aux syndiqués sans tenir compte de la responsabilité des administrateurs et administratrices de la STM et de l'ARTM, et en définitive des gouvernements, en particulier celui du Québec.
Mais par ailleurs, l'actuelle situation ne peut s'éterniser, pour des raisons que plusieurs commentateurs ont déjà mentionnées, entre autres parce qu'elle nuit à plusieurs travailleurs peu payés aux horaires atypiques et à bien des aînés qui ont du remettre leur rendez-vous médical faut d'être en mesure de se rendre à la clinique ou au bureau de leur médecin. Des événements importants comme le Salon du Livre de Montréal se trouvent aussi menacés cette année à cause de ce conflit de travail. S'il ne se règle pas dans les meilleurs délais (on est déjà le 11 novembre), la tenue de ces événements sera compromise, ce qui constituerait une perte majeure pour la métropole.
Comment s'y prendre alors pour régler ce problème à temps ? Il n'existe pas de solution facile qui satisfasse tout le monde. On peut avancer une suggestion : que la nouvelle administration municipale réunisse au plus tôt les deux parties et fasse pression sur elles afin d'en arriver à une entente rapide, quitte à ce que chacune mette de l'eau dans son vin (surtout la patronale). Si cela s'avère impossible, la mairesse et ses conseillers devront imposer un règlement aussi équitable et équilibré que possible, qui refléterait un « préjugé favorable aux travailleurs » pour reprendre la formule utilisée durant son mandat initial de premier ministre entre 1976 et 1980. Mais cette fois, pour vrai.
Jean-François Delisle
Nota bene
Dans mon analyse parue la semaine dernière (numéro du 4 au 10 novembre) et intitulée : « L'indépendance, dépassée ou pas ? », j'ai commis une erreur. En effet, le cinquième paragraphe de mon texte débutait par la phrase suivante : « La réforme progressiste du marché de l'emploi... », alors qu'il aurait fallu lire : « La réforme restrictive du marché de l'emploi... ».
Désolé pour cette faute due à la fatigue et à la distraction. Elle contredit mon propos qui attaquait au contraire les politiques néolibérales menées à divers degrés par les différents gouvernements tant péquistes que libéraux et conservateurs, que ce soit à Ottawa ou à Québec.
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Le SPGQ invite la ministre à sortir de son bunker
Québec, le 5 novembre 2025 — Le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) accueille avec beaucoup de méfiance le projet de loi déposée aujourd'hui par la présidente du Conseil du trésor, France-Élaine Duranceau, sur la réduction de la bureaucratie et l'efficacité de l'État.
« On n'est pas contre la vertu, bien entendu, mais ça fait déjà un an que ce gouvernement prétend couper dans la bureaucratie sans toucher aux services aux citoyens, alors que c'est faux ! J'invite Mme Duranceau à arrêter de gérer l'État avec des fichiers Excel et à sortir un peu de son bunker pour rencontrer le personnel. Elle va constater à quel point on a coupé n'importe qui n'importe comment dans les derniers mois et que les services à la population sont bel et bien touchés. Nos membres constatent tous les jours des augmentations des délais et la disparition de services », dénonce Guillaume Bouvrette, président du SPGQ.
Mensonge
La ministre est complètement déconnectée du terrain. « Elle ment lorsqu'elle déclare en conférence de presse que ce ne sont que des départs à la retraite et des postes vacants qui sont abolis. Dans les derniers mois, nous avons des appels chaque semaine de personnes qui ont vu leur contrat prendre fin avant terme ou qu'on a mises à la porte parce qu'elles n'avaient pas leur permanence », rappelle M. Bouvrette.
Jusqu'à maintenant, la présidente du Conseil du trésor n'a même pas daigné rencontrer les syndicats représentant le personnel de la fonction publique, malgré leurs demandes répétées.
Améliorer l'efficacité de l'État
Par ailleurs, si le gouvernement veut réellement améliorer l'efficacité de l'État, le SPGQ est troublé par le silence de Mme Duranceau sur la sous-traitance. « Actuellement, des personnes sont mises à la porte et sont remplacées par des consultants à gros prix dans les jours qui suivent. Ça paraît bien de diminuer le nombre d'employés, mais il n'y a aucune économie, ça coûte même plus cher ! Le scandale SAAQclic a abondamment démontré que le privé est loin d'être plus efficace », souligne M. Bouvrette.
Fusions et abolitions d'organismes
Le SPGQ est prudent quant aux annonces de fusions et d'abolitions de nombreux organismes, dont l'INESSS et l'INSPQ. « Il va falloir analyser le projet de loi plus en profondeur, mais de prime abord, nous sommes préoccupés par le maintien des missions et de l'expertise d'organisations parfois bien différentes dans l'intérêt de la population. Nous sommes aussi préoccupés par la manière dont seront effectuées les transitions, alors que le personnel de l'État est déjà fragilisé par le fameux “traitement choc” qui comprend le gel d'embauche et les abolitions de postes. Espérons que le gouvernement saura faire les choses de manière plus humaine, cette fois-ci », note M. Bouvrette.
Équiper le TAT
Finalement, le SPGQ s'inquiète du transfert de la mission de la Commission de la fonction publique au Tribunal administratif du travail (TAT). « La Commission déplorait déjà son manque de ressources et le TAT ne manque pas de travail. Il faudra éviter d'allonger les délais ou de tourner les coins ronds pour s'assurer de maintenir le traitement équitable de tous les employés et employées de la fonction publique », indique M. Bouvrette.
À propos du SPGQ
Le SPGQ est le plus grand syndicat de personnel professionnel du Québec. Créé en 1968, il représente plus de 34 000 spécialistes, dont environ 25 000 dans la fonction publique, 6 000 à Revenu Québec et 3 000 répartis dans les secteurs de la santé, de l'enseignement supérieur et au sein de diverses sociétés d'État.
Source
Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec
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Le mouvement syndical québécois devrait tout autant faire front commun pour défendre le droit de grève
Face au monde patronal qui monte de plus en plus au front pour exiger que Québec déclare illégale la grève dans le transport en commun à Montréal, le mouvement syndical québécois devrait tout autant faire front commun pour défendre le droit de grève
Quand le monde patronal fait front commun pour s'attaquer aux syndicats, comme c'est le cas présentement, dans le cas de la présente grève dans les transports en commun à Montréal, cela devrait être le devoir des syndicats québécois de faire de même, de ne surtout pas laisser seuls les travailleurs actuellement ciblés, de mobiliser leurs membres et de contre-attaquer aussi fort qu'il le faudra pour faire obstacle à cette nouvelle attaque au droit de grève. Notre position.
Pas plus tard que ce matin, le mouvement syndical albertain, par la voie du président de la Fédération des travailleurs de l'Alberta, Gil McGowan, annonçait que son mouvement était en train de préparer une réponse " grande, audacieuse et sans précédent " à la décision récente du gouvernement conservateur de cette province d'adopter une loi spéciale pour briser une grève des 55,000 professeurs de cette province, en n'excluant toujours pas, en même temps, la possibilité de même tenir une grève générale contre ce gouvernement.
Le mouvement syndical albertain n'est pourtant pas reconnu comme étant particulièrement militant et pourtant, eux, comprennent que lorsqu'on est attaqué, il faut savoir faire front commun.
Plus souvent qu'autrement, tel n'est pas ce qu'ils auront fait et à chaque fois, il l'auront payé chèrement.
La grande question, que tous et toutes devraient se poser en même temps est la suivante : si, même en Alberta, les gens semblent prêts à s'unir selon le principe " Une attaque contre un est aussi une attaque contre tous ", alors qu'attendons-nous pour faire de même ?
Qu'attendons-nous pour avertir dès à présent le gouvernement Legault du fait que si celui-ci devait effectivement aller de l'avant avec sa nouvelle menace de devancer la mise en application de sa fameuse loi 89, pour casser sans plus attendre la grève, qu'alors ils devraient tout autant être prêts à en payer le prix, et cela, pas juste dans un avenir qui resterait vague au possible, mais bien dès à présent, et que cela lui coûtera aussi très cher.
Depuis plusieurs jours, autant les Chambres de Commerce , que le Conseil du Patronat, que diverses autres associations patronales répètent à l'unisson que la grève actuelle au niveau du transport en commun à Montréal serait intolérable et exige haut et fort que le gouvernement Legault bouge sans plus tarder contre ces travailleurs.
Même la nouvelle mairesse de Montréal, soit Soraya Martinez Ferrada, toute très libérale qu'elle était et demeure, s'est joint à ce mouvement. Elle n'est supposée entrer en fonction que dans plusieurs semaines, mais déjà, elle serait intervenue pour dire qu'elle désirait dire, haut et fort, que la date limite pour mettre fin à cette grève serait le 15 novembre. Pas plus tard.
Le mouvement syndical québécois ne doit pas juste faire front commun. Il doit dès à présent commencer à hausser le ton et faire comprendre autant à madame Ferrada, qu'au gouvernement Legault, ainsi qu'à tout le monde patronal, qu'aussi forts qu'ils peuvent penser être, que le mouvement syndical, lui, peut être encore plus fort.
Tel est ce que nous pensons que les syndicats, à ce point, devraient faire. S'ils ne le font pas, alors ce sera une porte ouverte pour que tout ce beau monde renchérisse également dans un paquet d'autres conflits de travail à venir pour répéter le même scénario et continuer de s'en prendre à eux.
Oui, une solution négociée serait toujours possible. Encore faudrait-il que la partie patronale, du côté de la STM, veuille en même temps vraiment négocier, et non juste se rabattre sur cette loi 89 qui s'en vient et, dans leur tête, pourra toujours finir par s'abattre sur les syndiqués. La population montréalaise, de son côté, devrait aussi rappeler à nos politiciens qui sont les vrais responsables du merdier actuel, ainsi que le fait que ce ne sont pas les travailleurs de la STM qui seraient à pointer du doigt dans tout cela et qu'eux aussi se retrouvent tout autant pris dans une situation très difficile.
Le fait que le ministre du Travail, soit Jean Boulet, ait en même temps — cela se passait également il y a quelque jours — son autre projet de loi, avec le NO 3, qui est l'autre volet de son offensive anti-syndicale, avec cette fois d'autres mesures visant cette fois à restreindre les sources de revenus des syndicats, démontre on ne peut mieux l'urgence de réagir. Tout de suite et ce, de manière non équivoque.
Le PQ devrait tout autant sortir haut et fort pour dénoncer la manière dont la CAQ, de concert avec la nouvelle mairesse, ainsi que de larges sections du monde patronal, dans cet autre dossier chaud, tente désespérément de manipuler l'opinion publique dans un but au fonds abject.
Madame Soraya déclarait encore ce soir que les syndicats avaient le devoir de négocier, comme si c'était eux qui refusaient de négocier. C'est le monde à l'envers, mais le mépris, lui, n'aura qu'un temps.
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Dans une tente au centre de Gaza, un festival du film féminin voit le jour
Organisé sur six jours la semaine dernière, le premier Festival international du cinéma des femmes est “une affirmation que Gaza aime la vie malgré le génocide.”
Tiré d'Agence médias Palestine.
Au bout d'un tapis rouge de fortune déroulé entre des bâtiments détruits à Deir Al-Balah, au centre de la bande de Gaza, quelques dizaines de Palestinien-nes étaient assis devant un grand écran de télévision. Le silence tomba lorsque le film commença : les spectateurs, tour à tour concentrés et en larmes, voyaient leurs expériences des deux dernières années se refléter à l'écran pendant une heure et demie. Le film, intitulé « La voix de Hind Rajab », marquait l'ouverture du premier Festival international du cinéma des femmes de Gaza.
« J'ai pleuré en regardant le film », confie Nihal Hasanein, l'une des spectatrices, au magazine +972 après la projection du 26 octobre. Plus tôt dans l'année, elle a perdu trois de ses fils dans une frappe aérienne israélienne sur sa maison à Beit Lahiya ; elle vit désormais dans le camp d'Al-Jazaeri, à Deir Al-Balah, où la projection a eu lieu.
« Cela a ravivé le souvenir de la perte de mes enfants, tous en même temps, et de ma maison », dit-elle.
Réalisé par la cinéaste tunisienne Kaouther Ben Hania, La voix de Hind Rajab reconstitue le meurtre de la fillette de cinq ans et de six membres de sa famille par des soldats israéliens, alors qu'ils tentaient de fuir Gaza-Ville en voiture en janvier 2024. Présenté en avant-première au Festival de Venise en septembre, le film a reçu le Grand Prix du Jury et une ovation debout de 23 minutes. Il a ensuite remporté plusieurs autres récompenses prestigieuses, devenant l'une des œuvres arabes les plus saluées de l'année. La projection à Gaza, au sud de la ville natale de Rajab, était la première dans le monde arabe.
Le Festival international du cinéma des femmes de Gaza a été lancé par le cinéaste et chercheur palestinien Ezzaldeen Shalh, ancien président de l'Union internationale du cinéma arabe, en collaboration avec le ministère palestinien de la Culture et plusieurs institutions cinématographiques locales et internationales.
Selon lui, le festival vise à mettre en avant des films produits, réalisés ou écrits par des femmes, particulièrement palestiniennes, mais aussi du monde arabe et au-delà, abordant les questions féminines.
La première édition, organisée sous le slogan « Femmes légendaires pendant le génocide », cherchait à mettre en lumière la souffrance des femmes palestiniennes au cours des deux dernières années et à relancer la vie culturelle de Gaza. « Il fallait une plateforme artistique qui représente les femmes palestiniennes et leur permette de raconter leurs histoires au monde à travers leur propre regard », explique Shalh.
Du 26 au 31 octobre, dates coïncidant avec la Journée nationale de la femme palestinienne et l'anniversaire du premier Congrès des femmes palestiniennes en 1929, le festival a présenté près de 80 films venus d'une vingtaine de pays du Moyen-Orient, d'Afrique du Nord, d'Europe et des Amériques. Plus de 500 personnes ont assisté aux projections, un chiffre modeste comparé à l'époque d'avant-guerre, où plus de 2 000 personnes par jour participaient à des festivals culturels similaires à Gaza.
Aux côtés de Ben Hania, le festival a rendu hommage à deux autres figures féminines dont le travail a servi la cause palestinienne : la cinéaste palestinienne Khadijeh Habashneh et la réalisatrice libanaise Jocelyne Saab (décédée). Le jury comptait des personnalités telles que Anne-marie Jacir, Céline Sciamma et Jasmine Trinca.
Yusri Darwish, président de l'Union générale des centres culturels en Palestine, a salué le festival comme « une nouvelle affirmation que Gaza aime la vie malgré le génocide, et qu'elle peut transformer les décombres en écran et la tristesse en message d'espoir ».
Darwish a ajouté que la tenue du festival à ce moment précis était « un hommage aux femmes palestiniennes qui ont enduré les horreurs de la guerre, la perte, la détention, le déplacement, et qui méritent que leurs histoires soient racontées au monde avec honnêteté et justice ».
Surmonter les obstacles
Selon Shalh, le principal défi fut de trouver un lieu pour le festival, car « tous les espaces de ce type à Gaza ont été détruits ». L'équipe a dû installer des tentes provisoires sur fond de bâtiments partiellement effondrés ; faute d'électricité, les projections ont été alimentées par générateur. « La communication avec les réalisateurs et le jury a également été difficile », a-t-il ajouté.
Les conditions à Gaza ont rendu impossible la venue de nombreux spectateurs vivant trop loin. Niveen Abu Shammala, journaliste originaire du quartier de Shujaiya à Gaza-Ville, aujourd'hui déplacée dans une tente à l'ouest de la ville, couvrait autrefois les événements culturels et les festivals de cinéma de la bande de Gaza. Mais cette fois, le coût élevé du transport et l'heure tardive des projections (après 15h30) l'ont empêchée d'y assister.
« Même si la guerre est terminée, on a encore peur de se déplacer la nuit », explique-t-elle. « J'aurais aimé voir les films participants, mais il est presque impossible de les télécharger avec un internet aussi faible. »
Nelly Al-Masri a, elle, pu assister aux projections du deuxième jour, tenues au siège du Syndicat des journalistes. Elle a été particulièrement touchée par le court-métrage jordanien Hind Under Siege, également consacré à Hind Rajab.
« Ce film m'a profondément émue », confie-t-elle à +972. « Il parlait au nom de tous les enfants de Gaza, pas seulement de Hind. »
Elle aurait voulu voir davantage de films, mais le coût du transport, la difficulté d'obtenir nourriture et eau potable, et la prise en charge de ses enfants l'en ont empêchée. « Beaucoup de femmes vivent la même situation », dit-elle. « Nous espérons que les conditions à Gaza s'amélioreront. »
La petite Hamsa Mahmoud, 10 ans, ne connaissait pas le festival avant de voir des foules se rassembler près des tentes installées à proximité de chez elle. Elle a fini par assister à plusieurs projections.
« C'est la première fois que je vais à un festival », raconte-t-elle. « J'étais heureuse d'être là, encore plus heureuse de pouvoir regarder quelque chose sur un écran. Depuis le début de la guerre et les coupures d'électricité, on n'a plus rien pu regarder. J'aimerais qu'il y ait plus de festivals comme celui-ci. »
Une autre participante, Faten Harb, militante communautaire, voit dans le cinéma un moyen essentiel de renforcer la résilience des femmes palestiniennes à Gaza. « L'art est un message noble, le moyen le plus simple et le plus direct d'atteindre le monde sans trop parler », dit-elle.
« Le monde est fatigué d'entendre parler de morts, de destructions et de blessés », poursuit-elle. « C'est pourquoi nous devons trouver d'autres façons de transmettre la souffrance du peuple de Gaza. Nous avons urgemment besoin de ce genre d'événements pour mettre en lumière ce qui s'est passé dans la bande de Gaza pendant la guerre génocidaire, surtout pour les femmes, qui ont été les plus touchées. »
Traduction : RM pour l'Agence Média Palestine
Source : +972mag
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Le choix des mots Persévérance ou résilience ?
Le terme résilience, qui était jusqu'alors propre au domaine de la physique, a fait son entrée dans le domaine de la psychologie dans les années 1980.
(Ce texte a d'abord été publié dans l'édition de novembre du journal Ski-se-Dit.)
Il devait se répandre une dizaine d'années plus tard au secteur de la gouvernance, puis à une foule d'autres domaines. Son caractère de plus en plus vague, se prêtant à une foule de définitions, tantôt englobantes, tantôt générales, a certainement contribué à sa propagation.
L'importation de ce concept issu de la physique dans le domaine des affaires humaines nous offre un bon indice de sa véritable fonction dans le discours. Désignant la capacité d'un corps à retrouver sa forme d'origine après avoir subi une déformation, son application à des êtres pensants – comme à des objets ou à de la matière – suppose qu'il est de la nature des humains de se remettre d'une situation difficile et même d'en sortir grandi.
Le terme a en fait de plus en plus remplacé dans le discours celui beaucoup plus précis et humain de persévérance, terme qui implique un effort de volonté, de patience, de courage et même d'abnégation, pour poursuivre une action malgré les difficultés – caractéristiques qui ne sauraient, bien sûr, s'appliquer à des objets ou à de la matière. La persévérance ne mène pas toujours aux résultats voulus, mais elle demeure tout de même louable aux yeux de tous.
Deux caractéristiques implicites de cette résilience appliquée aux humains sont pour le moins… déshumanisantes.
La première est que ce concept vague dérivé de la physique pose comme prémisse qu'il est de la nature humaine – je déteste ce terme – de franchir des obstacles et d'en sortir grandi. Sans que cela ne soit explicité, il suppose une défaillance chez ceux qui n'y parviennent pas. Or, certains obstacles sont infranchissables pour certaines personnes dans bien des contextes. Accepter cette prémisse, c'est donc fermer les yeux sur la misère sociale et se refuser à remettre en cause, solidairement, les structures sociales responsables de cette misère. C'est aussi générer insidieusement un sentiment d'échec ou d'inaptitude chez ceux et celles qui ne sont pas en mesure de « profiter » des difficultés rencontrées et des souffrances éprouvées.
La seconde, qui dérive de la première, est son caractère essentiellement individualiste, d'où son essor fulgurant dans les domaines managérial et entrepreneurial. Le concept entérine la souffrance psychologique comme une nécessité liée à l'avancement personnel au détriment de l'autre, dans une lutte à plusieurs. C'est le contraire de la solidarité et des luttes communes si nécessaires de nos jours en vue d'un monde meilleur, égalitaire et pleinement soucieux de protéger son environnement.
Nous devons persévérer, collectivement, pour faire de ce monde un monde égalitaire, fraternel et libre. Et c'est seulement à partir de cette valeur strictement humaine qu'est la persévérance, valeur que l'on s'efforce de banaliser ou de remiser, que nous y parviendrons.
Le mot résilience, sorti des limites de la physique, est un mot du domaine de la novlangue, un mot que nous devrions, en ce sens, bannir de notre vocabulaire !
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Armement nucléaire - La course à la bombe : encore ?
L'arme nucléaire revient sur le devant de la scène internationale, avec les annonces successives, par Vladimir Poutine, du développement de nouveaux armements, et par Donald Trump de la reprise d'essais. Les traités de limitation des armements sont de plus en plus ignorés et cette nouvelle course entre les deux (anciens) Grands de la guerre froide pourrait, cette fois, inciter plusieurs nouveaux participants à entrer dans la compétition…
Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
1er novembre 2025
Par Cyrille Bret
Depuis une semaine, l'actualité stratégique est devenue retro. Elle a repris une chorégraphie très « années 1950 » car elle a été bousculée par le retour du nucléaire au-devant de la scène internationale.
Le 26 octobre dernier, en treillis et en vidéo, Vladimir Poutine présente (à nouveau) le missile expérimental russe Bourevstnik (« annonceur de tempête »), doté d'une tête et d'un système de propulsion nucléaires. Quelques jours plus tard, c'est au tour d'un drone sous-marin à propulsion nucléaire, le Poséidon, déjà présenté il y a quelques années, d'avoir les honneurs des autorités russes qui proclament qu'il est indétectable et pourrait venir percuter les côtes ennemies et y faire exploser une charge nucléaire. Enfin, le 29 octobre, Donald Trump annonce sur le réseau Truth Social la reprise des essais pour « les armes nucléaires », une première depuis l'adoption du Traité sur l'interdiction des essais nucléaires en 1996.
Cette guerre des communiqués a déclenché l'onde de choc d'une bombe – médiatique, fort heureusement – dans les milieux stratégiques. En effet, depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, la guerre d'Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza, le bombardement de l'Iran par les États-Unis et la guerre Inde-Pakistan du début de l'année, l'attention des analystes militaires s'était portée sur les armements traditionnels (blindés, missiles, munitions, chasseurs) et sur les systèmes innovants (drones, artillerie mobile, munitions guidées, bombes perforatrices).
Dans cette séquence en Technicolor et en Mondovision, tout se passe comme si le célèbre Dr. Folamour du film de Stanley Kubrick (1964) faisait son grand retour : ce personnage de fiction, scientifique nazi employé par l'armée américaine, paraît comme rappelé à la vie par la nouvelle guerre froide que se livrent les grandes puissances militaires dotées de l'arme atomique, à savoir les États-Unis, la Fédération de Russie et la République populaire de Chine, respectivement pourvues d'environ 3700, 4200 et 600 ogives nucléaires. Ce parfum de course à la bombe fleure bon les années 1950, les Cadillac roses et les défilés sur la place Rouge.
Pourquoi la course aux armements nucléaires est-elle aujourd'hui relancée, du moins au niveau médiatique ? Et quels sont les risques dont elle est porteuse ?
Essais nucléaires américains et surenchères médiatiques
En annonçant la reprise des essais nucléaires sur le sol des États-Unis, Donald Trump s'est montré aussi tonitruant que flou. Dans ce domaine-là comme dans tous les autres, il a voulu claironner le Make America Great Again qui constitue son slogan d'action universelle pour rendre à l'Amérique la première place dans tous les domaines.
En bon dirigeant narcissique, il a voulu occuper seul le devant de la scène médiatique en répliquant immédiatement aux annonces du Kremlin. En bon animateur de reality show, il a volé la vedette atomique à son homologue russe. Invoquant les initiatives étrangères en la matière, il a endossé son rôle favori, celui de briseur de tabous, en l'occurrence le traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICEN) adopté en 1996 par l'Assemblée générale des Nations unies, avec le soutien des États-Unis de Bill Clinton, érigés en gendarme du monde.
Le message trumpien procède d'une surenchère évidente sur les annonces du Kremlin : comment Donald Trump aurait-il pu laisser toute la lumière à Vladimir Poutine en matière d'innovations nucléaires de défense ? Il lui fallait réagir par une annonce plus forte, plus choquante et plus massive. C'est tout le sens de la reprise des essais sur « les armements nucléaires ». Personne ne sait s'il s'agit de tester de nouvelles ogives, de nouveaux vecteurs, de nouveaux modes de propulsion ou de nouvelles technologies de guidage. Mais tout le monde retient que c'est le président américain qui a officiellement relancé et pris la tête de la course mondiale à la bombe. C'était le but visé. Examinons maintenant ses conséquences.
À moyen terme, cette déclaration n'a rien de rassurant : les États-Unis, première puissance dotée historiquement et deuxième puissance nucléaire par le nombre d'ogives, envoient par cette annonce un « signalement stratégique » clair au monde. Ils revendiquent le leadership en matière d'armes nucléaires (dans tous les domaines) en dépit du rôle essentiel qu'ils ont joué depuis les années 1980 pour le contrôle, la limitation et la réduction des armes nucléaires.
En effet, les différents traités signés et renouvelés par Washington – Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (1987), START I (1991), II (1993) et New START (2010), TICEN, etc. – avaient tous pour vocation de dire au monde que les États-Unis se donnaient comme horizon la dénucléarisation des relations internationales ainsi que de l'espace et même la suppression de l'arme comme le souhaitait le président Obama.
Avec cette annonce – qu'on espère réfléchie même si elle paraît compulsive –, les États-Unis changent de rôle mondial : ils cessent officiellement d'être un modérateur nucléaire pour devenir un moteur de la nucléarisation des relations internationales.
L'avenir du nucléaire : dissuasion ou suprématie ?
La tonalité qui se dégage de cette guerre des communiqués atomiques ressemble à s'y méprendre à la première guerre froide et à la course-poursuite à laquelle elle avait donné lieu. Après avoir conçu, produit et même utilisé l'arme atomique en 1945 contre Hiroshima et Nagasaki, les États-Unis avaient continué leur effort pour obtenir la suprématie nucléaire dans le domaine des vecteurs, des milieux (air, terre, mer) et des technologies de guidage. L'URSS de Staline avait, elle, d'abord cherché à briser le monopole américain sur l'arme nucléaire puis gravi tous les échelons technologiques pour devenir une puissance nucléaire à parité avec ce qu'on appelait alors le leader du monde libre.
Le pivot historique doit être noté, surtout s'il se confirme par une course aux armements. Jusqu'à la guerre d'Ukraine, les armes nucléaires faisaient l'objet de perfectionnements technologiques réguliers. Mais le cadre de leur possession restait inchangé : elles devaient constituer un outil de dissuasion. Autrement dit, elles devaient rester des armements à ne jamais utiliser. Les signalements stratégiques sont aujourd'hui sensiblement en rupture avec cette logique établie depuis les années 1980.
Depuis le début de la guerre d'Ukraine, le Kremlin laisse régulièrement entendre qu'un usage sur le champ de bataille (le fameux « nucléaire tactique ») n'est pas à exclure en cas de risque pour les intérêts vitaux russes. De même, les États-Unis viennent de faire comprendre que leur priorité n'est plus la lutte contre la prolifération nucléaire, qu'elle soit nord-coréenne ou iranienne. Si le message de Donald Trump sur Truth Social est suivi d'effets, la priorité nucléaire américaine sera la reconquête de la suprématie nucléaire en termes de quantité et de qualité.
Autrement dit, les anciens rivaux de la guerre froide relancent une course aux armements nucléaires au moment où les instruments internationaux de limitation et de contrôle sont démantelés ou obsolètes. Ils ne luttent plus pour se dissuader les uns les autres d'agir. Ils participent à la course pour l'emporter sur leurs rivaux. Le but n'est plus la MAD (Mutual Assured Destruction) mais la suprématie et l'hégémonie atomique.
L'effet d'imitation risque d'être puissant, donnant un nouvel élan aux proliférations.
De la compétition internationale à la prolifération mondiale ?
Si les annonces russo-américaines se confirment, se réalisent et s'amplifient sous la forme d'une nouvelle course aux armements nucléaires, trois ondes de choc peuvent frapper les relations stratégiques à court et moyen terme.
Premier effet de souffle, au sein du club des puissances officiellement dotées de l'arme nucléaire au sens du Traité de Non-Prolifération(TNP), la République populaire de Chine ne pourra pas se laisser distancer (quantitativement et qualitativement) par son rival principal, les États-Unis et par son « brillant second », la Russie. En conséquence, la RPC s'engagera progressivement dans un programme visant à combler son retard en nombre de têtes et dans la propulsion des vecteurs. Cela militarisera encore un peu plus la rivalité avec les États-Unis et « l'amitié infinie » avec la Russie. Il est à prévoir que de nouveaux armements nucléaires seront développés, adaptés à l'aire Pacifique et dans les espaces que la Chine conteste aux États-Unis : Arctique, espace, fonds marins… Il est également à prévoir que la Chine s'attachera à développer des systèmes de lutte contre ces nouveaux vecteurs à propulsion nucléaire.
Le deuxième effet sera, pour les Européens, une interrogation sur les ressources à consacrer à leurs propres programmes nucléaires, de taille réduite car ils sont essentiellement axés sur la dissuasion stratégique. S'ils refusent de s'y engager pour concentrer leurs ressources sur les armes conventionnelles, ils risquent un nouveau déclassement. Mais s'ils se lancent dans la compétition, ils risquent de s'y épuiser, tant leur retard est grand. Nucléarisés mais appauvris. Ou bien vulnérables mais capables de financer le réarmement conventionnel.
Enfin, le troisième effet indirect des déclarations russo-américaines sur la reprise de la course aux armements sera la tentation, pour de nombreux États, de se rapprocher du seuil afin de garantir leur sécurité. Si l'Arabie saoudite, la Corée du Sud, la Pologne et même le Japon et l'Allemagne considèrent que leur sécurité nécessite des armes nucléaires et que le cadre du TNP est obsolète, alors la prolifération risque de reprendre de plus belle, à l'ombre des menaces nord-coréennes et iraniennes.
De Dr. Folamour à Dr. Frankenstein
Les annonces russes, américaines et, n'en doutons pas, bientôt chinoises sur les armements nucléaires présagent d'une nouvelle phase dans les affaires stratégiques, celle d'une compétition majeure sur toutes les technologies liées à ces armes complexes. Si la tendance se confirme, les armes nucléaires, leurs vecteurs, leurs usages et leurs doctrines seront de nouveau propulsés au premier plan du dialogue compétitif entre puissances. Et l'espace sera lui-même susceptible de devenir le nouvel espace de la compétition nucléaire.
Vivons-nous pour autant une régression historique vers la guerre froide ?
La donne est bien différente de celle des années 1950, quand le but des puissances communistes était de rattraper leur retard sur les armes américaines (acquisition de la bombe, passage au thermonucléaire). Et le débat stratégique est bien distinct de celui des années 1970, quand la compétition était quantitative (combien de têtes ? Combien de vecteurs ?).
Aujourd'hui, les risques liés aux armes nucléaires sont différents : démantèlement progressif des traités de limitation et de contrôle de ces armes, tentation retrouvée de se porter au seuil pour les puissances non dotées et surtout réflexion sur un usage (et non plus sur la dissuasion).
Ce n'est pas Dr. Folamour qui a connu une résurrection, c'est un nouveau Dr. Frankenstein qui s'est lancé dans des expérimentations.
Cyrille Bret, Géopoliticien, Sciences Po
< !—> The Conversationhttp://theconversation.com/republishing-guidelines —>
P.-S.
• The Conversation. Publié : 1 novembre 2025, 15:21 CET.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.Lire l'article original.
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Le syndicalisme étatsunien à l’ère de Trump : notes sur une table ronde
Labor Notes, un site internet mettant en réseau des syndicalistes étatsunien·nes, organise depuis le début du mois d'octobre une série de tables rondes sur le thème : « Comment les syndicats peuvent-ils défendre le pouvoir des travailleurs contre Trump 2.0 ? ». Le site publie au fur et à mesure les textes des intervenant·es, des dirigeants syndicaux et des universitaires.
Nous proposons ici une synthèse de ces différents textes en français afin de faire ressortir certains éléments qui permettent d'éclairer l'action et le rôle politique des syndicats dans un contexte "autoritaire". Des débats qui pourraient notamment intéresser les syndicalistes au Québec au moment où le Gouvernement Legault multiplie les attaques antisyndicales.
À titre d'exemple, la lecture de ces textes oblige notamment à mettre en perspective le silence assourdissant des centrales syndicales québécoises sur le terrain politique, comme l'atteste par exemple, leur mutisme lors de la campagne électorale des municipales de Montréal de 2025. Ce silence était d'autant plus incompréhensible et irresponsable quand on garde en tête que pendant la campagne, les travailleurs et travailleuses de la Société du transport de Montréal (STM) étaient en grève. Mais ce silence apparait tout bonnement sidérant quand on se rappelle qu'au même moment les syndicats New Yorkais, sous la pression de la base, s'engageaient politiquement et appelaient massivement quant à eux, à voter pour le programme de Zohran Mamdani dont certaines mesures faisaient alors le tour du monde, comme la gratuité des bus, l'amélioration des conditions de travail des travailleurs et travailleuses et un réinvestissement massif dans le secteur des transports collectifs.
L'urgence d'agir
Pour le moment, cinq articles ont été publiés. Les textes proviennent de dirigeants d'importants syndicats dans l'enseignement, comme Alex Caputo-Pearl de l'United Teachers Los Angeles (UTLA) Jackson Potter de la Chicago Teachers Union (CTU), de Peter Olney, un ancien dirigeant d'un syndicat de dockers (ILWU), de Rand Wilson membre d'un syndicat dans le secteur des microprocesseur (CHIPS Communities United), Jimmy Williams président de l'International Union of Painters and Allied Trades qui représente environ 140,000 travailleurs dans la construction ou des universitaires comme Kate Bronfenbrenner et Eric Blanc.
Ces différents textes mettent tous l'accent, d'une façon ou d'une autre, sur l'urgence d'agir : « can't afford to wait » souligne Kate Bronnefender. Et il ne s'agit pas seulement de l'urgence à lutter contre les employeurs mais bien plus largement de s'organiser politiquement face à une attaque organisée menée par une oligarchie de milliardaires néofascistes complètement fous de la Silicon Valley et d'un gouvernement ouvertement à son service.
Les auteurs rappellent ainsi le licenciement de 13 % des 2,4 millions de fonctionnaires du pays, soit 312 000 personnes par Elon Musk ou l'abolition par décret du droit de négociation collective d'un million de fonctionnaires fédéraux dans plus de dix ministères, détruisant de facto les syndicats, notamment dans le secteur des services sociaux et de santé. Ils insistent également sur les interventions militaires à Los Angeles et Washington, les rafles menées par les agents de l'ICE, le ciblage systématique des étrangers, la brutalité des interpellations, le chantage du Gouvernemental aux investissements et aux subventions fédérales à des fins politiques, le redécoupage de la carte électorale etc. ; bref, « le temps presse » pour reprendre Peter Olney et Rand Wilson.
Curieusement, les termes fascisme ou néofascisme ne sont pas mobilisés, peut-être parce que tous les syndicats ne sont pas encore interdits et peuvent encore s'exprimer et agir. En revanche, le régime est toujours qualifié d'autoritaire. Et le mouvement syndical est présenté comme l'un ou le dernier rempart. À titre d'exemple Alex Caputo-Pearl et Jackson Potter rappellent ainsi que :
« L'histoire nous montre que lorsque l'autoritarisme fait son apparition, son implantation dépend de la réponse du mouvement syndical. C'est pourquoi les syndicats doivent être au centre du mouvement anti-autoritaire naissant qui se manifeste dans les efforts visant à construire une coalition pro-démocratique plus large sous des slogans tels que « No Kings » (Pas de rois) et « Workers Over Billionaires » (Les travailleurs avant les milliardaires) ».
Des centrales syndicales majoritairement contre Trump
Aujourd'hui 10% des travailleurs et des travailleuses aux États-Unis sont syndiqué·es contre 20 à 25% dans les années 1980. La très grande majorité le sont dans le secteur public (33% de syndiqués contre 6% dans le privé). C'est donc au moins 15 millions de travailleurs et de travailleuses qui sont organisé·es syndicalement, et l'immense majorité sont affiliés à la plus grande centrale, l'AFL-CIO.
Dans leur synthèse Jackson Potter et Alex Caputo-Pearl estiment que cinq des dix plus grandes organisations syndicales internationales du pays (« international unions » ) doivent être
« considérées comme faisant partie du front progressiste, compte tenu du soutien majoritaire de leurs membres à Kamala Harris pour les élections de 2024 et de l'élaboration de programmes politiques qui rejettent le virage autoritaire ».
C'est en particulier le cas des trois plus grands syndicats du secteur public :
– la National Education Association (NEA ; 3 millions de membres)
– l'American Federation of State, County and Municipal Employees (AFSCME ; 1.4 million de membres)
– et l'American Federation of Teachers/American Association of University Professors (44 000 membres) (AFT/AAUP) – (respectivement 1.8 million de members et 44 000 membres)
C'est aussi le cas, de deux syndicats regroupant divers secteurs publics et privés, le Service Employees (SEIU) (deux millions de membres) et l'UAW (400 000 membres) .
Les auteurs soulignent que plus de 50 autres syndicats internationaux affiliés à l'AFL-CIO ont également clairement manifesté leur opposition à Trump. De même, de nombreuses directions syndicales ont affiché un soutien sans ambiguïté aux mouvements de solidarité avec les immigrants et aux manifestations pour les libertés civiles, comme par exemple, le syndicat des infirmières (National Nurses United, 220 000 membres) .
En revanche d'autres centrales ont choisi d'appuyer Trump. C'est notamment le cas du syndicat des Teamsters (4e plus grand syndicat des États-Unis et le plus important dans le secteur privé, avec 1.3 million de membres, qualifié par un spécialiste de « syndicat corrompu » ) qui soutient ouverment Trump et les Républicains, au nom de la défense de l'emploi étatsunien . Son président, Sean O'Brien (qui avait obtenu le soutien de Labor Notes lors de sa campagne… ), s'est même présenté à la Convention nationale républicaine au milieu de la campagne électorale. D'autres syndicats dans la construction ont également apporté leur soutien à Trump même si, soulignent Peter Olney and Rand Wilson, Sean McGarvey, le président de la North America's Building Trades Unions (environ 3 millions de membres dans la construction ) a clairement dénoncé le programme de Trump, au service « des plus riches d'Amérique ».
Bref, à l'exception notable des Teamsters et de certains syndicats moins importants, on retient que les grandes structures syndicales ont majoritairement manifesté leur opposition à Trump.
Des centrales syndicales apathiques et aux stratégies de mobilisation contestées
Malheureusement cette condamnation semble s'être essentiellement limitée à des prises de paroles, des communiqué de presse et des recours judiciaires.
Plusieurs textes dénoncent ainsi l'apathie des centrales syndicales et une action « largement limitée au dépôt de plaintes judiciaires » . C'est le cas, notamment, de la Fédération américaine des employés du gouvernement (AFGE), qui représente 800 000 fonctionnaires fédéraux, et qui a décidé de contester la suppression des syndicaux fédéraux, tout en sachant pertinent que la Cour suprême valide à validé, jusqu'à présent, à peu près tout ce qu'avait demandé le Gouvernement Trump :
« Beaucoup trop de démocrates et de dirigeants syndicaux ont naïvement espéré que les tribunaux nous sauveraient. Mais la Cour suprême a donné son feu vert à la prise de pouvoir de Trump et semble prête à invalider la section 2 du Voting Rights Act, dernier obstacle juridique majeur empêchant les républicains de priver de leurs droits électoraux des millions de démocrates et d'électeurs noirs dans tout le Sud ».
L'apathie est telle que le 2 novembre 2025, les dirigeants des syndicats d'enseignants de Chicago et de Los Angeles (CTU et UTLA), ont estimé nécessaire d'appeler de nouveau l'AFL-CIO à s'engager activement contre le gouvernement de Trump et exigé de la plus grande centrale étatsunienne qu'elle ait le courage d'appeler à remettre en cause l'ordre établi .
Au mieux, certains textes soulignent le relatif succès de la campagne may2028.org, impulsé par le président de l'UAW, Shawn Fain. Cette action consiste à fixer la date d'expiration des conventions collectives au premier mai 2028 afin de pouvoir, légalement, déclencher un vaste mouvement de grève. Certes, l'initiative a reçu le soutien d'autres secteurs d'activités que l'automobile (dont des syndicats de la CWA, du SEIU, UNITE HERE, de l'UE, de l'AFT et des affiliés nationaux et locaux de la NEA). Le problème cependant est la date retenue : mai 2028. Sur ce point, les auteurs sont unanimes pour dire que les travailleurs et les travailleuses ne peuvent pas attendre trois ans pour réagir.
Bref, les recours judiciaires et la mobilisation may2028, restent les principales actions organisées à l'échelle des grandes centrales syndicales identifiées dans ces textes.
La mobilisation des syndicats locaux dans les mobilisations historiques de 2025
En contrepoint, les textes insistent sur l'implication des organisations syndicales de base, dans les mobilisations exceptionnelles de 2025. Certaines organisations ont même été à la pointe de la contestation, comme lorsque Trump a envoyé des militaires à Los Angeles, Washington D.C. et Chicago.
« Les syndicats d'enseignants et de travailleurs des services ont été les plus virulents et les plus actifs. En juillet, 1 400 personnes ont envahi le centre des congrès de Los Angeles pour participer à une « formation à l'action directe non violente » principalement parrainée par la Fédération syndicale du comté de Los Angeles ».
Ce sont également des syndicats d'enseignant·es qui mènent activement des actions visant pour faire des écoles des « sanctuaires » pour les migrants pourchassés par l'ICE. Ils adoptent ainsi des résolutions rappelant que le personnel scolaire ne doit jamais demander le statut d'immigrant, en conserver trace ou le divulguer ou que es agents fédéraux ne sont pas autorisés à pénétrer dans nos écoles sans mandat judiciaire . Ce sont aussi des organisations syndicales de base, qui ont organisé des actions telles que le « Tesla Takedown », les rassemblements devant les magasins Whole Foods appartenant à Amazon ou qui ont créé la coalition Athena qui relie les vastes activités anti-Bezos/Amazon.
Mais surtout, de nombreuses organisations locales se sont jointes aux manifestations nationales exceptionnelles de l'années 2025, participant ainsi aux réseaux tels que 50501, Indivisible Fight Back Table (qui est présentée comme l'organisation ayant organisé les marches #HandsOff le 5 avril), Labor on the ligne etc.
Parmi ces mobilisations les plus importantes, les auteur·es rappellent :
– « Hands Off ! National Day » - 5 avril 2025
Il y a un débat sur le nombre de personnes qui ont manifesté le 5 avril. Dan la Botz, qui en a dressé un compte-rendu, parle dans tous les cas de millions de personnes dans les 50 États américains, et de plus 1 600 manifestations dans les grandes et petites villes, en défense de la démocratie, des droits reproductifs, des LGBTQ+, des immigrants, de la sécurité sociale, des services publics etc.
– May day strong (“Workers Over Billionaires”) – 1er mai 2025
Plusieurs textes insistent également sur le succès des manifestations du 1er mai 2025, qui fut également historique :
« Cela a fonctionné au-delà de ce que nous pensions possible. Cette année, nous avons eu le plus grand nombre de marches du 1er mai de l'histoire des États-Unis. La fête du Travail, quant à elle, est passée de 25 barbecues initialement prévus par l'AFL-CIO à 1 200 événements dans les 50 États, la fédération adoptant le message « Les travailleurs avant les milliardaires » » .
– « No Kings », manifestations exceptionnelles des 14 juin et 18 octobre et… 22 novembre 2025
Mais ce sont surtout les deux grandes manifestations sous le thème « No Kings » du 14 juin et du 18 octobre 2025 qui ont marqué les esprits l'attention ; « les plus importantes de l'histoire des États-Unis » souligne Eric Blanc . Les chiffres de 13 millions de manifestant·es le 14 juin et de 7 millions lors de la manifestation d'octobre sont avancés. On peut rappeler que le samedi 22 novembre, No Kings appelle de nouveau à marcher sur Washington et dans tout le pays.
Et pour toutes ces mobilisations les auteur·es insistent en particulier sur deux choses : l'implication de nombreux syndicats locaux et l'absence des centrales syndicales.
Propositions d'actions : boycott et syndicalisation
Les différents textes ne se contentent pas de faire un bilan des actions et mobilisations. Ils suggèrent également des pistes d'actions. Parmi celles-ci, Caputo-Pearl et Potter rappellent le succès de certaines campagnes de boycott, comme celle menée par le Black Clergy (clergé noir) contre Target qui a décidé de supprimer ses actions en faveur de la diversité, d'équité et d'inclusion (DEI), ou celle invitant à la résiliation des abonnements chez Disney pour avoir retiré Jimmy Kimmel de l'antenne .
Dans son étude sur l'évolution des stratégies de syndicalisation, Kate Bronfenbrenner , invite quant à elle les centrales syndicales à revoir leurs stratégies, qui sont principalement restées centrées ces dernières années sur la syndicalisation « des petites unités des secteurs à but non lucratif, des médias et des services » et « des unités d'étudiants diplômés d'universités privées telles que Columbia, le MIT et Cornell » ; des secteurs considérés comme « plus faciles » à syndiquer.
En revanche, les centrales ont délaissé les campagnes de syndicalisation dans les grandes entreprises, celles qui pèsent sur l'économie et les choix politiques du gouvernement Trump ; elle souligne en ce sens que les apparentes « victoires » en termes de syndicalisation chez Amazon, Starbuck, REI et Trader Joe's etc., très médiatisées, n'ont cependant pas permis la conclusion d'une seule convention collective, les employeurs refusant de négocier avec le syndicat. Ce à quoi on rajoutera que quand ils sont contraints de négocier, comme au Québec, ces mêmes multinationales préfèrent fermer et sous-traiter, comme l'a fait Amazon à Montréal. Kate Bronfenbrenner invite alors les syndicats à mener la lutter auprès de ces grandes structures et à multiplier les actions :
« Aussi difficile que cela puisse être, les syndicats doivent syndiquer les travailleurs des entreprises les plus grandes et les plus puissantes du pays, et ils ne peuvent pas se permettre d'attendre une réforme du droit du travail ou une administration plus favorable pour le faire » .
La question de la grève sociale et des grèves illégales
Mais c'est surtout la question des grèves et de la grève sociale ou politique qui est discutée par les auteurs. Pour Éric Blanc par exemple, il semble certain que « la tactique la plus efficace pour exprimer ce type d'alliance anti-autoritaire large est une grève générale à grande échelle, parfois appelée « grève politique », qui inclut non seulement les travailleurs, mais aussi les gouvernements locaux, les églises, les médias, les associations professionnelles et même certaines entreprises qui soutiennent le mouvement ».
Le problème ici serait tout à la fois politique et juridique. D'un point de vue politique, les textes soulignent à plusieurs reprises que les travailleurs et les travailleuses étatsuniennes n'ont plus l'expérience des grèves, alors que le nombre d'arrêt de travail a considérablement chuté depuis les années 80. Ainsi pour Alex Caputo-Pearl and Jackson Potter :
« nous devons être lucides : notre mouvement syndical n'est pas en état de lutter. La plupart de nos syndicats n'ont pas l'expérience récente de la grève ou de l'action collective conflictuelle ».
Un autre problème, davantage juridique, est la peur de déclencher une grève, sachant que la grève est interdite pour les non syndiqué·es et que pour ces derniers elle n'est légale que lors des rares périodes de négociations collectives. « Notre plus grand obstacle reste un sentiment omniprésent de peur et d'impuissance, en particulier parmi les classes populaires », estime ainsi Eric Blanc.
Ce dernier préconise alors le recours à deux tactiques concrètes : des grèves stratégiques menées par des groupes syndiqués, relativement protégés et ayant des liens communautaires profonds (comme les étudiants et les enseignants) et des perturbations/manifestations visant à bloquer le fonctionnement des institutions , sur le modèle des mobilisations des immigrants en 2006, Occupy Wall Street en 2011 ou Black Lives Matter en 2020. Aussi, parmi les actions « disruptives », Eric Blanc évoque, notamment des « Freedom Friday », invitant les étudiants et leurs professeurs à manifester tous les vendredis après-midi ou les « Mass Black Out » . Parmi les autres actions « disruptives » il évoque les pistes suivantes :
« Les entreprises pourraient mettre fin à leur collusion généralisée avec le régime, signer des engagements en faveur de la démocratie, fermer volontairement leurs portes le jour de l'action, afficher des posters « No Kings » dans leurs vitrines ou sur leurs pages web, ou au moins choisir de ne pas pénaliser ceux qui se mettent en grève ou se font porter malades. Les districts scolaires pourraient combiner la fermeture des écoles, des séances d'information de masse et des sorties scolaires pour assister à des rassemblements. Les églises et les élus locaux pourraient soutenir la journée d'action et contribuer à mobiliser les participants (…) ».
Plusieurs textes invitent également les travailleurs et les travailleuses à user des stratégies de contournement, pour éviter d'être dans l'illégalité, comme le recours à des congés maladies. On rappelle ainsi que c'est en mobilisant les arrêts de travail pour cause de maladie qui ont permis à des millions d'immigrants et autres « de descendre dans la rue le 1er mai 2006 pour protester contre le projet de loi anti-immigrés draconien de Sensenbrenner ».
Enfin, une autre solution mise de l'avant est d'inviter les syndicats à négocier une date de fin des conventions collectives commune, afin de permettre la grève du plus grand nombre au même moment. Nous l'avons vu, c'est la stratégie développée par l'UAW dans le secteur automobile avec le lancement de la campagne may2028.org. Mais c'est aussi la stratégie retenue par les sections locales d'éducateurs de Californie, qui ont formé la California Alliance for Community Schools et lancé la campagne We Can't Wait avec 32 sections locales qiu ont aligné les dates d'expiration des contrats dans tout l'État .
Bref, les auteur·es étudiés ici, appellent tout à la fois à la construction d'une large alliance, vers la grève sociale ou politique et à la multiplication des actions de terrains, de blocage à plus ou moins grande échelle.
“Get politics out of our union” ?
Mais curieusement, il est très peu question dans ces textes du rapport des syndicats aux partis politiques, si ce n'est le texte Peter Olney et Rand Wilson, qui appellent à soutenir les candidats démocrates, pro-travailleurs, face aux Républicains . On a parfois l'impression que la lutte syndicale peut se suffire à elle-même pour renverser ce régime néofasciste, ce qui nous semble très douteux d'un point de vue historique.
Une exception notable est le texte de Jimmy Williams, le président de l'International Union of Painters and Allied Trades . Celui-ci rapporte que nombreux membres demandent au syndicat de ne pas faire de politique : “ I often get comments that we need to “get politics out of our union”. Certes, souligne-t-il, il est épuisant de parler de politique « quand les deux partis continuent de nous décevoir tous ».
Le problème c'est « que cela nous plaise ou non, les décisions prises par nos responsables politiques ont un impact majeur sur notre syndicat, notre portefeuille et nos communautés ».
Alors pour ce dirigeant syndical :
« Si nous voulons vaincre Trump et tout autre politicien anti-ouvrier, nous aurons besoin d'ouvriers organisés. Nous ne pouvons pas nous recroqueviller et espérer que la prise de pouvoir autoritaire de Trump passe. Nous devons organiser de nouveaux membres, construire un pouvoir politique indépendant dans nos communautés et éduquer nos collègues et nos communautés sur les enjeux. Nous devons tenir pour responsables tous les politiciens qui ne sont pas favorables aux travailleurs, quel que soit leur parti et leur rhétorique (…) Nous avons besoin d'une armée de travailleurs qui comprennent l'histoire de leur syndicat et du mouvement syndical, et qui sont prêts à se battre pour un nouveau mouvement syndical, tout comme nos ancêtres l'ont fait pour les générations futures ».
Il s'agit là, nous semble-t-il, d'une prise de position politique qui mériterait minimalement d'être débattue au Québec. Et pour ouvrir la discussion, un tel appel à s'engager sur le terrain politique pourrait par exemple être mis en rapport avec le silence assourdissant des centrales syndicales québécoises lors des dernières élections municipales de novembre 2025. Le cas échéant, on rappellera alors que sous la pression de leur base militante, les syndicats New Yorkais se sont clairement engagés en faveur de Zohran Mamdani. Et depuis, ils s'organisent concrètement pour lutter contre une éventuelle occupation de New York par la garde nationale : Hands Off NYC.
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Belgique : Rassemblons-nous pour la riposte ! Lettre ouverte aux syndicalistes et aux mouvements sociaux
La situation actuelle, à l'échelle belge comme internationale, est lourde de dangers. Pour beaucoup de travailleur·euses, de jeunes et de militant·es des syndicats et des mouvements sociaux, cela provoque une colère légitime mêlée à un sentiment de sidération ou d'impuissance. Crises climatique et sociale, guerres coloniales en Ukraine et en Palestine – jusqu'au génocide – et militarisation, extrême droitisation jusque dans la première puissance mondiale, régression majeure des droits sociaux, attaques contre les libertés démocratiques et les plus précaires : tout cela converge dans une offensive généralisée qui menace les conditions mêmes de la vie et de la survie des sociétés humaines.
6 septembre 2025 | tiré du site de la Gauche anticapitaliste
https://www.gaucheanticapitaliste.org/lettre-ouverte-aux-syndicats-et-aux-mouvements-sociaux/
En Belgique, la coalition dite « Arizona » voit la droite radicalisée et la droite avancer main dans la main dans un projet qui vise à démanteler les fondements de la sécurité sociale, criminaliser la contestation, jeter des milliers de personnes dans la misère, chasser les personnes exilées, pour mieux diviser et précariser l'ensemble des travailleur·euses. Mais ce n'est pas la fin de l'histoire.
La droite à l'offensive contre les droits
Le gouvernement « Arizona », réunissant la N-VA, le MR, Les Engagés, le CD&V et Vooruit, incarne une guerre de classe de grande ampleur contre la majorité sociale. Les mesures annoncées — casse de l'assurance chômage et du droit à une pension digne, chasse aux malades de longue durée, mesures racistes et meurtrières contre les réfugié·es, coupes budgétaires dans les services publics (santé, chemins de fer), répression des syndicats — ne constituent qu'un avant-goût de ce qui nous attend si on les laisse faire : leur prétendue « discipline budgétaire » est ciblée essentiellement contre les travailleur·euses, avec ou sans emploi, malades ou en bonne santé, jeunes et vieux, en particulier les femmes et personnes exilées. La stratégie est claire : diviser pour régner, culpabiliser les pauvres pour ensuite réprimer les mobilisations et accélérer un projet néolibéral autoritaire. La résignation n'est pas une option. Ce gouvernement, ainsi que ses déclinaisons flamande et wallonne, ne représentent les intérêts que d'une infime minorité de la population : les mobilisations des derniers mois ont déjà servi à démontrer cela. Ces gens-là, en particulier Vooruit et les Engagés, n'ont aucune légitimité ni mandat pour détruire les droits fondamentaux, même quand ils osent prétendre que ce serait pour mieux les « sauver ». Et, surtout, ils peuvent être mis en échec. A une condition : que nous ne nous contentions pas de défendre le statu quo, ni d'attendre la prochaine alternance électorale. L'heure est venue de relever le défi de la bataille politique.
Il faut une alternative… mais laquelle ?
L'alternance Vivaldi avait été une coalition de renoncements, notamment sur les salaires, le climat, le droit d'asile, le droit à l'IVG, sans rien remettre en cause du gouvernement Michel en particulier sur l'âge de départ à la pension. Elle avait de la sorte démobilisé et préparé le terrain à l'Arizona. Il ne s'agit donc pas d'attendre un hypothétique retour de ce genre de coalition de l'extrême centre : ces coalitions ont vu depuis les années 1990 la social-démocratie et les Verts largement accompagner les privatisations, la précarisation, l'explosion des inégalités et le désastre écologique. Ces deux courants, qui comptent encore dans leurs rangs nombre de militant·es sincères des mouvements sociaux et syndicaux, annoncent aujourd'hui, du côté francophone, une grande introspection. Vooruit poursuit aveuglément son rôle de soutien à la politique néolibérale et migratoire la plus à droite depuis 1945. Face à leur bilan, le PTB a réussi, avec ses limites, à constituer une opposition combative contre le néolibéralisme mais il est clair aussi qu'il ne peut à lui seul construire une issue à la hauteur du moment et des enjeux.
La tentative du bloc des droites de répliquer une formule Arizona à Bruxelles, pourtant majoritairement à gauche, ne passe pas. Une ligne de démarcation gauche droite se dessine tout comme l'idée qu'une autre politique est encore possible. Cette dynamique dans la capitale est riche d'enseignements. Aujourd'hui, il s'agit de déplacer le centre de gravité politique, non pas vers les institutions, mais vers le mouvement social dans toutes ses composantes : syndicats, collectifs, associations, mobilisations féministes, écologistes, antiracistes, mouvements de solidarité internationale. C'est en effet dans ce mouvement social que se trouve la force de transformation réelle dont nous avons besoin et c'est là que réside la possibilité d'une alternative imposée par en bas, par la lutte. Et c'est pour ça que la coalition Arizona vise à saper les libertés syndicales, le droit de grève, l'autonomie des mutuelles et le droit de manifester, ainsi qu'à étouffer toute tentative de politique de gauche à Bruxelles.
Oser lutter pour gagner
Une stratégie de journées saute-moutons dispersées sur le long terme, en espérant un recul ici ou là sur tel ou tel point parmi l'avalanche de mesures de droite, porte en elle la capitulation face à la majeure partie de la politique réactionnaire du gouvernement De Wever et notamment l'abandon de la solidarité la plus élémentaire avec les réfugié·es. Faire dérailler l'Arizona et son programme de démolition reste un objectif stratégique, car ses principaux dirigeants, De Wever et Bouchez, assument vouloir aller jusqu'au bout de leur paquet d'attaques contre la classe travailleuse dans toutes ses composantes et n'ont aucune intention d'y renoncer tant que leur coalition est debout. Par ailleurs, leur « équilibre budgétaire » étant basé sur du vent et la situation économique et sécuritaire internationale se dégradant rapidement, ils nous préparent de nouvelles attaques en plus de celles déjà annoncées.
Une pleine et entière campagne « Opération Vérité » massive est nécessaire, de la part de l'ensemble des forces du mouvement social, pour populariser l'urgence de se mobiliser face au danger. Dans la construction du rapport de forces, personne ne doit être laissé de côté : ni les réfugié·es et sans-papiers, ni les personnes LGBTI+, ni non plus celles et ceux qui luttent contre la grave crise écologique en cours. Adossée à un plan d'actions de combat crédible, allant crescendo, tel que celui de 2014, avec des grèves interprofessionnelles tournantes dans les régions chaque semaine, des manifestations de masse et des grèves sectorielles articulées et tournantes, mais cette fois jusqu'au bout, cette bataille peut être remportée. La déroute de l'Arizona ne constitue pas une fin en soi : parvenir à atteindre cet objectif signifie modifier considérablement le rapport de forces et peut donc marquer le début de la remise en cause globale d'un modèle fondé sur l'exploitation, l'oppression et la destruction écologique, c'est-à-dire le capitalisme. Pour cela, nous avons besoin d'un syndicalisme et d'un mouvement social combatifs, démocratiques, mais aussi porteurs d'une vision de société qui pose la question du pouvoir : une nouvelle perspective politique. En répondant à la fois à la crise écologique, à la crise sociale et à la crise de la démocratie, le mouvement syndical et les mouvements sociaux peuvent fédérer des forces immenses et changer complètement le rapport de forces.
Un mouvement social qui prend en mains la question politique
L'indépendance syndicale et associative ne signifie en effet pas l'apolitisme. Elle impose de ne se mettre au service d'aucun parti, mais elle n'interdit pas de porter un projet de société. Or, il n'y a pas de transition écologique sans rupture avec le capitalisme et le productivisme. Il n'y a pas de démocratie réelle sans pouvoir aux travailleuses et travailleurs. Il n'y a pas de paix sans égalité et justice entre les peuples. Il n'y a pas de victoire sociale durable sans changement de cap politique. Et il n'y a pas de succès pour la gauche si nous concédons un centimètre à la division et la concurrence entre les exploité·es et les opprimé·es ou entre niveau de vie et habitabilité de la Terre.
Il nous faut donc sortir du piège d'une « concertation » complètement et durablement vidée de son contenu, autant que du chantage à la « croissance », à la dette publique ou à la « stabilité » du pays. Quand un gouvernement impose un programme antisocial, sexiste, raciste, productiviste et répressif, nous n'avons pas seulement le droit de le combattre. Nous en avons le devoir. Cela passe par une rupture avec la logique de fatalité. La dette publique ? Illégitime si elle est le fruit des cadeaux fiscaux et des sauvetages des grandes entreprises et des banques. L'austérité ? Inacceptable dans un pays aussi riche. La course à la croissance capitaliste ? Incompatible avec la survie des civilisations humaines. La « gouvernabilité » de la Belgique ? Elle ne peut pas se faire contre les droits sociaux et démocratiques, mais bien par une solidarité active entre les peuples et régions du pays : une unité des classes populaires contre l'unité « nationale » ou « régionale ».
Repartir de nos forces pour construire un front uni
Depuis plusieurs années, de nombreuses luttes ont montré qu'une autre voie est possible. Les grèves féministes, les marches climatiques, les mobilisations contre le racisme et pour la solidarité avec la Palestine, les grèves dans le soin, le non-marchand, l'enseignement ou à la SNCB, la création d'alliances comme Code Rouge ou plus récemment Commune Colère, sont des signes encourageants. Elles montrent qu'un mouvement peut émerger autour de revendications claires, transversales, ancrées dans les conditions concrètes de vie et de travail. Elles se prolongent dans les grandes mobilisations interprofessionnelles qui avaient démarré dès avant l'accord Arizona et se poursuivent, mettant au jour tous les mensonges et crapuleries que ce gouvernement porte.
Nous pensons que c'est autour de telles dynamiques qu'un véritable front social et politique peut se construire. Un front capable de défendre un programme de rupture : contrôle démocratique des richesses, de la finance et de l'énergie, réduction collective du temps de travail et salaires suffisants pour tou.te.s, sécurité sociale et services publics généralisés et renforcés, plan de transition écologique public à la hauteur de l'enjeu, désobéissance aux diktats de l'UE en matière de budgets et d'intervention publique, féminisme pour les 99%, accueil digne des exilé·es.
Nous ne partons pas de rien. Le syndicalisme belge regroupe 3 millions de personnes, les mouvements sociaux dans leur diversité en mobilisent des dizaines de milliers d'autres. Ensemble, cela forme une force potentiellement immense, si l'on sort de la gestion et de la défensive pour s'emparer du politique. Le mouvement syndical en particulier peut jouer un rôle clé pour faire converger les résistances et les nombreux mouvements sociaux et collectifs citoyens, et favoriser la construction d'une véritable alternative politique de masse. En mettant tout le monde autour de la table autour d'une série de revendications d'urgence qui répondent à des besoins sociaux et peuvent rassembler et mobiliser largement, sans nier les désaccords par ailleurs. Et en imposant à l'ensemble des forces politiques qui se réclament de la gauche de jouer cartes sur table pour les défendre en bloc, jusqu'au bout, pour une véritable alternative politique en opposition frontale avec le bloc des droites et en rupture avec l'ordre existant. Pour cela, il est nécessaire pour le mouvement syndical et les mouvements sociaux d'assumer la lutte pour une autre politique, une politique légitime car elle répond aux besoins des affilié·es, publics et bénéficiaires, c'est-à-dire d'une large majorité sociale.
Pour une grande table ronde du mouvement social et des gauches politiques
Cette lettre ouverte est une invitation, un appel à ouvrir la discussion. Une main ouverte vers celles et ceux qui, dans les syndicats, dans les mouvements sociaux, dans les collectifs de lutte, cherchent à dépasser la seule indignation.
Concrètement, nous proposons :
- de mettre en débat, dans les syndicats et mouvements sociaux, la nécessité d'une alternative politique indépendante du capital, fidèle aux intérêts du monde du travail, des opprimé·es et du vivant ; de favoriser la constitution de comités de mobilisation et de débat stratégique, dans les secteurs professionnels, les entreprises, les quartiers, les écoles, les hôpitaux, y compris en élargissant, en amplifiant et en multipliant les assemblées Commune colère ou similaires, des deux côtés de la frontière linguistique.
- d'initier, en partenariat avec toutes les forces de bonne volonté intéressées par la démarche, une conférence nationale des forces sociales et politiques opposées à l'Arizona et à ses déclinaisons régionales et communautaires, avec pour objectif de définir ensemble une campagne, un calendrier d'action, et un programme de revendications d'urgence ; une telle conférence pourrait se clôturer par un grand meeting unitaire pour faire entendre publiquement une voix commune de rupture et de résistance et donner de nouveaux rendez-vous communs ;
Ces propositions ne sont pas des réponses toutes faites. Ce sont des leviers pour sortir de l'impuissance, pour nourrir et renforcer les dynamiques déjà en cours, pour confronter les partis qui se réclament de la gauche à leurs responsabilités : construire une majorité autour d'un programme de transformation, ou continuer à tourner en rond dans les calculs d'appareil.
Cette lettre est une proposition qui s'adresse à celles et ceux qui, dans les syndicats, les collectifs, les mouvements, refusent de subir. À celles et ceux qui savent que la bataille sociale est aussi une bataille politique. À celles et ceux qui veulent empêcher le pire, mais surtout construire une autre société.
Et maintenant ?
Nous, Gauche anticapitaliste, luttons pour un programme éco-socialiste, internationaliste, féministe et démocratique radical. Nous ne voulons pas d'une énième alternance molle qui ne remettrait rien en cause, dans le même cadre. De toute façon, la radicalisation à droite, l'aggravation des désastres écologiques, et les convulsions du capitalisme en crise rendent tout « retour à la normale » illusoire. Nous voulons une transformation en profondeur. Nous pensons que la politique de concertation a fait le jeu du patronat et mis le syndicalisme en difficulté, mais notre priorité est que l'ensemble de notre camp social gagne et avance maintenant contre le bloc des droites. Face aux dangers actuels, nous n'avons d'autre choix que de lutter, ensemble.
Nous sommes conscient·es des difficultés de ces options stratégiques et nous sommes disponibles pour en discuter, dans vos assemblées, vos congrès, vos réunions d'équipes, vos locaux syndicaux, vos collectifs. Nous souhaitons entendre vos doutes, vos critiques, vos propositions. Mais surtout, nous voulons avancer ensemble.
Il y a onze ans, la Gauche anticapitaliste participait à la dynamique PTB-Gauche d'ouverture avec l'appui de la FGTB Charleroi, une démarche nécessaire pour faire percer une gauche de gauche dans le pays. En 2024, nous avons souhaité défendre nous-mêmes aux élections européennes un écosocialisme démocratique, antiraciste, féministe et internationaliste, sans sectarisme vis-à-vis des gauches combatives et des mouvements sociaux. Aujourd'hui nous appelons celles et ceux qui savent que nous n'avons plus le temps d'attendre à regrouper leurs forces, pour marcher séparément et frapper ensemble contre le basculement à l'extrême droite.
Le sentiment de sidération peut et doit être dépassé en nous inspirant des résistances à travers le monde, à commencer par les USA eux-mêmes qui ont connu ces dernières semaines des milliers de manifestations dans plus de 50 États, mobilisant des millions de personnes. Plus près de nous, la jeunesse et les travailleur·euses se sont mobilisé·es en masse contre le cocktail mortel de politique antisociale, d'autoritarisme et de corruption en Grèce, en Serbie, en Turquie ou en Géorgie.
Un monde vivable, juste, égalitaire, démocratique est nécessaire, urgent, et possible. Nous avons un rôle à jouer, tou·te·s ensemble, pour le rendre à nouveau crédible à une large échelle. Le temps est venu pour un front uni.
La Gauche anticapitaliste

Du racisme par procuration, à la belle consécration !
Intrinsèquement haineux, ils jetèrent l'opprobre sur la jeune boxeuse algérienne issue de la paysannerie jusqu'à la plonger dans un torrent de sanglots. Rappelez-vous ! A ses détracteurs, dont Trump et Elon Musk, Imane Khelif avait riposté par la Médaille Olympique ! Honorée le 29 octobre par le Recteur de la Mosquée de Paris, elle repart du bon pied !
De Paris, Omar HADDADOU
Dans un monde purgé de ses Valeurs humanistes, la tradition veut souvent que la consécration, la prééminence, la réussite et le rayonnement, n'empruntent, en aucun cas, un autre itinéraire que celui tracé par les Suprémacistes Blancs !
Pour les Pépiniéristes de la xénophobie occidentale, il n'est nul besoin de tuteur pour maintenir le plant de leur ressentiment dans la bonne verticalité. Leurs relais fonctionnent à merveille et toute velléité de surclasser la race blanche, est brisée net par une simple apposition de sceau officiel.
Oui, la xénophobie envers l'excellence afro-maghrébine et les populations indigentes de par le monde, est une réalité éruptive affreusement nocive :
« Tu me mets tous les Blancs à l'étage supérieur et le reste en bas ! » vocifère le Directeur d'une prestigieuse entreprise française spécialisée dans la fabrication des réacteurs et pièces détachées des aéronefs (vécu). Quand un autre haut perché, paré d'or comme une future mariée, assène à un intellectuel algérien, après l'avoir scanné sous toutes les coutures sur la terrasse d'un café à Chatelet, avant l'embauche : « C'est bon, tu passes pour un Espagnol ! ».
Les scories de la stigmatisation, la discrimination et du racisme, ont de beaux jours devant elles pour germer de plus belle !
En décrochant l'or avec brio et une humilité quasi religieuse lors des JO de Paris 2024, la jeune boxeuse Imane Khelif, avait suscité la suffocation chez certains patriotards aigris de jalousie, en Europe et en Amérique, dont Donald Trump et Elon Musk.
Aussitôt leur domination ébranlée, le point de bascule acté, la toile et ses réseaux sociaux nauséabonds écumèrent de rage.
Comment une fille du Douar, qui plus est arabo- musulmane, peut-elle jouer dans la cour des grands et croquer l'Or à pleines dents ?
Sa performance de très haute volée a fait bondir les Politiques rongés par la jalousie, les célébrités de tout bord et nombre de chefs d'Etat, strangulés de syncope létale. Aussi, tous ces bataillons de pourfendeurs ulcérés, s'accointèrent-ils, tels des rapaces affamés, sur l'acharnement, le dénigrement et le cyber harcèlement, à l'encontre de la talentueuse pugiliste dont la riposte se passe de tout commentaire : « Je dédie cette victoire au Peuple algérien et aux femmes du monde entier ! » Rideau !
Combien de femmes ont versé de chaudes larmes en voyant, ce jour-là, celles d'Imane rouler sur ses joues émaciées ?
Elle qui a fait le serment de combattre l'injustice, la haine et la « manœuvre » par la performance et l'excellence. En haut lieu, le lynchage médiatique, la connivence putride et particulièrement celle de l'Association Internationale de Boxe, en 2023, échouèrent piteusement devant sa détermination.
Consciente de l'abjecte cabale, l'Organisation des Jeux Olympiques réhabilite l'athlète. Mise en orbite, Imane en met alors pleins les yeux à ses détracteurs !
Fille de parents pauvres, la mère femme au foyer et le père soudeur sans emploi, dans l'infortuné hameau de Aïn Sid Ali, Imane livrait, au quotidien, un combat contre l'adversité de la vie dans un monde de brutes impitoyable, dans l'unique espoir de réussir et sortir sa petite famille de la misérabilité quotidienne : « J'ai élevé ma fille pour qu'elle travaille et soit courageuse à l'entraînement. Elle a toujours fait preuve d'une volonté démesurée » dira son père Omar dont la voix traduit l'affect et la blessure profonde infligée à la Championne Olympique.
Et pour marquer le coup et panser les blessures, en ce mercredi 29 octobre 2025, le Recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems Eddine Hafiz, après avoir longuement égrené son brillant parcours, ne tarissait pas d'honneur et d'hospitalité à l'égard de la Championne.
Dans un cadre raffiné rappelant l'âge d'or de la civilisation arabo-musulmane, Imane Khelif est reçue en ce célèbre lieu de culte, pour la remise de la Médaille d'Honneur.
Le poing serré et franchement mis en évidence tel un boxeur, l'Avocat enlace Khelif et ponctue son exhortation : « Ma fille continue comme ça ! Tu as montré ta résilience et ta capacité ».
Un peu plus tôt, il congratulait : « Tu es la fierté des femmes algériennes qui portent nos couleurs ».
Et si Imane rééditait cela à Los Angeles ?
O.H
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Les féministes n’ont pas d’humour
Sous la direction de Jeanne Mathieu-Lessard
et
Sophie-Anne Morency
En librairie le 11 novembre
Un essai qui met en lumière un aspect méconnu des luttes actuelles féministes et qui s'attaquent à l'un des derniers bastions masculins.
Ce collectif vise à montrer que les mots humour et féminisme ne sont pas incompatibles. Si les premières et rares filles à monter sur scène dans les décennies précédentes hésitaient à se dire d'emblée féministes pour ne pas s'aliéner l'auditoire, il en va autrement aujourd'hui. Nombre d'humoristes affichent haut et fort leur posture politique.
Les textes qui composent cet ouvrage proposent d'abord des analyses ciblées sur des styles ou des autrices féministes. On y parle de bandes dessinées comme moyen de contestation, on montre comment L'Euguélionne de Louky Bersianik, un ouvrage féministe hilarant, se moquait en fait des prétentions de la philosophie masculine, ou comment Catherine Léger, à travers son théâtre, fait entendre son ironie.
On montre aussi le changement dans la façon de traiter la maternité en la désacralisant, on aborde les difficultés pour les filles d'arriver aux scènes « officielles » à travers l'expérience des Femmelettes, les défis des femmes clownes, le cran de Coco Belliveau qui aborde par l'humour le sujet explosif des agressions sexuelles.
Avec des textes d'Emna Achour, Anne-Sarah Charbonneau, Mira Falardeau, Cynthia Jean-Louis, Lucie Joubert, Noémie Leduc-Roy, Mélissa Thériault, Zed Cézard, Geneviève Fafard, Marie-Claude Garneau, Garihanna Jean-Louis, Coralie LaPerrière, Emilie Ouellette et Catherine Thomas.
Co-directrice
Jeanne Mathieu-Lessard est enseignante et chercheuse en littérature. Elle a fait paraître la monographie Framing Literary Humour. Cells, Masks and Bodies as 20th-Century Sites of Imprisonment (Bloomsbury 2020). Elle est co-autrice de Sans blague ! Une anthologie de l'humour des femmes (Somme toute, 2024).
Co-directrice
Sophie-Anne Morency est candidate au doctorat en sociologie ; elle y mène des recherches sur les initiatives de mobilisations collectives d'humoristes québécoises.
Extrait - Les féministes n'ont pas d'humour
« La page de @pasdefillesurlepacing, ce n'est pas de la grande diplomatie, ça ne s'est jamais vanté de l'être non plus. C'est fait pour brasser de la marde. Aller voir un à un les gens qui bookent pour leur expliquer aimablement qu'ils seraient donc fins de faire au moins une place sur le spectacle à une représentante de 50% de la population, ça ne me tentait pas. Déjà, parce que je n'ai pas les aptitudes sociales qui me permettent de m'étamper un sourire artificiel dans la face. Aussi, parce qu'en termes d'énergie investie, brasser de la marde est souvent plus efficace pour aboutir à un résultat ou, du moins, une réaction. Demander gentiment, ça a l'inconvénient de faire passer nos exigences comme une option. Brasser de la marde, c'est salissant, c'est sûr, mais c'est indéniablement revendicateur et ça fait jaser. »
Emna Achour et Coralie LaPerrière : « Pas de filles sur le pacing : brasser la cage une capture d'écran à la fois »
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Des arbres dans nos champs d’Alain Olivier
Pourquoi avons-nous séparé les arbres, les cultures et les animaux ? Les arbres dérangent-ils à ce point ? Pourquoi ne pas en faire des alliés en agriculture ? Il est temps de redécouvrir les vertus de l'agroforesterie.
Pour relever les défis en agriculture, les arbres sont nos alliés. Ils contribuent à améliorer la santé des sols, à accroître la biodiversité et à lutter contre les changements climatiques, participant ainsi à une agriculture soutenable. Pourquoi ne font-ils pas l'objet d'une plus grandeconsidération dans la révolution agroécologique en cours ? Pourquoi nous entêtons-nous à compartimenter les arbres (foresterie), les cultures (agriculture) et les animaux (élevage) ? Et si nous faisions fausse route ?
Dans ce plaidoyer aussi avisé que stimulant, Alain Olivier démontre pourquoi les arbres devraient occuper une place de choix dans nos agroécosystèmes. Cultiver la forêt et la savane, planter des arbres dans nos jardins et nos champs, élever des animaux parmi les arbres... En épousant davantage le fonctionnement des écosystèmes naturels, l'agroforesterie permet non seulement de maintenir les équilibres biogéochimiques à la base de notre existence, mais aussi d'assurer la satisfaction des besoins élémentaires de milliards d'êtres humains. Ce mode d'exploitation agricole, qui mise sur l'association des arbres avec les cultures ou les élevages, a également des effets bénéfiques sur le plan social (sécurité alimentaire), économique (vitalité régionale) et affectif : « [...] tous les agroécosystèmes ne se valent pas quand vient le temps de comparer le bien-être qu'ils procurent à leurs artisans, ainsi qu'à leurs concitoyennes et concitoyens. »
Cet ouvrage, qui s'appuie sur une importante littérature scientifique et les études auxquelles a pris part l'auteur, est complété par des portraits généreux d'agricultrices et d'agriculteurs qui ont croisé sa route au fil de ses voyages professionnels. Il est appelé à devenir une référence de premier plan sur le thème de l'agroforesterie.
Alain Olivier est professeur à l'Université Laval, où il dirige le Groupe interdisciplinaire de recherche en agroforesterie (GIRAF) et le programme de maîtrise en agroécologie. Lauréat en 2004, à Paris, du Prix international La Recherche, mention Environnement, pour ses travaux de recherche en agroforesterie, il est également l'auteur de La révolution agroécologique. Nourrir tous les humains sans détruire la planète (Écosociété, 2021)
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Quand l’Angleterre inventait le sionisme
On sait peu qu'avant de prendre une forme organisée dominée par sa fraction travailliste, le sionisme a connu une expansion idéologique à caractère messianique, essentiellement concentrée en Angleterre. Sonia Dayan-Herzbrun nous le rappelle dans un livre court, dense et très utile intitulé Le Sionisme, une invention européenne.
Tiré d'Orient XXI.
Sonia Dayan-Herzbrun
Le Sionisme, une invention européenne. Genèse d'une idéologie
Lux Éditeur (Montréal, Québec)
120 pages
Qui connaît le rôle important que joua Oliver Cromwell (1) , dès le XVIIe siècle, dans la formation d'un « sionisme chrétien », lequel occupa une place prépondérante dans la thèse évangélique selon laquelle « la rédemption chrétienne de toute l'humanité ne peut advenir qu'après le retour des enfants d'Israël dans leur patrie perdue ? » ((2) Dans son livre Le Sionisme, une invention européenne, Sonia Dayan-Herzbrun, professeure émérite de sociologie politique à l'université Paris-Diderot et spécialiste de la colonialité, montre comment, à partir de ces prémices, et de toutes les puissances européennes qui cherchèrent à bâtir un empire colonial, la Grande-Bretagne s'avéra — foi messianique et diplomatie convergeant — la plus intéressée par la conquête de la Palestine.
Les Palestiniens comme nouveaux « Indiens »
Dès 1877, Lord Shaftesbury, millénariste évangélique, voit en la Palestine « le moyen le moins cher et le plus sûr » de sécuriser la Route des Indes, au profit de Sa Majesté. « Proto-sioniste victorien » passionnément chrétien, comme le qualifie l'autrice, le parlementaire et journaliste Laurence Oliphant propose, au dernier quart du XIXe siècle, de conquérir la « Grande Syrie » — territoire qui correspond aujourd'hui à la Syrie, au Liban, à la Jordanie et à la Palestine — en y imposant « le même système que nous avons adopté avec succès au Canada à l'égard de nos tribus indiennes, qui ont été confinées dans leurs réserves et vivent ainsi en paix ». On appréciera le « nos tribus »…
Oliphant méprise les juifs d'Europe de l'Est, ces pouilleux qui fuient alors l'empire tsariste. Quant à ceux qui commencent à s'installer en Palestine, ils « ne sont que des instruments pour réaliser la prophétie et parvenir à la rédemption des Européens chrétiens ». Mais à l'époque, l'Angleterre n'est pas seule à s'intéresser à la Palestine. En France, Henry Dunant, fondateur de la Croix-Rouge, propose à Napoléon III (1851-1870) de mettre la main sur le Proche-Orient et d'y installer « un petit État hébreu qui, tout en étant sous protection internationale, relèverait de la France ».
Lord Balfour, ou la promesse d'un antisémite
La suite de l'histoire est mieux connue. Sonia Dayan-Herzbrun en rappelle quelques aspects peu reluisants. Ainsi, lorsque Lord Balfour, ministre britannique des affaires étrangères, promet en 1917 à l'Organisation sioniste, fondée vingt ans plus tôt, l'établissement d'un « foyer juif » en Palestine, ce n'est pas par philanthropie envers les populations juives. En réalité, Balfour vomit ces « schnorrers » (3), ces gueux qui fuient les pogromes en Europe de l'Est et affluent en Occident. C'est pourquoi il leur « offre d'aller défricher la Terre sainte. Tout pour éviter de les accueillir en Grande-Bretagne ». Herzl, le fondateur du sionisme moderne, n'aurait rien trouvé à redire. N'avait-il pas imaginé, puisque les Ottomans, propriétaires de la Palestine à l'époque, s'opposaient à la venue des colons juifs, d'envoyer ces mêmes gueux en Ouganda ?
Quant au regard majoritairement porté initialement par le mouvement sioniste sur la Palestine, l'autrice cite la lettre envoyée au même moment à Balfour par Haïm Weizmann, un de ses hauts dirigeants qui deviendra en 1948 le premier président de l'État d'Israël. On y lit ceci :
- Les conditions actuelles tendraient nécessairement vers la création d'une Palestine arabe — s'il y avait un peuple arabe. Elles ne donneront pas ce résultat, car le fellah [« le paysan »] a au moins quatre siècles de retard, et que l'effendi [« le notable »] est fourbe, inculte, cupide et aussi peu patriote qu'il est peu efficace.
La sociologue souligne également que, si le sionisme a connu, de tout temps, des oppositions internes à sa nature coloniale, celles-ci ont toujours été « très minoritaires » et sans aucune influence.
« La Bible est notre mandat »
Dayan-Herzbrun ne manque pas de rappeler combien, à ses débuts, le sionisme fit l'objet d'un rejet massif dans les communautés juives. Pas seulement chez les rabbins, dont l'immense majorité était radicalement hostile à toute vision messianique, mais aussi tant parmi les juifs progressistes que les grands bourgeois parvenus à « s'intégrer » en Europe occidentale. Ainsi Lord Edwin Samuel Montagu, troisième ministre juif britannique, s'oppose virulemment à la Déclaration Balfour : « Si l'on affirme que la Palestine est la “patrie nationale des Juifs”, chaque pays voudra immédiatement se débarrasser de ses citoyens juifs », clame-t-il, craignant que le sionisme n'alimente l'antisémitisme et que la Palestine devienne « le ghetto du monde » (4).
Plus largement, l'autrice offre un regard acéré sur les racines à la fois coloniales et socialistes auxquelles le sionisme s'est longtemps référé en majorité. Pour ce qui est du colonialisme, elle rappelle le célèbre slogan du sionisme : « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre. » Au fond, les habitants de la Palestine n'en sont pas les propriétaires. Pour les sionistes, leurs terres sont « soit inhabitées (…), soit occupées par des groupes qui ne sont pas des véritables peuples, mais des bandes, des tribus, des ethnies dans lesquels on ne voit pas des humains au sens plein du terme », écrit-elle. Quant à l'autre versant du sionisme initialement dominant, le socialisme, elle rappelle dans un chapitre éclairant intitulé « La Bible comme arme et les armes comme Bible » que le chef historique du sionisme socialiste, David Ben Gourion, un homme totalement sans religion, déclarait cependant en 1937 : « La Bible est notre mandat. » Avec la Bible en viatique, les frontières d'« Eretz Israel », la terre d'Israël, deviennent poreuses et mouvantes, selon les circonstances et les conquêtes.
Si Sonia Dayan-Herzbrun remonte à la genèse de l'idéologie sioniste, c'est pour mieux faire comprendre en quoi celle-ci a pesé sur ce qu'est devenu l'État d'Israël. Ce faisant, elle ouvre aussi un champ de réflexion sur une question simple : comment une idéologie coloniale fondée sur l'idée de l'émergence d'un « nouveau Juif », un juif fort et débarrassé des tares de l'« exil » — sa « faiblesse » congénitale face à l'antisémitisme —, comment donc cette idéologie qui ambitionnait de s'émanciper de l'enfermement dans le ghetto a-t-elle pu sombrer en un siècle dans une course au messianisme le plus obtus ? Tant il est vrai qu'en Israël, aujourd'hui, les « nouveaux rabbins » ont triomphé dans la guerre culturelle qu'ils ont menée depuis des décennies pour faire concorder nationalisme et messianisme, faisant du sionisme initial une utopie en voie de disparition. Au point d'arriver à influencer le débat en France puisque l'émission sur le sionisme prévue par France-Culture avec la participation de Sonia Dayan a été purement et simplement annulée.
Notes
1- Homme d'État anglais, il instaure la République en 1649.
2- Sauf mention contraire, les citations sont tirées de l'ouvrage de l'autrice.
3- Terme yiddish signifiant « mendiant », « parasite » ou « quémandeur ».
4- Ces citations sont tirées du livre de Béatrice Orès, Michèle Sibony et Sonia Fayman Antisionisme, une histoire juive, Syllepse, 2023.
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New York, tu m’étonneras toujours !
Au grand désarroi des Donald Trump de ce monde, éternels alarmistes à la mèche courte et aux tweets flamboyants, un musulman, croyant pratiquant, a été élu maire de la plus grande ville des États-Unis et dans le monde. New York est à nouveau debout et avec elle l'espoir.
La nouvelle a résonné comme un coup de tonnerre sur Wall Street : un musulman à la tête de la ville qui ne dort jamais ?! Les taxis crient, les pigeons font la danse. La ville s'incline devant sa cadence.
On se pose alors la question, évidemment : à qui Zohran Mamdani doit-il cette victoire improbable, délicieusement inattendue, presque surréaliste !
À son programme socialiste, peut-être ? Ha ! Non. Dans une ville où prononcer le mot « socialiste » en public peut faire tousser les traders, cela aurait dû être un handicap. Mais non, le peuple new-yorkais a vu dans cet homme ce que les Donald, aveugles de leur arrogance, ne pourraient jamais voir.
À ses origines musulmanes, indiennes et africaines ? Encore moins. New York est une ville qui avale les origines comme on avale un hot-dog, sans hésitation et avec une rapidité déconcertante. Les habitants n'ont que faire des généalogies complexes quand il s'agit de voter pour quelqu'un qui parle à leur rythme.
À un mystérieux courant mondial en faveur des musulmans au pouvoir en occident ? Allons. Si cela existait, un rapport de l'ONU aurait été publié et aurait fait la une des journaux. Rien de tel ne s'est produit.
Qu'a donc Mamdani que les autres n'ont pas ?
Eh bien… lui-même.
Oui, la réponse est aussi simple : Mamdani doit sa victoire à Mamdani. À sa présence. À son flow, à sa verve qui capte tout, même les regards blasés. Cette capacité à parler avec autorité sans imposer, à balancer les mots comme des beats bien posés. Chaque phrase est un couplet, chaque discours un scratch. Mamdani donne l'impression que chacun dans la salle est important. Il transforme les réunions en jam session subtile. Les débats en freestyle où la politique scintille. Un vrai superpouvoir.
Faut-il le rappeler ? Zohran Mamdani a été rappeur, sous le nom de Young Cardamom. Il connaît le rythme, la cadence, la syncope des syllabes. Chaque phrase qu'il prononce résonne comme un couplet bien travaillé, et la ville entière semble hocher la tête en harmonie, même ceux qui ne veulent pas l'admettre.
Ce groove interne, ce battement subtil qui accompagne chaque mot, transforme un discours en performance. Banquiers, chauffeurs de taxi, enseignants, livreurs, de droite comme de gauche, même les juifs de la ville, vêtus de noir, tous se sont laissés entraîner beaucoup plus par ce tempo que par une origine, une religion ou une tendance globale. Le rythme.
New York, ville de jazz, de hip-hop, de sirènes et de chantiers, exige un maire qui comprend le tempo. Un leader sans groove serait vite dépassé. Mais Young Cardamom, arrivé de son Afrique natal à l'âge de 7 ans, a appris très tôt à marcher dans le beat de la ville. Le reste ? Le reste n'est que bruit médiatique, exagérations et tweets en majuscules d'un certain Donald.
Un Donald dont le rythme évoque surtout une casserole tombant dans l'escalier.
Cela étant dit, clairement dit, disons l'essentiel : Si j'étais un new yorkais, j'aurais voté pour Mamdani, pas parce qu'il est le musulman, ce n'est pas cela qui m'impressionne chez-lui, ni pour son ton, son rap, son charisme, non. J'aurais voté pour son programme.
Si la nouvelle mairesse de Montréal veut faire disparaître le triste souvenir de Denis Coderre, elle devrait s'inspirer du programme de Mamdani que voici, en quelques mots :
Réduire le coût de la vie dans la ville : logement abordable, gel des loyers pour certains logements stabilisés. Transport : soutenir le transport en commun gratuit ou très accessible (projet de bus gratuit). Fiscalité : taxation accrue des très hauts revenus et des grandes entreprises, pour financer les services publics. Sécurité publique : il privilégie une approche communautaire, centrée sur le travail social et la santé mentale, plutôt que la simple hausse des effectifs policiers. Politique étrangère & sociale : il s'engage sur les droits des immigrants et s'est affiché ouvertement Pro-palestinien, dénonçant le génocide à Gaza en attirant l'attention internationale. Son passage à Al Jazeera a frappé. Cette position, clairement anti-sioniste, à elle seule aurait dû l'exclure de toute ambition politique. Oui, j'aurais voté pour le courage en politique.
Mamdani a proposé à ses électeurs un programme concret, socialement ambitieux, audacieux et surtout courageux. Mais il fallait l'accompagner d'un groove et d'un flow qui sonne bien aux oreilles des new yorkais. New York a maintenant son prince qui prie cinq fois par jours en direction de la Mecque au grand malheur des Donald de ce monde.
New York, tu m'étonneras toujours !
Montréal, j'attends !
Dans Voyage au bout de la nuit, Céline, le grand styliste, écrit, en abordant New York, qu'elle lui apparut comme une ville debout, surgissant devant lui tandis que le bateau le portait depuis l'Afrique.
Aujourd'hui, avec l'élection de Mamdani, New York se tient de nouveau debout, et avec elle renaît l'espoir d'une Amérique qui n'aurait plus besoin d'écraser le monde pour exister.
Mohamed Lotfi
6 Novembre 2025
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Xénophon : Hiéron ou le traité sur la tyrannie
Originaire des environs d'Athènes, Xénophon (-426 à -354) naquit dans une riche famille aristocratique. Il participa à la défense d'Athènes lors de la guerre du Péloponnèse. En 401 av. J.-C., il s'engagea aux côtés des Spartiates et de Cyrus le Jeune qui cherchait à renverser son frère le roi Artaxerxès. Après l'échec de l'expédition des Dix-Mille et la mort de Cyrus, Xénophon fut élu général et parvint à ramener, dans des conditions difficiles et précaires, les troupes grecques vers la mer. Pour avoir servi dans les rangs de Cyrus, il sera, en -399, ostracisé d'Athènes pour une période d'un peu plus de vingt ans. Ce ne sera qu'en -367 qu'il y rentrera.
Auteur prolifique, Xénophon nous a légué une œuvre diversifiée. Disciple de Socrate, il a puisé dans son enseignement pour produire des écrits qualifiés de socratiques, tels que Les Mémorables, Le Banquet, L'Apologie et, dans une certaine mesure, L'Économique. En tant qu'historien, il est l'auteur de L'Anabase et, surtout, des Helléniques, où il reprend le récit de la guerre du Péloponnèse à l'endroit où Thucydide avait interrompu son travail. Bien qu'Athénien de naissance, il était profondément attaché à Sparte. Xénophon a écrit des ouvrages politiques qui témoignent de son admiration pour cette cité, la célèbre rivale d'Athènes. Tout au long de son œuvre, il n'a cessé d'explorer les questions liées à la forme et à l'exercice du pouvoir, tout en esquissant la figure du chef idéal. Certains de ses écrits, comme La Constitution des Lacédémoniens, Agésilas et Hiéron, expriment son admiration pour Sparte et examinent la possibilité de transformer la tyrannie en une forme de « despotisme éclairé » (Degage, 1984 ; Dorion, 2021 ; Vernière, 1998).
Xénophon méprisait souverainement la démocratie d'Athènes. Il la jugeait « incompétente et rancunière » (Vernière, 1998). Il voyait dans la foule les bourreaux de Socrate. Ses préférences se portaient vers l'aristocratie. Dans ses dernières années, Xénophon évoluera vers le rêve monarchique d'un « despote éclairé », une sorte de « souverain providentiel » (Vernière, 1998). Que pense-t-il alors de la tyrannie ? Comment son analyse se distingue-t-elle de celle de Platon, d'Aristote, d'Épictète et de Polybe ? Les modernes et les contemporains ont-ils raison de substituer tyrannie par « autoritarisme » ou « totalitarisme » ?
Hiéron
Le dialogue intitulé Hiéron constitue un parallèle entre la vie du tyran et celle de l'homme privé (Xénophon, 1954 ; 2021). Dans ce cadre, le poète Simonide, venu rendre visite à Hiéron l'Ancien, frère de Gélon et tyran de Syracuse, engage avec lui un échange qui porte sur les diverses conditions de l'existence humaine. Simonide, interrogeant son hôte sur la nature de sa condition après être passé du rang de simple particulier à celui de tyran, lui demande s'il préfère désormais celle qui est la sienne. Hiéron répond en retraçant le tableau de sa situation sous les couleurs les plus sombres.
À l'inverse des douceurs de l'amitié, il ne connaît que les méfiances et les soupçons inhérents à la tyrannie : il se trouve constamment gêné au milieu des richesses, contraint de s'appuyer sur des étrangers par crainte d'être trahi ou assassiné par ses sujets. Or, bien que la tyrannie apparaisse comme un mal insupportable, le danger demeure pour lui de s'en départir. Telle est la vie d'Hiéron et tels sont les maux qui l'assaillent.
Simonide ne croit pas à l'irréversibilité de ces malheurs ; et comme il existe des cas dont la guérison dépend du caractère et de la volonté d'Hiéron lui-même, il démontre que, dans sa condition nouvelle, il peut encore atteindre le bonheur si, dès lors, il oriente tous ses efforts et emploie l'intégralité de ses ressources à favoriser le bonheur de la cité sur laquelle s'exerce son pouvoir absolu[1].
Différences dans l'analyse de la tyrannie chez Platon, Aristote, Épictète et Polybe
Manifestement, l'analyse de la tyrannie a donné lieu à des approches diversifiées chez les auteurs de l'Antiquité. Pour Platon (428/427 à 348/347 av. J.-C.), la tyrannie est la pire des formes de gouvernement. Il s'agit, pour lui, d'une sorte de maladie de l'État. Le tyran est dépeint comme un être démesuré et violent, soumis à ses passions illégitimes, exerçant son pouvoir par la violence et la peur. Platon s'oppose fermement à la tyrannie. Dans République, il préconise le règne des philosophes-rois, capables de diriger avec justice et sagesse, alors que dans le livre Les lois, il envisageait la possibilité de l'existence du « bon tyran » (Guineret, 2014, p. 765 ; Million-Delson, 1985, p. 177 ; Platon, 2006, §709e).
Aristote (-384 à -322), de son côté, considère la tyrannie comme la forme la plus ignoble de la monarchie dévoyée (« le pire des gouvernements »), gouvernant uniquement pour l'intérêt personnel du tyran, sans justice ni souci du bien commun. La tyrannie repose sur la peur, la manipulation et la violence (Aristote, 1971, p. 106-107).
Xénophon (un contemporain de Platon), au contraire, présente le tyran comme un personnage complexe et malheureux, souvent isolé, jaloux des richesses et prisonnier de ses propres désirs excessifs. Dans son dialogue Hiéron, il explore la possibilité de réformer ou d'orienter le tyran vers un comportement plus vertueux et heureux, distinguant le tyran du roi par l'absence d'eusebia (piété, respect des dieux) et le non-respect de la loi. Pour Xénophon, le tyran vit dans la méfiance constante et l'insécurité, ce qui gâche son existence. Il porte un regard moins abstrait et plus politique sur la tyrannie, soulignant la dimension sociale et morale du tyran et tentant d'en comprendre la nature pour envisager une réforme possible.
L'analyse de Polybe (-200 à -120) sur le tyran comporte une différence notable de celle de Xénophon. Polybe présente le tyran dans le cadre de sa théorie de l'anacyclose (un cycle de transformation successive des régimes politiques). Pour lui, la tyrannie est une forme corrompue de la monarchie, c'est-à-dire où le pouvoir devient absolu, arbitraire et oppressif. Il distingue le tyran du roi : ce dernier gouverne avec vertu et sagesse, alors que le premier est corrompu, gouverne dans son intérêt personnel, par la peur et la violence. La tyrannie conduit à la chute du régime et à la transition vers une aristocratie, suivant un cycle politique naturel.
Épictète (50 à 135) invite pour sa part à l'indifférence et au détachement intérieur face au pouvoir arbitraire du tyran. Il optait pour la liberté intérieure et la résistance psychologique plutôt que sur la lutte politique contre la tyrannie. Pour lui, le tyran est celui qui a perdu le chemin vers sa propre sagesse et ne comprend pas sa place collective. Comme nous l'avons écrit dans un autre article[2], Épictète nous a donné la forte impression de prôner une forme de passivité politique qui laisse le tyran agir tant que l'individu conserve sa sérénité intérieure.
À l'époque de l'Antiquité grecque, le concept de tyrannie semble s'appliquer à un régime politique monocratique (ou d'une autorité arbitraire et parfois violente), né d'un coup de force et pouvant bénéficier, parfois (comme avec Pisistrate à Athènes) d'un appui populaire. Le tyran est donc celui qui s'est imposé ou emparé du pouvoir même s'il pouvait, à l'occasion, gouverner d'une manière juste.
Le concept de tyrannie ne signifiera plus nécessairement la même chose chez les auteurs modernes et ce, surtout à partir de la période contemporaine (qui débute avec la Révolution française).
La tyrannie chez les modernes
Au chapitre 3 du livre XIX De l'esprit des lois, Montesquieu distingue et oppose deux tyrannies : l'une réelle (définie par référence aux lois) et l'autre, la tyrannie d'opinion (définie par rapport aux mœurs et aux manières)[3] :
« De la tyrannie
Il y a deux sortes de tyrannie : une réelle, qui consiste dans la violence du gouvernement ; et une d'opinion, qui se fait sentir lorsque ceux qui gouvernent établissent des choses qui choquent la manière de penser d'une nation.
Dion dit qu'Auguste voulut se faire appeler Romulus ; mais qu'ayant appris que le peuple craignait qu'il ne voulût se faire roi, il changea de dessein. Les premiers Romains ne voulaient point de roi, parce qu'ils n'en pouvaient souffrir la puissance ; les Romains d'alors ne voulaient point de roi, pour n'en point souffrir les manières. Car, quoique César, les triumvirs, Auguste, fussent de véritables rois, ils avaient gardé tout l'extérieur de l'égalité, et leur vie privée contenait une espèce d'opposition avec le faste des rois d'alors ; et quand ils ne voulaient point de roi, cela signifiait qu'ils voulaient garder leurs manières, et ne pas prendre celles des peuples d'Afrique et d'Orient.Dion nous dit que le peuple romain était indigné contre Auguste, à cause de certaines lois trop dures qu'il avait faites ; mais que sitôt qu'il eut fait revenir le comédien Pylade, que les factions avaient chassé de la ville, le mécontentement cessa. Un peuple pareil sentait plus vivement la tyrannie lorsqu'on chassait un baladin, que lorsqu'on lui ôtait toutes ses lois. » (Montesquieu, 1995[1748], p. 566).
Tocqueville et Mills (Well, 1968, p. 230) ont repris à leur compte le concept de la tyrannie. Chez ces deux derniers auteurs, il ne s'agit pas d'un régime politique, mais plutôt d'une dynamique relationnelle entre une majorité numérique de la population qui refuserait à une minorité de personnes ayant des caractéristiques communes l'exercice de certains droits. Il s'agit ici, chez ces deux auteurs, du phénomène de « la tyrannie de la majorité ».
Dans la réalité politique contemporaine, le concept de tyrannie semble être délaissé par les théoriciennes et les théoriciens. Ce sont plutôt les concepts d'autoritarisme et de totalitarisme qui ont été privilégiés par les spécialistes en philosophie politique et en science politique (Hermet, 1985, p. 271 ; Raynaud et Rials, 1996, p. 821-824). Comme si dans les périodes précédant les temps modernes, il n'y avait pas d'États ou on ne pouvait imaginer l'idée de la nation. Or, l'autoritarisme et le totalitarisme s'inscrivent dans une réalité politique suivant la division des pouvoirs fixés par Montesquieu ; division et distribution des pouvoirs entre le législatif et l'exécutif, et indépendance du pouvoir judiciaire. Des exemples de totalitarisme au XXe siècle démontrent leur apparition lors de victoires démocratiques et non d'usurpations des gouvernements, la suppression des partis d'opposition et l'hégémonie d'un groupe sous un chef d'État qui prend possession de tous les pouvoirs. On a voulu ainsi s'éloigner des régimes du passé, afin de tenir compte des nouveaux rouages despotiques de notre époque. Or, pouvons-nous qualifier les tyrannies de l'Antiquité d'autoritarisme et de totalitarisme ? La plupart assurément, selon leurs spécificités. À l'inverse, pouvons-nous envisager de qualifier de tyrannies certains gouvernements ou États actuels ? Bien entendu. Ce n'est pas parce que les partis au pouvoir ont été élus démocratiquement qu'ils n'usurpent pas ou ne vont pas au-delà des pouvoirs accordés. Ainsi, ramener des termes passés ne doit pas toujours être décrié tels des anachronismes, puisque leur usage sert à démontrer à quel point l'humain semble incapable d'apprendre de ses erreurs aussi lointaines soient-elles.
Une morale sur la misère du tyran
Revenons un bref instant avec Xénophon avant de conclure. Contrairement à ses confrères philosophes qui se placent à l'extérieur pour juger les tyrans, l'approche préconisée dans Hiéron permet de donner la parole au tyran lui-même. Qui de mieux placer d'ailleurs pour discourir sur ses difficultés ou sa misère que celui-ci, dirons-nous. Mais il y a plus, puisque le dialogue permet de mettre en lumière l'enseignement reçu de Socrate à travers la dialectique. Il serait aisé de revenir sur l'image pernicieuse du tyran comme la dépeignent ceux et celles qui subissent son pouvoir. Simonide use plutôt de la flatterie, vantant donc les richesses, les prouesses et la puissance du tyran, à savoir une vie rêvée, qui font l'envie et aussi la jalousie, quoique ces derniers sentiments soient sous-entendus. Car c'est Hiéron lui-même qui les soulèvera dans son argumentation contraire, d'où l'ouverture sur un dialogue favorable à la dialectique socratique, afin d'exposer soudainement une vie cauchemardesque.
L'opulence et la gouverne ne semblent pas accorder le bonheur et pour cause. Il subsiste une contradiction dans le désir d'avoir toujours davantage et, par ricochet, de défendre constamment ses acquis, pour ainsi créer un état d'insatisfaction, d'angoisse et de paranoïa permanent. L'usurpation du pouvoir soi-disant pour un bien renferme en elle-même un châtiment. Être identifié de tyran signifie être tombé dans la tyrannie ; il ne s'agit pas seulement d'actions portées contre autrui, mais aussi contre soi-même. Voilà pourquoi Platon a mis en corrélation l'homme (c'est-à-dire l'humain) et sa cité (ou société) dans sa République, en raison de cette relation réciproque où l'individu se colore de son groupe, comme le groupe se teinte de chaque individu. Et ses successeurs, entre autres Aristote, Polybe et ainsi de suite jusqu'à Montesquieu, maintiendront ce fondement, ce qui inclut les facteurs qui servent à corrompre les régimes pour faire entrer la tyrannie. Xénophon y participe à sa façon et tente, comme déjà dit, d'attendrir le tyran pour le rendre meilleur.
Simonide posera une question fort intéressante, possible de paraphraser comme suit : « si la tyrannie est à ce point une chose misérable, causant donc de grands maux, pourquoi ne pas s'en délivrer ? », et la réponse d'Hiéron expose l'emprise qu'elle a sur lui : « On ne peut s'en défaire » (Xénophon, 1878, p. 494), autrement dit « on ne peut s'en sortir ». Tyran une fois, tyran toujours, semble-t-il dire. La tyrannie ne consiste pas seulement à un état de fait ou des actes posés, mais peut être incarnée. Elle vit dans les gens, elle se colle à la peau. Si une bonne réputation prend du temps à se construire et se voit rapidement détruite, à l'inverse la réputation de tyran se construit rapidement et prend beaucoup de temps à se défaire. Dans son cas, Hiéron semble incapable d'envisager un retournement de situation, puisque cela lui exigerait une vie entière.
En bref, Hiéron se confie sur la descente aux enfers de son âme, puisque l'ambition du pouvoir lui a monté à la tête, le faisant tomber dans la concupiscence et le matérialisme extrême, à savoir tout ce qui empêche l'élévation de l'âme. D'ailleurs, la philosophie grecque prêchait la perfectibilité, non pas du corps, quoiqu'il soit d'une grande utilité, mais de l'âme qui devait faire sa route sur terre et gagner des points pour l'autre-monde. Mais Hiéron a déjà fait les premiers pas pour s'extirper de la tyrannie qui brûle son âme, ce qui sûrement a été perçu par Simonide, pour l'aider à s'améliorer. Pour tout dire, le tyran a pris conscience des effets de la tyrannie à la fois sur lui-même et sur autrui ; il a appris ses effets dévastateurs. Ouvert à la voie de sortie présentée par Simonide, nous pouvons toutefois anticiper celle qui le chicotait et qu'il attendait, à savoir la mort, d'une façon ou d'une autre : se tourner vers le bien risque de lui faire baisser sa garde, le rendant ainsi vulnérable, et préférer le statu quo le maintiendrait dans son état de guet jusqu'à la fin. Alors, l'exil ? Le régime du solitaire ou la voie de se retrouver avec lui-même serait assurément une alternative profitable. Dès lors, un sacrifice immense à accepter, lui qui vivait dans le matérialisme et l'abondance.
Voilà donc la morale de l'histoire pour ceux et celles qui aspirent au pouvoir, c'est-à-dire d'éviter les appâts rendant tyrannique, en préférant la vertu, en favorisant l'élévation de l'âme plutôt que les désirs du corps et les frivolités matérialistes qui illusionnent en termes de prestige et qui créent une envie insatiable. Malheureusement, ce précepte ne semble pas avoir eu suffisamment d'écho, puisque de nos jours nous évoluons dans un régime économique qui favorise les déviances menant à la tyrannie. En raison du capitalisme actuel, le matérialisme excessif par l'accumulation contribue à une insatisfaction continue, alors qu'on nous promettait le bonheur. Ce bonheur possible pour quiconque, pour faire en même temps de quiconque des tyrans de petits royaumes sous l'emprise de plus grands qui tirent les ficelles. La liberté vantée l'est par la capacité de payer sa sortie du travail qui, paradoxalement, est nécessaire à obtenir les moyens de s'en sortir et qui permet toujours d'accumuler davantage ; voilà un rouage conflictuel qui sert bien l'accumulation exponentielle et donc l'impossibilité du contentement heureux. Car le jeu des comparaisons en société accentue les envies et les jalousies, poussant vers la quête de l'image et de la performance. Voilà l'emprise de la tyrannie qui se généralise plus que jamais, créant névroses et psychoses.
Peu importe l'époque, la tyrannie fait partie de l'être humain, telle la fabulation de la supériorité recherchée sur des semblables à rendre concrète, et ce, toujours dans le but de gagner cette image auprès d'elles et d'eux, puisque sans leur présence elle disparaîtrait. Voilà donc une illusion qui s'associe à des besoins égoïstes pourtant incapables de tout contrôler. Au fond, il y a refus d'accepter ce fait. Bien qu'il s'agisse d'un réflexe naturel, afin de nous aider à faire face à l'inconnu et ainsi se donner des repères sécurisants, celui-ci bloque notre apprentissage de la vie terrestre, nous impose donc à porter des oeillères et à devenir critiques à l'endroit des autres, précisément aussi à l'endroit de leur façon d'être et de vivre. S'expose ici la première étape par laquelle un simple particulier peut en arriver à devenir un jour tyran. En se comparant à soi-disant mieux que lui, tout en envisageant le sens de la vie à partir d'une vision à sens unique, sans aucune alternative possible, ou préférant se cacher la vue si plusieurs se présentent. S'empêcher de voir se révèle peut-être pire que de voir le mauvais de notre monde. Ainsi, s'imposer la tyrannie, c'est accepter de contrôler ce qui ne le devrait pas, au point de créer des débordements jusqu'à la violence extrême pour casser ce qui doit (voire que l'on veut) casser. Un complément apparaît avec Épictète qui, par sa sagesse, nous propose de choisir de réguler ce qui nous concerne et non pas ce qui est hors de notre portée, mais plus encore, de reconnaître que ce qui nous trouble ne provient pas de l'extérieur, bien plutôt des jugements que nous portons, ce qui met au banc des accusés notre inclination à nous illusionner.
Conclusion
D'un point de vue historique, la première révolution anglaise (English Civil War qui se déroule de 1640 à 1649) et la Révolution française de 1789 vont procéder à l'exécution des rois Charles Ier et Louis XVI. Est-ce là la preuve que la tyrannie cesse d'exister et disparaît, pour autant, à tout jamais du paysage politique réel et qu'il faille par conséquent substituer au concept de tyrannie ceux d'autoritarisme et de totalitarisme ? Chez les Grecs de l'Antiquité la typologie des régimes politiques focalise sur le nombre des détenteurs du pouvoir (un : la monarchie ; une minorité : l'aristocratie ; le plus grand nombre : la république ou la démocratie). On mentionne également son équivalent corrompu : la tyrannie, l'oligarchie et la démocratie ou l'ochlocratie. Dans Alcibiade, Socrate enseigne à Alcibiade que pour diriger une Cité-État l'aspirant au pouvoir doit se connaître lui-même et surtout être capable de se gouverner lui-même avant de vouloir diriger autrui. Que ce soit chez Platon ou Xénophon, il y a un aspect psychologique à prendre en considération dans l'analyse du pouvoir politique ou de la gouverne de la Cité.
Les analystes du pouvoir politique ou de l'État semblent préférer aujourd'hui les concepts d'autoritarisme ou de totalitarisme pour l'étude de l'État. Tout semble se passer comme si l'analyse de la relation politique entre « dirigeantEs » et « dirigéEs » pouvait se déduire uniquement d'un cadre structurel (le fascisme, le nazisme, le communisme, etc.) ou d'un régime politique liberticide qui aurait peu à voir avec la soif de domination ou de commandement du, de la ou des dirigeantEs qui est ou sont au poste de commande dans une société. On semble avoir oublié que la condition humaine nous met toujours en présence de personnes déchirées entre la rationalité (nécessairement limitée) et, par conséquent, l'irrationalité.
Les régimes politiques présidentiels et parlementaires n'ont pas fait disparaître la possibilité de voir apparaître des dirigeantEs irrationnelLEs, donc aux élans tyranniques. L'accès au pouvoir, même aujourd'hui, ne se fait pas toujours dans le respect des règles juridiques ou légales. Une fois installé dans la chaise présidentielle ou dans le poste de primus inter pares, la soif de domination peut monter vite à la surface et la gouverne peut prendre une direction hors-la-loi. Le risque de contrainte par une seule ou un seul qui décide reste toujours possible même si la monarchie absolue, de droit divin ou non, ne semble plus avoir sa place dans les démocraties pluralistes représentatives occidentales.
Il ne faut jamais cesser de se demander qui prend les décisions ? Comment l'alternative a-t-elle été débattue, discutée ou prise en considération ? Dans un regroupement humain organisé, le pouvoir politique vient nécessairement avec la lutte pour la conquête et l'exercice du pouvoir. La personne qui est au pouvoir sait qu'elle peut être renversée ou chassée du pouvoir de différentes façons, c'est-à-dire légalement ou illégalement. Elle n'échappe pas non plus à la tentation de vouloir réduire les moyens de contestation de ses adversaires ou de ses ennemiEs. La vie politique est une vie de conflits qui sont susceptibles de se transformer en affrontements violents, et la tâche de la personne au pouvoir consiste à réprimer cette violence, parfois avec la loi, la ruse ou la violence (Machiavel, 1980).
Apprendre à se gouverner soi-même ne semble toujours pas une chose simple ou facile en ce bas monde. La dimension psychologique ne doit pas être exclue dans l'analyse comportementale des dirigeantEs politiques. Telle est la leçon que nous retenons de l'analyse de Xénophon au sujet de la tyrannie.
Guylain Bernier
Yvan Perrier
Notes
[1] Pour une analyse détaillée d'Hiéron, nous référons la lectrice et le lecteur à Louis-André Dorion (Xénophon, 2021, p. VII-CXLIV).
[2] Bernier, Guylain et Yvan Perrier. 2025. « Épictète : Réflexion critique sur le stoïcisme, la tyrannie et l'engagement politique ». https://www.pressegauche.org/Epictete. Consulté le 8 novembre 2025.
[3] La « tyrannie d'opinion » est mise en œuvre par ceux qui gouvernent sur l'opinion. « Ce sont les mœurs et les manières en tant qu'elles dictent les évaluations de la vie quotidienne. » (Binoche, https://books.openedition.org/pur/100680?lang=fr. note 12).
Bibliographie
Aristote. 1971. La politique. Paris : Éditions Gonthier, p. 106-107.
Degage, Alain. 1984. « Xénophon d'Athènes ». In Denis Huisman. Dictionnaire des philosophes. Paris : Presses Universitaires de France, p. 2686-2687.
Guineret, Hervé. 2014. « Tyrannie ». In Jean-Pierre Zarader. Dictionnaire de philosophie. Paris : Ellipses poche, p. 765-766.
Hermet, Guy. 1985. « L'autoritarisme ». In Madeleine Grawitz et Jean Leca. Traité de science politique : Les régimes politiques contemporains. Tome 2. Paris : Presses Universitaires de France, p. 269-312.
Hermet, Guy et al. 2015. Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques. Paris : Armand Colin, p. 305.
Machiavel. 1980. Le prince. Paris : Gallimard, 473 p.
Million-Delson, Chantal. 1985. Essai sur le pouvoir occidental. Paris : Presses Universitaires de France, 252 p.
Montesquieu, Charles de Secondat. 1995[1748]. De l'esprit des lois, I. Paris : Gallimard. 604 p.
Platon. 2000. Alcibiade. Paris : Garnier-Flammarion, 245 p.
Platon. 2006. Les lois : Livres I à VI. Paris : Garnier-Flammarion, 459 p.
Polybe. 2003. Histoire. Paris : Gallinard, p. 549 à 559.
Raynaud, Philippe et Stéphane Rials. 1996. « Tyrannie et despotisme ». Dictionnaire de philosophie politique. Paris : Presses Universitaires de France, p. 821-825.
Vernière, Yvonne. 1998. « Xénophon ». In Plusieurs auteurs. Dictionnaire des philosophes. Paris : Encyclopedia Universalis/Albin Michel, p. 1587-1591.
Well, Éric. 1968. « Politique : La philosophie politique ». Encyclopedia Universalis. Corpus 13. Encyclopedia Universalis France S.A., p. 225-231.
Xénophon. 1878. Morceaux choisis de Xénophon. Expliqués littéralement par F. de Parnajon, traduit en français par E. Talbot. Paris : Librairie Hachette et Cie, 804 p.
Xénophon. 1954. « Hiéron ou le traité sur la tyrannie ». In Leo Strauss. De la tyrannie. Paris : Gallimard, p. 9-38.
Xénophon. 2021. Hiéron. Paris : Les Belles Lettres, 156 p.
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Violences sexuelles et sexistes génocidaires induites par la guerre dans le Tigré, Éthiopie, vol. 1
La Commission d'enquête sur le génocide au Tigré (CITG) a publié un rapport complet sur les violences sexuelles et sexistes (SGBV) dans toute la région du Tigré. Ce rapport révèle des niveaux alarmants de violences commises à l'encontre des femmes et des filles pendant la guerre qui a débuté en novembre 2020. Les conclusions confirment que les VBG étaient généralisées et systématiques, constituant de graves violations des droits humains internationaux et du droit humanitaire, dans certaines circonstances, qui équivalent à des crimes internationaux, notamment des génocides, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre.
Tiré de Entre les lignes et les mots
L'évaluation, menée dans six zones et tous les woredas/districts accessibles du Tigré entre juillet et août 2022, avec des données supplémentaires déclarées par les victimes elles-mêmes et collectées en décembre 2023, fournit l'un des comptes rendus les plus complets sur la nature, l'ampleur et les conséquences durables des violences sexuelles commises en temps de guerre dans la région. L'étude souligne le besoin urgent de justice, de responsabilité et de réadaptation centrée sur les survivantes. Elle appelle à une action coordonnée aux niveaux national et international pour traiter les traumatismes subis par les survivantes et veiller à ce que les auteurs de ces crimes soient tenus responsables.
https://citghub.org/war-induced-genocidal-sexual-and-gender-based-violence-in-tigray-ethiopia-vol-1/
Traduit par DE
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« Les femmes qui portent la mémoire de la guerre ont été ignorées »
TURQUIE / KURDISTAN – Suzan Işbilen a déclaré que les femmes kurdes, qui portaient le plus lourd fardeau de la guerre, avaient été exclues du processus, ce qui soulève des doutes sur la sincérité de la paix.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Suzan Işbilen, présidente de l'Association des femmes Rosa, a déclaré : « Pour une véritable transformation sociale dans le processus de paix, il est essentiel que les femmes aient voix au chapitre. La véritable paix n'est possible qu'en écoutant celles et ceux qui ont souffert de la guerre. La mémoire portée par les femmes est la source la plus puissante pour éclairer ce processus. Tout processus qui ne sera pas entendu restera incomplet. »
Suite à l'« Appel à la paix et à une société démocratique » lancé par Abdullah Öcalan le 27 février, une « Commission pour la solidarité nationale, la fraternité et la démocratie » a été créée au Parlement. Elle a auditionné de nombreuses organisations non gouvernementales, des Mères de la paix, des familles de soldats, des partis politiques et des institutions. Plus récemment, des organisations de jeunesse et des associations de femmes ont été invitées à présenter leurs points de vue. Cependant, si cinq organisations de femmes ont été invitées, seule l'« Initiative des femmes J'ai besoin de paix » a été entendue comme voix d'opposition, et l'exclusion des organisations de femmes du Kurdistan a suscité des réactions.
Suzan Işbilen a souligné que les femmes qui ont été témoins de la guerre, l'ont vécue et en portent la mémoire doivent être présentes au sein de la commission. Elle a déclaré : « En tant que femmes kurdes ayant porté le plus lourd fardeau de cette guerre, nous n'avons pas été incluses dans le processus. Cela soulève de sérieuses questions quant à la sincérité de la paix. »
Le processus doit inclure tout le monde
Suzan Işbilen a attiré l'attention sur le fait que, pour la première fois en Turquie, la recherche d'une solution démocratique à la question kurde a été privilégiée, au détriment des politiques sécuritaires, et a déclaré que les approches passées avaient échoué : « Pendant des années, les gouvernements ont tenté de résoudre la question kurde par des moyens sécuritaires, mais force est de constater que cette politique est restée lettre morte depuis plus de cinquante ans. Aujourd'hui, une grande partie de la société estime que seul le dialogue peut résoudre ce problème. Un processus de résolution a donc été lancé, mais il doit impliquer tout le monde. »
Işbilen a déclaré que les effets de la guerre ont laissé de profondes cicatrices, en particulier sur les femmes et les enfants, et a ajouté : « En tant que femmes kurdes, nous savons mieux que quiconque ce que signifie la guerre. Des mères ont perdu leurs enfants, des familles ont attendu des années aux portes des prisons. Certaines mères ont perdu leurs enfants en prison. Dans un processus où tant de souffrances ont été vécues, ne pas écouter ces témoignages est une lacune majeure. »
Les femmes qui ont été témoins de la guerre et leurs institutions doivent être entendues
Suzan Işbilen a déclaré que l'exclusion des organisations de femmes remettait en question la sincérité du gouvernement et a poursuivi : « Bien sûr, il était important que l'initiative des femmes « J'ai besoin de paix » soit entendue. Cependant, cette initiative est relativement récente. Nous, en revanche, sommes des institutions qui portent la mémoire de la guerre et participons à ce combat depuis des années. Ne pas entendre ces institutions revient à ignorer l'expérience des femmes dans le processus de paix. Exclure les femmes du processus laisse également la dimension de genre incomplète. Les violences subies par les femmes ne découlent pas uniquement du contexte de conflit, mais le conflit les aggrave. Il était nécessaire de discuter de l'avenir qui attend les femmes et les enfants après la guerre. Nous aurions dû avoir l'occasion d'expliquer l'impact de la paix sur les femmes et la façon dont les enfants grandissent psychologiquement. »
La mémoire des femmes est la source la plus puissante qui guidera ce processus
Critiquant la politique du gouvernement envers les femmes, Işbilen a déclaré que l'exclusion des femmes n'était pas une coïncidence. Elle a appelé à ce que les femmes soient entendues en premier afin que ce processus puisse aboutir à un véritable processus et a déclaré : « Pendant des années, les auteurs de féminicides ont bénéficié de l'impunité. Cela fait partie de la politique visant à réduire les femmes au silence et à les confiner à leur foyer. Aujourd'hui, même dans le processus de paix, les déclarations et les témoignages des femmes sont relégués au second plan. Pourtant, si nous voulons un avenir meilleur pour ce pays, nous devons écouter les victimes et les témoins. Pour une véritable transformation sociale dans le processus de paix, il est essentiel que les femmes aient la parole. La véritable paix n'est possible qu'en écoutant celles et ceux qui ont souffert de la guerre. La mémoire des femmes est la source la plus puissante pour éclairer ce processus. Tout processus dans lequel cette voix n'est pas entendue restera incomplet. » (ANF)
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Les femmes en première ligne d’un monde en guerre : l’ONU tire la sonnette d’alarme
Dans un rapport accablant, le Secrétaire général des Nations Unies décrit une régression historique des droits des femmes dans les conflits. Les violences sexuelles ont bondi de près de 90% en deux ans, et plus de 675 millions d'entre elles vivent à proximité directe d'affrontements meurtriers.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/10/24/les-femmes-en-premiere-ligne-dun-monde-en-guerre-lonu-tire-la-sonnette-dalarme/?jetpack_skip_subscription_popup
Un quart de siècle après l'adoption par le Conseil de sécurité d'une résolution historiqueappelant à mieux représenter les femmes dans les processus de paix, António Guterres dresse un constat sans détour : celui « d'une stagnation, voire d'une régression » au cours des cinq dernières années.
Selon le document, publié lundi, la planète compte aujourd'hui le plus grand nombre de conflits actifs depuis 1946. Au total, 676 millions de femmes vivent à moins de 50 kilomètres d'un conflit meurtrier, soit le niveau le plus élevé depuis les années 1990.
Les victimes civiles parmi les femmes et les enfants ont quadruplé en deux ans, conséquence de guerres sans limites où les règles humanitaires s'effacent.
« Les graves violations commises contre les femmes et les filles en Afghanistan, en République démocratique du Congo, en Haïti, au Myanmar, au Soudan et dans le Territoire palestinien occupé illustrent les risques extrêmes auxquels elles sont confrontées », écrit le Secrétaire général.
Invitée au point de presse quotidien de l'ONU à New York, à l'occasion de la publication du rapport, Nyaradzayi Gumbonzvanda, directrice exécutive adjointe d'ONU Femmes – l'entité des Nations unies chargée de promouvoir l'égalité entre les sexes –, a résumé la situation d'une formule sèche : « Le monde va dans la mauvaise direction. Les dépenses militaires atteignent des niveaux records, tandis que l'égalité des genres et le multilatéralisme sont attaqués ».
La guerre jusque dans le corps des femmes
Les chiffres donnent le vertige : les cas documentés de violences sexuelles liées aux conflits ont augmenté de 87% en deux ans. En Haïti, plus des deux tiers des violences signalées sont sexuelles. En République démocratique du Congo, devenue l'un des épicentres mondiaux de ces violences, 38 000 cas ont été signalés rien qu'au Nord-Kivu, au cours des premiers mois de l'année, suite à l'offensive des rebelles du M23 dans la zone.
Le rapport parle également de « violence reproductive » pour désigner la destruction délibérée des maternités et le blocage de l'accès aux soins, rappelant qu'un tel acte peut relever du crime de génocide lorsqu'il vise à empêcher les naissances au sein d'un groupe spécifique. À Gaza, des milliers d'accouchements ont lieu « au milieu des décombres, sans anesthésie, ni soins post-partum, ni eau ».
Ces violences, souligne le document, ne sont plus des dommages collatéraux : elles sont devenues des armes de guerre, aussi courantes que les fusils d'assaut.
« Ces chiffres traduisent une guerre menée sur le corps des femmes et des filles, dans un mépris choquant du droit international », a dénoncé lors du point de presse Sarah Hendriks, directrice de la division politique d'ONU Femmes.
Exclues des négociations de paix
Pendant que les bombes retentissent, les femmes continuent d'être tenues à distance des négociations censées les faire taire.
Neuf processus de négociation sur dix excluent intégralement les femmes. En moyenne, ces dernières représentent 7% des négociateurs, 14% des médiateurs et 20% des signataires d'accords de paix.
Sur 36 accords conclus au total en 2024, 11 seulement comportaient une référence aux femmes ou à la question du genre. « Les halls de gouvernement, les tables de paix et les institutions de sécurité restent dominés par les hommes, trop souvent sans réelle responsabilité quant aux conséquences de leurs décisions », constate M. Guterres.
Les recherches le montrent pourtant : lorsque les femmes participent, les accords de paix sont plus durables.
« Les femmes ne sont pas des symboles, elles sont ce qui rend la paix possible et durable », a insisté Nyaradzayi Gumbonzvanda.
Le monde se réarme, les femmes paient le prix
En parallèle, la militarisation s'accélère. Les dépenses militaires mondiales ont atteint 2 700 milliards de dollars l'an dernier, soit une hausse de 9,4% en un an – la plus forte enregistrée depuis la fin de la guerre froide.
« Le chemin vers la paix ne passe pas par l'accumulation des armes, mais par l'investissement dans les outils de la paix, la réalisation des droits et le développement durable », met en garde le rapport.
Le contraste est saisissant : moins de 0,4% de l'aide humanitaire dans les contextes de conflit parvient aux organisations de femmes. Le monde dépense des milliers de milliards pour la guerre, et des miettes pour celles qui en subissent les conséquences.
Sarah Hendriks a averti que près de la moitié des organisations féminines en contexte de crise risquent de fermer dans les six prochains mois, faute de financement.
Les Casques bleus à l'épreuve
Les missions de maintien de la paix tentent de préserver cet équilibre fragile. La proportion de femmes dans les contingents a plus que doublé depuis 2018, atteignant un peu plus de 10%.
Mais de nombreuses missions, comme la MONUSCOen RDC, sont dépassées par la recrudescence des violences à l'encontre des femmes. Cette question persiste, voire s'intensifie, à la fin du mandat des missions. « Le retrait des missions crée un vide sécuritaire qui rend les femmes et les filles plus vulnérables », prévient le rapport.
Un horizon politique décevant
Quelques percées symboliques – l'élection de femmes présidentes au Mexique, en Namibie et en Macédoine du Nord – n'y changent rien. Plus d'une centaine de pays n'ont jamais eu de femme à leur tête, et les femmes ne dirigent aujourd'hui que 29 États.
Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), l'instance onusienne chargée de veiller au respect des droits des femmes, l'affirme : le seuil de 30% de représentation n'est plus acceptable. Seule la parité intégrale garantit une égalité réelle.
Une révolution invisible : les données
Un enjeu central, plus discret, se joue dans la production de données. Le Secrétaire général appelle à une « révolution des données de genre », indispensable pour comprendre les besoins et les expériences des femmes dans les zones de guerre : sécurité, santé, justice, moyens de subsistance.
Actuellement, seuls 15% des financements pour la production de statistiques concernent la dimension de genre.
Sans données fiables, prévient M. Guterres, les femmes restent invisibles dans les politiques publiques – et les régressions, impossibles à mesurer, se perpétuent.
Un avertissement sans détour
Sous sa langue institutionnelle, le texte a la force d'un réquisitoire. « Le monde se trouve à un moment où la polarisation politique menace d'effacer des décennies de progrès. Le silence et l'inaction permettront à ces schémas de se poursuivre », avertit le Secrétaire général.
« Si les tendances actuelles se poursuivent, nous risquons d'effacer vingt ans de progrès sur les droits des femmes en contexte de conflit », a prévenu Sarah Hendriks, d'ONU Femmes.
Vingt-cinq ans après l'espoir né de la promesse d'un monde plus égalitaire, le rapport tire la sonnette d'alarme : les femmes ne réclament plus seulement des engagements, elles exigent qu'ils soient respectés.
https://news.un.org/fr/story/2025/10/1157704
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Qui sont les Femmes en noir ?
Pour obtenir un résumé du rassemblement international des Femmes en noir de septembre 2024, cliquez sur le lien pour télécharger le fichier.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Qui sont les Femmes en noir ?
Les Femmes en noir sont un réseau mondial de femmes engagées en faveur de la paix et de la justice, qui s'opposent activement à l'injustice, à la guerre, au militarisme et à toute autre forme de violence. En tant que femmes confrontées à ces problèmes de différentes manières dans différentes régions du monde, nous soutenons mutuellement nos mouvements. L'un de nos principaux objectifs est de contester les politiques militaristes de nos propres gouvernements. Nous ne sommes pas une organisation, mais un moyen de communication et une formule d'action.
Veillées WiB
Tout groupe de femmes, partout dans le monde et à tout moment, peut organiser une veillée Women in Black contre toute manifestation de violence, de militarisme ou de guerre. Les actions de Women in Black (WiB) sont généralement réservées aux femmes. Nos actions prennent souvent la forme de femmes vêtues de noir, se tenant debout dans un lieu public lors de veillées silencieuses et non violentes à des heures et à des intervalles réguliers, portant des pancartes et distribuant des tracts.
Autres actions non violentes
Nous utilisons des formes d'action non violentes et non agressives. En plus des veillées, les groupes Women in Black utilisent de nombreuses autres formes d'action directe non violente, telles que s'asseoir pour bloquer une route, pénétrer dans des bases militaires et d'autres zones interdites, refuser d'obéir aux ordres et « témoigner ». Dans certaines cultures, le fait de s'habiller en noir signifie le deuil, et les actions féministes vêtues de noir transforment le deuil passif traditionnel des femmes pour les mort·es de la guerre en un puissant refus de la logique de la guerre.
Un mouvement mondial
Il est impossible de savoir exactement combien il existe de groupes de Femmes en noir, combien de femmes ils comptent et combien d'actions ont été menées. Lorsque les Femmes en noir d'Israël/Palestine, dans le cadre d'une coalition de Femmes pour une paix juste, ont appelé à des veillées en juin 2001 contre l'occupation des terres palestiniennes, au moins 150 groupes de Femmes en noir à travers le monde ont répondu à l'appel. Les pays ayant signalé des veillées sont les suivants : Australie, Autriche, Azerbaïdjan, Belgique, Canada, Danemark, France, Allemagne, Inde, Israël, Italie, Japon, Maldives, Mexique, Pays-Bas, Irlande du Nord, Espagne, Suède, Suisse, Turquie, Royaume-Uni et États-Unis. Les organisatrices estiment qu'au total, 10 000 femmes ont pu être impliquées.
Solidarité internationale des femmes
Des conférences et des rencontres internationales de Women in Black ont eu lieu à Jérusalem, Pékin, en Serbie, à Bruxelles, en Italie, en Espagne, en Inde et en Afrique du Sud en 2018. En raison de la pandémie, Women in Black Armenia a organisé une réunion virtuelle en 2021. En 2001, Women in Black a reçu le Prix du millénaire pour la paix des femmes décerné par le Fonds de développement des Nations unies pour les femmes (UNIFEM) et International Alert. Women in Black en Israël/Palestine et en ex-Yougoslavie (Serbie) ont également été nominées pour le prix Nobel de la paix et le Right Livelihood Award.
Une perspective féministe
Les groupes Women in Black n'ont ni constitution ni manifeste, mais notre perspective ressort clairement de nos actions et de nos paroles. Il est évident, par exemple, que nous avons une conception féministe : la violence masculine à l'égard des femmes dans la vie domestique et dans la communauté, en temps de paix comme en temps de guerre, est interdépendante. La violence est utilisée comme un moyen de contrôler les femmes. Dans certaines régions, les hommes qui partagent cette analyse soutiennent et aident les femmes en noir, et celles-ci soutiennent les hommes qui refusent de se battre.
L'expérience différente de la guerre par les femmes
Le militantisme pacifiste réservé aux femmes ne suggère pas que les femmes, plus que les hommes, soient « naturellement pacifistes ». Mais les femmes vivent souvent dans des cultures différentes de celles des hommes et sont disproportionnellement impliquées dans les tâches domestiques. Nous savons ce que signifient la justice et l'oppression, car nous les vivons en tant que femmes. La plupart des femmes ont une expérience de la guerre différente de celle de la plupart des hommes. Toutes les femmes en guerre craignent le viol. Les femmes, souvent accompagnées de leurs enfants, constituent la majorité des réfugié·es. Une perspective féministe considère les cultures masculines comme particulièrement enclines à la violence, et les femmes féministes ont donc tendance à avoir un point de vue particulier sur la sécurité et un message unique à faire passer sur la guerre.
Les voix différentes et variées des femmes
WiB regroupe des femmes de nombreuses origines ethniques et nationales, qui coopèrent au-delà de ces différences (et d'autres) dans l'intérêt de la justice et de la paix. Nous œuvrons pour un monde où la différence ne signifie pas inégalité, oppression ou exclusion. Les voix des femmes sont souvent étouffées dans les actions mixtes d'hommes et de femmes. Lorsque nous agissons seules, ce que disent les femmes est rarement entendu.
Choisir nos propres formes d'action
Parfois, même les manifestations pour la paix deviennent violentes, et en tant que femmes seules, nous pouvons choisir des formes d'action avec lesquelles nous nous sentons à l'aise, non violentes et expressives. Manifester ensemble peut nous donner un sentiment de richesse et d'étendue de nos expériences variées, ainsi que de solidarité et d'objectif en tant que femmes. Les femmes de régions situées dans des contextes différents par rapport aux conflits armés, y compris celles qui commettent des violences et celles qui en sont victimes, peuvent se soutenir mutuellement. Ensemble, nous pouvons éduquer, informer et influencer l'opinion publique, et ainsi essayer de faire de la guerre une option impensable.
https://womeninblack.org/about-women-in-black/
Traduit par DE
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Enseigner malgré la répression : comment les enseignant·es iranien·nes ont maintenu le mouvement en vie au cours de l’année écoulée
Malgré une répression accrue, les enseignant·es iranien·nes ont poursuivi leur mobilisation à l'échelle nationale, ont fait face à des licenciements et des arrestations massifs, ont renforcé la solidarité entre les mouvements et ont exigé la fin de la sécurisation de l'enseignement, la reconnaissance des droits syndicaux et la libération des éducateurs/éducatrices emprisonné·es.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/11/08/enseigner-malgre-la-repression-comment-les-enseignant%c2%b7es-iranien%c2%b7nes-ont-maintenu-le-mouvement-en-vie-au-cours-de-lannee-ecoulee/?jetpack_skip_subscription_popup
Au cours des 12 derniers mois, le mouvement des enseignant·es iranien·nes a été l'une des mobilisations syndicales et civiques les plus persistantes du pays. Malgré une forte sécurisation, les enseignant·es ont continué à manifester pour leurs droits du travail et l'amélioration du système éducatif. Leurs revendications – qui vont de meilleures conditions de travail et de la justice éducative à la libération de leurs collègues emprisonné·es et à la reconnaissance du droit de se syndiquer – reflètent les aspirations fondamentales de la société iranienne. Au lieu d'y répondre, la République islamique a intensifié la répression sécuritaire, arrêtant, emprisonnant, licenciant ou exilant des dizaines d'enseignant·es militant·es. Ce rapport passe en revue les principaux développements de l'année écoulée, les revendications fondamentales du mouvement et la réponse de l'État.
Contexte
Au cours des dernières décennies, les syndicats d'enseignant·es se sont progressivement constitués et coordonnés malgré l'absence d'autorisation officielle et la pression exercée par l'État. Le Conseil de coordination des associations professionnelles des enseignant·es iranien·nes a servi de plaque tournante nationale pour les syndicats locaux et, depuis le milieu des années 2010, a joué un rôle central dans l'organisation des manifestations.
Les revendications principales ont porté sur l'amélioration des conditions de vie, le financement équitable de l'enseignement public conformément à l'article 30 de la Constitution (enseignement gratuit et universel), le droit à la liberté d'association et la fin des poursuites judiciaires contre les activités syndicales.
Ces revendications se sont intensifiées lors des rassemblements nationaux et des grèves courtes de 2018 et 2021. Historiquement, l'État a combiné des promesses partielles et la répression. Lors du soulèvement « Femme, vie, liberté » de 2022, de nombreuses et nombreux enseignants ont subi des pressions pour avoir soutenu les manifestations, suivies d'une nouvelle vague d'actions contre les militants syndicaux.
Évolution au cours de l'année écoulée
Malgré la sécurisation omniprésente imposée par la République islamique, les enseignant·es des villes de tout le pays ont continué à manifester. En mai 2024, Sanandaj a organisé des élections syndicales, signe de la poursuite du mouvement syndical au Kurdistan, mais les forces de sécurité et les autorités administratives ont rapidement engagé des poursuites contre les organisateurs/organisatrices et les membres nouvellement élu·es. Au cours des mois suivants, les provinces occidentales, en particulier le Kurdistan, Kermanshah et Ilam, ont signalé des dizaines de mesures punitives pour des activités syndicales ou des manifestations de solidarité, notamment des licenciements, des exils internes, des suspensions et des départs à la retraite forcés. Le syndicat des enseignant·es de Kermanshah a condamné ces décisions, les qualifiant d'illégales et préjudiciables à l'avenir de l'éducation.
Les tribunaux ont intensifié la pression en prononçant des peines lourdes. En janvier 2025 (Dey 1403), Kokab Bodaghi-Pegah, enseignante à Izeh, a été condamnée à six ans de prison pour avoir participé à des rassemblements syndicaux, ainsi qu'à une rétrogradation, à des suspensions répétées et à d'importantes réductions de salaire. À Arak, le directeur adjoint Abolfazl Khorran a été arrêté après s'être brièvement rendu sur la tombe d'un manifestant tué en 2022, puis condamné à cinq ans et un jour de prison pour « insulte au sacré », ainsi qu'à une suspension d'un an ; il est toujours détenu à la prison d'Arak sans permission médicale. Ces affaires illustrent la criminalisation continue des voix indépendantes. De l'aveu même du ministère de l'Éducation, plus de 300 enseignant·es ont été licencié·es depuis les manifestations nationales de 2022 – un chiffre probablement sous-estimé tandis que les responsables ont refusé tout dialogue constructif avec les syndicats indépendants.
Aux alentours de la Journée des enseignant·es 2025, les autorités ont réprimé des rassemblements prévus à Téhéran et dans d'autres villes. Le militant chevronné Mehdi Farahi-Shandiz a été arrêté lors d'un rassemblement à Téhéran le 30 avril 2025 (11 Ordibehesht 1404). Des rapports provenant de plusieurs provinces ont fait état d'autres convocations et de brèves détentions, la plupart des enseignant·es ayant été libéré·es sous caution. Le porte-parole du Conseil de coordination, Mohammad Habibi, a déclaré que cette tendance montre que les politiques répressives du treizième gouvernement restent inchangées.
L'été a été marqué par une rafle sans précédent. Le 15 septembre 2025 (25 Shahrivar 1404), les forces de sécurité ont fait irruption lors d'une réunion extraordinaire du Conseil de coordination à Shahreza (province d'Ispahan) et ont arrêté les 18 enseignant·es présent·es, dont Mohammad Habibi, Rasoul Bodaghi, Hamid Rahmati et Manouchehr Aghabeigi. La plupart ont été libéré·es en quelques heures, mais Masoud Farikhteh, un enseignant d'Eslamshahr condamné à une peine finale de cinq ans en août 2025 (Mordad 1404), a été maintenu en détention. Son transfert à la prison, menotté et enchaîné, traité comme un « criminel dangereux », a suscité l'indignation et la solidarité. Le Syndicat national de l'éducation du Royaume-Uni a condamné cette descente et exigé la libération inconditionnelle de Farikhteh.
Le bilan humain s'est alourdi. La prisonnière d'opinion Somayeh Rashidi, arrêtée en mai 2025 (Ordibehesht 1404) pour avoir scandé des slogans de protestation, est décédée à la prison de Qarchak le 24 septembre 2025 (3 Mehr 1404) après s'être vu refuser des soins médicaux ; quelques jours plus tôt, Jamileh Azizi était décédée dans le même établissement après avoir délibérément retardé son traitement. En réponse, Farahi-Shandiz a entamé une grève de la faim illimitée le 26 septembre 2025 (5 Mehr 1404), exigeant des quartiers sécurisés pour les femmes détenues politiques, la libération des personnes gravement malades et la garantie de soins médicaux, attirant une fois de plus l'attention du public sur les coûts supportés par les éducateurs/éducatrices emprisonné·es.
Campagnes civiques et solidarité
Au-delà des manifestations de rue et des grèves, les campagnes civiques ont été une caractéristique marquante de cette année. En réponse à la détérioration des conditions de détention, le Conseil de coordination a lancé une campagne de « soutien aux prisonnier·es » qui a suscité une large participation. Lancée après l'agression des prisonnier·es politiques à Evin en octobre 2022 (Mehr 1401), elle a recueilli près de 2 500 signatures d'enseignant·es, de familles en quête de justice, de militant·es syndicaux, féministes et étudiant·es, ainsi que d'artistes. Le porte-parole Mohammad Habibi a déclaré que la forte participation des citoyen·nes ordinaires aux côtés de personnalités publiques montre que le soutien aux prisonnier·es est devenu une exigence éthique et sociale largement partagée. Dans son rapport final, le Conseil a souligné qu'un changement durable nécessite un pouvoir social ancré dans la solidarité et les liens entre les mouvements – des campagnes comme celle-ci peuvent semer les graines d'alliances plus larges.
La solidarité s'est également renforcée entre les enseignant·es et d'autres forces civiques. Les syndicats ont apporté un soutien notable : le Syndicat des travailleurs de la compagnie de bus de Téhéran a condamné la peine de prison infligée à Masoud Farikhteh, arguant que le travail professionnel et civique d'éducateurs comme lui fait progresser l'éducation et la justice sociale et ne constitue pas un crime. Fort de sa longue expérience en matière de résistance aux décisions injustes, le syndicat a déclaré que le fait de faire taire les voix qui réclament justice sert les intérêts de la classe dirigeante plutôt que ceux du public, et il a appelé à la libération immédiate de Farikhteh et à la défense des droits des enseignant·es par des organisations indépendantes.
Le corps enseignant universitaire a apporté son soutien à plusieurs reprises aux enseignant·ês. À l'université du Kurdistan, les professeur·es ont publiquement soutenu les éducateurs/éducatrices de la province, notamment en se joignant à une « marche de protestation » familiale largement médiatisée en faveur des enseignant·es condamné·es. Comme l'a fait remarquer un analyste des mouvements sociaux, lorsque les professeurs·e, qui font partie de la classe intellectuelle, soutiennent ouvertement les enseignant·es, elles et ils affirment la nécessité d'une unité sociale ; de tels alignements peuvent marquer des moments décisifs où diverses forces sociales mettent de côté leurs divisions et jettent les bases d'un large bloc de protestation. En bref, le mouvement des enseignant·es a dépassé l'isolement sectoriel et est devenu un centre reliant diverses luttes sociales.
La censure et le rôle du Conseil dans les médias
Dans les médias officiels iraniens, les voix des enseignant·es – et la couverture médiatique de leurs manifestations sont soumises à la censure ou à l'indifférence. La répression systématique des organisations indépendantes signifie également que les médias rapportent rarement les déclarations, les sit-in ou les rassemblements des enseignant·es. Dans ce contexte, les chaînes Telegram ont fonctionné comme des médias indépendants alternatifs, et le Conseil de coordination les a utilisées efficacement. La chaîne Telegram du Conseil sert de moyen de communication officiel pour les déclarations, les appels à l'action et les lettres ouvertes.
Son contenu couvre la politique éducative, les questions culturelles et les droits du travail. Elle publie des commentaires critiques sur l'enseignement et les défis culturels qui y sont liés, tout en documentant de manière systématique les arrestations, les décisions de justice et les revendications syndicales. Lorsque des enseignant·es sont détenu·es ou condamné·es pour leurs activités syndicales, la chaîne enregistre les détails et proteste contre ces mesures, veillant à ce qu'elles ne passent pas inaperçues.
Compte tenu de la censure d'Internet et du filtrage par l'État, rester actif sur Telegram est en soi un moyen de contourner les restrictions, largement utilisé par les militant·es pour toucher leur public. Avec plus de 18 000 abonné·es, la chaîne du Conseil permet aux enseignant·es de tout le pays d'accéder directement aux actualités du mouvement et de partager leur propre récit. De cette manière, la censure officielle et les tentatives de museler la voix des enseignant·es sont en partie contrecarrées : la chaîne enregistre et amplifie les protestations, les grèves et la répression afin que les revendications syndicales ne soient pas étouffées par la propagande de l'État.
Revendications principales et réponse de l'État
Les principales revendications du mouvement sont restées les mêmes, axées sur les droits du travail et les droits civiques, mais les déclarations sont devenues plus fermes et ouvertement politiques à mesure que la répression s'intensifiait. Les enseignant·es ne réclamaient plus seulement des augmentations salariales ou des réformes juridiques attendues depuis longtemps ; elles et ils exigeaient la fin de l'État sécuritaire dans l'éducation. Le syndicat des enseignant·es de Kermanshah a présenté cinq revendications urgentes :
* Annulation immédiate des décisions injustes à l'encontre des enseignant·es (licenciements, exil interne, suspensions, départs à la retraite forcés), réintégration dans leurs fonctions et rétablissement de leur dignité.
* Reconnaissance du droit des enseignant·es à mener des activités syndicales en vertu de la Constitution et des conventions internationales ; la formation de syndicats indépendants et la manifestation pacifique sont des droits légaux que l'État doit respecter.
* La fin des approches sécuritaires de l'éducation et du travail, remplacées par le dialogue et l'engagement ; les écoles doivent être exemptes de menaces et d'intimidations, et les responsables doivent négocier avec les représentant·es syndicaux plutôt que de monter des dossiers contre les enseignant·es critiques.
* Le respect des enseignant·es en tant que piliers du développement et de la justice sociale, avec des garanties de sécurité de l'emploi ; aucun·e enseignant·e ne devrait être confronté·e à l'insécurité de l'emploi pour avoir défendu ses droits.
* Un espace juridique permettant aux syndicats d'enseignant·es indépendants d'agir en tant que véritables représentant·es des éducateurs/éducatrices ; sans syndicats forts et indépendants, il est impossible de faire progresser les droits du travail au sein des structures de pouvoir existantes.
À cela s'ajoute une exigence humanitaire urgente : la libération de tous et toutes les enseignantes emprisonnées et la fin des poursuites contre les militant·es syndicaux. La recrudescence des arrestations et des peines de prison – depuis les affaires antérieures comme celles d'Esmail Abdi et Mohammad Habibi jusqu'aux plus récentes comme celles de Masoud Farikhteh et Mehdi Farahi-Shandiz – a profondément bouleversé la communauté éducative, faisant de la liberté de ces éducateurs/éducatrices une cause commune.
Conclusion
Au cours de l'année écoulée, la pression exercée par l'État s'est intensifiée : lourdes condamnations judiciaires, licenciement et exil de dizaines d'enseignant·es, en particulier dans les provinces où les manifestations étaient les plus actives, et répression des rassemblements et assemblées indépendants. Pourtant, les enseignant·es n'ont pas cédé. Elles et ils ont poursuivi leurs initiatives, allant de déclarations et lettres ouvertes à des campagnes de signatures et des sondages internes au syndicat. Plus que jamais, le mouvement des enseignant·es s'est associé à d'autres forces sociales et, selon de nombreuses et nombreux observateurs, est devenu une « voix de la liberté, de la conscience et de la justice », une voix qu'aucun décret ne peut faire taire. La solidarité des travailleurs/travailleuses, des retraité·es, des universitaires, des artistes et des familles en quête de justice montre que les revendications des enseignant·es ne sont pas seulement sectorielles, mais fondamentales pour le développement et la justice sociale dans l'Iran d'aujourd'hui.
https://en.radiozamaneh.com/37257/
Traduit par DE
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