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Le programme en IA de Mark Carney est un cadeau à Big Tech
Le gouvernement libéral fonce tête baissée dans la technologie malgré les preuves croissantes de ses effets néfastes pour les travailleurs-euses, les groupes vulnérables et les services publics
24 juillet 2025 | tiré de Canadian dimension
https://breachmedia.ca/mark-carneys-ai-agenda-is-a-gift-to-big-tech/
Lorsque Evan Solomon est monté sur scène à Ottawa le mois dernier pour prononcer son discours inaugural en tant que tout premier ministre canadien de l'Intelligence artificielle et de l'Innovation numérique, il s'est empressé de rassurer les dirigeant-es technologiques : la régulation de leur secteur ne serait pas sa priorité.
Plutôt que de s'attarder sur les dangers de l'IA et de « trop miser sur les avertissements et la régulation », il a déclaré vouloir se concentrer sur le déblocage du potentiel économique de la technologie. Le projet de loi réglementaire préparé sous Justin Trudeau a donc été définitivement abandonné.
Pour les élites technologiques canadiennes, ce fut une véritable célébration. Après avoir passé une grande partie de l'année dernière à se rapprocher de Pierre Poilievre et des conservateurs à la recherche de moins de régulation et de baisses d'impôts, ces PDG pouvaient enfin pousser un soupir de soulagement.
Mais pour tous-tes les autres — des travailleurs-euses du secteur public aux artistes, travailleurs-euses de plateforme, réfugié-es et au grand public — le message de Solomon doit alerter. Le gouvernement semble décidé à accélérer l'adoption de l'IA sans prendre en compte ses effets néfastes déjà documentés.
L'IA comme, pierre angulaire du programme de Carney
Depuis son arrivée en politique, Mark Carney a fait de l'adoption de l'IA une pierre angulaire de son programme, persuadé que la technologie pouvait être un outil essentiel pour stimuler la productivité et résorber le déficit budgétaire. Son programme électoral fédéral prévoyait une augmentation du financement des projets d'IA, la création d'incitatifs pour que travailleurs-euses et entreprises l'adoptent, et une réduction de la « paperasse » autour de la construction d'infrastructures comme les centres de données.
L'enthousiasme de Carney pour l'IA n'est pas nouveau. Dans son livre Values(s) (2021), il affirmait que l'IA, le big data et la puissance accrue de calcul signifiaient que « des machines plus intelligentes remplacent déjà un éventail plus large d'activités humaines qu'auparavant ». Désormais, lorsqu'on l'interroge sur les finances publiques, les achats militaires ou l'état de l'économie, il évoque systématiquement l'IA comme une solution évidente, sans donner plus de détails.
Mais il y a de nombreuses raisons de s'inquiéter des conséquences de cette adoption optimiste de l'IA à tout prix.
Le précédent cycle de l'hyper médiatisation de l'IA
Les affirmations selon lesquelles l'intelligence artificielle serait sur le point de transformer la société ne sont pas nouvelles. Dans les années 2010, on soutenait souvent que les progrès de la robotique et de l'IA allaient détruire jusqu'à la moitié des emplois, relançant à gauche le débat sur le revenu universel. Mais ces récits détournaient l'attention de la réalité : la manière dont l'IA était réellement utilisée dans la société.
L'IA n'a pas provoqué de chômage massif. Elle a plutôt donné aux employeurs-euses de nouveaux outils pour exploiter les travailleurs-euses.
Des entreprises comme Amazon et Uber ont été pionnières dans le déploiement de techniques de gestion algorithmique, utilisant des systèmes automatisés pour accroître le contrôle sur les employé-es, briser les tentatives de syndicalisation, faire baisser les salaires et dégrader les conditions de travail. Le travail à la demande s'est étendu, transformant des employé-es en pseudo-contractuel-les tout en leur offrant l'illusion de liberté et d'autonomie. Depuis, ces technologies se sont répandues bien au-delà des grandes firmes technologiques.
Les gouvernements, eux aussi, ont cédé au battage médiatique, comme aujourd'hui. Partout dans le monde, des agences ont déployé des systèmes d'IA pour accroître l'efficacité et réduire les coûts, souvent au détriment des plus vulnérables. Sans surprise, les systèmes de protection sociale furent parmi les premières cibles.
De la Suède et du Danemark aux Pays-Bas et à l'Australie, les systèmes de détection de fraude alimentés par l'IA ont faussement ciblé des personnes issues de groupes marginalisés, privant des centaines de milliers de citoyen-nes de prestations — détruisant des vies et poussant certain-es au suicide.
En 2021, un recours collectif a forcé le gouvernement australien à verser 1,8 milliard AUD en compensation à 443 000 victimes de son système « robodebt ». Un rapport récent montre que les fonctionnaires australien-nes hésitent désormais à adopter de nouveaux systèmes d'IA, ayant vu à quel point ils pouvaient être destructeurs.
Des scandales ont aussi éclaté dans les domaines du maintien de l'ordre, de la santé et de l'immigration. Le Canada n'y a pas échappé : des experts en droits humains ont exprimé des inquiétudes concernant l'utilisation gouvernementale de décisions automatisées dans le traitement des visas et l'évaluation des risques.
Le modèle travailliste britannique
Il a décrit la création de grandes entreprises d'IA au Canada comme une « question urgente » et a même suggéré que le pays pourrait se rapprocher de l'Arabie saoudite pour financer de grands projets. Il s'est aussi montré ouvert à l'idée de permettre aux entreprises d'IA d'entraîner leurs modèles sur des œuvres protégées par le droit d'auteur — artistes, écrivain-es, créateurs-ices— sans leur consentement ni compensation. Cette mesure, déjà proposée au Royaume-Uni, a suscité une vaste indignation dans le milieu artistique.
Le Parti travailliste britannique de Keir Starmer a une longueur d'avance. Il s'est empressé d'apaiser l'industrie technologique : suppression d'obstacles locaux à la construction de centres de données, introduction de l'IA dans les écoles et plan de déploiement dans les services publics.
Mais la réaction publique a été immédiate et virulente, plongeant le gouvernement travailliste dans une crise de relations publiques. Carney, pourtant, semble déterminé à suivre les traces de son ami Starmer. Le mois dernier, il a signé un accord avec le Royaume-Uni et l'entreprise canadienne Cohere pour « approfondir » la collaboration en matière de déploiement de l'IA.
Concrètement, Cohere a été chargée d'accélérer l'adoption de l'IA dans la fonction publique canadienne, même si Carney a refusé de préciser l'impact potentiel sur l'emploi et la qualité des services. L'annonce coïncide avec des coupes budgétaires massives : l'IA pourrait servir de justification à des mises à pied et à des réductions de services, sous couvert d'efficacité.
Le mythe de la productivité de l'IA
Le pari de Carney sur l'IA a peu de chances de tenir ses promesses en matière de productivité. Comme lors du précédent boom, son déploiement risque surtout de renforcer le pouvoir de la direction plutôt que d'améliorer réellement l'efficacité.
Une étude menée l'an dernier révèle que 77 % des employés estiment que l'IA générative leur crée plus de travail qu'elle n'en retire. Plus récemment, The Economist a rapporté que de plus en plus d'entreprises abandonnent leurs projets liés à l'IA générative, tandis que la BBC a interrogé des sociétés contraintes d'embaucher pour corriger les erreurs commises par ces systèmes. Air Canada a même dû indemniser un client à cause d'une erreur de son chatbot.
Des preuves s'accumulent aussi que l'utilisation de chatbots réduit les capacités cognitives des utilisateurs-ices, affaiblissant leur esprit critique, selon une étude impliquant des chercheurs de Microsoft. On rapporte des cas inquiétants de personnes devenues dépendantes des chatbots, sombrant dans desdélires graves et nécessitant un internement psychiatrique. Parallèlement, la technologie a entraîné une hausse d'images explicites générées sans consentement, ciblant particulièrement les adolescentes.
Alors que les régulateurs peinent encore à gérer les conséquences des réseaux sociaux, l'IA générative risque d'annuler ces efforts et de multiplier les effets néfastes. Pourtant, le ministre de la Justice Sean Fraser a déclaré qu'il « réévaluait » le projet de loi sur les préjudices en ligne et pourrait ne pas le réintroduire, laissant ces enjeux sans réponse.
Coude baissé face à Big Tech
Carney ne fait pas qu'ignorer les dangers de l'IA : il façonne délibérément une politique qui épouse les intérêts de Big Tech.
Alors qu'il se vantait d'avoir tenu tête à Trump lors de la dernière élection fédérale, son approche vis-à-vis des géants technologiques — dont plusieurs dirigeants sont proches du mouvement MAGA — a été tout sauf combative. Son gouvernement a enterré l'augmentation prévue de l'impôt sur les gains en capital, qui avait irrité les cadres de la tech, multiplié les mesures pour attirer leurs investissements et plus récemment,abandonné la taxe sur les services numériques qui déplaisait aux PDG américains.
Son pari est que la complaisance envers l'industrie technologique stimulera la croissance économique du Canada — l'unique indicateur qui semble importer à l'ancien banquier central.
Mais ce faisant, il paraît prêt à livrer l'agenda de recherche du pays à une industrie qui alimente des bulles financières pour son propre profit, accroît la surveillance et cherche à capter l'attention du public pour maximiser ses revenus.
La technologie peut servir le bien commun, mais seulement si elle est développée dans ce but.
L'agenda de Carney laissera prospérer les dommages déjà connus de la tech tout en en générant de nouveaux, nous forçant tous-tes à en payer le prix. Une autre voie est possible, mais il est clair que le gouvernement n'y renoncera que sous la pression.
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Près de 600 personnes créent une chaîne humaine
À l'occasion de la Journée internationale de l'amitié, près de 100 personnes du côté américain et 600 du côté canadien se sont réunies afin de former une chaîne humaine transfrontalière, de passer un message de fraternité, et de dénoncer les dérives du président Trump.
20 août 2025 | tiré de l'Aut'journal
https://www.lautjournal.info/20250820/pres-de-600-personnes-creent-une-chaine-humaine
Organisé par Mères au front, en collaboration avec Montpelier Strong Indivisible et la coalition nord-américaine Friends Across Borders, le rassemblement de Frelighsburg et Berkshire s'inscrivait dans une série historique de plus de 40 mobilisations simultanées aux frontières du Canada, du Mexique et des États-Unis.
La matinée a été marquée par des interventions de Mélissa Mollen-Dupuis, militante innue, Miriam Hansen, citoyenne américaine et canadienne et cofondatrice de Montpelier Strong Indivisible, et Laure Waridel, écosociologue et cofondatrice de Mères au front.
Des échanges chaleureux et des poignées de main ont été partagés entre les participant·es de part et d'autre de la frontière, sous le signe de l'amitié et de la fraternité. L'événement a aussi été ponctué de moments symboliques, tels que l'interprétation de « L'hymne à la beauté du monde » par Catherine Major accompagnée de quelques enfants, ainsi qu'un lâcher de 80 papillons migrateurs. Le rassemblement a culminé par la formation d'une chaîne humaine le long de la frontière, suivie de cinq minutes de silence et de l'interprétation collective de la chanson Imagine de John Lennon.
20250820_meres_2
« Nous sommes là pour rappeler que l'amitié et la solidarité sont des forces, pas des faiblesses. Que, malgré les discours de Donald Trump qui divisent, nous sommes indivisibles. » – Laure Waridel, cofondatrice de Mères au front
« Je veux que mes compatriotes canadiens comprennent que, même si la vie aux États-Unis est devenue vraiment terrifiante, nous nous levons et vous n'êtes pas oubliés. Et je veux que mes compatriotes américains sachent à quel point les Canadiens se sentent en colère et trahis, car ils ne nous voient pas nous opposer en grand nombre à ce régime et pensent que nous ne nous soucions pas du Canada », a ajouté Miriam Hansen, cofondatrice de Montpelier Strong Indivisible.
Pour plus d'informations, consulter le site web
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Québec Solidaire, mon parti qui s’autodétruit
C'est avec tristesse que je vois mon parti s'autodétruire. Je suis membre depuis une dizaine d'années sans être un militant très engagé. Je ne fréquente pas les congrès et les conseils nationaux. J'ai participé à plusieurs rencontres de mon association locale à travers les années et donné un coup de main en campagne électorale. Dans mon entourage des gens ont quitté le parti ou n'ont plus l'enthousiasme pour voter pour lui à la prochaine élection. Pour ma part je m'y reconnais de moins en moins.
Le coup d'état « pragmatique » de Gabriel Nadeau-Dubois vers le parti des urnes et le départ tout à tour de deux porte-paroles femme Catherine Dorion, puis Amélie Lessard-Therrien, du parti de la rue et des rangs m'a beaucoup déçu. Ces deux composantes ne s'opposent pas mais auraient dû mieux s'équilibrer dans les dernières année du parti, trop réfugié selon moi dans les murs et le costume de l'Assemblée Nationale. L'absence de discussion informelle et ouverte au sein de mon association locale avant de voter sur des propositions, souvent remplacée par une bière dans un bar avec de la musique plein les oreilles, m'a aussi déçu. L'absence d'un discours anticapitaliste affirmé, pour ne pas faire peur au monde et aller chercher plus de votes, ce qui au contraire nous en a fait perdre, m'a également démotivé alors que les Québécois-es ont besoin plus que jamais d'une telle alternative dans la dominante de la « business » actuelle.
La cerise sur le sundae, lorsque j'ai lu dans un article du Devoir et qui a été confirmé après avoir pris connaissance des propositions adoptées aux derniers congrès et conseil national, à savoir que deux femmes ou personnes apparentées pourraient être nos deux porte-paroles dans le futur, mais pas deux hommes ou personnes apparentées, me font dire maintenant que notre parti est complètement « flyé » et déconnecté. Au moment où tant de gens ont de la difficulté à payer leur logement ou leur épicerie, mon parti m'apparaît de plus en plus dans son monde à lui, loin de la réalité, comme d'autres politiciens qui sont aussi dans leur monde à eux, déconnectés, dans leur gang, et n'oeuvrant plus pour le bien commun.
Finalement je garde une petite porte ouverte en désirant échanger avec les gens de ma nouvelle association locale après avoir déménagé avant de renvoyer ma carte à la permanence du parti, ce que je ferais avec beaucoup de peine.
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Relance de la Table sur la réussite éducative : un forum essentiel pour les élèves autochtones
Plus de 27 actrices et acteurs clés représentants 13 organisations éducatives du réseau scolaire provincial et des milieux autochtones se sont réunis le 12 août afin de relancer la Table sur la réussite éducative des élèves autochtones.
La Table revêt un caractère essentiel pour la réussite éducative des élèves : elle constitue l'unique forum de concertation qui permet au gouvernement du Québec de prendre pleinement conscience des défis vécus par nos jeunes en manière d'éducation afin de chercher des solutions collaboratives à ces enjeux.
La relance de ces travaux tombe à point nommé : en novembre 2024, le Vérificateur général du Québec (VGQ) publiait un rapport accablant sur l'inaction du ministère de l'Éducation, affirmant que celle-ci contribue à ériger des obstacles systémiques à la persévérance et à la réussite des élèves des Premières Nations et Inuit fréquentant le réseau scolaire public, ce qui représente plus de 1 300 jeunes.
Malgré ces constats alarmants, le gouvernement du Québec a suspendu unilatéralement les travaux de la Table en janvier dernier, soit à peine deux mois après la publication du rapport du VGQ. Cette décision inconsidérée est survenue alors que les membres de la Table ont travaillé de concert pour faire progresser un mandat novateur, établi avec le soutien et la participation du ministre de l'Éducation au cours des années précédentes. Ce dernier repose sur des principes directeurs offrant des pistes de solution structurantes au gouvernement du Québec afin de permettre aux élèves d'atteindre leur plein potentiel et d'améliorer leur persévérance et leur réussite scolaires.
Alors que les élections provinciales approchent à grands pas, les membres de la Table lancent un message clair au gouvernement : la réussite éducative des Premiers Peuples et Inuit doit être au cœur des priorités. Nous avons espoir que la province agira de bonne foi afin qu'ensemble, nous trouvions des solutions concrètes et durables. Nous sommes convaincus qu'une reprise du dialogue permettra de lever les barrières systémiques qui freinent la réussite scolaire des élèves des Premières Nations et Inuit. Reconnaissant que le ministre de l'Éducation collabore avec d'autres ministères qui influent sur la capacité de la Table à réussir son mandat, nous demandons respectueusement et insistons sur la nécessité de tenir une rencontre prochainement avec les ministres Drainville, Déry, Dubé, Girard et Lafrenière.
Source : Conseil en éducation des Premières Nations.
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L’exclusion scolaire ne devrait jamais être une option
Nous sommes des parents d'élèves en situation de handicap ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (HDAA) de la région de Québec. Dans les dernières années, nos enfants ont vécu des périodes plus ou moins longues de déscolarisation : des heures réduites (parfois à moins d'une heure par jour !), des appels fréquents, voire quotidiens, pour venir chercher nos enfants pendant les heures de classe, quand ce n'est pas des retraits complets de l'école.
Nous savons que nous sommes des milliers de parents dans cette situation.
Selon vos propres statistiques, la situation s'aggrave, mais vous continuez de banaliser le problème des bris de scolarisation et, plus globalement, de l'accès aux services éducatifs pour les élèves HDAA, ces élèves qu'on dit « à besoins particuliers ».
C'est du moins l'impression que vous donnez quand nous voyons avec quelle désinvolture vous avez tenté d'imposer des « contraintes budgétaires » de 570 millions $ aux centres de services scolaires en juin dernier. (Heureusement, la mobilisation populaire a su vous faire reculer en partie et vous forcer à « remettre » 540 millions $ dans les services aux élèves.)
C'est aussi l'impression que vous donnez lorsque vous soulignez en entrevue que le nombre d'élèves HDAA a fortement augmenté et que vous ne pouvez « garantir que chaque élève va avoir tout ce dont il a besoin... parce que les besoins sont infinis ».
En fait, Monsieur le Ministre, nous avons parfois le sentiment que vous essayez d'envoyer le message qu'il est normal d'exclure des élèves de l'école.
De notre point de vue, cette attitude à l'égard des élèves HDAA est déjà trop présente dans le milieu scolaire. De plus en plus, les autorités scolaires semblent considérer qu'il est acceptable que nos enfants ne soient pas scolarisé-es comme les autres.
À l'heure de la rentrée scolaire, nous croyons important que vous dissipiez toute ambiguïté et que vous donniez l'exemple.
Nous vous écrivons aujourd'hui, Monsieur Drainville, pour vous inviter à affirmer haut et fort qu'au Québec, l'exclusion scolaire ne devrait jamais être considérée comme une option.
C'est un peu ce que nous rappelait le Protecteur national de l'élève dans son premier rapport annuel, l'hiver dernier, quand il disait que « tous les moyens nécessaires doivent être entrepris pour assurer la scolarisation des élèves ».
Et faut-il vraiment vous rappeler, Monsieur Drainville, pourquoi les bris de scolarisation ne devraient jamais être considérés comme acceptables ?
D'une part, parce qu'ils représentent un déni de droit. En vertu de la Loi sur l'instruction publique, l'État a l'obligation d'offrir des services éducatifs qui répondent aux besoins individuels de l'ensemble des élèves. Et la Charte des droits et libertés de la personne garantit le droit à l'éducation, sans discrimination, pour les élèves HDAA.
D'autre part, parce que le moindre bris de scolarisation peut avoir plusieurs impacts. Évidemment, ce sont d'abord nos enfants qui en paient le prix, en étant privé.es de précieux apprentissages, à une étape cruciale de leur développement, et exclu.es de leur communauté.
Les conséquences sont lourdes pour nous aussi, les parents, qui devons souvent garder nos enfants durant les heures normales de classe. Pour plusieurs, les bris de scolarisation mènent à la perte d'emploi, à l'appauvrissement, à l'isolement social et à la détresse, surtout pour les mères.
Et en bout de ligne, n'est-ce pas l'ensemble de la société qui est perdante quand l'école décide d'exclure une partie de ses membres de ce qui devrait être un lieu privilégié de socialisation, l'école ?
En conclusion, Monsieur Drainville, il va sans dire que le changement d'attitude que nous réclamons devra s'accompagner de gestes forts : votre gouvernement devra s'assurer de donner au réseau scolaire les moyens nécessaires pour que l'ensemble des élèves puissent enfin avoir accès aux services éducatifs auxquels ils et elles ont droit.
Une lettre du Comité pour le droit à la scolarisation cosignée par :
1. Simon Bouchard 2. Marie-Ève Duchesne 3. Catherine Frappier 4. Nicolas Kokot 5. David Labrecque 6. Christelle Landheer-Cieslak 7. Ronald Landheer-Cieslak 8. Typhaine Leclerc 9. Patrice Lemieux Breton 10. Nabila Messaoud 11. Mélanie Papillon 12. Besetranirina Rakotomalala 13. Julie Rioux 14. Laurence Simard-Gagnon 15. Maria Wardeh
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Femmes et extrême-droite
Vous pensez regarder un simple tuto cuisine avec une femme qui prépare du Coca maison dans une cuisine vintage pastelle ? 🧠 Ce n'est pas une recette, mais un programme politique.
Les tradwives, ces épouses “traditionnelles” qui glorifient le foyer, la soumission et le patriarcat, ne se contentent pas de faire des gâteaux. Elles font passer des idées.
Conservatisme, antiféminisme, et parfois bien pire, sous une couche de crème au beurre.
Le tout semble inoffensif, mais c'est pensé. Stratégique. Efficace.
📲 Ne vous laissez pas avoir par le filtre sépia.
👉 Consultez le carrousel.
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La saga du "rapport Savaria" à Drummondville
Le Collectif CA-PRESSE ( Collectif d'Action Pour une Rivière et un Environnement Sans Site d'Enfouissement) a obtenu l'accès à un rapport de Savaria Experts Conseils qui révèle la présence d'un taux "très très élevé" de composés perfluorés (nommés PFAS ou « polluants éternels ») dans les eaux rejetées par le lieu d'enfouissement technique (LET) de Waste Management à Saint-Nicéphore. Les parties du rapport rendues publiques par la Commission d'accès à l'information, ainsi que les recommandations des auteurs du rapport qui, bien que demeurées "confidentielles", ont été publiées dans un reportage de Radio-Canada.
Les résultats des analyses d'eau commandées par la Ville de Drummondville en 2021 viennent seulement d'être dévoilées au public à grand fracas. Voici un résumé des faits saillants.
En 2021, M. Alain d'Auteuil, alors conseiller municipal à Drummondville, s'inquiétait de la toxicité appréhendée des rejets du LET de Saint-Nicéphore vers l'usine de traitement d'eaux usées de la Ville. C'est pourquoi il a utilisé son budget discrétionnaire de conseiller pour commander à la firme Savaria Experts Conseils une analyse de ces rejets et, au besoin, des recommandations sur des actions à entreprendre. Le rapport de la firme a été livré la même année, mais le Conseil municipal de Drummondville a choisi de le soustraire à l'attention de ses citoyens en le déclarant confidentiel.
Cette "confidentialité" a eu pour effet d'aggraver l'inquiétude d'un bon nombre de citoyens, y compris ceux du Collectif CA-PRESSE. En janvier 2023, un membre de ce Collectif, le regretté Roger Pomerleau, a déposé à la Ville une requête d'accès à l'information en vue d'obtenir une copie du rapport. La Ville a refusé d'accéder à cette demande. En mars 2023, M. Pomerleau a fait appel de cette décision devant la Commission d'accès à l'information. Roger est malheureusement décédé subitement avant que sa cause ne soit entendue. En juin 2024, le tribunal de la Commission d'accès à l'information a invité la succession de M. Pomerleau à nommer un représentant pour l'audience de la cause en question. À la suggestion du juriste Richard Langelier, Mme Ginette Laporte, la conjointe de feu M. Pomerleau, a pu mandater le Centre Québécois du droit de l'environnement (CQDE) pour représenter le demandeur.
Le 15 avril 2025, le CQDE a informé le collectif CA-PRESSE que l'appel du demandeur avait obtenu gain de cause : le rapport Savaria a ainsi été rendu public en majeure partie. Cette portion publique excluait toutefois 7 pages du rapport en question, y compris ses recommandations à la Municipalité de Drummondville.
Dans un article publié sur Info Radio-Canada le 29 juillet 2025 ainsi que dans un reportage au téléjournal Estrie le même jour (voir segment entre 8'45" et 13') , le journaliste Thomas Deshaies informe la population que trois experts auxquels il a présenté les données maintenant publiques du rapport Savaria se sont dit surpris par les taux "très, très élevés" de PFAS (les fameux "contaminants éternels") dans les eaux issues du LET de Drummondville, jugeant la situation "préoccupante". Ce l'est d'autant plus qu'à ce jour, les PFAS ne font l'objet d'aucun traitement à l'usine de traitement de Drummondville. En conséquence, Drummondville se trouve à déverser une quantité importante de PFAS dans la rivière Saint-François et dans les boues qui sont utilisées comme fertilisant dans beaucoup de nos fermes.
Le journaliste fait état de l'inquiétude de certains citoyens devant la confidentialité qui était maintenue sur les recommandations du rapport Savaria, puisqu'elle les empêche de savoir si la Ville a donné quelque suite que ce soit à ce rapport "préoccuppant".
Or, un nouvel article et un nouveau reportage télévisé (voir segment entre 6' et 9'30") de Thomas Deshaies diffusés le 30 juillet 2025 nous apprennent que :
1. L'argument invoqué par la Ville pour garder les recommandations confidentielles n'est pas valide, car il s'agit d'une loi obligeant l'ingénieur à protéger le secret de ses clients, alors que le client (ici, la Ville) a pour sa part parfaitement le droit de lever ce secret ;
2. Une source a procuré au journaliste une copie du rapport Savaria complet et son reportage cite en toutes lettres les 𝐫𝐞𝐜𝐨𝐦𝐦𝐚𝐧𝐝𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 qui y apparaissent.
3. Quatre de ces recommandations portent sur le suivi à donner à la présence de PFAS dans les eaux usées du LET.
4. La Ville de Drummondville n'a donné suite à aucune de ces quatre recommandations, invoquant qu'elles sont du ressort du gouvernement provincial.
5. L'administration municipale n'a pas non plus pressé le gouvernement du Québec d'agir dans ce dossier.
𝐿𝑎 𝑑𝑒́𝑚𝑎𝑟𝑐ℎ𝑒 𝑝𝑟𝑜-𝑎𝑐𝑡𝑖𝑣𝑒 𝑑𝑒 𝑉𝑖𝑐𝑡𝑜𝑟𝑖𝑎𝑣𝑖𝑙𝑙𝑒
Le reportage mentionné au téléjournal du 30 juillet était immédiatement suivi d'un reportage de Jean-François Dumas sur un projet en cours à Victoriaville (segment commençant vers 9'30"). Cette juxtaposition a mis en lumière un contraste frappant entre l'attitude passive de Drummondville et celle pro-active de Victoriaville face aux dangers des contaminants éternels. Cette dernière poursuit en effet un projet de recherche conjoint avec l'École de technologie supérieure (ETS) qu'elle a mandatée pour expérimenter des nouvelles technologies prometteuses pour l'élimination de PFAS à même l'usine de traitement de Victoriaville. On ne peut que souhaiter que Drummondville adopte dorénavant une approche aussi tout aussi pro-active !
Pierre Isabelle
Saint-Lucien
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Projet minier Troilus d’or et de cuivre de Troilus Gold en Eeyou Istchee dans le Nord-du-Québec : les commentaires de Québec meilleure mine
En 6 tuiles, le résumé de nos commentaires devant l'Agence d'évaluation d'impact du Canada sur l'étude d'impact du projet minier Troilus d'or et de cuivre de Troilus Gold en Eeyou Istchee dans le Nord-du-Québec. Avec MiningWatch Canada=AZUChD6_ozR4IQRREuJiagz7Fvc72_GBtEv9UbRBjQDrHKSIUOC2xvDDPFct0q_OSQwKohWR_r2OgvMUbKE96hkRVTQxCCf-0OBLtgIkcko2G8J5klADkZ3Ip3rHbWCh1v5gBDaM50HfIWDcmNWhZC7ctdlGH9Ke9Yb6M87lGCwJXjdjiAy5zkOLOtmcZOWNE_8&__tn__=-]K-R].
Objet : Commentaires sur l'étude d'impact du projet minier Troilus d'or et de cuivre de Troilus Gold en Eeyou Istchee dans le Nord-du-Québec
Les présents commentaires sont produits dans le cadre de l'évaluation du projet minier Troilus de la compagnie Troilus Gold en Eeyou Istchee dans le Nord-du-Québec devant l'Agence d'évaluation d'impact du Canada après concertation avec nos membres et partenaires intéressé·e·s à l'évaluation des impacts du projet. Plus particulièrement, nous demandons à l'Agence d'évaluation d'impact du Canada de ne pas autoriser le projet minier Troilus tel que soumis.
Nous réitérons que dans sa version actuelle, nous ne soutenons pas le développement du projet minier Troilus à l'étude en raison des biais méthodologiques induits dans son analyse des impacts cumulatifs dans la région, de son plan de destruction du ruisseau Bibou, du manque d'information concernant le transport du concentré vers la Fonderie Horne de Rouyn-Noranda, de l'absence d'engagement concernant la décontamination du passif minier local. Nous considérons que le promoteur n'a pas fait la démonstration de l'absence de scénario de rechange viable à la destruction du ruisseau Bibou pour réaliser son plan. Pour chacun de ces enjeux, nous avons soulevé que des renseignements et des études complémentaires sont nécessaires afin d'informer le public adéquatement des impacts du projet minier à l'étude.
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Mémoire de la FTQ sur la planification pluriannuelle de l’immigration au Québec
Le 15 août 2025, la FTQ a déposé un mémoire portant sur la planification pluriannuelle de l'immigration au Québec pour la période 2026-2029. Vous pouvez prendre connaissance de l'intégral du mémoire ici.
Introduction La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), la plus grande centrale syndicale au Québec, représente 600 000 travailleurs et travailleuses de différents secteurs d'activité et de toutes les régions du Québec. La diversité des secteurs économiques représentés par ses syndicats affiliés lui permet de parler au nom de milliers de personnes issues de parcours migratoires variés, qui vivent différentes situations au sein du marché du travail et dans la vie de tous les jours. La FTQ s'intéresse donc de près aux enjeux, défis et réalités des travailleurs et travailleuses issus de l'immigration. Elle a mené ces derniers mois divers travaux et consultations auprès de ses membres dont les résultats feront l'objet de discussions à l'occasion de son prochain Congrès triennal, en vue de renouveler et d'approfondir son engagement envers la normalisation et l'amélioration des conditions de travail et de vie de cette catégorie de population trop souvent marginalisée, vulnérabilisée, voire exploitée du marché du travail. Compte tenu de l'importance de l'immigration face aux défis démographique, culturel et économique du Québec, et à l'instar de nombreux intervenants de la société québécoise, la FTQ considère essentiel de prendre position dans le débat public sur les perspectives de l'immigration pour les prochaines années. Les orientations dévoilées le 5 juin dernier par le ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration (MIFI)1 donnent l'occasion à la FTQ de réaffirmer plusieurs principes importants auxquels les syndicats adhèrent en matière d'immigration et de francisation. La FTQ fait la promotion des droits et des intérêts de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs, peu importe leurs origines. Elle se porte à la défense de l'ensemble de ces personnes et milite pour des conditions d'accès au marché du travail, d'insertion et de maintien en emploi permettant à tous et toutes de vivre dignement des fruits d'un travail décent et épanouissant. C'est dans cet esprit que la centrale participe aux discussions sur les enjeux de main-d'œuvre et d'immigration, notamment au sein des instances de la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT), tels que l'Assemblée délibérante, le Groupe de travail sur l'immigration, le Comité consultatif des personnes immigrantes et plusieurs autres tables sectorielles et régionales. Pour la FTQ, une société prospère comme le Québec a le devoir moral de recevoir et d'intégrer, dans de bonnes conditions, les personnes immigrantes provenant de divers pays. Notre immigration ne doit pas être planifiée uniquement dans une perspective économique à court terme. Elle doit exprimer une vision à moyen et long terme axée sur l'importance d'accueillir ici des individus qui rêvent d'un avenir différent pour eux-mêmes et leurs proches. C'est pourquoi la centrale milite pour une politique d'accueil et d'ouverture qui accorde une large place à l'immigration permanente, expression d'un Québec épris de solidarité et inclusif, où chaque personne peut trouver la promesse d'un avenir sécuritaire et épanouissant, pour elle et sa famille.
De manière globale, la FTQ partage certains des objectifs mis de l'avant par le gouvernement dans les réflexions soumises à la consultation. Nous saluons ainsi les efforts du gouvernement visant à aider les personnes immigrantes à trouver des emplois décents. De même, nous soutenons la volonté du gouvernement de travailler concrètement au développement et à la protection de la langue française au Québec. Pour y parvenir, des efforts costauds en matière de francisation doivent encore être fournis et la FTQ souhaite que les mesures qu'elle propose dans ce mémoire permettent de faire progresser l'acquisition et l'adoption par ces nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes de la langue commune du Québec, qui doit leur être accessible comme un droit fondamental et une clé d'intégration durable à leur société d'accueil. Cela étant dit, la centrale s'inquiète depuis plusieurs années de la part croissante du recours à une main-d'œuvre temporaire précarisée comme rouage désormais institutionnalisé de l'économie québécoise. La FTQ s'attendait, après la pandémie de COVID-19, à une plus grande reconnaissance de la contribution et de l'importance de milliers de travailleuses et travailleurs étrangers pour l'économie québécoise, à travers une simplification et une accélération des mécanismes de régularisation et de sélection vers la résidence permanente, et ce, au bénéfice de leurs familles, des communautés, des régions et finalement du bien-être collectif du Québec. La réduction de l'immigration temporaire mise de l'avant par le gouvernement doit se faire au bénéfice d'une vision d'accueil et d'inclusion des ressortissantes et ressortissants étrangers qui sont déjà présents sur le territoire à travers une immigration permanente plus ouverte et généreuse, et des efforts d'accompagnement et de francisation accrus par le gouvernement. Or, ce ne sont pas les orientations qui semblent se dégager de la proposition gouvernementale, et c'est pourquoi la FTQ mettra un point d'honneur à prendre part au débat public, car la vision proposée ne nous apparaît pas en voie de résoudre les défis d'ordre humanitaire, social ni même économique qui se posent au Québec actuellement. Qui plus est, la FTQ ne peut que constater avec étonnement, à la lecture des documents de consultation, un silence criant quant aux enjeux découlant du recours accru aux programmes d'immigration temporaire et à leur effet délétère sur le respect des droits au travail des travailleuses et travailleurs migrants. Pour la FTQ, le maintien du permis de travail fermé est le principal responsable de la création d'une seconde classe de travailleuses et travailleurs et témoigne d'une approche à courte vue du gouvernement quant aux enjeux de main-d'œuvre. Après toute l'encre qui a coulé dans les dernières années concernant les abus dont sont victimes les travailleuses et travailleurs migrants sous permis fermé, il est incompréhensible que la planification soit muette sur cet enjeu. Bien au-delà de leur contribution à la vitalité économique ou à leur capacité à répondre aux besoins de main-d'œuvre des entreprises québécoises, les personnes immigrantes contribuent à l'évolution de la société québécoise. C'est pourquoi les moyens consacrés à l'intégration socioculturelle et linguistique de ces personnes doivent constituer une priorité afin de donner aux nouvelles personnes arrivantes une occasion de s'épanouir et de vivre convenablement au Québec. Une contribution qui s'avère positive et qui doit s'inscrire à l'intérieur des paramètres que le Québec a définis par le biais des lois qui façonnent notre vie collective, telles la Charte des droits et libertés de la personne, la Charte de la langue française, etc.
Pour la FTQ, il est important que le Québec se dote d'une véritable vision en immigration à moyen et long terme afin que notre société demeure inclusive et bienveillante pour les nouvelles personnes arrivantes et qu'elle puisse se développer collectivement en harmonie. Dans les prochaines pages de ce mémoire, nous exposerons quelques commentaires sur le présent débat public entourant l'immigration au Québec et sa planification, avant de rappeler quelques-uns des grands principes qui guident la réflexion et le positionnement de la FTQ sur les défis auxquels sont confrontées les personnes immigrantes et les solutions qu'elle préconise. En dernier lieu, les orientations soumises à la consultation publique par le MIFI seront plus spécifiquement discutées.
1. Commentaires sur la discussion publique en matière d'immigration
2. Commentaires sur la consultation publique annoncée
3. Considérations générales sur les enjeux actuels de l'immigration
a. Assumer la pleine gouvernance de l'immigration sur le territoire du Québec
Recommandation 1 : La FTQ demande au gouvernement du Québec de poursuive ses efforts pour obtenir le rapatriement des pouvoirs en immigration, afin de réaliser les objectifs socioéconomiques fixés par la société civile et de doter le Québec de meilleurs moyens pour bien intégrer les personnes immigrantes ; et que d'ici là, les gouvernements québécois et canadien améliorent leurs processus de gestion en mettant en place des canaux de discussion, tout en collaborant à la mise en œuvre efficace de l'Accord Canada-Québec relatif à l'immigration et à l'admission temporaire des aubains.
b. Faire de l'intégration des personnes immigrantes une réussite
Recommandation 2 : Que la politique d'immigration facilite et simplifie les procédures favorisant l'accompagnement des détenteurs de permis temporaires par leurs proches et qu'à cette fin le gouvernement mette de l'avant un chantier visant à répondre dans les meilleurs délais à l'ensemble des demandes de regroupement familial en attente.
Recommandation 3 : Que le ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration (MIFI) et le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale (MESS) travaillent de concert pour ouvrir et soutenir les services d'aide à l'emploi de manière à ce que toutes les catégories de l'immigration autorisées à travailler sur le territoire du Québec puissent être accompagnées et soutenues dans leur insertion sur le marché du travail.
Recommandation 4 : Que le gouvernement du Québec améliore l'accès et les processus de reconnaissance des acquis et des compétences (RAC) des personnes immigrantes dans leur milieu de travail et améliore pour ces dernières l'accès à la formation continue et la requalification professionnelle.
Recommandation 5 : Que le gouvernement multiplie les ententes de reconnaissance mutuelle des qualifications avec les différents pays d'où proviennent les personnes immigrantes.
Recommandation 6 : Que le gouvernement mette à jour la Politique gouvernementale d'éducation des adultes et de formation continue et adopte un nouveau plan d'action qui invite les ministères et les acteurs concernés à accélérer le développement des processus permettant la reconnaissance des compétences et acquis, dont ceux des personnes immigrantes.
Recommandation 7 : Que le MIFI s'assure d'une plus grande transparence envers les personnes qui souhaitent immigrer au Québec et les informe de la différence entre l'évaluation que l'on fait de leurs diplômes et compétences, lors du processus de sélection, et ce qui est effectivement reconnu lorsqu'elles sont acceptées, ainsi que des ressources et services existants pour les accompagner.
Recommandation 8 : Qu'en attendant que l'on complète les processus liés à la reconnaissance des diplômes acquis à l'étranger, le gouvernement du Québec étudie la mise en place de moyens temporaires qui permettraient de bénéficier des compétences des personnes ayant complété leur formation dans leur pays d'origine afin d'éviter que les qualifications et les compétences de ces personnes ne deviennent désuètes, parce que non utilisées.
Recommandation 9 : Qu'une véritable politique de régionalisation de l'immigration soit mise en place par le gouvernement du Québec et qu'un comité de travail interministériel travaille sur l'ensemble des aspects reliés à cette régionalisation.
Recommandation 10 : Que cette politique de régionalisation de l'immigration vise à donner aux acteurs régionaux les moyens de soutenir l'intégration des personnes immigrantes et que ces mesures soient rapidement mises en place et adéquatement financées par le gouvernement du Québec.
Recommandation 11 : Que cette politique de régionalisation de l'immigration contienne des mesures précises quant à l'accès facile à la francisation, à l'éducation, aux transports, aux services publics notamment de santé et de loisirs, à des services de garde, à des logements décents pour la population immigrante et une sensibilisation aux réalités interculturelles pour la population d'accueil.
Recommandation 12 : Que cette politique ne repose sur aucune forme de contrainte envers les personnes immigrantes à s'établir en région, notamment par l'effet de permis de travail fermés.
Recommandation 13 : Que l'ensemble des organismes d'accueil et de soutien aux personnes immigrantes, de francisation et d'employabilité soient financés adéquatement par les divers paliers de gouvernements impliqués.
Recommandation 14 : Que les subventions accordées aux organismes à but non lucratif (OBNL) et aux syndicats qui interviennent dans le domaine de l'accueil et de l'intégration des personnes immigrantes soient augmentées en fonction des besoins d'intégration.
Recommandation 15 : Que le gouvernement favorise une meilleure concertation et une meilleure collaboration entre les différents acteurs sociaux que sont les organismes gouvernementaux, communautaires et les syndicats.
c. Se donner les moyens de faire du français la langue d'adoption
Recommandation 16 : Que le gouvernement consacre les ressources budgétaires et humaines suffisantes et adéquates dans les réseaux d'enseignement et les organismes de francisation, de même qu‘à Francisation Québec pour assurer rapidement à toutes les personnes qui le requièrent les services de francisation adaptés à leurs besoins et leur permettant de répondre dans les temps impartis aux exigences et attentes fixées.
Recommandation 17 : Que les syndicats soient reconnus comme des acteurs importants dans l'intégration en milieu de travail des personnes immigrantes et que le gouvernement du Québec intègre les syndicats dans ses stratégies visant l'intégration et la francisation des personnes immigrantes.
Recommandation 18 : Que le gouvernement réaffirme son appui à la formation en francisation en entreprise en rehaussant le financement de Francisation Québec et en le mandatant pour améliorer ses programmes en concertation avec les acteurs sociaux et institutionnels impliqués dans ce type de formation.
Recommandation 19 : Que l'on maintienne et bonifie la politique visant à soutenir financièrement les personnes immigrantes qui s'inscrivent dans un parcours de francisation offert par le gouvernement du Québec.
Recommandation 20 : Que l'ensemble des cours de français offerts aux personnes immigrantes par les instances gouvernementales comportent un volet qui présente le contexte sociohistorique du Québec, sa culture, ses institutions et ses valeurs.
d. Mettre fin à l'esclavage moderne : offrir une voie aux travailleurs et travailleuses migrants temporaires
Recommandation 21 : Que le gouvernement du Québec facilite l'accès à la résidence permanente des travailleuses et travailleurs migrants en permettant à toutes les personnes salariées immigrantes qui occupent des emplois peu qualifiés dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) de se qualifier au Programme de l'expérience québécoise (PEQ).
Recommandation 22 : Que le gouvernement du Québec explore des manières de prolonger le séjour des travailleurs étrangers temporaires (TET) afin que ces derniers aient le temps nécessaire pour convenablement se franciser et atteindre le niveau de maîtrise du français exigé par le PEQ, en vue de se qualifier au PEQ.
Recommandation 23 : Que le gouvernement du Québec exige du gouvernement du Canada l'abolition immédiate des permis de travail nominatifs (appelés aussi permis de travail fermés), et exige que soient plutôt octroyés des permis de travail ouverts ne restreignant pas la liberté du travailleur migrant de changer d'employeur.
Recommandation 24 : Que le gouvernement du Québec mette en œuvre de façon stricte le Règlement sur l'immigration au Québec relativement aux refus d'étude d'impact sur le marché du travail (EIMT) pour des raisons de non-conformité.
Recommandation 25 : Que le gouvernement bonifie la liste des situations menant au refus de l'EIMT, et prévoit des périodes d'exclusion d'une longueur proportionnelle à la gravité de la faute commise par l'employeur.
Recommandation 26 : Que le gouvernement du Québec rende publique la liste de tous les employeurs s'étant vu refuser une EIMT pour des raisons de non-conformité.
Recommandation 27 : Que le gouvernement du Québec exige du gouvernement du Canada la régularisation du statut migratoire de tous les travailleuses et travailleurs étrangers sans statut.
Recommandation 28 : Que le gouvernement du Québec s'assure que toutes les travailleuses et tous les travailleurs, sans distinction fondée sur leur statut migratoire, reçoivent la pleine protection offerte par les lois du travail.
Recommandation 29 : Que le gouvernement du Québec adapte la réglementation afin que, dans le cadre du processus d'approbation de l'EIMT, l'employeur doive fournir au MIFI un avis de l'association syndicale concernant la conformité de l'offre d'emploi aux dispositions de la convention collective en vigueur, et concernant le respect des critères de l'EIMT, notamment les efforts raisonnables faits par l'employeur pour embaucher ou former des résidents du Québec avant d'avoir recours au PTET.
Recommandation 30 : Que le gouvernement du Québec adapte la réglementation afin que l'association syndicale reçoive copie des demandes d'EIMT et des contrats de travail des TET.
Recommandation 31 : Que l'on reconnaisse aux travailleuses et travailleurs du secteur agricole le même droit à la syndicalisation que pour les autres travailleuses et travailleurs régis par le Code du travail.
4. Considérations spécifiques sur les orientations gouvernementales
a. Orientation 1 : réduction progressive du nombre de personnes résidentes non permanentes
Recommandation 32 : Que le gouvernement du Québec facilite l'accès à la résidence permanente des travailleuses et travailleurs migrants en permettant à toutes les personnes salariées immigrantes qui occupent des emplois peu qualifiés dans le cadre du PTET de se qualifier au PEQ, comme c'est déjà le cas pour certaines professions.
b. Orientation 2 : trois scénarios de réduction de l'immigration permanente
c. Orientation 3 : accroître la connaissance du français
Recommandation 33 : Que le gouvernement du Québec explore des manières de prolonger le séjour des travailleuses étrangères ou les travailleurs étrangers temporaires (TET)afin que ces derniers disposent du temps nécessaire pour convenablement se franciser et atteindre le niveau de maîtrise du français exigé par le PEQ, en vue d'obtenir leur Certification de sélection du Québec (CSQ).
Recommandation 34 : Que le gouvernement du Québec rende l'acceptation des candidatures au PTET conditionnelle à un engagement de francisation de la part des employeurs, sur le temps de travail, dès l'arrivée des personnes immigrantes en sol québécois, lorsque les travailleuses étrangères ou les travailleurs étrangers temporaires proviennent de pays non francophones.
Recommandation 35 : Que le gouvernement du Québec accélère, finance et renforce la mise en œuvre de programmes d'apprentissage du français et de francisation des personnes immigrantes en milieu de travail, durant la semaine normale de travail et sans perte de rémunération pour les travailleuses et les travailleurs.
Recommandation 36 : Que des projets pilotes de prise en charge de la francisation par le milieu, soutenus financièrement par une mesure gouvernementale, soient implantés par le biais de certains comités de francisation déjà constitués dans des entreprises.
Recommandation 37 : Que le gouvernement adopte des mesures incitatives favorisant l'organisation de cours de français pendant les heures de travail à l'intention des personnes immigrantes en collaboration avec les syndicats en place et que cette offre de cours de francisation soit également offerte aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires.
Recommandation 38 : Que le gouvernement s'assure que les employeurs offrent une formation en francisation lorsque les dispositions légales le prévoient.
Recommandation 39 : Que le gouvernement exige des employeurs qui recrutent des travailleuses et travailleurs qualifiés que ces derniers maîtrisent le français dans un délai raisonnable.
Recommandation 40 : Que le gouvernement crée un comité d'experts et de professionnels pour examiner l'enjeu des seuils de francisation nécessaires pour l'obtention d'un Certificat de sélection du Québec.
Recommandation 41 : Que le gouvernement du Québec instaure des examens de français conditionnels à l'obtention du Certificat de sélection du Québec, qu'ils soient conçus au Québec, qu'ils évaluent le français parlé au Québec et qu'ils soient corrigés au Québec.
d. Orientation 4 : accroître la permanence de personnes déjà présentes
e. Orientation 5 : prioriser l'immigration économique dans les admissions permanentes
Recommandation 42 : Que le gouvernement du Québec établisse des seuils d'immigration économique qui tiennent réellement compte du nombre important de personnes immigrantes susceptibles d'obtenir leur Certificat de sélection du Québec par le biais du PEQ.
f. Orientation 6 : favoriser les personnes résidentes dans les programmes d'immigration humanitaire
Recommandation 43 : Que le gouvernement du Québec permette aux personnes demandeuses d'asile d'accéder à l'ensemble des services publics, incluant les services de santé et les garderies subventionnées.
Recommandation 44 : Que le gouvernement du Québec ajuste les seuils du regroupement familial à la réalité des personnes demandeuses provenant de l'immigration temporaire et rétablisse les cibles d'immigration pour les personnes réfugiées, notamment le nombre accepté dans le cadre du parrainage privé, lors des prochaines consultations pluriannuelles sur l'immigration.
Recommandation 45 : Que le gouvernement du Québec facilite la mise en place rapide d'un programme de régularisation inclusif, en collaboration avec la société civile, pour les personnes immigrantes sans statut du Québec.
Recommandation 46 : Que le gouvernement du Québec fasse pression sur le gouvernement du Canada afin que le programme de régularisation soit véritablement inclusif, notamment en minimisant les exigences d'admissibilité et en simplifiant le processus administratif de demande.
Recommandation 47 : Que la Loi sur les accidents de travail et maladie professionnelle soit modifiée afin que les travailleuses et travailleurs domestiques n'ayant pas travaillé le nombre d'heures requis puissent être couverts en tant que travailleuses et travailleurs autonomes.
Conclusion
Se doter d'une véritable politique visionnaire en immigration c'est convenir de prendre tous les moyens qui sont mis à la disposition de l'État du Québec pour s'assurer du succès de cette démarche. Des centaines de milliers de personnes ont mis ou mettront entre nos mains leurs destinées et leurs projets de vie et il importe de les considérer d'une manière digne en agissant avec diligence dans leurs processus d'immigration et d'intégration.
Nous devons leur ouvrir nos portes en protégeant aussi ce que nous sommes et nous distingue en Amérique du Nord. La langue française est minoritaire sur le continent nord-américain et nous devons y prendre soin. En contrepartie, cela requiert aussi de la part de la société d'accueil des marques de respect et d'intégrité pour ces nouvelles personnes immigrantes. La FTQ est heureuse de partager avec le MIFI et la commission parlementaire ses commentaires et résolutions avec l'espoir qu'ils permettront d'améliorer le processus d'immigration et d'accueil du Québec. Elle considère qu'il existe encore des moyens pour humaniser davantage cette expérience, de lui permettre d'assurer la protection des droits des travailleuses et des travailleurs étrangers, et en favorisant également la francisation de ces nouvelles Québécoises et nouveaux Québécois.
La FTQ considère que l'immigration est davantage qu'un processus économique visant à suppléer aux besoins de main-d'œuvre. Les personnes immigrantes contribuent à la richesse du Québec notamment par des apports culturels importants venant ainsi enrichir avec de nouveaux mots l'accent québécois déjà riche en expressions variées.
Par le truchement de cette consultation et en intégrant plusieurs des recommandations mentionnées par les parties intéressées lors de cette commission parlementaire, nous pourrons démontrer que le Québec est une société ouverte, inclusive et bienveillante.
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Tête-à-tête avec Éric Gingras, président de la CSQ : les leçons à tirer du passé pour relever les défis à venir
Dans ce troisième et dernier article, le président de la CSQ, Éric Gingras, répond à des questions plus personnelles et fait le point sur ses quatre années à la tête de la Centrale. Il nous livre également son analyse de ce qui nous attend au cours de l'année à venir, dans le contexte d'une élection générale au Québec, qui approche à grands pas.
Propos recueillis par Léanne Fiset-Gingras et Laurianne Veilleux.
« Ce dont je suis le plus fier, c'est le retour du nous, chez les travailleuses et les travailleurs, auquel nous avons assisté durant les dernières négociations en front commun. Ça faisait 20 ans qu'on n'avait pas vu ça : des personnes syndiquées qui s'élevaient au-dessus de leur propre catégorie d'emploi, pour revendiquer des améliorations dans l'intérêt commun de toutes et tous. », Éric Gingras, président de la CSQ.
Contexte politique et élections
Au Québec, l'année politique à venir s'annonce particulièrement chargée. Traditionnellement, la Centrale évite de prendre publiquement position en faveur ou contre des partis engagés dans la joute électorale. La CSQ prévoit-elle, cette fois-ci, adopter une approche différente à l'égard de la campagne électorale ?
Nous sommes toujours à l'étape de définir notre stratégie pour les mois à venir. Est‑ce que nous allons y prendre part ? La réponse est oui, certainement. Nous allons mettre en lumière les plateformes des différents partis et travailler afin de les amener à prendre position publiquement sur les enjeux qui touchent les travailleuses et les travailleurs du secteur public, particulièrement en éducation et en santé.
Au Québec comme ailleurs, les idées de droite gagnent en popularité et les discours décomplexés se multiplient, notamment auprès des jeunes et chez certains chroniqueurs qui remettent en question le rôle des centrales syndicales. Dans ce contexte, comment vois-tu l'avenir des organisations syndicales ?
C'était le thème de notre 44e congrès, l'été dernier : la confiance envers nos institutions. Dans ce contexte, nous n'avons pas d'autres choix que de favoriser nos liens au Québec et au Canada, mais également ailleurs dans le monde. Notre réponse à cette montée de la droite, ce sont nos alliances. Ce sont elles qui nous permettent d'aller à contre-courant de l'individualisme en mobilisant nos forces ensemble. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les organisations syndicales ont décidé de tenir, sous le thème L'union fait l'avenir !, de grands états généraux sur le syndicalisme qui se déroulent en 2025-2026. L'idée est d'oublier nos différences pour se concentrer sur ce qui nous unit et renouveler ainsi notre discours commun. Ensemble, nous voulons répondre d'une voix forte au courant individualiste en lui opposant une vraie solidarité qui bénéficie à toutes et tous.
Regard sur les dernières années
Éric, tu es arrivé à la CSQ avec la volonté d'une nouvelle approche syndicale, privilégiant le recours au dialogue social avec le gouvernement plutôt que la confrontation. Quatre ans plus tard, quel bilan fais-tu de cette approche ?
De prime abord, force est de constater que, pour qu'il y ait un dialogue, il faut qu'il y ait une volonté de part et d'autre de discuter. Ce qui n'a malheureusement pas toujours été le cas avec le gouvernement en place.
Cependant, je demeure convaincu que l'appel au dialogue social est la voie qu'il faut continuer de privilégier. Le ton que l'on prend est très important. Plusieurs de nos membres nous ont d'ailleurs fait part de leur satisfaction quant à notre façon de travailler. Ils apprécient cette forme de syndicalisme qui avance des solutions concrètes au gouvernement plutôt que d'être continuellement en opposition systématique. Toutefois, être présent et bien vulgariser les enjeux n'empêche pas, à l'occasion si nécessaire, d'être virulent et d'énoncer fermement ce dont on a besoin. C'est comme ça qu'on reste crédible dans l'espace public et ça, j'y crois encore beaucoup.
Le dialogue social implique également de coopérer avec des représentants de tous les partis politiques. Mais ce dialogue est aujourd'hui fragilisé parce que le gouvernement actuel refuse la discussion et cherche plutôt à sanctionner les personnes mobilisées, en particulier les organisations syndicales. On assiste à un véritable dialogue de sourds, avec des interlocuteurs gouvernementaux fermés au dialogue. Le modèle syndical fonctionne, mais le dialogue social, lui, reste un tout autre défi.
Est-ce que l'approche du dialogue social avec un gouvernement caquiste demeure un objectif atteignable et réaliste ?
Il est clair que le réalisme nous a définitivement rattrapés à l'issue des dernières négociations. Le premier ministre n'a pas encore digéré la défaite qu'il a subie face au Front commun et il continue de nous le faire payer. Je continue de croire que l'avenir nous réserve d'autres moments de dialogue social, mais je demeure pragmatique. Quand on voit un ministre du Travail, avec qui nous avions pourtant de bonnes relations, déposer un projet de loi aussi antisyndical que le PL 89, alors il y a lieu de troquer une certaine dose d'idéalisme pour un peu plus de réalisme.
Comptes-tu renouveler l'expérience du Front commun lors de la prochaine négociation du secteur public ?
Il est trop tôt pour le dire mais une chose est certaine, les dernières négociations du secteur public ont envoyé un signal fort au gouvernement : les organisations syndicales au Québec ne sont pas prêtes à baisser les bras et sont capables de se mobiliser pour défendre le bien commun. Donc oui, nous sommes déterminés et oui, nous allons nous battre encore ensemble si c'est la volonté commune des autres organisations et des membres.
Éric, depuis ton arrivée, plusieurs objectifs ont été atteints, notamment en renforçant la présence de la CSQ sur les réseaux sociaux. Quelle est ta vision pour les prochaines années et dans quelle direction souhaites-tu amener la Centrale ?
Selon moi, il y a deux choses importantes, indépendamment de la conjoncture politique. D'abord, le rôle d'influence que nous devons exercer auprès des décideurs, mais également auprès de la population. Aujourd'hui, quand on entend parler de la CSQ, on entend parler de solutions et de propositions concrètes, et non pas seulement de revendications.
Ensuite, on ne peut pas échapper à l'importance de la cohésion de notre organisation. Si nous voulons exercer une influence dans la société, il faut nécessairement que nous soyons unis et solidaires les uns envers les autres au sein de notre organisation. C'est pour cette raison que nous faisons autant d'efforts pour maintenir la cohésion chez nos membres, notamment se présenter forts et unis au prochain rendez-vous de la négociation du secteur public.
La cohésion interne, c'est fondamental si on veut continuer à parler d'une voix forte et crédible comme centrale syndicale.
Face à la diversité des revendications et à l'arrivée constante d'enjeux nombreux et complexes, qu'est-ce qui guide ta réflexion et tes décisions au quotidien ?
Chaque matin, je pense à nos fédérations et à nos affiliés. Quand on prend une décision, c'est avant tout à eux que je pense. Je me demande comment ils vont en bénéficier et quels seront pour eux les impacts. Chaque jour, mon premier souci est de m'assurer que nos membres sont bien représentés, bien entendus, et surtout, solidement soutenus dans toutes leurs revendications.
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Réforme Boulet : Dites Non au PL 101
Alors que le Québec s'en allait enfin vers une législation sensée, qui obligerait tous les milieux de travail sans exception à se doter de mécanismes de prévention, le PL 101 chamboule tout et instaure un régime de prévention à deux vitesses en minimisant les obligations en matière de prévention des établissements de santé, de services sociaux et de l'éducation. Voici ce qu'il faut savoir.
En bref
Moins de prévention et de participation
Le PL101 affaiblit nettement les outils de prévention et la participation des travailleur·se·s de la santé et des services sociaux à la protection de leur santé et de leur sécurité au travail.
Les établissements ne seront plus obligés de collaborer avec les représentant·e·s des travailleur·se·s pour élaborer et mettre en œuvre leur programme de prévention. Ces dernier·ère·s n'auront par exemple plus leur mot à dire sur le choix des équipements de protection ou les formations en santé et sécurité du travail (SST).
Les représentant·e·s en santé et sécurité (RSS) auront des responsabilités limitées et moins de temps pour les exercer. Il·elle·s ne pourront pas, par exemple, participer aux enquêtes d'accidents.
Il en va de même pour les comités de santé et sécurité (CSS), qui compteront en outre moins de représentant·e·s des travailleur·se·s.
Ces mesures auront des conséquences graves : elles empêcheront notamment la tenue d'un registre d'accidents et ralentiront les inspections et l'identification des risques.
Une réforme discriminatoire
Ce projet de loi nuit aux femmes puisqu'il vise des milieux de travail majoritairement féminins, et ce, bien qu'un niveau de risque élevé y soit désormais reconnu. S'il est adopté dans sa forme actuelle, les travailleuses seront privées de protections dont bénéficiera encore le personnel des milieux à prédominance masculine.
Dites Non au PL101 !
Alors que le gouvernement prétend être un employeur de choix, il se dérobe aux obligations qu'il impose à tous les autres employeurs du Québec. C'est inacceptable ! Faites-le lui savoir en répondant « Complètement en désaccord » à la question 1 de ce formulaire en ligne.
Pour la petite histoire
La création du régime québécois de santé et de sécurité du travail en 1979 avait introduit des mécanismes de prévention et de participation obligatoires, réservés aux milieux jugés plus à risque, comme ceux de la construction et de l'industrie, alors majoritairement masculins. Le réseau de la santé et des services sociaux, pourtant à haut risque, en était exclu. Après plus de 40 ans de mobilisation, la réforme de 2021 (Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail) visait à rendre ces mécanismes obligatoires pour tous les milieux de travail. Aujourd'hui, le ministre Boulet tente d'en priver le réseau de la santé et des services sociaux. Disons NON au PL 101 !
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Travail non payé dans l’industrie aérienne : les agents de bord d’Air Transat pressent la ministre Hajdu de respecter sa promesse
Dans la foulée de la grève des agents de bord d'Air Canada, les agentes et agents de bord d'Air Transat veulent s'assurer que la mobilisation contre le travail non rémunéré se traduise en actions concrètes. Leur syndicat, la Composante d'Air Transat du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), a fait parvenir une lettre à la ministre de l'Emploi, Patty Hajdu, lui demandant de tenir sa promesse de mettre fin à cette pratique.
À l'instar d'Air Canada, Air Transat et d'autres transporteurs canadiens continuent d'exiger de leurs équipages des tâches essentielles au sol – préparation des cabines, vérifications de sécurité, embarquement, responsabilités post-vol – sans que celles-ci soient rémunérées.
« Madame la ministre a eu raison d'affirmer que personne ne devrait travailler gratuitement au Canada. Il est temps que ces paroles se traduisent en mesures législatives et réglementaires applicables à toutes les compagnies aériennes. Nos membres veulent simplement être payés pour chaque minute de travail qu'ils accomplissent, au même titre que n'importe quel autre travailleur au pays », a déclaré Marie-Hélène Nadeau, présidente de la Composante d'Air Transat du Syndicat Canadien de la Fonction Publique.
Le SCFP-Québec rappelle que la reconnaissance et la rémunération de l'ensemble des heures travaillées est une question d'équité, mais aussi de sécurité pour les passagers. « Les agents de bord à travers le pays sont unis dans ce combat, peu importe la compagnie pour laquelle ils travaillent. Nous appelons la ministre Hajdu à faire preuve de leadership et à établir un précédent historique », conclut Mme Nadeau.
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Soutien à l’Ukraine résistante : le numéro 41 est disponible en téléchargement gratuit
Les Brigades éditoriales de solidarité ont été créées au lendemain de l'agression de la Russie poutinienne contre l'Ukraine. Elles regroupent les éditions Syllepse (Paris), Page 2 (Lausanne), M Éditeur (Montréal), Spartacus (Paris) et Massari (Italie), les revues New Politics (New York), Les Utopiques (Paris) et ContreTemps (Paris), les sites À l'encontre (Lausanne), Europe solidaire sans frontières (Paris), Trasversales (Madrid) et Presse-toi à gauche (Québec), les blogs Entre les lignes entre les mots (Paris) et Utopia Rossa, ainsi que le Centre Tricontinental (Louvain-la-Neuve) et le Réseau syndical international de solidarité et de luttes.
Le numéro 41 de la revue est maintenant disponible et vous pouvez le télécharger en suivant ce lien. Ce numéro spécial porte sur les journées de juillet. Pour la première fois depuis le début de l'invasion à grande échelle par la Russie en février 2022, l'Ukraine a vu une partie de sa population descendre dans la rue et exprimer sa colère vis-à-vis de sa classe politique et en particulier de son président Volodymyr Zelensky, qui était resté jusque-là plutôt populaire.
Les 22, 23, 24 et 25 juillet, malgré une loi martiale interdisant les manifestations, des milliers de personnes se sont réunies dans plusieurs villes du pays, dans la capitale de Kyiv mais aussi dans des villes comme Sumy ou Kharkiv qui continuent de subir bombardements et tirs de missiles quotidiennement, de nuit comme de jour.
Plusieurs contributions sont présentées dans ce numéro afin de bien comprendre ce que signifient ces nouvelles mobilisations dans un contexte de guerre.

Kneecap, au nom de la Palestine
La solidarité sans filtre du groupe de punk rap nord-irlandais avec la Palestine scandalise et effraye nombre de programmateurs musicaux et de festivals. Elle permet de mettre, sur le devant de la scène, la bataille culturelle mondialisée qui se joue autour du génocide à Gaza.
Tiré d'Orient XXI.
Les drapeaux palestiniens au bord des routes, jusque dans les lieux les plus reculés, sont une singularité du paysage irlandais. Leur usure causée par la pluie et le vent indique qu'ils ont été plantés depuis un certain temps, et que personne ne s'empressera de les enlever. La fraternité entre l'Irlande et la Palestine est connue pour leur communauté de destin : la colonisation britannique.
Le battage récent autour de Kneecap, groupe de punk rap qui a sorti le gaélique de la musique traditionnelle et de la pop, remet cette solidarité au cœur d'une guerre culturelle et politique.
Le trio, originaire de Belfast-Ouest (quartier à majorité catholique) et de Derry, fervent défenseur de la cause palestinienne, participe activement à tous les « Gigs for Gaza », ces concerts organisés en soutien à Gaza. Lors de la plupart de leurs shows, Liam Óg Ó hAnnaidh, Naoise Ó Cairealláin et JJ Ó Dochartaigh — connus sur scène sous les noms de Mo Chara, Móglaí Bap et DJ Próvaí — invitent le public à scander avec eux le slogan : « Free, Free Palestine ».
Tirant son nom du « kneecapping » — cette méthode punitive qui consiste à tirer dans les rotules, utilisée par les paramilitaires en Irlande du Nord et par l'armée israélienne contre les Palestiniens lors de la « marche du retour » en 2018 à Gaza —, le groupe cultive l'art de la provocation. Un film récent, sobrement intitulé Kneecap, interprété par les membres du groupe et retraçant (très) librement leurs débuts — faits de drogues, de rap et d'indépendantisme — ajoute une pierre de plus à la légende qu'ils se construisent. Le long-métrage a déjà reçu le prix du public au Festival du cinéma américain de Sundance, après avoir raflé sept British Independent Film Awards (BIFA), dont celui du meilleur film britannique indépendant.
Le quotidien britannique de centre-gauche The Guardian les chouchoute et les qualifie de « groupe parmi les plus controversés en Grande-Bretagne et en Irlande depuis les Sex Pistols », tandis que le tabloïd conservateur The Daily Mail, les appelle les « “Anti-British” rappers » (rappeurs « anti-britanniques »). Le trio, dont un des tubes reprend le slogan républicain « Brits out » (1), assume pleinement ces attaques et répond :
Ils n'apprécient pas que nous nous opposions à la domination britannique, que nous ne croyions pas que l'Angleterre serve qui que ce soit en Irlande. Que nous disions que les classes ouvrières des deux côtés de la communauté méritent mieux, des financements publics, des services de santé mentale appropriés, méritent de célébrer la musique et l'art et méritent la liberté d'exprimer notre culture. (2)
Annulations en Europe et révocation de visas américains
Avec Kneecap, les mots sont des balles. Au Coachella Valley Music and Arts Festival, en Californie, ils ont clamé sur scène :
- Fuck Israël. Les Palestiniens n'ont nulle part où aller. C'est là qu'ils vivent, bordel ! Et on les bombarde depuis le ciel ! […] Israël commet un génocide contre le peuple palestinien, rendu possible par le gouvernement américain, qui arme et finance Israël.
Sur l'écran géant de la scène, on pouvait lire : « Israël commet un génocide contre le peuple palestinien. »
Un scandale est né. Le producteur américain du groupe, la société Independent Artist Group (IAG), s'est désengagé suite à la controverse, entraînant l'invalidation de leurs visas de travail. En Europe, sous la pression de groupes pro-israéliens, plusieurs festivals de musique ont revu leur programmation. En Allemagne, le Hurricane Festival et le Southside Festival ont déprogrammé leurs concerts prévus en juin. Les membres du groupe n'en font pas un drame à ce stade :
- Nous sommes en train de déposer une nouvelle demande de visa [d'entrée aux États-Unis]. J'espère que ça marchera. Mais si ça ne marche pas, je pourrai vaquer à mes occupations sans avoir à me soucier de mon prochain repas ou d'un bombardement de ma famille. Visa révoqué, je pourrai m'en remettre. (3)
Le groupe est désormais habitué. Ce n'est pas la première fois qu'il se retrouve au cœur d'une polémique pour ses prises de position. Le 18 juin, Mo Chara comparaissait devant le tribunal de première instance de Westminster à Londres pour « apologie du terrorisme ». Il était accusé d'avoir déployé un drapeau du Hezbollah lors d'un concert londonien le 21 novembre 2024, au moment de l'offensive terrestre israélienne contre le Liban. L'audience a été reportée au 20 août pour vice de forme.
À la sortie du tribunal, devant une foule de fans et de curieux, Mo Chara a entonné son slogan favori « Free Free Palestine ». Le public suit. Pour les fans, « il défend l'Irlande et la Palestine en même temps, c'est normal ». Il n'y a aucun autre endroit au monde où le sort de la Palestine est spontanément associé au destin local et avec autant de conviction. Et où un groupe musical remet la question de cette solidarité sur le tapis avec un savoir-faire inédit, où la provocation ne compromet pas le message politique. En mai 2025, ils ont reversé leurs recettes du Wide Awake Festival à Médecins Sans Frontières.
« Ce qui n'est pas correct, c'est d'armer un putain de génocide »
Rebelote à Glastonbury le 28 juin dernier. Avant l'ouverture du festival, soutenu par des députés conservateurs, le premier ministre travailliste Keir Starmer avait appelé à l'annulation du concert et à la censure du groupe : « Ils ne devraient pas être autorisés à jouer sur scène, a-t-il argué, ce n'est pas correct. » La BBC, partenaire du festival, a ensuite déprogrammé la retransmission du concert en direct. Réponse lapidaire de Kneecap : « Tu sais quoi, Keir, ce qui n'est pas correct c'est d'armer un putain de génocide. »
Quand on les accuse de tirades outrancières, ils rétorquent :
- Si vous pensez qu'un groupe satirique, qui singe des personnages sur scène, est plus scandaleux que le meurtre de Palestiniens innocents, alors vous devriez vous poser des questions. (4)
En attendant le début du concert, la foule de Glastonbury agitait des dizaines de drapeaux palestiniens géants. Sur un écran, un montage reprenait les nombreux appels à censurer le groupe pour chauffer le public. Et lançait un rendez-vous : « Venez nombreux au procès du 20 août à Londres. » Sur la scène, Kneecap truffe ses prises de parole de « Fuck Keir Starmer ». « Fuck the Daily Mail »… « Jamais vu autant de monde à un concert », commente Móglaí Bap, « la foule est bourrée de “Fenian bastards” » (« salauds de nationalistes irlandais », l'insulte est affective).
Sur d'autres scènes de Glastonbury, des artistes prennent parti pour les Gazaouis, au premier rang desquels le duo punk Bob Vylan, qui a déclenché un énorme scandale en exhortant les fans à chanter « Death, death to the IDF » (« Mort, mort à l'armée d'Israël »). Le groupe est lui aussi privé de visas américains et fait face à plusieurs annulations en Europe, notamment en France, où leur concert prévu au Kave Fest, dans l'Eure, a été déprogrammé.
Non loin de là, sur une scène dédiée aux débats dans l'enceinte du festival, Gary Lineker, l'ancien international de foot anglais et défenseur de la cause palestinienne, évoque ses démêlés avec la BBC. Présentateur vedette de « Match of the Day », l'émission de foot culte de la chaîne publique britannique, il a dû quitter cette dernière après avoir été accusé d'antisémitisme : « J'ai été traumatisé par les images des enfants à Gaza », s'est-il défendu, « je veux prêter ma voix à ceux qui n'en ont pas… ».
La Palestine, catalyseur d'une bataille culturelle globale
Au cours de la dernière décennie, Israël est devenu un point de convergence pour l'extrême droite mondiale. Il est perçu par celle-ci comme le fer de lance de la croisade civilisationnelle contre la supposée « barbarie » arabe ou musulmane. L'adhésion à Israël s'accompagne souvent, pour les droites radicales, d'un programme autoritaire — destruction des acquis démocratiques, contrôle des médias, suppression du pluralisme.
Inversement, la Palestine devient nœud et point ralliement global de l'opinion publique démocratique, antiraciste et anticoloniale. Ce qui se passe au Proche-Orient marque dorénavant une ligne de faille géostratégique et militaire et nourrit en même temps un front culturel lui aussi planétaire. Les millions de jeunes qui rejoignent les manifestations pour Gaza ou la Palestine, partout dans le monde, dans les métropoles, mais aussi dans des petites villes et des banlieues éloignées, témoignent de cette nouvelle géographie culturelle du monde contemporain.
Dans cette guerre de tranchées, Kneecap a choisi de s'afficher avec le cran et l'art de la provocation qu'on lui connaît désormais. Comme aucun autre acteur culturel aujourd'hui, à cause de leur héritage anticolonial, social et politique, Kneecap affiche les tropes de nouvelles batailles culturelles et idéologiques. Il le fait sur une scène musicale et culturelle, en dehors des logiques de parti, organisationnelles et associatives. Et de manière folle et échevelée. La dérision et l'hilarité, l'obscénité anti-bourgeoise, l'esprit tapageur et anarchisant acquièrent avec Kneecap une vitalité positive. Les ambiguïtés affichées par ce groupe de bouffons héritiers du républicanisme irlandais ne sont jamais fortuites, elles ont valeur de paradoxe électrique et subversif.
Quelques minutes après le concert de Kneecap à Glastonbury, Alexis Petridis, critique musical du Guardian, écrivait :
- La notoriété actuelle de Kneecap sera-t-elle un bref éclair, un phénomène durable, ou au contraire les conduira-t-elle à leur perte ? Cela reste à voir. Pour l'instant, devant ce public, ils triomphent (5)
Mais si Kneecap doit tomber, ce ne sera pas à cause de son manque de convictions. Wait and see.
Notes
1- NDLR. « Get your brits out » (Sortez vos britanniques) (2019) est aussi un jeu de mot avec l'expression Get your tits out, qui signifie de façon vulgaire « Montre tes seins ». La chanson se moque ouvertement d'importantes figures politiques du Democratic Unionist Party (DUP), le parti loyaliste d'Irlande du Nord.
2- Post de Kneecap sur le compte X du groupe, publié le 29 novembre 2024.
3- Shaad D'Souza, « “We just want to stop people being murdered” : Kneecap on Palestine, protest and provocation », The Guardian, 27 juin 2025.
4- op. cit.
5- Alexis Petridis, « Kneecap at Glastonbury review – sunkissed good vibes are banished by rap trio's feral, furious flows », The Guardian, 28 juin 2025.
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La baisse des prix du pétrole brut : des effets diversifiés et contradictoires
Le prix du pétrole a décroché de 35 % en six mois passant de 115 $ US à moins de 60 $ à la mi-décembre. Avec ce dernier prix, le pétrole atteint son plus faible niveau depuis quatre ans.
La baisse des prix s'explique par un excès de l'offre sur la demande.
L'absence de reprise de l'économie européenne, la stagnation de l'économie japonaise, le ralentissement de la croissance de l'économie chinoise ont amené un recul important de la demande en pétrole.schiste, la production américaine de pétrole est passée de 5 millions de barils par jour en 2008 à 9 millions aujourd'hui, son plus haut niveau depuis trente ans. L'Administration américaine d'information sur l'énergie (EIA) prévoit d'atteindre 9,5 millions par jour de barils en 2015. L'exploitation de sables bitumineux au Canada a, à son tour renforcé, l'offre. De plus, l'Iran, la Libye, et l'Irak ont fait leur retour sur le marché pétrolier...
L'offre pour sa part a continué d'augmenter. Avec le développement de l'exploitation de pétrole de
Pour leur part, les pays l'OPEP qui contrôlent 40 % de la production mondiale ont refusé de diminuer leur production et ont décidé de maintenir cette dernière à 30 millions de barils par jour. Cette décision vise à refuser de céder des parts du marché au pétrole de schiste étatsunien. Le refus de diminuer leur production constitue un avertissement destiné aux producteurs de pétrole de schiste en Amérique du Nord qui ont ajouté des volumes importants au marché mondial. Le gouvernement saoudien a l'intention de combler les pertes provoquées par la baisse des prix en augmentant le volume du pétrole livré. Nous assistons donc à une lutte acharnée pour le partage du marché pétrolier mondial.
À qui profitera la baisse ?
L'impact de la baisse des prix sur l'économie mondiale sera très différencié. Les pays dont l'économie est basée principalement sur l'exploitation pétrolière, l'exportation de ce produit et par l'utilisation de la rente pétrolière comme levier pour assurer la régulation de leur économie vont connaître une série de problèmes économiques sérieux. Cela va être le cas de la Russie, du Venezuela et de l'Algérie... Aux États-Unis, certaines entreprises pétrolières vont sans doute devoir fermer des puits, mais l'économie est forte et diversifiée et elle n'en sera pas profondément affectée. La Chine, pour sa part, peut profiter de ce recul des prix pour augmenter ses réserves stratégiques en pétrole à plus faible coût.
Au Canada, déjà, le gouvernement albertain évalue la baisse de ses rentrées fiscales. Stephen Harper a assuré que ce recul des prix du pétrole ne remettrait pas en cause son objectif de parvenir au déficit zéro, mais il a reconnu que les marges de manoeuvre du gouvernement fédéral en seront réduites.
Pour les entreprises pétrolières, le coût d'extraction du pétrole des sables bitumineux va devenir trop élevé. Un prix en bas de 70$ risque d'entraîner la baisse des investissements et la perte de nombreux emplois, car plusieurs projets risquent de ne pas se concrétiser. Mais il reste que cette baisse des prix sera sans doute temporaire, depuis des années les prix du brut connaissent de fortes oscillations. Cela devrait se continuer. Il est donc imprudent de croire que ce recul va remettre en question les grands projets stratégiques des multinationales du pétrole et que l'exploitation du pétrole des gaz de schiste pourrait être sérieusement remise en question. On parle ici d'investissements qui se comptent par milliards et qui mobilisent les plus grosses entreprises de la planète. Ces investissements sont faits pour défendre la place du pétrole comme principale source d'énergie pour les décennies qui viennent. À cette échelle, ce n'est pas une baisse des prix même importante qui va faire dévier les pétrolières de leurs plans stratégiques bien que leur calendrier devra sans doute être révisé.
Cette baisse de prix du pétrole va provoquer un recul du dollar canadien face à la devise américaine. Cela va faciliter l'exportation des produits manufacturiers du pays vers les États-Unis et le reste du monde. Les entreprises manufacturières du Québec et de l'Ontario vont donc pouvoir profiter de cette baisse, . Une croissance de l'économie québécoise centrée sur l'exportation de produits manufacturiers va favoriser la création d'emplois et l'augmentation des revenus de l'État québécois particulièrement si la reprise américaine se confirme.
Sources
1. Jean Gagnon - À qui profite la baisse du prix du pétrole - La Presse ? 28 octobre 2014
2. Presse Canadienne - . Le prix de l'essence chute avec celui du brut, le 28 novembre 2014
3. Daniel Breton, Prix du pétrole : fou raide ! - - blogue du Journal de Montréal, le 28 novembre 2014
4. Pourquoi le prix du pétrole baisse-t-il ? La voix de la Russie, 12 octobre 2014
5. Jean-Michel Bezat, Pourquoi le prix du pétrole baisse - Le Monde.fr, le 15.09.2014,
6. Dan Israel et Thomas Cantaloube et Pierre Puchot, Russie, Venezuela et Algérie sont frappés de plein fouet par la chute des prix du pétrole, mediaparart.fr, le 28 novembre 2014
7. Jade Lindgaard, Le pétrole, un acteur politique en pleine crise - mediapart.fr
8 Les prix amochés pour le brut, la nouvelle norme. La presse, le 29/11/20149
9. Hayat Gazzane, Le baril de pétrole peut descendre à 60 dollars » - Le Figaro, publié le 28/11/2014
10. Paul Journet, La bulle carbone, La Presse - 5 décembre 2014
11. La fin du pétrole cher - El Watan, 12-12-2014

Une histoire de solidarité régionale populaire

Page couverture du journal du comité logement appelé Logement-Va-Pu, 1974
Dans les années 1960-1970, la ville de Hull vit une période de réaménagement urbain qui la défigure et laisse des traces qui sont encore visibles aujourd’hui. Plus de 5000 personnes sont expropriées et 2000 logements détruits pour faire place aux grands bâtiments requis par le gouvernement de Pierre E. Trudeau pour héberger les services des gouvernements (fédéral, provincial, municipal). « Ces démolitions signifiaient la démolition de 10 % du stock de logements de la ville ou de plus de 25 % du quartier de l’Ile de Hull[2] ». Les ravages s’effectuent dans les quartiers populaires et les personnes touchées appartiennent à la classe ouvrière.
Les premiers comités de citoyens et citoyennes prennent racine sur l’Ile de Hull à la fin des années 1960 dans ce contexte d’expropriations et de destruction. Des prêtres, des animateurs sociaux et quelques citoyens se regroupent pour mener une vaste enquête-participation qui vise à déterminer les principaux besoins de la population de l’Ile et à cerner pourquoi les gens n’interviennent pas ou peu dans les décisions politiques, économiques et sociales qui touchent leurs conditions de vie et de travail, et ce, malgré le contexte de dévastation[3]. L’enquête a aussi pour objetectif de mobiliser la population[4]. Notant que beaucoup de personnes vivent dans les mêmes conditions difficiles, on y constate que la population n’a pas d’organisations pour défendre ses intérêts. Plusieurs comités de travail (santé, chômage, aide sociale, logement, etc.) se mettent sur pied et ceux-ci mènent directement à la création des premiers groupes populaires : l’Association des locataires de Hull qui devient Logement-Va-Pu (aujourd’hui Logemen’occupe), le Dispensaire des citoyens de l’Ile de Hull (aujourd’hui Action Santé-Outaouais), le Regroupement populaire de l’île (aujourd’hui l’Association pour la défense des droits sociaux-Outaouais), la Maison du chômeur (devenu le feu Mouvement Action Chômage), un journal populaire et la première maison de quartier appelée le Centre d’animation familiale (CAF). Ces groupes ont pour objectif de rassembler et de défendre les intérêts des citoyens et citoyennes des quartiers populaires. Rapidement, les groupes populaires se réunissent, d’abord au sein de l’Assemblée générale de l’Ile de Hull (AGIH) qui devient, en 1972, le Regroupement des Comités de citoyens de Hull (RCCH).
À tour de rôle, les groupes populaires mènent différents combats contre les expropriations massives du « vieux Hull » et la présence envahissante du fédéral. Ils luttent pour la construction de nouveaux logements et pour l’amélioration des logements insalubres et délabrés. Ils bataillent pour l’obtention d’un feu de circulation pour la sécurité des enfants et pour défendre les droits des personnes assistées sociales et des chômeurs et chômeuses. Ils mènent des luttes pour obtenir des services médicaux et pharmaceutiques sur l’Ile de Hull tout comme une épicerie populaire et une garderie populaire.
De la solidarité syndicale et populaire
Les groupes populaires s’insèrent dans la tradition régionale des luttes syndicales. D’ailleurs, à cette époque, on ajoute souvent le qualificatif « ouvrier et populaire » aux mots « classe », « culture », « luttes » et « quartiers ».
Sur le terrain, l’affinité entre le populaire et l’ouvrier démontre une solidarité organique. Des travailleuses et travailleurs sont membres des conseils d’administration des groupes populaires (de chômeurs, de consommateurs, d’accidentés du travail). Sans mandat formel de leur syndicat, ces personnes y siègent parce qu’elles se sentent impliquées dans les luttes menées par les groupes pour améliorer les conditions de vie.
De même, les groupes populaires mobilisent activement en appui aux luttes syndicales. Un texte trouvé dans les archives de la Table ronde des organismes d’éducation populaire de l’Outaouais (TROVEPO) résume la complicité des luttes :
Bien sûr, les groupes populaires mènent aussi des actions concrètes pour l’amélioration des conditions de vie et de travail. Mais il est important de préciser que notre action ne se limite pas à nos membres seulement ou même au secteur de la population que nous touchons directement.
Lorsque le comité des travailleurs(euses) accidentés(es) présente un mémoire en commission parlementaire sur la santé-sécurité en milieu de travail, c’est l’ensemble des travailleurs(euses) qui est concerné par ces revendications.
Lorsque le Mouvement Action Chômage mobilise les travailleurs(euses) avec ou sans emploi face à une diminution de la semaine de travail ou à une politique de plein emploi, cette action englobe les revendications fondamentales de tous les travailleurs(euses).
Lorsque le comité Logmen’occupe manifeste pour obtenir de meilleures conditions de logement, lorsque les six garderies populaires de la Table ronde revendiquent plus de garderies populaires et plus de subventions pour fonctionner, c’est à l’ensemble des travailleurs(euses) avec ou sans emploi que cela profite[5].
La lutte pour le maintien des quartiers du centre-ville de Hull solidifie la solidarité entre les différents syndicats et groupes populaires de la ville. Dès le premier Front commun du secteur public et parapublic en 1972, puis en 1976 et 1983, les groupes populaires prennent une part active aux lignes de piquetage et donnent des appuis concrets aux syndicats de la région en solidarité avec leurs revendications.
Lors de l’importante grève chez E.B. Eddy, en 1975, plusieurs groupes populaires en lien avec le Comité de solidarité des travailleurs de l’Outaouais soutiennent activement les grévistes. Un spectacle-bénéfice, l’Hiver Show, est organisé avec des artistes de la région pour venir en aide aux travailleurs et travailleuses. De même, l’ACEF, l’Association coopérative d’économie familiale, offre aux grévistes un service de consultation budgétaire ainsi qu’un service de négociation avec les banques et les caisses populaires des grévistes.
Un peu plus tard, en novembre 1981, les groupes populaires de la région prennent part à la grande manifestation syndicale sur la colline du Parlement à Ottawa alors que 100 000 personnes manifestent contre les politiques économiques du gouvernement libéral fédéral et les hauts taux d’intérêt.
En 1982, le taux de chômage officiel atteint 13 % et l’inflation annuelle frôle les 12 %. Le milieu syndical de l’Outaouais, de concert avec les groupes de chômeurs et chômeuses et des groupes de jeunes de la région, se joint à la Grande Marche pour l’emploi des travailleurs et travailleuses avec ou sans emploi et répond à l’appel d’une mobilisation nationale : une délégation de l’Outaouais marche de Hull à Montréal pour dénoncer la crise du chômage et revendiquer un programme de plein emploi. En 1982-1983, le Mouvement Action Chômage, avec les comités de condition féminine des syndicats et plusieurs groupes de femmes, réclame des améliorations à la loi sur l’assurance-chômage concernant les prestations de maternité.
Une histoire régionale du syndicalisme de lutteLe mouvement syndical de l’Outaouais prend son essor au début du XXe siècle. Hull, entourée de grandes rivières et de forêts, vit alors une période remarquable d’industrialisation et de croissance. On y développe l’hydroélectricité et on construit des usines de pâtes et papiers et des fabriques connexes relevant de l’exploitation du bois. Avec l’industrialisation vient une syndicalisation de la main-d’œuvre. La région a été le témoin de plusieurs luttes et initiatives ouvrières significatives. Quatre en particulier frappent l’imaginaire. La première grèveEn septembre 1891, le premier grand conflit ouvrier éclate à Hull. Prétextant un environnement économique défavorable, plusieurs patrons décident de réduire le salaire des ouvriers. Furieux, quelques employés de la scierie Perley arrêtent de travailler en protestation. Dans les jours qui suivent, 2 400 ouvriers, qui travaillent dans les neuf plus grosses scieries de la région, emboitent le pas. Il s’agit d’un mouvement spontané, non organisé : il n’y a pas de syndicat à l’époque. D’après l’historien Roger Blanchette, ce mouvement de masse marque une étape cruciale de l’histoire ouvrière de la région. Alors que la milice coloniale de l’époque intervient et met brutalement fin au débrayage, les travailleurs ont démontré une force et une solidarité exemplaires. Cette grève spontanée a démontré la nécessité pour les travailleurs de s’organiser. L’assassinat de deux travailleurs syndiqués à BuckinghamEn 1906, les travailleurs de Maclaren, compagnie qui règne en despote sur la vallée de la Lièvre, dans l’est de la région, essaient de créer un syndicat. Ils ont essentiellement deux revendications : la parité avec les autres travailleurs de la région et la reconnaissance de leur syndicat. Maclaren rejette ces demandes, décrète un lockout à l’usine de Buckingham et embauche des fiers-à-bras américains de l’agence Thiel Detective Service Company pour briser la grève. Tendant un piège aux ouvriers, ces hommes armés tirent sur eux et tuent le président du syndicat Thomas Bélanger et un autre travailleur François Thériault. Un syndicat ne réussira à voir le jour à la MacLaren qu’en 1944. Le Syndicat des ouvrières des allumettesAu début du XXe siècle, 99 % des allumettes de bois utilisées au Canada sont produites dans les usines d’E.B. Eddy à Hull. Les employées sont de jeunes filles âgées de 12 à 22 ans. Outre les conditions de travail inhumaines (salaire de 25 cents par jour, journée de travail de onze heures), les filles doivent tremper chaque allumette dans du phosphore blanc, un produit toxique qui provoque une maladie appelée nécrose maxillaire et qui entraine chez plusieurs d’entre elles l’amputation de la mâchoire inférieure. Le phosphore n’est interdit qu’en 1914. En 1919, les filles refusent une modification de leurs conditions de travail et l’employeur décrète un lockout. Les filles fondent le Syndicat des ouvrières des allumettes. La compagnie utilise tous les moyens, menaces et chantage, pour essayer de briser leur solidarité, mais elles refusent de céder et restent unies. Les ouvrières obtiendront finalement la reconnaissance syndicale et une amélioration, quoique légère, de leurs conditions de travail. Cela marque un tournant majeur dans l’histoire ouvrière, puisque ce syndicat est le premier syndicat féminin de l’histoire du Canada.
Photo : Salvador David Hernandez La fondation de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC), l’ancêtre de la CSNL’Association ouvrière de Hull, un regroupement syndical non confessionnel, est fondée en 1912. À la suite d’une pression cléricale énorme, l’association se confessionnalise et devient le Conseil central national des ouvriers de Hull en 1919. Celui-ci est membre fondateur de la Confédération des travailleurs catholiques canadiens (CTCC) créée à Hull en 1921. La CTCC se déconfessionnalise et devient la Confédération des syndicats nationaux (CSN) en 1960. Pour sa part, le Conseil central des syndicats nationaux de l’Outaouais, membre de la CSN, fête ses 100 ans en 2019 et publie un recueil qui raconte une partie de l’histoire syndicale de la région. La crise économique des années 1930 marque le déclin du secteur industriel dans la région de l’Outaouais. Une telle transformation a des conséquences sur le monde ouvrier. Cependant, à partir de 1960, la région, et Hull en particulier, se transforme radicalement. Les implications de l’expansion de l’État social, dont l’implantation du gouvernement fédéral au centre-ville, et les effets de la Révolution tranquille entrainent des changements économiques, sociaux et syndicaux. Les secteurs primaire et secondaire disparaissent presque complètement pour être remplacés par une économie fondée sur les services. Les syndicats regroupant des employé·e·s du gouvernement du Canada sont de plus en plus présents à Hull. Sources : Roger Blanchette, Conseil central des syndicats nationaux de l’Outaouais, 1919-2019. Pionnier du mouvement syndical québécois, Service des communications CSN, 2019. Roger Blanchette, L’Outaouais, Collection Les régions du Québec… histoire en bref, Québec, Presses de l’Université Laval, 2009. |
La Coalition populaire régionale de l’Outaouais
Dans les années 1980, les relations entre le mouvement syndical et le mouvement populaire se formalisent. La Coalition populaire régionale de l’Outaouais (CPRO) est la première grande coalition permanente qui regroupe l’ensemble des mouvements syndical et populaire de la région. Elle sera active pendant quinze ans.
Membre régional de Solidarité populaire Québec (SPQ)[6], la CPRO accueille l’enquête nationale de SPQ sur le désengagement de l’État en 1987. Sous la forme d’une commission populaire itinérante, celle-ci recueille auprès du « monde ordinaire » des histoires qui documentent l’impact des compressions budgétaires du gouvernement provincial sur la population.
Cette tournée dynamise le milieu syndical et populaire de l’Outaouais sur l’importance de se mobiliser contre l’Accord de libre-échange (ALÉ) liant le Canada et les États-Unis. La mobilisation reprend avec enthousiasme chez les militants et militantes et la CPRO multiplie les activités de formation et les actions sur la question durant les années1985 à 1987. L’ALÉ est signé en 1987, mais la coalition régionale poursuit la résistance contre le deuxième projet du libre-échange liant le Canada et les États-Unis au Mexique, l’ALENA, en 1994.
Sur un autre front, la CPRO appelle à la mobilisation contre le démantèlement du régime d’assurance-chômage. Par les réformes Valcourt du gouvernement conservateur et Axworthy du gouvernent libéral, le gouvernement fédéral cherche à transférer la responsabilité de la lutte contre le chômage du pouvoir public aux personnes sans emploi. En février 1993, une délégation de l’Outaouais se joint aux 40 000 personnes qui manifestent à Montréal par un froid de moins 25 degrés Celsius pour exiger une présence accrue du gouvernement fédéral dans le combat contre le chômage.
La CPRO travaille également d’arrache-pied contre un autre aspect de la réforme Axworthy qui saborde le Régime d’assistance publique Canada (RAPC)[7]. Ce régime étant éliminé, le transfert des fonds fédéraux dans le champ social est sérieusement réduit.
En 1991, la CPRO se lie à la Ligue des droits et libertés pour poursuivre la Sûreté du Québec (SQ) devant les tribunaux. On découvre que la SQ avait placé, durant les années 1980, un informateur au sein des groupes populaires de Hull. La police obtient ainsi des informations sur les personnes ainsi que sur les stratégies internes du mouvement. On est à l’époque de la consultation Bélanger-Campeau sur l’avenir du Québec et à la veille d’un deuxième referendum sur la souveraineté. Dans ce contexte fébrile, plusieurs groupes, dont la CPRO, jugent essentiel de faire valoir leurs droits devant la justice. Ils accusent la SQ d’avoir illégalement surveillé des personnes et des organisations, une violation de leurs droits. Malheureusement, un vice de procédure provoque l’abandon de la poursuite judiciaire. D’autres pratiques policières douteuses dans la région seront abordées plus loin.
La dernière grande campagne à laquelle participe la CPRO survient dans le contexte de morosité généralisée des milieux syndicaux et populaires qui suit l’adoption des accords de libre-échange et l’arrivée du néolibéralisme. Pour relancer une mobilisation large autour d’un projet de société, SPQ demande à ses membres d’imaginer « le Québec dans lequel on voudrait vivre ». La CPRO répond à l’appel et organise la mobilisation régionalement afin de participer à la démarche collective qui mène à l’adoption de la Charte d’un Québec populaire[8].
Le Réseau de vigilance Outaouais
Solidarité Populaire Québec met fin à ses activités en 2001. Cette décision met en évidence le défi pour le milieu syndical et le milieu communautaire de travailler en coalition permanente. Au Sommet socio-économique de 1996, le projet avoué du gouvernement péquiste de Lucien Bouchard est de faire avaler le « déficit zéro » par l’ensemble des partenaires – syndicaux, coopérants, communautaires et entrepreneuriaux. Pendant le Sommet, le « déficit zéro » se heurte à l’objectif de la « pauvreté zéro » porté par une bonne partie du mouvement social québécois. Plusieurs personnes déléguées du mouvement social, dont le représentant de SPQ, claquent la porte pour montrer l’impossibilité de réconcilier l’irréconciliable. Le mouvement syndical ayant choisi de rester, un froid s’installe entre celui-ci et une partie du milieu populaire. SPQ en paie le prix car les syndicats retirent leur soutien financier : c’est la fin pour SPQ.
En 2004, peu de temps après le sabordage de SPQ, le Réseau de vigilance se forme à l’échelle nationale, réunissant sensiblement les mêmes acteurs syndicaux et populaires que SPQ. Comment expliquer le changement de cap ? En un mot : la réingénierie du gouvernement de Jean Charest.
Les coalitions intersyndicales et communautaires fonctionnent mieux quand toutes les parties partagent une même analyse politique. S’il y a des frictions, c’est souvent sur des éléments moins essentiels comme des gestes à poser ou des calendriers à suivre. Lorsque les libéraux de Jean Charest prennent le pouvoir en 2003, la résistance est immédiate. Autant le milieu syndical que celui du communautaire craignent le projet libéral à venir. La réingénierie de l’État, le recours à la sous-traitance, le délestage des services publics vers le privé et vers le communautaire, l’utilisation des partenariats public-privé (PPP), la vulnérabilité des programmes sociaux… la liste des appréhensions est longue.
Dans l’Outaouais, les organisations syndicales CSN, FTQ, FIQ, SFPQ[9] et les groupes communautaires comme la TROVEPO, l’ACEF, Logemen’occupe partagent l’urgence de faire front commun contre l’idéologie néolibérale du nouveau gouvernement. Ce front commun régional s’appelle le Réseau de vigilance Outaouais (RVO).
Le premier geste public du RVO est pour souligner le premier anniversaire du gouvernement libéral à l’automne 2004 : quelques centaines de personnes identifiées au RVO bloquent l’accès au Casino du Lac-Leamy à Hull. Le casino est fermé pendant plusieurs heures. Cette action dérange et elle est hautement médiatisée. Fait cocasse, les policiers municipaux eux-mêmes en négociation syndicale démontrent une tolérance inhabituelle envers les manifestants et manifestantes.
Dans les années qui suivent, la résistance au gouvernement libéral, et notamment à son projet de réingénierie, se maintient. À l’instar des centrales et des regroupements nationaux, le RVO met en œuvre des séances de formation et produit des outils de sensibilisation autant pour ses membres que pour le grand public. Il démontre comment le projet libéral est l’expression québécoise de la mondialisation du néolibéralisme. Plusieurs mobilisations, pas énormes mais régulières, permettent de garder les enjeux à l’avant-scène des organismes syndicaux et communautaires de la région.
L’élection, en 2007, d’un gouvernement minoritaire libéral envoie la réingénierie aux calendes grecques. Le RVO oriente alors son travail de formation et de mobilisation contre les nouvelles politiques d’austérité qui vont – surprise ! – dans le même sens que celles du gouvernement précédent. Il intervient sur la fiscalité pour en revendiquer un rééquilibrage dans le sens de la justice fiscale. Il résiste au saccage du programme d’assurance-emploi du gouvernement conservateur fédéral en 2013. Une occupation du bureau de Service Canada, qui a pris fin par l’arrivée des chiens de la police, sera la dernière action du RVO.
| Le 1er mai
La Journée internationale des travailleuses et des travailleurs avec ou sans emploi s’organise annuellement dans l’Outaouais par le milieu syndical et le milieu communautaire. Un mandat d’abord confié à la Coalition populaire régionale de l’Outaouais (CPRO), ce mandat devient par la suite celui du Réseau de vigilance Outaouais (RVO). Plus récemment, un comité régional de solidarité, majoritairement composé du communautaire, en assume la responsabilité. Le 1er mai demeure le moment privilégié de rencontre entre les militantes et militants syndicaux et communautaires. Sauf quand une mobilisation nationale à Montréal est décrétée par les centrales syndicales (typiquement lors des négociations du secteur public), le 1er mai se fête à Hull, souvent au parc Fontaine, un ilot de verdure qui a échappé aux démolitions des années 1970. L’exception à cette règle : en 2012, la cour interdit aux personnes en processus judiciaire, en raison de leurs gestes politiques, de circuler sur presque toute l’Ile de Hull. En solidarité, le RVO s’est joint au Conseil du travail d’Ottawa pour marquer le 1er mai dans la ville voisine. |
Confrontations avec la police
L’action du RVO ne se limite pas aux seuls enjeux portés par les organisations syndicales et communautaires nationales. Un enjeu régional qui prend beaucoup de place s’avère celui de la répression policière du droit de manifester dont un incident charnière se produit lors du Sommet des trois amigos, tenu à Montebello en 2007[10].
Trois policiers de la Sûreté du Québec, déguisés en manifestants et ayant des roches en main, sont photographiés par un militant syndical. Ils incitent une foule pacifique à poser des gestes de violence. L’incident soulève un tollé. En conférence de presse, le RVO exige que le gouvernement Harper tienne une enquête publique sur cette action policière. Le gouvernement ne répondant pas aux demandes de la coalition, une vingtaine de manifestantes et manifestants déguisés en policiers, mais sans roches dans les mains…, occupent le bureau de comté de Lawrence Cannon, ministre fédéral de la Sécurité nationale. L’action dérange, mais le gouvernement ne fournira jamais d’explication au geste policier.
D’autres dérapages policiers ont suscité l’intervention du RVO. Ainsi, des Gatinois et Gatinoises figurent parmi les 1 200 personnes arrêtées lors du G20 à Toronto en 2010, la plus vaste opération de détention préventive dans l’histoire canadienne. Deux ans plus tard, durant la grève étudiante, des centaines de personnes arborant le carré rouge sont arrêtées à Gatineau. On y retrouve des syndicalistes et des personnes du milieu communautaire qui appuient les revendications étudiantes. Les représentantes et représentants du mouvement social, réunis au sein du RVO, dénoncent en 2010 et en 2012 l’abus du pouvoir policier et les restrictions au droit de manifester. Ils interpellent les élu·e·s afin qu’ils mettent la police au pas. La TROVEPO, membre du RVO, crée un fonds légal. À la suite d’une sollicitation populaire, plus de 10 000 dollars sont ramassés et remis aux associations étudiantes pour aider à payer les frais juridiques des personnes arrêtées.
| La grève étudiante de 2012 en Outaouais
Le Printemps érable de 2012 a constitué une mobilisation étudiante et sociale d’ampleur historique au Québec, et l’Outaouais y a pleinement pris part. Dès février, les étudiantes et étudiants du Cégep de l’Outaouais et de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) ont entrepris des votes de grève qui ont abouti le 23 mars à l’adoption d’une grève générale illimitée à l’UQO. Manifestations et piquetages se sont alors multipliés. La mobilisation était quotidienne. Les étudiantes et étudiants de l’Outaouais prenaient collectivement les décisions quant à la stratégie et aux tactiques à adopter et coordonnaient leurs actions. Fidèle au slogan « La grève est étudiante, la lutte est populaire », les milieux communautaires et syndicaux de l’Outaouais ont appuyé le mouvement de contestation et se sont joints régulièrement aux diverses manifestations et actions. La répression policière s’est toutefois intensifiée après l’adoption d’une injonction imposant la reprise des cours le 16 avril. Une occupation pacifique du pavillon Alexandre-Taché de l’UQO a été brutalement dispersée. Le lendemain, professeur·e·s, étudiantes et étudiants ont été menacés, bousculés, violentés et, pour certaines et certains, arrêtés sous prétexte d’entrave au travail policier. Arborer un « carré rouge » suffisait pour être suspecté, voire considéré comme coupable par association. Des témoignages suggèrent que la police tenait des registres des personnes impliquées dans le mouvement et les interpellait parfois par leur prénom dans la rue. Le 18 avril, à environ 500 mètres des campus principaux de l’UQO, la police de Gatineau a déployé une imposante souricière et arrêta plus de 150 personnes avant de les transporter en autobus au poste de police, marquant ainsi une criminalisation du simple fait de manifester pacifiquement. Ce printemps de contestation a nourri une conscience politique renforcée chez les jeunes de l’Outaouais. Elles et ils sont resté·es solidaires et engagé·es et ont pris conscience de leur pouvoir d’agir comme citoyennes et citoyens. Un ouvrage collectif sous la coordination de Francine Sinclair, Stéphanie Demers et Guy Bellemare intitulé Tisser le fil rouge. Le Printemps érable en Outaouais : récits militants a été publié en 2014 chez M Éditeur. On y retrouve les témoignages de plusieurs participantes et participants à ces mobilisations. Charles-Antoine Bachand |
Le déclin du Réseau de vigilance Outaouais
L’élection du gouvernement minoritaire de Jean Charest en 2007 freine les ardeurs du Réseau de vigilance national qui met fin à ses activités. Cependant, plusieurs réseaux de vigilance régionaux, dont le RVO, poursuivent leurs activités.
En 2010, la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics, qui devient plus tard la Coalition Main rouge, prend la relève pour résister aux politiques d’austérité des gouvernements de Jean Charest et de Philippe Couillard. Cette nouvelle coalition comprend la partie la plus mobilisée du mouvement communautaire, féministe et étudiant. S’y joignent quelques syndicats et instances régionales du mouvement ouvrier. Pendant plusieurs années, la Main rouge éduque, mobilise et revendique des services publics et des programmes sociaux de qualité. Elle intervient pour une justice fiscale. Pour faire avancer ses demandes, elle adopte un plan d’action rempli d’actions robustes, nombreuses et souvent dérangeantes (action directe, occupations, mobilisations éclair). La Main rouge se définit comme une coalition d’action.
En parallèle, les grandes centrales syndicales nationales et quelques organismes communautaires créent, en 2014, une deuxième coalition nationale qui s’appelle Refusons l’austérité. Celle-ci partage la même critique des politiques du gouvernement provincial que la Main rouge, mais diffère dans le choix des moyens d’action. Le plan d’action de Refusons l’austérité privilégie des gestes plus traditionnels comme les grandes manifestations et les rassemblements et ils sont moins fréquents.
Dans l’Outaouais, l’existence de deux coalitions nationales va sonner le glas du RVO. Une partie des membres, surtout en provenance du communautaire, embrasse les stratégies de la Main rouge. D’autres, généralement syndicaux, se rallient davantage au calendrier et aux actions proposées par la coalition soutenue par les centrales. Un clivage s’ouvre dans l’Outaouais à l’automne 2014 lorsque le RVO est saisi de deux demandes distinctes de mobilisation, les deux étant relativement rapprochées dans le temps et les deux provenant des deux coalitions nationales. Le débat est acrimonieux, le sens de la solidarité est remis en question de sorte que le RVO implose. La solidarité régionale vit une crise qui durera quelques années.
| D’autres lieux de solidarité intersyndicale et communautaire
D’autres lieux importants de solidarité régionale, réunissant une partie du milieu syndical et communautaire, méritent d’être soulignés. Sur la problématique de la pauvreté, le Collectif régional de l’Outaouais (CRO) fait de l’éducation et de la mobilisation sur cet enjeu pendant plus de 15 ans, de la fin des années 1990 jusqu’au début des années 2010. Le Comité régional de la Marche mondiale des femmes assure la mobilisation pour chacune des marches quinquennales. La Coalition Urgence Logement milite à partir de 2003 pour élargir le front de lutte pour contrer la crise du logement. Enfin, deux incarnations de L’Outaouais à l’urgence (début des années 1970, début des années 2010) permettent aux milieux syndicaux de se joindre à la population dans la mobilisation sur les iniquités régionales en matière de santé. |
Période post-COVID
À la suite de la dissolution du RVO, l’Outaouais vit une période pauvre en mobilisation sur des enjeux politiques. Pour combler ce vide, un comité régional de mobilisation se crée en 2018, fondé par plusieurs regroupements et groupes de base du communautaire. Ce comité s’approprie le mandat d’organiser le 1er mai ; s’y joignent un syndicat CSQ et le Conseil central de la CSN. Mais la pandémie de COVID-19 brise cet élan de mobilisation collective.
À l’automne 2024, une tentative pour faire revivre un mouvement large de solidarité intersyndicale et communautaire dans la région prend forme. La Coalition solidarité Outaouais est mise sur pied. Se dotant d’un plan de travail sur deux ans, le nouveau lieu de solidarité regroupe, entre autres, les instances régionales des principales centrales syndicales et les principaux regroupements du communautaire. On s’attaquera principalement aux enjeux régionaux, dont la crise du logement et les iniquités en santé vécues par cette région transfrontalière.
Tout en apprenant des leçons du passé, la nouvelle coalition s’abreuvera sans doute de la longue histoire de solidarité régionale.
| Une expérience unique de solidarité financière à la TROVEPO
En 1971, le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) crée le Programme d’aide aux organismes volontaires en éducation populaire[11]. L’année suivante, huit groupes de la région de l’Outaouais obtiennent des subventions du MEQ. Ils se solidarisent en formant la Table ronde des OVEP de l’Outaouais (TROVEPO)[12], le premier regroupement régional des groupes populaires au Québec. Ils se donnent comme mission « de rendre accessible aux différents comités de citoyen.nes le programme de subvention ». Les membres de la TROVEPO adoptent une forme de solidarité financière inusitée qui va durer plus de 25 ans. La subvention OVEP reçue par chacun des huit membres de la Table ronde est mise en commun pour être ensuite redistribuée selon les besoins de chaque groupe et de chaque milieu. Après deux ans, les groupes demandent au MEQ de reconnaitre formellement la TROVEPO comme demandeur unique de financement, mais le Ministère refuse. En 1975, les groupes retournent au MEQ la subvention que chacun a reçue et demandent de la recevoir à nouveau, mais de façon collective. À l’automne 1977, le MEQ accepte d’accorder l’accréditation unique à la TROVEPO et de lui verser une seule subvention qui sera redistribuée auprès de ses membres. La TROVEPO sera le seul regroupement régional québécois à obtenir le statut d’accréditation unique auprès du MEQ[13]. Au fil du temps, cette pratique de « demande unique » est souvent contestée, surtout par le ministère de l’Éducation, mais également par certains membres du regroupement qui souhaitent davantage d’autonomie quant aux décisions financières. Néanmoins, pour les groupes qui y adhèrent, le fonctionnement collectif autour du financement exprime une solidarité remarquable. En permettant aux groupes de l’Outaouais de faire financer leurs propres priorités, il a facilité la naissance de plusieurs nouveaux groupes, sans l’ingérence du Ministère. L’adoption de la Politique de reconnaissance de l’action communautaire autonome en 2001 entraine la fin du financement de l’éducation populaire autonome par le MEQ et la fin de la demande regroupée de l’Outaouais. |
Par Vincent Greason, militant sociocommunautaire. Vincent Greason a travaillé à la Table ronde des OVEP de 2001 à 2020. ↑
- Marc Bachand, « Comités de citoyens et enjeux urbains à Hull », Revue internationale d’action communautaire, vol. 44, n° 4, 1980. ↑
- L’Association coopérative d’économie familiale de l’Outaouais (ACEFO), le plus vieux groupe populaire de l’Outaouais, constitue une exception. Existant depuis 1966, elle est la suite d’une initiative syndicale. Pour la petite histoire, Pauline Marois a été permanente à l’ACEFO dans les années 1970. Quelques décennies plus tard, elle devient la première ministre du Québec. ↑
- L’enquête de participation est une initiative soutenue par Paul-Émile Charbonneau, l’évêque du nouveau diocèse de Hull qui mandate l’abbé Michel Lacroix pour coordonner l’initiative. ↑
- TROVEPO, Les liens entre le mouvement syndical et le mouvement populaire, document non daté. Cité dans TROVEPO, La Petite histoire de la Table ronde des OVEP de l’Outaouais, 1973-2013 – 40 ans de luttes, 2014. ↑
- Solidarité populaire Québec est la première grande coalition permanente au Québec. Créée en 1985, elle est formée par les grandes centrales syndicales et les regroupements nationaux du communautaire en réaction aux budgets successifs du gouvernement du Parti québécois qui sabrent les finances publiques. ↑
- Le RAPC a été un programme de transfert fédéral pour soutenir les programmes sociaux provinciaux (santé, éducation postsecondaire, aide sociale, garderies, etc.). En l’abolissant, le gouvernement fédéral affaiblit le programme d’aide sociale québécois, et ce, alors que le Québec est en pleine période de crise économique. ↑
- Solidarité populaire Québec, La Charte d’un Québec populaire, Montréal, 1994. ↑
- CSN : Confédération des syndicats nationaux; FTQ : Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; FIQ : Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec; SFPQ : Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec. ↑
- Les amigos sont Stephen Harper du Canada, George W Bush des États-Unis et Felipe Calderon du Mexique. À Montebello, un village situé dans l’est de l’Outaouais, il y a une auberge où se réunissent souvent des personnages politiques. ↑
- Le Programme OVEP, MEQ, 1971-1972 est le premier programme de financement gouvernemental destiné au soutien des groupes populaires. Voir : Comité histoire du MEPACQ, Faire mouvement. Les quarante ans du Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec, Montréal, Éditions de la rue Dorion, 2022. ↑
- La TROVEPO est membre fondatrice, avec les trois regroupements régionaux en éducation populaire de Québec, de Montréal et de l’Estrie, du Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire (MÉPACQ) en 1981. ↑
- Le regroupement régional de Québec-Chaudière-Appalaches fonctionne aussi par demande regroupée, mais chaque groupe participant est accrédité individuellement par le Ministère. La Fédération des familles monoparentales et recomposées du Québec et la Fédération des ACEF, deux regroupements nationaux, fonctionnent également par demandes regroupées. La politique de la nouvelle gestion publique n’est pas encore dans le décor. ↑
Les cochonneries

Manifestation pour la Palestine
VENDREDI 22 AOÛT - 14h
JOURNÉE D'ACTION DEVANT GENERAL DYNAMICS À REPENTIGNY
5 Montée des Arsenaux, Repentigny, J5Z 2P4
Un appel de PYM (Mouvement de la jeunesse palestinienne)
Le récent rapport de la campagne Embargo sur les armes maintenant (disponible en français depuis peu), de PYM et World Beyond War, a révélé que les exportations canadiennes de matériel militaire vers Israël ont continué provenant d'une installation de l'usine General Dynamics Ordnance and Tactical Systems (GD-OTS) de Repentigny (Québec), notamment trois envois de cartouches d'armes, incluant un envoi qui a eu lieu neuf jours après que l'ancienne ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, ait promis que le Canada allait bloquer l'exportation de munitions provenant de la même compagnie québécoise vers l'armée israélienne.
Transport :
en autobus à partir du centre-ville de Montréal
billet disponibles ici
Pour plus d'informations :
La fuite : nouvelle sortie éponyme
Des entrepreneurs forestiers menacent de démanteler un blocage autochtone
Internationalisme et altermondialisme
LA TRANSITION N’EST QU’UN SLOGAN ! Il n’y a aucun plan sérieux - Jean-Baptiste Fressoz
12 juillet . 2025 INTERVIEWS ELUCID 🎥
▷ ON A BESOIN DE VOUS ! ABONNEZ-VOUS À ÉLUCID POUR FAIRE VIVRE L'INFORMATION LIBRE 👉 https://elucid.media/offres/
▶ Jean-Baptiste FRESSOZ est un historien des sciences, des techniques et de l'environnement. Après avoir été maître de conférence à l'Imperial College de Londres, il est maintenant chercheur au CNRS, enseignant à l'EHESS et à l'Ecole des ponts et chaussées. Il a déjà publié au Seuil L'Apocalypse joyeuse, L'Evénement anthropocène (avec Christophe Bonneuil) et plus récemment, Sans transition : Une nouvelle histoire de l'énergie.
Dans cette interview par Olivier Berruyer pour Élucid, Jean-Baptiste Fressoz détruit le mythe de la transition énergétique : elle n'a jamais eu lieu et n'aura jamais lieu. L'histoire énergétique des sociétés industrielles n'est pas celle d'un remplacement, mais d'une accumulation : à chaque nouvelle source d'énergie s'ajoutent les précédentes, avec à la clé des effets rebond massifs. Depuis le début de la prise de conscience écologique, la ligne des pays riches n'a pas changé : poursuivre la surconsommation, épuiser les ressources, et s'adapter — autant que possible — à une planète qu'on continue de maltraiter.
Lien vers la pub Areva mentionnée dans l'entretien : http://www.culturepub.fr/videos/areva...
Et la publicité EDF : https://urls.fr/sz-8Wr
Glencore : l’empire détenant les plus belles mines de cobalt au monde
15 août 2025 #CashInvestigation #Interview
Encore plus de vidéos 👉 https://www.france.tv/france-2/cash-i...
Pour voir la suite de l'enquête 👉 h • Cash investigation - Coton : l'envers de n...
Extrait de l'enquête : "« Paradise Papers » : au coeur d'un scandale mondial"
Date de première diffusion : 7 novembre 2017
Dans le monde, le business du coton pèse 37 milliards d'euros de chiffre d'affaire chaque année. En Asie centrale, au Bangladesh, en Inde, Sandrine Rigaud est partie sur les routes du coton pour enquêter sur la face sombre de cet or blanc. De nos armoires aux champs de coton, Élise Lucet et l'équipe de Cash Investigation ont remonté la chaîne d'approvisionnement de nos tee-shirts jusqu'en Ouzbékistan, l'un des plus gros producteurs dans le monde.
Un des plus gros clients d'Appleby s'appelle Glencore, l'empire très secret des matières premières. Grâce à des documents inédits, Cash vous raconte comment le groupe a mis la main sur les plus belles mines de cuivre et de cobalt au monde, en s'associant avec un partenaire sulfureux en République Démocratique du Congo.

Trump, la Big Tech et la contre-révolution « libertarienne » : où va l’extrême droite US ?
Quelques semaines après le retour au pouvoir de Trump, Ugo Palheta avait rencontré pour son podcast « Minuit dans le siècle » l'historienne Sylvie Laurent (autrice notamment du livre Capital et race, une hydre moderne, aux éditions du Seuil). Ensemble, ils avaient essayé de comprendre ce qu'il fallait attendre du pouvoir trumpiste dans les quatre années à venir, le type de projet qui caractérise actuellement Trump et le Parti Républicain, le niveau d'attaque qu'il fallait anticiper de sa part à l'encontre des minorités, des immigrés, des mouvements sociaux ainsi que des droits sociaux et démocratiques.
19 juillet 2025 | tiré de contretemps.eu
https://www.contretemps.eu/trump-big-tech-contre-revolution-libertarienne-extreme-droite-us-sylvie-laurent/
Dans ce nouvel épisode, Sylvie Laurent revient pour faire un bilan des premiers mois de la présidence Trump (y compris des résistances populaires), mais aussi – à partir de son dernier livre La Contre-révolution californienne (au Seuil également) – pour revenir sur le rôle spécifique qu'ont joué les acteurs de la Big Tech, depuis les années 1980, dans la grande offensive réactionnaire en cours.
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L’art de l’enfance : Entrevue avec Nicole Testa
Une victoire des agents de bord qui redonne espoir au mouvement ouvrier

Les partis politiques québécois à l’heure de la recomposition du champ politique
Le paysage politique québécois traverse une recomposition politique majeure. L'illusion de l'hégémonie caquiste s'effondre sous le poids des échecs économiques, de la dégradation sociale des services publics et de la stérilité de sa rhétorique nationaliste. Le Parti québécois, revigoré par un discours indépendantiste assumé, profite de l'électorat, mais porte déjà en lui ses propres contradictions. Le Parti libéral, réduit à une coquille fédéraliste montréalaise, tente de se reconstruire sous la direction de Pablo Rodriguez. Le Parti conservateur d'Éric Duhaime impose la normalisation de l'extrême droite. Québec solidaire, prisonnier de sa quête de réalisme parlementaire, s'enfonce dans une crise stratégique et démocratique. Face à ce tableau, la question centrale est claire : comment construire une véritable alternative de rupture sociale, écologique et démocratique au service des classes populaires du Québec ?
19 août 2025
L'érosion de l'appui électoral au gouvernement Legault
La CAQ de François Legault est en train de s'effondrer sous le poids de ses propres contradictions. Selon QC125, la CAQ ne cesse de décliner dans les intentions de vote, passant d'environ 22–24 % en 2024 à 17 % en juin 2025. Aux élections de 2018, puis à celles de 2022, Legault s'était présenté comme le chef d'un projet « nationaliste » pragmatique, capable d'assurer la prospérité du Québec. Mais derrière ce discours se cachait une politique néolibérale : cadeaux fiscaux aux grandes entreprises débouchant sur des échecs industriels (Northvolt, Lion électrique), compressions dans l'éducation, ouverture plus importante du système de santé au privé, scandales de gestion comme à la SAAQclic, et attaques contre les droits syndicaux. Les conséquences de ces politiques sont claires : dégradation des conditions de vie de la majorité, crise du logement, effritement des services publics. Son incapacité à prendre la crise climatique au sérieux, sa volonté de croissance sans fin sans considérer les limites de la planète ont aussi alimenté ces reculs. En arrière-plan, l'impuissance chronique du nationalisme caquiste à arracher des pouvoirs supplémentaires à Ottawa achève de le discréditer. La CAQ apparaît désormais pour ce qu'elle est : un parti de la bourgeoisie québécoise, arrimé aux élites économiques et incapable de répondre aux besoins populaires.
La remontée du PQ et ses contradictions
Cette érosion ouvre un espace politique que le Parti québécois (PQ) occupe avec une vigueur retrouvée. Longtemps marginalisé, il capte aujourd'hui le mécontentement envers la CAQ et remobilise une base indépendantiste en panne de projet depuis 1995. Il occupe depuis plusieurs mois la première place avec des intentions de vote au-dessus de 30%, ce qui traduit un réalignement significatif du champ politique québécois. Ainsi, dans plusieurs régions et parmi les jeunes électeurs et électrices, le PQ parvient à réactiver le soutien à l'option souverainiste, marquant une inflexion générationnelle dans l'opinion publique.
Le discours de Paul St-Pierre Plamondon séduit par sa cohérence : refus du serment au roi, promesse de référendum rapide, dénonciation de l'impuissance fédéraliste. Mais derrière cette ligne claire se cache un nationalisme identitaire qui lie immigration, crise du logement et danger pour l'avenir de la langue française, reprenant à son compte la logique de bouc émissaire déjà utilisée par la CAQ. Le PQ regagne de la force parce que d'une part, il incarne une rupture avec l'aplaventrisme face à Ottawa du PLQ et d'autre part, il stigmatise l'incapacité du gouvernement Legault d'obtenir des gains significatifs d'Ottawa.
Le Parti Libéral du Québec et le difficile chemin de sa reconstruction
Le parti libéral du Québec (PLQ) n'est pas seulement en crise : il est en état d'effondrement. Le résultat des élections du 3 octobre 2022, un maigre 14,17% des voix et 21 sièges confinés à Montréal ne sont pas une simple défaite électorale, mais l'aboutissement logique d'un rôle historique : celui d'un parti au service de la bourgeoisie canadienne et des élites québécoises fédéralistes.
Après les années Charest, Philippe Couillard a prolongé la cure d'austérité : coupures massives dans les dépenses sociales, privatisation de pans entiers de la santé sous Barrette, marchandisation rampante de l'éducation, attaques contre les professionnels de soutien scolaire, affaiblissement du réseau de la petite enfance. Chaque réforme libérale fut une attaque directe contre les classes populaires, au profit des assureurs, des cliniques privées et des multinationales. Le PLQ n'a pas « géré » l'État : il l'a mis au service des riches, en transformant les droits sociaux en occasions d'affaires pour le capital.
Dans le cadre de la remontée de la polarisation souverainisme/fédéralisme, le PLQ tente de se reconstruire. Son pari est clair : redevenir le grand parti fédéraliste en profitant à la fois de l'érosion de la CAQ et de la peur d'un référendum. Mais son déficit nationaliste auprès de l'électorat francophone, hérité de décennies de néolibéralisme et de soumission à Ottawa, reste béant. Ce projet se heurte de plus au rejet profond qu'il inspire encore aux classes populaires francophones.
Le rôle du Parti conservateur du Québec ou la volonté de normalisation des politiques d'extrême droite
Dans ce paysage, le Parti conservateur du Québec (PCQ) s'installe comme le véhicule politique de l'extrême droite. Sous la houlette d'Éric Duhaime, il combine ultralibéralisme économique, privatisation de la santé et de l'éducation, marchandisation des services publics et démagogie réactionnaire inspirée du trumpisme avec un climatoscepticisme assumé, la relance des hydrocarbures, la xénophobie et les attaques contre les institutions démocratiques.
Lors des élections générales de 2022, cette stratégie a permis au parti de récolter plus de 12% des suffrages au niveau national, un résultat inédit pour une formation jusque là marginale. Dans certaines régions, le PCQ atteint des scores significatifs : plus de 15% dans plusieurs circonscriptions de la Mauricie et plus de 35% dans certains comtés de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches.
Cette percée électorale traduit l'implantation d'un courant politique autoritaire et antisocial, porté par une fraction de la petite bourgeoisie et des couches populaires séduites par son discours anti-élite et anti-État. Le danger est réel : même sans perspective de gouvernement, le PCQ tire tout le débat québécois vers la droite et contribue à légitimer les positions les plus réactionnaires.
Aux fondements de la stagnation actuelle de Québec solidaire
Après une décennie de progression électorale, et le saut qualitatif qu'il avait connu en 2018 en faisant élire 10 député-e-s, Québec solidaire a connu des résultats décevants en 2022. Ces résultats furent décevants non pas à cause des résultats (15,4% des votes et 11 député-e-s,) mais parce que le discours du parti avait fait miroiter la possibilité de devenir l'opposition officielle et de se placer en position de devenir un futur gouvernement. Le parti traverse aujourd'hui une phase de stagnation, voire de recul, qui s'explique par un ensemble de choix stratégiques et organisationnels.
Sous l'impulsion de Gabriel Nadeau-Dubois, QS a cherché à se présenter comme une opposition crédible et un futur parti de gouvernement. Cette orientation s'est traduite par un recentrage pragmatique, la mise à l'écart de propositions de rupture, comme la nationalisation des ressources naturelles et l'abandon explicite d'une critique du capitalisme. Si cette stratégie visait à élargir l'électorat, elle a dilué la spécificité politique du parti et affaibli son image de force contestataire.
Ce virage s'est accompagné d'une centralisation organisationnelle. L'aile parlementaire et les équipes de communication ont pris le pas sur la vie militante et les liens avec les mouvements sociaux. La mobilisation de la base s'est réduite à l'appui aux campagnes électorales, sans réelle valorisation de l'auto-organisation. Le congrès sur les statuts a cristallisé cette évolution en renforçant le pouvoir de la direction, provoquant un sentiment de perte de démocratie interne.
Ce recentrage parlementaire a aussi affaibli la capacité du parti à incarner une opposition ferme sur les enjeux sociaux et antiracistes. L'attitude prudente de la direction dans la défense d'Haroun Bouazzi, après ses dénonciations du climat xénophobe à l'Assemblée nationale, illustre la tension entre la recherche de respectabilité institutionnelle et l'engagement social radical qui avait constitué l'ADN de QS.
Les conséquences électorales de cette impasse sont claires. La démission de Nadeau-Dubois est apparue comme l'aboutissement d'une stratégie qui a échoué à élargir la base électorale tout en démobilisant une partie des militant-es. L'effondrement du score dans l'élection partielle d'Arthabaska illustre ce double échec : QS a perdu à la fois son élan militant et la confiance d'un électorat en quête d'une alternative de rupture, alors que le Parti québécois profitait du vide laissé.
Ainsi, la crise de Québec solidaire ne se réduit pas à des aléas électoraux, mais découle de choix stratégiques et structurels. En s'adaptant aux logiques parlementaires et en misant sur une stratégie électoraliste centrée sur la crédibilité institutionnelle, le parti a compromis son ancrage social, sa démocratie interne et sa spécificité critique. Il se retrouve aujourd'hui à la croisée des chemins : soit il approfondit son intégration au parlementarisme au risque de s'aligner sur les autres partis, soit il renoue avec les dynamiques militantes et les projets de rupture qui avaient nourri son essor initial.
Pour un tournant écosocialiste et écoféministe de Québec solidaire
Après un essor fulgurant qui en avait fait l'expression des espoirs de rupture d'une nouvelle génération militante et populaire, Québec solidaire recule dans les intentions de vote et dans la perception qu'en avait cette génération qui le voyait comme une force de rupture. Si Québec solidaire veut retrouver la possibilité d'une véritable relance, il doit opérer un tournant majeur – stratégique, programmatique et organisationnel – qui rompe enfin avec les logiques d'adaptation au système dominant.
Québec solidaire a besoin d'une stratégie qui dépasse la simple ambition de « gouverner raisonnablement » pour s'ancrer dans les luttes réelles : celles des travailleuses et travailleurs, des mouvements écologistes, féministes, antiracistes, des jeunes en révolte et des quartiers en résistance. Il s'agit de bâtir un pouvoir populaire, d'alimenter la combativité, l'unité et la démocratie des mouvements sociaux antisystémiques, au lieu de les canaliser vers l'attente passive d'échéances électorales.
Cette ligne de rupture doit rallier une majorité populaire autour d'un projet clair : celui de la construction d'un Québec indépendant, écosocialiste et écoféministe. Cela implique :
• la fin du pillage de nos ressources naturelles et de notre énergie par les multinationales ;
• une planification démocratique de la production et des investissements, tournée vers la décroissance énergétique et matérielle et vers le bien-vivre collectif ;
• une Assemblée constituante souveraine pour jeter les bases d'une république sociale et démocratique ;
• l'éradication de la domination patriarcale et la construction d'une société écoféministe ;
• des services publics renforcés et autogérés ;
• la défense des droits des personnes migrantes et la lutte contre le racisme systémique, notamment envers les Autochtones et les communautés racisées ;
• une politique linguistique audacieuse qui fait du français la langue commune sans stigmatiser les personnes immigrantes ;
• le rejet de la laïcité identitaire utilisée comme arme contre les minorités ;
• un internationalisme radical, anti-impérialiste et antimilitariste.
Mais pour que ces perspectives ne restent pas de simples proclamations, Québec solidaire doit transformer sa pratique politique. Cela veut dire : prioriser l'intervention dans les luttes sociales ; construire une gauche écosocialiste combative au sein des syndicats, des mobilisations écologistes, féministes et de la jeunesse ; élaborer un programme de rupture offensif et mobilisateur ; initier des campagnes militantes capables de rallumer l'espoir.
Un choix décisif s'impose. Ou bien QS poursuit sa dérive vers le « réalisme » électoral et il se marginalisera, comme tant d'autres partis de gauche institutionnelle avant lui. Ou bien il assume pleinement son projet de ralliement d'une majorité prête à lutter pour un Québec indépendant, juste, écosocialiste, féministe et internationaliste.
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Les six premiers mois de Trump : Une menace pour notre planète et ses peuples
L'élection de Trump représente l'arrivée au pouvoir d'une direction néofasciste dans le principal pays impérialiste du monde, participant activement au génocide du peuple palestinien. Cela représente un tournant profond vers la droite du rapport de forces international, et cela renforce les Orban, Modi, Meloni, Bolsonaro, etc.
Tiré de Quatrième internationale
14 juillet 2025
Par le Bureau exécutif
Depuis son entrée en fonction le 19 janvier 2025, après avoir remporté une élection serrée avec une majorité relative dans le vote populaire, la présidence Trump a poursuivi un programme profondément réactionnaire, menaçant les droits démocratiques aux États-Unis et agressant le reste du monde. Trump représente une menace particulièrement virulente pour la classe ouvrière américaine et les communautés opprimées à travers le monde. L'un de ses principaux fronts est constitué par ses attaques contre les LGBTIQ*, en particulier contre les personnes trans, point sur lequel il s'accorde largement avec l'extrême droite internationale, notamment Poutine. Cela s'inscrit dans le cadre plus large du programme réactionnaire de Trump, qui attaque farouchement les minorités racisées, les droits reproductifs des femmes et les migrant·es, qui nie le changement climatique, qui est hostile aux droits démocratiques, n'hésite pas à recourir à la violence, méprise les processus démocratiques et les contre-pouvoirs, et aspire au pouvoir total.
La généralisation des droits de douane est une obsession idéologique de Donald Trump et son annonce a constitué une démonstration de forces impérialiste, dès les premiers jours de son mandat. Mais la crainte des conséquences économiques et les ripostes annoncées, notamment de la part des BRICS, ont contraint Washington à reculer et contribuent à la crise de l'hégémonie de l'impérialisme étatsunien. La taxe de 50 % sur les importations brésiliennes, avec l'objectif politique assumé de « punir » le gouvernement brésilien afin d'ouvrir la voie à Bolsonaro et aux autres putchistes pour qu'ils échappent aux poursuites judiciaires. De manière paradoxale, cette mesure a ouvert une situation nouvelle et positive dans le pays.
Sa volonté d'accéder au pouvoir total, avec l'aide et la complicité du parti républicain et d'une partie du système judiciaire américain, fait de lui un autoritaire et un néofasciste en puissance, et renforce l'extrême droite dans le monde entier. Bien que l'opposition n'ait pas été interdite et que les droits démocratiques n'aient pas été complètement éliminés – des indicateurs du néo-fascisme – la tendance dans cette direction est claire.
Les États-Unis sont depuis longtemps le plus grand consommateur de combustibles fossiles. Sous Trump, les États-Unis ont quitté la COP – l'inefficace association internationale sur le changement climatique –, ont donné le feu vert aux compagnies pétrolières pour augmenter l'extraction et l'utilisation des combustibles fossiles et les documents institutionnels américains ont été expurgés de toute référence au changement climatique.
Le gouvernement Trump a lancé une campagne particulièrement cruelle de persécution et d'expulsion menée par la police et l'armée contre des millions de migrants·e, principalement originaires d'Amérique latine et d'Asie du Sud. Avec son discours cynique assimilant tous les travailleur·ses immigré·es à des criminels, elle a transformé le Salvador en une sorte de Guantánamo. Cette campagne encourage les forces suprémacistes blanches les plus réactionnaires.
Trump attaque les universités prestigieuses des États-Unis, en les accusant cyniquement d'antisémitisme en raison de leur répression insuffisante à son goût contre les manifestations pro-palestiniennes. Cette répression a mis en difficulté le mouvement de solidarité avec la Palestine et la liberté d'expression. L'étiquetage des manifestations pro-palestiniennes comme antisémites sert à dissimuler le véritable antisémitisme nourri par le discours et la politique racistes de Trump.
Trump et ses alliés ont récemment adopté un budget réactionnaire accordant d'énormes avantages fiscaux aux ultra-riches, payés directement par des coupes dans Medicaid – un programme d'assurance maladie gouvernemental utilisé par 71 millions de personnes – et dans les bons d'alimentation pour les plus pauvres.
Les menaces ouvertes, formulées par Trump, d'annexer le canal de Panama, le Canada et le Groenland représentent un retour à l'impérialisme du 19e siècle. Concernant l'Ukraine, Trump cherche à conclure un accord prédateur avec Poutine (avec lequel il possède de fortes convergences idéologiques d'extrême droite) pour se partager les sphères d'influence aux dépends des peuples, victimes de la guerre coloniale menée par l'État russe.
Après le choc politique subi par les puissances européennes face à la rhétorique de Trump concernant un désengagement vis-à-vis de l'OTAN, cette alliance a retrouvé sa place historique –la subordination de l'Europe – lorsque Trump s'en est servi pour montrer l'obéissance des Européens aux ordres américains en matière d'augmentation des dépenses militaires.
Alors que la politique « l'Amérique d'abord » guide le bellicisme de Trump à l'égard de ses alliés, la récente attaque contre l'Iran nous rappelle que les États-Unis n'hésiteront pas à recourir à la force militaire lorsque leurs intérêts seront menacés.
Trump poursuit le soutien militaire et politique en faveur d'Israël, mené par Biden et de tous les présidents étatsuniens. Sa menace de vider la bande de Gaza de ses habitant·es et de transformer la région en station balnéaire de luxe constituerait un crime d'une importance historique mondiale.
Le parti démocrate s'est montré totalement inefficace pour s'opposer à Trump. Ceci est principalement dû au fait que le parti démocrate sert les mêmes 1% que les Républicains.
Les meetings immenses et enthousiastes d'AOC et de Bernie Sanders reflètent la profondeur du sentiment anti-Trump. La récente victoire de Mamdani lors des primaires du Parti démocrate à New York défie la direction du Parti démocrate, et son programme social progressiste montre qu'il est possible d'élire des responsables politiques progressistes et anticapitalistes. Contre Trump, au cours des derniers mois, un mouvement de masse s'est construit, dans les rues. Des millions de personnes ont participé à des milliers de manifestations anti-Trump dans des milliers de villes et villages à travers le pays. Les travailleur·ses immigré·es ont été à l'avant-garde de cette résistance. Ces manifestations encouragent celles et ceux qui résistent aux gouvernements d'extrême droite à travers le monde.
Le Bureau de la Quatrième Internationale se solidarise avec le mouvement anti-Trump qui prend de l'ampleur.
À bas le régime Trump !
À bas toutes les menaces américaines contre d'autres pays et d'autres peuples !
Saluons les manifestations héroïques à Los Angeles !
Stop à l'expansion des énergies fossiles aux États-Unis !
Stop à la guerre contre les immigrés !
Autodétermination pour l'Ukraine !
Stop au soutien américain au génocide israélien à Gaza !
Déclaration du Bureau de la Quatrième Internationale, le 13 juillet 2025
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Trump et Poutine : bas les pattes devant l’Ukraine ! Pas de paix sans l’Ukraine Pas de paix contre l’Ukraine
Poutine et Trump veulent s'entendre sur le dos du peuple ukrainien lors d'une réunion au sommet sans le principal intéressé, l'Ukraine, au mépris du droit international et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Tiré de Inprecor
13 août 2025
Par Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine
Trump a annoncé vendredi qu'il rencontrerait son homologue russe en Alaska, le 15 août, sans le président ukrainien. Celui-ci a vivement et justement répliqué : « Toute décision qui serait prise contre nous, toute décision qui serait prise sans l'Ukraine, serait une décision contre la paix. »
Un règlement de la guerre comprendra, selon le président américain, des concessions territoriales.
« Les Ukrainiens n'abandonneront pas leur terre aux occupants », a ajouté Zelensky alors que Trump a évoqué des « échanges de territoires ».
La Crimée et des territoires des oblasts de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijjia que Poutine a déclarés annexés sont occupés par les troupes russes au mépris du droit international
L'occupation est un crime, celui qui occupe est un criminel, celui qui la favorise en est un complice !
Trump se prépare à offrir ainsi une victoire à l'agresseur après avoir prétendu qu'il émettrait un ultimatum à l'encontre de Poutine.
Non, l'époque de mise d'un pays, contre sa volonté, sous tutelle d'un autre par décision de « grandes puissances » est révolue.
La mobilisation contre ce brigandage impérialiste entre les compères Poutine et Trump et en solidarité avec l'Ukraine doit s'organiser rapidement.
Le 10 août 2025
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Grande-Bretagne : « Construire le parti »
Au cours des derniers mois, plusieurs groupes de la gauche organisée britannique ont discuté de la formation d'un nouveau vecteur national : soit un parti politique, soit une alliance électorale. Les arguments en faveur d'une telle institution ne pourraient être plus clairs. Le gouvernement travailliste au pouvoir se caractérise par sa soumission envers les intérêts des entreprises, sa complicité dans le génocide à Gaza et la répression de la dissidence. Alors que l'opposition conservatrice reste obsédée par les guerres culturelles et entachée par son long passé de mauvaise gestion, le parti d'extrême droite Reform UK [Nigel Farage] semble en passe de remporter la majorité des suffrages populaires, présentant sa vision powelliste [référence à Enoch Powell (1912-1998) qui disposa d'une grande influence dans le débat politique et qui avait les caractéristiques conservatrices et libertariennes] comme la seule alternative viable.
Tiré de Inprecor
4 août 2025
Par James Schneider
Les sondages suggèrent qu'un parti de gauche pourrait remporter autant de voix que le parti au pouvoir, avec 15% chacun. Ce chiffre pourrait encore augmenter s'il s'enracinait dans des circonscriptions clés et lançait une attaque énergique contre le consensus de Westminster : un événement qui marquerait une avancée majeure pour un bloc socialiste historiquement lié par les contraintes du travaillisme. Si les politiciens et les acteurs impliqués dans cette nouvelle organisation n'ont pas encore défini de ligne directrice claire, la députée socialiste de premier plan Zarah Sultana et l'ancien leader travailliste Jeremy Corbyn ont annoncé la tenue d'une conférence inaugurale cet automne, au cours de laquelle les politiques et les modèles de direction pourront être décidés démocratiquement. En moins de 24 heures, 200 000 personnes se sont inscrites, un chiffre stupéfiant.
James Schneider est l'un des organisateurs qui travaille sur ce projet. Né en 1987, il s'est radicalisé à la suite de la guerre en Irak et de la crise financière mondiale. Il a cofondé le groupe de campagne Momentum afin de rallier le soutien populaire à la direction de Corbyn en 2015, avant d'être recruté un an plus tard comme directeur de la communication stratégique du parti. À ce poste, il a défendu une forme de « populisme de gauche » sans concession, tentant – en vain – de résister à la pression exercée par l'aile droite du Parti travailliste pour qu'il capitule sur des questions clés telles que le Brexit. Depuis, il a publié Our Bloc (2022), son projet pour l'avenir de la gauche britannique, et travaille aujourd'hui comme directeur de la communication pour l'Alliance progressiste qui réunit la IIe Internationale, des syndicats et des ONG.
James Schneider s'est entretenu avec Oliver Eagleton sur certaines des questions cruciales qui se posent dans le processus de construction d'un parti : comment celui-ci peut servir de médiateur entre le pouvoir populaire et le pouvoir électoral, les structures organisationnelles qu'il doit mettre en place, les facteurs qui ont précédemment empêché son lancement et les exemples internationaux dont il peut s'inspirer. Cet entretien est le premier d'une série de réflexions sur les perspectives de la gauche post-Corbyn qui seront publiées sur Sidecar [site en lien avec la New Left Review].
Oliver Eagleton : Commençons par votre description générale de ce qu'un hypothétique parti de gauche devrait espérer accomplir dans le paysage politique des années 2020, en particulier dans des pays comme la Grande-Bretagne, où il serait confronté à un certain nombre d'obstacles majeurs, de l'emprise des médias traditionnels au système antidémocratique de Westminster, en passant par la division des forces à gauche du Parti travailliste.
La tâche de ce parti devrait être d'entreprendre différentes formes de « construction politique ». Il y a tout d'abord la construction de l'unité populaire : prendre les circonscriptions qui constituent actuellement une majorité sociologique et les traduire en une majorité politique. En Grande-Bretagne, il s'agit de la classe ouvrière pauvre, des diplômés en déclin social et des communautés racialisées. La plupart des gens envisagent les circonscriptions en termes purement électoraux : « Comment pouvons-nous gagner quelques sièges supplémentaires ? », etc. Mais peu importe que vous ayez cinquante, cent ou deux cents députés si votre stratégie électorale n'est pas liée à ce projet social plus large.
Vient ensuite la construction du pouvoir populaire : il s'agit de mettre en place des organisations structurées que les gens peuvent utiliser pour contrôler démocratiquement différents aspects de leur vie, soit en obtenant des concessions du capital et de l'État, soit en les transcendant partiellement – en décommodifiant [suppression du statut de marchandise] certaines ressources ou en créant des espaces autonomes. Cela permet aux gens de légiférer collectivement depuis la base tout en créant les conditions pour que leur parti légifère depuis le sommet. Le mouvement ouvrier et les coopératives britanniques ont traditionnellement servi cet objectif. D'autres pays ont des traditions plus variées en matière de création de pouvoir populaire, à travers des groupes de locataires, des collectifs agricoles, des syndicats d'endettés, des occupations de terres, pour n'en citer que quelques-unes.
Cela nous amène à la forme finale de la construction politique : celle d'une alternative populaire. L'unité populaire et le pouvoir populaire démontrent qu'il existe d'autres moyens d'organiser la société dans son ensemble, tout en élaborant un programme majoritaire pour le gouvernement capable de répondre aux besoins de la population à court et moyen terme. Si nous poursuivons cette stratégie tripartite, nous commencerons à voir émerger de nouvelles formes de protagonisme populaire qui diffuseront la lutte et le contrôle dans toute la société.
Permettez-moi de vous donner deux exemples tirés de la Colombie. Ce pays a été historiquement l'un des principaux avant-postes de l'impérialisme sur le continent, dominé par une élite compradore conservatrice. Pourtant, depuis plus de soixante-dix ans, le pétrole du pays est propriété publique, car les travailleurs du pétrole ont lancé une grève illimitée en 1948 qui a contraint l'État à créer une entreprise nationalisée, et la pression massive et persistante de la population a empêché tous les gouvernements qui se sont succédé depuis lors de revenir sur cette décision. Plus récemment, en 2010, une institution appelée le Congrès populaire a été créée pour rassembler divers mouvements sociaux et luttes territoriales : urbains, paysans, autochtones. L'une de leurs initiatives a été de mettre en place des territoires de production alimentaire contrôlés par les paysans, qui relient les petits agriculteurs aux pauvres des villes, et ils ont finalement contraint le gouvernement à reconnaître et à soutenir ces territoires en expansion, que le mouvement considère comme des « tranchées du pouvoir populaire ». Cette stratégie de légiférer par le bas a contribué à l'élection du tout premier gouvernement de gauche de Colombie en 2022, dirigé par Gustavo Petro.
En résumé, notre parti doit être un vecteur d'unité, un catalyseur de l'organisation populaire et un levier de mobilisation populaire vers une alternative sociale. Notre objectif à long terme, bien au-delà de ce qui peut être réalisé dans les années 2020, doit être d'établir une société qui reconnaît la dignité fondamentale de chaque personne. Si ce principe est évident pour beaucoup, les macrostructures de notre système mondial s'y opposent fermement. L'ordre actuel repose sur une triade composée du capital, de la nation et de l'État. Notre objectif doit être de le remplacer par un autre : le social, l'international et le démocratique – trois logiques interdépendantes qui ouvrent la voie à de nouvelles formes de vie au-delà de l'exploitation, de l'empire et du contrôle hiérarchique. Cela signifie socialiser l'économie, transformer notre position dans la chaîne des relations impériales et la division mondiale du travail, et démocratiser l'État. Il n'y a pas de voie vers un avenir écologique durable sans ces transformations. Dans ce pays, nous n'avons jamais eu de vecteur qui ait tenté d'opérer ce type de changement par le biais d'une politique de masse. Aucun des petits groupes de gauche ne l'a fait. Même sous la direction de Corbyn au sein du Parti travailliste, nous n'avons pas conçu notre objectif en ces termes. Ce qu'il faut, c'est un parti populaire, entouré d'un ensemble d'organisations, capable de conquérir le pouvoir dans tous les domaines : social, culturel, politique, industriel.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la manière dont cette stratégie s'attaquerait aux réalités pratiques de la politique britannique actuelle ?
Les groupes sociaux que j'ai décrits plus haut – les travailleurs pauvres, les diplômés en déclin social et les personnes victimes de racisme – seraient les principaux bénéficiaires d'un mouvement visant à abolir l'état actuel des choses. Bien sûr, un parti de gauche doit également chercher à gagner le soutien d'autres groupes : il existe des éléments progressistes en dehors de ces groupes, tout comme il existe des éléments réactionnaires en leur sein, ce n'est donc pas un processus rigide ou mécanique. Mais ce sont les trois principaux acteurs à travers lesquels l'unité populaire peut être forgée. Certaines des raisons pour lesquelles ils constituent une majorité numérique sont liées à la position mondiale de la Grande-Bretagne en tant qu'économie avancée au cœur du capitalisme, mais d'autres sont plus spécifiques : par exemple, les politiques mises en œuvre par le New Labour [slogan utilisé dans la campagne électorale de 1996 et qui sera associée à Tony Blair] dans l'enseignement supérieur, le logement et l'industrie, qui ont créé la catégorie des diplômés en déclin social (ironiquement, puisque le New Labour était en partie le projet d'une classe de diplômés en ascension sociale). De plus en plus, les actions de l'establishment – en particulier du gouvernement travailliste actuel – renforcent un intérêt commun parmi ces groupes. Les partis de Westminster ont appauvri les personnes sans patrimoine ainsi que les jeunes diplômés, et ils ont tenté de rejeter la faute sur les personnes racialisées, y compris celles qui n'entrent pas dans ces deux autres catégories sociales, ce qui leur donne une base commune pour renverser le statu quo.
Le potentiel est donc là. Ce qui manque, c'est la capacité. En matière de pouvoir populaire, nous partons d'un niveau très bas. La vie civique en Grande-Bretagne, comme dans une grande partie du Nord global, a été réduite à néant. La vie associative de la classe ouvrière a été détruite, pas seulement les syndicats et les coopératives, mais aussi les bibliothèques, les pubs, les clubs, les groupes de musique, les équipes sportives. De moins en moins de gens se souviennent même de cette culture politique d'autrefois. Notre expression la plus forte du pouvoir populaire est le mouvement syndical, qui a surtout connu la défaite au cours des cinquante dernières années, ce qui a naturellement créé une posture défensive. Comment surmonter cela ? Eh bien, le pouvoir populaire repose toujours sur la concentration. Ce n'est pas un hasard si l'usine crée des ouvertures politiques à la gauche ; il en va de même pour les quartiers populaires, qui sont des lieux où les gens se rassemblent naturellement. En Grande-Bretagne, cela a des implications claires pour la stratégie électorale en raison du système électoral majoritaire à un tour. Je ne suis pas un défenseur de ce système, mais il existe et nous devons travailler avec pour l'instant. Il nous oblige notamment à poursuivre une stratégie de concentration : ancrer notre projet dans des zones spécifiques où ces trois groupes sociaux sont majoritaires.
Prenons l'exemple des élections de l'année dernière, où les cinq candidats indépendants de gauche ont remporté des sièges au Parlement : un gain relativement modeste, mais historique, car il n'y avait eu que trois indépendants de gauche depuis la Seconde Guerre mondiale. La situation à Islington North, où Corbyn a battu son adversaire travailliste avec une marge écrasante, était quelque peu sui generis dans la mesure où il était un candidat de renommée nationale et dont la notoriété était de 100 %. Elle a toutefois des implications plus larges, dans la mesure où tous les derniers éléments de pouvoir social ont été mobilisés pour soutenir la campagne, précisément parce que les gens y voyaient l'expression de leur propre vie civique. Tous les groupes de jardinage, toutes les églises, toutes les mosquées, toutes les sections syndicales de la région ont reconnu en Corbyn leur incarnation politique, et c'est pourquoi ils se sont mobilisés pour lui, presque indépendamment de leur opinion sur des politiques spécifiques.
Les quatre autres candidats indépendants ont également remporté une large victoire grâce au pouvoir social réel dont ils jouissent dans leurs communautés, qui repose en grande partie sur les mosquées – même si, bien sûr, de nombreux non-musulmans et musulmans non pratiquants ont également fait campagne et voté pour eux. Les gens vont à la mosquée chaque semaine. C'est un lieu de socialisation, un lieu de bien-être, un lieu d'orientation morale. Ainsi, même si ces candidats indépendants seraient les premiers à admettre qu'ils étaient inexpérimentés en politique, qu'ils n'avaient pas mené de campagne brillante, ni mis en place une communication innovante ou un programme politique complet, ils ont néanmoins été portés à la victoire grâce à cette identification avec le centre du pouvoir communautaire, qui a contribué à canaliser leur répulsion commune face au génocide à Gaza et à toute une série d'autres questions. C'est exactement la raison pour laquelle l'establishment a réagi avec une telle horreur. Il ne s'agissait pas seulement d'islamophobie, mais aussi de la prise de conscience paniquée que le pouvoir populaire peut contourner les structures censées le neutraliser.
Si votre ambition est de créer une sorte de lien contraignant entre un parti politique et des formes plus larges de vie associative, il y a peut-être une distinction à faire entre les mouvements et les institutions. Les premiers peuvent être éphémères et informels, incapables de créer des formes durables de pouvoir populaire en l'absence des seconds. On pourrait dire que, lorsqu'il s'agit de questions telles que le génocide à Gaza, c'est le mouvement qui mobilise les gens en tant que sujets politiques, l'institution qui traduit cette politisation en pouvoir populaire, et le parti qui exploite ce pouvoir pour influencer ou s'emparer de l'État. Ce qui m'amène à poser la question suivante : si la culture institutionnelle de la classe laborieuse britannique a été largement détruite au cours des cinquante dernières années, ne laissant derrière elle que des enclaves isolées, ne manque-t-il pas alors un maillon essentiel dans cette chaîne ? Comment un nouveau parti de gauche devrait-il aborder ce problème ?
Nous devons construire davantage d'institutions. C'est pour moi la tâche stratégique la plus importante pour le parti, mais aussi celle qui risque le plus d'être négligée. Tout en renforçant les manifestations du pouvoir populaire qui ont survécu aux ruines du néolibéralisme, nous devons en créer de nouvelles. Le nombre de ménages qui sont locataires au Royaume-Uni est de 8,6 millions. Le nombre de personnes syndiquées dans le secteur locatif est d'environ 20 000. Seuls 38% des locataires ont voté lors des dernières élections. Si, sous le Labour de Corbyn, nous avions décidé d'aller frapper aux portes et d'organiser les locataires, combien de dirigeants de ce secteur social aurions-nous aujourd'hui ? Comment aurions-nous pu faire évoluer la conscience de la gauche travailliste, afin qu'elle cesse de soutenir un parti parlementaire sur Twitter et qu'elle se concentre plutôt sur la construction de ses propres institutions solides ? On pourrait poser les mêmes questions sur toute une série d'autres thèmes. Avec alors 600 000 membres du Parti travailliste, dont 450 000 étaient de gauche, nous aurions pu décider que notre priorité politique était de nous organiser autour de la question X ou Y. Si nous avions mobilisé ne serait-ce que 10% de ces membres de gauche, nous aurions pu créer de nouvelles organisations populaires : coopératives alimentaires, syndicats de personnes endettées, groupes de soutien à la santé mentale. Nous aurions pu mener des campagnes pour organiser une grève pour le climat ou tenter de nationaliser les services publics par le biais de boycotts massifs. Les possibilités ne manquent pas, et ce n'est pas à moi de dire lesquelles nous devrions privilégier dans les années à venir. Ces choix doivent être faits démocratiquement par un parti politique national.
Si le nouveau parti passe tout son temps à élaborer la politique sociale parfaite pour notre futur techno-gouvernement de gauche imaginaire lorsque nous dirigerons l'État, il n'ira nulle part. S'il se considère comme un Parti travailliste 2.0, avec une meilleure politique que l'actuel mais sans moyen de participation populaire réelle, il sera détruit par les forces contraires. Pendant la période Corbyn, nous étions pris au piège dans une situation où les membres du Parti travailliste étaient souvent réduits à attendre que quelques personnes au sommet prennent des décisions, au lieu de devenir eux-mêmes des acteurs et des leaders. Nous ne pouvons pas répéter cette erreur. Je pense qu'il est important de se rappeler qu'en dehors de l'Europe et de l'Amérique du Nord, les réunions politiques ne sont pas ennuyeuses. Elles sont animées, participatives et ancrées dans la culture populaire, avec de la musique, de la nourriture et même de la danse. Les gens normaux y participent parce qu'ils s'y sentent chez eux. Il existe différentes façons de participer. Et c'est parce que leur objectif est de renforcer les liens de solidarité et d'unité afin que les gens puissent s'engager dans la construction du pouvoir populaire.
Comment le nouveau parti que vous envisagez devrait-il s'y prendre pour créer ce type de culture politique non traditionnelle en Grande-Bretagne ?
Dans la Grande-Bretagne contemporaine, l'establishment n'a rien à raconter : il dit que tout va bien et qu'il faut se taire sur ses problèmes. Le bloc réactionnaire, quant à lui, affirme que tout va mal : impossible d'obtenir un rendez-vous à l'hôpital, les prix des logements sont inabordables, les salaires ont baissé, et tout cela est la faute des musulmans, des migrants et des minorités. Lorsque ce sont les deux seuls discours proposés, c'est généralement le second qui l'emporte, car il répond au moins à certaines revendications réelles. Mais la vérité, c'est qu'attaquer les minorités est en soi une position minoritaire. Il existe peut-être une certaine forme de racisme omniprésent en Grande-Bretagne, mais la plupart des gens ne passent pas leur temps à penser à leur haine des étrangers, ce qui laisse clairement la place à un autre discours. Ce que nous devrions proposer à la place, c'est une « guerre des classes avec le sourire ». Nous devrions rejeter toutes les pieuses déclarations de la classe politico-médiatique, car elles sont détestées par le public, à juste titre. Nous devrions créer des controverses plutôt que de nous en éloigner. Ce style de communication est souvent appelé « populisme de gauche ». Il consiste à tracer une ligne d'antagonisme large et audacieuse, avec d'un côté l'unité et de l'autre la division. Cette ligne d'antagonisme est extrêmement simple : la cause de nos problèmes, ce sont les banquiers et les milliardaires. Ils sont en guerre contre nous, alors nous allons leur faire la guerre. Nous devons chercher à dérouter et à scandaliser les médias traditionnels avec un style politique combatif mais aussi joyeux. Nous devons organiser des réunions comme celles que je viens de décrire, avec de la musique, de la nourriture et des groupes de discussion, où les gens peuvent repartir avec des actions claires à mener. Cela signifie naturellement que le parti doit être basé principalement en dehors de Westminster ; il ne doit pas être associé à des types en costume qui passent leur temps à marmonner hypocritement devant les caméras.
Mon rêve est un parti qui ait le même impact que « Turn the Page », le premier titre de l'album Original Pirate Material, premier album du groupe The Streets. Quelque chose que vous n'avez jamais entendu auparavant, mais que vous reconnaissez instantanément ; indéniablement britannique et ancré dans la vie quotidienne, des pubs aux trottoirs. Un son – ou dans notre cas, une politique – qui mélange sans effort les cultures et les traditions, ancré dans la classe et la communauté, mais qui va de l'avant avec confiance et style. Nous devons nous approprier ce registre national-populaire. Pour le dire de manière plus théorique, l'efficacité de ce type de politique réside dans la libération du potentiel progressiste de la dimension « nationale » de la triade capital-nation-État. Sur Sidecar, vous avez publié la semaine dernière un court article stimulant de Dylan Riley intitulé « Lénine en Amérique », qui, suivant Gramsci, affirmait que Lénine poursuivrait aujourd'hui une « relation productive et créative avec la culture politique révolutionnaire nationale et démocratique spécifique dans laquelle on opère ». La gauche britannique doit réfléchir dans ce sens.
Vous avez mentionné la Colombie comme modèle, mais réfléchissons un instant aux différences historiques et contextuelles. Dans ce pays, vous aviez un État dominé par deux grands partis, les libéraux et les conservateurs, qui ont passé des décennies à collaborer avec les États-Unis pour maintenir le pays dans un état de dépendance périphérique tout en excluant les secteurs populaires du pouvoir. Beaucoup de ces secteurs étaient donc largement exclus des processus d'accumulation économique et de participation politique, ce qui a contribué à forger certaines traditions autonomes de lutte : mouvements de guérilla contrôlant de vastes zones rurales, campagnes contre l'extractivisme, groupes défendant les territoires autochtones. Petro a réussi à unifier bon nombre de ces forces dans son projet électoral, amenant les marginaux – les « nobodies », comme on les appelait affectueusement – au cœur du gouvernement. En Grande-Bretagne, en revanche, le problème de longue date est moins celui de l'exclusion populaire que celui de l'assimilation populaire. Le Parti travailliste a traditionnellement été un outil permettant d'intégrer la classe ouvrière dans l'État et de la réconcilier avec l'impérialisme, avec pour résultat que notre culture de lutte populaire est moins active, que nos réunions de gauche sont plus ennuyeuses et que la base organique de ce type de politique de masse est beaucoup plus faible.
La direction de Corbyn a fait une évaluation lucide de ces conditions. Votre objectif n'était pas nécessairement de donner du pouvoir à « la base » et d'espérer qu'elle vous mènerait à la victoire. Il s'agissait plutôt d'exploiter une situation de crise politique, de s'emparer du pouvoir étatique et de mettre en œuvre un programme de réformes non réformistes qui, à son tour, galvaniserait de larges couches de la population, en renforçant les travailleurs et travailleuses, les locataires, les migrant·es, etc. Cette approche, dans laquelle la politique d'en haut précède la politique d'en bas, n'était pas simplement une erreur stratégique. Elle reflétait notre situation historique particulière et les possibilités politiques qu'elle offrait. On pourrait soutenir que ces mêmes conditions ont également façonné la manière dont le projet d'un nouveau parti de gauche a été développé jusqu'à présent, les décisions étant prises par une couche relativement restreinte d'acteurs politiques qui espèrent – non sans raison – utiliser les victoires électorales pour stimuler des luttes plus larges.
L'explication que vous donnez est globalement correcte et aide à comprendre pourquoi la conscience dominante au sein de la gauche britannique est fortement électoraliste. Je ne suis pas contre le fait de gagner des élections ou d'entrer au gouvernement. Je pense que c'est essentiel. Mais il y a deux raisons pour lesquelles cela peut et doit être combiné dès le départ avec ces autres processus de construction politique. Premièrement, l'assimilation de la classe ouvrière britannique – non seulement par le Parti travailliste, mais aussi par les syndicats pendant la période corporatiste – n'a jamais été totale : il y a toujours eu des révoltes populaires et des lieux de résistance. Il existe donc des traditions radicales sur lesquelles s'appuyer. Deuxièmement, nous approchons aujourd'hui de la fin d'une offensive capitaliste qui a duré plusieurs décennies et qui visait à détruire cette résistance. Cela s'est fait en partie par l'assimilation, mais surtout par la force brute : l'exclusion violente des masses tant dans le Nord que dans le Sud, avec des mineurs britanniques qui se faisaient fracasser le crâne et des militants de gauche argentins jetés d'hélicoptères. Ce que nous voyons aujourd'hui, c'est que cette offensive commence à s'essouffler, non pas à cause d'une opposition extérieure, mais à cause de ses propres limites internes : l'incapacité des États-Unis à freiner le développement souverain de la Chine, en particulier après 2008, et la pression croissante sur les ressources à mesure que la crise écologique s'accélère. Cela crée une opportunité cruciale pour un parti de gauche.
Mais nous ne pouvons pas simplement reproduire le corbynisme dans ce contexte. Nous ne sommes pas à la tête d'un parti gouvernemental et nous n'avons aucune chance d'y parvenir dans un avenir proche. Ce pari purement électoraliste, qui a déjà été battu en brèche, est donc encore moins viable aujourd'hui. Le nombre de personnes qui avaient même conscience de la stratégie 2015-2019 telle que vous la décrivez était également extrêmement limité : seule une poignée de membres du cabinet fantôme et de conseillers de haut rang l'auraient formulée de cette manière. La logique du socialisme parlementaire est restée très intacte. Je pense que nous avons besoin d'un changement fondamental dans notre vision stratégique afin de créer un consensus au sein de la gauche qui reconnaisse l'importance du pouvoir populaire.
Si vous voulez un exemple négatif, vous pouvez vous tourner vers le Parti vert. Son approche consiste à faire élire ses candidats à des fonctions publiques afin qu'ils puissent utiliser leur notoriété pour défendre des politiques progressistes. Selon leurs propres termes, ils ont remporté un certain succès, élisant un député pour la période 2019-2024, puis quatre autres depuis, ainsi que de nombreux conseillers municipaux. Mais quel impact ont-ils eu sur la conscience publique ? Pratiquement aucun. Extinction Rebellion et Fridays for the Future ont eu un effet beaucoup plus tangible sur la politique environnementale de masse. L'approche arithmétique des Verts – plus il y a d'élus, mieux c'est – est vieille de deux cents ans et remonte à l'époque des révolutions libérales, lorsque le débat public se déroulait dans des parlements et des assemblées nouvellement formés où le nombre comptait vraiment. Elle est totalement inadaptée aux années 2020. Le porte-parole le plus en vue du parti n'est même pas député. On entend récemment des propos tels que « Avec les Verts, un parti de gauche pourrait détenir la clé du pouvoir à Westminster ». C'est le même genre d'absurdités illusoires que certains membres du Socialist Campaign Group colportent depuis des années : « Si nous restons au sein du Parti travailliste et faisons profil bas, nous pourrons peut-être détenir la clé du pouvoir ». Quel a été le résultat ?
C'est un modèle libéral de front populaire qui engage implicitement la gauche à soutenir un gouvernement travailliste, ce qui serait un suicide moral et politique. Mais restons-en un instant aux leçons du corbynisme : la plupart des gens ont reconnu que l'une des principales raisons de sa défaite était son manque de base sociale solide, qui a rendu plus difficile la riposte aux campagnes de diffamation et au sabotage politique dont le projet a été victime. Mais après 2019, beaucoup de ces personnes se sont mises à « construire la base » d'une manière déconnectée de toute infrastructure nationale plus large, donnant naissance à un ensemble d'initiatives disparates – un syndicat communautaire ici, un groupe d'action directe là – que le gouvernement en place a pour l'essentiel ignorées ou réprimées.
Il est désormais largement admis qu'une synthèse entre organisation électorale et organisation populaire est nécessaire, comme vous le dites, mais il n'y a toujours pas de consensus sur la forme que cela devrait prendre. La question de savoir si cette nouvelle organisation doit être un parti dès le départ ou si elle doit commencer par une alliance électorale a fait l'objet de nombreux débats. Les partisans de cette dernière option font valoir que la fragmentation de la gauche britannique, et de la vie civique britannique dans son ensemble, nécessite une coalition capable d'englober les luttes locales et de soutenir les leaders communautaires qui ne s'identifient pas explicitement à « la gauche », même s'ils partagent globalement notre vision politique. Cependant, une coalition lâche risque de pérenniser la fragmentation de la gauche plutôt que de la réparer. Quelle est votre position sur ces questions ?
Je ne suis favorable à aucune de ces deux positions, du moins pas dans leur version extrême. D'un côté, on risque d'aboutir à un travaillisme réchauffé, avec une meilleure politique mais une forme de parti similaire, dont la priorité première est de trouver des candidats pour les élections locales. De l'autre, le danger est de se retrouver avec une coalition informelle d'indépendants qui n'offre aucune perspective gouvernementale pour un véritable changement. Aucune de ces deux options ne permettra de construire un véritable pouvoir dans la société.
Dans le livre que j'ai écrit après la défaite de 2019, j'ai plaidé en faveur d'une fédération des mouvements, des organisations structurées et des forces existantes de gauche qui pourrait servir de base à un projet plus ambitieux. Aujourd'hui, il est encore tout à fait plausible qu'une organisation fédérée puisse jouer ce rôle : jeter les bases de ces différents types de constructions politiques dont j'ai parlé précédemment. Mais, de plus, il faudrait toujours une structure décisionnelle unifiée pour pouvoir mettre en place une structure plus large, qu'elle soit fédérale, confédérale ou centrale. Opter pour une coalition plutôt que pour un parti ne changerait rien au fait que les gens doivent d'abord se rassembler et s'accorder sur les grandes lignes, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent. Il n'y a pas non plus de raison pour qu'un parti ne puisse pas respecter des positions diverses, avec des tendances différentes et un pluralisme interne. Une marque politique locale existante devrait pouvoir continuer à fonctionner avec un haut degré d'autonomie, si tel est son souhait. Il s'agit là, franchement, de questions secondaires qui pourront être réglées lorsque nous aurons mis en place les canaux de délibération appropriés.
Mon modèle préféré serait une structure dans laquelle nous confierions la stratégie aux membres et la tactique à la direction. Les grandes questions stratégiques – quel type de construction du pouvoir social privilégier, comment répartir les ressources entre les militants à travers le pays, quel type d'éducation et de formation politiques fournir, quel devrait être le contenu du programme politique – seraient toutes décidées collectivement. Les tactiques, c'est-à-dire la manière dont ces objectifs stratégiques sont mis en œuvre, peuvent alors être déterminées en grande partie par les organisateurs ou les politiciens de premier plan. Pour que cela fonctionne, il faudrait un système de direction collective. Cela pourrait se passer comme suit. Une équipe de direction composée de douze ou quinze personnes se présenterait avec une proposition stratégique et peut-être aussi une proposition politique qu'elle soumettrait aux membres, qui voteraient par vote unique transférable pour leur stratégie préférée et les candidats associés. Cela donnerait lieu à la formation d'un comité national composé de dirigeant·es issus de différentes équipes, qui synthétiseraient ensuite les différentes propositions et les soumettraient à la conférence des membres, où elles pourraient être approuvées, modifiées ou rejetées. Le comité élirait également des personnes à différentes fonctions nationales : notre porte-parole principal, notre organisateur principal, notre chargé des relations avec les mouvements progressistes, notre directeur du parti, etc. De cette manière, vous auriez toujours des personnes occupant des postes de direction identifiables, mais cela ne serait pas simplement un concours de popularité. Cela créerait une couche de dirigeants capables de prendre des décisions rapides et tactiques, mais cela favoriserait également le protagonisme populaire en transformant la stratégie en une entreprise collective.
Si un vecteur de gauche avait été lancé plus tôt, il aurait pu saisir un certain nombre d'opportunités politiques. Au niveau de l'élite, il aurait pu exploiter la décision prise en juillet dernier par Starmer de suspendre sept députés, dont Sultana, du parti parlementaire, et peut-être convaincre davantage d'entre eux de quitter le navire.
Au niveau des masses, cela aurait pu permettre de monter une réponse unifiée de la gauche à la vague croissante de violence raciste incitée par Starmer et Farage. Pourquoi, selon vous, ce projet a-t-il mis si longtemps à être rendu public ?
Je travaille sur ce sujet depuis environ un an et je pense qu'il existe des facteurs structurels qui rendent difficile le lancement de quoi que ce soit : pas seulement le type spécifique de parti de gauche que je préconise, mais n'importe quel type de parti de gauche. Comme je l'ai déjà dit, il s'agit de la question de la prise de décision. Quelles sont les décisions légitimes ? Qui peut les prendre et qui peut les mettre en œuvre ? On se retrouve face au dilemme de la poule et de l'œuf : on ne peut pas prendre de décisions avant d'avoir une structure, mais pour avoir une structure, il faut prendre des décisions. Dans d'autres situations équivalentes, ce problème est contourné de l'une des trois manières suivantes.
La première est l'intervention d'un hyperleader. Jean-Luc Mélenchon dit : « Le Parti de Gauche ne fonctionne pas, je forme La France Insoumise », et c'est ce qui se passe. Les gens le suivent. En Grande-Bretagne, nous n'avons pas ce type de figure. Nous avons une sorte d'hyperleader en la personne de Jeremy Corbyn, une personne dont l'autorité morale et politique domine celle de tous les autres, mais il n'agit pas de cette manière. Ce n'est pas son style.
La deuxième solution est une organisation structurée préexistante, dotée d'une capacité de décision disciplinée. Il peut s'agir d'un syndicat ou d'une campagne politique. En Afrique du Sud, Abahlali baseMjondolo, un mouvement de personnes vivant dans des bidonvilles, compte 180 000 membres répartis dans 102 quartiers et mène des occupations de terres dans quatre provinces. Je me suis rendu à leur assemblée générale lorsque j'observais les élections en Afrique du Sud l'année dernière et j'ai assisté à leurs discussions sur la création de leur propre structure électorale. Ils peuvent utiliser leurs mécanismes démocratiques existants qui permettent de prendre des décisions, de les contester et de les renverser dans le cadre d'un processus ouvert où chacun connaît sa position. Cela aussi fait défaut en Grande-Bretagne.
La troisième solution consiste en un petit groupe de personnes politiquement avancées, étroitement liées, capables de prendre des décisions collectives. Au cours de l'histoire, de nombreux partis communistes ont été formés par une douzaine d'individus assis autour d'une table, qui sont rapidement devenus des mouvements de masse. Mais ici, les discussions ont lieu entre des personnes d'horizons et de priorités très différents, qui n'ont pas cette vision collective.
Ces trois facteurs structurels font apparaître un autre facteur contingent qui prend une importance considérable. Il s'agit en fait du facteur déterminant, même s'il se situe en amont des autres. Il s'agit de la question des personnalités. Dans des moments d'insuffisance collective comme celui-ci, les problèmes individuels passent au premier plan. Cela devient beaucoup plus décisif dans des conditions de paralysie objective. Mais aujourd'hui, heureusement, il semble que des progrès soient réalisés. Un nouveau parti est en train de se former malgré ces obstacles, car le besoin politique et la pression extérieure sont écrasants. On ne peut pas ne pas construire un nouveau parti lorsque votre parti, qui n'a pas encore de nom, est déjà à égalité avec le parti au pouvoir dans les sondages. Cela va se produire sous une forme ou une autre.
Quels sont vos projets pour le lancement officiel, maintenant que Corbyn et Sultana ont annoncé cette conférence ?
Malheureusement, le parti a déjà été lancé, même s'il n'existe pas encore. Nous avons été privés d'un lancement soigneusement planifié, mais nous pouvons nous en accommoder. Ce que nous devons faire maintenant, c'est minimiser l'importance du facteur humain contingent en créant un autre type d'autorité souveraine : un organe qui ait le pouvoir de faire avancer le processus. Concrètement, cela prend la forme de cette conférence démocratique. Elle pourrait être chargée de mettre en place un comité qui aurait alors une réelle légitimité dans ses décisions. Toute personne qui s'inscrit comme membre du parti devrait avoir le droit de participer pleinement. La conférence doit les réunir tous, avec des installations hybrides et un vote entièrement en ligne. Elle pourrait élire une équipe de direction collective qui serait chargée de développer l'organisation au cours de l'année suivante, et nous pourrions ensuite mettre en place des structures et une culture qui permettraient de prendre des décisions plus significatives. Rien de tout cela ne serait parfait. En fait, ce serait loin d'être optimal, car cela reviendrait à construire une voiture tout en conduisant. Toutes sortes d'erreurs pourraient être commises, qui pourraient avoir des répercussions plus tard. Mais cela permettrait au moins d'accélérer le processus. Cela offrirait un peu d'espoir à un moment politique où il fait cruellement défaut. Et cela serait très important.
Entretien publié sur le site Sidecar le 25 juillet 2025 ; traduction rédaction A l'Encontre.
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