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Trump le « pacificateur » comme Hitler le « chancelier de la paix » !

25 février, par Yorgos Mitralias — ,
Friedenskanzler, c'est-à-dire Chancelier de la paix. Si on vous dit que c'est comme ça que qu'on appelait … Hitler avant que celui-ci déclenche la Seconde Guerre mondiale, vous (…)

Friedenskanzler, c'est-à-dire Chancelier de la paix. Si on vous dit que c'est comme ça que qu'on appelait … Hitler avant que celui-ci déclenche la Seconde Guerre mondiale, vous n'en croirez pas vos oreilles. Et pourtant, c'est la vérité car l'image d'un Hitler « pacifiste » n'était pas cultivée seulement par ses acolytes mais aussi par tous ces Européens – et ils étaient la majorité – qui aimaient prendre pour argent comptant ses professions de foi en faveur de la paix, car pensant que, tout compte fait, « Hitler était mieux que les communistes ou le Front Populaire ».

17 février 2025 | tiré du site entre les lignes entre les mots | Illustration : Ensemble avec Musk, Vance et Milei - dssin de Sonia Mitralias
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/02/17/trump-le-pacificateur-comme-hitler-le-chancelier-de-la-paix/#more-90801

Cela se passait il y a presque un siècle avant qu'un ami et propagandiste des actuels nostalgiques de ce même Friedenskanzler d'antan, (comme le sont le AFD allemand, les Fratelli d'Italia de Mme Meloni, Le Vox espagnol de M. Abascal, les fidèles de M. Zemmour et accessoirement de Mme Le Pen, et tant d'autres) se présente aussi comme un « pacificateur » qui n'a qu'une ambition : mettre fin aux guerres en Palestine et en Ukraine ! Évidemment, ce nouveau Friedenskanzler est Donald Trump, bien que ce même Donald Trump proclame haut et fort qu'il a l'intention de prendre possession, « par tous les moyens », du Canada, du Panama, du Groenland, de Gaza et qui sait de quel autre endroit du monde. Et ceux qui le présentent comme tel sont tous ceux qui ont intérêt à ce que les guerres en Ukraine et en Palestine se terminent le plus vite possible selon les termes de Donald Trump et de son second (?) Elon Musk : par le triomphe des génocidaires Poutine et Netanyahou et l'extermination ou le nettoyage ethnique des Ukrainiens et des Palestiniens !

En somme, l'histoire ne se répète pas toujours comme une farce. Et l'affinité du présent avec les – pas si lointaines – années ‘30 devient évidente quand par exemple il suffit de remplacer l'Ukraine sacrifiée de 2025 par la Tchécoslovaquie sacrifiée de 1938 pour réaliser que puisque pratiquement rien n'a changé, on pourrait très bien s'attendre à une pareille suite tragique des évènements…

D'ailleurs, cette affinité, sinon filiation de ces deux prétendus « pacificateurs », crève parfois les yeux. Comme quand M. Trump pense « résoudre » la question moyen-orientale en prenant possession de Gaza et en chassant ses habitants Palestiniens vers une destination plus ou moins « exotique » et farfelue. Si ce plan pour le moins extravagant du président américain vous rappelle un non moins extravagant plan du régime nazi, vous avec tout à fait raison : il s'agit du « plan Madagascar » qui ambitionnait de « résoudre » la « question juive » en vidant l'Europe de ses 11-12 millions de Juifs, lesquels seraient transportés de force à Madagascar transformé en un gigantesque ghetto ! Si ce plan monstrueux n'a jamais été mis en application, cela est dû uniquement au fait que la Grande Bretagne n'a pas été défaite par les nazis, et que sa flotte a continué à interdire l'accès de Madagascar. Cependant, son souvenir reste toujours vivace chez les dirigeants de l'AFD néonazi, tant admirés par Elon Musk et le vice-président des Etats-Unis J.D. Vance, et a refait surface durant leur réunion « secrète » avec leurs amis Autrichiens à Potsdam fin novembre passé, en tant que référence et précèdent « idéologique » de leur intention actuelle de chasser les millions de migrants et autres citoyens allemands descendants de migrants vers un « Madagascar » du 21e siècle !

Alors, à l'opposé de ce que prétendent nos gouvernants, nos médias et leurs « analystes », Trump et Musk n'improvisent pas du tout quand ils nous « surprennent » jour après jour avec leurs déclarations, leurs actes et même leurs gestes (p.ex. le double salut nazi de Musk). En réalité, il suffit de connaitre un peu ce qu'ont dit et ont fait les dirigeants nazis, pour comprendre que Trump et Musk suivent ou même copient leur exemple. C'est ainsi que Trump copie le tristement célèbre besoin d'« espace vital » (Lebensraum) du Troisième Reich, quand il déclare que la population israélienne se trouve à l'étroit dans l'actuel État d'Israël, et c'est pourquoi il consent à l'annexion par Israël de la Cisjordanie et qui sait de quelles autres régions du Moyen Orient sur lesquelles Netanyahou et ses amis prétendent avoir un… « droit biblique » !

Mais, quel besoin a-t-on de ces exemples en guise de preuves de leur néofascisme, quand Trump, Musk, Vance et Milei font vraiment tout et devant les yeux de tout le monde, pour nous persuader, au-delà de tout doute, qu'ils se revendiquent du nazisme et qu'ils œuvrent pour unifier sous leur direction tout ce qu'il y a de vermine nostalgique du fascisme et du nazisme de par le monde ? D'ailleurs, n'est-il pas le second de Trump, cet inénarrable J.D. Vance qui a fait l'éloge des nostalgiques de Hitler et Mussolini devant la fine fleur des gouvernants européens réprimandés par lui pour ce qu'il leur reste d'antifascisme, avant qu'il rencontre en privé son amie, la leader de l'AFD néofasciste seulement quelques jours avant les élections allemandes ? Que faut-il de plus pour qu'on arrête tant à droite qu'à gauche, de décrire Trump et même Musk comme… « populistes », et de qualifier leurs affinités électives avec les nazis de simples… « provocations » et d'actions « controversées » ?

Ça va de soi que ce penchant prononcé de Trump, Musk, Vance ou Milei pour la violence brute et pour tout ce qui rappelle le nazisme ou le fascisme triomphant, n'aurait qu'un intérêt moyen s'il ne mettait pas en péril la vie des millions de gens, l'existence des pays entiers et la paix dans le monde. En effet, ce qui caractérise le « pacificateur » Trump est que sa paix ressemble comme deux gouttes d'eau à la paix des cimetières. Une paix faite sans et contre les victimes de la guerre tant en Ukraine qu'en Palestine. Une paix qui rappelle celle annoncée par Hitler quand il « unifiait » et « pacifiait pour toujours » l'Europe conquise par sa Wehrmacht et soumise par sa Gestapo et ses SS. Une pseudo-paix qui donnera des ailes aux bourreaux et conduira inévitablement à une conflagration et un bain de sang encore plus générales…

Quant à nous, nous n'avons rien à ajouter à ce que nous écrivions en juin 2022, quand nous dénoncions déjà nos gouvernants qui « ont le culot de commencer à discuter entre eux quelle partie de l'Ukraine ils pourraient céder, ces impérialistes occidentaux (!), à Poutine, dans le dos des Ukrainiens et de leur gouvernement ! » Et nous concluions avec ces mots : « Bien que nous ayons ici un cas carabiné de l'interventionnisme et du paternalisme impérialiste le plus scandaleux, il y a peu de gens de gauche qui osent faire ce qui va de soi, à savoir le dénoncer publiquement, comme il le mérite. Et malheureusement, sont encore moins nombreux ceux qui osent soutenir le droit encore plus évident et élémentaire des Ukrainiens – qu'ils défendent bec et ongles – de se battre jusqu'au bout et par tous les moyens contre les envahisseurs russes, en décidant eux-mêmes librement et démocratiquement, et sans aucune ingérence étrangère hostile ou « amicale », de l'avenir de leur pays et des personnes qui y vivent ! » [1]

Yorgos Mitralias

Note

1] Voir notre article Qu'est-ce que cette guerre étrange où on interdit à l'Ukraine que Poutine « soit humilié » :
https://europe-solidaire.org/spip.php?article62858

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G7, G8 ou G6 sans les États-Unis ?

25 février, par Michel Gourd — , ,
L'orientation idéologique que prend actuellement le gouvernement américain l'éloigne des autres membres du G7, qui auraient en juin une occasion de l'expulser, une idée qui (…)

L'orientation idéologique que prend actuellement le gouvernement américain l'éloigne des autres membres du G7, qui auraient en juin une occasion de l'expulser, une idée qui avait déjà surgi en 2018 lors d'une précédente guerre commerciale démarrée par ce pays.

En janvier, le Canada a assumé la présidence du G7 dont le sommet se tiendra du 15 au 17 juin à Kananaskis en Alberta. Depuis 50 ans, l'organisme qui comprend le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Union européenne, le Japon, les États-Unis et le Canada coordonne les réponses des démocraties libérales face aux défis qu'elles rencontrent. Le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, Jake Sullivan, a qualifié le G7 en 2022 de « comité directeur du monde libre » et le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, affirme actuellement qu'il est le groupe des grandes démocraties les plus avancées.
La Russie en a été membre pendant un certain temps, soit de 1997 jusqu'en 2014, date à laquelle elle en a été expulsée pour avoir envahi l'Ukraine. Or, le président Trump a récemment soutenu que la Russie aurait dû conserver son adhésion et plaidé pour sa réintégration, qualifiant son exclusion d'erreur.

Les États-Unis dans l'internationale réactionnaire

S'il est prévu cette année d'y discuter les enjeux mondiaux, la présence au sein de ce groupe d'un pays ayant changé d'allégeance politique pourrait forcer ses membres à prendre une décision difficile en ce qui concerne le nombre de ses participants. L'arrivée du nouveau gouvernement Trump le 20 janvier avec l'agenda MAGA (Make America great again) amène son pays sur la voie de ce qui a récemment été qualifié d'internationale réactionnaire. En exemple de cela, le 14 février, lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, le vice-président américain, J. D. Vance, a prononcé un discours qui a mis à mal la relation transatlantique des États-Unis. Selon lui, la véritable menace pour l'Europe ne proviendrait pas d'acteurs extérieurs, mais de l'attitude des gouvernements européens qui ne sont pas à l'écoute des préoccupations de leurs électeurs les plus radicaux. « En Grande-Bretagne et à travers l'Europe, la liberté d'expression, je le crains, est en retrait », a-t-il affirmé, soutenant plusieurs partis nationalistes de droite, telle l'Alternative für Deutschland (AfD), acceptant des néonazis dans ses rangs.

L'éviction du président Zelensky et des Européens des pourparlers de paix sur l'Ukraine a été un autre coup porté à cette relation transatlantique, ce qui a eu comme conséquence la création d'un « conseil de crise » formé de représentants français, britanniques, italiens, polonais et espagnol. Donald Trump met en place un nouvel ordre mondial en négociant seul avec Vladimir Poutine. Le président américain commence aussi une guerre économique internationale. Entre autres choses, l'acier et l'aluminium européen et du Canada pourraient prochainement être taxés à la hauteur de 25 % par les États-Unis, diverses nouvelles taxes visant aussi le Mexique et la Chine.

Réintégrer la Russie ou expulser les États-Unis ?

Jean-Noël Barrot considère comme « inimaginable » que la Russie réintègre aujourd'hui le G7, puisqu'elle en agresse des membres et se comporte de moins en moins comme une démocratie. La ministre des Affaires étrangères du pays hôte de la rencontre en juin, Mélanie Joly, a aussi déclaré que le Canada s'opposait fermement à cette réintégration.
L'idée d'exclure les États-Unis du G7 avait été présentée une première fois lors de la réunion de 2018 qui avait eu lieu à Charlevoix au Québec. Une semaine avant cette rencontre, Trump avait aussi imposé des droits de douane aux métaux provenant de l'Union européenne, du Mexique et du Canada. Les ministres des finances des pays visés avaient alors annoncé que leur coopération et collaboration avait été mise en danger en raison d'actions d'un pays membre. Le président de la France, Emmanuel Macron, avait alors fait le commentaire que le G7 ne serait pas très dérangé de redevenir G6, suggérant que le groupe pourrait être mieux sans les États-Unis, qui avaient d'ailleurs décidé de ne pas signer le communiqué final de la rencontre. Trump avait alors aussi dit qu'il voulait que la Russie revienne dans le G7.

Lors de la rencontre du G7 qui s'est tenu en Europe en 2024, les pays membres avaient réitéré leur attachement aux « principes démocratiques et aux sociétés libres, aux droits de la personne universels, au progrès social et au respect du multilatéralisme et de la primauté du droit ». Ils affirmaient avoir la volonté de renforcer les règles et les normes internationales pour le bien de tous. Or, les actions du gouvernement de Donald Trump montrent qu'il ne respecte pas cet ordre international.

Il y a quelques semaines, au sommet de Paris sur l'IA, le vice-président J.D. Vance s'en est pris aux lois européennes sur l'IA et les marchés numériques (DMA) qui doivent prévenir les abus des réseaux et les dérives dans l'intelligence artificielle parce qu'elles touchaient les Gafam. De plus, les déclarations du président américain qui veut vider Gaza de ses habitants et celles affirmant qu'il est prêt à utiliser la force militaire pour s'accaparer du Groenland, du Panamá et faire du Canada le 51e État américain en utilisant des contraintes économiques, montrent que Donald Trump est déterminé à mettre en place un nouvel ordre mondial basé sur l'injustice et la négation des droits des faibles. La mise en pratique cette année des propos de 2018 d'Emmanuel Macron empêcherait le président américain de détruire le G7 de l'intérieur et protégerait la crédibilité de l'organisme.

Michel Gourd

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PAJU exige la démission de la ministre Pascale Déry

25 février, par Palestiniens et Juifs Unis (PAJU) — , , ,
Un article du Devoir révèle que la ministre québécoise Pascale Déry, ministre de l'Enseignement supérieur du Québec, a mené une enquête sur les cégeps Dawson et Vanier de (…)

Un article du Devoir révèle que la ministre québécoise Pascale Déry, ministre de l'Enseignement supérieur du Québec, a mené une enquête sur les cégeps Dawson et Vanier de Montréal sous l'influence de groupes pro-israéliens, CJA et CIJA(Centre consultatif des relations juives et israéliennes). Selon l'article, le site Internet de CJA affirme avoir influencé Mme Déry, avec l'aide de CIJA, pour lancer l'enquête. L'article du Devoir cite le site Internet de CJA : « Nous sommes heureux de cette décision et nous continuerons de collaborer directement [“to engage directly”] avec la ministre et les établissements au cours du processus », avait aussi écrit le CIJA sur sa page Facebook, dans une publication en anglais.

23 février 2025 | Tiré du site du PAJU

L'article du Devoir précise encore : Membre de la communauté sépharade, la ministre Déry a siégé au conseil d'administration du CIJA de 2016 à 2022. Le 4 février, la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN) lui a transmis une lettre dans laquelle elle dénonce l'« instrumentalisation politique du processus d'enquête administrative » que ferait la ministre aux collèges Dawson et Vanier, de même que l'« apparence de conflit d'intérêts » dans laquelle elle se place en raison de son implication passée au CIJA.

Ingérence dans le choix du cours académique

En mêlée de presse mardi le 18 février 2025, Mme Déry n'a pas répondu aux questions portant sur ce possible conflit d'intérêts. Elle a reconnu avoir exprimé des réticences à propos du cours de français intitulé « Appartenances palestiniennes » offert au collège Dawson.

Mme Déry a dit : « Je suis effectivement intervenue sur le contenu du cours pour une simple et bonne raison, c'est que le contexte était vraiment explosif, a-t-elle justifié. Ce que j'ai demandé, c'est : pour éviter de jeter de l'huile sur le feu, est-ce que dans ce cours de français, […] on aurait pu éviter de parler d'enjeux plus sensibles et plus clivants ? » Elle a souligné que « certains étudiants » avaient « des malaises » avec le contenu du cours.

Toujours selon l'article du Devoir, « Dans une récente enquête de La Presse, 10 enseignants ont dit avoir vu dans ce geste une ingérence de la part de la ministre. Des sources ont fait état au Devoir d'inquiétudes semblables ». La FNEEQ-CSN a réagi aux aveux de Pascale Déry. Le syndicat s'est dit « profondément indigné par l'admission de la ministre, elle-même signataire de la convention collective des profs de cégeps, où elle s'est engagée à respecter la liberté académique ».

« Ce principe fondamental est même reconnu par l'UNESCO, qui rappelle que l'État ne doit jamais s'ingérer de la sorte. Cette bévue de la ministre indique qu'il est temps de renforcer et d'étendre la Loi sur la liberté académique [dans le milieu universitaire] au réseau collégial, comme le réclamait la Fédération dès 2021 », a fait savoir le président du regroupement syndical, Benoît Lacoursière, cité dans l'article du Devoir.

Gouvernement québécois pro-Israël

Pascale Déry a démontré sans l'ombre d'un doute qu'elle s'est ingérée dans l'administration du Collège Dawson et du Cégep Vanier au nom de deux organisations pro-israéliennes, dont l'une qu'elle a représentée en tant que membre du conseil d'administration de 2016 à 2022. Elle est de plus un parfait exemple de la tendance pro-israélienne et anti-palestinienne du gouvernement caquiste québécois actuel de François Legault. Nous rappelons au public que c'est le gouvernement Legault qui a ouvert un bureau commercial à Tel-Aviv en pleine connaissance de la nature apartheid de l'État d'Israël et du génocide à Gaza à partir d'octobre 2023. Récemment, le coprésident de PAJU, Bruce Katz, a envoyé à la ministre des Affaires internationales du Québec, Martine Biron, une lettre ouverte demandant à savoir si le bureau du gouvernement Legault à Tel-Aviv est ouvert. Mme Biron n'a pas répondu.

La démission exigée

Dans ces circonstances, il incombe à Mme Déry de démissionner de son poste de ministre. Mme Déry a clairement outrepassé son mandat et se trouve clairement en situation de conflit d'intérêts ayant des ramifications politiques. Elle se positionne comme ministre en fonction de valeurs communautaristes. Qu''elle soit juive sépharade n'est pas la question : toute personne a un héritage, une culture. Mais qu''elle se serve de son poste de ministre pour promouvoir des valeurs sionistes, des valeurs Israël First, c'est tout le gouvernement Legault qui est en cause.

Si Mme Déry refuse de démissionner, il incombe au gouvernement Legault de la démettre de ses fonctions. Sinon, le gouvernement Legault se rendrait complice du conflit d'intérêts de Pascale Déry et de son ingérence politique dans l'administration des cégeps du Québec. Elle a bafoué le principe de la liberté académique et doit pour cette raison démissionner ou être démise de ses fonctions par le premier ministre du Québec.

30-

Contact : info@paju.org

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Allemagne - Après les élections législatives : refuser de se conformer !

25 février, par J.H. Wassermann — , ,
20 % de racistes au Parlement + des manifestations de masse et Die Linke avec une nouvelle force ! « Les élections sont des événements qui se déroulent en surface. Elles (…)

20 % de racistes au Parlement + des manifestations de masse et Die Linke avec une nouvelle force !

« Les élections sont des événements qui se déroulent en surface. Elles entérinent soit des choix de société fondamentaux qui avaient déjà été faits, soit elles indiquent que le moment n'en est pas encore venu. » (Georg Fülberth)

24 février 2025 | tiré d'Europe solidaire sans frontières
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article73738

La campagne électorale et le résultat des élections législatives nous montrent que :

• L'AfD, avec son racisme qui méprise et menace directement la dignité de l'être humain, a réussi à s'incruster jusqu'au « centre démocratique ». Les mobilisations de masse contre l'extrême droite sont remarquables et porteuses d'espoir, mais elles n'ont pas encore suffi pour réussir à influencer de manière significative ceux et celles qui veulent voter pour l'AfD et la CDU/CSU. Le fait que les Verts et le SPD se soient mis au diapason dans leur discours et leur politique gouvernementale ne leur a pas servi.

• Le « tournant historique » annoncé avec emphase par Olaf Scholz est lui aussi susceptible de rallier une majorité dans ce pays. L'escalade militaire et le bellicisme sont largement acceptés sans contestation. Seuls les votes en faveur du BSW et de Die Linke peuvent être interprétés comme un rejet fondamental de la militarisation de la société.

• L'administration américaine de Donald Trump et Mike Pence plonge aussi les responsables politiques allemands dans la confusion.

• Le doublement des voix pour l'AfD par rapport à 2021 n'est pas seulement une source d'inquiétude, de menace et de danger immédiat pour les migrant.e.s, les militant.e.s de gauche, les syndicalistes et les minorités. Il est aussi révélateur de l'absence d'une résistance digne de ce nom de la part de la gauche et des syndicats contre le racisme et la politique de redistribution du bas vers le haut, qui a entraîné un glissement vers la droite de la société et de la représentation parlementaire.

• Il est apparu clairement, si tant est que cela ait été le sujet de la campagne électorale, que les partis pro-capitalistes qui veulent constituer le gouvernement n'ont pas de projet crédible pour résoudre la crise conjoncturelle ni les problèmes structurels de l'industrie en Allemagne. Les intérêts de la majorité de la population ne jouent de toute façon qu'un rôle secondaire pour ces partis, si tant est qu'ils en jouent un.

• La remontée de Die Linke, que ce soit dans les urnes ou avec l'arrivée de dizaines de milliers de nouveaux membres, majoritairement jeunes, est plus qu'une lueur d'espoir dans cette situation. Cela crée une réelle possibilité de construire un projet qui s'oppose à la poussée de la droite dans les mois et les années à venir. Cela est dû à la fois à la polarisation politique accrue par le coup de force de Merz au Bundestag et à la mobilisation antifasciste massive qui s'en est suivie dans la société. C'est le moment pour beaucoup d' « annoncer leur couleur », de s'engager, de s'impliquer activement et de manière organisée. Le grand défi sera de transformer cet élan en un travail politique continu dans tous les domaines de la société : dans les quartiers, sur les lieux de travail, dans les écoles et les universités, mais aussi dans les syndicats et les autres mouvements sociaux, ainsi que dans la rue, en organisant la résistance. C'est la résistance extra-parlementaire qui est à l'ordre du jour, et non l'espoir d'un « mur coupe-feu » parlementaire.

• Ce mur coupe-feu extra-parlementaire, il faudra le construire contre le racisme, le nationalisme, le bellicisme et pour la justice sociale, et pas seulement « contre l'AfD ».
Nous ne sommes pas seuls

Le monde tourne – c'est bien l'impression que ça donne – de plus en plus vite. Ce n'est pas en Allemagne que la roue tourne, car ici nous ne sommes qu'une partie du monde. L'invasion de l'Ukraine par la Russie et le génocide en Palestine ne sont lointains qu'en apparence ; la concurrence économique mondiale peut sembler une abstraction, mais tout cela a une influence sur notre situation et constitue le fondement des choix politiques que font les dirigeants de ce pays.

L'Ukraine

Un terme va être mis à la guerre par procuration en Ukraine. L'Ukraine, sa population et ses ressources naturelles se trouvent tout simplement dans l'impossibilité de financer l'achat de nouvelles armes et de munitions. La Russie semble durablement affaiblie ; la poursuite de la guerre n'aura qu'un faible effet supplémentaire sur son affaiblissement. Il est donc temps de conclure un « accord ». Pour les Européens non préparés, la tâche consiste à garantir et à financer « la nouvelle paix ».

Gaza : nettoyage ethnique

L'expulsion de millions de Palestiniens n'est malheureusement pas une chimère. Les États-Unis comptent sur la peur de tous les régimes de la péninsule arabique et d'Afrique du Nord face à un nouveau « printemps arabe ». Si les régimes dictatoriaux locaux ne veulent pas participer à l'expulsion, ils devront payer pour une autre « solution ». Et l'appareil militaire israélien, renforcé après le génocide impuni de Gaza, est prêt à étendre l'ordre et son contrôle sur la région.

Les représentants de la « raison d'État » allemande sont unanimes

Les représentants de la « raison d'État » allemande, c'est-à-dire les partis dominants en Allemagne, s'accordent à soutenir inconditionnellement Israël et sa politique génocidaire. Cela inclut également la répression croissante contre toute forme de solidarité pro-palestinienne.

La fidélité inconditionnelle à l'impérialisme américain en matière de politique étrangère était au sens propre du terme « bon marché » tant que l'on pouvait participer au pillage mondial moyennant une modeste participation à l'OTAN.

Points de discorde pour la nouvelle coalition

Un élément important dans les marchandages autour d'une nouvelle coalition sera donc de savoir combien l'armement doit et peut coûter. Quelle part sera financée par l'endettement ? Quelle part sera financée par des coupes budgétaires ? Quels pans de l'État social seront encore davantage vidés de leur substance ? Quels investissements seront réalisés dans les infrastructures (réseaux électriques, réduction des coûts de l'énergie, transports ferroviaires, éducation et santé) et dans les secteurs dits d'avenir et la protection du climat, et quels investissements ne le seront pas ? De plus, on ne voit pas quelle stratégie sera mise en place pour restaurer la compétitivité internationale de l'industrie. Les cadeaux fiscaux et la redistribution aux entreprises et aux riches ne suffisent pas.

Le racisme s'aggrave encore

En ce qui concerne la « politique migratoire », tous les partis représentés au Bundestag, à l'exception de Die Linke, se sont mis d'accord pendant la campagne électorale pour durcir encore la répression contre les réfugié.e.s et renforcer le système de contrôle aux frontières. Pour les individus menacés d'expulsion et de harcèlement, c'est déjà une catastrophe qui met leur vie en danger. Le grand succès électoral de l'AfD laisse présager une nouvelle montée de la violence raciste de la part de hordes fascistes.

Mobilisation de masse contre l'extrême droite

Depuis quelques semaines, nous assistons à une mobilisation de masse antiraciste et antifasciste d'une ampleur sans précédent, et en même temps au choix de s'organiser de la part de dizaines de milliers de jeunes. Le slogan « Ensemble contre le fascisme » ne portera ses fruits que s'il est associé à une perspective sociale porteuse d'espoir.

Son contenu social doit être axé sur les intérêts de la grande majorité de la population. Les besoins sociaux de la grande majorité de la population sont avant tout l'augmentation des salaires et des retraites, des loyers et des prix abordables, le maintien et la création d'emplois et de places dans le système de formation, un système de santé et d'éducation efficace, le maintien et le développement des équipements et des services publics ainsi qu'une protection efficace du climat, financée par les riches bénéficiaires du capitalisme.

En parler ensemble, se mettre d'accord sur des revendications, agir collectivement pour les faire valoir, cela peut permettre de faire un pas de plus. Die Linke a misé sur ces thèmes et c'est ce qui lui a permis de se renforcer de la sorte. Ce qui montre bien que c'est la question sociale qui fait la politique de gauche.

Dans la durée, partout, ensemble

Des groupes et des comités qui travaillent dans la durée peuvent transformer des manifestations ponctuelles en un mouvement durable et présent partout. Au-delà de cela, il est important que ce mouvement essaie d'agir de manière ciblée partout où se déroule la vie sociale. À long terme, notre objectif est de susciter un soutien massif aux actions antifascistes, allant jusqu'à des grèves sur le lieu de travail et des grèves générales.

Pour peser dans la rue, nous contribuons à la formation de coordinations les plus larges possibles avec des formes d'action qui touchent le plus grand nombre, afin que le slogan « Pas de place pour les fascistes » s'applique littéralement.

Le fait que des millions de personnes descendent maintenant dans la rue pour s'opposer à la montée de l'extrême droite et au fascisme, que des dizaines de milliers de personnes rejoignent le parti Die Linke, voilà une lueur d'espoir malgré la montée de l'extrême droite. Le défi consiste maintenant à mettre en place une pratique quotidienne commune avec ces personnes qui se politisent. Cela ne fera pas disparaître les 20 % de racistes et de partisan.e.s de l'extrême droite au sein de la population. Mais cela peut encourager ceux et celles qui descendent aujourd'hui dans la rue pour s'opposer à la montée de l'extrême droite, leur donner la force de tenir bon et de continuer, ainsi qu'une perspective d'action commune et solidaire.

J. H. Wassermann
P.-S.

• Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l'aide de DeepLpro.

Source : Intersoz (ISO), 24/02/2025 :
https://intersoz.org/nach-den-bundestagswahlen-widerstand-statt-anpassung/

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La « submersion » étrangère : un fantasme raciste français récurrent

25 février, par Alain Ruscio — , ,
La hantise d'une submersion imaginaire du pays par les étrangers a une longue histoire en France. François Bayrou ne fait que reprendre un stéréotype colonial. Thème fétiche (…)

La hantise d'une submersion imaginaire du pays par les étrangers a une longue histoire en France. François Bayrou ne fait que reprendre un stéréotype colonial.

Thème fétiche de l'extrême droite raciste, variante de la théorie délirante du « grand remplacement », la hantise d'une « submersion » imaginaire par les étrangers vient d'être à nouveau brandie par le premier ministre François Bayrou. Elle est également exploitée de façon éhontée par le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau. Un « débat » sur « l'identité française », rappelant furieusement les errements xénophobes et racistes de la présidence Sarkozy, est annoncé. De même qu'une remise en cause du droit du sol non seulement à Mayotte mais aussi en France. L'historien Alain Ruscio montre ici que le fantasme politique ainsi agité est aussi ancien que récurrent dans notre histoire.

15 février 2025 | tiré d'Europe solidaire sans frontières Alain Ruscio
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article73677

Une identité nationale submergée ? Une idée vieille comme… la France

La France est-elle une personne, comme le pensait Michelet ? Y a-t-il une identité propre à ce pays, à la fois comparable et opposable à d'autres ? Si oui, quelle est son essence ? Chrétienne ? Blanche ? Quand enfonça-t-elle ses racines dans l'hexagone ? « La population de notre pays est restée homogène depuis ses origines » (Front National, Programme de gouvernement, 1993)[1]. Origines ? Du temps des Gaulois, comme l'école de la IIIe République tenta de le faire croire ? Sous les Mérovingiens ? Les Carolingiens ? Les Bourbon ? Sous la Révolution ? Les Français éprouvent un « sentiment de submersion » vient d'affirmer François Bayrou en précisant : « Les apports étrangers sont positifs pour un peuple, à condition qu'ils ne dépassent pas une proportion »[2]. C'est la vieille théorie du seuil de tolérance.

Ou, a contrario, cette essence n'est-elle qu'une invention ? L'identité n'est-elle pas plutôt une construction permanente, dont aucune définition ne pourrait être figée ?

Ces interrogations n'ont cessé de susciter polémiques et mises au point des politiques et des intellectuels.

Premiers débats

On peut être surpris de constater que la sensation d'une menace sourde sur l'identité nationale par une présence d'éléments autres a plusieurs siècles d'existence.

Au XVIIIe siècle, où les esclaves noirs, emmenés en métropole par leurs maîtres, et parfois abandonnés, n'étaient que quelques milliers, le Procureur du Roi à la Cour de l'Amirauté de France jugea la figure de la France menacée : « L'introduction d'une trop grande quantité de Negres en France (…) est d'une dangereuse conséquence. Nous verrons bientôt la nation Françoise défigurée si un pareil abus est toléré » (Guillaume Poncet de la Grave, Ordonnance, 31 mars 1762)[3].

En 1802, telle était l'opinion d'un ancien avocat-colon du Cap français (Saint-Domingue), exilé en métropole, dans un chapitre intitulé « L'inconvénient du Nègre en France » : « Depuis la révolution, le sang Africain ne coule que trop abondamment dans les veines des Parisiennes mêmes. Il est vrai que l'espèce de femmes qui s'allient aux Noirs est la plus vile de Paris et des départemens. Mais il en naît de gros mulâtres renforcés, plus bronzés même que dans les Colonies. Ces mulâtres épouseront eux-mêmes quelques-unes de ces femmes, et leur troisième ou quatrième génération peut se mêler à des femmes plus relevées. Si cet abus subsistoit plus longtemps, il attaqueroit donc jusqu'au cœur de la nation, en en déformant les traits, et en en brunissant le teint. Le moral prendroit alors la teinte du physique, et la dégénération entière du peuple Français ne tarderoit pas à se faire appercevoir » (Louis-Narcisse Deslozières, Les égaremens du nigrophilisme, 1802)[4].

La présence même en métropole d'un seul homme de couleur, le député de Saint-Domingue Belley, amènera des incidents significatifs. Pour beaucoup de Français, alors, on ne pouvait vraiment pas être nègre et Français. Le 5 thermidor an III (23 juillet 1795) eut lieu à la Convention un débat houleux. Évoquant la grande île, un député Girondin, Jean Serres, adjura ses collègues de cesser de « faire couler le sang français par torrents (…) pour faire triompher les Africains ». La formule méprisante provoqua une réaction indignée de Belley[5], qui s'exclama : « Est-ce que je suis un chien ? », ce qui lui attira cette réponse définitive de la salle : « Non, mais tu n'es pas Français ». À ce même Belley sera à une autre occasion dénié le droit d'être Français, puisqu'il était d'ailleurs « de nation afriquaine-bambara »[6].

La période coloniale

Que ce fût pour les besoins de l'appareil productif ou pour assurer la défense du territoire national, l'appel à des indigènes à venir sur le territoire de l'hexagone traverse l'histoire coloniale française. Avec le revers de ce phénomène : la présence d'immigrés colonisés fut souvent vécue comme une invasion et, donc, assimilée à une perte d'identité.

L'un des grands théoriciens de la question des races, Georges Vacher de Lapouge, écrivit en 1899 un essai au titre qui prendra par la suite une dimension tragique : L'Aryen. Il déclarait y constater que l'invasion était un processus irréversible : « L'immigration a introduit depuis un demi-siècle plus d'éléments étrangers que toutes les invasions barbares. Les éléments franchement exotiques deviennent nombreux. On ne rencontre pas encore à Paris autant de jaunes et de noirs qu'à Londres, mais il ne faut se faire la moindre illusion. Avant un siècle, l'Occident sera inondé de travailleurs exotiques (…). Arrive un peu de sang jaune pour achever le travail, et la population française serait un peuple de vrais Mongols. “Quod Dii omen avertant !“[7] » (L'Aryen, 1899)[8]. En 1923, pour lui, le processus était presque achevé : la France était un pays envahi, la « fin du monde civilisé » se profilait à l'horizon[9]. Il vécut encore 13 années. Nul doute qu'il vît l'évolution de la société française d'un œil plus sombre encore…

Un tiers de siècle plus tard, le démographe Georges Mauco, même s'il n'utilisa pas le mot d'identité, émit les mêmes craintes : « L'accroissement continu de la masse des étrangers qui rend plus lente et plus difficile depuis la guerre leur assimilation, développe, par ailleurs, le redoutable problème de la saturation. Certes, la France est merveilleusement douée pour absorber les apports étrangers et il n'est pas au-dessus de ses écoles, de ses élites, d'encadrer, de diriger, d'éduquer l'énorme armée des mercenaires du travail qu'il lui a fallu recruter. Mais l'augmentation à prévoir de la masse des étrangers ne risque-t-elle pas de dépasser sa faculté d'absorption ? La France ne court-elle pas le risque de voir l'immigration facteur de renouvellement devenir une force de substitution ? L'immigration apporte des éléments humains peu évolués, frustes en général, parfois inférieurs. Tant que le rythme des arrivées permet d'éduquer, il y a enrichissement et atténuation de notre pénurie d'hommes. Mais quel danger du jour où la diminution des cadres et le gonflement des troupes rendraient difficile l'assimilation de celle-ci ! » (La Revue de Paris, 15 février 1933).

C'est l'époque où une partie de la presse, beaucoup d'hommes politiques, d'intellectuels, mènent une campagne contre les indésirables, les métèques, une masse indistincte englobant tous ceux qui ne correspondaient pas à certains critères, « qui n'ont ni le parler ni la figure des gens de chez nous » (Henri Béraud, 1936)[10]. Un grand écrivain reprit alors à son compte ces thèses : « Qu'importe si les frontières du pays soient intactes si les frontières de la race se rétrécissent et si la peau de chagrin française est le Français ! » (Jean Giraudoux, Pleins pouvoirs, 1937)[11]. Un essayiste, Raymond Millet, s'effraya qu'il y ait « trois millions d'étrangers en France » (c'était le titre de son essai) et proposa aux autorités d'opérer un tri entre les « bienvenus » (une minorité) et les « indésirables » (la masse), « nos facultés d'assimilation et d'absorption (restant) considérables quand le pourcentage d'étrangers ne dépass(ait) par une certaine limite » (1938)[12]/

Après-guerre, les expressions indésirables et métèques étant devenues sulfureuses, c'est contre « l'ethnie nord-africaine » que se tournèrent les interrogations : « Jusqu'à quel point et dans quelles limites numériques et même géographiques une assimilation est-elle possible ? Les facteurs à considérer sont d'ordre physique et d'ordre ethnique. Au point de vue physique, il s'agit de savoir si cette immigration risque de bouleverser les composantes physiques constatées en France et exprimées par une certaine répartition de caractères aussi évidents que la stature, la pigmentation, l'indice céphalique. Au point de vue ethnique, il s'agit de savoir si l'ethnie nord-africaine affirmée par une certaine civilisation, c'est-à-dire une langue, des mœurs, une religion, un comportement général et jusqu'à une mentalité, oppose un refus absolu, un antagonisme total à ce que l'on peut considérer comme l'ethnie française » (Louis Chevalier, Le problème démographique nord-africain, 1947)[13].

Plus tard, parmi les causes du désengagement gaulliste de l'Algérie, il y avait la crainte du Général de voir, en cas d'assimilation totale, le « peuple européen de race blanche » se dissoudre : « C'est très bien qu'il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu'elle a une vocation universelle. Mais à condition qu'ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. Qu'on ne nous raconte pas des histoires ! » (Propos, 5 mars 1959)[14].

Ces propos ont certes été tenus en privé. Mais, manifestement, le Général tenait à ce qu'ils soient rapportés (Alain Peyrefitte était un fidèle et un proche).

Avec le temps, la notion de seuil de tolérance explosa dans le vocabulaire de bien des hommes politiques, journalistes et intellectuels. Un jeune chercheur, Mathieu Rigouste, en décela une première trace dans un article de 1969 de Maurice Schuman, alors ministre d'État chargé des affaires sociales[15]. À la même époque, deux circulaires gouvernementales (70-27 et 70-88 du 4 mars 1970) fixèrent à 15 % le maximum de population étrangère dans les HLM[16].

Le 25 août 1973, à Marseille, l'assassinat d'un conducteur de bus – français –, Émile Gerlach, par un malade mental – arabe –, Salah Bougrine, suscita un vif débat. Le ministre chargé des relations avec le Parlement considéra que c‘était l'installation d'une communauté étrangère qui était la cause de la tension, égratignant au passage la municipalité socialiste dirigée par Gaston Defferre (Joseph Comiti, Déclaration, 30 août 1973)[17]. Avec plus de finesse, le président Pompidou ne dit pas autre chose, lors de la conférence de presse qui suit immédiatement ces crimes : « Il faut bien voir qu'il y a un problème (…) : les Nord-Africains, et particulièrement les Algériens, sont concentrés dans quelques agglomérations : Marseille et sa banlieue, la banlieue lyonnaise, Paris et sa banlieue » (Conférence de presse, Paris, 27 septembre 1973)[18].

En 1983, Michel Debré, en fin de carrière politique, mais dont l'autorité reste grande dans les milieux conservateurs, participe à la 36e session du très officiel Institut des hautes études de la Défense nationale. Il y fait une contribution significativement intitulée L'immigration est-elle une invasion ? Réponse : « Désormais, les travailleurs d'origine étrangère occupent souvent, en rangs serrés, certains quartiers de nos villes. Il s'est développé un “quart monde“ sur notre propre territoire »[19].

Le plus grave sans doute est le ton de l'évidence, adopté par des familles politiques par ailleurs opposées : « Le seuil de tolérance est dépassé dans certains quartiers, et cela risque de provoquer des réactions de racisme » (Jacques Chirac, 13 juillet 1983)[20]… « Je ne souhaite pas aggraver le chômage en France en laissant la porte ouverte aux travailleurs immigrés (…). Le gouvernement français sera très ferme : la France ne peut plus accueillir des travailleurs étrangers » (Georgina Dufoix, PS, 23 février 1984)[21]… « Il faut partir d'une évidence : on ne peut pas prendre le risque de laisser augmenter encore le nombre d'immigrés en France » (Jean-Claude Gaudin, Figaro Magazine, 1er juin 1985)[22]… Que dire, alors, de la caution étatique, dans la bouche de François Mitterrand, lors d'un entretien avec Christine Ockrent : « Le seuil de tolérance a été atteint dès les années 70, où il y avait déjà 4,1 à 4,2 millions de cartes de séjour, à partir de 1982 (…). Il ne faut pas dépasser ce chiffre, mais on s'y tient depuis des années et des années » (Antenne 2, 10 décembre 1989)[23]. C'est exactement au même moment (3 décembre 1989) que son Premier ministre, Michel Rocard, prononce une phrase restée célèbre : « La France ne peut pas recevoir toute la misère du monde »[24].

1989 : c'est l'année dite des foulards de Creil… Le terrain était prêt pour une offensive plus spécifiquement dirigée contre la population la plus présente dans cette immigration : les Maghrébins, décrétés tous musulmans.

Alain Ruscio

Notes

[1] 300 mesures pour la renaissance de la France. Programme de gouvernement, Programme rédigé par Bruno Mégret, Brochure Front national, Paris

[2] Interview à LCI, 27 janvier 2025.

[3] Cité par Pierre H. Boulle, Race et esclavage dans la France de l'Ancien Régime, Paris, Perrin, 2007.

[4] À Paris, Chez Migneret, Imprimeur (Gallica).

[5] Le nom n'est pas cité dans le compte-rendu. Mais, d'après Claude Wanquet, qui cite cette anecdote, il s'agit bien de Belley (La France et la première abolition de l'esclavage, 1794-1802. Le cas des îles orientales Ile-de-France (Maurice) et la Réunion, Paris, Karthala, 1998).

[6] Pétition de colons contre Belley, citée par Vertus Saint-Louis, « Le surgissement du terme “africain“ pendant la révolution de Saint-Domingue », Revue Ethnologies, Vol. XXVIII, n° 1, 2006 (Persée).

[7] « Puissent les dieux démentir ce présage ! »

[8] L'Aryen, son rôle social, Cours libre de science politique, professé à l'Université de Montpellier (1889-1890), Paris, A. Fontemoing Éd., 1899.

[9] « Dies Irae. La fin du monde civilisé », Europe, 1 er octobre 1923.

[10] Gringoire, 7 août 1936, cité par Ralph Schor, « L'extrême droite française et les immigrés en temps de crise. Années trente-années quatre vingts », Revue européenne des migrations internationales, Vol. XII, n° 2, 1996 (Persée).

[11] Paris, Gallimard, NRF

[12] Trois millions d'étrangers en France. Les bienvenus, les indésirables, Paris, Libr. de Médicis.

[13] Cahiers de l'INED, Coll. Travaux et Documents, n° 6, Paris, PUF.

[14] Propos tenus à Alain Peyrefitte, rapportés in C'était de Gaulle, Vol. I, La France redevient la France, Paris, Ed. de Falois / Fayard, 1994.

[15] L'ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de l'ordre sécuritaire dans la France contemporaine, Paris, Éd. La Découverte, Coll. Cahiers libres, 2009.

[16] José Rodrigues Dos Santos &amp ; Michel Marie, « L'immigration et la ville », Espaces &amp ; sociétés. Revue critique internationale de l'aménagement, de l'architecture et de l'urbanisation, n° 8, février 1973.

[17] Le Monde, 1 er septembre

[18] Le Monde, 29 septembre

[19] IHEDN, Dossier L'Environnement national, 1983-1984, cité par Mathieu Rigouste, L'ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de l'ordre sécuritaire dans la France contemporaine, Paris, Ed. La Découverte, Coll. Cahiers libres, 2009

[20] Le Monde, 15 juillet.

[21] « La France ne peut plus accueillir de travailleurs étrangers », Les Échos, 24 février.

[22] « Qu'ils commencent d'abord par nous accepter, nous ».

[23] Cité par Christine Barats, L'intégration et le discours présidentiel sur l'immigration, 1981-1991, Thèse pour l'obtention du titre de Docteur en science politique, Université de Paris-Dauphine, UER Sciences des organisations, janvier 1994.

[24] Cette formule, souvent citée, a été effectivement prononcée, sous des formes différentes, toutes en 1989 : lors d'un débat à l'Assemblée nationale (6 juin), lors d'une assemblée de la CIMADE (28 novembre), émission Sept sur sept, avec Anne Sinclair (décembre).


P.-S.

• Histoire coloniale et postcoloniale. 15/02/2025 :
https://histoirecoloniale.net/la-submersion-etrangere-un-fantasme-raciste-francais-recurrent-par-alain-ruscio/

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Le Canada pour Trump et Musk ? L’Ukraine pour Poutine et Abramovitch ?

Le 24 février 2025, cela fera trois ans que Vladimir Poutine a lancé une invasion militaire à grande échelle de l'Ukraine pour, officiellement, la dézanifier. Depuis, des (…)

Le 24 février 2025, cela fera trois ans que Vladimir Poutine a lancé une invasion militaire à grande échelle de l'Ukraine pour, officiellement, la dézanifier. Depuis, des centaines de milliers de personnes sont mortes, Trump a été élu président États-Unis, il revendique le Canada, le Groenland, le canal de Panama comme son "lebensraum", son secrétaire à La Défense exhibe des tatouage nazis sur son torse, Musk fait des saluts nazis à la face du monde et tous s'entendent avec Poutine et oligarques, comme larrons en foire, pour "purifier leur territoire" de la vermine Woke, se partager et piller l'Ukraine, procéder à un nettoyage ethnique de la Palestine.

La gauche canadienne

Dans ce contexte, la majorité des dirigeant·es de la classe ouvrière ou qui s'en revendiquent soit se taisent (pour la majorité) soit se félicitent : enfin la paix !

Contrat - USA
https://legrandcontinent.eu/fr/2025/02/18/trump-exige-la-vassalisation-economique-de-lukraine/

Bulletin syndical
https://drive.google.com/file/d/1m2nHfzVYqRKMUD3z72KKtb2GB0poO0VP/view

Brigades
https://www.syllepse.net/syllepse_images/soutien-a---lukraine-re--sistante-n-deg-36-2_compressed.pdf

Vidéo du président du FTU
https://mail.fpsu.org.ua/www/20250224/video_20250224_for_int_v3.mp4

Un auteur arrêté pour des publications sur les réseaux sociaux critiquant Israël et emprisonné pour avoir écrit sur les accusations portées contre lui

À 9 h 30 jeudi, la police de Montréal prévoit d'arrêter l'auteur Yves Engler pour avoir publié des messages sur les réseaux sociaux dénonçant la violence d'Israël à Gaza. Après (…)

À 9 h 30 jeudi, la police de Montréal prévoit d'arrêter l'auteur Yves Engler pour avoir publié des messages sur les réseaux sociaux dénonçant la violence d'Israël à Gaza. Après qu'Engler a écrit sur les accusations douteuses portées contre lui pour avoir critiqué Israël, la police a ajouté quatre nouvelles accusations, affirmant qu'il harcelait la police.

Engler devait initialement être arrêté après une plainte pour harcèlement déposée contre lui par la personnalité médiatique raciste Dahlia Kurtz. Kurtz, qui accuse le premier ministre Justin Trudeau d'être antisémite et de soutenir le terrorisme, a engagé une candidate du Parti conservateur et avocate pour faire pression sur la police de Montréal afin qu'elle porte plainte contre Engler. Ce dernier ne nie pas avoir qualifié Kurtz de « partisane du génocide » et de « fasciste » sur Twitter. Étrangement, Kurtz n'a jamais bloqué Engler sur X, malgré ses affirmations selon lesquelles elle se sentirait intimidée.

« En tant que père d'un enfant de deux ans et d'un autre de sept ans, et auteur de 13 livres, il est absurde de prétendre que je représente une menace pour Dahlia Kurtz », souligne Engler. « Je n'ai jamais rencontré Kurtz. Je ne lui ai jamais envoyé de message ni de courriel. Je ne l'ai jamais menacée. Je ne la suis même pas sur X. »

En moins de 24 heures, 2 500 personnes ont envoyé un courriel à la police de Montréal pour exiger l'abandon des poursuites contre Engler.

Furieuse de recevoir des courriels et de faire face à une forte critique publique, la police prétend maintenant qu'Engler les harcèle en écrivant sur les accusations portées contre lui. La police de Montréal l'accuse désormais d'intimidation, de harcèlement, de communication harcelante et d'« entrave » envers un agent de police.
Pour en savoir plus sur ces accusations, lisez cet article ainsi que ce document de référence.

Des personnes accompagneront Engler à 9 h 30 lorsqu'il sera emprisonné au 980, rue Guy, Montréal.

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La société ukrainienne dans la troisième année de résistance à l’invasion russe : points d’unité et de division

Nous sommes en février 2025 et de nom- breux Ukrainiens ont oublié à quoi ressemblait leur vie avant l'invasion russe. Le sentiment d'in- sécurité, les pertes douloureuses et (…)

Nous sommes en février 2025 et de nom- breux Ukrainiens ont oublié à quoi ressemblait leur vie avant l'invasion russe. Le sentiment d'in- sécurité, les pertes douloureuses et la séparation d'avec les membres de la famille sont des attributs inhérents à la vie de nos citoyens, qu'ils vivent en Ukraine ou même à l'étranger. La longueur de la ligne de front en Ukraine dépasse désormais les 3 000 kilomètres. La population de l'Ukraine s'est réduite à environ 30 millions d'habitants. Les autorités font-elles assez pour réduire la menace militaire et préserver un espace de vie ? Telles sont quelques-unes des questions clés qui préoccupent les Ukrainiens et qui définissent leur attitude à l'égard de l'État en pleine guerre. La vie politique s'anime peu à peu, même si la situation autour de nous ne semble pas s'y prêter, avec la poursuite de l'offensive russe dans le Donbass et le risque de bombardements sur toutes les villes.

Vitaliy Dudin est avocat du travail, membre de l'organisation socialiste Sotsialnyi Rukh. Kyiv, 12 février 2025.

Février 2025 | tiré de Soutien à l'Ukraine résistance (Volume 36)
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/wp-content/uploads/2025/02/soutien-a-lukraine-resistante-nc2b036.pdf
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Face à l'impérialisme le plus agressif de notre époque – l'impérialisme russe – le peuple ukrainien a choisi la voie de la lutte. Notre so- ciété a montré un élan d'auto-organisation sans précédent, a pardonné à l'État ses imperfec- tions et la solidarité internationale est devenue tangible. L'Ukraine tient bon, le poutinisme n'a pas atteint ses objectifs mais l'issue semble loin- taine.

L'État ukrainien a peu changé depuis, mais le contexte dans lequel il opère a changé. Il n'y a pas de solution facile pour sortir de l'état de guerre. Que devrions-nous faire – mettre fin à la guerre contre l'impérialisme russe ou la pour- suivre, tout en devenant dépendants du président américain Donald Trump ?

Bien sûr, les changements dans la situation internationale auront un impact sur la façon dont les transformations au sein de l'Ukraine auront lieu. J'aimerais faire le point sur ce que les trois années de guerre ont apporté et si la dynamique actuelle ouvre des perspectives pour une politique plus progressiste.

Le capitalisme ukrainien, une usine à problèmes

Rares sont les analystes politiques qui, lorsqu'ils étudient le système politique ukrainien, ne soulèvent pas la question de la légitimité du président Zelensky. Mais la question mérite d'être posée plus profondément : tout le discours dominant fondé sur les valeurs libérales et la confiance en l'Occident est-il en train de perdre sa légitimité ? Il est en train d'échouer. Au début de la guerre, tout semblait plus simple : nous voulions un capitalisme à l'américaine et une intégration dans l'OTAN. Depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, les choses se compliquent et les objectifs précédents sont remis en cause. Le consensus de droite s'effondre progressivement. Les attitudes à l'égard de l'extrême droite ont changé. Les événements récents ont montré la proximité de leurs idées avec les idées conservatrices de l'extrême droite européenne, adepte de Vladimir Poutine.

La plupart des forces politiques ne vont toujours pas au-delà du consensus droite-libéral. Bien sûr, les idées réactionnaires d'ethnonationalisme et d'autoritarisme sont largement représentées en Ukraine, mais heureusement pas autant que le voudrait la propagande de Poutine. Par ailleurs, la revendication de justice sociale des masses est de plus en plus prononcée : les mineurs, les infirmières et les cheminots ukrainiens souffrent tellement des abus des classes dirigeantes que la lutte contre ces abus n'a pas cessé, même au milieu de la guerre. Dans le chaos de la guerre, l'inégalité sociale est encore plus douloureuse qu'auparavant : si vous êtes riche, vous avez beaucoup plus de chances de sauver votre vie ! En même temps, l'incapacité de l'appareil d'État à être au service les gens a été prouvée par des exemples tragiques.

Si l'on ne résout pas la question sociale, c'est-à-dire la redistribution des biens et du pouvoir en faveur de la majorité de la population, l'Ukraine est condamnée à se trouver dans une situation extrêmement précaire. Cependant, la mise en œuvre d'une ligne de conduite de la gauche n'est pas si simple. Nous sommes en fait le seul pays européen où la gauche est absente de la « grande scène » politique en tant que phénomène, et presque toutes les forces politiques jugent nécessaire de proférer la haine de la gauche, en manipulant habilement les traumatismes du passé soviétique. L'Olympe politique existera encore longtemps sans la gauche, il faut l'accepter. Toutefois, au niveau local, un champ de pratique politique de gauche s'ouvre. J'associe mon optimisme à l'activisme des représentants des régions relativement industrialisées de l'est et du sud de l'Ukraine, proches de la ligne de front actuelle. Pourquoi ? Parce que pendant la guerre, ces régions ont connu une transformation significative. Tout d'abord, elles ont bénéficié d'un grand coup de fouet moral, car leurs compétences se sont révélées extrêmement utiles pendant la guerre – à la fois dans la production et, surtout, sur la ligne de front. Deuxièmement, ces villes ont enfin affirmé leur identité nationale face à la terreur impitoyable de la Russie. Troisièmement, de nombreuses personnes (en particulier des femmes) sont parties vers l'Union européenne, et ont fait l'expérience de l'efficacité des politiques de l'État-providence. C'est donc dans cet environnement que les partisans des idées de gauche devront chercher leur base sociale (même si, bien sûr, les oligarques voudront aussi jouer sur le mécontentement des masses). À mon avis, la principale caractéristique de la société n'est pas tant la lassitude des gens face à la guerre que leur déception fac à l'inadaptation du capitalisme ukrainien aux conditions de la guerre. La dépendance de l'élite à l'égard des instruments libéraux l'a empêchée de prendre des décisions qui auraient pu sauver des vies :

1) le développement du complexe militaro-industriel a échoué en raison de la dépendance à l'égard des importations d'équipements militaires ;

2) nous n'avons pas réussi à introduire l'impôt progressif en rai son de l'attrait des prêts [occidentaux] ;

3) la fin du contrôle de la protection du travail a entraîné la mort de nombreux et précieux spécialistes ;

4) l'austérité dans le secteur public a entraîné une détérioration de la qualité du potentiel humain, rendant de plus en plus difficile pour les Ukrainiens d'étudier et d'éduquer leurs enfants, de suivre un traitement médical et de se réadapter ;

5) les restrictions des droits des travailleurs ont profité aux oligarques, et ont découragé les gens de travailler.

La volonté de maintenir le capitalisme intact nous a coûté cher. Je reste persuadé que l'Ukraine est capable de résister à Poutine, mais à quel prix ? Les rumeurs persistent selon lesquelles l'Ukraine céderait ses richesses naturelles pour continuer à recevoir de l'aide et que ce serait le prix naturel à payer pour ne pas à démanteler le système de capitalisme libéral qui a freiné notre potentiel. Sans parler des problèmes de corruption et de conditions de vie déplorables.

La mobilisation

La question de la mobilisation est devenue l'un des sujets qui divisent le plus la société. Cependant, l'Ukraine n'avait guère d'autre moyen de résister à l'armée russe pendant trois ans et sans être membre de l'OTAN. Au sein de Sotsialnyi Rukh, il y a à la fois des personnes qui sont allées volontairement au front et d'autres qui ont été mobilisées. Toutes méritent un respect sans bornes car elles permettent à notre organisation de remplir sa véritable mission. C'est difficile à admettre, mais arrêter la mobilisation dans ces conditions, c'est alourdir le fardeau de ceux qui sont déjà mobilisés et qui se sentent le plus mal. Bien sûr, la procédure peut être améliorée : pour prévenir des événements particulièrement honteux, des « groupes d'alerte » devraient être composés de représentants des structures des droits humains qui enregistreraient les violations des droits élémentaires. Cela aurait peut-être permis de décourager le recours à des méthodes violentes.

Le plus grand problème, cependant, est que la mobilisation du peuple n'est pas accompagnée par des mesures de mobilisation équivalente contre le capital (voire la confiscation des biens des groupes oligarchiques). Le fait que la société ukrainienne ait fait preuve d'une forte unité contre l'idée d'une réserve [exemption] économique (« seuls les pauvres se battent ») est une victoire évidente, car autrement le désespoir aurait pu être total. Il ne fait aucun doute que l'Ukraine doit rechercher un équilibre entre les besoins de mobilisation et le fonctionnement de l'économie. Il est indéniable qu'un nombre important d'hommes échappent à la mobilisation et viennent grossir les rangs de la population économiquement inactive. Toutefois, il est possible de parvenir à cet équilibre grâce à des outils socialement acceptables : des réserves temporaires pour les hommes qui commencent à travailler après une longue interruption, des réserves pour le personnel clé dans les infrastructures critiques et l'adaptation de la sphère sociale et de l'emploi aux besoins des femmes. Pourquoi les gens vont-ils au front ? Ce n'est pas seulement par amour abstrait de l'Ukraine (même si, croyez-moi, cette raison suffit à beaucoup). Le fait est que la plupart des Ukrainiens croient en la capacité de l'Ukraine à changer.

C'est ce qui nous différencie des pays voisins comme la Russie et le Bélarus, où toutes les décisions dépendent depuis longtemps de la volonté d'une personne en place. De nombreux Ukrainiens rêvent de voir l'État lutter contre la concentration excessive des richesses, où l'économie commencera à fournir aux Ukrainiens tout ce dont ils ont besoin pour une vie prospère et où les conditions de travail seront influencées par les organisations syndicales pour rendre les gens heureux. Nous régnerons alors véritablement sur notre pays, nous n'aurons plus peur des ennemis extérieurs et nous cesserons de les chercher à l'intérieur. Lutte sociale : qui défend les travailleurs ? Pendant la guerre, la gauche ukrainienne et Sotsialnyi Rukh, ont été contraints de se réinventer dans de nouvelles conditions. Nos militants combattent l'occupant les armes à la main, répondent bénévolement aux besoins humanitaires et militaires, fournissent une assistance juridique aux travailleurs des infrastructures critiques touchés par les agresseurs russes et apportent un soutien psychologique aux groupes affectés par la guerre. Nous sommes des membres à part entière de la société civile, même si nous sommes porteurs de valeurs particulières : nous croyons à la démocratie socialiste, à la solidarité internationale et à la primauté de la dignité humaine. Et notre position claire contre les politiques néolibérales n'a jamais été aussi pertinente.

Dans le contexte actuel d'aggravation de la crise, le gouvernement cherche un moyen facile de stabiliser l'économie aux dépens des citoyens : en introduisant un système de retraite par capitalisation, en adoptant un nouveau Code du travail pour remplacer celui de 1971 et en privatisant les banques ou les chemins de fer appartenant à l'État. Aucune de ces réformes n'est nouvelle – tous les gouvernements ukrainiens ont voulu les mettre en œuvre depuis la crise financière de 2008. La survie du mouvement syndical organisé dépend de la capacité des syndicats ukrainiens à trouver la force de s'unir et de lutter contre ces réformes exorbitantes. Bien sûr, les syndicats ukrainiens sont depuis longtemps un instrument de lutte 9 collective, mais pendant l'invasion, ils sont devenus plus conscients de leur responsabilité envers les travailleurs, car ils restent la voix la plus forte des intérêts des travailleurs. Malgré l'interdiction officielle des rassemblements, des manifestations de rue contre les fermetures d'hôpitaux et des fusions d'universités ont lieu en Ukraine. Car rien ne nous fera accepter les mauvaises conditions de vie. Dans la plupart des cas, l'optimisation du secteur public est réalisée d'une manière qui arrange les fonctionnaires, et non pour améliorer la qualité du service ou pour dégager des fonds pour la victoire. Par ailleurs, les Ukrainiens contestent de plus en plus les violations de leurs droits du travail devant les tribunaux, et chaque succès dans ces affaires est la victoire du peuple qui lui donne la force pour aller de l'avant et de remporter une grande victoire pour l'Ukraine. Je veux croire qu'à l'avenir la classe ouvrière jouera un rôle beaucoup plus important dans la vie du pays. Si elle a joué un rôle si important dans le maintien de la ligne de front et de la stabilité économique, serait-il démocratique de la priver de sa voix dans la sphère politique ? L'absence de forces politiques de gauche est le plus grand problème de la démocratie ukrainienne. Mais malgré toutes les pertes et la privation de droits actuelle, la classe ouvrière a une chance de devenir forte à long terme.

Des élections qui bousculent la démocratie

L'Ukraine est aujourd'hui confrontée à un choix difficile : comment préserver notre dignité et protéger notre démocratie ? Nous pouvons tous constater que la société se politise à grande échelle et cherche des idées pour changer le pays. Quelle sera la solution aux contradictions accumulées ? En dehors d'une révolution (dont la perspective n'est jamais à exclure en Ukraine), la seule option est l'organisation d'élections. Cependant, l'ensemble de la société est convaincue que la tenue d'élections pendant la guerre pourrait être l'une des épreuves les plus difficiles pour notre démocratie.

De nombreuses questions angoissantes se posent. Comment les élections peuvent-elles se dérouler en toute sécurité ? Les forces prorusses ne gagneront-elles pas ? Si les élections ont lieu, changeront-elles le paysage idéologique ? Je pense que nous ne devons pas céder à la peur panique. Nous devons réfléchir davantage aux dommages qui seront causés si les élections ont lieu demain et qu'elles se déroulent sans notre influence. Nous, la gauche ukrainienne, devons enfin donner aux travailleurs ukrainiens le droit de choisir. Si nous ratons les prochaines élections parce que nous ne sommes pas prêts, rien ne dit que l'histoire nous donnera une nouvelle chance de faire nos preuves. Malheureusement, la guerre nous a rappelé que le temps est limité et que nous ne sommes pas éternels. Si nous ne saisissons pas cette chance, nous serons condamnés à continuer à tourner en rond dans la lutte contre les conséquences du capitalisme à l'agonie – réduction des droits du travail, fermeture d'hôpitaux, etc. Tout d'abord, je voudrais commenter les craintes qui existent d'une vengeance prorusse. Comment la Russie peut-elle espérer un 10 quelconque succès alors qu'elle a causé des dommages irréparables à l'Ukraine et qu'elle s'est dressée elle-même contre les habitants des régions russophones qui lui sont proches ? Par ailleurs, l'Ukraine a déjà neutralisé les forces prorusses, notamment en interdisant les partis susceptibles d'avoir des liens avec la Russie. Les prochaines élections ne seront manifestement pas l'occasion d'une revanche prorusse.

Celle-ci pourrait survenir bien plus tard, si de plus en plus de personnes sont déçues par la démocratie ukrainienne et sa capacité à traiter les questions urgentes. Le plus grand danger est d'affronter seul ses propres problèmes et de s'y noyer. Lorsque l'agression de Poutine ne sera plus une excuse et que l'aide des partenaires internationaux disparaîtra. En d'autres termes, je pense que nous devons réfléchir ensemble à la manière de rendre notre démocratie durable, et que personne ne puisse la démanteler.

Je voudrais vous rappeler que les élections dans la République populaire d'Ukraine il y a plus d'un siècle n'ont pas pu empêcher l'effondrement de l'État ukrainien, bien qu'elles n'aient pas été une victoire pour les forces russes. Je pense que l'Ukraine est beaucoup plus forte aujourd'hui.

Malgré la perspective des élections, nous devrions réfléchir à la manière d'adapter le régime juridique de la loi martiale aux besoins de la démocratie ukrainienne (et non l'inverse). D'autant plus que la guerre va durer longtemps. Nous devons lever les restrictions sur le droit de grève et de manifestation, et étendre les formes de contrôle public ! Car dans le contexte ukrainien, la démocratie n'empêche pas les victoires militaires. En revanche, sa disparition provoque la panique, la peur et la méfiance. Au cours des trois dernières années, nous avons eu beaucoup de preuves de la première proposition et, malheureusement, de la seconde.

Solidarité mondiale et reconstruction

En conclusion, on ne saurait trop insister sur le fait que la question ukrainienne est une question mondiale. Je suis sincèrement convaincu que cette guerre montrera la capacité du monde à s'unir contre la barbarie. Les camarades des mouvements de gauche du monde entier ont encore une chance d'empêcher la plus grande catastrophe du 21e siècle – la défaite de l'Ukraine dans la guerre contre l'oppresseur impérialiste russe. Le succès des Ukrainiens servira d'exemple aux autres nations du monde qui osent aller à l'encontre des plans de l'envahisseur.

Je tiens à exprimer une fois de plus mon mépris pour ceux qui, depuis la pseudo-gauche, ont oublié l'essence de la véritable solidarité et cherchent n'importe quelle excuse pour refuser à l'Ukraine le droit de se défendre. Dans leurs analyses géopolitiques, ils ignorent le peuple ukrainien, qui est la clé de la résistance et de la prévention des réformes néfastes.

Enfin, je voudrais dire quelques mots sur la reconstruction. Malheureusement, les mots « reconstruction juste » perdent leur sens, tout comme les mots « paix juste ». Nous devons donner un sens réel à ce concept.

Pour moi, la paix et la reconstruction seront justes dans les conditions suivantes :

1) Garantir l'indépendance

L'annulation de la dette extérieure de l'Ukraine est une condition préalable. L'économie doit être socialisée : les entreprises stratégiques doivent être détenues par l'État sous la direction de collectifs de travailleurs. L'accent doit être mis sur le développement de l'énergie verte et de l'industrie afin que nous puissions produire des biens technologiques chez nous et ne pas dépendre des maîtres étrangers.

Les sociétés transnationales devraient adhérer à des normes sociales qui ne soient pas pires que celles de leur pays d'origine. Les ressources naturelles et la main-d'œuvre ukrainiennes doivent alimenter notre économie, et non assurer la prospérité de quelqu'un à l'étranger. Une perspective stratégique consisterait à conclure des alliances de défense avec les pays qui se sentent menacés par la Russie (notamment la Pologne, les États baltes et la Scandinavie). L'ensemble de la population devrait suivre une formation militaire et l'État devrait créer des garanties sociales appropriées à cet effet (maintien du salaire moyen pendant la formation). Dans ces conditions, l'Ukraine pourra surmonter sa position périphérique et mettre son indépendance au service des intérêts de la population.

2) Le pouvoir des travailleurs

La population active de l'Ukraine a payé un lourd tribut à l'indépendance et elle mérite donc le pouvoir. Les travailleurs doivent avoir une influence sur l'état des choses en Ukraine, en particulier à travers les partis ouvriers de gauche. Les lois ne devraient pas être adoptées sans l'accord des syndicats. Les travailleurs doivent être représentés dans la gestion des entreprises afin de garantir une répartition équitable des résultats de l'activité économique. Tous les accords d'investissement doivent être soumis à des audits syndicaux pour s'assurer qu'ils vont dans l'intérêt à long terme de la classe ouvrière et qu'ils favorisent l'emploi productif. Un ministère du travail devrait être créé pour veiller à ce que les intérêts des travailleurs soient pris en compte de manière optimale, pour déterminer la charge de travail la meilleure et pour coordonner les inspections du travail et les services de l'emploi, avec une direction nommée par les syndicats. C'est la seule façon de restaurer la confiance des travailleurs dans l'État et de promouvoir l'inclusion des citoyens dans la politique.

3) Une politique sociale pour tous

Égaliser les salaires entre les femmes et les hommes en établissant des salaires minimums fixes pour les secteurs les plus féminisés – éducation, santé et soins (ces salaires ne devraient pas être inférieurs à la moyenne nationale). Les appels d'offres pour la reconstruction devraient inclure des clauses sociales – le gagnant devrait être le candidat qui offre les meilleures conditions de travail et garantit la participation des employés à la gestion. L'accent doit être mis sur le soutien des programmes d'emploi par le biais de projets de construction d'infrastructures à grande échelle (y compris d'infrastructures sociales). Le syndicat peut obliger le propriétaire à augmenter les effectifs si la charge de travail maximale est dépassée. Les mères, les vétérans de guerre et les personnes handicapées devraient avoir un droit prioritaire à l'emploi. Il doit devenir économiquement non rentable de maintenir des normes sociales trop peu élevées !

Tous ces changements ne couvrent certainement pas tout ce dont l'Ukraine a besoin. Mais ils peuvent contribuer à ouvrir la voie à une politique plus inclusive, pluraliste et démocratique. Je voudrais également exprimer ma gratitude à tous nos amis internationaux qui ont fait leurs nos difficultés et nos triomphes, qui ont collecté des fonds et envoyé des fournitures précieuses à l'Ukraine, qui ont fait circuler de vraies informations malgré la crainte de faire l'objet de fausses accusations dans leur propre pays. Ensemble, nous avons déjà réalisé l'impossible : l'Ukraine a résisté et son avenir sera sans aucun doute beaucoup plus lié à celui du monde entier.

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Comment se porte la démocratie à Victoriaville ?

25 février, par Silvie Lemelin — , ,
Bien que citoyenne de Victoriaville depuis 30 ans, j'avais rarement fréquenté ses assemblées municipales. La lecture régulière du journal local suffisait à me tenir informée de (…)

Bien que citoyenne de Victoriaville depuis 30 ans, j'avais rarement fréquenté ses assemblées municipales. La lecture régulière du journal local suffisait à me tenir informée de l'actualité sylvifranche. Retraitée de l'enseignement collégial et désirant continuer à m'impliquer dans ma communauté, j'ai décidé, dans la dernière année, d'assister mensuellement aux séances du conseil de ville. J'y ai même pris la parole, pour exprimer mes préoccupations ou encore celles du groupe Sauvons la sablière d'Arthabaska auquel je me suis jointe.

Une lutte écocitoyenne

Je ne présenterai pas tous les motifs de notre opposition au projet d'un promoteur local qui, appuyé par la ville, veut construire sur le site de la sablière d'Arthabaska un quartier résidentiel haut de gamme d'environ 300 logements. Avec nos quelques 1500 sympathisant.es, nous voulions convaincre le maire Antoine Tardif et son conseil de sauver de la destruction cet écosystème fragile, l'un des derniers milieux naturels de notre territoire urbain. C'est un site paisible situé entre un boisé, des marécages et la rivière Nicolet. Il nous semblait urgent de protéger les espèces menacées qui le fréquentent, qu'il s'agisse des hirondelles du rivage, des tortues serpentines ou même des humains qui y trouvent refuge quand le stress devient anxiogène. Autoriser ce développement sous prétexte de contrer la crise du logement nous semblait malhonnête : des logements luxueux, on en a déjà ; c'est de logements abordables dont a besoin la population de Victoriaville. À nos arguments écologiques et sociaux, s'ajoutaient d'autres préoccupations, notamment patrimoniales. Mais surtout, durant cette lutte qui n'est pas encore finie, nous avons fait des constats inquiétants sur l'état de santé de notre démocratie municipale. Des constats peut-être partagés par d'autres citoyen.nes ailleurs en région.

Aucun effort de pédagogie

Imaginez un cours offert le lundi soir, à l'heure du souper, de 18 h à 19 h. Seriez-vous surpris de n'y voir que quelques rares élèves ? C'est d'ordinaire ce qui se passe aux séances du conseil de Victoriaville, quasi-désertes sauf peut-être une fois par décennie, lorsqu'un dossier particulier attire un public plus nombreux.

Que penseriez-vous d'un professeur qui, sachant qu'en cette occasion particulière son cours risque d'être très populaire, prévoit un nombre insuffisant de chaises, obligeant des élèves à s'asseoir par terre durant toute la séance ? C'est ainsi qu'on est accueilli dans la salle du conseil, où l'aménagement des lieux est pensé pour mettre en valeur les élu.es à la télévision, sans trop se soucier du confort de la population.

Entassé derrière la caméra, après le « mot du maire » qui présente d'abord ses récents bons coups au bénéfice des personnes qui n'auraient pas suivi ses nombreux selfies et autres publications d'auto-promotion sur les médias sociaux, le public doit ensuite l'écouter débiter les points de l'ordre du jour. Se succèdent alors des titres aussi passionnants que « Autorisation de dépenser dans le Règlement d'emprunt numéro 1486-2022 (parapluie) » ou que « Adoption d'un projet de résolution PPH 2025-01 concernant un projet particulier d'habitation pour les immeubles situés aux numéros 805-807 et 809, boulevard des Bois-Francs Sud » (titre réel de la résolution qui nous concerne). Comment être intéressé par un menu aussi peu comestible ? Car dans la grande majorité des cas, personne au conseil de ville ne prend la peine d'expliquer de quoi il retourne. Ou alors la greffière murmure qu'il s'agit d'une dépense de 10 385 293 $, et hop ! le sujet est clos. Il semble que la population, chez nous, n'a pas besoin de comprendre les raisons de telle dépense ou de telle décision ; après tout, elle a voté pour ce conseil et doit donc lui faire confiance ! (Quoique plusieurs élu.es, dont le maire lui-même, ont été élu.es sans opposition…) S'il advient, à ce stade-ci, qu'une personne dans l'assistance ait les yeux fermés, c'est qu'elle se sera malencontreusement endormie… Comme il arrive parfois aux étudiant.es durant un interminable cours magistral débité d'un ton monotone.

Absence de transparence et de débat public

Arrive enfin la période de questions ! Et avec elle, espérons-le, un peu d'action ! La population peut s'adresser à son conseil municipal, en fin de séance, à la condition d'avoir préalablement donné à l'agente de sécurité son nom, son adresse et le sujet de son intervention. Pas question d'improviser, de réagir séance tenante aux propos d'un.e élu.e, ni d'émettre un commentaire à saveur éditoriale. Ça prend une question. Courte et claire. Sinon on vous coupe la parole. Vous habitez le quartier no. 3 et voudriez que votre conseiller municipal vous réponde ? N'y pensez même pas. C'est uniquement le maire qui parle. Est-il présumé omniscient ? Le reste du conseil n'a-t-il jamais rien à dire ? On ne veut pas risquer que tel conseiller contredise publiquement le maire ? Allez savoir.

Voilà une citoyenne toute tremblante qui ose courageusement se présenter au micro et à la caméra pour poser sa question soigneusement préparée. Le maire peut l'interrompre à plusieurs reprises. S'il est embêté par la question, s'il n'en approuve pas les sous-entendus ou s'il ne connaît tout simplement pas la réponse, notre maire, jadis joueur de hockey, peut patiner longuement. Il peut aussi lever la séance sur un coup de tête, privant ainsi les citoyen.nes de la seule période où la parole leur est donnée. Ça s'est vu. Chez nous, à Victo. Récemment.

Après cela, notre citoyenne est-elle mieux informée ? Pas nécessairement. A-t-elle pu s'exprimer ? Si peu. Mais HEUREUSEMENT, lorsqu'un sujet est susceptible d'être contesté, la municipalité tient une séance de CONSULTATION PUBLIQUE ! Prenons l'exemple de la dernière en date, à Victoriaville, un lundi à l'heure du souper, bien sûr. Les gens concernés s'y sont présentés et se sont exprimés une heure durant. La greffière a dressé un procès-verbal résumant en une demi-page les propos tenus et l'a transmis au conseil de ville. Car les membres du conseil n'ont pas l'obligation de se présenter à la séance pour écouter le peuple. Ni le maire. A-t-il jugé que LE débat de la décennie dans notre petite ville n'était pas assez important pour qu'il se présente en personne ? Il semble qu'il ait préféré se fier au procès-verbal et aux commentaires qu'ont dû lui faire les deux conseillers présents ainsi que son attaché politique.

On se serait attendu, avant que la décision finale se prenne, à ce que les résultats de cette consultation soient présentés au conseil de ville suivant. À ce qu'on explique pourquoi, malgré une forte opposition citoyenne, les élu.es persistaient à vouloir aller de l'avant. Ou même à ce que le maire sorte de son chapeau un avis favorable du scientifique en chef ou de la directrice du développement durable qui, étrangement, ne se sont jamais prononcés sur le projet. Rien de tout cela ne s'est produit.
La décision finale a été prise à l'assemblée municipale du 3 février. Au point 10.4.1 de l'ordre du jour, le maire a lu le titre de la proposition, que quasi-personne dans l'assistance n'a reconnu (voir le texte du 2e exemple cité plus haut). Aucune proposition n'a été lue. Aucune explication, aucune justification n'a été donnée. Un conseiller a levé le doigt pour proposer. Un autre a levé le sien pour appuyer. Et le maire est passé au point suivant.

Il faut croire que le sujet avait été discuté entre élu.es, en catimini, avant l'assemblée. Aucun débat n'a eu lieu publiquement entre les membres du conseil. Personne n'a demandé le vote puisque personne n'a voulu voter contre. Conséquemment, la décision a été prise à l'unanimité : projet autorisé. Comme ce fut le cas pour TOUTES les décisions prises à Victoriaville dans TOUTES les assemblées des huit derniers mois. On s'y attendait, malheureusement. C'est pourquoi les opposant.es ont quitté sur le champ (et en silence) la salle du conseil.

C'est ça, la démocratie, à Victo ?

Lorsque des citoyen.nes écrivent des lettres d'opinion dans les médias locaux, adressent une pétition au conseil de ville, tiennent une conférence de presse et posent des questions aux séances du conseil ; lorsqu'ils organisent un spectacle de sensibilisation puis manifestent pacifiquement leur opposition en chantant aux élu.es quatre lignes de « Frère Jacques » leur demandant de VOTER, pour une fois, et de voter NON ; lorsqu'ils s'expriment aux assemblées de consultation publique, participent à une manifestation pacifique devant l'hôtel de ville suivie d'une marche au centre-ville, n'ont-ils pas rempli tous leurs devoirs citoyens ? Et quand, malgré tout cela, leurs supposé.es représentant.es les ignorent, peut-on parler de démocratie ? D'autres, en de telles circonstances, auraient envisagé la désobéissance civile…

Vers un parti d'opposition ?

Existe-t-il d'autres villes sans parti d'opposition où se tiennent des débats sains et publics entre les membres du conseil ? Ou alors faut-il, pour redonner de la vigueur à notre démocratie municipale, espérer qu'un parti d'opposition se crée à Victo ? Ne faudrait-il pas encourager la formation d'un parti écocitoyen ayant l'ambition de secouer un peu le « berceau du développement durable » ? Nous faut-il aller jusqu'à susciter des candidatures et mettre les personnes intéressées en contact les un.es avec les autres ? Nous y réfléchissons. Que la population de notre chère Victoriaville y songe aussi.
Sincèrement préoccupé.es, (1501 mots incluant le titre)

Silvie Lemelin. Ont appuyé ce texte :

Gilles Labrosse
Luce Michaud
France Labrecque
Gaël Deguire
Geneviève Doucet
Sophie Harvey
France Martin
Noémie Caron
Gaétan St-Arnaud
Stéphanie Déziel
Luc Couture
Chantale Marcotte
Sophie Beauregard
Manon Leclerc
Marie-Claude Chouinard
Maude Campeau
Nancy Hubert
Bastienne Duncan Châtelain
Juliette Houde
Lucie Cormier
Renaud Vimond
Marie-Soleil Drouin

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Ukraine : Sotsialnyi Rukh : « La défense de notre pays fait partie de la lutte pour la justice sociale »

25 février, par Patrick Le Tréhondat, Yana Bondareva — , ,
Depuis le début de la guerre à grande échelle, de nombreux membres du Sotsialnyi Rukh se sont engagé·es dans la défense armée de l'Ukraine contre l'agression impérialiste de la (…)

Depuis le début de la guerre à grande échelle, de nombreux membres du Sotsialnyi Rukh se sont engagé·es dans la défense armée de l'Ukraine contre l'agression impérialiste de la Russie. Le 21 novembre 2024, le Sotsialnyi Rukh déclarait qu'« environ un million de défenseurs ukrainiens et des millions de membres de leurs familles sont malheureusement souvent confrontés à des violations de leurs droits fondamentaux. Nous avons donc décidé de nous joindre à leur protection… un protocole de coopération a été signé entre le Sotsialnyi Rukh et l'ONG Fonds pour le soutien social et juridique des participants aux opérations de combat.

Yana Bondareva, membre du Sotsialnyi Rukh (Kryvyï Rih), qui est particulièrement en charge d'une ligne téléphonique de soutien aux soldat·es et leurs familles, a bien voulu répondre à nos questions sur le sens de l'engagement militaire de son organisation.
Patrick Le Tréhondat

20 février 2025 |tiré du site entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/02/20/ukraine-sotsialnyi-rukh-la-defense-de-notre-pays-fait-partie-de-la-lutte-pour-la-justice-sociale/#more-90926

Le Sotsialnyi Rukh a créé une ligne téléphonique pour soutenir les soldat·es et leurs familles. Pourquoi cette initiative ?

Cette initiative vise à soutenir les militaires et leurs familles confrontés à des difficultés sociales et juridiques. La guerre met à rude épreuve non seulement les soldat·es, mais aussi leurs proches, qui peuvent avoir besoin d'aide pour les démarches administratives, les questions sociales, etc.

La ligne téléphonique du Sotsialnyi Rukh peut y répondre. Nous apportons :

* des conseils juridiques sur les garanties sociales, les prestations, le statut de combattant·e et les droits du travail.

* un soutien social en matière de réadaptation, d'adaptation à la vie civile et d'interaction avec les organismes gouvernementaux.

Un tel projet est important car de nombreux vétérans et leurs familles sont confrontés à des problèmes bureaucratiques, et une ligne téléphonique gratuite peut s'avérer une ressource vitale pour eux et elles.

Recevez-vous beaucoup d'appels et quelles sont les questions ou les demandes d'aide ?
La ligne d'assistance téléphonique reçoit beaucoup d'appels, ce qui confirme la forte demande de soutien de la part des militaires et de leurs familles. Toutefois, une campagne d'information encore plus importante permettrait d'élargir considérablement la portée de ce service. Une publicité supplémentaire dans les médias sociaux, les médias de masse, les organisations partenaires et les communautés locales permettrait d'atteindre les personnes qui ont réellement besoin d'aide mais qui ne sont pas encore au courant de cette initiative.

On nous demande souvent :

Questions juridiques
Comment obtenir le statut de combattant·e et quelles sont les prestations offertes ?
Est-il possible de faire appel d'un refus de paiement [de prestation sociale] aux militaires ou à leurs familles ?
Problèmes liés aux droits du travail : licenciement, maintien de l'emploi, paiement [du salaire] pendant le service.
Comment préparer correctement les documents après une blessure ou un handicap ?

Soutien social et réinsertion
Où puis-je trouver un centre de réadaptation pour les militaires ou leurs familles ?
Existe-t-il des programmes de reconversion et d'éducation pour les ancien·nes combattant·es ?
Comment puis-je obtenir une aide financière pour les familles des militaires décédés ?
Quels sont les programmes de soutien pour les enfants de militaires ?

Recevez-vous des appels téléphoniques de femmes soldats et quels sont leurs problèmes ?
Oui, nous recevons des appels téléphoniques de femmes soldat·es qui soulèvent un large éventail de questions.

Questions juridiques
Congé pour les femmes en service : comment exercer ses droits légaux ?
Prise de congé de maternité pour les femmes en service : qu'est-ce qui est prévu par la loi ?

Questions sociales et domestiques
Où trouver des soins médicaux spécialisés (gynécologue, psychologue pour les femmes militaires) ?
Comment retourner à la vie civile après le service et trouver un emploi ?
Existe-t-il des programmes de soutien pour les femmes vétérans ?

Des membres du Sotsialnyi Rukh se sont engagé·es dans l'armée. Pourquoi ce choix ?
Les membres du Sotsialnyi Rukh se sont engagé·es dans l'armée parce qu'ils et elles considèrent que la défense du pays fait partie de la lutte pour la justice sociale. Elles et ils ont toujours défendu les droits des travailleurs et des citoyens, et la guerre menace tous ces acquis. Certain·es ont d'abord fait du bénévolat, mais ont finalement décidé personnellement de se battre. En première ligne, elles et ils ne défendent pas seulement le pays, mais aident aussi leurs camarades à résoudre des problèmes sociaux et juridiques. Pour eux, c'est la poursuite du combat pour la liberté, l'égalité et la dignité.

Récemment, nous avons appris que le directeur de l'académie militaire de Lviv avait été élu. Nous savons qu'il existe une association de soldat·es LGBT+ dans l'armée ukrainienne. Il existe également une association de femmes soldates appelée Veteranka. Des soldats se disent publiquement anarchistes ou socialistes. Les militaires ukrainien·nes restent toujours en contact avec leurs syndicats, qui les soutiennent. Telle est la situation dans l'armée ukrainienne. Comment expliquez-vous ce que j'appelle « l'énigme de l'armée ukrainienne » ?

L'« énigme de l'armée ukrainienne » est une combinaison de phénomènes apparemment contradictoires : hiérarchie militaire traditionnelle et initiatives autonomes, discipline et diversité idéologique, institution étatique et rôle actif des organisations de base.

Dans le même temps, les militaires ukrainien·nes font partie de la structure de l'armée etfaçonnent activement leurs environnements en fonction des intérêts, des idéologies et desgroupes sociaux. Cela est possible parce que la société ukrainienne a historiquement développédes liens horizontaux et une tradition d'auto–organisation, qui s'est également manifestée dans l'armée.

Le soutien des syndicats et des organisations de la société civile montre que l'armée n'est pas isolée de la société, mais qu'elle interagit avec elle et défend ses droits. Il est également important de noter que de nombreux soldat·es étaient des activistes dans la vie civile et qu'elles et ils apportent donc leurs valeurs et leurs réseaux de soutien mutuel à l'armée.

Ainsi, l'armée ukrainienne n'est pas seulement un mécanisme étatique, mais une communauté vivante et socialement active qui reflète le pluralisme et les tendances démocratiques de l'ensemble de la société.

La question de la création de syndicats pour le personnel militaire a été débattue à de nombreuses reprises. Qu'en pensez-vous ?

La création de syndicats pour le personnel militaire est un pas important vers la protection de ses droits et de ses garanties sociales. Les militaires ont le droit d'être représenté·es en matière de salaires, de conditions de service et de soins médicaux. Cependant, il est important que les syndicats ne violent pas la discipline et la subordination militaires. Dans l'ensemble, les syndicats peuvent être un outil efficace pour améliorer la situation des militaires s'ils sont correctement organisés.

En Occident, beaucoup de militaires commentent la situation militaire. Leurs informations viennent souvent des Américains. Comment vous analysez la situation militaire. Avez-vous vos propres sources d'information ukrainiennes ?

Pour analyser la situation militaire, il est important d'utiliser différentes sources, notamment les agences de presse officielles ukrainiennes et les données provenant de la ligne de front. Les commentaires des responsables militaires occidentaux sont souvent importants, mais ils ne reflètent pas toujours la réalité des événements.

J'ai accès aux informations et aux ressources officielles, et je peux m'y référer pour recueillir des faits afin d'effectuer une analyse objective. Cependant, il est important de se rappeler que les informations peuvent être différentes [selon les sources] en temps de guerre et qu'il est toujours utile de comparer les sources pour obtenir des analyses plus précises.

Nous sommes aussi surpris de voir que les soldats s'expriment publiquement dans les journaux par exemple. C'est un droit d'expression important, particulièrement en temps de guerre. Comme la guerre a transformé l'armée ukrainienne ?

La guerre a considérablement changé l'armée ukrainienne, la rendant plus flexible et adaptée aux réalités modernes. Pendant le conflit, les militaires ont commencé à exprimer activement leurs pensées et leurs sentiments, ce qui est devenu une partie importante de leur expression personnelle. Ce droit à l'expression publique permet aux soldat·es de partager leurs expériences, d'impliquer le public civil sur des questions importantes et de remonter le moral des troupes. Dans le même temps, ces déclarations soulignent le changement d'attitude à l'égard des militaires : ils et elles ne sont pas seulement des exécutant·es, mais aussi des participant·es actif·ves à la vie sociale et politique du pays.

Quelles sont les conséquences politiques pour le Sotsialnyi Rukh de cet engagement dans les questions militaires ? Selon moi, le Sotsialnyi Rukh a acquis des compétences dans le domaine militaire (comparé à la gauche occidentale). Peut-on parler de la construction du début d'une alternative sur la question militaire de votre sur la base de votre expérience concrète ?

L'engagement du Sotsialnyi Rukh dans les questions militaires a des implications politiques. Cela permet à l'organisation non seulement de participer à des initiatives sociales et de défense des droits humains, mais aussi d'influencer des questions importantes liées à la guerre et à la sécurité. Par rapport à la gauche occidentale, qui se concentre souvent sur des initiatives pacifiques et la critique des structures militaires, le Sotsialnyi Rukh démontre une volonté de travailler avec l'armée en temps de guerre, tout en maintenant des idées de justice sociale, des positions anti-guerre et le soutien aux droits des militaires.

Sur la base de l'expérience du mouvement, nous pouvons parler de la construction d'un modèle alternatif pour aborder les questions militaires qui combine les aspects sociaux, humanitaires et des droits humains. Il s'agit de créer un environnement dans lequel les soldats peuvent défendre leurs droits et leurs intérêts sans enfreindre la discipline et les normes militaires. De cette manière, le Sotsialnyi Rukh développe un modèle qui pourrait devenir une alternative importante à l'approche traditionnelle des questions militaires, en combinant les intérêts sociaux et militaires.

Enfin, il y a la question du système de sécurité collective en Europe, la question de l'OTAN. Comment voyez-vous ces questions complexes concernant l'avenir de l'Ukraine et de l'Europe ?

L'Ukraine, compte tenu de sa situation géopolitique et de son expérience des conflits armés, a un intérêt stratégique à renforcer sa sécurité par le biais d'alliances internationales. L'OTAN peut devenir un puissant garant de la sécurité pour l'Ukraine, car elle lui permettra de s'intégrer dans un système commun de défense collective, de réduire les menaces de voisins agressifs et d'assurer la stabilité dans la région.

Toutefois, cette question est complexe et nécessite la prise en compte de facteurs internes et externes. Dans le même temps, l'élargissement de l'OTAN à l'Est peut être perçu de manière ambiguë dans certains pays, ce qui entraîne des risques politiques et stratégiques. Pour l'Ukraine, il est important non seulement de préserver son droit à choisir ses alliances de sécurité, mais aussi de veiller à renforcer ses propres capacités de défense et de soutenir ses partenaires européens dans le renforcement de la stabilité dans la région.

À long terme, la clé pour l'Ukraine et l'Europe est d'équilibrer l'intégration dans les organisations internationales et de préserver une sécurité commune interne, compte tenu de l'évolution de l'environnement géopolitique.

19 février 2025

Ucrania. Entrevista con Yana Bondareva
https://satorzulogorria.org/ucrania-entrevista-con-yana-bondareva/

Yana Bondareva

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Si les riches derrière les Fondations privées veulent nous soutenir, qu’ils paient leurs impôts !

25 février, par Groupe de recherche et de formation sur la pauvreté au Québec (GRFPQ), Coalition des organismes communautaires autonomes de formation (COCAF) , Coalition des Tables régionales d'organismes communautaires (CTROC), Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ), Mouvement Autonome et Solidaire des Sans Emploi (MASSE), Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec (MÉPACQ), Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM) — , ,
Lettre ouverte Les regroupements d'organismes communautaires signataires de cette lettre se préoccupent depuis longtemps des impacts de la philanthropie sur le filet (…)

Lettre ouverte

Les regroupements d'organismes communautaires signataires de cette lettre se préoccupent depuis longtemps des impacts de la philanthropie sur le filet social, la démocratie et les organismes communautaires. Depuis un certain temps, les ententes de financement entre des regroupements d'organismes communautaires et diverses fondations privées se multiplient. Ce n'est pas un soudain intérêt des fondations pour la transformation sociale qui guide cet élan de « générosité », mais bien une loi fédérale qui les force à hausser leur pourcentage d'investissement. Si nous comprenons le grave besoin de financement qui pousse les regroupements à signer avec les fondations, nous ne pouvons pas passer sous silence notre malaise grandissant, puisque ces choix ne sont pas sans conséquences.

Les fondations privées c'est de l'évitement fiscal

Les fondations ont été pensées afin de permettre à des multimillionnaires de sauver de l'impôt. Ces pratiques nous privent collectivement de millions de dollars qui pourraient être réinvestis dans le filet social, c'est-à-dire les programmes sociaux, les services publics et les organismes communautaires. La philanthropie n'est rien de moins que la privatisation de notre filet social. Une tendance qui sert à justifier le désengagement de l'État.

Au tournant des années 2000, le milieu communautaire dénonçait farouchement ces pratiques. La situation est tout autre aujourd'hui, car plusieurs acteurs du communautaire se tournent vers les fondations. Notre mouvement semble frappé par des vagues d'amnésie, alors que l'opposition aux PPP sociaux, la lutte contre l'évitement fiscal et le rejet de la privatisation font encore partie de nos argumentaires pour régler le sous-financement du communautaire, des programmes sociaux et des services publics. Qu'est-ce qu'on envoie comme message ? Évitez de payer vos impôts, privatisez notre filet social, c'est correct tant qu'on ramasse notre part du gâteau au passage.

Quelle autonomie nous reste-t-il ?

Les impacts du financement privé sur l'autonomie du communautaire sont déjà tangibles : réajustement du discours et des pratiques, détournement des organismes de leur mission, ralentissement de la lutte pour le financement à la mission, etc. L'Observatoire de l'ACA (action communautaire autonome) qui travaille sur l'autonomie est lui-même financé par des fondations. Quelle lunette d'analyse cela nous laisse face à ce phénomène ? Quand les liens de dépendance financière se seront grandement resserrés, le milieu communautaire osera-t-il encore dénoncer l'évitement fiscal alors qu'il en profite allègrement ? Osera-t-il dénoncer les pratiques de plus en plus intrusives des fondations si des emplois en dépendent ? Est-ce que ses pratiques démocratiques s'adapteront pour plaire aux investisseurs privés qui préfèrent certains modes de gouvernance plus proches de leurs propres pratiques ? Sera-t-il toujours en action contre la privatisation du filet social ? Quelle place restera-t-il aux revendications qui émanent de la population si les discours sont aseptisés pour plaire aux bailleurs de fonds privés ?

Le communautaire a toujours défendu un filet social fort. Pour soutenir ce filet social, l'autonomie et la pérennité des groupes et regroupements sont essentielles. Celles-ci passent nécessairement par un financement stable à la mission provenant de source publique. En cédant devant la manne privée, sommes-nous en train de creuser notre propre tombe ? Quelles conclusions pourrait tirer le gouvernement de ce mouvement vers le financement privé, lui qui nous dirige vers une nouvelle période d'austérité budgétaire ? N'y verra-t-il pas une occasion rêvée de se déresponsabiliser davantage face au filet social et de se désengager de plus en plus du financement des groupes d'ACA ?

Le sous-financement chronique du milieu communautaire est intenable et il affecte gravement nos missions. La richesse du communautaire a toujours été son autonomie, sa proximité avec la population et ses pratiques de mobilisation. Ce sont des acquis fragiles qu'il faut préserver à tout prix !

Dans ce contexte, plus que jamais, nous nous opposons à la privatisation du financement de l'ACA. Notre autonomie n'est pas à vendre ! Exigeons des gouvernements qu'ils s'assurent du bien commun ! Pour un financement à la mission public, indexé, et pérenne !

Signataires :
• Julie Robillard, Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec (MÉPACQ)
• Danielle Gill, Coalition des organismes communautaires autonomes de formation (COCAF)
• Daniel Cayley-Daoust, Coalition des Tables Régionales d'Organismes Communautaires (CTROC)
• Steve Baird, Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ)
• Stéphane Handfield, Groupe de recherche et de formation sur la pauvreté au Québec (GRFPQ)
• Michel Dubé, Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE)
• Marie-Andrée Painchaud-Mathieu, Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM)

« La Constitution brésilienne est en train d’être réécrite », déclare Maurício Terena à propos de la conciliation du “cadre temporel” du STF (Tribunal fédéral suprême)

Le juge de la Cour suprême Gilmar Mendes a présenté, lundi 17, une proposition de conciliation sur le “cadre temporel”, qui fait l'objet de cinq actions en justice devant la (…)

Le juge de la Cour suprême Gilmar Mendes a présenté, lundi 17, une proposition de conciliation sur le “cadre temporel”, qui fait l'objet de cinq actions en justice devant la Cour. Sept propositions de modification de la “loi du cadre temporel” (loi 14.701/2023), approuvée par le Congrès en décembre 2023, ont été incorporées.

https://www.brasildefato.com.br/2025/02/17/esta-sendo-reescrita-a-constituica-diz-mauricio-terena-sobre-conciliacao-do-marco-temporal-no-stf/

Le 17 février 2025

Selon le projet, la thèse du cadre temporel, selon laquelle seules les terres indigènes occupées par leurs peuples d'origine en octobre 1988, date de la promulgation de la Constitution, peuvent être délimitées, a été surmontée. Le STF lui-même avait déjà déclaré le paramètre inconstitutionnel en septembre 2023, quelques mois avant l'adoption de la nouvelle loi. Cependant, le magistrat a décidé d'innover et a rédigé une sorte de substitut à la loi 14.701, dans lequel il inclut la possibilité d'exploration minière sur les terres indigènes, modifie les processus de démarcation et affaiblit le processus de consultation préalable avec les populations d'origine.

Dans une entrevue exclusive accordée à Brasil de Fato, Maurício Terena, coordinateur juridique de l'Articulation des peuples indigènes du Brésil (Apib), évoque le processus de mise en place de la table de conciliation et commente les propositions contenues dans le projet de Mendes. « Le chapitre indigène de la Constitution fédérale est en cours de réécriture », explique l'avocat. « Cette initiative du ministre Gilmar pourrait entrer dans l'histoire comme l'une des plus violentes dans la lutte pour les droits des indigènes au Brésil », ajoute-t-il. En août 2024, l'Apib s'est retirée de la commission, estimant qu'il s'agissait d'une tentative de « conciliation forcée et obligatoire ».

Lire l'entrevue :

Brasil de Fato :

Dr Maurício, dans cette proposition présentée par le ministre Gilmar Mendes, la thèse du cadre temporel a-t-elle été surmontée ?

Maurício Terena :

Oui, en fait, le cadre temporel est un problème qui a été surmonté dans cette proposition. Mais nous avions déjà compris que le délai serait un problème mineur, étant donné que la Cour suprême l'a déjà déclaré inconstitutionnel. Le juge Gilmar Mendes n'aurait aucun moyen de rendre constitutionnel ce qui est inconstitutionnel par le biais de cette chambre de conciliation.

Néanmoins, l'Apib a exprimé des inquiétudes sur d'autres points de cette proposition. Quels sont ceux sur lesquels vous insisteriez ?

Cette proposition a un fort contenu économique et ce qui nous préoccupe le plus, c'est la possibilité d'activités économiques sur les terres indigènes. Je voudrais souligner l'exploitation minière sur les terres indigènes, une proposition qui a été insérée dans le texte et qui ne faisait pas partie du projet initial de la loi historique. Elle ne figurait nulle part. Le ministre a donc élargi son champ d'application avec cette proposition. Il y a également une modification radicale du rite de démarcation des terres indigènes, qui ouvre la voie à davantage de questions et permet à de nouvelles organisations de prendre part au processus de démarcation.

Un autre point qui nous préoccupe est l'affaiblissement de la consultation libre, préalable et informée. La proposition du ministre permet aux tiers intéressés par les terres indigènes de mener un processus de consultation simplifié. La consultation est nécessaire car elle concerne la convention 169 [de l'Organisation internationale du travail]. Et dans la même loi qui ouvre les terres indigènes à l'exploitation économique, on veut aussi réglementer cette consultation libre, préalable et informée. Nous sommes donc très préoccupés par cette simplification de la consultation libre, préalable et informée.

Enfin, une autre préoccupation concerne l'autorisation donnée à la police militaire d'agir dans les conflits fonciers impliquant des territoires indigènes. La Constitution fédérale est très claire sur le fait que la compétence d'agir sur les terres indigènes revient aux entités fédérales, en l'occurrence la police fédérale, pour traiter les questions liées aux droits des indigènes. Or, la proposition présentée prévoit que la police militaire agisse dans les conflits autochtones, ce qui pourrait accroître la violence policière dans les territoires.

Selon votre analyse, outre la fin de la thèse du cadre temporel, la proposition issue de la prétendue conciliation, en plus de ne pas concilier, exacerbe encore les conflits liés aux terres indigènes ?

Il n'y a certainement pas eu de conciliation. J'ai dit que le chapitre autochtone de la Constitution fédérale, l'article 231, est en train d'être réécrit. Nous sommes très préoccupés par ce mouvement. Parce que les questions proposées dans cette loi reviennent sur une période très nébuleuse de notre histoire récente, lorsque les droits des peuples autochtones étaient soumis au pouvoir économique.

Cette tentative de modifier ces droits par le biais de la proposition présentée par le ministre Gilmar Mendes revient en fait à réécrire ce chapitre constitutionnel qui a été le fruit d'une lutte acharnée et qui est en train de disparaître à la suite d'une décision de la Cour suprême.

Comment les organisations autochtones doivent-elles réagir à cette proposition, étant donné qu'elles ne participent pas à la table de conciliation de la Cour suprême ?

Nous nous mobilisons déjà, cherchons à faire une mobilisation interne, dans le mouvement, pour qu'il y ait une mobilisation à Brasília pendant ce procès. Cette initiative du ministre Gilmar est peut-être passée à l'histoire comme l'une des plus violentes en ce qui concerne la lutte pour les droits des autochtones au Brésil. Il y aura donc beaucoup de lutte, il y aura de la résistance, on va probablement aggraver la décision, mais c'est le moment d'appeler les peuples autochtones de tout le pays et les organisations partenaires à se mobiliser rapidement contre cette proposition.

En août, l'Apib s'est retirée de cette table de conciliation parce qu'elle n'était pas d'accord avec ce qui lui était négocié. Comment évaluez-vous ce processus jusqu'à ce que vous arriviez à cette ébauche, présentée par le ministre Gilmar Mendes ?

Il s'agissait d'un processus marqué par la violence symbolique en matière d'accès à la justice. Apib a trois appels en attente d'examen et, jusqu'à présent, il n'y a eu aucun signe d'appréciation de ces appels. Tout ce qui a été décidé au sein de cette chambre de conciliation est une procédure obscure, avec un manque de méthodologie, avec un manque de transparence. En ce qui concerne ce qui est négocié, c'est une tentative de forcer la conciliation, c'est une conciliation forcée.

Lorsque l'Apib se retire de l'acte de conciliation, le ministre Gilmar demande la nomination d'autres autochtones pour composer la tentative de conciliation, ce qui est absurde. Nous sommes le demandeur dans la poursuite, et le ministre a remplacé le demandeur. C'est comme si un parti, comme le PT [Parti des travailleurs], avait intenté une action en justice, et face à l'impossibilité de la conciliation, le rapporteur a déterminé que le PL [Parti Lieral] a remplacé le PT dans le procès. Cela n'a pas de sens.

Donc, si la Cour suprême veut investir davantage dans des procédures de conciliation comme celle-ci, elle doit avant tout investir dans la formation de professionnels pour qu'ils prennent soin adéquatement de ces procédures.

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Des regroupements s’unissent pour réclamer la reconnaissance de tous les organismes d’action communautaire autonome de la Ville de Québec

25 février, par Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale (Portneuf-Ouébec-Charlevoix) , Regroupement des organismes communautaires de la région 03 (ROC 03), Regroupement d'éducation populaire en action communautaire des régions de Québec et Chaudière-Appalaches (RÉPAC 03-12) — , ,
Québec, 18 février 2025- Le Regroupement des organismes communautaires de la région 03 (ROC-03), le Regroupement d'éducation populaire en action communautaire des régions de (…)

Québec, 18 février 2025- Le Regroupement des organismes communautaires de la région 03 (ROC-03), le Regroupement d'éducation populaire en action communautaire des régions de Québec et Chaudière-Appalaches (RÉPAC 03-12) et le Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale (RGF-CN) ont revendiqué d'une même voix, lors de la séance du conseil municipal, la reconnaissance de tous les organismes d'action communautaire autonome de la Ville de Québec.

En effet, les différents regroupements demandent à la Ville de Québec, via sa Politique de reconnaissance des organismes à but non lucratif, de reconnaître tous les organismes d'action communautaire autonome (ACA) dont le siège social est situé sur le territoire, en leur donnant accès à des services de base tels que le prêt de salle, de matériel et d'équipement et l'accès aux assurances de l'UMQ. Or, un nombre grandissant de ces organismes se voient refuser cette reconnaissance par la Ville sous prétexte que leur mission ne correspond pas avec les compétences et obligations du Service des loisirs, des sports et de la vie communautaire.

« Comment la Ville de Québec peut-elle ne pas reconnaître des organismes fondés sur la participation des citoyennes et citoyens ? Ils encouragent l'implication des individus dans la prise de décision et l'élaboration des actions. Cette approche vise à renforcer le pouvoir d'agir des personnes sur leur propre vie et à favoriser l'autonomisation des communautés. En ce sens, ils contribuent tous au développement social et à la participation active des citoyennes et citoyens », souligne Karine Verreault du ROC 03.

Cette décision est un non-sens pour les organismes d'ACA qui contribuent au développement social de la Ville de Québec et au maintien d'un filet social pour l'ensemble de la population, particulièrement pour les personnes marginalisées.

« On s'attendait vraiment à mieux du maire Marchand qui s'était engagé à soutenir davantage le milieu communautaire. Au lieu de cela, on constate que plusieurs organismes, notamment des organismes de défenses collectives des droits, se voient refuser ou retirer la reconnaissance de la ville. On s'explique mal le mépris de la Ville de Québec envers des groupes solidement ancrés dans le milieu et reconnus par le gouvernement du Québec », dénonce Vania Wright-Larin du RÉPAC 03-12.

« L'importance pour un organisme communautaire d'être reconnu par sa ville est majeur. Le manque d'ouverture du Maire Marchand et, de surcroît, de la Ville de Québec de reconnaître les organismes d'ACA démontre le manque d'empathie envers les difficultés financières de ces organismes qui peinent à rejoindre les deux bouts », souligne Catherine Gauthier du RGF-CN.

Notons que tous ces groupes se soumettent à un processus de reddition de compte auprès du gouvernement du Québec qui démontre l'étendue de leur mission, la rigueur de leur fonctionnement et l'importance qu'ils représentent pour la population de la Ville de Québec.

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Bolsonaro et 33 autres personnes sont dénoncées par la PGR pour tentative de coup d’État

25 février, par Henrique Rodrigues, Lucas Vasques — , ,
Le bureau du procureur général (PGR) a dénoncé l'ancien président Jair Bolsonaro (PL) devant la Cour suprême fédérale (STF), mardi (18 février), pour les crimes de formation (…)

Le bureau du procureur général (PGR) a dénoncé l'ancien président Jair Bolsonaro (PL) devant la Cour suprême fédérale (STF), mardi (18 février), pour les crimes de formation d'une organisation criminelle, d'abolition violente de l'État de droit démocratique et de tentative de coup d'État, pour sa participation aux événements survenus entre la fin de son mandat, en décembre 2022, et le fatidique 8 janvier 2023.

https://revistaforum.com.br/politica/2025/2/18/bolsonaro-mais-33-so-denunciados-pela-pgr-por-tentativa-de-golpe-veja-integra-174339.html

18 février 2025

Après une grande appréhension et une grande anxiété de la part d'une grande partie des Brésiliens, le PGR Paulo Gonet a présenté la plainte au STF, près de trois mois après que l'ancien occupant du Palais du Planalto et 39 autres personnes enquêtées aient été inculpés dans le cadre d'une enquête détaillée de la police fédérale composée de 884 pages et pleine de preuves recueillies par les agents.

Alexandre Ramagem, Almir Garnier Santos, Anderson Gustavo Torres, Augusto Heleno Ribeiro Pereira, Mauro César Barbosa Cid, Paulo Sérgio Nogueira de Oliveira et Walter Souza Braga Netto ont également été inculpés.

Les principaux points de l'acte d'accusation contre Jair Bolsonaro

Le MPF (Ministère Public Fédéral) dénonce une tentative de coup d'État et une structure criminelle visant à délégitimer les élections et à empêcher la transition du gouvernement.

Le ministère public fédéral (MPF) a déposé une plainte formelle contre Jair Bolsonaro et plusieurs membres de son gouvernement, les accusant de faire partie d'une organisation criminelle qui a tenté d'empêcher Luiz Inácio Lula da Silva d'accéder au pouvoir après les élections de 2022. Le document, signé par le procureur général de la République, Paulo Gonet, a été envoyé à la Cour suprême fédérale (STF) et est sous le rapport du juge Alexandre de Moraes.

À la tête d'une organisation criminelle

L'acte d'accusation affirme que M. Bolsonaro, ainsi que son colistier à la vice-présidence pour 2022, le général Braga Netto, ont coordonné et encouragé des actions visant à empêcher la transition du gouvernement. L'acte d'accusation décrit l'organisation comme étant structurée, hiérarchisée et avec une division des tâches entre ses membres. Parmi les personnes impliquées figurent des ministres, du personnel militaire et des conseillers directs, tous supposés être alignés sur le projet de maintenir Bolsonaro au pouvoir, quel que soit le résultat électoral. Les documents saisis indiquent que des réunions ont été organisées pour définir les stratégies du groupe.

Délégitimer les élections

Depuis 2021, Bolsonaro aurait promu un discours de méfiance à l'égard des urnes électroniques et du Tribunal supérieur électoral (TSE), préparant le terrain pour remettre en cause les résultats de l'élection de 2022. La stratégie comprenait des déclarations publiques, des émissions en direct et des réunions avec des autorités nationales et internationales pour répandre des soupçons infondés sur l'équité du processus électoral. Selon la plainte, ce discours a été méticuleusement planifié dans le cadre de la narration qui soutiendrait un coup d'État.

Utilisation de structures gouvernementales

L'ancien président aurait utilisé des organismes gouvernementaux, tels que la Police fédérale des routes (PRF) et le Bureau de la sécurité institutionnelle (GSI), pour entraver l'élection de son adversaire et créer une instabilité institutionnelle. Lors du second tour des élections, la PRF a mené des opérations dans des régions où Lula avait obtenu un nombre important de voix au premier tour, rendant difficile l'accès des électeurs aux bureaux de vote. En outre, les enquêtes montrent que Bolsonaro et ses alliés ont discuté de stratégies visant à instrumentaliser les forces armées et l'Abin (Agence brésilienne de renseignement) en faveur du plan de coup d'État.

Tentative de coup d'État

La plainte indique que Bolsonaro et ses alliés ont envisagé des mesures telles que la déclaration de l'état de siège, l'arrestation des ministres du STF et du TSE et l'annulation des élections sous des prétextes frauduleux. La police fédérale a identifié des projets de décrets prévoyant une intervention militaire et la suspension des institutions démocratiques, ainsi que l'emprisonnement éventuel d'opposants politiques et de membres du pouvoir judiciaire. Les documents saisis montrent que des réunions ont eu lieu pour discuter de ces plans, avec la participation de militaires d'active et de réserve.

Plan de violence et d'intimidation

L'un des aspects les plus graves de l'acte d'accusation mentionne l'existence de plans prévoyant la possibilité d'assassiner des autorités, telles que le ministre Alexandre de Moraes et le président élu lui-même, Luiz Inácio Lula da Silva. Parmi les documents saisis, des notes mentionnent une opération appelée « Poignard vert et jaune », qui prévoyait des attaques contre des personnalités du pouvoir judiciaire et de l'exécutif. La plainte indique que Bolsonaro a été informé de ces conspirations et qu'il a non seulement donné son accord, mais qu'il aurait également encouragé des groupes extrémistes à s'y joindre.

Mobilisation militaire et désobéissance à la Cour suprême

L'organisation aurait tenté de coopter les militaires pour qu'ils se joignent à un coup d'État, en faisant pression sur le haut commandement de l'armée et en utilisant les réseaux sociaux pour attaquer les généraux qui ne soutenaient pas la rupture démocratique. Selon les enquêtes, Bolsonaro et ses alliés ont cherché à obtenir le soutien d'officiers de haut rang, tandis que des personnalités militaires alignées sur le gouvernement ont fomenté une atmosphère de désobéissance au sein des forces armées. Malgré la résistance d'une partie du haut commandement, des secteurs des forces spéciales se seraient organisés pour rendre possible la tentative de coup d'État.

Lien avec les manifestations du 8 janvier

La plainte souligne que Bolsonaro et ses alliés ont encouragé et facilité la mobilisation des partisans, qui a culminé avec l'invasion et la destruction du siège des trois branches du gouvernement. Des messages interceptés révèlent que des membres de l'organisation criminelle ont maintenu un contact direct avec des manifestants qui campaient devant des casernes, les encourageant à faire pression sur les militaires pour qu'ils agissent. Le 8 janvier, l'action violente a été facilitée avec la connivence de secteurs de la sécurité publique du district fédéral. Les messages enregistrés révèlent que les organisateurs attendaient le feu vert de l'armée pour agir de manière plus incisive.

Preuves documentaires

Des manuscrits, des messages et des fichiers numériques ont été trouvés, détaillant le plan pour maintenir Bolsonaro au pouvoir, ainsi que des instructions pour discréditer les sondages et créer un environnement d'instabilité. Parmi les documents saisis figurent des projets de décrets de coup d'État, des comptes rendus de réunions de conspirateurs et des notes qui démontrent la planification méticuleuse de l'invalidation de l'élection de 2022. Les preuves recueillies par la police fédérale et le MPF renforcent la thèse selon laquelle les actes criminels n'ont pas été improvisés, mais sont le résultat d'une conspiration à long terme visant à saper la démocratie brésilienne.

Implications et développements

La plainte, désormais entre les mains du STF, pourrait conduire à l'ouverture d'une procédure pénale contre Bolsonaro et ses alliés, consolidant ainsi l'une des plus grandes affaires pénales de l'histoire politique du Brésil. Si elle est acceptée, la plainte pourrait donner lieu à des sanctions sévères, y compris de longues périodes d'emprisonnement pour les personnes impliquées. Le jugement rendu dans cette affaire pourrait constituer un précédent important en ce qui concerne l'obligation pour les anciens dirigeants de rendre compte des crimes commis contre la démocratie.

La défense de Bolsonaro nie les accusations, affirmant qu'il n'y a pas de preuves concrètes contre l'ancien président. Toutefois, la solidité des preuves présentées par le MPF renforce la possibilité de demander des comptes à l'ancien chef de gouvernement et à ses plus proches alliés.

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Personnes traumatisées craniocérébrales : Très vulnérables à la crise du logement, selon une étude

25 février, par Regroupement des associations de personnes traumatisées craniocérébrales du Québec — , ,
Québec, le 19 février 2025 – Le Regroupement des associations de personnes traumatisées craniocérébrales du Québec (Connexion TCC.QC <https://www.connexiontccqc.ca/> ) (…)

Québec, le 19 février 2025 – Le Regroupement des associations de personnes traumatisées craniocérébrales du Québec (Connexion TCC.QC <https://www.connexiontccqc.ca/> ) tient aujourd'hui une conférence de presse pour dévoiler les résultats préliminaires d'une récente étude sur les conditions d'habitation des personnes traumatisées craniocérébrales (TCC)

Cette étude est menée en collaboration avec l'équipe de recherche Participation sociale et ville inclusive du Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale (CIRRIS <https://www.cirris.ulaval.ca/> ) de l'Université Laval.

Les résultats préliminaires de l'étude mettent en lumière que :

● Plus du 1/4 des participant·es ont mentionné que ce n'était pas leur décision de vivre dans leur milieu actuel ;
● 1/6 des participant·es prévoit déménager à moyen terme (2-3 prochaines années) ;
● près du 1/10 des participant·es ont déjà été ou pourraient être actuellement dans une situation d'instabilité résidentielle ;
● 2/3 des participant·es sont non-propriétaires et donc à risque d'être touché·es de plein fouet par la crise du logement.

« Le TCC survient de façon soudaine, ce qui a un impact considérable la capacité des personnes qui le subissent à continuer à travailler au même rythme qu'avant. Elles se retrouvent du jour au lendemain avec un revenu moindre et une dépendance accrue au soutien de leurs proches, les exposant ainsi à un risque d'instabilité résidentielle » explique Marie-Ève Lamontagne, chercheure au CIRRIS.

Depuis leur TCC, les participant·es ont en moyenne déménagé 2,8 fois, ce qui illustre le grand besoin de trouver un milieu de vie mieux adapté à leur nouvelle réalité. Les compressions budgétaires d'1,5 milliard en santé annoncées par Christian Dubé le mois dernier alertent le Regroupement, qui trouve la situation déjà préoccupante sur le terrain : manque ou absence de services spécifiques pour les personnes TCC dans de nombreuses régions, manque de logements adaptés et listes d'attente, etc. « Nous demandons au gouvernement que le prochain budget investisse dans le PSOC à la hauteur des besoins, afin que chaque personne subissant un TCC soit accompagnée dans son milieu de vie », affirme Marjolaine Tapin, directrice générale de Connexion TCC.QC.

Les données présentées ont été recueillies auprès de 175 membres participant aux activités des associations membres du Regroupement dans 12 régions du Québec. Les répondant·es sont des adultes avec un TCC modéré ou grave depuis au moins 5 ans.

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L’embuscade néo-fasciste au Brésil

25 février, par Valério Arcary — , ,
Concernant l'extrême droite en Amérique Latine, nous avons les yeux rivés sur l'Argentine. C'est oublier un peu vite la situation dans le pays voisin, le Brésil. Bien que Jair (…)

Concernant l'extrême droite en Amérique Latine, nous avons les yeux rivés sur l'Argentine. C'est oublier un peu vite la situation dans le pays voisin, le Brésil. Bien que Jair Bolsonaro a été écarté du pouvoir depuis 2023, l'extrême droite demeure un danger très présent.

À travers une analyse de la trajectoire politique du Lula et du lulisme, resitué dans une perspective historique de plus long terme, Valerio Arcary, historien et militant du PSOL, propose une analyse éclairante sur l'ampleur des risques politiques que traverse le pays.

18 février 2025 | tiré du site contretemps.eu
https://www.contretemps.eu/embuscade-neo-fasciste-bresil/

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Si le Brésil est aujourd'hui moins pauvre et mieux instruit qu'il y a quarante ans, il demeure néanmoins profondément injuste. Le constat historique est accablant. Certes, les inégalités sociales ont diminué, mais les changements restent minimes. Tout évolue à un rythme désespérément lent. Pire encore, ce qui ne progresse pas régresse. La direction luliste s'est retrouvée prise en otage par l'opération Lavajato, a démoralisé de larges secteurs de la classe travailleuse et de la jeunesse et a livré les classes moyennes exaspérées (par les accusations de corruption, l'inflation des services, les augmentations d'impôts, etc.) aux mains du pouvoir de l'« Avenida Paulista » (siège des grandes banques et entreprises), ouvrant la voie au gouvernement ultra-réactionnaire de Temer. Et Temer l'a remis entre les mains de l'extrême droite et de Bolsonaro.

Ce n'est pas pour cela qu'une génération s'est tant battue. Entre 1978 et 1989, Lula a gagné la confiance de la grande majorité de l'avant-garde ouvrière et populaire. Le rôle de premier plan de Lula était à la fois le reflet de la force sociale du prolétariat brésilien et, paradoxalement, de sa naïveté politique. Une classe ouvrière jeune et peu instruite, récemment issue des régions les plus défavorisées, sans expérience préalable de la lutte syndicale, sans tradition d'organisation politique indépendante, mais concentrée dans les grandes régions métropolitaines du nord au sud et, dans les secteurs les plus organisés, avec une volonté indomptable de se battre. L'illusion réformiste selon laquelle il serait possible de changer la société sans conflit majeur, sans rupture avec la classe dirigeante, était l'opinion majoritaire et la stratégie du « Lula là » a engourdi les attentes d'une génération. Cette expérience historique n'a pas encore été surmontée. Cependant, le gouvernement Lula III ne bénéficie pas du contexte exceptionnel d'il y a vingt ans, et les différences sont nombreuses. L'élément central est la présence d'un mouvement d'extrême droite, piloté par des néo-fascistes déterminés à reconquérir le pouvoir.

La stratégie du troisième mandat de Lula

Le projet du gouvernement Lula est de profiter du contexte international de relative reprise économique, après l'impact de la pandémie, en espérant que cette dynamique se poursuivra sous l'impulsion, à nouveau, de la Chine. Il entend maintenir un pacte avec la fraction bourgeoise qui l'a soutenu au second tour de 2022 contre Bolsonaro et a intégré le gouvernement, ainsi qu'avec la gouvernabilité au Congrès à travers le centrão, afin de garantir la continuité de la croissance et la mise en œuvre des réformes. Au cours de la première année de son mandat, la transition PEC a permis une croissance proche de 3 % et une augmentation de 12 % des revenus du travail, l'expansion du programme Bolsa Família, qui, dans 13 des 27 États, bénéficie à un plus grand nombre de personnes que celles disposant d'un contrat formel. Par ailleurs, le gouvernement a rétabli le salaire minimum, restructuré l'IBAMA et la FUNAI, lancé le programme Pé de Meia pour les élèves du secondaire, remis en place le plan national de vaccination et renforcé le soutien des banques publiques au projet Desenrola, pour aider les familles endettées. L'accès au crédit a été facilité par une baisse des taux d'intérêt et 100 nouvelles unités des Instituts Fédéraux d'enseignement techniques ont été créés, parmi d'autres initiatives visant à améliorer les conditions de vie des masses.

L'objectif était de maintenir une croissance du PIB supérieure à 3 % en 2024, de contenir l'inflation sous les 5 %, de poursuivre un ajustement fiscal progressif et de stimuler les investissements privés, tant nationaux qu'étrangers par le biais du cadre fiscal qui a remplacé le « Teto de Gastos », le plafond des dépenses (« Amendement constitutionnel sur le plafond des dépenses publiques en vigueur de 2003 à 2011 »). En bref, un engagement en faveur d'un réformisme « faible », mais avec une amélioration lente et régulière des conditions de vie et la garantie de préserver la démocratie. Au Brésil, si de petites réformes peuvent transformer la vie de millions de personnes, remporter une élection demeure impossible sans le soutien majoritaire de la classe travailleuse.

De bons indicateurs économiques ne suffiront pas. Il y a un conflit idéologique incessant et ininterrompu. Le lulisme conserve la confiance des plus pauvres, mais le bolsonarisme a gagné du terrain parmi les travailleurs « aisés » qui gagnent plus de deux salaires minimums et accumule des forces dans la « guerre culturelle » fort du soutien des églises néo-pentecôtistes. La population demeure profondément divisée, laissant planer une grande incertitude sur l'issue de 2026.

Cette stratégie s'inscrit dans la continuité du projet élaboré après la victoire électorale de 2002, qui a conduit aux succès de 2006, 2010, 2014, et plus dangereusement, celui de 2022.

Trois hypothèses sous-tendent cette approche.

Premièrement, le pari que le risque d'une nouvelle conspiration similaire au coup d'État institutionnel qui a renversé Dilma Rousseff en 2016 a été écarté temporairement.

Deuxièmement, l'idée que l'inéligibilité de Bolsonaro diminue fortement la probabilité qu'un de ses héritiers politiques l'emporte en 2026 face à Lula.

Troisièmement, la prévision selon laquelle la division de la bourgeoisie sur la nécessité de préserver le régime démocratique et électoral est devenue irréversible. Ainsi, en 2026, la faction capitaliste représentée par Geraldo Alckmin et Simone Tebet pourrait à nouveau soutenir Lula, refusant le risque d'une nouvelle présidence d'extrême droite.

Ces trois calculs contiennent plus qu'un simple « grain de vérité », mais ils sous-estiment gravement les risques encourus. Ils oublient les leçons du coup d'État de 2016 contre Dilma Rousseff. Les plus importantes sont au nombre de cinq :

1/ La première est la sous-estimation du courant néofasciste – l'erreur la plus catastrophique des sept dernières années – de son audace, de son implantation sociale et culturelle, de sa volonté de confrontation directe, de la confiance dans le leadership politique de Bolsonaro, et donc de la résilience du soutien social de l'extrême droite. Cela révèle que l'affrontement ne se limite pas à la perception d'une amélioration des conditions de vie, mais qu'il repose également sur une lutte politique, idéologique et même culturelle féroce portée par une vision du monde réactionnaire.

2/ La deuxième est le fantasme selon lequel il serait possible de maintenir indéfiniment une gouvernabilité « froide » et l'idéalisation du Frente Amplio, en croyant que les dirigeants bourgeois intégrés au ministère resteront loyaux. Cette vision oublie le rôle de Michel Temer et exagère la confiance dans la stabilité du gouvernement, qui repose sur des accords fragiles avec le Centrão au Congrès National, ignorant le danger d'un chantage inacceptable.

3/ La troisième est la sous-estimation personnelle de Bolsonaro en tant que leader de l'opposition et pré-candidat, même dans sa condition d'inéligibilité. Si nécessaire, ils peuvent le remplacer par un autre candidat – Tarcísio de Freitas, Michelle Bolsonaro, ou même un autre « personnage » – avec la conviction que le transfert de son capital électoral reste possible.

4/ La quatrième est la sous-estimation de l'émergence des revendications populaires, noires, féministes, LGBT, environnementales et culturelles, une erreur qui a été fatale au péronisme en Argentine. La confiance excessive dans la poursuite de de la croissance économique comme condition de la mise en œuvre de réformes progressives, peut être démentie, car la structure fiscale limite le rôle de l'investissement public et le marché international des matières premières reste imprévisible.

5/ La cinquième est l'élection de Trump aux États-Unis, qui a eu un effet catalyseur mondial, y compris au Brésil, et les victoires annoncées de l'extrême droite lors des prochaines élections en Europe, ainsi qu'une aggravation des conflits dans le système international avec la Chine.

L'émergence du néofascisme : un danger latent

Comment expliquer la force de l'extrême droite ? Le marxisme ne devrait pas être un déterminisme strictement économique. Mais l'économie joue un rôle clé.

Une mutation structurelle s'est opérée au cours de la dernière décennie. Entre 2013 et 2023, nous avons connu la première décennie régressive depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale :

(a) Pendant les trente « années glorieuses », l'Europe et le Japon ont reconstruit leurs infrastructures et mené à bien les réformes qui ont garanti le plein emploi et des concessions à la classe travailleuse. L'économie brésilienne en a bénéficié en tant que première destinataire des investissements étatsuniens dans la périphérie.

(b) dans les années 1980, un « mini-boom » sous Reagan a vu le Brésil sombrer dans une crise sociale, bien qu'il ait continué à croître.

(c) dans les années 1990, le « mini-boom » sous Clinton a permis la stabilisation de la monnaie brésilienne et du régime libéral-démocratique, facilitée également par la fin de l'URSS.

(d) dans la première décennie du 21e siècle, un « mini-boom » sous George W. Bush a vu le Brésil accumuler des réserves de centaines de milliards de dollars, grâce à l'appréciation exceptionnelle des matières premières stimulée par la croissance chinoise, un phénomène seulement comparable à l'inversion des termes de termes de l'échange durant les guerres mondiales.

La deuxième décennie du XXIe siècle a marqué, pour la première fois dans l'histoire, une période de stagnation. Rien de tel ne s'était jamais produit au Brésil. Le Brexit et Donald Trump, Jair Bolsonaro et Javier Milei sont l'expression électorale d'une stratégie visant à maintenir le leadership étatsunien dans le monde.

Une fraction de la bourgeoisie mondiale, insatisfaite du gradualisme néolibéral, a recours à une stratégie de choc hyper-libérale visant à démanteler les droits sociaux : elle prône la « latino-américanisation » des pays du centre, et l'« asiatisation » de l'Amérique latine afin d'égaliser les coûts de production avec la Chine. Elle veut imposer une défaite historique qui garantira la stabilité des régimes pour une génération.

Cependant, l'extrême droite ne se limite pas seulement à une stratégie économique pour maintenir son leadership sur le marché mondial. Il ne s'agit pas seulement d'un alignement politique sur les États-Unis au sein du système international. Le courant néo-fasciste présente des hétérogénéités internes, et des programmes différents selon les pays, mais repose sur un socle idéologique commun : nationalisme exalté, misogynie sexiste, racisme suprématiste blanc, homophobie pathologique, négationnisme climatique, militarisation de la sécurité, anti-intellectualisme, mépris de la culture et de l'art, méfiance à l'égard de la science.

Ce choc ne peut se concrétiser sans une restriction des libertés démocratiques, voire une destruction des libertés politiques L'extrême droite nourrit une soif de pouvoir et vise à renverser le régime libéral-démocratique. Elle ne cherche pas à « copier » le totalitarisme nazi-fasciste des années 1930 mais aspire à des régimes autoritaires. Elle admire Erdogan en Turquie, Bukele au Salvador et Duterte aux Philippines. Seule une lutte acharnée peut les arrêter.

Par des dénonciations incessantes, un mouvement sociopolitique d'extrême droite, dirigé par des néo-fascistes, s'est consolidé. Les néo-fascistes ont construit un narratif où ils prétendent qu'il existe « trop de droits » pour les travailleurs. Jair Bolsonaro a inventé la menace : « l'emploi ou les droits ? ». Ce qui est menacé par l'extrême droite au Brésil, ce sont toutes les conquêtes sociales, petites mais précieuses, obtenues depuis la fin de la dictature.

Les avancées de tous les mouvements sociaux, qu'ils soient populaires, liés au logement, aux droits des femmes, des Noirs, à la culture, aux étudiants, aux syndicats, aux paysans, aux LGBT, aux écologistes ou aux peuples autochtones. Le bolsonarisme n'est pas une réaction à une menace révolutionnaire, ni une tentative de lutte pour le pouvoir dans le système international des États, comme l'a été le nazifascisme dans l'Europe des années 1920, après la victoire de la révolution d'Octobre. Il n'existe aucun risque, même lointain, de révolution au Brésil.

Les néofascistes ont acquis une base de masse, parce qu'une fraction de la bourgeoisie s'est radicalisée et mène une offensive contre les travailleurs, soutenue par une majorité de la classe moyenne, entraînant avec elle certains secteurs populaires sous le prétexte qu'un choc de capitalisme « sauvage » est nécessaire.

L'extrême droite s'est développée en réaction à la crise de 2008-2009, qui a plongé le capitalisme occidental, y compris le Brésil, dans une décennie de stagnation tandis que la Chine poursuivait sa croissance. Son programme repose sur un néolibéralisme à la « fièvre de 40 degrés », un alignement inconditionnel sur Trump aux États-Unis et un régime autoritaire empreint de nostalgie pour la dictature militaire.

L'objectif du néofascisme est d'imposer une défaite historique en démantelant les réformes sociales progressistes : l'aide sociale qui protège 50 millions de personnes de l'extrême pauvreté, à travers le programme Bolsa Família ; l'accès à une pension vieillesse pour 38 millions de personnes âgées ; les soins de santé publics universels et gratuits à travers le SUS (Système Unifié de Santé) ; l'école publique universelle jusqu'à la fin de l'enseignement secondaire et l'élargissement des universités publiques avec des quotas pour les Noirs et les peuples autochtones ; l'augmentation du salaire minimum au-dessus de l'inflation, etc.

L'« exceptionnalité » brésilienne

Toutes les nations possèdent leurs singularités, leurs grandeurs et leurs misères. Le Brésil, bien que dépendant, est la plus grande puissance à la périphérie du capitalisme. Doté de dimensions continentales, il s'étend de l'Amazonie à la Pampa et concentre à lui seul la moitié de la population sud-américaine. Un peu plus de la moitié de ses habitants sont noirs, et son image internationale, façonnée au cours de la seconde moitié du XXᵉ siècle, repose sur la beauté naturelle des tropiques, le carnaval et le football.

Mais c'est peut-être sur le plan politique que le Brésil se distingue le plus, à travers trois particularités majeures :

(a) une inégalité sociale d'une ampleur extrême, qui demeure presque intacte.

(b) une classe dirigeante historiquement habile à négocier des compromis pour résoudre les conflits sociaux et politiques.

(c) l ‘existence d'une énorme classe ouvrière et de l'un des partis de gauche les plus influents au monde.

Marqué par la domination impérialiste, le pays fut successivement colonie portugaise pendant trois siècles, semi-colonie britannique durant un siècle et, depuis le milieu du XXᵉ siècle, une zone d'influence étatsunienne. Mais son « exceptionnalité » réside dans ces dynamiques internes, qui produisent un paradoxe frappant : une lenteur sidérante des transformations sociales, incapables d'endiguer la profonde injustice qui accable le peuple.

L'histoire politique brésilienne est marquée par des transitions initiées d'en haut et par des compromis entre factions bourgeoises. Les conflits au sein de la classe dirigeante se résolvent par des négociations laborieuses, faites de concessions mutuelles et d'arrangements. Le pays n'a connu qu'une guerre civile limitée, au Rio Grande do Sul il y a un siècle et, pendant quelques mois, lors du soulèvement de São Paulo en 1932. La seule véritable rupture fut le coup d'État militaire de 1964.

Pourtant, au cours des dix dernières années, le Brésil est devenu un véritable « laboratoire » politique. Après tout, en 2018, Bolsonaro, un ancien militaire néofasciste, a remporté l'élection présidentielle après treize ans de gouvernements dirigés par le PT, le plus grand parti de gauche apparu à la fin du XXᵉ siècle, tandis que Lula était en prison. Pourquoi ? Bolsonaro a perdu sa réélection en 2022 face à Lula, a tenté un coup d'État militaire, a été déclaré inéligible par la justice en 2023, mais menace de se présenter aux prochaines élections présidentielles de 2026, avec des taux de popularité très élevés, dans un contexte imprévisible. Les raisons de cette « exceptionnalité » sont multiples.

Le paradoxe brésilien : des tensions sociales sans bouleversements violents

Il existe des facteurs objectifs et subjectifs qui permettent de comprendre ce résultat. C'est un paradoxe, car l'inégalité sociale chronique dans un pays qui possède le PIB le plus élevé du monde périphérique, tout en concentrant proportionnellement la plus grande classe ouvrière, de gigantesques centres urbains et plus de vingt villes de plus d'un million d'habitants, devrait entraîner un niveau de tension sociale extrêmement élevé. Or, ce ne sont que les luttes sociales qui favorisent le changement, qu'il passe par la réforme ou la révolution. Mais ce n'est pas le cas. Le Brésil était, aux côtés de l'Afrique du Sud, le champion mondial des grèves dans les années 1980. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Tous les principaux voisins du Brésil – l'Argentine (2001-2002), le Venezuela (2002), le Chili (2019), ainsi que le Pérou, l'Équateur et la Bolivie – ont connu des situations pré-révolutionnaires au cours de ce siècle. Ce n'est pas le cas du Brésil. Ce qui y a prévalu, c'est l'expérience du lulisme. Le PT a remporté cinq des six élections présidentielles depuis 2002. Il a fallu un renversement « institutionnel » du gouvernement de Dilma Rousseff pour ouvrir la voie à l'élection d'un néofasciste comme Bolsonaro. Il ne s'agit cependant pas d'un coup d'État « froid ». Les mobilisations entre 2015 et 2016 ont fait descendre des millions de personnes dans les rues en faveur de la destitution de Roussef et ont galvanisé une ultra-droite puissante, dont l'influence est intacte à ce jour.

Cette séquence a précipité un tournant réactionnaire, modifiant durablement le rapport de forces au sein de la société brésilienne, et ce, malgré la courte victoire de Lula en 2022. Et la situation pourrait empirer en 2026. Dans la principale ville du pays, un bouffon histrionique et néofasciste, Pablo Marçal, vient de s'imposer en 2024 comme une figure montante de l'extrême droite, porté par une ascension fulgurante. Une confirmation que le danger est bien réel et imminent. Personne ne peut sous-estimer la menace de son retour au pouvoir national.

Différentes hypothèses ont émergé pour expliquer ce paradoxe. Deux d'entre elles se distinguent par leur importance et contiennent chacune une part de vérité :

(a) la théorie ultra-objectiviste qui met en avant la puissance de la bourgeoisie brésilienne ;

(b) la théorie ultra-subjectiviste qui insiste symétriquement sur la fragilité de la conscience populaire.

Toutefois, cette approche est circulaire et donc insuffisante. Il est indéniable que la richesse et le pouvoir colossaux de la bourgeoisie brésilienne, alliés à son extrême conservatisme et à une remarquable intelligence stratégique, ont joué un rôle clé dans le maintien du statu quo et la neutralisation de la pression sociale en faveur du changement. Parallèlement, la classe ouvrière brésilienne, très hétérogène, souffre d'une faiblesse subjective qui limite ses capacités d'auto-organisation et d'unité. Cela explique à la fois son étonnante patience politique et ses illusions persistantes quant aux solutions concertées.

Mais un troisième facteur mérite d'être pris en compte : le rôle des classes moyennes.

Historiquement, la classe moyenne brésilienne est restée plus restreinte que son équivalente argentine. Pourtant, comme dans tous les pays urbanisés, elle constitue un rempart essentiel à la stabilité de la domination de la bourgeoisie. Elle se compose principalement des couches salariées supérieures qui ont bénéficié d'un accès à l'éducation plus élevé et qui partagent un mode de vie distinctif. Au Brésil, il n'y a pas de Noirs dans la classe dirigeante et très peu dans la classe moyenne. Le pays est profondément fracturé sur le plan racial, et la blancheur y confère un statut privilégié. C'est important.

De la dictature au premier gouvernement Lula

Le Brésil d'aujourd'hui a qualitativement changé par rapport à la fin des années 1970, mais son évolution a suivi une trajectoire distincte de celle de ses voisins. Tout au long de ce cycle historique, les rapports de force entre les classes ont connu de nombreuses oscillations, parfois favorables aux travailleurs et à leurs alliés, parfois défavorables. Pourtant, jamais une situation véritablement révolutionnaire ne s'est ouverte.

Voici un aperçu de la période qui a précédé la première élection de Lula. Ce qui importe ici, c'est qu'à chaque moment où une rupture semblait possible, elle a été évitée :

(a) 1978-1981 : Une montée des luttes ouvrières et étudiantes culmine avec les grandes grèves de l'ABC, mais la défaite du mouvement en 1981 conduit à une stabilisation fragile jusqu'en 1983. L'échec du plan de relance économique de Delfim Neto, qui devait stimuler les exportations par la dévaluation monétaire, aggrave l'inflation sans relancer la croissance.

(b) 1984 : Une nouvelle vague de mobilisation secoue le pays avec lacampagne Diretas Já, qui marque la fin de la dictature militaire. Pourtant, le gouvernement de João Figueiredo ne tombe pas.

(c) 1985-1986 : La prise de pouvoir par le tandem Tancredo/Sarney et le lancement du Plan Cruzado, permettent une brève stabilisation avant qu' un nouveau pic de mobilisation populaire contre l'hyperinflation, ne s'amorce, culminant avec l'élection présidentielle de 1989, où Lula atteint le second tour.

(d) 1992 : Après un court répit avec le plan Collor, le pays replonge dans la crise avec la montée du chômage et la persistance de l'hyperinflation. La contestation culmine avec la campagne Fora Collor (« dehors Collor ! »), qui entraîne sa destitution.

(e) 1994-1995 : L'investiture d'Itamar Franco et l'adoption du Plan Real ouvrent une période de stabilisation plus durable. Mais la défaite de la grève des travailleurs du pétrole en 1995 marque un tournant défavorable et le début d'une phase défensive pour les mouvements sociaux.

(f) 1995-1999 : Les luttes de résistance reprennent progressivement, atteignant un point culminant en août 1999 avec une manifestation de 100 000 personnes scandant « FHC dehors ! contre le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso. Pourtant, l'attentisme des dirigeants du PT et de la CUT freine la radicalisation, leur priorité étant de construire une coalition électorale en vue de 2002, jugée incompatible avec un climat de confrontation sociale.

Durant tout cette période, le pays connait régulièrement des chocs ou des virages au sein du champ politique : en 1985, la dictature militaire prend fin mais ne s'effondre pas. Le premier président élu au suffrage universel en 1989, Fernando Collor, est destitué en 1992 après un jugement politique, mais sans élections anticipées. En 2011, Dilma Rousseff devient la première femme élue présidente par un parti de gauche, mais elle est renversée en 2016 sans que le PT ne soit interdit. Lula est emprisonné en 2018. La même année, le néofasciste Bolsonaro accède au pouvoir par les urnes, plongeant le pays dans une régression historique face à la pandémie, mais il ne tombe pas sous le coup d'une destitution.

Entre-temps, en juin 2013, une « explosion » sociale soudaine et imprévue secoue le pays. Mais cela n'a rien à voir avec le renversement de De La Rúa en Argentine en 2001-2002. De 2003 à juin 2013, sous les gouvernements de Lula et Dilma, le Brésil connaît une relative stabilisation sociale, portée par une croissance économique soutenue d'environ 4 % par an et la consolidation d'un filet de sécurité sociale. Jusqu'à ce qu'une vague de protestations populaires, aussi soudaine qu'intense, déferle sur tout le pays, rassemblant des millions de manifestants.

Ce soulèvement, comparable à une éruption volcanique, est pourtant stoppé dès le premier semestre 2014, avant la réélection de Dilma Rousseff. La véritable rupture survient entre mars 2015 et mars 2016, lorsque d'immenses mobilisations réactionnaires, majoritairement issues des classes moyennes et attisées par les accusations de corruption de l'opération Lava Jato, prennent une ampleur sans précédent. En quelques mois, des millions de Brésiliens descendent dans la rue pour soutenir un coup d'État juridico-parlementaire aboutissant à la destitution de Dilma Rousseff.

À ce moment-là, le cycle politique semble définitivement clos. Pourtant, il n'en est rien : le Brésil avance, lentement.

Ce cycle a représenté la dernière phase de la transformation tardive mais accélérée du Brésil agraire en une société urbaine ; la transition de la dictature militaire vers un régime démocratique-électoral ; et l'histoire de la genèse, de l'essor et de l'apogée de l'influence du pétisme, ensuite transfiguré en lulisme, sur les travailleurs. La classe dominante a réussi, à grands pas, à empêcher l'émergence d'une situation révolutionnaire au Brésil, comme celles vécues en Argentine, au Venezuela et en Bolivie, bien que, à plusieurs reprises, des circonstances propices aient vu le jour et auraient pu évoluer dans cette direction, mais ont été interrompues.

Une perspective historique peut nous aider à comprendre cela. L'élection en 2002 d'un président ouvrier dans un pays capitaliste semi-périphérique comme le Brésil a été un événement atypique. Du point de vue de la bourgeoisie, il s'agissait d'une anomalie, mais pas d'une surprise. Le PT n'inquiétait plus la classe dirigeante comme en 1989. Un bilan des treize années de gouvernement du PT semble irréfutable : le capitalisme brésilien n'a jamais été menacé par les gouvernements du PT. Mais cela n'a pas empêché l'ensemble de la classe dirigeante de s'unir en 2016 pour renverser Dilma Rousseff avec des accusations ridicules. Cette opération politique, une conspiration menée par le vice-président Michel Temer, révèle quelque chose d'importance stratégique sur la classe dirigeante brésilienne.

Les gouvernements du Parti des Travailleurs (PT) se sont inscrits dans une logique de collaboration de classe. S'ils ont mis en place certaines réformes progressistes, comme la réduction du chômage, l'augmentation du salaire minimum, le programme Bolsa Família ou encore l'expansion des universités et des instituts fédéraux, leur politique a surtout bénéficié aux plus riches. Jusqu'en 2011, ils ont maintenu intact le triptyque macroéconomique libéral, reposant sur un excédent primaire supérieur à 3 % du PIB, un taux de change flottant autour de 2 réais pour un dollar et un objectif de maîtrise de l'inflation sous la barre des 6,5 % par an. Dans un contexte international favorable, le silence de l'opposition bourgeoise et le soutien explicite des banquiers, des industriels, des grands propriétaires terriens et des investisseurs étrangers ne sauraient surprendre.

Lorsque l'impact de la crise internationale déclenchée en 2008 a frappé le Brésil en 2011-2012, le soutien inconditionnel de la classe dirigeante aux gouvernements du PT s'est effondré. La défaite d'Aécio Neves en 2014 ne laissa plus aucun doute : l'élite économique et politique choisit la voie du coup d'État. La dénonciation du « petrolão » par l'opération Lava Jato ne fut qu'un prétexte, un instrument au service de cette offensive. « L'œuf de serpent » du néofascisme était déjà là.

La manifestation dirigée par Jair Bolsonaro sur l'avenue Paulista le 7 septembre 2024 fut une nouvelle démonstration de force du néofascisme. Ce ne fut ni un fiasco, ni un simple faux pas. Pendant trois heures, sous un soleil accablant, environ 50 000 personnes ont scandé leur soutien à l'amnistie des auteurs du coup d'État et réclamé la destitution d'Alexandre de Moraes. Ils ont également acclamé Pablo Marçal, porté en triomphe par la foule.

Le marxisme est un réalisme révolutionnaire : il serait naïf et dangereux de minimiser l'ampleur de la radicalisation de l'extrême droite, une erreur récurrente et fatale de la majeure partie de la gauche brésilienne – qu'elle soit modérée ou radicale – depuis 2016. L'argument selon lequel il ne faut ni sous-estimer ni surestimer cette menace est une formule « élégante », mais fondamentalement escapiste. L'escapisme est une forme de déni. L'état de déni est une attitude défensive qui permet d'éviter d'affronter de front un danger immense. Il ne sert qu'à perdre du temps, en nourrissant l'illusion que l'on est en train de « gagner » du temps. Il existe un public de masse pour le discours du « contre tout ».

La radicalisation antisystème est d'extrême droite. Mais cet extrémisme n'est pas neutre, il est réactionnaire. L'attrait de l'hystérie antisystème de l'extrême droite ne peut pas être contesté par la gauche au Brésil. Un tel discours impliquerait de rompre avec le gouvernement Lula III et de passer dans l'opposition. Or, l'échec de cette stratégie est manifeste : les organisations qui ont tenté de radicaliser leur discours contre Lula sont restées invisibles.

Cet espace est inexistant parce que le rapport de forces social s'est profondément inversé. Nous sommes dans une situation de repli extrême, où la confiance des travailleurs dans leurs organisations et leur propre capacité de lutte est au plus bas. Les attentes se sont effondrées, et même parmi les secteurs les plus conscients et militants de la classe travailleuse, c'est l'appréhension qui domine. Nous sommes dans un rapport de forces défavorable.

Il ne s'agit pas d'une véritable polarisation sociale et politique. La polarisation n'existe que lorsque les deux camps principaux – le capital et le travail – disposent de forces relativement équivalentes. Le Brésil est fragmenté, mais croire que la victoire électorale de Lula, avec une marge de deux millions de voix sur 120 millions de votes valides, refléterait une équivalence des positions sociales de force relève d'une illusion dangereuse. Nous sommes sur la défensive, et dans ce contexte, l'unité de la gauche dans les luttes, y compris sur le plan électoral, est plus que jamais indispensable.

La situation reste défavorable

La gauche modérée a traversé une crise mondiale face à l'offensive de l'extrême droite : le travaillisme, le PS portugais et français, le PSOE, le Pasok, voire Syriza, le PT et le péronisme. Mais ce fut un processus partiel et conjoncturel, dont elle s'est relevée. Les masses s'appuient sur les outils dont elles disposent pour se défendre. Dans ce contexte, la gauche radicale peut occuper un espace, mais elle n'a pas à se replier sur le propagandisme. Elle peut démontrer son utilité en tant qu'instrument de lutte efficace dans le cadre du Front Unique, à condition d'accompagner, avec une patience révolutionnaire, le mouvement réel de résistance au néofascisme. L'unité de la gauche ne doit pas servir à museler les critiques légitimes sur les hésitations inutiles, les accords erronés, les décisions mal avisées ou les capitulations inexcusables. Cependant, l'ennemi central demeure le néofascisme.

Une stratégie d'opposition de gauche au gouvernement de Lula serait une erreur grave, à la fois dangereuse et stérile. La victoire électorale de Lula en 2022 fut un événement majeur, précisément parce qu'elle masquait une réalité bien plus inquiétante que ce que le résultat des urnes laissait entrevoir. D'ailleurs, cette victoire n'a été possible qu'avec le soutien d'une dissidence bourgeoise.

De nombreux facteurs expliquent le caractère réactionnaire de la situation. Parmi eux, la défaite historique de la restauration capitaliste entre 1989 et 1991 façonne le contexte actuel, car il n'existe plus de référence à une alternative utopique, comme le socialisme l'a été pendant trois générations.

La restructuration productive a progressivement imposé une accumulation de défaites et a également creusé des divisions au sein de la classe travailleuse. Les gouvernements dirigés par le PT entre 2003 et 2016 ne sont pas exempts de responsabilité, en raison d'une stratégie de collaboration de classe qui a limité les transformations à des réformes si minimalistes qu'il n'a pas été possible de mobiliser les masses pour défendre Dilma Rousseff au moment de sa destitution. Les défaites accumulées pèsent lourd. Nos adversaires sont à l'offensive.

Il est inutile de débattre de la question de savoir si la défaite électorale de Jair Bolsonaro aurait été possible sans Lula. Rappelons que la stratégie gagnante reposait sur un Lula « paix et amour » opposé au cabinet de la haine, tout en étant soutenu par Geraldo Alckmin. La victoire a été obtenue grâce à des tactiques ultra modérées. Cette évidence devrait nous guider dans l'évaluation réaliste des rapports de forces politiques.

Après deux ans de gouvernement, Lula est toujours au pouvoir, mais le pays demeure profondément fragmenté. Cela confirme que, si le rapport de forces s'est amélioré sur le plan politique depuis son élection, il n'y a pas encore eu de renversement sur le plan social :

(a) Les différentes enquêtes d'opinion confirment qu'environ la moitié de la population approuve le gouvernement, tandis que l'autre moitié le désapprouve, avec de légères variations. Les fluctuations sur le long terme restent dans les marges d'erreur. Il existe des divergences entre le soutien à Lula, qui atteint 47,4 % contre 45,9 %, et les 40 % qui déclarent désapprouver le gouvernement (contre 39 % en janvier). Ceux qui approuvent représentent 38 % (soit une baisse de 4 points de pourcentage par rapport au sondage précédent),tandis que plus de 18 % considèrent la gestion comme « passable ».

(b) L'action du gouvernement n'a pas réussi jusqu'à présent à diminuer l'influence de l'extrême droite, qui conserve une audience d'environ un tiers de la population.

(c) Le clivage socioculturel demeure inchangé.

Le bolsonarisme conserve une influence prépondérante parmi les classes moyennes gagnant plus de deux salaires minimums, dans le Sud et le Sud-Est du pays, ainsi que chez les évangéliques. À l'inverse, le lulisme reste dominant parmi les classes populaires, aux deux extrémités du spectre éducatif – chez les moins éduqués et les diplômés de l'enseignement supérieur –, ainsi que parmi les catholiques et dans le Nordeste. En somme, il n'y a que peu d'évolutions qualitatives.

Toutefois, ce constat ne saurait être interprété comme rassurant. Le gouvernement n'est pas plus solide, malgré le contraste abyssal avec l'ère Bolsonaro. Après un an de mandat, les fluctuations du soutien ou du rejet de Lula restent minimes, mais une tendance baissière plus marquée se profile en 2024. Ces évolutions ne découlent jamais d'un seul facteur. Dans un pays aussi inégalitaire, la conscience politique de dizaines de millions de personnes est influencée par de multiples dynamiques. Il n'est donc pas surprenant que les résultats les plus négatifs pour le gouvernement se concentrent – et de loin – parmi les personnes gagnant plus de trois fois le salaire minimum, ayant un niveau d'éducation intermédiaire, les hommes plus âgés, ainsi que dans les régions du Sud-Est et du Sud, et chez les évangéliques. En d'autres termes, l'électorat de Bolsonaro.

Par ailleurs, la force bolsonariste est redescendue dans la rue, avec des manifestations massives réclamant l'amnistie des putschistes, telles une avalanche néo-fasciste. Cette mobilisation pose un défi majeur. Pourquoi ? Parce qu'il n'est pas exclu que Bolsonaro soit arrêté en 2025.

La stratégie de Lula III

La voie de la lutte politique est sinueuse, parfois labyrinthique, jalonnée de virages, de hauts et de bas, sans jamais suivre une ligne droite. La plupart des dirigeants du PT ont misé sur l'usure du gouvernement d'extrême droite, convaincus que l'exaspération et la lassitude suffiraient à assurer la victoire de Lula en 2022. Ils ont fait le pari d'une patience stratégique. Lula a gagné, mais de justesse. Aujourd'hui, son gouvernement repose sur une autre hypothèse : celle que la « bonne gouvernance », en répondant à une partie des besoins urgents de la population à travers des « livraisons » et des réalisations concrètes, qui suffira pour consolider un second mandat en 2026.

Bolsonaro, lui, ne misera pas sur une tactique d'attente passive. Le bolsonarisme est un mouvement combatif. L'extrême droite comprend la « pathologie » de sa base sociale. Dans une société aussi inégalitaire, les privilèges matériels et sociaux ne se maintiennent que parce que ceux qui en bénéficient se battent avec acharnement pour les défendre. Elle sait exploiter l'arrogance d'une nouvelle génération bourgeoise à la tête de l'agro-industrie, nourrie d'un ressentiment socioculturel à l'égard des élites urbaines cosmopolites, qui les méprisent comme des brutes machistes et des négationnistes du changement climatique. Elle instrumentalise également l'amertume d'une partie des classes moyennes, gangrenée par le racisme, l'homophobie et le sentiment de déclassement. Elle s'appuie sur la méfiance anti-intellectuelle, savamment entretenue par les églises-entreprises néo-pentecôtistes.

Sans transformations profondes et tangibles dans la vie quotidienne – des salaires plus élevés, des emplois dignes, une éducation de qualité, un SUS (le régime brésilien de sécurité sociale) renforcé et un véritable accès à la propriété –, il est illusoire de croire que l'on pourra diviser cette base sociale. Vaincre le bolsonarisme exige une volonté de lutte, une capacité de manœuvre tactique, de l'audace pour opérer des virages stratégiques, une volonté de confrontations, ainsi qu'une constance et une patience calculée pour gagner du temps, avant d'opérer un nouveau tournant et d'évaluer les rapports de force. Mais jusqu'à présent, le gouvernement a surtout temporisé. Il a misé sur la « pacification » : un pas en avant, puis plusieurs pas en arrière. N'avons-nous rien appris de la défaite du péronisme en Argentine et du recul de Kamala Harris aux États-Unis ?

Radicalisation à droite sans polarisation

De nombreux observateurs à gauche décrivent cette évolution comme une tendance à la polarisation. L'idée est séduisante, mais elle est dangereusement trompeuse, car les deux pôles de la lutte des classes n'occupent pas des positions équivalentes. Dans le camp réactionnaire, ce sont les éléments les plus radicaux qui dirigent. Dans le camp de la gauche, ce sont les plus modérés qui gouvernent. L'extrême droite a absorbé l'influence des partis traditionnels de centre-droit (MDB, PSDB, União Brasil), mais le gouvernement de Lula n'est pas un gouvernement de gauche, puisqu'il a accepté un pacte avec la fraction libérale dirigée par Tebet/Alckmin.

Dans un contexte de stabilité du régime libéral-démocratique, la majorité de la population se positionne généralement au centre de l'échiquier politique, soutenant alternativement le centre-droit ou le centre-gauche, qui se succèdent à la tête de l'État. C'est ce qui s'est produit au Brésil depuis la fin de la dictature, avec trois gouvernements de centre-droit, suivis de quatre gouvernements du PT. C'est cette dynamique qui a assuré la plus longue période de stabilité du régime démocratique libéral, soit trente ans (1986-2016).

Cette période, que le marxisme considérait comme une hypothèse improbable dans les pays périphériques mais qui est devenue possible après la fin de l'URSS, est désormais révolue. L'un des plus grands défis pour la gauche est d'admettre cette réalité. Cependant, ce qui a suivi ne peut être expliqué par une polarisation. La polarisation suppose un renforcement simultané des extrêmes, or ce n'est pas ce que nous vivons au Brésil depuis 2016. Depuis le coup d'État institutionnel et l'inversion du rapport de forces social, seule l'extrême droite s'est radicalisée, exerçant une attraction gravitationnelle qui a entraîné avec elle l'influence historique des conservateurs traditionnels, à la manière d'un filet dérivant. Ce phénomène n'est pas une polarisation, mais un glissement unilatéral. L'idée de « polarisation asymétrique » peut sembler plus élégante, mais elle reste inexacte. À gauche, les positions sont restées stables et il n'y a pas eu de radicalisation. Au contraire, le gouvernement Lula se déplace vers le centre, abandonne toute mobilisation populaire et élargit sa coalition avec des partis de droite pour préserver sa majorité au Congrès. Cela crée une vulnérabilité critique : il suffirait d'une crise avec ses alliés pour que la menace néofasciste et son projet de subversion bonapartiste du régime deviennent une réalité imminente.

La clé de l'analyse est que la gauche est en position défensive. De nombreux facteurs expliquent la perplexité, la baisse des attentes et le climat d'insécurité au sein de sa base sociale. L'autorité de Lula reste forte, mais elle coexiste avec la peur et le découragement dans le mouvement ouvrier et syndical, après des années de revers et de défaites. La volonté de lutte est faible parmi les forces de gauche, voire inexistante.

La situation n'est guère différente dans les mouvements sociaux populaires. Depuis la campagne électorale de 2022, la capacité de mobilisation est restée faible. Ce phénomène s'explique en grande partie par la fragmentation des classes populaires. L'ascension sociale par l'éducation n'est plus garantie. Les travailleurs de la classe moyenne – plus éduqués, souvent d'origine européenne, avec des revenus légèrement plus élevés – voient leurs conditions de vie stagner, voire se détériorer, ce qui nourrit un ressentiment croissant envers ceux qui bénéficient des programmes de transfert monétaire.

Les tensions sociales et culturelles aggravent cette situation. Une partie des jeunes hommes perçoit les avancées féministes comme une menace directe. Par ailleurs, la phobie anti-LGBT+ s'est intensifiée dans les secteurs les plus conservateurs, attisée par la guerre idéologique et culturelle menée par les églises évangéliques. Dans ce contexte, les néo-fascistes exploitent un nationalisme exacerbé et accusent les mouvements écologistes qui défendent l'Amazonie d'être les instruments d'un complot international.

Les divisions ont des conséquences paralysantes. Le militantisme a transféré à Alexandre de Moraes la responsabilité de juger les auteurs du coup d'État, à commencer par Bolsonaro. Cependant, il serait injuste de ne pas souligner le rôle du gouvernement et de Lula lui-même dans la démobilisation. L'avant-garde cherche un point d'appui pour favoriser une issue politique plus avancée. Parmi tous les compromis concédés depuis l'investiture – et ils ont été nombreux –, aucun n'a été plus grave que l'attitude adoptée envers les Forces armées, même après que leur complicité avec le coup d'État ait été clairement établie.

La décision de ne pas saisir l'occasion du 60ᵉ anniversaire du coup d'État militaire de 1964 pour organiser une initiative de mobilisation et d'éducation politique de masse a été profondément démoralisante. L'erreur la plus grave que pourrait commettre la gauche serait de sous-estimer l'impact de cette contre-offensive des néofascistes. Si on ne les arrête pas, ils avanceront.

Réfléchir à l'avenir n'est possible que si nous comprenons d'où nous venons et ce que l'histoire nous a appris. Depuis 2016, lorsque le rapport de forces social a été structurellement bouleversé, cinq enseignements sont cruciaux :

(a) Après la victoire serrée contre Aécio Neves en 2014, le PT a fait le pari de la « gouvernabilité » en s'alliant avec une fraction de la classe dirigeante, notamment à travers la nomination de Joaquim Levy, au ministère des Finances. Ce choix a échoué et a abouti au coup d'État institutionnel de 2016, porté par d'immenses mobilisations réactionnaires. Le pari selon lequel les Tribunaux suprêmes ne valideraient pas le coup institutionnel orchestré via le Congrès national s'est également avéré vain.

(b) L'accumulation ininterrompue de défaites jusqu'à 2022 a laissé des séquelles profondes, encore non surmontées, sur le moral de la classe travailleuse et l'état d'esprit de la gauche militante. Parmi ces défaites : la démoralisation de l'opération Lava Jato, l'incarcération de Lula, la réforme du droit du travail, l'élection de Bolsonaro, une nouvelle réforme des retraites, la catastrophe humanitaire pendant la pandémie, ainsi que la recrudescence des incendies en Amazonie et dans le Cerrado.

(c) Minimiser le danger de l'extrême droite a été une erreur impardonnable. Le néofascisme n'est pas seulement un courant électoral, mais un mouvement socio-politique et culturel de masse, avec une dimension internationale. Il a conquis près de la moitié du pays non seulement par les urnes, mais aussi par l'occupation militante de l'espace public. De plus, il a déjà prouvé que Bolsonaro peut transférer ses votes à d'autres figures politiques.

(d) Une analyse complexe de la défaite électorale de Bolsonaro en 2022 doit prendre en compte de multiples facteurs. Cependant, il serait illusoire de nier que le rôle personnel de Lula a été décisif et qualitativement déterminant dans ce résultat.

(e) La victoire de Lula a modifié le rapport de forces politique, mais elle n'a pas suffi à inverser le rapport de forces social. C'est là le défi central qui reste à relever.

Contradictions sociales et politiques dans le Brésil de Lula

Cependant, ce cadre reste insuffisant pour analyser les divergences entre le rapport de forces social et politique. Trois questions fondamentales doivent être posées :

1/ La capacité d'initiative politique ne se limite pas aux mécanismes institutionnels de la lutte politique « professionnelle » au sein des instances du pouvoir. Le bolsonarisme conserve une force de mobilisation sociale bien plus importante que le lulisme dans la rue.

2/ Dans les sondages et lors des élections, chaque vote a le même poids, mais dans la lutte sociale et politique, ce qui prévaut, c'est la défense des intérêts des classes et des fractions de classes les plus organisées. Ce n'est pas la même chose que la gauche soit forte parmi la majorité du semi-prolétariat le plus pauvre, les jeunes, les Noirs et les femmes, alors que le bolsonarisme s'impose dans l'agro-industrie, parmi les couches moyennes des grands propriétaires terriens, les salariés gagnant entre 5 et 10 salaires minimums et les églises évangéliques. De même, il y a une différence entre le fait que la gauche soit bien implantée dans le Nordeste et que le bolsonarisme soit majoritaire dans le Sud-Est et le Sud du pays.

3/ Les principaux « bataillons » de la classe travailleuse organisée, notamment les travailleurs sous contrat formel dans le secteur privé et dans l'administration publique, restent profondément divisés. L'extrême droite a réussi à gagner du terrain au sein de certaines fractions de la classe ouvrière, ce qui fragilise le potentiel de mobilisation de la gauche.

Dans l'analyse de la situation, il est crucial de rappeler que la lutte des classes ne se réduit pas à une simple opposition entre le capital et le travail. Ni le capital ni le travail ne sont des classes homogènes ; il est impératif de considérer leurs fractions de classe.

La bourgeoisie se compose de plusieurs factions aux intérêts propres (agricoles, industriels, financiers), bien que fortement concentrés.

Le monde du travail, quant à lui, est marqué par des réalités distinctes : prolétariat, semi-prolétariat, salariés avec ou sans contrat, travailleurs du Sud ou du Nordeste. Les classes moyennes jouent un rôle crucial : la petite bourgeoisie et la nouvelle classe moyenne urbaine. La lutte des classes ne se limite pas uniquement à la « structure » de la vie économique et sociale. Elle se déroule également dans la superstructure de l'État, sous la forme d'affrontements entre les institutions du pouvoir : le gouvernement, le pouvoir législatif, la justice et les forces armées. Il existe un conflit permanent entre les Tribunaux suprêmes et l'armée, et dans une large mesure, contre le Congrès. Sous-estimer ces affrontements serait une grave erreur.

Tout comme une partie de la gauche modérée exagère l'importance des affrontements au sommet amplifiés par les organes de presse de la bourgeoisie, une frange de la gauche radicale sous-estime la lutte politique entre les représentants des différentes fractions de la classe dominante dans l'arène institutionnelle. C'est précisément le rôle du régime libéral-démocratique : permettre que ces divergences s'expriment et se résolvent publiquement. Le pari du gouvernement Lula sur une gouvernabilité “froide”, sans mobilisation active d'une base sociale, repose sur cette dynamique et répond à un calcul clair : éviter à tout prix une “vénézuélisation” du Brésil.

Aujourd'hui, sous la direction d'Arthur Lira, la Chambre des députés contrôle une part du budget plus importante que la plupart des ministères. Toutefois, ceux qui accordent une confiance excessive à l'issue de ces différends se trompent. Le sort de Bolsonaro ne dépend pas uniquement d'un jugement « technique ». Il se dirige vers une défaite juridique, mais il peut survivre politiquement tant que 40 % de la population estime qu'il est persécuté. Après le 8 janvier 2023, la question politique centrale est de savoir si Bolsonaro et les généraux seront condamnés et emprisonnés.

Une analyse marxiste doit commencer par l'étude des évolutions économiques. Depuis le début du mandat de Lula, trois variables majeures ont façonné la situation :

La confirmation du maintien d'importantes entrées de capitaux étrangers, permettant une réduction du déficit de la balance des paiements et consolidant les attentes positives des investisseurs internationaux.

– Un excédent commercial atteignant des records historiques, entraînant une augmentation du niveau des réserves ainsi que des recettes fiscales.

La poursuite de la croissance amorcée après la pandémie, qui s'est traduite par une baisse rapide du chômage, une hausse des salaires et une réduction de l'inflation, autant d'indicateurs positifs

Cependant, ces avancées restent insuffisantes pour réduire l'audience de l'extrême droite parmi les salariés diplômés de l'enseignement supérieur du Sud-Est et du Sud, qui gagnent entre 3 et 5 salaires minimums.

Les divisions au sein de la classe travailleuse n'ont donc pas été surmontées.

L'évaluation des fluctuations économiques doit suivre une méthode rigoureuse : tout ne peut être expliqué uniquement par l'économie. Quelles sont les conséquences des événements mondiaux, en particulier dans les pays ayant le plus d'impact sur la situation brésilienne ?

Parmi ces événements, certains ont fortement renforcé le moral du bolsonarisme : la victoire de Trump aux États-Unis ; l'élection de Javier Milei en Argentine ; l'ascension fulgurante de l'extrême droite au Portugal.

Quelles ont été les répercussions de ces évènements majeurs ? Le massacre israélien à Gaza et la dénonciation du génocide par Lula ; la sympathie pour la cause palestinienne qui semble avoir augmenté chez les partisans de Lula, mais le soutien au sionisme qui s'est également renforcé parmi les bolsonaristes ; l'épidémie de dengue la plus importante de l'histoire du Brésil ; les incendies criminels dans le Cerrado et l'Amazonie ; la recrudescence des féminicides ;L'opération criminelle de la Police militaire de São Paulo dans la Baixada Santista ; l'évasion de dirigeants du Comando Vermelho d'une prison de haute sécurité.

Tout aussi important : quel a été l'impact des « livraisons » du gouvernement Lula, le grand pari du Palais du Planalto ?

Trois scénarios possibles pour le Brésil

En ce début d'année 2025, l'avenir du gouvernement de coalition dirigé par Lula demeure incertain Mais la formule indéterminée selon laquelle « tout peut arriver » n'est pas raisonnable. Même si le gouvernement se trouve à la croisée des chemins, il est possible d'établir des projections probables.

Après l'échec du soulèvement du 8 janvier 2023 et le resserrement de l'étau autour du noyau dur de Bolsonaro, y compris l'état-major militaire, un nouveau coup de force insurrectionnel semble impensable. L'extrême droite a choisi une stratégie de repositionnement, visant à disputer l'élection présidentielle de 2026. Le calendrier électoral structure désormais la lutte politique.

Trois grands scénarios se dessinent pour le Brésil, même s'il est encore impossible de trancher :

1/ Le gouvernement pourrait arriver en 2026 avec une popularité suffisante, comme Lula en 2006 et 2010, et remporter la réélection.

2/ Le gouvernement pourrait arriver en 2026 dans une position incertaine, comme Dilma Rousseff en 2014, rendant l'issue électorale imprévisible.

3/ La gauche pourrait atteindre 2026 usée, rejetée par une grande partie de l'opinion, comme ce fut le cas pour Fernando Haddad en 2018, ouvrant la voie à la victoire de l'extrême droite.

Bien entendu, le facteur Forrest Gump – “shit happens” – doit toujours être pris en compte. L'aléatoire, l'accidentel et l'inattendu font partie de l'histoire. Deux ans, c'est long : demain ne sera pas forcément une simple continuation d'aujourd'hui.

Nous ne pouvons pas prédire les transformations de la situation mondiale d'ici 2026, ni les fluctuations économiques, ni les luttes idéologiques et culturelles, ni les dynamiques de mobilisation des différentes classes sociales et fractions de classe. Sans parler des trahisons, des scandales, des manœuvres politiques et des revirements des partis et des dirigeants qui jalonneront inévitablement les prochains mois.

Cela étant dit, le scénario le plus probable reste le déroulement normal du calendrier électoral.

1/ Premier scénario : Lula est réélu.

2/ Deuxième scénario : Bolsonaro revient au pouvoir par les urnes.

3/ Troisième scénario : une alternative imprévisible émerge.

Ce troisième scénario est le plus incertain et déstabilisant. Que se passe-t-il si ni Bolsonaro ni Lula ne peuvent se présenter ?

Si, finalement et malheureusement, Lula ne peut pas se présenter, le candidat le plus probable serait Haddad. Il ne fait aucun doute que sa popularité est nettement inférieure à celle de Lula.

Réfléchir à l'avenir implique de s'interroger sur le rôle des individus dans l'histoire. Les trois scénarios envisagés – Lula favori, une élection disputée ou un retour en force de l'extrême droite – dépendent d'un tel nombre de facteurs qu'il est impossible de calculer des probabilités précises à l'avance.

Une analyse marxiste ne doit pas perdre de vue le sens de la mesure. Les dirigeants représentent des forces sociales. Cependant, minimiser le rôle spécifique de Bolsonaro serait une superficialité impardonnable : sa présence change la donne.

L'extrême droite serait-elle devenue un mouvement politique, social et culturel avec une influence de masse, même sans Bolsonaro, après 2016 ? Il s'agit d'une conjecture contrefactuelle, mais l'hypothèse la plus probable est que oui.

Le néofascisme est un courant international. C'est une dynamique internationale qui a porté Donald Trump aux États-Unis, Marine Le Pen en France, Giorgia Meloni en Italie, Santiago Abascal en Espagne, André Ventura au Portugal et Javier Milei en Argentine Leur ascension simultanée n'est pas une coïncidence.

Les conditions objectives ont poussé une fraction de la classe dirigeante à adopter une stratégie libérale de choc frontal. Mais la forme concrète qu'a prise le néofascisme dépendait beaucoup du charisme de Bolsonaro. Bolsonaro est grossier, brutal et intempestif, mais ce n'est pas un imbécile. Un imbécile ne devient pas président dans un pays complexe comme le Brésil. Bolsonaro n'a pas beaucoup d'éducation ou de répertoire intellectuel, mais il est intelligent, rusé, manipulateur et sournois. Aucun autre énergumène n'aurait pu atteindre et conserver une position de leadership aussi centrale, malgré les innombrables accusations qui pèsent contre lui : mépris pour la vie de millions de personnes pendant la pandémie, appropriation illégale de bijoux présidentiels, complot militaire en vue d'un coup d'État, etc.

La clé de son influence réside dans son charisme déroutant, capable de susciter une identification passionnée chez ses partisans. Il a su fédérer des intérêts de la fraction bourgeoise de l'agro-industrie, des négationnistes du réchauffement climatique, avec le ressentiment des militaires et de la police ; le ressentiment des classes moyennes avec la méfiance populaire manipulée par les églises-entreprises néo-pentecôtistes ; la nostalgie réactionnaire de la dictature militaire avec le sexisme, le racisme et l'homophobie.

Il n'avait pas besoin de la chevelure en bataille et de la rhétorique anarcho-capitalisme anti-caste de Milei, ni du national-impérialisme xénophobe de Trump, ni de la rage islamophobe de Le Pen.

S'il était condamné et emprisonné, son autorité serait diminuée.

Cela devrait être au cœur de la tactique de la gauche :

Aucune amnistie.

Sanctions pour tous les putschistes.

Prison pour Bolsonaro.

*

Valerio Arcary est historien

Brésil : Élections 2026

L'étude qui a mis les financiers en émoi a été réalisée par un gestionnaire de fonds qui compte parmi ses partenaires un membre du conseil d'administration d'Equatorial, le (…)

L'étude qui a mis les financiers en émoi a été réalisée par un gestionnaire de fonds qui compte parmi ses partenaires un membre du conseil d'administration d'Equatorial, le groupe qui a racheté Sabesp* lors de la privatisation douteuse menée par Tarcísio.

Faria Lima aposta em evangélicos para derrotar Lula : voto conservador e à direita | Revista Fórum

18 février 2025

Tout en alimentant le jeu spéculatif sur le marché, banquiers et cadres du système financier parient sur le fait que l'électorat évangélique battra Lula et portera au pouvoir un gouvernement de droite - excluant totalement l'usé Jair Bolsonaro (PL) - en 2026.

Ce pronostic, qui a fait bondir Faria Lima (l'équivalent de "Wall Street" pour le Brésil), a été émis par le gestionnaire de fonds Mar Asset, dirigé par Bruno Coutinho (ex-BTG Pacutal, propriété de Paulo Guedes, Ministre de l'économie de Bolsonaro.), Philippe Perdigão (ex-Oportunitty, propriété de Daniel Dantas) et Luis Moura (ex-3G Capital, propriété du groupe Lemman).

« Notre perception repose sur deux piliers. Nous voyons une inflexion cyclique de l'économie, résultat d'un cycle économique épuisé et la perspective d'une détérioration dans les années à venir. En même temps, nous identifions un changement structurel dans la société brésilienne, marqué par la croissance de la population évangélique, qui a influencé un changement dans le profil du vote moyen vers le conservatisme et a déplacé le pendule politique brésilien vers la droite », indique l'analyse.

Ensuite, les financiers admettent que, sous Lula, « la croissance du PIB a surpris les marchés de manière significative, le chômage a atteint des niveaux historiquement bas et l'inflation s'est maintenue à un niveau historiquement bas ».

« Le tableau de la fin 2024, bien résumé par le fameux indice de misère - qui est la somme de l'inflation et du taux de chômage - aux niveaux les plus bas de notre histoire, reflète exactement ce que le gouvernement a voulu réaliser », ajoute-t-il, soulignant toutefois que le problème est structurel »puisque, bien que l'indice de misère soit au niveau le plus bas de son histoire, son effet positif sur la popularité présidentielle a été décevant. »

Coopté par l'ultra-droite

Le problème « structurel » évoqué par les financiers est précisément le créneau électoral évangélique.

Une étude Latam Pulse, réalisée en partenariat avec Atlas et Bloomberg et publiée la semaine dernière, révèle que la chute du taux d'approbation de Lula est directement liée au rejet de l'électorat évangélique, qui a été coopté par l'ultra-droite et désapprouve actuellement à 80,1 % le travail du président, selon l'étude.

« Nous pensons que l'idée évangélique qui représente le mieux le moment social du Brésil est la Théologie de la Prospérité. Elle associe la foi en Dieu à la réussite matérielle, à la santé et au bien-être physique et émotionnel. Cette idée souligne que le succès professionnel fait partie du voyage spirituel et que sa progression est une bénédiction de Dieu pour le bon croyant, ce qui affaiblit le lien entre l'amélioration de la vie personnelle et le gouvernement actuel », indique l'analyse de Mar Asset.

Dans la pratique, cette thèse est illustrée par l'alliance entre Pablo Marçal (PRTB) et sa méritocratie de « coaching » avec l'électorat évangélique et la théologie de la prospérité. L'« ex-entraîneur » a mené une grande partie de la course à la mairie de São Paulo parmi les évangéliques et n'a perdu son soutien qu'après l'entrée en lice de Silas Malafaia, qui a dirigé un bataillon de pasteurs pour faire passer les votes à Ricardo Nunes (MDB).

Dans son étude, Mar Asset montre une détérioration du vote évangélique à gauche, tant au niveau municipal qu'aux élections présidentielles, en particulier depuis 2014, lorsque Dilma Rousseff (PT) a battu Aécio Neves (PSDB) « avec environ 55 % du vote non évangélique et 50 % du vote évangélique ».

« Lors des élections présidentielles de 2018, qui ont vu la victoire de Bolsonaro, le PT, par l'intermédiaire de Fernando Haddad, a obtenu encore plus de voix parmi les non-évangéliques, mais seulement 31 % des voix parmi les évangéliques. Lors des élections de 2022, qui ont scellé la victoire de Lula avec la plus petite marge de notre histoire, la conversion de l'électorat évangélique au candidat du PT s'est maintenue aux mêmes 31 % obtenus par Fernando Haddad en 2018. Cependant, parmi les non-évangéliques, Lula a obtenu un impressionnant 60 % des voix, ce qui a été décisif pour garantir sa courte victoire », indique le texte.

« Les élections présidentielles de 2022 ont été marquées par un fort rejet du président Bolsonaro. Malgré cela, nous avons vu l'inclinaison à droite de l'électorat s'exprimer lors des élections des gouverneurs et des mandats législatifs tels que les députés fédéraux et les députés d'État. Les récentes élections municipales de 2024 ont approfondi le mouvement de droite observé depuis 2016, indiquant une fois de plus la tendance à la victoire d'un candidat présidentiel conservateur en 2026 », ajoute-t-il.

Dans leur analyse, les économistes affirment que « le meilleur moment économique du mandat actuel est passé » et que le facteur évangélique pèsera en faveur de la droite dans le balancier électoral en 2026.

« En résumé, la situation économique est un facteur de difficulté important pour les perspectives politiques du gouvernement actuel. Parallèlement, la croissance forte et continue de la population évangélique produit un mouvement structurel de droite dans la société brésilienne. Il s'agit de deux vecteurs puissants qui convergent dans la même direction politique : une plus grande difficulté pour une candidature du PT en 2026 », affirment les financiers.

« Cette combinaison, à notre avis, rend la probabilité de la réélection du président Lula minoritaire, ce qui devrait être anticipé par les marchés à un moment donné en 2025 », dit le texte, appelant à la guerre des banquiers contre Lula dès 2025.

Enfin, les FariaLimer signalent que les paris sur Tarcísio sont ouverts, étant donné qu'ils ont déjà mis Bolsonaro sur la touche et qu'ils veulent « saigner » Lula plus tard cette année.

« Dans le scénario idéal, l'anticipation d'une amélioration passerait par l'indication que ni Lula ni Bolsonaro ne participeraient aux prochaines élections. Un renouvellement générationnel en politique, avec des candidats plus modérés des deux côtés du spectre, aurait un énorme potentiel pour l'évolution institutionnelle du pays », conclut l'étude.

*NDLR : La Sabesp est la compagnie privée à laquelle le gouverneur de l'État de Sao Paulo, le bolsonariste Tarcisio Gomes de Freitas, a confié le traitement des eaux de l'État. Depuis, les tarifs ont monté et le service a diminué, ce qui a eu des conséquences désastreuses à plusieurs occasions.

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La réaction du président colombien Gustavo Petro à Trump : gaffe monumentale ou exemple à suivre ?

25 février, par Gustavo Petro, Ovide Bastien — , ,
Nous assistons, de jour en jour, à une déclaration fracassante après l'autre de Trump. Faire du Canada le 51ième état de son pays, prendre de force le Canal de Panama et le (…)

Nous assistons, de jour en jour, à une déclaration fracassante après l'autre de Trump. Faire du Canada le 51ième état de son pays, prendre de force le Canal de Panama et le Groenland, imposer des droits de douane chocs à ses principaux partenaires commerciaux, expulser les immigrants, perçus comme violeurs et criminels, et les renvoyer, souvent mains menottés et pieds attachés, à leur pays d'origine, etc.

Le rythme de ses sorties et gestes est étourdissant !

Le 18 février, Trump organise une rencontre en Arabie Saoudite de hauts placés de son administration et de celle de la Russie pour discuter d'un plan de paix possible en Ukraine.

Ni l'Ukraine ni l'Union européenne ne sont invités, ce qui, peu étonnamment, les indisposent carrément. Lorsqu'ils dénoncent cela, Trump réagit selon son style habituel – au diable les faits, j'invente un récit pour me justifier !

Aujourd'hui, je les ai entendu se plaindre... Nous n'avons pas été invités. Eh bien, cela fait trois ans que vous êtes là, vous auriez dû y mettre fin... Vous n'auriez jamais dû commencer la guerre. Vous auriez pu conclure un accord.

Zelenski réagit en affirmant que le président américain, qu'il respecte, adhère à la bulle de désinformation que lui transmet la Russie.

Zelenski, dont la cote de popularité ne dépasse pas 4 %, est un dictateur qui refuse d'organiser des élections, riposte l'empereur froissé qu'est Trump. La seule chose que Zelenski sait faire, c'est manipuler habilement Biden pour que l'argent américain coule à flot vers l'Ukraine !

Face à ce comportement d'intimidation constante de Trump, qui provoque des bouleversements internationaux géopolitiques tectoniques, de nombreux dirigeants en Europe en ce moment, voire dans de nombreuses parties du monde, se demandent comment réagir. Doivent-ils se contenter de constamment faire une génuflexion devant l'empire, ou doivent-ils, comme le faisait le président colombien Gustavo Petro le 26 janvier dernier, réagir rapidement et de manière percutante ?

Lettre à Donald Trump posté sur X, anciennement Twitter, par le président colombien Gustavo Petro

En pleine campagne d'expulsion, Trump envoie à Colombie, le 26 janvier dernier, deux avions militaires américains remplis d'immigrants colombiens.

Ces derniers sont qualifiés de violeurs, criminels, etc., et sont traités comme du bétail, plusieurs ayant pieds et mains menottés.

Carrément indigné devant autant de racisme flagrant, le président colombien Gustavo Petro pose un geste inédit : il refuse de permettre aux deux avions militaires d'atterrir dans son pays.

Froissé par ce manque de respect envers l'empereur, Trump réagit en menaçant d'imposer des droits de douane de 25% à tout produit provenant de la Colombie, et d'augmenter ces droits à 50% une semaine plus tard si nécessaire.

Le président colombien Gustavo Petro, ancien guérillero et ex-maire de Bogota, prend sa plume et écrit une lettre percutante à Trump dans laquelle il dénonce le racisme et l'impérialisme du président américain, et annonce qu'il va riposter du tic au tac en imposant aux produits provenant des Etats-Unis des droits de douane similaires.

On sait que Petro, dans les heures qui suivirent, a vite fait volte-face et est arrivé à un accord avec Trump. Et on sait aussi que de nombreux observateurs estiment que sa lettre, rédigée de façon spontanée et avec colère, fut une gaffe diplomatique monumentale qui ne pouvait que nuire aux intérêts de la Colombie.

Cependant, cette lettre a néanmoins eu un énorme succès en Colombie et dans toute l'Amérique Latine.

Lectrices et lecteurs pourront juger si, à leur avis, cette lettre de Petro, que je reproduis ci-dessous, représente une gaffe diplomatique monumentale ou ne représente pas plutôt un exemple que pourraient et devraient suivre d'autres leaders lorsqu'ils se voient grossièrement intimidés par Trump.

Trump, je n'aime pas trop voyager aux États-Unis, c'est un peu ennuyeux. Mais j'avoue qu'il y a des choses louables. J'aime aller dans les quartiers noirs de Washington, où j'ai vu une bagarre entre noirs et latinos avec des barricades. Ce qui me semblait absurde, parce qu'ils devraient s'unir ensemble.

J'avoue que j'aime bien Walt Whitman, Paul Simon, Noam Chomsky et Henry Miller.

J'avoue que Sacco et Vanzetti, qui ont mon sang, sont mémorables dans l'histoire des USA et je les suis. Ils ont été condamnés à la chaise électrique, assassinés par les dirigeants fascistes qu'il y a aux USA, comme d'ailleurs dans mon pays.

Je n'aime pas votre pétrole, Trump. Vous allez anéantir l'espèce humaine à cause de votre avidité. Peut-être qu'un jour, autour d'un verre de whisky, que j'accepterais malgré ma gastrite, on pourra en parler franchement. Mais c'est difficile car vous me considérez comme étant d'une race inférieure. Ce que je ne suis pas, ni aucun colombien.

Si vous voulez faire affaire avec quelqu'un qui est têtu, c'est bel et bien moi. Point final. Vous pouvez essayer de réaliser un coup d'État contre moi, avec votre force économique et votre arrogance. Comme vous l'avez fait avec Salvador Allende au Chili. Mais je mourrai sans peur. J'ai déjà résisté à la torture et je vous résisterai.

Je ne veux pas d'esclavagistes comme voisins de la Colombie. On en a eu beaucoup et on s'en est libérés. Ce que je veux, comme voisins de la Colombie, ce sont des amoureux de la liberté. Si vous ne pouvez pas m'accompagner dans cette voie, nous vous laisserons tomber.

La Colombie est le cœur du monde et vous n'avez pas compris que, c'est la terre des papillons jaunes, de la beauté des Remedios, mais aussi des Aureliano Buendía (résistant du roman de "Cent ans de solitude" de Federico Garcia Marquez, figurant un personnage qui se lève contre l'oppression), dont je suis l'un des représentants, comme tous les colombiens.

Vous allez peut-être me tuer, mais je survivrai dans mon peuple, qui existait avant le vôtre, en Amérique. Nous sommes des peuples des vents, des montagnes, de la mer des Caraïbes et de la liberté.

Vous n'aimez pas notre liberté ?! OK, je ne vous serre pas la main car je ne serre pas la main des esclavagistes blancs. Je serre la main des héritiers libertaires blancs d'Abraham Lincoln et des fermiers noirs et blancs des États-Unis. Sur les tombes desquels j'ai pleuré et prié, sur un champ de bataille que j'ai atteint après avoir parcouru les montagnes de la Toscane italienne et après avoir été sauvé du Covid.

Ce sont eux, les vrais représentants des États-Unis et devant eux je m'agenouille, mais devant personne d'autre.

Renversez-moi, Président Trump. Les Amériques, toutes entières, et l'humanité vous répondront.

La Colombie arrête maintenant de regarder vers le nord (ndr/ Les États-Unis), et regardera vers le monde.

Notre sang vient de loin avec une longue histoire, du sang du califat de Cordoue, des latins romains, de la méditerranée, de la civilisation de cette époque, qui a fondé la République, la Démocratie à Athènes. Notre sang vient de la Résistance des noirs. Ces combattants sont devenus esclaves de votre fait. Mais la Colombie a été le premier territoire libre de l'Amérique, bien avant George Washington, de toute l'Amérique. Je me réfugie dans ses chants africains.

Ma terre est composée d'orfèvres qui travaillaient au temps des pharaons égyptiens et des premiers artistes au monde à Chiribiquete.

Vous ne nous gouvernerez jamais.

Le guerrier qui a chevauché nos terres en clamant la Liberté s'appelle Bolivar et s'oppose à vous.

Notre peuple est un peu craintif, un peu timide. Il est naïf et gentil, aimant, mais il saura comment gagner le Canal de Panama, que vous nous avez pris avec violence. Deux cents héros de toute l'Amérique latine se trouvent à Bocas del Toro, le Panama d'aujourd'hui, anciennement Colombie, que vous avez assassiné.

Je lève un drapeau. Et, comme l'a dit Jorge Eliécer Gaitán, même s'il reste seul, il continuera d'être hissé avec la dignité latino-américaine qui est la dignité de l'Amérique. Ce que votre arrière-grand-père ne connaissait pas, le mien le connaissait, monsieur le président.

Votre blocus ne me fait pas peur, car la Colombie, en plus d'être le pays de la beauté, est le cœur du monde. Je sais que vous aimez la beauté comme moi. Ne lui manquez pas de respect et donnez-lui votre douceur.

A partir d'aujourd'hui, la Colombie est ouverte au monde entier, avec les bras ouverts. Nous sommes des bâtisseurs de liberté, de vie et d'humain.

On m'informe que vous imposez un tarif de 50% sur les fruits de notre travail humain pour entrer aux États-Unis. Je fais de même : 50% sur tous vos produits.

Notre peuple plantera du maïs en Colombie et nous nourrirons le monde.

Gustavo Petro, président de la République de Colombie

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Les deux gauches chiliennes

25 février, par Juan Pablo Cárdenas, Ovide Bastien — , ,
Commentaire du traducteur, Ovide Bastien, auteur de Chili : le coup divin (1974) Dans La montée de la droite, le Canada, le Québec et la classe ouvrière, André Frappier (…)

Commentaire du traducteur, Ovide Bastien, auteur de Chili : le coup divin (1974)

Dans La montée de la droite, le Canada, le Québec et la classe ouvrière, André Frappier décrit la conjoncture actuelle au Canada, marquée par la crise que nous vivons à la suite de la guerre commerciale que vient de déclencher le nouvel élu à la Maison Blanche Donald Trump. Tous les partis politiques au fédéral, sauf le NPD, adoptent diverses versions du néolibéralisme, ce qui ne peut que nuire à la classe ouvrière et accentuer la crise environnementale, dit-il. Et voter pour le NPD revêt peu d'importance, l'urgence politique du moment, comme le rappelait récemment Françoise David, étant de déclencher une vaste mobilisation anticapitaliste, en étroite collaboration avec la gauche anticapitaliste à travers le monde.

Le Chilien Juan Pablo Cárdenas*, renommé journalise et professeur d'université, décrit la conjoncture actuelle au Chili. Comme Frappier, il souligne qu'aucun parti politique se consacre aux intérêts concrets et quotidiens de la majorité de la population, même, selon lui, les deux gauches chiliennes.

Une première gauche, affirme Cárdenas, n'hésite pas, dans sa soif du pouvoir, à épouser le néolibéralisme qu'imposait, pendant presque 17 ans, la dictature Pinochet. Elle ne perçoit plus les Etats-Unis comme pouvoir impérialiste, et fait comme si le néolibéralisme, amélioré ici et là grâce à quelques petites retouches, pourrait mener à un Chili plus juste et égalitaire.

Une deuxième gauche plus radicale, celle-ci non au pouvoir, n'hésite pas à appuyer un régime aussi dégueulasse que celui de Daniel Ortega et Rosario Murillo au Nicaragua, poursuit Cárdenas. Elle a tendance à se diviser en factions différentes, et passe son temps à faire des déclarations fracassantes au sujet de toutes sortes de causes de solidarité internationale, profitant des sous que lui fournit d'hypocrites entités mondiales du progressisme pour séjourner souvent à l'étranger.

Ce que ces deux gauches ont en commun, affirme Cárdenas, c'est qu'elles constituent une caste politique. Une caste qui s'inquiète davantage que Donald Trump ne l'empêche de continuer à prendre des vacances à Miami, que d'aider Chiliens et Chiliennes à prendre conscience des racines des injustices dont ils et elles souffrent dans leur vie quotidienne, et à se mobiliser pour éliminer celles-ci.

Les deux gauches chiliennes
Article paru dans Pressenza, le 17 février 2025

IL EXISTE DEUX TYPES DE GAUCHE AU CHILI : la gauche qui a une vocation au pouvoir et la gauche qui n'en a pas. Cette dichotomie a été particulièrement évidente au cours des dernières décennies. Salvador Allende, certainement le principal leader du progressisme chilien, était un mélange de ces deux expressions. Il ne fait aucun doute qu'il a eu très tôt (comme il l'avait promis à sa mère) la volonté de fer de devenir président de la République, mais tout indique qu'il a été l'un de ces gauchistes qui n'ont jamais accommodé leurs positions, et encore moins les ont-ils abandonnées lorsqu'ils sont arrivés à La Moneda.

On peut dire beaucoup de choses sur Allende et pas mal d'entre elles ont été utilisées pour l'étiqueter. Cependant, depuis sa formation universitaire jusqu'à sa mort, il a témoigné de sa fidélité à ses idées et s'est efforcé d'apporter des changements dans l'esprit d'une véritable révolution. Un mot qui n'a suscité ni scandale ni étonnement à l'époque, mais qui a fait peur à la droite et aux éclectiques habituels qui se sont unis et mobilisés pour le renverser.

Il existe une forme de gauchisme pour laquelle le plus important est d'arriver au pouvoir. Quel qu'en soit le prix, même si c'est aux mains de ceux qui les ont combattus, emprisonnés ou exilés. Désertant les convictions qu'ils ont proclamées dans la rue, au sein de leurs partis, de leurs syndicats ou au cœur des organisations populaires.

Faisant toujours appel au « réalisme », même pour cogouverner avec la droite, pour être en paix avec les milieux d'affaires et, dans les affaires internationales, pour abjurer les régimes mis hors la loi par les Etats-Unis, pays qu'ils ne qualifient plus d'impérialiste. Des gens vraiment soucieux d'obtenir un spot télévisé, un espace dans la presse, oubliant d'avoir accroché, par le passé, sur la façade de la Pontificia Universidad Católica une immense banderole où l'on pouvait lire « Chileno, El Mercurio Miente » (Chilien, El Mercurio ment).

Dans leur soif de pouvoir défilent le Mapu, les gauches chrétiennes et d'autres confessions, composées de ceux qui ont poussé Allende à prendre des mesures plus radicales que celles qu'il a pu entreprendre. Ivres de leurs querelles personnelles, ils ont même divisé le parti du président défunt en quatorze factions. Ils ont ensuite proclamé un socialisme « renouvelé », le PPD instrumental, ou l'adhésion à la Concertación Democrática avec leurs anciens adversaires.
Pour l'essentiel, leur intention était désormais d'estomper leurs propositions les plus radicales et, bien entendu, de convaincre la droite, les hommes d'affaires et le Département d'État américain qu'ils étaient « recyclés » et qu'ils pouvaient parfaitement prendre la relève de Patricio Aylwin et d'Eduardo Frei Ruiz Tagle en tant que ministres. Ils sont même parvenus à désigner Ricardo Lagos et Michelle Bachelet comme des figures progressistes, alors que selon plusieurs, comme l'ancien sénateur socialiste Carlos Altamirano, ces deux gouvernements se sont révélés être les meilleures administrations de la droite.

Au pouvoir, ils ne doutaient plus que le régime néolibéral, la création des AFP (Note du traducteur : Système de pension privé), des ISAPRES (Note du traducteur : Système de santé privatisé), des Universités privées à but lucratif, et autres absurdités pouvaient nous conduire à une société plus égalitaire, plus juste et à une politique de probité. Car parmi les nouvelles générations qui ont porté Boric au pouvoir, il y avait supposément des gens de « « supériorité morale », sans inclinaison à se remplir les poches en ayant recours à la fraude fiscale. Même si, quelques mois plus tard, le plus grand scandale de fraude fiscale des gouvernements post-dictature a été mis au jour, comme l'affaire des « convenios », qui fait actuellement l'objet d'une enquête judiciaire. Peu étonnamment, une enquête qui se réalise avec une lenteur telle que ses conclusions inévitables ne puissent affecter négativement leurs chances d'être réélu lors des prochaines élections.

Pendant ce temps, l'autre gauche, celle qui évite le pouvoir, continue dans son constant élan à la division, à se peupler de références et à adopter les causes les plus répugnantes, comme la défense de la dynastie sandiniste, et à peupler le Chili de toutes sortes de déclarations en faveur de causes mondiales si éloignées qu'elles ne peuvent guère donner lieu à une véritable solidarité nationale. Ceci, alors que les gens au Chili, aujourd'hui, connaissent peu de géographie, de mouvements de libération et de tout l'attirail inventé par ceux et celles qui veulent continuer à parcourir le monde grâce aux sous que leur donnent des entités mondiales hypocrites du progressisme. Cette gauche assiste, le poing serré, à tous les événements internationaux et, au Chili, elle ne fait rien ou presque pour que le peuple, ce peuple qu'elle dit tant aimé, prenne conscience de la manière dont il est trompé et désenchanté au quotidien. Au lieu de l'encourager à se rebeller contre l'injustice et l'iniquité flagrantes sur l'ensemble de notre long et étroit territoire chilien.

Pour la même raison, il est déjà à craindre qu'une fois de plus, tout ce nombre profus de gauchistes sans vocation pour le pouvoir n'aura pas le temps et l'unité nécessaires pour concourir aux prochaines élections présidentielles et parlementaires. Même après le jeu de rôle du Frente Amplio et de Boric dans La Moneda. Après avoir averti avec tant de colère le président Piñera qu'il serait traduit en justice pour les crimes commis lors du dernier soulèvement social.

Renoncer à une véritable réforme des retraites, trembler devant la possibilité que Trump supprime le visa leur permettant de séjourner à Miami, ainsi que dans d'autres grandes villes. C'est là que beaucoup de nos hauts fonctionnaires passent leurs vacances.
Ils sont désespérément prêts à faire l'impossible pour que Mme Bachelet se présente pour un troisième mandat présidentiel et ne laisse pas transparaître le chaos et l'absence d'alternatives et de leadership de la gauche au pouvoir. Se moquant une fois de plus de notre pauvre démocratie, dont l'alternance tant vantée reste réservée à la seule caste politique.

*Juan Pablo Cárdenas Squella est un journaliste et professeur d'université de grande expérience. En 2005, il a reçu le Prix national du journalisme et, auparavant, la Pluma de Oro de la libertad, décernée par la Fédération mondiale de la presse. Il a également reçu le Prix du journalisme latino-américain, la Houten Camara de Hollande (1989) et de nombreuses autres distinctions nationales et étrangères. Il est l'un des soixante journalistes au monde considérés comme des Héros de la liberté d'expression, un prix décerné par la Fédération internationale des journalistes. Il a été directeur et chroniqueur des revues Debate Universitario, Análisis et Los Tiempos, ainsi que du journal électronique primeralínea.cl. Il a également été directeur de Radio Universidad de Chile et de son journal numérique pendant plus de 18 ans. Il a enseigné dans plusieurs écoles de journalisme à Santiago et à Valparaíso et a été professeur titulaire et sénateur à l'Université du Chili.

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Les projets d’énergies fossiles au Québec constituent « des mirages », selon 100 organisations et représentant-e-s

25 février, par Collectif — , ,
100 organisations et intervenant-e-s de la société civile rappellent que le contexte ne s'est jamais aussi mal prêté à des projets de transport d'énergies fossiles, une (…)

100 organisations et intervenant-e-s de la société civile rappellent que le contexte ne s'est jamais aussi mal prêté à des projets de transport d'énergies fossiles, une proposition qui est revenue dans l'actualité dans la foulée du conflit économique avec les États-Unis. Ils soulignent que la transition socioécologique est la voie à suivre, tant pour assurer la prospérité économique du Québec que pour lutter contre les changements climatiques.

En conférence de presse, ils ont qualifié de « mirages » et de « bulle politique et médiatique » les récentes discussions proposant de relancer des projets liés au transport d'énergies fossiles sur le territoire québécois.

« Ce genre de projets, que ce soit GNL Québec ou Énergie Est, étaient déjà dépassés lors de leur rejet en 2015 et 2021. Imaginez maintenant ! La demande pour le gaz fossile en Europe chute et les investisseurs ne sont pas au rendez-vous. Et même si ces projets étaient levés de terre dans plusieurs années, la transition énergétique se serait poursuivie et on se retrouverait avec des infrastructures superflues et coûteuses », affirment les signataires.

« Le Québec n'a pas à compromettre l'intégrité de son territoire, la santé de son environnement et de ses habitant·es pour permettre à l'industrie pétrogazière d'écouler ses hydrocarbures… tout ça pour tenter de répondre à un enjeu économique temporaire. Ici, au Québec, nous avons embrassé fièrement la transition écologique, la production d'énergies propres et l'économie de demain. On ne reviendra pas en arrière », ont-ils ajouté.

Aucune acceptabilité sociale

En matière d'acceptabilité sociale, les groupes ont par ailleurs rappelé le long historique de victoires de la population québécoise au cours des quinze dernières années sur l'industrie des énergies fossiles : des combats qui se sont soldés par l'adoption d'une loi contre l'exploitation et l'exploration de ces ressources en 2022.

Dans la foulée de ces victoires citoyennes, l'argumentaire entourant la sécurité énergétique du Québec a toujours été instrumentalisé pour tenter de vendre à la population des projets inacceptables.

« On a vraiment fait peur aux gens avec la sécurité énergétique, mais la réalité demeure la suivante : la majorité du pétrole que le Québec consomme nous provient déjà de l'Ouest canadien et la demande pour le gaz naturel est déjà à la baisse en Europe, notamment en Allemagne. Non seulement ces projets d'infrastructure fossile ne correspondent pas à nos objectifs environnementaux, mais en plus, les clients potentiels ne sont et ne seront pas au rendez-vous », affirment les organisations et les expert-e-s signataires.

Les crises ne prennent pas de pause

Les membres de la société civile tiennent finalement à souligner que la crise actuelle avec les États-Unis est majeure et qu'elle provoque, à juste titre, de l'anxiété et de la peur chez les familles du Québec. Il faut s'en occuper. Cette crise ne doit toutefois pas nous faire oublier celles encore plus fondamentales qui nous frappent déjà au niveau social, du climat et de la biodiversité.

Les risques liés aux projets qui ont fait un retour dans l'actualité seraient les mêmes qu'à l'époque de leur rejet : dangers d'accidents et de déversements, menaces pour les populations de bélugas, risques pour la faune et la flore du fleuve Saint-Laurent de même que des enjeux graves liés à la santé humaine.

« Les crises environnementales ne prennent pas congé parce que Donald Trump a des sautes d'humeur. On ne peut pas faire face à une crise en en ignorant une autre, au contraire. La meilleure façon de les affronter toutes, c'est d'embrasser la transition écologique et sociale », concluent les signataires.

Liste des organisations signataires

Équiterre

Fondation David Suzuki

Nature Québec

Eau Secours

Les AmiEs de la Terre de Québec

Coule pas chez nous

Action climat Outaouais (ACO)

Front étudiant d'action climatique – FÉDAC

Solidarité Environnement Sutton

Regroupement vigilance énergie Québec (RVÉQ)

Association québécoise des médecins pour l'environnement (AQME)

Pour Nos Enfants/For Our Kids – Montréal

Front commun pour la transition énergétique (FCTÉ)

Réalité Climatique Canada

Greenpeace Canada

Réseau action climat Canada

Société pour vaincre la pollution

Réseau québécois de l'action communautaire autonome (RQ-ACA)

Mouvement écocitoyen UNEplanète

Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec

L'Assomption en transition

Coalition Alerte à l'Enfouissement Rivière-du-Nord (CAER)

Travailleuses et travailleurs pour la justice climatique

Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ)

Amnistie internationale Canada francophone

Le vivant se défend – fermons le pipeline 9b

Transition Manicouagan

Mères au front – Baie-Comeau

Énergie Côte-Nord

Collectif Antigone

Attac Québec

Mères au front

NON à une marée noire dans le Saint-Laurent

Prospérité Sans Pétrole

GMob (GroupMobilisation)

Comité citoyens et citoyennes pour la protection de l'environnement maskoutain

Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale

Ateliers pour la biodiversité

Collectif pour un transport abordable et accessible à Québec

Mobilisation environnement Ahuntsic-Cartierville

Villeray en transition

Coalition Terrains de golf en transition

Comité Maskoutain Vigilance Éolienne

Écologie populaire

Vigie citoyenne port de Contrecoeur

Réseau écocitoyen de Saint-Lambert

Mouvement ACTES-CSQ

Fondation Rivières

Réseau québécois des groupes écologistes

Familles pour l'air pur

Mères au front Vaudreuil-Soulanges

Action environnement Tingwick

Comité citoyen Vers un Val Vert

Le Carrefour d'animation et participation à un monde ouvert (CAPMO)

Mouvement pour une ville Zéro déchet

Fédération autonome de l'enseignement (FAE)

Vivre en Ville

Regroupement des éco-quartiers

Coalition Sortons la Caisse du Carbone

Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM

Association pour la santé publique du Québec

Les Ami.e.s des boisés de Granby

Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec (RNCREQ)

Coalition Mobilisations Citoyennes Environnementales de Laval (CMCEL)

Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

Mères au front Saguenay

Action Climat Rimouski

Rimouski en transition

Collectif Sauvetage

Protec-Terre

Mères au front de Laval

SNAP Québec

À nous le Plateau

Coalition anti-pipeline Rouyn-Noranda

La marche des Peuples pour la Terre Mère

Le pont de la 20 ça tient pas Debout

Vigile citoyenne Cacouna

Transition écologique La Pêche Coalition for a Green New Deal

Mères au front Trois-Pistoles

Mouvement Zéro Déchet Longueuil

Convergence populaire

Comité action/mobilisation Sauvons la sablière d'Arthabaska

Boisés et écologie – Châteauguay

350 Montréal

Table citoyenne Littoral Est

Action environnement Basses-Laurentides

Conseil régional de l'environnement de Montréal

Liste des personnes expertes signataires

Annie Chaloux, professeure agrégée en politiques climatiques, Université de Sherbrooke

Éric Pineault, professeur spécialisé en économie et transition énergétique, Université du Québec à Montréal (UQÀM)

Pierre-Antoine Harvey, économiste à la Centrale des syndicats du Québec.

Isabelle Arseneau, professeure en éducation, titulaire de la chaire de recherche en éducation transformatrice pour l'engagement climatique, Université du Québec à Rimouski (UQAR)

Charles-Antoine Bachand, professeur en fondements de l'éducation spécialisé dans le domaine de l'éducation à l'écocitoyenneté, Université du Québec en Outaouais (UQO)

Dominique Bernier, conseillère Environnement et transition juste à la Centrale des syndicats du Québec

Dany Dumont, professeur en océanographie physique, Institut des sciences de la mer, Université du Québec à Rimouski (UQAR), Directeur scientifique associé du programme Transformer l'action pour le climat

Mélanie Lemire, professeure titulaire en santé environnementale, Département de médecine sociale et préventive, Université Laval et Centre de recherche du CHU de Québec

Isabelle Goupil-Sormany, spécialiste en santé publique et médecine préventive, professeure adjointe en santé environnementale, Département de médecine sociale et préventive, Université Laval et Centre de recherche du CHU de Québec

Laure Waridel, écosociologue PhD, professeure associée à l'Institut des sciences de l'environnement de l'UQAM.

Émilie Morin, professeure en psychopédagogie, spécialisée en éducation en contexte de changements climatiques, Unité départementale des sciences de l'éducation, Université du Québec à Rimouski

René Lachapelle, Ph.D. Chercheur – Centre de recherche et de consultation en organisation communautaire – UQO

Mathieu Charron, Phd en études urbaines, professeur en décarbonation et quantification des GES, Université du Québec en Outaouais

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Comprendre la situation politique de Milei après le scandale des crypto-monnaies

Le scandale des crypto-monnaies mené par le président argentin Javier Milei a déclenché la première crise majeure au sein du gouvernement d'extrême-droite. Des dizaines (…)

Le scandale des crypto-monnaies mené par le président argentin Javier Milei a déclenché la première crise majeure au sein du gouvernement d'extrême-droite. Des dizaines d'accusations ont été portées contre Milei et d'autres personnes impliquées, tant en Argentine qu'aux États-Unis, et les membres du congrès de l'opposition ont déclaré qu'ils lanceraient une procédure de destitution pour "cryptofraude".

https://www.brasildefato.com.br/2025/02/18/entenda-a-situacao-politica-de-milei-apos-escandalo-por-criptomoedas/

18 février 2025

Lundi soir (17 février), Milei a donné une interview désastreuse au radiodiffuseur argentin TN, dans laquelle il a été interrompu par son conseiller, Santiago Caputo, pour éviter des problèmes juridiques dans le scandale de la crypto-monnaie. Le président argentin fait l'objet d'une enquête du tribunal fédéral du pays pour avoir promu sur ses réseaux sociaux la crypto-monnaie $Libre, qui s'est effondrée quelques heures après son lancement vendredi dernier (14 février).

Milei a supprimé le message peu de temps après la publication, essayant de se dissocier de l'initiative. Entre-temps, la valeur de la pièce a augmenté de manière exponentielle et les investisseurs initiaux l'ont vendue pour un profit millionnaire. Puis, la valeur de la cryptomonnaie a chuté.

La devise a évolué, au cours de cet intervalle, de plus de 4,5 milliards de dollars américains (25,6 milliards de R$). On estime que les investisseurs ont perdu environ 250 millions de dollars américains (1,42 milliard de R$) dans ce va-et-vient.

La $Libre cryptomonnaie, promue par le président, s'est avérée être « une fraude », explique l'économiste argentin Ramon Fernandez, professeur au Centre d'ingénierie et de sciences sociales (CECS) de l'Université fédérale d'ABC (UFABC).

« Un petit groupe de propriétaires initiaux de cet actif a gagné entre 100 et 200 millions de dollars en quelques heures, et un plus grand nombre de personnes, la grande majorité des partisans de Milei, ont perdu ce montant. Il y a eu un transfert de revenus entre ses partisans et beaucoup ont été ridiculisés parce qu'ils avaient confiance dans le président », a-t-il expliqué à Brasil de Fato.

Bien qu'il s'agisse d'un scandale sans précédent « même selon les normes incroyables de Milei », Fernandez estime qu'il n'aura pas d'effets politiques ou même judiciaires graves pour le président. « Les élites argentines sont convaincues que Milei a la capacité de mener une série de réformes néolibérales avec un soutien que personne d'autre ne pourrait obtenir. Par conséquent, malgré sa folie, il continue de compter sur le soutien pour toutes les choses pertinentes ; même dans ce cas, la punition sera une petite 'réprimande', mais sans penser à des choses comme la destitution, un procès sérieux, etc. », selon son analyse.

Fernandez croit que les principaux dommages de ce scandale pour Milei seront dans le domaine économique, car l'Argentine a besoin de ressources internationales, en particulier du Fonds monétaire international (FMI), pour maintenir son programme économique et contrôler l'inflation, la principale promesse de sa campagne. « Au FMI, il y avait déjà une sérieuse réticence de la bureaucratie à prêter de l'argent qui ne servira qu'à maintenir le dollar bon marché jusqu'aux élections, brûlant ces réserves. » Milei espère que Trump acceptera ce combat.

Scénario politique

Les députés de la coalition d'opposition Union pour la patrie (péronisme) ont annoncé qu'ils mèneraient un processus de destitution contre le président, bien qu'ils soient loin d'avoir les votes nécessaires pour que l'initiative aille de l'avant. Le principal garant politique de Milei reste l'ancien président néolibéral Mauricio Macri (2015-2019), qui soutient la base gouvernementale au Congrès argentin avec son parti PRO.

Le parti de Macri a qualifié l'affaire de « très grave » et a estimé qu'elle « avait un impact sur la crédibilité du pays ». Cependant, il a refusé de soutenir la destitution « dans ce cas ». De toute évidence, le président était au milieu d'une fraude pour de nombreuses personnes et cela mérite une enquête très sérieuse », a déclaré Macri.

« Il suffit de regarder la déclaration du PRO, le parti de Macri, et le ton des critiques de [journaux comme] Clarin ou La Nación : rien ne peut faire obstacle au démantèlement de l'État et aux réformes que Milei est en train de mener. Rappelez-vous que le pouvoir judiciaire argentin est totalement contrôlé par ce groupe, c'est le « bras armé » du macrisme. Moro serait apprenti en Argentine », dit Fernandez.

Le président du bloc des députés de l'Assemblée fédérale, Miguel Ángel Pichetto, a déclaré mardi (18 février) que le cas de la crypto-monnaie est $Libre un « dommage auto-infligé » par le gouvernement lui-même et a fait valoir que, pour surmonter ce fait, certains collaborateurs de Javier Milei « doivent démissionner » pour « préserver l'image du président lui-même ».

« Le temps est venu où il est essentiel de jeter du lest par-dessus bord. Qu'est-ce que ça veut dire ? Un collaborateur important du président doit quitter le gouvernement, il doit assumer les responsabilités de préserver l'image du président lui-même. Il doit démissionner », a souligné le législateur.

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La Cour fédérale 1, sous la responsabilité de la magistrate María Servini, a été chargée lundi (17 février) de centraliser les plaintes qui demandent d'enquêter sur la question de savoir si Milei a commis une association criminelle, une fraude et une violation des devoirs d'un agent public, entre autres crimes. Pour Fernandez, bien qu'un groupe de personnes proches du président, ayant un accès fréquent à la Casa Rosada, soit à l'origine du lancement de cette cryptomonnaie, « il est difficile de savoir si le président a gagné quelque chose personnellement, ou si seulement ses amis ont remporté ce jackpot ».

" On sait que le président, avant d'entrer en fonction, a donné des cours et des conseils dans des activités liées à ce groupe, faisant de bons profits. Il y a également eu une plainte selon laquelle des conseillers très proches de lui ont vendu des entrevues avec le président pour de petites fortunes à des entrepreneurs dans les secteurs de l'informatique, de l'IA, des cryptoactifs, etc.”

Entrevue désastreuse

Dans une entrevue accordée à la chaîne argentine TN, publiée lundi soir (17 février), Milei a déclaré avoir agi « de bonne foi » lors de la publicité de la cryptomonnaie. « Je ne l'ai pas promue, je l'ai communiquée », a-t-il déclaré.

Le président a déclaré que les gens qui investissent dans des actifs cryptographiques « connaissaient très bien le risque de ce qu'ils faisaient », comme quelqu'un qui va « au casino ». « Un casino où les machines sont manipulées par le propriétaire », a plaisanté Smaldone à propos de la métaphore.

Un extrait édité de l'entrevue est devenu viral sur les médias sociaux et a suscité plus de controverse, car le président et le journaliste commentent ironiquement que les questions ont été préparées à l'avance. Peu de temps après, le journaliste a modifié une question à la demande des conseillers de Milei, après avoir noté que l'interrogatoire pourrait générer un « problème judiciaire » pour le président.

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Le mirage du Projet Mauricie, ou l’art du greenwashing industriel

25 février, par Dany Janvier — , ,
Le texte d'Éric Gauthier, président et chef de la direction de TES Canada, est une parfaite démonstration du greenwashing industriel : un habillage vert pour masquer un projet (…)

Le texte d'Éric Gauthier, président et chef de la direction de TES Canada, est une parfaite démonstration du greenwashing industriel : un habillage vert pour masquer un projet fondamentalement nuisible à l'environnement, à l'économie locale et à notre autonomie énergétique réelle. Décryptons ensemble cette tentative grossière de vendre aux Québécois un projet conçu avant tout pour enrichir des multinationales.

Un projet profondément québécois… ou profondément opportuniste ?

M. Gauthier affirme que le Projet Mauricie est « profondément québécois ». Pourtant, TES Canada n'est qu'une filiale d'une entreprise dont le siège social est situé à Schiphol, aux Pays-Bas, et qui cherche avant tout à exploiter nos ressources pour alimenter un marché international. Ce projet ne vise en rien à renforcer notre autonomie énergétique, mais plutôt à exporter de l'hydrogène vert, une technologie dont l'efficacité et la viabilité restent largement contestées.

Ironie du sort, une multinationale étrangère tente de nous vendre son projet en usurpant le nom de notre collectif : « C'est une occasion d'être toujours plus maîtres chez nous ». On aura tout vu !

Pire encore, TES Canada tente de brouiller encore davantage les cartes en changeant son nom : d'abord TES Canada, puis TES Mauricie, ou simplement « Projet Mauricie ». Une tentative grossière pour masquer ses véritables intentions. Projet Mauricie ? Plutôt « Projet d'assaut sur la Mauricie »

Des chiffres gonflés et un modèle économique douteux

Les chiffres avancés par TES Canada relèvent davantage du marketing que de la réalité économique. 5,6 milliards de dollars en retombées économiques ? Plus de 4 300 emplois ? Ces projections ne sont basées sur aucune étude indépendante et omettent surtout les coûts environnementaux et sociaux majeurs.

M. Gauthier prétend enrichir le Québec, mais en réalité, il propose de privatiser notre électricité et d'envoyer les profits à des dirigeants milliardaires, plutôt que de faire bénéficier Hydro-Québec, notre véritable levier économique collectif. Au lieu d'engraisser les coffres d'Hydro-Québec, qui redistribue ses revenus aux Québécois et finance nos infrastructures publiques, ce projet siphonnerait nos ressources naturelles pour maximiser les rendements d'intérêts privés.

De plus, il est naïf de croire que ce projet pourrait être un rempart économique contre la guerre tarifaire américaine. TES Canada prétend que l'incertitude économique des États-Unis justifie de nous lancer dans une filière hasardeuse et coûteuse, alors même que l'hydrogène vert n'a pas encore prouvé sa rentabilité sans subventions massives. On tente ici de faire croire aux Québécois qu'ils doivent se lancer dans l'inconnu pour compenser l'instabilité d'un partenaire commercial de longue date.

Un projet qui menace l'environnement et les communautés locales

Si ce projet était réellement conçu pour le bien du Québec, pourquoi est-il rejeté par tant de citoyens et d'experts en environnement ? L'hydrogène vert est loin d'être la panacée qu'on nous vend. Sa production nécessite d'énormes quantités d'électricité et d'eau, ce qui engendre des pressions sur nos ressources naturelles et un impact environnemental sous-estimé.
De plus, les MRC de Mékinac et des Chenaux risquent de payer un lourd tribut : expropriations, destruction de terres agricoles, industrialisation forcée de milieux naturels. TES Canada parle de 240 millions de dollars en compensations sur 20 ans, mais ces sommes ne suffisent pas à réparer les dégâts irréversibles qu'un tel projet engendrerait sur l'écosystème et la qualité de vie des résidents. Un « dynamisme économique » basé sur la destruction de notre territoire est un leurre.

Un avenir collectif ? Non, un cadeau aux multinationales

Enfin, TES Canada tente de nous faire croire que ce projet est un investissement pour notre avenir collectif. En réalité, il s'agit d'une opération massive de privatisation des ressources québécoises, au bénéfice d'intérêts étrangers. Un véritable développement économique durable passerait par des investissements dans les énergies réellement propres et adaptées à notre contexte, comme l'efficacité énergétique, l'éolien ou la biomasse locale.

Dire non au Projet Mauricie, c'est refuser de tomber dans le piège des grandes promesses sans fondement. C'est protéger notre territoire, notre eau et notre autonomie énergétique contre un modèle qui profite aux multinationales bien plus qu'aux citoyens du Québec.

Dany Janvier, citoyen de St-Adelphe dans Mékinac,
Contre la Privatisation du vent et du soleil dans Mékinac Des Chenaux, RVÉQ
Toujours Maîtres Chez Nous,

(Réponse à la lettre d'opinion d'Éric Gauthier parue dans Le Nouvelliste le 13 février dernier)
https://www.lenouvelliste.ca/opinions/point-de-vue/2025/02/13/projet-mauricie-un-projet-profondement-quebecois-ULKT63AZ4BFQ5NXMNQZ7RJ2FMY/

https://lobbycanada.gc.ca/app/secure/ocl/lrs/do/rgstrnLbbystsEmplyd?regId=957464&lang=fra

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Le Canal de Panama et la présence chinoise en Amérique Latine

La présence chinoise en Amérique Latine, y compris en Amérique centrale, connaît ces dernières années une progression saisissante qui illustre les progrès fulgurants de (…)

La présence chinoise en Amérique Latine, y compris en Amérique centrale, connaît ces dernières années une progression saisissante qui illustre les progrès fulgurants de l'influence politique et économique de la République Populaire de Chine dans ce qui était autrefois considéré comme « l'arrière-cour » des Etats-Unis.

Tiré de Asialyst
15 février 205

Par Hubiquitus

Un porte-conteneurs chinois emprunte le Canal de Panama. DR.

Sitôt confirmé par le Sénat, le nouveau Secrétaire d'Etat Marco Rubio prenait l'avion pour une tournée régionale ces petites Républiques d'Amérique centrale, autrefois appelées « bananières », le « backyard » nord-américain.

Si ce qualificatif est un peu passé de mode, l'Isthme de Panama, terrain des rivalités avec les puissances européennes (France et surtout Grande-Bretagne au mitan du XIXème siècle) est, cent-soixante ans plus tard, l'objet d'une concurrence féroce entre les Etats-Unis et la Chine.

Le 20 janvier, date de son investiture, le 47è président des Etats-Unis Donald Trump fait comme s'il découvrait que depuis la rétrocession de Hong-Kong par les Britanniques à la Chine en 1997, c'est une entreprise chinoise, Hutchison, qui opère deux des cinq ports aux deux extrémités du Canal de Panama, Balboa et Cristobal, ainsi que la voie ferrée qui traverse l'isthme.

C'était une entreprise Anglo-hongkongaise qui remporta l'appel d'offre privatisant la gestion portuaire (reconduit en 2021 pour une nouvelle période de 25 ans)*
*Cf. Sabina Nicholls

. La rétrocession en fit une entreprise nettement moins britannique et beaucoup plus sous influence du Parti communiste chinois (PCC). L'actionnaire majoritaire, Li Ka-Shing et son fils Victor Li, l'actuel PDG, sont proches depuis longtemps du président chinois Xi Jinping, avant même qu'il n'accède au pouvoir suprême en 2012.

Mais d'un autre côté, un autre de ces ports, le CCT – pour Colon Containers Terminal – est exploité par l'entreprise Evergreen, ce géant du transport maritime international basé lui à… Taïwan !

Le Canal de Panama a vu passer 373 000 navires de 1998 à 2024, dont la majorité (52%) allait vers ou provenaient de ports des Etats-Unis. Les trois-quarts des marchandises transitant par le canal (76%) étaient destinés ou provenaient du marché nord-américain.

Le fait que la République Populaire de Chine (RPC) ait été l'origine ou la destination de ces marchandises n'est pas nouveau et ne lui permet pas pour autant de contrôler le canal.

La compétition entre les « deux Chines »

De fait, les petits pays qui composent l'Amérique Centrale ont longtemps été en première ligne dans la concurrence entre Pékin et Taipei. Les régimes militaires, instaurés avec l'appui des Etats-Unis avant ou après l'après-deuxième guerre mondiale, avaient clairement choisi leur camp tout au long de la guerre froide : celui du Guomindang, le parti nationaliste au pouvoir à Pékin jusqu'à ce qui l'en soit chassé par le PCC en 1949, et ne juraient que par Taipei.

Le voyage historique de Richard Nixon à Pékin en 1972 et la reconnaissance de la Chine communiste qui s'ensuivit n'eurent strictement aucune incidence sur les relations des pays Centraméricains avec la Chine continentale, superbement ignorée.

Il fallut attendre 2007 pour que le Costa Rica, sous la pression de l'entreprise américaine Intel pour l'installation d'une usine de microprocesseurs, franchisse le pas de la reconnaissance diplomatique de la RPC facilitant le commerce entre les deux pays. Il faut rappeler que Taipei arrosait généreusement les petits Etats centraméricains en échange du maintien de leurs relations diplomatiques, notamment avec des conditions discrétionnaires fort intéressantes pour le chef d'Etat en place.

A la fin des années 1980 et plus encore dans les années 1990, la crise économique et financière met en faillite la plupart des Etats centraméricains, qui n'ont d'issue que dans la guerre – pas vraiment civile – (Nicaragua, El Salvador, Guatémala), des dévaluations et une émigration massives (les mêmes, plus le Honduras) et la création de multiples zones franches, proches des aéroports pour ceux qui n'ont pas de port sur le littoral atlantique (El Salvador, Nicaragua) ou des ports (Puerto Cortés au Honduras, Puerto Santo Tomas au Guatemala).

Il s'agit avant tout d'attirer les investissements étrangers au titre d'une main d'œuvre non qualifiée bon marché et d'un accès libre au marché nord-américain, mis en place à partir de l'Administration Reagan, avec la Caribbean Basin Initiative. Beaucoup d'entreprises chinoises, établies à Taïwan en grande majorité, viennent s'installer dans ces zones franches.

Ceci principalement dans le secteur de la confection textile, les « maquiladoras » : les pièces de tissu arrivent toutes taillées d'Asie, il suffit d'opérateurs de machines à coudre pour les assembler, et de fixer une étiquette indiquant la provenance pour bénéficier de l'exportation en franchise sur le marché nord-américain.

Au début des années 2000, les pays d'Amérique centrale consolident le système avec la négociation d'un accord régional de libre-échange avec les Etats-Unis, qui culmine en 2004. De fait, le Central American Free-Trade Agreement (CAFTA, élargi par la suite en CAFTA-DR lorsque la République dominicaine rejoint le processus de négociation) ne fait que consolider un régime commercial qui avait fait ses preuves.

Le Salvador

Grâce aux enquêtes des magistrats et aux alternances politiques, on a fini par savoir que Taipei arrosait généreusement l'Alliance Républicaine Nationaliste ARENA, le parti d'extrême-droite au pouvoir à San Salvador. De 1989 à 2009, 20 millions de dollars ont été mis à disposition du parti, lui permettant de financer la campagne de son candidat à la présidence tous les 5 ans, acheter les voix de députés d'un petit parti susceptible d'appuyer tel ou tel projet de loi, et autres généreux subsides.

Le fait que Francisco Flores, Président du Salvador de 1999 à 2004, conserva pour lui-même l'essentiel de la subvention taïwanaise lui valut des poursuites judiciaires et une condamnation à de la prison ferme lorsque son parti perdit les élections de 2009 en faveur de l'ancienne guérilla du FMLN.

L'arrivée de la gauche au pouvoir ne changea pas grand-chose, car Taïwan continua à verser son subside annuel que le gouvernement de Mauricio Funes utilisa comme caisse noire pour ses ministres et hauts fonctionnaires. La subvention annuelle des 20 millions de dollars n'était toutefois plus jugée suffisante : à la fin de son mandat en 2014, Mauricio Funes fut accusé de corruption pour des centaines de millions de dollars et échappa à la justice en se réfugiant au Nicaragua voisin.

Son successeur, du même parti de l'ancienne guérilla, le FMLN, Salvador Sanchez Ceren (2014-2019), connut le même sort, mais avant de perdre les élections de 2019, décida de changer soudainement de camp : en août 2018, El Salvador établit brusquement des relations avec la République Populaire de Chine, au grand dam de l'administration Trump 1 qui dénonça les visées expansionnistes consistant à y construire une base navale.

Le nouveau Président, Nayib Bukele, accepta cette situation laissée par l'administration sortante, essentiellement parce que les liens avec Taïwan s'étaient considérablement délités et que la Chine continentale était devenue l'un des principaux partenaires commerciaux. Coutumière du fait, celle-ci sut gratifier le changement de bord de El Salvador en offrant une superbe Bibliothèque Nationale en plein cœur de la capitale.

Le cas du Nicaragua

Après le triomphe de la Révolution Sandiniste en 1979, le gouvernement dénouera le lien qui existait entre Taïwan et la dictature de Somoza pour établir en 1985 une relation politique avec Pékin, qui ne dépassera guère un niveau symbolique.

La défaite électorale de Daniel Ortega à l'élection présidentielle de 1990 permet au nouveau gouvernement libéral de Doña Violeta Barrios de Chamorro de revenir aux liens traditionnels avec Taipei, à la faveur sans doute du recours de nouveau aux généreux subsides pour le parti de gouvernement décrit précédemment avec El Salvador.

Lorsque Daniel Ortega revient aux affaires en 2007, il s'intéresse d'abord à capter à son profit la manne provenant de Taïwan au lieu de revenir à la relation bilatérale existante durant son premier mandat. Puis en 2012, il évoque en public un projet de canal interocéanique qui intéresse un groupe d'investisseurs chinois de Hong Kong, maintenant une ambigüité sur les liens avec Pékin. Le projet est approuvé à marche forcée, Ortega étant maître de tous les pouvoirs, législatif et judiciaire en sus de l'exécutif, par la loi 840 du 14 juin 2013, suivie de l'accord de concession signé avec le HKND Group, d'un certain Wang Jing*

*Voir LOPEZ BALTODANO, Umanzor & Monica. Ruta Mafiosa : quienes controlan la concesión canalera en Nicaragua ? Ed. Popol Na, San José, Costa Rica, 2023, 164 pp. (version électronique), inconnu de tout le monde ou presque.

Si ce n'est qu'il semble avoir fait fortune en 2009, en s'emparant du Groupe Xinwei, spécialisé dans les télécommunications et des « technologies » que la CIA identifie rapidement comme une entreprise liée au complexe militaro-industriel de l'Armée populaire de libération chinoise (APL).

Wang Jing a été approché par le fils du couple Ortega-Murillo, Laureano, et viendra une seule fois au Nicaragua pour lancer des études de faisabilité et d'impact environnemental dont la qualité laisse pour le moins à désirer. L'analyse de l'accord de concession est implacable : les investisseurs peuvent faire à peu près ce qui leur passe par la tête dans l'ensemble du territoire du Nicaragua, et les organisations de la société civile et le mouvement paysan, craignant des expropriations massives de terres, se mobilisent. Par chance pour le Nicaragua, l'affaire se dégonfle assez vite, le HKND Group souffre de pertes très élevées lors d'un krach de la bourse de Shanghai survenu en 2015, l'entreprise elle-même fait faillite et est expulsée de la bourse en 2021.

L'étude des frères Lopez Baltodano conclue d'ailleurs « que la Chine peut voir dans un projet de canal situé dans la sphère d'influence immédiate des Etats-Unis un élément qui pourrait servir à négocier des positions dans sa propre zone d'influence », et font explicitement référence à Taïwan*
*Ibid, p. 19
.
Dans ce registre, un rapprochement s'impose avec le projet de canal à travers l'Isthme de Kra, en Thaïlande, promu dans ces années-là (2012-13) par la RPC, qui suscite l'opposition des Américains ainsi que des militaires thaïlandais jusqu'à leur coup d'Etat en 2014. Il reste que l'intérêt stratégique pour la Chine d'un tel projet est infiniment plus grand qu'un canal au Nicaragua, puisqu'il permettrait d'éviter le détroit de Malacca, seul point de passage de la Mer de Chine du Sud vers l'Océan Indien.
Côté nicaraguayen, Ortega se rallie officiellement à la politique d'une seule Chine en 2021, rompant toutes relations avec Taïwan.

Au Panama : l'effritement des promesses des BRI

Le Panama avait réussi, tout comme le Nicaragua, à maintenir des relations simultanées avec les « deux Chines », la RPC, disposant des bénéfices d'une vraie reconnaissance diplomatique tandis que Taïwan devait se satisfaire d'un bureau de représentation commerciale.

Si Panama se vante d'avoir été le premier pays centraméricain à souscrire, en 2017, au programme pharaonique des Nouvelles Routes de la Soie, il pourra aussi arguer du fait qu'il est le premier à en sortir, sous la pression des Etats-Unis, inaugurant ce que Tabita Rosendal*appelle joliment le « BRI-xit », inspiré de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

*ROSENDAL, Tabita. Could US forcing Panama to exit China's Belt and Road set pattern ? Asia Times, February 8, 2025.

Reste que le Panama viendrait juste derrière le Pérou en termes de concentration des intérêts chinois en Amérique Latine, avec 40 entreprises présentes dans le pays, mais évidemment surtout dans les zones franches qui sont essentiellement des centres de redistribution des marchandises à l'échelle du continent nord et sud-américain, ainsi par exemple pour l'entreprise de télécommunications Huawei.
Le gigantesque projet d'élargissement du Canal de Panama, dont les travaux avaient duré 10 ans, s'était achevé en 2016 et le tirage au sort avait favorisé le porte-conteneurs Andronikos, de l'armateur chinois COSCO. En juin 2017, survenait l'annonce surprise de la reconnaissance du principe d'une seule Chine. En décembre 2018, le président Xi Jinping faisait lui-même escale à Panama lors d'une tournée latino-américaine. C'est aussi en 2017 que commencent les travaux d'aménagement du port de l'île Margarita, dans la zone libre de Colon, estimés en un milliard de dollars apportés par le consortium chinois Landbridge, avec la construction du Panama-Colon Containers Port (PCCP).

Les projets se succèdent à une vitesse effrénée pour des montants colossaux : 4 milliards de dollars pour une ligne de TGV reliant Panama et David, un milliard pour une centrale électrique au gaz, un terminal pour les navires de croisière à l'entrée pacifique du Canal, un centre de conférences, un nouveau bâtiment pour l'ambassade de Chine et enfin 1,4 milliard de dollars pour un quatrième pont traversant le canal.

En dehors de ce dernier projet, récemment relancé, le terminal de l'île Margarita et l'absurde TGV ont été abandonnés, ainsi que l'idée d'un accord bilatéral de libre-échange. C'est un projet minier, mené par First Quantum Minerals (FQM), une soi-disante entreprise canadienne, en réalité filiale de la Jiangxi Copper Co Ltd., qui a provoqué un rejet massif de la population et des institutions panaméennes. La Cour Suprême du Panama a rejeté, en novembre 2023, ce méga-projet d'une mine de cuivre à ciel ouvert, comme contraire à la Constitution.

Autant Taïwan avait explicitement accepté le traité proclamant la neutralité du canal, l'un des deux traités signés en 1977 par Jimmy Carter et le Général Omar Torrijos, en souscrivant un addendum déposé au siège de l'Organisation des Etats Américains (OEA) à Washington, dont elle était observatrice à l'époque, autant la RPC évite soigneusement de se prononcer sur ce délicat sujet, depuis qu'elle l'a remplacé dans son statut d'observateur extrarégional.

Bénéficier d'un port à chaque bout permet évidemment une surveillance constante des navires empruntant le canal, notamment des flottes militaires. De fait, c'est l'un des rares endroits au monde où l'on peut observer un sous-marin nécessairement émergé, quels que soient son mode de propulsion et sa nationalité.

Carte du Canal de Panama (crédit : Shutterstock)

Au Guatémala et dans l'ensemble de la région

Le Guatémala est le seul pays d'Amérique Centrale à maintenir la reconnaissance diplomatique de la République de Chine (Taïwan aujourd'hui), ceci depuis sa fondation et leur reconnaissance mutuelle en 1912 ! Il ne semble pas y avoir de raison particulière à cela.

Si la diplomatie guatémaltèque ne semble pas envisager à court ou moyen terme de couper les liens, faibles, avec Taïwan, cela n'empêche pas un commerce normal avec la Chine, avec un fort excédent en faveur de celle-ci. Simplement, il n'y a pas d'investissements ou de lignes de crédits des banques de la RPC.

Paradoxalement, c'est peut-être le Costa Rica, premier pays de la région à choisir la RPC contre Taïwan en 2007, qui en a le moins bénéficié. Le niveau de développement du pays est certes supérieur au reste de la région, et il réalise des projets de développement d'infrastructures de transports financés par des prêts concessionnels chinois : ainsi la route reliant la capitale, San José, au principal port sur l'océan Atlantique, Puerto Limón, est aménagée grâce à un prêt à long terme de 400 millions de dollars mis en œuvre par la China Harbour Engineering Company (CHEC), dont le respect des délais, des normes environnementales et l'absence de corruption des fonctionnaires nationaux n'est pas une caractéristique reconnue, bien au contraire.

Le Honduras est le dernier en date à avoir rompu avec Taipei pour reconnaître la RPC début 2023. En dehors d'un voyage de la présidente Xiomara Castro, on est bien en peine de savoir quels miroirs aux alouettes ont déployé les responsables politiques chinois pour la convaincre.

L'Isthme centraméricain et la problématique migratoire

En définitive, l'urgence politique pour les Etats-Unis et l'Administration Trump 2 est d'affronter l'immigration sur leur marge sud et non pas d'affronter la Chine dans son « arrière-cour », où Taïwan a perdu l'essentiel de ses appuis et où la RPC a ancré sa présence politique et économique, mais où la primauté nord-américaine n'est pas pour autant actuellement menacée.

Tout autant que le Canal de Panama, est important pour les Etats-Unis le bouchon, le « Tapón » du Darién, déterminant pour contrôler en amont les flux migratoires, et tout spécialement ceux qui proviennent du Venezuela, d'Haïti et de Cuba. Trump 2 a appris la leçon de Trump 1 : la construction d'un mur le long du Rio Grande, quelle qu'en soit la hauteur ou le pays qui le finance, est loin d'être suffisant pour stopper les flux. Il faut remettre en place le bouchon qui voit passer, par dizaines de milliers, des migrants provenant des Etats faillis de l'Amérique du Sud et des Caraïbes, puis convaincre les petits Etats centraméricains de reprendre des milliers d'émigrants clandestins. Les « déporter », selon le terme nord-américain, doit se faire de façon suffisamment massive et violente pour assurer un minimum de dissuasion.

Le Panama et le Costa Rica ne connaissent guère l'émigration, mais les deux pays n'ont pas voulu ou pu stopper le flux migratoire passant par le Darién. Le calcul de l'administration Trump 2 est probablement qu'il faut faire peur à l'Etat panaméen, en menaçant sa principale activité économique, le canal, pour qu'il se résolve à resserrer le bouchon.

Nayib Bukele, le Président salvadorien, n'a pas hésité à proposer à Marco Rubio d'héberger dans sa gigantesque prison de 40 000 places, tous les délinquants latinos dont les Etats-Unis souhaitaient purger leurs prisons en échange de frais d'hébergements modiques, à discuter entre les deux pays. Pour sa part, le Président du Guatémala, Bernardo Arévalo, a fait preuve de bonne volonté pour accueillir les migrants illégaux qui seraient « déportés » des Etats-Unis, et n'a pas écarté l'idée de servir de pays tiers pour en héberger d'autres nationalités.

Ainsi, la critique de l'omniprésence chinoise et la préoccupation nord-américaine pour la sécurité du Canal a servi de levier pour prendre à la gorge le gouvernement panaméen sur le rebouchage du Darién, tandis que plusieurs autres pays sont allés à la rencontre des souhaits de l'Administration Trump 2 en matière d'accueil des immigrants illégaux. Le seul pays véritablement à problèmes, le Nicaragua, perçu par Rubio et l'Administration Trump 2 comme faisant partie de « l'Axe du mal » avec Cuba et le Venezuela, est à la fois trafiquant de migrants et fricote avec la Chine sur un projet de canal concurrent de Panama, mais bien hypothétique…

Par Hubiquitus

A propos de l'auteur Hubiquitus

Ancien universitaire puis diplomate, présent dans la région durant un quart de siècle, Hubiquitus a également été en poste à Pékin.

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Aéroport de Montréal se sacre de tout le monde

25 février, par Collectif — , ,
La lettre a été signée par 171 personnes. Elle vient mettre en lumière que ADM, n'est pas un bon citoyen corporatif, comme il le prétend. D'abord, il est *le seul *à entraver (…)

La lettre a été signée par 171 personnes. Elle vient mettre en lumière que ADM, n'est pas un bon citoyen corporatif, comme il le prétend. D'abord, il est *le seul *à entraver le projet de conservation du Parc nature Des Sources, qui fait l'unanimité de auprès de 35 ONG, 25 municipalités, des communautés autochtones et des milliers de personnes (via pétition) qui sont en faveur de la protection de ces milieux naturels uniques, habitats de dizaines d'espèces protégées, dont le papillon Monarque.

Dans le même ordre d'idée, nous dénonçons l'attitude d'ADM, qui n'a jamais voulu s'engager à respecter une plage de 23h à 7h exempte de mouvements aériens, ce qui permettrait à tous les montréalais-se d'avoir une nuit de sommeil complète. Le projet d'expansion et l'ajout de 10 nouvelles portes d'embarquement, mettra une pression accrue sur la plage horaire des vols.

Ceci, additionné à la mauvaise qualité de l'air mesurée par une professeure de l'université McGill dans les quartiers environnant l'aéroport, nous amène à questionner la pertinence et la moralité de l'expansion d'un aéroport en plein coeur d'une ville densément peuplée comme Montréal. Y aurait-il d'autres options ? ADM n'est pas du genre à ouvrir le dialogue...

Malgré l'opposition ferme de 35 organisations citoyennes et environnementales, de 25 municipalités, des communautés autochtones et de plusieurs dizaines de milliers de citoyennes et citoyens qui ont signé des pétitions, nous apprenions récemment que Aéroports de Montréal persiste dans son projet de destruction de plus de 100 hectares de marais, de prés fleuris, et de forêt urbaine à haute valeur écologique, abritant des dizaines d'espèces en péril, dont le papillon monarque.

C'est ce qu'ADM a confirmé dans un mémoire déposé à la Communauté métropolitaine de Montréal dans le cadre d'une consultation publique, et réitéré lors d'une rencontre avec l'organisme de conservation Technoparc Oiseaux.

Ces lots sont au cœur du projet de conservation de 275 hectares du Parc Nature Des Sources, havre de biodiversité exceptionnelle et rare îlot de fraîcheur dans ce secteur extrêmement minéralisé de l'Île de Montréal.

Plusieurs victoires citoyennes ont déjà été remportées pour la préservation de ce territoire, notamment avec Medicom ou plus récemment avec Hypertec, où le promoteur a compris l'importance de ce terrain pour la biodiversité et la santé humaine ainsi que la nécessité de l'acceptabilité sociale.

Aujourd'hui, envers et contre tous, ADM est le seul à entraver le projet de conservation, le seul à ne pas voir la nécessité de la préservation de ce site unique et essentiel. Protéger la biodiversité, c'est aussi protéger la santé des êtres humains en atténuant les effets des îlots de chaleur, la pollution de l'air et de l'eau, la pollution sonore et les risques d'inondation.

Des arguments aux airs de déjà vus

Selon ADM, ces terres serviront à créer un “pôle de décarbonation et de soutien aux opérations permettant d'accélérer la transition énergétique de l'industrie aéronautique”.

Rappelons à ADM que la décarbonation a pour but de permettre aux écosystèmes de continuer à nous maintenir en vie, en produisant de l'air pur, de l'eau potable et des terres fertiles. Détruire des écosystèmes vitaux dans le but de décarboner est une aberration.

ADM met aussi de l'avant le "risque aviaire". Sans sous-estimer ce risque, précisons qu'on ne parle pas ici de créer de nouveaux espaces verts, mais bien de protéger ceux qui s'y trouvent déjà. Les oiseaux cohabitent avec les avions dans cette zone depuis la création de l'aéroport et ADM a jusqu'à maintenant démontré qu'elle savait bien gérer ce risque, comme d'autres grands aéroports voisins de milieux naturels. Il existe une panoplie de moyens, autre que la destruction des habitats, pour gérer le risque aviaire.

Déni des impacts directs sur la santé des montréalaises et montréalais

De la même manière, ADM refuse de s'engager à respecter un couvre-feu pour permettre aux familles montréalaises de bénéficier d'une nuit complète de sommeil entre 23h et 7h. Le projet de nouvel aérogare, ajoutant 10 portes d'embarquement, entraînera une augmentation des mouvements aériens dans le ciel de Montréal, et une pression accrue sur la plage horaire comprise entre 23 heures et 7 heures, qui devrait être interdite aux avions.

Rappelons que le lieu de résidence n'est pas toujours un choix, particulièrement en contexte économique difficile et celui de la crise du logement, et que le droit au sommeil est un droit fondamental, qui ne devrait pas être réservé aux populations riches.

En outre, la pollution de l'air dans les quartiers environnant l'aéroport a été documentée par une scientifique de l'université McGill, avec des taux préoccupants de nanoparticules de métaux toxiques. ADM est bien au fait de ces données et les ignore dans ses projets d'expansion.

Ces informations ne devraient-elles pas nous amener collectivement à remettre en question l'expansion d'un aéroport dans une zone urbaine aussi densément peuplée que Montréal ?

La mobilisation continue, tant qu'il le faudra

M. Yves Beauchamp, président-directeur général d'ADM, nous ne vous laisserons pas détruire la nature qui foisonne, nous ne vous laisserons pas compromettre notre santé et celle de nos enfants.

Vous trouverez sur votre chemin des milliers de mères et de grands-mères au front, et leurs innombrables allié·e·s.

Rédactrice principale Nathalie Ainsley, mère au front pour Laurie, Annie et le vivant
et 170 co-signataires.

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Trump II, un mois plus tard

25 février, par Guylain Bernier, Yvan Perrier — , ,
« Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument. » Lord Acton. Le 45e-47e président des USA est en poste depuis maintenant un peu plus d'un mois. Les (…)

« Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument. » Lord Acton.

Le 45e-47e président des USA est en poste depuis maintenant un peu plus d'un mois. Les noms ou les adjectifs qui ont circulé en vue de qualifier la nature de son style de gouverne ont été nombreux. Le texte qui suit s'inscrit dans cette mouvance. Nous suggérons ici que Donald Trump est en train de gouverner son pays à partir d'une définition très personnelle sur la portée et l'étendue de sa capacité d'agir et de prendre des décisions. La chose qu'on peut minimalement affirmer, avec certitude, c'est qu'il en mène large avec ses déclarations démesurées et déconnectées du réel, et il ne se gêne pas pour semer le chaos avec sa rhétorique agressive et revancharde. Ses décisions sont souvent, à première vue, illégales et reconnues, pour le moment, comme telles par les paliers inférieurs de l'ordre juridique. Que diront les juges de la Cour suprême de ces dérogations présidentielles ? C'est à venir éventuellement. Mais le mal à la tronçonneuse risque d'être fait. Pour ce qui est de la nature du régime politique qui prend forme, cela représente une chose qui doit être examinée avec beaucoup de circonspection. Par contre, ce qui semble certain au moment où nous écrivons ces lignes, Donald Trump met tout en oeuvre pour renforcer et affirmer la suprématie du pouvoir présidentiel sur l'ensemble des pouvoirs de l'État. C'est le début d'une sorte « (d')état d'exception » qui prend forme actuellement. Ce ne sont pas les droits et libertés des citoyennes et des citoyens qui sont suspendus. Nous sommes plutôt devant une situation où, par les dispositions des choses, il semble très possible qu'il n'y aura plus aucune force ou puissance pour arrêter le pouvoir présidentiel. Exit par conséquent le mot de Montesquieu selon lequel : « Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».

Renforcer et affirmer le pouvoir présidentiel

Manifestement, Donald Trump pose des gestes en vue d'affirmer et de renforcer le pouvoir présidentiel sur l'ensemble des composantes étatiques. De plus, nous assistons à des mises en scène quasi quotidiennes qui focalisent les projecteurs sur la personnalité du leader à l'ego surdimensionné. Voici quelques preuves à l'appui de ces deux assertions : il exerce son pouvoir d'une manière autoritaire, prend des décisions unilatérales qui vont au-delà de ses prérogatives. Même si la majorité républicaine au Sénat est faible (53 sénateurs sur 100), Donald Trump est parvenu en un rien de temps à neutraliser et à s'assujettir le pouvoir législatif qui réagit nullement devant les débordements présidentiels. Trump II s'arroge unilatéralement des prérogatives législatives qui relèvent de la compétence exclusive du Congrès. Peu de voix s'élèvent ici devant cet unilatéralisme présidentiel.

De plus, le 45e-47e président américain attaque le pouvoir judiciaire en le discréditant à l'avance en vue de pouvoir être en mesure de réduire la portée des jugements à venir susceptibles d'invalider les oukases présidentiels. Les membres de son entourage reprennent à leur compte son refrain, selon lequel les juges n'ont ni le pouvoir ni la légitimité de s'opposer ou de contrôler les décisions du pouvoir exécutif. Est-il nécessaire de rappeler ici que la Cour suprême a décidé le 1er juillet 2024, à 6 juges contre 3, que le président américain jouit d'une immunité absolue pour des actes officiels.

Last but not least, Trump II a décidé de confier à un oligarque non élu — Elon Musk — une mission de purger et de dépecer le pouvoir administratif. Ce dernier est entrain de réduire à peau de chagrin ou à néant de nombreuses agences gouvernementales. Des fonctionnaires sont cavalièrement congédiéEs et invitéEs à se chercher un emploi dans le secteur privé. De plus, le président américain veut diriger vers son bureau des pouvoirs et des compétences qui relèvent de la très indépendante Banque centrale des USA (la FED).

Donald Trump est sans conteste en train de renforcer et d'affirmer le pouvoir présidentiel en mettant en place un régime fondé sur la peur et l'intimidation de ses adversaires ainsi que des personnes qui voudraient se mettre ou s'interposer sur son chemin.

Avant même d'être assermenté, Donald Trump a sévèrement blâmé le gouverneur de la Californie pour les incendies qui ont récemment ravagées et dévastées la région métropolitaine de Los Angeles. Il a, la semaine dernière, annulé le règlement municipal de la ville de New York au sujet des droits d'entrée à acquitter pour y accéder en automobile. Il a annoncé, ces derniers jours, le remplacement du chef d'état-major de l'armée américaine. Sur le plan intérieur Trump II, ne veut qu'une chose : des personnes loyales et disposées à se soumettre et à exécuter ses ordres.

Dans sa République, Platon avait d'ailleurs souligné cette mauvaise inclination du régime démocratique à se verser dans la tyrannie. Parce qu'il y a corruption même de celui-ci, en raison d'un détournement des lois et de leur vertu. Dans l'analyse détaillée du dialogue, Pierre Pachet (Platon, 1993, p. 36) évoque ceci :

«

La démocratie est détruite par l'excès de liberté, qui conduit au mépris des lois dans tous les domaines. Cette liberté excessive engendre la servitude. Les faux-bourdons détruisent le régime. Certains faux-bourdons deviennent chefs du peuple, provoquant par réaction la naissance d'un complot oligarchique, et le peuple se choisit un chef, qui devient comme un homme-loup, un tyran. S'il obtient une garde du corps armée, la transformation est complète. Le tyran commence par être bénin, puis provoque des guerres, et nettoie la cité de sa richesse et de ses hommes de qualité. Il embauche des esclaves pour son armée personnelle. »

Ce qui se trame présentement aux USA constitue la continuité de la première présidence de Donald Trump, qui justement avait mis en doute la vertu des lois actuelles, notamment en matière électorale, puisqu'elle s'avérait favoriser un Parti démocrate tourné vers le plus d'État, le plus de lois et de règles, et donc vers moins de liberté dans tous les sens du mot, mais surtout dans l'enrichissement personnel. Le courant de l'extrême droite, pour ne pas dire le libéralisme radical, sur lequel nous reviendrons plus loin, a permis à Donald Trump d'aviver des partisanEs qui ont d'ailleurs pris d'assaut le Capitole le 6 janvier 2021. Et ses fidèles ont été récompensés récemment en obtenant le pardon présidentiel, malgré l'outrage d'un symbole de la démocratie américaine. En soi, cet événement est aussi symbolique et expose les réelles intentions derrière, c'est-à-dire un détournement des lois dites démocratiques à des fins particulières, voire égoïstes.

Ainsi, le don de prédiction de Platon se concrétise à nouveau et plusieurs éléments déjà exposés prendront encore plus d'importance en lien avec ce qui suit. Car il faudra y ajouter au descriptif une réalité contemporaine, alors que la mondialisation et l'ordre international sont aussi chambardés.

Déconstruire l'ordre international

Sous prétexte que les USA ont jeté durant des décennies leur argent par les fenêtres, le président Trump a décidé unilatéralement de supprimer l'aide américaine à certaines agences internationales. Il a retiré son pays de certains accords internationaux. Il remet en question, sans débat, les alliances internationales et les engagements internationaux de ses prédécesseurs. Il s'immisce dans les affaires intérieures de certains pays et permet à des membres de son entourage immédiat de faire de même. Il dit vouloir mettre un terme à la guerre en Ukraine en négociant directement avec la Russie et, en prime, en l'absence de plénipotentiaires du gouvernement ukrainien.

Trump II semble prêt à participer à une déconstruction du système politique international tel qu'il s'est constitué et mis en place au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. De plus, il annonce des visées d'annexion — ou d'achat — territoriale. Et quoi encore.

Sur le plan extérieur, Donald Trump ne veut qu'une chose : un monde conforme à sa vision simpliste et, pour y accéder, il n'hésite pas à multiplier les paroles blessantes et les gestes offensants pour montrer qu'il est prêt à tout pour rendre l'ordre planétaire conforme à sa vision de « Maître du monde ». Parce que, dans son imaginaire, être président des USA donne droit à tout, même à la réalisation de désirs capricieux, pour ne pas citer le despote de Montesquieu.

Lancer une guerre commerciale

Durant la campagne électorale, le candidat républicain Donald Trump promettait la prospérité et l'enrichissement de toutes et de tous à travers quatre mesures : une baisse d'impôts, l'expulsion des immigrantEs réputéEs illégauxGALES, la réduction de l'appareil administratif jugé inefficace et corrompu et l'imposition de tarifs douaniers. Quatre promesses électorales phares, quatre promesses visant une réorientation de la liberté perçue à sa façon.

Maintenant qu'il est en poste depuis plus d'un mois, en vue de renflouer les coffres du gouvernement américain qui est surendetté — la dette nationale brute s'élèverait environ à 35 770 milliards de dollars américains — et pour avoir les moyens de réduire les impôts de ses concitoyennes et concitoyens, il se dit prêt à déclencher une guerre tarifaire en imposant des tarifs douaniers, et ce, en vue supposément d'attirer vers son pays des entreprises étrangères qui veulent voir leur production s'écouler sur le marché américain. Il prétend même que cette guerre des barrières tarifaires ne déclenchera pas une nouvelle flambée inflationniste.

Et l'avenir dans tout ça ?

Nous ne spéculerons pas sur ce qui nous attend pour les 47 prochains mois à venir (ou plus si Donald Trump décide d'aller de l'avant avec son idée de solliciter éventuellement un troisième mandat). Une chose est certaine, la gouverne de Trump II est déstabilisante et comporte un certain nombre de ruptures importantes et significatives qui sont susceptibles d'être reconnues ou déclarées, plus ou moins majoritairement par les juges des différents paliers de tribunaux, inconstitutionnelles. D'où, en ce moment, une authentique fracture avec le passé dont nous devons prendre le temps de mesurer la portée et l'étendue. N'empêche que cette redéfinition du régime sous le courant trumpiste augure une transformation radicale qui remet en question même l'étatisme. Dès lors s'exposent de plus en plus un autoritarisme et une propagande de l'ère numérique, mais toujours dans sa phase préliminaire.

Ce qui est en jeu en ce moment

Donald Trump est en train de tout mettre en œuvre pour affirmer la suprématie du pouvoir présidentiel sur la totalité des autres composantes gouvernementales ou branches étatiques (le pouvoir judiciaire, le pouvoir législatif, les composantes administratives et militaires). C'est le début d'un « état d'exception » qui se met en place jour après jour. Un État de décret où les autres composantes du système des contre-pouvoirs sont invitées à ne pas intervenir ou à reconnaître comme légitime et fondé en droit les décrets présidentiels. Le tout dans un contexte où une censure ciblée se déploie et où une chasse aux sorcières est dirigée contre les WOKES (les groupes qui militent en faveur de l'équité, la diversité et l'inclusion des minorités discriminées). De plus, les droits des femmes à l'avortement sont toujours et plus que jamais dans la mire de Donald Trump. Une confusion entre le religieux et certains choix politiques est annoncée et sera pratiquée par des membres de l'exécutif du président.

Monarque sans royaume et Projet 2025

Le monarque sans royaume met en place les mesures contenues dans le programme Projet 2025 (document promu par l'Heritage fondation). Ce programme rédigé pour et par les membres de l'oligarchie de la richesse vise à affaiblir les assises de la démocratie américaine (démantèlement de l'appareil administratif, subordination des pouvoirs législatif et judiciaire à l'organe exécutif, limitation du droit de vote). Cette oligarchie qui se colle au Parti républicain, en vue de faire élire au Congrès des représentantEs et des sénateurTRICEs qui seront et sont disposéEs à adopter des lois qui vont compliquer l'accès au droit de vote à différentes catégories de citoyenNEs (principalement des personnes racisées et des femmes) et pourquoi pas cultiver, par divers moyens, l'apathie politique d'un nombre important de citoyenNEs, le tout en vue de limiter les votes favorables aux démocrates.

Est-il nécessaire de préciser que cette oligarchie de la richesse correspond à une ploutocratie réactionnaire et conservatrice qui veut faire disparaître, entre autres choses, les lois favorables à la protection de l'environnement ainsi que celles qui posent des limites ou des contrôles accrus aux activités dans le champ des nouvelles technologies d'information et des communications (le monde du WEB) et dans la cryptomonnaie. Il est même recherché, par ces ultra-riches milliardaires, des juges à nommer qui vont rendre des décisions qui s'inscrivent dans le courant juridique dit « originalisme ». Ajoutons en plus que cette oligarchie veut réduire les possibilités d'une alternance politique au Congrès et à la présidence.

Similitudes et divergences avec des régimes dits « totalitaires »

Par essence, il ne saurait faire de doute que tout gouvernement qui prône la suprématie du Chef sur les autres branches ou composantes de l'État porte avec lui des similitudes avec les régimes dictatoriaux de ceux qui ont été mis en place au XXe siècle par les Mussolini, Staline et Hitler…

La tentation est donc forte — et très forte même — de vouloir affubler ou qualifier la gouverne de Donald Trump II au fascisme ou à une sorte de néo-fascisme. Nous sommes par contre d'avis qu'il faut éviter, pour le moment, ce genre de comparaison hâtive. Oui, Donald Trump se comporte en tyran, en dictateur, en chef incontestable, en leader qui veut disposer d'un corps de serviteurs fidèles et serviles à son service tout en désirant être adulé par les foules. En plus, il répète son désir d'étendre son espace territorial vital à une terre proche (le Canada) comme lointaine (le Groenland), jugée nécessaire à la défense de son pays et d'accéder, par le fait même, aux ressources et aux richesses de ces territoires ; ressources et richesses qui font cruellement défaut à l'économie américaine.

Il y a quand même, selon nous, des nuances à prendre en considération entre les dictatures fasciste et nazie et le régime trumpiste. Nous ne sommes pas devant un dirigeant qui a un plan d'extermination de ses opposantEs et des oppositions — du moins, pas encore dans cette tournure meurtrière. Il est certes sur une lancée visant à continuer son œuvre déroutante, déconcertante, etc…. En agissant comme il le fait, Trump II concrétise et incarne la forme corrompue de la démocratie, selon la typologie aristotélicienne (mais aussi platonicienne) : il agit en tyran qui confond son intérêt personnel et celui des membres de son « sérail » immédiat avec le bien commun. Nous n'avançons donc pas que le régime trumpiste est un régime fasciste ou hitlérien… Il faut trouver des mots justes au contenu précis pour décrire la nouvelle réalité qui prend forme sous nos yeux. Avec Trump II, comme avec ses prédécesseurs, ce ne sera pas avant la fin de sa présence au Bureau ovale de la Maison-Blanche, dans quatre ou huit ans, que nous serons en mesure de forger ce mot-synthèse ou ce concept qui caractérisera l'ensemble de son œuvre qui prend incontestablement sa source dans l'idéologie libertarienne antiétatique qui est accompagnée d'un mouvement social diffus, mais très actif dans le Parti républicain et largement financé par des fondations et des fortunes privées.

N'empêche que l'homme derrière la présidence possède des traits de caractère qui le rapproche de dirigeants autoritaires, voir même « fasciste » à la rigueur. Car, comme les autres, il provient d'un régime démocratique et a en aversion les lois en vigueur, ou du moins les envisagent autrement. Il se sent coincé par le régime qui l'empêche de réaliser ses desseins, alors que ceux-ci sont généralisés à l'ensemble d'une population jugée comme étant perdue ou en quête d'une nouvelle utopie. La vraie liberté américaine vantée par la démocratie ne peut exister. Elle doit être guidée, ramenée dans un régime dont le dirigeant en connaît la véritable portée. Autrement dit, le régime doit être réformé en totalité, voire même contrôlé par quelqu'un qui saura l'incarner. Et comme le soulignait Montesquieu (XVIIIe, Troisième Livre, Chapitre 8, p. 67), en parlant du gouvernement despotique :

« Comme il faut de la vertu dans une République, et dans une monarchie de l'honneur, il faut de la crainte dans un gouvernement Despotique[,] pour la vertu elle n'y est point nécessaire et l'honneur y serait dangereux. Le pouvoir immense du Prince [voire du Despote] y passe tout entier à ceux à qui il le confie. Des gens capables de sentiments beaucoup. Eux-mêmes y seraient en état de faire des révolutions : il faut donc que la crainte y abatte tous les courages et y éteigne jusqu'au moindre sentiment d'ambition ». (Citation adaptée à l'orthographe et à la grammaire d'aujourd'hui).

Mais comme nous l'avons précisé, il est encore tôt pour statuer définitivement sur le qualificatif d'État despotique et l'attribuer aux USA, mais les diverses actions de la présidence actuelle démontrent bien la voie prise en ce sens. Montesquieu (XVIIIe, Cinquième Livre, Chapitre 13, p. 153) encore résume l'idée du despotisme comme suit : « Quand les Sauvages de la Louisiane veulent avoir du fruit[,] ils coupent l'arbre au pied et cueillent le fruit[,] voilà le gouvernement Despotique ». Il faut certes contextualiser cette citation et renier sa connotation raciste, afin de retenir l'action symbolisée ici, c'est-à-dire ruiner ce qui apporte les bénéfices à la nation. Autrement dit, en osant ici supputer sur l'avenir, les qualités reconnues des USA seront perdues et l'unité, déjà perdue, se divisera encore davantage ou plutôt cette division se cristallisera et se radicalisera au point de créer un conflit interne devant aboutir à de grandes souffrances pour le pays.

Et les juges dans tout ça ?

« Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » a dit Montesquieu.

Jusqu'à maintenant, Donald Trump est parvenu à obtenir une immunité présidentielle élargie, il a nommé une flopée impressionnante de juges à travers le pays (200 environ) et trois à la Cour suprême des USA. Que vont dire ces juges du coup de force en cours visant à renforcer davantage le pouvoir présidentiel ? Car il s'agit bel et bien d'un coup de force qui prend forme en ce moment. Ces juges qui ont été sélectionnés en raison de leur position antiavortement et en faveur de l'immunité des décisions du président en exercice affirmeront-elles et affirmeront-ils leur indépendance ou trouveront-elles et trouveront-ils le moyen de donner des victoires constitutionnelles à Donald Trump ? Autrement dit, les juges en place vont-elles et vont-ils avaliser le coup d'État institutionnel qui se déploie sous nos yeux ? Les institutions américaines (le Congrès et les tribunaux) seront-elles en mesure de freiner et d'empêcher Donald Trump de remettre en question la séparation des pouvoirs prévue dans et par la constitution américaine ? Donald Trump semble prêt à se lancer dans un affrontement et un conflit avec la branche judiciaire. Il veut tester le système judiciaire en matière de partage des pouvoirs entre la branche exécutive et la branche judiciaire. C'est le système des checks and balance (le système de freins et de contrepoids) qui est en jeu ici. Se pose dès lors, avec beaucoup d'acuité l'interrogation suivante : jusqu'à quel point les institutions politiques prévues en vue de limiter les excès et les abus de pouvoir de Donald Trump seront-elles en mesure de le freiner, le contenir et l'empêcher d'agir ? L'avenir le dira.

Président des USA et chef du monde entier

En ce moment, nous assistons au retour de la notion d'impérialisme américain dans les déclarations ou les analyses de personnes qui ont fait leurs études dans des institutions universitaires conservatrices… Par-delà cet aspect particulier de la conjoncture politique, il est vrai que Donald Trump semble se prendre non seulement pour le président des USA, mais aussi pour le chef du monde entier. Lui et les membres de son cercle restreint se considèrent comme les nouveaux « Maîtres du monde » — du moins leurs agissements vont en ce sens. Trump se croit tout puissant, voire même hyper puissant. Il veut découper et partager le monde avec des vis-à-vis qu'il veut choisir seul ; voilà la conception d'un authentique despote.

La naissance d'un « état d'exception » ?

Il semble donc clair, selon nous, que Donald Trump veut mettre à plat la démocratie américaine et voir triompher la suprématie présidentielle sur les autres composantes de l'État. Y parviendra-t-il ? C'est lors de cet éventuel affrontement décisif avec les juges de la Cour suprême américaine que nous serons en mesure de constater si ses actions, ses exactions et ses interventions laisseront et ont laissé un caractère durable dans le temps et sur les institutions juridico-politiques des USA. La méthode du fait accompli — par le recours à la tronçonneuse et la multiplication des décrets présidentiels — sera-t-elle accompagnée de ruptures irréversibles qui seront difficiles à redresser ? En attendant, nous pouvons nous demander si ce n'est pas un « état d'exception » qui se met en place aux USA ?

L'État d'exception, selon nous, correspond à ce moment où le droit est en dehors du droit, tout en y appartenant. Donc, une situation contraire et à première vue étrangère au droit, mais qui reste légale tant que les juges n'ont rien tranché définitivement (Agamben, 2003). Bref, il s'agit d'un point de déséquilibre passager et provisoire entre le droit et le fait politique. C'est ce qui fait dire à Saint-Bonnet (2001, p. 335) ceci : « L'état d'exception, qui se caractérise par l'évidente nécessité, convertit une décision normalement inconstitutionnelle en non-décision inconstitutionnelle par une métamorphose qui appartient à un registre dont ni le politique ni le juridique ne peuvent rendre compte ». N'est-ce pas véritablement ce qui est en train de se mettre en place sous nos yeux au sud de la frontière canadienne ?

Quoi qu'il en soit, l'histoire nous enseigne comment les plus grands dictateurs ont été soit neutralisés ou soit renversés. En attendant, il ne faut pas rester les bras croisés. Il faut intervenir sur la scène publique et déployer son agentivité dans cette période trouble où même certaines bouches ministérielles, habituellement très sélectives dans leur choix de mots et qui n'ont surtout pas été formées sur les banquettes des peu nombreuses universités progressistes canadiennes ou dans les rangs des groupuscules de l'extrême gauche des années soixante-dix, osent parler maintenant très ouvertement de l'impérialisme américain. Le monde est en train de changer de base, mais, hélas, nulLE ne peut prédire l'avenir…

Guylain Bernier
Yvan Perrier
22 février 2025
14h30

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Références

Agamben, Giorgio. 2003. État d'exception : Homo Sacer. Paris : Seuil, 153 p.

Montesquieu, Charles de Secondat. XVIIIe siècle. De l'Esprit des Lois : Premier jet. Tome I (version manuscrite — archives de La Brède). Paris : NAF 12382.

Platon. 1993. La République : Du régime politique. Paris : Gallimard, 551 p.

Saint-Bonnet, François. 2001. L'État d'exception. Paris : PUF, 393 p.

Le gouverneur de l’Illinois, J.B. Pritzker, fait appel à la vigilance devant le gouvernement de Donald Trump

25 février, par André Jacob, J.B. Pritzker, Ovide Bastien — , ,
Le gouverneur démocrate de l'Illinois, J.B. Pritzker, élu en 2018 et réélu en 2022, a livré un discours émouvant, le 18 février 2025, dans lequel il présente une critique bien (…)

Le gouverneur démocrate de l'Illinois, J.B. Pritzker, élu en 2018 et réélu en 2022, a livré un discours émouvant, le 18 février 2025, dans lequel il présente une critique bien sentie de Donald Trump ; il tire la sonnette d'alarme devant la mainmise de ce dernier, d'Elon Musk, et autres sbires multimilliardaires sur le gouvernement fédéral américain.

Depuis l'élection de ce président populiste réactionnaire, les oligarques des gigantesques entreprises du contrôle numérique (Meta, Apple, etc.) et du commerce libertarien (Amazon, Uber, AirBnB, etc.) font la loi ; ils donnent l'impression de jouer dans un vieux film western dans lequel les bons cowboys éliminent les méchants « indiens » et tous les opposants à leur rêve de conquête de l'Ouest.

Hélas, sous nos regards incrédules, la conquête économique libertarienne au profit de bandes milliardaires organisées s'avère réelle et déjà ancrée dans l'opinion publique par les discours propagandistes arrogants, illusionnistes et manipulateurs de ces nouveaux chevaliers d'un nouvel ordre mondial qui se bâtit par la distorsion des faits ; le mensonge devient prégnant dans tous leurs discours.

Ces sangsues de l'État sans foi ni loi, sinon la leur, se croient les prophètes éclairés d'une société définie à leur image et à leur ressemblance en utilisant même la référence à Dieu s'ils jugent utiles de le faire selon leurs intérêts du moment. Au détriment des règles de base du droit et de la démocratie, ils lancent le gouvernement américain actuel dans une vaste entreprise de contrôle de tous les secteurs de la société américaine, notamment en s'attaquant à leurs « ennemis intérieurs » (la fonction publique, les immigrants, les intellectuels, les artistes, les scientifiques, les opposants politiques, etc.). Leur visée hégémonique ne s'arrête pas en si bon chemin, car Trump et sa bande veulent imposer les règles du jeu au monde entier, y compris, bien évidemment au Canada.

Le gouverneur Pritzker dénonce ce contexte délétère et invite tous les citoyens et citoyennes lucides à se lever et à agir pour éteindre la déflagration sociale, culturelle, politique et économique déclenchée par D. Trump et ses alliés du jour. Politicien expérimenté, le gouverneur Pritzker met le doigt sur la plaie vive de la révolution « trumpienne », cette vaste escroquerie morale détournant les rouages de l'État selon les principes du capitalisme libertarien.

Cette dérive antidémocratique, affirme Pritzker, attaque les droits fondamentaux et socioéconomiques de tous les citoyens et toutes les citoyennes, mais surtout ceux des groupes minoritaires et différents de la majorité blanche et chrétienne.

L'étranger comme vecteur de la propagande

Forts du soutien d'une masse de supporteurs fanatisés au regard embué par la désinformation, les « hommes » milliardaires aux commandes à Washington (les femmes restent absentes de leur univers étroit) profitent aussi de l'indifférence et de l'ignorance crasse d'une bonne partie de la population pour faire advenir leur royaume. On voit naître et s'organiser une répression structurée et systémique (par exemple, l'expulsion massive d'immigrants dits illégaux, le congédiement irréfléchi de milliers d'employé.e.s de l'État y compris des hauts-gradés de l'armée, etc.) ; ils évoquent n'importe quel motif de discrimination classique : sexe, l'identité ou l'expression de genre, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la couleur de la peau, la condition sociale, le handicap, etc. À leurs yeux, les personnes qui ne correspondent pas à leur credo ne trouvent pas grâce à leurs velléités de domination.

Le gouverneur Pritzker fait ressortir concrètement les effets négatifs que produisent les changements en cours téléguidés par la clique de tartuffes installés à la Maison blanche. Devant les élus de l'Illinois, il balise clairement les sentiers de la résistance et de l'offensive contre la supercherie antidémocratique et la propagande haineuse, soit l'engagement et l'action citoyenne dans le développement de stratégies et de tactiques de résistance et de perspectives constructives adaptées à la situation critique actuelle.

Pour illustrer la nécessité de l'engagement citoyen, il réfère à l'histoire avec un grand H ; il propose d'en retenir les leçons afin d'éviter les drames bien connus par des phénomènes massifs de discrimination contre les citoyens et citoyennes jugés « ennemis de l'intérieur ». On peut prévenir, par exemple, la répétition d'une tragédie historique comme l'Holocauste, estime-t-il, en agissant contre toutes les facettes et les manifestations de la haine et de l'ignominie du pouvoir politique trumpiste. Fort de son expérience personnelle comme juif, il rappelle que l'antisémitisme n'est pas né d'un coup de baguette magique, mais de la construction systématique des Juifs comme responsables de tous les maux de la société, soit la grande crise économique déclenchée en 1929.

Selon les tactiques de la propagande élémentaire, rien de mieux qu'un ennemi mythique pour justifier différentes exactions ; il suffit de mettre en marche le téléviseur pour voir la propagande à l'œuvre : tous les problèmes sont la faute de tel ou tel politicien ou bien des immigrants souvent traités de criminels, d'illégaux, d'usurpateurs des services publics comme l'a souvent répété le premier ministre du Québec (ils seraient la cause des problèmes dans les écoles, les services de santé, de la pénurie de logements, etc.). Le discours n'est même plus subtil ; on manipule les faits pour faire croire à une menace de la part de l'étranger, cet inconnu différent de nous. Cette stratégie est vieille comme le monde. Au Québec, l'étranger a souvent été présent dans la littérature comme le personnage mystérieux qui intrigue ou qui fait peur. Pensons, par exemple, au « Survenant » de Germaine Guèvremont.

Vigilance face à la tentation du totalitarisme

La prise de position du gouverneur Pritzker nous invite à relire Hannah Arendt sur le totalitarisme et l'antisémitisme. Ces deux paradigmes reposent sur le socle bancal du mensonge. À l'antisémitisme, aujourd'hui, s'ajoutent le racisme, la xénophobie, la misogynie et toutes les autres formes de discrimination utilisées par le gouvernement de Trump. Le propos de cette remarquable philosophe reste fort d'actualité par rapport à la conjoncture politique américaine actuelle au sein de laquelle la vérité n'est plus une valeur morale. Au contraire, la désinformation et le sophisme font loi. Hannah Arendt rappelle le sens de la pensée sophiste chez Platon : il découvrit que leur 'art universel d'enchanter l'esprit par des arguments' (Phèdre, 261) n'avait rien à voir avec la vérité, mais avait pour but les opinions, changeantes par leur nature même, et 'valides uniquement quand un accord se fait et aussi longtemps qu'il dure' (Théètète, 172). Il découvrit aussi l'instabilité de la vérité dans le monde, car c'est 'des opinions que procède la persuasion, mais non point la vérité' (Phèdre, 260). Et elle ajoute que les sophistes modernes détruisent la dignité de l'action humaine et les faits sont utilisés à tort afin de prouver telle ou telle opinion.[1] C'est, hélas, la manière de faire du gouvernement de Trump dans toutes ses tentatives de discréditer des personnes ou des groupes en radotant des faussetés qui semblent plus plausibles que la réalité. Pour faire face à cette lutte idéologique menée tambour battant par ce vil personnage, Arendt pourrait dire encore aujourd'hui que les résultats de telles expériences, effectuées par des hommes disposant des moyens de la violence, sont assez effrayants, mais ils ne disposent pas du pouvoir d'abuser indéfiniment. Poussé au-delà d'une certaine limite, le mensonge produit des résultats contraires au but recherché ; cette limite est atteinte quand le public auquel le mensonge est destiné est contraint, afin de pouvoir survivre, d'ignorer la frontière qui sépare la vérité du mensonge.[2] Ce point tournant permet à un personnage comme le gouverneur Pritzker de croire au changement et au retour à la raison et à la vérité.

En ce sens, le gouverneur Pritzker tente d'éveiller les consciences et invite à regarder au-delà de la grisaille du moment présent. Méfions-nous des manipulateurs de la vérité ! Sous prétexte de redonner à l'Amérique toute sa splendeur – Make America Great Again ! – on utilise la construction d'ennemis mythiques menaçants pour justifier les dérives antidémocratiques, bafouer les droits fondamentaux et socioéconomiques et fomenter des guerres au détriment de la recherche d'une paix durable. Chaque jour, on semble inventer un nouvel ennemi menaçant qui ne mérite qu'une chose : la répression, l'expulsion ou l'élimination du monde de la majorité imbue de convictions patriotiques exacerbées par des discours incendiaires.

Extraits du discours du gouverneur Pritzker

Quelles que soient les circonstances budgétaires, qu'il y ait une guerre mondiale ou une pandémie mortelle, quel que soit le nombre de gouverneurs et de législateurs élus et installés, chaque année, notre processus démocratique recommence. Et chaque année, nous nous réunissons en tant que représentants démocratiquement élus du peuple - pour reconnaître que le pouvoir qu'ils nous accordent à chaque élection et réélection n'est pas illimité.

Ce sont des traditions comme celle-ci, qui rassemblent toutes les branches du gouvernement pour qu'elles se respectent mutuellement, qui sont à la base des garde-fous de notre démocratie. Le seul pouvoir que la Constitution reconnaît vraiment est celui de savoir s'humilier devant notre peuple.

Je crois fermement que nous devons poursuivre notre engagement ferme à renforcer le Rainy Day Fund, le financement de nos écoles publiques, l'investissement dans la croissance économique et l'emploi, et l'amélioration des services, dont ont besoin les familles de travailleurs et les personnes les plus vulnérables. Ce sont des choses sur lesquelles nous ne pouvons pas faire de compromis, en particulier lorsque nous sommes confrontés à l'incertitude des tactiques désordonnées du gouvernement fédéral à l'égard des Américains de tous les jours, selon le principe "prêt, feu, cible".

Je sais qu'il est de bon ton, au niveau fédéral, de sabrer sans discernement dans le financement des écoles, la couverture des soins de santé, le soutien aux agriculteurs et les services aux anciens combattants. Ils disent qu'ils le font pour éliminer les inefficacités. Mais seul un idiot penserait que nous devrions supprimer les interventions d'urgence en cas de catastrophe naturelle, l'éducation et les soins de santé pour les enfants handicapés, les enquêtes sur les crimes commis par les gangs, les programmes d'assainissement de l'air et de l'eau, la surveillance des mauvais traitements dans les maisons de retraite, la réglementation des réacteurs nucléaires et la recherche sur le cancer.

Nous devrions nous attacher à rendre la vie plus abordable pour les habitants de l'Illinois. Avec les nouveaux tarifs douaniers déjà mis en place par le président Trump et ceux qu'il a proposés, le coût des produits de tous les jours comme les tomates, le bœuf et la bière est susceptible d'augmenter à nouveau. Il est déconcertant de constater que lorsque cela se produit, il semble que les grandes entreprises se contentent d'augmenter les prix pour accroître leurs bénéfices, tandis que les gens ordinaires doivent payer la facture. Ce n'est pas normal, et nous devons interpeller le gouvernement fédéral et les entreprises à ce sujet.

Nous pouvons faire quelque chose au niveau des États.

L'année dernière, nous avons réduit les impôts des parents en promulguant le crédit d'impôt pour enfants et en éliminant de façon permanente la taxe sur les épiceries de l'État, ce qui a permis aux habitants de l'Illinois d'économiser plus d'un demi-milliard de dollars par an. Cette année, nous allons devoir faire encore plus pour lutter contre la hausse des prix et contrecarrer les tarifs douaniers de Trump qui augmenteront les impôts des familles de travailleurs.
Cette année, la difficulté qui fait surface est le projet de Donald Trump et d'Elon Musk de voler l'argent des contribuables de l'Illinois et de priver nos concitoyens de la protection et des services dont ils ont besoin.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples.

20 millions d'Américains, dont 700 000 ici dans l'Illinois, perdront leur couverture de soins de santé - si les républicains du Congrès réussissent dans leur effort pour réduire l'Affordable Care Act (Loi sur les soins abordables) et les hôpitaux ruraux à travers l'Illinois seront fermés.

L'administration Trump a coupé le financement des inspecteurs de la sécurité alimentaire pendant près d'un mois, impactant plus de 70 installations de viande et de volaille dans l'Illinois. Sans ces inspecteurs, la chaîne d'approvisionnement s'effondre, les prix montent en flèche, des agriculteurs aux camionneurs en passant par les conditionneurs de viande et les détaillants, des emplois seront perdus.

Les programmes de repas à domicile - qui livrent 12 millions de repas par an à 100 000 personnes âgées et handicapées dans l'Illinois - sont en passe d'être supprimés par le gouvernement fédéral.

C'est une réalité. La nouvelle administration, le Congrès républicain et Elon Musk ont l'intention de supprimer ces programmes. Pour tous les habitants de l'Illinois qui nous regardent à la maison, permettez-moi d'être clair : cela va affecter votre vie quotidienne. Le budget de l'État ne peut pas compenser les dommages causés aux habitants de l'État s'ils réussissent.

Il y a des gens - certains dans mon propre parti - qui pensent que si vous donnez à Donald Trump tout ce qu'il veut, il fera une exception et vous épargnera une partie du mal. Je vais ignorer l'abdication morale de cette position pendant juste une seconde pour dire que presque aucune de ces personnes n'a la même expérience que moi de ce président. J'ai un jour ravalé ma fierté pour lui offrir ce qu'il apprécie le plus - des éloges publics dans les journaux télévisés du dimanche - en échange de ventilateurs et de masques N95 pendant le pire de la pandémie. Nous avons conclu un marché. Et il s'avère que ses promesses ont été aussi brisées que les machines BIPAP qu'il nous a envoyées à la place des ventilateurs. S'entendre pour s'entendre ne fonctionne pas - il suffit de demander aux gouverneurs des États rouges qui craignent Trump et qui doivent faire face aux mêmes réductions que nous. Je ne me laisserai pas berner deux fois.

Ces quatre dernières semaines, j'ai réfléchi à deux aspects importants de ma vie : mon travail pour aider à construire le musée de l'Holocauste de l'Illinois et les deux fois où j'ai eu le privilège de réciter le serment d'office du gouverneur de l'Illinois.

Comme certains d'entre vous le savent, Skokie, dans l'Illinois, comptait autrefois l'une des plus grandes populations de survivants de l'Holocauste au monde. En 1978, des nazis ont décidé d'y organiser une marche.

Les organisateurs de cette marche savaient que l'image de jeunes gens portant la croix gammée et marchant au pas de l'oie dans une rue paisible de la banlieue terroriserait la population juive locale, dont beaucoup ne s'étaient jamais remis de leur séjour dans les camps de concentration allemands.

La perspective de cette marche a déclenché une bataille juridique qui est allée jusqu'à la Cour suprême. C'est un avocat juif de l'ACLU qui a plaidé la cause des nazis en soutenant que même les discours les plus haineux étaient protégés par le premier amendement.

En tant qu'Américain et Juif, il m'est difficile d'exprimer mes sentiments sur cette affaire de la Cour suprême, mais je suis reconnaissant que la perspective de voir des nazis défiler dans leurs rues ait incité les survivants et d'autres habitants de Skokie à agir. Ils se sont regroupés pour créer la Fondation du mémorial de l'Holocauste et ont construit le premier musée de l'Holocauste de l'Illinois dans une vitrine en 1981 - un petit mais important précurseur de celui que j'ai aidé à construire trente ans plus tard.

Je n'invoque pas le spectre des nazis à la légère. Mais je connais l'histoire intimement - et j'ai passé plus de temps que probablement n'importe qui dans cette salle avec des personnes qui ont survécu à l'Holocauste. Voici ce que j'ai appris : la racine qui détruit les fondations de votre maison commence par une graine - une graine de méfiance, de haine et de blâme.

La graine qui a donné naissance à une dictature en Europe il y a quelques décennies n'est pas apparue du jour au lendemain. Elle a commencé avec des Allemands ordinaires qui étaient choqués par l'inflation et qui cherchaient un coupable.

J'observe avec effroi ce qui se passe actuellement dans notre pays. Un président qui regarde un avion s'écraser dans le Potomac et qui suggère - sans faits ni preuve aucune - qu'un employé issu de la diversité est responsable de l'accident. Ou le procureur général du Missouri qui vient de poursuivre Starbucks, arguant que les consommateurs paient leur café plus cher parce que les baristas sont trop « féminins » et « non blancs ». Le manuel de l'autoritarisme est ici mis à nu : Ils désignent un groupe de personnes qui ne vous ressemblent pas et vous disent de les rendre responsables de vos problèmes.

Je n'ai qu'une question à poser : Quelle est la prochaine étape ? Après avoir discriminé, déporté ou dénigré tous les immigrés, les gays, les lesbiennes, les transsexuels, les handicapés, les femmes et les minorités, après avoir ostracisé nos voisins et trahi nos amis, après que les problèmes que nous avons rencontrés au départ soient toujours là, à nous regarder en face, quelle est la prochaine étape ?

Toutes les atrocités de l'histoire de l'humanité se cachent dans la réponse à cette question. Et si nous ne voulons pas répéter l'histoire - pour l'amour de Dieu, en ce moment, nous ferions mieux d'être assez forts pour en tirer les leçons.

J'ai prêté le serment suivant sur la Bible d'Abraham Lincoln : « Je jure solennellement que je soutiendrai la Constitution des États-Unis et la Constitution de l'État de l'Illinois, et que je remplirai fidèlement les devoirs de la fonction de gouverneur .... au mieux de mes capacités. »

Je prête serment à la Constitution de notre État et de notre pays. Nous n'avons pas de rois en Amérique - et je n'ai pas l'intention de m'agenouiller devant l'un d'entre eux. Je ne m'exprime pas au service de mes ambitions, mais par respect pour mes obligations.

Si vous pensez que je réagis de manière excessive et que je tire la sonnette d'alarme trop tôt, considérez ceci :

Il a fallu un mois aux nazis, trois semaines, deux jours, huit heures et 40 minutes pour démanteler une république constitutionnelle. Tout ce que je dis, c'est que lorsque le feu à cinq alarmes commence à brûler, toute bonne personne devrait être prête à se mobiliser avec un seau d'eau si vous voulez l'empêcher de devenir incontrôlable.

Ces nazis de l'Illinois ont fini par organiser leur marche en 1978, mais pas à Skokie. Après toutes les retombées de l'affaire, ils ont décidé de manifester à Chicago. Seuls vingt d'entre eux se sont présentés. Mais 2 000 personnes sont venues protester. Le Chicago Tribune a rapporté ce jour-là que le « rassemblement s'est terminé de manière peu spectaculaire au bout de dix minutes ». Ce sont les habitants de l'Illinois qui ont étouffé ces braises avant qu'elles ne se transforment en flammes.

La tyrannie exige votre peur, votre silence et votre conformité. La démocratie exige votre courage. Alors rassemblez votre justice et votre humanité, Illinois, et ne laissez pas « l'esprit tragique du désespoir » nous envahir au moment où notre pays en a le plus besoin de nous.

Merci.

(1) Arendt, Hannah (2002). Les origines du totalitarisme. Eichmann à Jérusalem. Paris, Quarto Gallimard, p. 227.
(2) Arendt, Hannah (1972). Du mensonge à la violence. Paris, Calman-Lévy, p. 11.

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Dérèglements climatiques ? L’hiver 2025

25 février, par Denise Campillo — , ,
Enfin un vrai hiver ! De la neige, des beaux paysages. On en oublierait presque les dérèglements climatiques qui semblent pour le moment moins violents au Québec qu'ailleurs (…)

Enfin un vrai hiver ! De la neige, des beaux paysages. On en oublierait presque les dérèglements climatiques qui semblent pour le moment moins violents au Québec qu'ailleurs dans le monde.

Ce qui nous préoccupe le plus en ce moment, ce sont les décisions aberrantes de notre voisin du sud, rendu fou par le goût du pouvoir et de l'argent. Fermer les frontières, enrichir les riches, exploiter les ressources naturelles et les travailleurs, faire peur au monde, menacer, faire du chantage : quel beau programme politique !

C'est peut-être justement ce qu'il nous fallait pour réfléchir à notre avenir à tous. Nos responsables politiques, à tous les niveaux, appellent à une remise en question. Nous, citoyens et citoyennes, que pouvons-nous faire ?

Boycotter les produits et les services américains, ne pas voyager aux États-Unis, c'est un bon début. Se nourrir avec des produits québécois (ou canadiens) ; acheter local au lieu de commander sur le web (ce qui évite aussi bien du gaspillage d'emballage).

Mais peut-être aussi consommer moins, gaspiller moins, voyager moins, penser à notre bilan carbone personnel. Nous sommes parmi les plus riches et les plus pollueurs de la planète. Et si tant d'humains essaient de quitter leur pays, c'est qu'ils y sont forcés, parfois par la guerre et la violence, souvent par la dégradation de leur environnement, de leurs terres, de leurs ressources, à cause de leur surexploitation et de la multiplication des désastres naturels (ouragans, inondations, incendies, sécheresses, canicules, manque d'eau).

Ces migrations, nous en sommes historiquement et économiquement responsables. N'oublions pas que la plupart d'entre nous sommes issus de l'immigration : soyons ouverts et respectueux envers les personnes qui frappent à nos portes.
C'est bien beau, toutes ces grandes déclarations, mais qu'est-ce qu'on fait ?

À notre échelle, on se rapproche, on travaille ensemble, on soutient nos instances démocratiques municipales et régionales. On les appelle à favoriser les structures existantes, le Cercle des fermières, les Loisirs et les initiatives sociales, économiques, communautaires, environnementales, éducatives et culturelles dans les MRC et dans les municipalités qui les composent.

On innove dans tous les domaines avec comme toile de fond la nécessité de lutter contre les dérèglements climatiques et de développer l'écoute, le partage, la mise en commun et la solidarité. Des idées ? Des suggestions ?

Denise Campillo
Roxton Falls

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Trump transforme les alliances mondiales et instaure une nouvelle ère impérialiste

25 février, par Dan La Botz — , ,
Donald Trump modifie fondamentalement la politique étrangère des États-Unis et ébranle les alliances mondiales en place depuis quatre-vingts ans. Il a ainsi choisi Vladimir (…)

Donald Trump modifie fondamentalement la politique étrangère des États-Unis et ébranle les alliances mondiales en place depuis quatre-vingts ans. Il a ainsi choisi Vladimir Poutine plutôt que l'Otan et l'Europe.

Hebdo L'Anticapitaliste - 742 (20/02/2025)

Par Dan La Botz

Crédit Photo
DR

Trump et Poutine ont apparemment l'intention d'imposer un traité qui obligerait l'Ukraine à céder 20 % de son territoire et lui interdirait d'adhérer à l'Otan. Trump souligne la faiblesse des sondages de popularité du président Volodymyr Zelensky, suggérant qu'il n'a pas le droit de parler au nom de l'Ukraine. Les États-Unis et la Russie sont depuis longtemps des puissances impériales ; désormais ils coopèrent et isolent des négociations de paix les puissances européennes qui craignent que si la Russie gagne des territoires en Ukraine, le prochain mouvement de Poutine soit éventuellement en direction de la Transnistrie, la Moldavie, l'Estonie voire la Pologne.

L'œil d'un agent immobilier sur Gaza

Au Moyen-Orient, Trump, qui admire l'autoritaire Benyamin Netanyahou et soutient Israël, propose de terminer la guerre en transformant Gaza en colonie américaine et en expulsant les deux millions de PalestinienNEs, en violation du droit international. Il suggère d'envoyer les PalestinienNEs en Égypte et en Jordanie et laisse entendre que l'Arabie saoudite pourrait financer son plan. L'Égypte, la Jordanie et l'Arabie saoudite se sont déclarées opposées à ce plan, mais Trump menace de réduire leur aide américaine s'ils n'acceptent pas. Une fois expulséEs, les PalestinienNEs ne seront pas autorisés à retourner dans leur pays, selon Trump. Avec l'œil d'un agent immobilier, il affirme que Gaza deviendra « la Riviera du Moyen-Orient », une station balnéaire internationale.

Autour du canal de Panama

Dans l'hémisphère occidental, Trump affirme qu'il s'emparera par la force si nécessaire du Groenland, possession du Danemark, membre de l'Otan. Il veut également faire main basse sur le canal de Panama, affirmant que la Chine contrôle désormais cette voie d'eau cruciale parce qu'une entreprise chinoise a des activités dans des ports situés à la fois sur les rives de l'Atlantique et du Pacifique. La menace de Trump a conduit le président du pays, José Raúl Mulino Quintero, à accepter des déportéEs américains d'origine africaine et asiatique dans son pays afin d'amadouer Trump. Lequel dit vouloir également absorber le Canada pour en faire le 51e État, une déclaration que le Premier ministre Justin Trudeau a qualifiée de véritable menace, tout en déclarant qu'il n'y a « pas la moindre chance ».

Droits de douane et immigration

En rupture avec les pratiques antérieures, Trump utilise les droits de douane de manière agressive contre des concurrents comme la Chine et contre des alliés comme le Canada, le Mexique et l'Union européenne. Il a pour l'instant reporté les droits de douane de 25 % annoncés pour le Mexique et le Canada, mais il a augmenté de 10 % ceux sur les produits chinois. La Chine a répondu.

La politique d'immigration de Trump a également été source de conflits. Lorsque les États-Unis ont expulsé des immigrantEs colombienNEs sans papiers dans des avions militaires, le président de gauche Gustavo Francisco Petro a refusé de laisser l'avion atterrir car les citoyenNEs du pays n'étaient pas traitéEs avec dignité. Menacé de tarifs douaniers de 25 %, Petro a cédé et a exhorté les ColombienNEs sans papiers à rentrer chez eux afin d'éviter de nouvelles frictions avec les États-Unis, affirmant qu'il apporterait son soutien à ceux qui reviendraient. Gustavo Petro a également annulé un contrat de 880 millions de dollars conclu par une société publique équatorienne avec la compagnie américaine Occidental Petroleum pour la réalisation de fracturations hydrauliques aux États-Unis.

Suppression de l'aide humanitaire

Enfin, la décision de Trump et de son partenaire milliardaire Elon Musk de fermer l'Agence américaine pour le développement international (USAID), le bras armé de l'Amérique depuis soixante ans, a conduit à l'annulation soudaine de millions de dollars d'aide humanitaire — nourriture, médicaments, écoles — dans 100 pays et au licenciement d'un grand nombre des 10 000 employéEs internationaux de l'agence. Trump est ainsi apparu comme l'ennemi de millions de personnes. Détestable !

Dan La Botz, traduction Henri Wilno

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États-Unis. Contre-la-montre pour sauver les données scientifiques des sites fédéraux américains

25 février, par Scott J Mulligan — , ,
Alors que le gouvernement Trump enchaîne les fermetures de sites web fédéraux, de nombreuses organisations non partisanes s'efforcent d'archiver les données scientifiques, (…)

Alors que le gouvernement Trump enchaîne les fermetures de sites web fédéraux, de nombreuses organisations non partisanes s'efforcent d'archiver les données scientifiques, concernant notamment la santé et le climat, avant qu'elles ne disparaissent pour toujours. Une tâche ardue, constate “MIT Technology Review”.

18 février 2025 | tiré du Courrier international | Photo : Dessin de Martirena, Cuba.
https://www.courrierinternational.com/article/etats-unis-contre-la-montre-pour-sauver-les-donnees-scientifiques-des-sites-federaux-americains_227586

Au cours des trois dernières semaines, des milliers de pages web gouvernementales concernant la santé publique, la justice environnementale et la recherche scientifique sont devenues inaccessibles.

Ce blocage massif s'inscrit dans la volonté du nouveau gouvernement de retirer toute information relative à la diversité et à l'“idéologie du genre” et de surveiller les pratiques de diverses agences fédérales.

Lire aussi : États-Unis. Pourquoi Elon Musk veut la peau de l'USAID, l'agence américaine pour le développement

Le site de l'Usaid [l'Agence des États-Unis pour le développement international] est désormais fermé, ainsi que d'autres qui lui sont liés, par exemple Childreninadversity.gov.. Il en va de même pour des milliers de pages du Bureau du recensement, des Centres de contrôle et prévention des maladies et du Bureau des programmes relatifs à la justice.

Une situation inédite qui pousse à l'action

“On n'a jamais rien vu de pareil, dit David Kaye, professeur de droit à l'université de Californie à Irvine et ancien rapporteur spécial des Nations unies pour la liberté d'opinion et d'expression. Personne ne sait ce qu'il se passe exactement. Ce qu'on voit, c'est que des sites gouvernementaux et des bases de données d'intérêt général essentielles sont inaccessibles. L'intégralité du site de l'Usaid a disparu.”

Mais pendant que l'Internet gouvernemental s'éteint, plusieurs organisations s'efforcent d'archiver documents et informations avant qu'ils ne disparaissent pour de bon. Elles espèrent garder une trace des données perdues pour que les scientifiques et les historiens puissent encore s'en servir à l'avenir.

Lire aussi : Opinion. À Washington, Elon Musk et ses sbires du Doge démolissent l'État fédéral

Si l'archivage est généralement considéré comme apolitique, les récentes actions du gouvernement ont poussé certains membres de la communauté de la conservation à réagir. Professeure émérite d'information à l'université du Michigan, Margaret Hedstrom explique :

“Je considère les actes du gouvernement actuel comme une attaque contre toute l'entreprise scientifique.”

Diverses organisations s'efforcent de sauver ce qui peut l'être. L'un des plus grands projets en ce sens est End of Term Web Archive (EoT Archive), une coalition non partisane qui sauvegarde tous les documents gouvernementaux à la fin de chaque mandat présidentiel. Les particuliers peuvent proposer des sites ou des jeux de données à conserver. “Tout ce que nous pouvons faire, c'est collecter ce qui a été publié, l'archiver et faire en sorte que ce soit accessible au public à l'avenir”, indique James Jacobs, bibliothécaire responsable de l'information du gouvernement américain à l'université Stanford et l'un des piliers d'EoT Archive.

Des données essentielles sur le climat

D'autres organisations adoptent un angle plus spécifique. L'Open Environmental Data Project(OEDP), par exemple, s'est spécialisé dans les données sur la climatologie et la justice environnementale. “On essaie de repérer ce qui a été retiré, relate Katie Hoeberling, une des dirigeantes de l'OEDP. Je ne peux pas dire avec certitude combien exactement de ce qui était accessible l'est toujours, mais on constate que le retrait s'accélère depuis deux ou trois semaines.”

Lire aussi : Environnement. Donald Trump, une catastrophe annoncée pour le climat, s'inquiète la presse internationale

En plus de repérer ce qui est retiré, l'OEDP effectue des sauvegardes des données pertinentes. Il avait commencé en novembre, à la fin du mandat de Joe Biden, mais il met les bouchées doubles depuis ces dernières semaines. “Les choses étaient beaucoup plus calmes avant l'investiture, constate Cathy Richards, une spécialiste de la technologie de l'organisation. Quand la première plateforme a fermé, le deuxième jour du nouveau gouvernement, tout le monde s'est dit : ‘Oh non ! Il faut qu'on continue à travailler sur cette liste de jeux de données.'”

Lire aussi : États-Unis. La discrète révolte des salariés de la tech contre le virage trumpiste de leurs patrons

Il s'agit d'un travail essentiel, parce que le gouvernement des États-Unis détient des informations internationales et nationales sur le climat d'une valeur inestimable. Pour Lauren Kurz, la directrice exécutive du Climate Science Legal Defense Fund, “ces sites contiennent des informations irremplaçables sur le climat. Si on les bidouille ou si on les supprime, on perd définitivement des informations essentielles. C'est absolument tragique.”

Comme l'OEDP, la Catalyst Cooperative s'efforce de stocker et de rendre accessibles aux chercheurs les données relatives au climat et à l'énergie. Ces deux organisations font par ailleurs partie de Public Environmental Data Partners, un collectif d'organisations qui se consacrent à la conservation des données environnementales fédérales. “Nous avons essayé d'identifier les ensembles de données dont nous savons que nos communautés se servent pour prendre des décisions sur la source d'électricité à privilégier ou la résilience en matière d'infrastructures”, indique Christina Gosnell, cofondatrice et présidente de Catalyst.

La récupération de données, un travail “extraordinairement difficile”

La tâche est parfois difficile ; il n'existe pas de moyen simple pour archiver toutes les données du gouvernement américain. “Les nombreux organismes et ministères fédéraux gèrent la conservation et l'archivage des données de façon très différente”, poursuit-elle. Et personne ne dispose d'une liste complète de tous les sites gouvernementaux existants. Ce mélange de données oblige, en plus du travail des robots d'indexation, qui font un état des lieux des sites et des documents, à extraire les données manuellement.

Lire aussi : Médias. Les aventuriers du Web perdu

En outre, les jeux de données se dissimulent parfois derrière une adresse de connexion ou un captcha pour empêcher une récupération automatisée. Et il arrive que les scrapers [les robots de récupération] passent à côté d'éléments clés. Les liens vers d'autres informations, par exemple, ne sont pas toujours récupérés automatiquement. Ou alors la récupération ne fonctionne pas à cause de la structure du site. Pour garantir que les informations sont correctement collectées, un être humain doit vérifier le travail du robot ou collecter les données à la main.

Reste qu'on se demande si le scraping [la récupération] de données sera suffisant. Il n'est en effet pas simple de restaurer un site et un ensemble complexe de données. “Il devient extraordinairement difficile et coûteux d'essayer de sauver et de récupérer les données, confie Margaret Hedstrom. C'est comme si on vidait un corps de son sang et qu'on attendait de lui qu'il continue à fonctionner. Il est parfois impossible de réparer et de récupérer quand on a besoin de lire les données en continu.” Christina Gosnell ajoute :

“Tout ce travail d'archivage n'est qu'un pansement provisoire.”

“Si les ensembles de données sont supprimés et ne sont plus mis à jour, ceux que nous avons archivés deviendront obsolètes et ne permettront plus de servir de base à des décisions.”

Lire aussi : Réseaux sociaux. Pourquoi tant de scientifiques migrent de X vers Bluesky

Cela pourrait avoir des effets durables. “On ne verra les conséquences de tout ça que dans dix ans, quand on remarquera qu'il y a un trou de quatre ans dans les informations”, s'inquiète James Jacobs.

Relier le présent au passé

Il est très important de connaître notre passé, soulignent les archivistes numériques. “On peut tous songer aux photos de famille qui nous ont été transmises et à l'importance de ces différents documents, rappelle Trevor Owens, responsable de la recherche à l'Institut américain de physique et ancien directeur des services numériques de la bibliothèque du Congrès. Cette chaîne de connexion avec le passé est fondamentale.”

Lire aussi : Dans nos archives. Y a-t-il quelqu'un pour sauver nos souvenirs numériques ?

“C'est notre bibliothèque, c'est notre histoire, déclare Cathy Richards. Ces informations sont financées par les contribuables ; il ne faut pas que ces connaissances disparaissent alors qu'on peut les stocker, éventuellement en faire quelque chose et continuer à en tirer des enseignements.”

Scott J Mulligan

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Trump finance une guerre spatiale

25 février, par Saïd Bouamama — , ,
Comme l'indiquait le journal La Presse du 17 février 2025, le ministre Bill Blair a déclaré jeudi le 13 février que le Canada est prêt à se joindre au projet de développement (…)

Comme l'indiquait le journal La Presse du 17 février 2025, le ministre Bill Blair a déclaré jeudi le 13 février que le Canada est prêt à se joindre au projet de développement du bouclier antimissile de type « Dôme de fer » proposé par Donald Trump.

Tiré de la Chronique de Saïd Bouamama, Le monde vu d'en bas

10 février 2025 | tiré du site Investig'action
https://www.youtube.com/watch?v=-4HmNGVa1uM&t=4s

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Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)

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Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.

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