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À toutes nos lectrices et tous nos lecteurs, voici le temps de prendre une pause salutaire et réparatrice en cette fin d'année. Nous serons de retour le 21 janvier prochain. (…)

À toutes nos lectrices et tous nos lecteurs, voici le temps de prendre une pause salutaire et réparatrice en cette fin d'année. Nous serons de retour le 21 janvier prochain. D'ici là, l'équipe de PTAG vous souhaite du repos, des rencontres intéressantes et des découvertes enrichissantes. Nous nous souhaitons aussi de faire le plein d'énergie pour relever les défis que la droite et la classe dominante nous fera à la rentrée. Nous ferons les mises à jour quotidiennes de la section "Communiqués" comme à l'habitude, question de rester en contact avec le monde.

Vous pouvez dans cet intervalle réfléchir à une éventuelle implication dans le travail de publier un média comme PTAG. Faire un don, rédiger une chronique ou une nouvelle, faire un reportage vidéo ou une entrevue avec quelqu'un qui marque les luttes dans votre milieu sont autant de façons de participer à cette entreprise. Pour rester en contact, vous pouvez aussi vous inscrire à la lettre hebdomadaire si ce n'est pas déjà fait.

Encore une fois, nous vous souhaitons une excellente fin d'année et nous nous retrouverons en 2025 pour renforcer la solidarité avec la Palestine, l'Ukraine et le Soudan, entre autres, et pour soutenir les luttes contre la droite et ses extrêmes, ainsi que contre les offensives patronales qui se profilent à l'horizon. Nous nous engageons à faire connaître les analyses des défis qui nous attendent et les réponses à y apporter.

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La 4e Fête des semences de La Pocatière : une célébration sous le thème Cultivez le Patrimoine

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Prendre parole : Extraits d’une réflexion sur Transformer le silence en paroles et en actes d’Audre Lorde

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Voix juives indépendantes se tient aux côtés du peuple syrien

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tiré du site VJI
https://www.ijvcanada.org/fr/voix-juives-independantes-se-tient-aux-cotes-du-peuple-syrien/
12 Décembre 2024 IJV Canada

Après la chute soudaine et inattendue du régime d'Assad en Syrie, nous nous trouvons à un carrefour pour la justice et la libération dans toute la région. Nous avons assisté à la libération massive de prisonniers politiques, à la réunion de familles avec leurs proches longtemps détenus dans des conditions horribles, et à des rues inondées de syrien.ne.s de retour chez eux après des années d'exil forcé. L'effondrement du régime d'Assad ouvre la voie à de nouvelles possibilités, mais il nous rappelle aussi les dangers qui nous guettent.

Israël a lancé une invasion du plateau du Golan afin d'étendre son occupation illégale à de nouveaux territoires et mène une campagne de bombardements à travers le pays destinée à détruire les moyens de défense de la Syrie. Selon Al-Jazeera, « Israël a attaqué la Syrie plus de 400 fois et, malgré les objections des Nations Unies, a lancé une incursion militaire dans la zone tampon qui sépare les deux pays depuis 1974 ». La colonisation continue et croissante du Golan syrien par Israël et sa campagne génocidaire à Gaza font partie d'un système de domination plus large qui étouffe la région.

Pourtant, les images du peuple syrien se libérant de la prison effroyable et terrorisante de Sednaya nous rappellent que la libération n'est pas seulement un rêve, c'est une nécessité. Ceux qui cherchent à exploiter ce moment, que ce soit pour asseoir l'influence occidentale dans la région, consolider le pouvoir sectaire ou renforcer l'occupation sioniste, ne peuvent pas être laissés dérailler les aspirations des syrien.ne.s ordinaires à un avenir libéré de la tyrannie.

De la Syrie à la Palestine, en passant par le Liban et au-delà, ce moment exige que nous réimaginions un avenir de libération collective, enraciné dans la justice et le démantèlement de toutes les formes d'oppression. En cette période de grand espoir et d'incertitude, nous nous tenons aux côtés du peuple syrien dans l'espoir qu'il puisse se construire un avenir dans la liberté.

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La conquête de la Palestine (extrait) – Rachad Antonius

18 décembre 2024, par Archives Révolutionnaires
Archives Révolutionnaires : Nous avons le plaisir de reproduire ici la conclusion de l’ouvrage La conquête de la Palestine du sociologue Rachad Antonius venant de paraître chez (…)

Archives Révolutionnaires : Nous avons le plaisir de reproduire ici la conclusion de l’ouvrage La conquête de la Palestine du sociologue Rachad Antonius venant de paraître chez Écosociété (2024). Sous-titré De Balfour à Gaza, une guerre de cent ans, le livre remonte à l’origine de la fondation de l’État hébreu – né d’une « triple illégalité » – et revient sur la centralité du rapport colonial dans la compréhension du conflit qui sévit en Palestine. Par ce regard historique sobre et informé, Antonius donne l’heure juste en repartant des racines du génocide en cours. Sa raison profonde est l’appropriation territoriale de la Palestine.


CONCLUSION
Une des dernières guerres coloniales

Extraits de La Conquête de la Palestine. De Balfour à Gaza, une guerre de cent ans. Écosociété, 2024

– Rachad Antonius

Dans la première partie de cet ouvrage, nous avons raconté l’histoire de la conquête de la Palestine, qui a commencé comme un projet de « foyer national » pour les Juifs sur la terre de Palestine. Le sentiment de constituer un peuple reste la prérogative des premiers concernés. C’est le fait de vouloir réaliser les ambitions nationales de ce peuple sur une terre déjà habitée par un autre peuple qui est à la racine du conflit actuel.

Dans une première phase, les conditions concrètes préparant la création du futur État israélien ont été patiemment mises en place avec le parrainage de la Grande-Bretagne, face à une société palestinienne incapable de s’y opposer de façon efficace. Dans une deuxième phase, le projet a été poursuivi par la guerre et l’occupation, entraînant ce qui était inévitable : l’épuration ethnique de la Palestine, pour faire place aux nouveaux venus qui ne voulaient pas s’intégrer à la société existante, mais souhaitaient créer leur propre État et leur propre identité nationale. La troisième phase a été celle de la consolidation d’un système de dépossession des habitants autochtones et de l’intensification de la conquête de la Palestine sous couvert de processus de paix.  

Devant la Cour internationale de justice, la juriste de renommée mondiale Me Monique Chemillier-Gendreau a souligné en ces termes la triple illégalité du contrôle israélien sur le territoire palestinien :

Il résulte de ces constats, comme votre Cour ne manquera pas de le confirmer, que l’occupation par Israël du territoire palestinien est frappée d’une triple illégalité. Elle est illégale à sa source pour être en infraction à l’interdiction de l’emploi de la force. Elle est illégale par les moyens déployés, lesquels sont constitutifs de violations systématiques du droit humanitaire et des droits de l’Homme. Elle est illégale par son objectif, celui-ci étant de procéder à l’annexion des territoires palestiniens, privant ainsi le peuple de Palestine de son droit fondamental à disposer de lui-même[1].

La troisième phase de la stratégie israélienne, celle du processus diplomatique d’Oslo, a été absolument cruciale pour la légitimation de cette entreprise de conquête sous couvert de processus de paix. C’est ce qui a permis aux puissances occidentales d’appuyer l’occupation par tous les moyens possibles (économiques, diplomatiques, militaires), tout en prétendant mettre en place un processus dit « de paix » dans lequel il n’a jamais été question d’appliquer intégralement la Résolution 242 adoptée en 1967. Rappelons que celle-ci exigeait d’Israël un retrait complet de ce qui restait de la Palestine, soit 22 % seulement du territoire sous Mandat britannique.

Se déroulant hors du cadre de l’ONU, le processus d’Oslo a autorisé Israël à violer encore plus ouvertement la Résolution 242, tout en la reconnaissant sur papier. Cela a permis à l’État hébreu de consolider sa présence dans les territoires occupés et d’en faire un atout dans les rondes successives de négociations. Le mécanisme pour le faire a été de fragmenter le territoire de la Cisjordanie en trois zones (A, B et C), Israël ayant les mains libres dans la zone C qui comprend 60 % de la Cisjordanie.

Pour les Palestiniens, l’acceptation de la Résolution 242 était déjà le résultat d’un énorme compromis. Car si elle demandait le retrait d’Israël des territoires occupés depuis 1967, elle supposait du même coup la reconnaissance d’Israël par les Palestiniens sur les 78 % du territoire dont ceux-ci avaient été chassés. Les Israéliens et les Américains ont donc fait comme si les 78 % appartenaient d’office à Israël et qu’on commençait une toute nouvelle négociation dont l’objet était les 22 % restants, sur lesquels les Palestiniens se devaient d’être « raisonnables » et de faire de nouveaux compromis – comme si les compromis déjà consentis n’existaient pas. Les pressions sur la partie la plus faible sont plus faciles à exercer dans le cadre de négociations bilatérales que dans le cadre d’une conférence internationale sous l’égide de l’ONU, dans laquelle le droit international reste la référence ultime pour contrer les effets du rapport de force brut.

Sur le terrain, l’interpénétration des zones occupées par les colons juifs et de celles habitées par les Palestiniens était désormais telle qu’il aurait été difficile de séparer géographiquement les deux communautés. À défaut de pouvoir expulser encore plus de Palestiniens, la solution d’Israël a été de permettre aux Palestiniens de vivre dans un territoire sous contrôle israélien et d’y maintenir un système d’apartheid en bonne et due forme, afin de ne pas altérer le caractère juif de l’État par l’inclusion de trop de non-Juifs comme citoyens ayant des droits égaux.

Pour établir un minimum de justice, l’alternative à ce système d’apartheid aurait consisté à envisager la création d’un seul État démocratique, au grand dam des forces israéliennes pro-occupation. Une variante de l’État unique et démocratique aurait pu être une confédération binationale comprenant deux composantes, l’une juive et l’autre arabe non juive. Cette dernière option reçoit cependant encore trop peu d’appuis pour être considérée sérieusement dans les tractations diplomatiques internationales, même si elle est discutée dans plusieurs milieux associatifs[2].

On peut considérer l’occupation des territoires occupés (Gaza et la Cisjordanie, incluant Jérusalem-Est) comme une des dernières guerres coloniales. Israël continue de construire des logements destinés exclusivement aux Juifs en plein cœur de la Cisjordanie occupée et des centaines de colonies juives de peuplement, reliées entre elles par un circuit de routes interdites aux Palestiniens, sont installées illégalement sur les terres qui leur ont été confisquées. Même l’ancien président américain Jimmy Carter avait fini par voir qu’il s’agissait d’une forme d’apartheid, intitulant son dernier livre Palestine : la paix, pas l’apartheid[3]. Il faut croire que les élites politiques en poste dans les pays occidentaux ne sont pas encore arrivées à ce degré de discernement.

Revenir à l’histoire

Ce voyage que nous avons fait dans l’histoire nous a permis d’en faire un autre, cette fois dans le dédale des arguments et contre-arguments autour la question palestinienne. Car c’est l’ensemble des événements survenus depuis le début du XXe siècle qui permet de donner du sens au comportement actuel des acteurs politiques, à la stratégie de la puissance occupante et aux moyens de résistance des victimes. La prise en compte de ce contexte historique, trop souvent oublié ou alors déformé, permet d’interpréter les événements actuels autrement que dans le cadre du discours dominant et d’attribuer une autre signification aux catastrophes politiques et humanitaires qui se déroulent sous nos yeux. Cela entraîne généralement un positionnement différent de celui des gouvernements occidentaux.

Revenir à l’histoire, donc. Mais on pourrait arguer que, tant qu’à revenir à l’histoire, pourquoi ne pas prendre le temps long comme référence ? Qu’en est-il du sentiment des Juifs que cette terre leur appartient, puisqu’ils estiment que c’était celle de leurs ancêtres il y a deux mille ans ? Ce sentiment d’une majorité de Juifs n’est dénué de fondement. Mais quel est son statut dans l’approche historique du conflit et dans le positionnement que des tierces parties peuvent adopter face aux enjeux politiques et éthiques qui en découlent ? Constitue-t-il une justification pour que les habitants contemporains de la Palestine soient expulsés de leurs maisons au profit d’immigrants européens ? Nous croyons que non. L’histoire ancienne peut servir de facteur explicatif. Mais s’y replonger nous permet de voir comment celle-ci a été manipulée pour mobiliser des volontés politiques.   

L’historien israélien Shlomo Sand a montré, à l’aide d’un vaste répertoire de méthodes de recherches historiques, qu’il était impossible que la majorité des Juifs contemporains soient les descendants des Juifs qui vivaient en Palestine il y a vingt siècles. Que des conversions au judaïsme de groupes entiers ont eu lieu à divers moments de l’histoire, qui font que l’argument de l’héritage historique de la terre ne tient plus. Et même si c’était vrai, on pourrait néanmoins reconnaître aux humains vivant aujourd’hui des droits qui ne peuvent être supprimés au nom de la distribution géographique des groupes ethnoculturels d’il y a deux mille ans. On peut montrer qu’il n’y a aucune continuité entre les forces politiques qui étaient existantes alors et celles qui existent aujourd’hui.

Par contre, la continuité entre ce qui s’est passé au début du XXe siècle et ce qui se passe maintenant est facilement vérifiable. Ce sont les mêmes regroupements humains, les mêmes institutions, les mêmes stratégies à long terme qui sont opérantes. Les vainqueurs d’aujourd’hui sont les descendants directs de ceux qui se sont alliés à la Grande-Bretagne autour de la Première Guerre mondiale et qui ont graduellement pris le contrôle de la Palestine. Et les victimes d’aujourd’hui sont les descendants directs des groupes exclus par le Mandat britannique, puis expulsés de leurs foyers en 1948.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et pour éviter que le jeu des rapports de pouvoir bruts n’entraîne des violences et des destructions encore plus graves que celles qui avaient résulté des deux grandes guerres mondiales, les grandes puissances ont établi les principes devant servir de garde-fous dans les relations internationales. Le droit international a déterminé ce qu’il est permis de faire et ce qui est interdit dans les conflits politiques. Même si cela n’a pas empêché des guerres sauvages et des génocides de se produire, ces principes de droit international ont eu un effet modérateur sur les violences permises, tant de façon dissuasive que de façon punitive.

Mais pas en ce qui concerne Israël. Nous avons montré que non seulement ses politiques dans les territoires occupés violent les principes du droit international, mais qu’elles ont aussi été directement appuyées par les grandes puissances par divers moyens diplomatiques, politiques et économiques. Depuis les accords d’Oslo de 1993, les politiques de prise de contrôle du territoire de la Palestine se poursuivent sous couvert d’un processus de paix interminable qui tourne à vide. Comme si la poursuite du processus était une fin en soi, sans égard à ses résultats.

Trahir ses propres principes

La relation étroite qui s’est établie et consolidée au fil des ans entre le projet sioniste et la politique occidentale est complexe, mais on peut voir aujourd’hui certaines de ses conséquences. Qui a instrumentalisé l’autre ? Est-ce les puissances coloniales, avec la Grande-Bretagne en première ligne, qui ont poussé les sionistes à occuper la Palestine au début du XXe siècle pour servir leurs intérêts stratégiques et pour tenter, du même coup, de se débarasser des Juifs européens ? Ou bien est-ce les sionistes qui ont poussé la Grande-Bretagne à les appuyer, contre le courant britannique qui préférait maintenir de bons liens avec les Arabes ? Et dans les cinquante dernières années, est-ce les AIPAC (American Israeli Public Affairs Committees) qui ont réussi à influencer les élites américaines, vulnérables à leurs pressions, pour qu’elles appuient les politiques israéliennes ? Ou au contraire, est-ce que ces élites américaines utilisent Israël pour réaliser leur stratégie au Moyen-Orient, en comptant sur un agent local sur qui on pourrait rejeter la responsabilité en cas d’excès ou de dérapages ?

Quoi qu’il en soit, on peut dire que le mouvement sioniste n’a pu préparer la conquête de la Palestine que grâce à la collaboration étroite de la Grande-Bretagne et de la Ligue des Nations ; qu’Israël n’a pu être établi que grâce à l’appui indéfectible des puissances occidentales durant la période 1947-1949 ; que la mainmise d’Israël sur la Cisjordanie n’a pu se renforcer que grâce au jeu cynique auquel se sont prêtées les puissances occidentales, en faisant passer le processus diplomatique des accords d’Oslo pour un processus « de paix ». Et finalement, que le massacre commencé en octobre 2023 à la suite de l’attaque du Hamas n’a pu se poursuivre pendant des mois qu’à cause de deux mensonges répétés ad nauseam par les élites occidentales, à savoir qu’Israël est en situation de légitime défense et que s’il y a tant de civils qui meurent, c’est la faute du Hamas qui les utilise comme boucliers humains, et non pas la faute de ceux qui larguent les bombes.

Pour qu’une telle situation soit possible, il a fallu que ces puissances occidentales, essentiellement le noyau dur de l’OTAN, trahissent leurs propres principes et que leurs médias contribuent activement à construire des représentations falsifiées de ce qui se passe sur le terrain. Ainsi, l’objectif de défendre les actions de l’occupant israélien à tout prix ont entraîné la violation de principes éthiques fondamentaux et l’anéantissement de la capacité des grands médias à jouer un rôle d’information et de critique du discours officiel.

Un monstre à l’image du passé colonial de l’Occident

Ces événements vont à contre-courant d’une tendance historique lourde, celle de la décolonisation. Il ne s’agit pas de nier le passé colonial de nombreuses sociétés occidentales, mais de prendre acte des changements en cours. Alors que la tendance est à la remise en question des rapports coloniaux, à la reconnaissance des torts passés, à la réparation et à la réconciliation, la politique des pays occidentaux envers le Moyen-Orient, et en particulier envers la Palestine, est carrément une politique coloniale.

La violence coloniale que nous observons en ce XXIe siècle est digne des politiques mises en œuvre au XIXe. Les discours des membres les plus puissants du gouvernement israélien expriment une haine décomplexée de l’« Arabe » ou du « Palestinien », accompagnée d’un discours qui réduit ces derniers à des non-humains et qui cherche à justifier leur annihilation. Israël apparaît alors comme un monstre dont la défense nécessite que soient minées les valeurs autour desquelles un nouvel ordre mondial tente, plutôt mal d’ailleurs, de se recentrer. Le massacre opéré par Israël est justifié par des députés et des ministres canadiens qui s’identifient totalement au projet d’appropriation de la Palestine. Le conflit au Proche-Orient n’est plus une affaire étrangère pour les puissances occidentales : c’est devenu une affaire de politique intérieure.       

L’Occident a engendré un monstre à son image coloniale… mais avec 150 ans de retard. Les politiques qui avaient au cours au XIXe siècle dans les colonies, et qui ont comporté elles aussi des génocides, ont été mises à l’ordre du jour en Palestine. Au sein des élites, le lobby pro-occupation israélienne a gangréné les systèmes politiques[4]. Ce monstre ronge l’Occident de l’intérieur car il l’oblige, pour l’appuyer, à tricher tant sur la vérité historique que sur les grands principes de droit qui guident supposément ses politiques.

Un double gouffre

Dans ce processus, un double gouffre s’est créé: entre les pays du Nord et ceux du Sud, d’abord, mais aussi entre les élites des pays occidentaux et les secteurs les plus engagés de leurs sociétés civiles.

C’est le diplomate français Dominique de Villepin qui a attiré l’attention sur le premier gouffre, dans ses nombreuses interventions médiatiques dès le début du conflit en octobre 2023[5]. Mais il n’est pas le seul à le voir. De nombreux commentateurs de ce Sud Global ont eux aussi vu ce gouffre s’approfondir entre les pays occidentaux et le reste du monde. La donne politique a changé: tant les gouvernements du Sud que les sociétés civiles constatent la politique du deux poids, deux mesures de l’Occident, et ils ne la tolèrent plus. C’est la crédibilité politique et morale de l’Occident tout entier qui a été remise en cause à mesure que les massacres se poursuivaient avec l’appui direct des États-Unis et de certains pays européens, et l’appui tacite des autres. Les gouvernements des pays occidentaux ne réalisent pas encore le prix qu’il y aura à payer pour leurs positions dans ce conflit.

L’autre gouffre a été rendu visible par les mobilisations sans précédent du mois d’avril 2024 sur les campus universitaires américains d’abord, puis ailleurs dans le monde. Dans des mouvements faisant penser aux protestations contre la guerre du Vietnam dans les années 1960, les sociétés civiles dans les pays occidentaux se mobilisent (timidement, pour le moment, mais cela pourrait changer) contre les politiques de leur gouvernement. La police a beau intervenir de façon musclée, les manifestants occupent ces campus universitaires et demandent la fin des collaborations scientifiques avec des institutions israéliennes, ainsi que la fin des investissements en Israël. Mais contrairement à la guerre du Vietnam, les journalistes n’ont pas encore déterré toutes les falsifications et tous les mensonges sur lesquels l’appui à Israël s’est construit au fil des ans.

Face aux impasses, quelles pistes de sortie ?

À l’heure d’écrire ces lignes, il n’est pas encore clair si le projet de provoquer une nouvelle Nakba, plus cruelle que la première, va réussir. Car l’horreur continue, et l’appui de l’Occident à Israël aussi. Le rapport de force n’est pas favorable à une solution juste. Va-t-il changer ?

Pour les Palestiniens de Gaza, il n’y a aucune solution à court terme en vue. Leur détermination à rester sur la terre, à tenir bon, se heurte à l’urgence de survivre physiquement. Ceux et celles qui peuvent partir partiront. Déjà, le nord de Gaza a été vidé, et les Israéliens et certains de leurs alliés américains font déjà des plans d’aménagement de ce territoire vidé de ses habitants[6]. S’ils obtiennent d’Israël un cessez-le-feu qui permettra aux habitants de Gaza de survivre, les gouvernements occidentaux claironneront qu’ils ont évité une catastrophe humanitaire et demanderont aux Gazaouis qui veulent retrouver leurs foyers de ne pas exagérer et d’accepter leur exil en disant merci. Comme ils l’ont fait en 1949, après le cessez-le-feu et les divers accords d’armistice. Et si les Palestiniens revendiquent le retour dans leurs foyers, on les accusera de ne pas reconnaître Israël et de vouloir le détruire…

En ignorant le droit international, Israël et ses alliés occidentaux envoient un message très fort aux Palestiniens : vous n’obtiendrez pas justice par les moyens pacifiques. Ne comptez pas sur nous pour vous aider. Toute tentative de résister militairement sera punie avec une sévérité maximale. Alors, écrasez-vous totalement si vous ne voulez pas mourir.

Il ne restera aux Palestiniens qu’à accepter leur défaite, à moins qu’ils ne finissent par réussir à changer le rapport de force de façon violente. Dans les deux cas, l’avenir ne serait pas très reluisant, car cela ferait traîner le conflit, avec ses violences et ses drames humanitaires, pour encore des décennies. Sauf si…

Sauf si les sociétés civiles dans le monde occidental arrivent à faire changer les politiques de leurs gouvernements et obtiennent de leur part un réel engagement à trouver une solution décente, c’est-à-dire une solution qui permette aux Palestiniens de vivre en paix dans un État qui a les attributs d’un État national, établi sur l’ensemble des territoires présentement occupés. Sauf si les peuples du Sud mettent tout leur poids dans la balance pour que la donne change de façon radicale. Sauf si les protestations contre Netanyahou en Israël s’étendent aux politiques d’occupation dans leur ensemble, afin d’établir une paix véritable avec les Palestiniens. Sauf si les mouvements juifs antisionistes à travers le monde parviennent à faire valoir l’éthique du judaïsme et à convaincre les communautés juives de la diaspora que la politique israélienne n’est pas dans leur intérêt. Seules ces conditions, peu probables dans l’immédiat, mais possibles à moyen terme, permettront d’en arriver à une solution décente et d’éviter des catastrophes encore plus coûteuses tant pour les Palestiniens que pour les Israéliens.


Notes

[1] La triple illégalité de l’occupation israélienne du territoire palestinien, plaidoirie de Monique Chemillier-Gendreau, Cour internationale de justice, La Haye, le 26 février 2024.

[2] Cette solution est examinée en détail par Ghada Karmi dans « Israël-Palestine, la solution: un État », Paris, La Fabrique, 2022. Elle est aussi activement étudiée par le biais de simulations impliquant des personnalités publiques israliennes et palestiniennes, effectuées par l’organisation Israeli Palestinian Confederation(<ipconfederation.org/>), fondée par Joseph Avesar.

[3] Jimmy Carter, Palestine : la paix, pas l’apartheid, Paris, Éditions de l’Archipel, 2007.

[4] Rappelons ici les analyses de Mearsheimer et Walt mentionnées précédemment.

[5] Voir par exemple son entrevue avec Apolline de Malherbe sur les ondes de BFMTV le 27 octobre 2023. dailymotion.com/video/x8p4tqk

[6] Patrick Wintour, « Jared Kushner says Gaza’s « waterfront property could be very valuable » », The Guardian, 19 mars 2024.

Un piquet de solidarité paralyse un dépôt de Postes Canada en C.-B.

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/12/image-e1734479180941-1024x534.jpeg17 décembre 2024, par West Coast Committee
Un piquet de grève de solidarité a entraîné la fermeture de la troisième plus grande installation de traitement de Postes Canada aujourd'hui, près de l'aéroport de Vancouver (…)

Un piquet de grève de solidarité a entraîné la fermeture de la troisième plus grande installation de traitement de Postes Canada aujourd'hui, près de l'aéroport de Vancouver L’article Un piquet de solidarité paralyse un dépôt de Postes Canada en C.-B. est apparu en premier sur L'Étoile du (…)

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L’avenir du Centre justice et foi : entre tristesse et sentiment de gâchis

17 décembre 2024, par Collectif — , ,
À l'approche des fêtes, l'équipe de la revue Relations avait pour habitude d'inviter ses lecteurs et ses lectrices à offrir un abonnement-cadeau. Elle proposait des promotions (…)

À l'approche des fêtes, l'équipe de la revue Relations avait pour habitude d'inviter ses lecteurs et ses lectrices à offrir un abonnement-cadeau. Elle proposait des promotions spéciales pour les inciter à le faire et organisait des tirages de livres ou d'œuvres d'art créés par des auteurs, des autrices ou des artistes proches de la revue. Code promo : Noël.

Élisabeth Garant, ex-directrice du Centre justice et foi (CJF) ;
Jacques Grenier, Deirdre Meintel et Jean-Claude Ravet, chercheur·es-associé·es au CJF ;
Denise Couture et Louis Rousseau, représentant·es du comité de rédaction de Relations ;
Chedly Belkhodja, Mélanie Ederer, André Jacob et Neal Santamaria, représentant·es du comité d'orientation du secteur Vivre ensemble du CJF.

Ce ne sera pas le cas cette année. La revue Relations est suspendue depuis mars 2024, comme on le sait, de même que l'ensemble des activités du Centre justice et foi (CJF) qui la publiait. Depuis des mois, alors que le débat public est saturé de discours et de décisions politiques ciblant les personnes migrantes et fragilisant leurs droits, nous ressentons aussi la mise au silence du secteur Vivre ensemble du CJF comme une perte immense. Nous trouvons difficilement ailleurs la même qualité d'analyse pour soutenir et mobiliser notre engagement. Et nous ne comprenons pas que les quelques membres restants du conseil d'administration (CA) du CJF ne manifestent aucun intérêt pour ce volet de réflexion qui avait pourtant été jugé prioritaire dès la fondation du CJF, il y a 40 ans, grâce à un discernement qui s'est révélé d'une grande justesse.

Ce manque d'intérêt est clairement ressorti lors de deux rencontres qui se sont déroulées dans la semaine du 25 novembre dernier, alors que le CA se décidait finalement à convoquer les employé·es qu'il avait mis·es à pied temporairement, les chercheur·es associé·es du Centre ainsi que les membres du comité de rédaction de Relations et du comité d'orientation du secteur Vivre ensemble, qui demandaient pourtant à être entendu·es depuis des mois.

Un lien d'emploi rompu

Le hic, c'est que ces rencontres se sont tenues seulement après que le lien d'emploi avec le personnel mis à pied soit officiellement rompu ! En effet, une entente confidentielle a été conclue récemment avec chacun·e. Ayant perdu confiance dans le CA et dans les jésuites en autorité pour relancer le centre social pour lequel les membres du personnel avaient donné le meilleur de leurs compétences, chacun·e s'est résolu·e à négocier, avec tristesse, une entente confidentielle ayant pour conséquence de mettre fin au lien d'emploi.

Le CA « consultait » donc ses ex-employé·es ; certain·es sont allé·es leur parler une dernière fois. Il n'y a plus d'équipe. Toute l'expertise au cœur de la renommée de Relations et du CJF des dernières années est perdue. S'il y a une relance un jour, ce sera sans elle. Et avec quelle direction ? La question se pose, puisque tel que mentionné dans une lettre ouverte publiée en septembre[1] <https://soutenonslesemployesducjf.o...> , il a été confirmé que la nouvelle directrice, Isabelle Lemelin, quitte ses fonctions. Le CA a aussi perdu plusieurs de ses membres au fil de cette crise.

Malgré cette situation aberrante, où les personnes employées et collaboratrices, tenues à l'écart depuis huit mois, étaient appelées à donner leur avis sur un plan de relance préparé sans elles, nous avons été nombreux et nombreuses à tenter de profiter de cette invitation pour pouvoir enfin avoir une discussion franche avec le CA.

Disons que tant sur les raisons qui ont conduit à tout ce gâchis que sur les options qui s'offraient pourtant aux responsables du Centre pour éviter pareille crise, nous ne nous entendrons jamais. Et bien sûr, personne d'entre nous n'a participé à ces rencontres pour donner son avis sur l'ébauche de plan de relance présentée – nous avons d'ailleurs exigé qu'il ne soit jamais prétendu que nous avons été consulté·es à ce sujet. Le fait est que personne ne conçoit comment on peut décemment présenter un plan si maigre, en ayant pris de surcroît autant de temps, sans avoir impliqué aucune des personnes détenant l'expertise sur Relations et sur le CJF dans le processus de réflexion. Passons outre sur la consultation-bidon faite par courriel en juin dernier, que plusieurs ont boycotté ou utilisé pour décrier la situation.

Relancer ? Peut-être, mais sous de nouveaux noms

C'est sans ménagement qu'on nous a confirmé que nous ne faisions pas partie de l'avenir et que le comité de rédaction de Relations serait aboli, de même que le secteur Vivre ensemble. Le CA du CJF et les Jésuites du Canada dévoileront leur plan quand bon leur semblera, mais ces informations faisaient déjà partie de la rumeur et il est clair pour nous que ledit plan ne respecte pas la mission de la revue Relations et du CJF. Nous avons donc insisté sur la nécessité qu'ils prennent leur temps et relancent éventuellement ce qu'ils veulent, mais en ayant la décence de ne plus utiliser les noms de Centre justice et foi et de revue Relations pour leur nouveau projet. L'injustice causée au CJF, à Relations et au personnel forme un lit de cendres sur lequel il n'est tout simplement plus possible de rebâtir un projet ayant la justice sociale, le discernement, la pensée critique, l'ouverture à l'Autre et une spiritualité engagée au cœur de sa mission.

[1] <https://soutenonslesemployesducjf.o...> Lire Catherine Caron et 20 cosignataires, « Cap sur 10 mois d'arrêt au Centre justice et foi et à « Relations » ? <https://www.ledevoir.com/opinion/id...> », Le Devoir, 25 septembre 2024.

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La MRC de Rimouski-Neigette et son Plan Climat : entre ambition et opportunité manquée

17 décembre 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local La MRC de Rimouski-Neigette a récemment entrepris un projet crucial : l’élaboration d’un plan climat. Cette initiative (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local La MRC de Rimouski-Neigette a récemment entrepris un projet crucial : l’élaboration d’un plan climat. Cette initiative mérite d’être saluée, car les gouvernements locaux, tels que les municipalités et les MRC, jouent un rôle central dans (…)

L’État s’attaque aux travailleurs, disent des postiers lors d’une manifestation

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/12/8d5a9466-854a-4d50-9ccf-ff31f3a6c3fc-e1734460164266-1024x541.jpg17 décembre 2024, par Southern Ontario Committee
Les postiers ont ainsi manifesté leur indignation face à l'ordre de retour au travail devant les bureaux de Chrystia Freeland. L’article L’État s’attaque aux travailleurs, (…)

Les postiers ont ainsi manifesté leur indignation face à l'ordre de retour au travail devant les bureaux de Chrystia Freeland. L’article L’État s’attaque aux travailleurs, disent des postiers lors d’une manifestation est apparu en premier sur L'Étoile du Nord.

L’État s’attaque aux travailleurs, disent des postiers lors d’une manifestation

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/12/8d5a9466-854a-4d50-9ccf-ff31f3a6c3fc-e1734460164266-1024x541.jpg17 décembre 2024, par Southern Ontario Committee
Les postiers ont ainsi manifesté leur indignation face à l'ordre de retour au travail devant les bureaux de Chrystia Freeland. L’article L’État s’attaque aux travailleurs, (…)

Les postiers ont ainsi manifesté leur indignation face à l'ordre de retour au travail devant les bureaux de Chrystia Freeland. L’article L’État s’attaque aux travailleurs, disent des postiers lors d’une manifestation est apparu en premier sur L'Étoile du Nord.

Battre l’extrême-droite

17 décembre 2024, par Éditions du Croquant — , ,
Résumé : Nous en sommes là : avec une extrême droite aux portes du pouvoir et qui a failli l'emporter. Qui gagnera si on n'engage pas tous les moyens pour l'empêcher. Or (…)

Résumé :

Nous en sommes là : avec une extrême droite aux portes du pouvoir et qui a failli l'emporter. Qui gagnera si on n'engage pas tous les moyens pour l'empêcher. Or cette extrême droite est féroce : elle n'a rien abandonné de son racisme ni de sa violence, malgré ses tentatives pour se respectabiliser.

Ludivine Bantigny
Editions du Croquant (08/10/2024)

Ce livre examine son programme et ses stratégies, la machine médiatique qui lui sert de marchepied et le pouvoir en place qui ne cesse de la favoriser en imitant son projet. Mais l'analyse ne suffit pas : battre l'extrême droite exige non seulement de comprendre ce qu'elle est, avec ses mensonges, ses faux-semblants et ses mesures de régression sociale, mais aussi de proposer une alternative véritable, qui aide à se fédérer.

D'urgence : remettre la honte au racisme, miser sur la solidarité et considérer nos vies à égale dignité.

Ludivine Bantigny est historienne. Elle a publié de nombreux livres d'histoire sociale et politique parmi lesquels :
• La France à l'heure du monde (Seuil), 1968.
• De grands soirs en petits matins (Seuil),
• Révolution (Anamosa),
• La Commune au présent. Une correspondance par-delà le temps (La Découverte)
• et Une histoire globale des révolutions avec Quentin Deluermoz, Boris Gobille, Laurent Jeanpierre et Eugénia Palieraki (La Découverte).

Ainsi que des essais :

• Face à la menace fasciste avec Ugo Palheta (Textuel),
• L'ensauvagement du capital (Seuil),
• Que faire ? Stratégies d'hier et d'aujourd'hui pour une vraie démocratie (10/18).

POURQUOI NOS MILLIARDAIRES CHOISISSENT LE FASCISME | LUDIVINE BANTIGNY, MARLÈNE BENQUET

6 décembre 2024 | tiré du journal Le media
https://lemediatv.fr

Le 21 avril 2002, l'irruption de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle après cinq années de gouvernement Jospin jetait une grande partie du pays dans la stupeur et l'indignation. Les scores électoraux de l'extrême-droite n'ont pas cessé de monter depuis, et, 22 ans après, cette dernière est au pouvoir en France dans une large mesure. Depuis la réélection d'Emmanuel Macron en 2022, son influence pèse plus que jamais sur les politiques mises en oeuvre, à tel point qu'on peut désormais parler de « macrolepénisme ». Grâce à la dissolution décidée par le Président en juin 2024, elle tient près d'un quart des sièges à l'Assemblée nationale. Le gouvernement Barnier n'a pu se constituer qu'avec son accord, en intégrant un ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau, connu pour des déclarations racistes, et la chute toute récente de ce gouvernement est due à la défection du RN. Les idées de l'extrême-droite tendent à dominer le débat politique et la perspective de sa victoire à la prochaine présidentielle hante les esprits.

Comment en est-on arrivé là ?

Pour ce nouveau numéro d'« On s'autorise à penser », #JulienThéry reçoit l'historienne #LudivineBantigny et la sociologue #MarlèneBenquet, autrices de publications récentes à ce sujet. Dans Battre l'extrême-droite, L. Bantigny souligne la place de premier plan prise par les média dans la fascisation générale. De son côté, dans une contribution à un volume publié par l'Institut La Boétie, Extrême-droite : la résistible ascension (direction Ugo Palheta), M. Benquet analyse une évolution décisive du capitalisme ces deux dernières décennies : alors que le patronat soutenait traditionnellement la droite libérale, la « seconde financiarisation » a porté les détenteurs du capital à promouvoir désormais des extrémistes fascisants susceptibles de favoriser mieux encore leurs intérêts.

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Déni d’humanité

17 décembre 2024, par Claude Calame — , ,
Claude Calame dénonce le caractère violent, voir criminel des politiques migratoires occidentales. https://solidarites.ch/journal/430-2/pacte-europeen-migration-asile-loi-darma

Claude Calame dénonce le caractère violent, voir criminel des politiques migratoires occidentales.

https://solidarites.ch/journal/430-2/pacte-europeen-migration-asile-loi-darmanin-deni-d-humanite/

L'acception du Pacte européen sur la migration et l'asile et le passage en force de la « Loi Darmanin » en France représentent deux nouveaux exemples du caractère violent, voir criminel des politiques migratoires occidentales.

Depuis 2014 plus de 20 000 personnes contraintes à l'exil et cherchant un refuge dans l'Union européenne ont perdu la vie, en particulier en Méditerranée centrale et au large des Canaries, mais aussi dans la Manche ou sur la « route des Balkans ». Ce véritable crime contre l'humanité a été dénoncé à plusieurs occasions, notamment devant la Cour pénale internationale. La cause de ces milliers de mort·es souvent anonymes ? La fermeture toujours plus répressive des frontières de l'Union européenne aux personnes ne détenant pas de visa d'entrée.

Or, cette politique de rejet discriminatoire de toute personne condamnée à l'exil vient d'être consacrée par l'acceptation, par le Parlement de l'UE, du Pacte européen sur la migration et l'asile. De fait, ce pacte ne fait que confirmer la politique conduite à cet égard par l'UE, inscrite dans les accords de Dublin III : externalisation des frontières (Turquie, Libye, Tunisie, Maroc et même le Niger), dissuasion à l'entrée dans l'UE, sélection entre demandeur·euses d'asile et « migrants » (au masculin !) condamnés à l'exclusion, rétention administrative (mineurs inclus) et politique des retours forcés. S'y ajoutent les limitations à la libre circulation au sein de l'espace Schengen. Le nouveau texte se caractérise en particulier par la multiplication des dispositifs d'enfermement, de tri et de refoulement aux frontières européennes. En contraste, la migration de la main-d'œuvre est favorisée, mais en tenant compte des différents niveaux de compétences requis.

La France se barricade

De ce point de vue, au sein de l'UE, la France est désormais confrontée au passage forcé de la « loi Darmanin », du nom du Ministre de l'intérieur. Annoncée dès le début du second quinquennat d'Emmanuel Macron, elle obéit aux mêmes principes. Avec l'objectif significatif de « contrôler l'immigration et améliorer l'intégration », elle vient de passer en force grâce à l'appui de député·es du Rassemblement National.

Le texte de loi prévoit notamment, à l'égard des étranger·ères au statut précaire, un durcissement de l'accès aux prestations sociales, dont les allocations familiales et les aides aux logements ; des restrictions au regroupement familial et au droit du sol ; des obstacles financiers à l'accueil des étudiantes et étudiants extra-communautaires ; une exécution systématique des OQTF (obligation de quitter le territoire français) assorties d'IRTF (interdiction de retour sur le territoire français) ; la facilitation des expulsions pour les étranger·ères délinquant·es ; des titres de séjour soumis au respect des « principes républicains » et des permis à durée limitée, réservés aux « métiers en tension ». Désormais la répression et le rejet priment largement sur un accueil qui reste sélectif, subordonné qu'il est non seulement aux exigences économiques du pays, mais aussi à l'idéologie dominante de la « préférence nationale ».

L'occident coupable

Mais pourquoi ces migrations sous la contrainte ? Pourquoi ces personnes forcées à l'exil qui, en majorité, émigrent d'ailleurs dans les pays limitrophes à leur région d'origine ? Pourquoi ces choix délibérés de l'exil en raison d'une situation de précarité qui exerce sur les individus et leurs familles des pressions d'ordre matériel, moral, psychique, social, politique, sinon culturel ?

On l'a dit à plusieurs reprises, au titre des causes des migrations forcées il y a tout d'abord les faits de guerre. Mais les actrices et les acteurs des migrations forcées sont avant tout les victimes des énormes inégalités, économiques, sociales et désormais environnementales, entraînées par le grand mouvement de la libéralisation mondialisée des échanges économiques engagée aux États-Unis et en Europe occidentale dans les années 80.

C'est un mouvement globalisant dans lequel désormais Russie et Chine sont incluses. Il exige une croissance économique mesurée en termes de gains financiers par le fait d'une production asservie aux règles de la concurrence et du libre-marché, dans la recherche de la maximisation capitaliste des profits.

Fondé sur des traités de « libre-échange » et réalisé par de puissantes entreprises multinationales soumettant à la logique managériale la plus crue l'exploitation et le commerce des ressources « naturelles » et humaines, le processus de la mondialisation économique et financière a asservi les pays les plus pauvres des Suds aux pays riches du Nord, animés par l'idéologie néolibérale, dans des rapports de domination néocoloniale.

On en connaît les conséquences pratiques : destruction de l'agriculture vivrière et déforestation pour le développement de grandes plantations soumises à l'agrobusiness ; développement urbain anarchique par l'agglomération de bidonvilles ; pollutions diverses dans l'exploitation de l'environnement ; privatisation des services publics ; destructions des cultures locales et finalement conflits et guerres à composantes néocoloniales.

C'est dire qu'en particulier les pays de l'UE, parmi lesquels la Suisse tient la vedette, sont largement responsables des causes de l'exil migratoire dont ils rejettent les victimes, les condamnant à l'exclusion, sinon à la disparition et à la mort. Les pays de l'UE sont coupables, vis-à-vis de celles et ceux qu'ils rejettent dans la catégorie discriminatoire du migrant, d'un véritable déni d'humanité.

Claude Calame

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Trump, ou comment user du droit contre la justice

17 décembre 2024, par Ligue des droits et libertés

Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2024 / hiver 2025

Trump, ou comment user du droit contre la justice

Édouard De Guise, Étudiant à Sciences Po Paris et militant à la Ligue des droits et libertés

Par l’agrégation de morceaux constitutionnels qui semblent inoffensifs, voire nécessaires, certains autocrates réussissent à prendre le pouvoir par le biais d’élections en instaurant des régimes illibéraux. Ils forment ce que Kim Scheppele appelle un « Frankenstate », c’est-à-dire un régime autoritaire monstrueux, constitué d’une série de dispositions légales qui semblent normales prises séparément mais qui, en s’additionnant, peuvent menacer la démocratie. À l’aune de l’élection récente de Donald Trump pour son deuxième mandat à la tête du gouvernement étasunien, plusieurs des déclarations récentes du président élu et ses nominations à divers postes gouvernementaux inquiètent sur ses intentions d’utiliser le droit pour aller à l’encontre de la justice, d’affaiblir la démocratie étatsunienne et de commettre des violations de droits par l’usage de moyens légaux.

Le premier mandat

Le premier séjour de Donald Trump dans le bureau ovale a été marqué par plusieurs mesures qui ont significativement affaibli l’équilibre démocratique aux États-Unis. Au premier chef, son parti a souvent pratiqué le constitutional hardball, un terme défini par Steven Levitsky et Daniel Ziblatt dans leur ouvrage How Democracies Die. Il s’agit selon eux d’entreprendre des mesures qui respectent la lettre de la loi mais qui sont, par rapport à la culture et à la pratique constitutionnelles en place, abusives. Ainsi, le Sénat majoritairement républicain a refusé de valider la nomination de Merrick Garland à la Cour suprême des États-Unis dans la dernière année du deuxième mandat de Barack Obama. Ils n’ont cependant pas hésité à remplacer Ruth Bader Ginsburg alors que cette dernière est décédée à 45 jours de l’élection présidentielle de 2020. En jouant ainsi avec les doubles standards, les procédures et les institutions, le président Trump a réussi à nommer trois des neuf juges à la Cour suprême, portant la majorité de juges conservateurs à six contre trois. [caption id="attachment_20902" align="alignnone" width="593"] Vue de la sculpture Arrival de John Behna, cadeau du peuple irlandais aux Nations unies, New York. Crédit : Photo ONU, UN7732840[/caption]

Plusieurs analystes croient qu’il faut maintenant s’attendre à un Trump revanchard, prêt à tout pour punir celles et ceux qui ont tenté de lui barrer le chemin.

Les politiques de sa première administration ont également conduit à plusieurs bris de droits, notamment à travers des coupes dans plusieurs agences ou départements gouvernementaux. Par exemple, l’administration Trump a adopté une règle particulière, appelée gag rule, qui empêchait de facto Planned Parenthood de toucher des fonds fédéraux. Cette organisation à but non lucratif est une structure importante de l’offre de service de santé reproductive, de contraception et d’avortement aux États-Unis. En coupant ce financement, l’accès à ces services essentiels a été réduit pour une grande partie de la population étatsunienne. Ces coupes seront certainement de retour dans l’agenda politique du deuxième mandat, ce que laisse supposer la nomination du milliardaire Elon Musk à la tête d’un département de l’efficacité gouvernementale, chargé d’émonder l’État étasunien. Au cours de son premier mandat, Trump n’a pas hésité à violer plusieurs autres droits. Sur les droits des personnes incarcérées, l’agence de protection frontalière a détenu des enfants migrants après avoir forcé leur séparation de leurs parents. Sur le droit à un environnement sain, l’homme d’affaires a retiré le pays des Accords de Paris sur le climat dès ses premiers instants dans le bureau ovale. Sur les droits démocratiques, Trump a tenté de renverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020 en sommant des officiel-le-s de l’État de Géorgie de lui trouver 11 000 votes. Les exemples sont presque infinis, mais cet article ne l’est pas.

La chasse aux adversaires

Les inquiétudes n’étaient peut-être pas aussi vives en 2016 qu’elles le sont en 2024. Et pour cause : l’homme d’affaires n’avait aucune expérience politique; il n’avait pas encore de loyalistes établis dans l’appareil gouvernemental et il n’avait pas une emprise complète sur le parti républicain. Certes, ces éléments illustrent un pouvoir augmenté par rapport à sa précédente victoire électorale, mais ce n’est pas ce qui inquiète le plus. Depuis 2016, Trump a vécu plusieurs épisodes politiques et juridiques qui ont changé son attitude. Alors qu’il se présentait comme un loup solitaire, se disant prêt à drainer le marécage (drain the swamp), il n’avait pas encore expérimenté ni les limites constitutionnelles du pouvoir exécutif aux États-Unis, ni sa défaite électorale de 2020. Plusieurs analystes croient qu’il faut maintenant s’attendre à un Trump revanchard, prêt à tout pour punir celles et ceux qui ont tenté de lui barrer le chemin. À l’inverse, il faut s’attendre à ce qu’il utilise le très puissant pouvoir de pardon présidentiel pour gracier des allié-e-s. Certains juristes croient qu’il pourrait même tenter de se gracier lui-même, puisqu’il fait l’objet de plusieurs enquêtes judiciaires. Cette option demeure toutefois peu probable puisque les accusations portées à son encontre seront probablement retirées ou reportées à plus tard. Or, Trump a déjà utilisé son pouvoir de clémence envers des ami-e-s et allié-e-s lors de son premier mandat. Paul Manafort, reconnu coupable de conspiration contre les États-Unis et d’obstruction à la justice, avait notamment été gracié de cette façon. Ainsi, il faut certes s’attendre à un État de droit considérablement affaibli par l’impunité qu’il accordera à ses proches pendant son deuxième mandat.

Des anciens allié-e-s inquiets

Ses anciens allié-e-s ne sont pas toutes et tous restés dans ses bonnes grâces. Certains d’entre elles et eux portent des accusations graves à son encontre, suggérant notamment qu’il pourrait adopter un comportement illibéral à l’avenir. C’est notamment le cas du Major John Kelly qui, quelque temps avant la présidentielle de 2024, affirmait croire que Trump correspondait à sa définition d’un fasciste. Exemple à l’appui : Trump aurait partagé avec lui son souhait que son personnel militaire fasse preuve de la même loyauté envers lui que les généraux d’Hitler. Il s’agit d’un trait typique chez les autocrates, qui valorisent la loyauté davantage que la compétence. L’actualité récente semble nous indiquer que le président élu tente de réaliser son rêve autocratique. Il nomme à des postes-clés de son administration des allié-e-s dont personne ne remet en cause la loyauté, mais dont plusieurs doutent des compétences et même du caractère approprié. À cet égard, Pete Hegseth et Tulsi Gabbard, respectivement présentateur de Fox News présentant un « risque de l’intérieur » aux forces armées, et ancienne représentante ayant partagé certaines opinions avec Vladimir Poutine et Bachar al-Assad, ont été désignés à la tête de la défense nationale et du renseignement. Comme pour empêcher ses subordonné-e-s de devenir des obstacles à son projet, Trump s’assure d’une loyauté totale pour renforcer son emprise sur l’appareil étatique. Au moment d’écrire ces lignes, les procédures sénatoriales de validation des nominations ne sont pas enclenchées. Or, les noms évoqués par Trump pour constituer son administration ne font pas l’unanimité dans la législature républicaine. Pour éviter d’essuyer des revers de la part de la Chambre haute, le président élu a soutenu publiquement l’idée d’une suspension du Sénat. Cela lui permettrait de faire des nominations « en vacance ». Selon Sarah Binder, politologue à l’université George Washington, une telle décision de la part du Sénat présenterait une « abdication absolue de leur pouvoir constitutionnel ».

Un président intouchable

Par ces mesures, passées ou anticipées, Trump pratique un décapage démocratique du système politique étasunien. Par des moyens qui respectent le droit mais violent les plus fondamentales normes de tout régime libéral, le président élu instaure un régime de gouvernance dont il tient entièrement les rênes, soutenu par des allié-e-s qui marchent au pied. Le plus inquiétant reste toutefois la question d’immunité présidentielle accrue. Un-e président-e ne peut pas être sanctionné-e pour des actions qui respectent la lettre de la loi. Or, la Cour suprême des États-Unis a récemment jugé qu’elle ou il ne peut pas être traduit en justice non plus pour les actes illégaux qui auraient été commis « dans l’exercice de ses fonctions officielles ». La conjoncture politique étasunienne actuelle inquiète. Des violations des fondements de la démocratie, conjuguées à une culture d’impunité qui prend de la vigueur, mettent en grave danger le caractère libéral de l’État. Dans ce contexte, il faut certainement s’attendre à des violations de droits massives de la part des autorités américaines, par leur inaction, ou même par leur action, que même la géniale Constitution des États-Unis d’Amérique ne pourra prévenir.

L’article Trump, ou comment user du droit contre la justice est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Féminisme anti-impérialiste sur le continent africain

17 décembre 2024, par Ndeye Fatou Sarr — , ,
La militante de la Marche mondiale des femmes au Sénégal parle du contexte actuel des luttes des femmes dans la région. Tiré de Entre les lignes et les mots L'Afrique est (…)

La militante de la Marche mondiale des femmes au Sénégal parle du contexte actuel des luttes des femmes dans la région.

Tiré de Entre les lignes et les mots

L'Afrique est une région qui suscite un intérêt particulier en raison de sa complexité et de son évolution. C'est un continent qui est également riche en diversité culturelle et en ressources naturelles, mais il fait face à de nombreux défis aujourd'hui. Il y a des éléments qui nous permettent de faire une analyse situationnelle. La première analyse va porter sur la croissance économique qui a connu une avancée soutenue ces dernières années, mais elle n'est pas toujours inclusive, ce qui crée aujourd'hui beaucoup d'inégalités importantes au niveau de nombreux pays africains qui font des efforts pour faire face à d'autres défis en matière de développement durable. En dehors de ça, nous avons l'insécurité et les conflits armés qui frappent notre continent.

Dans plusieurs pays, nous avons vu ce qui se passe un peu en termes d'insécurité, en termes de conflits et qui sont confrontés à des problèmes liés à l'extrémisme violent. C'est le cas du Mali, qui fait face aux violences intercommunautaires, aux trafics illicites. Ces troubles ont des conséquences humanitaires dramatiques qui entravent le développement économique de la région. Nous avons également vu l'impact du changement climatique. Surtout en Afrique de l'Ouest, on est particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique, avec tout ce qu'il y a, comme l'érosion côtière et les inondations. Nous avons la remontée des eaux du fleuve Sénégal qui affecte beaucoup les populations, et particulièrement les femmes et les enfants.

À côté de ces phénomènes naturels, nous avons d'autres problèmes liés à la sécurité alimentaire et au déplacement des populations, qui entraînent des déficits démographiques. La région Afrique a l'une des populations les plus jeunes du monde, ce qui représente à la fois une opportunité et un défi. Il est essentiel d'investir dans l'éducation, la formation des jeunes, des enfants, afin de leur permettre de s'insérer dans la vie active.

Tous les conflits que nous vivons en Afrique aujourd'hui sont liés particulièrement au problème de démocratie et de bonne gouvernance. Au niveau de l'Afrique de l'Ouest, nous avons beaucoup de pays et des conflits qui se sont manifestés dû à des transitions démocratiques qui ont mal marché. Pour la consolidation de la démocratie et l'amélioration de la gouvernance, qui sont des défis majeurs pour la stabilité du développement, nous pouvons identifier quelques enjeux qui nous devons y travailler.

La question des violences faites aux femmes, au niveau africain, est lié aux violences sexuelles, au mariage d'enfants, au mariage forcé. Aussi l'accès à l'éducation. Il y a un problème de l'encouragement des filles à investir les matières scientifiques. Bien qu'il y ait eu des politiques dans certains États qui ont mis l'accent sur le maintien de l'accès à l'école, à l'éducation des filles, mais également le maintien des filles dans ces écoles. Ça, c'est des politiques que certains États ont amenés pour essayer un peu de corriger le décalage qui existe entre les hommes et les femmes.

L'autre enjeu, c'est l'accès aux soins de santé. Nous savons qu'en Afrique, le problème sanitaire a toujours été un problème poignant. Jusqu'à présent, l'accès à ces soins est très limité, surtout pour les femmes et pour les enfants. Nous pouvons également identifier des facteurs aggravants. Ce sont les normes socioculturelles que nous connaissons et que nous vivons chaque jour au niveau de nos sociétés. La pauvreté qui est toujours présente au niveau du continent africain. Malgré cela, nous avons noté quelques avancées quand même au niveau de certains pays avec le vote de certaines lois pour améliorer les conditions de vie ou bien améliorer les droits des femmes.

Le vote de la loi sur la parité au Sénégal est un exemple. Le vote de la loi interdisant par exemple les mutilations génitales féminines, mais aussi tout ce qui est violence faite pour femmes. Aujourd'hui, il est nécessaire de renforcer les lois que nous avons votées.

On nous dit que le Sénégal est le champion de la signature et de la ratification, mais ce qui pose un problème, c'est l'application de ces lois.

Il nous faut quand même actuellement se battre pour une application effective de ces lois, mais investir davantage à l'éducation des filles et promouvoir l'égalité des genres dans l'éducation. Aussi, promouvoir et sensibiliser l'opinion publique sur les enjeux de l'égalité entre les sexes pour jouer sur les mentalités.

Les féministes contre l'impérialisme

Le féminisme et l'anti-impérialisme sont deux mouvements sociaux qui se sont souvent croisés et renforcés mutuellement, particulièrement en Afrique.

Les femmes africaines ont été toujours à l'avant des luttes internationales et même nationales, comme le cas du Sénégal, mais continuent également de jouer un rôle crucial dans les résistances contemporaines aux formes néocoloniales d'exploitation.

Pour parler de ces aspects historiques, nous allons aborder la lutte anti-coloniale, car nous savons que de nombreuses femmes africaines ont participé activement aux mouvements de libération nationale. Elles ont combattu aux côtés des hommes, organisé des résistances locales, mais aussi dénoncé les violences subies par les populations colonisées. Je vais prendre l'exemple de ces braves dames qui ont été à l'avant-garde de tous ces mouvements que nous avons aujourd'hui au niveau africain et de nos pays. Ces femmes ont rapidement compris qu'elles subissaient une double oppression, celle liée non seulement au genre, mais celle liée à la colonisation.

Ces femmes se sont battues, ont porté le flambeau de la lutte du féminisme en Afrique. Les femmes africaines continuent de lutter contre les conséquences du néocolonialisme et du néolibéralisme qui renforcent les inégalités de genre et les systèmes patriarcaux avec les violences basées sur le genre. C'est sont autant de fléaux qui persistent et qui sont souvent liés à des systèmes de domination hérités de la colonisation. La lutte pour l'accès à la terre des femmes, c'est une question qui touche non seulement les violences faites aux femmes, mais également la souveraineté alimentaire.

Il faudrait qu'on commence aujourd'hui à penser décolonial. C'est un constat vraiment intellectuel, qui vise à déconstruire tout ce qui est héritage de la colonisation et repenser les rapports de pouvoir entre le nord et le sud, entre l'Occident et le reste du monde. Les féminismes africains ont développé certaines analyses féministes qui leur permettent aujourd'hui de déconstruire tout ce qui est représentation occidentale. Il y a beaucoup de réseaux de femmes qui se créent pour renforcer un peu les luttes africaines, mais il y a également une forte mobilisation internationale qui se crée au niveau des mouvements féministes et qui enrichit les débats sur la justice sociale et sur l'intersectionnalité.

Le Sénégal a réellement une histoire très riche en matière d'organisation féminine, mais de plus en matière de lutte féministe. Ces réseaux étaient souvent centrés autour d'activités économiques, culturelles et religieuses. Après l'indépendance, les mouvements féministes sénégalais, avec l'événement des intellectuels africains, ayant fréquenté l'école coloniale, se sont concentrés de manière très volontaire sur l'accès à l'éducation, à la santé, et à l'emploi.

À côté de ce mouvement féministe, nous avons aussi le mouvement féministe islamique, qui a permis aujourd'hui aux femmes non seulement de revoir leur religion, leurs textes religieux, mais également d'interpréter elles-mêmes les textes religieux que les hommes avaient produits, avec une autre interprétation de ces textes. Tout ça nous a permis vraiment de mener à bien le combat pour lutter contre tout ce qui est mariage d'enfants, tout ce qui est inégalité économique, tout ce qui impacte le changement climatique sur les femmes, mais pareillement de lutter contre le néolibéralisme et les ajustements structurels qui ont vraiment impacté la vie et l'avancement des femmes.

Ndeye Fatou Sarr
Ndeye Fatou Sarr est membre de la Marche mondiale des femmes au Sénégal.
https://capiremov.org/fr/analyse/feminisme-anti-imperialiste-sur-le-continent-africain/

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Irénée Régnauld & Arnaud Saint-Martin : Une histoire de la conquête spatiale

17 décembre 2024, par Arnaud Saint-Martin, Irénée Régnault — , ,
Irénée Régnauld nous rejoins en solo pour parler d'une histoire de la conquête spatiale. Construction d'un désir d'espace, recherche d'un superman ou, au minimum, d'un gendre (…)

Irénée Régnauld nous rejoins en solo pour parler d'une histoire de la conquête spatiale.
Construction d'un désir d'espace, recherche d'un superman ou, au minimum, d'un gendre idéal, spacewashing d'ex-nazis, leur livre est un panorama à 360° de la conquête de l'espace.

Le livre
(https://lafabrique.fr/une-histoire-de...)
Le site
(https://lanuitdudimanche.fr)

7 oct. 2024 | tiré du blogue des auteurs
https://blogs.mediapart.fr/lanuitdudimanche/blog/081224/irenee-regnauld-arnaud-saint-martin-une-histoire-de-la-conquete-spatiale

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Action symbolique au Royalmount pour dénoncer un symbole d’obscénité et lancer un appel urgent pour une justice fiscale

17 décembre 2024, par Attac Québec — , ,
Montréal, le 14 décembre 2024 – Alors que la frénésie des achats des Fêtes bat son plein, Attac Québec se mobilise aujourd'hui au Royalmount pour dénoncer un symbole indécent (…)

Montréal, le 14 décembre 2024 – Alors que la frénésie des achats des Fêtes bat son plein, Attac Québec se mobilise aujourd'hui au Royalmount pour dénoncer un symbole indécent d'inégalités sociales et interpeller nos élus sur l'urgence d'établir une justice fiscale.

Galerie de photos libres de droits disponible au lien suivant :
https://flic.kr/s/aHBqjBVaGV <https://flic.kr/s/aHBqjBVaGV>

Sous le slogan trompeur de « luxe inclusif », Royalmount prétend offrir une expérience accessible à tous. Mais peut-on parler d'inclusivité lorsqu'il s'agit d'un espace dédié aux marques de prestige, hors de portée pour la majorité des Québécois-es ? Derrière cette façade publicitaire se cache une réalité criante : celle d'un Québec qui investit dans le faste et l'opulence pour une élite, tout en négligeant les besoins fondamentaux des personnes plus démunies.

Alors que l'on érige un temple au consumérisme et au luxe ostentatoire, les campements de sans-abris – et leur démantèlement – se multiplient, témoignant d'une crise du logement qui s'intensifie et n'épargne que les plus privilégiés. Pendant que le propriétaire de Royalmount voit sa fortune de milliardaire doubler, les fonds nécessaires à la construction de logements sociaux restent désespérément insuffisants. Où est la volonté politique de faire contribuer équitablement les plus riches afin de financer des projets qui répondent aux besoins du bien commun ?

Royalmount n'est pas qu'un centre commercial : il est le reflet d'un système où les priorités sont dictées par une minorité privilégiée, au détriment de la majorité. « Dans un contexte d'urgence climatique et d'inégalités croissantes, ce projet ne répond à aucun des enjeux critiques de notre époque », lance Dahlia Namian, autrice de La société de provocation et appuyant l'action d'Attac Québec. Pire, il symbolise un modèle de développement incompatible avec les besoins réels de la société québécoise et son avenir. »

« Royalmount est un projet de Carbonleo, associé à L Catterton, un fond d'investissement créé par le groupe LVMH, celui de Bernard Arnault, l'un des hommes les plus riches du monde, et dont 27% des filiales se situent dans le paradis fiscaux, affirme Claude Vaillancourt, président d'Attac Québec. L'internationale des riches, c'est aussi l'internationale du je-m'en-foutisme devant la misère du monde. »

Il est temps de briser ce cycle d'indifférence et d'injustice. Attac Québec appelle les gouvernements à prendre leurs responsabilités : instaurer une fiscalité équitable en taxant davantage les plus riches et réinvestir massivement dans les services publics et les projets véritablement écologiques.

Nous refusons de normaliser l'indécence des écarts de richesse. La justice fiscale n'est pas une option ; c'est une urgence. Pour un Québec véritablement inclusif, le luxe d'une minorité ne peut plus se construire sur l'exclusion de la majorité. Choisissons dès aujourd'hui des priorités qui servent le bien commun, et non les profits des plus riches.

Source

https://quebec.attac.org/action-symbolique-au-royalmount-pour-denoncer-un-symbole-dobscenite-et-lancer-un-appel-urgent-pour-une-justice-fiscale/ <https://quebec.attac.org/action-sym...>

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Le cas de l’école Bedford : Quand L’Aut’journal (prétendument progressiste ») verse dans l’islamophobie

17 décembre 2024, par Mario Charland — ,
On sait que la question de la laïcité de l'État divise la gauche. Il y a ceux qui appuient la Loi 21 et ceux qui la dénoncent. De façon générale, les premiers s'arriment à (…)

On sait que la question de la laïcité de l'État divise la gauche. Il y a ceux qui appuient la Loi 21 et ceux qui la dénoncent.

De façon générale, les premiers s'arriment à une forme ou l'autre de nationalisme (identitaire ou non) qui côtoie une certaine acception du « féminisme » et les seconds se revendiquent d'un Québec plus ouvert à la diversité, plus inclusif, prêt à intégrer les différentes conceptions du vivre-ensemble afin de les orienter dans le sens d'un projet de société qui dépasse les clivages et qui vise une plus grande justice sociale.

L'Aut'journal appartient sans conteste au premier groupe. A été publié, dans son édition de novembre 2024, un article signé par nul autre que le Président du Mouvement Laïque Québécois (MLQ), Daniel Baril, intitulé : « L'école Bedford et les limites de la loi 21 (Interdire toute activité religieuse à l'école) ».

On ne pourrait pas trouver de meilleur exemple d'un texte qui cumule à lui seul tous les travers de ce qu'il convient d'appeler, dans les circonstances : « Les “intégristes” de la laïcité ». À lire les propos de Daniel Baril, la religion n'est ni plus ni moins comparable à la « peste bubonique » dont il faudrait se débarrasser au plus vite tellement elle risque de contaminer tout le corps social, à commencer par nos écoles publiques, véritables pouponnières qui auraient la responsabilité de préserver nos enfants et adolescents, si purs, chastes et innocents qu'ils sont, de l'influence néfaste des convictions religieuses du corps enseignant, surtout lorsque celles-ci sont coiffées d'un foulard, signe sans équivoque d'une aliénation consentie de la part de celles qui l'arborent ostensiblement, à savoir les musulmanes voilées (pour ne pas les nommer…)

Quand on prend connaissance de propos qui affirment sans ambages que : « Le port de signe religieux a un effet conflictuel manifeste entre les enfants d'une même communauté qui ne partagent pas le même mode de vie, les mêmes valeurs ou les mêmes convictions. »1, on se croirait directement parachuter dans l'Hexagone à une Assemblée du RN de Marine Le Pen (ou pire, de Reconquête d'Éric Zemmour) où les orateurs n'ont cesse de nous faire part de l'évidence qu'il y a incompatibilité « naturelle » entre la culture occidentale (au sens où ils l'entendent, bien évidemment) et les « Autres » cultures, entendre celles issues de la tradition arabo-musulmane, pourtant tout aussi séculaires. C'est le « Choc des Civilisations », version québécoise...

Que ce soit l'épisode du mot en « N » à l'Université d'Ottawa, le concept « douteux » d'appropriation culturelle appliqué au théâtre de Robert Lepage ou le cas du prosélytisme religieux à l'École Bedford, tous ces déraillements, ces maladresses, ces exagérations biens « réels » sont du « petit lait » pour nos Don Quichotte de la laïcité. Ces dérapages (conséquences directes de la culture « woke » ou de l'idéologie « islamo-gauchiste » défendue par QS) sont, à leurs yeux, la preuve vivante que la loi 21 doit être renforcée parce qu'en vérité, un signe religieux laisse transparaître un état d'esprit « archaïque », pré-moderne, dont on doit à tous prix éviter le contact avec nos jeunes ouailles de l'école publique, non seulement pendant les heures de cours mais aussi en dehors du temps passé en classe ; autrement dit, presque tout le temps...

Il va sans dire que, pour des raisons qu'elles seules connaissent, plusieurs personnes au Québec ont la religion à travers la gorge. À tel point que, et cela est particulièrement odieux de leur part, elles vont jusqu'à prendre les enfants en otage en leur mettant dans la bouche des mots dont on peut douter qu'ils saisissent véritablement le sens. Et pour ajouter du sérieux à l'entreprise, tout en discréditant un peu plus les enseignantes qui veulent exercer leur liberté de conscience au travail, on fait peser sur le corps enseignant la lourde responsabilité d'être des « Représentants de l'État » (titre « pompeux » s'il en est un), comme si sa tâche n'était pas déjà assez ardue comme elle l'est à l'heure actuelle. Pour avoir moi-même enseigné dans le réseau « public » des Universités du Québec, je ne me souviens pas d'avoir dû prêter serment devant le fleurdelisé, la main sur le cœur, jurant d'être un digne ambassadeur de la République du Québec ! Les profs ne sont pas des diplomates expédiés dans les cours d'école pour promulguer les principes de la laïcité de l'État et prêcher la Bonne Nouvelle de la nécessaire conversion à la sécularisation généralisée de la société ; ils ont d'autres chats à fouetter…

Au fond, la « sacro-sainte » laïcité n'est qu'un prétexte pour imposer un conformisme vestimentaire, comportemental, idéologique et politique. Elle s'inscrit dans l'argumentaire identitaire de la droite populiste, apeurée par les changements « culturels » inévitables qui accompagnent les mouvements de population à l'ère de la globalisation des marchés, des échanges commerciaux à l'échelle internationale, de la mondialisation, qu'elle soit « capitaliste » ou « humaniste ». En durcissant ainsi les critères d'admissibilité et les conditions d'adaptation des nouveaux arrivants au groupe majoritaire, le Québec se prive de précieux apports venus de l'étranger, d'autant plus que le Christianisme, le Judaïsme et l'Islam ont beaucoup de choses en commun, ayant déjà cohabité à partir d'une tolérance mutuelle sans qu'il soit nécessaire à quiconque de renier ses propres convictions.
Le « conflit » est générateur de créativité, d'innovation, de « progrès ». Il est la condition de possibilité à la constitution d'une société qui « tolère » la diversité ethnoculturelle, qui appréhende les différences de culture à l'aune d'une contribution bienfaisante pour le groupe majoritaire et non comme une menace de désintégration, de dislocation, un empêchement pour l'affirmation « identitaire » de ce dernier, ce qui ne signifie pas qu'il faille passer sous silence les difficultés « réelles » et inhérentes à cette cohabitation. Le destin du Québec ne doit pas s'inscrire dans le sens d'un repli sur nos soi-disant « valeurs » mais dans celui d'une ouverture à l'Autre pour des raisons à la fois morales, humanitaires, politiques et économiques…

Mario Charland
Shawinigan

Note
1.L'Aut'journal, novembre 2024, n° 431, p.6.

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Lettre à M.Michael Sabia, président-directeur général d’Hydro-Québec (HQ)

17 décembre 2024, par Claude Charron — ,
Nous avons au Québec, au cours des 25 dernières années, à l'intérieur d'un processus souffrant d'un lourd déficit démocratique, répondu aux demandes et besoins des promoteurs (…)

Nous avons au Québec, au cours des 25 dernières années, à l'intérieur d'un processus souffrant d'un lourd déficit démocratique, répondu aux demandes et besoins des promoteurs privés de l'éolien et de leurs actionnaires, à très, très fort coût, en dollars et en douleurs. Au nom de la justice sociale, par équité et par respect des principes fondamentaux de la loi sur le développement durable il est maintenant temps de répondre aux besoins de la population rurale, véritable gardienne du territoire.

Objet : Acceptabilité sociale et éolien industriel en milieu habité et cultivable

Monsieur Sabia,

M.Thierry Vandal, ex-pdg d‘Hydro-Québec, a dénoncé les décrets gouvernementaux qui obligeaient HQ à acheter, au privé et à un coût prohibitif, de l'énergie éolienne dont elle n'avait pas besoin.

M.Eric Martel, ex-pdg d'Hydro-Québec, a dénoncé le projet Apuiat sur la Côte-Nord comme étant inutile et allant générer des pertes de $200 millions sur une période de 20 ans. La CAQ, alors dans l'opposition, abonde dans le même sens mais une fois au pouvoir cède devant le puissant lobby éolien et autorise le projet.

Mme Sophie Brochu, ex-pdg d'Hydro-Québec, a dénoncé le Dollarama de l'énergie et la création d'une pénurie artificielle d'énergie électrique bradée à vil prix à des firmes étrangères énergivores au détriment des entreprises québécoises.

Avec pour résultat que l'aventure éolienne encouragée par nos gouvernements successifs a assujetti notre société-mère aux aléas de politiciens non-experts n'agissant pas dans l'intérêt public. Une aventure chaotique qui, depuis le deuxième appel d'offres de 2000 MW en 2008, aura généré des pertes de plus de $9 milliards (incluant le cadeau de $2.7 milliards aux promoteurs privés pour le câblage, les sous-stations et les pylônes) et une projection de $25 milliards de pertes à terme en 2042. À cela s'ajoutent les projets éoliens de gré à gré, de la Seigneurie de Beaupré et des 5-6 ièmes appels d'offres, tous déficitaires, dont la dernière retenue au printemps 2024 de contrats pour un approvisionnement de 1550 MW d'énergie éolienne qui générera des pertes d'au moins $150 millions/année.

Mais il y a pire. Outre les surcoûts liés à la filière éolienne, la majorité des projets en milieu habité rencontrent une forte opposition créant dans les communautés une division sociale qui impacte sévèrement voisins, familles, amis, commerces, organismes, élus, agriculteurs ; tous s'affrontent dans un climat anxiogène et délétère. D'un milieu rural paisible les riverains qui se sont fait enfoncer dans la gorge un projet dont ils ne voulaient pas se retrouvent soudainement en zone industrielle, meurtris et désabusés ; ils ont perdu leur cadre de vie, leur quiétude, une partie de leur patrimoine familial, des liens sociaux indispensables et leur confiance dans le processus démocratique.

Loin de s'améliorer la situation se détériore alors que le gouvernement actuel renchérit en voulant accélérer la mise en chantier de 10,000 MW d'énergie éolienne supplémentaire qui miteraient le territoire de façon irréversible. De la frontière américaine à la Gaspésie en passant par la Montérégie, le Centre-du-Québec, la Beauce et le Bas-Saint-Laurent, une ligne continue d'éoliennes plus hautes que la place Ville-Marie est en voie de surgir au milieu de milliers de kilomètres de nouvelles lignes de transport prévues pour acheminer cette énergie. Une cicatrice indélébile dans le paysage et dans le cœur des gens. La Belle Province livrée aux gens d'affaires.

Récemment, vous avez annoncé que dorénavant Hydro-Québec serait maître d'œuvre du développement éolien et qu'un projet de 3000 MW verrait le jour dans les territoires non organisés du Moyen-Nord québécois. Vous dites vouloir, en plus de faire des économies d'échelle, rechercher « la nécessaire acceptabilité sociale » qui fait défaut ailleurs au Québec.

En ce sens :

• Étant donné l'effet cumulatif des impacts négatifs générés par les éoliennes industrielles de plus en plus imposantes et puissantes (division sociale, pollution visuelle et sonore, dévaluation marchande, risques sanitaires, etc)
• Étant donné le pacte gouvernement-promoteur-municipalité qui étend sa domination sur le citoyen en multipliant les manœuvres pour l'empêcher d'exercer son droit fondamental d'exprimer son choix sur la pertinence ou non de ces projets
Nous demandons donc à Hydro-Québec :
• De surseoir à tout nouveau projet éolien en territoire habité et cultivable sous toutes ses formes, soit par appel d'offres, de gré à gré, de type privé-public, communautaire, nationalisé ou autre.
• D'exercer son rôle de maître d'oeuvre en excluant tout intermédiaire privé dans le développement de tout nouveau projet éolien en territoire non organisé
• De revendiquer son expertise dans le secteur énergétique et de continuer à se questionner sur l'opportunité ou non de développer de nouveaux méga projets éoliens non seulement d'un point de vue économique, social et environnemental mais également dans une perspective de fiabilité et de sécurité du réseau
• De favoriser et d'encourager un débat national sur les besoins du Québec en énergie dans le cadre d'une transition énergétique qui tient compte des aspirations et des valeurs des citoyens.

Nous avons au Québec, au cours des 25 dernières années, à l'intérieur d'un processus souffrant d'un lourd déficit démocratique, répondu aux demandes et besoins des promoteurs privés de l'éolien et de leurs actionnaires, à très, très fort coût, en dollars et en douleurs. Au nom de la justice sociale, par équité et par respect des principes fondamentaux de la loi sur le développement durable il est maintenant temps de répondre aux besoins de la population rurale, véritable gardienne du territoire.

« Le territoire est habité de façon extensive ce qui ne permet pas d'éloigner suffisamment les éoliennes des routes et des habitations. » BAPE 267, Conclusion, page 110

Claude Charron, comité des riverains des éoliennes de l'Érable (CRÉÉ)

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Lutte aux changements climatiques : Renverser la tendance

17 décembre 2024, par Bruno Marquis — ,
Comme le rapportait M. Yves Nantel dans sa chronique sur l'environnement du mois dernier, on dépassera vraisemblablement pour la première fois en 2024 le seuil critique du (…)

Comme le rapportait M. Yves Nantel dans sa chronique sur l'environnement du mois dernier, on dépassera vraisemblablement pour la première fois en 2024 le seuil critique du réchauffement climatique de 1,5 ℃ – par rapport à la température globale de la fin du XIXe siècle – fixé lors de l'Accord de Paris conclu en 2015 (COP21). L'année 2023 s'était pour sa part conclue avec 1,48 ℃, ce qui était tout juste sous cette limite.

(Ce texte a d'abord été publié dans l'édition de décembre du journal Ski-se-Dit.)

À la lumière de ces piètres résultats et pour éviter le pire, la neutralité carbone devra ainsi être atteinte une douzaine d'années plus tôt que prévue selon une étude du Global Carbon Project publiée en novembre, soit vers la fin des années 2030 – donc dans une quinzaine d'années – plutôt qu'en 2050.

Plusieurs nous dirons que la venue de gouvernements situés très à droite sur l'échiquier politique – et en premier lieu l'élection de Donald Trump aux États-Unis – ne feront qu'empirer la situation, mais c'est oublier que l'état des choses, même sous des gouvernements moins à droite, n'est pas non plus viable. Quels que soient les gouvernements en place, nous devons tous agir, du mieux que nous le pouvons, pour renverser la situation. À défaut de quoi, les décideurs politiques, qui ont bien souvent partie liée avec les moyennes et grandes entreprises, les multinationales la plupart du temps, continueront, dans l'inaction, à nous servir leurs boniments habituels, comme sait si bien le faire depuis 2015 le premier ministre canadien Justin Trudeau.

Je l'ai déjà mentionné, nous sommes beaucoup moins seuls que nous ne le croyons à pouvoir agir et à le faire. Je tiens à mentionner ici certaines initiatives près de chez nous auxquelles nous pourrions apporter notre soutien, sinon notre contribution. De pareilles initiatives ont aussi lieu ailleurs et leur multiplication et leur succès pourraient certainement changer les choses.

Faire payer les pétrolières

Québec solidaire, par la voix de sa co-porte-parole Ruba Ghazal, a demandé en novembre au gouvernement du Québec de poursuivre en justice les grandes pétrolières pour les dommages causés par les changements climatiques. Il s'agit, en mon sens, d'une occasion unique, en se reliant massivement derrière cette requête, de mettre encore davantage en lumière le rôle dévastateur des grandes pétrolières dans la destruction de nos environnements et la nécessité de mettre fin rapidement aux exploitations pétrolières. De les faire payer les dégâts aussi, plutôt que d'en refiler encore une fois la facture aux contribuables.

Shell, Suncor, Valero et Exxon, qui vendent du pétrole au Québec, ont trompé le public en minimisant les risques que représentent les énergies fossiles pour le climat, et ils doivent payer pour les dégâts. Une étude de la revue Science publiée en 2023 montre, par exemple, qu'Exxon Mobil, propriétaire de la marque Esso, a longtemps caché au public qu'elle connaissait le lien de causalité entre la production de pétrole et la crise climatique. Pendant des décennies, le géant pétrolier a mis en doute publiquement la réalité du réchauffement climatique et a nié l'exactitude des modèles climatiques des scientifiques. Pourtant, différentes enquêtes, dont celle publiée dans Science, montrent qu'Exxon disposait, dès les années 1980, de travaux scientifiques à l'interne lui permettant de prédire avec précision les changements climatiques.

À elles seules, les pétrolières sont responsables du tiers – voire même de la moitié – des gaz à effet de serre mondiaux. De telles poursuites judiciaires, qui ont aussi cours ailleurs dans le monde, pourraient avoir un impact significatif sur la réduction des gaz à effet de serre et la lutte aux changements climatiques. (Des dizaines de municipalités américaines ainsi que huit États et Washington, D.C., ont entre autres ainsi poursuivi des sociétés pétrolières et gazières ces dernières années pour leur rôle dans les changements climatiques, selon les données du Center for Climate Integrity.)

Tous les partis politiques disent vouloir protéger le Québec des changements climatiques. Nous devons les amener massivement en ce sens à contraindre le gouvernement du Québec à engager de telles poursuites judiciaires contre ces grandes pétrolières. Des grandes villes du Québec pourraient d'ailleurs aussi entreprendre individuellement ou conjointement de telles poursuites.

Engagements des grandes villes

La ville de Montréal s'est lancée comme objectif en 2019 de réduire de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, puis d'atteindre la carboneutralité d'ici 2050, et s'y est employée dans le cadre du Partenariat Climat Montréal. La ville de Gatineau est de son côté en train de procéder à une mobilisation, sous la gouverne de l'ancien maire et actuel conseiller de Gatineau Marc Bureau, en vue de donner une impulsion nouvelle à son propre Plan climat, adopté en 2021 et visant, pour sa part, à réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant de la communauté de 35 % par rapport aux niveaux de 2015 et la carboneutralité en 2050, elle aussi.

Ces initiatives doivent être soutenues et encouragées par les citoyens. Elles doivent aussi impliquer de plus en plus l'ensemble des forces progressistes pour éviter que leurs fins ne soit dévoyées par les forces de l'argent et les intérêts financiers. Pour que le poids des changements nécessaires ne soit pas non plus porté par les moins nantis et les plus vulnérables, comme cela avait été le cas en France lors de la juste révolte des Gilets jaunes. Nous avons tous intérêt, dans notre lutte contre les changements climatiques, à suivre de très près le déploiement et les mesures prises dans le cadre de ces initiatives et d'en corriger au besoin l'orientation. Pour en réévaluer aussi à la hausse les engagements.

Nous pouvons également y proposer de nouvelles approches et projets, comme celui, mentionné plus haut, de poursuivre individuellement ou collectivement les grandes pétrolières. Les administrations municipales sont, rappelons-le, beaucoup plus proches des citoyens et de leurs préoccupations que ne le sont les gouvernements.

Lire, écrire, parler

De nombreux groupes de pression et de défense de l'environnement, dont nous ignorons parfois l'existence, méritent aussi notre soutien et notre collaboration, tant au niveau national que local. Ils fournissent souvent de très précieuses informations et des données utiles sur de nombreux dossiers liés à l'environnement. Ils nous permettent de bien nous renseigner pour militer et communiquer de façons claires et informées avec nos proches sur ces sujets d'importance pour notre avenir commun.

On mesure mal, à cet égard, l'impact de nos propos et de nos positions environnementales et sociales sur nos proches. Dans un texte publié le mois dernier dans Le Devoir, Alexis Riopel nous explique que la plupart des Québécois, selon un sondage Léger, font « tout à fait confiance » ou « plutôt confiance » aux personnes de leur entourage qui connaissent mieux qu'eux certains sujets. Ils font aussi grandement confiance (78 %) aux gens qui leur ressemblent et qui font face aux mêmes réalités. Une bonne façon, en s'informant et en s'impliquant davantage en matière d'environnement, de changer les choses en multipliant les efforts de conscientisation.

Ce sont tous ces gestes souvent isolés qui feront ultimement la différence.

Moins que jamais il n'est question de baisser les bras !

Sources : Le Devoir, La Presse+, Le Droit, Ski-se-Dit et le site Web de la ville de Montréal.

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Imposer à Israël le respect du droit international

17 décembre 2024, par Association France Palestine Solidarité — , , ,
En décembre 1948 l'Assemblée Générale de l'ONU a produit deux textes déterminants, qui auraient dû changer le cours de l'histoire du peuple palestinien. Mais l'État d'Israël, (…)

En décembre 1948 l'Assemblée Générale de l'ONU a produit deux textes déterminants, qui auraient dû changer le cours de l'histoire du peuple palestinien. Mais l'État d'Israël, admis à l'ONU en 1949, n'a jamais considéré qu'il devait se conformer aux principes et aux résolutions le concernant, bien au contraire.

Tiré de France Palestine solidarité.

L'Assemblée générale des Nations unies a proclamé le 10 décembre 1948 la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) comme « l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations », affirmant que « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ».

Cette évidence ne s'applique pourtant pas aux Palestiniens et Palestiniennes. Occupation, colonisation, entraves à la circulation, extrême violence des colons et de l'armée israélienne, démolitions de maisons, confiscation des ressources, arrestations et emprisonnements massifs sont leur quotidien. Depuis octobre 2023 la population de Gaza, sous blocus israélien depuis plus de 17 ans, est victime de déplacements de masse forcés et répétés et d'un véritable génocide, reconnu comme tel par les instances internationales (risque avéré par la Cour Internationale de Justice) tandis que la Cour Pénale Internationale délivre des mandats d'arrêt contre deux dirigeants israéliens pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Le gouvernement d'extrême droite au pouvoir à Tel-Aviv pratique un apartheid toujours plus dur à l'encontre des Palestiniens et Palestiniennes où qu'ils se trouvent et privilégie une politique théocratique répressive au mépris du droit séculier promu par les Nations unies.

Les articles de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme bafoués par Israël sont nombreux, mais il faut sans relâche rappeler ceux qui touchent les réfugiés de Palestine. Rappeler que dès avant la création de l'État d'Israël (mai 1948) une politique délibérée d'expulsion a fait de quelques 800 000 Palestiniens et Palestiniennes des réfugiés, dépossédés de leur terre et interdits d'y revenir et de retrouver leurs biens : c'était la Nakba (la catastrophe de 1947-49).

Les réfugiés palestiniens sont privés de leurs droits individuels en violation de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qui garantit « le droit de quitter tout pays, y compris le sien et d'y revenir. » (Article 13). Le droit à la propriété, également garanti par l'article 17 : « nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété » leur est toujours refusé. Par ailleurs, les Palestiniens où qu'ils vivent, sont privés de leurs droits nationaux en violation de l'article 15 qui déclare : « Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité ».

La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme a un caractère universel, elle ne prévoit aucune exemption, aucune exception !

Le 11 décembre 1948, cette même Assemblée votait la Résolution 194 (III) sur la Palestine. Par son article 11 elle : « Décide qu'il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les Gouvernements ou autorités responsables. ». Cette résolution, jamais appliquée par Israël, qui refuse de reconnaître ses responsabilités historiques, constituera la base juridique du droit individuel au retour et du droit à réparation, aussi longtemps qu'Israël ne se soumettra pas à ses obligations au regard du droit international.

Les plus vieux réfugiés de 1948 disparaissent mais la quatrième génération est là et n'oublie rien, d'autant que l'actualité terrible imposée par Israël la frappe de plein fouet. Avec les réfugiés de 1967, ils sont aujourd'hui environ 8 millions de réfugiées. Toutes et tous ont le droit de retourner dans leurs foyers.

La Résolution 194 (III) ne comporte aucune date de péremption !

Israël applique obstinément la politique du fait accompli, mais il doit comprendre que tous les citoyens attachés au respect du droit, partout dans le monde, ne renonceront jamais à exiger ce qui est dû depuis près de 77 ans au peuple palestinien, ce qui est dû aux réfugiés de Palestine : la justice et le respect du droit.

Le temps qu'il faudra, l'AFPS accompagnera leurs justes revendications et sera leur porte-voix.

Le Bureau National de l'AFPS, le 10 décembre 2024

Photo : Réfugiés palestiniens en 1948 © Fred Csasznik

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Derrière la crise politique, une convulsion capitaliste

17 décembre 2024, par Jean-Marie Harribey — ,
Les commentaires principaux émis pour caractériser la situation politique de la France depuis la dissolution de l'Assemblée nationale il y a bientôt six mois, et tout (…)

Les commentaires principaux émis pour caractériser la situation politique de la France depuis la dissolution de l'Assemblée nationale il y a bientôt six mois, et tout particulièrement depuis trois mois et la nomination de Michel Barnier à la tête du gouvernement facilitent-ils la compréhension des choses ou en obscurcissent-ils le sens ? Le nombre de raccourcis et de contre-vérités est trop important pour qu'on les énumère tous. Quelques-uns d'entre eux sont cependant exemplaires de leur caractère en trompe-l'œil. Comment aller un peu au-delà des apparences ?

9 décembre 2024 | Billet de blog de JM Harrivey
https://blogs.mediapart.fr/jmharribey/blog/091224/derriere-la-crise-politique-une-convulsion-capitaliste

Une crise politique

Le premier exemple en trompe-l'œil est le refus de confier, ne serait-ce qu'un temps court, le gouvernement au Nouveau Front populaire, vainqueur relatif des élections législatives, au motif que son programme serait d'extrême gauche. Qu'est-ce donc que l'extrême gauche ? Le programme du NFP est sans doute moins à gauche que celui appliqué en 1981 lors de la première année du mandat de François Mitterrand. Pas un commentateur n'a fait remarquer que le NFP ne prévoit aucune nationalisation, pas même de quelque secteur stratégique comme celui des médicaments ayant fait tant défaut pendant la crise sanitaire. Au contraire, des larmes hypocrites sont quotidiennement versées pour regretter la disparition de la social-démocratie prétendument représentée par un parti socialiste ayant conduit celle-ci au social-libéralisme puis carrément au néolibéralisme hollandais, ce qui est assez désobligeant, voire insultant, à l'égard de la social-démocratie historique. Mal nommer un objet ajoute au malheur de ce monde, disait Camus. Le seul programme politique sur la table qui pourrait rappeler aujourd'hui ce que furent des politiques social-démocrates, au temps où la protection sociale, les services publics et la régulation macroéconomique étaient la règle, est précisément celui du NFP, qui, même s'il est audacieux sur le plan de la réforme fiscale, ne dit pas grand-chose de la remise des clés de l'économie entre les mains des travailleurs, clé de voûte d'une transformation profonde des rapports sociaux de production.

Une catastrophe économique est annoncée si un programme différent de l'austérité et de la régression des services publics et de la protection sociale était appliqué. Dans cette optique, la dette publique est un épouvantail ressorti chaque fois qu'un Michel Barnier, promu pourtant Grand Négociateur, refuse de discuter de tout impôt conséquent sur les classes riches, bénéficiaires des diminutions d'impôts qui creusent les déficits publics. Ou bien lorsqu'un Arnaud Rousseau, président de la FNSEA et premier actionnaire du groupe industriel des huiles et protéines végétales Avril, lance les agriculteurs contre l'INRAE ou l'OFB pour fustiger l'accord de libre-échange avec le Mercosur qui représente si bien l'aberration du modèle agricole défendu bec et ongles par lui au mépris de la crise écologique et climatique. Et encore quand un Patrick Martin, président du Medef, préfère voir se réduire la protection sociale plutôt que d'envisager une très légère baisse des allègements de cotisations sociales atteignant entre 70 et 80 milliards d'euros par an, et s'attriste de la désindustrialisation entraînant des milliers d'emplois menacés par des « plans sociaux » en cascade pendant que dividendes et rachats d'actions avoisinent les sommets.

L'aveuglement, la surdité et le déni de la réalité suffisent-ils pour expliquer la situation à laquelle nous sommes confrontés ? En d'autres termes, de quoi ladite crise politique est-elle le nom ou le signe ? La partie visible d'un iceberg ? L'arbre qui cache la forêt ?

Une crise peut en cacher une autre

La productivité du travail ne progresse plus dans le monde, ou si peu qu'elle est insuffisante pour satisfaire les appétits de rentabilité du capital. D'où le renforcement toujours plus poussé de la financiarisation de l'économie mondiale, c'est-à-dire d'un régime d'accumulation croyant pouvoir se dispenser de passer par la case productive réelle. L'accélération de la concentration et de la centralisation des capitaux montre que ce qui compte ce sont la captation des rentes, l'optimisation fiscale et la pure spéculation. Mais cette stratégie n'est pas extensible à l'infini parce qu'elle se heurte des barrières de plus en plus hautes : la crise climatique, la raréfaction des ressources, la dégradation de la biodiversité, et par dessus le marché (si l'on peut dire) des résistances sociales. Tout ce qui compte, disais-je, finit pas compter beaucoup en termes de coûts de production.

Le fléchissement de l'investissement productif, la multiplication des licenciements et des fermetures d'usines, la désindustrialisation sont la conséquence de ce mouvement général. Le capitalisme est installé dans une tendance de croissance économique faible dont l'extrême ralentissement de la progression de la productivité est à la fois cause et conséquence par un effet cumulatif auto-entretenu. Ralentissement de la productivité plus hausse des coûts de production, ça commence à sentir le roussi pour la rentabilité réelle du capital.

La crise déclenchée en 2007 provient très précisément du fait que ce régime d'accumulation développé à partir des années 1980 postulait la valorisation permanente et quasi infinie des actifs financiers qui avaient ainsi de moins en moins d'ancrage réel. Comme le disait Marx, l'anticipation des plus-values financières se heurtait à la limite de la production-extorsion de la plus-value produite par la force de travail. Plus le capital financier grossissait, plus son caractère fictif devenait alors visible. L'éclatement de la crise financière anéantit le rêve dément de l'auto-engendrement du capital que le cauchemar de la marchandisation du monde ne peut compenser indéfiniment.

Or la crise financière de 2007 n'a eu aucun effet pour infléchir la trajectoire des politiques néolibérales. Le monde d'après-crise fi-nancière est le frère jumeau du monde d'avant. Mais ce n'est pas sans conséquences sur l'aggravation des contradictions auxquelles se heurtent les classes bourgeoises dans le monde, en Europe et bien sûr en France.

Une convulsion du capital et des classes qui le possèdent

Deux cas de figure sont emblématiques des contradictions dans lesquelles s'enferrent les classes bourgeoises tout en enfermant les classes populaires dans une cage d'acier.

Aux États-Unis, Trump s'est fait réélire avec le soutien financier des puissances d'argent états-uniennes, mais celles-ci n'ont aucun intérêt à ce que la politique de fermeture des frontières annoncée par lui soit appliquée. Une bonne partie des profits réalisés par les firmes multinationales américaines est liée aux échanges avec les pays dont les produits seraient frappés de droits de douane élevés ou érigeant eux aussi de tels obstacles. Autrement dit, la mondialisation capitaliste, voulue et organisée par l'élite bourgeoise états-unienne et qui a facilité l'émergence et l'épanouissement d'un concurrent capitaliste majeur comme la Chine, se retourne contre sa classe génitrice[1].

Comment réagit Trump en bon représentant d'une fraction de cette dernière ? D'abord en trouvant un bon bouc émissaire à travers les immigrés. Ensuite, en poussant à son paroxysme le projet libertarien de dérégulation totale de la société. La présence tonitruante d'un Elon Musk et ses gesticulations tout aussi grotesques que celles de Trump ne doivent pas dissimuler la stratégie sous-jacente : transformer les inquiétudes et les difficultés des classes populaires jusqu'au point où les représentations du monde forgent une « culture » aculturelle faite de fake news de plus en plus énormes, laquelle doit avoir pour effet d'anesthésier toute compréhension du monde réel, tout en faisant miroiter une super-conquête de l'espace comme eldorado interstellaire. Le climato-scepticisme n'est pas simplement le déni de la montée inexorable de la température, des tornades, des tsunamis et des inondations, c'est aussi le déni de toute science et le déchaînement de l'hubris, de la démesure.

En France, l'écartèlement entre des intérêts largement contradictoires au sein de la bourgeoisie est également flagrant. Devant le quasi-arrêt de la croissance économique, toutes les branches du patronat qui ont une activité productive sont demandeuses de subventions publiques, d'allègements d'impôts et d'exonérations de cotisations sociales, qui s'élèvent à environ 190 milliards d'euros par an[2]. Mais les branches du capital dont l'activité est soit directement financière (banques, assurances, fonds spéculatifs), soit engagée dans des activités productives internationales (les deux étant aujourd'hui très imbriquées) ne voient pas les choses du même œil. D'une part, elles auraient objectivement moins besoin du soutien public, et, d'autre part, elles exigent maintenant un respect de l'orthodoxie budgétaire en réduisant les dépenses publiques. Le « quoi qu'il en coûte » de la Banque centrale européenne et de l'État est désormais terminé, place à la discipline du marché. Quand on voit à quoi ont mené l'orthodoxie budgétaire la plus rigoureuse de l'Allemagne et la soi-disant excellence de son modèle, on peut craindre le pire.

La crise politique française s'éclaire ainsi d'un nouveau jour. Elle traduit les contradictions d'une classe dominante confrontée à une convulsion de son propre système. Elle refuse tout compromis avec un projet authentiquement réformiste. Elle laisse filer la dégradation des services publics de santé et d'éducation qui craquent de toutes parts. Elle s'apprête à achever la partition de la SNCF pour l'ouvrir totalement à la concurrence. Elle entérine le rétrécissement des ambitions écologiques (en matière de Zéro artificialisation nette, d'agriculture soumise aux pesticides et insecticides, etc.). Et elle affuble du qualificatif de social-démocrates les velléités d'ajustements à la marge des défaillances sociales du système les plus graves, tandis qu'elle laisse prospérer, voire avalise, les idées de préférence nationale de l'extrême droite, la répression et la criminalisation des mouvements sociaux. Le compromis social étant devenu inenvisageable pour la classe bourgeoise, celle-ci n'a plus qu'un moyen à sa disposition pour atténuer ses propres contradictions : unifier ses fractions autour du seul projet réconciliant temporairement leurs intérêts respectifs en faisant payer aux travailleurs la crise capitaliste par un surcroît d'austérité, d'inégalités, de services publics appauvris, de renoncements à la protection sociale et à la protection écologique.

Il n'y a bien sûr pas de cause unique à la montée des pouvoirs dits illibéraux dans le monde et en Europe, ni de déterminisme économique inéluctable. Mais on doit constater la simultanéité de la crise du capitalisme et de la remise en cause des procédures démocratiques, à laquelle s'ajoutent guerres et menaces de guerres. Car il ne s'agit pas d'une crise de la démocratie en elle-même comme on l'entend, c'est une crise du respect de la démocratie, une crise des formes dans lesquelles la démocratie a été organisée et dévoyée. Le non-respect du résultat des élections législatives de juillet 2024 par le président Macron est le pendant light de la tentative de prise d'assaut du Capitole par les troupes de Trump le 6 janvier 2021. Cela n'empêchera pas l'un et l'autre de « communier » aujourd'hui à la belle entente bourgeoise pendant l'inauguration de la cathédrale de Paris restaurée. Avec les plus riches de France, comme de bien entendu… De quoi sceller l'alliance du sabre, du goupillon et du pognon.

Il n'y a pas de complot mondial. Mais il y a une cohérence dans l'invraisemblable accumulation de crises et de dérèglements de tous ordres. Le déni du réel (climat, biodiversité, dégradation du travail…), le déni des droits humains à Gaza et dans toutes les guerres et le déni de la science par les partis et mouvements réactionnaires sont les symptômes d'une convulsion capitaliste qui atteint un caractère anthropologique : tous les équilibres sociaux sont menacés et la manière d'être au monde des humains est chamboulée.

Notes

[1] Voir Benjamin Bürbaumer, Chine/États-Unis, le capitalisme contre la mondialisation, Paris, La Découverte, 2024.

[2] Dans son rapport de 2022, le Clersé de l'Université de Lille chiffrait à 8,39 % du PIB et 40,65 % du budget de l'État le montant total des aides publiques aux entreprises en 2019. Et on ne parle pas ici des 80 milliards de fraude fiscale en plus.

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Comprendre la rébellion en Syrie. Entretien avec Joseph Daher

17 décembre 2024, par Joseph Daher — ,
Dans une longue interview au média Tempest, Joseph Daher, militant anticapitaliste suisse-syrien et universitaire basé en Suisse, revient sur la situation complexe dans le pays (…)

Dans une longue interview au média Tempest, Joseph Daher, militant anticapitaliste suisse-syrien et universitaire basé en Suisse, revient sur la situation complexe dans le pays et développe une approche marxiste de ses développements récents.

Tiré de Révolution permanente. Interview publiée originalement sur Tempest le 9 décembre. Nous reproduisons ici l'introduction rédigée par le média :

La rébellion en Syrie a pris le monde par surprise et a conduit à la chute de la dictature de la famille Assad, qui dirigeait la Syrie depuis que le père de Bachar al-Assad, Hafez, avait pris le pouvoir par un coup d'État, il y a 54 ans. Ni les forces militaires du régime, ni son parrain impérial, la Russie, ni son soutien régional, l'Iran, n'ont été en mesure de le défendre. Les villes contrôlées par le régime ont été libérées, des milliers de prisonniers politiques ont été sortis de ses célèbres geôles et, pour la première fois depuis des décennies, un espace s'est ouvert pour un nouveau combat en faveur d'une Syrie libre, inclusive et démocratique.

Dans le même temps, la plupart des Syriens savent qu'une telle lutte se heurte à d'énormes difficultés, à commencer par les deux principales forces rebelles, Hayat Tahrir Al-Sham (HTS) et l'Armée nationale syrienne (ANS), soutenues par la Turquie. Bien qu'elles aient été le fer de lance de la victoire militaire, elles sont autoritaires et ont un passé de sectarisme religieux et ethnique. Certains militants de gauche ont affirmé sans fondement que leur rébellion avait été orchestrée par les États-Unis et Israël. D'autres ont, sans aucun esprit critique, idéalisé ces forces rebelles, estimant qu'elles ravivaient la révolution populaire, à ses premières heures, qui avait failli renverser le régime d'Assad en 2011. Ni l'un ni l'autre ne rendent compte de la dynamique complexe qui se déroule aujourd'hui en Syrie.

Dans cet entretien, réalisé dans un contexte d'évolution rapide de la situation en Syrie, Tempest interroge le socialiste syrien Joseph Daher sur le processus qui a conduit à la chute du régime d'Assad, sur les perspectives des forces progressistes et sur les défis auxquels elles sont confrontées dans leur lutte pour un pays véritablement libéré qui serve les intérêts de toutes ses communautés religieuses et de toutes les couches populaires.

Tempest : Comment les Syriens se sentent-ils après la chute du régime ?

Joseph Daher : La joie est incroyable. C'est un jour historique. La tyrannie de la famille Assad, qui dure depuis 54 ans, vient de se terminer. Nous avons vu des vidéos de manifestations populaires dans tout le pays, à Damas, Tartous, Homs, Hama, Alep, Qamichli, Suwaida, etc, mobilisant toutes les confessions religieuses et toutes les ethnies, détruisant les statues et les symboles de la famille Assad.

Bien sûr, la joie est également grande face à la libération des prisonniers politiques des prisons du régime, en particulier la prison de Sednaya, connue sous le nom d'« abattoir humain », qui enfermait 10 000 à 20 000 prisonniers. Certains d'entre eux étaient détenus depuis les années 1980. De même, les personnes qui avaient été déplacées en 2016 ou plus tôt, d'Alep et d'autres villes, ont pu retourner dans leurs maisons et leurs quartiers, et revoir leurs familles pour la première fois depuis des années.

Parallèlement, dans les premiers jours qui ont suivi l'offensive militaire, les réactions de la population ont été mitigées et confuses, reflétant la diversité des opinions politiques de la société syrienne, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Certains secteurs étaient très heureux de la conquête de ces territoires et de l'affaiblissement du régime, et maintenant de sa chute potentielle. Mais d'autres secteurs de la population craignaient, et craignent toujours, HTS et l'ANS. Ils s'inquiètent de la nature autoritaire et réactionnaire de ces forces et de leur projet politique.

Et certains s'inquiètent de ce qui se passera dans la nouvelle situation. En particulier, de larges secteurs des communautés kurdes, parmi d'autres, qui tout en se réjouissant de la chute de la dictature d'Assad, ont condamné les déplacements forcés et les assassinats de personnes perpétrés par l'ANS.

Tempest : Pouvez-vous retracer le déroulement des événements, en particulier l'avancée des rebelles, qui ont vaincu les forces militaires d'Assad et conduit à sa chute ? Que s'est-il passé ?

JD : Hayat Tahrir Al-Sham (HTS) et l'Armée nationale syrienne (ANS), soutenues par la Turquie, ont lancé une campagne militaire le 27 novembre 2024 contre les forces du régime syrien, remportant des victoires éclatantes. En moins d'une semaine, le HTS et l'ANS ont pris le contrôle de la plupart des gouvernorats d'Alep et d'Idlib. Ensuite, la ville de Hama, située à 210 kilomètres au nord de Damas, est tombée aux mains du HTS et de l'ANS à la suite d'intenses affrontements militaires avec les forces du régime, appuyées par l'armée de l'air russe. Après Hama, le HTS a pris le contrôle de Homs.

Dans un premier temps, le régime syrien a envoyé des renforts à Hama et à Homs puis, avec le soutien de l'aviation russe, a bombardé les villes d'Idlib et d'Alep et leurs environs. Les 1er et 2 décembre, plus de 50 frappes aériennes ont touché Idlib, au moins quatre centres de santé, quatre écoles, deux camps de déplacés et une station d'eau. Les frappes aériennes ont déplacé plus de 48 000 personnes et ont gravement perturbé les services et l'acheminement de l'aide. Le dictateur Bachar al-Assad avait promis la défaite à ses ennemis et déclaré que « le terrorisme ne comprend que le discours de la force ». Mais son régime s'effondrait déjà de toute part.

Alors que le régime perdait ville après ville, les gouvernorats méridionaux de Suweida et de Daraa se sont libérés ; leurs forces d'opposition populaires et armées locales, distinctes du HTS et de l'ANS, ont pris le contrôle. Les forces du régime se sont ensuite retirées des villages situés à une dizaine de kilomètres de Damas et ont abandonné leurs positions dans la province de Quneitra, qui borde le plateau du Golan, occupé par Israël.

Alors que différentes forces armées de l'opposition, qui ne sont liées ni à HTS ni à l'ANS, s'approchaient de la capitale Damas, les forces du régime se sont effondrées et retirées, tandis que les manifestations et les attaques contre tous les symboles de Bachar el-Assad se multipliaient dans les différentes banlieues de Damas. Dans la nuit du 7 au 8 décembre, la libération de la ville a été annoncée. Le sort exact et la localisation de Bachar el-Assad n'ont pas été connus immédiatement, mais certaines informations indiquent qu'il se trouve en Russie sous la protection de Moscou.

La chute du régime a prouvé sa faiblesse structurelle, tant sur le plan militaire qu'économique et politique. Il s'est effondré comme un château de cartes. Cela n'est guère surprenant, car il semblait évident que les soldats n'allaient pas se battre pour le régime d'Assad, compte tenu de leurs salaires et de leurs conditions de travail médiocres. Ils ont préféré fuir ou ne pas se battre plutôt que de défendre un régime pour lequel ils n'ont que très peu de sympathie, d'autant plus que beaucoup d'entre eux ont été enrôlés de force.

En parallèle de cette situation dans le sud du pays, d'autres éléments ont également émergé dans d'autres parties du pays depuis le début de l'offensive des rebelles. Tout d'abord, l'ANS a mené des attaques contre les territoires contrôlés par les Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes dans le nord d'Alep, puis a annoncé le début d'une nouvelle offensive contre la ville de Manbij, dans le nord du pays, dominée par les FDS. Dimanche 8 décembre, avec le soutien de l'armée turque, de l'aviation et de l'artillerie, l'ANS est entrée dans la ville.

Deuxièmement, les FDS se sont emparées de la majeure partie du gouvernorat de Deir-ez-Zor, auparavant contrôlé par les forces du régime syrien et les milices pro-iraniennes, qui s'étaient retirées pour se redéployer dans d'autres régions afin de lutter contre HTS et les FDS. Les FDS ont ensuite étendu leur contrôle à de vastes zones du nord-est qui étaient auparavant sous la domination du régime.

Tempest : Qui sont les forces rebelles et en particulier les principales formations rebelles, HTS et l'ANS ? Quelles sont leur politique, leur programme et leur projet ? Que pensent d'elles les classes populaires ?

JD : La prise réussie d'Alep, de Hama, de Homs et d'autres territoires dans le cadre d'une campagne militaire menée par le HTS reflète à bien des égards l'évolution de ce mouvement sur plusieurs années, qui est devenu une organisation plus disciplinée et plus structurée, tant sur le plan politique que militaire. Il est désormais capable de produire des drones et dirige une académie militaire. HTS a pu imposer son hégémonie sur un certain nombre de groupes militaires, tant par la répression que par la cooptation au cours des dernières années. Fort de son développement, il s'est positionné pour lancer cette attaque.

HTS est devenu un acteur quasi-étatique dans les zones qu'il contrôle. Il a mis en place un gouvernement, le gouvernement syrien du salut (SSG), qui fait office d'administration civile du HTS et fournit des services à la population. Ces dernières années, le HTS et le SSG ont fait preuve d'une volonté manifeste de se présenter aux puissances régionales et internationales comme une force rationnelle afin de normaliser son autorité. Cela a notamment permis à certaines ONG de disposer de plus d'espace pour opérer dans des secteurs clés tels que l'éducation et la santé, pour lesquels le SSG manque de ressources financières et d'expertise.

Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de corruption dans les zones sous son autorité. Il a imposé son autorité par des mesures autoritaires et des actions de maintien de l'ordre. Le HTS a notamment réprimé ou limité les activités qu'il considère comme contraires à son idéologie. Par exemple, il a mis fin à plusieurs projets de soutien aux femmes, en particulier aux résidentes des camps, sous prétexte que ces projets cultivaient des idées sur l'égalité des sexes qui étaient hostiles à son idéologie. HTS a également pris pour cible et détenu des opposants politiques, des journalistes, des militants et des personnes qu'il considérait comme des détracteurs ou des ennemis.

HTS, qui est toujours considéré comme une organisation terroriste par de nombreuses puissances, y compris les États-Unis, a également essayé de donner une image plus modérée de lui-même, en essayant de les convaincre qu'il est désormais devenu un acteur rationnel et responsable. Cette évolution remonte à la rupture de ses liens avec Al-Qaïda en 2016 et au recadrage de ses objectifs politiques dans le cadre national syrien. Il a également réprimé les individus et les groupes liés à al-Qaïda et au soi-disant État islamique.

En février 2021, pour sa première interview avec un journaliste américain, son chef Abu Mohammad al-Jolani, ou Ahmed al-Sharaa (son vrai nom), a déclaré que la région qu'il contrôlait « ne représentait pas une menace pour la sécurité de l'Europe et de l'Amérique », affirmant que les zones sous son autorité ne deviendraient pas une base pour des opérations à l'étranger.

Dans cette tentative d'apparaître comme un interlocuteur légitime sur la scène internationale, il a mis l'accent sur le rôle du groupe dans la lutte contre le terrorisme. Dans le cadre de cette transformation, il a permis le retour des chrétiens et des druzes dans certaines régions et a établi des contacts avec certains dirigeants de ces communautés.

Après la prise d'Alep, HTS a continué à se présenter comme un acteur responsable. Les combattants du HTS ont par exemple immédiatement posté des vidéos devant les banques, assurant qu'ils voulaient protéger les propriétés et les biens privés. Ils ont également promis de protéger les civils et les communautés religieuses minoritaires, en particulier les chrétiens, car ils savent que le sort de cette communauté est étroitement surveillé à l'étranger.

De même, le HTS a fait de nombreuses déclarations promettant une protection similaire aux Kurdes et aux minorités islamiques telles que les Ismaéliens et les Druzes. Il a également publié une déclaration concernant les alaouites, les appelant à rompre avec le régime, sans toutefois suggérer que le HTS les protégerait ou dire quoi que ce soit de clair sur leur avenir. Dans cette déclaration, le HTS décrit la communauté alaouite comme un instrument du régime contre le peuple syrien.

Enfin, le chef du HTS, Abu Mohammed al-Jolani, a déclaré que la ville d'Alep serait gérée par une autorité locale et que toutes les forces militaires, y compris celles du HTS, se retireraient complètement de la ville dans les semaines à venir. Il est clair qu'al-Jolani souhaite s'engager activement auprès des puissances locales, régionales et internationales.

Toutefois, la question de savoir si HTS donnera suite à ces déclarations reste ouverte. L'organisation s'est montrée autoritaire et réactionnaire, avec une idéologie fondamentaliste islamique, et compte toujours des combattants étrangers dans ses rangs. Ces dernières années, de nombreuses manifestations populaires ont eu lieu à Idlib pour dénoncer son régime et les violations des libertés politiques et des droits de l'homme, notamment les assassinats et la torture des opposants.

Il ne suffit pas de tolérer les minorités religieuses ou ethniques ou de les autoriser à prier. L'essentiel est de reconnaître leurs droits en tant que citoyens égaux participant à la prise de décision sur l'avenir du pays. Plus généralement, les déclarations du chef du HTS, al-Jolani, ne sont absolument pas rassurantes, bien au contraire. Comme celle-ci : « Les personnes qui craignent la gouvernance islamique en ont vu des applications incorrectes ou ne la comprennent pas correctement »,

En ce qui concerne l'ANS, soutenue par la Turquie, il s'agit d'une coalition de groupes armés dont la plupart défendent des politiques islamiques conservatrices. Elle a une très mauvaise réputation et est coupable de nombreuses violations des droits de l'homme, en particulier à l'encontre des populations kurdes dans les zones qu'elle contrôle. L'ANS a notamment participé à la campagne militaire menée par la Turquie pour occuper Afrin en 2018, entraînant le déplacement forcé d'environ 150 000 civils, en grande majorité des Kurdes.

Dans la campagne militaire actuelle, une fois de plus, l'ANS sert principalement les objectifs turcs en ciblant les zones contrôlées par les Forces de défense syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes et où vivent beaucoup de communautés kurdes. L'ANS a, par exemple, capturé la ville de Tal Rifaat et la zone de Shahba dans le nord d'Alep, auparavant sous la gouvernance des FDS, entraînant le déplacement forcé de plus de 150 000 civils et violant à de nombreuses reprises les droits de l'homme contre les individus kurdes, en pratiquant même des assassinats et des enlèvements. L'ANS a ensuite annoncé qu'elle lançait une offensive militaire, soutenue par l'armée turque, sur la ville de Manbij, où vivent 100 000 civils et qui est contrôlée par les FDS.

Il existe donc des différences entre le HTS et l'ANS. Le HTS jouit d'une autonomie relative vis-à-vis de la Turquie, contrairement à l'ANS, qui est contrôlé par la Turquie et sert ses intérêts. Les deux forces sont différentes, poursuivent des objectifs distincts et ont des conflits entre elles, bien que ceux-ci soient pour l'instant tenus secrets. Par exemple, les HTS ne cherchent actuellement pas à affronter les FDS. En outre, l'ANS a publié une déclaration critique à l'encontre du HTS pour son « comportement agressif » à l'égard des membres de l'ANS, tandis que le HTS aurait accusé les combattants de l'ANS d'avoir commis des pillages.

Tempest : Pour beaucoup de ceux qui n'ont pas suivi l'évolution de la Syrie, cette affaire est tombée du ciel. Quelles sont les racines de cette situation dans la révolution, la contre-révolution et la guerre civile en Syrie ? Que s'est-il passé à l'intérieur du pays au cours de la période récente qui a déclenché l'offensive militaire ? Quelles sont les dynamiques régionales et internationales qui ont ouvert la voie aux avancées des rebelles ?

JD : Initialement, HTS a lancé sa campagne militaire en réaction à l'escalade des attaques et des bombardements du régime d'Assad et de la Russie sur son territoire du nord-ouest. Elle visait également à reprendre des zones conquises par le régime, en violation des zones de désescalade convenues dans l'accord de mars 2020, négocié par Moscou et Téhéran. Toutefois, forts de leur succès surprenant, leurs ambitions ont grandi et ils ont appelé ouvertement au renversement du régime, ce qu'ils ont désormais accompli avec l'aide d'autres groupes.

Le succès du HTS et de l'ANS s'explique par l'affaiblissement des principaux alliés du régime. La Russie, principal sponsor international d'Assad, a détourné ses forces et ses ressources vers sa guerre impérialiste contre l'Ukraine. En conséquence, son implication en Syrie a été nettement plus limitée que lors des opérations militaires similaires qu'elle a menées au cours des années précédentes.

Ses deux autres alliés clés, le Hezbollah libanais et l'Iran, ont été considérablement affaiblis par Israël depuis le 7 octobre 2023. Tel-Aviv a assassiné les dirigeants du Hezbollah, dont Hassan Nasrallah, a décimé ses cadres lors de l'explosion des bipeurs et a bombardé ses forces au Liban. Le Hezbollah est sans aucun doute confronté à son plus grand défi depuis sa création. Israël a également lancé des vagues de frappes contre l'Iran, exposant ses faiblesses. Il a également intensifié les bombardements des positions iraniennes et du Hezbollah en Syrie au cours des derniers mois.

Avec ses principaux soutiens occupés ailleurs et affaiblis, la dictature d'Assad se trouvait dans une position vulnérable. En raison de toutes ses faiblesses structurelles, du manque de soutien de la population sous son joug, du manque de fiabilité de ses propres troupes et de l'absence de soutien international et régional, [le régime Assad] s'est avéré incapable de résister à l'avancée des forces rebelles, ville après ville, et son autorité s'est effondrée comme un château de cartes.

Tempest : Comment les alliés du régime ont-ils réagi dans un premier temps ? Quels sont leurs intérêts en Syrie ?

JD : La Russie et l'Iran se sont d'abord engagés à soutenir le régime et à faire pression sur lui pour qu'il combatte le HTS et l'ANS. Dans les premiers jours de l'offensive, la Russie a appelé le régime syrien à se ressaisir et à « remettre de l'ordre à Alep », ce qui semble indiquer qu'elle comptait sur une contre-attaque de Damas.

L'Iran a appelé à une « coordination » avec Moscou face à cette offensive. L'Iran a affirmé que les États-Unis et Israël étaient derrière l'offensive des rebelles contre le régime syrien qu'il considère comme une tentative de le déstabiliser et de détourner l'attention de la guerre d'Israël en Palestine et au Liban. Les responsables iraniens ont déclaré leur soutien total au régime syrien et ont confirmé leur intention de maintenir et même d'accroître la présence de leurs « conseillers militaires » en Syrie pour soutenir l'armée syrienne. Téhéran a également promis de fournir des missiles et des drones au régime syrien et même de déployer ses propres troupes.

Mais cela n'a manifestement pas fonctionné. Malgré les bombardements russes sur les zones échappant au contrôle du régime, l'avancée des rebelles n'a pas été stoppée.

Les deux puissances ont beaucoup à perdre en Syrie. Pour l'Iran, la Syrie est cruciale pour le transfert d'armes et la coordination logistique avec le Hezbollah. Avant la chute du régime, le bruit courait que le parti libanais avait envoyé un petit nombre de « forces de supervision » à Homs afin d'aider les forces militaires du régime et 2000 soldats dans la ville de Qusayr, l'un de ses bastions en Syrie près de la frontière avec le Liban, pour la défendre en cas d'attaque des rebelles. Dans sa chute, le régime a retiré ses forces.

Du côté de la Russie, la base aérienne russe de Hmeimim, dans la province syrienne de Lattaquié, et son installation navale de Tartous, sur la côte, ont été des sites importants lui permettant d'affirmer son poids géopolitique au Moyen-Orient, en Méditerranée et en Afrique. La perte de ces bases compromettrait le statut de la Russie, car son intervention en Syrie a été utilisée comme un exemple de la manière dont elle peut utiliser la force militaire pour influencer les événements à l'extérieur de ses frontières et rivaliser avec les États occidentaux.

Tempest : Quel rôle les autres puissances régionales et impériales, en particulier la Turquie, Israël et les États-Unis, ont-elles joué dans ce scénario ? Quelles sont leurs ambitions dans cette situation ?

JD : Malgré la normalisation de la Turquie avec la Syrie, Ankara s'est sentie frustrée par Damas. Elle a donc encouragé l'offensive militaire, ou du moins lui a donné le feu vert, et l'a aidée d'une manière ou d'une autre. L'objectif d'Ankara était initialement d'améliorer sa position dans les futures négociations avec le régime syrien, mais aussi avec l'Iran et la Russie.

Aujourd'hui, avec la chute du régime, l'influence de la Turquie est encore plus importante en Syrie et en fait probablement l'acteur régional clé dans le pays. Ankara cherche également à utiliser l'ANS pour affaiblir les FDS, qui sont dominées par la branche armée du parti kurde PYD, une organisation sœur du parti kurde turc PKK, désigné comme terroriste par Ankara, les États-Unis et l'Union européenne.

La Turquie a deux autres objectifs principaux. Tout d'abord, elle souhaite procéder au retour forcé en Syrie des réfugiés syriens se trouvant en Turquie. Deuxièmement, elle veut nier les aspirations kurdes à l'autonomie et plus particulièrement saper l'administration dirigée par les Kurdes dans le nord-est de la Syrie, l'Administration autonome du nord et de l'est de la Syrie (AANES, également appelée Rojava), ce qui créerait un précédent pour l'autodétermination kurde en Turquie, une menace pour le régime tel qu'il est actuellement constitué.

Ni les États-Unis ni Israël n'ont joué un rôle dans ces événements. En fait, c'est le contraire qui s'est produit. Les États-Unis craignaient que le renversement du régime ne crée davantage d'instabilité dans la région. Les responsables américains ont d'abord déclaré que « le refus persistant du régime Assad de s'engager dans le processus politique décrit dans la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations-Unies et sa dépendance à l'égard de la Russie et de l'Iran sont à l'origine de la situation actuelle, y compris de l'effondrement des lignes du régime Assad dans le nord-ouest de la Syrie ».

La Maison Blanche a également déclaré qu'elle n'avait « rien à voir avec cette offensive, qui est dirigée par Hayat Tahrir al-Sham (HTS), une organisation caractérisée comme terroriste ». Après une visite en Turquie, le secrétaire d'État Antony Blinken a appellé à la désescalade en Syrie. Après la chute du régime, les responsables américains ont déclaré qu'ils maintiendraient leur présence dans l'est de la Syrie, soit environ 900 soldats, et qu'ils prendraient les mesures nécessaires pour empêcher une résurgence de l'État islamique.

De leur côté, les responsables israéliens ont déclaréque « l'effondrement du régime d'Assad créerait probablement une situation chaotique qui pourrait permettre à des menaces militaires contre Israël de se développer. » De plus, Israël n'a jamais vraiment soutenu le renversement du régime syrien depuis la révolution avortée de 2011. En juillet 2018, M. Netanyahou ne s'est pas opposé à ce qu'Assad reprenne le contrôle du pays et stabilise son pouvoir.

Netanyahou a déclaré qu'Israëln'agirait que contre les menaces ouvertes, telles que les forces et l'influence de l'Iran et du Hezbollah, expliquant : « Nous n'avons pas eu de problème avec le régime d'Assad, pendant 40 ans, pas une seule balle n'a été tirée sur le plateau du Golan ». Quelques heures après l'annonce de la chute du régime, l'armée d'occupation israélienne a pris le contrôle de la partie syrienne du mont Hermon, sur le plateau du Golan, afin d'empêcher les rebelles de s'emparer de la zone, ce dimanche. Auparavant, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou avait ordonné à l'armée d'occupation israélienne de « prendre le contrôle » de la zone tampon du Golan et des « positions stratégiques adjacentes ».

Tempest : De nombreux militants ont pris une nouvelle fois la défense d'Assad, affirmant cette fois qu'une défaite d'Assad serait un revers pour la lutte de libération palestinienne. Que pensez-vous de cet argument ? Qu'est-ce que cela signifie pour la Palestine ?

JD : Oui, les militants ont affirmé que cette offensive militaire était menée par « Al-Qaïda et d'autres terroristes » et qu'il s'agissait d'un complot impérialiste occidental contre le régime syrien visant à affaiblir le soi-disant « axe de la résistance » dirigé par l'Iran et le Hezbollah. Étant donné que cet axe prétend soutenir les Palestiniens, les militants affirment que la chute d'Assad l'affaiblit et, par conséquent, sape la lutte pour la libération de la Palestine.

En plus d'ignorer tout du rôle des acteurs locaux syriens, le principal problème de l'argument avancé par les partisans de ce qu'on appelle « l'axe de la résistance » est qu'ils supposent que la libération de la Palestine viendra d'en haut, de ces États ou d'autres forces, indépendamment de leur nature réactionnaire et autoritaire, et de leurs politiques économiques néolibérales. Cette stratégie a échoué par le passé et continuera à échouer aujourd'hui. En fait, au lieu de faire progresser la lutte pour la libération de la Palestine, les États autoritaires et despotiques du Moyen-Orient, qu'ils soient alignés sur l'Occident ou opposés à lui, ont à maintes reprises trahi les Palestiniens et les ont même réprimés.

De plus, les campistes ignorent que les principaux objectifs de l'Iran et de la Syrie ne sont pas la libération de la Palestine, mais la préservation de leurs États et de leurs intérêts économiques et géopolitiques. Ils les feront passer avant la Palestine à chaque fois. La Syrie, en particulier, comme Netanyahu l'a clairement indiqué dans la citation que je viens de citer, n'a pas levé le petit doigt contre Israël depuis des décennies.

Pour sa part, l'Iran a soutenu la cause palestinienne de manière rhétorique et a financé le Hamas. Mais depuis le 7 octobre 2023, son principal objectif est d'améliorer sa position dans la région afin d'être dans la meilleure position pour de futures négociations politiques et économiques avec les Etats-Unis. L'Iran souhaite garantir ses intérêts politiques et sécuritaires et a donc tenu à éviter toute guerre directe avec Israël.

Son principal objectif géopolitique vis-à-vis des Palestiniens n'est pas de les libérer, mais de les utiliser comme levier, notamment dans ses relations avec les Etats-Unis. De même, la réponse passive de l'Iran à l'assassinat de Nasrallah par Israël, à la décimation des cadres du Hezbollah et à sa guerre brutale contre le Liban, démontre que sa première priorité est de se protéger et de protéger ses intérêts. Il n'était pas disposé à les sacrifier et à prendre la défense de son principal allié non étatique.

L'Iran s'est révélé être, au mieux, un allié inconstant du Hamas. Il a réduit son financement au Hamas lorsque leurs intérêts ne coïncidaient pas. Il a réduit son aide financière au Hamas après la révolution syrienne de 2011, lorsque le mouvement palestinien a refusé de soutenir la répression meurtrière du régime syrien à l'encontre des manifestants syriens.

Dans le cas du régime syrien, l'argument contre son prétendu soutien à la Palestine est imparable. Il n'a pas pris la défense de la Palestine au cours de la dernière année de guerre génocidaire d'Israël. Malgré les bombardements israéliens sur la Syrie, avant et après le 7 octobre, le régime n'a pas réagi. Cette attitude est conforme à la politique menée par le régime depuis 1974, qui consiste à éviter toute confrontation significative et directe avec Israël.

En outre, le régime a réprimé à plusieurs reprises les Palestiniens en Syrie, notamment en tuant plusieurs milliers d'entre eux depuis 2011 et en détruisant le camp de réfugiés de Yarmouk à Damas. Il s'est également attaqué au mouvement national palestinien lui-même. Par exemple, en 1976, Hafez al-Assad, père de son héritier et dictateur déchu Bachar al-Assad, est intervenu au Liban et a soutenu les partis libanais d'extrême droite contre les organisations palestiniennes et libanaises de gauche.

Il a également mené des opérations militaires contre des camps palestiniens à Beyrouth en 1985 et 1986. En 1990, environ 2 500 prisonniers politiques palestiniens étaient détenus dans des prisons syriennes.

Compte tenu de cette histoire, le mouvement de solidarité avec la Palestine commet une erreur en défendant et en s'alignant sur des États impérialistes ou sous-impérialistes qui font passer leurs intérêts avant la solidarité avec la Palestine, rivalisent pour obtenir des gains géopolitiques et exploitent les travailleurs et les ressources de leurs pays. Bien sûr, l'impérialisme américain reste le principal ennemi de la région avec sa longue histoire de guerres, de pillages et de domination politique.

Mais il est absurde de considérer les puissances régionales réactionnaires et d'autres États impérialistes comme la Russie ou la Chine comme des alliés de la Palestine ou de son mouvement de solidarité. Il n'y a tout simplement aucune preuve pour étayer cette position. Choisir un impérialisme plutôt qu'un autre, c'est garantir la stabilité du système capitaliste et l'exploitation des classes populaires. De même, soutenir des régimes autoritaires et despotiques dans la poursuite de l'objectif de libération de la Palestine est non seulement moralement erroné, mais s'est également avéré être une stratégie vouée à l'échec.

Au contraire, le mouvement de solidarité palestinien doit considérer que la libération de la Palestine est liée non pas aux États de la région, mais à la libération de ses classes populaires. Celles-ci s'identifient à la Palestine et considèrent que leurs propres combats pour la démocratie et l'égalité sont intimement liés à la lutte de libération des Palestiniens. Lorsque les Palestiniens se battent, cela tend à déclencher le mouvement régional de libération, et le mouvement régional se répercute sur celui de la Palestine occupée.

Ces luttes sont dialectiquement liées ; ce sont des luttes mutuelles pour la libération collective. Le ministre israélien d'extrême droite Avigdor Lieberman a reconnu le danger que les soulèvements populaires régionaux représentaient pour Israël en 2011 lorsqu'il a déclaré que la révolution égyptienne qui a renversé Hosni Moubarak et ouvert la voie à une période d'ouverture démocratique dans le pays constituait une plus grande menace pour Israël que l'Iran.

Il ne s'agit pas de nier le droit de résistance des Palestiniens et des Libanais aux guerres brutales d'Israël, mais de comprendre que la révolte unie des classes populaires palestiniennes et régionales a le pouvoir de transformer l'ensemble du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, en renversant les régimes autoritaires et en expulsant les États-Unis et les autres puissances impérialistes. La solidarité internationale anti-impérialiste avec la Palestine et les classes populaires de la région est essentielle, car elles sont confrontées non seulement à Israël et aux régimes réactionnaires du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, mais aussi à leurs soutiens impérialistes.

La tâche principale du mouvement de solidarité avec la Palestine, en particulier en Occident, est de dénoncer le rôle complice de nos classes dirigeantes qui soutiennent non seulement l'État d'apartheid, raciste et colonial, d'Israël et sa guerre génocidaire contre les Palestiniens, mais aussi les attaques d'Israël contre d'autres pays de la région, tels que le Liban. Le mouvement doit faire pression sur ces classes dirigeantes pour qu'elles rompent toute relation politique, économique et militaire avec Tel-Aviv.

De cette manière, le mouvement de solidarité peut remettre en question et affaiblir le soutien international et régional à Israël, ouvrant l'espace pour que les Palestiniens se libèrent avec les classes populaires de la région.

Tempest : L'avancée des rebelles en Syrie va-t-elle permettre aux forces progressistes de relancer la lutte révolutionnaire et d'offrir une alternative au régime et au fondamentalisme islamique ?

JD : Il n'y a pas de réponse évidente, surtout des interrogations. La lutte par en bas et l'auto-organisation seront-elles possibles dans les zones où le régime a été chassé ? Les organisations de la société civile (non pas au sens étroit d'ONG, mais au sens gramscien de formations de masse populaires en dehors de l'État) et les structures politiques qui pourraient mener des politiques démocratiques et progressistes, seront-elles en mesure de s'établir, de s'organiser et de constituer une alternative politique et sociale au HTS et au SNA ? L'étirement des forces du HTS et de l'ANS permettra-t-il de s'organiser au niveau local ?

Telles sont les questions clés qui, à mon avis, n'ont pas de réponses claires. Si l'on examine les politiques du HTS et de l'ANS dans le passé, on constate qu'elles n'ont pas encouragé le développement d'un espace démocratique, bien au contraire. Elles ont été autoritaires. Aucune confiance ne devrait être accordée à de telles forces. Seule l'auto-organisation des classes populaires luttant pour des revendications démocratiques et progressistes créera cet espace et ouvrira la voie à une véritable libération. Pour cela, il faudra surmonter de nombreux obstacles, de la fatigue de la guerre à la répression, en passant par la pauvreté et la dislocation sociale.

Le principal obstacle a été, est et sera les acteurs autoritaires, auparavant le régime, mais maintenant une grande partie des forces d'opposition, en particulier le HTS et l'ANS ; leur domination et les affrontements militaires entre eux ont étouffé l'espace qui aurait pu permettre aux forces démocratiques et progressistes de déterminer démocratiquement leur avenir. Même dans les zones libérées du contrôle du régime, nous n'avons pas encore assisté à des campagnes populaires de résistance démocratique et progressiste. Et là où l'ANS a conquis des zones kurdes, il a violé les droits des Kurdes, les a réprimés par la violence et a déplacé de force un grand nombre d'entre eux.

Nous devons nous rendre à l'évidence : l'absence d'un bloc démocratique et progressiste indépendant capable de s'organiser et de s'opposer clairement au régime syrien et aux forces fondamentalistes islamiques est criante. La construction de ce bloc prendra du temps. Il devra combiner les luttes contre l'autocratie, l'exploitation et toutes les formes d'oppression. Il devra porter les revendications de démocratie, d'égalité, d'autodétermination kurde et de libération des femmes afin de créer une solidarité entre les exploités et les opprimés du pays.

Pour faire avancer ces revendications, ce bloc progressiste devra construire et reconstruire des organisations populaires, des syndicats aux organisations féministes, en passant par les organisations communautaires, et des structures nationales pour les rassembler. Cela nécessitera une collaboration entre les acteurs démocratiques et progressistes de l'ensemble de la société.

Ceci dit, il y a de l'espoir, alors que la dynamique clé était initialement militaire et menée par le HTS et l'ANS, ces derniers jours, nous avons vu des manifestations populaires grandissantes et des gens qui sortent dans les rues à travers le pays. Ils ne suivent pas les ordres du HTS, de l'ANS ou d'autres groupes d'opposition armés. Il y a maintenant un espace, avec ses contradictions et ses défis comme mentionné ci-dessus, pour que les Syriens essaient de reconstruire une résistance populaire civile à partir de la base et des structures alternatives de pouvoir.

En outre, l'une des tâches essentielles consistera à s'attaquer à la principale division ethnique du pays, celle entre les Arabes et les Kurdes. Les forces progressistes doivent mener une lutte claire contre le chauvinisme arabe afin de surmonter cette division et de forger une solidarité entre ces populations. Il s'agit d'un défi qui se pose depuis le début de la révolution syrienne en 2011 et qui devra être affronté et résolu de manière progressiste pour que le peuple syrien soit réellement libéré.

Il est absolument nécessaire de revenir aux aspirations initiales de la révolution syrienne en matière de démocratie, de justice sociale et d'égalité, tout en respectant l'autodétermination kurde. Si le PYD kurde peut être critiqué pour ses erreurs et son mode de gouvernement, il n'est pas le principal obstacle à une telle solidarité entre Kurdes et Arabes. Il s'agit des positions et des politiques belliqueuses et chauvines des forces d'opposition arabes en Syrie - à commencer par la Coalition nationale syrienne, dominée par les Arabes, suivie par la Coalition nationale des forces révolutionnaires et d'opposition syriennes, les principaux organes d'opposition en exil soutenus par l'Occident et les pays de la région, qui ont tenté de diriger la révolution syrienne dans ses premières années - et aujourd'hui celles des deux principales forces militaires, le HTS et l'ANS.
Dans ce contexte, les forces progressistes doivent poursuivre la collaboration entre les Arabes syriens et les Kurdes, y compris l'AANES. Le projet AANES et ses institutions politiques représentent de larges pans de la population kurde et l'ont protégée contre diverses menaces locales et extérieures.

Cela dit, il a lui aussi des défauts et ne doit pas être soutenu sans critique. Le PYD et AANES ont eu recours à la force et à la répression contre les militants politiques et les groupes qui contestaient leur pouvoir. Ils ont également violé les droits de l'homme des civils. Néanmoins, ils ont obtenu des résultats importants, notamment en augmentant la participation des femmes à tous les niveaux de la société, en codifiant des lois laïques et en incluant davantage les minorités religieuses et ethniques. Toutefois, sur les questions socio-économiques, ils n'ont pas rompu avec le capitalisme et n'ont pas répondu de manière adéquate aux demandes des classes populaires.

Quelles que soient les critiques que les progressistes peuvent adresser au PYD et à l'AANES, nous devons rejeter et nous opposer aux descriptions chauvines arabes qui les qualifient de « diable » et de projet ethno-nationaliste « séparatiste ». Mais en rejetant ce sectarisme, nous ne devons pas idéaliser l'AANES sans esprit critique, comme l'ont fait certains anarchistes et gauchistes occidentaux, en la présentant à tort comme une nouvelle forme de pouvoir démocratique par en bas.

Il y a déjà eu une certaine collaboration entre les démocrates et les progressistes arabes syriens et l'AANES et les institutions qui y sont liées, et il faut la développer et l'étendre. Mais, comme dans tout type de collaboration, celle-ci ne doit pas se faire sans esprit critique.

S'il est important de rappeler à tous que le régime de Bachar al-Assad et ses alliés sont les premiers responsables du massacre de centaines de milliers de civils, des destructions massives, de l'appauvrissement croissant et de la situation actuelle en Syrie, l'objectif de la révolution syrienne va au-delà de ce que le chef de HTS, al-Jolani, affirme dans son interview avec CNN. Il ne s'agit pas seulement de renverser ce régime, mais de construire une société démocratique et égalitaire où les groupes opprimés jouissent de droits complets. Sinon, nous ne ferons que remplacer un mal par un autre.

Tempest : Quel sera l'impact de la chute du régime sur la région et les puissances impériales ? Quelle position la gauche internationale devrait-elle adopter dans cette situation ?

JD : Après la chute du régime, le chef du HTS, M. al-Jolani, a déclaré que les institutions de l'État syrien seraient supervisées par le premier ministre de l'ancien régime, M. Mohammed Jalali, jusqu'à ce qu'elles soient remises à un nouveau gouvernement doté des pleins pouvoirs exécutifs, à la suite d'élections, ce qui témoigne des efforts déployés pour assurer une transition ordonnée. Le ministre syrien des télécommunications, Eyad al-Khatib, a accepté de collaborer avec les représentants du HTS pour garantir la continuité des télécommunications et d'internet.

Ces éléments indiquent clairement que le HTS souhaite procéder à une transition contrôlée du pouvoir afin d'apaiser les craintes des pays étrangers, d'établir des contacts avec les puissances régionales et internationales et d'être reconnu comme une force légitime avec laquelle il est possible de négocier. Un obstacle à cette normalisation est le fait que le HTS est toujours considéré comme une organisation terroriste, alors que la Syrie fait l'objet de sanctions.

Il faut donc s'attendre à une période d'instabilité dans le pays. À Damas, le lendemain de la chute du régime, on a pu observer un certain chaos dans les rues, la banque centrale ayant par exemple été pillée.

Il est encore difficile de dire quel sera l'impact de la chute du régime sur les puissances régionales et impériales. Pour les États-Unis et les pays occidentaux, l'objectif principal est désormais de limiter les dégâts afin d'éviter que le chaos ne s'étende à la région. Les États de la région ne sont manifestement pas satisfaits de la situation actuelle, alors qu'ils avaient entamé un processus de normalisation avec le régime au cours des dernières années. Quant à la Turquie, son principal objectif sera de consolider son pouvoir et son influence en Syrie et de se débarrasser de l'AANES dirigée par les Kurdes dans le nord-est. Le chef de la diplomatie turque a d'ailleurs déclaré dimanche que l'État turc était en contact avec les rebelles en Syrie pour s'assurer que l'État islamique et surtout le « PKK » ne profitent pas de la chute du régime de Damas pour étendre leur influence.

Les différentes puissances ont cependant un objectif commun : imposer une forme de stabilité autoritaire en Syrie et dans la région. Cela ne signifie évidemment qu'il existe une unité de vues entre les puissances régionales et impériales. Elles ont chacune leurs propres intérêts, souvent antagonistes, mais elles ne veulent pas de la déstabilisation du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, surtout pas d'une instabilité qui perturberait l'acheminement du pétrole pour le capitalisme mondial.

La gauche internationale ne doit pas se ranger du côté des restes du régime ou des forces locales, régionales et internationales de la contre-révolution. Au contraire, la boussole politique des révolutionnaires devrait être le principe de solidarité avec les luttes populaires et progressistes par en bas. Cela signifie qu'il faut soutenir les groupes et les individus qui s'organisent et luttent pour une Syrie progressiste et inclusive et construire une solidarité entre eux et les classes populaires de la région.

Dans un contexte instable en Syrie, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, nous devons éviter le double piège du romantisme et du défaitisme. Au contraire, nous devons poursuivre une stratégie de solidarité critique, progressiste et internationale entre les forces populaires de la région et du monde entier. Il s'agit là d'une tâche et d'une responsabilité cruciales de la gauche, en particulier en ces temps très complexes.

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Contre la bouc−émissarisation des immigrant·es

17 décembre 2024, par À Bâbord ! — , ,
Annonce d'un moratoire sur l'immigration au Québec, virage du Parti libéral du Canada et du gouvernement fédéral sur les seuils d'accueil, débats sur l'adhésion (ou (…)

Annonce d'un moratoire sur l'immigration au Québec, virage du Parti libéral du Canada et du gouvernement fédéral sur les seuils d'accueil, débats sur l'adhésion (ou non-adhésion) aux « valeurs de la société québécoise ». C'est acté : l'immigration s'enligne pour être l'un des grands sujets des campagnes électorales canadiennes et québécoises.

Éditorial du numéro 102 par le Collectif de la revue A babord !

Accueilli·es à bras ouverts pendant la pandémie, les immigrant·es sont désormais les boucs émissaires systématiques de la droite et de leurs soutiens. De la crise du logement au déclin du français, en passant par la laïcité, les accusations ne cessent de s'accumuler au Québec. L'hostilité d'une partie du champ politique à l'égard des personnes immigrées suscite les propositions les plus électoralistes, les plus absurdes et déshumanisantes, comme le démontre l'intention du Parti Québécois de miser sur la robotisation pour les remplacer.

Alors que l'inflation détériore le niveau de vie des Québécois·es, on tente aussi d'opposer les classes populaires aux immigrant·es en agitant la menace qu'iels représenteraient sur l'État-providence. Le filet social ou l'immigration : un dilemme fallacieux et dangereux qui est largement utilisé dans les pays scandinaves par l'extrême droite.

Évidemment, il ne s'agit pas de parler de tous les immigrant·es. Il ne s'agit pas de remettre en cause l'exploitation des travailleur·euses temporaires et précaires, comme dans le secteur agricole, qui sont pieds et poings liés à leurs employeurs. Il semble aussi évident que la droite porte un regard différent sur l'immigration en fonction du pays, de la couleur de peau ou de la religion.

Notons ici l'ironie de vouloir restreindre ainsi l'immigration lorsque la construction de l'État canadien et québécois repose sur l'accaparement et la colonisation des territoires autochtones non cédés. Pour reprendre le fameux slogan altermondialiste : « Personne n'est illégal sur les territoires volés ». Sans surprise, de telles réflexions sont absentes dans les grands médias.

Ce climat xénophobe et raciste joue une double fonction. D'une part, il permet d'intimider et de menacer les personnes concernées en les dissuadant de s'organiser et de répliquer. Et d'autre part, il permet à de plus en plus de personnes de se sentir à l'aise d'exprimer des idées discriminatoires et nauséabondes.

Face à cette situation, la réponse des partis et organisations de gauche demeure insatisfaisante. Certes, on continue à souligner le rôle positif que l'immigration joue dans le fonctionnement des services publics et de l'économie québécoise en général. On la promeut comme un moyen de dynamiser les régions et on rappelle qu'elle comble les emplois que les Québécois·es ne souhaitent pas occuper. Mais là encore, les immigrant·es restent considéré·es en tant que variables d'ajustement économique et non comme des personnes qui ont des désirs, des rêves et des projets de vie.

Côté syndicats, une certaine vision réductionniste, consistant à voir le syndicalisme comme une sorte de compagnie d'assurance des travailleur·euses et non comme une force politique plus ambitieuse, empêchent plusieurs organisations de prendre des positions plus fortes sur ces enjeux. Comme si défendre d'autres causes, et leur attribuer des ressources et du temps, était incompatible avec la défense des intérêts de leurs membres.

À l'heure des bouleversements climatiques, de la montée des idées d'extrême droite et des ravages accrus du capitalisme, il est plus urgent que jamais de raviver les idéaux internationalistes et humanistes consistant à ne pas traiter autrui comme un simple objet mais comme un véritable sujet.

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