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« Nuns vs Vatican » : quand le cinéma braque ses projecteurs sur le silence de l’Église

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Les travailleurs du secteur public de la C.-B. intensifient leur grève

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Réparer le tissu social

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Le Centre de services de justice réparatrice (CSJR) a été fondé le 11 septembre 2001. Quelles sont ses particularités et comment se déploie-t-il ? Propos recueillis par Isabelle Bouchard.

À bâbord ! : Qu'est-ce qui a donné naissance au CSJR ?

Estelle Drouvin : Dans les années 1990, l'aumônier de prison David Shantz se questionnait : « Comment faire pour réparer sachant que je ne dispose que d'une moitié de l'histoire, celle de la personne incarcérée ? ». S'inspirant des bons résultats d'une démarche réparatrice en Ontario, l'aumônier a eu l'idée de la transférer auprès de personnes détenues en sécurité médium. À l'époque, mettre en contact des personnes détenues avec leurs victimes directes était trop avant-gardiste. C'est pourquoi Shantz a eu l'idée de faire rencontrer, sur une base volontaire, des personnes détenues et des personnes qui ont été victimes de crimes semblables, avec des citoyen·nes qui s'engagent à leurs côtés dans le processus. Même si aujourd'hui, il y a des démarches de justice réparatrice qui placent en relation le duo « victime et agresseur réel·les », nous, nous avons choisi de poursuivre en rencontres indirectes, car des rencontres directes ne sont pas toujours possibles. C'est la mission du Centre.

Thérèse de Villette, qui a participé à des rencontres entre détenu·es et victimes avec David Shantz, a souhaité que cette démarche soit mieux connue à l'extérieur des pénitenciers. Aujourd'hui, le CSJR organise des rencontres de justice réparatrice à la fois dans les pénitenciers, et en dehors des murs (avec des ex-détenu·es).

ÀB ! : Une des raisons d'être du Centre est de « réparer la toile humaine dans sa dimension collective ». Qu'est-ce que cela signifie ?

E. D. : Les crimes ont un caractère social. Ils entraînent des conséquences sur l'entourage proche, évidemment, mais aussi sur l'ensemble du tissu social. Ainsi, pour le CSJR, la justice réparatrice, c'est l'idée de regarder les conséquences d'un crime dans toutes ses dimensions. Et ne l'oublions pas, il y a aussi des causes collectives à certaines violences (discriminations multiples, racisme, colonialisme, cléricalisme, patriarcat…). C'est pourquoi nous avons réalisé des projets pilotes qui abordent cette dimension collective (des agressions sexuelles par exemple, ou des relations entre personnes issues des communautés autochtones et allochtones). Pour nous, le vivre-ensemble passe par un tissu social sain. Lorsque de la violence ou des abus sont commis, c'est comme si on créait des trous dans la toile de confiance humaine. L'adoption de comportements de méfiance et de peur agrandit ces trous. C'est pourquoi, derrière notre vison de la justice réparatrice, il y a l'idée de réparer la toile dans sa dimension collective. Après tout, lorsqu'une personne ayant commis ou ayant subi une agression se remet debout de manière ajustée, c'est la communauté en entier qui en bénéficie !

ÀB ! : Quels sont les services offerts par votre Centre ?

E. D. : Nous offrons trois principaux services. ll y a les rencontres de justice réparatrice, lesquelles se divisent en deux types. Il y a le « face à face », qui ouvre le dialogue entre une personne détenue (ou ex-détenue) et une personne victime (ayant porté plainte ou non) d'un crime ou d'une violence apparentée. À ces personnes s'ajoutent deux personnes animatrices et un·e citoyen·ne. Puis, il y des rencontres de justice réparatrice, qui se déroulent en groupe en présence de douze personnes : quatre victimes, quatre personnes ayant été reconnues coupables ou ayant causé des torts, deux citoyen·nes et deux personnes animatrices.

Depuis 2016, nous organisons aussi des ateliers de guérison des mémoires grâce à notre partenariat avec l'Institut Healing of Memories en Afrique du Sud. Ces ateliers ont été créés dans ce pays à la suite de la Commission vérité et réconciliation. Ils permettaient la rencontre entre des personnes blanches et noires qui acceptaient de parler de leur histoire et d'écouter l'histoire de l'autre. Au Québec, il y a aussi des blessures historiques, entre francophones et anglophones ou entre Autochtones et Allochtones. C'est pourquoi il nous est apparu important de se former à cette démarche. Ces ateliers de 24 personnes, offerts deux fois par an durant une fin de semaine, ouvrent la possibilité d'explorer et de reconnaître les blessures émotionnelles que portent les personnes participantes sur les plans individuel et collectif.

Le troisième volet de nos services vise la sensibilisation auprès du grand public. À ce chapitre, le Centre est l'initiateur de toute une série d'activités, il est aussi présent dans des cours de cégep et d'université. Des personnes qui ont participé à nos démarches acceptent souvent de témoigner de leur expérience.

ÀB ! : Quelles sont les attentes des participant·es ?

E. D. : Le but des rencontres est tout simple : ouvrir un espace sécuritaire de dialogue. On souhaite que les gens se sentent assez en confiance pour s'ouvrir sur ce qui peut être profondément blessé ou honteux en eux. Les motivations sont variées. Certaines personnes espèrent être apaisées, dans le sens de diminuer leur peur, leur anxiété ou leur colère. Pour d'autres, iels souhaitent tourner une page de leur histoire. D'autres viennent avec des objectifs de justice sociale et veulent notamment contribuer à la non-récidive en cherchant à faire comprendre aux détenu·es les conséquences de leurs actes. Parfois, les personnes responsables de torts souhaitent montrer qu'iels ont changé ou qu'iels peuvent participer à la réparation des traumas.

ÀB ! : Quels liens établir entre art et justice réparatrice ?

E. D. : L'association avec l'art a été naturelle. À l'origine, il y avait beaucoup de personnes qui venaient pour des cas d'inceste. Dans ces situations, le dessin pour libérer la parole est tout indiqué. Même si les personnes qui participent sont adultes, elles ont été blessées alors qu'elles étaient enfants, et leur enfant intérieur n'a pas toujours les mots pour faire le récit de ce qu'il a vécu. Le dessin permet aussi à l'inconscient de s'exprimer. Le CSJR utilise des activités de créativité autant dans les rencontres de justice réparatrice que lors des ateliers de guérison des mémoires. On a aussi remarqué qu'une quantité de personnes qui sortent de nos activités se mettent à créer (dessins, photo, dance, etc.) comme si en reléguant le passé au passé, elles avaient désormais de la place pour du nouveau. C'est le signe d'une transformation intérieure, ça donne beaucoup d'espérance.

Estelle Drouvin est directrice des services du CSJR.

Illustration : Ramon Vitesse

Justice réparatrice et privilège de la blanchité

Après 17 ans passés en prison, Jon Romano, un homme blanc auteur de tir dans une école en 2004 ayant blessé un professeur, bénéficie aujourd'hui d'une certaine notoriété sur (…)

Après 17 ans passés en prison, Jon Romano, un homme blanc auteur de tir dans une école en 2004 ayant blessé un professeur, bénéficie aujourd'hui d'une certaine notoriété sur TikTok, où il partage sa quête de rédemption. Ce dernier utilise activement ses plateformes pour dénoncer la violence armée et plaider en faveur d'un contrôle accru. Dans l'une de ses vidéos les plus populaires, il discute de l'importance de la santé mentale et suggère que si les enseignant·es étaient plus attentif·ves aux besoins de leurs élèves, certaines tragédies pourraient être évitées. Il exprime aussi régulièrement ses profonds regrets d'avoir commis un acte de violence et souhaite désormais apporter son aide à la communauté. Bien que je trouve qu'il établit un lien un peu hâtif entre la santé mentale et la violence, ce qui m'a vraiment marquée, c'est qu'il soit présenté comme un exemple de justice restaurative.

L'approche coloniale de la justice punitive

Lorsqu'on évoque la justice réparatrice comme une alternative, c'est parce que d'autres voies sont possibles, mais surtout nécessaires. Le système actuel est défaillant et s'empire avec les générations. La justice punitive se focalise sur l'infraction elle-même. Elle opère sur la notion que les coupables ont perturbé l'harmonie sociale et méritent une sanction. Les besoins de la victime ou de sa communauté sont relégués au second plan. Ce dont iels ont besoin n'a que peu de conséquences. L'important est de punir, l'important est de contrôler, l'important est de rétablir l'ordre – et vient la question : de quel ordre parle-t-on ? Dans les faits, la justice punitive perpétue avant tout un système profondément inégalitaire.

Dans les contextes coloniaux comme le nôtre, la justice punitive, et tout particulièrement son bras armé, le système carcéral, ont été et sont toujours utilisés comme outils de contrôle des populations autochtones et des populations racisées, notamment les populations noires. Par exemple, selon Statistique Canada, les communautés autochtones représentent seulement 3 % de la population adulte du pays, pourtant entre 2015 et 2016, iels comptaient pour 26 % des admissions en prison. Cette disproportion ne s'explique pas par des taux de criminalité plus élevés, mais est le résultat de politiques pénales discriminatoires, de pratiques policières ciblées et de préjugés systémiques, entre autres. Ainsi, une littérature abondante existe pour dénoncer le système de justice pénale, incluant le système carcéral et ses abondants manquements, comme la surpopulation chronique des prisons qui entraîne des conditions de vie inhumaines pour les personnes en détention.

Par ailleurs, le système ne punit pas uniquement les personnes ayant commis les fautes, mais également leur famille et, par extension, leur communauté (par la séparation forcée, les effets sur la santé mentale des détenu·es comme de leur famille, les coûts liés aux visites de proches emprisonné·es, etc.). Une victimisation supplémentaire se produit du fait des violences qui occurrent dans la prison, mais également en raison de la stigmatisation à vie et des mesures discriminantes pour les personnes ayant un casier judiciaire. Tout cela et plus encore est dénoncé par la justice réparatrice qui vise à restaurer l'harmonie entre la victime, l'auteur·e du crime et la communauté. Contrairement à la justice punitive, les besoins des personnes qui ont été affecté·es par les crimes sont au cœur de l'approche. Aussi, cela nécessite que la ou les personnes victimisées, la communauté et le, la ou les responsables travaillent conjointement à rétablir une harmonie. L'agentivité des personnes concernées est centrale à cette approche, contrairement à la justice punitive qui les en prive.

Repenser la justice au-delà de la cage

Dans ce contexte, je repose la question : la visibilité actuelle de Jon Romaro, son usage des plateformes et les gains qui en découlent s'inscrivent-ils dans une application pratique de justice réparatrice ? La réponse est complexe, mais la conclusion reste la même : non. En réalité, il s'agit plutôt d'un exemple concret du détournement de l'approche alternative qui est mis en évidence d'autant plus aisément dans le contexte de la justice transformatrice.

La justice transformatrice va au-delà de la justice réparatrice et prend en compte les causes profondes qui ont mené à la faute. Elle interroge les racines structurelles et se détache donc de l'individu pour tenir également le système responsable. C'est une vision plus large et une approche plus holistique. C'est aussi une réponse directe à notre société actuelle dont les structures de pouvoir ont historiquement été utilisées pour asseoir et maintenir la suprématie blanche. La justice transformatrice, tout comme la justice réparatrice, repose d'ailleurs sur des approches issues directement des communautés autochtones à travers le monde. Ainsi, notre système actuel mène certaines communautés à être criminalisées plus que d'autres. C'est aussi un système au sein duquel le privilège de la blanchité se manifeste, même parmi ses fautif·ves reconnu·es.

Maintien du statu quo

Au contraire, la justice transformatrice interroge le système : qui en bénéficie ? Comment en est-on arrivé là ? Comment changer les choses ? Comment, en tant que société, échouons-nous à protéger les individus ? Qui condamnons-nous par rapport à qui ? La justice transformatrice, dans le cas de Jon Romano, c'est prendre en compte que la majorité des cas de tirs et meurtres de masse dans les écoles sont perpétrés par de jeunes hommes blancs, quand les populations racisées sont les plus à risque de subir l'exclusion scolaire, la surveillance policière, les discriminations et l'association au crime. La justice transformatrice nous oblige à prendre en compte qui a le plus de chance d'être toujours en vie après une attaque armée dans une école et l'intervention de la police. Jon serait-il encore en vie s'il avait été un homme noir ? La justice transformatrice, c'est prendre en compte que dans le contexte d'une absence de législation efficace des armes à feu, il n'y a pas de justice possible. C'est aussi prendre en compte quelle parole, quel parcours, quel discours sera plus entendu, célébré et applaudi sur les réseaux sociaux par rapport à qui. C'est interroger pourquoi un homme blanc devient un exemple de justice réparatrice, et peut, de manière très concrète, notamment financière, en bénéficier par rapport à d'autres ? À maintes reprises, on a pu voir de quelle manière il est bien plus aisé pour des personnes blanches de bénéficier de leurs crimes. Netflix regorge de séries et de documentaires basés sur leur histoire. S'interroger sur la justice réparatrice et transformatrice en lien avec le cas de Jon Romano, c'est comprendre toutes les ramifications du système, ne pas se montrer conciliant·e.

Justice réparatrice par et pour les communautés noires

L'idée derrière Justice hoodistique est née en 2019 lors du forum social de l'organisme Hoodstock. L'objectif était d'apporter une solution aux problèmes du profilage racial, (…)

L'idée derrière Justice hoodistique est née en 2019 lors du forum social de l'organisme Hoodstock. L'objectif était d'apporter une solution aux problèmes du profilage racial, du racisme systémique, et de la surreprésentation des personnes noires dans le système de justice québécois. Aujourd'hui, quatre ans plus tard, Justice hoodistique entame sa deuxième année d'activité à titre de projet-pilote de justice réparatrice par et pour les personnes noires vivant au nord-est de l'île de Montréal.

L'idée derrière Justice hoodistique est née en 2019 lors du forum social de l'organisme Hoodstock. L'objectif était d'apporter une solution aux problèmes du profilage racial, du racisme systémique, et de la surreprésentation des personnes noires dans le système de justice québécois. Aujourd'hui, quatre ans plus tard, Justice hoodistique entame sa deuxième année d'activité à titre de projet-pilote de justice réparatrice par et pour les personnes noires vivant au nord-est de l'île de Montréal.

Ce projet-pilote s'intègre dans le programme de mesure de rechange général (PMRG) du ministère de la Justice du Québec, qui a pour principal but la réparation des torts causés aux victimes. Comme indiqué par le ministère, le programme permet « aux adultes accusés de certaines infractions criminelles, la possibilité d'assumer la responsabilité de leurs actes et de régler le conflit qui les oppose à la justice autrement qu'en étant assujettis aux procédures judiciaires usuelles prévues par le Code criminel ». Ce programme de déjudiciarisation, si complété, permet aux participant·es de voir leurs accusations rejetées.

Justice hoodistique met de l'avant une approche holistique, multidisciplinaire et intersectionnelle. Ici prime une vision dans laquelle l'être humain est considéré dans toute sa complexité, et non pas seulement à travers le prisme punitif de la criminalité et de la victimisation. Qu'elles soient envers la collectivité ou envers la victime, la réparation du tort et la reconstruction de soi sont au cœur du projet-pilote. Le projet s'adresse aux personnes noires âgées de 18 à 64 ans qui résident soit à Montréal-Nord ou dans les arrondissements de l'Est de l'Île de Montréal (Villeray—Saint-Michel—Parc-Extension, Ahuntsic, Saint-Léonard, Anjou et Rivière-des-Prairies—Pointes-aux-Trembles). Il s'adresse plus précisément aux personnes noires ayant commis une infraction admissible dans le cadre du PMRG et qui sont à risque d'avoir un casier judiciaire ou des condamnations additionnelles. Pour prendre part au programme, il est demandé que la personne reconnaisse les faits à l'origine de l'infraction et qu'elle ait la volonté de participer au projet de Justice hoodistique.

Les objectifs derrière ce projet sont multiples. Nous cherchons d'abord à nous interroger sur les causes sous-jacentes de la criminalité chez les personnes noires, de même que réduire la surreprésentation des personnes noires dans le système de justice pénale. Il nous incombe également d'offrir un espace de réflexion pour la personne accusée et la victime afin de les appuyer dans leurs processus de guérison. Justice hoodistique tend à encourager la réintégration des personnes accusées à une participation sociale positive pour elles et les communautés. À travers les cercles hoodistiques, le projet-pilote vient favoriser l'implication de la personne accusée, de la victime et de leur cercle social respectif aux décisions prises à leur égard. Les ateliers afrocentriques qui sont le noyau de ce projet permettent de reconnecter les communautés noires à leurs cultures d'origine et cet esprit est maintenu par Justice hoodistique en offrant des mesures ainsi que des services culturellement adaptés. Le projet-pilote tend à augmenter l'accessibilité à la justice pour les personnes noires et il donne accès à des ressources pour que la personne accusée, la personne victime et leurs familles puissent régler la situation.

Une première au Canada

S'inspirant du programme de mesure de rechange pour les adultes autochtones et du programme de justice réparatrice de la Nouvelle-Écosse, la Justice hoodistique serait cependant une première au Canada puisqu'elle aborde la réparation du tissu social selon les spécificités culturelles et traditionnelles des communautés noires.

L'intervenant·e sociojudiciaire ainsi que le·la professionnel·le faisant les suivis psychosociaux rencontrent la personne admissible afin de lui expliquer le processus et de se familiariser avec ses besoins et ses attentes. Par la suite, la personne participe à deux retraites de guérison lors desquelles elle suit des ateliers afrocentriques.

Suite à ce processus de réflexion, la personne admissible détermine quelle mesure elle devra prendre pour réparer les torts causés avec l'aide de son cercle social, le cercle hoodistique. La mesure peut prendre la forme d'une médiation avec la victime, de service et de dédommagement à la collectivité, d'une mesure de sensibilisation, mais également de suivis psychosociaux individuels et familiaux, ou encore du mentorat et de l'accompagnement scolaire.

Lorsque la victime veut s'impliquer, le processus est le même à l'exception des retraites. La victime détermine le type de réparation souhaitée avec l'aide de son cercle hoodistique et s'ensuit une rencontre avec la personne accusée. Depuis le lancement officiel de Justice hoodistique, l'ensemble des participant·es ont complété leur mesure et nous en sommes à la septième cohorte (celles-ci peuvent dénombrer jusqu'à cinq personnes).

Un projet à pérenniser

Nous remarquons qu'il n'y a pas beaucoup de personnes noires qui sont représentées dans le PMRG, bien qu'il y ait une surreprésentation connue de personnes noires dans le système judiciaire. Nous gagnerons à avoir des données claires sur le pourcentage de personnes noires qui sont dirigées vers des programmes de déjudiciarisation comparativement à celles qui sont judiciarisées. L'hypothèse principale de l'équipe de Justice hoodistique suppose la surreprésentation des personnes noires dans le système de justice pénale, mais une sous-représentation de ces dernières au sein des programmes de déjudiciarisation. Il nous est pourtant impossible de prouver cela, étant donné que les données nécessaires ne sont pas récoltées. C'est l'un des points mis de l'avant dans le rapport de recherche Justice hoodistique : à l'intersection de la justice réparatrice et transformative par et pour les communautés noires : « [I]l est difficile de prouver la sous-représentation des adolescent·es noir·es dans les programmes de sanctions extrajudiciaires. Pourtant, l'hypothèse est là. Cette impression que les jeunes noir·es sont plus souvent orienté·es vers les mesures judiciaires et ont moins accès aux mesures réparatrices serait à valider par des statistiques ethnoraciales que les organismes publics et parapublics ne colligent pas. » [1]

Un second enjeu important est la pérennisation du projet-pilote. Malgré les résultats favorables du projet-pilote, le financement de l'Agence de la santé publique du Canada se termine à la fin mars 2024. Nous devons donc trouver un nouveau financement pour permettre la survie de Justice hoodistique.

QUI EST HOODSTOCK ?

Hoodstock est un organisme à but non lucratif né en 2009 à Montréal-Nord après la mort de Fredy Alberto Villanueva, un jeune de 18 ans d'origine hondurienne abattu par un policier du Service de police de la ville de Montréal (SPVM). Cet événement tragique a mené un collectif de résident·es à présenter cinq revendications aux autorités locales, dont l'une d'elles consistait à mettre fin aux pratiques abusives de la police. La mission de Hoodstock est de générer des espaces de dialogues, des initiatives mobilisatrices pour éliminer les inégalités systémiques et développer des communautés solidaires, inclusives, sécuritaires et dynamiques.


[1] Chanel Gignac, Dominique Bernier et Nancy Zagbayou. Justice hoodistique : à l'intersection de la justice réparatrice et transformative par et pour les communautés : rapport de recherche. Montréal : Service aux collectivités de l'Université du Québec à Montréal, 2023, p. 20.

Nancy Zagbayou est chargée de projet à Hoodstock.

Illustration : Ramon Vitesse

Responsabilité, guérison et transformation

Au cours d'une décennie de vie collective et d'organisation anarchiste, abolitionniste, féministe et queer, Geneviève Parisien, Charlotte Sansfaçon-Lévesque et moi-même avons (…)

Au cours d'une décennie de vie collective et d'organisation anarchiste, abolitionniste, féministe et queer, Geneviève Parisien, Charlotte Sansfaçon-Lévesque et moi-même avons été impliqué·es dans ce qu'on appelle couramment des « processus de justice transformatrice » en réponse aux violences sexuelles et conjugales. Inspiré·es par ces expériences, nous avons entrepris de développer un modèle de processus de responsabilité, de guérison et de transformation, actuellement en cours d'élaboration sous forme de livre. Notre objectif est de fournir des outils basés sur nos succès, nos échecs et nos recherches sur le sujet afin de contribuer aux réflexions existantes sur la justice transformatrice.

Aspects pratiques

Nous avons identifié quatre types de participant·es que l'on retrouve dans tout processus de justice transformatrice : la personne qui a vécu la violence et son cercle de soutien, celle qui a commis la violence et son cercle de son soutien ; des membres de la communauté où la violence s'est produite ; et les personnes qui accompagnent et facilitent le processus de responsabilité, de guérison et de transformation.

Les processus de justice transformatrice doivent être amorcés une fois que la situation de violence a cessé. Bien sûr, il est possible que la mise en place d'un processus se fasse dans le même élan que les mesures prises pour faire cesser la violence. Il se peut aussi que des démarches informelles de responsabilisation et de guérison aient déjà été entamées à travers des discussions et des actions concrètes. Lorsqu'un processus formel s'impose, il est souvent amorcé par les personnes directement impliquées dans la situation de violence ou par leurs proches.

Nos expériences personnelles nous ont fait comprendre l'importance de sortir de l'urgence lorsqu'on met en place un processus de justice transformatrice. Il est crucial de prendre le temps de bien réfléchir à la démarche à prendre, même si l'on sent que les comportements et les croyances qui ont mené à la situation de violence auraient dû changer hier. L'urgence nous déconnecte souvent du présent et de nos capacités émotionnelles et relationnelles, et nous fait faire des erreurs qui peuvent miner la confiance dans le processus.

Avant d'entamer un processus, il faut d'abord s'assurer qu'on fait bel et bien face à une situation de violence. Par exemple, il se peut qu'une personne affirme vivre de la violence, et qu'il n'y ait pas de bris de consentement, de torts ou de dommages causés, mais qu'elle soit plutôt déclenchée à cause de traumatismes, ou encore que la situation relève d'un conflit particulièrement envenimé ayant une charge émotionnelle très négative, mais qu'il soit difficile d'identifier des actes précis de violence. On suggère d'aller consulter des sources fiables offrant des définitions de violence (émotionnelle, physique, psychologique, sexuelle, économique, etc.) et d'identifier les comportements et les dynamiques qui relèvent véritablement de la violence. La personne qui facilite le processus a la responsabilité particulière de recevoir les témoignages des personnes impliquées, voire de témoins, et de comprendre la situation dans toute sa complexité pour s'assurer qu'il s'agit bel et bien d'une situation de violence.

Le processus implique l'élaboration d'un calendrier à durée déterminée : quelques mois, un an, voire deux, en fonction des besoins et des objectifs ciblés. Il implique aussi de déterminer les modalités de communication : qui parle à qui, par quels moyens, à quelle fréquence, et pour communiquer quel genre d'informations ? Il peut aussi être nécessaire de discuter de la manière dont les espaces seront navigués (ceux où on coexiste, ceux où on se croise, ceux qu'on ne partage pas), et de ce qu'on décide de communiquer aux membres de la communauté à l'extérieur du processus.

Les personnes touchées par une situation de violence peuvent prendre part à différents degrés aux processus de transformation, de guérison et de responsabilité. Dans ce contexte, une clé de la réussite d'un processus réside dans la capacité à définir des objectifs réalistes pour soutenir la trajectoire de tous les participant·es. Parmi les objectifs possibles : trouver un nouvel appartement ou un emploi stable, s'engager dans une activité régulière qui soutient la connexion avec son corps et ses émotions, consulter un·e thérapeute spécialisé·e en traumatismes ou en violences pendant un nombre de séances donné, participer à des discussions thématiques liées à l'oppression raciale ou genrée, tenir un journal des activités en lien avec le processus, etc. Chaque personne impliquée dans le processus est responsable de participer à l'élaboration des objectifs, de même qu'à l'élaboration de l'échéancier pour atteindre ces objectifs, en fonction de ses capacités et de ses besoins, tout en tenant en compte ceux des autres.

La création d'un processus de justice formel demande beaucoup d'énergie à toutes les personnes impliquées et n'est pas nécessairement le moyen indiqué pour se responsabiliser dans toutes les situations de violence et d'abus. Par exemple, il n'est peut-être pas nécessaire, dans le cas où les personnes impliquées sont capables de se parler, d'arriver à des ententes ou de chercher du soutien afin de changer les conditions qui ont mené à la violence. C'est lorsque les pratiques informelles ne suffisent pas qu'un processus structuré permet de fournir aux différent·es participant·es un soutien tangible et un contexte de responsabilité plus explicite, grâce aux rôles de soutien et à la facilitation qui s'engagent à faire le suivi, à soutenir les différentes démarches entreprises et à aider à atteindre les objectifs ciblés.

Principes directeurs

Il est important de comprendre que les chemins de transformation et de guérison de chaque personne ne sont pas linéaires et ne peuvent pas être forcés, bien qu'on puisse les soutenir et les encourager. Cela implique une certaine capacité à laisser aller, tout en étant capable de continuer à se soucier des gens et de leur devenir. Évidemment, cela n'implique pas d'accepter la persistance de la violence, et on doit toujours faire notre possible pour la faire cesser.

La personne responsable de la violence doit accomplir trois étapes essentielles : reconnaître ses gestes et les conséquences de ceux-ci, offrir des excuses, des réparations ou des compensations aux personnes l'ayant vécue et/ou à la communauté impactée, et amorcer une démarche de guérison et de transformation de ses comportements, de ses attitudes et des croyances à la source de la violence.

Pour être authentique, la prise de responsabilité ne doit pas être imposée de l'extérieur, mais bien être une démarche volontaire. Sa richesse est intimement liée à la capacité d'une personne d'honorer son besoin d'intégrité par rapport à ses valeurs et à ses actions. La prise de responsabilité doit donc non seulement être quelque chose qu'on fait par rapport aux autres, en prenant acte des conséquences de nos gestes, mais d'abord et avant tout face à soi-même.

D'un autre côté, le processus doit également aspirer à soutenir la capacité de la personne ayant subi la violence à prendre en main sa propre guérison et sa responsabilité face à elle-même. Notons que son cheminement de guérison peut ne pas correspondre au calendrier prévu du processus et peut prendre des années en raison des blessures et des traumatismes vécus. Si une personne qui a vécu de la violence résiste à s'engager dans certaines démarches, on ne doit pas la forcer. Dans ce genre de cas, on continue simplement à lui offrir un environnement qui soutient sa capacité à guérir et à continuer de se transformer à son rythme. Bien sûr, la guérison ne doit pas dépendre de la capacité de la personne qui a commis la violence à assumer ses actes. De même, la volonté de la personne responsable doit persister, peu importe l'attitude de la personne ayant subi la violence, car sa responsabilisation demeure cruciale tant pour elle-même que pour le reste de la communauté.

Le processus décrit revêt une double fonction : préventive et réparatrice. Il contribue à renouer les liens au sein de la communauté, à restaurer la confiance, sans nécessairement chercher à ramener les relations à leur état antérieur. En dernière instance, les processus de justice transformatrice ne doivent pas se limiter à remplacer les procès et les peines prononcées par les tribunaux. Ils doivent être envisagés dans un cadre plus vaste de pratiques et de valeurs axées sur l'autonomisation des individus et des communautés. Nous invitons chacun·e à poursuivre l'expérimentation des pratiques de responsabilité et de justice transformatrice, en soutien à la destitution et à l'abolition de l'État colonial canadien, de la police et des prisons, et pour bâtir des communautés autonomes et responsables.

Will V. Bourgeois, militant·e et thérapeute somatique.

Illustration : Ramon Vitesse

Dans une université de C‑B, une concierge meurt surchargée de travail

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/09/sfu-blog-cover-e1757779212454-1024x472.webp13 septembre, par West Coast Committee
Une employée contractuelle de longue date est morte pendant son quart de travail à l’Université Simon Fraser (SFU), en Colombie-Britannique. Depuis, ses collègues tentent de (…)

Une employée contractuelle de longue date est morte pendant son quart de travail à l’Université Simon Fraser (SFU), en Colombie-Britannique. Depuis, ses collègues tentent de mettre en lumière les conditions de travail déplorables et la négligence patronale qui auraient précédé son décès. Kulbir (…)

Les ruses de la réaction

Au fil de ses défaites et de ses retours, la réaction affine ses stratégies et pose un défi de décodage qui en dupe plusieurs. Selon le Dictionnaire de l'Académie (…)

Au fil de ses défaites et de ses retours, la réaction affine ses stratégies et pose un défi de décodage qui en dupe plusieurs.

Selon le Dictionnaire de l'Académie française, le fait de prôner le rétablissement d'un régime aboli et de s'opposer au progrès social et à l'évolution des mœurs forme le noyau idéologique de la réaction. Rattachée depuis le 18e siècle aux anti-Lumières et à la contre-révolution, elle n'est pas une mouvance modérée qui accompagne le siècle, mais un refus de l'égalité des droits doublé d'un combat contre toute volonté de concrétiser ce principe par des revendications sociales.

Les réactionnaires sont tout d'abord d'excellents faussaires. L'enjolivement de l'Ancien Régime et la définition du progrès comme une « nouvelle religion » caractérisent leur manipulation de l'histoire. L'instrumentalisation des conquêtes sociales, qui sont vidées de leur portée, définit aussi leur manipulation des mots : la démocratie se mute en plébiscite, la laïcité en loi du contrôle et le féminisme en révolution déjà achevée. L'abandon du lexique d'antan au profit de formes au goût du jour marque enfin leur manipulation de la réalité : l'inégalité ne concerne plus tant les « races » que les « cultures » tout en servant la même essentialisation de groupes nécessairement inférieurs et ennemis.

Aujourd'hui, ces faussaires se considèrent comme des dissident·es. Lorsqu'on les prend au mot, par sympathie ou par paresse, leur posture de « contestataires » devient un outil de marketing qui fait mouche. Mais lorsqu'on use de sens critique, tel que nous y invite Philippe Bernier Arcand, il est aisé de déconstruire cette « tentative d'inverser les rôles de la victime et du bourreau pour que la figure du rebelle change de camp [1] ». En effet, cette inversion des rapports de force n'a d'autre but que de maquiller les dominé·es en dominant·es. C'est pourquoi la référence à la « tyrannie des minorités » est toujours brandie afin de consacrer une suprématie majoritaire faussement posée en victime. De la même manière, l'antiracisme essuie une fin de non-recevoir puisqu'il s'agirait d'un « racisme anti-blanc ».

De la conservation à la réaction

La tradition conservatrice a pourtant promu des politiques plus mesurées : le parti conservateur du Canada a lutté contre l'Apartheid sud-africain et la démocratie chrétienne en Europe a soutenu la construction de l'État-providence. Que s'est-il passé ? Selon Natascha Strobl, il n'y a rien de surprenant dans le retour de la réaction, car les rapports du conservatisme avec l'État social (à sa gauche) et la tentation fasciste (à sa droite) sont aussi mobiles que précaires. Les tendances extrémistes au sein de ce qu'elle appelle le « conservatisme radicalisé [2] » se sont graduellement fortifiées et ont résolu d'employer tous les moyens possibles (du mensonge au complotisme) sur le front de la guerre culturelle lancée contre la démocratie libérale.

Afin de rendre cette offensive plus digeste, certains esprits naïfs voient dans ce printemps des populismes une occasion d'affirmer des « valeurs républicaines et citoyennes » qui soient « aveugle aux différences ». Pour Jean-Fabien Spitz, cette tentative de subsumer les inégalités économiques par la référence à une République qui renonce d'emblée aux leviers de l'égalisation et à la lutte contre les dominations est devenue « l'étendard du parti de l'ordre contre les mouvements qui aspirent à l'émancipation ». En sus de l'extrême centre et du néolibéralisme en crise de légitimité, les ruses de la réaction innervent aussi ce « discours pseudo-républicain [qui] s'emploie en réalité à nier les inégalités et les discriminations pour ne pas avoir à les combattre [3] ».


[1] Philippe Bernier Arcand, Faux rebelles, Montréal, Poètes de brousse, 2022.

[2] Natascha Strobl, « The radicalisation of Austrian conservatism », International Politics and Society, 15 octobre 2021. En ligne : tinyurl.com/ybj487w4

[3] Jean-Fabien Spitz, La République ? Quelles valeurs ?, Paris, Gallimard, 2022.

Jean-Pierre Couture est professeur à l'École d'études politiques de l'Université d'Ottawa.

Illustration : Alex Fatta

Nation-anxiété

2022 a vu la publication de trois essais écrits par de jeunes intellectuels ouvertement conservateurs et nationalistes. Si ces trois textes sont caractérisés par la peur (…)

2022 a vu la publication de trois essais écrits par de jeunes intellectuels ouvertement conservateurs et nationalistes. Si ces trois textes sont caractérisés par la peur anxieuse de voir la nation québécoise disparaître, les lire révèle en fait la nullité absolue de leur idée de nation, de l'usage stratégique de cette notion, et des visées éminemment autoritaires des auteurs.

La nation qui n'allait pas de soi, d'Alexis Tétreault ; La pensée woke, de David Santarossa ; Le schisme identitaire, d'Étienne-Alexandre Beauregard : lire ces trois livres bout à bout consiste en une expérience pénible témoignant du pourrissement de l'intelligentsia québécoise. Car la mesquinerie y règne. On ne s'étonnera pas d'y lire, sous la plume de Beauregard, que le nationalisme s'oppose à l'éthique du care, en ce que cette dernière refuse le « Soi et l'universel » propre au nationalisme (p. 50-51). Feignons notre surprise quand Santarossa défend que la pensée woke soit aveugle à la réalité québécoise au point où elle perdrait de vue que les Québécois·es, eux aussi, « sont des autochtones » (p. 66). Soulignons ce brillant tour de passe-passe révisionniste où Tétreault explique que la crise du code de vie d'Hérouxville consiste en fait en une « dénonciation […] rustique du modèle canadien » (p. 223).

On peut se questionner quant à la possibilité même d'un dialogue face à de tels producteurs de discours réactionnaires. Mais il ne s'agit pas ici de dialoguer avec ces textes, ni même de les réfuter. Plutôt, les lire ensemble, même si chacun envisage différemment le concept de nation [1], révèle qu'ils sont tous trois de la même trempe.

Un concept de nation qui n'allait pas de soi

La nation québécoise, d'expression française, habitant l'Amérique du Nord depuis la colonisation française, et laïque, possèderait un droit à l'existence puisqu'elle refléterait une « majorité ». Cette nation serait toutefois niée par la volonté belliqueuse du Canada anglophone, multiculturaliste et « postnationaliste », et les démarches sournoises de l'idéologie woke, véritable cinquième colonne récusant tout référent national au nom de la défense des identités.

Que le Québec forme une société distincte, que cette société puisse s'incarner dans un État souverain et puisse aspirer à cet égard au titre de nation, sont des thèses tout à fait défendables.

Là où on s'indigne, c'est au niveau de la méthode. Dans ces essais pour lesquels le concept de nation joue un rôle si important, ce concept n'est jamais présenté. On cherchera en vain des statistiques, des données ou des sondages sur des sujets aussi cruciaux que la démographie, l'identité politique ou l'immigration, mais on ne trouvera qu'une référence à une notion de nation posée d'avance, tenue pour acquise dès le début. Tétreault évoquera au mieux vouloir « monter la garde » de « l'âme » du Québec (p. 11), tandis que Beauregard défendra fermement le « lien sacré entre État et nation » (p. 112). Quant à Santarossa, bien que son essai ne porte pas directement sur la nation québécoise, celui-ci dénoncera toutefois que le wokisme ne reconnaît pas ce fait « allant de soi », soit que le peuple québécois est « une nation minoritaire enracinée en cette terre, avec sa langue et culture, sur cette terre qu'elle occupe depuis le dix-septième siècle » (p. 65) [2].

Déployer de la sorte un tel concept sans jamais prendre la peine d'expliciter à quoi il réfère nous oblige à l'accepter comme allant de soi : « la nation », ses prétentions, sa situation. La « nation » implique déjà la lutte contre sa « vulnérabilité », pour ne pas dire son état de « guerre culturelle » : accepter de suivre le chemin de nos auteurs, c'est déjà accepter cet état de siège contre la « majorité ». Beauregard peut ainsi se permettre de réécrire l'histoire du Québec pour l'articuler comme une « guerre culturelle » depuis la Conquête de 1760 : méthodologiquement, on soulignera cet effort grossier de révision historique.

Cette stratégie est malhonnête, pour ne pas dire enrageante. Elle polarise à outrance en imposant l'existence périlleuse de la nation québécoise, au-delà de tout dialogue critique. Défendre l'inverse nous pose en effet en position de fossoyeur du Québec, donc d'ennemi. Il s'agit autrement dit d'un faux dilemme. Mais en s'y attardant, on découvre qu'il ne s'agit pas seulement d'accepter la nation telle que décrite par Tétreault, Santarossa ou Beauregard. Il faut s'y soumettre.

Le fétiche de l'autorité

Tétreault écrit que, sous la menace multiculturaliste, « La référence [nationale] devient l'objet de la négociation, alors que dans la société de la démocratie nationale, elle était sa condition » (p. 203). Deux visions de la collectivité s'affronteraient : une où ses membres délibèrent sur la référence culturelle qui les lie, l'autre où l'acceptation de ce référent est la condition à l'intégration à la communauté.

Répétons : pour s'identifier à la communauté et y participer, la condition préalable est d'accepter « la référence culturelle » qui définit la nation. La nation promeut ses propres normes auxquelles il faudrait obéir (« c'est comme ça qu'on vit », disait le premier ministre [3]). La nation n'est pas seulement le sentiment partagé par plusieurs personnes vivant sur un même territoire, partageant une même langue et liées à une même histoire, elle est avant tout le nom donné à un projet politique éminemment conservateur faisant de sa propre survie sa justification. Ainsi, Tétreault peut défendre l'ignoble loi 21 de la laïcité comme une « tentative de consolidation d'un modèle québécois ancré dans la tradition politico-culturelle de la majorité » (p. 228). Promouvoir la nation québécoise, c'est accepter cette loi, avec tout ce qu'elle comporte de discrimination, mais ce serait aussi le triomphe d'un Québec passant de la vulnérabilité à la « normalité » (p. 235). Brillant !

Il est fascinant de voir comment nos auteurs défendent que le premier réflexe de la « majorité » consisterait à déployer sa force pour asseoir son règne. Nos trois jeunes lumières fétichisent de la sorte le pouvoir d'une majorité à travers l'État et l'autorité de ce dernier à laquelle il faudrait se soumettre. En dehors de cette autorité, point de salut pour l'avenir du Québec. Beauregard est, cela dit, le plus explicite à cet égard quand il défend que la nation commande une « éthique de la loyauté » héritée de la Révolution tranquille (p. 33), que le mode de scrutin actuel uninominal à tour est préférable à un mode plus proportionnel, car davantage au diapason de « l'unité nationale » (p. 245), ou que François Legault doive littéralement entretenir une « scission » entre le programme de la CAQ et les autres organisations de la société (médias, groupes de pression) afin de continuer à incarner le « gros bon sens » du Québec des banlieues (p. 153) – et ainsi ne devoir rendre de comptes à personne [4].

De surcroît, la nation n'exige pas soumission seulement parce qu'elle est et qu'elle s'inscrit dans une histoire commune, mais aussi parce qu'elle sauvegarde la possibilité même de la démocratie. Essentiellement, nos lurons mettent ensemble nation québécoise et délibération civile contre la dissolution sociale promue par l'alliance du Canada multiculturaliste et du postmodernisme. Tétreault déplore la perte de la « citoyenneté abstraite » où tous seraient égaux (p. 200), mais nous rassure que la loi 21 est le produit de la délibération démocratique québécoise (p. 217). Dans une veine similaire, Beauregard jumelle « héritage de loyauté, universalité et affirmation nationale » (p. 272).

C'est à Santarossa qu'il revient toutefois d'éclairer pleinement ce maillage entre nation et raison. Santarossa écrit que le wokisme serait une « attaque en règle contre tous les fondements des sociétés occidentales » (p. 102). Par cette phrase, il sous-entend la supériorité des sociétés occidentales sur la base qu'on y pratique la délibération rationnelle et raisonnable : tous sont égaux au sein du dialogue. En effet, nous rappelle heureusement Santarossa, ce sont les pays occidentaux les premiers qui ont aboli l'esclavage, brillante démonstration qu'il n'y a pas d'autres « civilisations qui sont allées plus loin dans la lutte contre le racisme » (p. 81-82). Une telle position sur la supériorité politique des États occidentaux est pratique, car elle fait de la sauvegarde de l'ordre politique libéral existant son critère pour séparer bien autoritairement ce qui est recevable de ce qui ne l'est pas. Bien entendu, la nation québécoise fait partie de ces sociétés évoluées, et en dénoncer les injustices, par exemple le racisme systémique, serait s'en prendre à la nation québécoise et aux régimes politiques existants. Ce serait déraisonnable. Ainsi, Santarossa peut rejeter le phénomène du racisme systémique parce qu'il nierait notre « humanité commune » (p. 60), et écrire du même souffle que l'intégration des personnes migrantes à leur société d'accueil consiste pour celles-ci en un « devoir moral » en raison du « cadeau » qu'on leur fait en les accueillant (p. 52). Raisonnablement, la nation québécoise peut imposer son conformisme aux populations migrantes : critiquer cela reviendrait à nier le droit d'existence de la nation québécoise.

Dialectique ou décadence

Penser de la sorte est proprement décadent. La décadence se manifeste dans le fait que Tétreault, Santarossa ou Beauregard sont non seulement rigoureusement incapables d'apprécier les lignes de force objectives qui structurent les rapports sociaux, mais qu'ils proposent des solutions superficielles servant à les voiler. C'est là que s'inscrit le caractère conservateur de leur projet : imposer la nation comme salut social au détriment de toute autre perspective, et par cela fixer le statu quo de l'ordre social existant. Un statu quo où eux, bien entendu, ne s'en tirent pas trop mal, mais où d'autres continuent de souffrir.

La décadence ne doit pas toutefois être comprise comme une faute intellectuelle individuelle, mais comme le symptôme de contradictions sociales structurantes. Là est l'intérêt de lire ces trois essais : non pas comme de simples idées lancées en l'air, mais comme l'expression d'un ordre social réagissant à sa propre décomposition. Il suffit de regarder l'actualité économique et environnementale pour se convaincre de la nécessité de changements sociaux radicaux. En ce sens, la décadence de nos jeunes intellectuels est proprement scandaleuse.

La force de la pensée critique et de l'engagement politique militant aura été de dépasser la superficialité du conservatisme et de révéler comment la société est organisée de telle sorte à perpétuer l'exploitation et la domination.

En un mot, c'est la pensée dialectique qui ici se retrouve étranglée au profit de la propagande. La pensée dialectique est spécifiquement ce qui permet de relier l'individu à la société. En étant sensible à l'opposition qui unit ces deux composantes, elle explique comment nous sommes avant tout le produit de notre milieu : il s'agit du soubassement logique d'idées comme patriarcat, racisme systémique ou aliénation du travail. La propagande, elle, propose une pseudo-solution – la dérive autoritaire nationaliste – à un problème réel – la société québécoise incapable d'être à la hauteur de ses promesses. Et elle est décadente, car volontairement sourde aux hurlements de ce qui tente de se montrer.

Lire Tétreault, Santarossa et Beauregard nous apprend la valeur d'une pensée intelligente, d'un engagement réel. À eux, nous ne leur répondrons que par le mépris et le dégoût. Mais pour nous, voyons-y les exemples de ce qu'il ne faut pas faire. Il y a toute une société à (re)bâtir et plein de gens brillants qui préfèreront construire ensemble la société de demain plutôt que de se faire imposer celle d'hier.

OUVRAGES RECENSÉS

Alexis Tétreault, La nation qui n'allait pas de soi : la mythologie politique de la vulnérabilité du Québec, Montréal, VLB, 2022, 256 p.

David Santarossa, La pensée woke : analyse critique d'une idéologie, Montréal, Liber, 2022, 184 p.

Étienne-Alexandre Beauregard, Le schisme identitaire, Montréal, Boréal, 2022, 282 p.


[1] Le livre La nation qui n'allait pas de soi consiste en une enquête historique sur la manière dont des figures intellectuelles québécoises ont compris et déployé le concept de nation. La pensée woke dénonce le wokisme au nom du dialogue rationnel, mais à peu près tous les exemples sont de nature nationaliste. Le schisme identitaire expose comment la nation québécoise est présentement menacée par différentes tendances politiques.

[2] Bien entendu, aucune mention des revendications des Premières Nations ne se retrouve dans la logorrhée de nos paladins du Québec.

[3] Par un heureux hasard, c'est aussi le titre du récent essai de Francine Pelletier sur le nationalisme identitaire et conservateur.

[4] Il est inquiétant que Beauregard ait été – et semble encore – à l'emploi de la CAQ.

Illustration : Alex Fatta

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Le 8 septembre, les membres de Québec solidaire recevaient une version actualisée du Programme de Québec solidaire et un Cahier propositions. Ce dernier doit faire l'objet de (…)

Le 8 septembre, les membres de Québec solidaire recevaient une version actualisée du Programme de Québec solidaire et un Cahier propositions. Ce dernier doit faire l'objet de discussions dans les associations du parti. Les propositions pourront être amendées et la date limite de ces amendements est le 8 octobre prochain. Le 23 octobre, le cahier de synthèse des propositions et des amendements sera à son tour disponible. C'est ce dernier qui sera soumis au congrès du parti qui doit se tenir les 7, 8 et 9 novembre prochain. Dans le cadre de la discussion sur l'actualisation du programme de Québec solidaire, ce texte présente des remarques tant sur l'analyse de la situation et des propositions qui visent à répondre à cette situation dans une option d'émancipation politique et sociale. Nous abordons ici proposition par proposition les Blocs 1 et 2 du Cahier de propositions qui correspondent au premier chapitre du programme intitulé Créer une économie verte et solidaire.

L'ébauche du programme actualisé se limite à une « vision politique » et une « philosophie gouvernementale générale » au détriment d'analyses concrètes de la situation actuelle, de revendications précises et d'une stratégie de lutte permettant d'amorcer un processus de transformation sociale. Cette posture a) évite d'évaluer les rapports de forces sociaux et le rôle des mouvements sociaux comme acteurs des transformations sociales ; b) neutralise le programme en le réduisant à des politiques gouvernementales d'un éventuel gouvernement solidaire, empêchant ce programme d'outiller le parti pour les luttes concrètes extra-parlementaires ; c) déconnecte le projet de société de ses conditions de possibilité en négligeant d'élaborer des stratégies précises.

Le programme doit redevenir un outil stratégique complet, intégrant analyse, propositions et stratégies concrètes de transformation sociale, articulées aux luttes présentes. Il s'agit de proposer un programme qui dépasse l'approche centrée uniquement sur l'éventuelle gestion d'un gouvernement de Québec solidaire, et d'esquisser un programme d'action articulé aux luttes sociales et au processus constituant produit par ces luttes. L'exercice proposé ne vise qu'à identifier les amendements et ajouts au programme en partant du Cahier de propositions.

Bloc 1 : Économie et transition socioécologique – Éclairer le rôle de l'économie dans la transition

Résumé des propositions soumises à la discussion
1.1 Les objectifs de l'économie solidaire.

Québec solidaire vise une économie décarbonée en 2050. Un gouvernement de Québec solidaire appliquera dans un premier temps un plan de transition énergétique visant l'élimination des hydrocarbures dans la production et la consommation d'énergie. Un gouvernement de Québec solidaire se dotera de nouveaux outils de planification et d'orientation économique pour améliorer le bien-être collectif et assurer le respect des droits de toutes et tous.

Critiques

Si on peut se questionner sur ce que signifie l'expression du dépassement à terme du capitalisme. Parler d'un système plus juste, inclusif et viable, c'est flou à souhait. On a ici une bonne illustration de ce que l'on entend par la réduction du programme à une vision politique. En fait, dans cette approche, l'analyse de la situation économique et politique est escamotée, les classes sociales, leurs intérêts divergents et les rapports de force entre ces dernières sont invisibilisés. On verra que cela demeure une constante dans l'ensemble du texte de l'ébauche.

Le mode de production capitaliste conduit à une prédation qui détruit systématiquement des forêts et des espèces animales, terrestres et marines.

Cette seule priorité d'une économie décarbonée pour 2050 ne se distingue en aucune façon de celle avancée par les autres partis politiques au Canada et au Québec. Aucune cible pour 2030 ; aucune reprise des propositions du GIEC et des groupes écologistes en termes de cible. On se contente de généralités sur l'accélération de la transition socioécologique sans en définir le contenu.

Amendements et ajouts

Il faut définir des objectifs intermédiaires pour l'atteinte des objectifs de réduction des gaz à effet de serre et reprendre les objectifs avancés par les groupes écologistes.

Mais un frein significatif à la catastrophe climatique et la perte de la biodiversité ne peut être construit que par l'élimination de la poursuite d'une croissance sans entrave favorisant l'accumulation capitaliste. Il faut défendre une décroissance véritable en donnant la priorité à l'économie d'énergie, l'économie des ressources naturelles et la protection de la biodiversité. Cela passe par :
• la production de biens répondants aux besoins sociaux et non à une consommation débridée stimulée par la publicité ;
• la priorité donnée aux travaux qui vise l'économie d'énergie, comme la construction et la réparation de logements et d'édifices sobres en consommation d'énergie ;
• l'arrêt de l'obsolescence planifiée des produits et la facilitation des réparations ;
• la relocalisation au plus près des usagers et usagère des productions pour éviter les transports aériens et maritimes sur de grandes distances de marchandises coûteuses en énergie ;
• une planification démocratique et citoyenne de ce qui doit être produit rompant avec la seule poursuite de profits.

Défendre la biodiversité exigera :
• le passage d'une agriculture industrielle à une agriculture biologique qui évite la surfertilisation, l'usage de pesticides, et sa réorientation vers la production de protéines végétales au lieu de protéines animales ;
• la sortie d'une agriculture centrée sur la production carnée en mettant fin aux élevages industriels ;
• la fin de la déforestation par l'exploitation privée des forêts et une gestion qui tend à diminuer la variabilité des espèces d'arbres sur un territoire ;
• L'arrêt d'une pêche industrielle qui détruit les ressources halieutiques.

Arguments pour l'ajout

Pour ce qui est de l'objectif de la décarbonation pour 2050, un horizon aussi éloigné ne permet pas de fixer des objectifs de lutte immédiats pour les mouvements sociaux et de soutenir les objectifs des groupes et mouvements écologistes.

Pour ce qui est de la décroissance et de la lutte contre l'effondrement de la biodiversité, cela ne peut être le seul résultat d'une action gouvernementale à venir. Il faut mettre de l'avant des revendications qui peuvent être reprises par les mouvements sociaux. La lutte contre la production des biens sociaux et des dépenses ostentatoires sont des combats qui doivent être livrés maintenant. Cela est aussi vrai de la lutte contre l'obsolescence planifiée et pour la réparabilité des produits menée par des mouvements de consommateur-ices, les syndicats, les groupes écologistes.

Pour ce qui est de la lutte contre l'effondrement de la biodiversité, on ne peut se contenter de parler d'aires protégées, c'est tout le rapport à la nature qui doit être transformé et cela implique une rupture avec la logique de croissance infinie pour la recherche de profits.

Résumé des propositions soumises à la discussion
1.2 (1.2.1) Diversifier les modèles économiques

Il faut que la logique de l'accumulation des profits cesse pour laisser plus d'espace à l'économie sociale. L'économie doit revenir entre les mains des communautés québécoises.

Critiques

Ces propositions sont des abstractions. La propriété privée des moyens de production et d'échange par les monopoles qui sont souvent des multinationales étrangères et les grandes banques doit être remise en question, car ce sont les acteurs majeurs du système économique qui déterminent la logique d'évolution qui conduit à la prédation et à la destruction de la nature.

Amendements et ajout

L'économie ne peut revenir entre les mains de la majorité populaire sans la socialisation des grandes entreprises des secteurs stratégiques de l'économie. Cette socialisation passe par la nationalisation, puis la démocratisation de ces entreprises pour donner le contrôle aux travailleurs, aux travailleuses, et aux citoyen-nes.

Arguments en faveur des amendements et ajouts

On ne peut en reste à des formulations qui ne permettent pas à la majorité populaire et aux mouvements sociaux d'agir concrètement dans le sens des objectifs visés.

Résumé des propositions soumises à la discussion
1.3 (1.2.1) Diversifier les modèles économiques

On propose trois critères pour une nationalisation : 1. son caractère stratégique ; 2. la grande quantité de capital nécessaire ; 3. la démonstration de l'échec du secteur privé.

Critiques

Si on peut nationaliser sans démocratiser (soit étatiser), on ne peut socialiser les secteurs économiques appartenant au grand capital sans nationaliser (les banques, les grandes entreprises d'exploitations minières, forestières ou les grandes industries de transformation et de transport). Elles doivent devenir du domaine public si on veut pouvoir opérer dans ces dernières une démocratisation véritable donnant le pouvoir aux travailleuses, aux travailleurs et aux citoyen-nes.

Si le critère 1 pour la nationalisation peut être à considérer, le critère 2 montre que la proposition ne considère pas la nationalisation sans compensation et la démocratisation qui devrait s'ensuivre ; le critère 3 de l'échec du secteur privé équivaut ni plus ni moins à faire prévaloir la recherche du profit sur les besoins sociaux.

Amendements et ajouts

La socialisation des grandes entreprises et des banques passe par leur nationalisation et la démocratisation de leur fonctionnement.

Les critères 2 et 3 sur la nationalisation doivent être biffés.

Arguments en faveur des amendements et ajouts

La démocratie économique ne peut être réalisée si une minorité possédante continue d'avoir le contrôle des choix d'investissement et de mobilisation de l'argent, alors que cette minorité se constitue en force à de blocage de la transition écologique et sociale, comme la conclusion de ce chapitre du programme révisé le reconnaît.

Résumé des propositions soumises à la discussion
Participation des travailleuses et travailleurs à la transition socioécologique
1.4 (1.2.3) Protection et participation des travailleuses et des travailleurs dans la transition socioécologique

Un gouvernement de Québec solidaire applique le principe de Zéro perte d'emploi net à l'intérieur de chaque région. Il assurera la diversification des économies locales. Il favorisera des investissements dans les secteurs peu polluants et la requalification de la main-d'œuvre. Un gouvernement de Québec solidaire encouragera la participation des travailleuses et des travailleurs dans la gestion des impacts de la transition écologique.

Critiques

Quelle sera la politique d'investissement d'un gouvernement solidaire pour diversifier l'économie d'une région ? Comment et avec quels moyens un gouvernement solidaire investira-t-il dans les secteurs peu polluants ? Comment les travailleuses et les travailleurs seront-ils impliqués dans les choix gouvernementaux ?

Encourager la participation dans la gestion des impacts est pour le moins timide ; la question est celle d'assurer non seulement la participation, mais aussi la prépondérance des travailleurs et travailleuses.

Amendements et ajouts

Pour Québec solidaire, cela passera par la proposition de créer des conseils régionaux de planification démocratique, où siégeront côte à côte des élu-es, des syndicats, des collectifs écologistes et des associations citoyennes et communautaires. Ces conseils doivent être ouverts, transparents et redevables devant la population. Les grandes orientations économiques, énergétiques et sociales doivent être débattues publiquement et tranchées collectivement. Les assemblées citoyennes locales, les budgets participatifs et le droit de référendum sur les projets destructeurs sont des outils indispensables pour briser l'opacité du pouvoir et donner une voix directe au peuple.

Québec solidaire soutiendra que les travailleuses et travailleurs doivent occuper une place centrale dans ce processus. Eux seuls connaissent la réalité des emplois, les conditions de travail et les besoins de reconversion. Ils doivent avoir un droit de regard sur chaque projet régional, notamment dans les secteurs stratégiques, comme l'énergie, le transport, la forêt, l'agriculture ou l'industrie.

Enfin, pour éviter que ce processus ne soit confisqué par les institutions, il faut mettre en place des observatoires citoyens et syndicaux chargés de surveiller la mise en œuvre des décisions et de forcer les autorités à rendre des comptes régulièrement. Les bilans doivent être publics, débattus et rectifiés collectivement.

Arguments en faveur des amendements et ajouts

La protection des travailleuses et des travailleurs ne peut se contenter d'un encouragement à la participation. Cette protection ne peut être assurée que par un processus de démocratisation économique qui ne doit pas s'arrêter à la porte des entreprises ou des institutions publiques.

Résumé des propositions soumises à la discussion
Soutien aux municipalités dans la transition écologique
1.5 (1.2.4) Soutenir les municipalités dans la transition écologique

Un gouvernement solidaire soutiendra adéquatement les municipalités dans la mise en œuvre de la transition socioécologique. Il donnera aux régions les moyens d'organiser leur développement économique et la socialisation. Un gouvernement solidaire confiera à de nouveaux conseils régionaux la planification de la transition socioécologique.

Critiques

Le soutien adéquat, cela ne signifie rien de précis. Le moyen d'organiser la mise en œuvre de la transition n'est pas non plus définie. Il s'ensuit que l'on en reste à un discours sans ancrage dans le réel.

Amendements et ajouts

Il faudra assurer le transfert du budget de l'État vers les municipalités, instaurer la mise en place de budgets participatifs et instaurer un fond de solidarité inter municipalités.

Arguments en faveur de l'Amendement

Les propositions avancées ne sont pas uniquement conditionnées à une éventuelle prise du pouvoir par Québec solidaire. Elles peuvent favoriser les mobilisations citoyennes pour remettre en cause le contrôle bureaucratique et étatique de l'état sur les municipalités tel que le prévoit la loi actuelle.

Résumé des propositions soumises à la discussion
Encadrer le commerce le libre échange et le financement
1.6 (1.2.5) Encadrer le commerce, le libre-échange et le financement

Un gouvernement de Québec solidaire imposera des obligations environnementales, sociales et de gouvernance renforcée pour les entreprises québécoises à l'étranger. Les organismes publics devront respecter les mêmes normes.

Critiques

La question du commerce et du libre-échange ne saurait concerner que les seuls investissements étrangers des entreprises québécoises. Ce qui est en jeu avec la finance, c'est la capacité de financer les investissements publics permettant une véritable transition socioécologique.

Amendements et ajouts

Il est nécessaire de dénoncer les traités qui portent atteinte à la souveraineté démocratique et aux droits sociaux et environnementaux, notamment l' Accord Canada–États-Unis–Mexique, l'Accord économique et commercial global, et le Partenariat transpacifique global. Il faut exclure explicitement les services publics et la culture des clauses de libéralisation et d'investissement, et abolir les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États, qui favorisent injustement les multinationales au détriment des intérêts collectifs.

Pour encadrer les entreprises québécoises à l'étranger, une loi sur la responsabilité extraterritoriale doit être adoptée, obligeant les entreprises et investisseurs publics québécois à respecter des normes rigoureuses en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG).
Pour refonder nos rapports à la finance mondiale, il convient d'instaurer une taxe sur les transactions financières (TTF) ainsi que sur les profits bancaires, d'interdire toute relation avec des paradis fiscaux officiellement reconnus et d'imposer la transparence bancaire, notamment par la levée du secret bancaire. Par ailleurs, les produits financiers spéculatifs nuisibles doivent être interdits afin de réduire les risques systémiques et la financiarisation de l'économie.
Québec solidaire doit appeler à la socialisation des banques et des assurances.

Bloc 2 : Habitation, énergie, ressources naturelles et travail

Habitation
Résumé des propositions soumises à la discussion

2.1 (1.3.1.2) Réguler et bâtir habitations et logements (2,3,4,5) Un gouvernement de Québec solidaire s'attaquera frontalement aux spéculateurs, élargira et durcira l'éventail des sanctions. Les projets publics et privés de construction et de rénovation devront obéir à des normes écologiques. Les projets immobiliers devront répondre aux besoins de proximité des services publics afin de résoudre les problèmes liés à l'étalement urbain. Le secteur privé devra consacrer un pourcentage minimal des nouvelles habitations aux logements sociaux. Les Cégeps et universités devront offrir des lieux de résidences à prix modiques. Un gouvernement solidaire renforcera de manière drastique le rôle de l'État dans la construction et la gestion du parc public de logements. Il protégera le parc locatif et l'accès à la propriété individuelle et collective. Il prendra des mesures pour éviter que des personnes consacrent plus que 30% de leur revenu à leur loyer.

Critiques

Les propositions concernant l'habitation sont précises et répondent aux problématiques en matière d'habitation. Il reste qu'elles s'inscrivent essentiellement dans la conception du programme où tout n'est que le résultat de l'action d'un éventuel gouvernement de Québec solidaire.

Amendements et ajouts

Les actions citoyennes sont essentielles pour renforcer les droits et remettre les décisions entre les mains des collectivités. Québec solidaire soutiendra les initiatives visant la mise en place d'assemblées citoyennes régionales qui pourront encadrer les grands projets et permettre une véritable planification citoyenne de la gestion des milieux de vie. Les communautés devront bénéficier d'un droit d'achat préférentiel lors des ventes de terrains ou d'immeubles stratégiques. Les actions citoyennes et de différents mouvements sociaux aideront à garantir l'inclusion systématique des Premiers Peuples dans tous les processus décisionnels liés au territoire. Des Conseils d'aménagement territoriaux régionaux seront mis en place, composés d'élu-es, de citoyen-nes, d'organismes locaux, d'organisations syndicales et communautaires ainsi que de représentant-es autochtones pour élaborer démocratiquement des plans d'aménagement régionaux.

Énergie :
2.2.(1.3.2) Pour la conservation de notre eau et de notre énergie

Résumé des propositions soumises à la discussion

Québec solidaire s'oppose à la construction de tout nouveau pipeline. La collectivité, ce qui inclus les salarié-es et citoyen-nes et les Premières nations, doivent établir démocratiquement la stratégie de l'État Québécois. Il est urgent de lancer un vaste chantier pour accroître la production d'énergies renouvelables et non polluantes – solaire, géothermique et éolienne. Un gouvernement de Québec solidaire donnera les pleins pouvoirs d'étude et de recommandations au BAPE avant tout nouveau projet de développement hydroélectrique. Il stoppera les projets de développement énergétique qui ne sont pas responsables et durables sur le plan écologique. Il instaurera un programme d'efficacité énergétique comprenant la réduction d'énergie dans les milieux domestiques, du secteur public et des transports, la rénovation écologique des bâtiments et le resserrement des normes…

Critiques

Ici encore, les revendications et actions proposées par le projet de programme se limitent à décrire l'intervention gouvernementale. Les acteurs et actrices et les mobilisations qu'ils ou elles pourraient entreprendre pour transformer maintenant la situation ne sont pas envisagés… Il faut ajouter cette dimension.

Amendements et ajouts

Québec solidaire soutiendra la mise en place d'une planification écologique et démocratique qui réponde de manière résiliente aux besoins énergétiques de la population aux échelles locales, régionales et nationales, et qui donne un rôle primordial et décisionnel aux travailleuses et travailleurs concerné-es dans la gestion des ressources énergétiques. Il soutiendra les municipalités dans le développement et la gestion des microréseaux intelligents énergétiques adaptés à leurs besoins et se mobilisera avec les militant-es écologises pour refuser la relance de la filière nucléaire, y compris l'exploitation de l'uranium.

Arguments en faveur des ajouts

Ces ajouts visent à enrichir le programme au niveau de la démocratisation et la socialisation de ces propositions dans une démarche basée sur les mobilisations citoyennes et de différents acteurs sociaux.

Ressources naturelles
2.3 (1.3.5.2) Pour des pêcheries à l'échelle humaine.

Résumé des propositions soumises à la discussion

Un gouvernement de Québec solidaire inclura le milieu des pêcheries dans sa stratégie agroalimentaire afin de diminuer notre dépendance aux marchés internationaux, garantira la traçabilité, créera des chaînes d'approvisionnement locales, commercialisera les produits locaux partout au Québec et développera une aquaculture durable. Un gouvernement de Québec solidaire soutiendra la concertation élargie des actrices et acteurs de l'industrie des pêches en incluant les peuples autochtones et en respectant les droits ancestraux. Il repensera aussi le modèle actuel d'attribution des permis et quotas pour favoriser les pêcheurs et pêcheuses ancrées dans nos communautés.

Critiques

Les revendications et actions proposées par le projet de programme se limitent à décrire l'intervention gouvernementale. Les acteurs et actrices et les mobilisations qu'ils pourraient entreprendre pour transformer maintenant la situation ne sont pas envisagés… Il faudrait ajouter cette dimension.

Amendements et ajouts

Québec solidaire soutiendra les revendications et les moyens d'action des pêcheurs et pêcheuses du Québec qui visent à assurer la viabilité économique de leur métier et la protection durable des ressources halieutiques. Cela passe par des luttes (manifestations, grève de pêches, pressions politiques sur les autorités) pour un accès équitable aux quotas de pêche, en s'opposant à leur concentration entre les mains de grandes compagnies ou d'investisseurs financiers.
Québec solidaire contribue à favoriser des alliances avec ces travailleurs et travailleuses pour améliorer leur rapport de force.

Québec solidaire appuiera la collaboration des artisan-es avec les communautés autochtones et les chercheur-euses, ainsi que les expérimentations locales de quotas collectifs autogérés, afin de mieux équilibrer exploitation et préservation. et soutiendra les initiatives des pêcheur-euses pour la protection des stocks halieutiques et leur implication dans des partenariats scientifiques pour assurer un suivi régulier des stocks.

Québec solidaire joindra sa voix à leurs revendications et à leurs actions en alliances avec les organisations environnementales pour la protection des habitats marins menacés par la pollution, le chalutage de fond et la destruction des écosystèmes.

Arguments en faveur des ajouts

On ne peut concevoir le passage à des pêcheries à l'échelle humaine en excluant les acteurs et les actrices de cette industrie, en ne disant rien sur leurs revendications actuelles et sur leurs actions et sur la nécessité pour Québec solidaire de s'impliquer en soutien avec les luttes pour leur reprise de contrôle sur les pêcheries, la protection des ressources halieutiques et la protection des milieux marins.

2.4 (1.3.5.3) Pour des mines et des forets gérées responsablement (3)
2.5 (1.3.5.3) Pour des mines et des forêts gérées responsablement(4)
2.5 (1.3.5.3) Pour des mines et des forêts gérées responsablement (6)

Résumé des propositions soumises à la discussion

Un gouvernement de Québec solidaire placera l'industrie minière sous une étroite surveillance, en nationalisant au besoin certains minéraux stratégiques. Il élaborera une nouvelle loi sur les mines suivant une consultation populaire. Il mettra en place un système de redevance pour les entreprises exploitant les ressources naturelles afin d'encourager l'utilisation de ressources renouvelables en s'assurant que les ressources soient équitablement réparties – entre les régions, les Premières Nations et l'État québécois. Il garantira que la restauration complète des sites miniers soit assumée par les entreprises minières..

Un gouvernement de Québec solidaire adoptera une stratégie de gestion durable et d'adaptation de la foresterie aux changements climatiques, en collaboration avec les communautés touchées, particulièrement les Premières Nations et les Inuit, l'industrie et les travailleurs et travailleuses.
Un gouvernement de Québec solidaire en coopération avec les Premières Nations et les Inuit renouvellera le secteur forestier en surveillant et évaluant en continu les entreprises publiques et privées ou coopératives à partir de critères socio-économiques. Il élaborera des politiques publiques favorisant une plus grande utilisation de produits du bois provenant d'une exploitation durable.

Critiques

Il faut préciser ce que fera Québec solidaire comme parti, d'ici à ce qu'il soit au pouvoir.

Amendements et ajouts

Québec solidaire soutiendra les actions citoyennes pour la démocratisation de la gestion des ressources naturelles et leur appropriation collective.

Québec solidaire encouragera la création et l'animation d'assemblées citoyennes dans les régions ressources afin de débattre de la gestion locale des mines et des forêts. Il favorisera des initiatives de consultation populaires, comme des référendums citoyens sur des projets contestés. Il défendra non seulement la nationalisation des ressources stratégiques, mais plaidera en faveur de leur socialisation ou la coopérativisation et soutiendra des campagnes publiques en faveur de la socialisation des entreprises exploitant des minéraux stratégiques et des grandes entreprises forestières.

Il soutiendra les luttes autochtones pour la protection du territoire par sa présence sur le terrain, ainsi qu'un appui juridique et médiatique.

Québec solidaire appuiera la mise en place d'institutions du pouvoir populaire, comme la création de comités de veille citoyenne sur les processus de consultation et d'évaluation environnementale. Il appuiera la mise en place de commissions de vigilance citoyenne semblables à des « sentinelles écologiques » qui pourraient documenter les atteintes au territoire. Québec solidaire favorisera enfin la création de tables de solidarité autochtone-allochtones locales pour favoriser le dialogue et la mise en œuvre concrète d'une cogestion territoriale démocratique.

Arguments en faveur des ajouts

Cet ajout, vise à enrichir le programme afin qu'il ne les limite pas à une description d'une éventuelle politique gouvernementale. Il s'agit ici encore d'ancrer le programme, et par le fait même Québec solidaire, comme acteur des luttes qui se mènent actuellement et qui visent à renforcer le pouvoir populaire.

Droit des travailleuses et des travailleurs
2.7 (1.4.2) Pour la syndicalisation des milieux de travail sains (1)

Résumé des propositions soumises à la discussion

Un gouvernement de Québec solidaire reverra le rapport de force entre employeurs et salarié-es et améliorera leurs conditions de vie. Il prendra les mesures nécessaires pour que les travailleurs et les travailleuses puissent se syndiquer et exercer leurs droits syndicaux. Il inscrira le droit de grève dans la Charte des droits et libertés de la personne et interdira les lockout. Il révisera en profondeur la loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Il veillera à leur respect pour protéger l'ensemble des travailleuses et travailleurs, incluant les temporaires.

Critiques

Ce sont là des revendications justes pour améliorer les conditions de travail, de vie et d'organisations des travailleuses et des travailleurs, mais ces transformations sont reportées à une éventuelle prise de pouvoir par Québec solidaire. Pourtant, face à l'offensive néolibérale et la montée de l'extrême droite et le tournant autoritaire et antisyndical des gouvernements, il y a des tâches pour un parti politique qui ne peut être remis à plus tard. Le programme de Québec solidaire ne peut passer sous silence les tâches qui découlent de cette situation. Le programme du parti doit donc préciser le travail qui doit être fait maintenant pour contribuer à renforcer le rapport de force en sa faveur et pour contrer l'offensive du patronat et des gouvernements à son service.

Amendements et ajouts

Le mouvement syndical québécois est confronté à une offensive patronale et gouvernementale sans précédent, il doit répondre à des défis majeurs : restriction des droits syndicaux, précarisation du travail, privatisation des services publics, explosion des inégalités et crise écologique. La fragmentation du salariat – marquée par la multiplication des emplois temporaires, de l'économie de plateforme et du travail ubérisé – rend l'organisation collective plus difficile, tandis que l'austérité et les PPP grugent nos services essentiels.

Face à ces défis, le mouvement syndical québécois revendique des hausses salariales substantielles, indexées au coût de la vie et la pleine reconnaissance des droits syndicaux dans tous les secteurs. Il exige un réinvestissement massif dans la santé, l'éducation et les services sociaux, ainsi que la construction de logements sociaux accessibles. Dans le contexte de la crise climatique, il met de l'avant la nécessité d'une transition juste : reconvertir les emplois polluants en emplois verts et socialement utiles, développer massivement le transport collectif et reprendre démocratiquement le contrôle des secteurs stratégiques, comme l'énergie, les mines ou le numérique.

Québec solidaire doit soutenir activement les luttes du mouvement syndical pour ces revendications et les défendre sur toutes les tribunes. Cela implique de renforcer la mobilisation de son secteur de travailleurs et travailleuses syndiqués afin de favoriser la mobilisation de l'ensemble de ses membres et de son soutien populaire dans ces combats.

Québec solidaire doit contribuer à construire des alliances solides entre le mouvement syndical et différents secteurs de la société (mouvement étudiant, mouvement féministe, mouvement écologique, mouvement communautaire, mouvement anti-raciste et autochtone), afin de créer un véritable front populaire dans lequel le mouvement syndical est appelé à jouer un rôle essentiel.

Arguments en faveur des ajouts

Si une gestion gouvernementale de gauche apporterait un renforcement essentiel à la défense des droits des travailleuses et des travailleurs, le soutien à la défense de ces droits ne sauraient être reporté à l'éventuelle prise du pouvoir par Québec solidaire. C'est pourquoi il faut que le programme décrive les buts et les formes de l'implication de Québec solidaire dans ce combat.

Intelligence artificielle
2.8 Pour une utilisation responsable de l'intelligence artificielle et des nouvelles technologies

Résumé des propositions soumises à la discussion

Un gouvernement de Québec solidaire instaurera un cadre réglementaire concernant les technologies basées sur les principes de transparence, de transition socioécologique, de respect de l'identité et de la culture québécoise et de respect de la propriété intellectuelle et des droits d'auteurs. Il créera un filet de sécurité pour les travailleurs et travailleuses touchées par l'automatisation. Il exigera une étude d'impact éthique et sociale pour tout déploiement de l'intelligence artificielle dans les services publics. Il s'assurera que la mise en place d'infrastructures numériques se fasse de façon écoresponsable.

Critiques

Ici comme ailleurs, ce sont des propositions importantes, mais elles remettent l'initiative à un éventuel gouvernement de Québec solidaire et à son pouvoir de gestion. Pourtant des acteurs et actrices (syndicats, écologistes, pacifistes, scientifiques) agissent déjà sur le terrain pour contrer les effets négatifs que provoquent déjà la généralisation de l'IA sous l'initiative des grands patrons de la Silicon Valley. Il est donc important que QS se mobilise en alliance avec ces acteurs et actrices pour participer aux combats en cours. Le programme du parti doit refléter cette volonté.

Amendements et ajouts

Face à la généralisation de l'intelligence artificielle (IA) dans les milieux de travail, d'étude et de vie quotidienne, différents acteurs sociaux formulent actuellement des revendications et mettent en œuvre des moyens d'action pour en encadrer l'usage et en réduire les effets négatifs. Québec solidaire doivent soutenir les actions des syndicats qui exigent que l'automatisation ne soit pas synonyme de licenciements massifs et qui demandent que l'introduction de l'IA permette la réduction collective du temps de travail sans perte de salaire.

Québec solidaire soutiendra les revendications des salarié-es qui dénoncent l'utilisation de l'IA visant à renforcer leur surveillance ou à dégrader leur dignité au travail. Québec solidaire se joindra aux campagnes publiques des syndicats visant à dénoncer la surveillance algorithmique ou les suppressions de postes. Québec soutiendra les luttes pour l'imposition de normes communes pour protéger les salarié-es.

Québec solidaire sera partie prenante des actions des militant-es écologistes, qui soulignent l'empreinte écologique et matérielle de l'IA et dénoncent la consommation colossale d'énergie des centres de données et l'extraction de métaux rares nécessaires à son déploiement. QS défendra avec les organisations environnementales les choix technologiques des citoyens-nes et les communautés. QS participera aux campagnes de sensibilisation et aux actions militantes des écologistes pour bloquer l'arbitraire des dirigeants de la tech.

Québec solidaire reprendra à son compte les critiques des scientifiques qui revendiquent un accès public aux codes et aux bases de données, ainsi qu'une évaluation indépendante des impacts sociaux et environnementaux de l'IA. Ils exigent que certaines applications soient interdites, notamment les armes autonomes, les systèmes de notation sociale ou les dispositifs de manipulation politique de masse.

Québec solidaire s'impliquera dans les combats pour refuser que l'IA soit abandonnée au seul pouvoir des grandes entreprises et des gouvernements et pour la soumettre à un contrôle démocratique, transparent et citoyen.

Arguments en faveur des ajouts

En amont d'une éventuelle gestion gouvernementale par Québec solidaire de l'intelligence artificielle, le programme de Québec solidaire, comme parti des urnes et de la rue, doit baliser l'intervention du parti autour de ces enjeux.

Conclusion : les réels enjeux du débat programmatique à Québec solidaire

Le débat sur le programme à Québec solidaire a pour une grande part été présenté comme ayant pour objectif de le rendre plus pédagogique et accessible pour la majorité de la population. En fait, l'ébauche du programme met de côté les engagements politiques liés aux mouvements sociaux et présente essentiellement les politiques d'un éventuel gouvernement de Québec solidaire.

L'enjeu de ce débat est donc, essentiellement, soit de définir le programme comme un plan de gestion d'un gouvernement en attente (ce qui nous est proposé dans le Cahier de propositions), soit comme celui d'un parti des urnes et de la rue qui avance, bien sûr, les orientations d'un gouvernement solidaire, mais qui propose surtout des mesures articulées aux luttes en cours afin d'enraciner le parti dans les mouvements sociaux et de faire du programme un outil de lutte s'adressant à la majorité populaire et à ses organisations : syndicats, groupes féministes, écologistes, étudiants, communautaires et autochtones.

Le programme devient alors une boussole pour la mobilisation et la construction du pouvoir populaire. Les amendements et ajouts proposés ne sont que des pistes pour réinscrire dans le programme une véritable démarche d'un parti des urnes et de la rue.

Je suis « pauvre conne »

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Frédérik Grégoire, sur la base de recherches exhaustives et documentées, a élaboré un balado de trois quarts d'heure sur l'entreprise Asia Paper and Paper (APP) – Paper Excellence – Domtar – Resolu, propriété privée d'une seule personne et plus grande papetière mondiale. On y apprend qu'après avoir qu'après pillé la forêt indonésienne pour ses plantations, drainé des tourbières et, last but not least, anéantit des villages par la violence, le meurtre et le feu, cet oligopole, depuis le début des années 2000, a mis la main sur les deux plus grandes papetières du Canada, Domtar, puis du Québec, Resolu, en 2023. Après avoir contribué à l'épuisement des forêts de la Colombie britannique, dont le nombre de scieries a diminué de 40% en 20 ans, Domtar alias Paper Excellence alias APP s'attaque aux forêts du Québec. Après avoir refusé de comparaître devant un comité parlementaire fédéral, le propriétaire a sollicité une rencontre avec le Premier ministre Legault. Le lien avec le projet de loi 97 crève l'écran. Cette loi, entre autres, supprime les tables locales, où l'industrie forestière est un acteur, pesant faut-il le dire, parmi d'autres pour remettre la gestion des forêts à l'industrie forestière.

Envoi par Marc Bonhomme, 9 septembre 2025

Qui est Jackson Wijaya ? Quels sont ses antécédents de violation de droits humains et de destruction environnementale en Indonésie ? Avec le projet de loi 97, la CAQ aide-t-elle cet homme à vider les forêts du Québec sous le prétexte de protéger des emplois ?

1 : Pétition à l'endroit de François Legault et Terry Duguid : https://chng.it/NB8JCxNv9h
2 : Lettre de Nature Québec à l'endroit de Maïté Blanchette-Vézina : https://naturequebec.org/campagnes/de...
3 : Document sources : https://docs.google.com/document/d/1Z...
4 : Consultation particulière avec l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (1 :10 à 28 :40) : • Les Premières Nations face au PL 97 : Une ...
5 : Consultation particulière avec Nature Québec (4 :27 :55 à 4 :53 :00) : • Les Premières Nations face au PL 97 : Une ...
6 : Entrevue de QUB avec Maïté Blanchette-Vézina : • Échange CORSÉ : la ministre Maïté Blanchett...
7 : Consultation particulière avec le Conseil de l'Industrie Forestière du Québec (1 :57 :55 à 2 :41 :40) : • PL 97 : L'avenir de la foresterie québécoi...
8 : Mon Patreon, si tu as envie de me verser 5$ : https://www.patreon.com/posts/grace-t...

QUESTIONS OU COMMENTAIRES – Je me ferai un plaisir de répondre à tes questions et les commentaires m'aident à m'améliorer !

L’écosocialisme est incontournable, bon marché, solidaire, emballant

9 septembre, par Marc Bonhomme — ,
En quelques lignes, dans sa série de deux articles publiés par le site À l'Encontre et repris par ESSF et Presse-toi-à-gauche, Robert Lochhead brosse un tableau percutant de (…)

En quelques lignes, dans sa série de deux articles publiés par le site À l'Encontre et repris par ESSF et Presse-toi-à-gauche, Robert Lochhead brosse un tableau percutant de l'état du monde tout en soulignant pourquoi l'essentiel, la crise climatique, est perdue de vue :

Depuis 1990, toute la politique du réchauffement climatique n'a-t-elle donc été qu'un théâtre hypocrite ?

L'objectif de Paris en 2015, c'était de ne pas dépasser en 2100, 1,5ºC-2ºC de plus qu'en 1850. Or aujourd'hui, nous avons déjà atteint 1,5ºC de plus et le monde continue à brûler toujours plus de combustibles fossiles. À ce rythme, nous allons vers 3ºC voire 4ºC de plus en 2100. Soit un monde invivable pour les milliards d'êtres humains les plus vulnérables.

L'ambiance est plombée par l'extermination des Palestiniens à Gaza, la récente guerre d'Israël et des États-Unis contre l'Iran, et la poursuite de l'offensive russe contre l'Ukraine, et les progrès partout de l'extrême-droite, qui est négationniste du réchauffement climatique.

La faim, la misère, les guerres, l'oppression, l'exploitation avec ses bas salaires et la précarité, ainsi que les distractions des médias, masquent le problème aux yeux des larges masses que les gouvernements ne se préoccupent d'ailleurs pas d'éclairer et alerter.

Tout le bla-bla-bla des COP, de dire Greta Thunberg, depuis plus de trente ans, soit depuis la conférence internationale sur le climat à Rio de Janeiro en 1992, a abouti à ce que « [d]e 1990 à 2021, la part à la production mondiale primaire d'énergie des combustibles fossiles a, certes, baissé de 81,36% à 80,34% grâce au développement des énergies renouvelables. Mais leur quantité absolue a presque doublé… » Côté génération d'électricité, « le solaire et l'éolien [en] représentent aujourd'hui 10%. » Pourquoi ce quasi-boycott de la prise en main climatique ? D'expliquer Robert Lochhead :

Globalement, le coût de remplacement de l'infrastructure fossile et nucléaire existante est d'au moins 15 à 20 trillions [mille milliards] de dollars. […] Les capitalistes des fossiles ne défendent pas seulement leurs profits mais surtout la rentabilité de leurs gigantesques capitaux fixes pas encore amortis et résultant d'investissements réalisés relativement récemment partout dans le monde. Probablement que beaucoup de décideurs du monde se rassurent en pensant que le progrès scientifique va apporter dans dix ou vingt ans des solutions insoupçonnées aujourd'hui qui ne perturberont pas la marche du business et permettront même de faire des bonnes affaires. Et, si possible, faire payer la facture aux salariés-consommateurs, par le jeu des prix protégeant les profits, ce qui ne cesse de discréditer la lutte contre le changement climatique aux yeux des couches les plus pauvres de la population, ce que l'extrême-droite exploite malicieusement.

Le mythe de la gratuité des énergies dites renouvelables ignorant les coûts fixes

À cette explication lapidaire mais en plein dans le mil, l'auteur en ajoute cependant une autre : « …la baisse des prix des énergies renouvelables diminue la rentabilité des capitaux qui s'y placent pour les vendre. Une fois que les panneaux solaires sont vendus et installés, le soleil est gratuit alors que les combustibles fossiles doivent être achetés tous les jours. Seuls les combustibles fossiles offrent des bénéfices à deux chiffres. » Ce point apparaît exact mais il est finalement incorrect. Les énergies solaire et éolienne sont certes plus qu'abondantes, partout et apparemment gratuites mais elles sont aussi diffuses (non concentrées comme celles fossiles) et intermittentes. En découle que par kWh elles requièrent beaucoup plus de matériaux et d'espace que les hydrocarbures y compris pour les fermes de batteries ou autres technologies d'entreposage.

On objectera fort à propos que les énergies solaire et éolienne étant partout, elles n'ont pas besoin de coûteux systèmes de transport (pipelines, chemins de fer, bateaux, ports) en autant que leur production soit décentralisée. Sauf pour le solaire auto-produit, il faut quand même un réseau électrique adaptée au grand nombre de sources de captation et au caractère variable de celle-ci, ce qui n'est pas bon marché. Somme toute, si les énergies solaire et éolienne ont un coût variable nul, leur coût fixe dû aux équipements gargantuesques pour les capter et les stocker est loin de l'être. À bien y penser, les hydrocarbures sont eux aussi gratuits sous forme brute. Ils sont aussi un cadeau de la nature. Leurs coûts résident dans leur extraction, leur raffinage pour le pétrole, et surtout leur transport tandis que les coûts des énergies solaire et éolien résident dans leur captationtransformation, une forme d'extraction, et leur transport.

La rente des fossiles soutenue par les ÉU les avantage malgré un coût supérieur

Dans les deux cas, le prix rentabilise les coûts fixes non seulement en fonction du profit moyen de l'économie globale mais aussi de la rente propre à l'extraction des ressources naturelles. La rente des hydrocarbures est surtout fonction de la difficulté de l'extraction mais aussi de la distance du transport. La rente des productions éolienne et solaire est fonction du degré d'ensoleillement ou de l'intensité-régularité du vent de la localisation des équipements de captation et aussi du transport. La différence entre les deux systèmes est que celui des hydrocarbures est mature. En termes de la loi du développement capitaliste menant à la centralisation-concentration il est sous l'emprise d'oligopoles géants, privés et étatiques, opérant mondialement. Le système des énergies renouvelables est en développement, quoique certaines entreprises émergent. Donc ce dernier reste fortement concurrentiel comme en témoignent les difficultés de l'industrie des panneaux solaires en Chine et même celle éolienne sous attaque trumpienne.

Il en découle que le secteur des hydrocarbures paraît plus rentable que celui solaire-éolien bien que le coût moyen par kWh de l'énergie solaire-éolienne est depuis peu moins élevé en général que celui des hydrocarbures. Ce facteur économique se combine à un facteur politique. Dans l'affrontement des deux superpuissances pour l'hégémonie mondiale, la plus puissante a opté toutes voiles déployées pour les hydrocarbures au point de menacer la rentabilité du secteur éolien par ses annulations de projet. La Chine, quant à elle, a opté pour le solaireéolien au point de mettre en cause la rentabilité du solaire par son généreux soutien à ce secteur.

Attention ici au terme chargé idéologiquement de « renouvelable ». Les réserves de charbon peuvent encore durer plus d'un siècle, et la technologie du fracking a repoussé les réserves pétrolières et gazières prouvées à un demi-siècle dans chaque cas. Cependant, les sites les moins chers pour l'extraction des hydrocarbures ont été épuisés depuis longtemps quoique les dictatures du MoyenOrient, en connivence avec les grandes pétrolières, les égrainent à petit feu pour maximiser leurs rentes. Quant au solaire-éolien, les meilleurs sites abondent encore non seulement ceux les plus ensoleillés ou venteux mais ceux à proximité des réseaux de transport et des importantes clientèles. Ce facteur rentier y est pour beaucoup afin d'expliquer le récent coût inférieur des énergies dites renouvelables.

Les énergies solaire-éolienne amplifient et se superposent aux énergies fossiles

Les énergies renouvelables charrient leur lot de pollution et d'épuisement des ressources y compris pour les émanations de GES et la destruction des habitats. Comme les énergies fossiles, elles ne remettent pas en question la domination du système de transport par le véhicule solo, celui électrique se substituant celui à essence, et de ce fait la domination de l'habitat humain par la « villa unifamiliale » pour employer la juste expression de Robert Lochhead. En résulte dans les deux cas un étalement urbain à la circulation congestionnée dévoreur énergivore de ciment, d'acier et d'asphalte sans compter les espaces naturels et agricoles et emprisonnant le peuple-travailleur dans le piège de la dette hypothécaire et automobile.

La fabrication des véhicules individuels électriques, en particulier des batteries, est aussi très polluante et énergivore et par là émettrice de GES puisque 80% de l'énergie mondiale est encore fossile comme le rappelle fort à propos Robert Lochhead. Même l'exception hydroélectrique québécoise n'y échappe pas totalement puisque les mines nordiques loin du réseau électrique doivent recourir à l'énergie fossile. Non seulement le tout-électrique dit renouvelable ne se détache pas des énergies fossiles mais tant leur recours à davantage de matériaux par kWh produit, l'onéreux objectif de la substitution des fossiles par les dite renouvelables et la complexité technologique des panneaux, éoliennes et batteries exigent une expansion géométrique des mines à ciel ouvert, nécessitées par la très basse densité dans la croûte terrestre de ces minéraux et terres rares, avec leurs ravages connus environnementaux et sociaux. Finalement les énergies dites renouvelables loin de se substituer aux énergies fossiles s'y superposent comme au XXe siècle le pétrole et le gaz n'ont pas remplacé le charbon mais s'y sont ajoutés tout en le laissant croître et de beaucoup.

L'auteur oublie la croissance inhérente au capitalisme vert à soutenir par la gauche !

On touche ici à la croissance inhérente au capitalisme du simple fait de l'accumulation du capital cherchant à se valoriser pour ne pas périr. Mais l'auteur n'aborde pas le débat sur la décroissance car « [i]l n'existe aujourd'hui aucun rapport de forces social pour un écosocialisme même si c'est la solution véritable. Cela n'imposerait rien de moins qu'abolir le capitalisme. » D'office Robert Lochhead accepte donc par défaut l'inévitable paradigme de la croissance. Plutôt « il faut proposer à un mouvement social des objectifs prioritaires, à court et moyen terme, qui soient le ferment d'une lutte à long terme plus globale. Des objectifs qui soient repris par un mouvement social comme un pont entre la situation actuelle et la nécessaire transition ces prochaines années vers des objectifs de transformation à grande échelle plus vastes si le mouvement social se renforce. » Concrètement, il s'agit de « l'idée d'un plan Marshall » soit un capitalisme vert passant de petits projets, qui en ce moment pullulent, à de grands projets qui font une différence.

De dire l'auteur, « [j]e paraphrase le Programme de Transition de Léon Trotsky de 1938 » du moins il s'en inspire. Est-ce que l'actuel capitalisme vert des petits projets peut mener à celui des grands projets comme antichambre de la rupture écosocialiste ? That is the question. L'auteur prend la peine de chiffrer ce saut vers les grands projets :

[Selon Cédric Durand] Dans son dernier rapport sur l'énergie, Bloomberg (New Energy Outlook 2021) estime qu'une économie mondiale en croissance nécessitera un niveau d'investissement dans l'approvisionnement et les infrastructures énergétiques compris entre 92 000 et 173 000 milliards de dollars au cours des trente prochaines années. L'investissement annuel devra plus que doubler, passant d'environ 1700 milliards de dollars par an aujourd'hui à une moyenne comprise entre 3100 et 5800 milliards de dollars par année. »

L'auteur montre que de telles sommes sont déjà disponibles chaque année mais que le grand capital les oriente essentiellement vers le statu quo des hydrocarbures :

De COP en COP, ce sont 1300 milliards $ qui ont été promis aux pays dits en développement pour chaque année dès 2035. Une grande partie seront des prêts, qui vont augmenter leur dette, et le reste devrait être des investissements privés. Cela reste vague. [16] Ce sont des promesses. Pour le moment, même les 100 milliards par année promis pour le Fonds vert pour le Climat, destiné à être géré par la Banque mondiale, n'ont pas été versés par les pays riches. Entretemps, durant l'année 2021-2022, les compagnies pétrolières et gazières ont fait 4000 milliards $ de bénéfices.

Comment y arriver ?

Il faudrait exiger des conférences internationales des pays disposés à agir efficacement et qui constituent une masse suffisante pour avoir un effet notable sur la planète, ce qui est appelé diplomatiquement « union of the willing. » Par exemple, l'Union européenne plus le Canada, l'Australie et la Nouvelle Zélande, soit des pays où une pression populaire, une force démocratique, peut s'exercer sur les gouvernements. Plus la Chine, si elle réalise ses promesses de mesures efficaces contre le réchauffement climatique.

Robert Lochhead propose une poussée mobilisatrice au sein des pays du vieil impérialisme qui jusqu'ici reste fidèle à l'application des normes de la démocratie parlementaire, même virant à droite toute, sur fond d'une économie néolibérale se durcissant. Faute, selon ces critères, de pouvoir inclure les ÉU trumpiens et ainsi pouvoir prétendre à une masse critique, il inclut la Chine, à la fois championne des énergies fossiles et renouvelables, se situant cependant aux antipodes de toute démocratie quelle qu'elle soit. Probablement que l'auteur s'en remet à la logique de la compétition entre les deux superpuissances eu égard aux formes d'énergie.

Une transition à la Trotski consolidant le capitalisme vert contre l'écosocialisme !

Est-ce là une logique de transition à la Trotski créant les « conditions gagnantes » d'une rupture écosocialiste ? Qui dit rupture écosocialiste dit décroissance matérielle et croissance des services aux personnes, à commencer par ceux publics tendant à la gratuité parce que financés par la socialisation de la Finance et par la fiscalité progressive. Il y a les services publics existants à approfondir pour annuler les coupes qui les ont charcutés au point de leur faire mauvaise réputation, et ceux à élargir pour répondre à des besoins essentiels tels les transports, le logement social, l'énergie et l'alimentation de base, l'accès aux lacs et rivières… Il s'agit aussi d'un enjeu qualitatif et non seulement quantitatif. Le principe de décroissance matérielle commande de substituer le transport actif et en commun au véhicule privé, le logement collectif entouré de services de proximité, de jardins communautaires et parcs accessibles à pied à la place de la villa unifamiliale dans des banlieues motorisées, des aliments végétariens et frais remplaçant viandes et aliments ultratransformés, des vêtements originaux qui durent remplaçant ceux prêts-à-porter-prêts-à-jeter, des produit électroménagers et électroniques durables et réparables.

Rien à voir donc avec la société de consommation de masse qui répond de travers
ou pas du tout aux besoins essentiels parce qu'elle est le corollaire de l'accumulation capitaliste. L'écosocialisme, au contraire, récuse la logique capitaliste de la compétition de toustes contre toustes visant l'accumulation matérielle illimitée et aboutissant au militarisme pour lui substituer une société du soin et du lien axé sur le développement des personnes et sur leur solidarité pour ne laisser personne derrière. Une société écosocialiste ne vise donc pas à produire pour produire mais à produire pour reproduire une société de plus en plus riche socialement que ce soit dans le domaine des sciences, des arts, de l'organisation solidaire. Il n'est pas étonnant que l'écosocialisme converge avec l'écoféminisme axé aussi sur le soin et le lien pour la reproduction sociale et sur le buen vivir autochtone axé sur la reproduction de la terre-mère étant entendu que l'un est nécessaire à l'autre et vice-versa.

Le passage des « petits projets » aux « grands projets » prépare-t-il la rupture écosocialiste ? Ce passage s'accomplissant dans le cadre du capitalisme, il déboucherait sur de grandes réformes propres au croissanciste capitalisme vert. L'image qui vient en tête est l'actuel modèle chinois étendu au moins aux grands pays riches sauf aux ÉU nous dit l'auteur. On peut imaginer au mieux une course entre énergies dites renouvelables et celles fossiles que gagneraient à terme, mais quand, les premières. Mais comme les lourds investissements massifs dans les équipements pour les énergies renouvelables, en croissance continuelle, nécessitent le recours aux énergies fossiles pour un bon bout de temps, les énergies fossiles continueront de croître même si elles deviendront relativement moins importantes que celles renouvelables.

« Grands projets » vers le « basculement catastrophique de la civilisation humaine »

La vitesse de croisière de ce réformisme vert n'est pas suffisante pour respecter les plafonds prudents de hausse de la température fixés par le GIEC avant que se déclenchent les rétroactions dues aux points de bascule (fonte des glaciers, permafrost…) qui provoqueront « un basculement catastrophique de la civilisation humaine » comme l'auteur le dit et le montre. Il faudra donc, en parallèle, pour reprendre des parties de sous-titres de l'auteur, « [c]apturer le CO2… », utiliser des « technologies à émissions négatives » comme « la BECCS, bioénergie avec capture et séquestration du carbone » et « [r]efroidir l'atmosphère… » c'est-à-dire des technologies d'apprentis-sorciers extrêmement coûteuses et non technologiquement abouties. Toutefois, l'auteur pense que ces « grands projets » pourront s'en dispenser car il oublie l'impératif de la croissance. Les conséquences en seront autant de lucratives occasions d'investissement par le grand capital. Mais comme ces gargantuesques projets ne participent pas à la reproduction de la société, en particulier à celle de la force de travail, sauf en creux, ils exigeront un soutien étatique massif lequel imposera, impose déjà, une austérité permanente.

On peut gager que s'enfoncer dans cette voie provoquera d'immenses clash de luttes sociales ce qui contraindra le capitalisme néolibéral à se muer en régime néofasciste… lequel pourrait se muer en écofascisme par nécessité de survie de l'humanité pour que le capitalisme survive.

On constate que l'on se situe aux antipodes de l'antichambre de l'écosocialisme. Le passage des « petits projets » aux « grands projets » n'a rien à voir avec un programme de transition trotskyste mais tout à voir avec un cul-de-sac réformiste. Cyniquement, on pourrait invoquer la politique du pire en se disant que le cul-desac du capitalisme vert poussé à bout pourrait tout autant provoquer une révolution écosocialiste que l'écofascisme. C'est oublier que la politique du pire mène au pire car elle repose sur une fausse solution, le capitalisme vert, trompeuse, démoralisante et démobilisante. Est-ce à dire qu'étant donné le rapport de forces, l'écosocialisme est inatteignable comme le dit l'auteur ? D'autant plus que l'alliance avec le capitalisme « progressiste » afin de faire débloquer la lutte pour le capitalisme vert contre les tenants du capitalisme fossile est une illusion étant donné que le croissancisme capitaliste ne mène pas au remplacement de celui des hydrocarbures mais à leur imbrication l'un dans l'autre ce qui mène aux gargantuesques et ubuesques « technologies à émissions négatives ». L'erreur de fond de Robert Lochhead est, en ignorant le croissancisme inhérent au capitalisme, d'avoir pensé que les « grands projets » permettraient de substituer les énergies dites renouvelables à celles fossiles.

L'écosocialisme s'impose de soi et s'éclaircira par la lutte pour les réformes

N'en reste pas moins, objecterait l'auteur, que se pose le réalisme de la lutte écosocialiste. Le premier atout de l'écosocialisme c'est sa nécessité une fois levé l'obstacle de la pseudo-solution du capitalisme vert. Comme le synthétise l'auteur, cité au début de ce texte, le monde capitaliste est en train de sombrer dans l'enfer de la terre-étuve. Aveuglé par le soutien du génocide du peuple palestinien, ce monde renie l'abc des droits humains au prix de sa militarisation. Obnubilé par l'attraction des milliardaires se détachant de la réalité quotidienne, ce monde abandonne à sa misère et à ses inégalités le peuple-travailleur dont il stimule la haine de soi en le divisant contre lui-même par l'instrumentalisation de ses superficielles différences de sexe, de genre, de race et d'ethnies. Le deuxième atout en est la faisabilité technologique et financière par rapport au capitalisme vert. L'écosocialisme est technologiquement mature même s'il pourrait bénéficier d'inventivité technologique à sa mesure — science et technologie ne sont pas neutres — par exemple pour la bio-agriculture. Il est relativement bon marché : par exemple du logement social écoénergétique pour tout le monde dans un habitat débarrassé de l'auto solo par rapport à des banlieues tentaculaires de villas unifamiliales. Si l'expropriation du capital financier, la tête pensante du capitalisme, est indispensable, c'est davantage pour parer aux folies des grands projets inutiles à la rentabilité forcée que pour financer les projets écosocialistes.

Last but not least, l'écosocialisme est une société de bonheur maximisant temps libre et solidarité : le travail socialement nécessaire est avant tout axé sur le soin et le lien écoféministe pendant que l'effondrement de la production matérielle de masse dégage pour soi et pour les autres ce précieux temps hors travail obligatoire. C'est à se demander pourquoi la lutte pour l'écosocialisme ne soulève pas l'enthousiasme. Cette faille montre à quel point l'échec du socialisme du XXe siècle, en fait sa terrible déformation, a troublé les esprits au point de rendre la fin du monde plus plausible que la fin du capitalisme. Pour s'encourager, la lutte pour des réformes spécifiques retrouve toute sa place, par exemple « [r]emplacer tout le chauffage des bâtiments au mazout et au gaz naturel par du chauffage électrique [tout en les éco-énergisant], par une campagne volontariste sur 10 ans […] électrifier rapidement camions et bus qui sont relativement moins nombreux et appartiennent pour la plupart à des entreprises importantes qui en ont les moyens [et non subventionner l'achat de véhicules électriques perpétuant le capitalisme vert], annuler la dette des pays sub-sahariens.

C'est dans la lutte pour ce genre de réformes, même si elles sont loin de s'attaquer aux contradictions du capitalisme vert, que le peuple-travailleur pourra reconstruire son unité combative et retrouver son élan révolutionnaire d'il y a un siècle tout en approfondissant chemin faisant sa compréhension des tromperies du capitalisme vert. Et cette lutte est une authentique lutte de classe comme le montre le tableau d'Oxfam reproduit par l'auteur : la consommation des 10% les plus riches est responsable 50% de l'effet de serre contre 10% pour le 50% le plus pauvre. Reste ce milieu ambivalent (40% responsable de 40%), majoritaire dans les pays du vieil impérialisme, qui doive se brancher. Secouons nos puces, camardes.

Marc Bonhomme, 7 septembre 2025
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

La lutte du syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, un enjeu pour tout le mouvement ouvrier

9 septembre, par André Frappier — ,
Le syndicat des travailleurs et travailleuses des postes fait face à un vent contraire venant de deux sources qui se combinent. Le refus de négocier de Poste Canada qui s'en (…)

Le syndicat des travailleurs et travailleuses des postes fait face à un vent contraire venant de deux sources qui se combinent. Le refus de négocier de Poste Canada qui s'en tient qu'aux reculs et l'offensive antisyndicale du gouvernement Carney et ses comparses du monde patronal.

Les employéEs du Port de Montréal et de Colombie Britannique avaient été obligés de retourner au travail en novembre 2024 ainsi que les employéEs ferroviaires en août en envoyant les parties en arbitrage exécutoire forçant les employés à retourner au travail.

La même situation s'était reproduite avec les employéEs de Postes Canada en décembre mais cette-vois-ci le ministre n'a pas imposé l'arbitrage, mais a créé une commission d'enquête sur les relations de travail, qui devait remettre son rapport le 22 mai 2025. Dirigée par William Kaplan, médiateur et arbitre ce dernier a émis ses recommandations le 15 mai.

Selon le syndicat, ce rapport penche fortement en faveur des positions et des recommandations de Postes Canada. "Nous sommes fondamentalement en désaccord avec la majeure partie de ses recommandations et contestons certains des renseignements sur lesquels elles sont fondées. Nous nous sommes également opposés au processus de la Commission dans son ensemble, mais nous étions d'avis que nous nous devions d'y participer afin de donner une voix aux travailleurs et travailleuses des postes". Le rapport présente également trois situations possibles après le 22 mai. Il est important de noter que les recommandations du commissaire Kaplan ne seront pas nécessairement mises en œuvre ; il revient à la ministre Patty Hadju de décider si elle donnera suite au rapport ou non.

À la fin mai, le STTP avait demandé un arbitrage exécutoire afin de mettre fin au refus de négocier de Poste Canada. Ce dernier avait rejeté cavalièrement cette proposition, affirmant vouloir rétablir la stabilité du système postal et soutenait que l'arbitrage serait long. [1]

Le 30 mai, Postes Canada demandait à la nouvelle ministre de l'Emploi et de la Famille, Patty Hajdu, d'obliger les membres STTP à voter directement sur l'offre "finale" de la société d'État. En vertu de l'article 108.1 du Code canadien du travail (CCT), le ministre a le pouvoir de court-circuiter les représentants syndicaux et d'obliger les membres à voter directement sur l'offre de l'employeur. Si une majorité simple des travailleurs et travailleuses votaient en faveur de l'offre de Postes Canada, une nouvelle convention collective aurait été imposée, mettant fin à la capacité du syndicat de négocier. [2]. C'est une première en termes d'offensive antisyndicale.

Postes Canada a mis toutes les énergies pour mettre le syndicat de côté

Selon les dirigeants syndicaux Renaud Viel et Yanick Scott respectivement président de la section locale de Montréal et directeur national, la direction de Postes Canada a mis toutes les énergies possibles afin de convaincre les membres de voter en faveur. Ils ont multiplié les courriels et les contacts directs aux employéEs utilisant même les modules téléphoniques internes des facteurs et factrices pour leur texter des messages les incitant à voter en faveur. Le syndicat a fait campagne contre et a rencontré le plus de membres possible, mais n'avait certainement pas les mêmes ressources que la direction de Postes Canada.

De tout temps c'est le syndicat qui réunit les membres dans des assemblées où il explique les enjeux avant de procéder à un vote pour l'acceptation ou non de la convention collective négociée.

Malgré ce vote imposé, 70% des membres ont refusé la proposition patronale. Au total 80% des membres ont voté, soit environ 40 000 membres. Cela a confirmé la détermination des membres du syndicat à poursuivre la lutte.

Le STTP a remis des offres le 20 août, les rencontres ont été reportées par la direction de Poste Canada et aucune rencontre n'est prévue à ce jour. Pendant ce temps, Postes Canada coupe les postes vacants, ce qui correspond à environ 10% des effectifs. Cela provoque des réaffectations et des mouvements de personnel.

Les conditions de travail découragent beaucoup d'employéEs qui quittent, il y a donc un gros taux de roulement et plus de nouveaux et nouvelles employéEs, qui se retrouvent toujours à l'échelon de salaire le plus bas. Le syndicat revendique donc une réduction des 7 échelons de salaire qui existent depuis la convention collective de 2013.

Les perspectives de la direction de Poste Canada demeurent en majorité dans ce qui est en baisse et dans certains cas disparaitre, il n'y a pas d'emphase sur les colis. Elle veut plus de Temps Partiel, flexibles, de fin de semaine. En fait Poste Canada veut des TP partout et considère ces items non négociables. Pour ces raisons, le STTP a demandé l'arbitrage.

La mauvaise gestion de Postes Canada explique ses difficultés financières

Postes Canada impute ses difficultés financières principalement à la grève du STTP en 2024, la baisse des volumes de la poste-lettres et augmentation de remise et la baisse des volumes de colis, et des recettes qui en découlent, en raison de la concurrence.

Selon la présidente nationale du STTP Jan Simpson, la situation financière de Postes Canada découle des décisions de sa haute direction. La société d'État dépense sans compter, ses dépenses autres qu'en main-d'œuvre grimpent en flèche. Ses états financiers indiquent que, de 2017 à 2023, ses dépenses non salariales ont augmenté de plus d'un milliard $ par année, soit une hausse de 56,5 %. Au cours de la même période, les salaires n'ont augmenté que de 14,1 %. Par ailleurs, de mai 2023 jusqu'à au moins mai 2025, Postes Canada est exemptée de cotisations au régime de retraite. Ce ne sont pas les salaires et les avantages sociaux qui sont en cause, mais bien la mauvaise gestion et les dépenses excessives de Postes Canada. La véritable question à se poser est la suivante : où va tout l'argent que dépense Postes Canada ?

À l'origine, le plan quinquennal de Postes Canada allouait quatre milliards $ pour la mise à niveau des infrastructures afin de répondre à l'explosion du nombre de colis durant la pandémie. Or, lorsque la croissance du nombre de colis a fléchi, Postes Canada a continué de dépenser.
En somme, quatre milliards $ dépensés en cinq ans équivaut à 800 millions $ par année, d'où la perte financière de 748 millions $ pour l'exercice 2023. [3]

Contrer l'offensive anti ouvrière

Poste Canada manipule l'opinion publique et prend prétexte de la pression à la baisse qu'impose le secteur privé sur les conditions de travail des travailleurs et travailleuses du secteur public. La majorité des compagnies privées de livraison de colis donnent la livraison en sous-traitance, soustrayant ainsi les travailleurs et travailleuses aux règles du code du travail et à des conditions de travail décentes. Ce qui donne prétexte à Poste Canada de faire pression sur ses employéEs pour abaisser les salaires et les conditions de travail.

La législation concernant la livraison de colis doit être modifiée pour devenir similaire à celle de la Poste-lettre, afin d'offrir un service universel. Cela ouvrirait la porte à l'obtention de conditions de travail équitables pour l'ensemble des travailleurs et travailleuses. Les compagnies privées y trouveraient ainsi moins d'intérêt, ce qui permettrait au service postal public de reprendre ce marché.

Cette situation renforcerait le mouvement syndical et permettrait d'élargir la portée de conditions de travail décentes et mieux rémunérées à une plus grande partie de la population. On comprend que le gouvernement canadien a un tout autre agenda, Carney nous l'a bien démontré.

Le PDG du Business Council, Goldy Hyder, a obtenu une rencontre en face à face avec le premier ministre Mark Carney quelques jours à peine après son élection. Par l'intermédiaire du Business Council, le Canada des grandes entreprises a formulé son cahier de doléances sans détour : accélérer l'extraction des ressources, réduire les impôts pour les géants du numérique et les riches, démanteler les services publics et injecter des fonds massifs dans l'industrie de l'armement. [4]

Le STTP est à l'avant-garde de la lutte ouvrière dans l'état canadien, Carney et les grandes entreprises l'ont bien compris. À nous maintenant de construire la solidarité, la lutte du STTP c'est la lutte de tout le mouvement ouvrier !

André Frappier


L’Association des résidents et résidentes de Buckingham rencontre les représentants d’Enbridge et dénonce les incohérences du tracé retenu pour le projet de conduite d’hydrogène

9 septembre, par Association des résidents et résidentes de Buckingham (ARB) — , ,
Gatineau, le 8 septembre 2025 – L'Association des résidents et résidentes de Buckingham (ARB) a rencontré, vendredi le 5 septembre, les représentants d'Enbridge afin de (…)

Gatineau, le 8 septembre 2025 – L'Association des résidents et résidentes de Buckingham (ARB) a rencontré, vendredi le 5 septembre, les représentants d'Enbridge afin de discuter du projet de conduite à 100 % d'hydrogène dont le tracé retenu traverse les secteurs résidentiels de Buckingham et Masson-Angers. Edmond Leclerc, conseiller municipal du secteur Buckingham était présent à la rencontre à titre d'observateur. Malgré l'invitation envoyée au Service de la
sécurité publique de Gatineau, aucun représentant ne s'est présenté.

La conduite à haute pression serait enfouie dans les rues résidentielles, longeant notamment une école, des services de garde, des résidences pour aînés ainsi que trois zones à risque de glissements de terrain. Malgré les assurances de l'entreprise, l'ARB a mis en lumière plusieurs incohérences dans la façon dont Enbridge présente son projet :

• Sécurité mise au second plan : Enbridge a reconnu que la zone d'impact d'un incident pourrait s'étendre sur « quelques dizaines de mètres », ce qui comprend des maisons et bâtiments publics longeant le tracé. Malgré cela, l'entreprise semble avoir retenu la solution la plus opportune pour l'entreprise : utiliser les emprises municipales existantes le long de la rue Georges et de la 148, sans étude transparente des corridors alternatifs plus sûrs comme les lignes d'Hydro-Québec ou l'autoroute 50. Il nous semble que ce choix s'explique par la pression d'avancer rapidement ce projet stratégique pour l'industrie face à l'utilisation prometteuse de l'hydrogène. Mais derrière cette justification, un fait demeure : la sécurité des citoyens n'a pas été le premier critère.

• Normes minimales seulement : Enbridge promet de respecter les normes en vigueur, dont la CSA Z662, qui renvoie à la sécurité des réseaux de canalisations de pétrole et de gaz. Ces normes servent d'exigences minimales, et non de meilleures pratiques. Pour un premier projet de ce type au monde, se limiter au strict minimum n'est pas acceptable.

• Tracés alternatifs peu ou pas étudiés : Les corridors d'Hydro-Québec et l'autoroute 50 n'ont jamais été sérieusement étudiés par Enbridge suite aux demandes d'accès à l'information effectuées par l'ARB auprès d'Hydro-Québec.

• Enbridge affirme que son projet n'est pas assujetti à l'article 31.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement. En effet, le tracé a été calibré à 3 999 kPa, soit juste en dessous du seuil de 4 000 kPa qui déclenche automatiquement un examen du BAPE. Toutefois, l'article 31.1.1 de la même loi accorde au ministre de l'Environnement un pouvoir
discrétionnaire par lequel le projet peut être soumis à une évaluation complète si le ministre juge qu'il présente des risques majeurs ou soulève une forte inquiétude citoyenne.

L'ARB demande :

• Qu'un examen complet par le BAPE soit effectué sans délai ;

• Que le projet soit reconnu et traité comme une conduite de transmission, avec toutes les normes de sécurités qui s'y appliquent ;

• Qu'Enbridge étudie et privilégie un tracé plus sécuritaire, éloigné des secteurs résidentiels.

Le 16 septembre prochain, la séance du conseil de ville se tiendra à Buckingham, à laquelle le conseil municipal se prononcera sur l'avis de proposition d'une résolution pour que la Ville de Gatineau demande officiellement au gouvernement du Québec d'assujettir le projet d'hydrogénoduc d'Enbridge à une évaluation environnementale complète incluant la tenue d'audiences publiques par le BAPE.

« Nous sommes pour une transition énergétique acceptable et sécuritaire. Si Enbridge veut faire du Québec un pionnier en transport d'hydrogène, cela doit se faire avec transparence et selon des normes dignes d'un premier projet de ce type, et non en banalisant les risques et les particularités de l'hydrogène. Le vrai choix sécuritaire, c'est d'éviter d'enfouir la conduite dans les rues au cœur de nos quartiers » - Nicole Robitaille-Carrière, présidente de l'ARB

À propos de l'ARB
L'Association des résidents et résidentes de Buckingham est un organisme à but non lucratif et un regroupement citoyen indépendant voué à informer les résidents face aux projets et enjeux locaux. Elle agit pour protéger la santé, la sécurité et la qualité de vie de la communauté.

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ARB - Association des résidents et résidentes de Buckingham
Une question de sécurité / A Safety Review - Projet H2 à Gatineau.

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La libération de la Palestine : un combat anticolonial et antifasciste

Dans ce nouvel épisode de son podcast « Minuit dans le siècle » (produit pour Spectre et disponible sur toutes les plateformes d'écoute), Ugo Palheta reçoit Omar Alsoumi, (…)

Dans ce nouvel épisode de son podcast « Minuit dans le siècle » (produit pour Spectre et disponible sur toutes les plateformes d'écoute), Ugo Palheta reçoit Omar Alsoumi, militant franco-palestinien et l'un des principaux animateurs de l'organisation Urgence Palestine. Centrale dans l'organisation des mobilisations en solidarité avec Gaza et la Palestine au cours des deux dernières années, Urgence Palestine est menacée de dissolution par le gouvernement actuel.

6 septembre 2025 | tiré de contretemps.eu
https://www.contretemps.eu/liberation-palestine-combat-anticolonial-antifasciste-alsoumi-podcast/

Omar Alsoumi évoque son parcours et revient sur la trajectoire des mouvements de solidarité avec la Palestine au cours des vingt-cinq dernières années en France, revenant sur l'importance de faire place aux récits palestiniens, de Palestiniens qui résistent et combattent, loin de l'image paternaliste de « victimes parfaites » (Mohammed El-Kurd).

Il souligne ce que représente le combat pour la libération de la Palestine pour des millions de personnes à l'échelle globale, en particulier dans un pays comme la France marquée à la fois par la vigueur du racisme colonial (islamophobie) et par une forte immigration postcoloniale, la portée à la fois singulière et universelle de ce combat, sa dimension matérielle, géostratégique, mais aussi spirituelle. Nous discutons enfin du lien indissociable entre fascisme et colonialisme, mais aussi des menaces auxquelles fait face Urgence Palestine dans un contexte de fascisation de l'ordre capitaliste-néolibéral, particulièrement marqué en France.

Enregistrement le 17 juin 2025. Mixage : Aurélien Thome.

Crédit photo : Photothèque Rouge /Martin Noda / Hans Lucas

Uni.es contre le projet de loi C2 (Loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière)

9 septembre, par Observatoire pour la justice migrante — , ,
Le 3 juin dernier, le gouvernement déposait le projet de loi C-2, le « Stronger Border Act ». Une loi omnibus qui s'attaque de front aux droits fondamentaux : restriction de (…)

Le 3 juin dernier, le gouvernement déposait le projet de loi C-2, le « Stronger Border Act ». Une loi omnibus qui s'attaque de front aux droits fondamentaux : restriction de l'asile, extension de la surveillance et du partage de données, modification d'une dizaine de lois (immigration, sécurité publique, criminalité, douanes, renseignement, communications, finances, surveillance côtière).
En collaboration avec le Front "Uni.es contre le projet de loi C2", nous avons produit cette capsule qui explique concrètement ce que contiennent ces mesures, leurs impacts sur les personnes migrantes et demandeuses d'asile, et pourquoi il est urgent de se mobiliser pour exiger le retrait de C-2.
Avec la participation de Laurence Guénette (Ligue des Droits et Libertés), Sylvie St-Amand (Fédération des femmes du Québec), Amel Zaazaa (L'Observatoire pour la justice migrante), Harrold Babon (Clinique pour la justice migrante), Marisa Berry Mendes (Amnistie internationale Canada Francophone), Melissa Claisse (Collectif Bienvenue - Welcome Collective) et François Loza Rodriguez (TCRI).
À voir et à partager largement.

Cette vidéo a été produite par l'Observatoire pour la justice migrante.

Le 3 juin dernier, le gouvernement déposait le projet de loi C-2, le « Stronger Border Act ». Une loi omnibus qui s'attaque de fronts aux droits …

La peau familière

9 septembre, par Les Éditions du remue-ménage — ,
Parution le 5 août 2025 au Québec Parution le 5 septembre 2025 en Europe Louise Dupré est une grande poète, romancière et dramaturge québécoise, une voix incontournable de (…)

Parution le 5 août 2025 au Québec

Parution le 5 septembre 2025 en Europe

Louise Dupré est une grande poète, romancière et dramaturge québécoise, une voix incontournable de la littérature féministe. Ses premiers recueils de poésie en prose, publiés au Remue-ménage dans les années 1980 et pour la plupart épuisés, sont ici réunis en un seul volume.

« une rumeur de fin, prématurée, violente, comme dans un mauvais film, et les yeux de ma fille collés à la télévision, une rumeur de mort, je la vois, réellement, et les yeux de ma mère qui s'achèvent sur le drame. je griffonne malgré tout ma passion, cela fait sens, cette douloureuse évidence, cela tient d'une éthique peut-être, quelque chose comme

NE PAS ACCEPTER D'ALLER À SA PERTE. »

Si La peau familière aborde la vie de tous les jours – et souvent ses horreurs –, de la guerre au quotidien de la ménagère, Chambres se consacre à ce lieu du féminin par excellence, non sans rappeler la « chambre à soi », qui est aussi un lieu d'enfermement. Dans Bonheur, plus rien n'échappe au souvenir.

Ces trois premiers recueils de Louise Dupré sont constitués de suites poétiques en prose, composés d'une trame narrative, de fragments de mêmes scènes, telle une série de photographies. Les mots s'y font dialogue intime, flux de conscience. La poésie sensorielle trace le parcours de voix, de bruits, de lieux, de vies.

En ressortent les thématiques de l'ensemble de l'œuvre de Dupré : le corps, les injustices, l'absence, la mort. Et, bien sûr, les femmes.

Poète, romancière, dramaturge et essayiste, LOUISE DUPRÉ a publié une trentaine de titres, qui lui ont valu de nombreux prix et distinctions. Elle collabore régulièrement avec des artistes de différentes disciplines. Elle est membre de l'Académie des lettres du Québec, de l'Ordre du Canada et du Parlement des écrivaines francophones.

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Devenir Lean - Quand la gestion transforme la santé | Livre à paraître le 20 août | Société de performance, système de santé, bilan

9 septembre, par Dani Tardif, Éditions Écosociété — , ,
Soigner des patients comme on fabrique des voitures ? Il y a 14 ans, on nous disait que la méthode de gestion Lean (ou Toyota) allait résoudre les problèmes du système de (…)

Soigner des patients comme on fabrique des voitures ? Il y a 14 ans, on nous disait que la méthode de gestion Lean (ou Toyota) allait résoudre les problèmes du système de santé. Quel bilan tirer de cette expérience ? Alors que le ministre Dubé vante sa réforme (qui emprunte au Lean sans le revendiquer) et demande aux médecins d'être plus « performants », allons-nous rejouer dans le même film ? Bienvenue dans la société de performance !

L'essai Devenir Lean - Quand la gestion transforme la santé, de l'anthropologue Dani Tardif, paraîtra en librairie le 20 août prochain.

À propos du livre

En 2011, le système de santé du Québec a été chamboulé par l'instauration d'un plan national visant à le réorganiser selon la philosophie du Lean Management, une méthode de gestion inspirée par Toyota. « Le Lean est la solution aux problèmes de performance dans le réseau de la santé », affirmait l'ex-ministre de la Santé du Québec, Yves Bolduc. Selon lui, ce changement allait permettre de gagner 30 % de productivité et d'efficience en diminuant la bureaucratie et en éliminant les tâches et délais inutiles. Quatorze ans plus tard, où en sommes-nous ?

À l'heure où le ministre Dubé vante sa nouvelle réforme (qui emprunte au Lean sans le revendiquer officiellement) et demande aux médecins d'être plus performants, Dani Tardif nous propose un tout autre récit de la transformation culturelle ayant eu lieu dans certains établissements du réseau de la santé. Se butant aux limites de la condition humaine, le Lean Management, cet ethos de l'amélioration continue, a entraîné des conséquences individuelles et collectives tragiques, sans atteindre ses objectifs.

Au-delà de l'étude de cas, l'anthropologue démontre également que cette méthode de gestion a participé à créer une nouvelle culture dont l'intention n'est plus seulement d'appliquer le Lean dans la sphère du travail, mais de devenir Lean au quotidien. En effet, si le modèle capitaliste nous demande de toujours faire plus en réinvestissant le capital dans une quête perpétuelle de plus-value, le Lean nous demande de toujours faire mieux : « Je m'inquiète lorsque le Kaizen et l'amélioration continue se transforment en philosophie de vie. Quelle détresse infinie lorsqu'on se rend compte qu'il est impossible que notre "moi" devienne toujours de plus en plus performant ! » Elle révèle ainsi un des rouages de la proverbiale société de performance.

Disséminée par ses disciples depuis des années, l'utopie managériale du Lean est dorénavant invisible parce qu'implantée un peu partout dans les secteurs public et privé. Produisant une transformation culturelle qui déborde du monde du travail, elle participe à la managérialisation de la société. Et vous, êtes-vous devenus Lean ?

À propos de l'auteurice

Détentrice d'une maîtrise en anthropologie sociale et culturelle de l'Université Concordia et d'un certificat en création littéraire de l'Université du Québec à Montréal, Dani Tardif est un·e artiste multidisciplinaire queer et non binaire.

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Quand ton corps devient le seul moyen de protestation

9 septembre, par Kaveh Boveiri — , ,
Kaveh Boveiri La personne dans la photo s'appelle Stéphane Chalmeau. Il était candidat au doctorat et chargé de cours. « J'ai arrêté mon doctorat, parce que je (…)

Kaveh Boveiri

La personne dans la photo s'appelle Stéphane Chalmeau.
Il était candidat au doctorat et chargé de cours.

« J'ai arrêté mon doctorat, parce que je voulais quitter l'académie ». Il quitte ainsi une vie financièrement prometteuse et choisit une autre piste.

Depuis le 8 août, il met sa possession la plus précieuse comme le seul moyen efficace de la protestation contre le génocide actuel à Gaza. « Deux premiers jours, j'ai été en grève de la faim et de la soif. Dès aujourd'hui, je suis en grève de la faim ». Il reste pendant cette période en face de La Place des Fleurs-de-Macadam sur la rue Mont-Royal.
Je lui demande sa permission pour que nous prenions une photo. « Avec plaisir ! », il nous dit modestement. « Tu viens me joindre dans la photo ? » il me demande amicalement. « Non ! Cette détermination unique, c'est tout le tien », je lui réponds.

En faisant du vélo quelques minutes plus tard, je m'entends dire à mon amie photographe : « Si je n'avais pas de reflux… ». Je me trouve hyper-égoïste, en essayant de trouver une justification pour être inactif.
Pour certains camarades d'entre nous qui cherchent un cas exemplaire de la solidarité absolue, le cas de Stéphane est une illustration impeccable. Sa décision est d'arrêter sa grève après 4 jours. Le moment où tu lis ce texte, il a fort probablement arrêté sa grève — pas son message.

P.S. Stéphane arrête sa grève de la faim le lundi 11 août à 21 h 10. Il y a sur une petite boite renversée, qui joue le rôle de sa table, deux boites de bluets et une boite de pêches. Dans sa main, il a un melon d'eau. Il le regarde comme s'il est une nourriture céleste, le coupe soigneusement et invite sept personnes autour de lui à manger avec lui.

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Le sanglot de l’homme blanc

9 septembre, par Jean-François Delisle — , ,
C'est la formule qui me vient à l'esprit lorsque je réfléchis sur le refus de la Ville de Québec de permettre l'étude d'ossements découverts sur la rue Saint-Anselme dans le (…)

C'est la formule qui me vient à l'esprit lorsque je réfléchis sur le refus de la Ville de Québec de permettre l'étude d'ossements découverts sur la rue Saint-Anselme dans le quartier Saint-Roch et qui remonteraient à la bataille des Hauteurs d'Abraham. Ces ossements contiendraient des restes de guerriers hurons, alliés des Franco-Canadiens contre les Britanniques. Cette expression vient de Pascal Bruckner dont l'essai portant ce titre a été publié en 1983. Pour résumer sommairement le contenu du livre, l'auteur y pointe la culpabilité et la haine de soi qui inhiberaient depuis un bon bout de temps beaucoup d'Occidentaux par rapport aux sociétés de ce qu'on appelle le Tiers-Monde. Je ne l'ai pas lu, mais des résumés. Il me semble s'appliquer fort bien au cas du veto opposé par l'administration municipale de la Vieille Capitale à l'étude scientifique de ces ossements dont la provenance est assez incertaine. Il fait suite à l'opposition du chef des Hurons de la réserve de Wendake Pierre Picard, située dans la banlieue nord de Québec à tout examen scientifique de ces restes au nom du respect des croyances indiennes, perçu comme une intrusion susceptible de troubler l'esprit des ancêtres.

Depuis déjà plusieurs années, une tendance se confirme en archéologie, préhistoire et paléontologie : dans les cas de découverte d'ossements anciens, qu'ils soient trouvés sur le territoire d'une collectivité autochtone ou même loin de celui-ci, devant les réticences « d'intégristes » appartenant à cette collectivité qui tiennent à éviter toute étude scientifique de ces restes au nom du respect de leurs croyances, les autorités « blanches » ont tendance à céder, donc à renoncer à une approche rationnelle et historique en matière de recherche archéologique.

Pourtant, l'identité des restes de la rue Saint-Anselme est incertaine. On présume qu'ils proviennent de participants autochtones et « blancs » à la bataille de 1759. Si la Ville ne revient pas sur sa décision (sans doute adoptée pour éviter l'accusation de racisme à l'endroit des Hurons), elle demeurera mystérieuse. La science y perdra beaucoup. Les croyances traditionnelles huronnes sont tout à fait légitimes et respectables, mais doit-on pour autant renoncer à l'étude des squelettes afin de ne pas heurter les convictions religieuses d'un groupe de citoyens et de citoyennes, ou du moins d'une partie d'entre eux ?

On doit rappeler que les Hurons de Wendake ne peuvent prétendre au droit de premiers occupants de l'endroit où ils vivent. En effet, leurs ancêtres y sont arrivés en provenance de la baie Georgienne (le long du lac Huron en Ontario) en 1648-1649, fuyant les Iroquois avec lesquels ils étaient en guerre, vu qu'ils avaient forgé une alliance avec les Français. On dispose d'archives le prouvant. Il faut souligner aussi que les guerriers hurons n'étaient pas les seuls auxiliaires autochtones présents à Québec durant le siège de 1759. Le réseau des alliances indiennes mis sur pied par les Franco-Canadiens s'étendait loin sur le continent. Des guerriers de nations habitant ce qui est aujourd'hui le Midwest américain épaulaient l'armée française, pas seulement des Hurons. J'ignore s'il existe des réserves dans cette région et si oui, ce que penseraient les descendants des auxiliaires présents à Québec en 1759 de la démarche de monsieur Picard de refuser l'examen des ossements de la rue Saint-Anselme. La question se pose. Et les compatriotes de monsieur Picard sont-ils tous d'accord avec lui ? Il y a beaucoup d'incertitudes dans cette histoire.

Une mauvaise conscience taraude de nos jours plusieurs Blancs quant au traitement qu'ont subi les Amérindiens en Amérique du Nord. Ils ont été, comme on sait, les grandes victimes de la colonisation britannique, puis américaine et dans une moindre mesure. française. Les Premières Nations sont aujourd'hui enclavées dans des réserves où elles bénéficient quand même d'une certaine autonomie. C'est facile de laisser éclater le sanglot de l'homme blanc lorsque l'autre est vaincu et dépouillé de son territoire...

On peut penser par exemple, à un exemple représentatif qui illustre ce sentiment de culpabilité : le film (très émouvant au demeurant) « Danse avec les loups » » de Kevin Costner sorti en 1990. Le contraste est frappant avec le passé, où on présentait dans les livres d'histoire, les romans, à la télévision et au cinéma les Amérindiens comme des barbares sanguinaires et primitifs. Les mouvements indianistes ont profité de ce sentiment de honte pour réhabiliter leurs ancêtres, à juste titre. Certains militants ont même rejeté le christianisme enseigné autrefois par les missionnaires pour renouer avec la religion ancestrale, du moins ce qui en subsiste. Tout ce processus intellectuel et politique s'est édifié pour l'essentiel sur la notion de respect des croyances traditionnelles propres aux peuples amérindiens.

On comprend ce mouvement de « retour aux sources » religieuses dont la légitimité ne peut être remise en cause. Mais il est permis de se demander s'il ne va pas trop loin dans certains cas en bloquant toute étude scientifique de squelettes et d'objets anciens. Dans le cas de la rue Saint-Anselme, celle-ci se trouve loin du territoire de la réserve de Wendake et on ignore la « nationalité » des gens dont on a retrouvé les restes. Seule une étude détaillée et rigoureuse permettrait d'y voir clair. L'opposition de Pierre Picard et de ses adjoints, de même que la reculade de la Ville privent l'ensemble des Québécois et des Québécoises d'informations importantes sur le déroulement d'un épisode capital de leur histoire. En étudiant minutieusement les ossements mis au jour, on récolterait ainsi de précieux renseignements sur le mode de vie de ces gens, leur régime alimentaire, leur état de santé, les circonstances précises de leur mort, etc.

Si une telle reculade s'est produite à Québec, elle peut aussi bien avoir lieu ailleurs. Par exemple, en cas de découverte de squelettes amérindiens à Saint-Constant ou à Longueuil, céderait-on à l'opposition prévisible des Mohawks de Kahnawake afin de ne pas blesser leur « sensibilité culturelle » ?

Devrait-on en définitive renoncer à l'étude des traces matérielles de l'histoire amérindienne du Québec (et d'ailleurs au Canada) au nom du respect de convictions religieuses autochtones dont on n'est même pas certains qu'elles font encore l'unanimité chez ces gens ? Après tout, on n'est plus dans la période coloniale et leurs sociétés ont évolué, tout comme la nôtre. Cette capitulation entraînerait alors un sérieux recul des connaissances scientifiques sur le passé.
Ces dernières et le respect des cultures autochtones ne se contredisent pas, mais se complètent plutôt. Bien connaître son histoire constitue l'occasion pour une collectivité de mieux se comprendre elle-même et aussi, surtout peut-être, de mieux s'entendre avec ses voisines.

Si certaines croyances autochtones et autres peuvent sembler loufoques à des esprits critiques, il faut aussi admettre que la science n'a pas réponse à tout, et surtout pas au destin ultime de l'homme. À mesure qu'elle progresse, on s'aperçoit (en fait, les scientifiques le savent depuis longtemps) que toujours plus de choses demeurent à découvrir et que des connaissances qu'on tenait pour acquises doivent être modifiées, ou même parfois abandonnées. La science n'est pas un absolu, les scientifiques en ont conscience depuis longtemps (du moins les plus lucides d'entre eux), mais un phénomène culturel ; tout comme la religion mais avec le souci de comprendre rationnellement l'homme et l'Univers aussi objectivement que possible.

Jean-François Delisle

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Comptes rendus de lecture du mardi 9 septembre 2025

9 septembre, par Bruno Marquis — , ,
Pour une gauche à gauche Pierre Dubuc Pierre Dubuc est directeur et rédacteur en chef de l'aut'journal, un mensuel progressiste et indépendantiste que j'apprécie beaucoup. (…)

Pour une gauche à gauche
Pierre Dubuc

Pierre Dubuc est directeur et rédacteur en chef de l'aut'journal, un mensuel progressiste et indépendantiste que j'apprécie beaucoup. Sa pensée politique et sociale vaut d'être connue. Dans « Pour une gauche à gauche », publié en 2011, mais qui se révèle toujours éclairant à la lumière des événement en cours, Pierre Dubuc y critique les propositions sociales et linguistiques de Jean-François Lisée comme conseiller des chefs du Parti Québécois, essayiste, analyste et blogueur. L'auteur nous y explique qu'au cours des dernières années, Lisée a popularisé le concept de « gauche efficace », inventé par son mentor François Legault. Au programme de cette « gauche efficace » explique-t-il, on trouve la privatisation partielle d'Hydro-Québec, le remplacement des taxes progressives, la paie au mérite pour les enseignants, la transformation d'organisations syndicales du secteur public en coopératives de production et une réécriture majeure de notre politique linguistique au détriment du français comme langue officielle et commune.

Extrait :

Quand Mme Marois a pris la direction du Parti Québécois, elle a déclaré qu'elle voulait « renouveler la social-démocratie » et, pour bien signaler à quelle enseigne elle logeait, elle a déclaré qu' « il fallait créer la richesse, avant de la partager ». L'expression est en effet connue. Elle a été la bannière du « New Labour » de Tony Blair. Puis, plus tard, pour être sûre d'être bien comprise sur le sens de la démarche, la chef du Parti Québécois a précisé qu,elle faisait référence à « l'enrichissement individuel » des Québécois. En réplique À cette dernière déclaration, le SPQ Libre a fait paraître dans Le Devoir un texte intitulé « S'enrichir durablement, c'est s'enrichir collectivement ». La publication de ce texte a valu au SPQ Libre d'être expulsé du Parti Québécois.

Le monde qui pourrait être
Bertrand Russell
Traduit de l'anglais

Bertrand Russell est l'un des grands intellectuels du siècle dernier. Ce livre au titre plein de regrets et d'espoir m'a vraiment beaucoup plu. Russell y dresse l'historique des premières doctrines socialistes et anarchistes. Il nous y livre aussi sa pensée sur les grandes questions de société que sont le travail, les salaires, le syndicalisme, la liberté et ses limites inévitables, les relations internationales, les sciences et les arts. Un livre éclairant qui nous permet encore aujourd'hui de garder l'espoir d'un avenir meilleur.

Extrait :

L'anarchiste, aux yeux de l'homme de la rue, est un personnage qui jette des bombes et commet toutes sortes de crimes, soit parce qu'il est plus ou moins fou, soit parce qu'il dissimule sous le couvert d'opinions politiques extrêmes ses tendances criminelles. Il est évident que cette image est à tout point de vue insuffisante. Il y a des anarchistes qui croient à la vertu des bombes, mais nombreux sont ceux qui n'y croient point. On peut trouver des hommes de toutes nuances d'opinion qui sont pour la projection de bombes si l'occasion est appropriée : par exemple, les hommes qui lancèrent la bombe à Sarajevo, origine de la guerre actuelle, n'étaient pas des anarchistes mais des nationalistes. Ces anarchistes, partisans des machines infernales, ne sont pas différents en ce domaine du reste de leurs concitoyens, exception faite de cette infime minorité qui adopte l'attitude tolstoïenne de la non-violence. Les anarchistes, tout comme les socialistes, admettent en général la théorie de la lutte des classes, et s'ils se servent de bombes, c'est dans le même esprit que le gouvernement qui utilise les siennes à des fins guerrières : mais pour chaque bombe fabriquée par un anarchiste les gouvernements en fabriquent des millions, et pour chaque homme tué par la violence anarchiste, des millions sont tués par la violence des États. Nous pouvons donc écarter de notre réflexion cette question de la violence, qui prend une si grande importance dans l'imagination populaire, puisqu'elle n'est ni essentielle ni particulière à ceux qui font profession d'anarchisme.

Déraison
Horacio Castellanos Moya
Traduit de l'espagnol

Un journaliste plutôt paranoïaque se retrouve au Guatemala après avoir insulté le président de son pays. Il s'y voit charger de réviser les mille cent feuillets d'un rapport sur le génocide perpétré par l'armée contre les Indiens. C'est un travail accablant, qui va tranquillement beaucoup l'affecter psychologiquement. Le roman est écrit dans un style vivant, souvent drôle, mais toujours très réaliste, qui nous ramène historiquement en arrière, depuis le renversement du gouvernement progressiste de Jacobo Árbenz Guzmán par le gouvernement américain et la mise en place et le maintien par ce dernier des dures et cruelles dictatures qui procéderont pendant plusieurs décennies à des tueries de masse et au génocide des Indiens. Une belle découverte !

Extrait :

En effet, dans mon courrier se trouvait un message du compadre Toto, que j'ai tout de suite ouvert avec mon plus bel enthousiasme, et qui n'était pas une lettre mais plutôt une sorte de télégramme qui disait : « Hier à midi monseigneur a présenté le rapport dans la cathédrale avec tambours et trompettes ; on l'a assassiné pendant la nuit dans la maison paroissiale, on lui a bousillé la tête avec une brique. Tout le monde se chie dessus. Dis merci d'être parti ».

Le coup de lune
Georges Simenon

Un autre très bon roman de Georges Simenon. Il se déroule avec réalisme à Libreville, au Gabon, dans l'entre-deux-guerres. Il constitue de ce fait, sans que ce soit le sujet du livre, un témoignage et une remarquable critique du colonialisme. Un jeune homme, Joseph Timar, poussé par son puissant oncle, est nommé dans une concession de bois dans la grande forêt du Gabon, alors colonie française. Il s'installe à l'Hôtel Central dans la ville encore peu peuplée. Rien n'est comme il l'avait prévu. Puis survient le drame…

Extrait :

L'entretien dura un quart d'heure. On ne dit pas un mot du nègre tué, ni de l'enquête. Une fois de plus, avant le déjeuner, Timar avait la tête alourdie par l'alcool et il trouva cet état agréable, car ses pensées avaient un flottement qui rendait insensibles les angles désagréables.

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APPEL : L’Ukraine doit recevoir tout ce dont elle a besoin pour obtenir une paix juste !

9 septembre, par Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (RESU/ENSU) — , , , , ,
Adressé à la Commission européenne et aux gouvernements des États membres de l'Union européenne, de Norvège et du Royaume-Uni Le problème Après les « sommets » du président (…)

Adressé à la Commission européenne et aux gouvernements des États membres de l'Union européenne, de Norvège et du Royaume-Uni

Le problème

Après les « sommets » du président américain Trump avec Poutine (15 août) et les dirigeants européens (18 août), l'Ukraine est confrontée à la perspective effrayante d'un accord de « paix » injuste qui récompense l'agresseur russe.

S'il est imposé à l'Ukraine, cet accord légitimera :

  • L'occupation violente par la Russie d'un cinquième du territoire ukrainien et le transfert à la Russie de territoires et de populations actuellement sous administration ukrainienne
  • La destruction des villes, des écoles, des hôpitaux, des infrastructures, de l'environnement et du patrimoine de l'Ukraine
  • Le meurtre de dizaines de milliers de citoyens ukrainiens et l'enlèvement de milliers d'enfants ukrainiens, et
  • La russification génocidaire des territoires occupés, ainsi qu'une multitude d'autres crimes de guerre.

Cela fera également peser la responsabilité de mettre fin à la guerre non pas sur l'agresseur, la Russie, mais sur l'Ukraine, sa victime, alors même que le régime de Poutine intensifie ses bombardements sur les villes et les infrastructures ukrainiennes.

Nous, soussignés, appelons donc l'Union européenne, les gouvernements de ses États membres et du Royaume-Uni à apporter un soutien total et inconditionnel à l'Ukraine en prenant immédiatement les mesures suivantes :

  • Armement complet et rapide de l'Ukraine, en partie grâce à l'interdiction d'armer les États agresseurs tels qu'Israël et l'Arabie saoudite.
  • Aide à l'Ukraine pour développer sa propre industrie de défense et trouver des fournisseurs fiables, autres que les États-Unis, pour les équipements qu'elle ne peut toujours pas fabriquer.
  • Annuler (et pas seulement suspendre) le remboursement de la dette extérieure de l'État ukrainien.
  • Transférer les avoirs russes gelés à l'Ukraine.
  • Renforcer les sanctions contre le régime de Poutine et les oligarques qui le soutiennent, en particulier dans les secteurs bancaire et immobilier.
  • Raccourcir le calendrier de l'Union européenne pour éliminer sa dépendance à l'égard des exportations de combustibles fossiles russes et imposer des sanctions sévères aux entreprises qui participent à ce commerce.
  • Renforcer les efforts européens et mondiaux pour le retour en toute sécurité de tous les enfants ukrainiens kidnappés, pour la libération et le retour en toute sécurité de tous les prisonniers civils ukrainiens et pour l'échange des prisonniers de guerre.
  • Poursuivre rigoureusement les crimes de guerre russes.
  • Soutenir les mouvements anti-guerre russes et les militants anti-guerre emprisonnés en Fédération de Russie et dans les territoires occupés.

PRINCIPAUX SIGNATAIRES

Tanya Vyhovsky, sénatrice du Parti progressiste du Vermont, Sénat de l'État du Vermont (États-Unis)
Christopher Ford, secrétaire, Campagne de solidarité avec l'Ukraine (Angleterre et Pays de Galles)
Peter Cooper, secrétaire, Campagne de solidarité avec l'Ukraine Écosse
Julie Ward, ancienne députée européenne, Parti travailliste (Royaume-Uni)
Graham Campbell, conseiller municipal de Glasgow pour le Parti national écossais (Écosse)
Simon Pirani, professeur honoraire, Université de Durham (Royaume-Uni)
Bernard Dreano, président du Centre d'études et d'initiatives de solidarité internationale (France)
Carmen Claudin, chercheuse senior, Institut des affaires internationales de Barcelone (Espagne)
Szymon Martys, coordinateur par intérim, Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (Pologne)
Alfons Bech, coordinateur syndical, Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (Espagne)
Howie Hawkins, Réseau de solidarité avec l'Ukraine (États-Unis)
Sacha Ismail, responsable des relations syndicales, Campagne de solidarité avec l'Ukraine (Angleterre et Pays de Galles)
Maryann Abbs, militante pour la solidarité avec l'Ukraine et la justice climatique (Canada)
Serhiy Kasianov, membre du conseil d'administration, Organisation des anciens élèves de Harvard Aerospace and Defense, Association professionnelle du gouvernement ukrainien
Dr James Doughney, professeur émérite, Université Victoria, Melbourne (Australie)
Thomas Weyts, coordinateur, Comité belge du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine
David Acosta Guillerm, conseiller municipal, Gràcia, Barcelone, pour Barcelona en Comú (Espagne)
Oksana Kozlova, maître de conférences, École de traduction et d'interprétation, Université libre de Bruxelles, Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (Belgique)
John Andersson, coordinateur, Ukraine-Solidarity (Suède)
John Meehan, coordinateur, Gauche irlandais avec l'Ukraine
Serhiy Onyshchenko, père, Ukrainien, ingénieur chez Exalate (Belgique)
Carme Sansa Albert, acteur catalan (Espagne)
Frank Fourneau, Fonds de soutien à l'Ukraine et Heart4Ukraine (Belgique)
Daniel Tanuro, écrivain écosocialiste et membre de la Quatrième Internationale (Belgique)
Christian Zeller, professeur de géographie économique, rédacteur en chef, emanzipation - Zeitschrift für ökosozialistische Strategie (Autriche).
Gauche anticapitaliste / SAP-Antikapitalisten (Belgique)
Nouveau Parti Anticapitaliste (France)

Voir cette déclaration du RESU sur les négociations de « paix ».

Pour une déclaration complète de notre position sur l'invasion russe de l'Ukraine et sur la manière d'y faire face, voir la Déclaration de Bruxelles.

PETITION lancée par le Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (ENSU).

Signaler une violation des politiques
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European Network for Solidarity with Ukraine Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine
Lanceur de pétition

Network of national groups building solidarity with the Ukrainian people in their struggle against invasion by the Putin regime of the Russian Federation

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Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)

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Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.

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