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Grand dossier Élections fédérales : Quel avenir pour les travailleuses et travailleurs ?

18 mars, par Fédération des Travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ) — , ,
La victoire de Donald Trump chez nos voisins du Sud résonne jusque chez nous. En plus de craindre l'imposition de mesures économiques inquiétantes et la détérioration du filet (…)

La victoire de Donald Trump chez nos voisins du Sud résonne jusque chez nous. En plus de craindre l'imposition de mesures économiques inquiétantes et la détérioration du filet social américain, il faut craindre un effet miroir ici, au Canada et au Québec. La droite conservatrice canadienne s'active, reprenant le langage et les slogans creux, imitant la violence et les mensonges de la campagne électorale républicaine. Alors que des élections fédérales peuvent être déclenchées à tout moment, la FTQ publie dans cette édition du Monde ouvrier un cahier spécial présentant le vrai visage de la droite conservatrice de Pierre Poilievre. Un outil pratique pour informer nos militantes et militants afin de bien cerner le personnage et sa vision ou son absence de vision.

Tiré du journal de la FTQ, LE MONDE OUVRIER N° 149 • HIVER 2025

Une élection déterminante

L'accord fragile entre le gouvernement libéral et le Nouveau Parti démocratique (NPD) permettait à Justin Trudeau de se maintenir au pouvoir. En le déchirant, en septembre dernier, Jagmeet Singh a déclenché le compte à rebours vers une élection générale cruciale pour l'avenir du Canada.

Les sondages pointent vers une victoire écrasante du Parti conservateur de Pierre Poilievre, malgré sa vision prônant l'austérité, avec des coupes dans les services publics, l'assurance-emploi, l'allocation pour enfants, les soins dentaires, l'assurance médicaments et menaçant le droit à l'avortement. Les provinces, à l'exception du Québec, semblent prêtes à céder à cette vague conservatrice, portées par un désir brûlant de changement. Le gouvernement libéral est en chute libre dans les sondages, et l'électorat regarde de l'autre côté de la clôture alors que l'herbe semble plus verte.

Pierre Poilievre a réussi à récupérer la frustration de la classe moyenne et à imposer les conservateurs comme solution face à l'usure du pouvoir du gouvernement Trudeau. Derrière un charisme forgé à coups de formules chocs et d'efforts pour se rapprocher du « vrai monde », il cache une vision du Canada qui inquiète. Son projet politique, antisyndical, antisocial et discriminatoire envers les minorités, doit être dévoilé.

Le mouvement syndical doit envoyer un message clair face à une vision qui ne correspond ni à ses valeurs ni à ses priorités et encore moins aux intérêts des travailleuses et travailleurs.

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Des alliances douteuses

Pour se hisser à la chefferie conservatrice, Pierre Poilievre n'a jamais hésité à élargir sa base d'appuis auprès de groupes aux convictions inquiétantes. Si le chef est issu de la droite économique (dédiée au libre marché et à la réduction de l'État), il doit composer avec la frange morale et religieuse (valeurs traditionnelles, conservatisme social, opposée aux droits des minorités sexuelles ou culturelles, ainsi qu'à l'avortement) qui compose son parti, assure son financement, et avec laquelle il partage des valeurs. L'appui au Convoi de la liberté lui a permis de tisser des liens avec des conspirationnistes, antivaccins, suprémacistes et autres groupes d'extrême droite, souvent hostiles aux institutions et à toute intervention de l'État. On voit fréquemment des députées et députés conservateurs s'afficher avec des membres des groupes antiavortement, homophobes ou transphobes, misogynes ou masculinistes, sous l'œil permissif de Pierre Poilievre, qui fait mine de ne rien voir. Certains d'entre eux ont même rencontré un parti allemand d'extrême droite.

La coalition de ces différents groupes influents que semble devenir le Parti conservateur pose question. Quelles priorités sociales animeraient un gouvernement Poilievre, et comment compte-t-il satisfaire les attentes de ces groupes qui ont une conception marginale de l'ordre moral et du rôle des institutions politiques ?

Une fausse idée de la liberté

Le chef conservateur dit qu'il fera du Canada le pays le plus libre du monde, mais cette formule accrocheuse masque une vision réductrice de la liberté, fondée uniquement sur les libertés individuelles et dépouillée des protections sociales et collectives. Dans cette vision conservatrice, il n'y a que le libre marché qui importe. On réduit l'importance du rôle de l'État, des lois du travail, des programmes sociaux et des mécanismes de redistribution de la richesse. Quand règne la loi de la jungle, ce sont les plus forts, c'est-à- dire les plus riches, qui accumulent richesses et privilèges alors que le reste de la population en paie le prix.

Le flou dans la bergerie

Pierre Poilievre entretient malicieusement un voile de mystère autour de ses positions. Ses attaques à l'endroit de ses adversaires cachent l'absence de propositions concrètes.

À l'image de Donald Trump, il privilégie la « politique spectacle » au Canada. Il joue sur le ras-le-bol du « vrai monde ». Ce populisme semble séduire une part importante de l'électorat. Il joue la méfiance envers l'élite internationale, il se prend en photo avec des ouvrières et ouvriers d'usine et se dit à la défense des gens ordinaires face à l'inflation, la crise du logement et les multinationales. En soutenant le Convoi de la liberté ou les provinces qui remettent en question la « théorie du genre » dans les écoles, le « candidat antiwoke » met plutôt l'accent sur les valeurs morales et identitaires, faisant appel aux émotions bien plus qu'à la raison. Ce style à la Trump peut permettre de remporter une élection, mais une fois au pouvoir, un leader doit gouverner dans l'intérêt de tout le monde.

Ses valeurs profondes et sa conception du monde sont connues, mais quelles sont ses intentions politiques ? La population mérite pourtant la transparence et la franchise de la part de celui qui aspire à la diriger.

Profession : politicien

Pierre Poilievre devient député à seulement 25 ans en 2004. Il obtient alors un salaire de 141 000 $, ainsi qu'une allocation complémentaire de 24 500 $ par an. Ironiquement, celui qui avait proposé de limiter les parlementaires à deux mandats pour éviter que la politique ne devienne une carrière à vie a célébré l'été dernier ses 20 ans au Parlement canadien.

Pierre Poilievre n'a jamais partagé les réalités quotidiennes des travailleuses et travailleurs qui peinent à joindre les deux bouts et qui doivent faire des sacrifices. Et surtout, on ne l'a jamais vu sur un piquet de grève ni en soutien concret aux revendications des syndicats. Son passage au Parlement reste marqué par une défense des multinationales et des intérêts privés, loin des préoccupations du monde ordinaire.

Un marketing électoral

Les médias d'information traditionnels vivent des moments difficiles, particulièrement depuis qu'Internet permet à chaque personne de trouver des sources qui confirment ses opinions. Plusieurs politiciennes et politiciens, estimant ne plus dépendre des journalistes pour livrer leur message, tournent le dos, évitent ou ridiculisent leur travail.

Le chef conservateur s'inscrit dans cette mouvance. Il contrôle son message, avec des slogans, des clips chocs et des rassemblements calculés, tout en évitant de répondre aux questions des médias parlementaires. Pierre Poilievre mise sur les réseaux sociaux pour livrer des messages taillés sur mesure pour chaque segment de sa base. Par exemple, les chasseuses et chasseurs reçoivent des messages sur le droit aux armes à feu. Chaque personne voit ce qui résonne avec ses valeurs, sans avoir accès à l'ensemble du projet conservateur. Ce n'est pas de l'information, c'est du marketing.

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Le mouvement syndical aux aguets

Entre 2011 et 2012, le gouvernement Harper dont faisait partie Pierre Poilievre est intervenu à cinq reprises pour mettre un terme à des négociations, forcer un retour au travail ou imposer une offre finale chez Postes Canada, Air Canada et Canadien Pacifique.

Il a également imposé une loi (C-525) pour faciliter la désyndicalisation des personnes employées dans des entreprises de compétence fédérale et rendre la syndicalisation plus difficile en remplaçant l'accréditation par carte par un système à deux paliers avec vote secret, permettant aux entreprises comme Walmart et Amazon de s'immiscer dans les campagnes de syndicalisation, dénigrant les syndicats et même congédiant les personnes qui militent pour les droits des travailleuses et travailleurs.

En 2013, le même gouvernement fait adopter une mesure pour éliminer le crédit d'impôt fédéral de 15 % des fonds de travailleurs. La FTQ avait alors vivement dénoncé cette décision qui venait nuire aux personnes épargnantes à revenu modeste.

Pierre Poilievre a promis qu'il n'adopterait pas de politiques antisyndicales s'il devenait premier ministre et que cet engagement sera écrit dans sa plateforme électorale. Il fait mine de croire aux organisations ouvrières tandis qu'il soutenait les réformes antisyndicales de Stephen Harper. Semble- t-il que ses visites dans les milieux de travail lui auraient permis de faire évoluer sa pensée et de devenir prosyndical. Est-ce que les syndicats, leurs pratiques et leurs positions ont changé à ce point en l'espace de quelques années ? Non !

Comment expliquer cette reconversion soudaine ? Dans tous les cas, la FTQ le prend au mot concernant l'absence de projet de loi antisyndical. S'il est élu, la FTQ surveillera de près les actions de son gouvernement en lui rappelant ses engagements et ses paroles.

L'ombre du Right-to-work

En 2012, Pierre Poilievre était un fervent défenseur du Right-to-work, un principe qui interdit de forcer une personne qui fait partie d'une unité d'accréditation à devenir membre du syndicat et à payer la cotisation syndicale. Elle doit cependant bénéficier de tous les avantages de la convention collective. Le syndicat peut être poursuivi s'il est soupçonné de ne pas représenter équitablement toutes les personnes salariées de l'unité, que ces dernières paient ou non leur cotisation.

Les dangers des lois de type Right-to-work

Les syndicats ont moins de moyens pour jouer adéquatement leur rôle, soit de négocier des conventions, de défendre les personnes salariées, d'informer, de former, de soutenir les grévistes, etc.

Les lois Right-to-work affaiblissent la solidarité en permettant deux classes de personnes salariées dans la même unité d'accréditation : celles qui paient et celles qui ne paient pas.

Avec des revenus moindres, les ressources qui peuvent être consacrées à la syndicalisation de nouvelles personnes membres sont tout aussi réduites. On se retrouve avec un mouvement syndical de plus en plus faible.

Plusieurs études réalisées aux États-Unis avancent que les salaires dans les États Right- to-work sont de 3,1 % inférieurs à ceux des autres États.

Les États américains Right-to-work attirent surtout des entreprises qui veulent payer de bas salaires. Elles ne permettent pas, comme le prétendent leurs défenseurs, de créer plus d'emplois.

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UN PROJET DE SOCIÉTÉ DANGEREUX

Poilievre, complice silencieux des attaques contre les droits des femmes

Se déclarant pro-choix, Pierre Poilievre a affirmé qu'un gouvernement conservateur ne déposerait pas de projet de loi antiavortement. Il ajoute cependant qu'il permettrait à ses députées et députés de déposer un projet de loi privé sur le sujet et n'imposerait pas la ligne de parti à ce sujet. Rappelons que lors de sa course à la chefferie, il comptait parmi ses soutiens 32 personnes élues opposées à l'avortement. Les votes du chef conservateur des deux dernières décennies montrent qu'il a d'ailleurs appuyé cinq de ces « votes libres » au détriment des droits des femmes.

De plus, en 2022, on découvrait qu'une cinquantaine des vidéos YouTube de Pierre Poilievre contenaient le mot-clic caché, #mgtow (Men going their own way), lié à un mouvement antiféministe. Cette tactique, ses actions passées et ses alliances douteuses révèlent son appui à des forces cherchant à éroder les droits des femmes.

Les droits des minorités en danger ?

En 2005, Pierre Poilievre définit le mariage comme l'union entre un homme et une femme. Récemment, il a déclaré « que le mariage gai est un succès ». Il est surprenant de constater le nombre de fois qu'il a changé de position sur des questions de valeurs fondamentales. Certains des députés conservateurs n'hésitent d'ailleurs pas à s'opposer ouvertement au mariage gai.

Un climat en danger

Le Parti conservateur du Canada (PCC) n'a aucun plan pour atteindre les cibles d'émissions de gaz à effet de serre (GES) auxquelles le Canada s'est engagé dans les accords internationaux.

En plus d'abolir la taxe carbone, le PCC souhaite la construction de pipelines pour acheminer le pétrole de l'ouest vers l'est, et l'intensification de l'exploitation pétrolière en haute mer ou dans les sables bitumineux. Il encourage le recours à l'énergie nucléaire et la production d'énergies et de carburants alternatifs. Loin d'impliquer l'État dans l'effort général de sobriété carbonique, le PCC misera sur la volonté individuelle et l'autorégulation par le libre marché.

Vers une économie déconnectée

Malgré sa tentative de courtiser la classe moyenne, le Parti conservateur du Canada (PCC) a toujours été au service des grandes entreprises. Il a déjà émis l'idée de congédier le patron de la Banque du Canada et de lui interdire d'imprimer des billets de banque. Il propose de faire du Canada la capitale mondiale du bitcoin alors que ces mêmes entreprises sont soumises à des risques réels de volatilité selon l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Oubliez l'assurance médicaments

En octobre dernier, le projet de loi C-64 a été adopté marquant l'avancée la plus significative des dernières décennies pour la mise en place d'un régime public et universel d'assurance médicaments. Pierre Poilievre a annoncé que cette loi serait abrogée si son parti formait le gouvernement. Les conservateurs n'ont aucun plan pour réduire le prix des médicaments, qui sont parmi les plus élevés au monde.

Équilibre budgétaire ou austérité ?

On ignore tout du plan du Parti conservateur (s'il existe) pour atteindre simultanément l'équilibre budgétaire et réduire les impôts. Ou bien il n'a aucune idée de ce qu'il fait ou il ne souhaite pas dévoiler ses véritables intentions. Réduire rapidement le déficit tout en se privant de revenus ne signifie qu'une chose : un retour douloureux à l'austérité, ce qui mène à des coupes dans les programmes et services à la population. Avec pour effet d'en ralentir ou d'en réduire l'accès ou la qualité. Les programmes sociaux sont à risque, tout comme des milliers d'emplois de la fonction publique fédérale, qui jouent pourtant un rôle essentiel, notamment dans l'inspection des aliments ou la sécurité ferroviaire et aéronautique. On peut aussi s'attendre à une réduction des transferts fédéraux aux provinces pour la santé, l'éducation et le transport collectif. Quand on veut réduire les dépenses d'un budget, le « gros bon sens », c'est de faire savoir à la population où on va couper.

Pour lutter contre la crise du logement, Pierre Poilievre promet d'abolir la TPS et demande aux provinces de faire de même pour les maisons neuves de moins de 1 million de dollars, ce qui représenterait un coût de 16 milliards de dollars sur une période de quatre ans au fédéral seulement. Comment va-t-il financer ce programme ? En éliminant des programmes existants comme le Fonds canadien pour la construction de logements et le Fonds canadien pour les infrastructures (gestion des eaux, traitement des eaux usées, gestion des déchets solides, etc.), et en se privant de revenus de TPS.

Rien de concret pour améliorer le pouvoir d'achat

Selon Pierre Poilievre, oubliez la pandémie, les ruptures d'approvisionnement, les profits démesurés des entreprises, les fluctuations du prix de l'essence et la crise climatique. Si tout coûte cher, c'est uniquement la faute de Justin Trudeau. Qu'on aime ou non l'actuel premier ministre, il y a quelque chose d'irréaliste à lui attribuer autant de pouvoir. Depuis quelques mois, l'inflation semble sous contrôle de manière générale, mais le prix de certains biens et services continue d'augmenter, particulièrement pour le logement et les aliments. Pour s'attaquer à ce problème, c'est simple, les conservateurs proposent d'abolir la taxe carbone, le seul hic… la taxe carbone ne s'applique pas au Québec…

Pas de sortie de crise en habitation

Partout au pays, les logements sont de plus en plus rares et les prix ont explosé depuis la pandémie. Les solutions des conservateurs pour régler cette crise relèvent de la pensée magique ; laisser le privé construire davantage de logements avec le moins de contraintes possible. Pourtant, une sortie de crise passe inévitablement par un rôle accru de l'État pour serrer la vis aux spéculateurs, garantir le droit au logement et construire des logements sociaux. Alors que la collaboration entre les trois paliers de gouvernement apparaît essentielle, Pierre Poilievre préfère insulter la mairesse de Montréal et le maire de Québec.

Des familles moins bien soutenues

Au cours des dernières années, le gouvernement libéral a mis sur pied plusieurs programmes qui soutiennent les familles comme l'Allocation canadienne pour enfants. Ce programme a permis à des centaines de milliers de familles de se sortir de la pauvreté. Les conservateurs laissent toutefois planer le doute sur ce qu'il en adviendra une fois au pouvoir. Bien qu'imparfait, le programme national de soins dentaires permet tout de même aux familles et aux personnes aînées qui n'en avaient pas les moyens d'aller chez le dentiste. Et les conservateurs ont tout fait pour en bloquer l'adoption. En 2023, le PCC a appuyé, après des années d'opposition, un projet de loi pour un programme national de garderies. Ce tiède revirement ne change rien à la philosophie générale de ce parti où l'État doit intervenir le moins possible, même si cela vient en aide aux familles.

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Gouvernement Trudeau : un bilan en demi-teinte

L'arrivée au pouvoir du Parti libéral du Canada, en 2015, avait permis de rompre avec les politiques austères du gouvernement de Stephen Harper. Rapidement, l'abolition des lois antisyndicales, le retour de l'âge de la retraite à 65 ans, l'Allocation canadienne pour enfants, les hausses d'impôts pour les plus riches ont apporté un vent de fraîcheur.

En comparaison, le troisième mandat du gouvernement Trudeau, faute de projets concrets, laisse un goût amer d'une administration en fin de régime. Que ce soit dans la lutte contre les changements climatiques ou dans le dossier de l'immigration, la politique libérale du dernier mandat s'est avérée sinueuse et parfois contradictoire.

Heureusement, l'appui politique apporté par le NPD aura permis de déployer des politiques sociales et économiques avantageuses pour les plus vulnérables et pour la classe moyenne. Soulignons les progrès que constituent l'adoption d'une loi anti-briseurs de grève et la mise en place du Régime canadien de soins dentaires, du programme d'assurance médicaments et du programme national de garderies.
La crise du logement, le coût de la vie, les défis de la pénurie de main-d'œuvre et de l'intégration des personnes immigrantes dans les communautés, l'urgence climatique et l'électrification des transports mériteront des efforts importants de la part du prochain gouvernement. À ce chapitre, les idées novatrices et réalistes semblent manquer. Il appartient aux formations politiques d'écouter et de proposer des solutions.

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Comment faire une différence ?

Les prochains mois doivent être l'occasion d'une grande conversation sur le type de leadership et de projets que nous souhaitons pour un avenir durable, dans une société démocratique, juste et équitable.

Toute personne interpellée par cet objectif peut poser plusieurs gestes :

1. Rester vigilant Vérifier les informations, éviter les idées simplistes et s'assurer de bien comprendre avant d'appuyer toute proposition.

2. S'informer Suivre l'actualité, comprendre les plateformes et propositions de chaque formation politique, les accueillir de manière prudente et critique.

3. Discuter Dans les milieux de travail ou autour de la table familiale, échanger sur les dernières tendances, partager ses analyses et préoccupations et poursuivre une discussion constructive.

4. Diffuser Faire circuler les outils d'information, d'analyse et d'éducation recueillis, distribuer les publications syndicales, émettre son avis et accueillir le questionnement et la critique.

5. Faire connaître ses préoccupations Rédiger une lettre d'opinion, se faire entendre dans les lignes ouvertes, rencontrer ses politiciennes et politiciens locaux (députés, candidats à l'élection, porte-parole locaux des autres partis), identifier une cause qui vous tient à cœur et s'y investir.

6. S'engager syndicalement S'informer auprès de sa section locale, de son conseil régional ou de son syndicat national, créer un comité d'action politique, participer à des activités de formation ou d'échanges sur des enjeux politiques, s'équiper des outils de mobilisation politique existants, les relayer auprès de ses collègues.

7. Participer à la campagne Soutenir une formation politique, organiser des discussions avec les amis, la famille, les collègues de travail, ou des débats entre citoyens ou candidats, faire du porte-à-porte, rédiger une plateforme syndicale ou citoyenne et la faire connaître, demander à sa candidate ou son candidat local de se prononcer sur des enjeux que l'on a à cœur.

8. Voter
Prévoir de voter et encourager son entourage à en faire de même.

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Pour la FTQ, le vrai « gros bon sens », c'est… ?

Une stratégie de lutte contre la vie chère qui s'appuie sur de meilleures prestations sociales et mesures fiscales pour les personnes salariées au bas de l'échelle.

  • Une reconnaissance du droit au logement et des investissements massifs dans de nouveaux logements sociaux et communautaires.
  • Des services publics et programmes sociaux soutenus avec des fonds suffisants pour éviter le recours à la sous-traitance et assurer la prestation attendue en temps et en qualité.
  • Un programme d'assurance-emploi pour les travailleuses et travailleurs des industries saisonnières, garantissant un accès équitable aux prestations pour les personnes qui travaillent à temps partiel ou selon des horaires atypiques, et qui met fin à la discrimination des femmes prestataires du Régime québécois d'assurance parentale (RQAP) qui tombent en chômage.
  • Un Code canadien du travail qui favorise la protection des travailleuses et travailleurs.
  • Une lutte contre l'évasion et l'évitement fiscaux qui donne les moyens aux autorités fiscales d'enquêter, de poursuivre en justice et de recouvrer les sommes dues aux services et programmes sociaux destinés à la population.
  • Un plan de lutte contre les changements climatiques qui s'accélère pour atteindre les engagements internationaux du Canada quant aux cibles de carboneutralité et de réduction des émissions de GES, en réduisant la dépendance aux hydrocarbures, en misant sur l'électrification des transports et le développement des transports collectifs et qui prévoit une transition juste pour les travailleuses et travailleurs.
  • Un régime d'immigration qui offre de réelles perspectives d'accueil et de vie aux travailleuses et travailleurs, notamment en abolissant les permis fermés, évitant ainsi de les enfermer dans des conditions d'esclavage moderne, tout en permettant à la main-d'œuvre locale de répondre à ses besoins professionnels.
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La FTQ en action

Des militantes et militants mobilisés

D'ici au jour du scrutin, les membres seront appelés à soutenir le message de la centrale en animant des conversations politiques dans leurs milieux, en se joignant à des comités de mobilisation régionaux, en relayant des publications sur les médias sociaux, etc. La centrale prévoit créer des contenus, publications, formations et guides à l'intention des personnes qui souhaitent se lancer dans la mêlée pour faire bouger les intentions de vote. Pour suivre les développements de cette mobilisation : actionnetwork.org/ forms/mobilisons-nous-pour- bloquer-poilievre.

Tournée des dirigeants

Lancée le 30 octobre à l'occasion d'un conseil consultatif qui a réuni 200 militantes et militants à Laval, une tournée québécoise des dirigeants de la centrale s'échelonnera sur plusieurs semaines. La présidente, Magali Picard, et le secrétaire général, Denis Bolduc, iront à la rencontre des membres de tous les milieux pour entendre leurs préoccupations et discuter des enjeux de la prochaine élection.

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Enjeux féministes des prochaines élections fédérales

Les prochaines élections fédérales seront marquées par plusieurs enjeux féministes cruciaux. Les droits des femmes et des personnes trans, les violences genrées, l'équité salariale et l'accès aux soins de santé reproductive pour toutes figurent parmi les préoccupations majeures. 1. Équité salariale et précarité économique L'écart salarial entre les hommes et les femmes persiste, en particulier pour les femmes issues de communautés marginalisées et racisées. Les mesures pour garantir une véritable équité salariale, comme l'application stricte de la Loi sur l'équité salariale, seront des points de pression importants. Les femmes continuent également d'occuper une proportion élevée d'emplois précaires et sous- payés, exacerbant les inégalités économiques. Les candidates, candidats et les chefs de partis devront proposer des politiques concrètes qui réduisent la précarité économique. Il faudra porter attention aux positions des différents partis sur ces questions, et nous devrons exiger des chefs de partis des réponses concrètes à ces réalités et des propositions de politiques qui réduisent la précarité économique. 2. Violence fondée sur le genre La lutte contre les violences faites aux femmes reste un enjeu clé. Les propositions concernant le financement des refuges pour femmes victimes de violence et l'amélioration des services de soutien pour les survivantes auront notre attention, tout comme les mesures préventives et collectives plutôt que punitives et individuelles, question d'enrayer ces violences fondées sur le genre. 3. Accès aux soins de santé reproductive Les droits des femmes en matière de santé reproductive, notamment l'accès à l'avortement, à la contraception et aux soins menstruels gratuits, continueront d'être des questions centrales. Les féministes exigeront des engagements clairs pour garantir un accès universel et non discriminatoire aux soins. La mobilisation des électrices et électeurs sur l'équité salariale, la violence fondée sur le genre et l'accès aux soins de santé reproductive sera déterminante pour garantir que ces enjeux soient placés au cœur des débats et des programmes politiques lors des prochaines élections fédérales. n

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PIERRE POILIEVRE, L'AMI DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS L'épreuve des faits

Texte de l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS)

Pierre Poilievre se présente régulièrement comme le défenseur de la classe ouvrière face à des élites libérales déconnectées – un classique du programme populiste, stratégiquement mobilisé à droite.

Le Congrès du travail du Canada (CTC), auquel est affiliée la FTQ, a de son côté dénoncé la « fraude » aux travailleuses et travailleurs que constitue Pierre Poilievre. Ses pratiques politiques parlent pour lui.

Le chef conservateur défend-il vraiment les intérêts des travailleuses et travailleurs ?

Une analyse de la plateforme politique du Parti conservateur du Canada (PCC), adoptée en septembre 2023, illustre les risques réels que celle-ci pose pour les intérêts socioéconomiques des travailleuses et travailleurs canadiens et pour la liberté syndicale.

La compétence est partagée entre Québec et Ottawa en matière de droit du travail. Le Parlement du Canada légifère sur les relations de travail dans les secteurs d'activité qui relèvent de sa compétence, soit les banques, les entreprises de transport maritime et aérien, les entreprises de radiodiffusion et de télédiffusion comme Radio-Canada, mais aussi la plupart des sociétés d'État fédérales ainsi que les ministères et autres organismes du gouvernement fédéral.

Le PCC face aux droits du travail La plateforme politique du PCC insiste sur la protection des libertés individuelles avant tout ; cela fait craindre que les droits et libertés collectives en ressortent érodés.

Les conservateurs proposent de rendre l'adhésion syndicale facultative, remettant ainsi en question la formule Rand, qui garantit le paiement obligatoire des cotisations syndicales pour toutes les personnes salariées d'une unité de négociation. Cette mesure pourrait affaiblir les syndicats, limitant leur capacité à défendre efficacement les membres et menant potentiellement à des conditions de travail défavorables.

Le PCC insiste aussi sur « l'obligation des syndicats de […] ne pas sanctionner les travailleurs qui ne participeraient pas ». Pourtant, légalement, les travailleuses et les travailleurs sont déjà libres de participer ou non aux activités licites de leur syndicat. Cette formule mystérieuse reviendrait-elle, par exemple, à reconnaître à des travailleuses et travailleurs le droit de ne pas participer aux grèves votées ? Ou cela signifie- t-il que le PCC pourrait bloquer ou réviser la très récente loi contre les briseurs de grève ? C'est à suivre.

Sans surprise, en matière d'emploi, le PCC souhaite faciliter le cumul emploi- retraite pour les plus de 65 ans par la mise en place d'incitatifs fiscaux. Au Québec, une idée similaire a la faveur de la CAQ. Or, selon toute vraisemblance économique, cette liberté nouvelle devrait contribuer à l'appauvrissement des aînés comme cela se produit dans l'Union européenne (UE), où des législations similaires ont été adoptées. Le taux de pauvreté des personnes retraitées y est en constante hausse (de 12 % en 2014 à plus de 16 % en 2022, pour toute l'UE).

La liberté économique contre la protection sociale

Les autres propositions de Poilievre se résument à une défense classique de la liberté économique individuelle, à un soutien au secteur privé et à la libre compétition économique, et plus généralement à une réduction drastique des services publics. Le PCC s'en dit « convaincu » : « un dollar dans la main d'un citoyen canadien vaut mieux qu'un dollar dans la main d'une bureaucratie gouvernementale. […] la réduction des impôts et de l'ingérence de l'État dans l'économie se traduira par une augmentation du pouvoir d'achat des Canadiens […] ».

Les prochaines élections fédérales peuvent avoir lieu à tout moment, au plus tard en octobre 2025. « Si la tendance se maintient », Pierre Poilievre pourrait former un gouvernement majoritaire en 2025. Au regard des enjeux profonds qui traversent le monde du travail – crise environnementale, crise de sens du travail et pénuries de main- d'œuvre –, il s'agit d'un programme au mieux limité, au pire inquiétant, aligné sur la politique antisyndicale de son prédécesseur, Stephen Harper.

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PAROLE AUX JEUNES

Entre espoir et crainte Si l'on se fie aux taux de participation des dernières élections, les jeunes ont tendance à bouder les urnes. Désintérêt pour la politique ? Cynisme générationnel ? Derrière ce désengagement apparent, certains continuent à se battre.

À l'approche des élections fédérales, les jeunes sont confrontés à des choix qui auront des répercussions considérables sur leur ave- nir. Le Monde ouvrier s'est entretenu avec deux d'entre eux, Samuel et Mathilde, syndicalistes engagés, pour comprendre les enjeux qui leur tiennent à cœur. Mathilde : la jeunesse en alerte Mathilde, 23 ans, syndiquée à l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), voit les élections comme un moment crucial pour défendre les droits des minorités et des femmes. « Même depuis ma position privilégiée, j'ai peur de la droite, avec leurs politiques de plus en plus racistes et sexistes. Ça me pousse à m'impliquer ! » Pour elle, l'arrivée d'un gouvernement conserva- teur serait une menace. « Ce qu'on a vu aux États-Unis montre à quel point la droite peut avoir des conséquences rapides et dangereu ses. » Mathilde souligne égale- ment l'enjeu environne- mental : « On parle beaucoup de transition juste, mais ça reste en surface. Tout est dilué dans des engagements à long terme, parfois douteux, alors qu'on a besoin de changements maintenant. »

Samuel : le fonctionnaire en quête de reconnaissance

Samuel, 28 ans, syndiqué à l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), appré- hende avec inquiétude le résultat électoral, ayant déjà vécu sous les conservateurs. « Leurs politiques d'austérité frappent fort. Cela affecterait le quotidien de milliers de fonc- tionnaires. » Samuel souligne que les fonctionnaires sont souvent des boucs émis- saires pour les défaillances de l'État. « On nous perçoit de plus en plus comme responsables des échecs gouvernementaux, alors que notre travail, souvent fait dans l'ombre, est essentiel. » Des coupes dans la fonction publique entraîneront iné- vitablement une diminu- tion de la qualité des ser- vices publics et de l'efficacité du système.

Un retour des conserva- teurs signifierait également un coup dur pour les syndi cats. « On sait qu'ils cherche- ront à nous affaiblir, à réduire notre capacité de négociation, ce qui aura un impact direct sur nos conditions de travail », ajoute-t-il.

La droite et les hommes

Mathilde et Samuel s'en- tendent sur un point inquiétant : la montée de la droite, qui gagne du terrain parti- culièrement chez les jeunes hommes, est une réponse simpliste à des problèmes nuancés. Leur génération, en quête de stabilité, trouve dans ces discours une promesse de certitudes claires dans un monde de plus en plus incertain.Sa muel s'inqui ète également de la manière dont les jeunes hommes se laissent facilement influencer par des figures comme Poilievre : « Leur utilisation du numérique est brillante. La droite a compris l'importance d'une présence agressive en ligne, alors que la gauche traîne. On n'est pas assez présents, et on laisse le champ libre aux popu- listes qui captent facilement l'attention. » Le rôle de la FTQ dans les élections Mathilde et Samuel insistent sur l'importance d'une implication de la FTQ dans la joute politique. Ces deux syndicalistes sont convaincus que la collabo- ration entre les membres est primordiale pour améliorer les conditions de vie. « Sans les syndicats, on n'aurait jamais obtenu les avancées sociales récentes », explique Samuel. Mathilde ajoute : « Le syndicat est un contrepouvoir indispensable. Il nous donne les outils pour défendre nos droits, surtout face à des gouvernements qui cherchent à nous attaquer et à affaiblir les filets sociaux ».

Mathilde conclut sur l'intérêt de mobiliser les jeunes : « Plusieurs hésitent à s'impliquer syndicalement, souvent par peur des repré- sailles d'un employeur ou par manque d'information. La FTQ doit montrer aux jeunes qu'ils peuvent faire bouger les choses. Notre génération doit agir. C'est à travers cet engagement qu'on pourra influer sur notre avenir, tant dans le monde du travail que sur les inégalités sociales et l'environnement ». « Et, on se doit de sortir voter ! », complète Samuel.

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La contre-révolution en marche

18 mars, par Maïté Albagly, William Bourdon — , ,
La contraception a été une des principales révolutions du XX siècle. Au-delà des aspects de santé publique, elle a accéléré cette longue odyssée des femmes tendant à leur (…)

La contraception a été une des principales révolutions du XX siècle. Au-delà des aspects de santé publique, elle a accéléré cette longue odyssée des femmes tendant à leur émancipation et la disparition des mécaniques patriarcales. C'est la raison pour laquelle, depuis toujours, les régimes autoritaires dans le monde font de la lutte contre ces droits acquis une de leurs premières obsessions.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Nul doute que la contraception a été une des principales révolutions du XX siècle. Au-delà des aspects de santé publique, elle a accéléré cette longue odyssée des femmes tendant à leur émancipation et la disparition des mécaniques patriarcales. Elle a aussi entraîné des transformations sociales profondes.

C'est la raison pour laquelle, depuis toujours, les régimes autoritaires dans le monde font de la lutte contre ces droits acquis une de leurs premières obsessions. Ils veulent agir en utilisant tous les outils possibles pour réduire l'accès à la contraception et l'avortement. C'est le mépris des femmes qui est le sous-jacent de ces politiques régressives. Le paradoxe saute aux yeux. Elles sont menées alors même que ceux qui les prônent se font les promoteurs ardents d'une augmentation de la natalité, bien sûr pas des immigrés dont on redoute la submersion, mais des femmes blanches.

Or, différentes études montrent que les lois restreignant l'accès à l'avortement, si elles ont des conséquences significatives sur la natalité, celles-ci peuvent être fort éloignées des objectifs poursuivis par ces régimes.

Souvenons-nous des principales mesures prises par la première administration Trump.

Pendant son premier mandat, l'administration de Trump a pris différentes mesures qui témoignaient déjà de l'ampleur du projet conservateur :

* Dès janvier 2017, interdit le financement fédéral aux organisations internationales qui pratiquent ou promeuvent l'avortement. Cette mesure a réduit l'accès aux services de santé reproductive dans de nombreux pays en développement.

* Les juges conservateurs nommés par ses soins ont conduit à l'annulation de l'arrêt de principe protégeant l'accès à l'avortement pour les femmes américaines (Roe v. Wade en 2022)

* Différentes mesures ont été prises limitant l'accès aux cliniques pratiquant l'IVG, outre les restrictions des subventions aux centres de santé pratiquant l'IVG

* Des millions de femmes ont été privées d'un accès au programme de planification familiale « Title X », dont les financements ont été drastiquement réduits.

Conséquences des mesures :

* Les conséquences de ces mesures sont déjà funestes. Elles ont conduit à une augmentation des naissances non planifiées. La réduction de l'accès à la contraception a provoqué une hausse des grossesses non désirées. Elles ont, évidemment et mécaniquement, exacerbé les inégalités socio-économiques et ont perpétué le cycle de la pauvreté.

Depuis que l'administration Trump 2 s'est installée au pouvoir, on doit baisser les yeux sur l'aggravation de cette politique illustrée par différentes nouvelles mesures :

* C'est ainsi que le 24 janvier 2025, Trump a signé l'Executive Order 14182, intitulé « Enforcing the Hyde Amendment ». Cet ordre met fin au financement fédéral pour les avortements non thérapeutiques et révoque des décrets précédents qui élargissaient l'accès aux services de santé reproductive.

* De la même façon, la « Mexico City Policy » a été rétablie aux fins d'interdire le financement des ONG internationales qui fournissent des services liés à l'avortement, même si elles utilisent des fonds non américains. Cette mesure a conduit à une réduction significative de l'accès aux soins contraceptifs et a augmenté les risques de grossesses non désirées et de mortalité maternelle à l'échelle mondiale.

* Enfin, de façon absolument dramatique, le gel du financement de l'USAID menace la santé reproductive mondiale dans la mesure où elle provoque la fermeture de nombreuses cliniques fournissant des services essentiels, tels que les examens du cancer du col de l'utérus, le traitement du VIH et l'accès aux contraceptifs. Cette interruption des services de santé reproductive entraîne une augmentation des grossesses non désirées et des avortements non sécurisés, mettant en danger la santé et la vie de millions de femmes et de filles.

Conclusions :

Ainsi, les mesures prises par le président Trump lors de son premier mandat et avec précipitation depuis qu'il a été réélu, témoignent des effets cataclysmiques que ces mesures entraînent dans le domaine des droits sexuels et reproductifs. Les contre-pouvoirs aux Etats-Unis sont affaiblies ou disloqués et nombreux sont les sceptiques sur la capacité de l'autorité judiciaire de mettre un frein à la politique de Trump.

Ces mesures ont un biais social très marquées. Les personnes les plus touchées par les restrictions sur l'avortement et la contraception sont souvent celles à faibles revenus ou issues de minorités, car elles ont moins les moyens de voyager vers un autre État où l'avortement est légal.

Voilà un gouvernement, une administration qui affirment sa volonté que le taux de natalité augmente pour que l'Amérique soit plus grande à nouveau. Non seulement cet objectif risque d'échouer s'agissant du taux de natalité pour les femmes provenant des classes moyennes ou des classes riches, mais ne peut avoir que plus d'impact vers les catégories modestes ou pauvres et parmi lesquelles, bien sûr, beaucoup de migrants.

Cette politique machiste et totalement rétrograde manque à ses objectifs en termes de politique de natalité, aggrave les inégalités, fragilise les communautés les plus modestes.

Peu importe l'irrationalité, elle dit l'obsession pathologique des hommes pour reprendre le pouvoir sur toutes les sphères de la société.

C'est un grand mérite du mouvement féministe en France d'avoir réussi à créer un très large consensus social sur le droit à l'avortement au point d'être le premier pays au monde d'avoir rendu possible son inscription dans la Constitution avec l'appui de toutes les forces politiques y compris les plus conservatrices. Il nous faut rester mobilisés pour que ce droit soit appliqué.

Les objectifs natalistes de l'administration Trump vont être mis en échec par sa politique régressive à l'égard des femmes.

Maïté Albagly, économiste, ex-Secrétaire Générale du Planning Familial
William Bourdon, avocat

https://blogs.mediapart.fr/william-boudon-et-maite-albagly/blog/050325/la-contre-revolution-en-marche

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Canada : À l’intérieur de l’alliance croissante du Parti conservateur avec les groupes hindous de droite

18 mars, par Aniket Kali, Saima Desai — ,
Des organisations hindoues surgissent au Canada, reprenant souvent les arguments conservateurs sur la criminalité, le coût de la vie et les politiques anti-LGBTQ « Bienvenue (…)

Des organisations hindoues surgissent au Canada, reprenant souvent les arguments conservateurs sur la criminalité, le coût de la vie et les politiques anti-LGBTQ
« Bienvenue », a entonné le gourou spirituel hindou depuis une scène surélevée recouverte de tissu blanc et safran. « Et très, très bon anniversaire à vous. »
C'était en juin 2023, et Pierre Poilievre recevait un accueil chaleureux au temple Hindu Sabha à Brampton, en Ontario.

17 janvier 2025 | tiré d'Europe solidaire sans frontières
Saima Desai Aniket Kali

Le chef du Parti conservateur, portant une écharpe avec une inscription saluant les déesses hindoues, et un tilak, une marque hindoue sur le front, a été présenté à une salle comble de fidèles du temple comme « le prochain Premier ministre du Canada ».

Lorsqu'il a pris la parole, Poilievre a exposé ses propositions politiques habituelles : réduire les impôts, équilibrer le budget et alléger les réglementations sur le logement. Mais il avait également des offres spécifiquement pour les hindous du Canada.

« Quand j'irai en Inde pour rencontrer le Premier ministre indien, nous signerons un accord de libre-échange, et je pourrai signer le document en hindi », a-t-il promis sous des applaudissements nourris.

Il a promis d'accélérer les procédures de reconnaissance des titres professionnels pour les immigrants — un obstacle pour les Indiens et de nombreux autres immigrants au Canada. Et Poilievre a également exprimé sa solidarité avec les victimes de ce qu'il a décrit comme une vague de haine.

« Le nombre de crimes haineux ciblant désormais les communautés hindoues a augmenté de plus de 100 % au cours des huit dernières années », a-t-il déclaré. (C'était un peu de créativité mathématique : il y a eu deux crimes haineux motivés par l'identité hindoue signalés au Canada en 2023, et zéro au cours des sept années précédentes.)

« C'est la vie que nous menons sous Justin Trudeau », a déclaré Poilievre. « Mais la bonne nouvelle, c'est que nous allons transformer la douleur que Trudeau a causée en l'espoir dont les Canadiens ont besoin. »

Certains pourraient supposer que les partis qui ont historiquement le plus soutenu l'immigration — les Néo-démocrates et les Libéraux — obtiendraient le soutien de la plupart des immigrants.

Mais ce n'est pas le cas. Un sondage du printemps dernier a montré que le Parti conservateur domine maintenant auprès de l'un des plus grands groupes de nouveaux immigrants au Canada — les hindous. Ils bénéficient de 53 % de leur soutien, le parti suivant le plus populaire, les Libéraux, arrivant à 21 %.

Alors que le climat politique en Inde s'est déplacé vers la droite, les politiques de la diaspora hindoue ont suivi la même tendance.

Depuis une décennie, l'Inde est dirigée par le Bharatiya Janata Party (BJP), mené par le Premier ministre Narenda Modi. Le BJP a tenté d'éloigner l'Inde de son engagement historique envers la laïcité vers la suprématie hindoue (connue sous le nom de Hindutva), recourant souvent à la violence extrajudiciaire. Sous leur règne, les inégalités de richesse ont atteint un niveau supérieur à celui de la période coloniale britannique et se sont largement concentrées dans les castes supérieures.

Le BJP s'est appuyé sur la diaspora hindoue de plus en plus importante et influente dans des pays comme le Canada pour obtenir un soutien important, des dons aux activités de lobbying.

Au milieu de ce virage à droite, une prolifération d'organisations de la société civile hindoue a surgi au Canada, beaucoup d'entre elles reprenant les arguments conservateurs sur la criminalité, le coût de la vie et l'expression codée anti-LGBTQ des « droits des parents ».

Elles défendent également le nationalisme hindou, brandissant une définition de l'« hindophobie » qui vise à faire taire les critiques du Premier ministre Modi et toute discussion sur la discrimination liée aux castes qui existe dans les écoles canadiennes.

Avec une élection fédérale qui se profile cette année et les anciennes coalitions d'immigrants libéraux qui s'effritent, des acteurs au sein du Parti conservateur et des organisations hindoues investissent dans une alliance émergente. Bien qu'aucun ne soit vraiment loyal envers l'autre, les deux espèrent que cela portera ses fruits — avec des résultats électoraux et le renforcement de leurs agendas réactionnaires et parfois partagés.

Comment les Libéraux ont gagné — et commencé à perdre — le vote des immigrants

Pourquoi ce virage de certains immigrants vers le Parti conservateur ?

C'est la question au cœur du travail d'Emine Fidan Elcioglu, professeure de sociologie à l'Université de Toronto.

« Le gouvernement conservateur de Stephen Harper a imposé des exigences plus strictes en matière de citoyenneté, élargi les motifs d'expulsion, réduit l'immigration de la catégorie familiale et rendu plus difficile l'accueil des cas d'asile réussis », a déclaré Elcioglu à The Breach.

Mais durant la même période, « le PCC s'est efforcé de se redéfinir comme le parti de la diversité, tout en préparant consciemment des candidats immigrants asiatiques comme membres du Parlement. »

Ils avaient du pain sur la planche, car historiquement, les Libéraux ont joué un rôle central dans la création de la réputation du Canada en tant que mosaïque culturelle où les personnes de toutes origines sont accueillies et valorisées.

Jusqu'en 1967, un quota d'immigration privilégiait les Européens par rapport aux autres aspirants à l'entrée au pays. Le gouvernement du Premier ministre libéral Lester Pearson a abandonné ce système et l'a remplacé par une politique qui a fait venir des professionnels qualifiés, indépendamment de la race – bien que le racisme persiste encore dans le fonctionnement de l'immigration.

Plusieurs années plus tard, un autre Premier ministre libéral, Pierre Trudeau, a déclaré le multiculturalisme politique d'État et a finalement ouvert l'immigration aux réfugiés et aux membres des familles des citoyens canadiens et des résidents permanents. À la suite de ces changements, la plupart des immigrants au Canada s'identifient désormais comme des minorités visibles non blanches.

En 2015, le Parti libéral dirigé par Justin Trudeau a été élu sur la promesse d'admettre des milliers de réfugiés syriens et d'accueillir les membres des familles des immigrants. Trudeau continuerait à défendre le Canada comme une terre qui accueille « ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre » et à admettre un nombre record d'immigrants.

Ensemble, ces politiques au fil des décennies auraient pu gagner aux Libéraux une base électorale d'immigrants fidèles.

Et pourtant, Trudeau a pris le soutien des immigrants pour acquis : peu disposé à freiner les profits des propriétaires et des promoteurs dont l'avidité a provoqué une crise du logement à l'échelle nationale, Trudeau a commencé à blâmer les immigrants pour la crise et à restreindre l'immigration.

C'était un terrain fertile pour que les Conservateurs fassent des percées.

Il n'y avait aucune garantie que ces efforts recruteraient avec succès des électeurs immigrants — « la sensibilisation ne fonctionne que si les groupes ciblés sont réceptifs », a déclaré Elcioglu. Mais réceptifs, ils l'ont été.

Un sondage de l'automne dernier montre que 45 % des Asiatiques de l'Est favorisent les Conservateurs, bien devant les Libéraux et le NPD, et 33 % des Sud-Asiatiques penchent vers les Conservateurs, menant à nouveau les autres partis.

Les sondages montrent que les Canadiens religieux ont tendance à voter conservateur plus que la population générale. Pourtant, même au milieu de ces tendances plus larges, les hindous semblent particulièrement attirés par Poilievre. Sa popularité parmi les électeurs hindous a régulièrement augmenté au printemps alors qu'ils se détournaient de plus en plus de Trudeau. Les chrétiens évangéliques sont le seul groupe religieux dont les sentiments positifs envers Poilievre ont augmenté plus rapidement que ceux des hindous.

Et une récolte de groupes hindous de droite a travaillé dur pour élever le profil des récits nationalistes hindous au Canada, et ils considèrent les Conservateurs comme une voie vers l'influence.

Poilievre, le champion du BJP au Canada ?

Depuis que le Premier ministre du Canada a accusé l'Inde d'avoir assassiné un activiste sikh khalistani sur le sol canadien, Trudeau et Modi sont en froid.

Poilievre a sauté sur l'occasion pour discréditer Trudeau : « Il a dressé les Canadiens les uns contre les autres au pays et il a fait exploser nos relations à l'étranger », a-t-il déclaré à Namaste Radio Toronto, un média népalais. « Nous avons besoin d'une relation professionnelle avec le gouvernement indien. L'Inde est la plus grande démocratie sur Terre. »

Pendant ce temps, Poilievre reste le seul chef de parti majeur qui refuse d'obtenir l'habilitation de sécurité nécessaire pour consulter des documents classifiés sur l'ingérence politique des gouvernements étrangers au Canada. Les médias de droite indiens ont interprété le choix de Poilievre comme une démonstration de loyauté envers la version indienne de la vérité.

Poilievre pourrait avoir des raisons de montrer sa fidélité à Modi : des sources confidentielles ont déclaré à Radio-Canada que des responsables indiens au Canada ont saboté la campagne de l'un des rivaux de Poilievre pour la direction conservatrice en 2022. Le maire de Brampton, Patrick Brown, qui avait précédemment été l'un des politiciens canadiens les plus proches de Modi, avait commencé à critiquer la répression draconienne du BJP contre les agriculteurs indiens qui protestaient contre les réformes agricoles.

Pour l'Inde, un pays avec un gouvernement de plus en plus militariste et autoritaire désespéré de maintenir son étiquette glissante de « plus grande démocratie du monde », la bénédiction du Canada est inestimable.

Poilievre a travaillé pour entrelacer les destins du Canada et de l'Inde. Le jour de l'indépendance de l'Inde en 2024 — l'année où Modi a finalement commencé à appliquer une loi de 2019 qui discrimine les musulmans lorsqu'ils demandent l'asile des pays voisins — Poilievre a publié une déclaration dans laquelle il disait : « Que la Feuille d'érable et le Tiranga [le drapeau tricolore de l'Inde] volent à jamais unis en célébration de notre liberté et de nos démocraties. »

L'accusation inventée d'« hindophobie » utilisée pour « dénigrer et attaquer »

En 2023, la vice-chef conservatrice Melissa Lantsman a présenté une pétition à la Chambre des communes pour reconnaître et définir l'« hindophobie » dans le Code des droits de la personne du Canada.

L'ancien conseiller de Lantsman est Yasharth Verma, qui est vice-président du chapitre du Sud-Ouest de l'Ontario d'une organisation appelée la Chambre de commerce hindoue canadienne. (Verma dit qu'il n'a pas été impliqué dans la décision de Lantsman de présenter la pétition.)

L'organisation a soulevé l'hindophobie dans son rapport sur le budget fédéral de 2024, qui préconisait de réduire le déficit et exprimait « une profonde préoccupation face au manque de mesures spécifiques » visant à « lutter contre l'hindophobie ». Leur président, Kushagr Dutt Sharma, a célébré publiquement la réélection de Modi en 2024.

La pétition de Lantsman a été soutenue par une lettre aux députés de 80 groupes communautaires hindous-canadiens, dont plusieurs étaient déjà alignés avec la droite hindoue, et menée par l'Organisation canadienne pour l'éducation au patrimoine hindou.

Dans un document de 33 pages sur « Reconnaître l'hindophobie », la présidente de l'Organisation canadienne pour l'éducation au patrimoine hindou, Ragini Sharma, écrit sur ce qu'elle prétend être une discrimination systémique contre les hindous dans le milieu universitaire, dans les conseils scolaires et dans les forces de police.

Tout en nommant certaines expressions réelles du racisme, Sharma qualifie également d'hindophobes des actes tels que la commémoration par la ville de Burnaby de Gauri Lankesh, une critique vocale du nationalisme hindou qui a été assassinée par des tireurs non identifiés ; le Toronto Star critiquant un film de propagande qui justifie l'occupation militaire brutale du Cachemire par l'Inde ; et un universitaire donnant une conférence dans une bibliothèque de Toronto sur les dangers de la suprématie hindoue.

La droite hindoue utilise une liste sélective d'incidents, comme des récentes échauffourées entre activistes khalistanis et hindous dans un temple de Brampton, pour prouver que l'hindophobie augmente au Canada.

Les hindous subissent effectivement de la discrimination et de la violence dans certaines parties du monde, comme au Bangladesh, où les maisons et les entreprises de la population hindoue minoritaire du pays ont été attaquées depuis la chute du gouvernement de la Ligue Awami en août. Mais les accusations d'« hindophobie » en Amérique du Nord sont souvent inventées pour bloquer les critiques du nationalisme hindou du BJP.

« En tant que communauté minoritaire, les hindous de la diaspora font face à diverses formes de sectarisme et de discrimination », a déclaré Pranay Somayajula de Hindus for Human Rights. « Mais le terme spécifique 'hindophobie' est très ancré dans la politique insidieuse de l'Hindutva. »

Somayajula note que le terme a été inventé par l'idéologue de l'Hindutva Rajiv Malhotra, et est souvent saisi pour « dénigrer et attaquer les opposants politiques ».

Un cas concret : lorsqu'une motion proposant d'interdire la discrimination fondée sur la caste — la hiérarchie sociale rigide qui consigne de nombreux hindous de basse caste à la pauvreté héréditaire et aux préjugés — a été présentée au Toronto District School Board (TDSB) en 2023, l'Organisation canadienne pour l'éducation au patrimoine hindou a lancé une campagne pour la faire échouer, soutenant que la motion peignait injustement les hindous de caste supérieure comme oppressifs.

« Il n'y a pas de caste au Canada », a déclaré Sharma à New Canadian Media, malgré des cas documentés de discrimination de caste dans les écoles de Toronto. « Tout cela est introduit comme de l'hindophobie. »

L'Organisation canadienne pour l'éducation au patrimoine hindou a gagné la bataille — ils ont réussi à faire modifier la motion originale, supprimant la formation d'un comité pour développer des recommandations de programme anti-caste et faisant renvoyer la motion à la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) — mais a perdu la guerre lorsque la CODP a reconnu la discrimination fondée sur la caste dans la politique officielle.

Le groupe a depuis organisé des événements pour enseigner aux parents comment s'engager dans le système scolaire pour lutter contre « l'hindophobie institutionnalisée dans le système éducatif canadien ». Le mouvement vers la défense des « droits des parents » pour influencer les discussions en classe est une stratégie standard pour les conservateurs sociaux. Au Canada, les activistes des « droits des parents » ont tenté de supprimer des salles de classe les discussions sur le sexe, l'identité de genre, le racisme et le colonialisme.

En septembre, l'Organisation canadienne pour l'éducation au patrimoine hindou a co-organisé un événement avec un tel groupe de « parents concernés » pour discuter de la Pétition E-5010, qui cherche à mettre fin aux soins d'affirmation de genre pour les moins de 16 ans. Sharma a ensuite exhorté ses partisans à assister à la « marche d'un million pour les enfants » en opposition à l'éducation sur le genre et l'identité sexuelle.

La droite hindoue n'est pas unique dans sa tentative de supprimer les discussions de gauche dans les écoles. Mais en adoptant le cadre des « droits des parents », ils se révèlent être des acteurs politiques dans le mouvement conservateur plus large au Canada. Leur utilisation de cette phrase dit au mouvement conservateur : aidez-nous à dicter les termes de l'éducation nationaliste hindoue, et nous vous aiderons à dicter les termes de l'éducation sur le genre et l'identité sexuelle.

Indicatif de ce type de création de coalition, l'Organisation canadienne pour l'éducation au patrimoine hindou a trouvé une alliée en la commissaire du TDSB Weidong Pei lorsque Pei a voté contre la motion pour interdire la discrimination de caste.

Pei a assisté à leur événement du Mois du patrimoine hindou à North York, qu'elle a contribué à organiser. Pei a ensuite cherché à obtenir la nomination pour être candidate du Parti conservateur fédéral pour Willowdale lors des prochaines élections fédérales.

La première priorité listée sur son site web : « défendre les droits des parents ».

Une plateforme commune, une politique d'opportunité

En septembre 2024, une nouvelle organisation hindoue est apparue sur la scène : Canada Hindu Vote, formée pour « permettre aux électeurs hindous canadiens de participer activement au processus démocratique ».

Cette organisation est typique des groupes hindous de droite modérée qui ont grandi en réseau au Canada. Leurs mandats semblent souvent inoffensifs, mais un examen plus attentif révèle généralement un engagement envers des causes de droite, et spécifiquement envers la promotion du nationalisme hindou.

L'événement de lancement de Canada Hindu Vote a présenté des leaders communautaires, comme la présidente de l'Organisation canadienne pour l'éducation au patrimoine hindou, Sharma, dont la réputation hindoue repose sur leur plaidoyer nationaliste hindou.

Dans l'unique article de blog sur leur site web, Canada Hindu Vote identifie ce qu'ils considèrent comme les questions clés pour les hindous. Beaucoup d'entre elles reflètent ce que vous entendriez de n'importe quel porte-parole du Parti conservateur aujourd'hui : coût de la vie, criminalité, vol de voitures, et malheurs économiques. Mais ils ajoutent les préoccupations propres à la droite hindoue : vandalisme des temples et atteinte aux droits des parents, louant l'accent millénaire de l'hindouisme sur les valeurs familiales.

Dans une interview récente, le président de la Coalition des hindous d'Amérique du Nord Canada, Rishabh Sarswat, a longuement parlé des attaques contre les temples, des distorsions de l'histoire hindoue dans l'éducation publique, et d'un manque de reconnaissance légale et policière de la haine anti-hindoue, comme les problèmes majeurs auxquels les hindous sont confrontés. En bref : l'hindophobie. Ce n'est qu'après une demande explicite qu'il a nommé des problèmes tels que l'accessibilité financière ou le racisme anti-immigrant.

Il n'existe pas d'organisme représentatif unique pour les hindous au Canada, mais en examinant la constellation des organisations existantes et leurs priorités, une plateforme politique distincte émerge.

Ces groupes cherchent à légitimer une définition de l'hindophobie qui exclut la critique du système des castes et du nationalisme hindou ; à promouvoir une éducation qui assainit toutes les atrocités commises sous la bannière de l'hindouisme ; et à assurer la prospérité continue de la communauté d'affaires hindoue de caste supérieure et de classe supérieure du Canada.

Pour atteindre ces objectifs, les organisations hindoues font du lobbying auprès des représentants pour soutenir leur cause. Elles travaillent également avec la police pour s'assurer que l'hindophobie soit traitée comme un crime haineux grave.

Il ne faut pas s'étonner qu'un ensemble de préoccupations aussi largement conservatrices trouve un débouché dans le Parti conservateur. Dès avril 2023, Poilievre est devenu le premier chef d'un parti fédéral à faire une déclaration s'opposant à l'hindophobie. « Nous devons arrêter l'hindophobie et les commentaires désagréables qui sont faits sur les hindous et le vandalisme et autres violences ciblant les Canadiens hindous », a-t-il déclaré dans une interview avec Prime Asia.

Et pourtant, les Conservateurs ont été réservés dans leur offre de soutien total à l'agenda de la droite hindoue. Poilievre s'est retiré d'un événement de Diwali alors que les allégations d'ingérence étrangère de l'Inde au Canada ont accru les tensions entre les deux pays, conduisant la Fédération hindoue de droite à exprimer sa « profonde déception » face à ses actions et le Forum hindou du Canada à appeler au boycott de son événement de campagne.

Sarswat a déploré que tous les partis politiques au Canada aient ignoré les préoccupations hindoues — ou nationalistes hindoues : « Il n'y a eu aucun politicien qui a fait un travail significatif [vers] le démantèlement de l'hindophobie. »

La droite hindoue du Canada reste à la recherche d'un champion politique. Leur politique ne s'aligne pas avec les porteurs traditionnels des immigrants, le Parti libéral, mais ils n'ont pas encore embrassé de tout cœur un nouveau parti.

Un allié de longue date est le député libéral Chandra Arya, qui a diligemment fait avancer le récit selon lequel les hindous sont attaqués. Pendant ce temps, le Forum hindou du Canada, plus marginal, a travaillé avec le chef du Parti populaire du Canada, Maxime Bernier, pour soutenir une « fin à l'immigration de masse et... aux ghettos ethniques ». (Cela n'a cependant pas empêché les partisans de Bernier d'appeler à la déportation des hindous.)

Les Conservateurs et la droite hindoue sont des opportunistes — ils expérimentent en défendant les objectifs des uns et des autres, tout en étant peu disposés à offrir à l'autre un soutien qu'ils estiment ne pas avoir encore mérité. Pour l'instant et pour l'avenir prévisible, un Parti conservateur ascendant reste la plus grande opportunité pour l'avancement politique de la droite hindoue au Canada et, commodément, le parti dont la politique correspond le plus étroitement à la leur.

The Breach a fait des tentatives répétées pour obtenir des entretiens avec des représentants de plusieurs organisations hindoues. Certains d'entre eux ont initialement accepté de parler, mais ont ensuite cessé de répondre aux courriels et aux appels téléphoniques lorsque The Breach a essayé d'organiser des entretiens.

Plaidoyer hindou, pour qui ?

Suite aux affrontements dans un temple à Brampton au début novembre entre hindous et activistes khalistanis, Sarswat a organisé un webinaire intitulé « Les hindous canadiens sous attaque : les organisations hindoues ripostent ». Il présentait non seulement la Coalition des hindous d'Amérique du Nord Canada et l'Organisation canadienne pour l'éducation au patrimoine hindou, mais six autres groupes représentant les affaires, la jeunesse, les temples et les groupes culturels de droite. Le message était clair : nous sommes nombreux, et nous sommes unis dans notre combat.

Le combat en question consiste à promouvoir un récit selon lequel les hindous du monde entier sont attaqués, et qu'une Inde militarisée nettoyée des « infiltrés » peut être leur seul refuge sûr. C'est similaire au récit sur Israël avancé par les organisations juives de droite en Amérique du Nord, et en effet, des alliances publiques entre sionistes et hindous — y compris Sharma et Sarswat — ont été une caractéristique du paysage politique, particulièrement depuis octobre 2023.

Il y a de vrais problèmes auxquels les hindous sont confrontés au Canada : les étudiants internationaux d'Inde se font voler leurs salaires et travaillent dans des conditions déplorables au noir en raison d'un plafond sur les heures de travail hors campus ; les immigrants sud-asiatiques sont utilisés comme boucs émissaires pour l'échec du gouvernement libéral à fournir un logement, des soins de santé et des services publics adéquats ; et les Canadiens racialisés gagnent 81 cents pour chaque dollar en comparaison avec les Canadiens blancs, tout cela alors que le coût de la vie a grimpé en flèche.

Mais aucun de ces problèmes n'est particulier aux hindous, et aucun d'entre eux n'est la principale lutte sur laquelle les promoteurs de l'« hindophobie » se concentrent. Ce sont les mêmes problèmes auxquels sont confrontés d'autres immigrants, d'autres Sud-Asiatiques, d'autres résidents racialisés de ce pays.

Sur ces fronts, les gains ont toujours été obtenus grâce à des mouvements sociaux qui nous unissent dans nos intérêts communs, au-delà des lignes de race et de religion — qu'il s'agisse de récupérer des salaires perdus, de forcer les propriétaires à réparer des logements délabrés, ou de repousser l'extrême droite raciste. Malgré les objectifs des activistes de l'Hindutva, les hindous ne peuvent pas échapper au fait que notre meilleure chance pour un avenir vivable réside dans la construction d'une majorité multiraciale de la classe ouvrière.

« Le PCC représente les intérêts des citoyens blancs riches », ajoute Elcioglu de l'Université de Toronto. Ce qui fait de la marche vers la droite des hindous canadiens une tragédie, car cela ne peut jamais signifier que des accords ponctuels avec une classe dirigeante heureuse de jeter les hindous par-dessus bord dès qu'ils ne sont plus pratiques.

Somayajula de Hindus for Human Rights note que « ce que font les groupes [hindous de droite] est dangereusement à courte vue, et cela met nos communautés en danger au nom de la supposée 'protection' des intérêts hindous. »

C'est le point, vraiment. Le jeu et l'objectif de la droite hindoue au Canada est d'abord au service du projet nationaliste hindou. Les hindous, des personnes réelles avec des préoccupations matérielles, sont une priorité secondaire lointaine.

Ou, comme l'a dit Sarswat, « Je ne parle pas pour tous les hindous. Je parle pour les intérêts des hindous. »

Saima Desai

Aniket Kali

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P.-S.

Breach Media

https://breachmedia.ca/hindu-conservative-party-alliance-right-wing/

Traduit pour ESSF par Adam Novak

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La tragicomédie canado-américaine

18 mars, par Jean-François Delisle — , ,
L'antagonisme politico-commercial canado-américain qui se déroule sous nos yeux à vitesse accélérée possède quelque chose de caricatural. On est en présence d'un (…)

L'antagonisme politico-commercial canado-américain qui se déroule sous nos yeux à vitesse accélérée possède quelque chose de caricatural.

On est en présence d'un gouvernement libéral canadien à la veille de déclencher des élections, donc fragile, d'un "front commun" des provinces en réalité dispersées, d'un Doug Ford, premier ministre de l'Ontario qui a abandonné au moins momentanément ses rodomontades face au géant américain, et de l'autre côté de la frontière d'un gouvernement républicain dont le chef met les bouchées doubles et accentue le degré de brutalité de ses mesures pour faire plier Ottawa. Dans deux ans se tiendront aux États-Unis le scrutin de mi-mandat pour renouveler la Congrès (Chambre des représentants et une partie du Sénat) et les républicains ne sont pas certains de conserver leur mainmise sur ces instances, au moins sur la Chambre des représentant.. Même si les démocrates n'ont présentement pas de chef et qu'ils sont divisés sur une foule de sujets, ils pourraient remporter une majorité (même minime) à ces deux instances, ce qui risquerait de mettre en péril la croisade de Trump contre le Canada et le Mexique. C'est pourquoi Donald Trump mène la charge à fond de train et ce, même s'il change souvent d'idée et a reporté certains tarifs au début d'avril.

Pour leur part, les dirigeants canadiens fédéraux et provinciaux ont tout tenté pour éviter le choc avec la Maison-Blanche, cédant entre autres à ses pressions (qui n'étaient que des prétextes) de mieux surveiller la frontière pour enrayer le trafic de fentanyl, et ce, même s'il est prouvé que seulement une partie infime de cette drogue provient du Canada, la grande majorité qui entre aux "States" arrive du Mexique. Ce n'est qu'en dernier recours qu'Ottawa et la plupart des provinces se sont résignées à adopter des mesures de rétorsion économiques.

Les libéraux viennent de désigner Mark Carney pour diriger leur parti. Le gouvernement fédéral arrive au terme de son mandat. Un scrutin se tiendra donc bientôt. En attendant, l'instabilité politique va affaiblir Ottawa jusqu'à ce qu'un nouveau gouvernement émerge des urnes dans quelques mois, une période de transition qui accentuera la vulnérabilité du pays durant tout ce temps. Il fera face à un énorme adversaire vorace et déterminé.

Les provinces, pour leur part, agissent en ordre dispersé. L'Alberta rechigne à imposer des droits de douane sur le pétrole qu'elle exporte à son excellent client américain, la Saskatchewan rejette les tarifs sur la potasse qu'elle lui envoie et François Legault a déclaré que les entreprises américaines qui soumissionnent pour les contrats du gouvernement québécois s'exposeraient à une pénalité de 25%. Mais il refuse d'imposer des tarifs sur l'électricité exportée à son puissant voisin. Doug Ford avait tout d'abord annoncé de manière tonitruante l'imposition de tarifs élevés sur l'électricité destiné aux États-Unis et en a rajouté par la suite en évoquant la possibilité de les cesser tout à fait. Mais il se dit maintenant ouvert à la négociation avec Washington.

Donc, rien de bien concret ne ressort de la riposte canadienne. Elle est aussi confuse et instable que l'attaque américaine à l'égard du Canada. On a beau reprocher à Trump ses déclarations fluctuantes et sa propre instabilité dans les dates d'imposition de ses mesures de rétorsion, les classes politiques canadiennes (provinciales et fédérale) ne font pas mieux.

Les divisions et les contradictions qui fragilisent le "front commun canadien" augurent mal pour l'avenir. Le gouvernement qui sera élu cette année à Ottawa, peu importe sa couleur politique, éprouvera beaucoup de difficultés à souder les intérêts divergents provinciaux et fédéraux pour coordonner une riposte commune et efficace vis-à-vis de l'administration Trump. Cette dernière pourra-t-elle maintenir la pression sur le Canada ? Là aussi règne l'incertitude.

Il y a quelque chose de ridicule dans cette guéguerre entre ces deux proches alliés de taille si inégale. Une superpuissance dirigée par un sinistre bouffon d'un côté, de l'autre un grand pays peu peuplé par comparaison qui tente de sauvegarder ses intérêts tout en conservant un semblant de dignité.

La bêtise humaine s'étale devant nous en ce moment. Faut-il en rire ou en pleurer ? Sans doute les deux à la fois.

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Les « voix de l’Amérique » réduites au silence : Trump gèle les médias publics à l’étranger

18 mars, par El Watan — , ,
Des centaines de journalistes et employés de Radio Free Asia, Radio Free Europe et d'autres organismes ont reçu ce week-end un courrier électronique les informant qu'ils (…)

Des centaines de journalistes et employés de Radio Free Asia, Radio Free Europe et d'autres organismes ont reçu ce week-end un courrier électronique les informant qu'ils seraient interdits d'accès à leurs bureaux.

Tiré d'El Watan.

L'administration Trump a annoncé samedi la mise en congé du personnel des médias financés par les États-Unis, incluant Voice of America (VOA) et Radio Free Asia, suscitant de vives réactions parmi les défenseurs de la liberté de la presse. Ces médias sont considérés comme des instruments démocratiques permettant la diffusion d'informations indépendantes dans des régions où la presse est restreinte.

Des centaines de journalistes et d'employés de ces organisations ont reçu un courriel les informant qu'ils n'auraient plus accès à leurs bureaux et devaient restituer leurs cartes de presse, téléphones professionnels et autres équipements. Cette décision fait suite à un décret du président Donald Trump qualifiant l'agence gouvernementale supervisant ces médias (USAGM) d'élément inutile de la bureaucratie fédérale.

Kari Lake, récemment nommée conseillère à l'USAGM après sa défaite aux sénatoriales en Arizona, a justifié cette mesure en affirmant que ces subventions ne faisaient plus partie des priorités de l'agence. Cette décision a été vivement critiquée par des organisations comme le Comité de protection des journalistes, qui y voit une atteinte au journalisme indépendant, et Reporters sans frontières, qui considère qu'elle remet en cause des décennies d'engagement américain en faveur de la liberté de l'information.

Des figures du monde médiatique ont dénoncé un coup de pouce aux régimes autoritaires, soulignant que des gouvernements comme ceux d'Iran, de Chine ou de Russie pourraient tirer avantage de la disparition de ces médias. Créée en 1996, Radio Free Asia a pour mission de diffuser des reportages non censurés dans des pays où la presse est sous contrôle, comme la Chine, la Corée du Nord et le Vietnam.

Cette restructuration s'inscrit dans une politique plus large de réductions budgétaires affectant plusieurs agences fédérales, y compris l'éducation et l'aide au développement. Donald Trump, qui critique régulièrement les médias d'information, a justifié ces coupes comme une rationalisation des dépenses publiques.

Toutefois, le Congrès, qui détient le pouvoir de financer ces agences, pourrait s'opposer à cette décision, certains médias ayant historiquement bénéficié d'un soutien bipartisan. Un employé de VOA a décrit cette période comme marquée par une forte anxiété et un sentiment de chaos. Un autre de Radio Free Asia a exprimé des inquiétudes quant à la sécurité des reporters travaillant sous surveillance dans des pays répressifs, ainsi qu'au sort des employés étrangers dont les visas pourraient être remis en question.

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Stablex : opération écoblanchiment pour un procédé défaillant

18 mars, par Martine Ouellet — , ,
Dans un récent communiqué, Stablex s'est lancé dans une vaste opération d'écoblanchiment. Ils prétendent que leur procédé est « stable et inerte » Pourtant, les dirigeants de (…)

Dans un récent communiqué, Stablex s'est lancé dans une vaste opération d'écoblanchiment. Ils prétendent que leur procédé est « stable et inerte » Pourtant, les dirigeants de l'entreprise ne peuvent ignorer que leur procédé de traitement des déchets toxiques est défaillant.

Le mercredi12 mars 2025

Ils l'ont même admis indirectement devant le BAPE en reconnaissant que l'eau s'accumulant au fond des cellules est si contaminée qu'elle doit être pompée à perpétuité et réinjectée dans le processus. Si le Stablex était véritablement solide et inerte, cette eau ne serait pas contaminée. Ce seul fait prouve l'échec du procédé et confirme les pires craintes.

De plus, deux rapports – celui de la Police verte et celui de la Commission Charbonneau – confirment que le produit issu du traitement, le « stablex », n'est pas inerte. Cela signifie qu'il contamine les éléments avec lesquels il est en contact, notamment l'eau et les sols. Lors du BAPE de 2023, un sous-traitant de Stablex a témoigné que le stablex n'était pas solidifié comme l'entreprise le prétend et que des vapeurs toxiques s'en échappaient.

DES CONTRÔLES DÉFICIENTS ET UNE COMPLAISANCE DU MINISTÈRE DE L'ENVIRONNEMENT

Stablex prétend répondre « aux normes environnementales les plus strictes, dictées par le ministère de l'Environnement du Québec ». Or, ils sont aux premières loges pour constater que les contrôles du ministère de l'Environnement sont déficients et complaisants. Durant le BAPE 2023, nous avons appris que le ministère se fiait aveuglément aux analyses fournies par Stablex pour contrôler le procédé. Or, Stablex a expliqué que ces analyses ne sont pas effectuées sur des échantillons prélevés sur le terrain, mais sur des échantillons séchés en laboratoire dans des conditions idéales. L'entreprise prétend que ces résultats sont comparables, et le ministère accepte sans questionner. Pourtant, il est évident que l'exposition aux intempéries, à la pluie en particulier, le gel et le dégel modifient complètement l'équilibre liquide-solide du béton/stablex.

« BRIS DE SERVICE » : UN CHANTAGE ÉHONTÉ

L'argument du « bris de service » invoqué par Stablex et repris par la CAQ n'est qu'un prétexte pour faire pression et justifier l'expropriation. Selon Stablex, la cellule 5 actuellement en exploitation serait pleine en 2027, alors que le BAPE estime plutôt 2030. Dans les deux cas, en arrêtant l'importation de déchets toxiques des États-Unis, la durée de vie du site pourrait être doublée, donnant ainsi le temps au gouvernement de mener un BAPE générique pour identifier un site et un traitement sécuritaire, loin des zones habitées et des sources d'eau potable.

REFUSER TOUT AGRANDISSEMENT POUR LES DÉCHETS TOXIQUES À BLAINVILLE

Benoit Beauchamp et sa famille ont sonné l'alerte sur les dangers de Stablex depuis plusieurs années, malgré des pressions politiques, policières et judiciaires. Climat Québec, alerté par Benoit Beauchamp qui se porte actuellement candidat dans la partielle de Terrebonne, s'est engagé dans ce dossier depuis 2022 et a participé aux consultations du BAPE, aux conseils municipaux de Blainville, à des rencontres de la MRC ainsi qu'à l'Assemblée nationale pour inciter les élus à agir. Nous avons rencontré spécifiquement le maire Mathieu Traversy dans les derniers jours pour le sensibiliser aux risques de contamination de sa prise d'eau potable situé juste en aval du réseau hydrographique provenant des déchets toxiques de Stablex.

Il faut refuser tout agrandissement de déchets toxique à Blainville. Que ce soit le plan A de Stablex, appuyé par la ministre des Ressources naturelles, Maïté Blanchette Vézina, qui prévoit l'expropriation d'un terrain à moins d'un kilomètre des résidences pour y enfouir l'équivalent de quatre stades olympiques de déchets toxiques jusqu'en 2065, ou son plan B, soutenu par la mairesse de Blainville Liza Poulin et le Parti Québécois, qui prévoit un stade olympique de déchets toxiques jusqu'en 2040 à seulement 300 mètres des résidences, les risques sont inacceptables. Le procédé est défaillant et les risques de contamination des eaux de surface, dont la prise d'eau potable de Terrebonne, des nappes phréatiques et des sols sont trop grands. D'ailleurs, un échantillonnage citoyen a révélé des taux de contamination dépassant les normes pour plusieurs métaux, dont une concentration de cadmium 320 fois supérieure à la limite acceptable.

Stablex pousse l'écoblanchiment à l'extrême en prétendant faire de l'économie circulaire, alors qu'en réalité, son procédé, étant défaillant, ne fait que doubler la quantité de déchets toxiques enfouis en les mélangeant avec du ciment. Il est temps de mettre fin à cette mascarade et d'exiger des solutions responsables et sécuritaires pour la gestion des déchets toxiques au Québec.

Martine Ouellet
Cheffe Climat Québec
Ancienne ministre des Ressources naturelles

SOURCE :
climat.quebec

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Dossier Stablex : La Ville poursuit ses démarches pour s’opposer au projet de loi 93

18 mars, par Ville de Blainville — , ,
Si vous ne l'avez pas déjà fait, il suffit d'un clic pour manifester votre opposition au projet de loi 93. Les ministres et députés concernés recevront un message automatisé. (…)

Si vous ne l'avez pas déjà fait, il suffit d'un clic pour manifester votre opposition au projet de loi 93. Les ministres et députés concernés recevront un message automatisé. Vous êtes près de 2 000 personnes à avoir participé au mouvement : merci de tout cœur !

Exprimez votre désaccord

À titre de rappel, le projet de loi 93 obligerait la Ville de Blainville à vendre son terrain au gouvernement du Québec, qui permettrait ensuite à Stablex de l'utiliser pour l'enfouissement des matières résiduelles dangereuses qu'elle traite.

La Ville de Blainville continue d'intensifier ses actions dans le dossier Stablex

La Ville poursuit ses efforts pour faire pression sur le gouvernement afin qu'il revienne sur sa décision et retire le projet de loi 93. En bref :

Visite des trois partis d'opposition

Les 6 et 7 mars, la mairesse Liza Poulin a rencontré, à Blainville, des députés de chaque parti d'opposition représenté à l'Assemblée nationale du Québec.

La mairesse les a sensibilisés au dossier, aux actions menées depuis plus d'un an et aux impacts du projet de loi, notamment sur la grande tourbière. Ensuite, ils ont visité le site appartenant à la Ville, que le gouvernement du Québec souhaite s'approprier. Les trois partis d'opposition, qui participent à l'étude et à l'adoption des lois, ont indiqué leur l'intention d'intervenir à l'Assemblée nationale afin de soutenir la position de la Ville lors de l'étude du projet de loi 93, les 18, 19 et 20 mars prochain.

Mobilisation du milieu municipal

La mobilisation se poursuit également dans le milieu municipal. Les élus de municipalités et des MRC de partout au Québec adoptent des résolutions en appui à Blainville et la Ville continue à recevoir plusieurs messages de soutien.

Merci aux villes qui nous appuient dans cet important dossier !

Les demandes de rencontre avec le gouvernement du Québec
La ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, responsable du projet de loi 93, a refusé de rencontrer la mairesse Poulin, qui demande des réponses à des questions légitimes et pressantes. Pendant ce temps, le gouvernement s'apprête à créer un dangereux précédent, tant sur le plan environnemental que légal.

Consultations particulières en commission parlementaire

Les 18, 19 et 20 mars, le projet de loi 93 fera l'objet de consultations particulières à la commission de l'aménagement du territoire. Les parlementaires membres de cette commission entendront divers organisations et groupes, dont la Ville de Blainville et la mairesse Liza Poulin, le 18 mars. Pour tous les détails, consultez la foire aux questions.

Des réponses à vos questions !

Nous recevons beaucoup de commentaires et de questions sur le dossier Stablex. Consultez notre foire aux questions, que nous enrichissons chaque semaine.

Foire aux questions

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La Chine et les États-Unis au XXIe siècle

18 mars, par Charlie Hore — , , ,
Charlie Hore retrace la croissance rapide de l'économie chinoise au cours du dernier quart de siècle et les tensions croissantes avec les États-Unis. Transcription de la vidéo. (…)

Charlie Hore retrace la croissance rapide de l'économie chinoise au cours du dernier quart de siècle et les tensions croissantes avec les États-Unis. Transcription de la vidéo.

Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
9 mars 2025

Par Charlie Hore

Merci beaucoup à la rs21 d'Édimbourg d'avoir organisé cet événement et merci à tous ceux et celles qui sont ici présents. Il ne fait aucun doute que lorsque l'on écrira l'histoire du XXIe siècle, l'essor de la Chine en sera l'un des thèmes majeurs. C'est là un sujet immense, qui sera donc abordé de manière très générale. Dans cette introduction, je vais essayer de faire trois choses essentielles : premièrement, expliquer comment la Chine est devenue une puissance économique mondiale et, par conséquent, une grande puissance impérialiste ; deuxièmement, aborder certaines des tensions entre les classes et les nations que le succès économique des 25 dernières années a exacerbées ; et enfin, parler de la Chine et du monde, en particulier des tensions de plus en plus vives avec les États-Unis.

Une image vaut mille mots. Ce graphique montre la vitesse et l'ampleur de la montée en puissance de la Chine au cours du dernier quart de siècle. Voici la croissance annuelle du PIB au cours de ce siècle, la ligne bleue représente la Chine, la ligne grise l'économie mondiale et la ligne orange les États-Unis. Trois choses évidentes en ressortent. La Chine a systématiquement obtenu de meilleurs résultats que l'économie mondiale dans son ensemble mais aussi que les États-Unis. Deuxièmement, les États-Unis ont systématiquement obtenu des résultats inférieurs à ceux de l'économie mondiale jusqu'à très récemment. Troisièmement, il y a deux interruptions majeures dans cette tendance. Le krach boursier de 2008 puis la pandémie de Covid en 2020. Je vous parlerai du miracle économique au cours de ces trois phases.

Une autre façon de considérer les choses, c'est de se rappeler qu'en 2000, la Chine ne produisait que 4 % du PIB mondial, contre 30 % pour les États-Unis. En 2021, la Chine représentait 18 % du PIB mondial, contre 24 % pour les États-Unis. Cette évolution s'est déroulée en trois périodes distinctes : avant 2008, pendant la crise de 2008, pendant la pandémie de Covid-19 et après. Trois grands thèmes se dégagent de cette évolution. Tout d'abord, il y a la bonne fortune dont a bénéficié le Parti communiste chinois (PCC) en s'ouvrant à l'économie mondiale au bon moment dans les années 1990. Une bonne fortune qui a duré jusqu'en 2008. Ensuite, elle a bénéficié des avantages de son retard. La Chine était encore un pays rural et disposait d'une énorme armée de main-d'œuvre de réserve dans les campagnes. Enfin, elle a bénéficié du pouvoir économique central de l'État à tous les niveaux, non seulement du gouvernement national, mais aussi des gouvernements provinciaux, locaux, des districts et des villes. Et c'est aussi la réussite du PCC à la fois dans la gestion du changement et dans la prise en compte des développements inattendus. Une histoire dans laquelle les victoires des « pragmatiques » sur les « planificateurs » s'enchaînent.

L'émergence de la Chine s'appuyait sur une croissance explosive de l'industrie manufacturière, principalement destinée à l'exportation vers les États-Unis, et sur la volonté de l'Europe occidentale d'externaliser sa production vers des lieux de production moins coûteux. La Chine assure aujourd'hui un tiers de la production manufacturière mondiale. Je vais m'attarder sur trois aspects de cette situation. Premièrement, elle s'est appuyée sur ce qui était alors considéré comme une réserve inépuisable de travailleurs migrants venus des campagnes, attirés par des salaires bien plus élevés que ceux qu'ils pouvaient obtenir chez eux. L'une des migrantes de la première génération raconte qu'elle est entrée dans une usine tout à fait ordinaire à Shenzhen au début des années 1990 et qu'elle a commencé à travailler pour un salaire plus élevé que celui des fonctionnaires de son village. Tel était le fossé entre la campagne et la ville. Deuxièmement, la Chine est devenue le premier exportateur mondial, mais aussi le deuxième importateur. Cette explosion de la production a obligé la Chine à puiser dans ses réserves d'énergie, de matières premières et de composants et à créer un réseau de liens commerciaux à travers le monde. Jusqu'en 2013, la Chine a enregistré un déficit commercial avec le reste du monde, à l'exception des États-Unis et de l'UE. Et le dernier point à souligner à ce sujet est que cette situation était intenable. L'ampleur de l'augmentation des exportations était tout simplement trop forte pour que les économies occidentales atones puissent l'absorber. Déjà en 2008, le modèle était en difficulté.

La diapositive suivante vous donne une idée de l'importance de la Chine en tant qu'acteur majeur du commerce mondial. Je dois dire que si l'on inclut l'UE en tant que tierce partie, la situation est très différente. L'Europe et la moitié de l'Afrique sont dominées par l'UE plutôt que par la Chine. Mais cela ne change rien à l'affaire, cela met plutôt en évidence le recul des États-Unis en tant que puissance dominante du capitalisme mondial. Le krach de 2008 a frappé de plein fouet les capacités d'exportation et de production de la Chine. On estime à environ 25 millions le nombre de travailleurs qui ont perdu leur emploi. La réponse immédiate du PCC a été de mettre en place un plan de relance économique massif, en investissant dans la construction de routes, d'aéroports, de chemins de fer, etc., puis en provoquant un boum immobilier majeur. C'est au cours de ces années que la Chine est devenue un pays majoritairement urbain. Il s'agissait d'un palliatif à court terme. Cela n'était ni durable sur le plan environnemental ni sur le plan économique et reposait sur une accumulation massive de dettes. Le boum immobilier en particulier a entraîné à plusieurs reprises une grande instabilité économique, bien que le PCC ait réussi à trouver un équilibre d'une crise à l'autre. Je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails, mais en gros, presque la totalité de la dette en Chine est interne, elle est détenue en Chine, même, presque toute la dette est due par une composante de l'État à une autre. Donc, en réalité, cela revient à de la simple comptabilité.

La deuxième partie de la stratégie de relance après le krach a consisté en une exportation massive de capitaux destinés à l'équipement dans les pays du Sud, principalement par le biais l'initiative dite « ceinture et route [Belt and Road] » (ou « nouvelles routes de la soie »), qu'il faut plutôt appréhender comme un label qui recouvre de nombreux éléments différents, plutôt que comme un plan centralisé, représente le plus grand programme d'investissement de toute l'histoire du capitalisme. Un auteur estime qu'il est sept fois plus important que le plan Marshall qui a rebâti le capitalisme européen après la Seconde Guerre mondiale. Cela a entraîné d'énormes problèmes d'endettement dans les pays participants. Le problème central est que les pays qui ont le plus besoin des investissements chinois sont ceux qui ont le moins de ressources pour rembourser la dette. Or, il s'agit bien ici d'investissements destinés à être remboursés, rien de tout cela n'est de l'aide. Les investissements de la « Belt and Road initiative »(BRI) sont en premier lieu motivés par les besoins de la Chine plutôt que par ceux de ses destinataires. La Chine a une approche essentiellement extractiviste des économies africaines et sud-américaines et utilise ces investissements pour construire de meilleures infrastructures de transport afin de pouvoir acheminer les matières premières et les ressources naturelles de ces pays vers la Chine.

La crise du covid a frappé de plein fouet l'économie chinoise, les chiffres de la croissance étant aujourd'hui inférieurs de moitié à ce qu'ils étaient auparavant. Une série de réunions importantes a eu lieu à Pékin cette semaine, au cours desquelles ont été dévoilés les chiffres de croissance prévus pour les prochaines années. L'objectif est de 5 %. Il se pourrait qu'ils n'y parviennent pas. L'écart entre les États-Unis et la Chine s'est légèrement creusé : en 2023, la Chine représentera 17 % du PIB mondial, tandis que les États-Unis atteindront 26 %. La Chine ne continue donc pas à combler l'écart. Pour certains observateurs, cela signifie que le cycle d'expansion est terminé. Ils soulignent les problèmes structurels considérables auxquels l'économie chinoise est confrontée. Investissements étrangers au plus bas niveau depuis les années 1990, baisse du taux de natalité, détérioration de l'environnement, montagne de dettes qui ne cesse de grossir : autant de problèmes structurels auxquels l'économie chinoise est confrontée. Il ne fait aucun doute que ces problèmes sont réels. Le graphique montre la rapidité de la chute du taux de natalité. Le taux de natalité est aujourd'hui inférieur à ce qu'il était pendant la famine du Grand Bond en avant, et ce pour une population beaucoup plus nombreuse. À terme, cela signifie que la classe ouvrière sera beaucoup moins nombreuse. Tous ces problèmes sont bien réels. Ils signifient probablement que la Chine ne retrouvera pas de sitôt une croissance à deux chiffres, mais il est important de souligner qu'une grande partie de ces problèmes sont le fruit de la réussite économique et que le PCC a démontré à différentes reprises qu'il était capable de s'adapter à l'évolution de la situation économique. Le PCC joue ici un rôle crucial, car il confère à la classe dirigeante une cohérence qui fait défaut à de nombreuses autres classes dirigeantes.

Je vais maintenant parler de la résistance d'en bas. Au cours du dernier quart de siècle, le niveau de vie a considérablement augmenté presque partout en Chine, mais les inégalités se sont aussi considérablement accrues. La période de plus grande prospérité a également été une période de mouvements de protestation massifs, bien que déconnectés les uns des autres. Déconnectés parce qu'ils prennent principalement pour cible les autorités locales et les chefs d'entreprise plutôt que le PCC au niveau national. La raison en est très simple : c'est dû à la manière dont le pouvoir économique a été transféré de l'État central vers le pouvoir local. Si vous voulez une augmentation de salaire, vous vous mettez en grève et votre chef, ainsi que les directeurs de l'usine, décide si vous obtiendrez ou non une augmentation de salaire. Si les autorités du village essaient de prendre vos terres et que vous organisez un mouvement de contestation, vous pourrez les en empêcher, ils ont le pouvoir d'y renoncer. Le Tibet et le Xinjiang sont des exceptions, et j'y reviendrai dans une minute.es

En 2000, les grèves de travailleurs migrants sont devenues de plus en plus fréquentes, atteignant un pic en 2006 (en valeur absolue), et en 2010, nous avons assisté à une importante vague de grèves coordonnées de travailleurs de l'automobile pour obtenir des salaires plus élevés. Il s'agissait de grèves offensives plutôt que simplement défensives contre des conditions de travail épouvantables. Il y a également eu de grandes mobilisations de défense de l'environnement contre des usines polluantes, de très grandes mobilisations paysannes contre des confiscations de terres et des mobilisations localisées contre les brutalités policières et la corruption des autorités. Le PCC les met dans le même sac et les considère comme des troubles collectifs nécessitant l'intervention de la police. Leur nombre est passé de 9 000 en 1993 à 90 000 en 2005. C'est l'année dernière que les chiffres officiels ont été publiés. Selon une estimation, ils ont encore doublé en 2010. Ce à quoi nous avons assisté, c'est qu'un certain nombre de mouvements de protestation localisés ont obtenu d'être tolérés par les autorités à condition de respecter certaines limites. Vous pouvez faire grève, mais vous ne pouvez pas organiser un syndicat indépendant. Vous pouvez protester contre les responsables locaux, mais vous ne pouvez pas contester le contrôle du parti communiste. Toutefois, cette tolérance officielle a été remise en question sous Xi Jinping. Les grèves économiques se sont poursuivies et sont désormais essentiellement défensives. Elles ne subissent pas de fortes pressions policières, mais toutes les autres formes de protestation et d'organisation ont fait l'objet d'une répression importante. L'ampleur de la répression a été illustrée de la manière la plus flagrante il y a deux ans lors des manifestations de Hong Kong. Bien que les opérations aient été menées par la police de Hong Kong, elles ont été pour l'essentiel dictées par Pékin : plus de 10 000 personnes ont été arrêtées et bon nombre des partisans les plus en vue du mouvement ont été privés de la possibilité de participer aux élections.

La réponse de la Chine au Covid a été également marquée par un très haut niveau de contrôle de l'État sur les déplacements, ce qui a permis d'obtenir un succès initial mais qui n'a pas été durable. En fait, la Chine a réagi de manière très efficace à la première vague de Covid, mais ne s'est pas adaptée à la mutation du virus. Le fait que la Chine se soit contentée de procéder à des fermetures arbitraires a donné lieu à de vives protestations en 2022. Celles-ci ont permis de constater que l'État reste très sensible aux mouvements de contestation. Il ne s'agissait pas de grandes manifestations, des centaines de personnes, des milliers dans une ou deux villes, mais en réalité, le gouvernement a reculé. Depuis, la situation est calme, mais il ne faut pas en déduire que ce calme est synonyme d'absence de mécontentement.

Je parlerai maintenant brièvement de la résistance et de la répression au Tibet et au Xinjiang. Ces deux situations sont assez déprimantes. L'économie tibétaine s'est considérablement développée au cours des 25 dernières années, mais d'une manière qui exclut la plupart des Tibétains des bénéfices de la croissance. En 2008, une révolte de grande ampleur a éclaté dans toutes les régions à majorité tibétaine et s'est propagée bien au-delà de la province du Tibet. Elle a été suivie par des manifestations étudiantes contre la marginalisation de la langue tibétaine, qui ont ensuite chevauché l'une des vagues de protestation les plus troublantes et les plus frappantes de ces dernières années, à savoir une vague d'immolations. Des personnes qui se font brûler pour protester contre le contrôle du Tibet par la Chine, c'est un phénomène très ancien dans la culture bouddhiste, mais qui n'est pas inconnu dans d'autres religions. Cette vague de protestations a atteint son point culminant en 2015, et la dernière a eu lieu en 2022. En fait, l'État chinois, en exerçant des représailles contre toute personne ayant un lien quelconque avec ceux qui se sont immolés par le feu, a finalement réussi à mettre fin au mouvement. Ces dernières années, la Chine a imposé la sédentarisation forcée de centaines de milliers de nomades. Ce phénomène, associé à l'expansion de l'exploitation minière et du tourisme de masse, menace gravement l'avenir de la langue et de la culture tibétaines.

L'histoire récente du Xinjiang a été encore plus mouvementée. Là encore, la croissance économique a été très forte, mais la population majoritairement ouïgoure en a été exclue. Il est important de souligner que le Xinjiang est beaucoup plus important pour l'économie chinoise que le Tibet. Cette région constitue une importante réserve d'énergie, une considérable réserve de matières premières et, bien entendu, un point relais essentiel pour les exportations vers la Russie. La répression des Ouïghours a donné lieu à des manifestations de masse dans la capitale, Ürümqui, en 2009, qui ont fait plusieurs centaines de morts. Ces manifestations ont été suivies d'attaques terroristes auxquelles le PCC a répondu par une répression islamophobe généralisée à laquelle il a donné le nom de « guerre populaire contre le terrorisme ». Des gens ont été arrêtés parce qu'ils portaient la barbe ou le voile, parce qu'ils jeûnaient pendant le ramadan, parce qu'ils ne buvaient pas [d'alcool], etc. Des campagnes d'internement de masse, que l'État chinois qualifie de « campagnes d'éducation », ont été menées. À ce jour, environ un adulte sur dix a été emprisonné et, dans ces camps, le travail forcé, la torture et l'assimilation forcée n'ont été que trop fréquents. Ce phénomène s'est propagé du Xinjiang à tous les musulmans de Chine. Les informations publiées par le Financial Times en 2023 montrent que plus de 1 700 mosquées ont été transformées, vidées de leur contenu ou détruites. Ainsi, tant au Tibet qu'au Xinjiang, le processus de répression de la culture locale a malheureusement été couronné de succès, ce qui a des retombées pour la Chine et pour le monde, sur lesquelles je vais maintenant revenir.

Je vais parler maintenant des relations entre la Chine et le reste du monde. Rappelons quelques points concernant l'économie. La Chine est passée d'un rôle périphérique dans l'économie mondiale en 1980 à celui de principal moteur de la croissance économique dans le monde depuis 2008. Deuxième économie mondiale, premier exportateur, deuxième importateur, deuxième exportateur de capitaux, principalement par le biais des « nouvelles routes de la soie ». L'essor de la Chine représente inévitablement une menace pour l'hégémonie politique et économique des États-Unis. Non pas que la Chine veuille remplacer les États-Unis en tant que superpuissance mondiale, mais les dirigeants chinois se sont montrés tout à fait disposés à participer à des organismes dominés par les États-Unis, tels que le FMI, la Banque mondiale, etc. Ce qu'ils ont en vue, c'est un monde multipolaire dans lequel de nombreuses puissances, les États-Unis, la Russie, la Chine, le Japon, l'Inde et l'Union européenne, décident ensemble de ce qui se passe. Il n'y a rien d'anti-impérialiste là-dedans. Il s'agit de redistribuer les inégalités plutôt que de les remettre en cause. Il s'agit de remettre en cause la structure du contrôle impérialiste sur l'économie mondiale. Il ne s'agit pas de remettre en cause l'emprise du pouvoir impérialiste sur l'économie mondiale. Les États-Unis ont eu des réactions contradictoires à ce sujet, pour des raisons compréhensibles. Ils ont besoin de la Chine sur le plan économique, mais se méfient du pouvoir économique et politique que la Chine peut exercer dans le reste du monde. Les deux économies sont devenues très étroitement imbriquées. La Chine est la première région d'importation et la troisième destination pour les exportations. Un camarade sino-américain a décrit cette situation dans un article de Spectre comme une situation de coopération antagoniste. Ils ne peuvent pas vivre l'un avec l'autre ; ils ne peuvent pas vivre l'un sans l'autre.

La montée en puissance de la Chine a coïncidé avec le déclin relatif de l'hégémonie américaine et l'a partiellement accéléré. Elle n'en est pas la cause, il s'agit de deux processus distincts qui se chevauchent et interagissent l'un avec l'autre. Plus qu'aucun autre président, c'est Obama qui s'est le mieux approché d'une politique cohérente, avec d'une part le pivot militaire vers l'Asie, et d'autre part un projet économique appelé le partenariat transpacifique. Il s'agit fondamentalement d'une zone de libre-échange qui engloberait tous les pays situés de part et d'autre du Pacifique, à l'exception de la Chine. Dans les deux cas, cela signifie que les États-Unis ont reconnu la nécessité d'avoir des partenaires en Asie, en reconnaissant que leur puissance était réduite. Le pivot militaire n'a pas été réalisé à cause de l'Irak, le partenariat transpacifique, précisément parce qu'il s'appuyait sur un partenariat plutôt que sur la domination des États-Unis, a progressé très lentement. Puis Trump est arrivé au pouvoir pour la première fois. Il a mis les deux à la poubelle, déclenchant des batailles dommageables sur les droits de douane qu'il a ensuite dû abandonner en partie. Biden a poursuivi les guerres tarifaires, a voulu revenir à la politique d'Obama et a rencontré beaucoup plus de difficultés. L'un des signes de ces difficultés est que le partenariat transpacifique est en train d'être relancé. Onze autres pays ont décidé que c'était une bonne idée et que si les États-Unis ne voulaient pas en faire partie, ils iraient de l'avant sans eux. Il s'agit désormais d'une zone de libre-échange de part et d'autre du Pacifique qui exclut la Chine et les États-Unis, mais la Chine a demandé à y adhérer et la Grande-Bretagne en est un membre associé.

Le programme AUKUS (Australie, Royaume-Uni et États-Unis), qui vise à construire une nouvelle génération de sous-marins nucléaires, est probablement la meilleure illustration de cette ambition militaire stratégique. Il s'agit d'un programme de construction d'une nouvelle génération de sous-marins nucléaires. Il s'agit d'un programme à très long terme ; la construction en commencera en 2030 pour un déploiement en 2040. C'est ce qui est prévu, et les plans militaires ont évidemment toujours tendance à se prolonger, mais cela montre aussi que les autres puissances occidentales considèrent désormais la Chine comme un adversaire de premier plan. Il y a d'énormes divergences entre les puissances occidentales, en particulier du côté de l'Allemagne qui a considérablement profité de la montée en puissance de la Chine. Beaucoup de gens parlent d'une nouvelle guerre froide, mais je ne pense pas que ce soit la meilleure façon de décrire la situation. Il n'y a pas d'antagonisme idéologique, les rivalités sont motivées par la concurrence économique et non militaire. On retrouve certains aspects de l'impérialisme classique de l'époque de la Première Guerre mondiale mais, surtout, le monde n'est plus divisé en blocs impériaux que les grandes puissances contrôlent, de sorte que le monde est beaucoup plus imprévisible qu'auparavant.

Les tensions militaires entre ces États sont alimentées à la fois par les États-Unis, qui défendent leur hégémonie, et par la Chine, qui s'affirme de plus en plus, tant sur le plan économique que militaire. La Chine dispose désormais d'une base navale à Djibouti, en Afrique de l'Est, et sa marine est en train de se déployer dans l'océan Indien. La Chine possède désormais un port au Sri Lanka, que ce dernier a dû lui céder lorsqu'il n'a pas pu rembourser un prêt accordé dans le cadre des « nouvelles routes de la soie ». La Chine a également intensifié ses activités en mer de Chine méridionale ainsi que la fréquence de ses vols militaires autour de Taïwan. La mer de Chine méridionale est devenue un point de friction majeur, car environ 40 % du commerce mondial y transite. Pratiquement tout ce qui vient de Corée du Sud, tout ce qui vient du Japon, tout ce qui vient de Chine. En outre, la répression qui s'est abattue sur Hong Kong ces dernières années a renforcé la méfiance largement répandue à l'égard des projets de la Chine dans la région et a renforcé la position des États-Unis dans la conclusion d'alliances en Asie du Sud-Est. Il reste à voir si cela se poursuivra sous Trump.

Les cartes que je vais vous montrer illustrent les raisons pour lesquelles les gouvernements d'Asie du Sud-Est sont mécontents des revendications et des ambitions de la Chine. La ligne rose en pointillés indique les eaux territoriales revendiquées par la Chine. Selon celle-ci, ces eaux commencent à 12 milles des côtes du Viêt Nam, à 12 milles des côtes de la Malaisie et à 12 milles des côtes des Philippines. Ces revendications sont évidemment contestées par tous les autres gouvernements de la région. Je devrais dire tous les autres gouvernements, à l'exception de Taïwan qui revendique la même chose. Cela illustre l'une des raisons pour lesquelles les tensions en Asie de l'Est se sont accrues et ont conduit à une formidable course aux armements qui a trois causes distinctes. La plus importante concerne évidemment les dépenses militaires des États-Unis. Les dépenses militaires américaines ont pivoté vers l'Asie de l'Est et le Pacifique, bien que l'objectif de consacrer 6 % des ressources militaires américaines à cette région n'ait pas encore été atteint. Les dépenses chinoises en armement ont connu une augmentation considérable : elles ont été multipliées par dix entre 2000 et 2020, même si, compte tenu de l'énorme dynamisme de l'économie chinoise, elles sont restées constantes en proportion du PIB. De nombreuses autres puissances de la région ont également augmenté leurs dépenses dans des proportions similaires. Et pour citer l'un des meilleurs livres sur la région, un élément souvent négligé est la façon dont les alliés des États-Unis ont joué leur propre jeu stratégique, en mettant simultanément à l'épreuve l'engagement des États-Unis en faveur de la sécurité régionale ou bilatérale, mais aussi la capacité de la Chine à faire preuve d'autolimitation.

Le graphique que voici montre les dépenses militaires de 2021 pour les États-Unis et le reste du monde. Vous pouvez constater que les États-Unis sont de loin le pays qui dépense le plus dans le domaine militaire. Notez l'importance de l'Asie de l'Est, de la Chine, du Japon et de la Corée du Sud et, un peu en retrait, de l'Inde et de l'Arabie saoudite. L'évolution de la structure de l'économie mondiale a également donné plus de poids à d'autres classes dirigeantes. Cela signifie qu'il n'y a plus une simple compétition binaire entre deux blocs. En clair, ni les États-Unis ni la Chine ne peuvent se contenter de faire cavalier seul. Et c'est dans ce maelström d'intérêts et d'alliances en concurrence qu'arrive Trump. Il est important de comprendre qu'il n'y a pas que Trump. Il est entouré de personnes tout aussi pernicieuses, mais qui ont une vision beaucoup plus claire de ce qu'elles perçoivent comme étant les intérêts stratégiques américains. Des gens comme Vance et Marco Rubio. Nous pouvons déjà voir émerger une stratégie qui consiste à écarter l'Ukraine et Gaza afin que Trump puisse se concentrer sur la concurrence la plus importante, qui est celle de la Chine. Tout le jeu autour de l'Ukraine consiste également à essayer de détacher Poutine de la Chine, pour faire en quelque sorte du Nixon à l'envers. En 1972, Richard Nixon s'est rendu en Chine et a conclu une alliance, les deux pays considérant l'URSS comme leur principale adversaire. Trump veut faire l'inverse. Il s'agit d'un revirement explicite par rapport à l'idée que les États-Unis peuvent être la seule puissance hégémonique. Il considère que dans un monde multipolaire, Israël peut faire ce qu'il veut à Gaza, en Cisjordanie, au Liban et en Syrie, et que les États-Unis peuvent donc faire ce qu'ils veulent dans les régions du monde qu'ils contrôlent. Il s'agit là d'un abandon de la notion d'ordre international fondé sur des règles et d'un retour au capitalisme de gangsters, ce qui ne constitue en aucun cas un pas en avant.

Alors, à quoi va ressembler le nouvel ordre mondial de Trump ? Il est extrêmement difficile de le prédire. Et sur le plan militaire, la situation est encore bien plus délicate. Les États-Unis sont en train de chercher à rattraper leur retard, tandis que la Chine adopte une posture plus agressive. Mais sur le plan économique, l'intégration n'a jamais été aussi poussée, et même si l'on observe des mouvements de découplage, de rétablissement des frontières nationales autour d'économies clés, il y a de réelles limites à cette évolution. Il est important de comprendre que ces processus ne s'annulent pas réciproquement, qu'ils n'atténuent pas les tensions, mais qu'ils les rendent plus imprévisibles, et que cette imprévisibilité est renforcée par la présence de nombreux autres acteurs dans la région, dont aucun n'est une simple marionnette de l'une ou l'autre des superpuissances. La classe dirigeante japonaise, la classe dirigeante sud-coréenne et la classe dirigeante taïwanaise font des calculs en fonction de leurs propres intérêts et nombre de ces calculs s'avéreront erronés. Il existe également un fossé énorme entre les désirs et la réalité. Trump aimerait que la question de Gaza et de l'Ukraine soit réglée afin de pouvoir se concentrer sur la Chine. C'est loin d'être le cas. Obama voulait retirer les États-Unis de l'Irak pour pouvoir se concentrer sur la Chine, et cela ne s'est pas produit. Je pense donc que nous devons comprendre qu'il y a là une véritable dynamique de guerre et je pense que nous devons comprendre que résister à cette dynamique de guerre signifie comprendre qu'il s'agit d'un produit des tensions impérialistes, qui sont en fin de compte causées par la concurrence capitaliste. En d'autres termes, il n'y a pas de solutions simples. Alors, comment agir ? Ce n'est pas toujours facile et je pense que nous devons avoir une compréhension claire des circonstances concrètes, mais je pense qu'il y a trois principes généraux. Le premier est l'antiracisme inconditionnel. Nous sommes aux côtés des Chinois et des Asiatiques de l'Est contre toutes les formes de racisme. Il s'agit d'une préoccupation majeure en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Australie. Alors que la rhétorique anti-Chine s'intensifie en Grande-Bretagne, nous pouvons nous attendre à une recrudescence des formes de racisme à l'encontre des Chinois. Deuxièmement, dans le cadre d'un anti-impérialisme cohérent, nous devons souligner que la Chine n'est pas pire que n'importe quelle autre puissance impérialiste et continuer à faire le parallèle entre la Chine et d'autres luttes. Hong Kong a réveillé des souvenirs en rapport avec le mouvement « Black Lives Matter ». Il y a de nombreux parallèles entre la répression islamophobe au Xinjiang, la répression islamophobe en Palestine. Israël et la Chine coopèrent à la fois dans les domaines des logiciels et du matériel de sécurité. Nous mettons l'accent sur le fait que l'ennemi principal se trouve chez nous parce que c'est là que nous sommes, et non parce qu'il est moralement pire que n'importe quel autre. Mais nous devons aussi dire qu'il ne faut pas maquiller les choses en rouge. La Chine est une puissance impérialiste au même titre que les États-Unis, la Grande-Bretagne ou la Russie. En tant que socialistes révolutionnaires cohérents, nous devons y appuyer toutes les luttes d'en bas de la même manière que nous appuyons toutes les luttes contre l'oppression et l'exploitation.

Charlie Hore

P.-S.

• Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l'aide de DeepLpro.

Source rs21, 9 mars 2025 :
https://revsoc21.uk/2025/03/09/video-china-and-the-us-in-the-21st-century/

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Rapport de l’OCPM sur Ray-Mont Logistiques : Mobilisation 6600 exhorte la Ville de Montréal de rejeter les demandes de dérogation de l’entreprise

18 mars, par Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM — , ,
**Montréal, 13 mars 2025**– Le mouvement populaire Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM accueille favorablement les conclusions du rapport de l'Office de consultation publique de (…)

**Montréal, 13 mars 2025**– Le mouvement populaire Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM accueille favorablement les conclusions du rapport de l'Office de consultation publique de Montréal (OCPM) sur Ray-Mont Logistiques (RML). Il se réjouit que les recommandations des commissaires reprennent les revendications portées par le mouvement, et exhorte la Ville de Montréal de rejeter les dérogations demandées par l'entreprise.

Le rapport de l'OCPM reconnaît la détérioration de la qualité de vie dans le quartier et la gravité des nuisances environnementales provoquées **par les opérations, présentes et futures, de l'entreprise, à quelques mètres d'habitations, dans un arrondissement majeur de Montréal. Il souligne l'importance de la pollution sonore, atmosphérique et lumineuse produite notamment par le passage des trains et l'opération des silos et le manque de solutions concrètes pour les atténuer. L'office reconnaît aussi la non-acceptabilité sociale du projet dans son ensemble.


L'OCPM recommande :

1) le report de l'adoption des demandes de dérogation de RML par la Ville de Montréal afin de permettre une réelle évaluation de ses impacts ;

2) la protection de l'entièreté de la friche ferroviaire (Bande-CN), le déplacement des voies ferrées actives sur le site de l'entreprise et une réduction de sa surface minéralisée pour du reboisement ;

3) la tenue d'une évaluation environnementale complète menant à un BAPE sur le projet et les aménagements (notamment routiers) prévus autour du site ;

4) l'amélioration des communications et de la collaboration de l'entreprise avec la communauté.

> Rapport complet : https://ocpm.qc.ca/fr/ray-montlogistiques

« Le rapport de l'OCPM confirme ce que notre mouvement martèle depuis des années : il n'y a aucune cohabitation harmonieuse possible entre le projet de plateforme intermodale de Ray-Mont Logistiques et la qualité de vie de notre quartier »**affirme Anaïs Houde, co-porte-parole de Mobilisation 6600. « La Ville de Montréal a été muselée par une poursuite bâillon de 373M$, et se voit forcée d'élaborer, aux frais des citoyens, les mesures visant à mitiger les nuisances provoquées par l'entreprise. Il a été question de construire un mur de 16 mètres de haut devant nos maisons, un projet complètement aberrant ! Heureusement, le rapport reconnaît que les mesures actuellement proposées ne suffisent pas, et recommande la protection de la friche ferroviaire au complet, ce que notre mouvement revendique depuis plusieurs années » a-t-elle continué.

Le rapport souligne aussi l'absence de contribution significative de l'entreprise à la transition écologique, son entêtement à exclure toute modification à son projet qui pourrait permettre une meilleure intégration au milieu de vie, soulignant le manque de responsabilité sociale de l'entreprise.**Mobilisation 6600 déplore la tendance de Ray-Mont Logistiques à menacer de poursuite les institutions démocratiques qui pourraient limiter ses activités afin de protéger l'environnement et la santé publique. L'entreprise ne démontre aucun souci pour les personnes qui habitent aux abords de son projet.

« Les dérogations demandées ne sont qu'à l'avantage de Ray-Mont et l'entente conclue entre elle et la Ville de Montréal coûterait vraisemblablement des centaines de millions aux Montréalais.es » dénonce Cassandre Charbonneau-Jobin, co-porte-parole du mouvement. « Si les élu.es sont réellement à l'écoute des citoyen.nes, et ont à cœur la santé et la qualité des vie des Montréalais.es, ils et elles auront le courage des décisions difficiles en se tenant debout contre des entreprises qui usent d'intimidation pour arriver à leurs fins » a-t-elle ajouté.

Comme l'ont noté les commissaires, plusieurs participant.es à la consultation publique se sont dit inquiet.es de l'instrumentalisation des institutions démocratiques par Ray-Mont Logistiques*. « Si la consultation ne change rien au résultat, si la Ville accorde ses dérogations à Ray-Mont et qu'aucune modification n'est apportée au projet, comment pouvons-nous encore faire confiance à nos institutions démocratiques pour protéger notre santé et celles de nos familles ? » questionne Cassandre Charbonneau-Jobin. « Aux élu.es de Montréal, nous demandons donc de rejeter les demandes de dérogation de l'entreprise, et aux élu.es de Québec, particulièrement à notre ministre de l'environnement, Benoit Charette, nous demandons d'intervenir pour soumettre le projet de RML à une évaluation environnementale complète menant à un BAPE » a-t-elle ajouté.

Mobilisation 6600 remercie et félicite toutes les personnes qui ont participé à la consultation. En tout,**ce sont 140 avis écrits et 27 présentations orales qui ont été soumis aux commissaires, du jamais vu à l'OCPM. **L'ampleur de la participation dénote la force de la mobilisation populaire et la détermination à empêcher le projet de Ray-Mont à voir le jour. « Dans Mercier-Hochelaga-Maisonneuve nous méritons mieux qu'un champ de conteneurs et un mur de de la honte, nous méritons la santé et des espaces pleins de vie, nous méritons nous aussi une ville où il fait bon vivre. Nous continuerons à nous battre pour ce que nous méritons ! » conclut Anaïs Houde.

**À propos de Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM**

Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM est un mouvement populaire qui lutte depuis 2016 pour la préservation des espaces verts et vivants, de la santé et de la qualité de vie dans Mercier-Hochelaga-Maisonneuve. Il revendique la création d'un Parc nature dans le quadrilatère Viau-Dickson-Hochelaga-Notre-Dame et s'oppose à l'installation de Ray-Mont Logistiques et autres expansions portuaires.https://resisteretfleurir.info https://resisteretfleurir.info/

**Source : **Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM

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Dans le monde des intérimaires. Une enquête sur la surexploitation

18 mars, par Clémentine Comer, Maéva Durand — , ,
Le livre « La condition intérimaire », récemment publié aux éditions La Dispute, révèle les modalités de la surexploitation et de la marginalisation d'une composante ordinaire (…)

Le livre « La condition intérimaire », récemment publié aux éditions La Dispute, révèle les modalités de la surexploitation et de la marginalisation d'une composante ordinaire du système d'emploi, qui affectent essentiellement les fractions les plus dominées des classes populaires. Cette enquête collective permet d'en saisir les diverses facettes, et la fonctionnalité de l'interim dans le capitalisme contemporain, ainsi que ses effets, notamment sur la santé des travailleur.ses.
Collectif. La condition intérimaire, Ed. La Dispute, 2024, 168 p., 16 euros

3 mars 2025 | tiré de contretemps.eu
https://www.contretemps.eu/interimaires-enquete-surexploitation/

Selon la DARES, en novembre 2024, 717 300 personnes occupent un emploi intérimaire. Bien qu'il ne représente que 2 à 3% de l'emploi salarié total, le travail intérimaire apparaît comme un indicateur de la fragilisation de l'emploi et de la dégradation des conditions de travail, encore plus dans certains secteurs – BTP, logistique, agroalimentaire -, où son utilisation demeure massive[1]. La surexposition aux risques d'accidents du travail et aux maladies socio-professionnelles, en tant que conséquence d'une subordination accrue au travail, amène à penser une condition commune aux intérimaires.

C'est en tout cas la thèse du livre La condition intérimaire, produit sur la base d'une enquête collective menée entre 2020 et 2021. Fort des six sociologues composant l'équipe de recherche, le dispositif méthodologie repose à la fois sur uneexploitation statistique de L'enquête Conditions de travail et risques psychosociaux 2016 (DARES) ainsi que sur le traitement qualitatif de 73 entretiens, auprès de 23 intérimaires et de 50 intervenant.es de la prévention des risques professionnels des intérimaires. La reconstitution de parcours professionnels démontre que c'est en réalité « faute de mieux » (p. 41) que ces travailleurs se retrouvent à investir ce statut, de plus en plus généralisé chez les ouvriers et employés.

Ainsi, derrière la diversité des raisons pour lesquelles on devient intérimaire, l'analyse accorde un examen soigneux à l'expérience concrète des fragilités en situation de travail ; physique, statutaire, psychologique et de soumission aux contraintes productives (p.77) ; qui rendent tangibles les incidences morales et matérielles de la précarité constitutive de ce statut d'emploi. Ce faisant, cet ouvrage renoue avec l'idée que pour comprendre les rapports de dominations au travail, et le consentement renouvelé aux contraintes productives, il est nécessaire de s'attarder sur travail lui-même et pas seulement sur les instances de socialisation extérieures à la sphère salariée[2].
Une précarité institutionnalisée… réservée aux milieux populaires ouvriers

Utilisé aux États-Unis pendant l'entre-deux-guerres, puis en France à partir des années 1950 auprès d'une main-d'œuvre majoritairement féminine, le recours à l'intérim, d'abord considéré comme illégal, est progressivement encadré et son recours limité à des motifs précis. L'institutionnalisation de cette forme d'emploi dérogatoire est confortée dans les années 1990 avec l'alignement de sa réglementation sur celle des CDD. L'année 2005 représente un tournant dans l'histoire de l'intérim en ouvrant le monopole légal de placement, jusqu'alors exclusivement détenu par le service public de l'emploi, aux établissements de travail temporaire. Un brouillage des frontières entre intérim et contrat de droit commun que parachève la création du statut de CDI intérimaire en 2014. Bien qu'elle s'adosse à une régulation conventionnelle (accord de branches et négociation des droits sociaux), cette banalisation de l'intérim entérine l'idée d'un statut organisé autour de la discontinuité de l'emploi. Et ainsi de faire de ce statut un instrument exemplaire des politiques néolibérales de dérégulation du marché du travail, convoité et justifié en ce qu'il permet de limiter la masse salariale, de déléguer les coûts indirects liés à l'emploi de salariés (formation, santé), mais aussi d'externaliser les illégalités de l'emploi de travailleurs et travailleuses sans papier.

Déclinaison contemporaine d'une « condition ouvrière industrielle » qui se déploie « par-delà les usines » (p.33), l'intérim est devenu une norme d'emploi concentrée dans les fractions basses des classes populaires. 76 % des intérimaires travaillent sur des postes ouvriers, dont 39 % de qualifiés (p. 31). En parallèle, la part d'employé·es a presque doublé en 20 ans, pour atteindre 14% dans le secteur tertiaire. Les cadres sont très peu touchés par ce type d'emploi (2% en 2015). Des secteurs d'activité à forte pénibilité concentrent l'emploi intérimaire. Dans l'industrie automobile, le taux de recours à l'intérim était de 11%, au début des années 2000, et à plus 50% dans les usines de sous-traitances. Lucas Tranchant observe que certains entrepôts de la logistique en Île-de-France comptaient près de 70% de travailleurs intérimaires, en contradiction avec le cadre légal qui en interdit l'usage pérenne[3]. Dans ces cas où il s'apparente à une flexibilité quantitative de la main-d'œuvre dans des organisations productives en flux tendus, l'intérim peut alors être qualifié « de masse ». Et c'est bien cet usage structurel d'un volant de main-d'œuvre, couplée à une utilisation sectorielle concentrée sur des postes peu qualifiés, qui fait de l'intérim un « statut subalterne » (p.34) éloigné des protections sociales et professionnelles du salariat.

L'un des exemples de cette fragilisation de l'emploi est l'absence de carrière professionnelle, mais aussi la pénibilité marquée des types de tâches attribuées, ce qui questionne la possibilité effective de vieillir dans les métiers d'ouvriers et d'employés, où l'intérim demeure fréquent. Si les intérimaires restent en moyenne plus jeunes que l'ensemble de la population active, la part des plus de 50 ans a quasiment triplé, passant de 4 % à 11% entre 1995 et 2015. Comme cela a pu être observé dans le secteur de l'agroalimentaire, un secteur particulièrement vieillissant et où le travail s'exécute à la chaîne sur des lignes de production, les adaptations des postes de travail sont peu proposées sur le long terme[4]. D'autres enquêtes révèlent que les intérimaires connaissent des douleurs dorsales (60%), étant donné les postures inconfortables, le travail de manutention important et la répétitivité des tâches, mais aussi, pour plus de la moitié d'entre eux, du stress et de l'anxiété[5]. Outre l'altération des conditions de santé liée au travail et un très fort taux d'exposition aux risques professionnels, l'ouvrage montre que les parcours qualifiants en intérim demeurent l'exception. Tout au plus, les intérimaires, qui perçoivent leur activité avant tout comme un gagne-pain, résistent à la pénibilité et à l'ennui au travail par des « mobilités professionnelles horizontales » (p.46), en passant d'une entreprise ou d'un secteur d'activité à l'autre.

Selon les auteur.es, l'asymétrie de droits permise par la relation triangulaire entre l'entreprise de travail temporaire, l'entreprise utilisatrice et l'intérimaire est d'ailleurs ce qui explique et rend possible la soumission à des contraintes organisationnelles et productives importantes. Ce déséquilibre donne en effet la liberté aux entreprises de déborder du cadre réglementaire en utilisant l'intérim comme période d'essai à durée indéterminée, et comme mécanisme de sélection des travailleurs, au sens où seuls les plus résistants et les plus engagés dans le jeu de la productivité peuvent prétendre à la titularisation. Aussi, rien de surprenant que, confrontés à une forme d'emploi à durée incertaine et à des travaux pénibles et pathogènes, les intérimaires construisent un rapport instrumental et désabusé au travail (p.48).

Subordination accrue et individualisation des relations de travail

Le focus que les chapitres 2 et 3 de l'ouvrage portent sur l'organisation du travail et les relations entre travailleurs ainsi qu'à la hiérarchie, donnent à penser un autre trait caractéristique du travail intérimaire : des relations de travail fortement marquées par une subordination exacerbée et des modes individuels de régulation des conflits.

Face à la multiplication des missions, les possibilités d'obtenir des avantages collectifs négociées par branches s'amenuisent tout comme la propension à se voir attribué une place valorisée et valorisable dans l'organisation du travail. L'un des postulats forts défendus dans cet ouvrage est en effet que les conditions de travail reflètent et produisent la valeur associée aux salariés (p.54). Cette valeur apparaît dégradée par la déqualification des postes que le salaire ne saurait compenser à lui seul. L'ouvrage bat ainsi en brèche l'idée que le travail intérimaire serait mieux rémunéré que celui de l'ensemble des salariés. Pour les métiers non qualifiés, les salaires se rapprochent de ceux du SMIC. Pour augmenter les revenus, il incombe à l'intérimaire de réduire le temps non travaillé, avec des volumes horaires dépassant largement les 35h réglementaires. Ainsi Roland, 53 ans, chauffeur routier, gagne entre 1600 et 1700 euros pour certaines semaines à 60 heures de travail. Sur un poste plus qualifié, Grégoire, 49 ans, travailleurs du BTP estime gagner entre 2000 et 2300 euros pour plus de 70 heures par semaine (p.57).

Soumises à une forme de « convocabilité permanente »[6], les personnes doivent affronter les jugements sur leur employabilité, dans le contexte où chaque mission nécessite de faire à nouveau les preuves de son efficacité. Sans cesse redéfinie par les entreprises utilisatrices, cette efficacité productive s'inscrit à la fois dans des pratiques (s'aligner sur une certaine vitesse d'exécution) mais aussi une posture morale (être humble et conciliant). Dans la continuité des travaux montrant que le zèle permet de tenir face au décalage existant entre les consignes et ce qu'il faut concrètement faire pour aboutir au résultat prescrit par l'organisation du travail[7], l'ouvrage rend compte de formes de négociations implicites des contraintes propres au travail intérimaire. Il revient ainsi sur le jeu progressif et itératif par lequel l'intérimaire intègre une norme implicite de rendement en deçà de laquelle il et elle « risque d'être accusé de tirer au flanc et au-dessus duquel il apparaît comme trop zélé » (p. 90). Il propose en outre une acception conceptuelle du terme de « larbin », très utile pour comprendre la place des intérimaires dans les hiérarchies au travail. Etre intérimaire c'est donc être celui ou celle qui décharge ses collègues titulaires et qui accepte de faire « ce qu'il reste à faire ». Au cœur de l'ouvrage, c'est ainsi la notion de « sale boulot » de E.C Hughes[8] qui est mobilisée pour penser conjointement la division technique et sociale du travail à une dimension plus morale et psychologique, mais aussi en lien à la volonté de l'employeur d'amenuir la conflictualité dans le travail sans remettre en cause les logiques courtermistes d'économie sur la main d'œuvre. Noémie, aide-soignante de 56 ans, répond ainsi plus fréquemment que ses collègues aux urgences à l'Ephad, son travail intérimaire permettant de compenser un manque d'effectif, tout en préservant les autres salariés des tâches les plus pénibles. Dès lors, l'intérimaire peut se retrouver particulièrement valorisé par la hiérarchie, par ailleurs peu regardante sur les « raccourcis » qu'il peut faire en matière de sécurité, dans un contexte où l'encadrement est de surcroit réduit par des logiques d'économie de main-d'œuvre.

Exécuter les tâches les moins valorisantes et professionnalisantes induit le sentiment d'être méprisés et engendre un rapport ambivalent au collectif de travail. Les interactions humiliantes sont largement reportées par les intérimaires, bien que le collectif apparaisse comme un appui essentiel dans la mise au travail. En effet, l'aide des collègues s'avère indispensable à l'apprentissage du métier, dans le contexte où les intérimaires sont en réalité peu formés et encadrés sur leur poste de travail. Toutefois, ces formes de coopérations dans le travail collectif ne doivent pas tromper : placés à la périphérie des équipes de travail, les intérimaires maintiennent une forte extériorité à l'égard des collectifs professionnels. Il en résulte un rapport individualisé au travail, avec une exposition forte aux formes d'autoritarisme exercées par les encadrants intermédiaires ou par les collègues titulaires et un évitement de situations conflictuelles par des stratégies d'exit (p.96-97).

L'étude de la condition des intérimaires ouvre enfin des pistes d'analyses sur la production des discriminations au travail en lien avec le genre, la couleur de peau et l'état de santé ou le handicap. De ce point de vue, les statistiques parlent d'elles-mêmes, puisque « près ¼ des femmes intérimaires déclarent avoir vécu des situations difficiles au travail en raison de leur genre (contre 5% des femmes tout statut d'emploi confondu) » (p. 77). En s'attachant toutefois à l'examen d'une condition commune aux intérimaires, l'ouvrage n'engage pas d'analyse approfondie des effets du statut intérimaire sur les rapports de genre. L'on sait pourtant qu'aux sources de pénibilité du travail s'ajoutent des violences sexistes et sexuelles qui sont monnaie courante dans des environnements de travail très féminisés mais mixtes. Des études récemment consacrées au secteur agroalimentaire[9] montrent ainsi combien ces violences prennent place dans une sexualisation routinière du cadre de travail et combien la construction de réputations conjugales et sexuelles permet à l'encadrement d'introduire un ordre social qui est aussi moral.

Une gestion individualisée et bricolée de la santé au travail

L'ouvrage progresse par le dévoilement d'un autre paradoxe structurant de la condition intérimaire. Dans un contexte où les possibilités d'évolution professionnelle apparaissent limitées chez les intérimaires, rester en bonne santé devient le principal gage d'employabilité. Cependant, l'examen attentif des dispositifs de prévention des risques au travail et des services de santé aboutit à un constat sans appel : ils sont non seulement sous-mobilisés mais également défaillants dans leur application. Cette négligence aboutit une fois encore à une gestion des risques professionnels construite en extériorité du travail et des collectifs de travail obligeant les intérimaires à une gestion individualisée et bricolée de leur propre santé et sécurité (p.131).

D'abord, la responsabilité partagée entre entreprises de travail temporaires et entreprises utilisatrice pour la prévention des risques professionnels et la formation à la sécurité induit une « déresponsabilisation réciproque » (p.130), en défaveur de l'intérimaire qui se retrouve à pallier seul aux carences institutionnelles. Ainsi lorsque les entreprises de travail temporaire manquent à leurs obligations en termes de protection, pour contrebalancer les prix des prestations tirés vers le bas par les entreprises utilisatrices, les intérimaires assument personnellement le coût de leurs équipements.

Ensuite, le flou qui subsiste quant à la déclinaison des dispositifs réglementaires limite la portée de ces instruments. Les intérimaires désignent aussi bien par formation, tantôt des tests auxquels ils sont soumis avant le début de leur mission, tantôt des rappels de postures adoptées, ou encore l'accueil fait par le manager de proximité lorsqu'ils arrivent sur le lieu de travail. La grande partie de ces formations relève davantage d'actions de sensibilisation, avec une portée préventive limitée du fait de leur caractère générique. De même, les visites médicales sont décrites comme « bidons » (p.136) et « hors sol » (p. 143) étant donné le caractère sommaire de la consultation et le manque d'information sur l'entreprise utilisatrice et l'organisation du travail de production. Les médecins se prononcent sur l'aptitude de l'emploi et non du poste, alors même que les intérimaires peuvent expérimenter plusieurs types d'emploi.

En outre, les processus d'intermédiation et de professionnalisation croissante de la gestion des risques afférents à la santé et à la sécurité au travail se sont accompagnés de l'émergence d'une nouvelle fonction de préventeur et de responsable sécurité, embauchés par les agences d'intérim. En principe chargés de traduire les obligations légales en procédures internes et de s'assurer de leur déploiement et de leur application opérationnelle, ces professionnels voient en pratique leur champ d'intervention limité, souvent réduit à des interventions au cas par cas. Parce que centrée sur les indicateurs de sinistralité et l'identification des accidents graves et/ou mortels, leur action laisse invisible une grande partie des risques auxquels sont exposés les intérimaires : maladies professionnelles, risques chimiques et risques psychosociaux restent hors des radars et échappent à toute mise en débat au sein du CHSCT.

En matière de gestion de santé au travail, ce sont enfin des comportements et adaptations stratégiques qui se jouent de part et d'autre. Côté salarié, la nécessité d'un maintien dans l'emploi peut conduire à dissimuler des problèmes de santé pour ne pas tomber sous le coup de restrictions médicales qui diminuerait son employabilité. La composition à dominante masculine de la population intérimaire (73 % des hommes et à 27 % des femmes, p.31) laisse également ouverte la question du déni viril de la souffrance et des risques professionnels[10]. Il est ainsi fait état de rapports de loyauté bâtis sur le fait de ne pas « chouiner » (p. 111) auprès des agences et sur le fait d'assumer une confrontation solitaire aux risques professionnels. Coté employeur, les dispositifs de santé au travail sont transformés en outils managériaux, comme lorsque les entreprises de travail temporaire classent leurs clients selon leur taux d'accidentologie, ou que la visite médicale devient une pratique supplémentaire de sélection des salariés sur la base d'aptitudes physiques. Compte tenu de la faiblesse des moyens accordés aux services de santé au travail, en termes humains comme organisationnels, et de la forte rotation du personnel médical, il est donc fort à parier que les objectifs de performance, auxquels sont soumis les bonus des managers, se substituent à de vraies démarches de prévention et accusent le contrôle hiérarchique et les divisions entre bons et mauvais salariés.

Insistons pour conclure sur le caractère précieux de cet ouvrage. Par un travail d'enquête qui documente très finement les pratiques de gestion de main-d'œuvre qui affectent les conditions de travail et la santé des intérimaires, il comble un grand vide pour la connaissance sociologique. En mettant au jour les ressorts d'une banalisation des contournements à la loi, il est aussi un important palliatif à la déliquescence des moyens de contrôle et de police forçant les employeurs au respect des droits du travail, dans un contexte où la tolérance croissante des pouvoirs publics face aux illégalismes dans le recrutement et le traitement des travailleurs subalternes. En outre, il est un puissant garde-fou contre l'idée parfois trop vite reçue de la figure de l'intérimaire tantôt maximisateur, car accusé de profiter de la générosité de l'assurance chômage, tantôt démissionnaire, car sujet à la perte de la valeur travail. En montrant combien le droit au repos est une solution pour se préserver, il ouvre une réflexion sur les leviers encore à disposition des travailleurs marginalisés et exposés à la surexploitation pour résister à l'intensification du travail. Aux cadences et à l'humiliation, les intérimaires se conforment à une certaine habituation à l'instabilité du travail salarié et au sentiment de pauvreté qui y est associé[11]. Enfin, cet ouvrage est un plaidoyer à la faveur du traitement conjoint des questions d'emploi et de travail. Il rappelle avec justesse combien l'instabilité professionnelle entraine une « dégradation du travail sur toutes ses dimensions » (p.163). Impossible dès lors à la lecture de cette synthèse d'imaginer répondre aux difficultés d'emploi sans questionner la qualité du travail et l'amélioration de ses conditions d'exercice. Une urgence d'autant plus pressante que le turnover structurel des intérimaires affecte y compris les salariés en emplois stables, notamment parce qu'il intensifie leur travail quand les exigences de rendement et de productivité doivent être tenues à effectifs restreints.

*

Clémentine Comer et Maéva Durand sont respectivement docteures en science politique et en sociologie.

Notes

[1] Jounin N., Paternoster L. (2009). « Un patron peut en cacher un autre. Sous-traitance et intérim dans les secteurs du bâtiment et du nettoyage », Savoir/Agir, vol. 4, n° 10, p. 13-22 ; Tranchant L. (2018). « ‪L'intérim de masse comme vecteur de disqualification professionnelle. Le cas des emplois ouvriers de la logistique », Travail et emploi, vol. 3, n°155-156, p. 115-140 ; Biaggi C., Comer C., Durand M., Liochon P., Mischi J. (2024). « Gestion et vécu des parcours ouvriers dans l'agroalimentaire en contexte de réforme de l'assurance-chômage », Rapport Dares.

[2] Burawoy M. (2015). Produire le consentement, Montreuil, La Ville brûle.

[3] Tranchant L. (2018)., art. cit.

[4] Biaggi et al. (2025), op. cit.

[5] Scalvinoni, B., Montcharmont, L. et Belkacem, R. (2023). « Les intérimaires, des travailleurs surexposés aux accidents du travail ». La Revue de l'Ires, vol 1, n° 109, p. 61-88.

[6] Chauvin S. (2010). Les Agences de la précarité. Journaliers à Chicago, Paris, Seuil.

[7] Rolo, D. (2014). « Penser la servitude volontaire à l'aide d'une théorie du corps. Contributions de la psychodynamique du travail ». Champ psy, vol 1, n°65, p. 69-84.

[8] Hughes E. C. (1956), « Social Role and the Division of Labor », The Midwest Sociologist, vol. 17, n°1, p. 3-7.

[9] Liochon P. « Vivre et vieillir dans le périurbain : Trajectoires de femmes ouvrières de l'agroalimentaire », thèse de sociologie en cours, sous la direction de Julian Mischi.

[10] Bouffartigue P., Pendariès J-R., Bouteiller J. (2010). « Virilité, métier et rapport aux risques professionnels : le cas de travailleurs de la sous-traitance », Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé [En ligne], 12-3.

[11] Duvoux N., Papuchon A. (2018). « Qui se sent pauvre en France ? Pauvreté subjective et insécurité sociale », Revue française de sociologie, n° 4, p. 607-647.

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Projet de loi 89 : une manœuvre explosive

18 mars, par Caroline Senneville — , ,
Non seulement ce projet de loi vient brimer les travailleuses et les travailleurs dans leur droit de négocier et d'améliorer leurs conditions de travail, mais il vient en prime (…)

Non seulement ce projet de loi vient brimer les travailleuses et les travailleurs dans leur droit de négocier et d'améliorer leurs conditions de travail, mais il vient en prime déstabiliser le fragile, mais important équilibre qui existait depuis l'adoption, en 1977, des dispositions anti-briseurs de grève prévues au Code du travail.

Avec le projet de loi 89, le ministre Boulet s'arroge le droit de mettre fin aux conflits de travail au détriment des droits des travailleurs, estiment les centrales et organisations syndicales cosignataires de cette lettre.

Si le projet de loi 89 du ministre du Travail, Jean Boulet, a été reçu comme une bombe dans le milieu syndical, c'est que son contenu et les motifs qui le sous-tendent sont explosifs.

Non seulement son projet de loi vient brimer les travailleuses et les travailleurs dans leur droit de négocier et d'améliorer leurs conditions de travail, mais il vient en prime déstabiliser le fragile, mais important équilibre qui existait depuis l'adoption, en 1977, des dispositions anti-briseurs de grève prévues au Code du travail. Un héritage important de René Lévesque et du Parti québécois de l'époque.

Rappelons tout d'abord les faits. Évoquant l'importance « d'éviter que ne soit affectée de manière disproportionnée la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population, notamment celle des personnes en situation de vulnérabilité », le ministre impose maintenant des services essentiels dans pratiquement tous les secteurs. De plus, il s'arroge le pouvoir de mettre fin aux conflits de travail. Rien de moins qu'une loi spéciale tous azimuts.

Arrivée de nulle part, la manœuvre de Jean Boulet, ancien avocat patronal maintenant ministre du Travail, ne passe absolument pas. Faut-il rappeler qu'il dispose actuellement de tous les leviers pour forcer les parties à régler les conflits et à y mettre fin ?

De surcroît, plus de 95 % des négociations se règlent sans grève ou lock-out et rares sont les conflits qui se prolongent. Et ça, le ministre le sait mieux que quiconque.

Il sait aussi que les patrons n'auront pour ainsi dire plus d'intérêt à négocier de bonne foi avec les syndicats, s'ils savent qu'en bout de piste, un arbitrage sera imposé.

Pas de gaieté de cœur

Quant aux personnes en situation de vulnérabilité, l'argument ne tient pas la route. Les travailleuses et les travailleurs, faut-il le rappeler, sont partie prenante de la société et comptent parmi leurs rangs des personnes vulnérables. Mettre ces deux groupes en opposition constitue un faux débat. Les travailleurs sont les premiers à avoir à cœur le bien-être des personnes qui utilisent leurs services, et c'est entre autres pour améliorer ces mêmes services qu'ils choisissent de se battre.

Si les travailleurs prennent en toute connaissance de cause la décision de faire la grève – et de se plonger dans l'incertitude financière –, ce n'est pas de gaieté de cœur. Rappelons d'ailleurs que les grèves ont permis, au fil du temps, des avancées sociétales majeures, tels les congés de maternité payés.

Finalement, le contexte politico-économique houleux et imprévisible aurait dû, lui aussi, freiner le ministre dans ses élans antitravailleurs et appeler à la plus grande cohésion et à la plus grande solidarité sociales.

Or, Jean Boulet fait précisément le contraire en venant brimer le droit des syndiquées et syndiqués de recourir à la grève, l'ultime recours qui subsiste pour exercer leur rapport de force.

Pourquoi, alors, aller de l'avant avec ce projet de loi ? Prétendant avoir à cœur le dialogue social, le ministre prend plutôt la voie de la confrontation et de la judiciarisation des conflits.

Pourquoi fragiliser cet équilibre, alors que le droit de grève est protégé par la Constitution canadienne ? Pour faire plaisir au patronat ? La question mérite d'être posée, car si le PL 89 sert un groupe en particulier, c'est bien celui des patrons, comme l'ont déjà noté plusieurs observateurs et éditorialistes. Et étrangement, avouons-le, ce projet survient au moment où, pour une rare fois, le contexte de pénurie de main-d'œuvre et d'inflation militait particulièrement en faveur de l'amélioration des conditions des travailleurs.

En provoquant ce déséquilibre, le ministre du Travail démontre également la nécessité, pour les organisations syndicales, d'unir leurs forces devant les défis qui attendent leurs membres pour les prochaines années, ce qu'elles feront entre autres en lançant les états généraux du syndicalisme, dès le 31 mars.

Si Jean Boulet et François Legault n'avaient pas totalement évalué la portée de ce geste, ils doivent le faire rapidement et retirer le projet de loi 89. Sinon, ils risquent de se brûler les doigts à force de jouer avec le feu.

Les autres signataires de ce texte :

le président de l'APTS, Robert Comeau ;

le président de la CSD, Luc Vachon ;

le président de la CSQ, Éric Gingras ;

la présidente de la FAE, Mélanie Hubert ;

la présidente de la FIQ, Julie Bouchard ;

la présidente de la FTQ, Magali Picard ;

le président du SFPQ, Christian Daigle ;

le président du SPGQ, Guillaume Bouvrette.

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Duplessis serait fier de la CAQ

18 mars, par Le Monde ouvrier — , ,
Quand un gouvernement est en chute libre, il sort la machine à diversion. François Legault, lui, a trouvé son bouc émissaire : les travailleurs et travailleuses en grève. Le (…)

Quand un gouvernement est en chute libre, il sort la machine à diversion. François Legault, lui, a trouvé son bouc émissaire : les travailleurs et travailleuses en grève. Le projet de loi no 89, signé par le ministre du Travail, Jean Boulet, n'a qu'un but : limiter la durée des conflits de travail et affaiblir le rapport de force syndical.

Tiré du Monde ouvrier no 150

Un bon vieux truc patronal, emballé dans un joli papier PAGE 6. Enjeux féministes PAGES 11 ET 16. fleuri avec un titre qui frôle le cynisme : Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out. On veut nous faire croire que le problème du Québec, ce n'est pas l'explosion du coût des loyers, ni le panier d'épicerie qui coûte une fortune, ni les familles qui se ruinent pour survivre. Non. Pour la CAQ, le danger, ce sont les personnes syndiquées qui se battent pour de meilleures conditions de travail et pour améliorer les services à la population.

La présidente de la FTQ, Magali Picard, ne se laisse pas berner : « C'est ça qui va régler les vrais problèmes du Québec ? Voyons donc ! Ce gouvernement complètement déconnecté se cherche des souffre- douleurs pour masquer un bilan désastreux. Tout ce que trouve à faire la CAQ, c'est d'inventer un problème qui n'existe pas. Ce familles qui se ruinent pour survivre. Non. Pour la CAQ, le danger, ce sont les personnes syndiquées qui se que veut faire le ministre, c'est aider les employeurs à négocier de plus bas salaires et de moins bonnes conditions de travail. »

Les grèves dérangent, et c'est normal. C'est le seul levier réel qu'ont les travailleurs et travailleuses. Sans ça, on leur passe sur le corps. Mais c'est justement ce que veut le ministre : donner les coudées franches aux patrons en les débarrassant de cette « nuisance » qu'est une grève.

« Oui, Duplessis serait fier du gouvernement de François Legault ! Brimer les droits des travailleurs et travailleuses c'était la spécialité de l'Union nationale de l'époque. C'est un retour à l'époque de la Grande Noirceur que nous propose le gouvernement de la CAQ. Ce n'est pas ça un projet de société », a réagi la présidente.

Un seul détail leur échappe : le mouvement syndical n'a pas l'intention de laisser passer ça. La FTQ sera aux consultations parlementaires et se battra bec et ongles contre cette attaque sur les droits fondamentaux des travailleurs et travailleuses.

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Face à la nouvelle donne géopolitique, les syndicats ne veulent pas lâcher les travailleurs ukrainiens

Alors que les forces politiques se divisent suite à l'abandon américain de l'aide à l'Ukraine, les syndicats essaient de rester unis dans le soutien aux travailleurs et (…)

Alors que les forces politiques se divisent suite à l'abandon américain de l'aide à l'Ukraine, les syndicats essaient de rester unis dans le soutien aux travailleurs et travailleuses ukrainiennes, défendant tous une « paix juste et durable ». La question de l'Europe de la défense ne fait pas l'unanimité.

7 mars 2025 | tiré de Politis N° 1853 | Photo : 2025 |Rassemblement de la Fédération des syndicats ukrainiens devant le bureau du président Volodymyr Zelensky, à Kiev le 30 juin 2020, demandant l'abrogation de la loi sur le travail.
© Sergei SUPINSKY / AFP
https://www.politis.fr/articles/2025/03/monde-travail-face-a-la-nouvelle-donne-geopolitique-les-syndicats-ne-veulent-pas-lacher-les-travailleurs-ukrainiens/

« Le moment exige des décisions sans précédent depuis bien des décennies. […] C'est pourquoi […] j'invite toutes les forces politiques, économiques et syndicales du pays à faire des propositions à l'aune de ce nouveau contexte. Les solutions de demain ne pourront être les habitudes d'hier. » Dans son allocution télévisée sur la situation géopolitique, Emmanuel Macron s'est adressé directement aux organisations syndicales. Depuis trois ans et l'attaque russe sur le territoire ukrainien, tous les syndicats français sont unis en intersyndicale pour soutenir, sans faille, la résistance ukrainienne.

Ainsi, toutes les organisations syndicales étaient présentes aux mobilisations pour soutenir l'Ukraine le 23 février dernier, trois ans après le début de l'invasion russe. « L'intersyndicale est toujours unie en soutien des travailleurs et travailleuses en Ukraine. En plus de la mobilisation du 23 février, on réfléchit à un nouveau rassemblement dans les prochains jours. Dans le contexte actuel, il faut que la société civile s'exprime sur cette question. C'est trop important pour qu'on entende seulement le politique », souligne Béatrice Lestic, en charge des relations internationales au sein de la CFDT.

Le mouvement syndical ne se trompe pas en réitérant, plus que jamais, son soutien à l'Ukraine.
B. Lestic

« La situation s'est considérablement dégradée et cela nous inquiète énormément. Plus que jamais, la solidarité avec les ukrainiens est à l'ordre du jour », embraye Boris Plazzi, secrétaire confédérale en charge des relations internationales à la CGT.

Basculement

Le contexte actuel, c'est un bouleversement sans précédent du rapport de force géopolitique avec un rapprochement inquiétant des États-Unis avec la Russie. Un basculement qui, forcément, interroge les positions historiques de bon nombre d'organisations progressistes, syndicats en tête. « On ne peut pas faire comme si rien ne se passait », soutient Béatrice Lestic.

La syndicaliste accuse le modèle de société défendu par l'axe Trump-Poutine qui est dangereux selon elle, pour les travailleurs et les travailleuses. « Jamais un régime d'extrême droite n'a été favorable aux organisations syndicales. Ce à quoi on assiste n'est pas la folie d'un homme, mais bien un projet politique qui est à l'encontre de tout ce qu'on défend, sur le travail, sur les services publics. Donc le mouvement syndical ne se trompe pas en réitérant, plus que jamais, son soutien à l'Ukraine. »

De la CFDT à Solidaires, la position est partagée aux deux extrémités du spectre syndical, même si la radicalité des termes utilisés diffère d'un syndicat à l'autre. « En Ukraine, comme en Palestine, en Afrique, ou en Kanaky, partout, l'impérialisme, les régimes liberticides, l'extrême droite sont les ennemis des populations qui aspirent à la liberté, à l'émancipation sociale », peut-on lire dans un communiqué publié le 3 mars par Solidaires.

Les Ukrainiens seront transformés en esclaves.
M. Volynets

Depuis le début de la guerre, les syndicats ont ainsi envoyé plusieurs convois syndicaux selon les besoins des organisations de travailleurs ukrainiens. Le dernier en date est parti mi-2024. C'est d'ailleurs un point que tous nos interlocuteurs syndicaux soulignent. Le soutien à l'Ukraine passe, pour eux, par les organisations syndicales locales et non par Volodymyr Zelensky. « On n'est absolument pas dans une Zelenskymania, comme d'autres », explique Béatrice Lestic.

En effet, le président ukrainien profite aussi de la période de guerre pour faire passer des lois qui cassent le droit du travail et les acquis sociaux locaux. « Nous sommes en pleine bataille avec le gouvernement ukrainien depuis de nombreux mois. Car le ministère de l'Économie a décidé de réformer le code du travail sans aucune consultation en bonne et due forme. [Ce] nouveau projet protège les intérêts des employeurs et non des salariés. […] Les Ukrainiens seront transformés en esclaves », affirme, auprès de nos confrères de L'Humanité, Mykhailo Volynets, président de la Confédération des syndicats libres d'Ukraine (KVPU). « On soutient aussi les ukrainiens dans leurs actions syndicales, c'est très important », glisse Boris Plazzi.

Unité ébranlée

« En 2022, le soutien de la population ukrainienne vis-à-vis de l'État et de certaines institutions comme l'armée était énorme. Zelensky était perçu comme le chef charismatique de la résistance. Cela ne veut pas dire qu'on soutenait toutes les initiatives du gouvernement, loin de là. La position des syndicats consistait par exemple à émettre des désaccords avec les actions du gouvernement, notamment avec les modifications du code du travail, sans pour autant s'engager dans une lutte sociale frontale, à la fois parce que la loi martiale interdit les grèves et les manifestations, mais aussi parсe que l'insécurité matérielle des travailleurs risquait de rendre toute grève impopulaire. Jusqu'au début 2023, il y avait cette forte unité derrière l'État mais les tensions sociales reviennent », analysait, il y a quelques jours, la philosophe Daria Saburova dans nos colonnes.

Malgré tout, la nouvelle donne géopolitique pourrait ébranler cette unité. Notamment sur la question de « l'Europe de la défense », alors que plusieurs organisations de travailleurs ont une tradition profondément pacifiste. À la CFDT, on assume défendre l'idée également voulue par Emmanuel Macron. « On a voté cela lors de notre dernier congrès, à Lyon. Mais dire qu'on veut une Europe de la défense ne veut pas dire que cela doit se faire au détriment des dépenses sociales et des acquis sociaux », martèle Béatrice Lestic.

Une posture loin d'être celle de Force Ouvrière (FO). Le troisième syndicat hexagonal dénonce dans un communiqué, « les postures va-t-en-guerre et toute escalade guerrière », et assure que, « sans être indifférente à la sécurité de la nation, FO ne veut participer ni à l'instrumentalisation, ni à l'intégration des organisations syndicales de salariés dans une économie de guerre, synonyme de renoncement et d'abandon des revendications des travailleurs ».

Inquiétudes

La CGT, elle, se tient, pour l'instant, à l'écart de ce débat. « On n'a pas pris de position sur la question », souffle Boris Plazzi qui assure, toutefois, « préférer une économie de la paix à une économie de guerre ». La CGT, comme le reste des organisations s'inquiète, notamment, de la façon dont se mettraient en place de telles hausses de dépenses dans le secteur de la défense, dans un contexte de crise des finances publiques.

Il y a une unanimité pour dire que la Russie est l'agresseur et l'Ukraine l'agressé mais, sur les moyens de se mettre en mouvement, il n'y a pas de position tranchée commune.
B. Lestic

Et ce, alors qu'Emmanuel Macron a déjà assuré – sans pouvoir le garantir, ne disposant plus de majorité – qu'il n'y aurait pas de hausse d'impôts. « Il faudra des réformes, du choix, du courage », a-t-il ainsi soutenu. Un discours qui peut légitimement inquiéter les organisations syndicales quand on connaît l'historique des réformes menées depuis près de huit ans par feue la majorité présidentielle.

Au niveau européen c'est d'ailleurs cette question qui risque de cristalliser les tensions, alors que plusieurs pays européens – notamment du sud – pourraient augmenter drastiquement les dépenses liées à la défense. Au détriment de quoi ? Alors que la Confédération européenne des syndicats (CES), qui regroupe 88 confédérations syndicales européennes, a rapidement pris position en soutien à l'Ukraine lors de l'invasion russe. Mais une position commune sur la question des moyens à mettre en œuvre pour soutenir le peuple ukrainien n'émerge pas, malgré le contexte.

« Il y a une unanimité pour dire que la Russie est l'agresseur et l'Ukraine l'agressé mais, sur les moyens de se mettre en mouvement, il n'y a pas de position tranchée commune », souffle Béatrice Lestic. Une chose reste toutefois sûre : dans un contexte certain de montée de tensions et de course à l'armement, les syndicats devront, plus que jamais, être vigilants. Parce que la guerre est rarement – si ce n'est jamais – l'amie des avancées sociales.

Sous-traitance de chirurgies en cliniques privée : la FIQ dénonce le démantèlement du réseau public de santé au profit d’intérêts privés

18 mars, par Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) — , , ,
La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec– FIQ dénonce l'expansion incontrôlée du recours au secteur privé pour la réalisation des chirurgies. Passant de simples (…)

La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec– FIQ dénonce l'expansion incontrôlée du recours au secteur privé pour la réalisation des chirurgies. Passant de simples « projets pilotes » à une proportion alarmante de 19 % des chirurgies effectuées hors du réseau public, cette privatisation rampante ne fait qu'exacerber les problèmes systémiques du réseau de la santé.

« En réaffirmant son engagement à participer aux solutions pour améliorer l'accès aux soins, notamment par des initiatives pour réduire les listes d'attente en chirurgie, la FIQ souligne toutefois les effets pervers de l'expansion des centres médicaux spécialisés (CMS). Ces cliniques, bien qu'elles contribuent à réduire les délais pour certaines interventions, aggravent la pénurie de personnel dans le secteur public. En effet, le nombre de chirurgies en attente depuis plus d'un an reste préoccupant, démontrant l'inefficacité du recours aux CMS », exprime Julie Bouchard, présidente de la FIQ.

Le gouvernement prétend que le recours au privé est une solution pour réduire les listes d'attente. En réalité, il s'agit d'un choix politique qui affaiblit encore davantage le réseau public. Les cliniques privées attirent des professionnelles en soins qui désertent les hôpitaux en raison des conditions de travail exécrables imposées par le gouvernement. Or, c'est dans le public que ces professionnelles sont le plus essentielles, et c'est là que des investissements s'imposent.

« La proportion de travailleuses de la santé dans le privé a augmenté de 31 % entre 1987 et 2019, et en mars 2023, 16 % des chirurgies étaient réalisées en CMS. L'élargissement des interventions autorisées au privé risque d'accroître cette proportion, avec des conséquences sur les listes d'attente pour les chirurgies complexes, notamment oncologiques. La rentabilité du privé repose sur les lacunes du public, d'où l'appel de la FIQ à la vigilance pour protéger le système public de santé », souligne Mme Bouchard.

Le financement public des chirurgies réalisées dans le privé ne signifie pas pour autant l'équité d'accès aux soins. En favorisant un système à deux vitesses, le gouvernement de la CAQ crée un engrenage pernicieux : plus les ressources humaines et matérielles se concentrent dans le privé, plus le public s'affaiblit, ce qui justifie davantage encore le recours au privé. Cette spirale est dangereuse et inacceptable.

« Nous ne sommes pas les seules à le dire : ces contrats privés ne réduisent ni les coûts ni les temps d'attente. Pourtant, le ministre Christian Dubé persiste et signe, préférant ouvrir la porte à une privatisation toujours plus grande au lieu de réinvestir de manière significative dans le réseau public. Le gouvernement doit agir là où ça compte vraiment : en bonifiant les conditions de travail des professionnelles en soins et en assurant une meilleure planification des ressources humaines. La solution est connue : c'est le renforcement du réseau public, et non son démantèlement au profit d'intérêts privés », conclut la présidente de la FIQ.

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Échec cuisant : l’organisme canadien censé assurer la surveillance des droits de la personne laisse les travailleuses et travailleurs du vêtement au Bangladesh croupir dans la pauvreté

18 mars, par Congrès du travail du Canada (CTC) — , , ,
Dans de nombreuses usines de vêtements du Bangladesh, les femmes et les hommes qui confectionnent les vêtements destinés à l'exportation dans le monde entier sont soumis à des (…)

Dans de nombreuses usines de vêtements du Bangladesh, les femmes et les hommes qui confectionnent les vêtements destinés à l'exportation dans le monde entier sont soumis à des horaires exténuants : six jours par semaine, 10 à 12 heures par jour. Cependant, quelles que soient la durée et l'intensité de leur travail, leurs salaires sont si bas qu'ils et elles ne peuvent échapper à la pauvreté.

Les conditions de travail et de vie déplorables de la main-d'œuvre du vêtement au Bangladesh ont poussé le Syndicat des Métallos et le Congrès du travail du Canada (CTC) à déposer une plainte conjointe auprès du Bureau de l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE) contre le détaillant L'Équipeur et sa société mère Canadian Tire.

La plainte conjointe du Syndicat des Métallos et du CTC est l'une des premières du genre à avoir été déposée auprès de l'OCRE, fonction créée par le gouvernement fédéral pour enquêter sur les plaintes de violations des droits de la personne dans les activités d'entreprises canadiennes à l'étranger dans les secteurs du vêtement, de l'exploitation minière et de l'industrie pétrolière.

La plainte conjointe du Syndicat des Métallos et du CTC alléguait que L'Équipeur avait agi en violation des principes internationaux des droits de la personne en versant à la main-d'œuvre des usines de ses fournisseurs un salaire inférieur au minimum viable. Notre plainte trouve son origine dans notre engagement solidaire de longue date à améliorer les conditions de vie et de travail de la main-d'œuvre du secteur du vêtement au Bangladesh.

Depuis plus d'une décennie, en collaboration avec des syndicats canadiens et des alliés de la société civile, le Syndicat des Métallos et le CTC s'efforcent de faire en sorte que la main-d'œuvre exploitée fasse entendre sa voix et ses préoccupations auprès des autorités, des entreprises et des consommateurs canadiens. Dans ce contexte, nos attentes étaient élevées que le Bureau de l'OCRE puisse enquêter sur les allégations de violations des droits de la personne dans la chaîne d'approvisionnement de L'Équipeur au Bangladesh.

L'Ombudsman a initialement accepté d'enquêter sur les allégations formulées dans notre plainte en mars 2024. Cependant, un changement radical s'est produit quelques mois plus tard, à la suite de la fin du mandat de la première Ombudsman, Sheri Meyerhoffer. Le 23 décembre 2024, l'Ombudsman a publié son rapport final, fermant le dossier de notre plainte sans enquêter sur les questions que nous avions soulevées, et sans recommander les mesures de suivi que L'Équipeur aurait pu prendre.

Nous sommes d'avis que le rapport de l'Ombudsman se fonde sur une approche qui mine à ce point son mandat de surveillance qu'il est difficile de concevoir une quelconque violation des droits de la personne sur laquelle il estimerait avoir la compétence pour enquêter. Par conséquent, le Syndicat des Métallos et le CTC demandent actuellement une révision judiciaire de la décision.

Le rapport final de l'Ombudsman, y compris tous nos commentaires sur ces conclusions, peut être consulté ici.

Il convient de souligner que la création du Bureau de l'OCRE est le fruit de plus d'une décennie de plaidoyer de la société civile en faveur d'une plus grande reddition de compte des entreprises, afin d'agir face aux preuves de plus en plus nombreuses d'atteintes aux droits de la personne et de dommages causés à l'environnement par des entreprises canadiennes dans le cadre de leurs activités à l'étranger.

Toutefois, le gouvernement n'a pas doté le Bureau de l'OCRE de l'indépendance et des pouvoirs essentiels nécessaires pour enquêter efficacement sur les allégations de violations commises par des sociétés canadiennes et demander qu'elles rendent des comptes. Donc, même si le Bureau avait procédé à une enquête sur la plainte déposée contre L'Équipeur, les prochaines étapes n'auraient pas été claires, puisqu'il n'avait pas le pouvoir de contraindre les témoins à comparaître et à fournir des documents.

Le processus qui a caractérisé notre plainte était laborieux et a exigé beaucoup de ressources, renforçant encore la position de nombreux groupes de la société civile canadienne selon laquelle le Bureau de l'OCRE a désespérément besoin d'une véritable indépendance et de pouvoirs juridiques pour remplir sa mission. L'absence continue d'action à cet égard exposera encore davantage les intentions limitées du gouvernement de garantir une véritable responsabilité des entreprises canadiennes dans l'exercice de leurs activités à l'étranger.

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Nouvelle-Calédonie : « une terre de très grande punition »

18 mars, par Christine Salomon, Johann Bihr — , ,
L'anthropologue Christine Salomon travaille depuis près de vingt-cinq ans sur le système judiciaire et pénal en Nouvelle-Calédonie. Dans un ouvrage à paraître co-écrit avec (…)

L'anthropologue Christine Salomon travaille depuis près de vingt-cinq ans sur le système judiciaire et pénal en Nouvelle-Calédonie. Dans un ouvrage à paraître co-écrit avec Marie Salaün, elle éclaire la place centrale de la prison dans l'histoire coloniale de ce territoire, à la lumière d'une comparaison avec la Polynésie française voisine.

Tiré du blogue de l'auteur.

Vos travaux montrent à quel point l'enfermement occupe une place centrale dans l'histoire coloniale de la Nouvelle-Calédonie, bien au-delà du bagne. Concrètement, comment cela se manifeste-t-il ?

Christine Salomon : Dans leur livre sur l'indigénat[1], Isabelle Merle et Adrian Muckle soulignent que dès la prise de possession du pays par les Français en 1853, chaque chef kanak « soumis » est incité à construire deux prisons, une pour les hommes et une pour les femmes. Et symboliquement, il reçoit un fanion et une « barre de justice », à laquelle fixer les fers des prisonniers enchaînés. Jusque-là, l'incarcération ne faisait pas partie des pratiques locales de contrôle social.

Comparée aux autres possessions françaises du Pacifique, la Nouvelle-Calédonie apparaît vraiment comme une colonie de très « grande punition »[2]. On y crée toute une constellation de lieux d'enfermement : non seulement le bagne et ses multiples annexes, mais aussi la prison civile de Nouméa à partir de 1887, et de nombreuses chambres fortes disséminées à travers le pays – les « carabousses » ou « boîtes », qui seront intégrées aux gendarmeries. C'est là que l'on continue d'effectuer les peines de moins d'un mois jusque dans les années 1970-80. L'administration française ouvre aussi des lieux d'incarcération de ce genre en Polynésie, mais dans une bien moindre mesure.

Pourquoi cette particularité calédonienne ?

C'est surtout lié à l'instauration du code de l'indigénat en Nouvelle-Calédonie, en 1887. En plus de soumettre les Kanak à l'impôt et au travail forcé, il pénalise toute une série d'infractions qui leur sont propres : par exemple, se rendre dans le village européen sans autorisation, se promener « nu » – c'est-à-dire en vêtements kanak – sur le bord de la route, « débrousser » les champs par le feu, organiser des fêtes la nuit… Au total, quatre ensembles d'infractions visent clairement le mode de vie kanak. Au départ, ce cadre est présenté comme temporaire, le temps que la « mission civilisatrice » de la France fasse son œuvre. Mais en fait, il est renouvelé tous les dix ans, sans grande modification, jusqu'à l'abolition de l'indigénat dans toutes les colonies françaises en 1946. Et encore, le gouverneur de Nouvelle-Calédonie fera tout son possible pour essayer de le prolonger : ce n'est qu'en 1957 que tous les Kanak majeurs peuvent voter.

On n'a pas d'équivalent à Tahiti, où les descendants du royaume Pomare sont dès le départ citoyens français – avec des droits politiques certes très limités – et où les Marquisiens et les habitants des Îles Sous-le-Vent, bien qu'« indigènes », ne sont pas du tout soumis au même régime que les Kanak. En fait, l'extension du champ de l'indigénat et la sévérité de son application en Nouvelle-Calédonie sont exceptionnelles à l'échelle de l'Empire français, Algérie comprise.

Plus largement, la Nouvelle-Calédonie fait l'expérience d'une répression particulièrement violente. Le recours à la déportation est largement répandu et l'on compte plus de 140 exécutions capitales avant la Seconde Guerre mondiale. Quand c'est un condamné de la prison civile qui est exécuté, cela se passe en place publique, devant la population nouméenne. Et même au sein du bagne, on fait assister les bagnards à l'exécution, genou à terre… J'ai trouvé des cartes postales représentant l'échafaud, c'est dire si c'était banalisé. En Polynésie française, à l'inverse, tout le monde se souvient encore de l'exécution de 1869, l'une des deux seules à avoir été appliquées dans l'archipel. Elle a fait figure de repoussoir, et tellement marqué les esprits qu'une copie de la guillotine de fortune installée pour l'occasion a été conservée jusqu'aujourd'hui.

À quoi tiennent ces politiques répressives si différentes ?

Elles s'adossent à des représentations opposées des populations que le colonisateur cherche à contrôler. Les colons voient les Tahitiens comme de grands enfants, qui ne comprendraient pas un recours trop appuyé à la violence, alors qu'ils considèrent les Kanak comme intrinsèquement violents. Cette séparation raciste entre « Polynésiens pacifiques » et « Mélanésiens sauvages » est une vieille idée coloniale.

Mais bien sûr, ces représentations ne sont pas sui generis, elles sont le produit des interactions coloniales, et servent surtout à justifier le modèle de colonisation – et de répression – mis en œuvre. La vision du Kanak féroce est ainsi à rapprocher de la soixantaine d'insurrections qu'a connues la Nouvelle-Calédonie : au-delà des plus célèbres, en 1878 et 1917, la domination française y a toujours été contestée. Et cette idée d'une population sauvage est aussi au service de la colonisation de peuplement qui se met en place en Nouvelle-Calédonie, à la différence de Tahiti qui est au départ un protectorat – d'où un choix d'exclusion des Kanak particulièrement extrême, pour assurer la suprématie des colons. C'est le seul endroit de l'Empire où les Français placent les indigènes dans des réserves, à la britannique. On pénalise même les femmes qui s'enfuient de leur réserve pour aller vivre avec un Européen, si elles sont déjà coutumièrement mariées. Ainsi, tandis qu'en Polynésie française un groupe social métis s'est rapidement constitué, cela ne fait qu'une quinzaine d'années que le métissage est reconnu comme tel dans les recensements calédoniens !

Vous retracez l'adaptation très lente et partielle de la prison du Camp-Est, héritée du bagne, aux réformes pénitentiaires introduites dans l'Hexagone. Il semble surréaliste que le règlement interdise toujours le port de la barbe dans les années 1980…

Et ce n'est que l'aspect le plus anecdotique ! À la même époque, le régime disciplinaire se résume encore à mettre les détenus à l'eau et au pain sec deux jours par semaine… L'abandon de la Nouvelle-Calédonie comme « colonie pénitentiaire » en 1931, puis l'accès au statut de Territoire d'Outre-mer en 1946, n'ont longtemps eu que peu d'incidences sur les conditions de détention au Camp-Est. Elles demeurent proches de celles du bagne jusqu'à ce que la mort d'un détenu sous les coups de ses gardiens fasse scandale en 1966. L'incarcération reste alors gérée localement et ses modalités sont très spécifiques, inscrites dans la situation coloniale. Des détenus peuvent encore être affectés au service personnel de certains surveillants... Cette dérogation n'est définitivement abolie qu'après une importante mutinerie, en 1975, qui déclenche un certain nombre de réformes : la règle du silence est assouplie, le régime des visites et des correspondances également, un service social est institué, les détenus obtiennent le droit à l'enseignement… Mais en 1987, des prisonniers du Camp-Est sont encore privés de foot parce qu'ils refusent de couper leur barbe. Et ce n'est que dans ces années-là qu'ils obtiennent le droit d'avoir des radios individuelles.

C'est donc une transition très progressive qui se met en place jusqu'à l'étatisation de la prison, en 1989. C'est d'ailleurs très paradoxal : la pénitentiaire passe sous le contrôle direct de Paris au moment même où s'amorce la sortie de l'ordre colonial. Mais dans les années 1980, en Nouvelle-Calédonie comme en Polynésie française, le coût des dépenses de personnel a nourri une demande de prise en charge par l'Hexagone.

Le Camp-Est semble être décrit depuis très longtemps comme vétuste et surpeuplé...

Absolument. Dans les années 1960, des rapports décrivent le Camp-Est comme trop vétuste et préconisent son abandon au profit d'une nouvelle prison… Mais on fait finalement le choix de le conserver, essentiellement parce que jusqu'en 1972, on n'y accède encore que par bateau, ce qui rend les évasions plus difficiles. Et par la suite, comme on a progressivement lancé des travaux, les dépenses déjà engagées incitent à ne pas abandonner les lieux.

La Nouvelle-Calédonie ne connaît pas le même processus de modernisation que la Polynésie française, où l'on construit une prison toute neuve en 1970. Les essais nucléaires s'y accompagnent de grands chantiers, avec des fonds d'investissement dédiés à la modernisation du territoire, et la prison fait partie du « package » au même titre que l'aéroport, l'hôpital, etc. Il n'y a pas d'équivalent de cette dynamique en Nouvelle-Calédonie, malgré le boom du nickel qui s'accompagne d'arrivées massives et d'injections d'argent, mais d'une ampleur très inférieure. Le bâti du Camp-Est reste longtemps très ressemblant à ce qu'il était auparavant, et ses abords aussi, avec un grand jardin, et même un troupeau… Ce n'est que dans les années 1980 qu'un nouveau directeur venu de métropole impulse la construction d'un nouveau bâti, qui n'aura de cesse de se développer, faisant dire aux Kanak incarcérés qu'on les met désormais en cage.

Dans quelle mesure cette évolution est-elle liée aux tensions politiques et sociales extrêmes que connaît la Nouvelle-Calédonie en 1984-1988 ?

Je n'ai pas trouvé de document établissant un lien direct, mais la mutinerie de 1975 a marqué les esprits. Elle est déclenchée par la libération d'un policier européen qui a abattu un jeune Kanak. C'est aussi le début du mouvement indépendantiste, avec de premières incarcérations qui s'accélèrent au début des années 1980. Dans ce contexte, la droite locale se préoccupe de renforcer la sécurité au Camp-Est.

En Polynésie aussi, une mutinerie éclate en 1978 à la prison de Nuutania et l'État l'attribue notamment à la montée de l'indépendantisme, liée à la lutte contre les essais nucléaires. Le procès des mutins, à Versailles, est assez retentissant. On a peu étudié les « circulations » d'un territoire à l'autre, mais plus généralement, c'est une conjoncture historique : au tournant des années 1980, il y a des inquiétudes partagées face à la montée des indépendantismes, une délinquance juvénile dépeinte comme incontrôlable… Je n'exclurais pas que cela ait pu influencer le choix d'accentuer l'enfermement, et celui de la reprise de contrôle métropolitain. Il serait intéressant d'aller voir si l'on retrouve la même volonté de serrer la vis aux Antilles, à la Réunion ou en Guyane à la même époque.

La surreprésentation des Kanak parmi les personnes détenues ne cesse d'augmenter au fil des ans. Cela peut sembler paradoxal... Avez-vous des éléments d'explication ?

En effet, c'est comme si la part des Kanak en prison augmentait à mesure que leur proportion diminuait dans la population générale. En 1956, les Kanak représentent 51 % de la population calédonienne et 65 % des personnes détenues au Camp-Est. [Leur part dans la population pénale est aujourd'hui estimée à plus de 90 % (NDLR, voir p.20)]. Faute d'étude, il est difficile d'identifier précisément les facteurs de cette évolution. Ce qui est sûr, c'est que la surreprésentation des Kanak en prison bondit lors des « événements » des années 1980. Elle monte considérablement à partir de 1985 et elle explose en 1987. Près de la moitié de l'effectif pénitentiaire est alors en détention préventive.

Les vastes manifestations indépendantistes qui ont précédé les émeutes de mai 2024 ont souvent été ponctuées de la chanson de Waan, « À bas la justice coloniale ». À quelle part d'histoire renvoie cette expression, pour celles et ceux qui la prononcent ?

Dans la mémoire récente, en Nouvelle-Calédonie, cela renvoie surtout au procès de l'embuscade de Waan Yaat, au cours de laquelle dix Kanak désarmés, dont deux frères du leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou, ont été abattus en 1984. Les sept tireurs, qui n'ont jamais nié leur geste et ont bénéficié d'un régime de faveur en détention, ont d'abord fait l'objet d'un non-lieu au titre d'une « légitime défense préventive », avant d'être acquittés en appel par des jurés populaires. Cette affaire a récemment fait l'objet de deux films documentaires[3], qui ont réactivé des souvenirs chez les anciens et suscité de fortes résonances émotionnelles chez les jeunes. D'autant que le dernier des sept auteurs encore en vie, qui intervient dans le film Waan Yaat, semble toujours dans le déni.

La mémoire du Camp-Est, ses conditions de détention et sa place dans le paysage calédonien jusqu'aujourd'hui jouent aussi un rôle dans cette mémoire traumatique. Pas moins de 200 jeunes militants indépendantistes y ont été emprisonnés dans les années 1980. Tout cela a fait l'objet d'une transmission familiale, qui n'est peut-être pas très élaborée mais qui résonne avec l'expérience de nombreux jeunes passés par le Camp-Est.

Certains aspects des événements actuels vous frappent-ils particulièrement, au regard de votre perspective historique sur l'histoire de l'enfermement en Nouvelle-Calédonie ?

Le plus saisissant, c'est la déportation des militants de la CCAT : c'est une vieille ficelle coloniale, depuis la déportation en France du chef rebelle haïtien Toussaint Louverture par Napoléon, jusqu'à celle du leader indépendantiste polynésien Pouvanaa dans les années 1960. On y a eu très largement recours en Nouvelle-Calédonie – et dans les deux sens : les chefs rebelles kanak étaient expédiés sous d'autres cieux, tandis que Communards et rebelles algériens étaient envoyés sur le Caillou… Par ailleurs, l'idée que des commanditaires, des « donneurs d'ordre », se cacheraient derrière l'insurrection de la jeunesse, ou plus généralement que « les parents » seraient à blâmer, me semble totalement méconnaître les normes éducatives kanak, qui laissent une très grande autonomie aux jeunes. Mais n'a-t-on pas entendu des discours assez proches, mettant en cause les familles pauvres plutôt que les inégalités sociales, lors des émeutes en banlieues de l'été 2023 ?

Propos recueillis par Johann Bihr

Cet article est paru dans la revue de l'Observatoire international des prisons - DEDANS DEHORS n°125 - Kanaky – Nouvelle-Calédonie : dans l'ombre de la prison

Notes

[1] Isabelle Merle, Adrian Muckle, L'Indigénat. Génèses dans l'Empire français. Pratiques en Nouvelle-Calédonie, CNRS éditions, 2019.

[2] Expression forgée par l'historien Michel Pierre à propos de la Guyane, dans l'ouvrage La terre de la grande punition. Histoire des bagnes de Guyane, Paris, Ramsay, 1982.

[3] Waan Yaat, sur une terre de la République française, documentaire d'Emmanuel Desbouiges et Dorothée Tromparent, Foulala Productions, 2022, 60 min, et Nouvelle-Calédonie, l'invraisemblable verdict, documentaire d'Olivier Pighetti, Piments Pourpres Productions / France Télévisions / CNC, 2023, 52 min.

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Visuel de la 6e action de la Marche mondiale des femmes au Québec

18 mars, par Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes (CQMMF) — , ,
Maintenant que le lancement de la Marche mondiale des femmes vient d'être effectué, nous sommes ravies de vous dévoiler le visuel qui soutiendra notre mobilisation et nos (…)

Maintenant que le lancement de la Marche mondiale des femmes vient d'être effectué, nous sommes ravies de vous dévoiler le visuel qui soutiendra notre mobilisation et nos prises de paroles jusqu'au grand rassemblement de la 6e action de la Marche mondiale des femmes au Québec.

Ce visuel, portant notre thème "Encore en marche pour transformer le monde" est le résultat de nombreuses réflexions. Nous avons voulu créer une image qui non seulement représente notre thème, mais qui incarne également les valeurs et les luttes qui nous animent.


Éléments clés du Visuel

Textile :

Le visuel rappelle la courte-pointe, un symbole clé dans l'histoire de la Marche mondiale des femmes. Ce choix permet de faire un lien avec une date importante de notre calendrier, le 24 avril, journée de solidarité féministe contre les entreprises transnationales. Cette date a été choisie en mémoire de l'effondrement de l'usine textile Rana Plaza au Bangladesh, qui a coûté la vie et blessé des milliers de femmes.

Couleurs :

Les couleurs chaudes ont été privilégiées, car elles sont associées à notre organisation et aux luttes autochtones. Des notes de mauve ont été ajoutées pour faire le lien avec le réseau international de la Marche mondiale des femmes.

Symboles :

Nous avons souhaité que l'image permette à chacun de l'interpréter à sa manière, tout en mobilisant. Les symboles présents mettent l'accent sur la mobilisation et nos valeurs, notamment les thèmes de paix, d'écoféminisme et de solidarité.

Inspiration et création

L'inspiration de ce visuel puise dans l'iconographie forte des mobilisations et les 30 ans de la marche Du pain et des roses. Ce concept célèbre la solidarité en s'inspirant des arts textiles, associés à l'histoire et au travail collectif des femmes. En tissant des symboles de lutte et de paix, il reflète l'idée de construire ensemble un avenir inclusif. La symétrie représente l'harmonie et la communauté, et l'utilisation d'éléments artisanaux traditionnels rend hommage au passé tout en projetant une vision tournée vers l'avenir.

La courte-pointe nous a semblé un beau moyen de littéralement tisser ces éléments ensemble, tout en rendant hommage à notre œuvre collaborative, si inspirante et porteuse de communauté.

Nous remercions chaleureusement notre illustratrice Maia Faddoul pour son travail exceptionnel et son engagement à nos côtés. Vous pouvez la suivre sur la plateforme instagram.

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Partielle de Terrebonne : les travailleurs d’Amazon dénoncent le silence complice de la CAQ et de son candidat

18 mars, par Syndicat des Travailleuses et Travailleurs d'Amazon Laval (STTAL-CSN) — , ,
*13 mars 2025*—*Le Syndicat des Travailleuses et Travailleurs d'Amazon Laval (STTAL-CSN) a exprimé aujourd'hui sa profonde déception face à l'inaction et l'apathie des (…)

*13 mars 2025*—*Le Syndicat des Travailleuses et Travailleurs d'Amazon Laval (STTAL-CSN) a exprimé aujourd'hui sa profonde déception face à l'inaction et l'apathie des candidats à l'élection partielle dans Terrebonne, en particulier Alex Gagné, candidat caquiste, dans le dossier de la fermeture sauvage de sept entrepôts au Québec. Plusieurs travailleurs
de l'entrepôt DXT4 de Laval habitent à Terrebonne.*

Malgré des rencontres privées avec M. Gagné et le ministre du Travail, Jean Boulet, où des promesses de soutien ont été faites, aucun engagement public concret n'a suivi. Le gouvernement continue de justifier le resserrement des achats sur Amazon par des raisons économiques et d'achat local, sans reconnaître l'injustice vécue par les 4700 travailleurs licenciés au Québec.

Le STTAL-CSN déplore cette déconnexion entre les discours privés et les actions publiques du gouvernement. Il demande que tous les partis s'engagent à soutenir les revendications des travailleurs et de la population et agissent immédiatement contre la multinationale pour obtenir une meilleure compensation pour les licenciés et l'imposition de réelles sanctions contre Amazon.

Les travailleurs d'Amazon, notamment ceux de Terrebonne et de la région de Lanaudière, poursuivront leur mobilisation pour obtenir justice et attendent que le gouvernement prenne enfin la mesure de cette crise.

Le STTAL-CSN appelle à une mobilisation massive lors du grand rassemblement prévu le 15 mars 2025 à 19h, à la Maison Théâtre à Montréal, pour dénoncer Amazon et exiger des mesures immédiates en faveur des travailleurs licenciés.

*CITATIONS :*
Félix Trudeau, président du STTAL-CSN :

- "En privé, on nous assure que le gouvernement nous appuie, mais c'est une toute autre affaire en public. Ni le candidat Alex Gagné, ni le ministre Jean Boulet n'ont pris publiquement position en faveur de nos revendications et de notre cause."

- "Il y a un abandon de la part de ces représentants de la CAQ par rapport aux travailleurs d'Amazon, notamment ceux qui habitent à Terrebonne et dans Lanaudière."

- "Les autres candidats ont été difficiles à rejoindre. Alex Gagné nous a écouté parce que nous sommes allés dans son bureau et nous lui avons dit que nous ne partirions pas tant qu'il ne nous parlerait pas."

- "Pour beaucoup de travailleurs qui ont été jetés à la rue par Amazon, les compensations sont en-dessous du minimum légal. Nous, on veut des vraies compensations, mais aussi qu'Amazon subisse les conséquences de ses
actes et soit sanctionné sévèrement."

- "On va continuer notre lutte pour obtenir justice. On veut que le gouvernement prenne la mesure de cette mobilisation-là, nous rencontre et accède à nos demandes."

*À propos du Syndicat des Travailleuses et Travailleurs d'Amazon Laval (STTAL-CSN)* : Le STTAL regroupe les travailleurs et travailleuses de l'entrepôt DXT4 d'Amazon, à Laval. Il a été fondé en mai 2024. Il est le premier syndicat de la multinationale au Canada.

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Mouloud, dans le club des puissances nucléaires

18 mars, par Omar Haddadou — ,
( Le téléphone sonne... La Secrétaire qui manucurait pénardement ses ongles, sursaute) – Service après-vente, bonjour ! Je vous écoute. – Bonjour, azoul, Madame ! - Je (…)

( Le téléphone sonne... La Secrétaire qui manucurait pénardement ses ongles, sursaute)

Service après-vente, bonjour ! Je vous écoute.

– Bonjour, azoul, Madame !

- Je vous entends mal, Monsieur azoul.

– Non, Madame ! azoul, c'est pas mon nom. Cela signifie « bonjour » en kabyle. Moi, c'est Mouloud.

Mes excuses, Monsieur Mouloud. Parlez un peu plus fort, SVP ! Que puis-je pour vous ?

– Je suis obligé de baisser la voix, Madame « Les murs ont des oreilles ».

– Dans ce cas, parlez doucement, si vous le pensez indéniablement !

D'accord, Madame. Voilà, c'est au sujet de ma commande. Elle a été soldée, mais dans la livraison, il manquait un article d'une importance capitale. Cela m'inquiète

– Ah oui, ça me revient ! C'était une…
- Chuut, Madame, SVP ! Dites : « Champignon flamboyant » à la place de la désignation, et tout se passera dans l'anonymat absolu.

– Vous me faites marrer. Rien ne relève de la confidence de nos jours. Même le Très Secret Défense. Il vous faut une mise à jour, Monsieur. Appelons un chat, un chat ! Au point où nous en sommes…

- Vous avez raison, Madame. Appelons « Amchich, Amchich* » !

- Le monde est une dynamique de brutalités repensées qui ne s'offusque pas de déclarer les Apocalypses, et vous, vous jouez au « Peace and Love ». C'est ballot !

- Comment… ? Ballon ?
- Non ! Pas ballon ! Décidemment vous avez le foot dans le sang, vous autres. J'ai dit ballot, qui veut dire « c'est dommage, c'est bête ».

– Mes excuses, Madame. – Donc, Monsieur Mouloud, la Bombe nucléaire qu'on vous a livrée manquait d'éléments ?

- Oui, Madame ! Il y avait presque tous les modules et les composants électroniques, sauf la valise avec le bouton rouge et les équipements de protection.

– Mais il avait la tête où notre livreur ? Monsieur, soyez rassuré, je vous fais parvenir tout ça sous 48 heures.
– Génial !
- Il vous fallait autre chose ?

- Pour le moment, non.
– Etes- vous sûr ?
- Je reviendrai vers vous, si besoin est.

– Une carte de Fidélité, par exemple ?

- Ah, ça c'est pas mal.

- Il fallait y penser, Monsieur Mouloud. Cette carte vous permet de cumuler des points pour une remise sur l'achat de votre deuxième Bombe nucléaire, plus dévastatrice. Elle est renouvelable tous les 5 ans, sans frais.
– Allez ! « Qui veut la fin, veut les moyens ». Dites-moi, par rapport à Hiroshima et Nagasaki, c'est comment ?

Le jour et la nuit.
- Tant que j'y pense. Est-ce qu'il faut le baptiser, « mon feu d'artifices » ? Comme « l'opération gerboise ».

– Ca ? C'est à vous de choisir. L'important est d'acquérir votre arme de dissuasion au plus tôt. Surtout si vos tréfonds regorgent de terres rares, d'or noir… Vous savez, on est dans le MAD MAX de la Géopolitique apocalyptique contemporaine, avec comme synopsis, la prédation « trumpo-macroniste ». Une folie de rapports de force où la paix est négociée par intérêts interposés suicidaires.

– Alors je m'estime heureux d'avoir passé commande dans les meilleurs délais.

– Monsieur, le Nouveau Club des Puissance Nucléaires (NCPN) est là pour vous servir. La prolifération sera au monde ce que les galaxies à l'espace intersidéral.

– Votre amabilité me désarme.

– Je vous en prie, Monsieur Mouloud. D'autres questions.

– J'en ai une, mais j'hésite.
- Voyons, vous êtes un client potentiel et notre confiance mutuelle n'a pas de prix.

– Au fait, j'ai 3 amis intimes, comme des frères, qui seraient ravis de faire partie du NCPN.

– Du même pays ?
- Non, du Mali, Niger et Burkina Faso.

– Pas de souci. Du moment qu'ils paient, ils seront livrés selon les modalités.

– C'est vrai ?
- Je ne plaisante pas. Le monde se réinvente dans la barbarie et les dominés s'emparent eux aussi de la Technologie. Comme ça, il n'y aura pas de jaloux (es).

– Mon Dieu ! Amis africains, votre destin vous appartient ! Madame, vous permettez que j'appelle mon copain Soumaré au Mali, pour lui annoncer la nouvelle ?

- Faites donc !
( Il dégaine son téléphone… ).

– Allo, Soumaré, c'est bon ! A partir d'aujourd'hui, on joue dans la cour des Grands !

- Dis Ouallah !
- Ouallah !
- Ces fumiers d'Occidentaux vont bouser comme des vaches bretonnes.

– Eh, Mouloud ! Passe-moi la Dame !

- (…)
- Oui Monsieur Soumaré.
– Madame, Merci de tout cœur pour la prise en charge de nos commandes.

– C'est mon travail.
– Comme vous avez l'air gentil, est ce qu'il serait possible de m'accorder une petite faveur ?

- Dites toujours !
- Payer ma Bombe nucléaire en 3 fois !

Texte Omar HADDADOU Paris 2025
Lexique : *Amchich : Chat en kabyle *Dis Ouallah ! : Jure au nom d'Allah)

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Vous n’êtes pas seules. L’antisémitisme n’a pas sa place dans nos luttes !

Des dizaines de milliers de femmes et d'hommes ont manifesté ce 8 mars pour les droits des femmes et la solidarité internationale avec toutes les femmes. Nous étions bien sûr (…)

Des dizaines de milliers de femmes et d'hommes ont manifesté ce 8 mars pour les droits des femmes et la solidarité internationale avec toutes les femmes. Nous étions bien sûr présentes et présents et ce fut une belle et puissante mobilisation. Pour la majorité des manifestantes ce fut un moment de solidarité, de sororité, de joie mais aussi de gravité, au regard des menaces mondiales qui pèsent sur les droits de toutes les femmes.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/13/lettre-a-nos-soeurs-juives/

Cependant, nous avons reçu beaucoup de témoignages de personnes juives qui n'ont pu manifester avec le reste du cortège ou qui se sont senties mal à l'aise, exclues, ciblées pendant notre manifestation. Certaines ont fait l'objet de menaces et d'insultes. Ces violences sont intolérables.

Nous le rappelons avec force aucune femme ne peut être exclue de la mobilisation féministe en raison de son identité, de sa religion, de sa culture. Le féminisme est une revendication du droit de toutes les femmes à l'existence légitime, quelle que soit sa nationalité ou sa confession, en dehors de toute violence, inégalité et oppression.

Les femmes qui souhaitent porter la voix des femmes israéliennes victimes de violences sexuelles doivent pouvoir s'exprimer à nos côtés.

Nous dénonçons fermement ces agissements et appelons à la solidarité avec toutes les femmes du monde. La solidarité internationale ne se divise pas. Nos indignations ne sont pas à géométries variables. Quels que soient nos désaccords politiques, les violences, diffamations et intimidations n'ont pas leur place dans nos luttes. Ni le racisme, ni l'antisémitisme, ni la haine des musulmans ne sauraient y être tolérés. Les antisémites et les racistes ne doivent plus capturer nos espaces collectifs de mobilisation. Le 8 mars est la Journée internationale du droit des femmes, de toutes les femmes.

Les groupes minoritaires ne doivent plus abîmer nos combats et nos solidarités.

Nous sommes bien plus nombreuses, alors faisons plus de bruit.

Signataires : Fondation des femmes, Femen, le Planning familial, Femmes solidaires, l'Assemblée des femmes, Osez le féminisme, la Ligue du droit international des femmes, Alliance des femmes pour la démocratie (AFD), Réseau féministe Ruptures, les Guerrières de la paix, SOS Racisme, LDH (Ligue des droits de l'Homme), United for Ukraine, Russie libertés, We are not weapons of war, Golem, Raar, Jalons pour la paix Aubervilliers, Juives et Juifs révolutionnaires.

Paris, le 11 mars 2025
https://www.ldh-france.org/lettre-a-nos-soeurs-juives/
https://raar.info/2025/03/lettre-a-nos-soeurs-juives/

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Pakistan : Déclaration à l’occasion de la Journée internationale de la femme, le 8 mars 2025

Déclaration à l'occasion de la Journée internationale de la femme, le 8 mars 2025 Tiré de Entre les lignes et les mots https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03

Déclaration à l'occasion de la Journée internationale de la femme, le 8 mars 2025

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/17/pakistan-declaration-a-loccasion-de-la-journee-internationale-de-la-femme-le-8-mars-2025-aurat-march-karachi/

Aurat March, Karachi

C'est le 8 mars 2018 que la Marche de l'Aurat a commencé à Karachi et dans d'autres grandes villes du pays. Nous marchons depuis sept ans, nous avons ébranlé le statu quo patriarcal au Pakistan et nous sommes désormais une entité bien connue.

Cet événement annuel important n'a pas seulement pris de l'ampleur, il a également créé un mouvement, un groupe de travail réclamant la liberté et appelant à la défense des droits des femmes et de toutes les personnes et communautés opprimées. Le 8 mars 2025 marque la 8e année de la Marche de l'Aurat.

Pourquoi marchons-nous ? Nous marchons parce que nous voulons un changement socio-économique et politique du système actuel, et la fin de toutes les formes de discrimination patriarcale, de violence fondée sur le genre, d'inégalité et d'injustice.

Qui sommes-nous ? Nous sommes des féministes interclasses, interethniques et intersectionnelles – nous sommes les minorités religieuses, les minorités de genre, les travailleuses des usines et des foyers, les travailleuses agricoles et les éleveuses non rémunérées, les pêcheures – nous sommes les opprimées, mais nous sommes les rebelles et notre défiance grandit chaque jour.

Nous marquons le 8 mars, Journée internationale des femmes, en informant le public qu'aujourd'hui, nous ne marcherons pas. Cette année, notre marche Aurat aura lieu au mois de mai.

Le mois de mai est très important car c'est le mois où l'on célèbre la fête du travail (fête des travailleurs et des travailleuses) le 1er mai. Les femmes sont les premières travailleuses de toute société et de toute communauté. Sans le travail des femmes, il n'y aurait pas de société. C'est pourquoi chaque jour est la journée des femmes.

Le mois de mai célèbre également les mères dans le monde entier, y compris au Pakistan.

Nous annonçons donc que la Marche de l'Aurat 2025 aura lieu le dimanche 11 mai à Karachi. Nous espérons que tous et toutes les habitantes de Karachi et d'ailleurs se joindront à nous.

Aujourd'hui, à l'occasion de la Journée internationale des femmes, nous sommes solidaires de toutes nos sœurs pakistanaises et internationales, en particulier des femmes courageuses du Baloutchistan et de Parachinar (Kurram), de celles dont les proches sont toujours portées disparues, et des femmes qui luttent en Palestine, en Ukraine, en Afghanistan et au Cachemire. Nous pensons que leur lutte et la nôtre sont les mêmes – contre le patriarcat, la guerre, la brutalité, la violence fondée sur le sexe, la pauvreté — en relation avec la lutte des femmes pour l'identité, la liberté, la justice et l'égalité.

Marche d'Aurat, Karachi, 2025
http://www.sacw.net/article15310.html
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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8 mars : Solidarité avec les femmes de Gaza, de la RDC et du monde entier

18 mars, par CADTM international — ,
En cette journée internationale de lutte pour les droits des femmes, le CADTM réaffirme son engagement aux côtés des mouvements féministes qui, partout dans le monde, se (…)

En cette journée internationale de lutte pour les droits des femmes, le CADTM réaffirme son engagement aux côtés des mouvements féministes qui, partout dans le monde, se battent contre les oppressions systémiques : capitalisme patriarcal, exploitation néocoloniale, et violences militarisées.

Tiré de CADTM infolettre , le 2025-03-11
https://www.cadtm.org/8-mars-Solidarite-avec-les-femmes-de-Gaza-de-la-RDC-et-du-monde-entier
7 mars

COMITE POUR L'ABOLITION DES DETTES ILLÉGITIMES (CADTM)

Les dettes illégitimes pèsent d'abord sur les femmes

Les politiques d'austérité imposées au nom du remboursement de dettes illégitimes frappent en premier lieu les femmes*, qui au sein de nos sociétés sont surreprésentées dans les secteurs précaires et invisibilisés. Privatisation des services publics, destruction des systèmes de santé, démantèlement des protections sociales : les conséquences sont dramatiques pour les femmes (ainsi que pour les groupes les plus vulnérables de la population), qui compensent l'absence de nos États. Dans tous les pays, des Sud comme du Nord, les logiques de dette et de profit s'appuient sur l'exploitation du travail gratuit ou sous-payé des femmes.

Les femmes des Suds paient le prix fort !

Dans un contexte mondial marqué par l'aggravation des crises écologiques, économiques et sociales, les femmes des Suds paient le prix fort de l'endettement illégitime de leurs États. L'endettement alimente des politiques néolibérales imposées par les institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale), qui démantèlent les services publics et privatisent les biens publics.

Que ce soit en Afrique, en Amérique latine ou en Asie, ce sont elles qui compensent, par un travail invisible et non rémunéré, la destruction des systèmes de santé, d'éducation, d'accès à l'eau et à la terre. Ces violences, loin d'être isolées, s'entrelacent et s'inscrivent dans un système global de domination où patriarcat, racisme, capitalisme et colonialisme s'alimentent mutuellement.

Rappelons qu'en Belgique, il est estimé que 70 000 à 80 000 femmes sans papiers travaillent dans le secteur domestique (selon la Ligue des travailleuses domestiques). Ces milliers de femmes, privées de droits et exploitées répondent en Belgique à une pénurie de services dédiés à l'enfance et aux personnes dépendantes, un secteur abandonné par l'État belge. Transférer ce travail de care essentiel à des travailleurs.es sans papiers, invisibilisé·es et mal payé·es constitue un des symptômes de nos sociétés libérales, qui exploitent les populations les plus vulnérables et dévalorise le travail des femmes au profit des plus riches.

Gaza : les femmes face à la guerre et à la destruction

À Gaza, les femmes palestiniennes subissent dans l'indifférence une violence inouïe, combinant occupation coloniale, bombardements incessants, déplacements forcés et privation de soins élémentaires. Elles font face à l'assassinat de leurs enfants, la destruction de leurs foyers, de leurs écoles, de leurs hôpitaux. Elles doivent survivre dans des conditions où l'accès à l'eau, à la nourriture, aux médicaments est rendu quasiment impossible. Le CADTM dénonce un génocide en cours et la violence coloniale sioniste, soutenus par les puissances occidentales. Le CADTM exprime sa solidarité inconditionnelle avec les femmes de Palestine et le peuple palestinien qui résistent. Selon les données disponibles, les femmes et les enfants représentent une part significative des victimes dans la bande de Gaza. L'ONU a indiqué que, d'octobre 2023 à octobre 2024, les femmes et les enfants constituaient « près de 70 % » des décès à Gaza. Par ailleurs, Oxfam a rapporté que plus de femmes et d'enfants ont été tué·es par l'armée israélienne en un an de guerre à Gaza que durant toute autre période équivalente au cours des vingt dernières années.

RDC : l'exploitation des ressources s'accompagne de violences extrêmes contre les femmes

En République Démocratique du Congo, le corps des femmes est en première ligne face aux violences. Dans les zones minières, où l'exploitation du cobalt, du coltan et d'autres minerais alimente les chaînes d'approvisionnement mondiales, elles subissent violences sexuelles, mutilations et déplacements forcés. Le CADTM rappelle que l'extraction prédatrice des ressources congolaises est intimement liée au système de la dette, utilisé comme un outil de domination qui soumet le pays à une dépendance structurelle.

Dans l'Est du pays, notamment au Kivu, les violences perpétrées par les groupes armés comme le M23, soutenus par des intérêts régionaux et internationaux, s'inscrivent dans une logique néocoloniale d'exploitation des richesses du sous-sol congolais (parmi d'autres facteurs interdépendants). Les violences sexuelles, utilisées comme instrument de contrôle et de soumission des femmes, tout comme les déplacements forcés, ne peuvent être réduites à de simples manifestations de violence individuelle ou à des conséquences directes des conflits armés. Elles s'inscrivent dans un système global où les logiques économiques extractivistes et les rapports de pouvoir jouent un rôle central dans la perpétuation de ces violences contre les femmes.

Le CADTM dénonce la complicité des créanciers internationaux et des multinationales dans la perpétuation de ces violences. L'endettement illégitime de la RDC depuis des décennies, n'a servi qu'à priver les populations d'infrastructures, et en particulier les femmes, de leurs droits fondamentaux d'accès à la santé, à l'éducation et à la sécurité.

Luttons pour un monde libéré de la dette, du patriarcat et du colonialisme

Face à ces violences systémiques, le 8 mars est pour nous une journée de lutte internationale pour une transformation radicale de nos sociétés et pour construire une résistance collective au modèle dominant. Nous considérons que les luttes des femmes sont indissociables de la lutte contre le capitalisme, contre les dettes illégitimes et pour la justice sociale, écologique et féministe.

Le CADTM appelle à la solidarité internationale avec les femmes de Palestine, de la RDC et de toutes les régions du monde où les violences patriarcales, racistes et économiques pèsent sur nos vies. Nous réaffirmons que l'annulation des dettes illégitimes, la fin des politiques d'austérité, la souveraineté économique et l'autodétermination des peuples sont des conditions indispensables pour un avenir féministe, juste et libéré, du Nord aux Suds.
Le 8 mars, faisons grève, descendons dans la rue pour un monde sans dettes, sans exploitation et sans guerre !

*Lorsque nous faisons référence aux femmes, il s'agit de toute personne identifiée et/ou s'identifiant comme femme.

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« Ces grèves illustrent bien pourquoi nous ne devons pas céder au désespoir »

18 mars, par Eric Blanc, Janine Jackson — , ,
Janine Jackson a interviewé Eric Blanc, de l'Université Rutger sur l'organisation syndicale comme force de résistance clé ; invité à l'émission CounterSpin du 7 mars 2025. Ceci (…)

Janine Jackson a interviewé Eric Blanc, de l'Université Rutger sur l'organisation syndicale comme force de résistance clé ; invité à l'émission CounterSpin du 7 mars 2025. Ceci est une transcription légèrement modifiée.

Fairness and Accuracy in Reporting (FAIR), New York, le 13 mars 2025
Texte original et audio sur https://fair.org/home/these-strikes-are-a-good-example/
Traduction Google+a.c.
Réalisé par CounterSpin.

Sur Janine Jackson (auteure de cet article) : voir https://fair.org/author/janine-jackson/

Janine Jackson : La période politique difficile et inquiétante que nous traversons met en lumière certaines fissures profondes de la société américaine. Outre le choix de certains, nous découvrons les leviers de pouvoir dont disposent réellement les citoyens ordinaires et comment les utiliser. Et cela nous rappelle que l'antidote à la peur et à la confusion réside dans l'entraide, dans la communauté, y compris cette forme particulièrement puissante de communauté qu'est le syndicalisme. Mais en fait, les travailleurs peuvent exercer un pouvoir même sans recourir à un syndicat, même si ce n'est pas quelque chose que l'on entend souvent dans les grands médias.

Eric Blanc est un militant et organisateur syndical de longue date, ainsi que professeur adjoint d'études sociales à l'Université Rutgers. Il est l'auteur de « Red State Revolt : The Teacher Strike Wave and Working-Class Politics » ( Éd. Verso [1] ) et, à paraître cette année, de « We Are the Union : How Worker-to-Worker Organizing Is Revitalizing Labor and Winning Big » ( Éd. UC Press [2] ). Il rédige également l'infolettre « laborpolitics.com ». Il nous rejoint par téléphone depuis chez lui. Bienvenue sur CounterSpin, Eric Blanc.

Eric Blanc (EB) : Merci de m'avoir invité.

*JJ :* Commençons par les fonctionnaires fédéraux, qui sont, comme on le voit, une cible privilégiée de Trump et Musk, mais vous nous rappelez que les fonctionnaires fédéraux constituent également une force de résistance essentielle. Parlez-nous-en.

*EB* : Difficile d'exagérer l'enjeu actuel du combat autour des fonctionnaires fédéraux. Si Musk et Trump ont commencé par tenter de décimer les services fédéraux et les syndicats fédéraux, c'est parce qu'ils comprennent que ces obstacles entravent leur tentative d'exercer un contrôle autoritaire total sur le gouvernement et d'imposer leur programme réactionnaire au mépris de la loi. Et ils savent qu'ils doivent non seulement licencier les dirigeants de ces agences, mais aussi disposer d'un personnel tellement terrifié par l'administration qu'il s'y conformera même en cas d'infraction à la loi.

Ils doivent donc s'attaquer à ces syndicats et les briser. Les enjeux sont donc considérables pour tous les progressistes, tous les travailleurs, tous ceux qui ont un intérêt pour la démocratie, car il s'agit de la première grande bataille de la nouvelle administration. S'ils parviennent à licencier massivement des fonctionnaires fédéraux malgré les protections légales qui leur garantissent un emploi, malgré le fait que des millions d'Américains dépendent de ces services – la Sécurité sociale, Medicaid, et les protections environnementales et de sécurité de base –, s'ils parviennent à détruire ces services dont tant de personnes dépendent, cela leur permettra d'exercer une pression encore plus forte sur le reste de la société. Pensez aux immigrants, aux personnes transgenres, etc. Les implications de cette bataille sont donc considérables. Heureusement, les fonctionnaires fédéraux commencent à résister, mais il faudra faire beaucoup plus pour contrer ces tentatives de licenciements.

*JJ :* J'ai grandi près de Washington. Mes deux parents travaillaient dans des agences fédérales. Tous mes emplois d'été se sont déroulés dans des agences fédérales, et quiconque a une expérience directe le sait, sans se faire aucune illusion sur la perfection. Mais nous comprenons qu'il existe des malentendus et des mythes répandus sur le gouvernement en général, et sur les fonctionnaires fédéraux en particulier. Trump dit : « Nous sommes pléthoriques, nous sommes négligents. Beaucoup de gens ne font pas leur travail. » Comment pouvons-nous contrer ce discours ?

https://usafacts.org/articles/how-many-people-work-for-the-federal-government/

*EB :* Oui, je pense que la réponse est simple : il faut souligner l'importance de ces services et souligner que, loin d'une bureaucratie massivement développée, les services fédéraux, comme la plupart des services publics, ont été en réalité sous-alimentés au cours des cinquante dernières années. Le pourcentage de la population active travaillant pour le gouvernement fédéral n'a cessé de diminuer au cours des quatre dernières décennies. Il ne s'agit donc pas d'une bureaucratie massivement développée. Au contraire, une grande partie des inefficacités et des problèmes du secteur sont dus à un manque de ressources et à l'incapacité de faire de ces programmes les programmes robustes qu'ils peuvent et devraient être, et qu'ils étaient souvent par le passé.

Il ne s'agit donc pas d'une bureaucratie massivement développée ou de l'inutilité de ces services. La réalité est que les Américains, d'une certaine manière, ne voient pas tous ces services. Ils les tiennent pour acquis. Ils sont en quelque sorte invisibles. Si, jusqu'à récemment, les avions ne s'écrasaient pas, c'est grâce à l'existence de régulateurs fédéraux et de contrôleurs aériens fédéraux bien formés. Et donc, lorsque l'on commence à détruire ces services, la situation devient soudainement plus visible. Que se passera-t-il si l'on cesse de réglementer les entreprises en matière de pollution, par exemple ? Les entreprises peuvent revenir en arrière et faire ce qu'elles faisaient il y a un siècle : déverser systématiquement des toxines dans les sols, dans l'eau, et toutes ces autres pratiques, qui sont inacceptables, que nous tenons presque éradiquées aujourd'hui. Si les entreprises ne sont pas soumises à un système de contrôle, qui les en empêchera ?

Je pense donc qu'il est essentiel de sensibiliser les gens pour contrer ces mensonges de l'administration Trump. Par exemple, la grande majorité des fonctionnaires fédéraux ne vivent pas à Washington. L'idée selon laquelle il ne s'agit que de riches bureaucrates est répandue : pourtant plus de 80 % des fonctionnaires fédéraux vivent dans tout le pays, en dehors de Washington. D'un point de vue financier, il ne s'agit pas de personnes gagnant des centaines de milliers de dollars, mais de salaires décents pour la classe ouvrière. L'essentiel est d'examiner les données.

Il est donc essentiel, je pense, de bien comprendre l'importance de ces services, mais aussi de reconnaître que l'idée que la souffrance des travailleurs ordinaires soit imputable aux fonctionnaires fédéraux est un mythe. La masse salariale des fonctionnaires fédéraux représente une infime partie du budget fédéral. Et si l'on compare le montant des sommes versées aux fonctionnaires fédéraux à la fortune d'Elon Musk, par exemple, la comparaison est irréaliste. Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, possède une fortune nette de plus de 400 milliards de dollars. C'est presque le double de ce que gagnent chaque année les 2,3 millions de fonctionnaires fédéraux. On voit donc que les inégalités ne viennent pas des fonctionnaires fédéraux, mais des plus riches de notre pays et du monde.

*JJ :* Eh bien, un de nos leviers, c'est l'organisation des travailleurs pour lutter contre cela, au-delà de notre colère à la maison et de nos tiraillements devant la télévision. Nous pouvons travailler ensemble et nous avons des modèles historiques, des modèles contemporains et des exemples de la façon dont cela peut fonctionner et se dérouler.

Je voudrais vous demander de parler des grèves des enseignants de 2018, car je vois que vous en avez fait une sorte d'analogie, qu'il y a des leçons à tirer de l'expérience d'États comme la Virginie occidentale ( /West Virginia/ ) et l'Oklahoma, des États républicains qui, en 2018, ont connu une grève d'enseignants qui, contre toute attente, étaient populaires, connectés à la communauté et, dans une certaine mesure, ont réussi. Je me demande quelles leçons tactiques, selon vous, ont été tirées de cette situation. Qu'avons-nous appris de ces grèves ?

https://jacobin.com/2018/03/west-virginia-teachers-wildcat-strike-peia

*EB :* C'est une bonne question, et je pense qu'il est important de commencer par souligner que ces grèves illustrent bien pourquoi nous ne devons pas céder au désespoir. Il règne un sentiment général de pessimisme, comme quoi rien ne peut être fait parce que Trump est au pouvoir, mais je ne pense pas que ce soit vrai. Je ne pense pas qu'il soit exact de dire que rien ne peut être fait. Et l'exemple des grèves dans les États républicains est un excellent indicateur que même lorsque des personnes très conservatrices sont au pouvoir, au sein du gouvernement, les travailleurs ont la capacité d'utiliser leur influence sur le lieu de travail et dans la communauté pour gagner.

C'est ainsi qu'en 2018, des centaines de milliers d'enseignants de Virginie occidentale, d'Oklahoma, d'Arizona et d'ailleurs se sont mis en grève. Même si ces grèves étaient illégales, même s'il s'agissait d'États où les syndicats étaient très faibles, des États favorables au droit au travail, et même si les électeurs de tous ces États avaient voté pour Donald Trump, ils ont néanmoins reçu un soutien massif de la population parce qu'ils avaient des revendications très simples et résonnantes, comme plus de financement pour les écoles, un salaire décent pour les enseignants, s'assurer qu'il y ait suffisamment d'argent pour que les étudiants puissent recevoir une éducation décente.

Ces actions transcendaient les clivages partisans, tout comme, je pense, la défense des services de base comme la Sécurité sociale et Medicaid aujourd'hui. Leurs tactiques consistaient à surmonter la peur, car il s'agissait de grèves illégales. Il leur fallait donc trouver des moyens de mobiliser les enseignants. Ils ont mené des actions très simples, comme demander aux gens de porter du rouge un jour donné. Ils n'ont donc pas commencé par dire : « Faisons grève. » Ils ont plutôt demandé : « Pourriez-vous faire cette action simple ensemble ? Pouvons-nous tous porter la même couleur un jour donné ? » Puis ils ont invité la communauté à se rassembler. Ils ont dit : « Mesdames et Messieurs, pouvez-vous nous retrouver après l'école ce jour-là ? Nous allons discuter de nos problèmes ensemble. Nous allons brandir des pancartes. Nous allons fournir des informations. »

Ils ont donc progressé par des actions militantes jusqu'à une grève de masse. Ils ont beaucoup utilisé les réseaux sociaux, car ils ne pouvaient pas compter exclusivement sur les syndicats. Les réseaux sociaux ont joué un rôle crucial pour connecter les travailleurs de ces États et créer une dynamique. Ils ont finalement pu organiser des débrayages extrêmement réussis qui, malgré leur illégalité, n'ont donné lieu à aucune représailles. Ils ont gagné et ont forcé le gouvernement à reculer et à accéder à leurs revendications. Je pense donc que c'est plus ou moins la stratégie pour gagner contre Musk et Trump. Il faut susciter une réaction violente de la part des travailleurs, mais aussi, en collaboration avec la communauté, pour que les responsables politiques soient contraints de reculer.

*JJ :* Eh bien, concernant l'organisation entre travailleurs, il semble que c'est ce dont vous parlez ici… Je pense que beaucoup d'entre nous qui ont travaillé avec des syndicats ou qui en ont la mémoire la perçoivent comme une démarche descendante. L'organisation entre travailleurs n'est donc pas seulement une lueur d'espoir, un élément à observer, mais une voie à suivre, un modèle reproductible. Vous dirigez un projet appelé « Worker to Worker Collaborative » [3]. Pourriez-vous nous expliquer brièvement ce que c'est cette organisation entre travailleurs, ou en quoi elle diffère d'un modèle que certains pourraient avoir en tête ?

*EB :* Oui. Le problème fondamental d'un syndicalisme plus traditionnel, qui mobilise beaucoup de personnel, c'est qu'il est tout simplement trop coûteux. Il est trop coûteux, tant en termes d'argent que de temps, de remporter de grandes victoires, de syndiquer des millions de travailleurs. Et qu'il s'agisse de luttes offensives comme la syndicalisation chez Starbucks ou Amazon, ou de luttes défensives actuelles, comme la défense des fonctionnaires fédéraux, si l'on veut syndiquer suffisamment de travailleurs pour riposter, les effectifs sont tout simplement insuffisants. Le problème avec la méthode traditionnelle, c'est qu'on ne peut pas gagner assez largement. On ne peut pas gagner assez fort.

L'organisation entre travailleurs est essentiellement une forme d'organisation où les rôles normalement assumés par le personnel sont assumés par les travailleurs eux-mêmes. Ainsi, l'élaboration de stratégies, la formation et l'encadrement d'autres travailleurs, le lancement de campagnes – autant de tâches qui deviennent ensuite la tâche et la responsabilité des travailleurs eux-mêmes, avec un encadrement et un soutien, et souvent en collaboration avec des syndicats plus importants. Mais les travailleurs assument simplement un plus grand degré de responsabilité, et cela a fait ses preuves. Les plus grands succès du mouvement syndical ces dernières années, des grèves des enseignants, dont nous avons parlé, à Starbucks, qui a désormais syndiqué plus de 560 restaurants, ont forcé l'une des plus grandes entreprises du monde à négocier. Nous avons constaté que cela fonctionne.

Il s'agit maintenant pour le reste du mouvement syndical d'investir réellement dans ce type d'organisation ascendante. Et franchement, il n'y a pas d'alternative. L'idée, partagée par tant de dirigeants syndicaux, selon laquelle nous allons simplement élire des démocrates et qu'ils renverseront la situation… eh bien, les démocrates sont en quelque sorte absents, et qui sait quand ils reviendront au pouvoir. Il incombe donc au mouvement syndical de cesser de regarder d'en haut et de commencer à regarder vers ses propres bases et de se dire : « Bon, si nous voulons nous sauver, c'est la seule voie possible. Personne ne viendra nous sauver d'en haut. »

*JJ :* Et il semble que cela se développe aussi avec une compréhension plus organique, si je puis dire, des enjeux, car ce sont les travailleurs eux-mêmes qui formulent ce message, plutôt que les dirigeants qui disent : « Nous pensons que c'est ce qui va être compris, ou ce que nous pouvons faire passer. » Cela semble plus susceptible de refléter les véritables préoccupations des travailleurs.

https://inthesetimes.com/article/whole-foods-union-philadelphia

*EB :* Oui, c'est vrai. Les travailleurs sont les mieux placés pour comprendre les problèmes des autres. Ils sont aussi les mieux placés pour convaincre les autres de se joindre à eux. Lors d'une campagne ou d'une lutte syndicale, les patrons répètent systématiquement : « Le syndicat est une tierce partie extérieure. » Et il y a parfois une part de vérité. Sans vouloir exagérer, il peut y avoir un aspect du mouvement syndical qui semble un peu déconnecté de la propriété directe et de l'expérience des travailleurs. Mais lorsque les travailleurs eux-mêmes s'organisent, souvent en collaboration avec les syndicats, mais s'ils sont réellement à l'avant-garde, il devient beaucoup plus difficile pour les patrons de se substituer au syndicat, car il est clair que le syndicat, ce sont les travailleurs.

*JJ :* D'accord. Quelle importance cela a-t-il pour ce type d'organisation ascendante, quelle que soit la situation au NLRB [Conseil national des relations de travail] ? Quel rôle ? Je ne sais même pas vraiment ce qui se passe, c'est en constante évolution, comme tout le reste. Mais vous pensez que peut-être, non pas qu'il ne faut pas s'en inquiéter, ni qu'il ne faut pas y penser, mais plutôt qu'il ne faut pas trop s'inquiéter des manigances du NLRB, n'est-ce pas ?

*EB :* Eh bien, je pense que le NLRB de Biden était très efficace et qu'il a aidé les travailleurs à se syndiquer. La disparition du NLRB est donc un coup dur pour le mouvement syndical. Il faut le reconnaître. Cela dit, il est toujours possible de se syndiquer. On n'a pas besoin du NLRB pour se syndiquer. Le mouvement syndical s'est développé et s'est battu pendant de nombreuses années avant l'adoption de la loi sur le travail. Et même aujourd'hui, la situation est très ambiguë. Le NLRB est en quelque sorte paralysé au niveau national, mais au niveau local, on peut encore organiser des élections. Il n'est donc même pas complètement obsolète. Et je pense qu'il est probablement encore possible de l'utiliser dans une certaine mesure.

Mais la réalité est que le terrain juridique est plus difficile qu'avant. D'un autre côté, l'urgence est encore plus grande, et on voit encore des travailleurs se mobiliser et s'organiser en nombre record. J'ai été très encouragé par le fait que, malgré un régime juridique plus strict, nous avons remporté d'importantes victoires syndicales ces dernières semaines sous Trump. Par exemple, à Philadelphie, les travailleurs de Whole Foods se sont syndiqués malgré Trump, malgré une intense campagne antisyndicale lancée directement par Jeff Bezos. C'était seulement la deuxième fois qu'Amazon – car Amazon est désormais propriétaire de Whole Foods – perdait une élection syndicale, et c'était il y a quelques semaines à Philadelphie.

Cela montre donc qu'il y a une réelle colère à la base. Et je pense qu'il y a quelque chose, en fait, dans l'administration Trump, qui, du fait de son lien étroit avec certaines des personnes les plus riches de la planète, de manière oligarchique, fait de la syndicalisation elle-même un moyen presque direct de contester le régime Trump. Parce que vous vous opposez à la fois à leur destruction des droits du travail et, franchement, ce sont les mêmes personnes qui sont au sommet. Les patrons et l'administration sont quasiment indissociables à ce stade.

*JJ :* J'ai l'impression que des entreprises comme Amazon et Whole Foods se sont présentées comme l'avenir du monde des affaires, l'avenir des façons de faire. Je pense donc que les actions syndicales, tout d'abord, reconnaissant que ce sont toujours des travailleurs qui agissent et que cela ne se passe pas dans un laboratoire, semblent être des lieux particulièrement importants sur lesquels il faut attirer l'attention en termes d'activité syndicale.

*EB :* Oui. Et je pense que le talon d'Achille de Trump et de tout son mouvement, c'est qu'il se prétend populiste et séduit la classe ouvrière, mais qu'en réalité, il est au service des plus riches de la planète. Le meilleur moyen de dénoncer cela est donc de mener des batailles pour la dignité économique, n'est-ce pas ? Et le mouvement ouvrier est la force numéro un pour cela et forcer les politiciens à montrer de quel côté ils se trouvent. Êtes-vous du côté de Jeff Bezos ou des travailleurs à bas salaires qui ripostent ? Mener de plus en plus de telles batailles, même si c'est plus difficile en raison du cadre juridique, sera, je pense, l'un des moyens les plus cruciaux de saper le soutien au MAGA parmi les travailleurs de tous horizons.

*JJ :* Eh bien, nous avons besoin de nous soutenir les uns les autres pour aller de l'avant. Enfin, à moins de vivre dans un trou noir et d'apprécier réellement ce qui se passe, il est clair que le statu quo ne suffira pas. Quel que soit votre parcours, nous devons entreprendre quelque chose de plus grand, de plus audacieux. Mais nous savons que certaines personnes, pour le dire crûment, craignent plus les perturbations que de la souffrance. Les perturbations semblent très effrayantes, mais faire les choses comme elles ne l'étaient pas hier, même si nous avons une histoire à laquelle nous pouvons nous référer, c'est cela qui est effrayant.

Et je pense que c'est ce qui rend les histoires que nous nous racontons les uns aux autres et celles que nous nous racontons si importantes, la cohérence de la vision d'avenir que nous sommes capables de diffuser est cruciale. Et bien sûr, cela me ramène aux médias. Vous avez mentionné l'importance des réseaux sociaux, des médias indépendants, simplement des histoires que nous racontons, des histoires que nous soutenons, des personnes que nous soutenons. Cela semble si important pour ce combat. Ce n'est pas un méta-phénomène. Alors je me demande enfin quel rôle vous envisagez pour les différents types de médias à l'avenir ?

https://www.federalunionists.net

EB : D'accord. Je pense que c'est absolument crucial. Si la droite a fait de telles percées, c'est notamment parce qu'elle a su mieux faire connaître son point de vue et mener des batailles d'idées dans les médias, les réseaux sociaux et les médias grand public. Et franchement, notre camp est à la traîne. C'est peut-être parce que nous ne disposons pas des mêmes ressources, mais je pense aussi qu'on sous-estime l'importance d'expliquer ce qui se passe dans le monde, de nommer les véritables ennemis et d'expliquer la véritable colère et l'anxiété des gens face à ce qui se passe. Donc oui, je pense que c'est absolument crucial. Et je pense que nous devons, en tant que mouvement syndical, progressistes et de gauche, réagir et proposer une explication alternative : tous ces problèmes trouvent leur origine dans le pouvoir des milliardaires. Ce n'est pas à cause des immigrés, des fonctionnaires fédéraux ou des jeunes transgenres.

Je dirais simplement que l'une des choses qui me donnent de l'espoir, c'est que les réseaux sociaux sont désormais utilisés de manière assez efficace par ce nouveau mouvement des fonctionnaires fédéraux. Je vous en donne un exemple : ils ont un nouveau site web, <http://savepublicservices.com/> >, sur lequel chacun peut s'inscrire pour participer aux actions locales. Ce sera un réseau d'intervention rapide pour mettre fin aux licenciements locaux, où que vous soyez, et pour préserver les services dont nous dépendons. Chacun peut donc se rendre sur ce site web, <http://savepublicservices.com/> >, et profiter de cette opportunité médiatique pour s'impliquer localement.

*JJ :* Très bien, nous allons terminer sur cette note. Nous avons discuté avec Eric Blanc. Son nouveau livre, « We Are the Union : How Worker-to-Worker Organizing Is Revitalizing Labor and Winning Big » [2], est maintenant disponible chez UC Press, et vous pouvez suivre son travail sur laborpolitics.com [4]. Merci beaucoup, Eric Blanc, de nous avoir rejoint cette semaine sur CounterSpin.

*EB :* Merci de m'avoir invité.

[1] https://www.versobooks.com/en-ca/products/912-red-state-revolt

[2] https://www.ucpress.edu/books/we-are-the-union/paper

[3] https://smlr.rutgers.edu/faculty-research-engagement/workplace-justice-labru/build-base-grow-movement/w2w#:~:text=What%20is%20W2W%3F,their%20members'%20involvement%20and%20leadership

[4] https://www.laborpolitics.com

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*Une suggestion de lecture de André Cloutier, Montréal, 14 mars 2025

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L’OIT publie le rapport 2025 de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations

18 mars, par Organisation internationale du Travail (OIT) — ,
Le rapport indique dans quelle mesure les États Membres de l'OIT ont rempli leurs obligations en matière de normes internationales du travail. Tiré de Entre les lignes et (…)

Le rapport indique dans quelle mesure les États Membres de l'OIT ont rempli leurs obligations en matière de normes internationales du travail.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/10/loit-publie-le-rapport-2025-de-la-commission-dexperts-pour-lapplication-des-conventions-et-recommandations/?jetpack_skip_subscription_popup

GENÈVE (OIT Infos) – Le 10 février 2025, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations (CEACR), qui est une pierre angulaire du système de contrôle des normes internationales du travail de l'OIT, a publié son rapport annuel.

Ce rapport fournit une analyse indépendante de la mesure dans laquelle la législation et la pratique de chaque État membre de l'OIT donnent effet aux conventions et protocoles de l'OIT ratifiées par l'État Membre en question. Il décrit la manière dont les États membres s'acquittent des obligations qu'ils ont librement contractées en vertu de la Constitution de l'OIT en ce qui concerne les normes internationales du travail. Il fournit également un bref compte rendu de son échange interactif avec les présidents des organes des Nations Unies chargés de surveiller l'application des traités internationaux relatifs aux droits humains et des titulaires de mandats au titre de procédures spéciales, à l'occasion de la commémoration du 80e anniversaire de la Déclaration de Philadelphie de l'OIT et du 60e anniversaire de la convention (n°122) sur la politique de l'emploi, 1964, et de la recommandation n°122.

Les normes internationales du travail, qui se composent de conventions, de protocoles aux conventions et de recommandations, sont des instruments universels de droit international adoptés par des gouvernements, des employeurs et des travailleurs représentés à la Conférence internationale du Travail pour faire progresser la justice sociale. Elles reflètent des valeurs et des principes communs régissant le monde du travail. Une fois qu'un pays a ratifié une convention ou un protocole de l'OIT, il est tenu de faire régulièrement rapport sur les mesures qu'il a prises pour la mettre en œuvre.

Si les États membres de l'OIT peuvent choisir de ratifier ou non une convention ou un protocole de l'OIT, le système de contrôle de l'OIT examine aussi régulièrement l'effet donné aux recommandations et aux conventions lorsqu'elles n'ont pas été ratifiées. Fin février 2025, la commission d'experts publiera cette étude d'ensemble intitulée Atteindre une protection complète contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.

La CEACR est un organe indépendant composé de 20 experts juridiques nationaux et internationaux de haut niveau, chargés d'examiner l'application des conventions, protocoles et recommandations de l'OIT par les États membres de l'OIT. En 2024, la commission a maintenu la parité hommes-femmes.

Les membres de la CEACR, nommés à titre personnel, sont indépendants et impartiaux. Ils sont sélectionnés dans toutes les régions du monde, de sorte que la CEACR dispose d'une expérience de première main des différents systèmes juridiques, économiques et sociaux.

Le rapport sera soumis à la 113e session de la Conférence internationale du travail, où les gouvernements, les employeurs et les travailleurs en discuteront au sein de la Commission de l'application des normes de la Conférence.

https://www.ilo.org/fr/resource/news/loit-publie-le-rapport-2025-de-la-commission-dexperts-pour-lapplication-des

ILO releases 2025 report of the Committee of Experts on the Application of Conventions and Recommendations
https://www.ilo.org/resource/news/ilo-releases-2025-report-committee-experts-application-conventions-and

La OIT publica el informe 2025 de la Comisión de Expertos en Aplicación de Convenios y Recomendaciones
https://www.ilo.org/es/resource/news/la-oit-publica-el-informe-2025-de-la-comision-de-expertos-en-aplicacion-de

L'OIL pubblica il rapporto 2025 della Commissione di esperti per l'applicazione delle convenzioni e delle raccomandazioni
https://www.ilo.org/it/resource/news/loil-pubblica-il-rapporto-2025-della-commissione-di-esperti-lapplicazione
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Nouvelle publication de l'OIT : Un chemin vers la justice sociale pour les travailleurs migrants

Un ouvrage qui explore les réalités de la migration temporaire de main-d'œuvre et fournit des perspectives précieuses aux décideurs politiques, praticiens et chercheurs.

GENÈVE (OIT Infos) – Une nouvelle anthologie publiée par l'Organisation internationale du Travail (OIT), Temporary Labour Migration : Towards Social Justice ?(Migration temporaire de la main-d'œuvre : vers la justice sociale ?), explore les défis, les choix politiques et les approches novatrices qui façonnent la migration temporaire de main-d'œuvre à l'échelle mondiale.

Cet ouvrage collectif réunit des contributions de chercheurs et de praticiens de renom afin d'examiner l'évolution des programmes de migration temporaire de main-d'œuvre et leur impact sur les marchés du travail locaux ainsi que sur les travailleurs migrants.

Dans de nombreux contextes, ces programmes exposent les travailleurs à des déficits en matière de travail décent, à des droits restreints et à l'exclusion des législations du travail. Toutefois, des évolutions positives ont également été observées, notamment des améliorations permettant aux travailleurs de changer d'employeur plus facilement, ainsi que d'autres innovations politiques dignes d'intérêt.

En présentant des perspectives issues de différentes régions du monde, disciplines et périodes historiques, cet ouvrage propose des recommandations politiques concrètes pour des politiques migratoires plus justes.

Le livre est structuré autour de quatre grands thèmes :
* L'évolution des paradigmes relatifs à la migration temporaire de main-d'œuvre ;
* L'analyse des nouveaux programmes de mobilité et des facteurs influençant la gouvernance migratoire (comme le commerce international) ;
* Les outils politiques pour la protection des migrants ;
* Les leçons historiques permettant d'améliorer les politiques migratoires.

Cette publication aborde les dimensions économiques et juridiques de la migration temporaire de main-d'œuvre afin d'en offrir une analyse approfondie. Elle met en avant la nécessité d'une justice sociale dans les politiques migratoires, en appelant à un traitement équitable, au renforcement des mécanismes de protection et à une meilleure cohérence des politiques pour rendre la migration temporaire plus juste.

L'ouvrage, édité par Christiane Kuptsch et Fabiola Mieres, spécialistes de la migration et du marché du travail à l'OIT, est disponible en téléchargement sur le site web de l'OIT.

Pour plus d'informations, veuillez visiter ilo.org ou contacter
kuptsch@ilo.org ou mieres@ilo.org.

https://www.ilo.org/fr/resource/news/nouvelle-publication-de-loit-un-chemin-vers-la-justice-sociale-pour-les

New ILO publication explores the path to social justice for migrant workers
https://www.ilo.org/resource/news/new-ilo-publication-explores-path-social-justice-migrant-workers

Una nueva publicación de la OIT explora el camino hacia la justicia social para los trabajadores migrantes
https://www.ilo.org/es/resource/news/una-nueva-publicacion-de-la-oit-explora-el-camino-hacia-la-justicia-social

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Woke : Une perspective de classe

18 mars, par Oscar Simon Bueno — , ,
Ces dernières années, l'extrême droite a réussi à imposer des cadres conceptuels qui ont été acceptés même par des sections de la gauche, affaiblissant ainsi ses propres (…)

Ces dernières années, l'extrême droite a réussi à imposer des cadres conceptuels qui ont été acceptés même par des sections de la gauche, affaiblissant ainsi ses propres positions politiques. L'utilisation péjorative du terme « woke », à l'origine associé à la conscience sociale et à la lutte pour la justice, en est un exemple clair. L'extrême droite a développé une stratégie délibérée pour délégitimer les luttes pour la justice sociale et les droits humains.

https://vientosur.info/woke-una-perspectiva-de-clase/

« Woke », qui dans sa racine signifiait et signifie toujours être éveillé et vigilant face aux discriminations raciales et aux inégalités systémiques. L'ultra-droite a tenté et a en partie réussi à vider ce mot de son contenu émancipateur et à en faire une caricature. Elle parle de guerre culturelle et concentre tous ses efforts pour opposer la lutte contre les oppressions, telles que le système patriarcal, le racisme, les droits des personnes LGBTQI, à la lutte contre l'exploitation. Leur principal objectif est de diviser la classe ouvrière entre les hommes blancs hétérosexuels et les femmes, les femmes et les femmes transgenres, les écologistes et les agriculteurs, les Noir-es et les migrant-es, les Latinos et les femmes, etc.

Le vice-président des États-Unis, J.D. Vance, est peut-être l'exemple le plus clair d'un champion de la guerre culturelle. Vance, issu d'une famille de base, syndicaliste et démocrate de l'est désindustrialisé des États-Unis, qu'il a magistralement dépeint politiquement dans son livre et son biopic (A Hillbilly Odyssey), a été utilisé par Trump pour gagner des voix dans les régions industrielles appauvries des États-Unis, à travers un discours contre « l'élite démocrate libérale » hypocritement soucieuse d'être politiquement correcte sur des questions telles que le racisme, le changement climatique, le sexisme et la LGBTQIphobie, entre autres. En effet, les élites du parti démocrate ont maintenu une politique impérialiste, raciste à bien des égards, totalement incohérente en matière de réduction des émissions polluantes et surtout, engagée dans la mondialisation néolibérale qui a appauvri de nombreuses sections de la classe ouvrière aux États-Unis et dans le reste du monde. Les partis politiques sociaux-libéraux du monde entier ont répété des phénomènes parallèles. Mais à gauche, au lieu d'adhérer au cadre mental de l'extrême droite, nous devrions être capables de générer une critique et une stratégie pour surmonter le social-libéralisme sans avaler les idées réactionnaires qui circulent partout et qui sont en train de devenir un nouveau sens commun, qui n'est rien d'autre qu'un mélange de la sagesse acceptée au fil des ans, de l'opinion répandue du moment et d'un mélange d'idées contradictoires. Elle peut trouver son origine dans la réalité et/ou dans l'invention que nous appelons aujourd'hui « fake news ».

Les partis sociaux-démocrates classiques, qui ont embrassé la mondialisation et n'ont pas su inverser l'accumulation des richesses par les plus riches, ont ouvert la voie à l'extrême droite. Leur incapacité à enrayer la perte de pouvoir d'achat, à améliorer les services publics ou à freiner la spéculation immobilière est flagrante. En effet, rares sont les gouvernements sociaux-démocrates qui ont cédé à l'agenda des classes dominantes, aux coupes budgétaires, aux politiques néolibérales comme les accords de libre-échange qui ont fini par détruire des secteurs entiers de l'économie dans certaines régions industrielles dont l'activité principale a été transférée dans d'autres pays. En ce sens, les principales organisations de la classe ouvrière, les syndicats, ont été incapables de proposer une stratégie locale ou globale pour stopper la mondialisation néolibérale.

Dans le même temps, les magnifiques mouvements qui luttent pour les droits des personnes LGBTQI, ou le mouvement féministe, ont réalisé de grandes avancées qui ont dû être acceptées par les partis au pouvoir. C'est là qu'apparaît l'élément central de ce que l'ultra-droite appelle la guerre culturelle, un terme utilisé pour éloigner le débat de la lutte des classes et pour pouvoir confronter différents secteurs des travailleurs. L'extrême droite s'en prend à l'incapacité des gouvernements sociaux-démocrates à réduire les inégalités sociales, non pas parce qu'ils se sont pliés aux intérêts des riches, ce qui est le cas depuis des décennies, mais parce qu'il y a trop de féminisme, trop d'immigré-es, trop de droits LGBTQI. Rédigé ainsi, cela semble absurde, mais c'est la base de l'argument. L'extrême droite, aux États-Unis et dans une partie croissante des régions du monde, a réussi à associer le mécontentement social à l'acceptation d'idées socialement conservatrices.

Trump est un milliardaire américain qui s'est fait connaître grâce à une émission de télévision dans laquelle il renvoyait des gens. Ses principaux soutiens sont certains des hommes les plus riches du monde, comme Elon Musk et Jeff Bezos ou la Heritage Foundation. Toutefois, le pouvoir d'achat moyen des électeurs de Trump est inférieur à celui des électeurs du Parti démocrate.
Les références de Trump à un passé où de nombreux secteurs de la classe ouvrière américaine vivaient mieux lui ont permis de se rapprocher d'eux. Rien de nouveau sous le soleil : la montée des nazis en Allemagne était largement due au discrédit de la social-démocratie allemande, dont le gouvernement a écrasé la révolution dans les années 1920. Les similitudes du tandem Trump-Musk avec le fascisme des années 1920 et 1930 sont multiples ; Mussolini était également associé à un gourou technologique de son époque, Guglielmo Marconi, auquel on a longtemps attribué l'invention de la radio, même si cela n'est pas tout à fait clair aujourd'hui.

Il ne s'agit pas du tout de dire que Trump essaie de gouverner pour la classe ouvrière, mais bien au contraire. Son cabinet est rempli de millionnaires qui ont l'intention de détruire ce qui reste des services publics aux États-Unis, d'attaquer les syndicats, tout cela pour augmenter les profits de leur classe. Ils savent que c'est un plan dangereux car une offensive comme celle qu'ils préparent peut rencontrer et rencontrera une résistance, c'est pourquoi ils montent certaines sections de la classe ouvrière contre d'autres. Nous ne pouvons pas oublier que l'ultra-droite est le bélier de la classe dirigeante lorsque celle-ci ne peut plus gouverner comme avant et que le parti républicain et ceux qui le financent savaient qu'ils ne pourraient pas gagner avec le programme classique de la droite, mais qu'ils devaient se jeter dans les mains de l'ultra-droite pour reconquérir la Maison Blanche. En effet, la fondation Heritage, néoconservatrice et d'extrême droite, a élaboré un programme intitulé Project 2025 qui, entre autres mesures, prévoit de dissoudre les départements du commerce et de l'éducation, de rejeter l'idée de l'avortement en tant que soin de santé et d'affecter les protections climatiques. Cela représente un danger pour l'architecture économique et industrielle des États-Unis, qui dépend d'une chaîne d'approvisionnement mondiale qui pourrait être fortement affectée par les droits de douane. Par exemple, le pétrole canadien est essentiel à l'industrie du raffinage au Texas. L'administration Trump le sait et exerce une pression militaire et économique sur différents États pour tenter de minimiser ces risques, ce qui pourrait conduire à davantage de militarisme.

Lorsque la gauche adhère à l'état d'esprit de la droite au nom d'une soi-disant lutte des classes, elle oublie une chose fondamentale. La classe ouvrière est diverse et plurielle, la moitié sont des femmes, il y a des personnes LGBTQI, des migrant-es et une myriade de combinaisons de conditions différentes. Trump et l'extrême droite tentent de dépeindre la classe ouvrière comme des Blancs appauvris afin de les opposer à d'autres sections de la classe ouvrière. En tant qu'homme de droite, c'est compréhensible. Ce qui est ridicule, c'est que les gens de gauche soient si peu perspicaces. Quelqu'un peut-il vraiment penser que nous pouvons affronter la vague néo-droitière sans les femmes ou les membres racialisés de la classe ouvrière ? C'est la voie du fascisme rouge ou communofascisme qui, tout au long de l'histoire, n'a fait que mener les classes populaires au fascisme. En Allemagne, une scission de Die Linke, l'Alliance Sahra Wagenknecht, qui porte le nom de sa dirigeante, a décidé de suivre cette voie. Le fascisme social repose sur deux idées fondamentales : être de gauche sur le plan économique et de droite sur le plan social. Comme si le patriarcat, le racisme et les autres systèmes d'oppression qui se développent sous le capitalisme n'étaient pas liés aux relations d'exploitation dans lesquelles nous vivons. Que quelqu'un de la gauche postmoderne dise cela serait critiquable, bien que compréhensible, mais que certains communistes autoproclamés dissocient le système d'oppression qui se développe au sein du capitalisme des relations de production qui y sont établies est ce qui se rapproche le plus de l'antimarxisme. Que veulent ceux qui, à partir de postulats prétendument de gauche, utilisent le mot woke pour se plaindre du féminisme, de l'immigration, des politiques LGBTQI ? Un parti communiste de révolutionnaires mâles blancs ? Il est certain qu'il existe des divergences entre les différentes sections de la gauche. Certaines d'entre elles ont rompu avec une perspective de classe à la fin des années 1960 et au début des années 1970, notamment en raison de l'orientation d'une grande partie du marxisme dominant, dominé par la vision stalinienne, qui était assez conservatrice dans certains aspects sociaux et qui considérait les mouvements qui se développaient contre les systèmes d'oppression à l'intérieur du capitalisme comme des luttes de seconde classe. C'est aussi parce que la classe ouvrière, bien qu'elle existe et occupe un rôle central dans la production et la reproduction du capital, n'apparaît pas, la plupart du temps, comme une force révolutionnaire. En effet, des idées contradictoires coexistent en son sein, des préjugés de toutes sortes existent, mais cela ne change rien au fait que tout ce qu'une personne utilise chaque jour de sa vie (à l'exception de l'air que nous respirons) provient de la transformation des ressources naturelles en produits par les travailleurs et les travailleuses. Peu importe l'argent dont dispose Elon Musk, sans les personnes qui produisent les Tesla ou entretiennent les X, ces entreprises ne fonctionneraient pas. Les capitalistes monopolisent pratiquement la propriété des moyens de production, mais sans la force de travail des travailleurs et des travailleuses, ils ne peuvent ni produire ni reproduire le capital. Le philosophe hongrois György Lukacs avait déjà analysé la contradiction entre l'existence de la classe ouvrière et l'absence de conscience collective de la classe ouvrière dans son ouvrage Histoire et conscience de classe - Études de dialectique marxiste (1923). Cette contradiction, associée à la dégénérescence des partis communistes sous le stalinisme, a conduit de nombreux mouvements apparus dans les années 1960 et 1970 à abandonner la perspective de classe et à se concentrer sur l'identité, ainsi qu'à renoncer à un horizon de révolution sociale, puisque la disparition de la classe ouvrière en tant que sujet révolutionnaire signifiait qu'il n'y avait plus de moyen de rassembler la diversité existant au sein de la société dans une action commune d'émancipation.

Certes, la classe ouvrière est comme l'air, elle existe, sans elle nous ne pourrions pas respirer, mais nous ne la voyons pas et ce n'est qu'en de rares occasions et dans des circonstances très spécifiques qu'elle se transforme en un coup de vent capable de tout renverser, de même que la plupart du temps les travailleurs et travailleuses restent fragmentés, avec une conscience collective relativement faible et ce n'est qu'à certains moments historiques qu'ils et elles ont été capables de renverser le régime d'injustice généralisée dans lequel nous vivons et qui s'appelle le capitalisme. Cependant, les élites n'oublient pas l'histoire, elles savent ce qui s'est passé en Russie en 1917, la révolution de 1936 dans de nombreuses régions d'Espagne, elles savent que c'est l'énergie colossale de la classe ouvrière consciente et en marche qui les a portées en avant. C'est pourquoi elles concentrent leur guerre culturelle sur la fragmentation et le dressage des travailleurs et des travailleuses les un-es contre les autres et c'est pourquoi c'est une très mauvaise idée d'entrer dans leur jeu.

Il est nécessaire de souligner que, pour retrouver une certaine perspective de classe, des millions de travailleurs et travailleuses doivent être considéré-es comme souffrant de racisme, de sexisme, de LGBTQIphobie et d'islamophobie. Accepter le discours de l'extrême droite, c'est céder sur le terrain de la politique. La gauche doit pouvoir faire son autocritique sans trahir ses principes fondamentaux. Il est possible de débattre des stratégies et des tactiques sans nier la nécessité de transformer des structures telles que le patriarcat, le racisme, l'islamophobie, la LGBTQIphobie (...). En fait, Trump et ses épigones mondiaux -Bolsonaro, Abascal, Meloni, Orbán-, lorsqu'ils s'adressent aux travailleurs, tentent de les réduire aux secteurs blancs des anciennes ceintures industrielles afin de les confronter au reste de la classe, qu'ils tentent de masquer avec le terme « woke ».

L'obsession de l'extrême droite pour l'immigration est un autre point clé dans sa tentative de fragmenter et d'affronter la classe, au même titre que l'antiféminisme. Avant de poursuivre, je pense qu'il est nécessaire de souligner que ce n'est pas contre toutes les personnes migrantes, mais contre celles qui sont racialisées et issues de la classe ouvrière. La majorité des migrant-es sont des travailleurs et travailleuses et, lorsqu'ils et elles arrivent dans leur pays de destination, ils et elles ont tendance à faire partie des secteurs les plus pauvres. Or ce n'est pas la migration qui génère la pauvreté, mais les taux élevés d'exploitation qu'ils et elles subissent, sous la forme de bas salaires, d'absence de droits et de lois racistes, telles que la loi sur les étrangers. Ce n'est pas un hasard si, dans les provinces espagnoles les plus dépendantes de l'exploitation des travailleurs et travailleuses racisé-es comme Almeria, Murcia ou Huelva, VOX obtient les pourcentages de voix les plus élevés. Le modèle productif dépendant d'une main-d'œuvre sans droits a besoin de justifier idéologiquement son existence. En fait, le travail des migrant-es (comme celui de tout autre travailleur), par exemple, le secteur de la viande en Catalogne a exporté à lui seul 5348 millions d'euros en 2023. Dans ce secteur, la majorité des travailleurs et travailleuses sont des migrant-es, mais la redistribution des richesses est très faible. Ceux qui thésaurisent l'argent sont les hommes d'affaires, c'est-à-dire que ce sont ces grandes entreprises agro-exportatrices qui génèrent de la pauvreté parmi leurs employé-es, sans parler des impacts environnementaux de l'agro-industrie. Il n'est pas surprenant que le parti d'extrême droite Aliança Catalana, comme la Plate-forme pour la Catalogne avant lui, bénéficie d'un soutien particulier dans les régions où les personnes racisées sont exploitées de manière particulièrement intense. Une fois de plus, l'ultra-droite parvient à relier un besoin de la classe dirigeante, à savoir le maintien de la précarité pour garantir les profits, à une idée politique selon laquelle l'immigration est un problème, afin d'émasculer son objectif.

Trump et « tutti quanti » se présentent comme anti-establishment alors qu'en réalité ils cherchent à préserver le statu quo sous couvert d'un faux bon sens. Elon Musk, Jeff Bezos, les milliardaires de la Heritage Foundation, etc. luttent pour l'absence de syndicats dans leurs entreprises avec un seul objectif : éviter à tout prix le partage de la plus-value avec les travailleurs et les travailleuses.

Trump a utilisé le machisme pour gagner des élections, il a promu le mythe de l'homme hétérosexuel persécuté, mais la solution n'est pas de construire une gauche machiste (ils ne le disent pas, ils disent qu'il y a trop de féminisme), mais de développer une perspective révolutionnaire capable de promouvoir la lutte féministe dans une perspective de libération et de fin de l'oppression de classe. Si quelqu'un en doute, il suffit de lui rappeler que le 8 mars 1917 (23 février, selon le calendrier julien utilisé en Russie), les ouvrières du textile de Petrograd se sont soulevées dans une grande manifestation pour réclamer du pain et la paix. Ce mouvement s'est étendu, avec des grèves et d'autres mobilisations, de sorte que le tsar a été contraint d'abdiquer et que le gouvernement provisoire a accordé le droit de vote aux femmes. Nous avons vu ici que le féminisme a fait d'énormes progrès lorsqu'il a pu utiliser l'arme par excellence de la classe ouvrière : la grève. Deux grandes grèves féministes (2018 et 2019) qui ont fait reculer les idées machistes.

L'essentiel est de défendre une pensée critique qui ne soit ni complaisante ni réactionnaire. Il ne s'agit pas d'accepter sans critique toutes les positions qui émergent des secteurs de gauche, mais de les analyser avec un sens de la camaraderie et sans perdre de vue le contexte dans lequel elles sont développées. Dans un monde où l'extrême droite cherche à s'approprier le langage pour saper la possibilité de changement, il est plus important que jamais que la gauche défende son propre cadre interprétatif et ne cède pas à la manipulation discursive de ceux qui s'opposent à la justice et à l'égalité.

La lutte de la classe ouvrière ne peut être réduite à la lutte économique de la classe ouvrière, mais elle ne peut pas non plus être oubliée. Lutter contre l'exploitation de classe sans considérer les luttes LGBTQI, féministes, antiracistes, autodéterministes, environnementalistes comme faisant partie de la lutte de la classe ouvrière pour vivre dans un monde plus juste dénote un manque de compréhension de la façon dont la conscience collective peut passer de la fragmentation à l'avancement. Les exemples sont nombreux, nous avons déjà mentionné les grèves féministes, nous ne pouvons pas non plus oublier la grève du 3 octobre 2017 où le mouvement pour l'autodétermination et l'indépendance de la Catalogne a pu accumuler la plus grande puissance à travers une grève générale qui a conduit au blocage du pays par des millions de personnes, de la classe ouvrière dans leur grande majorité. En ce sens, le mouvement pour le droit au logement fait progresser sa perspective de classe. Historiquement, ce mouvement a été une lutte des classes populaires en général et de la classe ouvrière en particulier contre l'accumulation et le pillage des rentiers. Aujourd'hui, des grèves des loyers ont déjà lieu à Sentmenat, Banyoles, Vilanova i la Geltrú et Sitges, mais la nécessité d'une grève générale du logement est dans l'air. En d'autres termes, utiliser le pouvoir de la classe organisée pour arrêter la production et la reproduction du capital afin de mettre un terme à la spéculation rentière.

Je donne pour la fin deux exemples de la façon dont la perspective de classe nous permet de rassembler ce que l'ultra-droite veut affronter. Deux exemples qui me semblent d'autant plus pertinents que, si le mouvement d'extrême droite actuel se caractérise par quelque chose, outre le machisme et le racisme, c'est par sa haine des personnes LGBTI et des personnes racisées (Musk est un immigré sud-africain et ils ne le détestent pas vraiment). Le premier exemple, c'est le festival « Pits and Perverts » en soutien à la lutte des mineurs contre les fermetures décrétées par Margaret Thatcher. Ce mouvement consistait en un festival de charité organisé en 1984 en soutien à la grève des mineurs britanniques. Organisé par le groupe Lesbians and Gays Support the Miners (LGSM), il a permis de récolter des fonds pour les grévistes, symbolisant la solidarité entre la classe ouvrière et les mouvements LGTBQI+, et a été brillamment dépeint dans le film Pride. Le second exemple se déroule au printemps 2015, les travailleurs contractuels de Movistar se sont mis en grève et ont été soutenus par des personnes issues du mouvement révolutionnaire indépendantiste et de nombreux autres secteurs, mais l'un des faits les plus frappants est que les travailleurs, pour la plupart des hommes hétérosexuels, certains nés en Catalogne mais beaucoup originaires d'Équateur, du Pérou ou de Bolivie, ont été soutenus par le mouvement LGBTI à Barcelone et se sont rendus à la manifestation de soutien, où ils ont reçu d'énormes démonstrations de solidarité. En d'autres termes, une lutte économique d'hommes majoritairement hétérosexuels, certains racisés, d'autres non, est venue soutenir la manifestation des LGBTI et a été reçue comme ce qu'elle était, des compagnons de lutte. Ce jour-là, nous avons été férocement wokes, parce que nous nous levions et luttions contre les injustices du système.

En définitive, il ne s'agit pas d'avoir une perspective ouvrière centrée uniquement sur la tentative d'agir politiquement sur les lieux de travail, car la lutte des classes ne se réduit pas à la lutte économique, Il ne s'agit pas non plus de poser mécaniquement la nécessité de grèves générales pour avancer dans la conquête de droits non liés au travail, mais de comprendre que regrouper ce qui est dispersé et unir ce qui est différent signifie chercher à organiser le pouvoir qui nous permettra de renverser le système dans lequel nous vivons, exploités et opprimés, et cela implique inévitablement de se percevoir d'abord comme une classe, en surmontant la fragmentation à laquelle le système nous soumet. Comprendre l'autonomie des mouvements sociaux, mais en même temps faire progresser dans la conscience collective que c'est là où nous produisons et reproduisons le capital que nous pouvons être en mesure d'accumuler plus de pouvoir, et ce n'est pas le seul endroit, car nous avons de magnifiques exemples historiques de luttes populaires qui ont avancé dans leurs revendications, mais il est nécessaire de reconnaître que sans le pouvoir de la classe ouvrière, aucune révolution n'a jamais été faite.

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Rapport FIP 2024 : L’année la plus meurtrière pour les journalistes depuis trois décennies

18 mars, par Isabel Cortés — ,
La Fédération internationale des journalistes (FIJ) a publié son 34e rapport annuel sur les journalistes et les professionnels des médias tués en 2024, dont les chiffres sont (…)

La Fédération internationale des journalistes (FIJ) a publié son 34e rapport annuel sur les journalistes et les professionnels des médias tués en 2024, dont les chiffres sont choquants.

Tiré du Journal des alternatives. Photo : capture d'écran des pages 10 et 11 du rapport de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) voir lien à la fin de l'article

Au total, 122 journalistes ont été tués dans différentes parties du monde, dépassant le record de 113 morts enregistré en 2007, lorsque la guerre en Irak a ravagé la presse. Sur ce total, 14 étaient des femmes, ce qui souligne les risques supplémentaires encourus par les femmes reporters, en particulier dans les zones de conflit ou sous des régimes répressifs.

À ce scénario s'ajoute une autre statistique inquiétante : le nombre de journalistes emprisonnés a augmenté de 30 % par rapport à l'année précédente, passant de 393 en 2023 à 516 en 2024. Cette augmentation n'est pas un chiffre isolé, mais la confirmation d'une détérioration globale de la liberté de la presse, où la censure gouvernementale et la persécution des voix critiques sont devenues des pratiques systématiques.

Gaza : l'épicentre de la violence contre la presse

S'il est un endroit où le journalisme a payé un prix atroce, c'est bien à Gaza. Dans ce petit territoire de 360 km², 64 journalistes ont été tués en 2024, soit presque la moitié des journalistes assassinés cette année-là. Depuis le début de la guerre, 152 journalistes et travailleurs et travailleuses des médias ont perdu la vie à Gaza, faisant de ce conflit le plus meurtrier de l'histoire moderne pour la presse.

La FIJ a dénoncé le ciblage délibéré des journalistes par l'armée israélienne, rassemblant des preuves pour déposer des plaintes auprès de la Cour pénale internationale (CPI). En conséquence, des mandats d'arrêt ont été délivrés à l'encontre de dirigeants israéliens et du Hamas, dont le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Yoav Gallant, pour crimes de guerre.

Asie-Pacifique : une augmentation alarmante des meurtres

La région Asie-Pacifique a également connu une augmentation inquiétante des attaques meurtrières contre les journalistes. En 2024, 22 travailleurs et travailleuse des médias ont été tués, soit une augmentation de 83 % par rapport à l'année précédente. Parmi les pays les plus touchés, citons :

· Pakistan : six des sept journalistes tués ont été pris pour cible par des tueurs à gages.

· Inde : trois journalistes ont été victimes d'attaques ciblées.

· Bangladesh : cinq journalistes ont été tués, dont trois alors qu'ils couvraient des manifestations en faveur de la démocratie.

Cette augmentation reflète le climat croissant d'hostilité à l'égard de la presse dans les pays où la démocratie et l'État de droit sont menacés.

Amérique latine : une légère baisse, mais l'impunité persiste

En Amérique latine et dans les Caraïbes, les assassinats de journalistes ont enregistré une légère baisse : neuf décès en 2024, contre onze en 2023. Cependant, le Mexique reste le pays le plus dangereux pour la pratique du journalisme, avec cinq journalistes tués au cours de l'année.

Le problème n'est pas seulement la violence, mais aussi l'impunité : 95% des crimes contre les journalistes au Mexique ne sont pas résolus. En Colombie, bien que les meurtres aient diminué, les menaces et les attaques ont augmenté, avec plus de 500 violations de la liberté de la presse documentées en 2023.

Afrique et Europe : Conflits oubliés et guerre en Ukraine

En Afrique, la situation est également grave, avec dix journalistes tués en 2024. La crise au Soudan fait de ce pays un des pires endroits pour journalistes, six d'eux ayant été tué alors qu'ils couvraient le conflit.

En Europe, la guerre en Ukraine continue d'être meurtrière pour la presse. Quatre journalistes ont été tués en 2024, victimes de bombardements ou d'exécutions lors de déplacements forcés. En outre, 43 journalistes indépendants ont été tués dans différentes parties du monde, ce qui représente plus d'un tiers de tous les décès dans le secteur. Nombre d'entre eux travaillaient sans protection, sans assurance ni réseau de soutien pour assurer leur sécurité et celle de leur famille.

L'augmentation du nombre de journalistes emprisonnés : l'autre visage de la répression

L'assassinat n'est pas la seule méthode pour réduire la presse au silence. En 2024, 516 journalistes ont été emprisonnés dans le monde, un record absolu. Et ces chiffres pourraient être bien plus élevés, car dans les pays aux régimes répressifs, les informations sur les arrestations arbitraires sont rares.

La Chine, la Turquie, l'Égypte et la Russie figurent parmi les principaux responsables de ces persécutions, soumettant les journalistes à des procédures judiciaires irrégulières et leur refusant le droit à une défense équitable.

Un appel urgent à la communauté internationale

Face à cette crise mondiale, la FIJ insiste sur la nécessité d'adopter une Convention de l'ONU pour la protection des journalistes, un mécanisme qui pourrait contribuer à endiguer la violence et à garantir la justice pour les victimes. La liberté de la presse est en état de siège, et sans mesures efficaces, le journalisme restera une profession à haut risque.

L'année 2024 a été dévastatrice pour le journalisme, mais elle nous rappelle aussi l'urgence d'agir, et de ne pas tout simplement fermer les yeux. Chaque journaliste tué est une voix réduite au silence, un droit violé, une histoire qui ne sera jamais racontée.

La communauté internationale a l'obligation morale de protéger ceux et celles qui risquent leur vie pour la vérité.

Car lorsque la presse est attaquée, c'est la société tout entière qui est perdante.

Rapport complet en anglais : https://www.ifj.org/fileadmin/user_upload/IFJ_Killed_List_report_2024.pdf

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France - Médias : Attac France porte plainte contre "Le Figaro"

18 mars, par Vincent Drezet, ATTAC France, Lou Chesné, Youlie Yamamoto — , ,
Dans un article publié le 22 novembre 2024, Le Figaro a qualifié Attac d'association « /communautariste/ » qui serait « /liée aux Frères musulmans/ ». Malgré plusieurs (…)

Dans un article publié le 22 novembre 2024, Le Figaro a qualifié Attac d'association « /communautariste/ » qui serait « /liée aux Frères musulmans/ ». Malgré plusieurs adresses au journal, l'article n'a pas été corrigé [1 <#nb1>]. Cette double affirmation grotesque et mensongère, digne du site parodique Le Gorafi, atteint gravement à la réputation de notre association. *C'est pourquoi Attac a déposé plainte pour diffamation.

Ce genre d'amalgame aux relents islamophobes est irresponsable. En ces temps de montée des idées d'extrême droite, Le Figaro contribue à attiser un climat de défiance vis-à-vis des organisations progressistes en général, et d'Attac en particulier. Cette initiative n'est pas anodine alors même que le terme « d'islamogauchisme » est brandi jusqu'à l'Assemblée nationale pour discréditer l'opposition.

Elle s'ajoute à d'autres tentatives de disqualification des mouvements sociaux et écologistes. Gérald Darmanin avait déjà qualifié d'éco-terroristes les manifestant·es contre la méga-bassine de Sainte-Soline. Attac avait même été convoquée devant une Commission d'enquête sur les « groupuscules auteurs de violences ».

Ces attaques impliquent l'augmentation de certaines dépenses (frais d'avocat, conseil juridique, paiement d'amendes). Vous pouvez nous aider financièrement à y faire face. Vous le savez, nos ressources reposent sur les adhésions et les dons : tous les soutiens, petits et grands, sont les bienvenus !

Il nous paraît important que la justice soit saisie afin de ne pas laisser ces méthodes de désinformation et de stigmatisation se propager et devenir banales. Il est désolant de voir qu'un quotidien comme Le Figaro foule au pied la déontologie journalistique la plus élémentaire, contribuant ainsi à fausser le débat public.

Nous ne laisserons rien passer dans notre combat pour un monde plus juste et solidaire !

Lou Chesné, Vincent Drezet, Youlie Yamamoto, porte-paroles d'Attac

Note de bas de page

[1 <#nh1>] « La France insoumise et les islamistes : l'histoire secrète d'une alliance politique » <http://adherez.attac.org/civicrm/ma...> , /Le Figaro/, 22/11/2024

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Vers un (dés)ordre impérial d’un nouveau type

18 mars, par Jaime Pastor — ,
À peine plus d'un mois s'est écoulé depuis l'investiture de Donald Trump à la présidence des États-Unis, avec le techno-oligarque Musk à ses côtés, et la liste des initiatives (…)

À peine plus d'un mois s'est écoulé depuis l'investiture de Donald Trump à la présidence des États-Unis, avec le techno-oligarque Musk à ses côtés, et la liste des initiatives et mesures que le tandem à la tête de la première puissance mondiale est prêt à mettre en œuvre est déjà très longue. Chacune d'entre elles témoigne de leur ferme volonté de transformer en un nouveau « sens commun » – comme ils le définissent eux-mêmes – un paradigme ultralibéral sur le plan économique, autoritaire sur le plan politique et réactionnaire sur le plan culturel, au service de leur projet MAGA, c'est-à-dire de leur ferme volonté de freiner radicalement le déclin impérial que leur pays subit depuis longtemps.

Tiré de Inprecor
11 mars 2025

Par Jaime Pastor

Diverses analyses et critiques ont déjà été publiées dans Viento Sur et d'autres publications alternatives sur la signification du début de cette nouvelle présidence à la Maison Blanche. Dans cet article, je me concentrerai sur les implications des mesures annoncées, principalement sur le plan géopolitique : à commencer par ses prétentions à s'emparer du Groenland, du Canada et du canal de Panama, pour continuer par le réaffirmation de son soutien total à Netanyahou dans la politique génocidaire qu'il mène contre le peuple palestinien et, bien sûr, par sa dédiabolisation de Poutine et sa disposition à reconnaître les territoires occupés par la Russie en Ukraine (en échange, bien sûr, de la mainmise sur une partie substantielle des terres rares…).

De toute évidence, cette stratégie est au service d'un projet néo-impérialiste qui vise à étendre son arrière-cour, à vassaliser l'Europe, à rechercher la détente avec la Russie et à s'assurer le contrôle du Moyen-Orient afin de pouvoir se concentrer sur la région indo-asiatique et, surtout, sur la concurrence géostratégique avec la Chine. Tout cela dans le cadre d'une guerre technologique, commerciale et extractiviste à l'échelle mondiale, au nom de la nécessité de faire passer la protection des Américains WASP [blancs, anglo-saxons et protestants] et de leur mode de vie impérial, désormais remis en question, avant le reste du monde. La faisabilité de l'ensemble de ce projet, en particulier au regard de ses effets sur l'économie et la société nord-américaines, mais aussi face aux résistances qui commencent à se manifester sur de nombreux fronts, n'est pas encore établie.

Malgré la confusion que cette volte-face a pu susciter sur la scène internationale, il n'est pas difficile de comprendre qu'elle s'inscrit dans un contexte général de crises de plus en plus imbriquées - dont la crise écologique est l'expression la plus extrême - et, en conséquence, de l'entrée dans un jeu à somme nulle de plus en plus compétitif dans la lutte pour les ressources dans « un monde où les élites croient que le gâteau ne peut plus grossir. À partir de là, en l'absence d'un modèle alternatif, la seule façon de préserver ou d'améliorer sa position devient la prédation. C'est l'ère dans laquelle nous entrons », conclut Arnaud Orain.

Super-oligarchie, changement de régime et nouvelle redistribution coloniale

Une nouvelle ère où la « super-oligarchie de la finance et du contrôle des communications » (Louça, 2025) entend combiner son pouvoir sur le marché avec le contrôle direct du pouvoir étatique, Elon Musk étant l'expression suprême de sa volonté d'imposer ses intérêts à l'échelle internationale.

Un bond en avant qui cherche à s'appuyer sur l'alliance avec les gouvernements et les forces politiques qui opèrent déjà sous l'impulsion de l'Internationale réactionnaire pour, comme l'a exprimé J. D. Vance lors du sommet de Munich, promouvoir un véritable « changement de régime » dans les pays où survivent encore des formes de démocratie libérale héritées du consensus antifasciste issu de la Seconde Guerre mondiale.

Ainsi, bien qu'il soit encore trop tôt pour considérer que ce programme atteindra ses principaux objectifs, il semble évident que nous passons d'un interrègne au début d'une autre phase dans laquelle la reconfiguration de l'ordre impérial par les États-Unis cherche à se présenter comme un modèle pour stabiliser et généraliser un nouveau mode de gestion, de construction de l'hégémonie et de gouvernance politique : celui des autoritarismes réactionnaires (Urbán, 2024) ou des autocraties électorales (Forti, 2025), qui aspirent à créer les meilleures conditions possibles pour trouver une issue à l'impasse déjà séculaire qui caractérise le capitalisme mondial. Cette issue implique évidemment d'imposer la logique de l'accumulation au détriment de nombreuses conquêtes sociales et politiques, remportées grâce aux mouvements d'en bas, et des limites biophysiques de la planète.

C'est pourquoi la volonté de Trump de remodeler l'ordre géopolitique en faveur des intérêts de MAGA doit être considérée comme la réponse à la fin de la mondialisation heureuse – dont la Chine a été la grande bénéficiaire – par le biais d'un ethnonationalisme protectionniste et oligarchique qui, à son tour, est en train de faire son chemin parmi les grandes puissances d'un côté comme de l'autre. Dans le cas des États-Unis, cela les amène maintenant à remettre radicalement en question la politique étrangère déployée depuis la chute du bloc soviétique par les présidents successifs des États-Unis, en particulier en ce qui concerne les relations avec l'ancien ennemi de l'Est, afin de redéfinir leur empire.

Car, comme le fait remarquer Romaric Godin (2025) : « Il s'agit maintenant de construire un véritable empire, avec un réseau de vassaux qui viendront consommer ses produits, en particulier ses biens technologiques, son pétrole ou son gaz liquéfié (…) ce qui est en jeu aujourd'hui pour une partie du capitalisme américain, c'est d'éviter la compétition, c'est-à-dire d'éviter un grand marché transatlantique et transpacifique comme à l'époque néolibérale, au profit d'un empire : un centre et des périphéries où chacun a un rôle à jouer dans sa relation avec le centre. »

Dans ce cadre, le rapprochement avec la Russie réactionnaire et nostalgique de son ancien Empire, dont témoigne sans équivoque ce récent vote commun au Conseil de sécurité de l'ONU sur le « conflit » en Ukraine, est la démonstration la plus évidente du changement radical auquel nous assistons et dans lequel les deux grandes puissances s'accordent à respecter mutuellement l'usage de la bonne vieille politique de la force dans leurs sphères d'influence respectives. Cela se reflète également dans leur contribution commune à la crise de légitimité ultime de l'ONU et de tant d'autres institutions internationales (comme l'UNRWA, l'UNESCO, l'OMS…) qui existent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ; ou, plus grave encore, dans le rejet des pourtant fort modérés Accords de Paris sur le changement climatique.

C'est par-dessus cette vieille construction internationale que passe la volonté de pratiquer une diplomatie qualifiée à tort de « transactionnelle » (alors qu'elle est en réalité subordonnée au business as usual) par le biais de négociations bilatérales avec les différentes puissances, comme nous le voyons également avec la guerre commerciale. Et, avec elle, la poursuite de la guerre culturelle mondiale sur le plan politico-idéologique à travers le discours trumpiste (Camargo, 2025), repris par l'Internationale réactionnaire. Cette dernière est désormais considérée comme le seul allié fiable pour défendre ce « qu'ils considèrent comme les valeurs les plus fondamentales » (c'est-à-dire le suprémacisme blanc et chrétien, la famille patriarcale et l'islamophobie), menacées par « l'immigration massive » et la complicité du progressisme, comme l'a dénoncé le vice-président Mike Pence dans son discours déjà évoqué lors de la Conférence de Munich sur la sécurité.

Et l'Union européenne ?

Au milieu de ce changement radical de scénario, l'Union européenne apparaît comme un bloc régional en déclin et de plus en plus divisé entre, d'une part, le choix de s'aligner sur le shérif de Washington, comme le fait déjà Orban depuis la Hongrie, et, d'autre part, la recherche d'une « autonomie stratégique » sur les plans géopolitique, énergétique, économique, technologique et de défense, comme le propose le rapport Draghi. Ceux qui défendent cette dernière option, faisant de nécessité vertu, semblent désormais prêts à accorder une priorité absolue non seulement aux crédits militaires pour leur réarmement – avec même la France de Macron qui propose déjà de partager son parapluie nucléaire –, mais même à une plus grande dérégulation économique au nom de la compétitivité, ouvrant ainsi la porte à un virage libertarien jusque dans les hautes sphères de l'UE (1). Sur cette voie, il semble bien évident que la démocratie, l'inégalité sous toutes ses formes et le réchauffement climatique en subiront les effets, ce qui ne fera qu'accroître le sentiment d'insécurité face à l'avenir au sein des classes populaires et aggraver leurs divisions internes.

Le choix de renforcer une économie de guerre ne trouve aucune justification, car, comme l'a dénoncé Mariana Mortagua, « les pays de l'UE réunis ont plus de militaires en activité que les États-Unis et la Russie, et la somme de leurs budgets de défense est plus élevée que celle de la Russie et plus proche de celle de la Chine ». À cela s'ajoute que, si l'UE a montré sa volonté de continuer à soutenir l'Ukraine face à l'invasion illégitime dont elle est victime de la part de la Russie, cette attitude contraste avec sa complicité permanente avec l'État colonial d'Israël dans le génocide qu'il commet contre le peuple palestinien et le refus de son droit légitime à l'autodétermination. Ce sont donc les intérêts géopolitiques dans un cas comme dans l'autre, et non la défense de la démocratie contre l'autoritarisme ou l'illibéralisme, qui se cachent derrière la pratique du double standard de la part de l'UE, comme l'a dénoncé très justement l'historien Ilan Pappé récemment (2). Même le projet scandaleux annoncé par Trump et Musk de transformer Gaza en un « paradis touristique » n'a pas suscité une condamnation unanime de la part de l'UE.

C'est pourquoi il ne faut pas à nouveau faire l'erreur d'idéaliser une Europe du bien-être et des valeurs démocratiques alors que chaque jour qui passe nous sommes témoins de l'évolution de partis institutionnels et de leur adaptation à l'agenda de l'extrême droite dans sa politique sécuritaire et raciste, comme nous le constatons avec sa politique migratoire et la réduction croissante des droits et libertés fondamentaux.

Et la gauche ?

Dans ce contexte général, la gauche européenne est confrontée à d'énormes défis qui l'obligent plus que jamais à faire face à la reconfiguration en cours de l'ancien ordre impérial. Le rejet des nouveaux pactes inter-impérialistes que Trump et Poutine tentent de mettre en place devrait s'accompagner d'une ferme opposition à une UE qui ne cherche qu'à freiner son déclin en tant que bloc impérialiste en revendiquant une meilleure place dans le nouveau partage colonial.

Sans perdre de vue l'énorme faiblesse de la gauche anticapitaliste, il est urgent de rassembler nos forces dans le cadre des nouvelles résistances qui se mettent en place dans différents pays pour défendre et étendre nos droits et contre-pouvoirs. Sur cette voie, il s'agira d'être capables de construire des fronts socio-politiques unitaires tant pour la lutte commune contre les différents impérialismes que pour répondre à la menace que représentent les autoritarismes réactionnaires en plein essor dans nos propres pays. Ces initiatives devraient favoriser le dépassement du cadre de subordination à la politique du moindre mal qui caractérise les différentes versions du néolibéralisme progressiste, car il a été amplement démontré que ces politiques n'ont pas permis de s'attaquer à la racine des facteurs structurels qui ont facilité l'essor actuel de la réaction (3).

Il s'agit donc de reformuler une stratégie intersectionnelle, contre-hégémonique et écosocialiste, étroitement liée à la lutte pour la dissolution de l'OTAN et à la solidarité avec tous les peuples agressés dans la défense de leur droit à décider de leur propre avenir, face à toute ingérence ou prédation coloniale de leurs ressources, que ce soit à Gaza ou en Ukraine. Dans ce sens, face à la possibilité d'un traité de paix en Ukraine conclu entre Trump et Poutine, il ne faudra pas renoncer à exiger - avec la gauche résistante en Ukraine et l'opposition anti-guerre en Russie - le retrait immédiat des forces russes du territoire occupé, l'annulation inconditionnelle de la dette contractée depuis le début de la guerre (Toussaint, 2025) et la mise en place d'un plan de reconstruction écologiquement et socialement juste.
Face à toutes les sortes de campisme ou de repli national-étatique, nous avons devant nous la difficile double tâche de continuer à défendre une Europe démilitarisée de l'Atlantique à l'Oural, en lien étroit avec la recherche d'une sécurité globale et pluridimensionnelle - qui est apparue comme une nécessité existentielle lors de la dernière crise pandémique - en opposition à la conception de la sécurité aujourd'hui dominante, militariste à l'extérieur et punitive à l'intérieur de nos propres pays.

Jaime Pastor

Traduit pourESSFpar Pierre Vandevoorde avec l'aide de DeepLpro. Source : Viento Sur 1er mars 2025

Références

Camargo, Laura (2024) Trumpismo discursivo. Origen y expansión del discurso de la ola reaccionaria global. Madrid : Verbum.

Forti, Steven (2024) Democracias en extinción. Madrid : Akal.

Godin, Romaric (2025) « Un capitalisme en crise, prédateur et autoritaire », Inprecor.
Louça, Francisco (2025) « ¿Quién es el enemigo ? La superoligarquía », Viento Sur, 19/02.
Toussaint, Eric (2025) « La dette : un instrument de pression et de pillage entre les mains des créanciers », CDTM.

Urbán, Miguel (2024) Trumpismos. Neoliberales y autoritarios. Barcelone : Verso.

1. En réalité, c'est déjà en train de se produire : https://legrandcontinent.eu/es/2025/02/16/desregulacion-en-lugar-de-deuda-comun-el-giro-libertario-de-la-comision-von-der-leyen-sobre-el-informe-draghi/ et https://www.mediapart. fr/journal/international/260225/ue-la-commission-saborde-son-propre-agenda-vert
2. « C'est la grande hypocrisie européenne : soutenir la résistance de l'Ukraine tout en qualifiant de terrorisme la résistance de la Palestine », el diario.es, 25/02/25.
3. Cela s'applique également à la variante socio-libérale, clairement en déclin, comme nous avons pu le constater lors des récentes élections en Allemagne, où une nouvelle coalition gouvernementale avec la démocratie chrétienne est annoncée, ce qui pourrait aggraver sa crise. Pour le cas espagnol, je me réfère à mon article « 41e Congrès du PSOE : le resserrement des rangs autour du leader n'arrête pas la droite », à paraître dans Inprecor n°730.

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Trump II : L’incarnation d’un Idéal-type (au sens wébérien du terme) de la quintessence abjecte et grotesque. Deuxième partie (2 de 3)

18 mars, par Guylain Bernier, Yvan Perrier — ,
Cet effritement des perspectives progressistes a eu pour effet de créer un vide politique alimenté toujours par l'impression que les institutions de la démocratie (…)

Cet effritement des perspectives progressistes a eu pour effet de créer un vide politique alimenté toujours par l'impression que les institutions de la démocratie représentative ne correspondaient qu'à des scènes formelles habitées par des spécialistes qui font quotidiennement la preuve de leur incapacité à esquisser un avenir vraisemblable. Un vide politique qui se nourrit d'un scepticisme envers un jeu politique qui ne vaut pas la peine d'être joué complètement.

Photo : Cette illustration de Donald Trump a été réalisée par Asier Sanz. Il s'agit d'un assemblage-collage qui joue sur la paréidolie, c'est-à-dire cette tendance instinctive qui existe chez l'humain et qui consiste à voir ou à reconnaître des formes familières dans des paysages, des nuages ou des images vagues. https://asiersanz.com. Consulté le 8 mars 2025.

Les illusions de la démocratie libérale

Il y a probablement eu un trop grand nombre de personnes qui ont cru (et qui continuent à croire) naïvement ou en toute sincérité dans les mensonges de la démocratie libérale qui s'est mise en place dans les pays occidentaux au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale.

Expliquons-nous.

Commençons par mentionner que le XXe siècle a été un siècle de grands tumultes sur la scène politique et économique. Il y a eu les deux grands conflits mondiaux (1914-1918 et 1939-1945) et plusieurs crises économiques (1929 à 1939 ; 1957-1958 ; 1960-1961 ; 1970 ; 1974-1975 ; 1982-1983 ; les nombreux et fréquents ralentissements économiques des années quatre-vingt-dix qui ont été accompagnés d'une longue et interminable crise des finances publiques1). Durant la première moitié du XXe siècle, il y a eu une exacerbation des contradictions politiques et l'arrivée de partis politiques autoritaires, dans les années vingt et trente, en Italie (le fascisme) et en Allemagne (le nazisme). Il s'est produit dans certains pays européens des soulèvements ouvriers majeurs (en Autriche [Vienne la rouge], en Allemagne [la révolte spartakiste de Berlin en 1919], en Italie [occupation des usines et mise en place des conseils ouvriers en 1920], en Angleterre [la grève générale de 1926], etc.) ainsi que des révolutions prolétariennes (en Russie en 1917 et en Hongrie en 1919) annonciatrices, sur le plan du discours idéologique, de l'émancipation de l'humanité qui s'est accompagnée en URSS du Goulag et, par les membres de la nomenklatura au pouvoir, d'une lutte à finir avec la dissidence.

Au sein des pays industrialisés de l'Europe de l'Ouest, de l'Amérique du Nord et du Japon, la vie politique va connaître, dès le lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, de grandes mutations. Nous allons assister à l'émergence d'une démocratie libérale qu'on peut qualifier de pluraliste et de représentative. Les pays occidentaux vont entrer dans l'ère de la politique-spectacle2, alors que la vie politique va se professionnaliser et les partis politiques vont traiter l'électorat comme une clientèle à séduire. Mais la joute politique que se livrent dès lors les partis se déroule dans la logique de l'alternance gouvernementale, sans véritable alternative politique. Les citoyennes et les citoyens constatent qu'entre les grands partis traditionnels, c'est « bonnet blanc, blanc bonnet ». Ceci va avoir pour effet de contribuer grandement à développer le cynisme et l'indifférence d'une frange importante de la population envers les affaires publiques. Certes, le droit de vote, dans les démocraties occidentales, va devenir universel et être accordé aux citoyennes et aux citoyens de 18 ans et plus. Pour ce qui est de l'exercice du pouvoir, la vaste majorité n'aura pas voix au chapitre.

Bref, le modèle de la démocratie libérale représentative et pluraliste qui prend forme et qui se répand dans les pays capitalistes développés, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, s'accompagne d'une universalisation du droit de vote et de la transformation des partis politiques en organisations permanentes au sein desquelles nous retrouvons principalement des professionnelLEs de la politique. Ces deux phénomènes ont pour effet de brouiller les cartes de la représentation politique. Plus la politique se massifie et moins le peuple est souverain. Certains auteurs (Robert Michels et Moisei Ostrogorski3) ont conclu à l'impossibilité pratique d'un gouvernement par le peuple. Au mieux, le peuple peut choisir, via une élection, des représentantEs appeléEs à gouverner en son nom. Mais l'idée d'un marché libre ou libéral occasionne des difficultés. Ce qui oblige les gouvernements à envisager des règles ou des mesures pour tenter de limiter les crises économiques et les déficits commerciaux. De là est apparu le planisme, qui sert donc à planifier les budgets étatiques, les visées du marché, en plus d'orienter les politiques de façon à assurer une protection nationale — ce qui nous éloigne du marché libre.

La professionnalisation de la vie politique et parlementaire entraîne la disparition, dans le processus démocratique, de celles et ceux qui comprennent le moins la vie politique. Ceci permet aux dirigeantEs du gouvernement et des partis politiques de diriger avec le moins d'entraves possible. Le rôle du peuple se limite strictement à voter et non pas à être partie prenante du processus décisionnel.

La démocratie libérale pluraliste et représentative correspond tout au plus à une simple procédure : une méthode de sélection du personnel spécialisé dans l'art du gouvernement. La scène politique, lors d'une élection, prend la forme d'un marché dominé par les grands partis politiques en compétition pour obtenir le plus grand nombre de voix. À l'ère de la démocratie représentative pluraliste, les partis politiques traditionnels sont à la recherche des votes de la majorité silencieuse. Pour obtenir des voix, ils font des promesses mirobolantes qu'ils savent qu'ils ne pourront tenir. En politique comme dans le monde de la publicité, c'est le règne du look, du paraître et de la séduction qui l'emporte. Voilà pourquoi nous avançons que la vie politique, dans ce que nous appelons les démocraties libérales occidentales, s'est métamorphosée, à travers le temps, en politique-spectacle. Cette politique fonctionne au simulacre, à l'illusion et aux gros mensonges. La lutte entre les protagonistes et porte-parole des partis politiques s'est exacerbée avec le temps. Elle va devenir, à partir de la crise de la fin des années soixante-dix du siècle dernier, plus clivante et davantage polarisée. Attardons-nous sur quelques-unes des grandes mutations du dernier quart de siècle à aujourd'hui.

Sur les grandes mutations du dernier quart du XXe siècle jusqu'à aujourd'hui

Du milieu des années soixante-dix jusqu'à aujourd'hui, nous avons assisté, dans les pays capitalistes occidentaux et les démocraties libérales, à une transformation progressive du capitalisme et du pouvoir politique. Nous avons été à partir de ce moment et jusqu'à tout récemment confrontés à des institutions qui ont permis une nouvelle forme d'autorégulation du marché mondial. Les dirigeants politiques et les acteurs privés de la Commission trilatérale — organisation créée en 1973 — ont jeté les bases de nouvelles règles de l'économie de marché dans les supposées « ingouvernables démocraties ». La classe politique, pour sa part, a adopté les règles du jeu souhaitées par les barons du capitalisme oeuvrant sur la scène mondiale. Ces nouvelles règles, qui ont été par la suite sanctionnées dans le cadre de traités dits de libre-échange et de règlements adoptés par l'Organisation mondiale du commerce et de Grands sommets des chefs (G-5, G-7, G-8, G-20 et des Sommets de Seattle en 1999 et de Québec en 2002, etc.), n'ont pas été sans conséquences économiques, sociales et politiques majeures pour la majorité de la population.

L'érosion de l'État-nation et régression de la démocratie

Les nouvelles règles du jeu issues de ces organisations à caractère économique et de ces sommets entre dirigeants politiques ont eu pour effet d'éroder certains pouvoirs de l'État. Le pouvoir politique s'est montré incapable de maîtriser la dynamique de la vie économique. Constatons-le : les organisations qui, en dernière analyse, exercent le contrôle du marché mondial sont de nature technobureaucratique et les représentantEs des grandes entreprises ont un accès direct aux décideurEUSEs de ces organisations. Nous avons toutes et tous été à même de constater que jusqu'à tout récemment, le développement du marché mondial a découlé d'une stratégie politique qui a été définie dans des institutions comme le Fonds monétaire international (le FMI), la Banque mondiale, le G7, l'accord de libre-échange nord-américain, etc.. L'État-nation a cessé de faire le poids devant ces institutions politiques internationales réunissant une simple poignée de dirigeantEs des pays les plus développés de trois continents. Nous avons assisté, au cours des cinquante dernières années, soit de 1975 à aujourd'hui, à une véritable régression démocratique qui a profité principalement aux grands acteurs de la mondialisation (les administrateurs des entreprises transnationales, les banquiers de Wall Street, les membres des groupes sélects en provenance de la Silicon Valley : GAFA(M) et NATU4).

Il importe d'ajouter que le primat du marché mondial qui entraîne l'érosion des pouvoirs de l'État national a également eu pour effet d'encourager, à partir du début des années quatre-vingt du siècle dernier, le démantèlement du Welfare State. La nouvelle figure étatique qui s'est mise en place à l'heure du néolibéralisme ou du rétrolibéralisme est maintenant attaquée frontalement par Trump II et Musk (l'agence DOGE). Des années quatre-vingt jusqu'à aujourd'hui, il a été surtout question de privatisations, de dérèglementations, d'ouverture aux capitaux étrangers. Maintenant, aux USA et ailleurs dans certains pays, une contre-révolution réactionnaire est en cours. Une contre-révolution inspirée par les super chefs autoritaires que sont les Trump (USA), Milei (Argentine), Meloni (Italie) et Orban (Hongrie). Or, il importe ici de mettre un mot sur ce qui a accompagné la néo-libéralisation occidentale, c'est-à-dire un néoconservatisme favorable à un État autoritaire. Philip Allmendinger (2002, p. 102) mentionne d'ailleurs ceci : « Les libéraux ont besoin d'un État fort pour contenir la dissidence et surveiller le marché. Les conservateurs ont besoin du potentiel de richesse matérielle offert par le marché afin de justifier un État plus autoritaire5 ». Ainsi, les USA actuels poursuivent dans cette lignée débutée par les Thatcher et Reagan de ce monde.

La transformation de la société

La vaste majorité — pour ne pas dire la quasi-totalité — des sociologues s'entendent sur le constat que nous ne vivons plus dans la société industrielle qui s'est développée à partir du milieu du XIXe siècle. Pour saisir les transformations survenues progressivement depuis la Deuxième Guerre mondiale, certains utilisent le concept de société post-industrielle, d'autres ont proposé celui de société de l'information (c'est-à-dire Hytech). Dans une société de ce type, les organisations de la classe ouvrière ont soit été démantelées, soit rendues illégales. Certaines ont été transformées en véritable caricature électoraliste — pensons ici à l'euro communisme — ou bureaucratisées et rigidement encadrées par un dispositif juridique qui restreint la portée des revendications syndicales et salariales dans un cadre limité et routinier. Dans le monde complexe d'aujourd'hui, il ne semble plus y avoir, à gauche, d'acteurs centraux capables de formuler un projet de société mobilisateur et utopique. La lutte pour le progrès social, jadis fondée sur l'utopie socialiste, est remplacée aujourd'hui par des luttes pour la reconnaissance de droits particuliers (les droits à la non-discrimination et les droits à l'égalité). Peut-être est-ce en raison des dérives communistes perçues et de la montée du totalitarisme vantant d'ailleurs des visées socialistes. Peu importe, à l'heure actuelle, il s'agit ici de constater l'impossibilité de la gauche à dégager, comme au XIXe et une partie du XXe siècle, de grandes solidarités d'inspiration progressiste visant la transformation sociale. C'est plutôt, plus récemment, à droite et chez les ultra-droitistes que l'utopie contre-révolutionnaire s'est enracinée et développée. Toujours dans cette idée de la liberté, dont le néolibéralisme semble incapable de lui donner sa véritable valeur.

La gauche socialiste, la sociale-démocratie, le syndicalisme révolutionnaire ou le syndicalisme de combat sont maintenant des forces sociales et politiques quasi absentes ou complètement absentes de l'arène sociale et de la scène politique partisane. Comment interpréter ce phénomène ? Minimalement, de deux façons : on peut, dans une perspective tautologique, le considérer comme le syndrome de l'absence d'un véritable projet politique de transformation sociale ; on peut aussi considérer ce vide comme l'expression ou le résultat d'une transformation majeure du champ politique lui-même.

Sur les transformations du champ politique dans les démocraties libérales occidentales

Pour résumer en quelques mots autour de cette transformation de la forme et du contenu de l'action politique, disons que nous avons assisté à une remise en question frontale par les forces rétrolibérales — c'est-à-dire néolibérales et maintenant ultralibérales — du modèle politique qui s'est imposé un peu partout en Occident au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale : le modèle de la démocratie sociale ou le modèle de la démocratie représentative parlementaire associée au Welfare State.

Ce modèle de démocratie sociale représentative parlementaire correspondait grosso modo aux caractéristiques suivantes :

• La scène politique est réputée être le lieu où les membres d'une société ont la possibilité de définir leur avenir à travers une dynamique de conflit.
• L'État est la figure centrale du pouvoir : sa conquête est l'enjeu fondamental de l'action politique.
• Les institutions représentatives (parlementaires) sont le théâtre où se répercutent les conflits et les oppositions relativement au changement social et politique.
• Le processus électoral est un mode d'accès privilégié à la compétition politique pour l'exercice du pouvoir d'État.
• Les groupes d'intérêts sont au cœur des pratiques de pression et de mobilisation qui expriment les revendications et les aspirations des groupes identifiés à la société civile.
• Les partis sont les agents centraux de la lutte pour le pouvoir d'État.

Dans la foulée des réformes engendrées par les exigences de la mondialisation néolibérale, c'est ce modèle politique qui a fait l'objet d'un processus d'effritement et de dépassement. Mais, n'allons pas trop vite. Du lendemain de la Deuxième Guerre jusqu'à la crise des années soixante-dix et quatre-vingt, l'action partisane politique s'est fondée sur le culte du changement. En règle générale, la quasi-totalité des partis politiques partageait la volonté de croire et de faire croire qu'ils étaient porteurs d'un projet crédible et distinct de transformation sociale et que leur action s'inscrivait dans une lutte pour le changement visant plus d'égalité.

Or, ce modèle politique construit sur la valorisation du changement est entré en crise dès lors que le projet de transformation de la société, centré sur les idéaux d'égalité sociale, a commencé à être remis en question. En effet, quelque part à partir du tournant des années soixante-dix, les thématiques du changement et du progrès social s'amenuisent. Le socialisme n'apparaît plus comme cet avenir pensable annoncé par les figures de proue du marxisme et du socialisme démocratique. On observe en même temps que les grandes réformes économiques, sociales et culturelles ont sombré dans la routine bureaucratique. Les promesses d'une participation effective des citoyennes et des citoyens à la vie collective ne sont pas réalisées. Et cela n'est pas surprenant, car exiger l'égalité suppose une plus grande intervention de l'État dans tous les rouages de l'activité du travail, en particulier. Autrement dit, il s'agit d'imposer des règles, de bureaucratiser en quelque sorte l'accès et le développement de cette activité. Plus de droits pour les uns équivaut à plus de contraintes pour les autres, d'où une perte de liberté. Cette perception suppose aussi une forme de discrimination, dans le sens où le transfert de la richesse vers l'aide aux autres reviendrait à faire des travailleuses et des travailleurs des pourvoyeuses et des pourvoyeurs au maintien de personnes qui profiteraient alors du système dit « égalitaire ».

Ici et là, des voix se sont élevées pour commencer à s'attaquer à la notion même de progrès social en dénonçant les effets destructeurs du productivisme — pensons ici au rapport intitulé Halte à la croissance —, pendant que d'autres voix ont décidé de remettre en question certaines politiques associées à « l'État-providence ». Avec la crise des années soixante-dix et quatre-vingt, nous avons assisté, à gauche, à la perte de l'espoir de transformer le monde, alors que les visions de l'avenir sont devenues de plus en plus pessimistes. Contrairement aux promesses d'une croissance continue et ininterrompue, le futur désormais allait prendre l'allure de la régression sociale, de l'austérité, du chômage et de la précarisation du travail.

Cet effritement des perspectives progressistes a eu pour effet de créer un vide politique alimenté toujours par l'impression que les institutions de la démocratie représentative ne correspondaient qu'à des scènes formelles habitées par des spécialistes qui font quotidiennement la preuve de leur incapacité à esquisser un avenir vraisemblable. Un vide politique qui se nourrit d'un scepticisme envers un jeu politique qui ne vaut pas la peine d'être joué complètement. Ce scepticisme a pris tantôt la forme d'un absentéisme lors des élections ; tantôt s'est-il manifesté, à gauche, par une chute du militantisme politique et un désinvestissement des groupes d'action collective. Justement parce que les visées communes ne sont point valorisées par ce système, parce que l'individualisme domine. Le néolibéralisme considère l'individu comme un être d'échange et non comme un être social. Ainsi, tout mouvement de revendications axé sur le collectif — militantisme, mouvement social et syndicalisme — est dépeint comme un acte improductif, irrationnel, voire même exercé par des individus chialeurs et frustrés de ne pas avoir autant de succès que les autres.

Notes
1. Mentionnons ici qu'il y a eu ensuite les crises de 2008 et celle qui a accompagné la pandémie en 2020.
2. Schwartzenberg, Roger-Gérard. 1992. L'État spectacle. Paris : Garnier-Flammarion, 318 p.
3.Michels, Robert. 2009. Les partis politiques. Bruxelles : Éditions de l'Université de Bruxelles, 271 p. ; Ostrogorski, Moisie. 1993. La démocratie et les partis politiques. Paris : Fayard, 768 p
4. Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft, Netflix, Air BNB, Tesla et Uber.
5.Traduction libre de : « Liberals need a strong state to contait dissent and police the market. Conservatives need the potential for material wealth offered through the market to justify a more authoritarian state » (Allmendinger, Philip. 2002. Planning Theory. Houdmills and New York : Palgrave, p. 102).

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RDC : le combat pour les droits humains de Caritas Bukavu en temps de guerre

Une entrevue avec Damas, le chef d'antenne de l'ONG congolaise par Charlie Wittendal, correspondant en stage au journal et chargé de communication pour le FSMI. Tiré du (…)

Une entrevue avec Damas, le chef d'antenne de l'ONG congolaise par Charlie Wittendal, correspondant en stage au journal et chargé de communication pour le FSMI.

Tiré du Journal des alternatives.

Dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), les violences sexuelles sont utilisées comme armes de guerre, dévastant des communautés entières. Dans ce conflit reconnu comme le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale, avec plus de six millions de morts, des millions de déplacés et plus d'un million de femmes victimes de violences, celles-ci et leurs filles sont particulièrement vulnérables.

Un conflit aux racines profondes

Si ce conflit est complexe et multifactoriel, marqué par le génocide rwandais de 1994, des tensions ethniques et l'implication d'une multitude de groupes armés, l'économie de guerre s'est transformée en économie de prédation des ressources naturelles.

Le chercheur et spécialiste en conflits armés, Nicolas Hubert, a expliqué que les groupes armés et les forces régulières contrôlent l'exploitation minière dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, y compris la province de l'Ituri, riches en ressources naturelles. Ces « minerais de sang » qui y sont extraits circulent avec des chaînes d'approvisionnement internationales impliquant de grandes entreprises comme Apple et Google. Les minerais extraits illégalement sont exportés vers des marchés internationaux sous des étiquettes trompeuses avec des impacts sociaux et économiques dévastateurs pour les populations locales.

Actualités dans la région du Nord-Kivu

Depuis janvier 2025, les combats se sont intensifiés dans les provinces du Nord et Sud-Kivu opposant les forces Gouvernementales de la RDC et les rebelles du M23. Le M23 a pris la ville de Goma, capitale du nord Kivu, entre le 24 et le 27 janvier, suivi par la ville voisine de Bukavu, province du Sud Kivu, le 16 février. Des combats causant des déplacements massifs de civils, des meurtres et des violences sexuelles. Simplement au cours de la semaine du 27 janvier au 2 février 2025, l'Unicef remarque que le nombre de victimes de viol accueillies au sein des 42 structures de santé a quintuplé, dont parmi elles, 30 % étaient des enfants. Entre le 26 janvier et le 7 février, L'ONU estime près de 3 000 personnes tuées et 2 900 blessées. Face à ces violences des rebelles, il est urgent d'agir.

Damas est le chef d'antenne de Caritas Bukavu depuis 2018, une ONG humanitaire qui œuvre dans cette région. Il témoigne de cette réalité. « On ne sait plus sur quel pied danser. Nous sommes enfermé.es dans nos maisons, muselé.es, incapables de travailler », confie-t-il. Les activités humanitaires sont paralysées, les autorités ont fui et les membres de la société civile doivent se cacher pour survivre. « Nous plaidons pour la démocratie, la liberté d'expression, mais même notre sécurité est en danger. »

Caritas Bukavu

Caritas Bukavu s'engage pour la paix et la défense des droits humains en soutenant les survivantes de violences sexuelles, en assistant les personnes déplacées et en menant des actions de cohésion sociale et de plaidoyer local. L'organisation sensibilise sur l'égalité des genres, l'éducation pour les enfants et la protection de l'environnement, tout en répondant aux urgences avec des distributions de vivres et une aide financière.

Grâce à des partenariats tels que la Caritas Espagne, la Caritas Belgique ou le fonds de Nations Unies pour la Démocratie, elle renforce l'autonomisation des femmes et leur participation à des instances décisionnelles. Elle procure des programmes de mentorat, la création d'activités génératrices de revenus, et une assistance psychosociale et socio-économique pour les survivantes.

Violences faites aux femmes comme arme de guerre

Les femmes sont particulièrement vulnérables dans les régions de conflit. Le viol est utilisé comme arme de guerre : certaines sont agressées devant leurs familles, qui sont ensuite massacrées. D'autres sont capturées en fuyant, violées, mutilées, et abandonnées. Ces violences servent à semer la terreur : elles facilitent la prise de contrôle des territoires, provoquent des déplacements massifs et détruisent le tissu social. Les victimes contractent des infections, sans accès aux soins, leurs maisons sont détruites, leurs biens pillés. Damas raconte : « C'est plus que la guerre. Ils retirent les organes, laissent les survivantes traumatisées, sans aucun soutien ». La réparation judiciaire est inexistante, les bourreaux ont été libérés en cascade pendant la guerre : toutes les prisons sont vides et d'autres incendiées par les rebelles et les forces gouvernementales.

Pourtant, face à cette horreur, des initiatives existent. Le Dr Mukwege et son hôpital offrent des soins médicaux, psychologiques, et un soutien juridique aux survivantes. Caritas Bukavu organise des centres d'écoute, distribue des biens essentiels, et propose des programmes de réinsertion. Ces efforts se font en coordination avec des agences comme l'UNICEF et l'OMS, malgré les risques.

Responsabilité internationale

Ce conflit est aussi une responsabilité internationale : l'exploitation illégale des ressources congolaises finance ces atrocités, au bénéfice de multinationales occidentales et asiatiques. Il est impératif d'interpeller les gouvernements et les entreprises pour qu'ils cessent de soutenir, directement ou indirectement, ce cycle de violence. Les groupes humanitaires appellent le Conseil des droits de l'homme et le Conseil de sécurité de l'ONU à ouvrir un couloir humanitaire sûr, malgré l'entrave des groupes armés. Ils exigent que les responsables des violences soient jugés, que l'exploitation illégale des ressources cesse, et que les populations reçoivent une protection immédiate. Il est urgent d'agir pour soulager les souffrances des victimes de ce conflit.


L'ONG Caritas Bukavu est inscrite comme entité au Forum social mondial des intersections et compte organiser une activité.

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