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Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)

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Marche mondiale des femmes : Des ateliers vivants

21 octobre, par Ginette Lewis — , ,
Le 18 octobre 2025, plus de 16, 000 personnes ont manifesté contre les violences faites aux femmes, contre la pauvreté que vivent les femmes et pour un climat sain protégeant (…)

Le 18 octobre 2025, plus de 16, 000 personnes ont manifesté contre les violences faites aux femmes, contre la pauvreté que vivent les femmes et pour un climat sain protégeant la terre.

Le parcours de la manifestation a effectué un carré autour du Parlement. Et sur les trottoirs, les militantes avaient créédes tableaux vivants.

sur la question des hormones
Mères au Front pour l'écologie et la Palestine
la situation des femmes immigrantes
le cimetières des femmes assassinées,
femmes-danse et nature
la pauvreté des femmes par le Collectif pour un Québec sans pauvreté
les violences faites aux femmes
les standards de beauté
les chansons politiques des Amères Noëlles
etc.

Ces tableaux rendaient la manif, déjà haute en couleur, plus vivante et plus conscientisante.

Voici quelques photos.

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17 octobre : un village féministe

21 octobre, par Ginette Lewis — , ,
À Québec, au Patro Laval, s'est déroulé toute la journée le Village féministe . Ce sont environ 300 femmes qui ont visité, assisté, bricolé. Tout cela en préparation du (…)

À Québec, au Patro Laval, s'est déroulé toute la journée le Village féministe . Ce sont environ 300 femmes qui ont visité, assisté, bricolé. Tout cela en préparation du lendemain, soit la manifestation 2025 de la Marche Mondiale des Femmes .

Dès leur arrivée, les femmes pouvaient voir des bannières installées sur le devant du Patro.

L'organisation de l'avant-midi mettait l'accent sur la réflexion. C'est d'abord un panel avec les trois porte-paroles nationales, Pénélope Guay, Émila Castro et Julie Antoine qui ont répondu aux questions de l'animatrice Houmou, super enthousiaste et super mobilisante. Elle a d'ailleurs fait un rap en début de conférence pour nous mettre dans l'action.

Pénélope a mis en évidence le sort des femmes autochtones. Julie Antoine a mentionné la situation des femmes aux prises avec des violences et Émilia Castro a insisté sur la nécessaire convergence des luttes dans le climat politique actuel.

Les femmes pouvaient ensuite choisir différents ateliers de réflexion sur la ville, l'écoféminisme, la diversité, etc.

Dans les aires ouvertes, des biographies de femmes expliquaient le problème Mathilde qui consiste à mettre en évidence des femmes qui ont vu leurs recherches et leurs découvertes spoliées par des collègues masculins, invisibilisant tout leur apport à la science.

D'autres biographies de femmes permettaient de valoriser le courage des femmes qui devenaient les premières à franchir des chasses gardées des hommes que ce soit en génie, dans le domaine de la justice, celui du pouvoir autochtone, etc.

Une donnerie a aussi connu du succès et les vingt kiosques animés par des bénévoles de groupes ont aussi été visités. Beaucoup de femmes se sont fabriqué des t-shirt avec des slogans à l'atelier de sérigraphie. D'autres ont posé des questions sur la grossesse et les services à la maternité, les problématiques reliées aux hormones, les statistiques sur la pauvreté des femmes. D'autres ont travaillé avec des femmes artistes pour réaliser une peinture collective et aussi pour marquer des empreintes dans l'argile.

Dans l'après-midi, ce sont des ateliers créatifs qui ont été mis sur pied : fabrication de macarons, de pancartes, création de chansons, auto-défense féministe, etc.

À 15h, les femmes ont assisté à une pièce de théâtre qui, a partir des trois thèmes de la Marche : pauvreté, violence et climat, ont mis en scène des situations concrètes que vivent les femmes. Ce fut très apprécié.

Le Village féministe a transformé les corridors du Patro en boulevards féministes avec des noms de femmes. De même que les escaliers et les salles d'atelier. Des noms de femmes discriminées comme autochtones, femmes noires ou femmes handicapées ont aussi eu leur place dans la toponymie du Village.Tout ceci pour préparer l'action de visibilité qui clôturait la rencontre et qui consistait à afficher des noms de femmes en protestation contre la toponymie de la Ville de Québec presqu'exclusivement masculine.

Une belle journée qui mettait bien la table pour la manifestation du lendemain.

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Marche mondiale des femmes : Manifestation 18 octobre au Québec

21 octobre, par Ginette Lewis — ,
Ce sont plus de 16 000 femmes de partout à travers le Québec qui ont manifesté à Québec ce 18 octobre dans le cadre de l'action mondiale de la Marche Mondiale des Femmes. (…)

Ce sont plus de 16 000 femmes de partout à travers le Québec qui ont manifesté à Québec ce 18 octobre dans le cadre de l'action mondiale de la Marche Mondiale des Femmes.

C'est autour de trois thèmes que la Marche Mondiale des Femmes a organisé sa 6ième action internationale soit la lutte à la pauvreté des femmes, les luttes contre les violences faites aux femmes et la nécessité de défendre les revendications climatiques et la paix.

Vidéo de la manifestation de la Marche mondiale des femmes, le 18 octobre 2025 à Québec

Deux photos du cortège

Une vidéo de la chanson JE MARCHE AUJOURD'HUI ;

Je marche aujourd'hui pour défendre nos libertés
Je marche aujourd'hui pour des choix libres et éclairés
Ensemble et solidaire pour ne plus jamais se taire
J'avance aujourd'hui pour sauver notre terre-mère.

La video des porte-paroles du Québec

La manif s'est terminé par un spectacle alliant discours et prestations artistique.

Voici des photos de la scène

Voici la chanson de la marche sur l'air de Bella chao.

Voici le lien vers le flash mob

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Lettre ouverte | Violence conjugale | Dix jours pour changer la trajectoire de sa vie

21 octobre, par L'Intersyndicale des femmes — , ,
L'Intersyndicale des femmes demande au gouvernement d'agir et d'accorder 10 jours d'absence rémunérés aux victimes de violence conjugale. La violence conjugale touche des (…)

L'Intersyndicale des femmes demande au gouvernement d'agir et d'accorder 10 jours d'absence rémunérés aux victimes de violence conjugale.

La violence conjugale touche des milliers de femmes chaque année au Québec. Parmi elles, 70 femmes ont été assassinées dans un contexte conjugal depuis 20201. Au moment d'écrire ces lignes, il y a déjà eu 15 féminicides depuis le début de 2025 dont 9 en contexte de violence conjugale (1).

Au début du mois d'août, trois tentatives de féminicides ont été perpétrées par des hommes dans des contextes de violence conjugale, dont deux avaient été remis en liberté en attendant leur procès pour des actes de violence2.

Ces souffrances et ces décès sont inacceptables. Le gouvernement du Québec peut et doit en faire plus pour aider les victimes de violence conjugale à s'en sortir.

L'Intersyndicale des femmes, qui regroupe sept organisations syndicales, est intervenue à plusieurs reprises pour réclamer l'inclusion de 10 jours d'absence rémunérés pour les victimes de violence conjugale dans la Loi sur les normes du travail. Une première lettre ouverte d'appui à cette demande a été publiée en 2021, une pétition a été déposée en 2022 et un rassemblement a eu lieu devant l'Assemblée nationale. À l'occasion de l'étude des projets de loi 42 (Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail) et 101 (Loi visant l'amélioration de certaines lois du travail), les organisations syndicales ont également interpellé directement le ministre du Travail.

Ces actions visaient toutes à faire reconnaître un droit fondamental : celui de se protéger sans avoir à choisir entre sa sécurité et son revenu.

Le coût de ne pas agir

Dix jours d'absence, c'est bien peu pour reconstruire sa vie, mais c'est une occasion unique d'en changer la trajectoire. Ces journées permettraient aux victimes de faire des démarches pour s'en sortir, à l'abri du contrôle de l'agresseur et sans perdre de revenu ou risquer de rompre leur lien d'emploi.

Cette mesure aurait un coût, bien sûr, mais rappelons que le coût de ne pas agir est bien plus élevé. L'incidence économique de la violence conjugale sur l'ensemble de la société canadienne s'élèverait à 7,4 milliards de dollars3, selon les dernières données disponibles.

La problématique de la violence conjugale, c'est l'affaire de toutes et tous. L'État et les employeurs ont un rôle à jouer pour prévenir la violence conjugale et pour protéger les victimes.

Les employeurs sont déjà tenus de prendre certaines mesures de prévention et de soutien aux victimes, en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Mais il faut encore aller plus loin parce que les chiffres nous montrent que le problème est loin d'être réglé.

La plupart des provinces et des territoires canadiens permettent d'ailleurs aux victimes de violence conjugale ou familiale de prendre trois à cinq jours d'absence rémunérés. La fonction publique fédérale accorde, quant à elle, 10 jours d'absence rémunérés à ses employées et employés victimes de violence familiale.

Au Québec, les victimes n'ont droit qu'à un maximum de deux jours, et ce, seulement si ces journées n'ont pas déjà été prises pour d'autres raisons (maladie, congés personnels, etc.). Il suffirait de modifier la Loi sur les normes du travail pour plutôt en prévoir 10 et ainsi devenir un chef de file en matière de prévention de la violence conjugale et de protection des victimes.

Chaque jour sans cette mesure, des femmes doivent choisir entre leur sécurité et leur revenu. Le gouvernement a entre les mains une occasion concrète et profondément humaine d'agir. En profitant de l'étude du projet de loi 101 pour intégrer ces 10 jours d'absence rémunérés, il ferait preuve de courage politique, de compassion… et contribuerait, tout simplement, à sauver des vies.

L'Intersyndicale des femmes : Émilie Charbonneau (APTS), Luc Vachon (CSD), Nadine Bédard-St-Pierre (CSQ), Annie-Christine Tardif (FAE), Françoise Ramel (FIQ), Franck Di Scala (SFPQ) et Sophie Ferguson (SPGQ) et 115 autres signataires*

*Cosignataires : Magali Picard, Caroline Senneville, Louise Harel, Françoise David, Ruba Ghazal, Simon Lapierre, Rachel Cox, Cathy Allen, Ingrid Falaise, Martine Delvaux, Monique Simard et de nombreux autres.

*Consultez la liste complète des cosignataires

1- Consultez la page « Meurtres conjugaux au Québec depuis janvier 2020 »

2- Lisez « Trois femmes auraient été poignardées en contexte conjugal cette semaine »

3- Consultez « Une estimation de l'incidence économique de la violence conjugale au Canada en 2009 »

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La FFQ s’oppose au projet de loi C-12 !

21 octobre, par Fédération des femmes du Québec — , ,
Imaginez : une mère monoparentale, ayant fui la violence dans son pays, pourrait voir son permis de résidence annulé du jour au lendemain. Resterons-nous silencieuses, comme (…)

Imaginez : une mère monoparentale, ayant fui la violence dans son pays, pourrait voir son permis de résidence annulé du jour au lendemain. Resterons-nous silencieuses, comme féministes, devant une telle injustice ?

Tiré de L'info lettre de la FFQ
https://mail.google.com/mail/u/0/#inbox/WhctKLbmqHjKsljhgPbDKHjPPLZZZJQzhgkLxGkGQbBKJhgMBsvSZSrJtSRXBPvhhvqmWmQ

C'est pourtant ce que le projet de loi C-12 rendrait possible !

Sous prétexte de renforcer la sécurité aux frontières, ce projet de loi modifie près d'une dizaine de lois existantes, dont la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Entre autres, le PL C-12 donne au gouvernement fédéral le pouvoir d'annuler ou de suspendre, par simple décret, des demandes d'immigration ou des permis de résidence (permanente ou temporaire), et ce, que la personne soit au Canada ou à l'étranger.

Le projet de loi vient aussi restreindre considérablement les conditions de recevabilité des demandes d'asile. De ce fait, C-12 entre en contradiction directe avec les obligations internationales du Canada.

Ce projet de loi aura des conséquences graves pour les femmes et personnes de la diversité sexuelle et de genre migrantes, sujettes à différents types de violences basées sur le genre, l'exploitation et la précarité économique. Il est donc légitime de se demander : quelle sécurité protège réellement ce projet de loi ?

Joignez-vous au Front uni contre C-12 Vous partagez nos inquiétudes ? Vous voulez agir ?
Rejoignez dès maintenant les forces collectives qui s'opposent à ce projet de loi.
Suivez-nous pour rester informées sur le PL C-12 La FFQ partagera bientôt des outils, analyses et appels à l'action pour mieux comprendre les enjeux du projet de loi C-12 et s'y opposer collectivement

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Projet de loi sur la criminalité : Sécurité ou religion d’état ?

21 octobre, par Mohamed Lotfi — , ,
La sécurité d'une société ne se mesure pas au nombre de personnes qu'elle enferme, mais à la manière dont elle choisit de les libérer. Si ce principe figurait dans la (…)

La sécurité d'une société ne se mesure pas au nombre de personnes qu'elle enferme, mais à la manière dont elle choisit de les libérer. Si ce principe figurait dans la Constitution canadienne, Mark Carney aurait sans doute hésité avant de présenter son nouveau projet de loi sur la criminalité. En voulant durcir la loi sur les crimes violents, le premier ministre Mark Carney prétend restaurer la sécurité des Canadiens, mais derrière son discours se cache une faillite bien plus profonde : celle d'un système carcéral qui punit sans guérir et qui fabrique du crime au nom de la sécurité.

Son objectif affiché est d'assurer « une plus grande sécurité » aux Canadiens. Sa méthode consiste à rendre plus difficile la remise en liberté provisoire pour les accusés de crimes graves. Autrement dit, ce sera désormais à l'accusé de prouver qu'il mérite de ne pas être enfermé. Un « renversement du fardeau de la preuve », comme disent les juristes, mais aussi, disons-le clairement, un renversement du bon sens.

Devant un parterre de policiers de la GRC à Etobicoke, en Ontario, Carney a promis, le 16 octobre dernier, d'« inverser le scénario qui fait en sorte que les délinquants violents retournent rapidement dans nos rues ». Une phrase calibrée pour les manchettes, mais personne ne lui a posé la question qui fâche : dans quelle sorte de prisons compte-t-on enfermer tous ces prévenus ?

Carney, comme une bonne partie de l'opinion publique, semble ignorer qu'une prison surpeuplée est souvent plus dangereuse que les criminels qui s'y trouvent. Beaucoup d'établissements canadiens de juridiction provinciale débordent ; les gardiens le savent, les détenus le vivent, les chiffres le prouvent. Certaines prisons accueillent jusqu'à 134 % de leur capacité. Promiscuité, détresse, oisiveté et violence s'y alimentent mutuellement.

Le nouveau projet de loi vise particulièrement les prévenus, ceux qui attendent leur procès et n'ont, officiellement, accès à aucun programme de réinsertion. Au Québec, ces personnes n'ont même pas droit aux activités de réhabilitation offertes aux autres détenus. Déjà que les programmes disponibles aux détenus sont largement insuffisants. On les enferme pour « protéger la société », mais on les relâche dans un état pire qu'avant, ce qui commence, mine de rien, à ressembler à un crime d'État.

Le gouvernement prétend « inverser le scénario » du laxisme judiciaire. En réalité, il prolonge celui d'un système qui punit sans guérir, enferme sans comprendre et confond fermeté avec efficacité. Voilà donc comment on « assure la sécurité publique » : en transformant la détention provisoire en école du désespoir.

Pour soutenir sa nouvelle croisade, Ottawa prévoit d'engager mille nouveaux agents de la GRC, d'augmenter le nombre de gardiens et, peut-être, de construire de nouvelles prisons. Coût estimé : un milliard de dollars sur quatre ans. Un milliard pour plus de murs, plus de barreaux, plus de clés. Tout cela alors que le taux global de criminalité au Canada n'est pas en hausse. Seuls certains crimes violents, très médiatisés, ont connu une augmentation, mais ces chiffres suffisent à nourrir une politique de peur. Parce que le sentiment d'insécurité, c'est la matière première du pouvoir politique moderne : on s'y alimente, on le façonne, on le vend.

Sur les ondes, à Midi Info, le débat est verrouillé. L'invité appelé à commenter la nouvelle est un ancien sous-commissaire de la GRC, aujourd'hui consultant en sécurité privée. Pas un criminologue, pas un intervenant en réinsertion sociale, pas un ancien détenu. La complexité du réel dérange, alors on l'évacue.
Depuis au moins vingt-cinq ans, la sécurité est devenue une religion d'État. Le dogme est simple : plus de lois, plus de prisons, plus de répression. Et gare à celui qui ose douter : on le taxe de laxisme, de naïveté ou de complicité. Les gouvernements alternent, mais la liturgie reste la même : faire peur, promettre la fermeté, proclamer la tolérance zéro.

La sécurité, telle qu'on la présente souvent au public, sert moins à protéger qu'à rassurer, et surtout à enrichir ceux qui vendent la peur. Des entreprises et des gouvernements ont fait de l'insécurité un argument permanent pour vendre des systèmes de surveillance, des armes ou des politiques restrictives. Ainsi, la peur devient un marché, et la sécurité, un produit dont le principal bénéfice n'est pas la tranquillité des citoyens, mais le profit de ceux qui l'exploitent.

Si la prison fabrique du crime, si elle rend plus dangereux ceux qu'elle prétend réhabiliter, alors elle échoue fondamentalement à remplir sa mission. Elle ne rend pas service aux victimes, car elle ne prévient pas la récidive ; elle ne protège pas la société, car elle entretient un cycle de violence, d'exclusion et de désespoir. L'enfermement, lorsqu'il ne s'accompagne d'aucune réflexion, d'aucune perspective de reconstruction, devient une simple suspension du problème, un temps mort où rien ne se transforme, où la souffrance se recycle.

La justice, si elle devient vengeance, cesse d'être justice. Elle se contente de punir sans comprendre, d'exclure sans guérir. Or la vengeance ne répare rien : elle ne rend pas la dignité aux victimes, elle ne restaure pas le lien social, elle ne permet pas à l'auteur de prendre conscience du tort causé. Au contraire, elle enracine les blessures de part et d'autre. Une société qui se venge à travers ses institutions ne fait que reproduire ce qu'elle condamne : la violence, l'humiliation, la peur.

C'est pourquoi une justice véritablement humaine ne peut se penser qu'en termes de réhabilitation. Accueillir les personnes jugées dans un système qui cherche à les reconstruire, c'est leur offrir la possibilité d'un changement réel. C'est aussi protéger les victimes, non pas en isolant indéfiniment les coupables, mais en empêchant que d'autres ne le deviennent à leur tour. La sécurité collective repose moins sur la sévérité des peines que sur la capacité d'une société à transformer la faute en apprentissage, la chute en relèvement.

« La sécurité d'une société ne se mesure pas au nombre de personnes qu'elle enferme, mais à la manière dont elle choisit de les libérer. » Cette phrase, que je place en ouverture de ce texte, résume une philosophie de la justice fondée sur la dignité humaine. Libérer, ce n'est pas seulement ouvrir une porte ; c'est redonner une place, une chance, une responsabilité. C'est croire que nul n'est condamné à être le pire de lui-même. J'ose voire dans chaque être humain non pas un danger à neutraliser, mais une conscience à éveiller.

On martèle au public qu'il doit se sentir en sécurité, même si la sécurité qu'on lui vend n'est qu'une illusion comptable. Pourtant, le jour où les micros feront grève devant certaines déclarations populistes, peut-être entendra-t-on enfin le murmure que les murs des prisons répètent depuis toujours : une société se juge non à la facilité avec laquelle elle enferme, mais à l'intelligence avec laquelle elle libère.

Dans cette vidéo de 23 minutes, les détenus me confient leurs témoignages sur le concept de réhabilitation. Attachez vos tuques :

https://youtu.be/yl8YENGLRo4
Réhabilitation - 23 fev 2023
youtu.be

https://youtu.be/yl8YENGLRo4

Que disent les statistiques ?

Que l'Indice de gravité de la criminalité a baissé de 4 % en 2024 après avoir augmenté pendant plusieurs années.

Que l'indice de gravité de la criminalité non violent (vols, délits de propriété, infractions liées aux drogues, etc.) a chuté de 6 % en 2024.

Violence vs crimes moins graves : Bien que l'Indice de gravité de la criminalité violent ait légèrement baissé en 2024, plusieurs types de crimes violents sont en hausse sur des périodes plus longues. Par exemple :
Depuis 2013, le taux de criminalité violente serait environ 30 % plus élevé qu'alors.
Le taux d'homicide a par ailleurs chuté entre 2023 et 2024 légèrement (de 1,99 à 1,91 homicides pour 100 000 habitants).

Vols de véhicules : baisse de 17 % depuis 2023.

Extorsion, exploitation sexuelle (enfants), crimes haineux, etc. : augmentation significative dans certains cas récents.

Tendance sur plusieurs années : Globalement, il y a eu une montée de certains crimes violents depuis le début des années 2010, par exemple, agressions sérieuses, extorsion, trafic humain.

Mais ces augmentations ne se traduisent pas nécessairement par une montée nette dans tous les indicateurs ou dans tous les types de crimes.

Mohamed Lotfi
Réalisateur du programme radiophonique Souverains anonymes à la prison de Bordeaux, pendant 35 ans.
17 octobre 2025

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Journée mondiale de l’alimentation 2025 - Les coupes budgétaires de Mark Carney mettent en péril la sécurité alimentaire du Canada

21 octobre, par Syndicat de l'Agriculture — , ,
Déclaration du Syndicat de l'Agriculture à l'occasion de la Journée mondiale de l'alimentation 2025 La sécurité alimentaire nécessite des investissements, pas de l'austérité (…)

Déclaration du Syndicat de l'Agriculture à l'occasion de la Journée mondiale de l'alimentation 2025 La sécurité alimentaire nécessite des investissements, pas de l'austérité

À l'occasion de la Journée mondiale de l'alimentation (16 octobre, 2025), le Syndicat de l'Agriculture <http://www.syndicatagr.com> dénonce les compressions budgétaires proposées par Mark Carney, qui pourraient avoir
des conséquences désastreuses sur la sécurité alimentaire et le secteur agricole du Canada. Notre syndicat représente 7 500 fonctionnaires fédéraux à travers le pays, dont la majorité travaille pour l'Agence canadienne
d'inspection des aliments (ACIA) et Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC).

Alors que des sécheresses sans précédent menacent les fermes canadiennes, et que le démantèlement de la Food and Drug Administration par Donald Trump au sud de la frontière met en péril les alimentaires, nous
exigeons que le gouvernement canadien recule sur les compressions budgétaires qui pourraient mettre en danger la vie des Canadiens et l'économie du pays.

En cette Journée mondiale de l'alimentation 2025, le Syndicat de l'agriculture se joint à l'appel mondial pour bâtir un avenir pacifique, durable et sécurisé sur le plan alimentaire. Le thème de cette année nous rappelle qu'en travaillant ensemble — entre gouvernements, secteurs et communautés — nous pouvons transformer les systèmes agroalimentaires afin de garantir à tous un accès à une alimentation saine, tout en vivant en
harmonie avec la planète.

Mais ici au Canada, et plus largement en Amérique du Nord, notre sécurité alimentaire est menacée.

Nous dénonçons fermement les compressions de 15 % proposées par Mark Carney à l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) et à Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC). Ces compressions ne compromettraient pas seulement la sécurité alimentaire et la résilience agricole du Canada — elles mettraient également en péril notre capacité à atteindre les objectifs mêmes que défend la Journée mondiale de l'alimentation.

Compromettre la sécurité alimentaire dans un système fragile

L'ACIA est la première ligne de défense du Canada contre les maladies d'origine alimentaire, la contamination et les importations non sécuritaires. Ses inspecteurs, scientifiques et techniciens veillent à ce que ce qui se retrouve dans nos assiettes soit sûr et digne de confiance. Mais les effectifs de l'ACIA ont déjà diminué de 3 % depuis 2012, alors que la population canadienne a augmenté de 13 %. D'autres compressions mettraient à rude épreuve une main-d'œuvre déjà insuffisante.

Pendant ce temps, au sud de la frontière, le démantèlement de la Food and Drug Administration par l'administration Trump a affaibli le filet de sécurité alimentaire de l'Amérique du Nord. Le Canada ne peut se permettre de suivre cet exemple. Affaiblir l'ACIA maintenant nous rendrait plus vulnérables aux épidémies de maladies d'origine alimentaire.

Menace sur la résilience climatique et l'innovation

AAC joue un rôle essentiel en aidant les agriculteurs à s'adapter aux changements climatiques, à développer des pratiques durables et à maintenir le leadership mondial du Canada en matière d'innovation agricole. Des cultures résistantes à la sécheresse à la recherche sur la santé des sols, le travail de l'AAC est essentiel pour bâtir un système alimentaire résilient.

Pourtant, les effectifs de l'AAC ont diminué de près de 1 000 postes depuis 2012. Des programmes comme Agri-stabilité, qui aident les agriculteurs à faire face aux chocs économiques et environnementaux, sont déjà sous
pression. L'AAC est un pilier essentiel du secteur agricole canadien, et ses employés fournissent des services clés aux agriculteurs, afin que ceux-ci puissent à leur tour nous maintenir en bonne santé et bien nourris.

Un appel au leadership

La sécurité alimentaire est une question de sécurité nationale. Il s'agit de protéger nos familles, de soutenir nos agriculteurs et de garantir que le Canada puisse se nourrir dans un monde de plus en plus incertain. Les
membres du Syndicat de l'agriculture travaillent chaque jour pour atteindre ces objectifs. Mais ils ne peuvent pas faire plus avec moins.

Nous exhortons les députés à rejeter ces compressions à courte vue et à investir plutôt dans les personnes et les programmes qui assurent la sécurité, la santé et la nutrition des Canadiens.

Parce qu'un avenir sécurisé sur le plan alimentaire ne se construit pas par l'austérité — il se construit par la solidarité.

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Non au détournement de 150 G$, non à l’austérité, non à l’Otan

21 octobre, par Mouvement québécois pour la paix — , ,
Le Mouvement québécois pour la paix organise un rassemblement en faveur de la paix et du désarmement, le 19 octobre 2025 à 14 h au parc Place du Canada (8047 Rue Peel, (…)

Le Mouvement québécois pour la paix organise un rassemblement en faveur de la paix et du désarmement, le 19 octobre 2025 à 14 h au parc Place du Canada (8047 Rue Peel, Montréal,

Ce rassemblement s'inscrit dans le contexte du détournement de 150 G$/année de fonds publics pour l'achat de machines de guerre, annoncé par Mark Carney. Cette décision a été prise sous la pression des exigences de Donald Trump, alors que le premier ministre se présente comme un pilier face aux menaces des États-Unis. Équivalent à plus de 33 % du budget total de l'État canadien, cette somme colossale, inégalée depuis la Seconde Guerre mondiale, constitue une véritable subvention déguisée aux multinationales de l'armement des États-Unis et de leurs alliés de l'OTAN, déterminés à étendre leur domination sur les marchés mondiaux.

La militarisation tous azimuts de notre économie, sous la contrainte de l'OTAN qui exige que les États membres consacrent 5 % du PIB aux dépenses militaires, s'accompagne nécessairement d'une austérité brutale : coupes dans les services publics, démantèlement des systèmes de santé et d'éducation et recul des salaires. Tandis que les gouvernements provinciaux et fédéraux privilégient les profits des marchands de canons, c'est la population en général qui en paye le prix fort en étant privée de logements abordables, d'écoles en bon état et d'hôpitaux fonctionnels.

Cette course à la guerre menace l'humanité tout entière. Elle alimente le génocide en Palestine et la guerre en Ukraine, attise les tensions avec la Chine et nous précipite vers une Troisième Guerre mondiale.

Les organisations suivantes prendront la parole :

● Mouvement québécois pour la paix ;
● L'Association des travailleurs grecs du Québec ;
● Le Parti communiste du Québec ;
● Le Parti vert du Québec ;
● Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes - section locale de Montréal ;
● Le Canadian Peace Congress ;
● Yves Engler (candidat à la chefferie du NPD).

Source : Mouvement québécois pour la paix

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Invitation à participer à notre "action média" annuelle de la campagne du coquelicot blanc

21 octobre, par Collectif Échec à la guerre — , ,
Comme vous le savez, le Collectif Échec à la guerre mène présentement – du 21 septembre au 11 novembre – sa 15e campagne annuelle du coquelicot blanc, sous le thème Pour (…)

Comme vous le savez, le Collectif Échec à la guerre mène présentement – du 21 septembre au 11 novembre – sa 15e campagne annuelle du coquelicot blanc, sous le thème Pour l'humanité... Bas les armes !.

Cette année, nous vous invitons à participer à une "action média" collective visant à faire entendre la voix des Québécoises et des Québécois qui s'opposent aux politiques militaristes du Canada et à son odieuse complicité avec le génocide commis par Israël à Gaza, qui est récemment entré dans sa troisième année !

Il s'agit de recueillir les noms de personnes et d'organisations qui endossent la déclaration ci-dessous et de la publier grâce aux contributions financières des signataires. Cette année encore, en plus d'une parution dans une pleine page du journal Le Devoir, le samedi 8 novembre 2025, nous visons aussi une publication dans d'autres médias, pour élargir la visibilité de la campagne et de notre déclaration.

TEXTE DE LA DÉCLARATION À ENDOSSER CETTE ANNÉE

Ci-dessous (ou en cliquant sur ce lien)

NON À L'AUGMENTATION DES DÉPENSES MILITAIRES DU CANADA !

Sous prétexte de nous protéger, le premier ministre Carney a récemment annoncé une augmentation faramineuse du budget de la défense pour atteindre 150 milliards de dollars CAen 2035.

En 2024 seulement, 2718 milliards de dollars US ont été consacrés aux dépenses militaires dans le monde. C'est une augmentation record depuis la fin de la Guerre froide (1989). Pourtant la sécurité sur notre planète ne s'est pas améliorée pour autant. Il n'y a jamais eu autant de guerres. Qui plus est, l'immense majorité des victimes de ces guerres sont des civil·es.

L'équation est impitoyable : plus d'armes = plus de guerres.

Et à qui profitent ces guerres ? Aux pilleurs de ressources précieuses, locaux et étrangers, tel qu'on le constate particulièrement au Congo et au Soudan. Aux vendeurs d'armes. Et aux pays qui, comme les États-Unis particulièrement, cherchent à maintenir leur hégémonie. Messieurs Carney et Legault rêvent de rafler les contrats militaires en citant leurs prétendus bénéfices économiques alors que des études démontrent que les investissements dans l'économie civile (éducation, santé, économie verte) génèrent plus d'emplois. Notons que lebudget fédéral de la
défense est déjà plus de 20 fois supérieur à celui de l'environnement alors que nous faisons face à une crise climatique qui menace notre survie.

L'augmentation des dépenses de défense à 5 % du PIB équivaudrait à 32 % du budget canadien, ceci alors que des mesures d'austérité frappent les services publics aux dépens des besoins sociaux de la population. Ce virage vers une économie de guerre se fait sans notre consentement. Dans un contexte de mépris de plus en plus flagrant du droit international, nous sommes entraînés dans une course folle aux armements qui augmente les risques, déjà très élevés, d'une conflagration mondiale nucléaire.

La militarisation encourage le commerce des armes qui alimente les conflits à travers le monde. Le génocide en cours en Palestine, auxquels plusieurs pays occidentaux, dont le Canada, ont contribué par leurs exportations d'armes, en est un exemple flagrant.

On est bien loin ici de s'armer pour la paix !

Non à la militarisation qui n'assure en rien la sécurité des peuples et menace la survie de l'humanité !
Pour le respect des droits humains et du droit international !
Non à une économie de guerre : exigeons un débat public !

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L’assurance-emploi est pleine de trous !

21 octobre, par Conseil national des chômeurs et chômeuses — , ,
Au lieu de raccommoder sans cesse, le gouvernement fédéral doit profiter du prochain budget pour mettre en place des mesures pérennes pour l'assurance-emploi, qui permettront (…)

Au lieu de raccommoder sans cesse, le gouvernement fédéral doit profiter du prochain budget pour mettre en place des mesures pérennes pour l'assurance-emploi, qui permettront de faire face aux conséquences de la guerre commerciale actuelle et à celles des crises à venir.

En compagnie de ses partenaires syndicaux et sociaux, le Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC) revendique dès maintenant la mise en place des mesures suivantes pour faire face aux crises d'aujourd'hui et de demain :

• Une norme universelle d'admissibilité de 420 heures ;
• Une augmentation du montant des prestations et l'établissement d'un seuil plancher à 500$ ;
• L'exclusion pour fin d'emploi invalide circonscrite au dernier emploi occupé (un-e demandeur-se sur quatre, qui a travaillé et cotisé au régime au cours de la dernière année, est refusé-e en raison de ces sanctions) ;
• Un prolongement de la mesure actuelle permettant de recevoir des prestations plus tôt en simplifiant les règles qui régissent le traitement des indemnités de départ et autres sommes versées à la suite d'une cessation d'emploi ;
• Que les barrières qui empêchent les femmes d'avoir accès aux prestations d'assurance-emploi, en cas de perte d'emploi après un congé de maternité, soit retirées.

Le CNC revendique également, dès maintenant :

• Que le gouvernement renonce à la division artificielle entre les travailleur-se-s qu'il a créé avec sa mesure temporaire pour les « travailleur-se-s de longue date » ;
• Une mesure permanente pour les travailleur-se-s des régions où les industries saisonnières ont une place prépondérante ;
• Que l'admissibilité aux prestations spéciales soit basée sur une norme universelle d'admissibilité de 420 heures ;
• Que la période de prestations pour proches aidant-e-s d'un-e adulte gravement malade ou blessé-e passe de 15 à 26 semaines et que la nécessité que la vie de la personne soit en danger soit retirée des critères d'admissibilité.

Il est temps de régler le problème !

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200 manifestant·e·s dénoncent le projet de loi C-12 sur l’immigration

21 octobre, par Solidarité sans frontière — , ,
Dimanche (le 19 octobre), quelque 200 personnes étaient rassemblées sur la place de la Gare-Jean-Talon pour manifester contre le projet de loi C-12 déposé le 8 octobre dernier (…)

Dimanche (le 19 octobre), quelque 200 personnes étaient rassemblées sur la place de la Gare-Jean-Talon pour manifester contre le projet de loi C-12 déposé le 8 octobre dernier devant le Parlement canadien. Celui-ci vise à « renforcer le système d'immigration et la frontière du Canada ».
« Nous sommes ici parce que nous refusons de nous taire et pour dire non au projet C-12, non à l'Entente sur les tiers pays sûrs [ETPS], et oui à la régularisation », ont clamé Samira Jasmin et Hady Kodoye Anne, les porte-parole de Solidarité sans frontières, devant la foule, peu de temps avant le début de la marche.
Le projet de loi C-12 et l'ETPS « ne sont pas des textes juridiques, mais des lois incarnant une vision du monde où certaines vies valent moins que les autres, où l'immigration devient un crime et la frontière, un mur contre l'espoir », a dénoncé Mme Jasmin. Présenté le 8 octobre dernier au Parlement, C-12 est la nouvelle version du projet de loi C-2. (tiré du site du journal Le Devoir, article et photo de Sarah Collardey, 19 octobre 2025)

Nous publions ci-dessous un article de Solidarité sans frontières qui explique les enjeux de ce projet de loi. (PTAG)

Régularisation maintenant ! Bloquons la loi C-2 ! Se retirer de l'ETPS !

Solidarité sans frontières appelle tou·te·s les migrant·e·s (sans papiers ou qui risquent de se retrouver sans papiers en raison du système d'immigration injuste du Canada, qui va empirer avec C-2), ainsi que tous leurs soutiens et mouvements alliés à se joindre à nous pour une « marche des prisonniers » le dimanche 19 octobre.

Nos revendications sont claires : nous voulons le respect de notre dignité, de l'égalité et de la liberté de circuler, de rester, et de revenir. Dans notre contexte actuel, cela signifie la régularisation immédiate de tou·te·s les migrant·e·s au Canada, la fin du projet de loi C-2, et de se retirer de l'Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS).

Nous rejetons le discours raciste qui accuse les migrant·e·s de tous les maux sociaux créés par des structures sociales injustes. Nous rejetons les frontières coloniales qui participent au système mondial d'apartheid. Nous nous unissons aux peuples autochtones de l'Île de la Tortue, aux travailleur·s·es de toutes origines et à toutes celles et ceux qui sont opprimé·e·s par le colonialisme raciste, le capitalisme et le patriarcat, afin de lutter pour notre liberté et la justice pour tou·te·s.

Nous exigeons la régularisation, le retrait du projet de loi C-2 et la fin de l'Entente sur les Tiers Pays Sûrs.

Pourquoi une marche de prisonniers ? Les migrant·e·s sans papiers, et toutes celles et ceux qui ont un statut d'immigration précaire, sont prisonnier·e·s au Canada. Elles et ils ne peuvent pas partir, ni travailler de façon légale ; elles et ils sont exploité·e·s sur leur lieu de travail encore plus que d'autres travailleur·se·s ; elles et ils sont constamment menacé·e·s de détention arbitraire. Elles et ils sont ici parce que le Canada et d'autres pays occidentaux riches ont rendu leurs foyers invivables. Elles et ils sont ici, aspirant à une vie meilleure pour elles et eux-mêmes et pour leurs enfants. Elles et ils sont confronté·e·s à la violence bureaucratique et juridique du Canada mais luttent dans la dignité et la résilience.

Qu'est-ce que la régularisation ? La régularisation est un terme juridique qui signifie que les migrant·e·s qui ne sont pas égaux en droit sont reconnu·e·s par l'État canadien comme disposant des mêmes droits que les personnes nées au Canada. C'est un terme technique pour désigner l'égalité devant la loi. Si vous croyez en l'égalité, vous êtes pour la régularisation.

Qu'est-ce que le projet de loi C-2 ?

Le projet de loi C-2 est un projet de loi déposé par le nouveau gouvernement libéral de Mark Carney qui propose des modifications à plusieurs lois canadiennes. Loin du tweet « Bienvenue aux réfugiés » et des promesses de régularisation du gouvernement libéral précédent, C-2 est l'expression de la haine anti-migrant·e·s de Trump, de Poilièvre et de l'extrême-droite. S'il est adopté, le projet de loi C-2 augmentera considérablement le nombre de migrant·e·s sans papiers au Canada, entraînera encore plus de décès parmi les personnes tentant d'entrer au Canada depuis les États-Unis et donnera à l'État canadien davantage de pouvoirs de surveillance. Si vous croyez en la liberté et à l'égalité, vous êtes contre le projet de loi C-2.

Qu'est-ce que l'Entente sur les tiers pays sûrs ?

L'Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS) vise à empêcher les migrant·e·s présentement aux États-Unis d'entrer au Canada. En réalité, elle force les gens à emprunter des routes encore plus dangereuses pour entrer au Canada et a déjà entraîné des décès dus aux noyades et au froid extrême. L'Amérique de Trump n'est pas sûre ; ni pour les migrant·e·s, ni pour les personnes homosexuel·le·s et trans, ni pour les personnes racialisées et colonisées, ni pour les femmes. Sous Trump, plus de migrant·e·s que jamais recherchent désespérément la sécurité. Avec les modifications de l'ETPS qu'implique le projet de loi C-2 de Carney, elles et ils ne pourront plus obtenir de régularisation au Canada et le nombre de sans papiers va augmenter encore plus. Si vous croyez à la liberté, à l'égalité et au respect, vous êtes contre l'ETPS.

Liberté de circuler. Liberté de rester. Liberté de revenir. PERSONNE N'EST ILLÉGAL SUR LES TERRES AUTOCHTONES VOLÉES !

solidaritesansfrontieres@gmail.com
www.solidarityacrossborders.org

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Pour des municipalités plus inclusives

21 octobre, par Conseil québécois LGBT — , ,
Le Conseil québécois LGBT propose d'envoyer à vos candidat·es les 10 recommandations de son guide Municipalités inclusives des personnes LGBTQIA2+. Tiré du site du Conseil (…)

Le Conseil québécois LGBT propose d'envoyer à vos candidat·es les 10 recommandations de son guide Municipalités inclusives des personnes LGBTQIA2+.

Tiré du site du Conseil LGBT et de L'Infolettre de l'R des Centres de femmes

10 recommandations :

01 Désigner un·e fonctionnaire et nom mer un·e élu·e membre du comité exécutif comme responsables des dossiers LGBTQIA2+.

02 Sensibiliser et former les personnes travaillant dans le milieu municipal aux réalités des communautés LGBTQIA2+.

03 Créer des liens privilégiés avec les organismes LGBTQIA2+ de votre région en les rencontrant et en montrant de l'intérêt envers leur travail.

04 Poser des gestes symboliques, comme la levée du drapeau le 17 mai (Journée internationale de lutte contre l'homophobie et la transphobie).

05 Collaborer avec le service de police qui dessert votre territoire pour développer des pratiques d'intervention qui tiennent compte des réalités LGBTQIA2+.

Pour en savoir plus, visitez www.conseil-lgbt.ca/muni

06 Aménager des vestiaires et des toilettes accessibles et non genrés dans toutes les installations de la municipalité.

07 Adopter une politique détaillée pour accompagner les employé·es qui entreprennent un parcours de transition en milieu de travail.

08 Adopter une politique contre le harcèlement qui comporte une procédure claire pour le traitement des plaintes et un mécanisme de sanctions.

09 Mobiliser des outils pour avoir une vue d'ensemble des enjeux auxquels font face les populations LGBTQIA2+ dans votre milieu (ADS, ADS+).

10 Inclure les enjeux LGBTQIA2+ dans la planification stratégique et les divers plans d'action qui en résultent

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Marche mondiale des femmes : La CSN fait front pour une réelle égalité

21 octobre, par Confédération des syndicats nationaux (CSN) — , ,
Des centaines de travailleuses et de travailleurs affiliés à la Confédération des syndicats nationaux (CSN) provenant de toutes les régions convergent aujourd'hui vers Québec (…)

Des centaines de travailleuses et de travailleurs affiliés à la Confédération des syndicats nationaux (CSN) provenant de toutes les régions convergent aujourd'hui vers Québec pour le grand rassemblement de la Marche mondiale des femmes (MMF).

« Il est évident que la CSN est présente à Québec. Car malheureusement, encore aujourd'hui, les inégalités entre les femmes et les hommes persistent et les acquis se voient de plus en plus remis en question. Mais nous ne cesserons pas de faire front », déclare la secrétaire générale de la CSN, Nathalie Arguin.

Madame Arguin rappelle que les femmes demeurent plus pauvres que les hommes en 2025. « Le gouvernement Legault semble l'avoir oublié ou bien il ne s'en préoccupe pas, car plusieurs des décisions prises contribuent à accentuer l'écart entre les riches et les pauvres. Et quand on sait que l'écart salarial entre les femmes et les hommes diminue quand les femmes sont syndiquées, on mesure bien à quel point les attaques du gouvernement Legault envers les syndicats peuvent avoir des impacts concrets sur l'autonomie économique des femmes », continue-t-elle.

Autre décision qui affecte davantage les femmes : les abolitions de postes imposées à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, pour ne nommer que celles-là. « Ces compressions affecteront en premier lieu les femmes qui réclament l'équité salariale et celles victimes de violences. Et parlant de violence, quinze femmes ont été assassinées depuis le début de l'année. C'est horrifiant ! », enchaîne Mélanie Pelletier, vice-présidente à la condition féminine du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches, lequel est au cœur de l'organisation de ce grand rassemblement.

Nathalie Arguin souligne que l'inaction de la CAQ devant la crise environnementale ajoute de l'huile sur le feu des inégalités. « Chaque été, ici, on voit les feux de forêt se multiplier. En ce moment, plusieurs réservoirs d'eau à travers la province sont à sec en raison du manque de précipitations. Avec l'accélération de ces catastrophes climatiques, ce sont majoritairement les femmes qui verront leur charge mentale et leur insécurité économique s'accroître, car ce sont elles qui, de manière générale, prennent soin de leurs proches », ajoute-t-elle.

En conclusion, Mélanie Pelletier rappelle que depuis plusieurs années, des groupes anti-choix se rassemblent devant des établissements de santé qui dispensent des services d'avortement ou bien devant l'Assemblée nationale pour dénoncer la liberté des femmes à disposer de leur corps. « Nous sommes présents à ces moments-là pour nous opposer à toutes ces tentatives de restreindre les droits des femmes. Aujourd'hui, nous marchons. Mais le combat contre les rétrogrades qui souhaitent voir les droits des femmes reculer est quotidien. Et la CSN le prend de front », termine la vice-présidente.

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Le CTC organise un forum axé sur les travailleuses et travailleurs avec les candidats à la direction du NPD

21 octobre, par Congrès du travail du Canada (CTC) — , ,
Le mercredi 22 octobre, le Congrès du travail du Canada (CTC) tiendra un forum axé sur les travailleuses et travailleurs avec les candidats officiels à la direction du NPD, un (…)

Le mercredi 22 octobre, le Congrès du travail du Canada (CTC) tiendra un forum axé sur les travailleuses et travailleurs avec les candidats officiels à la direction du NPD, un événement de course à la direction officiellement reconnu par le NPD du Canada.

Le forum réunira Avi Lewis, Heather McPherson, Rob Ashton, Tanille Johnston, Tony McQuail pour une série de discussions modérées axées sur leur vision et leur approche du leadership pour le NPD du Canada.

Animé par Bea Bruske, présidente du CTC, chaque candidat disposera de dix minutes pour s'exprimer, offrant ainsi aux électeurs et aux travailleuses et travailleurs l'occasion d'entendre, directement et en détail, comment le ou la prochain·e chef·fe du NPD prévoit d'obtenir des résultats concrets pour les travailleuses et travailleurs.

« Les travailleuses et travailleurs ont bâti ce parti, et les syndicats du Canada sont là pour s'assurer qu'il demeure concentré sur leurs priorités. Ce forum vise à placer les travailleuses et travailleurs au cœur de la conversation sur la direction. » – Bea Bruske, présidente du CTC

QUOI : Forum axé sur les travailleurs et travailleuses avec les candidats à la direction du NPD

QUAND : Mercredi 22 octobre 2025 – de 18 h à 19 h (ouverture des portes à 17 h 30 HE)

: Le Westin Ottawa – Salle Twenty Two (11, promenade Colonel By, Ottawa)
Ou via Zoom : https://us02web.zoom.us/j/83681751548?pwd=C5emRbJlJRWlvdNrinIshF0Hb2dqxs.1

QUI : Modératrice Bea Bruske – Présidente, Congrès du travail du Canada

Candidats à la direction du NPD

Avi Lewis – Journaliste, militant, professeur agrégé

Heather McPherson – Députée du NPD

Rob Ashton – Président, Syndicat international des débardeurs et magasiniers du Canada (ILWU)

Tanille Johnston – Directrice des programmes communautaires à la First Nations Health Authority, conseillère municipale à Campbell River

Tony McQuail – Agriculteur biologique du comté de Huron

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Faire front pour le Québec

21 octobre, par Caroline Senneville — , ,
Malmené dans les sondages, le gouvernement Legault a fait son lit : il embrasse une vision conservatrice en pointant des coupables plutôt qu'en trouvant des solutions aux (…)

Malmené dans les sondages, le gouvernement Legault a fait son lit : il embrasse une vision conservatrice en pointant des coupables plutôt qu'en trouvant des solutions aux problèmes qui préoccupent la population.

Tiré de l'infolettre En mouvement

15 Oct 2025

Caroline Senneville
Présidente de la Confédération des syndicats nationaux

Malmené dans les sondages, le gouvernement Legault a fait son lit : il embrasse une vision conservatrice en pointant des coupables plutôt qu'en trouvant des solutions aux problèmes qui préoccupent la population.

Les citoyennes et les citoyens ont perdu confiance envers les troupes de François Legault. La crise du logement continue de faire rage et des milliers de travailleuses et de travailleurs ont du mal à joindre les deux bouts. L'attente est toujours aussi longue dans le réseau de la santé et des services sociaux et l'état des écoles fait trop souvent pitié. Que propose de faire le gouvernement ? Bruit de criquets. Il n'en a que pour ces boucs émissaires préférés, les personnes issues de l'immigration et les syndicats. La restriction du droit de grève n'était pas suffisante, la CAQ veut maintenant s'en prendre aux cotisations syndicales. La droite souffle fort et les droits des travailleuses et des travailleurs sont dans la mire.

La CSN n'entend pas rester silencieuse face à ces attaques. C'est pourquoi nous lançons la campagne Faire front pour le Québec. Nous entendons déjà les ténors de la CAQ en rajouter une couche en dénonçant le fait que nous serons visibles dans l'espace public pour défendre cette campagne, notamment avec de la publicité. Nous n'avons pas de leçon à recevoir quand on sait que la CAQ vient de mettre des centaines de milliers de dollars dans une campagne publicitaire télévisuelle qui vante ses mérites et qui s'attaque une fois de plus aux organisations syndicales.

Si le gouvernement ne propose rien de moins que de casser le modèle syndical, il faut croire que nous avons bien joué notre rôle dans les dernières années, soit mettre en lumière ses mauvaises décisions comme la privatisation du réseau de santé et de services sociaux et les compressions budgétaires dans les services publics. La CAQ n'a toujours pas digéré que des milliers de travailleuses et de travailleurs remportent des victoires syndicales majeures récemment, notamment celle, importante, du personnel du secteur public. La CAQ ne fait rien non plus pour les travailleurs et les travailleuses de bien des secteurs d'activité, notamment celui de la forêt. Face à la guerre commerciale que nous subissons, nous aurions tout intérêt à faire front pour une économie résiliente. Il faut croire que le gouvernement en entend autrement.

Disons-le clairement : ce que le gouvernement veut faire avec les organisations syndicales, c'est l'équivalent des poursuites-bâillons menées par des multinationales. À quelques mois de la fin de son mandat, le gouvernement veut faire plaisir aux grands patrons. Pendant qu'il attaque les travailleuses et les travailleurs et leurs syndicats, il n'a rien à proposer pour freiner les excès du patronat. Que propose le gouvernement pour serrer la vis aux patrons qui utilisent des briseurs de grève ? Rien. Que propose-t-il pour freiner les écarts de salaire entre les salarié-es et les grands dirigeants ? Rien non plus. Et quand agira-t-il pour baliser le lobby de certains milieux patronaux ? Visiblement jamais.

Ce gouvernement a fait son temps. Le Québec peut faire mieux. Le Québec doit faire mieux. Car le Québec de l'avenir doit donner les moyens aux travailleuses et aux travailleurs de bien vivre en plus de consolider les services publics et bâtir une économie verte qui crée des emplois durables. C'est pourquoi la CSN va faire front dans les prochaines semaines en invitant toute la population à participer au grand rassemblement qui se tiendra le 29 novembre prochain à Montréal.

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Renaud-Bray, Amazon, même combat !

21 octobre, par Confédération des syndicats nationaux (CSN) — , ,
Alors qu'un conflit de travail perdure depuis 10 mois en raison de l'entêtement du groupe Renaud-Bray à ignorer les demandes de négociation de ses salarié-es, la CSN condamne (…)

Alors qu'un conflit de travail perdure depuis 10 mois en raison de l'entêtement du groupe Renaud-Bray à ignorer les demandes de négociation de ses salarié-es, la CSN condamne vigoureusement la fermeture de la succursale située aux Galeries de la Capitale. Pour la CSN, il s'agit d'un geste profondément antisyndical : il y a quelques jours à peine, le groupe avait remplacé l'enseigne d'un magasin Archambault, situé juste en face de la libraire en grève, pour une bannière… Renaud-Bray.

Tiré de l'infolettre En mouvement
https://mail.google.com/mail/u/0/#inbox/WhctKLbmpHJTHZhGLDBXwCWZCMwGhBhgrNCChkFJXtrPssBzSZtGbzLdWRhDxLbgCDNHRNB


La CSN condamne la fermeture d'un Renaud-Bray à Québec

« Il s'agit d'une violation directe du droit à la négociation collective des employé-es de Renaud-Bray », décrie la présidente de la CSN, Caroline Senneville.

« Que fait le ministre du Travail dans ce dossier ? Depuis le début de cette négociation, l'entreprise dirigée par Blaise Renaud a bafoué plusieurs règles prévues au Code du travail, que ce soit en négociant de mauvaise foi, en entravant les activités du syndicat ou encore en embauchant des briseurs de grève, des violations reconnues par les tribunaux. Nous allons évidemment contester cette fermeture, avec la même énergie que nous poursuivons Amazon pour ses fermetures illégales », d'affirmer la présidente de la CSN.

L'attitude cavalière du groupe Renaud-Bray à l'égard de ses employé-es irrite particulièrement la présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches, Barbara Poirier. « Il y a quelques jours, l'enseigne Archambault du magasin sur le boulevard Lebourgneuf a été remplacée par une bannière Renaud-Bray. Un magasin juste en face de la succursale des Galeries de la Capitale, dont on annonce la fermeture aujourd'hui. Nous ne sommes pas dupes : Renaud-Bray se débarrasse du syndicat afin de pouvoir continuer à exploiter ses employé-es en les payant à peine le salaire minimum. C'est indécent ! »

Le président de la Fédération du commerce, Serge Monette, assure que tous les moyens seront pris afin de faire respecter les droits des travailleuses et des travailleurs. « En fermant son magasin des Galeries de la Capitale, Renaud-Bray tente d'intimider les employé-es de l'ensemble de ses succursales du Québec. “ Si vous n'acceptez pas mes salaires de misère, je ferme boutique ! ”, c'est le message envoyé par Blaise Renaud aujourd'hui, malgré le fait que son entreprise soit très rentable. Nous ne nous laisserons pas faire, nous défendrons les travailleuses et les travailleurs jusqu'au bout. »

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Semaine SST 2025 | Détresse morale : le vice caché du réseau de la santé

21 octobre, par Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) — , ,
À l'occasion de la Semaine de la santé et de la sécurité du travail (SST), qui se tiendra du 19 au 25 octobre 2025, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec–FIQ (…)

À l'occasion de la Semaine de la santé et de la sécurité du travail (SST), qui se tiendra du 19 au 25 octobre 2025, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec–FIQ choisit de mettre en lumière un enjeu trop souvent passé sous silence : la détresse morale vécue par les professionnelles en soins.

Quand le travail empêche de bien soigner

La détresse morale survient lorsqu'une personne sait ce qu'il faudrait faire pour offrir des soins de qualité, mais ne peut y parvenir en raison de contraintes organisationnelles, d'un manque de ressources ou de décisions imposées. Ce sentiment d'impuissance nuit à la santé psychologique et physique : fatigue, anxiété, troubles du sommeil et épuisement professionnel en sont souvent les conséquences.

Selon un sondage mené par la FIQ en 2023, 83 % des professionnelles en soins estiment que la charge de travail est le principal facteur derrière l'omission de soins. Ce phénomène, appelé « qualité empêchée », devient un risque majeur pour la santé et la sécurité du personnel.

Un enjeu reconnu par la loi

Depuis l'adoption de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST), la prévention des risques psychosociaux (dont la détresse morale) fait désormais partie des obligations des employeurs. Les établissements doivent donc adapter leur organisation du travail et leurs pratiques afin de protéger à la fois la santé physique et mentale des professionnelles en soins.

Pour un réseau plus humain

En mettant ce thème à l'avant-plan, la FIQ réaffirme l'urgence de repenser l'organisation du travail dans le réseau de la santé. La détresse morale n'est pas un problème individuel : elle est le symptôme d'un système qui empêche les professionnelles en soins d'exercer leur jugement et leur expertise dans des conditions saines et sécuritaires.

Protéger celles qui soignent, c'est aussi protéger la qualité des soins offerts à la population.

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Élections municipales 2025 : 81 % des Québécois et des Québécoises veulent que leur municipalité agisse contre les changements climatiques

21 octobre, par Coalition Vire au vert, Vivre en ville — , ,
Alors que plusieurs signaux laissent craindre un recul de l'action climatique au Québec, les électeurs, eux, n'ont pas tourné la page. À moins d'un mois des élections (…)

Alors que plusieurs signaux laissent craindre un recul de l'action climatique au Québec, les électeurs, eux, n'ont pas tourné la page. À moins d'un mois des élections municipales, 81 % des Québécois et des Québécoises estiment qu'il est important que leur municipalité agisse pour lutter contre les changements climatiques, selon un sondage Léger dévoilé par Vivre en Ville, en collaboration avec plusieurs organismes membres de la coalition Vire au vert. Après un été marqué par des inondations, des feux de forêt et des vagues de chaleur, la population réclame des conseils municipaux capables de protéger et d'adapter leurs villes et villages face à la crise climatique. Cette donnée confirme ce que l'on constate partout au Québec : la population souhaite un leadership local fort pour protéger et adapter ses milieux de vie.

« Les municipalités sont en première ligne pour agir face aux changements climatiques et en subissent les impacts directs. Au cours des dernières années, leur leadership s'est fait sentir partout au Québec, et ce sondage le confirme : les futurs maires et mairesses ont un mandat clair de la population pour agir et adapter nos villes et villages afin de prévenir les impacts climatiques. Le gouvernement est peut-être fatigué d'entendre parler du climat, mais pas la population : c'est un sujet de préoccupation important pour les Québécoises et les Québécois », affirme Christian Savard, directeur général de Vivre en Ville.

La population québécoise demande des villes qui agissent

Le sondage, mené par Léger du 3 au 5 octobre 2025 auprès de 1 010 personnes, montre un soutien très élevé aux 12 propositions de la plateforme Les 12 travaux de nos collectivités, présentée par Vivre en Ville au printemps.

Chacune des 12 propositions obtient une large majorité favorable et aucune ne suscite d'opposition substantielle, qu'on parle de redéveloppement des milieux déjà bâtis, de réduction des émissions des bâtiments, de revitalisation des centres-villes, de verdissement des milieux de vie ou de protection des milieux naturels face à l'étalement urbain.

« Les gens demandent à leurs conseils municipaux d'agir pour la lutte et l'adaptation aux changements climatiques. Nous le voyons partout au Québec : la volonté de protéger les milieux naturels et de limiter l'empiètement sur la nature n'a jamais été aussi forte. Nous devons être du bon côté de l'histoire face à la pire crise que l'humanité ait connue. Les élu-e-s ont la responsabilité d'écouter la population québécoise, pas les architectes du recul climatique », affirme Alice-Anne Simard, directrice générale de Nature Québec, une organisation membre de Vire au vert.

Les municipalités : un leadership à maintenir

Face à la crise climatique à laquelle se superpose la crise de l'habitation, Vivre en Ville et Vire au vert lancent un appel clair aux candidats et candidates aux élections municipales du 2 novembre : s'engager à maintenir et renforcer le leadership municipal en matière d'action climatique. La population soutient des mesures concrètes pour transformer nos villes et villages et améliorer la qualité de vie de toutes et tous.

« On ne peut plus séparer le climat, l'habitation, l'économie et l'environnement : tout est lié. La population le comprend, et ce sondage le confirme. Celles et ceux qui veulent exercer un véritable leadership municipal ont le soutien des électeurs pour agir maintenant, redoubler d'efforts pour mettre en place des mesures concrètes d'atténuation et d'adaptation, et ne laisser personne derrière », souligne M. Savard.

Fruit de trois décennies d'expertise, la plateforme Les 12 travaux de nos collectivités propose 12 engagements concrets, adaptables à toute plateforme électorale, pour aider les municipalités à relever les défis pressants de notre époque — climat, logement, mobilité et qualité de vie.

La plateforme complète, incluant les 12 propositions détaillées, est disponible ici.

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Lecture bénéfice pour l’UNRWA de la pièce L’Affiche de Philippe Ducros

Communiqué USINE C – Les productions Hôtel-Motel et l'USINE C s'associent pour présenter une lecture-bénéfice de la pièce L'AFFICHE de Philippe Ducros, en soutien aux réfugiés (…)

Communiqué USINE C – Les productions Hôtel-Motel et l'USINE C s'associent pour présenter une lecture-bénéfice de la pièce L'AFFICHE de Philippe Ducros, en soutien aux réfugiés palestiniens.

  1. Tous les fonds recueillis seront reversés à l'Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), délivrant de l'aide humanitaire.

Déjà, avant le 7 octobre 2023, près de 70 % de la population de la bande de Gaza dépendait directement de cet organisme pour leur survie. Convaincue par l'urgence et la nécessité d'agir ici et maintenant, Angela Konrad et l'USINE C souhaitent accueillir cet événement essentiel, initié par Philippe Ducros et Isabelle Vincent, en ouvrant grand leurs portes et en espérant compter sur le soutien des publics de tous les théâtres de Montréal.

« Nous organisons une lecture de L'AFFICHE pour répondre au sentiment d'impuissance face à ce génocide qui se passe en direct à Gaza et en Cisjordanie (comme le nomme aujourd'hui officiellement une commission de l'ONU), face à ses répercussions qui s'étendent au Liban, à la Syrie, à l'Iran, partout en fait », souligne Philippe Ducros, auteur de L'AFFICHE et directeur artistique des Productions Hôtel-Motel. « Et parce que L'AFFICHE se termine sur un appel au dialogue pour que le sang arrête de couler. L'occupation doit cesser. »

L'Affiche

Ce texte percutant écrit entre 2004 et 2009 documente les impacts de l'occupation militaire des territoires palestiniens, et ce, des deux côtés du mur. L'AFFICHE raconte l'indicible en décrivant la violence insupportable d'un impossible quotidien. Elle met des visages sur les voix brisées, sur les petites résistances, sur les espoirs que l'occupation met à rude épreuve.

Parce que le conflit actuel n'a pas commencé le 7 octobre 2023. L'occupation militaire dure depuis des décennies. Il y a actuellement urgence de briser le silence, de parler des effets réels d'un conflit largement médiatisé sur le vécu de milliers de gens, un conflit qui fragilise l'ensemble de la région.

Cette lecture publique se veut un geste de solidarité spontané porté par des membres de la distribution originale ainsi que par de nouveaux venus : Karim Bourara, François Bernier, Sylvie De Morais-Nogueira, Justin Laramée, Marie-Laurence Moreau, Mireille Naggar, Etienne Pilon, Richard Thériault et Isabelle Vincent. La lecture sera suivie d'une discussion.

Philippe Ducros est auteur et metteur en scène d'une vingtaine de pièces de théâtre et d'un roman. Autodidacte, sa démarche reste ancrée dans ses errances aux quatre coins du monde (Syrie, Palestine, Israël, Liban, Iran, etc.). À la suite d'une résidence en Syrie, il écrit L'affiche (Éditions Lansman). Pour l'écrire, il est allé à trois reprises en Palestine occupée et en Israël. Il y était en 2009 lors des bombardements sur Gaza et les 1 300 morts qui en ont découlé. Il a aussi fait de nombreux séjours dans les camps de réfugiés palestiniens en Syrie et au Liban. Il a encore des ami·e·s là-bas, des deux côtés du mur, avec qui il correspond. Il est le directeur artistique des Productions Hôtel-Motel.

Les Productions Hôtel-Motel souhaitent sortir les spectateur·trice·s des cuisines du Québec pour ancrer notre question identitaire dans une vision macroscopique du monde. Depuis sa création, Hôtel-Motel a créé plus d'une quinzaine de pièces présentées au Québec, au Canada, en Europe et en Afrique, dont La porte du non-retour, Bibish de Kinshasa, La cartomancie du territoire, Chambres d'écho et (Dé)tourner sa langue.

  1. Tous les revenus de billetterie seront remis à l'Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). Les personnes qui ne peuvent pas assister à la lecture-bénéfice et qui souhaitent faire un don, peuvent le faire directement via le site de l'UNRWA
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Embrasser les pieds de son enfant

21 octobre, par Mohamed Lotfi — , ,
À force de le lui répéter, il avait fini par les croire, ses geôliers : « Ta famille est morte, tu n'as plus rien. » Ni maison, ni épouse, ni lueur au bout de la nuit. Les (…)

À force de le lui répéter, il avait fini par les croire, ses geôliers : « Ta famille est morte, tu n'as plus rien. »

Ni maison, ni épouse, ni lueur au bout de la nuit. Les bombes lui auraient tout pris : le toit, la table, le pain partagé, la douceur d'une voix aimée et le rire de son fils qui le gardait vivant. Derrière les barreaux de l'ennemi, il avait appris à respirer comme un mort : juste assez pour ne pas disparaître, pas assez pour espérer.

Il savait qu'à Gaza, chaque jour, des familles entières étaient effacées du monde en un souffle, sous les décombres. Les rues s'effondraient sur des corps sans sépulture. La mer, elle-même, semblait lasse de porter tant de désespoir. Sa famille, pensait-il, avait été engloutie parmi tant d'autres.

Et puis, le matin du 13 octobre 2025, ses geôliers vinrent le chercher. Son nom figurait sur la liste des 1 968 captifs palestiniens libérés dans le cadre d'un accord d'échange d'otages. Une liberté sans contours, presque irréelle. Dans le bus, les libérés, vêtus de gris, portaient en eux une absence, un deuil suspendu. Quand les roues touchèrent enfin la terre de Gaza, le vent lui apporta l'odeur mêlée de la poussière et du sel. Il marcha vers ce qu'il restait de son immeuble. Il monta les escaliers comme un revenant revenu d'un autre monde. Ses pas pesaient autant que les ruines. C'était un homme qui n'attendait plus rien.

Avant de tourner vers le couloir qui menait à son appartement, une femme, qui ressemblait étrangement à la sienne, apparut et se jeta sur lui. Une silhouette frêle, vêtue d'un voile noir, le visage creusé. Elle était là. Vivante. Amaigrie, tremblante, mais debout. Il crut à un mirage. Son cœur se souleva, un coup de tonnerre dans la poitrine. Il la prit dans ses bras, la serra, la broya presque, haletant, ivre de joie et d'effroi. Il aurait voulu mourir là, contre elle, tant la vie redevenait brûlante, insoutenable.

Et puis, derrière la femme, une petite ombre s'avança. Un enfant. Son fils. Leur fils. Aussi vivant et aussi beau qu'il l'avait laissé. L'homme tomba à genoux. Il se jeta sur les pieds de l'enfant pour les embrasser. Ses lèvres se posèrent sur ces pieds nus, écorchés, ces pieds qui avaient marché, tremblé, survécu à la guerre. De tout son corps, il se pencha, comme on prie. Comme on demande pardon à la vie d'avoir cessé d'y croire. D'avoir douté d'elle.

Puis une petite fille se présenta à son tour, dans les bras de sa grand-mère, plus intimidée que son frère. Ce hall d'immeuble éventré fut le théâtre d'un retour, d'une renaissance.

Autour de la famille de nouveau réunie, Gaza restait en ruines. Mais dans ce geste, humble et infini, il y avait tout ce que les bombes n'avaient pas su détruire : le cœur indestructible d'un peuple qui, même blessé jusqu'à l'âme, continue d'aimer et d'exister.

Mohamed Lotfi
14 Octobre 2025

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Tutoyer la mer : la poétique du vertige chez André Fouad

21 octobre, par Marvens Jeanty — ,
*En pleine lune de Montréal* *J'ai le cœur nomade d'Emile Nelligan* *qui tisse à la folie des jours verglas* *de toutes les randonnées* *j'ai la tête* *les mains (…)

*En pleine lune de Montréal*

*J'ai le cœur nomade d'Emile Nelligan*

*qui tisse à la folie des jours verglas*

*de toutes les randonnées*

*j'ai la tête*

*les mains habiles de José Martí*

*labourant les mers*

*fumant les cigares d'Havana*

*pour les villes, pour les nuits*

*qui tournent le dos à la mer*

*la vie est un théâtre ambulant*

*de scènes en scènes*

*de lumières en lumières*

*de vestiaires aux vestiaires*

*la poésie m'aura allumé les sirènes*

*en pleine lune de Montréal*

*j'ai failli être heurté par un camion*

*couleur de mon sofa à l'italienne*

*se moquant de l'air des Tim Horton. (Page 57)*

Chaque titre des poèmes révèle tout un travail de création extraordinaire, où entre l'art de créer et de dire le monde, on y trouve de la musicalité. Il y a des titres qui annoncent un livre ; d'autres le contiennent déjà. Celui
qui ouvre le recueil de André Fouad : Silence, *Je tutoie encore la mer* appartient à la seconde catégorie. Il est à la fois manifeste et poème, lecture et promesse, trapèze et vertige. Tout y dit la poésie comme exercice de funambule, comme équilibre entre le sens et son effacement, entre le jeu et la gravité. Dès la première phrase *« Ce livre est un trapèze »* le ton est donné : l'auteur ne nous invite pas à lire, mais à basculer. À entrer dans une langue suspendue, tendue entre la mer et le ciel, entre la certitude du mot et l'abîme du silence.

André Fouad fait de son recueil de poèmes le lieu d'une tension extrême : celle du poète face à la mer, du langage face à son propre vertige. L'acte d'écrire y devient un exercice spirituel, un combat intérieur, une foi qui
se cherche dans la beauté fragile du monde. Ce texte ne se contente pas de dire le monde dans ses amertumes et ses moments d'euphorie ; il en porte déjà la respiration, il en dessine la philosophie. En cela, il mérite
d'être lu comme une œuvre en soi, comme la première page d'un évangile de la mer et du verbe.

*Voix de tête, voix de mer*

*Et les bras ouverts*

*vers les lampadaires de mon enfance*

*je hurle mes slogans d'exilé*

*avec la voix de tête*

*à qui veut l'entendre*

*à qui veut dessiner plus de croquis*

*pour la nuit*

*qui arrache ses propres cheveux blancs*

*debout*

*je suis ce poème*

*à l'image de la mer toute nue*

*buvant le calice de tous les contrecoups. (Page 73)*

*Le poète comme maître du jeu, l'autorité du sens et sa fragilité*

Celui qui écrit est maître du jeu. Le droit du sol gît ici brisé sur du papier. »* Le poète, maître du jeu, devient aussi maître d'un territoire nouveau : celui du langage. En brisant *le droit du sol*, il renonce à l'appartenance géographique pour fonder une patrie de mots. L'écriture, dès lors, n'est plus seulement esthétique ; elle est politique. Elle se dresse contre les frontières, les appartenances forcées, les assignations identitaires.

Le papier devient une terre d'accueil : *« pour faire habiter les plus belles saisons »*. La poésie, ici, fait office de refuge, de sol imaginaire où le poète peut planter ses racines sans les enchaîner. André rejoint ainsi une lignée de poètes de l'exil et de la diaspora, d'Édouard Glissant à Derek Walcott, pour qui le verbe devient territoire, et la mer, mémoire collective.

Pourtant, ce « maître du jeu » n'est pas un despote du sens. Il règne sur les mots, mais les laisse vivre, se contredire, s'échapper. La phrase *« On saute. On hurle. On aime par-dessus bord. »* dit bien cette liberté du
geste poétique. Le poète n'impose pas une direction ; il se laisse porter par la houle du langage. Son autorité naît du renoncement : il ne domine pas la langue, il l'accompagne dans sa démesure.

*Leçons d'histoires*

*Que deviendrais-je*

*sans cet éternel bout de mer*

*de mes onomatopées fétiches*

*des nuages taillés sur mesure*

*pour la beauté infinie*

*des contes de l'aube en veilleuse*

*devinez !*

*Je n'ai pas encore acquitté mes dettes*

*envers elle*

*et ses alliés. (Page 77)*

*La mer comme horizon spirituel et politique*

La mer traverse le texte comme un personnage à part entière. Elle est présence, interlocutrice, parfois même divinité. *« Silence, Fouad tutoie la mer, parce que la mer est la seule perspective à la toile des cheminots.
»*Le tutoiement traduit une intimité rare, presque sacrilège. Le poète parle à la mer comme à un égal, non comme à un mythe lointain. Il la regarde, la défie, la supplie. Dans cette familiarité se joue toute la tension du texte : oser tutoyer l'infini, s'adresser au mystère sans le réduire.

La mer est ici à la fois le miroir du monde et son envers. Elle reflète les dérives des *« villes-marchés »*, ce vacarme de la modernité marchande, mais elle offre aussi un espace de résistance : un lieu où *« le barouf des
villes
»* se tait, où l'humain retrouve son souffle.

Écrire face à la mer, c'est aussi écrire contre l'oubli. André évoque *« la mer »* comme un cimetière du sens, mais aussi comme une matrice d'humanité. Semer *« le blues dans la neige »* pour *« réchauffer le bord de mer »* : cette image magnifique condense toute la poétique du métissage. La neige et la mer, le froid et le chant, le nord et le sud : le poète fait dialoguer les contraires. Son écriture se situe dans cet entre-deux, ce lieu fragile où les cultures se rencontrent sans se dissoudre.

Ainsi, le recueil semble s'inscrire dans une géographie du passage : *« Yaoundé, Tel-Aviv, les soleils des Arawak »*. Autant de lieux réels et mythiques qui dessinent une cartographie poétique du monde. André Fouad
fait de la mer le fil qui relie les continents, une mémoire liquide où se croisent les destins des peuples. En cela, sa poésie rejoint la vision archipélique de Glissant : celle d'un monde où les identités ne s'opposent
pas, mais se répondent.

L'oiseau de Bashô

Va où tu veux paisiblement

et réjouis-toi avec tes pairs

fais de tous les territoires ton nouvel idylle

du Japon à Tel Aviv

de Yaoundé aux îles Seychelles

et ajoute à ton éternité des Haïkus

pour ta terre vagabonde et codée (Page 21)

*Une écriture chorégraphique, la danse du verbe*

Ce livre est une danse. Des mots comme des pas. »* Cette phrase pourrait résumer à elle seule la poétique de André Fouad. Le langage n'est pas ici une structure logique, mais un mouvement, une
respiration. Le poète avance par élans, par hésitations, comme un danseur face à la mer. Chaque mot est un pas qui risque la chute, chaque vers, un saut dans le vide.

Cette musicalité traverse la préface de bout en bout : le rythme court, syncopé, scandé par les anaphores et les ruptures. *« On saute. On hurle. On aime par-dessus bord. »* La répétition devient pulsation. Le texte
semble vouloir retrouver la source orale de la poésie, cette vibration première où le mot n'est pas encore figé par la grammaire.

La danse des mots rejoint la danse du monde. Le poète n'est pas spectateur : il est corps en mouvement, corps en lutte. Son écriture est à la fois sensuelle et spirituelle, consciente que le verbe n'existe qu'à travers le
souffle qui le porte. Dans cette dimension rythmique, André Fouad s'inscrit dans une tradition de la parole vivante, celle des griots, des conteurs, des diseurs qui font de chaque mot un acte.

Mais la danse n'est pas qu'esthétique : elle est résistance. *« Ce livre, à force d'anticiper sur la mer, atténue le barouf des villes-marchés. »* Face au bruit du monde, la poésie devient silence actif, mouvement intérieur.
Danser, c'est refuser l'immobilité imposée par la société du profit ; c'est choisir la grâce contre le calcul, la lenteur contre la vitesse.

*Valser sous la pluie à Rio*

*Mon ombre danse pleinement*

*sous une pluie de débris d'étoiles*

*carrefour de tant de papillons-Rio*

*qui allument leurs torches de détresse*

*exilé d'un soir*

*et de tous les soirs*

*l'amour s'efface au rythme d'une chanson*

*aussi terne*

*que les clichés de la pluie. (Page 83) *

*Le tutoiement de la mer, l'audace du poète*

Le dernier mouvement de texte s'achève sur une tension subtile : celle du tutoiement. *« Ce tutoiement à la limite d'un soft outrage marque un tournant dans ce voyage à vive allure d'un poète encore loin de son
horizon
. »* Tutoyer la mer, c'est oser parler à l'absolu sans s'y soumettre. C'est poser le geste poétique comme acte de courage, mais aussi d'humilité : reconnaître la grandeur de ce qui nous dépasse, tout en affirmant notre
droit à la parole.

Ce tutoiement dit la maturité d'un poète conscient de son chemin : encore loin de l'horizon, mais déjà debout, face au vent. Il marque une étape dans la quête d'une langue personnelle, une langue capable d'embrasser le monde sans le dompter.

L'expression *« soft outrage »* résume à merveille la posture de André Fouad : une rébellion douce, un refus élégant, une manière de défier le monde sans violence, mais sans soumission. La poésie, ici, n'est ni fuite
ni protestation : elle est négociation avec le réel, pacte fragile entre l'homme et l'infini.

*Elle-ailée*

*aux songes d'éternité des cailloux*

*elle m'a tant semé*

*des poèmes-araignées*

*qui riment avec la spirale des calembours de feu*

*de ma ville*

*pour la clémence de la mer*

*l'Eldorado d'un vent en fa majeur. (Page 19)*

*Le vertige comme foi*

Ce texte, dense et lumineuse, n'est pas une simple entrée en matière vers la description des maux de l'humanité : il est déjà l'œuvre. En déclarant *« Ce livre est un acte de foi »*, André Fouad définit la poésie comme un espace de croyance sans dogme, une prière sans église. Son écriture cherche moins à convaincre qu'à convertir le regard, à rendre visible ce qui, dans la mer comme dans le monde, échappe à la mesure humaine.

André Fouad est de ces poètes qui ne décrivent pas : ils révèlent. Sa langue, tantôt abstraite, tantôt sensuelle, tisse une vision du monde où la beauté naît du tremblement. Dans ce texte, il n'y a pas de certitude,
seulement des élans, des gestes, des silences. Le poète ne veut pas expliquer la mer : il veut la danser.

Et c'est sans doute là, dans ce vertige, que réside la grandeur de sa poésie. Tutoyer la mer, c'est apprendre à tutoyer l'inconnu, à accepter que le sens se dérobe tout en continuant à le chercher. Ce recueil, annoncé
comme un *trapèze*, devient alors un miroir : celui d'une humanité suspendue entre la chute et la grâce, entre la foi et le jeu, entre le silence et la parole.

Lire André Fouad, c'est marcher au bord du vide et découvrir, à force de vertige, que le vide aussi peut chanter.

*NB : Silence, Je tutoie encore la mer, Juin 2025, Éditions Milot*

Marvens JEANTY

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La réception ternaire de Hegel au 20e siècle

Colloque international bilingue ouvert au grand public organisé par Centre d'études en pensée politique (CEEP) Centre canadien d'études allemandes et européennes (CCEAE) (…)

Colloque international bilingue ouvert au grand public organisé par Centre d'études en pensée politique (CEEP) Centre canadien d'études allemandes et européennes (CCEAE) Département de science politique L'Université du Québec à Montréal (UQAM). Andreas Arndt – Andy Blunden Martin Jay – Michael Löwy Zoë Anthony – Jan Bierhanzl – Kaveh Boveiri - Sevgi Doğan – Patrick Eiden-Offe – Ivan Landa Petr Kužel – Aude Malkoun-Henrion
Animation – Moderation
Isabelle Le Bourdais – Niloofar Moazzami

La réception ternaire de Hegel au 20e siècle Lukács, Goldmann, Kosík

Horaire 23 & 24 oct. 2025

** Première journée – *
Jeudi–Thursday 23 oct. 2025 9 h 00 – 16 h 50 Université du Québec à Montréal Département de science politique (R-3570)

9 h 00 – 9 h 50
Réception — Café
9 h 50 – 10 h 00
Welcoming Address Centre canadien d'études allemandes et européennes (CCEAE)
Déborah Barton
10 h 00 – 10 h 10
Mot de bienvenue Centre d'études en pensée politique (CEEP)
Lawrence Olivier
10 h 10 – 10 h 20
Introduction au colloque – Conference presentation Département de science politique de l'Université du Québec à Montréal (UQAM) Kaveh Boveiri
10 h 20 – 11 h 20
Conférence d'ouverture
Michael Löwy Directeur de recherche (émérite) au CNRS
Lucien Goldmann, marxiste pascalien
11 h 20 – 12 h 00
Kaveh Boveiri Université du Québec à Montréal
Lukács et Heidegger : relu 50 ans plus tard
12 h 00 – 12 h 20 PAUSE SANTÉ
12 h 20 – 13 h 00
Ivan Landa Institute of Philosophy, Czech Academy of Sciences
Beyond the Paradigm of Production : Kosík and Hegel
13 h 00 – 14 h 30 PAUSE DÎNER
14 h 30 – 15 h 10
Petr Kužel Institut de philosophie de l'Académie des sciences de la République tchèque
Le monde du pseudo-concret et l'idéologie : Les racines hégéliennes de l'œuvre de Karel Kosík
15 h 10 – 15 h 50
Jan Bierhanzl Faculté des humanités de l'Université Charles
Kosík comme critique du paradigme activiste ?
15 h 50 – 16 h 10 PAUSE SANTÉ
16 h 10 – 16 h 50
Aude Malkoun-Henrion Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
La notion de l'aliénation : mutations lukácsiennes

** Deuxième journée Vendredi–Friday 24 octobre 2025
9 h 30 – 18 h 00 Université du Québec à Montréal Département de philosophie (W-5215)

9 h 30 – 10 h 00
Réception — Café
10 h 00 – 11 h 00
Conférence principale
Andreas Arndt Humboldt-Universität zu Berlin
Lukács's Reception of Hegel
11 h 00 – 11 h 40
Zoë Anthony University of Tampa
Lukács contra Nietzsche : Apocalypticism and the Question of Morality
11 h 40 – 11 h 50 PAUSE SANTÉ
11 h 50 – 12 h 30
Patrick Eiden-Offe Leibniz-Center for Literary and Cultural Research (ZfL) in Berlin
‘The Young Hegel' as the young Lukács : A case study in disguised autobiography'
12 h 30 – 14 h 30 PAUSE DÎNER
14 h 40 – 15 h 20
Sevgi Doğan Scuola Normale Superiore di Pisa
Hegel's Influence on Gramsci and Luxemburg : A Philosophical Relationship
15 h 20 – 15 h 30 PAUSE SANTÉ
15 h 30 – 16 h 30
Conférence principale
Martin Jay Berkeley
The Dialectics of Abstraction and Concreteness : Habermas and Sohn-Rethel
16 h 30 – 17 h 00 PAUSE SANTÉ
Conférence de clôture
Andy Blunden Marxists Internet Archive
How Marx Used Hegel
https://www.ethicalpolitics.org/ablunden/works/capital-structure.htm
17 h 00 – 18 h 00
Mot de clôture
18 h 00 – 18 h 10
Animation – Moderation
Isabelle Le Bourdais – Niloofar Moazzami

Lien zoom
https://umontreal.zoom.us/j/81385055583?pwd=xUZwbWulokjiaMkUeV7npI3e4Lduca.1

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L’affrontement sino-américain pour le contrôle du numérique

21 octobre, par Benjamin Bürbaumer — , , ,
Tous avec Trump. Le retournement de veste tout à fait spectaculaire de la Silicon Valley est un événement majeur de la politique américaine contemporaine. Traditionnellement (…)

Tous avec Trump. Le retournement de veste tout à fait spectaculaire de la Silicon Valley est un événement majeur de la politique américaine contemporaine. Traditionnellement proches du Parti démocrate, les milliardaires du numérique se sont retrouvés derrière Donald Trump lors de son investiture à la présidence des États-Unis en 2025, et constituent depuis un des piliers du bloc au pouvoir à Washington.

Tiré de la revue Contretemps
14 octobre 2025

Par Benjamin Bürbaumer,

Dans cet article, Benjamin Bürbaumer, auteur du livre Chine/États-Unis, le capitalisme contre la mondialisation (La Découverte, 2024), analyse ce ralliement sous l'angle de la confrontation entre les États-Unis et la Chine pour le contrôle du numérique.

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Cette évolution conduit directement vers les contradictions du capitalisme mondial. Certes, le ralliement de la Silicon Valley à Trump a également des racines domestiques : avec Lina Khan à la tête de l'autorité de la concurrence, l'administration Biden avait tenté de freiner la monopolisation du numérique [1]. En complément, un danger d'une toute autre taille guette la Silicon Valley depuis l'autre rive de l'Océan pacifique. Au cours des 20 dernières années, la Chine a connu un essor technologique spectaculaire. Aujourd'hui, les géants du numérique chinois concurrencent sérieusement leurs adversaires américains.

Difficile de surestimer l'enjeu : en effet, ce dernier va au-delà même d'une bataille dans laquelle les multinationales de chaque côté du Pacifique tentent de gagner des parts de marché ; en réalité, la bataille porte sur le contrôle du marché mondial en tant que tel. Pour s'en rendre compte, il faut procéder à une analyse du capitalisme mondial contemporain. Un tel examen permet de comprendre la radicalisation de la Silicon Valley, qui soutient ainsi une politique américaine de plus en plus agressive, dont les effets n'épargnent aucun autre pays au monde – il suffit de penser à la politique douanière du président Trump. Retraçons donc les contours de la composante numérique de la rivalité sino-américaine afin de mieux comprendre la tempête qui secoue la politique mondiale.

L'infrastructure du capitalisme mondial

Habituellement, la mondialisation est définie comme « une interconnexion croissante à l'échelle mondiale » qui résulterait avant tout « de l'accroissement des mouvements de capitaux financiers et de biens et services »[2]. Pourtant, la mondialisation n'est pas seulement la multiplication des flux, c'est aussi une dynamique politique. La démonstration de ce fait est un des acquis majeurs des recherches en économie politique internationale : il apparaît ainsi que la mondialisation est un processus sous supervision des États-Unis [3]. Ces derniers ont impulsé la mise en place d'un véritable marché mondial, interviennent en pompier en chef lors de ses crises et contrôlent les infrastructures sur lequel il repose.

La mention des infrastructures mérite une précision : notre conception de l'infrastructure va donc au-delà de la définition conventionnelle qui comprend des dispositifs comme les routes, les barrages et les réseaux électriques. Ces derniers font partie des infrastructures physiques, mais le marché mondial s'appuie également sur des infrastructures monétaires (qui rendent possible les paiements), techniques (les normes et réglementations techniques), militaires (les bases militaires) et numériques (les technologies de pointe). C'est seulement en présence de toutes ces infrastructures que l'offre et la demande peuvent effectivement se rencontrer à l'échelle mondiale.

Afin de saisir la portée heuristique de cette compréhension large de l'infrastructure, il convient de lui adjoindre le concept de « pouvoir structurel » [4]. En complément aux conceptions traditionnelles du pouvoir comme capacité de l'acteur A à dicter directement la conduite de l'acteur B – le pouvoir structurel renvoie à la capacité d'un État à déterminer les conditions de participation des États, entreprises et autres acteurs aux affaires mondiales. Décider du cadre d'une interaction, c'est canaliser son résultat, sans pour autant intervenir directement. Les infrastructures au sens large incarnent concrètement le pouvoir structurel. En d'autres termes, l'exercice du pouvoir structurel passe dans les faits par le contrôle des infrastructures que d'autres acteurs doivent utiliser dans le but de réaliser des transactions.

Le contrôle des infrastructures sur lesquelles se fonde la mondialisation est à la fois un gage de profits exceptionnels et une source de pouvoir politique extraterritorial. Concernant l'aspect économique, les « ressources sont extraites le plus efficacement de manière invisible, c'est-à-dire par le biais d'une conformité de routine et non de la coercition [5] ». C'est leur nature tacite qui transforme les infrastructures en vecteur de prospérité hors normes.

En parallèle, les infrastructures offrent un pouvoir d'intervention unique à celui qui les contrôle. Le concept de goulet d'étranglement aide à mieux voir les contours de cette possibilité de contrôle. Il désigne les « endroits qui limitent la capacité de circulation et ne peuvent pas être facilement contournés, si tant est qu'ils le soient [6] ». Contrôler les goulets d'étranglement, c'est contrôler la circulation mondiale et les bénéfices associés.

La multiplication des flux commerciaux et financiers typique de la mondialisation va donc de pair avec la multiplication du pouvoir des gardiens des infrastructures. Il s'ensuit que le contrôle des infrastructures de l'économie mondiale est une source de pouvoir extraordinaire. Lorsque ce dernier est remis en cause, des conflits tout aussi extraordinaires se produisent. Pendant des décennies, le contrôle des infrastructures de la mondialisation était donc un multiplicateur de richesse et de puissance pour les États-Unis.

Leurs conséquences redistributives et politiques colossales constitueraient une raison largement suffisante pour étudier les infrastructures. Il s'ajoute néanmoins une troisième raison : si nous sommes particulièrement attentifs aux infrastructures, c'est également parce que, plus que n'importe quel différend international ponctuel aussi spectaculaire soit-il (un ballon chinois survolant les États-Unis…), ce qui singularise les conflits autour des infrastructures est leur enjeu de pérennité. Une fois une infrastructure en place, elle façonne durablement les flux mondiaux. Les batailles d'infrastructures produisent donc des effets persistants, qui verrouillent le champ des possibles pendant un temps considérable.

Par conséquent, les batailles infrastructurelles actuelles entre les États-Unis et la Chine sont un indice clé de l'intensité de leur rivalité. En effet, toute puissance aspirant à maintenir ou modifier les relations internationales en sa faveur a intérêt à façonner ces domaines réputés techniques, mais en réalité hautement politiques. C'est grâce aux systèmes de paiement, aux normes techniques, aux canaux de surveillance des voies maritimes et autres dispositifs que les marchandises et les capitaux peuvent circuler dans le monde. Sans infrastructures, pas de profits, et sans profits, pas d'États puissants.

Ainsi, ce texte confère aux infrastructures de la mondialisation une épaisseur stratégique cruciale qui annonce les lignes de fracture du futur. Après avoir bien cerné l'enjeu général des infrastructures bien cerné, nous pouvons désormais nous tourner vers la contestation chinoise de l'infrastructure numérique de la mondialisation [7].

L'essor technologique spectaculaire de l'infrastructure numérique de la Chine

L'ambition chinoise de remplacer les infrastructures américaines par des alternatives sino-centrées n'est nulle part aussi avancée que dans le domaine du numérique. Afin de comprendre que la maîtrise des technologies numériques de pointe équivaut au contrôle d'une infrastructure il est indispensable de connaître la forme contemporaine de la division internationale du travail : la chaîne globale de valeur.

Schématiquement, plutôt que de fabriquer un produit de A à Z dans une seule usine – comme cela fut le cas sous le fordisme –, la production est aujourd'hui dispersée à travers une multitude de pays. Derrière l'apparence d'une simple réorganisation technique de la division géographique du travail se cachent des changements majeurs dans les rapports de forces entre capitaux des pays avancés et capitaux des pays périphériques, mais aussi, plus généralement, entre travail et capital.

Les protagonistes des chaînes globales de valeur sont les firmes leaders. Ces multinationales –souvent d'origine américaine, et dans une moindre mesure européenne – supervisent la fabrication d'un bien à partir d'une série d'usines dispersées dans différents pays, chacune fournissant un bien intermédiaire indispensable à l'assemblage du bien final, qui a lieu dans des pays où le coût de la main-d'œuvre est faible.

Cette configuration est hautement profitable pour les leaders dans la mesure où elle permet de réduire les risques par la diversification géographique des implantations, de baisser les coûts de production (travailleurs, terres, énergie, matières premières, réglementations environnementales) et d'augmenter la flexibilité. Toutes ces caractéristiques redressent la profitabilité du leader au détriment des nombreux fournisseurs, et surtout de leurs travailleurs.

Une fois la configuration exposée, se pose la question comment les firmes leaders réussissent à contrôler leurs fournisseurs de sorte à s'approprier l'essentiel des profits. La réponse se trouve dans les technologies clés. Les firmes leaders sont généralement des grandes firmes issues des pays avancés dont l'activité se concentre notamment sur la propriété des technologies clés nécessaires au fonctionnement de toute la chaîne. La technologie devient ainsi un nœud stratégique qui rend la production, et donc l'exploitation et l'appropriation de profits, possible à l'échelle mondiale. Le contrôle des technologies de pointe devient ainsi un goulet d'étranglement similaires aux autres infrastructures du marché mondial.

Une fois établi comment les firmes multinationales américaines s'enrichissent grâce aux chaînes globales de valeur, il convient désormais d'élucider dans quelle mesure cette configuration est menacée par la montée en puissance de la Chine. Si nous parlons non pas d'infrastructure technologique en général mais plus précisément d'infrastructure numérique, c'est parce qu'aujourd'hui la technologie de pointe est la technologie numérique. Cette technologie fait aujourd'hui l'objet d'une bataille aussi intense entre la Chine et les États-Unis parce qu'elle est susceptible de chambouler les rapports de forces mondiaux. Pour le voir, il est nécessaire de s'intéresser aux ondes longues des paradigmes techno-économiques [8].

En effet, du point de vue des technologies, l'histoire du capitalisme correspond à une succession de technologies paradigmatiques qui irriguent l'ensemble de l'économie et génèrent ainsi des gains de productivité. Chacune de ces ondes dure environ 50 ans. Lorsque l'économie mondiale passe d'une onde à une autre, des opportunités exceptionnelles s'ouvrent et peuvent permettre aux pays technologiquement en retard de réaliser un grand bond en avant.

Le développement technologique étant un processus cumulatif, les retardataires courent habituellement toujours derrière les pays précurseurs – du moins, tant qu'on reste dans la même onde. À l'heure de la mise en place d'une nouvelle onde, l'avance en compétences et savoirs en ingénierie et en équipements associés, cumulée par les précurseurs lors du paradigme techno-économique précédent, perd largement sa valeur. Le remplacement d'une onde par la suivante crée donc une situation très rare. Les retardataires peuvent alors, en s'engageant pleinement dans le développement des technologies du nouveau paradigme, se propulser à la frontière des connaissances et dépasser les précurseurs historiques.

L'actuel passage à l'onde du numérique représente justement une telle opportunité. La Chine s'en est pleinement saisie avec son plan de développement de technologies indigènes mise en place en 2006. Jusqu'alors, elle misait sur la volonté des multinationales étrangères de partager leurs connaissances, ce qu'elles refusaient catégoriquement (justement parce que le contrôle monopolistique des technologies leur permet de dominer les chaînes globales de valeur). Face à cet échec, un changement de stratégie s'est imposé. Publiée en 2006, la nouvelle orientation sera confirmée par la suite avec une variété de plans sectoriels.

La Chine contemporaine est une illustration magistrale du développement inégal et combiné du capitalisme. En effet, les instruments ayant permis à la Chine de se saisir des technologies numériques sont étroitement associés à son intégration bien spécifique dans la mondialisation en tant que régime d'accumulation intense et extraverti. L'extraversion manufacturière dans une économie mondiale organisée en chaînes globales de valeur signifie que tous les jours les composants techniques les plus sophistiqués passent dans les usines chinoises chargées de les assembler en produits finaux. Être l'usine du monde, c'est bénéficier d'innombrables possibilités d'apprentissage et d'ingénierie inversée.

L'extraversion exerce aussi une pression extrême sur les salaires, qui libère d'autant plus de capital permettant de réaliser des investissements dans la production industrielle. L'effet de grande disponibilité des capitaux est amplifié par les autorités chinoises, qui gardent un contrôle important sur une série de leviers économiques, notamment financiers et réglementaires et pratiquent un type de planification. Grâce à ces outils, elles sont capables d'encourager l'accélération technologique. Le changement de stratégie de 2006 s'appuie sur ces caractéristiques uniques de l'insertion subordonnée de la Chine dans la mondialisation : il les met au service d'un bond en avant numérique. Le plan de relance contre la crise de 2008-09 n'a fait que renforcer cette dynamique.

Les effets de la planification chinoise en faveur de l'innovation peuvent être évalués grâce aux chiffres sur les dépôts de brevets. Plus précisément, il faut consulter les données relatives aux familles de brevets triadiques. Elles désignent le dépôt simultané d'un même brevet dans plusieurs pays, notamment les trois offices des brevets les plus importants – situés aux États-Unis, dans l'UE et au Japon –, qu'on appelle la « triade ». Un tel dépôt triadique indique que le déposant estime détenir une nouveauté d'une valeur mondiale.

La figure ci-dessous montre qu'entre 1995 et 2006, la part chinoise dans les dépôts mondiaux de brevets triadiques dans le domaine des technologies de l'information et de la communication reste quasiment immuable. Pendant cette période, la Chine est technologiquement inexistante. Ensuite, une ascension remarquable commence, avec un passage de 1 % à 23 en 2020. En cours de route, la Chine n'a pas seulement doublé les pays de l'Union européenne ; les dernières données disponibles indiquent même qu'elle a dépassé les États-Unis.

Cette montée en puissance technologique ne permettra pas seulement aux entreprises chinoises de se hisser à la tête d'une série de chaînes de valeur dans un futur proche – et de concurrencer ainsi directement les profits des multinationales américaines (et européennes) – elle les autorise également à influencer de manière décisive l'infrastructure numérique de l'économie mondiale. Autrement dit, la capacité de la Chine à dicter les règles du jeu augmente et la rapproche de l'objectif d'un capitalisme global sino-centré.

Il ne faut toutefois pas surestimer ce graphique. Toutes les familles de brevets triadiques ne se valent pas. Les Etats-Unis conservent, par exemple, une avance notable en matière d'intelligence artificielle générative et leurs géants du numériques entendent peser de tout leur poids pour préserver la supériorité technologique américaine [9]. Néanmoins, la position dominante de la tech américaine, qui fut totalement incontestée pendant des décennies, est désormais sérieusement mise en cause. Voilà de quoi mieux comprendre le ralliement d'une partie importante de la Silicon Valley aux politiques plus agressives de Trump.

Cette lecture en termes d'ondes techno-économiques permet par ailleurs de comprendre pourquoi les Etats-Unis imposent des sanctions de plus en plus larges sur le numérique chinois. La bataille des semi-conducteurs vise justement à priver la Chine des composants indispensables aux innovations de pointe, et, par ce biais, de l'enfermer dans une position de retardataire technologique. Eclipsée par la bruyante « guerre commerciale », la plus discrète bataille des puces – et la riposte chinoise par l'intermédiaire des restrictions d'exportations de matières stratégiques – concentre les véritables enjeux. Car, à travers elle, il ne s'agit plus simplement de transformer la circulation des marchandises, mais de contrôler les capacités de production en tant que telles. La prétention américaine à superviser le capitalisme global implique aussi la volonté de déterminer le retard que la Chine doit conserver par rapport à la frontière technologique.

De l'accumulation au conflit inter-impérialiste

Si l'analyse des infrastructures du marché mondial permet de comprendre la profondeur et la durabilité du conflit entre la Chine et les Etats-Unis, la forme du champ de bataille ne peut expliquer la raison fondamentale du conflit. Afin d'élucider cette dernière, une série de contributions par des chercheurs divers met l'accent sur l'arrivée du pouvoir de dirigeants plus agressifs. L'explication du conflit sino-américain se trouverait donc soit du côté américain, avec l'arrivée au pouvoir du premier Trump en 2016 [10], soit du côté chinois avec le président de Xi Jinping en 2013 [11], voire des deux en même temps [12].

Pourtant, ces explications individualisantes échouent à rendre compte du fait que les tensions sino-américaines s'intensifient dès les années 2000. La prise en compte de ce fait incite à adopter une explication fondée sur une approche d'économie politique internationale. A partir de cette perspective, une idée centrale simple émerge : le capitalisme mine la mondialisation. Le paradoxe de la montée en puissance de la Chine, c'est qu'en devenant capitaliste, elle s'est trouvée contrainte de saper le processus même qui a permis son essor, à savoir la mondialisation. En conséquence, elle ambitionne à remplacer cette dernière par un marché mondial sino-centré. Cette contestation la place directement sur les rails de la confrontation avec les États-Unis.

C'est donc le processus contradictoire d'accumulation du capital qui produit la fragilisation de la supervision américaine de l'économie mondiale. Pour s'en convaincre, il suffit de retracer les grandes étapes de la formation du marché mondial. Son point de départ se trouve dans les États-Unis des années 1970, où les firmes subissent une grave crise de baisse du taux de profit. Afin de redresser leurs affaires, une partie d'entre elles – le capital transnational américain qui est incarné par les firmes multinationales – flirtent avec l'idée d'étendre les activités au-delà des frontières nationales.

Désespéré de trouver une voie de sortie de crise, acculé par le chômage, une intensification de la lutte des classes et d'autres mobilisations contestataires, l'État américain met en œuvre le souhait le plus cher du capital transnational américain : la création d'un véritable marché mondial. Il endosse le rôle de superviseur en chef d'une mondialisation en construction.

Au même moment, la Chine traverse une période de forts troubles économiques qui ouvre la voie à la transformation capitaliste du pays. En effet, la fraction libérale du parti communiste chinois s'en saisit pour prendre le pouvoir. Une des composantes majeures de ce bouleversement est l'ouverture économique au reste du monde. La Chine intègre donc la mondialisation en cours de route, en y occupant une place subordonnée. Flairant la bonne affaire, les multinationales américaines perçoivent immédiatement le potentiel lucratif d'une main-d'œuvre très bon marché, nombreuse, formée et en bonne santé. Au fil des années, une part croissante des profits des grandes entreprises américaines vient effectivement de l'étranger et singulièrement de Chine. L'intégration de cette dernière à la mondialisation résulte donc d'une alliance de circonstances improbable entre des « communistes » chinois et des capitalistes américains.

Or, cette concordance cache des motivations divergentes. Côté chinois, la participation à la mondialisation se fonde sur l'ambition d'accélérer le développement national. Côté américain, cette participation reflète la volonté d'échapper à une crise structurelle par l'appropriation de profits à l'étranger. Les dirigeants américains ne sont donc pas favorables à n'importe quelle participation de la Chine à la mondialisation. Ils veulent bien lui accorder une place subordonnée. Si la Chine s'aventurait à sortir de ce sentier, non seulement la stabilité du capitalisme aux États-Unis prendrait un coup, mais ces mêmes dirigeants pourraient être amenés à revoir leur position sur la Chine, et la politique internationale plus généralement. Ces attentes divergentes quant à la place précise que la Chine doit prendre dans la mondialisation resurgissent avec les tensions actuelles.

Il n'empêche, dans un premier temps tout le monde semble y trouver son compte. En particulier les années 1990 apparaissent comme une période d'harmonie transpacifique. La croissance explose en Chine et le monde entier raffole des produits bon marché qui y sont fabriqués. De l'autre côté du Pacifique, les multinationales enregistrent des résultats hautement satisfaisants tout en pouvant offrir au consommateur américain, précarisé par des années d'inégalités croissantes, des biens de consommation abordables. Or, sous cet attelage en apparence gagnant-gagnant, les contradictions sont déjà à l'œuvre.

La contradiction la plus connue, mais pas la seule, concerne le commerce international (et les agissements du deuxième mandat de Trump indiquent qu'elle n'est toujours pas dépassée). Les États-Unis affichant des déficits commerciaux de plus en plus conséquents avec la Chine, des voix s'élèvent pour dénoncer la manipulation du taux de change de la monnaie chinoise. En parallèle, la Chine réalise une montée en gamme spectaculaire de sa production manufacturière, au point de concurrencer des producteurs américains.

Ces derniers répliquent en accusant les entreprises chinoises de leur avoir volé les technologies. Sans juger ce différend spécifique, il est vrai que, fondamentalement, sa participation à la mondialisation sous égide étatique donne à la Chine les outils pour passer du statut de simple fournisseur des multinationales américaines au statut de concurrent, voire de précurseur. Anesthésiées pendant les années de lune de miel, les attentes divergentes quant à la place de la Chine dans la mondialisation surgissent dès les années 2000.

Ces tensions s'accentuent à la suite de la crise de 2007-8. Pour échapper à cette dernière, la Chine met en œuvre un plan de relance dont l'un des effets est de renforcer la suraccumulation. L'écoulement des marchandises excédentaires sur le marché mondial et la quête d'investissements rentables à l'étranger offrent alors un répit. Autrement dit, la Chine cherche à dépasser la crise par l'extraversion. Ce faisant, les entreprises chinoises chassent encore un peu plus sur le terrain des multinationales américaines. Habituées au luxe de la position dominante sur le marché mondial, ces dernières apprécient peu les nouveaux concurrents. Au terme de trente ans de mondialisation, la crispation se répand même chez les grands gagnants de ce processus.

Nous écrivions que le paradoxe de la Chine est qu'en devenant capitaliste, elle a miné la mondialisation. La crispation du capital transnational américain en est une illustration, mais l'enjeu est plus profond que les parts de marché que les multinationales américaines craignent de perdre. Car, pour réussir leur pari du développement capitaliste accéléré dans le cadre d'une concurrence mondiale, les autorités chinoises ne peuvent se contenter de participer au jeu américain, il leur faut en créer un autre. En effet, les infrastructures encadrant la mondialisation ne sont pas neutres. Bien qu'elles permettent à toute firme désireuse d'y prendre part de le faire et de réaliser des profits, elles restent biaisées en faveur des sociétés américaines.

Les tensions sino-américaines sont aujourd'hui si vives car, fondamentalement, la Chine tente de remplacer la mondialisation par une réorganisation sino-centrée du marché mondial. Dans cette optique, elle poursuit la mise en place de nouvelles infrastructures à travers lesquelles les marchandises et capitaux pourront circuler dans le monde entier. Si donc les contradictions de l'accumulation du capital ont d'abord poussé les États-Unis à impulser la mondialisation, ces mêmes contradictions conduisent la Chine à la contester aujourd'hui.

Manifestement incapable de freiner l'essor technologique de la Chine, le Parti démocrate a déçu les attentes d'une partie substantielle du capital américain, notamment dans la Silicon Valley, qui s'est donc tourné vers l'approche plus agressive de Trump. Derrière le changement d'allégeance politique, le capital américain du secteur numérique poursuit donc toujours le même objectif. L'impératif structurel de l'accumulation forme ainsi la racine profonde d'un monde chaque jour plus secoué par des tensions entre grandes puissances. En cela, l'impérialisme est un phénomène pleinement contemporain.

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Cet article est d'abord paru en castillan dans Viento Sur.

Photo d'illustration : Wikimedia Commons.

Notes

[1] Benjamin Braun et Cédric Durand, « America's Braudelian Autumn ». Il convient de souligner que la Silicon Valley n'est pas pour autant politiquement homogène. Voir Olivier Alexandre, « Silicon Valley : « Beaucoup de figures ont vu l'élection de Donald Trump comme une opportunité » », 24/03/2025.

[2] Paul Krugman, Maurice Obstfeld et Marc Melitz, International Economics : Theory and Policy, Harlow, Pearson, 2018.

[3] Sam Gindin et Leo Panitch, The Making of Global Capitalism : The Political Economy Of American Empire, London, Verso Books, 2013.

[4] Susan Strange, States And Markets, London, Pinter, 1993.

[5] Herman Mark Schwartz, “American Hegemony : Intellectual Property Rights, Dollar Centrality, and Infrastructural Power,” Review of International Political Economy 26, no. 3 (2019) : 496.

[6] Jean-Paul Rodrigue, « Straits, Passages and Chokepoints : A Maritime Geostrategy of Petroleum Distribution », Cahiers de géographie du Québec, 2004, p. 357‑374, ici p. 359.

[7] Pour une analyse plus englobante des batailles d'infrastructure entre la Chine et les Etats-Unis, dans laquelle les Etats-Unis conservent une position favorable, voir Benjamin Bürbaumer, Chine/États-Unis, le capitalisme contre la mondialisation, Paris, La Découverte, 2024.

[8] Chris Freeman et Francisco Louçã, As Time Goes by : From the Industrial Revolutions to the Information Revolution, Oxford, Oxford University Press, 2001 ; Ernest Mandel, Long Waves of Capitalist Development : A Marxist Interpretation, London, Verso, 1995 ; Cecilia Rikap et Bengt-Åke Lundvall, The Digital Innovation Race, London, Palgrave, 2021.

[9] AI Index Report, Artificial Intelligence Index Report 2025, Stanford, Stanford University, 2025.

[10] Robert Boyer, Les capitalismes à l'épreuve de la pandémie, Paris, La Découverte, 2020.

[11] Joseph S. Nye, Soft Power and Great-Power Competition : Shifting Sands in the Balance of Power Between the United States and China, (Springer, 2023).

[12] Graham Allison, Vers la guerre : L'Amérique et la Chine dans le piège de Thucydide ? (Paris : Odile Jacob, 2019).

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Le « Nobel » d’économie Philippe Aghion ou les mésaventures de la théorie de la croissance

21 octobre, par Cédric Durand — , , ,
Quels sont les véritables liens entre l'innovation et la croissance ? L'économiste Cédric Durand revient sur les impasses intellectuelles des travaux sur le sujet de Philippe (…)

Quels sont les véritables liens entre l'innovation et la croissance ? L'économiste Cédric Durand revient sur les impasses intellectuelles des travaux sur le sujet de Philippe Aghion, tout juste primé par la Banque de Suède.

17 octobre 2025 | tiré du site alencontre.org | Photo : Philippe Aghion

L'approche néo-schumpetérienne de Philippe Aghion a largement inspiré les politiques économiques en Europe depuis le tournant des années 2000. Et singulièrement celle d'Emmanuel Macron dont il fut un proche conseiller au cours de son premier quinquennat. L'attribution du prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel – conjointement à son coauteur, Peter Howitt, et à l'historien de l'économie Joel Mokyr – résonne donc particulièrement dans l'Hexagone.

Alors que le pays traverse une crise politique majeure dont les causes remontent auxoppositions profondes que suscitent les politiques menées ces dernières années, la distinction accordée par le comité du prix de la banque de Suède donne l'occasion d'éclairer une théorie économique qui a fortement influencé les gouvernements depuis le tournant du siècle.

Une des grandes qualités de Philippe Aghion est de présenter de manière très claire les idées formalisées dans ses modèles, ce qui permet une large discussion. Sa thèse centrale trouve son inspiration dans les travaux de Joseph Schumpeter, qui lui-même reprend un thème que l'on trouve dans l'œuvre de Marx et de Rosa Luxemburg : l'innovation est le moteur du capitalisme ; la source de la croissance, c'est la destruction créatrice. « Le nouveau remplace l'ancien », comme le dit Philippe Aghion.

Son originalité est d'avoir, avec ses coauteurs, tenté de modéliser et de mesurer ce phénomène. Avec deux paramètres clefs.

Il faut de la flexibilité : des marchés libéralisés doivent permettre au travail et au capital de se redéployer dans l'économie afin que les innovations conduisent à une réorganisation effective du tissu productif conduisant à l'augmentation de l'activité économique.

Mais il ne faut pas trop de concurrence, sinon les innovateurs arrêteraient d'innover. Les entrepreneurs doivent être encouragés dans leurs projets productifs. Une faible fiscalité du capital et une forte protection de la propriété intellectuelle sont donc essentielles pour soutenir la croissance. Et si cela crée des inégalités, c'est un moindre mal. « Je prends », nous dit Philippe Aghion.

Croissance en berne

Le raisonnement de l'économiste se heurte toutefois à un problème. Il y a bien de plus en plus de brevets, son indicateur privilégié pour saisir l'innovation, mais la croissance ne cesse de décliner depuis les années 1960.

Alors il s'interroge. Pourquoi l'accélération de l'innovation ne se reflète-t-elle pas dans l'évolution de la croissance et de la productivité ? En fait, nous dit-il, la croissance est en réalité plus forte. La théorie est sauve, c'est un problème de thermomètre. Michel Husson éreinta cette tentative de rafistolage statistique. Et finalement Aghion lui-même doit se rendre à l'évidence. Changer la méthodologie ne fait rien à l'affaire : la croissance se situerait peut-être à un niveau plus élevé, mais la tendance est toujours au déclin. La théorie chancelle.

Depuis, Philippe Aghion multiplie les explications ad hoc. D'abord, il suppose que la sous-estimation de la productivité conduit à exagérer l'inflation. Résultat, les taux d'intérêt sont trop élevés et des investissements publics sont insuffisants. A moins que ce ne soit l'inverse ? « Le ralentissement de la croissance de la productivité dans la plupart des pays développés depuis les années 1970 pourrait en effet être en partie lié à une baisse des contraintes financières, via des effets de réallocation », indique-t-il. En clair, des taux d'intérêt trop faibles seraient responsables d'une mauvaise allocation du capital.

Plus tard, c'est la politique de la concurrence qui est inadaptée à l'âge des algorithmes. L'empreinte des Big Tech est telle qu'elle entrave l'entrée d'entreprises innovantes (voir le chapitre 6 dans Le pouvoir de la destruction créatrice).

Impasse intellectuelle

En fin de compte, à bien lire Philippe Aghion, c'est un peu de tout cela avec (presque) un retour à la case départ : pas assez de réformes structurelles, pas assez de libéralisation des marchés des produits, du travail et de la finance, trop de monopole dans la tech… autant d'éléments qui brideraient l'énergie créatrice des entrepreneurs.

Il faut donc accélérer le changement des institutions pour renforcer les dynamiques de marché et profiter des dynamiques technologiques. Pourtant, nous avons beaucoup de raisons de penserque libéralisation, innovation et croissance ne vont pas forcément de pair.

Si l'idée générale selon laquelle le type de développement économique dépend du rapport entre technologie et institutions est juste, on trouvera des enseignements beaucoup plus riches du côté des systèmes nationaux d'innovation développés par des auteurs évolutionnistes, parfois en dialogue avec les travaux de l'école de la Régulation, de l'approche en termes de paradigmes techno-économiques portée par Carlota Pérez et poursuivie par Mariana Mazzucato, ou encore de celle en termes d'ondes longues d'Ernest Mandel.

Armé de son prix, Philippe Aghion est sans doute aujourd'hui conforté dans son sentiment d'avoir supplanté Schumpeter. Mais contrairement à son mentor autrichien qui avait une intelligence tragique de l'histoire économique, le professeur au Collège de France ne propose aucune théorie du capitalisme. En dépit de la sophistication de ses modèles, sa confrontation aux données empiriques le mène dans une impasse intellectuelle.

Face au soubresaut d'un système qu'il peine à déchiffrer, il multiplie les ajustements pour mieux entretenir la chimère d'un capitalisme illusoire où les inégalités découleraient des seuls mérites des innovateurs. Si le monde du travail comme la nature sont ignorés, c'est en raison d'un fétichisme de la croissance qui fait de la technologie façonnée par le capital l'horizon ultime de notre humanité. Une douce musique à l'oreille des puissants. (Publié dans Alternatives économiques le 16 octobre 2025)

Cédric Durand est professeur associé à l'Université de Genève.

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Le maire de Chicago évoque une grève générale

21 octobre, par The Other 98% — , ,
Le maire de Chicago vient d'appeler à une grève générale. Et si vous comprenez ce que cela signifie, vous savez que cela pourrait tout changer. Lors du rassemblement No Kings (…)

Le maire de Chicago vient d'appeler à une grève générale. Et si vous comprenez ce que cela signifie, vous savez que cela pourrait tout changer. Lors du rassemblement No Kings ce week-end, le maire Brandon Johnson s'est tenu devant des dizaines de milliers de personnes et a dit ce que peu de politiciens américains ont osé dire depuis des décennies. « La démocratie survivra grâce à cette génération », a-t-il proclamé. « Êtes-vous prêts à aller devant les tribunaux et à descendre dans la rue ? »

Ce n'était pas une simple déclaration. C'était un appel à l'action.

Johnson a appelé les Américains de tous horizons à s'unir, présentant la lutte contre la tyrannie du président Trump, les ultra-riches et la cupidité des entreprises comme un tout. Sa voix s'est jointe à un rugissement grandissant qui a commencé avec la manifestation No Kings, qui a rassemblé 7 millions de personnes, un mouvement qui, pour la première fois depuis une génération, a amené les gens à se demander : Une grève générale pourrait-elle réellement avoir lieu en Amérique ?

La dernière fois que le pays a connu quelque chose de similaire, c'était lors de la grande vague de grèves de 1946, lorsque cinq millions de travailleurs de tous les secteurs se sont mis en grève pour exiger la fin de l'austérité en temps de guerre et des salaires équitables. Washington n'a pas répondu par des réformes, mais par la répression : la loi Taft-Hartley de 1947, une loi toujours en vigueur qui a paralysé la capacité des syndicats à organiser des grèves politiques.

Mais voici le problème : la loi Taft-Hartley lie les syndicats, pas les citoyens eux-mêmes.

Et c'est à eux que Johnson s'adressait. Les militants de base, les livreurs, les infirmières, les codeurs, les enseignants, ceux qui font réellement fonctionner ce pays, se rendent compte qu'une grève générale ne commence pas dans les couloirs du pouvoir. Elle commence par un refus commun de continuer à alimenter un système qui traite les milliardaires comme des intouchables et les familles de travailleurs comme des pions sacrifiables.

« Nous allons les obliger à payer leur juste part d'impôts pour financer nos écoles, nos emplois, nos soins de santé et nos transports. »

Et la foule a rugi parce qu'elle le croyait.

Dans un paysage politique où les démocrates se disputent et les centristes triangulent, les paroles de Brandon Johnson ont fait l'effet d'un coup de tonnerre. Non pas parce qu'il est radical, mais parce qu'il est honnête. Il a dit ce que des millions de personnes ressentent déjà : voter ne suffit pas lorsque la machine gouvernementale ne sert que ceux qui sont au sommet.

Les manifestations « No Kings » ont également prouvé autre chose : les gens sont prêts. Prêts à manifester, prêts à faire grève, prêts à construire une économie qui serve le plus grand nombre, et non une minorité.

Si Chicago devient l'épicentre d'un nouveau réveil syndical, les historiens se souviendront peut-être de ce week-end comme du moment où le vent a tourné, où les Américains ordinaires se sont souvenus de leur pouvoir collectif et ont décidé de l'utiliser.

Source : The Other 98%
FB, 20 octobre 13h : https://www.facebook.com/TheOther98

Et Aplutsoc.

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La ville de Gabès dans le Sud tunisien suffoque et se soulève

21 octobre, par Selim Jaziri — , ,
Gabès est le théâtre depuis une semaine d'une mobilisation contre la pollution émanant du complexe chimique après une série de fuites toxiques. Le fruit de déceptions (…)

Gabès est le théâtre depuis une semaine d'une mobilisation contre la pollution émanant du complexe chimique après une série de fuites toxiques. Le fruit de déceptions accumulées depuis dix ans. Des milliers d'habitants sont descendus dans la rue le 15 octobre pour réclamer la fermeture d'une usine chimique très polluante.

Tiré de MondAfrique.

Depuis plus d'une semaine, les manifestations se succèdent à Gabès, ville côtière du sud tunisien (120 000 habitants), pour réclamer la fermeture des installations polluantes du Groupe chimique tunisien. Le 15 octobre, une marche en direction du complexe industriel a été noyée sous les gaz lacrymogènes. La protestation a débuté le soir du 10 octobre, environ deux cents manifestants avaient envahi l'enceinte du site avant d'être délogés par l'armée dans la journée de samedi. Depuis, l'agitation ne retombe pas. Depuis dimanche, des manifestants dressent des barricades et brûlent des pneus dans la ville. Des heurts entre jeunes et forces de l'ordre rythment les soirées. La police a procédé à une centaine d'arrestations. L'union régionale du syndicat UGTT a lancé un appel à la grève générale pour le mardi 21 octobre.

Cette protestation fait suite à une série de fuites de gaz qui ont provoqué ces dernières semaines des dizaines de cas d'intoxication dans les quartiers environnants. Le 10 octobre, une trentaine de collégiens ont été hospitalisés, dont certains gardent des séquelles neurologiques, et 120 personnes encore le 14 octobre, provoquant une pénurie d'oxygène à l'hôpital régional. Au total, environ 300 personnes ont dû être hospitalisées depuis le 9 septembre.

Du paradis au cauchemar

Le site de Gabès avait été choisi en 1972 pour y installer les usines de transformation du phosphate extrait dans le bassin minier de Gafsa, en produits exportables (de l'acide phosphorique, des engrais phosphatés, de l'ammonitrate). Leur fabrication nécessite de l'acide sulfurique et rejette dans l'air des gaz tels tels que des oxydes de soufre ou du fluorure d'hydrogène. Lors du redémarrage de certaines unités, en principe opéré de nuit sous certaines conditions atmosphériques, la purge des installations lâche des excédents de gaz parfois rabattus sur les quartiers avoisinants. Régulièrement, du dioxyde d'azote, reconnaissable à sa fumée orange, s'échappe accidentellement. À cela s'ajoute le rejet dans la baie, au mépris des normes internationales, de 12 000 à 15 000 tonnes d'eaux utilisées pour laver le phosphate, qui déposent chaque jour au fond de la mer des tonnes de phosphogypse, une boue noire chargée de métaux lourds.

L'implantation de l'usine avait été accueillie comme une chance pour cette ville du sud. Le groupe chimique amenait la modernité et du travail. Mais ce rêve a vite tourné au cauchemar. L'oasis de Chenini, jouxtant la ville de Gabès, est l'une des rares oasis maritimes au monde. La pêche était miraculeuse, près de deux cents sources irriguaient les cultures de la palmeraie… Les habitants les plus âgés se souviennent d'un petit paradis.

Aujourd'hui, les sources sont taries par les pompages du groupe chimique et les forages anarchiques, les feuillages des palmiers sont grisâtres, il n'y a plus moyen de faire sécher du linge dehors sans qu'il ne soit recouvert de poussière noire, la palmeraie a perdu 93% de sa biodiversité, les fonds marins sont recouverts de phosphogypse sur des kilomètres, les poissons se font rares, alors que le Golfe de Gabès est l'un des principaux sites de reproduction halieutique en Méditerranée. Une espèce de crabe bleu sans prédateur, arrivée dans le ballast des navires qui viennent pour transporter le phosphate, a tellement dévasté la faune marine que les pêcheurs de Gabès l'ont baptisé Daesh…

Et bien sûr, les Gabèsiens se plaignent de problèmes de santé chroniques, asthme, fluorose dentaire, cancers… L'État peut d'autant plus facilement rester dans le déni et attribuer ces troubles à une psychose irrationnelle qu'aucune étude épidémiologique n'a jamais été effectuée. Quant aux bénéfices du groupe chimique, la région n'en voit guère la couleur. Elle a l'un les taux de chômage les plus élevés du pays et elle reste l'une des plus mal dotées en infrastructures.

Une patiente mobilisation

En dépit de tous ces troubles, la population a appris à vivre avec ce monstre suintant et éructant, mais dont dépendent environ sept mille familles. « Chacun a deux rêves ici, explique un Gabésien : se réveiller un matin et voir que le Groupe chimique a disparu, et recevoir sa lettre d'embauche pour y travailler ». De toutes façons, sous Ben Ali, il était impossible d'évoquer la pollution.

La mobilisation qui culmine aujourd'hui a été l'une des premières à naître à la faveur de la liberté acquise en 2011. Après une marche sur Tunis en avril 2011, elle s'est structurée à partir de 2012 autour du collectif « Stop Pollution », animé par quelques jeunes militants – un militant écologiste du quartier le plus proche du complexe, un ancien opposant à Ben Ali investi dans la Ligue des droits de l'homme, Khayreddine Debaya, devenu le visage du mouvement…

Ils parviennent à organiser une grande marche en 2013 qui va imposer le problème dans l'agenda politique national. Mais dans le climat ultra-polarisé de l'époque, son succès s'explique par des motifs plus politiques. Ennahdha, majoritaire à Gabès, la voit comme un foyer d'opposition et préfère utiliser l'emploi au Groupe chimique comme un levier clientéliste.

La mobilisation se concentre alors sur un travail d'expertise pour faire reconnaître le problème aux autorités et sur la sensibilisation de la population. Sous la pression, le gouvernement propose de déplacer le rejet du phosphogypse sur un terril à quelques kilomètres de Gabès, à Ouedref, dont la population rejette. Puis envisage de le recycler dans des matériaux de construction. L'expertise mobilisée par Stop Pollution parvient à convaincre les autorités que cette solution ne règle pas les problèmes de rejets aériens et que la décontamination du phosphogypse pour le rendre confirme aux normes coûterait beaucoup trop cher. Une seule solution demeure alors : le démantèlement du site et la relocalisation d'un complexe modernisé dans un site à l'écart d'une zone habitée. Même l'UGTT, dont la priorité est l'emploi, se rallie à cette option.

En juin 2017, Stop Pollution organise une grande manifestation et obtient de l'État l'engagement à démanteler les installations polluantes et à rebâtir un autre site loin de Gabès, au terme d'un plan d'action de huit ans.

Victoire en trompe-l'œil cependant. Les coûts du démantèlement et de la reconstruction des usines, des voies ferrées pour transporter la production jusqu'au port et les travailleurs depuis Gabès, ne sont pas budgétisés. Une estimation circule autour de plus de 4 milliards de dinars, près du dixième du budget de l'État alors. La perspective de l'installation d'un complexe industriel réveille des tensions sociales dans les sites pressentis pour accueillir les nouvelles installations. Le projet s'enlise.

La déception face à Kaïs Saïed

Beaucoup des jeunes mobilisés dans « Stop Pollution » s'impliquent en 2019 dans la campagne présidentielle de Kaïs Saïed, dont ils attendent qu'il secoue une administration corrompue et dominée par les élites du nord, et donne plus de pouvoirs aux échelons locaux grâce à sa « nouvelle construction » institutionnelle, censée « inverser la pyramide du pouvoir ».

Mais la déception s'installe vite. En fait de redistribution du pouvoir, le nouveau président décide seul. La surveillance policière se resserre sur les militants. Et le groupe chimique continue à empoisonner l'air et l'eau.

Le 5 mars dernier, au lieu du démantèlement promis, Kaïs Saïed annonce la construction d'un site de production d'hydrogène « vert » (c'est-à-dire produit sans pétrole) mais très gourmand en eau, et perçu comme un cheval de Troie de la recolonisation économique (le projet est porté par la France et par l'Allemagne), ainsi que le déclassement du phosphogypse de la liste des substances dangereuses en vue de promouvoir son recyclage.

Les fuites des dernières semaines ont cristallisé les mécontentements accumulés. L'ampleur des manifestations est inédite. L'UGTT soutient, le syndicat étudiant aussi, les supporters de foot se sont joints au mouvement lui apportant des troupes nombreuses et actives. La mobilisation appelle à relancer le projet de démantèlement et à revenir sur les décisions du 5 mars. Mais l'État est dans une équation impossible.

L'équation impossible

L'urgence financière est à la relance des exportations pour faire entrer des devises. L'augmentation de l'extraction de phosphate pour retrouver les niveaux d'avant 2011 (soit environ 10 millions de tonnes, contre environ la moitié actuellement), et donc de sa transformation pour l'exportation, est une priorité pour l'État afin de profiter de la hausse des cours mondiaux et regagner le terrain conquis par le concurrent marocain sur le marché.

Par ailleurs, l'État n'offre pas les garanties suffisantes pour financer le coûteux projet de démantèlement. De plus, selon Khayreddine Debaya, un petit groupe de hauts fonctionnaires au Ministère de l'Industrie, liés aux investisseurs étrangers, a la main sur la décision.

Mais la mobilisation concentre toutes les déceptions de la décennie. L'annonce par la présidence d'un appel à la Chine pour réhabiliter le complexe et traiter en urgence les problèmes à l'origine des fuites de ces dernières semaines ne calme pas la colère.

Pour le moment, elle est focalisée sur la question de la pollution. Il reste à surveiller une possible mutation vers des mots d'ordre politiques plus larges.

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« À gauche, en Europe occidentale, il y a une volonté de dresser un mur et d’ignorer ce qui se passe à l’Est »

Denys Gorbach (Kryvyi Rih, 1984) est sociologue. Les recherches menées dans le cadre de sa thèse de doctorat à Sciences Po (Paris) sont rassemblées dans le livre The making and (…)

Denys Gorbach (Kryvyi Rih, 1984) est sociologue. Les recherches menées dans le cadre de sa thèse de doctorat à Sciences Po (Paris) sont rassemblées dans le livre The making and unmaking of Ukrainian working class (Bergahn, 2024), qui raconte comment les changements économiques ont modifié les valeurs de la classe ouvrière en Ukraine, en se concentrant sur sa ville, Kryvyi Rih, dans le sud-est du pays. Kryvyi Rih était considérée comme le « cœur de fer de l'URSS ». Elle compte plusieurs mines et une grande aciérie. C'est le lieu d'origine du président Zelenski.

Gorbach s'est également impliqué dans l'aide aux réfugiés ukrainiens en France et a étudié leur situation. Il mène actuellement des recherches sur a façon dont se construisent socialement des théories du complot à l'université de Lund (Suède). Il s'entretient avec CTXT par vidéoconférence pour parler de la politique ukrainienne et de la guerre.

10 octobre 2025 | tiré du site entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/10/16/a-gauche-en-europe-occidentale-il-y-a-une-volonte-de-dresser-un-mur-et-dignorer-ce-qui-se-passe-a-lest/#more-98851

Dans votre livre, vous soutenez que l'Ukraine post-soviétique, à travers son processus de privatisations, ne s'est pas pleinement intégrée à l'économie néolibérale et qu'« une apparence socialiste enveloppait les pratiques capitalistes ».

Tout dépend de ce que l'on entend par néolibéral. Il n'y a pas eu de privatisation à grande échelle avec des investisseurs étrangers comme cela a été le cas en Pologne, en Hongrie ou dans les pays baltes, par exemple. La classe dominante avait peur.

J'ai été surpris de trouver une confirmation littérale de cette idée dans les écrits de ceux qui ont participé à ces événements, comme un conseiller du président Kuchma, qui a gouverné à l'époque des grandes privatisations. Ces personnes avaient été formées à l'économie politique marxiste pendant l'ère soviétique et ont tenté d'utiliser ces connaissances pour construire l'économie capitaliste. Ce conseiller a écrit que son objectif explicite était de créer une bourgeoisie nationale ukrainienne avant d'ouvrir le marché aux capitalistes étrangers.

Cette classe dominante, qui était en train de se construire, a maintenu la morale économique existante, une morale économique que nous pouvons qualifier de socialiste, prétendument socialiste, prétendument soviétique, qui impliquait des obligations mutuelles entre les gouvernants et les gouverné.e.s.

Et certaines de ces restrictions ont été maintenues jusqu'à aujourd'hui, par exemple, il existe toujours des restrictions concernant la propriété foncière, si je ne me trompe pas.

La suppression en 2020 du moratoire sur l'achat et la vente de terres [en vigueur depuis 2001] a été l'une des grandes mesures néolibérales prises par Zelenski. Même Porochenko, le président le plus néolibéral dans son discours, avait décidé de ne pas le faire. Et lorsque Zelenski l'a fait, Porochenko s'y est opposé et a organisé des manifestations contre cette mesure.

Depuis mon enfance, j'ai entendu dire que les Allemands emportaient les terres ukrainiennes.

La propriété foncière était déjà privatisée, mais il existe cette crainte que, si on autorise son achat et sa vente comme n'importe quel autre bien, les grandes entreprises puissent se l'accaparer.

C'est un sujet tabou dans la conscience populaire. On le retrouve également dans l'imaginaire populaire sur la Seconde Guerre mondiale. Depuis mon enfance, j'ai entendu dire que les Allemands emportaient la terre ukrainienne en train vers l'Allemagne. Ce n'est probablement pas vrai, mais cela montre la valeur que nous accordons à la terre.

Donc oui, c'était un sujet très problématique. Et Zelenski l'a finalement fait. Mais même avec toute la pression des institutions financières internationales qui l'ont poussé à le faire, il a fixé une série de limites. [Selon la loi, l'acquisition de terres par des étrangers ou des entités à capitaux étrangers doit être approuvée par référendum.]

Il a également approuvé une réforme du travail très dure en pleine guerre, en 2022.

Oui, je pense que cela peut s'expliquer dans le cadre de la stratégie du choc, telle que la décrit Naomi Klein.

Zelenski et son équipe font partie d'une nouvelle génération de responsables politiques qui ont grandi dans un cadre capitaliste. J'ai l'impression qu'ils sont sincèrement opposés aux oligarques et qu'ils sont également opposés aux syndicats, car ils considèrent ces deux institutions comme des obstacles au développement du libre marché. Ils ont donc pris certaines mesures pour lutter contre la concentration du capital dans l'oligarchie, mais ils se sont également opposés aux syndicats et à la réglementation socialiste, si je puis dire, des relations de travail.

En pleine guerre, ce n'était évidemment pas la principale préoccupation de Zelenski, mais Halyna Tretiakova, une députée de son parti qui dirige la commission des politiques sociales, a profité de l'occasion pour faire adopter trois lois horribles sur la libéralisation du travail en 2022.

On a beaucoup parlé des deux identités politiques différentes qui existent en Ukraine, à savoir celles des régions occidentales et orientales. Dans votre livre, vous les appelez « identité ethnique ukrainienne » et « identité slave orientale », mais je pense que vous êtes un peu critique à l'égard de la manière dont ces identités sont généralement expliquées.

L'une des critiques qui m'est le plus souvent adressée est que je ne nuance pas suffisamment. Il faut toujours mettre ces termes entre guillemets. L'identité que j'appelle « ethnique ukrainienne » n'est pas nécessairement une question de nationalisme ethnique en tant que tel, c'est un ensemble d'idées politiques vagues qui combine une sympathie pour l'Occident, une préférence pour un modèle économique plus libéral et un rôle plus important de la langue ukrainienne. À cela s'oppose un autre ensemble d'idées très, très complexe, que j'appelle « slave de l'Est », qui comprend le maintien de liens plus étroits avec la Russie et le monde post-soviétique, la neutralité sur la question de la langue ou la défense du statu quo, c'est-à-dire la prédominance du russe, et peut-être une plus grande régulation de l'économie. Je pense qu'il vaut mieux ne pas les qualifier de « pro-russes », car cela n'est pas nécessairement vrai, surtout depuis le début de cette guerre. Ils se définissent souvent comme non nationalistes, mais je pense qu'il s'agit d'une forme de nationalisme qui n'est pas reconnue comme telle.

Je continue à chercher de meilleurs mots pour décrire cette dualité… Ce n'est pas une dualité, c'est un spectre, un continuum. Il faut appréhender cela avec beaucoup de distance sceptique.

Diriez-vous que cette identité « slave orientale » est plus proche de la gauche ?

Encore une fois, cela dépend de ce que l'on entend par gauche.

Bien sûr.

Bien sûr, elle est plus proche de la gauche en termes de drapeaux et de symboles. L'Union soviétique et tout ça. Mais cela ne se traduit pas toujours par un soutien aux politiques en faveur de l'égalité. En Ukraine, les partis de gauche se sont très vite tournés vers la politique culturelle.

Vous affirmez que ces identités ont été exacerbées par les oligarques à des fins électorales.

Oui, j'essaie d'expliquer que ce n'est pas une question ancienne. Dans les années 2000, à partir de la « révolution orange », des modifications ont été apportées à la Constitution, qui ont donné plus de pouvoir au Parlement. La classe capitaliste des oligarques a donc dû s'adapter. Auparavant, ils s'adressaient directement au président. Ils ont dû créer des partis pour participer à la vie politique. Et ces partis devaient afficher une certaine idéologie. Au début, ils ont essayé de suivre le modèle européen classique avec une gauche et une droite, mais ils ont rapidement compris que cela était inutile. Il était plus facile d'appliquer le plus petit dénominateur commun, à savoir les identités nationales. Celles-ci étaient faciles à transformer en slogans et en publicités télévisées. Mon analyse est que c'est ainsi que ces deux camps se sont formés. Les plus pro-occidentaux, pro-ukrainiens, étaient alors appelés les oranges.

La faction pro-occidentale était en quelque sorte la deuxième ligne de l'oligarchie

Il m'a été demandé si les plus pro-russes étaient plus à gauche. Rhétoriquement, oui, et ils défendaient également le maintien de certaines politiques sociales, mais en même temps, cette fraction regroupait les capitalistes les plus puissants.

Parce qu'ils contrôlaient les grandes industries ?

Oui. La fraction pro-occidentale était comme une deuxième ligne de l'oligarchie.

Lorsque l'on aborde ces questions, on mentionne souvent la différence entre les régions les plus industrialisées et les plus agricoles.

Oui, dans le sud-est de l'Ukraine, il existe une ceinture hautement industrialisée, très urbaine, avec une forte densité de population. Au niveau macroéconomique, ces régions étaient les plus riches, celles qui produisaient le plus. Aujourd'hui, on ne sait pas ce qui va se passer, car ces industries vieillissent et je ne peux pas imaginer les capitalistes faire la queue pour investir à 50 kilomètres d'une ligne de front, même si celle-ci n'est pas active. La géographie économique est donc en train de changer, les investissements se concentrant désormais à l'ouest. Je ne sais pas ce qu'il va advenir de ces millions de personnes qui vivent de l'industrie et qui en sont quelque part fières.

Ces régions où la sympathie pour la Russie était la plus forte sont celles qui ont été les plus détruites par l'invasion russe.

Oui, oui. Certaines personnes qui vivent là-bas, avec lesquelles je suis resté en contact, sympathisaient avec Poutine et considèrent cela comme une trahison. Les plus « pro-russes » disaient que cela n'allait pas se produire, que c'était de la propagande des nationalistes ukrainiens.

Et maintenant, ils sont déçus. Enfin, pas seulement déçus. Ils sont victimes. Le plus grand nombre de victimes, la plus grande destruction d'infrastructures et de logements, s'est produit précisément dans des villes comme Marioupol et Kharkiv.

Vous avez vous-même dit que vous ne vous attendiez pas à l'invasion russe.

Oui, je n'ai pas honte de l'admettre. Je fais partie de ceux qui pensaient que cela n'allait pas arriver.

Je continue à participer à un grand groupe de discussion avec des travailleurs de l'aciérie. Dans le livre, je parle un peu de ce groupe, de la façon dont la politique a envahi les conversations et dont beaucoup de gens la rejetaient.

La veille de l'invasion, les débats se poursuivaient. Ils disaient des choses comme « pour qui nous prenez-vous ? Vous pensez vraiment que Poutine va attaquer ? Bien sûr que non ».

Le lendemain, tout le monde s'est mis à parler de questions pratiques. Que faisons-nous ? Où allons-nous ? Des choses très pratiques sur la manière de faire face à quelque chose qui, douze heures auparavant, ne semblait pas pouvoir arriver.

Les journalistes écrivent parfois que tout le monde a troqué la langue russe pour l'ukrainienne. Cela n'est vrai, en partie, que parmi les classes moyennes intellectuelles de villes comme Kiev. Dans l'armée, des milliers de personnes parlent russe. Dans une région russophone comme la mienne, les gens rejettent cette rhétorique.

En 2014, le gouvernement de Viktor Ianoukovitch a décidé de ne pas signer d'accord d'association économique avec l'Union européenne et de négocier avec la Russie. L'Ukraine entretenait des relations commerciales d'importance comparable avec les deux blocs.

À l'époque, oui. L'économie ukrainienne avait réussi à se maintenir dans un espace intermédiaire entre les deux blocs. Environ la moitié des exportations étaient destinées à l'Union européenne et l'autre moitié à l'ancienne Union soviétique. Les exportations vers la Russie et l'ancienne Union soviétique concernaient des produits de haute technologie, tels que des hélicoptères, des moteurs ou des locomotives. Les exportations vers l'Union européenne portaient sur des matières premières, car l'industrie ukrainienne ne pouvait rivaliser avec des entreprises telles qu'Alstom ou Siemens, mais les deux étaient importantes.

Aujourd'hui, on se souvient du président Ianoukovitch comme d'un homme très pro-russe, mais en réalité, il a passé la majeure partie de sa présidence sous la bannière de l'Union européenne. Non pas parce qu'il était un européen convaincu, mais parce que c'était la décision consensuelle des élites. Le problème est que ces élites dépendaient également de l'énergie, du pétrole et du gaz bon marché de la Russie.

J'étais journaliste économique à l'époque, je m'en souviens donc très clairement. Chaque semaine, j'écrivais la même chose. Poutine dit que l'Ukraine doit payer plus cher son gaz. Le Fonds monétaire international dit que l'Ukraine doit libéraliser les prix de l'énergie pour les ménages. Le gouvernement ukrainien dit « mon Dieu, nous ne pouvons pas faire cela ». Il dit « nous devons maintenir nos relations avec la Russie, mais la Russie doit comprendre que nous voulons signer ce traité avec l'UE ».

À partir 2012, la Russie a entamé une série de guerres commerciales.

À partir de 2012, la Russie a lancé une série de guerres commerciales. Un mois, c'était le lait, le mois suivant, les locomotives. C'était assez explicite. C'était comme dire « ce n'est que le début de ce qui vous attend si vous signez ce traité ».

Qu'attendait le gouvernement ukrainien, la classe capitaliste ukrainienne, à ce moment-là ? Ils espéraient que l'Union européenne leur apporte une aide économique ou une compensation pour ce qu'ils allaient perdre, en raison de la hausse des prix du gaz. Mais cela ne s'est jamais produit. Il existe une vidéo de Ianoukovitch discutant avec Merkel lors du sommet de Vilnius. Il tente d'exprimer par son langage corporel qu'il se trouve dans une situation compliquée. Et la réponse de l'UE a été non, qu'elle ne pouvait rien faire de tel. Yanukovitch s'est alors tourné vers la Russie. Tout cela a été beaucoup plus mouvant et contradictoire que ce qui est raconté.

Puis la révolte connue sous le nom d'Euromaïdan a éclaté, suivie de l'annexion de la Crimée par la Russie et des révoltes indépendantistes à Donetsk et Louhansk.

Le point de vue officiel en Ukraine est que tout a été entièrement organisé par la Russie. Il existe également un autre point de vue selon lequel tout a été entièrement organisé par la CIA. Si vous êtes spécialiste des relations internationales, il est normal que vous voyiez les choses ainsi. J'ai toujours été plus intéressé par tout ce qui touche aux dynamiques sociales. En Ukraine, il est totalement tabou de parler de guerre civile, on vous censure, mais d'un point de vue analytique, je ne vois aucun problème à dire que oui, entre 2014 et 2022, il y a eu un conflit qui comportait des éléments de guerre civile, avec de fortes influences extérieures. Pour ceux qui souhaitent approfondir le sujet, je recommande le livre publié par Serhiy Kudelia. Au total, environ 14 000 personnes ont perdu la vie dans ce conflit, en comptant les combattants des deux camps et les civils.

Nous avons tendance à analyser le passé à partir de nos connaissances actuelles, il est donc normal de considérer les événements de 2014 comme les précurseurs de ceux de 2022. Mais je ne pense pas que cela ait été aussi linéaire, il n'y avait pas de plan directeur de Poutine ni de qui que ce soit d'autre.

Certains analystes mettent en avant les préoccupations sécuritaires de la Russie face à l'expansion de l'OTAN vers l'est comme l'une des explications de l'invasion. Pensez-vous que ce facteur ait joué un rôle dans la décision du gouvernement russe ?

Je pense que l'OTAN a occupé une place excessive dans les analyses. Bien sûr, cette expansion vers l'est a eu lieu, mais c'était il y a de nombreuses années. Je trouve choquant la façon dont des personnes comme Mélenchon parlent du sommet de Bucarest de 2008. Je l'ai couvert en tant que journaliste et j'en ai un souvenir tout à fait différent. La délégation ukrainienne est arrivée avec de grands espoirs d'obtenir un schéma directeur en vue de l'adhésion à l'OTAN. Et elle a été éconduite. On lui a répondu par les phrases polies habituelles : « Oui, bien sûr, plus tard, peut-être, allez, au revoir ».

Aujourd'hui, ces phrases sont citées comme preuve que l'OTAN était très intéressée par l'Ukraine, mais les partisans de l'OTAN à l'époque étaient outrés. Il y avait eu des discussions publiques, des protestations, mais après cela, le débat a été clos. Jusqu'en 2014, lorsque la guerre a éclaté dans le Donbass, avec la présence de troupes étrangères sur le territoire.

Ce qui s'est passé à partir de 2022, c'est que l'OTAN a ajouté des milliers de kilomètres supplémentaires à sa frontière avec la Russie, car la Finlande l'a rejointe. Et personne en Russie ne semble très inquiet, les troupes ne sont pas là.

Si je ne me trompe pas, l'extrême droite n'a jamais obtenu de représentation significative au Parlement ukrainien, mais elle s'est fait remarquer dans les rues et il semble que la guerre l'ait renforcée. Quelle est la situation ?

Oui, c'est un paradoxe. Lors des élections, ils obtiennent généralement des résultats ridicules, 1% ou 2% des voix. Le maximum qu'ils aient atteint [le parti nationaliste d'extrême droite Svoboda] est de 10% lors des élections de 2012, lorsque Ianoukovitch a estimé qu'une telle opposition lui convenait. Mais il n'est pas très honnête de citer ces chiffres pour affirmer que l'extrême droite n'est pas un problème.

Comme vous l'avez dit, ils sont forts dans la rue. Je les appelle les « entrepreneurs de la violence politique ». Ils ont accumulé des ressources et savent comment les déployer.

Nous pouvons remonter au Maïdan ou Euromaïdan de 2014. Des centaines de milliers de personnes s'étaient rassemblées sur cette grande place. La plupart étaient comme les personnes que je décris dans le livre, sans idéologie très affirmée. Elles rejetaient la corruption et les oligarques et voulaient vivre comme des Européens, c'est-à-dire avec de l'argent. Seule une petite minorité appartenait à des organisations d'extrême droite. Mais c'étaient les plus préparés, ils n'avaient pas peur d'attaquer la police, ils avaient des capacités de combat, ils savaient préparer des cocktails Molotov.

Ils ont construit leur capital politique sur le Maïdan et dans la guerre du Donbass, où ils étaient les combattants les plus motivés d'une armée désorganisée. Et maintenant, ils renforcent leur réputation dans cette nouvelle guerre, même si cette fois-ci, le gouvernement a mieux réussi à limiter leur influence.

Malheureusement, ils sont surreprésentés dans les médias. En premier lieu, parce qu'ils sont les premiers intéressés à se promouvoir. Mais aussi parce que les médias russes et ceux qui sympathisent avec Poutine en Occident les mettent en avant. Et parfois, le gouvernement ukrainien fait également des choses stupides.

La guerre dure depuis maintenant depuis trois ans. J'ai l'impression qu'elle est plus longue que ce que beaucoup de gens imaginaient au début. Je sais qu'il est impossible de répondre à cette question avec précision, mais d'après ce que vous percevez, que veulent les gens ? Cela peut-il être différent de ce que veut le gouvernement ?

Mon expérience directe concerne les réfugiés en France. En 2023, lorsque nous avons commencé à travailler avec eux, ils étaient tous très optimistes, ils pensaient que la victoire était proche. Et au début, ils devaient être encore plus optimistes, car beaucoup de gens ont quitté leur foyer en Ukraine en pensant que cela ne durerait que deux semaines, comme des vacances. Ce n'est évidemment plus le cas aujourd'hui. Ils comprennent désormais qu'ils sont des réfugiés.

En Ukraine, la situation est similaire. La réaction initiale a été une mobilisation totale, pour le meilleur et pour le pire. Je pense que le gouvernement a commis une erreur en alimentant un optimisme exagéré, cette idée qu'ils allaient récupérer la Crimée, enfin… À la fin de 2023, les sentiments ont commencé à changer, lorsque la contre-offensive n'a pas donné de résultats.

Maintenant, tout le monde veut que la guerre se termine

Puis Trump est revenu à la présidence des États-Unis. Le gouvernement et les intellectuels ukrainiens ont perçu cela comme un désastre. Mais parmi les gens ordinaires, d'après ce qu'on m'a dit, il y avait cet espoir implicite qu'une mauvaise fin serait préférable à cette horrible situation sans fin. Même s'il fallait faire des concessions. Cependant, lorsque Trump a annoncé sa proposition, même les personnes peu patriotes, si je puis dire, ont trouvé cela excessif. Laisser à la Russie des territoires qu'elle n'a pas encore occupés, céder des ressources naturelles à Trump…

Aujourd'hui, tout le monde veut que la guerre se termine. Cela ne fait pas partie du discours officiel du gouvernement ukrainien, mais je pense qu'il serait également prêt à faire des concessions territoriales, à condition que les conditions d'une paix solide soient garanties.

C'est ce qui manque dans toutes les propositions pour l'instant. Une garantie qu'ils ne recommenceront pas dans quelques années. Ce serait catastrophique, car si vous signez un accord maintenant et que dans deux ans, l'invasion recommence, on peut supposer que vous ne pourrez pas compter sur le même soutien des États-Unis et de l'Union européenne.

Ensuite, si vous regardez les élites européennes, certaines personnes se disent prêtes à combattre la Russie jusqu'au dernier Ukrainien. Il est vrai que toutes les parties ont leurs propres intérêts. Je ne pense pas que l'Union européenne soit guidée par une haine de la Russie ou un fanatisme en faveur de l'Ukraine. Je pense qu'elle est en train de réajuster ses politiques, qu'elle veut augmenter ses capacités militaires pour la prochaine décennie, qu'elle parle d'un plan pour 2030… et pour cela, en attendant, elle sacrifie l'Ukraine, elle la laisse saigner.

L'avenir s'annonce sombre.

Oui. Ça s'annonce mal. J'étais un activiste de gauche en Ukraine et je continue à me considérer comme un activiste de gauche. Quand je parle avec des gens de gauche ici, en Europe occidentale, je trouve ça étrange parce qu'ils ont tendance à rejeter le sujet. Ils disent que ce n'est que de la propagande. Et oui, ça l'est, c'est pourquoi je regrette qu'il n'y ait pas plus d'analyses d'un point de vue socialiste. Il n'y a que des slogans. D'accord, tu aimes la paix. Tu détestes la guerre. Bien sûr, nous aimons tous la paix, mais…

T'attendais-tu à quelque chose de différent de la part de la gauche ?

Le fait est que je n'ai pas non plus de réponses. Mais ce serait bien d'avoir un véritable débat sur ce qu'il faut faire, au-delà du simple rabâchage de slogans. Ce que je vois surtout, c'est une volonté d'ériger un mur et d'ignorer tout ce qui se passe à l'Est. Et beaucoup de gens ne considèrent pas leurs propres positions politiques de manière concrète.

Si tout est déjà du fascisme, nous n'avons pas à craindre que la situation empire. Penses-tu vraiment que les régimes politiques de l'Union européenne sont exactement les mêmes que celui de la Russie ? Ou préférerais-tu vivre sous un régime qui ressemble plus aux régimes de l'Est ?

D'un autre côté, si tu es un activiste convaincu qui souhaite que tout explose pour que la révolution soit possible, réfléchis-y à deux fois. Imagine un scénario réel de guerre et de chaos. Est-il vraisemblable que ton courant de la gauche se développe et accède au pouvoir politique ? Ou bien y a-t-il un groupe fasciste dans ton pays qui soit mieux placé ? Que ressortira-t-il du chaos que tu espères voir arriver ?

Denys Gorbach en conversation avec Elena de Sus, journaliste et membre de la rédaction de CTXT.
https://ctxt.es/es/20251001/Politica/50462/Elena-de-Sus-Denys-Gorbach-Ucrania-guerra-Rusia-izquierda-Europa-Putin-Zelenski.htm
Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoordre avec l'aide de DeepLpro

https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article76582

De l'auteur
« La plupart des gens pensent à survivre » – un entretien avec Denys Gorbach
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/04/17/il-ny-a-pas-de-contradiction-entre-etre-antimilitariste-defenseur-des-droits-humains-et-officier-dans-larmee-ukrainienne-autres-textes/
L'Ukraine, la guerre et l'Union européenne
Entretien avec Daria Saburova et Denys Gorbach réalisé par Clément Petitjean
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/31/lukraine-la-guerre-et-lunion-europeenne/
Avec Volodymyr Artiukh : Une comparaison de l'auto-activité de la classe ouvrière à travers les soulèvements post-soviétiques (2013-2014)
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/09/20/une-comparaison-de-lauto-activite-de-la-classe-ouvriere-a-travers-les-soulevements-post-sovietiques-2013-2014/
Une cartographie identitaire de l'Ukraine en temps de guerre : thèse-antithèse-synthèse ?
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/08/02/une-cartographie-identitaire-de-lukraine-en-temps-de-guerre-these-antithese-synthese/

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Le monde confisqué : La fin du néolibéralisme ! Vraiment ?

21 octobre, par Guylain Bernier, Yvan Perrier — , ,
Arnaud Orain propose une analyse audacieuse du capitalisme contemporain, qu'il qualifie de « capitalisme de la finitude ». Cette forme succède selon lui au néolibéralisme et (…)

Arnaud Orain propose une analyse audacieuse du capitalisme contemporain, qu'il qualifie de « capitalisme de la finitude ». Cette forme succède selon lui au néolibéralisme et se caractérise par la prise de conscience des limites planétaires et le renoncement à l'idée de croissance infinie. D'entrée de jeu, il affirme ceci : « Le néolibéralisme est terminé » (p. 7). Mais, comme Orain le dit, il s'agit ici d'un essai qui donc ne prétend pas à l'exhaustivité, d'autant plus que personne ne peut en réalité l'atteindre, en raison de la complexité des mondes.

Selon l'auteur, le capitalisme de la finitude repose sur une logique prédatrice où la concurrence globale est remplacée par une appropriation souveraine et conflictuelle des ressources mondiales, marquée par l'abandon du libre-échange et par le retour de stratégies protectionnistes, autoritaires et monopolistiques.​ C'est ce qu'il faut comprendre de sa longue définition qui se lit comme suit :

« […] le capitalisme de la finitude est une vaste entreprise navale et territoriale de monopolisation d'actifs – terres, mines, zones maritimes, personnes esclavagisées, entrepôts, câbles sous-marins, satellites, données numériques – menée par des États-nations et des compagnies privées afin de générer un revenu rentier[1] hors du principe concurrentiel. Il a trois caractéristiques. La première est la fermeture et la privatisation des mers, phénomène qui appelle une articulation forte, et même un brouillage des lignes, entre marines de guerre et marines marchandes. La deuxième est la relégation au second plan, voire l'éviction pure et simple, des mécanismes du marché. Les prix libres, le commerce multilatéral et la concurrence sont tenus à l'écart au profit des zones impériales d'échanges, des monopoles, des ententes et de la coercition violente. La troisième est la constitution d'empires formels ou informels par la prise de contrôle de firmes publiques et privées sur de larges espaces (physiques et cybers). Généralement pourvues d'attributs souverains, ces entreprises génèrent les rythmes du capitalisme de la finitude par leurs entrepôts, leurs chaînes logistiques et leur gigantisme. » (p. 8)

Orain précise que la fin du néolibéralisme ne signe pas celle du capitalisme, mais la transformation de ses mécanismes. De grandes entreprises privées (les Amazon, GAFAM, Meta, SpaceX notamment) en viennent à exercer une souveraineté parfois supérieure à celle des États, contrôlant les flux logistiques, les données, les terres et les espaces maritimes. L'exemple de Donald Trump sert de point de référence à Orain : la politique protectionniste de l'actuel président des USA incarne la mutation du capitalisme vers la prédation des ressources, la militarisation des échanges et l'érosion des logiques d'ouverture au libre-échange.​

Le capitalisme de la finitude n'est pas une nouveauté totale. Orain rappelle les pratiques mercantilistes des époques coloniales (XVIe-XVIIIe siècles) et impérialistes (1880-1945), alors basées sur l'accumulation et le blocage de ressources limitées au détriment de la circulation et de l'ouverture des frontières. Il souligne la cyclicité du capitalisme, oscillant entre phases libérales et mercantilistes, mais toujours guidées par la centralité du capital. Le modèle de « finitude » qui s'impose aujourd'hui en raison de la rareté des ressources et de la transition énergétique donne lieu à plusieurs dynamiques concrètes, dont les suivantes :​ retour du protectionnisme économique (droits de douane, fragmentation des marchés) ; formation de monopoles privés géants adoptant des logiques étatiques ; privatisation et militarisation des espaces communs (mers, cyberespace) ; et intensification mondiale de la course à l'appropriation des terres et des infrastructures.​

Sur la confusion entre capitalisme/libéralisme et la cyclicité entre phases libérales et mercantiles

Orain insiste sur la confusion persistante entre capitalisme et libéralisme. Il démontre que le capitalisme n'est pas intrinsèquement libéral, mais s'adapte aux contextes historiques, passant de la valorisation de la concurrence et du marché, à leur rejet lorsque la rareté des ressources impose des pratiques de défense, de contrôle et d'accompagnement. Le capitalisme libéral, fondé sur le libre-échange et la croissance infinie, cède ainsi la place à une version où la croissance n'est plus prioritaire (en effet, on semble désormais accepter la redondance du 2 %), le partage des ressources étant supplanté par leur militarisation et leur accaparement égoïste par un groupe sélect de pays hyper développés ou d'économies ultras dominantes.​

Le livre distingue trois grandes phases de ce « capitalisme de la finitude » : colonisation et contrôle territorial mondial (XVIe-XVIIIe siècles) ; expansion impérialiste et recherche d'un espace vital après la révolution industrielle (1880-1945) ; et capitalisme contemporain (à partir de 2010) caractérisé par la domination logistique des mégaentreprises et la souveraineté quasi étatique.​ La cyclicité entre phases libérales et mercantilistes s'explique, selon Orain, par la nature même du capitalisme, qui reste essentiellement axée sur la possession et le contrôle du capital.

Disparition de la concurrence et émergence des compagnies-États

Une conséquence majeure de ce basculement du néolibéralisme au capitalisme de la finitude est la disparition de la concurrence, jugée aujourd'hui comme un frein à l'innovation et à l'efficacité. Les monopoles se forment et concentrent un pouvoir économique, politique et technologique jamais vu auparavant. Selon Orain, les bénéficiaires du libéralisme, une fois confrontés aux limites du modèle d'abondance, se répondent sur la consolidation de leur domination à travers de nouveaux instruments de contrôle et de prédation.​

Le capitalisme de la finitude adopte aussi une géopolitique renouvelée : les entreprises acquièrent une puissance souveraine (les « compagnies-États »), pilotant la logistique globale, s'appropriant des ressources étrangères grâce à des pratiques de « hectares fantômes »[2], et contournant la régulation étatique à travers la diplomatie de plateforme et le friendshoring[3] (p. 190).

Orain affirme que le capitalisme de la finitude n'est pas seulement une mutation économique, mais provoque une crise politique profonde. La démocratie vacille devant la puissance des entreprises souveraines, qui remplacent l'État dans les fonctions régulatrices, sécuritaires et même judiciaires. Ce glissement du capitalisme vers un pouvoir prépolitique pose une question normative inquiétante : peut-on construire une communauté humaine sur la base de la protection des ressources plutôt que de leur partage ? L'alternative au capitalisme de la finitude, si elle existe, doit s'appuyer selon Orain sur une sorte d'alliage des logiques de distribution, entre impérialisme exclusif et solidarité démocratique.​ À cet égard, il suggère qu'il ne suffit pas de regretter la disparition du libéralisme. Il faut inventer, selon lui, une manière de penser la finitude non en termes d'appropriation, mais en termes de coexistence humaine.

Sur la finitude toutefois

Si l'idée de la finitude exposée par Orain se rapporte essentiellement à la rareté des ressources, voire au monde fini et limité, la juxtaposer au capitalisme en vient à créer un oxymore. Mais pour finir d'abord avec la finitude, cette notion se rapporte aussi à l'être, en se fiant à Martin Heidegger et à son étant qui aspire à être, alors qu'il prend conscience de sa nature physique mortelle lui imposant un temps d'action limité, ce qui suppose tout autant l'angoisse connexe de perdre la matière ou tout autre élément nécessaire à sa vie. Or, la finitude du capitalisme — à travers le monde fini et les humains mortels — expose paradoxalement l'esprit anti-finitude qu'il incarne ; puisque le capitalisme en lui-même est synonyme d'accumulation, et ce, sans limite. Ainsi, les arguments de la finitude avancés par Orain servent à justifier l'anti-finitude du capitalisme qui ne peut-être mieux exprimée que par le propos emprunté à Hannah Arendt dans ses Origines du totalitarisme (1951), qui elle-même le rapporte du colonisateur, homme d'affaires et politique britannique du XIXe siècle, Cecil Rhodes, qui sondait la voûte céleste à l'aide de ses aspirations : « ‘‘L'expansion, tout est là [.] […] Toutes ces étoiles… ces vastes mondes qui restent toujours hors d'atteinte. Si je le pouvais, j'annexerais les planètes'' » (p. 262). Y a-t-il alors véritablement une limite au capitalisme ? Poser cette question équivaut à y répondre.

À vrai dire, la nouvelle marche impérialiste repose encore une fois sur l'accaparement, l'accumulation, voire la prédation, comme déjà dit, dans cet esprit capitaliste qui s'associe admirablement bien avec l'ambition humaine. De là, la distinction avec l'abondance, souvent associée à la possibilité pour le plus grand nombre d'en bénéficier. En revanche, l'accumulation capitaliste exige, comme l'a bien démontré Marx, la propriété des moyens de production, ce qu'Orain agrandit aux moyens de distribution et donc d'échange. Voilà l'importance des compagnies-États qui ont toutes un siège social quelque part, voire également une allégeance, malgré leur « souveraineté fonctionnelle ». Et guider ou contrôler les marchés signifie posséder des territoires, des lieux et trajectoires, faisant d'elles des cas exemplaires des théories en géographie économique vantant ces structures réseautées, dont Orain parle en termes de pivots et d'étoiles ou de pivots et de rayons.

Individualisme néolibéral versus nationalisme illibéral

Si par définition le néolibéralisme veut dire la libre concurrence et donc le faible interventionnisme de l'État sur les marchés, le capitalisme de la finitude expose assurément l'inverse, sans renier toutefois la marche entreprise depuis les années quatre-vingt qui mariait les deux notions. Par ailleurs, le néolibéralisme s'était accolé au néocorporatisme thatchérien et reaganien, alors qu'un marché libre a besoin d'être surveillé, de façon à créer une richesse favorable à un État plus prenant (Allmendinger, 2002). Autrement dit, le néolibéralisme portait en lui-même les fondements du capitalisme de finitude décrit par Orain. Mais il représentait aussi le moyen de renverser la dilapidation des coffres de l'État à la sortie du mouvement « Providence ». De là, l'effort consacré à la responsabilisation citoyenne, donc des individus pour leur bien-être, ce qui signifie en même temps un régime de soutien individuel plutôt que collectif ; toujours dans l'optique de réduire les dépenses, de diminuer la dette, et donc de renverser la tendance contraire à l'accumulation de trésors, voire du capital. Ainsi, dans ce mouvement, l'État néolibéral, en tant que « rentier » principal du pays, devait non seulement assurer une croissance de la productivité nationale, mais avancer tranquillement dans la prise de possession extraterritoriale de ressources (naturelles, humaines et matérielles). En ce sens, le néolibéralisme représente l'étape servant à ébranler l'élan socialiste ou de la gauche, de vanter des droits et libertés individuels associés directement à l'activité économique (la liberté par la consommation, ce qui veut dire par la capacité de payer, supposant l'intégration « obligatoire » des individus au marché du travail, sans quoi la détresse leur arrivera) et de prôner la libre concurrence entre pays soi-disant à des fins gagnant-gagnant, alors que les mécanismes d'intervention étatique demeurent effectifs.

L'individualisme néolibéral redéfinit les associations, basées beaucoup plus sur l'intérêt et les calculs avantages-coûts que sur la fierté et la solidarité ; quoique les premiers s'insèrent aussi dans les secondes et vice versa. Par conséquent. l'homo oeconomicus apparaît plus que jamais dans cet univers où l'accumulation demeure certes l'idéal recherché. Ce qui se transpose à l'échelle des États se répercute donc sur tous les individus qui en viennent à y reconnaître la normalité. En même temps, s'exposent des critiques sur le mécanisme du libre marché, de façon à faire émerger le néocorporatisme qui lui était intégré dès le départ. Il faut en occurrence réaffirmer l'autorité de l'État, attirer les regards sur les violations aux accords commerciaux et, en ce sens, ramener les craintes et les peurs attribuées à l'étranger. Voilà cet état mi-paix, mi-guerre, dépeint par Orain, alors que l'usage de la peur rappelle les manoeuvres du Prince de Machiavel. Il y a donc cette espèce d'écart entre le monde des dirigeantEs et celui des dirigéEs, qui doit être à la fois entretenu, dans sa structure d'autorité et de légitimité, et atténué, dans les idéologies débattues, pour ne pas dire dans les formes de mentalité à avoir afin d'assurer le maintien d'un État fort. Il n'y a donc pas seulement de l'économie dans le capitalisme — tout court —, avec ses points et flux de transactions, mais des enjeux hautement stratégiques, politiques, voire même de l'ordre de la domination et de la puissance.

Au fond, le néolibéralisme ne serait-il pas simplement en phase de mutation, de façon à équilibrer ses propriétés avec les visées d'un néocorporatisme autoritaire ? Deux hapax conjoints apparaissent à ce titre chez Orain, soit le qualitatif « illibéral » et la doctrine nouvelle de « l'illibéralisme ». Ces termes s'associent bien à son capitalisme de finitude, dans la mesure où il question d'une forme d'État qui rallie la démocratie libérale à un régime autoritaire (Urban, 2022, 22 mars). Or, on s'aperçoit rapidement ici d'une tendance non pas à équilibrer le néolibéralisme avec le néocorporatisme, bien plutôt à assurer l'ascension du second vers la lumière. À ce titre, même l'individualisme, à travers la primauté des droits et libertés des individus, peut-être remis en cause. Force est de considérer le retour d'un nationalisme, quoique différent du passé, rattaché à la venue d'un illibéralisme par lequel devient possible un capitalisme de l'anti-finitude, et ce, par des actes extranationaux d'accaparement. Un nationalisme donc qui se nourrit d'une gloire ancienne à ramener, sur la base cette fois-ci d'une nouvelle espérance de faire encore mieux, malgré la résistance de l'Autre. Il s'agit aussi d'un nationalisme d'allégeance, paradoxalement propice à des divisions internes ; engageant des manifestations diverses de nature anti-autoritarisme. En définitive, cette forme illibérale continue de prendre place chez les grandes puissances actuelles, préfigurant ainsi l'avènement d'un nouvel impérialisme avec tous ses effets pervers. Cela annoncera-t-il, parce que l'apogée de la puissance de l'un oblige le retour vers la puissance de l'autre, l'enclenchement du processus de la fin de l'État connu depuis le règne des monarques ?

Un questionnement sur l'avenir de l'État moderne

En se basant sur la démonstration d'Orain, le pouvoir des mégas compagnies-États, tant dans le monde physique que le Nouveau Monde du cyber espace, laisse présager un dénouement peut-être différent de celui des grandes compagnies de colonisation des siècles passés. Même si nous avons souligné une allégeance de ces entités à une quelconque nation, il n'en demeure pas moins que la souveraineté qui les caractérise de plus en plus contribue à une reconfiguration du monde tel que connu ; et s'il y a allégeance, c'est avant tout au capitalisme. D'ailleurs, celles présentes aux États-Unis revendiquent une liberté d'action, statuant même leur capacité à définir les modes de régulation qui régissent leurs secteurs d'activités. Du côté chinois, les choses sont peut-être différentes, en raison d'une tradition centralisatrice forte. Par contre, qui aurait pensé un jour voir le communisme de Mao se joindre au marché capitaliste néolibéral. Qui dit alors que l'avenir de l'État chinois ne passera pas également par ses propres compagnies-États redéfinissant les points et les trajectoires d'échange.

Dans une dynamique de réseau, la circulation est plus efficace si les unités de transport se conforment aux mêmes règles. En plus, réduire le nombre de compétiteurs revient également à faciliter l'acceptation des règles en vigueur, suggérant alors les avantages que procurent les oligopoles ou monopoles. La raison d'être de l'État peut facilement disparaître, de façon à faire de la planète un seul territoire étoilé de différents points de contact — sinon d'entrepôts, aux dires d'Orain —, alors que l'humanité entière recevrait de quelques employeurs à la fois les produits et services satisfaisant leurs besoins ainsi que le travail par lequel il devient possible d'acquérir les moyens de se les procurer. N'est-ce pas là, encore une fois, une vision de l'économie-monde cette fois-ci libérée des carcans politiques, voire une économie-monde soudainement libérale ? Tout compte fait, Orain ne va pas jusque-là, puisque tel n'était pas son but et il croit plutôt à la fin du néolibéralisme. Il n'empêche que sa démonstration augure non seulement l'avènement d'un étatisme autoritaire, mais l'éventualité de ce qui s'ensuivra, après des mouvements de résistance qui ramèneront toujours en avant-plan le respect des droits et libertés de chacune et chacun. Car la liberté reste toujours une valeur profondément enracinée dans la nature humaine ; liberté qui se confronte toutefois toujours à la présence de l'autre et à sa volonté, chez certains individus particuliers, à affirmer sa supériorité.

Conclusion

Manifestement nous vivons dans un monde au sein duquel les rapports de force mondiaux ne cessent de se reconfigurer. Il se joue depuis fort longtemps à l'échelle de la planète, une joute militaire ou territoriale, mais aussi dans ses formes plus subtiles : commerciale, industrielle, financière, idéologique et politique. Le livre d'Orain apporte un éclairage sur l'actuel processus de la reconfiguration du capitalisme à l'ère de la finitude, en combinant une analyse historique, conceptuelle et critique essentielle à la compréhension de notre époque.​ Reste à savoir cependant jusqu'à quel point « Le néolibéralisme est terminé » ? Pour ce que nous en savons, cette idéologie ne se caractérise pas par un seul élément : les traités de libre-échange. D'autres aspects la distinguent dont les suivants : la lutte prioritaire à l'inflation au détriment du chômage, la réduction de la taille de l'État et également la perte d'influence ou l'affaiblissement des syndicats dans la société. Ces trois derniers items n'ont pas été pris en compte et n'ont pas donné lieu à des développements précis dans l'analyse d'Orain.

Quoi qu'il en soit, même si certaines tendances actuelles s'inscrivent dans quelque chose qui a les apparences d'un éternel retour, l'histoire ne se répète jamais à l'identique et en ce sens l'avenir du capitalisme demeure toujours instable et donnera lieu à de nouvelles configurations ou reconfigurations. Ce qui est pour le moins difficile à réfuter c'est qu'il (le capitalisme) est en ce moment pris entre le chaos climatique, la disparition des ressources vitales et la nécessité de réinventer les bases d'un ordre mondial.​ De quoi sera fait demain ? NulLE ne peut le dire avec certitude.

Yvan Perrier

Guylain Bernier

17 octobre 2025

18h30

Notes

[1] En italique dans le texte.

[2] La notion d'hectare fantôme est l'idée selon laquelle une puissance peut prendre une surface en dehors du territoire métropolitain pour produire des biens, en général agricoles, qui vont être consommés par la suite sur le territoire métropolitain. Ce qui donne au final soit une métropole avec des colonies, soit une métropole avec des échanges qui se font sur des territoires extérieurs à son espace métropolitain, et sur lesquels elle va engager soit des colons, soit des gens qui lui sont subordonnés, pour faire pousser des choses ou des produits de base dont elle a besoin. Il est à noter que le capitalisme libéral et le capitalisme de la finitude ont tous deux besoin de ces « hectares fantômes ». Orain constate une extension des surfaces d'hectares fantômes dans la présente phase du capitalisme de la finitude.

[3] La « friendshoring » (« relocalisation amicale ») consiste à relocaliser vers des pays de confiance certaines activités économiques qui vont mettre à profit, en l'approfondissant, l'intégration économique et les gains d'efficacité.

Références

Allmendinger, Philip. 2002. Planning Theory. Houdmills and New York : Palgrave, 346 p.

Orain, Arnaud. 2025. Le monde confisqué : Essai sur le capitalisme de la finitude (XVIe - XXIe siècle). Paris : Flammarion, 365 p.

Urban, Miguel. 2022, 22 mars. « Le néolibéralisme autoritaire et ses nouveaux visages. L'illibéralisme, une phase supérieure du néolibéralisme. Les cas de la Hongrie et de la Pologne ». Presse-toi à gauche ! https://www.pressegauche.org/L-iilibéralisme-une-phase-superieure-du-neoliberalisme-Les-cas-de-la-Hongrie. Consulté le 22 mars 2022.

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Des arbres dans nos champs | Livre à paraître le 5 nov. | Pour redécouvrir les vertus de l’agroforesterie

21 octobre, par Alain Olivier, Éditions Écosociété — , ,
Pourquoi avons-nous séparé les arbres, les cultures et les animaux ? Les arbres dérangent-ils à ce point ? Pourquoi ne pas en faire des alliés en agriculture ? Il est temps de (…)

Pourquoi avons-nous séparé les arbres, les cultures et les animaux ? Les arbres dérangent-ils à ce point ? Pourquoi ne pas en faire des alliés en agriculture ? Il est temps de redécouvrir les vertus de l'agroforesterie. *

L'essai *Des arbres dans nos champs - Comment l'agroforesterie peut transformer l'agriculture*, du professeur à l'Université Laval et essayiste Alain Olivier, paraîtra *en librairie le 5 novembre* prochain.

*En bref* : un livre appelé à devenir une référence sur le thème méconnu de l'agroforesterie.

*À propos du livre*

Pour relever les défis en agriculture, les arbres sont nos alliés. Ils contribuent à améliorer la santé des sols, à accroître la biodiversité et à lutter contre les changements climatiques, participant ainsi à une agriculture soutenable. Pourquoi ne font-ils pas l'objet d'une plus grande considération dans la révolution agroécologique en cours ? Pourquoi nous entêtons-nous à compartimenter les arbres (foresterie), les cultures (agriculture) et les animaux (élevage) ? Et si nous faisions fausse route ?

Dans ce plaidoyer aussi avisé que stimulant, Alain Olivier démontre pourquoi les arbres devraient occuper une place de choix dans nos agroécosystèmes. Cultiver la forêt et la savane, planter des arbres dans nos jardins et nos champs, élever des animaux parmi les arbres... En épousant davantage le fonctionnement des écosystèmes naturels, l'agroforesterie permet non seulement de maintenir les équilibres biogéochimiques à la base de notre existence, mais aussi d'assurer la satisfaction des besoins élémentaires de milliards d'êtres humains. Ce mode
d'exploitation agricole, qui mise sur l'association des arbres avec les cultures ou les élevages, a également des effets bénéfiques sur le plan social (sécurité alimentaire), économique (vitalité régionale) et affectif
: « [...] tous les agroécosystèmes ne se valent pas quand vient le temps de comparer le bien-être qu'ils procurent à leurs artisans, ainsi qu'à leurs concitoyennes et concitoyens. »

Cet ouvrage, qui s'appuie sur une importante littérature scientifique et les études auxquelles a pris part l'auteur, est complété par des portraits généreux d'agricultrices et d'agriculteurs qui ont croisé sa route au fil de ses voyages professionnels. Il est appelé à devenir une référence de premier plan sur le thème de l'agroforesterie.

« *Nos modes de production agricole, notre système alimentaire, notre façon d'occuper nos territoires sont en effet conçus d'une telle façon que l'arbre dérange. Au cours des dernières décennies, on a donc tout fait pour
s'en passer, le mettre à l'écart ou même l'éliminer. Or, de plus en plus d'acteurs de l'agriculture se rendent compte aujourd'hui que c'était sans doute là une erreur de notre part.
* »

*À propos de l'auteur*

Alain Olivier est professeur à l'Université Laval, où il dirige le Groupe interdisciplinaire de recherche en agroforesterie (GIRAF) et le programme de maîtrise en agroécologie. Lauréat en 2004, à Paris, du Prix
international La Recherche, mention Environnement, pour ses travaux de recherche en agroforesterie, il est également l'auteur de *La révolution agroécologique. Nourrir tous les humains sans détruire la planète*
(Écosociété, 2021).

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Quarante-cinq ans à défendre les chômeurs

21 octobre, par Luc Allaire — , ,
Au printemps 2024, quelques mois avant de prendre sa retraite, Pierre Céré a réalisé un projet dont il rêvait depuis quelques années : raconter les histoires vécues de (…)

Au printemps 2024, quelques mois avant de prendre sa retraite, Pierre Céré a réalisé un projet dont il rêvait depuis quelques années : raconter les histoires vécues de personnes qui avaient perdu leur emploi et à qui on avait refusé leurs prestations d'assurance-chômage.

14 octobre 2025 | tiré de l'Aut'journal
https://www.lautjournal.info/20251014/quarante-cinq-ans-a-defendre-les-chomeurs

Lorsque je l'ai rencontré chez lui à Sutton, je lui ai demandé d'où lui était venue cette idée. « Au cours de ma carrière, m'a-t-il dit, j'ai tellement parlé du filet social que j'en étais fatigué moi-même. La loi de l'assurance-chômage, c'est plate, c'est compliqué. J'ai donc décidé d'en parler autrement en montrant le visage du chômage à travers 63 histoires que j'ai retenues parmi les centaines de personnes que j'ai défendues. »

Il a donc écrit ces histoires dans le livre La tête de l'emploi (Écosociété), dont certaines remontent à plus de 45 ans et dont il se souvient très bien parce qu'elles l'ont marqué. « Ce sont les histoires d'hommes et de femmes qui fuyaient une situation toxique, cherchaient une solution, mais qui, malheureusement, se sont retrouvés pris dans un goulot d'étranglement. Des gens que le système a refusé d'écouter et qui les a souvent méprisés. »

C'est à la fin des années 1970 que Pierre Céré a fait ses premières armes comme travailleur communautaire à Rouyn-Noranda au moment où le taux de chômage était effarant en Abitibi, il dépassait les 15 %.

Il revenait d'un voyage dans l'Ouest du Canada où il avait fait une foule de petits boulots. Sans le sou, sans domicile fixe, il s'est mis en tête de créer le « regroupement des chômeurs » à Rouyn-Noranda. Étrangement, il se bute alors à des groupes marxistes-léninistes qui le critiquaient pour son « déviationnisme économiste ». On lui reprochait de se cantonner dans l'aide individuelle plutôt que de se lancer dans l'action collective visant de grands changements. Ce qui a eu pour effet de décourager ses coéquipières.

L'orage de la critique s'est heureusement dissipé, et il a poursuivi ses démarches pour créer un nouveau collectif. Avec l'aide du Syndicat des travailleurs de l'enseignement du Nord-Ouest québécois (STEENOQ affilié à la CEQ, l'ancêtre de la CSQ), il a pu signer un bail d'un an à Noranda, à un pâté de maisons de la Fonderie Horne.

Mais Pierre n'a pas étudié le droit à l'université, c'est un autodidacte qui a appris sur le tas, avec un coaching de l'aide juridique de Rouyn-Noranda et l'aide de Louise du Mouvement Action Chômage de Montréal.

« Souvent, j'accompagnais les chômeurs au bureau d'assurance-chômage. C'est comme ça que ça marchait à l'époque, on pouvait rencontrer les fonctionnaires dans leur bureau, contrairement à aujourd'hui où il est quasi impossible de rencontrer un enquêteur de l'assurance-emploi. »

Lorsque le fonctionnaire refusait de revoir sa décision, il demandait au chômeur de réunir ses amis et de retourner le lendemain pour occuper le bureau de l'assurance-chômage. « On était des vrais cow-boys, on faisait de l'action directe pacifiste », dit-il en riant.

Et ça fonctionnait. Sa moyenne au bâton était autour de 90 %. Car contrairement aux fonctionnaires qui doivent prendre une décision rapidement, Pierre prenait le temps d'écouter la personne qui avait perdu son emploi, ce qui lui permettait d'expliquer au Tribunal administratif de l'assurance-emploi les vrais motifs du congédiement, que ce n'était pas pour inconduite, ou que ce n'était pas un départ volontaire, comme le prétendait l'employeur.

Le livre couvre une longue période, de 1979 à 2025, de Rouyn-Noranda à Montréal. Après avoir quitté l'Abitibi, Pierre a été coordonnateur du Comité Chômage de Montréal de 1987 à 2024 et porte-parole du Conseil national des chômeurs et chômeuses.

Les histoires de cas qu'il relate dans son livre nous font parfois rire, rager ou pleurer. Des histoires comme celle de Simon, qui venait d'être suspendu sans solde pour une période de six mois, parce qu'il avait trafiqué des certificats médicaux. La preuve était claire. Des vérifications avaient été effectuées auprès de la clinique médicale où il avait volé le carnet d'un médecin.

La fonctionnaire, une certaine Mireille, a éclaté de rire quand Pierre lui a annoncé qu'il faisait appel de sa décision. En prenant le temps de discuter avec Simon, celui-ci avait fini par lui confier qu'il souffrait de troubles chroniques de sommeil qui lui causaient une kyrielle de problèmes. Après plusieurs démarches, Simon a été orienté vers une clinique spécialisée d'un grand hôpital de Montréal. Il a été soigné, et a bénéficié d'un traitement contre la dépression.

La fabrication de faux certificats s'expliquait alors, les arguments ont été exposés. La directrice des ressources humaines de l'entreprise écoutait. Le résultat heureux de cette mésaventure, ce fut non seulement un gain devant le Conseil arbitral et la possibilité pour Simon de recevoir des prestations de chômage, mais à la suite de ce jugement, la compagnie lui offrit même de le réembaucher.

Cet essai se lit comme un roman, il est écrit dans une langue vivante, teintée d'humour et remplie d'humanité. Bref, si vous voulez tout savoir sur le fonctionnement de l'assurance-emploi et l'histoire de l'assurance-chômage, faites-le de manière agréable en lisant La tête de l'emploi. Ce sera plus divertissant que de lire la Loi sur l'assurance-emploi et toute la jurisprudence.

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