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OCCIDENT : FIN DE L’HÉGÉMONIE ? MÉLENCHON, VENTURA, BULARD, BILLION
03 février 2024 | © LHB pour LVSL
Le mardi 30 janvier, Le Vent Se Lève et l'Institut La Boétie vous invitent à une grande conférence avec Jean-Luc Mélenchon, Christophe Ventura, Martine Bulard et Didier Billion.
Le déclenchement de deux conflits régionaux, aux retentissements et répercussions mondiales, avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, et l'opération israélienne à Gaza suite aux attaques du 7 octobre, ont rendu visibles les changements immenses qui ont déjà eu lieu dans l'ordre international.
Pour une majorité du monde, l'alignement sur les États-Unis et leurs alliés n'est plus du tout une évidence. Ce grand glissement s'observe aussi à travers d'autres phénomènes de relations internationales, au-delà même des conflits armés : rivalité commerciale, scientifique, industrielle entre la Chine et les États-Unis ; élargissement des BRICS et volonté déclarée de leur part de dédollariser les échanges ; dynamiques démographiques contraires entre continents etc.
À l'occasion du la publication du livre de Christophe Ventura et Didier Billion, chercheurs en relations internationales, « Désoccidentalisation : repenser l'ordre du monde », le département de relations internationales de l'Institut La Boétie, en partenariat avec le média indépendant Le Vent Se Lève, organise une conférence intitulée « La désoccidentalisation du monde est-elle une bonne nouvelle ? ».
Cette discussion fera intervenir les deux co-auteurs du livre, ainsi que Martine Bulard, journaliste au Monde Diplomatique spécialiste de géopolitique, et Jean-Luc Mélenchon, co-président de l'Institut La Boétie et militant engagé de longue date pour une diplomatie altermondialiste.
Lors de leur échange, ces intervenants présenteront leurs thèses sur le déclin relatif des États-Unis d'Amérique, la montée en puissance de la Chine et de l'Asie, et les conséquences de ces dynamiques pour la paix du monde, le droit international, la bifurcation écologique ou la place de la France.

Les géants du fossile s’enfoncent dans le tout-pétrole

Les grands groupes pétroliers occidentaux ont tiré un trait sur leurs engagements de lutte contre les dérèglements climatiques. Tous n'affichent plus qu'un objectif : produire toujours plus de pétrole et engranger toujours plus d'argent. Comme l'exigent leurs actionnaires.
7 février 2024 | tiré d'Europe solidaires sans frontières | Photo : Le stand de TotalEnergies lors de l'Exposition internationale du pétrole d'Abou Dhabi en octobre 2023. © Photo Ali Haider / EFE / EPA via MaxPPP
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article69727
Bien sûr, cela n'a pas la même flamboyance qu'en 2022. Mais dans cet environnement morose, où l'activité économique mondiale patine, elles ont toutes les raisons de se féliciter de leurs résultats. Sur l'ensemble de l'année 2023, les cinq plus grandes compagnies pétrolières occidentales (Exxon, Chevron, Shell, BP, TotalEnergies) ont réalisé 113,3 milliards de dollars (105,2 milliards d'euros) de profits.
Comparé aux 180,5 milliards de dollars enregistrés l'année précédente, cela fait certes un peu pâle figure. Mais la crise énergétique s'est dissipée. Les cours du pétrole, qui avaient flambé à plus de 120 dollars le baril, sont redescendus tout au long de 2023 autour 70-80 dollars. Ceux du gaz ont été divisés par quatre, après les tensions extrêmes de 2021-2022, amplifiées par la guerre d'Ukraine. Tous affichent une baisse des profits qu'ils génèrent de 40 % à 50 % d'une année sur l'autre.
TotalEnergies ne fait pas exception. Officiellement, le groupe pétrolier est le seul à voir ses résultats progresser cette année : ils passent de 19 à 21,4 milliards de dollars entre 2022 et 2023. Ses profits de l'an dernier avaient cependant été sérieusement rabotés : ils étaient de plus de 36 milliards de dollars avant que le groupe n'inscrive une série de provisions et de dépréciations d'actifs, notamment après l'abandon de ses activités en Russie.
Cette chute à l'unisson des profits des majors pétrolières vient conforter la thèse de ceux qui défendaient une taxe sur les superprofits des compagnies pétrolières l'an dernier : elles ont bien bénéficié d'un effet d'aubaine lié à des circonstances hors norme qui n'avaient rien à voir avec leurs performances intrinsèques. Cette année, elles n'ont plus rien à craindre en matière de taxation supplémentaire : la question d'un prélèvement sur les superprofits a été enterrée depuis longtemps.
Un nouveau record pour les rachats d'actions
Loin d'être affectées par ces baisses, les majors pétrolières y voient au contraire un signe d'encouragement : leurs profits de 2023 sont supérieurs de 40 % à ceux de 2021. Pour TotalEnergies, c'est la meilleure performance de son histoire ; pour Exxon, la deuxième.
Toutes y décèlent la confirmation du bien-fondé des changements de stratégie qu'ils ont adoptés au cours des deux dernières années. Passés un peu inaperçus, ces revirements se déclinent chez toutes de la même manière : renforcement des activités pétrolières et gazières, abandon des engagements en faveur de la lutte contre les dérèglements climatiques, diminution des investissements et des immobilisations trop gourmandes en capitaux, augmentation des rendements. En un mot, tout ce que leur demandent leurs actionnaires.
« Les grandes sociétés pétrolières démontrent qu'elles peuvent tenir leurs promesses, même quand les prix baissent », s'enthousiasme le chroniqueur énergie de Bloomberg. Les majors pétrolières ne pouvaient avoir plus d'encouragements.
Parmi les cinq plus grandes compagnies pétrolières occidentales, TotalEnergies est la seule à avoir augmenté ses profits entre 2022 et 2023. © Infographie Mediapart

Habituées jusque-là à dominer Wall Street, Exxon et Chevron vivent très mal leur relégation derrière les géants du numérique et de la high-tech. Pour doper leurs cours, elles usent de l'arme désormais favorite des grands groupes : les rachats d'actions. Leurs concurrentes européennes n'ont eu aucun mal à se laisser convaincre de les imiter. Année après année, les sommes dépensées pour rémunérer les actionnaires atteignent de nouveaux sommets.
Mais 2023 marque un record toutes catégories : les cinq majors ont reversé plus de 90 milliards de dollars, dont plus de 60 milliards sous forme de rachats d'actions, à leurs actionnaires. Les unes et les autres se sont engagées à faire encore mieux cette année.
Cette politique se révèle des plus payantes. Les majors pétrolières, qui redoutaient dans les années 2018-2019 de se voir exclues des marchés des capitaux avec l'instauration de normes ESG (environnement, social et gouvernance) en cours d'adoption par les institutions internationales et les financiers, ne nourrissent plus aucune crainte : attirés par la manne pétrolière, les investisseurs reviennent au galop. Même la finance verte, qui se voulait exemplaire en matière de lutte contre les dérèglements climatiques, a passé la marche arrière. Les gérants de ces fonds « verts » achètent en masse ces valeurs pétrolières parce qu'elles offrent des rendements imbattables.
En marche arrière sur les renouvelables
Ce soutien explicite des marchés financiers encourage les groupes pétroliers à abandonner leurs discours précédents : plus question d'être les champions des énergies renouvelables, de contribuer par tous les moyens à l'instauration d'une économie décarbonée et de renoncer au pétrole et au gaz.
Très en pointe dans la promotion d'une stratégie bas carbone, BP a fait untête-à-queue spectaculaire en 2023. Lors de la présentation de ses résultats, son président, Bernard Looney, avait alors annoncé une révision drastique des ambitions du groupe dans ce domaine. Au lieu de 40 % de baisse de ses émissions en 2030, il ne prévoyait qu'une diminution de 25 % à cette date, l'objectif initial étant reporté à 2050.
Le changement de cap a été encore plus brutal que prévu. Déjà contesté pour ses résultats médiocres, Bernard Looney a dû démissionner en septembre dernier pour n'avoir pas révélé toutes ses relations « personnelles » dans l'entreprise. Son successeur, Murray Auchincloss, n'a été confirmé que fin janvier. Entre-temps, le groupe pétrolier britannique a décidé de pousser les feux dans le pétrole et le gaz et d'oublier nombre de projets dans les énergies renouvelables.
Le mouvement est général. Estimant que les prix de rachat garantis par les gouvernements ne sont pas suffisamment élevés pour des projets de champs d'éoliennes ou de parcs solaires, les majors ont renoncé à participer à de nombreux appels d'offres voire se sont retirées des projets déjà lancés. Tout cela n'est pas assez rentable, selon eux.
Dans le souci d'améliorer les performances de Shell, son directeur général Wael Sawan, en poste depuis un an, a annoncé son intention de vendre des actifs et de réduire ses investissements – pourtant déjà assez faibles – dans les solutions bas carbone. Il prévoit de supprimer des centaines d'emplois dans ces activités.
La direction d'Exxon, qui n'a jamais été favorable à toute transition énergétique, ne fait même plus d'effort pour cacher ses positions. À l'exception de la capture du CO2 et de l'hydrogène, dernières lubies des financiers, elle n' a pas de grand projet dans le domaine. Ne se sentant plus contraint par les discours ambiants, le groupe pétrolier a même décidé de montrer les dents face à toute contestation écologique : il vient d'engager des actions judiciaires contre deux fonds activistes qui contestaient son absence de politique environnementale, bien que ceux-ci aient renoncé à leur pétition.
Le pétrole, leur « raison d'être »
À ce stade, il n'y a plus que TotalEnergies qui revendique encore sa volonté de vouloir se développer dans les énergies renouvelables. Le groupe a toujours l'ambition d'atteindre les 100 gigawatts (GW) de puissance installée dans la production d'électricité renouvelable d'ici à 2030. Même si le pétrolier français semble faire bande à part sur le sujet, il se retrouve cependant en parfait accord sur l'essentiel avec ses concurrents : le pétrole et le gaz sont plus jamais les fondements de leur activité, leur « raison d'être ». C'est de là que les uns et les autres tirent tout leur argent.
Les groupes s'enfoncent dans la politique la plus court-termiste qui soit : produire le plus de pétrole possible, en dégageant le plus d'argent possible, sans se soucier de l'avenir.
Les cinq majors ont là aussi changé d'approche sur le sujet : ces activités doivent consommer beaucoup moins de capitaux qu'auparavant, être plus rapidement rentables. Ces nouvelles exigences les amènent à reconsidérer leurs engagements, à nettoyer leur portefeuille, à céder les actifs risqués.
En janvier, Shell a ainsi a annoncé la vente pour 1,3 milliard de dollars de ses activités d'extraction pétrolière au Nigéria, un pays où le groupe travaille depuis des années. Ce dernier prévoit de ne conserver que son exploration offshore jugée moins risquée et moins contestée par les populations. De la même manière, Chevron se dit prêt à vendre des actifs dans l'Alberta (Canada), pas assez rentables.
La grande fusion entre pétrole traditionnel et pétrole de schiste
Pour les groupes pétroliers américains, cette révision des activités pétrolières s'inscrit dans ce qui pourrait s'apparenter à un certain isolationnisme. 2023 a marqué en effet un changement majeur dans le monde pétrolier américain : la fusion entre les activités pétrolières traditionnelles et celles issues du pétrole et du gaz de schiste.
Pendant près de quinze ans, les grandes majors pétrolières ont regardé avec une certaine condescendance le développement de ces petites unités pétrolières et gazières travaillant par fracturation de la roche sur tout le territoire américain. L'accélération de ces productions – qui ont permis aux États-Unis de se hisser à nouveau aux premiers rangs des producteurs pétroliers mondiaux et d'assurer l'indépendance énergétique du pays, sur fond de crise énergétique – a convaincu les majors pétrolières qu'il n'était plus temps de les ignorer.
En octobre, Exxon a racheté la société texane Pioneer Natural Resources pour 59,5 milliards de dollars. C'est la première grande OPA dans le pétrole de schiste. La fusion des deux groupes devrait permettre d'atteindre une production de 2 millions de barils de pétrole de schiste par jour en 2027. Chevron, qui a l'ambition de produire près de 1 million de barils par jour de pétrole de schiste au Texas, serait le prochain candidat pour racheter d'autres de ces producteurs, à en croire certains traders.
Indifférents au contexte international, les groupes pétroliers américains pourraient produire plus de 11 millions de barils par jour cette année, selon les prévisions. Cette politique de production intensive vient heurter de plein fouet celle de l'Arabie saoudite et de l'Opep, qui cherchent, dans cette période de moindre demande, à maintenir des cours élevés en diminuant leur production.
Tant que les majors pétrolières réussiront à dégager des marges plantureuses même avec des prix moyens, elles pourront poursuivre dans cette voie. Mais si leur rentabilité se dégrade, tout s'arrêtera. Car l'important, ce n'est ni le climat ni la préservation de la planète, c'est la satisfaction des actionnaires.
Martine Orange
P.-S.
• MEDIAPART. 7 février 2024 à 20h47 :
https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/070224/les-geants-du-fossile-s-enfoncent-dans-le-tout-petrole
Les articles de Martine Orange sur Mediapart :
https://www.mediapart.fr/biographie/martine-orange
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Solidaires contre la loi 21

Le 7 février, le ministre Jean-François Roberge a annoncé que son gouvernement va déposer un projet de loi en vue de prolonger d'une autre période de cinq ans la clause dérogatoire qui protège la Loi sur la laïcité de l'État (loi 21) des contestations judiciaires. Plus spécifiquement, il s'agit de la clause concernant la charte canadienne, celle qui vise la charte québécoise n'ayant pas besoin d'être renouvelée périodiquement.
12 février 2024 | Photo : Québec solidaire vote contre la Loi 21 à l'Assemblée nationale
En faisant cette annonce, le ministre affirme vouloir “préserver la paix sociale”. Autrement dit, il invite les personnes qui ont perdu des droits il y a bientôt cinq ans avec l'adoption de cette loi à accepter d'être des citoyennes et des citoyens de seconde zone pour faire plaisir aux gens qui veulent préserver leur droit à exercer une forme de discrimination contre les minorité religieuses visibles. Rappelons que la loi interdit aux personnes qui portent des signes d'appartenance religieuse de pratiquer un bon nombre de professions (enseignante, gardienne de prison, procureure de la couronne, policière). Sont particulièrement visées les femmes musulmanes qui portent le hijab, mais aussi les hommes portant la kippa juive ou le turban sikh.
Le ministre et son gouvernement espèrent aussi que ceux et celles qui ont toujours rejeté les aspects discriminatoires de la loi vont abandonner leur opposition. Mais cette loi constitue une rupture avec le principe de l'égalité des droits, sans précédent depuis l'adoption de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne en 1976. Québec solidaire s'est prononcé clairement contre cette loi, notamment par le vote de ses dix personnes députées, qui avaient alors brandi des drapeaux du Québec au salon bleu, en signe de protestation contre cette attaque contre les valeurs démocratiques fondamentales inscrites dans un texte quasi-constitutionnel. La députation libérale avait aussi voté contre l'adoption du projet de loi 21, tandis que les députés péquistes votaient avec le gouvernement. Il y a donc, parmi les quatre partis présents à l'Assemblée nationale, deux qui sont pour ces aspects de la loi et deux qui sont contre. On est donc loin du prétendu consensus dont se réclame le gouvernement.
Hésitations parlementaires
En réponse à l'annonce du ministre, le député solidaire responsable du dossier, Alexandre Leduc, a réitéré une idée qui avait déjà été évoquée à certains moments mais jamais adoptée formellement dans une instance du parti. L'idée en question est qu'on pourrait s'opposer à la clause dérogatoire portant sur la charte québécoise, mais appuyer celle qui vise la charte canadienne. La logique étant que le Québec n'a jamais consenti à la constitution de 1982 et rejette donc, par principe, l'application de cette constitution à la contestation des lois adoptées par l'Assemblée nationale.
Cette idée ne repose sur aucun argument légal sur le fond, les deux chartes affirmant les mêmes principes dans ce cas particulier. Elle est également inapplicable étant donné que la clause dérogatoire portant sur la charte québécoise n'est pas affectée par le projet de loi. Elle ne constitue pas non plus une bonne idée sur le plan politique parce qu'elle donne l'impression que Québec solidaire n'appuie pas la lutte des personnes qui subissent de la discrimination en raison de cette loi et crée une ambiguité quant à son positionnement. Autrement dit, ça pourrait donner l'impression qu'on se rallie à cette loi cinq ans plus tard et faire oublier que nous avions voté contre.
Si on peut comprendre la logique indépendantiste de la chose, il s'agit d'un argument très abstrait qui est difficilement conciliable avec notre devoir de solidarité avec les personnes ciblées directement ou indirectement par la loi. Cette solidarité doit inclure un appui pour la lutte de ces personnes en vue de rétablir leurs droits, incluant par la contestation de la loi devant les tribunaux. Les clauses dérogatoires en béton comprises dans la loi constituent en fait un aveu implicite du caractère discriminatoire de la loi de la part du gouvernement. Le jugement Blanchard de 2021 a fait ressortir à quel point les clauses dérogatoires ont une portée qui va bien au-delà des enjeux posés par la loi 21 et que sans de telles clauses, les articles portant sur les signes religieux seraient déclarés contraires aux chartes et invalidés.
La lutte se poursuit
On attend d'ailleurs d'un jour à l'autre un jugement de la cour d'appel suite à la contestation du jugement Blanchard par le gouvernement du Québec. Le juge avait invalidé l'application de la loi aux personnes députées et permis une dérogation aux commissions scolaires anglophones, en raison de l'article constitutionnel assurant la gouvernance autonome de leurs institutions scolaires. L'application de ce jugement est suspendue en attendant la décision de la cour d'appel, laquelle sera certainement contestée par une des parties et donc renvoyée à la Cour suprême.
Un enjeu majeur dans ce débat juridique est justement à savoir s'il devrait y avoir des limites à l'utilisation de la clause dérogatoire. Cette question avait été soulevée l'an dernier quand le gouvernement de l'Ontario avait déposé un projet de loi visant à briser une grève de travailleuses et travailleurs de l'éducation, en utilisant la clause dérogatoire. Le gouvernement Ford avait fait marche arrière devant le tollé de protestation qui avait même inclus des menaces de mobilisation de la part du mouvement syndical québécois.
Le rejet de l'utilisation de clauses dérogatoires dans le cas de cette loi ne constitue pas une opposition de principe à l'utilisation de telles clauses, qui peuvent être justifiées dans certaines circonstances. Les partisans de la Loi 21 rappellent souvent que la Charte de la langue française (loi 101) aurait été grandement affaiblie si le Québec n'avait pas évoqué la clause dérogatoire à certains moments pour la soustraire aux jugements de la Cour suprême. Mais il se trouve que la loi 21 fait précisément le contraire de la loi 101. La loi 101 vise à protéger une minorité culturelle (les francophones du Canada) contre l'assimilation linguistique dans la majorité anglophone, tandis que la loi 21 tente de forcer l'assimilation de minorités (religieuses) aux pratiques vestimentaires majoritaires. Autrement dit, la première lutte contre l'oppression tandis que l'autre renforce une forme d'oppression.(1)
Aussi, une lutte qui conteste une loi ou une politique du Québec en vertu de la constitution canadienne n'est pas automatiquement une attaque contre le Québec en général, contrairement à ce que ne manqueront pas d'affirmer les faiseurs d'opinion de l'empire Québecor. Prenons en exemple la victoire récente de la Nation atikamekw d'Opitciwan, en Mauricie, pour son autonomie en matière de protection des enfants. Elle s'est appuyée sur une loi fédérale et la constitution canadienne. Manon Massé, l'ambassadrice solidaire auprès des peuples autochtones, ne s'est pas gênée pour approuver ce jugement par solidarité avec la lutte des premiers peuples pour leur autodétermination.
Enfin, Québec solidaire doit éviter toute ambiguïté dans son positionnement sur ce type de question pour des raisons stratégiques. Les dommages causés à la cause de l'indépendance du Québec par le Parti québécois depuis son virage identitaire - notamment avec la Charte des valeurs québécoises de 2013 et son appui indéfectible pour la loi 21 de la CAQ - ne peuvent être réparés que par la promotion, par Québec solidaire, d'un projet indépendantiste rassembleur incluant la défense des droits de la personne et des minorités. Le lancement cette semaine d'une campagne de QS pour l'indépendance arrive à point. Cette campagne insiste d'ailleurs sur le caractère rassembleur et inclusif de notre projet politique. Les interventions de notre députation sur la loi 21 ne devraient pas laisser l'ombre d'un doute sur la solidité des principes qui sous-tendent notre vision de l'indépendance.
(1) Certains membres de la communauté anglo-québécoise sont également dans l'erreur quand ils font des parallèles entre les deux lois. Les communautés anglophones du Québec ne constituent pas un groupe opprimé. Au contraire, il s'agit d'une minorité dominante et privilégiée historiquement qui a résisté avec acharnement à la perte de certains de ses privilèges en s'opposant aux lois linguistiques. Si des anglophones du Québec subissent de la discrimination ou de l'oppression, ce n'est pas en raison de leur langue mais sur la base d'autres facteurs comme leur appartenance à un groupe racisé.
Le comité de coordination élargi de QS Hull vient d'adopter cette résolution.
SVP, faire suivre dans vos réseaux. Le caucus et le CCN vont en discuter cette semaine et même si leur décision s'avérait assez bonne, le débat va continuer sur les rapports de QS avec le nationalisme identitaire et le souverainisme abstrait.
Attendu que…
La Loi sur la laïcité de l'État (loi 21), adoptée en juin 2019, constitue une rupture avec le principe de l'égalité des droits, sans précédent depuis l'adoption de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne en 1976. Cette loi légalise en effet une forme particulière de discrimination fondée sur la visibilité de l'appartenance religieuse, dans certains domaines d'activité dont l'enseignement, le Droit et la sécurité publique. Elle va donc à l'encontre de la liberté de religion et de conscience, du droit au travail et du droit à l'égalité. C'est pourquoi Québec solidaire s'est prononcé clairement contre cette loi, notamment par le vote de ses personnes députées.
Le premier devoir d'un parti comme Québec solidaire face à cette loi en est un de solidarité avec les personnes qui ont perdu des droits lors de son adoption. Notre parti appuie la lutte de ces personnes pour rétablir leurs droits, incluant par la contestation de la loi devant les tribunaux. Des clauses dérogatoires ont été incluses dans la loi 21 en vue précisément de la protéger contre des contestations judiciaires, ce qui constitue un aveu implicite du caractère discriminatoire de la loi de la part du gouvernement.
Le rejet de l'utilisation de clauses dérogatoires dans le cas de cette loi ne constitue pas une opposition de principe à l'utilisation de telles clauses, qui peuvent être justifiées dans certaines circonstances, comme pour protéger la Charte de la langue française.
L'idée de s'opposer à la clause dérogatoire concernant la Charte québécoise des droits et libertés mais pas à celle qui vise la Charte canadienne ne repose sur aucun principe légal, les deux chartes affirmant les mêmes droits dans ce cas particulier. Elle ne constitue pas non plus une bonne idée sur le plan politique parce qu'elle donne l'impression que Québec solidaire n'appuie pas la lutte des personnes qui subissent de la discrimination en raison de cette loi et crée une ambiguité quant à son positionnement.
Les dommages causés à la cause de l'indépendance du Québec par le Parti québécois depuis son virage identitaire - notamment avec la Charte des valeurs québécoises de 2013 et son appui indéfectible pour la loi 21 de la CAQ - ne peuvent être réparés que par la promotion, par Québec solidaire, d'un projet indépendantiste rassembleur incluant la défense des droits de la personne et des minorités.
Que Québec solidaire, notamment par la voix de son caucus, prenne position clairement et publiquement contre le renouvellement de la clause dérogatoire s'appliquant à la Loi sur la laïcité de l'État (loi 21) et affirme sa solidarité avec les personnes qui subissent de la discrimination depuis cinq ans à cause de cette loi.
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Négociation dans les secteurs public et parapublic : Premiers éléments en vue d’un bilan (sous la forme d’une entrevue avec L’Étoile du Nord)

Tant et aussi longtemps que la rémunération des salarié.es syndiqué.es des secteurs public et parapublic ne sera pas déterminée à partir de critères fondés sur l'équité et la justice, tant et aussi longtemps que les salarié.es syndiqué.es n'auront pas droit à une rémunération qui leur permet de vivre dignement, tant et aussi longtemps que ces salarié.es devront s'éreinter au travail, la lutte de ces personnes salariées qui se dévouent pour la collectivité va nécessairement devoir être appuyée par la population et aucun moyen de pression - y compris la grève partielle ou générale et illimitée – n'est à écarter.
É du N : 1- Quels sont les principaux gains obtenus par le Front commun dans cette entente de principe ?
YP Minimalement, une première année qui accorde une hausse de salaire de 6% plus une protection partielle face à l'inflation de 1% par année pour chacune des trois dernières années de la convention collective. Il s'agit certes d'une clause de protection partielle face à l'inflation, mais il s'agit quand même d'une première, toujours en lien avec l'inflation, depuis l'entente de la ronde de négociation de 2010 et une première généreuse hausse salariale paramétrique depuis 1979. Je précise ici que je n'ai pas eu la chance de lire l'entente de principe paraphée par les parties négociantes. Pour répondre à votre question, je m'en remets par conséquent au communiqué émis par le Front commun CSN-CSQ-FTQ-APTS le 7 janvier 2024. Au chapitre des gains, il y en a un qui porte sur les vacances (une cinquième semaine après 15 ans de service ou 19 ans d'ancienneté, selon les conventions collectives). Les salarié.es syndiqué.es des secteurs public et parapublic ont obtenu une amélioration au régime de retraite (RREGOP) concernant la retraite progressive qui peut s'échelonner jusqu'à sept ans, au lieu de cinq ans et une possibilité de participer - lire cotiser - au régime jusqu'à 71 ans au lieu de 69 ans comme c'est le cas actuellement. Il y aurait également dans l'entente de principe des améliorations au régime des droits parentaux ; une bonification des cotisations de l'employeur pour l'assurance maladie ; une bonification de la prime de rétention et d'attraction pour les ouvriers spécialisés et l'intégration de deux titres d'emplois supplémentaires dans cette catégorie (les ébénistes-menuisiers et les mécaniciens de machine frigorifique) et finalement une majoration salariale de 10% pour les psychologues et d'autres bonifications salariales (avancement accéléré dans les échelons ou encore diverses primes pour certain.es syndiqué.es) dans les ententes sectorielles en santé et en éducation. Ce sont là les grands gains qui ont été diffusés par le Front commun.
Je me permets de déborder de votre question pour porter à votre connaissance qu'il y a un fait qui mérite d'être signalé et qui correspond selon moi à une « perte ». J'ai en tête ici la durée de la convention collective qui a été conclue entre les parties. Il s'agit d'un contrat de travail qui s'échelonne sur cinq ans (du mois d'avril 2023 au mois de mars 2028). C'était une demande du gouvernement du Québec qui aime bien les conventions collectives de cinq ans depuis l'époque où Jean Charest était premier ministre. Je précise que le régime de négociation toujours en vigueur dans les secteurs public et parapublic prévoit un contrat de travail d'une durée de trois ans, c'est ce que demandait le Front commun. Selon moi, la nouvelle convention collective de cinq ans équivaut à un recul par rapport au dernier contrat de travail qui était effectif d'avril 2020 à mars 2023. C'est en vertu d'une disposition du Code du travail (art 111.1) qu'il est permis de conclure un contrat de travail de cinq ans dans les secteurs public et parapublic. Un tel contrat de longue durée est très avantageux pour l'État, cela lui donne de la prévisibilité sur le plan budgétaire. Les organisations syndicales y trouvent également leur compte, mais n'insistons pas ici.
É du N : 2- Comment ont-ils réussi à arracher ces gains au gouvernement ?
YP Probablement en raison de la pénurie de main-d'œuvre tellement présente sur le marché du travail en ce moment. De fait, le gouvernement se retrouve dans une situation où il doit attirer du personnel et où il doit également maintenir en poste son personnel expérimenté. Pour assurer une continuité et une certaine qualité de services, le gouvernement Legault devait trouver une façon de donner plus d'argent et offrir de meilleures conditions de travail à certains groupes d'employé.es. C'est ce qu'il fallait comprendre par la célèbre déclaration du premier ministre François Legault, à savoir : « Elle est finie l'époque de la Labatt bleue pour tout le monde » (cité de mémoire ici) ; il faut alors y lire : elle est révolue l'époque de la même augmentation salariale pour tout le monde. De plus, le gouvernement ne pouvait plus continuer à aligner sa politique de rémunération dans les limites des prévisions de l'inflation établies par la Banque du Canada pour les cinq prochaines années. À ce sujet, le ministère des Finances du Québec a, en pleine négociation, réajusté à la hausse ses propres prévisions de l'inflation. Du côté du gouvernement du Québec cette prévision du taux d'inflation s'élevait, aux dernières nouvelles, à 18%, alors que du côté de la prévision de la Banque du Canada elle est inférieure à ce pourcentage. La pénurie de main-d'œuvre et l'impérieuse nécessité d'attirer au travail ou de préserver en poste des personnes compétentes, qualifiées ou expérimentées, voilà un peu pourquoi les augmentations négociées et consenties ont été supérieures au plafond arbitraire fixé par l' État patron à 2% par année depuis au moins le début des années quatre-vingt-dix du siècle dernier. L'entente conclue entre les parties comporte une augmentation salariale paramétrique totale de 17,4% sur cinq ans (6% en 2023, 2,8% en 2024, 2,6% en 2025, 2,5% en 2026 et 3,5% en 2027) à laquelle il y a la possibilité d'y ajouter jusqu'à 3% pour les trois dernières années (en raison de 1% par année selon le taux annuel de l'inflation). Ce ne sera pas avant la fin du mois de mars 2028 que nous serons en mesure de dire si le pourcentage négocié s'est avéré réellement avantageux ou non pour les salarié.es syndiqué.es des secteurs public et parapublic.
É du N : 3- L'entente de principe du Front commun risque-t-elle d'avoir un impact sur les autres négociations à venir (cols bleus, construction, secteur privé) ?
YP Je ne veux pas vous décevoir, mais jusqu'à maintenant - et ce probablement depuis la ronde des décrets de 1982-1983 - les augmentations de salaire négociées ou imposées unilatéralement (c'est-à-dire décrétées) dans les secteurs public et parapublic au Québec ont plutôt été inférieures à ce qui a été négocié dans les autres secteurs économiques syndiqués (sauf erreur de ma part, ce constat est vrai pour les entreprises syndiquées de 200 employé.es et plus). L'augmentation négociée pour l'année 2023-2024, 6%, est à la hauteur de l'inflation. Elle peut servir de référence là où la négociation n'a pas encore été conclue ou là où on est en présence d'une clause « remorque » avec les secteurs public et parapublic. Quoi qu'il en soit, il faut mentionner ici que c'est depuis 1979 que le Front commun n'est plus considéré comme une « locomotive » qui a un effet d'entraînement positif pour les salarié.es des autres secteurs de la vie économique.
É du N : 4- Comment cette entente de principe se mesure-t-elle face à celles des derniers Front communs ?
YP Comme mentionné à une question précédente, cette entente de principe permet, pour les cinq années d'application de la convention collective, des augmentations salariales supérieures au dogme de 2% d'augmentation par année qui a été appliqué rigoureusement par l'État patron du Québec depuis au moins 1993 (à une exception près en 1999). Il s'agit donc indéniablement d'une entente de principe qui figure parmi les plus avantageuses, sur le plan de la rémunération, pour les salarié.es syndiqué.es, depuis 1979. En 1979, le gouvernement du Québec a décidé de réduire la portée de la clause d'indexation de ses salairé.es syndiqué.es. En 1982-1983, il a poursuivi son œuvre de réduction des salaires en imposant une compression salariale drastique à la hauteur de 19,5% pour une période de trois mois le tout accompagné d'un gel de salaire pour la première année d'application du décret ( décret tenant lieu de convention collective selon l'État patron). Lors de cette ronde de négociation, le gouvernement du Québec, a également bouleversé, en modifiant unilatéralement à son avantage, le financement du régime de retraite. De 1993 à aujourd'hui il faut rappeler que les salarié.es syndiqué.es des secteurs public et parapublic du Québec ont connu des années de compression salariale de moins 1% (1993-1994 et 1994-1995), de gel salarial (soit 0% d'augmentation en 2004, 2005 et 2015), de réduction de 6% sur les coûts de main-d'œuvre (pour la période allant de 1996 à 1999). Il faut par contre mentionner que durant ces longues et interminables années d'augmentations salaires rachitiques pour certain.es salarié.es syndiqué.es il y a quand même eu le règlement de l'équité salariale qui a été favorable à certaines catégories d'emploi principalement à prédominance féminine, le règlement sur la relativité salariale et le réajustement des échelles de salaires en 2019. Mais ces divers règlements, intéressants pour une partie (ou la totalité) des effectifs, ne correspondent pas à des augmentations salariales au sens classique du terme. L'entente de principe conclue le 28 décembre dernier évite pour les membres du Front commun et les autres salarié.es syndiqué.es à qui elle s'appliquera une compression salariale, un gel de salaire ou, pour certaines années, une augmentation inférieure à l'inflation. Mais elle ne permet pas la pleine indexation, comme c'était le cas dans les années soixante-dix (de 1971 à 1979) ni non plus le fameux rattrapage réclamé par le Front commun. À première vue, l'entente de décembre 2023 se mesure avantageusement aux ententes négociées ou unilatéralement imposées de 1979 à mars 2023.
Pour ce qui est du concept de « Front commun », je suis d'avis qu'il s'agit là d'un concept qui a été un peu trop galvaudé et que certaines personnes l'ont appliqué à des rondes de négociation où nous étions en présence d'un Front commun de façade ou d'un Front commun sans véritable consistance ou ancrage à la base (une sorte d'alliance au sommet plus ou moins formelle, plus ou moins coordonnée). Deux ex-présidents de grandes centrales syndicales m'ont précisé dans le cadre de certains de mes travaux qu'il n'y avait eu qu'un seul Front commun, soit celui de 1971-1972. L'appellation a continué à être utilisée. Quoi qu'il en soit, Front commun ou non, les rondes de négociation dans les secteurs public et parapublic des années 1990 à 2022 ont donné des résultats peu emballants [1] . Pour ce qui est de la présente ronde de négociation, elle comporte des aspects intéressants, mais pour ce qui est de l'item des salaires, ce ne sera qu'en mars 2028 qu'il sera possible de conclure définitivement à ce sujet.
É du N : 5- Le résultat des ententes risque-t-il d'avoir un effet positif ou négatif sur les mobilisations à venir dans le secteur public (réforme Dubé, réforme Drainville) ?
YP Je ne dispose d'aucune boule de cristal. Il m'est donc impossible de répondre avec précision ou exactitude à votre question. Je ne peux ici qu'exprimer un souhait personnel : tout doit être mis en œuvre, au niveau des grandes organisations syndicales, pour contrer ces deux réformes centralisatrices. En revanche, le gouvernement a dans ses mains des outils pour diviser les personnes syndiquées et en plus, il dispose d'atouts, que je ne préciserai pas, pour atteindre ses objectifs en totalité ou en partie. Dans le but que la négociation du Front commun ait un effet de fléchissement de certaines orientations gouvernementales, il est nécessaire à mes yeux que les salarié.es syndiqués.es doivent cesser de se comporter en « passager clandestin » [2] dans la vie sociale et politique . Il y a belle lurette que les organisations syndicales ne sont pas parvenues à mobiliser massivement – comme cela a été le cas lors de certaines décennies précédentes - leurs troupes sur des enjeux extérieurs à la convention collective. Tristement, nous devons constater que nous vivons dans une société au sein de laquelle prime l'individualisme, c'est-à-dire l'atomisation des personnes. Nous assistons à une véritable démobilisation des syndiqué.e.s sur certains enjeux de société majeurs. L'atomisation s'accompagne de la fin de l'absorption de l'individualité par le collectif. Pas facile pour le mouvement syndical d'intéresser leurs membres aux réformes (ou plus précisément aux « contre-réformes ») Dubé et Drainville.
Le syndicalisme, comme projet mobilisateur permanent, est un objectif difficile à atteindre sur des enjeux qui vont au-delà des conditions de travail et qui portent sur des enjeux sociétaux. Une ou un syndiqué.e ne voit pas toujours en quoi certaines réformes ou contre-réformes sont susceptibles de s'avérer éventuellement nuisibles à ses intérêts. Le « citoyen syndiqué » ayant une capacité d'agir à titre d'agent de changement et qui se mobilise en fonction des intérêts du plus grand nombre est hélas quelque chose qui existe à l'état de projet, beaucoup trop abstrait, qui se déploie en plus, sur un chemin parsemé d'embûches et de retours constants à la case départ. Les organisations syndicales ne sont pas des organisations d'opposition et de mobilisation qui peuvent toujours compter sur une participation active et permanente de leurs membres. La force du nombre des organisations syndicales est parfois une simple donnée quantitative ou statistique et non pas une donnée militante capable d'être mise à contribution en vue d'orienter le changement social ou politique.
É du N : 6- Serait-il envisageable de reproduire une telle mobilisation lors de la prochaine ronde de négociation dans la fonction publique ?
YP Là aussi je n'ai aucune boule de cristal et j'ajoute qu'en matière d'avenir la futurologie est une science tellement imprécise. Tout ce que je peux m'autoriser à dire, en réponse à votre question, consiste en ceci : je ne souscris pas au point de vue défaitiste ou négatif d'un ex-leader syndical qui a affirmé récemment à la radio publique de Radio-Canada (sur les ondes d'ICI Première) que la grève est un moyen de pression « brûlé » pour les 30 prochaines années en éducation. La mobilisation a été remarquable en santé et en éducation lors de la présente ronde de négociation. Elle a certes été différente des grèves qui ont eu cours dans les secteurs public et parapublic en 1972 et en 1983. La grève s'est déroulée du côté du Front commun de manière graduelle et dans le respect des services essentiels. Alors, la grève de 10 jours des 420 000 membres du Front commun, la grève générale illimitée - qui a durée 22 jours - des 66 500 membres de la FAE, les arrêts de travail des infirmières et des infirmiers et j'en passe… la totalité de ces arrêts de travail a permis minimalement de mettre sur la place publique les conditions de travail et de rémunération des 650 000 salarié.es syndiqué.es des secteurs public et parapublic qui sont à 75% de femmes. Ces personnes oeuvrent dans des services qui sont déterminants et fondamentaux pour notre qualité de vie en société. Puisqu'il en est ainsi, ces salarié.es syndiqué.es méritent des conditions de travail qui assurent la qualité des services offerts à la population le tout accompagné d'une rémunération à la hauteur de leur prestation de travail ainsi que des conditions de travail qui respectent leur rythme de travail. Il n'y a pas que les 125 députés de l'Assemblée nationale qui devraient avoir droit au Québec à une hausse de leur rémunération de 30%, à savoir des augmentations supérieures à celles négociées pour les salarié.es syndiqué.es des secteurs public et parapublic. Les salarié.es syndiqué.es de ces deux secteurs doivent être assurés.es d'obtenir un jour la pleine indexation de leur salaire ainsi qu'un rattrapage face aux autres salarié.es syndiqué.es des services publics (fédéral, municipal et universitaire ). La présente ronde de négociation nous a démontré, à plusieurs reprises, que l'opinion publique appuyait les revendications des salariés.es syndiqués. Plusieurs députés.es de l'opposition sont même allé.es appuyer les grévistes sur les lignes de piquetage. Le gouvernement Legault était certes conforté dans ses positions par certains éditorialistes, mais en bout de piste, il s'est retrouvé isolé. La position qu'il défendait était insoutenable. Voilà pourquoi il a dû une nouvelle fois réviser son offre salariale à la hausse. Ce n'est qu'à la présentation du prochain budget du Québec que nous saurons combien coûte au Trésor public l'entente avec le Front commun. Qu'en sera-t-il la prochaine fois en regard de la mobilisation des syndiqué.es et de l'opinion publique ? Pour être franc, je l'ignore et nous l'ignorons tous. Quoi qu'il en soit, l'époque des conditions de travail déplorables et de la rémunération médiocre dans les secteurs public et parapublic devrait être derrière nous comme l'a si bien précisé la juge Abella (dissidente) dans une célèbre décision, rendue en 2015 par la Cour suprême du Canada. Voici ce qu'elle a écrit à ce sujet :
[65]
[…] [l]es employés du secteur public ne devraient pas être tenus de subventionner la collectivité ou le secteur d'activité dans lequel ils travaillent en acceptant des salaires et des conditions de travail médiocres. [. . .] [t]out compte fait, si la collectivité a besoin d'un service public et l'exige, ses membres doivent assumer ce qu'il en coûte nécessairement pour offrir des salaires justes et équitables et ne pas s'attendre à ce que les employés subventionnent le service en acceptant des salaires médiocres. S'il est nécessaire d'économiser pour atténuer le fardeau fiscal, il faudrait le faire en réduisant certains éléments du service offert, plutôt qu'en réduisant les salaires et les conditions de travail.
[…]
La juge Abella
Robert Meredith et Brian Roach v. Procureur général du Canada. [2015] 1 RCS, p. 65.
Tant et aussi longtemps que la rémunération des salarié.es syndiqué.es des secteurs public et parapublic ne sera pas déterminée à partir de critères fondés sur l'équité et la justice, tant et aussi longtemps que les salarié.es syndiqué.es n'auront pas droit à une rémunération qui leur permet de vivre dignement, tant et aussi longtemps que ces salarié.es devront s'éreinter au travail, la lutte de ces personnes salariées qui se dévouent pour la collectivité va nécessairement devoir être appuyée par la population et aucun moyen de pression - y compris la grève partielle ou générale et illimitée – n'est à écarter. Le mouvement syndical sera-t-il en mesure de rééditer une mobilisation d'envergure comme celle que nous avons vue depuis le mois de septembre dernier ? Tout dépend s'il parvient à éviter le repli sur des positions « isolationnistes » et s'il a en sa possession des ressources financières (« L'argent est le nerf de la guerre » dixit Lénine [3]) pour livrer un combat à la hauteur de l'adversaire qu'il affronte lors de ces négociations, et j'ai nommé l'État patron qui est parfois un État législateur qui n'aime pas perdre. Avec ce genre d'employeur, qui correspond selon Thomas Hobbes à un Léviathan, c'est-à-dire à un monstre froid, rien n'est véritablement acquis, rien n'est jamais donné une bonne fois pour toutes. Mais qui l'a véritablement compris ? Face à ce grand mauvais perdant, plusieurs personnes ou trop de personnes aiment bien se bercer et se berner dans leurs illusions en regard de son potentiel revanchard.
Yvan Perrier
7 février 2024
23h30
[1] Voir à ce sujet les deux articles suivants : https://www.pressegauche.org/Des-conditions-salariales-sous-pressions-depuis-35-ans ; et https://www.pressegauche.org/D-une-illusion-al-autre . Consulté le 7 février 2024.
[2] Par « passager clandestin » il faut comprendre une personne ou un groupe de personnes qui bénéficient ou qui vont bénéficier d'un avantage résultant d'un effort collectif sans y participer ou en y participant peu.
[3] Cette célèbre citation est présente dans de nombreux ouvrages. On la retrouve apparemment au départ dans le livre de Thucydide Histoire de la guerre du Péloponnèse, (1966, Tome II, Éditions GF-Flammarion, p. 106) : " [...] l'argent ; c'est le nerf de la guerre, comme de toute entreprise."
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Après quatre mois de guerre génocidaire israélienne

Quatre mois se sont écoulés depuis l'opération « Déluge d'Al-Aqsa » et le début de la guerre génocidaire sioniste qui l'a suivie. La Nakba de 1948 est désormais dépassée sous le rapport de l'intensité du désastre et de l'horreur. Considérons les faits présentés par le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à un logement convenable, dans un article remarquable publié par le New York Times le 29 janvier : Israël a largué sur la bande de Gaza l'équivalent en explosifs de deux bombes atomiques du type de celle qui a été larguée par les États-Unis sur Hiroshima en 1945.
Tiré de Inprecor 717 - février 2024
6 février 2024
Par Gilbert Achcar
Tanks israéliens dans la bande de Gaza le 31 octobre. © IDF Spokesperson's Unit, CC BY-SA 3.0
Ce bombardement massif a entraîné à ce jour la destruction d'environ 70 % des bâtiments de l'ensemble de l'enclave et 85 % de ceux de sa moitié nord. En conséquence, 70 000 habitations ont été complètement détruites et 290 000 habitations l'ont été partiellement. Si l'on ajoute à cela la destruction des infrastructures de services tels que l'eau et l'électricité, du système de santé, y compris les hôpitaux, ainsi que du réseau éducatif (écoles et universités), des sites culturels et religieux et des bâtiments historiques, le résultat est l'éradication presque totale de la Gaza palestinienne. Cela est semblable à la suppression de la plupart des traces de vie palestinienne par la destruction d'environ 400 villes et villages sur les 78 % de la terre de Palestine entre le fleuve et la mer saisis par l'État sioniste en 1948.
Le rapporteur de l'ONU a proposé d'ajouter un nouveau crime à la liste des crimes contre l'humanité, un crime qu'il a proposé d'appeler « domicide ». Il a cité des situations du siècle présent auxquelles peut s'appliquer ce concept : Grozny en Tchétchénie, complètement détruite par l'armée russe de Vladimir Poutine au tournant du siècle ; Alep en Syrie, détruite par l'armée russe alliée aux forces iraniennes et à celles du régime Assad en 2016 ; et Marioupol en Ukraine, détruite par l'armée russe au cours premiers mois de l'invasion russe de l'Ukraine en 2022. Il faut ajouter à cette liste la ville irakienne de Falloujah, dont la majeure partie a été détruite par l'armée américaine en 2004 lors de la deuxième année de son occupation de l'Irak, ainsi que Mossoul en Irak et Raqqa en Syrie, toutes deux détruites par les forces américaines et leurs alliés lors de la guerre contre l'État islamique en 2017.
Le « domicide » de Gaza diffère cependant de tous ces cas en ce qu'il n'a pas touché une seule ville, mais toute l'enclave avec toutes ses villes – une zone bien plus vaste que celle de chacune des villes susmentionnées. Le « domicide » de Gaza s'est accompagné d'un génocide contre sa population. Pas seulement par le meurtre d'une proportion élevée de celle-ci : environ 27 000 à l'heure où ces lignes sont écrites, soit plus de 1 % de la population totale, selon les chiffres fournis par le ministère de la Santé de Gaza – chiffres qui ne tiennent pas compte du nombre de personnes qui meurent en raison des conditions sanitaires catastrophiques créées par l'agression, aggravées par les restrictions imposées par Israël à l'accès de l'aide humanitaire à la bande de Gaza. Ces conditions exposent une grande partie des blessés palestiniens, qui sont environ 70 000, à la mort ou à des séquelles permanentes qui auraient pu être évitées si les traitements nécessaires avaient été disponibles. Il en va de même pour le nombre de personnes souffrant de maladies naturelles qui ne reçoivent plus les médicaments nécessaires à leur survie et dont le nombre n'est pas disponible.
Ajoutez à tout cela qu'environ deux millions de personnes, soit 85 % de la population de la bande de Gaza, ont été déplacées de leur domicile vers la ville de Rafah et autres zones adjacentes à la frontière égyptienne. Même si l'agression cessait soudainement aujourd'hui et que les personnes déplacées étaient autorisées à aller où elles le souhaitent dans la bande de Gaza, la grande majorité d'entre elles seraient contraintes de rester dans leur abri actuel en raison de la destruction de leurs demeures. De plus, l'armée sioniste s'apprête maintenant à compléter son occupation de la bande de Gaza en envahissant Rafah, aggravant ainsi inévitablement la situation des déplacés, même si elle les oblige à se déplacer encore une fois, vers une autre zone du sud de la bande de Gaza, afin de les placer sous son contrôle et de les détacher de ce qui reste des institutions que le Hamas a dominées depuis qu'il a pris le contrôle de l'enclave en 2007.
Il s'agit bien d'une immense catastrophe qui dépasse en intensité et en horreur la Nakba de 1948, une nouvelle Nakba dont l'impact politique sur l'histoire de la région, voire du monde, ne sera pas moindre que celui de la première Nakba, comme l'avenir ne manquera pas de le prouver. Face à cette scène d'horreur, le bavardage de l'administration américaine et des autres gouvernements préoccupés par les conséquences de cette nouvelle Nakba, ou plutôt leur radotage sur une « solution » à la question palestinienne, évoque une extension du statut de la zone A de la Cisjordanie à la bande de Gaza, en remettant celle-ci sous la tutelle de l'Autorité palestinienne qui est elle-même sous le contrôle direct d'Israël, outre le déploiement continu des forces d'occupation dans la majeure partie de la Cisjordanie (zones B et C) et leur intervention militaire à volonté dans la zone A. Appeler « État » une telle entité croupion qui jouirait en réalité de moins de souveraineté que les bantoustans d'Afrique du Sud à l'époque de l'apartheid, n'est rien d'autre qu'une misérable tentative de dissimuler la responsabilité de Washington, avec la plupart des États européens, dans l'encouragement prodigué à la guerre génocidaire sioniste et dans son soutien militaire – car Israël n'aurait certainement pas été en mesure de faire tout ce qui est décrit ci-dessus sans le soutien militaire des États-Unis.
Traduit à partir de la version anglaise de l'original arabe publié dans Al-Quds al-Arabi le 6 février 2024, postée à l'origine sur le blog de l'auteur.
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La démarche d’accession à l’indépendance

J'ai le plaisir de vous inviter au prochain débat du MQI. Nos invités, militants de trois partis indépendantistes interviendront à titre personnel. André est militant de QS et ancien co-porte-parole de ce parti. Daniel est militant du PQ et candidat de ce parti en 2018 et 2022. Martine est cheffe de Climat Québec et candidate de ce parti en 2022.
Un débat qui promet !
Gilbert Paquette
CONVERGENCES POUR LE PAYS
Avec ce second rendez-vous du MQI, le 24 février en 2024, nous entreprenons une série de rencontres pour rapprocher tous les indépendantistes quelle que soit leur allégeance partisane ou leurs opinions sur des questions politiques particulières. On ne pourra réunir une majorité de citoyens favorables à l'indépendance sans une convergence entre tous les indépendantistes centrée sur l'objectif de faire du Québec un pays.
LA DÉMARCHE VERS L'INDÉPENDANCE
Le mouvement indépendantiste est actuellement dans une période euphorique. Donné pour mort il n'y a pas si longtemps, le PQ se situe au premier rang dans les intentions de vote. Il doit sa résurrection à la remise à l'avant scène de l'indépendance mais aussi à la déconfiture de la CAQ. Par ailleurs QS est bien implanté à Montréal et se situe au premier rang des intentions de vote de la jeune génération, pendant que Climat Québec cherche à s'implanter en ralliant les écologistes à la cause indépendantiste. Il y a des indépendantistes dans tous les partis et aucun parti ne rejoint actuellement tous les électeurs prêt à voter OUI. Le mouvement indépendantiste actuel est très différent de celui de 1995, mais l'indépendance recueille le même niveau d'appui qu'en 1994.
Dans la période actuelle, tout est possible d'ici 2026, le pire comme le meilleur. Le pire serait un retour au passé d'un parti indépendantiste qui prend le pouvoir et s'enfonce dans la gouvernance provincialiste en trouvant toutes les raisons possibles pour retarder la démarche vers le pays. Le meilleur que nous voulons : l'élection d'une majorité de députés indépendantistes faisant coalition pour réaliser l'indépendance.
Un PQ conséquent avec son option devra imposer l'indépendance comme LA question de l'urne de la prochaine élection, de concert avec les autres partis et les mouvements indépendantistes de la société civile. Ainsi, la diversité actuelle que certains qualifient de faiblesse deviendra une force, celle d'un mouvement indépendantiste polyvalent pouvant rejoindre toutes les couches de la population pour faire du Québec un pays.
NOS PANÉLISTES
Nos panélistes militent dans trois partis indépendantistes différents. Ils participeront à un débat ouvert sur les options des partis quand à la démarche nécessaire pour réaliser l'indépendance du Québec. Le 24 février, ils interviendront à titre personnel, sans mandat des instances de leurs partis respectifs.
ANDRÉ FRAPPIER

D'abord militant syndical au Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) ainsi qu'à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), il s'est impliqué en politique avec Québec solidaire, lors de la fondation du parti, en 2006. Il a été candidat de ce parti aux élections de 2007, de 2008, 2012 et 2014. En 2012, il a succédé à Amir Khadir comme président co-porte-parole de QS et il a participé au États généraux de la souveraineté. Co-auteur du Printemps des carrés rouges publié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et de Canadian Dimension.
DANIEL MICHELIN

Formé en criminologie et en administration publique, il a été attaché politique au cabinet de Véronique Hivon puis au bureau de comté de la député de Joliette de 2012 à 2017. Il a aussi occupé la même fonction auprès de l'ex-députée de Marguerite-D'Youville, Monique Richard. En 2018 et 2022, il a été candidat du Parti québécois dans la circonscription de Montarville. Actuellement, il coordonne les instances du Parti québécois dans six circonscriptions de la Montérégie.
MARTINE OUELLET

Ingénieure de formation, Martine Ouellet a fait carrière à HydroQuébec. Avant son entrée en polique, elle milite dans le mouvement écologique Eau Secours. De 2010 à 2019, elle est députée de Vachon pour le Parti québécois et ministre des Ressources naturelles dans le Gouvernment Marois. Elle est par la suite candidate à la direction du PQ à deux reprises. En 2017-2018 elle est cheffe du Bloc québécois. En mai 2021, elle crée son propre parti écologiste et indépendantiste, Climat Québec.
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Construire un pays qui nous ressemble

Nous sommes nombreux et nombreuses à ne pas nous reconnaître dans le Québec de François Legault. Depuis trop longtemps, aucun grand projet rassembleur ne semble se réaliser. Il est de plus en plus tentant de se laisser tomber dans le cynisme.

TÉLÉCHARGER LE MATÉRIEL DE LA CAMPAGNE
ON MÉRITE Mieux
À Québec solidaire, nous portons une vision ambitieuse, celle d'un nouveau Québec : un pays basé sur la solidarité et la justice sociale qui va rapprocher le pouvoir du monde. En prenant en charge notre destinée, nous pouvons construire un Québec où tout le monde vit dans la dignité, et où la protection de notre territoire et de notre environnement est au cœur de toutes les politiques.
L'indépendance pour nous, c'est plus qu'un changement de passeport : c'est un projet de société. On veut transformer le Québec, pour bâtir ensemble un pays plus juste, plus vert, un pays libre.
ON A BESOIN D'ESPOIR
L'indépendance du Québec, c'est l'occasion de fonder un nouveau Québec avec comme valeurs la protection de la nature et la construction d'une société plus résiliente.
Alors que le Canada fait le choix d'encourager chaque année le développement du secteur pétrolier et gazier, nous au Québec, sommes libres de faire d'autres choix. Ce que nous proposons à Québec solidaire, c'est de bâtir ensemble un pays qui tourne le dos à l'industrie pétrolière et gazière du Canada pour se tourner vers l'avenir : la transition écologique. Pourquoi l'indépendance ? Parce qu'elle nous donne les leviers nécessaires pour protéger notre environnement.
En tant que nation souveraine, nous pouvons mettre en place des politiques environnementales ambitieuses, investir dans les énergies renouvelables et prendre des mesures significatives pour lutter contre les changements climatiques. Tout ça, sans demander la permission à un gouvernement pro-pétrole à Ottawa. Face à la crise climatique, le plus grand défi de notre époque, nous voulons un Québec qui protège son environnement et rejoigne le club des pays les plus verts au monde.
Tout indique qu'un Québec pays aura une influence écologiste plus grande sur le Canada qu'un Québec province. Il ne faut pas sous-estimer l'effet persuasif puissant d'un pays voisin modèle qui, par exemple, produit la quasi-totalité de son électricité à partir de ressources renouvelables. Aux tables de négociation internationales, par ailleurs, le Québec discutera d'égal à égal avec le Canada, et pourra utiliser l'ensemble des leviers dont dispose un pays pour faire pression sur Ottawa.
Enfin, d'un point de vue géopolitique, notre souveraineté nous garantirait un total contrôle sur les droits de passage commerciaux autant sur notre sol que sur le fleuve Saint-Laurent, ce qui nous permettra de nuire grandement à certaines exportations polluantes au Canada, incluant en premier lieu le pétrole sale des sables bitumineux albertains.
LE QUÉBEC T'APPARTIENT
Québec solidaire veut bâtir un pays qui fait une place à tout le monde. Peu importe où vous habitez sur le territoire du Québec, peu importe vos origines ou celles de vos parents, vous êtes ici chez vous.
Nous voulons réaliser l'indépendance pour améliorer la qualité de vie du peuple québécois. C'est ce peuple, dans toute sa diversité, qui forme la nation québécoise. Le Nouveau Québec, c'est celui qui incarne un nationalisme ouvert, moderne et rassembleur.
Nous pouvons nous inspirer de nombreux et nombreuses indépendantistes, comme Pierre Bourgault, Gérald Godin ou Pauline Julien, qui ont, à travers l'histoire du Québec, incarné un discours progressiste et inclusif. D'hier à aujourd'hui, des gens se sonts rassemblés pour assurer un avenir à notre culture et aux gens qui la font, à notre notre langue et aux gens qui la parlent.
C'est pour cela que Québec solidaire prône une démarche participative et démocratique pour réaliser l'indépendance, qui implique toute la population québécoise : l'Assemblée constituante. C'est comme ça qu'on construit une nation forte et fière, capable d'ouvrir les bras.
ÉCRIVONS ENSEMBLE LA CONSTITUTION D'UN NOUVEAU QUÉBEC
L'indépendance ne se fera pas par la seule volonté d'un parti ou d'un chef. Nous croyons que l'indépendance se fera par la mobilisation et l'engagement de la population québécoise.
Pour réaliser l'indépendance, Québec solidaire propose de convoquer une assemblée constituante. Il s'agit d'une grande instance démocratique, composée de citoyennes et de citoyens élus au suffrage universel, issus de partout sur le territoire du Québec, qui aura pour mandat de sillonner le Québec pour rédiger la constitution de notre nouveau pays.
Dans un second temps, cette constitution de pays du Québec serait soumise au vote de tous les citoyens et citoyennes lors d'un référendum. Notre approche est différente de celle des autres formations politiques : nous croyons que les Québécois et Québécoises doivent non seulement se prononcer sur l'indépendance, mais sur les grandes valeurs et les lois fondamentales qui guideront ce nouveau pays du Québec. Au lieu de repousser le projet de société après un référendum, nous voulons le mettre au cœur de la décision démocratique de fonder un pays.
À Québec solidaire, nous souhaitons que les peuples autochtones soient représentés et consultés dans cette assemblée constituante. Les peuples autochtones sont les premiers occupants du territoire québécois et ils ont des droits ancestraux qui doivent être respectés. Il faut remettre en question le colonialisme qui existe ici, comme partout au Canada. Pour faire du Québec un pays, nous devons nous engager ensemble à travailler de nation à nations avec les peuples autochtones, dans un esprit de dialogue, de coopération et de solidarité.
Certains pays illustrent efficacement ce qu'une nouvelle constitution nous permettrait d'accomplir en ce sens. En 2009, la Bolivie a notablement réécrit sa constitution pour intégrer la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, permettre à différents territoires autochtones de s'auto-gouverner, définir l'État bolivien comme “plurinational” et reconnaître un grand nombre de langues autochtones comme langues officielles du pays.
En savoir plus sur la constituante
L'Assemblée constituante est un processus flexible qui ajoute une dimension démocratique à tout projet de future Constitution. À travers l'histoire, cette démarche a été utilisée de différentes manières, que ce soit pour réviser la Constitution d'un pays existant ou pour créer la première Constitution d'un nouveau pays, avant ou après sa déclaration d'indépendance. L'Inde est un exemple de pays qui a créé une telle Assemblée (décembre 1946) avant d'obtenir formellement son indépendance du Royaume-Uni (juin 1947). La fin des travaux de l'Assemblée (novembre 1949) précède également la proclamation de la République de l'Inde en janvier 1950.
Plus récemment, l'Équateur, qui s'est doté d'une nouvelle Constitution en 2008, représente une très belle réussite du processus d'Assemblée constituante. Non seulement la création de l'Assemblée a-t-elle été entérinée par référendum à 81,7%, mais l'adoption référendaire subséquente a aussi été un succès, le Oui l'ayant facilement emporté avec 63,93% du vote. La Constitution nouvellement instaurée fut la première au monde à accorder des droits aux écosystèmes eux-mêmes.
1 Élire un gouvernement solidaire
Québec solidaire doit remporter les élections et former le gouvernement.
2 Écrire un projet de constitution du Québec
Nous convoquerons dans le premier mandat d'un gouvernement solidaire une assemblée représentative de la société qui ira à la rencontre de la population pour rédiger la constitution d'un nouveau pays du Québec.
3 Un référendum pour fonder un nouveau pays
La constitution rédigée par l'assemblée constituante sera soumise à un référendum populaire pour être adoptée, dans ce premier mandat. Si le référendum est approuvé, le Québec deviendra un pays indépendant.
4 Le Québec déclare son indépendance
Les visions de Ruba, Émilise et Gabriel
Vision de Ruba
En tant que Québécoise d'origine palestinienne, je comprends et ressens ce que c'est d'être déraciné, de voir sa langue et sa culture menacées. Comme des milliers d'enfants de la loi 101, les Québécois m'ont appris à aimer le français et la culture d'ici. Je veux que ça continue et c'est de plus en plus difficile dans un Québec qui n'est pas un pays.
Faire l'indépendance c'est aussi refuser le statu quo et vouloir transformer notre société. Depuis la fondation de Québec solidaire, l'indépendance est indissociable de notre projet politique. C'est simple, il est impossible de réaliser notre programme sans réaliser l'indépendance du Québec.
J'ai deux nations, mais pas de pays. Je veux mon pays du Québec. Vive l'indépendance !
Ruba Ghazal
Vision d'Émilise
L'indépendance du Québec, c'est la clé de voûte pour agir sur tous les fronts qui nous sont chers : justice sociale, environnement, autodétermination. Nous avons besoin de retrouver du pouvoir sur nos vies. Retrouver du pouvoir à l'échelle de nos communautés et de nos régions. Pour retrouver du sens dans chacune de nos actions, de nos décisions et de notre développement. Pour y arriver, il faudra déconcentrer et décentraliser le pouvoir et le rapprocher du monde.
On ne fera pas un pays pour les patrons des multinationales, mais pour qu'il appartienne au peuple. Il faut se réapproprier tous nos leviers pour faire mûrir une agriculture qui va nous nourrir ; pour protéger nos richesses naturelles des intérêts étrangers ; pour développer notre résilience collective dans un système qui est de plus en plus difficile à vivre ; pour semer du peuple à la grandeur du territoire et mieux prendre soin des communautés qui l'habitent fièrement ; pour célébrer notre langue et faire fleurir notre culture riche et vivante.
Émilise Lessard-Terrien
Vision de Gabriel
Pour changer les choses pour vrai au Québec, il faut changer notre système politique. On a besoin d'une nouvelle constitution qui va redonner le pouvoir au peuple, affirmer les droits de tout le monde et protéger notre environnement. Construire un nouveau pays, ça sert à construire un nouvel avenir et à améliorer la vie des gens. C'est ça pour moi l'indépendance : le plus beau et le plus grand des projets de changement.
Qu'on soit né ici ou né ailleurs et peu importe la langue qu'on parle à la maison, c'est un projet qui nous unit parce qu'il nous propulse vers un avenir meilleur, ensemble. Le Québec est plein de potentiel et l'indépendance, c'est se donner les moyens de le réaliser. Il n'y a rien de plus beau qu'un peuple qui se tient debout, ensemble, malgré ses différences. Je pense qu'on mérite ça au Québec.
Gabriel Nadeau-Dubois
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Immigration : « bouc émissaire » de la crise du logement

Certain·es estiment que l'augmentation de l'immigration au pays est responsable de la crise du logement, mais des expertes n'en sont pas si convaincues.
6 février 2024 | tiré de pivot.quebec
HTTPS ://PIVOT.QUEBEC/2024/02/06/IMMIGRATION-BOUC-EMISSAIRE-DE-LA-CRISE-DU-LOGEMENT/ ?VGO_EE=US1KPIILYUA1BADWGZ1D%2BW8VD7EZX675CUZQOFZ2BANK%3ATEWRLOJXEMPWHYK068W87PIXUFJFWHO4
Ces deux dernières semaines, bon nombre de politiciens se sont emballés sur un certain lien de causalité entre la hausse de l'immigration, surtout temporaire, et la crise du logement, allant même jusqu'à établir certaines directives visant à freiner l'immigration. Cependant, des expertes en matière d'habitation et d'immigration démentent cette relation de cause à effet et identifient plutôt certaines actions des gouvernements comme les principales causes.
« Blâmer les personnes qui se retrouvent les grandes victimes de cette crise du logement causée par un manque de politiques sociales, pour moi, c'est vraiment honteux », dénonce Geneviève Vande Wiele Nobert, chercheuse à l'Observatoire des inégalités raciales au Québec et autrice du billet « Logement et immigration : attention aux raccourcis » publié par l'institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS).
Une étude de la Banque Nationale, publiée le 15 janvier, a ouvert le bal de l'emballement public, affirmant la causalité entre immigration et crise du logement et qualifiant la situation de « piège démographique » pouvant se révéler néfaste pour le niveau de vie de la population.
Le 17 janvier, le premier ministre François Legault a demandé, dans une lettre adressée à son homologue fédéral Justin Trudeau, de freiner l'afflux de demandeur·euses d'asile et l'immigration temporaire (étudiant·es et travailleur·euses) au Québec. Il donnait comme principale raison l'impact de ces arrivées sur la crise du logement actuelle, mais aussi sur les services publics.
Du côté fédéral, le ministre de l'Immigration, Marc Miller, a annoncé le 22 janvier vouloir établir un plafond temporaire du nombre d'étudiant·es étranger·es : en conséquence, le nombre de personnes qui recevront un permis d'étude cette année sera de 35 % inférieur à 2023.
Cela est d'ailleurs dans la continuité de la volonté de Justin Trudeau, qui a affirmé quelques jours plus tôt qu'il voulait toujours porter à 500 000 le nombre annuel d'immigrant·es, tout en reprenant le « contrôle » sur l'immigration temporaire. Il a dénoncé à son tour l'impact supposé de ces personnes sur la crise du logement dans tout le pays.
Marc Miller avait aussi ouvert la porte, en décembre dernier, au retour de l'exigence de visa pour les Mexicain·es qui souhaitent entrer au pays, une obligation qui avait été abolie en 2016 par le gouvernement Trudeau.
Que représente vraiment l'immigration ?
Il est vrai que le Québec fait face à un accroissement démographique qui est principalement lié à la hausse de l'immigration internationale permanente et temporaire, mais il reste bien inférieur à d'autres provinces.
La province a gagné 149 900 personnes en 2022, un record depuis 50 ans. Là-dessus, l'immigration internationale représente la forte majorité du total, avec une croissance de 149 500 personnes (compensée par des migrations entre les provinces représentant une baisse de 3100 personnes), tandis que la différence entre les naissances et les décès n'a fait monter la population que de 2300 personnes, selon le Bilan démographique du Québec, publié par l'Institut de la statistique (ISQ).
Cela dit, le taux d'accroissement général de la population du Québec s'établit à 1,7 % en 2022, comparativement à 3,0 % dans le reste du Canada.
Et surtout, en 2022, les nouveaux et nouvelles immigrant·es permanent·es ne représentaient que 0,8 % de la population totale du Québec, et la croissance du nombre de résident·es temporaires, 1,1 %, souligne Geneviève Vande Wiele Nobert dans sa récente analyse.
Selon elle, il est difficile de présumer que cette faible proportion affecte significativement la crise du logement. « Les personnes immigrantes ne représentent qu'une petite partie de la nouvelle demande pour des logements », résume-t-elle dans son billet.
L'immigration temporaire, ciblée plus particulièrement par les politiciens, augmente effectivement d'année en année au Québec depuis 2016 (sans inclure les deux années de la pandémie). L'année 2023 a été historique pour la province : le nombre de résident·es non permanent·es a augmenté de 167 000, soit un bond de 46 % comparé à 2022, selon les données de Statistique Canada.
Cela dit, la hausse de ces immigrant·es temporaires en 2023 ne représentait encore que 1,9 % de la population du Québec, comparable à la moyenne canadienne (2 %).
L'immigration temporaire, un « choix politique »
Pour Geneviève Vande Wiele Nobert, le gouvernement Legault se victimise injustement lorsqu'il se dit inquiet d'un trop grand nombre d'immigrant·es temporaires.
Globalement, les résident·es temporaires ont en effet représenté la majorité de l'accroissement démographique lié à l'immigration : en 2022, leur nombre a crû de 86 700, alors qu'on a accueilli 68 700 immigrant·es permanent·es. Les demandeur·euses d'asile représentaient un tiers des résident·es non permanent·es, les étudiant·es, 20 %, tandis que la plus grande part était de loin celle des travailleurs étrangers temporaires (44 %), selon le Bilan démographique.
Mais cela, en particulier le grand nombre de travailleur·euses temporaires, est un choix que le gouvernement provincial a fait et doit assumer, selon Geneviève Vande Wiele Nobert. « Le Québec a choisi d'assumer une politique d'immigration plus temporaire que permanente, c'est un choix politique », dit la chercheuse.
Avant tout un problème d'abordabilité, pas de rareté
De plus, s'il y avait réellement un lien criant entre immigration et crise du logement, la pénurie de logements se montrerait plus sévère dans les villes où se concentrent les personnes immigrantes, explique la chercheuse Geneviève Vande Wiele Nobert. Or, ce n'est pas le cas.
Par exemple, alors que Montréal accueillait 80 % des personnes migrantes récentes du Québec en 2021, son taux de logements inoccupés (2 %) était pourtant supérieur à la moyenne provinciale (1,7 %) en 2022, selon des données de Statistique Canada.
En comparaison, Drummondville accueillait 0,5 % des immigrant·es, mais avait un taux d'inoccupation de 0,4 %. La situation est comparable à Saguenay, Trois-Rivières ou Sherbrooke, notamment.
Cette tendance était toujours d'actualité en 2023, selon le plus récent rapport de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL).
Pour la SCHL, cela serait attribuable en grande partie à la hausse de nouveaux et nouvelles arrivant·es, ce qui est démenti par les groupes de défense des locataires. Selon eux, les très faibles taux d'inoccupation s'expliquent plutôt par la forte présence de locations Airbnb, le manque de résidence pour personnes âgées, les nombreuses résidences secondaires en région ou le manque de logement social.
Par ailleurs, l'étude de la Banque Nationale qui a lancé les débats sur l'immigration et le logement notait aussi une hausse disproportionnée de la croissance démographique comparativement aux mises en chantier d'habitation. Le problème serait donc que face à l'accroissement de la population mené par l'immigration, on manquerait de nouveaux appartements.
« On nous dit que quand on aura inondé le marché de nouveaux logements, les prix vont descendre. Pour l'instant, ce qu'on constate, c'est bien le contraire. »
Véronique Laflamme, FRAPRU
Mais la construction de nouveaux logements est-elle vraiment la réponse aux difficultés des locataires ?
En tout cas, à Montréal, « le taux d'inoccupation des appartements construits au cours des trois dernières années était plus élevé (4,2 %) que pour l'ensemble du marché », soulignait le rapport de la SCHL en 2022. Le rapport explique qu'une des raisons principales est le prix trop élevé de ces nouvelles habitations.
« On nous présente la mise en chantier comme la solution, on nous dit que quand on aura inondé le marché de nouveaux logements, les prix vont descendre. Pour l'instant, ce qu'on constate, c'est bien le contraire », exprime Véronique Laflamme, porte-parole du Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU).
Dans son plus récent rapport sur 2023, la SCHL notait aussi qu'à Montréal, le taux d'inoccupation est particulièrement faible quand on regarde les logements aux loyers les plus bas. Par exemple, seulement environ 1 % des logements se louant moins de 1 075 $ étaient vacants à la fin de l'année dernière.
Ainsi, même si la rareté des logements a un impact sur la crise, le vrai problème serait l'abordabilité des loyers, selon Véronique Laflamme.
Elle rappelle qu'entre 2021 et 2022, le loyer moyen avait augmenté de 8,9 % au Québec, et de 25 % depuis 2018, selon un rapport du FRAPRU basé sur le dernier recensement de Statistique Canada.
Le dernier état de la situation par la SCHL a confirmé que les loyers avaient encore bondi de 7,4 % au Québec entre 2022 et 2023.
La responsabilité du gouvernement
Selon Véronique Laflamme, pour faire face à cette crise des loyers, il faudrait prioriser la part du logement social dans le parc locatif, pour la doubler.
Or, récemment, pour la première fois, la part du logement social dans le marché a diminué, passant de 11,2 % à 10,1 % entre 2016 et 2021, selon une analyse du FRAPRU basée sur les chiffres de Statistique Canada. En ce moment, 40 000 ménages locataires sont sur liste d'attente pour un loyer modique, selon la porte-parole.
C'est que depuis les années 1990, le gouvernement fédéral s'est désengagé du financement de nouveaux logements sociaux. Depuis, le provincial a pris le relais pour maintenir la part de logements sociaux, mais sans jamais investir à la même hauteur qu'avant.
« Les politiques gouvernementales sont la cause de cette crise. »
Véronique Laflamme
Le gouvernement Legault peine à livrer les 16 000 logements qu'il a promis en 2018 à partir d'annonces qui avaient été faites par les gouvernements antérieurs, déplore Véronique Laflamme.
Ainsi, selon Geneviève Vande Wiele Nobert et Véronique Laflamme, les décisions politiques de ces dernières décennies sont les principales causes de la crise du logement.
« Ça fait des années que cette crise du logement se prépare. Les politiques gouvernementales sont la cause de cette crise. Si le gouvernement fédéral avait continué à financer le logement social à la même hauteur qu'il le faisait dans les années 1980, on aurait plus de 80 000 logements sociaux supplémentaires », résume la porte-parole du FRAPRU.
Victimes pointées du doigt
Bien que la hausse de l'immigration puisse faire légèrement pression sur la rareté des logements, pour les expertes, les nouveaux et nouvelles arrivant·es sont avant tout les victimes de cette crise.
« Les nouveaux immigrants sont ceux qui souffrent le plus de la crise du logement. Ce sont ceux qui se retrouvent le plus dans des logements délabrés et qui sont les plus sensibles à se faire abuser par les propriétaires », explique Véronique Laflamme.
Les demandeurs d'asile et les réfugié·es se retrouvent beaucoup plus en situation d'itinérance que d'autres groupes, selon la spécialiste en habitation.
En réponse à la lettre du premier ministre Legault envoyée à Justin Trudeau, le gouvernement fédéral a annoncé mercredi dernier que Québec recevra 100 millions $ de plus pour héberger temporairement les demandeur·euses d'asile afin d'éviter une situation d'itinérance.
Pour la porte-parole du FRAPRU, le gouvernement fait jouer un rôle de bouc émissaire aux immigrant·es, afin de trouver des coupables pour ses propres échecs. « On a l'impression qu'on a fait sortir l'immigration du chapeau en début d'année pour faire oublier les mauvaises décisions des derniers mois, surtout pour faire oublier la grogne face au projet de loi 31 », déplore Véronique Laflamme.
« Les immigrants deviennent les boucs émissaires sur le dos de qui on peut mettre tous nos problèmes sociaux. »
Geneviève Vande Wiele Nobert, chercheuse
De plus, pour Geneviève Vande Wiele Nobert, le gouvernement a un discours racialement chargé, même s'il ne veut pas se l'avouer. « On sait de qui on parle quand on parle de “trop d'immigration”. On ne parle pas du Français du Plateau Mont-Royal », dénonce-t-elle.
En 2022, les Français·es étaient classé·es au premier rang des nouveaux et nouvelles arrivant·es au Québec représentant 16 % de la population immigrante. Vient ensuite la Chine avec 9,9 % puis l'Algérie, l'Haïti et la Tunisie (entre 5 et 5,5 %). Ces statistiques mettent en évidence la valorisation des nouveaux arrivants francophones dans la sélection de l'immigration québécoise.
« Les immigrants deviennent les boucs émissaires sur le dos de qui on peut mettre tous nos problèmes sociaux. On l'a vu à l'époque avec l'emploi, maintenant c'est avec l'immigration », conclut la chercheuse.
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Des groupes de citoyens demandent à la Cour fédérale de réviser la décision d’autoriser un dépôt de déchets radioactifs en surface près de la rivière des Outaouais.

(Ottawa, le 8 février 2024) – Concerned Citizens of Renfrew County and Area, le Ralliement contre la pollution radioactive et le Regroupement pour la surveillance du nucléaire ont demandé hier la révision judiciaire d'une décision de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN). Celle-ci a récemment autorisé la construction d'une installation géante de gestion des déchets radioactifs près de la surface (IGDPS), tout près de la rivière des Outaouais à 180 km d'Ottawa.
Les trois groupes reprochent à la Commission de sûreté nucléaire d'avoir autorisé cette décharge radioactive sans considérer plusieurs éléments essentiels :
• Les doses de rayonnement annoncées par le promoteur de cette installation dépasseront certaines limites prescrites par la réglementation canadienne et les normes internationales ;
• Le promoteur, les Laboratoires Nucléaires Canadiens (LNC), n'a pas fourni suffisamment de renseignements sur les déchets qui seront placés dans cette installation, si bien que son dossier de sûreté n'est pas fiable ;
• Un document-clé soumis par les LNC, intitulé Les critères d'acceptation des déchets, inclut une section de dérogation qui permettra de placer dans cette IGDPS des déchets plus dangereux que ne le permettent les critères d'acceptation officiels. Cette possibilité de dérogation rend illusoire toute garantie de sécurité ;
• Les processus prévus ne permettront pas de garantir que les déchets placés dans l'IGDPS sont conformes aux critères d'acceptation ;
• Les LNC ont omis de fournir des informations sur plusieurs autres projets voisins dont les impacts environnementaux s'ajoutent à ceux des déchets placés dans l'IGDPS ;
• Les LNC ont proposé comme mesure d'atténuation* d'installer un pipeline de déversement vers le lac Perch voisin, ce qui augmentera les rejets de tritium radioactif dans la rivière des Outaouais plutôt que de les diminuer ;
• L'habitat et les abris de plusieurs espèces protégées seront détruits par la préparation du site et la construction de l'IGDPS.
Selon cette demande de contestation judiciaire présentée à la Cour fédérale le 7 février, la décision de la CCSN est aussi déraisonnable parce que la Commission n'a pas émis de permis pour préparer l'emplacement et n'a pas procédé à l'évaluation nécessaire avant cette préparation de l'emplacement.
« À notre avis, la Commission commet une grave erreur en autorisant cette installation géante de gestion des déchets radioactifs à un kilomètre de la rivière des Outaouais », a déclaré Lynn Jones, de Concerned Citizens of Renfrew County and Area. « L'IGDPS durera à peine 550 ans alors qu'une grande partie des déchets qui y seront placés resteront dangereux et radioactifs pendant des milliers d'années. »
Les demandeurs sont représentés par Nicholas Pope de Hameed Law. Ils demandent une ordonnance qui obligera la CCSN à réévaluer sa décision de modifier le permis pour permettre la construction de l'IGDPS.
*Les mesures d'atténuation ont pour but d'éliminer, réduire ou contrôler un effet négatif du projet.
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Pour QS... Dans les tempêtes qui s’annoncent, garder à l’oeil la boussole de l’indépendance

Québec solidaire est-il à la croisée des chemins, au point de devoir revoir impérativement ses rapports avec ses frères ennemis péquistes, comme s'interroge Balint Demers (voir Les solidaires à la croisée des chemins) ? Ou au contraire doit-il persévérer et éviter à tout prix un tel scénario, synonyme au bout du compte de cul de sac politique, ainsi que le défend André Frappier (voir Le scénario proposé par le texte Solidaires à la croisée des chemins mènerait QS à l'impasse) ? Telle est, à travers ces deux points de vue opposés, l'alternative qui nous est présentée dans les pages de Presse-toi à gauche. Mais n'y aurait-il pas une autre voie à emprunter qui montrerait comment, dans les tempêtes sociales et politiques qui s'annoncent, la lutte pour l'indépendance pourrait nous servir d'indispensable boussole.
Le texte de Balint Demers a en effet le mérite de nous obliger à prendre du recul, en cernant quelques- unes des raisons qui, dans le cycle politique actuel, expliqueraient la remontée dans les sondages du Parti québécois et rendraient compte du regain de prestige que Paul Saint Pierre Plamondon a connu vis-à-vis de Québec solidaire et de son porte-parole masculin, Gabriel Nadeau Dubois. En ce sens Balint Demers a raison de rappeler que pendant que QS occultait « son indépendantisme », adoptait — comme il le dit « les idées de la gauche libérale états-unienne » et se focalisait sur un « électorat jeune et urbain », le PQ de son côté paraissait revenir « avec éclat à ses fondamentaux (...) l'indépendantisme et la social-démocratie », (...) tout en alliant « propositions tranchantes et rhétorique modérée sur des questions comme l'environnement, la démondialisation, l'immigration massive, la laïcité et les inquiétudes suscitée par le numérique » J'insiste ici : le mot « paraissait » n'est pas dans le texte de Balint Demers, je l'ai expressément rajouté, car on rencontre là une première difficulté : l'histoire nous a trop appris qu'il y a eu, bien souvent pour le PQ, un abîme entre ce qu'il prétendait faire (le dire de ses babines) et ce qu'il faisait effectivement (le pas de ses bottines). D'autant plus si on se souvient que, mise à part une courte période (1968-1976), « ses fondamentaux » (ainsi que les dénomme Balint Demers) ont plutôt été ceux de la souveraineté- association et du social-libéralisme (dès 1983), loin en tout état de cause des exigences de l'indépendance et d'une authentique social-démocratie.
Mais faire ces nuances ne veut pas dire pour autant que Balint Demers ne touche pas à quelque chose de fondamentalement juste : l'importance récurrente pour le peuple du Québec —et par conséquent pour tout parti de gauche du Québec— de la question nationale, et avec elle des luttes et aspirations pour la souveraineté et l'indépendance. Et cela, y compris dans une période socio-politique difficile comme la nôtre où il reste si ardu de rassembler activement de larges secteurs de la population autour d'une cause sociale commune. L'indépendance ne continue-t-elle pas, selon divers sondages, à rallier autour de 30 à 35% de la population ; ce qui à une époque de fragmentation manifeste des forces progressistes est loin d'être négligeable ?
Le contexte socio-politique empoisonné d'aujourd'hui
Car c'est d'abord à ce constat qu'il faut s'arrêter : depuis 20 ans (2003), et si on excepte dans le sillage du printemps Érable de 2012 le court passage au gouvernement de Pauline Marois du PQ (2012-2014) —passage teinté de néolibéralisme et de nationalisme identitaire— le Québec a été gouverné par des partis ouvertement de droite ou clairement néo-libéraux et peu ou prou fédéralistes : ceux du Parti libéral de Jean Charest (2003-2012), puis celui de Philippe Couillard (2014-2018), ceux enfin de la CAQ de François Legault (2018/2022, puis 2023/2026). Avec, en l'absence d'une gauche forte, toutes les conséquences funestes que ces politiques ont fini par produire sur la société québécoise ! Qu'il suffise de penser, comme exemple par excellence, à l'état de délabrement actuel du système de santé publique, ou encore en termes culturels aux difficultés grandissantes que connaît le français pour s'imposer comme langue officielle !
Au Canada, des constats similaires pourraient être faits, puisqu'on assiste à cette même et lente montée des forces de droite ou d'extrême droite, mâtinée cependant à l'encontre des années conservatrices de Harper (2006-2015), par les politiques plus libérales des gouvernements Trudeau (2015/2019- 2019/2023), fortement questionnées cependant aujourd'hui par la remontée en force dans les sondages du conservateur Pierre Poilièvre,
Il se profile donc –en synthonie avec ce qui se passe partout ailleurs (Europe, USA, Asie, Amérique latine, etc).— des dangers socio-politiques majeurs (incarnées par la victoire possible et surréaliste de Donald Trump aux prochaines élections présidentielles des USA !) qui exigeraient de la part de la gauche, des stratégies susceptibles d'être à la hauteur de tels défis. Quelle boussole dès lors pourrait- elle se donner au Québec ?
Les échecs de la gauche On le sait, au Québec comme ailleurs, les mouvements sociaux et les partis politiques de gauche n'ont pas manqué de rappeler comment ces politiques de droite récurrentes –distillant sexisme, racisme et idées conservatrices— était dangereuses en termes d'acquis sociaux, de démocratie ou de préservation de l'environnement, et les uns et les autres n'ont pas arrêté de les dénoncer haut et fort. Mais il faut le reconnaître, sans grand succès jusqu'à présent, plutôt même sur le mode de l'échec : comme si elle n'arrivait pas à mettre le doigt sur sur les sources profondes de cette remontée de la droite et de l'extrême droite, ni non plus sur ces caractéristiques principales, et encore moins sur les remèdes qu'on devrait y apporter.
Et à ce propos il y a peut-être un phénomène auquel on n'a pas assez prêté attention : fruit d'une multitudes de crises combinées (économiques, sociales, politique, culturelles, sanitaires, technologiques, géopolitiques, etc.), stimulées et exacerbées par les logiques du marché capitaliste néolibéral globalisé, cette montée de la droite et de droites extrêmes est portée par « un air du temps » où, comme l'écrit Roger Martelli [1] dominent l'incertitude, l'inquiétude et le ressentiment, la peur d'un monde instable, de rapports de force incertains, de sociétés disloquées et violentes où les hordes du « eux » menacent en permanence les équilibres vertueux du « nous ».
En fait c'est en jouant systématiquement sur des sentiments collectifs diffus, faits d'insécurité, de désorientation, d'exaspération et de cynisme et renvoyant à la dangerosité du monde actuel, que la droite a gagné ces dernières années du terrain sur la gauche. Et c'est en présentant un projet politique rassurant à ce sujet — par exemple en désignant à la vindicte publique des bouc-émissaires faciles comme les immigrants, en réaffirmant l'importance de l'identité nationale ou encore celle de pouvoir contrôler ses frontières en établissant des murs— que la droite et l'extrême droite ont pu se tailler la place qu'elles occupent d'ores et déjà aujourd'hui sur la scène politique du Canada comme du Québec.
Se porter à la hauteur des peurs et exaspérations d'aujourd'hui
Et si la gauche voulait reprendre le dessus sur la droite, redevenir une force de proposition déterminante pour l'avenir, elle devrait nécessairement prendre en compte les données de ce contexte ainsi que l'importance décisive de ces sentiments d'angoisse collective. Mais évidemment point pour céder à leur sirènes, ou les exacerber plus encore (comme tend à le faire trop souvent Paul Saint Pierre Plamondon ces derniers temps !).
Mais au contraire pour faire écho et répondre à ces exaspérations et désorientations qu'expriment de larges secteurs de la population du Québec, en les prenant à bras le corps et en leur offrant le débouché rassurant d'un projet politique global, positif et mobilisateur, centré dans le cas du Québec, sur la marche à l'indépendance et susceptible ainsi de canaliser positivement tant de forces vives en déshérences (ce que jusqu'à présent QS n'a pas osé le faire, notamment au moment de la pandémie !).
Il s'agit donc de la proposition d'un projet politique global qui, comme le rappelle l'historien français Patrick Boucheron [2] après la tuerie de Charlie Hebdo en France, viserait à « s'aérer ensemble », c'est-à- dire à transmuer cette peur collective diffuse poussant au repli sur soi et à la défense identitaire, en une énergie transformatrice et positive, une énergie citoyenne susceptible de s'attaquer aux sources véritables de nos malaises et mal-être contemporains : les inégalités socio-économiques et malaises culturels générés par le capitalisme historique.
On pourrait aussi présenter cette proposition comme un projet qui, comme le dit Roger Martelli, ferait entendre « le grand récit d'une société rassemblée et apaisée par l'égalité, le respect de chacune et de chacun, la citoyenneté, la solidarité et la sobriété ». En somme il s'agirait de se mettre plus en phase avec les mal-êtres et exaspérations souterraines qui taraudent la société québécoise et particulièrement ses classes subalternes et populaires, tout en mettant résolument de l'avant, un grand récit politique émancipateur, le projet d'une marche mobilisatrice et participative vers l'indépendance.
Telle pourrait être une des idées clef qui aujourd'hui pourrait stimuler les forces indépendantistes et les aider à s'orienter en ces temps difficiles ainsi qu'à reprendre le dessus sur la droite. Au-delà des rêves de souveraineté et « d'être maitre chez nous » que le projet d'indépendance a suscités dans les années 1960-1970-1980 ; au-delà de la volonté de reconquérir le droit à l'auto-détermination de tout un peuple à l'encontre d'un fédéralisme canadien structuré autour des intérêts économiques des lobbies miniers et pétroliers de l'axe Calgary/Toronto ; au-delà de la nécessité de disposer de ses propres leviers politiques pour accoucher en Amérique du Nord d'une société culturellement francophone, mais foncièrement plus égalitaire et plus respectueuse de ses premiers habitants autochtones, comme de ses nouveaux arrivants et des territoires qu'elle occupe, il faudrait aussi pouvoir ré-apprendre à faire concrètement communauté politique autour d'un projet de pays égalitaire que l'on co-construirait ensemble. Et cela, en nous aidant du même coup à faire barrage au Québec à la montée si inquiétante de la droite et de l'extrême-droite.
De nouveaux rapports avec le PQ ?
Mais dire cela nous impose, comme l'évoque Balint Demers, d'oser faire évoluer nos rapports avec le PQ de Paul Saint Pierre Plamondon. Plus qu'un frère ennemi, il devrait être dorénavant considéré, certes comme un adversaire politique coriace, mais en même temps comme un adversaire particulier avec lequel nous partageons le rêve d'un pays à construire, et d'un pays qui ne pourra advenir que si on devient capable de remobiliser avec l'aide de multiples forces, un vaste mouvement social et politique autour d'une nouvelle marche à l'indépendance.
Évidemment un tel projet appelle à des échanges, à des débats « confrontationnels », à ce qu'on pourrait appeler une bataille pour l'hégémonie, notamment sur la façon dont on peut concrètement concevoir cette indépendance (le projet de société qu'elle porte, etc.) et la mettre en marche (le rôle d'une constituante, de la démocratie participative, de la mobilisation citoyenne et extra-parlementaire, etc.), en faisant apparaître tout ce qui peut nous opposer, mais aussi tout ce à travers quoi -par le débat et des expériences de luttes communes— on peut éventuellement finir par se rejoindre (ce sur quoi QS a été particulièrement silencieux).
Un tel projet appelle aussi évidemment, et en tout premier lieu, à des campagnes de mobilisations sociales élargies de manière à remettre en mouvement l'ensemble de la société civile d'en bas du Québec (ce que le PQ a bien souvent eu tendance à oublier). Il appelle enfin à discuter —au moment opportun et en fonction de perspectives stratégiques favorables à un tel projet — d'un agenda politique et électoral, et bien sûr (-oh sacrilège !—) des alliances conjoncturelles possibles, mais toujours dans la perspective de ce qui peut concrètement relancer la mobilisation sociale, faire avancer ce projet de marche vers l'indépendance, le remettre définitivement en mouvement.
En ce sens plus qu'à la boussole d'un souverainisme de gauche -comme le conseille Balint Demers, par trop enfermé dans une analyse purement électoraliste des rapports de force entre QS et le PQ— c'est à celle d'un indépendantisme (liée à celle de l'avénement d'une république sociale) auquel QS devrait se référer à l'avenir, en s'y tenant coûte que coûte ! Ne serait-ce que pour faire échec à, et contrebalancer toutes les tentations auxquelles le PQ— de par le poids ses propres traditions historiques— pourraient si facilement succomber.
Et dans ce sens, c'est à une véritable bataille dans laquelle QS s'engagerait s'il décidait d'embrasser sans faux-fuyant le projet stratégique de l'indépendance et de sa république sociale. Une bataille de tous les instants qu'il aurait à mener, bien sûr contre la droite, l'extrême-droite aux velléités fascisantes et les fédéralistes de tous genres, mais aussi contre les penchants nationalistes identitaires, les tendances néolibérales ou social-libérales du PQ.
Il n'en demeure pas moins qu'adopter une telle orientation change tout, car il devient possible ainsi d'imaginer remettre en mouvement quelques-unes des plaques tectoniques de la politique québécoise, enserrées depuis plus de 20 ans dans des orientations clairement figées à droite, et auxquelles viennent se heurter en vain des oppositions fragmentées et toujours impuissantes.
Et ici plutôt que de craindre ou d'appréhender les risques d'une telle stratégie (comme le fait le texte d'André Frappier), des risques évidents, mais qui, si nous les affrontons avec la lucidité et tous les moyens dont nous disposons, nous ouvrent en même temps à la possibilité de redonner force et vie, non seulement à la cause indépendantiste, mais aussi à un mouvement social et politique susceptible enfin de mettre un holà à la montée de la droite et de l'extrême droite.
Le pari n'en vaut-il pas la chandelle ?
Pierre Mouterde
Sociologue, essayiste
Québec le 12 février 2024

Quand Amazon fait peur au monde…

On avait entendu parler des pratiques déloyales d'Amazon à l'endroit des travailleuses et des travailleurs ailleurs dans le monde. On ne peut tolérer qu'Amazon se comporte de la même façon au Québec.
La présentation de la preuve s'étant conclue ce matin, les plaidoiries finales ont été lancées, cet après-midi à Montréal, dans le cadre d'une plainte déposée par la CSN contre la multinationale Amazon pour ingérence et entrave à la campagne de syndicalisation qui y est menée. Le juge Henrik Ellefsen prendra par la suite la cause en délibéré.
À compter de mai 2023, fait valoir la CSN dans sa plainte au Tribunal administratif du travail, il est devenu impossible pour le personnel du centre de distribution YUL2 d'Amazon de prendre une pause, de manger son repas ou d'aller aux toilettes sans être bombardé de messages de l'employeur : « Protégez votre signature : une carte syndicale est un document juridique », indiquent ceux-ci.
« Protégez votre signature : vous n'avez pas à fournir vos renseignements personnels », clament d'autres affiches. « Parlez à vos dirigeants pour en savoir plus », enjoignait la direction à ses travailleuses et ses travailleurs… alors qu'une campagne de syndicalisation était activement menée. « Vous avez le droit de ne pas signer une carte », précisaient de nombreuses affichettes.
« Bien sûr qu'Amazon tente de faire peur au monde ! », plaide la présidente de la CSN, Caroline Senneville. « Quel est l'intérêt d'ajouter des icônes d'empreintes digitales sur leurs affiches ? Quel est l'objectif en martelant sur chacune d'elles : “Protégez votre signature, protégez votre signature”, quand le Code du travail prévoit justement que c'est en faisant signer des cartes de membre qu'on met sur pied un syndicat au Québec ? »
Pour Caroline Senneville, il est clair qu'Amazon tente d'effrayer des employé-es, dont la très grande majorité est issue de l'immigration.
« Parmi les employé-es d'Amazon, on compte des réfugié-es politiques, des immigrantes et des immigrants à statut précaire, dont plusieurs parviennent à peine à comprendre le français, encore moins le cadre légal qui prévaut au Québec et qui prévoit justement la protection des travailleuses et des travailleurs qui désirent se syndiquer », souligne la présidente de la CSN.
« On avait entendu parler des pratiques déloyales d'Amazon à l'endroit des travailleuses et des travailleurs ailleurs dans le monde. On ne peut tolérer qu'Amazon se comporte de la même façon au Québec, alors que nos lois interdisent justement ces tentatives d'intimidation à l'endroit des salarié-es », conclut la dirigeante syndicale.
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Les syndicats québécois, les armes et l’application de la Convention sur le génocide dans la bande de Gaza

Le 6 février 2024, dix jours après l'adoption de l'ordonnance de la Cour internationale de justice rendue dans l'affaire opposant l'Afrique du Sud à Israël concernant l'application de la Convention sur le génocide dans la bande de Gaza , une coalition de la société civile canadienne a signé une lettre ouverte exhortant le Gouvernement du Canada à mettre fin aux livraisons d'armes à Israël .
Parmi les organisations signataires on retrouve notamment, Amnesty international, Human Rights Watch, Independent Jewish Voices, Oxfam etc. Les organisations prennent notamment acte du fait que tous les États parties à la Convention ont l'obligation de faire ce qui est en leur pouvoir pour prévenir et punir les actes de génocide à l'heure où le Gouvernement du Canada admet exporter des équipements militaires « non létaux » vers Israël et que le Gouvernement Québécois refuse de condamner de telles exportations après s'être obstinément refusé à exiger un cessez-le-feu.
Les prises de positions des centrales syndicales
Curieusement, les organisations de la société civile québécoise sont très peu représentées dans la liste des signataires. Fait notable également, le mouvement ouvrier n'est pas représenté, il n'y a aucune centrale syndicale et aucun syndicat canadien ou québécois. En ce qui concerne les centrales syndicales québécoises à tout le moins, cette absence ne semble cependant pas être un accident.
Tout d'abord, on relèvera que les centrales syndicales québécoises n'ont pas adopté de déclaration intersyndicale, suite aux massacres de Hamas du 7 octobre 2023 ou suite à ce qui est désormais identifié par la Cour de justice comme un génocide « plausible » justifiant l'adoption de mesures conservatoires. Ceci est d'autant plus regrettable que par le passé, les centrales syndicales n'ont pas hésité à adopter des déclarations communes en matière de politique internationale ; ce fut notamment le cas sur le conflit Israélo-Palestinien, en 2014 et 2010 ou plus récemment pour dénoncer l'invasion Russe à grande échelle de l'Ukraine. De telles initiatives intersyndicales ont pourtant été réalisées dans d'autres pays, en France par exemple ou très récemment par de puissantes Fédérations syndicales internationales (FSI) .
Ensuite, une rapide recherche internet révèle que ce « plausible » génocide n'est clairement pas au cœur des préoccupations des organisations syndicales et le désintérêt structurel des organisations syndicales pour les questions de politiques internationales ne peut pas tout justifier. À titre d'exemple, le terme « Gaza » ne donne aucun résultat sur le site de la CSQ. La FTQ a adopté un communiqué en octobre 2023, qui dénonce les crimes commis de part et d'autre, qui demande au Hamas de « cesser ses agressions inqualifiables » mais qui n'appelle pas au cessez-le-feu de la part d'Israël . Sur le site de la CSN, on trouve une résolution adoptée par le Centre international de solidarité international (CISO) qui appelle au cessez-le-feu mais aucune déclaration propre à la CSN . La page Facebook du Comité de solidarité internationale du Conseil Central du Montréal-Métropolitain (CCMM-CSN) montre que ce dernier a adopté une « question de privilège » le 1er novembre en soutien au peuple palestinien qui dénonce « l'intimidation subie par certains groupes ayant manifesté leur appui au peuple palestinien » mais qui ne condamne pas les massacres du 7 octobre 2023. Le CCMM a également relayé deux appels à manifester, un communiqué pour soutenir la requête de l'Afrique du Sud à la CIJ ainsi qu'une résolution adoptée par le Syndicat des travailleuses(eurs) des centres de la petite enfance de Montréal ; c'est à peu près tout.
L'inertie des bureaucraties syndicales en cas de « plausible » génocide à Gaza
À notre connaissance, en date du 12 février 2024, aucune centrale syndicale québécoise n'a « pris acte » de l'ordonnance de la Cour internationale de justice, exigé le boycott des livraisons d'armes ou des échanges commerciaux avec Israël, appuyé ou relayé les actions de blocages des armes comme celle menée à Saint-Augustin-de-Desmaures devant General Dynamics en décembre 2023 au Québec ou en février 2024 au Port de Vancouver par exemple ; toujours à notre connaissance, aucune centrale n'a exigé de ses membres qu'ils veillent à ce que les employeurs ne contribuent pas d'une façon ou d'une autre au « plausible » génocide, aucune n'a dénoncé la suspension de l'aide humanitaire canadienne à l'UNRWA ou tout simplement appelé ses membres à faire des dons.
Concrètement, la solidarité internationale des centrales syndicales québécoises en cas de « plausible » génocide à Gaza semble donc se résumer aujourd'hui à de très rares déclarations de principes isolées et à d'exceptionnels appels à manifester. Force est alors de constater que cette passivité des dirigeant.es syndicaux contraste dramatiquement avec les mobilisations sans précédent des jeunes, des travailleurs, des travailleuses au Québec comme un peu partout dans le monde, en faveur d'un cessez-le-feu et pour mettre fin à un « plausible » génocide.
Camille Popinot
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Réforme Dubé Moins de 8 % du personnel professionnel sera volontaire pour travailler à Santé Québec

Québec, le 5 février 2024 — Moins de 8 % du personnel professionnel du ministère de la Santé et des Services sociaux a l'intention de se porter volontaire pour travailler à Santé Québec si les conditions de travail prévues par la loi demeurent inchangées, selon un sondage réalisé par le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ).
« Le ministre dit vouloir transférer 50 % du personnel professionnel vers Santé Québec. Les chiffres démontrent qu'il s'en va dans le mur. Moins de 5 % des répondants disent qu'ils vont rester à Santé Québec s'ils sont transférés. Une large majorité prévoit utiliser son droit de retour dans la fonction publique en cas de transfert forcé. S'il veut que sa réforme soit un succès, le ministre doit corriger le tir très rapidement. Il est minuit moins une, les premiers transferts sont prévus en avril selon son plan de match », indique Guillaume Bouvrette, président du SPGQ.
La solution est pourtant simple. Quelque 63 % des membres du SPGQ se disent prêt à aller travailler à Santé Québec s'ils conservent leur convention collective et leurs conditions de travail actuelles. « Pour l'instant, la loi les intègre dans la convention collective du réseau de la santé, ce qui est désavantageux pour eux. Le personnel professionnel du ministère gagne de 7 % à 14 % de plus que celui du réseau de la santé. Nos membres vont se retrouver hors taux et hors échelle. Cela signifie qu'ils vont recevoir la moitié des augmentations salariales prévues dans la convention collective et l'autre moitié en montants forfaitaires jusqu'à ce que leur salaire à Santé Québec soit conforme à la nouvelle convention. Cette situation, qui peut perdurer pendant de nombreuses années, a de lourdes répercussions sur leur progression salariale et le calcul des rentes de retraite », déplore M. Bouvrette.
Le ministre doit aussi indiquer rapidement à ses employées et employés ce qui les attend. « La partie patronale nous dit que les tâches à transférer sont identifiées par le ministère, mais l'employeur tarde à nous transmettre l'information », dénonce M. Bouvrette.
Pour l'instant, moins de 15 % d'entre eux ont été informés de manière informelle qu'ils seront transférés ou non. Il n'y a eu aucune annonce officielle. « Cette incertitude a des conséquences. Près du tiers d'entre eux sont déjà à la recherche d'un nouvel emploi. En plus de nuire à la mise en place de la réforme, le ministre est en train de fragiliser son propre ministère », constate M. Bouvrette. Le ministre a-t-il négligé des détails dans son empressement à lancer Santé Québec ? Tout porte à croire que oui.
À propos du SPGQ
Le SPGQ est le plus grand syndicat de personnel professionnel du Québec. Créé en 1968, il représente plus de 33 700 spécialistes, dont environ 25 000 dans la fonction publique, 5 800 à Revenu Québec et 2 900 en santé, en enseignement supérieur et dans les sociétés d'État.
Source
Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec
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FIQ : On fait le point sur l’état de la négociation

8 février 2024 - Comme plusieurs de tes collègues, tu te demandes sûrement où en est la négociation depuis quelques semaines. On sait bien que les dernières nouvelles ne sont pas celles qu'on aimerait entendre : les discussions vont lentement, et bien qu'on souhaiterait toutes un rythme plus rapide pour arriver à une entente, force est de constater que le gouvernement, de son côté, n'est pas pressé de répondre aux enjeux que tu vis au quotidien et à tes besoins.
Évidemment, la signature d'une hypothèse de règlement par d'autres syndicats a mis une pression sur notre table et peut soulever des inquiétudes chez toi et tes collègues. Mais on ne souhaite pas se comparer aux autres : ça fait plusieurs années que les gouvernements successifs étirent l'élastique des professionnelles en soins et on doit travailler à trouver des pistes de solution pour redonner un sens à notre profession et à la façon dont on donne des soins. On doit donc maintenir les discussions et continuer à trouver des voies de passage avec le gouvernement.
Dans les dernières semaines, ton Comité de négociation a fait face à un choix stratégique : d'un côté, il pouvait accepter ce que le gouvernement proposait et le présenter aux membres ; de l'autre, il devait s'attendre à une longue négociation, qui prendrait plus de temps qu'espérée. Face à ces deux options, il était évident pour ton Comité de négociation que la bonne voie à prendre, c'est celle de poursuivre la négociation !
Parce que face à ce qui était sur la table à ce moment-là et ce qui l'est depuis, il ne peut tout simplement pas accepter, tant pour ta vie personnelle et tes conditions de travail que pour les conditions de soins de tes patient-e-s. Il a donc choisi de continuer à travailler, à débattre et à négocier pour essayer d'aller tirer plus de gains. Et cela nécessite d'ajuster la stratégie liée à la négociation et à la mobilisation.
On le répète : on veut une entente qui répondra concrètement à nos trois priorités : la rémunération, la conciliation vie personnelle-travail et la charge de travail. On ne veut pas se presser de signer. Sache que ton Comité de négociation est toujours aussi motivé que le premier jour à obtenir les meilleures conditions de travail pour toi et tes collègues professionnelles en soins et c'est pourquoi il continue de négocier sans plier sur des enjeux fondamentaux.
Bref, on comprend ton impatience, mais ce n'est pas fini ! On continue de se mobiliser et on ne lâche rien : on fait face à un débat idéologique à la table, et ton Comité de négociation a besoin de ton soutien et de ta solidarité !
Et la mobilisation, dans tout ça ?
On continue de s'afficher dans l'espace public, notamment avec notre accueil des députés de la CAQ et l'installation de pancartes devant l'Assemblée nationale. Ces actions visaient justement à rappeler au gouvernement et à la population que nous sommes toujours en négociation !
Nous prévoyons d'autres actions de visibilités dans les prochaines semaines. Reste à l'affût des communications de ton équipe syndicale locale ! Et n'oublie pas de t'informer des actions qui se tiennent dans ton établissement !
Finalement, réserve la date du 16 mars 2024 à ton agenda%22%7D], car ton Comité de négociation aura besoin de toi. La FIQ diffusera des détails dans les prochains jours ! Reste à l'affût !
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Projet Northvolt : Lettre à M. Paolo Cerruti

Nous avons pensé pertinent de vous informer de l'envoi de cette lettre que nous avons adressée à M.Paolo Cerruti, président et directeur général de Northvolt.
Le 5 février 2024
Bonjour M. Cerruti,
Nous avons suivi avec intérêt votre récente tournée médiatique. Si nous vous croyons sincère dans votre volonté de participer à une transition énergétique la plus verte possible, nous croyons également que la manière dont le projet se déploie ne peut que nuire à son acceptabilité sociale. Les contradictions et les dissimulations abondent depuis les premières heures de ce projet, et c'est ce qui fait réagir les groupes environnementaux et communautaires.
Par exemple, vous avez affirmé dans La Presse du 2 février que le règlement définissant le cadre dans lequel un BAPE doit être exigé « a été modifié avant (vos) tous premiers échanges avec Québec ». Or, un article de Radio-Canada publié le 29 novembre dernier1 indique le contraire. C'est ce genre de contradiction qui irrite les citoyens soucieux de transparence et désireux d'être consultés en amont de ce qui est annoncé comme le plus gros projet d'investissement industriel de l'histoire du Québec.
Dans ce même article, et dans l'entrevue accordée à Patrice Roy au Téléjournal la veille, vous attribuez votre empressement à aller de l'avant avec le projet par l'impatience de votre principal client en Amérique du Nord. Toutefois, nous considérons que ce n'est pas aux Québécois.es de faire les frais du sentiment d'urgence de votre client et que les opportunités commerciales ne devraient pas être saisies au détriment de la sauvegarde des milieux naturels. C'est particulièrement vrai en Montérégie, où ces milieux se font rares et où une portion effarante du territoire a déjà été cédée au développement.
Nous ne sommes ni pour ni contre le projet. Comment peut-on prendre une position éclairée sans l'information essentielle qui nous manque ? Nous sommes plutôt préoccupées par le peu d'information fourni et par le manque d'occasions pour le public de participer en amont de son démarrage. Nous vous invitons donc à insister auprès du gouvernement pour qu'il fasse preuve de plus de transparence et de cohérence afin de faire en sorte que ce projet soit la bonne nouvelle qu'on nous a promise. Nous vous réitérons également notre demande de soumettre volontairement le projet à un BAPE, qui est selon nous la seule façon d'assurer son acceptabilité sociale. Finalement, vous vous dites ouvert au dialogue ; c'est aussi notre cas et nous serions heureuses de vous rencontrer afin d'initier un véritable échange.
En souhaitant une réponse positive de votre part,
Mères au front - Rive-Sud
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Un jugement idéologique sur le projet Northvolt

La décision du juge David R. Collier, de la Cour supérieure du Québec, de rejeter la demande d'injonction contre Northvolt présentée par le Conseil québécois du droit sur l'environnement (CQDE) pour mettre fin à la destruction d'un écosystème d'une grande importance écologique relève davantage de l'idéologie que du respect des lois québécoises en matière de protection de l'environnement. Le jugement, dont les arguments ont été rapportés par Le Devoir, reprend en fait le discours des promoteurs du projet sans aucun recul critique.
Même s'il reconnaît que l'écosystème qui sera détruit est un milieu « rare et important », le juge estime que la compensation financière offerte par la compagnie constitue un motif acceptable pour passer outre aux normes environnementales. Et, même si le gouvernement semble avoir magouillé pour soustraire le projet de Northvolt aux règles normales d'études environnementales, il considère que l'intérêt public exige avant tout de « protéger la sécurité juridique des activités autorisées par l'administration publique ». Pour valider son point de vue, il invoque le fait que la compagnie pourrait subir des pertes économiques si le projet venait à être retardé, alors qu'il s'agit d'un projet créateur d'emplois, d'un projet « vert », etc.
Le juge David R. Collier est un juriste. Peut-on lui reprocher de ne pas être bien au fait de l'urgence climatique et des discussions qui ont cours dans les milieux scientifiques sur les moyens à mettre en œuvre pour éviter un réchauffement incontrôlable de la planète ? D'ignorer que les « compensations » offertes pour les milieux naturels détruits échouent en général à protéger les espèces menacées ? Ou encore de ne pas savoir qu'une analyse sérieuse du cycle de vie des batteries d'automobiles justifierait certainement, au Québec comme ailleurs, une option autre que l'électrification du transport individuel ?
En effet, le fait que le gouvernement Legault refuse toujours de mener une vraie consultation publique sur la transition énergétique n'est pas étranger au fait que la priorité de ce gouvernement (comme celle des Libéraux avant lui) demeure toujours l'enrichissement d'une petite frange de la population au détriment d'une véritable stratégie de lutte contre le réchauffement de la planète. On l'a vu notamment avec le REM, un projet conçu davantage pour satisfaire les intérêts de quelques acteurs économiques que pour offrir une véritable solution de décarbonation du secteur du transport et une réponse adaptée aux besoins en transport collectif de la grande région métropolitaine.
Ce qui est moins compréhensible dans la décision du juge Collier, c'est qu'en tant que magistrat de la Cour supérieure, il ne reconnaisse pas que les lois québécoises et fédérales sur la protection de l'environnement et des espèces en péril sont en l'occurrence bafouées. Les Québécois et les Québécoises se sont justement dotés d'un Bureau d'audiences publiques sur l'environnement pour éviter que des pseudo-justifications ne viennent se substituer à une véritable analyse des impacts environnementaux, sociaux et économiques des projets. En fermant les yeux devant toutes les irrégularités manifestes dans le dossier de Northvolt (modification de la loi pour permettre de soustraire le projet à une évaluation environnementale régulière, manque d'accès à l'information, absence d'études d'impacts, déni des normes en vigueur), le juge Collier légitime l'arbitraire en matière d'aménagement du territoire et de développement industriel.
En contexte de crise climatique, l'enrichissement d'une frange de la population est loin d'être un gage de bien commun. Les recommandations des scientifiques du GIEC et de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) sont sans équivoque : la conservation et la restauration des milieux naturels sont la meilleure façon de diminuer notre empreinte carbone et de protéger la Vie, avec un grand V, celle qui assure la santé, la possibilité de se nourrir et de jouir de notre présence au monde. Ces recommandations se fondent sur des constats basés sur la meilleure science de la vie et du climat. C'est d'ailleurs pourquoi le Canada s'est engagé, en souscrivant au Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal, à mettre la protection de la biodiversité et la protection et la restauration des territoires naturels au cœur de ses priorités.
Si le juge Collier ne trouve pas là des arguments assez solides pour que, face aux opinions contradictoires au sujet du projet Northvolt, il soit « raisonnable » de faire respecter les règles environnementales, on pourrait encore invoquer le principe de précaution. Ne serait-ce que pour assurer aux populations riveraines et à l'ensemble des québécois et québécoises qu'elles n'auront pas à déchanter face aux impacts toxiques de l'implantation de cette industrie sur leur territoire. Ce que seule une analyse sérieuse et transparente des impacts sociaux, économiques, environnementaux et de santé publique du « plus gros projet privé [subventionné par l'État] del'histoire du Québec », permettrait de faire.
Louise Morand
Membre du Regroupement vigilance hydrocarbures Québec
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De la démocratie en Françafrique. Une histoire de l’impérialisme électoral

L'ouvrage analyse en détail comment la France utilise et manipule les scrutins dans le seul objectif de maintenir sa domination. Sous la colonisation, l'enjeu était de limiter le poids électoral des autochtones.
Consciente ensuite que la question de l'indépendance des pays africains ne pourrait être évitée, « la France aura donc finalement utilisé les élections pour fabriquer, sélectionner une élite dirigeante dotée d'un double profil bien caractéristique : une légitimité populaire souvent douteuse et une posture de dépendance vis-à-vis de l'ancienne métropole. » Un procédé de fabrication usant de fraude électorale et d'élimination des opposants qui sera repris par les potentats africains avec la complicité de l'ancienne puissance coloniale.
Comme le soulignent les auteurs, la mise en place de la 5e République en France a permis d'octroyer au président un pouvoir sur les affaires africaines se révélant sans partage et sans contrôle. Désormais les pays du pré carré connaîtront une « démocratie de basse intensité ».
Eugénisme électoral au Sénégal
L'ouvrage nous offre une étude détaillée des méthodes qualifiées d'« eugénisme électoral », avec l'exemple du Sénégal. Elles permettront l'élection en 2019 de Macky Sall. Ce chapitre se révèle d'autant plus prenant que la même opération se réitère sous nos yeux pour les élections de cette année.
L'analyse du lien entre démocratie et libéralisme économique, qui accompagnera les politiques d'ajustements structurels ôtant tout réel pouvoir aux politiques, explique en partie le soutien dont peuvent bénéficier les auteurs des récents coups d'État en Afrique. L'ouvrage se termine par un questionnement sur la démocratie comme point d'appui à « un projet de libération humaine » avec le concept de « démocratie substantive ». Une notion aussi bien utilisée par le philosophe marxiste István Mészáros, un des animateurs de l'École de Budapest, que par Achille Mbembe, un temps pourfendeur de la Françafrique, qui a décidé d'accompagner la politique africaine de Macron.
Un ouvrage passionnant qui séduira au-delà du cercle (trop) restreint des personnes intéressées par l'Afrique.
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Northvolt : Chat échaudé craint l’eau froide

« Il faut changer d'attitude » proclame M. Legault face aux groupes qui exigent un BAPE pour examiner les avantages et les inconvénients de l'usine Northvolt. Il regrette que certaines personnes critiquent « sans nuance les projets de développement économique au Québec. » [1].
Dans le Journal de Montréal du 11 février 2024, il y a tout un dossier sur les difficultés des médias d'obtenir de l'information, même en utilisant la loi d'accès à l'information. [2] Cette difficulté peut donner l'impression qu'on nous cache des choses dans de nombreux domaines incluant le dossier Northvolt. Le chroniqueur Richard Martineau affirme que les « élus doivent nous rendre des comptes » et il rappelle aux gouvernements de ne pas oublier la réalité : « Ce n'est pas vous, notre boss. C'est nous, votre boss ! » [3]
La démocratie, ce n'est pas une dictature de quatre ans entre deux échéances électorales. C'est la participation active de l'ensemble de la population à l'élaboration de notre société face aux changements climatiques ! On s'entend avec M. Legault pour dire que les choix que nous faisons présentement doivent être pour le mieux-être de la population tout au long du 21e siècle. Dans ce contexte, est-ce que le projet Northvolt est le coup de génie du siècle ? Ou est-ce une autre mésaventure dispendieuse moussée par la partisanerie politique et de puissants intérêts privés ? Pour en comprendre les tenants et aboutissants, la population a besoin d'un BAPE, outil essentiel de la démocratie participative.
Les modes, la politique partisane ainsi que des projets que des compagnies privées peuvent tenter d'imposer à l'aide de campagnes de relations publiques sophistiquées ne correspondent pas nécessairement aux besoins présents et futurs de notre société. Suite à des expériences malheureuses, peut-être sommes-nous, comme dans le proverbe, des « chats échaudés qui craignent l'eau froide ». Comme exemple d'une erreur à ne pas répéter, examinons le projet du Suroît. [4] À l'aube du 21e siècle, le gouvernement et Hydro-Québec annonçaient avec tambours et trompettes ce projet d'une dizaine de centrales électriques alimentées au gaz naturel. Une seule a été construite ; elle a fonctionné pendant quelques mois, mais elle était tellement inutile qu'on l'a mise dans les boules à mites. Cependant, l'arrêt de production oblige Hydro-Québec (et indirectement les Québécois) à payer environ 140 millions par année à son propriétaire privé pour qu'elle NE PRODUISE PAS d'électricité.
L'arrivée du dossier des gaz de schiste sur la place publique en 2010 est un autre exemple où le gouvernement et le puissant lobby représenté par l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ), avec la complicité de certains médias, ont présenté le forage et la fracturation de 20 000 puits dans la vallée du Saint-Laurent comme étant la 8e merveille du monde pour faire avancer le « développement économique » du Québec ; bien sûr, les promoteurs du « Drill, Baby, drill » ont balayé tous les problèmes environnementaux sous le tapis. Il a fallu les BAPE # 273 et # 307 pour déboulonner ces mythes et faire la lumière malgré les embûches d'accès à l'information.
Autre questionnement. Les gouvernements, tant au niveau provincial que fédéral, ont annoncé qu'ils investissaient des milliards dans Northvolt. Nous essayons de comprendre, mais il nous manque trop de données pour être en mesure de porter un jugement sur la viabilité économique à long terme de Northvolt. Dans le passé, parmi des investissements et subventions qui se sont avérés discutables, on peut penser, entres autres, aux millions engloutis dans la papeterie Gaspésia [5] et la cimenterie McInnis. [6] Et au niveau fédéral, on peut se demander si les quelque 35 milliards de deniers publics investis dans l'oléoduc TransMountain serviront à assurer la carboneutralité promise pour 2050 !!![ 7]
Nous savons que les batteries seront une composante clé des systèmes énergétiques du 21e siècle. Mais tout grand projet a des aspects positifs ET des aspects négatifs. Le « changement d'attitude » réclamé par M. Legault doit venir du gouvernement ET d'une population informée. Tout comme M. Daniel Breton, environnementaliste et ancien ministre de l'environnement, nous sommes persuadés que le gouvernement commet une erreur stratégique en faisant des passe-droits pour permettre à Northvolt d'échapper au processus du BAPE. [8] En permettant de comprendre tous les aspects du projet, l'ensemble de la population pourra s'approprier le dossier, sans avoir l'impression que les gouvernants nous « cachent des choses » ; cette transparence est un élément-clé en vue d'obtenir une éventuelle acceptabilité sociale.
Gérard Montpetit
Membre du CCCPEM (Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l'environnement maskoutain)
le 11 février 2024
3] https://www.journaldemontreal.com/2024/02/10/les-elus-doivent-nous-rendre-des-comptes
6] https://www.journaldemontreal.com/2017/08/16/quand-le-quebec-subventionne-la-pollution
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Campagne justice sociale et climatique - Nouvelles de la mobilisation

Bonjour !
Nous vous écrivons car vous avez participé au rassemblement virtuel de mobilisation du 28 novembre dernier sur la campagne sur la justice sociale et climatique du MÉPACQ.
Dans la poursuite de notre campagne, nous lançons maintenant un appel à l'action large pour une semaine d'occupation et d'éducation populaire du 15 au 18 avril 2024. Face à l'inaction, il nous faut hausser le ton pour que la lutte contre les inégalités et la crise climatique soit une priorité avant les profits !
Les groupes sont appelés à 3 jours d'occupation et d'éducation populaire. Chaque journée aura pour thème un pilier important pour la justice sociale et climatique. Les régions au quatre coins du Québec pourront se mettre en action lors de la ou des journées thématiques qui les interpellent davantage.
Lundi 15 avril : Ouverture de la semaine
Mardi 16 avril : Qualité de l'air et droit à la santé
L'air que nous respirons a fait les manchettes cette année : incendies de forêts, nickel à Québec et arsenic de la Fonderie Horne en Abitibi-Témiscamingue. Par son inaction, le gouvernement nuit à notre droit à la santé et à la vie.
Mercredi 17 avril : Transport collectif accessible et abordable
Le transport est le principal secteur de l'économie qui émet des GES. Pourtant, le gouvernement mise sur l'automobile individuelle et délaisse le transport collectif. Il nous faut des transports collectifs accessibles et abordables !
Jeudi 18 avril : Énergie et transition juste
Il faut sortir des énergies fossiles pour se diriger vers les énergies propres, mais pas n'importe comment ! La transition n'est pas une occasion d'affaires (filière batterie, dénationalisation d'Hydro, exploitation des ressources minières, etc.), nous avons besoin d'un véritable plan porteur de transition juste.
Pour en savoir plus sur les actions, les thèmes et sur comment inscrire un événement ou une action dans le calendrier : https://mepacq.qc.ca/semaine-doccupation-et-deducation-populaire-du-15-au-18-avril-2024-appel-a-laction/
L'événement facebook : https://fb.me/e/1v3K5NJkL
À noter que nous ne réutiliserons pas cette liste d'envoi, on vous invite fortement si vous voulez continuer à avoir des nouvelles du MÉPACQ à vous inscrire à notre infolettre : https://bit.ly/2Fsl7tC
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Valérie Lépine
Coordonnatrice, responsable à la mobilisation et aux communications

Déclaration de l’ACME sur le projet de loi visant l’interdiction de la publicité pour les combustibles fossiles

OTTAWA/Territoire traditionnel non cédé de de la nation algonquine Anishinabeg, le 6 février 2024 – L'Association canadienne des médecins pour l'environnement (ACME) se réjouit du projet de loi sur l'interdiction de la publicité pour les combustibles fossiles qui a été déposé par Charlie Angus, porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière de ressources naturelles et député de Timmins-Baie James. Nous demandons à tous les membres du Parlement d'appuyer cet important projet de loi et de veiller à ce qu'il soit rapidement adopté.
Chaque année, la pollution causée par les combustibles fossiles est directement liée à 34 000 décès prématurés au Canada et à plus de 8 millions dans le monde. Davantage de Canadien(ne)s auront des problèmes de santé tels que des cancers, des crises cardiaques, des accidents vasculaires cérébraux et des affections pulmonaires ayant pour cause les émanations toxiques. D'ailleurs, il est choquant de constater que le Canada se classe au troisième rang mondial pour le nombre de nouveaux cas d'asthme infantile liés à la pollution automobile, après le Koweït et les Émirats arabes unis. Les Nations unies ont estimé que, pour la seule année 2018, la pollution atmosphérique due aux combustibles fossiles a entraîné des coûts sanitaires et économiques de l'ordre de 2 900 milliards de dollars, ce qui correspond à l'ahurissante somme de 8 milliards de dollars par jour. Tout cela sans compter les décès liés aux événements climatiques, comme le dôme de chaleur qui a fait 600 victimes en Colombie-Britannique en 2021.
La campagne de désinformation menée par l'industrie pétrolière et gazière contribue à aggraver la crise sanitaire à laquelle les Canadien(ne)s sont confrontés. Ainsi, le projet de loi déposé par Charlie Angus constitue une avancée significative en matière de santé publique. Il fait appel à la Loi sur la santé de la même manière que le Canada s'en est servi pour contrer la publicité mensongère de l'industrie du tabac. C'est ainsi que le taux de tabagisme chez les adultes est passé de 50 % à moins de 15 % aujourd'hui et qu'un nombre incalculable de vies ont été sauvées. L'interdiction s'est avérée un moyen rentable pour le gouvernement d'avoir un impact notable sur le problème du tabagisme.
La présentation de ce projet de loi fait suite à la campagne de l'ACME pour l'interdiction de la publicité pour les combustibles fossiles lancée en 2022, à la pétition présentée au Parlement l'année dernière et à la lettre aux ministres soutenue par une large coalition de plus de 35 organisations représentant plus de 700 000 professionnel(le)s de la santé au Canada.
La campagne dénonce l'« écoblanchiment » de l'industrie pétrolière et gazière, de la même façon que les médecins ont déboulonné les mensonges de l'industrie du tabac concernant les risques de ses produits pour la santé. L'écoblanchiment est une pratique publicitaire odieuse qui consiste à faire croire qu'une activité ou un produit est respectueux de l'environnement alors qu'il est tout le contraire.
La combustion de combustibles fossiles représente un risque bien plus grave pour la santé des Canadien(ne)s que l'industrie du tabac, ce qui rend l'écoblanchiment des publicités de l'industrie pétrolière et gazière encore plus scandaleux. Les personnes les plus touchées par la pollution atmosphérique sont les enfants, les personnes âgées, les personnes en situation de pauvreté et les populations autochtones.
La population canadienne est également confrontée à des phénomènes climatiques dévastateurs tels que les feux de forêt, les vagues de chaleur et les inondations, qui sont plus fréquents et plus intenses que dans le passé. Ces événements ont fait des milliers de victimes ces dernières années et continueront d'en faire beaucoup plus dans les années à venir, à mesure que les phénomènes météorologiques extrêmes s'aggraveront.
La protection de la santé des Canadien(ne)s devrait être la priorité du gouvernement fédéral. À cette fin, les entreprises qui exploitent les combustibles fossiles ne devraient pas pouvoir polluer notre air comme elles le font. Elles ne devraient absolument pas avoir le droit de promouvoir leurs produits nocifs et de mentir sur les risques qu'ils représentent pour la santé des Canadien(ne)s.
La tromperie délibérée de l'industrie est bien documentée. Par exemple, un rapport récent d'Environnement et Changement climatique Canada et de l'université de Yale a révélé que la production de pétrole bitumineux émettait jusqu'à 64 fois plus de gaz à effet de serre (GES) que ce que les entreprises pétrolières ont déclaré. Au Canada, la Loi sur la concurrence interdit aux entreprises de donner au public des indications fausses ou trompeuses. En réponse aux plaintes déposées par l'ACME, le Bureau de la concurrence a ouvert une enquête sur Pathways Alliance, l'Association canadienne du gaz et Enbridge Gas pour leurs pratiques trompeuses, mais il faut des années pour traiter ce genre de dossiers. Pendant ce temps, les GES continuent d'être rejetés dans l'atmosphère.
Comme les grandes compagnies de tabac avant elles, les grandes compagnies pétrolières sont parfaitement conscientes des effets néfastes de leurs produits. Pourtant, elles utilisent des sommes astronomiques pour soutenir des campagnes publicitaires massives qui non seulement induisent les Canadien(ne)s en erreur, mais nuisent en plus à leur santé. Nous devons mettre fin à la publicité pour les combustibles fossiles dès maintenant, et cela commence par le soutien de tous les partis au projet de loi déposé par Charlie Angus à la Chambre des communes. La santé et le bien-être de tous les Canadien(ne)s en dépendent.
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Sur les traces de la politique selon Lénine

La figure de Lénine oscille aujourd'hui entre oubli, colère et moquerie. Pour les inspirateurs des idées libérales et conservatrices, il fait partie du panthéon des leaders ratés que l'histoire a oubliés. Pour de nombreux mouvements sociaux nés après Mai 1968, il incarne une sorte de combinaison d'étatisme dangereux et de socialisme autoritaire, et le léninisme ne se nicherait plus désormais que dans quelques sectes révolutionnaires immuables, se réclamant du centralisme du Que faire ? (1), des « 21 conditions » (2) de la IIIe Internationale ou de la recherche du consensus à tout prix en guise de programme.
Revue L'Anticapitaliste - 152 (Janvier 2024)
Par Jorge Orovitz Sanmartino
Crédit Photo
Vladimir Lénine prononçant un discours, à son arrivée à Saint-Pétersbourg, en 1917.
Même les intellectuels radicaux qui invoquent le communisme comme arme philosophique n'osent pas revenir sur les pas de Lénine (à l'exception de Slavoj Žižek (3) qui, par snobisme, se réclame de son autorité pour asseoir dignement son affirmation pure du politique). Dans la solitude de la revendication militante reste Daniel Bensaïd, qui est revenu à Lénine en combattant ses propres démons, pour en faire le point d'appui de nouvelles organisations politiques anticapitalistes aux ambitions populaires.
Pour le communisme sans douleurs prôné par l'autonomisme, comme pour le socialisme sans socialisme que la démocratie moderne produit à tout bout de champ, Lénine est un obstacle, une plaie, un fantôme. Car tant que la politique, comme la mer déchaînée, ramène sur le rivage des concepts tels que la stratégie, l'hégémonie ou les alliances, elle nous renvoie au langage politique inauguré par Lénine et son parti. Et cela a une résonance particulière en Amérique latine, où depuis l'inauguration du premier cycle anti-néolibéral dans les années 2000, le langage de la transformation sociale ne peut se passer du « moment de scission » léniniste. Alors que sous d'autres latitudes il sonne comme une vieille partition déjà épuisée, il est ici recyclé à tout bout de champ en de nouvelles mélodies.
Mais quel Lénine voulons-nous mettre en avant aujourd'hui ? Quel aspect, quel moment de l'histoire bolchevique nous faut-il privilégier ? Celui qui a su apprendre des masses au sein des soviets, celui de l'intransigeance sur les objectifs à atteindre conjuguée à la souplesse tactique et organisationnelle, celui de la lucidité et de la perspicacité dans les moments critiques de la prise du pouvoir ? Le Lénine libertaire de L'État et la révolution(4), celui qui dénonce à la fin de sa vie les tendances à la bureaucratisation du parti (5), ou au contraire celui qui méprise pendant des mois les soviets de 1905, celui des expulsions des bolcheviks extrémistes en 1910, celui qui a approuvé la scission avec les dirigeants allemands et italiens au sein de l'Internationale communiste et qui a interdit les fractions et les groupes dans ces journées si sombres et si particulières de 1921 (6) ? Le révolutionnaire démocrate et pluraliste, ou le conspirateur monolithique et autoritaire ?
La reconstitution historique est marquée par des conflits théoriques et politiques autour de son héritage. Ce qui m'intéresse ici en particulier, c'est de restaurer la figure du révolutionnaire qui ne se laisse pas réduire à une formule universelle, hors temps et hors lieu, ni ne tombe dans une normativité abstraite, mais qui poursuit ses objectifs à travers une analyse concrète de la situation concrète, et utilise pour ce faire les outils et les matières premières à sa disposition : la figure du créateur hétérodoxe qui pense par lui-même et qui, si nécessaire, fait table rase de tout ce qui est acquis, abandonnant à leur propre sort les « monastères socialistes ».
L'art de faire surgir l'imprévisible
Mais retrouver ce Lénine, son action, sa pratique, exige un travail de clarification rigoureux, un dépassement des préjugés et des croyances établies : il s'agit, en somme, de réviser toute une tradition. En particulier celle qui conçoit le parti comme un groupe de spécialistes professionnels situés « en dehors » du mouvement réel des masses et unis par une doctrine parfaitement cohérente, un groupe homogène dans ses procédures, absolument centralisé dans ses actions, procédant par consensus, et qui a fini par s'arroger la propriété incontestée des intérêts historiques de la classe ouvrière.
Qu'était le parti de Lénine (si impopulaire, si décrié, si malchanceux) ? Un groupe humain sans fissures, un corps compact et homogène dans son idéologie, sa tactique, ses principes, son organisation, et jusque dans ses mœurs ? Lénine n'avait-il pas déjà dit qu'« un millimètre de différence en théorie se transforme en kilomètres de distance en politique » ? Le parti de Lénine était-il un édifice monolithique à l'écart du mouvement socialiste national ? Qu'y avait-il de si spécial, de si original, dans l'apport de Lénine à la tradition socialiste qui l'avait précédé ?
Dans ses écrits, Marx a tendance à confondre, à intervertir ou à utiliser indifféremment les termes parti et classe, créant ainsi une identité sociale et politique entre l'un et l'autre. Cette identité classe/parti remonte au Manifeste communiste. Marx pensait que le développement organique du parti ouvrier ne pouvait être qu'immanent à la croissance de la force et de la conscience de classe, qui dépendait en fin de compte du processus de polarisation sociale provoqué par l'extension du capital et du machinisme. En ce sens, sa dialectique conçoit le prolétariat – et, par conséquent, la lutte des classes – comme la négation du capital déterminée par un rapport de force, son caractère révolutionnaire découlant directement de la subordination structurelle du travail au capital.
C'est précisément cette corrélation réciproque entre rapports sociaux et conscience de classe que Lénine remet en question, en introduisant des éléments « extérieurs » à l'immédiateté de la vie quotidienne du travailleur ou même à la spontanéité de la lutte syndicale de la classe. Lénine ne nie pas que la base d'une politique ouvrière repose sur l'extension du prolétariat et sur sa force sociale, mais il rejette l'idée plus ou moins convenue selon laquelle c'est cette pratique sociale sur les lieux de travail, à travers la lutte quotidienne, le « faire » quotidien du prolétariat, qui élèvera automatiquement sa conscience jusqu'à des objectifs socialistes.
La contribution de Lénine a été la radicalisation de l'autonomie politique en tant qu'espace d'articulation des intérêts historiques de classe lorsque l'exploitation sociale empêche ou bloque la véritable conscience de soi. Lénine ne confie pas aux intellectuels la tâche de représenter le prolétariat, il ne constitue pas un parti de l'intelligentsia bourgeoise « en dehors » de la classe. Le parti est composé non seulement d'intellectuels, mais aussi et surtout de travailleurs, qui participent au parti, comme le dit Gramsci, en tant qu'« intellectuels organiques ».
Pour Lénine, la pratique du travail, ou même la lutte immédiate, ne peut devenir une praxis réflexive et transformatrice que lorsque la théorie et l'organisation collective entrent en jeu. Si la base sociale de son programme reste la classe ouvrière, il est contraint de médiatiser cette relation en y intégrant les intellectuels, les alliances avec les autres classes et les nationalités opprimées. Ce faisant, il rejoint le concept d'hégémonie forgé un peu plus tard par Gramsci. Le gouvernail qui oriente sa stratégie, c'est la politique en tant qu'art de faire surgir l'imprévisible. Sans tirer pour autant de conclusions théoriques, il est contraint de séparer le programme de son caractère de classe, c'est-à-dire d'éviter de prêter à chaque classe un programme paradigmatique (prenons l'exemple du programme d'autodétermination des nationalités dominées dans l'empire tsariste : leur nationalisme pouvait servir à la fois la réaction et un programme démocratique socialiste mené par la social-démocratie, en fonction des alliances, et de l'articulation hégémonique).
Bien qu'il ne se soit jamais départi d'une vision plus « sociologique » de la construction des classes, il a, en grand stratège, eu l'intuition que les intérêts de classe ne dépendent pas de manière objective des positions au sein de la structure économique, mais qu'ils se définissent plutôt en termes d'« horizon d'action », c'est-à-dire qu'il existe une composante politico-culturelle. Aujourd'hui, nous dirions que les identités et les intérêts d'une classe dépendent aussi de son organisation politique, de sa tradition culturelle, de son répertoire d'action collective, du mouvement des autres classes et forces sociales, et de l'action de l'État. Finalement (et en rupture avec la conception que le 19e siècle se forge de la relation entre classe et conscience), nous dirions que la classe ouvrière n'est pas intrinsèquement révolutionnaire, ni même instinctivement révolutionnaire. Au contraire, elle est un sujet à construire.
Michael Mann (7) a clarifié cette tension au sujet de la classe ouvrière britannique. Si l'action collective de la classe ouvrière découle beaucoup plus directement de sa position structurelle – ce qui explique le pouvoir des syndicats –, en revanche ses objectifs politiques à long terme, son « horizon d'attente », pourrions-nous dire, dépendent des orientations et des interventions de cette classe dans le champ de sa propre action politique et de celui des autres classes et groupes. Mann ajoute que, dans l'Europe du 19e siècle, la solidarité et l'interdépendance en dehors du travail ont créé des communautés denses capables de développer une certaine autonomie ainsi qu'une organisation sociale et culturelle qui ont favorisé la formation de partis ouvriers et socialistes. Mais ils ne constituaient pas une classe unique et ne tendaient pas non plus à l'homogénéité, comme le pensait Marx.
En Angleterre, par exemple, la religion, les idées nationalistes et l'égalité morale protestante ont nourri les protestations des travailleurs, mais pas toujours avec une conscience de classe. La tradition des droits naturels, les idées de bien commun, de droit à la terre, convergent dans la revendication du suffrage universel et encouragent la diffusion du populisme et le radicalisme politique centralisé à l'échelle nationale. Le chartisme en est l'expression ; ses différentes fractions comprenaient de manières très différentes qui étaient leurs ennemis : les patrons, les rentiers paresseux ou l'État qui exploitait fiscalement les pauvres. La théorie de l'aristocratie ouvrière de Lénine ne pouvait expliquer la persistance de formes de conscience non révolutionnaires. Elle était simplement destinée à donner une explication plausible à un phénomène qu'il croyait passager : l'influence réformiste sur la majorité de la classe ouvrière.
Théoricien de la conjoncture
Lénine appelle « développement inégal » le décalage entre les tendances du capital et l'action politique, un concept qui lui permet de résoudre une faille qui, autrement, serait indépassable. Étant donné que les tâches politiques des révolutionnaires face à la monarchie russe différaient radicalement de celles qui s'imposaient en Occident, ce qui en résultait n'était pas « une copie ou un calque », mais une création unique. Le marxisme de Lénine est la « science du concret », et non un modèle universel. Il n'y a pas de recette qui puisse être « prescrite » au mouvement socialiste. C'est pour cette raison que le Que faire ?, malgré ce que beaucoup ont essayé d'en faire, se limite en réalité à une polémique très précise, sans effet réel à plus long terme que sur deux années et quelques, jusqu'à ce que la révolution de 1905 et la formation des soviets exigent de Lénine un traitement beaucoup plus « luxemburgiste (8) » de la question de la social-démocratie russe. Certes, « l'hyperpolitisme » pouvait engendrer de nouveaux dangers, dans la mesure où une conception dogmatique de la « rupture » entre la classe et le parti conduit à l'indépendance, et même à la subordination du mouvement au parti, et à la transformation du parti en représentant univoque et définitif de la classe, en dépositaire du savoir et de l'expérience, tel que nous l'avons connu dans la monstrueuse dégénérescence antisocialiste qu'a été le stalinisme.
Mais, en son temps, Lénine a rompu tous les fils qui reliaient le mouvement socialiste au fatalisme du développement économique. Il franchit le Rubicon en passant de la science du capital à l'art de la politique. C'est ainsi qu'est né le Lénine impatient, le Lénine des virages, celui des moments opportuns (le Lénine de « les sauts, les sauts, les sauts », dirait Daniel Bensaïd (9) ), et qu'il a ouvert le champ à un marxisme politique qui laissait derrière lui les lois inéluctables de l'histoire. Produit de l'histoire convulsée de l'Europe du début du 19e siècle, de la Russie ravagée par la modernisation, la crise et la guerre, c'est un Lénine machiavélien qui se fait jour, tel qu'Althusser (10) lui-même l'identifie, qui invoque le Florentin pour redonner corps à la lutte des classes en tenant compte des déterminations structurelles.
On trouve chez Lénine une primauté de la pratique, de l'histoire vivante, partiellement déterminée par le passé mais ouverte à l'incertitude de l'imprévu. Pour Lénine, il y a des déterminations historiques et sociales des processus, et non une succession aléatoire d'événements. Mais l'histoire se fait aussi sur le mode du pari pascalien. Un pari, parce qu'il n'y a pas de Dieu (il s'est éclipsé) et qu'il n'y a pas de lois inéluctables : il y a une histoire ouverte, un engagement, qui signifie la confiance dans une certitude, mais toujours hantée par la possibilité du contraire. Lucien Goldmann avait dit que le marxisme continuait l'héritage pascalien, mais c'est Lénine plus que quiconque qui lui a donné une telle continuité (11).
En somme, Lénine est un théoricien de la conjoncture. Et, pour lui, une bonne analyse de la conjoncture exige un examen détaillé qui permette de passer des problèmes structurels aux préoccupations stratégiques immédiates, de comprendre les horizons spatio-temporels qui définissent la conjoncture et les objectifs stratégiques clairs qui guident l'action. Une analyse correcte de la conjoncture doit, en outre, être relationnelle, car le schéma lui-même d'une stratégie pratique appropriée dépend également des réponses probables d'autres forces sociales. À la fois tournée vers le passé et ouverte aux trajectoires futures, une telle analyse fait le pari que les forces sociales peuvent agir sur les conjonctures actuelles et les réarticuler pour créer de nouvelles possibilités.
Le parti léniniste
Une caractéristique essentielle de nombreux courants de l'après-guerre a été l'adoption du léninisme comme idéologie de ce que nous appelons le « proto-parti », c'est-à-dire un noyau de révolutionnaires qui pensent posséder un véritable parti, lequel, avec son programme bien peaufiné et son organisation figée, n'a plus qu'à réduire le fossé qui le sépare des masses au moyen d'une « politique juste ». Cette évolution de l'organisme embryonnaire jusqu'à la pleine maturité passe par des étapes incontournables : il naît comme groupe ou cercle, il se développe à un deuxième stade comme « groupe de propagande » et, s'il réussit à franchir efficacement cette étape, il peut alors s'auto-proclamer « parti d'avant-garde ». Dans tous les cas, son aspiration est de devenir un parti ayant une influence de masse. Pour ce faire, comme l'a montré avec acuité Hal Draper, le « mini-parti » doit agir comme s'il était un vrai parti, jusqu'à ce que les masses le « trouvent », et consolider ses propres structures organisationnelles, parfois sur plusieurs décennies. Passant en revue les groupes révolutionnaires de l'après-guerre en 1970, Draper écrivait :
« Il y a une erreur fondamentale dans l'idée que la voie de la miniaturisation (imiter un parti de masse en miniature) est la voie vers le parti révolutionnaire de masse. Si vous essayez de créer un parti de masse miniature, vous n'obtiendrez pas un parti de masse miniaturisé, mais un monstre [...] Son principe vital est son engagement en tant que partie intégrante du mouvement de la classe ouvrière, son immersion dans la lutte des classes non pas par la décision d'un Comité central, mais parce qu'il vit dans cette lutte. » (12)
Cette idée évolutionniste est au fondement de la conception fractionnelle du parti, dont l'expression la plus élevée est le micro-parti. Cette conception linéaire, de la graine à l'arbre, exige un supplément d'organisation pour opérer une stricte démarcation avec les groupes concurrents. Dans le micro-parti, l'unité idéologique doit être absolue, sans fissures. Lénine n'avait-il pas expulsé les Otzovistes (13) pour avoir rejeté le matérialisme dialectique douteux qu'il défendait avec Plekhanov en 1910, accusant l'opposition de gauche de mysticisme ? La leçon à tirer de l'expérience bolchevique n'était-elle pas qu'il n'y avait pas de place pour ceux qui « déviaient d'un millimètre dans la théorie » ?
Ce type d'organisation avait bien séduit Lénine en plusieurs occasions, si l'on fouillait ses écrits à la recherche d'arguments susceptibles d'en justifier l'existence. Mais bien entendu, pour ce faire, il fallait éliminer tout le développement de sa propre mise en contexte, le fait que Lénine répondait politiquement aux circonstances russes de l'époque. Le choix a été fait de préserver la lettre des textes de Lénine, mais au prix de leur esprit même. Tant ses partisans les plus littéralistes que ses détracteurs ont considéré le Que faire ? comme la « bible léniniste », comme un manuel ou un recueil des conceptions léninistes.
Ils ont ainsi dépeint l'émergence de la fraction dirigée par Lénine comme un groupe sans fissures, sans divisions ni divergences (ce qui, dans un mouvement comme le POSDR, truffé de tendances, de groupes et de fractions, relève du fantasme le plus complet) : ses partisans, pour trouver sous sa plume des recettes pour la formation d'une organisation hors temps et hors lieu ; ses détracteurs, pour prouver que ce petit livre était l'œuf du serpent stalinien.
En tout état de cause, ce qui est perdu, ce sont les coordonnées spatio-temporelles de l'émergence d'un mouvement révolutionnaire dans la Russie arriérée, un mouvement qui a pris le pouvoir grâce à un concours de circonstances exceptionnelles, dont une défaite militaire écrasante, la paralysie et l'effondrement de l'appareil d'État, l'action déterminée de l'avant-garde jacobine, qui a permis de prendre d'assaut le carrefour des deux principales villes et de couper ainsi tout le système nerveux et sanguin de l'immense empire, et enfin, la semi-paralysie des puissances voisines, engluées dans la défaite et la crise.
Il est indispensable de tirer les leçons de la Révolution d'Octobre et de la dérive autoritaire qui s'en est suivie pour donner au socialisme des garanties démocratiques, mais il n'est pas question pour autant de s'abstraire des circonstances particulières et non reproductibles dans lesquelles un groupe de révolutionnaires a dû agir pour s'emparer du pouvoir. Dans le contexte de la persécution tsariste, il est probable que la sélection des révolutionnaires en vue d'une adhésion aux cercles socialistes se devait d'être très stricte. (Dans les proto-partis contemporains, les frontières organisationnelles visent la reproduction du groupe lui-même en « délimitant » les « révolutionnaires » des « centristes » et des « réformistes », séparation définie non pas dans la réalité vivante des processus populaires, mais formalisée par des divergences programmatiques ou parfois même dans de petites questions, de tradition ou simplement d'appareil.)
Même le Lénine de la Russie tsariste et rédacteur de Que faire ?, lorsqu'il a lutté pour la création d'un parti social-démocrate panrusse, ne l'a pas fait séparément du mouvement socialiste réel. Il s'est battu contre les tendances disparates des cercles locaux et régionaux qui manquaient d'un horizon politique plus large. Lorsqu'il a quitté le journal l'Iskra et entrepris de publier la Pravda, il ne pensait pas à un « parti séparé » mais à un cercle dirigeant du journal qui centraliserait le travail politique des comités sociaux-démocrates de toute la Russie. Pour Lénine, l'organisation commune ou indépendante des organisations de base était liée aux luttes idéologiques du moment. Avant même la réunification de 1906, de nombreux comités locaux et cellules d'entreprises formés par de nouveaux militants intégrés au cours de la période révolutionnaire avaient déjà constitué de leur propre chef des comités communs réunissant mencheviks et bolcheviks.
Le bolchevisme en tant que fraction révolutionnaire faisait partie de la vie politique des masses précisément parce qu'il représentait l'aile gauche du POSDR. Son but n'était pas de démasquer et de briser l'organisation à terme, mais d'imposer ses propres idées et méthodes à l'ensemble du parti. En ce sens, il n'y a aucune trace de ce que l'on appellera plus tard la « tactique entriste », qui postule a priori son caractère extérieur et conspirationniste. La capacité du bolchevisme à devenir un courant véritablement populaire n'est pas seulement due à sa politique, mais aussi au fait qu'il faisait partie du parti que les masses considéraient comme le leur, c'est-à-dire celui qui avait une tradition et des racines ancrées dans la culture politique des masses.
Le concept de parti ou de fraction organique peut servir à clarifier la différence essentielle entre un groupe isolé de révolutionnaires pour qui il est essentiel de trouver une voie vers les masses, et une fraction ou un parti lié à la tradition et aux aspirations populaires. Gramsci disait que toute association politique a besoin d'une certaine éthique commune partagée par ses membres. Mais il a souligné la différence substantielle entre le parti politique et ce qu'il appelle la « mafia » ou la « famille ». Alors que dans la mafia, la communauté qui l'unit devient une fin en soi – parce que l'intérêt particulier est pris pour l'intérêt universel, dans une confusion entre éthique et politique –, le parti en tant qu'intellectuel collectif n'est pas conçu comme quelque chose de définitif mais comme un moyen et, par conséquent, il étend ses intérêts à divers groupes sociaux et, bien que ses membres partagent une certaine éthique, celle-ci ne se confond pas avec la politique, comme c'est le cas pour les liens familiaux.
C'est cette même période intense de lutte des classes (avec deux révolutions en moins de treize ans, les hauts et les bas des luttes et des grèves, la diversité des méthodes de lutte et la sophistication de la politique socialiste de l'époque) qui a nourri la large démocratie interne et le débat ouvert d'idées au sein du mouvement socialiste. Même après la prise du pouvoir, les luttes internes ont été très intenses et, malgré l'interdiction des fractions, différents groupes n'ont jamais cessé de se former. Dans le dernier bloc formé par Lénine, il avait pour partenaire Trotski, uni avec lui contre les tendances croissantes de Staline au bureaucratisme. Ce n'est qu'avec la mort de Lénine et la montée de la clique stalinienne que la théorie du parti monolithique s'est concrétisée, et c'est avec la « bolchevisation » qui a suivi que s'est imposé l'enrégimentement de tous les partis communistes sous la direction du PCUS.
Mythe et réalité de l'Internationale communiste
La théorie de l'aristocratie ouvrière s'accompagnait d'un autre grand mythe fondateur : la théorie de la guerre impérialiste. Comme l'a souligné Fernando Claudin (14), l'horizon de la stratégie léniniste a fusionné les deux théories, en posant l'hypothèse que l'ère impérialiste est l'expression de la décadence du capitalisme. Et cette décadence s'était manifestée avec une forme d'évidence dans la Première Guerre mondiale, une guerre dont l'enjeu était colonial, dans une période d'épuisement des marchés nationaux et de transformation réactionnaire du monde, mettant la révolution prolétarienne à l'ordre du jour. C'est ce qu'il a appelé une « époque de guerres, de crises et de révolutions » : la tâche immédiate dans toute l'Europe était alors la révolution socialiste, qui semblait imminente.
L'idée qu'après la Révolution russe et la Première Guerre mondiale, nous sommes entrés dans une époque de guerres et de révolutions est à l'origine de la politique immédiate de l'Internationale communiste, fondée sur le concept de l'imminence de la révolution. Il s'agissait d'un récit convaincant qui, en outre, était palpable dans cette atmosphère de crise européenne.
L'Allemagne a été entraînée dans le tremblement de terre révolutionnaire par la force extraordinaire des bouleversements étatiques, par la guerre et les compensations économiques de la défaite (et non par l'épuisement de sa capacité d'expansion capitaliste), tous ces facteurs ayant déstabilisé le front intérieur. Ce cas montre que les faiblesses pourraient ne pas se limiter aux pays qui possèdent des structures sociales peu développées, mais concerner aussi bien les pays à forte capacité industrielle et à fort développement sociétal. De telles perspectives se sont bel et bien manifestées en Allemagne en 1919-1921, ainsi qu'en Italie. Et ces deux pays ont été de véritables carrefours historiques.
Cette agitation née d'une urgence concrète a incité les partis communistes naissants à lutter sans relâche contre les vieux partis réformistes et à dénoncer les formations intermédiaires ou centristes, convaincus que seule l'intransigeance la plus radicale à l'égard des vieilles organisations pouvait forger des partis orientés vers la lutte pour le renversement de l'ordre bourgeois et non - comme l'avait révélé l'expérience allemande - pour sa préservation. Cette expérience, stimulée par les effets de la Révolution russe, a poussé pour la première fois les révolutionnaires les plus déterminés à abandonner les formations considérées comme réformistes et centristes pour former, éclairés par le défi immédiat de faire la révolution en Europe, des organisations indépendantes.
Les récits jouent un rôle clé dans l'action stratégique parce qu'ils ont la capacité de simplifier des problèmes complexes, d'identifier des solutions simples, de faire appel au bon sens et de mobiliser le soutien populaire. Les récits, comme l'a remarqué Bob Jessop (15), n'ont pas besoin d'être scientifiquement valides et même, en réalité, ils sont souvent d'autant plus puissants qu'ils permettent aux coalitions de se former et à des pans entiers de la population de se rassembler, c'est-à-dire lorsqu'ils constituent des mythes mobilisateurs. L'idée d'une révolution imminente en Europe, comme conséquence de la Révolution russe, a structuré la boussole stratégique immédiate de Lénine, bien que les caractéristiques des deux espaces géographiques aient été radicalement différentes. Cette question a torturé Gramsci durant la période de sa vie intellectuelle la plus féconde : il y a répondu en distinguant l'Est de l'Ouest et en élaborant son concept d'hégémonie.
Mais Lénine, loin de se cramponner à un dogme, a rapidement compris que la stratégie de la rupture reposait sur un malentendu. Il a ainsi opéré un virage tactique lors des troisième et quatrième Congrès de l'Internationale communiste. Sa demande d'adhésion au Labour britannique était-elle une sorte de tactique « entriste » à court terme ? Si l'on fait abstraction de sa polémique avec le gauchisme, de sa demande d'unité avec le centre italien, de sa lutte pour empêcher l'éclatement de la direction du parti en Allemagne, de sa nouvelle politique de « gouvernement ouvrier » en coalition avec la social-démocratie, cela pourrait être le cas. Cette orientation montre en réalité la flexibilité tactique de Lénine et balaie, au passage, le mythe de l'ultra-bolchevisme organisationnel de l'Internationale communiste.
À l'origine de la fondation de l'Internationale communiste, les 21 conditions exigeaient la rupture avec le réformisme et le centralisme à l'échelle internationale. Il s'agissait de créer une organisation conçue pour le combat immédiat, peut-être pour quelques mois, au cours desquels la lutte révolutionnaire déciderait non seulement du sort de l'Europe occidentale, mais aussi de celui de la jeune Révolution russe. Lénine prévoyait alors que la situation faciliterait le ralliement de la majorité du prolétariat au camp communiste.
Cependant, à quelques exceptions près, cela ne s'est pas produit. L'esprit non révolutionnaire n'était pas un phénomène minoritaire et passager, une lubie pacifiste et démocratique, mais il exprimait une tendance plus profonde, ancrée dans les processus de changement et de recomposition capitaliste qui commencèrent à se mettre en place à partir de la fin du 19e siècle, s'exprimant dans la syndicalisation de masse, l'extension du suffrage universel et les politiques d'intégration à travers les conseils de prud'hommes et le contrôle social. C'est dans ces circonstances que Lénine dénonce l'erreur des 21 conditions, qu'il juge « trop russes ».
Lénine cherchait, par tous les moyens à sa disposition, à faire partie intégrante du mouvement de masse comme condition préalable à la construction d'un parti ayant la capacité de prendre le pouvoir, ce qui supposait dans tous les cas la coexistence d'ailes et de courants en son sein.
Et cela, non seulement en Europe, mais aussi dans ce qu'il appelait les colonies ou semi-colonies (par exemple, en Chine, où le PC est né du Kuomintang associé aux dirigeants de son aile gauche, soutenu et défendu par un mouvement paysan de masse ; ou encore à Cuba, où les courants socialistes ont émergé au sein du mouvement nationaliste étudiant et urbain). Chaque cas particulier a eu sa propre trajectoire et ses propres scénarios stratégiques, en fonction des conditions nationales et des traditions et répertoires populaires.
Plus de Lénine, moins de « -isme » !
Si le mouvement socialiste aspire à transformer ses idées en puissance matérielle, il doit prendre part aux grands mouvements populaires, être en prise avec le « bon sens » des résistances en cours et adosser son programme aux revendications des mouvements réels. La transformation sociale n'est pas quelque chose qui naîtra un jour de bonnes idées que le peuple finirait par suivre. Les tactiques politiques dans des pays comme les États-Unis ou la Grande-Bretagne ne peuvent pas être les mêmes qu'en France, et elles seront très différentes encore de l'expérience de pays comme la Bolivie, le Venezuela ou l'Argentine, qui ont connu des processus de lutte et de rébellion. Tout processus de changement nécessitera de redéfinir le contenu et les forces motrices d'un programme socialiste.
Comprendre les nouvelles conditions du capitalisme et ses transformations accélérées, la morphologie des États et les institutions comme espaces de contestation, les échelles variables de l'action politique, les mouvements sociaux émergents et leur potentiel anticapitaliste, le rôle que joue la démocratie politique, sont autant de tâches en vue d'une refondation indispensable. Cela implique également de se saisir des meilleures traditions intellectuelles et politiques d'autres tendances émancipatrices, d'actualiser l'idéologie socialiste avec les apports de courants tels que le féminisme et l'écologie, et de renouveler les langages politiques en articulant un mouvement populaire vaste et hétérogène avec de nouvelles formes et de nouveaux discours, qui redéfinissent à leur tour les horizons de ce que nous entendons par « socialisme ».
Un tel exercice serait un excellent exemple de léninisme pratique, capable de répondre aux exigences actuelles et d'éviter les litanies nostalgiques du passé comme le déni des nouvelles réalités, qui ne conduisent qu'à répéter des formules qui ne sont plus en phase avec l'époque. Il s'agit d'une tâche éminemment complexe et difficile, qui ne peut donc être entreprise que par une pratique et une réflexion collectives.
L'élitisme d'avant-garde n'est que l'envers du populisme anti-théorique et de l'ouvriérisme syndicaliste. La conception d'un parti miniature indépendant a fait long feu. L'échec d'expériences inédites comme Syriza en Grèce, la crise de Podemos en Espagne, ou encore les avancées et les reculs du MAS en Bolivie, ne donnent pas raison à Lénine et ne le ramèneront pas à la vie. Encore une fois, il n'y a pas de recettes toutes faites. En ce sens, notre approche relève davantage de la négation radicale d'expériences de partis qui ont échoué que d'une nouvelle formule en préparation, qui ne peut être trouvée que dans une pratique politique située.
Autant l'exigence de suivre l'esprit critique et réflexif de Lénine semble indispensable, autant il devient nécessaire d'abandonner définitivement le léninisme officiel des dernières décennies.
Article paru dans la revue Jacobin, n°9, 2nd semestre 2023
Notes
1. Premier ouvrage signé « Lénine », la brochure Que faire ?, sous-titrée Questions brûlantes de notre mouvement, publiée clandestinement en 1902, défend l'idée d'un parti centralisé, constitué de « révolutionnaires professionnels » réunis autour d'un journal à la publication régulière, chargé de favoriser la conscience de classe par sa diffusion aux masses. Le débat suscité à partir des conceptions de Lénine sur le parti ont conduit à la division entre mencheviks et bolcheviks lors du IIe Congrès du POSDR (Parti Ouvrier Social-Démocrate de Russie) de juillet 1903.
2. Les 21 conditions à l'adhésion des partis communistes à la IIIe Internationale fixées au Congrès de juillet 1920 exigent, entre autres, l'éviction des « réformistes » et des « centristes » des postes à responsabilité du parti, et un fonctionnement de parti centraliste et démocratique, avec épuration régulière des « éléments petits-bourgeois ».
3. Slavoj Žižek, dans La Révolution aux portes. Sur Lénine (2020), présente des textes écrits entre février et octobre 1917, postulant que le temps de Lénine est revenu. Selon la présentation de l'éditeur Le Temps des Cerises, le philosophe slovène, marxiste de formation, lecteur de Hegel et de Lacan, « est aujourd'hui l'un des intellectuels critiques les plus en vue dans le monde ».
4. Sur L'État et la révolution, voir l'article de Daniel Bensaïd « L'État, la démocratie et la révolution : retour sur Lénine et 1917 » (août 2007), republié dans le présent dossier.
5. Voir Moshé Lewin, Le Dernier Combat de Lénine, 1967.
6. Le 10e Congrès du PCUS de mars 1921, qui se tient pendant la répression de la révolte des marins de Kronstadt, vote la suppression du droit de fraction.
7. Le 10e Congrès du PCUS de mars 1921, qui se tient pendant la répression de la révolte des marins de Kronstadt, vote la suppression du droit de fraction.
8. Selon les conceptions que Rosa Luxemburg défendit au sein de la social démocratie allemande, en faveur de l'auto-organisation des ouvriers contre la direction centraliste et semi-réformiste du parti.
9. Voir D. Bensaïd, « Les sauts ! Les sauts ! Les sauts ! » (2002), repris par Antoine Artous dans La Politique comme art stratégique, recueil de textes de D. Bensaïd (Syllepse, 2011), publié dans Inprecor n°716, janvier 2024.
10. Dans les textes réunis dans le volume Machiavel et nous (1972-1986), Louis Althusser présente le philosophe florentin Machiavel comme un théoricien de la révolution, précurseur de Marx, articulant la théorie à la pratique, dont Lénine serait l'héritier.
11. Dans Le Dieu caché (1955), Lucien Goldmann interprète le marxisme comme un « pari révolutionnaire » à l'image du pari de Pascal. D. Bensaïd rend hommage à ce rapprochement dans Le Pari mélancolique (1997), qui se clôt sur ces mots : « Il est mélancolique, sans doute, ce pari sur l'improbable nécessité de révolutionner le monde ».
12. Voir H. Draper, « Towards a New Beginning – On Another Road. The Alternative to the Micro-Sect », in What Next ?, n° 10, 1998, 3-12.
13. Les « otzovistes », opposition de gauche au sein de la fraction bolchévique revendiquant le rappel des députés social-démocrates entrés à la Douma aux élections de 1907, tirent leur nom du mot russe otzyv signifiant « rappel ». Ils accusaient Lénine d'adopter une ligne « opportuniste », alignée sur les mencheviks favorables à la stratégie du parlementarisme dans un contexte d'affaiblissement et de répression du mouvement ouvrier révolutionnaire. De son côté, Lénine les appelle les « liquidateurs de gauche » ; il fait voter en 1909 l'exclusion de Bogdanov de la fraction bolchevique, qui aboutit à la scission avec les otzovistes dont Lénine avait dénoncé les positionnements antimatérialistes (c'est dans ce contexte qu'il écrit Matérialisme et empiriocriticisme, 1909).
14. Fernando Claudin, ancien membre du parti communiste espagnol exilé au Mexique sous la dictature franquiste, est l'auteur, entre autres, de La crise du mouvement communiste du Komintern au Kominform (1970), 2 vol., traduction française de G. Semprun, Maspero, 1972.
15. Bob Jessop, écrivain et universitaire britannique, est l'auteur de nombreux ouvrages sur la théorie de l'État et l'économie politiqu
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Accusations d’aliénation parentale : Un statu quo intenable pour les victimes de violence conjugale

Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC), l'Association nationale Femmes et Droit (ANFD) et Juripop tirent la sonnette d'alarme face au crédit accordé au pseudo-concept d'aliénation parentale, qui décourage les femmes à dénoncer la violence et contraint les enfants à maintenir des relations qui sont nocives pour leur sécurité et leur santé. Cette situation fait reculer le Québec des années en arrière dans la lutte contre la violence conjugale, à contre-courant des objectifs du Tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale et de la création d'un Commissaire au bien-être et aux droits des enfants. Les efforts déployés pour rebâtir la confiance des victimes dans le système de justice et pour promouvoir le meilleur intérêt de l'enfant sont vains si les tribunaux des chambres de la jeunesse et de la famille ainsi que les directions de la protection de la jeunesse ne suivent pas.
Le recours aux accusations d'aliénation parentale dans un contexte de violence conjugale post-séparation est loin d'être une stratégie nouvelle. De nombreux ex-conjoints désireux de détourner l'attention de leur violence exercée au sein de la famille n'hésitent pas à brandir ce concept et à l'instrumentaliser à leurs fins, avec succès.
« Il faut entendre les voix des femmes qui, dans les dernières semaines, se sont multipliées dans l'espace public et dans les maisons d'aide et d'hébergement, avec une similarité troublante, pour saisir l'ampleur des injustices individuelles et du problème collectif auxquels nous faisons face » déclare Mathilde Trou, coresponsable des dossiers politiques au RMFVVC. « Si j'avais su, je n'aurais pas dénoncé » ; « ma situation a empiré après avoir dénoncé » ; « mes enfants auraient été mieux protégés si je n'avais rien dit » : combien de femmes encore vont être obligées de rester dans une relation violente en sachant que le système va mettre en danger ses enfants ?
« Le crédit porté à ce pseudo-concept par les tribunaux et par le personnel de la DPJ a des conséquences désastreuses : négation de la parole et de la volonté de l'enfant, impossibilité pour les mères de protéger leurs enfants de la violence conjugale, y compris la violence post-séparation, et non-reconnaissance des violences subies et des craintes exprimées par les femmes » ajoute Suzanne Zaccour, directrice des affaires juridiques à l'ANFD.
Confrontés à ces situations dans leurs pratiques respectives, les trois organisations interpellent le ministre de la Justice, Monsieur Simon Jolin-Barrette, et le ministre responsable des Services sociaux, Monsieur Lionel Carmant, pour réclamer des actions rapides et concrètes.
« Un changement doit s'opérer dans la manière dont on répond aux besoins des enfants victimes de violences. Analyser une situation de violences conjugales sous le prisme de l'alinéation parentale revient à occulter les violences subies et les nombreuses conséquences qui en découlent ; et il faut y mettre fin » souligne Justine Fortin, avocate et directrice des services aux personnes victimes et survivantes chez Juripop.
Plus précisément, les organismes demandent au gouvernement :
– De légiférer pour interdire les accusations d'aliénation parentale, comme le recommande la rapporteuse spéciale de l'ONU sur la violence contre les femmes et les filles ;
– D'exiger de la formation continue et conséquente sur la violence conjugale pour l'ensemble des acteurs et actrices, incluant les intervenant.e.s de la DPJ – comme le recommande le rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse – afin de favoriser la compréhension et l'identification du contrôle coercitif et de la violence post-séparation ainsi que leurs impacts sur les femmes et les enfants ;
– De se doter de nouveaux mécanismes et de pratiques appropriées pour écouter et respecter la voix des enfants dans le système de justice.
Conjoint violent, bon père pour ses enfants ?
Le mythe selon lequel les enfants échapperaient à la violence si elle n'est pas dirigée directement contre eux est tenace. Malgré tous les efforts de leur mère pour les protéger, les enfants sont aussi des victimes de la violence conjugale, qu'ils soient ou non spécifiquement visés par la violence et les stratégies de contrôle.
Le climat de peur qui règne à la maison a des conséquences sur le développement des enfants, qui sentent la détresse de leur mère et perçoivent le rapport de domination instauré par le père. Vivant ainsi dans l'insécurité, les enfants développent des stratégies de protection et d'adaptation, et présentent des séquelles durables : terreurs nocturnes, anxiété, perte d'estime de soi, tristesse, symptômes de stress post-traumatiques, difficultés d'apprentissage, etc.
« Il faut se défaire de cet amalgame. L'exercice des violences est un choix parental qui n'est pas exclusif à la relation conjugale et qui dénote des capacités parentales lacunaires du parent violent. La question n'est pas de savoir si l'enfant est attaché à son parent violent ou si ce dernier l'aime, mais davantage quels sont les besoins de cet enfant victime et comment le système de justice peut le protéger des choix violents de son parent » conclut Justine Fortin.
Sources : Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, Juripop et Association nationale Femmes et Droit.
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Le farniente du boss

– Avoue que c'est royal, toi qui languis de ton soleil du Bled !
- En effet, mais le parisien manque cruellement d'ardeur.
- Pour un mois de février, c'est quand même l'pied ?
– Surtout pour la couche d'ozone.
– Dis-moi ! T'as viré les deux Charlots qui portaient le Keffieh palestinien ?
- Ils sont en CDI.
– Je m'en fiche. Un solde de tout compte et Oust !
– Des pères de famille.
– -J'veux rien savoir. Tu m'les débarques, au plus tôt !
- Même Safia le porte, ces jours-ci.
– T'inquiète, elle se fringuera avec une écharpe de chez Céline.
– Elle ne sera pas licenciée ?
– Non ! Elle est mon attèle au sein de l'entreprise, je te fais savoir.
– Ses collègues le sont aussi.
- T'as vu les prénoms qu'ils portent ?
– Oui.
- Seïf Eddine et El Mountasir. L'épée (glaive) et le Vainqueur !
– Des prénoms choisis par les géniteurs.
– C'est du lourd. Je ne laisserai pas les métastases de l'intolérance champignonner dans mon entreprise.
– J'mets quoi comme motif ?
- Signes ostentatoires d'appartenance à une mouvance… !
– Ca va barder !
- Je serai loin de l'onde de choc.
– Où ça ?
- Au pays de la Biodiversité exceptionnelle.
– Je vois pas.
– Au Costa-Rica ! Beau gosse ! Pardon Redoine.
– Au fait, pourquoi tu orthographies ton prénom autrement qu'au Bled ? Là-bas, on écrit bien Redouane ?
- ( Silence ).
– Ah, ça y est ! L'Alchimie de l'intégration plâtrée. Redoine, Antoine ! Pourquoi pas ? Tu sais, pour s'encastrer dans le moule européen, t'as pas besoin de te débarrasser de ta carapace originelle.
( De retour de son escapade, le Boss appelle son employé)
– Allo Redoine ?
- Oui.
– C'est Marc. J'ai une nouvelle à t'annoncer.
– Bonne ou mauvaise ?
– Je te laisse en juger : Une OPA d'un groupe qatari est prête à mettre sur la table le paquet pour l'achat de l'entreprise.
– Et t'as répondu quoi ?
- D'après toi ?
- OK !
- Moi qui ai troqué Redouane pour Redoine.
– Tu sais, au pire des cas, tu mets un Keffieh. Le Qatari a dit qu'il réintègrera tous les licenciés (es) !
Texte et photo : Omar HADDADOU
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