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Pour le droit à l’autodétermination des Palestinien·nes, pour le retrait des forces impérialistes du Moyen-Orient

13 février 2024, par Gilbert Achcar — , ,
La guerre à Gaza se poursuit, avec son cortège d'horreurs, mais aussi avec des mobilisations de solidarité importantes et une résistance significative en Palestine. Gilbert (…)

La guerre à Gaza se poursuit, avec son cortège d'horreurs, mais aussi avec des mobilisations de solidarité importantes et une résistance significative en Palestine. Gilbert Achcar aborde cette situation et les pistes pour construire une résistance face à Israël et ses complices, l'extrême droite et l'impérialisme.

Tiré de Inprecor 717 - février 2024
8 février 2024

Par Gilbert Achcar

Pochoir sur un mur de Rome (Italie). © echiner1 — https://www.flickr.com/photos/decadence/3249209282/, CC BY-SA 2.0

Dans quelle phase de l'intervention Israélienne sommes-nous maintenant ?

Les choses sont relativement claires à la lumière des rapports militaires des forces d'occupation. La phase de bombardement la plus intensive est terminée pour le nord et elle est en cours d'achèvement pour la partie sud. Dans la moitié nord et au centre, les forces d'occupation sont passées à la phase ultérieure, celle d'une guerre dite de basse intensité. En réalité ils organisent un quadrillage complet des zones qu'ils ont occupées afin de détruire le réseau de tunnels et rechercher les combattants du Hamas et d'autres organisations qui sont toujours embusqués et peuvent surgir à tout moment, tant que les tunnels existent.

Les forces israéliennes sont de plus sous pression internationale, américaine notamment, pour passer à cette phase de combat dite de basse intensité. Mais ce nom est trompeur parce qu'en réalité la basse intensité se limite aux bombardements. Le nombre de missiles et de bombardements par avions et drones va diminuer puisqu'il n'y a plus grand-chose à détruire à Gaza. Ils vont passer à des interventions ponctuelles contre les groupes de combattants qui émergent ici ou là.

Ce qui a suivi le 7 octobre était une campagne absolument ravageuse de bombardement, qui a pris des proportions génocidaires : la destruction de fond en comble d'une vaste zone urbaine aboutit inévitablement à l'extermination d'un nombre incroyable de civils. Plus de 1 % de la population de Gaza a été tuée. Cela correspondrait pour la France au chiffre effrayant de 680.000 morts !

À cela s'ajoute l'expulsion de 90 % de la population de ses lieux de résidence. Une bonne partie de la droite israélienne – qui est une extrême droite, dans un pays où la gauche sioniste a été laminée – voudrait les expulser du territoire de Gaza vers l'Égypte ou ailleurs. Israël veut s'assurer du contrôle militaire total du territoire, mais c'est une vue de l'esprit : ils n'y arriveront jamais à moins précisément de mettre tout le monde dehors. Tant qu'il y aura une population à Gaza, il y aura une résistance à l'occupation.

La baisse en intensité des bombardements sur Gaza permet d'autre part à Israël de hausser le ton face au Liban, face au Hezbollah. Les dirigeants sionistes misent sur le fait qu'une partie du pays peut être détachée du Hezbollah pour des raisons confessionnelles et politiques. Les menaces s'accroissent de jour en jour avec une forte pression pour que le Hezbollah se retire au nord, à une distance de la frontière qu'Israël jugerait acceptable. Faute de quoi, Israël menace de faire subir le sort de Gaza à une partie du Liban, autrement dit de raser les régions où le Hezbollah est en position de force dans la banlieue sud de la capitale, au sud du pays, et également à l'est dans la Bekaa.

Quel est l'état de la résistance militaire en Palestine ?

À Gaza, une résistance peut continuer dans les zones dévastées tant qu'il y a les tunnels. Une sorte de ville souterraine a été construite pour les combattants. C'est comme un réseau de métro, mais la population gazaouie ne peut pas s'y réfugier, contrairement à ce qu'on a pu voir en Europe durant la Seconde Guerre mondiale ou comme on le voit aujourd'hui à Kiev, en Ukraine. Les tunnels creusés par le Hamas sont à l'usage exclusif des combattants.

Des roquettes continuent à être lancées de Gaza sur les agglomérations israéliennes, le Hamas et d'autres groupes essayant de montrer ainsi qu'ils sont toujours actifs. Éradiquer le Hamas et toute forme de résistance à Gaza est un objectif impossible à atteindre.

C'est ce qui amène l'extrême droite israélienne à dire qu'il faut vider le territoire de sa population, l'annexer, réaliser le Grand Israël du Jourdain jusqu'à la mer et vider tout ce territoire des Palestinien·nes. L'extrême droite israélienne, Likoud y compris, aspire à cela. Netanyahou affiche un positionnement officiel plus ambigu du fait de sa position de Premier ministre, mais il n'arrête pas de faire des clins d'œil à cette perspective extrémiste.

En Cisjordanie, la différence avec Gaza est que l'autorité palestinienne – qui est en charge des zones de peuplement palestinien en Cisjordanie – est exactement dans la position de Vichy par rapport à l'occupation allemande. Mahmoud Abbas est le Pétain des Palestiniens. Il existe en Cisjordanie des organisations prônant la lutte armée telles que le Hamas ou d'autres, mais ce qui a le plus attiré l'attention au cours de la dernière année, c'est l'émergence de nouveaux groupes de jeunes qui ne sont affiliés ni au Fatah, ni au Hamas, ni à aucune des organisations traditionnelles. Dans certains camps de réfugiés ou certaines villes, comme à Jénine et à Naplouse, ils se sont constitués en groupes armés et ont mené des opérations ponctuelles contre les troupes d'occupation, ce qui a entraîné des représailles massives.

Depuis le 7 octobre, les troupes d'occupation se sont engagées en Cisjordanie dans une campagne de ratissage, un remake de la « bataille d'Alger », avec en plus le recours à l'aviation pour la première fois depuis 2001. À cela s'ajoute l'action des colons sionistes qui harcèlent et tuent. À l'heure où nous parlons, il y a eu environ 300 morts en Cisjordanie. Ce n'est pas comparable à l'hécatombe, absolument terrible, perpétrée à Gaza, mais l'extrême droite israélienne souhaite répéter celle-ci en Cisjordanie à la première occasion. Cela dit, contrairement à ce que le Hamas espérait, il n'y a pas eu d'embrasement généralisé avec un soulèvement de la population palestinienne en Cisjordanie et à l'intérieur de l'État d'Israël en réponse à l'appel du mouvement islamique. La raison en est que la population de Cisjordanie est consciente de la disproportion du rapport de force militaire. Contrairement aux militaires du Hamas à Gaza, où il n'y a plus de force d'occupation directe depuis 2005, la population de Cisjordanie côtoie quotidiennement les forces d'occupation et est directement confrontée à l'extrême droite et aux colons. Elle sait que ceux-ci n'attendent qu'une occasion pour refaire ce qui a été fait en 1948, c'est-à-dire terroriser les gens et les forcer à fuir hors du territoire. C'est ce qui explique que la Cisjordanie n'a manifesté que modérément sa solidarité avec Gaza.

Quel est l'état des mobilisations en Israël ?

Le 7 octobre a été un choc très fort, comme l'a été le 11 septembre 2001 aux États-Unis. Puis il y a eu une utilisation en boucle dans les médias. L'événement n'arrête pas d'être exploité, avec une série sans fin de témoignages afin d'entretenir une mobilisation revancharde de la population. C'est ce type de campagnes, aux États-Unis, qui a permis à l'équipe Bush de se lancer dans les guerres d'Afghanistan et d'Irak. Pour l'instant en Israël, cela fonctionne aussi, et la grande majorité de l'opinion judéo-israélienne soutient la guerre.

Une petite minorité antiguerre dénonce le génocide. Il faut saluer son courage, car elle se heurte à un rejet complet par son milieu social. Mais ce qui est frappant, c'est la quasi-absence de mobilisation des citoyen·es palestinien·es d'Israël, contrairement à 2021, quand il y avait eu une forte mobilisation en solidarité avec le début d'Intifada en Cisjordanie. Cela avait entraîné des réactions violentes de l'extrême droite sioniste à l'intérieur. Au vu de la haine qui s'est emparée de la population judéo-israélienne après le 7 octobre, si les citoyen·es palestinien·es avaient tenté de reproduire une telle mobilisation, les conséquences auraient été terribles.

Cette population subit un climat très intimidant, avec brimades, répression et censure qui s'abattent sur elle, aggravant leur statut de citoyens de seconde zone. Ce sont maintenant des parias aux yeux d'une grande partie de la société israélienne.

Qu'est ce qui fait que selon toi il n'y a pas plus d'action dans les pays arabes ?

J'appartiens à une génération qui a vécu la défaite de 1967 et ses lendemains, puis les années 1970 qui ont connu de très fortes mobilisations. Cette fois, il y a eu quelques grandes manifestations dans des pays arabes, mais pas plus qu'en Indonésie ou au Pakistan par exemple. En Jordanie ou au Maroc, il y a eu de grandes manifestations, mais ces pays n'ont même pas mis fin à leurs relations diplomatiques avec l'État d'Israël.

La faiblesse relative des mobilisations ne peut s'expliquer que par le poids des défaites accumulées. La cause palestinienne s'est trouvée affaiblie, notamment du fait des divisions et de l'action de l'autorité palestinienne de type vichyste, ce qui a permis à un certain nombre d'États arabes d'établir des relations diplomatiques avec Israël.

Mais il y a aussi les défaites des deux ondes de choc révolutionnaires qu'a connues la région jusqu'ici, en 2011 et 2019. Quand on observe la région aujourd'hui, le constat est triste : il ne reste presque rien des conquêtes de ces deux vagues.

Les deux derniers pays où il existait toujours des gains du mouvement populaire sont la Tunisie et le Soudan. La Tunisie est passée de la dictature de Ben Ali à celle de Kaïs Saïed, avec peut-être un aspect de « farce » venant après la tragédie. Au Soudan, les comités de résistance avaient marqué des points jusqu'à l'année dernière, lorsque les deux fractions de l'ancien régime ont entamé en avril une guerre civile impitoyable. On en parle peu dans les médias mondiaux et notamment occidentaux malgré les dizaines de milliers de morts et les millions de déplacé·es, les violences sexuelles et tout le reste : plus la couleur de peau des gens est foncée, moins on en parle. C'est une immense tragédie, à laquelle les comités de résistance n'étaient pas préparés. Ils n'ont pas de branches armées qui leur auraient permis de jouer un rôle dans une situation de ce type.

On voit concrètement l'impact des défaites depuis le « printemps arabe » : la Syrie, le Yémen la Libye, et maintenant le Soudan, sont dans des situations de guerre civile ; en Égypte, Sissi a mis en place une dictature plus brutale que celle de Moubarak dont la population s'était débarrassée en 2011, et en Algérie les militaires ont rétabli l'ordre en se saisissant de l'occasion offerte par le Covid, puis ce fut le tour de la Tunisie…

Tout ça ne crée pas un climat propice à de grandes mobilisations qui, au Caire ou dans d'autres capitales, s'en prendraient aux représentations diplomatiques d'Israël et forceraient les gouvernements à rompre leurs liens avec l'État sioniste.

Est-ce pertinent d'en conclure que si le projet de l'extrême droite sioniste se réalise, Israël va augmenter son poids dans la région ?

L'extrême droite israélienne sait que les gouvernements de la région font très peu de cas de la question palestinienne, qu'une grande partie d'entre eux a déjà noué des relations officielles avec Israël, et qu'ils s'entendent bien entre gouvernements réactionnaires. Israël n'éprouve donc pas le besoin de faire des concessions de ce côté. Ils savent que le gouvernement saoudien est hypocrite, qu'il est sur la voie d'établir des relations avec eux comme les Émirats l'ont fait. Il y a coopération sécuritaire et militaire entre eux contre leur ennemi commun, l'Iran.

L'extrême droite israélienne attire dans son giron, avec l'effet du 7 octobre, une partie de ce qui était considéré comme le centre-droit. Elle table aujourd'hui sur le fait que l'administration américaine, qui s'est fourvoyée dans un soutien inconditionnel à son entreprise contre Gaza, s'est mise dans une position d'où elle ne peut plus reculer. En effet, les États-Unis sont entrés en période électorale, les Démocrates sont donc en concurrence avec les Républicains, et Trump ne manquera pas de saisir le moindre désaccord qui pourrait surgir entre Israël et Washington pour taper sur l'administration Biden. Cette dernière est en position de faiblesse, elle s'est mise dans une position d'où elle n'est plus en mesure d'exercer une forte pression sur l'entreprise génocidaire d'Israël. Il y a beaucoup d'hypocrisie dans les discours de Blinken exhortant Israël à faire preuve d'un plus grand souci « humanitaire » : il se moque du monde, sachant que les destructions et massacres génocidaires à Gaza n'ont été possibles que grâce à l'appui américain.

Cette guerre est la première guerre conjointe israélo-américaine, la première guerre où les États-Unis sont entièrement, depuis le début, partie prenante de l'opération, de ses buts déclarés, de son armement et de son financement.

En outre, l'extrême droite israélienne et Netanyahou misent sur un retour de Trump à la présidence américaine, qui leur faciliterait grandement la tâche pour leur projet de Grand Israël.

C'est pour cela qu'ils annoncent sans cesse que la guerre va continuer durant toute l'année 2024. C'est inséparable du fait que cette année 2024 est une année électorale aux États-Unis. Ils vont exploiter cette occasion pour continuer sur leur lancée militaire. La menace est donc très sérieuse pour le Liban et pour la Cisjordanie, les deux cibles potentielles d'une prochaine campagne militaire sioniste de grande envergure. La guerre « contre-insurrectionnelle » de « basse intensité » qui est en cours en Cisjordanie peut s'amplifier et, au Liban, les échanges limités de bombardements de part et d'autre de la frontière risquent de se transformer en opération de grande envergure.

À la lumière de l'expérience des mobilisations historiques sur la guerre, que ce soit le Vietnam, l'Irak ou la première Intifada, quels sont les mots d'ordre les plus efficaces pour contrer l'offensive israélienne ? Beaucoup de gens se posent la question de comment agir puisqu'on paraît être face à un ennemi indestructible.

L'effet 7 octobre a été exploité à fond en tablant sur ce que j'avais appelé, après le 11 Septembre, la « compassion narcissique », cette compassion qui ne s'exerce que vis-à-vis des semblables. En France, le parallèle a été fait d'emblée entre la rave party de ce 7 octobre et le Bataclan, de sorte que les gens s'identifient aux Israélien·nes et mettent le Hamas dans la même catégorie que l'État islamique.

Malgré cela, on a vu dans les pays occidentaux une montée de la mobilisation de solidarité avec Gaza, qui est cependant en grande partie celle des communautés d'origine immigrée en provenance de la région arabe ou de régions en sympathie avec la cause palestinienne. Malgré la disproportion absolue de la présentation des évènements dans les médias – pour lesquels une mort palestinienne est bien moins importante qu'une mort israélienne – les gens se rendent compte de l'ampleur du génocide en cours. Mais, avec l'effet 7 octobre, l'indignation est d'une moindre ampleur que ce qu'elle devrait être face à une guerre génocidaire de ce type, qui se déroule sous les yeux du monde entier.

Cependant, l'indignation gagne du terrain et a commencé à renverser la vague du 7 octobre pendant laquelle les voix de solidarité avec la Palestine ont été étouffées par une campagne qualifiant d'antisémitisme, de nazisme, etc., la moindre expression de cette solidarité. Il faut maintenant construire dans la durée en s'appuyant sur l'indignation face au génocide. Ce qui se passe à Gaza permet de montrer la réalité de l'État d'Israël, gouverné par l'extrême droite depuis de nombreuses années, une extrême droite de plus en plus radicale qui est passée à l'action en saisissant l'occasion du 7 octobre comme l'administration de George W. Bush avait utilisé le 11 Septembre pour mener des actions que ses membres projetaient depuis longtemps.

En termes de type d'action, la campagne BDS est éprouvée et efficace. Il faut la continuer et l'amplifier. Sur le plan politique, il faut mettre l'accent sur la complicité des gouvernements occidentaux – à des degrés divers. On peut comprendre les raisons historiques de l'attitude de la classe dirigeante allemande, mais les leçons de la catastrophe du nazisme qu'ils ont tirées sont bien mauvaises si elles les conduisent à soutenir un État qui, bien que se prétendant juif, se comporte de plus en plus comme les nazis.

En France, Macron a dû sentir qu'il était allé trop loin quand il a offert de participer à la guerre israélienne contre Gaza, et la France s'est maintenant distinguée d'autres gouvernements européens en soutenant l'appel au cessez-le-feu. La procédure enclenchée par l'Afrique du Sud auprès de la Cour internationale de justice sur la question du génocide est également un point d'appui pour la pression sur les gouvernements.

Il faut aussi s'opposer aux livraisons d'armes à Israël, notamment aux États-Unis, et souligner l'hypocrisie et le « deux poids deux mesures » des gouvernements occidentaux sur la question de l'Ukraine et sur celle de la Palestine. Leur discours humanitaire et juridique sur l'Ukraine s'est effondré comme un jeu de cartes, surtout vu depuis le Sud mondial. Certes peu de gens se faisaient des illusions, mais maintenant le double discours est tout à fait flagrant. Cela comprend la qualification de génocide : elle a vite été utilisée pour l'Ukraine alors que ce qu'y a fait la Russie jusqu'ici est de bien moindre intensité destructrice et meurtrière que ce qu'a fait Israël à Gaza en trois mois.

Un éventail de thèmes politiques permet aujourd'hui de rebâtir une conscience internationaliste et anti-impérialiste, réellement conséquente. Le jumelage de l'Ukraine et de Gaza permet de montrer qu'on est contre toute invasion, qu'elle soit russe, israélienne ou américaine, et qu'en tant qu'internationalistes nous sommes conséquents dans la défense de valeurs universelles comme la paix, le droit des peuples, l'autodétermination, etc.

Il y a aujourd'hui matière à de nombreuses batailles d'éducation politique face aux médias, face à l'hypocrisie régnante, face à tous les partisans d'Israël ou de Moscou. Cette guerre des récits est facilitée par l'évidence de la sympathie de l'extrême droite pour Netanyahou et Poutine. Cela permet aussi de montrer comment antisémitisme et sionisme se complètent. Il faut retourner l'accusation assimilant l'antisionisme à l'antisémitisme en montrant que, s'il est vrai que certains discours antisémites se déguisent en antisionisme, cela est loin d'établir une égalité permanente entre antisionisme et antisémitisme. Il faut souligner en revanche la convergence entre antisémitisme et sionisme : l'extrême droite antisémite d'Europe et des États-Unis, qui souhaite se débarrasser des juifs, soutient le sionisme parce que celui-ci prône également le fait que les juifs doivent se rendre en Israël plutôt que de vivre en Europe ou en Amérique du Nord.

En ce qui concerne les mots d'ordre pour la solidarité avec Gaza, il faut aujourd'hui articuler les différentes questions qu'on a évoquées et qui sont d'abord de nature défensive : c'est-à-dire la nécessité d'arrêter le massacre, qui est la priorité absolue, donc l'appel à un cessez-le-feu immédiat. Mais cela ne suffit pas, parce que l'arrêt des combats en présence d'une occupation armée sur tout le territoire pose évidemment un problème. Il faut donc exiger aussi le retrait immédiat, et surtout inconditionnel, des troupes d'occupation. Il faut d'ailleurs exiger le retrait immédiat et inconditionnel d'Israël de l'ensemble des territoires occupés depuis 1967.

C'est un mot d'ordre qui est conforme à une optique que la grande majorité des gens peut comprendre puisque le droit international considère ces territoires comme occupés et donc exige la fin de leur occupation et de toute colonisation mise en place par l'occupant. De même, le droit international reconnaît aux réfugié·es palestinien·es un droit au retour ou à la compensation.

Après, c'est aux Palestiniens de décider ce qu'elles et ils veulent : le débat au sein du mouvement de solidarité sur un État ou deux États est souvent déplacé à mon sens, parce que ce n'est pas à Paris, à Londres ou à New York que doit être décidé ce qu'il faut pour les Palestiniens. Le mouvement de solidarité doit se battre pour le droit à l'autodétermination du peuple palestinien dans toutes ses composantes. C'est aux Palestinien·nes de décider ce qu'ils et elles souhaitent. Pour l'instant, il y un consensus palestinien sur les revendications de retrait d'Israël des territoires occupés en 1967, démantèlement des colonies en Cisjordanie, destruction du mur de séparation, droit au retour des réfugié·es et égalité réelle pour les citoyen·nes palestinien·nes d'Israël. Autant de revendications démocratiques, qui sont compréhensibles par tout le monde, et doivent être au centre de la campagne de solidarité avec le peuple palestinien.

Au-delà, dans le domaine de l'utopie, il y a matière à réflexion et débat, bien sûr, mais ce n'est pas là-dessus que se construisent les campagnes de masse, notamment dans l'urgence d'un génocide en cours.

Propos recueillis par Antoine Larrache le 19 janvier 2024.

Gilbert Achcar est professeur à SOAS, Université de Londres. Contributeur régulier et historique d'Inprecor et de la presse de la IVe Internationale, il est l'auteur notamment du Choc des barbaries (2002, 2004, troisième édition : Syllepse, Paris, 2017), Les Arabes et la Shoah. La guerre israélo-arabe des récits (Sindbad, Actes Sud, Arles, 2009), Le Peuple veut. Une exploration radicale du soulèvement arabe (Sindbad, Actes Sud, Arles, 2013). Son livre le plus récent – La Nouvelle Guerre froide. États-Unis, Russie et Chine, du Kosovo à l'Ukraine – vient tout juste de paraître en français aux éditions du Croquant.

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Dans l’enfer de Gaza, Raphaël Pitti clame : « Je n’ai jamais vu ça »

Une équipe française de santé, des médecins et une infirmière, vient de passer deux semaines dans la bande de Gaza. À l'hôpital européen, entre Khan Younès et Rafah, ils ont (…)

Une équipe française de santé, des médecins et une infirmière, vient de passer deux semaines dans la bande de Gaza. À l'hôpital européen, entre Khan Younès et Rafah, ils ont tenté d'aider une population civile directement touchée par les bombardements et les tirs de snipers. Ils racontent les réanimations à même le sol, les amputations d'enfants et le calvaire des femmes enceintes.

Tiré d'À l'encontre.

« Je n'ai jamais vu ça. » Médecin humanitaire, professeur de médecine d'urgence et des catastrophes, anesthésiste-réanimateur, Raphaël Pitti vient de sortir de la bande de Gaza, où il a passé deux semaines avec plusieurs confrères français. La colère supplante la fatigue lorsqu'il parle.

Cet ancien militaire, membre de l'Union des organisations de secours et de soins médicaux (UOSSM), s'est déplacé sur de nombreux conflits, que ce soit en Syrie, en Ukraine, au Tchad, en ex-Yougoslavie ou ailleurs. C'est dire son expérience de la guerre et des souffrances des populations civiles. Et pourtant, en mesurant ces mots, il assène à nouveau : « Je n'ai jamais vu ça ! »

Fort de son expérience, il entendait partir soigner les populations du territoire palestinien dès les premiers jours du conflit. Il lui aura fallu des démarches incessantes et frapper enfin à la bonne porte pour entrer à Gaza avec l'aide de l'association de médecins palestiniens Palmed et de l'UOSSM.

Avec quatre autres Français, il est finalement passé le 22 janvier, grâce à ce qu'on appelle une « coordination » avec l'association américaine Rahma. Celle-ci s'est chargée d'obtenir les autorisations nécessaires, tant du côté égyptien que du côté israélien. Ce n'est pas le moindre des paradoxes. Le franchissement de la frontière entre l'Égypte et la bande de Gaza dépend du bon vouloir d'Israël. Pourquoi Le Caire accepte-t-il d'abdiquer sa souveraineté ? La question reste posée.

Avec son équipe, Raphaël Pitti se trouvait à l'hôpital européen de Khan Younès, à la lisière de Rafah, la dernière ville palestinienne de la bande de Gaza avant l'Égypte. Là où plus d'un million de Gazaouis tentent de trouver refuge, de se protéger des bombardements incessants de l'armée israélienne, en vain [1].

La cité de 250 000 habitants est surpeuplée de plus d'un million de personnes pratiquement sans abri. « Les gens ont tout perdu, ils essaient de se construire des abris à même la rue, en utilisant des sacs en plastique et des tapis », témoigne-t-il. Même pas de tentes, donc, sur le sol boueux inondé par la pluie. Une eau qui stagne, propice à l'humidité et aux maladies [2].

Il parle de ces petits métiers qui ont fait leur réapparition, comme le réparateur de briquets normalement jetables, le rechargeur de téléphones. Et ceux qui ont une machine à coudre s'improvisent couturiers. Des files d'attente se forment, les familles viennent faire recoudre leurs chaussures et raccommoder leurs vêtements rapiécés, souvent les derniers qui leur restent. « Il n'y a pas un espace de libre. Nous sommes face à une population dans la misère à laquelle on a enlevé toute dignité », décrit le médecin.

Dans la bande de Gaza, tout s'est effondré sous les coups de boutoir israéliens, les immeubles aussi bien que le système de santé. Conséquences du stress permanent et des déplacements des femmes enceintes forcées de marché sur des dizaines de kilomètres pour échapper aux explosions, le nombre de césariennes a triplé.

Elles sont en moyenne de 30 par jour, contre 10 avant la guerre. Le médecin français évoque cette jeune femme de 24 ans, diabétique depuis l'âge de 12 ans, enceinte de sept mois. « Elle ne mangeait pas assez, son taux d'insuline a considérablement baissé. Elle est tombée dans le coma. Elle a accouché spontanément d'un bébé mort. C'est inacceptable, dans des conditions normales, on aurait pu sauver l'enfant. » Il finit par lâcher : « Il faudra bien faire le bilan de toutes ces horreurs. »

À Khan Younès, l'hôpital européen dans lequel officiaient les praticiens français demeure le seul à rester fonctionnel. Outre les malades et les blessés, 25 000 personnes s'y sont installées. Ils seraient le même nombre à camper autour de l'établissement sanitaire [3]. Chaque espace de couloir a été « privatisé ». Raphaël Pitti nous montre les photos. Aux faux plafonds ont été accrochées des bâches. De quoi préserver un peu d'intimité dans une promiscuité insoutenable.

Les enfants, désireux de vivre dans un environnement qu'ils ne comprennent pas toujours, jouent au ballon alors que leurs parents entrent dans les services pour trouver un drap, de quoi enterrer un des leurs. De « saturé », l'hôpital devient « sursaturé ». Après 22 heures, c'est pire. Tous ceux qui n'ont pas d'abri se ruent dans l'établissement pour dormir non pas dans un lit, mais sous un toit, là où il fait un peu plus chaud et où l'on est censé être protégé par les lois de la guerre. Ce qui est malheureusement un leurre. Tous les médecins décrivent un « désordre indescriptible ; les gens arrivent en criant parce que dehors les bombardements reprennent ». Un véritable terreau pour toutes les infections, d'autant qu'il est impossible de laver les sols du bâtiment.

« L'hôpital est ciblé, les personnels de santé sont ciblés », dénonce Khaled Benboutrif, médecin urgentiste qui s'est rendu lui aussi dans la bande de Gaza. Umane Maarifu, infirmière qui a passé quinze jours à Gaza, précise : « Ma démarche n'avait rien de religieux, ni de politique. Peu m'importe le Hamas ou Israël. Je pensais m'être préparée. En fait, j'étais préparée par rapport à la souffrance des patients, pas à celle de mes collègues. Ils étaient là 24 heures sur 24. Tous avaient perdu au moins un membre de leur famille, et pourtant, ils continuaient. » La plupart sont eux-mêmes des déplacés et ne perçoivent que 30% de leur salaire depuis des mois.

Un hôpital qui ne remplit presque plus les conditions d'une structure médicale de campagne tant l'hygiène y est absente. Quant à l'asepsie… « On réanime par terre », déplore Chemseddine Bouchakour, anesthésiste-réanimateur qui faisait partie de l'équipe française.

Pendant deux semaines, il s'est totalement investi, cherchant des solutions pour remédier au manque de morphine. L'orthopédiste Mamoun Albarkani, déjà présent à Gaza lors de la guerre en 2008-2009, estime qu'il n'y a aucune comparaison avec ce qui se passe actuellement : « Cette fois, tout est visé, les immeubles d'habitation, les écoles, les universités, les mosquées et même les hôpitaux. On voit qu'ils veulent raser tout Gaza. » La plupart des structures, exsangues et sans moyens, recevaient des blessés graves.

Les seuls soins possibles étaient les pansements et les cautérisations. C'est ainsi que le docteur Mamoun Albarkani a traité des patients dont on n'avait pas pu changer le pansement pendant un, deux, voire trois mois, à qui il fallait couper un membre. « J'ai vraiment été marqué par les enfants. J'ai dû en amputer un qui n'avait que 2 ans », dit-il.

Khaled Benboutrif estime que « la plupart des blessés ne parviennent même pas jusqu'à nous. Lorsque nous sommes arrivés, nous subissions des bombardements des avions de chasse israéliens. Puis, ils ont encerclé les hôpitaux ». L'hôpital Nasser de Khan Younès, la plus grande structure médicale de la ville, a été assiégé pendant onze jours. Personne ne pouvait ni entrer ni sortir.

La plupart des structures sont maintenant hors d'état de fonctionner, comme l'a dénoncé Médecins sans frontières (MSF). « Les bombardements étaient si rapprochés que les murs de l'hôpital recevaient des éclats et que les faux plafonds s'écroulaient », ajoute Raphaël Pitti. Il évoque aussi les snipers israéliens « qui visent des civils à la tête en utilisant des balles à basse énergie [plus lentes et plus légères] qui blessent plutôt qu'elles ne tuent ».

Aux blessés de la guerre, il convient d'ajouter les pathologies chroniques ou les traitements longs qui ne sont plus assurés. C'est le cas des chimiothérapies, interrompues. Les temps de dialyse sont passés de 4 heures à 2 heures par jour. Ce qui pose la question de la perpétuation du travail de l'Office des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), menacé de stopper ses activités par manque de financement après la décision d'un certain nombre de pays, dont les États-Unis et la France, de suspendre leur contribution financière.

« Actuellement, toutes les ONG engagées à Gaza pour venir en aide à la population peuvent intervenir grâce à la coordination de l'UNRWA, souligne le docteur Pitti. Si vous arrêtez le seul système qui les aide, vous condamnez à mort ces populations. On est dans une volonté de génocide. » [4]

Chemseddine Bouchakour se dit « marqué par le regard des patients. Un regard de détresse à travers leurs pleurs ». Khaled Benboutrif garde en mémoire la peur, présente partout. Umane Maarifu ne cachait pas son émotion, lundi 5 février au soir, au Caire, en parlant de « la dignité de ces hommes et de ces femmes malgré la honte dans laquelle on veut les maintenir ». (Article publié dans le quotidien français L'Humanité, le 7 février 2024)

Notes

[1] Le 6 février, selon diverses sources, les attaques aériennes sur la ville de Rafah et les environs se sont multipliées. Les blessés se multiplient, comme les personnes tuées par ces attaques. L'ONU rappelle que sont concentrés actuellement dans le sud 1,9 millions de Palestiniens déplacés cherchant désespérément de « se protéger ». L'intention des forces armées israéliennes de les contraindre à fuir Rafah – qui borde de très près l'Egypte –, c'est-à-dire à trouver « un moyen de sortir », semble se confirmer. Une nouvelle facette d'une Nakba à répétition. (Réd.)

[2] Ce 7 février, les partenaires de l'UNRWA, un ensemble d'organisations comprenant des ONG locales travaillant avec l'agence des Nations unies, indiquent que seulement quatre de leurs 22 centres de santé restent opérationnels dans la bande de Gaza. (Réd.)

[3] Selon un journaliste d'Al Jazeera, le 4 février, « des combats acharnés, des attaques aériennes et des bombardements ont été signalés à Khan Younès, y compris à proximité de l'hôpital européen de Gaza ». (Réd.)

[4] L'UNRWA, selon ses termes, a toujours réfuté son « implication supposée » dans les massacres du 7 octobre commis par des membres de l'aile militaire du Hamas. Le dirigeant de l'UNRWA, Philippe Lazzarini, a réfuté à plusieurs reprises les accusions israéliennes de collusion de l'UNRWA avec le Hamas. Deux commissions indépendantes doivent enquêter à ce propos, y compris sur la véracité des accusations portant sur « 12 membres » [sur 13'000 à Gaza] qui auraient été impliqués dans l'attaque du 7 octobre. Dans un article publié sur le site du Monde le 7 février, Philippe Ricard et Laure Stephan font le constant factuel élémentaire : « Si ce comité [mis en place le 5 février par Antonio Guterres] va scruter leur profil [des employés de l'UNRWA], celui-ci n'a rien de très secret : les listes du personnel à Gaza sont partagées depuis des années avec les autorités israéliennes, qui ont pu les passer au crible. »

Bien que bien informé par ses services « d'intelligence », le gouvernement israélien répète aujourd'hui une attaque contre l'UNRWA. Elle s'inscrit dans une tradition. Toutefois, dans la conjoncture présente, cette offensive permet de dévier les projecteurs qui étaient braqués sur le gouvernement Netanyahou et les modalités de conduite de sa guerre à Gaza, aux accents génocidaires, interrogées par la Cour internationale de justice. (Réd.)

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Quand l’Occident cloue le cercueil israélien du peuple palestinien !

D'abord les faits : L'UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) fait vivre près de 4 millions de réfugiés (…)

D'abord les faits : L'UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) fait vivre près de 4 millions de réfugiés palestiniens, gèrant leurs écoles et leurs hôpitaux, tout en leur fournissant de l'eau potable et de la nourriture. Rien qu'à Gaza, l'UNRWA emploie 13 000 personnes. Israël accuse 12 d'entre eux d'être impliqués dans l'attaque du Hamas du 7 octobre. La direction de l'UNRWA licencie 9 d'entre eux, et un dixième est décédé. Immédiatement après, 11 pays occidentaux annoncent qu'ils cessent de financer l'UNRWA, ce qui signifie la fin automatique de l'UNRWA et peut-être des réfugiés palestiniens eux-mêmes, puisque ces 11 pays sont les principaux bailleurs de fonds de l'organisation des Nations Unies qui a - en fait - maintenu en vie des générations de réfugiés palestiniens depuis 1949…

Tiré du site du CADTM.

Les mots sont évidemment superflus pour commenter cette décision monstrueuse des 11 grands et moyens pays occidentaux, alors que le génocide du peuple palestinien bat son plein. La brutalité de cette décision devient encore plus monstrueuse quand on sait que la plupart de ces 11 pays - et les plus riches d'eux - ont un passé génocidaire incroyablement « riche ». Et le pire, c'est qu'au moins certains d'entre eux « trouvent difficile », voire refusent de le reconnaître et même de s'excuser auprès de leurs victimes !

Nous ne reviendrons pas sur le cas du Japon, dont les autorités, Premier ministre en tête, rendent encore hommage, une fois par an, à leurs compatriotes criminels de guerre qui ont commis ce qui ressemble comme deux gouttes d'eau à un génocide du peuple chinois dans les années 1930 ! Mais nous dirons encore quelques mots sur les cas très instructifs mais aussi odieux de deux autres de ces 11 pays si « vertueux », les pays européens beaucoup plus proches de nous, que sont la Suisse et l'Allemagne. Car le lien entre le passé coupable de cette dernière et le génocide de Gaza a été évoqué publiquement à l'initiative du président de la Namibie, donc du pays qui a été la victime de la - chronologiquement - première opération génocidaire allemande.

Réagissant à ce qu'il a qualifié de décision « choquante » de l'Allemagne de cesser de financer l'UNRWA et de soutenir Israël dans l'affaire qui l'oppose à l'Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice de La Haye, le président namibien Hage Geingob a dénoncé « l'incapacité de l'Allemagne à tirer les leçons de sa cruelle histoire » et a ajouté : “L'Allemagne ne peut pas moralement exprimer son engagement envers la Convention des Nations unies contre le génocide, y compris l'expiation du génocide en Namibie, tout en soutenant l'équivalent d'un holocauste et d'un génocide à Gaza« Et voici de quoi il s'agit : »Entre 1904 et 1908, environ 80% du peuple herero et 50% du peuple nama vivant sur le territoire de l'actuelle Namibie ont été exterminés par les forces du Deuxième Reich, soit environ 65 000 Herero et 10 000 Nama...ce crime de l'histoire coloniale africaine est aujourd'hui considéré comme le premier génocide du XXe siècle”. Ce n'est peut-être pas un hasard si la citation ci-dessus, comme la plupart des autres informations sur ce « premier génocide du XXe siècle », est tirée du... Memorial de la SHOAH, l'extraordinaire « musée et centre de documentation » de Paris consacré à l'Holocauste du peuple juif par le Troisième Reich nazi. Mais nous continuons : le 2 octobre 1904, le chef du corps expéditionnaire allemand, le général Lothar von Trotha, signa un « ordre d'extermination » (Vernichtungsbefehl) ordonnant : « Tous les Herero doivent quitter le pays. S'ils ne le font pas, je les forcerai à partir avec mes grosses pièces d'artillerie, les canons. Tout Herero trouvé sur le sol allemand... armé ou non armé, avec ou sans animaux, sera exécuté. Je n'accepte ni femmes ni enfants. Ils doivent partir ou mourir. Telle est ma décision pour le peuple Herero [1].

Et c'est ce qui s'est passé. Mais pas seulement par les balles et les obus, mais aussi par la faim et la soif dans le désert du Kalahari où les survivants ont été poussés. Et aussi par l'enfermement dans des camps de travail forcé et d'extermination où ils sont morts comme des mouches. Si tout cela vous rappelle quelque chose qui s'est passé 35-40 ans plus tard, vous en avez raison Et pas seulement parce que le premier gouverneur colonial allemand de la région des Herreros et des Nama s'appelait Göring, et qu'il était... le père du futur maréchal nazi et commandant en second d'Hitler, Hermann Göring. Mais surtout parce que certains des génocidaires de 1904 ont vécu assez longtemps pour jouer un rôle de premier plan dans l'holocauste de la nation juive 30 ans plus tard. Comme, par exemple, Franz Ritter von Epp, bras droit de l'abominable von Trotha et eminence du parti nazi, qui a noyé dans le sang le soulèvement de Spartacus de Rosa Luxemburg et exterminé les Juifs et les Roms de Bavière alors qu'il en était le dirigeant suprême…

Le pire, dans le cas de l'Allemagne, n'est cependant pas tout cela. C'est que ce n'est qu'en 2021, 100 ans plus tard (!), que l'Allemagne s'est autorisée à reconnaître son crime et à s'excuser officiellement ! Et que, malgré les pressions de la Namibie et des descendants des victimes de son génocide, ce n'est qu'en 2011 que l'Allemagne leur a rendu ... les crânes de leurs ancêtres, sur lesquels les anthropologues racistes de Berlin, dirigés par le tristement célèbre Eugen Fischer, mentor et professeur du bourreau d'Auschwitz Josef Mengele, ont fait leurs « études » pseudo-scientifiques !

Mais venons-en à la Suisse, dont le ministre des affaires étrangères a justifié sa décision de supprimer le financement de l'UNRWA par le fait que « La Suisse a une tolérance zéro pour tout soutien au terrorisme et tout appel à la haine ou incitation à la violence ». Tout orait bien si son pays faisait effectivement ce qu'il proclame. Mais le problème est que depuis la Première Guerre mondiale, la Suisse a fait et continue de faire exactement le contraire : elle se distingue par son soutien aux terroristes et aux incitateurs à la haine et à la violence. Et surtout au plus grand d'entre eux, à Hitler, à son régime et à sa guerre !

En réalité, la Suisse des grands banquiers et des marchands d'armes a servi le régime nazi comme aucun autre pays. De quelle manière ? D'abord comme receleur du IIIe Reich, en faisant ce que même l'Espagne de Franco et le Portugal de Salazar ont refusé de faire : elle a accepté de mettre dans ses banques, et de « blanchir », l'or des banques centrales des pays conquis, mais aussi des particuliers - principalement juifs - qui avait été pillé et volé par l'Allemagne nazie ! Et elle l'a fait parce qu'elle est devenue non seulement le véritable coffre-fort du régime nazi, mais aussi le principal financier de sa guerre ! Et de quelle manière ? En « échangeant » l'or volé contre des francs suisses, la seule monnaie convertible que l'Allemagne pouvait se procurer à l'époque, pour acheter les matières premières (pétrole, caoutchouc, etc.) dont elle avait besoin pour lancer et poursuivre sa guerre !

Mais examinons la culpabilité de la Suisse depuis le début. C'est Hitler lui-même qui a garanti la fameuse « neutralité » suisse pour la simple raison qu'une Suisse conquise par l'armée allemande (comme il était prévu à l'origine) ne pouvait pas avoir sa propre monnaie convertible pour répondre aux besoins du régime nazi. Des besoins absolument vitaux puisque ses caisses étaient vides en 1939 en raison du coût astronomique de ses préparatifs de guerre, qui n'avaient été que partiellement couverts par l'or de l'Autriche intégrée au Reich, repoussant d'un an seulement la faillite de l'économie allemande. Et c'est pour toutes ces raisons qu'il est aujourd'hui communément admis par les historiens les plus autorisés que sans la Suisse et ses « services », la Seconde Guerre mondiale serait terminée au moins deux ans plus tôt, d'autant plus c'est en fait l'industrie de guerre suisse qui a équipé la Wehrmacht dans une mesure considérable au cours des deux dernières années de la guerre, alors que les usines allemandes étaient impitoyablement bombardées et réduites à l'état de ruines. D'ailleurs, il est à noter que l'industrie de guerre Bührle-Oerlikon de M. Bührle (la plus grande fortune de Suisse) a livré ses dernières armes à tir rapide à la Wehrmacht quelques jours avant la fin de la guerre, en avril 1945 !

Mais, ce n'est pas seulement que les autorités suisses et leurs banquiers ont même accepté sans états d'âme... 120 kg d'or provenant de dents en or retirées des déportéEs dans les couloirs de la mort des différents camps d'extermination. C'est aussi qu'elles connaissaient très bien, très tôt et même « de première main » les crimes nazis sans précédent puisqu'elles avaient envoyé des équipes de médecins et d'infirmières suisses sur le front de l'Est pour soigner les blessés de la Wehrmacht, et ce sont ces médecins qui ont vu de leurs propres yeux et informé leurs compatriotes des meurtres de masse de dizaines de milliers de civils juifs soviétiques ! Et elles l'ont fait tout a fait consciemment parce que les dirigeants suisses eux-mêmes étaient des antisémites convaincus, ce qui est prouvé par de nombreux documents officiels comme par exemple celui des négociations avec les autorités nazies sur le « contrôle des voyageurs » lequel révèle que ce ne sont pas les nazis allemands mais les vertueux « libéraux » suisses qui ont invente et proposé, en 1939, aux Allemands (qui ont accepté) l'infâme tampon avec la lettre J (comme dans Jude, Jew, Juif) qui « ornait » les passeports des juifs d'Allemagne. Et ils ont fait ça pour... les distinguer des autres voyageurs allemands afin qu'ils ne soient pas acceptés comme réfugiés politiques en Suisse ! [2].

Mais comme dans le cas de l'Allemagne, le pire est que la Suisse officielle a tout fait dans le demi-siècle qui a suivi, pour couvrir et dissimuler sa culpabilité, calomniant voire détruisant ceux qui cherchaient la vérité ou en étaient eux-mêmes les témoins oculaires. Comme, par exemple, le courageux Paul Grüninger, chef de la police du canton de Saint-Gall, qui a délivré de fausses cartes d'identité et de faux papiers à des Juifs persécutés, sauvant littéralement 3 600 d'entre eux. D'ailleurs, c'est parce que Paul Grüninger a défié les ordres et n'a pas fait ce que la Suisse officielle a fait, c'est-à-dire refuser l'asile à des dizaines de milliers de Juifs ou même en livrer plusieurs à la Gestapo, que Paul Grüninger a été jugé, condamné, privé de sa pension, et qu'il est mort pauvre et traité de « traître à la patrie » en 1972. Détail éloquent : sa condamnation n'a été... « annulée » qu'en 1995 !

Nous nous arrêtons ici sans aborder la question toujours brûlante (en 2024 !) des milliers de dépôts juifs de l'entre-deux-guerres “dormants” dans les banques suisses, pour la restitution desquels les banquiers suisses exigent souvent la présentation des reçus (!) que les déposants juifs auraient dû emporter avec eux dans les chambres à gaz des différents camps d'extermination ! Vraiment, quel degré d'arrogance, d'hypocrisie et de cynisme faut-il au ministre suisse des affaires étrangères pour oser déclarer que « La Suisse a une tolérance zéro pour tout soutien au terrorisme et tout appel à la haine ou incitation à la violence » ? Tout comme l'Allemagne, la Suisse de “ceux d'en haut” ne semble pas vouloir tirer les leçons de son histoire récente. Et c'est pourquoi elle renverse la morale et fait du péché une vertu, afin de rester toujours fermement aux côtés de ses capitalistes et des génocidaires qui font ses affaires, remplaçant simplement son antisémitisme traditionnel par son islamophobie actuelle...

Notes

[1] Nous recommandons l' »histoire illustrée« suivante, réalisée par l'artiste et journaliste canadien Danylo Hawaleshka, et intitulée »Israël, Gaza, l'Allemagne et le génocide en Namibie" : https://www.aljazeera.com/gallery/2024/1/23/israel-gaza-germany-and-the-genocide-in-namibia

[2] Pour tout cela et bien plus encore, voir le documentaire « L'honneur perdu de la Suisse », d'abord interdit (1997) par les autorités suisses, puis « libéré » après une décision de la Cour européenne des droits de l'homme à laquelle ses auteurs ont fait appel : https://www.rts.ch/play/tv/histoire-vivante/video/lhonneur-perdu-de-la-suisse?urn=urn:rts:video:8036475

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Si l’armée israélienne envahit Rafah, qu’adviendra-t-il des plus de 1,5 million de Palestinien.es qui s’y abritent ?

Une invasion israélienne de Rafah entraînera un exode massif et paniqué de près d'un million de civils palestinien.nes vers une zone de sécurité désignée de la taille de (…)

Une invasion israélienne de Rafah entraînera un exode massif et paniqué de près d'un million de civils palestinien.nes vers une zone de sécurité désignée de la taille de l'aéroport Ben-Gourion. On ne sait toujours pas comment les FDI comptent concilier cette situation avec la décision de la CIJ selon laquelle Israël doit prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter les actes de génocide.

Tiré d'Europe solidaire sans frontière.

Yahya Sinwar, ses proches collaborateurs et les soldats du Hamas n'ayant jamais été retrouvés dans la ville de Gaza, ni à Khan Yunis, l'armée israélienne envisage d'étendre son opération terrestre à la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Elle le fait parce qu'elle suppose que Sinwar et ses aides se cachent dans les tunnels situés sous cette région méridionale de la bande de Gaza et qu'ils y gardent probablement les otages israéliens encore en vie.

La plupart des habitant.es de la bande de Gaza, soit 1,4 million de personnes, sont actuellement concentrés à Rafah. Des dizaines de milliers de personnes continuent de fuir vers la ville depuis Khan Yunis, où les combats se poursuivent. L'idée qu'Israël envahisse Rafah et que des combats aient lieu entre et près des civils terrifie les habitant.es de la ville et les personnes déplacées à l'intérieur du territoire. La terreur qu'ils ressentent est renforcée par la conclusion que personne ne peut empêcher Israël de réaliser ses intentions - pas même la décision de la CIJ qui ordonne à Israël de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter les actes de génocide.

Les correspondants militaires en Israël rapportent et supposent que l'armée a l'intention d'ordonner aux résidents de Rafah de se déplacer vers une zone sûre. Depuis le début de la guerre, l'armée brandit cet ordre d'évacuation comme une preuve qu'elle agit pour éviter tout dommage aux « civils non impliqués ».

Cependant, cette zone de sécurité, qui a été bombardée et l'est encore par Israël, se rétrécit peu à peu. La seule zone de sécurité qui reste vraiment, et que les FDI désignent maintenant pour les masses de personnes à Rafah, est Al-Mawasi - une zone côtière du sud de Gaza d'environ 16 kilomètres carrés (environ 6 miles carrés)

On ne sait toujours pas par quelles mesures verbales les FDI et leurs experts juridiques entendent réconcilier cet entassement d'un si grand nombre de civils avec les ordres donnés par la CIJ.

La zone humanitaire désignée par l'armée est à peu près de la taille de l'aéroport international Ben-Gourion (environ 6,3 miles carrés)« , ont conclu les journalistes de Haaretz Yarden Michaeli et Avi Scharf dans leur rapport au début de cette semaine. Le rapport, intitulé »Les habitants de Gaza ont fui leurs maisons. Ils n'ont nulle part où retourner", révèle l'étendue de la dévastation dans la bande de Gaza, telle qu'elle a été capturée par les images satellites.

La comparaison avec l'aéroport international Ben-Gourion invite à imaginer une densité au-delà de tout ce qui est imaginable, mais les commentateurs de la télévision israélienne ne vont pas beaucoup plus loin que l'intuition profonde que l'invasion terrestre de Rafah « ne sera pas si simple ».

Bien que ce soit difficile, nous devons imaginer ce qui attend les Palestiniens à Rafah si le plan de l'armée est mis en œuvre. Nous devons le faire non pas tant pour des considérations humanistes et morales, qui après le 7 octobre ne sont pas si pertinentes pour la majorité du public israélo-juif, mais à cause des enchevêtrements militaires, humanitaires et – finalement – juridiques et politiques qui sont sûrement attendus si nous nous engageons dans cette voie.

La compression

Même si « seulement » environ un million de Palestiniens fuient pour la troisième et la quatrième fois vers Al-Mawasi - une zone qui est déjà pleine de Gazaouis déplacé.es – la densité sera d'environ 62 500 personnes par kilomètre carré (environ 157 000 personnes par mile carré).

Cela se produira dans une zone ouverte, sans gratte-ciel pour loger les réfugiés, sans eau courante, sans intimité, sans moyens de subsistance, sans hôpitaux ni cliniques médicales, sans panneaux solaires pour recharger les téléphones, alors que les organisations d'aide devront traverser des zones de combat ou s'en approcher pour distribuer les petites quantités de nourriture qui parviennent à entrer dans la bande de Gaza.

Il semble que la seule position dans laquelle cette zone étroite pourrait accueillir tout le monde serait qu'ils soient tous debout ou à genoux. Il sera peut-être nécessaire de former des comités spéciaux qui détermineront les modalités de couchage par roulement : quelques milliers de personnes s'allongeront tandis que les autres continueront à rester debout. Le bourdonnement des drones au-dessus et en dessous, les pleurs des bébés nés pendant la guerre et dont les mères n'ont pas de lait ou n'en ont pas assez, voilà qui constituera la bande-son lancinante portant sur les nerfs de tout le monde.

D'après ce que nous avons vu lors des raids terrestres de Tsahal [l'armée israélienne] et des batailles dans la ville de Gaza et à Khan Yunis, il est clair que l'opération terrestre à Rafah, si elle a lieu, durera de nombreuses semaines. Israël croit-il que la CIJ considérera la compression de centaines de milliers ou d'un million de Palestiniens sur un petit morceau de terre comme une « mesure » appropriée qui empêche le génocide ?

La marche de l'évansion

Environ 270 000 Palestiniens vivaient dans le district de Rafah avant la guerre. Le million et demi de Palestiniens qui y vivent actuellement souffrent de la faim et de la malnutrition ; ils souffrent de la soif, du froid, des maladies et des infections qui se propagent, des poux dans les cheveux et des éruptions cutanées ; ils souffrent d'épuisement physique et mental et d'un manque chronique de sommeil. Ils s'entassent dans les écoles, les hôpitaux et les mosquées, dans les quartiers de tentes qui ont vu le jour à Rafah et dans ses environs, et dans les appartements qui abritent des dizaines de familles déplacées.

Des dizaines de milliers d'entre eux sont blessés, y compris ceux dont les membres ont été amputés à la suite des attaques de l'armée ou des opérations chirurgicales qui ont suivi. Tous ont des parents et des amis – enfants, bébés et parents âgés – qui ont été tués au cours des quatre derniers mois.

Les maisons de la plupart d'entre eux ont été détruites ou gravement endommagées. Tous leurs biens ont été perdus. Ils n'ont plus d'argent en raison des prix élevés et exorbitants des denrées alimentaires. Nombre d'entre eux n'ont échappé à la mort que par chance et ont été témoins de l'effroyable spectacle des cadavres. Ils ne pleurent pas encore les morts, car le traumatisme persiste. Les gestes de soutien et de solidarité s'accompagnent de disputes et de bagarres. Certains perdent la mémoire et la raison à cause de toutes ces souffrances.

Comme elle l'a fait dans d'autres zones de la bande de Gaza, l'armée israélienne émettra un avertissement environ deux heures avant une invasion terrestre à Rafah, afin de préserver l'effet de surprise. Les habitants disposeront ainsi d'une fenêtre de quelques heures ce jour-là pour évacuer la ville.

Imaginez ce convoi de réfugiés et la panique générale des habitants fuyant vers Al-Mawasi, à l'ouest. Pensez aux anciens, aux malades, aux handicapés et aux blessés qui auront la « chance » d'être transportés dans des charrettes tirées par des ânes ou des brouettes de fortune et dans des voitures qui roulent à l'huile de cuisine.

Tous les autres, malades ou en bonne santé, devront partir à pied. Ils devront probablement laisser derrière eux le peu qu'ils ont réussi à collecter et à emporter lors des déplacements précédents, comme des couvertures et des bâches en plastique pour s'abriter, des vêtements chauds, un peu de nourriture et des articles de base tels que des petits réchauds.

Cette marche forcée atteindra probablement les ruines de certains des bâtiments qu'Israël a bombardés il y a peu, ou par les cratères créés sur la route par les attaques. Tout le convoi restera alors immobile jusqu'à ce qu'une déviation soit trouvée. Quelqu'un va trébucher, une roue de charrette va s'enliser dans la boue. Et tous, affamés, assoiffés, effrayés par l'imminence de l'attaque ou le bombardement attendu des chars, continueront à avancer. Les enfants pleureront et se perdront. Les gens se sentiront mal. Les équipes médicales auront du mal à atteindre ceux qui ont besoin de soins.

Seuls 4 kilomètres séparent Rafah d'Al-Mawasi, mais il faudra plusieurs heures pour les traverser. Les personnes qui marchent seront coupées de toute communication, ne serait-ce qu'en raison de l'encombrement du convoi et de la surpopulation. Elles se disputeront l'endroit où elles souhaitent planter leur tente. Elles se battront pour savoir qui sera le plus proche d'un bâtiment ou d'un puits. Elles s'évanouiront de soif et de faim.

L'image suivante [photo ci-dessous non reproduite] se répétera plusieurs fois au cours des prochains jours : Un cortège de Palestinien.nes affamé.es et apeuré.es se met à fuir en panique à chaque fois que les FDI annoncent une nouvelle zone dont les habitant.es sont censé.es être évacué.es, tandis que les chars et les troupes d'infanterie avancent vers eux. Les bombardements et les troupes au sol se rapprochent des hôpitaux qui fonctionnent encore. Les chars les encerclent et tous les patients et les équipes médicales doivent être évacués vers la zone surpeuplée d'Al-Mawasi.

L'opération terrestre

Il est difficile de savoir combien d'entre eux décideront de ne pas partir. Comme nous l'avons appris avec ce qui s'est passé dans les districts du nord de Gaza et à Khan Yunis, un grand nombre d'habitant.es préfèrent rester dans une zone destinée à une opération terrestre. Parmi eux, des dizaines de milliers de Gazaouis déplacé.es, malades ou gravement blessé.es qui sont hospitalisés, des femmes enceintes et d'autres personnes décideront de rester dans leurs propres maisons, dans celles de leurs proches ou dans des écoles transformées en abris. Le peu d'informations qu'ils recevront de la zone de concentration d'Al-Mawasi suffira à les décourager de le rejoindre.

Cependant, les soldats et les commandants des FDI interprètent différemment l'ordre d'évacuation : quiconque reste dans une zone désignée pour une invasion terrestre n'est pas considéré comme un civil innocent ; il n'est pas considéré comme « non impliqué ».

Toutes celles et tous ceux qui restent chez eux et sortent pour aller chercher de l'eau dans une installation municipale qui fonctionne encore ou dans un puits privé, les équipes médicales appelées à soigner un patient, une femme enceinte qui se rend à l'hôpital voisin pour accoucher, tous ceux-là, comme nous l'avons vu pendant la guerre et les campagnes militaires passées, sont criminalisés aux yeux des soldats. Les abattre et les tuer est conforme aux règles d'engagement de l'IDF.

Selon l'armée, ces tirs sont effectués en conformité avec le droit international, car ces personnes ont été averties qu'elles devaient partir. Même lorsque les soldats pénètrent dans les maisons pendant les combats, les habitant.es de Gaza, principalement des hommes, risquent d'être tués par des tirs. Un soldat qui tire sur quelqu'un parce qu'il s'est senti menacé ou parce qu'il a obéi à un ordre, cela n'a pas d'importance. C'est arrivé dans la ville de Gaza, et cela pourrait arriver à Rafah.

De même, les équipes d'aide humanitaire ne sont pas autorisées ou incapables d'atteindre le nord de la bande de Gaza pour distribuer de la nourriture, elles ne pourront pas le faire dans les zones de combat de Rafah. Le peu de nourriture que les habitants ont réussi à sauver s'épuisera progressivement.

Ceux qui resteront chez eux seront contraints de choisir le moindre des deux maux : soit sortir et risquer les tirs israéliens, soit mourir de faim chez eux. La plupart d'entre eux souffrent déjà d'un manque cruel de nutriments. Dans de nombreuses familles, les adultes renoncent à la nourriture pour que leurs enfants puissent être nourris. Il y a un réel danger que beaucoup meurent de faim dans leur maison alors que les combats font rage à l'extérieur.

Les bombardements

Depuis le début de la guerre, l'armée a bombardé des bâtiments résidentiels, des espaces ouverts et des voitures dans tous les endroits qu'elle avait définis comme « sûrs » (que ses résidents n'étaient pas tenus de quitter). Peu importe que les attaques visent des installations du Hamas, des responsables du groupe ou d'autres membres qui séjournaient avec leur famille ou qui étaient sortis de leur cachette pour leur rendre visite, les civils sont presque toujours tués.

Les bombardements ne se sont pas arrêtés à Rafah non plus. Dans la nuit de jeudi à vendredi, deux maisons ont été bombardées dans le quartier de Tel al-Sultan, à l'ouest de Rafah. Selon des sources palestiniennes, 14 personnes ont été tuées, dont cinq enfants.

Les sources ont également indiqué qu'une mère et sa fille avaient été tuées lors d'une attaque israélienne contre une maison dans le nord de Rafah le 7 février et qu'un journaliste avait été tué avec sa mère et sa sœur dans l'ouest de Rafah la veille. Le 6 février également, ajoutent les sources, six policiers palestiniens ont été tués lors d'une attaque israélienne alors qu'ils sécurisaient un camion d'aide dans l'est de Rafah.

Ces attaques montrent que les soi-disant calculs des dommages collatéraux approuvés par les experts juridiques des FDI et le bureau du procureur de l'État sont extrêmement permissifs. Le nombre de Palestinien.nes non impliqués qu'il est « permis » de tuer en échange de l'atteinte d'une cible de l'armée est plus élevé que dans n'importe quelle guerre précédente.

Les habitant.es de Rafah craignent que les FDI n'appliquent ces critères permissifs à Al-Mawasi et n''attaquent ici également pour peu qu'une cible se trouve dans la zone, parmi les centaines de milliers de personnes qui s'y abritent. C'est ainsi qu'un refuge annoncé deviendra un piège mortel pour des centaines de milliers de personnes.

Amira Hass


• Traduction pour ESSF de E. (de la version en hébreu) et Pierre Rousset (de la version en anglais) avec l'aide de DeepL pro.

• Source : Haaretz. 10 février 2024

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L’opinion publique israélienne a adopté la « doctrine Smotrich »

13 février 2024, par Orly Noy — , ,
L'acceptation du plan final élaboré par le ministre israélien d'extrême droite est attestée par le soutien populaire au nouvel ultimatum pour Gaza : l'émigration ou (…)

L'acceptation du plan final élaboré par le ministre israélien d'extrême droite est attestée par le soutien populaire au nouvel ultimatum pour Gaza : l'émigration ou l'anéantissement.

3 février 2024 | tiré de Viento sur
https://vientosur.info/israel-palestina-la-opinion-publica-israeli-ha-adoptado-la-doctrina-smotrich/

Il y a six ans, Bezalel Smotrich, alors jeune parlementaire à la Knesset lors de son premier mandat, a publié un Plan final, une sorte de solution au conflit israélo-palestinien. Selon le député d'extrême droite – actuellement ministre des Finances d'Israël et plus haute autorité en Cisjordanie – la contradiction inhérente entre les aspirations nationales juives et palestiniennes ne permet aucune forme de compromis, de réconciliation ou de partition. Au lieu de maintenir la fiction qu'un règlement politique est possible, a-t-il dit, la question devrait être résolue unilatéralement une fois pour toutes.

Le plan ne fait référence à Gaza qu'en passant : Smotrich suppose que le confinement israélien de l'enclave est la solution idéale à ce qu'il appelle le « défi démographique » posé par l'existence même des Palestiniens. Pour la Cisjordanie, en revanche, il s'agit d'une annexion totale.

Dans ce dernier territoire, les préoccupations démographiques seront atténuées en donnant aux 3 millions d'habitants palestiniens le choix : soit renoncer à leurs aspirations nationales et continuer à vivre dans leur pays avec un statut inférieur, soit émigrer à l'étranger. Si, d'un autre côté, ils choisissent de résister à Israël, ils seront identifiés comme des terroristes et l'armée israélienne « tuera ceux qu'elle doit tuer ». Lorsqu'il a présenté son plan à des personnalités sionistes religieuses et qu'on lui a demandé s'il voulait aussi tuer des familles, des femmes et des enfants, Smotrich a répondu : « À la guerre comme à la guerre. »

Le plan final a reçu peu d'attention de la part du public ; Même les commentateurs politiques israéliens les plus éminents l'ont perçu comme délirante et dangereuse depuis sa publication. Mais une analyse actualisée des médias et du discours politique israéliens montre que lorsqu'il s'agit de l'attaque actuelle de l'armée contre Gaza, l'opinion publique dominante a pleinement intériorisé la logique du plan de Smotrich.

En fait, le sentiment de l'opinion publique israélienne à l'égard de Gaza – où le plan de Smotrich est mis en œuvre avec une cruauté qui n'était même pas prévue – est maintenant encore plus extrême que le texte du plan lui-même. Et il en est ainsi parce qu'en pratique, Israël a éliminé de l'ordre du jour la première option proposée – celle d'une existence inférieure, dé-palestinienne – qui, jusqu'au 7 octobre, était préférée par la majorité des Israéliens.

L'émigration ou l'anéantissement

Le choc total de l'attaque brutale du Hamas et le refus de la contextualiser par des décennies d'oppression reflètent une position israélienne qui s'étonne sincèrement que les Palestiniens n'aient pas accepté leur statut de prisonniers à Gaza, qu'ils n'aient pas été reconnaissants de la générosité d'Israël qui a permis à quelques milliers de Palestiniens de travailler pour un salaire dérisoire sur la terre des Gazaouis. que leurs familles ont été expulsées et qu'ils n'ont pas rendu hommage à leurs occupants.

Car combien d'Israéliens se soucient de la situation à Gaza tant que les Palestiniens ne lancent pas de roquettes ou ne franchissent pas les barbelés pour entrer dans leurs communautés ? Qui s'est jamais donné la peine de se demander ce que cela signifie pour l'enclave assiégée d'être calme ? Pour la plupart des Juifs israéliens, les plus de 2 millions de Palestiniens de Gaza auraient dû se taire et accepter leur famine. Mais aujourd'hui, les Israéliens ne se satisfont plus de ce choix et se sont donc unis sous le couvert d'un nouvel ultimatum pour Gaza : l'émigration ou l'anéantissement.

Dans le discours actuel, l'émigration est présentée comme une déférence humanitaire en permettant à la population civile palestinienne de quitter la zone d'hostilités. La réalité est que, depuis le 7 octobre, l'armée israélienne a déplacé de force les trois quarts de la population de Gaza, principalement du nord, et continue de bombarder cette population dans toutes les parties de la bande de Gaza.

Comme alternative, l'émigration est proposée sous la forme de plans de réinstallation généralisée des Palestiniens hors de la bande de Gaza, plans qui sont sérieusement envisagés par les hauts responsables et les décideurs politiques israéliens. Pour une partie très importante de la population israélienne, les Palestiniens sont plus faciles à déplacer que les meubles de salon.

Puisqu'il est tout à fait logique pour la plupart des Israéliens d'expulser la population de Gaza, ils perçoivent le refus palestinien de se soumettre à la puissance du régime israélien comme une menace existentielle et une raison suffisante pour son anéantissement. S'il est vrai que les horribles massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre dans des communautés civiles ont violé ce qui devrait être le domaine de la résistance légitime à l'oppression, la grande majorité de la population israélienne était très heureuse que des tireurs d'élite israéliens aient tué et mutilé des Palestiniens qui manifestaient en masse devant la clôture de barbelés entourant Gaza pendant la Grande Marche du Retour. Pour la grande majorité des Israéliens, aucune forme de protestation contre l'occupation n'est légitime.

Ce n'est pas seulement la logique de Smotrich qui s'est enracinée dans le cœur de l'opinion publique israélienne depuis le 7 octobre, mais aussi sa rhétorique. Dans l'introduction du Plan ultime, Smotrich écrit : « L'affirmation selon laquelle le terrorisme découle du désespoir est un mensonge. Le terrorisme naît de l'espoir : l'espoir de nous affaiblir. De même, l'opinion publique israélienne a accepté la rupture du lien entre le terrorisme, d'une part, et le désespoir et les conflits, d'autre part ; dans le climat actuel, toute tentative de ne serait-ce que mentionner ce lien est immédiatement dénoncée comme une justification des crimes du Hamas.

La smotrichisation alarmante de l'opinion publique israélienne s'incarne dans sa volonté totale de sacrifier chaque vie du dernier Palestinien de Gaza pour la victoire finale que le ministre d'extrême droite a promise dans son plan. Elle s'exprime dans son indifférence obscène face au nombre astronomique de morts parmi les enfants palestiniens et dans son acceptation absolue que toute notion de lutte et de liberté doit être éteinte de l'autre côté des barbelés, quel qu'en soit le coût humain.

Ce processus ne s'arrêtera pas ou ne s'arrêtera pas à la clôture de barbelés à Gaza. La logique de Smotrich est déjà ancrée dans le traitement réservé par l'État à ses propres citoyens palestiniens, qui font face à un degré de persécution et de répression qui rappelle le régime militaire israélien de 1949-1966. Ce n'est pas une coïncidence si, de nos jours, les voix de cette communauté sont presque complètement absentes de la sphère publique ; Ils sont arrêtés et inculpés simplement pour avoir affirmé leur identité nationale.

Dans un pays où poster une vidéo de shakshuka (plat du moyen-orient) à côté d'un drapeau palestinien vous conduit en prison, le processus de smotrichisation et d'intériorisation de sa logique ultime est déjà achevé. Il est difficile d'imaginer les implications pour permettre à la société israélienne malade de se réhabiliter après la guerre et de rétablir les bases de la lutte pour une société partagée.

Orly Noy, une Israélienne d'origine iranienne, est rédactrice en chef de Local Call, activiste et traductrice de poésie et de prose en farsi. Elle est présidente du conseil exécutif de l'organisation israélienne de défense des droits de l'homme B'Tselem et membre du parti politique arabo-israélien Balad (Assemblée nationale démocratique).

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Ces nouvelles attaques ne font que confirmer l'intention des autorités d'occupation israéliennes de vider cette partie du territoire palestinien de ses occupants. Et par la (…)

Ces nouvelles attaques ne font que confirmer l'intention des autorités d'occupation israéliennes de vider cette partie du territoire palestinien de ses occupants. Et par la violence.

Tiré d'Algeria Watch. Article publié à l'origine dans El Watan.

Il n'y a plus d'endroit sûr pour la population palestinienne de Ghaza. Ayant fui les bombardements aveugles et criminels de l'armée de l'occupation israélienne, 1,3 million de Ghazaouis, réfugiés dans la ville de Rafah, au sud de la Bande encerclée, sont désormais directement ciblés.

Une centaine d'entre eux, particulièrement des enfants et des femmes, ont été tués, dans la nuit de vendredi à hier, par l'occupant qui étend ainsi sa guerre abjecte à la partie sud de la Bande de Ghaza. Selon plusieurs agences de presse et des médias, l'Etat hébreu, défiant la Cour internationale de justice (CIJ) et le droit international, a pilonné des maisons à Rafah faisant au moins 100 morts parmi les civils.

De nouvelles victimes qui alourdissent encore le bilan du génocide israélien qui s'élève, selon le ministère palestinien de la Santé à 27 238 personnes tuées, en majorité des femmes, enfants et adolescents, et 66 452 blessés depuis le début de cette nouvelle agression israélienne.
Ces nouvelles attaques ne font, en fait, que confirmer l'intention des autorités de l'occupation de vider cette partie du territoire palestinien de ses occupants.

Et par la violence. En effet, après avoir concentré ses assauts sur la ville de Khan Younès durant les dernières semaines, l'armée de l'occupation israélienne sème désormais la mort y compris à Rafah, où s'entassent les civils chassés de leurs maisons au nord de Ghaza. Selon l'AFP qui cite des témoins, 12 personnes ont été tuées lors d'une frappe aérienne sur une maison appartenant à la famille Hijazi.

« Ils ont bombardé sans aucun avertissement », témoigne Bilal Jad, 45 ans, un voisin dont la maison a été endommagée lors de l'attaque. « Il n'y a aucun endroit sûr. Les frappes aériennes ont lieu partout », précise-t-il. Abdoulkarim Misbah résume le calvaire des civils palestiniens pourchassés par le danger.

Installé dans un centre après avoir fui le camp de réfugiés de Jabaliya dans le Nord, l'homme s'est installé à Khan Younès. Mais il a été à nouveau contraint de quitter les lieux. « Nous avons échappé la semaine dernière à la mort à Khan Younès. Nous sommes partis sans rien emporter avec nous », raconte-t-il.

Antonio Guterres préoccupé

Cette situation fait réagir le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, qui a exprimé vendredi sa « profonde » préoccupation quant à une éventuelle expansion de l'agression israélienne contre la ville de Rafah, dans le sud de la Bande de Ghaza. S'exprimant lors d'une conférence de presse, le porte-parole de l'ONU, Stéphane Dujarric, affirme : « Nous avons déjà vu l'impact des actions à Khan Younès sur les civils, mais aussi l'impact sur nos propres installations lorsque notre complexe a été touché. »

Pour rappel, le 24 janvier, le bombardement par l'armée d'occupation d'un centre de formation de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (Unrwa) dans la ville de Khan Younès a fait 13 martyrs et des dizaines de blessés.

En plus de l'accueil des réfugiés, cette ville constitue également la principale voie d'acheminement des aides humanitaires à environ 2,3 millions de personnes, qui vivent dans des conditions extrêmement précaires avec des besoins des plus urgents. Cette extension de la guerre par l'occupation intervient au moment où des diplomates s'activent pour parvenir à une seconde trêve, plus longue que celle d'une semaine qui avait permis en novembre la libération de prisonniers.

Une seconde trêve

En vue de mettre en place cette seconde trêve, le leader du Hamas, Ismaïl Haniyeh, était attendu hier en Egypte pour discuter d'une proposition élaborée lors d'une réunion, fin janvier à Paris, entre le chef de la CIA, William Burns, et des responsables égyptiens, israéliens et qataris.

Selon une source du Hamas, citée par des agences de presse, la proposition porte sur trois phases, dont la première prévoit une trêve de six semaines. Durant celle-ci, Israël devra libérer 200 à 300 prisonniers palestiniens en échange de 35 à 40 otages détenus à Ghaza, et 200 à 300 camions d'aide humanitaire pourront entrer chaque jour dans le territoire.

Ces derniers jours, le Qatar a fait état de « premiers signes » d'appui à la trêve de la part du Hamas. Pour sa part, la partie israélienne, assure aussi Doha, « approuve la proposition ».

L'affirmation est contradictoire avec les déclarations des responsables de l'Etat hébreu, qui soutiennent « qu'ils ne mettront pas fin définitivement à l'offensive à Ghaza qu'une fois le mouvement islamiste éliminé, les otages libérés et après avoir reçu des garanties sur la sécurité future du territoire ».

Ce projet de trêve doit d'ailleurs être au cœur d'une nouvelle tournée au Proche-Orient du secrétaire d'Etat américain Antony Blinken, à partir d'aujourd'hui, qui le conduira au Qatar, en Egypte, en Israël, en Cisjordanie occupée et en Arabie Saoudite.

17 000 enfants sans accompagnement

En attendant cette trêve, le cauchemar continue pour les enfants palestiniens. Selon un communiqué de l'Unicef, publié vendredi dernier, au moins 17 000 enfants de la Bande de Ghaza sont non accompagnés ou séparés. « Chacun d'entre eux a une histoire déchirante marquée par le deuil et le désespoir.

Ce chiffre correspond à 1% de l'ensemble de la population déplacée, soit 1,7 million de personnes. Il s'agit bien évidemment d'une estimation, car il est pratiquement impossible de recueillir et de vérifier les informations dans le contexte sécuritaire et humanitaire actuel », relève l'organisation onusienne.

Selon la même source, la santé mentale des enfants est gravement affectée. « Ils présentent des symptômes tels que des niveaux extrêmement élevés d'anxiété persistante, une perte d'appétit, ils ne peuvent pas dormir, ils ont des crises émotionnelles ou de panique à chaque fois qu'ils entendent les bombardements », déplore la même source.

L'Unicef affirme que tous les enfants de Ghaza ont besoin d'une telle aide, soit plus d'un million. « Depuis le début du conflit, l'Unicef et ses partenaires ont apporté un soutien psychosocial et de santé mentale à plus de 40 000 enfants et 10 000 personnes s'occupant d'eux (…). Seul un cessez-le-feu permettra d'apporter ce soutien psychosocial et de santé mentale à grande échelle », indique le même document.

Contre le « diviser pour régner » fascisto-salvino-meloniste ; unifier les luttes des classes laborieuses !

12 février 2024, par Franco Turigliatto — , ,
Sur toutes les questions sociales et politiques, ce gouvernement réactionnaire avance comme un rouleau compresseur contre les conditions de vie et les droits des classes (…)

Sur toutes les questions sociales et politiques, ce gouvernement réactionnaire avance comme un rouleau compresseur contre les conditions de vie et les droits des classes populaires pour les fragmenter et les diviser, assurant ainsi l'exploitation capitaliste et renforçant son pouvoir politique au service de la classe dominante. Nous sommes face au pire ennemi de la classe ouvrière, comme l'ont toujours été les fascistes et l'extrême droite dans les différentes configurations où ils se sont manifestés.

29 janvier 202 | tiré du site europe solidaires sans frontières
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article69711

C'est encore dans ce sens que vont les dernières mesures du gouvernement en faveur des entrepreneurs, petits et grands, et les déclarations de Meloni, qui a réaffirmé sa « conception du monde » par une phrase lapidaire : « Si vous ne voulez pas travailler, vous ne pouvez pas espérer être entretenus avec l'argent de ceux qui travaillent tous les jours ». Dans notre pays, il y a 5 à 6 millions de pauvres.

En d'autres termes, « si vous êtes pauvre, c'est de votre faute ». Il se trouve que c'est ainsi que les patrons ont présenté la pauvreté, produite par leur système économique, depuis la naissance du capitalisme jusqu'à aujourd'hui, afin de se décharger de toute responsabilité et de blâmer ceux qui se trouvent exploités et opprimés en marge de la société et de mettre en opposition ceux qui n'ont pas de travail et ceux qui en ont un, mais avec des salaires de misère.

Ne plus perdre de temps
Contre ce gouvernement, contre les forces politiques fascisantes qui le composent, le seul antidote pour le contrer efficacement est de mettre en œuvre une mobilisation sociale de masse pour défendre les salaires, les pensions, les emplois et tous les droits sociaux et politiques, pour unir cette classe sociale que les capitalistes et les gouvernants veulent diviser et fragmenter.

C'est une tâche qui incombe à toutes les forces politiques et sociales de gauche, mais pour des raisons évidentes de force organisationnelle et de représentation des travailleurs, elle concerne, en premier lieu, les grandes organisations syndicales. Soyons clairs : les syndicats de base font, avec leurs initiatives, un travail important, même s'ils sont parfois affaiblis par leurs divisions, et en organisant des militants combatifs et de classe, mais leur taille ne leur permet pas de peser suffisamment sur l'évolution des rapports de force globaux.

C'est pourquoi un accent particulier doit être mis sur la responsabilité de la CGIL, parce qu'elle est la principale organisation de masse du pays et parce qu'elle se prétend encore un syndicat de classe, capable de porter l'ensemble des revendications de toutes les catégories de travailleurs.

Seulement, ce n'est pas ainsi que les choses se sont passées l'année dernière ; pendant des mois, les directions des grandes organisations ont adopté une attitude attentiste, d'« observation » de la politique du gouvernement, alors que son caractère anti-ouvrier était parfaitement clair ; ce n'est qu'à la fin de l'automne que la CGIL et l'UIL ont appelé à une mobilisation hésitante et à une grève, qui à ce moment-là n'était pas facile à mettre en œuvre. En fait, il s'agit d'un immobilisme coupable, masqué par des dénonciations propagandistes, dans le but d'arriver à une table de négociation que le gouvernement n'hésite pas à dédaigner.

Et il continue dans la même voie. Encore ces derniers jours, les « cris » contre la loi sur l'autonomie différenciée ont été forts, Landini en tête : « Plus de disparités et d'inégalités, moins de droits pour les travailleurs et les retraités.... nous nous y opposerons avec tous les instruments que la démocratie met à notre disposition, pour empêcher le gouvernement de diviser le pays et d'en compromettre l'avenir ». Le secrétaire de la CGIL, dans une interview à La Repubblica, énumère très précisément tous les méfaits du gouvernement, sur le « salaire équitable » et les cages salariales, sur les contrats, l'inflation, l'emploi et la pauvreté, les politiques industrielles et les privatisations, en invitant péremptoirement le gouvernement à « s'arrêter » (......)

Il est bon de rappeler le vieil adage : « Ils m'en ont beaucoup donné, mais je leur en ai dit tellement ».

Malheureusement, cette situation de dénonciation des politiques gouvernementales sans avoir la force matérielle de construire une résistance efficace affecte l'ensemble des forces politiques et sociales de la gauche et la classe ouvrière dans son ensemble. Mais une responsabilité particulière incombe à la CGIL qui assure encore la représentation et l'organisation de millions de travailleurs.

Le débat à l'Assemblée de la CGIL
La récente Assemblée générale de la CGIL a connu une discussion difficile avec le report de décisions tant politiques que pratiques. D'une certaine manière, elle a dû reconnaître que les mobilisations et les grèves de novembre n'ont pas été d'une grande utilité, notamment parce qu'elles ont été lancées tardivement, mal préparées et dans une perspective politique qui visait davantage la simple démonstration de l'existence du syndicat et de ses structures qu'une véritable continuité dans la lutte. De plus, même ces jours-ci, ce qui ressort le plus est la demande rebattue adressée au gouvernement de répondre aux revendications des syndicats et non une voie cohérente de reconstruction de la force du mouvement de masse.

Lors de l'assemblée, on a surtout discuté de tous les choix de référendum envisageables pour l'abrogation d'une série de lois antisociales et libérales, notamment celles sur le travail précaire. Les thèmes et les formulations proposés étaient nombreux, bien trop nombreux, pour pouvoir concentrer la bataille sur des objectifs qui pourraient être compris à un niveau de masse et donc maîtrisés de manière efficace. De plus, les référendums qui ne sont pas liés à une plate-forme de revendications et de luttes plus immédiates risquent d'avoir lieu en l'absence d'un contexte social stimulant. C'est pourquoi il est nécessaire de définir immédiatement le contenu de la bataille pour les salaires et l'emploi.

Le petit cadeau ponctuel accordé par le gouvernement à la fin de l'année avec le projet de loi de finances n'a certainement pas résolu les problèmes de millions de travailleurs aux prises avec une inflation qui, au cours des deux dernières années, a frôlé les 20 %.

Dans le même temps, les problèmes d'emploi causés par les restructurations et les délocalisations d'entreprises sont bien présents, et le gouvernement « souverainiste », tout autant que ses prédécesseurs, refuse d'utiliser les instruments de l'intervention publique pour les résoudre, préférant à chaque fois se contenter d'attendre qu'une nouvelle entité privée se mette en place. En revanche, il relance le bradage des actifs publics, à commencer par la poste, pour faire rentrer de l'argent. Dans les caisses.

Les grandes crises industrielles. Emploi et salaires
Les grandes crises industrielles ont atteignent leur paroxysme dans le secteur sidérurgique et dans celui de l'automobile, plus précisément chez Stellantis et dans les grandes entreprises qui lui sont liées, mais elles touchent également des centaines d'autres usines. Quelque 300 000 travailleurs et 300 000 familles sont concernés.

La mobilisation combative, militante et engagée de CKN contre les délocalisations et pour l'ouverture d'une nouvelle forme d'intervention publique par la planification de la réorientation de la production vers la transition écologique, aurait pu être l'occasion pour les directions syndicales de mettre en relation toutes les entreprises impliquées dans les restructurations, en dépassant la gestion perdante de la crise au cas par cas, avec l'objectif explicite de relancer l'action publique en lien avec la participation et le contrôle des travailleurs.

Il est clair pour tout le monde que les directions syndicales n'ont pas voulu s'engager dans cette voie. Ce n'est pas leur horizon.

Il n'en reste pas moins que si l'on veut sortir du bourbier dans lequel le mouvement syndical et la classe ouvrière se sont fourvoyés, il faut organiser une bataille sur le renouvellement des contrats de travail arrivés à échéance coordonnée avec la défense de l'emploi, ce qui ne peut que remettre sur la table la question des nationalisations, et même celle de l'échelle mobile des salaires. Personne ne pense que ce sera facile : il faut des discussions importantes dans les assemblées, mais il faut aussi que soit perçue la volonté des directions syndicales, et en particulier de la CGIL, de prendre les choses au sérieux et d'en finir avec la soumission.

Contre toutes les formes d'autonomie différenciée
Telle est la seule voie qui puisse nous conduire, avec une force et une crédibilité suffisantes dans l'opinion publique, à la bataille essentielle, celle contre la loi sur l'autonomie différenciée, une loi qui vise à diviser sous toutes ses formes les classes laborieuses, sur les salaires, sur l'emploi, sur l'accès à l'aide sociale, sur les droits. A ce stade, il semble incontournable de devoir passer par un référendum révocatoire pour l'arrêter et éviter le désastre. Mais pour réussir à gagner, ce qui est absolument nécessaire, il faut dès maintenant une formidable mobilisation sociale sur des questions bien définies.

Meloni et consorts ne le disent pas ouvertement, mais ils savent que la classe ouvrière est leur seul véritable ennemi, le spectre qu'ils craignent, la force qui peut briser leur trajectoire. Travaillons à la relance de la lutte de masse de la classe ouvrière pour chasser ce gouvernement fascisto-salvino-meloniste.

Franco Turigliatto, Sinistra anticapitalista

P.-S.
• Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l'aide de DeepLpro.

Source Sinistra anticapitalista 2024/01/29 :
https://anticapitalista.org/2024/01/29/contro-il-dividi-ed-impera-fascio-leghista-riunire-le-lotte-delle-classi-lavoratrici/

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Bonjour à vous, Messieurs les Ministres. La présente vise à vous faire part de mon vif désaccord avec votre décision de court-circuiter le BAPE au sujet du projet Northvolt. (…)

Bonjour à vous, Messieurs les Ministres. La présente vise à vous faire part de mon vif désaccord avec votre décision de court-circuiter le BAPE au sujet du projet Northvolt. Cette multinationale a beau se prétendre exemplaire du point de vue écologique, il est absolument impossible qu'un mégaprojet de cette envergure soit sans conséquences négatives pour l'environnement, de surcroît sur le long terme, et dans un milieu humide. C'est pourquoi il serait assurément irresponsable que vous laissiez carte blanche ou que vous fassiez des compromis en matière de précaution dès le départ. L'ensemble de ce projet doit être analysé par des sources indépendantes du promoteur afin d'identifier rigoureusement et objectivement les risques encourus et leurs conséquences éventuelles.

Par ailleurs, autre élément de première importance , qu'en est-il du principe d'acceptabilité sociale, cher aux réelles démocraties, qui semble complètement évacué par votre gouvernement ? Voilà une autre manière infaillible de nourrir le sentiment de trahison que ressent la population à l'égard de la CAQ, et qui s'exprime dans les sondages.

Tout comme une majorité de nos concitoyens, je dis oui à une économie florissante, mais pas au point de reléguer la protection environnementale au second plan. L'ampleur sans précédent de la crise climatique actuelle commande impérativement de faire passer cette nécessité en tête de liste des priorités. Votre gouvernement en aura-t-il le courage ? Vos électeurs souhaitent ardemment que votre parti passe de la parole aux actes, en alignant ses politiques sur les recommandations de la communauté scientifique, auxquelles souscrit le secrétaire général de l'ONU lorsqu'il parle d'effondrement imminent. Et, puisque les médias nous en font la preuve tous les jours, que ce soit à l'écran ou par écrit, quelle évidence faudra-t-il de plus pour « adapter » vos décisions à la situation ? Qu'on se le répète, dégrader davantage l'environnement revient à tirer le tapis sous les pieds de l'économie.

Conséquemment, puisque notre sort collectif repose entre vos mains, ce qui inclut celui des jeunes générations, je vous demande avec insistance de revenir sur votre décision. Messieurs, je vous présente mes salutations avec l'espoir d'avoir été entendu. Pourrons-nous vous faire confiance ?

Martin Bouchard
Un des membres fondateurs du nouveau collectif des « Aîné.e.s dans l'action climat » (ADAC)
St-Anaclet-de-Lessard

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À un moment où la division semble aussi nette et ancrée que jamais, la classe ouvrière de Belfast a besoin d'un tel espace.

À un moment où la division semble aussi nette et ancrée que jamais, la classe ouvrière de Belfast a besoin d'un tel espace.

Que faire de Facebook ?

Facebook préfère le profit maximal à la construction d'espaces permettant d'avoir des interactions enrichissantes et d'accéder à de l'information juste. Que faire de cette (…)

Facebook préfère le profit maximal à la construction d'espaces permettant d'avoir des interactions enrichissantes et d'accéder à de l'information juste. Que faire de cette plateforme toxique à plusieurs égards, mais devenue presque incontournable ?

Les récentes révélations de la lanceuse d'alerte Frances Haugen sont venues confirmer ce que bien des chercheur·euses et activistes disaient depuis longtemps. Comme les hypothèses des chercheur·euses en sciences sociales, les documents fournis par Frances Haugen sont faciles à comprendre pour qui connaît l'entreprise. Facebook veut faire du profit, ce profit vient des revenus publicitaires. Il faut donc que les usager·ères restent le plus longtemps possible sur la plateforme, il faut que le fil suscite l'engagement, les commentaires, les clics, les réactions : « j'aime », « grr », « wouah » ! Ce que Facebook vend, c'est une fonction cognitive : notre attention. Les fils de discussion sont optimisés et personnalisés pour l'obtenir.

Cette optimisation nourrit la bête humaine : la peur, la haine, le biais de confirmation, l'effet Duning-Kruger (effet notable de l'ignare qui croit tout savoir alors que les personnes savantes doutent et hésitent). Une foule de mauvais plis de notre cognition se combine à cette optimisation pour créer un cocktail explosif : des fils de discussion violents où les positions sont bien campées. La fracture sociale se creuse. Les joutes par commentaires interposés touchent maintenant toutes les sphères de la société, depuis la sérieuse gestion de la pandémie jusqu'à la mise en conserve des légumes racines.

Devant ces constats, quelles sont les avenues possibles ? En schématisant un peu, les pistes de solution face à Facebook peuvent être regroupées en trois grandes catégories. On constatera que certaines sont plus prometteuses que d'autres.

Toujours plus de technologies ?

Chaque fois que le président de Facebook Mark Zuckerberg est appelé à témoigner au Congrès américain pour défendre les actions du géant, son discours est toujours sensiblement le même : les défauts de ces technologies se régleront avec plus de technologie. Dans son témoignage devant le Congrès deux mois après l'assaut du Capitole, pressé par les représentant·es voulant savoir ce qui avait été fait pour améliorer le travail de modération, Zuckerberg répond : « Plus de 95 % du contenu haineux que nous retirons est supprimé par une intelligence artificielle (IA) et non par une personne. […] Et je crois que 98 ou 99 % du contenu proterroriste que nous retirons est identifié par une IA et non une personne. » Pourtant, lorsque questionné par le représentant Tom O'Halleran sur ce que la compagnie fait pour augmenter sa capacité de modération, Zuckerberg explique que les algorithmes ne sont pas capables de différencier ce qui est une critique d'un propos haineux d'un véritable propos haineux [1]. Pourquoi tenter de nous convaincre que la solution technologique fonctionne, tout juste après nous avoir expliqué pour quelle raison elle ne fonctionne pas ? La réponse de Facebook pourrait se résumer par, « il faut de meilleurs algorithmes, laissez-nous travailler, vous ne comprendrez pas ! »

Or, selon Frances Haugen, c'est l'« engagement based ranking » – l'indicateur qui sert à privilégier le nombre de réactions pour choisir le contenu recommandé sur les fils d'actualité personnalisés – qui est le grand coupable des dérives. Avant les élections américaines, Facebook a réduit l'impact de cet indicateur de l'engagement dans l'algorithme de recommandation, puis l'a remonté tout de suite après les élections. Autrement dit, Frances Haugen démontre que Facebook est capable de jouer avec les paramètres de ses algorithmes pour modérer leurs effets délétères, mais que l'entreprise a choisi de ne pas le faire entre le jour de l'élection américaine et l'assaut du Capitole. L'entreprise choisit également de ne pas le faire lorsque la plateforme est utilisée pour organiser des génocides et des actes terroristes ou pour diffuser de la désinformation, lorsqu'elle exacerbe les problèmes de santé mentale et l'intimidation, ni même lorsqu'elle est employée par les puissances mondiales dans une guerre d'information [2].

Rendre le tigre végétarien

Au Canada et au Québec, à l'heure actuelle, le point de vue critique à l'égard des géants du Web est probablement la posture dominante. C'est notamment l'attitude du gouvernement de Justin Trudeau depuis son mandat 2019-2021, et tout indique qu'il poursuivra en ce sens dans les années à venir. C'est aussi la position de plusieurs organismes de défense des milieux culturel et journalistique (pensons par exemple aux Amis de la radiodiffusion, à la Coalition pour la diversité des expressions culturelles ou à la Fédération nationale des communications et de la culture-CSN). Or, dire que Facebook et les autres sont des menaces à la démocratie, aux médias d'information et à la diversité culturelle, c'est une chose, mais cela ne signifie pas que toutes les initiatives politiques à leur endroit sont nécessairement bénéfiques et souhaitables.

Ainsi, une deuxième catégorie de solutions réunit les avenues visant à faire de Facebook un acteur plus responsable. Il s'agit ici de forcer le géant à mieux faire son travail, par exemple en l'incitant à mieux cibler la désinformation ou les propos haineux, ainsi qu'à retirer des publications ou bannir des comptes. D'autres proposent aussi que Facebook valorise davantage le travail journalistique « sérieux », par le biais du filtrage algorithmique ou par la redistribution de revenus publicitaires.

Même si elle est parfois articulée avec des expressions enflammées, la critique qui sous-tend ces propositions ne remet pas en question le modèle d'affaires de Facebook. Les propositions ci-haut, si elles étaient appliquées, mèneraient au contraire à faire de l'entreprise un acteur plus mature dans l'écosystème médiatique, et donc, à consolider sa présence dans nos existences. La lanceuse d'alerte Frances Haugen a d'ailleurs explicitement soutenu la piste de la responsabilisation du géant par la législation lors de son témoignage auprès d'élu·es britanniques, « la régulation pourrait être bénéfique pour le succès à long terme de Facebook […] si on rend Facebook plus sûr et plus plaisant, ce sera une compagnie plus profitable dans dix ans [3] ».

Il y a donc ici une contradiction problématique : un discours qui commence par dénoncer les trop grands pouvoirs d'une entreprise aboutit finalement à consacrer ce pouvoir en cherchant à le rendre plus respectable. On trouve l'exemple le plus révélateur de ce paradoxe dans un billet publié par Bloomberg, où un chroniqueur soutient que la meilleure manière de rendre Facebook (et Amazon) redevable de ses actions, c'est… de lui donner un siège aux Nations Unies ! [4]

Viser la réappropriation

En fait, il ne s'agit pas d'encadrer Facebook, mais de limiter son pouvoir et son emprise. Il faut intervenir de manière à rendre le modèle d'affaires de l'entreprise de moins en moins viable, pour que des alternatives dignes d'intérêt disposent d'une chance raisonnable d'émerger.

Certaines formes de collecte de données, par exemple, pourraient être purement et simplement interdites. Les dispositifs de publicité ciblée devraient être fortement encadrés, voire interdits ; la personnalisation des fils d'actualité selon un profilage des caractéristiques des individus devrait aussi être limitée. Il faut pouvoir inspecter le développement des médias sociaux pour mieux comprendre les logiques qui les structurent. Si le fonctionnement de l'algorithme lui-même ne peut être étudié en profondeur parce que sa manière de traiter des masses de données n'est pas accessible aux humains, on devrait sans doute se demander s'il est judicieux de se servir de tels algorithmes dans le cadre d'activités aussi élémentaires que s'informer ou interagir avec des proches.

Enfin, il faut forcer les médias sociaux à être interopérables, c'est-à-dire à ne plus être des jardins fermés auxquels on peut seulement accéder en se créant un compte. Si on retrouve des standards communs, comme ceux du courriel ou des appels téléphoniques, des alternatives plus respectueuses des besoins des communautés pourront alors se faire une place. On pourrait, par exemple, encourager des médias sociaux à but non lucratif et n'accumulant pas des masses de données personnelles. Pour cela, des mesures antitrusts s'avèrent incontournables.

Ces pistes d'action nous montrent qu'une autre voie est envisageable : celle qui vise à soutirer à Facebook ses pouvoirs pour en redonner aux sociétés.


[1] Le témoignage de Mark Zuckerberg est disponible via C-Span : « House hearing on combatting online misinformation and disinformation », 25 mars 2021. En ligne : www.c-span.org/video/ ?510053-1/house-hearing-combating-online-misinformation-disinformation

[2] Le témoignage intégral de Frances Haugen est disponible via C-Span : « Facebook Whistleblower Frances Haugen testifies before Senate Commerce Committee », 5 octobre 2021. En ligne : youtu.be/GOnpVQnv5Cw

[3] Citée dans Salvador Rodriguez, « Facebook whistleblower Haugen tells UK lawmakers the company refuses to take responsibility for its harms », CNBC, 25 octobre 2021. Notre traduction.

[4] Ben Schott, « Give Amazon and Facebook a Seat at the United Nations », Bloomberg, 3 octobre 2021.

Photo : Thomas Hawk (CC BY-NC 2.0)

Microsoft. Adopter, étendre, anéantir

Le troisième texte de cette série sur les GAFAM porte sur Microsoft, omniprésent dans le monde du travail et dont la stratégie technico-commerciale est féroce. Microsoft (…)

Le troisième texte de cette série sur les GAFAM porte sur Microsoft, omniprésent dans le monde du travail et dont la stratégie technico-commerciale est féroce.

Microsoft naît en 1975 pour commercialiser un langage de programmation populaire sur les premiers ordinateurs personnels. Ce n'est cependant que quelques années plus tard que l'entreprise prendra véritablement de l'importance en profitant du projet d'IBM, un géant de l'informatique de l'époque, et se lancera dans le marché des ordinateurs personnels avec un nouveau concept. À l'aide d'un coup de pouce des influents parents du futur milliardaire Bill Gates, Microsoft réussira à vendre à IBM une licence permettant d'utiliser le système d'exploitation MS-DOS que Microsoft a acheté à une autre entreprise. Un système d'exploitation étant une composante immatérielle essentielle au fonctionnement d'un ordinateur, Microsoft comprend qu'il peut générer d'importants revenus en se rendant indispensable au fonctionnement de tous les logiciels créés pour les nouveaux ordinateurs personnels d'IBM, et détourne à son avantage la réputation d'IBM bien établie dans le milieu des affaires. Microsoft a la clairvoyance de préférer une entente lui assurant un revenu pour chaque ordinateur vendu avec son système, ce que ses critiques appellent la « taxe Microsoft ».

Cette première accumulation de capitaux permet à Microsoft d'investir dans le développement du système d'exploitation Windows et de la suite bureautique Office. En 1995, l'entreprise lance Windows 95, première version aboutie du projet, et s'assurera à travers diverses ententes commerciales qu'il soit le seul système présent sur les ordinateurs personnels de pratiquement toutes les marques. Le système connait un succès important et ancre définitivement la position dominante de l'entreprise dans ce domaine. La sortie du système coïncide avec la popularisation de l'accès à Internet. Craignant que la toile en vienne à diminuer le rôle de son système d'exploitation dans l'informatique personnelle, Microsoft lance son propre fureteur, Explorer, et tente de l'imposer en le distribuant avec Windows. Cette manœuvre déclenche aux États-Unis une poursuite anti-monopole de grande envergure. La saga judiciaire mène à un jugement ordonnant de scinder l'entreprise en deux pour séparer ses activités liées à Windows de celles liées à ses autres logiciels, mais Microsoft fait immédiatement appel pour en arriver à une entente qui n'aura finalement que peu de conséquences sur ses activités. Cette conclusion pave la voie pour l'apparition des géants du Web en montrant comment il est difficile de contrer un tel monopole [1].

En plus de mettre en lumière la mauvaise foi des dirigeants de Microsoft, les audiences liées à la poursuite révèlent aussi un mot d'ordre interne de l'entreprise : « adopter, étendre et anéantir. » Cela résume les trois phases d'une stratégie technico-commerciale utilisée notamment dans le développement du fureteur Explorer de Microsoft : adopter un standard établi dans ses propres produits ; étendre le standard en y ajoutant des extensions ne fonctionnant qu'avec ses produits ; enfin, anéantir commercialement les produits concurrents incapables ou refusant d'utiliser la spécification étendue, adoptée par une majorité d'utilisateur·trices. Des variantes de cette stratégie commerciale sont utilisées à maintes reprises par Microsoft, notamment pour mieux imposer sa suite bureautique Office, emblématique de la mainmise de Microsoft dans le monde du travail.

Des tentacules largement déployés

L'ubiquité de Windows et d'Office dans l'écrasante majorité des bureaux du monde et sur les ordinateurs personnels pourrait laisser penser à tort qu'ils sont la principale source de revenus du géant. Microsoft divise elle-même ses revenus en trois « segments » : produits et services d'affaires, infonuagique intelligente et informatique personnelle. Ces segments génèrent chacun une part approximativement égale des revenus du géant. On prend la mesure de la diversité des sources de revenus de l'entreprise par la variété de ses produits : on y compte le système d'exploitation Windows et la suite bureautique Office (version classique et version en ligne), la console de jeu vidéo Xbox et jeux divers, les serveurs Azure, le moteur de recherche Web Bing et les services de publicité associés, le réseau social professionnel LinkedIn et ses services, les logiciels pour la programmation, etc.

Comme les autres GAFAM, Microsoft doit l'étendue de ses activités à de très nombreuses acquisitions stratégiques. On pense par exemple à Hotmail et Skype ou à l'entreprise finlandaise de téléphonie cellulaire Nokia. Elle a récemment fait l'acquisition du studio de jeu vidéo Blizzard pour la somme de 70 milliards de dollars US, ce qui en fait la 3e plus grande entreprise de jeux vidéo au monde. Elle a aussi mis la main sur le jeu vidéo Minecraft en 2004, devenu le plus populaire de tout le temps. Microsoft vient tout juste d'acquérir Nuance Communications pour près de 20 milliards de dollars US, entreprise dont la spécialité est la reconnaissance vocale et l'intelligence artificielle.

Bien que la publicité ciblée fasse partie des revenus de Microsoft, l'entreprise ne mise pas tant sur celle-ci et sur l'accumulation d'information sur ses usagers que certains autres GAFAM. Elle sait cependant monnayer la popularité de ses produits en faisant payer les gouvernements et autres entreprises de multiples manières. Par exemple, le géant reçoit un montant pour chaque téléphone Android vendu à cause des nombreux brevets qu'il détient, même s'il a commercialisé un produit concurrent.

Mainmise sur les administrations publiques

Les institutions publiques maintiennent le monopole de l'entreprise en renouvelant les contrats de services et de licences logiciels sans que l'on considère adhérer à un produit compétiteur, préférant par exemple payer une « taxe Microsoft » qu'investir dans le développement de logiciels libres. De plus, les choix logiciels gouvernementaux s'imposent souvent indirectement aux citoyennes et citoyens en forçant l'utilisation de logiciels spécifiques pour accéder aux services et aux documents.

Au Québec, la domination de Microsoft s'incarne souvent dans la place quasi inexistante des logiciels libres dans les administrations publiques. En 2009 et 2010, l'organisme FACIL pour l'appropriation collective de l'informatique libre ainsi que la firme Savoir-faire Linux remportaient des victoires juridiques importantes : elles reconnaissent notamment que la Direction générale des acquisitions du Centre de services partagés du Québec et la Régie des rentes du Québec attribuaient illégalement des contrats à Microsoft sans appel d'offres. Le discours gouvernemental évolue à cette époque pour se montrer plus favorable à l'utilisation des logiciels libres comme outils informatiques gouvernementaux. En 2013, l'Assemblée nationale adoptait même à l'unanimité une motion encourageant « le gouvernement à poursuivre ses efforts pour promouvoir l'utilisation du logiciel libre au sein de l'administration publique ». Le passage à l'infonuagique entrepris au Québec depuis quelques années a malgré tout grandement favorisé Microsoft, l'entreprise récoltant 71 % de la valeur de toutes les ententes signées.

La présence de Microsoft dans les administrations publiques n'est pas limitée à la bureautique. L'entreprise est aussi critiquée pour le développement d'outils de surveillance policière dans les villes américaines.

Quoi dénoncer ?

On peut dénoncer Microsoft pour son utilisation de stratégies d'évitement fiscal, pour les horaires de travail difficile de ses programmeurs, pour sa manière de briser à répétition les standards informatiques communs à son avantage, pour sa stratégie de « taxe Microsoft » et pour s'être échappé de nombreuses poursuites pour pratiques anticoncurrentielles.

La domination de Microsoft est le fruit de l'utilisation de stratégies visant à se positionner comme inévitable, autant auprès des utilisateur·trices, d'autres entreprises informatiques, des gouvernements que du monde du travail dans son ensemble. On n'a généralement pas su prendre à temps la mesure de l'effet social des stratagèmes commerciaux de l'entreprise ni su prévoir l'incapacité répétée des États à freiner la création d'un tel géant, de peur de nuire à l'« innovation ».


[1] Microsoft échappera à plusieurs autres poursuites pour pratiques anticoncurrentielles à travers le monde, ayant toujours les moyens financiers de régler sans conséquences importantes sur ses activités. Il règlera avec la commission européenne une amende record de 1,7 milliard d'euros, et un recours collectif au Canada s'est récemment terminé par une entente où Microsoft s'est engagé à payer un demi-milliard aux détenteur·trices canadien·nes de plusieurs de ses produits, mais sans reconnaître avoir profité de sa position dominante pour augmenter ses prix.

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Depuis août 2020, par l'entremise de mon site Web et des médias sociaux, je recense les cas de COVID-19 dans les écoles et milite activement pour une meilleure qualité de l'air. Voici pourquoi.

Le 14 mars 2020, le lendemain de la fermeture des écoles au Québec, Roxanne Khamsi, journaliste scientifique de renommée internationale qui a fait de Montréal sa terre d'accueil, publie un article qui passera à l'histoire, « They Say Coronavirus Isn't Airborne — But It's Definitely Borne By Air », sur le magazine en ligne Wired. Alors que la Santé publique s'affaire à nous demander de nous laver les mains et de désinfecter les surfaces, certain·es expert·es s'interrogent : et si la COVID-19 était transmise principalement par voie aérienne ? Les mesures sanitaires mises en place pour contrer le virus seraient-elles vraiment adéquates ? Dans les milieux fermés comme les écoles et les hôpitaux, la ventilation et la filtration de l'air ne seraient-elles pas des moyens concrets à privilégier ?

Écoles à risque

Les écoles sont fermées le 13 mars, initialement pour deux semaines, afin de contenir la pandémie du coronavirus. Le ministre de l'Éducation Jean-François Roberge compare cette période à des vacances, alors que le monde entier prend conscience de l'ampleur de la situation. Certaines écoles rouvriront finalement le 11 mai, alors que celles de la grande région de Montréal ne rouvriront qu'en août. Les parents sont alors dans le noir concernant les modes de transmission et réaliseront assez rapidement que la qualité de l'air y est pour beaucoup.

En tant que père de deux adolescents au secondaire qui s'implique dans leur milieu scolaire depuis leur jeune enfance, je me questionne sur les modes de transmission du virus et les risques en milieu scolaire. La vétusté du parc immobilier scolaire est de notoriété publique. Il y a déjà, depuis des décennies, des débats sur la surpopulation des locaux, sur le dépassement des ratios maitre-élèves, sur les enjeux liés à la qualité de l'eau (présence de plomb) et aux moisissures, sur le sous-financement des infrastructures et sur les rénovations majeures qui sont requises. L'arrivée d'un virus respiratoire dans cet environnement fermé, mal ventilé et dans lequel s'entassent des dizaines d'enfants plusieurs heures par jour semble réunir tous les ingrédients pour une explosion des cas.

Manque de transparence

Le 29 mai, le premier ministre Legault déclare que le retour en classe est un succès à l'extérieur de Montréal. Cependant, le gouvernement ne recense pas officiellement les données sur les cas dans ce milieu. Je me questionne donc sérieusement sur le niveau de risque pour mes enfants et sur les critères de succès de cette réouverture. En échangeant avec plusieurs groupes de parents, il m'apparaît évident que l'information qui leur serait nécessaire pour prendre une décision éclairée sur le retour en classe n'est pas accessible. Les parents québécois se voient mis devant un choix impossible : offrir l'éducation à leurs enfants signifie les exposer à la contamination.

Le 10 août, le ministre Roberge présente son plan de rentrée scolaire. Il mentionne que les écoles devront informer les parents et les enseignant·es de tous les cas de COVID-19 dans toutes les classes par l'entremise d'une lettre dont le modèle est fourni par la Santé publique. Le gouvernement promet la transparence complète. Je décide donc de le prendre au mot et de recenser ces lettres afin de comprendre l'étendue de la transmission et de quantifier le risque pour mes enfants. C'est dans ce contexte que je lance, le 27 août, un site internet (CovidEcolesQuebec.org) et un compte Twitter (@CovidEcoles).

Rapidement, les médias et la population active sur les médias sociaux démontrent de l'intérêt pour ma démarche et me donnent de la visibilité, ce qui va aider à faire connaitre le mouvement et me permettre de réunir plus de lettres de confirmation des cas émises par les écoles. Les données s'accumulent à une vitesse éclair et il devient évident que l'école est un haut lieu de transmission. Mon site internet et mon compte Twitter deviennent des incontournables dans le suivi des cas dans les écoles, alors que le gouvernement minimise toujours la situation et ne publie pas ces données.

Après plusieurs questions et articles sur le sujet, la pression des parents et des médias force finalement le gouvernement à publier sa propre liste d'écoles où des cas de COVID-19 sont confirmés. Cette liste est remise en question par les directions d'école et les Centres de services, car elle contient des données erronées. Le ministre de la Santé Christian Dubé intervient et décide alors de faire retirer la liste. Pendant ce temps, l'initiative CovidEcolesQuebec prend de l'ampleur.

Aveuglement volontaire

La population se demande alors ce qui cause l'explosion des cas. Plusieurs articles scientifiques et des centaines d'expert·es au Québec (dont celles et ceux de COVID-STOP) et à l'international sonnent l'alarme : le coronavirus se transmet par aérosols et la ventilation et la purification de l'air sont les moyens les plus efficaces pour les réduire. Je m'intéresse activement à cette explication et je m'entoure d'expert·es qui militent pour la reconnaissance de la transmission par aérosols.

Malheureusement, les expert·es qui conseillent le gouvernement s'entêtent à ne pas reconnaitre ce mode de transmission. Le principe de précaution est évacué pour faire place au dogme de la transmission par gouttelettes. La Santé publique va même jusqu'à qualifier les purificateurs d'air de « dangereux », ce qui fera d'elle la risée des expert·es à l'international.

Voyant la pression et l'inquiétude des parents, le ministre Roberge tente à plusieurs reprises de rassurer la population en mesurant le taux de CO2 dans les classes. Le protocole utilisé est non seulement défaillant, mais aussi non respecté sur le terrain. S'ensuivra une série d'actions incohérentes, dont l'achat de 75 millions de capteurs de CO2 qui arrivent 18 mois trop tard. Au moment d'écrire ces lignes, en mars 2022, les capteurs de CO2 ne sont pas tous livrés ni tous installés. La population perd entièrement confiance en son ministre sur le dossier de la qualité de l'air.

La non-reconnaissance de la transmission par aérosols et l'entêtement du gouvernement à ne pas agir concrètement et rapidement sur la qualité de l'air laissent un sombre bilan : l'année scolaire 2020-2021 se termine avec plus de 50 000 cas recensés en milieu scolaire, auxquels on doit rajouter tous les cas ramenés en milieu familial et la transmission communautaire causée par les écoles.

Le bilan de l'année 2021-2022 sera malheureusement incomplet, car le gouvernement a cessé les tests PCR pour les élèves et les enseignant·es au début de la vague Omicron, en décembre 2021. Nous revenons donc à la situation du mois d'août 2020, alors que la transparence des données sur les cas dans les écoles était inexistante.

* * *

En fait, à l'heure actuelle, le milieu scolaire est encore plus fragile et vulnérable face au coronavirus. La qualité de l'air est la même qu'en 2020, mais les variants se suivent et ne se ressemblent pas. Ils sont plus transmissibles que la souche originale. Le gouvernement recule sur la transparence des données en milieu scolaire en éliminant par exemple le bilan quotidien des écoles affectées.

Malgré tout, je garde espoir qu'une simple initiative citoyenne comme CovidEcolesQuebec, initiée par un père de famille impliqué et inquiet pour la santé et sécurité de ses enfants, permette aux citoyen·nes de faire entendre leur voix, de faire changer les choses et surtout, de faire bouger le gouvernement.

Olivier Drouin est idéateur de l'initiative citoyenne CovidEcolesQuebec.

CovidEcolesQuebec est un organisme qui a pour mission de contribuer activement à la transparence des données sur les écoles affectées par la COVID-19 au Québec. L'initiative est récipiendaire du prix international Data Hero Awards et d'une médaille de l'Assemblée nationale.

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La concurrence que se livrent les établissements d'enseignement publics et privés, couplée à la stratification des parcours qui s'y exprime, a mis à mal la mixité sociale et scolaire, et en péril l'équité et l'égalité des chances de cette école commune dont la Révolution tranquille avait rêvé. Inéquitable, notre système scolaire est en attente de solutions concrètes et de volonté politique.

Aujourd'hui, plus de 20% des élèves du secondaire fréquentent un projet particulier au secteur public, et 21% un établissement privé (34% à Montréal). Dans certaines régions, plus de la moitié des élèves du secondaire évitent ainsi la classe dite ordinaire, qui recueille désormais des concentrations importantes de jeunes issu·es de milieux défavorisés ou en difficulté, et ne bénéficiant pas de l'effet de pairs positif que permet une plus grande hétérogénéité. Conséquemment, les élèves issu·es des classes publiques régulières auraient presque deux fois moins de chances d'atteindre le cégep que ceux et celles qui proviennent du privé ou des programmes particuliers. Seulement 15% des élèves issu·es du public régulier atteindraient l'université, contre 60% des élèves diplômé·es du privé ou 51% du public enrichi. [1] Sous le poids de la ségrégation scolaire, le câble de l'ascenseur social a été rompu. Les disparités scolaires et sociales que l'école de la Révolution tranquille devait aplanir ont ni plus ni moins qu'été recréées au sein d'un système à trois vitesses.

De l'école fourre-tout à l'école à la carte

Cette ségrégation n'est pas qu'un effet du jeu de concurrence. Elle est maintenant caractéristique du système scolaire québécois, dont la compétition est une dynamique intégrante, assumée et renforcée par tous les gouvernements qui se sont succédés depuis que la Commission des États généraux sur l'éducation a tiré la sonnette d'alarme [2]. C'est un fait qu'il existe un quasi-marché scolaire, qui alimente avec l'argent public une concurrence inégale au nom d'une liberté de choix galvaudée ainsi qu'un jeu de tamis socio-économiques qui érode la mixité sociale au sein des écoles au profit d'une homogénéisation dans des établissements et filières élitistes où règne l'entre-soi plutôt que le vivre-ensemble.

Il semble bien qu'une certaine trame narrative marchande se soit imposée au Québec. D'une part, on aurait réussi à vendre l'idée d'un déterminisme scolaire et socioprofessionnel couplant fortement le lieu de scolarisation aux chances de réussite professionnelle de chacun : on serait passé de l'idée que l'école universelle favorise l'expression des talents sans distinction de classe, à la logique du capital humain, qui traite les parents comme des consommateurs-investisseurs, les incitant à payer un supplément à la gratuité scolaire (en plus de leurs impôts) pour améliorer l'employabilité et la valeur marchande (le capital) de leur progéniture, soit ses chances d'optimiser son plein potentiel… Qu'importe l'ascenseur social, il faut prendre celui qui, selon ce qu'on nous fait croire, mène le plus haut et le plus rapidement, quitte à sortir le chéquier pour avoir le privilège d'y embarquer.

D'autre part, en cette ère de la personnalisation de masse, le rejet de toute uniformité ou formule commune s'exprime dans l'idée reçue que chaque enfant étant unique, il faut lui offrir une expérience stimulante et motivante à sa mesure, qu'il a désormais droit à l'expression de son individualité à travers son propre projet (si ses parents en ont les moyens), et qu'en conséquence chaque établissement et chaque parcours doivent être différenciés par une couleur locale, une saveur unique, porteuse, dit-on, de motivation et d'appartenance, et qui saura répondre à ses intérêts et besoins. Alors que certaines commissions scolaires cherchent actuellement à abolir le programme régulier pour, disent-elles, diversifier leur offre au bénéfice de tous·tes, force est de constater qu'on passe lentement mais sûrement du projet d'école pour tous·tes à celui d'école pour chacun·e.

Enfin, on a intériorisé l'association de ces deux idées, à savoir que toute saveur rimerait avec excellence, et qu'on pourrait ainsi sauver nos enfants du filet social que représente l'école ordinaire... En somme, tout se passe au Québec comme si l'école commune était perçue comme sans saveur et donc sans intérêt. Sans projet, jugée à tort ordinaire, peu stimulante et peu performante, l'école régulière et son programme scolaire uniforme issu du ministère seraient devenus indésirables aux yeux d'une part croissante des parents, qui cherchent à le contourner dans un véritable sauve-qui-peut.

Faute d'engagement des gouvernements dans un dénouement satisfaisant, la ségrégation scolaire poursuit ainsi son œuvre et le fossé se creuse entre les jeunes en difficulté ou issus de milieux défavorisés et ceux des classes moyennes et supérieures.

Vers un réseau scolaire commun ?

Créé en 2017, le mouvement École ensemble dévoilait le 9 mai dernier son Plan pour un réseau scolaire commun afin de s'attaquer à cette impasse [3]. Ce dernier s'inspire du modèle finlandais pour regrouper les établissements publics et privés conventionnés qui le souhaiteraient au sein d'un réseau commun, gratuit, sans sélection et entièrement financé par les deniers publics. Des bassins géographiques fondés sur des critères de mixité sociale remplaceraient la liberté de choix et les modes de recrutement sélectifs, en contrepartie de l'obligation pour tous les établissements d'offrir des options variées et enrichissantes à tous les élèves sans restriction. L'horaire des écoles serait ajusté de manière à offrir la formation générale commune quatre périodes par jour, puis à répartir les élèves selon leur option de prédilection durant la cinquième période quotidienne. Les établissements privés qui ne souhaiteraient pas être intégrés à ce réseau commun perdraient leurs subventions publiques. Celles qui l'intégreraient maintiendraient leur autonomie de gestion, notamment en matière de ressources humaines. La mise en œuvre de ce plan s'étalerait sur six années. Finis, la concurrence, le magasinage, le marketing et l'inflation pédagogique et curriculaire.

Fruit d'un travail sérieux, le plan reste bien sûr à parfaire, car il laisse en suspens des enjeux complémentaires importants, et demeure une voie de compromis qui mise sur un réseau hybride au sein duquel des entités privées continueraient d'évoluer à l'abri de certains des mécanismes de régulation publics. Malgré ses angles morts, cette proposition a l'immense mérite d'apporter du nouveau dans une discussion bloquée (voir évitée) depuis plusieurs années et même de relancer le débat de fond sur de nouvelles bases. Et cela, il faut le saluer.

Une nécessaire mobilisation sociale

La marche accélérée de notre système scolaire vers la fracture sociale inquiète de plus en plus. Malheureusement, le mutisme devenu classique des gouvernements ne fait qu'accroître le problème chaque année davantage. On ne se surprend pas que la CAQ, originellement acquise au projet d'écoles à charte (charter schools), se soit contentée, en tant que gouvernement, de nier le problème de la ségrégation scolaire pourtant mis au jour par le Conseil supérieur de l'éducation en 2016 [4]. Au contraire, elle a plutôt choisi de cautionner et de renforcer l'école à trois vitesses, d'abord en maintenant les frais reliés à la fréquentation de projets particuliers à l'école publique (projet de loi no12), puis en excluant l'abolition du financement des écoles privées confessionnelles de son projet de laïcité (projet de loi no21). La mise à l'agenda politique de ce problème sociétal s'avère difficile, mais son ancrage dans la société civile semble de plus en plus tenace, quoiqu'avec l'abolition des élections scolaires, il tienne à la motivation de mouvements citoyens aux ressources limitées. Malheureusement, la majorité parlementaire demeure actuellement et probablement pour un temps favorable au statu quo, alors que le Parti conservateur du Québec ramène même l'idée des bonds d'éducation (school vouchers)...

Le chemin pour faire d'une proposition sérieuse de système scolaire équitable un enjeu électoral s'avère donc encore bien sinueux, mais sa percolation dans l'espace public demeure un passage obligé et les prochains mois ne manqueront pas d'occasions pour s'y atteler. Après avoir lancé un ouvrage collectif sur les défis de l'école québécoise [5], qui dénonce sans réserve les mécanismes de marchandisation scolaire actifs au Québec, le collectif Debout pour l'école ! a annoncé un vaste chantier de consultation citoyenne sur l'avenir de l'école québécoise pour le printemps 2023. Celui-ci sera l'occasion de discuter de nombreux enjeux importants pour remettre notre système d'éducation sur ses rails. Nul doute que la ségrégation scolaire et la nécessité d'un système équitable pour y répondre seront au cœur des réflexions. Il restera à faire en sorte que cet élan puisse porter plus largement un vaste mouvement social susceptible de forcer le prochain gouvernement à agir pour de bon.


[1] Pierre Canisius Kamanzi, « Marché scolaire et reproduction des inégalités sociales au Québec », Revue des sciences de l'éducation, vol.45, no3, 2019, p.140-165

[2] CÉGÉ (1996), Rénover notre système scolaire : dix chantiers prioritaires, 90 p. Voir https://collections.banq.qc.ca/ark :/52327/bs40260

[3] École ensemble, Plan pour un réseau scolaire commun, 2022, 37 p. Voir www.ecoleensemble.com/reseaucommun

[4] CSE, Remettre le cap sur l'équité, Québec, 2016, 100 p.

[5] Debout pour l'école !, Une autre école est possible et nécessaire, Montréal, Del Busso Éditeur, 2022, 472 p.

Gravure : Giorgio Escher, Relativite, 1953

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