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Trump 2.0 : Radicalisation de la droite ici et ailleurs dans le monde. Quelle réponse de la gauche québécoise ?

4 février, par Révolution écosocialiste — , ,
L'organisation Révolution écosocialiste vous invite à participer à une discussion portant sur la montée de la droite. Quelle analyse peut-on en faire ? Quelles sont les (…)

L'organisation Révolution écosocialiste vous invite à participer à une discussion portant sur la montée de la droite.

Quelle analyse peut-on en faire ? Quelles sont les perspectives possibles ?

Face aux menaces de Trump sur la hausse des tarifs et de la fermeture des frontières, face aux mesures d'austérité caquiste, qu'elle doit être la réponse solidaire ?

Lieu : Centre St-Pierre, 1212 Panet, salle #304, Montréal et en diffusion virtuelle (coordonnées à venir, jeudi soir)
21 février 19h
Prix : Contribution volontaire

Diffuser largement et confirmer votre présence sur facebook : https://www.facebook.com/events/904234935230421/?active_tab=discussion

Panel

Le panel sera composé de :

André Frappier, animateur de la rencontre et intervenant pour Révolution écosocialiste, est militant à QS Maurice-Richard et syndicaliste au STTP à la retraite.

Amir Khadir, ex-député de Québec solidaire et ancien de porte-parole du parti.

Karine Cliche, candidate de QS dans Ste-Rose lors des dernières élections et membre initiatrice du Parti de la Rue.

Andres Fontecilla, député de Québec solidaire dans Laurier-Dorion

Josée Chevalier, militante syndicale à la CSN et candidate de QS dans Laval-des-Rapides lors des dernières élections.

Des États généraux du mouvement populaire et progressiste québécois !

4 février, par Pierre Mouterde — ,
Dans le sillage de l'intronisation présidentielle de Trump et de la cascades d'annonces brutales et chaotiques qu'il a depuis proférées, beaucoup d'entre nous auront pu (…)

Dans le sillage de l'intronisation présidentielle de Trump et de la cascades d'annonces brutales et chaotiques qu'il a depuis proférées, beaucoup d'entre nous auront pu expérimenter une sorte de stupeur ou mieux dit encore, d'état de "sidération" absolu. Comme si on se retrouvait soudainement devant quelque chose d'inoui : une inversion carnavalesque de toutes nos valeurs et coutumes, conduisant à ce que « le politiquement abject », avec ses grossièretés, son ressentiment et ses sourdes colères ou son racisme décomplexé, ait définitivement pris le pas sur « le politiquement correct » et son souci vertueux des apparences et des bonnes manières ; au point même d'être perçue par certains –comble de l'illusion—comme une véritable victoire sur les élites du monde globalisé !

3 février 2025

Peu d'entre nous, ont cependant fait ressortir les raisons profondes qui sont à l'origine d'un tel renversement, et surtout ont cherché à sonder les moyens qu'on pourrait mettre de l'avant pour en confronter les dangers, en déjouer les lubies mortifères. Comment se protéger de l'autoritarisme crasse et narcissique de tels individus, et surtout comment stopper la montée politique de la droite-extrême dont ils sont l'expression même, tout en redonnant au passage à la gauche —au camp des progressistes— la force collective qui lui manque dramatiquement pour inverser le cours de l'histoire présente ?

En toute lucidité, il faut pourtant le reconnaître : cette arrivée de la droite-extrême fascisante au gouvernement des USA comme sa présence aux portes du pouvoir dans bien des pays du monde (y compris au Canada), tiennent aussi à l'incapacité de la gauche institutionnelle à s'y opposer fermement, et plus particulièrement aux choix politiques entérinés par la vaste nébuleuse progressiste qui a eu pignon sur rue ces dernières années en Occident et a fini par se rallier –corps et âme— au capitalisme néo-libéral et à sa démocratie libérale de basse intensité.

Un malaise social grandissant

C'est ainsi que cette dernière s'est montrée incapable de saisir les conséquences funestes de l'épuisement du cycle d'expansion et de renouveau initié après la seconde guerre mondiale. Et qu'elle est passée à côté non seulement des inégalités socio-économiques qui n'ont cessé de déchirer en profondeur le tissus social, mais aussi du malaise grandissant qui s'installait dans de larges secteurs de la population à la suite des multiples crises qui, depuis le début du millénaire se sont amplifiées puis combinées les unes aux autres : économique, sanitaire, écologique, politique, culturelle, etc.

Incapable dans ce contexte, de contre-proposer aux sourdes inquiétudes collectives qui s'exprimaient chaque fois plus, un projet politique globalisant, positif et pacifiant, susceptible de contrecarrer le repli identitaire et les logiques du bouc-émissaire brandies par la droite, la gauche institutionnelle n'a pu opposer à l'extrême-droite montante qu'un front désuni, fragmenté, en tous points déconnecté des enjeux réels et des angoisses vécues de larges secteurs de la population.

En ce sens, il faut oser se le dire : comprendre ce qui nous arrive avec Trump, c'est aussi prendre acte de tout ce qui nous revient en propre —nous qui avons rêvé au Québec dans le sillage de la révolution tranquille à plus d'égalité sociale — et qui nous a conduit à nous retrouver en position défensive, enfermés plus souvent qu'autrement dans les seules logiques de l'indignation.

Il n'est pourtant pas trop tard pour réagir et nous montrer à la hauteur des formidables enjeux qui se dressent devant nous. Il est temps de rebondir, d'échapper tant au découragement qu'au cynisme ou encore au repli sur soi. Aux USA bien sûr, mais aussi au Canada et au Québec. Comme récemment l'écrivait Françoise David dans Le Devoir : « Opposons au défaitisme une mobilisation sociale et politique nationale, rassembleuse et forte (...) Ne nous contentons pas de peu. On n'est plus nés pour un p'tit pain ! ». En sachant.. cependant que cette mobilisation si nécessaire ne peut être —tant les défis qui se dressent devant nous sont vastes— que sociale et politique, le fait autant des mouvements sociaux que des courants politiques qui se reconnaissent de la gauche et de la lutte pour l'égalités sociale : syndicats, mouvements communautaires, mais aussi forces politiques de gauche.

Des États généraux ?

Pourquoi ne pas alors organiser au Québec des États généraux du mouvement populaire et progressiste québécois ? Des États généraux, pour nous donner les moyens depuis le progressisme, de comprendre ce qui est en train de nous bousculer si tragiquement, et pour nous permettre d'y faire face en nous mobilisant enfin autour de mêmes objectifs sociaux et politiques partagés. Car il ne suffit plus aujourd'hui de manifester devant le parlement afin de faire connaître en toute civilité nos mécontentements respectifs auprès des gouvernements en place. Il faut réapprendre à redevenir une force collective qui compte et puisse avoir enfin prise sur l'ordre des choses, peser en somme dans les batailles à venir !

N'est-ce pas en ces temps difficiles, ce à quoi nous devrions occuper nos efforts ?

Pierre Mouterde
Sociologue et essayiste
Québec, le 2 février 2025

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Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

États-Unis : Trumpisme et fascisme

4 février, par Daniel Tanuro — ,
Trump est un fasciste et il y a clairement de nombreux fascistes dans ses collaborateurs. Outre Elon Musk et son salut nazi, on rappellera en particulier les pédigrées (…)

Trump est un fasciste et il y a clairement de nombreux fascistes dans ses collaborateurs. Outre Elon Musk et son salut nazi, on rappellera en particulier les pédigrées inquiétants d'individus comme Steve Bannon, Stephen Miller et Laura Loomer, entre autres. La situation est gravissime, il ne faut pas la banaliser. Cependant, les USA n'ont pas basculé dans LE fascisme. Ils risquent de le faire, nuance. Trump agira pour qu'un basculement de ce type survienne (ce qui ne signifie pas la répétition a l'identique du fascisme historique), mais il y a loin de la coupe aux lèvres.

Tiré d'Europe Solidaire Sans Frontières
28 janvier 2025

Par Daniel Tanuro

Le fascisme comme rupture

Le fascisme se caractérise par la destruction des droits démocratiques et l'atomisation sociale. Cela implique la destruction des mouvements sociaux, notamment des syndicats, la transformation de l'appareil judiciaire en instrument de la tyrannie du Chef et l'abolition de toute forme de liberté de la presse, de liberté d'expression en général et du droit de grève. On n'en est pas là.

Il faut éviter les raisonnements simplistes, ils mènent à des conclusions fausses. Par exemple : la démocratie bourgeoise est une fausse démocratie, qui dissimule la dictature du Capital. C'est exact, mais il n'en découle pas que le capitalisme produirait inévitablement le fascisme. Il n'en découle pas davantage qu'un candidat despote comme Trump pourrait faire passer facilement les USA de la démocratie bourgeoise au fascisme. Ce passage est un saut qualitatif , il requiert une rupture brutale.

La caractéristique clé du fascisme dans sa lutte pour le pouvoir (ce qui le distingue d'un « simple » coup d'État militaire) est qu'il opère cette rupture en s'appuyant sur un mouvement de masse extraparlementaire de la petite bourgeoisie et du lumpenproletariat, à l'aide de troupes de choc terroristes, mobilisées à grands renforts de mensonges, de haine et de démagogie nationaliste pseudo-socialiste.

Il saute aux yeux que tous ces éléments sont présents dans une certaine mesure dans le trumpisme : MAGA comme mouvement de masse, la démagogie sociale, le mensonge systématique, la haine, les Prou boys et Oath keepers comme bandes violentes. Le danger fasciste est donc très très réel, il faut insister la-dessus. Mais il faut insister aussi sur le fait que la rupture n'a pas eu lieu. Elle pourrait intervenir, elle n'est pas derrière nous.

Forces et faiblesses de Trump

Et elle n'aura pas lieu si facilement, cette rupture. On le voit dans les tempêtes de réactions indignées causées par le pardon général que Trump a accordé aux émeutiers impliqués dans l'attaque violente contre le Capitole, en janvier 2021. On le voit en particulier dans les réactions virulentes de juges qui ont dénoncé ce pardon et contesté catégoriquement que les bénéficiaires seraient prémunis contre toute reprise des poursuites.

Trump roule des mécaniques, mais il est plus faible qu'il n'y paraît. Il a dû renoncer à la nomination scandaleuse de Matt Gaez comme Attorney général (ministre de la justice). Un Américain sur 10 seulement soutient son choix de nommer Pete Hegseth ministre de la défense (trois sur 10 sont contre, et Hegseth a failli être écarté par le vote au Sénat !). MAGA est un mouvement de masse, mais pas (encore ?) un parti de combat discipliné, comparable à ceux d'Hitler ou de Mussolini.

Trump a évidemment des atouts : la Cour suprême dominée par ses partisans lui a donné l'immunité, le parti républicain est à sa botte, et les mouvements sociaux (qui avaient manifesté en masse contre sa nomination, en 2016-2017) semblent cette fois tétanisés, effrayés par l'ampleur de sa victoire. Trump exploite cette conjoncture pour donner l'impression d'une marche triomphale que rien ne peut arrêter. En réalité, les obstacles accumulés devant lui sont considérables. L'un d'eux est la contradiction béante entre les promesses populistes faites à la base MAGA, d'une part, et la réalité politique d'un gouvernement de kleptocrates et de milliardaires qui se fichent de ces promesses, d'autre part.

Cette contradiction entre populistes et milliardaires est typique du fascisme. Elle traversait aussi le parti nazi. Hitler l'a « résolue » en assassinant quelque deux cents dirigeants de l'aile fasciste-populiste, les chefs des S.A. (c'est « la nuit des longs couteaux », juin 1934). Mais à ce moment sa dictature était solidement établie depuis plus d'un an. Celle de Trump ne l'est pas. Or, le fossé entre MAGA et les milliardaires à commencé à s'ouvrir avant même l'inauguration, quand Bannon et Musk se sont violemment affrontés sur la question des migrant·es. L'historien Timothy Snyder pronostique l'approfondissement de ces tensions. Il a fort probablement raison. Petit exemple : un syndicat de flics qui a appelé à voter pour « la loi et l'ordre » rompt avec Trump suite a la libération des émeutiers qui ont piétiné « la loi et l'ordre » en attaquant le Capitole…

Stratégie du choc

La démocratie bourgeoise étasunienne est profondément corrompue par l'argent, mais elle est solidement enracinée dans un vaste réseau d'institutions et de contre-pouvoirs attachés aux principes constitutionnels. Dans ce contexte, il faudrait un choc majeur pour opérer une rupture décisive vers le fascisme. Hitler a établi son pouvoir absolu en tirant prétexte de l'incendie du Reichstag (27/2/33), un mois à peine après sa nomination comme chancelier. Trump cherche sans doute quelque chose de ce genre en décrétant l'état d'urgence contre « l'invasion » à la frontière, ou en menaçant le Panama. Mais sa base MAGA à voté pour lui essentiellement en espérant qu'il abaissera les prix des biens de consommation courante. La traque aux migrants (dont l'économie US ne peut se passer dans l'agriculture, la construction, la restauration) n'y contribuera pas, les tarifs douaniers non plus, au contraire !

La difficulté pour Trump est d'aller vite vers la dictature, avant que ses électeurs ne réalisent la supercherie, que le bluff de sa « stratégie du choc » se dégonfle et que les mouvements sociaux se réveillent. Leur passivité est en fait son plus grand atout. L'absence de luttes de masse encourage le grand capital à « oser le fascisme » à la Trump. Sans cette passivité, la lâcheté ignoble des élus républicains qui avalent sans broncher accorder le pardon aux émeutiers de janvier 2021 – qui avalent donc, en fait, sous-entendu que la tentative de coup d'État n'a pas eu lieu, et qui avalent en plus donner l'autorisation aux voyous fascistes de faire le coup de poing chaque fois que le Chef aura besoin d'eux ! – serait politiquement intenable.

On peut objecter que le grand capital US n'a pas besoin de bandes fascistes. Musk et Cie ne sont pas menacés par les luttes sociales, le syndicalisme est faible, la démocratie bourgeoise semble un bien meilleur moyen de servir leurs intérêts. Que veulent les grands patrons ? La relance des énergies fossiles, des investissements dans l'intelligence artificielle, une série de dérégulations… A priori, rien de tout cela ne semble requérir un régime fasciste… Alors, pourquoi le trumpisme, et dans quelle mesure est-il fasciste ? La question mérite d'être posée. Selon moi, le paradoxe s'éclaire quand on prend en considération le contexte de catastrophe écologique dans lequel l'impérialisme étasunien lutte pour sauver son hégémonie.

L'hégémonie à tout prix

C'est un fait : le capitalisme chinois est à ce point dominant dans le secteur des technologies « vertes » que les responsables politiques occidentaux, s'ils veulent respecter l'accord de Paris, n'ont d'autre choix que d'acheter chinois, donc de renforcer Pékin au détriment de l'impérialisme US. Inacceptable pour Trump-Musk. Leur riposte : garder l'hégémonie en misant à fond sur l'intelligence artificielle. Mais celle-ci demande d'énormes ressources énergétiques et la mainmise impérialiste sur quantité de ressources minérales. Donc le recours massif aux fossiles et le retour à la politique de la canonnière (Groenland, Panama…). Donc le climatonégationnisme et le mensonge systématique. Donc le mépris le plus absolu pour les menaces terribles que la catastrophe écologique fait peser sur la vie de centaines de millions d'êtres humains qui n'en sont pas responsables. Donc la haine de celles et ceux qui résistent, l'exaltation viriliste de la force comme moyen de garantir aux États-Unis leur « espace vital » (jusque sur Mars…) et la volonté de vassaliser l'Europe. La cohérence est assez nette.

Le projet Trump-Musk n'est pas « isolationniste ». C'est un projet radicalement, sauvagement impérialiste, pour l'hégémonie à tout prix. Son application cohérente, dans une perspective de long terme, nécessite un régime politique brutal et cynique, capable d'assumer impitoyablement une barbarie malthusienne sans précédent dans l'Histoire. Quelque chose dans le genre Netanyahou – dont Trump est un partisan inconditionnel – mais à l'échelle planétaire. Il s'agit de rompre avec les idéaux de justice, de démocratie, d'égalité entre tous les humains ; avec l'éthique humaniste, avec la rationalité des Lumières ; et même avec les valeurs morales des religions monothéistes. L'esprit de cette rupture hante le trumpisme. Il faut être reconnaissant à l'évêque de Washington, Marianne Budde, de l'avoir mis à nu, à sa manière, dans son plaidoyer public face à Trump.

Crier trop vite « le fascisme est au pouvoir » présente deux risques : le risque de voir des masses de gens se dire que « le fascisme », tous comptes faits, n'est pas si terrible qu'on le dit, d'une part ; et le risque de voir des gens plus conscients se dire que tout est foutu, voire se cacher de peur d'être emmenés dans un camp de concentration, d'autre part. Ces deux risques font précisément le jeu des fascistes.

No pasaran !

En même temps, la menace fasciste est très réelle, le trumpisme l'incarne et lui donne un terrible coup d'accélérateur mondial. Les fascistes progressent partout. Mais ils n'ont pas gagné. Ils peuvent être arrêtés. Pas par l'alliance avec la droite soi-disant « démocratique » à la Liz Cheney. Par la mobilisation de masse. Pour les droits démocratiques, les droits sociaux, contre le mensonge et les inégalités, contre le racisme, contre le soutien aux génocidaires, pour les droits des femmes et des personnes LGBT. Sans oublier la mère de toutes les batailles : la lutte pour la sauvegarde de la seule planète vivable du système solaire. La lutte contre les criminels capitalistes prêts à la faire crever pour sauver leurs profits et leur hégémonie.

Relevons la tête, soyons capables non seulement de dénoncer mais aussi d'analyser. Indignons-nous, mobilisons-nous, organisons-nous. No pasaran !

Daniel Tanuro

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Auschwitz, la faillite de l’idée du progrès et la réhabilitation de la dimension utopique du socialisme

4 février, par Yorgos Mitralias —
Pourquoi republier un texte sur Auschwitz et sa signification, écrit en grec au siècle dernier ? Mais parce que, relu aujourd'hui, à une époque profondément marquée non (…)

Pourquoi republier un texte sur Auschwitz et sa signification, écrit en grec au siècle dernier ? Mais parce que, relu aujourd'hui, à une époque profondément marquée non seulement par le génocide des Palestiniens et la destruction de Gaza, mais aussi par le retour en force de la menace fasciste - et de la guerre - à l'échelle mondiale, incarnée par le duo Trump-Musk, ce texte prend une signification et une actualité accrues.

Car, comme le dit Ernest Mandel dans son très important écrit Prémisses matérielles, sociales et idéologiques du génocide nazi, souvent cité dans notre texte, «

Pour mieux combattre le néofascisme et le racisme biologique aujourd'hui, il faut comprendre la nature du fascisme d'hier. La connaissance scientifique est aussi une arme de combat et de survie de l'humanité, et non un exercice purement académique. Refuser d'utiliser cette arme, c'est faciliter l'avènement de nouveaux candidats assassins de masse, c'est contribuer à ce qu'ils commettent de nouveaux crimes. Expliquer les causes du fascisme et de l'holocauste, c'est renforcer le potentiel de rejet, d'indignation, d'hostilité, d'opposition totale et irréductible, de résistance et de révolte, contre la remontée toujours possible du fascisme et d'autres doctrines et pratiques de déshumanisation. C'est une œuvre de salubrité politique et morale élémentaire et indispensable ».

Véritable produit de notre temps et de son « modernisme » capitaliste, Auschwitz et sa machine industrielle-bureaucratique d'extermination massive d'êtres humains, nous interpelle en cette période charnière entre deux siècles pour au moins trois raisons principales :
(a) parce qu'il ne renvoie pas à un prétendu retour à des barbaries ancestrales ;
(b) parce qu'il constitue une rupture profonde dans la civilisation et dans la manière d'envisager l'idée de progrès ; et
(c) parce que ses leçons sont aujourd'hui - et continueront d'être - plus utiles et plus pertinentes qu'elles ne l'étaient il y a 55 ans.

Ainsi, si l'histoire se divise aujourd'hui entre un avant et un après Auschwitz, ceci est dû tant à « l'unicité » des chambres à gaz nazies qu'au fait que rien n'est plus pareil après elles. Si Auschwitz est à la fois « unique » et « moderne », ce n'est pas parce que d'autres manifestations de la barbarie humaine ayant fait encore plus de victimes (par exemple l'extermination massive et le génocide des populations indigènes du « Nouveau Monde » ou de l'Afrique par les conquérants et les colonialistes européens) ne l'ont pas précédé. En réalité, ce qui fait que Auschwitz ne ressemble à rien d'autre, qu'il n'est pas une simple répétition - peut-être encore plus meurtrière - des barbaries passées et, par conséquent, qu'il ne s'explique pas par une prétendue tendance « métaphysique » ou « innée » au retour à une autre époque (par exemple à ce Moyen Âge si vilipendé), c'est le fait qu'il aurait été impossible et impensable en dehors du capitalisme triomphant et de sa société bourgeoise !

DE LA RATIONALITÉ PARTIELLE À L'IRRATIONALITÉ TOTALE

Produit du monde occidental moderne et de son industrie développée, Auschwitz - selon Ernest Mandel - "fut une entreprise industrielle et non artisanale d'extermination. Voilà toute sa différence avec les pogromes traditionnels. Cette entreprise exigeait la production en masse du gaz Zyklon B, de chambres à gaz, de tuyauteries, de fours crématoires, de baraquements, de l'intervention massive des chemins de fer, sur une échelle telle qu'elle était irréalisable au XVIIIe siècle et dans la majeure partie du XIXe siècle, pour ne pas parler d'époques antérieures". Et Mandel poursuit : « Dans ce sens, l'holocauste est aussi (pas seulement, mais aussi) un produit de l'industrie moderne échappant de plus en plus au contrôle de la raison humaine et humaniste, c'est-à-dire de l'industrie capitaliste moderne propulsée par la concurrence exacerbée devenue incontrôlable ».

Mais, il y en a plus. Cette monstrueuse usine de mort a été rendue possible et a pu fonctionner dans cette période historique déterminée parce que seul l'État bourgeois développé lui a offert une autre de ses préconditions : la nécessaire mentalité bureaucratique, la « rationalité » quotidienne à courte vue de ses centaines de milliers d'exécutants directs et indirects. C'est à dire l'obéissance et la soumission aveugles au tout-puissant et « sacré » État-maitre, qui se traduisent par l'éventail bien connue d'attitudes allant de la autolimitation acritique de chaque individu à ses "devoirs" partiels et fragmentés (« je fais juste mon travail et tout le reste ne me concerne pas ») à la transformation des citoyens actifs en serviteurs involontaires de la doctrine « bon ou mauvais, c'est l'État » et mon pays...

Nous voici donc au cœur du monstre moderne puisque la question cruciale se pose légitimement à nous : si c'est bien notre époque qui a rendu Auschwitz possible, alors qu'est-ce qui nous garantit que nous n'assisterons pas à sa répétition ou même à quelque chose encore pire ? Malheureusement, la réponse est à la fois simple et tragique. Absolument rien ! Après Auschwitz, tout est désormais possible et nier cela catégoriquement ne peut que relever de l'irresponsabilité politique ! Ou, comme nous avertit Brecht : « Le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde » !

Non, il ne s'agit plus seulement du monstre fasciste dont parlait Bertolt Brecht. Auschwitz n'est pas seulement l'exemple le plus extrême de la barbarie moderne. Dans son essence, il est avant tout une expression presque typique et exemplaire des tendances destructrices qui ont existé et continuent d'exister (et même, elles se développent toujours plus) au sein de nos sociétés bourgeoises à ce stade du capitalisme tardif. Si Auschwitz est à la fois une coupure et un symbole de l'ère capitaliste-impérialiste moderne, c'est parce qu'aucun autre « événement fondateur » de notre époque n'a mis en évidence aussi puissamment sa caractéristique dominante et sa contradiction suprême : la combinaison du rationalisme partiel le plus parfait avec l'irrationalisme total absolu. Le mariage de la plus grande rationalité des moyens avec la plus extrême irrationalité des fins !

Après tout, qu'est-ce que Auschwitz sinon cette « rationalité partielle mortifère » de l'organisation moderne du travail et de la technologie au service des objectifs les plus absurdes et les plus irrationnels, c'est-à-dire de l'entreprise cruelle et barbare d'extermination totale d'êtres humains uniquement parce qu'ils ont commis - en tant que Juifs et en tant que Tziganes - la « faute » ...d'exister ? Il ne s'agit même pas d'un objectif totalement « immoral », comme celui du Goulag stalinien, où des millions de Zek (prisonniers) ont été transformés en une force de travail trop bon marché pour la construction (forcée) de l'économie « socialiste ». Ici, nous sommes passés à un autre niveau de barbarie, qualitativement différent, qui ne peut s'expliquer ni par certains objectifs économiques des bourreaux, ni par leur haine raciste. Les Juifs, en tant qu'êtres humains condamnés exclusivement à l'extermination, ne peuvent évidemment même pas travailler comme esclaves, ni continuer à jouer le rôle de bouc émissaire que leur réserve l'antisémitisme traditionnel !

L'IDÉE DU PROGRÈS HISTORIQUE ET LA DESTRUCTION PLANÉTAIRE

« Indicible » et l'« impensable » d'Auschwitz ne se situent donc ni dans l'ampleur du crime odieux des nazis, ni dans les dimensions monstrueuses de leur antisémitisme, mais plutôt dans cette véritable cassure civilisationnelle, sans précédent dans l'histoire, qu'implique le mépris et l'abolition de fait de toutes les règles et tabous séculaires de la solidarité et de la coexistence les plus élémentaires des êtres humains. Étant donné le précédent d'Auschwitz (et d'Hiroshima), l'humanité peut affronter son avenir laissant la porte ouverte à toute éventualité, même celle de son anéantissement total !

Malheureusement, ce qui était autrefois une simple prémonition des plus perspicaces anatomistes de la réalité pitoyable d'aujourd'hui (Walter Benjamin, Léon Trotski, Ernest Bloch, ...) devient aujourd'hui plus ou moins un truisme qui tend à être adopté, même si c'est par fragments, par des millions de personnes dans tous les coins de la planète. Le dilemme de Rosa Luxemburg « socialisme ou barbarie » n'est plus d'actualité depuis longtemps, car nous vivons déjà dans la barbarie ! Par contre, un nouveau, encore plus tragique dilemme existentiel prend sa place, et est imposé comme inévitable : socialisme ou destruction de la planète et extinction de l'espèce humaine ! Maintenant, il ne s'agit plus « seulement » de la vague de génocides achevés ou inachevés qui déferle sur notre époque (Rwanda, Tchétchénie, Timor de l'est) et de l'épuration ethnique en ex-Yougoslavie, ni de l'horreur des 45 millions d'enfants du tiers-monde qui meurent tous les quatre ans de malnutrition et de manque de médicaments et d'eau potable, ni même de toute cette humanité martyrisée qui est sacrifiée sur l'autel de la maximisation effrénée du taux de profit. Il ne s'agit plus de tout cela, ni même de l'existence de la civilisation humaine, mais de quelque chose de plus, de qualitativement supérieur, de la destruction totale déjà promise et préparée par la cauchemardesque « irrationalité totale » capitaliste à l'air que nous respirons, à l'atmosphère, aux forêts, aux mers et aux terres que nous habitons, bref, à notre planète elle-même et aux hommes qui s'obstinent à y vivre !

Nouveaux problèmes, nouveaux dilemmes, nouveaux cauchemars universels qui bouleversent de fait les anciennes certitudes et les croyances traditionnelles. La première et la meilleure d'entre elles est la croyance aveugle dans l'inéluctabilité du progrès à laquelle l'espèce humaine serait « condamnée ». Alors que le vingtième siècle s'éteint, laissant derrière lui d'innombrables ruines matérielles et surtout spirituelles, il est aujourd'hui parfaitement justifié de constater, avec Daniel Bensaid, que « deux guerres mondiales, la barbarie des camps et du goulag, la croissance exponentielle des forces destructives ont depuis malmené ces croyances. L'effondrement des régimes bureaucratiques à l'Est, la prise de conscience que les ressources ne sont pas inépuisables et gratuitement offertes par la nature, le vertige devant les possibilités ouvertes par la biologie en matière de procréation ou de génie génétique, le brouillage des frontières entre la vie et la mort portent de nouveaux coups : les ailes d'ange du Progrès sont criblées de plomb ».

Oui, après tout, c'est l'idée même du long, linéaire et « inévitable » progrès historique de l'espèce humaine qui ne peut perdurer et doit être relativisée, voire fondamentalement révisée, à l'heure où la survie même de l'homme sur Terre est désormais en question, où « l'Apocalypse cesse d'être une vision prophétique pour devenir une menace tout à fait tangible ». Si à Auschwitz, ce sont les Juifs, les Tziganes, les homosexuels et quelques autres catégories d'« Untermenschen » (c'est-à-dire les « sous-hommes » auxquels les nazis refusaient tout statut humain) qui ont été offerts comme « matière première » à la machine dévoreuse d'êtres humains qui fonctionnait grâce à la coopération et à la convergence du racisme biologique, de la science-technologie moderne et de l'industrie capitaliste, maintenant c'est l'humanité tout entière qui est offerte comme cobaye pour l'expérimentation de l'énorme pouvoir destructeur que ce capitalisme tardif brutal a accumulé.

POUR LE SOCIALISME VISIONNAIRE DE LA NOUVELLE QUALITÉ DE VIE

Critique et révision de l'idée de « l'inéluctabilité du progrès », c'est aussi critique et révision d'un certain marxisme ! Un marxisme qui, même s'il cherche à remplacer la loi du profit par la satisfaction des besoins de l'humanité, "n'entend nullement bouleverser les fondements de la société identifiés à l'industrie, à la technique, à la science et au progrès ».

Jamais plus qu'aujourd'hui, ce marxisme déterministe, prosaïque et économiciste des « étapes » de l'évolution historique n'a été aussi irréaliste, inutile et surtout inefficace. Et jamais il n'est entré en collision aussi frontale avec le marxisme révolutionnaire émancipateur, visionnaire et humaniste qui ne se contente pas de « dépasser » la civilisation occidentale, mais cherche à renverser - ou plutôt à mettre à l'envers - le cours que cette civilisation occidentale a suivi pendant des siècles.

Il n'a donc rien à voir avec le marxisme vulgaire ankylosé qui dédaigne de voir le cours de l'histoire du point de vue des « perdants » qui sont condamnés ex-cathedra à n'être que... des « poussières de l'histoire » (comme c'était le cas autrefois, par exemple[u1] avec les Indiens « incivilisés » ou avec les petits peuples « historiquement arriérés », et bien plus récemment avec les ex-Yougoslaves ethniquement nettoyés ), et qui refuse obstinément de l'approcher à travers la possibilité d'une (imminente) catastrophe totale. Et bien sûr, rien à voir avec le marxisme bureaucratique de tant d'« épigones » qui croit toujours aveuglément à l'automatisme prétendument progressiste du développement des forces productives et à l'encore plus redoutée « domestication » de la nature (forcément hostile) par l'homme et la technologie « miraculeuse ».

Non, ce n'est pas un hasard si ce marxisme stalinien et social-démocrate « oublie » en permanence de proposer une vision stratégique, de réhabiliter l'utopie révolutionnaire, de proposer "une civilisation radicalement différente, une nouvelle qualité de vie, une nouvelle hiérarchie des valeurs, un autre rapport à la nature, des rapports d'égalité entre les sexes, les nations et les « races », des rapports sociaux de solidarité et de fraternité entre les peuples et les continents", un nouveau rapport radicalement différent (discriminations positives) entre le monde riche et le monde sous-développé. Et bien sûr, ce n'est pas un hasard - comme le souligne Bensaid - s'il adopte aveuglément « l'idée de progrès (qui) n'est que la forme plate, dévalorisée et embourgeoisée de cette capacité d'aller de l'avant, conduisant imperceptiblement à l'abandon de l'action politique au profit des automatismes techniques et marchands ».

Les dés sont jetés. La révolution ne peut plus être simplement - comme autrefois - « la locomotive de l'histoire », parce que rien ne justifie et n'impose sa nécessité historico-existentielle, autant que, plus que tout autre, elle seule doit tirer - comme le disait Walter Benjamin - le « frein d'urgence » qui arrête la course folle du train vers la destruction ! Désormais, le dilemme n'est plus le socialisme ou la régression de l'humanité. C'est le socialisme en tant que nouvelle civilisation ou la destruction de l'humanité ! Et qu'on ne vienne pas nous dire qu'il s'agit là d'une tâche extrêmement ambitieuse pour la révolution socialiste. N'oublions pas, en effet, que « on renonce d'abord à l'impossible, ensuite à tout le reste ».

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Proche-Orient. La paix selon Donald Trump : déstabiliser pour dominer

4 février, par Catherine Tricot — ,
Donald Trump n'est pas un homme de paix. Il dessine un projet de nettoyage ethnique et de déstabilisation de la région. Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières 28 janvier (…)

Donald Trump n'est pas un homme de paix. Il dessine un projet de nettoyage ethnique et de déstabilisation de la région.

Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
28 janvier 2025

Par Catherine Tricot

Un danger gigantesque point.

On commence à comprendre ce qu'est la paix selon Donald Trump. Certes elle ne passe pas par une d'intervention militaire américaine. Mais au proche Orient, il ne s'agit nullement de rétablir un ordre basé sur un accord entre les parties et le respect des droits des peuples. Pour Donald Trump, la paix entre Palestiniens et Israéliens ne relève ni d'un moyen ni d'un objectif pour le retour à une vie conjointe des deux peuples. Le président américain a tordu le bras au pouvoir Israélien pour que le cessez-le-feu soit signé. Mais il ne s'agit que d'une étape dans une autre perspective : celle d'une nouvelle dispersion du peuple Palestinien, de l'ampleur de celle de 1967. Il emploie le mot ordurier de « nettoyage » au sujet de la bande de Gaza. Donald Trump a évoqué samedi l'idée d'un plan visant à « faire le ménage », disant vouloir envoyer les Palestiniens de Gaza vers l'Égypte et la Jordanie.

Le Hamas et l'Autorité palestinienne ont évidemment rejeté et condamné ce projet. Mahmoud Abas déclare « le peuple palestinien ne renoncera pas à sa terre et à ses lieux saints. Nous ne permettrons pas que se répètent les catastrophes qui ont frappé notre peuple en 1948 et en 1967, (…) notre peuple ne partira pas ».

Dès dimanche, l'Égypte a refusé tout déplacement forcé des Palestiniens et a rejeté « toute atteinte à ces droits inaliénables, qu'il s'agisse de colonisation, d'annexion de terres, de dépeuplement de ces terres par déplacement, d'encouragement au transfert ou de déracinement des Palestiniens de leur territoire, que ce soit de manière temporaire ou permanente ». De son côté, la Jordanie qui accueille près de 3 millions de Palestiniens déplacés (plus de 25% du nombre d'habitants de la Jordanie, réfugiés avec de très faibles droits sociaux et sans droits politiques), a réaffirmé la position de son pays, celle d'une solution à deux États pour parvenir à la paix et son « rejet du déplacement forcé ». La Jordanie se fait pressante : « la résolution de la question palestinienne est une solution palestinienne : la Jordanie pour les Jordaniens et la Palestine pour les Palestiniens ». Le royaume de Jordanie pointe un enjeux qui apparait chaque jour de plus en plus central, celui de la redéfinition des frontières au Proche-Orient. Sont concernés : le Liban, la Jordanie, la Syrie et l'Égypte au travers du désert du Sinaï.

Donald Trump entend destiner Gaza à de mirifiques projets immobiliers en bord de méditerranée. Il veut affaiblir encore et encore les Palestiniens en les divisant physiquement, en rendant impossible leur capacité politique. Il veut les couper d'une mémoire ancrée dans les paysages, les villes et les maisons, leur mémoire matérielle, celle qui donne forme aux cultures. La Ligue arabe a raison de parler d'un projet de « nettoyage ethnique ».

L'enjeu est bien sur celui du devenir des Palestiniens en tant que peuple. Mais c'est aussi celui d'une région que Trump promet au dessein de Netanyahou. Ne vient-il pas de livrer les lourdes bombes demandées par le pouvoir d'extrême-droite israélien et retenues jusqu'alors par Biden ? Il apporte dès son arrivée son soutien aux suprématistes et nomme un ambassadeur de cette eau ?

Pour s'assurer qu'il n'y aura aucune résistance des pays arabes, il tord le bras à son meilleur allié, l'Arabie Saoudite et exige d'elle une baisse des cours du pétrole et qu'elle investisse 1000 milliards aux Etats-Unis comme il vient de le déclarer à Davos.

Trump ne veut pas la paix. Il veut inquiéter tout le monde pour le dominer.

Catherine Tricot

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Lettre ouverte en réaction à la hausse du salaire minimum

4 février, par Illusion Emploi de l'Estrie , Table d'action contre l'appauvrissement de l'Estrie (TACAE) — , ,
Plus tôt aujourd'hui, le ministre du Travail, M. Jean Boulet, annonçait que la prochaine hausse du salaire minimum sera de 0,35 $, le faisant passer de 15,75 $ à 16,10 $ dès le (…)

Plus tôt aujourd'hui, le ministre du Travail, M. Jean Boulet, annonçait que la prochaine hausse du salaire minimum sera de 0,35 $, le faisant passer de 15,75 $ à 16,10 $ dès le 1er mai. Illusion Emploi de l'Estrie et la Table d'action contre l'appauvrissement de l'Estrie (TACAE) dénoncent cette augmentation complètement déconnectée de la réalité des travailleuses et travailleurs en situation de précarité.

Une claque au visage

Selon le ministre du Travail, Jean Boulet, ce nouveau taux (16,10 $) permettrait d'atteindre un « bon équilibre » entre la préservation du pouvoir d'achat de ces travailleuses et travailleurs et la capacité de payer des PME. Mais dans quel monde vit-il ? Rappelons qu'en 2022, M. Legault a reconnu qu'il devait être difficile pour une personne de vivre avec un salaire horaire de 18 $. Trois ans plus tard, son gouvernement a le culot d'annoncer un salaire minimum en dessous de ce seuil et de nous dire que ça permet l'atteinte d'un « bon équilibre » ?!

Le Tribunal administratif du logement (TAL) vient de suggérer une hausse de loyer de 5,9%. Il s'agit de la plus importante hausse de loyer depuis 30 ans au Québec, qui viendra s'additionner aux hausses de loyer indécentes et à l'inflation galopante des dernières années. Ce sont les familles les plus vulnérables qui en paient le plein prix. Entre 2020 et 2024, le salaire minimum a augmenté de 20% alors que les loyers pour les logements disponibles ont augmenté de 44% à Sherbrooke pendant cette même période. L'augmentation du salaire minimum d'à peine 2,2% est définitivement plus proche d'une claque au visage que d'un « bon équilibre ».

Résultat : les personnes qui travaillent à temps plein au salaire minimum au Québec sont contraintes à vivre dans la précarité. Dans plusieurs cas, ces personnes doivent cumuler plusieurs emplois, avoir recours aux services des banques alimentaires ou simplement couper dans leurs besoins de base. Selon le Bilan-Faim 2024, le nombre de demandes d'aide auprès des banques alimentaires a augmenté de 55 % par rapport à 2021. Certains organismes en dépannage alimentaire, dont Moisson Estrie, sonnent l'alarme : la clientèle qui augmente le plus dans les demandes de services est celle des travailleuses et travailleurs à bas salaire ! Cette année, c'est une bénéficiaire sur 5 dans nos banques alimentaires qui ont un revenu de travail. Clairement, une décision comme celle du ministre Boulet maintient nos travailleuses et travailleurs à bas salaire dans la pauvreté et les force à avoir recours à nos banques alimentaires.

Année après année, nous voyons les populations en situation de précarité augmenter. Pendant ce temps, le fossé des inégalités ne cesse de se creuser et ce sont des ministres gagnant 230 000$ par année qui déterminent la situation financière des plus vulnérables de notre société. Le 2 janvier 2025, les PDG les mieux rémunérés de la province avaient déjà gagné l'équivalent du salaire annuel moyen (60 000$). Il faudrait presque deux ans à une personne au salaire minimum pour gagner ce que ces PDG font en une dizaine d'heures seulement.

Laisser des personnes vivre dans la pauvreté alors que d'autres monopolisent toutes les ressources est d'une violence inouïe, et cette violence s'intensifie et se perpétue par les constantes décisions politiques des gouvernements, dont celle de refuser d'adopter un salaire minimum décent.

Table d'action contre l'appauvrissement de l'Estrie (TACAE) et Illusion Emploi de l'Estrie

Manif du 26 janvier 2025 : « Israël doit être arrêté ! »

Un cessez-le-feu est actuellement en vigueur à Gaza, mais personne ne doit se leurrer quant à son caractère permanent. Un cessez-le-feu est actuellement en vigueur à Gaza, (…)

Un cessez-le-feu est actuellement en vigueur à Gaza, mais personne ne doit se leurrer quant à son caractère permanent.

Un cessez-le-feu est actuellement en vigueur à Gaza, mais personne ne doit se leurrer quant à son caractère permanent. Le premier ministre criminel et génocidaire israélien Netanyahou a déjà exprimé son scepticisme quant à la prolongation du cessez-le-feu au-delà de cette première phase de six semaines, et il reste à voir si même cette première phase sera mise en œuvre comme elle le devrait. Une fois les otages israéliens libérés par Hamas, il est fort probable que les criminels à Tel-Aviv bombardent Gaza à nouveau.

Entre l'annonce et le début de la trêve, le gouvernement israélien a tué des centaines de Palestiniens à Gaza et a étendu sa campagne de génocide à la Cisjordanie occupée, où des colons juifs zélotes soutenus par les forces d'occupation israéliennes ont assassiné des centaines de Palestiniens depuis des mois et se concentrent maintenant sur le massacre des Palestiniens dans le camp de réfugiés de Jénine avec l'aide des forces de sécurité de l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, qui assume un rôle similaire à celui assumé par le gouvernement de Vichy lors de l'occupation allemande de la France pendant la 2e guerre mondiale.

Le nettoyage ethnique des Palestiniens n'a pas cessé, et il ne cessera pas à moins que les gouvernements occidentaux, y compris le gouvernement canadien, ne cessent d'armer et de financer le régime d'apartheid d'Israël.

Au cours des 15 derniers mois, le gouvernement israélien a détruit la plupart du système de santé de Gaza, les terres agricoles, l'accès à l'eau potable, des infrastructures et d'autres conditions nécessaires au maintien de la vie. Même si les Palestiniens de Gaza sont autorisés à reconstruire sans être bombardés, ils ne peuvent pas revenir aux conditions intolérables qui existaient avant octobre 2023, y compris les années de blocus illégal et déshumanisant de Gaza, un blocus ayant comme véritable objectif de voler le gaz naturel qui existe dans les eaux territoriales palestiniennes près de la côte de Gaza, ce qu''Israël fait depuis 2009.

La Cour internationale de justice a statué que le gouvernement israélien devait payer des réparations aux Palestiniens et mettre fin à son occupation illégale des territoires palestiniens, notamment Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est.

Pourtant Israël, cet état paria, continue d'agir dans toute illégalité avec impunité car des gouvernements tel que celui à Ottawa lui donne cette impunité et ainsi sont complices du génocide qui continue en dépit d'apparence du contraire.

Il faut arrêter Israël. Il faut cesser de lui envoyer des armes. Il faut désinvestir de cet état d'apartheid. Il faut que la Caisse de Dépôt et Placements du Québec désinvestisse des milliards qu'elle investit actuellement dans des compagnies liées à Israël ; il faut que le gouvernement du Québec ferme son bureau commercial à Tel Aviv, ce qui s'avère un soutien commercial au génocide ; il faut que le Fonds de Solidarité FTQ désinvestisse d'Israël car il le fait avec des fonds des Québécois et des Québécoises. Il faut que des clients de la Banque Scotia songent à changer d'institution financière, car Scotia a investi 500 millions dans la compagnie militaro-industrielle israélienne Elbit Systems qui fabrique ces drones qui détruisent des vies à Gaza. Il faut que le gouvernement du Canada cesse d'envoyer des armes à Israël. Il faut que les criminels à Tel Aviv qui gèrent ce génocide soient arrêtés et amenés à La Haye où ils seront jugés pour acte de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité dont ils sont responsables.

Nos propres élus sont imputables pour toute action qu''ils entament qui s'avérerait un soutien au génocide et crimes de guerre d'Israël, en se rappelant du fait qu'il n'y a pas de prescription pour un acte du génocide, crimes de guerre ou crimes contre l'humanité, ni pour les auteurs de ces actes, ni pour ceux et celles qui les soutiennent.

Un dernier commentaire : il n'est pas antisémite de s'opposer à l'agression criminelle et inhumaine d'Israël ; c'est une obligation morale. Ne nous laissons pas détourner par un groupe au nombre restreint de manipulateurs qui se targuent de parler pour tous les Juifs du monde, et qui utilisent la diffamation de l'antisémitisme pour faire taire les critiques de l'apartheid israélien.
Justice avant tout. Vive la Palestine libre !

Bruce Katz est membre fondateur et co-président de Palestiniens et Juifs. PAJU est membre de la Coalition Québec Urgence. Palestine. (https://urgencepalestine.quebec/)

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Redonner le goût de Saint-Roch !

4 février, par Gilles Simard — , ,
N'en déplaise aux jovialistes et aux porteurs de lunettes roses, Saint-Roch est malade. Très. Déconcerté et dépossédé. Voilà comment je me sens quand j'arpente ce (…)

N'en déplaise aux jovialistes et aux porteurs de lunettes roses, Saint-Roch est malade. Très.

Déconcerté et dépossédé.

Voilà comment je me sens quand j'arpente ce centre-ville de Québec qui est le mien depuis plus de soixante ans.

J'ai beau nicher à un battement d'aile de l'endroit, je ne vais plus au Parc Jean-Paul L'Allier, ce véritable poumon urbain au cœur de la basse-ville, précieuse oasis de verdure et de fraîcheur où il faisait si bon respirer avant. Pire, moi, un inconditionnel de Saint-Roch, un ancien « bum » même, j'évite maintenant le parvis de l'église et j'ai beaucoup moins de plaisir à aller flâner entre les rayons de la nouvelle bibliothèque Gabrielle-Roy, si belle et si lumineuse soit-elle. N'en déplaise aux jovialistes et aux porteurs de lunettes roses, Saint-Roch est malade. Très.

Trop de pollution, d'îlots de chaleur et pas assez de canopée ; trop de chantiers et d'encombrements dans les rues et sur les trottoirs ; trop de commerces qui ferment et trop de franchises insipides qui prennent le relais en anglais : Uppercut barber shop, Holy choco, Midnight blue, Grizzly fuzz, etc. ; trop de peinturlurages et de gribouillages sur les murs des maisons et des édifices ; trop de crachats, de souillures et de cochonneries dans les allées, les plates-bandes et sur les bancs des espaces publics ; trop de délabrement, de cris, de hurlements et d'incivilités de toutes sortes. Trop de trop !

C'est comme si partout le laid voulait l'emporter sur le beau. L'immonde et l'avilissant sur le net et l'authentique. C'est comme un magma de décrépitude qui sourd des bas-fonds. Ça suinte et ça dégouline. Mon centre-ville est cassé et souffrant. Il étouffe. Il suffoque…
Mais au fait, qu'est-ce qui a tant changé depuis avant la pandémie ? Quel est cet éléphant dans la pièce que nous avons si peur de nommer et qui est venu bousculer l'ensemble ? Eh oui… Une population itinérante accrue, avec en prime la maladie mentale et la dépendance aux drogues bon marché. Un combo de comorbidité devenu un vortex de détresse humaine qui tourne et stagne au-dessus de la basse-ville et ses alentours ; un gros nuage noir qui enfume tout le reste... Flâner librement sur la rue, musarder et lécher les vitrines en toute quiétude, rêvasser devant la fontaine, les petites joies urbaines quoi.

La faute à qui tout ça ?

Un soir, cet été, au parc Jean-Paul L'Allier, en voyant un forcené décapiter rageusement un pauvre amélanchier avec un bâton de hockey, j'ai compris (sans nécessairement excuser le geste) qu'au fond, la colère et la violence de cet homme ne faisaient que refléter notre propre colère à nous, les « normaux » … Nous qui nous sentons de plus en plus impuissants, délaissés et résignés par la grosse machine d'état, le système de santé, les institutions et tous les services que le gouvernement n'est plus à même de nous fournir. Veut veut pas, normaux et poqués, nous sommes tous dans le même goulot d'entonnoir. Et ce n'est qu'en agissant ensemble que nous allons trouver moyen d'en sortir.

Cela dit, est-ce la faute aux itinérants, aux « multipoqués » et aux désaffiliés, si l'ambiance sociale s'est ainsi plombée en ville ? Est-ce leur faute s'il manque de logements sociaux, d'argent frais, de personnel et de locaux disponibles pour un ajout de centres de crise et de haltes chaleur ? Est-ce leur faute si les paliers municipaux et provinciaux mettent plus d'énergie à se crêper le chignon qu'à mener des actions pérennes et concrètes ? Leur faute, si pour des raisons d'austérité Legault et Carmant réduisent l'aide en santé mentale et poussent l'absurde jusqu'à fermer une institution aussi utile et bien implantée que le « 388 Saint-Vallier » dans Saint-Sauveur ?

Un projet à échelle humaine plutôt qu'une tour-hôtel de vingt étages

Certes, la Ville fait des efforts louables en matière d'itinérance et autres, le travail des organismes communautaires sur le terrain est toujours aussi admirable et l'implication citoyenne au centre-ville est remarquable. Mais ce n'est pas assez et la patience et la résilience d'un peu tout le monde ayant ses limites, il faudra beaucoup plus que ça pour tirer Saint-Roch vers le haut. Et beaucoup plus aussi que les sérénades sur la bienveillance et le serinage à n'en plus finir sur la cohabitation harmonieuse et tout le tintouin. L'élastique est étiré au maximum. L'heure est grave. Il faut un électrochoc majeur, un élément clé, un geste fort, quelque chose qui pourrait servir de liant aux actions concertées de « toute » la communauté. Quelque chose, une mesure d'envergure qui pourrait fort bien ressembler à ce que fut l'avènement du parc Jean-Paul L'Allier pour le renouvellement du vieux « Saint-Roch Plywood », au temps de la guerre des motards et de la morosité économique des années 90.

Un événement majeur donc, qui pourrait être n'importe quoi sauf le projet discordant et disproportionné de tour-hôtel de vingt étages des frères Trudel à l'Îlot Dorchester en basse-ville. On ne règle pas un problème en faisant de la fuite par en avant. Two wrongs don't make a right, n'est-ce pas ?

Et pour redynamiser le quartier, pour redonner le goût du centre-ville à tout le monde, pourquoi pas un projet de développement de l'Îlot Dorchester qui serait à échelle humaine et qui pourrait s'inspirer de celui que le regretté architecte et militant Marc Boutin avait présenté en 2015 ? Ça, ou n'importe quel chantier d'aménagement urbain majeur s'inspirant de ce que l'on s'apprête à construire à l'Îlot Saint-Vincent-de-Paul suite aux longues luttes de terrain des différents groupes et comités de citoyens locaux ?
Pour sûr, ça ramènerait Saint-Roch et son chien à la surface, et ça nous redonnerait le goût du centre-ville. Le goût de Saint-Roch.

Gilles Simard, auteur et citoyen de Québec.

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D’une Survivante à l’autre. . .

4 février, par Éliette Anderson Rioux — , ,
Impétueuse, l'œuvre d'une Québécoise de 86 ans qui est atteinte d'Alzheimer depuis dix ans. Éliette Anderson Rioux se considère une femme tout à fait ordinaire. Cependant, (…)

Impétueuse, l'œuvre d'une Québécoise de 86 ans qui est atteinte d'Alzheimer depuis dix ans. Éliette Anderson Rioux se considère une femme tout à fait ordinaire. Cependant, l'immense courage dont elle fait preuve tout au long de sa vie à combattre oppression et injustice, surtout celles subies par les femmes, démontre qu'elle est, en fait, une personne tout à fait extraordinaire.

Impétueuse rassemble son récit de vie, ses articles et ses poèmes. Des textes qui, par l'intensité de sa verve et de son écriture, nous interpellent.

L'histoire d'Éliette illustre ce qu'était, dans les années 1950, la vie au fin fond de la vallée de la Matapédia d'une famille québécoise tellement pauvre qu'ostracisée par curé et villageois. Et, aussi et surtout, elle illustre le parcours fort difficile mais tellement impressionnant d'une militante du féminisme au Québec, dénonçant l'injustice subie par toutes les femmes depuis des millénaires, et, en particulier, les lesbiennes.

De son enfance et adolescence dans un rang de la vallée de la Matapédia comme aînée de 13 enfants, et des mois après son arrivée à Montréal à 18 ans, Éliette nous parle de misères et humiliations, mais aussi de sa détermination à vivre et de sa curiosité pour le vivant. Après avoir vécu une dépression sévère à Montréal, la vie d'Éliette reprend sens, à travers sa démarche en thérapie et lorsqu'elle décide de recommencer ses études, interrompues à 12 ans, et qu'elle s'inscrit plus tard au Cégep. Elle se lance alors dans un militantisme féministe radical, en s'exprimant par poésie et rédigeant de nombreux articles percutants dans Les Têtes de pioche, le journal des femmes qu'elle cofondait avec d'autres militantes en 1976.

Ce texte a été publié en 1978, par une revue féministe française, « Sorcières ». Les éditrices françaises voulaient sortir un numéro spécial consacré à la littérature féministe québécoise. C'est dans ce cadre qu'Éliette a été sollicitée pour leur envoyer un texte. Elle a écrit un vibrant hommage à sa mère, plein de colère pour sa vie difficile et débordant d'amour filial.

Veille de Noël 1954, il n'y a plus de nourriture dans la maison. L'père veut pas descendre au village. Il est honteux, car le crédit que nous accorde le marchand en attendant le chèque d'allocations familiales dépasse de loin ce montant... Et c'est toi m'man, toi et moi. Toi enceinte pour la neuvième fois… moi avec mes quatorze ans. Nous deux ensemble dans la carriole tirée par la jument empruntée au voisin, qui nous dit :

« Ne la faites pas courir, car elle pourrait prendre froid en revenant. »

Huit miles à parcourir au pas, avec un froid de moins 20 degrés Fahrenheit, de vieilles couvertures pour nous protéger un peu. Nos narines se pincent, nos bouches se contractent, tous nos muscles raidis par l'effet de froidure, à peine osons-nous ouvrir la bouche, laissant passer quelques mots emportés par le vent.

Nous sommes parties vers sept heures et ce n'est qu'aux environs de minuit que nous sommes rentrées à la maison. Transies des pieds à la tête. Tout le long du trajet il nous avait fallu souffler dans nos mains et se frotter le nez et les joues pour empêcher les engelures. Nous avions obtenu la nourriture au prix d'une honteuse patience, et de l'humiliation encore une fois endurée pour que toute la famille puisse se nourrir. Nous étions des « presque mendiantes ».

Tu t'souviens comme on jasait sur notre compte, on les avait tous sur notre dos. Tout un village jasant sur nous autres. On pouvait quasiment dire que nous avions de
l'importance !

Seulement voilà, tout ça est passé, c'était en 54... Depuis il y avait eu certains changements à ta condition de servante. Tes neuf filles et tes trois garçons avaient grandi. Quelques-unes et uns firent comme les autres et se marièrent ! Les deux dernières demeuraient avec toi. Toi tu avais laissé tomber ton bonhomme… et tu t'en trouvais bien ! Jusqu'à ce 25 avril...

Écoute m'man, pourquoi t'es partie si vite ? J'savais que t'étais pas éternelle... mais j'arrivais pas à m'en faire une idée. C'est pour ça que lorsque je te rendais visite je n'osais pas te parler de certaines choses du passé. J'me disais que j'avais l'temps, plus tard, une autre fois... J'oubliais que si moi, j'avais l' temps, toi, c'était moins sûr ! pis ta vie me faisait mal. Ta vie te faisait mal. J'pouvais pas te poser des questions sur ce qui m'était arrivée à l'âge de neuf ans, tu t'rappelles le black-out que j'ai eu à ce moment-là ?

Dont je ne connais pas la raison et que toi seule en possédait le secret. Aujourd'hui c'est trop tard. T'as même pas eu l'temps de me dire bonjour : « Bonjour ma fille, j'm'en vas ailleurs… j'suis tannée d'être ici. » Tu devais être ben fatiguée car ça pas été une traînerie ! C'soir là, tu ne m'as pas parlé, tu m'as envoyé des petits signaux de détresse que j'n'ai compris qu'après.

Ce 25 avril 1977. Six heure trente du soir (déjà un mois hier !), assise sur le pied de ton lit, tu es tombée, foudroyée, fauchée, sans un mot, sans pouvoir dire ton mal... tu ne disais jamais ta souffrance m'man. J'ne suis pas allée t'voir c'soir-là, tu étais si présente, en moi, autour de moi. J'me suis assise sur le vieux sofa et j'ai pleuré en pensant à toi, à ta vie plus encore qu'à ta mort… ta mort c'est à moi qu'elle faisait mal. Ta vie c'est à toi qu'elle a dû faire mal.

Ta vie de femme, escamotée, volée par les autres. Tu n'étais qu'une grande peine ! Que je n'osais pas toucher… C'était tout renfermé là, au plus creux de toi, de ton cœur qui attrapait le plus gros des coups, cœur fatigué, stop, s'est arrêté. J'te sentais... la dernière fois que j't'ai vue j'me suis sentie inquiète. Nous avions soupé toutes les deux et nous avons jasé de choses et d'autres, ensuite nous avons regardé la télé, et comme d'habitude tu t'es endormie... Ton visage s'était détendu. J'pouvais voir toutes les marques, les petits sillons de souffrance autour des yeux et de la bouche.

Les soucis creusaient sur ton front des tirets pas effaçables. J'ai pensé : « M'man a l'air fatigué », et ça m'a pincé le cœur.

Après ce soir-là, je ne t'ai plus revue vivante… j'tai revue à cet endroit, tu sais, là où « ils font d'l'argent avec ceux qui meurent ! » Ça m'a révoltée. J'me suis dit : « Ils font d'l'argent avec nos vies de femmes et avec notre mort ! » Ça m'écœure. T'as vu, ils t'ont envoyé beaucoup d'fleurs… ben plus que quand t'étais en vie ! Y en a parmi eux qui t'aurais même pas fait cadeau d'un sourire, quand tu les rencontrais… Des qui t'ont même pas offert un peu d'chaleur, un peu d'compréhension, un peu d'aide durant tes années de misère de vie. Là, c'était pas pareil… « Faut faire semblant, pis ça paraît bien, pis ça occupe les regards, et les esprits ! » « Pis-c'est-ti-beau, elle a reçu beaucoup de fleurs, hein ! »

J'm'en sacre pas mal, j'suis sûre que toi aussi tu t'en sacres ben maintenant… si ça les amuse…

Moi je te regarde. Je te touche. Je te murmure des mots tout pleins de tendresse, pleins à ras-bord d'amour pour toi m'man. J'suis folle m'man, j'te caresse les mains, j'te communique ma chaleur, j'ai mal m'man... j'ai le goût de lâcher un grand cri, pour les faire partir… j'voudrais être seule avec toi. Tes mains, tes mains rondes de travail, jamais pour toi. Travail pour les autres, toujours. Gestes de toutes ces journées répétées, répétées jusqu'à la fin.

ILS ne t'ont pas joint les mains… une chance, j'les aurais pas laissé faire ! ILS n'avaient pas le droit ! j'tai regardée attentivement pour la dernière fois. Tu avais comme, un p'tit sourire... le sourire d'une femme satisfaite d'avoir stoppé ce cercle infernal de « la vie vécue pour les autres. » M'man tu es partie, emportant avec toi des grands bouts de ma vie.

C'est comme si on m'volait quelque chose. Ça fait mal en d'dans... ça tire de partout dans mon corps m'man. J'pleure en déjeunant, toute seule au bout de la table, les yeux regardant du côté où t'habitais. Larmes rondes, chaudes se déroulant lentement, suspendues un instant au bord des cils, au bout du nez. Larmes irrépressibles, incontenables.

J'ose te demander ton aide : « Aide-moi, j'suis une femme m'man, comme toi. Tu sais ce que ça veut dire, être une femme ! Tu sais c'que j'vis... c'que nous vivons toutes. Cette merde qui nous entoure, nous écrase, nous engloutit.

Alors aide-moi à continuer, car parfois j'en peux plus. V'là deux semaines, j'me traînais de désespoir, j't'ai demandé : « Viens m'chercher, j'serais ben avec toi, on se comprenait si bien toutes les deux. Pis j't'ai entendue, ta voix disait :

« Il faut vivre ma fille, vivre pour toi, ne fais pas comme moi ne te laisses pas faire. »

J'ai eu honte un peu, j'ai repris mon espérance de femme et je continue.

Si j't'écris tout ça aujourd'hui, c'est que c'est essentiel, nécessaire et vital pour ma vie.
Ça fait quelques jours que j'en avais envie, mais j'étais trop collée à ma peine. J'suis contente de t'avoir dit tout ça. Tu sais la rue Masson... cette rue où tu te rendais acheter tes provisions, ben à chaque fois que je m'y retrouve il me semble que je vais t'apercevoir, c'est plus fort que moi. J'te vois un peu partout.

L'autre jour, j'ai vu une femme qui t'ressemblait tellement que j'suis restée figée quelques instants. Ce n'était pas toi. Je ne te verrai plus. Je regarde les photos que j'ai de toi et je pleure. Depuis ta mort je me rends compte que je suis portée à regarder les femmes qui ont ton âge comme si j'voulais retrouver un peu de toi et aussi parce que leurs vies me rappellent la tienne.

Des vies de femmes sacrifiées, mutilées, oubliées, dont le regard me cogne comme un coup de massue sur la tête. Même lorsqu'elles rient, y a quelque chose qui sonne le fêlé… la fêlure enfouie au creux du corps, au plus creux du cœur. J'entends le bruit sourd, unique, universel de l'asservissement des femmes et j'ai peur. Ce grand silence de la vie de toutes les femmes parfois m'anéantit. J'oubliais de te dire que le matin quand on s'est retrouvé à l'église (toi qui ne voulais pas ça !) … le curé idiot comme peuvent l'être des curés… marmonnant ces inutiles prières, m'a fait sauter sur mon banc quand il a dit : « Accueillez dans la maison du Père votre servante ! »

J'pensais à toi placée à côté de nous et j' t'imaginais avec un grand rire rempli de moquerie et de révolte disant : « Ça va faire, j'ai eu assez d'vous torcher et de vous servir toute ma vie, vous pensez toujours pas que j'vas continuer l'autre bord, non. » Pis la maison du Père tu l'as assez vu… J'espère que t'as trouvé une maison de la Mère, ça serait légitime, hein m'man ! J't'ai assez jasé pour aujourd'hui, on s'reprendra une autre fois. Puisque maintenant on a tout not'temps. . J't'embrasse, à bientôt Antoinette, à la prochaine m'man. Ta fille Éliette qui a ben d'là difficulté à croire que c'est ben vrai que t'es plus là !

Éliette Rioux
Rioux Éliette. D'une survivante à l'autre. Sorcières : les femmes vivent, n°14, 1978. La jasette. pp. 32-34 ;
https://www.persee.fr/doc/sorci_0339-0705_1978_num_14_1_4295

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Amazon c’est du capitalisme sauvage !

4 février, par Jim Stanford — , ,
Voici des extraits de l'article de Jim Stanford. Jim Stanford est un économiste de gauche qui travaille au Center for future work de Vancouver. Vous trouverez l'article (…)

Voici des extraits de l'article de Jim Stanford. Jim Stanford est un économiste de gauche qui travaille au Center for future work de Vancouver. Vous trouverez l'article intégral sur le site de Canadian Dimension . Traduction et extraits choisis par Jean-Pierre Daubois avec la permission de l'auteur.

Avec 30,000$ de profit estimé pour chacun de ses 45,000 employés canadiens,c'est évident « qu'on comprend » qu'Amazon n'a pas les moyens d'accepter qu'un syndicat demande de meilleurs salaires et conditions de travail. La décision d'Amazon de fermer ses 7 entrepôts au Québec c'est du terrorisme économique.

« Le terrorisme est défini comme un acte de violence, blessant généralement des innocents, un acte motivé par un objectif politique ou idéologique. »

« La vie des 1 700 travailleurs qui perdent leur emploi sera profondément affectée ; certains ne s'en remettront jamais. La douleur sera partagée par leurs familles et leurs communautés. »

« Ces travailleurs étaient clairement innocents dans la chaîne d'événements qui a conduit aux fermetures. Un syndicat a été formé et accrédité l'année dernière dans un entrepôt de Laval. Les travailleurs des six autres entrepôts sont des victimes collatérales dans la guerre d'Amazon contre la syndicalisation. »

« Le droit constitutionnel et le droit du travail canadiens reposent depuis longtemps sur le principe que les travailleurs doivent avoir la possibilité de se regrouper librement au sein de syndicats afin de pouvoir négocier collectivement avec leurs employeurs. Cela est nécessaire pour compenser, au moins partiellement, le déséquilibre inhérent au pouvoir entre les travailleurs et leurs employeurs surtout quand l'employeur est une multinationale toute-puissante. »
(…)

« Ce déséquilibre de pouvoir entre les travailleurs et les employeurs, commun à l'ensemble du capitalisme, est extrême dans le cas d'Amazon. Amazon est le deuxième plus grand employeur privé au monde : en 2024, l'emploi mondial a atteint plus de 1,5 million de travailleurs. »
(…)

« Amazon était motivée en partie pour éviter les augmentations des coûts de main-d'œuvre découlant d'un nouveau contrat à Laval (et, par la suite, dans d'autres sites). Mais son objectif principal était d'envoyer un message idéologique puissant et effrayant aux travailleurs de tous ses autres sites - pas seulement au Québec ou au Canada, mais partout - en attaquant 1 700 travailleurs innocents au Québec. Ne pensez même pas à réclamer de meilleurs salaires et de meilleures conditions. Nous vous ferons taire et nous détruirons votre vie. »
(…)

« Le jour même de l'annonce des fermetures au Québec, le cours de l'action d'Amazon a atteint le record historique de 235 $US. Cela implique une capitalisation boursière de 2,5 billions de dollars, également un record, qui place l'entreprise au quatrième rang mondial des entreprises les plus riches. Deux jours avant la fermeture, le président et principal actionnaire d'Amazon, Jeff Bezos, était assis au premier rang lors de l'investiture de Trump, applaudissant le manifeste antidémocratique de ce dernier (y compris ses menaces contre la souveraineté et le territoire du Canada et d'autres pays). »

« Dans les 80 jours qui ont suivi l'élection de Trump, la capitalisation boursière d'Amazon a augmenté de 20 % (soit 420 milliards de dollars américains). La part personnelle de 9 % de Bezos dans l'entreprise a gagné 36 milliards de dollars en valeur, ce qui fait qu'il vaut maintenant 210 milliards de dollars. La capitalisation boursière d'Amazon vaut désormais 1,6 million de dollars pour chacun de ses 1,5 million de travailleurs dans le monde, mais l'entreprise est déterminée à empêcher chacun d'entre eux de récupérer ne serait-ce qu'un peu de ce surplus capitalisé. »

« Amazon ne communique pas de données financières sur ses activités au Canada. Elle publie un « rapport d'impact » annuel qui vante ses bonnes actions et ne mentionne même pas les termes « revenus » ou « bénéfices ». Sur la base de la part supposée du Canada (calculée au prorata du PIB relatif) dans l'ensemble du segment nord-américain d'Amazon, j'estime que l'entreprise a généré plus de 700 000 dollars de revenus et 30 000 dollars de bénéfices d'exploitation pour chacun de ses 45 000 employés canadiens. »
(…)

« Les liens entre l'oligarchie américaine, le monopole des entreprises …, l'érosion de la démocratie et de la souveraineté et les attaques contre le niveau de vie des travailleurs sont on ne peut plus clairs. Les actions d'Amazon montrent clairement que les problèmes des travailleurs au Canada proviennent du pouvoir des entreprises, et non des faux boucs émissaires : le prix du carbone, l'immigration, en passant par le « wokeness » tel que propagés par la droite populiste. »

« Les fermetures d'Amazon constituent une attaque flagrante, cruelle et antidémocratique contre tous les travailleurs, qui exige une réponse forte de la part des syndicats et des mouvements sociaux dans toutes les régions du Canada. »

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Appel de Jim Stanford à la lutte pancanadienne contre Amazon

4 février, par Marc Bonhomme — , ,
L'IRIS vient de publier en français la prise de position de Jim Stanford, renommé économiste de gauche, dans la revue Canadian Dimension où, fort à propos, il traite de « (…)

L'IRIS vient de publier en français la prise de position de Jim Stanford, renommé économiste de gauche, dans la revue Canadian Dimension où, fort à propos, il traite de « terroriste économique » l'entreprise Amazon qui vient de sauvagement fermer ses sept entrepôts et centres de distribution du Québec pour punir son peupletravailleur d'avoir syndiqué, à Laval, le premier et seul lieu de travail de l'entreprise au Canada.

Dans cet article, Stanford tout en soulignant le pouvoir exorbitant de monopsone vis-à-vis ses employé-e-s (et ses fournisseurs) montre la relative vulnérabilité d'Amazon due non seulement à la législation québécoise du travail par rapport à celles des ÉU et à maintes provinces canadiennes mais aussi sa dépendance à rester localisé au Québec pour servir sa clientèle, d'où sa stratégie du marteau-pilon pour fermer la porte à toute syndicalisation en traînée de poudre.

Pour y arriver à ses fins, dit-il, Amazon mise sur une myriade de sous-traitants embauchant des travailleur-se-s « à la tâche », donc difficile à syndiquer. Comme parades, Stanford propose « la certification [syndicale] automatique des soustraitants qu'Amazon prévoit embaucher » ou « à mobiliser la loi sur les décrets de convention collective du Québec. Il s'agit d'une disposition de longue date qui permet de négocier des conventions collectives (généralement par plusieurs employeurs et un ou plusieurs syndicats) et de les étendre à plusieurs lieux de travail dans une industrie ou une région spécifique. » La moindre des choses de la part des gouvernements, ajoute-il, serait de priver l'entreprise de toute subvention ou contrat.

Enfin, Stanford rappelle que l'alliance stratégique de Bezos (y compris son entreprise billionnaire) et de ses copains milliardaires avec Trump qui de son côté, aurait-il pu compléter, se livre à un terrorisme politico-économique vis-à-vis le peuple-travailleur surtout racisé étatsunien tout comme celui des pays dit alliés. Finalement, l'auteur appelle à « une réponse forte de la part des syndicats et des mouvements sociaux dans toutes les régions du Canada [et pourquoi pas aussi des ÉU]. » C'est certainement plus pertinent que les compréhensibles mais inefficaces réponses individuelles de boycott qui s'épuiseront rapidement. Stanford n'appelle pas à une réouverture des entrepôts et centres de distribution fermés. Cette revendication, en plus de paraître perdante dans un face-à-face compagnie mouvement syndical qui commence à peine à remonter la pente, permet difficilement la politisation de l'affrontement, ce que facilitent les suggestions de Stanford impliquant des modifications législatives.

Cette confrontation à l'encontre d'un géant nord-américain et mondial dépasse en effet la seule CSN — mais il faudrait son initiative — qui en plus d'être minoritaire au Québec même, et quasi absente en dehors, syndique principalement dans les secteur public. Voilà une chance inouïe d'unité pancanadienne. Même nordétatsunienne, du mouvement syndical et encore plus. Et il faudrait effectivement une « réponse forte » comme le dit Stanford ce qui commence sans doute par de grandes manifestations mais les dépassent. Ce qui alimenterait la colère sousjacente tout-à-fait nécessaire à la mobilisation de cette ampleur serait la combinaison de la lutte anti-Amazon à celle plus générale anti-Trump. Assurer la viabilité de cette combinaison nécessiterait cependant un approfondissement des revendications proposées par Stanford.

Pour reprendre les termes de la partie finale d'un article précédent, l'alternative au crypto-fascisme trumpien s'imposant au Québec et au Canada suite à leur dépendance financière et commerciale envers les ÉU, cristallisée par l'ACEUM, est la solidaire décroissance matérielle. Celle-ci coupe court tant au sauvetage des transnationales anciennes liées au traditionnel extractivisme pétro gazier de l'Ouest canadien qu'à celui des transnationales ascendantes du nouvel extractivisme toutélectrique-électronique des économies manufacturières et minières de l'Ontario et du Québec. Cette solidaire décroissance matérielle, qu'on peut abstraitement qualifié d'écosocialisme en y associant la planification démocratique balaie la prééminence du marché sous le joug du capital financier. Elle laisse toute la place aux services publics écoféminisés devant s'élargir au logement social écoénergétique, à généraliser à tout le monde, et au transport public à substituer à l'auto solo.

Amazon roule à la très matérielle consommation de masse, carburant à l'obsolescence programmée, qu'elle amplifie par ses promotions et à l'abus de l'individualisation du transport des marchandises qu'elle généralise. En plus de réclamer seulement la seule syndicalisation et réglementation du secteur de la distribution des marchandises — ne faudrait-il pas exiger le retour du monopole de Poste Canada banquerouté par le secteur privé ! — pourquoi ne pas réclamer aussi que les gouvernements imposent à Amazon une amende salée, et même une taxe compensatoire, pour financer le recyclage de ses ex-employés dans les services publics qui en ont rudement besoin. Après tout, Amazon ne renonce à aucune vente. C'est là un privilège, ce n'est pas un droit, qui se paie.

Marc Bonhomme, 1er février 2025
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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Qui y-a-t-il à attendre de Pierre Poilievre ?

4 février, par John Clarke — , ,
Sous P. Poilievre, les Conservateurs pourraient bien nous donner le plus réactionnaire et dangereux gouvernement de l'histoire du Canada John Clarke, Canadian Dimension, 14 (…)

Sous P. Poilievre, les Conservateurs pourraient bien nous donner le plus réactionnaire et dangereux gouvernement de l'histoire du Canada

John Clarke, Canadian Dimension, 14 janvier 2025
Traduction, Alexandra Cyr

Ce serait à peine faire preuve d'un pessimisme sans fondement que de conclure que l'accablante possibilité de l'élection d'un gouvernement conservateur sous la direction de Pierre Poilievre lors de la prochaine élection fédérale soit réelle. Les sondages le confirment clairement et sans relâche. Ipsos leur accorde maintenant une avance de 25 points devant les Libéraux. Ce qui reflète le fait que la démission fracassante de Chrystia Freeland a encore empiré la situation.

La décision inévitable mais toujours reportée de Justin Trudeau de quitter à regret la direction de son parti ne peut être considérée que comme une opération salvatrice. Il fallait le remplacer mais comme c'est un tant soit peu improvisé de sélectionner un.e remplaçant.e le processus donne un semblant de justification pour la prorogation du Parlement jusqu'en mars. Mais rien de tout cela ne va tirer les Libéraux d'affaire. Cela ne permettra que la reprise des travaux du Parlement pour quelques mois. Il est très peu probable que le nouveau chef ou la nouvelle cheffe, choisi.e parmi un groupe discrédité, puisse arriver à renverser l'avance déterminante des Conservateurs, même de proche. Se débarrasser de Justin Trudeau pourra assurer aux Libéraux le rôle d'opposition officielle, mais même cela est loin d'être certain.

Depuis le début, les reportages montrent que P. Poilievre n'a aucune intention d'être accommodant et qu'il se saisira de toutes les occasions pour s'assurer que l'impopularité de J. Trudeau soit reportée sur la personne qui le remplacera. Après une décennie de gouvernements libéraux de plus en plus discrédités, ce ne sera peut-être pas une tâche difficile. J. Trudeau est parti mais le Parti conservateur a toujours le vent dans les voiles.

Les Libéraux ont fait leur temps comme gouvernement mais leur déclin se situe dans une tendance internationale : les Partis centristes ont de plus en plus de mal à se maintenir au pouvoir devant les défis que leur apporte la droite populiste. L'incapacité de l'administration Biden-Harris à offrir une alternative à D. Trump en est un exemple manifeste. Les Conservateurs canadiens vont pouvoir bénéficier de la victoire de D. Trump.

À l'attaque !

Un régime dirigé par P.Poilievre sera sûrement déterminé à imposer des politiques d'extrême droite. Durant la course à la chefferie conservatrice en 2022, j'ai écrit un article pour Counterfire au Royaume Uni. J'y soutenait que le « couronnement de P. Poilievre à la tête du Parti est l'accumulation de luttes pour son contrôle entre une aile modérée qui voulait préserver le rôle du capitalisme canadien comme organisateur politique calme et fiable et un autre courant de droite prêt à accommoder la colère réactionnaire qui grandit à la base et la périphérie du Parti ». Aujourd'hui, au bord du pouvoir, les Conservateurs se préparent à leur rôle longuement anticipé, celui de l'attaque. P. Poilievre voudra à tous prix prouver qu'il est décidé à agir fortement. Il voudra agir vite défiant les oppositions et mettant en place des mesures solides comme D. Trump le fait au sud de la frontière.

Récemment, la presse canadienne rapportait l'entrevue qu'un bien connu de la droite « intellectuelle publique », Jordan Peterson a tenu avec P. Poilievre. Immédiatement, E. Musk, ce riche et obscène entrepreneur de l'extrême droite internationale, s'est empressé de les féliciter. Par ailleurs il a publié une annonce depuis : « une base chrétienne luttant contre l'avortement en Indiana et qui cherche à protéger « les enfants non encore nés.es ».

Au cours de cette longue entrevue, P. Poilievre a démontré comment son conservatisme est différent de celui relativement contenu et prudent de sa période antérieure. Aucun vocabulaire conciliant eut égard au changements climatiques et à l'environnement. Au contraire, il a critiqué les grandes compagnies qui ont cédé devant les soit disant environnementalistes libéraux débridés. Il s'est engagé à donner aux compagnies du secteur des énergies fossiles toute liberté et ainsi : « provoquer un énorme boom de ressources dans notre pays ».

Il a accusé J. Trudeau de se servir d'une « idéologie extrêmement radicale » et d'imposer au Canada « un socialisme autoritaire ». Une telle rhétorique échevelée où le libéralisme est présenté comme une forme de radicalisme extrême est la marque de commerce de D. Trump et ces ressemblances dans leurs approches ne sont pas une coïncidence.

Note, ici le texte rapporte une intervention de Paris Marx sur X je ne traduis pas. N.d.t.

Pointant des coupes importantes, des reculs dans les politiques sociales et des dérégulations tout azimut, il promet de « couper dans la bureaucratie, les contrats de consultation, l'aide étrangère et des avantages des grandes corporations. Nous allons utiliser les sommes ainsi épargnées pour diminuer le déficit et les taxes et libérer le système de libre entreprise ». Il a aussi assuré que son programme d'austérité serait accompagné « de la plus grande répression du crime de l'histoire canadienne, une répression massive ».

Durant cette entrevue, P. Poilievre a présenté un programme dit « Canada First qui mettrait de côté la race, cette obsession que le wokisme a remis à l'ordre du jour ». Il est clair que comme d'autres gouvernements autoritaires d'extrême droite cette approche a pour objectif d'intensifier les injustices et les inégalités qui sont générées par le racisme tout en niant les problèmes existants.

Au plan international, nous pouvons nous attendre à ce qu'un programme de droite soit en vigueur et exécuté avec zèle sous sa direction. Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne Israël. Rien des atrocités pratiquées contre les Palestiniens.nes ne fera tergiverser P. Poilievre et nous pouvons nous attendre à une remontée importante de l'intimidation et de la lutte contre le mouvement de solidarité avec la Palestine.

Nous devrions aussi nous intéresser à l'influence que l'administration Trump va avoir sur les politiques canadiennes durant la période à venir. Le gouvernement Trudeau a déjà renforcé les « mesures de sécurité à la frontière, renforcé notre système d'immigration qui contribuent à assurer un futur prospère au Canada ». Sans aucun doute, P. Poilievre est disposé à poursuivre dans cette direction. Parmi une vaste quantité d'enjeux politiques, les initiatives que prendra l'administration Trump feront ressortir le pire d'un gouvernement Poilievre. Et on peut ajouter que le fédéralisme fera ressortir le pire pour les provinces.

Résister

Il y aura sans aucun doute des tentatives d'arrêter les Conservateurs en chemin ou tout au moins de minimiser l'étendue de leur victoire. Mais il n'est pas risqué de penser qu'une fois la poussière retombée le nombre de leurs députés.es sera plus élevé que celui de tous leurs rivaux réunis. Donc, devant la venue de ce probable gouvernement extrêmement destructeur et dangereux, il faut que nous nous intéressions à la manière dont nos syndicats et notre mouvement social doivent y répondre. Le manque apparent de préparation actuel est profondément inquiétant.

Je me souviens de la sidération qui a marqué les premiers mois du dur gouvernement conservateur Harris en 1990, en Ontario. Certaines des mesures les plus nuisibles ont été adoptées sans opposition pour ainsi dire. Il y a quelques leçons à tirer de cette expérience particulièrement parce que les Conservateurs vont pavoiser en prenant des directions dans la lignée de D. Trump, au cours de leurs premiers jours au pouvoir. P. Poilievre proclame qu'il ne fera aucune concession ni compromis. C'est la meilleure raison pour le priver de toute période de grâce où il pourrait affecter négativement les travailleurs.euses et les communautés. Pour que la résistance soit efficace, nous devons avoir une classe ouvrière forte et unie, capable de développer et mobiliser une puissante coalition de forces opposées aux Conservateurs.

Mais, alors que nous ne sommes pas du tout préparés.es à contrer P. Poilievre comme nous le devrions, ce n'est pas une raison pour nous résigner. Il est très possible de convenir d'un plan de rencontres nationales, provinciales et locales pour développer un plan d'action afin de confronter ce qui sera un des gouvernements les plus réactionnaires et dangereux de notre histoire.

Avec le retour de D. Trump à la Maison blanche et P. Poilievre qui attend dans son ombre ici au Canada, les travailleurs.euses et les communautés vulnérables des deux côtés de la frontière ont à affronter des attaques majeures. À défaut de s'équiper d'une contre-offensive très solide, nous ferons face à des défaites douloureuses. La capacité de riposter sera primordiale. Dans la perspective de cette lutte de classe ouverte et immodérée, la question vitale est de savoir si nous pouvons lancer un mouvement capable de vider les lieux de travail et de remplir les rues.

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La meilleure réponse du Canada à l’agression de Donald Trump ? Le socialisme

4 février, par Christo Aivalis — , ,
Après 40 ans de néolibéralisme, nous devons inverser le mouvement en tablant sur une économie planifiée et une reprise en main de l'économie par l'État. Tiré de The Breach (…)

Après 40 ans de néolibéralisme, nous devons inverser le mouvement en tablant sur une économie planifiée et une reprise en main de l'économie par l'État.

Tiré de The Breach

Traduction Johan Wallengren

Le président qui arrive au pouvoir aux États-Unis, Donald Trump, a ces derniers temps réfléchi à voix haute à l'idée d'utiliser la « force économique » aux fins d'annexion du Canada. Cette menace est brandie avec une telle outrecuidance que bien de gens n'y voient que fanfaronnade, incapables qu'ils sont d'accepter qu'un président des États-Unis fasse planer une telle menace sur le sort de notre économie.

On aurait cependant tort de prendre ces propos à la légère, et Trump doit être traité comme un acteur hostile à la sécurité économique du Canada. Au niveau fédéral, le chef du NPD, Jagmeet Singh, a eu le mérite de chercher à rallier des partisans derrière son plan contre Trump, qui consiste à préparer des représailles à tous tarifs douaniers que Trump pourrait imposer et à veiller à restreindre l'accès des sociétés américaines aux richesses minières du Canada.

Mais ces mesures de rétorsion, aussi nécessaires soient-elles, éludent un problème majeur. Ce n'est pas avec des tarifs douaniers et des messages sur Twitter que nous parviendrons à nous tirer de ce bourbier. Nous devons plutôt nous débattre avec la dure réalité que ce sont 40 ans de capitalisme néolibéral au Canada qui nous ont placé dans une telle position de faiblesse qu'un président peut à lui seul ternir notre avenir économique.
Pour résister véritablement à l'agression américaine, nous avons besoin d'une solution axée notamment sur des nationalisations, une planification économique et une participation des travailleurs, solution qui passe en d'autres mots par le socialisme.

Le passé du Canada offre quelques leçons et idées pour nous rapprocher de cet objectif. Les gens de gauche au pays ont jadis promu la vision d'un État robuste et de syndicats forts, gages de la construction d'une société socialiste démocratique indépendante. Il est temps de redonner vie à cette vision.

La réappropriation, rempart contre l'empire américain

Une partie du problème réside dans la profonde intégration de l'économie canadienne à l'économie américaine.

Lorsque des capitaux américains et étrangers sont investis dans une part aussi importante de l'économie canadienne que maintenant, en particulier dans des secteurs stratégiques tels que l'énergie, l'exploitation minière et l'industrie lourde, il ne faut pas s'étonner qu'un président américain s'en serve comme d'un levier.

Il y a un peu moins de 60 ans, il a pu sembler que le Canada était sur la bonne voie pour construire une économie plus autonome. Sous l'impulsion d'intellectuels de gauche et de militants syndicaux au sein du NPD et à l'extérieur du parti, des efforts ont été déployés non seulement pour se pencher sur l'étendue et les effets de la mainmise économique américaine sur le Canada, mais aussi pour s'y opposer.

Dans le contexte de la publication du rapport Watkins, qui détaillait pour le gouvernement fédéral les implications de l'engagement étranger dans notre économie – révélant pour la première fois à quel point le Canada était contrôlé par l'étranger sur le plan économique – il y a eu un grand sursaut de la part d'organisations nationales de gauche.

Des voix se sont élevées dans le champ gauche pour faire pression sur le gouvernement libéral de Pierre Trudeau afin qu'il s'engage à exercer un contrôle accru sur l'économie canadienne, notamment par la nationalisation d'industries clés, au premier rang desquelles l'énergie. (Il faut reconnaître que ces nationalistes de gauche ont souvent, mais pas toujours, négligé l'importance des droits des autochtones et de l'autodétermination). Ils ont fini par remporter des succès, parmi lesquels la création de la société publique Petro-Canada, obtenue uniquement parce que le leader du NPD David Lewis en avait fait une condition dans une entente intervenue du temps du gouvernement minoritaire de Trudeau en 1972.

Mais ces progrès initiaux se sont rapidement estompés lorsque le Canada et la plupart des pays occidentaux ont adopté des politiques de privatisation et ont adhéré au capitalisme néolibéral. Les gouvernements Mulroney et Chrétien ont ouvert les bras aux capitaux américains et à l'entreprise privée ; et ce qui a joué un rôle encore plus déterminant est que l'approche initiale de Trudeau père était trop motivée par le souci de permettre aux capitalistes canadiens d'avoir les coudées franches.

Nous devons tirer les leçons de ces échecs historiques : Le Canada doit défier la domination américaine en veillant à donner à l'État un certain contrôle sur l'ensemble des ressources stratégiques et des moyens de production.

Pendant 40 ans, le Canada a joué la carte de la privatisation et de l'intégration dans l'économie américaine. Cela n'a pas permis d'assurer la sécurité économique de notre pays, comme le montrent avec limpidité les menaces de Trump.

C'est dans cet esprit que le NPD doit faire preuve de courage et commencer à dire clairement que le capitalisme nous a desservi. Le socialisme peut nous mettre sur une autre voie.

Relancer la planification économique

Il est clair que le Canada a besoin que l'État reprenne un certain contrôle sur l'économie et se dote d'une vision à long terme pour être en mesure d'écarter des menaces telles que celles que Trump s'est mis à diffuser.

Mais ce n'est pas en un claquement de doigts que ces objectifs pourront être atteints. Il faut une planification économique réfléchie pour remettre en cause la mainmise américaine sur notre économie.

En effet, c'est le NPD, à ses débuts dans les années 1960, qui a soutenu, aux côtés des syndicats, que faute de planifier notre avenir économique, nous serions incapables de tenir tête aux États-Unis le moment venu. Eh bien, le moment est venu, et nous sommes pris au dépourvu.

À l'époque, le NPD et les syndicats réclamaient non seulement des sociétés d'État comme Petro-Canada, mais aussi une société d'État centrale qui investirait dans des projets en échange d'une participation au capital et d'un contrôle par les Canadiens, qui pourraient faire valoir des objectifs économiques d'une manière que les capitalistes ne permettraient jamais.

Ceux-ci ont aussi mis de l'avant que cette planification permettrait de mieux construire une économie est-ouest afin de réduire la dépendance à l'égard du commerce avec les États-Unis. L'objectif n'a jamais été, bien sûr, d'éliminer le commerce avec nos voisins du sud, mais bien d'éviter le calvaire actuel.

Malheureusement, tout cela a été soit rejeté par les gouvernements libéraux et conservateurs, soit rapidement démantelé lors de la vague de vente d'actifs des gouvernements dans les années 1980.

Trump a menacé, par exemple, de couper l'accès du Canada au marché américain de la construction automobile. De nombreux composants du secteur sont fabriqués au Canada, puis expédiés au sud pour entrer dans le processus de fabrication. Si la production de bout en bout pouvait s'enraciner au Canada, cela réduirait la portée des menaces de Trump.
Des pays comme la Norvège ont été beaucoup plus prévoyants en créant des industries énergétiques nationalisées qui ont rendu leurs citoyens plus riches que les Canadiens tout en constituant des fonds pour mieux planifier leur avenir économique. Ici, en revanche, nous avons de façon répétée « laissé aller à vau-l'eau » les booms pétroliers*.

Reste que la solution n'est pas de céder aux capitalistes à saveur de sirop d'érable plutôt qu'aux Américains. Galen Weston ne protégera pas plus la classe ouvrière canadienne que le ferait un magnat du Texas.

Le NPD a pris des initiatives qui ont requinqué un peu la flamme en demandant des comptes à classe des milliardaires, traînant certains d'entre eux devant des commissions parlementaires pour les interroger sur les prix abusifs. Pour ce qui a été de sévir contre les capitalistes du milieu de l'épicerie canadienne, une récente enquête de la CBC qui a révélé que ceux-ci lésaient les Canadiens en pratiquant des prix excessifs dans le commerce de la viande a montré qu'il y avait lieu de prendre des mesures.

Mais les auditions des commissions parlementaires ne suffisent pas. Oui, nous devons nous attaquer aux entreprises qui vivent aux crochets de l'état en obtenant toutes sortes d'avantages**, mais nous devons aussi nous attaquer de front à la question des participations étrangères et de la planification économique.

Une vision socialiste audacieuse pour l'avenir

Une des idées fausses sur le socialisme est que sa doctrine est focalisée uniquement sur le contrôle de l'État.

Une plateforme socialiste doit comprendre le contrôle de l'industrie par les travailleurs, ce qui peut aller de la syndicalisation universelle à la propriété directe des moyens de production sur le lieu de travail et mener à la démocratie économique au sens le plus large possible. Cela recouvre la propriété collective des entreprises, un plus grand pouvoir des travailleurs et une participation réelle des citoyens aux décisions relatives au fonctionnement de notre économie.

Une démocratie solide qui ne se réduit pas à l'acte de voter lors d'échéances qui se succèdent à quelques années d'intervalle mais permet d'exercer un contrôle collectif au jour le jour est essentielle pour dresser des barrages susceptibles d'endiguer la domination américaine.

De nos jours, les gens de la classe ouvrière n'ont pas leur mot à dire sur les décisions prises relativement à leur travail ni concernant les produits et les bénéfices généré par celui-ci. De ce fait, les travailleurs canadiens ont peu de contrôle direct sur leur destin, que ce soit au plan national ou dans nos relations avec les États-Unis.

Ce n'est qu'en restructurant notre société de manière que les Canadiens puissent dans une certaine mesure s'approprier leur lieu de travail, leur économie et leur pays que nous pourrons construire un rempart contre les attaques de Trump.

Il est toutefois essentiel de ne pas perdre de vue que la résistance à la domination américaine via le nationalisme économique ne doit pas occulter la recherche de la justice pour les peuples des premières nations, qui doivent être des partenaires de premier plan dans la construction d'une société et d'une économie démocratiques, notamment en mettant fin à notre propre agression coloniale en tant que pays et en procédant à une véritable restitution des terres.

Le moment est venu pour le socialisme démocratique de briller à nouveau, ce qui pourrait donner une occasion au NPD de s'illustrer. Des sondages récents montrent qu'une majorité écrasante de Canadiens rejettent les projets de Trump, et les néo-démocrates s'y opposent presque unanimement.

Nombreux sont les partisans faisant partie de la base du parti conservateur qui souhaitent prendre la nationalité américaine et l'engagement du parti libéral en faveur du capitalisme néolibéral ne lui permet pas de réagir en proposant quelque plan cohérent au-delà de la perspective d'attendre qu'un président démocrate retourne à la Maison Blanche.
Dans l'immédiat, le NPD se trouve devant une opportunité inestimable, alors qu'un mouvement anti-Trump se dessine, une occasion de se porter à la défense des travailleurs et des emplois. Mais cela est loin d'être suffisant : le parti doit procéder à des changements structurels fondamentaux pour réellement et significativement embrasser une vision de gauche.

Le NPD doit devenir le champion d'un avenir socialiste audacieux.

* L'auteur fait allusion ici à des autocollants qui sont apparus sur des voitures dans l'ouest du pays, avec la formule (en anglais) suivante : « PLEASE GOD LET THERE BE ANOTHER OIL BOOM.I WILL NOT PISS IT AWAY THE SECOND TIME ».
** L'auteur parle en anglais de « corporate welfare bums » une expression dont l'histoire est retracée dans une vidéo et un article (en anglais) disponibles sur le même site que l'article, à l'adresse Web : https://breachmedia.ca/corporate-welfare-bums-its-payback-time/

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Trump : la fin du libre-échange, le retour du colonialisme

4 février, par Alain Deneault — , ,
Alors qu'il n'est pas encore entré en fonction, Donald Trump répète les « coups de menton », réitérant notamment sa volonté de faire du Canada le 51e État de la confédération (…)

Alors qu'il n'est pas encore entré en fonction, Donald Trump répète les « coups de menton », réitérant notamment sa volonté de faire du Canada le 51e État de la confédération américaine. Si ces velléités font d'abord sourire par leur démesure, leur répétition nous force à les prendre aujourd'hui au sérieux. Que signifient ces discours ? Doit-on craindre qu'ils se concrétisent ? Pour Alain Deneault, professeur de philosophie à l'Université canadienne de Moncton (Shippagan), ces déclarations du président des États-Unis montrent que le protectionnisme dont se revendique Donald Trump marque une régression : la protection de ses propres frontières n'empêchera pas Washington de franchir allègrement toutes celles qui le séparent des richesses convoitées par le milieu des affaires.

16 janvier 2025 | tiré du site d'Élucid
https://elucid.media/politique/trump-la-fin-du-libre-echange-le-retour-du-colonialisme-alain-deneault

Les coups de menton du président des États-Unis, Donald Trump, ne s'apparentent plus à de seuls coups de tête lorsqu'ils se répètent à l'identique. Une déclaration sur l'annexion du Groenland aux États-Unis apparaît insolite lorsqu'elle est faite une première fois en août 2019. Elle devient un projet lorsqu'elle est réitérée le 7 janvier 2025. On se met soudainement à rationaliser. Le réchauffement climatique et la fonte des glaciers restent synonymes pour M. Trump d'occasions d'affaires, un Eldorado même : les terres rares et autres éléments stratégiques pour l'industrie de pointe deviendront accessibles dans cette région nordique à la faveur du processus de dégel. Le phénomène climatique facilite aussi le transport maritime, à un carrefour que Washington entend régir.

Ici, rationaliser, c'est prendre la mesure de la déraison de la nouvelle administration américaine. « Beaucoup fantasment sur les ressources de l'île en minerais, en hydrocarbures ou en potentiel hydroélectrique. Ils minorent généralement la rudesse des conditions d'exploitation et les lourds investissements requis », a déjà écrit le journaliste Philippe Descamps dans Le Monde Diplomatique au terme d'un voyage sur l'île.

Il en va de même pour l'expression, répétée à l'envi en janvier 2025 par Donald Trump alors président désigné, voulant que le Canada soit le 51e État de la confédération américaine. Longtemps une métaphore pour dénoncer à gauche l'intégration du Canada aux dynamiques industrielles et commerciales états-uniennes, la voilà devenir subitement une lubie, voire un programme. Tout comme la dystopie voulant que l'armée des États-Unis prenne le contrôle de l'eau douce du Canada dans des années de sécheresse devient un plan. À l'image de l'immeuble de l'ambassade des États-Unis dans la capitale fédérale d'Ottawa, presque aussi grand que le parlement lui-même, voilà que cette représentation mentale prend un tour concret.

Le président Trump n'entend rien à l'humour. Mais c'est parce que d'ordinaire on n'entend rien à ceux qui n'entendent rien à l'humour que ces derniers parviennent, sous couvert d'humour, à avancer des revendications aux apparences invraisemblables. Ils profitent ainsi du temps gagné.

Ils le font d'autant mieux que, parfois, leurs sujets de prédilection se révèlent pathétiques. Que faire, sinon les parodier, lorsque Donald Trump, par exemple, suggère en 2017 que son visage figure à son tour sur la falaise du mont Rushmore ? Mais lorsque d'autres enjeux revêtent un caractère beaucoup plus grave, on le comprend trop tard. Dans un contexte mondial où le Président Trump voit d'un bon œil l'invasion de l'Ukraine par la Russie et trouve normal que l'État israélien se déchaîne cruellement en territoire palestinien, au Liban ou dans la Syrie dévastée, réduire ces déclarations à un simple jeu de bluff donne seulement l'illusion de reprendre la main. Force est de se rendre à l'évidence : avec Donald Trump, une meute de personnages intransigeants arrive en force à Washington et ne conçoit rien qui puisse résister à sa volonté.

Sans se perdre dans des débats sémantiques à savoir si le trumpisme est véritablement ou non un fascisme, bien des analogies s'imposent à l'esprit avec les précédents de l'Histoire lorsqu'on observe à Washington le déni des règles établies, l'arrogance de l'équipe ministérielle érigée en méthode, l'ignorance crasse de l'Histoire et le mépris de la culture retournés en valeur…

On écarquille les yeux en constatant par quelle rhétorique ordurière le futur secrétaire d'État, Elon Musk, répond au Premier ministre du Canada, lorsque celui-ci rappelle le statut politique souverain du Canada : « Ma nana, t'es plus le gouverneur du Canada. Ce que tu dis n'a aucune importance ».

Les analogies se vérifient aussi dans la façon qu'a l'environnement proche ou distant de plaire aux puissants. Il fallait voir en janvier 2025 les représentants des différents paliers de gouvernement du Canada s'empresser de se mettre en bouche des éléments de langage sur l'immigration, le commerce ou la souveraineté en Arctique, qu'on ne les avait jamais entendus partager, et ce, dans une tentative vaine de tempérer les ardeurs du président patibulaire.

C'est dans cet effet de cascades qu'on voit des acteurs sociaux influents de toute catégorie accepter l'augure du tyran huppé d'Amérique. On ne parle pas seulement des cadres et élus sceptiques du Parti républicain qui le suivent à tombeau ouvert dans ses dévalaisons, toute honte bue, après s'être opposés à lui, au premier chef le catholique James David Vance, maintenant vice-président, mais d'autres figures publiques, le dernier en lice étant le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg. Se découvrant soudainement viriliste, ce dernier a viré sa veste sans subtilité aucune en attribuant explicitement aux « récentes élections » sa décision de surseoir à toute velléité d'édition des contenus qui circulent sur les réseaux de son empire Meta.

Nous nous retrouvons dans l'ère des « rhinocéros », du nom de la pièce de théâtre qu'Eugène Ionesco avait écrite pour témoigner des basculements successifs de ses camarades antifascistes dans la rhétorique complotiste, suprémaciste et guerrière des nazis. Rare production historiquement significative de l'auteur d'un théâtre absurde, il s'en prenait aux « demi-intellectuels » des années 1920 et 1930, seulement capables de « succomber à des slogans supérieurs ».

La pièce Rhinocéros porte clairement sur la « nazification progressive » de cette engeance, déjà observée par l'auteur en Roumanie : « Nous étions un tas de gens qui étions contre le nazisme. Et puis, petit à petit, nous étions de moins en moins nombreux. Un moment donné, un de nos amis disait : “Certainement, les fascistes n'ont pas raison. Cependant, sur ce point…”, alors on savait tout de suite que, dès qu'ils disaient cela, ils étaient dans la machine, dans l'engrenage, et que c'était fini ». On ne les voyait plus aux réunions.

Ce dont la fin du libre-échange marque le début

La franchise avec laquelle cette volonté se déclare déroute ceux qui se sont formés dans les années obliques, rhétoriques et insidieuses de l'économie de marché néolibérale. La domination s'y exerçait selon des méthodes indirectes. Les politiques dites de développement suivant la Seconde Guerre mondiale, les plans d'ajustement structurels du Fonds monétaire international de la fin du XXe siècle ou la théorie de la « bonne gouvernance » les relevant ces dernières décennies, ont permis à une oligarchie principalement occidentale d'asseoir son hégémonie par le biais de mécanismes aux apparences autonomes. Le régime concurrentiel mondialisé qu'il s'est agi de promouvoir consistait à faire participer les différents acteurs sociaux à un jeu dans lequel les puissants maîtrisaient les règles.

Contrairement à un commerce malien, une coopérative malaisienne ou une société d'État brésilienne, une entreprise multinationale soutenue fiscalement, politiquement, voire militairement, par des États puissants, disposait de leviers infinis afin de s'adapter à toute conjoncture. Par le lobbyisme, sa force de négociation, ses capitaux financiers et aussi son pouvoir de corruption, elle pouvait obtenir d'une majorité d'États des droits de douane, des politiques fiscales, un aménagement du territoire, des subventions publiques et un encadrement sécuritaire valant pour règles communes, au détriment d'acteurs sociaux incapables de faire le poids.

Le syntagme de « libre-échange » a accompagné cette histoire moderne. Il a désigné plusieurs régimes différents de l'organisation commerciale mondiale, dont tous avaient pour finalité de consacrer un rapport de domination à travers des structures d'échange qui les normalisaient et les naturalisaient.

C'est aussi au nom de ce libre-échange qu'à la Conférence de Berlin de 1884-85, le souverain belge Léopold II convainc ses partenaires européens de lui accorder l'immense territoire congolais. Le Roi belge exercera d'abord à titre privé, plutôt qu'au nom de son État, une souveraineté politique sur le territoire. Il convaincra Allemands, Britanniques et Français de la lui reconnaître à la condition de créer un vaste espace de « libre-échange ». Il s'agissait de garantir un accès aux puissances industrielles dans cette très grande part du « gâteau africain ».

L'historien Henri Wessiling rappelle que le roi Léopold II avait pour livre de chevet l'ouvrage du bien nommé J. M. B. Money, Java. Or, How to Manage a Colony (1). C'est le grimoire utopiste de la colonisation à l'anglaise : des sociétés privées qui exploitent les richesses, un personnel administratif européen respecté, des colonisés admiratifs de l'autorité des Blancs, des chefs de clans incorporés ou neutralisés. On sait aujourd'hui qu'il n'en fut rien, et que le Congo belge fut sa souveraineté privée exerçant une cruelle domination sur des peuples asservis, notamment en ce qui concerne la filière du caoutchouc.

C'est aussi l'approche libre-échangiste que les États-Unis d'Amérique chercheront à faire triompher au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, au titre du « développement ». Les États européens seront amenés à abandonner leur tutelle politique et institutionnelle sur nombre de contrées du Sud et de l'Est, au profit d'une ouverture de ces régions aux entités privées convoitant leurs richesses naturelles (2). Cela aboutira à la fin du siècle à la mondialisation libérale, sous les auspices de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) favorisant l'abattement des tarifs douaniers dans le monde et la libre circulation des marchandises et des services.

Un regard superficiel sur le retour en force de l'État, que Donald Trump promeut, peut tromper ceux qui auraient été prompts à se dire de gauche il y a un demi-siècle. M. Trump parvient à les séduire en replaçant l'autorité publique au centre du jeu, prétend à la réindustrialisation et compte mettre fin à d'astreignantes guerres d'occupation en territoires lointains. Mais ce serait oublier que Washington ne compte faire respecter les frontières que lorsqu'il s'agit des siennes, et franchir allègrement toutes celles qui le séparent de richesses convoitées par le milieu des affaires dont il continue de faire partie, avec son gouvernement comprenant notamment 13 milliardaires.

Cette contestation du libre-échange mondial marque une régression. L'empire qui se veut « à nouveau grand » suppose, à l'ancienne, l'asservissement tutélaire d'espaces géopolitiques étrangers sur un monde conquérant et colonial. Se dire de nouveau « grand » ne s'est jamais résumé à la simple intendance des affaires intérieures. Les États-Unis d'Amérique ont longtemps eu leur chasse gardée en Amérique centrale et en Amérique du Sud, tout comme l'Europe ponctionnait les richesses de l'Afrique. Ils ont poursuivi sur un plan financier et industriel l'exploitation coloniale de ce vaste garde-manger agricole et réservoir de richesses énergétiques que le Canada constitue.

On est loin de la lutte populaire engagée contre le libre-échange qu'a provoquée le mouvement altermondialiste dans les années 1990, et qui a culminé à Seattle en novembre 1999 dans une neutralisation du sommet de l'OMC. À l'époque, l'autre mondialisation préconisée par la mouvance internationale visait à garantir des échanges justes entre les populations, sur la base du respect de normes sociales et écologiques. Le protectionnisme dont fait preuve désormais le pouvoir états-unien n'est le fait d'un repli que dans un premier temps.

Un Canada vulnérable

Les États-Unis n'ont pas attendu Donald Trump pour commettre de l'ingérence au Canada. On peut dire de celle-ci qu'elle est totalement intériorisée dans les affaires des deux États. Le dernier exemple en date concerne l'Outaouais rural, dans l'ouest du Québec. La multinationale Lomiko Metals entend saccager les terres aux abords du Lac-Simon pour y exploiter un minerai stratégique dans l'industrie de pointe, le graphite. Elle le fait, soutenue par les autorités fédérales canadiennes ainsi que par… le ministère de la Défense des États-Unis d'Amérique. Comme souvent, les Démocrates et le pouvoir politique canadien procèdent en douce pour effectuer ce que l'autoritarisme trumpiste se propose de mener frontalement.

À l'appui de sa déclaration de guerre commerciale, le redresseur de torts autoproclamé réitère qu'il imposera des tarifs douaniers de l'ordre de 25 % sur les produits d'importation canadiens, las de voir les États-Unis « subventionner » l'économie canadienne. Dans la novlangue trumpiste, une « subvention » américaine faite à un État est un coût qu'on doit payer lorsqu'on achète une marchandise plutôt que de se l'approprier par la force.

Le Canada est vulnérable à ce changement de paradigme étant donné que son fonctionnement industriel et financier dépend majoritairement de ces rapports commerciaux avec son voisin du sud. Selon l'agence de statistique du Canada, les biens et services qui font l'objet de relations commerciales de part et d'autre de la frontière séparant les deux pays représentaient quotidiennement 3,6 milliards de dollars canadiens en 2023. Près de 80 % des exportations canadiennes sont destinées aux États-Unis. Le pétrole sale des sables bitumineux en Alberta est raffiné au sud et Hydro-Québec fournit à la ville de New York l'électricité dont elle a besoin. Inversement, au Canada, près de la moitié des investissements directs de l'extérieur proviennent des États-Unis. Selon l'American Petroleum Institute, jusqu'à 90 % du pétrole raffiné dans l'est du Canada transite ou est produit par les États-Unis bon an mal an, tandis que « plus de 50 % du pétrole brut importé aux États-Unis provient du Canada, comparativement à 33 % en 2013 ».

Mais le Canada est d'autant plus fragile qu'il constitue lui-même dans son essence un avatar de l'idéologie libre-échangiste que l'administration Trump conteste. Il s'agit de la meilleure incarnation de l'utopie de J. W. Money. Le Canada moderne s'est déployé comme une colonie libérale moderne lorsqu'il a mis fin à l'apanage de la Compagnie de la Baie d'Hudson et autres sociétés à charte britanniques suivant la conquête anglaise de la Nouvelle-France. Ses bourses ultra-spéculatives et son gouvernement à la solde des investisseurs et banquiers en ont fait une colonie (officiellement un « Dominion ») essentiellement dédiée au soutien des multinationales et banques tournées vers l'exploitation de ses fourrures, céréales, minerais et énergies fossiles. Il n'a rien d'autre sur quoi s'appuyer pour exister.

Enfin, le Canada est un pays informe. Deux tiers de la population vit à moins de 100 kilomètres de la frontière américaine ; les Canadiens constituent une bande démographique le long d'un axe continental. D'un point de vue culturel, l'anglophonie canadienne, largement majoritaire, est depuis longtemps absolument absorbée par la production culturelle et médiatique américaine. C'est à la marge seulement que les « Canadians » fréquentent les artistes et intellectuels de leur pays. Le tsunami de propositions venant du sud s'exprimant dans leur langue, rien n'y résiste. Cela le prive de toute unité. Son histoire constitue un tout guère plus grand que la somme de ses annales. Ce n'est pas tant la carte du pays qui confère une unité à son territoire que le territoire qui injecte du sens dans la carte. La contrée se résume à une distribution de travailleurs dédiés à l'exploitation de sites étrangers sis le long de la frontière états-unienne.

Le Canada n'a jamais eu à cultiver d'attitude pugnace. Rarement distant de son voisin du sud sur un plan idéologique – un peu quant à Cuba à l'époque du père Trudeau, Pierre-Elliott, ou encore sur le conflit en Irak en 2003 –, le Canada s'est contenté depuis sa refondation de 1867 de marcher dans les plates-bandes de la plus grande puissance mondiale avec qui il partage un vaste espace continental, et d'en calquer les politiques. Son modèle social lui a longtemps permis de se distinguer des États-Unis, comme n'a pas manqué de le souligner à maintes reprises le sénateur « socialiste » Bernie Sanders ou encore le réalisateur progressiste Michael Moore (3).

Mais celui-ci périclite du fait de la pression que lui fait justement subir l'impératif de concurrence avec le modèle états-unien, notamment en raison de l'Accord de libre-échange nord-américain, au point où le modèle social canadien, quoique toujours meilleur, tend à ressembler aujourd'hui à celui en vigueur dans les États progressistes des États-Unis. Il est aussi sous-financé du fait des politiques fiscales canadiennes, qui ont favorisé l'intégration du pays aux paradis fiscaux de la Caraïbe britannique, qu'il a lui-même concouru à créer dans les années 1960 et 1970.

Non seulement cet ensemble de facteurs place le Canada en situation de vulnérabilité devant le voisin du Sud, mais il le laisse complètement pantois. Que faire ? Bomber le torse et rappeler l'ambassadrice, tout en boudant la cérémonie d'assermentation du nouveau Président ? C'est risible. S'essayer à un improbable sursaut national en réunissant dans une cellule de crise les Premiers ministres fédéral et provinciaux ainsi que leurs chefs de l'opposition respectifs ? La joute partisane et l'antagonisme parlementaire le rendent difficilement probable. Répliquer sur l'énergie puisque l'intendance énergétique est inextricable entre les deux pays ? Et ni l'Alberta en ce qui concerne le pétrole ni le Québec en ce qui regarde l'électricité n'ont intérêt à ce que des tarifs gênent leurs exportations. Alors, fédérer le peuple autour des droits culturels, en tous les cas en ce qui concerne les francophones ? La propagande fédérale a tout fait pour étouffer cet enjeu au fil des décennies.

Que se passera-t-il ?

Dans la conjoncture actuelle, depuis Israël, l'Europe de l'Est ou maintenant les États-Unis, seuls les stricts rapports de force semblent prévaloir. Aucun allié dans le monde n'est à même de soutenir le Canada de quelque façon dans quelque volonté de résistance.

Les pires scénarii continuent de dépasser l'entendement, comme une invasion pure et simple du Canada par les États-Unis dans le cadre d'une opération où l'armée américaine dirigerait ses blindés vers Ottawa et où l'aviation bombarderait la base militaire de Kingston. Mais on mesure déjà les effets tangibles d'un tel revirement du discours états-unien. Il devient soudainement probable que des représentants politiques, officines et médias fassent cas positivement de l'option du rattachement du Canada à la fédération américaine dans le débat public.

Le débat tournera autour de cette option. On fera l'inventaire des avantages d'une intégration, de sorte que ce faux débat devienne un enjeu central de la vie publique. On cherchera à traduit Anschluß en anglais (du français, il ne sera déjà plus question). Le représentant du Parti conservateur, Pierre Poilievre, proche de la mouvance trumpiste et pressenti pour devenir le prochain Premier ministre canadien, ne serait pas le plus à même de lui résister.

Moins une conquête, il se profilera un scénario plus attendu d'annexion, qui ne serait pas, lui non plus, sans rappeler quelques analogies. Avec son lot de résistants qui chercheront à être déterminants dans l'Histoire, au point peut-être de générer une autre forme politique au Canada, qui rompe positivement avec son fondement colonial.

Notes

(1) Henri Wesseling, Le Partage de l'Afrique. 1880-1914, Paris, Denoël, 1996, rééd. Gallimard, coll. Folio Histoire (1991), à propos de James William Bayley Money, Java : or, How to Manage a Colony, vol. 1, Londres, Hurst and Blackett, 1861.

(2) Gilbert Rist, Le Développement. Histoire d'une croyance occidentale, quatrième édition, Paris, Les Presses de Science Po, 2023.

(3) Michael Moore, Sicko, essai cinématographique, États-Unis d'Amérique, 2007.

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Le rapport Hogue contredit la majorité de nos journalistes

4 février, par Pierre Jasmin — , ,
En ce 28 janvier 2025, les Artistes pour la Paix remercient l'Honorable Marie-Josée Hogue d'avoir démenti les rumeurs affolées des réseaux sociaux, des médias et… de Pierre (…)

En ce 28 janvier 2025, les Artistes pour la Paix remercient l'Honorable Marie-Josée Hogue d'avoir démenti les rumeurs affolées des réseaux sociaux, des médias et… de Pierre Poilievre.

Tiré de Artistes pour la paix

28 janvier 2025
Par Pierre Jasmin, secrétaire général des Artistes pour la Paix

Le Rapport sur l'ingérence étrangère de la Commissaire Marie-Josée Hogue a déclaré nos élections au caractère démocratique à l'abri de l'ingérence étrangère russe et chinoise. Ce rapport va aussi loin que la position politique de la commissaire lui permet d'aller et nous la remercions, par conséquent, d'avoir en quelque sorte endossé nos propres conclusions allant à l'encontre de celles de nos journalistes, ceux qu'on n'hésite pas à qualifier d'« embedded » soumis à l'influence des réseaux sociaux dont la Commissaire exprime le danger immensément plus grand pour notre indépendance politique.
(...)
N'ayant jamais été appelés à témoigner, les Artistes pour la Paix envoient notre conclusion à M. Michael Tansey, Sr. Communications Advisor – Public Inquiry into Foreign Interference in Federal Electoral Processes and Democratic Institutions (traduction en français ???)
www.ForeignInterferenceCommission.ca Follow us on X (formerly Twitter).

PS Combien de temps encore avant que le gouvernement canadien réalise que X d'Elon Musk nourrit le problème aigu de l'ingérence étrangère qui met en péril nos mœurs démocratiques ? Il est urgent qu'il trouve un autre mode de communication.

(...) Pendant des mois, toute la classe politique et médiatique regardait dans la mauvaise direction. Son attention était focalisée sur les soupçons à l'endroit d'élus qui auraient « sciemment » collaboré avec des États hostiles. Or, pendant ce temps, une menace bien plus « existentielle » à notre démocratie prenait de l'ampleur : celle de la désinformation. Et paradoxalement, elle ne faisait pas, à proprement parler, partie du cœur du mandat de la commission Hogue. Et même si la désinformation ne faisait pas partie des cinq volets formels du mandat de la commissaire, Marie-Josée Hogue a pris soin de faire un détour pour tirer la sonnette d'alarme.

« À mon avis, il n'est pas exagéré de dire qu'à l'heure actuelle, la manipulation de l'information (qu'elle soit d'origine étrangère ou non), représente le plus grand risque pour notre démocratie. Il s'agit d'une menace existentielle. » Citation extraite du rapport final de Marie-Josée Hogue, commissaire à l'Enquête sur l'ingérence étrangère.
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2136012/ingerence-etrangere-commission-hogue-rapport
(...)

Dans un nouveau rapport, un groupe de réflexion issu du ministère fédéral de l'Emploi et du Développement social a déterminé quelles sont les « perturbations » les plus plausibles auxquelles le Canada, voire le monde entier, fait face. Intitulé Perturbations à l'horizon - Rapport 2024, le document, signé Horizons de politiques Canada, a recensé 35 perturbations mondiales, qu'ils ont partagées avec quelque 500 parties prenantes, collègues et expert.e.s en prospective au sein du gouvernement du Canada et au-delà.
En récoltant leurs commentaires – principalement sur la probabilité, l'impact et l'horizon temporel de ces perturbations –, le groupe de réflexion a pu circonscrire les menaces les plus criantes.
(...)
Le rapport Hogue contredit la majorité de nos journalistes, 28.01.2025,
Artistes pour la paix

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Quand l’argent pèse plus lourd que la santé : au tour du fédéral d’abandonner la population de Rouyn-Noranda

4 février, par Mères au front de Rouyn-Noranda — , , ,
Rouyn-Noranda (Québec), le 31 janvier 2025 - Les Mères au front de Rouyn-Noranda et de tout le Québec dénoncent la soumission du ministre de l'Environnement et du gouvernement (…)

Rouyn-Noranda (Québec), le 31 janvier 2025 - Les Mères au front de Rouyn-Noranda et de tout le Québec dénoncent la soumission du ministre de l'Environnement et du gouvernement fédéral qui ont rompu leur engagement envers l'ONU. Elles déplorent que le lobbyisme exercé dans les coulisses ait eu préséance sur la santé de la population.

L'article publié par Radio-Canada révèle que le ministre Steven Guilbeault a cédé aux pressions de la fonderie Horne malgré avoir reconnu les risques plus élevés que le niveau acceptable pour la santé. Conséquemment, le gouvernement a choisi de ne pas signer les amendements de la Convention de Bâle qui auraient renforcé le contrôle et la traçabilité des déchets dangereux, et protégé la santé humaine.

« La responsabilité du ministre de l'Environnement est de protéger l'environnement, pas les profits d'une entreprise multimilliardaire coupable de corruption, de violation de droits de l'environnement et de droits humains partout sur la planète ! » dénonce Laure Waridel, écosociologue et co-instigatrice de Mères au front.

Rappelons que les déchets électroniques traités à la fonderie Horne contribuent à l'émission de contaminants atmosphériques qu'on retrouve à Rouyn-Noranda à des concentrations qui outrepassent les normes québécoises. « Tous les gouvernements nous ont abandonnées ! N'y a-t-il aucune limite à l'indécence quand il s'agit de l'industrie minière au Canada ? " s'indigne Jennifer Ricard Turcotte, Mères au front de Rouyn-Noranda.

Le livre Zones sacrifiées, en librairie le 4 février, est né de cette lutte qui dure depuis près de 3 ans et dans laquelle de nombreuses personnes préoccupées font tout en leur pouvoir pour que la qualité de l'air à Rouyn-Noranda s'améliore. Zones sacrifiées porte les voix multiples de ces citoyen·nes qui vivent l'innommable.

Plusieurs événements se tiendront prochainement à Gatineau, Montréal, Sherbrooke, Rouyn-Noranda, dont une performance devant l'Assemblée nationale le 20 février (présent·e·s : Anaïs Barbeau-Lavalette, Véronique Côté, Steve Gagnon, Jennifer Ricard Turcotte et Isabelle Fortin-Rondeau).

Source et à propos de Mères au front | meresaufront.org

Avec plus de 30 groupes locaux principalement à travers le Québec, Mères au front est un mouvement décentralisé qui regroupe des milliers de mères, grand-mères et allié·e·s de tous les horizons qui s'unissent pour protéger l'environnement dont dépend la santé, le bien-être et le futur de nos enfants.

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Le mirage de TES Canada : une illusion coûteuse pour la Mauricie

4 février, par Dany Janvier — , ,
En cet hiver, où le froid saisit autant qu'il émerveille, une menace plane toujours sur nos régions rurales : le projet TES Canada. Sous des airs de modernité et de transition (…)

En cet hiver, où le froid saisit autant qu'il émerveille, une menace plane toujours sur nos régions rurales : le projet TES Canada. Sous des airs de modernité et de transition énergétique, cette initiative s'apprête à transformer nos paysages en zones industrielles, bouleversant la qualité de vie, l'économie locale et l'équilibre environnemental.

Il est fascinant de constater avec quelle ferveur Michel Angers, maire de Shawinigan, compare le projet TES Canada aux grandes réalisations qui ont façonné le Québec moderne. Mais que reste-t-il de ces beaux discours lorsqu'on gratte la surface ? Un projet ancré dans des promesses illusoires, qui menace de transformer la Mauricie en une zone industrielle défigurée, sous prétexte de transition énergétique.

D'abord, rappelons que le projet TES Canada ne se limite pas à l'érection de quelque 140 méga éoliennes industrielles. Il s'agit d'une vaste entreprise de production d'hydrogène vert et de gaz naturel synthétique. Une industrie lourde qui s'implanterait en plein cœur de nos territoires et dans le parc industriel Alice-Asselin, à Shawinigan, avec un impact environnemental et social dont les promoteurs taisent l'ampleur réelle.

Les chiffres : un écran de fumée

Éric Gauthier et Jean-Benoît Courchesne, figures de proue de TES Canada, brandissent des chiffres mirobolants : 5,6 milliards de retombées économiques sur 23 ans, des milliers d'emplois, et des millions en redevances annuelles. Mais d'où viennent ces données ? Elles émanent directement des promoteurs eux-mêmes, sans audit indépendant. La firme Mallette, qui a produit l'analyse économique, l'a admis : si les données changent, les conclusions changent aussi. En d'autres termes, on demande à la population d'avaler ces chiffres sans poser de questions.

Et pendant ce temps, le maire Angers qualifie l'opposition de « minorité bruyante », balayant du revers de la main les préoccupations des citoyens et des municipalités voisines. Où est le débat démocratique lorsque les interventions citoyennes lors des conseils sont réduites à 30 minutes ?

Un coût social et environnemental inacceptable

Le véritable prix de TES Canada ne se mesure pas seulement en milliards de dollars, mais en hectares de terres agricoles sacrifiées, en écosystèmes détruits et en communautés déstabilisées. Avec 140 éoliennes géantes, des lignes de transport d'énergie, un parc solaire et une usine industrielle, la Mauricie sera méconnaissable.

Ce projet illustre parfaitement le « greenwashing » : un vernis écologique appliqué sur une entreprise qui repose en réalité sur des technologies énergivores et polluantes. Produire de l'hydrogène vert et du gaz synthétique à une échelle industrielle exige une quantité astronomique d'énergie et d'eau. Où est la durabilité dans cette équation ?

Les dangers pour nos terres et nos citoyens

En plus des impacts écologiques, TES Canada représente un risque concret pour les propriétaires et usagers des territoires avoisinants. Les projections de glace des éoliennes en hiver constituent un danger majeur pour les sentiers, les chemins de terre et les zones de circulation agricole. Ces blocs de glace projetés à grande vitesse menacent la sécurité des travailleurs, des résidents et des visiteurs des centres récréotouristiques et agrotouristiques.

De plus, la réciprocité joue en défaveur des citoyens : les propriétaires de terrains voisins aux installations éoliennes voient leur droit de jouissance de leur propriété considérablement réduit en plus du bruit, de l'ombre portée et de la nuisance visuelle. Bien qu'ils reçoivent une compensation monétaire, celle-ci est minime et sans commune mesure avec la perte d'usage réelle de leur bien ni avec l'occupation du territoire qui leur est imposée. Ils subissent ainsi les méfaits de ces infrastructures sans en retirer aucun bénéfice réel. TES Canada impose un sacrifice à plusieurs familles et exploitants, sans leur offrir de véritable contrepartie et sans qu'ils aient leur mot à dire.

Michel Angers : visionnaire ou opportuniste ?

Le maire Angers voit dans TES Canada une chance de redorer le blason d'un parc industriel qui peine à attirer des projets depuis sa création. Mais à quel prix ? Faire de la Mauricie un laboratoire d'expérimentation pour des multinationales avides de profits n'a rien d'une « pertinence sociale ».

En réalité, TES Canada n'est qu'un mirage. Derrière ses promesses attrayantes se cache une vérité bien plus sombre : l'exploitation de nos ressources naturelles au profit de quelques-uns, au détriment de notre qualité de vie, de notre territoire, de nos agriculteurs et des générations futures.

Michel Angers oublie que les grands projets qu'il évoque sont nés de la nationalisation de l'électricité, un pilier fondamental du Québec moderne. Or, TES Canada menace de plein front cet héritage en mettant nos ressources énergétiques entre les mains d'intérêts privés. René Lévesque et Adélard Godbout doivent se retourner dans leur tombe, car ce projet représente une attaque directe contre notre trésor public.

Une alternative est possible

Nous devons refuser cette vision réductrice de l'avenir de la Mauricie. Plutôt que de vendre nos terres aux multinationales, investissons dans des projets qui respectent nos écosystèmes, soutiennent nos communautés locales et favorisent une véritable transition énergétique.

Le débat sur TES Canada ne doit pas se limiter aux chiffres, mais inclure une réflexion sur ce que nous voulons pour notre région et notre planète. La Mauricie mérite mieux qu'un avenir fait de béton et de pales d'éoliennes. Elle mérite un avenir ancré dans le respect, la résilience et la durabilité.

Dany Janvier, citoyen de St-Adelphe
Contre la privatisation du vent et du soleil dans Mékinac Des Chenaux(CPVSMDC),
Toujours Maîtres Chez Nous(TMCN), RVÉQ

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Une grosse épine au pied pour Rio Tinto

4 février, par Germain Dallaire — , ,
En 1928, 2 ans après la fermeture des vannes du barrage d'îles Malignes à l'embouchure du Lac St-Jean qui avait élevé le niveau moyen d'une dizaine de pieds, la région connaît (…)

En 1928, 2 ans après la fermeture des vannes du barrage d'îles Malignes à l'embouchure du Lac St-Jean qui avait élevé le niveau moyen d'une dizaine de pieds, la région connaît un printemps tardif suivi soudainement de chaleurs. Résultat, le Lac monte à un niveau jamais vu de mémoire d'humain.

À la demande de secours du maire de St-Méthode dont le village est entièrement inondé, le représentant d'Alcan répond : « Si voulez des secours, payez-vous en ! ». Pour Alcan, cette catastrophe est un « act of god". Bien sûr, il s'agissait d'un phénomène naturel mais est-ce que ce coup d'eau aurait eu le même effet sur un lac dix pieds plus bas ?

Poser la question, c'est y répondre.Quatre-vingt neuf ans plus tard au printemps 2017, la petite rivière Péribonka connaît une crue exceptionnelle. Depuis plusieurs années, les propriétaires de la Pointe Langevin a son embouchure constatent une érosion accélérée. Deux maisons ont été détruites, c'est bientôt le tour d'une autre et le reste (une vingtaine) voient une après l'autre leur valeur diminuée à 2 000$. Comme en 1928, Rio Tinto utilise le prétexte de « l'act of god" pour se déresponsabiliser de ce qui se passe.

Indépendamment de la crue exceptionnelle, comment ne pas voir que les problèmes à la Pointe Langevin sont directement liés au niveau élevé du lac (environ 10 pieds plus haut qu'avant 1926) ainsi qu'à la gestion du débit de la rivière Péribonka, particulièrement en hiver où il est environ le double d'avant la construction des barrages dans les années 60

Les problèmes autour de la Pointe sont en train de prendre des allures de gouffre sans fond, au sens propre comme au figuré. Au bout de la Pointe, la petite rivière Péribonka et la grande se rencontrent presque de plein fouet ce qui est en train de créer un gouffre au large qui, à terme va gruger l'ensemble de la Pointe. Le problème est même en train de s'étendre au village de Péribonka dont le quai a commencé à s'affaisser ainsi qu'une rue. Devant l'ampleur du problème, Rio Tinto a pris les jambes à son cou. Les autorités politiques quant à elles, regardent leurs souliers lorsque les propriétaires de la Pointe s'adressent à elles. Désespérés, ils en sont même venus à débourser 20 000$ de leurs poches pour financer une étude qui a confirmé leurs pires appréhensions.

L'ensemble du problème est éminemment politique. On a affaire à une multinationale qui jouit de la complicité active des autorités politiques et une population un peu trop habituée à se faire dire n'importe quoi.

Le monde a changé depuis 1926

Si Rio Tinto recycle les mêmes excuses imbuvables d'Alcan il y a cent ans, la conjoncture globale, elle, s'est considérablement transformée :

1- De générateur de richesse, la « puissance régnante » (entendre Alcan puis Rio Tinto) est passée au statut d'accro à l'aide publique. Les chiffres sont implacables : 12 000 emplois dans les années 60 et 2 700 aujourd'hui. Si on cumule l'avantage comparatif lié à la possession de leurs barrages, les exemptions d'impôt et le fait qu'ils sont exemptés d'amendes pour les GES, on arrive à une subvention publique de 1,2 milliard$ par année. Abusant de son pouvoir, Rio Tinto s'est même permis au cours des dernières décennies des congés de cotisation à la caisse de retraite de ses employé(e)s qui ont conduit à un manque à gagner de 2 milliards$ pour cette caisse. Aujourd'hui, les retraité(e)s syndiqué(e)s (plus de deux fois plus nombreux que les actifs) évaluent à plus de 30% leur perte de pouvoir d'achat. Plus pingre que jamais, Rio Tinto refuse de leur garantir le maintien de leur pouvoir d'achat… Accro à l'argent facile vous dites ? Rio Tinto a réalisé des profits de 11,8 milliards$ en 2023.

2- En 1926, lorsque le barrage d'îles Malignes a été inauguré, il y avait une certaine logique à utiliser le lac comme réservoir compte tenu du fait que l'électricité produite visait à alimenter des cuves d'électrolyse d'aluminium fonctionnant 24 heures sur 24 et ne souffrant aucun arrêt d'alimentation électrique. Aujourd'hui, avec 2 autres barrages sur le Saguenay et trois sur la rivière Péribonka, il n'y plus aucune raison de garder le lac à un tel niveau. Surtout que, contrairement à 1926, il ne manque pas d'alimentation électrique au Québec pouvant suppléer à un manque temporaire de production, ce qui n'était pas le cas en 1926. Et puis, comme rien ne se perd et rien ne se crée, un lac dix pieds plus bas fournira la même quantité d'eau au Saguenay.

3- C'est peu dire que le monde d'aujourd'hui est radicalement différent de celui d'autrefois. Au début du siècle passé, nous étions au début du développement industriel au Québec. Les gens voyaient la nature comme une ressource à exploiter sans limite. Au cours des dernières décennies, nous avons tou(te)s collectivement pris conscience que tout cela n'était qu'illusion et que nous devons radicalement changer notre façon de voir la nature. Plutôt que d'être une ressource qu'on exploite à l'infini, elle doit au contraire devenir une alliée qu'on respecte et conserve jalousement. Dans une telle optique, quel est le sens de maintenir un lac, de surcroît densément habité sur l'ensemble de ses rives, environ dix pieds plus haut que son niveau naturel alors que ses rives d'origine sont le résultat stable d'environ 10 000 ans d'histoire ? Là aussi, poser la question, c'est y répondre !
L'érosion accélérée de la Pointe Langevin est peut-être en train de devenir le Waterloo de Rio Tinto. Sa position est intenable parce que tout le monde sait que cette érosion est principalement liée au niveau élevé du lac et au débit élevé de la rivière Péribonka en hiver.

La base du problème est là. En se déresponsabilisant, Rio Tinto dit à la population de s'arranger avec le problème. Dans un certain sens, Rio Tinto a raison dans la mesure où la population était là avant Alcan et sera là après Rio Tinto. La souveraineté appartient au peuple ! À la population du Saguenay Lac Saint-Jean d'en tirer la conclusion en se prenant en main et en exerçant sa souveraineté.

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Opposition autochtone et écologiste contre un projet de gazoduc en Colombie-Britannique

4 février, par Bifan Sun — , , ,
Le pipeline PRGT, autorisé il y a dix ans mais toujours pas construit, fait aujourd'hui face à des poursuites intentées par plusieurs communautés autochtones. Plusieurs (…)

Le pipeline PRGT, autorisé il y a dix ans mais toujours pas construit, fait aujourd'hui face à des poursuites intentées par plusieurs communautés autochtones.

Plusieurs Premières Nations en Colombie-Britannique contestent le projet de gazoduc PRGT, estimant que le certificat d'évaluation environnementale et les accords qui datent de dix ans ne reflètent plus les engagements du gouvernement en matière de climat et de droits autochtones. Elles ont intenté des recours judiciaires contre le projet, ainsi que contre la Régie de l'énergie de la Colombie-Britannique, accusée d'avoir contourné ses propres exigences légales en autorisant le début des travaux.

23 janvier 2025 | tiré du site de Pivot | Illlustration : Arrière plan : Carte du tracé original du pipeline PRGT. Image : BCER et TC Energy. Montage : Pivot.
https://pivot.quebec/2025/01/23/opposition-autochtone-et-ecologiste-contre-un-projet-de-gazoduc-en-colombie-britannique/?vgo_ee=aIn3g6EcMQtgDxKewmhbPaLFZTco4tbjGl7Mpb1%2FY%2F4x%3AgwaRLNF7hWnA%2BbE60k9CgkF7vF8VUAtf

Depuis des mois, des membres de plusieurs Premières Nations dans le nord de la Colombie-Britannique, notamment les Gitanyow et les Gitxsans, ainsi que des groupes écologistes protestent fermement contre le gazoduc Prince Rupert Gas Transmission (PRGT), un pipeline de gaz naturel liquéfié de 900 kilomètres censé traverser leurs territoires, entre le nord-est de la province, lieu d'extraction du gaz, et un terminal d'exportation au nord-ouest, sur la côte.

Les communautés autochtones et les groupes écologistes soutiennent que le certificat d'évaluation environnementale du pipeline, approuvé il y a maintenant dix ans et qui arrive à échéance, ne doit pas être renouvelé. Ils ont déposé une poursuite contre PRGT et la Régie de l'énergie de la province, qui a autorisé le début des travaux de construction du gazoduc, ainsi qu'une autre poursuite contre le projet de terminal maritime qui doit accompagner le pipeline.

Ils estiment notamment que la production d'énergie fossile sous-tendue par ce projet mènerait la province à dépasser ses objectifs d'émissions de gaz à effet de serre (GES) et que le terminal pose un risque pour les saumons qui migrent dans le secteur.

Les Premières Nations rappellent aussi que les obligations des gouvernements en matière de consultations des peuples autochtones se sont accrues au cours de la dernière décennie et jugent donc que les consentements obtenus autrefois ne sont plus valables.

Gazoduc caduc ?

Ce projet de pipeline a été initié par TC Energy, la même compagnie qui a construit le pipeline controversé Coastal GasLink traversant le territoire Wet'suwet'en. Au printemps 2024, le projet PRGT a été vendu au gouvernement de la Première Nation Nisga'a et à Western LNG, une compagnie basée aux États-Unis.

En 2014, le gouvernement de la Colombie-Britannique avait accordé le certificat environnemental malgré la conclusion du Bureau d'évaluation environnementale selon laquelle le projet aurait des effets négatifs significatifs sur les caribous et les émissions de GES. Le certificat a ensuite été prolongé jusqu'au 25 novembre 2024.

Selon la Loi sur l'évaluation environnementale de la province, si la construction est « substantiellement démarrée » avant la date d'expiration du certificat, celui-ci peut être renouvelé indéfiniment sans nécessiter de nouvelles évaluations environnementales. Sinon, le certificat expire à la date prévue et le projet doit passer une nouvelle évaluation environnementale avant que toute activité de construction puisse reprendre.

« C'est une énorme faille qui permet de conserver le certificat indéfiniment sans jamais avoir à le mettre à jour. »
Tara Marsden, conseil des chefs héréditaires Gitanyow

En août 2024, des travaux de défrichage de l'emprise du pipeline ont débuté.
Les Gitanyow ont manifesté leur opposition en brûlant les accords qu'ils avaient signés il y a dix ans avec TC Energy et le gouvernement provincial et en installant des blocus le long de l'itinéraire prévu pour le pipeline.

Peu avant l'expiration du certificat, PRGT a soumis une demande au gouvernement de la Colombie-Britannique afin de déterminer si un « démarrage substantiel » de la construction avait eu lieu. Une décision de la ministre de l'Environnement de la province est attendue pour mars prochain.
En entrevue avec Pivot, Tara Marsden, directrice en durabilité du conseil des chefs héréditaires Gitanyow, indique qu'au cours des dix dernières années, PRGT n'a effectué que des travaux de défrichage, sur moins de 5 % de l'emprise du pipeline, pendant seulement deux mois et juste avant l'expiration du certificat d'évaluation environnementale.

Tara Marsden souligne que la détermination de démarrage substantiel « n'est pas un processus rigoureux ». En effet, « la législation à ce sujet ne précise pas la quantité de travail spécifique devant être accomplie pour qu'un démarrage soit considéré comme substantiel », explique-t-elle. « C'est très subjectif et considéré au cas par cas. Cela signifie qu'il s'agit d'une décision politique de ceux qui sont au pouvoir. »

« C'est une énorme faille qui permet de conserver le certificat indéfiniment sans jamais avoir à le mettre à jour », critique Tara Marsden.

Nouveaux défis environnementaux

« C'est très préoccupant, car nous avons un climat complètement différent en 2024 par rapport à 2014 », poursuit Tara Marsden.

« On a vu, très proches de notre communauté, des incendies de forêt majeurs », illustre-t-elle. « On a connu des sécheresses au moins quatre des dix dernières années, qui ont affecté la migration des saumons. On observe également davantage de maladies forestières causées par le changement du climat », énumère-t-elle.

De plus, PRGT a également demandé au Bureau d'évaluation environnementale de modifier le point d'aboutissement du pipeline pour qu'il débouche au terminal de Ksi Lisims. Ce projet de terminal flottant devant permettre de liquéfier et d'exporter douze millions de tonnes de gaz naturel liquéfié par année est lui aussi porté par la Première Nation Nisga'a, Western LNG ainsi que Rockies LNG, et il est lui aussi contesté par plusieurs communautés.

En effet, les chefs héréditaires Gitanyow ont intenté, en octobre dernier, une action judiciaire contre Ksi Lisims devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, dénonçant les menaces aux populations de saumons dans la rivière Nass, vitales pour les Gitanyow, et affirmant que leur peuple n'a pas été consulté de manière adéquate.

À cause d'une méfiance envers le processus d'évaluation environnementale mené par le gouvernement, les chefs héréditaires Gitanyow ont créé leur propre processus d'évaluation.
Les chefs ont évalué le projet de terminal en incluant des références aux émissions globales de GES du pipeline PRGT. « Nous avons constaté que l'ensemble des développements associés au pipeline, au terminal, à l'extraction de gaz et à l'hydroélectricité nécessaire pour alimenter le terminal va vraiment empêcher le gouvernement provincial d'atteindre ses objectifs de réduction des GES », affirme Tara Marsden.

Accords obsolètes

Les accords sur le pipeline PRGT ont été signés, il y a dix ans, par un mélange de conseils de bande et de chefs héréditaires des Premières Nations concernées.

Or, à l'époque, avant que la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones entre en vigueur en 2021, il n'y avait pas de reconnaissance officielle de la nécessité que les Autochtones offrent leur consentement libre, préalable et éclairé.

« Ces accords obsolètes ne reflètent pas le consentement libre, préalable et éclairé », affirme Tara Marsden. « On a dû se charger d'examiner les nouvelles informations, puis se demander si ce projet répond toujours à nos intérêts en 2024. »

« La nature de ces accords est si restrictive qu'on a dû attendre qu'ils expirent avec le certificat [d'évaluation environnementale en novembre dernier] et maintenant on est davantage en mesure de contester le projet légalement et publiquement. »

Tara Marsden déplore que l'adoption de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies n'a donné qu'une « impression de changement ».

« On ne devrait pas avoir à aller en cour ni à installer des blocus sur nos territoires pour que les gouvernements nous écoutent », dit-elle au sujet des luttes contre les pipelines PRGT et Coastal GasLink.
« C'est malheureusement ce qui se passe actuellement dans notre coin du monde. »

Le gouvernement donne le feu vert

Il ne serait pas possible pour PRGT de demander une détermination de « démarrage substantiel » des travaux si la Régie de l'énergie de la Colombie-Britannique (BCER) n'avait pas d'abord autorisé le début des travaux de défrichage.

Or, la BCER fait face, conjointement avec PRGT, à une poursuite intentée par la Skeena Watershed Conservation Coalition, Kispiox Valley Community Centre Association et la Bande de Kispiox (une communauté Gitxsan), qui l'accusent d'avoir contourné ses propres exigences légales à ce sujet.
« On ne devrait pas avoir à aller en cour ni à installer des blocus sur nos territoires pour que les gouvernements nous écoutent. »

Tara Marsden

En 2023, les permis émis par la BCER stipulaient que le titulaire ne devait pas commencer les travaux avant de recevoir une évaluation des effets cumulatifs du projet – c'est-à-dire non seulement des impacts directs du pipeline, mais aussi de la manière dont ils s'ajoutent aux impacts passés et futurs sur le territoire – réalisée par la Régie en consultation avec les nations autochtones concernées.
Le pipeline est divisé en sept sections. Cette condition était inscrite dans les permis pour chaque section.

Cependant, la BCER et PRGT ont scindé la section 5 en sections 5A et 5B. La section 5B traverse le territoire de la Première Nation Nisga'a, dont le gouvernement co-détient le pipeline. Par courriel, la BCER affirme que « cet amendement visait à répondre aux préoccupations des Nisga'as selon lesquelles certaines conditions du permis restreignaient leur droit d'utiliser leur territoire ».

Puis, la BCER a autorisé le début des travaux sur la section 5B en août 2024.

Au lieu d'effectuer sa propre évaluation des effets cumulatifs de l'ensemble du projet, en consultation avec d'autres Premières Nations situées sur l'itinéraire du pipeline, la BCER a compté sur les seules indications du gouvernement Nisga'a, qui a affirmé que l'évaluation des effets cumulatifs pour la section 5B avait déjà été réalisée à sa satisfaction dans le cadre des demandes de certificat d'évaluation environnementale pour le pipeline PRGT et pour le terminal de Ksi Lisims.

Par courriel, la BCER explique que « la condition relative aux effets cumulatifs s'applique au permis auquel elle est incluse et liée, comme toutes les autres conditions ». Autrement dit, selon la Régie, pour commencer les travaux sur la section 5B, il suffit de compléter l'évaluation pour cette section, plutôt que pour l'ensemble du projet.

La BCER ajoute que « les conditions pour les autres permis (sections), y compris l'exigence d'une évaluation des effets cumulatifs, n'ont pas été complétées pour le reste des sections ».
« Ils ont divisé le permis pour ne pas avoir à consulter les autres Premières Nations avant de commencer la construction », commente Tara Marsden. « Il s'agit d'une manœuvre très sournoise pour essayer de poursuivre leurs activités de construction, tout en étant conscients qu'il y a beaucoup d'opposition. »

Le Bureau d'évaluation environnementale de la Colombie-Britannique et la Première Nation Nisga'a n'ont pas répondu à nos demandes de commentaire au moment de publier.

Auteur·e

BIFAN SUN
Bifan Sun est journaliste spécialisée dans les enjeux de racisme et d'anti-racisme pour Pivot. Dans le cadre du projet « Différends : sur le terrain des luttes anti-racistes », soutenu par la Fondation canadienne des relations raciales, elle s'engage à faire entendre une pluralité de voix issues des communautés racisées sous-représentées dans la sphère médiatique francophone. Elle est titulaire d'une maîtrise en communication, pour laquelle elle a étudié la construction des récits de migration par un groupe de femmes migrantes marginalisées.

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La FIQ plaide pour un moratoire sur la coupe de 1,5 milliard $ dans le réseau de la santé

4 février, par Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec—FIQ — , ,
Québec, le 30 janvier 2025 — La Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec—FIQ accueille avec soulagement le changement de position du gouvernement du Québec, (…)

Québec, le 30 janvier 2025 — La Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec—FIQ accueille avec soulagement le changement de position du gouvernement du Québec, reconnaissant enfin l'impact réel des compressions sur l'offre et la qualité des soins.

Cependant, la FIQ considère que cette nouvelle approche ne va pas assez loin. La Fédération appelle le gouvernement à reporter immédiatement les coupes de 1,5 milliard $ prévues dans le budget de la santé, jusqu'à ce qu'une évaluation rigoureuse et approfondie des besoins réels du réseau de la santé et des services sociaux soit réalisée.

«

Le gouvernement doit reconnaître que les compressions budgétaires actuelles sont déjà en train de miner la qualité des services directs à la population. La situation devient critique : les équipes de soins sont insuffisantes, les patient-e-s souffrent des retards d'intervention et les établissements de santé sont à bout de souffle. Il est plus que jamais nécessaire de stopper les coupes et de permettre aux professionnelles en soins de travailler dans des conditions décentes

», indique Julie Bouchard, présidente de la FIQ.

Enfin le gouvernement réalise l'impact des compressions sur les services de soins. Toutefois, il est impératif de prendre des mesures concrètes pour soutenir les équipes de santé. La FIQ recommande que le réseau annule la directive de réduction du temps supplémentaire et permette à nouveau l'ouverture de lits additionnels, afin de maintenir une prise en charge adéquate des patient-e-s en fonction de la capacité des équipes de soins. La réalité des urgences et des listes d'attente en chirurgie ne peut plus être ignorée. L'ampleur de la crise nécessite que Santé Québec assure une couverture complète des équipes, qu'il s'agisse des soins à domicile, des soins hospitaliers, ou des services d'urgence.

Par ailleurs, la FIQ estime que l'une des pistes les plus urgentes pour améliorer la situation réside dans le renforcement de la première ligne de soins. Cela comprend un soutien accru aux soins à domicile, dont la réduction continue est inacceptable. «  Nos aîné-e-s, personnes en situation de handicap et citoyen-ne-s vulnérables méritent un service de qualité. Une approche sérieuse en matière de soins à domicile permettrait de désengorger les urgences et d'offrir des alternatives aux hospitalisations évitables. En réinvestissant dans ces services publics, le gouvernement pourra non seulement améliorer la qualité de vie des citoyen-ne-s, mais également alléger la pression sur nos hôpitaux et améliorer le parcours de soins des patient-e-s  », ajoute Mme Bouchard.

«

 Nous ne devons pas céder à l'improvisation. Santé Québec doit prendre le temps de bien évaluer les besoins en ressources humaines et matérielles avant d'appliquer des coupes. Il est impératif de garantir que la trajectoire de soins ne soit pas affectée négativement. Chaque décision doit être prise en tenant compte de son impact sur la population, en particulier les plus vulnérables. Le gouvernement a un rôle crucial à jouer pour protéger le système de santé québécois. La FIQ en appelle à la responsabilité collective, notamment des décideur-euse-s politiques, afin de garantir que la santé des Québécois-e-s ne soit pas sacrifiée au nom de l'austérité. La FIQ demeure disponible pour collaborer avec Santé Québec dès maintenant

», conclut Julie Bouchard.

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Le gouvernement doit retirer ses exigences de compressions et protéger le financement du réseau public

4 février, par Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) — , ,
Alors que les témoignages d'usager·ère·s et de personnes salariées affecté·e·s par les compressions budgétaires se multiplient, le ministre de la Santé, Christian Dubé, (…)

Alors que les témoignages d'usager·ère·s et de personnes salariées affecté·e·s par les compressions budgétaires se multiplient, le ministre de la Santé, Christian Dubé, commençait à lever le pied aujourd'hui sur les exigences imposées à Santé Québec. Pour l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), ce revirement partiel ne suffit pas. Le gouvernement doit retirer complètement ses demandes de compressions et garantir un financement stable et prévisible pour répondre aux besoins de la population.

« Le ministre Dubé prend acte des conséquences bien réelles de ces compressions, mais il continue d'exiger des réductions budgétaires qui mettent en péril les soins et services essentiels, dénonce Robert Comeau, président de l'APTS. Si le gouvernement veut réellement protéger le réseau public, il doit cesser d'imposer des choix financiers qui nuisent aux usager·ère·s et au personnel. Un budget, ça a deux colonnes : d'un côté, les dépenses, de l'autre, les revenus. Et si on réduit sans assurer un financement adéquat, c'est la population qui en paie le prix. »

Les effets des compressions sont déjà visibles, notamment en soins à domicile, où des usager·ère·s vulnérables voient leurs services réduits, mais également en santé mentale ou encore en imagerie médicale. L'APTS craint également des impacts majeurs sur d'autres secteurs du réseau, où le personnel espérait des renforts et non de nouvelles restrictions budgétaires.

« Nous devons briser ce cercle vicieux où les compressions affaiblissent le réseau, forcent le recours au privé et justifient ensuite d'autres réductions, ajoute Robert Comeau. C'est pourquoi l'APTS propose la mise en place d'un bouclier budgétaire qui assurerait un financement minimal du réseau public, à la hauteur des besoins réels de la population, et garantirait ainsi un réseau public de santé et de services sociaux sain et efficace. »

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MHN 2025 : Joignez-vous aux syndicats du Canada pour faire progresser la justice raciale et économique pour les travailleuses et travailleurs noirs

4 février, par Congrès du travail du Canada (CTC) — , ,
Les syndicats du Canada marquent le Mois de l'histoire des Noirs en soulignant le rôle crucial que jouent les syndicats dans la promotion de la justice raciale et économique (…)

Les syndicats du Canada marquent le Mois de l'histoire des Noirs en soulignant le rôle crucial que jouent les syndicats dans la promotion de la justice raciale et économique pour les travailleuses et travailleurs noirs. Le 18 février, nous tiendrons une conversation virtuelle en compagnie de leaders syndicaux noirs sur les défis auxquels sont confrontés les travailleuses et travailleurs noirs et le rôle important que peuvent jouer les syndicats.

Selon des données récentes, les travailleuses et travailleurs noirs sont le groupe racialisé le plus susceptible d'être protégé par un contrat syndical, la syndicalisation augmentant leur revenu annuel de plus de 3 000 $. Les personnes noires syndiquées bénéficient de meilleurs salaires dans l'ensemble, d'une sécurité d'emploi accrue et de protections contre la discrimination.

Cependant, des obstacles systémiques à l'emploi persistent, dont les effets néfastes se répercutent sur les travailleuses et travailleurs noirs de génération en génération. Malgré leurs taux de syndicalisation plus élevés et les avantages qui en découlent, les travailleuses et travailleurs noirs se heurtent toujours à d'importants obstacles au travail : le rapport révèle également que les travailleuses et travailleurs noirs subissent le deuxième plus grand écart salarial des groupes racialisés en raison de leur représentation disproportionnée dans les secteurs à bas salaires et de leur accès limité ou de leur exclusion aux secteurs à salaires plus élevés.

Les travailleuses et travailleurs noirs au Canada sont confrontés à une discrimination continuelle et au racisme systémique sur le marché du travail – de graves obstacles qui nuisent à leur accès à l'équité d'emploi, à l'avancement et à un traitement équitable au travail. Les effets du racisme anti-Noirs ont une vaste portée, posant des obstacles tenaces à l'avancement économique et à l'habilitation des communautés noires.

Une enquête nationale de 2023 sur les Noirs canadiens menée par l'Institut de recherche sociale de l'Université York, en partenariat avec la Fondation canadienne des relations raciales, indique que 75 % des répondants ont subi des actes de racisme au travail considérés comme grave ou très grave, et que les travailleuses et travailleurs noirs considèrent les lieux de travail comme des épicentres de discrimination et d'injustice raciales.

Ceci est inacceptable, et les syndicats ont un rôle crucial à jouer dans l'élimination des injustices systémiques, autant au travail que dans la société en général.

« Le mouvement syndical doit continuer à respecter sa mission fondamentale qui est de lutter pour l'équité, la justice et la dignité pour tous les travailleurs et travailleuses. Cela signifie que nous devons multiplier les efforts pour éliminer le racisme et la discrimination anti-Noirs dans les milieux de travail et les syndicats, négocier pour obtenir les mêmes possibilités, éduquer les membres et les dirigeants, amplifier les voix et le leadership des travailleurs noirs et encourager les travailleurs noirs à s'organiser pour obtenir de meilleurs emplois et salaires », déclare Larry Rousseau, vice-président exécutif du CTC.

Les syndicats peuvent être un puissant moteur de justice raciale et économique pour les travailleuses et travailleurs noirs, que ce soit au travail, dans le syndicat ou dans la société. N'oubliez pas de vous inscrire à notre webinaire le 18 février et de consulter notre nouvelle fiche d'information sur les travailleuses et travailleurs noirs et la syndicalisation. Vous pouvez également vous joindre à nous en ce Mois de l'histoire des Noirs et par la suite en textant MHN au 55255.

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La pensée libérale et l’idéologie de l’esclavage racial

4 février, par Alain Saint Victor — ,
Dans une remarquable étude sur le libéralisme, le philosophe italien Domenico Losurdo (1941-2018) montre clairement le lien existant entre la montée de l'idéologie libérale et (…)

Dans une remarquable étude sur le libéralisme, le philosophe italien Domenico Losurdo (1941-2018) montre clairement le lien existant entre la montée de l'idéologie libérale et l'institutionnalisation de l'esclavage racial à la fin du XVIIe siècle. Les principes fondamentaux du libéralisme considèrent comme inaliénables la liberté de l'individu, son droit à l'épanouissement et au bonheur.

L'auteur est historien.

Pour Losurdo, ces principes, qui allaient constituer le socle idéologique des révoltions française et américaine, servaient paradoxalement à « théoriser » l'esclavage racial : « L'autogouvernement de la société civile, explique Losurdo, triomphe sous le drapeau de la liberté et de la lutte contre le despotisme, alors qu'il entraine le développement de l'esclavage-marchandise sur une base raciale et creuse, un abîme insurmontable et sans précédent entre les Blancs et les peuples de couleur (1). » John Locke (1632-1704), par exemple, considéré comme l'un des pères du libéralisme, légitimait « l'esclavage racial qui s'affirme peu à peu dans la réalité politico-sociale de l'époque (2). » Le philosophe libéral traçait une ligne de démarcation raciale entre Blancs et Noirs, que ni la conversion au christianisme ni l'affranchissement ne pouvaient remettre en question.

De même Montesquieu (1689-1755), qui fait partie du courant philosophique des Lumières et qui est considéré également comme l'un des plus grands penseurs de l'organisation politique libérale, voit dans l'esclavage des « Nègres », le résultat naturel qui s'explique par le climat dans lequel ils vivent. Pour Montesquieu, il faut « borner la servitude naturelle à de certains pays particuliers » et qu'il « ne faut […] pas être étonné que la lâcheté des peuples des climats chauds les ait presque toujours rendus esclaves, et que le courage des peuples des climats froids les ait maintenus libres. C'est un effet qui dérive de sa cause naturelle (3). »

Tout au long du XVIIIe siècle, l'on ne cesse de poser des questions portant sur la place de l'homme dans la nature. Avec Buffon (1707-1788), une conception de l'homme se précise : celui-ci faisant partie de la nature est « considéré comme un tout et distinct de toutes les autres espèces par la nature de son entendement, la durée de son accroissement et de sa vie, […], par la complexité et la diversité des sociétés qu'il forme avec ses semblables (4) ». L'intention de séparer l'homme de la bête apparait comme une nécessité pour Buffon, mais cette séparation débouche aussi sur la nécessité anthropologique de différentier les humains selon des critères que le courant des Lumières prendra soin d'élaborer. Polygéniste avant la lettre, Voltaire (1694-1778) ne pouvait concevoir l'unité de l'espèce humaine, idée qu'il trouvait absurde vu les différences physiques entre les groupes d'humains, qui, à ses yeux, constituaient la preuve irréfutable de races différentes. Mais pour Voltaire, cette différence atteste également d'une hiérarchie naturelle : le Noir ne serait qu'un animal « qui a de la laine sur la tête, marchant sur deux pattes, presque aussi adroit qu'un singe, moins fort que les autres animaux de sa taille, ayant un peu plus d'idées qu'eux, et plus de facilités pour les exprimer », et, pour le philosophe, l'homme européen serait, dans cet ordre hiérarchique aussi différent des « nègres », que ces derniers « le sont aux singes, et comme les singes le sont aux huitres, et aux autres animaux de cette espèce (5). »

Certes on ne peut réduire toute la philosophie des Lumières à ces propos racistes de Voltaire, les écrits de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) illustrent une véritable critique de la société de son époque : pour Rousseau l'homme social occidental, héritier de son histoire, est corrompu et ne peut prétendre être supérieur au « sauvage », dont Rousseau exalte les qualités. Selon l'anthropologue et historienne Michèle Duchet, cette position de Rousseau est toutefois « loin d'être le refus de la socialité », elle en est plutôt « l'exaltation : l'homme y a véritablement vocation, à travers un procès de perversion mais aussi de perfection, à devenir ‘un être moral, un animal raisonnable, le roi des autres animaux, et l'image de Dieu sur la terre' ». Duchet en déduit que l'anthropologie de Rousseau ne consiste pas en fait à combattre la civilisation, « mais un état d'aliénation qui en est la négation même. La question qu'il invite à se poser n'est pas : comment se dé-civiliser ?, mais au contraire : qu'est-ce qu'une société civile digne de ce nom ? (6) ».

Au XVIIIe siècle, le discours ethnologique est confiné à l'intérieur de la philosophie. C'est en philosophes et non en scientifiques que les auteurs des Lumières pensent la possibilité d'un monde non européen. Et parce que le monde qui s'ouvre à eux provient de l'Histoire naturelle de Buffon qui lui-même dépend, pour élaborer son discours historique, des récits des voyageurs, marchands et aventuriers, les philosophes des Lumières ne pouvaient percevoir « la réalité du monde sauvage » qu'à travers leur propre culture. Pour eux, « l'homme sauvage » était en réalité « l'homme primitif », un être historique en qui « enfin l'homme européen peut se reconnaitre et apprendre à se connaitre (7) ».

Néanmoins, au cours du siècle des Lumières, ce « monde sauvage » n'est plus cet « objet de curiosité ou d'enquête » dont « s'émerveillaient les hommes de la Renaissance » : il devient le lieu de l'exploitation coloniale, de sorte que « les sauvages d'hier, réduits en esclavage, brutalement jetés dans le creuset des races et des civilisations, ont changé d'être et de visage (8). » Comme le montre Duchet, le courant encyclopédiste, bien que s'inscrivant dans la lutte antiesclavagiste, participe dans l'élaboration de l'idéologie justifiant l'exploitation coloniale : entre les administrateurs coloniaux, les économistes physiocrates et les philosophes il existe un « unique réseau de savoir-pouvoir » selon l'expression de l'historien des sciences Claude Blanckaert (9). Didier Diderot (1713-1784) lui-même ne prédisait-il pas la disparition des « sauvages », qui, à cause de « leur vie dure et disetteuse, la continuité de leurs guerres, les pièges sans nombre que nous ne cessons de leur tendre, on ne pourra s'empêcher de prévoir qu'avant qu'il ne soit écoulé trois siècles, ils auront disparu de la terre. […]. Les temps de l'homme sauvage ne seront-ils pas pour la postérité, ce que sont pour nous les temps fabuleux de l'Antiquité ? (10) ». Cette perception évolutionniste qui explique la disparition inéluctable du « sauvage » laisse entrevoir cette « disparition » comme une nécessité pour qu'émerge la « civilisation ».

Cette dernière, parce qu'elle est porteuse de « progrès », a le devoir de s'étendre, car en elle se trouve « l'avenir » de l'humanité. Michèle Duchet l'exprime bien dans un passage qui mérite d'être cité dans son intégralité. Elle écrit :

depuis […] le début du processus de colonisation, l'homme sauvage est objet, l'homme civilisé seul est sujet ; il est celui qui civilise, il apporte avec lui la civilisation, il la parle, il la pense, et parce qu'elle est le mode de son action, elle devient le référent de son discours. Bon gré mal gré, la pensée philosophique prend en charge la violence faite à l'homme sauvage, au nom d'une supériorité dont elle participe : elle a beau affirmer que tous les hommes sont frères, elle ne peut se défendre d'un européocentrisme, qui trouve dans l'idée de progrès son meilleur alibi. Elle a beau se défendre de consentir à l'ordre des choses, elle ne peut lui opposer, dans le meilleur des cas, qu'un réformisme humanitaire (11).

Cette pensée s'appuie également au dernier quart de XVIIIe siècle sur la théorie économique des physiocrates, doctrine selon laquelle les « lois naturelles » constituent le fondement des principes sociaux. Cette doctrine qui considère l'activité agricole comme la richesse de toute société voit également dans la propriété privée le résultat « naturel » de la richesse elle-même basée sur l'agriculture. C'est ainsi que l'un des plus grands adeptes de la physiocratie, l'économiste et théologien Nicolas Baudeau (1730-1792), perçoit dans « l'ordre naturel tout physique […] un développement nécessaire de l'ordre social physique, fondée sur la propriété foncière, qui nait de la culture, occasionnée par la nécessité physique de multiplier les objets propres à la subsistance, et au bien-être des hommes (12) ». Ce naturalisme économique que prônent les physiocrates est lié de façon constitutive à la valorisation du travail de la terre. Mais de cette conception découle également une certaine représentation de la société basée sur une perception évolutionniste. L'économiste marxiste néo-zélandais Ronald L. Meek analyse dans son ouvrage Science and the Ignoble Savage (1976), les théories socio-économiques de la fin du XVIIIe siècle comme une tentative de comprendre les sociétés à partir de leurs « modes de subsistance ». Pour lui, ces nouvelles théories perçoivent l'histoire comme universelle et constituée de quatre étapes : la chasse, le pâturage, l'agriculture et le commerce (13). Ces étapes qui se suivent de façon linéaire et évolutive représentent, dans l'esprit des économistes du XVIIIe siècle, le parcours « nécessaire » et « naturel » de toute société, et c'est ainsi « que se construit un principe explicatif qui se présente comme allant de soi ---et devant ainsi s'appliquer à tous. L'ordre dénommé « naturel » devient un « ordre pour tous » (14). » De plus, l'importance du travail, c'est-à-dire de l'être humain en tant que force productive, devient non seulement une notion consubstantielle à celle de la création de la civilisation et de son évolution, mais induit également une perception qui considère le « sauvage », empêtré dans sa « paresse », comme dépourvu d'humanité. Pour la pensée libérale, « quand la ‘paresse' devint une caractéristique ‘essentielle' des races sauvages, elle s'avéra un mode d'être imposé par la nature, et posé en contradiction avec la véritable humanité (15). » L'esclavage devient ainsi, comme d'ailleurs le percevait le philosophe Hegel, « un moment de l'éducation des peuples dégradés, ‘une sorte de participation à une vie éthique et culturelle supérieure (16)'. »

À la fin du XVIIIe siècle, l'idée de la supériorité de la civilisation occidentale et d'une perception évolutionniste des sociétés se renforcent et prennent forme dans les principaux courants intellectuels. Si le rationalisme, dans lequel se reconnaissent les Lumières, a permis de remettre en cause le dogmatisme religieux et l'absolutisme, rendre ainsi possible une certaine émancipation des idéologies de l'Ancien Régime, il est aussi à la base d'une certaine représentation du monde fondée sur l'inégalité. L'idéologie racialiste, qui se constitue au début du siècle, dénote une particularité : elle se démarque de plus en plus de la croyance religieuse pour prendre la forme d'une rationalité dont le XIXe siècle sera l'aboutissement. Le système esclavagiste, en particulier le développement des plantations sucrières, atteint son apogée au cours du XVIIIe siècle. Les questions portant sur la rentabilité et l'importance économique des colonies prennent une dimension jamais atteinte dans les métropoles, particulièrement pour les centres financiers et la bourgeoisie montante. Mais la légitimation de ce système, embryon du système-monde selon l'expression du sociologue Immanuel Wallerstein, n'allait pas de soi. Les Lumières portaient également en elles-mêmes l'exigence de l'égalité entre les êtres humains. Le mouvement abolitionniste qui naquit à la fin du siècle s'en inspira pour constituer son argumentation (17).

En somme, l'universalisme qui émerge avec les Lumières comporte une contradiction apparente qui, dans le contexte du XVIIIe siècle, semble impossible à surmonter : il incarne la raison, la morale basée sur un certain humanisme, mais il implique une rationalité réductionniste qui s'impose comme une vérité incontestée, rationalité développant une conception linéaire de l'histoire consistant à prendre l'Europe comme seul modèle paradigmatique de tout développement historique. Tout en mettant la liberté de l'individu au centre de son raisonnement, la pensée libérale, qui prend forme au cours de cette période, n'échappe pas à cette conception : pour elle, la civilisation telle qu'elle s'est développée en Europe est conçue comme universelle et doit être imposée à tous, même si cela suppose l'extermination des autres formes de civilisation. Cette pensée libérale qui remet en cause le dogmatisme religieux et l'absolutisme de l'Ancien Régime reprend à sa façon la croyance selon laquelle il existerait une hiérarchie entre les êtres humains, ou plus particulièrement entre les « races », croyance remplaçant graduellement celle du dogme religieux de la malédiction de Cham et qui allait trouver son aboutissement dans le biologisme racial du XIXe siècle, époque du rationalisme scientifique, de la deuxième phase de la Révolution industrielle et du nouveau colonialisme, inaugurant ainsi le triomphe du mode de production capitaliste.

Notes

1- Domenico Losurdo, Contre-histoire du libéralisme. Éditions La Découverte, Paris 2013, p.52

2- Ibid. p.56

3- Charles-Louis Montesquieu, De l'esprit des lois, 2 tomes, « folio », Gallimard, Paris 1995, XV,2. Cité par Domenico Lusordo, p.58

4- Michèle Duchet, Anthropologie et histoire au siècle des lumières, Buffon, Voltaire, Rousseau, Helvetius, Diderot, Flammarion, Paris 1977, p.185

5- Voltaire, Traité de métaphysique, p.191, cité dans Michèle Duchet, opi. cit., p.231

6- Michèle Duchet, Ibid. p.22

7- Ibid. p.18

8- Ibid. p.19

9- Voir Claude Blanckaert, Les archives du genre humain. Approches réflexives en histoire des sciences anthropologiques. Postface du livre de Michèle Duchet, Éditions Albin Michel, 1995

10- Didier Diderot, l'Histoire des Deux Indes, cité dans Michèle Duchet, Ibid. p.20

11- Michèle Duchet, opi. cit. p.20

12- Éphémérides du Citoyen, 1767, tome 1, p.112, cité dans Jacob, A. (1991). Civilisation/Sauvagerie. Le Sauvage américain et l'idée de civilisation. Anthropologie et Sociétés, 15(1), 13–35.

13- Voir : Ronald L. Meek, Social Science and the ignoble, Cambridge University Press 1976, 252 p.

14- Jacob, A. op. cit.

15- Claude Blanckaert, « La science de l'homme entre humanité et inhumanité », Des sciences contre l'homme, Volume I : Classer, hiérarchiser, exclure, Éditions Autrement, 1993 p.24

16- Ibid.

17- Voir : Olivier Pétré-Grenouilleau (sous la direction de), Abolir l'esclavage : Un réformisme à l'épreuve (France, Portugal, Suisse, XVIIIe-XIXe siècles), Presses universitaires de Rennes, 2015, 430 p.

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Les perdants de Jenny Cartwright

4 février, par Office national du film du Canada (ONF) — , ,
À l'affiche dès le 28 février « L'exercice de la démocratie se trouverait-il ailleurs que dans le processus électoral ? » — Jenny Cartwright Le 28 janvier 2025 – (…)

À l'affiche dès le 28 février

« L'exercice de la démocratie se trouverait-il ailleurs que dans le processus électoral ? »

— Jenny Cartwright

Le 28 janvier 2025 – Montréal – Office national du film du Canada (ONF)

Le long métrage documentaire Les perdants de Jenny Cartwright arrivera en salle au Québec le vendredi 28 février. Rappelons que le documentaire sera présenté en première mondiale et en ouverture de la 43e édition des Rendez-vous Québec Cinéma le 19 février prochain, en présence de l'équipe du film.

Les perdants suit trois personnes candidates aux élections provinciales québécoises de 2022 en jetant un regard caustique sur notre système électoral et ses nombreux dysfonctionnements.
BANDE-ANNONCE

Le point commun aux trois personnes candidates (Renaud Blais, Elza Kephart et Jean-Louis Thémis) présentées dans Les perdants ? Une défaite assurée. À travers leurs campagnes respectives et les propos de Francis Dupuis-Déri et de Catherine Dorion, entre autres, le film décortique les nombreux dysfonctionnements du système électoral : difficultés supplémentaires pour les femmes et les personnes racisées, mode de scrutin déficient, financement inéquitable, poids des médias et des sondages... Car le système politique n'offre pas les mêmes chances à toutes et tous. Si la course semble perdue d'avance pour une majorité des coureurs, c'est que nous sommes les perdants du jeu électoral.


À propos de la réalisatrice

Cinéaste primée de documentaires et de créations sonores, Jenny Cartwright allie poésie et manifestes dans l'exploration de thèmes comme l'autodétermination et les inégalités, avec un parti pris pour les personnes mises à l'écart. Ses documentaires sonores Debouttes ! (2020) et Création de richesse (2022) ont été récompensés aux prix NUMIX. Son film Je me souviens d'un temps où personne ne joggait dans ce quartier a remporté en 2022 le prix RÉAL, œuvre art et essai, décerné par l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec.

Carnaval

4 février, par Smith Prinvil — , ,
Port-au-Prince, le 27 janvier 2025- Dans les ruelles vibrantes d'Haïti, entre les échos des coups de feu et les cris d'espoir, une réalité troublante persiste : même en pleine (…)

Port-au-Prince, le 27 janvier 2025- Dans les ruelles vibrantes d'Haïti, entre les échos des coups de feu et les cris d'espoir, une réalité troublante persiste : même en pleine tourmente, la population rêve de danser le carnaval. Ce paradoxe est révélateur d'un peuple résilient, attaché à ses traditions et à sa culture, mais aussi d'une lutte intérieure entre la survie quotidienne et le désir de se libérer, ne serait-ce qu'un instant, des chaînes de la crise.

Le carnaval en Haïti n'est pas une simple fête. C'est un exutoire collectif, un espace où le peuple exprime sa joie, sa colère, ses frustrations et ses rêves à travers la musique, les costumes et les danses. Pour une société meurtrie par la violence des gangs, l'instabilité politique et une pauvreté accablante, le carnaval représente un moment suspendu, un instant où l'on peut oublier les luttes quotidiennes et se réapproprier sa dignité.
Mais ce rêve de carnaval prend une teinte particulière en période de crise. Pour beaucoup, il est un acte de résistance culturelle, une manière de dire que la vie continue malgré tout. Pourtant, il illustre aussi une réalité douloureuse : danser devient un luxe dans un pays où la sécurité, la nourriture et même l'eau potable manquent cruellement.

Les rues, autrefois remplies de chars colorés et de foules en liesse, sont aujourd'hui dominées par la peur. Les gangs armés contrôlent des quartiers entiers, kidnappant et terrorisant la population. Comment organiser un carnaval lorsque se rendre d'un point A à un point B peut être une entreprise mortelle ?

Pourtant, chaque année, des voix s'élèvent pour réclamer cette célébration. Certains y voient un moyen de résister à la terreur et de rappeler au monde qu'Haïti est bien plus qu'un pays en crise. Mais pour d'autres, danser le carnaval en pleine tourmente ressemble à une fuite en avant, une tentative désespérée de masquer des problèmes profonds qui continuent de s'aggraver.

Dans le contexte actuel, le carnaval pourrait être perçu comme un reflet de la société haïtienne elle-même : belle, forte et vibrante, mais brisée et en quête de rédemption. Les chansons carnavalesques, souvent empreintes d'humour et de critiques sociales, témoignent des défis quotidiens et des espoirs d'un peuple qui refuse de se résigner.
Cependant, la persistance du carnaval dans un environnement de chaos soulève une question essentielle : à quel prix le rêve de danser est-il maintenu ? Le carnaval, dans toute sa splendeur, peut-il réellement guérir les blessures d'un pays ou est-il simplement une distraction temporaire qui retarde l'inévitable confrontation avec la réalité ?

Le rêve de danser le carnaval, même en période de crise, est un témoignage poignant de l'esprit haïtien. Mais pour que ce rêve ne se transforme pas en illusion, il est impératif que les priorités nationales changent. La sécurité, la justice et les conditions de vie dignes doivent être placées au centre des préoccupations.

Danser le carnaval ne devrait pas être un acte de bravoure ou de défiance face à l'adversité. Cela devrait être une célébration libre et joyeuse, dans un pays où chaque citoyen peut se sentir en sécurité et espérer un avenir meilleur.
Aujourd'hui, alors que la crise s'intensifie, le rêve de danser n'est pas simplement un besoin de fête, mais un cri silencieux pour la paix, la stabilité et la dignité. Et si le carnaval est un rappel de la force d'Haïti, il doit aussi être une invitation à construire un avenir où ce rêve pourra enfin être dansé sans peur.

Smith PRINVIL

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La Fête des Pères

4 février, par Distribution alternative et recherche d'impact — ,
Coup de cœur du Mois de l'histoire des Noirs 2025, La Fête des Pères, de Ayana O'Shun (Le Mythe de la femme noire) sera présenté au Cinéma Le Clap le 5 février à 19h, en (…)

Coup de cœur du Mois de l'histoire des Noirs 2025, La Fête des Pères, de Ayana O'Shun (Le Mythe de la femme noire) sera présenté au Cinéma Le Clap le 5 février à 19h, en présence de la réalisatrice et en partenariat avec la Table de Concertation du Mois de l'histoire des Noirs de Québec.

La Fête des Pères traite de l'incidence de l'absence des pères dans les familles noires en Amérique du Nord, qui est près de deux fois plus élevée que dans l'ensemble de la population. Et de ses effets sur les filles (beaucoup moins étudiés que chez les garçons), les femmes qu'elles deviennent et les communautés. Les racines du phénomène pourraient remonter entre autres aux lois esclavagistes.

Dans La Fête des pères, Ayana O'Shun (Le Mythe de la femme noire) enquête sur le phénomène des pères absents dans les communautés noires, à travers son récit personnel et celui de femmes lumineuses et résilientes du Québec et de la Guadeloupe.

Nous vous invitons à suivre le film sur Facebook et sur Instagram.
https://www.facebook.com/people/La-Fete-des-Peres-Le-film/61571800530536/

https://www.instagram.com/lafetedesperes/

DISTRIBUTION ALTERNATIVE ET RECHERCHE D'IMPACT, cinéma documentaire d'auteur québécois

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« La Pie voleuse » de Robert Guédiguian

4 février, par Samra Bonvoisin — , ,
** Paris, le 29 janvier 2025 Tiré du Café pédagogique https://cafepedagogique.net/2025/01/29/cinema-la-pie-voleuse-de-robert-guediguian/ Cinéaste engagé, infatigable (…)

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Paris, le 29 janvier 2025
Tiré du Café pédagogique
https://cafepedagogique.net/2025/01/29/cinema-la-pie-voleuse-de-robert-guediguian/

Cinéaste engagé, infatigable pourfendeur de l'injustice sociale et des ravages du néolibéralisme, Robert Guédiguian nous revient avec une fable, simple et lumineuse, plus politique qu'il n'y paraît, « La Pie voleuse », son 24^ème long métrage, tourné à L'Estaque, le quartier de Marseille qui l'a vu naître. Conçue dès l'écriture avec Serge Valletti sous le signe de la musique, l'ouverture en l'occurrence de l'opéra de Rossini, la fiction glisse de la chronique ordinaire au drame, du fait divers potentiellement toxique à la fable minuscule, délicate et profonde, portée par une attention constante aux plus démunis.

*Maria, la ‘voleuse' de vie, de plaisir et de musique*

Voici donc Maria, auxiliaire de vie (Ariane Ascaride) auprès de personnes plus âgées et aisées qu'elle, enfermée dans une précarité financière chronique, accentuée par le train de vie de Bruno (Gérard Meylan), son mari depuis toujours, et incorrigible parieur aux cartes. Maria arrondit son modeste salaire en commettant de petits vols de billets ou de chèques au domicile de ces gens qui l'adorent et qu'elle accompagne avec un dévouement sincère et généreux.

L'héroïne de « La Pie voleuse » n'a pas vraiment conscience de commettre quelque larcin. En un sens, elle se paie ses heures supplémentaires. Mais ses besoins ne s'arrêtent pas à l'assurance de sa survie.

Maria vole à ceux qui ont les moyens de quoi s'offrir le plaisir de manger des huîtres en écoutant seule un concert ou d'offrir des leçons de piano à son petit-fils au talent naissant.

L'appétit de vivre, la capacité à jouir du présent, le goût manifeste pour l'observation aimante des êtres et la contemplation émue de la mer méditerranée sous le soleil, visible de la fenêtre de la maison commune aux meubles usés et à la petite piscine délabrée dessinent le portrait complexe d'une femme épatante de drôlerie, d'énergie traversée par un ‘grain de folie' à la fois dangereuse et communicative.
Ses riches ‘protégés' ne s'y trompent pas, lesquels réclament sa présence affectueuse et solaire, même en dehors des plages horaires réglementaires.

Ainsi de cette vieille femme seule terrorisée par une nuit d'orage que Maria appelée en urgence vient rassurer et consoler sans tarder. Ainsi de la complicité évidente qui relie Monsieur Moreau (Jean-Pierre Darroussin), coincé à bord d'un fauteuil roulant dans sa demeure cossue avec jardin arboré, capable de prouesses physiques et…d'une initiative peu orthodoxe pour renouer avec cette simple ‘assistante' de vie qu'il apprécie tant.

*« Les Pauvres Gens », la symphonie des sentiments pour une fable rebelle*

Nous ne révélerons pas les détails d'un engrenage conduisant au dépôt d'une plainte pour abus de faiblesse, transformant la chronique légère en récit avec suspense et surprises de l'amour. Un événement et ses suites vont tout bouleverser : le fragile équilibre de Maria, les rapports entre générations, les relations de jeunes couples alentour.

Laurent (Grégoire Leprince-Ringuet), responsable d'une agence immobilière, tenue stricte, air sérieux, et fils nanti de Monsieur Moreau, paraît en tout cas totalement dépourvu d'humour et …d'empathie envers la (petite) délinquante, coupable de quelques détournements de chèques paternels.

Et pourtant, dans ce conte délicat et dramatique, les flux et les reflux de la mémoire, des amours perdus aux fantômes du passé, se court-circuitent avec les effets en cascade d'un coup de foudre redistribuant les rôles et les places sur la carte du tendre.

Aussi sommes-nous à peine surpris de voir Monsieur Moreau descendre à grande vitesse en fauteuil roulant une route goudronnée jusqu'au centre-ville et réciter devant qui de droit le poème de Victor Hugo « Les Pauvres Gens ». Pour la bonne cause.

Sous nos yeux, dans le silence, modulé par la seule partition originale composée en amont par le musicien Michel Petrossian en accord avec Robert Guédiguian, se matérialisent des regards prolongés, des gestes tremblants, une brusque étreinte, un entremêlement des corps, dans l'évidence du coup de foudre entre deux jeunes personnes que tout oppose, Jennifer (Marilou Aussiloux), la fille de Maria et Laurent, le fils Moreau.

Une scène qui tient du miracle, voulue dès l'écriture par le réalisateur, comme il le confiait lors d'une avant-première, dans « le ressenti d'un film muet ». À plusieurs reprises la coexistence de la musique symphonique et de l'émergence de sentiments neufs ou d'affections profondes, sans paroles des personnages, nous permet d'accéder à leur humanité et à leur vulnérabilité.

Outre l'équipe fidèle de techniciens, la troupe d'acteurs (associant les ‘habitués' déjà cités et quelques nouvelles recrues comme Marilou Aussiloux, sans oublier Lola Naymarck, Robinson Stévenin, Thorvald Sondergaard) apporte son concours inventif à l'incarnation chaleureuse de « La Pie voleuse ». « Nous savons tous qu'il y a un film à trouver et nous le cherchons ensemble », précise Robert Guédiguian.
Et la fable minimaliste, concentrée sur le destin individuel de Maria, et de quelques autres dans un sillage affectif et un petit espace urbain ouvert sur l'immensité de la Méditerranée, nous donne à voir et à entendre l'ébauche d'une réparation de l'injustice sociale et l'esquisse d'une fraternité possible, sans barrières visibles.

Samra Bonvoisin, Le Café pédagogique, 2025-01-29

« La Pie voleuse », film de Robert Guédiguian - Sortie le 29 janvier 2025 en France.

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Au chevet de l’ONU

4 février, par Omar Haddadou — ,
( Après mûre réflexion, la Finance franchit le pas pour rendre visite à l'ONU hospitalisée ) – Je t'ai pris un assortiment. – Merci ! susurre l'ONU, d'une voix à peine (…)

( Après mûre réflexion, la Finance franchit le pas pour rendre visite à l'ONU hospitalisée )

Je t'ai pris un assortiment.
– Merci ! susurre l'ONU, d'une voix à peine audible, dévorant de ses yeux la boite de pâtisserie et les fleurs.
– Décale ta tête, j'vais t'arranger l'oreiller… ! Voiiilà !
( l'ONU a le visage hâve. Elle arrive, à grand peine, à tenir une conversation )

Pour changer, j'ai jeté mon dévolu sur les Hortensias et les Glaïeuls, dit la Finance, fringuée comme l'As de pique.
– Belle combinaison florale, s'émerveille l'Organisation, avec pénibilité.
– J'ai eu du mal à trouver l'établissement.

– T'es pas la seule.
– Pourquoi ils t'ont évacuée vers ce monobloc glauque de pestiférés ? s'enquit la Finance.

( L'ONU hausse les épaules )
- Et puis c'est crado partout. Oh, ma pauvre ! Je comprends. L'Hôpital franco-américain du XVI ème, c'est pas pour toi.
– Saturé ! Encore, t'as rien vu.
– Dis-moi tout, sans te fatiguer !
- On m'a changée de chambre au milieu de la nuit.

– Pourquoi ?
- Un cafard dodu, avec des antennes aussi hautes que les perches de Sergueï Bubka.

– Mon Dieu ! Une blatte qui doit avoir la connexion 9 G ? s'affole la Finance.
- L'infirmière m'a dit que c'était un « Cafard germanique ».

– Il se trouve qu'il eût été un espion. L'Allemagne cherche pourquoi elle vient de tomber dans le giron de l'extrême droite, soutenue par Musk.

– Je n'en sais rien. Tout m'échappe présentement !

- Parle-moi de ta santé ! Qu'est-ce qu'il a dit le Docteur, ce matin en passant.

– Il a pris ma tension, puis il m'a conseillé de ménager mes efforts, si je tenais à demeurer de ce monde.
– Aha ! La même formulation que je t'avais débitée.

– Un conseil ! Oui un conseil vital !
- Je t'avais prévenue : « ONU, tiens - toi à carreau ! T'es en train de filer du mauvais coton en me mettant les bâtons dans les roues ».
– C'est mon devoir, Finance.
– Ha, ha, ha ! Quel devoir ? Celui des Lymphocytes B, chargées de surveiller les corps étrangers ?
- Je veille au maintien de la Paix et de la Sécurité des Droits humains dans le monde.

– T'es à côté de la plaque, mon amie !
- Tu penses ? fait l'ONU, d'une voix presque inintelligible.

- La réalité t'a faussée compagnie ! grogne de but en blanc la Finance. Le monde t'échappe. Tu n'es qu'un acronyme en costume d'Eve, ONU ! Sans le chaos, le déblayage géopolitique et l'usage de la force, je ne serais pas là à te faire entendre raison.
( Mortifiée, l'ONU baisse la tête )
- Ecoute-moi bien, ONU !
- Oui.
– La guerre des intérêts ne recule devant aucune monstruosité. Celle de la spoliation et du nettoyage ethnique, ont font partie. Ou tu joues le jeu, ou tu la mets en veilleuse ! - Sous peine de … ?
- Mordre dans la poussière !

Teste et dessin : Omar HADDADOU Paris, fév. 2025

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Double variation sur le thème de l’oligarchie

4 février, par Gaétan Roberge — , ,
Thème A – Le spectre de la bêtise Dommage que la Colombie ait fait marche arrière ! Elle aurait été le premier pays à affirmer sa souveraineté, sa franche volonté de (…)

Thème A – Le spectre de la bêtise

Dommage que la Colombie ait fait marche arrière ! Elle aurait été le premier pays à affirmer sa souveraineté, sa franche volonté de résistance et son refus de ne pas manger de ce pain – de viande – là dans la main sale et corrompue de cet abominable maître chanteur psychopathe.

Cela est pour le moins inacceptable d'assister à tout cet aplaventrisme aux conséquences néfastes dont les têtes dirigeantes du monde actuel font preuve face à ces véritables déclarations de guerre, entre autres, envers le Panama, le Canada et le Danemark. Citizen Trump, ce chantre de la « destinée manifeste », entend non seulement démanteler les structures intérieures de son propre pays, mais en plus, il veut à la fois conquérir et rompre avec le reste du monde à force de menaces et de retraits des grands enjeux planétaires et tout en laissant le champ droit libre à sa clique de pourvoyeurs et d'oligarques, ces prophètes de l'Intelligence Artificielle, issus du complexe technologico-industriel pour saccager et piller la planète Terre … en passant par Mars. Non seulement veut-il aussi expulser des millions de migrants qu'il associe injustement à des criminels et pourtant tous savent que les Démocrates et les Républicains ont bâtis une large part de l'économie des États-Unis sur le dos douloureusement voûté de cette même immigration clandestine, mais en plus, il veut « faire le ménage », ou disons plutôt du nettoyage ethnique, en chassant les Palestiniens de la bande de Gaza vers l'Égypte et la Jordanie. SVP Descendez-le au plus tôt du bastingage avant car ce fou furieux se prend pour le Roi du monde … Donald Premier, tout comme le roi Louis XIV, vient de déclarer solennellement : « l'État c'est moi ». N'oublions surtout pas, comme l'affirmait Lord Acton : « Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument ».

PS Si la connerie (bêtise humaine) se mesurait, il (Donald Trump) servirait de mètre étalon. Michel Audiard

Thème B – Attention ! Achtung !

Il s'attaque à la démocratie et instaure une dictature (aux institutions américaines et instaure une oligarchie), aux criminels et aux Juifs (aux criminels et aux immigrants) et tout ce qui n'est pas Allemand (les Programmes de diversité) ; il signe des Accords qu'il ne respecte pas, tel le Pacte de non-agression avec l'Union Soviétique (retrait de l'Accord de Paris et de l'OMS) ; il recourt à des camps de concentration (Guantanamo) ; il chasse les Juifs et les non Allemands (les immigrants et les clandestins) du territoire ; il revendique l'argent des Juifs (l'argent des tarifs) ; il nomme Goebbels (il met un « X » sur Musk) chef de la propagande ; il déclare que les Juifs (les Haïtiens) mangent des rats (des chiens et des chats) ; les Chemises brunes (les Proud Boys représentent les Sections d'assaut (SA) qui le soutiennent) ; l'incendie du Reichstag (l'assaut du Capitole) constitue le commencement de la terreur. Puis ce fut l'invasion de la Pologne (le Panama) ; l'invasion de la Norvège et de l'Europe (le Groenland) ; l'invasion de l'Union Soviétique (le Canada) afin d'étendre l'espace vital et établir la Grande Allemagne (la Grande Amérique - MAGA). Selon l'Encyclopédie du Musée mémorial de l'Holocauste des États-Unis, le Lebensraum d'Adolf Hitler (Donald Trump) était le « destin manifeste » de son Allemagne (Amérique) fantasmée et de la conquête impériale de l'Europe de l'Est (le Golf de l'Amérique). Hitler a comparé l'expansion nazie à l'expansion américaine vers l'Ouest, en disant : « il n'y a qu'un seul devoir : germaniser (américaniser) ce pays – la Russie – (le Canada) par l'immigration d'Allemands (d'Américains) et de considérer les indigènes (les Canadiens multiculturalisés) comme des Peaux-Rouges (des Nations Autochtones) ». Et de leur faire bouffer du pain de viande au Berghof (Mar-a-Lago) …

Coda

Certes, Citizen Trump n'est pas un Nazi à l'idéologie exterminatrice. Mais, il incarne tout de même un « narcissique malfaisant » aux visées expansionnistes, carburant aux menaces et représentant un péril pour l'humanité. Y a-t-il un Winston Churchill dans la place pour s'opposer et annoncer le commencement de la fin ?
Gaétan Roberge, 1er Février 2025

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L’achat seconde main ; une alternative économique, locale et environnementale

4 février, par Pascal Grenier — , ,
L'achat seconde main, de plus en plus disponible et populaire, est une alternative très économique. En effet, les objets d'occasions sont souvent offerts à moins de 35% de la (…)

L'achat seconde main, de plus en plus disponible et populaire, est une alternative très économique. En effet, les objets d'occasions sont souvent offerts à moins de 35% de la valeur des produits neufs dans la plupart des magasins vendant ce type de marchandise. Ceux-ci sont d'ailleurs présents dans la majorité des quartiers de nos villes et dans plusieurs villages. Ils sont souvent le fruit du travail en grande partie bénévole dans de nombreux organismes communautaires sans but lucratif.

Quand vous achetez un objet seconde main vous faites un achat local même si celui-ci a été fabriqué à l'origine à l'étranger. Si vous voulez favoriser les achats de produits du Québec plutôt que de biens venant de la Chine ou des États-Unis, en achetant seconde main vous atteignez cet objectif. En plus, vous aidez votre communauté à réutiliser les objets dont les gens n'ont plus besoin. En effet, les gens sont très volontaires pour donner leurs biens excédentaires à des organismes, mais il faut aussi des personnes pour les acheter. Actuellement, les organismes vendant des objets seconde main souffrent tous d'un même problème, soit le surplus de matériel qui entre par rapport à ce qui est vendu.

Finalement, l'achat seconde main est un geste positif pour l'environnement, car il évite la fabrication d'objets neufs avec ce que cela comporte d'exploitation des ressources et de dépense énergétique pour la fabrication ainsi que pour le transport jusqu'au client. Si les gens cherchaient d'abord dans la seconde main avant de tenter de trouver dans le neuf, ça pourrait représenter une vraie révolution du mode de consommation. La ressource potentielle est disponible, ne manque que la volonté populaire pour généraliser la réutilisation. Pour ceux qui souffrent d'éco-anxiété, pour les écologistes qui veulent réduire les gaz à effet de serre ou pour tous ceux qui veulent lutter contre les changements climatiques, l'achat seconde main est une solution environnementale simple et inespérée à la portée de tous.

En somme l'achat seconde main est bon à de multiples points de vue. Pour la planète mais aussi pour le porte-monnaie et pour la promotion de l'achat local.

Pascal Grenier, bénévole
Nos choses ont une deuxième vie

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