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Recension - La catastrophe était le but : la dialectique de Gaza selon Gilbert Achcar
Le génocide à Gaza ne peut être compris correctement sans vous pousser à une action de solidarité. Simon Pearson chronique le livre de Gilbert Achcar, Gaza, génocide annoncé – un tournant dans l'histoire mondiale.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
La Catastrophe de Gaza, de Gilbert Achcar, n'est pas un appel à la compassion. C'est une arme politique. Écrit en plein génocide, il dépouille le discours de ses euphémismes, de son théâtre diplomatique et de son brouillard moral. Cette guerre, affirme-t-il, est un projet colonialiste. Accélérée jusqu'à sa forme la plus brutale, elle bénéficie du soutien total des puissances occidentales qui prétendent défendre les droits humains. Achcar met le système en évidence, en retrace l'échafaudage historique et accuse non seulement Israël, mais aussi l'ordre mondial qui le rend possible. Ce n'est pas un livre de deuil. C'est un appel à l'action.
Le livre de Gilbert Achcar, Gaza, génocide annoncé, n'est pas un livre de plus sur Gaza. C'est un réquisitoire. Et pas seulement contre Israël, même si le nom de cet État apparaît dans presque toutes les pages. C'est un réquisitoire contre le système mondial qui a rendu le génocide possible, légal, acceptable, voire bureaucratiquement inévitable. Ce n'est pas un livre sur une tragédie. C'est un livre sur un crime. Et ce crime, insiste Achcar dès le début, n'est pas seulement l'acte de destruction, mais la logique qui a rendu cette destruction concevable.
Le titre est délibéré. Ce n'est pas une catastrophe (L'auteur fait référence au titre en anglais : Gaza Catastrophe : The Genocide in World-historical Perspective, NdT). C'est la catastrophe. Et ce n'est pas accidentel. C'était le but recherché.
La méthode d'Achcar : nommer le système
L'œuvre de Gilbert Achcar s'est toujours démarquée du genre des lamentations libérales. Marxiste de l'école anti-impérialiste, Achcar n'écrit pas pour diagnostiquer la tragédie, mais pour en exposer la structure. Ayant grandi au Liban et longtemps basé à la SOAS à Londres, il apporte à chaque crise non seulement une mémoire historique profonde, mais aussi une analyse acérée. Le choc des barbaries (2002) a disséqué l'ordre mondial post-11 Septembre bien avant que le centre libéral ne s'en empare. Les arabes et la Shoah (2010) a remis en cause à la fois l'instrumentalisation sioniste et l'amnésie historique arabe. Dans chaque cas, la méthode est la même : déconstruire l'échafaudage idéologique, révéler l'architecture géopolitique et réarmer la gauche avec une clarté conceptuelle.
Cette même clarté transparaît dans Israel's War on Gaza, une brève et urgente polémique publiée par Resistance Books en décembre 2023, écrite alors que les bombes tombaient et que les euphémismes étaient forgés. Achcar y exposait ce que beaucoup refusaient de nommer : que le bombardement de Gaza par Israël n'était pas simplement une riposte, mais une extermination, « rien de moins qu'un génocide ». Il a averti très tôt qu'une deuxième Nakba n'était pas seulement un risque, mais un objectif stratégique. Et il a dénoncé la complicité des gouvernements occidentaux. En particulier celle des États-Unis et de l'Union européenne. Non pas comme une passivité diplomatique, mais comme une collaboration active. « Le refus des gouvernements occidentaux d'appeler à un cessez-le-feu », écrivait-il, « les rend complices de crimes contre l'humanité ».
Israel's War on Gaza n'était pas seulement une chronique, c'était une intervention politique. Il esquissait les contours d'un argument plus long : ce à quoi nous assistions n'était pas un outrage isolé, mais l'éruption d'une contradiction historique mondiale. Il s'agissait de l'incapacité de l'État colonial à contenir la conscience nationale du peuple qu'il avait tenté d'effacer. Gaza, un génocide annoncé s'appuie sur ce texte, mais il est plus complet, mieux structuré et plus précis sur le plan polémique. En quatre parties, Achcar retrace le long arc qui va de la Nakba au génocide, de la complicité libérale au discrédit atlantiste, des fausses promesses d'Oslo à la politique brûlante du cabinet de guerre de Netanyahou. Si le livret était un signal d'alarme, cet ouvrage est le règlement de comptes politique.
Achcar est impitoyable dans son analyse, mais il ne succombe jamais au désespoir. Sa méthode est dialectique, non moraliste. Il ne demande pas ce qu'il faut ressentir, mais ce qu'il faut faire. Ce faisant, il va à contre-courant de l'indignation performative et nous entraîne sur le terrain de la stratégie politique. La catastrophe de Gaza n'est pas seulement le titre de ce livre (en anglais, NdT). C'est la réalité qui se déroule sous nos yeux. Et elle nous oblige non seulement à observer, mais aussi à agir.
1. Le génocide comme stratégie
Le livre s'ouvre sur des « Réflexions sur le génocide de Gaza et sa portée historique mondiale ». Achcar est précis : il s'agit d'un génocide, non pas au sens métaphorique, mais au sens littéral. Il établit un parallèle entre les actions d'Israël (bombardement de zones civiles, privation de nourriture, destruction des infrastructures) et la définition du génocide donnée par l'ONU. Il cite le langage déshumanisant de Gallant, la doctrine opérationnelle de l'armée israélienne et les déclarations de ministres israéliens. L'intention de détruire n'est pas cachée. Elle est déclarée.
L'une des idées les plus pertinentes d'Achcar apparaît dans sa critique de la stratégie militaire du Hamas : « Cette stratégie est irrationnelle car il est illogique d'attaquer ses ennemis sur le terrain même où ils détiennent une supériorité insurmontable. » Il condamne le choix du Hamas de recourir à la lutte armée, qu'il qualifie de mystique et contre-productif, écrivant que « rien ne justifie ce qui a été le mauvais calcul le plus catastrophique de l'histoire de la lutte anticoloniale ».
Mais l'argument plus profond est que Gaza révèle non seulement la nature de la politique israélienne, mais aussi l'épuisement de l'ordre mondial libéral. L'expression utilisée par Achcar (libéralisme atlantiste) résume bien le consensus qui a prévalu après 1945, à savoir la promotion de la démocratie par les États-Unis, le discours humanitaire et le multilatéralisme fondé sur des règles. Gaza, comme l'Irak avant elle, déchire ce masque. Le soutien inconditionnel de Biden à la campagne de Netanyahou, la paralysie de l'ONU et le silence de l'Union européenne ne sont pas des échecs diplomatiques. Ce sont des faits structurels. Le 18 octobre 2023, Biden a déclaré : « S'il n'y avait pas d'Israël, nous devrions en inventer un... Il n'est pas nécessaire d'être juif pour être sioniste. » Achcar relie cela à ce qu'il appelle la « compassion narcissique », la tendance occidentale à n'étendre l'empathie qu'à ceux qui sont perçus comme culturellement proches. Selon lui, « la définition de soi de Biden en tant que sioniste a été considérablement aiguisée » par les images traumatisantes du 7 Octobre, en particulier celles du festival de musique Nova. La campagne génocidaire qui a suivi, écrit Achcar, s'est déroulée sous le couvert politique de cet outrage.
Et à travers cet effondrement, Achcar voit autre chose : l'ascension d'une nouvelle configuration idéologique. L'ère du néofascisme n'est pas imminente. Elle est déjà là.
II. D'Oslo à l'anéantissement
La partie II « Vers la catastrophe » revient au terrain qu'Achcar connaît le mieux : l'excavation historique. Mais il ne s'agit pas ici d'établir un contexte libéral. Il s'agit d'un diagnostic structurel. Il commence par interroger la manipulation de la mémoire de l'Holocauste par l'Europe. Loin de prévenir de futures atrocités, l'Holocauste a été instrumentalisé politiquement pour sanctifier l'État d'Israël et faire taire les critiques. Achcar montre que le sionisme est devenu un projet de « blanchiment », alignant la colonie juive sur le bloc civilisationnel occidental.
Il se tourne ensuite vers l'échec du processus de paix. Oslo, selon lui, n'a jamais été synonyme de paix. Il s'agissait d'un confinement contrôlé. Et il s'est effondré dès que les Palestiniens ont compris que les échanges de terres était en réalité une annexion et que la création d'un État équivalait à un asservissement permanent. Achcar détaille comment le Hamas s'est construit à la suite de l'effondrement d'Oslo, non pas comme une simple résistance, mais comme le renversement religieux de la défaite politique.
Sa critique du Hamas est sévère, mais politique. Il qualifie sa stratégie de « mystique », sa lutte armée de contre-productive, son idéologie de régressive. « Qui veut sérieusement affronter une superpuissance nucléaire avec quatre lance-pierres ? », citant Yahya Sinouar, l'homme qui a lancé l'attaque du 7 octobre.
Mais il ne se livre pas à un faux équilibre. La dévastation de Gaza n'est pas une réaction au Hamas. C'est un projet de longue date. « Le génocide de Gaza a été déclenché par une combinaison de facteurs », écrit Achcar, notamment « l'intention délibérée d'infliger un maximum de dégâts... sous la supervision d'une coalition de néofascistes et de néonazis... la fureur meurtrière de l'armée israélienne, associée à la déshumanisation des Palestiniens ».
III. Un bilan en temps réel
Dans la troisième partie, « Gaza, Nakba, Génocide », Achcar rassemble ses interventions politiques écrites au fur et à mesure que la catastrophe se déroulait. Il ne s'agit pas d'essais universitaires, mais de polémiques urgentes, forgées en temps réel. Leur objectif est stratégique : nommer le génocide, briser les euphémismes et arracher le masque libéral de l'empire.
Achcar ne concède rien sur le terrain du langage. Sa critique est la plus acerbe lorsqu'elle vise « l'équivalence morale » colportée par les médias occidentaux et les dirigeants politiques : l'idée que l'attaque du Hamas du 7 octobre et la campagne militaire israélienne sont des actes de violence équivalents. « Assimiler le massacre du 7 octobre au génocide de Gaza, écrit-il, c'est nier l'asymétrie fondamentale entre colonisateur et colonisé. »
Il fustige les commentateurs libéraux et les ONG qui évitent le terme « génocide », soulignant que le vocabulaire humanitaire est utilisé non pas pour clarifier, mais pour obscurcir. Dans l'une de ses interventions les plus virulentes, il écrit : « L'obscénité ultime est l'équivalence morale entre le génocide de Gaza et le massacre du 7 octobre. »
Cette section est également remarquable pour son analyse des médias. Achcar dissèque sans pitié la manière dont des expressions telles que « boucliers humains », « tunnels de la terreur » et « frappes chirurgicales » servent à justifier l'injustifiable. Selon lui, ces euphémismes ne se contentent pas d'édulcorer la violence, ils la légitiment. Ils constituent un vocabulaire de la complicité.
Son objectif est de repolitiser le débat. Non pas pour faire ressentir les choses, mais pour faire réfléchir, puis agir.
IV. La convergence impériale
L'épilogue, intitulé « Entrée en scène de Trump », ne fonctionne pas comme un post-scriptum, mais comme une synthèse de l'argumentation structurelle d'Achcar : le génocide à Gaza n'est pas une aberration du libéralisme, mais un symptôme de son déclin. Le retour de Trump, affirme Achcar, n'est pas le début de quelque chose de nouveau, mais la consolidation d'une formation néofasciste en gestation depuis longtemps.
Achcar commence par dénoncer ce qu'il appelle une « épidémie généralisée d'illusions » dans la période qui a précédé la réélection de Trump en 2024. Il s'agissait d'un espoir irrationnel, partagé même par les observateurs libéraux ou de gauche, qu'un second mandat de Trump pourrait mettre Netanyahou au pas. Au lieu de cela, Achcar nous rappelle que Trump était déjà le président qui :
• a transféré l'ambassade des États-Unis à Jérusalem,
• a reconnu la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan syrien,
• a réduit l'aide à l'UNRWA et à l'Autorité palestinienne,
• et a contribué à la conclusion des accords d'Abraham.
Aucune de ces mesures n'était une anomalie. Elles étaient au contraire le but recherché. Comme le dit Achcar, toute personne « dotée d'une lucidité normale » aurait dû s'attendre à une continuité, voire à une escalade.
Mais Achcar va plus loin. Il dévoile les coulisses de l'influence de Trump sur la politique guerrière de Netanyahou. Pendant la campagne de 2024, Netanyahou a semblé bloquer la proposition de cessez-le-feu négociée par les États-Unis, non seulement pour des raisons stratégiques internes, mais aussi pour courtiser Trump. Une citation révélatrice de Netanyahou en juillet 2024 – « nous y travaillons » – suit immédiatement sa rencontre avec Trump à Mar-a-Lago. Ce n'était pas un hasard. C'était un hommage.
Achcar détaille comment Netanyahou a collaboré avec l'envoyé de Trump, Steve Witkoff (un investisseur immobilier, et compagnon de golf), qui entretient des liens étroits avec Trump et le capital du Golfe, afin de faire coïncider la mise en œuvre du cessez-le-feu avec l'élection du président. Le génocide à Gaza devient ainsi non seulement une campagne stratégique, mais aussi une offrande électorale, alignant les intérêts de deux dirigeants autoritaires grâce à un théâtre de domination commun.
C'est l'aboutissement de la thèse d'Achcar : Gaza est le terrain d'essai d'un nouveau mode de gouvernance impériale, défini non pas par des règles ou des normes, mais par une coopération « enthousiaste » entre dirigeants suprémacistes. Le génocide devient un moyen de diplomatie, un instrument non pas de paix, mais d'alignement entre néofascistes.
L'utilisation de la satire par Achcar (des qualificatifs tels que « vieil ami du président, son partenaire de golf, son ex-avocat, et, comme lui, spéculateur immobilier en association avec les riches États pétroliers arabes ») renforce son propos : il ne s'agit pas d'une aberration, mais d'une mascarade qui constitue la structure même du système. Gaza n'est pas seulement le théâtre d'une tragédie, mais la scène sur laquelle s'affirme un nouvel ordre international.
Dans cette lecture, Trump n'est pas une déviation américaine, mais une cristallisation. Il représente la convergence impériale qu'Achcar a observée tout au long de son ouvrage : Washington, Tel Aviv et les monarchies du Golfe, qui ne se cachent plus derrière une rhétorique humanitaire, mais travaillent ouvertement comme un bloc de capitalisme racial et de coordination sécuritaire. C'est là que le libéralisme prend fin. Non pas dans la contradiction, mais dans la collusion.
Annexe : antisémitisme, sionisme et bataille autour de la définition
L'annexe de Gaza, génocide annoncé reproduit une déclaration importante, co-rédigée par Gilbert Achcar et Raef Zreik, publiée pour la première fois dans The Guardian en 2020 (et en français par Mediapart le 30 novembre 2020, NdT). Il ne s'agit pas d'une réflexion après coup. Il s'agit d'une intervention politique, conçue pour exposer le terrain idéologique sur lequel se déroule le conflit israélo-palestinien dans le discours occidental.
Le contexte est clair : des efforts croissants, en particulier en Europe et en Amérique du Nord, pour confondre antisémitisme et antisionisme à travers la promotion et l'adoption de la définition de l'antisémitisme par l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste. Cette manœuvre, affirment Achcar et Zreik, ne sert pas à protéger les juifs de la haine, mais à délégitimer la cause palestinienne et à réduire au silence les défenseurs des droits des Palestiniens.
« Face à la pression croissante des pro-israéliens pour [l'adoption d'] une définition de l'antisémitisme assimilant toute critique du sionisme et de l'État sioniste à une variante de l'antisémitisme, il était nécessaire que les intellectuels arabes se prononcent sur ce débat. »
La déclaration commence par affirmer la nécessité et l'urgence de lutter contre le véritable antisémitisme : la haine des juifs en tant que juifs, enracinée dans les stéréotypes, le complotisme, la négation de l'Holocauste et la haine raciale. Mais il doit s'agir d'une lutte fondée sur des principes, et non d'une lutte « détournée » pour servir les fins d'un État.
« L'antisémitisme doit être combattu et discrédité. La haine des Juifs en tant que Juifs ne saurait nulle part être tolérée, quel qu'en soit le prétexte ».
Mais cette lutte, poursuivent-ils, est instrumentalisée par le gouvernement israélien et ses alliés :
« La lutte contre l'antisémitisme a été de plus en plus instrumentalisée ces dernières années, [...] dans un effort systématique visant à délégitimer la cause palestinienne et à réduire au silence les défenseurs des droits des Palestiniens. »
Au cœur de cette critique se trouve l'amalgame entre judaïsme et sionisme, et entre l'État d'Israël et « l'autodétermination de tous les juifs ».
La définition de l'AIMH, tout en prétendant être neutre, efface cette distinction, laissant entendre que toute critique d'Israël est nécessairement antisémite. Selon Achcar et Zreik, cela est intellectuellement malhonnête et politiquement dangereux.
« Par certains “exemples” qu'elle fournit, la définition de l'AIMH présuppose que tout Juif est sioniste et que l'État d'Israël dans sa présente réalité incarne l'auto-détermination de tous les Juifs. Nous sommes en profond désaccord avec ce postulat. »
Ils vont plus loin en proposant un contre-principe : le soutien aux droits des Palestiniens n'est pas de l'antisémitisme, et le présenter comme tel nuit à la lutte contre l'antisémitisme réel.
« Le combat contre l'antisémitisme ne saurait être transformée en stratagème pour délégitimer la lutte contre l'oppression des Palestiniens, contre la négation de leurs droits et l'occupation continue de leur terre. »
La déclaration appelle au rejet de tout cadre qui « transformerait les victimes en bourreaux » et conclut en affirmant que les Palestiniens ont le droit de résister à leur oppression et d'exprimer leur réalité (politiquement, moralement et historiquement) sans être réduits au silence par l'instrumentalisation du traumatisme juif.
Dans le contexte de Gaza, génocide annoncé, l'annexe renforce la thèse plus large d'Achcar : les structures idéologiques qui permettent le génocide ne se limitent pas à la doctrine militaire ou à la logique des colons. Elles sont intégrées dans le langage même utilisé pour définir la haine. En résistant à l'amalgame entre antisémitisme et critique d'Israël, Achcar remet en cause un pilier discursif central du sionisme libéral et défend le droit (voire la nécessité) de nommer le génocide lorsqu'il se produit.
Néofascisme : la banalité du génocide
L'analyse d'Achcar est particulièrement percutante lorsqu'il nomme la logique idéologique qui anime le gouvernement israélien : il ne s'agit pas seulement de l'extrême droite, mais d'un néofascisme en phase avec un courant mondial.
Dans Gaza, génocide annoncé, Achcar n'hésite pas à employer ce terme. Il décrit la coalition au pouvoir en Israël comme « composée des forces les plus extrêmes de la droite, des sionistes religieux et des ultra-orthodoxes du pays », affirmant que le génocide à Gaza n'est pas simplement le produit du militarisme ou du colonialisme, mais l'expression d'un projet politique néofasciste opérant derrière une façade démocratique.
Comme il l'écrit dans « L'ère du néofascisme et ses particularités » (5 février 2025) :
« Le néofascisme prétend respecter les règles fondamentales de la démocratie au lieu d'établir une dictature pure et simple comme l'a fait son prédécesseur, même s'il vide la démocratie de son contenu en érodant les libertés politiques réelles... »
En d'autres termes, les élections peuvent se poursuivre, mais le système devient vide, dépourvu de toute représentation pour les Palestiniens comme pour les Israéliens dissidents. Dans The Gaza Catastrophe, Achcar intègre cette analyse dans son analyse historique mondiale du génocide, soulignant que les conditions idéologiques préalables à la guerre contre Gaza n'étaient pas rhétoriques mais structurelles : la normalisation du sionisme suprémaciste, les attaques judiciaires contre les démocrates israéliens et l'ancrage d'acteurs ouvertement génocidaires au sein du gouvernement.
Achcar situe clairement le cabinet israélien dans cette logique néofasciste : des partis politiques autrefois considérés comme terroristes sont aujourd'hui au gouvernement ; des idéologues du nettoyage ethnique sont élevés à des postes ministériels. Il s'agit d'un apartheid contrôlé par l'État, avec l'électoralisme pour couverture et et l'occupation comme politique. L'appareil colonial ne se contente pas de perdurer. Il s'intensifie considérablement dans les conditions du néofascisme.
Il élargit son champ de vision au-delà de Jérusalem. Dans « Paix entre néofascistes et la guerre contre les peuples opprimés » (18 février 2025), Achcar observe :
« Nous assistons aujourd'hui à une convergence entre les néofascistes aux dépens des peuples opprimés... »
Cette convergence est structurelle. Dans Gaza, génocide annoncé comme dans ses essais, Achcar montre comment Washington, Moscou et Tel-Aviv opèrent désormais non pas en dépit du libéralisme, mais grâce à l'ascendant du néofascisme. Il ajoute : « Les États-Unis sont pleinement complices de la guerre génocidaire menée contre le peuple palestinien à Gaza... »
Pour Achcar, la logique génocidaire à Gaza n'est pas fortuite, mais coproduite par l'alliance impériale, médiatisée par les transferts d'armes, la couverture diplomatique et le cadrage racialisé de la résistance palestinienne.
Son article « Néofascisme et changement climatique » explique plus en détail comment ce mode de gouvernance est biopolitique, niant la réalité environnementale, ciblant les migrants et utilisant la crise écologique comme couverture pour l'exclusion raciale :
« Le néofascisme pousse le monde vers l'abîme avec [une] hostilité flagrante [...] aux mesures écologiques indispensables », en renforçant la « souveraineté d'exclusion »1.
L'analyse d'Achcar montre ainsi que les régimes colonialistes héritent non seulement d'une logique raciale, mais aussi d'un déni écologique. Il s'agit là d'une fusion dangereuse dans l'avenir de la zone assiégée de Gaza. Un lieu où la guerre, les déplacements et l'effondrement climatique convergent sous la logique de la règle exclusive.
Dans le contexte de Gaza, génocide annoncé, la théorie du néofascisme d'Achcar clarifie la continuité entre l'extrême droite israélienne et l'extrême droite mondiale, entre Smotrich et Trump, Ben-Gvir et Poutine. Ce n'est pas une métaphore, c'est une logique de développement.
Il écrit :
« Nous sommes entrés dans l'ère du néofascisme... qui est pire parce que la puissance impérialiste la plus importante est à la tête de la coalition néofasciste. »2
La position politique d'Achcar est donc double : internationale sur la plan analytique, locale sur le plan matériel et concret. Le génocide israélien n'est pas unique dans son horreur, mais il est unique par sa façade démocratique. La machine de destruction du Hamas est en parfaite cohérence avec l'ère du néofascisme : IA ciblée, doctrine du zéro blessé, rhétorique raciste et soutien mondial en matière d'armement.
Ce diagnostic n'est ni une exagération rhétorique ni une panique historique. C'est une acuité structurelle. Le néofascisme, selon Achcar, n'est pas un signe d'extrémisme. C'est une technique d'État, un écosystème idéologique dans lequel le génocide devient politique.
Conclusion : contre l'euphémisme, contre l'empire
Gaza, génocide annoncé est un livre peu réconfortant. Il ne se termine pas sur une note optimiste et n'offre aucune confiance dans le droit international. Sa force réside dans sa clarté. Achcar ne se lamente pas. Il nomme les choses, et à un moment où nommer est en soi subversif, ce n'est pas un mince exploit.
La catastrophe n'était pas une erreur politique. C'était une décision stratégique. Les décombres de Gaza ne sont pas un avertissement de l'histoire. Ils sont une révélation du présent.
C'est le système. Il faut s'y opposer. Pas seulement avec l'indignation. Mais avec la politique, en combinant le pessimisme de l'intelligence et l'optimisme de la volonté, nourris par l'espoir.
Simon Pearson
Notes
1- « Une Europe qui vire au noir et au brun », 24 juin 2024, Éric Toussaint, CADTM.
2- « Neofascism, imperialism, war and revolution in the Middle East », Gilbert Achcar & ; Rodrigo Utrera, 30 juillet 2025, New Politics, à paraître en français.
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Comptes rendus de lecture du mardi 19 août 2025
Moins !
Kōhei Saitō
Traduit du japonais
Tous ceux que le réchauffement climatique préoccupe réellement devraient lire cet important essai ! L'auteur nous y décrit ce qui demeure la seule voie réaliste pour faire face à la catastrophe environnementale appréhendée : le communisme de décroissance ; communisme de décroissance qui implique la mise en place de communs, la réappropriation de la démocratie et un monde axé sur l'entraide, la valeur d'usage des biens et services et la prospérité, sans oublier personne. Tout le contraire du capitalisme, de la croissance illimitée, inégalitaire et destructrice de notre environnement, qui n'assure en fait la prospérité que d'une faible minorité de possédants. Un bouquin plein d'optimisme aussi, qui nous trace la voie à suivre.
Extrait :
Le capitalisme dépend de la rareté artificielle. C'est ce capitalisme, en tant que système d'austérité, qui nous force à endurer une vie de pauvreté. Nous ne sommes pas pauvres parce que nous ne produisons pas assez. Nous sommes pauvres parce que l'essence du capitalisme c'est la rareté. C'est ça l'opposition entre valeur et valeur d'usage. Les politiques néolibérales d'austérité menées récemment conviennent parfaitement au capitalisme, car ce sont des politiques qui augmentent la rareté artificielle. Au contraire, l'abondance demande une rupture avec le paradigme de la croissance économique.
Le pari québécois d'une culture avant le pays
Jean-Claude Germain
Jean-Claude Germain nous a quitté plus tôt cette année. J'ai lu ses très intéressantes chroniques dans L'aut'journal pendant des années. Il nous y parlait de notre petite et grande histoire, du passé dont il avait été témoin, de culture, de la nôtre et de celles des autres, de façon colorée, avec des anecdotes, des souvenirs, des rappels de notre passé. Dans ce dernier bouquin, il nous parle de Durham, et de ceux qu'il nomme ses trois fils spirituels : Wilfrid Laurier, Louis St-Laurent et Pierre Elliot Trudeau. Il nous parle aussi de nos artistes, de notre langue, de féminisme… Un de nos grands historiens et grands raconteurs comme il s'en trouve peu.
Extrait :
À une époque où Maurice Duplessis tenait le Québec sous le charme de ses calembours et de son éloquence du terroir, Louis Stephen Saint-Laurent cassait son français. Cette particularité linguistique de Mononcque Louis — cette distanciation brechtienne par l'accent — lui conférait dans le paysage politique québécois, du moins celui des oreilles, un statut exotique. Presque celui d'un étranger.
L'OTAN
Medea Benjamin et David Swanson
Traduit de l'anglais
Ce bouquin, dont je vous recommande vivement la lecture, nous apporte un éclairage absolument nécessaire sur cette alliance militaire qu'est l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), la plus grande et destructrice alliance militaire de tous les temps. Les militants pacifistes Medea Benjamin et David Swanson y exposent comment cette organisation en perpétuelle croissance et qui viole continuellement de nombreux articles de la Charte des Nations Unies stimule la course à l'armement, exacerbe les conflits dans le monde et accentue dangereusement le risque d'une guerre nucléaire.
Extrait :
Pour prévenir un autre confit mondial dévastateur et créer un ordre international qui ne sera pas fondé sur des alliances militaires, mais sur une coopération dont tous les pays sortiront gagnants, la tâche à accomplir est claire : il faut construire un mouvement citoyen mondial qui dira non à l'OTAN et non à la guerre.
Satan Belhumeur
Victor-Lévy Beaulieu
Victor-Lévy Beaulieu, qui nous a quittés le mois dernier, est une des figures les plus imposantes de notre littérature. Dans un style et une langue bien à lui, il nous aura légué une œuvre importante comprenant des dizaines de romans, de récits, d'essais, de téléromans et de pièces de théâtre. Dans ce roman, paru en 1981, le protagoniste Satan Belhumeur est un type marginalisé qui vit dans un tonneau, rue Monselet, à Moréal-Mort. Il a pour amis Jos, l'homme-cheval Bom' Câlice Doucet et Abel, et il à maille à partir avec les autorités, en particulier avec le maire Polux Ryani et l'infâme Caligula Trudel, qui veulent le forcer à quitter les lieux…
Extrait :
S'il y a une chose qui n'est pas normale, déclare l'un de ceux-ci, c'est bien celle-là : que Belhumeur occupe l'un des derniers beaux terrains qu'il nous reste à Moréal-Mort ! À la place de cet affreux tonneau, imaginez ce que ça serait si l'on érigeait une Tour d'habitation, avec plein de petites boutiques au rez-de-chaussée et un immense parquigne dans le sous-sol ! Pensez à la reconnaissance que tous nos vieillards et toutes nos vieillardes nous manifesteraient même après leur mort !

Les puits maudits
C'est en allant visiter un ami qui habite à la frontière entre La Présentation et Saint-Jude que j'ai eu une surprise de taille. Le site du puits gazier du Rang Salvail était rempli de nombreux véhicules et même d'une tour !
photo Ricochet Rémy Bourdillon
Est-ce que je refais un vieux cauchemar ? Peu après sa fracturation, les problèmes du « puits qui fuit » de La Présentation avaient fait les manchettes pour les mauvaises raisons.[1] Dès janvier 2011, le ministre de l'Environnement de l'époque, M. Pierre Arcand, avait émis un avis de non-conformité.[2] Deux mois plus tard, le gouvernement avait ordonné la fermeture définitive du puits de La Présentation car « une fuite de méthane détectée à l'extérieur de l'enceinte du puits, à une profondeur de sept mètres dans le sol, menaçait de contaminer la nappe phréatique. »[3] Et puis, la fermeture du puits aggraverait-elle la situation ? Cette question devint le sujet d'une vive controverse. [4] Quatorze ans plus tard, ces activités au puits ont-elles pour objectif de tenter de le réparer pour une énième fois, ou est-ce dans le cadre de sa fermeture définitive selon le Projet de loi no 21 de 2022 ? [5]
Malgré mon émoi, j'opterais pour la deuxième possibilité. En gros, la Loi mettant fin à la recherche d'hydrocarbures ou de réservoirs souterrains, à la production d'hydrocarbures et à l'exploitation de la saumure (LMF)[6] révoque les licences des compagnies gazières et exige la fermeture définitive des puits et la restauration des sites. Certes, il y a bien quelques conditions à respecter sans oublier des exceptions, mais ces cas sont des détails qui n'ont pas grand intérêt pour monsieur et madame Tout-le-Monde. Enfin, malgré le manque d'acceptabilité sociale, les gazières contestent encore et toujours cette loi devant les tribunaux.
L'important à retenir, c'est que la compagnie doit avoir un plan de fermeture qui a été approuvé. À partir du moment où la fermeture du puits fracturé est déclarée conforme par le ministère de l'Environnement, la compagnie est prête à signer une entente avec les autorités conformément aux dispositions de la loi. Après la signature de ce contrat entre les parties, la compagnie remet la propriété du puits aux autorités publiques (gouvernement du Québec et/ou municipalité) qui en deviennent propriétaires. Ce document est un genre de « quittance » qui libère la compagnie de toutes responsabilités légales ou financières s'il devait y avoir des problèmes dans l'avenir. Légalement, il y a un fort risque que toute contamination future par un puits fermé soit aux frais des contribuables et de leurs gouvernants. Parfois, selon les contrats signés, le propriétaire terrien pourrait également être tenu responsable.
Le hic, c'est qu'une structure de béton et d'acier comme un puits ne dure pas éternellement. Une fois le gisement gazier fracturé, le gaz dans le schiste continue à migrer lentement dans la roche, puis il se faufile dans les fissures vers la sortie, c'est-à-dire le puits ; par conséquent, la pression interne va continuer à augmenter, même si le puits est fermé depuis belle lurette. Comme le puits est bouché, ce gaz, sous grande pression, va tenter de trouver une sortie ; le gaz se faufilera dans toute faille ou fissure qu'il peut trouver pour pouvoir quitter sa prison souterraine. De plus, après des dizaines d'années, la corrosion risque de multiplier les voies par lesquelles le gaz pourrait s'échapper dans le sous-sol et la nappe phréatique. Par comparaison, on pourrait dire qu'une fois que le génie est sorti de la « bouteille », il refuse de revenir dans son ancienne demeure !
C'est pourquoi les administrations municipales de la MRC des Maskoutains ET le ministère de l'Environnement ET le gouvernement du Québec doivent y penser longuement avant de signer un document légal ( quittance ) qui dégagerait les gazières de toute responsabilité, sinon ce sont les générations futures qui hériteront de ce cadeau empoisonné. Le principe de précaution devrait inciter nos administrateurs à exiger que les documents légaux contiennent des clauses qui permettent de tenir les compagnies responsables au cas où des problèmes criants devaient contaminer notre environnement dans l'avenir.
En août 2010, c'est avec son vélo que le regretté Pierre Foglia avait visité nos puits de gaz maskoutains. Avec trois articles en un mois, il avait puissamment contribué à nous faire prendre conscience de la présence prédatrice des gazières ; comme métaphore, il les avait assimilées à « des oiseaux de proie ».[7] Dans l'imaginaire populaire, un oiseau de proie fonce sur sa victime, puis l'emporte pour la déchiqueter et la dévorer. Même après leur départ, il ne faudrait pas que les contrats mal ficelés permettent à ces « oiseaux de proie » d'être libérés de leurs obligations légales et financières. La réalité brutale, c'est qu'à l'intérieur des puits fermés de la MRC (et de la province), la pression du gaz continuera à augmenter. Alors, avant de signer cette « quittance », nos administrateurs doivent répondre à la question qui tue : « Combien de temps l'acier et le béton de ces puits maudits sauront-ils résister à la corrosion inévitable ? »
Gérard Montpetit
Comité Non Schiste La Présentation
le 4 août 2025
1] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/524033/saint-hyacinthe-gazschiste-fuites
2] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/502552/gaz-schiste-la-presentation-citoyens-inquietude ?
3] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/509259/fermeture-puits-presentation?depuisRecherche=true
4] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/509698/danger-puits-presentation?depuisRecherche=true
6] https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/R-1.01
7] https://www.lapresse.ca/debats/201008/20/01-4308518-les-oiseaux-de-proie.php
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Internationalisme ou géostratégie, il faut choisir !
Poutine se frotte les mains car les crimes génocidaires monstrueux de Netanyahou et Cie contre le peuple palestinien tendent a éclipser les crimes à peine moins monstrueux qu'il commet contre le peuple ukrainien... avec la complicité évidente de Donald Trump.
Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
6 juillet 2025
Par Daniel Tanuro
Pourquoi Trump soutient-il Poutine ? Parce que son projet stratégique consiste a sauver l'hégémonie US en usant de la supériorité militaire yankee pour dicter à la Russie et à la Chine les conditions d'un partage du monde entre puissances - despotiques à l'intérieur, impérialistes à l'extérieur. Mutatis mutandis, ce projet est comparable à celui qu'Hitler caressait avant l'entrée en guerre des Etats-Unis, quand il envisageait un partage du monde entre Berlin, Tokyo, et Washington.
Dans ce projet, Israël est plus que jamais le chien de garde de l'impérialisme US au Moyen-Orient. Trump permet donc tout à Netanyahou, ou presque. Sa relation avec Poutine est plus contradictoire : c'est la relation d'un Capo avec le chef d'une mafia rivale, avec qui il veut délimiter les territoires respectifs. D'où un certain nombre de zig-zags. Mais c'est bien de partenariat et de complicité entre bandits qu'il s'agit, il n'y a aucun doute la-dessus.
Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères, affirmait il y a quelques mois qu'Israël poursuivait à Gaza les mêmes objectifs que la Russie en Ukraine : « dénazification et démilitarisation ». Il faut être aveugle et sourd, en effet, pour ne pas voir que l'enjeu politique fondamental est le même en Ukraine et en Palestine (et ailleurs !) : le droit des peuples à exister et à déterminer eux-mêmes leur destin face au talon de fer des logiques d'écrasement coloniales et suprémacistes.
Ce n'est pas par hasard que Trump et la plus grande partie de l'extrême-droite internationale soutiennent à la fois Netanyahou et Poutine (et que ceux-ci se soutiennent d'ailleurs mutuellement, en coulisse !). La victoire de ces deux criminels sans scrupules serait pour les aspirants despotes du monde entier un formidable encouragement à établir partout des régimes autoritaires, fascisants ou fascistes. Avec tout ce que cela implique de racisme, de machisme, de négationnisme et d'obscurantisme.
Il est pathétique que la gauche internationale, à quelques trop rares exceptions près (notamment la IVe Internationale, à travers la résolution majoritaire à son dernier congrès mondial) soit incapable de se hisser au niveau de cet enjeu majeur. Elle devrait défendre une position de principe claire :
soutien aux peuples en lutte pour leur droit légitime à l'autodétermination ;
en Palestine, en Ukraine et partout, l'occupation est un crime ;
droit des peuples à défendre leurs droits, y compris par les armes.
Au lieu de cela, la plus grande partie de la gauche s'est embourbée dans des calculs géostratégiques qui l'amènent à choisir un des camps étatiques en présence contre l'autre, au nom du « moindre mal ». Les uns choisissent le camp de l'Occident, les autres choisissent le camp de ses rivaux. Parfois ouvertement - il y a des « communistes » pro-russes -, le plus souvent au nom d'un faux pacifisme (« pas d'armes pour l'Ukraine »... mais « le peuple palestinien a le droit de se défendre par les armes »). Une position révolutionnaire consiste au contraire à choisir toujours le camp des peuples en lutte, quel que soit le « camp » de l'Etat qui les opprime.
La gauche se dit « internationaliste ». Il faut donc rappeler, hélas !, que cette position de principe constitue justement le fondement de l'internationalisme ! « Prolétaires du monde entier, unissez-vous » : ce slogan s'adresse bien aux peuples, aux personnes qui les composent, pas à leurs dirigeants, n'est-ce pas ? Il n'implique en soi aucun soutien politique à ceux-ci, aucun alignement acritique sur leur orientation. Concrètement, il s'agit de soutenir le peuple palestinien en dépit du Hamas (et de « l'Autorité palestinienne » fantoche ! et du role des mollahs iraniens !). Il s'agit de même de soutenir le peuple ukrainien en dépit de Zélensky et de sa politique néolibérale pro-OTAN.
Précision n°1 : cette position de principe doit s'affranchir de toute comptabilité macabre. Un crime contre l'humanité est un crime contre l'humanité, quelle que soit son ampleur. Le bombardement des civils à Marioupol ou a Kyiv n'est pas « plus acceptable » que le bombardement des civils à Gaza. La déportation-russification des enfants ukrainiens n'est pas « plus acceptable » que le massacre des enfants de Gaza. Il y a « deux poids deux mesures » dans les positions occidentales sur Gaza et l'Ukraine ? Oui, c'est ignoble, c'est à dénoncer ! Mais répondre au « deux poids deux mesures » de l'Occident par un autre « deux poids deux mesures », symétrique du premier, est indigne d'une gauche de gauche et, plus largement, de l'éthique la plus élémentaire.
Précision n°2 : cette position de principe doit s'affranchir de tout pacifisme abstrait. Concrètement, le droit des peuples à l'autodétermination et à l'autodéfense implique de dire à la fois « Oui aux armes pour l'Ukraine » et « Stop arming Israel », tout en s'opposant au projet « Rearm Europe » et autres politiques de remilitarisation impérialiste. Ce n'est pas facile, mais il n'y a pas d'autre voie pour des anticapitalistes-internationalistes.
J'ai commencé ce billet en écrivant que Poutine se frotte les mains. Dans une certaine mesure, Netanyahou se les frotte aussi. Pour la même raison : la focalisation sur les horreurs sans nom infligées à Gaza détourne l'attention des crimes à peine moins monstrueux qu'Israël commet en Cisjordanie (pour ne pas parler des bombardements israéliens ininterrompus au Liban, en Syrie, dans la plus totale impunité !). Sans compter les régimes arabes (Arabie saoudite, Émirats, Égypte, Maroc...), qui n'ont qu'un souhait : se faire les plus discrets possible en espérant monnayer leur collaboration au « nouveau Moyen-Orient » qui sortira du poker menteur entre les empires. Sur le dos du droit de tous les peuples.
Daniel Tanuro
Commentaires
Martine Collin
D'accord sauf sur la critique trop globale de Zelensky .. crois tu vraiment que ce peuple envahi ait le choix de ses alliances ?
* * *
D Tanuro
Martine Collin - Il y a deux aspects. La politique néoliberale de privatisations et d'atteintes aux droits sociaux ne peut qu'affaiblir la mobilisation populaire contre l'invasion, raison pour laquelle nos camarades de Sotsialnyi Rukh et des secteurs sociaux luttent sur deux fronts. Sur l'OTAN, on peut comprendre que les peuples de pays qui ont subi la domination tsariste, puis stalinienne, voient l'OTAN comme une garantie anti-invasion. Mais la solidité de cette garantie diminue et, surtout, on ne peut que dire son opposition a ce réflexe, en raison de la nature même de l'OTAN, comme alliance impérialiste. Tactiquement, ce n'est pas facile du tout, évidemment (on l'a vu aussi en Suède et en Finlande !). Il faut développer les arguments adéquats en fonction du contexte, notamment en couplant cela, je pense, à la dissolution de toutes les alliances militaires.
P.-S.
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Impacts des projets éoliens au Québec : un BAPE générique est nécessaire
Les projets de parcs éoliens se multiplient au Québec. Depuis seulement 2024, déjà 9 nouveaux projetsont fait l'objet d'une consultation publique par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE).
Crédit photo : Jean-Claude Coulbois. Film Boisbouscache : territoire sous influence.
À eux seuls, ces projets totalisent des investissements de près de 6 milliards de dollars. Les quelques 370 éoliennes prévues détruiront ou perturberont des milliers d'hectares de territoires forestiers et agricoles, et des milieux humides. Et ce n'est là qu'un début. Face à ce déferlement de projets éoliens, plusieurs municipalités, citoyens et groupes de tous horizons ont fait parvenir au gouvernement la demande de la tenue d'un BAPE générique sur la filière éolienne afin d'évaluer correctement les enjeux environnementaux, sociaux et économiques cumulatifs des projets. Le BAPE a lui-même formulé cette recommandation en conclusion de plusieurs de ses rapports sur des projets éoliens (voir les conclusions des rapports 375,385,386 et 388).
Malgré les demandes répétées, le gouvernement du Québec et l'ex-directeur d'Hydro-Québec, M. Michael Sabia, se sont toujours opposés à mener cet examen rigoureux de la filière éolienne, et cela en dépit des impacts négatifs très importants des projets éoliens dénoncés par de nombreux citoyens et experts.
Parmi les effets les plus nuisibles du développement éolien actuel mentionnons la dénationalisation de l'électricité et une crise tarifaire à venir sans précédent au Québec. Selon plusieurs experts, les tarifs d'électricités pourraient subir une hausse annuelle de 5,6 à 9% par an dès 2028, soit des hausses cumulatives de 65 à 75 % sur 11 ans. Selon l'Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC), la perte de la rente éolienne pour Hydro Québec, due à la privatisation dans ce secteur, est estimée à entre 1,79 et 3,34 milliardsà l'horizon de 2035.
Si ces profits étaient partagés 50-50 entre Hydro Québec et les MRC, les revenus de chaque partie devraient atteindre entre 910 millions$ et 1,70 milliard$ à l'horizon 2035. Ce qui est au moins 100 fois plus que ce qui est offert présentement aux municipalitésqui acceptent des éoliennes sur leur territoire en partenariat avec le privé. En laissant les compagnies privées accaparer la rente éolienne, ces profits seront vraisemblablement exportés vers desparadis fiscaux plutôt que d'enrichir le Québec.
De plus, chaque nouveau parc éolien augmente la charge financière d'Hydro-Québec Production qui doit assumer les frais pour l'intégration et l'équilibrage de la nouvelle électricité. Ce qui se chiffre en milliards de dollars. La société d'État est également obligée d'acheter cette électricité à prix fort (entre 10 à 12 ¢ au lieu des 2,79 ¢ le kilowattheure pour l'électricité patrimoniale). Le coût d'acquisition de l'énergie éolienne par Hydro-Québec est estimé à 22,2 milliards de dollars d'ici 2035. À cela doivent encore s'ajouter les frais d'Hydro-Québec pour l'entretien des infrastructures vieillissantes de son réseau. C'est ce qui a fait dire à plusieurs experts que le Plan d'action de l'ex-PDG d'Hydro-Québec, qui vise à doubler la production d'électricité au Québec est un gouffre financier qui préfigure un appauvrissement inutile de la population, en plus d'être totalement irréaliste.
Les experts reconnaissent que le gouvernement met la charrue avant les bœufs en se lançant dans une production pharaonique d'électricité avant même d'avoir un agenda concret de décarbonation de notre économie. Le gouvernement considère la transition énergétique comme une « occasion d'affaires » et il attribue l'essentiel des nouveaux blocs d'énergie (que nous ne possédons pas encore) à des entreprises, souvent étrangères, qui ne contribuent pas à la réduction de notre dépendance au pétrole et au gaz. L'idée de transition énergétique sert donc de prétexte pour un développement industriel qui favorise la mainmise du privé dans le marché nord-américain de l'électricité.
D'autres enjeux importants concernent la santédes populations qui doivent vivre avec les nuisances des tours éoliennes, dont le bruit, la perte des paysages et la baisse de valeur de leur propriété. Les conséquences sur l'environnement sont également très importantes, bien que banalisées par les promoteurs : fractionnement des corridors forestiers, destruction de milieux humides et d'habitats d'espèces menacées, mortalités d'animaux, perte de territoire agricole, alors que le Québec compte moins de 2 % de terres cultivables, etc.
Enfin, il faut encore mentionner les graves lacunes démocratiques dans la manière dont les projets éoliens sont imposés aux populations. Les décisions sont prises derrière des portes closes par une poignée de décideurs qui sont parfois en situation de conflits d'intérêts. Plusieurs municipalités refusent de tenir des référendums malgré les pétitions adressées par leurs concitoyens. Des citoyens aux prises avec des projets éoliens témoignent duchaos socialqui s'installe dans la communauté.
C'est dans ce contexte qu'une coalition s'est mobilisée pour demander un BAPE générique sur la filière éolienne. Les municipalités qui ne l'ont pas déjà fait sont invitées à se joindre à ce mouvement pour un développement plus socialement acceptable de la filière éolienne au Québec
Louise Morand
Regroupement vigilance énergie Québec
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Dilemme : énergie sale aujourd’hui, ou sale climat demain
Au lendemain de son élection de 2018, le Premier ministre du Québec, M. Legault, avait déclaré qu'il renonçait à l'oléoduc Énergie Est parce qu'il n'y avait pas d'acceptabilité sociale pour le transport de « l'énergie sale » de l'Alberta.
L'expression avait fait sourciller les partisans de l'industrie pétrolière ![1] Le manque d'acceptabilité sociale, les dangers pour nos cours d'eau, le manque de retombées économiques pour le Québec ainsi que l'aggravation de la crise climatique furent les arguments décisifs pour mettre fin à Énergie Est ainsi qu'au projet de gazoduc qui devait aboutir sur les rives du Saguenay. La fin de ces deux projets était un pas dans la bonne direction dans le très nécessaire combat pour réduire la production des gaz à effet de serre (GES), responsables des changements climatiques.
Hélas ! Le nouveau Président Trump s'est lancé dans une politique agressive de « drill, baby, drill » niant complètement la réalité climatique tout en déclenchant une guerre tarifaire contre ses alliés. Devant ce danger pour notre économie et notre indépendance politique, le nouveau Premier ministre, M. Carney, propose de recentrer notre économie en construisant rapidement de grands projets, dont des pipelines.
Face à une possible résurrection des pipelines, M. Legault hésite et reste « ouvert » à l'idée.[2] Pour prendre une décision éclairée, il faut se recentrer sur certains faits fondamentaux. Quels objectifs visons-nous en élaborant ces projets « d'intérêt national » ? Dans l'immédiat, Trump nous pose de sérieux problèmes, mais dans 42 mois, son mandat prendra fin alors que le reste du monde continuera à évoluer vers les énergies renouvelables. Les pays qui auront pris les mauvaises décisions seront à la remorque des pays ayant compris que la présente transition vers l'avenir se joue dans les énergies renouvelables.
À long terme cependant, comme les changements climatiques seront de plus en plus graves, en limiter les dommages doit être notre premier objectif. Malgré le brouhaha venu d'outre-frontière jumelé à une promotion effrénée du lobby pétrolier, il faut se demander si le plan d'affaire des pipelines est économiquement viable dans les marchés mondiaux alors que tous les indicateurs nous disent que le « pic pétrolier » est à nos portes.
De nombreux pays ont des plans sérieux pour interdire la vente de véhicules à combustion d'ici 2035. La Chine, grand concurrent des États-Unis, avance à grands pas pour se sevrer des énergies fossiles. Les Chinois sont les champions de la production de panneaux solaires peu dispendieux. Si des pays comme le Pakistan adoptent l'énergie solaire, ce n'est pas par souci écologique ; c'est devenu un choix strictement économique car cette énergie renouvelable est moins dispendieuse que les énergies fossiles. [3] De plus, la flotte chinoise de véhicules électriques (pensons à la marque BYD) est tellement performante et peu dispendieuse que le marché nord-américain de l'automobile doit faire appliquer des droits douaniers de 100% avec l'aide de Messieurs Trump et Carney ; notre industrie automobile est déclassée sur le plan économique et technologique. L'an passé, la Chine a produit 12,4 millions de véhicules électriques (VE) alors que l'Union européenne en a construit 2,4 millions. Tous ces VE réduiront la consommation mondiale de pétrole.[4]
Enfin, le pétrole WCS (Western Canadian Select) est beaucoup plus couteux à extraire et à raffiner que le pétrole de la région du golfe persique. Les experts, dont l'Agence internationale de l'énergie (AIE), prévoient que le « pic pétrolier » arrivera d'ici la fin de la décennie. Avec « l'affaiblissement de la demande », les prix du brut risquent de s'effondrer.[5] Avec une demande mondiale beaucoup plus faible, c'est le pétrole le plus dispendieux comme le WCS qui écopera en premier, ce qui par conséquent rendra cet oléoduc désuet !
Pour les individus comme pour les nations, la maturité consiste à éviter de refaire les mêmes erreurs. Pour favoriser la production de pétrole WCS, le gouvernement de M. Trudeau a acheté l'oléoduc Trans Mountain au montant de 4,5 milliards de dollars et a ajouté un autre 30 milliards pour en tripler la capacité. Sur le plan financier, cette aventure était inacceptable pour les compagnies pétrolières ; ce sont donc les contribuables qui doivent payer pour ce fiasco financier ! Une erreur de ce genre, ça suffit ! [6]
La Loi sur l'unité de l'économie canadienne (projet de loi C-5) se veut une réponse aux menaces économiques et politiques d'outre-frontière. Nous croyons qu'il faut nous affranchir de l'économie américaine, mais sans jeter le bébé avec l'eau du bain. La résurrection des pipelines est une mesure opportuniste qui ne tient pas la route sur le plan financier, qui aggrave la catastrophe environnementale et qui piétine les droits des nations autochtones. En septembre 2015, le gouverneur de la banque d'Angleterre, un certain Mark Carney, mettait en garde les assureurs de la Lloyd's de Londres contre les risques financiers liés aux changements climatiques et leur signalait la nécessité d'une économie à faible intensité de carbone.[7]
Prendre la bonne décision est un enjeu capital pour notre avenir. Dans la compétition avec la Chine pour le premier rang économique de la planète, même les États-Unis n'échappent pas à cette logique implacable. En misant le tout pour le tout sur le pétrole, le Président Trump réussira-t-il son pari du MAGA (« Make America Great Again ») ou aura-t-il, par cette politique d'un autre siècle, condamné son pays à devenir dans dix ans un « HAS-BEEN Country », c'est-à-dire un pays dépassé technologiquement et économiquement à cause de ses mauvaises décisions ? Au nord du 45e parallèle, espérons que le Premier ministre Carney, le Premier ministre Legault et leurs homologues provinciaux mettront en pratique les sages conseils de l'ancien gouverneur de la banque d'Angleterre !
Gérard Montpetit
La Présentation
le 27 juillet 2025
3]https://www.nationalobserver.com/2025/07/23/news/renewables-solar-energy-pakistan?
4]https://www.iea.org/reports/global-ev-outlook-2025/trends-in-the-electric-car-industry-3
5]https://www.netzeroinvestor.net/news-and-views/iea-global-oil-demand-will-peak-before-2030
6] https://www.nationalobserver.com/2025/06/10/analysis/trans-mountain-pipelines-cost-taxpayers-canada ?
7]https://www.youtube.com/watch?v=V5c-eqNxeSQ
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Conférence de presse du réseau scolaire : le contrat social rompu en éducation
Réunis dans le cadre d'une conférence de presse conjointe, le président de la CSQ, Éric Gingras et les autres présidences du réseau scolaire, Richard Bergevin de la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE-CSQ), Éric Pronovost de la Fédération du personnel de soutien scolaire (FPSS-CSQ) et Carolane Desmarais de la Fédération du personnel professionnel de l'éducation du Québec (FPPE-CSQ), sont unanimes sur le fait que la saga des annonces de coupes budgétaires a replongé le réseau scolaire dans un marasme teinté de cynisme.
« La rentrée, c'est le moment de tous les possibles ! Une effervescence spéciale marque l'énergie des premiers jours de classe. Une fois encore, l'ensemble du personnel – enseignant, de soutien scolaire et professionnel – sera au rendez-vous pour s'assurer que tout se déroule bien. Mais à quel prix ? C'est la question sur toutes les lèvres. Il est impossible d'entamer cette année scolaire sans parler des impacts majeurs qu'engendre l'instabilité du financement », fait valoir le président de la CSQ, Éric Gingras.
Rupture du contrat social
« Le scénario catastrophe de coupures est mis de côté pour le moment, mais ça ne change rien au fait que le réseau a besoin de prévisibilité. Oui, le gouvernement a investi en éducation, mais pas à la hauteur des besoins qu'engendre la hausse du nombre de jeunes dans nos écoles et nos centres, et des besoins liés aux élèves en difficulté. Si l'éducation était vraiment une priorité, ces différents facteurs seraient pris en compte et ce n'est pas le cas », ajoute Éric Gingras.
« Le gouvernement a rompu le contrat social en éducation. Tous les jeunes ne sont pas égaux à l'heure actuelle et tous, de l'aveu même du ministre de l'Éducation, n'ont pas accès aux services auxquels ils ont droit. »
Le syndicalisme en éducation est là pour rester
« Depuis le début de l'année 2025, le gouvernement se cherche une cible et casse du sucre sur le dos des syndicats : le nombre de grèves et de conflits, la décote financière du Québec, l'instabilité économique et sociale, les sorties négatives sur les politiques et les orientations du gouvernement. C'est toujours la faute des syndicats. Là, c'est assez, insiste le président de la CSQ, Éric Gingras. Nous ne sommes pas responsables des mauvais choix politiques du gouvernement ! »
« Le syndicalisme en éducation est là pour rester et j'ajoute même qu'il s'avère peut-être plus important que jamais. Ce qui s'en vient, ce n'est pas une bataille syndicale. C'est une lutte menée par les travailleuses et les travailleurs à pied d'œuvre sur le terrain au quotidien. Les gouvernements et les ministres changent, mais le personnel reste. Et c'est pour eux que nous prenons la parole dans l'espace public et que nous continuerons de dénoncer ce qui doit l'être. »
Le changement en éducation passe par une grande réflexion
La CSQ et ses fédérations estiment que, pour reformer le contrat social en éducation, il faut une grande réflexion collective impliquant l'ensemble des actrices et acteurs du milieu de l'éducation, demande répétée par la CSQ depuis plusieurs mois.
En janvier dernier, la CSQ publiait les résultats d'un sondage Léger, qui révélaient notamment que près de 70 % des Québécoises et des Québécois estiment qu'une grande réflexion collective pour développer une vision claire et un plan à long terme pour le réseau s'impose.
Les enjeux qui secouent le réseau de l'éducation résident dans les fondements et dans la mission même de l'éducation. « Nous savons que la population appuie le personnel de l'éducation, c'est plutôt le manque de soutien, les structures et les infrastructures qui sont en cause. Les choix politiques du gouvernement ne font qu'accentuer le bris de confiance. Et à la CSQ, c'est ce sur quoi on veut travailler. Et proposer des solutions qui viennent des milieux. C'est ce que les membres veulent d'ailleurs : proposer, contribuer, agir », soutiennent les dirigeantes et les dirigeants syndicaux.
« La grande réflexion collective que nous réclamons, c'est ça. On veut parler de la réussite éducative des jeunes, de l'égalité des chances, de mixité scolaire et sociale. On veut parler d'éducation, pour de vrai. On veut un plan, un projet collectif, structurant et inspirant pour le Québec de demain. »
Inquiétudes pour la réussite des élèves
« On souhaite une bonne année scolaire aux enseignantes et aux enseignants, mais on sait déjà qu'elle sera éprouvante parce qu'ils vivront avec le spectre omniprésent de compressions injustifiables. Qui plus est, la situation de pénurie augmentera la pression sur les profs qui devront soutenir et épauler les personnes qui entrent dans la profession avec une formation insuffisante. Il faudra que le gouvernement appuie ses enseignants et cesse de les attaquer avec des contraintes et de nouvelles obligations qui les surchargent et les dévalorisent. » – Richard Bergevin, président de la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE-CSQ).
Abolition de postes essentiels et instabilité pour le personnel de soutien scolaire
« La rentrée scolaire 2025 s'amorce dans un climat d'incertitude et de colère pour le personnel de soutien scolaire. Tandis que les élèves retrouvent leur école, plusieurs services directs qui leur sont destinés sont affaiblis par l'abolition de postes essentiels, malgré la récente correction partielle du budget. Du côté administratif, un gel d'embauche vient paralyser un réseau déjà fragilisé. Dans un contexte criant de pénurie de main-d'œuvre, le gouvernement choisit d'aggraver la situation plutôt que d'y remédier. Plusieurs de nos membres, essentiels au bon fonctionnement du réseau, sortent d'un été d'angoisses, plusieurs ayant passé leurs vacances à craindre pour leur emploi et ils sont maintenus dans l'instabilité jusqu'à la fin du mois d'août. Cessons les coupes en éducation. » – Éric Pronovost, président de la Fédération du personnel de soutien scolaire (FPSS-CSQ).
Bien-être et conditions d'apprentissage compromis
« À l'heure où le réseau scolaire était déjà en difficulté, le gouvernement a choisi de couper dans une foule de services, dont les services professionnels, puis de réinvestir partiellement sous des conditions impossibles à réaliser. Trop peu trop tard, nous craignons que le chaos soit installé durablement. Les centres de services scolaires devront jouer de prudence devant l'instabilité du financement, et, malgré ce qu'en dit le ministre, les milieux vont subir des coupes de services professionnels. Ce cafouillage politique affectera directement le bien-être des élèves et les conditions d'apprentissage dans nos écoles. Nous ne resterons pas les bras croisés devant ces coupes qui sont dénoncées par tous les acteurs de la société. » – Carolane Desmarais, présidente de la Fédération du personnel professionnel de l'éducation du Québec (FPPE-CSQ).
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Journée de réflexion intersyndicale sur le travail migrant
La FTQ vous invite a participer à la journée de réflexion intersyndicale sur l'immigration. L'activité est gratuite et accessible sur réservation auprès de votre organisation syndicale. Les places sont cependant limitées et réparties selon les modalités convenues dans le cadre des États généraux sur le syndicalisme. Veuillez vérifier auprès de votre organisation.
Programmation
8h30 : ouverture des inscription
9h00 : ouverture et présentation de l'activité
9h10 : Accueillir, représenter et mobiliser des personnes issues de l'immigration (défis syndicaux et perspectives militantes)
11h00 : échanges pléniers avec les panelistes
12h00 : dîner-causerie conférence Fernand-Daoust
13h30 : Etats généraux du syndicalisme : Comment mener une action syndicale inclusive, solidaire et émancipatrice pour les membres issus de l'immigration
16 h 20 : synthèse et évaluation de l'activité
Nos conférencières
Dalia Gesualdi-Fecteau
Dalia Gesualdi-Fecteau est membre du Barreau du Québec, professeure titulaire à l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal et directrice du Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT). Dans un contexte de fortes mutations de l'organisation du travail, ses recherches documentent dans quelle mesure le droit du travail parvient à redresser les inégalités dans les rapports de travail. Au cours des dernières années, Dalia Gesualdi-Fecteau a siégé sur le Comité d'experts sur les normes du travail fédérales modernes (2019) et sur le Comité d'expertes chargé d'analyser les recours en matière de harcèlement sexuel et d'agressions sexuelles au travail (2023). La plupart de ses recherches se font de concert avec les acteurs du marché du travail.
Amel Zaazaa
Amel Zaazaa est cofondatrice et directrice générale de l'Observatoire pour la justice migrante (OPLJM). Elle œuvre depuis plus de 15 ans à l'intersection des milieux communautaires, académiques, culturels et militants, en portant une vision profondément engagée pour la justice sociale. Arrivée à Tiohtià:ke (Montréal) en 2013, après un parcours en Tunisie marqué par une forte implication dans la société civile, elle s'est activement investie dans les mouvements féministes et antiracistes au Québec. Autrice, formatrice et stratège politique, elle travaille à rendre accessibles les savoirs situés aux marges et à soutenir les organismes communautaires dans l'intégration de pratiques féministes intersectionnelles. Elle est aussi coautrice de l'ouvrage collectif 11 brefs essais contre le racisme pour une lutte systémique (Somme Toute, 2019).
QUAND : 1 octobre 2025 dès 8h30
LIEU : Édifice Fernand-Daoust (Salle Louis-Laberge ABC) 2e étage
565 boul. Crémazie Est
Montréal (Québec) H2M 2W3
Renseignements
Vous avez des questions ? Écrivez au jtrepanier@ftq.qc.ca
Répartitions des places par syndicat
– 35 Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
– 20 Confédération des syndicats nationaux (CSN)
– 11 Central des syndicats du Québec (CSQ)
– 7 Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)
– 7 Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
– 7 Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
– 6 Fédération autonome de l'enseignement (FAE)
– 3 Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ)
– 3 Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ)
Cette activité est jumelée avec une Conférence Fernand Daoust (de 12 h à 13 h 30)
Notez que si vous êtes inscrit.e. à la Journée de réflexion pour le travail migrant, votre inscription à la Conférence est automatique.
Dans le cadre d'un projet réalisé grâce à la contribution financière de l'Office québécois de la langue française (OQLF), le service de la Francisation de la FTQ présente la conférence « Garantir le droit de travailler en français : l'accès aux services de francisation pour les travailleuses et travailleurs étrangers au Québec » par Stéphanie Arsenault, professeure titulaire à l'école de travail social et de criminologie de l'Université Laval.
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Hiroshima, Nagasaki et le génocide
Le 24 octobre 2023, Omar El Akkad, journaliste et romancier égypto-américain, a publié sur X : « Un jour, quand la situation sera sûre, quand il n'y aura plus d'inconvénient personnel à appeler les choses par leur nom, quand il sera trop tard pour demander des comptes à qui que ce soit, tout le monde aura toujours été contre cela. »
7 août 2025 Entre les lignes entre mots | Photo : bannière Free Gaza à Hiroshima
Ce tweet, vu plus de dix millions de fois, a été développé dans un livre, One Day, Everyone Will Have Always Been Against This, publié au début de cette année. Entre les réflexions sur le génocide des Palestinien·nes à Gaza, l'auteur partage des réflexions sur sa propre histoire et celle de sa famille. En tant qu'Arabe et musulman, El Akkad s'interroge sur la réponse qu'il pourrait donner lorsqu'on lui dit : « Retourne d'où tu viens. » Il se dit : « Si tu aimes tant les gouvernements autoritaires, pourquoi ne vas-tu pas là d'où je viens ? »
Dans quelle mesure quelqu'un aurait-il pu s'opposer aux bombardements atomiques ? Et comment les attitudes à l'égard de ces bombardements ont-elles évolué depuis ? En 1945, l'opinion publique américaine était favorable à une vengeance pour Pearl Harbor et à la destruction de l'Empire japonais.
Les représentations des Japonais comme des vermines ou des singes ont suscité un soutien en faveur du bombardement des populations civiles de toutes les grandes villes japonaises (à l'exception de Kyoto). Les bombardements de Tokyo les 9 et 10 mars 1945 ont fait quelque 100 000 mort·es. Au total, les bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki ont fait entre 150 000 et 246 000 mort·es à la fin de l'année 1945. Compte tenu du secret qui entourait le projet Manhattan visant à développer les bombes atomiques, très peu de personnes auraient pu s'opposer à leur utilisation avant qu'elles ne soient déployées. Parmi eux figurait Leó Szilárd, un physicien hongrois qui, au cours de l'été 1945, fit circuler une pétition, principalement parmi les scientifiques du Laboratoire métallurgique de Chicago, s'opposant à l'utilisation de ces armes sans donner au Japon la possibilité de se rendre.
En 1942, sur le continent américain, en vertu d'un décret signé par Franklin D. Roosevelt, les Américain·es d'origine japonaise furent dépossédé·es de leurs terres et de leurs biens et incarcérés dans des camps de prisonnier·es. Rien de tel n'a été perpétré à l'encontre des personnes d'origine allemande ou italienne. Ne devrait-on pas qualifier cela de nettoyage ethnique ? Est-il risqué d'interpréter l'histoire à travers des catégories modernes ? Alors que Harry Truman a suggéré qu'en évitant la nécessité d'envahir le territoire japonais, les bombardements atomiques ont épargné la vie d'environ un demi-million de soldats américains, la plupart des historien·nes affirment que l'Empire japonais savait qu'il était fini et était prêt à se rendre. L'objectif déclaré des bombardements atomiques était de mettre fin à la guerre. D'autres raisons non déclarées comprenaient la démonstration de cette nouvelle arme à l'ennemi de la guerre froide à venir, l'Union soviétique, et la justification du coût de développement de l'arme auprès des contribuables américain·es. Bien que le résultat final ait été la mort de nombreuses et nombreux Japonais, l'intention déclarée n'était pas génocidaire. Par conséquent, nous ne qualifions pas officiellement cela de génocide. (Il convient toutefois de noter que l'étymologie du mot « holocauste » signifie « brûler tout », ce qui fut certainement le cas à Hiroshima et Nagasaki).
En 2025, toute personne rationnelle s'oppose à la guerre nucléaire, car même une guerre nucléaire « limitée » peut entraîner un hiver nucléaire, susceptible de mener à l'extinction de l'espèce humaine. Pourtant, le Bulletin of Atomic Scientists rapproche chaque jour davantage son horloge de l'apocalypse de minuit.
Actuellement, il est minuit moins 89 secondes. Les hibakusha (survivant·es de la bombe atomique), aujourd'hui âgé·es pour la plupart de plus de 80 ans, lancent un appel : « Plus jamais Hiroshima ! Plus jamais de Nagasaki ! Non au nucléaire ! NON À LA GUERRE ! » À l'approche du 80e anniversaire, les militant·es pour la Palestine à Hiroshima tentent de mettre l'accent non seulement sur les milliers de Japonais·es, de Coréens·ne et d'autres personnes qui ont été tuées et blessées lors du génocide nucléaire, mais aussi sur cette journée comme une journée de protestation contre le génocide actuel à Gaza et le nettoyage ethnique dans toute la Palestine.
En commémorant les 80 ans de la bombe, nous devons également inclure l'histoire de l'impérialisme japonais, qui est effacée de la cérémonie officielle de commémoration de la paix à Hiroshima. La défaite de l'Empire japonais doit être considérée comme la libération des peuples d'Asie et du Pacifique de la brutale domination coloniale japonaise. L'écho de l'impérialisme japonais se poursuit sous diverses formes néocoloniales à travers l'Asie, via l'exploitation économique, foncière et du travail, le tourisme et l'industrie du sexe, sans parler de l'occupation continue des terres aïnous à Hokkaido et des terres ryukyu à Okinawa. En fait, nous considérons la cérémonie elle-même comme un rituel renforçant la mythologie nationale japonaise et le système impérial nationaliste qui « nécessite » les armes nucléaires. Même la manière dont la « paix » est imposée à Hiroshima par le biais d'une « prière silencieuse » est une manipulation fasciste des expressions de chagrin et de colère du peuple. La ville d'Hiroshima a convaincu le public que plier des grues en papier et faire visiter le parc de la paix aux enfants suffit à instaurer la « paix ».
En 2024, alors que le génocide des Palestinien·nes battait son plein, la ville d'Hiroshima a honteusement invité un·e délégué·e israélien·ne à assister à la cérémonie commémorative de la paix à Hiroshima, sans inviter de représentant·e palestinien·ne. Les responsables de la ville de Nagasaki, quant à eux, ont désinvité La/le délégué israélien. Cette année, Hiroshima a envoyé des « notifications » au lieu d'« invitations » afin d'éviter toute controverse sur les pays invités et ceux qui ne le sont pas. Cette attitude de « peacewashing » est maintenue par la majorité de la société japonaise, qui est également généralement mal informée des atrocités commises par ses ancêtres au nom de l'empereur.
Dans The World After Gaza, Pankaj Mishra nous donne un aperçu de la manière dont la Shoah, le génocide des Juifs et Juives européen·nes par les nazis, a servi de justification idéologique au projet sioniste d'apartheid, de nettoyage ethnique et, aujourd'hui, de solution finale du génocide. De même, Hiroshima et Nagasaki sont les histoires de victimisation ultimes que les nationalistes japonais utilisent pour justifier la militarisation, le développement technologique et armement, et les collaborations continues avec le gouvernement israélien. Le programme Aichi-Israel Matching, qui met en relation les start-ups israéliennes spécialisées dans les technologies d'armement avec le cœur industriel du Japon, en est le parfait exemple. Le fonds de pension japonais (le plus important au monde !) investit massivement dans des obligations israéliennes ainsi que dans des fabricants d'armes tels qu'Elbit Systems (Israël), Lockheed Martin (États-Unis) et BAE Systems (Royaume-Uni). Des entreprises japonaises comme Kawasaki achètent des drones à Israël, tandis que Mitsubishi Heavy Industries fabrique des pièces dans la chaîne d'approvisionnement d F-35.
Pendant ce temps, lors des dernières élections, le parti Trumpian Sanseito a remporté 14 sièges au gouvernement grâce à sa rhétorique xénophobe diffusée sur YouTube, jouant sur les craintes des Japonais·es d'une contamination étrangère et de la perte de la culture japonaise « pure ». Ce regain d'intérêt pour le racisme ouvert, associé au développement rapide de l'industrie des armes à intelligence artificielle en collaboration avec un État génocidaire, est ce que nous considérons en japonais comme « abunai » – dangereux !
Notre point le plus urgent depuis le point zéro à Hiroshima est le suivant : la Palestine est une question nucléaire. Israël possède quelque 90 armes nucléaires et est en fait un dépôt d'armes nucléaires américain en Asie occidentale. Plusieurs représentants de son gouvernement ont appelé à l'utilisation d'armes nucléaires sur Gaza. La récente demi-guerre nucléaire avec l'Iran a détruit des installations de production de combustible nucléaire, provoquant sans aucun doute une contamination chimique et radioactive que personne n'est prêt à reconnaître, et a démontré à quel point Israël est prêt, avec le soutien des États-Unis, à entraîner la région vers une guerre nucléaire. Les prétentions d'Hiroshima à être une « ville internationale de la paix » engagée dans l'abolition des armes nucléaires semblent égoïstes et creuses, car elle reste complètement silencieuse sur les réalités nucléaires de la Palestine et continue d'occulter les crimes de guerre du Japon. En tant que lutte de libération indigène, la Palestine est également liée au mouvement #LandBack qui croise la lutte contre le colonialisme nucléaire – des îles Marshall à Semipalatinsk, au Kazakhstan, en passant par la nation Navajo, Shinkolobwe au Congo, les Aborigènes d'Australie, et bien d'autres encore.
La douleur d'Hiroshima, de Nagasaki et de tous les massacres et atrocités des 80 dernières années est réelle et nous hante encore aujourd'hui. Le mouvement antinucléaire et les mouvements de libération de la Palestine ont également vu le jour et se sont développés au cours de ces mêmes 80 années. Les militant·es pour la Palestine au Japon voient au-delà du 80e anniversaire de Hiroshima et comprennent que le système impérial japonais, comme celui de la Grande-Bretagne, des États-Unis, de l'Allemagne, etc., n'a pas réellement changé, il a simplement changé de forme. Depuis près de deux ans, nous assistons à un génocide à Gaza, où les auteurs ont juré d'éliminer les Amalek ou les « animaux humains ». Comme si Israël expérimentait toute une série de méthodes pour tuer, nous avons vu des enfants exploser sous les bombes, se faire tirer dessus par des snipers et maintenant mourir de faim.
Ce sont les contribuables étasunien·nes qui financent cela. Ce sont les participant·es au régime de retraite japonais qui financent cela. Nos gouvernements et leurs amis des grandes entreprises fournissent les armes et assurent la couverture diplomatique. Nous ne devons pas laisser nos gouvernements s'approprier nos histoires de douleur et de souffrance pour justifier davantage de douleur et de souffrance. Nous ne devons pas attendre que la situation soit sûre, qu'il n'y ait plus d'inconvénient personnel à appeler les choses par leur nom, qu'il soit trop tard pour demander des comptes à qui que ce soit. Nous devons faire tout notre possible pour nous opposer à l'apartheid, au nettoyage ethnique et au génocide. Nous devons lutter pour la libération de la Palestine et la libération de tous les peuples de la domination, de la militarisation et des économies de guerre.
Rebecca Maria Goldschmidt & Seiji Yamada
Rebecca Maria Goldschmidt est une artiste et une travailleuse culturelle qui s'engage dans des projets artistiques et de recherche liés au territoire. Ses travaux récents reflètent ses études sur les pratiques culturelles et territoriales de ses ancêtres juifs et philippins. Elle est cofondatrice de LAING Hawai'i, une organisation de préservation des langues patrimoniales, et directrice de programme pour le Queer Mikveh Project. Elle a obtenu son master en beaux-arts à l'université d'Hawaï à Mānoa, à Honolulu, en 2020, et poursuit actuellement ses études de doctorat en sculpture à l'université municipale d'Hiroshima, au Japon, dans le cadre d'une bourse MEXT. Elle est coanimatrice de CounterPunch Radio.
Seiji Yamada est originaire d'Hiroshima et exerce en tant que médecin généraliste et enseignant à Hawaï.
https://www.counterpunch.org/2025/08/04/hiroshima-nagasaki-and-genocide/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)
Merci à MHL pour la communication de ce texte
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Manifeste pour la défense de la création authentique (par un développement raisonnable et raisonné de l’IA)
Le développement de l'IA en culture doit se faire avec le milieu, pour le milieu et de manière prudente, raisonnable et raisonnée, parce que l'art est humain !
Montréal, le 9 juin 2025 - Les membres de 6 organisations syndicales québécoises représentant plus de 25 500 artistes, créateur·trice·s, interprètes, artisan·e·s et technicien·ne·s de l'audiovisuel et de la musique se sont réuni·e·s en ce lundi 9 juin 2025 pour rendre public leur « manifeste pour la défense de la création authentique ». Cette déclaration met en évidence les grands principes avec lesquels il leur parait indispensable de conduire un développement responsable et prudent des outils d'intelligence artificielle ainsi que leurs revendications et recommandations adressées aux responsables politiques provinciaux et fédéraux ainsi qu'aux différent·e·s acteur·e·s de notre industrie.
Préambule
L'IA générative s'impose un peu plus chaque jour dans nos vies, nos discussions, nos métiers, nos médias. Elle véhicule un grand nombre de promesses pour des lendemains plus performants, plus créatifs, plus rentables. Elle est présentée comme une « révolution » qu'on ne peut arrêter, comme « un train qu'il faut prendre à temps » sous peine de rester sur le quai des temps passés.
Pourtant, chaque jour, des œuvres de créateur·trice·s sont usurpées à des fins d'entrainement de l'IA. À chaque instant, images, textes, voix, compositions, sont utilisés sans consentement, sans transparence et sans rémunération, violant toutes les valeurs morales et les cadres réglementaires les plus fondamentaux.
Avons-nous décidé, en tant que société, que tout ça n'avait plus aucune valeur ? Que l'artiste-créateur·trice pouvait se faire piller pour enrichir les multinationales qui exploitent ses œuvres ?
Avons-nous décidé, en tant que société, qu'il était normal d'accepter comme une fatalité des temps modernes, de voir nos conditions de travail se faire piétiner au nom de l'innovation ?
Avons-nous décidé, en tant que société, de courir le risque de voir la souveraineté de notre culture distincte menacée par des technophiles obsédé·e·s par une vision mercantile de la création ?
Avons-nous décidé de tout cela ?
Dans le milieu des arts et de la culture... JAMAIS !
Le développement de l'IA générative dans le milieu culturel doit se faire avec les artistes, pour les artistes et de manière prudente, raisonnable et raisonnée.
En savoir plus et signer le manifeste.
Grands principes
Principe #1 : Innovation n'est pas synonyme de progrès
Le progrès ne vaut que s'il est partagé par tous. (Aristote, philosophe grec, 384-322 av. J.-C)
Nous recommandons de ne pas confondre innovation et progrès. Le véritable progrès est celui qui est élaboré, négocié et conçu pour bénéficier au plus grand nombre et améliorer les conditions de vie de toutes et tous.
L'IA pourra sans doute permettre, dans certains domaines, d'accomplir ce que l'humain est incapable de faire seul. Mais il faudra que tout le monde puisse, demain, bénéficier de ces avancées, pour que nous soyons en mesure de parler de véritable progrès.
Sans cela, l'IA risque de devenir un accélérateur d'inégalités entre celles et ceux qui pourront bénéficier des innovations, et celles et ceux qui, pour des raisons sociales, géographiques, économiques, culturelles, en seront tenu·e·s à l'écart.
Dans le milieu culturel, l'IA n'a pas encore démontré sa capacité à être un véritable agent de progrès. Si les systèmes d'IA veulent trouver leur place parmi nos outils de travail, leurs opérateurs doivent nous prouver leur volonté d'être au service de la créativité, dans le respect et au bénéfice de toutes celles et tous ceux qui sont les authentiques artistes et artisan·ne·s. L'IA, conçue et développée essentiellement par des compagnies centrées sur des objectifs de pouvoir et de profits, est surtout une illusion de progrès. Cette course technologique effrénée se fait sans aucune éthique, au détriment de nos créateurs et créatrices et de la diversité culturelle.
Principe #2 : L'art est de nature particulière
L'art est d'une nature particulière. Il est humain.
L'artiste ne crée pas par automatisme. Il crée par impulsion, par désir de communiquer à ses contemporain·e·s une vision personnelle et unique de notre société, notre existence, notre condition humaine.
L'IA, elle, ne connaitra jamais l'un des constituants fondamentaux de l'être humain : celui de se savoir mortel, celui qui probablement nous pousse à créer…
L'IA ne fait que se saisir de tout ce qui a été fait auparavant. Avant elle, sans elle. Elle n'est que la somme de toutes ces visions intimes du monde, qu'elle découpe, émiette et recopie pour les assembler. Loin d'innover, elle recycle !
L'IA reproduit nos conditionnements sociaux, perpétue nos clichés et reflète l'idéologie dominante. Elle nous offre une vision biaisée du monde. Elle menace la diversité des expressions culturelles et, par le fait même, la souveraineté culturelle du Québec, ses spécificités mais également la place du français dans notre paysage culturel. C'est pour ces raisons que l'art est, et doit rester, un privilège de l'humain et que seules les œuvres créées par des humains peuvent être reconnues comme telles par le droit d'auteur canadien.
Principe #3 : L'IA n'est pas une révolution, mais une évolution !
Il n'y a pas de « révolution de l'IA », n'en déplaise aux impatients. L'idée même de révolution induit un changement brutal qui impose de nouveaux paradigmes en faisant table rase du passé.
Ici, nous ne parlons pas de révolution mais d'une phase d'évolution importante qu'il convient de mener avec prudence et responsabilité.
Il n'y a aucune saine raison d'agir dans la précipitation. Ces transformations doivent se faire dans le dialogue, le respect, la régulation et le calme. Il y va de l'avenir de certaines industries, dont la nôtre !
Le temps de la démocratie est un temps long. Celui de la réglementation l'est également. Les amateurs de vitesse, qui prônent le libre accès et la dérégulation, doivent lever le pied et accepter de prendre leur place dans le trafic de la coopération. C'est pourquoi les gouvernements fédéraux et provinciaux doivent promptement clarifier leurs positions et les grands principes qui guideront leurs travaux. Ils doivent commencer, sans attendre, à élaborer un cadre réfléchi et concerté permettant un développement respectueux et éthique de l'IA.
Revendications et recommandations
Sur la base des grands principes présentés précédemment, nos organisations s'entendent pour appeler les gouvernements québécois et canadien à :
– Exercer un leadership fort dans chacune des instances internationales où l'encadrement de l'utilisation de l'IA est étudié pour y défendre les enjeux spécifiques aux arts, à la culture et à la diversité des expressions culturelles ;
– Appuyer sans ambiguïté le développement d'un protocole additionnel à la convention de l'UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Cette démarche nous apparait comme la plus adaptée pour renforcer l'efficacité de la convention dans l'environnement numérique et face aux défis posés par l'IA ;
– Bâtir prioritairement un cadre réglementaire strict, impossible à contourner et encadrant le développement et l'utilisation de l'IA en veillant spécifiquement à protéger les droits individuels des personnes, les droits des travailleurs et travailleuses et les droits d'auteur des créatrices et créateurs. Nous demandons que le principe « A.R.T. » (Autorisation, Rétribution, Transparence) guide les travaux d'encadrement et de révision des programmes de financement ;
– Exiger des systèmes d'IA une transparence totale quant aux contenus utilisés pour l'entrainement des outils et leurs conditions d'utilisation et de rémunération ;
– Reconnaitre et affirmer que la Loi sur le droit d'auteur vise à s'assurer que seul un humain puisse générer une œuvre ou une prestation protégée par le droit d'auteur ;
– S'engager à ne jamais considérer la fouille de textes et de données (FTD) comme une exception possible à la Loi sur le droit d'auteur ;
– Exiger que tout contenu généré par l'IA soit identifié comme tel aux yeux du grand public.
Conclusion
En conclusion, nos organisations rappellent que le milieu artistique a toujours été favorable au progrès et a su évoluer au fil des époques et des nouvelles technologies. Nos artistes, créateur·trice·s, interprètes, artisan·e·s et technicien·ne·s de l'audiovisuel et de la musique en seront évidemment capables cette fois-ci encore !
Utiliser avec prudence des outils d'intelligence artificielle pour améliorer certains aspects de nos métiers est naturellement une pratique appelée à se développer. Nous la comprenons, la soutenons et l'accompagnons.
En revanche, voir notre culture se laisser dévorer « donnée par donnée », « emploi par emploi », « œuvre par œuvre » par des compagnies technologiques aux fins lucratives et souvent peu respectueuses des cultures nationales, locales et distinctes n'est pas acceptable.
Il est de notre responsabilité, d'une part d'y sensibiliser celles et ceux que nous représentons et, d'autre part, de dénoncer les pratiques abusives qui menacent nos emplois, notre culture, nos vies en exigeant un cadre de régulation plus efficace.
Nous sommes et resterons mobilisé·e·s.
Nos gouvernements doivent l'être et agir de manière raisonnable et raisonnée quant au développement des systèmes d'IA.
L'art a besoin d'être aimé et soutenu…parce que l'art est humain !
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World Press Photo Montréal 2025 - Voir et comprendre la pauvreté au Québec
QUÉBEC, le 18 août 2025 - L'édition 2025 du World Press Photo Montréal présente une exposition du professeur de l'Université TÉLUQ Normand Landry, du 27 août au 13 octobre au Marché Bonsecours à Montréal.
Intitulée Regards sur la pauvreté au Québec, l'exposition regroupe 30 photographies percutantes prises par le professeur Landry. Ces images, issues d'un travail rigoureux de recherche, révèlent des scènes de pauvreté humaines, captées aux quatre coins du Québec. Elles s'appuient sur les résultats d'une vaste étude menée par son équipe de recherche portant sur les représentations de la pauvreté dans la province.
En plus de ces clichés, le public découvrira des données saisissantes recueillies lors d'entrevues et de sondages réalisés auprès de la population. L'exposition met en lumière les préjugés persistants envers les personnes en situation de pauvreté, préjugés qui influencent encore aujourd'hui les discours parlementaires et les politiques publiques.
« Notre équipe est honorée d'accueillir cette exposition lucide, sensible et profondément humaine. Plus de 70 000 visiteurs croiseront des portraits, des regards et des témoignages incarnés avec justesse par la lentille de Normand Landry, initiateur de cette précieuse collaboration. Puissions-nous éveiller les consciences et les gestes face à ces réalités persistantes », souligne Yann Fortier, directeur général et commissaire de l'exposition World Press Photo Montréal.
Quelques faits frappants
– 85% des Québécois francophones estiment que la pauvreté a augmenté au cours des 10 dernières années.
– 80% pensent que le gouvernement n'en fait pas assez.
– À peine 6% des interventions parlementaires mentionnent la pauvreté.
– Les femmes parlementaires en parlent 2 fois plus que leurs collègues masculins.
Activités autour de l'exposition
Deux activités complémentaires viendront enrichir l'exposition du professeur Landry. D'une part, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse offrira une visite commentée intitulée « La pauvreté au Québec : arrêt sur image, 30 poses en 30 minutes ». D'autre part, un exposé synthèse des résultats du projet de recherche sur les représentations de la pauvreté au Québec sera présenté le 9 septembre au Musée Pointe-à-Callière par la Chaire sur la démocratie, le vivre-ensemble et les valeurs communes au Québec. Ces activités permettront au public d'approfondir sa compréhension des enjeux soulevés par l'exposition.
L'équipe de recherche
L'exposition du professeur Landry présente les photographies et les résultats de recherche d'un projet mené en partenariat avec l'Université TÉLUQ, le Centre pour l'étude de la citoyenneté démocratique (CÉCD), le Groupe interdisciplinaire et interuniversitaire de recherche sur l'emploi, la pauvreté et la protection sociale (GIREPS), la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, ainsi que le Collectif pour un Québec sans pauvreté.
« En croisant l'art photographique et les savoirs scientifiques, cette exposition vise à bousculer notre perception de la pauvreté au Québec et à remettre en question notre rapport à cet enjeu de société majeur. Elle cherche à susciter une réflexion publique en profondeur sur les façons dont nous abordons la pauvreté. Ce n'est qu'en interrogeant ce rapport que nous pourrons repenser collectivement les mesures que nous mettons en place pour y faire face », souligne Normand Landry, professeur à l'Université TÉLUQ et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en éducation aux médias et droits humains.
« À l'Université TÉLUQ, nous croyons fermement que la connaissance doit éclairer l'action. Cette exposition illustre avec force le rôle que joue la recherche universitaire dans la compréhension des grands enjeux de société. C'est avec fierté que nous soutenons des travaux qui donnent une voix aux réalités trop souvent invisibilisées », affirme Marc-André Carle, directeur de l'enseignement et de la recherche à l'Université TÉLUQ.
Le professeur Normand Landry est disponible pour des entrevues afin de discuter de son travail photographique ainsi des résultats de ses plus récents travaux de recherche.
Pour tout savoir
Expo World Press Photo Montréal 2025
27 août au 13 octobre 2025
Marché Bonsecours, Montréal
Billets en vente uniquement à l'entrée
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Le mouvement syndical du Canada est uni face au gouvernement qui viole les droits des travailleurs
Déclaration de Bea Bruske, présidente du Congrès du travail du Canada, à la suite d'une réunion d'urgence des syndicats du Canada concernant la grève des agentes et agents de bord d'Air Canada
« Ce soir, les dirigeantes et dirigeants des syndicats du Canada se sont réunis en session d'urgence pour faire front commun avec les agentes et agents de bord d'Air Canada pour défier la violation inconstitutionnelle des droits des travailleuses et travailleurs par le gouvernement.
Nous en sommes sortis plus forts et plus unis, avec un message clair que nous allons riposter contre les atteintes du gouvernement aux droits des travailleuses et travailleurs : une attaque contre l'un d'entre eux est une attaque contre nous tous. Le mouvement syndical se tient ferme et uni, et nous ne tolérerons pas que ces droits protégés par la Charte soient bafoués.
Les syndicats du Canada ont voté à l'unanimité pour demander au gouvernement fédéral de :
– Retirer immédiatement l'ordonnance en vertu de l'article 107 pour mettre fin à la grève légale de la composante Air Canada du SCFP ;
– S'engager à cesser immédiatement le recours à l'article 107 pour mettre fin à une grève légale dans le cadre d'un conflit de travail relevant de la compétence fédérale ou pour la prévenir ;
– Convenir de modifier le Code canadien du travail afin de supprimer l'article 107, en tant que première affaire à l'ordre du jour à la reprise des travaux du Parlement.
Pour appuyer ces revendications, les syndicats du Canada sont prêts à :
– Coordonner une campagne de riposte, en rappelant aux élus politiques et à la population canadienne plus largement les raisons pour lesquelles ces travailleuses et travailleurs se battent ;
– Promouvoir et coordonner les contributions financières des syndicats affiliés et d'autres afin d'aider à régler les coûts judiciaires et autres frais encourus liés à la décision de la composante Air Canada du SCFP de défier l'ordre de la ministre ;
– Diffuser rapidement auprès des syndicats affiliés des informations sur les manifestations et autres actions pour assurer un impact maximal ;
– Travailler avec le SCFP et tous les syndicats affiliés afin de garantir que, si le gouvernement engage des mesures judiciaires contre ces travailleuses et travailleurs, le mouvement syndical répondra rapidement et sera uni dans une solidarité inébranlable.
Le Premier ministre Carney a été élu pour lutter contre Trump, et non pour miner les droits des travailleuses et travailleurs du Canada. Ce gouvernement a été élu pour protéger nos emplois et nos collectivités, et non pour appuyer des sociétés comme Air Canada qui exigent de leurs employés qu'ils travaillent gratuitement.
Il est temps de prendre la bonne décision et de respecter le droit des travailleuses et travailleurs canadiens à la négociation collective. »
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Israël : appel des familles d’otages à la grève générale
C'est historique. La crise provoquée dans la population judéo-israélienne par la dynamique génocidaire de la guerre contre Gaza voit les familles d'otages appeler à la grève générale contre Netanyahou et son gouvernement, en conjuguant l'exigence de libération des otages – qui n'est pas seulement un sujet vital et horrible pour ces familles, mais qui renvoie à la définition fondatrice d'Israël comme refuge contre l'antisémitisme – et à l'arrêt du massacre et de la famine organisée à Gaza.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
Au même moment, le ministre « de la Sécurité nationale », le fasciste Itamar Ben Gvir, est allé se filmer menaçant Marwan Barghouti dans sa cellule, en lui criant que tant qu'il tuerait des femmes et des enfants, lui, Ben Gvir, le combattrait ! En réalité, le ministre fasciste, dopé par Trump et Poutine et enivré par le projet de Netanyahou d'occuper Gaza-ville, a peur de cet homme enfermé qui, dans des conditions démocratiques, serait probablement élu contre le Hamas dans un Etat palestinien !
Histadrout, la centrale syndicale israélienne, sollicitée, a refusé d'appeler à la grève. Ceci n'est pas seulement une attitude d'appareil bureaucratique, mais renvoie à ses liens organiques avec l'Etat israélien. Car justement : si cet Etat est un refuge pour les Juifs, la libération des otages doit passer devant, mais si cet Etat est un mécano colonial destructeur, il n'est plus un refuge. C'est le devenir, c'est la nature de l'Etat qui sont en cause : son statut de refuge et son caractère d'Etat de droit sont liés et exigent la reconnaissance pleine et entière de tous les droits nationaux et démocratiques des Palestiniens (le retour et/ou la prise en compte de la situation des réfugiés, depuis 1947, y compris), son caractère colonial niant l'existence de la nation palestinienne conduit à la destruction de son caractère de refuge pour les juifs. C'est le choix … [Aplutsoc]
Nous reproduisons ci-dessous le communiqué du RAAR, Réseau d'Actions contre l'Antisémitisme et tous les Racismes :
« Le 17 août prochain le forum des familles des otages appelle à une grève générale contre la décision de Netanyahou de conquérir l'ensemble de la bande de Gaza.
Le projet de Netanyahou est une catastrophe supplémentaire annoncée pour la population de Gaza, menacée par de nouveaux dangers mortels. Mais aussi pour les otages encore aux mains du Hamas dans des conditions ignobles.
Au massacre à Gaza, avec son cortège de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, s'ajoute maintenant la famine qui tue notamment des dizaines d'enfants, en raison des obstacles maintenus par le gouvernement israélien à l'entrée massive de l'aide humanitaire nécessaire.
Pour hâter la fin de cette guerre, l'action de la population israélienne est indispensable. Le 17 août peut être un moment important de la mobilisation populaire.
Le RAAR apporte son soutien à la grève générale du 17 août et à l'action du camp de la paix, particulièrement du mouvement Standing Together qui multiplie les actions de protestation et invite au refus de cette guerre injustifiable.
Il appelle l'ensemble des organisations opposées à la guerre en cours à Gaza à la solidarité avec ce mouvement de grève. »

Manifestation en solidarité avec les agentes de bord d’Air Canada
Point de départ de la manifestation : Square Phillips (Métro McGill)
Rue du Square-Phillips, Montréal, QC H3B, Canada
1235 Rue du Square-Phillips, Montréal, QC H3B 3E9, Canada
Évènement de Alliance Ouvrière, Syndicat des employés de la SQDC / SCFP 5454 et 4 autres personnes
Public · Tout le monde
La ministre fédérale du travail veut forcer les agent-es de bord d'Air Canada à mettre fin à leur grève et à retourner au travail, malgré le refus de la compagnie aérienne de négocier de bonne foi et le conflit d'intérêt du Conseil canadien des relations industrielles, dont la présidente a été avocate pour Air Canada par le passé.
Il s'agît de la plus récente d'une série d'attaques des gouvernements provincial et fédéral contre le droit de grève (PL89, retour forcé au travail pour les syndiqués de Postes Canada et du CN, etc.). Faisons preuve de solidarité et unissons nos forces contre ces attaques qui menacent nos droits et notre rapport de force.
Air Canada annonce un retour à la normale des opérations le soir du 18. Donc tenons-nous debout pour les agent-es de bord d'Air Canada et leur droit de grève !

Gatineau : luttes d’une ville frontalière (Introduction au dossier)

Gatineau est une ville méconnue de bien des Québécoises et Québécois. Située sur la rive nord de la rivière des Outaouais, sur les territoires traditionnels non cédés de la nation algonquine Anishinabeg, elle constitue aujourd’hui la quatrième plus grande ville québécoise en termes de population, avec près de 300 000 habitantes et habitants. Séparée de l’Ontario et de la capitale fédérale Ottawa par la rivière des Outaouais, c’est une ville marquée par une réalité et des enjeux transfrontaliers. Ce positionnement sociogéographique fait en sorte qu’elle vit plusieurs problématiques qui lui sont propres par rapport à d’autres villes québécoises.
Ville riche d’histoire, Gatineau est également un berceau du syndicalisme et du mouvement populaire québécois. Ici encore, la situation transfrontalière joue un rôle déterminant puisque la rivière des Outaouais se dresse davantage en mur de ciment qu’en cours d’eau. Peu de luttes, passées ou actuelles, sont menées conjointement par les groupes qui résident des deux côtés de la rivière, un exemple classique des deux solitudes.
Ce dossier des Nouveaux Cahiers du socialisme aborde plusieurs enjeux auxquels font face les femmes et les hommes de cette ville et de sa région. Le choix des sujets a dû tenir compte d’un certain nombre de contraintes, ce qui a malheureusement mis de côté des questions importantes. Ainsi, nous n’abordons pas la situation de fragilité croissante de la langue française dans un Gatineau submergé par une population ottavienne voisine largement anglophone. Nous ne traitons pas non plus des répercussions sur la ville de l’installation de nombreux nouveaux arrivants et arrivantes ni du sort des municipalités de l’Outaouais qui se trouvent en périphérie de la grande ville-centre qu’est Gatineau. Cela dit, plusieurs contributions évoquent ces questions en filigrane.
Un peu de contexte
La présente ville de Gatineau est un amalgame de cinq villes fusionnées par une loi québécoise de 2002. D’ouest en est, les cinq villes historiques – qui pour certaines avaient déjà vécu plusieurs mouvements de fusion depuis la fin du XIXe siècle – étaient : Aylmer, Hull, Gatineau, Masson-Angers et Buckingham. Alors que la population de toute la région administrative de l’Outaouais, en augmentation importante depuis quelques années, se chiffre à 419 000 personnes en 2023[2], plus de 71 % de la population, soit 298 000 personnes[3], habitent la seule ville de Gatineau.
La population d’Ottawa, ville voisine et, rappelons-le, capitale d’un État centralisateur par moments et colonial à plusieurs titres, vient quant à elle de dépasser le million de personnes. Voici donc un premier enjeu : à plusieurs égards, Gatineau, ville québécoise marquée par sa situation frontalière, vit à l’ombre de la capitale fédérale.
Être adossée à la capitale du Canada détermine plusieurs particularités. Bon nombre de Québécoises et Québécois travaillent pour le gouvernement fédéral à Ottawa mais habitent au Québec. De même, de nombreuses Ottaviennes et Ottaviens travaillent à Gatineau, mais résident en Ontario. Les Gatinoises et Gatinois vont chercher différents services qui leur font défaut – publics, commerciaux et culturels – de l’autre côté de la rivière. Plusieurs y travaillent, y obtiennent des services de santé, y étudient, y font leurs achats et y pratiquent leurs loisirs. Ainsi, des dizaines de milliers de personnes traversent quotidiennement la frontière et d’autres, étonnamment, n’ont même jamais mis les pieds dans la ville voisine.
Qui plus est, puisque les logements coûtent moins cher au Québec, plusieurs Ontariennes et Ontariens choisissent de s’y installer, ce qui crée une pression à la hausse à la fois sur la disponibilité des logements et sur leur coût du côté québécois de la rivière, voire sur le nombre de places en garderie. Le rapport de François Saillant[4] pour le compte de la Ligue des droits et libertés documente bien les répercussions de cet état de fait transfrontalier.
Un aperçu du dossier
C’est à la fin des années 1960 que le gouvernement fédéral choisit d’accroitre sa présence sur le territoire québécois par l’implantation d’un immense projet de réaménagement urbain qui détruit une bonne partie du centre-ville de Hull. Des milliers de personnes sont expropriées et des centaines de logements, voire des quartiers populaires entiers, sont démolis. L’article de Vincent Greason trace les origines du mouvement populaire à Hull à cette époque et sa résistance à la destruction de son milieu. Le mouvement populaire se joint au mouvement ouvrier qui existe depuis longtemps pour tisser des liens de solidarité intersyndicale et populaire qui se poursuivent jusqu’à nos jours et qui permettent de mener de nombreuses batailles.
Deux articles font état de la longue tradition de luttes syndicales de la région. Thomas Collombat montre comment l’histoire et le contexte frontalier donnent aux syndicats de l’Outaouais une couleur particulière. En même temps, ces derniers restent profondément québécois dans leur culture syndicale et dans leurs interactions avec la société civile. Son analyse s’appuie principalement sur une étude des syndicats affiliés à la Confédération des syndicats nationaux (CSN).
Maude Sioui-Daoust et Mélanie Déziel-Proulx du Syndicat du soutien scolaire de l’Outaouais (SSSO-CSQ), quant à elles, lèvent le voile sur les conditions de travail des employées de soutien qui œuvrent comme piliers invisibles mais essentiels de l’enseignement dans le réseau scolaire. Ces travailleuses, car 78 % du personnel de soutien scolaire sont des femmes, accueillent les élèves à leur arrivée à l’école le matin, aident au bon déroulement du diner, répondent aux appels des parents, etc. Alors que les conditions précaires décrites ne sont pas propres à l’Outaouais, si on fait exception de l’exode des employées de soutien scolaire vers des emplois dans la fonction publique fédérale qui offrent généralement de meilleures conditions de travail, l’article met en évidence des problèmes particulièrement urgents vécus partout dans la province. Pour sa part, Blanche Roy, travailleuse à la retraite de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), témoigne des luttes des femmes et livre une réflexion personnelle sur l’évolution de son féminisme pendant des décennies d’expérience comme travailleuse et militante syndicale.
D’autre part, des enjeux concernant la santé et l’éducation en Outaouais présentent des spécificités compte tenu de la situation transfrontalière de la région. Mathieu Charbonneau, directeur d’Action Santé Outaouais – un organisme unique au Québec voué à la défense collective des droits – fait le point sur l’état du droit à la santé en Outaouais et de ses rapports avec d’autres droits. Il propose un retour historique qui montre comment les conditions sociosanitaires et de logement des classes populaires francophones ont été maintenues à un niveau exécrable. Encore aujourd’hui, les indicateurs socioéconomiques et sanitaires illustrent les inégalités sociales et les défis liés à l’accessibilité et à la qualité des services publics en Outaouais, et comment cette situation préoccupante constitue un terreau propice à la privatisation de la santé.
Dans son texte, Charles-Antoine Bachand retrace l’histoire de l’éducation postsecondaire en Outaouais. La comparaison avec d’autres régions du Québec met en lumière la façon dont le sous-financement chronique de l’éducation et le manque de programmes mènent à un faible taux de fréquentation. La proximité d’Ottawa a pu masquer ce déficit, mais au prix de coûts élevés pour les étudiantes et étudiants québécois qui font leurs études dans la capitale. À titre d’exemple, l’Université du Québec en Outaouais (UQO) a été fondée dans les années 1980, alors que le gouvernement du Québec amorçait le processus de déconstruction de l’État social. Conséquemment, le manque de financement adéquat jumelé à l’absence de volonté politique a privé la région des ressources nécessaires au développement d’établissements d’enseignement postsecondaires capables de répondre à l’ensemble des besoins de sa population.
Gatineau et sa région doivent relever d’autres défis sociaux, dont celui du logement. Les expropriations massives du centre-ville de l’ile de Hull (oui, une partie de l’ancienne ville de Hull est une ile !) au début des années 1970 ont marqué à tout jamais l’histoire de la ville. Cependant l’entrevue avec Bill Clennett et Anna Salter documente le fait que, malgré le manque criant de logements à Gatineau, les pratiques d’expropriations et de démolitions ne relèvent pas uniquement de l’histoire ancienne puisqu’elles se poursuivent encore de nos jours. La saga de l’Ilot de la caserne fait réfléchir à ce que la Ville a, ou n’a pas, appris des leçons du passé.
Même si la démolition des logements n’est pas la cause directe du fléau de l’itinérance qui s’abat actuellement sur le grand Gatineau, loin de là, il est cependant indéniable que la crise du logement exacerbe bel et bien le phénomène. Vanessa L. Constantineau et Alexandre Gallant du Collectif régional de lutte à l’itinérance en Outaouais (CRIO) illustrent par leur texte les nombreuses violations de droits humains vécues par les personnes sans-abri – celui de se loger, de s’alimenter et d’avoir un niveau de vie décent –, mais surtout qu’il s’agit de droits interreliés.
Pour affronter plusieurs situations problématiques, Gatineau et la région de l’Outaouais ont non seulement une longue tradition de luttes sociales et syndicales, mais elles ont souvent été un carrefour d’où ont émergé des initiatives inédites. L’École d’été citoyenne présentée par Martin Chartrand résulte d’une idée mise en application par plusieurs membres de la communauté universitaire outaouaise et qui aborde la présence de l’UQO sous un autre angle que celui de l’enseignement supérieur. Cette école d’été citoyenne a ensuite été reprise et soutenue largement par l’ensemble du milieu social de Gatineau et de la région. Depuis 2023, elle réunit des personnes en provenance des milieux communautaire, syndical et universitaire, dans une démarche de formation et d’échange sur différents aspects de la justice sociale et de la prise en charge citoyenne.
Ce dossier des Nouveaux Cahiers du socialisme sur Gatineau et plus largement sur la réalité outaouaise met en lumière les dynamiques uniques qui façonnent cette ville et cette région. Son histoire, marquée par des luttes sociales et syndicales, témoigne d’une résilience face à des défis transfrontaliers d’importance, qu’il s’agisse du logement, de l’accès aux services ou du sous-financement des institutions locales. Les articles réunis ici montrent que ces enjeux s’inscrivent dans un contexte plus large de transformations urbaines et sociales, souvent infléchies par la proximité d’Ottawa. Malgré cette pression, Gatineau demeure un terreau d’initiatives citoyennes et de mobilisations qui méritent d’être reconnues. Ce dossier ne prétend pas épuiser le sujet, mais il ouvre la voie à une réflexion plus approfondie sur l’avenir de cette ville et de sa région en pleine mutation. En valorisant les savoirs et les expériences de la population outaouaise, il invite à reconnaitre les particularités de cette région souvent méconnue et souligne l’urgence des défis qui lui sont propres.
Par Vincent Greason, militant sociocommunautaire de l’Outaouais, Charles-Antoine Bachand, professeur en fondements de l’éducation à l’Université du Québec en Outaouais et Flavie Achard, coordonnatrice des Nouveaux Cahiers du socialisme. ↑
- Institut de la statistique du Québec, <https://statistique.quebec.ca/fr/produit/publication/outaouais-panorama>. ↑
- Institut de la statistique du Québec, <https://statistique.quebec.ca/fr/produit/tableau/estimations-de-la-population-des-municipalites-de-25-000-habitants-et-plus>. ↑
- François Saillant, La situation du logement à Gatineau et ses impacts sur les droits humains. Rapport de la mission d’observation, Montréal, Ligue des droits et libertés, 2021. ↑
Des agents de bord défient Ottawa et Air Canada
Choisir l’humain
Dans les années ’60, les travailleurs du Brésil défient la dictature militaire
Les lockoutés d’Héroux-Devtek exigent plus, avec Gaza en arrière-plan

Trump et Poutine : bas les pattes devant l’Ukraine ! Pas de paix sans l’Ukraine Pas de paix contre l’Ukraine
Poutine et Trump veulent s'entendre sur le dos du peuple ukrainien lors d'une réunion au sommet sans le principal intéressé, l'Ukraine, au mépris du droit international et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
13 août 2025 | tiré du site Inprecor.fr | photo : Vladimir Poutine et Donald Trump à Helsinki, le 16
juillet 2018. © Kremlin.ru, CC BY
#NothingAboutUkraineWithoutUkraine
#OccupationIsNotPeace
#StopPutinStopTrump
#SolidarityNotSurrender
#StandWithUkraine
Trump a annoncé vendredi qu'il rencontrerait son homologue russe en Alaska, le 15 août, sans le président ukrainien. Celui-ci a vivement et justement répliqué : « Toute décision qui serait prise contre nous, toute décision qui serait prise sans l'Ukraine, serait une décision contre la paix. »
Un règlement de la guerre comprendra, selon le président américain, des concessions territoriales.
« Les Ukrainiens n'abandonneront pas leur terre aux occupants », a ajouté Zelensky alors que Trump a évoqué des « échanges de territoires ».
La Crimée et des territoires des oblasts de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijjia que Poutine a déclarés annexés sont occupés par les troupes russes au mépris du droit international
L'occupation est un crime, celui qui occupe est un criminel, celui qui la favorise en est un complice !
Trump se prépare à offrir ainsi une victoire à l'agresseur après avoir prétendu qu'il émettrait un ultimatum à l'encontre de Poutine.
Non, l'époque de mise d'un pays, contre sa volonté, sous tutelle d'un autre par décision de « grandes puissances » est révolue.
La mobilisation contre ce brigandage impérialiste entre les compères Poutine et Trump et en solidarité avec l'Ukraine doit s'organiser rapidement.
Le 10 août 2025
« Rejeter l’offre de Postes Canada, c’était la bonne chose à faire »
La « baisse de prix des logements », de la poudre aux yeux médiatique

La grève de Winnipeg (1919) : identité canadienne et lutte des classes
Un article de Mélissa Miller
La grève générale de Winnipeg, survenue du 15 mai au 26 juin 1919, constitue un moment charnière dans l’histoire du mouvement ouvrier canadien. Rassemblant plus de 35 000 travailleurs et travailleuses issus de divers secteurs, elle met à nu les profondes tensions de classe qui traversent le Canada d’après-guerre. Face à cette mobilisation inédite, les élites économiques et les autorités politiques réagissent avec une hostilité croissante. Parmi les forces d’opposition les plus structurées se trouve un groupe influent de notables locaux, réuni sous le nom de « Comité des mille citoyens », qui lance le journal Winnipeg Citizen pour orchestrer une contre-offensive idéologique à la grève. Dans les pages du Citizen, une certaine vision de l’identité canadienne émerge : celle d’un Canada bourgeois, anglo-saxon et capitaliste, opposée à l’image menaçante de l’ouvrier étranger communiste, un ennemi incarné par les grévistes. Le Citizen ne se contente pas de défendre l’ordre établi ; il participe activement à la construction d’une citoyenneté canadienne définie par la défense de la monarchie impériale, du libéralisme économique et de la propriété privée, une citoyenneté pensée contre toute forme d’organisation ouvrière autonome. Cette rhétorique trouve un écho favorable auprès du gouvernement de Robert Borden, qui adopte la lecture des événements proposée par le Comité des mille citoyens et légitime la répression, notamment par l’arrestation des grévistes et la déportation de militants immigrants accusés de sédition. La grève de Winnipeg apparaît ainsi comme un révélateur de la lutte des classes au Canada. Elle met en lumière les stratégies discursives et coercitives par lesquelles les élites cherchent à maintenir leur hégémonie sociale et économique en associant toute contestation ouvrière à une menace étrangère. Pour mieux saisir ces dynamiques, nous reviendrons d’abord sur le contexte de la grève. Nous analyserons ensuite le discours du Winnipeg Citizen afin de montrer comment l’identité canadienne – réelle ou fantasmée – y est mobilisée pour délégitimer les grévistes et renforcer l’ordre établi. Enfin, nous montrerons comment cette stratégie fut couronnée de succès et contribua à l’écrasement de la grève.

La Grande Guerre et la grève
La grève générale de Winnipeg éclate le 15 mai 1919 en appui aux métallurgistes et aux ouvriers de la construction, en débrayage depuis le début du mois pour réclamer le droit à la négociation collective, que les employeurs refusent obstinément de leur accorder[1]. Le 6 mai, 95 des 96 syndicats affiliés au Conseil des métiers et du travail de Winnipeg (CMT) votent en faveur d’une grève de solidarité[2] : c’est plus de 11 000 travailleurs qui cessent l’ouvrage. Au matin du 15 mai 1919, le transport public, les livraisons de lait et les boulangeries arrêtent leurs activités. Les restaurants ferment et les téléphonistes débrayent, empêchant toutes les communications dans la ville. Ces dernières sont bientôt rejointes par les employés des postes, la police et les imprimeurs… Dans la foulée, c’est plus de 35 000 travailleurs et travailleuses, syndiqués ou non, qui arrêtent le travail à cette date[3]. Pour une ville de 175 000 habitants, l’impact est colossal.
Au début du XXe siècle, Winnipeg s’impose comme le quatrième centre industriel du Canada, en pleine effervescence. Sa croissance rapide repose sur un afflux massif d’immigrants, qui transforment la composition sociale et culturelle de la ville. En 1911, près d’un quart de la population n’est pas d’origine anglo-saxonne[4]. Dans ce contexte, la main-d’œuvre se structure selon des lignes à la fois ethniques et économiques : les immigrants d’Europe de l’Est, notamment les Ukrainiens, sont cantonnés aux emplois les plus précaires, notamment dans la construction et les chemins de fer, tandis que les ouvriers britanniques, souvent plus qualifiés et expérimentés, occupent des postes mieux rémunérés. Cette diversité au sein du monde ouvrier reflète les mutations économiques du Dominion, engagé dans une seconde révolution industrielle et pleinement intégré aux dynamiques du capitalisme impérial britannique[5].
Mais cette croissance rapide ne va pas sans tensions. Depuis le début de la Première Guerre mondiale, le Canada est secoué par une série de grèves, révélatrices d’un mécontentement grandissant. L’inflation, la dégradation des conditions de vie et le retour difficile des soldats démobilisés ne font qu’amplifier les frustrations[6]. Face à l’autorité patronale, les travailleurs s’organisent. Des syndicats comme les Industrial Workers of the World (IWW) prennent racine, tandis que le Parti socialiste du Canada, de plus en plus influent, diffuse les idées marxistes au sein des milieux ouvriers. À Winnipeg, les travailleurs britanniques jouent un rôle moteur dans cette mobilisation. Forts de leur expérience syndicale acquise dans les grandes villes industrielles du Royaume-Uni, nombre d’entre eux accèdent rapidement à des postes de direction dans les syndicats locaux, mais aussi ailleurs dans l’Ouest canadien[7]. De leur côté, plusieurs immigrants d’Europe de l’Est s’investissent activement dans des organisations communautaires et socialistes, contribuant eux aussi à structurer la contestation. Un tournant décisif survient en mars 1919. Bien que le droit de grève ait été suspendu pendant la guerre, les syndicats restent autorisés à s’organiser. Lors de la Conférence du travail tenue à Calgary, des délégués venus de tout l’Ouest réclament la création d’un syndicat unifié et révolutionnaire, la One Big Union. Ce nouvel outil d’organisation marque une étape importante dans la radicalisation du mouvement ouvrier, et prépare le terrain pour l’une des mobilisations sociales les plus marquantes de l’histoire canadienne : la grève générale de Winnipeg[8].
La montée des revendications ouvrières au Canada, combinée à la participation du pays à la Première Guerre mondiale aux côtés de l’Empire britannique, suscite de vives inquiétudes au sein du gouvernement. Engagé sur le front extérieur, l’État commence à redouter un ennemi intérieur. Cette crainte se cristallise particulièrement autour des immigrants, perçus comme potentiellement subversifs. Dès 1914, le gouvernement adopte des mesures législatives pour resserrer le contrôle sur ces populations. La British Nationality, Naturalisation, and Aliens Act, ainsi que la Loi sur les mesures de guerre, donnent au Canada le pouvoir de refuser la naturalisation, d’interner, voire de déporter les individus jugés dangereux[9]. Après l’armistice de 1918, les tensions ne faiblissent pas. Le Canada participe à l’intervention contre la Russie bolchévique, tandis que la Révolution russe exerce une influence croissante sur les milieux socialistes et syndicalistes qui y voient un modèle de rupture avec l’exploitation capitaliste. Cette montée de la conscience de classe alimente la peur des élites, qui brandissent le spectre d’une « menace rouge » pour justifier une surveillance et une répression accrues[10].
La grève générale de Winnipeg se distingue par la diversité de ses participants, rassemblant des travailleurs issus de milieux sociaux, culturels et ethniques variés. Cette unité inédite du monde ouvrier renforce l’affrontement de classe en opposant directement les travailleurs organisés au patronat local, tout en ravivant les peurs xénophobes et géopolitiques des élites. Tandis que les grévistes mettent en place un Comité de grève représentatif, expression de leur volonté collective, les élites de Winnipeg – responsables municipaux, juristes influents, industriels et hommes d’affaires – se mobilisent en formant le Comité des mille citoyens, destiné à préserver l’ordre établi et à contenir la menace que représente ce soulèvement ouvrier. Cette organisation opère en grande partie dans l’ombre et, encore aujourd’hui, le nombre exact de ses membres ainsi que l’ampleur de son réseau restent méconnus. Seules quelques dizaines d’individus faisant partie du comité exécutif ont pu être identifiés avec certitude. Parmi eux on compte Alfred Joseph Andrews, Isaac Pitbaldo et Travers Sweatman, trois avocats reconnus à Winnipeg ; Albert Livingstone Crossin, un gestionnaire de fonds, et G.N. Jackson, le directeur de la Sovereign Life Assurance[11]. Le Comité des Mille Citoyens est l’expression locale d’une série d’organisations fondées par les élites économiques et professionnelles d’Amérique pour s’opposer à la montée du syndicalisme ouvrier au début du XXe siècle. Le Comité s’inspire notamment de la Citizens’ Alliance de Minneapolis qui, depuis 1903, rassemblait les chefs d’entreprise et des adversaires déclarés du mouvement syndical. Il incarne donc les intérêts de la bourgeoisie locale. Redoutant une contagion du mouvement de grève à l’échelle nationale, le gouvernement fédéral leur accorde un soutien explicite. Fort de cet appui, le Comité des mille citoyens adopte une position intransigeante. Il pousse les employeurs à rejeter les revendications syndicales et s’engage activement à faire échouer la grève par tous les moyens nécessaires[12].


Le Comité des mille citoyens à la défense de « l’identité canadienne »
Installé dans les locaux de la Chambre de commerce, en plein centre-ville, le Comité des mille citoyens se donne un outil central de communication : le Winnipeg Citizen, un journal destiné à légitimer leur position et à discréditer la grève. Ce périodique devient à la fois la voix des élites, un organe de propagande contre les revendications syndicales, et un espace de production idéologique. Il oppose le « citoyen canadien » au « gréviste », en associant ce dernier à un danger étranger et subversif, hostile à l’essence même du Canada. Le journal en appelle à la société civile, l’invitant à se mobiliser pour défendre ses droits et l’ordre établi.
Le Comité des mille citoyens construit son discours en opposant clairement les « citoyens » aux grévistes, définissant ainsi l’identité canadienne par ce qu’elle rejette. Il établit une dichotomie entre les institutions britanniques légitimes et les institutions « soviétiques » que le mouvement de grève incarnerait. Le premier numéro du Winnipeg Citizen, publié le 19 mai 1919, présente la situation de la grève générale à Winnipeg. Ses auteurs prétendent parler au nom des citoyens, affirmant vouloir rapporter des faits « véridiques », du point de vue de la population locale : « from the standpoint of the citizens themselves…[13] ». La notion de citoyenneté occupe une place centrale dans le discours du journal. Elle constitue un outil majeur pour distinguer les « vrais Canadiens » des grévistes. En effet, la citoyenneté est un moyen essentiel par lequel une société affirme son identité, définissant qui appartient à la nation et qui en est exclu. Elle implique un sentiment d’appartenance civique mêlant des dimensions sociales et juridiques[14]. En choisissant le nom de « Comité des mille citoyens », les élites impliquées cherchent à imposer un modèle de citoyenneté où le « citoyen » s’oppose fermement à la grève. En opposant l’identité des « citoyens » à celle des « grévistes », les rédacteurs commencent à tracer une frontière claire entre ceux qui font partie de la communauté de Winnipeg, de la nation canadienne et de l’Empire britannique, et ceux qui en sont exclus.
Pour les rédacteurs du journal, la grève n’est pas un simple conflit social motivé par des revendications salariales ou syndicales. Elle est interprétée comme une tentative révolutionnaire visant à renverser l’ordre canadien. Le journal déclare sans ambages : « this is not a strike at all […] it is Revolution[15] ». Dans cette perspective, la grève est perçue comme une remise en cause directe des institutions démocratiques héritées de l’Empire britannique, remplacées potentiellement par un modèle soviétique : « It is a serious attempt to overturn British institutions in this Western country and to supplant them with the Russian Bolchevik system of soviet rule[16] ». Même si le journal reconnaît que les revendications ouvrières concernent les salaires, les conditions de travail et la négociation collective, il insiste sur une lecture politique et existentielle du conflit. Le véritable enjeu, selon lui, est le choix entre deux modèles de société : « Bolchevism and the rule of the Soviet, or British institutions and democratic constitutional government? – That is the question for every true citizen of Winnipeg to ask, and to answer, for this is the parting of the ways.[17] ». À travers cette rhétorique binaire, le Winnipeg Citizen construit une citoyenneté canadienne fondamentalement antagonique. Le « vrai Canadien » n’est ni gréviste, ni rebelle, ni communiste. Il est loyal à la Couronne, respectueux des lois, défenseur du libre marché et fidèle aux valeurs libérales de l’Empire britannique. Ainsi se dessine, dans les pages du Citizen, une vision exclusive et idéologique de l’identité canadienne, construite non seulement pour s’opposer à la grève, mais aussi pour légitimer l’ordre social et politique existant.

Les animateurs du Winnipeg Citizen utilisent un autre procédé discursif pour séparer les grévistes des « citoyens canadiens » : ils présentent le radicalisme comme quelque chose d’extérieur à la société winnipegoise. Cet « intrant » est présenté comme barbare ; il est l’envers des valeurs et pratiques propres à la civilisation britannique. S’il y a autant de travailleurs en grève, la raison est simple : « It is because the ‘Red’ element in Winnipeg has assumed the ascendancy in the Labour movement, dominating and influencing – or stampeding – the decent element of that movement, which desires the preservation of British institutions, yet is now striking unconsciously against them ». Autrement dit, les travailleurs loyaux aux institutions britanniques seraient manipulés à leur insu par des éléments « rouges », radicaux et subversifs. Dans les faits, de nombreux ouvriers de Winnipeg avaient effectivement adopté des positions politiques critiques à l’égard du capitalisme. Certains avaient assisté à la Conférence de Calgary en mars 1919, où ils soutenaient la formation du syndicat révolutionnaire One Big Union. L’année précédente, au théâtre Walker, 1 700 travailleurs avaient publiquement exprimé leur solidarité avec la Révolution russe et le mouvement spartakiste allemand. Si la grève de Winnipeg ne reflète pas une volonté révolutionnaire unanime, elle constitue néanmoins une remise en cause profonde de l’ordre socio-économique du Dominion, et soulève d’importants débats sur l’identité canadienne[18].
Les grévistes, unis avant tout par leur condition sociale malgré leurs origines diverses, expriment leur solidarité avec d’autres luttes ouvrières à l’international[19]. Leur combat vise à améliorer leurs conditions de vie au Canada et à se protéger des abus patronaux. Dans un contexte de censure, de répression et d’interdiction de la grève, ils choisissent des formes d’organisation extraparlementaires pour faire entendre leur voix. Face à cette menace, les élites de Winnipeg s’efforcent de défendre le système économique et politique qui leur permet de maintenir leur niveau de vie et leurs profits. Cette élite, aux prises avec une contestation de l’ordre socio-économique de l’Empire, doit présenter la grève comme le fait d’éléments extérieurs et brandir la figure de « l’étranger subversif ». Faire autrement serait admettre que leur vision de la citoyenneté canadienne et de l’ordre socio-économique du Canada n’est pas universelle, et donc reconnaître que leur hégémonie est contestée.
Pour délégitimer le mouvement de grève, le Winnipeg Citizen cherche à l’associer à la « barbarie soviétique ». Dès le deuxième jour du débrayage, le journal affirme que les grévistes auraient proclamé que Winnipeg était désormais dirigée par un Soviet[20]. Il accuse même le Comité de grève d’avoir sciemment affamé la population : « That first act [of the Strike Committee] was to cut off the supply of bread and the supply of milk, not only from the citizens at large, but from their own people as well! This is the sort of harsh terrorism and blind brutality that Soviet rule has meant in Russia[21]. » Ce discours s’appuie sur un imaginaire orientaliste, dans lequel le pouvoir soviétique est décrit comme brutal, irrationnel et tyrannique. Le journal transpose ensuite cette image sur les grévistes de Winnipeg, dépeints comme les relais locaux d’un despotisme étranger. À cette menace, il oppose les institutions britanniques, présentées comme rationnelles, stables et civilisées[22]. Ce récit binaire, entre barbarie rouge et ordre impérial, vise à effrayer les lecteurs et à justifier une réponse autoritaire à la crise. Le Winnipeg Citizen alerte sur le risque que l’agitation ouvrière devienne incontrôlable sous l’influence des « rouges », et appelle à un retour à l’ordre préexistant fondé sur la loyauté envers la Couronne. Ce discours n’est pas propre au Winnipeg Citizen. D’autres journaux à travers le pays, bien que dans une moindre mesure, reprennent cette rhétorique de la peur. Le Telegraph, basé au Québec, publie ainsi le 21 mai 1919 : « [Canada] does not want that element of foreign agitators whose nihilistic hysteria may be the natural product of the unfortunate lands from which they come, but who are certainly entirely out of their proper element in the free atmosphere of British institutions which they can neither understand nor appreciate[23] ». Ce type de discours illustre comment les élites canadiennes ont cherché à marginaliser la contestation ouvrière en lui donnant un visage étranger et menaçant, plutôt que d’en reconnaître les causes sociales et économiques profondes. Toutefois, ce point de vue ne fait pas l’unanimité dans la presse. Le journal Le Soleil, par exemple, propose une lecture bien différente. Il présente la grève comme un simple conflit d’intérêts entre ouvriers et employeurs, souligne son caractère pacifique, et conteste l’idée d’un soulèvement révolutionnaire. Le quotidien insiste également sur le fait que la majorité des meneurs sont d’origine anglo-saxonne, remettant ainsi en question l’idée que la grève serait orchestrée par des agents « étrangers » incapables de comprendre ou d’apprécier à sa juste valeur la « liberté » britannique [24].


À droite, des membres de l’Association des anciens combattants de la Grande Guerre (GWVA) manifestent contre la grève à l’hôtel de ville, le 4 juin 1919 (Archives du Manitoba. Source).
Loi, ordre et marché : piliers d’une citoyenneté à préserver
Le Comité des mille citoyens se pose en défenseur acharné de la loi, de l’ordre et de la propriété. Ses membres dénoncent la grève comme illégitime et dangereuse, puisqu’elle remet en cause à la fois le libre fonctionnement du marché et l’autorité politique du Dominion. À leurs yeux, les principes du libéralisme politique et économique sont étroitement liés à l’identité britannique du Canada. Le Winnipeg Citizen invite donc ses lecteurs à s’organiser pour protéger la société canadienne et ses institutions légitimes.
En unissant leurs forces et en faisant grève, les ouvriers interrompent le cours normal de l’accumulation capitaliste et révèlent leur capacité à exercer un pouvoir politique concret. Durant la grève générale, c’est le Comité de grève qui détermine quelles entreprises peuvent rester ouvertes. Celles qui en reçoivent l’autorisation doivent afficher un avis : « Permitted by Authority of the Strike Committee[25] ». Ce contrôle direct sur l’activité économique incarne, pour les Citoyens, une atteinte grave à l’ordre libéral qu’ils considèrent comme le fondement même de l’identité canadienne, un élément constitutif de la britannicité[26]. Selon eux, un véritable citoyen doit avoir la liberté d’acheter, de vendre, d’exploiter ses biens et de participer sans entrave à l’économie de marché. C’est ainsi qu’ils s’interrogent: « Why should not business be carried on so far as possible by men whose legitimate right it is, to do business in this city? The citizens and merchants and others who have thus suspended business cannot preserve the suspension[27]. » On retrouve le même genre d’argument dans d’autres numéros du journal : « Is Winnipeg to submit to the establishment of a condition whereby a citizen must ask a strike committee whether he can buy a loaf of bread ?[28] ». En posant cette question, le journal cherche à dramatiser la situation en dénonçant ce qu’il perçoit comme une intrusion inadmissible du pouvoir ouvrier dans la sphère privée et quotidienne. En associant la grève à une forme de dictature syndicale, le journal cherche à délégitimer le rapport de force établi par les ouvriers en le présentant comme une atteinte directe à liberté individuelle et à la vie quotidienne des citoyens, précisément car il entrave la liberté de marché.
Le journal redoute également une érosion de l’autorité établie. En revendiquant leurs droits par des moyens extraparlementaires (grèves, manifestations) les ouvriers contournent les voies politiques légitimes. Pire encore, la police municipale, en grève elle aussi, répond maintenant à l’autorité du Comité de grève, et non à celle de la Couronne ou des autorités provinciales et municipales. Pour les Citoyens, cette grève générale représente un précédent alarmant : elle pourrait ouvrir la voie à une remise en cause durable de l’ordre établi. Ils estiment que même si les revendications syndicales étaient entièrement satisfaites, cela ne mettrait pas fin au problème. Au contraire, une telle concession risquerait, selon eux, d’encourager la répétition de ce qu’ils perçoivent comme une forme de dictature ouvrière, où l’autorité de l’État serait remplacée par celle des comités populaires[29].
Dans ce contexte d’urgence, le Comité des mille citoyens appelle la population à se mobiliser : « The Reds dominate the 25 000 strikers and through them the 150 000 or more members of the general public. How is it that 25 000 men can dominate and dictate to 150 000 people? Solely because those 25 000 are organized and the 150 000 are not[30]. » Le message est clair : une minorité organisée de « rouges » contrôlerait la ville par l’intermédiaire des grévistes, imposant sa volonté à une majorité passive et désorganisée, incapable de faire contrepoids pour défendre les institutions britanniques et l’ordre libéral. Face à ce péril, le journal exhorte les citoyens à défendre « the free institutions under which we live[31] » en s’inscrivant dans l’héritage libéral de la Glorieuse Révolution de 1688, symbole de la résistance à la tyrannie monarchique et fondement de la démocratie parlementaire britannique. Pour afficher leur attachement à cet héritage, les membres du Comité arborent fièrement l’Union Jack[32]. Cette mise en scène dramatique repose sur une inversion idéologique des rapports sociaux. En réalité, ce sont les élites économiques et politiques qui détiennent le pouvoir dans la société capitaliste. Ce sont elles qui, en temps normal, dictent les règles du jeu économique, contrôlent les conditions de travail et monopolisent la parole publique. Dans les pages du Citizen, cependant, ces élites apparaissent comme les victimes d’un nouvel absolutisme, non plus royal mais ouvrier, qu’elles prétendent combattre au nom de la liberté. En accusant les 25 000 grévistes d’imposer leur volonté à 150 000 citoyens, le Comité des citoyens projette une image déformée de la réalité. Ce qu’il présente comme un despotisme ouvrier est en fait une tentative collective de briser un ordre profondément inégal, dans lequel une réelle minorité de bourgeois organisés exerce un pouvoir quotidien bien plus systématique. Le pouvoir temporaire des grévistes, loin d’être une tyrannie, incarne au contraire une forme d’auto-organisation populaire qui remet en cause les avantages d’une élite véritablement dominante.

Défendre l’ordre établi : Borden et la répression de la grève
En se positionnant comme défenseur du libéralisme économique et de « l’autorité constituée », le Comité des mille citoyens protège avant tout les intérêts de l’élite économique canadienne. Celle-ci cherche à préserver un système politique et économique qui lui permet de continuer à accumuler du capital, tout en restreignant les moyens d’expression des revendications ouvrières. Le Comité appelle donc les autorités à intervenir avec fermeté pour garantir la pérennité d’un ordre social inégalitaire, présenté comme légitime. Malgré les efforts du Western Labor News – le journal des grévistes – pour contrecarrer le discours du Winnipeg Citizen et affirmer la légitimité du mouvement, les classes moyennes se rallient majoritairement au récit des Citoyens[33]. Le 3 juin, plusieurs journaux de Winnipeg publient ainsi, aux frais du Comité, des encarts appelant explicitement à la déportation des « immigrants séditieux », accusés d’avoir orchestré la grève[34]. Ce discours trouve un écho favorable au sein du gouvernement fédéral. Les autorités partagent l’idée que la grève générale de Winnipeg constitue une menace directe à l’ordre établi. Le Winnipeg Citizen relaie d’ailleurs les propos du ministre de l’Intérieur, Arthur Meighen, exhortant les citoyens à rester fermes et à s’opposer à toute tentative de renversement de l’autorité légitime[35]. Le 6 juin 1919, le gouvernement Borden passe à l’action. Il modifie la section 41 de l’Immigration Act, étendant les pouvoirs de déportation à tout immigrant – y compris les sujets britanniques – jugé subversif, cherchant à renverser les autorités constituées ou faisant la promotion du désordre public[36]. Le même jour, le Code criminel est modifié pour élargir la définition de la « sédition », qui s’applique désormais à quiconque promeut un changement politique en dehors de la voie électorale pacifique[37].

En adoptant ces mesures, le gouvernement Borden valide la lecture des événements proposée par le Comité des mille citoyens : le mouvement ouvrier de Winnipeg ne porte aucune revendication socioéconomique légitime, c’est un soulèvement subversif dirigé contre les fondements mêmes de l’ordre canadien qui doit d’être écrasé par tous les moyens nécessaires. Le 17 juin, dix membres du Comité de grève sont arrêtés ; sept d’entre eux sont accusés de tentative de renverser le gouvernement. Menacés de déportation, ils sont finalement emprisonnés. Trente-trois militants immigrants, considérés comme des « étrangers dangereux », sont internés au camp de Kapuskasing, en Ontario[38]. Ces actions ne relèvent pas seulement d’une logique de maintien de l’ordre. Elles participent à la construction active d’une citoyenneté canadienne reposant sur l’adhésion au libéralisme économique, à la monarchie britannique et à un nationalisme anglo-saxon, marginalisant ainsi toute voix dissidente, surtout si elle provient de l’immigration ouvrière. La coercition devient un mécanisme de tri. Elle définit qui peut appartenir à la nation et qui doit en être exclu. En criminalisant les formes de mobilisation collective, le gouvernement affirme que toute contestation de l’ordre capitaliste constitue une menace existentielle pour l’État lui-même. Lorsque les grévistes, épuisés et privés de leviers politiques, commencent à reprendre le travail à la fin juin, la répression a atteint son objectif. Le 26 juin 1919, la grève prend officiellement fin. Ce dénouement envoie un message sans équivoque : toute tentative d’organisation ouvrière sera assimilée à une trahison nationale et punie comme telle.

Conclusion
La grève générale de Winnipeg a servi de révélateur des tensions profondes qui traversaient la société canadienne au lendemain de la Première Guerre mondiale. À travers le Winnipeg Citizen et l’action du Comité des mille citoyens, les élites locales ont cherché à imposer une définition précise de la citoyenneté canadienne, en opposant une figure du « vrai citoyen » à celle du gréviste, perçu comme un corps étranger à la nation. Ce récit s’articule autour d’une dichotomie idéologique : d’un côté, un citoyen loyal à la Couronne, respectueux des lois, défenseur du libre marché et de la propriété privée ; de l’autre, un individu subversif, souvent immigrant, porteur d’idées socialistes, assimilé à l’ennemi intérieur. La citoyenneté n’est donc pas définie uniquement par un statut légal ou une appartenance territoriale, mais par une conformité à un modèle politique et économique fondé sur le libéralisme bourgeois et l’héritage impérial britannique.
En réprimant violemment le mouvement ouvrier et en modifiant les lois sur l’immigration, la sédition et la citoyenneté, le gouvernement Borden n’a pas simplement mis fin à une grève, il a entériné une conception spécifique de l’identité nationale canadienne. Cette réponse autoritaire traduit la volonté des classes dirigeantes de préserver un ordre social fondé sur l’accumulation capitaliste, les hiérarchies sociales et la stabilité institutionnelle héritée de l’Empire. Ainsi, toute contestation de l’ordre établi, notamment par des travailleurs organisés issus de l’immigration ou porteurs d’un projet politique alternatif, est rejetée hors du cadre national et traitée comme une menace à éliminer. La force de l’État devient un outil de répression sociale, mais aussi de production idéologique : elle définit les frontières de la légitimité politique et de l’appartenance au corps national. La grève de Winnipeg, loin d’être un simple conflit du travail, constitue donc un moment clé dans la construction de la citoyenneté canadienne contemporaine, fondée sur l’exclusion de toute alternative au capitalisme libéral[39].
Notes
[1] Collectif, Winnipeg 1919: The Striker’s own history of the Winnipeg General Strike (Toronto : Norman Penner, James Lewis & Samuel, 1973) ix.
[2] Collectif d’histoire graphique et David Lester, 1919. Une histoire graphique de la grève de Winnipeg (Toronto : Between the Lines, 2019) 30.
[3] Reinhold Kramer et Tom Mitchell. When the state trembled. How A.J. Andrews and the Citizen’s Committee Broke the Winnipeg General Strike (Toronto : University of Toronto Press, 2010) 10-11.
[4] David Jay Bercuson. Confrontation at Winnipeg. Labour, Industrial Relations, and the General Strike. (Montréal & Kingston : McGill-Queen’s University Press, 1990) 3.
[5] Donald Avery, Dangerous Foreigners. European Immigrant Workers and Labour Radicalism in Canada, 1896-1932 (Toronto : McClelland and Stewart, 1979) 9.
[6] Craig Brown, dir., Histoire générale du Canada, traduction de Michel Buttiens et al., édition sous la dir. de Paul-André Linteau (Montréal : Boréal, 1988 [1987]) 503.
[7] David Jay Bercuson, op.cit., 4-5.
[8] Reinhold Kramer et Tom Mitchell, op.cit. 13.
[9] Gregory S. Kealey, « State Repression of Labour and the Left in Canada, 1914-1920: The Impact of the First World War », Canadian Historical Review, 73, 3 (1992) : 284-285.
[10] Donald Avery, op.cit., 76.
[11] Sur la composition du Comité des mille citoyens, on consultera le chapitre « Who? Who? Who-oo? » dans Reinhold Kramer et Tom Mitchell, op.cit.
[12] Collectif, Winnipeg 1919, x.
[13] « The Strike Situation in Winnipeg », The Winnipeg Citizen, 19 mai 1919, 1.
[14] Daniel Gorman, Imperial Citizenship: Empire and the Question of Belonging (Manchester : Manchester University Press, 2006), 1, notre traduction.
[15] « The Strike Situation in Winnipeg », The Winnipeg Citizen, 19 mai 1919, 1.
[16] Ibid.
[17] Ibid.
[18] « …while the rhetoric of the Red Scare may have been excessive, the underlying reality of working-class revolt presented the Canadian bourgeoisie with a significant challenge. The organization of the unorganized and the spread of trade unionism into previously unthinkable areas represented a major manifestation of this threat ». Gregory S. Kealey, op.cit, 306.
[19] Cette solidarité avec d’autres travailleurs en lutte dans le monde est notamment exprimée dans l’article du Western Labor News annonçant la création de la One Big Union. Ce journal est édité par William Ivens, figure importante de la grève générale de Winnipeg, et présente tout au long du conflit le point de vue des grévistes. « The birth of the One Big Union : II », Western Labor News, 21 mars 1919.
[20] « The Strike Situation in Winnipeg », The Winnipeg Citizen, 19 mai 1919, 1.
[21] Ibid.
[22] « The moral is that a Soviet […] is utterly unfitted to rule or govern anything. It rests only with the citizens of Winnipeg to defeat the Soviet idea ». « The Strike Situation in Winnipeg », The Winnipeg Citizen, 19 mai 1919, 1.
[23] « Foreigners: The Root of the Trouble », The Telegraph, 21 mai 1919.
[24] « Le même vieux jeu ! », Le Soleil, 22 mai 1919, 4.
[25] Reinhold Kramer et Tom Mitchell, op.cit., 11.
[26] « Put differently, Britishness (defined in liberal terms) had force in Canada because it was the ideology embraced by and reinforcing those who held a monopoly on social power derived ultimately from sometimes brutal exploitation of the subaltern classes within and outside of capitalist hubs ». Kurt Korneski, « Britishness, Canadianness, Class, and Race: Winnipeg and the British World, 1880s–1910 s », Journal of Canadian Studies/Revue d’études canadiennes, 41, 2 (2007) : 174.
[27] « The Strike Situation in Winnipeg », The Winnipeg Citizen, 19 mai 1919, 1.
[28] « More Facts on the Strike Situation », The Winnipeg Citizen, 20 mai 1919, 1.
[29] « The Strike Situation in Winnipeg », The Winnipeg Citizen, 19 mai 1919, 1.
[30] Ibid.
[31] « The Strike Situation in Winnipeg », The Winnipeg Citizen, 19 mai 1919, 1.
[32] Reinhold Kramer et Tom Mitchell, op.cit., 42.
[33] « The Issue – A New Phase », Western Labor News, 27 mai 1919, 2.
[34] Collectif, op.cit., xxvi.
[35] Craig Brown, dir., 505. « Subversion desguised as a strike », The Winnipeg Citizen, 24 mai 1919, 1.
[36] Roberts, Barbara et Irving Abella. Whence They Came: Deportation from Canada 1900 – 1935 (Ottawa : University of Ottawa Press, 1988) 84.
[37] Gregory S. Kealey, op.cit., 313.
[38] Ibid., 293.
[39] Stanley-Bréhaut Ryerson. « « C’est un empire que nous voulons faire… » » dans Stanley-Bréhaut Ryerson, Le capitalisme et la Confédération — Aux sources du conflit Canada-Québec (1760-1873). (Montréal : Éditions Parti Pris, 1972) 241.

Usurpations identitaires : Autochtones à la place des Autochtones
Dans l'Est-du-Québec et ailleurs, dès les années 1980, mais de façon marquée à partir des années 2000, des groupes de chasseurs et de défense des droits des blancs se rassemblent pour se constituer en organisations métisses. Ironiquement, se réclamer d'une ascendance autochtone est pour eux un moyen de militer contre l'avancement des droits territoriaux des Autochtones, comme le montre l'exemple du mouvement de réaction envers les avancées politiques des Innu·es/Ilnu·es [1].
Quand on pense aux faux Autochtones, il est probable qu'on pense d'abord aux nombreuses personnalités publiques dont l'ascendance autochtone a été démentie par des enquêtes journalistiques dans les dernières années. La plupart du temps, ces faux Autochtones (ou « pretendians ») s'identifient comme tel·les sur la base d'un récit familial ou en raison de la présence, dans leur arbre généalogique, d'une lointaine ancêtre qui était (ou pas vraiment) autochtone.
Sans être nécessairement réactionnaires, il est possible de présumer que les actions de certain·es faux Autochtones sont une réaction, à l'échelle individuelle, à la création de programmes et d'initiatives à l'intention des peuples autochtones. Il s'agit d'un détournement frauduleux de ressources financières (comme des bourses d'études ou des prix), d'occasions d'avancement de carrière et d'admissions universitaires aux dépens des membres des Premières Nations, des Métis et des Inuit auxquel·les ces ressources et ces opportunités sont destinées.
L'artiste, cinéaste et militante atikamekw nehirowisiw Catherine Boivin dénonce souvent les faux Autochtones et témoigne du fait que la nation w8banaki dans laquelle elle est établie compose avec de fréquentes tentatives de fraude par de faux Abénakis. La militante raconte être parfois la cible d'intimidation par des personnes qui se prétendent Autochtones et qui réagissent à ses dénonciations de leurs pratiques d'usurpation identitaire et culturelle.
L'anthropologue Philippe Blouin nous fait aussi remarquer que la Meute et Storm Alliance, deux groupes d'extrême droite, instrumentalisent de l'imagerie autochtone comme la patte de loup, le drapeau de la confédération haudenosaunee et celui de la Mohawk Warrior Society à des fins politiques xénophobes. Pour mieux s'opposer à l'accueil de migrant·es, la Meute avance que tout·e Québécois·e de deuxième génération est Autochtone au même titre que les membres des Premières Nations.
Mais au-delà de la « simple » usurpation identitaire individuelle, il existe des regroupements de faux Autochtones qui se mobilisent de manière plus proprement réactionnaire contre l'avancement des droits des Autochtones.
L'usurpation identitaire organisée
Depuis le début des années 2000 [2], des organisations de faux Métis naissent de part et d'autre du Québec. Bien qu'ils se réclament du même statut que celui des Métis de l'ouest des Grands Lacs et de Sault Ste. Marie, ces regroupements conçoivent souvent le fait métis comme le produit d'une simple ascendance personnelle mixte, et non comme le fait d'appartenir à une communauté métisse culturellement distincte [3]. Les membres de ces organisations se définissent comme métissé·es en raison de leur ascendance « mixte » canadienne-française et innu·e, mi'kmaw ou w8banaki, par exemple.
Toutefois, dans la majorité des cas, ces traces généalogiques autochtones remontant au XVIIIe siècle sont très minces et monnayées à mauvais escient. Les travaux de Darryl Leroux, professeur en science politique à l'Université d'Ottawa, montrent qu'en général, l'arbre généalogique des membres de ces regroupements ne présente qu'une seule ancêtre autochtone ou dite autochtone. Qu'à cela ne tienne : cette seule ancêtre suffit à intégrer ces regroupements – tant qu'on s'acquitte des frais d'adhésion, bien entendu.
Pourquoi donc se regrouper sur la base d'une ascendance mince et s'identifier, du jour au lendemain, comme Métis ?
Légitimer la réaction
Au début des années 2000, les conseils de bande de Mashteuiatsh, Pessamit, Essipit et Nutashkuan négocient l'Approche commune, une entente de principe en matière de revendications territoriales avec Québec et Ottawa, qui devait mener à la signature d'un traité parfois comparé à la Convention de la Baie-James et qui sera éventuellement connu sous le nom de Traité Petapan.
Face à l'avancement des négociations, des membres de groupes de défense des droits des blancs et des opposant·es à l'Approche commune et aux revendications territoriales des Innu·es, dont la Fondation équité territoriale et l'Association pour le droit des blancs, s'organisent pour dénoncer ce qui, à leurs yeux, menaçait l'existence de la « communauté canadienne-française ». Selon eux, le traité était un moyen pour les Innu·es de prendre le contrôle de territoires qui appartiennent aux Blancs, allant parfois jusqu'à comparer la situation des Québécois·es de la région à celle des Palestinien·nes en territoires occupés par Israël.
Selon les recherches de Darryl Leroux, ce sont ces mêmes individus – qui ne s'identifient comme Métis qu'à partir de 2005, après la signature de l'Approche commune entre les conseils de bande innus, Québec et Ottawa – qui fonderont la Communauté métisse du Domaine du Roy et de la Seigneurie de Mingan. Leur stratégie, face aux « menaces » de pertes de territoires et de droits au profit des Innu·es, et devant leur incapacité à intervenir dans les négociations en tant que non-autochtones, est de devenir Autochtones [4].
En plus de chercher à donner une plus grande légitimité à leurs oppositions aux droits innus, les fondateurs de la Communauté métisse cherchent à obtenir des droits autochtones protégés par la constitution, en l'occurrence des droits de subsistance par la chasse et la pêche. Au moment de rédiger ce texte, le site Web de l'organisation disait compter plus de 5000 membres, mais l'organisation métis, comme les autres au Québec et dans les provinces maritimes, n'est pas reconnue par Ottawa.
D'autres organisations de chasseurs ailleurs au Québec ont aussi usé de cette stratégie de réaction à l'avancement des droits territoriaux de communautés autochtones. C'est le cas de la Nation Métis du soleil levant en Gaspésie, qui est née pour s'opposer à un projet de création d'une pourvoirie administrée par la nation mi'kmaw de Gesgapegiag. À deux occasions, en réponse à la pression exercée par la Nation Métis du soleil levant, Québec a réduit les frais d'entrée à la pourvoirie.
Les petites mains réactionnaires du colonialisme
Les analyses de Darryl Leroux montrent l'absurdité et la dangerosité des récits promus par ces faux Métis, qui servent à la fois à donner de la légitimité à leurs revendications territoriales, de chasse et de pêche, et à miner la légitimité des Autochtones sur ce même territoire. En particulier, un discours véhiculé par les membres de la Communauté métis du Domaine du Roy et de la Seigneurie de Mingan voudrait qu'eux, en tant que Métis, seraient des « Autochtones plus authentiques » que les Innu·es pour avoir refusé la vie des réserves, en plus d'avoir lutté pour leur liberté, au prix d'une « invisibilisation historique » de laquelle ils se libéraient enfin.
Après s'être dits Autochtones, puis s'être dits de meilleurs Autochtones que les Innu·es, et finalement avoir avancé que les Innu·es sont, tous comptes faits, eux aussi « de simples » Métis, ces organisations et les « anciens » militants pour les droits des Blancs et contre les droits des Innu·es ont finalement fait la promotion de la thèse disparitionniste. Cette thèse veut que les « vrai·es » Innu·es seraient disparu·es après le contact avec les Européens et que les seul·es Autochtones qui existent encore à ce jour sur la Côte-Nord et au Saguenay–Lac-Saint-Jean sont eux, les « Métis ».
Sans en douter, diffuser cette théorie est utile à qui veut faire obstacle à l'avancement des droits territoriaux des Innu·es et à leur autodétermination.
Comme le note Mathieu Arsenault, professeur d'histoire à l'Université de Montréal, ce type de discours sert à renforcer le projet colonial en donnant de la légitimité à l'occupation territoriale de la société dominante et à la dépossession des Autochtones : « À partir de ce récit, on affirme que la population coloniale, au même titre que la population autochtone, entretient une relation organique avec le territoire ». De l'aveu même de dirigeants de la Communauté métisse du Domaine du Roy et de la Seigneurie de Mingan dont les témoignages ont été analysés par Darryl Leroux, devenir « Métis » était « la voie politique la plus stratégique pour eux en tant qu'opposants aux droits des Innus dans la région ».
Si l'État colonial est le principal agent de vulnérabilisation et de précarisation des Premiers Peuples, il ne faut pas oublier que ses structures juridiques et politiques peuvent être autant d'outils employés par des organisations de la société civile pour faire de l'obstruction politique.
[1] La graphie « Ilnus » est celle privilégiée par les Pekuakamiulnuatsh, les Ilnu·es du Lac-Saint-Jean. Pour faciliter la lecture, j'utilise seulement « Innu·es » dans la suite du texte.
[2] Cela s'explique par la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Powley contre Canada, qui a reconnu en 2003 les droits des Métis de chasser pour se nourrir, en plus de créer un processus d'identification juridique des Métis. Sur le site Web du gouvernement du Canada, on peut lire « le terme Métis, à l'article 35 [de la Constitution], n'inclut pas toutes les personnes ayant un patrimoine mixte autochtone et européen. Il désigne plutôt un groupe distinct de personnes qui, en plus de leur ascendance mixte, ont développé leurs propres coutumes et une identité de groupe distincte de celle de leurs ancêtres indiens [sic] ou inuits et européens ».
[3] Une confusion subsiste parfois entre le terme Métis, désignant le peuple métis des Prairies et de l'Ontario, et le fait d'être « métissé·e », né·e de parents d'origines différentes. Voir la note précédente pour plus de précisions sur la reconnaissance juridique du peuple métis. Il est à noter que la majorité des historien·nes s'entendent pour dire qu'une telle nation n'existe pas à l'est des Grands Lacs.
[4] Ces organisations n'ont pas la reconnaissance d'Ottawa en tant que communauté métisse au sens de l'arrêt Powley.
OUVRAGES CITÉS
Philippe Blouin, « Part of the Landscape : Quebecois Nationalism and Indigenous Sentience », dans Sentient Ecologies, Xenophobic Imaginaries of Landscape, dirigé par Alexandra Coţofană and Hikmet Kuran, Berghahn Books, 2023, 266 p.
Darryl Leroux, Ascendance détournée : quand les Blancs revendiquent une identité autochtone, Sudbury, Prise de parole, 2022, 349 p.
Mathieu Arsenault, « Historiographie d'une histoire commune : le temps des origines et la décolonisation de l'histoire du Québec », dans Québécois et Autochtones. Histoire commune, histoires croisées, histoires parallèles ?, dirigé par François-Olivier Dorais et Geneviève Nootens, Boréal, 2023, 280 p.
Illustration : Alex Fatta

De la Labatt Bleue, pour tout le monde
Longtemps un point d'ancrage dans les mouvements progressistes au Québec, le mouvement ouvrier s'étiole face aux discours de droite. Afin de s'organiser pour gagner, il nous faut comprendre le pouvoir qu'utilisent les organisations de droite pour rejoindre les travailleuses et les travailleurs et ainsi diviser les salarié·es.
Au sein des syndicats, des citoyen·nes participent aux mouvements complotistes et élisent la Coalition avenir Québec, pourtant déterminée à rejeter du revers de la main leurs revendications pour de meilleures conditions de travail. Deux des stratégies utilisées par la droite réactionnaire attireront notre attention, soit le populisme et l'utilisation du cadre électoral. Puis, nous proposons une stratégie vitale à la promotion des idéaux de gauche : la solidarité.
Populisme de droite
Au moment d'écrire ces lignes, plus d'un demi-million de travailleuses et travailleurs des secteurs public et parapublic du Québec ont adopté, à hauteur de 95 %, des votes de grève générale illimitée dans le cadre du renouvellement de leurs conventions collectives. Or, le premier ministre François Legault demande aux syndicats de renoncer à « la Labatt bleue pour tout le monde, le mur à mur, la même augmentation ».
Une analogie certes boiteuse, mais représentative de la première stratégie, le populisme de droite. Le populisme de droite consiste en une tentative des élites d'imposer un référent qui serait au plus près des préoccupations du « vrai monde », afin de détourner l'attention des véritables causes des problèmes sociaux, mais aussi pour décrédibiliser les revendications syndicales. Cette stratégie est utilisée tant par le gouvernement provincial caquiste que le Parti conservateur canadien.
En faisant référence à la boisson classique, notre premier ministre ose non seulement nous dire que les demandes syndicales correspondent à une dévalorisation des catégories d'emploi par une standardisation du salaire, mais rappelle également qu'il sait ce que c'est, une bière de dépanneur, et donc qu'il est proche du petit peuple. Avec le sous-texte général selon lequel les syndicats ont des demandes déraisonnables (une bière pour tout le monde, voyons donc !), le gouvernement peut poursuivre les négociations collectives avec comme stratégie médiatique de réduire les demandes syndicales à une canette en aluminium.
Durant sa campagne à la chefferie du Parti conservateur canadien, Pierre Poilièvre mentionnait que la classe ouvrière le soutenait puisqu'il s'oppose aux élites. « Les travailleurs s'enthousiasment pour ma campagne pour la même raison que les chiens de garde de l'élite s'en désintéressent : je vais redonner aux gens le contrôle de leur vie », écrivait-il sur Twitter en mai 2022. Ces références vagues à une classe monolithique de travailleur·euses et à une élite imprécise qui lui serait opposée sont un incontournable du populisme de droite afin de dévier l'attention des véritables dominants et du système qui les sert personnellement : le capitalisme. Il nous semble pertinent de relever ici que le Parti conservateur compte parmi ses donateurs de grandes compagnies immobilières cherchant à racheter des logements abordables : on peut difficilement faire plus loin de l'opposition aux élites. Plutôt, Poilièvre s'est attaqué à une « idéologie » qui serait défendue par les libéraux pour soutenir l'augmentation des seuils d'immigration, sans vraiment détailler cette même idéologie. Ses stratégies de communication sont alors directement en phase avec une tentative de mousser une frustration vécue par des travailleur·euses en raison de la crise du logement et de la stagnation des salaires, pour mieux la diriger vers des migrant·es précarisé·es, sans trop d'explication.
Le cadre électoral
La deuxième stratégie mise de l'avant par la droite est l'utilisation du cadre électoral. S'ajoutant aux déclarations frustrantes promues par notre gouvernement pour discréditer l'action syndicale, les règles électorales actuelles empêchent les syndicats de participer au débat public lorsqu'il y a élections afin de promouvoir leurs propres revendications. En octobre 2022, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) avait publié un tableau sur son site Web comparant simplement les cinq principaux partis, mais la centrale syndicale s'est fait demander par le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) de le retirer. Pourtant, aux élections générales de 2007, la Fédération des travailleuses et travailleurs du Québec (FTQ) avait appuyée publiquement le Parti québécois. Les syndicats se retrouvent donc autorisés à appuyer par voie démocratique le parti politique de leur choix, mais ne peuvent plus critiquer leurs propositions. Le gouvernement, le plus grand employeur du Québec, part donc avec un coup d'avance pour promouvoir son discours réactionnaire sans confrontation. Nul besoin de rappeler que les règles électorales sont dictées par des lois qui ne peuvent être modifiées que par les élu·es en place.
Les employeurs et les partis politiques de droite, dont les visées attaquent les droits des travailleur·euses, utilisent des stratégies de communication et électorales afin de promouvoir uniquement leur discours et le poser comme étant le plus raisonnable. Il peut même arriver que des centrales syndicales participent à des stratégies minant leurs propres droits : nous retenons ici l'exemple des United Automobile Workers (UAW), aux États-Unis, qui représentent près d'un demi-million de personnes dans l'industrie automobile. Il y a à peine quelques années, les dirigeants syndicaux avaient accepté des échelles salariales à progression selon l'ancienneté. Mais, le 15 septembre 2023, une grève générale illimitée a été déclenchée, entre autres pour que tous les membres obtiennent enfin un salaire équivalent pour un travail équivalent : une hausse de 36 % sur quatre ans, au même taux horaire, peu importe l'ancienneté. Le syndicat a d'ailleurs justifié ses demandes salariales sur la base que les trois plus grands fabricants automobile américains avaient vu leurs profits augmenter de 40 % dans les dernières années. Le président américain Joe Biden a alors annoncé se joindre le temps d'une journée aux lignes de piquetage pour rendre visite aux travailleur·euses et appuyer leur lutte s'opposant aux entreprises automobiles, en pourfendant ces derniers au passage de ne pas partager leurs profits astronomiques depuis la pandémie.
Notons ici l'importance de la solidarité afin de faire face aux discours patronaux visant à miner nos demandes. Si nos employeurs se permettent, eux, d'obtenir des hausses salariales « mur à mur, la même augmentation pour tout le monde » en se votant des augmentations salariales de 30 % à l'Assemblée nationale ou en se partageant des profits astronomiques générés par le dur labeur des travailleur·euses, les salarié·es du secteur public sont en droit, elles et eux aussi, d'y avoir accès.
Même Joe Biden le dit, qu'il y en aura, de la Labatt bleue pour tout le monde.
Élisabeth Béfort-Doucet est conseillère syndicale et membre du collectif Lutte commune
Illustration : Alex Fatta

L’antifascisme comme pratique quotidienne
En dépit des pics et des vallées observés ces dernières années, il est évident que nous assistons actuellement à un retour en force de l'extrême droite un peu partout en Occident. Que faire ?
Le collectif Montréal Antifasciste (MAF) s'est constitué au printemps 2017 en réaction directe aux discours xénophobes et islamophobes décomplexés portés dans l'espace public par des organisations nationales-populistes, comme La Meute, et des formations franchement néofascistes, comme Atalante Québec. Au cours des années suivantes, le collectif a exercé une veille constante de ces courants et de ses protagonistes, cartographié l'extrême droite québécoise et exposé au public un certain nombre d'individus et de groupuscules fascistes et néonazis, en plus de publier périodiquement sur son site Web [1] des analyses de la conjoncture et des synthèses sous forme d'état des lieux. Bien que MAF se soit en même temps employé à coordonner de nombreuses mobilisations pour faire barrage aux fachos, le travail de veille et d'information est devenu au fil des ans l'activité centrale du groupe.
À l'origine, l'intention explicite, formulée notamment à l'occasion d'une assemblée de fondation à l'été 2017, était de sortir des circuits militants habituels dans un effort de « construction d'un mouvement ». MAF a toujours insisté sur l'importance de tendre collectivement vers une extension de l'action antifasciste. Nous en sommes arrivé·es à la conclusion qu'avant d'envisager la constitution d'un mouvement antifasciste dit « de masse », les mouvements progressistes (féministes, syndicaux, queers, de défense des droits, etc.) doivent nécessairement assumer pleinement leur caractère antifasciste, et agir en conséquence de manière soutenue.
Pour ça, il faut dans un premier temps reconnaître la nature et l'imminence de la menace.
Ressacs
L'actualité récente aux États-Unis, au Canada et au Québec ne laisse aucun doute : l'extrême droite remonte en Occident. Des partis d'extrême droite participent déjà aux gouvernements dans plusieurs pays d'Europe, en Israël, en Inde et ailleurs dans le monde. Donald Trump mène actuellement dans les intentions de vote aux États-Unis ; idem pour le Parti conservateur du Canada, qui a pris un virage de droite populiste aux accents extrémistes sous le leadership de Pierre Poilievre. Dans la province, le Parti conservateur du Québec est parvenu à faire une percée sous la houlette d'Éric Duhaime, qui a fait revivre ce parti moribond en lui injectant un cocktail toxique de libertarianisme et de confusionnisme plaisant particulièrement aux courants complotistes.
À la faveur des multiples crises imbriquées, les mouvements complotistes ont accéléré au cours des dernières années leur rapprochement naturel avec l'extrême droite. Les adeptes des fantasmes de complot ont notamment charrié jusqu'ici les obsessions des « fascistes américains », lesquels exercent une influence de plus en plus forte sur la politique institutionnelle de nos voisins du sud. Ces réseaux fondamentalistes, qui prônent une théocratie chrétienne, s'emploient à éliminer systématiquement les droits acquis au fil des décennies par diverses populations marginalisées, en particulier par le mouvement des femmes et les mouvements pour la libération et la protection des minorités sexuelles et de genre. C'est dans ce mouvement de fond que s'inscrivent celleux qui, ici et ailleurs au Canada, mènent depuis des mois une croisade pour diaboliser les communautés queers et trans, notamment en s'opposant aux lectures du conte en drag et à l'éducation sexuelle de manière générale.
Puis il y a les nazis, qui reviennent dans l'actualité… Pour l'essentiel, les fascistes et les nazis d'ici sont encore endigués, mais comme nous le démontrons dans notre État des lieux de l'extrême droite au Québec en 2023 [2], ces courants trouvent toujours le moyen de se reformer dans l'ombre pour contester leur effacement de l'espace public. C'est ce qu'illustre le cas récent d'Alexandre Cormier-Denis, l'histrion raciste qui a réussi à promouvoir sa marque de commerce en se faisant inviter, puis désinviter des audiences de la commission parlementaire sur l'immigration à Québec, et qui s'inscrit en plein dans ce renouveau ethnonationaliste aux accents fascistes. On retrouve ici des idéologues et groupuscules d'inspiration fasciste et ultracatholique qui cherchent à réhabiliter un nationalisme ethnique canadien-français, avec tout ce que cela implique de recul social, en particulier pour les femmes, les personnes immigrantes et les minorités.
Il y a bien sûr lieu de s'inquiéter de cette conjoncture, mais au-delà de la peur légitime, il faut agir concrètement.
Normaliser l'antifascisme
L'antifascisme radical, comme tous les mouvements jugés radicaux, a parfois des rapports tendus avec les mouvements sociaux, mais il en a toujours fait intégralement partie et a toujours eu un rôle (souvent ingrat) à y jouer. En réalité, ces fameux « antifas » de caricature sont parmi vous : iels participent aux mouvements populaires pour la défense des droits, militent dans les syndicats, travaillent ou s'impliquent bénévolement dans les comités de quartier, le milieu communautaire et ailleurs dans la « société civile ». Ce sont vos collègues, parents et camarades de lutte et de vie. Vous en croisez probablement tous les jours.
Il est utile à cet égard de rappeler que l'antifascisme occupe en fait une position d'arrière-garde, c'est-à-dire qu'il remplit discrètement son rôle spécifique – soit de débusquer et de combattre l'extrême droite par tous les moyens nécessaires. L'objectif est de défendre des mouvements sociaux qui, chacun à leur manière et dans leur créneau propre, font tendre la société tout entière vers la justice sociale et l'égalité économique, mais aussi vers l'antiracisme, le féminisme et l'anticolonialisme. S'il n'y a pratiquement plus de fascistes et de néonazis dans les rues à Montréal depuis les années 1990, si les communautés traditionnellement victimisées par l'extrême droite peuvent y vivre relativement à l'abri de la menace qu'elle faisait jadis peser, et si les organisations progressistes peuvent accomplir leur mandat sans craindre d'être ciblées, c'est en partie parce qu'un patient et rigoureux travail a été effectué et maintenu pour chasser les fascistes de nos rues et de nos espaces. On oublie trop facilement que Montréal est l'une des rares villes de cette importance au monde où une telle situation prévaut, et cela est dû en grande partie aux antifascistes et à leurs méthodes parfois controversées.
L'antifascisme est avant tout un cadre de référence et une praxis que chacun·e de nous doit assumer là où iel se trouve, dans nos milieux de travail, d'étude et de vie, nos quartiers, nos espaces associatifs et culturels. Si tout le monde n'a pas la possibilité de s'engager directement dans l'action antifasciste, tout le monde peut en revanche en faire valoir l'importance dans ces milieux, y combattre les préjugés à son égard, diffuser l'information qu'elle produit et diriger des ressources vers les organisations antifascistes et alliées lorsque cela est possible.
Le vent de droite souffle fort à nos portes, de plus en plus de politicien·nes s'y montrent sensibles, et les mouvements réactionnaires prennent du galon. Les multiples crises qui s'exacerbent ne pourront qu'encourager ce mouvement, jusqu'au cœur même du système capitaliste et des États qui le maintiennent artificiellement en vie. Nous croyons que l'autodéfense populaire, la nécessaire résistance aux forces de l'extrême droite, est le seul rempart possible, et que ce rempart dépend entièrement de celleux qui adhèrent encore radicalement aux valeurs de justice et d'égalité.
Il nous incombe plus que jamais d'agir en conséquence, tous les jours.
[1] montreal-antifasciste.info/fr/
[2] Disponible en accès libre sur notre site Web : montreal-antifasciste.info/fr/2023/06/27/etat-des-lieux-lextreme-droite-au-quebec-en-2023/
Illustration : Alex Fatta

Université des mouvements sociaux à Paris
Plus de 2 000 personnes provenant de dizaines d'organisations et de mouvements sociaux ont convergé à la fin du mois d'août au campus de Bobigny de l'Université de la Sorbonne Paris Nord. Elles venaient assister à plus de 200 ateliers, plénières et activités culturelles dans le cadre de l'Université d'été des mouvements sociaux et de solidarité (UÉMSS). Ces participant·es provenaient d'une trentaine de pays, et la délégation franco-québécoise comptait une vingtaine de personnes.
Du Québec, on dénombrait douze jeunes pour la plupart soutenu·es par Les Offices jeunesse internationaux du Québec (LOJIQ). Huit jeunes Français·es lié·es à l'Office franco-québécois de la jeunesse (OFQJ) se sont ajouté·es. Le Journal des Alternatives – Plateforme altermondialiste était associé à l'AQOCI et à Katalizo dans le but de participer à l'événement, d'y faire écho et d'accompagner la délégation. Leur mission : rendre compte des contenus des discussions. Il en résulte une trentaine d'articles, publiés sur le site alter.quebec. Un bulletin entier a été consacré à leur travail à la mi-septembre.
L'UÉMSS 2023 a été initiée par l'Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne (ATTAC), une organisation de 10 000 militantes et militants qu'on retrouve sur tout le territoire français, et par le Centre de recherche et d'information sur le développement (CRID), qui fédère des organisations de coopération et de solidarité internationale en France.
En France, les partis politiques, les associations et les mouvements sociaux profitent de la fin de l'été pour tenir des universités d'été. Celles-ci sont des exercices de formation et de réflexion sur l'année qui s'achève, mais aussi permettent d'envisager les luttes futures. Voici comment Ananda Proulx, de la délégation québécoise, explique l'université d'été des mouvements sociaux :
L'UÉMSS est un forum intergénérationnel et international qui vise à rassembler et à permettre la concertation des militantes et militants des réseaux, à créer une relève, à favoriser un apprentissage de manière horizontale qui s'inscrit dans une approche d'éducation populaire. L'UÉMSS favorise les échanges par l'intermédiaire d'ateliers, de plénières et de parcours sur différentes thématiques. Finalement, l'événement vise à favoriser l'intersectionnalité des luttes et leur convergence, ainsi qu'à promouvoir la solidarité internationale dans son ensemble.
L'étendue des préoccupations
L'événement se déroulant à Bobigny, une banlieue au nord-est de Paris, une place importante a été laissée aux luttes locales. Un atelier du collectif Saccage 2024 témoigne de la mobilisation face à l'impact des Jeux olympiques de 2024 sur les territoires de la Seine–Saint-Denis dont fait partie Bobigny. Des activités extérieures étaient également proposées aux participant·es pour leur permettre de découvrir le territoire et son histoire.
Au niveau national, les questions de précarité ont été abordées sous différents angles, notamment la problématique d'accès au logement et la dégradation des conditions d'accueil des personnes migrantes. La question de la violence d'État et du racisme systémique a également occupé une place importante dans les discussions. De nombreux ateliers ont alerté sur les atteintes répétées aux droits humains et aux libertés fondamentales, en France et partout dans le monde, en rappelant l'importance de défendre l'espace démocratique et les libertés. L'UÉMSS a également été l'occasion de mettre en discussion les modèles de société existants et les alternatives désirables pour les citoyen·nes du monde, que ce soit sur la question de l'énergie ou de l'intelligence artificielle dans le monde du travail.
Les échanges ont aussi permis d'identifier des enjeux similaires sur différents continents, ce qui invite à penser une réponse globale pour sortir du système capitaliste néolibéral pour nous orienter plus vers la décroissance. Les rencontres entre militant·es venu·es des quatre coins du monde a permis d'interroger les relations nord-sud, notamment la responsabilité des grandes multinationales comme Total Energies, les accords de libre-échange comme l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur, ou encore les effets de l'évasion fiscale sur les inégalités.
En réponse à tous ces enjeux, la posture des acteur·rices de la solidarité internationale a été débattue, en mettant notamment la lumière sur les pratiques d'ingérence abusives et iniques de la part des États et des ONG à Haïti. Autant de discussions qui ont fait ressortir la nécessité de confronter nos responsabilités et décoloniser nos pratiques. La question des espaces, des modes d'action et des moyens d'apprentissage nécessaires pour favoriser une transformation sociale globale a également été abordée. À travers différents espaces d'expression artistique et culturelle, l'UÉMSS a permis de valoriser l'importance de la culture comme levier de changement. Les mobilisations syndicales ont également eu leur place dans les échanges, en lien avec l'importante mobilisation contre la réforme des retraites françaises en 2023.
Le principe de la co-construction
Dans une volonté de correspondre aux préoccupations des mouvements et d'approfondir une culture de pratiques démocratiques, les deux organisations à l'initiative de l'UÉMSS ont permis à d'autres réseaux et collectifs d'organiser leurs activités.
Par exemple, on retrouvait non seulement ATTAC et le CRID dans l'organisation des activités, mais aussi des groupes paysans, féministes, environnementaux, comme Les Amis de la Terre France, Alternatiba Paris, Plateforme Logement des mouvements sociaux, la Fondation Danielle Mitterrand, ainsi que des organisations de solidarité avec l'Amérique latine, Haïti, l'Ukraine, la Palestine, la Syrie, et autres points chauds des luttes anti-impérialistes sur la planète et les réseaux syndicaux Solidaires, FSU et CGT.
L'année 2022-2023 en France a vu la population se mobiliser massivement contre l'injuste réforme des retraites dans une unité du mouvement social inédite face à l'autoritarisme du pouvoir. Elle a aussi vu les populations les plus précarisées et stigmatisées se révolter face aux discriminations, aux violences policières et à la relégation sociale. Un nouveau conflit est né autour des projets de bassines [1], qui illustrent le déni et les contradictions des autorités et des pouvoirs productivistes en matière d'écologie. À cela s'ajoute un contexte international marqué par les interventions militaires et la progression de l'autoritarisme.
Ainsi, dans les salles comme dans les corridors, tous ces enjeux politiques essentiels étaient débattus. Non partisane, cette université populaire témoigne de l'importance de l'action et l'éducation politiques pour les mouvements. Dans son communiqué final, le comité organisateur de l'UÉMSS soutient que l'événement constitue une dynamique politique au service des résistances :
« En faisant dialoguer des organisations très diverses, l'UEMSS reste cet espace de convergence et de construction d'alliances (…) pour imposer et faire vivre des alternatives répondant aux besoins de l'immense majorité de la population ».
Vers le Forum social mondial 2024 à Katmandou
Enracinée dans des organisations fondatrices des mouvements altermondialistes, l'UÉMSS n'a pas manqué d'aborder les démarches pour les Forums sociaux à venir. Un Forum social mondial thématique sur les intersections est ainsi prévu en mai 2025 à Montréal. Le 16e Forum social mondial, quant à lui, aura ainsi lieu du 19 au 25 février 2024 à Katmandou pour poursuivre le combat des idées. D'ores et déjà, 400 réseaux, organisations et mouvements sociaux de différents pays asiatiques appellent à y participer. L'université d'été fera une pause l'an prochain. Les Jeux olympiques rendront impossible la tenue d'un tel événement populaire. Prochain rendez-vous en août 2025.
[1] Des méga réserves d'eau qui, entre autres problèmes qu'elles créent, pompent d'eau de nappes souterraines.
Alice Galle est chargée de mission ECSI et formation au CRID. Ronald Cameron est animateur du Journal des Alternatives/Plateforme altermondialiste.
Photo : UEMSS
POUR EN SAVOIR PLUS : Louise Nachet, « France : La bataille de Sainte-Soline », À bâbord !, no 97, automne 2023. Disponible en ligne.

Chevalier, Barbie.... et Richelieu : Le cinéma des bonnes intentions
Certains films, portés par de bonnes intentions, devraient spontanément susciter l'adhésion par les valeurs qu'ils défendent. Tout le monde sait cependant que l'appui à des causes justes n'assure en rien la qualité d'une œuvre. Deux films hollywoodiens récents, Chevalier et Barbie, en sont de bons exemples.
Chevalier de Stephen Williams s'appuie sur une excellente idée : raconter l'histoire de Joseph Boulogne, chevalier de Saint-Georges, né esclave à Saint-Domingue d'un père français et d'une mère de descendance africaine, qui s'est hissé dans les plus hautes sphères de la société française grâce à ses talents extraordinaires comme escrimeur, musicien et militaire. Un personnage fascinant, donc, qui a affronté de forts préjugés racistes et qui a laissé derrière lui une œuvre musicale digne d'intérêt.
Bien qu'on l'ait oublié pendant de longues années, comme plusieurs compositeurs de son temps par ailleurs, Saint-Georges suscite un intérêt nouveau, tant par sa destinée singulière que par la volonté des ensembles musicaux d'ajouter ses compositions au répertoire musical du XVIIIe siècle. Si bien que la documentation à son sujet ne manque pas et qu'on en sait beaucoup sur sa vie et son époque, ce dont n'ont toutefois pas semblé tenir compte le réalisateur du film et sa scénariste Stefani Robinson.
En effet, les affronts à la réalité historique abondent : anachronismes, invraisemblances, invention d'événements qui ne se sont jamais produits, etc. Le vrai Saint-Georges doit s'effacer devant ce qu'on a fait de lui. Lorsqu'il prend son violon, il ne joue même pas ses compositions, mais une musique sirupeuse d'aujourd'hui, moins bonne que la sienne, dans un style irrecevable. Ses talents d'escrimeur, auxquels il devait sa renommée autant qu'à la musique, sont beaucoup trop escamotés.
Mais surtout, ce film, comme trop souvent dans le cinéma, refuse de se plonger dans le passé. Le XVIIIe siècle décrit dans Chevalier ressemble en tous points au monde d'aujourd'hui : le racisme, les relations familiales, la création artistique, l'expression de la colère et des émotions, tout cela se vit comme si les mentalités étaient les mêmes depuis plus de deux cents ans. En fait, le seul changement marquant est que les gens portaient de drôles de costumes et d'étranges perruques.
Cette méconnaissance profonde de l'époque et ce refus fondamental de chercher à comprendre la France prérévolutionnaire viennent ainsi bousiller les bonnes intentions initiales. Sensibiliser le public au racisme et faire renaître un personnage particulièrement inspirant en faussant la réalité ne sert aucune cause. Le racisme d'aujourd'hui se comprendrait mieux si on acceptait d'en examiner les racines et d'en suivre l'évolution. Et le pauvre Saint-Georges, tellement malmené dans cette histoire, en sortirait plus fort si on ne le montrait pas autant en victime, mais en personnage qui, en vérité, a su remarquablement s'imposer et vaincre les préjugés.
Barbie et le cinéma indépendant
Il est bien connu que le film Barbie porte un message féministe explicite. Étant produit par la puissante compagnie Mattel, dont l'objectif ultime est de vendre davantage de ses poupées et de ses produits dérivés, il devient évident que ce choix relève d'une importante stratégie de marketing.
Celle-ci n'est pas sans intérêt. Elle révèle que dans un pays politiquement divisé comme les États-Unis, Mattel a fait le pari qu'un point de vue progressiste et féministe serait mieux pour ses ventes que de tenter une difficile neutralité ou de pencher du côté conservateur. Cela vaut aussi pour les nombreux autres pays où se trouvent d'importantes clientèles de la compagnie. Selon les conclusions de ses expertes, Mattel s'assure ainsi de vendre davantage de ses produits à son public essentiellement féminin et préoccupé par son émancipation. La firme parvient aussi à déjouer un certain discours féministe accusant Barbie de donner l'image d'une femme-objet, consommatrice, blonde stéréotypée, aux proportions invraisemblables.
Mattel a aussi fait le choix audacieux d'engager une cinéaste provenant du cinéma indépendant, Greta Gertwig, qui a réalisé des films d'une grande qualité (Lady Bird et Little Women). Elle a écrit le scénario avec Noam Baumbach, qui vient de la même école, lui aussi réalisateur de films remarquables (Frances Ha, Marriage Story). La présence de ces deux personnes ajoute à Barbie un label de qualité. Par contre, on peut aussi se demander pourquoi ces artistes ont embarqué dans une telle galère, et s'iels n'ont pas vendu leur âme au diable…
La stratégie de Mattel
Le film Barbie posait de prime abord sa part de difficultés. Comment faire du cinéma respectable avec une poupée sans histoire, dont les aventures sont celles que les petites filles inventent en jouant avec elle ? Comment cette œuvre, produite par la compagnie qui fabrique la poupée en question, pouvait-elle faire semblant d'échapper à sa véritable destinée, celle d'être aussi une longue publicité pour Barbie ?
La firme fait une habile diversion en intégrant dans son histoire les critiques que l'on formule à son égard : une adolescente exprime de sévères reproches contre la poupée (ceux que j'ai exprimés plus haut) ; le conseil d'administration de la compagnie, de façon caricaturale, est uniquement masculin ; on va jusqu'à mentionner la puissance des corporations et leur tendance naturelle à tenter d'échapper à l'impôt. En apparence, donc, la firme n'est pas épargnée. Mais ces reproches semblent bien secondaires, laisse-t-on entendre, devant l'exploit d'avoir créé une merveilleuse poupée, un jouet révolutionnaire favorisant l'émancipation des femmes.
La diversion sera encore plus grande par l'orientation féministe du film. Dans la bonne vieille tradition manichéenne d'Hollywood, le monde féminin de Barbie, dans lequel s'épanouit une belle diversité d'individus, se trouve confronté à un brutal retour du patriarcat, qui montre à nouveau du muscle après que Ken ait découvert que dans le « vrai monde », les hommes dominent encore. L'opposition entre le féminin et le masculin se nourrit ici de stéréotypes et s'exprime par de gros traits qui offrent au jeune public du film une compréhension superficielle et rassurante des enjeux abordés. La morale de l'histoire est dite clairement, après qu'un putsch patriarcal ait été défait : chacun doit trouver son identité autonome… et les femmes ne doivent pas prendre toute la place, sinon les hommes vont se fâcher.
Dans ce film, les bonnes intentions tournent plutôt mal. Une vision simpliste du monde, même pour les enfants, et l'abus de stéréotypes servent mal le propos alors que dans le fond, c'est Mattel qui s'en sort le mieux. La firme a rendu encore plus visible son principal produit, dans un film très populaire, et s'est offert un beau succès commercial avec une gentille fable féministe (tout de même positive, n'oublieront pas certain·es).
Au-delà des bonnes intentions, Richelieu
Aux antipodes de ces deux grosses productions hollywoodiennes, Richelieu, de Pier-Philippe Chevigny, un film québécois avec un budget restreint et une diffusion plus que limitée en comparaison, évite totalement ce type de piège. Ici aussi, cette œuvre est motivée par de bonnes intentions : il s'agit ici d'exposer les éprouvantes conditions de travail de Guatémaltèques venus combler les besoins de main-d'œuvre temporaire dans une ferme québécoise. Mais jamais ces bonnes intentions ne l'emportent sur le réalisme, la rigueur du développement, la justesse du propos.
Film très bien documenté et alimenté de témoignages bien sentis, Richelieu émeut davantage en montrant sèchement la réalité : celle d'un système d'exploitation global dont les principaux maillons sont exposés. D'une part, on voit une multinationale avide de bons rendements, et d'autre part, il y a des travailleurs qui fuient une misère injustifiable dans leur pays pour connaître à peine mieux dans une entreprise agricole étrangère. La force de ce système est de ne rendre personne responsable, d'imposer cruellement sa logique froide, alors que les travailleurs, et même les petits patrons, s'échinent à le faire fonctionner, même s'il les détruit.
Une des grandes qualités du film est d'avoir choisi, comme personnage principal, une traductrice œuvrant auprès des travailleurs étrangers, une Québécoise d'origine guatémaltèque. Se trouvant entre deux feux, entre patrons québécois et employés guatémaltèques, elle découvre progressivement le fonctionnement d'un grand rouleau compresseur et fait ce qu'elle peut pour humaniser les travailleurs. Son regard devient aussi celui des spectateurs et spectatrices, dont l'indignation provient de ce qui est montré sans fard.
Les bonnes intentions s'effacent alors derrière des personnages qui vivent tout simplement, alors que le public, qui ne se sent pas pris par la main, en tire ses propres leçons. Une performance que ne parviennent pas à faire Chevalier et Barbie, malgré le spectacle éblouissant qu'ils offrent.
Illustration : Ramon Vitesse

Ni dystopie ni barbarie : s’organiser pour résister au fascisme de Trump et consorts

Les temps sont sombres. Depuis que Donald Trump a de nouveau accédé à la présidence de la première puissance militaire mondiale, l’Histoire sordide de la domination s’accélère. Avec sa garde rapprochée, dont fait partie Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, Trump démantèle l’appareil d’État pour laisser le champ libre à une quasi-dictature des grandes entreprises « libérées » ainsi de toute entrave règlementaire et nous amène à une forme de fascisme où le cartel de la technologie de pointe joue un rôle prédominant. La surveillance de nos comportements, grâce aux données personnelles que s’approprient Google, Facebook et cie, s’ajoute désormais à une guerre directe contre la démarche scientifique, qui n’a rien à envier aux autodafés des nazis. Au nom là aussi de la défense de la grandeur – mythique – d’une nation qui serait supérieure aux autres, l’utilisation de tout un lexique de plus d’une centaine de termes comprenant « femme », « diversité », « changement climatique », « opprimés » et, bien sûr, « transgenre » est de facto interdite dans la recherche, tandis que des bases de données scientifiques et médicales sont retirées des sites web ministériels ou remodelées pour se conformer à la propagande idéologique du monde MAGA de Trump.
C’est tout un ordre mondial qui bascule par l’action du gouvernement étatsunien. Même si elles varient d’un jour à l’autre, selon la réaction des « marchés », guère friands d’incertitudes, et la montée du mécontentement au sein y compris de ses propres électeurs et électrices, les déclarations de Trump visant à s’emparer des richesses du sous-sol du Groenland ou du Canada, par la force s’il le faut, ou à prendre possession de Gaza en expulsant les Palestiniens et Palestiniennes, l’expriment sans ambigüité : le consensus qui présidait à la création des institutions de l’après-Seconde Guerre mondiale, comme l’ONU ou l’Union européenne, pour régler les différends entre pays par la négociation en référence à des principes de droit ne tient plus. Même les politiques néolibérales de libre-échange ne résistent pas aux coups de force de Trump, qui ramène clairement ce qui se joue sur la scène internationale à une logique de purs rapports de force, à l’instar de la stratégie suivie par Poutine en Ukraine, par Netanyahou à Gaza ou par Xi Jinping vis-à-vis de Taïwan, dont on peut anticiper une future occupation.
Mais peut-on vraiment parler d’un retour à la loi du plus fort ? Le monde était-il vraiment sorti depuis la Seconde Guerre mondiale de la barbarie exterminatrice façonnée par le colonialisme ? Un temps, l’Occident a pu y croire, en faisant abstraction de ce qui se passait dans les pays périphériques et parmi les populations noires ou racisées ou les communautés autochtones en Europe et en Amérique du Nord, et au Québec plus spécifiquement. Les populations des pays du Sud n’étaient-elles pas en train d’arracher leur indépendance et leurs droits – même si c’était au prix de massacres, comme en Corée en 1950[1] ou au Vietnam ? Les États-Unis n’ont jamais renoncé à étouffer les révoltes, à armer les groupes paramilitaires de droite et à intervenir afin de sécuriser leurs visées impérialistes, comme ils le font actuellement au Moyen-Orient.
Les conflits armés n’ont donc jamais cessé, du moins au Sud. « La guerre est inhérente à l’impérialisme comme elle le fut aux empires », résume Étienne Balibar[2]. La domination impérialiste s’y est aussi exercée à coup de blocus et de manipulations « stratégiques » dans l’ombre, ce qui alimente et légitime les agissements antidémocratiques et nourrit des bandes armées. Les États-Unis n’étaient pas seuls. Des pays européens y ont participé comme, par exemple, la France qui menait sa politique « françafricaine », faite de corruptions et d’appuis occultes à des coups d’État contre les démocraties naissantes. On ne peut pas oublier non plus les « ajustements structurels » réclamés par le Fonds monétaire international (FMI) qui a mis à genoux l’Afrique et d’autres parties du monde.
Aveuglés par l’illusion d’une démocratisation du capitalisme, et négligeant comment les rapports Nord-Sud entretenaient une hiérarchisation des populations et maintenaient des pratiques colonialistes de prédation, nous avons oublié que les processus d’accumulation qui soutiennent la course aux profits et à la rente ne sont pas domesticables. La classe capitaliste, incarnée aujourd’hui par des Musk ou des Zuckerberg (groupe Meta) qui critiquaient le Trump élu en 2017, mais qui lui apportent à présent des appuis de taille, montre encore une fois qu’elle choisit toujours de soutenir l’extrême droite pour préserver ses intérêts, même si c’est au prix d’étouffer la démocratie et d’ériger en système la déshumanisation de l’Autre. C’est l’une des principales leçons que nous pouvons tirer de la comparaison avec les années 1930.
Face à cette tragédie du capitalisme qui se rejoue en s’aggravant jusqu’à miner nos conditions de vie et nos solidarités sociales, et, clairement, jusqu’à l’ensemble des conditions d’existence des vivants sur la Terre, nous croyons que c’est en dessinant les pistes d’autres rapports sociaux – et les luttes en ce sens sont nombreuses dans le monde – que nous serons mieux équipé·e·s pour résister.
Faire du Québec un chantier d’expériences de solidarités locales et internationales
Cependant, plutôt qu’à un « que faire » directif, c’est à un « comment faire » inclusif que nous croyons utile de réfléchir. Concrètement, si l’on ne veut pas reproduire le deux poids, deux mesures auquel on a assisté entre le déploiement immédiat de la solidarité avec les Ukrainiens et les Ukrainiennes et la réticence à nommer le génocide palestinien, si l’on ne veut pas qu’en s’organisant pour résister localement, cela signifie consentir aux inégalités globales, voire à les amplifier, entre des pays centres et des pays périphériques et au sein des populations, la question suivante se pose : comment avancer pour que le Québec devienne un chantier d’expériences de solidarités locales et internationales au profit de la démocratie, de l’égalité de race[3], de classe, de genre, d’âge… ? Si c’est la vision d’un futur qui est le moteur de nos actions présentes, cette vision a besoin de s’inscrire dans un ensemble concret, territorialisé dans le temps et l’espace.
L’ancrage territorial d’un « comment faire » renvoie à la reconnaissance des nations autochtones et de leurs droits ancestraux. Il donne à voir les interdépendances globales et nous invite à être attentifs et attentives aux répercussions des propositions locales, de façon à ce qu’elles mettent en œuvre également des solidarités internationales avec les populations qui, partout dans le monde, luttent déjà contre l’extractivisme, pour un commerce équitable et une économie solidaire, pour l’autodétermination, contre les formes d’apartheid envers les femmes et contre l’exclusion des personnes migrantes renvoyées à la mort en mer ou dans des pays commettant les pires exactions. Dans la façon d’articuler local et global se joue « la question du rapport dialectique entre universalité et particularité dans la lutte contre l’impérialisme[4] ». Elle demande de reconnaitre la multiplicité des luttes, condition pour arriver à constituer des causes communes.
Un exemple qui peut illustrer l’importance de se questionner sur le comment articuler des « engagements “anti systémiques” locaux et globaux[5] » est celui de la construction de circuits courts de production et de consommation, notamment en agriculture. Peuvent-ils se développer sans intégrer une volonté de remettre en cause les déséquilibres dans les échanges commerciaux entre le Nord et le Sud et l’actuel système d’immigration à deux vitesses[6], héritage du passé colonial et raciste du Canada ? Car ce système met à la disposition des employeurs – dans l’agriculture et dans nombre de secteurs d’activités – une main-d’œuvre aux pieds et poings liés, alimentant des formes contemporaines d’esclavage. La réponse ne peut consister à renvoyer, c’est-à-dire exclure, les personnes migrantes, alors que leur présence au Nord est aussi une façon de transférer des richesses au Sud, et que nombre de ces personnes ont de toute façon fait le choix de vivre au Québec ou ailleurs au Canada.
Avec cet exemple qui illustre la multiplicité des enjeux enchevêtrés, le questionnement sur le « comment faire du Québec un chantier… » comprend nécessairement une autre face. Celle-ci porte sur le « comment redonner du pouvoir aux premières concernées, les populations dominées et exploitées ? » Comment les convaincre que cette fois, leur parole sera prise en compte ? Car c’est de la mobilisation des premières et premiers concernés que viendront les propositions susceptibles de combattre vraiment les inégalités multiples en articulant des réponses intersectionnelles, locales et globales. C’est à partir de ces mobilisations que peuvent émerger de nouvelles subjectivités remettant en cause le partage impérialiste du monde, ou des sujets collectifs « hybrides » ou « intersectionnels » formant des réseaux transnationaux de luttes.
Comment peuvent se réapproprier une capacité d’agir des personnes perçues comme minoritaires, mais constituant une masse à l’intersection de plusieurs dominations, et qui sont enfermées dans une précarité renforcée par les inégalités et les violences genrées et racisées, la difficulté à joindre les deux bouts, la peur de perdre son logement ou d’être expulsées…? Comment créer les conditions d’un mouvement massif, allant au-delà de ce que font déjà, malgré leurs faibles moyens, des communautés autochtones, ou nombre d’organismes communautaires de lutte contre la pauvreté, pour les droits des personnes migrantes, pour un salaire minimum viable, pour les droits des femmes…, ou nombre de syndicats agissant dans le commerce de détail, les résidences privées pour ainées et autres secteurs d’activités où les conditions de travail et de rémunération sont basses et les possibilités de s’organiser difficiles. En témoigne la réponse d’Amazon à la syndicalisation d’un de ses entrepôts[7], qui a consisté à les fermer tous au Québec.
À l’exemple du mouvement des Gilets jaunes en France, dont la colère contre l’accroissement des inégalités sociales et écologiques s’est déployée à partir du refus d’être taxés pour une situation – la pollution – dont les classes populaires ne sont guère responsables comparées aux classes dominantes, on peut penser que les mobilisations des populations dominées se nouent autour d’enjeux qui reconnaissent leur vécu collectif et son expression.
Parmi les différentes publications produites après le retour de Trump, des propositions concrètes s’adressent en premier lieu aux populations dominées. Celle de Mathieu Dufour et Audrey Laurin-Lamothe[8] consiste à sortir de la logique marchande « trois piliers sociaux et économiques » : la distribution alimentaire, en créant une société d’État non monopolistique; le logement social, en reprenant les propositions du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) dont celle d’avoir 20 % de logement hors marché d’ici 15 ans; les services publics, en les revalorisant par « une taxation massive des biens de luxe » et en les « humanisant » par la restitution de leurs droits (la résidence permanente) aux travailleuses et travailleurs migrants temporaires ou sans papiers et aux réfugié·e·s. Pour Dufour et Laurin-Lamothe, il va de soi que les réponses locales doivent tenir compte de notre dette écologique à l’égard des Suds. Ces mesures apporteraient ainsi « sécurité économique et paix d’esprit » et renforceraient les capacités d’agir et de se solidariser.
Une proposition de Maxim Fortin et Anne Plourde[9] cible plus particulièrement le système de santé et la réparation des inégalités face aux enjeux climatiques. Dénutrition, paludisme, pollution, désertification, etc. : les populations des Suds sont beaucoup plus exposées et vont continuer à payer un lourd tribut si rien n’est fait pour contrer un tel processus. Même au Nord, les personnes pauvres, les communautés autochtones, les minorités ethniques et racisées, les personnes handicapées sont surexposées aux effets des changements climatiques.
Or, Fortin et Plourde constatent que les mesures étatiques et institutionnelles au Nord ne sont pas à la hauteur des engagements pris, faute justement de voir les premières et premiers concernés associés à l’élaboration et à la mise en œuvre des solutions. Il et elle proposent en conséquence d’adopter une approche de justice environnementale, c’est-à-dire d’octroyer un pouvoir de décision, par des processus participatifs, aux populations concernées.
Redonner du pouvoir suppose aussi d’appuyer les luttes en cours des travailleuses et travailleurs, notamment celle contre Amazon, parce qu’elle est fédératrice de plusieurs enjeux : arriver à encadrer ou à exproprier l’activité des plateformes; organiser les employé·e·s et faire cesser leur robotisation ainsi que leur surveillance algorithmique; créer des solidarités concrètes entre les travailleuses et travailleurs de cette plateforme dans les différents pays où elle intervient.
Ces questionnements ne sont pas secondaires, ils sont au cœur de toute volonté de « faire converger les luttes ». Car il ne suffit pas d’appeler sincèrement à se rassembler lorsqu’on constate que les luttes restent cloisonnées selon le statut social, le genre ou la racisation alors qu’on est censé partager les mêmes intérêts. Comme le soulignait Émilie Nicolas[10], des souffrances se sont accumulées en raison des actes de domination et des conflits multiformes, ici et ailleurs dans le monde. Elles dressent des pensées de haine et de vengeance qui demandent à être reconnues pour s’éteindre. L’intérêt commun n’existe pas a priori : il ne peut provenir que d’une construction collective dont le processus doit être débattu dès maintenant, du moins si l’on ne veut pas que la résistance qui s’organise aboutisse, comme durant les siècles passés du capitalisme, à proposer un compromis qui obtient le consentement d’une minorité de population pour… continuer à s’emparer des richesses sur le dos d’une majorité d’autres[11].
L’accès à Internet et à l’intelligence artificielle devrait aussi être d’emblée inclus dans les biens communs essentiels à sortir de la logique du marché et à soumettre à un contrôle collectif. Notamment parce qu’il est fondamental de ne plus voir se répandre des messages dévalorisants ou violents concernant les personnes racisées ou pauvres, les femmes, les personnes LGBTQ+, celles handicapées, les jeunes, etc. Nous ne pouvons pas minimiser le pouvoir de la haine qui se déverse en ligne et sa capacité à détruire un sentiment de sécurité et d’appartenance à une communauté humaine.
En outre, grâce aux systèmes d’intelligence artificielle, la production de messages mensongers mais soigneusement formatés a envahi la toile. L’obligation morale de se référer à des faits, qui encadrait la production des discours dominants et des contre-récits contestataires de l’ordre social, semble dépassée. Or, comme le souligne Maria Ressa, journaliste et opposante à l’ex-dictateur philippin : « Sans faits, pas de vérité. Sans vérité, pas de confiance. Sans confiance, pas de réalité partagée[12] ». Comme il n’est pas possible de réguler des algorithmes[13], démarchandiser l’usage du web suppose d’exproprier les GAFAM ou de développer nos propres applications.
- Voir Kang Han, Impossibles adieux, Paris, Grasset, 2023. ↑
- Étienne Balibar, « Géométries de l’impérialisme au XXIe siècle », AOC, 25 novembre 2024. ↑
- Le terme de race ne signifie pas que la race existe mais que cette construction sociale opère : le racisme et la racisation de populations sont toujours présents dans nos sociétés et le terme de race maintient visible ce rapport de domination. ↑
- Étienne Balibar, « Géométries de l’impérialisme au XXIe siècle », AOC, 26 novembre 2024. ↑
- Ibid. ↑
- Par la création de programmes de travail temporaire aux permis fermés, qui ne donnent pratiquement pas accès à la résidence permanente et qui visent principalement la main-d’œuvre des pays du Sud. ↑
- André-Philippe Doré, «Comment des militants et militantes ont pu devenir le sable dans l’engrenage d’Amazon», Nouveaux Cahiers du socialisme, n° 32, automne 2024. ↑
- Mathieu Dufour et Audrey Laurin-Lamothe, « Quelques pistes économiques pour contrer le vent de droite », Le Devoir, 15 février 2025. ↑
- Maxim Fortin et Anne Plourde, Crise climatique, inégalités de santé et justice environnementale : donner au système de santé la capacité d’agir, Montréal, IRIS, 2025.↑
- Intervention à la conférence de clôture de la Grande Transition le 21 mai 2023. ↑
- Giovanni Arrighi et Beverly J. Silver, Chaos and Governance in The Modern World System, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1999. ↑
- « Without facts, you can’t have truth; without truth, you can’t have trust; without trust, you can’t have shared reality ». Discours de Maria Ressa lors de la réception du prix Nobel de la paix le 10 décembre 2021. ↑
- Yanis Varoufakis, Technofeudalism. What Killed Capitalism, Londres, Bodley Head/Penguin, 2023. ↑
Dérive sociale : un point de non-retour ?
gauche.media
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