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Les NoirEs, les Latinos et les immigréEs paient le prix du racisme de Trump

L'idéologie machiste, blanche et nationaliste du président Donald Trump l'amène à s'en prendre aux femmes, aux personnes LGBT, aux travailleurEs, aux pauvres, aux handicapéEs et à d'autres personnes, mais son racisme est particulièrement frappant.
17 avril 2025 | tiré de l'Anticapitalisme no. 750 | Crédit Photo : Charles Brown Jr., ancien chef d'état-major américain écarté par Trump. DR
https://lanticapitaliste.org/actualite/international/les-noires-les-latinos-et-les-immigrees-paient-le-prix-du-racisme-de-trump
De multiples façons, il a fait du racisme à l'égard des NoirEs, des Latinos et des immigréEs une politique officielle des États-Unis. Depuis les plus hauts niveaux du gouvernement jusqu'aux niveaux économiques les plus bas de la société, les personnes de couleur font l'objet de discriminations, de mauvais traitements et de victimisation comme jamais depuis les années 1920.
La fin des programmes fédéraux au service d'une population diversifiée
Certaines actions de Trump sont notoires, comme son licenciement raciste du général de l'armée de l'air CQ Brown Jr., le président de l'état-major inter-armées, pour avoir prétendument fait passer les programmes de diversité, d'équité et d'inclusion avant la défense des États-Unis. D'autres actions de Trump affectent des millions de personnes.
Trump a publié un décret mettant fin à tous les programmes fédéraux de « diversité, d'équité et d'inclusion » (DEI) au sein du gouvernement fédéral. Bon nombre des personnes qui dirigent ces programmes ou qui y travaillent sont noires, latinos ou asiatiques, et des centaines, voire des milliers d'entre elles ont été licenciées. Les programmes DEI représentaient une tentative des administrations précédentes de s'assurer que les programmes fédéraux servaient une population diversifiée. Aujourd'hui, le gouvernement va pencher dans l'autre sens. Par exemple, Trump, en faisant de l'anglais la seule langue officielle, a mis fin aux annonces d'urgence météorologique — ouragans, tornades, inondations — dans des langues autres que l'anglais.
Elon Musk, l'homme de main de Trump, procède désormais au licenciement de 13 % des 2,4 millions de travailleurEs civilEs du pays, soit 312 000 personnes. Alors que les NoirEs représentent 13,7 % de la population américaine, ils constituent 18,2 % de la main-d'œuvre fédérale. Pendant des décennies, le gouvernement fédéral a donné aux NoirEs la possibilité d'obtenir des emplois sûrs assortis d'un salaire décent et d'avantages sociaux, alors que de nombreuses entreprises privées ne le faisaient pas.
Expulsions massives à venir
Un autre groupe important visé est celui des immigréEs sans-papiers que Trump prévoit d'expulser des États-Unis. Trump prétend qu'ils sont 20 millions, alors que la plupart des experts parlent de 11 millions. Au cours des deux premiers mois de son mandat, Trump a expulsé environ 25 000 immigréEs sans-papiers, soit moins que l'ancien président Jo Biden, mais la police de l'immigration américaine se prépare à de véritables expulsions massives dans un avenir proche.
Trump viole la Constitution et les lois des États-Unis en déportant quelque 238 membres présumés de gangs vénézuéliens sans aucune audience ou autre procédure régulière et en les envoyant au tristement célèbre Centre de confinement du terrorisme à sécurité maximale au Salvador. Le Los Angeles Times rapporte que 90 % d'entre eux n'avaient pas de casier judiciaire et que nombre d'entre eux ont été identifiés comme membres de gangs uniquement à cause de leurs tatouages. Plusieurs actions en justice ont été intentées pour tenter d'annuler ou d'arrêter ces déportations.
Même les immigrantEs légaux sont en danger. Trump a mis fin à ce que l'on appelle le « statut de protection temporaire » pour 472 000 VénézuélienNEs, 213 000 HaïtienNEs, 110 900 CubainEs, plus de 93 000 NicaraguayenNEs, 14 600 AfghanEs et 7 900 CamerounaisEs qui, dans les prochains mois, seront soumis à l'expulsion. Si elles sont expulsées vers leur pays d'origine, nombre de ces personnes seront confrontées à la violence des gouvernements de leur pays d'origine.
Trump a commencé à transférer les numéros de sécurité sociale de milliers d'immigréEs dans le « fichier principal des décès », de sorte qu'iels deviennent « légalement morts » et qu'il leur soit plus difficile de travailler aux États-Unis ou d'avoir accès à des cartes de crédit ou à des comptes bancaires. L'idée est de leur rendre la vie tellement impossible qu'iels s'expulseront d'elleux-mêmes.
S'il est bon que de nombreuses personnes aient intenté des actions en justice contre ces mesures, il faudra un puissant mouvement de la classe ouvrière, composé de syndicats et de travailleurEs noirs, latinos et immigrés, pour arrêter Trump.
Dan La Botz, traduction Henri Wilno
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343 attaques en 2025 : Israël cible le journalisme palestinien

Un communiqué publié samedi 26 avril par le Syndicat des Journalistes Palestiniens (PJS) alerte à nouveau sur la persécution systématique de la presse à Gaza et en Cisjordanie, répertoriant plus de 343 attaques israéliennes à l'encontre de professionnel·les des médias, de leurs proches ou de leurs locaux en 2025 seulement.
Tiré d'Agence médias Palestine.
Depuis la reprise fin mars des bombardements israéliens après le cessez-le-feu de deux mois, les journalistes sont à nouveau visé·es par la brutalité de l'armée israélienne. Comme tous et toutes les gazaoui·es, les journalistes font face à des déplacements massifs de populations, ainsi qu'à une famine et une situation sanitaire catastrophique du fait du blocage de l'aide humanitaire. L'électricité est également très rare, ce qui rend difficile pour les journalistes de recharger leur matériel et d'envoyer leur images et textes.
Au delà de ces difficultés matérielles, tous et toutes souffrent de la perte de proches et de parents, et des traumatismes liés aux bombardements et à la violence à laquelle ils et elles sont confronté·es. Malgré cela, les journalistes palestinien·nes continuent sans relâche de documenter les crimes israéliens et le quotidien difficile d'un territoire assiégé et soumis au génocide.
Mais outre les dangers encourus par tous et toutes les gazaoui·es, les journalistes font face à de plus grands dangers encore, car ils et elles sont directement visé·es par l'armée israélienne. Le gilet de presse à Gaza ne garanti en effet plus une protection internationale au nom de la liberté de la presse ; il semble même être devenu une cible.
Dans les trois premiers mois de l'année 2025, Israël a assassiné 15 journalistes à Gaza : 7 en janvier et 8 en mars, rapporte le PJS. Cela porte à 212 le nombre total de journalistes palestiniens tués à Gaza depuis le début de la campagne génocidaire d'Israël à Gaza, le 7 octobre 2023.
Des cibles directes
L'un des derniers massacres date du 7 avril, lorsqu'Israël a frappé une tente abritant des journalistes, à Khan Younis dans le sud de la bande de Gaza. L'équipe de terrain d'Euro-Med Monitor a documenté le meurtre de Helmi Al-Faqaawi, un correspondant de Palestine Today News Agency, et de Youssef Al-Khazandar, un civil qui assistait le groupe de journalistes, lors de l'attaque. Neuf autres journalistes ont été blessé·es, dont le photojournaliste Hassan Islayeh. Le bombardement a mis le feu à certains des journalistes alors qu'ils étaient encore en vie, dans une scène horrible qui souligne le ciblage systématique par Israël des journalistes palestinien·nes dans la bande de Gaza.
Cette attaque, qui ciblait précisément cette tente et n'avait fait l'objet d'aucun avertissement, a par la suite été revendiquée par Israël, qui a affirmé dans un communiqué que le photojournaliste Hassan Islayeh était la cible visée. Sans fournir aucune preuve, l'armée israélienne prétend que cet homme serait affilié à une faction palestinienne et qu'il opérerait sous le couvert du journalisme par l'intermédiaire de sa société de presse.
Les accusations par Israël d'agissements terroristes sous couvert de journalisme sont courantes mais ne sont par ailleurs jamais documentées ni prouvées, et font l'objet de nombreuses réfutations sourcées. Si cette réthorique est devenue récurrente dans les communications israéliennes, elle n'en constitue pas moins la preuve d'une grave atteinte aux libertés de la presse, car elle constitue un aveu de la part d'Israël que son armée cible délibérément des journalistes, qui ne sont donc pas des victimes collatérales du génocide.
343 attaques contre des journalistes en 2025
Le dernier rapport du PJS documente « une série de crimes, d'attaques et de violations commis par le régime d'occupation israélien, dont le plus grave est le meurtre de 15 journalistes ». Il note également que 17 membres de la famille de journalistes ont été tués à leurs côtés, que 11 journalistes ont été gravement blessé·es et que 12 maisons de journalistes ont été détruites par des roquettes et des bombardements israéliens.
Le syndicat a également enregistré 49 cas où des journalistes ont été averti·es d'évacuer les zones qu'ils et elles couvraient par des tirs à balles réelles dans leur direction ou juste à côté d'elles et eux. Ces menaces de mort, qualifiées de « terroristes » par le PJS, sont sans précédent dans le monde et semblent pourtant se banaliser à Gaza. En outre, le comité a enregistré 15 arrestations de journalistes, soit à leur domicile, soit pendant leur mission. Certains sont toujours en détention, tandis que d'autres ont été libérés quelques heures ou quelques jours plus tard.
En Cisjordanie occupée, environ 117 journalistes ont été victimes d'agressions, de répression ou ont été interdits de reportage, en particulier dans des villes telles que Jénine et Jérusalem. Le rapport documente également la confiscation ou la destruction de matériel de travail dans 16 cas.
Le Syndicat conclut son rapport en réitérant son appel urgent au Conseil de sécurité des Nations unies pour qu'il agisse rapidement et adopte une résolution visant à mettre fin à ces massacres et au génocide en cours contre l'ensemble du peuple palestinien, y compris les journalistes.
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Turquie. Istanbul secouée par une imposante contestation

Dans une Turquie fracturée, l'arrestation du maire d'Istanbul Ekrem İmamoğlu cristallise les tensions politiques, sociales et identitaires. La ville devient le théâtre d'une contestation organisée, sous la bannière d'une opposition structurée. Un désir de justice et de démocratie que la répression menée par le président Recep Tayyip Erdoğan n'a pas entamé.
Tiré de orientxxi
22 avril 2025
Par Ümit Dogän
Un manifestant, masqué, lit un livre, face à des policiers en tenue anti-émeute.
Istambul, le 23 mars 2025. Un manifestant est assis ironiquement avec un livre « Un monde plus juste est possible » du président turc Recep Tayyip Erdogan devant des officiers de la police anti-émeute turque lors d'un rassemblement de soutien au maire d'Istanbul arrêté dans la municipalité d'Istanbul.
YASIN AKGUL / AFP
« Celui qui gagne Istanbul gagne la Turquie », proclamait Recep Tayyip Erdoğan. Ces propos, prononcés alors qu'il était maire d'Istanbul entre 1994 et 1998, résonnent encore comme une vérité fondamentale. La ville, véritable mosaïque de la Turquie, avec ses diverses communautés ethniques et socio-économiques, représente un enjeu stratégique pour les partis politiques (1). Elle est non seulement un baromètre électoral, mais aussi une clé du pouvoir central.
Lors de son élection à la mairie en 2019, Ekrem İmamoğlu, membre du Parti républicain du peuple (CHP), crée la surprise. Confirmé à la tête d'Istanbul lors des élections municipales de 2024, il incarne la contestation du pouvoir d'Erdoğan. En cohérence avec la droite ligne entre la mairie d'Istanbul et le palais présidentiel, il annonce le 21 février 2025 sa candidature à la prochaine présidentielle, en 2028. Le 19 mars, dans la foulée de l'annulation de leurs diplômes universitaires (2), İmamoğlu et plusieurs personnalités politiques sont arrêtées, ce qui déclenche une flambée de contestations à travers le pays. Le même jour, les rues et les universités d'Istanbul, Ankara et Izmir se remplissent de manifestants. Cette série d'événements culmine le 29 mars avec un meeting à Maltepe, à Istanbul, où près de 2,2 millions de personnes manifestent pour soutenir le leader de l'opposition et appeler à la fin de la répression du soulèvement populaire.
Le juge d'instruction qui a placé Ekrem İmamoğlu en détention provisoire a retenu le motif de « corruption », mais à ce jour, l'acte d'accusation n'a pas encore été rédigé ni de date de procès fixé. Quant au maire par intérim d'Istanbul et au CHP, ils sont soumis à une forme accrue de contrôle et de restriction de leur liberté d'action par le pouvoir central. Plusieurs membres du parti, y compris des maires comme celui de Beşiktaş (un des districts d'Istanbul), sont placés en détention.
Des institutions subordonnées au pouvoir exécutif
La capitale économique et culturelle se trouvait depuis plus de deux décennies sous le contrôle du Parti de la justice et du développement (AKP) dirigé par Erdoğan lorsque Ekrem İmamoğlu remporte la mairie le 31 mars 2019.
En raison d'une requête de l'AKP et du Parti d'action nationaliste (MHP) (3)
visant à annuler les résultats pour cause d'« irrégularités », un nouveau scrutin est organisé en juin 2019. İmamoğlu remporte l'élection avec une majorité élargie, obtenant 54,21 % des suffrages, soit un écart de plus de 800 000 voix, contre son principal rival, Binali Yıldırım, candidat de l'AKP. Erdoğan, qui a longtemps considéré Istanbul comme son fief, vit cette défaite comme un affront. Avec l'ampleur de l'écart de voix, İmamoğlu apparaît comme une figure incontournable de l'opposition, suscitant l'inquiétude de l'AKP.
Le président turc et l'AKP, bien qu'en position de force, n'hésitent pas à s'appuyer sur des outils institutionnels, notamment le Conseil électoral supérieur (Yüksek Seçim Kurulu, YSK), pour assurer leur emprise. En effet, depuis 2016, la politique de kayyum, qui permet de destituer des élus pour les remplacer par des administrateurs nommés, s'est étendue aux municipalités contrôlées par l'opposition, notamment dans celles que l'AKP a perdues. L'YSK paraît de plus en plus aligné sur les intérêts politiques de l'exécutif, de moins en moins indépendant. Cette pratique a progressivement sapé la légitimité de la plus haute institution judiciaire chargée du bon déroulement des élections. En janvier 2025, bien avant l'arrestation d'Ekrem İmamoğlu, la députée du CHP Aliye Coşar dénonçait déjà une justice instrumentalisée par le pouvoir, affirmant que « la volonté populaire est ignorée ». L'affaire İmamoğlu a renforcé cette perception d'institutions subordonnées au pouvoir exécutif.
L'arrestation d'İmamoğlu, ainsi que l'emprisonnement, depuis 2016, de Selahattin Demirtaş, ancien coprésident du Parti démocratique des peuples (HDP), prokurde, et candidat à la présidence en 2014 et 2018, mettent en lumière un aspect crucial de la politique turque : le musellement de la contestation et la neutralisation de quiconque peut représenter une alternative sérieuse à Erdoğan.
Question kurde, question démocratique
« Le problème kurde serait-il résolu si la Turquie devenait démocratique, ou la Turquie deviendrait-elle démocratique si le problème kurde était résolu ? », s'interroge l'ancien député et défenseur des droits humains Ahmet Faruk Ünsal. La lettre du leader du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) Abdullah Öcalan, lue le 27 février à Istanbul, vient y répondre : la démocratisation de la Turquie doit progresser de manière parallèle et indissociable avec la résolution de la question kurde. Il devient de plus en plus difficile de maintenir l'ambiguïté d'une « paix avec les Kurdes » tout en poursuivant une forme de confrontation avec la démocratie. L'appel d'Öcalan au désarmement et à la dissolution du PKK semble en suspens dans les dynamiques politiques actuelles. Selon ses déclarations, le PKK pourrait renoncer à la violence en échange de la construction d'une Turquie démocratique, avec des garanties juridiques. Cependant, l'arrestation d'İmamoğlu vient mettre à mal ce processus.
Le référendum constitutionnel de 2017 a modifié la structure politique de la Turquie en introduisant un système présidentiel fort. Cette réforme a donné à Erdoğan un contrôle presque total sur le gouvernement, mais elle limite également le nombre de mandats présidentiels à deux. En théorie, cette modification constitutionnelle empêche Erdoğan de briguer un troisième mandat, à moins qu'une nouvelle révision de la constitution ne soit adoptée. Cette incertitude est source de tensions politiques, notamment au sein de l'opposition.
Dans ce contexte, l'arrestation d'İmamoğlu semble être un coup stratégique visant à affaiblir la principale menace pour Erdoğan, tout en consolidant la légitimité de sa propre candidature pour un troisième mandat. À moins que cette dynamique ne vienne renforcer l'opposition…
La roue de l'histoire ?
La légitimité populaire d'Ekrem İmamoğlu s'est exprimée à travers les bureaux de présélection mis en place dans chaque province par le CHP, le parti d'opposition laïc et nationaliste d'où est issu Ekrem İmamoğlu. Plus de 15 millions de citoyens s'y sont rendus pour le désigner comme candidat du parti à la présidentielle de 2028, un chiffre huit fois supérieur au nombre officiel d'adhérents du CHP. Ce dépassement massif du cadre partisan ne relève pas seulement du symbole : il représente un coût politique réel pour l'AKP.
Les différentes actions menées par le CHP depuis l'arrestation d'İmamoğlu, telles que l'organisation de deux rassemblements hebdomadaires, une campagne de signatures pour réclamer la libération de son candidat, ainsi que les appels au boycott d'entreprises proches du pouvoir lancés depuis le 2 avril, témoignent clairement de la volonté de l'opposition de se structurer. Au lieu de se diviser, elle semble se renforcer, s'unissant autour d'un large consensus démocratique, ainsi que le démontre la rue : des centaines de milliers de manifestants, unis sous les bannières des partis d'opposition de plus en plus nombreuses, bravent la répression policière. « Taksim est partout, la résistance est partout ! », peut-on lire sur les banderoles (4).
En face, n'est-on pas en train d'assister à la fragilisation de l'alliance entre l'AKP et le Parti du mouvement nationaliste sur la question kurde ? En effet, le processus défendu par le MHP est à la fois directement et indirectement entravé par l'AKP, dont le contrôle des institutions et l'autoritarisme croissant freinent toute avancée véritable. Après la lutte acharnée qui a opposé le mouvement Gülen à l'AKP en 2013, suivie de la rupture définitive marquée par le coup d'État manqué du 15 juillet 2016, une dynamique similaire pourrait-elle survenir entre le MHP et l'AKP ?
« Vingt-quatre heures peuvent être très longues dans la politique en Turquie », disait Süleyman Demirel, ancien président de la Turquie. Peut-être, qui sait, le jour où « la roue Tournera » (5) approche-t-il enfin.
Notes
1. La Turquie, composée de 81 provinces, compte une population totale d'environ 86 millions d'habitants, dont près de 16 millions résident à Istanbul.
2. L'article 101 de la Constitution impose un diplôme universitaire pour accéder à la présidence — une exigence qui avait déjà barré la route à Bülent Ecevit en 1989.
3. Depuis le 20 février 2018, l'AKP et le MHP forment la coalition « Alliance du peuple » (Cumhur İttifakı), consolidant ainsi leur pouvoir commun et leur influence politique en Turquie.
4. En 2013, un important mouvement de contestation se développe autour du parc de Taksim Gezi. Il sera violemment réprimé et les manifestants chassés du parc. Le projet de transformation du parc en centre commercial a néanmoins été abandonné.
5. En référence au livre Et tournera la roue écrit depuis sa cellule par Selahattin Demirtaş (Collas, 2019)
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Au Liban, les camps de réfugiés au bord de l’effondrement

Depuis l'offensive israélienne et le génocide en cours à Gaza, la mise en danger des réfugiés palestiniens s'étend de Gaza en passant par la Cisjordanie dont Jérusalem-Est, jusqu'au Liban. Dans tous ces lieux, les camps de réfugiés sont soit particulièrement visés ou ont du moins été fortement affectés par l'agression militaire.
Tiré de France Palestine Solidarité. Photo : Camp de réfugiés de Shatila au Liban, mai 2019 © hardscarf
Selon un rapport publié par Thabit Organization for the Right of Return, environ 85 000 réfugiés palestiniens des camps du Liban, ce qui représente environ la moitié du nombre total, ont été déplacés des camps du sud de Sour (Tyr) ainsi que des camps de Beyrouth et du camp de Baalbek Galilée (Vawel). Entre le déclenchement de l'offensive contre le Liban en septembre 2024 et le cessez-le-feu fin novembre, au moins une centaine de Palestiniens ont été tués dans les bombardement des camps ou lors de combats avec les troupes israéliennes.
Selon Thabit, 41 % des personnes déplacées ont été réparties à Saïda, tandis que 16 % ont cherché refuge à Beyrouth, 37 % à Tripoli et 6 % dans les régions de la vallée de la Bekaa [1]. Ces déplacés ont été dans leur très grande majorité accueillis dans des familles car quasiment aucune structure n'était capable de leur fournir des abris.
Les conditions de vie dans les camps, déjà extrêmement difficiles en temps « normal », empirent en cas de situation d'urgence, comme ce fut le cas durant cette nouvelle guerre et continue de l'être à ce jour.
S'ajoute à cela que l'Unrwa est en grande difficulté financière pour assurer sa mission, ce qui suscite régulièrement le mécontentement des résidents et réfugiés concernés. Selon le rapport de l'Office daté du 24 octobre, un plan d'urgence avait été activé à partir du 24 septembre afin de créer 11 centres d'hébergement d'urgence dans le pays [2] pour accueillir un total de 3 679 personnes déplacées [3], ce qui était bien en deçà des besoins.
Les camps de Beyrouth
Dès le déclenchement de l'offensive israélienne contre le Liban, la banlieue sud de Beyrouth, la Dhahiyeh, a subi d'intenses bombardements. Les camps de Borj al-Barajneh et Shatila situés au sud de la capitale ont également été touchés.
Deux tiers des résidents ont dû fuir soit en ville chez des parents ou vers d'autres régions. D'autres sont restés, malgré les ordres d'évacuation lancés par l'agresseur, ne sachant où aller, tandis que des dizaines de familles étrangères au camp de Shatila y avaient cherché refuge. Quelques associations locales ont bien tenté de soulager la détresse des plus démunis, en particulier de ceux qui nécessitaient des soins, le dispensaire de l'Unrwa ayant été fermé et les hôpitaux libanais ne prenant pas en charge les réfugiés palestiniens.
Le seul camp relativement sûr et qui a conservé ses structures sociales et organisationnelles, est le petit camp Mar Elias, situé dans Beyrouth. Des centaines de familles palestiniennes, libanaises et syriennes, forcées de fuir le Sud-Liban et le sud de Beyrouth, y ont trouvé refuge. L'Unrwa est resté sur place avec son dispensaire et assurait le service de traitement des déchets, mais n'y avait pas installé de centre d'hébergement officiel. Le camp a pu faire face au défi que représente l'accueil de ces réfugiés, même si évidemment les problèmes étaient énormes.
Les camps du sud
Les camps de Rashidiyeh (l'un des plus grands), d'al-Buss et de Burj al-Shamali (l'un des plus pauvres) et les regroupements de la région de Sour (Tyr) étaient également ciblés depuis le 23 septembre 2024 puisque l'armée israélienne projetait d'instaurer une zone tampon de la frontière au fleuve Litani. Des bombardements ont causé des morts et des blessés.
Les déplacements forcés ont commencé dès cette date et se sont accentués lorsque l'armée israélienne a émis le 31 octobre un ordre d'évacuation immédiate des villages du sud de Sour, des camps de Rashidiyeh et Burj al-Shamali ainsi que des regroupements de Shabriha, Jal Al-Bahr, et Al-Qasimiya. Des milliers de Libanais, Syriens et Palestiniens confondus, se sont déplacés, quand ils le pouvaient, vers le centre-ville de Sour ou les camps du nord du pays, Beddawi et Nah el-Bared. Près de la moitié des habitants ont quitté les camps alors que peu avant des Libanais ayant fui le Sud s'y étaient réfugiés. L'Unrwa a indiqué avoir suspendu la plupart de ses opérations dans cette région, y compris ses services de santé, en raison de la détérioration de la situation sécuritaire et du déplacement de son personnel.
À Rashidiyeh, la détérioration des poteaux à haute tension avait entraîné la coupure de l'électricité. Des milliers de familles de ce camp vivent de la pêche, mais l'armée israélienne visait des pêcheurs et le bord de mer avant même d'ordonner l'évacuation. Les ouvriers agricoles, eux non plus, ne pouvaient plus travailler en raison de l'insécurité et des destructions des cultures. Le camp d'al-Buss situé à quelques encablures était logé à la même enseigne. Il a de plus été directement visé par une frappe israélienne fin septembre, tuant un dirigeant politique et sa famille.
Situé au sud de la ville de Saida, le camp de Ain al-Hilweh, le plus grand de tous, a accueilli des milliers de déplacés dans des conditions extrêmement difficiles en raison du surpeuplement, du manque de moyens de subsistance et de soins. L'Unrwa a pris en charge dans des écoles et autres lieux à Saida plus de 400 familles de déplacés, ce qui était bien insuffisant.
Les autres camps
Lorsque la plaine de la Bekaa a également été prise pour cible par l'armée israélienne, le petit camp al-Jalil (Wavel) a subi lui aussi un afflux de réfugiés qu'il peinait à contenir. De 8 000 habitants il était passé à 12 000, alors que la promiscuité et la pauvreté y étaient déjà très répandues. Des familles syriennes et libanaises y ont trouvé refuge quand les alentours ont été bombardés. Des familles du camp al-Jalil ont fui vers d'autres régions de l'ouest et du centre de la vallée de la Bekaa, ou se sont rendues dans la ville de Tripoli.
Si des bombardements ciblés ont fait des victimes dans les deux camps du Nord, Beddawi et Nahr el-Bared, la région n'a pas connu de feu incessant. Beddawi, un petit camp de moins de 10 000 habitants, a accueilli le plus grand nombre de déplacés (près de 30 000) en plus de ceux de Nahr el-Bared qui avaient dû fuir leur camp en 2007. Parmi ces réfugiés, des milliers de familles syriennes et libanaises déplacées du Sud-Liban [4]. Le camp Nahr el-Bared, totalement détruit en 2007, n'a toujours pas été entièrement reconstruit mais a également accueilli des nouveaux réfugiés. L'Unrwa y avait installé des abris pour environ 350 familles.
Mi-octobre, l'Unrwa avait annoncé vouloir travailler avec des partenaires locaux pour fournir un soutien et des services aux personnes déplacées accueillies dans ses centres d'hébergement depuis l'activation du plan d'intervention d'urgence [5].
Ces partenariats ont été mis en place dans un contexte de protestations des réfugiés qui considéraient que le plan d'urgence n'était pas mis en œuvre, alors que des locaux de l'Office dans les camps de Rashidiyeh et Burj al-Shamali avaient été fermés et que tous les services de santé et d'aide avaient disparu. Ces partenaires, parmi lesquels Najdeh et Beit Atfal as-Soumoud, des organisations avec lesquelles collabore l'AFPS, ont contribué à fournir des services comprenant la distribution de nourriture, les soins de santé et le soutien psychosocial, très insuffisants face aux énormes besoins de cette population.
Et maintenant ?
La situation au sud du Liban reste très incertaine en raison de la poursuite des bombardements de l'armée israélienne malgré le cessez le feu. La vie des réfugiés palestiniens a été fortement déstructurée par cette nouvelle offensive militaire. La précarité dans laquelle ils vivaient auparavant n'a fait que s'accentuer. La plupart continuent de dépendre totalement des aides des organisations internationales ou des association locales, tandis que l'Unrwa ne peut porter secours qu'à une infime partie d'entre eux. Même si les réfugiés ont progressivement retrouvé leurs camps, il faudra un certain temps avant de rétablir la situation d'avant la guerre. Si les maisons des camps n'ont pas été entièrement détruites, nombre d'entre elles ont subi de tels dommages qu'elles ne peuvent plus être habitées, mais faute d'alternatives, les familles sont contraintes d'y rester.
Beaucoup ont perdu leurs moyens de subsistance. Au sud, les ouvriers agricoles ne peuvent travailler car les terres sont soit détruites soit polluées. Les pêcheurs ont souvent perdu leurs outils de travail. Les employés dans le bâtiment n'ont pas encore pu reprendre leur activité en raison de la forte détérioration de la situation économique du pays. En conséquence, de nombreux rassemblements sont organisés devant les locaux de l'Unrwa dans le sud du pays pour exiger l'amélioration de leurs conditions de vie, la mise en place de plans d'urgence et de services de santé, car la plupart des réfugiés ne peuvent plus subvenir seuls aux besoins de leurs familles.
Le Liban, qui à l'issue de cette nouvelle guerre d'Israël s'est doté de nouveaux Président de la République et Chef du gouvernement, tente de sortir de l'instabilité politique chronique et de la crise économique endémique. Dans ce contexte, le projet inconcevable de Trump de déportation de la population de la Bande Gaza vers les pays voisins alerte au plus haut point les responsables. Déjà ils anticipent un nouvel exode de Palestiniens vers le Liban mais, plutôt que de refuser catégoriquement tout nettoyage ethnique dans Gaza, le Président Joseph Aoun « a plaidé pour une solution concertée impliquant plusieurs acteurs internationaux, en insistant sur la nécessité d'un plan global de répartition des réfugiés, afin que leur accueil ne repose pas exclusivement sur les pays frontaliers d'Israël ». Il demande d'ores et déjà des aides internationales pour y faire face6 [6]. Il faut agir pour que ce projet démoniaque ne voie pas le jour..
Notes
[1] L'article faisant état de ce rapport date du 22 octobre 2024. Le rapport lui-même n'a pas été publié sur le site web de cette organisation. Lire en arabe
[2] Un à Beyrouth, un dans la Beqaa, cinq à Nahr el-Bared et quatre à Saida
[3] https://refugeesps.net/post/29194
[4] Le 28 octobre 2024, en arabe
[5] Mis en place dès l'offensive israélienne, il consiste à mettre à l'abri des familles déplacées et assurer une assistance
[6] Libnanews
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Pourquoi Trump est en train de perdre sa guerre commerciale avec la Chine

La surenchère sur les droits de douane engagée depuis le 9 avril entre les Etats-Unis et la Chine commence à être remise en cause dès le 13 avril. La Maison Blanche vient d'exempter tous les produits électroniques chinois de droits de douane. D'autres mesures vont probablement suivre et la pression pour trouver au moins un compromis partiel va devenir extrêmement forte.
Tiré de Asialyst
15 avril 2025
Par Hubert Testard
La guerre commerciale Chine/ Etats-Unis. Crédit iStock Photo.
« C'était une erreur pour la Chine de pratiquer des rétorsions. Quand l'Amérique prend un coup, elle rend un coup encore plus fort, et c'est la raison pour laquelle nous appliquerons 104% de droits de douane supplémentaires » déclare Karoline Leavitt, porte-parole du gouvernement américain, dans son point de presse du 8 avril. Les annonces successives des deux côtés portent à 145% côté américain et 125% côté chinois le niveau des droits de douane dès le 11 avril.
Aucune déclaration à la presse n'accompagne la volte- face du 13 avril sur les produits électroniques chinois. Les smartphones, ordinateurs, écrans plats, disques durs, tablettes, équipements pour semi-conducteurs, échappent désormais aux rétorsions visant la Chine. L'« executive order » de la Maison Blanche liste la quinzaine de positions douanières concernées qui représentent collectivement un peu plus de 100 milliards de dollars d'importations en provenance de Chine, soit 18% des importations totales. Le porte-parole du ministère du commerce chinois qualifie cette décision de « petit pas ». Il s'agit en fait d'un grand trou dans la raquette protectionniste américaine. Donald Trump rétorque que cette mesure est temporaire et que des taxes sur les semi-conducteurs seront bientôt décidées.
Le piège inflationniste
Parmi les nombreuses erreurs commises par les stratèges de la politique commerciale américaine figure l'idée selon laquelle les Etats-Unis ont moins à perdre que la Chine car le niveau de leurs exportations vers ce pays est beaucoup plus faible que celui des exportations chinoises. C'est un calcul qui ne tient pas compte de plusieurs pièges, dont le premier est celui de l'inflation.
Si Donald Trump renonce à taxer les exportations électroniques chinoises, ce n'est pas pour faire un geste vis-à-vis de Pékin. C'est parce que la big tech américaine et les grands distributeurs lui ont fait comprendre que l'impact inflationniste des sanctions sera particulièrement fort dans ce secteur.
Prenons l'exemple de l'iPhone, qui représente à lui seul 51 milliards d'importations en provenance de Chine en 2024 selon les données de l'International Trade Center. Une taxation à 145% des iPhones en provenance de Chine ferait monter leur prix sur le marché intérieur américain d'au moins 90%, d'après les experts du secteur, même si Apple réduit ses marges aux Etats-Unis et les augmente ailleurs. On passerait à partir du mois de juin, une fois les stocks épuisés, de 1 200 dollars à 2 300 dollars, ce qui constituerait une magnifique opportunité pour Samsung, le principal concurrent d'Apple. Comme 85% des iPhones sont assemblés en Chine, relocaliser la production dans d'autres pays n'est pas jouable dans des délais raisonnables. Localiser aux États-Unis le serait encore moins car le coût d'un iPhone produit sur le marché américain pourrait atteindre 3000 dollars. Au-delà des iPhones, la Chine fournit beaucoup d'ordinateurs (36 milliards de dollars en 2024) et de produits électroniques à bas prix. Là encore l'impact inflationniste des taxes est immédiat et puissant. Un sondage auprès d'un panel de consommateurs américains publié le 10 avril par l'Université du Michigan montre que l'anticipation moyenne des hausses des prix est de 6,7% sur les douze prochains mois. Le président de la Banque Fédérale de New-York prévoit pour sa part un rythme d'inflation à hauteur de 4% en 2025 alors que la cible d'inflation de la FED est de 2%.
La Chine court en revanche nettement moins de risques inflationnistes. Ses importations en provenance des États-Unis représentent moins de 1% de son PIB. Par ailleurs l'économie chinoise est actuellement en déflation et une hausse des prix importés ne présente pas de risque majeur pour l'équilibre macro-économique du pays.
Et l'inflation n'est pas le seul piège dans lequel Donald Trump est tombé.
La Chine gagnante au jeu des dépendances réciproques
Taxer les produits chinois à 145% veut dire deux choses : qu'on peut trouver d'autres débouchés aux produits américains (taxés à 125% sur le marché chinois) et que l'on peut se passer des produits chinois. Commençons par la question des débouchés avec quelques exemples.
La Chine est de très loin le premier marché des exportateurs de soja américains ; 12,8 milliards de dollars en 2024, soit plus de 50% du total. Le second marché d'exportation est l'Union européenne, avec seulement 2,4 milliards de dollars. On voit mal l'UE multiplier par cinq ou six ses importations de soja pour permettre aux exportateurs de soja américains de compenser la perte du marché chinois. La Chine en revanche n'importe que 21% de son soja des Etats-Unis, loin derrière le Brésil et un peu devant l'Argentine. Pékin peut renforcer ses partenariats latino-américains et se passer du soja américain.
Ce qui est vrai pour le soja l'est aussi pour le coton. Le marché chinois est également le premier client du coton américain, avec 35% des exportations américaines. Les États-Unis sont aussi le premier fournisseur de la Chine. Mais seulement un quart du coton vendu en Chine est importé, et le choc produit par les taxes énormes sur les exportations de textile-habillement chinois vers les Etats-Unis vont faire chuter la demande de coton. Entre chute de la demande et diversification des fournisseurs, la Chine peut faire face.
Les exportateurs de soja et de coton américain sont situés en majorité dans des États qui votent républicain comme l'Iowa, l'Indiana ou le Nebraska pour le soja, le Texas, le Mississippi ou l'Arkansas pour le coton. Les lobbies agricoles de ces États vont exercer une pression maximale sur Washington pour négocier avec Pékin.
Sur la question « peut-on se passer des produits chinois ? », un exemple emblématique est celui des jouets, où la Chine représente 60% des importations américaines. Imagine-t-on des fêtes de fin d'année aux Etats-Unis où les jouets coûteraient deux fois plus cher ou seraient indisponibles ? Quelle alternative est possible alors que le Vietnam, deuxième fournisseur, est lui-même menacé de 46% de droits de douane ?
Un autre exemple, plus stratégique pour les industries de pointe américaines, est celui des terres rares. La Chine produit 70% des terres rares mondiales et raffine 90% des métaux qui en sont issus. Elle fournit 70% des importations américaines de terres rares. Or en réponse aux surtaxes américaines, elle vient de mettre sur une liste d'exportations de matériels à double usage (civil et militaire) sept éléments de terres rares dits « lourds », qui sont utilisés dans l'aéronautique civile et militaire (les missiles par exemple) et dans des composants utilisés par les serveurs d'intelligence artificielle. Ces restrictions se traduisent par un arrêt de facto des exportations vers le monde entier jusqu'à ce qu'un dispositif de traçage complet soit mis en place. Elles font suite à l'interdiction d'exportation vers le marché américain du germanium et du gallium décidée en décembre 2024. Même si Washington dispose certainement de réserves pour les métaux les plus sensibles, l'étau se resserre et la pression pour une négociation va s'accroître.
Il y a bien sûr des secteurs où la dépendance réciproque est moins favorable à la Chine. Dans le domaine du textile-habillement , elle représente un quart des importations américaines. C'est beaucoup. Mais d'autres fournisseurs asiatiques pourraient prendre une partie des places perdues par les exportateurs chinois. Ceci suppose que ces autres fournisseurs, en particulier le Vietnam, l'Inde, le Bangladesh, ne soient pas eux-mêmes lourdement taxés dans 90 jours. On peut donc s'attendre à des « deals » avec les concurrents de la Chine permettant de diminuer la pression sur les prix intérieurs aux Etats-Unis.
Contrairement à Donald Trump, Xi Jinping n'a rien promis
Un autre élément sous-estimé par la Maison Blanche est la bataille de la communication et, derrière elle, la capacité de chacune des opinions publiques à résister au choc de la guerre commerciale. Trump s'est beaucoup engagé vis-à-vis des électeurs américains pour réduire l'inflation, créer des emplois et enrichir le pays, promettant un nouvel eldorado comme on n'en a jamais vu. Or ce qui se produit – hausse des prix, panique des consommateurs et des entreprises, crise boursière – va exactement en sens contraire de ses promesses. La presse américaine est (encore) libre et fait bien son travail pour souligner toutes les incohérences de l'administration et tous les risques qu'elle fait peser sur l'économie du pays.
Xi Jinping n'a rien promis. Il s'est présenté – aux yeux du peuple chinois et de l'opinion publique mondiale – comme le garant de l'ordre international et du respect des règles. Et il l'a fait avec de solides arguments. Son porte-parole qualifie de « farce » l'accumulation réciproque de sanctions commerciales. Le Parti communiste chinois contrôle entièrement la presse et les réseaux sociaux du pays et peut bâtir tranquillement un narratif mettant sur le compte de l'agression américaine une grosse part des difficultés de l'économie chinoise présente et à venir.
Le slogan « se battre jusqu'au bout » est simple et efficace, au moins à court terme. Dans quelques mois les dégâts économiques seront tels de part et d'autre – on évoque déjà une récession américaine et une croissance chinoise divisée par deux – que la recherche d'un compromis devrait s'imposer. Sur le terrain financier, la menace agitée par la Maison Blanche d'une sortie de la cote des entreprises chinoises sur les bourses américaines pourrait avoir un coût de 2 500 milliards de dollars, selon la banque d'affaires Goldman Sachs.
L'Impossible accord global
Si l'on fait un bref rappel historique, les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis ont connu trois grandes phases. La première, en 2018-2019, portait sur une première série de sanctions concernant plus de la moitié des exportations chinoises. Après une négociation qui a duré 18 mois, les deux pays sont parvenus à un accord dit de « première phase » en janvier 2020. Les tensions se déplacent ensuite sur le terrain technologique, avec l'élimination de Huawei et d'autres entreprises de la high-tech chinoise du marché américain. Par ailleurs Washington orchestre une campagne globale pour bloquer les exportations vers la Chine des semi-conducteurs de dernière génération et des équipements permettant de les fabriquer. Cette campagne a été surtout menée par l'administration Biden. Nous entrons depuis janvier 2025 dans une troisième phase qui est celle d'un découplage forcé et quasi-total entre les deux économies.
L'accord de « première phase » avait donné quelques résultats. La Chine a sensiblement renforcé son dispositif légal de protection de la propriété intellectuelle et de lutte contre les transferts technologiques forcés. Elle a davantage ouvert le marché chinois aux produits agricoles, aux produits énergétiques et aux services financiers américains. Mais la progression des exportations américaines est restée très en deçà de l'objectif ambitieux qui avait été fixé (200 milliards de dollars d'exportations supplémentaires, soit plus qu'un doublement des exportations américaines) et la pandémie a fortement perturbé les échanges bilatéraux.
Il paraît difficile pour Washington et pour Pékin de simplement revenir à la logique de l'accord dit de « première phase ». Sur le chapitre agricole par exemple, le potentiel d'exportations américain n'est pas extensible à l'infini. Tous les pays avec lesquels Washington négocie actuellement vont sans doute faire quelques concessions agricoles pour obtenir un « deal ». On ne voit pas très bien ce qui restera à négocier avec la Chine dans quelques mois. Sur le terrain des services financiers, il s'agit surtout d'éviter pour le moment une nouvelle crise avec la menace d'une sortie de la cote des entreprises chinoises sur les bourses américaines qui se traduirait par d'inévitables rétorsions chinoises avec en arrière-plan la menace qui pèse sur les bons du trésor américains.
Alors que la stratégie de Biden sur les semi-conducteurs était construite, ciblée et fondée sur des accords avec les partenaires occidentaux du pays, celle de Trump est particulièrement brouillonne puisque le projet de taxation des semi-conducteurs s'appliquerait au monde entier, avec l'espoir vain de relocaliser la production aux Etats-Unis.
La désescalade avec Pékin prendra sans doute d'abord des formes « simplistes », avec des exemptions supplémentaires là où la pression devient trop forte d'un côté comme de l'autre, ou une réduction concertée du niveau des sanctions réciproques. Une stratégie de négociation plus sophistiquée reste entièrement à inventer côté américain.
Par Hubert Testard
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Israël pousse la crise de l’eau à Gaza à son extrême

[En date du 19 décembre 2024, Human Rights Watch publiait déjà un rapport intitulé « Actes d'extermination et de génocide. Israël prive délibérément les Palestiniens de Gaza de l'accès à l'eau ». Le rapport concluait : « La situation documentée dans le présent rapport montre que les autorités israéliennes, au plus haut niveau, sont responsables de la destruction, y compris la destruction délibérée, des infrastructures d'approvisionnement en eau et d'assainissement, de l'entrave à la réparation des infrastructures endommagées et de la coupure ou de la restriction sévère de l'approvisionnement en eau, en électricité et en carburant.
Tiré d'À l'encontre.
Ces actes ont probablement causé la mort de milliers de personnes et continueront probablement de causer des morts à l'avenir, y compris après la cessation des hostilités. Ces politiques restent en vigueur et se poursuivent, malgré les nombreux avertissements adressés aux responsables israéliens quant à leur impact, notamment par la Cour internationale de justice. Par conséquent, Human Rights Watch estime que les politiques israéliennes ont constitué la création intentionnelle de conditions de vie calculées pour provoquer la destruction d'une partie de la population civile de Gaza. Cela s'inscrit dans le cadre d'un massacre de membres de la population civile et, en tant que politique d'Etat, constitue une attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile. Par conséquent, tous les éléments constitutifs du crime contre l'humanité d'extermination sont réunis. Les responsables israéliens sont responsables du crime d'extermination et d'actes de génocide. » – Réd. A l'Encontre)
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Wissam Badawi passe ses journées à attendre et à écouter, dans l'espoir d'entendre le klaxon caractéristique d'un camion-citerne entrant dans son quartier. Ces camions, conduits par des bénévoles locaux, sont devenus la dernière bouée de sauvetage de cette mère de huit enfants, âgée de 49 ans, ainsi que de milliers de Palestiniens et Palestiniennes de la ville de Gaza, dans un contexte de crise de l'eau de plus en plus grave causée par l'offensive israélienne en cours dans la bande de Gaza.
« La plupart des canalisations d'eau ont été détruites par les bulldozers de l'armée israélienne, et la municipalité ne peut pas les réparer » [de plus, les bulldozers sont très souvent détruits pas l'armée], a déclaré Wissam Badawi, qui vit dans le quartier de Tel Al-Hawa, à +972. « Il n'y a pas de puits à proximité, je dois donc envoyer mes enfants à la mer pour aller chercher de l'eau pour notre consommation quotidienne. Ensuite, j'attends l'arrivée du camion pour mélanger l'eau propre avec l'eau de mer afin de réduire sa salinité et la rendre potable. »
En raison de la pénurie extrême, le prix de l'eau sur les marchés de Gaza a explosé. « Le prix d'un gallon [3,7 litres] d'eau varie entre 5 et 8 NIS [1,30 à 2,20 dollars]. Nous avons besoin d'environ cinq gallons par jour pour boire et cuisiner, et j'ai du mal à me le permettre. De plus, personne ne vend d'eau dans notre quartier. Si aucun camion n'arrive, je dois marcher longtemps pour en acheter. »
Dans les zones où il n'y a pas de camions pour acheminer l'eau, de nombreux Gazaouis sont contraints de marcher pendant des kilomètres et de faire la queue pendant des heures pour remplir un seul récipient à un point d'eau. Mais même ceux-ci se font de plus en plus rares, ayant été bombardés ou rendus inaccessibles par les ordres d'évacuation israéliens. L'Unicef a averti que la crise de l'eau dans la bande de Gaza avait atteint « un niveau critique » (11 mars 2025, « Nine out of 10 Gazans unable to access safe drinking water »), soulignant que seule une personne sur dix avait actuellement accès à l'eau potable.
Cette crise n'est pas un effet secondaire de l'offensive israélienne, mais plutôt un objectif délibéré de celle-ci. Selon les données du Bureau des informations du gouvernement de Gaza, l'armée israélienne a détruit 719 puits depuis le 7 octobre. Le 10 mars, Israël a coupé le reste de l'approvisionnement en électricité de Gaza (AP, 10 mars 2025), forçant la plus grande usine de dessalement de la bande de Gaza à réduire ses activités. Quelques jours plus tard, la deuxième plus grande usine a été mise hors service en raison d'une pénurie de carburant résultant du blocus total imposé par Israël sur l'enclave.
Une autre usine, celle de Ghabayen, dans la ville de Gaza, a été bombardée début avril. Et le 5 avril, Israël a coupé l'approvisionnement en eau de Gaza par la société israélienne Mekorot, qui fournissait près de 70% de l'eau potable de la bande de Gaza.
Ahmad Al-Buhaisi, un vendeur d'eau de 22 ans originaire de Deir Al-Balah, dans le centre de Gaza, qui s'approvisionnait à l'usine de dessalement Aquamatch, a déclaré : « La fermeture de la station n'a pas seulement coupé mon gagne-pain, elle a également privé de nombreux citoyens et citoyennes de la possibilité d'accéder à de l'eau potable et propre. »
Il explique que les gens le contactent sans cesse pour lui demander d'apporter de l'eau chez eux, et qu'il ne peut que s'excuser et leur dire qu'il n'y a plus aucune usine de dessalement en activité. « Je suis toujours à la recherche d'un puits en état de marche où je pourrais acheter de l'eau potable », dit-il. « Mais les prix ont considérablement augmenté, et il est devenu difficile pour nous d'acheter et de revendre ensuite cette eau au public. »
« Ils détruisent tous les moyens de subsistance »
L'usine de dessalement de Ghabayen, une installation privée qui alimente certaines parties de la ville de Gaza et de Jabalia, était l'une des sources d'eau vitales du nord de Gaza. Le 4 avril, l'armée israélienne l'a bombardée pour la troisième fois depuis le début de la guerre, tuant Majd Ghabayen, le fils de l'un de ses propriétaires. Il se trouvait à l'intérieur de la station et son corps a été déchiqueté par les tuyaux et les réservoirs.
« Chaque fois que l'armée a bombardé l'installation, cela a causé des destructions massives », a déclaré Ahmad Ghabayen, le frère cadet de Majd, à +972. « Pourtant, nous sommes toujours revenus et avons réparé ce que nous pouvions avec l'argent et les ressources dont nous disposions, juste pour fournir de l'eau à la population. »
Mais la dernière frappe a été différente. « Cette fois-ci, le puits lui-même a été visé par un missile très puissant qui l'a complètement détruit. On nous a dit qu'il serait difficile de creuser un nouveau puits car la contamination causée par le missile le rendait inutilisable. »
« Israël n'a pas seulement visé une installation de distribution d'eau ; il a détruit une partie de la vie de ma famille et privé des milliers de personnes d'eau », a-t-il poursuivi. « La station desservait de vastes zones d'Al-Tuffah, Shuja'iyyah, Al-Daraj, Sheikh Radwan et Jabalia. Les gens venaient de loin pour remplir des bidons d'eau. Ils détruisent tout ce qui constitue notre bouée de sauvetage. »
Le bombardement de la station de Ghabayen s'inscrit dans une politique systématique menée par Israël depuis le début de la guerre : cibler délibérément les puits d'eau et les infrastructures qui y sont reliées, et couper l'approvisionnement en eau qui alimentait autrefois Gaza via des canalisations israéliennes.
Wael Abu Amsha, 51 ans, père de sept enfants et l'un des bénéficiaires de la station, a déclaré que le bombardement représentait un « coup dur » pour des centaines de familles qui en dépendaient comme principale source d'eau. « Après le bombardement, nous avons commencé à chercher une autre source. Nous avons trouvé une autre station, mais elle est loin, à environ une demi-heure de marche, et son eau n'est pas vraiment propre. Mais nous sommes obligés de la boire. Nous bénéficions de la station en achetant de l'eau potable à un prix qui n'a pas changé depuis avant la guerre, et souvent, elle était distribuée gratuitement. De l'eau salée était également distribuée gratuitement toute la journée, ce qui nous a aidés après que l'armée [israélienne] a détruit les canalisations qui fournissaient l'eau de la municipalité. Maintenant, nous n'avons plus aucune source d'eau. »
« Les gens souffrent », poursuit Abu Amsha. « Je marche longtemps et j'attends des heures juste pour remplir un gallon d'eau pour ma famille, ce qui n'est même pas suffisant. Nous finissons par le mélanger avec de l'eau provenant d'une autre station, dont l'eau n'est pas propre à la consommation mais qui est plus proche que la première. Nous n'avons pas d'autre solution. »
Une catastrophe sanitaire
La crise de l'eau n'entraîne pas seulement la soif, elle a également un impact direct sur la santé des personnes souffrant de maladies. Samar Zaarab, une patiente atteinte d'un cancer, âgée de 45 ans, originaire de Khan Younès qui vit actuellement dans une tente à Al-Mawasi, nous a déclaré que la pénurie d'eau exacerbait ses douleurs quotidiennes. « Mon corps affaibli a désespérément besoin d'eau potable. Depuis que j'ai été déplacée il y a quelques jours, mes souffrances ont augmenté. Les camions-citernes ne nous approvisionnent pas, et la petite quantité d'eau que nous obtenons ne suffit même pas pour les besoins quotidiens les plus élémentaires comme la toilette et le nettoyage. Sans hygiène, ma maladie s'aggrave. Si je ne meurs pas de la maladie, ce sera du manque d'eau potable. »
Zuhd Al-Aziz, conseiller du vice-ministre de l'administration locale de Gaza, a déclaré à +972 qu'après la coupure de l'électricité dans la bande de Gaza par Israël et la fermeture forcée de la plupart des usines de dessalement et de traitement de l'eau, toute la population est confrontée à une « crise humanitaire catastrophique ».
Selon Zuhd Al-Aziz, l'armée israélienne a directement pris pour cible les générateurs de secours, rendant extrêmement difficile le maintien des installations en activité : « 85% des sources d'eau douce à Gaza ont été détruites, obligeant les habitants à utiliser de l'eau polluée et impropre à la consommation. Environ 90% des stations de dessalement privées et publiques – 296 au total – ont cessé de fonctionner, soit parce qu'elles ont été directement prises pour cible, soit en raison de pénuries de carburant. Cinq grandes installations de traitement des eaux usées ont également cessé de fonctionner, ce qui a accru les risques de contaminations environnementales et d'épidémies. »
Assem Al-Nabeeh, porte-parole de la municipalité de Gaza, a décrit la crise en des termes tout aussi alarmants. « L'occupation israélienne a détruit plus de 64 puits dans la seule ville de Gaza, ainsi que plus de 110 000 mètres linéaires de réseaux d'adduction d'eau, ce qui a entraîné une forte baisse de l'approvisionnement en eau disponible. Actuellement, seuls 30 puits sont en service, et ils ne peuvent même pas répondre à une fraction des besoins de la population, en particulier avec l'afflux de personnes déplacées provenant des districts du nord. »
« La municipalité s'efforce de trouver des solutions malgré des ressources extrêmement limitées, mais les dégâts sont énormes et ne peuvent être compensés dans le cadre du blocus et des bombardements actuels », a-t-il poursuivi. Il n'y a ni carburant ni pièces de rechange, ni pour les générateurs ni pour les pompes des puits. Les puits ne peuvent pas fonctionner 24 heures sur 24. Environ 61% des ménages dépendent désormais de l'achat d'eau potable auprès de sources privées coûteuses, ce qui est un indicateur dangereux de l'effondrement du système public d'approvisionnement en eau. »
Al-Nabeeh a souligné que la crise de l'eau coïncide avec une aggravation de la faim, un blocus continu, une hausse des températures et une détérioration de la situation sanitaire et environnementale causée par l'accumulation des déchets et les fuites d'égouts, autant de facteurs qui constituent une menace directe pour la vie des habitants, en particulier ceux qui n'ont pas accès à l'eau pour la stérilisation, l'hygiène ou la cuisine.
Bien qu'il soit impossible d'obtenir des chiffres exacts, Al-Nabeeh estime que l'approvisionnement quotidien moyen en eau est tombé à 3-5 litres par personne et par jour, ce qui est nettement inférieur aux 15 litres considérés comme le minimum nécessaire pour boire, cuisiner et se laver afin de préserver la santé publique en cas d'urgence.
« La pénurie d'eau est connue pour favoriser la propagation d'épidémies et de maladies cutanées et intestinales », a-t-il ajouté. « Et si l'interdiction des carburant et des sources d'énergie nécessaires au fonctionnement des installations essentielles se poursuit, cela pourrait entraîner une interruption massive de l'approvisionnement en eau et du fonctionnement des infrastructures d'assainissement, aggravant encore la catastrophe humanitaire et sanitaire dans la ville. »
En réponse à la questino de +972, l'armée israélienne a déclaré qu'à la suite de la coupure de la conduite d'eau dans le nnord de Gaza, « quelques jours après l'incident, l'arrivée des équipes de l'Autorité palestinienne de l'eau dans la zone a été coordonnée afin de lancer le processus de réparation, et l'armée israélienne a réparé la conduite d'eau afin d'assurer un raccordement immédiat et correct ». L'armée a également souligné que « le système d'approvisionnement en eau de la bande de Gaza repose sur diverses sources d'eau, notamment des puits et des installations de dessalement locales réparties dans toute la bande de Gaza, y compris dans la zone nord. » L'armée n'a pas répondu aux questions concernant ses bombardements de puits et d'installations de dessalement. (Article publié sur le site israélien-palestinien +972 le 23 avril 2025 ; traduction rédaction A l'Encontre)
Ibtisam Mahdi est une journaliste indépendante originaire de Gaza, spécialisée dans les questions sociales, en particulier celles concernant les femmes et les enfants. Elle travaille également avec des organisations féministes à Gaza dans les domaines du reportage et de la communication.
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Interdiction de l’UNRWA : la Cour internationale de justice examine un nouveau recours contre Israël

La Cour internationale de justice a été saisie d'une demande d'avis consultatif sur la légalité des attaques israéliennes contre l'ONU. Voici quelques explications sur cette affaire et son importance.
Tiré d'Agence médias Palestine.
La Cour internationale de justice (CIJ) a entamé lundi des audiences sur l'obligation d'Israël de garantir l'acheminement de l'aide aux Palestiniens dans la bande de Gaza assiégée. Depuis mars, Israël bloque toute aide à destination de Gaza et, depuis huit semaines, ni nourriture, ni eau, ni médicaments ne parviennent à ses 2,3 millions d'habitants.
Cette affaire fait suite à l'interdiction par Israël, en octobre, de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), un événement qui a suscité l'indignation mondiale et des appels à l'expulsion de l'ONU d'Israël, accusé d'avoir violé la charte fondatrice de l'organisation, en particulier les privilèges et immunités dont jouissent les agences des Nations unies.
Les audiences de la CIJ coïncident avec la poursuite de l'interdiction par Israël de l'aide humanitaire à la bande de Gaza depuis le 2 mars (plus de 50 jours) et l'intensification des attaques militaires qui ont tué des centaines de civils depuis la rupture du cessez-le-feu le 18 mars.
Il s'agira de la troisième affaire d'avis consultatif depuis 2004 portée devant la Cour internationale de justice concernant les violations du droit international par Israël.
Une quarantaine d'États, dont la Palestine, présenteront leurs preuves devant la Cour entre le 28 avril et le 2 mai. Le principal allié d'Israël, les États-Unis, doit s'exprimer au Palais de la Paix le mercredi 30 avril.
« Pour ceux qui croient en l'organisation internationale et aux Nations unies, et qui souhaitent les protéger contre les actions unilatérales et la destruction, cette affaire ne saurait être plus importante », a déclaré le professeur Eirik Bjorge, spécialiste en droit international à l'origine de la demande d'avis consultatif en octobre dernier.
« Un très grand nombre d'États participants soutiennent qu'Israël a l'obligation, en vertu de la Charte des Nations unies, d'accorder toute son assistance à l'UNRWA et qu'il a l'obligation absolue de respecter ses privilèges et immunités », a déclaré M. Bjorge à Middle East Eye.
« Une petite galerie de voyous – Israël lui-même, la Hongrie et les États-Unis – s'oppose à cette position majoritaire », a-t-il expliqué.
Jeudi, le ministère américain de la Justice a décidé que l'UNRWA n'était pas à l'abri de poursuites judiciaires aux États-Unis, une position qu'il pourrait réitérer lors des audiences de cette semaine, a déclaré M. Bjorge, qualifiant cette décision de « parfaitement désespérée ».
Sur quoi la Cour est-elle appelée à se prononcer ?
Les audiences font suite à la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies du 29 décembre 2024 (A/RES/79/232), principalement soutenue par la Norvège, qui demande à la Cour de rendre un avis consultatif sur les questions suivantes :
« Quelles sont les obligations d'Israël, en tant que puissance occupante et membre des Nations unies, en ce qui concerne la présence et les activités des Nations unies, y compris ses institutions et organes, d'autres organisations internationales et des États tiers, dans le territoire palestinien occupé et en relation avec celui-ci, notamment pour garantir et faciliter la fourniture sans entrave des biens de première nécessité indispensables à la survie de la population civile palestinienne, ainsi que des services de base et de l'aide humanitaire et au développement, au profit de la population civile palestinienne et à l'appui du droit du peuple palestinien à l'autodétermination ? »
La demande de l'Assemblée générale invitait la Cour à se prononcer sur la question susmentionnée au regard d'un certain nombre de sources juridiques, notamment : la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire, le droit international des droits de l'homme, les privilèges et immunités des organisations internationales et des États en vertu du droit international, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, de l'Assemblée générale et du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, ainsi que les avis consultatifs antérieurs de la Cour : l'avis du 9 juillet 2004 qui a déclaré illégal le mur de séparation érigé par Israël dans la Palestine occupée, et l'avis consultatif du 19 juillet 2024, qui a confirmé l'illégalité de l'occupation des territoires palestiniens par Israël et l'obligation qui incombe à Israël, en tant que puissance occupante, de respecter les droits des Palestiniens.
L'avis de la CIJ sera-t-il contraignant pour Israël ?
Si la plupart des avis consultatifs de la CIJ ne sont pas des décisions juridiquement contraignantes, contrairement aux arrêts rendus par la CIJ dans des affaires contentieuses entre États, l'avis rendu dans cette affaire aura un effet contraignant.
La demande d'avis consultatif est fondée sur la disposition relative au règlement des différends figurant à l'article 8 de la Convention générale sur les privilèges et immunités des Nations unies, qui stipule que l'avis rendu par la CIJ à la demande de l'Assemblée générale des Nations unies en rapport avec la Convention « est accepté comme déterminant par les parties ».
Qu'est-ce que l'UNRWA ?
L'Unrwa est la principale source d'aide humanitaire pour environ 5,9 millions de réfugiés palestiniens dans les territoires palestiniens occupés et les pays voisins qui accueillent des réfugiés palestiniens.
Cette aide comprend la fourniture de services de base tels que l'éducation, la nourriture, les soins médicaux et la distribution de carburant. Sa fermeture pourrait inévitablement entraîner l'effondrement du principal moyen de subsistance des Palestiniens.
Selon le dernier rapport de situation de l'organisation, depuis octobre 2023, Israël a tué au moins 290 membres du personnel de l'UNRWA et mené au moins 830 attaques contre les locaux de l'UNRWA et les personnes qui s'y réfugiaient.
Comment Israël a-t-il interdit l'UNRWA ?
Le parlement israélien, la Knesset, a adopté en octobre 2024 deux lois interdisant à l'UNRWA d'opérer en Israël et dans les territoires palestiniens occupés.
Ces projets de loi ont été présentés peu après que les autorités israéliennes aient confisqué le terrain situé à Jérusalem-Est occupée où se trouve le siège de l'UNRWA. Israël prévoit de construire 1 440 logements, illégaux au regard du droit international, sur ce site.
Ces lois interdisent de facto à l'UNRWA d'opérer en Israël, à Gaza, en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est. Cette interdiction équivaut à une révocation des privilèges et immunités dont bénéficient les organisations des Nations unies en vertu de la Charte des Nations unies. Elle est entrée en vigueur en janvier.
La première loi stipule que l'UNRWA n'est pas autorisée à « exploiter une institution, fournir un service ou mener une activité, que ce soit directement ou indirectement », en Israël.
La deuxième loi interdit aux fonctionnaires et aux agences gouvernementales israéliens d'entrer en contact avec l'UNRWA.
Cela affectera inévitablement les privilèges et immunités dont bénéficie l'UNRWA en vertu du droit international.
La directrice de la communication de l'UNRWA, Juliette Touma, a salué les audiences de la CIJ, affirmant que l'interdiction imposée par Israël à l'organisation avait entravé sa capacité à remplir son mandat.
« Depuis l'entrée en vigueur de ces restrictions à la fin du mois de janvier, le personnel international de l'UNRWA n'a pas reçu de visas pour entrer en Israël et se voit effectivement interdire l'accès à la Cisjordanie occupée (y compris Jérusalem-Est) et à la bande de Gaza », a déclaré Mme Touma à Middle East Eye.
Elle a ajouté que plusieurs installations de l'UNRWA, notamment des écoles situées dans Jérusalem-Est occupée, continuent d'être menacées par des ordres israéliens exigeant leur fermeture.
Quelque 800 enfants qui fréquentent actuellement les écoles de l'UNRWA dans cette zone risquent de se retrouver sans éducation si Israël ferme ces écoles, a-t-elle ajouté.
La politique de non-contact imposée par les projets de loi, qui interdit aux responsables israéliens de coordonner leurs actions ou de communiquer avec les responsables de l'UNRWA, entrave la fourniture de services d'urgence et d'aide essentiels, a expliqué Mme Touma.
« L'UNRWA est une agence des Nations unies qui fournit des services de développement humain à l'une des communautés les plus vulnérables de la région », a-t-elle déclaré. « Il est du devoir de l'État d'Israël, en tant que puissance occupante, de fournir des services ou de faciliter la fourniture de tels services, y compris par l'intermédiaire de l'UNRWA, à la population qu'il occupe. »
Pourquoi Israël a-t-il interdit l'UNRWA ?
Le gouvernement israélien est depuis longtemps hostile à l'UNRWA, en partie parce qu'elle maintient le statut de réfugié des Palestiniens expulsés de leurs foyers lors de la Nakba de 1948 et de leurs descendants.
Fin janvier 2024, Israël a accusé 12 employés de l'UNRWA d'avoir participé aux attaques menées par le Hamas le 7 octobre, affirmant qu'ils avaient distribué des munitions et aidé à l'enlèvement de civils.
Une enquête de l'ONU publiée en avril dernier n'a trouvé aucune preuve d'actes répréhensibles de la part du personnel de l'UNRWA, soulignant qu'Israël n'avait pas répondu aux demandes de noms et d'informations et n'avait « informé l'UNRWA d'aucune préoccupation concrète concernant son personnel depuis 2011 ».
Traduction : JB pour l'Agence Média Palestine
Source : Middle East Eye
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« L’avenir n’est pas écrit et il sera contradictoire » Gustave Massiah
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« Palestine : une histoire qui n’a pas commencé le 7 octobre 2023 »
10 avril 2025
Troisième d'une série de cinq soirées d'information sur les racines du génocide à Gaza, sous le thème « Palestine : une histoire qui n'a pas commencé le 7 octobre 2023 », organisées par la Coalition du Québec URGENCE Palestine.
THÈMES ABORDÉS : La Palestine et le Proche-Orient dans la tourmente des rapports entre grandes puissances au 20e siècle. Les enjeux régionaux et les magouilles de l'impérialisme britannique dans l'entre-deux-guerres. Le malaise européen vis-à-vis de la Shoah et le déplacement de la question juive. La guerre froide : soutien soviétique aux pays arabes et soutien occidental à Israël ; les enjeux du canal de Suez. Évolution de la politique des USA. La politique ambigüe des États arabes voisins. L'instrumentalisation de la Shoah. L'impunité israélienne. Les enjeux géopolitiques actuels.
00:00 Mot de bienvenue par Diane Lamoureux, professeure émérite de science politique à l'Université Laval et militante de la Coalition du Québec URGENCE Palestine.
06:45 Jean-Michel Landry, professeur d'anthropologie et de sociologie à l'Université Carleton et chercheur affilié à l'Institut français du Proche-Orient.
40:08 Lecture de Paul Ahmarani, acteur.
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Site web de la Coalition : https://urgencepalestine.quebec

Quelques repères analytiques pour cerner la personnalité de certainEs dirigeantEs politiques

Qui est fait pour gouverner ? Quelles qualités doit avoir une personne aspirant à diriger ? Ce genre de questionnement, tout à fait légitime, sous-entend son contraire. Parce qu'il serait tout autant nécessaire de se demander : qui n'est pas fait pour gouverner ? Et quels défauts ou limites viendraient miner les aspirations d'une personne à vouloir diriger ? Nous le savons, les dirigeantEs politiques ont parfois un « ego » surdimensionné, comme si ce trait distinctif était utile, quoique l'idéal demeure, selon un point de vue largement partagé, de subordonner cet ego de façon à veiller au mieux-être collectif. Évidemment, l'exercice présent exposera notre choix intéressé à la seconde série de questionnements. Car feindre des qualités est devenu soudainement aisé, en manipulant les discours et l'image de manière à mieux plaire, voire à mieux flatter l'opinion publique qui détient le pouvoir de faire élire des représentantEs. Mais au-delà de cacher l'« ego surdimensionné », du moins pour le temps nécessaire à atteindre le pouvoir, ou encore de l'afficher ouvertement comme étant une qualité recherchée chez la personne méritant de gouverner, s'ajoutent d'autres types entrant dans les troubles de la personnalité, tels que la « personnalité histrionique » et la « personnalité narcissique ». Derrière ces notions se trouve une unité sémantique d'apparition récente, pour laquelle l'Office québécois de la langue française a reconnu la pertinence. Nous y reviendrons d'ailleurs à la fin. Mais d'abord quelques lignes au sujet des personnalités « histrionique » et « narcissique ».
Du côté du DSM-5-TR
Dans l'édition de 2013 du volumineux DSM-5-TR[1], il est précisé que la « personnalité histrionique » affecte une personne qui a manifestement besoin de beaucoup d'attention (« quête d'attention ») et doit présenter alors « au moins cinq des manifestations suivantes » :
1. Le sujet est mal à l'aise dans les situations où il n'est pas au centre de l'attention d'autrui.
2. L'interaction avec autrui est souvent caractérisée par un comportement de séduction sexuelle inadaptée ou une attitude provocante.
3. Expression émotionnelle superficielle et rapidement changeante (ce qui donne l'impression d'une personnalité superficielle).
4. Utilise régulièrement son aspect physique pour attirer l'attention sur soi.
5. Manière de parler trop subjective mais pauvre en détails (p. ex. la personne est extrêmement vague et manque trop souvent de détails dans ses accusations à l'emporte-pièce).
6. Dramatisation, théâtralisme et exagération de l'expression émotionnelle.
7. Suggestibilité, est facilement influencé par autrui ou par les circonstances.
8. Considère que ses relations sont plus intimes qu'elles ne le sont en réalité (pp. 956-957).
Pour ce qui est maintenant de la personne qui souffre d'un trouble de la personnalité apparenté à la « personnalité narcissique », les symptômes correspondants sont minimalement les suivants : un schéma persistant de grandiosité, un grand besoin d'admiration et un manque prononcé d'empathie. Ce modèle implique la présence de cinq ou plus des éléments suivants :
1. Le sujet a un sens grandiose de sa propre importance (p. ex. surestime ses réalisations et ses capacités, s'attend à être reconnu comme supérieur sans avoir accompli quelque chose en rapport — voir à ce sujet : mégalomanie).
2. Est absorbé par des fantaisies de succès illimité, de pouvoir, de splendeur, de beauté ou d'amour idéal.
3. Pense être « spécial » et unique et ne pouvoir être admis ou compris que par des institutions ou des gens spéciaux et de haut niveau.
4. Besoin excessif d'être admiré.
5. Pense que tout lui est dû : s'attend sans raison à bénéficier d'un traitement particulier favorable et à ce que ses désirs soient automatiquement satisfaits.
6. Exploite l'autre dans les relations interpersonnelles : utilise autrui pour parvenir à ses propres fins.
7. Manque d'empathie : n'est pas disposé à reconnaître ou à partager les sentiments et les besoins d'autrui.
8. Envie souvent les autres, et croit que les autres l'envie.
9. Fait preuve d'attitudes et de comportements arrogants et hautains (p. 960).
Chose certaine, ces troubles de la personnalité marquent une distinction importante avec l'idéal recherché chez la personne qui souhaite diriger une nation — pour ne nommer que quelques qualités espérées, tels que l'abnégation, la tempérance, la prudence, la bienveillance, la franchise, l'attitude proactive, etc. La difficulté perçue ici avec les personnalités histrionique et narcissique revient au fait que les personnes les incarnant cherchent à se mettre au-dessus des aspirations collectives, voire même à faire des leurs une réclame absolue, universelle. Par ailleurs, l'obtention du pouvoir et de l'autorité contribue à amplifier ces troubles, alors que les mécanismes de contrainte à la citoyenne ou au citoyen ordinaire semblent disparaître aux yeux de celles-ci. Autrement dit, tout devient possible pour ces personnes et toute entrave doit être écartée de leur chemin. Dès lors s'élèvent des étiquettes bien connues, telles que despote, dictateur, tyran, absolutiste et ainsi de suite. Mais est-ce dire que tous les personnages qualifiés de la sorte porteraient se même trait, voire ces mêmes troubles ? Sans tomber dans la généralisation hâtive, le réflexe revient effectivement à leur trouver des ressemblances : la primauté de leur personne sur celle des autres, l'aptitude à devenir cruel, l'ambition souvent exagérée, le besoin de faire l'histoire… Mais s'agit-il nécessairement d'une quête d'attention ? de volte-face inexplicables ? de pertes de contrôle émotionnelles ? Même si la tendance aux typologies peut être utile à classer des troubles de la personnalité ou toute autre déviance du genre, il reste que chaque cas reste unique. De là se comprennent les listes servant à condenser une certaine exhaustivité, dans le but de rapporter divers cas au type décrit. Malgré tout, un bémol demeure sur cette façon de faire, dans la mesure où il est impossible de tout décrire. Sur le plan politique et de la société dans son ensemble, les actions posées sont celles qui donnent le plus de couleur au type de personne qui dirige. Et à partir de cette couleur, il devient alors possible de porter un jugement sur les bienfaits ou les torts affectant le bien-être général. Cela revient non seulement aux attributs recherchés chez la personne souhaitant diriger, mais surtout à ses actes envers la population qui l'a choisie. Autrement dit, on revient au droit des citoyenNEs de destituer une personne d'État pour ses décisions aux effets néfastes pour la société, comme le disaient les Locke, Montesquieu et Rousseau de ce monde. La difficulté revient toutefois à clarifier ce qui est bon et bien pour celle-ci, en raison des diverses formes d'aspirations prêchées par une pluralité de groupes. Le despote parlera au nom de la liberté, en créant un climat de peur et d'instabilité, comme Robespierre, tombé dans la paranoïa, qui a fait guillotiner des gens soi-disant opposantEs à la République de la Révolution ; pour lui, la démocratie était terreur et vertu. Ainsi, à ce qui a été souligné précédemment au sujet des troubles de la personnalité, mérite d'être jointe une conception du bien et du mal ; rappelons d'ailleurs en plus des propos de Hannah Arendt (2009) sur la transformation de la morale allemande chez les nazis, prétendant à faire d'un mal un bien. Cette base devient essentielle pour statuer sur la capacité d'une personne à diriger.
« Ultracrépidarien[2] »
Nous avons cru remarquer, tout au long de notre existence consciente, qu'il y a de nombreuses et de nombreux politicienNEs qui donnent leur avis sur de nombreux sujets. Or, selon l'Office québécois de la langue française (2025, s.p.), une « [p]ersonne qui agit comme si elle était spécialiste d'un domaine, ou d'un sujet, qu'elle ne maîtrise pas » correspond à une « ultracrépidarienne » ou un « ultracrépidarien ». Évidemment, une dirigeante ou un dirigeant d'État ne possède pas toutes les connaissances pour s'immiscer dans une discussion qui porte sur des thèmes « spécialistes », soit en médecine, soit en ingénierie, soit en science en général. De là, l'importance de savoir s'entourer et d'écouter l'expertise des autres. L'humilité devient alors une qualité nécessaire, car il n'y a aucun mal à reconnaître notre incapacité à traiter d'un sujet précis ; bref, la force de l'humilité revient à savoir s'unir. On revient ici à la discussion de Socrate avec Alcibiade (Platon, 2000), dans laquelle le dernier devait d'abord reconnaître ses propres compétences, mais aussi ses faiblesses, avant d'entreprendre le saut en politique. Reconnaître son ignorance représente la première étape pour devenir meilleur. D'ailleurs, les personnes qui aspirent à gouverner ont-elles réellement les compétences et les qualités pour y parvenir ? Cette question ne se pose pas seulement par les électrices et les électeurs, mais par ces personnes elles-mêmes. Il faut savoir donc éduquer celle ou celui qui veut diriger, leur apprendre en quelque sorte l'art de gouverner. CertainEs attesteront d'une qualité innée chez des gens à être leader, n'étant donc pas le cas de tout le monde. Cela est vrai. Mais une autre interrogation s'impose à savoir : savons-nous vraiment les repérer correctement ? La première ou le premier venuE qui ose s'afficher publiquement, prêchant un changement souhaitable, prenant appui sur des assises discutées par la population fatiguée d'une certaine situation, se proposant volontaire pour améliorer les choses, se disant alors compétentE dans le domaine, qu'elle doit être alors notre première réaction ? Il n'y a aucun mal à suspecter la supercherie, à se questionner sur ses véritables intentions et à exiger des preuves. Mais doit-on se verser dans une démocratie de contrôle ? Doit-on réguler de la sorte toutes nos représentantes et nos représentants ? Déjà il est difficile de recruter et souvent les candidatEs ne sont pas nécessairement les plus qualifiéEs. Et si ce soin est appliqué par les partis politiques, des cas nous montrent des ratés. Or, la question finalement posée concerne surtout la personne qui est nommée au titre suprême, soit de présidentE, soit de premier.IÈRE ministre, susceptible de détourner le pouvoir démocratique à des fins personnelles. À ce titre, il est question de réguler les chefs de parti, en songeant aux régimes semblables au nôtre. Déjà, le portrait s'agrandit. Il faut comprendre aussi qu'une ligne de parti existe et qu'une cheffe ou un chef doit l'incarner. De la sorte, cela nous ramène pratiquement au point de départ, alors qu'il faudrait peut-être contrôler les effectifs de chaque parti, pour garantir le respect du bien commun pour toutes et tous, en raison d'écarts de nature idéologique susceptibles de causer des torts. Pouvons-nous vraiment obtenir cette garantie ? S'ajoute en plus la façon de procéder : qui mettra en place la structure requise ? sera-t-elle convenable ? comment fonctionnera-t-elle ? qu'est-ce qui doit être prioritaire, afin de séparer les bonnes des mauvaises personnes aspirant au pouvoir ? enfin, que deviendra la démocratie face à ce système d'exclusion risquant d'être imparfait ? Voilà que nous tournons en rond. Au final, nous renouons avec une perspective posée plus tôt : juger en fonction des décisions et des gestes entrepris par les dirigeantEs. Cela impliquerait un droit pour les citoyenNEs d'agir en dehors du vote aux périodes électorales.
Conclusion
Sur ce fondement tiré de la psychologie, il appartient aux spécialistes du domaine de diagnostiquer les dirigeantEs qui ont exercé le pouvoir ou qui sont en ce moment en position de commandement de leur État-nation ; il appartient à ces spécialistes de nous dire de quoi certaines ou certains parmi les dirigeantEs politiques souffrent. Est-ce dire que nous leur accordons de facto une nouvelle responsabilité ou un devoir socio-politique ? Peut-être. Reste qu'un état psychologique chez une personne est susceptible de changer au cours du temps, en fonction de toutes sortes de variables à la fois environnementales, personnelles, biologiques et passons les autres. Il n'empêche que, de notre côté, nous n'hésiterons pas à dire au sujet d'une personne qui donne son avis, comme s'il s'agissait d'un avis professionnel sur un domaine ou un sujet qu'elle ne maîtrise pas, qu'il s'agit bel et bien d'unE ultracrépidarienNE. Oser le faire, c'est aussi revendiquer un droit à l'humilité chez ces personnes, dont celles qui s'y opposeront révèleront peut-être alors leur côté histrionique ou narcissique.
Guylain Bernier
Yvan Perrier
26 avril 2025
17h30
Références
Arendt, Hannah. 2009. Responsabilité et jugement. Paris : Payot & Rivages, 362 p.
Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, et des troubles psychiatriques. 2013. Arlington, VA : Association américaine de psychiatrie, 1 216 p.
Ultracrépidarien. 2025. In Office québécois de la Langue française.
https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/26577164/ultracrepidarien. Consulté le 25 avril 2025.
Platon. 2000. Alcibiade. Paris : Granier-Flammarion, 245 p.
Notes
[1] Le DSM-5 est la cinquième et plus récente édition, publiée en 2013, du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, et des troubles psychiatriques (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) de l'Association américaine de psychiatrie (APA : American Psychiatric Association).
[2] Voir https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/26577164/ultracrepidarien.
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L’anarchisme en Indonésie | Soleil Noir (2024)
Harvard réplique par une importante poursuite aux menaces de Trump

Libérer le Nord du nucléaire

Alors que le Nord-Ouest de l'Ontario est envisagé pour accueillir les futurs déchets nucléaires du Canada, des groupes locaux et des Premières Nations ont formé We the Nuclear Free North (WTNFN) pour s'opposer au transport, à l'enfouissement et à l'abandon de déchets radioactifs dans leurs bassins versants. À Bâbord ! a rencontré l'une de leurs membres, Brennain Lloyd. Propos recueillis par Louise Nachet.
The english version of this article is available here.
À Bâbord ! : Pourquoi et comment cette coalition s'est-elle formée ?
Brennain Lloyd : À l'automne 2020, il y a eu une conversation entre des personnes qui s'organisaient nouvellement autour de la gestion des déchets nucléaires avec des organisations qui travaillaient dessus depuis longtemps, comme Northwatch, Environment North ou Citizens United for a Sustainable Planet. Nous leur avons tendu la main, avons organisé une réunion, et ceux qui étaient intéressés ont fondé WTNFN.
Au cours des dernières années, l'accent a été mis sur le nord-ouest de l'Ontario en matière de transport et d'enfouissement. Mais au départ, la Société de gestion des déchets nucléaires (SGDN) a enquêté dans 13 zones différentes. Mais en 2020, ils n'ont présélectionné qu'un site dans le nord-ouest et le sud-ouest de l'Ontario. On parle donc du Nord-Ouest de l'Ontario, parce que c'est là que se trouve le site. Mais les impacts dû au transport seront plus importants dans le nord-est.
ÀB ! : Pourriez-vous décrire la relation du Nord-Ouest de l'Ontario avec les déchets et la pollution ?
B.L : En vertu de la loi provinciale, les normes environnementales sont différentes pour le Nord et le Sud de l'Ontario. Le gouvernement utilise la rivière des Français comme ligne de démarcation. Il y a quelques années, il y a eu une amélioration de la réglementation sur la qualité de l'air. Cameco est une entreprise d'uranium qui exploite une mine en Saskatchewan et possède une raffinerie à Blind River (dans le nord) et une usine de conversion et de fabrication de combustible à Port Hope (dans le sud). Plutôt que de se conformer à ces nouvelles normes, Cameco a fermé son incinérateur à Port Hope et a commencé à envoyer ses déchets par camion à Blind River. C'est un exemple de la façon dont le Nord de l'Ontario porte le double fardeau. Nous avons des normes moins strictes, donc nous sommes moins protégés par la loi et les entreprises du Sud de l'Ontario envoient leurs déchets dans notre région.
Nous avons aussi un long historique d'entreprises à la recherche de sites d'élimination de déchets dans la région pour les BPC, les déchets médicaux, les déchets radioactifs de faible et de haute activité. Pour les déchets solides (c'est-à-dire les ordures ménagères, commerciales et industrielles), nous avons lutté pendant 14 ans contre les déversements de la ville de Toronto dans un site du district de Temiskaming. Concernant les déchets radioactifs, cela a commencé dans les années 1970 lorsque Énergie atomique du Canada Ltd a effectué sa première recherche d'un site pour l'enfouissement de tous les déchets de haute activité du Canada. Jusque dans les années 1990, l'hypothèse était qu'ils iraient au nord de l'Ontario. Nous étions dépeints comme étant un endroit isolé et sauvage, comme si cela nous rendait disponibles pour un tel traitement. Il y avait aussi un processus distinct pour le déversement des déchets de faible activité qui était géré à Port Hope et à Port Granby dans le Nord de l'Ontario. 19 communautés ont fait l'objet d'une enquête, et à la fin, toutes l'ont rejetée.
Puis la SGDN est créée en 2002, et le même exercice a recommencé. En 2010, ils ont lancé la recherche de site. Pour solliciter de l'intérêt, la SGDN s'est rendue à des conférences municipales et à des conférences sur le développement économique pour les municipalités du Nord de l'Ontario. « Êtes-vous intéressé de savoir comment votre communauté pourrait bénéficier d'un projet d'infrastructure national de 16 à 24 milliards de dollars ? ». Ils n'ont pas souligné qu'il était question de 50 ans de déchets nucléaires piégés et enterrés dans votre communauté, mortels à perpétuité. 13 collectivités du Nord de l'Ontario ont dit qu'elles aimeraient en savoir plus. Il s'agissait, presque sans exception, de communautés en difficulté économique. L'usine ou la mine avait cessé ses activités et elles avaient beaucoup de mal à payer leurs factures. Le Nord de l'Ontario a donc été entraîné dans ce dernier cycle en raison des disparités économiques et des difficultés que connaissent ces villes « boom-and-bust », ce qui n'est pas différent de certaines villes du Québec et du Nouveau-Brunswick.
ÀB ! : Quels sont les principaux enjeux concernant les peuples autochtones et la SGDN ?
B.L : Nous avons beaucoup d'autochtones qui participent à l'alliance et qui la dirigent, mais nous ne parlons pas en leur nom, ils parlent pour eux-mêmes et pour leurs communautés.
Le 28 novembre, la SGDN a annoncé qu'elle avait choisi un site de dépôt géologique en profondeur entre Ignace et Dryden, en plein cœur du territoire du Traité no 3. Il y a quelques tensions parce que la Nation ojibwée de Wabigoon Lake (WLON) est la communauté située immédiatement en aval du site et la plus proche du site. Et c'est cette Première Nation que la SGDN considère être la communauté d'accueil et sur laquelle elle se concentre. Mais il y a beaucoup d'autres Premières Nations qui ont aussi des activités traditionnelles sur le territoire, et leurs droits issus de traités doivent donc être également respectés. Bien que la SGDN ait approché un grand nombre d'entre elles et qu'elle leur ait fourni un peu de financement afin qu'elles puissent en apprendre davantage sur le projet et le commenter, aucune d'entre elles n'a exprimé d'appui au projet, y compris WLON. Depuis plus de 10 ans, la SGDN dit qu'elle n'ira de l'avant que si elle a une communauté d'accueil informée et disposée à le faire, et qu'il doit y avoir une démonstration convaincante de la volonté de cette communauté, sans jamais vraiment préciser ce que cela voulait dire. Or, ce que WLON a dit, c'est qu'ils sont prêts à passer à l'étape suivante de l'enquête sur le site, et qu'ils entreprendront leur propre évaluation et processus d'approbation [1] Leur vote pour passer à l'étape suivante n'est pas une expression de soutien au projet.
Donc, en matière de consentement préalable, libre et éclairé, qui est nécessaire en vertu de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones, nous n'y sommes pas, même dans le cas de WLON. En revanche, le contraire est vrai dans le cas des 27 autres Premières Nations signataires du Traité no 3. Et la Première nation d'Eagle Lake, qui est la prochaine communauté en aval, a intenté une action en justice parce qu'elle dit qu'elle aurait dû être considérée comme une communauté d'accueil capable de dire oui ou non.
ÀB ! : Quels ont été les défis de votre campagne ?
B.L : Le plus grand défi, c'est que l'industrie nucléaire dispose de ressources nettement supérieures aux nôtres. La SGDN compte de nombreux employés à temps plein dans plusieurs endroits en Ontario. Ils sont constamment en mode financement. Par exemple, Ignace est une communauté qu'ils considèrent comme une communauté d'accueil. Nous ne sommes pas d'accord avec cela car Ignace est à 45 kilomètres à l'est du site. Ils se trouvent dans un bassin versant différent, mais ils étaient désespérés. Il y a une station-service, une taverne, quelques dépanneurs, mais il n'y a pas d'industrie autre que ces emplois de service ou l'école. Ils avaient une mine il y a des décennies et ils ne se sont jamais remis de sa fermeture et sont coincés dans l'attente de la prochaine mine. Ils pensent que le projet de la SGDN va rendre la situation telle qu'elle était à l'époque de l'ouverture et de l'exploitation de la mine Matabbi. Mais ce ne sera pas le cas.
Ensuite, certaines personnes qui sont des employés ou ex-employés de l'industrie nucléaire mènent des campagnes d'attaques très négatives en ligne. Lorsque des gens posent une question ou expriment une opinion, ils sont vite attaqués. Les médias sociaux sous leur pire jour, et il n'y a pas de journal local à Ignace ou à Dryden, donc il s'agit de l'outil de communication principal.
Auparavant, nous allions à Ignace, et nous faisions un atelier ou une projection de film. Nous recevions 30 à 50 personnes. Pour une ville d'un millier d'habitants, c'est plutôt bien. Maintenant, c'est plus 2 à 4 personnes. Les gens me disent qu'ils ne viennent pas parce qu'ils ne veulent pas que les gens voient leur voiture garée là où nous avons une réunion, ils ne veulent pas que les gens le sachent. Lorsque nous avons fait du porte-à-porte, nous n'avons pas demandé s'ils étaient pour ou contre le projet. Nous demandions aux gens s'ils estimaient qu'ils obtenaient suffisamment d'information indépendante sur le projet et le promoteur, et qui, selon eux, devrait prendre la décision. La grande majorité des gens, y compris ceux qui soutiennent le projet, ont dit qu'il devrait y avoir un référendum.
Vers 2021, Ignace a embauché des consultants de Hardy Stevenson et d'autres cabinets qui travaillent pour l'industrie nucléaire. Ils ont organisé des événements, des soirées à la taverne, le petit-déjeuner au centre pour personnes âgées, ainsi que des interviews et un sondage en ligne. La question n'était pas de savoir si vous êtes favorable à ce que des déchets nucléaires soient transportés par camion jusqu'à votre ville et enterrés 45 kilomètres plus loin. La question était « Êtes-vous favorable à ce qu'Ignace poursuive le processus de la SGDN ? Et pour les habitants d'Ignace, cela signifie continuer à obtenir des financements. Ils avaient recueilli environ 12 millions de dollars à ce stade. La majorité des personnes qui ont participé au sondage ont donc répondu par l'affirmative. Ce n'était pas la majorité des habitants d'Ignace, mais c'est ainsi que la ville s'est déclarée volontaire. Puis ils ont signé un l'accord d'accueil qui les engage à soutenir le projet à perpétuité, même s'il change. Ignace est piégé.
ÀB ! : Cela peut être très difficile pour les villes qui ont perdu leur prospérité suite à la fermeture d'une mine ou d'une usine. Les industries extractives transforment souvent la culture locale et les attentes de ce qui est possible pour parvenir à une communauté durable et florissante.
B.L : Oui. Mais prenons l'exemple de Wawa [2]. Ils ont aussi eu des difficultés économiques. Il y a quelques mines dans la région, mais la plus proche a fermé. En 2025, la SGDN a donné 12 millions de dollars à Ignace et lorsque vous traversez la ville, elle ressemble à ce qu'elle était en 2010. Le seul changement visible est que la SGDN a pavé le stationnement du centre commercial, où se trouvent ses bureaux. Les autres bâtiments sont toujours fermés. En revanche, au cours de la même période et sans l'aide financière de la SGDN, Wawa a mis en place une grande usine de myrtilles, ainsi qu'un établissement vinicole. Il y a peu de différences entre Ignace et Wawa. La population est presque la même, les deux villes ont connu l'exploitation minière, elles sont situées sur le même axe de transport, même si Ignace bénéficie d'un meilleur accès au réseau ferroviaire que Wawa. Mais dans l'ensemble, Wawa est allée de l'avant. Wawa a maintenant un grand employeur qui ne dépend pas de l'exploitation minière ou forestière, ce qui est très important pour une ville du nord de l'Ontario.
ÀB ! : Qu'en est-il des autres communautés environnantes ?
B.L : La SGDN s'efforce d'obtenir un accord de bon voisinage avec la ville de Dryden, qui se trouve en aval du site. Il y a beaucoup d'opposition à Dryden, et les résidents s'inquiètent beaucoup de ce que pourrait contenir cet accord. Si le projet se concrétise, Dryden aura une augmentation de la demande de services, les pénuries de logements s'aggraveront, il y aura plus de demande pour les services médicaux, sociaux, etc. La SGDN indique que ses employés déménageront à Ignace. Je ne le crois pas. À Dryden, vous pouvez voir un optométriste et un médecin, votre enfant peut jouer dans une équipe de hockey, il y a des cours de ballet et de musique, et cela n'existe pas à Ignace. Dryden est donc dans une situation difficile, car ils n'ont pas invité la SGDN dans la région, mais ils pourraient bien être coincés avec les impacts. Certaines entreprises de la ville auront plus de clients, elles vendront plus de bois d'œuvre, bien sûr. Mais c'est la ville qui va gérer l'augmentation des services et des pressions sur les infrastructures.
Ensuite, il y a un certain nombre de communautés qui sont beaucoup plus proches du site. Borups Corners, Dyment, Dinorwic, Wabigoon... Mais ce sont tous des territoires non organisés. Certains d'entre eux ont des conseils de service, mais ils n'ont pas d'administration municipale, alors ils sont tout simplement exclus du processus. C'est une autre façon dont cette histoire de communauté d'accueil consentante est trompeuse parce que ces communautés très proches du site ne sont pas seulement en aval, mais elles se trouvent dans le même bassin atmosphérique.
ÀB ! : Quelle est la voie à suivre ?
B.L : La première étape, c'est d'arrêter de produire des déchets nucléaires. Le Québec l'a fait ; l'Ontario pourrait le faire. Des études montrent que la province pourrait faire la transition vers un réseau renouvelable à mesure que des options de stockage deviennent disponibles. Nous ne disons pas qu'il faut fermer tous les réacteurs demain. Nous comprenons qu'il faudra adopter une approche par étapes. En 2023, en Ontario, les deux dernières unités de Pickering (A) ont été fermées. Mais malheureusement, ils prévoient d'en construire davantage. En ce qui concerne les déchets qui se trouvent dans les centrales nucléaires, nous avons besoin d'étendre le stockage sur place, mais avec un système plus robuste, et dans le cas de l'Ontario, de les éloigner des lacs. Et puis se concentrer sur le passage à d'autres sources d'énergie. Le discours actuel sur l'électrique est basé sur de grandes platitudes. Pour répondre à nos besoins énergétiques, nous avons besoin d'une stratégie réfléchie fondée sur les services énergétiques et non sur la source d'énergie.
On dit aux communautés proches des réacteurs que les déchets disparaîtront, mais c'est faux. Il faudra attendre la fin du siècle avant que les déchets ne soient déplacés, même si nous arrêtons de les produire. C'est irresponsable. Nous pourrions éviter de contaminer un autre site comme nous le ferions avec le prochain dépôt en formations géologiques profondes, éviter le risque de transport et rendre les déchets plus sûrs à leur emplacement actuel.
Pour plus d'informations, n'hésitez pas à consulter le site We The Nuclear Free North.
[1] Il y aura également une évaluation fédérale en vertu de la Loi sur l'évaluation d'impact et un processus d'autorisation mené par la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
[2] Wawa est une communauté rurale situé près du lac Supérieur, à 220 kilomètres au nord de Sault-Sainte-Marie
Brennain Lloyd est coordinatrice de projet chez Northwatch.
Photo : Située sur la rive nord du lac Ontario, la centrale nucléaire de Pickering est un excellent exemple d'installation ancienne qui constitue une menace directe pour l'environnement et les communautés locales. Crédit : Jason Paris
The english version of this article is available here.
La réforme de l’augmentation des loyers apaise les grands propriétaires
Liste de candidat·es pro-choix
22 avril, 2025 – La Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN) dévoile la liste des candidat·es qui se sont engagé·es à voter contre tout projet de loi anti-avortement en signant une déclaration d'engagement (voir à l asuite de l'article) .
Tiré de l'infolettre de l'R des Centres de femmes
https://fqpn.qc.ca/article/elections-federales-2025#bas-saint-laurent-01-
Cette initiative s'inscrit dans le cadre de la campagne « Je vote PRO-CHOIX », déployée à travers les 78 circonscriptions au Québec grâce à l'implication de centaines de militantes.
Depuis plusieurs semaines, ces militantes ont contacté les candidat·es dans chaque circonscription afin de leur demander de prendre position clairement : s'engager à voter contre tout projet de loi visant à restreindre le droit à l'avortement.
En date du 24 avril, 113 candidat.es ont signé l'engagement, soit :
41 candidat·es du Bloc Québécois
26 candidat·es du Nouveau Parti Démocratique
24 candidat·es du Parti Libéral du Canada
18 candidat·es du Parti Vert du Canada
1 candidat du Parti Conservateur du Canada
1 candidat Indépendant
1 candidat du Parti Rhinocéros
1 candidate du Parti Marxiste-Léniniste du Canada
Ces candidat·es ont signé la déclaration qui énonce :
« Je m'engage publiquement, durant la campagne électorale fédérale 2025, ainsi qu'après les résultats des élections en tant que députée ou député à la Chambre des communes :
1- À défendre l'accès universel aux services d'avortements ;
2- À voter contre tout projet de loi ou motion qui pourrait restreindre le droit à l'avortement ;
3- À défendre et à maintenir les services d'avortement par médicament ou par instruments, peu importe les oppositions ;
4- À lutter contre toute attaque, intimidation et agression contre les cliniques de soins en santé sexuelle et les personnes ayant recours aux services.
Si je suis élu·e, je m'engage à m'impliquer activement pour la mise en application de ces revendications qui contribuent à défendre les droits collectifs de la population. »
Pour toutes questions sur la liste de candidat.es pro-choix, veuillez communiquer avec Jess Legault, jlegault@fqpn.qc.ca.
BAS-SAINT-LAURENT (01)
Circonscriptions
Côte-du-Sud – Rivière-du-Loup – Kataskomiq – Témiscouata
Diane Sénécal – Bloc Québécois
Rimouski-La Matapédia
Maxime Blanchette-Joncas – Bloc Québécois
Alexander Reford – Parti Libéral du Canada
SAGUENAY-LAC-SAINT-JEAN(02)
Circonscriptions
Chicoutimi-Le Fjord
Raphaël Émond – Nouveau Parti Démocratique
Stéphane Proulx- Parti Libéral du Canada
Jonquière
Lise Garon – Nouveau Parti Démocratique
William Van Tassel – Parti Libéral du Canada
Lac-Saint-Jean
Denis Lemieux – Parti Libéral du Canada
CAPITALE-NATIONALE(03)
Circonscriptions
Beauport-Limoilou
Julie Vignola – Bloc Québécois
Steeve Lavoie – Parti Libéral du Canada
Dalila Elhak – Parti Vert du Canada
Charlesbourg – Haute-Saint-Charles
Bladimir Laborit Infante – Bloc Québécois
Louis-Hébert
Valérie Savard – Bloc Québécois
Louis-Saint-Laurent-Akiawenhrahk
Martin Trudel – Bloc Québécois
Rhode-Malaure Pierre – Parti Libéral du Canada
Montmorency – Charlevoix
Caroline Desbiens – Bloc Québécois
Portneuf – Jacques-Cartier
Christian Hébert – Bloc Québécois
Antonin Leroux – Parti Libéral du Canada
Québec-Centre
Simon Bérubé – Bloc Québécois
Tommy Bureau – Nouveau Parti Démocratique
MAURICIE(04)
Circonscriptions
Saint-Maurice – Champlain
Thierry Bilodeau – Bloc Québécois
Nathalie Garceau – Nouveau Parti Démocratique
Marie-Claude Gaudet – Parti Vert du Canada
Jean-Pierre Fraser – Parti Rhinocéros
Trois-Rivières
Yves Lévesque – Parti Conservateur du Canada
Caroline Desrochers – Parti Libéral du Canada
David Turcotte – Parti Vert du Canada
ESTRIE(05)
Circonscriptions
Brome-Missisquoi
Joanne Brouard – Nouveau Parti Démocratique
Michelle Corcos – Parti Vert du Canada
Compton-Standstead
Nathalie Bresse – Bloc Québécois
Marianne Dandurand – Parti Libéral du Canada
Mégantic – L'Érable-Lotbinière
Gabriel D'Astous – Nouveau Parti Démocratique
Richmond-Arthabaska
AUCUNE SIGNATURE
Shefford
Andréanne Larouche – Bloc Québécois
Patrick Jasmin – Nouveau Parti Démocratique
Audrey-Ann Turcot-Brochu – Parti Vert du Canada
Sherbrooke
Jean-Pierre Fortier – Nouveau Parti Démocratique
Élisabeth Brière – Parti Libéral du Canada
Kevin McKenna – Parti Vert du Canada
MONTRÉAL(06)
Circonscriptions
Ahuntsic-Cartierville
Nabila Ben Youssef – Bloc Québécois
Bourassa
AUCUNE SIGNATURE
Dorval-Lachine-Lasalle
AUCUNE SIGNATURE
Hochelaga – Rosemont-Est
Rose Lessard – Bloc Québécois
Marie-Gabrielle Ménard – Parti Libéral du Canada
Jacob Pirro – Parti Vert du Canada
Honoré-Mercier
AUCUNE SIGNATURE
La Pointe-de-l'Île
Geneviève Royer – Parti Marxiste-Léniniste du Canada
LaSalle – Émard – Verdun
Louis-Philippe Sauvé – Bloc Québécois
Craig Sauvé – Nouveau Parti Démocratique
Bisma Ansari – Parti Vert du Canada
Lac-Saint-Louis
Tommy Fournier – Bloc Québécois
Gregory Evdokias – Nouveau Parti Démocratique
Raymond Frizzell – Parti Vert du Canada
Laurier – Sainte-Marie
Nimâ Machouf – Nouveau Parti Démocratique
Mont-Royal
AUCUNE SIGNATURE
Notre-Dame-de-Grâce – Westmount
Félix-Antoine Brault – Bloc Québécois
Malcolm Lewis-Richmond – Nouveau Parti Démocratique
Arnold Downey – Parti Vert du Canada
Outremont
Ève Péclet – Nouveau Parti Démocratique
Jonathan Pedneault – Parti Vert du Canada
Papineau
Marjorie Michel – Parti Libéral du Canada
Pierrefonds – Dollard
Katrina Archambault – Bloc Québécois
Rosemont – La Petite-Patrie
Alexandre Boulerice – Nouveau Parti Démocratique
Benoît Mortham – Parti Vert du Canada
Saint-Laurent
AUCUNE SIGNATURE
Saint-Léonard – Saint-Michel
Laurie Lelacheur – Bloc Québécois
Ville-Marie – Le Sud-Ouest – Île-des-Soeurs
Kevin Majaducon – Bloc Québécois
OUTAOUAIS(07)
Circonscriptions
Argenteuil – La Petite-Nation
Michel Welt – Nouveau Parti Démocratique
Bertha Fuchsman-Small – Parti Vert du Canada
Gatineau
Richard Nadeau – Bloc Québécois
Hull – Aylmer
Pascale Matecki – Nouveau Parti Démocratique
Pontiac-Kitigan Zibi
AUCUNE SIGNATURE
ABITIBI-TÉMISCAMINGUE(08)
Circonscriptions
Abitibi – Témiscamingue
Sébastien Lemire – Bloc Québécois
CÔTE-NORD(09)
Circonscriptions
Côte-Nord – Kawawachikamach – Nitassinan
Marilène Gill – Bloc Québécois
Marika Lalime – Nouveau Parti Démocratique
Kevin Coutu – Parti Libéral du Canada
NORD-DU-QUÉBEC(10)
Circonscriptions
Abitibi – Baie-James – Nunavik – Eeyou
AUCUNE SIGNATURE
GASPÉSIE-ÎLES-DE-LA-MADELEINE(11)
Circonscriptions
Gaspésie – Les Îles-de-la-Madeleine – Listuguj
Diane Lebouthillier – Parti Libéral du Canada
CHAUDIÈRE-APPALACHES(12)
Circonscriptions
Beauce
Gaétan Mathieu – Bloc Québécois
Annabelle Lafond-Poirier – Nouveau Parti Démocratique
Bellechasse – Les Etchemins – Lévis
Gaby Breton – Bloc Québécois
Marie-Philippe Gagnon-Gauthier – Nouveau Parti Démocratique
Glenn O'Farrell – Parti Libéral du Canada
Lévis – Lotbinière
Pierre Julien – Bloc Québécois
Ghislain Daigle – Parti Libéral du Canada
LAVAL(13)
Circonscriptions
Alfred-Pellan
AUCUNE SIGNATURE
Laval – Les Îles
Étienne Loiselle-Schiettekatte – Nouveau Parti Démocratique
Marc-Aurèle-Fortin
AUCUNE SIGNATURE
Vimy
AUCUNE SIGNATURE
LANAUDIÈRE(14)
Circonscriptions
Berthier—Maskinongé
Yves Perron – Bloc Québécois
Ruth Ellen Brosseau – Nouveau Parti Démocratique
Joliette-Manawan
Gabriel Ste-Marie – Bloc Québécois
Marc Allaire – Parti Libéral du Canada
Erica Poirier – Parti Vert du Canada
Montcalm
Luc Thériault – Bloc Québécois
Repentigny
Patrick Bonin – Bloc Québécois
Pierre Richard Thomas – Parti Libéral du Canada
Ednal Marc – Indépendant
Terrebonne
Nathalie Sinclair-Desgagné – Bloc Québécois
Maxime Beaudoin – Nouveau Parti Démocratique
LAURENTIDES(15)
Circonscriptions
Laurentides – Labelle
Michel Le Comte – Parti Vert du Canada
Les Pays-d'en-Haut
Ariane Charbonneau – Bloc Québécois
Mirabel
Albert Batten – Nouveau Parti Démocratique
Rivière-des-Mille-Îles
AUCUNE SIGNATURE
Rivière-du-Nord
AUCUNE SIGNATURE
Thérèse-De Blainville
AUCUNE SIGNATURE
MONTÉRÉGIE(16)
Circonscriptions
Beauharnois – Salaberry – Soulanges – Huntingdon
Claude DeBellefeuille – Bloc Québécois
Tyler Jones – Nouveau Parti Démocratique
Miguel Perras – Parti Libéral du Canada
Kristian Solarik – Parti Vert du Canada
Beloeil – Chambly
Marie-Josée Béliveau – Nouveau Parti Démocratique
Brossard – Saint-Lambert
AUCUNE SIGNATURE
Châteauguay – Les Jardins-de-Napierville
AUCUNE SIGNATURE
La Prairie-Atateken
Jacques Ramsay – Parti Libéral du Canada
Longueuil – Charles-LeMoyne
Beritan Oerde – Bloc Québécois
Sherry Romanado – Parti Libéral du Canada
Longueuil – Saint-Hubert
Denis Trudel – Bloc Québécois
Nesrine Benhadj – Nouveau Parti Démocratique
Natilien Joseph – Parti Libéral du Canada
Mont-Saint-Bruno-L'Acadie
Noémie Rouillard – Bloc Québécois
Pierre-Boucher – Les Patriotes – Verchères
Xavier Barsalou-Duval – Bloc Québécois
Saint-Hyacinthe – Bagot – Acton
Simon-Pierre Savard-Tremblay – Bloc Québécois
Mélanie Bédard – Parti Libéral du Canada
Saint-Jean
Christine Normandin – Bloc Québécois
Vincent Piette – Parti Vert du Canada
Vaudreuil
Christopher Massé – Bloc Québécois
CENTRE-DU-QUÉBEC(17)
Circonscriptions
Bécancour – Nicolet – Saurel-Alnôbak
Pierre Tousignant – Parti Libéral du Canada
Yanick Lapierre – Parti Vert du Canada
Drummond
Martin Champoux – Bloc Québécois
*****
Déclaration d'engagement des candidates et candidats aux élections fédérales
➔ Considérant le recul des droits des femmes en matière d'autonomie corporelle dans le
contexte politique international actuel ;
➔ Considérant que les femmes, les hommes trans, les personnes non-binaires et
bispirituelles ont le droit inaliénable de disposer de leurs corps, d'avoir ou non des
enfants, d'en déterminer le nombre et le moment, d'avoir à leur disposition les moyens
efficaces, sécuritaires et adéquats pour y parvenir ;
➔ Considérant que les femmes, les hommes trans, les personnes non-binaires et
bispirituelles ont le droit d'avoir accès à des services complets, de qualité et gratuits
en contraception, avortement, planning et sexualité ;
➔ Considérant l'importance du respect du choix libre et éclairé des femmes concernant
la contraception, l'avortement, le planning et la sexualité ;
➔ Considérant que toutes les personnes vivant au Canada ont droit à la sécurité et la
dignité :
Je m'engage publiquement, durant la campagne électorale fédérale 2025, ainsi qu'après les
résultats des élections en tant que députée ou député à la Chambre des communes :
1- À défendre l'accès universel aux services d'avortements ;
2- À voter contre tout projet de loi ou motion qui pourrait restreindre le droit à l'avortement ;
3- À défendre et à maintenir les services d'avortement par médicament ou par instruments,
peu importe les oppositions ;
4- À lutter contre toute attaque, intimidation et agression contre les cliniques de soins en
santé sexuelle et les personnes ayant recours aux services.
Si je suis élu·e, je m'engage à m'impliquer activement pour la mise en application de ces
revendications qui contribuent à défendre les droits collectifs de la population.
Nom
Circonscription
Signature
Parti politique
La Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN) est un regroupement féministe de défense de droits et d'éducation populaire en matière de santé sexuelle et reproductive.
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Déclaration du CNC en réaction au dévoilement de la plateforme conservatrice

Montréal, le 22 avril 2025 – Déclaration de Selma Lavoie et Milan Bernard, co-porte-paroles du Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC) :
« À moins d'une semaine de la fin de la campagne, alors que plus de deux millions de personnes ont déjà voté par anticipation, le chef conservateur Pierre Poilievre a enfin dévoilé la plateforme de son parti.
Il n'y a pratiquement rien sur l'assurance-emploi, si ce n'est que mesures pro-patronales de formation. Néanmoins, on peut dire que nous connaissons bien ses positions en la matière. En effet, Pierre Poilievre ne peut renier sa virulente opposition au programme d'assurance-emploi, lui qui considérait, en 2009[1], en pleine crise économique, et en 2016[2], qu'améliorer l'admissibilité de l'assurance-emploi conduirait à « une augmentation permanente du chômage ». Ce n'est pas tout, en pleine pandémie[3], il disait que les programmes d'aide sont une façon pour le gouvernement de « payer les gens pour ne pas travailler ». Partisan de l'ignoble contre-réforme de Stephen Harper, il a déclaré que moins de gouvernement permettait aux citoyens de s'entraider et que le meilleur programme social était un emploi.[4]Il semble ainsi favoriser un modèle où le filet social est réduit au minimum. Une ancienne députée l'avait même déjà ciblé comme étant rien de moins qu'un blocage à l'amélioration du programme ![5]
D'autres questions importantes se posent. Si les Conservateurs sont portés au pouvoir, est-ce qu'ils vont « pacter » les postes des nouveaux tribunaux de l'assurance-emploi avec des nominations partisanes suivant la méthode Harper ? Est-ce qu'ils vont réduire le budget de l'assurance-emploi pour faire plaisir aux lobbys patronaux ? Que feront-ils pour les travailleurs et travailleuses affectés par les conséquences de la guerre commerciale, des menaces américaines et de l'incertitude politique et économique généralisée ?
Le NPD, le Bloc Québécois et les Verts s'affichent clairement, dans leurs plateformes et leurs engagements, pour une réforme globale de l'assurance-emploi et un élargissement de la couverture. Du côté libéral, le parti s'engage à « renforcer le filet social » et à « travailler pour que l'assurance-emploi soit mieux adapté aux réalités modernes du travail en offrant un soutien flexible et fiable ». Il conserve ainsi son orientation des dernières années, qu'il devra toutefois clarifier et surtout mettre en œuvre le plus rapidement possible s'il est reporté au pouvoir.
Les positions de ces partis font en sorte qu'il est pratiquement certain qu'une majorité de citoyens et de citoyennes soutienne des partis en faveur de l'amélioration de l'assurance-emploi. Avec l'appui de la société civile et des experts de différents horizons, après plusieurs rondes de consultations et des engagements répétés, il sera le temps d'agir. Cela sera toutefois impossible avec un gouvernement conservateur. »
Le CNC en campagne !
Avec le slogan, « QUAND LA MENACE PLANE, ÇA PREND UNE VRAIE ASSURANCE-EMPLOI ! », le CNC a voulu faire de l'assurance-emploi un enjeu important de l'élection. Dans cet objectif, il s'est inscrit comme « tiers » auprès d'Élections Canada, et a déployé en ce moment sur l'ensemble du territoire québécois des milliers de pancartes de type électoral et une large panoplie d'outils de communication en ligne.
Pour en savoir plus : www.lecnc.com/pensezy<http://www.lecnc.com/pensezy>
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Déclaration de la Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes

Cette vidéo a été filmé le 24 avril à Québec par le Regroupement des groupes de Femmes de Québec comme action de visibilité pour souligner le 24 avril
24 avril 2025
Le 24 avril 2013, l'effondrement du Rana Plaza au Bangladesh a tué plus de 1 100 personnes, majoritairement des femmes, en a blessé des milliers d'autres et mis en lumière les conditions de travail inhumaines imposées par les grandes entreprises transnationales.
Cette tragédie nous rappelle que les femmes subissent de plein fouet les effets d'un modèle économique archaïque qui place le profit au-dessus de toute considération humaine et de l'environnement. Ce système engendre des violences systémiques : exploitation de la main-d'œuvre, destruction des écosystèmes, violation des droits fondamentaux.
Chaque 24 avril, la Journée de solidarité féministe contre les entreprises transnationales est l'occasion de dénoncer ces injustices, en mémoire des personnes décédées au Rana Plaza.
Au Québec, les militantes de la Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes (CQMMF) rappellent que ces violences perdurent, sous diverses formes : conditions de travail précaires, accaparement des ressources, pollution des territoires — particulièrement ceux des communautés autochtones — et absence de reddition de comptes des grandes entreprises.
Les femmes sont en première ligne des crises environnementales en subissant les conséquences de manière disproportionnée. C'est pourquoi notre féminisme est résolument écologique. Nous exigeons un environnement sain, une justice climatique et sociale, ainsi qu'une transition juste qui respecte les droits de toutes et de tous, sans laisser personne derrière.
Dans le contexte actuel de campagne électorale fédérale, nous lançons un appel urgent à toutes et tous : où sont les engagements en matière de justice environnementale et sociale ? Alors que la planète vit une crise climatique sans précédent, les enjeux environnementaux sont relégués aux marges du débat, noyés dans les discours sur les baisses de taxes, l'inflation, les tarifs et surtout d'une relance économique qui oblitère les mises en garde scientifiques sur l'exploitation de nos ressources et qui, à terme, exacerbera les crises sociales et environnementales.
Une relance économique où la tarification du carbone recule, avec son abolition envisagée pour les consommateurs, et même la possibilité d'éliminer le prix du carbone pour l'industrie, favorisant ainsi les grands pollueurs. Une relance économique où les projets pétroliers et gaziers refont surface. Une relance économique où les cibles climatiques sont floues ou carrément absentes, et où l'on semble refuser de reconnaître, consciemment ou inconsciemment, la responsabilité humaine dans les changements climatiques, et ce, allant jusqu'à proposer le retrait du Canada de l'Accord de Paris.
Nous exigeons que nos choix d'une société respectueuse et nos valeurs féministes soient pris au sérieux et que l'on cesse la promotion d'un développement économique qui exploite le travail des femmes et l'environnement. Cela implique de dire non à l'exploration et l'exploitation pétrolière et gazière sur le territoire québécois. Cela implique aussi de mettre fin aux subventions des énergies fossiles, encore défendu directement ou indirectement par l'inaction. Cela implique de penser à l'avenir avec un projet et une vision de société digne pour les prochaines générations.
Et cette lutte prendra la rue. Le 18 octobre prochain, lors de la 6e action de la Marche mondiale des femmes 2025, des milliers de féministes marcheront dans les rues de Québec -et partout dans le monde- pour dénoncer tous les enjeux qui touchent les femmes : le droit des femmes de vivre en paix et en sécurité, l'accès aux services publics gratuits et de qualité, le droit de décider pour nous-mêmes, un revenu décent et des conditions de travail sécuritaires, un environnement sain.
À toutes les électrices et tous les électeurs : interrogez les partis, lisez leurs plateformes, posez des questions. Refusez le silence. Notre avenir, et celui de nos enfants en dépend.
Et à toutes les femmes du monde qui luttent encore pour leur dignité et leurs droits : vous n'êtes pas seules.
En solidarité,
Julie Antoine, Coalition féministe contre la violence envers les femmes et porte-parole de la Marche mondiale des femmes 2025 au Québec
Emilia Castro du Regroupement des groupes de femmes de la Capitale-Nationale et porte-parole de la Marche mondiale des femmes 2025 au Québec
Pénélope Guay, Maison communautaire Missinak et porte-parole de la Marche mondiale des femmes 2025 au Québec
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Liberate the North from nuclear waste

As northwestern Ontario is currently being considered to host all of Canada's current and future nuclear fuel waste, local citizens and groups, including First Nations, have formed We the Nuclear Free North (WTNFN) to oppose the transport, burial and abandonment of radioactive waste in northern watersheds. À Bâbord ! met one of their members, Brennain Lloyd, Project Coordinator at Northwatch. Interview by Louise Nachet.
L'article est disponible en français ici.
À Bâbord ! : Why and how was this coalition formed ?
Brennain Lloyd : In the Fall of 2020 there was a conversation among people who were newly organizing around nuclear waste management with organizations who had been long working on it like Northwatch, Environment North, or Citizens United for a Sustainable Planet. We reached out, we held a networking meeting, and those who were interested founded WTNFN.
A lot of the focus on the last years over transportation and burial has been on Northwestern Ontario. But initially the Nuclear Waste Management Organization (NWMO) investigated 13 different areas, mostly in northern Ontario, with four in the northwest and nine in the northeast. But they shortlisted in 2020 to just one site in northwestern Ontario and one site in southwestern Ontario. So, we tend to talk about it in terms of Northwestern Ontario, because that's where the NWMO's candidate site is. But the transportation impacts will be greater in the northeast, in terms of kilometres travelled.
ÀB ! : Could you describe Northern Ontario's relationship with the issue of waste and pollution ?
B.L : By provincial law, there are different environmental standards for Northern Ontario than for Southern Ontario. The government uses the French river as the dividing line. A few years ago, there was an improvement in the air quality regulations. Cameco is a uranium company who operates a mine in Saskatchewan and owns a refinery in Blind River (in the north) and a conversion and fuel manufacturing facility in Port Hope (in the south). Rather than meet those new standards, Cameco closed their incinerator in Port Hope and began sending their waste by truck to Blind River. It's an example of how Northern Ontario bears the double burden. We have lower standards, so we're less protected by law and companies in Southern Ontario send their waste to our region.
We also have a long history of companies looking for waste disposal sites in Northern Ontario for PCBs, medical waste, low-level and high-level radioactive waste. For solid waste (i.e. household, commercial and industrial garbage), we had a 14-year fight against the city of Toronto dumping in a site in Temiskaming district. On radioactive waste, it began in the 1970s when Atomic Energy of Canada Limited did their first site search for a site for the burial of all of Canada's high-level waste. Until the 1990s, the assumption was that it would go to Northern Ontario. We were depicted as being a remote and wild place, as if that is makes us available for the disposal of these wastes. There was also a separate process for the dumping of low-level waste that was located at Port Hope and Port Granby into Northern Ontario. 19 communities were investigated, and in the end all of them rejected it.
Then the NWMO is created in 2002, and they began the whole exercise again. In 2010, they launched their site investigation. The approach that the NWMO took in soliciting that interest was they went to municipal conferences and economic development conferences for Northern Ontario municipalities, and they pitched it. “Are you interested in learning how your community could benefit from a 16 to 24 billion dollars national infrastructure project ?”. They didn't highlight that it was 50 years of having nuclear waste transported to and then buried in your community and the wastes being lethal into perpetuity. 13 communities in Northern Ontario said they would like to “learn more”. They were almost without exception communities that were in economic difficulty, in most cases the mill or the mine had gone out and they were having a lot of trouble paying their bills. So Northern Ontario got drawn in this most recent round through the economic disparities and difficulties that those boom-and-bust towns experience which isn't different from some towns in Quebec and New Brunswick.
ÀB ! : What are the main issues regarding Indigenous people and the NWMO ?
B.L : We have a lot of indigenous people participating in and directing the alliance, but we don't speak for indigenous people, they speak for themselves and for their communities.
In November 28, the NWMO announced that it had selected a deep geological repository site between Ignace and Dryden, right in the heart of Treaty 3 territory. There are some tensions because Wabigoon Lake Ojibwe Nation (WLON) is the community immediately downstream from the site and the closest to the site. And it is that First Nation that the NWMO has focused on and has deemed to be the host community. But there are many other First Nations who also have traditional land uses in that area and so their treaty rights need to be upheld too. While the NWMO has approached many of them and has provided some funding to some of them through this “learn-more” agreement so that the communities could learn about the project and respond to it, none of the communities have expressed any support for the project, including WLON. The NWMO has been saying for more than 10 years that they will only proceed if they have an informed and willing host community, and there must be a compelling demonstration of willingness made by that host community but never clarified what that was. What WLON has said is, they are willing to proceed to the next step of site investigation, and they will undertake their own review assessment and approval process [1]. Their vote to move to the next step is not an expression of support for the project.
So, in terms of free prior and informed consent, which is necessary under the United Nations Declaration on the Rights of Indigenous Peoples, it's not there, not even in the case of Wabigoon Lake Ojibwe Nation. But the opposite is there in the case of the other 27 First Nations in Treaty 3. And Eagle Lake First Nation which is the next community downstream, have actually initiated legal action because they say that they should have been considered as a host community able to say yes or no.
ÀB ! : What have been the challenges through your campaign ?
B.L : The biggest challenge is that we are so seriously out resourced by the nuclear industry. The NWMO has many full-time staff in multiple locations in Ontario. They are constantly in funding mode. For example, Ignace is a community which they consider to be the host community. We disagree with it as Ignace is 45 kilometers east of the site. They're in a different watershed, but they were desperate. You know, there's a couple of motels and gas stations, a tavern, couple of convenience stores, but there's no actual industry other than those service jobs or the school. They had a mine decades ago and they've never recovered from the mine closure. So, they're stuck in this mode of waiting for the next mine. They think that the NWMO project is going to make it like it was when the Matabbi Mine was open and operating. But this project is not going to do that.
Then, there are certain people who are employees or former employees of the nuclear industry running very negative attack campaigns online. So, when local people ask a question or express an opinion online, they are attacked. It's social media at its worst. There's no local newspaper in Ignace or Dryden so social media is a main communication tool.
When we went door to door, we didn't ask whether they support or oppose the project. We ask people whether they felt they were getting enough independent information about the project and the proponent, and who they thought should make the decision. Overwhelmingly, even the people who told us that they support the project, people said there should be a referendum.
Around 2021, Ignace hired some consultants who have worked for the nuclear industry for decades and they had tables at vaccination clinics during covid and distributed a survey that had a very low response rate and came to the conclusion that the residents wanted council to make the decision on nuclear waste coming to the region. Different consultants came in. In 2023 the town hired a different group of consultants who held events, fun nights at the tavern and such, Mayor's breakfast at the senior center, did some interview and made an online poll. The question wasn't “do you support nuclear waste being truck to your town and buried 45 kilometers down the road ?”. The question was “do you support Ignace continuing the NWMO process ?”. And for the people of Ignace that means continuing to get funding. So, the majority of people who participated in the poll said, yes. It was not the majority of people in Ignace. And it was not a clear question about support for the NWMO project. But that's how Ignace came to declare that they were willing. And then Ignace went to sign the hosting agreement which commits them to supporting the project into perpetuity. Even if the project changes, they have to support the project. Ignace is locked in.
ÀB ! : It can be very difficult for towns who lost prosperity with mine or mill closure. Extractive industries often deeply transform local culture and expectations of what is possible to achieve a sustainable and thriving community.
B.L : Yes. But if you take for instance, Wawa [2]. They had economic difficulties, there are some mines in the area, but the most local one had closed. Here we are, 2025, NWMO has given 12 million dollars to Ignace and when you drive through Ignace it looks just the same as it did in 2010. The only visible change is NWMO paved the parking lot of the mall, where their offices are. Other buildings are still closed. On the other hand, in the same period of time and without NWMO money, Wawa has started a huge blueberry facility, including a winery. There are few differences between Ignace and Wawa. The population is almost the same size, they were both post-mine communities, they're both on the same transportation route even though Ignace has better rail access than Wawa does. But overall, Wawa has moved forward. Wawa now got a large employer which is not dependent on mining or forestry, which for a Northern Ontario town it really important.
ÀB ! : How about the other surrounding communities ?
B.L : NWMO are working to get what they call a significant neighbor agreement with the city of Dryden, which is downstream from the site. There is a lot of opposition in Dryden, and there's a lot of concern from Dryden residents about what might be in that agreement. If the project goes through, Dryden will have an increase in demand for services, their housing shortages will worsen, there will be more demand for you know all the basic services, like medical services, social services, and so on. NWMO says their employees will move to Ignace. I don't believe that. In Dryden you can get an optometrist and a doctor, and your kid can play on a hockey team, there's music lessons, and that doesn't exist in Ignace. So, Dryden is in a tough spot, because they didn't invite NWMO in the area, but they could be stuck with the impacts. Some of the businesses in town will have more customers, they'll sell more lumber, sure. But it's the city that's going to manage the increase in services and infrastructure strains.
Then there are a number of communities that are much closer to the site. Borups Corners, Dyment, Dinorwic, Wabigoon… But they are all unorganized townships. Some of them have service boards but they don't have municipal government, so they're just shut out of the process. It's another way that this willing host story is misleading because those communities very close to the site are not only downstream, but they're in the same air shed.
ÀB ! : What's the way forward ?
B.L : The first step is we need to stop producing the waste. We need to make that shift. Quebec has done that ; Ontario could do that. There are studies showing that Ontario could make the transition to a renewable grid as storage options become available. We're not saying shut down all the reactors tomorrow. We understand that it will have to be a phased approach. In 2023 in Ontario, the two last units of Pickering (A) were shut down. But unfortunately, they're planning to build more. Most immediately about the waste that's at the reactor stations, we need extended on-site storage but with a more robust storage system, and in the reactors on Lake Ontario's case (Pickering and Darlington) the waste has to be moved back from the lake shore. And then focus on moving to different energy sources. The current push on electric is based on large platitudes. We need a thoughtful strategy to meet our energy needs that's based on energy services, not on energy source.
The reactors communities are being told the waste will go away but the waste will not go away. It's going to be the end of the century till the waste is moved, even if we stop producing it. That's irresponsible. We could avoid contaminating another site as we would with the deep geological repository, avoid the risk of transportation, and make the waste more secure in its current location.
For more information, feel free to consult the website of We the Nuclear Free North
[1] There will be also a Federal assessment under the Impact Assessment Act and a licensing process carried out by the Canadian Nuclear Safety Commission.
[2] Wawa is a rural community located near Lake Superior, 220 kilometers north of Sault-Sainte-Marie.
Photo : Located on the north shore of Lake Ontario, the Pickering nuclear power plant is an excellent example of an old facility that poses a direct threat to the environment and local communities. Credit : Jason Paris
La version française de cet article est disponible dans notre numéro 103.
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Employabilité
Plusieurs organismes en employabilité, c'est à dire des organismes qui aident des personnes souvent pauvres, marginalisées et moins instruites à reprendre leur place dans la société et au travail sont menacées de fermetures dans le contexte des coupures actuelles du gouvernement Legault. J'ai moi-même travaillé pendant des années comme conseiller en employabilité dans ces organismes et j'y ai vécu beaucoup de beaux moments à aider ces personnes à reprendre leur dignité et leur place dans la société, et ces mêmes personnes courageuses et persévérantes m'ont beaucoup apporté en retour à travers toutes ces années. Dans un organisme communautaire comme ceux menacés actuellement ces gens pouvaient retrouver un accueil chaleureux, une belle écoute et un soutien indéfectible malgré les nombreux obstacles sur leur route. Rare étaient les personnes pour qui j'étais amené après 6 mois d'intervention à dire à leur agent d'aide sociale qu'il n'y avait rien à faire.
Pensons un instants aux conséquences de cette approche d'austérité budgétaire sur ces personnes dont certains,nes risquent de grossir les rangs des décrocheurs,cheuses itinérants,es montant leur tente sur le rue Notre-Dame n'étant plus en mesure de payer leur loyer et de subvenir à leurs besoins. Pour Monsieur Legault et ses acolytes ces personnes ne sont pas rentables et il ne vaut plus la peine ‘' d'investir ‘' dans ces gens qui ne seront pas assez vite des travailleurs,euses, consommateurs,trices et payeurs,euses d'impôt. Mieux vaut selon les calculs de nos hommes d'affaires et banquiers au pouvoir verser un maigre chèque d'aide sociale à ces gens pour sauver l'image que de les aider à remonter la pente. Imaginez également le coût des soins de santé qu'il sera nécessaire de prodiguer à ces personnes de plus en plus isolées dan leur peine et leur misère. Je pleure sur leur sort dans un monde déshumanisé où seul compte le ‘' cash ‘' et le pouvoir qu'il procure et de voir voler en éclat tout ce que nous avons construit collectivement au Québec depuis des décennies et que nous aurions voulu laisser aux générations qui nous suivent. Et pourtant ce n'est pas l'argent qui manque au Québec mais d'identifier les grosses poches dans lesquelles elle se trouve et d'aller fouiller dedans au nom du bien collectif pour mieux prendre soin les uns des autres.
Yves Chartrand
Intervenant en employabilité retraité
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Pour tuer les démocraties, les autocrates s’attaquent d’abord au journalisme

Encouragés par l'administration Trump, les autocrates du monde entier intensifient leurs attaques contre le journalisme, ciblant son essence même. Tel fut le thème central du plus grand rassemblement européen à Pérouse, où l'on s'est penché sur les moyens de contrer les conséquences des « techno-oligarques » agissant comme leurs complices — une « coalition toxique des volontaires ».
Tiré du blogue de l'auteur.
« Salut, bienvenue au club ! » Cette phrase d'accueil récurrente résonnait chaque fois qu'un collègue, venu de n'importe quel coin du monde, rencontrait un journaliste américain. Elle reflétait inévitablement l'ambiance mondiale de bouleversement, perceptible de multiples façons lors du très fréquenté Festival international du journalisme — le plus grand événement public indépendant en Europe. Le thème central était, comme l'a exprimé un journaliste ukrainien, « un niveau multiplié de menaces existentielles pour notre profession à l'échelle mondiale ».
Chaque année, au moins 500 intervenants participent à ce rassemblement à Pérouse, qui ouvre ses magnifiques espaces médiévaux à des discussions modernes et des échanges de haut niveau lors de plus de 200 sessions, réunissant des journalistes du monde entier, y compris des lauréats du prix Nobel, du Pulitzer et du Prix Européen de la Presse (EPP), des bailleurs de fonds — et un large public qui y assiste librement. Comme lors des éditions précédentes, aucun sujet crucial ou sensible n'a été laissé de côté, notamment Gaza, mais bien d'autres encore.
Durant ces quatre jours intenses, à courir d'un panel à l'autre, on ne pouvait qu'éprouver le sombre climat ayant pris le journalisme en otage.
Ainsi, le thème central : des menaces à plusieurs niveaux contre l'épine dorsale du journalisme indépendant, à travers des « fiefs technologiques », des « broligarches » et des autocraties occupées à construire des réseaux. Des collègues américains nous ont rejoints en exprimant des préoccupations qui nous occupaient depuis plus d'une décennie, « rejoignant le club ».
Il n'était pas surprenant de voir une figure éminente de la lutte mondiale pour les droits de l'homme intervenir lors de certaines sessions, s'exprimant haut et fort, lançant des alertes à tous les participants. Il s'agissait de Ken Roth, l'ancien directeur de Human Rights Watch, qu'il a dirigé pendant trois décennies, et auteur d'un livre récemment publié, « Righting Wrongs ».
Alors que nous nous rencontrions entre deux panels, il m'expliqua : « Les autocrates comprennent que la clé de leurs efforts pour saper les freins et contrepoids est de s'en prendre aux médias. » « Nous le voyons dans des pays comme l'Inde ou la Turquie, mais en général, nous constatons maintenant que la défense du journalisme est une défense de la démocratie dans le monde entier. »
« Nous sommes dans un moment de crise, où le journalisme dans son ensemble est menacé », m'a confié Jodie Ginsberg, directrice du Comité pour la protection des journalistes (CPJ). « Il n'est plus seulement menacé dans les autocraties, mais aussi désormais dans les grandes démocraties. Nous devons travailler ensemble pour riposter. »
Patricia Campos Mello, journaliste éminente du Folha de São Paulo, qui a été récemment sévèrement ciblée par le régime Bolsonaro, a acquiescé :
« Nous nous préparons tous à un impact mondial. Ce qui se passe aux États-Unis aura des répercussions dans tous nos pays. Oui, certains pays comme l'Inde et la Turquie subissent une 'autocratisation', mais les risques n'ont pas disparu, par exemple, au Brésil ou ailleurs. Le besoin est donc plus grand pour un reportage précis et équitable, plutôt que pour un espace disproportionné accordé aux batailles d'opinion. »
L'épreuve causée par les autocrates a été un sujet revisité. Lors d'un panel spécial, j'ai mis en lumière la « nouvelle norme » en développement, basée sur le nouveau livre d'Anne Applebaum, « Autocracy Inc. », selon lequel les autocrates enhardis non seulement attaquent les journalistes ou les salles de rédaction, mais intimident également les gouvernements démocratiques pour qu'ils ne financent plus le journalisme indépendant dans leurs pays ou les journalistes qu'ils ont forcés à l'exil.
Ma collègue exilée d'Azerbaïdjan, Arzu Geybulla, a confirmé cela en lançant un avertissement à l'audience : « Les défis se multiplient à toute vitesse », a-t-elle déclaré. « Tout ce que nous savions change rapidement. Nos défenses ne sont plus suffisantes pour atténuer les risques. Nous avons besoin de tout le soutien possible. »
Nous avons appris de Steffan Lindberg de l'Institut V-Dem que trois personnes sur quatre dans le monde vivent dans des pays qui ne sont pas démocratiques. Cela représente un total de 72 % des personnes vivant aujourd'hui sous des régimes autocratiques, contre 49 % en 2004. Selon Lindberg, la liberté des médias a été attaquée et sapée dans 44 pays au cours des 10 dernières années.
Lors d'une session extrêmement émouvante, le public a rencontré Alsu Kurmasheva, journaliste à Radio Free Europe/Radio Liberty, qui a été emprisonnée en Russie pendant neuf mois et libérée grâce à un échange spécial l'année dernière. Accompagnée de l'avocat expert dans des affaires internationales similaires, Can Yeginsu, elle a raconté en détail les conditions horribles qu'elle a endurées dans une prison russe, son calvaire entre espoir et désespoir, et le moment où elle a retrouvé la liberté, partageant avec nous les instantanés de la joyeuse réunion avec sa famille.
À ce moment-là, Can Yeginsu pleurait. Dans la salle, quelques personnes aussi. Cette session a déclenché un élan de réflexions et de conversations autour de celles et ceux qui restent emprisonnés. Au fil des jours du festival, un nom est revenu à plusieurs reprises dans les échanges : celui de Joakim Medin, journaliste suédois·e du journal ETC, récemment emprisonné·e en Turquie dès son arrivée, venu·e couvrir les récentes manifestations.
Un autre sujet brûlant a surgi : la prolifération des lois dites sur les « agents étrangers », un instrument de plus en plus utilisé pour criminaliser le journalisme. Yeginsu a partagé quelques pistes nouvelles pour y faire face : « La Turquie a présenté un projet de loi très sophistiqué sur les agents étrangers en octobre 2024, puis l'a retiré en novembre. Si vous êtes responsable de l'économie d'un pays qui cherche à attirer des investissements directs étrangers, présenter une loi de ce type ne vous aide pas. Les pays à économie ouverte commencent à comprendre que ce genre de législation a un coût. Alors, allez voir les ministères des finances. Je ne dis pas que cela marchera à chaque fois, mais vous seriez surpris », a-t-il lancé.
Plus tard, autour d'un dîner, j'ai retrouvé un groupe de collègues venus de Palestine et d'Égypte. L'atmosphère était morose. Les médias indépendants égyptiens subissent de plein fouet les réductions de financement initiées sous l'administration Trump.
Lorsque j'ai échangé avec Muamar Orabi, rédacteur en chef expérimenté et prolifique basé à Ramallah, sa voix transpirait le désespoir.
« Les organisations internationales punissent sévèrement le journalisme en Palestine, m'a-t-il confié. Notre principal soutien financier, la SIDA (agence de développement suédoise), a mis fin à son aide, tout comme les Américains. Depuis des mois, nous sommes au point zéro, financièrement. Comment le monde peut-il s'attendre à ce que je — que nous — fassions notre travail dans de telles conditions ? »
Peter Erdelyi, un confrère hongrois, a estimé que près de 50 % du financement public mondial a disparu. Une réalité qui pousse à une remise en question profonde des modèles économiques du journalisme, et à rebâtir, plus que jamais, une relation de confiance avec les lecteurs.
Ce soir-là, j'ai rencontré Yuval Abraham, journaliste israélien, rédacteur du site critique +972 et co-réalisateur du film oscarisé No Other Land. Nous avons longuement comparé les manières dont Erdoğan et Netanyahou harcèlent le journalisme, chacun à sa manière. Puis Yuval a abordé un autre domaine de censure : son film a été catégoriquement refusé par Netflix, HBO, Disney et les autres grandes plateformes — sans explication. « La seule plateforme qui a montré un intérêt, c'est MUBI. Elle est plus petite, mais on va sans doute choisir cette voie », m'a-t-il dit.
La censure numérique mondialisée a été un fil rouge de tout le festival. Les projecteurs se sont braqués sur les tech-oligarques — Musk, Zuckerberg, Bezos. L'un des aspects les plus sombres ? L'élimination progressive des cellules de vérification des faits par les grandes plateformes. Certains fact-checkers étaient présents, pour témoigner de ce climat devenu toxique, menaçant.
Harcelés par des voix partisanes agressives, ils ont détaillé lors d'un panel cette ambiance délétère, aggravée depuis la décision de Meta de supprimer son programme de vérification des faits. Ils ont expliqué comment leur travail est discrédité par des responsables politiques et des magnats du numérique, qui sèment la méfiance parmi les audiences, pour des intérêts politiques ou économiques.
Le lendemain, j'ai échangé avec Natalia Antelava, fondatrice et rédactrice en chef de Coda Story, originaire de Géorgie. Elle m'a confié, comme dans plusieurs sessions, sa préoccupation centrale — partagée par tant d'autres. « C'est triste de voir à quel point nous nous alignons sur les grandes entreprises tech, en pensant qu'elles sont nos alliées », a-t-elle soupiré. « Ce n'est pas le cas. Il faut comprendre qu'elles ne sont pas neutres. Tout cela est contrôlé par une poignée d'hommes assoiffés de pouvoir. »
Il est évident que le moment est venu de sortir des cadres établis.
Et pourtant, Alan Rusbridger, rédacteur en chef du magazine Prospect, a su garder une note d'optimisme. Il s'est dit encouragé par « l'extraordinaire solidarité envers les collègues dans les pays qui se battent pour les fondements même du journalisme », ajoutant : « Il y aura toujours une nouvelle génération prête à faire un travail essentiel, en exploitant les nouvelles technologies que nous, les anciens, ne maîtrisons pas. Elle n'a pas peur. »
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Vous saviez que CNews était une chaîne d’extrême droite ? Nous pouvons le prouver

Une analyse des données publiques permet de démontrer sans ambiguïté l'orientation éditoriale de CNews, et même de dire précisément quand le virage a vraiment commencé. Plongée dans les marqueurs sémantiques du discours identitaire.
Tiré du blogue de l'auteur.
Même si tout cela ne laisse guère place au doute, l'impression générale, les multiples propos outranciers tenus à l'antenne, les sanctions de l'Arcom constituent un lourd faisceau d'indices mais pas une preuve formelle. Que peut-on faire de mieux ? Peut-on prouver de manière indiscutable que CNews est une chaîne militante d'extrême-droite ?
Notre collectif, dès octobre 2019 avec l'arrivée de Zemmour comme pilier de CNews, a alerté les acteurs économiques de la ligne éditoriale réactionnaire, anti-immigration, populiste et identitaire adoptée par la chaîne, orientation ensuite confirmée par les autres médias du milliardaire breton.
Pour alerter les annonceurs publicitaires, d'abord de leur présence sur l'émission de Zemmour (quasiment vidée de ses pubs) puis sur celle de Morandini après sa première condamnation (créneau vidé aussi), et même sur la chaîne tout entière, nous avons commencé à collecter en continu des données sur l'ensemble de la diffusion.
À partir de 2023, nous avons ainsi stocké l'ensemble des bandeaux-titres de CNews (les bandeaux sous l'image annonçant le sujet abordé) (1).
Ces données permettent-elles de prouver le parti-pris idéologique imposé par Bolloré à sa chaîne d'info ?
L'immigration et l'Islam
On s'aperçoit que les sujets de prédilection de CNews, l'immigration et l'Islam, marqueurs des obsessions identitaires de l'extrême-droite, sont surreprésentés à l'antenne. Nous avons cherché les bandeaux contenant des termes liés à ces thèmes sur l'ensemble de 2024 (1a)(1b).

Les bandeaux prouvent que les deux thèmes sont à l'ordre du jour de CNews entre 328 et 334 jours dans l'année 2024. La même étude que nous avions menée sur 2023 avait abouti à un résultat similaire (335 jours). Ce chiffre a abondamment été repris pour exposer l'orientation de CNews, dans des articles de notre média préféré, mais aussi lors des débats parlementaires ou dans une note thématique de la commission des lois de l'Assemblée Nationale sur l'islamophobie et la discrimination. On peut maintenant affirmer que rien n'a changé sur la chaîne en 2024.
Bien sûr, immigration et Islam sont des sujets qu'une chaîne d'info peut aborder, et le doit parfois en fonction de l'actualité. Mais est-ce un sujet à ce point primordial qu'il mérite d'être traité ainsi en permanence sans le moindre répit ? Une telle obsession confine au matraquage.
Ces thèmes seraient-ils présentés sous un jour positif ? Ceux qui connaissent CNews esquissent un sourire : la religion musulmane et l'immigration sont abordées exclusivement de manière négative, caricaturale et anxiogène.
Contrairement aux propos tenus oralement en plateau, la rédaction des bandeaux passe au travers du filtre du politiquement correct : les affirmations sont présentées sous forme de questions mais ne masquent pas le parti-pris clairement anti-immigration, reprenant les mythes racistes des “idéologues” de l'extrême-droite, minimisant les actes islamophobes et normalisant l'intolérance religieuse contre l'Islam.
On peut rapprocher cette formulation de la technique de Pascal Praud qui abuse du “je pose juste la question”. Cette rhétorique hypocrite permet d'exprimer publiquement des positions les plus outrancières sans s'exposer juridiquement.
Quelques exemples :
GRAND REMPLACEMENT : LA GAUCHE EN TRAIN DE CÉDER ?
"ISLAMOPHOBIE" ; UNE INTOXICATION IDÉOLOGIQUE ?
IMMIGRATION : LE SENTIMENT D'UNE SUBMERSION ?
L'ISLAM EST-IL COMPATIBLE AVEC LA REPUBLIQUE ?
HAINE ANTI-MUSULMANS, QUID DES AUTRES RELIGIONS ?
DES PRIÈRES MUSULMANES DANS DES ÉCOLES À NICE
ABAYA : LES OFFENSIVES DU MONDE MUSULMAN
PAU : UN COLLÈGE CÈDE AUX PRESSIONS DE PARENTS MUSULMANS
UNE PRIÈRE MUSULMANE À L'UNIVERSITÉ
ROISSY-CDG : UNE PRIÈRE MUSULMANE DANS L'AÉROPORT
LES MUSULMANS, GRANDS ABSENTS DE LA MARCHE ?
PRIÈRE DANS UNE ÉCOLE : DES ENFANTS ENDOCTRINÉS ?
DEUX ÉLÈVES DE CE2 ORGANISENT UNE PRIÈRE MUSULMANE
PRIÈRE MUSULMANE EN CE2 ; LE "FRÉRISME" DÈS L'ÉCOLE ?
COMMENT ASSIMILER LES MUSULMANS FRANÇAIS ?
D. BERNARD : TOUS LES MUSULMANS NE CONDAMNENT PAS
COMMENT STOPPER LÉGALEMENT L'IMMIGRATION ?
LES FRANÇAIS DISENT STOP A L'IMMIGRATION
L'ETAT VEUT-IL IMPOSER L'IMMIGRATION PARTOUT ?
LA VIOLENCE EST-ELLE UN COROLLAIRE DE L'IMMIGRATION ?
IMMIGRATION MASSIVE ; FAVORISÉE PAR NOS LOIS ?
UN LIEN ENTRE IMMIGRATION ET ÉMEUTES ?
UN LIEN ENTRE IMMIGRATION ET DÉLINQUANCE ?
QUEL LIEN ENTRE IMMIGRATION ET DÉLINQUANCE ?
LA RÉALITÉ DU LIEN ENTRE IMMIGRATION ET DÉLINQUANCE
EXISTE-T-IL UN LIEN ENTRE IMMIGRATION ET INSÉCURITÉ ?
LIEN ENTRE IMMIGRATION ET SUBMERSION DE LA JUSTICE ?
SUBMERSION MIGRATOIRE : MYTHE OU RÉALITÉ ?
L'EUROPE FACE A L'IMMIGRATION DE MASSE
La parole d'extrême-droite
CNews ne cible pas seulement les immigrés et les musulmans : les positions d'extrême-droite ou de droite dure sont visibles dans le choix des chroniqueurs et présentateurs, issus majoritairement de médias de cette mouvance. À notre connaissance, aucune autre chaîne d'info n'a eu autant de salariés ou d'intervenants réguliers sans orientation politique signalée qui aient quitté l'antenne du jour au lendemain pour se présenter à des élections :
– Eric Zemmour, star d'une quotidienne devenu candidat à l'élection présidentielle et chef de parti identitaire
– Guillaume Bigot, présentateur d'une quotidienne, devenu député RN
– Pierre Gentillet, chroniqueur devenu candidat RN aux législatives (de retour à l'antenne après son échec)
On peut aussi noter :
Jean Messiha, à l'antenne en moyenne 4 fois par semaine en 2023, obligé de cesser dès que l'Arcom considère que son temps de parole doit être comptabilisé pour l'extrême-droite (malgré les protestations outragées de l'intéressé et de la chaîne), et qui se présente pour Reconquête aux européennes de 2024
– Matthieu Valet, policier syndicaliste invité en moyenne deux fois par semaine en 2023, qui ne cessera que pour y revenir en 2024 en tant qu'eurodéputé RN et porte-parole du parti d'extrême-droite.
– Philippe de Villiers, ancien chef de parti souverainiste qui a actuellement son émission hebdomadaire sur la chaîne
Grâce aux autres données que nous avons collectées, notamment le nom de tous les intervenants en plateau, nous avons également pu effectuer en 2023/2024 quelques études plus ciblées, notamment sur la représentation des différents syndicats. Le résultat ne laisse guère place au doute : ceux proches de l'extrême-droite ou à défaut les plus à droite sont favorisés, et les syndicats policiers omniprésents :



Même si les données sont accablantes, nous sommes conscients que notre méthodologie est incomplète : d'abord, elle n'analyse que les bandeaux écrits, à la teneur bien plus policée que les propos tenus quotidiennement en plateau.
Ensuite, faute de moyens techniques et humains, nous ne collectons des infos que sur CNews, ce qui rend impossible la comparaison avec les autres chaînes d'info.
L'I(N)A à la rescousse
C'est là qu'entre en jeu l'Institut National de l'Audiovisuel (INA).
Il a récemment mis à disposition du public un outil d'analyse extrêmement puissant : la recherche de termes dans les propos tenus oralement sur les 4 chaînes d'info. C'est à ce jour une des rares utilisations pratiques de l'IA qui ne pille pas le travail des artistes ou des chercheurs, et qui ne prenne le travail de personne.
Il est impensable sans IA de transcrire manuellement par écrit tous les propos tenus par les 4 chaînes d'info 20 heures par jour depuis 2016, d'autant plus que faire subir à une équipe le visionnage de 60000 heures d'antenne de CNews, dont 5200h de Pascal Praud serait à notre avis contraire aux droits humains.
Une IA l'a donc fait, et permet de lancer des opérations de comptage sur les termes employés.
L'INA possède le texte complet des transcriptions mais légalement n'a pas le droit de les mettre en ligne intégralement pour des raisons de droits d'auteur.
Qu'importe. Avec ce dont nous disposons, nous avons pu confirmer les biais idéologiques de CNews.
Nous avons cherché, sur l'année 2024, des termes similaires à ceux utilisés pour l'étude des bandeaux (2).
Les propos tenus sur l'immigration et l'Islam
Sur le thème de l'immigration, on peut ainsi calculer, mois par mois, la part de chaque chaîne d'info dans la couverture de ce thème (2a).
Dans les faits, on s'aperçoit que CNews surreprésente le sujet, par rapport à n'importe laquelle des autres chaînes : en moyenne CNews occupe à elle seule 44% du traitement

Pour l'Islam et les musulmans, même chose que pour l'immigration (2b), le matraquage de CNews ne fait pas débat (moyenne 43%).

Étonnamment, en décembre cela semble plus ou moins s'équilibrer. Il faudra cependant attendre les données de 2025 pour savoir s'il s'agit d'un accident ou d'une tendance.
Le vocabulaire de l'extrême-droite identitaire
Le fait d'aborder systématiquement ces thèmes suffit-il à prouver que CNews est de loin la chaîne d'info la plus ancrée dans les idéologies de l'extrême-droite identitaire ?
Une dernière analyse finit d'enfoncer définitivement le clou : l'utilisation de termes directement issus du militantisme d'extrême-droite. On s'aperçoit que CNews en use et abuse (2c)
Aucune gêne ni honte à dérouler à l'antenne des qualificatifs bien peu journalistiques comme gauchiste, woke ou bobo, ou de surenchérir sur la décivilisation, les francocides, la cathophobie, le racisme anti-blanc ou l'islamo-gauchisme : CNews se taille la part du lion dans l'utilisation de ces termes avec 68% de moyenne. Elle est plus que largement en tête, elle fait pour ainsi dire cavalier seul dans cet exercice.

Le point Z(éro)
Au-delà de tous ces comparatifs qui portent seulement sur l'année 2024, peut-on dater le début de la dérive idéologique de CNews ?
Rappelons en effet que la grève historique d'iTélé contre l'ingérence de l'actionnaire Bolloré dans la ligne éditoriale ne visait pas tant son positionnement politico-idéologique que son glissement vers la trash-TV avec l'arrivée de Morandini.
Le basculement vers la rhétorique réactionnaire et ultra-droitière ne s'est donc fait clairement sentir qu'un peu plus tard. Voyons la part des chaînes dans l'utilisation du vocabulaire d'extrême-droite depuis 2017

Avant fin 2019, les 4 chaînes se partageaient plus ou moins équitablement l'utilisation de ce vocabulaire, avec un léger “avantage” à LCI.
Lorsque Zemmour a été propulsé à l'antenne à l'automne 2019, la rédaction de iTélé/CNews était déjà fortement épurée. Les molles protestations de la SDJ de Canal+, encore vivante à l'époque, n'avaient pas su infléchir la décision de Bolloré et c'est à ce moment que la bascule idéologique s'est opérée pour de bon, de manière de plus en plus marquée. Le cap catho-identitaire n'a pas changé depuis, il devient même de plus en plus évident avec l'abandon par l'Arcom de toute velléité de contrôle effectif.
On peut donc affirmer, preuves à l'appui, qu'à partir de fin 2019, CNews a abandonné sa neutralité de façade pour embrasser et diffuser l'idéologie de l'extrême-droite identitaire et catholique. Au mépris de la convention signée avec le CSA/Arcom elle s'est positionnée en chaîne d'opinion, voire de militantisme ou même de propagande, utilisant le vocabulaire de cette mouvance et en martelant inlassablement ses thèmes. Elle n'a pas cessé à l'heure actuelle, et son succès d'audience relatif lui permet de manipuler en masse les esprits et de guider l'opinion vers les sujets auxquels Bolloré désire donner de l'importance.
Lorsqu'on souligne le parti-pris idéologique de CNews, son obsession dirigée contre les “wokistes”, les migrants et les musulmans, on s'entend souvent répondre que les autres chaînes d'info font pareil. C'est faux et c'est maintenant prouvé objectivement : l'orientation éditoriale extrémiste de CNews est sans commune mesure avec celle des chaînes concurrentes.
Sleeping Giants France, Section Analyse de données
Annexe méthodologique
(1) Bandeaux-titres
Extraction des 75527 bandeaux-titres diffusés sur CNews du 01/01/2024 au 31/12/2024 (moins 6 jours en janvier 2024 non traités pour des raisons techniques) et recherche de mots et d'expressions. Comptage des jours où au moins un bandeau-titre contient l'un de ces termes, et cumul de la durée d'affichage en secondes de tous les bandeaux-titres contenant au moins l'un de ces termes
(1a) Thème “Immigration”
Liste des termes (regex) :
MIGR|OQTF|EXPULS|CLANDESTIN|REGULARIS|NATURALIS|PASSEUR|RETENTION|EXPULS|MINEURS ? ETRANGER|MINEURS ? ISOLE| CRA | CRA$
(1b) Thème “Islam”
Liste des termes (regex) :
ISLAM|IMAM|CORAN|MUSULMAN|MOSQUEE|ABAYA|HIJAB|BURKINI|LE VOILE|DU VOILE| VOILEE|COMMUNAUTARI|COMMUNAUTAIRE|FONDAMENTALIS|FRERISME|INTEGRIS|RADICALIS|SALAFIS|PRECHES|CHARIA|JIHAD|RAMADAN|MOLLAH
Exclusions (regex)
LOI IMMIGRATION|TARIQ|\. RAMADAN
(2) Données INA
Utilisation du frontal Web de l'INA https://data.ina.fr/perimetres/chaines-information-continu
(2a) Immigration
migration, immigration, immigré, migrant, migratoire, OQTF, clandestin, régulariser, régularisé, régularisation, naturalisé, naturaliser, naturalisation, passeur, rétention, expulsion, expulsé, expulser
(2b) Islam
Islam, islamisé, islamiser, islamisation, islamisme, islamiste, imam, Coran, musulman, mosquée, abaya, hijab, burkini, communautarisme, communautariste, communautaire, fondamentaliste, fondamentalisme, frérisme, intégriste, intégrisme, radicalisation, radicaliser, radicalisé, salafisme, salafiste, prêches, charia, djihad, ramadan, mollah, voilée, “le voile”, “du voile”
(2c) Termes de droite dure/extrême
francocide, christianophobe, christianophobie, cathophobie, ensauvagement, décivilisation, racaille, gauchiste, gauchisme, gaucho, gauchisant, woke, wokisme, wokiste, bobo, antifa, "islamo-gauchiste", "islamo-gauchisme", "anti-france", “anti-blanc”
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