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Gaza : « Plus qu’un être humain ne peut supporter »

Le rapport de la Commission indépendante de l'ONU* sur les crimes sexuels et reproductifs commis par Israël à l'encontre des Palestiniens, confirme ce que nous savions déjà : (…)

Le rapport de la Commission indépendante de l'ONU* sur les crimes sexuels et reproductifs commis par Israël à l'encontre des Palestiniens, confirme ce que nous savions déjà : l'État sioniste utilise systématiquement et massivement la violence sexuelle contre les femmes, les hommes, les filles et les garçons palestiniens !

Tiré du site du CADTM.

Mais le rapport nous dit aussi autre chose : ces crimes sexuels et reproductifs commis par Israël font partie intégrante du plan génocidaire de l'État sioniste, au même titre que les bombardements constants et le meurtre de dizaines de milliers de civils, la destruction systématique de toutes les infrastructures de leur vie quotidienne et les déplacements massifs et répétés de la population de Gaza.

Ce n'est pas donc un hasard si ce rapport fait référence à la famine organisée par Israël qui touche la population de Gaza, en soulignant que *« l'utilisation de la famine comme méthode de guerre, a eu des effets sur tous les aspects de la reproduction * ». C'est-à-dire, sur tous les aspects de ce qui constitue le problème majeur -et toujours non résolu - du projet sioniste : la persistance des femmes palestiniennes à donner naissance à de petits Palestiniens !

Parlons donc, de cette famine programmée, bien organisée et toujours en application contre les Palestiniens de Gaza, qui vient compléter le projet génocidaire du gouvernement Netanyahou. Un projet qui ressemble comme deux gouttes d'eau à celui mis en œuvre dans l'Union soviétique d'alors par l'Allemagne nazie, qui a exterminé au moins 7 millions de militaires et civils russes, ukrainiens, biélorusses et Juifs Soviétiques, au moyen de la famine organisée. Et la principale raison pour laquelle la famine nazie de l'époque et la famine sioniste actuelle sont si semblables est que toutes deux ont servi et servent encore un projet commun assumé et déclaré publiquement : l'extermination de la population indigène afin de vider, d'annexer et de coloniser ses territoires avec leurs propres colons !

Alors, n'oublions pas qu'au moment même où on lit ces lignes, tout un peuple, pas si loin de Crète, meurt lentement de faim et de soif, privé de médicaments, de médecins et d'hôpitaux, tout en étant la cible d'exercices de tirs à munitions réelles de l'armée israélienne visant les tentes de réfugiés et les interminables ruines de Gaza qui n'ont rien à envier à celles de Dresde ou de Berlin en 1945. N'oublions pas…

*Le recours systématique par Israël à la violence sexuelle et procréative, et à d'autres formes de violence fondée sur le genre depuis le mois d'octobre*

*GENÈVE* – Un nouveau rapport
<https://www.ohchr.org/sites/default...> publié aujourd'hui par la Commission internationale indépendante* chargée d'enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, indique qu'Israël a eu de plus en plus recours à la violence sexuelle et procréative, ainsi qu'à d'autres formes de violence fondée sur le genre contre le peuple palestinien, dans le cadre d'un effort généralisé pour affaiblir les droits de la population à l'autodétermination. Le rapport montre également qu'Israël a commis des actes génocidaires en détruisant systématiquement les infrastructures de santé sexuelle et procréative.

Le rapport fait état d'un large éventail de violations perpétrées contre des femmes, des hommes, des filles et des garçons palestiniens dans l'ensemble du Territoire palestinien occupé depuis le 7 octobre 2023, qui constituent une part majeure des mauvais traitements infligés aux Palestiniens et s'inscrivent dans le cadre de l'occupation illégale et de la persécution des Palestiniens en tant que groupe.

« Les preuves recueillies par la Commission révèlent une augmentation déplorable de la violence sexuelle et de genre », a déclaré Navi Pillay, présidente de la Commission. « Nous ne pouvons que conclure qu'Israël a utilisé la violence sexuelle et fondée sur le genre contre les Palestiniens pour les terroriser et maintenir un système d'oppression qui porte atteinte à leur droit à l'autodétermination. »

La publication du rapport s'est accompagnée de deux jours d'audiences publiques à Genève les 11 et 12 mars, au cours desquels la Commission a entendu des victimes et des témoins de violences sexuelles et liées à la santé procréative, des membres du personnel médical leur ayant fourni des soins, ainsi que des représentants de la société civile, des universitaires, des avocats et des experts médicaux.

Le rapport révèle que les violences sexuelles et fondées sur le genre, dont la fréquence et la gravité ont augmenté, sont perpétrées dans l'ensemble du Territoire palestinien occupé et constituent une stratégie de guerre permettant à Israël de dominer et de détruire le peuple palestinien.

Des formes spécifiques de violence sexuelle et fondée sur le genre, notamment la nudité ou des mises à nu forcées en public, le harcèlement sexuel, dont les menaces de viol, ainsi que les agressions sexuelles, font partie des modes opératoires standards des forces de sécurité israéliennes à l'égard des Palestiniens.

Selon le rapport, d'autres formes de violence sexuelle et fondée sur le genre, notamment des viols et des actes de violence ciblant les organes génitaux, ont été commises soit sur ordre explicite, soit avec l'encouragement implicite des hauts responsables civils et militaires d'Israël.

Un climat d'impunité existe également en ce qui concerne les crimes sexuels et fondés sur le genre commis par les colons israéliens en Cisjordanie, dans le but de susciter la peur chez la communauté palestinienne et de l'expulser.

« Les déclarations et actions des dirigeants israéliens visant à exonérer leurs responsabilités et le manque d'efficacité du système judiciaire militaire pour poursuivre les affaires et condamner les auteurs envoient un message clair aux membres des forces de sécurité israéliennes : ils peuvent continuer à commettre de tels actes sans craindre d'être tenus responsables », a déclaré Navi Pillay. « Dans ce contexte, l'établissement des responsabilités par la Cour pénale internationale et les tribunaux nationaux, en vertu de leur droit interne ou de leur compétence universelle, est essentiel pour que l'état de droit soit respecté et que les victimes obtiennent justice.

La Commission a constaté que les forces israéliennes ont systématiquement détruit les installations de soins de santé sexuelle et procréative dans toute la bande de Gaza. Elles ont simultanément imposé un siège et bloqué l'aide humanitaire, notamment la fourniture des médicaments et du matériel nécessaires pour garantir le bon déroulement des grossesses, des accouchements et des soins post-partum et néonatals. Ces actes portent atteinte aux droits en matière de procréation et à l'autonomie des femmes et des filles, ainsi qu'à leur droit à la vie, à la santé, à fonder une famille, à la dignité humaine, à l'intégrité physique et mentale, à l'absence de torture et d'autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, à l'autodétermination et au principe de non-discrimination.

Des femmes et des filles sont mortes de complications liées à la grossesse et à l'accouchement en raison des conditions imposées par les autorités israéliennes, qui leur ont refusé l'accès aux soins de santé procréative, des actes qui relèvent du crime contre l'humanité par extermination.

La Commission a constaté que les autorités israéliennes ont détruit en partie la capacité de reproduction des Palestiniens de Gaza en tant que groupe par la destruction systématique des soins de santé sexuelle et procréative, ce qui correspond à deux catégories d'actes génocidaires dans le statut de Rome et la Convention sur le génocide, notamment le fait de soumettre intentionnellement la population palestinienne à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique et d'imposer des mesures visant à empêcher les naissances.

« Le ciblage des établissements liés à la santé procréative, notamment par des attaques directes contre les maternités et la principale clinique de fertilité in vitro de Gaza, ainsi que l'utilisation de la famine comme méthode de guerre, ont eu des effets sur tous les aspects de la reproduction », a déclaré Navi Pillay. « Ces violations ont causé non seulement de graves souffrances et préjudices physiques et mentaux immédiats aux femmes et aux filles, mais aussi des effets irréversibles à long terme sur la santé mentale et les perspectives de reproduction et de fécondité des Palestiniens en tant que groupe.

La Commission a constaté une augmentation de la mortalité féminine à Gaza, qui s'est produite à une échelle sans précédent en raison de la stratégie israélienne consistant à cibler délibérément des bâtiments résidentiels et à utiliser des explosifs lourds dans des zones densément peuplées. La Commission a également recensé des cas dans lesquels des femmes et des filles de tous âges, y compris des patientes en maternité, ont été prises pour cible. Ces actes constituent le crime contre l'humanité de meurtre et le crime de guerre d'homicide volontaire.

**Contexte : Le 27 mai 2021, le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a chargé la Commission d'« enquêter, dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, sur toutes les allégations de violations du droit international humanitaire et sur toutes les allégations de violations et d'abus du droit international relatif aux droits de l'homme qui ont précédé et suivi le 13 avril 2021 ». La résolution A/HRC/RES/S-30/1 demandait en outre à la Commission d'enquête « d'enquêter sur toutes les causes profondes des tensions récurrentes, de l'instabilité et de la prolongation du conflit, y compris la discrimination et la répression systématiques fondées sur l'identité nationale, ethnique, raciale ou religieuse ». La Commission d'enquête a été chargée de faire rapport au Conseil des droits de l'homme et à l'Assemblée générale chaque année à partir de juin 2022 et de septembre 2022, respectivement.*

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La solitude de la Palestine est une solitude fertile

Malgré l'isolement international et l'abandon de la part d'une grande partie du monde face à sa cause juste, la Palestine chante, crée, éduque, sème, résiste… et inspire. Elle (…)

Malgré l'isolement international et l'abandon de la part d'une grande partie du monde face à sa cause juste, la Palestine chante, crée, éduque, sème, résiste… et inspire. Elle inspire des luttes aux quatre coins du globe. Aujourd'hui, la Palestine est pour les peuples en révolte ce que fut le Che Guevara dans les années soixante : un symbole universel de dignité, de fermeté et d'espoir.

Photo Serge d'Ignazio

Oui, les gouvernements les plus puissants de la planète ont abandonné la Palestine, mais pas les peuples. Ce sont les citoyens qui ont fait preuve d'empathie, de solidarité et de conscience. Leurs gouvernements, eux, se sont agenouillés. Par peur de s'opposer à l'impérialisme nord-américain, ils ont choisi la soumission, devenant des sujets dociles de l'empereur du moment à la Maison-Blanche. Jamais ils n'ont osé défendre leurs propres peuples face aux abus de Washington ; ils ont préféré s'aligner sur ces intérêts, même au prix des souffrances de leurs concitoyens.

L'Europe, ces dernières années, nous a offert de nombreux exemples de cette indignité. En septembre 2022, les gazoducs Nord Stream — qui transportaient du gaz de la Russie vers l'Allemagne — ont été sabotés. Aujourd'hui, nous savons, grâce aux déclarations du secrétaire au Trésor américain, Scott Bessent, lors de son entretien avec Tucker Carlson le 7 avril, que des commandos américains ont été impliqués dans cette opération. Ces gazoducs devaient fournir une énergie bon marché à l'Europe sans passer par l'Ukraine, ce qui était inacceptable pour Washington, qui voyait là une menace pour ses milliards de dollars d'intérêts.

Après ce sabotage, l'Europe s'est vue contrainte d'acheter du gaz aux États-Unis à un prix bien plus élevé, acceptant les règles imposées par la puissance nord-américaine. Cette reddition énergétique, sous la présidence de Joe Biden à l'époque, a laissé l'Europe à nu, vulnérable… et ses citoyens entre les mains d'élites politiques lâches et soumises.

Que peut-on attendre d'une Europe qui se soumet au jeu sale des États-Unis, tout en embrassant son allié Netanyahou, malgré le génocide perpétré à Gaza ? Les Palestiniens subissent dans leur chair ce moment historique sombre, où les grandes figures capables de s'élever face à l'injustice et à l'impérialisme brillent par leur absence.

Il y a un an, alors que nous attendions à Istanbul pour embarquer à destination de Gaza sur un bateau qui visait à briser le blocus — bateau finalement bloqué par le gouvernement turc —, je me souvenais d'une image forte : celle de François Mitterrand, en 1992, brisant le siège de Sarajevo et invitant les organisations humanitaires à le suivre. Son geste n'a duré que six heures, mais ce furent six heures sans bombes, six heures de répit pour une ville assiégée. Et surtout, ce fut un geste marquant, un repère moral. Une action qui nous rappelle ce que l'on est en droit d'attendre des dirigeants du monde face à l'horreur.

Pourquoi Sarajevo et pas Gaza ?

Il pourrait y avoir mille réponses, toutes valables selon le point de vue. Mais pour moi, une seule tient : la lâcheté. Une lâcheté généralisée, normalisée, chez les sociétés et leurs dirigeants. Une lâcheté qui envoie un message terrible aux générations futures : n'attendez rien de nous, car nous ne faisons pas partie de la société que nous représentons.

Si des millions de personnes risquent leurs carrières, leurs emplois, leur confort, leur avenir pour défendre la Palestine, le minimum qu'on puisse exiger de nos gouvernants est qu'ils se placent en première ligne de la dénonciation et de l'action. Car ce qui se passe à Gaza est inacceptable au regard de toute conscience humaine.

La Palestine ne souffre pas seulement d'une solitude narrative. Elle souffre d'une censure. Présenter les Palestiniens comme un "problème" au lieu de les reconnaître comme un peuple injustement opprimé transforme ceux qui propagent cette narration en complices d'un génocide. Voler leur voix aux Palestiniens, c'est exactement ce que faisaient tous les régimes infâmes de l'Histoire : le franquisme en Espagne, le nazisme en Allemagne, le fascisme en Italie.

Mais ce qui se passe aujourd'hui est peut-être pire. Car autrefois, les exilés espagnols, allemands ou italiens pouvaient s'informer à travers la presse étrangère sur les atrocités commises dans leurs pays. Aujourd'hui, le récit antipalestinien est quasi universel. Quelques rares et courageuses exceptions subsistent, notamment dans le monde arabe et en Amérique latine. Mais elles sont minoritaires.

Celui qui ne craint pas les processus de déshumanisation en cours ne connaît pas l'histoire qui nous précède en tant qu'espèce. Et de ceux-là, il faut se méfier. Car ce sont les premiers qui, fièrement, tueront. Tout comme ils sont déjà aujourd'hui les premiers à tuer des êtres humains ailleurs sur notre planète.

Manuel Tapial
Membre du Conseil d'Administration de Palestine Vivra

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De corridor en corridor, le morcellement territorial de la bande de Gaza est en marche

Dans le sillage de la vaste offensive menée par Tsahal dans l'enclave palestinienne depuis près d'un mois, l'État hébreu cherche à découper Gaza en cinq zones en vue de d'une (…)

Dans le sillage de la vaste offensive menée par Tsahal dans l'enclave palestinienne depuis près d'un mois, l'État hébreu cherche à découper Gaza en cinq zones en vue de d'une domination militaire plus ferme, voire d'une annexion et d'une colonisation de la bande à plus long terme, révèlent les derniers mouvements militaires sur le terrain.

Tiré de Courrier international. Légende de la photo : La guerre à Gaza en 3 cartes. Source Ocha, LiveUAMA, Institute for the Study of war, BBC, ECFR, EU, ENOSAT, Financial Time.

Démolitions massives, fortifications militaires, construction de nouveaux corridors : le plan d'expulsion de la population palestinienne et de fragmentation de la bande de Gaza en vue d'une éventuelle annexion et d'une colonisation du territoire n'est plus une vue de l'esprit ni un projet lointain. Désormais affiché sans complexe par des ministres israéliens et bénéficiant du soutien américain, ce plan s'est notamment accéléré depuis la rupture du cessez-le-feu et la relance de la guerre il y a un mois.

Mais déjà en 2024, quelques mois avant le cessez-le-feu, entré en vigueur en janvier 2025, l'armée israélienne avait commencé à consolider sa présence au niveau des deux principaux couloirs en place dans l'enclave, révélait une investigation du New York Times fondée sur des images satellitaires : celui de Netzarim (séparant le nord du sud de l'enclave) et celui de Philadelphie (séparant l'Égypte de la bande de Gaza).

Mefalsim en toute discrétion

Durant le dernier trimestre de 2024, Tsahal avait aussi pavé des routes pour la construction d'un nouveau couloir dans le nord de l'enclave, à la lisière du camp de Jabaliya, alors en proie à une vaste opération militaire, lancée en octobre. Ce troisième corridor, qui porte le nom de Mefalsim, et dont l'émergence a été révélée en décembre dernier par quelques médias et think tanks seulement, dont The Washington Post et le Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), vise à isoler la ville de Gaza du reste de la partie septentrionale de l'enclave.

Le projet de démembrement de la bande de Gaza a survécu au cessez-le-feu (de janvier à mars 2025), l'armée israélienne ayant seulement ouvert le corridor de Netzarim pour permettre le retour de plus de 500 000 Palestiniens dans le nord de l'enclave, mais refusant de retirer ses troupes du corridor de Philadelphie, tel que stipulé par l'accord conclu le 15 janvier avec le Hamas.

Deux nouveaux projets de corridors

Et depuis la relance de la guerre, le gouvernement de Benyamin Nétanyahou semble plus que jamais déterminé à aller de l'avant et à accélérer la mise en œuvre de son plan de “départ volontaire”, de concert avec celui du président américain Donald Trump consistant à relocaliser les Gazaouis dans d'autres pays et à faire de l'enclave la “Riviera du Moyen-Orient”, déplorent certains médias.

Tsahal a en effet récemment commencé à construire un nouveau couloir, baptisé “Morag” (du nom d'une ancienne colonie israélienne à Gaza, démantelée en 2005), séparant la ville de Rafah de celle de Khan Younès, dans le sud de l'enclave. “Les mouvements de chars et de bulldozers militaires ne cessent pas” dans le secteur, rapporte le média libanais Daraj, selon lequel ce quatrième corridor rendra, par ailleurs, “inutilisable l'une des zones agricoles les plus importantes” du territoire.

“Contrôle permanent”

Enfin, l'armée israélienne “prépare le terrain” pour ériger un dernier corridor séparant la ville centrale de Deir Al-Balah de celle, plus au sud, de Khan Younès, selon l'ECFR. Cela n'est pas sans rappeler un plan de fragmentation territoriale mis en place par Israël au début des années 1970, baptisé “Five fingers” (“Cinq doigts”, en anglais), indique Middle East Eye.

Il s'agit d'“un plan visant à s'emparer de la plus grande partie possible du territoire […], qui entraverait tout futur règlement politique”, ajoute Daraj.

Pour la journaliste israélienne Dahlia Scheindlin, Gaza pourrait ainsi évoluer à l'identique de la Cisjordanie, découpée dans les années 1990 en trois zones et grignotée depuis par une colonisation galopante. L'objectif est un “contrôle permanent” des Territoires palestiniens, en vue d'empêcher toute possibilité concrète de création d'un État palestinien, affirme-t-elle dans Ha'Aretz.

Courrier international

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Coupures budgétaires

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8 avril, par Guylain Bernier, Yvan Perrier — ,
Sur les politiciens : « […] on les croit plus occupés à tendre aux hommes des pièges qu'à les diriger pour le mieux, et on les juge habiles plutôt que sages » (Spinoza, (…)

Sur les politiciens : « […] on les croit plus occupés à tendre aux hommes des pièges qu'à les diriger pour le mieux, et on les juge habiles plutôt que sages » (Spinoza, 1966[1677], p. 11).

Nous sommes entréEs officiellement au Canada, depuis le 23 mars dernier, en campagne électorale et il en sera ainsi jusqu'au 28 avril prochain. Durant cette courte période, il y aura plusieurs centaines voire même plus d'un millier de personnes qui vont poser leur candidature en vue de se faire élire dans l'une des 338 circonscriptions représentées à la Chambre des communes du Parlement fédéral. Qui dit élection, dit candidates et candidats qui feront, au cours des semaines à venir, « campagne électorale ». Nous sommes maintenant à l'ère de celles qui se déploient entre le contact direct avec l'électrice et l'électeur ainsi que ce qui est diffusé dans les médias électroniques (la radio, la télévision et les journaux) et sur les réseaux sociaux (entre autres choses, Facebook et X). Il est à noter que les spécialistes en communications et en marketing occupent indubitablement, depuis plusieurs décennies, une place de choix auprès des dirigeantEs et des candidatEs des partis politiques. Mais, comme le veut le vieil adage selon lequel « C'est dans les vieux pots qu'on trouve les meilleurs onguents », profitons de la présente occasion pour effectuer un retour sur le Petit manuel de campagne électorale rédigé en 64 avant Jésus-Christ à l'intention de… Cicéron1. Tout au long du présent texte, il sera question des élections dans une démocratie libérale occidentale. Nous dégagerons certaines des caractéristiques de ces campagnes électorales contemporaines et nous formulerons certaines remarques au sujet de celle qui se déroule en ce moment au Canada. Nous focaliserons une partie de notre texte sur ce qui est toujours bien présent dans le paysage et qui remonte aux lointaines campagnes politiques de l'Antiquité romaine. Mais commençons par une remarque à caractère terminologique. D'où vient au juste l'expression « campagne électorale » ?

Du paysager, au militaire… au politique

Parler de « campagne électorale » mérite d'entrée de jeu un certain nombre de précisions. À l'origine, le mot « campagne » désignait une « vaste étendue de pays plat ». Ce sera sous l'influence de la langue italienne (« campagna ») que la locution « se mettre en campagne » prendra une connotation militaire consistant, concrètement, à envoyer des troupes sur un terrain où elles vont se battre pour faire triompher un camp sur un autre. Ce n'est que progressivement que le terme « campagne » sera par la suite employé dans d'autres domaines, comme la politique (« campagne électorale »)2.

Au sujet des élections, on peut suggérer qu'une campagne électorale correspond à la période durant laquelle les candidatEs et leurs partis font leur autopromotion partisane auprès de l'électorat, en vue de récolter le plus grand nombre de voix possible. Dans un plan de campagne électorale, il faut, par conséquent, que les candidatEs qui rivalisent les unEs contre les autres, recrutent des militantEs et des sympathisantEs qui se mettront à leur service et collecteront des ressources financières. La ou le candidatE devra proposer un programme électoral pour les années à venir, le rendre public et le « vendre » par différents procédés de communication (affiches électorales, distribution de « tracts » ou de dépliants électoraux, appels téléphoniques, assemblées partisanes, participation à des débats contradictoires, diffusion de messages ou présence sur les réseaux sociaux, etc.). Il va sans dire que la mobilisation de l'électorat se fera en s'adressant à la passion (et non prioritairement à la raison) des personnes et en ne jouant sur rien de moins que les émotions ou les affects des citoyenNEs.

Dans les démocraties libérales occidentales électives, le vote correspond maintenant à un horizon réputé indépassable. Il s'agit d'un moment fort où la citoyenne et le citoyen sont appeléEs à exprimer leur voix parmi une flopée de candidatEs qui aspirent à siéger au Parlement pour les quatre ou cinq prochaines années, selon les pays. Poser sa candidature suppose toujours d'aller à la rencontre des électrices et des électeurs en vue d'obtenir leur vote. Dès lors, une démarche de conviction ou de séduction se met en branle durant la fameuse période qui correspond à la campagne électorale. Comme mentionné plus haut, celle-ci oscille entre « art agricole » et « art militaire ». De la première, elle emprunte son objectif de récolte ou de cueillette des suffrages, de la seconde elle emprunte ses méthodes : la ou le candidatE devra affronter et combattre son adversaire politique en parcourant de long en large sa circonscription et en organisant la diffusion de sa propagande partisane. Elle ou il comptera sur ses militantEs et sympathisantEs pour faire connaître ses engagements ou ses promesses électorales. C'est ici que peut s'imposer l'accès à un ou à une spécialiste en communication politique qui est réputéE avoir à sa disposition une expertise des manuels portant sur l'art de bien conduire une campagne électorale.

Dans les démocraties électives occidentales, le droit de vote universel et non discriminatoire à l'endroit des femmes est d'origine récente (il s'agit pour l'essentiel d'un processus qui s'échelonne du XIXe au XXe siècle, environ) ; pour ce qui est du manuel de campagne électorale, celui-ci a des origines un peu plus lointaines. On peut même le faire remonter au Ier siècle avant Jésus-Christ et son auteur est nul autre que Quintus Tullius Cicéron, le frère du célèbre sénateur romain Marcus Cicéron.

Au sujet des conseils exposés dans le Petit manuel de campagne électorale

Quintus Tullius Cicéron donne dans son Petit manuel de campagne électorale les principales recettes d'une élection réussie : comment serrer les mains des futurs électeurs (uniquement des hommes à l'époque), leur tenir un discours plaisant. Les méthodes, à ces sujets, n'ont apparemment guère changé. La campagne électorale pourrait en effet se définir comme l'ensemble des opérations mises en œuvre par un candidat pour recueillir le maximum de suffrages à une élection donnée et gagner la « bataille électorale ». Pour se faire, dans la section XI, paragraphe 41, Quintus Tullius Cicéron recommande ceci au sujet des rapports d'un candidat avec le peuple : « de connaître le nom des électeurs, de savoir les flatter, d'être constamment auprès d'eux, de se montrer généreux, de veiller à sa réputation, d'avoir grand air, de faire miroiter des espérances politiques » (p. 36). Bref, le candidat doit se montrer fraternel et amical avec les électeurs, de même que faire des promesses qui annoncent de grandes réalisations étatiques visant à engendrer de vifs espoirs quant au déroulement de l'avenir. Un peu plus loin, au paragraphe 52, Quintus Tullius Cicéron précise ceci au sujet du contenu de la campagne : « applique-toi enfin à ce que ta campagne soit pleine de faste, qu'elle soit brillante, éclatante, populaire, qu'elle se déploie dans une grandeur majestueuse et une dignité sans pareille. Et même, si l'on peut trouver un moyen de le faire, veille à ce que l'on jette l'opprobre sur tes compétiteurs, en évoquant quelque scandale conforme à leurs mœurs (crime, débauche ou corruption). [Et au paragraphe] 53. Dans cette campagne, il faut surtout faire en sorte que l'on nourrisse de sérieux espoirs quant à ta politique et une bonne opinion à ton égard » (pp. 41-42). Autrement dit, faire triompher les apparences d'un avenir meilleur grâce à d'ambitieux et de fastueux engagements électoraux, tout en discréditant, en grande partie ou en totalité, la personnalité et les solutions mises de l'avant par les candidats des camps adverses. Cet ouvrage, écrit il y a plus de deux millénaires, nous donne à penser qu'à travers le temps, le contenu des campagnes électorales a peu varié. Tout se passe comme si les personnes humaines ont peu ou n'ont pas vraiment changé.

Les campagnes électorales depuis l'avènement de la télévision et des réseaux sociaux

Le terme « campagne électorale », qui appartient comme mentionné ci-haut au vocabulaire de l'art militaire, désigne une action collective qui ne fait plus directement appel, dans les démocraties libérales occidentales, à la violence, mais qui n'a pas renoncé à la conflictualité concurrentielle inscrite dans un cadre législatif peu ou fortement codifié, selon les pays. Si les savoir-faire politiques de campagne se sont beaucoup transformés et professionnalisés, notamment sous l'effet de la médiatisation, le travail de sollicitation des électrices et des électeurs relève de différentes approches qui sont à la fois lointaines et contemporaines. Les campagnes électorales comportent tous les éléments constitutifs d'un rituel : publicité visant à faire connaître la ou le candidatE, théâtralisation des débats autour de certains enjeux spécifiques du moment, différenciation des fonctions entre les différentEs spécialistes qui oeuvrent dans les partis politiques, etc.. La répétition des élections a engendré un savoir-faire électoral spécialisé qui se façonne par la pratique et se diffuse notamment à travers les manuels électoraux3. La relation électorale entre la ou le candidatE et la ou le citoyenNE se définit comme un échange de promesses énoncées dans le programme politique du parti.

En Occident, le XXe siècle constitue une période fondatrice en ce qu'elle formalise la transaction électorale et cristallise certains savoir-faire, en jetant les bases des campagnes électorales réussies. Pour avoir des chances de gagner, la ou le candidatE doit désormais mobiliser des ressources à la fois personnelles (sa famille, sa biographie, sa réputation), qui supposent une rationalisation du travail de l'image de soi et de son enracinement dans le parti (ses réseaux, son électorat, son financement, ses supportrices et ses supporteurs) que confère notamment l'investiture partisane. Mais si les campagnes électorales se sont beaucoup transformées dans le sens d'une professionnalisation, d'une standardisation et d'une rationalisation, elles restent des conjonctures fluides. Le travail de mobilisation électorale préserve encore aujourd'hui son caractère traditionnel de rencontre de personne à personne (à caractère artificiellement fraternel), qui lui remonte jusqu'à l'époque de Cicéron.

Les manières de « faire campagne » et les répertoires d'action électoraux ont certes subi des transformations depuis le siècle dernier. Mais dans le cadre des campagnes électorales couvertes par la télévision et l'achat de publicité dans les médias écrits et électroniques, les candidatEs qui ont des chances d'être éluEs sont celles et ceux qui peuvent compter sur un parti fortement centralisé, aux ressources professionnelles compétentes et disposant d'une caisse électorale bien garnie. Il en est ainsi, car il en coûte de plus en plus cher pour rejoindre et convaincre les électrices et les électeurs. Désormais soumise à une concurrence de plus en plus forte, la conquête des positions de pouvoir implique un travail de mobilisation obéissant à une logique de persuasion de plus en plus simplifiée.

Les techniques de campagne se standardisent et se professionnalisent à mesure que se développe le recours aux médias, aux sondages (à la fois portrait et construction de l'opinion publique) et aux savoir-faire de la communication politique. Ainsi, la réunion publique et les assemblées locales ont perdu, à travers le temps, leur place centrale dans la communication électorale. C'est dans les médias d'information traditionnels et sur les réseaux sociaux que se jouent maintenant les campagnes électorales. Le rôle de l'image est reconnu maintenant comme un élément distinct et capital de la candidate et du candidat, indépendamment de son programme ou de l'organisation partisane qui l'investit. Dans ces conditions, faire campagne consiste surtout à influencer et contrôler ce que l'électorat doit percevoir des enjeux diffusés dans les médias. Autrement dit, la campagne représente une lutte visant à imposer son propre programme politique dans l'agenda public et médiatique. Le chef du parti doit, de son côté, percer l'écran et se faire reconnaître minimalement comme le titulaire ou l'expert de l'enjeu principal de l'élection. Nous y reviendrons un peu plus loin dans le cas, plus spécifiquement, du chef du Parti libéral du Canada, Marc Carney.

La transformation de la société

Nous vivons au sein d'une société qui traverse présentement un moment particulier, soit le bouleversement des règles du jeu en matière de commerce international. De plus, la lutte pour le progrès social, fondée jusqu'à tout récemment, sur une vision universaliste, est en ce moment éclipsée par une grande menace aux droits et libertés. Cette menace a pour nom le président des USA : Donald Trump. Ajoutons qu'il n'y a pas, par les temps qui courent, d'acteur central qui peut formuler un projet de société susceptible de susciter une adhésion large de la masse populaire. Il est par conséquent difficile d'envisager la formulation d'un idéal réaliste à atteindre susceptible d'inspirer la pluralité des mouvements sociaux et d'influencer, par ricochet, les programmes électoraux des partis politiques. La menace qui nous pèse au bout du nez et qui borne notre horizon immédiat se résume prioritairement, pour certaines personnes, dans la formule restrictive des tarifs douaniers.

Ce qui caractérise la présente campagne électorale au Canada

La présente campagne électorale devrait être celle du bilan des dix dernières années du gouvernement libéral sortant et des solutions à mettre en place pour résoudre des enjeux comme les changements climatiques, la répartition de la richesse, l'éducation, la santé, etc.. Mais par un curieux retournement de la conjoncture, elle porte plutôt sur l'heure de la guerre des tarifs douaniers. Il y a retour du balancier, puisqu'en 1988, la campagne avait aussi porté sur un seul enjeu, mais à l'inverse : celui du Libre-échange entre les USA et le Canada. En ce moment, nous assistons à une lutte entre deux chefs. Lequel a une histoire personnelle qui favoriserait le succès d'une éventuelle négociation avec le président étatsunien Donald Trump ? C'est du moins ce que l'actuel chef du Parti libéral du Canada et premier ministre non élu, Marc Carney, semble vouloir faire en inscrivant sa propre histoire de « Banquier à succès » dans celle de la bataille des tarifs douaniers. L'« autoréférentialité » du discours de la campagne électorale de Marc Carney participe de la fermeture du jeu politique sur lui-même, où les calculs électoraux (ceux des candidats [commentés par les journalistes] et ceux supposés de l'électorat) priment hélas sur les enjeux environnementaux, sociaux, culturels, etc.. Malgré tout, un autre rappel historique peut servir à justifier sa popularité. En souvenir de la Deuxième Guerre mondiale, la Grande-Bretagne aurait-elle survécu à l'hostilité nazie si Chamberlain avait continué son rôle de Premier ministre ? Winston Churchill n'était peut-être pas la figure la plus populaire du moment, mais il représentait l'homme que la nation avait besoin. Il existe des périodes où tout va si bien qu'un pantin aurait autant de succès qu'une personne ultra compétente. À l'inverse, il y a des périodes qui exigent de se tourner vers des gens aux qualités particulières, en raison d'un contexte extraordinaire. Car nous ne sommes pas toutes et tous aptes à faire face à une guerre. Ainsi, Marc Carney peut être perçu comme l'homme dont le Canada a besoin à l'heure actuelle, en raison des peurs qui ébranlent la population. Encore une fois, tout est une question de point de vue.

Conclusion

En démocratie représentative élective, lors d'une élection générale, les dirigeantEs ne sont pas « éluEs », mais « se font élire » et ce surtout dans le cadre d'un mode de scrutin uninominal à un tour. D'abord, le rôle du peuple consiste pour l'essentiel à ceci : il doit se confiner dans la position d'un spectateur qui se contente d'apprécier certains engagements ou promesses électorales à partir de la performance verbale des candidates et candidats en lutte pour obtenir son vote. Ensuite, le dénouement du vote ne doit pas être interprété comme le résultat de l'intérêt spontané des individus pour la politique, bien plutôt comme le produit d'un travail d'enrôlement des citoyenNEs par les professionnelLEs de la politique. Une chose est certaine : la présente campagne électorale fédérale nous donne et donnera à voir et à observer moult et maints exemples de candidates et de candidats spécialistes des engagements flous, lointains et surtout expertEs de la rhétorique, du slogan et de la solution supposément « définitive » à plusieurs problèmes. Il faut se le dire, en campagne électorale les citoyennes et les citoyens se font et se feront asséner, jour après jour, des déclarations provocantes, des petites phrases insignifiantes, des formules-chocs redondantes, des promesses merveilleuses et nous en passons…

Il nous sera difficile, dans le cadre de la présente campagne électorale, de réinventer de nouvelles pratiques qui paraissent nécessaires à la refondation des solidarités en vue de résoudre les nombreux problèmes qui nous assaillent, qui nous interpellent et que les partis politiques préfèrent à peine mentionner ou ne pas aborder, et ce uniquement parce qu'ils savent qu'au cours des prochaines années il se peut que l'agenda des crises à résoudre soit constitué d'autres enjeux pour lesquels ils n'auront soumis aucune perspective de solution4. Ils auront alors carte blanche pour y aller de leurs solutions improvisées et antipopulaires à caractère idéologique, qui font peu de cas de la dimension sociale ou écologique. Quoi qu'il en soit, nous aurons droit à de nombreuses promesses qui, une fois les candidatEs éluEs, seront rapidement remisées au rayon des promesses mirobolantes non tenues… Et ainsi va minimalement la vie politique depuis Cicéron !

En fin de compte, la critique à adresser au système des partis politiques en campagne électorale est la suivante : il s'agit de celle de la bureaucratie étatique et partisane. Le système de gouvernement représentatif connaît aujourd'hui une crise en partie parce qu'il a perdu, avec le temps, toutes les institutions qui pouvaient permettre une participation effective des citoyenNEs et, d'autre part, parce qu'il est gravement atteint par le mal qui affecte le système des partis politiques tel que diagnostiqué par Moisei Ostrogorsky et Robert Michels au siècle dernier, c'est-à-dire la bureaucratisation et la tendance des deux grands partis politiques à ne représenter que leurs appareils. C'est le phénomène du gouvernement de l'anonymat, celui des candidatures errantes qui parviennent à se faire élire à l'aide d'une kyrielle de promesses aux solutions illusoires condensées dans un programme électoral : un programme « mirage ».

Sommes-nous alors dans la duperie et le mensonge ? Sinon dans la courtisanerie laissant sous-entendre une tendance hypocrite, du sens de Hannah Arendt ? Et pourquoi ne pas rappeler Quinte-Curce pour qui le meilleur moyen de gouverner la multitude est l'usage de la superstition ? D'abord, l'hypocrite signifie « comédien » en grec, mais il s'agit surtout d'un comédien dont l'art de jouer lui retombe dessus inévitablement, car s'il sait berner autrui, en espérant que celui-ci le croit vertueux comme il le dit, il en vient en plus à se mentir à lui-même, cherchant donc à convaincre de ce qu'il n'est pas. En bref, le crime de l'hypocrite se résume à « un faux témoignage contre lui-même », ce qui revient à considérer l'hypocrisie comme « le vice grâce auquel la corruption devient manifeste » (Arendt, 2012, pp. 156-157). La distraction de la campagne électorale peut alors dissimuler sous son masque un échange particulier entre des contributeurs et des offreurs de promesses conditionnelles à la victoire. Bien entendu, il s'agit ici de se remémorer certains faits malheureux de l'histoire des campagnes électorales, en espérant une avenue vertueuse de celle qui nous concerne actuellement. Ensuite, la superstition est ce qui sert à adorer des dieux, des rois, des dirigeantEs, mais aussi à les détester. Car la cause « d'où naît la superstition, qui la conserve et l'alimente, est donc la crainte […] » (Spinoza, 1965[1670], p. 20). Si la superstition fut utile à rattacher les fidèles aux grandes religions et aux anciens États, elle demeure toujours d'actualité et s'est donc ajustée au goût du jour. Pour éviter le châtiment, une action doit être posée pour alléger l'humeur ou la dangerosité de la chose menaçante ; par exemple, pour éviter des pressions inflationnistes et avoir plus d'argent dans nos poches, il faut voter pour le parti qui promet des baisses d'impôt et les meilleures mesures de croissance économique, comme si tout pouvait être régulé par la force du politique. Superstition et croyance vont ainsi de pair.

Par ailleurs, dans la mesure où leur efficacité ne peut jamais être véritablement établie, les répertoires d'action et les techniques de mobilisation électorale sont dotés d'une forte inertie. Certaines formes de mobilisation électorale, apparues aussi loin que l'Antiquité romaine, continuent de perdurer. La médiatisation n'a pas supprimé les médiations traditionnelles d'une campagne électorale. Faire campagne, c'est toujours, même à l'ère de la démocratie médiatique contemporaine, « serrer les mains » et distribuer des dépliants électoraux et des macarons à l'effigie de la candidate ou du candidat. Faire campagne, c'est donc, dans une conjoncture et sur un territoire donnés, recourir à un répertoire de techniques plus ou moins stabilisées, dont la ou le candidatE présuppose l'efficience, et dont l'usage est fonction de la représentation qu'il se fait de son électorat et de leurs attentes et de leurs préférences. Ces techniques apparaissent à la fois en constante transformation et marquées par une certaine continuité. Si une rationalisation des pratiques politiques et électorales est à l'œuvre, notamment à travers le rôle du marketing politique, et si le volume total des ressources de toutes sortes nécessaires pour l'emporter dans la compétition politique tend à augmenter, faire campagne revêt toujours l'aspect laborieux d'une incontournable et nécessaire « besogne électorale » qui consiste à aller à la rencontre des gens. La lutte et les campagnes électorales restent fortement contraintes par la structure des interactions sociales et le travail de mobilisation de l'électorat en vue de faire sortir le vote partisan. Elles relèvent, par conséquent, de pratiques préexistantes et de concurrences routinières, ancrées dans le temps long. Se pose ici une question : est-ce ainsi que nous croyons vraiment un jour venir à bout de ces nombreux maux auxquels nous sommes constamment confrontéEs ? Élections, piège à quoi encore5 ?

Guylain Bernier
Yvan Perrier
4 et 5 avril 2025
14h

Références

Arendt, Hannah. 2012. De la révolution. Paris : Gallimard, 502 p.

Baudart, Anne. 2005. Qu'est-ce que la démocratie. Paris : Vrin, 128 p.

Beaumont, Stéphane. 1997. Le jeu politique. Toulouse : Les éditions Milan, 63 p.

Charlot, Jean. 1971. Les partis politiques. Paris : Armand Colin, 255 p.

Coche, Marie-Ève et Émilie Muraru. 2022. « La démocratie ». Documentation photographique, 2022, no. 2, 65 p.

Haegel, Florence. 2024. La science politique. Paris : SciencesPo Les Presses, 377 p.

Lambert, Frédéric et Sandrine Lefranc. 2014. 50 fiches pour comprendre la science politique. Paris : Bréal, 223 p.

Lefebvre, Rémi. 2024. « Le travail de mobilisation électorale ». In Cohen, Antonin (dir.). Nouveau manuel de science politique. Paris : La Découverte, p. 423-439.

Michels, Robert. 2009. Les partis politiques. Bruxelles : Éditions de l'Université de Bruxelles, 271 p.

Offerlé, Michel. 2024. « Partis et configurations partisanes ». In Cohen, Antonin (dir.). Nouveau manuel de science politique. Paris : La Découverte, p. 465-478.

Ostrogorski, Moisei. 1979. La démocratie et les partis politiques. Paris : Éditions du Seuil, 312 p.

Quintus Tullius Cicéron. 2015. Petit manuel de campagne électorale. Paris : Rivages poche, 143 p.

Spinoza, Baruch. 1965[1670]. Traité théologico-politique. Paris : GF-Flammarion, 380 p.

Spinoza, Baruch. 1966[1677 et 1661-1676]. Traité politique. Lettres. Paris : GF-Flammarion, 379 p.

Notes
1. Quintus Tullius Cicéron. 2015. Petit manuel de campagne électorale. Paris : Rivages poche, 143 p. Il est à noter que nous avons lu, à plus d'une reprise, que certains spécialistes doutent de l'authenticité de l'auteur du manuel.
2. Rey, Alain (dir.). 1993. Dictionnaire historique de la langue française. Tome 1. Paris : Dictionnaire Le Robert, p. 335.
3.Voir à ce sujet les nombreux ouvrages explicatifs disponibles sur le NET au sujet des règles électorales afin d'aider les candidatEs et de permettre aux électrices et aux électeurs d'exercer leur droit de vote.
4.C'est la grande leçon qu'il faut retenir de la campagne électorale de 1988 qui a porté sur un seul enjeu (le libre-échange Canada-USA). Les cinq années suivantes ont été entre autres choses consacrées à l'échec de l'entente du Lac Meech, au rejet de celle de Charlottetown et à l'adoption de la taxe sur les produits et services (TPS).
5. « Élections, piège à cons » (Jean-Paul Sartre). Issu du vocabulaire militaire, le « piège à cons » désigne un leurre grossier dans lequel seuls les faibles d'esprit peuvent tomber....

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Un abandon du recentrage politique ou un changement de rhétorique ?

8 avril, par Roger Rashi — ,
Le 22è Conseil national de Québec solidaire tenu en ligne le 5 et 6 avril c'est conclu de façon bien inattendue sur une note combative. Pourtant, jusqu'à sa dernière session le (…)

Le 22è Conseil national de Québec solidaire tenu en ligne le 5 et 6 avril c'est conclu de façon bien inattendue sur une note combative. Pourtant, jusqu'à sa dernière session le dimanche après-midi, ce CN nouvelle formule, réduit à 110 délégués en vertu des nouveaux statuts restrictifs adoptés au congrès de novembre dernier, s'annonçait comme l'un des plus mornes et insipides de l'histoire du parti. Et ce malgré l'atmosphère de crise ininterrompue qui afflige QS depuis dix-huit mois, aggravée par le départ fort médiatisé du porte-parole masculin et figure marquante de la formation, Gabriel Nadeau-Dubois, moins de deux semaines avant la tenue de cette instance nationale.

Une campagne publique contre le vent de droite

Coup de théâtre, dimanche à 14h, la direction du parti laisse passer une résolution proposée par le Réseau militant intersyndical et appuyé par les associations de Viau et NDG qui prône le lancement d'une campagne publique contre le vent de droite. Intitulée « Face à la montée de l'extrême droite, de l'austérité et de l'antisyndicalisme, lançons une riposte unitaire et populaire » cette résolution brise avec le recentrage politique et le parlementarisme affichés par le parti depuis la campagne électorale de 2022 sur deux points essentiels. Premièrement, elle propose une campagne publique qui se déroulerait « tant au parlement que dans la rue » en solidarité avec les mobilisations sociales en cours. Deuxièmement, elle affirme qu'une telle campagne est « la meilleure façon de mobiliser nos membres, d'activer nos structures… et d'accroître notre appui populaire ». La résolution, fortement soutenue par la très grande majorité des intervenants au micro, est adoptée avec une substantielle majorité.

Fort appui aux luttes ouvrières et syndicales en cours

Tout aussi intéressante est l'ultime session de ce conseil national qui porte sur trois résolutions d'urgence appuyant des luttes syndicales en cours. La première affirme l'appui du parti aux travailleuses des Centres de la petite enfance (CPE) en lutte contre le gouvernement caquiste. Les deuxièmes et troisièmes résolutions d'urgence, proposées par le Réseau intersyndical, réaffirment respectivement :

L'appui aux licenciés d'Amazon et à la campagne de boycottage public et institutionnel de cette multinationale notoirement antisyndicale.
Que QS continue de dénoncer sans arrêt le projet de loi 89 et toutes les formes de recul que tente d'imposer la CAQ au droit de grève.

Le scénario se répète alors que la direction nationale approuve tacitement ces résolutions et elles passent avec une forte majorité et un appui quasi unanime au micro.

Un changement cosmétique ?

C'est toute une volte-face pour une direction nationale qui affirmait jusqu'à tout récemment, contre vent et marée, que la seule issue aux multiples crises internes et à la dégringolade du parti dans les sondages se trouvait dans le pragmatisme politique et le recentrage programmatique. Dans les faits, ce conseil national se voulait à l'origine comme un véritable éteignoir des critiques internes en ignorant tout débat stratégique et ne mettant à l'ordre du jour qu'une série de questions d'ordre organisationnelles.

Ce n'est que dans la semaine précédant le CN qu'un changement à l'OJ fut annoncé en catimini, soit l'ajout dès le samedi matin d'une session de discussion sur les perspectives stratégiques. Un court document ne donnant aucune orientation concrète a été publié littéralement à la veille du conseil notant la démission de GND de son poste de porte-parole masculin et soulignant l'annonce par Ruba Ghazal que désormais « la défense des travailleuses et travailleurs serait sa priorité comme porte-parole ». Le débat d'une heure et quart qui s'en est suivi fut assez confus alors que la direction et les parlementaires présents se sont abstenus de toute intervention et qu'aucune conclusion n'en est ressortie.

Mais est-ce un virage stratégique qui s'amorce ou simplement un changement de rhétorique face une situation de crise lancinante qui démobilise les bases du parti ?

Difficile de conclure, car, jusqu'au moment d'écrire ces lignes, les résolutions adoptées à ce 22è CN demeurent quasiment confidentielles. Depuis une quinzaine d'années, les porte-parole du parti tenaient toujours une conférence de presse à l'issue des instances nationales. Ce n'est point le cas cette fois-ci, alors qu'il n'y a même pas eu un simple communiqué de presse. De plus, rien n'a été annoncé à l'interne et aucune modification du prochain Conseil national devant se tenir au début du mois de juin n'a été mise en marche.

Quoi qu'il en soit, ce 22è CN a entrouvert la porte à un débat stratégique dans les rangs du parti et, par ce fait même, à la possible réorientation de cette formation engluée dans un marasme politique ponctué de crises publiques spectaculaires.

Nous sommes à l'orée d'un nouveau cycle politique avec la montée du néofascisme trumpien, des guerres tarifaires, et de la droitisation de la scène politique québécoise et canadienne. C'est dans de telles circonstances qu'une vraie gauche de transformation sociale doit s'affirmer et répondre aux défis de la nouvelle époque.

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Intervention d’Alexandre Leduc, député de Québec solidaire, sur le principe du projet de loi 89

8 avril, par PTAG ! — , ,
Presse-toi-à-gauche ! présente ici l'intervention à l'Assemblée nationale d'Alexandre Leduc, député de Québec solidaire d'Hochelaga-Maisonneuve sur le principe du projet de loi (…)

Presse-toi-à-gauche ! présente ici l'intervention à l'Assemblée nationale d'Alexandre Leduc, député de Québec solidaire d'Hochelaga-Maisonneuve sur le principe du projet de loi 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out. Le député affirme clairement que « c'est un projet de loi liberticide, injuste et profondément inutile », car il cherche à limiter le droit de grève et à diminuer la capacité des travailleuses et des travailleurs de disposer d'une certaine capacité de négociation avec leurs employeurs.

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Note de presse de la Coalition haïtienne au Canada contre la dictature en Haïti

8 avril, par Alain Saint Victor, Jean-Claude Icart — , ,
D'après certaines informations, un membre du Conseil présidentiel de transition (Cpt), Smith Augustin, connu pour son implication dans le scandale de la Banque nationale de (…)

D'après certaines informations, un membre du Conseil présidentiel de transition (Cpt), Smith Augustin, connu pour son implication dans le scandale de la Banque nationale de crédit (BNC), serait à Montréal pour promouvoir la participation des Haïtiens et Haïtiennes aux prétendues élections en Haïti. La présence d'un tel individu à Montréal est un outrage et un affront à notre communauté.

Il est inutile de rappeler ici tous les crimes commis par les gangs à sapate et à cravate dans le pays, les statistiques parlent d'elles-mêmes : massacres, assassinats, viols, destructions et incendies, mais également détournement et gaspillage des fonds publics. La diaspora ne peut donc se permettre d'organiser des activités pour mettre de l'avant l'importance des élections à ce moment tragique de notre histoire et qui pis est, d'inviter un Conseiller/Président à y participer d'autant qu'il est accusé de corruption sans que le CPT ne fasse cas de la situation.

L'impuissance du pouvoir à faire face à la violence des gangs et à l'élaboration d'une gouvernance fiable et efficace ne vient pas uniquement d'un manque de moyens. Derrière les agissements des personnalités du pouvoir, il y a la volonté politique de ne rien faire, du « lese grennen » cher à nos politiciens traditionnels. Le pouvoir actuel n'est pas seulement indifférent et même complice, il est également truffé d'individus corrompus, une attitude doublement outrageante.

Après 12 mois au pouvoir, l'échec est cuisant pour le Cpt et le gouvernement de Fils-Aimé : le projet de mettre sur pied un référendum et de réaliser les élections n'est que pur fantasme, et si les membres du pouvoir continuent d'en parler c'est pour mieux détourner l'attention sur la situation tragique du peuple haïtien et la corruption qui gangrène le Cpt.

C'est pourquoi nous, de la diaspora, devrions dénoncer avec véhémence toutes campagnes visant à faire croire que des élections sont possibles dans la situation actuelle. Devant la gabegie et son incapacité à résoudre quoi que ce soit, le Cpt cherche par tous les moyens à se légitimer. À nous de dénoncer et de refuser de participer à cette mascarade.

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Milei et le cosplay : populisme et pop culture à l’ère des libertariens

8 avril, par Ariana Saenz Espinoza, Zacharie Petit — , ,
Nul besoin de comparer Javier Milei au Joker : en 2019, il se déguise en « Général Ancap », super-vilain icône de l'anarcho-capitalisme. Cette mascarade est emblématique de la (…)

Nul besoin de comparer Javier Milei au Joker : en 2019, il se déguise en « Général Ancap », super-vilain icône de l'anarcho-capitalisme. Cette mascarade est emblématique de la réappropriation par les extrêmes droites populistes de la pop culture et de la culture geek. Loin d'être une simple farce communicationnelle, ces pratiques instaurent un nouveau récit politique : celui de la super-violence autoritaire aux mains des ennemis de l'État de droit.

4 avril 2025 | tiré d'AOC media
HTTPS ://AOC.MEDIA/OPINION/2025/04/03/MILEI-ET-LE-COSPLAY-POPULISME-ET-POP-CULTURE-A-LERE-DES-LIBERTARIENS/

• « Je suis le Général Ancap. Je viens de Liberland, une terre née du principe d'appropriation originelle de l'homme. Un territoire de sept kilomètres carrés entre la Croatie et la Serbie. Un pays sans impôt, où l'on défend les libertés individuelles, où l'on croit en l'individu, et où il n'y a pas de place pour ces fils de pute de collectivistes qui veulent nous pourrir la vie. »

• Cette harangue ne sort pas de la bouche d'un prophète belliqueux échappé d'une bande dessinée futuriste, d'un antagoniste de manga hargneux ou d'un personnage épique de jeu vidéo réactionnaire. Le Général Ancap fait sa première apparition publique en 2019, lors d'une Comic Con à Buenos Aires.
Javier Milei y surgit sous les traits d'un personnage tout droit sorti d'un nanar : masqué, moulé dans une combinaison bon marché noire et jaune, les couleurs du drapeau libertarien, le torse frappé d'un sceau super-héroïque. Dans sa main, un sceptre doré en plastique, improbable croisement entre un trident mystique et un symbole alchimique. Le cosplay est cheap, le super-héros inédit : Ancap est un outsider « anarcho-capitaliste », armé d'une tronçonneuse et coiffé comme Wolverine, venu libérer la société de ses chaînes étatiques et instaurer le règne libertarien à l'échelle planétaire.

Quarante-quatre ans avant le Général Ancap, un justicier mondialement célèbre faisait irruption dans la fiction politique latino-américaine, cette fois transformé, dans l'imaginaire de Julio Cortázar, en héros socialiste face au néocapitalisme. En janvier 1975, après sa participation au Tribunal Russell II[1], l'écrivain en exil publie Fantômas contre les vampires des multinationales[2], une attaque parodique contre l'impérialisme américain et ses multinationales complices des dictatures latino-américaines.

Cortázar y place Fantômas aux côtés de Susan Sontag, Gabriel García Márquez, Octavio Paz et Alberto Moravia, intellectuels solidaires du héros masqué. Sérigraphies de répression, logos de multinationales, armes à feu, le texte se nourrit de collages : un télégramme dévoilant l'intention des États-Unis de renverser Salvador Allende, des documents montrant les profits des compagnies implantées sur le continent après le coup d'État de Pinochet. Un photomontage surréaliste, inspiré du Chien andalou et des illustrations de romans populaires ponctuent ce récit, qui fut censuré en Argentine mais vendu par dizaines de milliers au Mexique, et dont les recettes était intégralement reversées au Tribunal Russell.

Javier Milei est le produit d'une même histoire politique jalonnée d'épisodes macabres, entre série Z, dystopie horrifique et terreur, à l'image de ces manifestants évangélistes anti-IVG qui, la même année que l'apparition du Général Ancap, arpentaient Buenos Aires en brandissant des fœtus géants en papier mâché et de grands crucifix d'où pendaient des poupons éclaboussés de rouge façon sauce tomate — un sinistre écho aux 500 bébés volés sous la dictature, « sauvés » de la menace communiste qui, selon la junte, gangrénait la société argentine.

Les « subversifs » d'hier sont les wokes d'aujourd'hui : « Tremblez, gauchistes fils de pute, nous irons vous chercher jusqu'au dernier recoin de la planète en défense de la liberté », avertissait sur X, au lendemain de l'investiture de Trump, ce cosplayer sidérant adepte du clonage et des cryptomonnaies – hybride d'un général fascisant, d'un économiste libertarien et d'un super-héros de foire.

From pop'ular culture to pop'ulist culture

« La pop a quelque chose de sauvage et de proliférant. Elle n'est peut-être pas une démocratie », écrit Richard Mèmeteau dans Pop culture — Réflexions sur les industries du rêve et l'invention des identités (La Découverte, 2014). Il rappelle que, dans le Oxford English Dictionary, la première occurrence du mot pop a servi à qualifier « une chanson pétillante et entraînante ». Est pop ce qui pétille, ce qui surgit (to pop up) – explosion irrésistible qui déborde tous les cadres. Le terme de pop culture désigne une catégorie vaste et composite : on y retrouve Beyoncé, Spider-Man, le « quoicoubeh », le Nutella, Fortnite… Ce terme parapluie regroupe volontiers, souvent de manière simplifiée, des objets, des personnalités ou des pratiques massivement produits, partagés, diffusés et référencés de façon mimétique et mémétique.

Bien que certains de ces éléments aient leurs spécialistes, ils sont généralement perçus comme accessibles au plus grand nombre. La pop culture incarne une forme d'opposition à la culture élitiste, tout en étant aussi financée par elle. Par sa capacité à s'emparer de tout sujet ou objet, sans aucune limite, elle devient un phénomène omniprésent, capable de canaliser l'engagement et l'attention collective.

Ce sont les populistes d'outre-atlantique qui l'ont le mieux compris, avant d'inspirer la nouvelle génération de populistes des droites européennes. En témoigne l'évolution d'Elon Musk avec son DOGE[3], référence aux memes mettant en scène un shiba inu, chien japonais emblématique, dont la gloire est née sur Reddit et 4chan (dog devenant « doge »). Ses appels du pied à l'alt-right[4] (par l'utilisation du meme Pepe the Frog), ses velléités de s'afficher en gamer (en se ridiculisant), et son omniprésence sur feu Twitter sont autant de signalements ostensiblement affichés d'une appartenance prétendue à cette culture.

Elon Musk, lors de la Conservative Political Action Conference (CPAC), a bien qualifié cette stratégie : il s'agit de « devenir un meme », de s'insérer et de se cristalliser dans l'esprit populaire comme signe, signifiant et objet. Lors du même rassemblement, Steve Bannon a poussé la logique un cran plus loin : il a adressé à la foule un salut autrefois banni, double imitation nazie et muskesque, entériné par un « amen ». Trump lui-même est un artéfact pop culturel : animateur TV, personnage de catch WWE, il s'est plus récemment illustré, dans la dernière ligne droite de la présidentielle, en employé de McDonalds, ou encore comme danseur sur l'hymne YMCA ; ses mimiques ont été reprises partout dans le pays de l'oncle Sam. En France, ces stratégies sont copiées par l'extrême droite, comme lorsque Jordan Bardella se met en scène sur TikTok ou que sont diffusées ses performances de jadis sur Call Of Duty.

Post-satire, ridicule et outrance font écran à la violence des aspirations de l'alt-right et des libertariens. Une stratégie insidieuse émerge : jouer de la saturation médiatique et d'un nouvel ethos, en s'immiscant dans les codes et les espaces populaires pour contraster avec une élite conspuée et déconnectée – « la caste », dirait Javier Milei — jusqu'à se confondre avec l'objet esthétique plaisant, et, enfin, s'en emparer. Se prétendant contre-culturel, ce mouvement en est en réalité l'opposé : il détourne le « pop » de pop culture à son profit, le redéfinit et l'instrumentalise comme un levier de pouvoir populiste.

En Argentine, le cosplay détourné

En Argentine, cette stratégie trouve un terrain fertile dans la pratique du cosplay, investie par Milei et ses partisans. Derrière l'esthétique fantasque du miléisme se profile une figure désormais bien connue des Argentins : Lilia Lemoine, cosplayeuse, influenceuse antiféministe et complotiste antivax, aujourd'hui parlementaire sous la bannière de La Libertad Avanza.

Particulièrement populaire dans le paysage geek, le cosplay repose sur l'incarnation presque totémique d'un personnage, dans un acte d'expression libre. Changer de genre, d'origine ethnique ou de corpulence n'y surprend personne : cette plasticité fait du cosplay un espace de diversité et d'inclusivité, largement investi par la communauté queer.

La militante antiavortement Lilia Lemoine choisit pour elle des personnages qui, justement, sont au panthéon des icônes pop culturelles féministes et qui ont fait figure d'avant-garde des luttes de libération. L'exemple le plus marquant est sans doute celui de Ciri, issue de l'univers de The Witcher, une saga où la question du droit des femmes à disposer de leur corps se heurte aux pressions politiques et au regard objectifiant. Dans cet univers pro-choice, les cultures qui interdisent l'avortement sont qualifiées de barbares, et les sorcières, figures de pouvoir politique et mystique, échappent aux injonctions reproductives et redistribuent le pouvoir. La costumière du « Général Ancap » détourne ces personnages pour les inscrire dans une logique de fan service adressé à un public masculin, dans un registre qui oscille entre soft porn et fantasme geek, en bikini, épée à la main. Cette tension entre empowerment et male gaze, inhérente au cosplay, prend ici un tour nettement politique : la charge subversive de ces figures est neutralisée.

Du super-héros comme nouvel homme fort et salvateur

Symbole absolu de la culture geek pris pour référence par Musk, Milei et plus rarement par Trump, le super-héros est le personnage totem. Complexe et pourtant ultra-identifiable, héritier du chevalier et du demi-dieu mythologique, il incarne la pulsion de la salvation : être sauveur ou être sauvé au sein d'une communauté en péril. Cette figure, le plus souvent masculine, est un catalyseur en temps de crise. Ce fut par exemple le cas du célèbre Captain America, créé par Jack Kirby et Joe Simon, deux juifs ashkénazes, dont la fonction première était de combattre le nazisme.

Dans la même écurie, Marvel, les X-Men opèrent comme une représentation de la diversité des États-Unis en tant que terre d'immigration et un soutien au mouvement des droits civiques, le Professeur Xavier incarnant une figure inspirée de Martin Luther King, tandis que Magnéto est souvent comparé à Malcolm X. Plus tard, le groupe de super-héros mutants sera interprété comme une allégorie du coming out et de l'oppression des communautés LGBTQ. Dernier exemple en date, T'Challa, alias Black Panther, création de Stan Lee, avant même la naissance du groupe activiste du même nom, incarne un renversement des récits de ségrégation et d'émancipation : il est un roi technologique, capable de rivaliser avec les plus puissants héros. Dans l'univers Marvel, ni lui ni ses ancêtres n'ont connu l'esclavage et le Wakanda demeure l'un des plus grands bastions de résistance à l'oppression.

Le super-héros s'inscrit toujours dans l'urgence et dans l'action, bien qu'il puisse mener en parallèle une vie rangée. Il est le détenteur d'un pouvoir, le gardien d'un ordre. Il possède donc, comme l'a montré Alan Moore dans Watchmen, un potentiel fascisant immense. Le super-héros se place au-dessus des lois, au-dessus de l'opinion, dans un mouvement fondamentalement antidémocratique. Il fait souvent la loi plus qu'il ne la respecte. Même Superman, le plus pur d'entre eux, a ses versions alternatives où il devient un tyran. Comme le conceptualise Alan Moore, le super-héros nous maintient dans un état d'infantilisation, nourrissant l'instinct de déléguer notre protection à une figure toute-puissante et providentielle, quitte à légitimer la force comme mode de gouvernance.

Le retour du geek

Dans ce magma de références, on peut noter l'usage distinctif d'une culture populaire. Elle ne revêt que peu de sens si ce n'est de créer un écart démonstratif avec la culture bourgeoise. Indiscutablement, ce sont les références geeks qui jouent ce rôle. Dense réseau de sous-cultures, jadis houspillées et à présent hégémoniques, tant par leurs adhérents que par leur présence dans les références communes.

Aujourd'hui le box-office est tenu par les super-héros, le jeu vidéo est l'industrie culturelle la plus profitable, et les tout-puissants du numérique sont des geeks. La culture geek va de pair avec le capitalisme, par ses produits dérivés et ses espaces de consommation, mais aussi avec l'ère numérique, car tout repose sur le partage entre fans facilité par Internet – les forums ayant été le ground zero de notre communication moderne, le fruit de cette envie dévorante de partage et débat autour de la fiction.

Les geeks ne sont plus dominés ou minoritaires. Ils se perçoivent ainsi, comme minorisés, du fait du mépris non résorbé toujours réservé aux sous-cultures. On retrouve là, à l'instar des chrétiens aux États-Unis, un complexe de persécution, une posture victimaire adoptée par certains groupes dominants. Une frange réactionnaire du monde geek, lorsqu'elle se mêle aux idées fascistes, en fait un levier de revanche, dans une pensée-ressentiment où tout peut être utilisé pour contrer l'hypothèse woke.

Le faux drapeau super-héros pop et l'offensive libertarienne, une exploitation

Détourner les références pop en se les appropriant : une habitude de l'extrême droite, dans un mélange de méconnaissance et d'instrumentalisation. Le Seigneur des Anneaux y est considéré depuis des années comme une œuvre de ralliement. La pilule rouge de Matrix est devenue un nom de code masculiniste, symbole d'un contre-éveil anti-woke, alors que la tétralogie des sœurs Wachowski est, entre autres choses, une allégorie de la transition de genre.

Incarner un héros, devenir un artefact culturel, se mémifier, c'est, pour cette nouvelle extrême droite, acquérir une forme de transitivité de la puissance de ces images. « La raison a beau crier », comme le soulignait Pascal, mais l'image, elle, s'impose par la sidération qu'elle provoque. C'est ce qui permet à Elon Musk, malgré son profil de geek médiocre, de se construire une aura en prétendant être grand joueur d'Elden Ring ou de Path of Exile. L'adhésion repose moins sur les faits que sur la familiarité de l'image : un geek reconnu, un pair. Peu importe aussi que la figure du général soit connotée négativement, tant dans la culture argentine que dans la pop culture, où seuls les super-vilains portent ce titre (le Général Zod contre Superman, le Général Ross contre Hulk). L'esthétique prime sur la signification : le Général Ancap touche au cool, cette catégorie esthétique dominante, qui repose sur le détachement et l'effortless. Les politiciens d'extrême droite s'emparent ainsi de la culture geek pour y injecter leur propre mythologie.

Lilia Lemoine en Ciri et enWonder Woman, Javier Milei transformant sa tronçonneuse (une version maléfique du Mjöllnir de Thor, symbole de vertu réservé aux seuls dignes de le manier) : autant de détournements qui brouillent les repères. La tronçonneuse DOGE, offerte par Milei à Musk à la CPAC, est le point culminant de cette logique, une passation symbolique où l'objet, vidé de son sens premier, devient un étendard. Ce détournement ne s'arrête pas à l'iconographie. Il s'étend aux récits politiques eux-mêmes. Du libertarianisme à la conquête de Mars – hypothétiquement rendue habitable en prenant le contrôle de l'arsenal nucléaire pour bombarder ses pôles –, on retrouve les mêmes motifs de domination et de toute-puissance. Ironiquement, ces projets dystopiques résonnent avec ceux des antagonistes des univers de fiction que ces figures politiques prétendent incarner.

Un nouveau contrat éthique

Le Liberland géant, bien au-delà du micro-État vanté par Milei, surgit comme un monde cyberpunk sous l'impulsion de l'alt-right libertarienne et néo-libérale. Ce courant dominant de la science-fiction contemporaine (Matrix, Ghost in the Shell, Blade Runner, Total Recall) dépeint des futurs où l'industrie et le capitalisme écrasent l'humanité et précipitent sa disparition. Dans ces espaces, le lien avec la machine est, de gré ou de force, ténu, que ce soit par le rapport entre humain et IA, ou par des mutilations volontaires transhumanistes.

Avec leurs nouveaux costumes flamboyants et parodiques, les figures de l'extrême droite libertarienne prônent la fin du contrat social avec une désinhibition totale, sans filtre. À l'aune d'un nouvel ordre techno-féodal où la prédation est la norme, notre destin collectif exige l'établissement d'un nouveau contrat éthique – seul rempart contre la fusion politique super-violente de l'horrible et du merveilleux.

Zacharie Petit
PHILOSOPHE, DOCTORANT À L'UNIVERSITÉ PARIS 1 PANTHÉON-SORBONNE

Ariana Saenz Espinoza
JOURNALISTE

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L’homme qui voulait être roi : la méthode et les contradictions dans la folie de Trump

8 avril, par Sam Gindin — , ,
Des vents contraires sont apparus dans la précipitation de Donald Trump à faire dérailler et à transformer l'État et à placer l'Empire américain sur des bases radicalement (…)

Des vents contraires sont apparus dans la précipitation de Donald Trump à faire dérailler et à transformer l'État et à placer l'Empire américain sur des bases radicalement nouvelles – mais non moins oppressantes. Cette fois, cependant, Trump est venu avec un programme plus préparé, tandis que les forces sociales pour contrer sa trajectoire restent un souhait lointain. Cela facilite l'entêtement de Trump.

6 avril 2025 | https://socialistproject.ca/2025/04/man-who-would-be-king/

Nous ne savons pas jusqu'où Trump ira. Aucune préoccupation ne doit être écartée, qu'il s'agisse de la menace d'une consolidation fasciste, de la crainte que les atteintes aux programmes sociaux soient presque irréversibles, de la dévastation supplémentaire du mouvement ouvrier ou des dommages aigus causés à l'environnement par quatre années d'inaction (ou pire).

Pour une grande partie de la gauche découragée, la trajectoire de Trump signifie une ligne droite vers l'enfer. Et pourtant, il y a un écart important entre ce que Trump veut faire et ce qu'il sera capable de réaliser. Les cultures et les capacités de l'État peuvent être attaquées, mais pas si facilement refondées. Les structures économiques mondiales sont têtues. Les réactions internationales sont incertaines. Les contradictions de classe abondent.

Bien que les coupes de Trump dans les services, tenus pour acquis, n'aient pas encore été largement expérimentées, les réactions au déchaînement de Trump contre l'État commencent à faire surface. Et si les bizarres tarifs douaniers de Trump s'avèrent être plus qu'un stratagème de négociation temporaire et que leur imposition fait grimper les prix, les perturbations et l'économie à la baisse feront effondrer la crédibilité de Trump. Les perspectives pour la gauche socialiste de profiter de tout cela sont sombres.

La résistance aux excès de Trump est donc, paradoxalement, plus susceptible de provenir de ses propres partisans populistes et du monde des affaires.

Trump peut répondre aux attentes de ceux et celles qui recherchent une ligne dure sur l'immigration et peut accorder à ses bailleur.e.s de fonds les réductions d'impôts et la déréglementation qu'ils et ells recherchent avidement. Mais c'est l'économie qui sera décisive pour sa base populiste. Et sur cette mesure, il est très peu probable que Trump réussisse. Quant à l'élite des affaires, elle a toujours supposé que Trump n'était pas fou au point de déclencher une guerre tarifaire qui risquerait de saper l'empire américain lui-même. Au fur et à mesure que ce danger se matérialisera, les entreprises se rebelleront. La question passera alors de ce que Trump a l'intention de faire à ce qu'il fera si ses plans s'égarent.

Une méthode dans la folie de Trump ?

Steve Bannon, qui chuchotait à l'oreille du premier mandat de Trump, s'est un jour décrit comme léniniste parce que « Lénine ... voulait détruire l'État, et cela est aussi mon objectif. Je veux tout faire s'effondrer et détruire tout l'establishment d'aujourd'hui. » Apparemment, Trump écoutait et apprenait. Il y a de la méthode dans au moins une partie de la folie des débuts du second mandat chaotique de Trump.

« Le choc et l'effroi » déclenchés par Trump n'étaient pas seulement de concentrer le pouvoir de l'État entre ses mains ou un déchaînement vengeur de quelqu'un qui a été repoussé en 2020. Ce qui est plus important, c'est l'intention de perturber le fonctionnement normal de « l'État profond » afin de neutraliser toutes ses inclinations oppositionnelles et de le forcer à se replier sur sa défensive. Il ne s'agit pas de détruire l'État ; il ne fait aucun doute que les interventions de l'État à des fins autoritaires vont augmenter. C'est plutôt la paralysie permanente de ces aspects de l'État qui pourrait limiter le capital et répondre aux besoins collectifs.

Les mesures tarifaires erratiques de Trump, ainsi que son renversement de l'ancienne politique bipartisane sur l'Ukraine, ont déjà eu des résultats indirects. Dans le cadre d'une prétendue défense contre le tournant américain, l'Europe et le Canada ont tous deux endossé le manteau nationaliste de la souveraineté et ont donné à Trump l'un des principaux changements qu'il a demandés : une augmentation de leurs dépenses militaires afin de corriger la part disproportionnée de l'Amérique dans les coûts militaires de l'OTAN. Étant donné que les entreprises américaines obtiendront également une bonne part des dépenses militaires augmentées, le complexe militaro-industriel américain gonflé bénéficiera d'un coup de pouce supplémentaire.

De plus, il se peut que l'incertitude créée par rapport à l'accès au marché américain ait également de la méthode dans sa folie : les entreprises pourraient maintenant biaiser les futurs investissements mondiaux et les chaînes d'approvisionnement pour s'installer aux États-Unis « au cas où ». C'est une préoccupation générale. Mais cela touche particulièrement au Canada. Car il. est si proche, donc déjà intégré, et avec des coûts relativement comparables.

À la base de tout cela se trouve la question principale au cœur de l'agenda de Trump. Paraphrasée, elle demande : « Pourquoi, si l'Amérique est la puissance dominante du monde, accepte-t-elle une part aussi disproportionnée des fardeaux de la mondialisation et reçoit-elle une part si injuste des avantages ? » Le fait de définir le statut de l'Amérique en ces termes exagérés ajoute une autre méthode-de-folie : la mauvaise direction.

Beaucoup d'Américain.e.s n'aiment peut-être pas les réponses de Trump à la question qu'il pose, mais ils et elles ne remettent pas en question les hypothèses implicites qui sous-tendent cette question. L'Amérique est-elle vraiment en déclin ? Le problème est-il que le capital américain est faible et a besoin d'être renforcé, ou le capital américain est-il déjà trop fort et a-t-il besoin d'être contrôlé ? Les principales difficultés auxquelles sont confrontés les travailleurs et travailleuses sont-elles enracinées dans les biens qu'ils et elles importent ou sont-elles d'origine locale ? Malgré les tarifs douaniers qui dominent l'actualité, ce sont les actions intérieures de l'État américain et du capital national qui ont le plus d'impact sur la qualité de vie de la classe ouvrière. Pendant la Grande Dépression, le président Roosevelt a déclaré : « Nous ne pouvons pas êtres content.e.s... si une fraction de notre peuple est mal nourrie, mal vêtue, mal logée et peu sûre d'elle. » Neuf décennies plus tard, le « nous » de ce sentiment est toujours divisé entre les élites qui sont effectivement d'accord avec une telle Amérique et ceux et celles qui ne le sont décidément pas. Pourtant, ceux et celles du côté des perdant.e.s restent trop fragmenté.e.s et démoralisé.e.s pour réagir. Les défaites passées ont fait des ravages.

En abordant le phénomène Trump, il est courant de traiter le trumpisme comme unique. C'est une exagération. La montée d'une extrême droite a précédé Trump, et son ascension s'étend bien au-delà des États-Unis. Quelque chose avec un pedigree historique plus long que Trump et des fondements structurels communs semble être en jeu. À cet égard, quatre développements interdépendants ont été particulièrement cruciaux : la trajectoire du néolibéralisme, la crise de légitimité, la polarisation des options, et la montée du nationalisme.

Du libéralisme au néolibéralisme

Le libéralisme était l'expression du capitalisme des Lumières. Ses principes fondamentaux étaient la propriété privée des moyens de production et de distribution et l'omniprésence des marchés, y compris les marchés de la main d'œuvre et de la nature – les bases fondamentales de la survie humaine. Idéologiquement, le libéralisme soutenait que l'individualisme et l'intérêt personnel maximiseraient le bien-être de tous et toutes. Sur le plan politique, il a apporté le vote, des droits libéraux, tels que la liberté d'expression et d'association, la protection contre les arrestations arbitraires, et des limites à l'intervention du gouvernement dans la société civile.

Le capitalisme libéral n'était cependant pas un projet universaliste, mais un projet de classe. Le droit de vote était subordonné à la possession d'une propriété importante, et les premières tentatives des travailleurs et travailleuses d'agir collectivement ont été traitées comme des complots illégaux visant à limiter les droits prépondérants du commerce. Aux États-Unis, la qualification de propriété est restée jusqu'au dernier tiers du XIXe siècle et a continué d'exclure les femmes jusqu'au premier quart du XXe siècle, et les Noirs jusqu'au Voting Rights Act de 1965. Les droits syndicaux n'ont été établis qu'avec la loi Wagner au milieu des années 1930.

Contenir les travailleurs dans une société où leurs droits étaient considérablement restreints était une chose. Le faire après que les travailleurs et travailleuses aient obtenu le droit de vote, consolidé la syndicalisation, et obtenu des droits collectifs vitaux par le biais de programmes sociaux en était une autre. La réponse de l'État américain au soulèvement de la classe ouvrière pendan la Grande Dépression a été d'introduire des droits syndicaux et des programmes sociaux – des concessions considérées comme essentielles pour conserver/récupérer la légitimité du capitalisme.

Dans la période de l'après-guerre, les grandes attentes de la classe ouvrière qui ont suivi les dénégations des années 1930 et les sacrifices de l'économie de guerre ont de nouveau mis la pression sur les élites. Le projet américain d'un ordre mondial libéral a renforcé ces pressions. Car il s'est accompagné d'une restructuration prononcée à l'intérieur du pays et a nécessité le détournement de fonds nationaux pour relancer le capitalisme à l'étranger.

Le boom de l'après-guerre a permis aux élites d'offrir plus facilement des concessions aux travailleurs et travailleuses. Ces gains étaient toutefois limités, intégratifs et, sans changements structurels dans l'équilibre des forces de classe, vulnérables à un renversement. Néanmoins, alors que le boom de l'après-guerre s'estompait et que le capital cherchait à réduire les attentes des travailleurs et travailleuses et à accroître l'autorité du patronat sur les lieux de travail, les concessions du capital ont permis une certaine résistance persistante.

L'État américain n'était d'abord pas sûr de savoir comment répondre à cela sans s'aliéner la classe ouvrière. Après une décennie de trébuchements, un consensus s'est dégagé. Une subordination plus étroite des travailleurs et travailleuses au travail et dans la société aux priorités de l'accumulation du capital était essentielle. Cela se ferait en libéralisant la finance, en mondialisant, en mettant un frein à la croissance des programmes sociaux et en affaiblissant de manière décisive le mouvement ouvrier.

Ce projet, une adaptation du libéralisme des premières années du capitalisme aux nouvelles circonstances des gains politiques de la classe ouvrière, a apporté un libéralisme modifié ou renouvelé : le néolibéralisme. Elle a été caractérisée à tort par beaucoup comme dégradant le rôle de l'État et élargissant les marchés. Mais cette interprétation a mal compris son essence biaisée de classe. Les marchés ont besoin de l'État. Et l'État s'est transformé pour limiter certains de ses rôles (programmes sociaux, droits syndicaux, participation démocratique) tout en renforçant d'autres (subventions aux entreprises, interventions contre les grèves, élargissement du complexe industriel-carcéral).

La crise de la légitimation

Bien que les élites aient d'abord été nerveuses à l'idée des ramifications de l'inversion des gains récents de la classe ouvrière, une décennie de recherche d'autres solutions les a convaincues que le maintien de l'ordre capitaliste exigeait un assaut frontal contre les travailleurs et travailleuses. Il s'est avéré que, bien que le mouvement syndical ait fait preuve d'un militantisme économique important et de protestations impressionnantes, lorsqu'il s'agissait d'exercer une influence politique, le mouvement syndical était un tigre de papier. Le statu quo n'étant plus une option, et sans base sociale pour déplacer les choses vers la gauche, la solution à la crise du capitalisme des années 1970 se résumait à la nécessité de plus de capitalisme. Le politologue Adolph Reed a résumé succinctement le néolibéralisme comme étant

5 essentiellement « un capitalisme sans opposition de la classe ouvrière ». La politique de concessions aux travailleurs et travailleuses était maintenant remplacée par quelque chose de beaucoup moins coûteux : le fatalisme imposé : « il n'y a pas d'alternative » est devenu le slogan qui définit lecapitalisme.

Pendant un certain temps, les familles des travailleurs et travailleuses ont trouvé des moyens de survivre à l'assaut. Les femmes sur le marché du travail travaillaient plus longtemps. Les femmes jusque-là la maison entraient sur le marché du travail. Les étudiant.e.s ont pris du temps de leurs études et de leurs familles pour occuper des emplois généralement précaires et mal rémunérés. Les familles se sont endettées. Ces adaptations individualisées ont affaibli la capacité de résistance collective de la classe.

L'aliénation purulente et les frustrations croissantes ont constitué une crise de légitimité. La colère n'était pas dirigée contre le capitalisme et les capitalistes, mais plutôt contre les gouvernements élus, les agences d'État et les partis politiques qui étaient censés défendre les travailleurs et travailleuses contre les méchancetés les plus extrêmes du capitalisme. La crise de légitimité s'est manifestée comme une crise politique.

De nombreux et nombresues marxistes ont insisté sur le fait que la cause sous-jacente résidait dans le déclin économique. Mais les profits américains se sont remarquablement bien comportés, et les investissements non résidentiels, bien qu'ils n'aient pas suivi la croissance des profits, ont augmenté à une moyenne respectable de plus de 3 % en termes réels entre leur pic d'avant la crise de 2008-09 et 2024.

La tension portait plutôt sur le contraste – et le lien – entre la façon dont les choses allaient bien pour les capitalistes et la misère de la vie de la plupart de la population. La crise de légitimité politique qui a suivi invitait du changement radical. Mais seule la droite s'est avérée capable de l'exploiter. Cela a culminé avec l'élection de Trump.

La polarisation des options

La crise de légitimation est intimement liée à une polarisation des options. La volonté persistante du capitalisme de « se blottir partout, de s'installer partout » l'a conduit à pénétrer toutes les institutions, à infuser la culture quotidienne, à déformer nos perceptions et à créer et reconstruire constamment une classe ouvrière qu'il peut tolérer. Cela a rendu encore plus difficile la lutte contre le capitalisme.

Les réformateurs et réformatrices se tournent souvent avec nostalgie vers l'âge d'or du capitalisme de l'après-guerre comme alternative éprouvée. Mais même si nous nous limitions à revenir à ces années, il faudrait revenir en arrière sur une grande partie des changements économiques survenus depuis lors : la mondialisation, la restructuration de la production, la croissance du pouvoir des entreprises et des finances. Ce serait une entreprise particulièrement radicale.

De plus (et outre le fait que cette époque n'était vraiment pas si merveilleuse), nous devons faire face au fait que les années 1950 et 1960 se sont terminées par un échec. Elles n'étaient pas une option durable sans l'ajout d'autres changements beaucoup plus radicaux. Pour le capital et l'État, cela impliquait le tournant néolibéral. La gauche large a refusé, ou a tout simplement été incapable, de s'y attaquer, et a été écartée. L'expression politique de cette polarisation des options est le ratatinage, pratiquement partout, de la social-démocratie. En l'absence de volonté et de capacité de transformer les structures du pouvoir - sur les lieux de travail et dans l'État -, ses réformes se sont avérées fragiles.

Penser (et agir) grand est aujourd'hui une condition même pour gagner petit. Cette tactique exige le développement d'un bon sens, distinct de celui du capital, et un respect pour les travailleurs et travailleuses comme ayant des potentiels qui vont au-delà du vote périodique, du porte-à-porte, et du financement de campagnes par l'intermédiaire de leurs syndicats.

La politique électorale est bien sûr pertinente, mais seulement si une base sociale puissante est déjà en place. La construction d'une telle base ne peut se faire dans les contraintes de temps et de l'accent mis sur le consensus des campagnes électorales, qui cherchent à mobiliser la classe ouvrière en grande partie telle qu'elle est, et non à jouer un rôle de premier plan dans la construction de la classe pour en faire ce qu'elle pourrait être.

En l'absence d'un projet plus large d'éducation et d'organisation pour créer une classe ouvrière dotée de la compréhension, de la vision indépendante, de la confiance et des capacités organisationnelles et stratégiques essentielles à la transformation de la société, la social- démocratie se dissout dans le « crétinisme parlementaire » dont parlait Marx. Il fuit le socialisme plutôt que de le défendre et prend sa base ouvrière pour acquise afin de gagner en crédibilité (légitimité) auprès de certaines sections du monde des affaires.

Les démocrates sous Biden semblaient reconnaître les coûts politiques d'un électorat aliéné et osaient parfois parler de la fin du néolibéralisme. Mais les réformes qu'ils et elles ont introduites n'ont pas été à la hauteur d'un véritable renversement. Au moment de la rédaction de cet article, le Parti démocrate est à son plus bas niveau d'approbation jamais enregistré. Le NPD social- démocrate du Canada est également à un niveau historiquement bas ; et les partis sociaux- démocrates européens ont longtemps subi un sort similaire.

La polarisation des options s'applique notamment également à la droite. La droite peut mobiliser les ressentiments et la colère par des appels nativistes. Mais elle ne peut pas tenir ses promesses parce que pour ce faire, il faudrait remettre en question les prérogatives du capital. De temps en temps, la droite est trop intégrée idéologiquement et institutionnellement dans le grand capital pour mener à bien une éventuelle rupture avec lui. Cela prépare le terrain pour qu'une partie de la base populiste de Trump se retourne contre lui.

Le nationalisme

La mondialisation n'a pas érodé le rôle des États-nations. Elle les a plutôt rendus plus importants que jamais. Sous l'égide de l'État américain, tous les États capitalistes en sont venus à assumer la responsabilité d'établir – et de légitimer – les conditions de l'accumulation mondiale sur leur propre territoire et de s'entendre mutuellement sur les règles qui liaient ces États ensemble. La souveraineté des États au sein de l'ordre dirigé par les États-Unis était une souveraineté libérale, et non populaire.

Comme nous l'avons vu plus haut, il était assorti de conditions : le caractère sacré de la propriété privée dans les moyens de production et de distribution, des marchés plus libres et un traitement égal des capitaux étrangers et nationaux. Le rôle actif des États-nations a contribué à maintenir envie le sentiment nationaliste, et le développement inégal de la mondialisation a suscité des ressentiments qui ont rendu possible une réémergence de la réaction nationaliste.

La revendication socialiste d'une souveraineté substantielle, ou populaire, au-dessus des droits de propriété privée, impliquait une restructuration économique radicale qui indiquait la nécessité d'une planification et d'une reconsidération des priorités nationales. Cela a posé un défi à la fois à l'ordre mondial dirigé par les États-Unis et aux classes capitalistes internes, en particulier celles les plus intégrées à la mondialisation.

La droite pourrait se plaindre du statut de son État au sein du capitalisme mondial. Mais comme elle n'était pas sur le point de vraiment affronter son propre capital ou de défier la mondialisation elle-même, elle a fondamentalement accepté les règles de l'Empire américain et exprimé son nationalisme économique en termes de renforcement de la compétitivité nationale. Son nationalisme populiste a détourné l'attention de la mondialisation en tant que telle vers son impact sur une immigration augmentée.

La situation aux États-Unis est distincte, parce que l'empire américain a le pouvoir de canaliser le nationalisme américain pour modifier l'équilibre des coûts et des avantages en sa faveur. C'est-à-dire qu'il peut être populiste dans ses critiques de l'impact de la mondialisation sur les emplois et les communautés et l'afflux d'immigrant.e.s, puis il peut agir pour modifier la mondialisation sans la quitter. Mais les tactiques de mobilisation impliquées, et les mécanismes utilisés pour faire pression sur d'autres États afin qu'ils acceptent des règles et des conditions spéciales pour l'Amérique, entraînent des risques pour la nature même de l'empire américain.

Contradictions cruciales

Ce qui sépare Trump des autres présidents américains, c'est sa détermination agressive à écraser l'État et à utiliser les droits de douane comme un outil pour gagner de l'avantage.

Remplacer les chefs des agences de l'État par des loyalistes de Trump n'est pas comme couper la tête d'un poulet. L'institution perdure, tout comme la nécessité d'une gamme de fonctions étatiques historiquement développées, qui servent à la fois les besoins sociaux et capitalistes. Les coupes indiscriminées ne mettront pas fin à la bureaucratisation, mais créeront plutôt une nouvelle bureaucratie, plus étroitement clientéliste et autoritaire, avec des conflits permanents à

l'intérieur et entre les agences, apportant chaos, dysfonctionnements, gaffes, dommages permanents, et aussi une résistance sous la forme de fuites stratégiques de l'intérieur de l'État. En ce qui concerne les droits de douane – pour Trump et ses conseillers et conseillères, le Saint Graal pour rendre à l'Amérique sa grandeur – trois points doivent être soulignés.

Tout d'abord, alors que les tarifs douaniers sont une taxe de vente sur les biens étrangers destinée à redistribuer les emplois mondiaux, les tarifs douaniers ont également des impacts sur la distribution nationale des revenus de classe. Considérons la réaction d'Amazon et de Walmart, les deux plus grands employeurs des États-Unis.

Lorsque ces entreprises importent des marchandises de Chine (leur principale fournisseuse), le gouvernement ajoute les droits de douane au coût des marchandises. Cela augmente les coûts des entreprises, qui sont répercutés, en tout ou en partie, sur leurs client.e.s. Contrairement à l'impôt sur le revenu, cet impôt ne dépend pas de vos revenus : les riches et les pauvres paient la même chose pour les biens.

Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Ce qui compte au moins autant, c'est ce que le gouvernement fait des revenus qu'il a collectés. Il ne sera certainement pas utilisé pour améliorer les programmes sociaux et l'infrastructure nécessaire ; Trump et Musk sont trop occupés à les réduire.

Au lieu de cela, les fonds collectés grâce aux tarifs douaniers seront utilisés par l'administration Trump pour compenser la perte de revenus due aux réductions d'impôts que Trump a promises à ses riches ami.e.s. Ainsi, au lieu de mettre fin à l'inflation dès le premier jour, Trump l'aggrave. Et au lieu de répondre aux préoccupations populaires, il utilise l'argent prélevé principalement sur les travailleurs et travailleuses pour rendre les sales riches encore plus riches (et plus sales).

Deuxièmement, bien que les tarifs douaniers sont parfois justifiés pour défendre les emplois ou, comme dans les pays du Sud, pour créer le temps et l'espace nécessaires au développement économique, s'ils constituent la seule réponse, plutôt que de faire partie d'un ensemble plus large de politiques, le résultat peut ne pas correspondre à l'intention.

Au milieu des années 80, Ronald Reagan a imposé des quotas sur les voitures japonaises pour les forcer à produire aux États-Unis plutôt que de simplement expédier des véhicules du Japon. Le soutien enthousiaste des travailleurs et travailleuses de l'automobile américain.e.s – compréhensible compte tenu de leurs options – ne leur a cependant pas apporté la sécurité attendue.

Les emplois ne sont pas allés là où les travailleurs et les travailleuses de l'automobile connaissaient des fermetures. Ils sont allés vers le sud. Les transplantés japonais, ayant l'avantage de construire des usines nouvelles sans coûts hérités pour les retraités, sans syndicats pour représenter les travailleurs et les travailleuses, et en jouant un État contre un autre pour obtenir d'importantes subventions, ont augmenté leur part de marché. Cela a entraîné d'autres pertes d'emplois dans le Nord. Bientôt, les usines japonaises non syndiquées, et non l'UAW, ont établi les normes de toute l'industrie.

Pour en revenir à l'exemple chinois – puisque c'est là où une grande partie de la colère contre les pertes d'emplois a été dirigée – taxer les produits chinois ne les déplacera pas vers les États- Unis. Les acheteu.e.s se tourneront plutôt vers d'autres pays avec des coûts un peu plus élevés que la Chine, mais toujours beaucoup moins chers, en raison de leur stade de développement, qu'aux États-Unis. Cela s'est vu avec les tarifs douaniers antérieurs sur la Chine, qui ont quelque peu réduit leurs exportations vers les États-Unis. Mais ce qui a suivi a été leur remplacement par une explosion des exportations vers les États-Unis en provenance du reste de l'Asie. Ajoutez à cela les représailles contre les exportations américaines et les interruptions des chaînes d'approvisionnement affectant toutes sortes d'autres emplois américains, et ce qui émerge est une inflation plus élevée, plus de perturbations dans l'économie et peu d'impact sur les emplois américains.

Cela nous amène à un troisième point. Les tarifs douaniers sont une diversion par rapport aux problèmes plus vastes auxquels sont confrontés les travailleurs et travailleuses américain.e.s – des problèmes intimement liés à l'assaut néolibéral contre les travailleurs et travailleuses qui a surgi plus tôt et qui est toujours en place. Le commerce est important. Mais l'impact national antagoniste et fondaentalement antidémocratique des décisions des entreprises et des gouvernements est plus important. Celles-ci vont de l'absence d'un système de soins de santé universel à l'accès insuffisant à l'éducation supérieure, et de l'absence de logement abordable au refus de faire de la syndicalisation un droit démocratique substantiel.

L'incapacité du système économique et politique américain à agir de manière cohérente sur la transition vers les véhicules électriques, une dimension relativement mineure de la crise environnementale qui aura un impact majeur sur les travailleurs et travailleuses de l'automobile et d'autres travailleurs et travailleuses, est également pertinente. Dans les années 1950, les États- Unis produisaient environ les trois quarts de tous les véhicules à gaz dans le monde. Aujourd'hui, la Chine, pour des raisons qui vont bien au-delà des questions commerciales, fabrique à peu près la même proportion de véhicules électriques dans le monde. Les raisons, et donc les solutions, vont bien au-delà des droits de douane.

Une réinitialisation impériale ?

Au cours des huit dernières décennies, l'Empire américain d'après-guerre a été la poule aux œufs d'or pour le capital américain et une grande partie du capital mondial. Son émergence était une réponse aux échecs cauchemardesques du capitalisme international au cours des trois décennies précédentes : deux guerres mondiales, la Grande Dépression, une réaction nationaliste monstrueuse. L'objectif était de générer un capitalisme relativement stable et intégré à l'échelle mondiale, non pas enraciné dans la force brute, mais dans l'acceptation d'une souveraineté formelle pour tous les États et de relations économiques internationales fondées sur des règles.

Les ressentiments et les frustrations qui se sont accumulés aux États-Unis au cours des dernières décennies ont créé une ouverture politique qui a conduit à l'ascension de Trump. Canalisant les frustrations vers l'extérieur plutôt que vers la guerre de classe intérieure contre les travailleurs et travailleuses, Trump a promis de rééquilibrer les coûts et les avantages internationaux en faveur de l'Amérique, un projet délicat mais possible, qui a obtenu le soutien populaire de la majorité.

Le capital américain, en revanche, se concentrait sur les avantages qu'il obtiendrait d'une deuxième présidence Trump. Il a largement ignoré les diatribes préélectorales de Trump sur le commerce, les considérant comme performatives. Des tarifs douaniers judicieux et temporaires auraient pu être acceptables. Mais l'offensive sauvage de Trump a risqué de démanteler l'Empire. L'imposition musclée de droits de douane a rendu des représailles inévitables. Et le fait qu'il redouble d'efforts pour montrer qu'il est sérieux augmentera les tarifs à des niveaux de plus en plus élevés. L'utilisation des tarifs douaniers par Trump comme arme pour forcer d'autres concessions non commerciales ajoute à l'animosité et au chaos.

Et comme le commerce est indissociable de l'évolution des taux de change, des contrôles de capitaux peuvent également suivre. Dans le passé, l'incertitude mondiale avait tendance à accélérer les flux financiers mondiaux vers la sécurité des États-Unis, augmentant la valeur du dollar, mais laissant les biens produits aux États-Unis moins compétitifs. Aujourd'hui, ces flux peuvent surprendre et s'inverser, entraînant la panique et une hausse des taux d'intérêt américains. Quoi qu'il en soit, une nouvelle étape dans la réorganisation de l'ordre mondial pourrait s'ensuivre : des contrôles de capitaux et une réduction mondiale négociée du taux de change du dollar.

Les États-Unis n'ont bien sûr jamais hésité, même dans le cadre de l'« ordre fondé sur des règles », à intimider le Sud, ou un partenaire particulier, lorsqu'ils le jugeaient nécessaire. Ce qui distingue l'époque actuelle, c'est la mesure dans laquelle l'agressivité récente de Trump a été dirigée contre les alliés de l'Amérique. Le discrédit qui s'ensuivra sur le leadership américain rendra encore plus difficiles toute fin négociée à la guerre tarifaire et la réinitialisation de l'ordre mondial.

Ce démantèlement potentiel de l'empire américain par le biais de représailles sera acclamé par certain.e.s. Mais se rappeler la réalité de l'entre-deux-guerres devrait faire réfléchir. En l'absence d'une gauche puissamment organisée, il y a peu de raisons d'attendre des économies plongées dans le désarroi, des boucs émissaires, et un nativisme mobilisés, des pratiques démocratiques mises de côté.

Conclusion : où ira la gauche flétrie ?

Quelles que soient les inclinations de Trump, sans une capacité à tenir ses promesses économiques et une échappatoire au chaos tarifaire, les problèmes de Trump s'aggraveront. Une bonne partie de sa base populiste s'agite déjà, et la plupart de ses partisan.e.s capitalistes deviennent nerveux et nerveuses. La réponse des socialistes doit commencer par ce que nous ne devons pas faire.

Même si nous préférons que Trump perde face aux démocrates, nous devons nous défaire des illusions sur le fait que les démocrates, présents ou futurs, sont le véhicule d'un monde meilleur. Leur retour signifiera le retour à un statu quo récemment critiqué, consolidant ainsi une baisse des attentes au moment où nous devons surtout les augmenter. Il en va de même pour s'attaquer à ce que l'activité électorale peut faire et à ce qu'elle ne peut pas faire. Les élections ne sont pertinentes que s'il existe une base sociale active qui peut se servir réellement des résultats. C'est seulement l'existence d'une telle base qui rend les élections pertinentes.

Cela ne signifie pas que nous devons consacrer notre énergie à féliciter chaque victoire localisée et sporadique comme un signe d'avoir « franchi le cap » et d'appeler vaguement à la « construction d'un mouvement ».

La résistance et la solidarité sont fondamentales pour toute avancée sociale et doivent être acclamées. Mais extrapoler à partir de victoires partielles – il n'y a pas de victoires totales au sein du capitalisme – jusqu'à fantasmer sur des tournants radicaux ou une révolution imminente sont des obstacles à la découverte de réponses complexes à ce qui nous a si longtemps échappé.

De même, exagérer le statut de groupes qui éclatent de temps à autre et qui indiquent des potentiels d'organisation, mais qui n'ont aucune capacité institutionnelle pour se maintenir en tant que « mouvements », sape le défi de ce que signifierait la construction de mouvements efficaces.

D'un point de vue analytique, nous devons comprendre que la rivalité inter-impériale et un vague internationalisme ne feront pas le gros du travail pour nous. La menace fondamentale pour le capitalisme mondial ne réside pas dans le conflit entre les États, mais dans les conflits à l'intérieur des États et dans la façon dont cela se répercute ensuite au niveau international.

Le trumpisme, qui n'émerge pas du conflit entre le capital américain et le capital européen, canadien ou chinois, mais qui émerge plutôt du résultat du néolibéralisme aux États-Unis, est ici révélateur. Une sensibilité internationaliste est bien sûr fondamentale pour l'universalisme du socialisme. Mais comme l'ont noté Marx et Engels , la lutte peut être internationale en substance, mais en pratique elle doit commencer chez nous, dans notre pays.. Si nous ne sommes pas organisé.e.s chez nous, nous ne pourrons pas faire grand-chose pour les autres à l'étranger.

Enfin, nous devons mettre fin à la caractérisation de la tâche principale de la gauche - la construction d'une force sociale de la classe ouvrière - comme « réductionnisme de classe ». Si la classe ouvrière n'est pas convaincue de s'organiser pour la transformation sociale, nous devons cesser de parler de remplacer le capitalisme par quelque chose de radicalement meilleur.

Il est crucial de s'attaquer aux inégalités au sein de la population, qu'elles soient fondées sur le sexe, la race, l'origine ethnique, le niveau de revenu, etc. Mais ces luttes sont plus pertinentes si elles visent à surmonter les inégalités au sein de la classe des travailleurs et travailleuses dans le cadre de la construction politique de cette classe. Sans cet objectif, nous nous retrouvons à morceler la classe ouvrière et à détourner les fragments de la lutte contre l'ennemi plus grand : le capitalisme.

Nous devons avant tout faire face au fait que nous sommes, dans tous les pays, en train de recommencer à zéro. Aux États-Unis, cela signifie initier la longue marche pour reconstruire une gauche en dehors des contraintes du Parti démocrate et qui peut répondre aux préoccupations ressenties d'une classe ouvrière désorientée et démoralisée.

Institutionnellement, cela signifie s'organiser pour faire simultanément des socialistes et pour construire une force sociale avec les capacités collectives de se défendre, de comprendre que les limites auxquelles elle est confrontée ne sont pas une raison de reculer, mais des raisons d'élargir la lutte. Et, finalement, cela signifie être suffisamment confiant.e.s pour rêver nos propres rêves et agir en conséquence. Tout ce que nous faisons doit être jugé avant tout en fonction de la question de savoir si cela contribue à cet objectif.

Cet article a été publié pour la première fois, avant l'annonce des tarifs douaniers de Trump on sur le site web Nonsite

Sam Gindin était le directeur de recherche du Syndicat canadien de l'automobile de 1974 et jusqu'à 2000. Il est le co-auteur avec Leo Panitch de The Making of Global Capitalism (Verso) et co-auteur avec Leo Panitch et Steve Maher de The Socialist Challenge Today (Haymarket).

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Largage en grand du transport en commun comme de tout le reste

8 avril, par Marc Bonhomme — , ,
Le dernier budget de la CAQ pourrait baptiser le budget de l'austérité permanente pour soutenir les entreprises malmenées par la guerre tarifaire. Ce budget abandonne les (…)

Le dernier budget de la CAQ pourrait baptiser le budget de l'austérité permanente pour soutenir les entreprises malmenées par la guerre tarifaire. Ce budget abandonne les transports en commun sur le bord de la route… comme d'ailleurs tout le reste à commencer par la santé. « Ils font la guerre au transport en commun » de commenter la porte-parole Solidaire. « Un « coup dur » pour le métro de Montréal » déplore Valérie Plante [,,,] En dollars constants, ‘'les sommes disponibles sur 10 ans pour le maintien d'actifs du transport collectif ne représentent que 50 % des sommes qui étaient disponibles en 2013'', déplore le transporteur [la STM] ».

Et dire que« [l]e taux de l'impôt général des sociétés a atteint un sommet de 47 % au cours de la décennie 1950. Il a ensuite diminué progressivement pour arriver à 21 % en 2007. Depuis 2012, le taux d'imposition des sociétés est de 15 %. » La moyenne du taux de croissance annuelle des dépenses du gouvernement du Québec de l'année fiscale 2025-2026 à celle 2029-2030 sera d'un misérable 1,7 %. Par contre, celle du gouvernement Trudeau a été de 9% entre 2015-2016 et 20232024. Est-ce qu'il en sera de même sous un éventuel gouvernement Carney ?

Où est « l'accélération de chantiers publics » afin de contrer les pertes d'emplois que causera le chamboulement du libre-échange de l'ACEUM d'ajouter le chef du PQ ? Non seulement le métro ne sera pas revampé comme il le devrait mais est abandonné le « projet de tramway reliant Lachine au centre-ville de Montréal, qui n'est plus inscrit au Plan québécois des infrastructures (PQI) ». « L'abandon des projets de voies réservées à Québec a amené le Parti libéral du Québec et Québec solidaire à réclamer la démission du ministre responsable de la Capitale-Nationale et des Infrastructures, Jonatan Julien. »

Comme l'affirmait au printemps 2024 la ministres des Transports de la CAQ lors de la mini-crise du financement des déficits des sociétés de transport en commun, « Gérer le transport collectif et les sociétés de transport, ce n'est pas une mission de l'État. » Pourtant les investissements dans les infrastructures ne sont pas négligés. Ce sont ceux du transport en commun qui le sont. « ‘'Québec cherche toujours à rattraper son retard avec l'Ontario, mais ce budget va au contraire accentuer cet écart en notre défaveur. Alors que l'Ontario investit 70 % de son budget de transport en transport collectif, le Québec est à l'opposé en investissant 70 % dans le réseau routier contre seulement 30 % en transport collectif'', a ajouté le porte-parole de Trajectoire Québec, Philippe Jacques. »

Manifestations dont émergent nouveaux groupes et jonction avec les syndicats

Cette pingrerie a son côté sans cœur. Les personnes handicapées et âgées, les mères avec des bébés en carrosse se verront privées d'ascenseurs dans les stations de métro qui en sont encore dépourvus. Cette odiosité a fait déborder le vase de la Table de concertation sur l'accessibilité des transports collectifs à Montréal et de d'autres organismes. En automne 2024, ils ont organisé une manifestation d'une centaine de personnes. Cette manifestation n'a été, depuis la fin de la pandémie, ni la première ni la dernière à Montréal pour le transport en commun.

Photo : Adil Boukind Le Devoir Selon la STM, plus d'un usager sur cinq (22 %) de ses services déclare une limitation fonctionnelle permanente.

En novembre 2023, Vélorution Montréal soutenu par Équiterre, Greenpeace et Trajectoire Québec organisait une manifestation d'une centaine de personnes contre les coupures prévues à la STM. « Les deux élues [présentes à la manifestation] ont aussi rappelé l'engagement de Québec solidaire à rendre le transport collectif gratuit pour tous les Québécois et de financer davantage de projets, autant dans les grandes villes que dans les régions. »

En juin 2024, au Carré Saint-Louis, le Mouvement pour un transport public abordable (MTPA) réunissait une « petite foule » contre « l'augmentation des tarifs de l'Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) » et pour « également une plus grande accessibilité des transports en commun. »

Photo : Dominick Gravel, La Presse

En novembre 2024, « Écologie populaire, Justice Climatique Montréal, La Planète s'invite au parlement et Rage climatique » ont rassemblé au parc Jarry une centaine de personnes « pour un transport en commun gratuit, étendu et accessible pour toustes ! [et] Mort à la culture du char ! » (Mon album de photos). On y notait une visible présence syndicale.

Photo de Marc Bonhomme

Émergence panquébécoise de manifs plus nombreuses incluant des syndicats

Finalement, ce 28 mars, des centaines de personnes, dont un bon deux cent à Montréal (mon album de photos), ont marché à Montréal, à Québec, à Rimouski, à Trois-Rivières, à Magog « [c]onsternées par l'inaction et le mépris du gouvernement sur la question, […] pour exiger que le gouvernement provincial investisse massivement pour l'accessibilité et le développement du transport en commun. […] La manifestation montréalaise est organisée par Écologie populaire, la Table régionale des organismes volontaires d'éducation populaire (TROVEP) de Montréal, le Mouvement pour un transport public abordable, Justice climatique Montréal et Trajectoire Québec. » Le mouvement Ex-aequo, qui défend les personnes handicapées et qui a pris la parole au départ de la manifestation souligne que « [p]our répondre à ses besoins et exercer ses droits, il faut être en mesure de se déplacer. Pourtant, l'accès au transport en commun est toujours compromis par le manque d'accessibilité universelle, par des tarifs inabordables ou par des services inadéquats, voire tout simplement inexistants. »

Photo de Marc Bonhomme

À la manifestation de Montréal, on remarquait un bon cortège des Mères au front, un député Solidaire mais sans cortège et aussi un cortège de Projet Montréal, élections automnales obligent, que des orateurs ont semoncé. Montréal, contrairement à Québec et à Gatineau, n'offre pas de tarification sociale aux personnes à faible revenu. À souligner la présence d'un cortège syndical bien visible aux deux dernières manifestations, tout spécialement du Syndicat du transport de Montréal qui syndique les employés de l'entretien de la STM (voir la photo ci-haut). Ce syndicat, historiquement combatif, est cette année en renouvellement de convention, la dernière remontant à 2018. En plus il fait face à un début de privatisation.

Dans l'évolution des manifestations pour le transport en commun depuis la pandémie, on remarque une légère augmentation de la participation, qui demeure cependant modeste. Qualitativement, on note l'apparition de nouvelles organisations, composées d'une jeune militance, dédiées spécifiquement à la défense et à la promotion du transport en commun. Celles-ci, conscientes de leur faible rapport de forces dans une conjoncture de contre-courant déchaîné collaborent entre elles et tendent la main au mouvement syndical. On peut espérer que si grève des employés d'entretien il y a ces nouvelles organisations les soutiendront.

Un Jour de la Terre prometteur si s'ensuit une sérieuse mobilisation syndicale

Ce début de jonction — il n'y a pas eu prise de parole d'un représentant syndical — tout comme cette politisation syndicale peut représenter le début du commencement de quelque chose. L'aboutissement pourrait en être cette grève climatique qui a inspiré la naissance des Travailleurs et travailleuses pour la justice climatique (TJC) suite à l'immense manifestation de 2019 avec Greta Thunberg. Un pas important pourrait être franchi lors de la prochaine manifestation du Jour de la Terre à Montréal le 26 avril prochain. Le Front commun pour la transition énergétique et la FTQ y mobilisent sur la base du slogan « Pour des transports collectifs publics – Finançons nos transports ».

Le SREM-SCFP, représentant plus de 2 000 membres dans les cinq villes de l'agglomération de Longueuil : Boucherville, Brossard, Longueuil, Saint-Bruno-deMontarville et Saint-Lambert, mobilise avec la perspective suivante :

Le 26 avril, à l'occasion du jour de la Terre, nous descendons dans la rue pour nos transports !

Nous sommes des usagers et usagères du transport, des syndiqué(e)s du milieu, des habitant(e)s préocupé(e)s, des automobilistes forcés d'en être, des cyclistes en quête de sécurité, des étudiant-es qui veulent se rendre à leurs cours facilement et bien plus encore. Nous vous donnons rendez-vous le 26 pour notre santé, pour notre capacité à se déplacer, pour une économie au service de la majorité, pour nos droits collectifs, pour des milieux de vie plus résilients, pour l'avenir !

Parce que notre résistance doit passer par la construction d'alternatives, nous vous invitons à prendre la rue aux côtés des syndiqué(e)s du transport collectif. Ensemble, désarmons les pétrolières et les politiciens qui sont à leur solde en nous libérant collectivement de la dépendance aux hydrocarbures. Exigeons un financement du transport collectif qui permette l'amélioration du service et la qualité des emplois. Faisons en sorte, que partout au Québec, des alternatives à l'auto solo puissent se mettre en place. Investissons dans un avenir viable, à l'image du monde que nous souhaitons !

Joignez-vous à nous pour exiger :

Un financement public pérenne pour maintenir et développer le réseau
Des emplois de qualité dans le secteur du transport collectif
Des transports accessibles à toutes et tous – physiquement, géographiquement et financièrement

Ne reste plus à espérer que les directions syndicales mobilisent réellement leurs membres sans se satisfaire d'une présence symbolique.

Marc Bonhomme, 5 avril 2025
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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Envisagez-vous de voter libéral ?

Le NPD est une voix importante à la Chambre des communes. Avec le glissement des libéraux vers la droite, la représentation de la gauche au Parlement est plus cruciale que (…)

Le NPD est une voix importante à la Chambre des communes. Avec le glissement des libéraux vers la droite, la représentation de la gauche au Parlement est plus cruciale que jamais.

Tiré de Rabble

Beaucoup de personnes sur mes réseaux sociaux envisagent de voter libéral lors des prochaines élections. Mark Carney semble être une valeur sûre et la crainte d'une victoire de Pierre Poilievre à l'ère Trump est effrayante. Si votre principale préoccupation est de savoir quelle est la meilleure personne pour faire face à Donald Trump, c'est probablement lui. Je comprends.

M. Carney semble digne de confiance et aimable. Il dit comprendre que l'industrie privée est douée pour créer de la richesse, mais qu'elle n'est pas aussi douée pour protéger les personnes vulnérables dans le processus. Malheureusement, nous ne sommes plus en 1990 et l'idée que fournir aux entreprises privées des tonnes d'argent public et des réductions d'impôts produira de la richesse pour tout le monde a été complètement discréditée par l'expérience vécue. Ce qu'elle a produit, c'est une richesse massive, concentrée dans les 1 % ou plus probablement les 0,1 %, et de plus en plus de souffrance pour les pauvres et la classe ouvrière. Le résultat est que Trump, Elon Musk et les autres autoritaires et fascistes gagnent du terrain dans le monde entier. Mark Carney, en tant que directeur de la Banque du Canada et de la Banque d'Angleterre et en tant que cadre supérieur dans d'importantes sociétés de capital-investissement, a fait partie du problème et non de la solution.

Nous savons également qu'il est impossible que le NPD remporte cette élection. Mais si le NPD perd des sièges, comme le prédisent les sondages s'ils sont corrects, nous aurons des problèmes, car quels que soient les résultats de cette élection, les temps seront durs. Que notre gouvernement tienne tête à Trump ou qu'il lui tienne la main, la plupart d'entre nous vont souffrir. Nous souffrirons des pertes d'emploi, des attaques contre les immigrant-es, contre la diversité, l'équité, l'inclusion et contre les femmes. Nous avons besoin d'une présence forte de politicien-nes du NPD, qui gagnent des sièges au Parlement pour s'assurer que Carney et son cabinet ne cèdent pas aux attaques de la droite qui ne manqueront pas d'arriver.

Aujourd'hui, les Canadien-nes défendent avec force ce qui nous différencie des Étatsuniens : les soins de santé universels, la diversité, un engagement fort en faveur des droits humains et de la démocratie, le droit de choisir, les droits syndicaux et l'éducation universelle. Nous voyons déjà nos universités céder aux pressions sionistes organisées et restreindre le droit de manifester sur leurs campus. L'université de York cède déjà à l'atmosphère de droite en abandonnant les études de genre et les études indigènes. La ville de Toronto vient de distribuer les résultats d'une étude sur l'autorisation des manifestations qui penche fortement en faveur de leur restriction dans les zones dites vulnérables, à savoir l'hôtel de ville, les centres culturels, les musées, les écoles, les lieux de culte, les établissements d'enseignement supérieur, les installations de loisirs et, bien entendu, les institutions religieuses. Que reste-t-il ? Nous savons que c'est à cause des manifestations pro-palestiniennes presque hebdomadaires, mais cela affectera tout le monde et toutes les questions.

Par ailleurs, je ne fais pas confiance aux libéraux. Lors de l'élection de 1988 sur le libre-échange, nous pensions que le vote stratégique ferait gagner les libéraux. Cela n'a pas été le cas. Lors des débats de 1988, le leader libéral John Turner était un puissant opposant au libre-échange avec les États-Unis. Le conservateur Brian Mulroney a remporté cette élection bien que la plupart des électeurs aient voté contre les conservateurs et leur accord de libre-échange avec les États-Unis. Comme je l'ai mentionné dans un article précédent, nous avions prévenu que le libre-échange avec les États-Unis coûterait des emplois au Canada et rabaisserait nos programmes sociaux à leur niveau. Ce n'était pas si grave, mais c'était grave. Et c'est un Premier ministre libéral, Paul Martin, qui a sauvagement réduit le financement fédéral des programmes provinciaux d'aide sociale et de logement, comme l'avait prédit l'économiste féministe Marjorie Cohen lors du débat sur le libre-échange. Mark Carney me rappelle beaucoup Paul Martin, il lui ressemble même un peu. Mais Mark Carney est probablement plus proche des progressistes-conservateurs que des libéraux de Trudeau ; même Andrew Coyne le pense.

Si vous vous trouvez dans une circonscription où le NPD a un-e candidat-e solide, votez pour le NPD. Certain-es néo-démocrates se battent pour sauver leur siège, notamment Heather McPherson et Matthew Green, qui ont été les plus fervent-es défenseur-es de la Palestine et d'un embargo sur les armes à destination d'Israël à la Chambre des communes, sans oublier Niki Ashton et Leah Gazan. Il y a également un certain nombre de nouveaux et nouvelles candidat-es fort-es comme Bhutila Karpoche et Joel Hardin, des député-es provinciaux fort-es et ayant leur base dans la communauté, qui espèrent passer au niveau fédéral à Toronto, et bien sûr Avi Lewis en Colombie-Britannique.

Dans l'Ouest en particulier, le fait de voter pour le NPD ne nuit pas aux libéraux. De nombreux sièges passent du NPD aux conservateurs. Quoi qu'il en soit, je pense qu'à mesure que la campagne se poursuivra, le soutien des libéraux augmentera. Tout ce que nous avons vu jusqu'à présent de Poilievre, ce sont des vidéos et des publicités sur lesquelles il a un contrôle total. Je doute qu'il puisse tenir le coup dans un débat avec M. Carney et le chef du NPD, Jagmeet Singh. C'est un chien d'attaque et, en tant que personne qui a débattu professionnellement à la télévision, j'ai été l'animatrice de gauche d'une émission de débat droite-gauche sur CBC Newsworld, et je peux vous dire que cela ne fonctionne pas dans un vrai débat.

Le nouveau codirigeant du parti vert, Jonathon Pedneault, a été impressionnant en français et en anglais lors de leur lancement électoral et leur programme semble assez bon. J'aimerais que le NPD et les Verts coopèrent dans les circonscriptions où l'un des deux partis a un-e candidat-e fort-e car leurs programmes sont similaires, mais cela n'arrivera probablement pas. La dernière fois, souvenez-vous, Trudeau avait promis de modifier le système électoral antidémocratique pour qu'il reflète réellement le vote des citoyen-nes. J'aimerais également que le NPD cesse de prétendre qu'il peut gagner les élections et qu'il se présente avec l'argument qu'une forte présence du NPD est nécessaire pour protéger nos acquis et éviter tout retour en arrière.

M. Carney suit déjà l'exemple de M. Poilievre en réduisant les impôts pour les personnes à faible revenu et les nouveaux propriétaires. Dans son cabinet préélectoral, il a supprimé le poste de ministre chargée de l'égalité entre les hommes et les femmes. Même les conservateurs n'ont jamais osé supprimer le poste de ministre chargée de la condition féminine. Une coalition de groupes féministes et de syndicats a publié une déclaration protestant contre la suppression d'un ministère distincte chargé de la condition féminine. Peut-être M. Carney pense-t-il que les femmes ont déjà atteint l'égalité ? Il est plus probable qu'il s'adresse aux électeurs et électrices de droite. Cette décision a été peu médiatisée et même certaines de mes amies féministes affirment qu'elle n'est que temporaire. Que ce soit temporaire ou non, c'est un signe que les libéraux de Carney seront nettement plus à droite que les libéraux de Trudeau.

Jagmeet Singh propose de construire des logements sociaux sur les terres fédérales. Il pourrait peut-être envisager d'utiliser les fonds fédéraux pour aider à la construction de ces logements, sans oublier de taxer les riches. La meilleure façon d'augmenter les fonds fédéraux est d'augmenter les impôts sur les riches, ce qui serait très populaire. Mais que le NPD ait ou non le programme que je souhaiterais, il est néanmoins, comme il le souligne, responsable de la plupart des programmes sociaux positifs qui nous tiennent à cœur aujourd'hui.

Ces élections ne sont pas comme les élections américaines où il n'y a que deux choix. Nous avons d'autres partis qui peuvent faire la différence et qui la font en parlant en notre nom au Parlement. Veuillez reconsidérer votre vote stratégique pour les libéraux. Je vous garantis que vous le regretteriez.

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« Sur la situation européenne et internationale », résolution du Bloco de esquerda (Portugal)

8 avril, par Bloco de Esquerda — ,
Cette résolution du Conseil National du Bloc de Gauche portugais sur la politique internationale, approuvée aujourd'hui, voit « l'Europe prise au piège de l'axe Trump-Poutine » (…)

Cette résolution du Conseil National du Bloc de Gauche portugais sur la politique internationale, approuvée aujourd'hui, voit « l'Europe prise au piège de l'axe Trump-Poutine » et soutient que « l'impérialisme américain reste le plus agressif et constitue une superpuissance avec laquelle d'autres puissances impérialistes cherchent à combiner l'existence de pôles mondiaux », un processus qui « avance, tantôt par le conflit, tantôt par la coopération entre puissances et par l'intégration capitaliste transnationale ». Pour le Bloc de Gauche, il existe divers impérialismes et « aucun d'entre eux n'aura un rôle progressiste car tous agissent selon les intérêts de leurs élites capitalistes ». Par conséquent, « reconnaître cette réalité est vital pour élaborer une proposition internationaliste capable d'offrir un avenir à l'humanité et de concevoir un ordre démocratique des peuples. »

Nous publions intégralement la résolution approuvée le 23 mars par le Conseil National du Bloc de Gauche sur la situation européenne et internationale, marquée par le retour de l'extrême droite à la présidence des États-Unis d'Amérique.

24 mars 2025 | tiré du site de la Gauche écosocialiste
https://gauche-ecosocialiste.org/sur-la-situation-europeenne-et-internationale-resolution-du-bloco-de-esquerda-portugal/

1. Une seule loi, celle de la force

La seconde élection de Donald Trump à la Maison Blanche a déclenché des changements significatifs dans l'ordre mondial. La conscience du déclin ou de la dissolution de diverses institutions internationales issues des accords d'après-Seconde Guerre mondiale est rapidement devenue généralisée. Les Nations Unies, fréquemment paralysées dans le passé par les vetos des États-Unis, de la Russie ou de la Chine au Conseil de sécurité, sont aujourd'hui ouvertement méprisées. Les États-Unis d'Amérique et leur bras israélien, ou la Fédération de Russie et son actuel bras nord-coréen, font des menaces répétées à l'existence même de l'ONU. Ce sont exactement les mêmes États responsables de violations continues des normes de la Charte qui interdisent l'usage offensif de la force. Des agences comme l'Organisation mondiale de la Santé ou l'UNESCO sont sous le feu de l'extrême droite internationale. L'Organisation mondiale du Commerce, enfoncée par de nouvelles protections douanières, est dans un coma induit par les États-Unis, sous protestation… de la Chine. Seul le Fonds monétaire international, extension organique de Washington, police du dollar comme monnaie standard et surveillant des économies endettées, est resté jusqu'à présent indemne, même s'il est déguisé en agence de l'ONU.

2. Retrait de l'OTAN, orphelinat européen

Les gouvernements et l'opinion publique d'Europe occidentale ont réagi avec stupeur à la collaboration entre Trump et Poutine. En relativement peu de temps, Trump a enterré l'Article 5 du Traité de l'Atlantique Nord, désengageant les États-Unis de toute action militaire en cas d'agression contre l'un de ses membres. Il est devenu évident que l'OTAN n'a jamais été une protection. Trump a choisi l'Arabie Saoudite comme siège diplomatique de son partenariat avec Poutine : cet éternel vassal des États-Unis croise également la route de la Russie au sein des BRICS, en plus de chercher à sauvegarder la production d'hydrocarbures et d'enterrer définitivement les accords de Paris. Au-delà du partage de l'Ukraine, la Maison Blanche et le Kremlin annoncent une sorte de Traité de Tordesillas dans l'Arctique.

Les élites européennes se sentent orphelines. Plus que la soi-disant régulation internationale (à la destruction de laquelle elles ont directement contribué il y a quelques mois, en ignorant les mandats contre Netanyahu émis par la CPI), elles regrettent l'ombre du parapluie nucléaire des États-Unis.

3. Charte des Nations Unies – lettre morte

Les élites européennes pleurent ce moment comme l'agonie d'un certain multilatéralisme, basé sur la promesse du Droit International, la Charte des Nations Unies et de nombreuses conventions multilatérales. Il est vrai que cet ordre a toujours été lié aux accords de Bretton Woods de 1945, liés au dollar et au FMI. Mais, en même temps, avec toutes les limitations et le cynisme imposés par la Guerre froide, les Nations Unies sont le fruit de négociations entre les alliés victorieux contre le nazi-fascisme. Parrainée par les États-Unis et l'Union soviétique (bien plus tard aussi par la Chine), la Charte des Nations Unies aspire à être une « constitution mondiale » démocratique et pacifique, englobant les droits humains et l'égalité des genres et ethnique, ainsi que l'égalité des États. Ces principes pour un ordre démocratique méritent toujours le soutien des peuples luttant pour leur autodétermination et leur affirmation démocratique.

4. De la violation du droit international à son abolition

La violation de la Charte par les puissances a diminué les Nations Unies tout au long de son histoire, en tant que garante de ces principes démocratiques. La doctrine des « guerres préventives », sous prétexte de l'existence (réelle ou fictive) d'armes de destruction massive ou de supposées menaces sur leur sphère d'influence, a conduit les États-Unis, avec l'armée la plus puissante du monde, au record des violations de la Charte (Corée, Vietnam, Grenade, Yougoslavie, Libye, Syrie, Afghanistan…). L'invasion et la dévastation de l'Irak ont été l'apogée de cette barbarie, avec des conséquences à long terme. Cependant, rien n'a plus perturbé la scène internationale que l'extermination et la colonisation continues de la Palestine par l'État d'Israël, sous la bénédiction permanente de la Maison Blanche. Sans négliger d'autres États envahisseurs ou occupants, la Russie (du « socialisme réel » et du capitalisme réel) vient juste après les États-Unis, avec les invasions de la Hongrie, de la Tchécoslovaquie, de l'Afghanistan, de la Tchétchénie, de la Géorgie, de la Crimée et de l'Ukraine.

L'ordre impérialiste a subjugué les principes de l'ONU et les libéraux ne peuvent pas, face aux faits historiques, pleurer la fin d'un ordre de Droit International qui n'a jamais existé. Cependant, cette observation ne permet pas la banalisation de la discrétion impériale assumée sous le mandat de Trump et avec son rapprochement avec Moscou.

5. OTAN : instrument de domination nord-américaine, toujours

La continuité de l'OTAN (même en « mort cérébrale », comme dit Macron) permet aux États-Unis de vendre des armes aux pays européens, de maintenir des bases sur le continent et de contrer la pénétration chinoise. Ces dernières semaines, il devient clair, même pour les classes et secteurs politiques qui le nient encore, qu'il s'agit d'une relation impérialiste sans contrepartie, d'un processus d'extorsion sur l'Union européenne et qui subordonne également des pays hors de l'UE (Grande-Bretagne, Norvège). Nous réitérons que l'OTAN n'a jamais été une alliance défensive mais un simple instrument de domination des États-Unis. Le Portugal devrait mettre fin à sa présence dans cette machine militariste, comme le Bloc l'a toujours préconisé.

6. Course aux armements : l'ordre de Trump que l'Europe veut accomplir

Dans la plupart des indicateurs d'équipement, la capacité militaire actuelle des États européens est plus que suffisante pour soutenir la défense territoriale de l'Ukraine ; dans les indicateurs restants, cette capacité prendrait plusieurs années à acquérir. L'Ukraine est donc un simple prétexte pour une politique de promotion industrielle axée sur les armes comme réponse à la stagnation économique du capitalisme européen.

Harcelé par l'extrême droite, le bloc politique autour d'Ursula von der Leyen – des conservateurs aux verts européens – fait semblant de ne pas comprendre le piège de l'OTAN et fuit en avant sous le slogan du « réarmement » européen. L'accord allemand, entre conservateurs et verts, est particulièrement révélateur. Empêchés de faire 500 milliards d'euros de prêts pour l'armement de l'Allemagne en raison de la règle de la Constitution allemande qui limite la dette publique à un niveau très bas et sans avoir de majorité pour la changer, la CDU et le SPD ont eu recours aux Verts, dont la capitulation n'est guère surprenante, vu le militarisme intense manifesté dans le gouvernement précédent, où ils détenaient le portefeuille des affaires étrangères. Les conservateurs (au Portugal, PSD et CDS), les libéraux (IL), les sociaux-démocrates (PS) et les verts (Livre) constituent un vaste front en Europe pour la dérive militariste, rejoints par Chega, malgré l'opposition au plan de réarmement d'Orban et de l'extrême droite Patriots, au groupe desquels ils appartiennent. Le plan européen, conçu même avant l'élection de Donald Trump, veut des objectifs minimums de dépenses militaires des États membres, totalisant un paquet de 800 milliards d'euros d'investissement, une valeur proche de celle calculée pour financer la neutralité carbone de l'Union européenne. Ce plan d'armement est conçu comme soustrayant des fonds aux fonds de cohésion européens, mais l'essentiel du fardeau retombe sur les États membres, qui devraient s'endetter à cette fin, même s'ils dépassent les limites de déficit et de dette prévues dans les traités. Les dépenses militaires devraient atteindre 3% du Produit Intérieur Brut, pour monter ensuite au référentiel de 5% du PIB, comme l'a ordonné Trump. En fait, la plus grande escalade des dépenses militaires sera celle de l'Allemagne, qui vise à être une puissance nucléaire à court terme, tout en adaptant sa force effective aux guerres conventionnelles. La France aura également une forte impulsion. Pour financer ces objectifs, Merz et Macron ont déjà averti que des coupes dans l'État social seront nécessaires.

7. La vulnérabilité européenne n'est pas dans l'armement

Les pays européens membres de l'OTAN, dans leur ensemble, additionnent déjà une dépense militaire 3,5 fois supérieure à celle de la Russie et qui n'est dépassée que par les États-Unis d'Amérique. Comme la guerre en Ukraine, la pandémie de COVID-19 et les épisodes successifs d'ingérence électorale externe l'ont prouvé, la vulnérabilité européenne n'est pas dans l'armement mais dans l'énorme dépendance vis-à-vis des tiers dans les secteurs stratégiques.

Lors de l'invasion de l'Ukraine, la dépendance au gaz russe a retardé et discrédité les sanctions capables de dissuader la guerre. La rupture des chaînes d'approvisionnement pendant la pandémie a révélé les dangers de la dépendance dans des domaines comme la médecine (la grande majorité des substances actives dans les médicaments européens sont produites en Inde et en Chine). Aux épisodes d'ingérence russe et chinoise durant les périodes électorales et à leur soutien à l'extrême droite dans divers États membres via les plateformes Telegram et Tik Tok, s'est maintenant ajoutée l'ingérence explicite de membres éminents du gouvernement américain, comme le vice-président Vance et Elon Musk, ce dernier également propriétaire du réseau social X, tous deux présents en fin de campagne de l'AfD allemande.

Les grands investissements dont l'Union européenne a besoin sont dans son autonomie énergétique et numérique, dans l'alimentation et les médicaments. Reculer dans la transition numérique et désinvestir dans l'innovation et la cohésion est un risque pour la sécurité de l'Europe.

8. L'histoire se répète

Entre 2021 et 2024, les dépenses de défense dans l'UE ont augmenté de plus de 30%. Les dépenses de défense sans l'OTAN étaient de 326 milliards d'euros, selon le Conseil européen (certains think tanks mentionnent 440 milliards).

Quelques jours après l'invasion de l'Ukraine, la présidente de la Commission européenne a déclaré que l'Europe avait avancé davantage en termes de sécurité et de défense en six jours que durant les deux dernières décennies : une augmentation sans précédent des dépenses militaires européennes, avec de l'argent provenant directement du budget communautaire.

En 2023, les États membres de l'UE ont délivré 33 700 licences pour les exportations d'armes, représentant 1/4 des exportations mondiales. La France seule a augmenté de 47% ses exportations et est devenue le deuxième plus grand exportateur au monde, dépassant la Russie.

Ces dernières années, l'UE a lancé plusieurs projets de défense :

• Programme européen de développement industriel de la défense (EDIDP)

• Action préparatoire sur la recherche en défense (PADR)

• Fonds européen de défense (EDF)

• Loi européenne de renforcement de l'industrie de défense par l'achat commun (EDIRPH)

• Action de soutien à la production de munitions (ASAP)

• Stratégie européenne de l'industrie de défense (EDIS)

• Programme européen de l'industrie de défense (EDIP)

Le Fonds européen de soutien à la paix lui-même, qui est en dehors du budget européen, a été utilisé pour acheter des armes pour des pays en guerre (Ukraine, Rwanda, Niger).

Une étude de 2025 de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) indique que deux tiers des armes achetées par les pays européens proviennent maintenant des États-Unis. Les armes importées des États-Unis ont plus que doublé entre 2020 et 2024. Malgré les appels à réduire la dépendance vis-à-vis des États-Unis et à renforcer l'industrie européenne, les pays européens se sont précipités pour acheter de l'armement nord-américain. Pour la première fois en deux décennies, les armes nord-américaines ont afflué davantage vers l'UE que vers le Moyen-Orient. Tout cela dans la période où l'UE a investi sans précédent et a le plus appelé au renforcement des capacités européennes.

Dans la semaine suivant l'annonce de Von Der Leyen, les sociétés multinationales de guerre ont vu leur capitalisation boursière augmenter de 35 milliards d'euros. Il est clair qui bénéficie de cette remilitarisation.

Il y a des bases militaires nord-américaines sur tout le territoire européen. Il y a des ogives nucléaires nord-américaines sur le territoire européen. Mais à ce sujet, pas un mot sur « l'autonomie européenne ». Au contraire : le président polonais Andrzej Duda a fait appel à Trump pour transférer les ogives nucléaires nord-américaines installées en Europe occidentale vers la Pologne et l'Europe de l'Est. Ce qui est sur la table, c'est un nouveau modèle d'intégration européenne qui combine le constitutionnalisme du marché avec une identité politique basée sur la force militaire.

9. Coopération non-alignée

Le Bloc de Gauche s'oppose à l'augmentation des dépenses d'armement et à la dérive militariste que cela préfigure. Le Bloc de Gauche préconise des politiques de coopération volontaire entre États européens démocratiques à des fins de sécurité et de défense. Cette vision nous éloigne de la perspective de toute armée européenne, que les élites elles-mêmes rejettent, tel est le risque qu'impliquerait la simple installation d'un commandement militaire qu'aucune démocratie ne contrôle, ou dans lequel prédominent des gouvernements qui peuvent être dirigés par l'extrême droite dans un avenir proche.

10. Occident en turbulence et géométries variables

La géométrie des alliances en formation est sans précédent. Lors du récent Sommet de Londres, l'Angleterre, la Norvège, le Canada et la Turquie ont reçu onze pays de l'UE : France, Allemagne, Espagne, Italie, République tchèque, Roumanie, Danemark, Pays-Bas, Pologne, Finlande et Suède. Cette « communauté de défense » ad hoc n'est pas pilotée par l'OTAN, ni par l'UE – bien que les deux la suivent de près. Il est prévisible que cette géométrie variable d'alliances se développe face à la pression russe et à la distanciation des États-Unis, qui affirment le mépris pour l'autodétermination du peuple du Groenland (dont ils ont l'intention d'acheter le territoire au Danemark) ou le non-respect de l'indépendance canadienne, suggérant une annexion. La présence de la Turquie au Sommet de Londres, sans présence grecque, indique également une plus grande autonomie vis-à-vis des États-Unis.

11. Mondialisation « multipolaire », le régime des puissances

Sous le slogan du « monde multipolaire », les puissances impériales cherchent à consolider un régime de sphères d'influence, en articulation instable avec des impérialismes secondaires et régionaux. Ce régime de puissances est très similaire à celui qui a accompagné la montée du fascisme jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. L'histoire ne se répète pas, mais elle enseigne. Nous devons empêcher l'escalade de la terreur. Au lieu de cela, l'Europe choisit la voie militaire pour se tenir côte à côte dans la dispute mondiale.

Le régime des puissances privilégie la négociation bilatérale – le « transactionnalisme » trumpiste – au détriment des règles fixées dans les accords multilatéraux. L'Union européenne elle-même fait déjà partie de ce régime. Elle maintient l'accord d'association avec Israël et finance le régime génocidaire de Netanyahu, tout en assurant des échanges commerciaux qui incluent la production dans des territoires illégalement occupés. Elle finance la guerre au Congo par l'accord commercial avec le Rwanda, de qui elle achète des ressources pillées au Congo avec des armes achetées en euros. Et elle continue d'acquérir auprès du Maroc les ressources du Sahara occidental (malgré la sentence de la Cour de Justice de l'Union européenne qui a considéré les accords nuls), tout en légitimant l'occupation illégale en échange de la signature marocaine sur des accords pour déporter des migrants.

Le régime des puissances privilégie la liquidité de la transaction sur tout engagement envers l'intérêt général, les droits humains et les écosystèmes, accentue le risque de guerre aux périphéries des zones d'influence, tout en renvoyant le conflit ouvert entre puissances à un statut exceptionnel, même en raison des risques existentiels impliqués. Le régime des puissances est la coalition mondiale pour le carbone, en ligne avec le négationnisme néofasciste, poussant l'UE et le monde à abandonner même de timides intentions concernant la transition énergétique.

12. Responsabilités européennes dans le malheur ukrainien

La guerre en Ukraine est dans l'impasse depuis longtemps. Bien avant que le trumpisme ne dicte les règles, les lignes de front bougeaient peu, toujours avec un nombre élevé de morts des deux côtés. L'UE, qui a à juste titre aidé l'Ukraine à résister à l'invasion barbare, n'a jamais voulu confronter la Russie avec des pourparlers de cessez-le-feu. Elle a répété le discours de Biden sur la « défaite de Moscou » et a collaboré à une stratégie de prolongation de la guerre visant à user la Russie. Cette passivité diplomatique européenne a laissé la sortie aux mains de Trump, par le pillage. Le partage de l'Ukraine et de ses minéraux suivra le tracé des tranchées, bénéficiant à l'envahisseur et pillant l'envahi, pour lequel des dirigeants collaboratifs devraient être installés à Kiev. Zelensky est pressé de capituler, de se retirer des négociations ou de signer aveuglément et de quitter la scène. Déjà la volonté du peuple ukrainien, elle ne compte pour rien.

La « communauté de défense » promue à Londres promet d'installer et de fournir des forces sur le territoire ukrainien libre de l'occupation russe. Le Bloc de Gauche rejette toute participation portugaise à la mission de stabilisation du partage et du pillage de l'Ukraine entre Trump et Poutine, même si elle est étiquetée comme force de maintien de la paix.

13. L'Ukraine doit être indemnisée

Trump veut l'UE dans les négociations avec la Russie après le cessez-le-feu, pour lever les sanctions sur les oligarques et normaliser le commerce russe en Europe, incluant également le retour des actifs gelés et saisis à la Fédération de Russie. Trump veut empêcher que 160 milliards d'euros actuellement gelés soient remis à l'Ukraine pour la reconstruction des infrastructures. De son côté, il a le système financier, craintif que la confiance dans l'euro ne soit ébranlée par la confiscation de l'argent russe. La remise de cet argent à l'Ukraine, comme proposé par le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz, serait le moyen le plus efficace de conditionner Poutine.

14. Seule une paix juste peut durer

Le Bloc de Gauche a toujours été d'accord avec l'envoi d'armes défensives pour la résistance légitime de l'Ukraine. De même, nous continuons à défendre l'intégrité du territoire ukrainien de 2022, les négociations pour un cessez-le-feu et le retrait des troupes russes. Une paix juste et durable doit être basée sur la neutralité de l'Ukraine et l'annulation de sa dette, ainsi que sur la reconnaissance de sa diversité nationale et le droit des populations qui habitaient le Donbass au moment de l'invasion russe à se prononcer sur leur avenir. Face à l'accord Trump-Poutine, l'UE doit prendre une position indépendante.

15. Le droit à l'autodétermination n'a pas de double standard

Le principe d'autodétermination des nations est fondamental dans le Droit International, première aspiration de tous les peuples. Cette compréhension est bien présente au Portugal, car nous avons vécu la décolonisation des pays africains après une guerre injuste d'occupation et la solidarité pour l'indépendance du Timor. En ce sens, le Bloc de Gauche ne classe pas les conflits pour l'autodétermination comme des « guerres par procuration », indépendamment de l'intervention d'acteurs internationaux étrangers aux peuples opprimés. Par conséquent, sauf pour les grandes différences historiques, nous utilisons le même critère en Ukraine ou en Palestine ou dans les nations sans État en territoire espagnol, au Sahara, au Kurdistan.

16. Palestine, drapeau de l'humanité contre la barbarie

Avec la couverture des États-Unis et de la plupart des pays européens, Israël promeut le génocide à Gaza, l'invasion de la Cisjordanie et des agressions sur les pays voisins. Trump et Netanyahu, avec leurs alliés régionaux, cherchent à encercler et neutraliser l'Iran. Ces facteurs conduisent à une instabilité accrue au Moyen-Orient, précisément l'une des périphéries des puissances.

Le Bloc de Gauche s'allie aux campagnes internationales pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions contre l'apartheid israélien et défend un accord qui garantit la paix en Palestine, la fin de l'occupation et le respect des résolutions de l'ONU. La démilitarisation d'autres conflits est attendue, notamment celui qui se déroule en Syrie, sous les auspices des pays du sud global, dans le respect de l'autodétermination des peuples.

17. L'internationalisme désobéit à tous les empires

Il est nécessaire de conclure que l'impérialisme du 21e siècle modifie sa dynamique et sa corrélation de forces. L'impérialisme américain reste le plus agressif et constitue une superpuissance que d'autres puissances impérialistes cherchent à combiner avec l'existence de pôles mondiaux. Ce processus avance, tantôt par le conflit, tantôt par la coopération entre puissances et par l'intégration capitaliste transnationale. Il y a plusieurs impérialismes dans le système mondial et aucun d'entre eux n'aura un rôle progressiste car tous agissent selon les intérêts de leurs élites capitalistes. Reconnaître cette réalité est vital pour élaborer une proposition internationaliste capable d'offrir un avenir à l'humanité et de concevoir un ordre démocratique des peuples.

Résolution approuvée le 23 mars par le Conseil National du Bloc de Gauche, Portugal.

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L’empire américain est en déclin

8 avril, par Amy Goodman, Richard Wolff — ,
Alors que le président Trump dévoile enfin son plan de tarifs douaniers mondiaux - fixant un tarif de base de 10 % sur tous les produits importés, avec des hausses (…)

Alors que le président Trump dévoile enfin son plan de tarifs douaniers mondiaux - fixant un tarif de base de 10 % sur tous les produits importés, avec des hausses supplémentaires apparemment basées sur les balances commerciales des différents pays avec les États-Unis - des économistes, comme notre invité Richard Wolff, préviennent qu'il y aura de graves effets économiques sur les consommateurs américains et que cela conduira à une récession.

https://www.democracynow.org/2025/4/3/trump_tariffs_global_markets
3 avril 2025 | tiré de democracy now !
https://www.democracynow.org/2025/4/3/trump_tariffs_global_markets

AMY GOODMAN : Ici Democracy Now !, democracynow.org, The War and Peace Report. Je suis Amy Goodman.

Les marchés boursiers mondiaux s'effondrent après que le président Trump a dévoilé la plus grande augmentation des tarifs douaniers mondiaux de l'histoire moderne des États-Unis, y compris un tarif douanier général de 10 % sur tous les produits importés en provenance d'environ 185 pays. En outre, de nombreux partenaires commerciaux des États-Unis, dont l'Union européenne, la Chine et le Japon, se verront imposer des droits de douane encore plus élevés. La Chine est désormais frappée d'un droit de douane total de 54 %. M. Trump a annoncé ce plan lors d'un discours prononcé dans la roseraie de la Maison-Blanche.

PRÉSIDENT DONALD TRUMP : Mes chers compatriotes américains, c'est le jour de la libération - attendu depuis longtemps. Le 2 avril 2025 restera à jamais dans les mémoires comme le jour de la renaissance de l'industrie américaine, le jour où le destin de l'Amérique a été récupéré et le jour où nous avons commencé à rendre l'Amérique à nouveau riche. Nous allons la rendre riche, bien et riche.

Pendant des décennies, notre pays a été pillé, saccagé, violé et spolié par des nations proches ou lointaines, amies ou ennemies. Les métallurgistes, les ouvriers de l'automobile, les agriculteurs et les artisans qualifiés américains - nous en avons beaucoup parmi nous aujourd'hui - ont vraiment souffert. Ils ont assisté avec angoisse au vol de nos emplois par des dirigeants étrangers, au saccage de nos usines par des tricheurs étrangers et à la destruction par des charognards étrangers de notre rêve américain autrefois si beau.

AMY GOODMAN : L'impact des tarifs douaniers de Trump devrait se faire sentir dans le monde entier. Alors que M. Trump prétend que ces tarifs stimuleront l'économie américaine, de nombreux économistes craignent qu'ils n'entraînent une récession, voire pire. La guerre commerciale de Trump pourrait également modifier les alliances mondiales, les pays cherchant de nouveaux partenaires commerciaux. La Chine, le Japon et la Corée du Sud ont déjà annoncé leur intention de renforcer leurs liens commerciaux et de coordonner leur réponse aux tarifs douaniers de M. Trump.

Nous commençons l'émission d'aujourd'hui avec Richard Wolff, professeur émérite d'économie à l'université du Massachusetts Amherst, professeur invité au programme d'études supérieures en affaires internationales de la New School. Fondateur de Democracy at Work et animateur d'une émission hebdomadaire de radio et de télévision nationale intitulée Economic Update, il est l'auteur d'un certain nombre de livres, dont les plus récents sont Understanding Capitalism (Comprendre le capitalisme) et The Sickness Is the System (La maladie est le système) : Quand le capitalisme ne parvient pas à nous sauver des pandémies ou de lui-même.

Professeur Wolff, c'est un plaisir de vous revoir parmi nous. Commencez par répondre à la question suivante : avez-vous été surpris, choqué ou avez-vous deviné qu'environ 185 pays allaient subir une augmentation des droits de douane ?

RICHARD WOLFF : D'une part, nous savions que quelque chose comme ça allait arriver. D'un autre côté, l'ampleur et la portée de cette mesure nous poussent à nous arrêter. M. Trump a raison : il s'agit d'un moment de changement dans l'histoire américaine et dans l'histoire mondiale. Mais je pense que sa représentation de ce qui se passe est complètement fantaisiste et n'a à voir qu'avec l'autopromotion à laquelle il s'est livré la plupart du temps. Ce ne sont jamais des étrangers qui nous ont fait ça, cette notion de victime des États-Unis n'est pas juste. Au cours des 50 dernières années, nous avons été l'un des plus grands bénéficiaires de la richesse économique, en particulier pour les personnes les plus haut placées, comme lui. Cela n'a rien à voir avec le fait que des étrangers profitent de nous. Cette tentative de se rendre fort et puissant par rapport aux autres, de rejeter la faute sur l'étranger, sont des coups bas qu'un vrai président ne ferait pas.

Et c'est là le point le plus important. L'économie américaine est en difficulté. L'empire américain est en déclin. Nous ne voulons pas en parler dans ce pays. Nous sommes dans le déni. Et au lieu de cela, nous nous en prenons aux autres - triste façon de gérer un déclin. L'empire britannique a déjà décliné. Il en a été de même pour tous les autres. Nous en sommes maintenant à ce stade. Nous avons connu un excellent XXe siècle. Le XXIe siècle est différent. Il faut faire face à ces problèmes. Ce n'est pas ce qui se fait. Ce que l'on fait, c'est dire que nous avons des difficultés, mais que c'est la faute de quelqu'un d'autre, et que nous allons résoudre le problème en le punissant.

Je voudrais souligner, comme vous le suggérez, à juste titre, Amy, que le reste du monde ne va pas rester les bras croisés. Les États-Unis n'ont pas la puissance qu'ils avaient au 20e siècle. Ils ne sont pas dans la position qu'ils semblent s'imaginer. Lorsque le secrétaire au Trésor a ajouté aux commentaires de M. Trump qu'il avait averti le reste du monde de ne pas prendre de mesures de rétorsion, cela impliquait que s'ils le faisaient, il y aurait une escalade. Oui, a-t-il dit, il y aura une escalade. Eh bien, rien ne garantira plus d'escalade que s'ils ne font rien, parce que c'est alors une invitation pour M. Trump à continuer à le faire alors que chacun de ces efforts ne fonctionne pas.

AMY GOODMAN : Compte tenu du caractère dramatique de la journée d'hier, est-il possible qu'il ait pris cette décision à la toute dernière seconde, alors qu'ils remettaient cela à plus tard ? Et expliquez exactement - vous êtes professeur. La plupart des gens ne savent même pas comment fonctionnent les tarifs.

RICHARD WOLFF : D'accord, un tarif est une taxe. C'est juste une taxe particulière qui a reçu ce nom. Avant, on l'appelait droit d'importation. Tout ce que cela signifie, c'est que lorsqu'un produit fabriqué à l'étranger est importé aux États-Unis pour y être vendu, il doit payer une taxe, littéralement, lorsqu'il franchit notre frontière pour entrer dans notre pays. Cette taxe est payée par l'entreprise américaine qui l'importe, qui peut la répercuter sur le consommateur - c'est généralement ce qui se passe - et la taxe va à l'Oncle Sam. Elle va à Washington. M. Trump aimait suggérer que les droits de douane étaient payés par les autres - un peu comme le Mexique paierait pour le mur. Cela ne s'est jamais produit. Ce n'est pas près d'arriver ici non plus. C'est une taxe américaine.

Et il y a quelque chose de remarquable qui vous donne une idée de l'ampleur du changement : le parti républicain, qui s'est présenté comme le parti anti-fiscal pendant un siècle, impose maintenant la taxe la plus massive que l'on puisse imaginer. Pourquoi ce grand changement ? Parce que nous avons de très gros problèmes et que ce genre de gifle au reste du monde est une tentative pour en résoudre une petite partie. Mais cela ne marchera pas, parce que nous n'avons plus le pouvoir de le faire.

AMY GOODMAN : Je voudrais m'adresser au président de l'UAW, Shawn Fain, qui soutient les nouveaux tarifs douaniers de Trump et qui a déclaré la semaine dernière : « Nous applaudissons l'administration Trump pour avoir pris des mesures visant à mettre fin au désastre du libre-échange qui a dévasté les communautés de la classe ouvrière pendant des décennies. » M. Fain s'est exprimé dimanche dans l'émission Face the Nation de la chaîne CBS.

SHAWN FAIN : Nous avons vu plus de 90 000 usines quitter les États-Unis. Rien que pour les Trois Grands (les trois grands groupes de construction automobile américains), 65 usines ont fermé au cours des vingt dernières années. Vous savez, les droits de douane ne sont pas la solution totale. Les droits de douane sont un outil dans la boîte à outils pour amener ces entreprises à faire ce qu'il faut. L'objectif est de ramener des emplois ici et d'investir dans les travailleurs américains. ... Si l'on veut ramener des emplois ici, il faut qu'il s'agisse d'emplois vitaux, où les gens peuvent gagner un bon salaire, un salaire décent, bénéficier de soins de santé adéquats et de la sécurité de la retraite, et ne pas avoir à travailler sept jours sur sept ou à cumuler plusieurs emplois juste pour se débrouiller pour gagner leur vie.

AMY GOODMAN : Si le président de l'UAW, Shawn Fain, a fait l'éloge des tarifs douaniers de M. Trump, il a également déclaré qu'il était très préoccupé par la décision du président Trump de supprimer les contrats de 700 000 travailleurs fédéraux, de licencier des travailleurs à l'Institut national de la santé et dans d'autres agences.

RICHARD WOLFF : J'ai été un peu déçu. J'aime bien Shawn Fain, comme beaucoup d'entre nous, mais j'ai été déçu qu'il dise, en gros, « Je soutiendrai le président parce qu'il fait quelque chose qui pourrait aider mon syndicat », même si Shawn Fain sait, comme la plupart des économistes, que si l'on impose une taxe sur les marchandises qui arrivent, leur prix augmentera, parce que nous devons payer cette taxe maintenant, et que les producteurs nationaux pourront augmenter leurs prix parce que leurs concurrents de l'étranger sont bloqués par cette taxe. Nous nous attendons donc à une poussée de l'inflation, qui nuira gravement à la classe ouvrière de ce pays, surtout si elle s'amplifie, ce qui se produit souvent lorsque l'on applique des droits de douane de ce type.

Je tiens à rappeler à tout le monde, y compris à Shawn Fain, que les travailleurs de l'automobile représentent également des travailleurs qui ont besoin de marchés d'exportation, qui produisent en Amérique et vendent à l'étranger. Lorsque ces pays prendront des mesures de rétorsion, comme ils le feront probablement, nous perdrons des marchés d'exportation, ce qui se traduira par une diminution du nombre d'emplois. Et personne - permettez-moi d'insister - personne ne sait aujourd'hui si les emplois perdus à la suite de cette guerre commerciale seront plus ou moins nombreux que les emplois gagnés. C'est un gros risque que prend M. Trump. Et si cela ne se passe pas bien, ce sera très mauvais pour l'économie américaine. Elle entraînera la récession que les gens redoutent, car si les prix augmentent, les gens achètent moins, ce qui entraîne des pertes d'emplois.

Si l'on considère tout cela, il s'agit d'une tentative incroyablement risquée de blâmer le monde, de le punir, puis de croiser les doigts - ce qu'il fait - en espérant que tout se passera bien. Cela me rappelle la métaphore du football : il s'agit d'une passe Hail Mary. Vous la lancez sur le terrain. Vous espérez qu'elle rebondisse dans les mains de votre équipe. Mais c'est tout ce que c'est : un coup de chance. Et c'est un signe qui montre à quel point l'économie américaine est perturbée.

AMY GOODMAN : Si vous pouviez replacer cela dans un contexte plus large, vous pourriez parler des réductions d'impôts et de leur impact sur l'économie américaine. Parlez des réductions d'impôts et de la manière dont elles s'intègrent dans les tarifs, les - qu'est-ce que c'est ? - quelque chose comme 4 000 milliards de dollars de réductions d'impôts, et qui en bénéficie. Et puis parler des autres questions que le président Trump ne cesse de prétendre qu'ils ne vont pas toucher - même si celui que beaucoup appellent son coprésident, Elon Musk, se retire - vous savez, faire des discours ou non, s'en prendre à la sécurité sociale et à des questions comme Medicaid.

RICHARD WOLFF : Commençons par la question des impôts. La plus grande chose que Trump ait faite au cours de sa première présidence a été la réduction d'impôts de décembre 2017. Et lorsque cette réduction d'impôts a été inscrite dans la loi, elle était assortie d'une clause de caducité. Elle expire cette année, en 2025. Si cette expiration est autorisée, les entreprises et les riches, qui étaient les principaux bénéficiaires à l'époque, devront faire face à une forte [augmentation] d'impôts. Il ne veut pas faire cela, parce que c'est sa base, c'est le soutien de ses donateurs. Il ne veut pas que ces impôts augmentent à nouveau.

Dans ce cas, que va-t-il devoir faire ? S'il continue à dépenser et qu'il ne laisse pas les impôts augmenter, il devra emprunter des milliers de milliards, comme nous l'avons fait. Il ne veut pas être le président qui continue à emprunter des milliards, en partie parce que le reste du monde est un créancier important des États-Unis et qu'il ne va pas continuer à l'être comme il l'a été. Il est donc dans l'impasse. Il doit faire quelque chose.

Son espoir est donc de réduire les dépenses dans ce pays. Regardez ce qu'il fait. M. Musk se tient là, avec une tronçonneuse, pour nous dire clairement : « Je vais résoudre le problème sur le dos de la classe ouvrière. Je les vire tous. Je me fiche de ce que subit le reste de la classe ouvrière. Je vais licencier tous ces gens, sans préavis, sans plan ». Qualifier ce processus d'efficace est une plaisanterie stupide. Un processus efficace prend du temps, nécessite des experts. Ce n'est pas ce qu'ils font. Il s'agit simplement de licencier à tour de bras. Appeler cela de l'efficacité est une tentative de tromper les gens, cela ne devrait pas faire de différence.

M. Trump est maintenant dans le pétrin. Il ne peut pas s'en sortir sans résoudre d'une manière ou d'une autre le problème qui a été créé. Et il n'y a pas d'autre moyen que celui qu'il est en train de mettre en œuvre, parce que c'est la dernière façon de retirer à la masse des gens la possibilité d'emprunter. Je veux dire, soyons honnêtes. Si vous imposez des droits de douane, vous rendez tout ce qui vient de l'étranger plus cher. Cela signifie que les gens en achèteront moins. Ils réduiront leur niveau de vie. Si les entreprises américaines profitent des droits de douane, ce qu'elles font toujours, en augmentant leurs prix, la classe ouvrière en pâtira également. Vous humiliez vos travailleurs pour tenter de résoudre un problème que vous n'avez pas encore résolu.

Mais voici l'ironie qui pourrait bien finir par nous hanter. L'Europe a été incapable de s'unifier sous le parapluie des alliances américaines. L'hostilité des États-Unis rassemble l'Europe mieux que l'alliance n'a pu le faire. Et comme vous l'avez souligné, il est très important que la Chine, le Japon et la Corée du Sud, qui ont une longue histoire d'animosité et de tension, s'unissent pour faire face à cette situation. Ouah ! Nous sommes en train d'unifier le monde entier.

Si vous voulez avoir une vue d'ensemble, à mon avis, après la Seconde Guerre mondiale, George Kennan nous a appris ce qu'était l'endiguement : « Nous allons contenir l'Union soviétique ». L'ironie, qui plairait au philosophe Hegel, c'est que nous sommes en train de nous enfermer. Nous nous isolons - les votes à l'ONU des États-Unis seuls ou des États-Unis, d'Israël et de deux ou trois autres pays, l'isolement politique, l'isolement économique actuel. Nous sommes la nation voyou pour le reste du monde. Nous ne le voulons peut-être pas. Nous ne sommes peut-être pas d'accord. Mais cela n'a pas vraiment d'importance si c'est ainsi qu'ils nous perçoivent. Et c'est ce qui se passe.

AMY GOODMAN : Vous avez parlé de la Corée du Sud, du Japon et de la Chine qui s'unissent. L'une des plus grandes annonces de [droits de douane] a été faite à l'encontre de Taïwan. C'est un peu plus compliqué pour Taïwan de rejoindre ce groupe.

RICHARD WOLFF : Il y a aussi le Vietnam, qui a été frappé de plein fouet. Ne reconnaît-on pas ce que les États-Unis ont fait à ce pays ? Peut-être ne voudriez-vous pas l'écraser avec ce genre de choses ? Comme je le disais, il s'agit d'un changement. C'est un signe pour le monde qu'au fur et à mesure que l'empire des États-Unis décline, c'est un endroit mauvais qui va, vous savez, faire des gestes et se débattre, causant des dommages partout, alors qu'il fait face à son propre déclin.

AMY GOODMAN : L'ancien ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, a récemment écrit un article intitulé « Le plan directeur économique de Donald Trump ». Il a écrit, je cite, « C'est ce que ses détracteurs ne comprennent pas. Ils pensent à tort qu'il pense que ses tarifs douaniers réduiront d'eux-mêmes le déficit commercial de l'Amérique. Il sait que ce n'est pas le cas. Leur utilité vient de leur capacité à choquer les banquiers centraux étrangers pour qu'ils réduisent les taux d'intérêt nationaux. Par conséquent, l'euro, le yen et le renminbi s'affaibliront par rapport au dollar. Cela annulera les hausses de prix des biens importés aux États-Unis et n'affectera pas les prix payés par les consommateurs américains. Les pays soumis à des droits de douane paieront en fait pour les droits de douane de Trump. » Êtes-vous d'accord avec cela, Professeur Wolff ?

RICHARD WOLFF : Non, même si Yanis et moi travaillons beaucoup ensemble et que je m'en remets normalement à lui. Son analyse est merveilleuse. Mais je ne pense pas que ce soit correct. Est-ce un résultat possible ? Oui.

Vous savez, nous sommes dans une situation - permettez-moi de l'exprimer ainsi. Les tarifs douaniers ne sont pas nouveaux. Ils existent depuis des centaines d'années. Si vous donnez un cours d'économie internationale, ce que j'ai fait, vous dites aux étudiants : « Voici un millier de livres. Voici 5 000 articles. Nous savons. » La réponse est la suivante : lorsque vous imposez des droits de douane, vous ne savez pas quel sera le résultat, car il dépend de tout ce qui se passe ailleurs - taux d'intérêt, taux de change des monnaies, hausse ou baisse des économies dans le monde. Il est impossible de le savoir à l'avance. C'est une chose très risquée, et c'est pourquoi, au cours des 50 dernières années, nous avons eu, sous l'égide des États-Unis, ce que l'on appelle le libre-échange, le néolibéralisme ou la mondialisation.

Tout cela est désormais révolu. Les États-Unis ne peuvent plus gagner dans ce système et reviennent donc au nationalisme économique. Il s'agit là d'un changement fondamental qui bouleverse le monde. Pendant 50 ans, 50 - les 50 dernières années, il était admis qu'il ne fallait pas faire ce que M. Trump est en train de faire. Si vous voulez, vous pouvez penser que tous ceux qui ont pensé ainsi pendant 50 ans avaient tort, et que M. Trump, le génie, a raison, mais ce serait un pari risqué. Mieux vaut miser sur le fait qu'il essaie de sauver sa propre vie politique et qu'il tente de faire face, ce qui est tout à son honneur, à une économie en déclin sans avoir à l'admettre.

Cela ne se terminera pas bien. Normalement, ce n'est pas le cas. Et ce que nous allons voir, c'est la lutte entre le bloc européen, le bloc asiatique et le bloc américain, à un moment où les États-Unis sont plus faibles qu'ils ne l'ont jamais été sur le plan économique et politique. Regardez la débâcle en Ukraine, le malentendu selon lequel les Russes pourraient se tourner vers les Chinois et les Indiens pour faire face aux coûts de cette guerre d'une manière qui n'avait pas été calculée et qui est en train de façonner le résultat. La question n'est pas de savoir de quel côté on se trouve, mais de voir comment les choses s'alignent, c'est là le problème.

AMY GOODMAN : En trente secondes, comme vous le dites souvent, voyez-vous là le début de la fin de l'empire américain ?

RICHARD WOLFF : Oui, je pense que ce déclin dure déjà depuis 10 ou 12 ans. Ce n'est pas possible - voici la meilleure statistique. Si l'on additionne le PIB, c'est-à-dire la production totale de biens et de services d'un pays au cours d'une année, des États-Unis et de leurs principaux alliés, le G7, on obtient environ 28 % de la production mondiale. Si vous faites la même chose pour la Chine et les BRICS, c'est environ 35 %. Ils constituent déjà un bloc de puissance économique plus important que le nôtre. Tous les pays du monde qui envisagent de construire une ligne de chemin de fer ou d'étendre leur programme de santé envoyaient leurs représentants à Washington ou à Londres pour obtenir de l'aide. Ils le font encore aujourd'hui. Mais lorsqu'ils ont terminé, ils envoient la même équipe à Pékin, New Delhi ou São Paulo, et ils obtiennent souvent un meilleur accord. Le monde change. Et les États-Unis pourraient y faire face. Mais comme pour l'alcoolisme, il faut admettre que l'on a un problème avant d'être en mesure de le résoudre. Nous avons une nation qui ne veut pas encore faire face à ce que tout cela implique.

AMY GOODMAN : Richard Wolff, professeur émérite d'économie à l'université du Massachusetts Amherst, professeur invité au Graduate Program in International Affairs à la New School ici à New York, fondateur de Democracy at Work, anime une émission nationale hebdomadaire de télévision et de radio intitulée Economic Update. Parmi ses livres, Understanding Capitalism. Merci beaucoup d'être avec nous.

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