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Le mirage du Projet Mauricie, ou l’art du greenwashing industriel

25 février, par Dany Janvier — , ,
Le texte d'Éric Gauthier, président et chef de la direction de TES Canada, est une parfaite démonstration du greenwashing industriel : un habillage vert pour masquer un projet (…)

Le texte d'Éric Gauthier, président et chef de la direction de TES Canada, est une parfaite démonstration du greenwashing industriel : un habillage vert pour masquer un projet fondamentalement nuisible à l'environnement, à l'économie locale et à notre autonomie énergétique réelle. Décryptons ensemble cette tentative grossière de vendre aux Québécois un projet conçu avant tout pour enrichir des multinationales.

Un projet profondément québécois… ou profondément opportuniste ?

M. Gauthier affirme que le Projet Mauricie est « profondément québécois ». Pourtant, TES Canada n'est qu'une filiale d'une entreprise dont le siège social est situé à Schiphol, aux Pays-Bas, et qui cherche avant tout à exploiter nos ressources pour alimenter un marché international. Ce projet ne vise en rien à renforcer notre autonomie énergétique, mais plutôt à exporter de l'hydrogène vert, une technologie dont l'efficacité et la viabilité restent largement contestées.

Ironie du sort, une multinationale étrangère tente de nous vendre son projet en usurpant le nom de notre collectif : « C'est une occasion d'être toujours plus maîtres chez nous ». On aura tout vu !

Pire encore, TES Canada tente de brouiller encore davantage les cartes en changeant son nom : d'abord TES Canada, puis TES Mauricie, ou simplement « Projet Mauricie ». Une tentative grossière pour masquer ses véritables intentions. Projet Mauricie ? Plutôt « Projet d'assaut sur la Mauricie »

Des chiffres gonflés et un modèle économique douteux

Les chiffres avancés par TES Canada relèvent davantage du marketing que de la réalité économique. 5,6 milliards de dollars en retombées économiques ? Plus de 4 300 emplois ? Ces projections ne sont basées sur aucune étude indépendante et omettent surtout les coûts environnementaux et sociaux majeurs.

M. Gauthier prétend enrichir le Québec, mais en réalité, il propose de privatiser notre électricité et d'envoyer les profits à des dirigeants milliardaires, plutôt que de faire bénéficier Hydro-Québec, notre véritable levier économique collectif. Au lieu d'engraisser les coffres d'Hydro-Québec, qui redistribue ses revenus aux Québécois et finance nos infrastructures publiques, ce projet siphonnerait nos ressources naturelles pour maximiser les rendements d'intérêts privés.

De plus, il est naïf de croire que ce projet pourrait être un rempart économique contre la guerre tarifaire américaine. TES Canada prétend que l'incertitude économique des États-Unis justifie de nous lancer dans une filière hasardeuse et coûteuse, alors même que l'hydrogène vert n'a pas encore prouvé sa rentabilité sans subventions massives. On tente ici de faire croire aux Québécois qu'ils doivent se lancer dans l'inconnu pour compenser l'instabilité d'un partenaire commercial de longue date.

Un projet qui menace l'environnement et les communautés locales

Si ce projet était réellement conçu pour le bien du Québec, pourquoi est-il rejeté par tant de citoyens et d'experts en environnement ? L'hydrogène vert est loin d'être la panacée qu'on nous vend. Sa production nécessite d'énormes quantités d'électricité et d'eau, ce qui engendre des pressions sur nos ressources naturelles et un impact environnemental sous-estimé.
De plus, les MRC de Mékinac et des Chenaux risquent de payer un lourd tribut : expropriations, destruction de terres agricoles, industrialisation forcée de milieux naturels. TES Canada parle de 240 millions de dollars en compensations sur 20 ans, mais ces sommes ne suffisent pas à réparer les dégâts irréversibles qu'un tel projet engendrerait sur l'écosystème et la qualité de vie des résidents. Un « dynamisme économique » basé sur la destruction de notre territoire est un leurre.

Un avenir collectif ? Non, un cadeau aux multinationales

Enfin, TES Canada tente de nous faire croire que ce projet est un investissement pour notre avenir collectif. En réalité, il s'agit d'une opération massive de privatisation des ressources québécoises, au bénéfice d'intérêts étrangers. Un véritable développement économique durable passerait par des investissements dans les énergies réellement propres et adaptées à notre contexte, comme l'efficacité énergétique, l'éolien ou la biomasse locale.

Dire non au Projet Mauricie, c'est refuser de tomber dans le piège des grandes promesses sans fondement. C'est protéger notre territoire, notre eau et notre autonomie énergétique contre un modèle qui profite aux multinationales bien plus qu'aux citoyens du Québec.

Dany Janvier, citoyen de St-Adelphe dans Mékinac,
Contre la Privatisation du vent et du soleil dans Mékinac Des Chenaux, RVÉQ
Toujours Maîtres Chez Nous,

(Réponse à la lettre d'opinion d'Éric Gauthier parue dans Le Nouvelliste le 13 février dernier)
https://www.lenouvelliste.ca/opinions/point-de-vue/2025/02/13/projet-mauricie-un-projet-profondement-quebecois-ULKT63AZ4BFQ5NXMNQZ7RJ2FMY/

https://lobbycanada.gc.ca/app/secure/ocl/lrs/do/rgstrnLbbystsEmplyd?regId=957464&lang=fra

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Le Canal de Panama et la présence chinoise en Amérique Latine

La présence chinoise en Amérique Latine, y compris en Amérique centrale, connaît ces dernières années une progression saisissante qui illustre les progrès fulgurants de (…)

La présence chinoise en Amérique Latine, y compris en Amérique centrale, connaît ces dernières années une progression saisissante qui illustre les progrès fulgurants de l'influence politique et économique de la République Populaire de Chine dans ce qui était autrefois considéré comme « l'arrière-cour » des Etats-Unis.

Tiré de Asialyst
15 février 205

Par Hubiquitus

Un porte-conteneurs chinois emprunte le Canal de Panama. DR.

Sitôt confirmé par le Sénat, le nouveau Secrétaire d'Etat Marco Rubio prenait l'avion pour une tournée régionale ces petites Républiques d'Amérique centrale, autrefois appelées « bananières », le « backyard » nord-américain.

Si ce qualificatif est un peu passé de mode, l'Isthme de Panama, terrain des rivalités avec les puissances européennes (France et surtout Grande-Bretagne au mitan du XIXème siècle) est, cent-soixante ans plus tard, l'objet d'une concurrence féroce entre les Etats-Unis et la Chine.

Le 20 janvier, date de son investiture, le 47è président des Etats-Unis Donald Trump fait comme s'il découvrait que depuis la rétrocession de Hong-Kong par les Britanniques à la Chine en 1997, c'est une entreprise chinoise, Hutchison, qui opère deux des cinq ports aux deux extrémités du Canal de Panama, Balboa et Cristobal, ainsi que la voie ferrée qui traverse l'isthme.

C'était une entreprise Anglo-hongkongaise qui remporta l'appel d'offre privatisant la gestion portuaire (reconduit en 2021 pour une nouvelle période de 25 ans)*
*Cf. Sabina Nicholls

. La rétrocession en fit une entreprise nettement moins britannique et beaucoup plus sous influence du Parti communiste chinois (PCC). L'actionnaire majoritaire, Li Ka-Shing et son fils Victor Li, l'actuel PDG, sont proches depuis longtemps du président chinois Xi Jinping, avant même qu'il n'accède au pouvoir suprême en 2012.

Mais d'un autre côté, un autre de ces ports, le CCT – pour Colon Containers Terminal – est exploité par l'entreprise Evergreen, ce géant du transport maritime international basé lui à… Taïwan !

Le Canal de Panama a vu passer 373 000 navires de 1998 à 2024, dont la majorité (52%) allait vers ou provenaient de ports des Etats-Unis. Les trois-quarts des marchandises transitant par le canal (76%) étaient destinés ou provenaient du marché nord-américain.

Le fait que la République Populaire de Chine (RPC) ait été l'origine ou la destination de ces marchandises n'est pas nouveau et ne lui permet pas pour autant de contrôler le canal.

La compétition entre les « deux Chines »

De fait, les petits pays qui composent l'Amérique Centrale ont longtemps été en première ligne dans la concurrence entre Pékin et Taipei. Les régimes militaires, instaurés avec l'appui des Etats-Unis avant ou après l'après-deuxième guerre mondiale, avaient clairement choisi leur camp tout au long de la guerre froide : celui du Guomindang, le parti nationaliste au pouvoir à Pékin jusqu'à ce qui l'en soit chassé par le PCC en 1949, et ne juraient que par Taipei.

Le voyage historique de Richard Nixon à Pékin en 1972 et la reconnaissance de la Chine communiste qui s'ensuivit n'eurent strictement aucune incidence sur les relations des pays Centraméricains avec la Chine continentale, superbement ignorée.

Il fallut attendre 2007 pour que le Costa Rica, sous la pression de l'entreprise américaine Intel pour l'installation d'une usine de microprocesseurs, franchisse le pas de la reconnaissance diplomatique de la RPC facilitant le commerce entre les deux pays. Il faut rappeler que Taipei arrosait généreusement les petits Etats centraméricains en échange du maintien de leurs relations diplomatiques, notamment avec des conditions discrétionnaires fort intéressantes pour le chef d'Etat en place.

A la fin des années 1980 et plus encore dans les années 1990, la crise économique et financière met en faillite la plupart des Etats centraméricains, qui n'ont d'issue que dans la guerre – pas vraiment civile – (Nicaragua, El Salvador, Guatémala), des dévaluations et une émigration massives (les mêmes, plus le Honduras) et la création de multiples zones franches, proches des aéroports pour ceux qui n'ont pas de port sur le littoral atlantique (El Salvador, Nicaragua) ou des ports (Puerto Cortés au Honduras, Puerto Santo Tomas au Guatemala).

Il s'agit avant tout d'attirer les investissements étrangers au titre d'une main d'œuvre non qualifiée bon marché et d'un accès libre au marché nord-américain, mis en place à partir de l'Administration Reagan, avec la Caribbean Basin Initiative. Beaucoup d'entreprises chinoises, établies à Taïwan en grande majorité, viennent s'installer dans ces zones franches.

Ceci principalement dans le secteur de la confection textile, les « maquiladoras » : les pièces de tissu arrivent toutes taillées d'Asie, il suffit d'opérateurs de machines à coudre pour les assembler, et de fixer une étiquette indiquant la provenance pour bénéficier de l'exportation en franchise sur le marché nord-américain.

Au début des années 2000, les pays d'Amérique centrale consolident le système avec la négociation d'un accord régional de libre-échange avec les Etats-Unis, qui culmine en 2004. De fait, le Central American Free-Trade Agreement (CAFTA, élargi par la suite en CAFTA-DR lorsque la République dominicaine rejoint le processus de négociation) ne fait que consolider un régime commercial qui avait fait ses preuves.

Le Salvador

Grâce aux enquêtes des magistrats et aux alternances politiques, on a fini par savoir que Taipei arrosait généreusement l'Alliance Républicaine Nationaliste ARENA, le parti d'extrême-droite au pouvoir à San Salvador. De 1989 à 2009, 20 millions de dollars ont été mis à disposition du parti, lui permettant de financer la campagne de son candidat à la présidence tous les 5 ans, acheter les voix de députés d'un petit parti susceptible d'appuyer tel ou tel projet de loi, et autres généreux subsides.

Le fait que Francisco Flores, Président du Salvador de 1999 à 2004, conserva pour lui-même l'essentiel de la subvention taïwanaise lui valut des poursuites judiciaires et une condamnation à de la prison ferme lorsque son parti perdit les élections de 2009 en faveur de l'ancienne guérilla du FMLN.

L'arrivée de la gauche au pouvoir ne changea pas grand-chose, car Taïwan continua à verser son subside annuel que le gouvernement de Mauricio Funes utilisa comme caisse noire pour ses ministres et hauts fonctionnaires. La subvention annuelle des 20 millions de dollars n'était toutefois plus jugée suffisante : à la fin de son mandat en 2014, Mauricio Funes fut accusé de corruption pour des centaines de millions de dollars et échappa à la justice en se réfugiant au Nicaragua voisin.

Son successeur, du même parti de l'ancienne guérilla, le FMLN, Salvador Sanchez Ceren (2014-2019), connut le même sort, mais avant de perdre les élections de 2019, décida de changer soudainement de camp : en août 2018, El Salvador établit brusquement des relations avec la République Populaire de Chine, au grand dam de l'administration Trump 1 qui dénonça les visées expansionnistes consistant à y construire une base navale.

Le nouveau Président, Nayib Bukele, accepta cette situation laissée par l'administration sortante, essentiellement parce que les liens avec Taïwan s'étaient considérablement délités et que la Chine continentale était devenue l'un des principaux partenaires commerciaux. Coutumière du fait, celle-ci sut gratifier le changement de bord de El Salvador en offrant une superbe Bibliothèque Nationale en plein cœur de la capitale.

Le cas du Nicaragua

Après le triomphe de la Révolution Sandiniste en 1979, le gouvernement dénouera le lien qui existait entre Taïwan et la dictature de Somoza pour établir en 1985 une relation politique avec Pékin, qui ne dépassera guère un niveau symbolique.

La défaite électorale de Daniel Ortega à l'élection présidentielle de 1990 permet au nouveau gouvernement libéral de Doña Violeta Barrios de Chamorro de revenir aux liens traditionnels avec Taipei, à la faveur sans doute du recours de nouveau aux généreux subsides pour le parti de gouvernement décrit précédemment avec El Salvador.

Lorsque Daniel Ortega revient aux affaires en 2007, il s'intéresse d'abord à capter à son profit la manne provenant de Taïwan au lieu de revenir à la relation bilatérale existante durant son premier mandat. Puis en 2012, il évoque en public un projet de canal interocéanique qui intéresse un groupe d'investisseurs chinois de Hong Kong, maintenant une ambigüité sur les liens avec Pékin. Le projet est approuvé à marche forcée, Ortega étant maître de tous les pouvoirs, législatif et judiciaire en sus de l'exécutif, par la loi 840 du 14 juin 2013, suivie de l'accord de concession signé avec le HKND Group, d'un certain Wang Jing*

*Voir LOPEZ BALTODANO, Umanzor & Monica. Ruta Mafiosa : quienes controlan la concesión canalera en Nicaragua ? Ed. Popol Na, San José, Costa Rica, 2023, 164 pp. (version électronique), inconnu de tout le monde ou presque.

Si ce n'est qu'il semble avoir fait fortune en 2009, en s'emparant du Groupe Xinwei, spécialisé dans les télécommunications et des « technologies » que la CIA identifie rapidement comme une entreprise liée au complexe militaro-industriel de l'Armée populaire de libération chinoise (APL).

Wang Jing a été approché par le fils du couple Ortega-Murillo, Laureano, et viendra une seule fois au Nicaragua pour lancer des études de faisabilité et d'impact environnemental dont la qualité laisse pour le moins à désirer. L'analyse de l'accord de concession est implacable : les investisseurs peuvent faire à peu près ce qui leur passe par la tête dans l'ensemble du territoire du Nicaragua, et les organisations de la société civile et le mouvement paysan, craignant des expropriations massives de terres, se mobilisent. Par chance pour le Nicaragua, l'affaire se dégonfle assez vite, le HKND Group souffre de pertes très élevées lors d'un krach de la bourse de Shanghai survenu en 2015, l'entreprise elle-même fait faillite et est expulsée de la bourse en 2021.

L'étude des frères Lopez Baltodano conclue d'ailleurs « que la Chine peut voir dans un projet de canal situé dans la sphère d'influence immédiate des Etats-Unis un élément qui pourrait servir à négocier des positions dans sa propre zone d'influence », et font explicitement référence à Taïwan*
*Ibid, p. 19
.
Dans ce registre, un rapprochement s'impose avec le projet de canal à travers l'Isthme de Kra, en Thaïlande, promu dans ces années-là (2012-13) par la RPC, qui suscite l'opposition des Américains ainsi que des militaires thaïlandais jusqu'à leur coup d'Etat en 2014. Il reste que l'intérêt stratégique pour la Chine d'un tel projet est infiniment plus grand qu'un canal au Nicaragua, puisqu'il permettrait d'éviter le détroit de Malacca, seul point de passage de la Mer de Chine du Sud vers l'Océan Indien.
Côté nicaraguayen, Ortega se rallie officiellement à la politique d'une seule Chine en 2021, rompant toutes relations avec Taïwan.

Au Panama : l'effritement des promesses des BRI

Le Panama avait réussi, tout comme le Nicaragua, à maintenir des relations simultanées avec les « deux Chines », la RPC, disposant des bénéfices d'une vraie reconnaissance diplomatique tandis que Taïwan devait se satisfaire d'un bureau de représentation commerciale.

Si Panama se vante d'avoir été le premier pays centraméricain à souscrire, en 2017, au programme pharaonique des Nouvelles Routes de la Soie, il pourra aussi arguer du fait qu'il est le premier à en sortir, sous la pression des Etats-Unis, inaugurant ce que Tabita Rosendal*appelle joliment le « BRI-xit », inspiré de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

*ROSENDAL, Tabita. Could US forcing Panama to exit China's Belt and Road set pattern ? Asia Times, February 8, 2025.

Reste que le Panama viendrait juste derrière le Pérou en termes de concentration des intérêts chinois en Amérique Latine, avec 40 entreprises présentes dans le pays, mais évidemment surtout dans les zones franches qui sont essentiellement des centres de redistribution des marchandises à l'échelle du continent nord et sud-américain, ainsi par exemple pour l'entreprise de télécommunications Huawei.
Le gigantesque projet d'élargissement du Canal de Panama, dont les travaux avaient duré 10 ans, s'était achevé en 2016 et le tirage au sort avait favorisé le porte-conteneurs Andronikos, de l'armateur chinois COSCO. En juin 2017, survenait l'annonce surprise de la reconnaissance du principe d'une seule Chine. En décembre 2018, le président Xi Jinping faisait lui-même escale à Panama lors d'une tournée latino-américaine. C'est aussi en 2017 que commencent les travaux d'aménagement du port de l'île Margarita, dans la zone libre de Colon, estimés en un milliard de dollars apportés par le consortium chinois Landbridge, avec la construction du Panama-Colon Containers Port (PCCP).

Les projets se succèdent à une vitesse effrénée pour des montants colossaux : 4 milliards de dollars pour une ligne de TGV reliant Panama et David, un milliard pour une centrale électrique au gaz, un terminal pour les navires de croisière à l'entrée pacifique du Canal, un centre de conférences, un nouveau bâtiment pour l'ambassade de Chine et enfin 1,4 milliard de dollars pour un quatrième pont traversant le canal.

En dehors de ce dernier projet, récemment relancé, le terminal de l'île Margarita et l'absurde TGV ont été abandonnés, ainsi que l'idée d'un accord bilatéral de libre-échange. C'est un projet minier, mené par First Quantum Minerals (FQM), une soi-disante entreprise canadienne, en réalité filiale de la Jiangxi Copper Co Ltd., qui a provoqué un rejet massif de la population et des institutions panaméennes. La Cour Suprême du Panama a rejeté, en novembre 2023, ce méga-projet d'une mine de cuivre à ciel ouvert, comme contraire à la Constitution.

Autant Taïwan avait explicitement accepté le traité proclamant la neutralité du canal, l'un des deux traités signés en 1977 par Jimmy Carter et le Général Omar Torrijos, en souscrivant un addendum déposé au siège de l'Organisation des Etats Américains (OEA) à Washington, dont elle était observatrice à l'époque, autant la RPC évite soigneusement de se prononcer sur ce délicat sujet, depuis qu'elle l'a remplacé dans son statut d'observateur extrarégional.

Bénéficier d'un port à chaque bout permet évidemment une surveillance constante des navires empruntant le canal, notamment des flottes militaires. De fait, c'est l'un des rares endroits au monde où l'on peut observer un sous-marin nécessairement émergé, quels que soient son mode de propulsion et sa nationalité.

Carte du Canal de Panama (crédit : Shutterstock)

Au Guatémala et dans l'ensemble de la région

Le Guatémala est le seul pays d'Amérique Centrale à maintenir la reconnaissance diplomatique de la République de Chine (Taïwan aujourd'hui), ceci depuis sa fondation et leur reconnaissance mutuelle en 1912 ! Il ne semble pas y avoir de raison particulière à cela.

Si la diplomatie guatémaltèque ne semble pas envisager à court ou moyen terme de couper les liens, faibles, avec Taïwan, cela n'empêche pas un commerce normal avec la Chine, avec un fort excédent en faveur de celle-ci. Simplement, il n'y a pas d'investissements ou de lignes de crédits des banques de la RPC.

Paradoxalement, c'est peut-être le Costa Rica, premier pays de la région à choisir la RPC contre Taïwan en 2007, qui en a le moins bénéficié. Le niveau de développement du pays est certes supérieur au reste de la région, et il réalise des projets de développement d'infrastructures de transports financés par des prêts concessionnels chinois : ainsi la route reliant la capitale, San José, au principal port sur l'océan Atlantique, Puerto Limón, est aménagée grâce à un prêt à long terme de 400 millions de dollars mis en œuvre par la China Harbour Engineering Company (CHEC), dont le respect des délais, des normes environnementales et l'absence de corruption des fonctionnaires nationaux n'est pas une caractéristique reconnue, bien au contraire.

Le Honduras est le dernier en date à avoir rompu avec Taipei pour reconnaître la RPC début 2023. En dehors d'un voyage de la présidente Xiomara Castro, on est bien en peine de savoir quels miroirs aux alouettes ont déployé les responsables politiques chinois pour la convaincre.

L'Isthme centraméricain et la problématique migratoire

En définitive, l'urgence politique pour les Etats-Unis et l'Administration Trump 2 est d'affronter l'immigration sur leur marge sud et non pas d'affronter la Chine dans son « arrière-cour », où Taïwan a perdu l'essentiel de ses appuis et où la RPC a ancré sa présence politique et économique, mais où la primauté nord-américaine n'est pas pour autant actuellement menacée.

Tout autant que le Canal de Panama, est important pour les Etats-Unis le bouchon, le « Tapón » du Darién, déterminant pour contrôler en amont les flux migratoires, et tout spécialement ceux qui proviennent du Venezuela, d'Haïti et de Cuba. Trump 2 a appris la leçon de Trump 1 : la construction d'un mur le long du Rio Grande, quelle qu'en soit la hauteur ou le pays qui le finance, est loin d'être suffisant pour stopper les flux. Il faut remettre en place le bouchon qui voit passer, par dizaines de milliers, des migrants provenant des Etats faillis de l'Amérique du Sud et des Caraïbes, puis convaincre les petits Etats centraméricains de reprendre des milliers d'émigrants clandestins. Les « déporter », selon le terme nord-américain, doit se faire de façon suffisamment massive et violente pour assurer un minimum de dissuasion.

Le Panama et le Costa Rica ne connaissent guère l'émigration, mais les deux pays n'ont pas voulu ou pu stopper le flux migratoire passant par le Darién. Le calcul de l'administration Trump 2 est probablement qu'il faut faire peur à l'Etat panaméen, en menaçant sa principale activité économique, le canal, pour qu'il se résolve à resserrer le bouchon.

Nayib Bukele, le Président salvadorien, n'a pas hésité à proposer à Marco Rubio d'héberger dans sa gigantesque prison de 40 000 places, tous les délinquants latinos dont les Etats-Unis souhaitaient purger leurs prisons en échange de frais d'hébergements modiques, à discuter entre les deux pays. Pour sa part, le Président du Guatémala, Bernardo Arévalo, a fait preuve de bonne volonté pour accueillir les migrants illégaux qui seraient « déportés » des Etats-Unis, et n'a pas écarté l'idée de servir de pays tiers pour en héberger d'autres nationalités.

Ainsi, la critique de l'omniprésence chinoise et la préoccupation nord-américaine pour la sécurité du Canal a servi de levier pour prendre à la gorge le gouvernement panaméen sur le rebouchage du Darién, tandis que plusieurs autres pays sont allés à la rencontre des souhaits de l'Administration Trump 2 en matière d'accueil des immigrants illégaux. Le seul pays véritablement à problèmes, le Nicaragua, perçu par Rubio et l'Administration Trump 2 comme faisant partie de « l'Axe du mal » avec Cuba et le Venezuela, est à la fois trafiquant de migrants et fricote avec la Chine sur un projet de canal concurrent de Panama, mais bien hypothétique…

Par Hubiquitus

A propos de l'auteur Hubiquitus

Ancien universitaire puis diplomate, présent dans la région durant un quart de siècle, Hubiquitus a également été en poste à Pékin.

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Aéroport de Montréal se sacre de tout le monde

25 février, par Collectif — , ,
La lettre a été signée par 171 personnes. Elle vient mettre en lumière que ADM, n'est pas un bon citoyen corporatif, comme il le prétend. D'abord, il est *le seul *à entraver (…)

La lettre a été signée par 171 personnes. Elle vient mettre en lumière que ADM, n'est pas un bon citoyen corporatif, comme il le prétend. D'abord, il est *le seul *à entraver le projet de conservation du Parc nature Des Sources, qui fait l'unanimité de auprès de 35 ONG, 25 municipalités, des communautés autochtones et des milliers de personnes (via pétition) qui sont en faveur de la protection de ces milieux naturels uniques, habitats de dizaines d'espèces protégées, dont le papillon Monarque.

Dans le même ordre d'idée, nous dénonçons l'attitude d'ADM, qui n'a jamais voulu s'engager à respecter une plage de 23h à 7h exempte de mouvements aériens, ce qui permettrait à tous les montréalais-se d'avoir une nuit de sommeil complète. Le projet d'expansion et l'ajout de 10 nouvelles portes d'embarquement, mettra une pression accrue sur la plage horaire des vols.

Ceci, additionné à la mauvaise qualité de l'air mesurée par une professeure de l'université McGill dans les quartiers environnant l'aéroport, nous amène à questionner la pertinence et la moralité de l'expansion d'un aéroport en plein coeur d'une ville densément peuplée comme Montréal. Y aurait-il d'autres options ? ADM n'est pas du genre à ouvrir le dialogue...

Malgré l'opposition ferme de 35 organisations citoyennes et environnementales, de 25 municipalités, des communautés autochtones et de plusieurs dizaines de milliers de citoyennes et citoyens qui ont signé des pétitions, nous apprenions récemment que Aéroports de Montréal persiste dans son projet de destruction de plus de 100 hectares de marais, de prés fleuris, et de forêt urbaine à haute valeur écologique, abritant des dizaines d'espèces en péril, dont le papillon monarque.

C'est ce qu'ADM a confirmé dans un mémoire déposé à la Communauté métropolitaine de Montréal dans le cadre d'une consultation publique, et réitéré lors d'une rencontre avec l'organisme de conservation Technoparc Oiseaux.

Ces lots sont au cœur du projet de conservation de 275 hectares du Parc Nature Des Sources, havre de biodiversité exceptionnelle et rare îlot de fraîcheur dans ce secteur extrêmement minéralisé de l'Île de Montréal.

Plusieurs victoires citoyennes ont déjà été remportées pour la préservation de ce territoire, notamment avec Medicom ou plus récemment avec Hypertec, où le promoteur a compris l'importance de ce terrain pour la biodiversité et la santé humaine ainsi que la nécessité de l'acceptabilité sociale.

Aujourd'hui, envers et contre tous, ADM est le seul à entraver le projet de conservation, le seul à ne pas voir la nécessité de la préservation de ce site unique et essentiel. Protéger la biodiversité, c'est aussi protéger la santé des êtres humains en atténuant les effets des îlots de chaleur, la pollution de l'air et de l'eau, la pollution sonore et les risques d'inondation.

Des arguments aux airs de déjà vus

Selon ADM, ces terres serviront à créer un “pôle de décarbonation et de soutien aux opérations permettant d'accélérer la transition énergétique de l'industrie aéronautique”.

Rappelons à ADM que la décarbonation a pour but de permettre aux écosystèmes de continuer à nous maintenir en vie, en produisant de l'air pur, de l'eau potable et des terres fertiles. Détruire des écosystèmes vitaux dans le but de décarboner est une aberration.

ADM met aussi de l'avant le "risque aviaire". Sans sous-estimer ce risque, précisons qu'on ne parle pas ici de créer de nouveaux espaces verts, mais bien de protéger ceux qui s'y trouvent déjà. Les oiseaux cohabitent avec les avions dans cette zone depuis la création de l'aéroport et ADM a jusqu'à maintenant démontré qu'elle savait bien gérer ce risque, comme d'autres grands aéroports voisins de milieux naturels. Il existe une panoplie de moyens, autre que la destruction des habitats, pour gérer le risque aviaire.

Déni des impacts directs sur la santé des montréalaises et montréalais

De la même manière, ADM refuse de s'engager à respecter un couvre-feu pour permettre aux familles montréalaises de bénéficier d'une nuit complète de sommeil entre 23h et 7h. Le projet de nouvel aérogare, ajoutant 10 portes d'embarquement, entraînera une augmentation des mouvements aériens dans le ciel de Montréal, et une pression accrue sur la plage horaire comprise entre 23 heures et 7 heures, qui devrait être interdite aux avions.

Rappelons que le lieu de résidence n'est pas toujours un choix, particulièrement en contexte économique difficile et celui de la crise du logement, et que le droit au sommeil est un droit fondamental, qui ne devrait pas être réservé aux populations riches.

En outre, la pollution de l'air dans les quartiers environnant l'aéroport a été documentée par une scientifique de l'université McGill, avec des taux préoccupants de nanoparticules de métaux toxiques. ADM est bien au fait de ces données et les ignore dans ses projets d'expansion.

Ces informations ne devraient-elles pas nous amener collectivement à remettre en question l'expansion d'un aéroport dans une zone urbaine aussi densément peuplée que Montréal ?

La mobilisation continue, tant qu'il le faudra

M. Yves Beauchamp, président-directeur général d'ADM, nous ne vous laisserons pas détruire la nature qui foisonne, nous ne vous laisserons pas compromettre notre santé et celle de nos enfants.

Vous trouverez sur votre chemin des milliers de mères et de grands-mères au front, et leurs innombrables allié·e·s.

Rédactrice principale Nathalie Ainsley, mère au front pour Laurie, Annie et le vivant
et 170 co-signataires.

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Trump II, un mois plus tard

25 février, par Guylain Bernier, Yvan Perrier — , ,
« Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument. » Lord Acton. Le 45e-47e président des USA est en poste depuis maintenant un peu plus d'un mois. Les (…)

« Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument. » Lord Acton.

Le 45e-47e président des USA est en poste depuis maintenant un peu plus d'un mois. Les noms ou les adjectifs qui ont circulé en vue de qualifier la nature de son style de gouverne ont été nombreux. Le texte qui suit s'inscrit dans cette mouvance. Nous suggérons ici que Donald Trump est en train de gouverner son pays à partir d'une définition très personnelle sur la portée et l'étendue de sa capacité d'agir et de prendre des décisions. La chose qu'on peut minimalement affirmer, avec certitude, c'est qu'il en mène large avec ses déclarations démesurées et déconnectées du réel, et il ne se gêne pas pour semer le chaos avec sa rhétorique agressive et revancharde. Ses décisions sont souvent, à première vue, illégales et reconnues, pour le moment, comme telles par les paliers inférieurs de l'ordre juridique. Que diront les juges de la Cour suprême de ces dérogations présidentielles ? C'est à venir éventuellement. Mais le mal à la tronçonneuse risque d'être fait. Pour ce qui est de la nature du régime politique qui prend forme, cela représente une chose qui doit être examinée avec beaucoup de circonspection. Par contre, ce qui semble certain au moment où nous écrivons ces lignes, Donald Trump met tout en oeuvre pour renforcer et affirmer la suprématie du pouvoir présidentiel sur l'ensemble des pouvoirs de l'État. C'est le début d'une sorte « (d')état d'exception » qui prend forme actuellement. Ce ne sont pas les droits et libertés des citoyennes et des citoyens qui sont suspendus. Nous sommes plutôt devant une situation où, par les dispositions des choses, il semble très possible qu'il n'y aura plus aucune force ou puissance pour arrêter le pouvoir présidentiel. Exit par conséquent le mot de Montesquieu selon lequel : « Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».

Renforcer et affirmer le pouvoir présidentiel

Manifestement, Donald Trump pose des gestes en vue d'affirmer et de renforcer le pouvoir présidentiel sur l'ensemble des composantes étatiques. De plus, nous assistons à des mises en scène quasi quotidiennes qui focalisent les projecteurs sur la personnalité du leader à l'ego surdimensionné. Voici quelques preuves à l'appui de ces deux assertions : il exerce son pouvoir d'une manière autoritaire, prend des décisions unilatérales qui vont au-delà de ses prérogatives. Même si la majorité républicaine au Sénat est faible (53 sénateurs sur 100), Donald Trump est parvenu en un rien de temps à neutraliser et à s'assujettir le pouvoir législatif qui réagit nullement devant les débordements présidentiels. Trump II s'arroge unilatéralement des prérogatives législatives qui relèvent de la compétence exclusive du Congrès. Peu de voix s'élèvent ici devant cet unilatéralisme présidentiel.

De plus, le 45e-47e président américain attaque le pouvoir judiciaire en le discréditant à l'avance en vue de pouvoir être en mesure de réduire la portée des jugements à venir susceptibles d'invalider les oukases présidentiels. Les membres de son entourage reprennent à leur compte son refrain, selon lequel les juges n'ont ni le pouvoir ni la légitimité de s'opposer ou de contrôler les décisions du pouvoir exécutif. Est-il nécessaire de rappeler ici que la Cour suprême a décidé le 1er juillet 2024, à 6 juges contre 3, que le président américain jouit d'une immunité absolue pour des actes officiels.

Last but not least, Trump II a décidé de confier à un oligarque non élu — Elon Musk — une mission de purger et de dépecer le pouvoir administratif. Ce dernier est entrain de réduire à peau de chagrin ou à néant de nombreuses agences gouvernementales. Des fonctionnaires sont cavalièrement congédiéEs et invitéEs à se chercher un emploi dans le secteur privé. De plus, le président américain veut diriger vers son bureau des pouvoirs et des compétences qui relèvent de la très indépendante Banque centrale des USA (la FED).

Donald Trump est sans conteste en train de renforcer et d'affirmer le pouvoir présidentiel en mettant en place un régime fondé sur la peur et l'intimidation de ses adversaires ainsi que des personnes qui voudraient se mettre ou s'interposer sur son chemin.

Avant même d'être assermenté, Donald Trump a sévèrement blâmé le gouverneur de la Californie pour les incendies qui ont récemment ravagées et dévastées la région métropolitaine de Los Angeles. Il a, la semaine dernière, annulé le règlement municipal de la ville de New York au sujet des droits d'entrée à acquitter pour y accéder en automobile. Il a annoncé, ces derniers jours, le remplacement du chef d'état-major de l'armée américaine. Sur le plan intérieur Trump II, ne veut qu'une chose : des personnes loyales et disposées à se soumettre et à exécuter ses ordres.

Dans sa République, Platon avait d'ailleurs souligné cette mauvaise inclination du régime démocratique à se verser dans la tyrannie. Parce qu'il y a corruption même de celui-ci, en raison d'un détournement des lois et de leur vertu. Dans l'analyse détaillée du dialogue, Pierre Pachet (Platon, 1993, p. 36) évoque ceci :

«

La démocratie est détruite par l'excès de liberté, qui conduit au mépris des lois dans tous les domaines. Cette liberté excessive engendre la servitude. Les faux-bourdons détruisent le régime. Certains faux-bourdons deviennent chefs du peuple, provoquant par réaction la naissance d'un complot oligarchique, et le peuple se choisit un chef, qui devient comme un homme-loup, un tyran. S'il obtient une garde du corps armée, la transformation est complète. Le tyran commence par être bénin, puis provoque des guerres, et nettoie la cité de sa richesse et de ses hommes de qualité. Il embauche des esclaves pour son armée personnelle. »

Ce qui se trame présentement aux USA constitue la continuité de la première présidence de Donald Trump, qui justement avait mis en doute la vertu des lois actuelles, notamment en matière électorale, puisqu'elle s'avérait favoriser un Parti démocrate tourné vers le plus d'État, le plus de lois et de règles, et donc vers moins de liberté dans tous les sens du mot, mais surtout dans l'enrichissement personnel. Le courant de l'extrême droite, pour ne pas dire le libéralisme radical, sur lequel nous reviendrons plus loin, a permis à Donald Trump d'aviver des partisanEs qui ont d'ailleurs pris d'assaut le Capitole le 6 janvier 2021. Et ses fidèles ont été récompensés récemment en obtenant le pardon présidentiel, malgré l'outrage d'un symbole de la démocratie américaine. En soi, cet événement est aussi symbolique et expose les réelles intentions derrière, c'est-à-dire un détournement des lois dites démocratiques à des fins particulières, voire égoïstes.

Ainsi, le don de prédiction de Platon se concrétise à nouveau et plusieurs éléments déjà exposés prendront encore plus d'importance en lien avec ce qui suit. Car il faudra y ajouter au descriptif une réalité contemporaine, alors que la mondialisation et l'ordre international sont aussi chambardés.

Déconstruire l'ordre international

Sous prétexte que les USA ont jeté durant des décennies leur argent par les fenêtres, le président Trump a décidé unilatéralement de supprimer l'aide américaine à certaines agences internationales. Il a retiré son pays de certains accords internationaux. Il remet en question, sans débat, les alliances internationales et les engagements internationaux de ses prédécesseurs. Il s'immisce dans les affaires intérieures de certains pays et permet à des membres de son entourage immédiat de faire de même. Il dit vouloir mettre un terme à la guerre en Ukraine en négociant directement avec la Russie et, en prime, en l'absence de plénipotentiaires du gouvernement ukrainien.

Trump II semble prêt à participer à une déconstruction du système politique international tel qu'il s'est constitué et mis en place au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. De plus, il annonce des visées d'annexion — ou d'achat — territoriale. Et quoi encore.

Sur le plan extérieur, Donald Trump ne veut qu'une chose : un monde conforme à sa vision simpliste et, pour y accéder, il n'hésite pas à multiplier les paroles blessantes et les gestes offensants pour montrer qu'il est prêt à tout pour rendre l'ordre planétaire conforme à sa vision de « Maître du monde ». Parce que, dans son imaginaire, être président des USA donne droit à tout, même à la réalisation de désirs capricieux, pour ne pas citer le despote de Montesquieu.

Lancer une guerre commerciale

Durant la campagne électorale, le candidat républicain Donald Trump promettait la prospérité et l'enrichissement de toutes et de tous à travers quatre mesures : une baisse d'impôts, l'expulsion des immigrantEs réputéEs illégauxGALES, la réduction de l'appareil administratif jugé inefficace et corrompu et l'imposition de tarifs douaniers. Quatre promesses électorales phares, quatre promesses visant une réorientation de la liberté perçue à sa façon.

Maintenant qu'il est en poste depuis plus d'un mois, en vue de renflouer les coffres du gouvernement américain qui est surendetté — la dette nationale brute s'élèverait environ à 35 770 milliards de dollars américains — et pour avoir les moyens de réduire les impôts de ses concitoyennes et concitoyens, il se dit prêt à déclencher une guerre tarifaire en imposant des tarifs douaniers, et ce, en vue supposément d'attirer vers son pays des entreprises étrangères qui veulent voir leur production s'écouler sur le marché américain. Il prétend même que cette guerre des barrières tarifaires ne déclenchera pas une nouvelle flambée inflationniste.

Et l'avenir dans tout ça ?

Nous ne spéculerons pas sur ce qui nous attend pour les 47 prochains mois à venir (ou plus si Donald Trump décide d'aller de l'avant avec son idée de solliciter éventuellement un troisième mandat). Une chose est certaine, la gouverne de Trump II est déstabilisante et comporte un certain nombre de ruptures importantes et significatives qui sont susceptibles d'être reconnues ou déclarées, plus ou moins majoritairement par les juges des différents paliers de tribunaux, inconstitutionnelles. D'où, en ce moment, une authentique fracture avec le passé dont nous devons prendre le temps de mesurer la portée et l'étendue. N'empêche que cette redéfinition du régime sous le courant trumpiste augure une transformation radicale qui remet en question même l'étatisme. Dès lors s'exposent de plus en plus un autoritarisme et une propagande de l'ère numérique, mais toujours dans sa phase préliminaire.

Ce qui est en jeu en ce moment

Donald Trump est en train de tout mettre en œuvre pour affirmer la suprématie du pouvoir présidentiel sur la totalité des autres composantes gouvernementales ou branches étatiques (le pouvoir judiciaire, le pouvoir législatif, les composantes administratives et militaires). C'est le début d'un « état d'exception » qui se met en place jour après jour. Un État de décret où les autres composantes du système des contre-pouvoirs sont invitées à ne pas intervenir ou à reconnaître comme légitime et fondé en droit les décrets présidentiels. Le tout dans un contexte où une censure ciblée se déploie et où une chasse aux sorcières est dirigée contre les WOKES (les groupes qui militent en faveur de l'équité, la diversité et l'inclusion des minorités discriminées). De plus, les droits des femmes à l'avortement sont toujours et plus que jamais dans la mire de Donald Trump. Une confusion entre le religieux et certains choix politiques est annoncée et sera pratiquée par des membres de l'exécutif du président.

Monarque sans royaume et Projet 2025

Le monarque sans royaume met en place les mesures contenues dans le programme Projet 2025 (document promu par l'Heritage fondation). Ce programme rédigé pour et par les membres de l'oligarchie de la richesse vise à affaiblir les assises de la démocratie américaine (démantèlement de l'appareil administratif, subordination des pouvoirs législatif et judiciaire à l'organe exécutif, limitation du droit de vote). Cette oligarchie qui se colle au Parti républicain, en vue de faire élire au Congrès des représentantEs et des sénateurTRICEs qui seront et sont disposéEs à adopter des lois qui vont compliquer l'accès au droit de vote à différentes catégories de citoyenNEs (principalement des personnes racisées et des femmes) et pourquoi pas cultiver, par divers moyens, l'apathie politique d'un nombre important de citoyenNEs, le tout en vue de limiter les votes favorables aux démocrates.

Est-il nécessaire de préciser que cette oligarchie de la richesse correspond à une ploutocratie réactionnaire et conservatrice qui veut faire disparaître, entre autres choses, les lois favorables à la protection de l'environnement ainsi que celles qui posent des limites ou des contrôles accrus aux activités dans le champ des nouvelles technologies d'information et des communications (le monde du WEB) et dans la cryptomonnaie. Il est même recherché, par ces ultra-riches milliardaires, des juges à nommer qui vont rendre des décisions qui s'inscrivent dans le courant juridique dit « originalisme ». Ajoutons en plus que cette oligarchie veut réduire les possibilités d'une alternance politique au Congrès et à la présidence.

Similitudes et divergences avec des régimes dits « totalitaires »

Par essence, il ne saurait faire de doute que tout gouvernement qui prône la suprématie du Chef sur les autres branches ou composantes de l'État porte avec lui des similitudes avec les régimes dictatoriaux de ceux qui ont été mis en place au XXe siècle par les Mussolini, Staline et Hitler…

La tentation est donc forte — et très forte même — de vouloir affubler ou qualifier la gouverne de Donald Trump II au fascisme ou à une sorte de néo-fascisme. Nous sommes par contre d'avis qu'il faut éviter, pour le moment, ce genre de comparaison hâtive. Oui, Donald Trump se comporte en tyran, en dictateur, en chef incontestable, en leader qui veut disposer d'un corps de serviteurs fidèles et serviles à son service tout en désirant être adulé par les foules. En plus, il répète son désir d'étendre son espace territorial vital à une terre proche (le Canada) comme lointaine (le Groenland), jugée nécessaire à la défense de son pays et d'accéder, par le fait même, aux ressources et aux richesses de ces territoires ; ressources et richesses qui font cruellement défaut à l'économie américaine.

Il y a quand même, selon nous, des nuances à prendre en considération entre les dictatures fasciste et nazie et le régime trumpiste. Nous ne sommes pas devant un dirigeant qui a un plan d'extermination de ses opposantEs et des oppositions — du moins, pas encore dans cette tournure meurtrière. Il est certes sur une lancée visant à continuer son œuvre déroutante, déconcertante, etc…. En agissant comme il le fait, Trump II concrétise et incarne la forme corrompue de la démocratie, selon la typologie aristotélicienne (mais aussi platonicienne) : il agit en tyran qui confond son intérêt personnel et celui des membres de son « sérail » immédiat avec le bien commun. Nous n'avançons donc pas que le régime trumpiste est un régime fasciste ou hitlérien… Il faut trouver des mots justes au contenu précis pour décrire la nouvelle réalité qui prend forme sous nos yeux. Avec Trump II, comme avec ses prédécesseurs, ce ne sera pas avant la fin de sa présence au Bureau ovale de la Maison-Blanche, dans quatre ou huit ans, que nous serons en mesure de forger ce mot-synthèse ou ce concept qui caractérisera l'ensemble de son œuvre qui prend incontestablement sa source dans l'idéologie libertarienne antiétatique qui est accompagnée d'un mouvement social diffus, mais très actif dans le Parti républicain et largement financé par des fondations et des fortunes privées.

N'empêche que l'homme derrière la présidence possède des traits de caractère qui le rapproche de dirigeants autoritaires, voir même « fasciste » à la rigueur. Car, comme les autres, il provient d'un régime démocratique et a en aversion les lois en vigueur, ou du moins les envisagent autrement. Il se sent coincé par le régime qui l'empêche de réaliser ses desseins, alors que ceux-ci sont généralisés à l'ensemble d'une population jugée comme étant perdue ou en quête d'une nouvelle utopie. La vraie liberté américaine vantée par la démocratie ne peut exister. Elle doit être guidée, ramenée dans un régime dont le dirigeant en connaît la véritable portée. Autrement dit, le régime doit être réformé en totalité, voire même contrôlé par quelqu'un qui saura l'incarner. Et comme le soulignait Montesquieu (XVIIIe, Troisième Livre, Chapitre 8, p. 67), en parlant du gouvernement despotique :

« Comme il faut de la vertu dans une République, et dans une monarchie de l'honneur, il faut de la crainte dans un gouvernement Despotique[,] pour la vertu elle n'y est point nécessaire et l'honneur y serait dangereux. Le pouvoir immense du Prince [voire du Despote] y passe tout entier à ceux à qui il le confie. Des gens capables de sentiments beaucoup. Eux-mêmes y seraient en état de faire des révolutions : il faut donc que la crainte y abatte tous les courages et y éteigne jusqu'au moindre sentiment d'ambition ». (Citation adaptée à l'orthographe et à la grammaire d'aujourd'hui).

Mais comme nous l'avons précisé, il est encore tôt pour statuer définitivement sur le qualificatif d'État despotique et l'attribuer aux USA, mais les diverses actions de la présidence actuelle démontrent bien la voie prise en ce sens. Montesquieu (XVIIIe, Cinquième Livre, Chapitre 13, p. 153) encore résume l'idée du despotisme comme suit : « Quand les Sauvages de la Louisiane veulent avoir du fruit[,] ils coupent l'arbre au pied et cueillent le fruit[,] voilà le gouvernement Despotique ». Il faut certes contextualiser cette citation et renier sa connotation raciste, afin de retenir l'action symbolisée ici, c'est-à-dire ruiner ce qui apporte les bénéfices à la nation. Autrement dit, en osant ici supputer sur l'avenir, les qualités reconnues des USA seront perdues et l'unité, déjà perdue, se divisera encore davantage ou plutôt cette division se cristallisera et se radicalisera au point de créer un conflit interne devant aboutir à de grandes souffrances pour le pays.

Et les juges dans tout ça ?

« Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » a dit Montesquieu.

Jusqu'à maintenant, Donald Trump est parvenu à obtenir une immunité présidentielle élargie, il a nommé une flopée impressionnante de juges à travers le pays (200 environ) et trois à la Cour suprême des USA. Que vont dire ces juges du coup de force en cours visant à renforcer davantage le pouvoir présidentiel ? Car il s'agit bel et bien d'un coup de force qui prend forme en ce moment. Ces juges qui ont été sélectionnés en raison de leur position antiavortement et en faveur de l'immunité des décisions du président en exercice affirmeront-elles et affirmeront-ils leur indépendance ou trouveront-elles et trouveront-ils le moyen de donner des victoires constitutionnelles à Donald Trump ? Autrement dit, les juges en place vont-elles et vont-ils avaliser le coup d'État institutionnel qui se déploie sous nos yeux ? Les institutions américaines (le Congrès et les tribunaux) seront-elles en mesure de freiner et d'empêcher Donald Trump de remettre en question la séparation des pouvoirs prévue dans et par la constitution américaine ? Donald Trump semble prêt à se lancer dans un affrontement et un conflit avec la branche judiciaire. Il veut tester le système judiciaire en matière de partage des pouvoirs entre la branche exécutive et la branche judiciaire. C'est le système des checks and balance (le système de freins et de contrepoids) qui est en jeu ici. Se pose dès lors, avec beaucoup d'acuité l'interrogation suivante : jusqu'à quel point les institutions politiques prévues en vue de limiter les excès et les abus de pouvoir de Donald Trump seront-elles en mesure de le freiner, le contenir et l'empêcher d'agir ? L'avenir le dira.

Président des USA et chef du monde entier

En ce moment, nous assistons au retour de la notion d'impérialisme américain dans les déclarations ou les analyses de personnes qui ont fait leurs études dans des institutions universitaires conservatrices… Par-delà cet aspect particulier de la conjoncture politique, il est vrai que Donald Trump semble se prendre non seulement pour le président des USA, mais aussi pour le chef du monde entier. Lui et les membres de son cercle restreint se considèrent comme les nouveaux « Maîtres du monde » — du moins leurs agissements vont en ce sens. Trump se croit tout puissant, voire même hyper puissant. Il veut découper et partager le monde avec des vis-à-vis qu'il veut choisir seul ; voilà la conception d'un authentique despote.

La naissance d'un « état d'exception » ?

Il semble donc clair, selon nous, que Donald Trump veut mettre à plat la démocratie américaine et voir triompher la suprématie présidentielle sur les autres composantes de l'État. Y parviendra-t-il ? C'est lors de cet éventuel affrontement décisif avec les juges de la Cour suprême américaine que nous serons en mesure de constater si ses actions, ses exactions et ses interventions laisseront et ont laissé un caractère durable dans le temps et sur les institutions juridico-politiques des USA. La méthode du fait accompli — par le recours à la tronçonneuse et la multiplication des décrets présidentiels — sera-t-elle accompagnée de ruptures irréversibles qui seront difficiles à redresser ? En attendant, nous pouvons nous demander si ce n'est pas un « état d'exception » qui se met en place aux USA ?

L'État d'exception, selon nous, correspond à ce moment où le droit est en dehors du droit, tout en y appartenant. Donc, une situation contraire et à première vue étrangère au droit, mais qui reste légale tant que les juges n'ont rien tranché définitivement (Agamben, 2003). Bref, il s'agit d'un point de déséquilibre passager et provisoire entre le droit et le fait politique. C'est ce qui fait dire à Saint-Bonnet (2001, p. 335) ceci : « L'état d'exception, qui se caractérise par l'évidente nécessité, convertit une décision normalement inconstitutionnelle en non-décision inconstitutionnelle par une métamorphose qui appartient à un registre dont ni le politique ni le juridique ne peuvent rendre compte ». N'est-ce pas véritablement ce qui est en train de se mettre en place sous nos yeux au sud de la frontière canadienne ?

Quoi qu'il en soit, l'histoire nous enseigne comment les plus grands dictateurs ont été soit neutralisés ou soit renversés. En attendant, il ne faut pas rester les bras croisés. Il faut intervenir sur la scène publique et déployer son agentivité dans cette période trouble où même certaines bouches ministérielles, habituellement très sélectives dans leur choix de mots et qui n'ont surtout pas été formées sur les banquettes des peu nombreuses universités progressistes canadiennes ou dans les rangs des groupuscules de l'extrême gauche des années soixante-dix, osent parler maintenant très ouvertement de l'impérialisme américain. Le monde est en train de changer de base, mais, hélas, nulLE ne peut prédire l'avenir…

Guylain Bernier
Yvan Perrier
22 février 2025
14h30

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Références

Agamben, Giorgio. 2003. État d'exception : Homo Sacer. Paris : Seuil, 153 p.

Montesquieu, Charles de Secondat. XVIIIe siècle. De l'Esprit des Lois : Premier jet. Tome I (version manuscrite — archives de La Brède). Paris : NAF 12382.

Platon. 1993. La République : Du régime politique. Paris : Gallimard, 551 p.

Saint-Bonnet, François. 2001. L'État d'exception. Paris : PUF, 393 p.

Le gouverneur de l’Illinois, J.B. Pritzker, fait appel à la vigilance devant le gouvernement de Donald Trump

25 février, par André Jacob, J.B. Pritzker, Ovide Bastien — , ,
Le gouverneur démocrate de l'Illinois, J.B. Pritzker, élu en 2018 et réélu en 2022, a livré un discours émouvant, le 18 février 2025, dans lequel il présente une critique bien (…)

Le gouverneur démocrate de l'Illinois, J.B. Pritzker, élu en 2018 et réélu en 2022, a livré un discours émouvant, le 18 février 2025, dans lequel il présente une critique bien sentie de Donald Trump ; il tire la sonnette d'alarme devant la mainmise de ce dernier, d'Elon Musk, et autres sbires multimilliardaires sur le gouvernement fédéral américain.

Depuis l'élection de ce président populiste réactionnaire, les oligarques des gigantesques entreprises du contrôle numérique (Meta, Apple, etc.) et du commerce libertarien (Amazon, Uber, AirBnB, etc.) font la loi ; ils donnent l'impression de jouer dans un vieux film western dans lequel les bons cowboys éliminent les méchants « indiens » et tous les opposants à leur rêve de conquête de l'Ouest.

Hélas, sous nos regards incrédules, la conquête économique libertarienne au profit de bandes milliardaires organisées s'avère réelle et déjà ancrée dans l'opinion publique par les discours propagandistes arrogants, illusionnistes et manipulateurs de ces nouveaux chevaliers d'un nouvel ordre mondial qui se bâtit par la distorsion des faits ; le mensonge devient prégnant dans tous leurs discours.

Ces sangsues de l'État sans foi ni loi, sinon la leur, se croient les prophètes éclairés d'une société définie à leur image et à leur ressemblance en utilisant même la référence à Dieu s'ils jugent utiles de le faire selon leurs intérêts du moment. Au détriment des règles de base du droit et de la démocratie, ils lancent le gouvernement américain actuel dans une vaste entreprise de contrôle de tous les secteurs de la société américaine, notamment en s'attaquant à leurs « ennemis intérieurs » (la fonction publique, les immigrants, les intellectuels, les artistes, les scientifiques, les opposants politiques, etc.). Leur visée hégémonique ne s'arrête pas en si bon chemin, car Trump et sa bande veulent imposer les règles du jeu au monde entier, y compris, bien évidemment au Canada.

Le gouverneur Pritzker dénonce ce contexte délétère et invite tous les citoyens et citoyennes lucides à se lever et à agir pour éteindre la déflagration sociale, culturelle, politique et économique déclenchée par D. Trump et ses alliés du jour. Politicien expérimenté, le gouverneur Pritzker met le doigt sur la plaie vive de la révolution « trumpienne », cette vaste escroquerie morale détournant les rouages de l'État selon les principes du capitalisme libertarien.

Cette dérive antidémocratique, affirme Pritzker, attaque les droits fondamentaux et socioéconomiques de tous les citoyens et toutes les citoyennes, mais surtout ceux des groupes minoritaires et différents de la majorité blanche et chrétienne.

L'étranger comme vecteur de la propagande

Forts du soutien d'une masse de supporteurs fanatisés au regard embué par la désinformation, les « hommes » milliardaires aux commandes à Washington (les femmes restent absentes de leur univers étroit) profitent aussi de l'indifférence et de l'ignorance crasse d'une bonne partie de la population pour faire advenir leur royaume. On voit naître et s'organiser une répression structurée et systémique (par exemple, l'expulsion massive d'immigrants dits illégaux, le congédiement irréfléchi de milliers d'employé.e.s de l'État y compris des hauts-gradés de l'armée, etc.) ; ils évoquent n'importe quel motif de discrimination classique : sexe, l'identité ou l'expression de genre, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la couleur de la peau, la condition sociale, le handicap, etc. À leurs yeux, les personnes qui ne correspondent pas à leur credo ne trouvent pas grâce à leurs velléités de domination.

Le gouverneur Pritzker fait ressortir concrètement les effets négatifs que produisent les changements en cours téléguidés par la clique de tartuffes installés à la Maison blanche. Devant les élus de l'Illinois, il balise clairement les sentiers de la résistance et de l'offensive contre la supercherie antidémocratique et la propagande haineuse, soit l'engagement et l'action citoyenne dans le développement de stratégies et de tactiques de résistance et de perspectives constructives adaptées à la situation critique actuelle.

Pour illustrer la nécessité de l'engagement citoyen, il réfère à l'histoire avec un grand H ; il propose d'en retenir les leçons afin d'éviter les drames bien connus par des phénomènes massifs de discrimination contre les citoyens et citoyennes jugés « ennemis de l'intérieur ». On peut prévenir, par exemple, la répétition d'une tragédie historique comme l'Holocauste, estime-t-il, en agissant contre toutes les facettes et les manifestations de la haine et de l'ignominie du pouvoir politique trumpiste. Fort de son expérience personnelle comme juif, il rappelle que l'antisémitisme n'est pas né d'un coup de baguette magique, mais de la construction systématique des Juifs comme responsables de tous les maux de la société, soit la grande crise économique déclenchée en 1929.

Selon les tactiques de la propagande élémentaire, rien de mieux qu'un ennemi mythique pour justifier différentes exactions ; il suffit de mettre en marche le téléviseur pour voir la propagande à l'œuvre : tous les problèmes sont la faute de tel ou tel politicien ou bien des immigrants souvent traités de criminels, d'illégaux, d'usurpateurs des services publics comme l'a souvent répété le premier ministre du Québec (ils seraient la cause des problèmes dans les écoles, les services de santé, de la pénurie de logements, etc.). Le discours n'est même plus subtil ; on manipule les faits pour faire croire à une menace de la part de l'étranger, cet inconnu différent de nous. Cette stratégie est vieille comme le monde. Au Québec, l'étranger a souvent été présent dans la littérature comme le personnage mystérieux qui intrigue ou qui fait peur. Pensons, par exemple, au « Survenant » de Germaine Guèvremont.

Vigilance face à la tentation du totalitarisme

La prise de position du gouverneur Pritzker nous invite à relire Hannah Arendt sur le totalitarisme et l'antisémitisme. Ces deux paradigmes reposent sur le socle bancal du mensonge. À l'antisémitisme, aujourd'hui, s'ajoutent le racisme, la xénophobie, la misogynie et toutes les autres formes de discrimination utilisées par le gouvernement de Trump. Le propos de cette remarquable philosophe reste fort d'actualité par rapport à la conjoncture politique américaine actuelle au sein de laquelle la vérité n'est plus une valeur morale. Au contraire, la désinformation et le sophisme font loi. Hannah Arendt rappelle le sens de la pensée sophiste chez Platon : il découvrit que leur 'art universel d'enchanter l'esprit par des arguments' (Phèdre, 261) n'avait rien à voir avec la vérité, mais avait pour but les opinions, changeantes par leur nature même, et 'valides uniquement quand un accord se fait et aussi longtemps qu'il dure' (Théètète, 172). Il découvrit aussi l'instabilité de la vérité dans le monde, car c'est 'des opinions que procède la persuasion, mais non point la vérité' (Phèdre, 260). Et elle ajoute que les sophistes modernes détruisent la dignité de l'action humaine et les faits sont utilisés à tort afin de prouver telle ou telle opinion.[1] C'est, hélas, la manière de faire du gouvernement de Trump dans toutes ses tentatives de discréditer des personnes ou des groupes en radotant des faussetés qui semblent plus plausibles que la réalité. Pour faire face à cette lutte idéologique menée tambour battant par ce vil personnage, Arendt pourrait dire encore aujourd'hui que les résultats de telles expériences, effectuées par des hommes disposant des moyens de la violence, sont assez effrayants, mais ils ne disposent pas du pouvoir d'abuser indéfiniment. Poussé au-delà d'une certaine limite, le mensonge produit des résultats contraires au but recherché ; cette limite est atteinte quand le public auquel le mensonge est destiné est contraint, afin de pouvoir survivre, d'ignorer la frontière qui sépare la vérité du mensonge.[2] Ce point tournant permet à un personnage comme le gouverneur Pritzker de croire au changement et au retour à la raison et à la vérité.

En ce sens, le gouverneur Pritzker tente d'éveiller les consciences et invite à regarder au-delà de la grisaille du moment présent. Méfions-nous des manipulateurs de la vérité ! Sous prétexte de redonner à l'Amérique toute sa splendeur – Make America Great Again ! – on utilise la construction d'ennemis mythiques menaçants pour justifier les dérives antidémocratiques, bafouer les droits fondamentaux et socioéconomiques et fomenter des guerres au détriment de la recherche d'une paix durable. Chaque jour, on semble inventer un nouvel ennemi menaçant qui ne mérite qu'une chose : la répression, l'expulsion ou l'élimination du monde de la majorité imbue de convictions patriotiques exacerbées par des discours incendiaires.

Extraits du discours du gouverneur Pritzker

Quelles que soient les circonstances budgétaires, qu'il y ait une guerre mondiale ou une pandémie mortelle, quel que soit le nombre de gouverneurs et de législateurs élus et installés, chaque année, notre processus démocratique recommence. Et chaque année, nous nous réunissons en tant que représentants démocratiquement élus du peuple - pour reconnaître que le pouvoir qu'ils nous accordent à chaque élection et réélection n'est pas illimité.

Ce sont des traditions comme celle-ci, qui rassemblent toutes les branches du gouvernement pour qu'elles se respectent mutuellement, qui sont à la base des garde-fous de notre démocratie. Le seul pouvoir que la Constitution reconnaît vraiment est celui de savoir s'humilier devant notre peuple.

Je crois fermement que nous devons poursuivre notre engagement ferme à renforcer le Rainy Day Fund, le financement de nos écoles publiques, l'investissement dans la croissance économique et l'emploi, et l'amélioration des services, dont ont besoin les familles de travailleurs et les personnes les plus vulnérables. Ce sont des choses sur lesquelles nous ne pouvons pas faire de compromis, en particulier lorsque nous sommes confrontés à l'incertitude des tactiques désordonnées du gouvernement fédéral à l'égard des Américains de tous les jours, selon le principe "prêt, feu, cible".

Je sais qu'il est de bon ton, au niveau fédéral, de sabrer sans discernement dans le financement des écoles, la couverture des soins de santé, le soutien aux agriculteurs et les services aux anciens combattants. Ils disent qu'ils le font pour éliminer les inefficacités. Mais seul un idiot penserait que nous devrions supprimer les interventions d'urgence en cas de catastrophe naturelle, l'éducation et les soins de santé pour les enfants handicapés, les enquêtes sur les crimes commis par les gangs, les programmes d'assainissement de l'air et de l'eau, la surveillance des mauvais traitements dans les maisons de retraite, la réglementation des réacteurs nucléaires et la recherche sur le cancer.

Nous devrions nous attacher à rendre la vie plus abordable pour les habitants de l'Illinois. Avec les nouveaux tarifs douaniers déjà mis en place par le président Trump et ceux qu'il a proposés, le coût des produits de tous les jours comme les tomates, le bœuf et la bière est susceptible d'augmenter à nouveau. Il est déconcertant de constater que lorsque cela se produit, il semble que les grandes entreprises se contentent d'augmenter les prix pour accroître leurs bénéfices, tandis que les gens ordinaires doivent payer la facture. Ce n'est pas normal, et nous devons interpeller le gouvernement fédéral et les entreprises à ce sujet.

Nous pouvons faire quelque chose au niveau des États.

L'année dernière, nous avons réduit les impôts des parents en promulguant le crédit d'impôt pour enfants et en éliminant de façon permanente la taxe sur les épiceries de l'État, ce qui a permis aux habitants de l'Illinois d'économiser plus d'un demi-milliard de dollars par an. Cette année, nous allons devoir faire encore plus pour lutter contre la hausse des prix et contrecarrer les tarifs douaniers de Trump qui augmenteront les impôts des familles de travailleurs.
Cette année, la difficulté qui fait surface est le projet de Donald Trump et d'Elon Musk de voler l'argent des contribuables de l'Illinois et de priver nos concitoyens de la protection et des services dont ils ont besoin.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples.

20 millions d'Américains, dont 700 000 ici dans l'Illinois, perdront leur couverture de soins de santé - si les républicains du Congrès réussissent dans leur effort pour réduire l'Affordable Care Act (Loi sur les soins abordables) et les hôpitaux ruraux à travers l'Illinois seront fermés.

L'administration Trump a coupé le financement des inspecteurs de la sécurité alimentaire pendant près d'un mois, impactant plus de 70 installations de viande et de volaille dans l'Illinois. Sans ces inspecteurs, la chaîne d'approvisionnement s'effondre, les prix montent en flèche, des agriculteurs aux camionneurs en passant par les conditionneurs de viande et les détaillants, des emplois seront perdus.

Les programmes de repas à domicile - qui livrent 12 millions de repas par an à 100 000 personnes âgées et handicapées dans l'Illinois - sont en passe d'être supprimés par le gouvernement fédéral.

C'est une réalité. La nouvelle administration, le Congrès républicain et Elon Musk ont l'intention de supprimer ces programmes. Pour tous les habitants de l'Illinois qui nous regardent à la maison, permettez-moi d'être clair : cela va affecter votre vie quotidienne. Le budget de l'État ne peut pas compenser les dommages causés aux habitants de l'État s'ils réussissent.

Il y a des gens - certains dans mon propre parti - qui pensent que si vous donnez à Donald Trump tout ce qu'il veut, il fera une exception et vous épargnera une partie du mal. Je vais ignorer l'abdication morale de cette position pendant juste une seconde pour dire que presque aucune de ces personnes n'a la même expérience que moi de ce président. J'ai un jour ravalé ma fierté pour lui offrir ce qu'il apprécie le plus - des éloges publics dans les journaux télévisés du dimanche - en échange de ventilateurs et de masques N95 pendant le pire de la pandémie. Nous avons conclu un marché. Et il s'avère que ses promesses ont été aussi brisées que les machines BIPAP qu'il nous a envoyées à la place des ventilateurs. S'entendre pour s'entendre ne fonctionne pas - il suffit de demander aux gouverneurs des États rouges qui craignent Trump et qui doivent faire face aux mêmes réductions que nous. Je ne me laisserai pas berner deux fois.

Ces quatre dernières semaines, j'ai réfléchi à deux aspects importants de ma vie : mon travail pour aider à construire le musée de l'Holocauste de l'Illinois et les deux fois où j'ai eu le privilège de réciter le serment d'office du gouverneur de l'Illinois.

Comme certains d'entre vous le savent, Skokie, dans l'Illinois, comptait autrefois l'une des plus grandes populations de survivants de l'Holocauste au monde. En 1978, des nazis ont décidé d'y organiser une marche.

Les organisateurs de cette marche savaient que l'image de jeunes gens portant la croix gammée et marchant au pas de l'oie dans une rue paisible de la banlieue terroriserait la population juive locale, dont beaucoup ne s'étaient jamais remis de leur séjour dans les camps de concentration allemands.

La perspective de cette marche a déclenché une bataille juridique qui est allée jusqu'à la Cour suprême. C'est un avocat juif de l'ACLU qui a plaidé la cause des nazis en soutenant que même les discours les plus haineux étaient protégés par le premier amendement.

En tant qu'Américain et Juif, il m'est difficile d'exprimer mes sentiments sur cette affaire de la Cour suprême, mais je suis reconnaissant que la perspective de voir des nazis défiler dans leurs rues ait incité les survivants et d'autres habitants de Skokie à agir. Ils se sont regroupés pour créer la Fondation du mémorial de l'Holocauste et ont construit le premier musée de l'Holocauste de l'Illinois dans une vitrine en 1981 - un petit mais important précurseur de celui que j'ai aidé à construire trente ans plus tard.

Je n'invoque pas le spectre des nazis à la légère. Mais je connais l'histoire intimement - et j'ai passé plus de temps que probablement n'importe qui dans cette salle avec des personnes qui ont survécu à l'Holocauste. Voici ce que j'ai appris : la racine qui détruit les fondations de votre maison commence par une graine - une graine de méfiance, de haine et de blâme.

La graine qui a donné naissance à une dictature en Europe il y a quelques décennies n'est pas apparue du jour au lendemain. Elle a commencé avec des Allemands ordinaires qui étaient choqués par l'inflation et qui cherchaient un coupable.

J'observe avec effroi ce qui se passe actuellement dans notre pays. Un président qui regarde un avion s'écraser dans le Potomac et qui suggère - sans faits ni preuve aucune - qu'un employé issu de la diversité est responsable de l'accident. Ou le procureur général du Missouri qui vient de poursuivre Starbucks, arguant que les consommateurs paient leur café plus cher parce que les baristas sont trop « féminins » et « non blancs ». Le manuel de l'autoritarisme est ici mis à nu : Ils désignent un groupe de personnes qui ne vous ressemblent pas et vous disent de les rendre responsables de vos problèmes.

Je n'ai qu'une question à poser : Quelle est la prochaine étape ? Après avoir discriminé, déporté ou dénigré tous les immigrés, les gays, les lesbiennes, les transsexuels, les handicapés, les femmes et les minorités, après avoir ostracisé nos voisins et trahi nos amis, après que les problèmes que nous avons rencontrés au départ soient toujours là, à nous regarder en face, quelle est la prochaine étape ?

Toutes les atrocités de l'histoire de l'humanité se cachent dans la réponse à cette question. Et si nous ne voulons pas répéter l'histoire - pour l'amour de Dieu, en ce moment, nous ferions mieux d'être assez forts pour en tirer les leçons.

J'ai prêté le serment suivant sur la Bible d'Abraham Lincoln : « Je jure solennellement que je soutiendrai la Constitution des États-Unis et la Constitution de l'État de l'Illinois, et que je remplirai fidèlement les devoirs de la fonction de gouverneur .... au mieux de mes capacités. »

Je prête serment à la Constitution de notre État et de notre pays. Nous n'avons pas de rois en Amérique - et je n'ai pas l'intention de m'agenouiller devant l'un d'entre eux. Je ne m'exprime pas au service de mes ambitions, mais par respect pour mes obligations.

Si vous pensez que je réagis de manière excessive et que je tire la sonnette d'alarme trop tôt, considérez ceci :

Il a fallu un mois aux nazis, trois semaines, deux jours, huit heures et 40 minutes pour démanteler une république constitutionnelle. Tout ce que je dis, c'est que lorsque le feu à cinq alarmes commence à brûler, toute bonne personne devrait être prête à se mobiliser avec un seau d'eau si vous voulez l'empêcher de devenir incontrôlable.

Ces nazis de l'Illinois ont fini par organiser leur marche en 1978, mais pas à Skokie. Après toutes les retombées de l'affaire, ils ont décidé de manifester à Chicago. Seuls vingt d'entre eux se sont présentés. Mais 2 000 personnes sont venues protester. Le Chicago Tribune a rapporté ce jour-là que le « rassemblement s'est terminé de manière peu spectaculaire au bout de dix minutes ». Ce sont les habitants de l'Illinois qui ont étouffé ces braises avant qu'elles ne se transforment en flammes.

La tyrannie exige votre peur, votre silence et votre conformité. La démocratie exige votre courage. Alors rassemblez votre justice et votre humanité, Illinois, et ne laissez pas « l'esprit tragique du désespoir » nous envahir au moment où notre pays en a le plus besoin de nous.

Merci.

(1) Arendt, Hannah (2002). Les origines du totalitarisme. Eichmann à Jérusalem. Paris, Quarto Gallimard, p. 227.
(2) Arendt, Hannah (1972). Du mensonge à la violence. Paris, Calman-Lévy, p. 11.

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Dérèglements climatiques ? L’hiver 2025

25 février, par Denise Campillo — , ,
Enfin un vrai hiver ! De la neige, des beaux paysages. On en oublierait presque les dérèglements climatiques qui semblent pour le moment moins violents au Québec qu'ailleurs (…)

Enfin un vrai hiver ! De la neige, des beaux paysages. On en oublierait presque les dérèglements climatiques qui semblent pour le moment moins violents au Québec qu'ailleurs dans le monde.

Ce qui nous préoccupe le plus en ce moment, ce sont les décisions aberrantes de notre voisin du sud, rendu fou par le goût du pouvoir et de l'argent. Fermer les frontières, enrichir les riches, exploiter les ressources naturelles et les travailleurs, faire peur au monde, menacer, faire du chantage : quel beau programme politique !

C'est peut-être justement ce qu'il nous fallait pour réfléchir à notre avenir à tous. Nos responsables politiques, à tous les niveaux, appellent à une remise en question. Nous, citoyens et citoyennes, que pouvons-nous faire ?

Boycotter les produits et les services américains, ne pas voyager aux États-Unis, c'est un bon début. Se nourrir avec des produits québécois (ou canadiens) ; acheter local au lieu de commander sur le web (ce qui évite aussi bien du gaspillage d'emballage).

Mais peut-être aussi consommer moins, gaspiller moins, voyager moins, penser à notre bilan carbone personnel. Nous sommes parmi les plus riches et les plus pollueurs de la planète. Et si tant d'humains essaient de quitter leur pays, c'est qu'ils y sont forcés, parfois par la guerre et la violence, souvent par la dégradation de leur environnement, de leurs terres, de leurs ressources, à cause de leur surexploitation et de la multiplication des désastres naturels (ouragans, inondations, incendies, sécheresses, canicules, manque d'eau).

Ces migrations, nous en sommes historiquement et économiquement responsables. N'oublions pas que la plupart d'entre nous sommes issus de l'immigration : soyons ouverts et respectueux envers les personnes qui frappent à nos portes.
C'est bien beau, toutes ces grandes déclarations, mais qu'est-ce qu'on fait ?

À notre échelle, on se rapproche, on travaille ensemble, on soutient nos instances démocratiques municipales et régionales. On les appelle à favoriser les structures existantes, le Cercle des fermières, les Loisirs et les initiatives sociales, économiques, communautaires, environnementales, éducatives et culturelles dans les MRC et dans les municipalités qui les composent.

On innove dans tous les domaines avec comme toile de fond la nécessité de lutter contre les dérèglements climatiques et de développer l'écoute, le partage, la mise en commun et la solidarité. Des idées ? Des suggestions ?

Denise Campillo
Roxton Falls

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Trump transforme les alliances mondiales et instaure une nouvelle ère impérialiste

25 février, par Dan La Botz — , ,
Donald Trump modifie fondamentalement la politique étrangère des États-Unis et ébranle les alliances mondiales en place depuis quatre-vingts ans. Il a ainsi choisi Vladimir (…)

Donald Trump modifie fondamentalement la politique étrangère des États-Unis et ébranle les alliances mondiales en place depuis quatre-vingts ans. Il a ainsi choisi Vladimir Poutine plutôt que l'Otan et l'Europe.

Hebdo L'Anticapitaliste - 742 (20/02/2025)

Par Dan La Botz

Crédit Photo
DR

Trump et Poutine ont apparemment l'intention d'imposer un traité qui obligerait l'Ukraine à céder 20 % de son territoire et lui interdirait d'adhérer à l'Otan. Trump souligne la faiblesse des sondages de popularité du président Volodymyr Zelensky, suggérant qu'il n'a pas le droit de parler au nom de l'Ukraine. Les États-Unis et la Russie sont depuis longtemps des puissances impériales ; désormais ils coopèrent et isolent des négociations de paix les puissances européennes qui craignent que si la Russie gagne des territoires en Ukraine, le prochain mouvement de Poutine soit éventuellement en direction de la Transnistrie, la Moldavie, l'Estonie voire la Pologne.

L'œil d'un agent immobilier sur Gaza

Au Moyen-Orient, Trump, qui admire l'autoritaire Benyamin Netanyahou et soutient Israël, propose de terminer la guerre en transformant Gaza en colonie américaine et en expulsant les deux millions de PalestinienNEs, en violation du droit international. Il suggère d'envoyer les PalestinienNEs en Égypte et en Jordanie et laisse entendre que l'Arabie saoudite pourrait financer son plan. L'Égypte, la Jordanie et l'Arabie saoudite se sont déclarées opposées à ce plan, mais Trump menace de réduire leur aide américaine s'ils n'acceptent pas. Une fois expulséEs, les PalestinienNEs ne seront pas autorisés à retourner dans leur pays, selon Trump. Avec l'œil d'un agent immobilier, il affirme que Gaza deviendra « la Riviera du Moyen-Orient », une station balnéaire internationale.

Autour du canal de Panama

Dans l'hémisphère occidental, Trump affirme qu'il s'emparera par la force si nécessaire du Groenland, possession du Danemark, membre de l'Otan. Il veut également faire main basse sur le canal de Panama, affirmant que la Chine contrôle désormais cette voie d'eau cruciale parce qu'une entreprise chinoise a des activités dans des ports situés à la fois sur les rives de l'Atlantique et du Pacifique. La menace de Trump a conduit le président du pays, José Raúl Mulino Quintero, à accepter des déportéEs américains d'origine africaine et asiatique dans son pays afin d'amadouer Trump. Lequel dit vouloir également absorber le Canada pour en faire le 51e État, une déclaration que le Premier ministre Justin Trudeau a qualifiée de véritable menace, tout en déclarant qu'il n'y a « pas la moindre chance ».

Droits de douane et immigration

En rupture avec les pratiques antérieures, Trump utilise les droits de douane de manière agressive contre des concurrents comme la Chine et contre des alliés comme le Canada, le Mexique et l'Union européenne. Il a pour l'instant reporté les droits de douane de 25 % annoncés pour le Mexique et le Canada, mais il a augmenté de 10 % ceux sur les produits chinois. La Chine a répondu.

La politique d'immigration de Trump a également été source de conflits. Lorsque les États-Unis ont expulsé des immigrantEs colombienNEs sans papiers dans des avions militaires, le président de gauche Gustavo Francisco Petro a refusé de laisser l'avion atterrir car les citoyenNEs du pays n'étaient pas traitéEs avec dignité. Menacé de tarifs douaniers de 25 %, Petro a cédé et a exhorté les ColombienNEs sans papiers à rentrer chez eux afin d'éviter de nouvelles frictions avec les États-Unis, affirmant qu'il apporterait son soutien à ceux qui reviendraient. Gustavo Petro a également annulé un contrat de 880 millions de dollars conclu par une société publique équatorienne avec la compagnie américaine Occidental Petroleum pour la réalisation de fracturations hydrauliques aux États-Unis.

Suppression de l'aide humanitaire

Enfin, la décision de Trump et de son partenaire milliardaire Elon Musk de fermer l'Agence américaine pour le développement international (USAID), le bras armé de l'Amérique depuis soixante ans, a conduit à l'annulation soudaine de millions de dollars d'aide humanitaire — nourriture, médicaments, écoles — dans 100 pays et au licenciement d'un grand nombre des 10 000 employéEs internationaux de l'agence. Trump est ainsi apparu comme l'ennemi de millions de personnes. Détestable !

Dan La Botz, traduction Henri Wilno

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États-Unis. Contre-la-montre pour sauver les données scientifiques des sites fédéraux américains

25 février, par Scott J Mulligan — , ,
Alors que le gouvernement Trump enchaîne les fermetures de sites web fédéraux, de nombreuses organisations non partisanes s'efforcent d'archiver les données scientifiques, (…)

Alors que le gouvernement Trump enchaîne les fermetures de sites web fédéraux, de nombreuses organisations non partisanes s'efforcent d'archiver les données scientifiques, concernant notamment la santé et le climat, avant qu'elles ne disparaissent pour toujours. Une tâche ardue, constate “MIT Technology Review”.

18 février 2025 | tiré du Courrier international | Photo : Dessin de Martirena, Cuba.
https://www.courrierinternational.com/article/etats-unis-contre-la-montre-pour-sauver-les-donnees-scientifiques-des-sites-federaux-americains_227586

Au cours des trois dernières semaines, des milliers de pages web gouvernementales concernant la santé publique, la justice environnementale et la recherche scientifique sont devenues inaccessibles.

Ce blocage massif s'inscrit dans la volonté du nouveau gouvernement de retirer toute information relative à la diversité et à l'“idéologie du genre” et de surveiller les pratiques de diverses agences fédérales.

Lire aussi : États-Unis. Pourquoi Elon Musk veut la peau de l'USAID, l'agence américaine pour le développement

Le site de l'Usaid [l'Agence des États-Unis pour le développement international] est désormais fermé, ainsi que d'autres qui lui sont liés, par exemple Childreninadversity.gov.. Il en va de même pour des milliers de pages du Bureau du recensement, des Centres de contrôle et prévention des maladies et du Bureau des programmes relatifs à la justice.

Une situation inédite qui pousse à l'action

“On n'a jamais rien vu de pareil, dit David Kaye, professeur de droit à l'université de Californie à Irvine et ancien rapporteur spécial des Nations unies pour la liberté d'opinion et d'expression. Personne ne sait ce qu'il se passe exactement. Ce qu'on voit, c'est que des sites gouvernementaux et des bases de données d'intérêt général essentielles sont inaccessibles. L'intégralité du site de l'Usaid a disparu.”

Mais pendant que l'Internet gouvernemental s'éteint, plusieurs organisations s'efforcent d'archiver documents et informations avant qu'ils ne disparaissent pour de bon. Elles espèrent garder une trace des données perdues pour que les scientifiques et les historiens puissent encore s'en servir à l'avenir.

Lire aussi : Opinion. À Washington, Elon Musk et ses sbires du Doge démolissent l'État fédéral

Si l'archivage est généralement considéré comme apolitique, les récentes actions du gouvernement ont poussé certains membres de la communauté de la conservation à réagir. Professeure émérite d'information à l'université du Michigan, Margaret Hedstrom explique :

“Je considère les actes du gouvernement actuel comme une attaque contre toute l'entreprise scientifique.”

Diverses organisations s'efforcent de sauver ce qui peut l'être. L'un des plus grands projets en ce sens est End of Term Web Archive (EoT Archive), une coalition non partisane qui sauvegarde tous les documents gouvernementaux à la fin de chaque mandat présidentiel. Les particuliers peuvent proposer des sites ou des jeux de données à conserver. “Tout ce que nous pouvons faire, c'est collecter ce qui a été publié, l'archiver et faire en sorte que ce soit accessible au public à l'avenir”, indique James Jacobs, bibliothécaire responsable de l'information du gouvernement américain à l'université Stanford et l'un des piliers d'EoT Archive.

Des données essentielles sur le climat

D'autres organisations adoptent un angle plus spécifique. L'Open Environmental Data Project(OEDP), par exemple, s'est spécialisé dans les données sur la climatologie et la justice environnementale. “On essaie de repérer ce qui a été retiré, relate Katie Hoeberling, une des dirigeantes de l'OEDP. Je ne peux pas dire avec certitude combien exactement de ce qui était accessible l'est toujours, mais on constate que le retrait s'accélère depuis deux ou trois semaines.”

Lire aussi : Environnement. Donald Trump, une catastrophe annoncée pour le climat, s'inquiète la presse internationale

En plus de repérer ce qui est retiré, l'OEDP effectue des sauvegardes des données pertinentes. Il avait commencé en novembre, à la fin du mandat de Joe Biden, mais il met les bouchées doubles depuis ces dernières semaines. “Les choses étaient beaucoup plus calmes avant l'investiture, constate Cathy Richards, une spécialiste de la technologie de l'organisation. Quand la première plateforme a fermé, le deuxième jour du nouveau gouvernement, tout le monde s'est dit : ‘Oh non ! Il faut qu'on continue à travailler sur cette liste de jeux de données.'”

Lire aussi : États-Unis. La discrète révolte des salariés de la tech contre le virage trumpiste de leurs patrons

Il s'agit d'un travail essentiel, parce que le gouvernement des États-Unis détient des informations internationales et nationales sur le climat d'une valeur inestimable. Pour Lauren Kurz, la directrice exécutive du Climate Science Legal Defense Fund, “ces sites contiennent des informations irremplaçables sur le climat. Si on les bidouille ou si on les supprime, on perd définitivement des informations essentielles. C'est absolument tragique.”

Comme l'OEDP, la Catalyst Cooperative s'efforce de stocker et de rendre accessibles aux chercheurs les données relatives au climat et à l'énergie. Ces deux organisations font par ailleurs partie de Public Environmental Data Partners, un collectif d'organisations qui se consacrent à la conservation des données environnementales fédérales. “Nous avons essayé d'identifier les ensembles de données dont nous savons que nos communautés se servent pour prendre des décisions sur la source d'électricité à privilégier ou la résilience en matière d'infrastructures”, indique Christina Gosnell, cofondatrice et présidente de Catalyst.

La récupération de données, un travail “extraordinairement difficile”

La tâche est parfois difficile ; il n'existe pas de moyen simple pour archiver toutes les données du gouvernement américain. “Les nombreux organismes et ministères fédéraux gèrent la conservation et l'archivage des données de façon très différente”, poursuit-elle. Et personne ne dispose d'une liste complète de tous les sites gouvernementaux existants. Ce mélange de données oblige, en plus du travail des robots d'indexation, qui font un état des lieux des sites et des documents, à extraire les données manuellement.

Lire aussi : Médias. Les aventuriers du Web perdu

En outre, les jeux de données se dissimulent parfois derrière une adresse de connexion ou un captcha pour empêcher une récupération automatisée. Et il arrive que les scrapers [les robots de récupération] passent à côté d'éléments clés. Les liens vers d'autres informations, par exemple, ne sont pas toujours récupérés automatiquement. Ou alors la récupération ne fonctionne pas à cause de la structure du site. Pour garantir que les informations sont correctement collectées, un être humain doit vérifier le travail du robot ou collecter les données à la main.

Reste qu'on se demande si le scraping [la récupération] de données sera suffisant. Il n'est en effet pas simple de restaurer un site et un ensemble complexe de données. “Il devient extraordinairement difficile et coûteux d'essayer de sauver et de récupérer les données, confie Margaret Hedstrom. C'est comme si on vidait un corps de son sang et qu'on attendait de lui qu'il continue à fonctionner. Il est parfois impossible de réparer et de récupérer quand on a besoin de lire les données en continu.” Christina Gosnell ajoute :

“Tout ce travail d'archivage n'est qu'un pansement provisoire.”

“Si les ensembles de données sont supprimés et ne sont plus mis à jour, ceux que nous avons archivés deviendront obsolètes et ne permettront plus de servir de base à des décisions.”

Lire aussi : Réseaux sociaux. Pourquoi tant de scientifiques migrent de X vers Bluesky

Cela pourrait avoir des effets durables. “On ne verra les conséquences de tout ça que dans dix ans, quand on remarquera qu'il y a un trou de quatre ans dans les informations”, s'inquiète James Jacobs.

Relier le présent au passé

Il est très important de connaître notre passé, soulignent les archivistes numériques. “On peut tous songer aux photos de famille qui nous ont été transmises et à l'importance de ces différents documents, rappelle Trevor Owens, responsable de la recherche à l'Institut américain de physique et ancien directeur des services numériques de la bibliothèque du Congrès. Cette chaîne de connexion avec le passé est fondamentale.”

Lire aussi : Dans nos archives. Y a-t-il quelqu'un pour sauver nos souvenirs numériques ?

“C'est notre bibliothèque, c'est notre histoire, déclare Cathy Richards. Ces informations sont financées par les contribuables ; il ne faut pas que ces connaissances disparaissent alors qu'on peut les stocker, éventuellement en faire quelque chose et continuer à en tirer des enseignements.”

Scott J Mulligan

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Trump finance une guerre spatiale

25 février, par Saïd Bouamama — , ,
Comme l'indiquait le journal La Presse du 17 février 2025, le ministre Bill Blair a déclaré jeudi le 13 février que le Canada est prêt à se joindre au projet de développement (…)

Comme l'indiquait le journal La Presse du 17 février 2025, le ministre Bill Blair a déclaré jeudi le 13 février que le Canada est prêt à se joindre au projet de développement du bouclier antimissile de type « Dôme de fer » proposé par Donald Trump.

Tiré de la Chronique de Saïd Bouamama, Le monde vu d'en bas

10 février 2025 | tiré du site Investig'action
https://www.youtube.com/watch?v=-4HmNGVa1uM&t=4s

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Des Mères au front de différentes régions du Québec se sont rendues à l’Assemblée nationale pour exiger des actions immédiates concernant la crise sanitaire ignorée à Rouyn-Noranda

25 février, par Mères au front — , ,
Québec, le 20 février 2025 – Alors que la crise environnementale et sanitaire causée par la Fonderie Horne perdure, les Mères au front de différentes régions du Québec se sont (…)

Québec, le 20 février 2025 – Alors que la crise environnementale et sanitaire causée par la Fonderie Horne perdure, les Mères au front de différentes régions du Québec se sont rendues directement à l'Assemblée nationale pour exiger l'écoute du gouvernement concernant la situation à Rouyn-Noranda.

La situation de Rouyn-Noranda a été soulevée aujourd'hui entre les murs du parlement, mettant une fois de plus en lumière les impacts dévastateurs de la pollution industrielle sur la santé des citoyen.nes de Rouyn-Noranda. Des exemplaires du nouveau livre Zones sacrifiées ont été remis en main propre à certain.es député.es pour qu'ils prennent
pleinement conscience de l'ampleur du drame qui se joue là-bas.

Par la suite, une performance artistique s'est tenue à l'extérieur devant l'Assemblée nationale. Cette action visait à marquer les esprits, confronter les élu.es à la réalité vécue à Rouyn-Noranda et leur rappeler leur responsabilité.

« Alors que nous assistons, impuissants, à l'effritement de la démocratie et du bien commun, nous avons ici la possibilité d'agir et de faire en sorte que le gouvernement arrête de sacrifier impunément une partie de sa population. » a mentionné Anaïs Barbeau Lavalette, co-instigatrice de Mères au front.

« L'histoire nous apprend que les luttes que l'on gagne sont celles que l'on n'abandonne pas. Les Mères au front ne laisseront pas le gouvernement permettre à Glencore d'empoisonner les enfants de Rouyn-Noranda. Nous sommes là pour rappeler l'urgence d'agir. » a ajouté Laure Waridel, écosociologue et co-instigatrice de Mères au front.

Un gouvernement qui refuse d'agir malgré les preuves accablantes

Les chiffres sont pourtant sans appel :

● 98 % de tout l'arsenic émis dans l'air au Québec se retrouve dans le ciel de Rouyn
Noranda.

● 89 % du plomb, 60 % du nickel, et 43 % du cadmium présents dans l'atmosphère
québécoise y sont également concentrés.

● 25 contaminants toxiques sont rejetés par la Fonderie Horne, dont l'arsenic, le
cadmium, le mercure et le plomb, tous reconnus comme hautement nocifs pour la
santé humaine.

Ces polluants augmentent les risques de cancers, de maladies neurologiques et de problèmes respiratoires graves, mettant en péril la santé de toute la population, particulièrement celle des enfants, mais aussi celle des générations futures. Pourtant, le
gouvernement du Québec persiste à tolérer ces dépassements, sous prétexte d'intérêts économiques.

« Il est inconcevable qu'en 2025, une ville québécoise soit encore une zone de sacrifice au profit d'une multinationale. Ce n'est pas une question environnementale isolée : c'est une crise de santé publique qui devrait mobiliser toute la classe politique de tout le Québec. » a revendiqué Isabelle Fortin-Rondeau, Mères au front de Rouyn-Noranda

Les revendications des Mères au front : Assez, c'est assez !

Aujourd'hui, les Mères au front se rendent à l'Assemblée nationale pour exiger :

● Que la Fonderie Horne respecte enfin les normes d'émission québécoises pour
TOUS les contaminants toxiques, dont l'arsenic.

● Que le gouvernement du Québec cesse d'ignorer la crise sanitaire à Rouyn-Noranda
et prenne des mesures immédiates.

● Que les élu.es rendent des comptes et arrêtent de privilégier les intérêts des
multinationales au détriment de la santé publique.

Elles appellent la population et les médias à relayer leur message et à mettre la pression sur le gouvernement pour qu'il cesse de fermer les yeux sur cette catastrophe.

Une performance artistique pour réveiller les consciences

Inspirée de l'action forte qui s'est déroulée à Rouyn-Noranda devant la Fonderie Horne en octobre dernier, Chloé Lacasse a ouvert la performance devant l'Assemblée nationale avec une interprétation poignante d'une chanson de Richard Desjardins.

S'en est suivi un tableau immobile et bouleversant : des dizaines de participant.es ont dénudé une partie de leur corps, maquillée de noir, pour symboliser la maladie et la contamination. Leur silence était soutenu par la diffusion d'un extrait percutant du nouveau livre Zones sacrifiées, lu par Véronique Côté.

Des figures publiques engagées étaient présentes devant le parlement de Québec pour porter ce message telles que :
● Anaïs Barbeau-Lavalette
● Laure Waridel
● Véronique Côté
● Steve Gagnon
● Des Mères au front de Rouyn-Noranda et de partout au Québec

Un livre, une lutte, un cri d'alarme ignoré

Le livre Zones sacrifiées, paru le 4 février dernier, amplifie ces voix citoyen.nes et expose l'ampleur de l'inaction gouvernementale face à une crise sanitaire documentée depuis des années.

Plusieurs événements, en lien avec ce lancement et auxquel.les tous.tes les citoyen.nes du Québec sont invité.es, se tiendront prochainement à Gatineau, Montréal, Sherbrooke et Rouyn-Noranda.

« Ce livre permet de mesurer l'ampleur de l'injustice que subissent les citoyen.nes de Rouyn-Noranda. C'est une lecture essentielle pour comprendre à quel point nous sommes traités comme une population sacrifiée. » a souligné Jennifer Ricard Turcotte, Mères au front de Rouyn-Noranda.

Soutenir la mobilisation

Pour appuyer cette démarche et s'informer davantage sur la réalité vécue par les
citoyen.nes de Rouyn-Noranda, il est possible de :

Acheter et lire le livre Zones sacrifiées
Assister aux lancements et événements prévus à travers le Québec
https://www.meresaufront.org/nos-actions
Inviter les Mères au front à venir parler des enjeux et du livre dans votre
localité

L'action du 20 février 2025 n'est qu'un début. Les Mères au front continueront à dénoncer
cette injustice jusqu'à ce que leur message soit enfin entendu par les élu.es.

À propos de Mères au front

Avec plus de 30 groupes locaux principalement à travers le Québec, Mères au front est un mouvement décentralisé qui regroupe des milliers de mères, grand-mères et allié.e.s de tous les horizons politiques, économiques, professionnels et culturels qui s'unissent pour protéger l'environnement dont dépend la santé, le bien-être et le futur de nos enfants. À travers leurs actions, elles demandent aux élu.es de mettre en place des mesures fortes et immédiates qui s'imposent pour répondre à l'urgence environnementale et à la dégradation des écosystèmes. Nous osons faire de l'amour, de la beauté, de l'art, et de la colère maternelle, un levier inébranlable de transformation sociale et écologique !

À propos des Éditions du Quartz

Les Éditions du Quartz publient et diffusent des œuvres littéraires enracinées dans le territoire boréal, explorant ce qui se trame dans les marges géographiques et sociales. Ces écrits s'inspirent de réalités propres aux communautés des régions isolées, nordiques, de colonisation récente et dont les populations sont réduites et dispersées sur un vaste territoire.

Source :
Mères au front | https://www.meresaufront.org/

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États-Unis - Classes, races et genres dans l’élection de 2024

25 février, par Kay Mann — , ,
La défaite de Kamala Harris face à Donald Trump est due en grande partie au déclin du soutien à la candidate démocrate de la part des syndicalistes, des Afro-Américain·es et (…)

La défaite de Kamala Harris face à Donald Trump est due en grande partie au déclin du soutien à la candidate démocrate de la part des syndicalistes, des Afro-Américain·es et des Latino-Américain·es, ce qui suggère un déclin de la conscience de classe, de la solidarité de la classe ouvrière et le renforcement des identités masculines et raciales blanches.

Tiré de Inprecor 729 - février 2025
19 février 2025

Par Kay Mann

Trump et la "Bro culture" Wired Staff / Getty Images

Ces résultats sont choquants non seulement en raison de l'hostilité de Trump à l'égard des syndicats et des difficultés de la classe ouvrière, de son racisme et de son sexisme manifestes, mais aussi parce que ces groupes font depuis longtemps partie de la base électorale du Parti démocrate.

Bien entendu, les élections ne mesurent qu'imparfaitement les opinions politiques et les identités sociales, et particulièrement aux États-Unis. Les deux principaux partis étant contrôlés par des intérêts financiers, les États-Unis sont le seul pays du Nord à ne pas disposer d'une sorte de parti ouvrier de masse, socialiste ou communiste, ayant des liens avec les syndicats. Cela signifie que les élections reflètent les dynamiques de classe encore moins clairement qu'elles ne le feraient dans les autres systèmes parlementaires multipartis. Les électeur·trices de toutes les classes, de tous les genres et de toutes les races votent pour des raisons variées. Les identités sociales multiples entrent en concurrence pour déterminer un vote. Votera-t-on par exemple républicain parce qu'on est catholique et opposé à l'avortement, pour les Démocrates parce qu'on est ouvrier et qu'on pense qu'ils représentent mieux nos intérêts, ou parce qu'on est une personne de couleur, comme la plupart des minorités racisées le font depuis des décennies ? Plus fondamentalement, le bipartisme implique que les élu·es sortant·es de l'un ou l'autre parti subissent les conséquences des situations impopulaires telles que les prix élevés, tandis que l'opposant profite de ces situations, comme ce fut le cas lors de ces élections. Il faudrait des études précises et nuancées pour comprendre exactement pourquoi les électeur·trices des groupes qui ne votent pas traditionnellement pour les Républicains se sont tournés vers Trump. Ces mises en garde mises à part, certaines données démographiques sur le vote suggèrent des tendances notables.

Dissolution de la coalition du Parti démocrate

De toute évidence, nous assistons à la poursuite de la détérioration de ce qui reste de la grande coalition du Parti démocrate, composée de travailleur·ses et d'Afro-Américain·es, mise en place par Franklin Delano Roosevelt dans les années 1930. Une tendance générale liait alors les électeur·trices de la classe ouvrière, la plupart des syndicats, les Afro-Américain-es et les Blanc-hes issus des minorités ethniques (1) au Parti démocrate dans la coalition du New Deal, tandis que le Parti républicain était perçu comme le parti des affaires, des riches, des petites villes et des zones rurales. La coalition du New Deal a commencé à s'effriter dans les années 1980, les travailleur·ses blanc·hes abandonnant le Parti démocrate au profit du Parti républicain. Les élections de 2024 ont reflété une accélération brutale de ce processus. Il devient de plus en plus difficile de trouver une cohérence au vote des classes dans les récentes élections aux États-Unis. Les changements dans la conscience et les comportements électoraux ne se produisent évidemment pas dans le vide. L'abandon constant, depuis des décennies, d'une partie de la classe ouvrière, toutes races et tous genres confondus, au profit du Parti républicain a été alimenté par l'adhésion du Parti démocrate à l'austérité néolibérale et par son incapacité à proposer des solutions aux aspirations de la classe ouvrière.

Il est prouvé que les identités de race et de genre ont éclipsé les considérations de classe parmi les secteurs de la classe ouvrière et les communautés racisé·es. Dans la mesure où le vote pour les Démocrates a représenté une conscience de classe déformée, et où Trump est fortement associé à la classe des riches employeurs, les votes de la classe ouvrière pour Trump représentent un déclin stupéfiant de la conscience de classe. Or, la plupart des syndicats restent dans le camp démocrate et ont officiellement soutenu Harris. Ainsi, non seulement les membres de la classe ouvrière en général ont voté pour une personnalité ouvertement antisyndicale étroitement associée à la classe capitaliste, mais une grande partie des 10 % de la main-d'œuvre qui est syndiquée l'a également fait, dans la plupart des cas, contre la position officielle de leur syndicat. Les attaques au vitriol de Trump et de Vance contre les immigré·es, souvent marquées de racisme, ont trouvé un écho parmi les secteurs de la classe ouvrière et les groupes opprimés sensibles à la recherche de boucs émissaires. À cela s'ajoutent une sensibilité aux déclarations protectionnistes liées à la crainte de la « concurrence étrangère » et, plus généralement, la dégradation de la conscience sociale causée par les attaques néolibérales contre les services sociaux. Celles-ci ont alimenté l'accentuation des identités sociales concurrentes telles que la race/l'ethnicité et le genre de manière à contredire, plutôt qu'à mettre en valeur, la solidarité sociale. Il est clair que tous ces éléments ont joué un rôle.

Le genre et la race à l'ère de Trump

Depuis des décennies, les Afro-Américain·es sont particulièrement fidèles à la coalition du PD. Jusqu'à récemment, plus de 90 % des électeur·trices noir·es votaient pour lui. Toutefois, lors des élections de 2024, 24 % des hommes noirs ont voté pour Trump (contre 9 % des femmes noires). Les hommes noirs ont moins voté pour Harris en 2024 que pour Biden en 2020. Cela a joué un rôle décisif dans la défaite de Harris dans les zones urbaines des États clés de 2024, traditionnellement très démocrates, comme Philadelphie, en Pennsylvanie, et Milwaukee, dans le Wisconsin. De même, environ 40 % des Latinos ont voté pour Trump (contre 30 à 33 % pour le républicain George W. Bush en 2004) – et 47 % des hommes latinos.

Les instincts réactionnaires de Trump l'ont amené à se rapprocher de la « Bro culture », une célébration des attitudes sexistes des hommes. Ce message trouve un écho chez les hommes de tous les groupes raciaux et de toutes les classes sociales, mais il est prouvé que les hommes des communautés de couleur y sont particulièrement réceptifs. Cela reflète le déclin de la conscience féministe en général. Après les victoires des années 1970, le mouvement des femmes est passé d'une action de masse à une activité législative et électorale, ce qui a fini par diminuer sa force, puis plus généralement celle de la conscience féministe. Il est très probable qu'aux élections de 2024, certains hommes, qui auraient pu voter pour un homme démocrate, aient voté républicain, ou n'aient pas voté du tout, plutôt que de voter pour une femme, même démocrate. Les attitudes sexistes de certains hommes de tous les groupes raciaux et de toutes les classes sociales ont donc certainement joué un rôle dans la défaite d'Hillary Clinton en 2016 et de Kamala Harris en 2024, les deux seules femmes à avoir jamais été candidates à la présidence pour un grand parti.

L'impasse du populisme raciste et sexiste

Trump trouve une grande partie de son soutien parmi les couches conservatrices de la classe dominante et les électeur·trices de la classe ouvrière qui n'ont pas fait d'études supérieures. Mais bien sûr, son gouvernement ne peut servir qu'une seule classe et il ne fait aucun doute que cette classe est celle des 1 %. Son populisme raciste et anti-immigré·es ne fera que détourner l'attention des vrais problèmes auxquels les masses populaires des États-Unis sont confrontées depuis longtemps.

Lorsque ses politiques de réductions d'impôts et d'augmentation des droits de douane, ainsi que la désignation des immigrant·es et des transgenres comme boucs émissaires, ne parviendront pas à résoudre les problèmes matériels urgents des travailleur·ses – notamment la hausse des prix et la stagnation des salaires tandis que les riches bénéficient de nouvelles réductions d'impôts –, son soutien s'érodera. Les attaques néolibérales contre le niveau de vie de la classe ouvrière, qui ont contribué à fracturer sa conscience, son unité et la solidarité, stimuleront les luttes qui impliqueront l'unité de la classe ouvrière dans l'action, et la reconstruction des solidarités.

L'absence d'un parti ouvrier ou socialiste de masse implique une absence de réponse efficace au flux constant de rhétorique raciste, anti-immigré·es et anti-LGBTQI+ provenant de la droite MAGA (2) et amplifié par les alliés de Trump, Musk et Zuckerberg, par leur contrôle de Facebook et X. Un parti ouvrier ou socialiste de masse offrirait une alternative à leur racisme, leur sexisme et leur nationalisme blanc, ainsi qu'à l'austérité néolibérale des Démocrates et des Républicains, et ce faisant, renforcerait la conscience de classe, et la solidarité au-delà des divisions de race et de genre. La construction de ce parti reste centrale pour toute possibilité réelle de changement social progressiste à une époque où la catastrophe climatique est imminente, où les acquis démocratiques fondamentaux des travailleur·ses et des opprimé·es sont menacés.

Dans les premiers jours de son mandat, Trump a publié, comme il l'avait promis, un certain nombre de décrets visant les immigré·es, les personnes LGBTQI+, et les initiatives Diversité, Équité et Inclusion (DEI). Cela supprimera des protections contre les discriminations à l'égard des minorités racisées, des personnes LGBTQI+, des femmes et des personnes handicapées, et abolira les contrôles sur la sécurité des travailleur·ses et de l'environnement. Des décrets antisyndicaux suivront certainement sous peu. Les mouvements des travailleur·ses, des femmes, de défense des immigrés, des Noir·es et pour l'environnement devront puiser dans les meilleures traditions militantes des luttes de masse et dans la solidarité pour faire face à Trump et à une classe patronale encouragée par ses politiques anti-régulation et anti-syndicales.

Traduit par Antoine Larrache.

Le 2 février 2025

1. Par ethnic whites, l'auteur parle des blanc·hes issu·es de la vague d'immigration, depuis 1881-1921, originaires des pays de l'Europe de l'est et de sud (Polonais·es, juifs, Italien·nes, Grec·ques, Bulgares, Serbes, etc.).

2. Make America Great Again, le slogan de Reagan en 1980, a été repris par Trump, et désigne aujourd'hui le mouvement des partisans de Trump.

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Syrie. Les Kurdes à l’épreuve des changements à Damas

25 février, par Chloé Troadec, Chris Den Hond — , ,
Alors que les négociations indirectes se poursuivent entre Ankara et Abdullah Öcalan, le leader du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), la situation dans le Kurdistan (…)

Alors que les négociations indirectes se poursuivent entre Ankara et Abdullah Öcalan, le leader du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), la situation dans le Kurdistan syrien reste incertaine après le renversement du régime de Bachar Al-Assad. Les Forces démocratiques syriennes (FDS) sont engagées dans des tractations complexes sur l'avenir du Rojava, tandis que la Turquie accentue ses ingérences.

Tiré d'Orient XXI. Toutes les photographies sont de Angéline Desdevises.

De notre envoyé spécial en Syrie Chris Den Hond, avec Chloé Troadec.

Devant une scène décorée aux couleurs kurdes se presse une foule de tous âges venue célébrer les dix ans de la libération de Kobané des griffes de l'Organisation de l'État islamique (OEI) par les Unités de protection du peuple (YPG) et Unités de protection des femmes (YPJ), combattant·e·s kurdes, et par leurs alliés. Samira danse avec ses copines. Elle est restée dans la ville pendant toute la durée de la guerre.

  • On a veillé sur les blessés, lavé les morts, fait à manger et chanté pour remonter le moral des troupes. Un combattant mourant m'avait dit : « Lorsque Kobané sera libérée, tu viendras me le dire sur ma tombe. » Lorsque la ville a été libérée de l'OEI, je suis allée sur sa tombe le lui dire. Cette phrase me hante toujours.

L'atmosphère festive est assombrie par le spectre d'une nouvelle attaque, de la Turquie cette fois-ci. Zeina Hanan, 50 ans, s'était enfuie en 2018 d'Afrin — dans le nord-ouest de la Syrie — pour échapper aux bombardements de l'aviation d'Ankara et aux exactions des milices syriennes qui lui sont alliées. Elle a vécu sous une tente à Tal Rifaat, à 40 km d'Alep, avec sa fille et son petit-fils avant d'être de nouveau chassée par les mêmes milices après la chute du régime de Bachar Al-Assad à la fin de l'année 2024. Elle s'insurge :

  • Maintenant la Turquie et ses mercenaires menacent Kobané. Mais nous ne bougerons plus d'ici. Où voulez-vous qu'on aille ? Le nouveau gouvernement à Damas, on ne l'aime pas, il n'a rien fait quand nous avons été expulsées de chez nous.

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), plus de 100 000 personnes, en grande majorité des Kurdes, ont dû trouver refuge ces dernières semaines dans les territoires de l'Administration autonome du nord et de l'est de la Syrie (AANES).

L'arrivée au pouvoir de Hayat Tahrir Al-Cham (HTC) et de son leader Ahmed Al-Charaa ainsi que ses déclarations plaidant pour une Syrie inclusive n'ont pas suffi à apaiser les inquiétudes. Le 29 janvier, son investiture comme « président pour la phase de transition » s'est déroulée devant une assemblée de militaires, tous des hommes. Parmi eux, Abou Hatem Chakra, chef de la milice Ahrar Al-Charkiya, qui est accusé, entre autres, du meurtre sauvage de la militante politique kurde Hevrîn Khalaf en octobre 2019. À ses côtés, Abou Amsha, le nouveau commandant de la région de Hama, leader de la redoutable division Al-Hamza de l'Armée nationale syrienne (ANS) plusieurs fois épinglée par les Nations unies pour de nombreux crimes, dont de multiples violences sexuelles.

Trois points de négociation avec le nouveau régime

Dans un lieu sécurisé, les traits tirés, Mazloum Abdi, le commandant général des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance entre forces kurdes, arabes et syriaques, nous accueille. Il commence par détailler les causes des relations conflictuelles avec la Turquie puis énumère les trois points de négociations avec le gouvernement de Damas : l'intégration militaire des FDS, les institutions politiques et le contrôle des ressources énergétiques. « Un processus politique va s'enclencher. Des commissions vont être créées pour rédiger une nouvelle Constitution. Nous devrons faire partie de ces commissions », explique-t-il.

Le nord et l'est de la Syrie bénéficient déjà d'une sorte de constitution sous forme d'un contrat social qui garantit les droits des communautés, ceux des femmes et le respect des différentes religions. Ce texte est-il trop progressiste pour Damas ? Mazloum Abdi poursuit :

  • Notre contrat social est un document législatif très avancé. On aimerait qu'il soit pris en considération dans la nouvelle Constitution. Mais pour cela, il faut que la Turquie accepte un cessez-le-feu et cesse son ingérence dans les affaires syriennes.

Or, le long de l'Euphrate, les bombes turques, lancées par des avions de combat ou par des drones, font régulièrement des victimes. Mazloum Abdi explique :

  • Il n'y a pas d'affrontements entre nous et le nouveau gouvernement de Damas. Il y a seulement des combats autour de l'Euphrate entre Kobané et Membij avec les milices pro-turques qui essaient de passer à l'est du fleuve. Nous essayons d'obtenir un cessez-le-feu avec la Turquie. Des intermédiaires, dont des membres de la coalition internationale contre l'OEI, jouent les bons offices, mais Ankara n'en continue pas moins à nous bombarder.

Pour l'instant, le front est stabilisé. Les milices pro-turques, qui se battent entre elles, ne parviennent plus à progresser. Et les combattant·e·s des FDS sont de mieux en mieux entraîné·e·s, bien équipé·e·s et de plus en plus expérimenté·e·s. Ils et elles utilisent un vaste réseau de tunnels. Soutenu·e·s par la population, ils et elles infligent de nombreuses pertes aux miliciens pro-turques.

Défendre la place des femmes

Les FDS ont reçu le soutien symbolique de civils venus des villes du nord et de l'est — Kobané, Raqqa, Saké ou Qamichli — qui sont déterminés à former des « boucliers humains » visant à « protéger l'infrastructure vitale qui procure eau et électricité à la région », comme nous le raconte Halime. Ce dernier est inquiet et attend le retour de sa sœur qui a rejoint l'un des convois souvent visés par des drones turcs. À l'hôpital de Kobané, nous voyons arriver l'un de ces convois civils transportant son lot de morts et de blessés.

Ankara s'efforce de saboter les pourparlers entre le gouvernement de Damas et les autorités politiques et militaires du nord et de l'est de la Syrie. Néanmoins des propositions très concrètes pour une future Syrie démocratisée et décentralisée ont été mises sur la table par les FDS et l'Administration autonome (AANES). Les modalités d'intégration des FDS dans une armée nationale représentent l'un des principaux points d'achoppement. Le nouveau ministre syrien de la défense Mourhaf Abou Qasra a avancé l'idée d'une force militaire unifiée sous un commandement centralisé avec ralliement individuel des combattants des FDS.

Dans un abri sécurisé, la commandante en chef des YPJ, Rohilat Afrin exprime son opposition :

  • Nous voulons rejoindre l'armée syrienne, mais comme entité. Nous voulons aussi préserver notre droit à nous défendre en tant que femmes. […] Les femmes combattantes kurdes étaient en première ligne dans la lutte contre l'Organisation de l'État islamique (OEI). Elles ont obtenu dans le Contrat social l'égalité avec les hommes, notamment des coprésidences homme-femme dans toutes les assemblées. Elles ne veulent pas être désarmées. Elles réclament la pérennité de leur statut dans la Syrie de demain.

D'autre part, ajoute-t-elle, « comment se désarmer alors que nous sommes menacés quotidiennement ? Ça serait suicidaire. ». Une position partagée par d'autres forces en Syrie. Les Druzes du gouvernorat de Soueïda ainsi que les forces armées regroupées dans la Chambre des opérations du sud, deux autres groupes de rebelles anti-Assad, s'opposent eux aussi à une Syrie centralisée et ont refusé de rendre leurs armes. Ils réclament une autonomie au sein de la future armée.

Le modèle pluri-communautaire de Raqqa

À Raqqa, Khoud Al-Issa, la porte-parole de Conseil des femmes Zenobia, confirme : « Nous ne voulons pas céder sur ce que nous avons acquis dans la révolution du Nord et de l'est de la Syrie ». Sylvain Mercadier, journaliste français arabophone, nous rejoint à Raqqa. Il nous confie :

  • Il y a du mécontentement chez certains Arabes, parce qu'ils sont court-circuités dans les négociations entre les FDS et le gouvernement transitoire. Ils sont très majoritaires à Raqqa et ont très largement participé à la lutte contre l'OEI, subissant de lourdes pertes.

Depuis la chute du régime, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes arabes du nord et l'est de la Syrie afin de demander leur rattachement au gouvernement central de Damas, alors que plusieurs commandants des FDS de Deir ez-Zor, dans le sud-est à grande majorité arabe, ont fait défection pour faire allégeance à Damas. Pourtant il n'y a pas eu de confrontations ni de soulèvement généralisé contre l'AANES. Mais dans les rues de Raqqa règne un climat d'incertitude.

Fares Alnazi et Laurens Al-Boursan, deux dignitaires arabes de Raqqa nous donnent leur point de vue à propos d'une Syrie centralisée. Pour le premier, membre du conseil de la tribu Al-Walda « l'Administration autonome a sa légitimité dans le contexte de la guerre et de l'instabilité, mais je considère qu'une fois la paix et le dialogue national rétablis, le centralisme sera la solution. » Il reconnaît toutefois que « l'AANES a fait du bon travail ces dix dernières années ». Fares Alnazi défend le même point de vue : « Un État fédéral mène à la division, ça ne fait que créer des problèmes entre les régions et les communautés ». Hamdan Al-Abed, membre de la tribu arabe des Dulaim (Dlim) les contredit :

  • Notre région a été détruite successivement par le régime, l'Armée syrienne libre, les milices chiites, Al-Nosra et l'OEI. Nous avons nos martyrs enterrés à côté de ceux des membres des autres communautés — Kurdes, syriaques ou autres. C'est le modèle pluri-communautaire actuel qui représente le mieux tout le monde.

L'enseignant kurde Raman Yosif précise qu'ils veulent bâtir une nouvelle Syrie décentralisée, non sur une base communautaire, mais sur une base géographique :

Je suis kurde, j'adore le Kurdistan, mais, ici au Rojava, le mieux c'est notre projet multi-communautaire, parce qu'il n'y a pas seulement les Kurdes qui ont versé leur sang. Les Arabes et les chrétiens ont aussi leurs martyrs. On ne se bat pas pour un Rojava qui serait un petit État kurde indépendant, ça n'aurait pas de sens.

La menace d'un protectorat turc

Le dialogue national s'annonce tendu alors qu'Ankara a déjà placé ses pions dans le commandement militaire et les ministères à Damas, encourageant ses hommes d'affaires à multiplier les contrats pour participer à la reconstruction du pays. Mais les Kurdes et leurs alliés ne perdent pas espoir. Îlham Ahmed, la ministre des Affaires étrangères de l'AANES, revendique « une Syrie unifiée sur la base des frontières d'aujourd'hui et la préservation des institutions politiques de l'Administration autonome AANES dans la nouvelle Syrie. Nous voulons être représentés dans son futur gouvernement. »

La coalition internationale a fait des déclarations allant dans le même sens : la nouvelle Syrie doit inclure et respecter toutes les communautés, Kurdes compris. A-t-elle un poids suffisant ? Par téléphone, l'écrivain Patrice Franceschi nous confirme « que la France est présente et aide militairement les Kurdes ». Les États-Unis disposent toujours de bases en Syrie où sont cantonnés entre 900 et 2 000 soldats, mais leur maintien n'est pas garanti. Entre-temps, le président turc Recep Tayyip Erdoğan a mis en place une coordination régionale entre la Turquie, la Jordanie, l'Irak et la Syrie « pour combattre l'OEI », une manœuvre pour convaincre le Pentagone de retirer la protection qu'il octroie aux FDS dans leur lutte commune contre l'OEI en pleine renaissance.

Dans l'attente d'Öcalan

Mais la question kurde se pose aussi en Turquie. L'État a autorisé à deux reprises une délégation du parti de gauche pro-kurde Parti démocratique des peuples (DEM), à rencontrer Abdullah Öcalan, le dirigeant du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), condamné à vie et enfermé dans l'île-prison d'Imrali depuis 1999. Une déclaration d'Öcalan est annoncée, mais la date n'a pas encore été fixée. L'État turc exige un désarmement du PKK, une option écartée pour l'instant par la direction de l'organisation en l'absence de garanties.

Salih Muslim, coprésident du Parti de l'union démocratique (PYD) en Syrie, est également très sceptique :

  • La Turquie nous attaque et nous reproche qu'on soit proche du PKK et qu'on applique les idées d'Öcalan. Si la Turquie prenait au sérieux ses pourparlers avec lui, elle arrêterait préalablement de nous bombarder.

Erdoğan continue de destituer les uns après les autres les maires du parti pro-kurde DEM démocratiquement élus, pendant que l'armée prépare une énième offensive printanière contre la guérilla du PKK dans le nord de l'Irak.

Le facteur pétrolier

Nous quittons le Rojava en direction de l'Irak, accompagné de deux Kurdes germanophones. La route est encadrée par des derricks qui pompent les plus importantes réserves de pétrole du pays. C'est dans le nord-est de la Syrie et dans la région de Deir ez-zor que se trouvent les ressources de pétrole et de gaz du pays. Reji travaille à Hambourg comme livreur et il est venu passer ses vacances au Rojava. Il en repart un peu inquiet : « Les gens souffrent. L'eau est polluée, internet rarement disponible et le réseau de l'électricité toujours en panne. » Depuis un an et demi, au moins à trois reprises, la grande centrale électrique de Soueïda a été la cible de l'aviation turque. Le réseau a été remplacé par des générateurs fonctionnant avec un pétrole mal raffiné et dont les émanations de fumées noires étouffent les villes.

Les énergies fossiles sont-elles un atout pour les Kurdes et leurs alliés dans leurs négociations avec Damas ? Salih Muslim nous confie :

  • Quatre-vingt-dix pour cent des pompes ont été détruites. Contrairement à ce que les gens pensent à Damas, nous ne tirons pas beaucoup de profit de ses ressources. Mais nous l'avons affirmé depuis le début : tout le peuple syrien doit avoir accès à ces ressources de gaz et de pétrole. Leur répartition doit être discutée autour d'une table avec le gouvernement pour qu'elle soit équitable.

Nous traversons la frontière syro-irakienne avec Cihan Ehmed, ses deux petits-enfants et ses deux grandes valises. Elle est venue enterrer sa mère à Hassaké. Elle craint pour l'avenir « Les gens ont peur du nouveau gouvernement, comme ils avaient peur du régime d'Assad. »

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Démanteler l’USAID : le cadeau en or de Donald Trump à Xi Jinping

25 février, par Pierre-Antoine Donnet — , , ,
En supprimant d'un trait de plume la totalité du programme USAID d'aides américaines au développement, le 47è président américain Donald Trump se tire une balle dans le pied en (…)

En supprimant d'un trait de plume la totalité du programme USAID d'aides américaines au développement, le 47è président américain Donald Trump se tire une balle dans le pied en offrant un cadeau en or à son homologue chinois Xi Jinping à qui il ouvre la voie pour relancer à bon compte une vaste opération de séduction auprès des pays pauvres mis en difficulté.

Tiré de Asialyst
14 février 2025

Par Pierre-Antoine Donnet

Source : Politico. Légende : Des manifestants devant le siège de l'USAID à Washington. DR

USAID, l'Agence des États-Unis pour le développement International, créée en 1961, est l'organisme du gouvernement américain chargé du soutien aux pays pauvres et de l'aide humanitaire dans le monde. Ses financements représentent les deux-tiers de l'aide publique au développement américaine, soit quelque 43 milliards de dollars en 2024 versés pour soutenir les populations de 120 pays et régions tels que l'Ukraine, Gaza, le Soudan, l'Afghanistan, le Bangladesh ou le Pakistan. USAID centre ses actions sur l'aide humanitaire et représente 42% des financements publics mondiaux dans ce domaine.
La fermeture de ces milliers de programmes d'aide à travers la planète non seulement met en danger des vies humaines mais elle va sans nul doute porter un coup terrible à l'image des États-Unis et à son soft power, déjà sérieusement mis à mal par les extravagances de Donald Trump depuis son retour à la Maison-Blanche le 20 janvier dernier.

Un « nid de vipères marxistes »

Le démantèlement d'USAID représente « l'une des pires et plus coûteuses bourdes de politique étrangère de l'histoire américaine », a réagi, dans la presse américaine, son ex-cheffe Samantha Power. Pis, cela mettrait « en péril des millions de vie, des milliers d'emplois aux États-Unis (…) et compromet gravement notre sécurité nationale et notre influence dans le monde – et pendant ce temps les [dirigeants] extrémistes et autoritaires se réjouissent », dit-elle.

Sitôt nommé à la tête du département de l'Efficacité gouvernementale (DOGE), Elon Musk a accusé l'agence d'être une « organisation criminelle » et « un nid de vipères marxistes qui détestent l'Amérique […] qui doit mourir », tout en prédisant sa fermeture prochaine. Chose faite le 7 février.

Les médias anglo-saxons regorgent de critiques acerbes contre cette annonce. Certains analystes réputés soulignent que Washington joue contre son camp au profit de la Chine qui ne manquera pas d'en profiter pour redoubler de critiques contre l'égoïsme américain et surtout marquer des points sur la scène internationale. « Les Etats-Unis cèdent du terrain à la Chine en s'infligeant une blessure à eux-mêmes » car « la suspension soudaine des fonds pour le développement représente pour Pékin une opportunité parfaite pour s'emparer du vide ainsi créé et renforcer son soft-power », souligne le 7 février le quotidien britannique The Guardian.

L'annonce de Donald Trump prévoit la suspension pour une période initiale de 90 jours de l'USAID et son rattachement ultérieur aux services du département d'État qui gèrera lui-même au cas par cas les aides étrangères en fonction des intérêts du pays. Cette suspension a semé la confusion avec la mise à pied immédiate de ses employés et le chaos dans certains pays où des populations font face désormais à la famine ou la mort faute de soins désormais non financés.

Un cadeau livré à la Chine sur un plateau d'argent

Les États-Unis livrent « sur un plateau d'argent à la Chine une opportunité parfaite pour étendre leur influence à un moment où l'économie chinoise ne va pas très bien », estime Huang Yanzhong, professeur expert de la santé dans le monde au Council on Foreign Relations, un think tank américain sans couleur politique ayant pour but d'analyser la politique étrangère américaine et la situation politique mondiale. « Ce que fait Trump est en réalité de donner à la Chine une opportunité pour repenser et rénover ses projets de soft power et revenir ainsi sur les rails de son leadership global », ajoute-t-il, cité par le journal.

Très largement distancée par les Etats-Unis dans le domaine de l'aide au développement, Pékin a créé en 2018 une agence, la China International Development Cooperation Agency, dont l'objectif est de coordonner ses programmes d'aide au développement qui se traduisent surtout par des investissements et des prêts dans le cadre de son programme pharaonique des Nouvelles routes de la soie (Belt and Road Initiative ou BRI). Le montant de ses aides au développement demeure confidentiel mais elles se concrétisent surtout sous la forme de prêts. Une étude du William & Mary's Global Research Institute estime que la Chine a prêté quelque 1 300 milliards de dollars entre 2000 et 2021 à des pays émergents ou en développement, la plus grande partie des pays signataires de la BRI.

Les « Gardes rouges technocrates » du gouvernement fédéral

La charge contre la décision américaine est beaucoup plus forte dans la bouche de Huang Yasheng (黄亚生), un professeur renommé d'origine chinoise membre de la International School du Massachusetts Institute of Technology (MIT). « L'Amérique est désormais plongée dans une situation plus périlleuse que jamais. Oubliez la croissance économique ou l'inflation ; elles ne sont plus que secondaires. La sécurité de l'Amérique est en ce moment sabotée par un hubris qu'elle s'inflige à elle-même devant nous », dit-il sur X (ex-Twitter).

« Oui, il y a des problèmes, des inconvénients, un formalisme qui ne plaît pas à tout le monde et des déchets. Nous devrions toujours réfléchir sur la façon d'améliorer notre gouvernement. Mais tout ceci ne représente que des bugs et non des fondamentaux qui sont le prix que nous payons pour éviter que les avions ne tombent du ciel, que les virus ne se répandent pas partout ou que des produits chimiques ne contaminent pas nos eaux », ajoute ce professeur très respecté, ancien étudiant de Harvard.

« Ce que font ces Gardes rouges technocrates au gouvernement fédéral [américain] revient à éviscérer les fonctions du gouvernement, des fonctions que nous avons tous pris pour argent comptant mais qui auront des conséquences horribles », estime-t-il, reprenant le nom donné à l'époque par Mao Zedong à ses jeunes partisans fanatiques pendant la Révolution culturelle (1966-1976), sans jamais citer nommément Donald Trump ou Elon Musk.

Tom Wang, directeur général de l'ONG basée à Manille People of Asia for Climate Solutions spécialisée sur le changement climatique, met en garde contre un narratif « simpliste » qui se bornerait à présenter une Chine qui remplacerait les Etats-Unis en une nuit. « Il ne s'agit pas seulement de la disparition d'argent mais celle de l'expérience », explique-t-il dans le même quotidien. « Le plus gros impact [de la décision de Donald Trump] est l'anxiété ». « D'un seul coup, vous ne pouvez plus continuer votre travail […] en tant qu'activiste d'une ONG pour le climat, cela fait très peur », souligne-t-il.

Mais pour George Ingram, chercheur au Brookings Institution Centre for Sustainable Development, l'un des plus anciens think tanks américains spécialisé dans la recherche scientifique, et ancien responsable de USAID, « Les États-Unis et l'Europe, le Canada, l'Australie, le Japon, nous observons un grand intérêt pour le fait de vivre dans un monde de démocraties et d'économies libérales ». « La Chine tout comme la Russie s'efforcent de mettre en avant un monde autoritaire. C'est l'exact contraire de nos intérêts », souligne-t-il, cité par The Guardian.

Une initiative à l'opposé du slogan « Rendre sa grandeur à l'Amérique »

Non sans ironie, le Nikkei Asia souligne, quant à lui, que « la mise à mort de l'USAID » va « accélérer le retrait de l'Amérique », une politique pourtant à l'opposé du slogan de Trump « Rendre sa grandeur à l'Amérique » (MAGA : Make America Great Again). Dien Luong, expert des médias et chercheur associé dans une université de Singapour, explique dans les colonnes du journal le 7 février que le risque induit par le démantèlement de l'USAID est de mettre à bas des décennies de confiance des pays de l'Asie du Sud-Est envers les États-Unis, en particulier le Vietnam.

« Le retrait brutal de Washington sabote ses engagements souscrits après la guerre [du Vietnam] dans le Partenariat global stratégique [signé récemment] avec le Vietnam. C'est également un signal éclatant du fait que les assurances de l'Amérique s'effacent au moment où Hanoi demeure l'un des rares pays d'Asie du Sud-Est encore en faveur d'un alignement avec Washington plutôt qu'avec Pékin », écrit-il.

« Cette crise s'étend bien au-delà du Vietnam. A travers l'Asie, ce précédent suscite une inquiétude plus profonde : la confiance envers les Etats-Unis disparaît rapidement. Et des signes montrent déjà que Pékin agit vite pour combler le vide », ajoute cet expert vietnamien. « En retirant le soutien américain, l'administration [Trump] ne fait pas que s'aliéner ses partenaires clé ; elle donne à la Chine sur un plateau d'argent la possibilité de renforcer sa présence en Asie » écrit encore cet expert. Le bimestriel américain Foreign Affairs n'est pas plus tendre en titrant le 6 février : « La stratégie chinoise de Trump : Pékin se prépare à tirer avantage du chaos ».

La Chine s'est préparée à contrer la politique de Donald Trump

Yun Sun, directeur du China Program au Stimson Center, un autre think tank américain non partisan qui analyse les questions liées à la paix mondiale, explique que les stratèges chinois s'activent depuis des mois déjà pour préparer leur pays face à une politique américaine qu'ils anticipaient plus dure encore avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Raison pour laquelle, la Chine a pris ces derniers mois des mesures d'apaisement avec ses voisins, en particulier l'Inde, le Japon et l'Australie.

Mais « les dirigeants chinois restent confiants dans le fait que même si l'économie de leur pays souffre [des sanctions américaines], quatre ans de Trump ne vont probablement pas plonger [la Chine] dans une crise ouverte », écrit-il dans la revue américaine. « Ils s'attendent à ce que si Trump applique les politiques qu'il a annoncées, telles que celles sur le commerce et l'expansion territoriale, il pourrait bien causer un tort grave à la crédibilité des États-Unis et son leadership global. Pékin voit de ce fait le second mandat de Trump comme une opportunité potentielle pour la Chine d'étendre son influence plus loin et plus vite encore », souligne-t-il.

Des conséquences directes pour la sécurité nationale américaine

Pour The Hill, média américain numérique basé à Washington spécialisé dans les relations internationales et la politique américaine, USAID a été l'un des instruments les plus puissants pour servir son influence dans le monde et un outil précieux pour contrer les ambitions chinoises, dont tout particulièrement son programme des Nouvelles Routes de la soie.

« En détruisant l'USAID, les Etats-Unis donnent à Pékin la chance d'étendre sans frein sa domination économique et politique », affirme le journal en ligne très influent au sein des élites américaines. « Avec le démantèlement de l'USAID, la capacité de la Chine d'imposer son rayonnement économique va s'accélérer. Les pays qui jusque-là avaient le choix entre un développement soutenu par l'Amérique et les prêts chinois n'auront plus qu'une option : Pékin », ajoute-t-il. « Ceci n'est pas qu'une inquiétude concernant la politique étrangère – cette question aura des conséquences directes pour la sécurité nationale des États-Unis. A fur et à mesure que la Chine prendra davantage le contrôle les routes commerciales mondiales, elle pourra renforcer la domination de ses infrastructures dans les conflits à venir », poursuit le journal en ligne.

« Une Chine plus enhardie, dotée de leviers économiques et militaires sur des dizaines de pays, rendra pour les Etats-Unis plus difficile de contrer l'assurance de Pékin en mer de Chine du Sud, à Taïwan et au-delà », explique encore The Hill. « La fermeture de USAID est plus qu'une décision budgétaire : elle marque le retrait de l'Amérique du leadership mondial », souligne The Hill, car « l'aide étrangère a été depuis longtemps un outil pour un engagement diplomatique, permettant aux États-Unis de forger des alliances, mettre en avant la bonne volonté, promouvoir la stabilité dans des régions vulnérables aux influences autoritaires ».

« Désormais, le message au monde est clair : l'Amérique se retire et la Chine est prête à combler le vide. La décision de Trump de fermer USAID n'est pas seulement une mesure pour réduire les coûts ; il s'agit d'un changement fondamental de la posture de l'Amérique. En l'absence d'une alternative conduite par les Etats-Unis, la diplomatie coercitive de Pékin va s'étendre sans entrave, laissant les nations vulnérables devant les pièges de la dette, les empiètements militaires et l'influence autoritaire », conclut le journal en ligne.

Un signe qui ne trompe pas : des millions d'internautes chinois ont, ces derniers jours, applaudi sur les réseaux sociaux les commentaires d'Elon Musk sur USAID et la décision de Donald Trump de démanteler l'organisation. Même le South China Morning Post, quotidien anglophone de Hong Kong aujourd'hui inféodé à Pékin n'a pas manqué de souligner dans son édition du 4 février que la décision de Donald Trump « pourrait permettre à la Chine de combler le vide grâce à la BRI ».

La Chine en sortira gagnante

A l'appui de ce commentaire, le journal cite le professeur Christopher Barret de l'université américaine Cornell pour qui « La Chine sera la gagnante » de la fermeture de USAID car elle s'efforce « d'accéder aux ressources vitales à l'étranger » et tente de « construire des alliances qui ne sont pas dans l'intérêt des États-Unis ». « Couper soudainement des projets essentiels pour sauver des vies est une bonne façon de provoquer un retour de bâton anti-américain. Un tel retrait du plus grand fournisseur mondial d'aides étrangères va entraîner un retrait similaire d'autres nations riches », ajoute ce professeur, cité aussi par le quotidien Financial Times dans son édition du 4 février.

A ceci s'ajoutent également les annonces spectaculaires sinon grotesques de Donald Trump sur son intention de transformer la bande de Gaza en une station balnéaire et de la vider de sa population palestinienne, de rebaptiser le Golfe du Mexique « Golfe de l'Amérique », de s'emparer du Groenland et du Canal de Panama, sans oublier le retrait de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et de l'Accord de Paris sur le Climat.

« Avec les Etats-Unis, la Russie et la Chine dirigés par des hommes aux ambitions expansionnistes, les implications sont sombres pour le système international actuel. Le monde pourrait bien passer d'une ère où les petits pays pouvaient demander une protection de la loi internationale à une autre où, comme le disait Thucydide, les puissants peuvent faire ce qu'ils veulent et les faibles souffrir comme ils le doivent », juge mardi 11 février le Financial Times dans un article intitulé « Trump, Poutine et Xi : le nouvel âge des empires » signé de son éditorialiste Gideon Rachman.

« Trump, Musk et leurs mignons de MAGA ont lancé une guerre idéologique contre l'ensemble de l'alliance démocratique avec des conséquences graves pour des milliers d'hommes et de femmes à travers le monde qui, chaque jour, mettent leur vie au service de la défense de la liberté, des droits humains et de la décence », déplore lundi 10 février Michael Cole, Senior Fellow au Macdonald-Laurier Institute, un think tank canadien pour la recherche, et au Global Taiwan Institute, autre think tank basé à Washington. « Cet assaut n'a jamais concerné la réduction des coûts ; il est idéologique. Aujourd'hui, les despotes à travers le monde se frottent les mains. Préparez-vous les amis : nous sommes sur le point d'entrer dans une ère sombre où les régimes répressifs vont s'en trouver confortés », ajoute ce géopoliticien.

Autant d'initiatives en effet, rocambolesques mais lourdes de conséquences, prises en quelques semaines à peine depuis l'investiture de Donald Trump qui ont tout lieu de réjouir le pouvoir communiste qui, probablement, n'en attendait pas tant. Ce dernier n'a maintenant plus qu'à attendre puisqu'elles risquent fort d'antagoniser une bonne partie du monde contre l'Amérique. Loin de se présenter comme le phare de la démocratie mondiale, celle-ci donne de plus en plus l'image d'un nouvel empire de l'argent haïssable dont la politique cardinale est celle de la loi du plus fort, laissant le champ libre à Pékin pour en tirer le plus grand profit possible.

Par Pierre-Antoine Donnet

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« Pire que la deuxième Intifada » : les réfugiés de Cisjordanie subissent l’offensive israélienne

Déplacés de Jénine et de Tulkarem, les Palestiniens affirment qu'Israël mène une campagne délibérée pour rendre invivables les camps de réfugiés du nord. Tiré d'Agence (…)

Déplacés de Jénine et de Tulkarem, les Palestiniens affirment qu'Israël mène une campagne délibérée pour rendre invivables les camps de réfugiés du nord.

Tiré d'Agence médias Palestine.

Sameera Abu Rmeleh franchit des montagnes de gravats et de débris pour atteindre ce qui reste de sa maison dans le camp de réfugiés de Jénine. C'est une journée froide et pluvieuse dans le nord de la Cisjordanie, et le camp est presque méconnaissable. Du béton brisé, des voitures incendiées, des douilles de balles et des corps sans vie de chiens errants bordent les rues à perte de vue. À une centaine de mètres de là, des bulldozers et des véhicules blindés israéliens se déplacent avec détermination.

« Ce qui se passe actuellement est bien pire que la deuxième Intifada », déclare Abu Rmeleh. « C'est comme à Gaza : aucune des maisons du camp n'est plus habitable. Mais nous n'irons nulle part. Nous sommes prêts à vivre dans des tentes si nécessaire. Nous l'avons déjà fait. »

Abu Rmeleh fait partie des 20 000 Palestiniens déplacés de force de leurs foyers dans le camp de Jénine ces dernières semaines en raison d'une opération militaire israélienne en cours dans la région. Prenant le peu qu'elles pouvaient emporter, les familles ont fui à pied dans les premiers jours de l'invasion, le long d'un chemin de terre détruit par les bulldozers israéliens, tandis que les soldats bloquaient les entrées et les sorties du camp.

Depuis lors, les routes traversant le camp ont été détruites, y compris les principales voies d'accès à l'hôpital public de Jénine. Les forces israéliennes ont également détruit les infrastructures d'approvisionnement en eau, d'assainissement et de télécommunications, et ont même rasé un quartier résidentiel entier par des explosions contrôlées.

L'opération « Mur de fer » en est maintenant à sa cinquième semaine et s'est étendue à trois autres camps de réfugiés dans le nord de la Cisjordanie, déplaçant 20 000 personnes supplémentaires des camps de Tulkarem, Nur Shams et Al-Far'a. L'armée israélienne affirme cibler les groupes de résistance armés dans ces zones, mais n'a produit que peu de preuves de ses succès à cet égard. Et tandis que les soldats détruisent les infrastructures civiles sur le terrain, des avions de chasse et des drones lâchent des missiles depuis le ciel.

Comme beaucoup d'autres personnes déplacées du camp de Jénine, la famille d'Abu Rmeleh est hébergée par des amis et des proches dans la ville voisine. Mais même en dehors du camp, la sécurité est un concept fragile. Les habitants craignent des représailles israéliennes pour avoir hébergé des personnes déplacées par l'assaut. Des tireurs d'élite israéliens sont postés sur les toits du camp et aux alentours, surplombant les ruines. Des rapports récents indiquent que l'armée a donné aux troupes en Cisjordanie toute latitude pour tirer sur tout ce qui est jugé « suspect ».

Abu Rmeleh est consciente de ces risques, mais hausse les épaules lorsque je lui demande si elle craint de se faire tirer dessus en retournant au camp pour récupérer certains de ses effets personnels. « Je m'en fiche », dit-elle. « Je suis déjà morte. »

Non loin de là, un adolescent nommé Adham semble tout aussi impassible. Lors de l'attaque actuelle du camp, les forces israéliennes ont détruit la maison de sa famille et tué son ami Mohammed, âgé de 17 ans. Debout devant les ruines d'une maison, il secoue une bombe de peinture, laissant un nouveau graffiti sur les décombres. Autour de lui, certains des bâtiments démolis ont déjà été tagués par des soldats israéliens avec le slogan nationaliste hébreu « Am Yisrael Chai », faisant écho à des scènes similaires à Gaza.

Remarquant mon photographe et moi-même sur la route déserte à l'intérieur du camp, Adham nous tend un tract que l'armée israélienne avait distribué ici. Imprimé en arabe, on peut y lire : « Le terrorisme a détruit le camp. Rejetez les militants. Ils sont la cause de la destruction. C'est vous qui payez le prix de votre sécurité et d'une vie meilleure. »

Pour beaucoup à Jénine, ce message n'est ni nouveau ni convaincant. La plupart des habitants du camp sont les descendants de familles expulsées de la région de Haïfa par les milices sionistes et les forces israéliennes lors de la Nakba de 1948. Au fil des décennies, Jénine est devenue un épicentre du militantisme et de la résistance palestiniens, ses rues ayant été ravagées par des invasions et des sièges israéliens répétés, notamment lors de la deuxième Intifada au début des années 2000, lorsque les bombardements israéliens et les affrontements avec les combattants de la résistance ont dévasté le camp.

Alors que les forces de sécurité de l'Autorité palestinienne ont mené une campagne de six semaines pour réprimer les groupes armés et reprendre le contrôle du camp, le ministre de la Défense israélien a présenté cette dernière opération israélienne comme l'application des « leçons tirées » de Gaza. Et Israël envisagerait maintenant de rendre permanente sa présence dans le camp.

« Ce qui se passe ici est une version réduite de Gaza »

À l'entrée du camp, l'entrée de l'hôpital gouvernemental de Jénine est marquée par une fresque de Shireen Abu Akleh, journaliste d'Al Jazeera tuée par balle par les forces israéliennes en 2002 alors qu'elle couvrait une précédente incursion militaire dans le camp. À l'intérieur de l'hôpital, le Dr Mustafa Hamarsheh, directeur médical, décrit une situation de plus en plus intenable.

« Beaucoup de nos 500 membres du personnel ne peuvent même pas atteindre l'hôpital », explique-t-il : à moins d'arriver en ambulance, les troupes israéliennes les arrêtent fréquemment aux points de contrôle, les fouillent et les refoulent souvent. Au début de l'incursion, plusieurs membres du personnel médical ont été blessés lorsque les soldats ont encerclé l'hôpital, assiégeant l'établissement. L'armée s'est depuis retirée des lieux, mais la peur persiste.

« La plupart des patients ont tout simplement trop peur pour essayer de venir ici », explique Hamarsheh. « Notre capacité d'accueil est aujourd'hui réduite de 50 % ».

Depuis le début de l'année 2025, les forces israéliennes ont tué au moins 70 Palestiniens en Cisjordanie, dont 10 enfants, selon le ministère palestinien de la Santé. Rien qu'à Jénine, 38 personnes ont été tuées, dont un ami de Hamarsheh âgé de 70 ans qui avait fui le camp après l'incursion mais qui était revenu pour inspecter sa maison.

« Son âge ne faisait aucun doute ; il n'était clairement pas un combattant », dit Hamarsheh. « Pourtant, lorsqu'il est arrivé chez lui, les forces israéliennes l'ont tué. Il a reçu une balle dans l'abdomen et a été laissé là [se vidant de son sang] pendant une heure. Aucune ambulance n'a pu l'atteindre ; elles n'ont tout simplement pas pu passer. »

Bloquer les ambulances est une pratique courante, explique Hamarsheh. Les médecins sont obligés d'attendre aux points de contrôle, ce qui fait que les patients se vident de leur sang avant de pouvoir être évacués. La destruction des routes et des infrastructures ne fait qu'aggraver la crise.

« Ce qui se passe ici est simplement une version réduite de Gaza », dit-il. « Une campagne délibérée pour détruire, rendre la vie invivable et envoyer un message à tous les habitants du camp et de la ville : partez. Quittez la Cisjordanie. Allez ailleurs. »

Après avoir parcouru les rues autour de l'hôpital gouvernemental de Jénine, mon photographe et moi décidons d'essayer d'entrer dans la partie ouest du camp, le soi-disant « nouveau camp ». Ici aussi, des jeeps militaires israéliennes rôdent le long du périmètre, leurs moteurs vrombissant alors qu'elles sillonnent les rues. Alors que nous approchons, des habitants nous préviennent qu'il y a un tireur d'élite dans cette zone.

À la limite du camp, le propriétaire d'une petite supérette, qui a été déplacé de l'intérieur du camp mais qui tient maintenant son magasin à la frontière extérieure, aperçoit nos gilets de presse et nous fait signe d'entrer dans l'appartement derrière le magasin. Il appartient à sa mère, qui l'accompagne.

Sa voix se brise lorsqu'elle raconte ce qui est arrivé à sa fille l'un des premiers jours de l'incursion : elle était sortie d'une rue latérale près du magasin, et s'est retrouvée directement sur le chemin de soldats israéliens qui ont tiré une balle qui lui a déchiré le bras. Les chirurgiens l'ont recousue avec des plaques de platine, mais elle ne pourra plus jamais bouger sa main, dit la vieille femme en faisant défiler des photos du bras déchiqueté de la jeune fille.

Soudain, nous entendons des coups de feu. Cinq, peut-être six coups de feu retentissent juste devant la boutique. Nous sursautons. La famille se précipite vers l'arrière de l'appartement et nous la suivons. Le son – fort et perçant – indique que les coups de feu ont été tirés à quelques mètres de là.

Selon un échange dans un groupe WhatsApp local, les forces israéliennes tiraient sur des personnes qui tentaient de retourner dans le camp pour récupérer leurs affaires. Peu de temps après, une autre personne à vélo tente d'entrer et essuie une nouvelle rafale de tirs, qu'elle évite.

Pendant environ trois heures, nous restons à l'intérieur de l'appartement derrière la supérette, à l'abri avec la famille palestinienne. Dehors, les rues sont calmes, mais la tension est palpable. Après quelques concertations, les travailleurs du Croissant-Rouge nous escortent enfin hors du camp.

« Nous sommes livrés à nous-mêmes »

Fin janvier, l'opération militaire israélienne s'était étendue bien au-delà de Jénine. Le 29 janvier, une frappe aérienne israélienne a touché un quartier très peuplé du village de Tammoun, près du camp d'Al-Far'a, tuant au moins dix Palestiniens. Peu après, les forces israéliennes ont attaqué Qalqilya et sa périphérie, intensifiant l'offensive et renforçant le contrôle sur tous les principaux districts du nord de la Cisjordanie.

À Tulkarem, qui borde la Ligne verte entre Israël et la Cisjordanie, la situation n'est pas moins instable. Depuis le début de la guerre à Gaza, les bulldozers et les drones ont ravagé le camp de réfugiés à maintes reprises, endommageant les routes, les maisons et les devantures de magasins. L'extension de l'opération « Mur de fer » a déplacé les trois quarts de la population du camp au cours des dernières semaines.

Je visite la région pour la troisième fois depuis le 7 octobre, en compagnie de l'ONG allemande Medico. Cette fois-ci, les partenaires locaux de Medico, membres de Jadayel, le Centre palestinien pour l'art et la culture, distribuent des couvertures et des oreillers aux familles récemment déplacées. Ils opèrent indépendamment de l'Autorité palestinienne, invoquant sa bureaucratie comme un obstacle qui retarde inutilement la distribution de l'aide.

En chemin, je rencontre Muayyad Shaaban, le chef de la Commission de l'Autorité Palestinienne pour la Résistance à la Colonisation et au Mur. Il insiste sur le fait que l'Autorité Palestinienne fait ce qu'elle peut, distribuant 400 à 500 repas par jour aux familles déplacées du camp. Mais il n'hésite pas à appeler un chat un chat. « Il ne s'agit pas d'une opération de sécurité, mais d'une opération politique », dit-il, en faisant valoir que la plupart des personnes tuées et blessées dans les camps n'avaient rien à voir avec la résistance armée. « Tout cela fait partie du cadeau de Netanyahu à l'extrême droite en échange du cessez-le-feu à Gaza : il donne à [Bezalel] Smotrich tout ce qu'il veut. »

Shaaban suggère que l'opération militaire en cours dans le nord de la Cisjordanie prépare en réalité le terrain pour quelque chose de bien plus important : l'annexion. Et les pièces du puzzle s'assemblent. L'intensification de la violence des colons soutenus par l'État a contraint plus de 50 communautés rurales palestiniennes à fuir leurs terres depuis le 7 octobre, et les colons ont établi plus de 40 nouveaux avant-postes au cours de la même période.

Pendant ce temps, l'une des premières mesures prises par Donald Trump à son retour à la Maison Blanche a été d'annuler les sanctions de l'administration Biden contre Amana, une importante organisation de développement des colons. Ces jours-ci, les Palestiniens soupçonnent de plus en plus que Washington pourrait bientôt reconnaître officiellement la souveraineté israélienne sur la Cisjordanie, reconnaissant ainsi sur la scène internationale ce qui est depuis longtemps une politique israélienne d'annexion de facto.

Dans un centre d'hébergement de Shweikeh, dans la banlieue nord de Tulkarem, un homme nommé Bahazat Dheileh décrit les difficultés croissantes pour acheminer des fournitures aux personnes dans le besoin. Les demandes les plus urgentes des familles déplacées, dit-il, concernent le lait maternisé et les couches.

Selon Dheileh, les forces israéliennes ont empêché les familles de prendre quoi que ce soit avec elles alors qu'elles fuyaient le camp. Cela a aggravé une situation humanitaire déjà désastreuse, tout comme le blocage par Israël de l'Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA), qui a rendu la distribution de l'aide plus fragmentée que jamais.

Non loin de là, dans le jardin à l'arrière de la maison de son frère, Abdellatif Sudani regarde dans le vide. Il y a trois semaines, il a finalement quitté le camp de Tulkarem avec son fils et sa fille. Il avait insisté pour rester lors de chaque précédente incursion israélienne, ignorant les avertissements de partir, mais cette fois-ci, c'est différent. « Les rumeurs disaient que l'armée prévoit de rester », dit-il.

Mais ce n'est pas ce qui l'a poussé à partir ; ce sont ses enfants qui l'ont convaincu. « Qui va nous protéger ? », demande-t-il d'une voix monocorde. « Nous sommes livrés à nous-mêmes. »


Hanno Hauenstein est un journaliste et auteur indépendant basé à Berlin. Ses travaux ont été publiés dans des publications telles que The Guardian, The Intercept et Berliner Zeitung.

Traduction : JB pour l'Agence Média Palestine

Source : +972 Magazine

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Cisjordanie : Israël vide des camps de réfugiés et interdit leur retour

Trois camps de réfugiés du nord de la Cisjordanie ont été vidés, selon une annonce du ministre israélien de la Défense Israël Katz. Le ministre israélien de la Défense, Israël (…)

Trois camps de réfugiés du nord de la Cisjordanie ont été vidés, selon une annonce du ministre israélien de la Défense Israël Katz. Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a déclaré que l'armée israélienne avait évacué de force 40 000 Palestiniens de trois camps de réfugiés en Cisjordanie. Il a donné l'ordre à l'armée de ne pas autoriser leur retour.

Tiré d'El Watan.

Voici les points clés de sa déclaration :

Déplacement forcé : Selon Israël Katz, 40 000 Palestiniens ont été évacués des camps de réfugiés de Jénine, Tulkarem et Nour Chams.

Ordre de non-retour : Le ministre a donné pour instruction aux soldats de rester dans les camps évacués pendant un an et de ne pas autoriser le retour des habitants.

Justification : Israël Katz a justifié cette mesure en affirmant qu'elle visait à empêcher la « résurgence du terrorisme » dans ces camps.

Cette déclaration a suscité de vives critiques de la part de la communauté internationale et des organisations de défense des droits humains. L'ONU a condamné ces évacuations forcées et a appelé Israël à respecter le droit international humanitaire.

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Les émirats rejettent enfin le plan de Trump pour Ghaza : Mohammed Ben Zayed désavoue son ambassadeur à Washington

Ce sommet qui avait pour principal ordre du jour de répondre au plan du président américain, Donald Trump, pour Ghaza, devait ne réunir initialement que l'Arabie Saoudite, (…)

Ce sommet qui avait pour principal ordre du jour de répondre au plan du président américain, Donald Trump, pour Ghaza, devait ne réunir initialement que l'Arabie Saoudite, l'Egypte, la Jordanie, les Emirats arabes unis (EAU) et l'Autorité palestinienne. Finalement, il va être « élargi aux six pays du Golfe », affirme l'AFP qui dit tenir l'information de deux diplomates arabes.

Tiré d'El Watan.

« Un responsable saoudien a indiqué sous le couvert de l'anonymat que "le mini-sommet arabe" aurait lieu le "21 février" et non le 20 comme prévu initialement, précisant qu'il "réunira les dirigeants des six Etats du Conseil de coopération du Golfe (CCG), ainsi que l'Egypte et la Jordanie, pour examiner les alternatives arabes aux projets de Trump pour Ghaza », indique l'agence française. Un autre diplomate arabe a soufflé à l'AFP qu'« un pays du Golfe influent a exprimé son mécontentement après avoir été exclu du sommet de Riyad, ce qui a poussé les organisateurs à inclure l'ensemble des pays du Golfe ». Cette source n'a pas précisé de quel pays il s'agissait.

Fin de la tournée de Marco Rubio

A retenir, par ailleurs, la position exprimée par les Emirats arabes unis qui ont officiellement informé, hier, le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, de leur rejet du plan de Trump. Le président des Etats-Unis avait proposé, rappelle-t-on, de placer la bande de Ghaza sous contrôle américain et de la vider de ses habitants en transférant 2,4 millions de Palestiniens vers l'Egypte et la Jordanie principalement. Selon l'agence de presse émiratie (WAM), « Cheikh Mohammed Ben Zayed Al Nahyan, président des Emirats arabes unis, a reçu hier le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio ».

Les discussions ont porté, entre autres, sur « l'évolution de la situation au Moyen-Orient, en particulier dans les territoires palestiniens occupés, et sur les efforts déployés pour résoudre la crise dans la bande de Ghaza et ses répercussions sur la paix, la stabilité et la sécurité régionales », explique l'agence émiratie. Et de préciser dans la foulée que Mohammed Ben Zayed « a souligné la position ferme des Emirats arabes unis, qui rejettent toute tentative de déplacer le peuple palestinien de sa terre ». MBZ a fait savoir, en outre, à son hôte que « la reconstruction de Ghaza doit être liée à une voie menant à une paix globale et durable fondée sur la "solution des deux Etats" qui est la clé de la stabilité dans la région ».

La position officielle formulée par le chef de l'Etat émirati vient ainsi contredire celle énoncée par l'ambassadeur des Emirats à Washington, Youssef Al Otaïba il y a quelques jours, où il disait qu'il ne voyait pas d'alternative à la solution douteuse proposée par Trump, synonyme de deuxième Nakba. Il avait fait cette déclaration lors du Sommet mondial des gouvernements qui s'est tenu le 12 février à Dubaï. « Lorsqu'on lui a demandé si les Émirats arabes unis (EAU) travaillaient sur un plan alternatif à la proposition de M. Trump, M. Al Otaiba a répondu : "Je ne vois pas d'alternative à ce qui est proposé. Je n'en vois vraiment pas. Donc si quelqu'un en a une, nous sommes heureux d'en discuter, nous sommes heureux de l'explorer. Mais elle n'a pas encore fait surface », rapporte l'agence Anadolu. Donald Trump's memoirs

Al Sissi et Pédro Sanchez contre le plan de Trump

Abou Dhabi constituait la dernière étape de la tournée du secrétaire d'Etat américain au Moyen-Orient. M. Rubio est arrivé, hier matin, aux Emirats en provenance de l'Arabie Saoudite où il avait pris part à la réunion entre les délégations américaine et russe pour préparer un prochain sommet entre Trump
et Poutine.

Lors de son séjour à Riyad, Marco Rubio a rencontré lundi le prince héritier Mohammed Ben Salmane. Au cours de cet entretien, il a souligné « l'importance d'un accord pour Ghaza qui contribue à la sécurité régionale », relève un communiqué du département d'Etat. A l'entame de sa visite dimanche, M. Rubio s'était rendu à Jérusalem où il avait réitéré le soutien inconditionnel des Etats-Unis à Israël. A noter par ailleurs que le président égyptien, Abdel Fattah Al Sissi, en visite officielle en Espagne, a réaffirmé hier, avec le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, leur rejet total du plan souhaité par Donald Trump. Al Sissi a lu une déclaration où il insisté sur « la nécessité de la reconstruction de Ghaza sans déplacement forcé – je le répète : sans déplacement forcé – du peuple palestinien de sa terre, à laquelle il s'accroche, et de sa patrie, qu'il ne consent pas à abandonner », rapporte l'AFP.

Fervent défenseur de la cause palestinienne, Pedro Sánchez a exprimé à son tour « le refus catégorique de l'Espagne et de son gouvernement (de donner leur approbation) au projet de transférer la population palestinienne en dehors de la bande de Ghaza ». Le Premier ministre espagnol a dit « soutenir, bien évidemment », la proposition égyptienne de reconstruction de la bande de Ghaza sans expulser sa population. Cette proposition fera l'objet d'un sommet extraordinaire de la Ligue arabe qui devait initialement se tenir le 27 février, au Caire, et qui a été reporté au 4 mars.

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Face aux menaces tarifaires, une vaste coalition appelle à rendre l’assurance-emploi plus accessible

25 février, par Centrale des syndicats démocratiques (CSD), Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Confédération des syndicats nationaux (CSN), Conseil national des chômeurs et chômeuses, Fédération des Travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ), Mouvement Autonome et Solidaire des Sans Emploi (MASSE) — , , ,
MONTRÉAL, le 25 févr. 2025 - Les groupes de défense des sans-emploi, le Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC) et le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (…)

MONTRÉAL, le 25 févr. 2025 - Les groupes de défense des sans-emploi, le Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC) et le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE), et les grandes centrales syndicales québécoises (FTQ, CSN, CSQ et CSD) demandent au gouvernement fédéral de mettre en place des mesures d'assouplissement et d'amélioration au programme d'assurance-emploi. Cette demande intervient dans un contexte d'insécurité politique et économique, alors que les effets des menaces tarifaires américaines se font déjà sentir.

Ensemble, ils pressent le gouvernement canadien à adopter un projet pilote visant à permettre au régime d'assurance-emploi de répondre rapidement aux besoins des travailleurs et des travailleuses qui vont ou qui sont susceptibles de perdre leur emploi. En ce sens, les mesures demandées visent à régler les problèmes d'admissibilité au régime et à désengorger un système déjà surmené.

« On sent déjà les impacts des menaces tarifaires, nos groupes locaux et régionaux reçoivent des appels tous les jours de personnes inquiètes ou qui ont déjà perdu leur emploi. Dans son état actuel, le régime d'assurance-emploi n'est tout simplement pas capable d'encaisser la crise qui s'en vient », s'inquiètent Selma Lavoie et Milan Bernard, co-porte-paroles du CNC. « On s'attend à des délais de traitement importants et à des milliers de travailleurs et de travailleuses qui vont perdre leur emploi et qui pourraient ainsi tomber entre les mailles du filet ».

Les groupes de défense des sans-emploi et les centrales syndicales appellent à mettre en place un projet pilote comprenant minimalement les mesures suivantes :

Une norme universelle d'admissibilité de 420 heures ;

Une augmentation du montant des prestations et l'établissement d'un seuil plancher à 500 $ ;

Que l'exclusion pour fin d'emploi invalide ne s'impose que sur le dernier emploi occupé ;

Permettre de recevoir des prestations plus tôt en simplifiant les règles régissant le traitement des indemnités de départ et autres sommes versées à la suite d'une cessation d'emploi.

Par ailleurs, des mesures similaires ont déjà fait leurs preuves lors de précédentes périodes de crise.

« C'est dans des moments d'incertitude comme ceux-ci que l'on doit avoir une protection sociale fiable et solide. En ce moment, ce sont uniquement 40% des chômeurs et des chômeuses qui se qualifient à l'assurance-emploi, le montant des prestations est insuffisant et les délais de traitements sont inadmissibles. C'est maintenant que le gouvernement doit agir », affirment à l'unisson Caroline Senneville, présidente de la CSN, Denis Bolduc, secrétaire général de la FTQ, Luc Beauregard, secrétaire-trésorier de la CSQ, et Luc Vachon, président de la CSD.

« En écartant la réforme de l'assurance-emploi, le gouvernement libéral s'est tiré dans le pied. On se retrouve à peine quatre ans après la pandémie, avec une protection en cas de chômage qui n'arrive pas à protéger les travailleurs et les travailleuses de manière adéquate », affirme Fanny Labelle porte-parole du MASSE. « On lui demande aujourd'hui d'ajuster le tir, de le faire rapidement et d'amener des changements sur le long terme. Les mesures qu'on demande sont capables de répondre à la crise qu'on traverse, mais aussi de régler les problèmes de fond du programme d'assurance-emploi ».

La coalition invite le gouvernement à mettre en place dès maintenant ces mesures, dans l'objectif de les pérenniser et de fournir aux travailleurs et aux travailleuses une réelle protection en cas de chômage.

Encore une fois, NON aux énergies fossiles !

Le 12 avril 2022, le Québec a interdit l'exploration et l'exploitation des combustibles fossiles sur son territoire. Sous la pression de la société, il a dit NON à Énergie Est, (…)

Le 12 avril 2022, le Québec a interdit l'exploration et l'exploitation des combustibles fossiles sur son territoire. Sous la pression de la société, il a dit NON à Énergie Est, à GNL Québec et à son gazoduc.

Pipeline Énergie Est, GNL Québec, GAZODUQ : on pensait que tout cela était derrière nous.

Depuis quelques années, les citoyens et citoyennes, inquiets de la dégradation du climat planétaire, réussissent, en se mobilisant, à convaincre les pouvoirs publics de travailler dans la bonne direction : la réduction de l'empreinte carbone dans tous les domaines.

Le gouvernement fédéral s'est lui-même doté d'un objectif de décarbonation de l'économie.

Or nos voisins du sud ont élu Donald Trump.

La campagne de déstabilisation globale lancée par ce sinistre bouffon, sa cour de milliardaires et ses idéologues illibéraux devrait être pour nous l'occasion de revoir et de resserrer ces objectifs : si on laisse agir cette clique, la crise climatique va s'intensifier.

Mais la réaction de nos dirigeants est aberrante. Contre toute attente, contre toute logique, certains (y compris notre ministre de l'Environnement et de la Lutte au changement climatique) semblent voir d'un bon œil les nouveaux projets de transport de combustibles fossiles. Et cela même si le Québec copréside la BOGA (Beyond Oil and Gas Alliance), dont la mission est de faciliter l'élimination progressive de la production pétrolière et gazière.

De tels projets iraient à l'encontre de cet objectif en favorisant une hausse de la production de pétrole et de gaz de l'Ouest canadien, alors même que les spécialistes comme Normand Mousseau, tout comme l'Agence internationale de l'énergie, répètent que la production de combustibles fossiles est proche de son pic.

Entre 2015 et 2020, la mobilisation citoyenne (manifestations, lettres, déclarations publiques, présentation de mémoires au BAPE et autres instances) a pu nous donner l'impression que ce dossier était clos. Faudra-t-il remonter au front, ressortir nos dossiers, nos argumentaires, nos pancartes ?

Tout cela est pourtant plus que jamais d'actualité, car la crise climatique ne fait qu'empirer.

Alors, M. Legault, M. Charette, ouvrez les yeux, regardez au loin et travaillez réellement à cette transition climatique, que vous définissez vous-mêmes comme « la transformation d'une société et de son économie visant à ce qu'elle cesse de contribuer aux changements climatiques et à la rendre résiliente face à ces derniers ».

Vous voulez des suggestions ? Pour diminuer notre dépendance au pétrole et réduire les émissions de GES du secteur des transports, ne faudrait-il pas cesser de favoriser l'achat et l'utilisation de l'automobile (pourquoi ne pas interdire la publicité sur les véhicules, comme on l'a fait pour le tabac et l'alcool ?) ; investir sérieusement dans les transports collectifs (à petite, moyenne et grande échelle) ; appeler les citoyens et citoyennes à la sobriété énergétique dans leur quotidien (transport actif, transport collectif, autopartage, covoiturage, aide et collaboration entre voisins).

Au lieu de nous abaisser devant les exigences d'un dictateur en puissance, d'aller dans le sens du Parti conservateur du Canada et de jouer le jeu mensonger de la croissance infinie, dressons-nous, opposons-nous à ces projets dépassés et dangereux et faisons du Québec un exemple de société tournée vers l'avenir.

Denise Campillo
Roxton Falls

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Une longue histoire d’amour

25 février, par Éliette Anderson Rioux — , ,
Impétueuse, l'œuvre d'une Québécoise de 86 ans qui est atteinte d'Alzheimer depuis dix ans. Éliette Anderson Rioux se considère une femme tout à fait ordinaire. Cependant, (…)

Impétueuse, l'œuvre d'une Québécoise de 86 ans qui est atteinte d'Alzheimer depuis dix ans. Éliette Anderson Rioux se considère une femme tout à fait ordinaire. Cependant, l'immense courage dont elle fait preuve tout au long de sa vie à combattre oppression et injustice, surtout celles subies par les femmes, démontre qu'elle est, en fait, une personne tout à fait extraordinaire.

Impétueuse rassemble son récit de vie, ses articles et ses poèmes. Des textes qui, par l'intensité de sa verve et de son écriture, nous interpellent.

L'histoire d'Éliette illustre ce qu'était, dans les années 1950, la vie au fin fond de la vallée de la Matapédia d'une famille québécoise tellement pauvre qu'ostracisée par curé et villageois. Et, aussi et surtout, elle illustre le parcours fort difficile mais tellement impressionnant d'une militante du féminisme au Québec, dénonçant l'injustice subie par toutes les femmes depuis des millénaires, et, en particulier, les lesbiennes.

De son enfance et adolescence dans un rang de la vallée de la Matapédia comme aînée de 13 enfants, et des mois après son arrivée à Montréal à 18 ans, Éliette nous parle de misères et humiliations, mais aussi de sa détermination à vivre et de sa curiosité pour le vivant. Après avoir vécu une dépression sévère à Montréal, la vie d'Éliette reprend sens, à travers sa démarche en thérapie et lorsqu'elle décide de recommencer ses études, interrompues à 12 ans, et qu'elle s'inscrit plus tard au Cégep. Elle se lance alors dans un militantisme féministe radical, en s'exprimant par poésie et rédigeant de nombreux articles percutants dans Les Têtes de pioche, le journal des femmes qu'elle cofondait avec d'autres militantes en 1976.


Moi dès l'âge de cinq ans je tombai en amour avec les femmes. Je n'étais bien qu'avec elles, entourée de leur présence quotidienne. Je ne veux pas dire que toutes étaient bonnes, douces et parfaites… mais en comparant avec les hommes, j'ai compris très tôt qu'elles m'étaient tellement plus sympathiques et plus attirantes pour moi. Je n'ai pas été aussi spontanément attirée par les hommes, j'ai dû me forcer pour aller vers eux.

J'ai grandi avec ce goût en moi, ne sachant pas qu'il était possible de vivre de cette façon. Ce n'est pas dans ce coin perdu du Bas du Fleuve que l'on me l'apprendrait… Je me serais peut-être fait tuer, exiler ou interner si dans les années 50 j'avais osé m'affirmer comme lesbienne (je ne connaissais pas ce mot-là !). Pourtant ma première relation amoureuse fut vécue lorsque j'eus douze ans avec une semblable, une fille de 10 ans...nous ne savions pas que ce que nous faisions toutes les deux aurait été condamné si on en avait parlé, instinctivement nous nous sommes tues et ce n'est que bien plus tard que je me suis rappelée cette expérience.

Du plus loin que je me souvienne c'est avec les femmes que j'ai appris les choses les plus importantes sur la vie. Avec ma mère d'abord, ma grand-mère, mes tantes, et d'autres femmes que j'aimais beaucoup à cette époque de ma vie. Ma relation avec ma mère fut très bonne, nous nous entendions bien toutes les deux car j'étais l'aînée et nous avions besoin l'une de l'autre, face à tout ce que nous vivions à la maison : grosse famille, pauvreté, etc. Nous ne nous sommes jamais querellées et c'est pourquoi j'ai trouvé cela très difficile lorsqu'elle m'a quittée l'année dernière, je ne pouvais pas m'imaginer sa mort, et aujourd'hui au moment même où j'écris ces mots, je sens le manque, le vide dans mon ventre et dans mon cœur, elle est morte si vite, partie sans dire un mot, comme elle avait vécu sa vie. Moi je suis là, vivante, et je me suis fait la promesse de vivre à ma façon, je ne veux pas mourir à petit feu ma vie, Je n'accepterai jamais de me taire, de me sacrifier ou de me résigner comme elle a dû le faire !!!

Grand-mère me fascinait quand j'étais toute petite. Avec sa façon d'aimer tout ce qui vivait autour d'elle : humains, animaux, plantes, fleurs, elle m'a légué ce respect immense de la vie. Elle pouvait expliquer durant des heures la beauté de toute chose et de tout être vivant. Elle n'a jamais fait de mal à qui que ce soit, elle avait un sens profond de la justice qui s'est inscrit en moi pour le reste de mes jours. Elle me bouleverse grand-mère, elle m'atteint toujours en plein cœur, rien qu'à regarder ses gestes, gestes simples de chaque jour. Souvent, en la regardant travailler les larmes me montaient aux yeux, je la regardais en cachette laver la vaisselle, je ne voyais que son dos ployé par tant de travail, ce dos de femme que j'ai vu tant et tant de fois, ces gestes de femmes si souvent répétés, et dont la beauté m'émeut tellement. Ces petits gestes sauveurs, protecteurs de la vie, tendresse de femme, je n'oublierai jamais tout ce que vous m'avez apporté d'amour et de chaleur. J'ai vu ses épaules fatiguées, ses mains toutes sillonnées de petits chemins se croisant, se chevauchant, s'entrecoupant entre eux. Petits chemins de travail, creusés par l'eau, la terre, le bois, la laine filée, la nourriture préparée. De nouveau la vie protégée par grand-mère. Elle n'eut pas d'enfant grand-mère… elle en adopta trois dont l'un devint mon père. Aujourd'hui elle a 81 ans et elle vit seule, loin, très loin dans un petit village du Bas du Fleuve.

Des fois je me demande ce qu'elle dirait si elle apprenait que sa petite fille de 40 ans aime une femme… peut-être qu'elle s'en doute, car je ne lui ramène jamais d'homme lorsque je lui rends visite ! Je lui ai fait connaître quelques fois la femme que j'aimais à ce moment là, sous la couverture de l'amie avec laquelle je m'entends si bien ! Amie dont je ne pouvais me passer de sa présence même pour lui rendre visite. Elle a du se poser des questions, mais n'a jamais osé me les poser à moi. Car j'imagine que pour elle ce n'est pas pensable qu'une femme aime une autre femme. « Dans mon temps ça ne se faisait pas » qu'elle dirait. Je lui répondrais « ça s'est toujours fait grand-mère, mais vous ne le saviez pas''. Personne n'en parlait autour de vous, mais les hommes eux savaient. Savaient que ça se faisait entre eux, et entre les femmes, seulement entre eux, c'était acceptable… mais pas entre femmes.. C'était ''contre-nature''… tandis que pour eux ce n'était que ''folie de jeunesse'', plaisir de se retrouver entre hommes.

Voilà ce qui se passait grand-mère dans vot' temps, aujourd'hui aussi. Mais on vous a gardé à l'écart ! Moi j'ai eu plus de chance et j'en suis bien heureuse. Même si durant des années on m'a poussé vers les hommes, malgré que l'on m'ait conditionnée à la seule hétérosexualité, ben malgré tout cela j'ai déjoué leur plan. On m'a dépossédée de tout, de mon corps, de mes pensées, de mes désirs de femme, et pourtant je suis en train de tout récupérer. Je suis en train de me retrouver, de me réapproprier de tout ce qui fait de moi une femme, pas cet objet, pas cette marchandise qu'ils se passent de mains à mains, de corps à corps, pas ce trou servant à leur satisfaction de mâle, servant seulement à la reproduction de l'espèce !

Moi c'est un choix que je fais de ne pas me reproduire. Je pourrais, même en étant lesbienne, je pourrais… mais je ne veux pas. C'est plus qu'un choix, c'est viscéral, rien qu'à y penser d'avoir un enfant, c'est comme si on m'enlevait une partie de mon corps, une partie de moi. Je n'ai pas le temps, ni l'énergie à mettre pour le développement d'un enfant venant de moi. Je suis ma propre enfant, mon enfant unique. Je me mets au monde à chaque jour, et elle est si petite mon enfant, à peine vivante présentement, marchant avec difficulté, besoin encore de petites béquilles, enfant-fille de quarante ans. Quarante ans dans la tête, un peu dans le corps. Enfant dans tout le reste. Surface de quarante ans, raisonnements, pensées bien apprises, bien rationnelles de femmes colonisée, vieux clichés à mettre aux poubelles, vieilles leçons pas acceptables, vieux chemins tortueux où l'on m'a rendu boiteuse, c'est fini maintenant, bien fini. Enfant je suis, ai découvert au plus profond de moi en dessous des couches d'oppression, grands désirs, désirs tout neufs, pas encore vécus. Passions neuves enfouies depuis tant de temps. Désir d'une enfant pas mort complètement. Sens en moi le flamboiement rouge des désirs. Pas morts encore les feux de l'enfance. La passion de vivre, celle de découvrir, de me découvrir. Recherche de la beauté d'une être humaine, d'une enfant-fille de quarante ans, avec dans le cœur plein de choses ayant évité le massacre. Pas le temps, pas d'énergie pour mettre au monde une reproduction, une autre copie imparfaite de moi, qui à son tour refera probablement le même chemin ! Pas envie de me voir parcourir en double la route pleine d'ornières, vieille route millénaire avec quelques cahots en moins… pas intéressée vraiment pas. Je reprends mes petites béquilles, vais faire un autre bout de route avec. Vais les lâcher bientôt, au détour… vais les déposer sous une couche de mousse et de feuilles mortes. Debout enfin sur mes deux jambes, continuerai mon trajet vers une plus-être-femme, nantie d'une enfance à vivre pour le restant de mes jours.

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Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Le Québec a-t-il besoin du projet de loi 89 du ministre Boulet ?

25 février, par Yvan Perrier — , ,
L'annonce récente du ministre du Travail - le caquiste Jean Boulet - de faire adopter par les députéEs de l'Assemblée nationale le projet de loi 89 en vue de rendre plus (…)

L'annonce récente du ministre du Travail - le caquiste Jean Boulet - de faire adopter par les députéEs de l'Assemblée nationale le projet de loi 89 en vue de rendre plus difficile l'exercice du droit de grève dans certains secteurs de l'activité économique (éducation, municipalités et certaines entreprises privées) est une très mauvaise idée. Elle survient, en plus, quelques semaines après l'annonce de la fermeture de sept entrepôts – dont un syndiqué- d'Amazon au Québec. La question se pose, sur quel enjeu le gouvernement du Québec devrait-il ou doit-il légiférer ? Sous-question : Le droit de négociation accessible à toutes et tous ou restreindre l'exercice du droit de grève ?

Alors que c'est, selon nous, au sujet du droit de se syndiquer - et de négocier les rapports collectifs de travail - que devrait s'intéresser le ministre Boulet, voilà plutôt que c'est l'exact opposé qu'il propose.

Nous vivons dans une société capitaliste au sein de laquelle le travail est réputé libre. Les droits du travail - droit d'association, droit de négociation et droit de grève - ne peuvent s'exercer que collectivement dans une entreprise de deux employéEs et plus. Pour le moment, il y a environ 40% de la main-d'œuvre salariée qui est syndiquée. C'est donc la majorité des travailleuses et des travailleurs qui se retrouve dans une situation vulnérable devant un employeur qui dispose d'un pouvoir de fixer arbitrairement leurs conditions de travail (horaire, promotion, période de vacances annuelles, etc.) et de déterminer unilatéralement leur rémunération et leur augmentation annuelle.

Il n'est plus à démontrer que certains employeurs n'ont pas hésité - et n'hésitent toujours pas apparemment - à fermer leurs portes dès qu'ils entendent parler de syndicalisation ou qu'une requête en accréditation syndicale est déposée à la Commission de relations du travail. Amazon s'ajoute à la triste liste de ces autres entreprises (Mc Donald, Target, Wall Mart) qui réalisent annuellement des profits milliardaires et qui se contentent ou se limitent à offrir à leurs employéEs des conditions de travail qui dépassent à peine ce qui est prévu par la Loi des normes minimales de travail et la Loi du salaire minimum.

Le gouvernement affairiste de la CAQ de François Legault semble n'avoir aucune envie à doter le Québec d'une législation musclée en vue de permettre l'exercice des droits constitutionnels en lien avec le travail. Que 60% environ de la main-d'œuvre salariée se retrouve comme des billes dans les mains d'un joueur - et ici il est question d'une main-d'oeuvre majoritairement féminine oeuvrant dans le secteur des services-, cela ne l'affecte pas une miette. Que son gouvernement décide de ne pas légiférer en vue de rendre effectifs le droit à la syndicalisation, le droit à la négociation et le droit d'aller en grève, cela nous en dit beaucoup sur l'idéologie qui habite son équipe ministérielle et sa députation : l'idéologie néolibérale qui a, entre autres choses, comme objectif l'affaiblissement des droits syndicaux.

Le projet de loi 89 vise supposément « à considérer davantage les besoins de la population » en cas de grève ou de lockout. Que cela est dit avec un vocabulaire débordant d'euphémismes à nous faire dormir debout. Il y a dans ce projet de loi une remise en cause frontale du droit de grève. L'offre minimale de services – ou de prestations de travail - à offrir en cas de conflit vise indiscutablement à atténuer l'impact d'un arrêt de travail. Le rapport de force qui va en découler sera nécessairement à l'avantage de l'employeur, car l'interruption de son service ne sera que partielle et non totale.

Et dire qu'il fut un temps où le droit de grève n'était nullement encadré par la loi au Canada et au Québec. Et dire qu'il fut un temps également où c'était via une loi spéciale de retour au travail que le gouvernement pouvait mettre un terme à l'exercice du droit de grève. Et dire encore qu'il fut un temps où c'était le droit de grève, selon le gouvernement du Québec lui-même, qui nous distinguait d'une société totalitaire.

«

En raison des expériences passées, il pourrait être facile de proposer quelques restrictions au droit de grève des syndiqués du secteur public. Il nous faut éviter de tomber dans ce piège qui ne règlerait (sic) rien dans les faits. Au contraire, nous nous proposons de reconnaître le maintien du droit de grève à titre d'expression de l'une de nos libertés démocratiques les plus chères et qui nous distingue des sociétés totalitaires ». Gouvernement du Québec. Ministère du Conseil exécutif. 1977. 1 Le travail, point de vue sur notre réalité. Québec : Secrétariat des conférences socio-économiques, p. 14-15.

Le Québec n'a aucunement besoin d'un projet de loi équivalent à l'article 107 du Code canadien du travail[1].

La main-d'œuvre non syndiquée, qui est à la fois vulnérable face à son employeur et qui vit dans la précarité, devrait être assurée de pouvoir profiter et jouir pleinement de ses droits constitutionnels.

Les centrales syndicales ont raison de dénoncer la contre-réforme Boulet.

Que vaut un droit constitutionnel qui ne peut pas être exercé ?

Poser la question c'est y répondre.

Yvan Perrier

24 février 2025

15h45

Ce qu'est un service essentiel selon le Comité de la liberté syndicale (CLS) du Bureau international du travail

Au fil des ans, le CLS a précisé ce qu'il entend par « services essentiels ». « Peuvent être ainsi considérés comme services essentiels : la police, les forces armées, les services de lutte contre l'incendie, les services pénitentiaires, le secteur hospitalier, les services d'électricité, les services d'approvisionnement en eau, les services téléphoniques, le contrôle du trafic aérien et la fourniture d'aliments pour les élèves en âge scolaire [...]. Toutefois, dans les services essentiels, certaines catégories d'employés, par exemple les ouvriers et les jardiniers des hôpitaux, ne devraient pas être privés du droit de grève (...) En revanche, le comité considère au contraire, de façon générale, que ne sont pas des services essentiels au sens strict : la radiotélévision, les installations pétrolières, les banques, les ports (docks), les transports en général, les pilotes de ligne, le transport et la distribution de combustibles, le service de ramassage des ordures ménagères, l'Office de la monnaie, les services des imprimeries de l'État, les monopoles d'État des alcools, du sel et du tabac, l'enseignement et les services postaux. Le service de ramassage des ordures ménagères est un cas limite et peut devenir essentiel si la grève qui l'affecte dépasse une certaine durée ou prend une certaine ampleur » dans Bernard GERNIGON, « Relations de travail dans le secteur public : Document de travail no2 », (2007), Genève, Bureau international du travail, 22-23.

[1] On se rappellera que c'est en vertu de l'article 107 du Code canadien du travail que le ministre fédéral du Travail est intervenu l'année dernière dans conflits au port de Montréal et à Postes Canada. Le ministre a référé le différend au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) en vue d'un arbitrage exécutoire, ce qui a eu pour effet de suspendre, dans un cas, le lock-out et d'interrompre, dans l'autre cas, la grève en cours et ce jusqu'à ce que le conflit soit réglé.

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Syndicat des Travailleuses et Travailleurs d’Amazon Laval (STTAL) et la campagne citoyenne ’Ici, on boycotte Amazon’

25 février, par Syndicat des Travailleuses et Travailleurs d'Amazon Laval (STTAL-CSN) — , ,
Québec, 20 février 2025 - Les travailleurs d'Amazon qui s'étaient rendu à Québec aujourd'hui, accompagnés de militants de la campagne citoyenne 'Ici, on boycotte Amazon', ont (…)

Québec, 20 février 2025 - Les travailleurs d'Amazon qui s'étaient rendu à Québec aujourd'hui, accompagnés de militants de la campagne citoyenne 'Ici, on boycotte Amazon', ont finalement obtenu une rencontre avec le ministre du Travail après avoir passé une vingtaine de minutes à manifester à l'intérieur du congrès de la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec, au Château Frontenac. Celui-ci a démontré une ouverture superficielle à leur demandes, tout en refusant de prendre des mesures politiques contre la multinationale.

Jean Boulet a refusé de se positionner publiquement, arguant que le syndicat devait faire valoir ses demandes devant les tribunaux. Toutefois, cela pourrait prendre des années, et les travailleurs exigent justice maintenant.

Le syndicat et 'Ici, on boycotte Amazon' tiennent à rappeler que le pouvoir exécutif peut prendre des mesures pour sanctionner des entreprises. C'est la même chose pour l'assemblée nationale, qui pourrait faire passer une loi spéciale visant Amazon, ou interdisant ses pratiques à l'ensemble des entreprises.

La campagne citoyenne 'Ici, on boycotte Amazon' et le STTAL considèrent cette réponse comme un refus de prendre ses responsabilités de défendre la population du Québec.

CITATIONS :

"Nous avons demandé au ministre un engagement politique clair, mais de toute évidence, il refuse de prendre position pour les travailleurs, comme Legault l'avait fait lors de l'annonce de la fermeture. En restant dans ce flou prétendument neutre, il prend en pratique position pour les multinationales. Nous allons continuer nos efforts pour faire reconnaître nos droits et pour obtenir des sanctions contre Amazon." - Félix Trudeau, président du Syndicat des travailleuses et travailleurs
d'Amazon Laval (STTAL)

"Nous avons rencontré le ministre Boulet et nous lui avons dit que l'État québécois se doit d'agir face au mépris d'Amazon et à son non-respect des lois du Québec. Mais pour lui, ce n'est pas un enjeu dans lequel le gouvernement devrait intervenir. Il pense que les tribunaux sont le seul moyen de faire respecter les lois du Québec et la population, alors qu'il a les pouvoirs pour faire plus, dès maintenant ! On est vraiment déçus de son attitude." - André-Philippe Doré, co-porte-parole de la campagne citoyenne 'Ici, on boycotte Amazon'

*À propos du Syndicat des Travailleuses et Travailleurs d'Amazon Laval (STTAL)* : Le STTAL regroupe les travailleurs et travailleuses de l'entrepôt DXT4 d'Amazon, à Laval. Il a été fondé en mai 2024. Il est le premier syndicat de la multinationale au Canada.

*À propos de la campagne ‘Ici, on boycotte Amazon'* : ‘Ici, on boycotte Amazon' est une campagne citoyenne créée en réaction à la fermeture des entrepôts d'Amazon au Québec. La campagne s'est alliée au STTAL afin de réclamer justice pour la population du Québec, dont les droits fondamentaux ont été bafoués.

Pour obtenir des images des travailleurs à Québec :
https://www.facebook.com/people/Syndicat-dAmazon-Laval-CSN/61572512136658/

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Projet de loi no 89 ; Un projet de loi inutile qui cache le bilan catastrophique du gouvernement de Francois Legault

25 février, par Fédération des Travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ) — , ,
La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) réagit avec colère au projet de loi du ministre du Travail, Jean Boulet, qui en voulant limiter la durée des (…)

La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) réagit avec colère au projet de loi du ministre du Travail, Jean Boulet, qui en voulant limiter la durée des conflits, s'attaque clairement au droit de grève des travailleurs et travailleuses pourtant protégé par la Charte canadienne des droits et libertés de la personne et la Constitution canadienne. Les contrats de travail sont négociés et entérinés ou rejetés par les travailleurs et travailleuses, ce n'est pas le rôle des gouvernements de baliser dans un calendrier la durée des conflits potentiels. D'ailleurs, est-il besoin de rappeler que plus de 95 % des négociations se règlent par des ententes entre employeurs et syndicats ? Où est l'urgence ?

« Il est ironique de lire le titre que porte ce projet de loi : Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out. C'est ça qui va régler les vrais problèmes du Québec comme le coût de la vie, la crise du logement, le panier d'épicerie qui coûte de plus en plus cher, des familles de travailleurs et travailleuses qui doivent faire appel aux banques alimentaires pour se nourrir et des menaces tarifaires ? Voyons donc ! On a encore une preuve d'un gouvernement complètement déconnecté qui se cherche des boucs émissaires pour masquer un bilan désastreux. Tout ce que trouve à faire le gouvernement de la CAQ c'est d'inventer un problème qui n'existe pas », soutient la présidente de la FTQ, Magali Picard

Duplessis serait fier du gouvernement de François Legault ! Brimer les droits des travailleurs et travailleuses c'était la spécialité de l'Union nationale de l'époque. Après les chèques-cadeaux pour se faire élire, voici que ce gouvernement est en train de recycler ce qu'il y avait de plus détestable de l'Union nationale. C'est un retour à l'époque de la Grande Noirceur que nous propose le gouvernement de la CAQ. Ce n'est pas ça un projet de société », déclare Magali Picard.

« Invoquer le bien-être de la population est un argument fallacieux. Oui, les grèves, ça dérange, mais lorsque les travailleurs et travailleuses choisissent ce moyen de pression, c'est pour améliorer leurs conditions de travail, les services à la population, pour cesser de s'appauvrir. Ce que veut faire le ministre c'est d'aider les employeurs à négocier de plus bas salaires et de moins bonnes conditions de travail. Ce gouvernement est complètement déconnecté de la population », ajoute la présidente.

Les gouvernements ont déjà tout ce qu'il faut pour baliser le droit de grève. « La Loi sur les services essentiels est on ne peut plus claire ; les services essentiels sont ceux dont l'interruption peut avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique, pas pour faire plaisir au patronat. Le ministre Boulet doit retirer son projet de loi qui brime le droit à la libre négociation protégé par la Constitution canadienne », conclut la présidente.

Comme à son habitude, la FTQ compte bien participer aux consultations parlementaires afin de défendre le droit des travailleurs et travailleuses du Québec.

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Le privé est tout, sauf santé !

25 février, par Coalition Solidarité Santé — , , ,
« La très grande majorité de la population tient au réseau public de santé et des services sociaux et nous devons dès maintenant travailler à la consolidation de ce joyau. Il (…)

« La très grande majorité de la population tient au réseau public de santé et des services sociaux et nous devons dès maintenant travailler à la consolidation de ce joyau. Il est également capital de respecter le rôle distinct du secteur communautaire et de reconnaître sa contribution sociale. » — Sophie Verdon, coordonnatrice à la Coalition solidarité-santé.

Depuis plusieurs mois, des dizaines d'organisations issues des milieux communautaire autonome, de défense des droits de la personne, syndical et médical dénoncent la place grandissante du privé dans le réseau de la santé et des services sociaux québécois. Au-delà des nombreuses promesses faites par les gouvernements successifs, des faits alarmants persistent : augmentation des délais d'attente, précarisation des organismes communautaires, centralisation excessive, etc. Du même souffle, on assiste à une augmentation de la place occupée par le secteur privé à but lucratif.

C'est dans cet esprit que des centaines de personnes des quatre coins du Québec se sont donné rendez-vous les 21 et 22 février derniers au Collège de Maisonneuve à Montréal. À l'agenda ? Une quinzaine de conférencier-ière-s du Québec, du Canada et de l'international réuni-e-s pour parler de privatisation, pour s'inspirer des expériences d'ailleurs et proposer des leviers possibles pour faire barrière à cette privatisation galopante. « Nous n'allons pas rester les bras croisés devant la dérive du réseau de la santé public. Nous refusons d'abdiquer. Nous sommes déterminé-e-s, ensemble, à faire obstruction à cette nouvelle offensive de privatisation incluse dans le plan santé caquiste. Nous croyons profondément que le bien commun de la population passe par un accès universel aux soins et aux services dont elle a besoin, sans égard à l'épaisseur de son portefeuille », de déclarer Sophie Verdon, coordonnatrice à la Coalition solidarité-santé et porte-parole de l'ensemble des organisations présentes à l'événement.

L'apport inestimable des organisations communautaires

Au terme de ces deux jours riches en présentations et en discussions, les organisations présentes ont scellé l'événement par la lecture d'une déclaration commune visant à réaffirmer leur volonté de faire un contrepoids au plan santé du gouvernement de François Legault. Cette déclaration a déjà été signée par plus de 300 organisations provenant des quatre coins du Québec. « La très grande majorité de la population tient au réseau public de santé et des services sociaux et nous devons dès maintenant travailler à la consolidation de ce joyau. Il est également capital de respecter le rôle distinct du secteur communautaire et de reconnaître sa contribution sociale. Tous ces organismes ont une fonction cruciale sur les déterminants de la santé et ainsi, sur l'état de santé générale de la population. Leur apport est immense ! », d'ajouter madame Verdon.

Le grand rendez-vous qui vient de se conclure s'inscrit dans une série d'actions déjà en marche depuis quelques mois. Ce mouvement large de contestation continuera de se faire entendre au cours des prochains mois. D'ailleurs, la Coalition Solidarité-Santé et de nombreux partenaires préparent une semaine nationale d'actions régionales du 31 mars au 5 avril 2025. Au cœur des réflexions de cette mobilisation importante : bâtir un mouvement citoyen capable de s'opposer à la privatisation et ainsi, mieux protéger le réseau de santé et des services sociaux publics. « Les Québécoises et Québécois méritent mieux ! Ils et elles méritent un vrai réseau public, accessible sur tout le territoire et qui offre des soins et des services de qualité », de conclure madame Verdon.

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Notre culture mérite mieux que d’être fauchée

25 février, par Front commun pour les arts — , ,
Réunis en conférence de presse le 29 janvier, les membres du Front commun pour les arts ont rendu publiques les conclusions de leur mémoire prébudgétaire et présenté les (…)

Réunis en conférence de presse le 29 janvier, les membres du Front commun pour les arts ont rendu publiques les conclusions de leur mémoire prébudgétaire et présenté les conséquences que subiront les artistes et les organisations en arts si leurs demandes financières ne sont pas satisfaites par le gouvernement du Québec.

dévitalisation de notre écosystème : suspension de projets et d'activités de développement des publics, diminution du soutien aux artistes de la relève, diminution du rayonnement international de notre culture ;

diminution de l'offre aux citoyens : moins de spectacles et d'expositions, augmentation des coûts de billets, moins de tournées produites donc des régions du Québec moins bien desservies en matière d'offres culturelles ;

dégradation des conditions de travail pour des milliers d'artistes (déjà en situation précaire) et de travailleurs culturels.

Le 12 mars 2024, lors de la présentation du budget provincial, le ministre de la Culture et des Communications du Québec annonçait que le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) ne disposerait que d'un budget de 160,46 M$ pour l'année 2024-2025. Une partie de ces fonds provient de crédits temporaires, ce qui affaiblit la capacité du CALQ à remplir adéquatement sa mission première. C'est moins d'argent qu'au dernier exercice, en pleine surchauffe de l'inflation et d'explosion des coûts. C'est surtout moins que ce que le milieu culturel évaluait comme un seuil minimal viable pour les prochaines années.

Aujourd'hui, 17 organisations culturelles se mobilisent au sein du Front commun pour les arts pour dire aux instances gouvernementales : C'est assez ! Notre culture mérite mieux que d'être fauchée.

La dévitalisation de la culture québécoise a de réelles conséquences sur notre société : des institutions fermeront, des formes d'art s'éteindront, des traditions se perdront et des emplois issus de divers secteurs économiques seront abolis.

Les 170 000 artistes, travailleurs et travailleuses du milieu des arts ont besoin d'engagements récurrents et pérennes de la part du gouvernement pour permettre à la culture de survivre. Il est temps que le secteur culturel soit reconnu comme un secteur économique essentiel et profitable à l'ensemble de la société québécoise.

Ce que nous demandons

Porter à 200 millions $ les crédits permanents du CALQ dès la prochaine année financière ;

Viser la consolidation des budgets du CALQ en rendant l'ensemble de ses crédits permanents ;

Systématiser l'indexation des programmes du CALQ ;

Faire de la culture d'ici une véritable priorité gouvernementale dotée d'une vision à long terme pour les milliers d'artistes et travailleurs culturels du secteur.

Vous voulez vous joindre au mouvement ? Affirmez votre appui aux demandes du Front commun pour les arts en partageant sur vos réseaux sociaux le matériel de la campagne.

Utilisez le #frontcommunpourlesarts #LaCultureMeriteMieux pour manifester votre engagement !

Le Front commun pour les arts est un regroupement d'organismes volontaires unis devant la crise dont le principal objectif est de sensibiliser le gouvernement à l'urgence d'agir.

Le Front commun pour les arts regroupe :

Association des galeries d'art contemporain (AGAC)
Association des cinémas parallèles du Québec (ACPQ)
Association professionnelle de diffuseurs de spectacles - RIDEAU
Conseil des métiers d'art du Québec (CMAQ)
Conseil québécois de la musique (CQM)
Conseil québécois du théâtre (CQT)
DOC Québec En Piste, Regroupement national des arts du cirque
Fédération nationale des communications et de la culture (FNCC-CSN)
Guilde des musiciens et musiciennes du Québec (GMMQ)
Regroupement de pairs des arts indépendants de recherche et d'expérimentation (REPAIRE)
Regroupement des arts de rue (RAR)
Regroupement des artistes en arts visuels (RAAV)
Regroupement des centres d'artistes autogérés du Québec (RCAAQ)
Regroupement du conte du Québec
Regroupement québécois de la danse (RQD)
Réseau Culture 360o (CRC)
Société de développement des périodiques culturels québécois (SODEP)
Société des musées du Québec (SMQ)
Union des artistes (UDA)
Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ)

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Lettre ouverte des 15 conseils régionaux de la culture du Québec : Notre culture a besoin d’être protégée

25 février, par Réseau Culture 360° — , ,
Les 15 conseil régionaux de la culture interpellent le premier ministre François Legault. Notre culture a besoin d'être protégée et nous croyons fermement que c'est notre (…)

Les 15 conseil régionaux de la culture interpellent le premier ministre François Legault. Notre culture a besoin d'être protégée et nous croyons fermement que c'est notre devoir comme nation de la préserver. Comme nous en faisons état dans notre mémoire Cinq priorités pour soutenir la vitalité de la culture dans l'ensemble des régions du Québec, il est impératif de ramener les investissements de l'État en culture au niveau pandémique. Les musées doivent être correctement financés partout sur le territoire. Il est essentiel pour la vitalité de la société québécoise de soutenir dignement nos créateur·trices et nos artisan·es.

Monsieur le Premier Ministre,

D'emblée, disons-le clairement : le secteur culturel et artistique de toutes les régions du Québec vit présentement une crise majeure et la vitalité de la culture québécoise est en péril. C'est à titre d'intervenant·es de première ligne et partenaires du gouvernement du Québec pour le soutien au milieu culturel depuis plus de 40 ans que nous faisons ce sombre constat. Au cours des dernières semaines, les mauvaises nouvelles se sont succédé à un rythme effarant. Nos organismes annoncent les uns après les autres des fermetures, la réduction radicale de leur programmation et des suppressions de postes. Ce triste tableau n'est malheureusement que la pointe de l'iceberg d'un phénomène que nous voyons arriver depuis plusieurs mois. Force est de constater que dans les conditions actuelles, maintenir l'accès des Québécois·es à une offre culturelle aussi riche et diversifiée est quasi impossible.

Comment en sommes-nous arrivé·es là ? Notre milieu est soumis à des pressions sans précédent. La transformation numérique, l'outrageuse domination des géants du web et l'effritement des médias font en sorte que notre vie culturelle est de moins en moins visible. Les publics, à la sortie de la pandémie, ont changé leurs habitudes et ne sont pas pleinement revenus dans nos lieux de culture. Avec l'inflation et la pénurie de main-d'œuvre, le secteur a vu ses coûts de production exploser d'en moyenne 30 %.

Mais encore ? Dans le dernier budget, votre gouvernement a diminué de manière importante son soutien au secteur culturel. Ce recul diminue la viabilité de notre milieu. Ces décisions font très mal aujourd'hui. Une forte proportion des organismes soutenus par le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) doit évoluer avec un budget non indexé depuis sept ans. Ce sont 120 entreprises culturelles qui n'ont plus de soutien de la part de la SODEC. Le ministère de la Culture et des Communications a été contraint de réduire l'accès gratuit aux musées. Certains indicateurs nous laissent croire qu'il pourrait y avoir d'autres compressions à l'échelle régionale.

Comme si ce n'était pas suffisant, il y a maintenant un rouleau compresseur à nos portes qui est en train d'occulter la culture québécoise. Les perturbations économiques qui se dessinent avec l'imposition des tarifs douaniers des États-Unis nous laissent craindre le pire. Avec l'inflation et les pertes d'emplois qui pointent à l'horizon, nos concitoyen·nes seront confronté·es à des choix difficiles alors que le « dollar-loisir » sera en compétition directe avec celui des premières nécessités.

Les conseils régionaux de la culture ont joué un rôle capital dans le développement et l'affirmation de notre culture partout au Québec. Nos organismes, comme bien d'autres, sont à la croisée des chemins. Si rien ne change, avec un financement qui stagne depuis nombre d'années, nous devrons diminuer notre offre de services alors que le milieu en a besoin comme jamais.

En somme, toutes les conditions sont réunies pour une tempête parfaite et notre vie culturelle n'en sortira pas indemne.

Que faire maintenant ? Notre culture a besoin d'être protégée et nous croyons fermement que c'est notre devoir comme nation de la préserver. Comme nous en faisons état dans notre mémoire Cinq priorités pour soutenir la vitalité de la culture dans l'ensemble des régions du Québec, il est impératif de ramener les investissements de l'État en culture au niveau pandémique. Les musées doivent être correctement financés partout sur le territoire. Il est essentiel pour la vitalité de la société québécoise de soutenir dignement nos créateur·trices et nos artisan·es.

Enfin, nous croyons que votre gouvernement devrait maintenir la capacité d'action des conseils régionaux de la culture afin d'aider le milieu à faire face aux nombreuses perturbations qui l'assaillent et s'assurer que l'ensemble des citoyen·nes partagent une culture commune.

Nous comprenons la situation financière dans laquelle se trouve le Québec. Mais faut-il pour autant abandonner notre culture ? Les maigres économies à faire dans le budget de la culture justifient-elles de mettre en dormance ce qui nous distingue comme peuple ? Il y a une seule personne au Québec qui peut freiner ce déclin et c'est vous, Monsieur Legault. Nous ne baisserons jamais les bras, mais nous avons besoin de vous.

Emmanuelle Hébert, co-présidente du Réseau Culture 360° et directrice générale de Culture Montréal

Julie Martineau, co-présidente du Réseau Culture 360° et directrice générale de Culture Outaouais

Louis-Eric Gagnon, président du Conseil de la culture de l'Abitibi-Témiscamingue

Sylvie Luce Bergeron, présidente du Conseil de la culture de l'Estrie

Véronique Drouin, présidente de Culture Bas-Saint-Laurent

Cassandre Lambert-Pellerin, présidente de Culture Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches

Véronique Pepin, présidente de Culture Centre-du-Québec

Pia Di Lalla, présidente de Culture Côte-Nord

Elsa Pépin, présidente de Culture Gaspésie

Claude de Grandpré, président de Culture Lanaudière

Alexandre Gélinas, président de Culture Laurentides

Christine Huard, présidente de Culture Laval

Sandie Letendre, présidente de Culture Mauricie

Karine Landerman, présidente de Culture Montérégie

Moridja Kitenge-Banza, président de Culture Montréal

Clara Lagacé et Louis-Antoine Blanchette, co-présidents de Culture Outaouais

Michelle Tremblay, présidente de Culture Saguenay—Lac-Saint-Jean

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Pétition : maintien de la gratuité universelle les premiers dimanches du mois

25 février, par Société des musées du Québec — , ,
Les 27 janvier dernier, le ministère de la Culture et des Communications a annoncé la fin de la gratuité universelle dans les musées les premiers dimanches du mois. La Société (…)

Les 27 janvier dernier, le ministère de la Culture et des Communications a annoncé la fin de la gratuité universelle dans les musées les premiers dimanches du mois. La Société des musées du Québec, défavorable aux restrictions appliquées à cette mesure – qui serait désormais limitée au 19 ans et moins -, s'est rapidement mobilisée pour tenter de sauver une mesure historique qui, dans sa forme d'origine, était très favorable à la diversification et l'élargissement des publics dans les musées.

La SMQ a tout d'abord sondé, parmi ses membres, les 103 musées participants aux premiers dimanches gratuits pour évaluer l'impact de la mesure ainsi revisitée. Le comité politique a sollicité une rencontre avec la sous-ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Verge, pour lui faire part des conséquences en termes financiers pour les établissements et en termes de démocratisation de la culture pour le public, que constituent la revisite de la mesure. Un deuxième échange avec le Ministère quelques jours plus tard nous a laissé comprendre qu'une remise en cause de cette réforme était peu probable et nous avons alors invité les 103 musées participants à poursuivre la mobilisation en plaidant la cause auprès de leur député de circonscription.

En l'absence d'avancée dans ce dossier, la SMQ invite désormais ses membres à se mobiliser plus largement autour d'une pétition initiée par les musées de Sherbrooke en faveur d'un maintien de la gratuité pour les visiteurs et visiteuses de tous âges dans les musées participants les premiers dimanches du mois. La SMQ invite également les organisations et acteur.trice.s du secteur culturel à ajouter leurs signatures, au nom de valeurs communes et du bénéfice collectif que représente l'accès à la culture du plus grand nombre. Les signatures sont attendues avant le 17 mars 2025.

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Tonine (1929-2025)

25 février, par Pierre Jasmin — , ,
Consciente de la force de son œuvre consacrée par trente-et-un doctorats honorifiques à travers le monde et l'obtention pour Pélagie-la-Charette d'un prix Goncourt (1979), (…)

Consciente de la force de son œuvre consacrée par trente-et-un doctorats honorifiques à travers le monde et l'obtention pour Pélagie-la-Charette d'un prix Goncourt (1979), première non-européenne et toujours seulE CanadiennE à l'avoir reçu, Antonine s'était engagée.

L'auteur est secrétaire général des Artistes pour la Paix

1- d'abord pour l'Acadie et son histoire tragiquement marquée par la déportation qui a engendré entre autres le conte Évangéline de Longfellow chanté par Marie-Jo Thériô, mais surtout portée par l'immense fierté de sa culture, musicale folklorique avec Salebarbes, Édith Butler, Lisa Leblanc, Angèle Arseneault, Ginette Ahier etc., et les contes, pièces de théâtre et livres au particularisme langagier hérité de Rabelais (sujet de son doctorat à l'Université Laval, après deux ans de recherches à Paris). Rabelais l'a influencée aussi pour l'insolence sympathique qu'elle adresse, comme lui, tout au long de sa vie aux politiciens, principalement par son œuvre immortelle la Sagouine, une femme de ménage qui a plus de jugeotte que ceux qui se croient maîtres du monde, interprétée par Viola Léger ; elle lui refile respectueusement la demande en l'an 2000 de Jean Chrétien de la voir accéder au Sénat canadien, après qu'elle-même ait reçu en 1976 la distinction d'Officière de l'Ordre du Canada puis Compagnon en 1981.

Il y a un village de la Sagouine à Bouctouche, qui reçoit principalement du Québec la visite de 80 à 90 mille visiteurs annuels. L'Université de Moncton, qu'on espère comme notre ami l'ex-maire d'Amqui changer ce nom infâme par Université de l'Acadie, a pieusement annoncé mettre ses drapeaux en berne pendant les dix prochains jours ;

2- ensuite pour la démilitarisation du Canada conformément aux désirs de l'ONU (UNIDIR), en acceptant en 1988 de succéder à Jean-Louis Roux comme présidente des Artistes pour la Paix (à sa demande expresse, je lui succéderai en 1990, quelques jours à peine avant qu'éclate la résistance mohawk de Kanesatakeh, objet d'un film à l'ONF par une cinéaste-membre de notre C.A. d'alors, Alanis Obomsawin).

En 1989, elle avait sagement identifié, comme élément principal de notre engagement collectif, la lutte menée jusqu'en deux réceptions de la Gouverneure générale Jeanne Sauvé auprès du Premier ministre Bryan Mulroney contre l'achat onéreux et polluant de sous-marins nucléaires voulu par le Secrétaire général de l'OTAN militariste, Manfred Wörner. On était à moins d'un an de la chute du mur de Berlin. Son successeur Willy Claes d'origine belge devra démissionner de son poste après avoir été mis en cause dans l'affaire de corruption relative à l'achat d'hélicoptères EH-101 italiens Agusta (avec obusiers anti-sous-marins) projeté par madame Campbell : il sera condamné en 1998 à trois ans de prison avec sursis et interdiction pour cinq ans d'exercice d'une fonction publique, tandis que le Parti conservateur perdra ses élections avec deux députés survivants à leur déconfiture électorale sans précédent, dont Jean Charest !

Je suis allé quelquefois porter des documents à sa résidence à Outremont de la rue Antonine-Maillet, une incongruité qui l'amusait beaucoup, comme en fait foi la superbe entrevue livrée récemment en partie sur « sa » rue à André Robitaille. Elle y avait vécu un quart de siècle, libre et heureuse avec son amoureuse Mercedes Palomino avec qui elle a bâti l'institution du Théâtre du Rideau-Vert.

Son grand roman-récit que je lui avais déclaré « sous-évalué » par la critique, m'en indignant, Madame Perfecta, montrait avec sensibilité un autre exemple de ces heurts de classes bourgeoise et ouvrière, à l'origine de la presqu'entièreté de son œuvre, heurts aggravés par la condition immigrante de cette autre femme de ménage.

Comptes rendus de lecture du mardi 25 février 2025

25 février, par Bruno Marquis — , ,
Jacaranda Gaël Faye J'appréhendais quelque peu la lecture de ce récent prix Renaudot. J'ai toutefois été ravi de la délicatesse et de l'humanité avec lesquelles l'auteur y (…)


Jacaranda
Gaël Faye

J'appréhendais quelque peu la lecture de ce récent prix Renaudot. J'ai toutefois été ravi de la délicatesse et de l'humanité avec lesquelles l'auteur y aborde l'histoire du Rwanda à travers quatre générations de personnages, avec ses pénibles événements et ses zones d'ombre. Milan vit en France avec ses parents, dont la mère est d'origine rwandaise. Un jour, arrive chez lui un petit garçon chétif au regard apeuré, avec un épais pansement sur la tête. Il se nomme Claude et arrive du Rwanda. Sa mère essaie de le rassurer en s'adressant à lui en kinyarwanda…

Extrait :

Afin de démontrer scientifiquement leur théorie, des scientifiques belges utilisèrent toutes sortes d'instruments de mesure, comme des craniomètres ou des compas anthropométriques, pour mesurer les nez, les fronts, les oreilles, les bras, les tibias, les mâchoires et déduire de ces observations sur l'apparence physique la nature profonde et le caractère de chaque Rwandais et de son groupe supposé. Ainsi, ils décrétèrent que ceux qui étaient grands et minces étaient des Tutsi et ceux qui étaient petits et trapus étaient des Hutu. Que les Tutsi étaient fourbes et raffinés et les Hutu timides et paresseux.

Banque mondiale - Une histoire critique
Éric Toussaint

Nous sommes nombreux à nous être laissés mystifier par la Banque mondiale au cours des années. Cette institution financière créée en décembre 1945 avec le Fonds monétaire international, à la suite des accords de Bretton Woods, a-t-elle en effet jamais cherché à combattre la pauvreté dans le monde comme elle l'a longtemps laissé croire ? C'est bien évidemment le contraire. Comme l'illustre cet imposant essai fort bien documenté, elle aura bien plutôt propulsé de nombreux pays dans un cycle d'endettements et de pauvreté dont ils ne voient plus l'heure de sortir. Et ce sont les populations les plus pauvres du monde qui en font les frais, avec l'environnement, cette détestable institution financière presque entièrement contrôlée par les États-Unis étant essentiellement - sinon entièrement - au service des pays riches et des multinationales. Un livre à lire pour tous ceux qui veulent continuer à agir dans notre combat contre la pauvreté dans le monde, sans se laisser berner, de façon éclairée...

Extrait :

Ils piétinent la souveraineté des États en violation flagrante du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes du fait notamment des conditionnalités qu'ils imposent. Ces conditionnalités appauvrissent la population, accroissent les inégalités, livrent les pays aux transnationales et modifient les législations des États (réforme en profondeur du Code du travail, des Codes miniers, forestiers, abrogation des conventions collectives, etc.) dans un sens favorable aux créanciers et « investisseurs » étrangers.

Les radicaux libres
Jean-François Nadeau

Les chroniques de Jean-François Nadeau dans le Devoir sont toujours agréables à lire. Il nous y fait découvrir la petite et la grande histoire d'ici et d'ailleurs dans un style particulier qui nous amène rapidement d'une anecdote à une autre et d'une idée à une autre. Nadeau est aussi l'un des chroniqueurs les plus progressistes de nos quotidiens. « Les radicaux libres », qui emprunte son titre à l'une de ses chroniques, compte une foule de textes de quatre à cinq pages fort instructifs et drôlement divertissants. C'est un recueil qui se savoure à petites doses, à trois ou quatre chroniques par jour.

Extrait :

En 1521, le clergé espagnol déclare une guerre aux livres précolombiens. Une croix dans une main, une torche dans l'autre, les catholiques les brûlent tous sur leur passage, depuis la côte de Tulum jusqu'au coeur du continent. L'évêque de Mexico, Juan de Zumárraga, se montre fier de brûler quant à lui ce que les troupes de Cortés ont pu oublier quelques années plus tôt. De triste mémoire, on se souvient notamment de Zumárraga pour avoir fait apporter sur une place du marché à Tlaltelolco les livres de la bibliothèque de la capitale de l'Anáhuac jusqu'à former là un Himalaya de papier. Des moines, armés de torches, y mettent alors le feu. On célèbre les cendres.

Germinal
Émile Zola

Chez nous, quand nous étions adolescents, c'est mon frère Paul et moi qui aimions Zola. Ma sœur Jacinthe, c'était plutôt Balzac. Ce grand classique est le plus connu des romans de Zola et certainement le principal roman du syndicalisme. Étienne Lanthier, nouveau aux mines de Montsou, y pousse les mineurs à la grève après la décision de l'employeur de baisser les salaires. S'ensuit une grève longue et pénible et des événements tragiques. « Germinal » est l'un des plus beaux romans qu'il m'ait été donné de lire.

Extrait :

Vous avez beau crier contre les riches, le courage vous manque de rendre aux pauvres l'argent que la fortune vous envoie… Jamais vous ne serez dignes du bonheur, tant que vous aurez quelque chose à vous, et que votre haine des bourgeois viendra uniquement de votre besoin enragé d'être bourgeois à leur place.

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Étudier en Haïti : Un défi de résilience et d’espoir

25 février, par Smith Prinvil — ,
Haïti, pays des contrastes, porte en son cœur une histoire de luttes et de victoires. Mais aujourd'hui, la réalité qui frappe la nation est bien plus complexe : violence, (…)

Haïti, pays des contrastes, porte en son cœur une histoire de luttes et de victoires. Mais aujourd'hui, la réalité qui frappe la nation est bien plus complexe : violence, instabilité et terreur sont devenues des composantes quotidiennes de la vie. Dans ce contexte d'incertitude, l'éducation se transforme en un défi colossal, à la fois personnel et collectif. Étudier en Haïti, c'est naviguer entre des obstacles physiques et psychologiques. Pourtant, pour beaucoup de jeunes haïtiens, cela reste un chemin de résilience, un acte de foi en un avenir meilleur.

Dans un pays où l'insécurité et les tensions politiques limitent l'accès aux établissements scolaires, l'éducation se fait souvent à contrecœur. Les écoles ferment régulièrement à cause des barricades, des manifestations ou des violences ciblées. À cela s'ajoute un réseau scolaire insuffisant, dont une grande partie est privée et coûteuse. Pour beaucoup, l'éducation devient un luxe, réservé à ceux qui peuvent se permettre de contourner les risques, de prendre un transport coûteux ou de s'assurer d'un minimum de sécurité. Mais les étudiants haïtiens ne se laissent pas abattre. Ils se battent contre vents et marées pour accéder à un savoir qui est, pour eux, le principal levier d'émancipation.

Malgré les défis, les étudiants haïtiens trouvent des moyens de poursuivre leur apprentissage. La résilience est au cœur de leur quotidien : ils adaptent leurs horaires d'étude en fonction de la situation sécuritaire, créent des espaces d'étude improvisés dans leurs foyers, ou se tournent vers des plateformes en ligne lorsque les écoles ferment leurs portes. Cette capacité à s'adapter et à surmonter les difficultés fait d'eux des modèles de détermination. La situation ne brise pas leur espoir ; au contraire, elle le renforce.

Les technologies jouent un rôle primordial dans cette lutte. Les cours en ligne, bien qu'inaccessibles pour une grande partie de la population en raison du manque d'infrastructures, représentent une voie d'espoir pour ceux qui ont accès à Internet. L'enseignement à distance devient une alternative viable pour de nombreux étudiants, leur permettant de poursuivre leur éducation malgré la fermeture des établissements.

Dans un environnement où les institutions sont souvent défaillantes, les réseaux d'entraide entre étudiants et les initiatives communautaires deviennent essentiels. Les étudiants se soutiennent mutuellement, se regroupent pour échanger des ressources et des notes, et organisent des révisions collectives. Ils créent ainsi un tissu social qui leur permet de résister à la fragmentation du système éducatif. Cette solidarité devient non seulement un moyen de poursuivre les études, mais aussi un acte de résistance face à la violence et à l'isolement.

De plus, dans un pays où les ressources sont limitées, des initiatives citoyennes commencent à émerger. Des groupes organisent des collectes de fonds pour acheter des fournitures scolaires ou réparer des infrastructures endommagées. Ces actions communautaires montrent qu'il est encore possible de rêver d'un avenir où l'éducation est accessible à tous.
Face à l'inefficacité d'un système scolaire traditionnel, des voies alternatives se dessinent. Certaines organisations non gouvernementales proposent des formations pratiques et des ateliers pour les jeunes, afin qu'ils acquièrent des compétences professionnelles directement utilisables dans le monde du travail. D'autres explorent des modèles d'éducation non conventionnels, moins dépendants des infrastructures scolaires classiques et plus proches des réalités du terrain.
Les jeunes haïtiens ne se contentent pas d'attendre que le système se répare ; ils innovent, se réinventent, créent des espaces d'apprentissage où la rigueur académique et les compétences pratiques se croisent. Ces initiatives constituent la promesse d'un avenir plus autonome et plus dynamique pour la jeunesse haïtienne.

Dans un environnement aussi hostile, l'éducation devient un acte de résistance et de reconstruction. C'est un moyen pour les jeunes de s'armer intellectuellement et de contribuer, à terme, à la reconstruction de leur pays. Malgré les défis, l'éducation est perçue comme une porte d'entrée vers l'émancipation, un espoir de changer les mentalités et de renouveler les structures sociales et politiques du pays.

Mais cet espoir n'est possible que si les autorités haïtiennes et la communauté internationale prennent conscience de l'urgence de soutenir l'éducation. Il est crucial d'investir dans la sécurité des écoles, dans les infrastructures éducatives et dans l'accessibilité des ressources pédagogiques. Le rôle des gouvernements, des organisations internationales et des citoyens est fondamental dans la création d'un environnement plus sûr et plus propice à l'éducation.

Étudier en Haïti dans un environnement marqué par la terreur est un acte de résilience. Chaque étudiant, chaque jeune qui continue à rêver d'un avenir meilleur à travers l'éducation, devient un symbole de cette force qui pousse à aller de l'avant malgré tout. L'éducation n'est pas seulement un droit ; elle est un combat pour un futur où la violence ne dicte pas le quotidien, où la terreur n'entrave pas les rêves et où la connaissance est véritablement accessible à tous. Pour les étudiants haïtiens, l'éducation reste la clé d'un changement profond, un changement porté par des générations entières qui refusent de se soumettre à la fatalité.

Smith PRINVIL

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Le projet de pays au centre de la riposte québécoise

25 février, par Yves Chartrand — , ,
Suite aux charges à droite et à l'extrême-droite menées par Trump, Poilièvre, Carney et François Legault et leur projet de société qui se résume à business, business, business (…)

Suite aux charges à droite et à l'extrême-droite menées par Trump, Poilièvre, Carney et François Legault et leur projet de société qui se résume à business, business, business avec l'autoritarisme et les pouvoirs nécessaires pour écraser toute insoumission, notre riposte se doit d'être formulée autour du projet de l'indépendance du Québec. Nous pouvons faire front commun avec le Canada comme province canadienne dans l'immédiat, mais dès maintenant nous devons nous mobiliser pour formuler notre projet de pays et inscrire ce nouveau pays dans le dialogue avec les autres peuples du monde qui se mobilisent contre la vision du monde qui nous est imposée à l'échelle planétaire par les milliardaires de ce monde et leurs valets politiques dans une logique de dictature, entraînant les humains et les autres espèces sur Terre à l'extinction dans une approche suicidaire.

Cette réflexion au Québec autour du projet de pays nous amènera rapidement à aborder en profondeur des enjeux que nous pelletons devant nous depuis quelques décennies soit l'éducation, la culture, la santé, la famille, le travail, l'économie, le système politique et le rôle des institutions et des structures, l'immigration etc. et donner une direction à notre projet de pays en dans une discussion franche, ouverte et respectueuse avec notre famille, nos voisins, nos amis, les gens dans nos quartiers, nos villages et nos villes.

Pour ce faire il nous faut être attentifs à chaque personne que nous rencontrons pour comprendre sa dynamique personnelle, sa vision des choses, et voir comment l'entraîner dans le respect et la bienveillance sur une base volontaire dans notre projet collectif qui peut-être en cette période d'émotion, de peur, de colère, de frustration, d'isolement et de dépression, un catalyseur individuel et collectif bienfaisant et constructif dans une grande humanité et dans la solidarité.

Yves Chartrand

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