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Soutien à l’Ukraine résistante : le numéro 41 est disponible en téléchargement gratuit

26 août, par Brigades éditoriales de solidarité avec l'Ukraine — , ,
Les Brigades éditoriales de solidarité ont été créées au lendemain de l'agression de la Russie poutinienne contre l'Ukraine. Elles regroupent les éditions Syllepse (Paris), (…)

Les Brigades éditoriales de solidarité ont été créées au lendemain de l'agression de la Russie poutinienne contre l'Ukraine. Elles regroupent les éditions Syllepse (Paris), Page 2 (Lausanne), M Éditeur (Montréal), Spartacus (Paris) et Massari (Italie), les revues New Politics (New York), Les Utopiques (Paris) et ContreTemps (Paris), les sites À l'encontre (Lausanne), Europe solidaire sans frontières (Paris), Trasversales (Madrid) et Presse-toi à gauche (Québec), les blogs Entre les lignes entre les mots (Paris) et Utopia Rossa, ainsi que le Centre Tricontinental (Louvain-la-Neuve) et le Réseau syndical international de solidarité et de luttes.

Le numéro 41 de la revue est maintenant disponible et vous pouvez le télécharger en suivant ce lien. Ce numéro spécial porte sur les journées de juillet. Pour la première fois depuis le début de l'invasion à grande échelle par la Russie en février 2022, l'Ukraine a vu une partie de sa population descendre dans la rue et exprimer sa colère vis-à-vis de sa classe politique et en particulier de son président Volodymyr Zelensky, qui était resté jusque-là plutôt populaire.

Les 22, 23, 24 et 25 juillet, malgré une loi martiale interdisant les manifestations, des milliers de personnes se sont réunies dans plusieurs villes du pays, dans la capitale de Kyiv mais aussi dans des villes comme Sumy ou Kharkiv qui continuent de subir bombardements et tirs de missiles quotidiennement, de nuit comme de jour.

Plusieurs contributions sont présentées dans ce numéro afin de bien comprendre ce que signifient ces nouvelles mobilisations dans un contexte de guerre.

Kneecap, au nom de la Palestine

La solidarité sans filtre du groupe de punk rap nord-irlandais avec la Palestine scandalise et effraye nombre de programmateurs musicaux et de festivals. Elle permet de mettre, (…)

La solidarité sans filtre du groupe de punk rap nord-irlandais avec la Palestine scandalise et effraye nombre de programmateurs musicaux et de festivals. Elle permet de mettre, sur le devant de la scène, la bataille culturelle mondialisée qui se joue autour du génocide à Gaza.

Tiré d'Orient XXI.

Les drapeaux palestiniens au bord des routes, jusque dans les lieux les plus reculés, sont une singularité du paysage irlandais. Leur usure causée par la pluie et le vent indique qu'ils ont été plantés depuis un certain temps, et que personne ne s'empressera de les enlever. La fraternité entre l'Irlande et la Palestine est connue pour leur communauté de destin : la colonisation britannique.

Le battage récent autour de Kneecap, groupe de punk rap qui a sorti le gaélique de la musique traditionnelle et de la pop, remet cette solidarité au cœur d'une guerre culturelle et politique.

Le trio, originaire de Belfast-Ouest (quartier à majorité catholique) et de Derry, fervent défenseur de la cause palestinienne, participe activement à tous les « Gigs for Gaza », ces concerts organisés en soutien à Gaza. Lors de la plupart de leurs shows, Liam Óg Ó hAnnaidh, Naoise Ó Cairealláin et JJ Ó Dochartaigh — connus sur scène sous les noms de Mo Chara, Móglaí Bap et DJ Próvaí — invitent le public à scander avec eux le slogan : « Free, Free Palestine ».

Tirant son nom du « kneecapping » — cette méthode punitive qui consiste à tirer dans les rotules, utilisée par les paramilitaires en Irlande du Nord et par l'armée israélienne contre les Palestiniens lors de la « marche du retour » en 2018 à Gaza —, le groupe cultive l'art de la provocation. Un film récent, sobrement intitulé Kneecap, interprété par les membres du groupe et retraçant (très) librement leurs débuts — faits de drogues, de rap et d'indépendantisme — ajoute une pierre de plus à la légende qu'ils se construisent. Le long-métrage a déjà reçu le prix du public au Festival du cinéma américain de Sundance, après avoir raflé sept British Independent Film Awards (BIFA), dont celui du meilleur film britannique indépendant.

Le quotidien britannique de centre-gauche The Guardian les chouchoute et les qualifie de « groupe parmi les plus controversés en Grande-Bretagne et en Irlande depuis les Sex Pistols », tandis que le tabloïd conservateur The Daily Mail, les appelle les « “Anti-British” rappers » (rappeurs « anti-britanniques »). Le trio, dont un des tubes reprend le slogan républicain « Brits out » (1), assume pleinement ces attaques et répond :

Ils n'apprécient pas que nous nous opposions à la domination britannique, que nous ne croyions pas que l'Angleterre serve qui que ce soit en Irlande. Que nous disions que les classes ouvrières des deux côtés de la communauté méritent mieux, des financements publics, des services de santé mentale appropriés, méritent de célébrer la musique et l'art et méritent la liberté d'exprimer notre culture. (2)

Annulations en Europe et révocation de visas américains

Avec Kneecap, les mots sont des balles. Au Coachella Valley Music and Arts Festival, en Californie, ils ont clamé sur scène :

  1. Fuck Israël. Les Palestiniens n'ont nulle part où aller. C'est là qu'ils vivent, bordel ! Et on les bombarde depuis le ciel ! […] Israël commet un génocide contre le peuple palestinien, rendu possible par le gouvernement américain, qui arme et finance Israël.

Sur l'écran géant de la scène, on pouvait lire : « Israël commet un génocide contre le peuple palestinien. »

Un scandale est né. Le producteur américain du groupe, la société Independent Artist Group (IAG), s'est désengagé suite à la controverse, entraînant l'invalidation de leurs visas de travail. En Europe, sous la pression de groupes pro-israéliens, plusieurs festivals de musique ont revu leur programmation. En Allemagne, le Hurricane Festival et le Southside Festival ont déprogrammé leurs concerts prévus en juin. Les membres du groupe n'en font pas un drame à ce stade :

  1. Nous sommes en train de déposer une nouvelle demande de visa [d'entrée aux États-Unis]. J'espère que ça marchera. Mais si ça ne marche pas, je pourrai vaquer à mes occupations sans avoir à me soucier de mon prochain repas ou d'un bombardement de ma famille. Visa révoqué, je pourrai m'en remettre. (3)

Le groupe est désormais habitué. Ce n'est pas la première fois qu'il se retrouve au cœur d'une polémique pour ses prises de position. Le 18 juin, Mo Chara comparaissait devant le tribunal de première instance de Westminster à Londres pour « apologie du terrorisme ». Il était accusé d'avoir déployé un drapeau du Hezbollah lors d'un concert londonien le 21 novembre 2024, au moment de l'offensive terrestre israélienne contre le Liban. L'audience a été reportée au 20 août pour vice de forme.

À la sortie du tribunal, devant une foule de fans et de curieux, Mo Chara a entonné son slogan favori « Free Free Palestine ». Le public suit. Pour les fans, « il défend l'Irlande et la Palestine en même temps, c'est normal ». Il n'y a aucun autre endroit au monde où le sort de la Palestine est spontanément associé au destin local et avec autant de conviction. Et où un groupe musical remet la question de cette solidarité sur le tapis avec un savoir-faire inédit, où la provocation ne compromet pas le message politique. En mai 2025, ils ont reversé leurs recettes du Wide Awake Festival à Médecins Sans Frontières.

« Ce qui n'est pas correct, c'est d'armer un putain de génocide »

Rebelote à Glastonbury le 28 juin dernier. Avant l'ouverture du festival, soutenu par des députés conservateurs, le premier ministre travailliste Keir Starmer avait appelé à l'annulation du concert et à la censure du groupe : « Ils ne devraient pas être autorisés à jouer sur scène, a-t-il argué, ce n'est pas correct. » La BBC, partenaire du festival, a ensuite déprogrammé la retransmission du concert en direct. Réponse lapidaire de Kneecap : « Tu sais quoi, Keir, ce qui n'est pas correct c'est d'armer un putain de génocide. »

Quand on les accuse de tirades outrancières, ils rétorquent :

  1. Si vous pensez qu'un groupe satirique, qui singe des personnages sur scène, est plus scandaleux que le meurtre de Palestiniens innocents, alors vous devriez vous poser des questions. (4)

En attendant le début du concert, la foule de Glastonbury agitait des dizaines de drapeaux palestiniens géants. Sur un écran, un montage reprenait les nombreux appels à censurer le groupe pour chauffer le public. Et lançait un rendez-vous : « Venez nombreux au procès du 20 août à Londres. » Sur la scène, Kneecap truffe ses prises de parole de « Fuck Keir Starmer ». « Fuck the Daily Mail »… « Jamais vu autant de monde à un concert », commente Móglaí Bap, « la foule est bourrée de “Fenian bastards” » (« salauds de nationalistes irlandais », l'insulte est affective).

Sur d'autres scènes de Glastonbury, des artistes prennent parti pour les Gazaouis, au premier rang desquels le duo punk Bob Vylan, qui a déclenché un énorme scandale en exhortant les fans à chanter « Death, death to the IDF » (« Mort, mort à l'armée d'Israël »). Le groupe est lui aussi privé de visas américains et fait face à plusieurs annulations en Europe, notamment en France, où leur concert prévu au Kave Fest, dans l'Eure, a été déprogrammé.

Non loin de là, sur une scène dédiée aux débats dans l'enceinte du festival, Gary Lineker, l'ancien international de foot anglais et défenseur de la cause palestinienne, évoque ses démêlés avec la BBC. Présentateur vedette de « Match of the Day », l'émission de foot culte de la chaîne publique britannique, il a dû quitter cette dernière après avoir été accusé d'antisémitisme : « J'ai été traumatisé par les images des enfants à Gaza », s'est-il défendu, « je veux prêter ma voix à ceux qui n'en ont pas… ».

La Palestine, catalyseur d'une bataille culturelle globale

Au cours de la dernière décennie, Israël est devenu un point de convergence pour l'extrême droite mondiale. Il est perçu par celle-ci comme le fer de lance de la croisade civilisationnelle contre la supposée « barbarie » arabe ou musulmane. L'adhésion à Israël s'accompagne souvent, pour les droites radicales, d'un programme autoritaire — destruction des acquis démocratiques, contrôle des médias, suppression du pluralisme.

Inversement, la Palestine devient nœud et point ralliement global de l'opinion publique démocratique, antiraciste et anticoloniale. Ce qui se passe au Proche-Orient marque dorénavant une ligne de faille géostratégique et militaire et nourrit en même temps un front culturel lui aussi planétaire. Les millions de jeunes qui rejoignent les manifestations pour Gaza ou la Palestine, partout dans le monde, dans les métropoles, mais aussi dans des petites villes et des banlieues éloignées, témoignent de cette nouvelle géographie culturelle du monde contemporain.

Dans cette guerre de tranchées, Kneecap a choisi de s'afficher avec le cran et l'art de la provocation qu'on lui connaît désormais. Comme aucun autre acteur culturel aujourd'hui, à cause de leur héritage anticolonial, social et politique, Kneecap affiche les tropes de nouvelles batailles culturelles et idéologiques. Il le fait sur une scène musicale et culturelle, en dehors des logiques de parti, organisationnelles et associatives. Et de manière folle et échevelée. La dérision et l'hilarité, l'obscénité anti-bourgeoise, l'esprit tapageur et anarchisant acquièrent avec Kneecap une vitalité positive. Les ambiguïtés affichées par ce groupe de bouffons héritiers du républicanisme irlandais ne sont jamais fortuites, elles ont valeur de paradoxe électrique et subversif.

Quelques minutes après le concert de Kneecap à Glastonbury, Alexis Petridis, critique musical du Guardian, écrivait :

  1. La notoriété actuelle de Kneecap sera-t-elle un bref éclair, un phénomène durable, ou au contraire les conduira-t-elle à leur perte ? Cela reste à voir. Pour l'instant, devant ce public, ils triomphent (5)

Mais si Kneecap doit tomber, ce ne sera pas à cause de son manque de convictions. Wait and see.

Notes

1- NDLR. « Get your brits out » (Sortez vos britanniques) (2019) est aussi un jeu de mot avec l'expression Get your tits out, qui signifie de façon vulgaire « Montre tes seins ». La chanson se moque ouvertement d'importantes figures politiques du Democratic Unionist Party (DUP), le parti loyaliste d'Irlande du Nord.

2- Post de Kneecap sur le compte X du groupe, publié le 29 novembre 2024.

3- Shaad D'Souza, « “We just want to stop people being murdered” : Kneecap on Palestine, protest and provocation », The Guardian, 27 juin 2025.

4- op. cit.

5- Alexis Petridis, « Kneecap at Glastonbury review – sunkissed good vibes are banished by rap trio's feral, furious flows », The Guardian, 28 juin 2025.

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La baisse des prix du pétrole brut : des effets diversifiés et contradictoires

24 août, par Bernard Rioux —
Le prix du pétrole a décroché de 35 % en six mois passant de 115 $ US à moins de 60 $ à la mi-décembre. Avec ce dernier prix, le pétrole atteint son plus faible niveau depuis (…)

Le prix du pétrole a décroché de 35 % en six mois passant de 115 $ US à moins de 60 $ à la mi-décembre. Avec ce dernier prix, le pétrole atteint son plus faible niveau depuis quatre ans.

La baisse des prix s'explique par un excès de l'offre sur la demande.

L'absence de reprise de l'économie européenne, la stagnation de l'économie japonaise, le ralentissement de la croissance de l'économie chinoise ont amené un recul important de la demande en pétrole.schiste, la production américaine de pétrole est passée de 5 millions de barils par jour en 2008 à 9 millions aujourd'hui, son plus haut niveau depuis trente ans. L'Administration américaine d'information sur l'énergie (EIA) prévoit d'atteindre 9,5 millions par jour de barils en 2015. L'exploitation de sables bitumineux au Canada a, à son tour renforcé, l'offre. De plus, l'Iran, la Libye, et l'Irak ont fait leur retour sur le marché pétrolier...

L'offre pour sa part a continué d'augmenter. Avec le développement de l'exploitation de pétrole de
Pour leur part, les pays l'OPEP qui contrôlent 40 % de la production mondiale ont refusé de diminuer leur production et ont décidé de maintenir cette dernière à 30 millions de barils par jour. Cette décision vise à refuser de céder des parts du marché au pétrole de schiste étatsunien. Le refus de diminuer leur production constitue un avertissement destiné aux producteurs de pétrole de schiste en Amérique du Nord qui ont ajouté des volumes importants au marché mondial. Le gouvernement saoudien a l'intention de combler les pertes provoquées par la baisse des prix en augmentant le volume du pétrole livré. Nous assistons donc à une lutte acharnée pour le partage du marché pétrolier mondial.

À qui profitera la baisse ?

L'impact de la baisse des prix sur l'économie mondiale sera très différencié. Les pays dont l'économie est basée principalement sur l'exploitation pétrolière, l'exportation de ce produit et par l'utilisation de la rente pétrolière comme levier pour assurer la régulation de leur économie vont connaître une série de problèmes économiques sérieux. Cela va être le cas de la Russie, du Venezuela et de l'Algérie... Aux États-Unis, certaines entreprises pétrolières vont sans doute devoir fermer des puits, mais l'économie est forte et diversifiée et elle n'en sera pas profondément affectée. La Chine, pour sa part, peut profiter de ce recul des prix pour augmenter ses réserves stratégiques en pétrole à plus faible coût.

Au Canada, déjà, le gouvernement albertain évalue la baisse de ses rentrées fiscales. Stephen Harper a assuré que ce recul des prix du pétrole ne remettrait pas en cause son objectif de parvenir au déficit zéro, mais il a reconnu que les marges de manoeuvre du gouvernement fédéral en seront réduites.

Pour les entreprises pétrolières, le coût d'extraction du pétrole des sables bitumineux va devenir trop élevé. Un prix en bas de 70$ risque d'entraîner la baisse des investissements et la perte de nombreux emplois, car plusieurs projets risquent de ne pas se concrétiser. Mais il reste que cette baisse des prix sera sans doute temporaire, depuis des années les prix du brut connaissent de fortes oscillations. Cela devrait se continuer. Il est donc imprudent de croire que ce recul va remettre en question les grands projets stratégiques des multinationales du pétrole et que l'exploitation du pétrole des gaz de schiste pourrait être sérieusement remise en question. On parle ici d'investissements qui se comptent par milliards et qui mobilisent les plus grosses entreprises de la planète. Ces investissements sont faits pour défendre la place du pétrole comme principale source d'énergie pour les décennies qui viennent. À cette échelle, ce n'est pas une baisse des prix même importante qui va faire dévier les pétrolières de leurs plans stratégiques bien que leur calendrier devra sans doute être révisé.

Cette baisse de prix du pétrole va provoquer un recul du dollar canadien face à la devise américaine. Cela va faciliter l'exportation des produits manufacturiers du pays vers les États-Unis et le reste du monde. Les entreprises manufacturières du Québec et de l'Ontario vont donc pouvoir profiter de cette baisse, . Une croissance de l'économie québécoise centrée sur l'exportation de produits manufacturiers va favoriser la création d'emplois et l'augmentation des revenus de l'État québécois particulièrement si la reprise américaine se confirme.

Sources

1. Jean Gagnon - À qui profite la baisse du prix du pétrole - La Presse ? 28 octobre 2014

2. Presse Canadienne - . Le prix de l'essence chute avec celui du brut, le 28 novembre 2014

3. Daniel Breton, Prix du pétrole : fou raide ! - - blogue du Journal de Montréal, le 28 novembre 2014

4. Pourquoi le prix du pétrole baisse-t-il ? La voix de la Russie, 12 octobre 2014

5. Jean-Michel Bezat, Pourquoi le prix du pétrole baisse - Le Monde.fr, le 15.09.2014,

6. Dan Israel et Thomas Cantaloube et Pierre Puchot, Russie, Venezuela et Algérie sont frappés de plein fouet par la chute des prix du pétrole, mediaparart.fr, le 28 novembre 2014

7. Jade Lindgaard, Le pétrole, un acteur politique en pleine crise - mediapart.fr

8 Les prix amochés pour le brut, la nouvelle norme. La presse, le 29/11/20149

9. Hayat Gazzane, Le baril de pétrole peut descendre à 60 dollars » - Le Figaro, publié le 28/11/2014

10. Paul Journet, La bulle carbone, La Presse - 5 décembre 2014

11. La fin du pétrole cher - El Watan, 12-12-2014

Une histoire de solidarité régionale populaire

24 août, par Rédaction
Page couverture du journal du comité logement appelé Logement-Va-Pu, 1974 Dans les années 1960-1970, la ville de Hull vit une période de réaménagement urbain qui la défigure (…)

Page couverture du journal du comité logement appelé Logement-Va-Pu, 1974

Dans les années 1960-1970, la ville de Hull vit une période de réaménagement urbain qui la défigure et laisse des traces qui sont encore visibles aujourd’hui. Plus de 5000 personnes sont expropriées et 2000 logements détruits pour faire place aux grands bâtiments requis par le gouvernement de Pierre E. Trudeau pour héberger les services des gouvernements (fédéral, provincial, municipal). « Ces démolitions signifiaient la démolition de 10 % du stock de logements de la ville ou de plus de 25 % du quartier de l’Ile de Hull[2] ». Les ravages s’effectuent dans les quartiers populaires et les personnes touchées appartiennent à la classe ouvrière.

Les premiers comités de citoyens et citoyennes prennent racine sur l’Ile de Hull à la fin des années 1960 dans ce contexte d’expropriations et de destruction. Des prêtres, des animateurs sociaux et quelques citoyens se regroupent pour mener une vaste enquête-participation qui vise à déterminer les principaux besoins de la population de l’Ile et à cerner pourquoi les gens n’interviennent pas ou peu dans les décisions politiques, économiques et sociales qui touchent leurs conditions de vie et de travail, et ce, malgré le contexte de dévastation[3]. L’enquête a aussi pour objetectif de mobiliser la population[4]. Notant que beaucoup de personnes vivent dans les mêmes conditions difficiles, on y constate que la population n’a pas d’organisations pour défendre ses intérêts. Plusieurs comités de travail (santé, chômage, aide sociale, logement, etc.) se mettent sur pied et ceux-ci mènent directement à la création des premiers groupes populaires : l’Association des locataires de Hull qui devient Logement-Va-Pu (aujourd’hui Logemen’occupe), le Dispensaire des citoyens de l’Ile de Hull (aujourd’hui Action Santé-Outaouais), le Regroupement populaire de l’île (aujourd’hui l’Association pour la défense des droits sociaux-Outaouais), la Maison du chômeur (devenu le feu Mouvement Action Chômage), un journal populaire et la première maison de quartier appelée le Centre d’animation familiale (CAF). Ces groupes ont pour objectif de rassembler et de défendre les intérêts des citoyens et citoyennes des quartiers populaires. Rapidement, les groupes populaires se réunissent, d’abord au sein de l’Assemblée générale de l’Ile de Hull (AGIH) qui devient, en 1972, le Regroupement des Comités de citoyens de Hull (RCCH).

À tour de rôle, les groupes populaires mènent différents combats contre les expropriations massives du « vieux Hull » et la présence envahissante du fédéral. Ils luttent pour la construction de nouveaux logements et pour l’amélioration des logements insalubres et délabrés. Ils bataillent pour l’obtention d’un feu de circulation pour la sécurité des enfants et pour défendre les droits des personnes assistées sociales et des chômeurs et chômeuses. Ils mènent des luttes pour obtenir des services médicaux et pharmaceutiques sur l’Ile de Hull tout comme une épicerie populaire et une garderie populaire.

De la solidarité syndicale et populaire

Les groupes populaires s’insèrent dans la tradition régionale des luttes syndicales. D’ailleurs, à cette époque, on ajoute souvent le qualificatif « ouvrier et populaire » aux mots « classe », « culture », « luttes » et « quartiers ».

Sur le terrain, l’affinité entre le populaire et l’ouvrier démontre une solidarité organique. Des travailleuses et travailleurs sont membres des conseils d’administration des groupes populaires (de chômeurs, de consommateurs, d’accidentés du travail). Sans mandat formel de leur syndicat, ces personnes y siègent parce qu’elles se sentent impliquées dans les luttes menées par les groupes pour améliorer les conditions de vie.

De même, les groupes populaires mobilisent activement en appui aux luttes syndicales. Un texte trouvé dans les archives de la Table ronde des organismes d’éducation populaire de l’Outaouais (TROVEPO) résume la complicité des luttes :

Bien sûr, les groupes populaires mènent aussi des actions concrètes pour l’amélioration des conditions de vie et de travail. Mais il est important de préciser que notre action ne se limite pas à nos membres seulement ou même au secteur de la population que nous touchons directement.

Lorsque le comité des travailleurs(euses) accidentés(es) présente un mémoire en commission parlementaire sur la santé-sécurité en milieu de travail, c’est l’ensemble des travailleurs(euses) qui est concerné par ces revendications.

Lorsque le Mouvement Action Chômage mobilise les travailleurs(euses) avec ou sans emploi face à une diminution de la semaine de travail ou à une politique de plein emploi, cette action englobe les revendications fondamentales de tous les travailleurs(euses).

Lorsque le comité Logmen’occupe manifeste pour obtenir de meilleures conditions de logement, lorsque les six garderies populaires de la Table ronde revendiquent plus de garderies populaires et plus de subventions pour fonctionner, c’est à l’ensemble des travailleurs(euses) avec ou sans emploi que cela profite[5].

La lutte pour le maintien des quartiers du centre-ville de Hull solidifie la solidarité entre les différents syndicats et groupes populaires de la ville. Dès le premier Front commun du secteur public et parapublic en 1972, puis en 1976 et 1983, les groupes populaires prennent une part active aux lignes de piquetage et donnent des appuis concrets aux syndicats de la région en solidarité avec leurs revendications.

Lors de l’importante grève chez E.B. Eddy, en 1975, plusieurs groupes populaires en lien avec le Comité de solidarité des travailleurs de l’Outaouais soutiennent activement les grévistes. Un spectacle-bénéfice, l’Hiver Show, est organisé avec des artistes de la région pour venir en aide aux travailleurs et travailleuses. De même, l’ACEF, l’Association coopérative d’économie familiale, offre aux grévistes un service de consultation budgétaire ainsi qu’un service de négociation avec les banques et les caisses populaires des grévistes.

Un peu plus tard, en novembre 1981, les groupes populaires de la région prennent part à la grande manifestation syndicale sur la colline du Parlement à Ottawa alors que 100 000 personnes manifestent contre les politiques économiques du gouvernement libéral fédéral et les hauts taux d’intérêt.

En 1982, le taux de chômage officiel atteint 13 % et l’inflation annuelle frôle les 12 %. Le milieu syndical de l’Outaouais, de concert avec les groupes de chômeurs et chômeuses et des groupes de jeunes de la région, se joint à la Grande Marche pour l’emploi des travailleurs et travailleuses avec ou sans emploi et répond à l’appel d’une mobilisation nationale : une délégation de l’Outaouais marche de Hull à Montréal pour dénoncer la crise du chômage et revendiquer un programme de plein emploi. En 1982-1983, le Mouvement Action Chômage, avec les comités de condition féminine des syndicats et plusieurs groupes de femmes, réclame des améliorations à la loi sur l’assurance-chômage concernant les prestations de maternité.

Une histoire régionale du syndicalisme de lutte

Le mouvement syndical de l’Outaouais prend son essor au début du XXe  siècle. Hull, entourée de grandes rivières et de forêts, vit alors une période remarquable d’industrialisation et de croissance. On y développe l’hydroélectricité et on construit des usines de pâtes et papiers et des fabriques connexes relevant de l’exploitation du bois.

Avec l’industrialisation vient une syndicalisation de la main-d’œuvre. La région a été le témoin de plusieurs luttes et initiatives ouvrières significatives. Quatre en particulier frappent l’imaginaire.

La première grève

En septembre 1891, le premier grand conflit ouvrier éclate à Hull. Prétextant un environnement économique défavorable, plusieurs patrons décident de réduire le salaire des ouvriers. Furieux, quelques employés de la scierie Perley arrêtent de travailler en protestation. Dans les jours qui suivent, 2 400 ouvriers, qui travaillent dans les neuf plus grosses scieries de la région, emboitent le pas. Il s’agit d’un mouvement spontané, non organisé : il n’y a pas de syndicat à l’époque. D’après l’historien Roger Blanchette, ce mouvement de masse marque une étape cruciale de l’histoire ouvrière de la région. Alors que la milice coloniale de l’époque intervient et met brutalement fin au débrayage, les travailleurs ont démontré une force et une solidarité exemplaires. Cette grève spontanée a démontré la nécessité pour les travailleurs de s’organiser.

L’assassinat de deux travailleurs syndiqués à Buckingham

En 1906, les travailleurs de Maclaren, compagnie qui règne en despote sur la vallée de la Lièvre, dans l’est de la région, essaient de créer un syndicat. Ils ont essentiellement deux revendications : la parité avec les autres travailleurs de la région et la reconnaissance de leur syndicat. Maclaren rejette ces demandes, décrète un lockout à l’usine de Buckingham et embauche des fiers-à-bras américains de l’agence Thiel Detective Service Company pour briser la grève. Tendant un piège aux ouvriers, ces hommes armés tirent sur eux et tuent le président du syndicat Thomas Bélanger et un autre travailleur François Thériault. Un syndicat ne réussira à voir le jour à la MacLaren qu’en 1944.

Le Syndicat des ouvrières des allumettes

Au début du XXe siècle, 99 % des allumettes de bois utilisées au Canada sont produites dans les usines d’E.B. Eddy à Hull. Les employées sont de jeunes filles âgées de 12 à 22 ans. Outre les conditions de travail inhumaines (salaire de 25 cents par jour, journée de travail de onze heures), les filles doivent tremper chaque allumette dans du phosphore blanc, un produit toxique qui provoque une maladie appelée nécrose maxillaire et qui entraine chez plusieurs d’entre elles l’amputation de la mâchoire inférieure. Le phosphore n’est interdit qu’en 1914. En 1919, les filles refusent une modification de leurs conditions de travail et l’employeur décrète un lockout. Les filles fondent le Syndicat des ouvrières des allumettes. La compagnie utilise tous les moyens, menaces et chantage, pour essayer de briser leur solidarité, mais elles refusent de céder et restent unies. Les ouvrières obtiendront finalement la reconnaissance syndicale et une amélioration, quoique légère, de leurs conditions de travail. Cela marque un tournant majeur dans l’histoire ouvrière, puisque ce syndicat est le premier syndicat féminin de l’histoire du Canada.

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Photo : Salvador David Hernandez

La fondation de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC), l’ancêtre de la CSN

L’Association ouvrière de Hull, un regroupement syndical non confessionnel, est fondée en 1912. À la suite d’une pression cléricale énorme, l’association se confessionnalise et devient le Conseil central national des ouvriers de Hull en 1919. Celui-ci est membre fondateur de la Confédération des travailleurs catholiques canadiens (CTCC) créée à Hull en 1921. La CTCC se déconfessionnalise et devient la Confédération des syndicats nationaux (CSN) en 1960. Pour sa part, le Conseil central des syndicats nationaux de l’Outaouais, membre de la CSN, fête ses 100 ans en 2019 et publie un recueil qui raconte une partie de l’histoire syndicale de la région.

La crise économique des années 1930 marque le déclin du secteur industriel dans la région de l’Outaouais. Une telle transformation a des conséquences sur le monde ouvrier. Cependant, à partir de 1960, la région, et Hull en particulier, se transforme radicalement. Les implications de l’expansion de l’État social, dont l’implantation du gouvernement fédéral au centre-ville, et les effets de la Révolution tranquille entrainent des changements économiques, sociaux et syndicaux. Les secteurs primaire et secondaire disparaissent presque complètement pour être remplacés par une économie fondée sur les services. Les syndicats regroupant des employé·e·s du gouvernement du Canada sont de plus en plus présents à Hull.

Sources :

Roger Blanchette, Conseil central des syndicats nationaux de l’Outaouais, 1919-2019. Pionnier du mouvement syndical québécois, Service des communications CSN, 2019.

Roger Blanchette, L’Outaouais, Collection Les régions du Québec… histoire en bref, Québec, Presses de l’Université Laval, 2009.

La Coalition populaire régionale de l’Outaouais

Dans les années 1980, les relations entre le mouvement syndical et le mouvement populaire se formalisent. La Coalition populaire régionale de l’Outaouais (CPRO) est la première grande coalition permanente qui regroupe l’ensemble des mouvements syndical et populaire de la région. Elle sera active pendant quinze ans.

Membre régional de Solidarité populaire Québec (SPQ)[6], la CPRO accueille l’enquête nationale de SPQ sur le désengagement de l’État en 1987. Sous la forme d’une commission populaire itinérante, celle-ci recueille auprès du « monde ordinaire » des histoires qui documentent l’impact des compressions budgétaires du gouvernement provincial sur la population.

Cette tournée dynamise le milieu syndical et populaire de l’Outaouais sur l’importance de se mobiliser contre l’Accord de libre-échange (ALÉ) liant le Canada et les États-Unis. La mobilisation reprend avec enthousiasme chez les militants et militantes et la CPRO multiplie les activités de formation et les actions sur la question durant les années1985 à 1987. L’ALÉ est signé en 1987, mais la coalition régionale poursuit la résistance contre le deuxième projet du libre-échange liant le Canada et les États-Unis au Mexique, l’ALENA, en 1994.

Sur un autre front, la CPRO appelle à la mobilisation contre le démantèlement du régime d’assurance-chômage. Par les réformes Valcourt du gouvernement conservateur et Axworthy du gouvernent libéral, le gouvernement fédéral cherche à transférer la responsabilité de la lutte contre le chômage du pouvoir public aux personnes sans emploi. En février 1993, une délégation de l’Outaouais se joint aux 40 000 personnes qui manifestent à Montréal par un froid de moins 25 degrés Celsius pour exiger une présence accrue du gouvernement fédéral dans le combat contre le chômage.

La CPRO travaille également d’arrache-pied contre un autre aspect de la réforme Axworthy qui saborde le Régime d’assistance publique Canada (RAPC)[7]. Ce régime étant éliminé, le transfert des fonds fédéraux dans le champ social est sérieusement réduit.

En 1991, la CPRO se lie à la Ligue des droits et libertés pour poursuivre la Sûreté du Québec (SQ) devant les tribunaux. On découvre que la SQ avait placé, durant les années 1980, un informateur au sein des groupes populaires de Hull. La police obtient ainsi des informations sur les personnes ainsi que sur les stratégies internes du mouvement. On est à l’époque de la consultation Bélanger-Campeau sur l’avenir du Québec et à la veille d’un deuxième referendum sur la souveraineté. Dans ce contexte fébrile, plusieurs groupes, dont la CPRO, jugent essentiel de faire valoir leurs droits devant la justice. Ils accusent la SQ d’avoir illégalement surveillé des personnes et des organisations, une violation de leurs droits. Malheureusement, un vice de procédure provoque l’abandon de la poursuite judiciaire. D’autres pratiques policières douteuses dans la région seront abordées plus loin.

La dernière grande campagne à laquelle participe la CPRO survient dans le contexte de morosité généralisée des milieux syndicaux et populaires qui suit l’adoption des accords de libre-échange et l’arrivée du néolibéralisme. Pour relancer une mobilisation large autour d’un projet de société, SPQ demande à ses membres d’imaginer « le Québec dans lequel on voudrait vivre ». La CPRO répond à l’appel et organise la mobilisation régionalement afin de participer à la démarche collective qui mène à l’adoption de la Charte d’un Québec populaire[8].

Le Réseau de vigilance Outaouais

Solidarité Populaire Québec met fin à ses activités en 2001. Cette décision met en évidence le défi pour le milieu syndical et le milieu communautaire de travailler en coalition permanente. Au Sommet socio-économique de 1996, le projet avoué du gouvernement péquiste de Lucien Bouchard est de faire avaler le « déficit zéro » par l’ensemble des partenaires – syndicaux, coopérants, communautaires et entrepreneuriaux. Pendant le Sommet, le « déficit zéro » se heurte à l’objectif de la « pauvreté zéro » porté par une bonne partie du mouvement social québécois. Plusieurs personnes déléguées du mouvement social, dont le représentant de SPQ, claquent la porte pour montrer l’impossibilité de réconcilier l’irréconciliable. Le mouvement syndical ayant choisi de rester, un froid s’installe entre celui-ci et une partie du milieu populaire. SPQ en paie le prix car les syndicats retirent leur soutien financier : c’est la fin pour SPQ.

En 2004, peu de temps après le sabordage de SPQ, le Réseau de vigilance se forme à l’échelle nationale, réunissant sensiblement les mêmes acteurs syndicaux et populaires que SPQ. Comment expliquer le changement de cap ? En un mot : la réingénierie du gouvernement de Jean Charest.

Les coalitions intersyndicales et communautaires fonctionnent mieux quand toutes les parties partagent une même analyse politique. S’il y a des frictions, c’est souvent sur des éléments moins essentiels comme des gestes à poser ou des calendriers à suivre. Lorsque les libéraux de Jean Charest prennent le pouvoir en 2003, la résistance est immédiate. Autant le milieu syndical que celui du communautaire craignent le projet libéral à venir. La réingénierie de l’État, le recours à la sous-traitance, le délestage des services publics vers le privé et vers le communautaire, l’utilisation des partenariats public-privé (PPP), la vulnérabilité des programmes sociaux… la liste des appréhensions est longue.

Dans l’Outaouais, les organisations syndicales CSN, FTQ, FIQ, SFPQ[9] et les groupes communautaires comme la TROVEPO, l’ACEF, Logemen’occupe partagent l’urgence de faire front commun contre l’idéologie néolibérale du nouveau gouvernement. Ce front commun régional s’appelle le Réseau de vigilance Outaouais (RVO).

Le premier geste public du RVO est pour souligner le premier anniversaire du gouvernement libéral à l’automne 2004 : quelques centaines de personnes identifiées au RVO bloquent l’accès au Casino du Lac-Leamy à Hull. Le casino est fermé pendant plusieurs heures. Cette action dérange et elle est hautement médiatisée. Fait cocasse, les policiers municipaux eux-mêmes en négociation syndicale démontrent une tolérance inhabituelle envers les manifestants et manifestantes.

Dans les années qui suivent, la résistance au gouvernement libéral, et notamment à son projet de réingénierie, se maintient. À l’instar des centrales et des regroupements nationaux, le RVO met en œuvre des séances de formation et produit des outils de sensibilisation autant pour ses membres que pour le grand public. Il démontre comment le projet libéral est l’expression québécoise de la mondialisation du néolibéralisme. Plusieurs mobilisations, pas énormes mais régulières, permettent de garder les enjeux à l’avant-scène des organismes syndicaux et communautaires de la région.

L’élection, en 2007, d’un gouvernement minoritaire libéral envoie la réingénierie aux calendes grecques. Le RVO oriente alors son travail de formation et de mobilisation contre les nouvelles politiques d’austérité qui vont – surprise ! – dans le même sens que celles du gouvernement précédent. Il intervient sur la fiscalité pour en revendiquer un rééquilibrage dans le sens de la justice fiscale. Il résiste au saccage du programme d’assurance-emploi du gouvernement conservateur fédéral en 2013. Une occupation du bureau de Service Canada, qui a pris fin par l’arrivée des chiens de la police, sera la dernière action du RVO.

Le 1er mai

La Journée internationale des travailleuses et des travailleurs avec ou sans emploi s’organise annuellement dans l’Outaouais par le milieu syndical et le milieu communautaire. Un mandat d’abord confié à la Coalition populaire régionale de l’Outaouais (CPRO), ce mandat devient par la suite celui du Réseau de vigilance Outaouais (RVO). Plus récemment, un comité régional de solidarité, majoritairement composé du communautaire, en assume la responsabilité.

Le 1er mai demeure le moment privilégié de rencontre entre les militantes et militants syndicaux et communautaires. Sauf quand une mobilisation nationale à Montréal est décrétée par les centrales syndicales (typiquement lors des négociations du secteur public), le 1er mai se fête à Hull, souvent au parc Fontaine, un ilot de verdure qui a échappé aux démolitions des années 1970.

L’exception à cette règle : en 2012, la cour interdit aux personnes en processus judiciaire, en raison de leurs gestes politiques, de circuler sur presque toute l’Ile de Hull. En solidarité, le RVO s’est joint au Conseil du travail d’Ottawa pour marquer le 1er mai dans la ville voisine.

Confrontations avec la police

L’action du RVO ne se limite pas aux seuls enjeux portés par les organisations syndicales et communautaires nationales. Un enjeu régional qui prend beaucoup de place s’avère celui de la répression policière du droit de manifester dont un incident charnière se produit lors du Sommet des trois amigos, tenu à Montebello en 2007[10].

Trois policiers de la Sûreté du Québec, déguisés en manifestants et ayant des roches en main, sont photographiés par un militant syndical. Ils incitent une foule pacifique à poser des gestes de violence. L’incident soulève un tollé. En conférence de presse, le RVO exige que le gouvernement Harper tienne une enquête publique sur cette action policière. Le gouvernement ne répondant pas aux demandes de la coalition, une vingtaine de manifestantes et manifestants déguisés en policiers, mais sans roches dans les mains…, occupent le bureau de comté de Lawrence Cannon, ministre fédéral de la Sécurité nationale. L’action dérange, mais le gouvernement ne fournira jamais d’explication au geste policier.

D’autres dérapages policiers ont suscité l’intervention du RVO. Ainsi, des Gatinois et Gatinoises figurent parmi les 1 200 personnes arrêtées lors du G20 à Toronto en 2010, la plus vaste opération de détention préventive dans l’histoire canadienne. Deux ans plus tard, durant la grève étudiante, des centaines de personnes arborant le carré rouge sont arrêtées à Gatineau. On y retrouve des syndicalistes et des personnes du milieu communautaire qui appuient les revendications étudiantes. Les représentantes et représentants du mouvement social, réunis au sein du RVO, dénoncent en 2010 et en 2012 l’abus du pouvoir policier et les restrictions au droit de manifester. Ils interpellent les élu·e·s afin qu’ils mettent la police au pas. La TROVEPO, membre du RVO, crée un fonds légal. À la suite d’une sollicitation populaire, plus de 10 000 dollars sont ramassés et remis aux associations étudiantes pour aider à payer les frais juridiques des personnes arrêtées.

La grève étudiante de 2012 en Outaouais

Le Printemps érable de 2012 a constitué une mobilisation étudiante et sociale d’ampleur historique au Québec, et l’Outaouais y a pleinement pris part. Dès février, les étudiantes et étudiants du Cégep de l’Outaouais et de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) ont entrepris des votes de grève qui ont abouti le 23 mars à l’adoption d’une grève générale illimitée à l’UQO. Manifestations et piquetages se sont alors multipliés. La mobilisation était quotidienne. Les étudiantes et étudiants de l’Outaouais prenaient collectivement les décisions quant à la stratégie et aux tactiques à adopter et coordonnaient leurs actions. Fidèle au slogan « La grève est étudiante, la lutte est populaire », les milieux communautaires et syndicaux de l’Outaouais ont appuyé le mouvement de contestation et se sont joints régulièrement aux diverses manifestations et actions.

La répression policière s’est toutefois intensifiée après l’adoption d’une injonction imposant la reprise des cours le 16 avril. Une occupation pacifique du pavillon Alexandre-Taché de l’UQO a été brutalement dispersée. Le lendemain, professeur·e·s, étudiantes et étudiants ont été menacés, bousculés, violentés et, pour certaines et certains, arrêtés sous prétexte d’entrave au travail policier. Arborer un « carré rouge » suffisait pour être suspecté, voire considéré comme coupable par association. Des témoignages suggèrent que la police tenait des registres des personnes impliquées dans le mouvement et les interpellait parfois par leur prénom dans la rue. Le 18 avril, à environ 500 mètres des campus principaux de l’UQO, la police de Gatineau a déployé une imposante souricière et arrêta plus de 150 personnes avant de les transporter en autobus au poste de police, marquant ainsi une criminalisation du simple fait de manifester pacifiquement.

Ce printemps de contestation a nourri une conscience politique renforcée chez les jeunes de l’Outaouais. Elles et ils sont resté·es solidaires et engagé·es et ont pris conscience de leur pouvoir d’agir comme citoyennes et citoyens.

Un ouvrage collectif sous la coordination de Francine Sinclair, Stéphanie Demers et Guy Bellemare intitulé Tisser le fil rouge. Le Printemps érable en Outaouais : récits militants a été publié en 2014 chez M Éditeur. On y retrouve les témoignages de plusieurs participantes et participants à ces mobilisations.

Charles-Antoine Bachand

Le déclin du Réseau de vigilance Outaouais

L’élection du gouvernement minoritaire de Jean Charest en 2007 freine les ardeurs du Réseau de vigilance national qui met fin à ses activités. Cependant, plusieurs réseaux de vigilance régionaux, dont le RVO, poursuivent leurs activités.

En 2010, la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics, qui devient plus tard la Coalition Main rouge, prend la relève pour résister aux politiques d’austérité des gouvernements de Jean Charest et de Philippe Couillard. Cette nouvelle coalition comprend la partie la plus mobilisée du mouvement communautaire, féministe et étudiant. S’y joignent quelques syndicats et instances régionales du mouvement ouvrier. Pendant plusieurs années, la Main rouge éduque, mobilise et revendique des services publics et des programmes sociaux de qualité. Elle intervient pour une justice fiscale. Pour faire avancer ses demandes, elle adopte un plan d’action rempli d’actions robustes, nombreuses et souvent dérangeantes (action directe, occupations, mobilisations éclair). La Main rouge se définit comme une coalition d’action.

En parallèle, les grandes centrales syndicales nationales et quelques organismes communautaires créent, en 2014, une deuxième coalition nationale qui s’appelle Refusons l’austérité. Celle-ci partage la même critique des politiques du gouvernement provincial que la Main rouge, mais diffère dans le choix des moyens d’action. Le plan d’action de Refusons l’austérité privilégie des gestes plus traditionnels comme les grandes manifestations et les rassemblements et ils sont moins fréquents.

Dans l’Outaouais, l’existence de deux coalitions nationales va sonner le glas du RVO. Une partie des membres, surtout en provenance du communautaire, embrasse les stratégies de la Main rouge. D’autres, généralement syndicaux, se rallient davantage au calendrier et aux actions proposées par la coalition soutenue par les centrales. Un clivage s’ouvre dans l’Outaouais à l’automne 2014 lorsque le RVO est saisi de deux demandes distinctes de mobilisation, les deux étant relativement rapprochées dans le temps et les deux provenant des deux coalitions nationales. Le débat est acrimonieux, le sens de la solidarité est remis en question de sorte que le RVO implose. La solidarité régionale vit une crise qui durera quelques années.

D’autres lieux de solidarité intersyndicale et communautaire

D’autres lieux importants de solidarité régionale, réunissant une partie du milieu syndical et communautaire, méritent d’être soulignés. Sur la problématique de la pauvreté, le Collectif régional de l’Outaouais (CRO) fait de l’éducation et de la mobilisation sur cet enjeu pendant plus de 15 ans, de la fin des années 1990 jusqu’au début des années 2010. Le Comité régional de la Marche mondiale des femmes assure la mobilisation pour chacune des marches quinquennales. La Coalition Urgence Logement milite à partir de 2003 pour élargir le front de lutte pour contrer la crise du logement. Enfin, deux incarnations de L’Outaouais à l’urgence (début des années 1970, début des années 2010) permettent aux milieux syndicaux de se joindre à la population dans la mobilisation sur les iniquités régionales en matière de santé.

Période post-COVID

À la suite de la dissolution du RVO, l’Outaouais vit une période pauvre en mobilisation sur des enjeux politiques. Pour combler ce vide, un comité régional de mobilisation se crée en 2018, fondé par plusieurs regroupements et groupes de base du communautaire. Ce comité s’approprie le mandat d’organiser le 1er mai ; s’y joignent un syndicat CSQ et le Conseil central de la CSN. Mais la pandémie de COVID-19 brise cet élan de mobilisation collective.

À l’automne 2024, une tentative pour faire revivre un mouvement large de solidarité intersyndicale et communautaire dans la région prend forme. La Coalition solidarité Outaouais est mise sur pied. Se dotant d’un plan de travail sur deux ans, le nouveau lieu de solidarité regroupe, entre autres, les instances régionales des principales centrales syndicales et les principaux regroupements du communautaire. On s’attaquera principalement aux enjeux régionaux, dont la crise du logement et les iniquités en santé vécues par cette région transfrontalière.

Tout en apprenant des leçons du passé, la nouvelle coalition s’abreuvera sans doute de la longue histoire de solidarité régionale.

Une expérience unique de solidarité financière à la TROVEPO

En 1971, le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) crée le Programme d’aide aux organismes volontaires en éducation populaire[11]. L’année suivante, huit groupes de la région de l’Outaouais obtiennent des subventions du MEQ. Ils se solidarisent en formant la Table ronde des OVEP de l’Outaouais (TROVEPO)[12], le premier regroupement régional des groupes populaires au Québec. Ils se donnent comme mission « de rendre accessible aux différents comités de citoyen.nes le programme de subvention ».

Les membres de la TROVEPO adoptent une forme de solidarité financière inusitée qui va durer plus de 25 ans. La subvention OVEP reçue par chacun des huit membres de la Table ronde est mise en commun pour être ensuite redistribuée selon les besoins de chaque groupe et de chaque milieu.

Après deux ans, les groupes demandent au MEQ de reconnaitre formellement la TROVEPO comme demandeur unique de financement, mais le Ministère refuse. En 1975, les groupes retournent au MEQ la subvention que chacun a reçue et demandent de la recevoir à nouveau, mais de façon collective. À l’automne 1977, le MEQ accepte d’accorder l’accréditation unique à la TROVEPO et de lui verser une seule subvention qui sera redistribuée auprès de ses membres. La TROVEPO sera le seul regroupement régional québécois à obtenir le statut d’accréditation unique auprès du MEQ[13].

Au fil du temps, cette pratique de « demande unique » est souvent contestée, surtout par le ministère de l’Éducation, mais également par certains membres du regroupement qui souhaitent davantage d’autonomie quant aux décisions financières. Néanmoins, pour les groupes qui y adhèrent, le fonctionnement collectif autour du financement exprime une solidarité remarquable. En permettant aux groupes de l’Outaouais de faire financer leurs propres priorités, il a facilité la naissance de plusieurs nouveaux groupes, sans l’ingérence du Ministère.

L’adoption de la Politique de reconnaissance de l’action communautaire autonome en 2001 entraine la fin du financement de l’éducation populaire autonome par le MEQ et la fin de la demande regroupée de l’Outaouais.

 

Par Vincent Greason, militant sociocommunautaire. Vincent Greason a travaillé à la Table ronde des OVEP de 2001 à 2020.


  1. Marc Bachand, « Comités de citoyens et enjeux urbains à Hull », Revue internationale d’action communautaire, vol. 44, n° 4, 1980.
  2. L’Association coopérative d’économie familiale de l’Outaouais (ACEFO), le plus vieux groupe populaire de l’Outaouais, constitue une exception. Existant depuis 1966, elle est la suite d’une initiative syndicale. Pour la petite histoire, Pauline Marois a été permanente à l’ACEFO dans les années 1970. Quelques décennies plus tard, elle devient la première ministre du Québec.
  3. L’enquête de participation est une initiative soutenue par Paul-Émile Charbonneau, l’évêque du nouveau diocèse de Hull qui mandate l’abbé Michel Lacroix pour coordonner l’initiative.
  4. TROVEPO, Les liens entre le mouvement syndical et le mouvement populaire, document non daté. Cité dans TROVEPO, La Petite histoire de la Table ronde des OVEP de l’Outaouais, 1973-2013 – 40 ans de luttes, 2014.
  5. Solidarité populaire Québec est la première grande coalition permanente au Québec. Créée en 1985, elle est formée par les grandes centrales syndicales et les regroupements nationaux du communautaire en réaction aux budgets successifs du gouvernement du Parti québécois qui sabrent les finances publiques.
  6. Le RAPC a été un programme de transfert fédéral pour soutenir les programmes sociaux provinciaux (santé, éducation postsecondaire, aide sociale, garderies, etc.). En l’abolissant, le gouvernement fédéral affaiblit le programme d’aide sociale québécois, et ce, alors que le Québec est en pleine période de crise économique.
  7. Solidarité populaire Québec, La Charte d’un Québec populaire, Montréal, 1994.
  8. CSN : Confédération des syndicats nationaux; FTQ : Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; FIQ : Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec; SFPQ : Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec.
  9. Les amigos sont Stephen Harper du Canada, George W Bush des États-Unis et Felipe Calderon du Mexique. À Montebello, un village situé dans l’est de l’Outaouais, il y a une auberge où se réunissent souvent des personnages politiques.
  10. Le Programme OVEP, MEQ, 1971-1972 est le premier programme de financement gouvernemental destiné au soutien des groupes populaires. Voir : Comité histoire du MEPACQ, Faire mouvement. Les quarante ans du Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec, Montréal, Éditions de la rue Dorion, 2022.
  11. La TROVEPO est membre fondatrice, avec les trois regroupements régionaux en éducation populaire de Québec, de Montréal et de l’Estrie, du Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire (MÉPACQ) en 1981.
  12. Le regroupement régional de Québec-Chaudière-Appalaches fonctionne aussi par demande regroupée, mais chaque groupe participant est accrédité individuellement par le Ministère. La Fédération des familles monoparentales et recomposées du Québec et la Fédération des ACEF, deux regroupements nationaux, fonctionnent également par demandes regroupées. La politique de la nouvelle gestion publique n’est pas encore dans le décor.

 

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▶ Jean-Baptiste FRESSOZ est un historien des sciences, des techniques et de l'environnement. Après avoir été maître de conférence à l'Imperial College de Londres, il est maintenant chercheur au CNRS, enseignant à l'EHESS et à l'Ecole des ponts et chaussées. Il a déjà publié au Seuil L'Apocalypse joyeuse, L'Evénement anthropocène (avec Christophe Bonneuil) et plus récemment, Sans transition : Une nouvelle histoire de l'énergie.

Dans cette interview par Olivier Berruyer pour Élucid, Jean-Baptiste Fressoz détruit le mythe de la transition énergétique : elle n'a jamais eu lieu et n'aura jamais lieu. L'histoire énergétique des sociétés industrielles n'est pas celle d'un remplacement, mais d'une accumulation : à chaque nouvelle source d'énergie s'ajoutent les précédentes, avec à la clé des effets rebond massifs. Depuis le début de la prise de conscience écologique, la ligne des pays riches n'a pas changé : poursuivre la surconsommation, épuiser les ressources, et s'adapter — autant que possible — à une planète qu'on continue de maltraiter.

Lien vers la pub Areva mentionnée dans l'entretien : http://www.culturepub.fr/videos/areva...
Et la publicité EDF : https://urls.fr/sz-8Wr

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https://www.contretemps.eu/trump-big-tech-contre-revolution-libertarienne-extreme-droite-us-sylvie-laurent/

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Les partis politiques québécois à l’heure de la recomposition du champ politique

19 août, par Bernard Rioux — ,
Le paysage politique québécois traverse une recomposition politique majeure. L'illusion de l'hégémonie caquiste s'effondre sous le poids des échecs économiques, de la (…)

Le paysage politique québécois traverse une recomposition politique majeure. L'illusion de l'hégémonie caquiste s'effondre sous le poids des échecs économiques, de la dégradation sociale des services publics et de la stérilité de sa rhétorique nationaliste. Le Parti québécois, revigoré par un discours indépendantiste assumé, profite de l'électorat, mais porte déjà en lui ses propres contradictions. Le Parti libéral, réduit à une coquille fédéraliste montréalaise, tente de se reconstruire sous la direction de Pablo Rodriguez. Le Parti conservateur d'Éric Duhaime impose la normalisation de l'extrême droite. Québec solidaire, prisonnier de sa quête de réalisme parlementaire, s'enfonce dans une crise stratégique et démocratique. Face à ce tableau, la question centrale est claire : comment construire une véritable alternative de rupture sociale, écologique et démocratique au service des classes populaires du Québec ?

19 août 2025

L'érosion de l'appui électoral au gouvernement Legault

La CAQ de François Legault est en train de s'effondrer sous le poids de ses propres contradictions. Selon QC125, la CAQ ne cesse de décliner dans les intentions de vote, passant d'environ 22–24 % en 2024 à 17 % en juin 2025. Aux élections de 2018, puis à celles de 2022, Legault s'était présenté comme le chef d'un projet « nationaliste » pragmatique, capable d'assurer la prospérité du Québec. Mais derrière ce discours se cachait une politique néolibérale : cadeaux fiscaux aux grandes entreprises débouchant sur des échecs industriels (Northvolt, Lion électrique), compressions dans l'éducation, ouverture plus importante du système de santé au privé, scandales de gestion comme à la SAAQclic, et attaques contre les droits syndicaux. Les conséquences de ces politiques sont claires : dégradation des conditions de vie de la majorité, crise du logement, effritement des services publics. Son incapacité à prendre la crise climatique au sérieux, sa volonté de croissance sans fin sans considérer les limites de la planète ont aussi alimenté ces reculs. En arrière-plan, l'impuissance chronique du nationalisme caquiste à arracher des pouvoirs supplémentaires à Ottawa achève de le discréditer. La CAQ apparaît désormais pour ce qu'elle est : un parti de la bourgeoisie québécoise, arrimé aux élites économiques et incapable de répondre aux besoins populaires.

La remontée du PQ et ses contradictions

Cette érosion ouvre un espace politique que le Parti québécois (PQ) occupe avec une vigueur retrouvée. Longtemps marginalisé, il capte aujourd'hui le mécontentement envers la CAQ et remobilise une base indépendantiste en panne de projet depuis 1995. Il occupe depuis plusieurs mois la première place avec des intentions de vote au-dessus de 30%, ce qui traduit un réalignement significatif du champ politique québécois. Ainsi, dans plusieurs régions et parmi les jeunes électeurs et électrices, le PQ parvient à réactiver le soutien à l'option souverainiste, marquant une inflexion générationnelle dans l'opinion publique.

Le discours de Paul St-Pierre Plamondon séduit par sa cohérence : refus du serment au roi, promesse de référendum rapide, dénonciation de l'impuissance fédéraliste. Mais derrière cette ligne claire se cache un nationalisme identitaire qui lie immigration, crise du logement et danger pour l'avenir de la langue française, reprenant à son compte la logique de bouc émissaire déjà utilisée par la CAQ. Le PQ regagne de la force parce que d'une part, il incarne une rupture avec l'aplaventrisme face à Ottawa du PLQ et d'autre part, il stigmatise l'incapacité du gouvernement Legault d'obtenir des gains significatifs d'Ottawa.

Le Parti Libéral du Québec et le difficile chemin de sa reconstruction

Le parti libéral du Québec (PLQ) n'est pas seulement en crise : il est en état d'effondrement. Le résultat des élections du 3 octobre 2022, un maigre 14,17% des voix et 21 sièges confinés à Montréal ne sont pas une simple défaite électorale, mais l'aboutissement logique d'un rôle historique : celui d'un parti au service de la bourgeoisie canadienne et des élites québécoises fédéralistes.

Après les années Charest, Philippe Couillard a prolongé la cure d'austérité : coupures massives dans les dépenses sociales, privatisation de pans entiers de la santé sous Barrette, marchandisation rampante de l'éducation, attaques contre les professionnels de soutien scolaire, affaiblissement du réseau de la petite enfance. Chaque réforme libérale fut une attaque directe contre les classes populaires, au profit des assureurs, des cliniques privées et des multinationales. Le PLQ n'a pas « géré » l'État : il l'a mis au service des riches, en transformant les droits sociaux en occasions d'affaires pour le capital.

Dans le cadre de la remontée de la polarisation souverainisme/fédéralisme, le PLQ tente de se reconstruire. Son pari est clair : redevenir le grand parti fédéraliste en profitant à la fois de l'érosion de la CAQ et de la peur d'un référendum. Mais son déficit nationaliste auprès de l'électorat francophone, hérité de décennies de néolibéralisme et de soumission à Ottawa, reste béant. Ce projet se heurte de plus au rejet profond qu'il inspire encore aux classes populaires francophones.

Le rôle du Parti conservateur du Québec ou la volonté de normalisation des politiques d'extrême droite

Dans ce paysage, le Parti conservateur du Québec (PCQ) s'installe comme le véhicule politique de l'extrême droite. Sous la houlette d'Éric Duhaime, il combine ultralibéralisme économique, privatisation de la santé et de l'éducation, marchandisation des services publics et démagogie réactionnaire inspirée du trumpisme avec un climatoscepticisme assumé, la relance des hydrocarbures, la xénophobie et les attaques contre les institutions démocratiques.

Lors des élections générales de 2022, cette stratégie a permis au parti de récolter plus de 12% des suffrages au niveau national, un résultat inédit pour une formation jusque là marginale. Dans certaines régions, le PCQ atteint des scores significatifs : plus de 15% dans plusieurs circonscriptions de la Mauricie et plus de 35% dans certains comtés de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches.

Cette percée électorale traduit l'implantation d'un courant politique autoritaire et antisocial, porté par une fraction de la petite bourgeoisie et des couches populaires séduites par son discours anti-élite et anti-État. Le danger est réel : même sans perspective de gouvernement, le PCQ tire tout le débat québécois vers la droite et contribue à légitimer les positions les plus réactionnaires.

Aux fondements de la stagnation actuelle de Québec solidaire

Après une décennie de progression électorale, et le saut qualitatif qu'il avait connu en 2018 en faisant élire 10 député-e-s, Québec solidaire a connu des résultats décevants en 2022. Ces résultats furent décevants non pas à cause des résultats (15,4% des votes et 11 député-e-s,) mais parce que le discours du parti avait fait miroiter la possibilité de devenir l'opposition officielle et de se placer en position de devenir un futur gouvernement. Le parti traverse aujourd'hui une phase de stagnation, voire de recul, qui s'explique par un ensemble de choix stratégiques et organisationnels.

Sous l'impulsion de Gabriel Nadeau-Dubois, QS a cherché à se présenter comme une opposition crédible et un futur parti de gouvernement. Cette orientation s'est traduite par un recentrage pragmatique, la mise à l'écart de propositions de rupture, comme la nationalisation des ressources naturelles et l'abandon explicite d'une critique du capitalisme. Si cette stratégie visait à élargir l'électorat, elle a dilué la spécificité politique du parti et affaibli son image de force contestataire.

Ce virage s'est accompagné d'une centralisation organisationnelle. L'aile parlementaire et les équipes de communication ont pris le pas sur la vie militante et les liens avec les mouvements sociaux. La mobilisation de la base s'est réduite à l'appui aux campagnes électorales, sans réelle valorisation de l'auto-organisation. Le congrès sur les statuts a cristallisé cette évolution en renforçant le pouvoir de la direction, provoquant un sentiment de perte de démocratie interne.

Ce recentrage parlementaire a aussi affaibli la capacité du parti à incarner une opposition ferme sur les enjeux sociaux et antiracistes. L'attitude prudente de la direction dans la défense d'Haroun Bouazzi, après ses dénonciations du climat xénophobe à l'Assemblée nationale, illustre la tension entre la recherche de respectabilité institutionnelle et l'engagement social radical qui avait constitué l'ADN de QS.

Les conséquences électorales de cette impasse sont claires. La démission de Nadeau-Dubois est apparue comme l'aboutissement d'une stratégie qui a échoué à élargir la base électorale tout en démobilisant une partie des militant-es. L'effondrement du score dans l'élection partielle d'Arthabaska illustre ce double échec : QS a perdu à la fois son élan militant et la confiance d'un électorat en quête d'une alternative de rupture, alors que le Parti québécois profitait du vide laissé.

Ainsi, la crise de Québec solidaire ne se réduit pas à des aléas électoraux, mais découle de choix stratégiques et structurels. En s'adaptant aux logiques parlementaires et en misant sur une stratégie électoraliste centrée sur la crédibilité institutionnelle, le parti a compromis son ancrage social, sa démocratie interne et sa spécificité critique. Il se retrouve aujourd'hui à la croisée des chemins : soit il approfondit son intégration au parlementarisme au risque de s'aligner sur les autres partis, soit il renoue avec les dynamiques militantes et les projets de rupture qui avaient nourri son essor initial.

Pour un tournant écosocialiste et écoféministe de Québec solidaire

Après un essor fulgurant qui en avait fait l'expression des espoirs de rupture d'une nouvelle génération militante et populaire, Québec solidaire recule dans les intentions de vote et dans la perception qu'en avait cette génération qui le voyait comme une force de rupture. Si Québec solidaire veut retrouver la possibilité d'une véritable relance, il doit opérer un tournant majeur – stratégique, programmatique et organisationnel – qui rompe enfin avec les logiques d'adaptation au système dominant.

Québec solidaire a besoin d'une stratégie qui dépasse la simple ambition de « gouverner raisonnablement » pour s'ancrer dans les luttes réelles : celles des travailleuses et travailleurs, des mouvements écologistes, féministes, antiracistes, des jeunes en révolte et des quartiers en résistance. Il s'agit de bâtir un pouvoir populaire, d'alimenter la combativité, l'unité et la démocratie des mouvements sociaux antisystémiques, au lieu de les canaliser vers l'attente passive d'échéances électorales.

Cette ligne de rupture doit rallier une majorité populaire autour d'un projet clair : celui de la construction d'un Québec indépendant, écosocialiste et écoféministe. Cela implique :

• la fin du pillage de nos ressources naturelles et de notre énergie par les multinationales ;
• une planification démocratique de la production et des investissements, tournée vers la décroissance énergétique et matérielle et vers le bien-vivre collectif ;
• une Assemblée constituante souveraine pour jeter les bases d'une république sociale et démocratique ;
• l'éradication de la domination patriarcale et la construction d'une société écoféministe ;
• des services publics renforcés et autogérés ;
• la défense des droits des personnes migrantes et la lutte contre le racisme systémique, notamment envers les Autochtones et les communautés racisées ;
• une politique linguistique audacieuse qui fait du français la langue commune sans stigmatiser les personnes immigrantes ;
• le rejet de la laïcité identitaire utilisée comme arme contre les minorités ;
• un internationalisme radical, anti-impérialiste et antimilitariste.

Mais pour que ces perspectives ne restent pas de simples proclamations, Québec solidaire doit transformer sa pratique politique. Cela veut dire : prioriser l'intervention dans les luttes sociales ; construire une gauche écosocialiste combative au sein des syndicats, des mobilisations écologistes, féministes et de la jeunesse ; élaborer un programme de rupture offensif et mobilisateur ; initier des campagnes militantes capables de rallumer l'espoir.

Un choix décisif s'impose. Ou bien QS poursuit sa dérive vers le « réalisme » électoral et il se marginalisera, comme tant d'autres partis de gauche institutionnelle avant lui. Ou bien il assume pleinement son projet de ralliement d'une majorité prête à lutter pour un Québec indépendant, juste, écosocialiste, féministe et internationaliste.

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Les six premiers mois de Trump : Une menace pour notre planète et ses peuples

19 août, par Bureau exécutif de la IVe Internationale — , ,
L'élection de Trump représente l'arrivée au pouvoir d'une direction néofasciste dans le principal pays impérialiste du monde, participant activement au génocide du peuple (…)

L'élection de Trump représente l'arrivée au pouvoir d'une direction néofasciste dans le principal pays impérialiste du monde, participant activement au génocide du peuple palestinien. Cela représente un tournant profond vers la droite du rapport de forces international, et cela renforce les Orban, Modi, Meloni, Bolsonaro, etc.

Tiré de Quatrième internationale
14 juillet 2025

Par le Bureau exécutif

Depuis son entrée en fonction le 19 janvier 2025, après avoir remporté une élection serrée avec une majorité relative dans le vote populaire, la présidence Trump a poursuivi un programme profondément réactionnaire, menaçant les droits démocratiques aux États-Unis et agressant le reste du monde. Trump représente une menace particulièrement virulente pour la classe ouvrière américaine et les communautés opprimées à travers le monde. L'un de ses principaux fronts est constitué par ses attaques contre les LGBTIQ*, en particulier contre les personnes trans, point sur lequel il s'accorde largement avec l'extrême droite internationale, notamment Poutine. Cela s'inscrit dans le cadre plus large du programme réactionnaire de Trump, qui attaque farouchement les minorités racisées, les droits reproductifs des femmes et les migrant·es, qui nie le changement climatique, qui est hostile aux droits démocratiques, n'hésite pas à recourir à la violence, méprise les processus démocratiques et les contre-pouvoirs, et aspire au pouvoir total.

La généralisation des droits de douane est une obsession idéologique de Donald Trump et son annonce a constitué une démonstration de forces impérialiste, dès les premiers jours de son mandat. Mais la crainte des conséquences économiques et les ripostes annoncées, notamment de la part des BRICS, ont contraint Washington à reculer et contribuent à la crise de l'hégémonie de l'impérialisme étatsunien. La taxe de 50 % sur les importations brésiliennes, avec l'objectif politique assumé de « punir » le gouvernement brésilien afin d'ouvrir la voie à Bolsonaro et aux autres putchistes pour qu'ils échappent aux poursuites judiciaires. De manière paradoxale, cette mesure a ouvert une situation nouvelle et positive dans le pays.

Sa volonté d'accéder au pouvoir total, avec l'aide et la complicité du parti républicain et d'une partie du système judiciaire américain, fait de lui un autoritaire et un néofasciste en puissance, et renforce l'extrême droite dans le monde entier. Bien que l'opposition n'ait pas été interdite et que les droits démocratiques n'aient pas été complètement éliminés – des indicateurs du néo-fascisme – la tendance dans cette direction est claire.

Les États-Unis sont depuis longtemps le plus grand consommateur de combustibles fossiles. Sous Trump, les États-Unis ont quitté la COP – l'inefficace association internationale sur le changement climatique –, ont donné le feu vert aux compagnies pétrolières pour augmenter l'extraction et l'utilisation des combustibles fossiles et les documents institutionnels américains ont été expurgés de toute référence au changement climatique.

Le gouvernement Trump a lancé une campagne particulièrement cruelle de persécution et d'expulsion menée par la police et l'armée contre des millions de migrants·e, principalement originaires d'Amérique latine et d'Asie du Sud. Avec son discours cynique assimilant tous les travailleur·ses immigré·es à des criminels, elle a transformé le Salvador en une sorte de Guantánamo. Cette campagne encourage les forces suprémacistes blanches les plus réactionnaires.

Trump attaque les universités prestigieuses des États-Unis, en les accusant cyniquement d'antisémitisme en raison de leur répression insuffisante à son goût contre les manifestations pro-palestiniennes. Cette répression a mis en difficulté le mouvement de solidarité avec la Palestine et la liberté d'expression. L'étiquetage des manifestations pro-palestiniennes comme antisémites sert à dissimuler le véritable antisémitisme nourri par le discours et la politique racistes de Trump.

Trump et ses alliés ont récemment adopté un budget réactionnaire accordant d'énormes avantages fiscaux aux ultra-riches, payés directement par des coupes dans Medicaid – un programme d'assurance maladie gouvernemental utilisé par 71 millions de personnes – et dans les bons d'alimentation pour les plus pauvres.

Les menaces ouvertes, formulées par Trump, d'annexer le canal de Panama, le Canada et le Groenland représentent un retour à l'impérialisme du 19e siècle. Concernant l'Ukraine, Trump cherche à conclure un accord prédateur avec Poutine (avec lequel il possède de fortes convergences idéologiques d'extrême droite) pour se partager les sphères d'influence aux dépends des peuples, victimes de la guerre coloniale menée par l'État russe.

Après le choc politique subi par les puissances européennes face à la rhétorique de Trump concernant un désengagement vis-à-vis de l'OTAN, cette alliance a retrouvé sa place historique –la subordination de l'Europe – lorsque Trump s'en est servi pour montrer l'obéissance des Européens aux ordres américains en matière d'augmentation des dépenses militaires.

Alors que la politique « l'Amérique d'abord » guide le bellicisme de Trump à l'égard de ses alliés, la récente attaque contre l'Iran nous rappelle que les États-Unis n'hésiteront pas à recourir à la force militaire lorsque leurs intérêts seront menacés.

Trump poursuit le soutien militaire et politique en faveur d'Israël, mené par Biden et de tous les présidents étatsuniens. Sa menace de vider la bande de Gaza de ses habitant·es et de transformer la région en station balnéaire de luxe constituerait un crime d'une importance historique mondiale.

Le parti démocrate s'est montré totalement inefficace pour s'opposer à Trump. Ceci est principalement dû au fait que le parti démocrate sert les mêmes 1% que les Républicains.

Les meetings immenses et enthousiastes d'AOC et de Bernie Sanders reflètent la profondeur du sentiment anti-Trump. La récente victoire de Mamdani lors des primaires du Parti démocrate à New York défie la direction du Parti démocrate, et son programme social progressiste montre qu'il est possible d'élire des responsables politiques progressistes et anticapitalistes. Contre Trump, au cours des derniers mois, un mouvement de masse s'est construit, dans les rues. Des millions de personnes ont participé à des milliers de manifestations anti-Trump dans des milliers de villes et villages à travers le pays. Les travailleur·ses immigré·es ont été à l'avant-garde de cette résistance. Ces manifestations encouragent celles et ceux qui résistent aux gouvernements d'extrême droite à travers le monde.

Le Bureau de la Quatrième Internationale se solidarise avec le mouvement anti-Trump qui prend de l'ampleur.

À bas le régime Trump !

À bas toutes les menaces américaines contre d'autres pays et d'autres peuples !

Saluons les manifestations héroïques à Los Angeles !

Stop à l'expansion des énergies fossiles aux États-Unis !

Stop à la guerre contre les immigrés !

Autodétermination pour l'Ukraine !

Stop au soutien américain au génocide israélien à Gaza !

Déclaration du Bureau de la Quatrième Internationale, le 13 juillet 2025

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Trump et Poutine : bas les pattes devant l’Ukraine ! Pas de paix sans l’Ukraine Pas de paix contre l’Ukraine

19 août, par Réseau Européen de Solidarité avec l'Ukraine (RESU) — , ,
Poutine et Trump veulent s'entendre sur le dos du peuple ukrainien lors d'une réunion au sommet sans le principal intéressé, l'Ukraine, au mépris du droit international et du (…)

Poutine et Trump veulent s'entendre sur le dos du peuple ukrainien lors d'une réunion au sommet sans le principal intéressé, l'Ukraine, au mépris du droit international et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

Tiré de Inprecor
13 août 2025

Par Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine

Trump a annoncé vendredi qu'il rencontrerait son homologue russe en Alaska, le 15 août, sans le président ukrainien. Celui-ci a vivement et justement répliqué : « Toute décision qui serait prise contre nous, toute décision qui serait prise sans l'Ukraine, serait une décision contre la paix. »

Un règlement de la guerre comprendra, selon le président américain, des concessions territoriales.

« Les Ukrainiens n'abandonneront pas leur terre aux occupants », a ajouté Zelensky alors que Trump a évoqué des « échanges de territoires ».

La Crimée et des territoires des oblasts de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijjia que Poutine a déclarés annexés sont occupés par les troupes russes au mépris du droit international

L'occupation est un crime, celui qui occupe est un criminel, celui qui la favorise en est un complice !

Trump se prépare à offrir ainsi une victoire à l'agresseur après avoir prétendu qu'il émettrait un ultimatum à l'encontre de Poutine.

Non, l'époque de mise d'un pays, contre sa volonté, sous tutelle d'un autre par décision de « grandes puissances » est révolue.

La mobilisation contre ce brigandage impérialiste entre les compères Poutine et Trump et en solidarité avec l'Ukraine doit s'organiser rapidement.

Le 10 août 2025

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Grande-Bretagne : « Construire le parti »

19 août, par James Schneider — , ,
Au cours des derniers mois, plusieurs groupes de la gauche organisée britannique ont discuté de la formation d'un nouveau vecteur national : soit un parti politique, soit une (…)

Au cours des derniers mois, plusieurs groupes de la gauche organisée britannique ont discuté de la formation d'un nouveau vecteur national : soit un parti politique, soit une alliance électorale. Les arguments en faveur d'une telle institution ne pourraient être plus clairs. Le gouvernement travailliste au pouvoir se caractérise par sa soumission envers les intérêts des entreprises, sa complicité dans le génocide à Gaza et la répression de la dissidence. Alors que l'opposition conservatrice reste obsédée par les guerres culturelles et entachée par son long passé de mauvaise gestion, le parti d'extrême droite Reform UK [Nigel Farage] semble en passe de remporter la majorité des suffrages populaires, présentant sa vision powelliste [référence à Enoch Powell (1912-1998) qui disposa d'une grande influence dans le débat politique et qui avait les caractéristiques conservatrices et libertariennes] comme la seule alternative viable.

Tiré de Inprecor
4 août 2025

Par James Schneider

Les sondages suggèrent qu'un parti de gauche pourrait remporter autant de voix que le parti au pouvoir, avec 15% chacun. Ce chiffre pourrait encore augmenter s'il s'enracinait dans des circonscriptions clés et lançait une attaque énergique contre le consensus de Westminster : un événement qui marquerait une avancée majeure pour un bloc socialiste historiquement lié par les contraintes du travaillisme. Si les politiciens et les acteurs impliqués dans cette nouvelle organisation n'ont pas encore défini de ligne directrice claire, la députée socialiste de premier plan Zarah Sultana et l'ancien leader travailliste Jeremy Corbyn ont annoncé la tenue d'une conférence inaugurale cet automne, au cours de laquelle les politiques et les modèles de direction pourront être décidés démocratiquement. En moins de 24 heures, 200 000 personnes se sont inscrites, un chiffre stupéfiant.

James Schneider est l'un des organisateurs qui travaille sur ce projet. Né en 1987, il s'est radicalisé à la suite de la guerre en Irak et de la crise financière mondiale. Il a cofondé le groupe de campagne Momentum afin de rallier le soutien populaire à la direction de Corbyn en 2015, avant d'être recruté un an plus tard comme directeur de la communication stratégique du parti. À ce poste, il a défendu une forme de « populisme de gauche » sans concession, tentant – en vain – de résister à la pression exercée par l'aile droite du Parti travailliste pour qu'il capitule sur des questions clés telles que le Brexit. Depuis, il a publié Our Bloc (2022), son projet pour l'avenir de la gauche britannique, et travaille aujourd'hui comme directeur de la communication pour l'Alliance progressiste qui réunit la IIe Internationale, des syndicats et des ONG.

James Schneider s'est entretenu avec Oliver Eagleton sur certaines des questions cruciales qui se posent dans le processus de construction d'un parti : comment celui-ci peut servir de médiateur entre le pouvoir populaire et le pouvoir électoral, les structures organisationnelles qu'il doit mettre en place, les facteurs qui ont précédemment empêché son lancement et les exemples internationaux dont il peut s'inspirer. Cet entretien est le premier d'une série de réflexions sur les perspectives de la gauche post-Corbyn qui seront publiées sur Sidecar [site en lien avec la New Left Review].

Oliver Eagleton : Commençons par votre description générale de ce qu'un hypothétique parti de gauche devrait espérer accomplir dans le paysage politique des années 2020, en particulier dans des pays comme la Grande-Bretagne, où il serait confronté à un certain nombre d'obstacles majeurs, de l'emprise des médias traditionnels au système antidémocratique de Westminster, en passant par la division des forces à gauche du Parti travailliste.

La tâche de ce parti devrait être d'entreprendre différentes formes de « construction politique ». Il y a tout d'abord la construction de l'unité populaire : prendre les circonscriptions qui constituent actuellement une majorité sociologique et les traduire en une majorité politique. En Grande-Bretagne, il s'agit de la classe ouvrière pauvre, des diplômés en déclin social et des communautés racialisées. La plupart des gens envisagent les circonscriptions en termes purement électoraux : « Comment pouvons-nous gagner quelques sièges supplémentaires ? », etc. Mais peu importe que vous ayez cinquante, cent ou deux cents députés si votre stratégie électorale n'est pas liée à ce projet social plus large.

Vient ensuite la construction du pouvoir populaire : il s'agit de mettre en place des organisations structurées que les gens peuvent utiliser pour contrôler démocratiquement différents aspects de leur vie, soit en obtenant des concessions du capital et de l'État, soit en les transcendant partiellement – en décommodifiant [suppression du statut de marchandise] certaines ressources ou en créant des espaces autonomes. Cela permet aux gens de légiférer collectivement depuis la base tout en créant les conditions pour que leur parti légifère depuis le sommet. Le mouvement ouvrier et les coopératives britanniques ont traditionnellement servi cet objectif. D'autres pays ont des traditions plus variées en matière de création de pouvoir populaire, à travers des groupes de locataires, des collectifs agricoles, des syndicats d'endettés, des occupations de terres, pour n'en citer que quelques-unes.

Cela nous amène à la forme finale de la construction politique : celle d'une alternative populaire. L'unité populaire et le pouvoir populaire démontrent qu'il existe d'autres moyens d'organiser la société dans son ensemble, tout en élaborant un programme majoritaire pour le gouvernement capable de répondre aux besoins de la population à court et moyen terme. Si nous poursuivons cette stratégie tripartite, nous commencerons à voir émerger de nouvelles formes de protagonisme populaire qui diffuseront la lutte et le contrôle dans toute la société.

Permettez-moi de vous donner deux exemples tirés de la Colombie. Ce pays a été historiquement l'un des principaux avant-postes de l'impérialisme sur le continent, dominé par une élite compradore conservatrice. Pourtant, depuis plus de soixante-dix ans, le pétrole du pays est propriété publique, car les travailleurs du pétrole ont lancé une grève illimitée en 1948 qui a contraint l'État à créer une entreprise nationalisée, et la pression massive et persistante de la population a empêché tous les gouvernements qui se sont succédé depuis lors de revenir sur cette décision. Plus récemment, en 2010, une institution appelée le Congrès populaire a été créée pour rassembler divers mouvements sociaux et luttes territoriales : urbains, paysans, autochtones. L'une de leurs initiatives a été de mettre en place des territoires de production alimentaire contrôlés par les paysans, qui relient les petits agriculteurs aux pauvres des villes, et ils ont finalement contraint le gouvernement à reconnaître et à soutenir ces territoires en expansion, que le mouvement considère comme des « tranchées du pouvoir populaire ». Cette stratégie de légiférer par le bas a contribué à l'élection du tout premier gouvernement de gauche de Colombie en 2022, dirigé par Gustavo Petro.

En résumé, notre parti doit être un vecteur d'unité, un catalyseur de l'organisation populaire et un levier de mobilisation populaire vers une alternative sociale. Notre objectif à long terme, bien au-delà de ce qui peut être réalisé dans les années 2020, doit être d'établir une société qui reconnaît la dignité fondamentale de chaque personne. Si ce principe est évident pour beaucoup, les macrostructures de notre système mondial s'y opposent fermement. L'ordre actuel repose sur une triade composée du capital, de la nation et de l'État. Notre objectif doit être de le remplacer par un autre : le social, l'international et le démocratique – trois logiques interdépendantes qui ouvrent la voie à de nouvelles formes de vie au-delà de l'exploitation, de l'empire et du contrôle hiérarchique. Cela signifie socialiser l'économie, transformer notre position dans la chaîne des relations impériales et la division mondiale du travail, et démocratiser l'État. Il n'y a pas de voie vers un avenir écologique durable sans ces transformations. Dans ce pays, nous n'avons jamais eu de vecteur qui ait tenté d'opérer ce type de changement par le biais d'une politique de masse. Aucun des petits groupes de gauche ne l'a fait. Même sous la direction de Corbyn au sein du Parti travailliste, nous n'avons pas conçu notre objectif en ces termes. Ce qu'il faut, c'est un parti populaire, entouré d'un ensemble d'organisations, capable de conquérir le pouvoir dans tous les domaines : social, culturel, politique, industriel.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la manière dont cette stratégie s'attaquerait aux réalités pratiques de la politique britannique actuelle ?

Les groupes sociaux que j'ai décrits plus haut – les travailleurs pauvres, les diplômés en déclin social et les personnes victimes de racisme – seraient les principaux bénéficiaires d'un mouvement visant à abolir l'état actuel des choses. Bien sûr, un parti de gauche doit également chercher à gagner le soutien d'autres groupes : il existe des éléments progressistes en dehors de ces groupes, tout comme il existe des éléments réactionnaires en leur sein, ce n'est donc pas un processus rigide ou mécanique. Mais ce sont les trois principaux acteurs à travers lesquels l'unité populaire peut être forgée. Certaines des raisons pour lesquelles ils constituent une majorité numérique sont liées à la position mondiale de la Grande-Bretagne en tant qu'économie avancée au cœur du capitalisme, mais d'autres sont plus spécifiques : par exemple, les politiques mises en œuvre par le New Labour [slogan utilisé dans la campagne électorale de 1996 et qui sera associée à Tony Blair] dans l'enseignement supérieur, le logement et l'industrie, qui ont créé la catégorie des diplômés en déclin social (ironiquement, puisque le New Labour était en partie le projet d'une classe de diplômés en ascension sociale). De plus en plus, les actions de l'establishment – en particulier du gouvernement travailliste actuel – renforcent un intérêt commun parmi ces groupes. Les partis de Westminster ont appauvri les personnes sans patrimoine ainsi que les jeunes diplômés, et ils ont tenté de rejeter la faute sur les personnes racialisées, y compris celles qui n'entrent pas dans ces deux autres catégories sociales, ce qui leur donne une base commune pour renverser le statu quo.

Le potentiel est donc là. Ce qui manque, c'est la capacité. En matière de pouvoir populaire, nous partons d'un niveau très bas. La vie civique en Grande-Bretagne, comme dans une grande partie du Nord global, a été réduite à néant. La vie associative de la classe ouvrière a été détruite, pas seulement les syndicats et les coopératives, mais aussi les bibliothèques, les pubs, les clubs, les groupes de musique, les équipes sportives. De moins en moins de gens se souviennent même de cette culture politique d'autrefois. Notre expression la plus forte du pouvoir populaire est le mouvement syndical, qui a surtout connu la défaite au cours des cinquante dernières années, ce qui a naturellement créé une posture défensive. Comment surmonter cela ? Eh bien, le pouvoir populaire repose toujours sur la concentration. Ce n'est pas un hasard si l'usine crée des ouvertures politiques à la gauche ; il en va de même pour les quartiers populaires, qui sont des lieux où les gens se rassemblent naturellement. En Grande-Bretagne, cela a des implications claires pour la stratégie électorale en raison du système électoral majoritaire à un tour. Je ne suis pas un défenseur de ce système, mais il existe et nous devons travailler avec pour l'instant. Il nous oblige notamment à poursuivre une stratégie de concentration : ancrer notre projet dans des zones spécifiques où ces trois groupes sociaux sont majoritaires.

Prenons l'exemple des élections de l'année dernière, où les cinq candidats indépendants de gauche ont remporté des sièges au Parlement : un gain relativement modeste, mais historique, car il n'y avait eu que trois indépendants de gauche depuis la Seconde Guerre mondiale. La situation à Islington North, où Corbyn a battu son adversaire travailliste avec une marge écrasante, était quelque peu sui generis dans la mesure où il était un candidat de renommée nationale et dont la notoriété était de 100 %. Elle a toutefois des implications plus larges, dans la mesure où tous les derniers éléments de pouvoir social ont été mobilisés pour soutenir la campagne, précisément parce que les gens y voyaient l'expression de leur propre vie civique. Tous les groupes de jardinage, toutes les églises, toutes les mosquées, toutes les sections syndicales de la région ont reconnu en Corbyn leur incarnation politique, et c'est pourquoi ils se sont mobilisés pour lui, presque indépendamment de leur opinion sur des politiques spécifiques.

Les quatre autres candidats indépendants ont également remporté une large victoire grâce au pouvoir social réel dont ils jouissent dans leurs communautés, qui repose en grande partie sur les mosquées – même si, bien sûr, de nombreux non-musulmans et musulmans non pratiquants ont également fait campagne et voté pour eux. Les gens vont à la mosquée chaque semaine. C'est un lieu de socialisation, un lieu de bien-être, un lieu d'orientation morale. Ainsi, même si ces candidats indépendants seraient les premiers à admettre qu'ils étaient inexpérimentés en politique, qu'ils n'avaient pas mené de campagne brillante, ni mis en place une communication innovante ou un programme politique complet, ils ont néanmoins été portés à la victoire grâce à cette identification avec le centre du pouvoir communautaire, qui a contribué à canaliser leur répulsion commune face au génocide à Gaza et à toute une série d'autres questions. C'est exactement la raison pour laquelle l'establishment a réagi avec une telle horreur. Il ne s'agissait pas seulement d'islamophobie, mais aussi de la prise de conscience paniquée que le pouvoir populaire peut contourner les structures censées le neutraliser.

Si votre ambition est de créer une sorte de lien contraignant entre un parti politique et des formes plus larges de vie associative, il y a peut-être une distinction à faire entre les mouvements et les institutions. Les premiers peuvent être éphémères et informels, incapables de créer des formes durables de pouvoir populaire en l'absence des seconds. On pourrait dire que, lorsqu'il s'agit de questions telles que le génocide à Gaza, c'est le mouvement qui mobilise les gens en tant que sujets politiques, l'institution qui traduit cette politisation en pouvoir populaire, et le parti qui exploite ce pouvoir pour influencer ou s'emparer de l'État. Ce qui m'amène à poser la question suivante : si la culture institutionnelle de la classe laborieuse britannique a été largement détruite au cours des cinquante dernières années, ne laissant derrière elle que des enclaves isolées, ne manque-t-il pas alors un maillon essentiel dans cette chaîne ? Comment un nouveau parti de gauche devrait-il aborder ce problème ?

Nous devons construire davantage d'institutions. C'est pour moi la tâche stratégique la plus importante pour le parti, mais aussi celle qui risque le plus d'être négligée. Tout en renforçant les manifestations du pouvoir populaire qui ont survécu aux ruines du néolibéralisme, nous devons en créer de nouvelles. Le nombre de ménages qui sont locataires au Royaume-Uni est de 8,6 millions. Le nombre de personnes syndiquées dans le secteur locatif est d'environ 20 000. Seuls 38% des locataires ont voté lors des dernières élections. Si, sous le Labour de Corbyn, nous avions décidé d'aller frapper aux portes et d'organiser les locataires, combien de dirigeants de ce secteur social aurions-nous aujourd'hui ? Comment aurions-nous pu faire évoluer la conscience de la gauche travailliste, afin qu'elle cesse de soutenir un parti parlementaire sur Twitter et qu'elle se concentre plutôt sur la construction de ses propres institutions solides ? On pourrait poser les mêmes questions sur toute une série d'autres thèmes. Avec alors 600 000 membres du Parti travailliste, dont 450 000 étaient de gauche, nous aurions pu décider que notre priorité politique était de nous organiser autour de la question X ou Y. Si nous avions mobilisé ne serait-ce que 10% de ces membres de gauche, nous aurions pu créer de nouvelles organisations populaires : coopératives alimentaires, syndicats de personnes endettées, groupes de soutien à la santé mentale. Nous aurions pu mener des campagnes pour organiser une grève pour le climat ou tenter de nationaliser les services publics par le biais de boycotts massifs. Les possibilités ne manquent pas, et ce n'est pas à moi de dire lesquelles nous devrions privilégier dans les années à venir. Ces choix doivent être faits démocratiquement par un parti politique national.

Si le nouveau parti passe tout son temps à élaborer la politique sociale parfaite pour notre futur techno-gouvernement de gauche imaginaire lorsque nous dirigerons l'État, il n'ira nulle part. S'il se considère comme un Parti travailliste 2.0, avec une meilleure politique que l'actuel mais sans moyen de participation populaire réelle, il sera détruit par les forces contraires. Pendant la période Corbyn, nous étions pris au piège dans une situation où les membres du Parti travailliste étaient souvent réduits à attendre que quelques personnes au sommet prennent des décisions, au lieu de devenir eux-mêmes des acteurs et des leaders. Nous ne pouvons pas répéter cette erreur. Je pense qu'il est important de se rappeler qu'en dehors de l'Europe et de l'Amérique du Nord, les réunions politiques ne sont pas ennuyeuses. Elles sont animées, participatives et ancrées dans la culture populaire, avec de la musique, de la nourriture et même de la danse. Les gens normaux y participent parce qu'ils s'y sentent chez eux. Il existe différentes façons de participer. Et c'est parce que leur objectif est de renforcer les liens de solidarité et d'unité afin que les gens puissent s'engager dans la construction du pouvoir populaire.

Comment le nouveau parti que vous envisagez devrait-il s'y prendre pour créer ce type de culture politique non traditionnelle en Grande-Bretagne ?

Dans la Grande-Bretagne contemporaine, l'establishment n'a rien à raconter : il dit que tout va bien et qu'il faut se taire sur ses problèmes. Le bloc réactionnaire, quant à lui, affirme que tout va mal : impossible d'obtenir un rendez-vous à l'hôpital, les prix des logements sont inabordables, les salaires ont baissé, et tout cela est la faute des musulmans, des migrants et des minorités. Lorsque ce sont les deux seuls discours proposés, c'est généralement le second qui l'emporte, car il répond au moins à certaines revendications réelles. Mais la vérité, c'est qu'attaquer les minorités est en soi une position minoritaire. Il existe peut-être une certaine forme de racisme omniprésent en Grande-Bretagne, mais la plupart des gens ne passent pas leur temps à penser à leur haine des étrangers, ce qui laisse clairement la place à un autre discours. Ce que nous devrions proposer à la place, c'est une « guerre des classes avec le sourire ». Nous devrions rejeter toutes les pieuses déclarations de la classe politico-médiatique, car elles sont détestées par le public, à juste titre. Nous devrions créer des controverses plutôt que de nous en éloigner. Ce style de communication est souvent appelé « populisme de gauche ». Il consiste à tracer une ligne d'antagonisme large et audacieuse, avec d'un côté l'unité et de l'autre la division. Cette ligne d'antagonisme est extrêmement simple : la cause de nos problèmes, ce sont les banquiers et les milliardaires. Ils sont en guerre contre nous, alors nous allons leur faire la guerre. Nous devons chercher à dérouter et à scandaliser les médias traditionnels avec un style politique combatif mais aussi joyeux. Nous devons organiser des réunions comme celles que je viens de décrire, avec de la musique, de la nourriture et des groupes de discussion, où les gens peuvent repartir avec des actions claires à mener. Cela signifie naturellement que le parti doit être basé principalement en dehors de Westminster ; il ne doit pas être associé à des types en costume qui passent leur temps à marmonner hypocritement devant les caméras.

Mon rêve est un parti qui ait le même impact que « Turn the Page », le premier titre de l'album Original Pirate Material, premier album du groupe The Streets. Quelque chose que vous n'avez jamais entendu auparavant, mais que vous reconnaissez instantanément ; indéniablement britannique et ancré dans la vie quotidienne, des pubs aux trottoirs. Un son – ou dans notre cas, une politique – qui mélange sans effort les cultures et les traditions, ancré dans la classe et la communauté, mais qui va de l'avant avec confiance et style. Nous devons nous approprier ce registre national-populaire. Pour le dire de manière plus théorique, l'efficacité de ce type de politique réside dans la libération du potentiel progressiste de la dimension « nationale » de la triade capital-nation-État. Sur Sidecar, vous avez publié la semaine dernière un court article stimulant de Dylan Riley intitulé « Lénine en Amérique », qui, suivant Gramsci, affirmait que Lénine poursuivrait aujourd'hui une « relation productive et créative avec la culture politique révolutionnaire nationale et démocratique spécifique dans laquelle on opère ». La gauche britannique doit réfléchir dans ce sens.

Vous avez mentionné la Colombie comme modèle, mais réfléchissons un instant aux différences historiques et contextuelles. Dans ce pays, vous aviez un État dominé par deux grands partis, les libéraux et les conservateurs, qui ont passé des décennies à collaborer avec les États-Unis pour maintenir le pays dans un état de dépendance périphérique tout en excluant les secteurs populaires du pouvoir. Beaucoup de ces secteurs étaient donc largement exclus des processus d'accumulation économique et de participation politique, ce qui a contribué à forger certaines traditions autonomes de lutte : mouvements de guérilla contrôlant de vastes zones rurales, campagnes contre l'extractivisme, groupes défendant les territoires autochtones. Petro a réussi à unifier bon nombre de ces forces dans son projet électoral, amenant les marginaux – les « nobodies », comme on les appelait affectueusement – au cœur du gouvernement. En Grande-Bretagne, en revanche, le problème de longue date est moins celui de l'exclusion populaire que celui de l'assimilation populaire. Le Parti travailliste a traditionnellement été un outil permettant d'intégrer la classe ouvrière dans l'État et de la réconcilier avec l'impérialisme, avec pour résultat que notre culture de lutte populaire est moins active, que nos réunions de gauche sont plus ennuyeuses et que la base organique de ce type de politique de masse est beaucoup plus faible.

La direction de Corbyn a fait une évaluation lucide de ces conditions. Votre objectif n'était pas nécessairement de donner du pouvoir à « la base » et d'espérer qu'elle vous mènerait à la victoire. Il s'agissait plutôt d'exploiter une situation de crise politique, de s'emparer du pouvoir étatique et de mettre en œuvre un programme de réformes non réformistes qui, à son tour, galvaniserait de larges couches de la population, en renforçant les travailleurs et travailleuses, les locataires, les migrant·es, etc. Cette approche, dans laquelle la politique d'en haut précède la politique d'en bas, n'était pas simplement une erreur stratégique. Elle reflétait notre situation historique particulière et les possibilités politiques qu'elle offrait. On pourrait soutenir que ces mêmes conditions ont également façonné la manière dont le projet d'un nouveau parti de gauche a été développé jusqu'à présent, les décisions étant prises par une couche relativement restreinte d'acteurs politiques qui espèrent – non sans raison – utiliser les victoires électorales pour stimuler des luttes plus larges.

L'explication que vous donnez est globalement correcte et aide à comprendre pourquoi la conscience dominante au sein de la gauche britannique est fortement électoraliste. Je ne suis pas contre le fait de gagner des élections ou d'entrer au gouvernement. Je pense que c'est essentiel. Mais il y a deux raisons pour lesquelles cela peut et doit être combiné dès le départ avec ces autres processus de construction politique. Premièrement, l'assimilation de la classe ouvrière britannique – non seulement par le Parti travailliste, mais aussi par les syndicats pendant la période corporatiste – n'a jamais été totale : il y a toujours eu des révoltes populaires et des lieux de résistance. Il existe donc des traditions radicales sur lesquelles s'appuyer. Deuxièmement, nous approchons aujourd'hui de la fin d'une offensive capitaliste qui a duré plusieurs décennies et qui visait à détruire cette résistance. Cela s'est fait en partie par l'assimilation, mais surtout par la force brute : l'exclusion violente des masses tant dans le Nord que dans le Sud, avec des mineurs britanniques qui se faisaient fracasser le crâne et des militants de gauche argentins jetés d'hélicoptères. Ce que nous voyons aujourd'hui, c'est que cette offensive commence à s'essouffler, non pas à cause d'une opposition extérieure, mais à cause de ses propres limites internes : l'incapacité des États-Unis à freiner le développement souverain de la Chine, en particulier après 2008, et la pression croissante sur les ressources à mesure que la crise écologique s'accélère. Cela crée une opportunité cruciale pour un parti de gauche.

Mais nous ne pouvons pas simplement reproduire le corbynisme dans ce contexte. Nous ne sommes pas à la tête d'un parti gouvernemental et nous n'avons aucune chance d'y parvenir dans un avenir proche. Ce pari purement électoraliste, qui a déjà été battu en brèche, est donc encore moins viable aujourd'hui. Le nombre de personnes qui avaient même conscience de la stratégie 2015-2019 telle que vous la décrivez était également extrêmement limité : seule une poignée de membres du cabinet fantôme et de conseillers de haut rang l'auraient formulée de cette manière. La logique du socialisme parlementaire est restée très intacte. Je pense que nous avons besoin d'un changement fondamental dans notre vision stratégique afin de créer un consensus au sein de la gauche qui reconnaisse l'importance du pouvoir populaire.

Si vous voulez un exemple négatif, vous pouvez vous tourner vers le Parti vert. Son approche consiste à faire élire ses candidats à des fonctions publiques afin qu'ils puissent utiliser leur notoriété pour défendre des politiques progressistes. Selon leurs propres termes, ils ont remporté un certain succès, élisant un député pour la période 2019-2024, puis quatre autres depuis, ainsi que de nombreux conseillers municipaux. Mais quel impact ont-ils eu sur la conscience publique ? Pratiquement aucun. Extinction Rebellion et Fridays for the Future ont eu un effet beaucoup plus tangible sur la politique environnementale de masse. L'approche arithmétique des Verts – plus il y a d'élus, mieux c'est – est vieille de deux cents ans et remonte à l'époque des révolutions libérales, lorsque le débat public se déroulait dans des parlements et des assemblées nouvellement formés où le nombre comptait vraiment. Elle est totalement inadaptée aux années 2020. Le porte-parole le plus en vue du parti n'est même pas député. On entend récemment des propos tels que « Avec les Verts, un parti de gauche pourrait détenir la clé du pouvoir à Westminster ». C'est le même genre d'absurdités illusoires que certains membres du Socialist Campaign Group colportent depuis des années : « Si nous restons au sein du Parti travailliste et faisons profil bas, nous pourrons peut-être détenir la clé du pouvoir ». Quel a été le résultat ?

C'est un modèle libéral de front populaire qui engage implicitement la gauche à soutenir un gouvernement travailliste, ce qui serait un suicide moral et politique. Mais restons-en un instant aux leçons du corbynisme : la plupart des gens ont reconnu que l'une des principales raisons de sa défaite était son manque de base sociale solide, qui a rendu plus difficile la riposte aux campagnes de diffamation et au sabotage politique dont le projet a été victime. Mais après 2019, beaucoup de ces personnes se sont mises à « construire la base » d'une manière déconnectée de toute infrastructure nationale plus large, donnant naissance à un ensemble d'initiatives disparates – un syndicat communautaire ici, un groupe d'action directe là – que le gouvernement en place a pour l'essentiel ignorées ou réprimées.

Il est désormais largement admis qu'une synthèse entre organisation électorale et organisation populaire est nécessaire, comme vous le dites, mais il n'y a toujours pas de consensus sur la forme que cela devrait prendre. La question de savoir si cette nouvelle organisation doit être un parti dès le départ ou si elle doit commencer par une alliance électorale a fait l'objet de nombreux débats. Les partisans de cette dernière option font valoir que la fragmentation de la gauche britannique, et de la vie civique britannique dans son ensemble, nécessite une coalition capable d'englober les luttes locales et de soutenir les leaders communautaires qui ne s'identifient pas explicitement à « la gauche », même s'ils partagent globalement notre vision politique. Cependant, une coalition lâche risque de pérenniser la fragmentation de la gauche plutôt que de la réparer. Quelle est votre position sur ces questions ?

Je ne suis favorable à aucune de ces deux positions, du moins pas dans leur version extrême. D'un côté, on risque d'aboutir à un travaillisme réchauffé, avec une meilleure politique mais une forme de parti similaire, dont la priorité première est de trouver des candidats pour les élections locales. De l'autre, le danger est de se retrouver avec une coalition informelle d'indépendants qui n'offre aucune perspective gouvernementale pour un véritable changement. Aucune de ces deux options ne permettra de construire un véritable pouvoir dans la société.

Dans le livre que j'ai écrit après la défaite de 2019, j'ai plaidé en faveur d'une fédération des mouvements, des organisations structurées et des forces existantes de gauche qui pourrait servir de base à un projet plus ambitieux. Aujourd'hui, il est encore tout à fait plausible qu'une organisation fédérée puisse jouer ce rôle : jeter les bases de ces différents types de constructions politiques dont j'ai parlé précédemment. Mais, de plus, il faudrait toujours une structure décisionnelle unifiée pour pouvoir mettre en place une structure plus large, qu'elle soit fédérale, confédérale ou centrale. Opter pour une coalition plutôt que pour un parti ne changerait rien au fait que les gens doivent d'abord se rassembler et s'accorder sur les grandes lignes, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent. Il n'y a pas non plus de raison pour qu'un parti ne puisse pas respecter des positions diverses, avec des tendances différentes et un pluralisme interne. Une marque politique locale existante devrait pouvoir continuer à fonctionner avec un haut degré d'autonomie, si tel est son souhait. Il s'agit là, franchement, de questions secondaires qui pourront être réglées lorsque nous aurons mis en place les canaux de délibération appropriés.

Mon modèle préféré serait une structure dans laquelle nous confierions la stratégie aux membres et la tactique à la direction. Les grandes questions stratégiques – quel type de construction du pouvoir social privilégier, comment répartir les ressources entre les militants à travers le pays, quel type d'éducation et de formation politiques fournir, quel devrait être le contenu du programme politique – seraient toutes décidées collectivement. Les tactiques, c'est-à-dire la manière dont ces objectifs stratégiques sont mis en œuvre, peuvent alors être déterminées en grande partie par les organisateurs ou les politiciens de premier plan. Pour que cela fonctionne, il faudrait un système de direction collective. Cela pourrait se passer comme suit. Une équipe de direction composée de douze ou quinze personnes se présenterait avec une proposition stratégique et peut-être aussi une proposition politique qu'elle soumettrait aux membres, qui voteraient par vote unique transférable pour leur stratégie préférée et les candidats associés. Cela donnerait lieu à la formation d'un comité national composé de dirigeant·es issus de différentes équipes, qui synthétiseraient ensuite les différentes propositions et les soumettraient à la conférence des membres, où elles pourraient être approuvées, modifiées ou rejetées. Le comité élirait également des personnes à différentes fonctions nationales : notre porte-parole principal, notre organisateur principal, notre chargé des relations avec les mouvements progressistes, notre directeur du parti, etc. De cette manière, vous auriez toujours des personnes occupant des postes de direction identifiables, mais cela ne serait pas simplement un concours de popularité. Cela créerait une couche de dirigeants capables de prendre des décisions rapides et tactiques, mais cela favoriserait également le protagonisme populaire en transformant la stratégie en une entreprise collective.

Si un vecteur de gauche avait été lancé plus tôt, il aurait pu saisir un certain nombre d'opportunités politiques. Au niveau de l'élite, il aurait pu exploiter la décision prise en juillet dernier par Starmer de suspendre sept députés, dont Sultana, du parti parlementaire, et peut-être convaincre davantage d'entre eux de quitter le navire.

Au niveau des masses, cela aurait pu permettre de monter une réponse unifiée de la gauche à la vague croissante de violence raciste incitée par Starmer et Farage. Pourquoi, selon vous, ce projet a-t-il mis si longtemps à être rendu public ?

Je travaille sur ce sujet depuis environ un an et je pense qu'il existe des facteurs structurels qui rendent difficile le lancement de quoi que ce soit : pas seulement le type spécifique de parti de gauche que je préconise, mais n'importe quel type de parti de gauche. Comme je l'ai déjà dit, il s'agit de la question de la prise de décision. Quelles sont les décisions légitimes ? Qui peut les prendre et qui peut les mettre en œuvre ? On se retrouve face au dilemme de la poule et de l'œuf : on ne peut pas prendre de décisions avant d'avoir une structure, mais pour avoir une structure, il faut prendre des décisions. Dans d'autres situations équivalentes, ce problème est contourné de l'une des trois manières suivantes.

La première est l'intervention d'un hyperleader. Jean-Luc Mélenchon dit : « Le Parti de Gauche ne fonctionne pas, je forme La France Insoumise », et c'est ce qui se passe. Les gens le suivent. En Grande-Bretagne, nous n'avons pas ce type de figure. Nous avons une sorte d'hyperleader en la personne de Jeremy Corbyn, une personne dont l'autorité morale et politique domine celle de tous les autres, mais il n'agit pas de cette manière. Ce n'est pas son style.

La deuxième solution est une organisation structurée préexistante, dotée d'une capacité de décision disciplinée. Il peut s'agir d'un syndicat ou d'une campagne politique. En Afrique du Sud, Abahlali baseMjondolo, un mouvement de personnes vivant dans des bidonvilles, compte 180 000 membres répartis dans 102 quartiers et mène des occupations de terres dans quatre provinces. Je me suis rendu à leur assemblée générale lorsque j'observais les élections en Afrique du Sud l'année dernière et j'ai assisté à leurs discussions sur la création de leur propre structure électorale. Ils peuvent utiliser leurs mécanismes démocratiques existants qui permettent de prendre des décisions, de les contester et de les renverser dans le cadre d'un processus ouvert où chacun connaît sa position. Cela aussi fait défaut en Grande-Bretagne.

La troisième solution consiste en un petit groupe de personnes politiquement avancées, étroitement liées, capables de prendre des décisions collectives. Au cours de l'histoire, de nombreux partis communistes ont été formés par une douzaine d'individus assis autour d'une table, qui sont rapidement devenus des mouvements de masse. Mais ici, les discussions ont lieu entre des personnes d'horizons et de priorités très différents, qui n'ont pas cette vision collective.

Ces trois facteurs structurels font apparaître un autre facteur contingent qui prend une importance considérable. Il s'agit en fait du facteur déterminant, même s'il se situe en amont des autres. Il s'agit de la question des personnalités. Dans des moments d'insuffisance collective comme celui-ci, les problèmes individuels passent au premier plan. Cela devient beaucoup plus décisif dans des conditions de paralysie objective. Mais aujourd'hui, heureusement, il semble que des progrès soient réalisés. Un nouveau parti est en train de se former malgré ces obstacles, car le besoin politique et la pression extérieure sont écrasants. On ne peut pas ne pas construire un nouveau parti lorsque votre parti, qui n'a pas encore de nom, est déjà à égalité avec le parti au pouvoir dans les sondages. Cela va se produire sous une forme ou une autre.

Quels sont vos projets pour le lancement officiel, maintenant que Corbyn et Sultana ont annoncé cette conférence ?

Malheureusement, le parti a déjà été lancé, même s'il n'existe pas encore. Nous avons été privés d'un lancement soigneusement planifié, mais nous pouvons nous en accommoder. Ce que nous devons faire maintenant, c'est minimiser l'importance du facteur humain contingent en créant un autre type d'autorité souveraine : un organe qui ait le pouvoir de faire avancer le processus. Concrètement, cela prend la forme de cette conférence démocratique. Elle pourrait être chargée de mettre en place un comité qui aurait alors une réelle légitimité dans ses décisions. Toute personne qui s'inscrit comme membre du parti devrait avoir le droit de participer pleinement. La conférence doit les réunir tous, avec des installations hybrides et un vote entièrement en ligne. Elle pourrait élire une équipe de direction collective qui serait chargée de développer l'organisation au cours de l'année suivante, et nous pourrions ensuite mettre en place des structures et une culture qui permettraient de prendre des décisions plus significatives. Rien de tout cela ne serait parfait. En fait, ce serait loin d'être optimal, car cela reviendrait à construire une voiture tout en conduisant. Toutes sortes d'erreurs pourraient être commises, qui pourraient avoir des répercussions plus tard. Mais cela permettrait au moins d'accélérer le processus. Cela offrirait un peu d'espoir à un moment politique où il fait cruellement défaut. Et cela serait très important.

Entretien publié sur le site Sidecar le 25 juillet 2025 ; traduction rédaction A l'Encontre.

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La loi Duplomb partiellement censuré : un pied dans la porte ?

19 août, par Les soulèvements de la terre — , ,
Jeudi 7 août, le Conseil constitutionnel a censuré la ré-autorisation de l'acétamipride, un néonicotinoïde dont la toxicité sanitaire et environnementale n'est plus à (…)

Jeudi 7 août, le Conseil constitutionnel a censuré la ré-autorisation de l'acétamipride, un néonicotinoïde dont la toxicité sanitaire et environnementale n'est plus à démontrer.

8 août 2025 tiré du site Les Soulèvements de la Terre

AH BON, IL Y A UNE « CHARTE DE L'ENVIRONNEMENT » DANS LA CONSTITUTION ?

Jeudi 7 août, le Conseil constitutionnel a censuré la ré-autorisation de l'acétamipride, un néonicotinoïde dont la toxicité sanitaire et environnementale n'est plus à démontrer. La décision s'appuie sur la Charte de l'environnement, intégrée depuis plus de 20 ans à la Constitution et qui prétend que « les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ».

Cette charte n'a jamais réussi à empêcher la fuite en avant mortifère du complexe agro-industriel. La reculade très partielle de l'Etat est la conséquence directe d'une colère populaire montante face à une intoxication généralisée des corps et des milieux par l'industrie des pesticides. Cette colère s'est traduite ces derniers mois dans le combat de l'association Cancer colère et des autres associations de victimes, dans des actions directes telles que des blocages et intrusions dans des sites de production de pesticides, dans les 2 millions de signatures de la pétition réclamant l'abrogation de la loi Duplomb. Cette dynamique de résistance n'a en rien perdu sa pertinence, et nous devons continuer à œuvrer à son approfondissement : cette loi, même amputée, constitue toujours une offensive brutale d'un modèle agro-industriel délétère. Même sans acétamipride, le blanc-seing accordé à l'agrandissement des fermes-usines en particulier ne peut que contribuer à toujours plus intensifier le recours à la chimie de synthèse.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A AUSSI CENSURÉ LA VALIDATION AUTOMATIQUE DES MÉGA-BASSINES

La version du texte soumise au Conseil prévoyait également d'inscrire dans la loi que tout projet de méga-bassines devrait être considéré comme étant d'intérêt général. S'il n'a pas censuré cet article, le Conseil constitutionnel a toutefois émis une importante « réserve d'interprétation ». Comme l'explique Mediapart, « d'une part, les prélèvements d'eau pour ces stockages ne peuvent se faire dans les nappes dites ‘inertielles', c'est-à-dire les nappes souterraines longues à se recharger ou se vider ; d'autre part, la ‘raison impérative d'intérêt général majeur' inscrite dans le texte pour ces projets peut être contestée devant les tribunaux. Ce qui veut dire que la loi est préventivement vidée de son sens : l'intérêt général est présumé, mais un tribunal peut l'invalider.

On sait que les batailles juridiques ne suffisent pas à empêcher les projets mortifères de se faire – que la ‘victoire' arrive une fois les travaux terminés ou qu'elle ne soit tout simplement pas appliquée, par exemple. Il est d'ailleurs possible que des reprises de chantiers de bassines tentent de reprendre à l'automne, notamment dans la Vienne. Tenons-nous prêt-es à y réagir promptement si besoin.

MENER LE COMBAT CONTRE LE MONDE DES PESTICIDES

Comme l'a déclaré Fleur Breteau, porte-parole de Cancer Colère : « Cette décision nous apprend une chose, c'est que le rapport de force fonctionne. Et comme il reste 288 molécules nocives pour la santé et l'environnement utilisées en agriculture, on ne va pas s'arrêter là. Ce que nous voulons, c'est un moratoire sur les pesticides. » Nous n'arracherons pas l'interdiction immédiate de la production et de l'utilisation de ces produits les plus toxiques (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques et perturbateurs endocriniens), sans une résistance populaire déterminée, sans un mouvement massif de lutte. Cette revendication doit par ailleurs être couplée à deux autres : un coup d'arrêt à la délocalisation coloniale des contaminations environnementales, par l'interdiction des exportations prédatrices par les firmes agrochimiques de pesticides interdits sur le territoire hexagonal ; la nécessaire interdiction aux frontières des produits importés traités avec les mêmes pesticides, provoquant une concurrence déloyale que dénoncent la majeure partie des actifs agricoles. La mobilisation citoyenne des 2 millions de pétionnaires contre la loi duplomb doit se prolonger, par des actions collectives à la hauteur des enjeux et par l'émergence d'une force d'opposition dans la rue.

PAS D'ALTERNATIVE A LA CHIMIE DANS UN MONDE OU LA PRODUCTION AGRICOLE EST DÉVOLUE À UNE MINORITÉ DE 400 000 EXPLOITANT-ES

La sortie généralisée des pesticides et la métamorphose de nos modes de production agro-alimentaires réclamera une réforme agraire plus profonde encore. Une transformation passera par la conquête de mesures protectrices à même de faire cesser la guerre commerciale, et permettre aux agriculteurs d'affronter en connaissance de cause les enjeux écologiques et climatiques. Mais aussi par des luttes foncières pour freiner l'agrandissement et la concentration capitalistique des exploitations. Enfin, par une reprise en main des filières pour se réapproprier la valeur prédatée par les firmes, et asseoir ainsi la garantie économique générale d'un revenu paysan. Ce n'est qu'en imposant politiquement, par la construction d'un rapport de force conséquent, le nécessaire réempaysannement de masse de nos territoires, que nous pourrons nous arracher à notre dépendance à l'endroit de la filière mortifère des pesticides.

Nous continuerons à nous opposer à la loi Duplomb : rendez-vous dans les champs, les usines et les rues !


P.-S.
• Les Soulèvements de la terre, 8 août 2025 :
https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/duplomb-partiellement-censure-un-pied-dans-la-porte

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Protestations en temps de guerre à l’intérieur des frontières de la Fédération de Russie

19 août, par Kirill Medvedev — , ,
Quels moyens légaux de protestation restent-ils aujourd'hui en Russie ? Où se recoupent les mouvements environnementaux, humanitaires et autochtones ? Kirill Medvedev présente (…)

Quels moyens légaux de protestation restent-ils aujourd'hui en Russie ? Où se recoupent les mouvements environnementaux, humanitaires et autochtones ? Kirill Medvedev présente ces nouvelles formes de lutte à l'intérieur des frontières de la Fédération de Russie.

6 août 2025 |tiré du site Entre les lignes entre les mots

Catastrophes environnementales, centralisation excessive, faiblesse des collectivités locales, manque d'autonomie régionale : même si la guerre en Ukraine tend à occulter les questions politiques intérieures russes dans les médias, celles-ci n'en restent pas moins importantes. Sur les quelque 300 campagnes de protestation qui ont eu lieu dans 40 régions de Russie en 2024, la majorité était consacrée à des questions environnementales et d'urbanisme, qu'il s'agisse de lutter contre la déforestation, les nouvelles colonies pénitentiaires ou les décharges.

Les campagnes les plus médiatisées et les plus explosives surviennent lorsque l'autodétermination des minorités ethniques entre en jeu parallèlement aux préoccupations environnementales. Cela s'explique non seulement par le fait que ces campagnes rassemblent des personnes et des groupes aux priorités très différentes, mais aussi parce que les divers groupes ethniques au sein de l'État russe sont un sujet extrêmement sensible pour le régime. D'une part, les autorités sont obsédées par la préservation de « l'intégrité » du pays. D'autre part, elles sapent lentement mais sûrement cette intégrité en démantelant l'autonomie locale et en renforçant la hiérarchie bureaucratico-militaire. De plus, elles promeuvent un discours nationaliste et impérialiste (selon lequel il existerait un « monde russe » transnational, que « les Russes et les Ukrainiens ne forment qu'un seul peuple » et que la langue russe a droit à l'hégémonie au niveau national parce que les Russes de souche ont « fondé » le pays). En conséquence, pour les écologistes et les autres militants sociaux, les questions relatives aux minorités ethniques constituent à la fois un facteur de risque et un moyen de négociation. Ils peuvent parier sur le fait que les autorités ne veulent pas aggraver la situation.

La campagne menée en 2018-2020 à la gare de Shies, dans la région d'Arkhangelsk, où la lutte environnementale contre une décharge que les autorités et les entreprises de Moscou tentaient d'imposer a rassemblé divers groupes, est un bon exemple. Pour certains, il s'agissait d'une question purement environnementale ; pour d'autres, il s'agissait de protéger le Nord russe en tant que région ethnoculturelle. Certains se sont battus pour défendre le patrimoine autochtone. D'autres ont donné la priorité à la justice sociale. D'où la diversité politique des manifestants et de leurs partisans, qui comprenaient des militants de gauche, des militants libéraux des droits de l'homme, des anarchistes, des nationalistes, ainsi que des représentants de partis parlementaires et de divers mouvements civils.
Cet article examine de plus près trois campagnes récentes afin de comprendre comment les problèmes environnementaux et les droits humains s'entrecroisent avec les questions d'autonomie régionale et de souveraineté autochtone.

Altaï : « Les citoyens ont le devoir de défendre leur patrie » contre les oligarques

La République de l'Altaï occupe un territoire petit mais stratégiquement important entre le Kazakhstan, la Mongolie et la Chine avec les régions adjacentes de Touva, Khakassie, Kemerovo et Altai Krai en Russie. (La République de l'Altaï est distincte de l'Altaï Krai.) En juin 2025, elle a été le théâtre de manifestations déclenchées par une réforme du gouvernement local qui a supprimé les conseils de village, qui constituaient la forme de gouvernement la plus locale et la plus immédiate.
Cette réforme remonte à 2020, lorsque, dans le cadre des tristement célèbres amendements présidentiels à la Constitution, l'autonomie locale a été intégrée à un « système unifié d'autorité publique ». Peu après, en 2021, le projet de loi dit « Klishas-Krasheninnikov » a été proposé (il a finalement été adopté en 2025), permettant aux autorités régionales de se débarrasser de l'autonomie locale dans les zones urbaines et rurales et de regrouper les petites municipalités en districts (l'équivalent approximatif des comtés aux États-Unis). Les opposants ont qualifié cette mesure de « coup de grâce » pour l'autonomie locale.

Le 24 juin 2025, le parlement de la République de l'Altaï a adopté un système d'autonomie locale à un seul niveau : les dix districts actuels, dont les dirigeants sont élus par le peuple, seront remplacés par un nombre identique de districts dirigés par des « fonctionnaires nommés », tandis qu'une centaine de conseils villageois seront supprimés.

En réponse, la population a organisé une série de manifestations et bloqué les routes avec des slogans tels que « Turchak doit démissionner », « Non à l'accaparement des terres par les oligarques », « L'Altaï est à nous » et « Oui à un gouvernement à deux niveaux ».

Les autorités ont riposté par la répression (les militants ont été condamnés à 13-14 jours de détention ou à des amendes). Andreï Turchak, fils d'un ami de Poutine et idéologue de Russie unie, nommé par Moscou à la tête de la République, a qualifié les manifestants de vandales sur sa chaîne Telegram. Il les a exhortés à « ne pas troubler les esprits », car « nous luttons ensemble pour la paix et la prospérité de la République de l'Altaï tandis que nos gars sur le front défendent les intérêts de la grande Russie ». Pendant ce temps, ces « gars sur le front » ont enregistré un message de soutien aux manifestants : « Notre patrie est déchirée par Turchak et [le chef du gouvernement par intérim] Prokopyev ».

Qu'est-ce qui préoccupe tant la République de l'Altaï ? Tout d'abord, sa vulnérabilité face aux entreprises basées à Moscou, exacerbée par la nouvelle réforme. Parmi ces entreprises, on trouve la Sberbank, qui construit des hôtels et des complexes touristiques pour l'élite moscovite et régionale, et la holding pharmaceutique Evalar, qui possède des plantations d'herbes médicinales dans les contreforts des montagnes de l'Altaï. Comme d'habitude, les entreprises sont étroitement liées à l'État : German Gref, le directeur de la Sberbank, est un éminent libéral pro-gouvernemental et ancien ministre du Développement économique. Larisa Prokopyeva, fondatrice d'Evalar, est la mère du chef du gouvernement par intérim de l'Altaï, Alexander Prokopyev. Certains prédisent qu'il finira par remplacer Turchak.

En juin 2024, une vidéo est devenue virale, montrant Gref réprimandant des chauffeurs de taxi à l'aéroport de Gorno-Altaysk pour avoir garé leurs voitures au mauvais endroit. (Les chauffeurs ont répondu en se plaignant du manque de parkings modernes.) Il s'en est également pris à leur apparence, menaçant de les faire licencier. « Regardez-vous, debout là, en sous-vêtements ! Garés les uns sur les autres. Qui êtes-vous pour… Comment vous appelez-vous ? Je suis [l'Allemand] Gref. Ouvre encore la bouche et tu ne travailleras plus jamais ici. Compris ? »

Les habitants de l'Altaï ont compris. « Gref est désormais le représentant de nombreuses personnes qui investissent de l'argent et tentent d'acheter des terres locales. Le message anti-oligarchique est au cœur du mouvement des manifestants », explique Vladimir, un habitant de la région avec qui je me suis entretenu.

Selon ses concitoyens de l'Altaï, les entreprises moscovites n'apportent aucun avantage ni aucune nouvelle opportunité à la République. La réforme permettra aux entreprises d'acheter, de manière volontaire ou obligatoire, des parcelles de terrain appartenant à des communautés rurales et gérées jusqu'à présent par les conseils villageois. Cela risque de créer « un apartheid social, qui entraînera le transfert massif de terres, en particulier le long des berges des rivières et des lacs, vers des complexes touristiques fermés et des communautés de maisons de vacances », explique Pavel Pastukhov, blogueur et manifestant actif. Il estime que les habitants seront privés d'eau, de forêts et de pâturages, ce qui créera un conflit social à long terme et un sentiment d'« occupation » de leur terre natale. De plus, le projet de vente des terres sans appel d'offres risque d'accroître la corruption et de nuire aux entreprises locales, déjà fragiles.

Le mot « terre » revient souvent dans les manifestations pour une autre raison : cette année, les législateurs de la République de l'Altaï ont supprimé de leur constitution la phrase garantissant « l'intégrité, l'inaliénabilité et l'indivisibilité du territoire [de la République] ». Certains spéculent que le gouvernement fédéral prévoit d'annexer la République à la région voisine de l'Altaï. Pour les peuples autochtones de l'Altaï, cela signifierait la perte de leur identité nationale. Le gouvernement fédéral avait déjà évoqué l'idée de fusionner les deux régions dans les années 2000, mais en 2006, une manifestation de masse s'était déroulée dans la capitale de la République, Gorno-Altaysk, pour s'opposer à cette mesure, et aujourd'hui, la politique de fusion des régions menée par Moscou fait l'objet d'un débat constant.

La réponse des autorités aux premières manifestations de cet été a déclenché une vague de protestations, et l'organisation Kurultai du peuple de l'Altaï a demandé l'autorisation d'organiser un rassemblement. Dans un premier temps, l'administration a autorisé un rassemblement de 102 participants dans un parc local, mais elle a ensuite cédé et accordé un lieu plus grand. Au total, environ 4 000 personnes se sont rassemblées, un nombre important pour une république qui ne compte que 220 000 habitants.

« Nous sommes venus ici aujourd'hui parce que nous comprenons que c'est le dernier combat de notre peuple. C'est le dernier combat non seulement du peuple de l'Altaï, mais aussi de tous les peuples qui vivent dans la République de l'Altaï, et de ceux qui vivent n'importe où en Russie », a déclaré la principale oratrice du rassemblement, Aruna Arna, la « leadeuse du peuple de l'Altaï ». Elle s'est fait connaître pour son opposition à l'ancien chef de la république, Khorokhordin, et a fait l'objet de perquisitions à son domicile, de détentions et de poursuites administratives. En avril 2023, Arna a été accusée de « discréditer l'armée russe » : elle avait critiqué la mobilisation et suggéré d'envoyer les enfants des fonctionnaires russes à la guerre. L'année dernière, elle a été condamnée à une amende pour un message sur les sosies de Poutine et la fraude électorale.

« Nous défendons notre opinion de manière légale et légitime, et tout ce qu'ils nous donnent, c'est une gifle », poursuit Aruna. « Un État est constitué d'un peuple et d'un territoire. S'il n'y a ni peuple ni territoire, il n'y a pas d'État. Si nous voyons que notre État, notre République de l'Altaï, est en train d'être détruit, alors, conformément à l'article 59 de la Constitution, les citoyens ont le devoir de défendre leur patrie : nous obéissons à la loi. […] On nous dit que la seule politique qui fonctionne, c'est l'investissement. Regardez autour de vous : qui s'est enrichi, à part les investisseurs milliardaires qui possèdent pratiquement tout ? […] Nous exigeons [d'élire] nos propres représentants. Il ne s'agit pas de détruire les administrations villageoises et les députés, mais au contraire de redonner vie aux villages. »

« On ne peut pas prendre la terre d'une nation. […] Comme l'a dit Vladimir Lénine, « La paix aux nations, la terre aux nations ! » Turchak devrait être ici [à notre manifestation]. Il est temps qu'il commence à respecter le peuple », fait écho Antonina Chaptynov, veuve de Valery Chaptynov, connu comme le premier leader post-soviétique de la République de l'Altaï.

Turchak, pour sa part, estime que le nouveau système permet d'économiser des ressources et évite aux habitants de l'Altaï de passer par les méandres bureaucratiques. « C'est facile d'être gentil, essayez donc de faire le bien », commente-t-il à propos de l'adoption de la loi qui a suscité tant d'indignation parmi les habitants. Cependant, les habitants de l'Altaï ont réussi à préserver l'élection directe des chefs de district. Et, comme c'est souvent le cas, les concessions partielles se sont accompagnées d'une répression accrue.

L'histoire de l'Altaï rassemble plusieurs éléments caractéristiques : la destruction de l'autonomie locale, l'expansion agressive des grandes entreprises moscovites et les solutions politiques et policières habituelles qui provoquent la résistance des habitants. Ceux-ci craignent de perdre leurs terres (par nécessité ou sous la pression), ils perdent l'élection des députés de leur village et, avec elle, la possibilité d'influencer les autorités et de résoudre simplement leurs problèmes quotidiens. (« Maintenant, il faut parcourir 50 à 60 kilomètres pour un simple bout de papier, en l'absence de transports réguliers », se plaint Vladimir. Enfin, ils ont le sentiment que leur République, garante de la préservation de la langue et de la culture altaïennes, est menacée.

Opposer l'intégrité du pays à celle de ses régions, le racisme, le mépris des pauvres et l'arrogance coloniale, laisser les oligarques agir à leur guise : clairement, rien de tout cela ne contribuera à maintenir une immense fédération multiethnique.

Défendre les Shikhans au Bachkortostan : le racisme russe se tire une balle dans le pied

Le Bachkortostan est un autre endroit où la protection de l'environnement, la résistance à l'emprise fédérale et la lutte contre les grandes entreprises vont de pair avec l'autodétermination des peuples autochtones. En 2020, des manifestations ont éclaté dans la République contre l'exploitation des gisements de calcaire du shikhan de Kushtau, un site naturel emblématique et une montagne sacrée.

Une campagne publique massive a réussi à bloquer le projet. En 2024, les tensions sont de nouveau apparues après la condamnation de l'activiste Fail Alsynov, qui s'était exprimé lors d'un rassemblement public contre l'exploitation aurifère dans la chaîne de montagnes Irendyk. Les manifestations se sont déroulées sous des bannières écologistes, mais Alsynov lui-même est connu comme l'ancien leader de l'organisation nationaliste Bashkort. Il a même osé mentionner l'éléphant dans la pièce : « Ce n'est pas notre guerre. Aucun étranger n'a attaqué notre terre ». La répression contre Alsynov (condamné à quatre ans de prison pour « incitation à la haine interethnique ») a fait de l'activiste un héros de la résistance : 10 000 personnes se sont rassemblées lors d'un rassemblement en sa défense.

En mai 2025, les manifestations ont repris au Bachkortostan. Cette fois, les habitants étaient mécontents des projets de développement du Kryktytau shikhan proposés par l'une des plus grandes entreprises privées du pays, la Russian Copper Company, représentée par sa filiale Salavatskoe. Kryktytau est un site de rituels et de rassemblements traditionnels bashkir mentionné dans le poème épique Ural-batyr. (La chanson « Homay » du groupe Ay Yola, basé à Oufa, qui a gagné en popularité dans le monde turc, fait référence à ce lieu et au personnage de l'épopée.)

Les manifestations contre la destruction du shikhan ont commencé en 2020. Les défenseurs de Kushtau ont gagné, obtenant le retrait des entreprises et du gouvernement. Mais pendant la guerre, la société minière a repris ses activités à Kryktytau. La population estime que l'usine minière menace les écosystèmes des rivières locales et du lac Yaktykul, un monument naturel.

Le 22 mai, des unités de police régulière et anti-émeute en tenue de combat sont arrivées au cıyın, un rassemblement traditionnel dans le district d'Abzelilovsky, où les participants avaient prévu de discuter de la question de Kryktytau. Craignant une manifestation de masse, les autorités de tout le district ont annulé le Sabantuy, le festival annuel marquant la fin des semailles de printemps. En juin, des militants ont été arrêtés et soumis à des « entretiens préventifs » avec la police. Comme dans l'Altaï, des soldats se sont joints aux manifestations : ils ont enregistré un message vidéo, mais quelques jours plus tard, ils ont retiré leur soutien, affirmant avoir été manipulés.

Les partisans d'Alsynov ont été chassés des places publiques, mais en mémoire de la victoire de Kushtau, des festivals folkloriques sont désormais organisés chaque année dans le village voisin de Shikhany, une nouvelle tradition issue de cette lutte. Mais les tensions persistent. « Le racisme russe se tire une balle dans le pied », déclare Rim Abdunasyrov, l'un des héros de la lutte pour Kushtau. « Nous, les Bachkirs, avons notre propre terre, et notre peuple la défendra. Au cœur de tout ce qui s'est passé à Kushtau se trouve le mot « patriotisme », aujourd'hui corrompu. Pas le patriotisme qui consiste à partir à l'étranger avec des armes, mais celui qui consiste à défendre sa terre et son peuple. »

« Où est Seda ? » : campagne contre la violence domestique de Saint-Pétersbourg à Grozny

Dans ces deux premiers cas, les conflits entre la politique nationale et les intérêts locaux se sont produits dans des régions qui ont souffert (ou plutôt refusé de souffrir) de l'expansionnisme du gouvernement fédéral et des grandes entreprises. Dans le cas de la campagne « Où est Seda ? », l'action s'est d'abord déroulée à Saint-Pétersbourg.

Seda Suleymanova avait quitté la Tchétchénie pour s'installer dans la métropole du nord de la Russie en 2022, fuyant la violence domestique. À Saint-Pétersbourg, Seda a trouvé un emploi dans un bar et a emménagé avec son petit ami Stas. Un jour, elle s'est retrouvée à fuir par une porte dérobée pour échapper à son frère, qui s'était présenté sur son lieu de travail pour exiger qu'elle retourne en Tchétchénie. Peu après, elle a été arrêtée par les forces de sécurité sous de fausses accusations de vol et remise à ses proches. Le 4 septembre, Mansur Soltayev, le médiateur pour les droits de l'homme de la République tchétchène, a publié une vidéo dans laquelle il marchait aux côtés de Suleymanova, silencieuse, confirmant qu'elle était en vie et « en sécurité ». Depuis, personne ne l'a revue.

Lena Patyaeva, une amie proche de Seda, pense qu'elle a très probablement été victime d'un « crime d'honneur ». Après la disparition de Suleymanova, Patyaeva a organisé la campagne « Où est Seda ? », qui, bien qu'elle n'ait pas encore obtenu de réponse à sa question, a réussi à faire ouvrir une enquête pénale sur sa disparition (avril 2024) et, plus récemment, à faire déclarer Suleymanova disparue.
Patyaeva raconte qu'elle a commencé par envoyer des courriels aux médias publics, mais n'ayant reçu aucune réponse, elle a décidé d'organiser un piquet de grève solo pour « attirer l'attention des médias ».

« J'ai organisé mon premier piquet le 1er février 2024. J'avais très peur. […] Mais après le piquet, je n'ai reçu aucune menace et personne ne m'attendait dans la cage d'escalier pour m'attaquer. J'ai réalisé que la peur fait naître des montagnes d'une taupinière. Cela m'a aidée à continuer. »

Patyaeva a organisé plusieurs autres piquets à Saint-Pétersbourg, mais a ensuite constaté que l'intérêt diminuait, ce qui signifiait qu'elle perdait toute possibilité de faire pression sur l'enquête. Elle a alors décidé d'organiser un piquet à Grozny. Elle a soigneusement réfléchi à sa stratégie afin de minimiser les risques et d'attirer l'attention sur le problème. Craignant que les forces de sécurité ne placent de la drogue sur elle, Lena a enregistré une vidéo à l'aéroport de Sheremetyevo pour prouver qu'elle avait passé les contrôles de sécurité et qu'elle n'avait pas d'objets ou de substances interdits en sa possession. Dès le début du piquet, un message a été publié sur la chaîne Telegram « Où est Seda ? », dans lequel la militante explique ses actions et appelle à la solidarité. Les forces de sécurité ont arrêté Lena une heure après le début du piquet de grève, mais son pari que « personne n'a intérêt à provoquer un scandale interethnique à propos d'une fille qui n'a pas brûlé le Coran ni commis d'acte illégal et qui se bat simplement pour son amie » s'est avéré juste : elle a été rapidement libérée sans inculpation. Elle a atteint son objectif, qui était « d'attirer l'attention des médias avant même son éventuelle arrestation ».

Une grande partie de la campagne consistait à impliquer différents groupes politiques, du Parti libertaire à l'Action socialiste de gauche, qui, selon Patyaeva, « se sont réunis et ont trouvé un terrain d'entente ». Les militants visaient à recueillir 2 000 signatures papier au cours des quatre semaines de la campagne, mais ils ont finalement obtenu plus de 5 500 signatures papier et plus de 2 000 signatures électroniques.

« Ce n'est pas une question de politique. […] Je souhaite bénéficier du soutien le plus large possible. Même de la part de personnes avec lesquelles je ne serais pas d'accord si nous nous asseyions pour discuter de toutes les autres questions », admet Lena. « Le cas de Seda est clair pour tout le monde : la gauche comme la droite, les libéraux comme les conservateurs, l'opposition comme les partisans du gouvernement. Les seuls qui détestent cette campagne sont ceux qui soutiennent les « crimes d'honneur », généralement des hommes tchétchènes. Ils nous envoient des menaces, tandis que certaines femmes tchétchènes, au contraire, me soutiennent et me remercient pour ce que je fais. »

La campagne « Où est Seda ? » touche un point sensible de la politique russe. Comme on le sait, la Tchétchénie a développé son propre système juridique, dans lequel les agents de l'État se livrent non seulement à des représailles extrajudiciaires internes, mais mènent parfois aussi des raids en dehors de la République (comme le meurtre de Boris Nemtsov ou l'enlèvement des militants de l'opposition Magamadov et Isaev à Nijni Novgorod). Ce fait est aussi évident qu'il est impossible pour les autorités tchétchènes de le reconnaître : elles affirment que la Tchétchénie respecte toujours les lois russes communes. Le gouvernement fédéral ferme également les yeux sur les « crimes d'honneur » et autres manifestations du statut particulier de la République.

La question de l'autonomie tchétchène est devenue un défi existentiel pour le nouvel État russe dans les années 1990 et, dans le même temps, l'un des principaux arguments en faveur de l'élection d'un président issu de la police secrète. Aujourd'hui, la Tchétchénie, avec ses anachronismes reconstruits et ses cultes militarisés, sert d'exemple effrayant pour le reste de la Russie, et « l'ordre public » dans la république du Caucase du Nord reste un symbole du transfert de pouvoir réussi il y a 25 ans, des réalisations politiques de Poutine et de la viabilité globale de la Fédération de Russie en tant qu'État post-soviétique. L'image sinistre de la Tchétchénie tient en grande partie à son caractère fermé : les habitants du reste de la Fédération de Russie ne sont pas censés connaître l'état d'esprit réel des Tchétchènes. Tout ce que le gouvernement veut qu'ils sachent (ou croient), c'est que le mécontentement public à l'égard du régime de Kadyrov leur coûterait cher et que sa chute entraînerait rapidement l'effondrement de la Russie.

La tactique de Lena Patyaeva consistant à franchir les frontières s'est donc avérée aussi risquée que justifiée, d'abord lorsqu'elle est arrivée à l'improviste à Grozny pour manifester, puis lorsqu'elle s'y est rendue pour être interrogée en tant que témoin. « L'enquêteur tchétchène m'a dit que je devais être interrogée en tant que témoin à mon domicile, mais j'ai immédiatement répondu : « Laissez-moi venir chez vous ». » Ce voyage en Tchétchénie lui a également permis d'entrer en contact direct avec la population locale, y compris des policiers. « L'un d'eux m'a demandé pourquoi je pensais que ses proches l'avaient tuée. Et quand il a appris que Seda vivait à Saint-Pétersbourg avec un Russe, il a admis : « Oh, eh bien, dans ce cas, ils auraient pu la tuer ». »

Le gouvernement tchétchène n'aime pas la publicité, c'était le principal argument de Lena. « La publicité est le seul moyen de pression dont nous disposons. Lorsque je me suis impliquée dans cette affaire, l'histoire était déjà publique et il était trop tard pour régler les choses en privé. À l'heure actuelle, la publicité est la seule chose qui leur met la pression et les met mal à l'aise […] Il faudra du temps aux forces de sécurité tchétchènes, assises dans leurs bureaux, pour décider qu'elles en ont assez de toute cette agitation et qu'elles doivent montrer Seda vivante ou mettre ses assassins en prison, si elle a été tuée. »

Il semble que la tactique de Lena, bien que lente, porte ses fruits : le fait que Seda ait été déclarée disparue en juin est une avancée majeure, qui donne une lueur d'espoir à tous ceux qui suivent cette histoire difficile.

Transcender les nouvelles frontières

Lorsque les moyens de protestation se font rares, que les anciennes structures de contestation ont disparu et que les traditions de résistance post-soviétiques sont brisées, ceux qui veulent s'exprimer n'ont plus que quelques outils à leur disposition. Ils peuvent s'adresser à Poutine, faire intervenir des soldats, recueillir des signatures, lancer des pétitions, organiser des piquets de grève individuels, rassembler des gens… Presque tout le monde essaie d'agir dans le cadre de plus en plus restreint de la loi et presque tout le monde insiste sur la nature « apolitique » de ses actions, ce qui lui permet de se défendre contre la répression tout en comptant sur le soutien de la majorité politiquement confuse sur des questions spécifiques, telles que la préservation du patrimoine naturel et culturel dans les républiques ethniques minoritaires ou le rejet de coutumes telles que les « crimes d'honneur ».

Cependant, quel que soit le degré de distanciation par rapport à la politique, la nécessité de créer un cadre plus large pour discuter des questions locales demeure. Au lieu d'une concurrence entre les grands programmes politiques, qui a été interdite, on assiste à la réinvention ou à la création de rituels collectifs (et parfois personnels), à une lutte pour l'interprétation des symboles officiels de la mémoire historique ou pour la formulation de la Constitution. On peut rappeler comment les femmes de conscrits (dans une autre campagne récente très médiatisée, The Way Home) se sont approprié des dates et des monuments pour leurs actions, rivalisant avec les autorités pour définir la mémoire publique de la Seconde Guerre mondiale.La déclaration de Turchak selon laquelle les défenseurs de l'autonomie de l'Altaï « dérangent les esprits » met en évidence un véritable désaccord : les divinités, les esprits locaux, les fantômes ancestraux et les figures des morts représentent-ils toujours la paix et l'ordre, c'est-à-dire l'administration actuelle, ou pourraient-ils se ranger du côté de ceux qui défient les riches et les puissants de ce monde ?

Dans une interview, Lena Patyaeva, figure de proue de la campagne « Où est Seda ? », raconte comment elle a pris le temps de se familiariser avec l'ensemble du paysage politique et comment elle a élaboré étape par étape sa stratégie de campagne et son cadre rituel unique. « J'ai pris la décision d'aller en Tchétchénie le soir du Nouvel An. Je ne voulais pas le faire n'importe quel jour, mais à la date anniversaire de l'enlèvement, le 25 mars. […] Grâce à mon voyage en Tchétchénie, les gens ont commencé à recueillir des signatures. Je suis certaine que sans ce voyage, les choses ne se seraient jamais passées à une telle échelle ». Rompant avec les conventions, les fêtes saisonnières telles que le réveillon du Nouvel An ne sont pas ici des moments de repos avant le retour à l'ordre ancien, mais des occasions de prendre une décision importante et de faire un pas en avant – un pas à la fois personnel et socialement significatif, comme pour briser le cycle de l'apathie politique généralisée.

Un nouveau rituel politique important consiste à défendre le territoire, dans différents sens du terme : alors que l'État salue la défense des nouvelles frontières de la Fédération de Russie, ses actions sont perçues par de nombreux habitants des régions russes comme une attaque contre leur territoire, qu'il s'agisse de leurs parcelles privées, de leurs zones forestières et montagneuses protégées ou des frontières administratives de leurs républiques minoritaires sur lesquelles les autorités fédérales ont des projets.

Le régime se soucie de l'« intégrité » du territoire sous son contrôle, il protège ses frontières – et il les viole également, privant les pays voisins de leur intégrité, supprimant les garanties d'intégrité des constitutions de ses républiques membres et divisant leurs territoires (rappelons les récentes manifestations en Ingouchie contre le transfert d'une partie de leur territoire à la Tchétchénie). Il crée une frontière informelle entre la Tchétchénie et le reste de la Fédération de Russie, et nous voyons que le franchissement de cette frontière par un militant s'est avéré être un geste politique fort qui a conduit à un succès partiel.

Plus on parle de frontières, plus il est important de trouver comment les franchir, et plus il est important de penser au-delà des frontières notre façon de voir les choses, nos actions et nos projets. Shies est devenu un centre de résistance en grande partie parce qu'il se trouvait à la jonction de deux régions : la région d'Arkhangelsk et la République des Komis. Ce qui se passe aujourd'hui au Bachkortostan est soutenu par les habitants de la région voisine de Tcheliabinsk, entre autres, ce qui est un bon signe que ce qui se passe ne se limite pas à un programme ethnique ou national bachkir. Le peuple de l'Altaï a été soutenu par les habitants d'autres régions et États : Tyva, Sakha, Bouriatie, Kraïe de l'Altaï et Kirghizistan. Les montagnes, les forêts, les rivières et les zones climatiques transcendent les frontières, tout comme les droits humains. En cette période d'obsession pour les frontières et la souveraineté, nous devrons tous donner un nouveau sens politique à cette vérité évidente.

Des citoyens engagés de différentes régions de Russie réapprennent à faire de la politique dans de nouvelles conditions. Ils sont contraints de forger de nouveaux liens au-delà des barrières érigées par les autorités et de recoder les rituels soutenus par l'État. Est-il possible de créer un espace politique dans lequel la lutte pour la terre contre les fonctionnaires fédéraux et les entreprises devient un front commun, et où les traditions patriarcales dépassées cessent d'être un moyen de terroriser, de diviser et de paralyser la société ? C'est peut-être possible, mais cela exigera non seulement que les militants locaux fassent preuve de courage et d'ingéniosité, mais aussi qu'ils bénéficient d'une attention, d'un soutien et d'une solidarité non dogmatiques, au-delà de toutes les frontières.

Kirill Medvedev
https://www.posle.media/article/wartime-protest-across-russias-internal-borders
Traduction Deepl revue ML
https://www.reseau-bastille.org/2025/08/01/protestations-en-temps-de-guerre-a-linterieur-des-frontieres-russes/

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Le nouveau maccarthysme universitaire de la critique d’Israël aux États-Unis, en Allemagne et en Israël

19 août, par Katharina Galor, Noga Wolff — , , ,
À Jérusalem, aux États-Unis, en Allemagne des professeurs sont licenciés et des étudiants sanctionnés pour s'être exprimés sur la guerre à Gaza. La liberté académique n'est pas (…)

À Jérusalem, aux États-Unis, en Allemagne des professeurs sont licenciés et des étudiants sanctionnés pour s'être exprimés sur la guerre à Gaza. La liberté académique n'est pas un luxe de tour d'ivoire ; elle est une pierre angulaire de la vie démocratique. Prenons la parole non seulement pour nous-mêmes, mais pour un espace public plus juste et honnête. Par Katharina Galor et Noga Wolff.

Tiré du blogue des autrices.

À Jérusalem, une professeure a été emmenée menottée pour avoir critiqué la guerre que son gouvernement mène à Gaza. Aux États-Unis, deux présidentes d'université ont dû démissionner sous la pression de donateurs opposés aux manifestations pro-palestiniennes. En Allemagne, une chaire de professeur invité a été annulée après qu'une universitaire juive américaine a signé une lettre appelant à un cessez-le-feu. Dans ces trois contextes nationaux — Israël, les États-Unis et l'Allemagne — un nouveau maccarthysme vise les universitaires critiques de la politique israélienne.

Depuis l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023 et la guerre menée par Israël à Gaza, les universitaires critiques d'Israël font face à une répression grandissante. Dans ces trois pays, le simple fait de réclamer un cessez-le-feu ou de témoigner de la compassion pour les civils palestiniens peut entraîner des représailles professionnelles, des menaces judiciaires, l'opprobre public, la censure, des menaces d'expulsion — voire l'emprisonnement.

Nous sommes deux universitaires israéliennes, l'une en Israël, l'autre aux États-Unis, cette dernière en lien étroit avec le monde académique allemand. Les États-Unis et l'Allemagne apportent un soutien politique et militaire constant à Israël, mais celles et ceux qui remettent en cause ce soutien paient un prix élevé. Les accusations d'antisémitisme, de haine ou de trahison ciblent aussi bien des chercheurs juifs qu'arabes, mais frappent plus durement encore les Palestiniens, les musulmans, les voix minoritaires.

À Harvard et à l'Université de Pennsylvanie, Claudine Gay et Liz Magill ont dû démissionner sous la pression politique et financière, accusées d'avoir été trop indulgentes envers des manifestations pro-palestiniennes. Des professeurs ont été licenciés, et des étudiants internationaux ainsi qu'un universitaire ont été menacés d'expulsion pour leurs prises de position pro-palestiniennes. De plus, la définition de l'IHRA de l'antisémitisme, adoptée dans nombre d'universités, confond critique d'Israël et antisémitisme, en particulier lorsqu'elle assimile l'antisionisme à de la haine et de la violence. Le climat sur les campus s'est glacé : des enseignants sont surveillés, réprimandés ou sanctionnés pour leurs recherches ou leurs enseignements critiques portant sur Israël ou la Palestine, des étudiants s'autocensurent – le silence s'installe.

En Allemagne, où la lutte contre l'antisémitisme est une priorité nationale, cet engagement est instrumentalisé pour étouffer la critique d'Israël. L'histoire de la Shoah, la culpabilité allemande et la notion de Staatsräson — qui fait du soutien à Israël un impératif moral et politique — sont invoquées pour délégitimer toute forme de solidarité avec les Palestiniens. En 2019, le Bundestag a qualifié le mouvement BDS d'« antisémite » ; depuis, des universitaires ont perdu des financements ou des invitations pour avoir défendu les droits des Palestiniens. Depuis le 7 octobre, on demande aux candidats à des postes académiques de renier le BDS ou d'approuver la définition IHRA comme condition d'embauche ou de financement. Le soutien inconditionnel à Israël est érigé en devoir moral ; les voix critiques sont perçues comme une atteinte au consensus moral et politique. L'universitaire juive américaine Amy Kaplan a ainsi vu son poste de professeur invité annulé à l'université de Hambourg après avoir signé une lettre appelant à un cessez-le-feu.

En Israël, toute voix critique est réprimée au nom de la sécurité nationale et de la loyauté envers l'État. Exprimer de la compassion pour les Palestiniens ou critiquer la guerre est perçu comme une trahison. Nadera Shalhoub-Kevorkian, universitaire palestinienne citoyenne d'Israël, a été arrêtée après avoir critiqué la guerre à Gaza – une première pour une universitaire israélienne. D'autres enseignants ont été suspendus ou licenciés pour avoir exprimé des positions pro-palestiniennes. De nouvelles ordonnances d'urgence promulguées après le 7 octobre restreignent encore la liberté d'expression, en assimilant la critique à l'incitation. La loi « Nakba » de 2011 autorise le gouvernement à réduire les subventions des institutions qui commémorent la catastrophe palestinienne de 1948. La frontière entre dissidence et criminalité s'efface.

La liberté académique n'est pas un luxe de tour d'ivoire ; elle est une pierre angulaire de la vie démocratique. Quand des professeurs sont licenciés et des étudiants sanctionnés pour s'être exprimés, ce n'est pas qu'un problème universitaire – c'est un problème démocratique. La répression de la critique d'Israël s'inscrit dans une érosion plus vaste de l'espace public. Message glaçant : certaines vérités doivent rester cachées.

Paradoxalement, l'acharnement de cette répression prouve l'importance de nos idées : si elles étaient insignifiantes, nul ne chercherait autant à les faire taire.

Universitaires, étudiants, artistes : faisons front commun et refusons l'intimidation. Exigeons le droit de questionner et de nous exprimer sans crainte. Le nouveau maccarthysme ne réussira que si nous laissons la peur l'emporter ; il échouera si nous répondons par une solidarité internationale.

Aujourd'hui, l'universitaire est visé — comme le sont journalistes, avocats, artistes et toutes celles et ceux qui osent penser, créer ou témoigner. Prenons la parole non seulement pour nous-mêmes, mais pour un espace public plus juste et honnête. Quand nous parlons d'une seule voix, nous faisons plus que résister – nous élargissons le champ du possible.


Katharina Galor enseigne les études juives et le Moyen-Orient à l'Université Brown, aux États-Unis. Elle a publié Out of Gaza : A Tale of Love, Exile, and Friendship (Potomac Books, 2025), et ses recherches portent sur la culture visuelle, le patrimoine et le conflit israélo-palestinien.

Noga Wolff enseigne au College of Management Academic Studies, en Israël. Elle a écrit sur les interprétations historiographiques de l'antisémitisme et s'intéresse aux questions d'identité, de pédagogie et de société dans l'Israël.

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La loi européenne sur la liberté des médias - Protection ou contrôle ?

19 août, par Rémy Nuno Griffais — , ,
L'entrée en vigueur de la loi européenne sur la liberté des médias (European Media Freedom Act) en août 2025 soulève un paradoxe fondamental : comment une législation présentée (…)

L'entrée en vigueur de la loi européenne sur la liberté des médias (European Media Freedom Act) en août 2025 soulève un paradoxe fondamental : comment une législation présentée comme protectrice de la liberté de la presse peut-elle simultanément autoriser l'arrestation de journalistes et leur surveillance ?

Tiré du blogue de l'auteur.

Cette analyse critique examine les tensions inhérentes à ce texte législatif qui révèle des difficultés "commodes" pour concilier sécurité, lutte contre la désinformation et liberté d'expression dans l'espace démocratique européen.

I. Les ambitions affichées : une protection renforcée du journalisme

A. Les garanties théoriques de la loi

La loi européenne sur la liberté des médias s'inscrit officiellement dans une démarche de protection du journalisme. L'article 4 établit le principe de protection des sources journalistiques, interdisant en théorie le recours aux logiciels espions ou aux arrestations pour contraindre les journalistes à révéler leurs informateurs. Cette disposition répond à une préoccupation légitime face aux pressions croissantes exercées sur les journalistes d'investigation dans plusieurs États membres.

La volonté de renforcer les médias de service public (article 5) témoigne également d'une reconnaissance de leur rôle dans le pluralisme démocratique. En exigeant des procédures transparentes pour la nomination des dirigeants et un financement adéquat, la loi semble vouloir prémunir ces organismes contre les instrumentalisations politiques.

B. Une réponse aux défis contemporains

Cette législation s'inscrit dans un contexte où les médias européens font face à des défis multiples : concentration capitalistique, influence des plateformes numériques, campagnes de désinformation et pressions politiques croissantes. La création d'un cadre juridique harmonisé répond à un besoin réel de coordination face à ces enjeux transnationaux.

II. Les contradictions fondamentales : liberté conditionnelle et contrôle renforcé

A. L'exception qui dévore la règle

La principale contradiction de cette loi réside dans ses exceptions. Si l'article 4 protège théoriquement les sources journalistiques, il autorise immédiatement des dérogations au nom de l'« intérêt général » et de la « proportionnalité ». Ces notions floues et subjectives ouvrent une brèche considérable dans la protection annoncée.

L'autorisation d'utiliser des « logiciels de surveillance intrusifs » pour des infractions punies de trois ans d'emprisonnement minimum élargit dangereusement le champ d'application. L'inclusion du « racisme et de la xénophobie » aux côtés du terrorisme révèle une approche extensive qui pourrait englober de nombreux sujets d'investigation journalistique sensibles.

B. La surveillance institutionnalisée

L'obligation de tenir des registres nationaux des propriétaires de médias (article 6) instaure un système de fichage qui, sous couvert de transparence, permet un contrôle administratif renforcé. Cette mesure, couplée aux possibilités de surveillance, dessine les contours d'un système de monitoring généralisé de la profession journalistique.

III. La lutte contre la désinformation : prétexte ou nécessité ?

A. Un enjeu démocratique réel

La préoccupation concernant la désinformation n'est pas feinte. Les campagnes de manipulation informationnelle, amplifiées par les algorithmes des plateformes numériques, constituent effectivement une menace pour le débat démocratique. La volonté de réguler les « modèles économiques qui tendent à amplifier les contenus polarisants » répond à une problématique avérée.

B. Les risques de l'arbitraire

Cependant, la définition de la désinformation reste problématique. Qui détermine ce qui constitue une information fiable ? Le « Comité européen pour les services de médias », malgré son indépendance formelle, reste largement influencé par la Commission européenne qui en fournit le secrétariat et y place un représentant. Cette configuration soulève des questions sur l'impartialité des décisions.

La promotion des « médias de confiance » implique nécessairement une labellisation qui pourrait créer une hiérarchie entre sources « approuvées » et « suspectes », remettant en cause le principe d'égalité d'accès à l'information.

IV. Les enjeux démocratiques : entre protection et paternalisme

A. Le paradoxe de la liberté contrôlée

Cette loi illustre un paradoxe contemporain : l'État démocratique, face aux défis de la désinformation et des menaces sécuritaires, tend à restreindre les libertés qu'il prétend protéger. La logique sécuritaire l'emporte progressivement sur les principes libéraux, créant un système de « liberté surveillée » pour les médias.

B. L'érosion du contre-pouvoir journalistique

En institutionnalisant le contrôle des médias par des organismes liés aux autorités publiques, cette loi risque d'affaiblir la fonction de contre-pouvoir traditionnellement dévolue à la presse. L'autocensure pourrait se développer face aux risques de sanctions ou de surveillance.

V. Perspectives critiques et alternatives

A. Une harmonisation par le bas ?

Plutôt que d'harmoniser vers le haut les standards de liberté de la presse, cette loi semble niveler par le bas en généralisant des pratiques restrictives. Elle risque de légitimer dans l'ensemble de l'UE des mesures de contrôle qui n'existaient que dans certains États membres.

B. Vers une solution alternative

Une approche plus respectueuse des libertés fondamentales pourrait privilégier : l'éducation aux médias, la transparence des algorithmes de recommandation, le soutien économique aux médias indépendants sans contrepartie éditoriale, et des mécanismes de fact-checking décentralisés plutôt qu'une régulation centralisée.

Conclusion

La loi européenne sur la liberté des médias révèle les tensions de nos démocraties contemporaines, prises entre la nécessité de lutter contre de nouvelles menaces informationnelles et la préservation des libertés fondamentales. En prétendant protéger la liberté de la presse tout en instaurant des mécanismes de contrôle étendus, elle illustre parfaitement la dérive sécuritaire qui caractérise de nombreuses législations actuelles.

Cette loi pose une question fondamentale : dans quelle mesure peut-on restreindre la liberté au nom de sa protection ? La réponse à cette interrogation déterminera l'avenir du journalisme européen et, plus largement, la sanité de nos démocraties. Car comme l'histoire l'enseigne, les atteintes à la liberté de la presse, même justifiées par de nobles intentions, constituent souvent les premiers pas vers l'autoritarisme.

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Journalistes en danger : Nos yeux et nos oreilles à Gaza sont pris pour cibles

19 août, par Agnès Gruda, Alain Saulnier, Fabrice de Pierrebourg — , , , ,
Un collectif de 52 journalistes, retraités, actifs et enseignants, lance un appel à la solidarité envers les journalistes de la bande de Gaza dont le travail est rendu (…)

Un collectif de 52 journalistes, retraités, actifs et enseignants, lance un appel à la solidarité envers les journalistes de la bande de Gaza dont le travail est rendu impossible par les conditions de vie quand ils ne sont pas directement visés par des bombardements.

Nous sommes un groupe de journalistes québécois souhaitant exprimer toute notre solidarité envers nos collègues de la bande de Gaza, qui exercent leur métier dans des conditions effroyables.

Nous joignons ainsi notre voix à celle de nombreux autres associations et syndicats de journalistes internationaux, dont la Fédération internationale des journalistes, qui représente 600 000 professionnels des médias dans plus de 140 pays, ainsi que la Fédération européenne des journalistes, qui ont dénoncé ces conditions au cours des derniers mois.

Depuis 22 mois, plus de 200 journalistes et travailleurs médiatiques palestiniens sont tombés sous les bombes ou sous les balles israéliennes, « dont au moins 46 ciblés en raison de leur activité journalistique », selon Reporters sans frontières et le consortium d'enquête de médias Forbidden Stories.

Encore ce dimanche, le 10 août, cinq journalistes du réseau Al-Jazeera ont péri dans une frappe ciblée sur leur tente, dans la ville de Gaza. Reporters sans frontières dénonce l'« assassinat revendiqué » par l'armée israélienne d'une des victimes de cette frappe, Anas al-Sharif.

Ce conflit meurtrier a déjà tué plus de journalistes et de travailleurs de médias que toutes les guerres réunies depuis le début du XXe siècle, affirme l'Institut Watson de l'Université Brown, au Rhode Island⁠ (1).

Ceux qui continuent, malgré tout, à nous informer font preuve d'un immense courage. Ils sont nos yeux et nos oreilles sur le terrain, les seuls à pouvoir rendre compte de la terrible réalité à laquelle font face les habitants de la bande de Gaza. Leur travail est indispensable, particulièrement maintenant, alors que le cabinet de sécurité israélien vient de voter l'occupation militaire de la ville de Gaza, ce qui ne peut qu'exacerber la crise humanitaire actuelle.

Trop affaiblis pour informer

Avec l'étau du blocus imposé par Israël, nos collègues palestiniens souffrent aussi, comme leurs 2 millions de compatriotes, de la faim, à un point tel que certains sont trop affaiblis pour continuer à exercer leurs fonctions – comme le révélait récemment l'un des correspondants de l'Agence France-Presse.

Nous avons le devoir de dénoncer cette réalité sans précédent, qui entrave la liberté d'informer tout en mettant en péril la vie des journalistes.

Nous appelons le gouvernement canadien à faire pression auprès du gouvernement israélien afin qu'il mette tout en œuvre pour laisser les journalistes palestiniens effectuer leur travail en respectant minimalement leur sécurité.

Rappelons que les journalistes sont, en vertu de l'article 79 de la Convention de Genève (12 août 1949), « considérés comme des personnes civiles » et doivent donc bénéficier des mêmes mesures de protection lors des conflits armés.

Nous demandons également au gouvernement du Canada de faire pression sur les autorités israéliennes pour qu'elles ouvrent la bande de Gaza aux médias internationaux, dont ceux du Québec, afin qu'ils puissent rendre compte du conflit armé et de la catastrophe humanitaire en cours, comme c'est le cas dans toute autre guerre, notamment celle qui sévit en Ukraine. Cette ouverture devrait aussi permettre aux organismes de presse internationaux qui engagent des journalistes palestiniens à Gaza de se rendre sur place pour leur prêter main-forte et les aider à améliorer leur situation.

Enfin, nous réclamons l'évacuation de ceux parmi nos collègues palestiniens dont l'état de santé est précaire au point de mettre leur survie en péril.

Soutenir publiquement les journalistes de Gaza, c'est défendre la liberté de la presse et la libre circulation de l'information, toutes deux grandement menacées. Ces enjeux de la liberté d'information et de la protection des journalistes en zone de conflit devraient nous unir et nous mobiliser, en dehors de toute partisanerie politique.

* Consultez la liste complète des 52 signataires de la lettre

1. Consultez le rapport de l'Institut Watson de l'Université Brown

La forêt québécoise face aux spoliateurs et à ses alliés caquistes

19 août, par Yves Bergeron — , ,
Depuis avril dernier, le projet de loi 97 plane au-dessus de la tête du Québec comme une épée de Damoclès alors que le gouvernement caquiste s'apprête à donner littéralement (…)

Depuis avril dernier, le projet de loi 97 plane au-dessus de la tête du Québec comme une épée de Damoclès alors que le gouvernement caquiste s'apprête à donner littéralement une large partie de la forêt québécoise à l'industrie forestière sous prétexte de lui fournir de la prévisibilité. Or, le bulldozer de l'industrie est affamé suite aux incendies de forêts de l'année dernière et le gouvernement Legault lui offre le tiers de la forêt québécoise sur un plateau d'argent. Tous les intervenant-es se mobilisent pour freiner ce vol des ressources.

Le projet de loi 97 de la ministre Blanchette-Vézina divise le territoire forestier en trois parties : des zones d'aménagement forestier prioritaire, des zones multi-usages et des zones de conservation. La planification stratégique de cette répartition territoriale incomberait non plus aux fonctionnaires du ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF), mais plutôt à des aménagistes forestiers régionaux. Ces derniers devront au préalable mener des consultations avec les populations locales concernées, se prêtant ainsi aux menaces de pressions de l'industrie et de ses alliés au sein des élites locales.

Les critiques pleuvent : risques d'affaiblissement des zones de protection environnementales, absence de véritable consultation auprès des Premières nations, graves lacunes quant aux assises scientifiques de l'orientation de la politique, inquiétudes quant au sort des ZEC (zones d'exploitation contrôlée), ignorance quant aux conséquences des changements climatiques, consultations publiques alambiquées.

La forêt québécoise est mal en point. Conséquence des feux de forêt qui se multiplient, de l'arrivée d'insectes ravageurs, de l'érosion de la biodiversité, de la surexploitation commerciale ; plusieurs parlent d'une tempête parfaite. Le projet de loi caquiste est déposé dans ce contexte et rien ne vient corriger les orientations qui ont mené à cette situation, au contraire. Pour citer Nature Québec, « Le projet de loi 97 vient sacrifier les acquis environnementaux et sociaux hérités de la Commission Coulombe, au profit des intérêts à court terme des grands lobbys du bois, incluant des multinationales, le tout de manière antidémocratique ! On recule de 40 ans en arrière, alors qu'il faudrait regarder 40 ans en avant ! »

Les Premières nations mènent une lutte de tous les instants contre ce projet de loi. Selon APTN news, l'ingénieur forestier et chercheur Eric Alvarez affirme que 23,56 millions d'hectares de forêt sont identifiés comme potentiellement exploitables. « Cela réserverait quelque 8 millions d'hectares à la seule industrie forestière. Huit millions d'hectares où tous les autres intervenant-es et utilisateur-ices de la forêt publique n'auront qu'une chose à faire : se taire. » Selon APTN news, « les objections des Autochtones portent principalement sur le fait que le projet de loi ne reconnaît pas leurs droits inhérents. Cette question est étroitement liée à la proposition de privatiser un tiers des terres du Québec, dont près de la moitié n'ont pas été cédées et ne font pas l'objet de traités. »

Selon le chef Lucien Wabanonik, ces propositions font du projet de loi 97 « une insulte à notre intelligence » et « une provocation directe à nos membres en territoire » qui « constitue un acte de dépossession de nos terres ». Pendant ce temps, la CAQ jette de l'huile sur le feu des tensions entre les communautés autochtones et les travailleurs et travailleuses de la forêt dans une stratégie évidente du diviser pour régner. Elle mobilise les élites locales afin de faire front contre les oppositions. Des barrages et contre-barrages sont montés de part et d'autre. L'APNQL a quitté la table de concertation en guise de protestation face à l'immobilisme de la ministre. La formation du Front de Résistance Autochtone Populaire (FRAP) qui a organisé une manifestation en juillet dernier risque de rallier les peuples autochtones autour de la revendication du retrait du projet de loi.

Bref, la CAQ donne littéralement un tiers de la forêt québécoise à l'industrie qui serait désormais maître chez nous au détriment des intérêts de la population. Le projet de loi ne fait aucune mention des objectifs de protection de la ressource et l'industrie pourrait faire comme bon lui semble.

L'opposition s'est mobilisée rapidement dès le dépôt du projet de loi. Les Premières nations, les syndicats, les groupes écologistes ont émis des avis défavorables aux objectifs caquistes. On exige le retrait pur et simple du projet de loi. Les oppositions à l'assemblée nationale demeurent prudentes quant à la critique de l'orientation du gouvernement Legault. Québec solidaire demande de suspendre les travaux entourant le projet de loi 97 et de consulter les Premières nations. Le premier ministre Legault, face aux critiques, évite de parler de changements au projet de loi, mentionnant des « ajustements » qui pourraient être apportés mais qui ne remettent pas en question son orientation générale.

Le gouvernement caquiste veut nous enfoncer sa loi dans la gorge. La résistance populaire demeure la seule façon de faire entendre raison à ces spoliateurs.

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30 ans de YOGA DU RIRE

19 août, par Marc Simard
Je suis revenue dans ma belle région l’été dernier. Ceux qui me connaissent savent qu’il y a eu de la houle dans ma vie depuis mon retour! Par chance, j’ai su garder l’horizon (…)

Je suis revenue dans ma belle région l’été dernier. Ceux qui me connaissent savent qu’il y a eu de la houle dans ma vie depuis mon retour! Par chance, j’ai su garder l’horizon et j’ai amarré un club de yoga du rire du Bas-Saint-Laurent en mars dernier à Pointe-au-Père. L’idée est de rassembler (…)

« Cellule de légitimation » : une unité israélienne chargée de relier les journalistes de Gaza au Hamas

Considérant les médias comme un champ de bataille, une cellule secrète du renseignement militaire a fouillé Gaza à la recherche de matériel destiné à renforcer le hasbara (…)

Considérant les médias comme un champ de bataille, une cellule secrète du renseignement militaire a fouillé Gaza à la recherche de matériel destiné à renforcer le hasbara israélien, y compris des affirmations douteuses visant à justifier le meurtre de journalistes palestiniens.

Tiré d'Agence médias Palestine.

L'armée israélienne a mis en place une unité spéciale appelée la « Cellule de légitimation », chargée de collecter du renseignement à Gaza afin de renforcer l'image d'Israël dans les médias internationaux, selon trois sources du renseignement qui se sont confiées à +972 Magazine et Local Call et ont confirmé l'existence de l'unité.

Créée après le 7 octobre, l'unité recherchait des informations sur l'utilisation par le Hamas des écoles et des hôpitaux à des fins militaires, ainsi que sur les tirs de roquettes ratés des groupes armés palestiniens qui ont causé des victimes civiles dans l'enclave. Elle avait aussi pour mission d'identifier des journalistes basés à Gaza qu'elle pourrait présenter comme des agents infiltrés du Hamas, afin de désamorcer l'indignation mondiale croissante suscitée par l'assassinat de reporters palestiniens, le dernier en date étant le journaliste d'Al Jazeera Anas Al-Sharif, tué cette semaine dans une frappe aérienne israélienne.

Selon ces sources, la motivation de la Cellule de légitimation n'était pas la sécurité, mais la communication. Animés par la colère que des reporters gazaouis « salissent [le] nom [d'Israël] aux yeux du monde », ses membres étaient impatients de trouver un journaliste qu'ils pourraient relier au Hamas et marquer comme cible, a affirmé l'une d'elles. Cette source a décrit un schéma récurrent dans le travail de l'unité : chaque fois que les critiques médiatiques contre Israël s'intensifiaient sur un sujet précis, la Cellule recevait pour ordre de trouver du renseignement déclassifiable et exploitable publiquement pour contrer le récit.

« Si les médias mondiaux parlent d'Israël qui tue des journalistes innocents, alors immédiatement il y a une pression pour trouver un journaliste qui ne serait pas si innocent, comme si cela rendait acceptable de tuer les 20 autres », a déclaré une source du renseignement.

Souvent, c'était l'échelon politique israélien qui dictait à l'armée les axes d'enquête de l'unité, a ajouté une autre source. Les informations recueillies par la Cellule de légitimation étaient également transmises régulièrement aux Américains par des canaux directs. Des officiers du renseignement ont indiqué qu'on leur avait dit que leur travail était essentiel pour permettre à Israël de prolonger la guerre.

« L'équipe collectait régulièrement du renseignement pouvant servir au hasbara, par exemple, une cache d'armes [du Hamas] découverte dans une école, tout ce qui pouvait renforcer la légitimité internationale d'Israël à poursuivre les combats », a expliqué une autre source. « L'idée était de permettre [à l'armée] d'opérer sans pression, afin que des pays comme les États-Unis ne cessent pas de fournir des armes. »

L'unité cherchait aussi des preuves reliant la police de Gaza à l'attaque du 7 octobre, pour justifier leur ciblage et démanteler la force de sécurité civile du Hamas, a ajouté une source familière de son travail.

Deux sources du renseignement ont raconté qu'au moins une fois depuis le début de la guerre, la Cellule de légitimation avait déformé du renseignement pour permettre de présenter faussement un journaliste comme membre de la branche militaire du Hamas. « Ils étaient impatients de l'étiqueter comme une cible, comme un terroriste, de dire qu'il était légitime de l'attaquer », se souvient une source. « Ils disaient : le jour, c'est un journaliste, la nuit, c'est un commandant de section. Tout le monde était enthousiaste. Mais il y a eu une chaîne d'erreurs et des raccourcis pris.

« À la fin, ils ont réalisé qu'il était réellement journaliste », poursuit la source, et le journaliste n'a pas été visé.

Un schéma similaire de manipulation apparaît dans les renseignements présentés sur Al-Sharif. Selon les documents publiés par l'armée, non vérifiés de manière indépendante, il aurait été recruté par le Hamas en 2013 et serait resté actif jusqu'à ce qu'il soit blessé en 2017, ce qui, même si les documents étaient exacts, prouverait qu'il ne jouait aucun rôle dans la guerre actuelle.

Il en va de même pour le cas du journaliste Ismail Al-Ghoul, tué en juillet 2024 dans une frappe aérienne israélienne à Gaza-Ville avec son caméraman. Un mois plus tard, l'armée a affirmé qu'il était un « opérateur de la branche militaire et un terroriste Nukhba », citant un document de 2021 prétendument extrait d'un « ordinateur du Hamas ». Or ce document indiquait qu'il avait reçu son grade militaire en 2007, alors qu'il n'avait que 10 ans, et sept ans avant sa supposée recrue dans le Hamas.

« Trouver le plus de matériel possible pour le hasbara »

L'un des premiers efforts médiatisés de la Cellule de légitimation a eu lieu le 17 octobre 2023, après l'explosion meurtrière de l'hôpital Al-Ahli à Gaza-Ville. Tandis que les médias internationaux, citant le ministère de la Santé de Gaza, rapportaient qu'une frappe israélienne avait tué 500 Palestiniens, les responsables israéliens affirmaient que l'explosion avait été causée par une roquette mal tirée du Jihad islamique et que le bilan était bien moindre.

Le lendemain, l'armée a diffusé un enregistrement que la Cellule avait retrouvé dans des interceptions de renseignements, présenté comme un appel téléphonique entre deux membres du Hamas accusant le Jihad islamique de la bavure. De nombreux médias mondiaux ont ensuite jugé l'hypothèse plausible, certains menant leurs propres enquêtes, et cette divulgation a porté un coup sévère à la crédibilité du ministère de la Santé de Gaza, saluée au sein de l'armée israélienne comme une victoire pour la Cellule.

En décembre 2023, un militant palestinien des droits humains a déclaré à +972 et Local Call qu'il avait été stupéfait d'entendre sa propre voix dans cet enregistrement, qu'il affirmait être simplement une conversation anodine avec un ami. Il a insisté n'avoir jamais été membre du Hamas.

Une source ayant travaillé avec la Cellule de légitimation a déclaré que la publication de matériel classifié comme un appel téléphonique était extrêmement controversée. « Ce n'est vraiment pas dans l'ADN de l'Unité 8200 d'exposer nos capacités pour quelque chose d'aussi vague que l'opinion publique », a-t-il expliqué.

Pourtant, les trois sources ont indiqué que l'armée traitait les médias comme une extension du champ de bataille, l'autorisant à déclassifier des renseignements sensibles pour diffusion publique. Même le personnel du renseignement extérieur à la Cellule devait signaler tout élément pouvant servir dans la guerre de l'information. « Il y avait cette phrase : “Ça, c'est bon pour la légitimité” », se rappelle une source. « Le but était simplement de trouver le plus de matériel possible au service du hasbara. »

Après la publication de l'article, des sources officielles de la sécurité ont confirmé à +972 et Local Call que diverses « équipes de recherche » avaient été mises en place au sein du renseignement militaire israélien au cours des deux dernières années dans le but « d'exposer les mensonges du Hamas ». Elles ont déclaré que l'objectif était de « discréditer » les journalistes couvrant la guerre dans les médias audiovisuels « de manière soi-disant fiable et précise », mais qui, selon elles, faisaient en réalité partie du Hamas. Selon ces sources, ces équipes de recherche ne jouent pas de rôle dans la sélection des cibles individuelles à attaquer.

« Je n'ai jamais hésité à dire la vérité »

Le 10 août, l'armée israélienne a tué six journalistes lors d'une frappe qu'elle a admis avoir dirigée contre le reporter d'Al Jazeera Anas Al-Sharif. Deux mois plus tôt, en juillet, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) avait exprimé sa crainte pour la vie d'Al-Sharif, affirmant qu'il était « la cible d'une campagne de diffamation de l'armée israélienne, qu'il considérait comme un prélude à son assassinat ».

Après qu'Al-Sharif a publié en juillet une vidéo virale de lui en larmes en couvrant la crise de la faim à Gaza, le porte-parole arabophone de l'armée israélienne, Avichay Adraee, a diffusé trois vidéos l'attaquant, l'accusant de « propagande » et de participer à la « fausse campagne de famine du Hamas ».

Al-Sharif avait identifié le lien entre la guerre médiatique et la guerre militaire : « La campagne d'Adraee n'est pas seulement une menace médiatique ou une destruction d'image ; c'est une menace réelle pour ma vie », avait-il confié au CPJ. Moins d'un mois plus tard, il était tué, l'armée présentant ce qu'elle disait être du renseignement déclassifié prouvant son appartenance au Hamas pour justifier la frappe.

L'armée avait déjà affirmé en octobre 2024 que six journalistes d'Al Jazeera, dont Al-Sharif, étaient des opérateurs militaires, accusation qu'il avait vigoureusement niée. Il est devenu le deuxième de cette liste à être visé, après le reporter Hossam Shabat. Depuis l'accusation d'octobre, ses déplacements étaient bien connus, ce qui a amené de nombreux observateurs à se demander si le meurtre d'Al-Sharif, qui rapportait régulièrement depuis Gaza-Ville, ne faisait pas partie du plan d'Israël visant à imposer un black-out médiatique en prévision de la capture de la ville.

En réponse aux questions de +972 Magazine sur la mort d'Al-Sharif, le porte-parole de l'armée a réaffirmé que « Tsahal a attaqué un terroriste de l'organisation terroriste Hamas qui opérait sous couverture en tant que journaliste du réseau Al Jazeera dans le nord de la bande de Gaza », et a affirmé que l'armée « ne nuit pas intentionnellement aux personnes non impliquées et en particulier aux journalistes, tout en respectant le droit international ».

Avant la frappe, a-t-il ajouté, « des mesures ont été prises pour réduire les risques de victimes civiles, y compris l'utilisation d'armes de précision, d'observations aériennes et d'informations de renseignement supplémentaires ».

Âgé de seulement 28 ans, Al-Sharif était devenu l'un des journalistes les plus connus de Gaza. Il figure parmi les 186 reporters et travailleurs des médias tués dans l'enclave depuis le 7 octobre, selon le CPJ, la période la plus meurtrière pour les journalistes depuis que l'organisation a commencé à collecter des données en 1992. D'autres organismes avancent un bilan allant jusqu'à 270.

« Si ces mots vous parviennent, sachez qu'Israël a réussi à me tuer et à faire taire ma voix », avait écrit Al-Sharif dans son dernier message, publié à titre posthume sur ses réseaux sociaux. « J'ai vécu la douleur dans tous ses détails, goûté à la souffrance et à la perte à maintes reprises, et pourtant je n'ai jamais hésité à dire la vérité telle qu'elle est, sans la déformer ni la falsifier. »

Source : +972 Magazine

Traduction : ST pour Agence Media Palestine

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Gaza : après le meurtre de six professionnels des médias dans une frappe israélienne ciblée, RSF demande une réaction internationale forte

19 août, par Reporters sans frontières (RSF) — , , , ,
Ce dimanche 10 août, une frappe israélienne a tué six professionnels des médias, dont cinq travaillant ou ayant travaillé pour le média qatarien Al Jazeera et un journaliste (…)

Ce dimanche 10 août, une frappe israélienne a tué six professionnels des médias, dont cinq travaillant ou ayant travaillé pour le média qatarien Al Jazeera et un journaliste indépendant, dans la bande de Gaza. Revendiquée par l'armée israélienne, elle visait le reporter d'Al-Jazeera Anas al-Sharif, qu'elle accuse, sans avancer de preuves solides, d'“appartenance terroriste”.

Tiré du site de RSF.

Reporters sans frontières (RSF) dénonce une technique indigne utilisée de manière récurrente contre les journalistes destinée à masquer des crimes de guerre, alors que l'armée a déjà tué plus de 200 professionnels des médias. L'organisation appelle à une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU pour stopper ce massacre.

  1. “RSF dénonce avec force et colère le meurtre de six professionnels des médias par l'armée israélienne, perpétré sous couvert, une fois encore, d'accusations de terrorisme contre un journaliste. Pourtant l'un des journalistes les plus célèbres de la bande de Gaza, Anas al-Sharif. L'armée israélienne a tué plus de 200 journalistes depuis le début de la guerre. Il faut de toute urgence mettre un terme à ce massacre et à la stratégie de blackout médiatique d'Israël, destinée à masquer les crimes commis par son armée, depuis plus de 21 mois, dans l'enclave palestinienne assiégée et affamée. La communauté internationale ne peut plus fermer les yeux et doit réagir et faire cesser cette impunité. RSF appelle le Conseil de sécurité des Nations unies à se réunir d'urgence sur le fondement de la résolution 2222 de 2015 sur la protection des journalistes en période de conflit armé afin de stopper ce carnage.
  2. - Thibaut Bruttin
  3. Directeur général de RSF

Dans la soirée du 10 août, l'armée israélienne a tué le reporter d'Al Jazeera Anas al-Sharif dans une frappe ciblée sur une tente abritant un groupe de journalistes à proximité de l'hôpital al-Shifa, à Gaza. Cette frappe revendiquée par les autorités israéliennes a également tué cinq autres professionnels des médias, dont quatre travaillant ou ayant travaillé pour la chaîne qatarienne Al Jazeera – le correspondant Mohammed Qraiqea, le vidéoreporter Ibrahim al-Thaher, Mohamed Nofal, assistant caméraman et chauffeur ce jour-là, et Moamen Aliwa, journaliste indépendant qui a travaillé avec Al Jazeera – ainsi qu'un autre journaliste indépendant, créateur d'une chaîne YouTube d'information, Mohammed al-Khaldi. Cette attaque a également blessé les reporters indépendants Mohammed Sobh, Mohammed Qita et Ahmed al-Harazine.

Cette attaque, revendiquée par l'armée israélienne, reproduit un procédé déjà employé contre des journalistes d'Al Jazeera. Le 31 juillet 2024, l'armée israélienne avait tué les reporters Ismail al-Ghoul et Rami al-Rifi dans une frappe ciblée et revendiquée, à la suite d'une campagne de dénigrement visant le premier, accusé, comme Anas al-Sharif, d'“appartenance terroriste”. Hamza al-Dahdouh, Mustafa Thuraya ou encore Hossam Shabat, eux-aussi travaillant pour le média qatarien, comptent notamment parmi les victimes de cette méthode dénoncée par RSF.

Dès octobre 2024, RSF avait mis en garde contre l'imminence d'une attaque visant Anas al-Sharif à la suite des accusations de l'armée israélienne. La communauté internationale, l'Union européenne, le Royaume-Uni et les États-Unis en tête, est restée sourde à ces avertissements. En vertu de la résolution 2222 de 2015 sur la protection des journalistes en période de conflit armé, le Conseil de sécurité des Nations unies a le devoir de se réunir d'urgence à la suite de ce nouveau meurtre extrajudicaire commis par l'armée israélienne.

Depuis Octobre 2023, RSF a déposé quatre plaintes auprès de la Cour pénale internationale (CPI) pour demander des enquêtes sur ce qu'elle qualifie de crimes de guerre commis par l'armée israélienne contre les journalistes à gaza.

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Le mirage d’un État palestinien

19 août, par Gilbert Achcar — ,
La reconnaissance par un nombre croissant de pays d'une entité hypothétique appelée « État de Palestine » est positive en termes d'impact symbolique. Mais dans les conditions (…)

La reconnaissance par un nombre croissant de pays d'une entité hypothétique appelée « État de Palestine » est positive en termes d'impact symbolique. Mais dans les conditions présentes, ce ne saurait être plus qu'une version renouvelée de la vaste prison dans laquelle l'État sioniste confine le peuple palestinien dans les territoires occupés en 1967.

30 juillet 2025

Gilbert Achcar
Professeur émérite, SOAS, Université de Londres
Abonné·e de Mediapart
https://blogs.mediapart.fr/gilbert-achcar/blog/300725/le-mirage-d-un-etat-palestinien
Ce blog est personnel, la rédaction n'est pas à l'origine de ses contenus.

La reconnaissance par un nombre croissant de pays d'une entité hypothétique appelée « État de Palestine » est positive en termes d'impact symbolique quant à la reconnaissance du droit du peuple palestinien à un État, un droit que nient la plupart des composantes de l'establishment sioniste, en particulier la gamme des partis sionistes d'extrême droite qui gouverne actuellement Israël. Cependant, les significations et les implications de cette reconnaissance varient considérablement avec le temps.

Les pays qui ont reconnu l'État de Palestine à la suite de sa proclamation par le Conseil national palestinien, réuni à Alger en 1988, dans la foulée de la grande Intifada populaire dans les territoires occupés en 1967, ont soutenu ce qui était considéré à l'époque comme un épisode majeur dans l'histoire de la lutte palestinienne. C'est ainsi que cela fut perçu, en effet, même si la proclamation était en fait une déviation de l'Intifada de son cours initial. Yasser Arafat et ses collaborateurs à la tête de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) cherchaient à poursuivre l'illusion d'un « État palestinien indépendant » en mettant la pression populaire au service d'un processus de négociation diplomatique parrainé par les États-Unis. C'est ainsi que la proclamation de 1988 fut immédiatement suivie par l'acquiescement honteux d'Arafat à la condition que Washington lui avait imposée pour négocier avec lui. Il déclara publiquement avec grand bruit : « Nous renonçons totalement et absolument à toutes les formes de terrorisme » (déclaration réitérée lors d'une conférence de presse à Genève le 14 décembre 1988).

La proclamation d'un État à l'époque avait néanmoins le caractère d'un geste de défi et fut appuyée par les pays qui soutenaient effectivement le droit du peuple palestinien dans les territoires de 1967 à se libérer de l'occupation sioniste. Au total, 88 pays reconnurent l'État de Palestine nouvellement proclamé, dont presque tous les pays arabes (à l'exception du régime syrien d'Assad, qui était un ennemi acharné de la direction palestinienne), la plupart des pays d'Afrique et d'Asie (avec quelques exceptions naturelles, comme le régime d'apartheid en Afrique du Sud, allié de longue date de l'État sioniste), et les pays du bloc de l'Est dominé par l'Union soviétique. Dans une scission planétaire notable, aucun pays du bloc occidental, dirigé par les États-Unis, ne reconnut l'État de Palestine à l'époque, à l'exception de la Turquie, ni aucun pays d'Amérique latine, à l'exception de Cuba et du Nicaragua, les deux pays rebelles contre l'hégémonie de Washington.

Les reconnaissances se poursuivirent après 1988, englobant progressivement les autres pays d'Asie et d'Afrique – à quelques exceptions près (Cameroun et Érythrée, pour des raisons opposées) – et d'Amérique latine. Les premiers États membres de l'OTAN à reconnaître l'État de Palestine – en plus de la Turquie et des pays d'Europe de l'Est qui se trouvaient auparavant dans l'orbite de l'Union soviétique et l'avaient donc reconnu avant de rejoindre l'alliance – ont été l'Islande en 2011 et la Suède en 2014. D'autres États membres de l'OTAN ne les suivirent dans cette voie que lorsque l'ampleur de la guerre génocidaire d'Israël dans la bande de Gaza devint évidente. La Norvège, l'Espagne et la Slovénie ont reconnu l'État de Palestine en 2024, suivis par le reste des pays d'Amérique latine (le plus récent étant le Mexique cette année).

Jusqu'à ce que le président français annonce son intention de reconnaître officiellement l'État de Palestine en septembre prochain, lorsque l'Assemblée générale de l'ONU se réunira, toutes les puissances de l'Occident géopolitique – en particulier les États-Unis, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie, le Japon et l'Australie – avaient refusé de le faire et le refusent encore aujourd'hui, invoquant divers prétextes, en particulier l'argument très hypocrite selon lequel cette reconnaissance pourrait entraver les efforts de paix. [Cet article a été écrit avant l'annonce conditionnelle par Keir Starmer que le Royaume-Uni reconnaîtrait lui aussi l'État de Palestine en septembre, à moins qu'Israël n'accepte un cessez-le-feu et une amélioration de la situation à Gaza.] La pression publique s'accroît dans ces mêmes pays au sujet du génocide en cours à Gaza, à un moment où le caractère délibéré du crime a atteint son apogée avec la présente famine organisée de la population de Gaza. Cela pourrait conduire à de nouvelles reconnaissances et a déjà conduit à une pression accrue sur Israël pour qu'il autorise l'entrée de l'aide alimentaire dans la bande de Gaza.

En réalité, ceux qui ont attendu qu'Israël commette les atrocités en cours au vu et au su du monde entier avant de reconnaître l'État de Palestine tentent principalement de dissimuler leur complicité tacite avec l'occupation sioniste de la Cisjordanie et de la bande de Gaza durant près de soixante ans. Le réveil de dernière minute du premier ministre britannique et du chancelier allemand, et leur décision de participer au largage aérien d'aide dans la bande de Gaza, effectué par la Jordanie et les Émirats arabes unis – une décision condamnée par les organisations humanitaires comme un acte symbolique inutile – ne méritent que du mépris, d'autant plus que les deux pays de l'OTAN mentionnés sont parmi les plus importants collaborateurs militaires de l'État sioniste après les États-Unis.

Ce qui devrait être évident, c'est que les efforts actuels pour établir un État palestinien, à l'instar de la conférence réunie à New York sous parrainage français et saoudien, ont maintenant un sens très différent de la reconnaissance de 1988. Cette année-là avait connu les meilleures conditions politiques que le peuple palestinien ait jamais connues depuis la Nakba de 1948. L'Intifada a suscité la sympathie populaire internationale et a provoqué une grave crise morale au sein de la société et de l'armée israéliennes. Elle créa les conditions pour le retour au pouvoir du Parti travailliste sioniste et sa conclusion des accords d'Oslo avec la direction Arafat, ce qui était inimaginable avant cette époque, bien que lesdits accords aient compris des conditions profondément iniques que Yasser Arafat accepta par pure délusion.

Cependant, ce qui semblait être un État hypothétique mais réalisable en 1988, et même en 1993 (bien que le processus d'Oslo eût été voué à l'échec), est aujourd'hui moins réaliste qu'un mirage dans le désert. Il est probable qu'un dixième ou plus de la population de la bande de Gaza a été tué, et au moins 70 % des bâtiments de l'enclave ont été détruits, dont 84 % des bâtiments de la partie nord et 89 % des bâtiments de Rafah (selon une récente enquête géographique effectuée par l'Université hébraïque de Jérusalem). Alors, de quel type d'État palestinien parlent-ils ? Les plus généreux d'entre eux le voient comme régi par le cadre d'Oslo, qui a abouti à une Autorité palestinienne sous tutelle israélienne, dont la « souveraineté » nominale est limitée à moins d'un cinquième de la Cisjordanie, en plus de Gaza. D'autres envisagent une entité encore plus limitée, après la reconquête par Israël de la majeure partie de la bande de Gaza et l'expansion des colonies sionistes en Cisjordanie.

Les conditions définies par le consensus national palestinien en 2006 (le « document des prisonniers ») comme exigences minimales pour l'établissement d'un État palestinien indépendant – à savoir, le retrait de l'armée et des colons israéliens de tous les territoires palestiniens occupés en 1967, y compris Jérusalem-Est ; la libération de tous les prisonniers palestiniens détenus par Israël ; et la reconnaissance du droit au retour et à des réparations pour les réfugiés palestiniens – ont été reléguées aux oubliettes en tant que revendications « extrémistes », alors qu'elles étaient à l'origine conçues comme des conditions minimales, exprimant une volonté de compromis. En vérité, toute entité palestinienne qui ignore ces conditions de base ne sera rien de plus qu'une version renouvelée de la vaste prison à ciel ouvert dans laquelle l'État sioniste confine le peuple palestinien dans les territoires de 1967, sur une étendue géographique de plus en plus réduite et une population qui continue de diminuer par suite du génocide et du nettoyage ethnique.

Traduit de ma chronique hebdomadaire dans le quotidien de langue arabe, Al-Quds al-Arabi, basé à Londres. Cet article est d'abord paru en ligne le 29 juillet. Vous pouvez librement le reproduire en indiquant la source avec le lien correspondant.

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Le cabinet de sécurité israélien approuve le plan de Netanyahu visant à prendre le contrôle de Gaza, ignorant les avertissements de l’armée israélienne

19 août, par Haaretz par Jonathan Lis, Noa Shpigel, Yael Freidson, Jack Khoury, Ben Samuels — , ,
Le cabinet de sécurité a également approuvé le plan de Netanyahu visant à ce que l'armée israélienne prenne le contrôle total de la ville de Gaza. Selon certaines sources, (…)

Le cabinet de sécurité a également approuvé le plan de Netanyahu visant à ce que l'armée israélienne prenne le contrôle total de la ville de Gaza. Selon certaines sources, l'évacuation des habitants de la ville de Gaza vers d'autres zones devrait être terminée d'ici le 7 octobre, et ce n'est qu'après cela que la prise de contrôle militaire devrait commencer.

Tiré de Association France Palestine Solidarité
8 août 2025

Haaretz par Jonathan Lis, Noa Shpigel, Yael Freidson, Jack Khoury, Ben Samuels

Photo : Les Palestiniens déplacés rentrent chez eux au nord de Gaza après le cessez-le-feu, janvier 2025

Le cabinet de sécurité israélien a approuvé vendredi matin la proposition du Premier ministre Benjamin Netanyahu visant à instaurer le contrôle israélien sur la bande de Gaza, à l'issue d'une réunion marathon de 10 heures qui s'est tenue pendant la nuit.

La prise de contrôle israélienne devrait commencer par une invasion de la ville de Gaza. Le bureau de Netanyahu a déclaré que l'armée israélienne prendrait le contrôle de la ville « tout en distribuant une aide humanitaire à la population civile en dehors des zones de combat ».

Selon un haut responsable israélien qui s'est entretenu avec Haaretz, « lorsqu'une opération majeure débutera dans la ville de Gaza, la population civile se verra offrir la possibilité d'évacuer vers d'autres zones, pas nécessairement vers les camps centraux, afin d'assurer sa protection ».

C'était le cas, a-t-il dit, au début de la guerre, pendant l'offensive de Rafah et ailleurs.

Un haut responsable israélien a déclaré à Haaretz qu'il n'y avait actuellement aucun projet d'envahir et d'occuper les camps de réfugiés dans le centre de la bande de Gaza, ajoutant qu'Israël pouvait prendre le contrôle effectif de la ville de Gaza sans que les troupes israéliennes soient présentes sur tout son territoire.

Un autre responsable a déclaré à Haaretz que « les efforts visant à obtenir la libération des otages se poursuivront par tous les moyens ». Selon des sources proches du dossier, l'évacuation des habitants de la ville de Gaza vers d'autres zones devrait être achevée d'ici le 7 octobre, après quoi l'armée prendra le contrôle de la ville.

Les responsables militaires israéliens se sont opposés au plan approuvé par le gouvernement, préconisant plutôt de mener des raids ciblés et de prendre le contrôle des principales voies d'accès afin de diviser la bande de Gaza

Après l'approbation du plan de Netanyahu, son bureau a publié une déclaration indiquant qu'« une majorité décisive des ministres du cabinet de sécurité estimait que le plan alternatif qui avait été soumis au cabinet de sécurité ne permettrait ni de vaincre le Hamas ni d'obtenir la libération des otages ».

La déclaration énumérait également cinq principes pour mettre fin à la guerre, à commencer par le désarmement du Hamas, suivi du « retour de tous les otages, vivants ou décédés ».

Les autres principes comprennent « le contrôle sécuritaire israélien dans la bande de Gaza » et « la mise en place d'une administration civile alternative qui ne soit ni le Hamas ni l'Autorité palestinienne ».

La déclaration publiée par le bureau de Netanyahu ne mentionne pas le terme « occupation », qui a des implications juridiques en termes de protection de la population civile et de prévention de son transfert vers d'autres territoires, et se contente du concept vague de « prise de contrôle ».

En outre, les préparatifs nécessaires avant la mise en œuvre du plan offrent une occasion de modifier la décision.

Selon une source bien informée, le chef d'état-major de l'armée israélienne, Eyal Zamir, a mis en garde les ministres qui ont participé à la réunion du cabinet de sécurité contre les répercussions du plan.

« Il n'y a pas de réponse humanitaire pour le million de personnes que nous allons transférer », a déclaré Zamir. « Tout sera compliqué. Je vous suggère de retirer le "retour des otages" des objectifs opérationnels. »

Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a accusé le chef militaire d'avoir rendu publique la discussion.

« Cessez de parler aux médias », a-t-il déclaré. « Nous voulons une victoire. Nous nous inquiétons tous pour les otages, mais aussi pour les soldats et les combattants qui exigent la victoire. »

Ben-Gvir a poursuivi : « Il y a constamment des fuites provenant de sources militaires. Vous êtes subordonné à l'échelon politique. Apprenez de la police comment obéir aux décisions des politiciens. »

Le ministre des Finances Smotrich a également soutenu le plan de Netanyahu. « Nous devons parler de victoire. Si nous optons pour un accord temporaire, ce sera une défaite », a-t-il déclaré.

« Nous ne pouvons pas nous arrêter à mi-chemin. Nous devons faire payer le prix au Hamas. Le Hamas doit payer le prix de ses actes. »

Le ministre Zeev Elkin, qui dirige la Direction Tkuma (Renaissance) chargée de restaurer les communautés frontalières de Gaza endommagées lors de l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023, a déclaré que la proposition de Zamir transformerait effectivement Gaza en Cisjordanie.

« L'armée propose un plan pour mettre fin aux combats », a déclaré Elkin. « C'est le genre de mesures de sécurité routinières que nous prenons en Cisjordanie. Ce n'est pas une guerre. »

Jeudi, des milliers de personnes ont manifesté contre le plan de Netanyahu devant le bureau du Premier ministre à Jérusalem et dans plusieurs endroits à travers le pays.

Zamir, qui s'oppose à cette mesure, a été vivement critiqué ces derniers jours par l'entourage proche de Netanyahu. Un haut responsable du bureau du Premier ministre aurait déclaré : « Si cela ne convient pas au chef d'état-major, qu'il démissionne. »

Traduction : AFPS

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Le « jour d’après » à Gaza

Il est ironique que les annonces de Netanyahou aient provoqué un tollé contre lui, alors qu'il les avait conçues comme une déclaration de son intention d'ouvrir la voie à un (…)

Il est ironique que les annonces de Netanyahou aient provoqué un tollé contre lui, alors qu'il les avait conçues comme une déclaration de son intention d'ouvrir la voie à un règlement.

Tiré du blogue de l'auteur.

Les récentes déclarations de Benyamin Netanyahou, faites dans une interview accordée à Fox News jeudi dernier et lors de deux conférences de presse dimanche, ont soulevé un tollé général. Il s'est trouvé condamné par la plupart des gouvernements occidentaux, y compris le gouvernement allemand (une rareté remarquable), qui lui reprochent tous d'avoir annoncé son intention de prendre le contrôle total de la bande de Gaza en occupant les zones bâties peuplées restantes, de la ville de Gaza à Deir al-Balah. Des cris hypocrites de condamnation se sont élevés, avertissant Netanyahou que ce projet conduira à des déplacements massifs et à un grand nombre de morts, comme si le génocide et les déplacements perpétrés par l'armée sioniste au cours des 22 derniers mois, et soutenus durant plusieurs mois par les mêmes gouvernements occidentaux qui aujourd'hui blâment Netanyahou, n'étaient pas déjà pires que ce qu'il promet à présent.

Le premier ministre israélien a certainement été surpris par la vaste condamnation de ses déclarations, ce qui l'a incité à faire de nombreuses apparitions dans les médias pour clarifier ce qu'il a perçu comme un malentendu. Il est ironique, en effet, que les annonces qu'il a faites dans l'intention de rassurer les gouvernements arabes et occidentaux ont provoqué un tollé contre lui, alors qu'il les avait conçues comme une déclaration de son intention d'ouvrir la voie à un règlement. Ses partenaires de l'ultradroite sioniste au gouvernement l'ont bien compris, qui ont dénoncé sa position, menaçant de dissoudre la coalition et de provoquer de nouvelles élections parlementaires. Cette fois-ci, Bezalel Smotrich lui-même – qui a refusé de suivre l'exemple de son ami Itamar Ben-Gvir lorsque ce dernier s'est retiré temporairement du gouvernement au début de cette année pour protester contre la trêve entrée en vigueur dans la bande de Gaza à la veille du retour de Donald Trump à la Maison Blanche – a déclaré dimanche dernier qu'il avait « cessé de croire que le premier ministre peut et veut conduire l'armée israélienne à une victoire décisive ». Il a ajouté : « De mon point de vue, nous pouvons tout arrêter et laisser le peuple décider ».

Qu'y a-t-il donc de nouveau dans les récentes annonces de Netanyahu ? Ce n'est certainement pas la déclaration de son intention d'achever l'occupation de la bande de Gaza et de déplacer sa population, un processus qui est en cours depuis plus de 22 mois au vu et au su de tous. Il s'agit plutôt de sa déclaration claire, pour la première fois depuis le début de la guerre génocidaire, qu'il n'a pas l'intention d'occuper la bande de Gaza en permanence et de l'annexer dans son intégralité à Israël. Au lieu de cela, il a souligné que son objectif est de compléter la prise de contrôle de la bande de Gaza en prélude à la fin de la guerre sur la base du désarmement du Hamas et de la transformation de Gaza en zone démilitarisée dans laquelle les Gazaouis seraient soumis à une autorité « civile » provisoire, non israélienne, prête à coexister en paix avec Israël, à condition qu'il ne s'agisse ni du Hamas ni de l'Autorité palestinienne (AP) dont le siège est à Ramallah. Cela s'accompagnerait du maintien par Israël du contrôle sécuritaire de la bande de Gaza, y compris le déploiement permanent de ses forces armées le long d'axes stratégiques et dans certaines zones, tandis que des « forces arabes » seraient chargées de maintenir la sécurité dans les zones peuplées sous l'autorité palestinienne intérimaire.

La vérité est que ce scénario est certainement plus conforme aux souhaits des États arabes et de la plupart des États occidentaux que le scénario préféré par l'ultradroite sioniste, qui consiste à déplacer la plupart des Gazaouis de la majeure partie de la bande de Gaza et à l'annexer, comme cela s'est produit lors de la Nakba de 1948 pour la plupart des territoires palestiniens entre le fleuve et la mer. Le scénario du « jour d'après », soutenu par les États arabes et la plupart des gouvernements occidentaux, a récemment été décrit dans la déclaration publiée par les pays qui se sont réunis au siège des Nations Unies à New York à la fin du mois dernier, à l'invitation de la France et du royaume saoudien. Cette déclaration, qui a été approuvée par la Ligue arabe et l'Union européenne, ainsi que par plusieurs États arabes et européens, dont l'Égypte, le Qatar, la Jordanie, la Grande-Bretagne, l'Italie, l'Espagne et la Turquie, ainsi que par quelques pays d'autres parties du monde, a salué les efforts de « l'Égypte, du Qatar et des États-Unis » pour trouver un règlement qui mettrait fin à la guerre en cours, à des conditions qui incluent la stipulation que « le Hamas doit mettre fin à son gouvernement de Gaza et remettre ses armes à l'Autorité palestinienne ».

Le correspondant d'Al-Quds Al-Arabi a rapporté ce qui suit sur les pourparlers devant avoir lieu le jour de la rédaction de cet article : « La proposition [égypto-qatarie] que la délégation du Hamas est censée discuter au Caire comprend le gel des armes de la résistance, l'abandon complet par le Hamas du contrôle de la bande de Gaza et la libération de tous les détenus israéliens en un seul lot, en échange de la fin complète de la guerre et du début de la reconstruction dans la bande de Gaza. Elle comprend également la formation d'un comité arabo-palestinien devant prendre le contrôle de la bande de Gaza et la gouverner jusqu'à ce qu'une administration palestinienne au complet, avec du personnel de sécurité palestinien, soit qualifiée pour remplir ce rôle. » (Tamer Hendaoui, Al-Quds Al-Arabi, 12 août 2025).

La principale divergence entre le projet euro-arabe et ce que Netanyahu a annoncé est que le projet prévoit le retrait de l'armée israélienne de toute la bande de Gaza et le transfert de son contrôle à l'AP de Ramallah. Si la distance entre les deux approches – euro-arabe et israélienne – peut sembler grande, les récentes déclarations de Netanyahu l'ont en fait réduite. Ce faisant, il ouvre la voie à un compromis que Washington cherchera à imposer à tous, un compromis qui répondra certainement plus aux nouvelles conditions posées par Netanyahou qu'aux conditions énoncées dans la Déclaration de New York (voir « Trump, Netanyahou et la réorganisation du Moyen-Orient », Al-Quds Al-Arabi, 8 juillet 2025). Ce faisant, Netanyahu ouvre également la voie à l'imposition de sa vision à ses alliés d'ultradroite, invoquant une fois de plus la pression des États-Unis.

Gilbert Achcar

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