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Ukraine, Palestine : même combat ?

25 février, par Jean-François Delisle — , ,
Donald Trump menace de s'entendre avec son homologue russe Vladimir Poutine au sujet de l'Ukraine, et menace, à sa manière tonitruante et ambiguë, le président ukrainien (…)

Donald Trump menace de s'entendre avec son homologue russe Vladimir Poutine au sujet de l'Ukraine, et menace, à sa manière tonitruante et ambiguë, le président ukrainien Volodymyr Zelensky de le laisser tomber s'il refuse de faire des concessions significatives aux Russes, ce qui s'explique par la poussée néo-isolationniste qui représente la marque de commerce de son administration. Dans la foulée, un certain découplage entre l'Union européenne et les États-Unis se dessine. On peut s'interroger sur l'ampleur de ce courant et s'il perdurera au-delà de la présidence de Donald Trump. Mais il exprime bien une tendance au sein d'une bonne partie de la classe politique américaine et de l'électorat trumpiste.

Trump et sa garde rapprochée incitent les Européens à renforcer leurs dépenses militaires pour faire face à la menace russe, ce qui peut leur rendre service à la longue. En effet, ils devront compter moins paresseusement et moins peureusement sur la protection américaine. Il en résulterait une autonomie accrue pour eux, ce qui leur serait bénéfique à longue échéance. Après tout, les principaux membres de l'Union européenne comme la France et l'Allemagne sont des puissances importantes, et la première possède l'arme nucléaire. Plusieurs pays européens comme la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne sont membres de l'Otan en plus. La Grande-Bretagne est elle aussi une puissance nucléaire. Unis, ces pays et les autres membres de l'Otan de moindre envergure, mis ensemble, ont potentiellement les moyens d'affronter le Kremlin. Il n'est d'ailleurs pas du tout certain que Vladimir Poutine ait l'intention de s'en prendre aux pays membres de l'Otan et de l'Union européenne, car ce serait suicidaire. Comme Trump, Poutine utilise beaucoup la tactique du bluff pour intimider ses adversaires.

Il pouvait envahir l'Ukraine, un pays non membre de l'Union européenne ni de l'Otan sans grands risques, même s'il s'est heurté alors à une résistance farouche qu'il n'avait pas prévue. Il n'agirait jamais ainsi (à moins de perdre la tête) à l'endroit des principaux membres de l'Union européenne et ceux de l'Otan. Les États-Unis ne pourraient alors que jouer leur rôle de soutien aux Européens. Par ailleurs, l'appui militaire et diplomatique dont Kiev a a bénéficié de leur part explique en bonne partie les difficultés du Kremlin en Ukraine.

Selon toute vraisemblance, le gouvernement ukrainien, lorsque des négociations s'amorceront enfin, devra céder du terrain, poussé par Trump et son entourage. S'il est impensable que le président américain puisse imposer au président ukrainien une solution toute faite, concoctée avec Poutine en secret, le second devra renoncer à chasser les Russes de la totalité du territoire national. L'armée russe tient 20% du territoire ukrainien et Moscou n'en rétrocédera qu'une partie, peu importe les pressions éventuelles de la Maison-Blanche et des grands acteurs de l'Union européenne ou de l'Otan. De plus, certains des territoires conquis par les envahisseurs sont peuplés d'une majorité de russophones qui voient d'un bon oeil leur éventuel rattachement à la Russie. Les futures négociations russo-ukrainiennes s'annoncent épineuses et leurs résultats incertains. Mais si le gouvernement de Kiev devra selon tout vraisemblance renoncer à récupérer tout le terrain perdu, Moscou, pour sa part, devra rabattre ses ambitions conquérantes initiales : annexer l'Ukraine. Seul un compromis pourra mettre fin au conflit.
Mais on peut prévoir que l'essentiel du territoire ukrainien (75% ou 80%) demeurera sous la souveraineté de son gouvernement. L'Ukraine ne redeviendra jamais une province russe. Elle va conserver son indépendance, même si celle-ci s'exercera sous haute surveillance du Kremlin. L'Ukraine ne pourra pas rejoindre l'Otan ni l'Union européenne, selon toutes probabilités.

Par là, on constate le contraste avec la Palestine. En effet, il n'existe aucun gouvernement palestinien digne de ce nom (on ne peut qualifier ainsi l'administration agonisante de Mahmoud Abbas qui ne gère vraiment que 20% du territoire), la Cisjordanie ploie sous le grand nombre de colons israéliens (800,000) qui y vivent et ses habitants doivent subir depuis 1967 une interminable occupation militaire, souvent implacable. Tout ceci sans même évoquer la présence dans des camps de réfugiés de multiples exilés dont les grands-parents et arrière grands-parents ont fui la Palestine lors de la Naqba de 1947-1948. Les résistants du peuple occupé sont toujours considérés comme des "terroristes" par les classes politiques occidentales, lesquelles apportent un soutien quasi inconditionnel à Tel-Aviv. L'isolationnisme trumpiste ne concerne pas l'État hébreu.
Cet isolationnisme s'applique à plusieurs secteurs des relations internationales (le gel odieux de l'USAID, par exemple), mais Israël en est épargné. Pourrait-on qualifier les menaces de Trump dans le dossier du conflit russo-ukrainien de demi-abandon vis-à-vis de l'Ukraine ? On comprend la colère, l'amertume et l'inquiétude des Ukrainiens et Ukrainiennes par rapport aux États-Unis. Les Israéliens et Israéliennes, eux, n'ont pas à s'en faire.

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Jean-François Delisle

Peut-on voyager encore ? | Livre à paraître le 26 février | Rodolphe Christin

25 février, par Éditions Écosociété, Rodolphe Christin — , ,
Alors que plusieurs n'iront pas aux États-Unis pendant la semaine de relâche et cet été, Rodolphe Christin va plus loin : faut-il vraiment *partir *pour *être *en vacances ? (…)

Alors que plusieurs n'iront pas aux États-Unis pendant la semaine de relâche et cet été, Rodolphe Christin va plus loin : faut-il vraiment *partir *pour *être *en vacances ? Comment envisager le voyage dans un contexte de crise écologique et géopolitique ? Si la découverte de l'ailleurs peut encore avoir un sens, une nouvelle voie doit être tracée.

L'essai *Peut-on voyager encore ? - Réflexions pour se rapprocher du monde*, du sociologue Rodolphe Christin, paraîtra *en librairie le 26 février prochain.*


*À propos du livre*

Dégradant ce qu'elle prétend mettre en valeur, l'industrie touristique témoigne bien de l'ambiguïté de notre rapport au monde, entre manque et excès. En tant que production du capitalisme, elle impose sa logique partout où elle débarque, pesant ainsi sur l'aménagement du territoire, l'accès au logement et à l'eau, l'achalandage des routes et sentiers, le volume de déchets, le coût de la vie… Elle transforme l'ailleurs étranger en ici familier, l'exotisme en quotidien.

Dans un contexte de crises environnementales, géopolitiques et sociales, comment dès lors envisager le voyage, bien souvent réduit à une photo vite oubliée ? Notre responsabilité partagée de « sauver le monde » implique-t-elle de renoncer à sa rencontre ? Pourquoi valorise-t-on davantage le fait de *partir *en vacances plutôt que d'*être* en vacances ?
Que faire, ou plutôt, que vivre à la place du tourisme ?

Si l'on admet que la découverte de l'Autre et de l'ailleurs peut encore avoir un sens, une autre voie doit être tracée. C'est ce que propose Rodolphe Christin dans *Peut-on voyager encore ?*. Le sociologue, qui se fait ici philosophe, nous invite à penser les nouveaux chemins écosophiques à emprunter pour se rapprocher du monde, à commencer par celui de notre
quotidien. « Les voyages de demain seront des voyages de retour. », nous dit-il, avec l'ambition d'approcher ce qui est déjà proche, de parcourir, sentir et aimer des territoires que nous n'habitons peut-être pas complètement, après tout.

Ne faudrait-il pas en effet repenser notre rapport au travail et poser les bases d'une politique du temps libre radicalement renouvelée, plus soucieuse de nos milieux de vie ? En tant que rapport au monde à la fois poétique, pratique et écologique, l'écosophie, à défaut de nous promettre une croisière excitante en Antarctique pour assister à la fonte des derniers glaciers, pourrait bien nous offrir les clés d'une expérience personnelle et concrète de l'inconnu qui soit riche en émotions, en
sensations et en apprentissages, tout cela en harmonie avec le vivant.

*À propos de l'auteur*

Rodolphe Christin est sociologue et essayiste. Fréquemment sollicité sur les enjeux liés au tourisme et au voyage, il est l'auteur de *Le travail, et après ?* (avec Jean-Christophe Giuliani, Philippe Godard et Bernard Legros, 2017), *Manuel de l'antitourisme *(2017) et de* La** vraie vie est ici* (2020).

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« La langue de l’Angkar », par Anne-Laure Porée, Éd. La Découverte, février 2025.

25 février, par Anne-Laure Porée — , ,
Information publiée le 18 février 2025 par Faculté des lettres - Université de Lausanne < marc.escola[a]unil.ch >sur le site internet « Fabula – La Recherche en (…)

Information publiée le 18 février 2025 par Faculté des lettres - Université de Lausanne < marc.escola[a]unil.ch >sur le site internet « Fabula – La Recherche en littérature« < www.fabula.org/actualites/125808/anne-laure-poree-la-langue-de-l-angkar.html <http://www.fabula.org/actualites/12...> >.

Comment bien torturer pour réussir un interrogatoire en bon révolutionnaire ? Comment présenter un dossier d'aveux qui satisfasse les dirigeants ? Voilà ce qu'enseigne Duch, le chef khmer rouge du centre de mise à mort S-21, aux interrogateurs qu'il forme de 1975 à 1978 à Phnom Penh. Ses leçons, qui dictent comment penser et agir au service du Parti communiste du Kampuchéa, ont été consignées avec soin dans un cahier noir à petits carreaux d'une cinquantaine de pages.

Anne-Laure Porée décrypte ce document capital, plongeant le lecteur dans le quotidien des génocidaires cambodgiens. Elle identifie trois mots d'ordre au service de l'anéantissement :/cultiver /– la volonté révolutionnaire, l'esprit guerrier et la chasse aux " ennemis " –, /trier /– les " ennemis " à travers diverses méthodes, de la rédaction d'une biographie sommaire à la torture physique, en passant par la réécriture de l'histoire – et /purifier /– les révolutionnaires comme le corps social.

Ces notions reflètent la politique meurtrière orchestrée par le régime de Pol Pot, au pouvoir à partir du 17 avril 1975, qui, en moins de quatre ans, a conduit un quart de la population cambodgienne à la mort. En prenant les Khmers rouges au(x) mot(s),/La Langue de l'Angkar/rend plus sensibles la logique organisatrice et les singularités d'un régime longtemps resté en marge des études sur les génocides.

L'auteure*Anne-Laure Porée* a vécu quinze ans au Cambodge. En tant que journaliste, elle a notamment suivi le procès de Duch pour crimes contre l'humanité en 2009, qui a fait l'objet d'un blog ( www.proceskhmers-rouges.net <http://www.proceskhmers-rouges.net> ). Quelques années plus tard, S-21 est devenu le sujet de sa thèse en anthropologie, soutenue à l'EHESS en 2023.

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Soudan : sur les ruines du pays, des solidarités en lutte

25 février, par Sudfa — , , ,
La nouvelle brochure « Sudfa Media » 2025 sort aujourd'hui. On y parle de résistances locales, de solidarité internationale, de pillage des ressources naturelles, des luttes (…)

La nouvelle brochure « Sudfa Media » 2025 sort aujourd'hui. On y parle de résistances locales, de solidarité internationale, de pillage des ressources naturelles, des luttes féministes, de patrimoine mémoriel, mais aussi de nourriture, de rap et de foot... Voici l'éditorial et comment se la procurer.

Tiré du blogue de l'auteur.

Depuis trois ans maintenant, "Sudfa Media" ce n'est pas qu'un blog Mediapart et un site internet, mais aussi une brochure imprimée, éditée une fois par an. Nous en sommes au quatrième numéro pour ce début d'année 2025, qui est consacré à la guerre mais aussi aux résistances locales et internationales contre la guerre.

La brochure comprend des contenus variés pour toucher tous les publics :

Des explications pédagogiques pour comprendre la guerre au Soudan et les enjeux internationaux

Des articles sur les résistances soudanaises sur le terrain et en exil

Des cartes

Des frises chronologiques

Des portraits d'initiatives de solidarité

Des traductions de textes et de chansons...

Elle est disponible à prix libre. Pour l'obtenir, il faut faire un don en ligne à notre association en cliquant sur ce lien. Nous vous l'enverrons ensuite par mail au format pdf !

Nous la proposons sur différents événements de solidarité avec le Soudan que nous organisons ou bien où nous sommes invités. Mais nous avons également besoin de votre aide pour la diffuser : si vous connaissez une librairie, un infokiosque, un bar-restaurant, un lieu associatif où vous pourriez proposer la brochure, ou si vous voulez la diffuser lors d'un événement de soutien au Soudan ou d'un évènement internationaliste, contactez-nous par mail à : sudfamedia@gmail.com.

Pour vous donner un petit aperçu du contenu, voici l'éditorial

"Chèr·es lecteur·ices de Sudfa,

Alors que la guerre au Soudan entre dans sa deuxième année, le pays traverse une période marquée par des bouleversements majeurs ainsi que des désastres humains et matériels sans précédent. On dit souvent que c'est une “guerre oubliée”, oubliée des médias, des gouvernements, de la communauté internationale. Et si cette guerre était ignorée intentionnellement, car elle sert de nombreux intérêts géopolitiques et économiques ? Si ce choix de l'oubli s'inscrivait aussi dans l'histoire coloniale globale ?

Ce conflit est une lutte pour le pouvoir entre deux hommes, le général Al-Burhan à la tête de l'armée et “Hemedti” à la tête des Forces de Soutien Rapides (RSF). Mais cette guerre est aussi un moyen pour différentes puissances étrangères de contrôler les ressources et d'installer leur domination dans ce pays stratégique (voir pages 2-3). Le Soudan est ainsi transformé en un théâtre d'affrontements géopolitiques où s'opposent différents intérêts impérialistes, provoquant plus d'une centaine de milliers de morts et des millions de déplacé·es. La guerre a un impact particulier sur les femmes, qui dénoncent le fait que leurs corps sont instrumentalisés comme des armes de guerre (p. 4). En détruisant le patrimoine culturel, les milices s'attaquent à la mémoire du pays (p.
5), ainsi qu'aux organisations sociales et aux liens relationnels.

Les affrontements entre l'armée soudanaise et les RSF, une milice autrefois alliée à l'armée, ont pour objectif de mettre un terme à la révolution démocratique qui avait mis fin au régime dictatorial d'Omar El-Béshir en 2018. Le pays voit sa population privée des droits les plus fondamentaux, tandis que les rêves des révolutionnaires s'effacent dans un sentiment général d'impuissance et de désespoir. La société civile soudanaise, auparavant unie dans la révolution, se retrouve divisée en plusieurs camps (p. 6-7).

Pourtant l'esprit de la révolution reste vivant au Soudan. On le retrouve à travers des initiatives locales, comme les “salles d'intervention d'urgence” et les cantines solidaires, qui s'auto-organisent pour atténuer les effets de la crise et prendre en charge les besoins essentiels (p. 8-9), ou dans des textes comme la “Charte révolutionnaire pour l'arrêt de la guerre” publiée par les comités de résistance (p. 10) ou encore à travers l'art en exil, notamment les chansons et le rap (p. 11). Ces initiatives témoignent que, même au milieu des ruines, la résistance continue de germer.

Les Soudanais·es de la diaspora continuent leur lutte par-delà les frontières pour soutenir les victimes de la guerre et pour construire une démocratie participative enracinée dans les réalités locales. Ils et elles rappellent que la situation au Soudan n'est pas isolée de celles en Palestine, au Liban, en Ukraine, en Syrie, en RDC et au Yémen, où les guerres impérialistes détruisent les communautés.

Ce quatrième numéro de la brochure de “Sudfa Media” vous propose ainsi de repenser la guerre au Soudan dans un contexte international. Les multiples interventions étrangères au Soudan nous invitent, nous aussi, à repenser la résistance dans une perspective transnationale. Et si, face au silence de ce qu'on appelle la “communauté internationale” (composée des États), les militant·es pour la justice et la paix formaient leur propre communauté internationale ? Une communauté de partage des savoirs politiques et pratiques, une communauté d'action, de solidarité et d'espoir (p. 12)...

Bonne lecture !"


L'équipe de Sudfa Media

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Déni d’humanité. Le rejet européen des personnes conduites à l’exil, de Claude Calame

25 février, par Michael Löwy — , ,
Ce petit livre est une excellente analyse critique de la politique européenne envers les réfugiéEs, qui est un véritable scandale éthique et politique. L'auteur est directeur (…)

Ce petit livre est une excellente analyse critique de la politique européenne envers les réfugiéEs, qui est un véritable scandale éthique et politique. L'auteur est directeur d'études à l'EHESS (École des Hautes Études en sciences sociales) à Paris et militant écosocialiste.

15 février 2025 | tiré de Hebdo anticapitaliste | Éditions du Croquant, 2024, 62 pages.
https://lanticapitaliste.org/opinions/culture/deni-dhumanite-le-rejet-europeen-des-personnes-conduites-lexil-de-claude-calame

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Comme le montre Claude Calame, les migrantEs sont pour la plupart victimes de guerres et de catastrophes sociales et environnementales pour lesquelles les puissances impérialistes et l'Europe en particulier sont largement responsables. On compte 108 millions de personnes déplacées en 2022, dont l'écrasante majorité se positionne à l'intérieur d'un même pays ou dans un pays (pauvre) limitrophe. Moins de 1 % de ces personnes contraintes au déplacement essayent d'arriver en Europe.

Politique inhumaine de fermeture des frontières

La politique européenne de fermeture des frontières est directement responsable de 50 000 morts environ depuis le début des années 2000, pour la plupart naufragéEs dans la Méditerranée. La police européenne des frontières, Frontex, joue un rôle déterminant dans la pratique de blocage et refoulement des migrantEs. Ce n'est pas un hasard si son ex-directeur, Fabrice Leggeri, a été élu député européen sur la liste du Rassemblement national lepéniste. Un des aspects les plus sinistres de cette orientation, ce sont les accords avec les garde-côtes libyens pour empêcher les migrantEs de partir, en les enfermant dans des camps où ils et elles sont soumis à des extorsions, des viols et des tortures. Il s'agit, constate Claude Calame, d'un véritable déni d'humanité.

Mesures répressives

Pour celleux qui arrivent, malgré tout, à atteindre les côtes de l'Europe, on a préparé un arsenal de mesures répressives, dans une logique de contrôle, de harcèlement et de bannissement, qui inclut aussi la criminalisation des aides et donc le « délit de solidarité ». Les divers gouvernements français se sont illustrés avec leurs mesures légales antimigrantEs, dont la loi Darmanin est tristement un bon exemple.

Cet ensemble de pratiques constitue, selon Claude Calame qui cite les travaux de divers juristes, un crime contre l'humanité. Heureusement des militantEs de la solidarité tentent de résister, en sauvant les migrantEs naufragéEs (SOS Méditerranée) ou en assurant leur accueil une fois arrivéEs en France ou Europe. Il s'agit, signale l'auteur, de partager avec elles et eux notre commune humanité. Mais en dernière analyse, seule la rupture écosocialiste avec le système dominé par le néolibéralisme autoritaire auquel nous sommes confrontéEs peut renverser la situation.

Michael Löwy

Zones sacrifiées

25 février, par Éditions du Quartz — , ,
Il existe, en chacun de nous, une part fragile et essentielle qui ne peut être déposée sur d'autres épaules ou en d'autres cœurs. C'est cette partie-là de nous, cette part « (…)

Il existe, en chacun de nous, une part fragile et essentielle qui ne peut être déposée sur d'autres épaules ou en d'autres cœurs. C'est cette partie-là de nous, cette part « indélégable », qui rend le soulèvement de chacun·e unique et irremplaçable. « Personne, écrit Thoreau, ne peut être moi à ma place ». C'est à partir de cette vérité que nous agissons. À partir de là que nous dénonçons et que nous désobéissons. C'est aussi à partir de ce je unique et singulier que nous aimons.

Ce livre est né d'une impulsion collective, militante, citoyenne initiée par la marche du 13 octobre 2024, à Rouyn-Noranda. Il prend sa source dans tous nos moi indélégables : dans le sentiment profond de devoir agir pour les autres, au nom de la dignité humaine. Il met de l'avant la colère, l'espérance et l'indignation en un collage de photos, de témoignages et de textes citoyens dans leur état brut.

Anaïs Barbeau-Lavalette, Véronique Côté et Steve Gagnon, père/mères au front et auteurices, ont répondu, à l'instar de Laure Waridel et Eve Landry, à l'appel des Mères au front de Rouyn-Noranda. Ces dernières, lasses de crier dans le désert face au gouvernement et au géant Glencore, ont demandé du renfort. Iels ont souhaité, avec deux citoyennes et militantes de Rouyn-Noranda, Isabelle Fortin-Rondeau et Jennifer Ricard Turcotte, témoigner de ce qu'ils ont vécu le 13 octobre 2024 et plus largement, du drame de la qualité de l'air qui se joue encore aujourd'hui à Rouyn-Noranda.

Zones sacrifiées, Éditions du Quartz, 2025, 128 p.

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Les travailleurs d’un refuge dénoncent la Commission du travail

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/02/OC-with-Banner-2048x1152-1-1024x576.jpg25 février, par L'Étoile du Nord
Les travailleurs du refuge pour sans-abri The Bridge à Halifax, en Nouvelle-Écosse, dont le syndicat n'a pas encore été accrédité, ont manifesté devant les bureaux de la (…)

Les travailleurs du refuge pour sans-abri The Bridge à Halifax, en Nouvelle-Écosse, dont le syndicat n'a pas encore été accrédité, ont manifesté devant les bureaux de la Commission du travail de la Nouvelle-Écosse, le mercredi 19 février. Les travailleurs, qui se sont syndiqués avec la section (…)

Trump et les néonazis de Tel-Aviv

On le savait raciste, suprémaciste, génocidaire, voilà que depuis sa dernière visite à Washington, où il a rencontré Donald Trump l'impérialiste qui ne cache pas sa volonté de (…)

On le savait raciste, suprémaciste, génocidaire, voilà que depuis sa dernière visite à Washington, où il a rencontré Donald Trump l'impérialiste qui ne cache pas sa volonté de conquérir les pays voisins des Etats-Unis, le Canada, le Mexique, Panama, son canal et même le froid Groenland, le Premier ministre sioniste, Benyamin Netanyahu, vient de dévoiler sa nature néo-nazie, arabophobe et islamophobe. Il s'est dit « prêt à finir le travail entrepris au lendemain du 7 octobre » à Ghaza, en Cisjordanie et dans le reste du Proche-Orient.

Tiré d'El Watan.

Encouragé par les propos irresponsables du Président américain, franchement impérialistes et néocoloniaux, le Premier ministre de l'entité sioniste reprend à son compte l'expression favorite de tous les Néo-Nazis d'Europe et d'ailleurs, regrettant que la « solution finale », c'est-à-dire l'extermination de tous les juifs du Vieux Continent, pensée par Adolf Hitler et tous les Nazis, n'a pas été menée à son terme.

A savoir la poursuite de l'ethnocide des juifs d'Europe jusqu'au bout, un rêve que caressent beaucoup de groupuscules et de leaders d'extrême droite européenne qui vont jusqu'à arborer les croix gammées et croix de fer des « Waffen SS » hitlériennes sur leurs poitrines et à adopter le salut nazi dans leurs meetings où ils jurent de « casser de l'Arabe et du musulman ».

Telle est la vraie nature, aujourd'hui en 2025, de ces descendants de déportés de survivants des camps de la mort de la Seconde Guerre mondiale, d'Auschwitz et d'ailleurs, transformés en génocidaires, en ordonnateurs du nettoyage ethnique des Palestiniens de Ghaza et de Cisjordanie.

A vrai dire, Netanyahu et les suprémacistes racistes de son gouvernement sont les indignes continuateurs de l'entreprise d'extermination des populations arabes de Palestine, pensée et exécutée par les fondateurs de l'entité sioniste que furent Ben Gourion, Golda Meir et autre Shimon Pérès à partir de 1947. Une déportation des Palestiniens, accompagnée d'une dépossession de leurs terres ancestrales menée par les groupes terroristes sionistes de l'Irgoun, de la Haganah, du Stern…

Des villes comme Jaffa, Haifa ou Tibériade furent vidées, par la force des armes, de leurs populations arabes et annexées au territoire attribué aux juifs par le plan de partage de la Palestine décidé par l'Organisation des Nations unies. Entre 900 000 et un million de Palestiniens prirent ainsi les chemins de l'exil, abandonnant les terres de leurs ancêtres à jamais. Une tragédie qui allait marquer la conscience collective du peuple palestinien comme une grande catastrophe, la « Naqba ».

Tout au long de ces 77 dernières années, la politique expansionniste sioniste d'Israël a pris prétexte des guerres avec les pays arabes voisins pour étendre sa domination, par l'annexion de nouveaux territoires comme le Golan syrien et l'implantation de colonies en Cisjordanie conquises sur les terres palestiniennes où se sont installés près d'un million de colons juifs en moins de trente ans.

Tant et si bien que ces annexions territoriales ont permis l'expansion d'Israël de plusieurs milliers de kilomètres, rendant impossible la viabilité du territoire palestinien en Cisjordanie du fait même de l'implantation de colonies sionistes, accompagnée d'une politique ségrégationniste à l'égard des populations arabes palestiniennes, y compris à Jérusalem-Est.

Ainsi, un véritable Etat d'apartheid s'est mis en place depuis ces trente dernières années. Apartheid sioniste dénoncé par les organisations internationales des Nations unies et les différentes ONG humanitaires qui ont déploré les violations du droit international, à travers la poursuite du nettoyage ethnique sioniste vis-à-vis des populations arabes de Palestine.

La guerre génocidaire ordonnée par Benyamin Netanyahu et les suprémacistes racistes de son gouvernement au lendemain du 7 octobre 2023 contre les Palestiniens de Ghaza et de Cisjordanie vient d'être confortée par les propos de l'impérialiste Donald Trump qui préconise de vider Ghaza de sa population et de la transférer vers d'autres pays voisins, sans droit de retour.

Une proposition ignoble, émanant du chef de la première puissance mondiale que les sionistes israéliens ont toujours rêvé à sa concrétisation depuis plus de 77 ans. Rien de moins que la poursuite du nettoyage ethnique, mené « au pas de charge », sous le scandaleux prétexte de faire de Ghaza la riviera du Proche-Orient. Proposition applaudie à tout va par les génocidaires sionistes, il va de soi.

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Ukraine – Le dilemme de la gauche : être prêt à se battre ou laisser les autres décider

24 février, par Rédaction-coordination JdA-PA
Oleksandr Kyselov, membre du Conseil de Sotsialnyi Rukh À l’occasion du troisième anniversaire de l’attaque russe dans l’est de l’Ukraine, nous reproduisons un article de (…)

Oleksandr Kyselov, membre du Conseil de Sotsialnyi Rukh À l’occasion du troisième anniversaire de l’attaque russe dans l’est de l’Ukraine, nous reproduisons un article de Oleksandr Kyselov du réseau Sotsialnyi Rukh (Mouvement social) en Ukraine publié le 20 février dernier. Né en 2015, ce (…)

La grève des fros, Abitibi 1934

24 février, par Archives Révolutionnaires
En 1993, le musicien engagé Richard Desjardins rappelle à notre mémoire collective la grève des fros qui s’est déroulée en juin 1934 à la mine Noranda en Abitibi. Depuis, les (…)

En 1993, le musicien engagé Richard Desjardins rappelle à notre mémoire collective la grève des fros qui s’est déroulée en juin 1934 à la mine Noranda en Abitibi. Depuis, les militant·e·s connaissent sa chanson emblématique, mais beaucoup moins l’histoire derrière. Un retour sur cette grève pionnière, courageuse et radicale s’impose afin de comprendre son importance pour le mouvement ouvrier. Par-delà sa féroce répression, l’action des fros demeure exemplaire[1].

À partir de la fin du XIXe siècle, les régions du Témiscamingue puis de l’Abitibi sont progressivement développées. On tente d’y instaurer des communautés agricoles, tout en exploitant les ressources naturelles, dont le bois et le minerai. En raison de la difficulté à cultiver des terres à cette latitude, de nombreux colons[2] finissent par travailler dans les chantiers forestiers et dans les mines. Les compagnies profitent de la complaisance des gouvernements et de la disponibilité de cette main-d’œuvre pour exploiter les ressources et la population, engrangeant d’énormes profits au passage. Malgré tout, le développement des mines d’or et de cuivre le long de la faille de Cadillac nécessite toujours plus de bras et les compagnies font venir des mineurs d’Europe de l’Est par milliers au tournant des années 1930.

Dans ce contexte, la Noranda Mines Limited, une société appartenant à des investisseurs new-yorkais, fonde en 1926 la ville éponyme dédiée à l’extraction et à la transformation du cuivre. La ville est sous le contrôle total de l’entreprise grâce à un statut dérogatoire octroyé par le gouvernement. La mine et la fonderie Horne entrent en activité l’année suivante, entraînant une arrivée massive de travailleurs canadiens, finlandais, yougoslaves, polonais, russes et ukrainiens. Au début des années 1930, les villes de Noranda et de Rouyn comptent plus de 5 500 habitant·e·s, dont 1 300 sont employés dans la mine. L’existence y est difficile, mais avec la Grande Dépression et le chômage qui perdurent, la compagnie se permet d’imposer ses conditions… du moins, jusqu’à l’arrivée du syndicat au début de l’année 1933.

Réunion des membres du Mine Workers Union of Canada sur le bord du lac Osisko en juin 1934. Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Rouyn-Noranda.

La Mine Workers’ Union et la grève de 1934

À l’époque, les conditions sont particulièrement éprouvantes pour les mineurs qui travaillent six ou sept jours par semaine, 10 à 12 heures par jour, pour un salaire de 60 cents de l’heure. Les mineurs de fond sont exposés à la poussière de silice et au bruit, sans ventilation adéquate ni équipement de protection. Ils sortent détrempés du trou « et rentrer en habits mouillés, ce n’était pas drôle, surtout l’hiver quand il fallait traverser à pied le lac gelé, balayé par le vent, parce qu’il n’y avait pas de service d’autobus dans ce temps-là »[3]. Quant aux travailleurs immigrants, d’Europe du Nord et de l’Est – les fros, une contraction du mot foreigners (étrangers) – ils sont à risque de se faire expulser du pays s’ils ne respectent pas les consignes de leurs patrons. C’est pourtant au sein de ces communautés migrantes, dont sont issus 50 % des mineurs de Noranda, que se développent une conscience politique et une première activité syndicale. Plusieurs de ces travailleurs possèdent une expérience militante et ils savent que, malgré les menaces, c’est par l’action collective qu’ils ont une chance d’améliorer leur sort.

Un certain nombre de mineurs adhèrent à la Mine Workers’ Union of Canada (MWUC) à partir de 1933. Ce syndicat, principalement implanté en Ontario, est affilié à la Workers’ Unity League, une organisation communiste connue pour sa combativité. Le syndicat recrute principalement auprès des travailleurs étrangers qui soit connaissent déjà l’organisation pour l’avoir côtoyée dans d’autres villes minières, soit y sont favorables en raison de leurs conditions exécrables. De plus, une partie des fros sont liés au Parti communiste du Canada, bien implanté dans la région de Noranda et qui encourage les initiatives du MWUC. Le syndicat organise les travailleurs en cellules, permettant d’éviter un démantèlement de tout le réseau en cas d’infiltration policière. Le 11 juin 1934, les mineurs présentent leurs demandes au patron de la mine, Harry Roscoe : ils veulent la reconnaissance de leur syndicat, la journée de 8 heures de travail, une ventilation adéquate dans les tunnels et une augmentation de 6 cents de l’heure. Face à l’intransigeance de Roscoe, la grève est déclenchée le lendemain.

Environ 300 hommes et femmes ont déclaré la grève hier matin […]. Une centaine d’hommes ont été acceptés hier soir par la Noranda Mining Company pour remplacer un nombre égal de grévistes. La compagnie a devant elle 150 autres applications et elle signera un certain nombre de contrats d’engagement aujourd’hui.

La Gazette du Nord, 15 juin 1934

Plus de 300 mineurs de fond participent au débrayage, très majoritairement des Européens de l’Est, et bloquent l’entrée du puits avec l’aide de centaines de sympatisant·e·s. La compagnie, qui contrôle les autorités locales, maltraite les grévistes et fait emprisonner ceux qu’elle considère comme les meneurs. Roscoe refuse toute négociation par crainte de créer un précédent et fait appel à des briseurs de grève, en majorité canadiens-français. Les grévistes répondent par le « cloutage » des routes afin de crever les pneus des camions qui acheminent les scabs vers la mine. La stratégie patronale se fonde à la fois sur la répression et la division des travailleurs, avec un usage retors des fractures raciales et de la peur du communisme chez les Canadiens. Enfin, on mise sur la pauvreté généralisée pour monter les ouvriers dans le besoin les uns contre les autres. Ces stratagèmes portent fruit et la grève prend fin le 22 juin 1934. Plusieurs dizaines de mineurs sont condamnés à des peines de prison, d’autres sont expulsés du Canada dans les semaines qui suivent. À la fin de l’été 1934, la moitié des travailleurs étrangers de la mine ont été licenciés en raison de leur activité syndicale, soit plus de 350 personnes.

« Reprendre notre place dans la lutte des classes »[4]

La répression brutale de la grève des fros a porté un dur coup au mouvement syndical et socialiste des années 1930 et 1940, d’autant qu’elle était couplée à une diabolisation patronale et ecclésiale des idées progressistes. Pourtant, cette grève a permis au moins deux avancées notables. D’abord, les conditions des mineurs ont été peu à peu améliorées durant les années suivantes, sous la menace persistante d’un nouveau débrayage. Ensuite, cette expérience de lutte a fourni un modèle pour l’organisation politique dans les milieux de travail, repris par les communistes et d’autres lors de différents conflits, dont les grèves du textile en 1937 et en 1946, ou lors des grèves de l’amiante en 1949, de Louiseville en 1952 et de Murdochville en 1957. Sans prétendre à un rôle constitutif de la grève des fros, on ne peut nier son importance dans l’élaboration d’une stratégie syndicale offensive, et ce, malgré la « grande noirceur » québécoise.

J’ai encore dans les oreilles les cris des autorités de la mine, « Come on Frenchies », et les « Frenchies » allaient avec fierté et ignorance couper le cou de d’autres travailleurs comme eux qui cherchaient à obtenir des conditions de travail raisonnables. Ces grévistes ne demandaient pas le luxe, croyez-moi !

R. Jodoin, En-d’ssour (Montréal, Éditions québécoises, 1973) 102.

Plus qu’une mise en garde contre la division qu’entraîne le racisme ou qu’un simple épisode de notre histoire, la grève des fros nous rappelle l’importance du rapport de force lorsque vient le temps de lutter pour nos droits et le rôle que doit jouer la politique dans les conflits de travail. La grève de 1934 n’a pas été immédiatement victorieuse. « Ç’a été joliment dur pour ces gens-là parce que c’était une grève illégale et inorganisée, on va dire. Et puis ces gens-là n’ont certainement pas eu le mérite, le crédit qu’ils auraient dû avoir de cette grève-là. »[5] Mais les fros ont laissé en héritage de meilleures conditions pour tous les mineurs, ainsi qu’une ambition et une détermination à changer radicalement le monde[6].

Nous présentons ici le mémoire Mines et syndicats en Abitibi-Témiscamingue 1910-1950, rédigé en 1978 par Bernard-Beaudry Gourd. Il s’agit non seulement de l’une des rares études qui existent sur la « Grève des Fros », mais son intérêt réside surtout dans le fait que le document reprend directement les interventions de certains acteurs de cette grève.

Mines et syndicats en Abitibi-Témiscamingue 1910-1950

BAnQ Rouyn-Noranda, Fonds Joseph Hermann Bolduc.

Notes

[1] Ce texte est une version bonifiée d’un article originalement paru dans le numéro 98 (décembre 2023) de la revue À Bâbord !

[2] Le masculin est employé pour référer à certains corps de métier réservés aux hommes à l’époque, dont les bûcherons et les mineurs.

[3] L., mineur à Noranda, cité par DUMAS, Evelyn. Dans le sommeil de nos os, Montréal, Leméac, 1971, page 27.

[4][4] Message collectif de 15 grévistes, adressé à leurs camarades, lors de leur libération de la prison de Bordeaux après deux années d’enfermement, en juin 1936.

[5] Entrevue réalisée en 1976 avec Rémi Jodouin, mineur et syndicaliste abitibien.

[6] Pour connaître les malversations de la Noranda Mines Limited (achetée en 2006 par Xstrata, puis en 2013 par Glencore) et de la fonderie Horne, on consultera le récent ouvrage de CÉRÉ, Pierre. Voyage au bout de la mine. Le scandale de la fonderie Horne, Montréal, Écosociété, 2023.

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Le BAPE lance une audience publique sur le projet de parc éolien de la Madawaska

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Les travailleurs et les boycotteurs occupent le dîner huppé d’un ministre

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Liban : le système de la kafala augmente la précarité des travailleuses migrantes avec les attaques israéliennes

20 février, par Maîka Desjardins Communications CISO
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Maĩka Desjardins, collaboration CISO Le Liban compte plus de 200 000 femmes migrantes qui cherchent à subvenir aux besoins de leur famille. Cependant, ce système de travail les soumet à l’exploitation. Le système de la kafala exacerbe la précarité de ces femmes, en particulier depuis les (…)

Un journaliste arrêté pour des messages antisionistes sur Internet

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L'activiste et auteur Yves Engler a été arrêté le jeudi 20 février à 9h30 par la police de Montréal, suite à des messages sur les médias sociaux qui critiquaient la (…)

L'activiste et auteur Yves Engler a été arrêté le jeudi 20 février à 9h30 par la police de Montréal, suite à des messages sur les médias sociaux qui critiquaient la personnalité médiatique pro-israélienne Dahlia Kurtz. Un cabinet d'avocats montréalais a déposé une plainte au nom de Mme Kurtz (…)

Une crise en culture

20 février, par Marc Simard
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L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Les artistes et les organismes culturels du Bas-Saint-Laurent subissent de plein fouet les conséquences d’un manque criant de financement. Ce problème, dénoncé récemment par l’ensemble des conseils régionaux de la culture de la province, (…)

Emplois municipaux, pour qui ?

20 février, par Ligue des droits et libertés

Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2024 / hiver 2025

Emplois municipaux, pour qui?

Elisabeth Dupuis, Responsable des communications, Ligue des droits et libertés Le Québec, le Canada et les municipalités, ont des devoirs et obligations inscrits dans des lois, des Chartes et des Conventions, qui devraient toujours les guider dans l’élaboration de politiques ou de législations. Ces dispositions sont nécessaires afin d’assurer le respect des droits humains aux personnes en situation de handicap (PSH) dans des conditions d’égalité avec les autres1 et assurer leur pleine participation sociale. Dès 2001, le Québec s’est doté d’une loi pour corriger la situation des personnes faisant partie de certains groupes victimes de discrimination en emploi2. La Loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans les organismes publics (LAÉE) s’applique notamment à toutes les municipalités qui emploient 100 personnes et plus. Après des années de mise en œuvre progressive de la LAÉE – le groupe des personnes handicapées a été ajouté en 2007 —, les avancées en matière d’emploi dans les municipalités auraient pu être significatives pour les PSH. Le 7e Rapport triennal 2019-20223, qui fait état de la situation en matière d’accès à l’égalité en emploi des organismes publics, explique que les 388 organismes assujettis incluant 71 municipalités sont très loin d’atteindre les indicateurs-cibles. En effet, l’écart est grand entre la représentation totale (0,9 %) des PSH et l’indicateur cible à atteindre (10,5 %) de leurs effectifs, et ce, malgré les augmentations des embauches entre 2019 et 2022. Les 71 municipalités embauchent 633 PSH sur un total de 74 288 employé-e-s. Malgré l’existence de nombreuses ressources et services en intégration et maintien en emploi disponibles à Montréal et sa région, la métropole a un faible taux de représentation soit 1 %. En 2019-2022, seules deux municipalités atteignent et dépassent leur indicateurcibles : Chambly (5 %) et Magog (6 %). Assujettie récemment à la LAÉE, la Ville de La Tuque atteint un taux de 5%! La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) énonce des préoccupations dans un contexte d’emploi favorable : « leur taux de représentation tarde à augmenter, et ce, malgré les efforts investis par les organismes publics […] » et ce taux, qui se situe toujours aux alentours de 1 % [depuis 2007], met en évidence « que les stratégies de recrutement et d’embauche des membres de ce groupe ne donnent pas réellement de résultats4 ».
Tant de choses restent à faire pour que les PSH puissent exercer pleinement leurs droits et participer à la société. Les obstacles physiques, organisationnels et comportementaux5 sont identifiés au stade de l’embauche, de l’intégration et du maintien en emploi.
Parmi ces obstacles, on retrouve en premier lieu le capacitisme ; la représentation du travailleur idéal ; les offres d’emploi ; l’accessibilité et l’adaptation des lieux de travail ; la compréhension et l’application des accommodements et des adaptations ; l’adéquation du transport adapté et des horaires de travail ; l’absence de culture d’inclusion ; l’application des conventions collectives ; le questionnaire médical préembauche, etc. L’interdépendance des droits est de toute évidence au cœur de la réalité des personnes en situation de handicap. Nous pouvons exiger des municipalités qu’elles en fassent davantage pour s’acquitter de leurs obligations légales et accélérer l’accès à l’égalité en emploi des PSH. Car il s’agit bien d’obligations qui leur incombent, et non de gestes charitables, pour permettre aux personnes en situation de handicap de participer pleinement à la société et d’exercer l’ensemble de leurs droits.
1 Mona Paré, La CDPH : des efforts du Canada depuis près de 20 ans, revue Droits et libertés, vol. 40, no 1, 2021. 2 Gouvernement du Québec, Rapport sur la mise en œuvre de la LAÉE, 2020. 3 CDPDJ, Rapport triennal, 2023. 4 Ibid. 5 CDPDJ, Rapport annuel du groupe visé des personnes handicapées, 2021.

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Cinq autres sections locales à la veille de rejoindre les grévistes

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/02/cupeab_04-1024x576.jpg20 février, par Contributeur
Plus de 2 000 travailleurs de cinq sections locales du SCFP pourraient bientôt se joindre aux 4 000 travailleurs de soutien à l'éducation déjà en grève à Edmonton, Sturgeon (…)

Plus de 2 000 travailleurs de cinq sections locales du SCFP pourraient bientôt se joindre aux 4 000 travailleurs de soutien à l'éducation déjà en grève à Edmonton, Sturgeon County et Fort McMurray en Alberta. La grève vise à empêcher le Parti conservateur unifié (PCU) de financer l'éducation (…)

Quatre généraux colombiens accusés de 442 meurtres !

20 février, par Isabel Cortés
Isabel Cortés, collaboration La quête de vérité et de justice en Colombie a franchi une étape cruciale. Ce mercredi 19 février 2025, la Juridiction spéciale pour la Paix (JEP) (…)

Isabel Cortés, collaboration La quête de vérité et de justice en Colombie a franchi une étape cruciale. Ce mercredi 19 février 2025, la Juridiction spéciale pour la Paix (JEP) a inculpé quatre généraux à la retraite de l’Armée nationale de Colombie, ainsi que 35 officiers et sous-officiers, pour (…)

Entrevue avec Samah Karaki, autrice de L’empathie est politique

20 février, par Amélie David
Une entrevue d’Amélie David, correspondante à Beyrouth Docteure en neurosciences, Samah Karaki livre dans son essai L’empathie est politique, le fruit de ses recherches sur (…)

Une entrevue d’Amélie David, correspondante à Beyrouth Docteure en neurosciences, Samah Karaki livre dans son essai L’empathie est politique, le fruit de ses recherches sur cette notion, parfois méconnue et mal utilisée. Après les attaques du Hamas du 7 octobre et la guerre qu’Israël a menée à (…)

Sommaire du numéro 96

19 février
Pour vous procurer une copie papier de ce numéro, rendez-vous sur le site des Libraires ou consultez la liste de nos points de vente. Sortie des cales Quand la haine nous (…)

Pour vous procurer une copie papier de ce numéro, rendez-vous sur le site des Libraires ou consultez la liste de nos points de vente.

Sortie des cales

Quand la haine nous est contée / Jade Almeida

Mémoire des luttes

Aux origines du FLQ : pour l'indépendance et le socialisme / Alexis Lafleur-Paiement

Travail

Syndicalisme en France : Bataille des retraites / Thomas Collombat

Prolétaires de tous les jeux, unissez‑vous ! Entrevue avec Games Workers Unite Montréal. Propos recueillis par Yannick Delbecque

Regards féministes

Le combat (inachevé) de Chantale Daigle / Kharoll-Ann Souffrant

Éducation

Numérique à l'école : L'idéologie technopédagogique au service de la Machine / Wilfried Cordeau

Société

Le tissu social des quartiers menacé : Protéger les locaux communautaires montréalais / Audrée T. Lafontaine et Gessica Gropp

Climat

Décarbonation du Québec : La cape d'invisibilité de Pierre Fitzgibbon / Carole Dupuis

Environnement

Distribution d'électricité : Hydro-Québec doit respecter son obligation / Jean-Pierre Finet

Sous la loupe

Résister aux sirènes de l'OCDE : Comment la lutte aux paradis fiscaux a été récupérée / Edgar Lopez-Asselin et William Ross

Économie

S'enrichir avec les litiges / Colin Pratte

Sous la loupe

L'illibéralisme, le nouvel encerclement / Claude Vaillancourt

Mini-Dossier : Le transport est un bien commun !

Coordonné par Jean-François Boisvert et Claude Vaillancourt

Décarboner en développant les transports collectifs / Jean-François Boisvert

Planification : Un parcours semé d'embûches / Daniel Chartier

Mobilité durable : Un chaînon manquant / Jean-François Lefebvre, Marc-Olivier Mathieu et Anne-Hélène Mai

Mobilité en déroute : Comment sortir de l'impasse du financement ? / Anne-Hélène Mai

Dossier : Bas-Saint-Laurent. Repousser l'horizon

Coordonné par Valérie Beauchamp et Miriam Hatabi

Illustré par Liane Rioux et Michel Dompierre

De l'exode à la reconquête / Bernard Vachon

La leçon de Sainte-Paule : Une histoire politique des Opérations Dignité / François L'Italien

Souveraineté et autonomie alimentaires menacées / Donald Dubé

L'économie circulaire : Une transition en cours vers un modèle plus soutenable ? / Jean-Michel Coderre-Proulx, Abigaelle Dussol et Évariste Feurtey

Saint-Valérien : De la saine réintégration du politique dans le social / Une Néo-Valérienoise

De « Coule pas chez nous » à « Roule pas chez nous » : Une histoire de résistances / Mikael Rioux

Crise du logement : La mobilisation face à l'inaction / Cassandre Vassart-Courteau

Communautés LGBTQIA2S+ : La similitude de nos singularités / Tina Laphengphratheng

Arts oratoires : Une scène effervescente / Propos d'acteur·rices du milieu. Compilés par Yanick Perreault

Culture

L'archivage culturel, une responsabilité collective / Philippe de Grosbois

Quand le temps devient fou / Jacques Pelletier

Recensions

À tout prendre ! / Ramon Vitesse

Couverture : Liane Rioux

L’espace public pour toustes !

19 février, par Le Collectif de la revue À bâbord ! — , , ,
Pour vous procurer une copie papier de ce numéro, rendez-vous sur le site des Libraires ou consultez la liste de nos points de vente. Le collectif de rédaction s'indigne (…)

Pour vous procurer une copie papier de ce numéro, rendez-vous sur le site des Libraires ou consultez la liste de nos points de vente.

Le collectif de rédaction s'indigne devant les récentes attaques au droit d'occuper les espaces publics des femmes, des personnes LGBTQIA+, racisées ou en situation de handicap, à commencer par la campagne Check ton verre lancée conjointement par Éduc'alcool et le SPVM au mois d'avril 2023. Cette campagne visait principalement à outiller les personnes pour se protéger elles-mêmes de l'ajout de substances illicites dans leur verre dans les bars. On peut lire dans la présentation de la campagne que « [celle-ci] ne vise pas à mettre le fardeau sur les potentielles victimes, mais bien à les sensibiliser à l'adoption de comportements sécuritaires et responsables ». Si le sujet n'avait pas été discuté un nombre incalculable de fois, cette tournure de phrase en serait presque comique.

En quoi responsabiliser les individus à adopter des comportements sécuritaires n'est pas de mettre le fardeau de se protéger sur les potentielles victimes ? Bien que la présentation de la campagne ne vise pas directement les femmes dans le langage utilisé, tous et toutes savent qu'il s'agit de la population la plus à risque de subir ce genre d'attaque. Encore une fois, la responsabilité d'assurer sa sécurité revient aux femmes individuellement. On s'approche des rhétoriques soutenant la culture du viol où il n'est pas responsable et sécuritaire pour les femmes de porter des mini-jupes ou de se déplacer seules la nuit.

Et ce n'est pas la première fois que le SPVM nous sert une campagne de sensibilisation qui vise spécifiquement les femmes pour les éduquer à adopter des comportements de vigilance constante quand elles se retrouvent dans l'espace public. Dans un sens, ces campagnes participent au contrôle du corps des femmes dans l'espace public en s'adressant directement aux victimes plutôt qu'aux agresseurs. On fait planer le doute quant à la sécurité de la personne et on lui fait porter la responsabilité de son occupation sécuritaire de l'espace public sur ses épaules.

C'est exactement le même effet que provoque ce type d'agression, c'est-à-dire faire sentir aux femmes qu'elles n'ont pas leur place dans l'espace public parce que celui-ci est dangereux pour elles. Dans le cas de cette campagne, on reconnaît qu'il existe un danger réel d'agression sexuelle, mais on ne remet pas en question ni la gravité du crime sexuel envers les femmes ni les peines criminelles clémentes. Cette campagne favorise le traitement indulgent de la violence genrée en promouvant le contrôle du corps dans l'espace public.

* * *

L'utilisation de la violence pour exclure de l'espace public les personnes jugées inaptes à l'occuper par l'idéologie en place dépasse la seule population des personnes s'identifiant comme femmes. Elle concerne l'ensemble des populations discriminées socialement, soit les personnes racisées, les personnes appartenant à la communauté LGBTQIA+ ou les personnes en situation de handicap.

Cette violence a été très apparente dans le passage de Barbada à la bibliothèque de la Ville de Sainte-Catherine où plusieurs individus d'extrême droite se sont réunis pour mettre un terme à cette activité si « offensante » qu'est la lecture d'un conte pour enfants par une drag queen.

Plus encore, les effets de cette violence se sont concrétisés dans une pétition initiée par Éric Duhaime afin de cesser de financer des activités exposant les enfants aux drag queens, un discours qui incite à la haine. Pour protéger cette personne, il a fallu compter sur une mobilisation de militant·es, car le service de police n'avait pas l'intention de protéger Barbada sous le couvert de la liberté d'expression des militant·es. Ici aussi, il revient aux personnes de se protéger, car les différentes institutions ne remplissent pas leur rôle pour assurer une occupation égalitaire de l'espace public.

* * *

Le droit de circuler et d'occuper son territoire est le socle pour la prise de parole citoyenne. Exister dans l'espace public, c'est le droit premier de tout citoyen et de toute citoyenne. Or, tant que les pouvoirs en place ne prendront pas au sérieux la violence qui est exercée envers les corps à contrôler pour les exclure de l'espace public, celle-ci restera un espace blanc, masculin et hétérosexuel.

L'illustration est produite par le Centre d'éducation et d'action des femmes (CÉAF) dans le cadre de leur lutte contre le harcèlement de rue. Le CÉAF est la première organisation à produire des données sur le harcèlement de rue au Québec. Depuis 2012, cet organisme communautaire est devenu une référence pour la lutte contre les violences perpétrées dans les espaces publics. Visitez leur site internet pour en apprendre plus : https://ceaf-montreal.qc.ca/harclement-de-rue

Quand la haine nous est contée

19 février, par Jade Almeida — , ,
Avril 2023, une activité de lecture de conte par l'artiste drag Barbada est annulée par mesure de sécurité alors qu'une manifestation anti-drag prend de l'ampleur dans la ville (…)

Avril 2023, une activité de lecture de conte par l'artiste drag Barbada est annulée par mesure de sécurité alors qu'une manifestation anti-drag prend de l'ampleur dans la ville de Sainte-Catherine. Loin d'être anecdotique, cet événement est un énième exemple de la montée des discours anti-LGBTQ+ qui traverse les Amériques.

L'heure du conte est une activité où des drag queens lisent des livres aux enfants d'une manière amusante et théâtrale. Ces événements visent à promouvoir l'alphabétisation, l'inclusion et la diversité, tout en célébrant l'art de la performance. Mais pour ses opposant·es, il s'agit d'une « propagande » qui vise la « sexualisation des enfants », comme le déclare par exemple l'animateur radio et chef du Parti conservateur du Québec Éric Duhaime. Prétexter qu'il faut « protéger les enfants » des dangers que représenteraient les drag queens n'est pas nouveau : cela s'inscrit dans une longue et vilaine histoire d'instrumentalisation des enfants qui vise à stigmatiser les communautés LGBTQ+. Un discours dont la violence fait échos à l'actualité états-unienne où les drag queens sont la cible de projets de loi visant leur bannissement : plus de 450 projets anti-LGBTQ+ y ont été déposés depuis le début de l'année. Au Québec, on déplore la mobilisation grandissante contre l'heure du conte qui a débouché sur l'annulation de l'activité avec Barbada, mais aussi le fait qu'en 2022, Saint-Laurent annule ce même événement sans explication, et qu'à Dorval, l'activité doit se faire sous surveillance policière.

Au-delà de l'art drag

S'attaquer à l'art drag vient s'ajouter à l'arsenal déployé contre tout individu qui ose transgresser les normes de genre. Attention bien sûr à ne pas faire d'amalgame entre performeur·euses drag et personnes trans. Performer comme drag king ou drag queen est un art qui peut être pratiqué par tous·tes, quelle que soit son identité de genre, tandis qu'une personne trans est une personne qui ne s'identifie pas au genre qui lui a été assigné à la naissance. Reste que la transphobie et les mobilisations anti-drag ont en commun de cibler des individus qui s'opposent à la manière dont notre société conçoit le genre.

Un autre point commun est de prétendre le faire « au nom des enfants ». Ainsi, les artistes drag sont accusé·es de les « endoctriner », quand on ne tombe carrément pas dans les accusations de prédation sexuelle. Les mêmes horreurs sont répétées contre les personnes trans – comme le témoignent malheureusement de nombreux·euses activistes comme Celeste Trianon. Cette dernière a organisé la Marche Trans de 2022 de Montréal, tient une clinique juridique d'accompagnement pour les personnes trans et non-binaires dans les démarches administratives pour les papiers d'identité, et était présente à la contre-manifestation en soutien à Barbada. Malheureusement, son militantisme lui vaut de recevoir quantité de messages haineux – dont des accusations d'endoctrinement d'enfants, des insultes, voire des menaces de mort sur les réseaux sociaux.

Ainsi, on ne peut saisir l'acharnement contre les artistes drag sans prendre en compte ce que subissent au quotidien les personnes trans. Tout comme on ne peut appréhender la transphobie sans y lier également les violences déployées contre les personnes intersexuées, notamment au sein du système médical. Lorsqu'un bébé possède des caractéristiques physiques en dehors des marqueurs naturalisés comme binaires et genrés à la naissance, soit clairement « mâle » ou « femelle », il est très souvent pathologisé, ce qui le place à risque de subir des traitements pouvant aller jusqu'à des interventions chirurgicales très lourdes pour le faire rentrer « dans le moule ». De ce fait, le milieu médical s'assure, jusque dans la chair des nouveau-nés, de maintenir la norme qui devient une prophétie autoréalisatrice. Le système médical n'est bien sûr pas le seul domaine que l'on peut pointer du doigt : rappelons qu'en 2021, le ministre Jolin-Barrette a proposé une réforme du droit de la famille qui représentait une menace sérieuse pour les personnes trans et les personnes intersexuées (mais qui a finalement été empêchée grâce à la mobilisation du milieu communautaire). Il est ainsi primordial de comprendre les dénominateurs communs à toutes ces actions, car ils illustrent l'imbrication des systèmes d'oppression.

La transphobie subventionnée

Il n'est ainsi pas étonnant, et encore moins anodin, qu'un groupe comme PDF Québec (Pour le Droit des Femmes – mais bien sûr pas n'importe lesquelles) puisse déposer un rapport public pour soutenir le maintien des thérapies de conversion pour les personnes trans et continuer de recevoir des subventions gouvernementales à hauteur de plus de 400 000 $ ces dernières années. C'est d'ailleurs ce même groupe qui a été dénoncé par des activistes trans pour du harcèlement en ligne et des campagnes mensongères. Ce même groupe que la ministre responsable de la Condition féminine Martine Biron rechigne à condamner et à leur retirer les fonds sous prétexte que « chacun a le droit à son opinion ».

Ainsi, malgré les dénonciations du milieu communautaire, PDF Québec continue de recevoir de l'argent public, tandis qu'Interligne (un organisme de défense des droits LGBTQ+) s'est vu couper le financement qui permettait de maintenir la ligne d'écoute de nuit à la prévention du suicide. Il a fallu des mois de mobilisations pour obtenir un sursis pour le service – mais la situation reste très précaire. Que PDF Québec reçoive du financement tandis que la ligne d'écoute d'Interligne soit menacée de fermeture illustre bien la politique gouvernementale actuelle. PDF Québec s'aligne idéologiquement avec la CAQ, puisqu'il s'agit de l'organisme féministe qui a ouvertement pris position contre les droits des femmes voilées avec le projet de loi 21. C'est aussi un espace qui dénonce et s'oppose à toute approche intersectionnelle (bien évidemment), ce qui est en totale harmonie avec les positions du cabinet de Martine Biron. Une politique portée par un gouvernement qui refuse de reconnaître l'existence même du racisme systémique ou encore qui tergiverse à utiliser le terme « génocide » pour commenter la publication du rapport sur les filles et femmes autochtones disparues et assassinées.

Solidarité face aux extrémistes

Encore une fois, il nous faut avoir une vision globale de ce qui se joue actuellement, car rien n'arrive en silo. La transphobie, tout comme l'acharnement contre les artistes drag, s'inscrit dans une montée en puissance des idées et des groupes réactionnaires, sexistes et racistes, qui entretiennent souvent des liens entre eux et représentent un risque pour tout le monde. Ainsi, le contexte de mouvements anti-LGBTQ+ global marque une période de recul de droits effarant en matière d'autonomie corporelle des femmes. On pense ici aux droits reproductifs, où l'accès à l'avortement est attaqué de toute part (par voie juridique aux États-Unis certes – où la perte des droits est la plus spectaculaire – mais également par la difficulté grandissante d'accès à l'acte médical dans beaucoup de régions canadiennes). Qui dit légalité, ne veut pas dire accessibilité.

Dans une période qui voit des mobilisations grandissantes de communautés historiquement marginalisées, le backlash ne fait que s'intensifier. Faire preuve de solidarité envers les communautés drag, par exemple, c'est reconnaître que les traitements qu'iels subissent ne se déploient pas dans un vacuum de violence systémique. C'est y voir l'ancrage colonial de la gestion des corps. Encore une fois, nous y revenons. La colonisation a imposé l'organisation genrée que nous subissons actuellement : la surveillance et le contrôle des corps, mais aussi des sexualités, des relations sexo-affectives, de l'organisation familiale, du rapport au territoire, du rapport à la nation… Tout cela est ancré dans une approche par la hiérarchisation des populations, des cultures, des êtres et, par conséquent, par l'obligation à la conformité. Une approche individualiste et capitaliste, que nous subissons tous·tes, finalement. Faire preuve de solidarité avec ces luttes, c'est reconnaître qu'il s'agit de lutter pour un monde où le droit de vivre, pas seulement de survivre, mais de vivre, dans la dignité, dans la liberté, dans la sécurité et l'autodétermination est indéniable à tout individu.

Photo : Barbada en plein conte (Jennifer Ricard, CC-BY-SA 2.0).

Aux origines du FLQ : pour l’indépendance et le socialisme

19 février, par Alexis Lafleur-Paiement — , ,
Au début des années 1960, le Québec est en ébullition. La Révolution tranquille est en marche, mais pour plusieurs, elle est insuffisante. Dans ce contexte, de jeunes radicaux (…)

Au début des années 1960, le Québec est en ébullition. La Révolution tranquille est en marche, mais pour plusieurs, elle est insuffisante. Dans ce contexte, de jeunes radicaux fondent en 1963 le Front de libération du Québec (FLQ), « pour l'indépendance et le socialisme ». Ce moment fondateur, moins connu que les coups d'éclat de la fin de la décennie, permet de comprendre les motivations de l'indépendantisme révolutionnaire au Québec et sa pérennité. Soixante ans plus tard, que reste-t-il du premier FLQ ?

En septembre 1960, le Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN) est créé. Il fait la promotion de la souveraineté du Québec, tout en adoptant un discours résolument à gauche, incarné par son charismatique leader Pierre Bourgault [1]. En marge du RIN, de petits groupes radicaux se forment, dont le Comité de libération nationale (CLN) et le Réseau de résistance (RR), qui envisagent une action clandestine en appui à l'action légale afin de parvenir à la souveraineté dans une perspective socialiste. De novembre 1962 à février 1963, le RR mène quelques attaques contre des symboles de la domination culturelle et économique anglo-saxonne, avant que trois de ses membres participent à la fondation d'une nouvelle organisation : le Front de libération du Québec (FLQ), dont le nom s'inspire directement du Front de libération nationale (FLN) algérien.

Un Québec à révolutionner

Le nouveau groupe considère que les Canadiens français sont colonisés « politiquement, socialement, économiquement », puisque le Québec est inféodé aux intérêts anglo-saxons (britanniques, américains et canadiens). La domination régalienne de Londres et d'Ottawa est bien réelle, ainsi que la dévalorisation du français dans de nombreux milieux de travail. Les conditions sociales des classes populaires francophones sont misérables, comme le démontrent les commissions Parent (1961-1966) ou Castonguay-Nepveu (1966-1971). En 1960, 36 % des anglophones au Québec effectuent une 11e année de scolarité, contre 13 % des francophones. Dans le même sens, 13 % des anglophones de 20 à 24 ans fréquentent l'université, contre 3 % des francophones du même âge. Enfin, l'économie est dominée par la bourgeoisie anglophone qui possède massivement les capitaux et les industries : elle détient 80 % des actifs à Montréal, alors que les francophones, avec les travailleurs migrants, sont largement confinés à des emplois peu ou pas qualifiés, généralement mal payés et souvent dangereux. Le FLQ se veut une réponse à ces injustices.

Bien que les Québécois·es ne vivent pas, au sens strict, sous un régime colonial comme celui de l'Indochine ou de l'Algérie, leur identification aux peuples qui ont lutté pour leur indépendance est compréhensible. La comparaison sera aussi faite avec les Afro-Américains, malgré les limites d'une telle analogie. Dans tous les cas, la perception de soi comme peuple dominé et l'identification avec d'autres peuples soumis à des régimes coloniaux expliquent les choix théoriques du premier FLQ (nommément, l'indépendance et le socialisme) ainsi que ses choix stratégiques (la lutte armée en appui à une lutte populaire massive). En effet, lutter contre l'impérialisme implique un horizon social progressiste, ainsi qu'une volonté d'agir « par tous les moyens » face à un ennemi qui refuse le compromis.

Sur ces bases, le premier FLQ vise, par son action directe, plusieurs objectifs. D'abord, il désire attirer l'attention sur la condition des Québécois·es, au niveau national comme international. Ensuite, il cherche à montrer qu'une action combative est possible ici même en Amérique du Nord, au cœur de « l'empire américain ». Il souhaite aussi galvaniser les groupes indépendantistes et accompagner le développement d'un mouvement souverainiste large. En somme, sa stratégie repose sur la propagande et l'agitation, communes aux groupes clandestins du même genre qui émergent partout en Occident à l'époque.

De la parole aux actes

À la fin du mois de février 1963, une demi-douzaine de personnes, notamment issues du Réseau de résistance, fonde officiellement le FLQ. Gabriel Hudon, Pierre Schneider, Georges Schoeters et Raymond Villeneuve sont au cœur de l'organisation. Ils passent une première fois à l'action dans la nuit du 7 au 8 mars 1963, ciblant trois casernes militaires de la région de Montréal avec des bombes incendiaires. Début avril, trois nouvelles bombes explosent, visant différents établissements fédéraux. La pression policière commence à se faire sentir, alors que plusieurs indépendantistes radicaux sont arrêtés et interrogés en lien avec ces attaques. Le 21 avril, un malheureux attentat du FLQ dans un centre de recrutement militaire de Montréal coûte la vie au veilleur de nuit de l'établissement. Le 3 mai, une bombe (non amorcée) est déposée au siège social de la Solbec Copper, en solidarité avec les travailleurs en grève de cette entreprise. Au printemps, différentes attaques sont menées, à nouveau contre des établissements de l'armée, mais aussi de sociétés canadiennes, dont Golden Eagle (Ultramar), et des boîtes aux lettres de la ville bourgeoise de Westmount.

Enfin, début juin 1963, une vingtaine de membres de ce premier réseau du FLQ sont arrêtés. Malgré la sympathie populaire et l'appui qu'ils reçoivent du « Comité Chénier » (un groupe de défense des prisonniers politiques du FLQ), onze felquistes sont condamnés en octobre. Hudon et Villeneuve écopent de 12 ans de prison, et Schoeters de 10 ans. C'est la fin du premier réseau du FLQ, qui sera suivi par (au moins) cinq autres réseaux successifs jusqu'en 1972. De sa première mouture, on peut retenir plusieurs éléments, notamment sa théorie du Québec comme « nation dominée », le lien organique qu'il établit entre indépendance et socialisme, et la nécessité, dans le contexte des années 1960, de dynamiser le mouvement social par une action de propagande armée. En sus de son intérêt historique, cet épisode peut-il encore nous apprendre quelque chose aujourd'hui ?

Lutter pour changer le système

Un premier élément pertinent est certainement la conception qu'une lutte de libération doit nécessairement s'accompagner d'une lutte globale contre le système oppresseur. En effet, il semble illusoire de penser qu'on puisse lutter uniquement dans un horizon sectoriel. À l'époque comme de nos jours, les luttes doivent, sinon converger, du moins s'inscrire dans une stratégie de lutte anti-capitaliste. Le premier Message du FLQ à la nation (16 avril 1963) affirmait déjà : « L'indépendance seule ne résoudrait rien, elle doit à tout prix être complétée par la révolution sociale. » Aujourd'hui, alors que l'impérialisme sévit plus que jamais, que la grande industrie est responsable de la crise écocidaire et que les nationalismes réactionnaires gagnent du terrain, il semble inspirant de penser nos luttes d'émancipation collective dans un horizon de dépassement du capitalisme et d'instauration d'une nouvelle société juste et égalitaire. Un deuxième élément pertinent est le rôle que peuvent jouer des groupes pratiquant l'action directe, à la fois pour faire connaître une cause et pour galvaniser un mouvement. S'il est moralement inacceptable de valoriser la violence en soi, la question se pose de son usage dans un contexte bloqué, comme la crise écologique que les capitalistes amplifient chaque jour un peu plus, au risque de nous annihiler tous. C'est ce vers quoi pointent les travaux récents d'Andreas Malm qui tente de lier l'action directe avec un mouvement de masse.

En somme, selon nous, plusieurs raisons justifient de porter attention au premier FLQ [2]. Il nous aide d'abord à comprendre d'où vient l'indépendantisme au Québec et pourquoi il a pris une tendance révolutionnaire. Surtout, il nous rappelle que parfois, face à des situations iniques, dans lesquelles l'oppression se perpétue sans horizon de changement prévisible, l'action directe peut devenir un moyen légitime de galvaniser et d'accompagner un mouvement de masse. Malgré que l'activisme pratiquant la violence à la pièce ait montré ses limites, lutter dans un horizon de dépassement du capitalisme et envisager une diversité tactique nous semble important en cette époque trouble pour l'humanité.


[1] Il déclare le 3 mars 1963 : « L'indépendance en soi, ça ne veut rien dire. Il faut que l'indépendance s'accompagne de la révolution sociale. »

[2] Pour en savoir plus sur le premier réseau du FLQ, on consultera les témoignages de deux de ses membres : La véritable histoire du FLQ (Claude Savoie, 1963) et Ce n'était qu'un début (Gabriel Hudon, 1977).

Alexis Lafleur-Paiement est membre du collectif Archives Révolutionnaires (archivesrevolutionnaires.com).

Illustration : Ramon Vitesse

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