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Course contre la montre : le projet de maison d’hébergement Marie-Claire Kirkland-Casgrain est à quelques jours d’être compromis faute d’engagement du gouvernement du Québec

2 septembre, par Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale — , ,
Sans réponse de la Société d'habitation du Québec d'ici une semaine, l'offre d'achat pour la future Maison Marie-Claire Kirkland-Casgrain tombera. « Nous sommes littéralement (…)

Sans réponse de la Société d'habitation du Québec d'ici une semaine, l'offre d'achat pour la future Maison Marie-Claire Kirkland-Casgrain tombera. « Nous sommes littéralement suspendus à une décision du gouvernement du Québec, et chaque jour de silence nous rapproche d'une annulation pure et simple du projet », déplore Myriam Lafrance, directrice du projet. « Le financement de l'exploitation est confirmé, mais sans engagement pour l'immeuble, nous ne pouvons pas aller de l'avant. »

En février dernier, une offre d'achat a été déposée pour l'acquisition d'un lieu avec l'objectif d'y accueillir jusqu'à 20 femmes et enfants fuyant la violence conjugale.

Plus de deux mois après avoir déposé son dossier à la Société d'habitation du Québec (SHQ), ce silence prolongé, malgré des échanges antérieurs encourageants, place le projet d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale dans une situation critique, à quelques jours seulement de l'échéance de son offre d'achat.

Depuis le dépôt du dossier complet à la SHQ, qui a exigé à l'organisme un engagement de fonds, l'équipe du projet s'attendait à une réponse rapide compte tenu de l'engagement du gouvernement à ouvrir cette nouvelle ressource rapidement. À ce jour, aucune confirmation n'a été émise, bien que toutes les analyses techniques du projet soient, à notre connaissance, complétées. Cette absence de réponse empêche également le dépôt du dossier à la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), qui exige l'aval préalable de la SHQ.

Un projet promis, mais toujours bloqué

En 2021, le gouvernement Legault annonçait l'ajout de quatre nouvelles maisons d'hébergement pour répondre à la hausse inquiétante des demandes d'hébergement par les victimes de violence conjugale. Le projet Marie-Claire Kirkland-Casgrain fait partie de ces initiatives saluées par la communauté et soutenues par les autorités locales. Bien que le financement pour les services ait été octroyé par le ministère de la Santé et des Services sociaux, aucun financement n'a été prévu pour la construction de la nouvelle maison. Comment est-ce possible d'offrir de l'hébergement sans toit ?

« Les déclarations ne suffisent plus. Il faut maintenant des actes. Il est inacceptable qu'un projet jugé prioritaire par l'ensemble du gouvernement soit bloqué par un simple manque de réponse administrative », insiste Louise Riendeau, du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.

Le temps presse

Le projet est maintenant dans une course contre la montre : si aucun engagement ferme n'est reçu dans les prochains jours, l'offre d'achat tombera à l'eau. Cela signifierait la perte d'un lieu déjà identifié, évalué et validé, et possiblement la fin du projet dans sa forme actuelle.

« Comme OBNL, nous avons déjà engagé des sommes importantes pour faire avancer ce projet. Nous ne pouvons pas porter seuls le risque d'un silence gouvernemental », rappelle Myriam Lafrance.

Une situation symptomatique

Ce retard s'inscrit dans un contexte plus large de lourdeur administrative et de flou entre les responsabilités provinciales et fédérales. D'autres projets de maisons d'hébergement pour femmes sont également ralentis au Québec, pris dans les dédales bureaucratiques.

Nous demandons officiellement à la ministre de l'Habitation, Mme France-Élaine Duranceau, de sortir de ce silence et de confirmer l'engagement de la SHQ dans ce projet. Il est encore temps d'agir — mais le temps presse.

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La CSD invite ses membres à participer à la Marche mondiale des femmes 2025

2 septembre, par Centrale des syndicats démocratiques (CSD) — , ,
La Marche mondiale des femmes revient à Québec le 18 octobre 2025 ! Cet événement d'envergure, qui n'a lieu qu'aux cinq ans, est une occasion unique de se rassembler et de (…)

La Marche mondiale des femmes revient à Québec le 18 octobre 2025 ! Cet événement d'envergure, qui n'a lieu qu'aux cinq ans, est une occasion unique de se rassembler et de faire entendre nos voix pour l'égalité, la justice sociale et le respect des droits des femmes.

Une histoire de luttes et de victoires

La Marche Du pain et des roses de 1995 a donné l'élan aux Marches mondiales des femmes, organisées aux cinq ans depuis l'an 2000. Ensemble, ces grandes mobilisations ont permis des avancées majeures au Québec, notamment :

L'adoption de la Loi sur l'équité salariale

La création des Centres de la petite enfance (CPE)

La mise en place du Régime québécois d'assurance parentale

L'introduction du harcèlement psychologique et sexuel dans la Loi sur les normes du travail

L'ajout de congés pour obligation familiale dans la Loi sur les normes du travail

L'enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées

Ces gains nous rappellent que marcher et se mobiliser, ça donne des résultats concrets.

Revendications 2025

En 2025, nous marcherons encore, car les droits des femmes demeurent fragilisés. Nos revendications :

Vivre en paix et en sécurité

Pouvoir faire ses propres choix libres et éclairés

Avoir accès à un revenu décent pour assurer une autonomie économique et vivre dans la dignité

Bénéficier de services publics gratuits et universels de qualité (santé, services sociaux, éducation)

Protéger l'environnement et vivre dans un milieu sain et respectueux des communautés et de la biodiversité

Un rendez-vous historique

La CSD a toujours été présente à ces grandes mobilisations. Chaque marche est un moment fort de solidarité, de fierté et de mémoire collective. En 2025, soyons encore nombreuses et nombreux à marcher ensemble pour faire avancer les droits des femmes.

👉 On vous attend à Québec le 18 octobre 2025 !

Formulaire d'inscription

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Lettre ouverte | Le réseau d’éducation a besoin de prévisibilité, pas de surprises

2 septembre, par Coalition des partenaires en éducation — , ,
L'éducation est une forme de contrat social, celui qui fait de l'égalité des chances un socle commun. C'est un pilier fondamental de notre société, une promesse faite à chaque (…)

L'éducation est une forme de contrat social, celui qui fait de l'égalité des chances un socle commun. C'est un pilier fondamental de notre société, une promesse faite à chaque enfant, à chaque famille, à chaque génération. Pourtant, année après année, notre réseau d'éducation est contraint de fonctionner dans un climat d'incertitude budgétaire qui varie selon les aléas et les choix politiques et qui fragilise tout le système. C'est ce que nous dénonçons aujourd'hui d'une voix commune. Il faut faire les choses autrement. Pour nos jeunes, leurs parents ; pour l'avenir du Québec.

En cette rentrée scolaire 2025, un moment central dans la vie de nos jeunes, de centaines de milliers de familles et du personnel à pied d'œuvre dans le réseau, tout le monde travaille avec ardeur pour que tout se déroule bien. Mais à quel prix ? Nous posons sérieusement la question.

Impossible d'entamer cette nouvelle année scolaire sans revenir sur la saga des coupes budgétaires du début de l'été.

D'une part, la marche arrière du gouvernement demeure partielle et ne règle en rien les problèmes déjà présents dans le réseau. Plus encore, les conditions imposées avec ce retour d'investissements budgétaires – telles que la reddition de comptes accrue et le resserrement administratif – accentuent le manque de prévisibilité dans le financement du réseau et constituent un écueil pour une planification stratégique. C'est vrai pour l'année qui débute, alors inutile de parler à moyen et long terme.

Une chose est claire pour nous : il faut garantir plus de prévisibilité au réseau d'éducation.

À quand des investissements cohérents et prévisibles en éducation qui ne se retrouvent pas, année après année, à la merci des budgets et des agendas politiques ?

La prévisibilité budgétaire n'est pas un caprice administratif : c'est une condition de base pour garantir la cohérence, la continuité et la qualité des services éducatifs. On demande beaucoup de choses à l'école, mais on ne lui donne pas les moyens d'y arriver.

Cette incertitude génère également un stress inutile sur les différentes équipes et mobilise des énergies précieuses. Elle mine la confiance et l'efficacité du réseau. Le personnel en subit les contrecoups et les élèves en paient le prix, alors qu'ils devraient être au cœur de toutes les décisions.

En juin dernier, les réactions aux coupes ont été vives et promptes. Les voix se sont multipliées pour dénoncer ces décisions insensées. La pression était forte, le gouvernement a senti l'opposition de la population et c'est ce qui l'a fait reculer. Mais comment en est-on arrivé là ?

Pour un gouvernement qui a dit, à maintes reprises, que l'éducation est une priorité, comment se fait-il qu'il ne ressente pas toute l'importance que revêt l'éducation pour les Québécoises et les Québécois ?

Non seulement les compressions et les coupes en éducation sont inacceptables, mais les investissements actuels restent insuffisants pour couvrir les coûts réels engendrés par la hausse du nombre de jeunes dans nos écoles et nos centres, par les besoins des élèves en situation de handicap ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (HDAA), par l'état de vétusté de nombreux établissements, et par les dépenses de fonctionnement qui continuent de peser lourdement sur le financement et le fonctionnement de nos écoles et centres. Après des années de compressions par les gouvernements précédents, les dommages sont tangibles et préoccupants, ce qui souligne l'urgence de maintenir des investissements à la hauteur des besoins, de façon constante, année après année.

Cessons de jouer sur les mots et avec les chiffres : diminuer les investissements, c'est couper. L'éducation mérite mieux.

Nous demandons donc aujourd'hui au gouvernement qu'il réaffirme clairement la place centrale qu'elle occupe dans notre société. C'est une chose de le dire, ce que nous demandons, ce sont des décisions cohérentes, cesser la gestion au jour le jour et un engagement à offrir plus de prévisibilité pour le réseau.

*La Coalition des partenaires en éducation est composée de :

Éric Gingras, Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Richard Bergevin, Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE-CSQ)

Éric Pronovost, Fédération du personnel de soutien scolaire (FPSS-CSQ)

Carolane Desmarais, Fédération du personnel professionnel de l'éducation du Québec (FPPE-CSQ)

Magali Picard, Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ)

Caroline Senneville, Confédération des Syndicats Nationaux (CSN)

Heidi Yetman, Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec (APEQ)

Francis Côté, Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement (FQDE)

André Bernier, Association québécoise du personnel de direction des écoles (AQPDE)

Sylvain Martel, Regroupement des comités de parents autonomes du Québec (RCPAQ)

David Meloche, Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ)

Amélie Duranleau, Société québécoise de la déficience intellectuelle (SQDI)

Kathleen Legault, Association montréalaise des directions d'établissement scolaire (Amdes)

Bianca Nugent, Coalition de parents d'enfants à besoins particuliers du Québec (CPEBPQ)

Lili Plourde, Fédération québécoise de l'autisme (FQA)

Evelyne Alfonsi, Association des administrateurs des écoles anglophones du Québec (AAEAQ)

Mélanie Laviolette, Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ)

Katherine Korakakis, Association des comités de parent anglophone du Québec (ACPA)

Jean Trudelle, Debout pour l'écolePatrick Gloutney, SCFP-Québec

Michelle Poulin, secteur de l'éducation du SCFP-Québec

Manon Cholette, Conseil national du soutien scolaire (CNSS-SEPB)

Marie Deschênes, Union des employés et employées de service, section locale 800 (UES800–FTQ)

Frédéric Brun, Fédération des employées et employés de la Fédération des services publics – CSN (FEESP-CSN)

Benoit Lacoursière, Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ-CSN)

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Semaine pour l’école publique du 29 septembre au 5 octobre

2 septembre, par Fédération autonome de l'enseignement (FAE) — , ,
Cette année, comme chaque automne, la Semaine pour l'école publique (SPEP) revient, dans une formule améliorée ! Du 29 septembre au 5 octobre, ce sera l'occasion pour la FAE, (…)

Cette année, comme chaque automne, la Semaine pour l'école publique (SPEP) revient, dans une formule améliorée ! Du 29 septembre au 5 octobre, ce sera l'occasion pour la FAE, mais aussi pour toutes les personnes travaillant au sein des écoles publiques du Québec, pour les élèves et leurs parents ainsi que pour toutes celles et tous ceux qui l'ont à cœur comme notre porte-parole, l'auteur Simon Boulerice, de souligner leur attachement à cette institution, d'en faire la promotion et surtout de mettre en valeur son importance cruciale pour la société québécoise.

Notre porte-parole

Pourquoi avoir choisi Simon Boulerice comme porte-parole de la Semaine pour l'école publique ? Cet artiste multidisciplinaire voue une admiration sans borne à l'école publique et à ce qu'elle a de plus beau ; il en est d'ailleurs le fruit. S'il n'avait pas été auteur, il aurait sans doute été un (épatant) enseignant. Simon personnifie la polyvalence, la persévérance et la créativité. Il maîtrise à merveille la langue française et il accorde une grande importance à la littérature et au pouvoir transformateur de celle-ci. L'école publique, pour lui, c'est une richesse collective, qui permet à tous les élèves, jeunes et adultes, d'avoir accès à la culture. Simon, c'est non seulement un modèle pour les jeunes de 4 à 99 ans, mais c'est un aussi un être d'une admirable générosité, d'une authenticité sans faille. En somme, le porte-parole incarne profondément les valeurs de la SPEP !

Le concours Simon dans ma classe est de retour !

Vous pouvez participer dès maintenant au concours Simon dans ma classe ! Ainsi, vous courrez la chance de recevoir la visite de Simon Boulerice dans votre classe cet automne.

Formulaire d'inscription

Utilisez ce formulaire pour vous inscrire au concours « Simon dans ma classe ! » et courez la chance de gagner, pour vous et votre groupe-classe, une visite de notre porte-parole Simon Boulerice dans le cadre de la Semaine pour l'école publique.

Inscription : jusqu'au 19 septembre.

Pourquoi célébrer l'école publique ?

Il y a un demi-siècle, les bâtisseurs du Québec moderne ont voulu nous léguer une démocratie vivante et dynamique, ouverte à la participation citoyenne, grâce à une éducation accessible, gratuite et universelle qui ne pouvait reposer que sur une école publique forte. Fille de la Révolution tranquille, l'école porte donc depuis cinquante ans les espoirs de ce projet de société.

Grâce à l'école publique, la société québécoise s'est développée. Elle est devenue plus alphabétisée, plus instruite, plus conscientisée. Grâce à l'école publique, la société québécoise peut être fière de la richesse de sa culture et de ses talents.

Depuis un demi-siècle, l'école publique québécoise a fait ses preuves :

Elle inspire les rêves de la société, en incarne les idéaux de justice et d'égalité, en porte les aspirations et en transmet l'héritage.

Elle accueille et appartient à toute la population. En ce sens, elle est la gardienne et la promotrice des valeurs et des aspirations de la société.

Elle découle d'une responsabilité collective à laquelle chacun peut prendre une part active.

Elle est une porte ouverte sur le patrimoine culturel du Québec et du monde.

Elle constitue un passage privilégié vers la citoyenneté et la vie en société.

Elle continue de vous convaincre qu'une société démocratique et développée ne saurait se passer d'un système d'éducation qui a les moyens de ses ambitions et qui est pleinement accessible à toutes et à tous.

C'est pourquoi, nous, qui avons collectivement et historiquement la responsabilité de bâtir une société meilleure, en appelons à :

la reconnaissance et au soutien inconditionnel de la juste valeur de l'école publique ;

une éducation assumée politiquement et financièrement par l'État à titre de priorité nationale ;

l'amélioration des conditions de celles et ceux qui vivent, font et apprennent à l'école publique ;

l'amélioration de l'accessibilité et des services offerts à toutes celles et à tous ceux qui désirent s'instruire ;

la fin, dans le système d'éducation, de la concurrence déloyale et inappropriée soutenue par le financement public des écoles privées.

Nous faisons appel à toutes celles et à tous ceux qui, comme nous, ont à cœur un système d'éducation public de qualité, universel, gratuit, accessible, égalitaire, riche en services et en encadrement.

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Réforme du régime forestier : Un engagement clair et formel attendu du gouvernement

2 septembre, par Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador — , , ,
À la suite d'une rencontre politique tenue hier avec les ministres Ian Lafrenière (Relations avec les Premières Nations et les Inuit),Maïté Blanchette-Vézina (Ressources (…)

À la suite d'une rencontre politique tenue hier avec les ministres Ian Lafrenière (Relations avec les Premières Nations et les Inuit),Maïté Blanchette-Vézina (Ressources naturelles et Forêts) et un membre du cabinet du premier ministre, relativement au projet de réforme du régime forestier (projet de loi 97), l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) réaffirme que le gouvernement a tous les éléments nécessaires pour poser des gestes politiques et législatifs concrets afin d'assurer la vitalité des forêts. La balle est donc dans leur camp.

Le Chef de l'APNQL, Francis Verreault-Paul, accompagné d'une délégation élargie de représentants des Premières Nations, composée notamment de Jonathan Germain (Chef, Mashteuiatsh) et de Jérôme Bacon St-Onge (Vice-Chef, Pessamit), a réaffirmé les trois éléments fondamentaux comme éléments de fondation du projet de loi :

• Le respect des droits ancestraux et issus de traités ;

• La mise en place d'une cogestion de gouvernements à gouvernement ;

• Le retrait du zonage d'aménagement forestier prioritaire.

Demeurant ouverte à continuer les discussions et à trouver des solutions législatives, l'APNQL s'attend à un engagement politique fort et concret de la part du gouvernement du Québec.

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Pétition pour le retrait du PL97

2 septembre, par Réseau québécois des groupes écologistes — , ,
Ce projet de loi ⚖ Ne respecte pas les droits ancestraux et la gouvernance des premiers peuples 🗯 A exacerbé un racisme et des violences envers les autochtones 💰Donne des (…)

Ce projet de loi
⚖ Ne respecte pas les droits ancestraux et la gouvernance des premiers peuples
🗯 A exacerbé un racisme et des violences envers les autochtones
💰Donne des chèques en blanc à des multinationales forestières
🪓Ouvre la porte à des coupes abusives
🌲🌳Ne protège pas les poumons du continent
🦌🐾 Ne tient pas compte de la biodiversité
Signons, partageons, soyons légions !

Retrait et réécriture du projet de loi no 97, Loi visant principalement à moderniser le régime forestier.

Pour signer cette pétition, vous devez compléter 3 étapes :

Étape 1 : remplissez le formulaire sous le texte de la pétition et envoyez-le (vous devez accepter les conditions à respecter pour pouvoir signer la pétition avant d'envoyer le formulaire).

Étape 2 : consultez votre boîte de courriels et ouvrez le message envoyé par l'Assemblée.

Étape 3 : dans ce message, cliquez sur le lien vous permettant d'enregistrer votre signature.

Vous ne pouvez signer la même pétition qu'une seule fois.

Texte de la pétition

CONSIDÉRANT QUE le projet de loi no 97 ne garantit ni la résilience des forêts publiques du Québec face aux changements climatiques, ni le respect des engagements du Québec en matière de protection des espèces menacées ;

CONSIDÉRANT QUE ce projet de loi menace la stabilité à long terme des emplois dans le secteur forestier ;

CONSIDÉRANT QUE le processus d'élaboration du projet de loi no 97 n'a jamais reçu le consentement libre, préalable et éclairé des Premières Nations, ce qui constitue une violation flagrante de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, à laquelle le Québec adhère ;

CONSIDÉRANT QUE cette violation des droits ancestraux alimente des tensions sociales, exacerbe le racisme dont sont victimes les communautés autochtones, met en péril les emplois des travailleurs de la filière forestière et retarde le travail de réparation des relations entre l'industrie et les Premières Nations ;

CONSIDÉRANT QUE le texte ne reflète ni les propositions des peuples autochtones ni celles des organisations environnementales et syndicales ;

Nous, signataires, demandons au gouvernement du Québec :

de retirer son projet de loi visant la réforme du régime forestier ;
de procéder à sa réécriture en suivant un processus démocratique, transparent, mené en co-construction avec les Premières Nations et en intégrant les recommandations des acteurs du milieu forestier.

Date limite pour signer : 29 septembre 2025

Pour signer la pétition.

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« Le marxisme du XXIe siècle ne peut être qu’un écomarxisme »

2 septembre, par Germana Berlatini, Davide Gallo Lassere, Michael Löwy — , ,
Depuis une quinzaine d'années, nous assistons à une réactualisation de Marx dans le débat écologique. À quoi doit-on ce regain d'intérêt ? Quelles ressources théoriques cet (…)

Depuis une quinzaine d'années, nous assistons à une réactualisation de Marx dans le débat écologique. À quoi doit-on ce regain d'intérêt ? Quelles ressources théoriques cet auteur propose-t-il pour penser la crise climatique et environnementale ? Un entretien mené par Germana Berlatini, Davide Gallo Lassere.

22 août 2025 | tiré du blogue de Michael Löwy

GB/DGL : Depuis une quinzaine d'années, nous assistons à une réactualisation de Marx dans le débat écologique. À quoi doit-on ce regain d'intérêt ? Quelles ressources théoriques cet auteur propose-t-il pour penser la crise climatique et environnementale ?

ML : La question serait plutôt pourquoi il a fallu tellement de temps pour retrouver l'apport de Marx à l'écologie… Certes, il s'agit d'une problématique relativement marginale dans ses écrits, pour la bonne raison que la question commençait seulement à se poser au 19ᵉècle.

Quelles sont alors ses principales contributions dans ce domaine ?

Personne n'a autant dénoncé que Marx la logique capitaliste de production pour la production, l'accumulation du capital, des richesses et des marchandises comme but en soi. L'idée même de socialisme – au contraire de ses misérables contrefaçons bureaucratiques – est celle d'une production de valeurs d'usage, de biens nécessaires à la satisfaction de nécessités humaines. L'objectif suprême du progrès technique pour Marx n'est pas l'accroissement infini de biens (« l'avoir ») mais la réduction de la journée de travail, et l'accroissement du temps libre (« l'être »).

Par ailleurs, on trouve dans le Capital des passages où il est explicitement question des ravages provoqués par le capitalisme sur l'environnement naturel ; par exemple, la conclusion du chapitre sur la grande industrie et l'agriculture du livre I, qui esquisse une remarquable vision dialectique des contradictions du « progrès » induit par les forces productives :

« Chaqueprogrès de l'agriculture capitaliste est un progrès non seulement dans l'art d'exploiter le travailleur, mais encore dans l'art de dépouiller le sol ;caque progrès dans l'art d'accroître sa fertilité pour un tempest un progrès dans la ruine de ses sources durables de fertilité. Plus un pays, les États-Unis du Nord de l'Amérique par exemple, se développe sur la base de la grande industrie, plus ce processus de destruction s'accomplit rapidement. La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du procès de production sociale qu'en sapant en même temps les deux sources d'où jaillit toute richesse : la terre et le travailleur.. »

On trouve ici l'idée que le progrès peut être destructif, un « progrès » dans la dégradation et la détérioration de l'environnement naturel. L'exemple choisi apparaît trop limité – la perte de fertilité du sol –,, mais il ne pose pas moins la question plus générale des atteintes, par la production capitaliste, au milieu naturel, à ce qu'il appelle, dans un autre passage, les« conditions naturelles éternelles ».

GB/DGL : eestce que vous pourriez expliquer brièvement qu'est-ce qu'il entend par cette expression ? Marx n'a-t-il pas toujours eu une conception très historicisée de la nature ?

ML : e ne pense pas que Marx "historicise" la nnature... nalyse, ien sûr, omme historiques, e rapport des humains à la nature et les transformations de celle-ci par l'activité humaine. Mais il pense, ar exemple, ue la terre en tant que telle est une ""ndition naturelle éternelle" pour l'activité humaine. Il revient sur cet argument à plusieurs rreprisesdans Le Capital :

"Tout l'esprit de la production capitaliste,oientée vers le profit monétaire immédiatement proche, est en contradiction avec l'agriculture, ui doit prendre en compte l'ensemble permanent ((ändigen) des conditions de vie de la chaîne des générations humaines."

Cette production apitaliste provoque une "rupture irréparable du métabolisme" entre les sociétés humaines et la nature, n "métabolisme prescrit par les lois naturelles de la vie".

On ourrait ajouter, notre époque, ue le climat fait partie de ces "conditions naturelles de la vie", n train d'être détruites par le productivisme et la hybris capitaliste. Certes, on pourrait aussi rgumenter que le climat a une histoire, ui est même en train de s'aaccélérerà notre époque. Mais cela n'est pas contradictoire avec la constatation qu'une certaine température, isons inférieure à 50 ou 60 degrés Celsius, ait partie des "cconditions naturelles de la vie" pour les humains.

GB/DGL : Comme vous l'avez souligné tout à l'heure, d'après Marx le développement des forces productives est aussi, à la fois, un développement des forces destructives. Cela remet radicalement en cause la philosophie de l'histoire déterministe et téléologique qui caractérise des passages de son œuvre et, encore plus, la lecture dogmatique fournie auXXᵉsiècle par certains auteurs marxistes et par de nombreuses institutions du mouvement ouvrier. Quelles sont les principales implications théoriques et politiques d'un tel renversement ?

ML : Certes, ne lecture « ddéterministe » et même « productiviste » de Marx dominé chez les marxistes dogmatiques du 220ᵉècle, que ce soit dans la social-démocratie (quand elle se réclamait encore du marxisme !) ou dans le « socialisme réel » de facture soviétique. On a privilégié les écrits de Marx, comme lalaréface à la Critique de l'économie politique (1859),qi se prêtent à des lectures de ce type. On a ainsi ignoré tout ce qui, chez Marx (ou Engels), met en question une vision linéaire de l'histoire comme « progrès », ddéterminéar le développement des forces productives. Par exemple, ses derniers écrits sur la commune rurale russe comme point de départ d'un processus révolutionnaire pouvant épargner à la Russie les affres du capitalisme. Ou encore les textes de critique du productivisme capitaliste comme « rupture métabolique » entre les sociétés humaines et la nature, recensés par les éécomarxistesohn Bellamy Foster et Kohei Saïto.

Cela dit, le marxisme est une pensée en mouvement, qui ne peut pas se limiter aux écrits de Marx et Engels. Le mot d'ordre de Rosa Luxemburg, « socialisme ou barbarie » (1915), était déjà un dépassement de la philosophie de l'histoire comme progrès inévitable. Et Walter BBenjamin, dans ses écrits des années1930,0, critiquait l'idéologie du progrès et « l'idée meurtrière d'exploitation de la nature » propre à la modernité capitaliste.

Le marxisme du21ᵉsiècle ne peut être qu'un écomarxism, qui met la question du rapport à la nature au centre de la réflexion et au cœur de la définition même du socialisme. La crise écologique et le changement climatique étaient peu visibles au 19ᵉᵉsiècle, mais sont devenus à notre époque l'enjeu économique, social, politique et humain décisif de notre époque. L'éco-marxisme du 21ᵉᵉsiècle ne peut que rompre avec l'idéologie du Progrès fondé sur le développement des forces productives, tout en reprenant la critique de Marx à la réification marchande, au fétichisme de la marchandise et à la logique du capitalisme qui consiste, selon le vol. 1 du Capital, à « accumuler pour accumuler, produire pour produire ».

L'écomarxisme exige aussi une reformulation du programme socialiste, qui devra se donner comme horizon révolutionnaire, comme le propose Saïto, « un communisme de la décroissance ».

GB/DGL : Vous avez d'abord parlé de Marx et puis vous avez fait allusion à Luxemburg et à Benjamin. Est-ce que vous pouvez expliciter davantage quelles sont les principales sources philosophiques de l'écosocialisme ?

ML : Cela dépend des auteurs. Pour certains, ce sont les écrits de critiques de la technique comme ceux publiés par Jacques Ellul, ou des institutions modernes (l'école, l'hôpital) comme les textes de Ivan Illich. Je ne nie pas l'intérêt de ces auteurs, mais pour moi, les principales sources de l'écosocialisme sont : Marx, relu d'un point de vue anti-productiviste (comme je l'ai esquissé dans la réponse antérieure), le romantisme anticapitaliste et Walter Benjamin.

Le romantisme est beaucoup plus qu'une école littéraire du début du XIXᵉiècle : 'est une vision du monde, qui commence avec Jean-Jacques Rousseau mais se poursuit jusqu'à nos jours. Le cœurde cette philosophie romantique est une critique de la civilisation capitaliste industrielle moderne, au nom de certaines valeurs prémodernes.Elle prend différentes formes, régressives rêvant d'un (impossible) retour au passé, ou révolutionnaires, prônant un détour par le passé vers l'avenir utopique. La critique romantique dénonce le désenchantement du monde, la quantification et la mercantilisation universelles, mais aussi la destruction de l'environnement par la civilisation moderne.

Jean-Jacques Rousseau, dans son célèbre Discours sur les origines de l'inégalité entre les hommes (1755) – véritable manifeste inaugural du romantisme –,, célèbre le « sauvage » qui, crit-il, « vit en paix avec toute la nature et avec ses semblables », et regrette que la civilisation ait fait de l'être humain « un tyran de lui-même et de la nature ». Passionné par la nature vierge, il parle avec nostalgie des « forêts immenses que la cognée ne mutila jamais ».

Dans notre livre Romantisme anticapitaliste et nature (Paris, Payot, 022), on ami Robert Sayre et moi-même discutons de cette critique romantique dans les écrits de voyageurs du XVIIIᵉiècle comme William Bartram, dans les œuvresdu peintre du XIXᵉhomas Cole, ns l'utopie communiste écologique de William Morris et dans les écrits du critique culturel anglais Raymond Williams. On trouve des échos contemporains de cette tradition dans l'indigénisme écologique de Naomi Klein.

Dans cette tradition, un des principaux auteurs que nous discutons est précisément Walter Benjamin, par sa critique impitoyable – d'inspiration romantique anticapitaliste– de l'idéologie du progrès inévitable et de « l'idée meurtrière d'exploitation de la nature », prônée par la civilisation bourgeoise. À ces tendances destructrices de la modernité capitaliste, enjamin oppose la conception de la nature comme mère généreuse, propre aux sociétés matriarcales du passé et le rêve utopique d'une harmonie future avec le monde naturel suggérée par Fourier et Marx.

Un nombre croissant d'écosocialistess'intéresse aux écrits de Walter Benjamin comme source philosophique d'une conception de l'histoire sensible aux aspects destructeurs du « progrès » technique et économique promu par la civilisation capitaliste.

GB/DGL : dans quelle mesure une telle référence à la pensée romantique et utopique est-elle compatible avecvec un dialogue avec les sciences de la nature ?

ML : Il existe sans doute des romantiques rétrogrades, asséistes ou même obscurantistes qui s'opposent aux sciences de la nature. Mais, omme Robert Sayre et moi-même e rappelonsdans notre livre sur romantisme et nature, n des pionniers des sciences naturelles modernes, lexandre von Humboldt (fin du 18ᵉ siècle) était un penseur romantique et un critique des estructions – raves déforestations, ppauvrissement de la terre, pollution, etc. – rovoquées par la civilisation moderne.

Les romantiques utopiques ou révolutionnaires ne rejettent pas science en tant que telle : e qu'ils mettent en question,, c'est son usage par la société capitaliste industrielle. Walter Benjamin, ans ses Thèses de 1940 "Sur le concept d'histoire", e critique pas la science moderne, ais le culte du progrès technique, ui "n'envisage que les progrès de la maîtrise sur la nature, on les régressions de la société" : on expression la plus sinistre,, c'est, ses yeux, a technocratie fasciste.

Cette attitude est aussi celle des écosocialistes qui s'inspirent de la critique romantique de la civilisation. Loin de rejeter lascience de la nature, s s'appuient, ar exemple, ur les documents du GIEC, e Groupe international d'étude du climat, omposé de scientifiques du monde entier, our attirer l'attention sur la montée de la température et l'inefficacité des mesures de réduction des émissions de CO₂ prises jusqu'ici. Ce qu'ils dénoncent,, c'est l'instrumentalisation e la science par le système capitaliste t sa dynamique destructrice. Ils ne mettent pas en question les découvertes d'Einstein et la physique nucléaire ! Mais ils s'opposent à l'énergie nucléaire, ilitaire ou civile, romue par le capitalisme (t sa copie conforme par le "socialisme réel"). Albert Einstein lui-même était un socialiste avec une sensibilité écologique…Voici ce qu'il disait de notre rapport à l'environnement :

"Un être humain est une partie d'un tout que nous appelons Univers,une partie limitée dans le temps et l'espace. Il s'expérimente lui-même, ses pensées et ses émotions comme quelque chose qui est séparé du reste, une sorte d'illusion d'optique de la conscience. Cette illusion est une sorte de prison pour nous, nous restreignant à nos désirs personnels et à l'affection de quelques personnes proches de nous. Notre tâche doit être de nous libérer nous-mêmes de cette prison en étendant notre cercle de compassion pour embrasser toutes créatures vivantes et la nature entière dans sa beauté."

N'est-ce pas romantique ?

GB/DGL : Après ce tour d'horizon des sources philosophiques de l'éco-socialisme, et avant de revenir sur les points saillants de l'éco-socialisme au XXIᵉiècle, nous aimerions nous attarder d'abord sur un autre nœudauquel vous avez fait allusion. Vous avez parlé de la commune agraire russe et – par extension – de la paysannerie non occidentale. Tout au long du XXᵉiècle, les expériences paysannes provenantde l'Amérique latine, de l'Afrique, de l'Asie, etc. ont renouvelé le marxisme. Pourquoi cela a-t-ilil été important ? Quel est le bilan de ces histoires multiples et variées ? Et quels sont les horizons politiques qu'elles peuvent ouvrir aujourd'hui ?

ML : Dans toutes les grandes révolutions sociales du 20ᵉiècle, les paysans ont joué un rôle déterminant. Tout d'abord, dans la Révolution mexicaine de 1911-17, où l'Armée du Sud d'Emiliano Zapata a été la pointe la plus avancée et la plus radicale du mouvement insurgent. Comme l'a montré le grand historien marxiste latino-américain Adolfo Gilly, les zapatistes ont formé, dans l'État de Morelos, une véritable commune socialiste. Dans la Révolution russe elle-même, le prolétariat a été le principal acteur sociopolitique mais sans le soutien de la paysannerie, jamais l'Armée rouge n'aurait gagné la guerre civile. Il faut aussi prendre en compte que les ouvriers étaient souvent d'origine paysanne et le même vaut pour les soviets de soldats qui ont joué un rôle décisif dans la Révolution d'octobre 1917 à Petrograd. Dans les révolutions chinoise et indochinoise, des années 1930 jusqu'à la victoire des Vietnamiens dans les années 1970, ontrouve à nouveau les paysans comme principal sujet du mouvement révolutionnaire dirigé par les communistes. Enfin, en Amérique latine, aussi bien la Révolution cubaine de 1959 que celle du Nicaragua en 1979 ont été menées par des mouvements de guérilla dont la principale base sociale étaient les paysans. Dernier épisode : e soulèvement de l'EZLN (EjércitoZapatista de Liberación Nacional) en 1994, ui a conduit à une expérience communautaire qui dure encore aujourd'hui, vait été menée par des paysans indigènes d'origine maya.

Ce rôle révolutionnaire des paysans n'avait pas été prévu par les grandspenseurs marxistes, depuis Marx lui-même jusqu'à Rosa Luxemburg, Lénine ou Trotsky. Certes, ils avaient compris qu'une révolution prolétarienne n'aurait pas pu vaincre sans le soutien des paysans, mais ils n'avaient pas imaginé que la paysannerie puisse être la principale force sociale du mouvement révolutionnaire. Victor Serge, dans ses écrits des années 1920 sur le mouvement révolutionnaire en Chine, est une exception. C'est donc des dirigeants communistes comme Mao Tse-Toung et Hô Chiinh qui vont prendre en compte, dans leurs écrits, et surtout dans leur pratique, ce rôle des masses paysannes. Certes, le bilan de ces révolutions, une fois au pouvoir, est contrasté : sans doute des mesures sociales radicales ont été prises, mais le pouvoir a été monopolisé par des régimes bureaucratiques et autoritaires, ur lesquels les paysans ou les ouvriers n'avaient aucun contrôle.

En Amérique latine,, le grand penseur marxiste José Carlos Mariátegui avait proposé dès 1927-29 une stratégie révolutionnaire basée sur les traditions collectivistes ancestrales – « le « communisme inca » » » – des paysans indigènes. La similitudeentre ses écrits et ceux de Marx sur la commune rurale russe – qu'il ne connaissait pas – est frappante. Ses propositions furent rejetées lors de la Conférence des Partis communistes d'Amérique latine, hegemonisée par le stalinisme. Aussi le rand mouvement de résistance contre les Marines américains mené en 1927 par l'Armée des Hommes Libres d'Augusto Sandino était une lutte paysanne. Quand n 1932 éclate à El Salvador une insurrection contre la dictature militaire, elle est menée par la paysannerie : ce fut le seul soulèvement de masse dirigé par unParti communiste (fondé par Farabundo Marti) dans l'histoire de l'Amérique latine. Il fut désavoué par l'Internationale communiste.

Il faudra attendre la Révolution cubaine et les écrits de Che Guevara pour qu'une réflexion marxiste sur le rôle révolutionnaire des paysans soit à nouveau développée. Ses écrits sur la guerre de guérilla assignent une place centralee à la paysannerie. Cela vaut aussi pour le dirigeant révolutionnaire péruvien (trotskiste) Hugo Blanco, qui mena, au début des années 1960, un grand mouvement de luttes paysan/indigène, non sous la forme de guérillamais de groupes d'autodéfensearmée. Au cours des dernières décennies,, Hugo Blanco a écrit des textes importants en défense de l'indigénisme paysan et de l'écosocialisme : selon lui, les communautés indigènes pratiquaient déjà l'écosocialisme il y a plusieurs siècles…

En Afrique, es paysans ont pris une place essentielle dans les grands mouvements anticolonialistesen Afrique du Nord et dans les colonies portugaises (Angola, Mozambique, Guinée-Bissau). Ces expériences ont nourri la réflexion de penseurs révolutionnaires, arxistes ou proches du marxisme, comme Franz Fanon ou Amilcar Cabral. Hélas, après une période initiale d'inspiration socialiste ou autogestionnaire les régimes issus de la lutte anticolonialeont sombré dans l'autoritarisme et la corruption.

Aujourd'hui encore on trouve nombre de mouvements paysans à tendance anticapitalistedans le monde. La plupart sont fédérés dans le réseau international Via Campesina. Une de ses composantes les plus importantes est le MST, le e Mouvement des paysans sans terre Brésil, qui organise des centaines de milliers de paysans, et dont les militants et les cadres se réclament du marxisme.

Les indigènes et les paysans en général sont actuellement une force sociopolitiquequi se trouve en première ligne dans le combat contre la destruction capitaliste de l'environnement, n défense des forêts et de l'eau. Cela vaut notamment pour les pays du Sud global, ais aussi pour les États-Unis et le Canada, où les indigènes résistent aux oléoducs ou à l'exploitationdes sables bitumineux.

Aussi bien l'histoire des révolutions du siècle dernier que le combat écologique actuel exigent un renouveau de la pensée marxiste sur la paysannerie et les communautés indigènes.

GB/DGL : Après cet aperçu historico-politique sur la paysannerie dans les révolutions socialistes au XXᵉconcentrons-nous maintenant sur le présent et l'avenir. Vous avez mentionné la décroissance tout à l'heure, et vous avez parlé des questions agraires et paysannes ensuite : quels sont les principes fondamentaux de l'écosocialismeau XXIᵉiècle ? Autour de quels piliers théoriques et politiques construire une alternative aux ravages sociaux et écologiques en cours ?

ML : Pour beaucoup de marxistes, le socialisme c'est la transformation des rapports de production – par l'appropriation collective des moyens de production – pour permettre le libre développement des forces productives. L'écosocialisme du 21ᵉiècle se réclame de Marx, mais rompt de façon explicite avec ce modèle productiviste. Certes, l'appropriation collective est indispensable, mais il faudrait aussi transformer radicalement les forces productives elles-mêmes :

a) en changeant leurs sources d'énergie (renouvelables, à la place des énergies fossiles) ;

b) en réduisant la consommation globale d'énergie ;

c) en réduisant (« décroissance ») la production des biens, et en supprimant les activités inutiles (publicité) et les nuisibles (pesticides, armes de guerre) ;

d) en mettant un terme à l'obsolescence programmée.

L'écosocialisme implique aussi la transformation des modèles de consommation, des moyens de transport, de l'urbanisme, du « mode de vie ». Bref, c'est beaucoup plus qu'une modification des formes de propriété : il s'agit d'un changement de civilisation, fondé sur des valeurs de solidarité, égalité, liberté et respect pour la nature. La civilisation écosocialiste rompt avec le productivisme et le consumérisme, pour privilégier la réduction du temps de travail et donc l'extension du temps libre dédié à des activités sociales, politiques, ludiques, artistiques, érotiques, etc. Marx désignait cet objectif par l'expression « règne de la liberté ».

Pour accomplir la transition vers l'écosocialisme, il faut une planification démocratique, orientée par deux critères : la satisfaction des véritables besoins et le respect des équilibres écologiques de la planète. C'est la population elle-même – une fois débarrassée du matraquage publicitaire et de l'obsession consommatrice fabriquée par le marché capitaliste – qui décidera, démocratiquement, quels sont les véritables besoins. L'écosocialisme est un pari sur la rationalité démocratique des classes populaires.

Pour accomplir le projet écosocialiste, des réformes partielles ne suffisent pas. Une véritable révolution sociale est nécessaire. Comment définir cette révolution ? On pourrait se référer à une note de Walter Benjamin, en marge de ses thèses.. Sur le concept d'histoire (1940) : « Marx a dit que les révolutions sont la locomotive de l'histoire mondiale. Peut-être que les choses se présentent autrement. Il se peut que les révolutions soient l'acte par lequel l'humanité qui voyage dans le train tire les freins d'urgence ». Traduction en termes du XXIᵉ siècle : nous sommes tous des passagers d'un train suicide, qui s'appelle civilisation capitaliste industrielle moderne. Ce train se rapproche, à une vitesse croissante, d'un abîme catastrophique : le changement climatique. L'action révolutionnaire vise à l'arrêter – avant que ce ne soit trop tard.

L'écosocialisme est à la fois un projet d'avenir et une stratégie pour le combat ici et maintenant. Il n'est pas question d'attendre que « les conditions soient mûres » : il faut susciter la convergence entre luttes sociales et luttes écologiques et se battre contre les initiatives les plus destructrices des pouvoirs au service du capital. C'est ce que Naomi Klein appelle Blockadia. C'est avec des mobilisations de ce type que pourra émerger, dans les luttes, la conscience anticapitaliste et l'intérêt pour l'écosocialisme. Des propositions comme le Green New Deal font partie de ce combat, dans leurs formes radicales, qui exigent l'abandon effectif des énergies fossiles – au contraire de celles qui se limitent à recycler le « capitalisme vert ».

Quel est le sujet de ce combat ? Le dogmatisme ouvriériste/industrialiste du siècle passé n'est plus actuel. Les forces qui aujourd'hui se trouvent en première ligne de l'affrontement sont les jeunes, les femmes, les indigènes, les paysans. Les femmes sont très présentes dans le formidable soulèvement de la jeunesse lancé par l'appel de Greta Thunberg – une des grandes sources d'espoir pour l'avenir. Comme nous l'expliquent les écoféministes, cette participation massive des femmes aux mobilisations résulte du fait qu'elles sont les premières victimes des dégâts écologiques du système. Les syndicats commencent, ici ou là, à s'engager aussi. C'est important, car, en dernière analyse, on ne pourra pas battre le système sans la participation active des travailleurs des villes et des campagnes, qui constituent la majorité de la population. La première condition, c'est, dans chaque mouvement, d'associer les objectifs écologiques (fermeture de mines de charbon, de puits de pétrole ou de centrales thermiques, etc.) avec la garantie de l'emploi des travailleurs concernés.

Avons-nous des chances de gagner cette bataille, avant qu'il ne soit trop tard ? Contrairement aux prétendus « collapsologues », qui proclament, à cor et à cri, que la catastrophe est inévitable et que toute résistance est inutile, nous croyons que l'avenir reste ouvert. Il n'y a aucune garantie que cet avenir sera écosocialiste : c'est l'objet d'un pari au sens pascalien, dans lequel on engage toute son existence, dans un « travail pour l'incertain ». Mais, comme le disait, avec une grande et simple sagesse, Bertolt Brecht : « Celui qui lutte peut perdre. Celui qui ne lutte pas a déjà perdu.

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« Jeju 4.3 » : histoire d’un massacre oublié, au cœur des enjeux de mémoire

2 septembre, par Centre culturel coréen de Paris — , ,
Le Centre culturel coréen de Paris a proposé l'exposition « Jeju 4.3 Archives — Sur la vérité et la réconciliation », qui met en lumière un épisode méconnu et longtemps occulté (…)

Le Centre culturel coréen de Paris a proposé l'exposition « Jeju 4.3 Archives — Sur la vérité et la réconciliation », qui met en lumière un épisode méconnu et longtemps occulté de l'histoire sud-coréenne : le massacre de Jeju (1948).

Lettre du Centre culturel coéen de Paris

À travers des documents d'archives, l'exposition retrace le long travail de mémoire initié par les familles de victimes et une Commission vérité et réconciliation créée en 2005.

Son rapport, publié en 2009, conclut à l'exécution de 15 000 à 30 000 civils (communistes ou supposés tels) par l'armée sud-coréenne.

Dans une unique salle plongée dans la pénombre, l'exposition retrace le combat des familles de victimes pour obtenir la vérité et la reconnaissance des faits survenus à Jeju entre avril et mai 1948. L'événement peut très bien servir d'exemple en HGGSP dans le cadre du chapitre sur Histoire et mémoire, et mis en relation avec d'autres faits similaires s'étant produits dans des lieux et à des époques différents : on pense bien sûr aux charniers du franquisme ou au rapport Rettig au Chili, entre autres.

Comme l'Europe qui a connu ses années « barbares » durant l'après-guerre (Keith Lowe), l'Asie a aussi subi son lot de vengeances et de violences extra-légales, tantôt le fait de sursauts populaires, tantôt instrumentalisées par les pouvoirs de l'État naissant ou renaissant. Les logiques de la guerre froide se sont solidifiées aussi rapidement en Extrême-Orient qu'elles l'ont fait en Europe. Le vide politique engendré par l'effondrement de l'Empire japonais et l'intérêt stratégique porté par Staline et Truman sur l'Asie-Pacifique ont conduit à l'émergence de figures politiques fortes et clivantes de part et d'autre du spectre politique.

À ce titre, la Corée est le pays où la scission fut la plus tangible et durable. Dès la capitulation du Japon, la péninsule coréenne est divisée (à titre temporaire) le long du 38e parallèle. Le nord devient une zone soviétique, le sud une zone américaine, dans l'attente, particulièrement espérée chez la population rurale, pressurée socialement, d'une réunification (Pascal Dayez-Burgeon).

En 1948, l'échec des négociations entre les deux Grands entraîne la proclamation successive de la République de Corée (Corée du Sud) et de la République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord). De part et d'autre, la crainte des ennemis de l'intérieur entraîne des arrestations politiques, des emprisonnements et des exécutions sommaires.

Au Sud, Yi Sungman, président pro-américain nouvellement élu, est confronté à une série de soulèvements provoquée par l'annonce de la partition de la péninsule. Des insurrections sur fond de contestation sociale et de rhétorique anti-japonaise, menées par le Parti du travail de Corée du Sud, branche méridionale du PC nord-coréen. La répression qui débute sur l'île méridionale de Jeju le 3 avril 1948 est féroce. Le pouvoir sud-coréen, avec l'accord tacite du gouvernement américain, traque les manifestants insulaires, estimés à un peu plus de 1 000 hommes. La lutte anti-guérilla menée par les soldats du Sud dure un an et se solde par la mort d'entre 15 000 et 30 000 civils, accompagnée de son lot de destructions et d'exactions (viols, tortures, massacres…).

Ce pan sombre de l'histoire coréenne est aussi au cœur du roman Impossibles adieux de Han Kang (prix Nobel de littérature 2024), paru en français en 2023.

Il fait écho à l'autre exposition présentée au Centre culturel coréen jusqu'au 6 septembre 2025, « Île de Jeju, vivre avec la mer », consacrée aux haenyeo, ces femmes plongeuses qui incarnent un tout autre visage de la mémoire insulaire.

Centre culturel coréen de Paris, 20 rue la Boétie, Paris 75008. Entrée libre.

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Motif géométrique composé de triangles et de cercles de couleur bleue, orange et blanche, formant un motif répétitif.

Le style de Marx : entretien avec Vincent Berthelier

2 septembre, par Archives Révolutionnaires
Au printemps 2025, le professeur Vincent Berthelier faisait paraître un livre intitulé Le style de Marx. Dans celui-ci, il étudie les stratégies langagières mobilisées par Karl (…)

Au printemps 2025, le professeur Vincent Berthelier faisait paraître un livre intitulé Le style de Marx. Dans celui-ci, il étudie les stratégies langagières mobilisées par Karl Marx (1818-1883) et leurs effets politiques. Nous nous sommes entretenus avec l’auteur pour mieux comprendre son projet, ses principaux résultats de recherche et leur intérêt pour la pensée contemporaine. Entrevue réalisée par Antoine Deslauriers.

Vincent Berthelier, Le style de Marx, Paris, Éditions sociales, 2025, 200 pages.


Vous partez d’une hypothèse de lecture simple, mais décisive : considérer Marx comme un écrivain, et non pas seulement comme un théoricien ou un militant révolutionnaire. En quoi cette approche modifie-t-elle la manière dont vous envisagez son œuvre ?

En prenant en compte la dimension écrite, voire littéraire, de l’œuvre de Marx, je me mets en fait dans la même position que la plupart de ses lectrices et lecteurs, qui ne sont spécialistes ni d’économie, ni de philosophie, ni de sociologie. Au-delà des commentaires savants sur Marx, il s’agissait de revenir au texte, à son mode d’argumentation, et à ce qu’on voudrait en tirer pour notre monde et notre vie militante quand on commence à le lire – ce que j’ai commencé à faire à l’âge de vingt ans.

Quand on intègre cette dimension écrite et littéraire, on s’aperçoit que Marx, comme tout le monde, raisonne sur un mode qui s’efforce d’être scientifique et rigoureux, mais qui passe nécessairement par des intuitions sensibles. Sa façon de rendre compte des rapports sociaux et politiques, façonnés par le capital et les intérêts de classe, s’appuie sur un réseau de mots et d’images déterminant dans la constitution de ses concepts. Toute connaissance passe par le langage, et donc par tout ce qui traverse le langage – puisqu’il n’existe pas de langage pur, strictement rationnel, univoque et transparent, comme celui dont rêvent parfois les philosophes analytiques.

Je reviens aussi par endroit sur ce qui me semble être des limites de la pensée de Marx, qui sont autant de problèmes pour une analyse critique contemporaine du capital (sa conception de la classe moyenne, de la paysannerie, de la valeur économique, etc.). Toutefois, sa manière d’écrire et de formuler sa pensée n’est pas invalidée par le fait qu’elle soit imprégnée de littérature et de strates de langue préexistantes, au contraire. Sa démarche critique est inscrite dans la langue qu’il emploie.

Prenons par exemple le début du 18 Brumaire : « Hegel remarque quelque part que tous les grands faits et les grands personnages de l’histoire universelle adviennent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce. »

On peut lire ce début comme une simple boutade, introduisant une métaphore banale (politique = théâtre). C’est oublier que la question de la représentation politique est le problème central de l’essai de Marx, et ce qui lui donne toute sa pertinence (quand bien même son analyse de la paysannerie parcellaire est fausse). En pensant un phénomène politique (le coup d’État du neveu de Napoléon Ier) sur le mode théâtral, Marx ne minimise pas son caractère historique. Toute la métaphore théâtrale dans le 18 Brumaire consiste à tenir les deux bouts : d’un côté le spectacle grotesque de la politique, de l’autre les véritables intérêts qui sous-tendent ce spectacle, mais n’en sont pas distincts.

Pour faire un parallèle contemporain assez simple : il est évident que les articles de la presse bourgeoise déplorant la bouffonnerie de Donald Trump ne nous apprennent rien. Mais ce serait une erreur de mettre de côté le poids des représentations, sous prétexte de matérialisme : les représentations (et les représentants) ont une pesanteur historique, et les individus de telle ou telle classe agissent à travers elles.

Motif géométrique composé de triangles et de cercles de couleur bleue, orange et blanche, formant un motif répétitif.
Impression textile de Varvara Stepanova

En étant formulé au singulier, le titre de votre ouvrage suggère une cohérence stylistique chez Marx. Peut-on réellement parler d’un style unifié entre les Manuscrits de 1844, Le 18 Brumaire, Le Capital ou encore la correspondance ? Quelles continuités, mais aussi quelles ruptures, avez-vous identifiées dans cette diversité de textes ?

Les textes que vous mentionnez ne sont évidemment pas écrits de la même manière, ne serait-ce que parce qu’ils sont de nature très différente, et qu’ils ne s’adressent pas aux mêmes destinataires. Ils ne sont même pas toujours écrits dans la même langue. Mais ils présentent des éléments de continuité. Certains sont propres à la formation intellectuelle de Marx : les citations et allusions littéraires qui parcourent toute son œuvre sont caractéristiques de l’intellectuel ayant reçu une éducation bourgeoise libérale. Les nombreuses références bibliques, quant à elles, sont à la fois le patrimoine commun de l’Europe chrétienne, mais plus spécifiquement celui d’un ancien étudiant en philosophie (discipline qui n’est alors pas strictement séparée de la théologie en Prusse).

Une figure comme l’antimétabole (ces « renversements du génitif », Philosophie de la misère changé en Misère de la philosophie) inscrit d’abord Marx dans la filiation de Hegel et Feuerbach. C’est globalement une constante de son style, mais elle n’est pas employée avec la même fréquence dans les Annales franco-allemandes (pendant la phase jeune-hégélienne de Marx) ou dans Le Capital (où il en fait un emploi beaucoup plus restreint, mais toujours significatif).

De manière générale, le principe de l’approche stylistique, c’est qu’on ne peut pas traiter tous les faits de style d’une œuvre (ils sont pour ainsi dire infinis). On sélectionne ceux qui nous paraissent significatifs, à commencer par les plus visibles. On en fait l’inventaire, de la façon la plus objective possible (car les faits de langue sont tendanciellement objectivables). Enfin on les interprète, selon leur fréquence et leur répartition. Il m’arrive de m’attarder sur des traits de style qui n’apparaissent qu’à certains endroits du Capital, parce qu’ils produisent beaucoup de sens (par exemple la façon qu’a Marx d’y décrire le communisme), et d’en mettre de côté certains qu’il pratique tout au long de sa vie (les calembours par exemple) parce qu’ils sont à mes yeux d’un moindre intérêt critique. Cela dit, je ne prétends pas à l’exhaustivité : j’ai cherché à faire la synthèse des travaux existants en anglais, allemand, espagnol et français, et cette synthèse peut encore être enrichie.

Vous soulevez à quelques reprises la question de la traduction, notamment lorsque vous discutez de la glossolalie de Marx. Le style marxien se maintient-il d’une langue à l’autre ? Que perd-on – ou que gagne-t-on – dans ce déplacement linguistique ?

Dans la traduction, certains traits de langue et de style se perdent : des jeux de mots intraduisibles, des tournures de phrase propres à l’allemand ou à l’anglais, les connotations de tel mot dans sa langue. Les déperditions ne sont d’ailleurs pas tout à fait les mêmes si on passe d’une langue indo-européenne à l’autre, ou si l’on traduit vers le chinois ou le japonais par exemple. D’autres traits se transmettent plus ou moins intacts : les répétitions, les figures de renversement, les métaphores, les effets de voix, l’ironie. Marx étant un penseur internationaliste, je me suis bien sûr focalisé sur ceux-ci. C’est un travail assez différent de ce que j’ai pu faire auparavant, sur la littérature de langue française (où l’analyse grammaticale est fondamentale). Mais l’essentiel est de savoir sélectionner.

Je lis l’allemand, mais j’avais lu l’essentiel des œuvres de Marx en français. Quand un trait me semblait intéressant, je comparais la traduction au texte original. Il ne faut pas exagérer l’écart : la traduction nous fait tout de même accéder à quelque chose du texte original. Avec l’expérience, je me suis mis à sentir intuitivement quand les traducteurs oubliaient de rendre en français certaines figures de style du texte original. Il arrive aussi qu’ils surtraduisent quand le style de Marx leur semble trop plat – alors même que ce style plat est lui aussi porteur de sens !

Motif géométrique en zigzag constitué de flèches rouges et bleues sur un fond clair.
Impression textile de Varvara Stepanova

Dans la biographie qu’il lui consacre, Jonathan Sperber décrit Marx comme un « homme du XIXe siècle » (2013). Sans contester cette lecture, vous montrez que l’œuvre marxienne puise à des sources plus anciennes – la littérature gréco-latine, le théâtre de Shakespeare, la satire romantique, la prose de Goethe, parmi bien d’autres. Dans quelle mesure cette culture classique informe-t-elle son écriture et sa pensée ?

Cette question requiert une réponse générale et des réponses spécifiques. La réponse générale est la suivante : Marx a reçu de son entourage (son père et son beau-père) une éducation bourgeoise libérale, avec une culture humaniste dont les branches les plus tardives sont la pensée des Lumières et le libéralisme romantique. C’est le socle de la pensée de Marx, dont le premier combat fut pour la liberté de la presse en Prusse. La prétendue critique des droits de l’homme dans l’article Sur la question juive vise bien à rendre concrets des droits humains abstraits, et à poursuivre le combat des Lumières européennes.

Il est donc important de rappeler l’ancrage universaliste et républicain de Marx, à une époque où la montée électorale de l’extrême droite fragilise les convictions démocratiques de la gauche radicale, et où l’on fait un mauvais procès à l’universalisme, sous prétexte de déconstruire l’eurocentrisme. En ce sens aussi, je m’éloigne de Sperber, qui voudrait faire de Marx un homme de son temps, qui ne serait plus du nôtre. Marx nous offre au contraire des ressources pour un universalisme mis à jour (et qu’il faut continuer à mettre à jour), certainement pas limité au XIXe siècle.

Pour les réponses spécifiques, sans entrer dans le détail : c’est en partie à travers des références littéraires que Marx pense certains objets, notamment certaines classes sociales. Pour le coup, ce n’est pas toujours pour le mieux, et je montre en quoi sa conception du lumpenprolétariat ou des petits-bourgeois est largement livresque – ce qui risque de nous poser des problèmes pour penser les classes moyennes et les formes impures d’exploitation (qui sont en fait la norme en Occident, où tout le monde, y compris les exploité·es, profite de l’exploitation du reste du monde).

Le style de Marx emprunte parfois une veine prophétique, voire messianique. Comment interprétez-vous cette tonalité chez un auteur qui revendiquait une approche scientifique, y compris dans ses écrits les plus militants ou polémiques ?

Comme dit plus haut, les allusions religieuses sont d’une part le socle culturel commun de tou·tes les Européen·nes de l’époque. La première lecture des ouvrier·es dans les pays protestants, c’est la Bible – y compris chez les radicaux. En outre, tout le mouvement social est pétri de messianisme. Mais la culture biblique est aussi enracinée chez les philosophes de langue allemande. Quand il évoque la Bible, Marx est donc traversé à la fois par le langage révolutionnaire et par le langage philosophique de son temps. Mais ici, il ne faut pas s’en tenir à un trait de langue sans le mettre en contexte. Le rôle militant de Marx a été de laïciser le mouvement ouvrier, de le défaire de sa gangue chrétienne messianique (celle d’un Weitling par exemple).

Ensuite, Marx ironisait beaucoup sur son rôle de « monsieur le prophète », quand bien même certaines de ses pages sont en effet portées par un souffle prophétique.

Enfin, il faut rappeler que du vivant de Marx, on a connu trois révolutions en France : 1830, 1848, 1871, sans parler du reste de l’Europe ou de la Guerre de Sécession états-unienne. Il n’y a rien de messianique à prophétiser des révolutions : elles rythment l’histoire du XIXe siècle, il s’agit surtout de savoir quand et pourquoi elles adviennent. En revanche il faut faire une distinction importante : Marx prophétise des révolutions à venir dans une société de classe foncièrement contradictoire, mais ne vaticine pas sur la nature du communisme. Là aussi, tout son effort a été de défaire le socialisme de sa dimension utopique et religieuse. C’est pourquoi les critiques du communisme comme religion laïque sont extrêmement faibles – à peu près aussi faibles que les critiques indignées de la « religion du marché ».

Dans le prolongement des travaux de Benoît Denis (2006), Jean-François Hamel propose de penser les rapports entre littérature et politique à partir de la notion de « politique de la littérature », qu’il définit comme « un système de représentations, plus ou moins largement partagé », permettant à la fois d’« identifier l’être de la littérature » et de « mesurer […] sa présence et sa puissance dans l’espace public[1] ». Même si Marx n’est pas un auteur littéraire au sens étroit du terme, pensez-vous que l’on puisse parler d’une politique de la littérature marxienne ? Si oui, quels en seraient les traits constitutifs ?

Comme nous tou⋅tes, Jean-François Hamel est partagé entre deux constats. D’une part, l’impuissance de la littérature à transformer le monde, a fortiori depuis qu’elle est devenue un média secondaire, concurrencé par la bande dessinée, le cinéma, internet, les podcasts, etc. D’autre part, l’évidence que la littérature est un terrain fortement politisé, et qu’elle a pu charrier des enjeux politiques majeurs selon les contextes (c’est particulièrement vrai dans des contextes politiques répressifs, où la littérature a pu prendre le relais du discours politique pour la critique ou la formation intellectuelle). Cela étant posé, les écrits de Marx ne peuvent être envisagés comme de la littérature que dans un sens très large (comme on parle de « littérature scientifique »). Mais à cet égard, on ne saurait mieux dire qu’Éric Vuillard, dans sa préface du Manifeste du parti communiste : dans l’histoire de l’art d’écrire, Marx est le premier à retourner complètement et explicitement la pratique littéraire contre ceux qui l’ont instituée et en ont été les propriétaires à des fins de domination.

L’autre politique de la littérature de Marx, c’est son internationalisme. Le Manifeste propose une théorie de la Weltliteratur, d’une littérature devenue mondiale parce que le marché unifie le monde. Et en même temps, le communisme marxiste au XXe siècle a ouvert un espace de circulation des idées et des textes, dont les livres de Marx font partie, un espace mondial mais qui n’était pas mondialisé par le marché (et qui ne se limitait pas à la sphère d’influence stalinienne). Le communisme a créé cette Weltliteratur annoncée par le Manifeste en 1848. Toute la question est de savoir si une telle politique internationale de la littérature est encore possible au XXIe siècle, et quelle forme elle prendra ou est en train de prendre.

Fond de motifs géométriques représentant des cercles entrelacés, en rouge, bleu et noir sur un fond clair.
Impression textile de Varvara Stepanova

Les Éditions La Fabrique ont publié en janvier 2024 Lénine et l’arme du langage, un très bel ouvrage dans lequel le philosophe Jean-Jacques Lecercle étudie les formes et les fonctions du mot d’ordre léninien. Diriez-vous que l’on retrouve des dispositifs langagiers similaires chez Marx ?

Le mot d’ordre, selon la formule célèbre, résulte de l’analyse concrète d’une situation concrète. Il propose un scénario révolutionnaire immédiat, valable ici et maintenant, au sein d’un rapport de force. En cela, il est confronté à d’autres mots d’ordre. Un mot d’ordre, en tant que tel, n’a donc rien à voir avec les bons mots et les « formules » qu’on peut trouver sur les pancartes de manif, qui connotent plutôt un style, un esprit, une esthétique, et construisent une connivence politique tout en permettant à son créateur de se distinguer (sur tout cela, voir le Que faire de Lénine ? de Guillaume Fondu). En 1917, « Tout le pouvoir aux soviets » est un scénario d’action qui s’oppose à « Gagnons les élections à la Douma », c’est bien un mot d’ordre. Quand ces mêmes mots se retrouvent sur une pancarte de manif actuelle (dans une conjoncture où il n’y a pas de soviet de soldats ou de travailleurs), ça devient une formule, un clin d’œil.

Le mot d’ordre, susceptible de varier en fonction des nécessités du moment, appartient au jeu de langage de l’agitateur politique. L’ouvrage de Jean-Jacques Lecercle reconstitue justement, avec la clarté qui lui est coutumière, la philosophie du langage implicite de Lénine. Il distingue les différents jeux de langages qui se côtoient dans une formation sociale, et les différents rôles qui peuvent correspondre à ces jeux de langage. Ainsi, un Lénine a pu jouer, selon la temporalité dans laquelle il se place, les rôles de théoricien, de propagandiste / organisateur et d’agitateur / activiste.

Quid de Marx ? Comme le montre Lecercle, celui-ci est pris entre deux fonctions du langage, rappelées par la phrase de Lénine : « La théorie de Marx est toute puissante parce qu’elle est juste » – et par la même phrase, modifiée par les maoïstes : « La théorie de Marx est toute puissante parce qu’elle est vraie ». Dire le juste, rôle du politique, de l’organisateur; dire le vrai, rôle du théoricien.

Il faut bien sûr rappeler (avec les travaux de Jean Quétier) quelle fut l’activité politique de Marx en tant que militant. Il s’est trouvé en position d’agitateur, d’activiste, notamment en 1848-1849. Et il a abondamment rappelé que ses analyses politiques et stratégiques étaient soumises à des situations historiques concrètes. Dans le Manifeste, on voit alterner une analyse théorique de l’histoire, qui cherche à dire le vrai ; des « mesures » qui énoncent un programme général, fixent un cap concret pour les politiques révolutionnaires ; enfin, dans les dernières pages, quelque chose qui se rapproche du mot d’ordre, en précisant quelles sont les factions politiques avec lesquelles les communistes doivent s’allier dans chaque pays d’Europe. Or ces dernières pages n’ont plus qu’une valeur documentaire.

Et de manière plus générale, quand bien même on trouverait des mots d’ordre chez Marx, ils n’auraient plus grand intérêt pour nous (et les mots d’ordre de Lénine n’ont pas d’intérêt en soi, sinon qu’ils sont liés à une réflexion sur leur fonction tactique). En revanche des slogans tels que « À chacun selon ses besoins, de chacun selon ses moyens » ne constituent pas des mots d’ordre. Ces formules, qui souvent sont reprises par Marx à d’autres militant⋅es et théoricien⋅nes, et qu’on trouve par exemple dans la Critique du programme de Gotha, se situent entre le vrai et le juste (le vrai sur ce que serait un mode de production authentiquement non capitaliste mais communiste, le juste sur le cap à fixer pour construire le communisme). Au fond, la Critique du programme de Gotha vient après un mot d’ordre (« Unité du mouvement ouvrier ») qui a été concrétisé tactiquement.

Ce qui est frappant dans tout le parcours de Marx, c’est plutôt l’effort pour se débarrasser d’un jeu de langage inadéquat (celui du millénarisme révolutionnaire et de l’utopie). Si je devais accentuer la différence entre Lénine et Marx, j’emprunterais donc plutôt l’idée d’Alain Badiou, selon laquelle Marx, comme Freud avec la psychanalyse ou Saussure avec la linguistique, a institué un jeu de langage scientifique, contre ses adversaires. Et sa tactique irait plutôt dans le sens d’une victoire de cette exigence scientifique au sein du mouvement social, que d’une victoire révolutionnaire directe.


Notes

[1] Jean-François Hamel, « Qu’est-ce qu’une politique de la littérature ? Éléments pour une histoire culturelle des théories de l’engagement », dans Laurence Côté-Fournier, Élyse Guay et Jean-François Hamel (dir.), Cahiers Figura, vol. 35, 2014, p. 14-15.

Témoignages et contestation suivent la rentrée au Québec

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/08/524565292_122119629884910365_7840787313649033346_n-e1756659341557-1024x566.jpg2 septembre, par Comité de Montreal
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Le débat est amorcé : deux rencontres dans le cadre de la course au porte-parolat de Québec solidaire

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Pour assurer un suivi de la course au porte-parolat de Québec solidaire, nous publions :
1. La vidéo de la rencontre du 9 octobre dernier à Sherbrooke
2. L'audio de la rencontre des trois candidats avec les commissions nationales de Québec solidaire

1. La vidéo de la rencontre de Sherbooke :

https://www.facebook.com/100064895731084/videos/2109171182952991

2. L'audio de la rencontre des 3 candidats avec les commissions nationales de Québec solidaire



Pour visiter le site dédié à la course au porte-parolat, voici l'adresse

https://course.quebecsolidaire.net

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Les employées de soutien scolaire : invisibles, essentielles… et oubliées par l’État

30 août, par Rédaction
Depuis longtemps, les médias et beaucoup de politiciennes et politiciens parlent des enseignantes quand vient le temps de parler du personnel scolaire. Ce raccourci médiatique (…)

Depuis longtemps, les médias et beaucoup de politiciennes et politiciens parlent des enseignantes quand vient le temps de parler du personnel scolaire. Ce raccourci médiatique contribue à augmenter l’invisibilité du personnel de soutien scolaire. Pourtant, son rôle est essentiel dans la vie quotidienne des élèves. Ces personnes accueillent les élèves à leur arrivée à l’école le matin, elles sont présentes et aident au bon déroulement du dîner. La secrétaire répond aux appels des parents, les ouvriers s’assurent que l’école est en bon état. On ne peut plus se permettre de mettre ces employées[2] à l’écart.

Les employées de soutien scolaire, ce sont 43 classes d’emploi en Outaouais. On peut regrouper ces classes d’emploi en trois grandes familles : le service direct à l’élève, le soutien administratif et le soutien manuel. Mis à part les postes relevant du soutien manuel, ces emplois sont généralement occupés par des femmes. Ce sont souvent des emplois précaires, à salaire peu élevé et à temps partiel. Le salaire moyen des employées de soutien ne permet pas de vivre hors de la pauvreté, selon les chiffres de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS)[3].

Le présent texte veut faire connaitre les employées de soutien scolaire de l’Outaouais, qui elles sont, ce qu’elles font et dans quelles conditions elles doivent exercer leurs fonctions. Nous ferons également une présentation des principaux enjeux syndicaux et des luttes à mener pour les employées de soutien scolaire en Outaouais.

Les employées de soutien scolaire en Outaouais

En Outaouais, les employées de soutien scolaire ont un profil varié. Ce sont majoritairement des femmes, à 78 %. Cette prédominance souligne l’importance de la contribution des femmes au milieu scolaire. Il est difficile de brosser un portrait médian de l’employée de soutien scolaire. En ce qui concerne l’âge, le spectre va de la jeune femme en début de carrière à la femme retraitée qui fait quelques heures en service de garde ou comme surveillante d’élèves, en passant par la maman à la maison qui travaille quelques heures pendant que les enfants sont à l’école. Les origines culturelles sont diversifiées également : on voit de plus en plus de personnes issues de l’immigration dans les milieux scolaires, comme partout ailleurs en Outaouais, mais c’est inégal selon le lieu où est situé l’établissement. Leur scolarité est hétérogène parce que les exigences d’emploi sont très variées : diplôme d’études secondaires ou d’études professionnelles, attestation d’études collégiales, diplôme d’études collégiales techniques ou d’études universitaires. Différents parcours de vie peuvent également amener des femmes à joindre le personnel des écoles et des centres de services scolaires à titre de personnel de soutien.

Les employées de soutien scolaire font face à des réalités professionnelles spécifiques : leurs postes sont précaires, à temps partiel, peu valorisés et dont le salaire moyen est insuffisant pour répondre aux besoins de base[4]. Ce sont plus de 50 % des employées de soutien qui ont un statut précaire ; ces femmes travaillent à temps partiel et ont des horaires irréguliers. De plus, la majorité d’entre elles sont mises à pied pendant l’été et doivent recourir à l’assurance-emploi.

Le manque de reconnaissance constitue un problème majeur. Bien que leur travail soit essentiel, les employées de soutien scolaire sont souvent perçues comme moins importantes que les enseignantes, ce qui fait en sorte qu’elles se sentent moins valorisées. Comme leur salaire moyen annuel en 2023-2024 est de 24 704,78 $[5], leur situation financière précaire contribue à un sentiment de dévalorisation pour beaucoup d’entre elles. Enfin, l’environnement de travail est stressant; elles doivent gérer des situations difficiles, comme un comportement incorrect des élèves, leur violence et celle des parents, et ce, sans avoir les ressources nécessaires pour effectuer leur travail en profondeur, pour faire de la prévention et travailler en amont. Le rapport 2023 du Secrétariat à la condition féminine constate que « le fait d’occuper un emploi à prédominance féminine s’associe à un niveau plus faible de bien-être, de reconnaissance […] ainsi qu’à un niveau plus élevé de détresse psychologique, d’insomnie et de demandes émotionnelles en moyenne[6] ». Cela décrit bien la réalité des employées de soutien scolaire.

Les fonctions des employées de soutien dans les écoles

Les employées de soutien scolaire assurent plusieurs rôles dans les écoles. Elles s’occupent, entre autres, de l’accueil, du secrétariat, de la surveillance lors des récréations et lors de la période du diner. Elles peuvent soutenir l’enseignante dans ses enseignements, adapter du travail pour des élèves à besoins particuliers ou accompagner et aider ces élèves à réaliser leurs travaux scolaires. Elles veillent au bien-être des élèves handicapé·e·s ainsi qu’à leur hygiène et à leur sécurité. Les employées de soutien scolaire peuvent aussi accompagner des élèves dans une démarche de modification de leur comportement, elles peuvent planifier, organiser et animer des ateliers ou des activités visant à développer des habiletés sociales, cognitives et de communication des élèves. Elles peuvent intervenir auprès d’un élève en situation de crise et favoriser son retour au calme. Les employées de soutien scolaire peuvent aussi être responsables de la création d’activités qui aident le développement global de l’élève dans le cadre du programme du service de garde[7]. Ce ne sont ici que quelques exemples des fonctions des employées de soutien scolaire.

Ces tâches relèvent de différentes classes d’emploi. En Outaouais, comme on l’a déjà dit, on compte quarante-trois classes d’emploi différentes. Il est plus simple de définir le personnel de soutien scolaire par la négative : n’est pas une employée de soutien scolaire, toute personne qui n’est, dans l’école, ni cadre, ni enseignante, ni professionnelle.

Une grande variété d’emploi, une grande variété d’employées qui ont toutes, de près ou de loin, une incidence sur la réussite scolaire des élèves. Si certaines employées ne sont que rarement en contact direct avec les élèves, leur travail reste indispensable au bon fonctionnement des centres de services scolaires. On oublie souvent que le support administratif est à la base même des activités quotidiennes des écoles. La technicienne en organisation scolaire participe activement à fabriquer les horaires de l’école, la technicienne en transport scolaire détermine les circuits, la programmation des horaires, la rédaction des contrats et des règlements ainsi que le contrôle de leur application. Ces employées qui travaillent souvent dans l’ombre sont véritablement les maitres d’œuvre de la présence des élèves à l’école. Cependant, c’est la triste réalité, ces personnes sont souvent mises de côté quand on parle du milieu scolaire. En effet, on préfère simplifier le message dans les médias, mettre de l’avant la profession enseignante et passer outre toutes les autres professions.

Les conditions de travail des employées de soutien

On l’a déjà mentionné, les employées de soutien scolaire ont un statut précaire. Les emplois sont peu rémunérés et comptent souvent des heures fragmentées. Beaucoup sont également des emplois cycliques qui comportent une mise à pied pendant la période estivale. Selon les données du Conseil du trésor, les employées de soutien scolaire avaient, en 2023-2024, un salaire annuel brut moyen de 24 704,78 $. À titre de comparaison, Statistiques Canada évaluait, en 2022, à 25 303 $ le seuil de faible revenu avant impôt pour une personne vivant seule dans une ville comme Gatineau[8]. Selon la publication de l’IRIS de 2024[9], le revenu viable à Gatineau, soit l’équivalent du revenu après impôt nécessaire pour mener une vie hors de la pauvreté, est de 38 146 $ pour une personne seule, de 50 052 $ pour une famille monoparentale dont l’enfant fréquente un centre de la petite enfance (CPE) et de 78 145 $ pour une famille de deux parents dont les deux enfants fréquentent un CPE. Ces données démontrent bien la précarité financière dans laquelle se retrouve une bonne proportion des employées de soutien scolaire.

Les conditions de travail des employées de soutien scolaire sont de plus en plus difficiles. Ces dernières années, la violence a augmenté dans le milieu scolaire. En Outaouais, environ 25 % des employées de soutien disent avoir été victimes de violence au courant de l’année scolaire 2023-2024, selon un sondage effectué par la Fédération du personnel de soutien scolaire CSQ (FPSS-CSQ)[10]. Il faut souligner que 50 % des personnes sondées disent ne pas remplir de déclaration quand elles sont victimes d’un geste violent. De plus en plus de parents font, comme les élèves, preuve d’incivilité, et ces comportements sont également en augmentation. De plus en plus de secrétaires ont affaire à des parents qui manquent de respect, crient ou insultent.

Par ailleurs, le personnel de soutien scolaire n’échappe pas à la pénurie actuelle de main-d’œuvre. La main-d’œuvre qualifiée est rare, ce qui alourdit la tâche des employées de soutien qualifiées en poste étant donné qu’elles doivent effectuer elles-mêmes un travail autre que le leur ou accompagner des personnes non qualifiées. Ces tâches supplémentaires ne sont pas reconnues, non plus que le temps nécessaire pour les accomplir. Personne ne revoit les demandes à la baisse. Bref, l’employée doit effectuer ses tâches normales, en plus de devoir compenser pour l’absence d’une personne qu’on aurait dû embaucher ou le manque de formation d’une autre, et ce, dans le même temps. Enfin, l’organisation du travail dans les écoles est souvent modifiée sans que les personnes principalement touchées par les modifications ne soient consultées. Certaines employées doivent travailler sept heures par jour, sans avoir de pause pour diner, car on attend d’elles qu’elles soient constamment avec les élèves. Aller aux toilettes pendant sa journée de travail peut parfois devenir problématique.

Il faut aussi prendre en compte la faible valorisation sociale et professionnelle des employées de soutien scolaire. En effet, quand on parle des écoles au Québec, on parle des enseignantes et on néglige les autres employées. Cette habitude contribue largement au sentiment d’invisibilité qui habite les employées de soutien scolaire. On oublie qu’une école ne peut pas fonctionner si les employées de soutien ne sont pas présentes. Pensons à la secrétaire d’école qui s’occupe d’orienter les suppléants et suppléantes de la journée, d’accueillir les élèves en retard, de contacter les parents des élèves absents, de répondre aux appels, de gérer les petits bobos des élèves, pour ne nommer que quelques-unes de ses tâches. Une école, c’est beaucoup plus que des enseignantes. L’équipe école au complet doit être mise en valeur. Par leurs rôles différents et complémentaires, les employées de soutien scolaire sont toutes indispensables au succès des élèves.

Dans son rapport de 2023, le Secrétariat à la condition féminine considère la non-reconnaissance de toutes les tâches effectuées comme un des principaux problèmes des emplois à prédominance féminine. De nombreux emplois d’employées de soutien scolaire sont de l’ordre du « prendre soin ». Des études démontrent que plusieurs tâches sont invisibles et informelles. Il y a également un manque de reconnaissance des compétences généralement attribuées au genre féminin, telles que les compétences relationnelles, humaines, cognitives, émotives, etc.[11] Il va sans dire que la présence historiquement moins importante des femmes dans la sphère politique a un lien avec ce manque de reconnaissance. Si plus de décideurs et de personnes en position de pouvoir avaient vécu la réalité des employées de soutien scolaire ou celle d’un emploi à prédominance féminine, fort est à parier que cela aurait eu un effet sur leur vision et leurs propositions politiques. Il faut sans doute faire des changements et travailler à rendre les rôles politiques plus accessibles aux femmes et plus attrayants.

Enjeux syndicaux et politiques publiques

L’action syndicale en Outaouais est forte et dynamique. Les syndicats militent pour de meilleures conditions de travail, des salaires équitables et la reconnaissance des métiers et fonctions. Considérant les nombreux enjeux syndicaux et leur complexité, le Syndicat du soutien scolaire de l’Outaouais (SSSO-CSQ) effectue un travail d’envergure. La précarité de l’emploi, le bas niveau des échelles salariales au regard de celles des professions comparables, la difficulté des conditions de travail et l’ampleur de la charge de travail constituent les principaux défis à relever. Le syndicat revendique des postes à temps plein et un horaire non fractionné pour garantir aux employées de soutien sécurité et stabilité financière ainsi que la possibilité de concilier famille et travail. Il revendique aussi une meilleure échelle salariale afin de rendre plus faciles le recrutement et la rétention du personnel qualifié. La pénurie est de plus en plus marquée et le personnel non légalement qualifié ou sans formation plus nombreux. Il est donc important d’attirer les jeunes diplômées et de garder le personnel qualifié. Le syndicat revendique des conditions de travail décentes, entre autres un milieu de travail sécuritaire, exempt de violence. Il réclame aussi une charge de travail raisonnable qui tienne compte de l’augmentation des besoins des élèves et de l’insuffisance des ressources nécessaires pour accomplir efficacement les tâches. Nombre d’employées de soutien n’ont même pas le temps de prendre une pause dans la journée. Ces conditions de travail difficiles mènent plusieurs d’entre elles vers l’épuisement professionnel, ou encore vers une réorientation de carrière.

Le rôle des employées de soutien est essentiel, et malgré cela, le gouvernement refuse de les soutenir en effectuant des coupes budgétaires et en demandant un gel d’embauche. Ces décisions gouvernementales ont un impact direct sur les conditions de travail des employées de soutien parce qu’elles réduisent les ressources et demandent de faire plus avec moins. En Outaouais, le gouvernement du Québec impose une réduction budgétaire de 5,5 millions de dollars dans le réseau de l’éducation[12].

Lors des dernières négociations, les employées de soutien en Outaouais ont pu voir des progrès sur le plan du salaire et des assurances. Malgré ces avancées, nous militons toujours pour l’augmentation du taux horaire afin que la paye des employées soit réellement améliorée. Quant aux assurances, il y a encore beaucoup de travail à faire pour que la protection soit comparable à celle offerte ailleurs, malgré l’augmentation de la part de l’employeur obtenue lors des dernières négociations. Les employées de soutien ont besoin d’une nette amélioration de leurs conditions de travail et d’un salaire décent. Le Syndicat du soutien scolaire de l’Outaouais continuera assurément d’intervenir, de mobiliser et de lutter en ce sens.

On l’a déjà dit, les femmes constituent 78 % des employées de soutien. Ces emplois méritent d’être pleinement reconnus pour leur importance et leur contribution essentielle. Sans employées de soutien, pas d’école ! Il faut continuer à se mobiliser et à mettre de l’avant les travailleuses dans la lutte pour leurs droits. Leur travail, invisible mais indispensable, mérite une reconnaissance. La solidarité est donc déterminante pour faire face aux défis liés à l’équité salariale et à la sous-valorisation des emplois à prédominance féminine. Lorsque les femmes s’unissent et se soutiennent mutuellement, elles renforcent leur voix collective, une voix incontournable face aux injustices persistantes dans le monde du travail. La mobilisation collective permet de faire davantage de sensibilisation à l’égard de la nécessité de rémunérer les femmes à la hauteur de leur contribution, et met en lumière les inégalités systémiques, en particulier dans les métiers du prendre soin où l’immense majorité des personnes qui y travaillent sont des femmes. Cette mobilisation est également cruciale pour la défense des droits des femmes, afin de garantir qu’elles aient un accès équitable à toutes les possibilités d’avancement professionnel, sans être freinées par des discriminations salariales ou des stéréotypes de genre. Il est donc indispensable que la solidarité féminine ne soit pas seulement un principe, mais un moteur de changement vers l’égalité entre les sexes.

Un appel à la reconnaissance

Les travailleuses du soutien scolaire font donc face à plusieurs défis, notamment le fait d’occuper des emplois peu rémunérés, qui comptent un nombre d’heures insuffisant, des horaires irréguliers et une mise à pied cyclique l’été. Cela contribue à maintenir ces femmes dans la précarité et à entretenir un sentiment d’insatisfaction. Ce dernier peut à son tour amener les gens à quitter le milieu de l’éducation. En Outaouais, on assiste à un exode des employées de soutien scolaire au profit d’emplois dans la fonction publique fédérale. Ces emplois sont souvent mieux rémunérés et les conditions de travail meilleures. Par ailleurs, la violence de plus en plus importante dans nos milieux constitue un autre défi : les paroles comme les gestes violents font maintenant partie du quotidien des travailleuses.

Il n’y a pas de solution parfaite aux problèmes des employées de soutien scolaire de l’Outaouais. Cependant, il est essentiel que leur contribution au milieu scolaire et à la société québécoise soit reconnue à sa juste valeur. Il ne s’agit pas seulement de souligner la journée ou la semaine du personnel de soutien. Il faut aller au-delà, il faut en faire plus. Avec les années, les employées de soutien se sont appauvries et ont été dévalorisées par le gouvernement. La juste reconnaissance de leur implication à tous les moments de la vie des élèves constitue une exigence minimale pour rendre leur valeur à ces professions qui passent souvent inaperçues aux yeux du public québécois. Difficile de parler de reconnaissance et de valorisation sans parler de salaires. Il est évident que les salaires doivent être augmentés. Il est complètement ridicule et injuste que des gens employés par l’État ne soient pas capables de se sortir de la pauvreté. Les employées de soutien scolaire méritent mieux. Ce n’est pas normal qu’elles quittent un emploi qu’elles aiment, en milieu scolaire, pour aller vers un emploi de la fonction publique fédérale pour une question de salaire.

Bien que le portrait qui a été fait de la situation des employées de soutien scolaire peut sembler un peu sombre, un vent de changement politique pourrait apporter bien des améliorations. Sur le plan local, un travail énorme s’effectue pour faire connaitre le personnel de soutien scolaire. Le Syndicat du soutien scolaire de l’Outaouais ne manque pas une occasion de faire valoir son point de vue et celle de ses membres sur différentes situations difficiles. Il faut absolument dénoncer les coupes et le gel des embauches et des dépenses qui mettent une pression sur les employées de soutien scolaire. La Fédération du personnel de soutien scolaire de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) est également très présente dans les médias et réagit aux événements qui surviennent dans le milieu scolaire. Cette présence médiatique contribue à faire valoir l’importance du personnel de soutien scolaire. Cependant, ce combat ne peut pas être mené seul. Il faut que les politiciennes et politiciens modifient leur discours pour que la société amorce un changement dans sa perception de l’importance des employées de soutien scolaire. Il va sans dire que les autres acteurs du milieu scolaire pourraient également contribuer à améliorer cette situation et à favoriser une prise de conscience plus grande au sein de la société. Une école sans personnel de soutien scolaire, ça ne peut pas fonctionner. Il est temps que la société le reconnaisse, que les femmes et les hommes politiques le reconnaissent et que cela transparaisse dans les négociations, tant sur le plan salarial que sur celui des conditions de travail.

Par Maude Sioui-Daoust, vice-présidente secteur Draveurs du Syndicat du soutien scolaire de l’Outaouais et Mélanie Déziel-Proulx, vice-présidente aux dossiers spéciaux du même syndicat.


  1. Dans le texte, le féminin désigne les femmes et les hommes étant donné que la majorité des employées de soutien scolaire sont des femmes.
  2. Eve-Lyne Couturier et Guillaume Tremblay-Boily, Le revenu viable en 2024 : sortir de la pauvreté dans un contexte de crise du logement, Montréal, Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, 2024.
  3. Couturier et Tremblay-Boily, ibid. ; Statistique Canada. Tableau 11-10-0241-01. Seuils de faible revenu (SFR) avant et après impôt selon la taille de la communauté et la taille de la famille, en dollars courants, 26 avril 2024.
  4. Secrétariat du Conseil du trésor, L’effectif de la fonction publique du Québec 2021-2022 – Équivalents temps complets (ETC). 
  5. Secrétariat à la condition féminine, Pour la valorisation des emplois à prédominance féminine. Analyse de la sous-valorisation des emplois à prédominance féminine et recommandations visant à leur assurer une meilleure reconnaissance, rapport 2023, gouvernement du Québec, septembre 2023.
  6. Comité patronal de négociation pour les centres de services scolaires francophones, Plan de classification. Personnel de soutien, édition du 8 février 2024.
  7. Statistique Canada, 26 avril 2024, op. cit.
  8. Couturier et Tremblay-Boily, 2024, op. cit.
  9. Fédération du personnel de soutien scolaire (CSQ), Sondage sur la violence auprès du personnel de soutien scolaire de la FPSS-CSQ, avril 2024.
  10. Secrétariat à la condition féminine, 2023, op. cit.
  11. Fatoumata Traoré, « Compressions en éducation : “C’est de l’austérité”, dit un syndicat en Outaouais », Radio-Canada, 18 décembre 2024.

Les dynamiques et particularités de l’Outaouais syndical

30 août, par Rédaction
On dit souvent de l’Outaouais qu’elle est l’oubliée des régions québécoises. Sa position frontalière et la proximité de sa plus grande ville, Gatineau, avec Ottawa, font qu’on (…)

On dit souvent de l’Outaouais qu’elle est l’oubliée des régions québécoises. Sa position frontalière et la proximité de sa plus grande ville, Gatineau, avec Ottawa, font qu’on la considère régulièrement comme une dépendance de l’Ontario ou du fédéral, à l’écart des dynamiques sociales et politiques du Québec. Ce cliché tenace ne résiste pourtant pas à l’épreuve des faits, et si sa position frontalière donne évidemment une couleur particulière à l’Outaouais, elle reste profondément québécoise tant dans sa culture que dans les enjeux qu’elle rencontre et dans la façon dont s’y structure la société civile. À cet égard, l’histoire et la situation actuelle du syndicalisme dans la région montrent bien comment elle contribue à ce mouvement essentiel de la société québécoise tout en rencontrant des défis qui lui sont propres. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous proposons ici un aperçu de l’Outaouais syndical passé et présent, tout en nous concentrant sur une organisation en particulier, la Confédération des syndicats nationaux (CSN), dont l’histoire est intrinsèquement liée à celle de la région.

Portrait de l’Outaouais syndical

La plupart des grandes organisations syndicales québécoises sont représentées en Outaouais. La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) y dispose d’un conseil régional comme la CSN qui y compte un conseil central, chaque conseil rassemblant les syndicats de leur centrale dans la région. Dans le domaine de l’éducation, les enseignantes et enseignants des centres de services scolaires francophones sont représentés par le Syndicat de l’enseignement de l’Outaouais (SEO), membre fondateur de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) lorsque ses syndicats membres se sont séparés de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) en 2006. Ironiquement, c’est une ancienne présidente du SEO, Suzanne Tremblay, qui représente aujourd’hui la circonscription de Hull à l’Assemblée nationale sous la bannière de la Coalition avenir Québec (CAQ). Sa présence au sein du caucus caquiste ne semble toutefois pas avoir freiné les ambitions antisyndicales du parti au pouvoir, comme le montre le dépôt récent du projet de loi 89 visant à restreindre considérablement l’exercice du droit de grève. Dans le domaine de la santé et des services sociaux, le portrait syndical de l’Outaouais correspond à celui de bien d’autres régions du Québec, comme l’illustre la représentation syndicale au sein du Centre intégré en santé et services sociaux de l’Outaouais (CISSSO). À la suite notamment des réorganisations et des maraudages imposés par le gouvernement du Québec dans les dernières décennies, la CSN y conserve la représentation des personnels paratechniques, auxiliaires et de métiers, ainsi que des personnels de bureau et administratifs, tandis que les professionnel·le·s, techniciennes et techniciens sont représentés par l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et les infirmières, infirmières auxiliaires et inhalothérapeutes par la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ). Le reste du secteur public et parapublic compte sur les joueurs habituels au Québec, notamment la CSN (par exemple à la Société des alcools du Québec, mais aussi, fait plutôt inusité, au sein des cols bleus de la Ville de Gatineau), le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) (notamment dans les grandes sociétés d’État telle Hydro-Québec ainsi que dans le secteur municipal et paramunicipal) et les deux syndicats indépendants, le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) et le Syndicat des professionnelles et professionnels du Gouvernement du Québec (SPGQ).

Une particularité de la région tient bien entendu à l’importance de la fonction publique fédérale. La centralité de cet employeur tant à Ottawa qu’à Gatineau a des répercussions importantes sur les dynamiques syndicales dans la région. D’une part, il est fréquent que des travailleuses et travailleurs vivent dans une ville/province et travaillent dans l’autre. Cela a des incidences sur les structures syndicales qui cherchent à les représenter tant dans leur milieu de travail que dans leur milieu de vie. Comment, en effet, mobiliser des membres travaillant au Québec, mais payant des impôts et utilisant des services publics situés en Ontario, et vice-versa ?

Ce paradoxe est renforcé par le fait que le syndicat représentant la vaste majorité de ces travailleuses et travailleurs, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), dispose de sa propre structure régionale couvrant tant la rive québécoise que la rive ontarienne de la région de la capitale fédérale. Les membres de l’AFPC en Outaouais ne sont ainsi pas rattachés à l’AFPC-Québec, mais bien à l’AFPC-Région de la capitale nationale (RCN). Cela n’a pas été sans poser problème au Conseil régional de la FTQ en Outaouais qui s’est parfois retrouvé à partager les mêmes plates-bandes que la structure régionale d’un de ses principaux affiliés; de récentes discussions visent toutefois à permettre une meilleure coordination entre les deux structures. La centralité de la fonction publique fédérale dans la région, et en son sein des membres de l’AFPC, fait aussi en sorte de donner un statut particulièrement important à la vice-présidence régionale de l’AFPC, qui est régulièrement sollicitée dans les médias pour parler des réalités de ses membres, mais aussi pour jouer, à l’occasion, le rôle de porte-parole informel des syndicats de la région. Le fait que deux de ces anciens vice-présidents occupent aujourd’hui des fonctions syndicales de premier plan à l’échelle nationale – Larry Rousseau, devenu vice-président exécutif du Congrès du travail du Canada, et Alex Silas, devenu vice-président exécutif national de l’AFPC – confirment l’importance de ce poste et son rôle prééminent au sein du mouvement syndical de la région.

Dans le secteur privé, on retrouve des syndicats majoritairement affiliés à la FTQ, notamment des sections locales UNIFOR dans l’industrie forestière et de la transformation du bois, historiquement importante dans la région, mais aussi dans le commerce et la distribution (par exemple les Travailleurs et Travailleuses unis de l’alimentation et du commerce – TUAC), dans les télécommunications (on pense en particulier aux membres du SCFP chez Vidéotron qui ont récemment vu se terminer un lockout extrêmement long) ou encore dans la construction avec les syndicats de métiers. La CSN a quant à elle une présence assez faible dans le secteur privé en Outaouais, à quelques exceptions près, comme le syndicat de la scierie Louisiana Pacific à Maniwaki.

Une riche histoire syndicale

Les racines syndicales sont profondes en Outaouais; celles de la famille des syndicats catholiques ont été particulièrement documentées à l’occasion du 100e anniversaire du Conseil central des syndicats nationaux de l’Outaouais (CCSNO) qui rassemble aujourd’hui les syndicats CSN de la région, mais dont les origines remontent, au même titre que sa centrale, au syndicalisme confessionnel[2]. Curieusement, l’Association ouvrière de Hull, fondée en 1912 et qui sera le prélude au CCSNO actuel, était à ses débuts affiliée aux Chevaliers du travail, une organisation syndicale nord-américaine sans lien avec l’Église, mais également distincte des grands syndicats étatsuniens qui s’établissaient alors au Canada et au Québec. Sa conversion au catholicisme est étroitement liée à la grande influence de l’Église dans la région d’Ottawa-Hull, notamment auprès des francophones, pour qui elle représentait un marqueur identitaire, jusque dans leurs organisations syndicales. Outre l’évêché d’Ottawa, dont relève l’Outaouais québécois jusque dans les années 1960, la Congrégation des oblats joue un rôle central, notamment en fondant plusieurs institutions francophones dans la région, dont l’Université d’Ottawa et le journal Le Droit. Il n’est donc pas surprenant que, dès 1919, le Conseil central national des ouvriers de Hull (ancêtre direct du CCSNO) voie le jour et que, deux ans plus tard, ce soit dans ses locaux que sera fondée la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC), prédécesseur de la CSN.

Difficile d’ignorer dans ces prémices historiques du syndicalisme catholique en Outaouais les luttes épiques des allumettières en 1919 et 1924[3]. Hull produisait à l’époque 99 % des allumettes consommées au Canada non seulement grâce aux abondantes forêts de l’Outaouais, mais aussi du fait des usines de transformation installées très tôt dans la région.

La propriété de ces entreprises était concentrée dans les mains de quelques grands propriétaires, dont E.B. Eddy, d’origine étatsunienne. Il employait dans ses usines d’allumettes une main-d’œuvre essentiellement féminine et soumise à des risques importants, notamment la nécrose maxillaire causée par l’exposition au phosphore blanc. Les conditions de travail sont en outre misérables, et les travailleuses encadrées exclusivement par des contremaitres masculins. Elles s’organisent donc au sein d’un syndicat catholique et réussissent, grâce à leur solidarité et à leur mobilisation, à faire reconnaitre leur syndicat et à améliorer leurs conditions de travail. Elles sont pour l’occasion largement soutenues par l’opinion publique et par les institutions contrôlées par les Oblats. Les allumettières de Hull deviendront un symbole important pour le mouvement ouvrier de l’Outaouais et au-delà. Fondatrices de l’un des premiers syndicats féminins au Canada, elles seront reconnues en 2007 dans une toponymie notoirement dominée par les hommes, alors que la Ville de Gatineau nommera un important nouveau boulevard en leur honneur, et que la plus récente bibliothèque municipale de la ville se verra baptisée du nom de leur porte-parole, Donalda Charron, en 2020.

Cet épisode ne doit pas pour autant faire oublier les tendances très conservatrices qui marquent également le syndicalisme catholique de l’époque. Si les femmes connaissent à Hull un remarquable taux de syndicalisation de 50 % en 1922, contre à peine 2 % dans le reste du Québec, elles n’ont pas le droit de participer aux assemblées de leur propre conseil central, et encore moins d’y occuper un poste électif. L’aumônier y garde une influence considérable et assure le respect d’orientations anticommunistes féroces, dans la lignée de celles adoptées par la CTCC à l’échelle nationale.

Il est par ailleurs important de noter que plusieurs syndicats d’établissements industriels se joignent aux « syndicats internationaux », sans lien avec l’Église, au prix de luttes de haut vol telle la lutte à la Maclaren à Buckingham où deux travailleurs, dont le président du syndicat, sont assassinés par les briseurs de grève, les scabs, embauchés par l’employeur en 1906. Plusieurs de ces sections syndicales sont les précurseurs de celles aujourd’hui affiliées à UNIFOR.

Le syndicalisme catholique en Outaouais évoluera ensuite à l’image du reste du Québec. L’Église y perdra progressivement son influence et les syndicats gagneront en combativité. Leur laïcisation se fera dans les années 1960. C’est aussi à cette époque que le gouvernement mené par Pierre E. Trudeau – dont ironiquement fait partie un ancien président de la CTCC-CSN, Jean Marchand – impose une restructuration draconienne du centre-ville de Hull avec la construction du complexe Portage visant notamment à assurer la mise sous tutelle, tant politique qu’administrative, de la rive québécoise par le pouvoir fédéral. De ce traumatisme collectif marqué par un grand nombre d’évictions et une crise du logement sans précédent naitront par ailleurs une vaste mobilisation et un dense mouvement social, notamment dans le domaine de la lutte pour le logement et des coopératives d’habitation. Celle-ci marquera durablement le tissu social de la région, où des organismes comme Logemen’occupe et d’importants réseaux de coopératives constituent aujourd’hui des alliés importants pour le mouvement syndical.

Les années 1960 sont aussi celles où l’on voit le portrait économique de la région changer brusquement. D’un mouvement dominé par les industries privées, en particulier celles liées à l’exploitation forestière et à la transformation du bois, le syndicalisme voit le secteur public prendre une place centrale en quelques années à peine, non seulement avec le développement de la fonction publique fédérale, mais aussi avec la mise en place des grands réseaux publics et des entreprises d’État par le gouvernement du Québec. C’est à ces transformations que l’on doit le paysage syndical que nous connaissons aujourd’hui et que nous avons exposé précédemment.

Région négligée, région mobilisée

L’histoire plus récente du CCSNO, sans résumer à elle seule l’ensemble des dynamiques syndicales dans la région, nous donne toutefois un aperçu des grands enjeux qui se posent aujourd’hui au mouvement ouvrier en Outaouais. Nous nous appuyons ici sur une enquête réalisée entre 2018 et 2021 sur les organisations syndicales régionales au Québec, comprenant notamment la distribution d’un questionnaire aux délégué·es du congrès triennal du CCSNO en 2019, des entrevues avec plusieurs membres de son exécutif et une analyse des résolutions adoptées par ses congrès dans la décennie 2010.

Un premier constat s’impose : la place prépondérante occupée par les syndicats du secteur public. À cet égard, la composition du CCSNO illustre bien la transition vécue par la région vers une économie de services et le statut de pôle de services publics qu’y occupe en particulier la ville de Gatineau. Ainsi, l’important Syndicat des travailleurs et travailleuses de la santé et des services sociaux de l’Outaouais, fruit des fusions et des consolidations forcées par le gouvernement du Québec dans ce secteur, est de loin le principal affilié du conseil central. À l’image d’autres structures au sein de la CSN, le CCSNO a d’ailleurs dû revoir ses statuts afin de garantir une représentation adéquate de ce mégasyndicat de la santé sans pour autant lui permettre de pouvoir contrôler à lui seul le conseil. Les observations réalisées pendant les instances du CCSNO permettent toutefois de noter la présence et la participation active d’autres syndicats du secteur public, mais en provenance de différentes fédérations sectorielles, notamment les syndicats des cols bleus de la ville de Gatineau, des employé·es de magasin et de bureau de la SAQ et des professeur·es du Cégep de l’Outaouais.

Cette centralité des services publics s’observe aussi dans les résolutions adoptées au courant des années 2010. La préservation et la protection de ces services y occupent une place très importante. En cela, le CCSNO est en phase avec les orientations de sa centrale, dictées par un contexte politique d’austérité et des coupes régulières faites dans les grands réseaux publics par le gouvernement du Québec. Cependant, on note que plusieurs préoccupations environnementales reviennent régulièrement dans les revendications du Conseil. Il s’oppose notamment très tôt à l’instauration d’un dépotoir de déchets nucléaires à Chalk River, en Ontario, en amont de la rivière des Outaouais, dont une défaillance pourrait avoir des conséquences environnementales catastrophiques sur la région. On voit aussi apparaitre des demandes pour améliorer la qualité du transport en commun à Gatineau, une ville marquée par l’étalement urbain et dont le réseau de transport collectif est notoirement connu pour les importants défis qu’il rencontre.

Là où le CCSNO se distingue des conseils centraux des autres régions, c’est lorsque l’on se penche sur les affinités partisanes de ses délégué·es. Dans les trois régions où nous avons mené notre enquête, l’Outaouais, l’Abitibi-Témiscamingue et le Montréal métropolitain, nous avons demandé aux délégué·es aux congrès des conseils centraux de la CSN de quel parti ils et elles se sentaient les plus proches sur la scène politique québécoise. L’Outaouais est la seule région où la majorité des délégué·es ont répondu « aucun » (52 %)[4]. Ce résultat était également élevé en Abitibi-Témiscamingue, mais pas majoritaire (43 %)[5] tandis que Québec solidaire (QS) arrivait largement en tête des choix dans le Montréal métropolitain (47 %)[6]. Souvenons-nous que ce coup de sonde suivait de seulement quelques mois l’élection générale de 2018 au cours de laquelle la scène politique québécoise s’était vue considérablement chamboulée, notamment par l’émergence de deux organisations, la CAQ et QS, au détriment des « vieux partis », le Parti libéral et le Parti québécois[7]. Bien que ce réalignement partisan se veuille une réponse au cynisme et au désengagement politique, les délégué·es que nous avons sondés semblaient encore bien déconnectés des organisations censées les représenter à Québec.

Il semble raisonnable d’émettre l’hypothèse que ce sentiment d’aliénation exprimé de façon particulièrement forte par les militantes et militants syndicaux de l’Outaouais soit en lien avec la position de la région elle-même vis-à-vis du pouvoir politique québécois, de son sentiment d’être « prise pour acquise » et ainsi négligée par l’État provincial. Historiquement considérée comme acquise aux « rouges[8] » en raison de sa proximité avec Ottawa et du rapport de dépendance avec cette dernière qui lui a été imposé, l’Outaouais a pourtant envoyé un coup de semonce en élisant trois, puis quatre député·es caquistes sur ses cinq circonscriptions en 2018, puis en 2022, incluant dans le « château fort » libéral de Hull. Malgré cela, le « statut particulier » qui lui a été reconnu par l’Assemblée nationale en 2019 ne semble toujours pas porter ses fruits, même sous un gouvernement « bleu ».

Cela se reflète également dans le design des coalitions populaires régionales auxquelles ont participé les organisations syndicales, au premier rang desquelles le CCSNO, dans les dernières années. Comme dans bien d’autres régions du Québec, les années des gouvernements libéraux Charest et Couillard avaient vu se former un Réseau de vigilance en Outaouais qui rassemblait largement les acteurs des milieux syndicaux, militants et communautaires. Bien qu’il ait servi de solide base de mobilisation en opposition aux politiques néolibérales et austéritaires, il n’a pas survécu, notamment aux tensions intersyndicales créées par les maraudages forcés en santé et services sociaux, ainsi qu’à d’autres divergences existant au sein des groupes citoyens. À cet égard, notre enquête montre que la solidarité intersyndicale et plus largement les coalitions populaires sont plus difficiles à faire vivre en région que dans le Montréal métropolitain. Toutefois, ce réseau a récemment été réactivé sous le nom de Coalition Solidarité Outaouais, semblant indiquer une nouvelle volonté de création d’un espace à la fois intersyndical et ouvert aux organisations populaires afin notamment de résister aux coupures budgétaires et aux tentatives de privatisation larvée du réseau de la santé.

Il n’est pas anodin de constater que les coalitions populaires importantes qui se sont refondées en Outaouais et auxquelles les syndicats ont activement participé, se sont toutes axées sur le sentiment d’abandon et d’iniquité ressenti par la population de la région. La coalition Équité Outaouais, lancée en 2018, insiste ainsi sur le traitement injuste fait à la région en matière de santé et services sociaux, d’éducation et de justice sociale. Sans que les syndicats n’y participent directement, la coalition SOS Outaouais, lancée en 2024 par la Fondation Santé Outaouais, se centre quant à elle plus spécifiquement sur le déficit de services en santé en se basant notamment sur les études de l’Observatoire du développement de l’Outaouais qui a fait la démonstration des retards vécus dans plusieurs secteurs de la région[9]. Il semble donc que ce sentiment d’aliénation vis-à-vis de Québec, cette impression d’être oublié dans son propre pays et d’en vivre les conséquences concrètes au quotidien soit aussi un ressort important de mobilisation, voire de fierté. L’histoire a montré que même face à des adversaires féroces et dans un contexte hostile, qu’il s’agisse de l’antisyndicalisme d’un E.B. Eddy ou des velléités assimilatrices d’un Pierre E. Trudeau, l’Outaouais sait se tenir debout et résister. Son mouvement syndical en témoigne et les luttes d’hier continueront d’inspirer celles d’aujourd’hui et de demain, quoi qu’en pensent les pouvoirs politiques, à Ottawa comme à Québec.

Par Thomas Collombat, professeur titulaire de science politique à l’Université du Québec en Outaouais et directeur du Département des sciences sociales de l’Université du Québec en Outaouais. Certaines des données utilisées dans cet article sont tirées d’une recherche financée par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH).


  1. Soulignons ici l’excellent travail de l’historien Roger Blanchette, principal auteur de la brochure 1919-2019. Conseil central des syndicats nationaux de l’Outaouais. Pionnier du mouvement syndical québécois, publiée en février 2019 par le Conseil central des syndicats nationaux de l’Outaouais à l’occasion de son centenaire et dont sont tirées plusieurs des données utilisées dans cette partie.
  2. Voir à ce propos l’ouvrage de Kathleen Durocher, Pour sortir les allumettières de l’ombre. Les ouvrières de la manufacture d’allumettes E.B. Eddy de Hull (1854-1928), Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2022.
  3. Le taux de réponse à nos questionnaires distribués en Outaouais était de 62,5 %.
  4. Taux de réponse de 78,5 %.
  5. Taux de réponse de 57 %.
  6. Voir Thomas Collombat et Xavier Lafrance, « Recomposition de la gauche québécoise et rôle politique du syndicalisme », Recherches sociographiques, vol. 63, n° 1-2, 2022, p. 131-155.
  7. NDLR. Les « rouges » étant le Parti libéral.
  8. Voir notamment le rapport L’Outaouais en mode rattrapage. Suivi des progrès pour combler le retard historique de la région en santé, éducation et culture rédigé par Alexandre Bégin et Iacob Gagné-Montcalm et publié en avril 2022 par l’Observatoire du développement de l’Outaouais.

 

Blockades and Solidarity | Emma Goldman Collective (Quebec, 2025)

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📅 Vendredi 29 août 2025
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📍La Korrigane - 380 rue Dorchester, Québec
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Dans le cadre de la course au co-porte-parolat de Québec solidaire, Geru Schneider vous invite à une rencontre privilégiée avec lui ce vendredi soir. Cette soirée conviviale vous permettra de découvrir la vision de Geru pour l'avenir de notre mouvement et d'échanger avec lui sur les grands enjeux de cette course au co-porte-parolat. Tout cela dans une ambiance détendue qui met de l'avant la démocratie participative qui nous unit toustes commes membres de Québec solidaire.

Venez poser vos questions, vos idées et vos préoccupations à cette soirée, que vous soyez militant·e de longue date ou simplement curieux·se des orientations futures de QS que propose Geru.

Blocages et solidarité | Collectif Emma Goldman (Québec, 2025)

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Je m'appelle Yv Bonnier Viger. Je suis médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive, professeur agrégé à l'Université Laval, père de famille et propriétaire d'une petite ferme maraîchère biologique et forestière à Gaspé. J'ai aussi été ouvrier, mécanicien, directeur régional de santé publique dans les Terres-cries-de-la-Baie-James et en Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine. Mon parcours m'a amené à m'impliquer sur le terrain, ici et ailleurs, toujours avec le souci d'un Québec plus juste, solidaire et en santé.

Je me présente au poste de porte-parole de Québec solidaire pour mettre mon expérience au service d'un projet politique profondément ancré dans les valeurs que je porte depuis longtemps : justice sociale, féminisme, écologie, démocratie et souveraineté. Depuis mes premières implications politiques formelles en 1970, j'ai mené des batailles pour l'accès aux services, pour la santé publique, pour les droits des travailleuses et travailleurs migrants, et pour la justice environnementale, notamment dans les milieux autochtones.

Ce que je propose, c'est une voix enracinée, capable d'écouter autant que de porter, sans détour, les espoirs et les colères. Un leadership sobre, rigoureux, mais accessible. Un rôle complémentaire à celui de Ruba Ghazal, avec qui je souhaite former un duo complice et mobilisateur. Je suis prêt à donner cinq jours par semaine à ce mandat, tout en continuant à pratiquer la médecine une journée et en garder une autre pour ma famille puisque c'est aussi ça, pour moi, l'équilibre d'un engagement durable.

Je suis prêt à porter haut et fort la voix des militantes et militants de Québec solidaire. Ensemble, prenons soin d'un Québec juste, qui protège et qui transforme.

Signer le cahier de candidature

Lettre de candidature

À tous les membres de Québec solidaire,
À toutes les personnes qui habitent au Québec,

Notre Terre est menacée. La violence qui lui est faite, la violence qui nous est faite, est intolérable. Nous devons en débattre et agir. Il faut nous mobiliser. Cela représente un défi que nous pouvons relever ensemble.

Pour ma part, j'ai quelques années d'expériences, de formation et d'implications sociales à partager. J'ai donc choisi de présenter ma candidature au poste de porte-parole de Québec solidaire. Je le fais parce que je partage les valeurs qui ont amené à la création de ce parti et dirigé son action depuis 20 ans. Nous devons affirmer haut et fort notre ambition de renforcer le pouvoir des organismes communautaires, des syndicats, des associations étudiantes, des groupes citoyens, des associations de petites entreprises et de travailleuses et travailleurs autonomes. Je m'engage aussi parce que je crois être en mesure de contribuer activement à amener plus de Québécoises et de Québécois à partager ces valeurs et à souhaiter un gouvernement qui les incarne. Il nous faut maintenant franchir un cap : convaincre les Québécoises et les Québécois que nous sommes prêtes et prêts à assumer les responsabilités qui viennent avec le pouvoir, non pas seulement pour gérer à notre tour, mais pour guider et accompagner un véritable changement social.

Nous sommes pour la justice sociale, l'égalité et la solidarité. Nous voulons éliminer la pauvreté. C'est pourquoi je travaille avec des organismes communautaires et des groupes citoyens à mettre en place une Assurance revenu de base (ARBRE) à l'image de notre Assurance maladie. Dans notre pays solidaire, toutes les personnes auront accès aux ressources matérielles, éducationnelles et relationnelles nécessaires pour exercer leurs droits. De plus, sous notre gouvernement, notre système de santé et de services sociaux sera accueillant et bienveillant pour son personnel et pour les personnes qui les fréquentent. Personne ne sera laissé derrière. C'est ce que j'ai fait en tant que Directeur général du Conseil cri de la santé et des services sociaux, où j'ai travaillé à rendre les services culturellement adaptés et sécuritaires en m'appuyant sur ma maîtrise en management.

Nous sommes féministes. Dans notre pays solidaire, toutes les personnes seront considérées égales. Tout l'environnement socio économique favorisera cette égalité dans les faits. En ce sens, j'ai participé activement à la création et aux batailles des garderies populaires qui ont permis l'émergence du réseau des Centres de la petite enfance (CPE). Les initiatives gouvernementales solidaires feront toutes l'objet d'une analyse différenciée selon le sexe et le genre. Dans ma direction de santé publique, j'ai fait la promotion de cette approche. Nous serons attentifs à l'interdépendance des multiples discriminations qui peuvent toucher une personne ou un groupe de personnes.

Nous sommes écologistes. Nous n'avons qu'une seule Terre pour nous nourrir, nous abriter, respirer, aimer et vivre. Nous devons nous mobiliser pour freiner le réchauffement de la planète et nous adapter aux changements climatiques. Ainsi, je participe au comité de gouvernance de la Collectivité ZÉN de la Gaspésie. J'ai été chercheur principal dans une étude d'impact des grands projets d'Hydro-Québec sur la santé de la population crie. Je suis responsable d'un groupe de travail qui étudie l'effet de l'installation de mines et de grands projets industriels dans de petites communautés. J'ai présidé le groupe de travail qui a influencé la prise de position de l'Association canadienne de santé publique pour l'élimination de la production et de l'utilisation de l'amiante. Je suis membre de l'Association pour les victimes de l'amiante du Québec (AVAQ). Notre gouvernement protégera le territoire québécois dans son intégrité et sa diversité et exercera un leadership international pour
protéger notre planète.

Nous sommes altermondialistes. Nous établirons des relations égalitaires et équitables avec tous les pays. Nous ne formons qu'une seule humanité et nous sommes tous responsables les uns des autres. D'où la pertinence de mon travail en Amérique latine, en Afrique, en Asie du Sud-Est et en Europe, à titre de manœuvre, de secouriste, d'informaticien, de professeur, d'épidémiologiste, de chef de projets et plus encore. Québec solidaire au pouvoir entretiendra des relations internationales avec tous les pays. Nous participerons activement aux instances internationales pour mettre fin à toutes les formes de violence et de coercition dans les relations entre les nations.

Nous sommes démocrates. Nous reconnaissons que l'État est un outil collectif qui nous appartient à toutes et tous de manière égale. Nous valorisons l'éducation à la citoyenneté et nous développerons de multiples outils de participation citoyenne à la gouvernance. Depuis mes premières implications politiques formelles en 1970, j'ai organisé des activités d'éducation politique, j'ai participé à quatre élections comme candidat et je suis devenu membre du Mouvement Démocratie Nouvelle. J'accorde une grande importance à la réforme du mode de scrutin. Chaque vote doit compter et permettre une redistribution égale du pouvoir entre les communautés. Il ne peut y avoir de démocratie sans éducation continue. Ce sera toujours une priorité dans notre Québec sous un gouvernement solidaire.

Nous sommes souverainistes et inclusifs. Toutes les nations sur Terre ont le droit de s'autodéterminer et de négocier des ententes entre elles pour partager leurs pouvoirs, leurs richesses, leurs cultures et leurs projets, en toute liberté. Cela s'applique à la population qui habite le territoire du Québec, formant ainsi la nation québécoise, diverse et inclusive. Cela s'applique aussi à toutes les nations autochtones qui habitent le territoire du Québec. J'ai vécu plus de 5 ans dans les Terres-cries-de-la-Baie-James comme Directeur régional de santé la publique. J'ai été témoin des changements apportés par la Paix-des-Braves et la formation progressive du Gouvernement cri. La culture québécoise, dans toutes ses déclinaisons, porte notre identité depuis plus de 6 000 ans. Elle mérite d'être soutenue et de continuer d'évoluer dans un environnement sécuritaire tout en restant ouverte sur le monde. La souveraineté est un pilier majeur de la réalisation de toutes les autres valeurs. Il nous faut réfléchir à une stratégie pour rallier tous les souverainistes.

Mais réaliser tout cela exige que nous nous préparions dès maintenant à gouverner. Les grandes valeurs peuvent n'être que des rêves si elles ne s'accompagnent pas d'un réel pouvoir d'agir. Ces valeurs sont transcrites dans notre programme et nos plateformes électorales. Notre aile parlementaire est solide et pertinente et notre organisation s'enracine. Je suis prêt à porter le message de Québec Solidaire. Nous voulons former le prochain gouvernement dans un contexte démocratique renouvelé. C'est la seule voie pour incarner dans la réalité les principes que nous défendons. C'est pour partager ces principes, porter la voix des militantes et des militants sur le terrain et participer à la création d'une nation équitable et égalitaire que je me porte candidat au poste de porte-parole de Québec solidaire.

Pourquoi me confier le rôle d'être votre porte-parole ?

Je pense avoir la préparation requise pour exercer cette responsabilité. En termes de formation, j'ai complété : un diplôme d'enseignement professionnel en mécanique d'entretien de machines industrielles ; deux baccalauréats, l'un en sciences de la santé et l'autre en mathématique-informatique ; deux maîtrises, l'une en épidémiologie et l'autre en gestion des systèmes de santé ; un doctorat en médecine et une spécialité en santé publique et médecine préventive. Je suis bien outillé pour nous guider dans la complexité.

En termes d'expérience professionnelle, j'ai travaillé dans plusieurs usines à Montréal comme ouvrier puis comme mécanicien. J'ai exercé le rôle de directeur régional de santé publique dans les Terres-cries-de-la-Baie-James et en Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine où je travaille encore comme médecin de santé publique, tout en donnant un coup de main à l'Abitibi-Témiscamingue. Je suis professeur agrégé au Département de médecine sociale et préventive de l'Université Laval que j'ai dirigé pendant plus de cinq ans. J'ai dirigé et participé à des projets de développement, de pédagogie et de recherches dans une dizaine de pays, ainsi qu'en milieu autochtone. Je suis aussi propriétaire d'une petite ferme maraîchère biologique et forestière à Gaspé. J'ai développé une grande capacité de leadership participatif et d'adaptation à divers milieux.

En termes d'expérience sociopolitique, j'ai participé à la création du réseau des garderies populaires, à la création d'une coopérative alimentaire, à la création d'un organisme d'accueil de travailleuses et travailleurs migrants et à la création de la clinique SPOT à Québec. J'ai été délégué syndical et membre d'un comité de santé et sécurité. J'ai été président de l'Association des spécialistes en médecine préventive du Québec. Je suis membre de Québec solidaire depuis 2008. Je suis coordonnateur de l'Association QS de Gaspé et membre du Comité d'action politique conditions de vie, services de santé et services sociaux. Je connais la patience, la persévérance et la détermination exigées par l'action politique.

J'habite une région périphérique du Québec. Je suis un candidat extra-parlementaire. Ce statut me permettra un travail proche du terrain, dans toutes les villes, les banlieues et les régions rurales et autochtones du Québec. Tout en maintenant un lien étroit avec notre porte-parole Ruba Ghazal, notre équipe parlementaire et l'équipe de la permanence, je parcourrai toutes les circonscriptions du Québec. Je jouerai un rôle complémentaire à celui de Ruba.

Pratiquement, je compte consacrer cinq jours par semaine à cette tâche. La sixième journée, je poursuivrai mon implication comme médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive. Cela me permettra de maintenir mon expertise, d'aider les deux régions pour lesquelles je travaille et de me garantir un revenu autonome, sans devoir compter sur les réserves financières du parti. La septième journée sera consacrée à la famille et au ressourcement.

J'aurai ainsi le plaisir et l'honneur d'accompagner Ruba Ghazal, députée de Mercier et seule femme cheffe d'un parti représenté actuellement à l'Assemblée nationale. La gauche québécoise lui a offert toute sa confiance. Je souhaite ardemment que notre collaboration puisse enrichir la parole solidaire et porter notre message au cœur de la population québécoise dans tous les coins de notre beau pays.


Solidairement,
Yv Bonnier Viger.

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Un PQ nourri de nationalisme identitaire n’est pas la voie de la construction d’une majorité indépendantiste au Québec

27 août, par Bernard Rioux — , ,
Le Parti québécois, après des décennies de reculs, est parvenu à se relancer. La défense, par son chef Paul St-Pierre Plamondon, de sa position de tenir un référendum dans un (…)

Le Parti québécois, après des décennies de reculs, est parvenu à se relancer. La défense, par son chef Paul St-Pierre Plamondon, de sa position de tenir un référendum dans un premier mandat a joué un rôle important dans cette remontée des intentions de vote en faveur du PQ. Il capte aujourd'hui le mécontentement envers la CAQ et occupe depuis plusieurs mois la première place dans les intentions de vote que le dernier sondage Léger chiffre à 35 %. Mais en dehors d'un positionnement stratégique du PQ, la vraie question est celle des voies de la construction d'une majorité indépendantiste déterminée au Québec.

26 août 2025

Le PQ de PSPP a-t-il réellement dépassé la logique de la priorité donnée à une perspective de gouvernement ?

Depuis son échec référendaire de 1995, le Parti québécois a peu à peu relégué l'indépendance derrière une logique de « bon gouvernement », multipliant les manœuvres tactiques et électoralistes pour éviter de faire de la souveraineté un enjeu électoral clair. Aux élections de 2018, Jean-François Lisée reportait l'éventuelle tenue d'un référendum à un deuxième mandat.

Cette stratégie, élaborée par l'élite des « ministrables », pour qui l'espoir d'accéder à la gestion provinciale l'emporte sur tout projet d'indépendance et la rupture avec l'État canadien, a peu à peu contribué à miner le bloc souverainiste. Depuis la défaite de Pauline Marois en 2014, le Parti québécois a connu un fort déclin, passant de 30 député-es à 3 en 2022.

Dès sa course à la chefferie en 2020, PSPP a défendu l'idée qu'un gouvernement péquiste majoritaire devrait organiser un référendum avant 2030, dans un contexte jugé favorable – sondages positifs, volonté fédérale d'occuper les champs de compétence du Québec et appui croissant à la souveraineté chez les jeunes. Cette promesse vise à redonner au projet indépendantiste une centralité politique, mais elle se fait alors que le PQ connaît un glissement vers un nationalisme identitaire, notamment en associant immigration et menaces pour l'avenir du Québec.

La relance des débats à l'intérieur du camp souverainiste

Cette relance provoque toutefois des débats au sein même du camp souverainiste. Pour les indépendantistes inconditionnels, la réaffirmation référendaire du PQ est salutaire.
Dans son article paru dans le journal Le Devoir, L'indépendance, enjeu de la prochaine élection, Gilbert Paquette écrit : « Un Québec doté de tous les moyens d'un pays pourra mieux faire face à toutes les situations qu'un Canada divisé, malgré la solidarité de façade, passif devant l'envahissement des géants numériques, multipliant les investissements publics dans le militaire et les pipelines pétroliers ou gaziers aux dépens de la protection sociale et du climat. »

Le courant indépendantiste, au sein du PQ comme en dehors de ce dernier, voit la remontée du PQ comme la possibilité de la tenue d'un référendum et un renouveau de l'espoir de l'accession à l'indépendance. La reprise de la même stratégie qui a conduit aux défaites de 1980 et 1995 est encore à l'ordre du jour.
Mais pour d'ancien-nes dirigeant-es comme Lucien Bouchard (dans une entrevue à Radio-Canada, le 21 août dernier), il s'agit d'une erreur stratégique : « promettre un référendum, c'est prendre le risque d'une nouvelle défaite qui laisserait le mouvement exsangue pour une génération. »

Ces divergences révèlent un dilemme ancien : faut-il privilégier la gouvernance provinciale et attendre des « conditions gagnantes » ou mettre de l'avant la souveraineté, quitte à en assumer les risques électoraux ? Pour rallier les indépendantistes, la position défendue par PSPP s'avère efficace, mais lorsqu'il s'agira de rallier plus largement, la question des modalités de la tenue du référendum va, à la veille des élections, se poser de nouveau. Les sondages vont sans doute alors avoir un effet déterminant.

Les fédéralistes se mobilisent déjà pour une campagne de peur

Face à la position du PQ de PSPP, les partis fédéralistes jouent sur la peur et la division. La CAQ, affaiblie dans les sondages, rejette l'idée même d'un débat référendaire. François Legault affirmait en avril 2024 à l'Assemblée nationale que « 86 % des Québécois ne veulent pas de référendum dans un premier mandat » – un chiffre contredit par un sondage qui parle plutôt de 66 %, mais le premier ministre n'hésite pas à le répéter pour discréditer le projet de PSPP.

Le Parti libéral du Québec, en pleine reconstruction, insiste sur l'instabilité et l'insécurité qu'un référendum apporterait, et tente de rallier sous sa bannière tous ceux et toutes celles qui défendent le fédéralisme canadien.

Le Parti conservateur du Québec dénonce l'approche de PSPP comme radicale et réclame son recul.

Au-delà d'un potentiel calendrier référendaire, les voies de la construction d'une majorité indépendantiste au Québec restent la vraie question

La réalité, cependant, est que la majorité souverainiste est loin d'être acquise. Comme on peut le lire sur le site QC-125 : « … il reste intéressant de constater que la tranche de 18-35 ans demeure celle la plus encline vers la souveraineté (48 % en juin, 42 % en août). Chez les 35-54 ans, seulement 30 % appuieraient la souveraineté si un référendum avait lieu (après répartition des indécis). Chez les 55 ans et plus, cette proportion atteint à peine 36 %. »

Ainsi, la construction d'une majorité indépendantiste ne peut se réduire à la stratégie du PQ, centrée sur le moment référendaire. Elle doit se construire bien en amont, dans les luttes sociales, démocratiques et culturelles qui façonnent le Québec. La construction d'une majorité indépendantiste doit s'enraciner dans les intérêts de la majorité populaire.

La construction d'un réel bloc populaire indépendantiste reposera sur la plurinationalité, l'égalité et la solidarité. Cela signifie le rejet du nationalisme ethnique homogène au profit d'un Québec métissé, inclusif, qui reconnaît sa réalité plurinationale. Cela implique l'égalité des droits pour toutes et tous, la liberté de circulation et d'installation, l'éradication du racisme systémique et la reconnaissance des luttes autochtones comme partie intégrante de la refondation démocratique. C'est aussi une politique linguistique inclusive, une laïcité républicaine ouverte, et le refus du fémonationalisme qui détourne l'égalité femmes-hommes au profit de l'exclusion.

Mais cette majorité indépendantiste ne peut se construire uniquement sur des principes : elle doit s'ancrer dans les luttes sociales concrètes qui traversent actuellement le Québec. C'est dans ces mobilisations que se forgent à la fois une conscience collective et une solidarité populaire. Le renforcement du soutien à l'indépendance découlera du soutien :

• aux résistances contre les projets d'oléoducs et de transport de pétrole, qui menacent les territoires, les rivières et le climat, ces résistances incarnant une volonté de rupture écologique et démocratique avec l'impérialisme énergétique ;
• à la mobilisation croissante contre l'augmentation massive des dépenses militaires du Canada, encouragée par Ottawa pour se plier aux exigences de l'OTAN et aux pressions d'un gouvernement Trump hostile et belliqueux, mobilisation qui révèle un rejet de la logique impérialiste et guerrière qui oriente les politiques de la bourgeoisie canadienne ;
• aux luttes des communautés autochtones contre le régime forestier imposé par la CAQ, qui continue de privilégier l'exploitation industrielle au détriment des droits ancestraux, de la biodiversité et du climat, ces luttes illustrant l'urgence d'un front commun décolonial et écologique ;
• et enfin à la contestation des accommodements recherchés par Mark Carney et le gouvernement fédéral avec Washington, dans le contexte du retour de Trump, cette contestation soulignant la dépendance structurelle du Canada vis-à-vis des impérialismes étrangers et la nécessité pour le Québec de construire une voie autonome et internationaliste.

Le rôle que Québec solidaire est appelé à jouer dans la construction d'une majorité indépendantiste

Dans chacune de ces luttes, Québec solidaire peut jouer un rôle central : celui d'articuler les résistances sociales à un projet politique de transformation et d'indépendance. Son action parlementaire, combinée à sa proximité avec les mouvements sociaux – syndicats, associations écologistes, groupes féministes, collectifs autochtones, organisations antiracistes – permet de donner une traduction politique à ces aspirations.

Construire une majorité indépendantiste exige donc de faire de l'indépendance non pas une question abstraite ou strictement institutionnelle, mais la clé d'une souveraineté populaire effective : le contrôle démocratique de l'économie, de l'énergie, des services publics et des territoires. Cela suppose de nouvelles institutions démocratiques – mandats impératifs donnés aux élu-es, révocabilité, budgets participatifs, autogestion – rompant avec l'oligarchie politique.

C'est précisément sur ce terrain que Québec solidaire et les mouvements sociaux ont un rôle stratégique à jouer. QS, en mettant de l'avant l'idée d'une Assemblée constituante élue au suffrage universel, cherche à faire de l'indépendance une démarche de souveraineté populaire où le peuple définit lui-même les contours du pays qu'il veut construire. Cette approche rompt avec la logique des élites péquistes, pour qui l'indépendance dépend d'un pari électoral. Elle propose au contraire de donner la parole directement au peuple, en liant le projet d'indépendance à celui d'une démocratisation radicale de la vie politique.

C'est aussi en situant la lutte pour l'indépendance comme une remise en cause radicale de l'État canadien, de son rôle de garant des intérêts capitalistes et coloniaux, que l'on pourra rallier les forces de la majorité populaire. La lutte pour l'indépendance ne saurait se limiter au seul territoire du Québec. Elle doit se connecter aux mouvements de transformation sociale dans le reste du Canada et chez les Premières Nations, en construisant une perspective pancanadienne, internationaliste et décoloniale.

Ainsi, la vraie question n'est pas de savoir si PSPP tiendra sa promesse d'un référendum lors d'un éventuel premier mandat ou si les Libéraux et autres fédéralistes parviendront à capitaliser sur la peur. En définitive, la voie de l'indépendance passe par l'union entre projet national et projet de société. La construction de cette majorité indépendantiste découlera non de l'action d'une élite politique cherchant à gouverner dans le cadre provincial, mais d'un peuple en mouvement qui redéfinit collectivement son avenir. C'est en ce sens que Québec solidaire et les mouvements sociaux peuvent jouer un rôle décisif.

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CHRONIQUE OBJECTIONS DE CONSCIENCE : TOUT VA BIEN AU MÉDIOCRISTAN !

27 août, par Marc Simard
Au moment d’écrire ces lignes, notre directeur de chambre de commerce qui pavoise occasionnellement comme premier ministre s’est encore une fois commis en tant que (…)

Au moment d’écrire ces lignes, notre directeur de chambre de commerce qui pavoise occasionnellement comme premier ministre s’est encore une fois commis en tant que médiocre-en-chef de notre demi-pays, deux fois plutôt qu’une! D’une part, il a joué les révisionnistes en voulant nous expliquer, (…)

La révolution se cherche en Serbie

26 août, par Collectif — , ,
Quand Trump et Poutine ont annoncé leur sommet, Netanyahou a annoncé qu'il allait occuper Gaza-ville. Et la nuit précédant le sommet, Vucic, président poutinien (et néanmoins (…)

Quand Trump et Poutine ont annoncé leur sommet, Netanyahou a annoncé qu'il allait occuper Gaza-ville. Et la nuit précédant le sommet, Vucic, président poutinien (et néanmoins candidat à l'UE) de la Serbie, a fait le choix de l'affrontement.

Tiré d'Inprecor.

Arguments pour la lutte sociale a rassemblé plusieurs articles :

1°) les résumés et analyses de nos amis du site Samizdat2, Robert, Karel et Jean-Pierre.

2°) un billet bien senti de Veronika Zorn, intervenante sur les réseaux sociaux.

3°) Un message de l'écrivain serbe Tomislav Markovic communiqué par l'ami Vincent Mespoulet.

Serbie. « Attaque contre l'État ou attaque de l'État contre le peuple » – résumé de la manifestation du 13 aout
Le 15 août 202

Hier soir, des manifestations de masse ont eu lieu dans toute la Serbie en réponse à une attaque menée par des militants du SNS (Parti progressiste serbe de Vucic ndt.) contre des citoyens qui avaient manifesté la veille à Vrbas et à Bačka Palanka. Émeutes, violences et poursuites ont éclaté. Le gouvernement dénonce une attaque contre l'État, tandis que les citoyens accusent la police de soutenir le parti au pouvoir.

Le scénario des manifestations dans toutes les villes était le même. Après le rassemblement initial, les citoyens ont défilé devant les comités locaux du Parti progressiste serbe, où les attendaient militants et cordons de police.

Une soirée de violence a suivi. Le ministre de l'Intérieur, Ivica Dačić, a déclaré hier soir qu'il s'agissait d'une attaque contre l'État, contre les citoyens qui ont des opinions politiques différentes des manifestants et contre la police.

« De nombreux citoyens ont été blessés, dont six policiers. Ceux qui se dirigeaient vers les locaux du Parti progressiste serbe, les bloqueurs (étudiants) et les manifestants ont attaqué sans raison les citoyens et la police », a déclaré le ministre Dacic, selon le ministère de l'Intérieur.

Durant la nuit, des voitures ont également été vandalisées près des bureaux du Parti progressiste serbe, notamment des véhicules sans plaques d'immatriculation. On ignore pour l'instant l'auteur des dégâts.

À Novi Sad, les locaux du SNS ont été incendiés, une arme a été saisie

La situation dans cette ville était particulièrement préoccupante tout au long de la soirée. Des tirs pyrotechniques ont eu lieu depuis les locaux du Parti progressiste serbe, des pierres et d'autres objets ont été lancés. Des citoyens ont brisé les vitres des locaux du SNS. À un moment donné, un homme est sorti des lieux avec une arme à feu avec laquelle, selon les citoyens, il aurait tiré en l'air.

La situation à Novi Sad était tendue.

Tard hier soir, Ivica Dačić (ministre de l'intérieur) s'est également exprimé à cette occasion, déclarant que la personne en question était un enseigne (sous-officier) de l'armée serbe et qu'il était prétendument « en mission officielle pour sécuriser une personne protégée ».

« Lors de cette attaque, il y avait un risque de pertes humaines. Un homme qui portait sur lui une arme officielle conformément à la loi, l'adjudant de l'armée serbe Vladimir Brkušanin, a été grièvement blessé. S'il n'avait pas sorti son pistolet officiel et ne l'avait pas utilisé, je suis sûr que lui et tous les autres auraient subi de graves conséquences, voire perdu des vies humaines », a déclaré Dačić dans une interview accordée à « TV Informer ».

On ne sait pas quelle personne protégée est impliquée, mais Dačić a annoncé qu'il tiendrait une nouvelle conférence de presse aujourd'hui.

Le directeur de l'Agence de sécurité militaire, le lieutenant-général Đuro Jovanović, a déclaré aujourd'hui lors d'une conférence que « des membres de l'armée serbe du détachement de police militaire à vocation spéciale Cobra ont été attaqués alors qu'ils accomplissaient leurs tâches et obligations habituelles pour sécuriser une personne. Au cours de l'attaque contre des membres de l'armée, par des inconnus, avec des matraques, des fusées éclairantes et autres engins pyrotechniques, sept membres de l'armée serbe ont été blessés dont quatre souffrent de blessures physiques graves. Lors de cet incident malheureux, des membres de l'armée serbe ont averti à plusieurs reprises le groupe d'attaquants inconnus qu'ils étaient des fonctionnaires autorisés, qu'ils étaient membres de l'armée, mais les attaquants n'ont pas voulu abandonner, ils ont poursuivi leurs attaques », a déclaré Jovanović.

Vučić qui était à Pioneer Park, a annoncé un « nettoyage »

« À 10h15, je me suis retrouvé devant le Parlement, en bordure de Ćacilendi, car ils ont annoncé une attaque. Je suis donc venu ici pour être avec la population », a posté Vučić sur Instagram. Parmi les personnes présentes se trouvaient un grand nombre d'hommes arrivés peu avant dont le frère du président, Andrej Vučić.

Jusqu'à présent, Andrej Vučić n'est jamais apparu de cette manière lors de manifestations, du moins le public n'en était pas averti.

Dans un discours , Vučić a déclaré qu'il y avait eu une attaque bien organisée à Novi Sad, « et quand les manifestants ont rencontré une résistance dans la rue Stražilovska, ils sont retournés sur le campus (de l'Université de Novi Sad) pour récupérer les poteaux », a déclaré Vučić.

« Nous n'avons même jamais envisagé d'envoyer l'armée, et ce n'est pas nécessaire. Il n'y aura pas de guerre civile. Je les invite à s'asseoir et à discuter », a déclaré Vučić, ajoutant : « En ce moment, nous prenons des mesures. Les rues de Belgrade et bientôt de Novi Sad sont débarrassées des voyous. Il n'y aura aucune pitié pour les voyous et les hooligans », a-t-il affirmé.

Les étudiants bloqueurs : le gouvernement voulait provoquer une guerre civile

Les étudiants bloqueurs ont annoncé sur les réseaux sociaux tard hier soir que le gouvernement voulait provoquer une guerre civile avec des conflits la nuit dernière.

« Le régime a depuis longtemps identifié les coupables : les étudiants et les citoyens. Les dirigeants de l'État ne se cachent plus derrière des discours de dialogue ; le président a annoncé une purge. La police a une fois de plus protégé les fidèles du régime qui jetaient des pierres et tiraient des feux d'artifice sur les manifestants. Ils sont même allés à la rencontre de la population avec des armes à feu », ont écrit les étudiants bloqueurs sur Instagram. « Ils ne les laisseront pas continuer à détruire des vies humaines. »

Des manifestations sont organisées ce soir dans plus de 20 localités en Serbie, dont cinq à Belgrade seulement, suite à l'attaque perpétrée hier soir contre des citoyens à Vrbas et Bački Petrovac. MASINA est sur place ; suivez-nous sur notre site web et sur les réseaux sociaux pour les dernières informations.

Les étudiants bloqueurs ont appelé tous les citoyens serbes à manifester dès 20 heures, suite aux événements survenus hier à Vrbas, Bačka Palanka et Bački Petrovac. Le début de la manifestation a été marqué par des tensions liées aux contre-manifestations des partisans du Parti progressiste serbe.

20.13

Des rassemblements ont commencé dans toute la Serbie

Des citoyens se rassemblent à divers endroits en Serbie. Le carrefour près de la Faculté de droit de Belgrade est bloqué, tout comme le rond-point près de la municipalité de Novi Beograd.

Après la réunion et un bref blocage du rond-point près de la municipalité de Novi Beograd, les citoyens se sont dirigés vers les locaux du SNS.

Selon nos journalistes sur place, les partisans du SNS se rassemblent également en grand nombre.

20.23

Dragoslav Ljubicic arrêté

Dragoslav Ljubičić, administrateur du syndicat EPS Nezavisnost et secrétaire général du SDS, a été arrêté.

20.29

Contre-manifestations du SNS

Selon N1, des manifestations citoyennes ont lieu ce soir à Gornji Milanovac, Smederevo, Kragujevac et Čačak, et les partisans du Parti progressiste serbe organisent des contre-rassemblements devant les bureaux du parti.

20 h 38

Les émeutes ont commencé.

À Novi Sad, des militants du SNS lancent des engins pyrotechniques sur les habitants devant les bureaux du Parti progressiste serbe. Des tensions persistent également à Belgrade, Čačak et Kraljevo.

Émeutes à Novi Sad.

22h00

Affrontements avec la gendarmerie à Novi Beograd

À Novi Beograd, des affrontements ont eu lieu entre la gendarmerie et des citoyens, dont un journaliste de Mašina. Des gaz lacrymogènes ont été tirés et des conteneurs ont été renversés.

La situation est également tendue dans d'autres quartiers de la ville.

Nouvelle Belgrade

23 h 00

Dacic : « Une attaque horrible contre l'État »

Le ministre de l'Intérieur Ivica Dačić s'est adressé aux citoyens serbes et a déclaré que plusieurs citoyens et policiers avaient été blessés lors des incidents survenus ce soir à travers la Serbie.

« Une attaque horrible a été perpétrée contre l'État et contre les citoyens. De nombreux citoyens et policiers ont été blessés. Les manifestants ont attaqué les policiers et les citoyens sans raison », a déclaré Dačić.

Dačić a ajouté que la police a sauvé la vie des citoyens et la leur ce soir, et il les a félicités « pour tout ce qu'ils font pour préserver l'ordre public et la paix ».

Le ministre a appelé tout le monde à se retirer des rues.

Des gaz lacrymogènes ont été lancés à New Belgrade.

23 h 16

VJT : « La violence dans les rues de la capitale ne doit pas rester impunie »

Le Parquet supérieur de Belgrade (VJP) a ordonné à la police d'identifier toutes les personnes qui ont attaqué les policiers qui sécurisaient des rassemblements de citoyens non enregistrés dans la capitale ce soir.

« Les personnes qui ont fait usage de la force contre des policiers seront poursuivies pour l'infraction pénale de comportement violent lors d'un événement sportif ou d'un rassemblement public en vertu de l'article 344a du Code pénal », a déclaré le VJP dans un communiqué.

Le Parquet supérieur de Belgrade réitère une fois de plus que la violence dans les rues de la capitale ne doit pas rester impunie, surtout lorsqu'elle est commise contre les autorités chargées de garantir l'ordre public et la paix.

La gendarmerie s'en prend aux citoyens.

23 h 24

La gendarmerie frappe des citoyens dans le centre-ville de Belgrade, une personne arrêtée

Des membres de la gendarmerie interviennent dans le centre-ville et frappent les citoyens à coups de matraque.

Selon nos informations, un jeune homme a été interpellé et blessé.

Arrestation dans le centre de Belgrade.

23 h 37

Allégations concernant des armes à feu à Novi Sad

Comme l'ont raconté les habitants de Novi Sad à N1, dans cette ville, un militant du SNS (parti progressiste serbe de Vucic) aurait pointé une arme sur les citoyens et tiré un coup de feu en l'air.

Plusieurs citoyens ont été blessés lors d'affrontements avec des membres du SNS.

Rédaction de Masina traduction Google revue pour Réseau Bastille.

Le billet de Veronika Zorn

Il y a un immense moment de gauche actuellement sur le continent européen et hélas un moment qui n'intéresse pas du tout les démocraties européennes, ni chez nos dirigeants qui reçoivent le président nationaliste, pro-russe et corrompu Aleksandar Vučić, comme l'a fait Emmanuel Macron, ni même et c'est presque plus grave, dans les partis de gauche.

Car oui, une révolution a lieu en Serbie depuis des mois, tellement féconde en leçons d'organisation autonome, menée par les étudiants, mais riche du soutien d'une grande partie de la population, et la répression s'intensifie aujourd'hui, car le pouvoir se sent pousser des ailes en raison de toutes nos lâchetés qui se comptent en argent des mines de lithium et en contrats d'armement.

Les fascistes flairent toujours le moment propice pour eux. Comme Netanyahou a annoncé son intention d'envahir Gaza juste avant le sommet Trump-Poutine, afin que son action soit au moins tacitement reconnue par les deux fascismes voraces qui se partagent leur sphère d'influence en Alaska sous couvert de discuter de la paix en Ukraine (l'Europe pour Poutine, le Moyen-Orient pour Trump), ainsi Vučić a aussi compris qu'il avait les mains libres.

Le scénario est limpide, sauf pour notre gauche qui s'aveugle. Répression en Serbie et déstabilisation de la Bosnie qui bouillonne. Les Serbes de Bosnie alignent les provocations, aiguillonnés et soutenus par Orban, dont le patron moscovite lui a donné pour mission de semer le chaos chez ses voisins. Le risque de reprise d'une guerre dans les Balkans est réel, ce qui entraînerait immanquablement les voisins serbes et croates dans le conflit et renforcerait les tendances réactionnaires qui pourrissent les deux pays, dont les nationalismes sont toujours vivaces.

Donc rien de la part de la gauche européenne : pas un soutien, pas une alerte. Même pour les chantres de la lutte contre la haine anti-musulmane, qui devraient pourtant s'intéresser de très près à cette question, alors que la Bosnie contient la seule communauté musulmane autonome avec une représentation politique en Europe (l'Albanie a accepté la vassalisation à Meloni et le Kosovo est tenu par les États-Unis), dont l'équilibre est crucial, car le pays fait partie, comme la Syrie, des terres de djihad dans l'imaginaire takfiriste.

Un embrasement des Balkans serait l'événement rêvé pour les chantres de la suprématie chrétienne, afin de justifier et d'intensifier des politiques islamophobes. Mais encore une fois, rien : l'hypocrisie totale, la bêtise et l'aveuglement volontaire devant l'effet domino qui menace de se mettre en branle avec le démembrement de l'Ukraine.

Le message de Tomislav Markovic

[Tomislav Marković, né en 1976, vit et travaille à Belgrade. Il écrit notamment de la poésie, de la prose et des essais, et a notamment publié Vreme smrti i razonode (2009) et un recueil de poésie, Čovek zeva posle rata (2014). Des traductions de ses textes ont été publiées dans plusieurs langues dont l'albanais, le slovène, l'anglais et le hongrois. Il est auteur de la maison d'édition Partizanska knjiga depuis 2016.]

Tomislav Marković : La guerre est revenue à la maison

L'ancien président de la Serbie, Aleksandar Vučić, a laissé tomber ses gants et renoué avec son radicalisme originel. Le mécontentement populaire persiste depuis novembre dernier. Même les mois d'été, pourtant calmes, n'ont pas apaisé la colère générale contre le régime progressiste criminel. La cote du Parti progressiste serbe est en baisse. Un climat s'est créé qui envoie clairement à Vučić le message qu'il est une antiquité. Ses actions contre les étudiants et les citoyens rebelles non seulement n'ont pas porté leurs fruits, mais n'ont fait qu'intensifier la résistance générale. En bref, Vučić et les bandits progressistes ont expiré. Nous les avons trop longtemps tolérés. Il est temps qu'ils quittent la scène politique et se retrouvent là où ils doivent être : en détention, purgeant de lourdes peines de prison.

Vučić et ses militants progressistes n'ont jamais reculé devant la violence, mais ces derniers jours, ils ont radicalement augmenté leur niveau de violence, tentant de provoquer des conflits civils, voire la guerre. Une telle évolution est tout à fait logique : les radicaux ne connaissent pas d'autres méthodes d'action politique que la violence, qui est leur essence même depuis leur apparition au début des années 1990.

La phalange de Vučić

Des images de violence brutale et flagrante ont inondé les médias et les réseaux sociaux. Des groupes « progressistes » sillonnent la Serbie et attaquent les manifestants – à Bački Petrovac, Bačka Palanka, Vrbas, Novi Sad, Belgrade… Des hommes masqués, musclés et tatoués, la plupart le visage couvert, armés de couteaux, de pieds-de-biche, de matraques en bois à pointes métalliques, de pierres, d'engins pyrotechniques, de bouteilles d'eau et d'œufs congelés, et de divers autres objets contondants pour fracasser les têtes – ils se disposent là où leur chef leur ordonne de le faire et attaquent les manifestants pacifiques.

Les phalanges de Vučić se rassemblent dans les locaux du SNS, d'où ils tirent des engins pyrotechniques dangereux sur les manifestations de citoyens rebelles. Ils se positionnent également dans la rue, stratégiquement, à proximité des manifestations, et de là, ils bombardent les citoyens, parmi lesquels se trouvent de nombreuses femmes et des enfants mineurs, de tirs de mortiers, de jets de bouteilles, de pierres, de clés anglaises et de divers objets métalliques. Ils poursuivent les manifestants dans les rues et les frappent.

À Bački Petrovac, des hordes de voyous ont attaqué les organisateurs d'une exposition sur les manifestations. À Novi Sad, plusieurs centaines de voyous « progressistes » ont peint les façades des immeubles du drapeau tricolore serbe et ont frappé les habitants qui protestaient contre la dégradation de leurs immeubles. À Vrbas, ils ont bombardé les manifestants de projectiles préparés à l'avance, principalement des bouteilles congelées et autres objets similaires, qu'ils avaient préalablement préparés et conservés dans un camion frigorifique garé près des locaux du parti. À Novi Sad, ils ont tiré sur les manifestants avec des engins pyrotechniques interdits et les ont agressés à plusieurs reprises. Et ainsi de suite.

Troupes SA avancées

L'armée personnelle de Vučić, composée de soi-disant « loyalistes », est en réalité la lie de la société serbe, une bande de bashi-bozuk rassemblés autour du Parti radical serbe depuis des décennies. Dans les années 1990, ils se sont engagés dans des formations paramilitaires et sont allés en Croatie et en Bosnie pour massacrer et piller. Aujourd'hui, ils s'en prennent physiquement à leur propre peuple. Ils n'ont pas encore commencé à utiliser des snipers, comme leurs prédécesseurs, mais l'un d'eux a sorti une arme et a ouvert le feu devant les bureaux du parti à Novi Sad.

Les phalanges hooliganes de Vučić sont composées de criminels de toutes sortes : trafiquants de drogue, voyous, meurtriers ayant purgé leur peine, usuriers, délinquants, brutes, individus suspects qui ont trouvé refuge au sein du parti au pouvoir, c'est-à-dire dans leur environnement naturel. Les citoyens en ont reconnu beaucoup sur les réseaux sociaux ; il s'agit le plus souvent de personnes issues du milieu criminel. Des responsables du parti sont parfois présents à leurs côtés, ce qui peut paraître étrange à première vue, mais est en réalité logique. Les cadres « progressistes » sont par vocation des voyous, des racailles, et c'est précisément à cause de leurs traits sociopathes qu'ils se sont retrouvés dans l'administration publique et au sein du parti.

Vučić a créé sa propre version des troupes SA, la Sturmabteilung, les divisions d'assaut. Tout comme les premières phalanges SA frappaient les opposants aux nazis dans les rues des villes allemandes, et parfois les tuaient, les successeurs actuels de la Sturmabteilung traquent et tabassent les opposants aux progressistes dans les rues des villes serbes. Autrement dit, Vučić est revenu à son radicalisme d'origine et suit les modèles de sa jeunesse criminelle. N'oublions jamais qu'il était un haut responsable du Parti radical serbe criminel, l'adjudant de Šešelj, qu'il a visité les positions serbes pendant le siège de Sarajevo, qu'il a menacé de tuer cent musulmans pour un Serbe, qu'il a participé à la persécution et à la déportation des Croates de Serbie, ainsi qu'à la saisie de leurs biens.

La police au service des criminels

Tandis que les unités d'assaut « progressistes » saccagent et blessent les citoyens rebelles, la police et la gendarmerie observent la scène avec calme. Non seulement elles ne font rien pour protéger les personnes attaquées des criminels, mais elles subissent elles-mêmes la violence des paramilitaires « progressistes ». À Vrbas, on a pu assister à des scènes étranges : les troupes d'assaut de Vučić tirent sur les policiers et les gendarmes avec divers projectiles, et ces derniers encaissent calmement les coups, bien qu'ils soient en tenue anti-émeute complète et obligés de se défendre et de défendre les autres.

La police travaille en étroite collaboration avec les paramilitaires du parti et les protège lorsqu'ils se rassemblent dans les locaux du parti. Les gendarmes encerclent la zone pour empêcher les manifestants d'approcher. Tandis que les phalangistes frappent les citoyens, la police fait semblant d'être muette, puis arrête ceux qui ont été agressés et battus, et laisse les violents tranquilles. Il ne lui vient jamais à l'esprit de poursuivre les émeutiers et les casseurs. La Sturmabteilung de Vučić est au-dessus des lois, plus puissante que la police ; les criminels du parti sont sous la protection spéciale des soi-disant forces de l'ordre. En réalité, la police n'existe plus en Serbie ; il s'agit d'un groupe armé en uniforme qui ne protège ni les lois, ni l'ordre, ni la vie ni les biens des citoyens, mais fonctionne exclusivement comme la police du parti, défendant la bande de bandits qui a usurpé le pouvoir et l'État.

C'est tellement bizarre qu'il faut l'expliquer aux enfants d'âge préscolaire. Dans chaque communauté, il y a des individus sociopathes, des meurtriers potentiels, des voleurs et des bandits. C'est pourquoi la communauté s'organise, collecte des fonds et emploie un groupe de personnes pour défendre les autres contre ces maniaques. Ce groupe s'appelle la police. Or, en Serbie, ce groupe, financé par les citoyens, ne protège absolument pas les citoyens, ne fait pas son travail, mais travaille pour les criminels, et la plupart des policiers le font gratuitement. Voilà où nous en sommes après deux siècles de tentatives pour créer un État. Après tout, l'État n'est peut-être pas fait pour tout le monde.

Des décennies de mal et de méfaits

Le gang qui a déclenché quatre guerres dans les années 1990, sévi dans le quartier, commis de nombreux crimes de guerre, détruit tout ce qui lui tombait sous la main, semé le malheur de millions de personnes et bâti sa carrière sur ce sujet, veut maintenant lancer une opération similaire sur son territoire. Ne pouvant plus exporter la guerre hors des frontières de la Serbie, les radicaux de tous bords veulent écraser un peu leur propre peuple. Ils ont déjà écrasé tout le monde et sont désormais hors de leur portée. L'opinion publique semble quelque peu décontenancée, ce qui est d'ailleurs étrange. Des fauteurs de guerre et des criminels de guerre provoquent le déclenchement d'une guerre civile, ce qui est logique, le mot lui-même est éloquent, il n'y a pas de quoi s'étonner.

Toutes les horreurs qui frappent la Serbie ces derniers temps sont la conséquence d'un passé non surmonté, de mensonges, de malveillance, d'aveuglements, de notre incapacité à affronter nos propres crimes et à sortir du cercle vicieux du mal et de la perversité dans lequel nous sommes tombés après la Huitième Session. Depuis près de quatre décennies, nous nourrissons et nourrissons des criminels de guerre, des profiteurs, des instigateurs, étouffés par une frénésie nationaliste, laissant les pires racailles et criminels nous piéger.

Depuis des décennies, la majorité de la population vote pour divers radicaux, progressistes, populistes et autres dérives d'une idéologie inhumaine et sanguinaire. Cette troupe de bandits a occupé toutes les institutions serbes pendant des décennies, a tué notre Premier ministre Zoran Djindjic, qui tentait de changer les choses, et nous a replongés dans l'obscurité totale après une brève période d'espoir. Les forces dites démocratiques ont relativisé le passé, refusé d'affronter les crimes, cohabité, fait des déclarations de réconciliation avec les socialistes et nous ont tous ridiculisés.

Les conséquences des péchés oubliés

Les profiteurs de guerre n'ont jamais été privés de leurs biens pillés, les criminels politiques n'ont pas été épurés, la « loi de lustration » (d'épuration) n'a jamais été appliquée, et le SPS et le SRS n'ont pas été interdits, grâce à Koštunica, un homme qui a assuré la continuité de l'ère et du régime Milošević. Tout cela n'est que la conséquence de ces péchés anciens, pour la plupart oubliés.

La grande majorité agit comme une folle, nie le génocide de Srebrenica, n'a jamais entendu dire que Sarajevo était assiégée, n'a aucune idée que la moitié des Albanais du Kosovo ont été expulsés du Kosovo, ne sait rien des camions frigorifiques, n'a aucune idée des fosses communes, ne se soucie pas des camps de concentration, des villages brûlés, des villes détruites ou des années de massacres et d'oppression de nos voisins les plus proches.

Et maintenant, toute cette dissimulation du mal, ces accords avec les criminels, cette tolérance envers le pire du monde, ont pris fin. Le sang coule désormais dans les villes serbes, et non plus en Croatie, en Bosnie et au Kosovo. La guerre revient. Elle est ramenée par les mêmes criminels, parce qu'ils sont restés impunis, parce qu'ils ont été récompensés pour leurs crimes par cette société brisée.

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Interview - La guerre des sexes à l’ère Trump, une œuvre du néolibéralisme

26 août, par Meagan Day, Stephanie Coontz — , ,
Nous assistons à une résurgence alarmante des idées archaïques sur les rôles de genre, de la croisade pour la remasculinisation menée par la « manosphère » au rejet de la vie (…)

Nous assistons à une résurgence alarmante des idées archaïques sur les rôles de genre, de la croisade pour la remasculinisation menée par la « manosphère » au rejet de la vie publique par les femmes traditionnelles. Stephanie Coontz, historienne chevronnée des rôles de genre, explique les profondes tendances économiques qui sous-tendent ce phénomène.

15 août 2025 | tiré d'Europe solidaire sans frontières, par COONTZ Stephanie, DAY Meagan
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article75945

Presque tout le monde s'accorde à dire que la société a déraillé, et une partie croissante de la population croit fermement que la voie vers la restauration passe par le retour des hommes et des femmes à leur rôle naturel déterminé par leur sexe. (Jeff Swensen / Getty Images)

À Dallas, au Texas, une influenceuse spécialisée dans le bien-être exhorte la foule lors d'une conférenceconservatrice destinée aux femmes à se détourner du travail pour se consacrer à leur famille. « Moins de burn-out, plus de bébés ! », déclare la podcasteuse Alex Clark sous les applaudissements bruyants. « Moins de féminisme, plus de féminité ! »

Dans les environs de Cincinnati, dans l'Ohio, des familles constituent une communauté imprégnée de l'éthique « Make America Healthy Again » (Rendre l'Amérique saine à nouveau), qui met l'accent sur un mode de vie naturel et les rôles traditionnels des hommes et des femmes. « Quoi que soit de toute cette absurdité féministe – poursuivre une carrière, quitter sa famille – rien de cela ne fonctionne », déclare une des membrse de la communauté, ancienne propriétaire d'une petite entreprise, aujourd'hui mère au foyer et sceptique à l'égard des vaccins.

Depuis Washington, le secrétaire à la Défense Pete Hegseth reprend une interview réalisée par CNN avec le pasteur de son église, Doug Wilson. « Les femmes sont le genre de personnes dont on se sert pour procréer », affirme M. Wilson, et non le genre de personnes qui devraient avoir le droit de voter. « Épouse et mère, elle qui est en fait la chef de famille, a déjà la charge de trois, quatre ou cinq âmes éternelles. » Elle a déjà assez à faire comme ça.

Quant aux hommes, Hegseth établit une distinction nette entre deux catégories. D'un côté, selon ses propres termes, il y a les « les hommes américains virils », « les hommes forts », « les hommes combattants », « les hommes courageux », « les hommes solides », « les hommes masculins », « les hommes durs », « les mecs normaux », « les cow-boys » et « les mâles alpha ». Et de l'autre, les « mauviettes », les « poules mouillées », les « putes à wokistes », les « efféminés », ceux qui « répriment les instincts masculins naturels pour l'honneur », les « mâles bêta » et les « soi-disant hommes ».

Depuis les élections de 2024, le débat sur les rôles liés au genre semble gagner en intensité. Presque tout le monde s'accorde à dire que la société a déraillé, que quelque chose de précieux a été perdu ou mal placé, et une partie croissante de la population croit fermement que le chemin vers la restauration passe par le retour des hommes et des femmes à leur rôle inné déterminé par leur sexe. Le Projet 2025 présente cet impératif en termes civilisationnels, avertissant que « les fondements moraux mêmes de notre société sont en péril ».

Pour ceux et celles d'entre nous qui ont atteint l'âge adulte dans les années 1990 ou après, les idées sur les rôles sociaux établis des hommes et des femmes ne leur sont pas étrangères. Mais elles ont principalement fonctionné comme une série d'hypothèses tacites et d'attentes silencieuses, leurs développements les plus osés restaient confinées à la droite religieuse. Aujourd'hui, elles se transforment en un évangile quasi laïc prêché sur le mode d'un défi virulent lancé à l'establishment moderne.

Dans cette interview, Stephanie Coontz, militante et historienne reconnue, met en lumière la résurgence contemporaine de lla conception orthodoxe des rôles de genre. Coontz est l'auteure de sept livres sur le mariage et la vie familiale, dont A Strange Stirring : The Feminine Mystique and American Women at the Dawn of the 1960s (Une étrange agitation : la mystique féminine et les femmes américaines à l'aube des années 1960) ; The Way We Never Were : American Families and the Nostalgia Trap (Ce que nous n'avons jamais été : les familles américaines et le piège de la nostalgie) et Marriage, A History : How Love Conquered Marriage (Le mariage, une histoire : comment l'amour a conquis le mariage), qui a été cité dans la décision de la Cour suprême des États-Unis sur l'égalité dans le mariage. Après des décennies de recherche sur la dynamique des attentes sociales fondées sur le genre, Stephanie Coontz développee un point de vue unique sur les idées réactionnaires qui marquent actuellement dans le discours dominant.

Stephanie Coontz a passé plusieurs décennies plongée dans la lutte politique. Elle a été arrêtée lors du mouvement pour la liberté d'expression à Berkeley en 1964, a été une porte-parole de premier plan et une organisatrice nationale du mouvement contre la guerre du Vietnam, et a été active dans les débuts du mouvement féministe. Elle est directrice de la recherche et de l'éducation publique au Council on Contemporary Families et professeure émérite à l'Evergreen State College d'Olympia, dans l'État de Washington. Son prochain livre, For Better and Worse : The Problematic Past and Challenging Future of Marriage (Pour le meilleur et pour le pire : le passé problématique et l'avenir difficile du mariage), sera publié par Viking Press au début de l'année 2026.

Son travail universitaire est né d'une volonté d'aller au-delà des récits simplistes sur l'oppression ou le triomphe des femmes, cherchant plutôt à comprendre les interactions complexes entre les hommes et les femmes dans un contexte politico-économique plus large — une ligne de recherche qui a abouti à son premier livre, The Social Origins of Private Life : A History of American Families, 1600–1900 (Les origines sociales de la vie privée : une histoire des familles américaines, 1600-1900). Coontz aborde son travail historique avec une sensibilité universaliste, à l'écoute des pressions qui pèsent sur les hommes comme sur les femmes.

Coontz s'est entretenue avec Jacobin sur l'importance politique durable de la question du genre, l'origine des rôles « traditionnels » des hommes et des femmes, la manière dont le capitalisme a façonné les attentes sexuelles contemporaines et comment la dévastation économique néolibérale a conduit à une impasse existentielle, alimentant une résurgence alarmante des idées réactionnaires sur le genre un demi-siècle après la deuxième vague féministe.

Meagan Day - Je voudrais commencer en évoquant quelques résultats de sondage qui me semblent assez frappants. La proportion d'hommes qui se revendiquent Républicains qui pensent que les femmes devraient revenir à leurs rôles traditionnels dans la société est passée de 28 % en mai 2022 à 48 % en novembre 2024, et les femmes républicaines qui sont d'accord a également considérablement augmenté pendant cette période. Une autre enquête a révélé que la proportion de Républicains qui pensent que la société accepte trop facilement les hommes qui assument des rôles traditionnellement associés aux femmes est passée de 18 % en 2017 à 28 % en 2024.Il ne s'agit pas d'une majorité, mais ces tendances sont notables. Comment interpréter ce phénomène ?

Stephanie Coontz - Oui, le clivage partisan sur le mariage homosexuel a également atteint son plus grand écart en près de trente ans. La « manosphere » (mouvement des hommes blancs en colère) suscite beaucoup d'attention, tout comme le « trad wife » (mouvement des femmes traditionnelles). Dans l'ensemble, on constate une augmentation du nombre de personnes, en particulier celles qui s'identifient comme républicaines ou conservatrices, qui expriment une nostalgie pour les rôles et les idéaux « traditionnels » des genres. Cette tendance s'explique en grande partie par la polarisation, les Républicains devenant plus conservateurs à mesure que les Démocrates deviennent plus libéraux sur différentes questions. Mais en 2024, on a assisté à un revirement conservateurspectaculaire dans l'identification politique des jeunes. En 2020, 55 % des 18-29 ans se déclaraient Démocrates ou penchaient dans cette direction, contre seulement 37 % Républicains. Mais en 2024, les Républicains ont pris l'avantage : 47 % contre 46 %.

Je pense que ces changements nous indiquent que les inquiétudes de la population concernant les évolutions sociales récentes se sont exacerbées ces dernières années, en particulier à l'approche des élections de 2024. Mais ils ne traduisent certainement pas un retour généralisé vers la tradition. D'une part, un an plus tard, le même sondage réalisé auprès des jeunes en 2025 révèle que 49 % des 18-29 ans se déclarent Démocrates contre 42 % Républicains. Cela m'amène à me demander si le revirement de 2024 n'était pas une réaction à l'aveuglement des démocrates face aux pressions économiques ressenties par la population et à leur insistance malavisée sur les bons résultats de l'« économie Biden ».

D'autre part, pour en revenir au genre et à la sexualité, en 2025, 68 % des Américains se déclarent toujours favorables au mariage homosexuel. Ce chiffre est en baisse par rapport aux 71 % enregistrés en 2022 et 2023, mais il reste supérieur à tous les chiffres enregistrés entre 1996 et 2019. Non seulement les sondages montrent systématiquement un soutien élevé à la répartition des tâches ménagères et des responsabilités parentales entre les hommes et les femmes, mais les chercheurs ont également constaté une augmentation substantielle de la part prise par les hommes dans ce que l'on appelait autrefois les « tâches féminines » au cours des deux dernières décennies.

Si l'on y regarde de plus près, il s'agit davantage du sentiment que la vie était plus facile lorsque les hommes gagnaient suffisamment pour subvenir aux besoins de leur famille et que les gens avaient plus de temps à consacrer à leur famille.

Je ne dis pas qu'il ne faut pas prendre au sérieux la nostalgie des rôles « traditionnels » des hommes et des femmes. Et je pense que l'agressivité, ou du moins le fait qu'elle apparaisse ouvertement aujourd'hui, de l'agressivité et de la violence dans la « manosphère » est très préoccupante. Mais je pense aussi que nous devons être plus sensibles aux pressions et aux dilemmes qui rendent les gens réceptifs à ces messages. Oui, beaucoup de gens croient sincèrement à la supériorité masculine, et il est assez courant que des sexistes bienveillants à l'origine deviennent hostiles lorsque les femmes rejettent leur condescendance, comme elles le font de manière assez militante ces derniers temps. Mais dans d'autres cas, si l'on creuse un peu, il s'agit plutôt du sentiment que la vie était plus facile lorsque les hommes gagnaient suffisamment pour subvenir aux besoins de leur famille et que les gens avaient plus de temps à consacrer à leur famille. Si l'on ajoute à cela les pertes très réelles en termes de choix économiques, de sécurité et de respect dont ont souffert les jeunes hommes issus de la classe ouvrière et même de la classe moyenne, ainsi que le manque de respect dont font preuve de nombreux hommes et femmes privilégiés à l'égard des anciens modèles de masculinité, je pense qu'une partie de ce phénomène est compréhensible. Et cela vaut non seulement pour les hommes, mais aussi pour les femmes, car beaucoup d'entre elles ont vu leur « carrière » s'avérer beaucoup moins « épanouissante » que promis.

Les hommes de la classe ouvrière et les communautés rurales connaissent une crise lente qui ne s'est pas interrompue depuis les années 1970. Dans mon dernier livre, je soutiens que cette crise trouve son origine dans une campagne systématique visant à renverser les restrictions imposées par le New Deal aux prérogatives des banques, des entreprises et des héritiers de grandes fortunes, mais à imputer les pertes que cette crise a fait subir aux hommes blancs de la classe ouvrière aux réformes dites de la « Great Society » qui visaient à étendre les protections du New Deal aux femmes, aux Noirs et aux autres minorités. Mais dans la mesure où de nombreux Libéraux ont mis en avant leur soutien (principalement rhétorique) aux mesures sociales progressistes sans le relier à une opposition vigoureuse à la feuille de route économique des entreprises, ils ont facilité la tâche de la droite qui a fait passer l'idée que ce sont les acquis des femmes et des minorités, plutôt que ceux de Wall Street, qui ont nui aux travailleurs.

Lorsque Hillary Clinton s'est présentée à la présidence, je la regardais débattre à la télévision et je la voyais énumérert de longues listes de mesures à prendre pour soutenir les droits des femmes, des gays, des lesbiennes et des transgenres, mesures que j'approuve toutes. Pourtant, je poussais des cris devant mon écran : « tu ne pourrais pas ajouter un agriculteur ? Et un ouvrier ? » Cette façon de négliger les questions de classe permet à la droite de prétendre plus facilement que ce n'est pas l'inégalité économique, mais plutôt la diversité culturelle qui a conduit à ce manque de considération pour les des hommes blancs de la classe ouvrière.et à leur insécurisation.

Meagan Day - Quelles sont les causes réelles du profond sentiment de manque de considération et d'humiliation qui règne parmi la classe ouvrière, et en particulier chez les hommes de cette classe ?

Stephanie Coontz - La cause la plus importante, c'est l'inversion de la tendance à la croissance des salaires réels et de la sécurité économique qui a marqué la vie des familles de la classe ouvrière dans l'après-guerre jusqu'au début des années 1970, et la montée des inégalités qui en a résulté, encourageant les soi-disant « gagnants » de la société à cultiver des des goûts sociaux et à s'entourer de formes de luxe que la génération précédente de capitalistes gardait généralement discrets. Cela a dévalorisé l'ancienne éthique masculine du travail, qui mettait l'accent sur l'accomplissement d'un travail difficile et souvent désagréable, mais qui permettait de subvenir aux besoins et de protéger sa femme et ses enfants, qui en retour vous témoignaient leur gratitude et leur respect pour vos sacrifices.

Ce contrat masculin – faire des sacrifices physiques et mentaux pour soutenir et défendre les femmes de sa famille, et obtenir en retour leur gratitude, leur admiration et leurs services – ne s'est pas avéré payant au cours du dernier demi-siècle. Nous connaissons bien ce qu'il en est des pertes en termes de progrès économique, de la fierté de savoir que l'on va réussir mieux que son père et son grand-père. Mais les hommes ont également le sentiment de ne pas être respectés pour leurs emplois de « cols bleus », leurs compétences manuelles et techniques, leur capacité à effectuer un travail pénible.

Pour couronner le tout, d'autres expériences de manque de considération se sont multipliées au cours des quarante dernières années. Autrefois, tout le monde devait attendre de la même façon au téléphone avant d'obtenir un renseignement, ou faire la queue pendant le même temps. Aujourd'hui, nous assistons à une « premiumisation » de tout, les personnes aisées peuvent payer pour passer devant tout le monde et bénéficier de toutes sortes d'attentions supplémentaires. Il y a des études qui montrent que lorsque les passagers d'un vol doivent laisser la première classe embarquer d'abord, cela entraîne une augmentation des incidents violents dans les avions.

Je pense que ce type d'inégalité est particulièrement difficile à accepter pour les hommes, car l'un des éléments clés de la masculinité depuis l'avènement de l'idéologie démocratique est la promesse que, contrairement à ce qu'il en était dans la société aristocratique, il n'est pas nécessaire de s'incliner devant les personnes plus riches que soi ; celles-ci ne peuvent pas imposer les rituels de soumission que les hommes des classes inférieures devaient autrefois observer envers les hommes de statut supérieur. Vous êtes un homme, cela vous donne en soi le droit au respect. Un vieux bûcheron que j'ai interviewé un jour m'a dit que c'était une chose d'obéir aux ordres du contremaître ou du patron, mais qu'en dehors du travail, on n'avait pas à s'écarter pour laisser passer qui que ce soit. Aujourd'hui, non seulement vous devez vous écarter pour laisser passer les riches, mais vous les entendez se moquer de vous parce que vous commandez votre steak bien cuit et que vous ne savez pas ce que c'est que des feuilles de roquette.

Meagan Day - Nous parlons d'une forme particulière de masculinité caractérisée par un comportement dur, indépendant, compétitif et impassible dans la sphère publique, qui est censé être récompensé par l'amour et la gratitude dans la sphère privée. Mais il est très important de ne pas naturaliser cet idéal. C'est quelque chose qui n'est apparu qu'après l'essor du capitalisme industriel au XIXe siècle. Quelles formes prenaient les rôles de genre auparavant ?

Stephanie Coontz - La domination masculine n'est pas universelle, mais elle s'est largement répandue à travers le monde pour des raisons historiques que j'ai explorées dans divers ouvrages. Mais ce qui me donne l'espoir que nous pouvons changer cela, c'est que, malgré sa prévalence, il existe d'énormes différences dans les traits considérés comme associés à la masculinité.

Par exemple, dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs, un homme qui se vante ou qui intimide les autres n'est pas admiré, mais ostracisé. Le chasseur dont la flèche a abattu l'animal ne reçoit pas une plus grande part de la viande et ne se vante jamais de sa réussite. Lorsque j'ai découvert les sociétés de chasseurs-cueilleurs, j'ai d'abord pensé que leurs membres étaient intrinsèquement meilleurs que nous. Ce que j'ai compris, c'est qu'ils pouvaient voir et sanctionner les mauvais comportements plus facilement que nous, et qu'ils disposaient de moins de moyens sophistiqués et complexes pour monopoliser les ressources, manipuler et tromper les autres.

Dans les sociétés patriarcales aristocratiques, les hommes, et non les femmes, étaient considérés comme le sexe altruiste et prêt au sacrifice. Les femmes étaient considérées comme plus égoïstes, plus ambitieuses pour leur famille, plus enclines à l'excès sexuel et plus manipulatrices. Les hommes étaient censés être courageux et aptes à prendre des décisions, mais ils étaient également, du moins ceux des classes supérieures et moyennes, réputés pour leur grande sensibilité émotionnelle. Jusqu'au XIXe siècle, il n'était pas du tout contraire à la virilité de pleurer. Dans la « Chanson de Roland » du XIIe siècle, lorsque Roland meurt, vingt mille hommes pleurent, s'évanouissent, tombent de cheval dans leur chagrin. Il existe un ancien poème médiéval intitulé « Le Vagabond », dans lequel l'une des choses qu'un des personnages, envoyé en exil, évoque, c'est combien il lui manque de s'asseoir aux pieds de son seigneur et d'y poser sa tête en signe de gratitude pour sa générosité et son amour.

Dans les sociétés patriarcales aristocratiques, les hommes, et non les femmes, étaient considérés comme le sexe altruiste et prêt au sacrifice.

Même au début de l'ère moderne, alors que les hommes commençaient à être considérés comme des « soutiens de famille », un terme qui n'est apparu qu'au XIXe siècle, ils n'étaient pas immédiatement perçus comme des personnes devant être émotionnellement réservées et taciturnes. Des historiens tels que Richard Godbeer et E. Anthony Rotundo ont découvert de merveilleuses lettres et journaux intimes d'hommes des XVIIIe et XIXe siècles qui parlaient de leur amour pour leurs amis masculins ou se plaignaient de la solitude qu'ils ressentaient lorsque ceux-ci ne leur écrivaient pas. Les hommes partageaient souvent le même lit ou marchaient bras-dessus bras-dessous. Ils s'exprimaient fréquemment en termes très émotionnels que nous associerions aujourd'hui à des femmes. J'ai souvent en cours fait l'expérience de cacher les noms des auteurs de ces lettres et demandé aux étudiant.es qui les avait écrites. La réponse était toujours qu'elles avaient été écrites par des adolescentes.

Ce n'est vraiment qu'à la fin du XIXe siècle que ces attentes émotionnelles ont changé. Jusque-là, les petits garçons étaient souvent habillés comme des filles, et les « grands garçons » avaient le droit d'être affectueux entre eux. Mais dans le dernier quart du XIXe siècle, le mot « sissy », qui était autrefois un terme affectueux pour désigner une petite sœur, est soudainement devenu un terme péjoratif pour désigner les hommes doux. On disait aux femmes de cesser d'être aussi affectueuses avec leurs fils. Les garçons étaient humiliés s'ils se montraient affectueux entre eux. Nous parlons souvent de la haine et de la misogynie contenues dans les insultes à l'adresse aux femmes, mais c'est à cette époque qu'ont été inventés des termes bien plus horribles pour désigner les hommes qui ne correspondaient pas à l'idéal de masculinité que pour les femmes qui ne correspondaient pas à l'idéal féminin. Les filles ont le droit d'être des garçons manqués jusqu'à l'âge de douze ou treize ans, voire plus aujourd'hui. Les garçons sont soumis à des attentes qui leur imposent de se retenir, de ne pas pleurer, de ne pas être des mauviettes dès leur plus jeune âge, avant même qu'ils aient les.la capacité de raisonner et d'en être affectés..

Meagan Day - Comment les ménages se structuraient-ils avant que le modèle du « soutien de famille masculin » ne s'impose ?

Stephanie Coontz - À tous les niveaux de la société, même dans les classes supérieures, la subsistance dépendait de la production domestique et des relations personnelles et familiales. Les femmes des classes inférieures conduisaient les vaches au marché et étaient productrices de lait et brasseuses de bière. Elles étaient des acteurs économiques. Les femmes des classes supérieures devaient avoir le sens des affaires et aider leur famille à établir des alliances de qualité. Les voisins s'échangeaient des services et de la nourriture.

Mais avec le développement du travail salarié, tant dans les classes supérieures que dans les classes inférieures, le travail rémunéré en espèces est devenu plus important que le commerce et le troc de produits fabriqués à la maison. Les hommes partaient travailler, tout comme les enfants des deux sexes, afin de gagner de l'argent pour acheter des produits de première nécessité. Si les femmes ne quittaient pas leur foyer pour aller travailler, c'était parce que quelqu'un devait rester à la maison pour accomplir les tâches absolument essentielles liées à la transformation de ces produits. Ce n'était pas parce que la femme était censée rester enfermée à la maison, comme si c'était sa place ou son rôle naturel, mais parce qu'il fallait tamiser la farine à la main, entretenir le feu, puiser l'eau au puits, saler le bacon et transformer le lait en fromage. Et même si les femmes devaient être présentes pour allaiter les bébés, le rôle de mère n'était pas idéalisé. La garde des enfants était assurée par les enfants plus âgés ou par les filles du voisinage qui cherchaient à gagner un peu d'argent pour leur dot, qui les aiderait, elles et leur futur mari, à s'établir dans leur propre ferme ou leur propre boutique. Ce n'est que plus tard, lorsque l'économie de marché s'est suffisamment développée pour que le travail domestique des femmes soit moins indispensable, et que beaucoup de femmes ont commencé à revendiquer les mêmes droits économiques et politiques que les hommes, que l'on a commencé à justifier l'exclusion des femmes du monde du travail en prétextant qu'elles étaient trop délicates et sensibles pour travailler à l'extérieur, ou trop accaparées par l' l'éducation des enfants.

Il n'y avait rien de délicat dans le travail traditionnel des femmes dans l'économie familiale. Dans leurs cuisines il y avait des cuisseaux dégoulinant de sang qu'elles découpaient et de la bière qu'elles brassaient.

Il n'y avait rien de délicat dans le travail traditionnel des femmes dans l'économie familiale. Dans leurs cuisines il y avait des cuisseaux dégoulinant de sang qu'elles découpaient et de la bière qu'elles brassaient. Leurs mains étaient rugueuses à force de couper du bois et d'entretenir le feu. Mais progressivement, avec le développement d'une économie de plus en plus marchandisée où de plus en plus de choses pouvaient et devaient être achetées – des choses que l'on ne pouvait pas troquer – et où les hommes commençaient à travailler pour un salaire à des heures fixes qui ne pouvaient être combinées avec le travail à la maison, le travail des femmes à l'intérieur du foyer a commencé à être considéré comme secondaire. On a donc eu l'impression que c'était le travail des hommes qui faisait vraiment tourner la famille.

Au début du travail salarié, les femmes avaient tendance à travailler à l'extérieur lorsque leurs enfants étaient jeunes, puis à se retirer du marché du travail lorsque ceux-ci étaient en âge de travailler, c'est-à-dire dès l'âge de huit, neuf ou dix ans, car quelqu'un devait rester à la maison pour transformer les produits en objets utiles à la famille. C'était un travail extrêmement dur, mais le fait d'avoir quelqu'un à la maison pour laver les vêtements et préparer les repas améliorait le niveau de vie de la famille.

Meagan Day - Ainsi, au lieu que le ménage fonctionne comme une unité symbiotique dans une économie de troc et d'échange, où l'on fabriquait la plupart des choses à partir de rien, les hommes quittent désormais la maison pour aller travailler contre un salaire, et le ménage utilise cet argent pour acheter des produits semi-finis que les femmes transforment ensuite à la maison.

C'est une façon complètement différente de gérer un foyer, et la nouvelle division du travail entre les sexes génère alors de nouvelles idées sur ce que sont un homme et une femme. Quelles nouvelles attentes et fantasmes liés au genre ont émergé en conséquence ?

Stephanie Coontz - L'argent devient très important, et l'argent est associé aux hommes. C'est une question de fierté masculine, de réussite sociale pour un homme de pouvoir subvenir aux besoins de sa femme et pour une femme de pouvoir organiser le foyer de manière à en faire un lieu de repos, et non de travail — même si, bien sûr, cette idée n'a fait qu'accroître le travail non rémunéré des femmes afin que le foyer apparaisse comme un lieu de repos pour qui y retourne.

Si le mari gagnait suffisamment pour le permettre, ou si le mari et les enfants gagnaient suffisamment ensemble, le fait que la femme reste à la maison pour s'occuper du foyer permettait d'améliorer considérablement la qualité de vie. Elle pouvait rendre la maison plus accueillante, préparer des lits plus confortables, préparer une table où l'on pouvait s'asseoir et boire dans des verres au lieu de se passer une cruche. Toute la famille en profitait. Ainsi, même si tout le monde ne pouvait pas atteindre cet idéal et que de nombreuses femmes devaient travailler à l'extérieur, le modèle de l'homme pourvoyeur et de la femme au foyer est devenu l'idéal de la classe ouvrière.

Dans le même temps, ironiquement, les femmes de la classe moyenne qui avaient atteint cet idéal et pouvaient de plus en plus acheter des produits finis, nécessitant moins de travail pour être transformés... ces femmes ont commencé à s'agiter. Elles ont commencé à penser qu'elles devraient peut-être être autorisées à exercer un emploi en dehors de leur foyer, non pas comme domestiques chez d'autres personnes, mais en bénéficiant du même niveau d'éducation que les hommes de leur classe, ainsi que de la possibilité de participer à la vie sociale et d'être reconnues pour leurs capacités individuelles.

Meagan Day - Ainsi, très tôt dans l'histoire du capitalisme industriel, on voit apparaître l'opposition femme au foyer/femme travailleuse : si vous êtes contrainte d'accepter un travail salarié dans des conditions désagréables, l'idée d'être femme au foyer, d'avoir un mari qui subvient à vos besoins et qui veut vous protéger peut être très séduisante. Mais si vous vivez cette vie et que les progrès technologiques permettent la production de produits de plus en plus élaborés qui ne nécessitent que très peu de travail à domicile, vous commencez à rêver d'une vie qui vous permette de vous épanouir davantage.

Stephanie Coontz - Oui, et c'est une dynamique qui perdure. Les influenceuses traditionnelles d'aujourd'hui vendent essentiellement le même fantasme qui séduisait les femmes actives au milieu du XIXe siècle : celui d'avoir un homme qui travaille à l'extérieur et qui subvient à vos besoins afin que vous puissiez rester à la maison et vous adonner à des tâches ménagères légères, comme la cuisine et le crochet, divertir votre mari et vos enfants, et peut-être lire un peu ou vous adonner à d'autres loisirs.

Meagan Day - Qu'y a-t-il de mal à cela ? Pourquoi n'est-ce pas quelque chose qui mérite d'être désiré ? Cela semble avoir été une avancée pour beaucoup de femmes.

Stephanie Coontz - Eh bien, si vous étiez une femme qui n'avait pas d'aspirations professionnelles, qui pouvait trouver son compte de satisfaction avec les tâches ménagères, la cuisine et la télévision, et que vous aviez un père puis un mari qui appréciait vraiment ce que vous faisiez à la maison, qui n'était jamais violent et qui ne s'attendait pas à ce que vous lui obéissiez simplement parce qu'il subvenait à vos besoins, cela semblait effectivement être un progrès, je suppose. Mais en réalité, les femmes ont souvent trouvé cela étouffant, et beaucoup de celles qui ont apprécié cela pendant un certain temps ont fini par ne plus l'aimer, c'est pourquoi tant de femmes de la classe moyenne qui étaient femmes au foyer ont considéré à un moment donné qu'elles ne pouvaient plus supporter ça.

L'argent devient très important, et l'argent est associé aux hommes. C'est une question de fierté masculine, de réussite sociale pour un homme d'être capable de subvenir aux besoins de sa femme.

D'un autre côté, si vous étiez une femme dont le mari était infidèle, vous battait ou vous traitait comme une domestique, vous n'aviez aucun recours juridique ou social. L'idéologie et la structure sociale reposaient sur l'idée que vous étiez protégée au sein de votre foyer, vous n'aviez donc aucune source de protection ailleurs. Vous étiez piégée.

Meagan Day – Qu'est-ce qui fait que cet idéal du mari soutien de famille et de la femme au foyer a-t-il atteint son apogée dans les années 1950 aux États-Unis ?

Stephanie Coontz - C'était encore une aspiration pour la plupart des gens au XIXe siècle, mais beaucoup de femmes en nourrissaient d'autres. À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, les femmes de la classe moyenne ont de plus en plus voulu trouver un emploi ou faire des études. Parallèlement, il y avait encore des femmes de la classe ouvrière qui avaient besoin de travailler à l'extérieur pour survivre et qui réclamaient de plus en plus de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. Au début du XXe siècle, un grand mouvement féministe a vu le jour. Il y a également eu une révolution des mœurs, sexuelle et de genre, qui a été tout aussi difficile à accepter pour beaucoup de contemporains que celle du début du XXIe siècle, et qui a déclenché une guerre culturelle qui présente des parallèles frappants avec celle que nous connaissons depuis une vingtaine d'années.

Puis la Grande Dépression a frappé. Pour de nombreuses femmes, cela a signifié qu'elles n'étaient plus autorisées à travaille, au motif que les emplois devaient être réservés aux hommes. Lorsqu'elles le pouvaient, c'était dans des conditions très difficiles. Cependant, lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté, les femmes ont été appelées à rejoindre la population active et ont pu exercer des métiers et acquérir des compétences auxquels elles n'avaient jamais eu accès auparavant. Les conditions étaient meilleures, les salaires étaient meilleurs et beaucoup de femmes appréciaient cela. Des sondages réalisés à la fin de la guerre ont révélé que la plupart d'entre elles ne voulaient pas quitter leur emploi. D'un autre côté, beaucoup voulaient avoir des enfants, il était donc plus facile de les pousser hors du marché du travail pour faire place aux hommes qui revenaient de la guerre.

Meagan Day - C'était plus facile parce que l'idéal de la famille avec un homme pour subvenir aux besoins du ménage et une femme au foyer était encore bien vivant et prêt à être réactivé ?

Stephanie Coontz - Oui, et beaucoup ont décidé de voir ce que cela donnait parce que la situation économique y était très favorable. Ma mère en est un bon exemple. Elle avait travaillé comme charpentière navale pendant la Seconde Guerre mondiale et aimait beaucoup ce métier. Mais lorsque les hommes sont rentrés, elle a été licenciée. Elle en a beaucoup souffert, mais mon père a pu aller à l'université grâce au GI Bill et gagnait suffisamment pour qu'elle puisse me mettre au monde et rester à la maison pour m'élever. Cela a bien fonctionné pendant plusieurs années, puis cela a commencé à se gâter. C'est ce qui est arrivé à de nombreuses femmes.

Meagan Day - En gros, les conditions économiques ont été réunies pour permettre à un grand nombre de femmes de réaliser au même moment ce rêve qui germait depuis le milieu du XIXe siècle. Elles ont passé une dizaine ou une vingtaine d'années à l'expérimenter avant de se rendre compte que ce n'était pas aussi génial qu'elles l'avaient imaginé. N'est-ce pas ?

Stephanie Coontz - Exactement. Bien sûr, j'ai recueilli les témoignages de nombreuses femmes qui ont pleinement apprécié leur vie de femme au foyer et ne l'ont jamais regretté. Mais beaucoup d'autres voulaient quelque chose de différent pour elles-mêmes ou, surtout, pour leurs filles. À maintes reprises, lorsque j'ai interviewé des femmes pour mon livre A Strange Stirring sur l'impact de The Feminine Mystique de Betty Friedan, elles m'ont raconté à quel point elles avaient été désespérées de ne pas pouvoir se libérer. Ou leurs filles m'ont raconté que leur mère leur avait dit : « Je ne veux pas que tu sois une femme au foyer comme moi. »

Certaines étaient profondément malheureuses. J'ai interviewé Constance Ahrons, qui a fini par divorcer, reprendre ses études et devenir une sociologue renommée. Elle m'a raconté qu'avant cela, elle restait debout dans la cuisine, à faire la vaisselle, les larmes coulant sur ses joues. Elle se disait : « Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Je suis tellement ingrate. J'ai une vie meilleure que celle de ma mère. » Mais c'était terrible de vivre dans une économie et une culture où il y avait tant de nouvelles choses à faire et à penser, sans y avoir accès. D'être complètement exclue de la vie publique. Elle a consulté un thérapeute, qui lui a prescrit des tranquillisants. Mais lorsqu'elle a enfin lu The Feminine Mystique, elle a compris : « Le problème, ce n'est pas moi, c'est ma situation. » Elle a donc jeté ses tranquillisants dans les toilettes et a fini par divorcer de son mari qui ne la soutenait pas.

Lorsque j'ai interviewé des femmes qui avaient lu The Feminine Mystique, elles m'ont toutes raconté la même histoire. Elles disaient : « Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Pourquoi ne suis-je pas reconnaissante ? Ma mère aurait tout donné pour avoir une vie comme celle-ci. » Bien sûr, toutes les femmes ne pouvaient pas être femmes au foyer, mais elles étaient plus nombreuses que jamais à pouvoir le faire. Et beaucoup d'entre elles trouvaient cela insupportable, pour diverses raisons, ce qui a amené la grande vague de féminisme qui a suivi.

Meagan Day - Et les hommes ? Ils vivaient aussi le rêve dans les années 1950. Est-ce qu'ils en profitaient ?

Stephanie Coontz - Ce n'était pas un âge d'or. Les préjugés raciaux et religieux étaient encore très présents, les travailleurs étaient toujours exploités, maltraités et écrasés de travail. Mais la différence réside dans le sentiment de progrès qui régnait à l'époque, par opposition au sentiment de régression que l'on ressent depuis quelques décennies.

Dans les années 1950, les personnes qui avaient vécu la Grande Dépression et combattu pendant la Seconde Guerre mondiale ressortirent de cette période avec un sentiment de fierté nationale très fort. Elles avaient combattu le fascisme et gagné, et comme il s'agissait d'une armée de conscrits, tout le monde avait le sentiment d'avoir fait les mêmes sacrifices. Parallèlement, les améliorations sociales apportées par le New Deal et l'augmentation des dépenses publiques, même sous des présidents républicains comme Dwight D. Eisenhower, ont créé de nouveaux emplois, le programme d'autoroutes, des investissements dans l'éducation, des avantages sociaux pour les anciens combattants afin de leur permettre de reprendre leurs études. C'était une époque où l'on pouvait supporter tout ce qu'il n'allait pas car c'était bien moindre que ce que vos parents avaient connus auparavant. C'était une trajectoire ascendante. À cette époque, chaque génération de jeunes hommes entrant sur le marché du travail gagnait trois fois plus en dollars constants que son père au même âge. En 1960, le prix médian d'une maison en Amérique était à peine plus de deux fois supérieur au revenu annuel médian, contre près de six fois aujourd'hui.

Ainsi, même si les hommes travaillaient très dur dans les années 50, ils avaient le sentiment d'être récompensés. Si vous étiez un travailleur masculin, votre salaire augmentait, votre pouvoir d'achat augmentait, vous commenciez à toucher une pension. Vous faisiez cela au prix d'un sacrifice physique considérable. Mais vous vous disiez : « C'est ce qu'un homme doit faire ».

Toutes les femmes ne pouvaient pas être femmes au foyer, bien sûr, mais elles étaient plus nombreuses que jamais à pouvoir le faire. Et beaucoup d'entre elles trouvaient cela insupportable pour diverses raisons, ce qui a conduit à la grande vague féministe qui a suivi.

J'ai interviewé de nombreux hommes issus de la classe ouvrière qui, si je les avais vus interagir avec leurs filles et leurs femmes à la maison, m'auraient peut-être irrité par le sentiment de droit acquis qu'ils avaient en raison du travail qu'ils avaient accompli. Mais quand je les ai écoutés décrire à quel point ils étaient fiers de ce qu'ils avaient accompli et à quel point cela avait été difficile – et ils ne pouvaient pas vous dire à quel point cela avait été difficile émotionnellement, car cela n'était plus constitutif de ce qui faisait un homme à cette époque, alors ils mettaient l'accent sur l'aspect physique –, j'ai compris qu'il y avait quelque chose de plus profond en jeu. Un sentiment d'optimisme, de dignité et de juste récompense.

Depuis le milieu ou la fin des années 70, à quelques exceptions près, beaucoup de gens ont le sentiment qu'ils ne s'en sortent pas aussi bien que la génération précédente et qu'ils ne se sentent ni en sécurité ni optimistes quant à l'avenir. Les récompenses ne sont pas au rendez-vous. Cela est particulièrement vrai pour les hommes, pour qui la capacité à gagner de l'argent, à subvenir aux besoins de leur famille, à faire mieux que leur père avant eux et à y parvenir grâce à un travail acharné est l'idéal masculin et le chemin vers le respect de soi. (C'est aussi le moyen de gagner le respect de nombreuses femmes : Même si ce n'est pas tout à fait la réalité, les « incels » identifient une dynamique réelle lorsqu'ils affirment que 80 % des femmes recherchent 20 % des hommes.) Et si ce type de respect de soi et de respect des autres est inaccessible, soit on se blâme soi-même, soit on blâme quelqu'un d'autre, soit on cherche d'autres moyens de se sentir « viril », dont certains peuvent être très antisociaux.

Meagan Day - Comment devons-nous nous positionner par rapport à cet idéal masculin en mauvais état ? Quelle attention devons-nous lui accorder si nous comprenons qu'il n'est pas naturel et qu'il s'accompagne de toutes sortes de problèmes, mais que nous comprenons également que les hommes ont véritablement été privés de quelque chose qui n'est pas négligeable ?

Stephanie Coontz - C'est une question très difficile. Mais en tant que femmes et en tant que personnes critiques à l'égard des structures hiérarchiques fondées sur le genre et la classe sociale, nous devons trouver des moyens de reconnaître les messages que les hommes ont reçus sur la manière d'être un homme et les sacrifices ou les gestes d'entraide qu'ils accomplissent souvent pour se conformer à ces messages, tout en leur expliquant qu'ils ne sont pas obligés de s'infliger ou d'infliger aux autres toutes ces souffrances qui leur ont été présentées comme faisant partie de la masculinité.

Pour revenir aux sondages sur le genre que vous avez cités, nous devons être plus conscients du fait que dans la plupart des sociétés, le genre est traditionnellement la première chose que les gens remarquent chez un individu, quel que soit le contexte. Dès la naissance, nous sommes presque tous submergés d'attentes sur la façon dont nous devons nous comporter envers les autres et dont ils se comporteront envers nous en fonction du genre auquel nous ressemblons le plus. Lors d'expériences, lorsque l'on montre aux gens une vidéo d'un bébé et qu'on leur demande de décrire son comportement, ils sont souvent incapables ou refusent de le faire tant qu'on ne leur a pas indiqué le sexe. Si on leur dit que c'est un garçon, ils décrivent ses larmes comme de la colère ; si on leur dit que c'est une fille, ils décrivent le même bébé qui pleure comme effrayé.

À l'âge de dix mois, les nourrissons associent les visages stéréotypés féminins à des objets typiquement féminins. Soixante-dix pour cent des tout-petits utilisent des étiquettes de genre avant l'âge de deux ans. L'une des premières choses que les tout-petits apprennent est comment distinguer une femme d'un homme, lequel ils vont devenir et quels outils et vêtements leur sexe est censé utiliser. L'éducation parentale n'a ici que peu d'importance : Mon fils, dont la mère est féministe et qui a eu une femme médecin, m'a un jour affirmé que les femmes ne pouvaient pas être médecins. C'est très fort. Plus ils en apprennent sur ce que leur sexe est censé savoir faire ou ne pas savoir faire, aimer ou ne pas aimer, plus ils ont tendance à adapter leur comportement en conséquence — ou, dans d'autres cas, à le mettre en question ou à le rejeter parce qu'ils ne peuvent pas ou ne veulent pas suivre ces instructions liées au genre.

Si ce type de respect de soi et de respect des autres est inaccessible, soit on se blâme soi-même, soit on blâme quelqu'un d'autre, soit on cherche d'autres moyens de se sentir « viril », dont certains peuvent être très antisociaux.

La primauté du genre dans l'identification d'une personne existe dans toutes les cultures, à quelques exceptions près : les Yorubas d'Afrique de l'Ouest, par exemple, privilégient l'âge plutôt que le genre, au point qu'ils diront souvent « j'ai emmené mon aîné au magasin » plutôt que « mon fils » ou « ma fille ». Mais dans la plupart des sociétés que nous connaissons, le genre a été le moyen le plus simple, le plus précoce et le plus universel de classer les personnes.

Tout cela pour dire que nous abordons la question de manière erronée si nous ne commençons pas par comprendre à quel point le genre est important et à quel point il est menaçant de se sentir incapable de répondre aux attentes que l'on a envers soi-même et les autres depuis l'âge de huit ou neuf mois. Nous devons commencer par comprendre la peur et la désorientation que ressentent les gens.

Sur ces questions et bien d'autres, la droite comprend bien mieux que la plupart des libéraux et des gauchistes qu'il existe toujours une bonne partie de la population qui est à prendre, si l'on peut le dire comme ça. Il existe un groupe intermédiaire important entre la minorité d'Américains qui soutiennent l'égalité des droits pour tous et toutes, et la minorité qui s'y oppose sans équivoque. Les difficultés et les inquiétudes dans la vie professionnelle et familiale ou dans les communautés peuvent créer une ambivalence ou une peur, des sentiments d'insécurité qui peuvent être alimentés et exploitées politiquement. Il nous revient de proposer des expériences et des arguments qui aident les gens à surmonter leur ambivalence et ne pas les accuser prématurément d'être racistes, sexistes ou fascistes, ce qui ne ferait que les rendre plus susceptibles de le devenir. Comme l'a dit Loretta Ross, ancienne directrice du National Anti-Violence Network : « Nous avons trois types d'alliés : les alliés potentiels, les alliés problématiques et les alliés confirmés. Nous devons les unir tous. Nous avons des stratégies différentes pour les alliés potentiels, les alliés problématiques et les alliés confirmés, mais si nous rejetons les gens parce qu'ils sont problématiques ou non confirmés, nous affaiblissons notre capacité à changer les choses. »

Les rôles stéréotypés attribués aux hommes et aux femmes à l'époque moderne, qui ont atteint leur apogée dans les années 1950, continuent d'exercer une influence profonde. Il y a des raisons à cela. Plutôt que de condamner la nostalgie des gens, notre travail consiste à expliquer qu'elle reflète un sentiment de perte légitime ancré dans la réalité, mais qu'elle repose sur une mauvaise compréhension des causes de la stabilité des familles des années 1950 : premièrement, l'autorité légale des hommes sur les femmes et l'incapacité des femmes à faire d'autres choix, ce que la plupart des gens n'acceptent plus aujourd'hui, et deuxièmement, une économie dans laquelle une seule personne pouvait subvenir aux besoins d'une famille avec un seul salaire, ce qui n'est plus le cas depuis longtemps.

Plutôt que de condamner la nostalgie des gens, notre travail consiste à leur expliquer qu'elle reflète un sentiment de perte légitime et ancré dans la réalité, mais qu'elle repose sur une incompréhension des causes de la stabilité des familles des années 1950.

Beaucoup de choses ont changé depuis lors, et nous n'avons pas toujours expliqué ces changements et les solutions que nous préconisons de la manière la plus avisée ou la plus sensible aux doutes des gens. Cela laisse une ouverture à la droite, qui en tire pleinement parti. Elle a construit une alliance consciente et très cynique entre les partisans du libre marché qui veulent supprimer toutes les restrictions d'après-guerre imposées à Wall Street et aux riches, et les conservateurs sociaux qui veulent réimposer toutes les restrictions d'après-guerre en matière de genre et de sexualité.

Néanmoins, même si je ne veux pas minimiser les dangers réels liés à la résurgence des préjugés et des privilèges sexistes, il est important de reconnaître que l'opinion publique n'est pas revenue à ce qu'elle était dans les années 1990, et encore moins dans les années 1950. Il y a un changement alarmant, mais je ne serais pas surpris qu'il touche principalement des personnes qui étaient déjà conservatrices, ceci étant accéléré par la radicalisation du conservatisme en général. Il existe probablement une base assez stable d'environ 20 % de personnes opposées à l'égalité raciale, de genre et sexuelle, 20 % de personnes absolument favorables à l'égalité sous toutes ses formes, et un groupe important qui oscille entre les deux. Le premier groupe durcit ses positions et devient plus militant. Nous devons redoubler d'efforts pour atteindre le groupe intermédiaire sur les questions où nous sommes d'accord et expliquer patiemment les questions sur lesquelles nous ne sommes pas d'accord, mais qui doivent continuer à être discutées.

Meagan Day - Êtes-vous optimiste en matière d'égalité des sexes ?

Stephanie Coontz - Je ne suis certainement pas pessimiste. Il convient de rappeler que malgré l'insécurité et les revers dont nous avons parlé, et l'incapacité des élites libérales à y remédier, même si le soutien à l'égalité des sexes est moins important à certains égards qu'il y a cinq ou dix ans, il reste plus élevé qu'à n'importe quel moment au cours des 250 années précédentes. Il en va de même pour le mariage homosexuel. En 2025, le soutien n'était « que » de 68 %, contre 29 % d'opposition. Mais dans les années 1990, l'opposition au mariage homosexuel n'est jamais descendue en dessous de 62 % et le soutien n'a atteint 35 % qu'en 1999.

De plus, les reculs ne sont pas uniformes. L'enquête nationale sur les victimes d'actes criminels, qui recense plus d'incidents que les rapports de police, a montré une baisse spectaculaire des viols et des agressions sexuelles depuis les années 1970. Les taux de violence domestique ont également diminué de manière presque constante. Les hommes hétérosexuels en couple ont continué à augmenter leur contribution aux principales tâches ménagères pour lesquelles les hommes étaient autrefois ridiculisés, et l'approbation d'une plus grande implication des hommes dans les soins aux nourrissons et aux enfants continue de croître. Après avoir baissé de manière quasi continue entre le début des années 1990 et 2014, puis augmenté pendant la pandémie de COVID , les taux de crimes violents et de meurtres, dont les jeunes hommes sont généralement les principaux auteurs, ont chuté en 2024 et au premier semestre 2025.

Nous devons également reconnaître et traiter les messages très contradictoires que les hommes reçoivent de nombreuses femmes hétérosexuelles sur ce qui est approprié et attirant.

Nous savons donc que nous avons fait des progrès dans de nombreux domaines, et nous devons trouver le moyen d'expliquer aux gens que nous comprenons leur sentiment de perte, mais qu'ils sont nostalgiques des mauvais aspects de l'après-guerre. Pour ce faire, nous devons trouver de meilleurs moyens de distinguer les hommes qui adoptent consciemment des pratiques misogynes et abusives de ceux qui se comportent d'une manière qui peut être offensante pour les femmes attachées à l'égalité, mais qui est acceptée, voire récompensée, par de nombreuses autres femmes. Nous devons également reconnaître et traiter les messages très contradictoires que les hommes reçoivent de nombreuses femmes hétérosexuelles sur ce qui est approprié et attirant.

Il y a des hommes et des femmes avec lesquel.le.s il n'est pas possible d'aborder ces questions. Mais pour la plupart des gens, je pense que nous avons plus de chances de changer les mentalités et les comportements inégalitaires si nous pouvons aider les gens à comprendre comment le conditionnement historique et les contraintes structurelles actuelles, et non des intentions consciemment malveillantes, empêchent les hommes et les femmes d'agir selon leurs meilleures impulsions et d'identifier leurs propres angles morts ou mauvaises habitudes.

Tout dépend donc de la façon dont vous définissez l'optimisme. Je comprends pourquoi les gens s'impatientent face à la lenteur du changement, et je ne nie pas les dangers très réels inhérents à ces récents revers. Mais je rejette l'idée qu'il y ait quoi que ce soit d'intrinsèquement anti-égalitaire chez les hommes — ou d'intrinsèquement égalitaire chez les femmes. L'énorme diversité des comportements et des valeurs liés au genre que nous avons observée tout au long de l'histoire montre clairement que nous avons plus de marge de manœuvre qu'on ne le dit souvent pour organiser nos relations entre les genres et nos relations sexuelles. Mais nous avons également accumulé une multitude d'idées et d'institutions qui renforcent les inégalités, de sorte que le type d'égalité que nous souhaitons ne se réalisera pas du jour au lendemain. Et plus nous parviendrons à historiciser – plutôt qu'à pathologiser – les difficultés que nous rencontrons dans nos relations personnelles, plus nous aurons de chances de développer des relations qui nous soutiendront personnellement dans nos efforts pour construire une société plus solidaire.

P.-S.
• Traduit pour ESSF par pierre Vandevoorde avec l'aide de DeepLpro

• Jacobin, Vendredi 15 août 2025 :
https://jacobin.com/2025/08/gender-roles-sexism-jobs-class

Stephanie Coontz est directrice de la recherche et de l'éducation publique au Council on Contemporary Families et professeure émérite à l'Evergreen State College d'Olympia, dans l'État de Washington. Son prochain livre s'intitule For Better and Worse : The Problematic Past and Challenging Future of Marriage (Pour le meilleur et pour le pire : le passé problématique et l'avenir difficile du mariage).

Meagan Day est rédactrice en chef adjointe de Jacobin. Elle est coauteure de Bigger than Bernie : How We Go from the Sanders Campaign to Democratic Socialism.

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« Très fortes et très courageuses » : bergère en Mongolie

Maamankhuu Sodnom est une bergère du district de Tsogttsetsii, dans la province d'Umnugobi, en Mongolie. Elle vit dans une petite communauté appelée Mandakh et est pasteur (…)

Maamankhuu Sodnom est une bergère du district de Tsogttsetsii, dans la province d'Umnugobi, en Mongolie. Elle vit dans une petite communauté appelée Mandakh et est pasteur depuis plus de 60 ans. Maamankhuu est présidente de l'Association de bergères nomades de Mongólia Gobi et coordinatrice régionale pour l'Asie centrale et orientale de l'Alliance Mondiale des peuples pasteurs et autochtones nomades (WAMIP en anglais). WAMIP est l'une des organisations-clés du 3e Forum mondial Nyéléni, qui aura lieu au Sri Lanka en septembre 2025 et réunira des organisations de base du monde entier pour débattre du système d'oppression et des alternatives populaires pour une transformation systémique.

16 août 2025 | tiré du site entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/08/16/tres-fortes-et-tres-courageuses-bergere-en-mongolie/?jetpack_skip_subscription_popup

Maamankhuu Sodnom, de WAMIP, parle de l'histoire et des luttes actuelles des bergères dans le pays

Cet article est une version éditée d'une interview donnée par Maamankhuu pendant l'activité Empowering Herder Women : Challenges, Solutions and Opportunities [Autonomiser les bergères : défis, solutions et opportunités], organisée par la Marche Mondiale des Femmes (MMF) en partenariat avec WAMIP et l'Association. L'événement a eu lieu à la fin du mois de juin et faisait partie de la 6ème Action Internationale de la MMF. Pendant l'activité, « plus de 150 femmes se sont rassemblées dans la région de Gobi en Mongolie pour relever les défis critiques auxquels sont confrontées les bergères, en particulier ceux liés à l'exploitation minière et à la gestion des pâturages ».

Le pays, riche en charbon, cuivre et autres matières premières essentielles à l'industrie technologique, a historiquement été confronté aux impacts de l'exploitation minière sur les communautés locales et sur la valorisation des modes de vie traditionnels et autochtones, souvent ignorés dans le soi-disant processus de modernisation. Dans l'article suivant, Maamankhuu raconte sa trajectoire dans le mouvement, le contexte historique et les luttes actuelles.

*-*

Pendant l'Union soviétique, il y avait des groupes communautaires désignés pour travailler ensemble et atteindre les objectifs fixés par le gouvernement, et j'étais très active dans ma communauté. Après la transition vers une société de marché et démocratique, nous avons décidé de conserver certaines de ces pratiques, j'ai donc créé un nouveau groupe communautaire appelé Oyud. Nous avons travaillé en équipe avec d'autres bergères. J'ai donc été invité à participer à une conférence internationale à Nairobi, au Kenya, sur le nomadisme et le pastoralisme. Ils m'ont demandé de faire un discours, dans lequel j'ai souligné que les bergères en Mongolie étaient abandonnées dans leurs petites villes et que personne ne savait qu'elles existaient ou qu'elles rencontraient des problèmes. Après cela, j'ai été approchée par une personne d'Iran pour parler de ces problèmes. Ce travail s'est poursuivi et, en 2007, en Espagne, l'Alliance mondiale des peuples autochtones pastoraux et nomades (WAMIP) a été créée. Ce fut le début de notre travail international.

Ce premier congrès, qui s'est tenu à Ségovie, en Espagne, a été tout à fait unique. Nous avons emmené notre matériel traditionnel utilisé en pâturage. Une personne d'Espagne a emmené ses animaux au centre et nous sommes allées au palais du gouvernement avec eux, mais il n'a pas été facile d'obtenir un impact et une reconnaissance internationaux. Des représentants de 32 pays y ont participé et nous avons mené des activités participatives. Ce fut un événement très important, au cours duquel nous avons identifié les principaux défis des lieux d'où nous venons. L'un des points centraux était la situation des femmes bergères, en particulier en Mongolie, dont le travail n'est jamais valorisé et dont les efforts sont toujours crédités aux hommes. C'était le plus grand défi : comment identifier les difficultés et les opportunités pour s'assurer que les bergères sont également valorisées et comment créer des opportunités dans l'économie des soins, qui repose sur les épaules des femmes bergères.

Après l'événement de 2007, il y a eu un grand rassemblement en Inde, où nous avons organisé la première conférence et dialogue des bergères. Après ces discussions, je suis retournée en Mongolie et j'ai décidé que nous devrions avoir notre propre organisation pour représenter en particulier les femmes bergères. Ainsi, en 2014, l'Association des éleveurs nomades de Mongolie Gobi été fondée. Nous voulions développer ce travail avec ou sans soutien international, de manière plus locale et autonome.

Notre première action a été de soutenir un politicien qui se présentait à la députation. Lorsqu'il a été élu, cela nous a donné l'occasion de contacter le ministère de l'Agriculture et de l'emmener dans notre ville natale pour lui présenter nos préoccupations, nos défis et nos opportunités.

Grâce à cette collaboration avec le ministère de l'Agriculture, nous avons livré nos propositions et avons également eu des réunions en face à face avec les décideurs publics au niveau ministériel. Nous présentons une liste de mille fonctions exercées quotidiennement par les bergers et bergères. C'est ainsi que nous avons pu reconnaître les bergers et bergères comme détenteurs.trices de mille qualifications professionnelles. Sur cette base, le Ministère a décidé d'accorder à chaque berger et bergère du pays un certificat reconnaissant qu'il possède ces qualifications et d'accepter le métier de berger. D'autres demandes et recommandations stratégiques ont également été formulées. Par exemple, nous avons demandé que les bergers âgés soient reconnus comme formateurs et certifiés, afin que leurs connaissances traditionnelles soient utilisées et que les anciens participent à la formation des nouvelles générations. Mais cette proposition n'a pas été acceptée par le Ministère.

Préoccupations actuelles

Considérant que l'exploitation minière est souvent associée à la croissance économique, je souligne que près de 80% de l'économie du pays dépend de nos terres, en particulier dans la région où nous avons eu la discussion avec les femmes bergères. C'est aussi l'un des thèmes centraux que nous souhaitons aborder à travers nos actions, événements et propositions politiques.

Les bergères sont utilisées comme un outil électoral par les politiciens pour obtenir des votes. Ils ne se soucient de nous qu'en période électorale, puis ils nous abandonnent. Il est très inquiétant de voir comment les bergères sont utilisées politiquement. Pendant les élections, il y a de nombreuses conférences et discussions sur les politiques publiques. Au niveau national et local, les femmes bergères ont rarement un siège ou une voix dans ces espaces. Seules les élites, les politiciens ou les détenteurs du pouvoir parlent généralement. Nous avons très peu d'occasions de nous exprimer.

Je suis très fière de savoir que les femmes mongoles, en particulier les femmes bergères, sont très fortes et très courageuses. Dans la vie sociale, politique et économique de la Mongolie, près de 70% du travail incombe aux femmes. Donc ils ne veulent pas nous soutenir ou investir en nous. Ils veulent nous faire taire, et la pression sur les femmes est énorme — mais nous ne l'acceptons pas. Il y a aussi des ONG qui essaient d'influencer notre travail. C'est quelque chose de commun et cela nous montre comment nous sommes perçues, en particulier les femmes bergères, comme faibles, et donc on essaie de nous opprimer. Nous sommes ouvertes à la collaboration avec les ONG, mais elles utilisent souvent nos connaissances et notre système plus pour leur propre bénéfice que pour un bénéfice mutuel.

Une autre préoccupation concerne les aînées et les connaissances traditionnelles des bergères plus âgées. Ce savoir a depuis longtemps cessé d'être valorisé, reconnu ou transmis aux nouvelles générations. C'est pourquoi des femmes de l'intérieur de la Mongolie ont participé à l'événement de la MMF et de l'Alliance Mondiale des peuples bergers et autochtones nomades, pour montrer comment elles récupèrent les connaissances traditionnelles de leurs aînés et s'assurent qu'elles sont transmises et développées pour les générations futures. Je voudrais remercier la Marche Mondiale des Femmes d'avoir rendu cela possible. Cela a été une période difficile pour nous, mais aussi une période de courage, d'avoir une plate-forme et un espace où nous pouvons parler en tant que bergères. En conclusion, je voudrais demander à la Marche Mondiale des Femmes de consacrer plus d'attention à la formation des femmes bergères, en les aidant à se développer personnellement et professionnellement, à reconnaître le métier de bergerie et à réfléchir aux moyens de l'améliorer. Il est également essentiel d'éduquer les femmes bergères sur l'importance de la sagesse de leurs aînés et d'assurer sa transmission aux générations futures. Nous devons travailler ensemble pour éduquer nos bergères et veiller à ce que toute cette sagesse et cette tradition soient préservées et transmises.

Article édité à partir d'une interview réalisée par Sibel Tekin, MMF Turquie
Introduction par Bianca Pessoa
Édition par Clarisse Schreiner et Helena Zelic
Traduit du portugais par Andréia Manfrin Alves
Langue originale : Anglais
https://capiremov.org/fr/analyse/tres-fortes-et-tres-courageuses-bergere-en-mongolie/

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Le FSB russe intensifie les enlèvements et les actes de terrorisme contre les femmes en Crimée occupée

26 août, par Halya Coynash, Halya Koynach — ,
Trois femmes qui ont disparu en mars 2024, ainsi que Tetiana Strifanova, enlevée par le FSB en février 2025, sont détenues au secret, sans statut juridique ni inculpation. La (…)

Trois femmes qui ont disparu en mars 2024, ainsi que Tetiana Strifanova, enlevée par le FSB en février 2025, sont détenues au secret, sans statut juridique ni inculpation. La Russie cible de plus en plus les femmes dans le cadre de ses poursuites et « procès » à motivation politique, avec un nombre effrayant de cas de ce type en Crimée occupée qui rappellent davantage des disparitions forcées que des arrestations.

15 août 2025 | entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/08/15/le-fsb-russe-intensifie-les-enlevements-et-les-actes-de-terrorisme-contre-les-femmes-en-crimee-occupee/?jetpack_skip_subscription_popup

Trois femmes – Elvira Aboiazova, Larysa Haidai et Tetiana Pavlenko (Symonenko) – viennent d'être « retrouvées » dans la prison préventive n°2 de Simferopol occupée, 18 mois après avoir été enlevées et avoir disparu. Le Centre de ressources des Tatars de Crimée (CTRC) a maintenant appris qu'une quatrième femme, Tetiana Shtrifanova, qui a disparu le 12 février 2025, est également emprisonnée dans le même SIZO contrôlé par le FSB russe. Rien ne suggère que des accusations officielles aient été portées contre l'une de ces femmes, qui sont toutes détenues illégalement au secret et, presque certainement, privées de l'accès à un·e avocat·e indépendant·e. Le FSB russe est connu pour utiliser ces périodes pour tenter d'obtenir des « aveux » par la torture, les menaces et d'autres formes de contrainte.

Le CTRC a appris la disparition de Larysa Haidai le 27 mars 2024 et celle de Tetiana Pavlenko (Symoenko) et Elvira Aboiazova le lendemain, il y a un an. Ce n'est toutefois que le 4 août 2025 que le groupe de défense des droits humains a pu confirmer que les trois femmes étaient emprisonnées au SIZO n°2. Cette information provient clairement des propres sources du CTRC, car il n'y a toujours pas eu de confirmation officielle de la détention de ces femmes, ni des raisons de leur détention. Ces trois femmes sont donc détenues depuis plus de 16 mois sans aucune information sur les charges qui pèsent contre elles et sans savoir si elles bénéficient d'un statut procédural officiel.

Le 8 août, le CTRC a signalé que Tetiana Shtrifanova (née le 28 octobre 1980) de Yevpatoria était également emprisonnée au SIZO n°2. On en sait davantage sur son arrestation par le FSB vers 8 heures du matin le 12 février 2025, car elle a d'abord été arrêtée dans la rue avec sa sœur, Inna Strifanova. Les deux femmes ont été emmenées dans le bâtiment que le FSB utilise comme quartier général dans la ville occupée de Sébastopol. Après avoir été interrogée, Inna Strifanova a été libérée, tandis que Tetiana est restée détenue par le FSB. Bien qu'il soit clair qu'elle ait été arrêtée par le FSB, ce dernier a refusé de fournir des informations sur le lieu où elle se trouvait ou sur son statut juridique. En rapportant la situation, Eskender Bariev, directeur du CTRC, a noté que les forces d'occupation refusaient toutefois d'engager des poursuites pour privation illégale de liberté, affirmant qu'il n'y avait « aucune indication d'un crime ».

Bien que la Russie ait introduit les disparitions forcées en Crimée lors de son invasion en 2014, le nombre d'enlèvements et le niveau d'anarchie manifeste ont fortement augmenté depuis son invasion à grande échelle de l'Ukraine. Le FSB dissimule le sort de plusieurs hommes et femmes enlevées fin 2023 et 2024, ainsi que d'au moins cinq personnes, outre Tetiana Shtrifanova, enlevée en 2025. Si, avant 2022, ce sont principalement des hommes qui étaient visés, un nombre croissant de femmes ont été enlevées et condamnées par la suite à des peines d'emprisonnement horribles pour des accusations fallacieuses. Serhiy Hrishchenkov, spécialiste en informatique âgé de 58 ans, originaire de Sébastopol occupée, est détenu au secret depuis que le FSB a fait irruption dans son appartement le 6 mai 2025 et l'a emmené. La Russie semble avoir l'intention de « juger » l'Ukrainien pour « trahison », mais refuse de fournir toute information sur le lieu où il est détenu. On ignore également où se trouvent Natalia Poliukh (née en 1975) et son mari Oleh Platonov (né en 1963), qui ont été enlevé·es le 9 avril 2025 et dont le jeune fils a été placé en famille d'accueil. Le CTRC a précédemment signalé que Susana Izmailova avait été emmenée le 25 mars 2025 par le FSB, qui a procédé à une perquisition à son domicile dans le village de Sofiivka (région de Simferopol). Tamara Chernukha (née en 1963), ambulancière à Chornomorske, a disparu le 5 février 2025. Le FSB russe et la « police » de Crimée occupée savent clairement où elle se trouve, mais refusent de le dire. Lera Dzhemilova a été arrêtée par le FSB le 21 mai 2024, la Russie prévoyant probablement également de l'accuser de « trahison ». On est sans nouvelles d'Anatoliy Kobzar, 45 ans, depuis le 5 mars 2024, mais il est clair que le FSB est derrière sa disparition.

Le CTRC rapporte qu'au moins 26 femmes originaires de Crimée occupée ou illégalement enlevées et détenues là-bas sont actuellement captives en Russie.

Dans les colonies pénitentiaires :
Valeria Goldenberg
Iryna Horobtsova
Iryna Danilovych
Halyna Dovhopola
Hanna Yeltsova
Olha Kolkova
Nina Malakhova
Ksenia Svietlishyna
Oksana Senedzhuk
Anna Sukhonosova
Nina Tymoshenko

Femmes détenues dans les SIZO :
Elvira Aboiazova
Larysa Haidai
Tetiana Pavlenko (Symonenko)
Tetiana Shtrifanova
Tetiana Maliar (b. 1968) and her daughter, Olha Behei (b. 1992)
Khatidzhe Buyukchan
Olena Voinarovska
Lera Dzhemilova
Tetiana Diakunovska
Niyara Ersmambetova
Liudmyla Kolesnikova
Olha Kravchuk
Yevhenia Samoilova
Olha Tsyryk
Oksana Shevchenko
Tamara Chernukha

Halya Coynash
https://khpg.org/en/1608814875
Traduit avec DeepL.com (version gratuite

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Effacement ou autonomisation ? Au Sahel, les femmes sont confrontées à un choix difficile

Dans la région du Sahel, en Afrique, l'aggravation de la violence et de la pauvreté – provoquée par les déplacements, la faim et le terrorisme – prive les femmes et les filles (…)

Dans la région du Sahel, en Afrique, l'aggravation de la violence et de la pauvreté – provoquée par les déplacements, la faim et le terrorisme – prive les femmes et les filles de leur droit à la sécurité, à l'éducation et à un avenir viable.

15 août 2025 | tiré du site entre les lignes entre les mots
https://news.un.org/fr/story/2025/08/1157257

Les risques qui pèsent sur les femmes et les filles dans cette vaste région sont graves et systémiques, l'instabilité politique, la dégradation de l'environnement et le déclin de la présence internationale ayant des conséquences néfastes.

Des enlèvements et mariages d'enfants à l'exclusion des écoles et de la vie publique, leurs vies et leurs opportunités sont progressivement réduites à néant, a déclaré jeudi Sima Bahous, Directrice exécutive d'ONU Femmes, aux membres du Conseil de sécurité.

« Au Sahel, où convergent les préoccupations mondiales les plus graves, les femmes et les filles sont les plus touchées », a-t-elle dit.

Elle a ajouté que les crises dues à la montée du terrorisme, à la pauvreté, à la faim, à l'effondrement du système d'aide et au rétrécissement de l'espace civique « convergent – de manière violente et disproportionnée – sur leurs corps et leur avenir ».

En voie d'effacement
Dans des pays comme le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad, la vie des femmes sous le contrôle de groupes terroristes « est une exclusion de l'espace public », a déclaré Mme Bahous.

Leurs déplacements, leur visibilité et même leurs vêtements sont fortement restreints. Des écoles ont été incendiées ou fermées, privant plus d'un million de filles d'accès à l'éducation.

« L'enlèvement n'est pas une conséquence du terrorisme au Sahel ; c'est une tactique », a-t-elle ajouté, soulignant que rien qu'au Burkina Faso, le nombre de femmes et de filles enlevées a plus que doublé au cours des 18 derniers mois.

Au Mali, 90% des femmes sont victimes de mutilations génitales féminines. Les taux de mariage d'enfants dans certaines régions sont parmi les plus élevés au monde. La mortalité maternelle, due aux grossesses précoces et à la pauvreté, est parmi les plus élevées au monde.

Diminution de la résilience
« Les distances parcourues par les femmes et les filles pour aller chercher de l'eau ou du bois de chauffage s'allongent, tandis que leur sécurité se réduit », a déclaré Mme Bahous.

Deux tiers des femmes interrogées déclarent se sentir en insécurité lors de ces voyages. Le changement climatique ne fait qu'aggraver les difficultés, la chaleur extrême et la sécheresse augmentant la mortalité et l'insécurité alimentaire dans la région.

Pourtant, malgré des besoins croissants, l'aide internationale s'affaiblit.

Seuls 8 % de l'appel humanitaire de cette année pour la région avaient été satisfaits en mai.

L'aide au développement a chuté de près de 20 % au cours des deux dernières années. En conséquence, les programmes de protection et d'autonomisation des femmes ont été suspendus, tandis que les ministères chargés de l'égalité des sexes sont privés de financement, fusionnés ou fermés.

Resserrement de l'espace politique
Parallèlement, l'espace démocratique et civique se rétrécit.

Au Niger, seulement 14% des participants aux récentes réformes institutionnelles étaient des femmes. Au Mali, seulement deux des 36 membres ayant rédigé la nouvelle charte nationale étaient des femmes.

Leonardo Santos Simão, chef du Bureau des Nations Unies pour l'Afrique de l'Ouest et le Sahel (UNOWAS), a également averti que la détérioration de l'environnement sécuritaire, marquée par des vagues d'attaques djihadistes et des turbulences politiques, compromettait les progrès et alimentait les déplacements.

Il a ajouté que le rétrécissement de l'espace accordé aux médias, à la société civile et aux organisations de femmes menaçait les acquis durement acquis et qu'une crise plus large compromettait la gouvernance et les efforts de consolidation de la paix.

« L'économie de la région reste très vulnérable aux chocs externes. Bien que les indicateurs macroéconomiques s'améliorent, la hausse des niveaux d'endettement continue de limiter la capacité des gouvernements à fournir des services essentiels », a-t-il déclaré.

Acquis fragiles
Pourtant, des progrès sont possibles, et parfois visibles.

Au Tchad, les femmes occupent désormais 34% des sièges parlementaires. Dans les zones frontalières exposées aux conflits au Mali et au Niger, la participation des femmes à la consolidation de la paix locale est passée de 5% à 25%, contribuant ainsi à la résolution de plus de 100 conflits liés à la rareté des ressources naturelles.

Dans toute la région, les programmes conjoints des Nations Unies ont permis d'accroître de 23% le taux de retour à l'école des adolescentes, tout en doublant la participation des femmes à la gouvernance locale dans 34 communautés touchées par les conflits.

De plus, une initiative conjointe des Nations Unies et de la Banque mondiale a permis à plus de trois millions d'adolescentes de bénéficier de soins de santé, d'espaces sûrs et d'une formation aux compétences de vie.

Soutenir les femmes du Sahel
Pourtant, ces acquis restent fragiles.

« Nous ne pouvons pas abandonner le Sahel, quelles que soient les politiques, les financements et les difficultés géopolitiques », a conclu Mme Bahous.

« Soyons solidaires des femmes du Sahel, non par charité, mais en reconnaissance de leur pouvoir de façonner un avenir meilleur ».

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Trump le ravageur

26 août, par Marc Simard
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