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Ford n’a pas d’autres chats à fouetter que les jeunes chômeurs

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/09/ford.jpg27 septembre, par L'Étoile du Nord
L’article Ford n’a pas d’autres chats à fouetter que les jeunes chômeurs est apparu en premier sur L'Étoile du Nord.

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Lancement double le 14 octobre !

La parution du numéro 104 (et son dossier sur l'Acadie) et du numéro 105 (et son dossier sur l'internationalisme) seront soulignés à la librairie N'était-ce pas l'été (6702 (…)

La parution du numéro 104 (et son dossier sur l'Acadie) et du numéro 105 (et son dossier sur l'internationalisme) seront soulignés à la librairie N'était-ce pas l'été (6702 St-Laurent, Montréal).

Mardi 14 octobre à 18h30. Entrée libre, bienvenue à toutes et à tous !

Rouyn-Noranda vs. Glencore : « Ça concerne tout le monde »

Le 26 août 2023, 900 personnes se mettent en marche au centre-ville de Rouyn-Noranda. Il fait plein soleil, l'ambiance est à la fête, mais l'indignation demeure au rendez-vous, (…)

Le 26 août 2023, 900 personnes se mettent en marche au centre-ville de Rouyn-Noranda. Il fait plein soleil, l'ambiance est à la fête, mais l'indignation demeure au rendez-vous, comme en témoignent les slogans repris en chœur par la foule. Dans le dernier droit, avançant de pied ferme vers l'imposante silhouette de la Fonderie Horne, on scande sans relâche : « Nos vies, nos vies, valent plus que leurs profits ! »

Pour Jennifer Ricard-Turcotte, l'une des organisatrices de l'événement, c'est mission accomplie. La coalition de groupes militants à l'origine de la mobilisation a réussi à faire crier haut et fort par la population la rumeur qui circulait entre les branches et les microparticules d'arsenic depuis le printemps : « Y'en a pas, d'acceptabilité sociale. »

« C'est pas vrai qu'on va se taire »

Retour à l'automne 2022. En pleine campagne électorale, François Legault se présente à Rouyn-Noranda. Le climat social est tendu. Les mois précédents ont été fastes en révélations scandaleuses concernant les impacts des activités de la Fonderie Horne sur la santé des citoyennes et des citoyens. La population est inquiète et réclame des changements. En point de presse concernant les cibles de l'usine pour la réduction de ses émissions d'arsenic et de métaux lourds, le premier ministre déclare : « C'est pas à moi de prendre la décision, c'est à la population de Rouyn-Noranda ». Lesdites cibles prévoient une diminution des émissions d'arsenic de la Fonderie Horne pour atteindre une concentration maximale de 15 nanogrammes par mètre cube d'air d'ici 2028, soit cinq fois plus que la norme québécoise de 3 ng/m3, sans délai imposé pour atteindre cette norme, et avec des dépassements allant jusqu'à 22 fois la quantité permise dans les premières années. Ce plan, qui fait l'objet d'une consultation publique, est majoritairement rejeté par les personnes répondantes. Le message paraît clair : les objectifs sont insuffisants.

Pourtant, le 16 mars 2023, la nouvelle entente ministérielle annoncée entre le gouvernement du Québec et la Fonderie Horne reprend très exactement ces cibles, assorties de la création d'une zone tampon nécessitant la relocalisation d'environ 200 ménages et la mise à terre de 80 bâtiments dans le rayon le plus rapproché de la fonderie. Sur ce projet, la population n'a jamais eu son mot à dire. À ce jour, le processus de relocalisation et d'indemnisation demeure flou pour les personnes concernées, à qui on refuse une place à la table de négociations. Pourtant, les conséquences potentielles sur le tissu social et sur la précarité des citoyen·nes sont nombreuses. En pleine crise du logement, on s'apprête à relocaliser les gens d'un quartier riche d'histoire, de culture et d'entraide, mais aussi marqué par de nombreux problèmes sociaux. Au vu du prix des loyers actuels, ces derniers ne peuvent que se retrouver en HLM.

Johanne Alarie, une organisatrice locale, résume le contexte de mobilisation du 26 août : « La marche, c'était vraiment pour dire qu'on n'accepte pas l'autorisation ministérielle. C'est pas vrai qu'on va se taire pendant cinq ans, qu'on va arrêter de bouger. Y'a des choses qu'on veut qui restent, mais c'est insuffisant, ça va pas assez vite. Quinze nanogrammes, on a dit que c'était ok pour la première année, that's it, pas dans cinq ans. »

Une mobilisation pas comme les autres

Dès le mois de juillet, les organisateurices de la marche commencent à se rencontrer chaque semaine. Cinq comités et des dizaines de citoyen·nes prennent part aux préparatifs de la marche du 26 août et des activités qui l'entourent. S'ajoutent à cela des membres de collectifs citoyens engagés pour la justice environnementale venant de partout au Québec. Pour les personnes organisatrices interrogées, la présence de ces nouvelles voix a eu des effets très bénéfiques. Elle a permis de donner à la lutte une ampleur nationale, de revalider l'indignation des groupes locaux, de tisser des liens humains et de partager des expertises nouvelles : « Le non-respect des normes, ça concerne tout le Québec. Les gens sont venus en support à Rouyn-Noranda, mais aussi parce qu'ils se sentent concernés. On a pu sensibiliser de nouveaux porteurs de dossier ailleurs au Québec qui comprennent notre situation », exprime Johanne Alarie.

Cette mise en relation a été grandement facilitée par le Campement d'autodéfense populaire, qui a organisé une série d'activités dans les jours entourant la marche. Le comité a invité les gens à camper sur les lieux de la future zone tampon grâce à la complicité de propriétaires et de locataires qui ont prêté leur terrain. Visites guidées du quartier Notre-Dame, quiz post-ironique sur Glencore, repas communautaires et assemblées démocratiques ont donné l'occasion aux personnes réunies d'échanger sur de nouveaux moyens de résistance et d'action directe, qui se sont concrétisés de plusieurs façons pendant la fin de semaine. Si l'ambiance est demeurée plutôt bon enfant malgré le sérieux des discussions, Glencore n'entendait pas à rire. La multinationale avait engagé une agence de sécurité dont la présence s'est fait sentir toute la fin de semaine : « Tous nos mouvements étaient documentés », témoigne Samuel Touchette, membre du comité. Plusieurs personnes campeuses ont également témoigné d'actes d'intimidation de la part de personnes dont l'identité demeure inconnue, et qui leur ont fait subir les sons de klaxon et d'insultes tard dans la nuit. Comme le dit Johanne Alarie : « On s'attaque à un monstre ». Face à ce constat, le comité n'entend pas lâcher prise : « À un moment donné, ça suffit les actions qui sont symboliques qui en appellent à la bonne foi, on les a toutes faites. Maintenant, il faut avoir un effet concret sur la compagnie, se mettre devant la machine pour l'arrêter », déclare Frédérique Godefroid.

Et la suite ?

Le 27 août, le député caquiste Daniel Bernard publiait sur sa page Facebook une vidéo affirmant sa grande satisfaction par rapport à la gestion du dossier de la Fonderie Horne. Au conseil municipal suivant, la mairesse Diane Dallaire se montrait à son tour aveugle au mouvement social ayant pris forme dans les rues de sa ville et réitérait son accord avec l'autorisation ministérielle en ajoutant : « aucun nouvel élément ne justifie de changer notre position ». Venu·es dénoncer cette inaction décomplexée dans une séance du conseil qui s'est soldée par le retrait de la mairesse, au bord des larmes, le lundi 25 septembre, les citoyennes et les citoyens présent·es ont été dépeint·es dans les médias comme des « adversaires » et des « opposant·es ». Pour les militant·es interrogé·es, cette victimisation des élu·es doublée d'un confinement des groupes militants au rôle de bourreaux s'avère problématique. « C'est ça le défi, c'est de pas se faire camper dans le rôle des madames fâchées, qui sont jamais contentes, mais continuer d'escalader, d'augmenter les moyens de pression », dit Isabelle Fortin-Rondeau. « Ça m'a profondément heurtée de nous faire dire qu'on faisait une campagne de salissage envers la ville, je trouve que c'est d'un affront. On sait que le conseil municipal travaille super fort, mais ils travaillent fort à mettre en place toutes sortes de comités, de mécanismes pour qu'on s'adapte à quelque chose qu'on a refusé », ajoute Jennifer Ricard-Turcotte. Pourtant, c'est précisément l'attachement à leur communauté, la conviction de vivre dans un lieu de beauté et la volonté de le préserver qui motivent ces femmes à prendre la parole.

Le traitement médiatique de la dernière année a laissé croire à un clivage profond au sein de la population de Rouyn-Noranda. Pourtant, sur le terrain, même au-delà des cercles militants, même chez celles et ceux qui le disent à voix basse pour protéger leurs salaires, un consensus semble se répandre : la Fonderie doit prendre ses responsabilités. À mon sens, le véritable clivage s'opère plutôt entre la population générale et les institutions politiques prônant le statu quo et la tradition mercantile à laquelle la ville est soumise depuis sa naissance. Dans ce contexte d'apparence stagnante, la mobilisation du 26 août a tout de même insufflé de l'espoir. La lutte pour la qualité de l'air gagne en visibilité, entre autres grâce au mouvement national de Mères au front, qui en a fait son principal cheval de bataille. Pour les personnes organisatrices, les mois à venir devront être consacrés au maintien des liens et à un soutien mutuel des luttes à travers la province. « On a collectivement refusé cette autorisation-là, on n'y consent pas. Il en va de notre dignité collective de résister », dit Jennifer Ricard-Turcotte. Qu'il en soit ainsi.

Gabrielle I. Falardeau est citoyenne de Rouyn-Noranda et militante pour la justice climatique et sociale.

Photo : Williams Noury

Pour la défense de nos espaces verts

Depuis 2016, le collectif citoyen Mobilisation 6600 lutte contre la destruction d'un espace vert dans l'Est de Montréal par plusieurs projets de développement industriel. En (…)

Depuis 2016, le collectif citoyen Mobilisation 6600 lutte contre la destruction d'un espace vert dans l'Est de Montréal par plusieurs projets de développement industriel. En plus d'être menacé par les ambitions d'agrandissement du boulevard L'Assomption par le ministère des Transports du Québec, ce territoire boisé a été acheté par Ray-Mont Logistiques, une compagnie spécialisée en transbordement, qui souhaite y aménager un terminal de conteneurs. Dans un quartier affecté par les îlots de chaleur et par les effets néfastes de la circulation autour du port de Montréal, la destruction de cet espace est un exemple concret de la primauté de la logique capitaliste sur l'environnement et la santé des populations. En octobre 2023, le groupe a mobilisé la population locale ainsi que ses allié·es pour planter des arbres sur une partie de ce territoire à sauver. La journée fut un vif succès et la mobilisation se poursuit pour préserver cet espace vert, essentiel à la qualité de vie du quartier.

Photo : Valérie Beauchamp

Plan fédéral de décarbonation de l’économie : un échec annonce

Le plus récent plan de transition du gouvernement fédéral présenté lors du budget de mars 2023 illustre clairement la crise du modèle de développement dominant. La bêtise des (…)

Le plus récent plan de transition du gouvernement fédéral présenté lors du budget de mars 2023 illustre clairement la crise du modèle de développement dominant. La bêtise des mesures annoncées est le reflet d'une classe politique indifférente et incapable de sortir du néolibéralisme et du capitalisme fossile qui sont pourtant à l'origine de l'effondrement écologique de nos sociétés.

Dans les 20 dernières années, chaque nouvelle unité d'énergie renouvelable produite au Canada a été accompagnée par treize unités additionnelles d'énergies fossiles. Les 20 prochaines années s'annoncent comme une vaste répétition de cette catastrophe, la Régie de l'énergie du Canada estimant que la production de gaz naturel et de pétrole augmentera toutes deux de 20 % d'ici 2040. En dépit de ces faits, tant les décideurs publics que privés se réclament d'une transition énergétique, dont on annonce ad nauseam la mise en œuvre, même à l'occasion d'une approbation d'un énième projet d'infrastructure fossile qu'on présentera sans sourciller comme vert et durable.

Le néolibéralisme contre la transition

Le plan de transition énergétique annoncé par Ottawa est accompagné d'une enveloppe de 80 milliards $ sur 10 ans. Ce fonds sera essentiellement transformé en subventions publiques versées à des entreprises privées pour les inciter à investir dans des projets de transition énergétique. Outre la notion large de transition énergétique mise de l'avant dans ce plan – des projets d'exploitation de gaz naturel et d'énergie nucléaire pourront bénéficier de subventions –, cette approche trahit un État dépendant de capitaux privés pour mettre en œuvre les grands chantiers à accomplir.

Dans les années 1970, le taux d'imposition fédéral statutaire des entreprises avoisinait 40 %, alors qu'il n'est plus que de 15 % aujourd'hui. Que s'est-il passé ? L'évitement fiscal par les multinationales est devenu une pratique endémique, ce à quoi les gouvernements ont répondu en abaissant le taux d'imposition des entreprises pour « compétitionner » avec les paradis fiscaux. Une course fiscale vers le bas s'est jouée à travers la planète, avec pour conséquence que la moyenne mondiale des taux d'imposition des entreprises est passée de 49 % à 24 % entre 1985 et 2018.

Après des décennies de pertes fiscales additionnées à travers le monde, un budget fédéral canadien typique des budgets des pays de l'OCDE peut candidement affirmer en 2023 : « Des milliers de milliards de dollars en capital privé attendent d'être dépensés en vue de bâtir l'économie propre mondiale ». Le retournement discursif ne surprend pas, mais est tout de même saisissant. Plutôt qu'une catastrophe issue d'une déréglementation fiscale historique, on présente ces sommes comme une opportunité d'affaires pour une société dont l'économie sale sera magiquement lavée par des capitaux privés. Évidemment, sous cette rhétorique, l'option d'enfin imposer comme il se doit ces « milliers de milliards de dollars » est évacuée de facto.

Face à de graves crises que traversent les sociétés actuelles (comme le péril écologique), les pertes fiscales cumulées se révèlent particulièrement préjudiciables, l'État ne disposant plus que de deux options pour surmonter la crise : s'endetter massivement auprès d'institutions financières qu'ils n'imposent presque plus et affronter les discours de la droite économique condamnant les déficits publics, ou prévoir un bouquet de subventions stimulant l'investissement de capitaux privés pour compenser l'insuffisance des capitaux publics. Le plus récent plan de transition du gouvernement fédéral favorise principalement la seconde approche, dont le désavantage majeur est celui de devoir apparaître rentable aux yeux du privé, alors que l'exigence de profits est précisément ce qui a contribué à l'abîme écologique dans lequel nous nous trouvons.

Toute analyse sérieuse à propos de l'économie politique de la transition écologique parvient à la conclusion que la transition à accomplir ne sera pas rentable d'un point de vue financier. Au contraire, elle impliquera la dévalorisation massive de capitaux et d'infrastructures, appelés à devenir des actifs dits « irrécupérables » ou « échoués ». Une grande partie des infrastructures fossiles, par exemple, devront être fermées avant leur terme initialement prévu. Les théories économiques de la transition énergétique qualifient ces actifs d'« irrécupérables », puisque n'ayant plus aucune utilité dans un monde postfossile. On estime à cet égard que le Canada est le 5e pays du monde sujet aux plus importantes pertes de capitaux découlant de la transition énergétique, derrière le Royaume-Uni, la Chine, la Russie et les États-Unis. Or, c'est précisément à cette dévalorisation annoncée à laquelle les grandes entreprises détentrices d'actifs fossiles résistent.

Malheureusement, leur lobbyisme et leur intrusion dans la sphère politique portent fruit. En témoigne le plan de transition fédéral, dont le quart des 80 milliards de dollars est destiné à financer des projets de capture et stockage de carbone installés sur les lieux d'extraction et de raffinage des énergies fossiles. Alors que les mérites de ces technologies sont largement surestimés (en 2022, elles sont parvenues à dévier de l'atmosphère plus ou moins 0,1 % des GES mondiaux), elles auront pour effet de prolonger la durée de vie des infrastructures fossiles canadiennes et repousser leur dévalorisation inéluctable.

La planification démocratique et écologique de l'économie

L'histoire du capitalisme est une histoire de dépossession, et la mouture actuelle de la transition écologique à la sauce néolibérale se présente comme un nouveau chapitre de cette histoire. Par exemple, la ruée du secteur privé subventionné vers les minéraux critiques et stratégiques, qui vise à électrifier un système de production et de consommation infernal, signifie plus d'appropriations de terres habitées par les populations rurales et autochtones du monde, plus de destruction d'écosystèmes et d'habitats, et ce, pour un résultat pas plus durable étant donné la rareté des ressources minières du monde et le caractère hautement destructeur et polluant de leur extraction.

À l'encontre de cette trajectoire mise de l'avant par les élites extractivistes et financières, soutenues par les pouvoirs publics, les mouvements social et écologiste débattent tous des moyens et des institutions en mesure d'accomplir une autolimitation des sociétés. Différents modèles, comme la décroissance, l'écosocialisme, l'écoanarchisme, le communalisme, la biorégion, etc., sont mis de l'avant pour tenter d'articuler les enjeux de justice sociale aux impératifs de viabilité écologique. Ces contre-modèles au capitalisme et à l'impérialisme portent tous à divers degrés une forme ou une autre de planification de l'économie, où les leviers économiques à l'origine des grands secteurs de production et de consommation de nos sociétés deviendraient l'objet d'une délibération démocratique ayant pour visée première le bien commun viable plutôt que le profit privé.

À l'heure actuelle, la seule planification de l'économie qui prévaut en est une antidémocratique, où tous et toutes sont placé·es devant le fait accompli de systèmes de production et de consommation issus d'une lutte permanente que se livrent de grands oligopoles déréglementés pour plus de gains. En découlent des logiques banalisées d'obsolescence, le triomphe de l'usage unique, des marchandises toujours plus complexes, mais néanmoins inutiles, une mondialisation superflue des chaînes de production, bref, un vaste gaspillage à l'origine de plusieurs des maux écologiques contemporains, sans parler de l'exploitation inique de travailleurs et travailleuses réduit·es à des ressources humaines interchangeables.

En somme, le plan fédéral de transition énergétique et de décarbonation, qui propose ni plus ni moins qu'une privatisation de la transition, s'inscrit en parfaite continuité avec la logique néolibérale dominante. On ne peut toutefois reprocher au budget de manquer de transparence idéologique lorsqu'on lit certains passages de ses 290 pages, dont celui-ci : « pour exploiter pleinement le potentiel du pays en minéraux critiques, le gouvernement fédéral doit veiller à mettre en place un cadre qui accélérera l'investissement privé ». En laissant les rênes de l'économie entre les mains des forces du marché et de ses grandes entreprises, les politiques publiques fédérales vont contribuer à un échec écologique prévisible, que le vernis vert tout à fait craqué du gouvernement Trudeau et de ses successeurs pourra de moins en moins camoufler.

Colin Pratte est chercheur à l'Institut de recherches et d'informations socio-économiques.

Photo : Jim Choate (CC BY-NC 2.0)

Bruno Marchand et le piège de l’extrême centre

Bruno Marchand a créé la surprise en devenant maire de Québec le 7 novembre 2021. Se présentant comme centriste lors de la campagne électorale, il séduit une partie de (…)

Bruno Marchand a créé la surprise en devenant maire de Québec le 7 novembre 2021. Se présentant comme centriste lors de la campagne électorale, il séduit une partie de l'électorat progressiste par sa personnalité. Or, depuis qu'il est au pouvoir, ce dernier essuie de vives critiques sur son aile gauche.

La victoire de Bruno Marchand est en partie due au contexte lui ayant permis de récupérer l'électorat progressiste des quartiers centraux, apeuré par l'idée qu'une division du vote puisse porter la droite populiste de Jean-François Gosselin et Québec 21 au pouvoir. Si Marchand a su rallier ces votes pour ravir la mairie in extremis, c'est en raison de ses qualités indéniables de communicateur.

En effet, dès les premières semaines suivant son élection, il se construit une image attractive avec sa verve et ses fameux souliers de course. À l'extérieur des frontières de sa municipalité, on le considère comme un maire actif, issu d'une nouvelle génération d'acteur·trices municipaux·ales. Cependant, la première moitié de son mandat nous aura rappelé qu'au-delà de l'image, Bruno Marchand est un maire sans expérience politique qui joue souvent ses cartes de façon malhabile.

L'inexpérience n'est pas réprimandable en soi, mais elle pèse lourd lorsqu'on manie avec plus d'aisance l'art oratoire que l'art de faire cheminer un dossier et qu'on maîtrise davantage le discours que les sujets dont on se fait le porteur. Les incohérences qui en résultent sur le terrain et l'absence de gestes concrets pour appuyer les valeurs qu'on expose irritent les acteur·trices concerné·es dont les attentes sont déçues.

L'extrême centre

Le maire Marchand est entré en poste en promettant, comme d'autres avant lui, de faire la politique autrement. Grandement influencé par le discours classique de l'extrême centre accédant au pouvoir, il se présente comme un homme d'action qui n'aime pas les joutes partisanes ni les idéologies et qui préfère le consensus. Minoritaire en début de mandat, il joue la carte de la collaboration avec des partis d'opposition disloqués ou affaiblis par la perte de leurs leaders. Il promet de faire avancer les dossiers par la coopération et une complicité qu'il saura faire émaner entre tous les acteur·trices de la scène municipale. Sans surprise, la lune de miel annoncée au conseil municipal ne verra jamais vraiment le jour.

Rapidement, les écologistes se retrouvent confronté·es à l'une des conséquences agaçantes de cette volonté des centristes de jouer la modération et se placer entre deux camps, c'est-à-dire l'incapacité de trancher ou de dire les choses telles qu'elles sont. Pour froisser le moins de gens possible, mieux vaut se taire que de prendre des positions fermes dans des dossiers chauds. Cette stratégie relève soit d'un cynisme malhonnête, soit d'un aveu que les dossiers ne sont pas encore maîtrisés.

Par exemple, l'incapacité du maire à se prononcer à propos du troisième lien, malgré la clarté de la littérature scientifique sur les effets néfastes sur l'environnement et les milieux de vie d'un tel projet d'infrastructure, en a déçu plus d'un. Dans un même ordre d'idées, nous l'avons entendu parler des deux côtés de la bouche en faisant la promotion du tramway, des pistes cyclables et du verdissement tout en se défendant de vouloir diminuer l'espace réservé à l'automobile.

Avec le dossier de la qualité de l'air, on constate que la rhétorique de l'inclusion de tous les partenaires dans l'élaboration de solutions le mène surtout à établir des relations fort questionnables. Sa proximité affichée avec le PDG du Port de Québec a de quoi faire sourciller les militant·es qui sont confronté·es à ce personnage depuis plus d'une décennie. Entendre Bruno Marchand, un maire soi-disant environnementaliste, faire des points de presse au côté de ce PDG pour discuter de qualité de l'air sur un ton bon enfant laisse évidemment perplexe. Le Port nous a habitué·es au déploiement de tout un arsenal de stratégies pour se défaire de ses responsabilités dans la pollution de notre air et défendre les intérêts des grandes compagnies minières.

L'inaction

Cette difficulté à trancher, à être cohérent et à mettre son poing sur la table lorsque nécessaire et cette confiance amicale presque naïve qu'il accorde à des acteur·trices dont le travail est de défendre des intérêts privés s'opposant à ceux de la population sont les mêmes attitudes qui ont probablement nui à sa capacité de livrer du concret. En effet, sans devenir un·e potentat·e, un·e maire·esse qui a promis de faire bouger les choses a le devoir de s'imposer au sein de sa fonction municipale, sans avoir peur de froisser certains égos. Lorsqu'on a l'ambition de changer les choses et qu'on demande à la population de nous en accorder la légitimité, il faut avoir confiance en nos idées et maîtriser suffisamment nos sujets afin d'établir des lignes politiques claires et bien comprises, qui percolent à l'interne. Sans quoi, les citoyen·nes se retrouvent témoins d'une véritable dichotomie entre ce qui sort de la bouche de l'élu·e et ce que la Ville fait, ou ne fait pas, sur le terrain.

Les premiers mois du mandat de Bruno Marchand ont donc laissé l'impression d'un maire qui n'était pas prêt à exercer ses responsabilités. Au-delà des slogans, nous n'avions pas affaire à un programme mûrement réfléchi par des militant·es de longue date sur les enjeux de l'écologie et de la justice sociale. Nous avions devant nous un maire ayant de la difficulté à s'imposer comme leader, maîtrisant mal les dossiers majeurs et ayant une propension à faire confiance à des acteur·trices beaucoup plus expérimenté·es, déjà confortablement installé·es dans les rouages d'un système qu'on doit travailler à déconstruire pour qu'une véritable transition écologique et sociale se mette en branle. Son penchant naturel pour la politique de l'extrême centre l'a finalement mené à trop de mollesse et d'incohérence, et à l'image d'un politicien qui parle beaucoup et qui agit peu.

L'électrochoc

Décevant dans le dossier du tramway et du transport actif et collectif, du logement et de l'itinérance, du droit de manifester ou de la protection des milieux naturels… Le ton de l'opposition a monté. Nous l'avons attaqué sur sa gauche aux côtés des acteurs du communautaire, des groupes environnementalistes et des collectifs de défense des droits. Le maire a démontré qu'une fois échaudé, sa réplique pouvait le faire mal paraître et le placer devant ses contradictions. Il était alors atteint dans ce qu'il a de plus précieux et ce qui lui a permis d'accéder au pouvoir : son image.

Cette offensive menée par plus progressistes que lui a porté ses fruits. À l'aube du mi-mandat, des initiatives sur la mobilité active se concrétisent, une vision sur l'itinérance s'élabore et des politiques sur le logement et un plan d'action sur la qualité de l'air viennent tout juste d'être déposés. Nous sommes loin de la coupe aux lèvres, mais il y a là des bases qui sont enfin posées et sur lesquelles la gauche pourra construire afin de voir émerger la ville qu'elle imagine.

Avec cette deuxième moitié de mandat qui commence, est-ce que le maire Marchand réussira à nouveau à rallier suffisamment de progressistes sans s'aliéner son électorat de centre droit ? Pour notre part, nous ne souffrons pas de ce dilemme des partis qui visent le centre et qui se retrouvent pris entre l'arbre et l'écorce. Notre projet repose sur un programme cohérent et sans ambiguïté, fondé sur l'expérience militante et une bonne connaissance des enjeux actuels. Avec une seule élue, nous faisons des gains. Nos idées, d'abord balayées du revers de la main, finissent par ressurgir dans les initiatives de la Ville et des concepts tels que l'écofiscalité, que nous étions seul·es à promouvoir, sont maintenant défendues par nos collègues.

À tous les partis municipalistes et écologistes qui émergent aux quatre coins du territoire, ne vous laissez pas décourager par la puissance apparente de vos adversaires et de la position précaire que vous semblez occuper sur l'échiquier politique. Ce sont d'abord nos gains politiques qui comptent, pas le pouvoir en soi. Et en misant sur nos forces, ces gains finissent par arriver.

Jackie Smith est cheffe de Transition Québec et conseillère municipale de Limoilou.

Illustration : Elisabeth Doyon

Élues à l’Assemblée nationale : quelle égalité politique ?

Les femmes représentent actuellement 46 % de la députation à l'Assemblée nationale du Québec. On pourrait s'en réjouir et penser que l'égalité dans la représentation est (…)

Les femmes représentent actuellement 46 % de la députation à l'Assemblée nationale du Québec. On pourrait s'en réjouir et penser que l'égalité dans la représentation est atteinte. Cependant, dans ce domaine comme dans d'autres, les chiffres sont trompeurs et font état d'une égalité de façade construite sur des sables mouvants.

En effet, d'une élection à l'autre, le nombre de femmes connaît des mouvements contradictoires : il baisse de 2003 à 2007 et encore une fois en 2014 ; nous ne sommes donc pas à l'abri des reculs. De plus, le nombre de femmes ne dit rien sur leur influence politique : qui détient les postes de pouvoir dans le cabinet ? Quelle part du budget de l'État revient à des ministères dirigés par des femmes ?

La volonté des partis politiques

En l'absence de législation contraignante ou même incitative, les partis politiques doivent eux-mêmes se doter de règles internes, car c'est principalement par le biais d'un parti politique que les femmes (et les hommes) parviennent à se faire élire. En ce domaine, on peut dire que pour les partis politiques, on assiste plus à des vœux pieux qu'à des règles contraignantes. Avec des résultats parfois surprenants. Le seul parti qui prône l'égalité dans les candidatures, Québec solidaire, n'a que le tiers de femmes dans sa députation, le PQ n'en compte aucune, alors que la CAQ en compte 64 % et le PLQ 58 %.

Si l'on prend en considération les dernières élections générales au Québec, le nombre de femmes candidates a été très élevé. La CAQ, dont les investitures dans les circonscriptions dépendent du chef, a choisi de présenter un grand nombre de femmes et plusieurs ont été élues, le parti ayant raflé un nombre considérable de sièges. Dans les autres partis, ce sont plutôt les militant·es dans les circonscriptions (au PLQ, il peut y avoir parachutage) qui choisissent les candidatures. Au PQ, on a préféré miser sur les députés sortants et sur le nouveau chef, ce qui donne le résultat que l'on sait. Dans les partielles qui ont suivi l'élection générale, QS a choisi de présenter deux hommes, malgré le déséquilibre sexué dans sa députation.

En fait, les partis politiques disposent d'outils pour déterminer les circonscriptions gagnables. Ils ne sont pas infaillibles, mais donnent une bonne indication. Longtemps, la tendance dominante a été de confiner les candidates aux circonscriptions perdues d'avance ou à celles où uniquement des femmes se présentaient. Ce n'est manifestement plus le cas. Mais viser l'égalité numérique dans la députation implique à la fois de déterminer les circonscriptions gagnables et de s'assurer que les femmes y sont présentées à égalité, ce qui ne dépend pas de la direction des partis (sauf à la CAQ), mais des associations de circonscriptions. D'où l'extrême volatilité des résultats.

Force est de constater que si, sur le plan des principes, les partis politiques semblent beaucoup moins frileux à présenter des candidates susceptibles de remporter leur circonscription, il n'en va pas de même en ce qui concerne les directions de parti : les deux seules femmes ayant été cheffes d'un parti politique représenté à l'Assemblée nationale ont été victimes d'une forte contestation de leur leadership, qu'il s'agisse de Dominique Anglade au PLQ ou de Pauline Marois au PQ. À Québec solidaire, lors de la dernière campagne électorale, le porte-parole masculin a été nettement plus mis en évidence que la porte-parole féminine. Quant à la CAQ, son chef fait preuve d'une condescendance paternaliste digne d'une époque préféministe.

Le mode de scrutin

Le mode de scrutin joue également un rôle dans le pourcentage de femmes élues. Avec le mode de scrutin uninominal à un tour, ce n'est pas vraiment une élection générale qui se joue, mais 125 élections partielles. Si ce mode de scrutin est relativement fonctionnel dans une situation de bipartisme, ce n'est pas du tout le cas lorsqu'il y a plusieurs partis en lice. On l'a vu lors des dernières élections où un parti a obtenu plus de 70 % des sièges tout en ne récoltant que 40 % du vote.

Les scrutins proportionnels permettent aux appareils des partis d'intervenir directement sur la composition genrée des candidatures puisqu'ils font appel à des listes nationales ou régionales. Cependant, ce n'est que sur les listes qu'ils peuvent établir un principe d'égalité de genre dans les candidatures et non sur l'ensemble des candidatures. Dans un tel contexte, il serait possible d'envisager les listes de candidatures comme un correctif et permettre de suppléer aux inégalités dans la députation par comté en présentant par exemple plus de candidatures féminines en position éligible sur les listes soumises à la proportionnelle.

Mais il est évident que la réforme du mode de scrutin dans un sens plus proportionnel n'est pas pour demain, tous les partis ayant été au gouvernement au cours des 30 dernières années nous ayant habitué·es à des volte-face sur cette question une fois qu'ils sont parvenus au pouvoir en profitant des distorsions inhérentes au mode de scrutin actuel, surtout en contexte multipartiste.

L'égalité numérique est-elle suffisante ?

La question de l'égalité entre les hommes et les femmes semble être passée dans les mœurs lors de la présentation des équipes ministérielles tant à Québec qu'à Ottawa, du moins lors de la formation du premier cabinet d'une législature. C'est beaucoup moins évident lorsqu'il y a des remaniements ministériels.

Si à Ottawa on peut noter que certaines femmes jouissent d'une grande influence avec Chrystia Freeland aux Finances, Mélanie Joly aux Affaires étrangères ou Anita Anand à la Défense, la situation semble être sensiblement différente à Québec. L'économie, les finances, la santé, l'éducation, ces ministères sont tous dirigés par des hommes et accaparent une grande part du budget du Québec. Mais là encore, la situation est fragile et dépend en grande partie de la volonté politique des premiers ministres, ce qui ne garantit aucune pérennité dans le temps ou en cas de changement de parti ou même de chef de parti au pouvoir.

Cela montre que la parité est loin d'être atteinte ou même souhaitée dans les cercles gouvernementaux. Cela montre aussi que les chiffres peuvent s'avérer trompeurs et que l'on doit se préoccuper autant de la quantité que de la qualité.

Des solutions ?

Au cours des multiples débats concernant la réforme du mode de scrutin, de nombreuses pistes de solution ont été esquissées par les féministes. Celles-ci tournent autour de l'obligation de résultat faite aux partis : il s'agit moins de déterminer uniquement l'égalité dans la présentation de candidatures que de récompenser ou de sanctionner les partis qui se trouvent ou non dans la zone paritaire en ce qui concerne le nombre de personnes élues. Une telle obligation pourrait tout à fait être inscrite dans la loi électorale et assortie soit de récompenses, soit de sanctions en ce qui concerne le financement public des partis politiques. Elle aurait pour effet d'encourager les partis politiques à pérenniser des habitus égalitaires.

Mais il faudrait aller plus loin si l'on veut atteindre l'égalité de genre en politique. Le harcèlement sexiste ou hétérosexiste envers les élu·es devrait être passible de sanctions, qu'il émane de collègues ou d'électeurs ou électrices. C'est un motif évoqué par plusieurs femmes pour expliquer qu'elles quittent la politique. Il serait également possible d'intervenir législativement pour garantir une zone paritaire dans la gestion du budget de l'État.

Surtout, il faudrait que « l'égalité entre les femmes et les hommes » ne soit pas un principe creux que l'on brandit lorsqu'on veut se faire du capital politique et devienne une préoccupation réelle de tous les instants tant en ce qui concerne les postes de responsabilités que les rémunérations. Pour l'instant, nous sommes loin du compte.

Photo : Monument en hommage aux femmes en politique par Jules Lasalle en face de l'Assemblée nationale (Crédit : Paul VanDerWerf, CC BY 2.0)

Mark Carney, le Premier ministre canadien, et Donald Trump, l'ancien président des États-Unis, posent ensemble dans le Bureau ovale, tous deux souriants et levant le pouce en signe d'approbation.

Pourquoi le Canada abdique devant Trump

27 septembre, par Archives Révolutionnaires
Archives Révolutionnaires ouvre un dossier spécial sur l’impérialisme ! Face aux nouvelles tensions avec les États-Unis, les libéraux fédéraux ont fait la promesse du (…)

Archives Révolutionnaires ouvre un dossier spécial sur l’impérialisme !

Face aux nouvelles tensions avec les États-Unis, les libéraux fédéraux ont fait la promesse du patriotisme et de l’union sacrée de la grande nation canadienne. Dociles, les médias traditionnels se font la courroie de transmission du discours des élites et éludent les critiques dans ce moment trouble. Considérant le manque criant d’analyses sérieuses sur la nouvelle dynamique impériale et le rôle que le Canada sera amené à y jouer, notre comité éditorial espère contribuer à développer un espace de débats et de réflexions pour la gauche canadienne et québécoise. Dans ce dossier spécial sur l’impérialisme, les analyses et propositions stratégiques n’engagent que leurs auteurs et autrices ; Archives Révolutionnaires les présente principalement dans l’objectif de susciter une discussion publique et critique.

Biographie de l’auteur : Owen Schalk est l’auteur de Targeting Libya (Lorimer Books, 2025), une enquête sur le rôle déterminant – quoique peu connu – du Canada dans l’histoire de la Libye, entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la destruction du pays par l’OTAN en 2011.

Mark Carney, le Premier ministre canadien, et Donald Trump, l'ancien président des États-Unis, posent ensemble dans le Bureau ovale, tous deux souriants et levant le pouce en signe d'approbation.

Par Owen Schalk (traduction de l’anglais par Archives Révolutionnaires)

Le premier ministre canadien Mark Carney n’a pas tenu tête au président des États-Unis Donald Trump. En fait, il n’en a jamais eu l’intention. Pour être élu en avril 2025, Carney a surfé sur la montée d’une vague de nationalisme canadien, mais ses cinq mois comme premier ministre ont apporté bien peu, si ce n’est une capitulation face à Trump, en plus d’une croissante intégration du Canada à la machine de guerre américaine. La plupart des Canadiens détestent l’administration Trump – rappelons-nous des huées du public au moment de l’hymne national américain pendant les matchs de la LNH et du mouvement « Achetez canadien » – mais, pour Carney (et l’opposition conservatrice), Washington continue de dicter l’agenda. Et ce, bien que la multipolarisation croissante du monde offre au Canada plusieurs occasions de diversifier ses relations commerciales – si seulement la classe dirigeante canadienne voulait en tirer parti. Ce qui soulève la question suivante : pourquoi le Canada refuse-t-il de diversifier ses relations face aux menaces de Trump ? Et que signifie le fait que la classe dirigeante canadienne ait choisi le réarmement impérialiste commandé par les États-Unis plutôt que le non-alignement et la paix internationale ?

Atlantisme et compétition entre grandes puissances

La Guerre froide est terminée, mais la classe dirigeante canadienne se voit encore comme partie intégrante d’un projet économique et militaire de coopération avec les États-Unis et l’Europe occidentale. Cette alliance est soudée par l’OTAN, une coalition militaire dominée par Washington. L’OTAN n’a jamais été une alliance défensive. En fait, sa création en 1949 s’inscrivait dans le cadre d’une stratégie complexe du gouvernement américain et de ses alliés visant à relancer le capitalisme américain et les conditions de l’accumulation en Europe occidentale. Cet effort comprenait un volet économique (à travers le plan Marshall) et culturel (à travers le Congrès pour la liberté culturelle et d’autres organisations similaires). Pendant la Guerre froide, le théâtre d’opérations de l’OTAN était essentiellement limité à l’Europe. Une fois le conflit terminé, l’OTAN a évolué, passant d’une force de sécurité cherchant à consolider le capital d’Europe occidentale à une alliance impérialiste effrontée qui mène la guerre partout où ses membres, dont le plus important est Washington, considèrent que le capitalisme mondial a besoin d’être renforcé, comme en ex-Yougoslavie, en Afghanistan, en Libye ou en Ukraine.

Alors que les guerres de l’OTAN pré-ukrainiennes étaient largement motivées par la volonté de mondialiser le capitalisme dans des régions n’ayant pas encore été conquises par l’alliance occidentale, la montée de la rivalité entre les grandes puissances, d’un côté les États-Unis et leurs alliés, de l’autre la Russie et la Chine, a progressivement changé la donne. L’OTAN post-Guerre froide s’est adaptée, délaissant les petits pays qui n’étaient pas suffisamment intégrés (ou soumis) à l’ordre impérial américain pour se concentrer sur des conflits destinés à nuire aux grandes puissances concurrentes de Washington. À chaque étape du développement de l’OTAN, Ottawa s’est empressé de s’aligner sur les objectifs impérialistes américains. Avec la montée en puissance de la Russie et de la Chine, l’un des principes fondamentaux de l’alliance atlantiste est l’augmentation massive des dépenses militaires, avec dorénavant une cible de 5 % du PIB réclamée par Trump. C’est peut-être le domaine le plus important dans lequel Mark Carney a renoncé à ses promesses de campagne et s’est plié aux exigences de Trump.

Une analyse marxiste – fondée sur le matérialisme historique et dialectique – notera que Trump et Carney ne sont pas les véritables décideurs. Ils ne sont que les représentants des relations matérielles sous-jacentes entre les classes dirigeantes, c’est-à-dire capitalistes, de leur pays respectif. Ces classes capitalistes nationales considèrent l’essor de la Russie et de la Chine, et plus largement l’émergence des BRICS, comme une menace pour les processus impérialistes qui leur permettent d’exploiter la main-d’œuvre bon marché et les matières premières des pays du Sud. De l’Amérique latine aux Caraïbes en passant par l’Afrique, l’industrie minière canadienne s’étend sur tous les continents et représente 60 % des sociétés minières mondiales. Ce secteur extractif représente peut-être la manifestation la plus frappante de la manière dont le Canada tire profit de l’ordre mondial inéquitable que les BRICS cherchent à remettre en cause.

Loin de reconnaître ce changement de paradigme géopolitique et de l’utiliser à son avantage, la classe dirigeante canadienne continue d’identifier ses intérêts à ceux de Washington et de l’alliance atlantique. En d’autres termes, les capitalistes canadiens et leurs représentants politiques veulent rester dans les bonnes grâces de Trump, car ils tirent profit de l’ordre mondial que Trump et l’OTAN cherchent à sécuriser. Il en résulte que c’est l’apaisement, et non la confrontation, qui est devenu l’approche de facto d’Ottawa à l’égard de l’administration Trump. Ce sont la Russie et la Chine, et non les États-Unis, qui continuent de susciter la colère diplomatique et l’attention militaire d’Ottawa. Cela contredit les promesses de Carney à l’électorat canadien, révélant à quel point les opinions et les intérêts de la classe dirigeante canadienne divergent de ceux de la majorité de la population. Cette rupture entre dirigeants et dirigés souligne l’importance, pour l’État canadien, de la propagande médiatique visant à réorienter la colère des Canadiens vers la Russie et la Chine, pays que la classe dirigeante considère comme la véritable menace pour ses intérêts, compte tenu de l’identification inébranlable de la bourgeoisie du Canada avec l’alliance atlantique et le capitalisme mondial dirigé par les États-Unis.

Les coudes en l’air ?

Depuis janvier 2025, l’administration Trump menace le Canada de sabotage économique et d’annexion. Peu après sa seconde entrée en fonction, Trump a imposé des droits de douane dits « de rétorsion » au Canada, à savoir des droits de douane de 25 % sur les produits canadiens et de 10 % sur les ressources énergétiques et minérales canadiennes. Le Canada a réagi en imposant des droits de douane de 25 % sur une gamme de produits américains et, depuis, les deux pays se livrent une guerre commerciale accompagnée de déclarations incendiaires du président américain qui décrit ses plans d’annexion du Canada par la « force économique »[1].

Cette agressivité des États-Unis envers leur voisin du Nord a rapidement alimenté le ressentiment populaire, remodelant de manière spectaculaire le discours politique canadien à l’orée des élections d’avril 2025. Les Canadiens en sont venus à considérer les États-Unis comme une menace bien plus grande pour leur pays que la Russie ou la Chine, les deux bêtes noires perpétuelles de la classe politique et des commentateurs canadiens[2].  Le Parti libéral, qui avait vu sa cote de popularité s’effondrer après une décennie au pouvoir, a bénéficié d’un regain de popularité à la suite des agressions verbales de Trump. Le leader conservateur, Pierre Poilievre, dont la rhétorique du « Canada d’abord » et les politiques réactionnaires l’avaient rapproché de Trump aux yeux des électeurs, n’a pas réussi à prendre le pouvoir, en dépit des sondages prédisant une victoire écrasante. Le Parti libéral, sous la direction de Mark Carney, a évité la déconfiture, en obtenant un gouvernement minoritaire.

Carney a promis de « lever les coudes » (elbows up) face à l’administration Trump, une expression issue du monde du hockey qui réfère à une manière efficace de se protéger de l’équipe adverse. Le premier ministre a affirmé que le processus « d’intégration profonde » entre les armées américaine et canadienne était terminé : « Nous sommes désormais dans une position où nous coopérerons lorsque cela est nécessaire, a-t-il déclaré, mais nous ne coopérerons pas nécessairement.[3] » Pourtant, le Canada est-il vraiment en train de réduire son intégration avec les États-Unis, ou la classe dirigeante canadienne tente-t-elle simplement d’apaiser l’opinion publique pendant qu’elle renégocie les termes de son adhésion à l’alliance atlantique ?

La fausse promesse de la diversification

Actuellement, plusieurs pays du Sud, réunis au sein du bloc économique des BRICS, cherchent à se prémunir des fluctuations d’un ordre mondial de plus en plus sclérosé et irrationnel, dominé par les États-Unis. Cela s’est traduit par une coopération Sud-Sud accrue, notamment dans le domaine des technologies vertes où la Chine excelle, et par la mise en place d’alternatives aux réseaux financiers contrôlés par les États-Unis, comme le système SWIFT, ce qui permet aux États participants de réduire leur exposition aux sanctions unilatérales, devenues ces dernières années un outil central du pouvoir économique américain. Au total, les 10 membres et 10 pays partenaires du BRICS représentent 56 % de la population internationale et 44 % du PIB mondial[4]. Ils constituent la majorité de la population du globe et pourraient bientôt devenir majoritaires en termes de production économique. Au même moment, 95 % des exportations canadiennes sont destinées aux États-Unis, alors que le marché américain ne représente que 5 % des consommateurs mondiaux. Si le gouvernement canadien souhaitait diversifier son économie afin de se prémunir contre l’ingérence américaine, l’option la plus sensée aurait été de se tourner vers le marché majoritaire incarné par le bloc des BRICS.

Compte tenu du manque de fiabilité, de la volatilité et de la stagnation croissante du capitalisme américain, le Canada pourrait théoriquement se protéger des vicissitudes de son voisin en intensifiant ses échanges commerciaux avec les pays du BRICS en général et la Chine en particulier. Sur le plan militaire, le Canada pourrait affirmer sa souveraineté en se détachant du complexe militaro-industriel américain et en mettant fin à ses engagements de plus en plus coûteux envers l’OTAN qui, sous Carney, pourraient désormais 5 % du PIB canadien, soit 150 milliards de dollars par an. Dans l’ensemble, le non alignement en matière de politique étrangère et un virage économique vers la majorité mondiale apporteraient au Canada une série d’avantages, dont le plus important serait son indépendance, qui garantirait à son tour la pertinence du Canada sur la scène internationale pour les années à venir.

Depuis la victoire de Carney, les discussions sur l’avenir du Canada manquent de cette nécessaire ambition. Ses programmes de diversification commerciale se concentrent principalement sur l’Union européenne, qui souffre d’une faible productivité et d’une croissance anémique, en particulier depuis l’imposition de sanctions sur l’énergie russe en 2022[5]. Carney a également renforcé l’intégration sécuritaire du Canada avec l’Europe, ce qui ne constitue guère une diversification compte tenu du fait que tous les pays concernés sont membres de l’OTAN et obéissent aux États-Unis. Lorsqu’on analyse les politiques de Carney sur le fond plutôt que sur la forme, on constate que le gouvernement canadien : 1) ne tire pas parti des marchés dynamiques des BRICS, s’en tenant plutôt à une vision atlantiste de la « diversification » commerciale qui ne protège guère le Canada de la coercition économique américaine, et 2) s’aligne encore plus étroitement sur les objectifs militaires et géopolitiques des États-Unis. Les politiques du premier ministre ressemblent en tout point à celles de « l’intégration profonde » à laquelle sa victoire était censée mettre fin.

Carney a tenté de présenter son adhésion au militarisme comme une renaissance économique pour le Canada. L’analyste politique Abbas Qaidari décrit la présentation par Carney des politiques de son gouvernement comme « une forme typiquement canadienne de militarisme keynésien, qui ne repose pas sur le chauvinisme ou l’expansionnisme, mais sur une fusion sophistiquée entre crédibilité fiscale, intervention productive de l’État et contrôle stratégique du discours ». Selon Qaidari, le gouvernement Carney « refond la défense comme une source d’activité économique souveraine[6] ».  Une telle analyse ignore la dimension impériale de cette politique, en particulier le fait que l’administration Trump a exigé des États membres de l’OTAN qu’ils augmentent leurs dépenses militaires afin de contrer les puissances qui se rassemblent autour de la Russie et de la Chine. Dans ce contexte, il apparaît clairement que la décision de Carney de participer à la relance du militarisme atlantiste s’inscrit dans une stratégie occidentale plus large visant à contenir la multipolarité, et ce, afin de renforcer un ordre mondial en déclin orienté vers l’Occident. Le bellicisme de Carney profite à ceux qui s’engagent à maintenir l’impérialisme dirigé par les États-Unis, ainsi qu’à l’industrie de l’armement atlantique qui alimente la militarisation des membres de l’OTAN et l’expansion de l’alliance. Il ne profite pas à la majorité des Canadiens qui exhortent leur gouvernement à poursuivre une véritable diversification des relations commerciales et militaires.

Le Canada et l’impérialisme

Le système mondial dirigé par les États-Unis, qui a prévalu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, était fondamentalement impérialiste. Comme l’avance les travaux de Samir Amin, le capitalisme se caractérise depuis ses origines au XVIe siècle par une « polarisation entre centres et périphéries, qui n’a fait que s’accentuer au cours du développement ultérieur de sa mondialisation ». En ce sens, Amin remet en question la vision de Lénine et de Boukharine selon laquelle l’impérialisme du XXe siècle était une « nouvelle » étape du capitalisme. Il précise : « Le système pré-monopoliste du XIXe siècle n’était pas moins impérialiste [que le système monopoliste du XXe siècle]. La Grande-Bretagne a maintenu son hégémonie précisément grâce à sa domination coloniale sur l’Inde.[7] » Cette information est importante puisque l’État capitaliste-colonial du Canada a bénéficié de son intégration au système impérial britannique[8].

Comme le souligne l’économiste canadien John Rapley : « Dès les débuts de la colonisation européenne, le Canada s’est intégré au commerce triangulaire qui exploitait les excédents générés par les économies esclavagistes des Caraïbes et du Sud des États-Unis, permettant ainsi aux colons européens de tirer profit du travail forcé des Africains tout en se tenant à distance des horreurs de cette institution.[9] » Une classe capitaliste canadienne a émergé et s’est consolidée sous la tutelle de l’Empire britannique. Au début du XXe siècle, le journaliste d’investigation Gustavus Myers a découvert que « moins de cinquante hommes contrôlent 4 000 000 000 $, soit plus d’un tiers de la richesse matérielle du Canada, sous forme de chemins de fer, de banques, d’usines, de mines, de terres et d’autres propriétés et ressources ». Myers a également qualifié de « prodigieux » le montant du capital britannique présent au Canada, soit plus de 2 milliards de dollars, représentant environ 55 milliards de dollars actuels[10]. Le capital britannique s’est alimenté grâce à l’extraction de superprofits dans les colonies de l’empire, et c’est grâce à l’investissement d’une part de ces gains dans notre pays que le Canada a pu s’industrialiser et, en 1867, se formaliser en tant que nation. En bref, les capitalistes britanniques ont tiré des rentes impérialistes de l’Inde et d’autres colonies, puis ils ont redirigé une partie de cette plus-value vers le Canada et d’autres « dominions blancs », contribuant à la croissance rapide de leur économie. « De cette manière, écrit Rapley, le Canada s’est retrouvé au sommet d’un réseau d’exploitation mondiale, capable de s’assurer la plupart des avantages économiques de la domination impériale tout en assumant peu de ses coûts : guerres coloniales, marine coûteuse, administrations impériales.[11] »

L’économiste politique Jerome Klassen va dans le même sens et affirme : « Si le système-monde capitaliste est constitué par une structure du pouvoir impérialiste à travers laquelle les excédents économiques sont répartis de manière inégale en raison des stratégies concurrentes des États-nations et de leurs classes capitalistes respectives, alors le Canada doit se situer près du sommet de ce système hiérarchique, et la question de l’impérialisme canadien doit être explorée[12] ». Après la Seconde Guerre mondiale, le Canada est demeuré dans les hautes sphères impérialistes, même s’il s’est détaché progressivement de la Grande-Bretagne au profit des États-Unis. Le Canada a participé avec enthousiasme à la création des institutions de Bretton Woods, dominées par la perspective occidentale et en particulier américaine. En avril 1949, il est devenu membre fondateur de l’OTAN. Au début de la Guerre froide, les États-Unis ont défini l’Amérique du Nord comme une seule « unité stratégique » et sécurisé un approvisionnement régulier en ressources énergétiques et minérales canadiennes. Parallèlement, le Canada a renforcé son intégration économique et militaire avec les États-Unis, le nouveau centre impérial mondial. La vigueur de l’économie canadienne est alors devenue dépendante de l’armée américaine et des entreprises impériales des États-Unis[13].

La capacité du Canada à tirer profit des marchés sécurisés par l’impérialisme occidental sans avoir à supporter le poids du maintien de l’appareil politique et militaire destiné à l’extraction de la rente impérialiste a permis au pays de maintenir un système de protection sociale, y compris des soins de santé universels, et d’orienter les dépenses militaires vers des missions internationales « pacifiques » plutôt que vers des campagnes militaires agressives. Seule exception : les campagnes agressives menées, au sein même du Canada, contre les peuples autochtones qui s’opposaient à l’expansion et à la consolidation du capital canadien, par exemple lors de la résistance des Métis de la rivière Rouge en 1870, de leur lutte dans le Nord-Ouest en 1885, et du combat des Mohawks de Kanesatake en 1990. Pour revenir aux missions internationales de maintien de la paix, elles ont souvent été décrites comme la preuve des valeurs de multilatéralisme et de compromis du Canada, contrastant avec le militarisme américain. Cependant, c’est précisément grâce au système impérialiste maintenu par la puissance militaire américaine que la classe dirigeante canadienne a pu se réorienter vers la protection sociale et les efforts de maintien de la paix. L’économiste et politologue Paul Kellogg décrit la stratégie du Canada à cette époque comme un « parasitisme militaire », ce qui signifie que « le capitalisme canadien a investi et tiré profit des sphères d’influence « protégées » par le plus proche allié du Canada, les très militarisés États-Unis[14] ».  De plus, l’armée canadienne n’a jamais été uniquement une force de maintien de la paix, comme le souligne le politologue Todd Gordon :

« Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’armée canadienne a participé à au moins cinq interventions impérialistes dans des pays étrangers : Corée (1950-1953), Irak (1991), Yougoslavie (1999), Haïti (2004) et Afghanistan (depuis 2002). Le Canada n’a pas participé à la guerre du Vietnam. Mais il a vendu pour des milliards de dollars de matériel de guerre aux États-Unis à l’époque et a utilisé son siège à la Commission internationale de contrôle et de surveillance – la force internationale créée en 1954 pour superviser la mise en œuvre des accords de Genève qui ont mis fin à la première guerre d’Indochine – pour soutenir l’effort de guerre américain. Le Canada a envoyé deux destroyers dans la région vers la fin de la guerre américaine pour soutenir les soldats canadiens qui y servaient. Et bien que le Canada n’ait pas officiellement participé à la guerre en Irak en 2003, des soldats et des officiers canadiens participant à des programmes d’échange ont néanmoins combattu aux côtés de l’armée américaine et occupé des postes de commandement dans les forces d’occupation[15] ».

Certaines de ces interventions, menées dans le contexte du retour de la Russie et de l’ascension de la Chine, peuvent être en partie comprises comme des efforts visant à endiguer l’émergence d’un monde multipolaire qui remet en cause le système impérialiste occidental et la position privilégiée du Canada au sein de celui-ci. Comme le note Klassen, la guerre en Afghanistan, à laquelle le Canada a contribué en envoyant 40 000 soldats pendant treize ans, a été « utilisée pour contrer l’expansion chinoise, privatiser les ressources afghanes et, de manière générale, étendre l’espace du capitalisme mondial et de l’empire américain ». Plus précisément, Klassen soutient que le Canada « menait une guerre pour étendre l’hégémonie occidentale à travers l’Eurasie et le système mondial au sens large, pour élever le rang politique, économique et militaire du Canada au sein de ce système, et pour étendre les intérêts du capital canadien à l’échelle nationale, régionale et mondiale[16] ».

À mesure que le capital canadien se mondialisait à la fin du XXe siècle, les entreprises canadiennes ont davantage tiré parti de la main-d’œuvre et des ressources bon marché du Sud global, clamant une plus grande part des superprofits versés vers le Nord. Cela s’est accompagné d’une diminution des contributions du Canada au maintien de la paix aux Nations unies et d’une augmentation de la participation canadienne aux guerres impérialistes. Klassen décrit ce processus comme l’émergence d’un « néolibéralisme blindé », une « fusion du militarisme et de la lutte des classes dans les politiques et les pratiques de l’État canadien » qui avait un triple objectif : « mondialiser la portée des entreprises canadiennes ; assurer une position centrale à l’État canadien dans la hiérarchie géopolitique ; et discipliner toutes les forces d’opposition – étatiques et non étatiques – dans l’ordre mondial[17] ».

Au début des années 1980, la crise mondiale de la dette a frappé de plein fouet les pays du Sud et « les pays capitalistes avancés ont utilisé le FMI et la Banque mondiale pour modifier radicalement le paysage politique et économique du tiers-monde[18] ». Ces institutions financières dirigées par l’Occident ont accordé un allègement de la dette en échange d’une libéralisation économique. En conséquence, « les marchés ont été ouverts aux capitaux du premier monde, les services publics et les terres ont été privatisés, les dépenses sociales et les subventions ont été réduites, les monnaies ont été dévaluées et les ressources naturelles ont été transformées en marchandises, ce qui a déclenché une vague d’investissements à la recherche de ressources naturelles, de main-d’œuvre bon marché et d’actifs vendus à prix cassés[19] ». Le Canada s’est joint à cette ruée vers le Sud. Entre 1990 et 2005, les investissements directs canadiens dans les marchés du Sud ont considérablement augmenté, en fait, « à un rythme supérieur à celui de l’économie canadienne[20] ».

Cette conjoncture n’a pas entraîné une sortie canadienne du bloc atlantiste, mais a plutôt correspondu à une contribution accrue du Canada aux conquêtes militaires visant à étendre la puissance de l’Atlantique Nord. L’intérêt du Canada pour les pays du Sud était et demeure de nature impérialiste, dans le sens où l’État canadien se préoccupait de l’expansion de l’hégémonie occidentale et de la capacité des entreprises canadiennes à obtenir des sources de survaleur pour alimenter la croissance de son économie. De plus, les réformes imposées aux pays du Sud ont activement sapé leur souveraineté nationale. L’orientation du Canada vers le Sud n’était clairement pas un arrangement mutuellement avantageux, comme en témoigne l’opposition généralisée des populations aux entreprises canadiennes, en particulier aux sociétés minières, dans les pays d’Amérique latine, des Caraïbes et d’Afrique. Leurs dénonciations visaient à juste titre les pratiques corrompues et l’impact écologique négatif de ces entreprises[21].  Au cours des années suivantes, la préférence des pays du Sud pour les alliances économiques menées par la Chine, qui ne portent notamment pas atteinte à la souveraineté nationale par l’imposition de réformes néolibérales, s’est manifestée par la croissance rapide des BRICS (fondés en 2008, élargis en 2014 pour inclure l’Afrique du Sud) et de l’initiative des Nouvelles routes de la soie (lancées en 2013).

À mesure que ces blocs économiques Sud-Sud se sont consolidés, l’ordre mondial capitaliste dirigé par les États-Unis a perdu de son influence, et les pays qui alimentaient les superprofits occidentaux semblent moins disposés à sacrifier leur souveraineté nationale en échange d’investissements américains. Plutôt que de considérer l’avènement d’un ordre mondial multipolaire comme une opportunité, l’État canadien se sent apparemment menacé par la perspective de perdre des sources potentielles de survaleur. Cette menace est également profondément ressentie aux États-Unis ; l’inquiétude des États-Unis face à un monde multipolaire l’a conduit à s’impliquer à l’étranger, notamment en Ukraine, et a alimenté la montée de ce que John Bellamy Foster, rédacteur en chef de la Monthly Review, appelle « l’impérialisme MAGA ».

La première administration Trump (2017-2021) a lancé une nouvelle guerre froide contre la Chine dans le but de vaincre son principal concurrent mondial. En Amérique latine, Trump a cherché à éradiquer les alternatives socialistes représentées par la République bolivarienne du Venezuela et la République de Cuba. Au Moyen-Orient, il a tenté de soumettre la région à l’hégémonie israélienne. Pour sa part, le Canada a soutenu ces objectifs, imposant ses propres sanctions au Venezuela et commettant un « enlèvement judiciaire » sur la personne de Meng Wanzhou, cadre dirigeante de l’entreprise chinoise Huawei, à la demande de Trump. Le Canada a aussi continué de fournir des armes et un soutien diplomatique à l’État d’Israël, de plus en plus ouvertement génocidaire. L’administration de Joe Biden (2021-2025) a élargi la guerre menée par les États-Unis contre le multipolarisme pour y inclure la guerre en Ukraine, dont l’objectif est d’affaiblir la Russie, comme l’a déclaré l’ancien secrétaire à la Défense Lloyd Austin[22].  Le Canada est profondément impliqué dans ce conflit. En outre, l’armée canadienne s’est déployée en mer de Chine méridionale pour mener des exercices provocateurs au large des côtes chinoises, ce qui témoigne de l’engagement du Canada dans une campagne sur deux fronts visant à défier simultanément la Russie et la Chine. Ces tendances en matière de politique étrangère se sont poursuivies et se sont même intensifiées sous la gouverne de Mark Carney. Ainsi, les libéraux canadiens suivent les objectifs américains, même s’ils proclament défendre la souveraineté et l’indépendance canadiennes.

Manquer le bateau des BRICS

La riposte la plus importante de Mark Carney aux agressions de Trump a été d’augmenter les livraisons de pétrole vers la Chine par l’entremise l’oléoduc Trans Mountain[23].  Cependant, lorsqu’on examine tous les domaines potentiels de collaboration avec la Chine et les BRICS, ces livraisons apparaissent comme négligeables. Dans le contexte du soutien continu du Canada aux objectifs géopolitiques des États-Unis, elles sont encore moins impressionnantes. Depuis près de deux décennies, les économistes et les observateurs avertissent que le Canada ne tire pas profit des opportunités offertes par les pays du BRICS. En 2008, un an avant la première réunion officielle du groupe des BRIC, le think thank Conference Board of Canada a noté que le pays faisait peu d’efforts pour approfondir ses liens avec les économies des BRIC. Cette année-là, moins de 2 % des exportations canadiennes étaient destinées à la Chine, tandis que les investissements canadiens dans ce même pays représentaient moins de 1 % du total des investissements directs étrangers du Canada. Les investissements canadiens en Inde étaient, quant à eux, « pratiquement invisibles ». Le groupe de réflexion notait : « Le Canada passe à côté d’énormes opportunités offertes par les pays des BRIC. […] La part du Canada dans le commerce et les investissements avec les BRIC est faible et les liens avec ces pays […] doivent être approfondis. » La chercheuse Sheila Rao a fait valoir « qu’il existe également d’énormes opportunités d’exportation et d’investissement pour le Canada dans ces pays. La Chine et l’Inde sont avides de ressources, ont des besoins massifs en infrastructures et leur population moyenne, gigantesque et en pleine croissance, stimule la demande de produits dans le monde entier[24]. »

Plus récemment, les professeurs Laura MacDonald et Jeremy Paltiel ont averti que la volonté du Canada d’approfondir ses liens avec les États-Unis au détriment des pays du BRICS était imprudente. « Le choix antérieur des gouvernements de poursuivre une intégration économique plus profonde avec les États-Unis au détriment de la diversification commerciale s’est avéré problématique dans une période de stagnation de l’économie américaine et de montée en puissance de nouvelles puissances économiques », ont fait valoir les auteurs. « Le Canada est confronté non seulement à une crise économique, mais aussi à une crise identitaire, car il doit faire face à de nouveaux puissants rivaux qui remettent en cause l’ordre mondial qu’il a contribué à établir et dont il a tiré profit. » Ils ajoutent : « La réponse du gouvernement canadien a été inadéquate et […] le Canada prend du retard dans le remaniement de l’ordre mondial. Si ce bilan reflète peut-être les limites de l’administration canadienne précédente [le Premier ministre conservateur Stephen Harper], nous pensons qu’il est également lié à des problèmes plus profonds auxquels sont confrontés les bénéficiaires du statu quo pour s’adapter aux nouveaux rivaux […]. Compte tenu du déclin relatif des États-Unis, son partenaire économique le plus puissant, le Canada a tout intérêt, sur le plan économique, à diversifier ses relations commerciales et d’investissement.[25] » Cette diversification n’a pas eu lieu.

À l’approche du deuxième mandat de Trump, le Globe and Mail, l’un des plus anciens journaux d’Amérique du Nord et considéré comme le « journal de référence » au Canada, a publié un article d’Emerson Csorba soulignant la nécessité pour le Canada de se rapprocher de la majorité mondiale. Dans cet article, Csorba appelait le Canada à adhérer au BRICS. « L’idée derrière l’adhésion au BRICS, affirme l’auteur, est qu’il vaut mieux s’engager directement dans ce forum plutôt que de garder ses distances, ce qui garantirait presque à coup sûr une dépendance croissante vis-à-vis des États-Unis et un rôle négligeable du Canada dans la géopolitique. » Il poursuit :

« Tout en tirant des avantages économiques, le Canada peut protéger ses intérêts en entretenant des relations avec un plus large éventail de partenaires. Il existe un précédent historique dans l’engagement stratégique du Canada avec l’URSS, la Chine et Cuba en tant qu’interlocuteur de l’Amérique pendant la Guerre froide. Le Canada peut également s’engager davantage dans des plateformes telles que la Francophonie, en établissant des liens avec les puissances émergentes du Sud. […] Le Canada ne peut plus supposer, comme cela a été le cas dans le passé, que l’Amérique servira de protecteur.[26] »

En juillet 2025, alors que Carney multipliait les capitulations devant Trump, le Globe and Mail publiait un autre article appelant le Canada à « se libérer des États-Unis et à nouer des liens plus étroits avec la Chine ». La publication de cet article dans un grand journal canadien montrait que même les médias capitalistes privés ne pouvaient ignorer la montée populaire du sentiment anti-américain dans le pays. Les auteurs, Julian Karaguesian et Robin Shaban, déclaraient :

« Pour atteindre la souveraineté économique, le Canada doit se libérer du discours colporté par Washington selon lequel la Chine serait un partenaire commercial peu fiable cherchant à dominer le monde. Le Canada doit plutôt forger ses propres relations avec la Chine, des relations fondées sur les intérêts canadiens et non américains. […] Pour atteindre l’indépendance économique, le Canada doit changer de cap. Entre 2018-2019 et la fin de 2023, le commerce entre le Mexique et la Chine a augmenté de 66 % tout en maintenant les liens avec les États-Unis. Pourquoi ne pourrions-nous pas en faire autant ? Nous devons également améliorer le transfert de technologies depuis la Chine de manière à renforcer notre puissance économique, accélérer notre innovation et protéger notre souveraineté… La plus grande menace pour la souveraineté canadienne n’est pas l’ingérence chinoise, mais notre servilité envers les États-Unis, qui nous traitent de plus en plus comme un vassal. Alors que 95 % des consommateurs mondiaux vivent en dehors des États-Unis, le fait que nous dépendions d’un partenaire de moins en moins fiable pour 75 % de nos exportations n’est pas une tactique, mais une faute stratégique.[27] »

Néanmoins, le gouvernement Carney préfère approfondir toujours plus l’intégration militaire du Canada avec les États, et ce, malgré une administration américaine agressive. Il poursuit sa « diversification » commerciale dans un cadre atlantiste restreint, ce qui ne contribue guère à garantir la souveraineté canadienne vis-à-vis des États-Unis et sert en fait les intérêts américains en maintenant le Canada sous la domination de Washington.

Mark Carney : un impérialiste MAGA ?

L’actuelle administration Trump considère la Chine comme le principal adversaire de l’hégémonie américaine. À ce titre, Trump cherche à obtenir un cessez-le-feu en Russie afin de concentrer les efforts américains sur la lutte contre l’influence mondiale de la Chine. L’équipe de politique étrangère de Trump est composée de rapaces anti-Chine tels que Marco Rubio, Pete Hegseth et Elbridge Colby, qui prônent une « stratégie de refus » de grande envergure à l’encontre de la Chine, qui viserait à paralyser l’économie de ce pays. Pour ces derniers, la Russie ne représente pas une menace du même ordre. Parallèlement, Trump et son équipe de conseillers financiers – à savoir Peter Navarro, Scott Bessent et Stephen Miran – ont déstabilisé l’économie mondiale en imposant des mesures tarifaires radicales visant à intimider le monde entier afin qu’il se soumette davantage aux exigences des États-Unis. Miran affirmait que le Canada, parmi d’autres, pouvait facilement être contraint de se plier aux intérêts américains[28]. Il semble qu’on lui ait donné raison.

Alors que le second mandat de Trump marque une rupture historique dans l’opinion publique canadienne à l’égard des États-Unis, avec des opinions extrêmement négatives, les dirigeants politiques canadiens ne se sont pas adaptés à cette réalité. En effet, au niveau de la gouvernance nationale, Mark Carney représente une remarquable continuité avec les politiques qui durent depuis plusieurs décennies et qui ont vu le Canada soutenir les objectifs impérialistes des États-Unis face aux défis posés par la périphérie. Même les menaces d’annexion de Trump n’ont pas perturbé cette fidélité. Carney et Trump ont quelque chose en commun : aucun d’eux n’est disposé à s’adapter à l’ordre mondial non occidental émergent. Lorsque l’administration « impérialiste MAGA » de Trump est arrivée au pouvoir en janvier 2025 – Bellamy Foster définit l’impérialisme MAGA comme « un rejet du rôle traditionnel des États-Unis en tant que puissance mondiale hégémonique au profit d’un empire hypernationaliste America First » –, elle a présenté un programme visant à rétablir l’hégémonie américaine à une époque où la coopération Sud-Sud s’intensifie[29].  Bellamy Foster affirme que le bellicisme de Trump envers les gouvernements alliés, y compris l’Union européenne, pourrait générer une « rivalité interimpérialiste » entre les puissances occidentales mais, pour l’instant, cela ne semble pas se produire de manière substantielle. L’Europe, tout comme le Canada, a adopté une position conciliante envers Washington, notamment par le biais de programmes de réarmement massifs visant à soulager l’empire américain du fardeau de la défense européenne[30].

En fait, l’augmentation des dépenses militaires des membres de l’OTAN était une exigence clé de la vision impérialiste américaine. Comme l’a déclaré le secrétaire à la Défense Pete Hegseth en février 2025 : « La sauvegarde de la sécurité européenne doit être un impératif pour les membres européens de l’OTAN. Dans ce cadre, l’Europe doit fournir la majeure partie de l’aide létale et non létale future à l’Ukraine… Les États-Unis donnent la priorité à la dissuasion d’une guerre avec la Chine dans le Pacifique.[31] » Ainsi, les membres de l’OTAN contribuent au rééquilibrage impérialiste de l’administration Trump vis-à-vis de la Chine en assumant le fardeau de la guerre atlantiste contre l’ascendant économique de la Russie. Le gouvernement de Mark Carney a affirmé de manière peu convaincante que la capitulation du Canada face aux exigences de Trump en matière de dépenses militaires – qui constituent la plus forte augmentation des dépenses d’armement de l’histoire du Canada – est en fait la preuve de l’engagement du Canada en faveur de la diversification de la sécurité, le réarmement canadien se déroulant sous l’égide de l’OTAN. Cependant, ceux qui connaissent l’histoire de l’OTAN comprennent que ce sont les États-Unis qui prennent les décisions au sein de l’alliance. Comme l’a fait remarquer Richard Nixon, l’OTAN est « le seul organisme collectif qui a jamais fonctionné » parce que « nous [les États-Unis] sommes aux commandes[32] ».

Sous Carney, le Canada rejoindra probablement le système nord-américain de défense antimissile de Trump, le « Golden Dome », qui coûtera 61 milliards de dollars aux Canadiens. Carney dépensera sans doute 19 milliards de dollars pour des avions de combat F-35 fabriqués aux États-Unis, dont les pièces de rechange seront détenues et contrôlées par le gouvernement américain[33]. Aucune de ces initiatives ne protégera la souveraineté canadienne. Elles soumettront encore davantage les impératifs militaires canadiens aux États-Unis.

Selon l’économiste marxiste Prabhat Patnaik, la vision de Trump d’un empire « America First » est une « stratégie de renaissance de l’impérialisme[34] ». Son administration impérialiste MAGA souhaite voir échouer la Chine, les BRICS et la majorité mondiale, afin que l’empire américain reste dominant à l’échelle mondiale, en maintenant un flux en constante expansion de superprofits sous forme de main-d’œuvre et de ressources naturelles provenant des économies périphériques. Malgré l’opinion publique anti-américaine au Canada et l’ouverture populaire à de nouvelles relations commerciales, le premier ministre Carney a choisi le renforcement impérialiste plutôt que la majorité mondiale, le militarisme lié aux États-Unis plutôt que la promesse de la multipolarité. Cela n’augure rien de bon pour l’avenir du Canada, ni pour la sécurité des populations du globe.

Les dangers du militarisme dans un contexte multipolaire

La riposte canadienne aux pressions économiques et aux menaces d’annexion de Trump – ou plutôt l’absence de riposte – est représentative de la complaisance de l’État capitaliste canadien, créée par des siècles de privilèges impérialistes. La faible réponse d’Ottawa au déclin des États-Unis a révélé la réalité suivante : l’establishment politique canadien n’est pas disposé à abandonner sa position privilégiée dans le statu quo de plus en plus obsolète du capitalisme impérialiste dirigé par les États-Unis. L’impérialisme capitaliste (d’abord britannique, puis américain) a enrichi l’économie canadienne, et plus particulièrement sa classe capitaliste coloniale, depuis les origines du pays jusqu’à aujourd’hui. Pourtant, les changements inexorables de l’ordre mondial actuel ont révélé que la dépendance du Canada à l’égard de l’impérialisme américain était avant tout un problème en termes d’influence géopolitique et de moyens de subsistance matériels pour la plupart des Canadiens. Les capitalistes et les politiciens canadiens ont pris peu de mesures pour rapprocher le Canada de la majorité mondiale, malgré le désir du public de voir des changements audacieux et profonds dans les relations commerciales du Canada.

Pour notre pays, les dangers liés à la poursuite d’un militarisme aligné sur les États-Unis plutôt que d’une intégration souveraine dans un monde multipolaire sont nombreux. Si le gouvernement canadien ne parvient pas à le reconnaître, le Canada sombrera dans l’insignifiance à mesure que l’hégémonie américaine déclinera. Avec une classe dirigeante attachée au capitalisme et à l’atlantisme, un tel destin semble inévitable.


[1] Cité dans Rhianna Schmunk, “Trump says he would use ’economic force’ to join Canada with U.S.”, RCI, January 7, 2025, https://ici.radio-canada.ca/rci/en/news/2131198/trump-says-he-would-use-economic-force-to-join-canada-with-u-s

[2] Kelly Geraldine Malone, “Growing number of Canadians view the U.S. as a top threat, poll shows”, Global News, July 8, 2025, https://globalnews.ca/news/11280397/united-states-threat-canadians/

[3] Cité dans Sean Boynton, “U.S. Golden Dome among ‘options’ for Canada’s defence, Carney says”, Global News, May 21, 2025, https://globalnews.ca/news/11190806/carney-golden-dome-us-trump-security/

[4] Ben Norton, “BRICS expands to 56% of world population, 44% of global GDP: Vietnam joins as partner country”, Geopolitical Economy, July 4, 2025, https://geopoliticaleconomy.com/2025/07/04/brics-expansion-population-gdp-vietnam/

[5] Matthew Karnitschnig, “Europe’s economic apocalypse is now”, Politico, December 19, 2024, https://www.politico.eu/article/europe-economic-apocalypse/

[6] Abbas Qaidari, “How Mark Carney is turning military spending into a force for economic renewal”, Policy Options, June 19, 2025, https://policyoptions.irpp.org/magazines/june-2025/defence-spending-economy/

[7] Samir Amin, « Contemporary Imperialism », Monthly Review, 1er juillet 2015, https://monthlyreview.org/2015/07/01/contemporary-imperialism/

[8] Tyler Shipley, professeur au Humber College, précise : « Le Canada était fondé sur la volonté d’établir un marché privé des biens fonciers et du travail, et de créer les conditions propices à l’accumulation de richesses capitalistes. Ainsi, comme tout État capitaliste colonial, le Canada a été conçu pour détruire les populations autochtones – par l’extermination, l’expulsion, l’assimilation ou toute autre méthode – et remplacer leurs sociétés par une société dominée par une poignée de capitalistes riches et par des lois et des institutions qui soutiennent une société capitaliste. » Voir Shipley, Canada in the World: Settler Capitalism and the Colonial Imagination (Winnipeg: Fernwood Publishing, 2020), 2.

[9] Rapley, “Canada benefits from a world order that empires built. As the latest one declines, so does our economy”, The Globe and Mail, August 25, 2023, https://www.theglobeandmail.com/opinion/article-canada-benefits-from-a-world-order-that-empires-built-as-the-latest/

[10] Myers, History of Canadian Wealth (Chicago: Charles H. Kerr & Company, 1914), i-iii.

[11] Rapley, “Canada benefits from a world order that empires built”, The Globe and Mail.

[12] Jerome Klassen, “Empire, Afghanistan, and Canadian Foreign Policy,” in Empire’s Ally: Canada and the War in Afghanistan (Toronto: University of Toronto Press, 2013), edited by Klassen and Greg Albo, 12.

[13] Cité dans Stephen J. Randall, United States Foreign Oil Policy Since World War I (Montreal & Kingston: McGill-Queen’s University Press, 2005), 266.

[14] Cité dans Schalk, “Canada’s Militarization and the End of U.S. Hegemony,” Monthly Review, September 6, 2024, https://mronline.org/2024/09/06/canadas-militarization-and-the-end-of-u-s-hegemony/

[15] Gordon, Imperialist Canada (Winnipeg : ARP Books, 2010), 305. Écrit en 2010, le livre de Gordon ne mentionne pas la destruction de la Libye par l’OTAN, dans laquelle le Canada a joué un rôle majeur.

[16] Klassen, “Empire, Afghanistan, and Canadian Foreign Policy”, 17, 30.

[17] Klassen, “Joining empire: Canadian foreign policy under Harper”, Canadian Dimension, October 7, 2015, https://canadiandimension.com/articles/view/joining-empire-canadian-foreign-policy-under-harper

[18] Gordon, “Canada in the Third World: The Political Economy of Intervention” in Empire’s Ally, 215.

[19] Gordon, “Canada in the Third World”, 216.

[20] Gordon, Imperialist Canada, 175.

[21] Il existe une littérature abondante sur ce sujet, notamment : Alain Denault and William Sacher, Imperial Canada Inc.: Legal Haven of Choice for the World’s Mining Industries (Vancouver: Talonbooks, 2012); Capitalism & Dispossession: Corporate Canada at Home & Abroad (Halifax & Winnipeg: Fernwood Publishing, 2022), edited by David P. Thomas and Veldon Coburn; Gordon, Imperialist Canada; Gordon and Jeffery R. Webber, Blood of Extraction: Canadian Imperialism in Latin America (Halifax & Winnipeg: Fernwood Publishing, 2016); Paula Butler, Colonial Extractions: Race and Canadian Mining in Contemporary Africa (Toronto: University of Toronto Press, 2015); Peter McFarlane, Northern Shadows: Canadians and Central America (Toronto: Between the Lines, 1989); Testimonio: Canadian Mining in the Aftermath of Genocides in Guatemala (Toronto: Between the Lines, 2021), edited by Catherine Nolin and Grahame Russell; Shipley, Canada in the World and Ottawa and Empire: Canada and the Military Coup in Honduras (Toronto: Between the Lines, 2017); Yves Engler, The Black Book of Canadian Foreign Policy (Vancouver & Winnipeg: Fernwood Publishing and RED Publishing, 2009) and Canada in Africa: 300 Years of Aid and Exploitation (Vancouver & Winnipeg: Fernwood Publishing and RED Publishing, 2015).

[22] Julian Borger, “Pentagon chief’s Russia remarks show shift in US’s declared aims in Ukraine”, The Guardian, April 25, 2022, https://www.theguardian.com/world/2022/apr/25/russia-weakedend-lloyd-austin-ukraine

[23] “China emerging as top customer for Canadian oil shipped via Trans Mountain Pipeline”, CBC, May 16, 2025, https://www.cbc.ca/news/business/china-canada-oil-trans-mountain-pipeline-1.7537530

[24] “Canada missing out on opportunities to build relationships with BRIC countries”, Canada NewsWire, January 11, 2008.

[25] MacDonald and Paltiel, “Middle power or muddling power?”

[26] Emerson Csorba, “Canada should get closer to the non-Western BRICS economic alliance”, The Globe and Mail, November 20, 2024, https://www.theglobeandmail.com/business/commentary/article-canada-should-get-closer-to-the-non-western-brics-economic-alliance/

[27] Julian Karaguesian and Robin Shaban, “Let’s free ourselves of the U.S. and forge closer ties with China”, The Globe and Mail, July 14, 2025, https://www.theglobeandmail.com/business/commentary/article-lets-free-ourselves-of-the-us-and-forge-closer-ties-with-china/?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter

[28] John Bellamy Foster, “The Trump Doctrine and the New MAGA Imperialism,” Monthly Review, June 2025, vol. 77 no. 2, 7, 16.

[29] Bellamy Foster, “The Trump Doctrine,” 2.

[30] Bellamy Foster, “The Trump Doctrine,” 9.

[31] Hegseth, “Opening Remarks by Secretary of Defense Pete Hegseth at Ukraine Defense Contact Group”, Brussels, February 12, 2025, https://www.defense.gov/News/Speeches/Speech/article/4064113/opening-remarks-by-secretary-of-defense-pete-hegseth-at-ukraine-defense-contact/

[32] Schalk, “Carney’s military buildup benefits the US, not Canada”, Canadian Dimension, June 13, 2025, https://canadiandimension.com/articles/view/carneys-military-buildup-benefits-the-us-not-canada

[33] Kevin Maimann, “Donald Trump says Golden Dome would cost Canada $61 billion US”, CBC, May 27, 2025, https://www.cbc.ca/news/politics/golden-dome-61-billion-1.7545414 ; David Pugliese, “Spare parts for Canada’s F-35 fleet will be controlled by the U.S.”, Ottawa Citizen, May 5, 2025, https://ottawacitizen.com/public-service/defence-watch/f-35-fighter-jet-spare-parts-u-s-canada

[34] Cité dans : Bellamy Foster, “The Trump Doctrine,” 3.

Le président d’Amazon au Canada se déresponsabilise des fermetures

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/04/20241021_094341-1024x768.jpg27 septembre, par Comité de Montreal
Jasmin Begagic est président d’ACFS, Amazon Canada Fulfillment Services, qui englobe tous les services de livraison de colis d’Amazon au pays. Begagic ne serait cependant qu’un (…)

Jasmin Begagic est président d’ACFS, Amazon Canada Fulfillment Services, qui englobe tous les services de livraison de colis d’Amazon au pays. Begagic ne serait cependant qu’un exécutant qui signe là où on lui demande de signer, ou du moins c’est ce qu’il a tenté d’amener le Tribunal (…)

Partout au pays, L’Étoile du Nord donne la parole aux postiers en grève

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/09/555809922_24486559530986153_7103058042344400930_n-1024x512.jpg26 septembre, par L'Étoile du Nord
Les 55 000 travailleurs de Postes Canada sont entrés en grève à l’échelle du pays le 25 septembre 2025. Ils protestent les réformes massives proposées par le gouvernement (…)

Les 55 000 travailleurs de Postes Canada sont entrés en grève à l’échelle du pays le 25 septembre 2025. Ils protestent les réformes massives proposées par le gouvernement fédéral, que le syndicat juge une attaque aux emplois des postiers et aux services essentiels. L’Étoile du Nord a visité des (…)

Élections municipales à Montréal et New York : des candidats s’affirment à gauche

26 septembre, par Charline Caro
Charline Caro, correspondante Les campagnes municipales de Montréal et de New York battent leur plein, et voient émerger des candidatures progressistes venues défier les partis (…)

Charline Caro, correspondante Les campagnes municipales de Montréal et de New York battent leur plein, et voient émerger des candidatures progressistes venues défier les partis traditionnels. Tandis que Craig Sauvé défend une taxe sur les ultra-riches et une réforme du système électoral (…)

Les postiers restent fermes face à l’inflexibilité de l’employeur

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2025/09/Community_mailboxes_-_Canada_Post-1024x716.jpg25 septembre, par Manitoba Committee
Après quatre semaines sans réponse de Postes Canada à ses nouvelles revendications et près de deux ans sans convention collective, le Syndicat des travailleurs et travailleuses (…)

Après quatre semaines sans réponse de Postes Canada à ses nouvelles revendications et près de deux ans sans convention collective, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes a organisé une journée d'action nationale le 15 septembre. Les travailleurs ont manifesté devant les bureaux (…)

Grande manifestation pour la justice sociale et climatique partout au Québec

24 septembre, par Québec solidaire — ,
Alors que la CAQ vient de nommer un anti-ministre de l'Environnement en la personne de Bernard Drainville, venez marcher avec nous pour rappeler que la défense de (…)

Alors que la CAQ vient de nommer un anti-ministre de l'Environnement en la personne de Bernard Drainville, venez marcher avec nous pour rappeler que la défense de l'environnement demeure une priorité pour les Québécoises et les Québécois.

📍 Montréal
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📍 Québec
‭→ Parc de l'Amérique-Française, 13h
‭→ Rejoignez le contingent solidaire

📍 Gatineau
‭→ devant le 165, rue de l'Hôtel-de-Ville, 13h30
‭→ Rejoignez le contingent solidaire

Manifestations ailleurs au Québec

📍 Rimouski
‭→ devant le 395, boulevard Jessop, 13h
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📍 Baie-Saint-Paul
‭→ devant le l'hôtel de ville (15, rue Forget), 11h
‭→ Événement Facebook

📍 Saint-Jérôme
‭→ Vieille gare de Saint-Jérôme, 12h
‭→ Événement Facebook

Mettez vos souliers les plus confortables 👟 et sortez vos plus belles pancartes 🪧 !
On a tout ce qu'il faut pour être le pays le plus vert au monde.

À Québec solidaire, on y croit : faire la transition écologique, sans laisser les travailleuses et les travailleurs derrière, c'est possible. Ensemble, on peut préserver notre environnement pour les générations futures et aider les communautés à s'adapter aux changements climatiques.

On a l'énergie, on a les ressources et on a les moyens. Il ne manque que la volonté.

Aidez Québec solidaire à faire élire plus de député·es pour qu'ensemble on réussisse la transition écologique en invitant vos proches à ajouter leur nom.

2025 Québec solidaire

Le droit à la santé en Outaouais : un portrait d’hier à aujourd’hui

23 septembre, par Rédaction

En matière de santé, la région de l’Outaouais continue de faire les manchettes, pour de mauvaises raisons : « Gatineau : pire urgence du monde occidental[1] »; « Notre population est en danger[2] »; « L’Outaouais a assez souffert[3] ». La plus récente illustration de ce qui est devenu une crise permanente de la santé en Outaouais est la mise en place d’un plan d’urgence au printemps 2024 pour éviter une rupture de services en imagerie médicale à l’Hôpital de Hull, où est situé le centre régional de traumatologie et de soins critiques[4]. Les bris[5] et les fermetures[6] de services de santé sont devenus choses courantes en Outaouais, particulièrement dans les milieux ruraux. Devant une situation aussi préoccupante à Gatineau, quatrième ville la plus peuplée du Québec, et devant la dégradation constante du système public de santé partout dans la région, prenons un pas de recul pour nous demander comment se porte le droit à la santé en Outaouais.

Ce texte vise à dresser un portrait de l’état du droit à la santé dans la région de l’Outaouais d’hier à aujourd’hui. Nous présentons d’abord quelques indicateurs sur les réalités socioéconomiques et les inégalités sociosanitaires caractérisant l’Outaouais en ce début de XXIe siècle. Par la suite, nous traçons une brève mise en contexte historique du droit à la santé dans la région. Comme on le sait, le droit à la santé, c’est-à-dire « le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre[7] », inclut, mais aussi dépasse, l’accessibilité gratuite et universelle aux services de santé. Le droit à la santé s’inscrit en interdépendance avec l’ensemble des droits humains universels. Un retour dans l’histoire de l’Outaouais nous amène en effet à nous intéresser à l’interdépendance entre santé et logement en dressant un parallèle entre le passé canadien-français de la région et la réalité outaouaise actuelle en matière de violation du droit au logement. Avant de conclure sur quelques réflexions politiques, nous présentons enfin une série de données sur le sous-financement public de la santé et les problèmes d’accessibilité et de qualité des services publics de santé en Outaouais, lesquels constituent un terreau fertile pour la privatisation de la santé.

Les inégalités sociales de santé en Outaouais : quelques indicateurs

Les résidentes et résidents de l’Outaouais le savent bien : au-delà des anecdotes et des faits divers médiatisés, la réalité outaouaise est souvent reléguée aux marges dans le discours politique québécois. Afin de mieux connaitre cette réalité négligée à l’intérieur du Québec, examinons quelques indicateurs socioéconomiques et sanitaires[8].

En 2020, la population de l’Outaouais s’élevait à 401 388 habitants, soit 4,68 % de la population du Québec[9]. De ce nombre, 72,31 % résident dans la ville de Gatineau et le reste dans les quatre municipalités régionales de comté (MRC) des zones rurales de l’Outaouais. En 2018, le revenu disponible par habitant en Outaouais était de 27 318 $ contre 29 924 $ pour l’ensemble du Québec. Mis à part le territoire de Gatineau (9,1 %) et celui de la MRC des Collines-de-l’Outaouais (5,5 %), les taux de la mesure de faible de revenu étaient en 2018 plus élevés dans les MRC de Papineau (10,9 %), de Pontiac (13,6 %) et de la Vallée-de-la-Gatineau (15,6 %) que dans le reste du Québec (9,5 %)[10].

Ces disparités de revenu en Outaouais par rapport à l’ensemble du Québec, mais également à l’intérieur de la région, se traduisent par des inégalités sociales de santé, que l’on peut mesurer par l’espérance de vie[11] et l’indice de défavorisation matérielle et sociale[12]. Le Tableau 1 présente l’espérance de vie dans les territoires de l’Outaouais pour 2019.

Tableau 1. Espérance de vie en Outaouais en 2019

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Source : Institut de la statistique du Québec. Présenté dans Bertrand Schepper et Guillaume Hébert, Portrait des inégalités d’accès aux services de santé en Outaouais, Montréal, Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, 2021.

Encore une fois, on voit une iniquité régionale par rapport à l’ensemble du Québec : l’espérance de vie dans l’ensemble des territoires de l’Outaouais, mis à part la MRC des Collines-de-l’Outaouais, est plus basse que la moyenne québécoise. De plus, comme l’ont observé Schepper et Hébert, les communautés des MRC de Pontiac et de la Vallée-de-la-Gatineau, où l’espérance de vie est la plus faible en Outaouais, se retrouvent presque toutes dans le dernier quintile de l’indice de défavorisation matérielle. Dans ces deux MRC, 12 communautés sur un total de 13 comptent entre 11,6 % et 28,4 % de personnes autochtones.

Dans le secteur Hull de la ville de Gatineau, le portrait de la défavorisation est peut-être encore plus criant. Comme le montre le Tableau 2, neuf des 21 communautés du secteur Hull ont un indice de défavorisation matérielle et sociale combinée dans le quintile le plus élevé.

Tableau 2. Indice de défavorisation de neuf communautés du secteur Hull de Gatineau

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Source : Observatoire du développement de l’Outaouais. Présenté dans Bertrand Schepper et Guillaume Hébert, Portrait des inégalités d’accès aux services de santé en Outaouais, Montréal, Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, 2021.

La concentration de défavorisation dans les communautés urbaines du secteur Hull s’inscrit clairement à l’intersection de la concentration dans ces neuf communautés de personnes issues de l’immigration (de 13,4 % à 28,2 % de la population dans ces communautés) et de personnes autochtones en milieu urbain (entre 2,4 % et 7,6 % de ces populations).

Or, comme nous allons maintenant le voir, la réalité actuelle de l’Outaouais, marquée par une importante diversité culturelle – Gatineau figurant parmi les principales portes d’entrée de l’immigration au Québec – mais aussi par des inégalités sociales de santé substantielles, reflète toujours le lourd passé de la région en matière de droit à la santé.

Santé et logement en Outaouais d’hier à aujourd’hui : exclusion sociale et iniquités sociosanitaires

Située sur le territoire non cédé de la nation algonquienne, l’ancienne ville de Hull, aujourd’hui le secteur du centre de la ville fusionnée de Gatineau, a été au cœur de la colonisation, puis de l’industrialisation de l’Amérique du Nord britannique et du Canada. De 1861 à 1871, l’industrialisation entraine l’arrivée dans le canton de Hull d’une importante population canadienne-française : celle-ci passe à cette époque de 420 à 4 461 habitants, alors que la population anglophone passe de 3 291 à 3 857 habitants[13]. En matière de droit à la santé, l’histoire régionale a notamment été marquée dès le milieu du XIXe siècle par les effets néfastes sur la santé au travail de l’industrie de l’allumette, avec à sa tête la compagnie E.B. Eddy, contre laquelle s’est mobilisé le premier mouvement syndical féminin au pays, celui des « allumettières », fondé en 1918-1919[14].

Afin de mieux comprendre les problèmes sociosanitaires actuels dans la région de l’Outaouais, il est utile de revenir sur l’expérience hulloise et outaouaise des conditions matérielles des Canadiens français et des Canadiennes françaises. Les graves crises du logement et de l’itinérance qui sévissent de manière particulièrement aigüe en Outaouais en ce début de XXIe siècle s’inscrivent malheureusement en continuité avec le passé de la région. Comme l’explique l’auteur Raymond Ouimet :

Dès le début de 1937, des familles érigent des maisons rudimentaires, pour ne pas dire des cabanes, sur la rive ouest du ruisseau de la brasserie [à Hull], entre le boulevard Montclair et le pont du sentier du ruisseau de la Brasserie (alors un pont de chemin de fer). En 1941, ce secteur de la ville devient un véritable bidonville, nommé Creekside, où vivent dans un grand dénuement plus d’une centaine de personnes. Surnommé, avec mépris, Punaiseville et Puceville, le Creekside est qualifié de honte de la ville par les bien-pensants de tous bords pour qui les pauvres sont les artisans de leur propre malheur[15].

Frappés également par la crise des années 1930, les habitants et habitantes des bidonvilles de Hull figuraient parmi les exclus du capitalisme industriel anglo-saxon au Canada français. Pendant les années 1940 et 1950, le Creekside constituera une réalité à Hull, alors que la ville est également aux prises avec plusieurs logements surpeuplés[16]. Pendant ce temps, les autorités publiques contribueront à la stigmatisation et même à la répression des personnes sans logement.

On le sait, les grandes catastrophes de la première moitié du XXe siècle, période marquée par deux guerres mondiales, la Grande Dépression des années 1930 et l’expérience du totalitarisme, vont conduire à des prises de conscience quant à l’avenir de l’humanité face aux défaillances de sociétés fondées sur les principes libéraux de la liberté individuelle, de l’égalité formelle et de la propriété privée. Ces catastrophes ayant émergé dans les pays du centre du capitalisme viendront mettre en lumière les paradoxes de la « civilisation libérale » : le capitalisme industriel et l’utopie du marché autorégulateur sont des menaces aux libertés individuelles et à la démocratie[17]. Par exemple, la réduction du logement à une marchandise ne permet pas de garantir l’accès à un toit et à des conditions de vie dignes pour l’ensemble de la population.

Dans l’après-guerre, le système international de l’Organisation des Nations unies sera ainsi institué sur la reconnaissance des droits politiques, sociaux, culturels et économiques. Les nouvelles institutions internationales et le développement du droit international signaleront la nécessité pour les États de mettre en place des politiques visant la réalisation concrète de droits collectifs. Dans le préambule de sa constitution adoptée en 1946, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnait le droit à la santé en le définissant comme le droit à « un état complet de bien-être physique, mental et social qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou de handicap ». Le texte poursuit : « La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale[18] ».

En Outaouais, même avec l’effort de guerre et ses retombées sur le développement économique, les conditions sociosanitaires et de logement des classes populaires hulloises tarderont à s’améliorer.

Dans les années d’après-guerre, la ville de Hull offre un spectacle désolant. La compagnie E.B. Eddy a beaucoup réduit la production de son usine de papier. Des centaines d’ouvriers se retrouvent sans emploi. Le délabrement des quartiers populaires ne fait que s’accentuer. Il y a un manque criant de logement. Forcées d’habiter dans des abris insalubres, des milliers de personnes vivent littéralement dans ce qu’on appellerait aujourd’hui des bidonvilles. Sans accès à un système d’aqueduc, encore moins à une usine de filtration d’eau, la population survit à peine et crie famine[19].

En 1952, le Creekside regroupera plus de 400 personnes et la police forcera le démantèlement du bidonville en septembre de la même année. Il en résultera que près de 300 personnes se déplaceront vers des taudis autour du lac Leamy et près de la Gatineau Boom Company[20].

À la fin des années 1960 survient un autre épisode dans l’histoire des problèmes de logement à Hull : la décision du gouvernement fédéral du premier ministre libéral Pierre Elliott Trudeau de construire un important complexe d’édifices gouvernementaux dans le centre-ville de Hull, aujourd’hui connu sous le nom de Place du Portage, toujours parmi les plus grands complexes d’espaces à bureaux du monde. La construction de Place du Portage exigera des milliers d’expropriations. La Ville de Hull met alors en œuvre un projet de « rénovation urbaine » entrainant « la démolition de plus de 1500 logements occupés par environ 6000 personnes[21] ». L’objectif, qui n’a toujours pas été atteint, était d’implanter 25 % des emplois du gouvernement fédéral sur la rive québécoise[22]. Dès le début des années 1970, de grandes mobilisations citoyennes[23] se mettront en branle en réaction à ces transformations imposées par les autorités fédérales et municipales, lesquelles vont créer d’importantes fractures sociales, urbaines et économiques dont le centre-ville de Hull ne s’est en quelque sorte jamais remis. C’est dans ce contexte, au tournant des années 1970, que les premiers logements sociaux seront construits à Hull, principalement pour loger les victimes de la « rénovation urbaine »[24].

Transportons-nous maintenant un demi-siècle plus tard. Depuis quelques années, la grave crise du logement dans la région de l’Outaouais et la ville de Gatineau s’est développée à l’intersection d’au moins deux autres crises, celles de l’itinérance et des surdoses. Ces « crises », qui sont en fait des résultats de la déresponsabilisation des États en matière de logement, des conséquences nuisibles de la financiarisation, de la spéculation et de l’inflation immobilières, ainsi que des vases communicants entre l’industrie pharmaceutique licite et l’économie informelle criminalisée, sévissent ailleurs. Cependant, leurs conséquences sont particulièrement aigües à Gatineau.

En 2023, le taux d’inoccupation dans le marché des logements locatifs était de 1,1 % à Gatineau (contre 2,1 % à Montréal) et le prix du loyer moyen des logements de deux chambres s’élevait à 1252 $, en hausse de 8,9 % sur un an (contre 1096 $, en hausse de 7,9 % à Montréal)[25]. Comme le soulignait la mission d’observation sur la situation du logement à Gatineau de la Ligue des droits et libertés dans son rapport de 2021[26], la crise du logement en Outaouais s’est vue renforcée par une série de catastrophes survenues avant la pandémie de COVID-19 : les inondations printanières de 2017 (plus de 2 200 résidences touchées dont plusieurs dans les quartiers défavorisés du secteur Gatineau) ; la tornade de force EF3 en 2018 (2 407 logements touchés dont près de 20 % inhabitables, notamment dans le quartier du Mont-Bleu où réside une importante population issue de l’immigration récente) ; et de nouvelles inondations printanières en 2018 (touchant près de 2 000 logements dans les mêmes quartiers qu’en 2017).

Avec le manque d’ambition des politiques de logement et la confiance excessive de celles-ci envers l’industrie immobilière, mais aussi en raison des récentes catastrophes climatiques, c’est le retour du Creekside « version XXIe siècle » sur les berges du ruisseau de la Brasserie et sur le site de l’ancien aréna Guertin dans le secteur Hull. Les habitantes et habitants du ruisseau de la Brasserie figurent aujourd’hui parmi les exclus de la plus récente phase du capitalisme, structurée par le pouvoir des industries de la finance, de l’assurance et – c’est particulièrement le cas en Outaouais – de l’immobilier. Montant en puissance depuis les années 1980, l’économie « FIRE » (basée sur les secteurs de la finance, des assurances et de l’immobilier[27]) a constitué la couche sur laquelle sont venus se superposer, plus récemment, le technocapitalisme[28] de monopole et son oligarchie au pouvoir aux États-Unis.

Phénomène également « importé » des États-Unis, les campements de personnes itinérantes sont malheureusement devenus chose commune dans les grandes villes canadiennes lors des dernières années. De 2018 à 2023, l’Outaouais a connu une augmentation de 268 % du nombre de personnes itinérantes, la plus forte au Québec[29]. Alors que les autorités municipales et provinciales se renvoient la balle, on peine à trouver des solutions pérennes et, surtout, pleinement humaines. Autre rappel du contrôle des classes pauvres digne du XIXe siècle, le conseil municipal de Gatineau s’est résigné, en 2024, à accepter un projet privé de « village » temporaire de conteneurs sur le site Guertin, logeant 100 personnes, proposé par une grande firme immobilière[30]. Même dans des territoires ruraux comme la MRC de la Vallée-de-la-Gatineau et la ville de Maniwaki, les dernières années furent marquées par une transformation du visage de l’itinérance et une explosion du nombre de personnes en situation d’itinérance dans tout l’Outaouais[31].

Enfin, de 2021 à 2023, on compte plus de 100 personnes mortes de surdoses de médicaments et de drogues en Outaouais[32]. Avec un taux de mortalité par surdose de 2,62 par 10 000 habitants, la crise des surdoses à Gatineau a été la plus importante au Québec de 2019 à 2022[33]. L’Outaouais est en effet devenu un « épicentre des surdoses », notamment en raison de sa situation géographique, localisée entre Toronto et Montréal. Malgré les crises sociosanitaires sévissant en Outaouais, les services en matière d’itinérance, d’injection supervisée et de santé mentale sont largement insuffisants dans la région, à l’instar des services publics de santé en général. La violation du droit à la santé et son interdépendance avec le droit au logement tendent à être normalisées à Gatineau et en Outaouais, d’hier à aujourd’hui. Une autre violation du droit à la santé qui tend à être normalisée en Outaouais est la dégradation de l’accessibilité, de la qualité et de la sécurité des services de santé publics et universels.

Sous-financement et dégradation du système public de santé en Outaouais : un terreau fertile pour la privatisation de la santé

Au cours des années 1950, il n’y avait toujours à Hull que le seul hôpital Sacré-Cœur de la rue Laurier, petit et vétuste, malgré l’augmentation de la population locale. Des subventions parvenaient au compte-gouttes du gouvernement provincial, surtout avant une élection. Ainsi, lors de l’élection provinciale de 1956, le gouvernement de l’Union nationale avait remis, par l’entremise de son candidat dans Hull, Roland Saint-Onge, un chèque de 440 000 $ à l’hôpital, au milieu d’un spectacle électoraliste bien orchestré. Il faudra attendre jusqu’en février 1958 pour que ce vieil édifice ferme définitivement, avec la construction d’un nouvel hôpital, sur le boulevard Gamelin. Les patients comme le personnel y furent transférés en plein hiver[34] !

Les crises évitables du logement, de l’itinérance et des surdoses entrainant autant de violations du droit à la santé, s’inscrivent dans le contexte d’iniquités majeures entre l’Outaouais et le reste du Québec en matière de financement public de la santé et d’accessibilité aux services de santé. Les effets de ce sous-financement sont nombreux. Si certains des effets à long terme sur l’état de santé de la population outaouaise sont difficilement mesurables, la dégradation du système public de santé marque profondément la vie quotidienne des résidents et résidentes et des communautés de l’Outaouais. Examinons les principales données quant au sous-financement public de la santé en Outaouais et quant à ses principales conséquences sur l’accessibilité, la qualité, la sécurité et la privatisation des services de santé dans la région.

En santé, l’Outaouais souffre d’un sous-financement historique avéré : en 2021-2022, la région a reçu 79,7 % de la moyenne des dépenses par habitant en santé dans les autres régions du Québec[35]. Cette iniquité dans l’allocation interrégionale du financement public de la santé s’est traduite par un manque à gagner annuel de 206 millions de dollars en 2020-2021[36]. Au fil des années, ce sous-financement chronique contribue à une importante et constante détérioration des services publics de santé dans la région, tant et si bien qu’il n’est pas exagéré de revendiquer, en plus d’un réinvestissement public massif de la part du gouvernement du Québec, des investissements additionnels visant à compenser cette détérioration du réseau de la santé et des services sociaux de l’Outaouais.

Ce sous-financement public de la santé, combiné à la situation géographique frontalière de l’Outaouais, du fait de sa proximité avec l’Ontario, force plusieurs personnes à traverser la rivière des Outaouais pour obtenir des services dans la province voisine. De 2010-2011 à 2021-2022, la Régie de l’assurance maladie du Québec a ainsi versé en moyenne 112 millions de dollars par année en services hospitaliers requis par des résidents et des résidentes de l’Outaouais en Ontario[37]. Au fil du temps, ces dépenses de l’État québécois en Ontario contribuent au sous-investissement dans les services et les infrastructures de santé en Outaouais.

On observe des conséquences majeures du sous-financement public de la santé en Outaouais. La région figure parmi les derniers de classe dans plusieurs catégories de service : nombre de lits de courte et de longue durée, temps d’attente aux urgences, durée de séjour sur civière aux urgences. Les problèmes d’accessibilité aux services de santé en Outaouais s’expliquent d’abord par d’importants manques d’infirmières et de médecins dans le réseau public de la santé. Comme le montre le Tableau 3, en 2022, il manquait en Outaouais 264 médecins et 1 138 infirmières pour rejoindre les moyennes québécoises.

Tableau 3. Nombres d’infirmières en soins directs et de médecins manquant en Outaouais par rapport à la moyenne québécoise[38]

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La même année, cela représente 2,07 médecins par 1000 habitants en Outaouais contre 2,55 dans l’ensemble du Québec, et 5,67 infirmières par 1000 habitants contre 8,88 dans l’ensemble du Québec[39]. Les problèmes de conditions de travail en santé et services sociaux, causés par ce manque de personnel, ainsi que le sous-financement de l’éducation postsecondaire en Outaouais et la concurrence de l’Ontario, sont autant de facteurs contribuant à l’aggravation des problèmes de recrutement et de rétention du personnel de la santé dans la région.

Le sous-financement public et le manque de personnel contribuent en Outaouais à d’importants problèmes de qualité et de sécurité des services publics de santé. En 2021, Action santé Outaouais[40] rappelait, dans son rapport L’Outaouais à la croisée des chemins[41], que l’accessibilité à plusieurs services ne répond pas aux normes provinciales, surtout dans les MRC rurales les plus défavorisées, par exemple en soins de première ligne, aux urgences, en services psychosociaux, en imagerie diagnostique, en chirurgies prioritaires, en services aux personnes ainées, en santé mentale, aux jeunes en difficulté et en dépendance. En 2018-2019, l’Outaouais se classait 12e sur 16 régions du Québec pour le nombre d’incidents et d’accidents médicaux liés par exemple aux chutes de patients et de patientes, à la prise de médicaments et aux tests de laboratoire et d’imagerie[42]. Pire, de 2014-2015 à 2018-2019, les décès en milieu hospitalier et à la suite de chirurgies majeures se sont maintenus à des niveaux plus élevés que dans l’ensemble du Québec et même que la moyenne canadienne[43].

Ces problèmes d’accessibilité, de qualité et de sécurité des services publics de santé en Outaouais représentent sans surprise un terreau fertile pour la privatisation de la santé. Rappelons d’abord que la privatisation de la santé, encouragée par les gouvernements successifs et, notons-le, par la dernière réforme adoptée par le gouvernement de la Coalition avenir Québec en 2023, vient vampiriser le personnel du réseau public en favorisant le transfert des travailleuses et des travailleurs vers le secteur privé. Dans un contexte de sous-financement public et de concurrence de l’Ontario, la privatisation contribue à accentuer le grave manque de personnel de la santé en Outaouais. L’Outaouais constitue donc une triste illustration de l’affaiblissement du réseau public de santé causé par le recours au privé. Par exemple, dans les dernières années, la région a vécu la plus forte diminution du nombre de chirurgies effectuées dans les hôpitaux publics. De 2020-2021 à 2022-2023, la proportion des chirurgies réalisées dans le privé en Outaouais est passée de 0,5 % à 49 %, une augmentation de plus de 14 000 %[44]. Pendant ce temps, le nombre de chirurgies dans les hôpitaux publics de l’Outaouais a diminué de 24 %, alors qu’il a pourtant augmenté de 4 % dans le reste du Québec[45].

On peut prendre la mesure du paradoxe de la privatisation de la santé dans une région comme l’Outaouais avec le cas de l’imagerie médicale. Au printemps 2024, une crise éclate en imagerie médicale dans la région : le départ prochain de technologues vers l’Ontario déclenche un risque de rupture de service à l’Hôpital de Hull, le centre régional de traumatologie et de soins critiques. Le 15 juin 2024, on apprend que le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de l’Outaouais, face à un taux d’occupation de postes de technologue de 56 %, lance un appel d’offres au secteur privé pour combler des besoins de remplacement en imagerie médicale dans les hôpitaux urbains et ruraux de la région[46]. À la suite d’une importante mobilisation des organisations syndicales et de la société civile en Outaouais, le gouvernement du Québec accepte, en septembre 2024, d’élargir à l’ensemble des hôpitaux de la région les nouvelles primes temporaires offertes aux technologues des hôpitaux urbains, sans quoi on aurait assisté à un exode des professionnel·le·s des territoires ruraux[47]. Le 3 février 2025, on apprend que 7 585 patients et patientes sont en attente d’une imagerie par résonance magnétique (IRM) en Outaouais[48]. Le CISSS de l’Outaouais explique alors cette longue liste d’attente par un taux d’occupation de moins de 40 % des postes en imagerie médicale au département d’IRM de l’Hôpital de Hull[49].

Si la privatisation de la santé était une solution, l’Outaouais aurait été l’une des premières à le savoir. La privatisation de la santé contribue aux problèmes d’accessibilité et de manque de personnel dans les services publics de santé en Outaouais. En plus de réduire la voix des citoyens et citoyennes et des communautés dans la gouvernance de la santé au profit des actionnaires, le privé en santé est inefficace, inéquitable et coûteux.

Conclusion : mobilisation et pistes de solution pour la santé en Outaouais

L’Outaouais n’est évidemment pas la seule région québécoise à souffrir d’inégalités de santé et de violation du droit à la santé. Dans les sociétés capitalistes, l’état du droit à la santé dépend largement de l’étendue de la marchandisation du travail, du revenu, du logement et des soins de santé et, à l’inverse, de la présence de politiques de démarchandisation visant la réduction de la dépendance des personnes face aux marchés[50]. La question politique fondamentale sous-jacente aux actions sur les déterminants sociaux de la santé doit être la suivante : dans quelle mesure les États participent-ils à faire du logement et des services de santé des droits plutôt que des marchandises ?

La position de l’Outaouais dans l’histoire du capitalisme canadien, sa réalité géographique et les choix politiques en santé, comme le sous-financement, la centralisation et la privatisation, ont eu et continuent d’avoir des impacts spécifiques sur le droit à la santé dans la région. Ces choix politiques ne sont pas étrangers à la réputation de l’Outaouais comme « château fort libéral ». Or, après des décennies de règne du Parti libéral du Québec dans la région, le parti ayant occupé la circonscription provinciale de Gatineau pendant 56 années consécutives, l’élection de candidats de la Coalition avenir Québec dans la région n’a toujours pas conduit à la fin du sous-financement de la santé. L’inaction des gouvernements successifs a généré une dégradation de l’accessibilité et de la qualité des services publics de santé en Outaouais. Malgré l’adoption par l’Assemblée nationale du Québec le 30 octobre 2019 d’une motion reconnaissant les « particularités importantes » de l’Outaouais[51], le réinvestissement public en santé se fait toujours attendre. Avec l’annonce de l’éventuelle construction du Centre hospitalier affilié universitaire de l’Outaouais, la région fait face au risque que le réinvestissement nécessaire en santé se limite à un mégahôpital régional, aussi nécessaire soit-il, alors que la dégradation du reste du réseau public de santé se poursuit et que le manque de personnel continue de s’accentuer. D’ailleurs, comment expliquer que la principale institution d’éducation postsecondaire de la région, l’Université du Québec en Outaouais, soit toujours dépourvue d’une faculté de médecine ?

Faisant face à des défis colossaux, l’Outaouais persévère dans sa mobilisation pour la défense du droit à la santé. Ancrées dans le contexte des expériences collectives et individuelles des problèmes sociosanitaires régionaux, ces actions de mobilisation revendiquent également un changement de paradigme à l’échelle des politiques nationales de santé. Donnons deux exemples de mobilisation portée par des citoyens et citoyennes de l’Outaouais dans la recherche de solutions en santé.

En 2011, le Comité des sans-médecins d’Action santé Outaouais publiait un rapport d’enquête conscientisante sur les obstacles dans l’accès au réseau public de santé. Fruit d’une consultation citoyenne de 180 personnes de 2009 à 2011, le rapport propose :

la mise sur pied d’une clinique médicale multidisciplinaire entièrement publique, orientée sur la prévention et composée uniquement de salariés. Ce projet pilote serait un lieu d’expérimentation d’une série d’autres recommandations […], comme la remise en question du paiement à l’acte des omnipraticiens et une répartition plus efficace des responsabilités qui feraient une place plus importante dans le réseau public à d’autres professionnels aptes à assumer davantage de responsabilités en soins de santé primaires […], comme les infirmières, les dentistes (et les hygiénistes dentaires), les psychologues, les sages-femmes, les physiothérapeutes[52].

En 2024, Action santé Outaouais publiait cette fois un rapport de consultation citoyenne[53] sur la santé dans les milieux ruraux de la région, tenue en novembre 2023 et ayant réuni une centaine de personnes dans les quatre territoires ruraux de la région. Les citoyens et citoyennes et les groupes ayant participé à l’évènement y ont identifié des solutions prioritaires[54], par exemple :

  • décentraliser le système de santé en mettant en place une véritable gestion locale ;
  • redonner la priorité aux citoyens et citoyennes et assurer la participation citoyenne dans les instances décisionnelles ;
  • favoriser le recrutement et la rétention du personnel en offrant des conditions attrayantes et des salaires concurrentiels ;
  • redonner et consolider des offres de services en centres locaux de services communautaires tout en bonifiant leur budget ;
  • que le statut particulier de l’Outaouais s’accompagne d’une stratégie régionale, de mesures, de cibles et de ressources afin que cette reconnaissance puisse générer des améliorations réelles des services de santé de la région.

En plus de revendiquer un réinvestissement public massif et de proposer des solutions adaptées à leur région, les citoyens et citoyennes et les mouvements sociaux sont en Outaouais bien conscients que les solutions aux problèmes régionaux passent nécessairement par des politiques de décentralisation et de démocratisation de la gouvernance de la santé et par la défense du système public et universel de santé contre les intérêts particuliers des lobbys de la privatisation de la santé.

Mathieu Charbonneau est sociologue, professeur à temps partiel à l’Université Saint-Paul et directeur d’Action Santé Outaouais.


  1. Radio-Canada, « Gatineau : “une des pires urgences du monde occidental”, selon un coroner », 26 août 2016.
  2. Dre Christal Dionne, « Santé en Outaouais : “Notre population est en danger”, Le Droit, 22 avril 2024.
  3. Daniel LeBlanc, « Budget sabré et Santé Québec : “L’Outaouais a assez souffert” », Le Droit, 27 novembre 2024.
  4. Radio-Canada, « Le CISSS en mode séduction pour éviter une rupture de services à l’Hôpital de Hull », 18 avril 2024.
  5. Ani-Rose Deschatelets, « Nouvelle rupture de service en imagerie au CLSC de la Petite-Nation », Le Droit, 12 avril 2024.
  6. Maude Ouellet, « Obstétrique à Shawville : “Les mesures ne réussissent pas”, dit le nouveau PDG du CISSSO », Radio-Canada, 9 février 2023.
  7. Nations unies, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, résolution 2200 A (XXI), article 12, Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies, 16 décembre 1966, entrée en vigueur en 1976.
  8. Dans cette première partie, nous reprenons les données analysées par Bertrand Schepper et Guillaume Hébert, Portrait des inégalités d’accès aux services de santé en Outaouais, Montréal, Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, 2021.
  9. Source : Institut de la statistique du Québec. Présenté dans Schepper et Hébert, 2021, op. cit.
  10. Ibid.
  11. L’espérance de vie « correspond au nombre moyen d’années qu’une génération fictive pourrait s’attendre à vivre si elle était soumise tout au long de sa vie aux conditions de mortalité d’une année ou d’une période donnée » : Institut de la statistique du Québec, Espérance de vie, sans date.
  12. Sur une échelle de 1 (quintile le moins défavorisé) à 5 (quintile le plus défavorisé), l’indice de défavorisation matérielle et sociale (IDMS) « comprend deux dimensions. La dimension matérielle reflète la privation de biens et de commodités de la vie courante des personnes résidant dans un territoire et ayant comme conséquence un manque de ressources matérielles (évaluée par l’éducation, l’emploi et le revenu). La dimension sociale renvoie à la fragilité du réseau social, de la famille à la communauté (évaluée par le fait de vivre seul, d’être monoparental et d’être séparé, divorcé ou veuf). L’IDMS regroupe ainsi six indicateurs qui ont été choisis pour leur relation avec l’état de santé et l’une ou l’autre des deux formes de défavorisation » : Institut national de santé publique du Québec, Indice de défavorisation matérielle et sociale, Québec, sans date.
  13. Pierre Louis Lapointe, « Hull », L’encyclopédie canadienne, 2006. Consulté le 19 février 2025.
  14. Kathleen Durocher, Pour sortir les allumettières de l’ombre. Les ouvrières de la manufacture d’allumettes E.B. Eddy de Hull (1854-1928), Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2022.
  15. Raymond Ouimet, « La crise du logement 1936-1952 : le cas du Creekside », Le Droit, 19 février 2021.
  16. Ibid.
  17. Karl Polanyi, La Grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, 2009.
  18. Organisation mondiale de la santé, Constitution, 1946.
  19. Pierre Raphaël Pelletier, Les dépossédés du Vieux-Hull, Ottawa, Les Éditions David, 2020, p. 35.
  20. Ouimet, Le Droit, 2021, op. cit.
  21. Raymond Ouimet, « Hull : du centre-ville au centre-vide », Le Droit, 3 mars 2023.
  22. Roger Blanchette, « Hull, champs de bataille! », À bâbord!, n° 40, été 2011.
  23. En 1963, l’Assemblée générale de l’Ile de Hull a été créée en collaboration avec Mgr Paul-Émile Charbonneau, premier évêque de Hull, premier diocèse indépendant de l’archidiocèse d’Ottawa. En 1972, l’Assemblée sera renommée Regroupement des Comités de citoyens de Hull. En 1973, la Table ronde des organismes volontaires d’éducation populaire de l’Outaouais (TROVEPO) sera fondée afin de regrouper les groupes populaires de Hull. Voir Blanchette, À bâbord!, 2011, op. cit. et TROVEPO, La petite histoire de la Table ronde des OVEP de l’Outaouais (TROVEPO), 1973-2013 – 40 ans de luttes, 2014.
  24. Ouimet, Le Droit, 2021, op. cit.
  25. Société canadienne d’hypothèques et de logement, Rapport sur le marché locatif. Canada et régions métropolitaines, janvier 2024.
  26. François Saillant, La situation du logement à Gatineau et ses impacts sur les droits humains. Rapport de la mission d’observation, Montréal, Ligue des droits et libertés, 2021.
  27. Le terme FIRE vient des termes anglais finance, insurance and real estate. Voir André Orléan, Le pouvoir de la finance, Paris, Odile Jacob, 1999 et François Chesnais, « Le capital de placement : accumulation, internationalisation, effets économiques et politiques », dans François Chesnais (dir.), La finance mondialisée. Racines sociales et politiques, configuration, conséquences, Paris, La Découverte, 2004, p. 15‑50.
  28. Luis Suarez-Villa, « The rise of technocapitalism », Science & Technology Studies, vol. 14, n° 2, 2001, p. 4‑20.
  29. Lise Denis, « L’Outaouais au centre de la “crise de l’itinérance” » au Québec », Le Devoir, 14 septembre 2023.
  30. Françoise Goulet-Pelletier, « Itinérance : la Ville de Gatineau investit 1,5 M $ pour le projet Village Transitiôn », Radio-Canada, 10 octobre 2024.
  31. Antoine Fontaine, « Une première Nuit des sans-abri à Maniwaki pour “démystifier” les préjugés », Radio-Canada, 19 octobre 2024.
  32. Ce nombre provient du calcul de l’auteur à partir des chiffres rapportés par diverses sources médiatiques : 27 décès en 2021, 45 en 2022 et au moins 33 en 2023. Voir respectivement : TVA Gatineau/Ottawa, « Surdoses : 27 décès en 2021 à Gatineau », 27 avril 2022 ; Jadrino Huot, « Les surdoses toujours bien présentes à Gatineau », Noovo Info, 19 avril 2023 ; Étienne Fortin-Gauthier, « Gatineau, ligne de front de la crise des surdoses », Noovo Info, 20 février 2024.
  33. Frédérik-Xavier Duhamel, « L’Outaouais, point chaud de la crise des opioïdes », La Presse, 12 novembre 2022.
  34. Gilles Bédard-Lalonde, Le Hull des années 1950. La dernière décennie traditionnelle, Montréal, Éditions Carte blanche, 2018, p. 60.
  35. Alexandre Bégin, L’Outaouais en mode rattrapage. Suivi des progrès de la région en santé, éducation et culture, Gatineau, Observatoire du développement de l’Outaouais, mars 2024, p. 7. Notons que l’Outaouais souffre également d’iniquités régionales dans le financement public des services sociaux, de l’éducation professionnelle et postsecondaire, de la culture et des organismes communautaires.
  36. Ibid., p. 8.
  37. Ibid., p. 9.
  38. Ibid., p. 13.
  39. Ibid., p. 12.
  40. Tirant ses origines du Dispensaire des citoyens de l’Ile de Hull fondé en 1970, Action santé Outaouais est le seul organisme d’éducation populaire autonome et de défense collective du droit à la santé au Québec. Voir : https://actionsanteoutaouais.org/.
  41. ASO, L’Outaouais à la croisée des chemins. Portrait de la situation du système de soins de santé, Gatineau, Action santé Outaouais, 2021.
  42. Ibid., p. 22.
  43. Ibid., p. 27.
  44. Anne Plourde, L’Outaouais comme cas d’école des effets délétères de la privatisation des chirurgies, Montréal, Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, 2024.
  45. Ibid.
  46. Radio-Canada Ottawa-Gatineau, « Le CISSS de l’Outaouais fait appel au privé pour combler les besoins en imagerie médicale », 15 juin 2024.
  47. Antoine Fontaine, « La prime de 22 000 $ pour les technologues est élargie à l’ensemble de l’Outaouais », Radio-Canada Ottawa-Gatineau, 7 septembre 2024.
  48. Anne-Charlotte Carignan, « Plus de 7500 personnes en attente pour une IRM en Outaouais », Radio-Canada, 3 février 2025.
  49. Ibid.
  50. Gøsta Esping-Andersen, The Three Worlds of Welfare Capitalism, Cambridge, Polity, 1990.
  51. Assemblée nationale du Québec, Procès-verbal de l’Assemblée, 30 octobre 2019, N° 75, p. 1314. Motion reproduite dans Bégin, L’Outaouais en mode rattrapage, 2024, op. cit.
  52. ASO, Les soins de santé à Gatineau : la voix des citoyens entendue. Rapport de l’enquête populaire sur les obstacles à l’accès au réseau public de santé à Gatineau, Gatineau, Action santé Outaouais, 2011, p. IV.
  53. ASO, Mieux comprendre la réalité rurale pour assurer l’accessibilité aux services de santé : analyse thématique des ateliers de discussion du 9 novembre 2023, Rapport synthèse de l’évènement public « conférence-atelier » du 9 novembre 2023, Gatineau, Action santé Outaouais, 2023, 8 pages.
  54. Ibid.

Le 4 octobre, deux ans de génocide : levons-nous pour Gaza !

23 septembre, par Coalition du Québec URGENCE Palestine
Samedi 4 octobre, 14 h, à Montréal, Place des Arts 1400 Saint-Urbain La Coalition du Québec URGENCE Palestine appelle ses groupes membres et tous ses sympathisant.es à (…)

Samedi 4 octobre, 14 h, à Montréal, Place des Arts 1400 Saint-Urbain La Coalition du Québec URGENCE Palestine appelle ses groupes membres et tous ses sympathisant.es à participer en grand nombre à la manifestation appelée par le Mouvement de la jeunesse palestinienne de Montréal. Pour favoriser (…)

Internationalisme. Quel horizon pour nos luttes ?

Lancement double le 14 octobre prochain à 18h30 ! La parution du numéro 104 (et son dossier sur l'Acadie) et du numéro 105 (et son dossier sur l'internationalisme) seront (…)

Lancement double le 14 octobre prochain à 18h30 ! La parution du numéro 104 (et son dossier sur l'Acadie) et du numéro 105 (et son dossier sur l'internationalisme) seront soulignés à la librairie N'était-ce pas l'été (6702 St-Laurent, Montréal).

Entrée libre, bienvenue à toutes et à tous !

Le présent dossier vise à esquisser le portrait des mouvements sociaux qui ont le potentiel d'offrir une alternative politique contre l'extrême-droite, dans un cadre internationaliste. Nous considérons qu'il est aujourd'hui urgent de mettre en lumière les pensées politiques de l'internationalisme, de l'altermondialisme et de la solidarité internationale, pour contribuer à leur dynamisme et susciter l'espoir d'une option solide et coordonnée à l'échelle internationale. Ainsi, nous nous figurons que ce travail de convergence constitue une étape de plus pour répondre à la question : quel horizon pour nos luttes ?

Né il y a près de 200 ans au sein des mouvements révolutionnaires européens, l'internationalisme incarne un espoir : celui de pouvoir bâtir une alliance internationale des travailleur·euses. Depuis la création en 1864 de l'Association internationale des travailleurs, en passant par l'Internationale socialiste de 1889 et le Kominterm, fondé en 1919, la relation entre l'organisation nationale et internationale des travailleur·euses a pris une variété de formes. Dans son article sur les communistes montréalais durant l'entre-deux-guerres, Olivier Dupuis situe l'émergence de la culture internationaliste au Québec chez les militant·es du Parti communiste du Canada, issu·es en particulier de la diaspora juive. Comme le rappelle Aziz Fall dans son entretien, le Centre Internationaliste Ryerson Fondation Aubin est l'un des espaces de sociabilité internationaliste qui subsiste à Montréal. Il insiste sur l'importance de fédérer les luttes autour de l'anti-impérialisme. La Conférence de Bandung du Nord, sur laquelle revient Safa Chebbi, est une des tentatives pour décoloniser l'internationalisme. Enfin, le plaidoyer d'Amélie Nguyen pour un internationalisme syndical actualise ces critiques pour penser la solidarité ouvrière.

Le point de départ de l'altermondialisme, beaucoup plus récent, remonte à la Première rencontre intercontinentale pour l'humanité et contre le néolibéralisme, au Chiapas, en 1996. Il s'agit d'une voie de résistance au néolibéralisme et au nationalisme, comme le rappelle dans son texte Claude Vaillancourt, qui revient sur les points de convergence et de divergence entre l'internationalisme et l'altermondialisme. Monique Jeanmart et Wedad Antonius, au nom d'Attac Québec, insistent sur le caractère internationaliste de l'organisation dans sa lutte contre le néolibéralisme. Carminda Mac Lorin présente quant à elle l'évolution du Forum social mondial, l'un des principaux espaces de discussion altermondialiste. Enfin, Nina Morin présente son cheminement personnel de politisation à partir de ses expériences de militantisme altermondialiste pour le Journal des Alternatives.

La question de la solidarité internationale traverse tous les textes ou presque, et l'histoire de ce mouvement est le plus complexe à tracer, car il se mêle aux deux premiers. Récemment, cette notion est venue remplacer celle de « coopération internationale », qui réfère plutôt aux politiques économiques financées par des fonds internationaux, dont profitaient les organisations non gouvernementales. La solidarité internationale réfère désormais aux réseaux noués entre la société civile du Sud global et du Nord global. Michèle Asselin, dans son entretien, présente ces considérations à l'aune des États généraux québécois de la solidarité internationale, organisée par l'Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI). Marianne Tremblay et Jade St-Georges suggèrent de repenser les partenariats solidaires à partir de l'expérience de Mer et Monde en Amérique centrale, également membre de l'AQOCI. Finalement, Maël Foucault porte le regard du côté de l'extrême-droite, afin de souligner comment les solidarités blanches s'organisent autour d'une intersectionnalité des haines.

Un dossier coordonné par Maël Foucault, Samuel Raymond et Claude Vaillancourt, illustré par Tricia Robinson.

Avec des contributions de Wedad Antonius, Michèle Asselin, Safa Chebbi, Olivier Dupuis, Aziz Fall, Maël Foucault, Monique Jeanmart, Carminda Mac Lorin, Nina Morin, Amélie Nguyen, Samuel Raymond, Jade St-Georges, Marianne Tremblay et Claude Vaillancourt.

Illustration : Tricia Robinson

Sommaire du numéro 105

23 septembre —
Lancement double le 14 octobre prochain à 18h30 ! La parution du numéro 104 (et son dossier sur l'Acadie) et du numéro 105 (et son dossier sur l'internationalisme) seront (…)

Lancement double le 14 octobre prochain à 18h30 ! La parution du numéro 104 (et son dossier sur l'Acadie) et du numéro 105 (et son dossier sur l'internationalisme) seront soulignés à la librairie N'était-ce pas l'été (6702 St-Laurent, Montréal).

Entrée libre, bienvenue à toutes et à tous !

Politique municipale

Les villes au service de la gentrification / Entrevue avec Sophie Thiébaut. Propos réceuillis par Myriam Cloutier

Observatoire des luttes

Un nouveau syndicat de locataires à Ottawa / Entrevue avec Ashley Liza et Shivangi Misra. Propos recueillis par Maël Foucault

Travail

Réformes en droit du travail : La CAQ, foncièrement sexiste et antisyndicale / Caroline Brodeur

Des états généraux pour le syndicalisme / Thomas Collombat

Luttes antiracistes en milieu de travail syndiqué/ Entrevue avec Ramatoulaye Diallo et Alain Croteau. Propos recueillis par Isabelle Bouchard

Société

Pour une repolitisation de l'économie sociale / L'Aile jeunesse du Chantier de l'économie sociale

Sciences

Démantèlement de la science américaine : Crise dans la petite bourgeoisie salariée

Analyse du discours

L'extrême droite, cet alter ego toxique / Philippe de Grosbois

Politique

Mark Carney et la contamination de l'extrême droite / Claude Vaillancourt

Regards féministes

Enfances sous tutelle / Kharoll-Ann Souffrant

Mémoire des luttes

Charles Gagnon et la question sociale / Alexis Lafleur-Paiement

Mini-dossier : Qui veut la peau de la liberté académique ?

Coordonné par Isabelle Bouchard, Mélanie Edever et Maël Foucault, illustré par Élisabeth Doyon

L'effritement de la gouvernance collégiale des universités / Madeleine Pastinelli

Ingérences et menaces dans les universités / Arianne Des Rochers

La liberté académique, c'est pour moi aussi ? / Bouchra Taïbi

Dossier : Internationalisme. Quel horizon pour nos luttes ?

Coordonné par Maël Foucault, Samuel Raymond et Claude Vaillancourt, illustré par Tricia Robinson

L'entre-deux-guerres à Montréal. « Les ouvrier·ères n'ont pas de patrie » / Olivier Dupuis

L'internationalisme dans les gènes d'Attac / Wedad Antonius et Monique Jeanmart

Fédérer les luttes anti‑impérialistes / Entrevue avec Aziz Fall. Propos recueillis par Samuel Raymond

L'internationalisme décolonial au présent. Bandung du nord / Safa Chebbi

Défendre l'internationalisme syndical / Amélie Nguyen

Internationalisme et altermondialisme : Avancer à contre-courant / Claude Vaillancourt

Forum social mondial : Un espace ouvert altermondialiste / Entrevue avec Carminda Mac Lorin. Propos recueillis par Samuel Raymond

Chronique d'une néophyte de l'altermondialisme / Nina Morin

La solidarité entre les peuples, envers et malgré tout / Entrevue avec Michèle Asselin. Propos recueillis par Claude Vaillancourt

Crises géopolitiques : Repenser nos partenariats solidaires / Marianne Tremblay et Jade St-Georges

De qui ont peur les réactionnaires ? / Maël Foucault

International

Résistance face à Vučić : La serbie ne vit plus, elle survit / Comité étudiant de la Serbie

Culture

Ça va bon train / Entrevue avec Pudding Chômeur. Propos recueillis par Selena Phillips-Boyle

Jazz libre, musique improvisée. La dernière utopie ? / Félix-Antoine Hamel

À tout prendre ! / Ramon Vitesse

Recensions

Couverture : Tricia Robinson

Des ponts parmi les feux

23 septembre, par Le Collectif de la revue À bâbord ! — , , , ,
Lancement double le 14 octobre prochain à 18h30 ! La parution du numéro 104 (et son dossier sur l'Acadie) et du numéro 105 (et son dossier sur l'internationalisme) seront (…)

Lancement double le 14 octobre prochain à 18h30 ! La parution du numéro 104 (et son dossier sur l'Acadie) et du numéro 105 (et son dossier sur l'internationalisme) seront soulignés à la librairie N'était-ce pas l'été (6702 St-Laurent, Montréal).

Entrée libre, bienvenue à toutes et à tous !

L'été 2025 nous sera apparu comme une canicule continue et suffocante marquée par des feux de forêt sans précédent. Enveloppées par la fumée, les villes du Québec se sont retrouvées à plusieurs reprises parmi les plus polluées de la planète. Loin de mériter médaille, cet exploit appelle son lot de réflexions à l'heure où aucune région du monde ne semble épargnée par le phénomène et où nous en récoltons les effets délétères.

Tandis que les feux font rage aussi bien dans les Prairies qu'au Nouveau-Brunswick, en Europe qu'au Proche-Orient, le Québec ne fait pas figure de modèle. Bien que la province soit relativement épargnée sur son territoire, notre incapacité à échapper aux fumées nous rappelle que les frontières sont de peu de secours face aux vents dominants et que notre réponse à la crise climatique doit être faite de solidarité. Or, malgré l'urgence de la situation, l'inertie est encore trop souvent au rendez-vous et laisse la porte ouverte à ce que nous nous accommodions de l'inacceptable.

Officiellement, les gouvernements canadien et québécois se contentent de déployer des armées de pompiers pour éteindre les feux : l'exemple même d'une réponse ponctuelle qui omet d'interroger les causes structurelles du phénomène.

Le présent numéro se propose de rappeler l'absurdité et l'inanité de ces réponses et de donner à voir que des alternatives existent. Dans son article, Claude Vaillancourt montre en quoi l'appétit du gouvernement fédéral de Mark Carney pour les pipelines persiste à nous éloigner de l'objectif de sortie des énergies fossiles et de limitation du réchauffement climatique. De même, le projet de loi 97 du gouvernement provincial de François Legault entérine la mainmise de l'industrie forestière sur les forêts publiques du Québec et bafoue les droits ancestraux des Premières Nations. En reconduisant les logiques extractivistes à l'origine de la crise climatique et en promettant d'en amplifier les effets les plus néfastes, ces réponses sont contraires à ce qu'exige l'urgence de la situation.

Le comportement du gouvernement étatsunien est encore bien pire. Les élus républicains proposent ainsi de taxer les Canadien·nes pour compenser les effets des feux de forêt au nord sur la qualité de l'air au sud. Cela, sans jamais mentionner l'existence des changements climatiques. Pas étonnant quand on sait que ces mots, parmi tant d'autres, sont désormais interdits dans les publications gouvernementales. Le président Donald Trump est allé jusqu'à nommer à la tête de l'Agence de protection de l'environnement Scott Pruit, un climatosceptique notoire, et a amorcé le démantèlement de la législation environnementale encore en place. L'action des républicains est le symbole d'une offensive puissante et décomplexée à l'encontre de toute idée de protection de l'environnement et de lutte contre les changements climatiques. Venant d'un des plus grands pollueurs au monde, on peut aisément imaginer les effets catastrophiques qui en découleront et qui iront bien au-delà des feux de forêt.

En retour, le dossier spécial de ce numéro consacré à l'internationalisme nous rappelle l'importance de construire des ponts entre les luttes d'ici et d'ailleurs pour être à la hauteur des enjeux auxquels nous devons faire face. S'il semble y avoir peu d'espoir à placer dans des gouvernements qui ont opté pour la fuite en avant, les accomplissements souvent précaires, mais néanmoins tangibles des mobilisations passées et présentes nous redonnent du souffle.

Se mobiliser et s'organiser face à la catastrophe apparaît donc encore et toujours comme la meilleure voie de sortie. À cet égard, les blocages des coupes forestières effectués par l'Alliance MAMO (composés de membres des nations Atikamekw, Innue et Abénaquis) en Haute-Mauricie montrent la pertinence de l'action directe et sa capacité à mettre en échec les ambitions dévorantes des pouvoirs économiques et politiques. Reste alors à soutenir les organisations et les collectifs qui recourent à cette forme d'action, à construire des ponts avec elles là où elles se trouvent et à s'engager à leur suite. Maintenant plus que jamais, pour éviter que le pire n'advienne.

Retour sur l’historique de l’élaboration du programme de Québec solidaire

23 septembre, par André Frappier — ,
Québec solidaire débattra de son nouveau programme en novembre prochain dans un contexte de crise planétaire sans précédent qui combine la crise climatique et la montée de (…)

Québec solidaire débattra de son nouveau programme en novembre prochain dans un contexte de crise planétaire sans précédent qui combine la crise climatique et la montée de l'extrême droite.

Notre perspective doit être basée sur les réponses nécessaires à apporter. La construction d'un mouvement social fort articulée dans une perspective politique qui unit les mouvements progressistes.

Nous devons articuler notre message prioritairement en fonction de ce que nous sommes maintenant, un parti politique de gauche qui veut changer cette société. C'est ainsi que nous pourrons rallier les mouvements de lutte. Dans le contexte actuel de QS, un programme qui indique ce que nous ferons une fois au gouvernement n'apparaîtra pas très réaliste ni motivant. Au contraire, il est important d'indiquer comment nous pensons rassembler la population militante et donne une impulsion permettant de rallier notre combat.

Le programme qui nous est présenté a fait l'objet de discussions entre autres auprès de la Commission politique et des Comités d'action politique, mais il s'agissait de consultations et non de délibération. Nous avons pris 10 ans à construire ce programme et nos membres ont maintenant tout au plus un mois pour s'approprier cette discussion qui n'est pas simple. Les membres de QS ont peu de temps pour s'approprier les propositions de programme qui sont présentées dans plusieurs documents sous différentes formes. Cette procédure rend très difficile la vue d'ensemble de la problématique.

Le rôle du programme

En 2011 nous avions adopté une définition de ce que représente un programme pour QS. La voici :

Le programme politique de Québec solidaire est une proposition de transformation démocratique de l'ensemble de la société à moyen et long terme. Il définit notre projet de société et permet d'identifier le type de parti que nous voulons construire.

Le programme doit être le fruit de l'intervention démocratique des membres. C'est à cette condition qu'il sera garant de la cohésion et de la continuité du parti. Le programme est vivant et se renouvelle selon la volonté des membres

Le programme trace : une analyse des problématiques qui traversent la société dans laquelle nous vivons que ce soit aux niveaux local, national ou international ;

les orientations et les propositions que nous faisons à la population pour répondre à ces problématiques dans une perspective de transformation sociale répondant aux aspirations et aux revendications de la population ;

les stratégies de transformation qui vont permettre à Québec solidaire de travailler dès maintenant à la réalisation son projet de société de concert avec les mouvements sociaux et la population ;

les grands axes de notre projet de société.

Le programme s'adresse d'abord à la population, car il a pour fonction d'expliquer nos orientations et de mobiliser autour d'elles les personnes qui s'y reconnaissent.

Il s'adresse également aux militantes et militants du parti : il a pour fonction de les rassembler autour d'un accord sur la manière d'affronter les grands enjeux de société, et il doit leur fournir une analyse précise des problématiques sociales et des solutions proposées.
[CONGRÈS 2011-06.11] - Proposition de définition du programme politique de Québec solidaire

Construction du programme

Le programme a été bâti sur une période d'une dizaine d'années. Voici la période couverte par la construction du programme et les thèmes abordés.

Congrès Enjeu 1- Un pays démocratique et pluriel (2008-2009)
Laïcité, Question nationale, Constitution et Assemblée constituante, Réforme des institutions démocratiques, Intégration citoyenne

Congrès Enjeu 2- Agriculture, Économie, Environnement, Travail (2010)

Congrès Enjeu 3- Justice sociale – Éducation – Santé – Culture (2011)

Congrès enjeu 4- Pour une société solidaire et féministe Femmes—Familles — Diversité sexuelle et de genre (2015-16)

Congrès enjeu 5- Justice et sécurité publique – Territoire et municipalités – Agroalimentaire et ruralité – Québec solidaire : un parti altermondialiste ( 2017)

À titre d'exemple l'enjeu 1 a été un processus qui a duré 7 mois. Lancement au Conseil national du 27 février au 1er mars 2009, avec remise du cahier de participation. Discussion dans les cercles citoyens de mars à mai. Ces cercles ne s'adressaient aussi aux non membres. Suivait une synthèse des contributions faite par la Commission politique qui était soumise aux membres des associations locales, régionales et de campus. Le processus se poursuivait par un cahier de propositions présenté au congrès de novembre 2009.

Les différents enjeux traités permettaient aux personnes qui s'y identifiaient de prendre leur place dans Québec solidaire. L'adoption du programme à travers chaque thème, permettait aux personnes participantes d'avoir le temps nécessaire pour débattre, ce qui favorisait la formation politique collective.

C'est un tour de force avec le temps qui nous est imparti que de réussir un débat réel. Notre objectif devrait toujours être la politisation de nos membres et de notre entourage.

André Frappier

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Résister au colonialisme agressif du Canada

https://www.pressegauche.org/IMG/zip/institut_de_recherche_et_d_informations_socioeconomiques_-_votre_institut_de_recherche_progressiste_url.zip?52614/697e1fb962e187bc6e2973e04a0ee6702a1e95b980f8540e679227ac4eb3da3523 septembre, par Ellen Gabriel, Sean Carleton — ,
En réaction à la réélection de Donald Trump, à la guerre tarifaire intermittente entre les États-Unis et le Canada, ainsi qu'à la dérive autoritaire de l'Amérique, de nombreux (…)

En réaction à la réélection de Donald Trump, à la guerre tarifaire intermittente entre les États-Unis et le Canada, ainsi qu'à la dérive autoritaire de l'Amérique, de nombreux Canadiens adoptent une attitude agressive (elbows up). Du boycottage de produits américains aux huées contre l'hymne national américain lors des matchs de hockey, on incite la population à se préparer à l'avenir en se tenant sur la défensive, les bras en l'air.

Tiré de Canadian dimension.

Ellen Gabriel et Sean Carleton

18 septembre 2025

S'il existe de bonnes raisons de résister à l'expansionnisme américain et de rejeter le rêve de Trump d'annexer le Canada comme 51ᵉ État, ce nationalisme « agressif » risque de raviver une nostalgie superficielle qui dissimule la propre histoire coloniale du Canada. Si cet écueil n'est pas évité, le pays ne pourra prétendre être sérieux dans son engagement à améliorer ses relations avec les peuples autochtones ou à construire un avenir plus fort et plus juste.

Un exemple frappant de cette attitude est la nouvelle vidéo We Are Canadian (https://www.cbc.ca/news/canada/we-are-canadian-video-1.7475829) , un remake de la publicité de bière I Am Canadian (https://www.youtube.com/watch?v=BRI-A3vakVg) diffusée il y a 25 ans. Destinée à rassembler les Canadiens, elle occulte en réalité le bilan d'agressions coloniales du pays — exactement le type d'antagonisme qu'elle prétend dénoncer. La vidéo évoque brièvement la soi-disant « crise d'Oka », qu'il faut plutôt rappeler comme ayant été le siège violent des communautés mohawks de Kanehsatà:ke et Kahnawà:ke à l'été 1990. Ce moment est utilisé comme un simple clin d'œil aux « imperfections » du Canada, notamment son traitement des peuples autochtones mais, ce faisant, il trivialise les événements.

L'été dernier marquait le 35ᵉ anniversaire de la Résistance mohawk, moment opportun pour réfléchir à la façon dont la vidéo déforme ces événements. Voir le siège absorbé aujourd'hui dans une nostalgie nationaliste est un signe inquiétant que le Canada se prépare peut-être à relancer une nouvelle vague de colonialisme « agressif ».

Au sommet de la rhétorique martiale de la vidéo, le narrateur s'interrompt un instant pour admettre : « Sommes-nous parfaits ? Non. » Derrière ces mots défile la photo iconique Face to Face, montrant un guerrier masqué faisant face à un soldat canadien en 1990. L'image est puissante, mais son utilisation est problématique. Depuis des décennies, journalistes et politiciens s'en servent pour présenter le conflit comme une affaire de « guerriers machos », détournant l'attention de l'enjeu réel : le vol continu des terres autochtones par le Canada. Cela alimente aussi la déshumanisation des Mohawks, qui défendaient leurs terres contre des incursions violentes justifiées au nom de la « sécurité publique » et de la croissance économique.

En traitant l'image comme un symbole d'imperfections passées, la vidéo suggère que la violence du Canada envers les peuples autochtones est derrière nous. Ce n'est pas le cas. La colonisation continue. La surveillance et le contrôle policier des communautés autochtones ne se sont jamais arrêtés. Ces dispositifs servent encore les spéculateurs fonciers, les promoteurs immobiliers et les entreprises extractives, et non la réconciliation.

L'usage trompeur de la photo de 1990 et la référence aux « imperfections » du Canada sont significatifs, car la Résistance mohawk n'était pas un incident isolé. C'était une tentative de l'État d'écraser les défenseurs autochtones des terres qui s'opposaient à l'agrandissement d'un terrain de golf et de condominiums de luxe sur une pinède sacrée et un cimetière actif — terres appartenant aux Kanien'kehá:ka sous Kaianera'kó:wa. Le siège de 78 joursm mené par la Sûreté du Québec, la police urbaine de Montréal et finalement l'armée canadienne, a révélé la violence coloniale du Canada pour ce qu'elle était : non pas une erreur, mais une défense délibérée de l'expansion coloniale.

Réduire de tels événements à une simple « imperfection » occulte la réalité d'un Canada agresseur colonial et génocidaire. Au mieux, la vidéo évoque vaguement la réconciliation, mais cette promesse sonne creux. Dix ans se sont écoulés depuis la publication du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation et de ses 94 appels à l'action. Bien que certains progrès aient eu lieu, le Canada continue de résister aux changements profonds nécessaires pour placer la vérité avant la réconciliation.

Le pays fait face à un choix. Va-t-il apprendre de son passé et bâtir des relations plus solides avec les peuples autochtones, ou bien, sous la pression de l'expansionnisme américain, redoubler d'agressivité coloniale comme en 1990 ? Les événements récents suggèrent la seconde option.

Le premier ministre Mark Carney, malgré des promesses initiales de soutenir la réconciliation, a maintenu le même cap colonial que ses prédécesseurs. En forçant l'adoption du projet de loi C-5 sans respecter réellement l'exigence juridique du consentement libre, préalable et éclairé, il a montré que la rhétorique de la réconciliation continue de masquer le statu quo. La propriété par l'État de pipelines traversant des territoires autochtones en est un autre exemple flagrant. Les actions de la Couronne qui affectent ces territoires devraient entraîner plus que de simples consultations symboliques ou séances « d'engagement » que l'on peut ignorer sans conséquence. C'est le même vieux manuel du capitalisme colonial.

Le plan canadien « elbows up » pour affirmer sa souveraineté ressemble moins à une défense contre l'agression américaine qu'à une intensification du déni des droits autochtones au service de gains économiques à court terme. Cette posture peut projeter une image de force, mais il s'agit de la force d'un État colonial refusant de changer.

À l'approche du 35ᵉ anniversaire de la fin de la Résistance mohawk, le 26 septembre, il convient de rappeler que la voie de l'agression coloniale n'est pas inévitable. C'est un choix. Les Canadiens peuvent garder les coudes levés, mais ils devraient aussi garder les yeux et les oreilles ouverts — pour apprendre l'histoire longue et toujours actuelle de l'agression du Canada contre les peuples autochtones et pour s'engager à la combattre.

La menace que Trump fait peser sur le Canada — et les façons dont les Canadiens se défendent — ne devrait pas détourner de l'effort essentiel de placer la vérité avant la réconciliation, de construire de meilleures relations avec les peuples autochtones et de créer un avenir plus durable et plus juste.

Katsi'tsakwas Ellen Gabriel est Kanien'kehá:ka, Wakeniáhton (clan de la Tortue), artiste, documentariste et militante autochtone pour les droits humains et l'environnement, vivant sur le territoire de Kanehsatà:ke Kanien'kehá:ka. Elle est coauteure, avec Sean Carleton, de When the Pine Needles Fall : Indigenous Acts of Resistance.

Sean Carleton est un historien allochtone et professeur agrégé à l'Université du Manitoba.

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Caricature

23 septembre, par Kaël Mercader — ,

Entre unité et tensions, les agents de bord d’Air Canada continuent le combat

23 septembre, par L'Étoile du Nord — , ,
« Le travail non rémunéré n'est pas terminé, et on ne se reposera pas tant que ça va rester comme ça, » a lancé hier Wesley Lesosky, président de la section transport aérien du (…)

« Le travail non rémunéré n'est pas terminé, et on ne se reposera pas tant que ça va rester comme ça, » a lancé hier Wesley Lesosky, président de la section transport aérien du SCFP, devant plus de 150 personnes. Les agents de bord d'Air Canada étaient réunis sur la Colline parlementaire à Ottawa pour dénoncer l'inaction du gouvernement face à leurs milliers d'heures non payées chaque année.

« Voici ce qui est clair, » poursuit Lesosky sous l'ovation de la foule. « Le gouvernement fédéral doit arrêter de faire front commun avec des transporteurs milliardaires pour écraser nos salaires et maintenir les agents de bord sous le seuil de pauvreté. »

Comité de Montreal | tiré de l'Étoile du nord
17 septembre 2025
https://etoiledunord.media/2025/09/entre-unite-et-tensions-les-agents-de-bord-dair-canada-continuent-le-combat/

À noter que la déclaration de Lesosky sur le travail non rémunéré contredit celle du 19 août de la direction du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP). À l'époque, elle affirmait que l'entente de principe avec Air Canada, tout juste annoncée, mettait « fin au travail non payé ». Quelques jours plus tard, la phrase a disparu du site du syndicat, sans explication publique.

En réalité, l'entente proposée aux agents de bord prévoyait un paiement forfaitaire de 60 à 70 minutes à 50% du salaire, avant chaque vol. Elle a été rejetée à 99,1% par les syndiqués, qui voulaient une rémunération complète de leur travail. Cela a contraint leur direction à poursuivre la pression et à remobiliser leurs membres hier à Ottawa, demandant au fédéral d'intervenir.

En attendant, les détails des salaires du nouveau contrat de travail seront décidés par un arbitrage exécutoire dans les prochains mois.

Une foule qui en veut plus

L'Étoile du Nord a parlé à plusieurs agents de bord, sous couvert d'anonymat. La plupart ont exprimé leur frustration de ne pas avoir été consultés avant de décider de mettre fin de la grève.

Ceux-ci avaient défié l'ordre de retour au travail du gouvernement Carney, risquant de lourdes amendes. Prêts à se battre jusqu'au bout, ils disent se sentir utilisés par leur direction, qui avait promis de ne pas céder… avant de voir leur comité de négociation signer une entente trois jours après le début de la grève.

Malgré tout, la foule semblait enthousiaste et motivée.

Plusieurs personnalités ont pris la parole pour interpeller le gouvernement fédéral, sans nécessairement évoquer de nouvelles grèves, ni même de nouvelles mobilisations. Parmi elles : la présidente du Congrès du travail du Canada, celle de la Fédération du travail de l'Ontario, le député NPD Alexandre Boulerice et la présidente du local d'Air Canada à Montréal.

De son côté, Alia Hussein, représentante des agents de bord de WestJet, a annoncé que ces derniers entameront bientôt des négociations pour un nouveau contrat. « L'industrie aérienne s'appuie depuis trop longtemps sur des heures non payées, en s'attendant à ce que les agents de bord acceptent ça comme la norme », s'est indignée Hussein au micro.

En effet, depuis les débuts de l'aviation, les agents de bord ne sont payés que pour leurs heures de vol, effectuant environ 35 heures de travail gratuit par mois avant le décollage et après l'atterrissage. Ces travailleurs, essentiels à la sécurité en vol, touchent souvent moins de 2 000$ par mois en début de carrière, malgré les milliards de profits des compagnies aériennes.

Le 2 septembre, un avion d'Air Canada à Denver avait d'ailleurs été évacué suite à une odeur de brûlé électrique. Les agents de bord ayant coordonné l'évacuation l'ont fait bénévolement, puisqu'ils n'étaient pas encore payés.

Le NPD s'en mêle

À l'opposé du combat de terrain annoncé par Hussein, le chef par intérim du NPD, Don Davies, a déclaré qu'il déposerait un projet de loi pour abolir l'article 107 du Code du travail canadien et pour interdire le travail non payé dans l'aviation. L'article 107 est celui qui permet au gouvernement d'interrompre des grèves fédérales presque à sa guise.

Mais dans sa volonté de se présenter en défenseur des agents de bord, le politicien de carrière s'est vite enlisé : il a lui-même déjà négocié, en 2003, les concessions les plus douloureuses de leur histoire.

Entre son passage au NPD albertain dans les années '80 et son élection fédérale en 2008, Davies travaillait comme directeur des services juridiques pour Teamsters Canada. En 2003, le syndicat représentait les agents de bord et le service à la clientèle de Jazz, filiale régionale d'Air Canada. À l'époque, le transporteur frôlait la faillite après avoir surpayé pour racheter un concurrent en difficulté. Quelques mois plus tard, Air Canada se plaçait sous la protection de ses créanciers, laissant salariés et syndicat gérer les retombées.

« J'ai traversé, comme vous, le processus de restructuration financière », a-t-il lancé devant la foule. Celui-ci a ensuite salué le « sacrifice » des agents de bord qui, sous pression du gouvernement, de la Deutsche Bank (un nouvel investisseur) et de leur propre direction syndicale, avaient accepté une réduction drastique de leurs conditions pour « sauver la compagnie ».

Or, L'Étoile du Nord a confirmé directement auprès de Davies qu'il était bel et bien l'un des négociateurs pour Jazz en 2003. Les conventions signées par les représentants syndicaux de l'époque, cédant aux menaces de faillite d'une compagnie qui s'était tirée dans le pied avec son acquisition, ont provoqué un recul massif dans l'industrie. Les salaires ont baissé de 14 %, des milliers de travailleurs ont été mis à pied, et plusieurs années de stagnation salariale ont suivi.

Un discours controversé

En clôture du rassemblement, le président national du SCFP, Mark Hancock, a déclaré : « Même si on n'a pas éliminé tout le travail non rémunéré, on a sacré coup de pied dans cette porte […] grâce à vous tous, qui avez marché sur ces lignes de piquetage. »

Hancock avait fait sensation le 17 août en affirmant qu'il était prêt à aller en prison pou combattre le travail non payé et l'article 107. Il avait ensuite déchiré l'ordre de retour au travail lors d'un discours qui avait enflammé la foule.

À Ottawa hier, Hancock a récidivé. « Si n'importe quel gouvernement à travers le pays tente de faire passer une loi comme l'article 107, j'ai un message pour eux », a-t-il lancé avant de redéchirer l'ordre de retour au travail des agents de bord d'Air Canada.

À la fin de l'événement, une dizaine d'agents de bord se sont approchés de Hancock. Des travailleuses ont exprimé leur frustration de ne pas avoir pu voter avant la fin de la grève, ajoutant que tout leur pouvoir avait disparu dès qu'ils étaient retournés travailler.

Pris de court, Hancock répond : « C'est comme ça que les négociations normales se passent, et… bon, c'était pas exactement une négociation normale mais… en tout cas, une fois que t'as une entente de principe, tu retournes généralement au travail. » Une travailleuse rétorque qu'ils auraient pu voter avant de retourner travailler, puisque la grève était déjà illégale. « Ça faisait partie de l'entente de principe », répond-il simplement.

La discussion, qui a duré plus de cinq minutes, a été marquée par la frustration des agents de bord face aux promesses non tenues de la direction. Hancock et quelques représentants syndicaux leur ont conseillé de s'adresser au comité de négociation pour obtenir plus d'informations, mais plusieurs semblaient insatisfaits des réponses reçues.

Malgré toute sa frustration, un agent de bord conclut : « comprenez-moi bien, on sait qui est le véritable ennemi », en pointant le parlement cana,dien.

Les agents de bord interrogés par L'Étoile du Nord confirment leur détermination à se battre contre le gouvernement. Malgré les tensions avec le syndicat, ils ne sont pas prêts à abandonner et multiplient les discussions entre eux.

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Débat sur l’actualisation du programme à Québec solidaire

https://www.pressegauche.org/IMG/pdf/debat_sur_l_actualisation_du_programme_a_quebec_solidaire_-_23_seot.pdf?52692/189f7c84f8c09c07373086ee674199396c82316939243df1cd6b591bda56c47123 septembre, par Bernard Rioux — ,
Le débat sur le programme à Québec solidaire a pour une grande part été présenté comme ayant pour objectif de le rendre plus pédagogique et accessible pour la majorité de la (…)

Le débat sur le programme à Québec solidaire a pour une grande part été présenté comme ayant pour objectif de le rendre plus pédagogique et accessible pour la majorité de la population. En fait, l'ébauche du programme met de côté les engagements politiques essentiels. Les nouvelles propositions et amendements présentés ici cherchent à conserver ces acquis programmatiques qui nous semblent essentiels. Compte tenu de l'ampleur des sujets abordés par l'ébauche, nous nous sommes concentrées sur certaines enjeux : analyses et propositions.

Les amendements et les nouvelles propositions concernent celles présentées dans le Cahier de propositions mais également le texte de l'Actualisation du programme qui n'est pas soumis à la discussion par le Cahier. Les propositions du Cahier sont en italiques de même que les amendements et les nouvelles propositions. Les argumentaires sont en caractères normaux. La numération sans parenthèse correspond à celle du Cahier de propositions. La numération entre parenthèses correspond au texte du programme actualisé proposé. Pour obtenir une version pdf, cliquez sur l'icône.

Chapitre 1 : Créer une économie verte et solidaire

Amendement

Nouvelle proposition sur la biodiversité (à la suite de l'introduction du chapitre 1)
Défendre la biodiversité, c'est défendre les conditions mêmes de la vie

Québec solidaire défend l'urgence d'agir contre l'effondrement de la biodiversité, menace directe pour la santé, l'alimentation et l'avenir collectif. La protection du vivant exige une rupture avec la logique capitaliste qui transforme la nature en marchandise. Le Québec doit protéger au moins 30 % du territoire dans toutes les régions écologiques et relier ces zones par des corridors fauniques et floristiques. , réduire l'usage des pesticides, remplacer les monocultures destructrices, restaurer forêts et cours d'eau, réintroduire des espèces menacées et soustraire des zones entières à l'exploitation minière et forestière. Il doit appuyer les initiatives des Premières Nations à niveau. Enfin, la création d'un service public de la biodiversité, indépendant et financé, garantirait une gestion démocratique et écologique du territoire. Défendre la biodiversité doit devenir un pilier du projet de transition de Québec solidaire.

Argument :La préservation de la biodiversité est un enjeu environnemental au moins aussi important que la lutte aux changements climatiques. À long terme, nous devons en arriver à une société où la cohabitation harmonieuse entre territoires protégés et territoires développés deviendra la règle et non l'exception.

BLOC 1. ÉCONOMIE ET TRANSITION SOCIOÉCOLGIQUES

1.1 (1.1) Les objectifs de l‘économie solidaire

Proposition du Cahier de propositions
• La priorité est d'atteindre d'ici 2050 une économie décarbonée, c'est à dire générant zéro émission nette d'ici la moitié du siècle.

Amendement
• (ajout) Défendre la cible d'une diminution de 55 à 60% pour 2030 et l'évaluation de l'atteinte des cibles intermédiaires.

Argument : Alors que le gouvernement a un objectif de réduction de 37,5 pour 2030 et l'atteinte de la carboneutralité en 2050, il envisage de réduire ou d'abandonner sa cible pour 2030. Il faut remplacer la cible de -45% d'émission qu'il y avait dans le programme par celle des groupes écologistes – et un tel objectif ne s'inscrit pas dans le seul cadre d'une plate-forme qui prévoit l'objectif pour la seule durée d'un mandat. De plus, les objectifs intermédiaires sont importants pour favoriser la mobilisation et évaluer s'il y a une réelle progression de la diminution des émissions des ges.

Propositions du Cahier de propositions
• En fonction des besoins de la situation écologique, certains secteurs économiques devront croître (économie verte) tandis que d'autres devront décroitre (industrie fossile).

Amendement
• Il faudra faire décroître également l'exploitation des ressources naturelles, la production d'énergie, les productions de bien de luxe, les productions d'armements, les productions basées sur l'obsolescence planifiée et les productions de biens qui n'offrent aucune possibilité de réparabilité.

Argument : La définition de la décroissance est trop restrictive. L'arrêt de la catastrophe climatique et le déclin de la biodiversité exigent une réduction rapide et significative de la consommation d'énergie et des ressources. Ce qui nécessitera la réduction du pouvoir d'achat des riches, l'abandon de la publicité, de la consommation ostentatoire, la réduction de la production et de la consommation de viande et la fin de l'obsolescence accélérée.

(1.2) Comment atteindre nos objectifs

1.2 (1.2.1) Diversifier les modèles économiques

Proposition du Cahier de propositions
• A long terme, Québec solidaire souhaite élargir la socialisation des activités économiques. Ainsi, l'économie sociale prendra de plus en plus d'espace dans l'économie québécoise, la solidarité prendra le pas sur la compétition, l'ancrage communautaire sur la loi de la finance. L'économie doit revenir entre les mains des communautés québécoises, pour qu'elles prennent les meilleures décisions pour assurer leur propre développement futur.

Amendement

• Pour que les choix économiques reviennent aux mains des communautés, il sera nécessaire de socialiser les grands monopoles des secteurs stratégiques de l'économie, ce qui signifie que la propriété privée des moyens de production et d'échange des grandes entreprises et des grandes banques doit être remise en question. Il sera également nécessaire d'instaurer une décentralisation de la propriété sociale pour permettre un contrôle démocratique des choix d'investissement assurant la transition socioécologique.

Argument : On affirme que l'économie sociale prendra plus de place, mais on n'explique nullement comment elle marginalisera l'économie capitaliste actuelle. De plus, l'économie sociale (coopérative ou OBNL) ne constitue pas un dépassement réel de la production et d'échange des marchandises. On ne peut penser la transformation et la reprise en main de l'économie en laissant la propriété des moyens de production et d'échange aux acteurs majeurs du système qui déterminent sa logique d'évolution destructrice de l'environnement. Le contrôle par les grands capitalistes empêchera la majorité populaire et les mouvements sociaux d'agir concrètement dans le sens de l'objectif visé. La socialisation est identifiée à l'élargissement de l'économie sociale. L'État québécois a encouragé l'économie sociale car elle ne remet pas en cause la logique d'exploitation du travail salarié ni la domination des grandes entreprises. L'élargissement de l'économie sociale au Québec reste complémentaire au capitalisme, non pas antagoniste. Elle améliore des conditions de vie, développe des espaces de démocratie locale et de solidarité, mais elle ne constitue pas un outil de prise de contrôle par la majorité populaire sur l'économie.

(1.2.2) Reconnaître l'entreprenariat, le secteur privé et les industries
(Cette section n'est pas présente dans le Cahier de propositions)

En résumé ce passage de l'Ébauche affirme : que l'entrepreneuriat québécois et les petites et moyennes entreprises (PME) constituent un outil de choix pour l'habitation du territoire et la vitalité économique québécoise ; que le secteur industriel doit être mobilisé vers la transition socioécologique ; qu'un gouvernement solidaire rendra l'investissement et l'aide gouvernementale aux entreprises conditionnels à des critères de responsabilité sociale et environnementale stricts ; qu'une gouvernement solidaire cessera d'accorder toute subvention et aide aux entreprises participant au maintien du capital fossile dans l'économie du Québec. (Voir le texte de l'ébauche, section 1.2.2)

1.2.2. Reconnaître l'entrepreneuriat, le secteur privé et les industries du programme actualisé (texte du programme actualisé – première phrase du premier paragraphe)
• L'entrepreneuriat québécois et les petites et moyennes entreprises (PME) constituent un outil de choix pour l'habitation du territoire et la vitalité économique québécoise.

Amendement :

Remplacer cette première phrase du premier paragraphe par le texte suivant
• L'entrepreneuriat québécois ne se limite pas aux PME locales : il comprend aussi de grandes entreprises, dont plusieurs sont profondément intégrées au capital fossile et aux logiques extractives, ce qui en fait des acteurs majeurs de la crise climatique.

(texte du programme actualisé – première phrase du deuxième paragraphe :
• Le secteur industriel et manufacturier québécois doit être mobilisé vers une transition socioécologique

Amendement :
Remplacer cette première phrase du deuxième paragraphe par le texte suivant :

• Pour assurer la transition énergétique, il faudra nationaliser et socialiser les grandes entreprises exploitant les ressources et celles actives dans les énergies fossiles, afin d'organiser démocratiquement leur reconversion ou leur démantèlement planifié, en réorientant leurs investissements vers les filières renouvelables et en garantissant une transition juste pour les travailleurs et les travailleuses.

Argument : Le secteur industriel au Québec s'il est composé majoritairement de PME, est dominé par les grandes entreprises (minières, forestières, pétrochimiques, métallurgiques et bancaires …) qui font les investissements qui nourrissent la crise climatique par une volonté de croissance sans limites et par l'utilisation sans compter des ressources et qui tiennent en sous-traitance nombre de PME. Une juste caractérisation de l'entrepreneuriat est donc nécessaire pour l'établissement de politiques concrètes et différenciées en direction du secteur privé.

1.3 (1.2.1) Diversifier les modèles économiques

Proposition du Cahier de propositions
Québec solidaire s'appuiera sur trois critères pour déterminer la pertinence d'une nationalisation :
• 1. caractère stratégique d'une ressource ou d'un secteur pour la transition sociologique ou la souveraineté économique d'un Québec indépendant
• 2. La grande quantité de capital nécessaire soit pour l'achat d'entreprises existantes soit des investissements ;
• La démonstration de l'échec du secteur privé à gérer cette ressource ou ce secteur selon les impératifs de réduction des GES ou d'équité.

Amendement

-* Les critères 2 et 3 de la nationalisation doivent être biffés

Arguments : Le critère 2 ne pose pas les conditions de financement de la transition socioénergétique qui risque d'exiger la mobilisation de sommes considérables. Ce financement nécessiterait la socialisation des banques. Le programme actuel de QS proposait d'instituer « une banque d'État, soit par la création d'une nouvelle institution, soit par la nationalisation partielle du système bancaire ». Le critère 2, non seulement esquive ce qu'il faudrait pour financer la production, mais il ne met pas en question la possibilité de nationalisation sans compensation.

Le critère 3 pose que la logique capitaliste peut s'abstraire de la recherche de profits comme facteur déterminant des choix économiques. Et ce n'est pas d'assurer une gestion verte entreprise par entreprise dont il est ici question mais de jeter les bases des possibilités de planification démocratique des choix économiques.

Nouvelle proposition
Ajouter une définition de la nationalisation et de la socialisation afin de ne pas identifier nationalisation à étatisation :

• La nationalisation opère le transfert d'une entreprise ou d'un secteur économique de la propriété privée vers l'État qui devient une propriété publique (au niveau national, provincial, ou municipal) mais elle ne garantit pas encore un contrôle démocratique sur son fonctionnement. Socialiser signifie que les décisions économiques passent sous la responsabilité de la collectivité (travailleurs, travailleuses, usagers-eres, citoyen-nes). La socialisation des grandes entreprises et des banques passe par leur nationalisation et la démocratisation de leur fonctionnement – soit leur socialisation.

Argument : Si on peut nationaliser sans socialiser (étatiser) on ne peut socialiser les secteurs appartenant au grand capital sans nationaliser (les banques, les exploitations minières, forestières et les grandes industries de transformations). En somme, la démocratie économique ne peut être réalisée si une minorité possédante continue d'avoir le contrôle des choix d'investissement et de mobilisation de l'argent alors que cette minorité constitue une force de blocage de la transition écologique et sociale, comme la conclusion de ce chapitre du programme revisé le reconnaît.

Participation des travailleuses et des travailleurs à la transition socioécologique
1.4 (1.2.3) Protection des travailleuses et des travailleurs dans la transition écologique

Soutien aux municipalités dans la transition socioécologique
1.5 (1.2.4) Soutenir les municipalités dans la transition écologique

Proposition du Cahier de propositions :
• Un gouvernement de Québec solidaire soutiendra adéquatement les municipalités dans la mise en œuvre de la transition écologique.
Il donnera aux régions les moyens d'organiser leur développement économique et leur socialisation.
Il confiera à des nouveaux conseils régionaux la planification de la transition socioécologique.

Amendement :

• Pour assurer le soutien aux municipalités et favoriser leur démocratisation, il faut opérer un transfert d'une partie du budget de l'État vers les municipalités, instaurer des budgets participatifs et un fond de solidarité inter-municipalités.

Argument : Le soutien adéquat, cela ne signifie rien si on n'apporte pas de précisions sur l'opérationnalisation de ce soutien. Il faut donc fournir les moyens de renforcer les municipalités et leur démocratisation.

Encadrer le commerce, le libre-échange et la finance
1.6 (1.2.5) Encadrer le commerce, le libre-échange et la finance

BLOC 2 HABITATION, ÉNERGIE, RESSOURCES NATURELLES ET TRAVAIL

1.3 Le territoire : l'habiter, s'en occuper
(1.3.1) Pour une habitation durable et respectueuse du territoire
(1.3.1.1) Aménager le territoire
(1.3.1.2) Réguler et bâtir habitations et logements
(1.3.1.3) Assurer un transport écoresponsable
2.1 (1.3.1.2) Réguler et bâtir habitations et logements - 2-3-4-5
1.3.1.3 Assurer un transport écoresponsable
Pour la conservation de notre eau et de notre énergie (1.3.2)
(1.3.1.1) Aménager le territoire
(1.3.1.2) Réguler et bâtir habitations et logements

2.2 (1.3.2) Pour la conservation de notre eau et de notre énergie 3-4-5-5

Proposition du Cahier de propositions
• Afin de rompre notre dépendance au pétrole, il est urgent de lancer un vaste chantier pour accroître la production d'énergies renouvelables et non polluantes qui complètent l'énergie générée par l'hydroélectricité. C'est pourquoi un gouvernement solidaire priorisera l'utilisation et le développement des énergies solaire, géothermique et éolienne afin de limiter au maximum tout recours supplémentaire à l'hydroélectricité et aux énergies fossiles.

Amendements (ajout)

• Québec solidaire préconise de placer les entreprises œuvrant dans le domaine de l'énergie sous contrôle public par une nationalisation/socialisation complète du secteur.
• Soutenir les municipalités dans le développement et la gestion des microréseaux intelligents énergétiques adaptés à leurs besoins.
• Refuser la relance de la filière nucléaire, y compris l'exploitation de l'uranium.

Argument : L'ensemble de ces propositions de 2.2 sont à soutenir. Il reste que le texte ne fait pas le diagnostic du renforcement de la prise en main des entreprises privées dans le secteur des énergies renouvelables. Au niveau de l'éolien, c'est chose faite. La nationalisation/socialisation des entreprises de ce secteur est un impératif. Sans cette dernière, il sera impossible d'opérer une véritable démocratisation de l'action citoyenne et d'accorder une place prépondérante aux travailleurs, travailleuses, usagers-eres dans le processus d'élaboration du plan de l'énergie.
La décentralisation de la gestion de l'énergie s'appuie sur ce type d'initiatives qu'il faut soutenir.
Le gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux lorgnent vers la relance de l'énergie nucléaire. Le gouvernement Legault, avec son tournant actuel, pourrait l'envisager. Il est important de s'y préparer.

(1.3.3) Pour une agriculture et exploitation des ressources naturelles viables
(1.3.5.1) Pour une agriculture écoresponsable et relavorisée

Ressources naturelles
2.3 (1.3.5.2) Pour des pêcheries à l'échelle humaine

Proposition du Cahier de propositions
2.4 (1.3.5.3 )– 3 Pour des mines et forêts gérées responsablement )

• Un gouvernement solidaire placera l'industrie minière sous étroite surveillance, en nationalisant au besoin certains minéraux stratégiques. Un gouvernement solidaire élaborera une nouvelle loi sur les mines suivant une consultation populaire. Un gouvernement solidaire mettra en place un système de redevance pour les entreprises exploitant les ressources naturelles afin d'encourager l'utilisation de ressources renouvelables en s'assurant que les ressources soient équitablement réparties – entre les régions, les Premières nations et l'État québécois. Il garantira que la restauration complète des sites miniers soit assumée par celles-ci.

Amendement

• Remplacer la première phrase : Pour assurer un contrôle populaire collectif des ressources, un gouvernement solidaire doit nationaliser et socialiser les entreprises minières stratégiques, avec expropriation des multinationales sans compensation. Il doit créer une société publique sectorielle (Société québécoise des mines) gérée démocratiquement par les travailleuses, les travailleurs de ces sociétés et les citoyen-nes des régions ressources en collaboration avec le gouvernement afin de leur assurer un pouvoir de décision réel sur les investissements, les modes d'exploitation, la santé et la sécurité au travail et l'élaboration d'un plan de transition socioécologique de mise en valeur des ressources naturelles.

Argument : Placer l'économie minière sous haute surveillance est une formulation qui ne définit pas clairement la politique qui pourrait être suivie. Elle ne définit pas les conditions essentielles permettant un contrôle citoyen de ces ressources et une redéfinition du système de redevances.

2.5 (1.3.5.3) Pour des mines et des forêts gérées responsablement (4)

Proposition du Cahier de propositions
• Un gouvernement de Québec solidaire adoptera une stratégie de gestion durable et d'adaptation de la foresterie aux changements climatiques, en collaboration avec les communautés touchées, particulièrement les Premières nations et les Inuit, l'industrie et les travailleurs et travailleuses.

Amendement

• Pour assurer un contrôle populaire collectif des ressources, un gouvernement solidaire doit nationaliser et socialiser les entreprises forestières stratégiques, avec expropriation des multinationales sans compensation. Il doit créer une société publique sectorielle (Société québécoise des forêts) gérée démocratiquement par les travailleuses, les travailleurs de ces sociétés et les citoyen-nes des régions ressources en collaboration avec les Premier Nations afin de leur assurer un pouvoir de décision réel sur les investissements, les modes d'exploitation, la santé et la sécurité au travail et l'élaboration d'un plan de transition socioécologique de mise en valeur des ressources naturelles.

Argument : La collaboraton avec les acteurs des régions est bien indiquée dans la propostion du Cahier, mais la gestion est confiée au seul gouvernement et non au milieu concerné. Cela est nécessaire dans une optique d'un véritable reprise en main du contrôle de cette ressource par la majorité populaire.

2.5 (1.3.5.3) Pour des mines et des forêts gérées de façon responsable(6)

Proposition du Cahier de propositions
• Un gouvernement solidaire agira, en coopération avec les Premières nations et les Inuit, en surveillant et évaluant en continu les entreprises publiques et privées ou coopératives qui interviennent en forêt à partir de critères socio-économiques.

Amendement (ajout)

• Seule la nationalisation -socialisation des grandes entreprises forestières pour les placer sous le contrôle des travailleurs et travailleuses du secteurs, et des collectivités locales et Premières Nations pourra permettre un contrôle effectif des travaux forestiers.

Argument : On ne peut nier qu'un mode de propriété est déterminant des rapports de force entre les différents acteurs d'un milieu. Les grandes entreprises forestières et minières n'ont jamais respecté réellement les populations autochtones. Elles ont le plus souvent opérer une prédation des ressources naturelles et la promesse de règlements est insuffisante pour faire face au chantage à l'emploi dont elles pourraient se prémunir.

1.4 HUMANISER LE TRAVAIL

1.4.1 Pour un salaire digne
1.4.2 Pour la syndicalisation et la protection des emplois (voir proposition 2.7)
1.4.3 Pour reprendre le temps de vivre

Nouvelle proposition : ajouter à la section 1.4.3 le texte du programme de QS (2019) – 3.2.3 Réduction du temps de travail

• Au cours des dernières décennies, la productivité du travail a augmenté considérablement au Canada alors que la durée moyenne de la semaine de travail à temps plein n'a pas diminué. Résultat : les Québécoises et Québécois ont de moins en moins de temps pour profiter de la vie. Pour Québec solidaire, l'augmentation du temps libre favoriserait un partage équitable du travail domestique entre les hommes et les femmes ; cela favoriserait aussi leur développement personnel et l'enrichissement des rapports avec leurs proches en plus d'être une condition nécessaire à la participation active aux affaires de la collectivité, à la démocratie citoyenne.

C'est pourquoi un gouvernement solidaire : a) Réduira immédiatement la semaine normale de travail à 35 heures pour la ramener graduellement à 32 heures avec possibilité alternative de prolonger les vacances. Le tout sans perte de rémunération, avec embauche proportionnelle et sans intensification du travail, et avec resserrement des conditions de recours aux heures supplémentaires dans toutes les entreprises. b) Permettra à tous et à toutes de réduire leur temps hebdomadaire de travail sans pénalité si, sur préavis raisonnable, ils/elles en font la demande. c) Limitera strictement le recours patronal au travail à temps partiel involontaire et assurera aux personnes salariées le droit de passer à un emploi à temps plein dès que possible ; de plus, il garantira que les postes de travail à temps partiel offrent des conditions de travail, un salaire et des avantages sociaux normaux (en proportion des heures travaillées) et des perspectives d'avancement professionnel. d) Accordera une plus grande flexibilité aux travailleurs et travailleuses dans leurs horaires de travail, notamment afin de faciliter la conciliation famille-travail ; de plus, il adoptera des mesures de conciliation famille-travail telles que le soutien à des initiatives communautaires et de voisinage permettant l'échange de services entre les gens, le développement de services facilitant l'organisation de la vie familiale et l'adoption d'horaires flexibles dans les entreprises ; enfin, il prolongera les congés parentaux avec remplacement du revenu.

Argument : La crise sociooécologique est largement liée à une production et une consommation qui dépassent les capacités de régénération de la planète. Réduire le temps de travail permet de ralentir le rythme de la production marchande, de mettre un frein à l'extractivisme et à l'industrialisation illimitée, et d'orienter l'économie vers la satisfaction des besoins essentiels plutôt que vers l'accumulation de profits.

Chapitre 2 Mettre l'État au service du peuple BLOC 3 : SANTÉ ET SERVICES SOCIAUX

Introduction
2.1 Un État solide et revitalisé
2.1.1 Pour une fiscalité qui lutte contre la pauvreté
2.1.2 La santé est un droit
2.1.2.1 La vision solidaire en santé : la prévention
3.1 (2.1.2.2) Pour une première ligne accessible et gratuite – médecines traditionnelles

3.2 (2.1.2.3-2) Pour la décentralisation et l'interdisciplinarité
2.1.2.4 Pour un accès universel aux médicaments
2.1.2.5 Pour une approche féministe et inclusive en santé

Proposition du Cahier de propositions : Maintenir la position du programme sur les médecines alternatives
Option A : Un gouvernement solidaire développera dans toutes les régions une première ligne publique forte.
Option B : en offrant des services de soutien à domicile et aux personnes proches aidantes facilitant ainsi l'accès global aux services sociaux de santé incluant les médecines traditionnelles …

Argument : Soutenir option B – maintenir un acquis du programme actuel et la reconnaissance dees médecines traditionnelles.

3.3 (2.1.3) Pour un filet social au coeur de la solidarité
3.4 (2.1.3.1) Pour des services sociaux accessibles et de qualité
3.5 (2.1.3.2) Pour une protection de la jeunesse et des services spécialisés revalorisés
3.6 (2.1.3.3) Pour la solidarité, l'inclusion et la sécurité résidentielle

BLOC 4 – FISCALITÉ, FAMILLES, ÉDUCATION ET JUSTICE

2.1.4 Pour une politique familiale inclusive
2.1.4.1 Pour une petite enfance dans l'égalité
2.1.4.2 Pour une diversité des familles
4.1 (2.1.4.3) Pour vieillir dans la dignité
4.2 (2.1.5) L'éducation, un fondement de l'égalité
2.1.5.1 Pour un accès gratuit, de la maternelle à l'université
4.3 (2.1.5.2) Pour la fin de l'inégalité dans le système scolaire québécois
2.1.5.3 Pour une formation continue, des cégeps et des universités de qualité
2.1.6 Pour une justice humaine
4.4 (2.1.6) Pour une justice humaine 5
2.1.7 Pour une culture en commun

BLOC 5 – CULTURE ET DÉMOCRATIE

5.1 (2.1.7) Pour une culture en commun -5-6-7
5.2 (2.1.7) Pour une culture en commun
5.3 (2.2) Une démocratie à parfaire - 7

BLOC 6 INDÉPENDANCE ET ALTERMONDIALISME

Introduction
(3.1) Indépendance, nation, fédéralisme
(3.2) Un pays de projets
(3.3) Une constitution pour réaliser l'indépendance

Le Cahier de résolutions affirme que les sections du programme sur l'indépendance et la place d'un Québec indépendant sur la scène internationale ne contiennent pas de nouveaux éléments par rapport à l'ancien programme. Les instances sont invitées à consulter le texte actualisé dans les documents de l'instance.

Nouvelle proposition (à la suite de la section (3.3)
Le défi de Québec solidaire et du mouvement indépendantiste – construire une large majorité pour l'indépendance du Québec

Québec solidaire affirme que l'indépendance du Québec doit être présentée non comme une réforme institutionnelle, mais comme la condition d'une véritable souveraineté populaire. Elle doit être reliée aux luttes concrètes contre les crises écologique, sociale, économique et politique, et apparaître comme l'arme politique de la majorité laborieuse. L'indépendance que nous défendons est inclusive et pluriculturelle : elle rejette toute forme d'exclusion, de nationalisme ethnique ou identitaire, et s'appuie sur la convergence des mouvements féministes, syndicalistes, écologistes, antiracistes, autochtones et populaires.
Québec solidaire s'engage à construire un front indépendantiste large et unitaire, fondé sur la plurinationalité, la solidarité et l'égalité. Nous impulserons des pratiques démocratiques concrètes – budgets participatifs, assemblées citoyennes, scrutin proportionnel, contrôle collectif de l'économie, de l'énergie et des ressources – préparant la convocation d'une Assemblée constituante plurinationale. Nous assumerons la confrontation avec le régime canadien et ses structures impérialistes, en construisant des alliances décoloniales avec les Premières Nations et des solidarités avec les forces progressistes du reste du Canada. L'indépendance que nous proposons s'inscrit ainsi dans une perspective internationaliste et émancipatrice, et doit devenir le point de ralliement d'une majorité populaire organisée et mobilisée.

Argument : L'évolution actuelle du PQ vers un nationalisme de plus en plus conservateur qui nie l'existence d'un racisme systématique et fait de l'immigration le bouc émissaire de tous les maux de la société québécoise va constituer un obstacle de plus en plus important pour que l'indépendance du Québec devienne la majorité dans la société québécoise. La perspective du PQ de tenir un référendum sans tenir compte du fait que la tâche de l'heure est de construire une majorité indépendantiste ne peut que nous mener à de nouvelles défaites. Les voies de la construction d'une majorité indépendantiste liée à notre projet de société est la tâche de l'heure pour Québec solidaire.

BLOC 7 – FÉMINISME, IDENTITÉS SEXUELLES ET DE GENRE, PEUPLES AUTOCHTONES

7.1 (3.4.1-2) Pour la lutte à la discrimination basée sur le genre

Nouvelle proposition (à la suite de 3.4.1-3)

Québec solidaire doit créer des liens permanents comme parti politique avec les grandes coalitions nationales du mouvement des femmes pour créer et renforcer leur poids politique. Québec solidaire doit agir contre la violence faite aux femmes et centrer son action autour de la lutte contre tout discours de l'extrême droite qui veut retirer des droits aux femmes en dénonçant systématiquement toutes les attaques contre leurs acquis.
Québec solidaire dénoncera les systèmes d'oppression qui tentent de cacher en particulier les féminicides, en montrant comment les violences font vivre et alimentent les oppressions particulièrement pour les femmes autochtones, les femmes noires et racisées et les personnes trans.
Québec solidaire revendiquera le financement intégral des maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence et les centres de femmes pour assurer aux femmes un hébergement adéquat et sécuritaire et pour permettre une prévention et un suivi de leurs démarches.
Québec solidaire agira contre la pauvreté des femmes en appuyant toutes les luttes pour rendre les services publics (particulièrement en santé et en éducation) gratuits et efficaces. La population et le personnel auront leur mot à dire dans des formes d'autogestion des services. QS défendra le droit des femmes à l'équité salariale et à leur autonomie politique.

Argument : Un programme de Québec solidaire doit présenter les analyses et les perspectives féministes qui orientent son action. Le mouvement mondial des femmes a tracé la voie pour lutter contre le capitalisme, le patriarcat et toutes les interrelations des différentes formes d'oppression ( hétérosexisme, capacitisme, racisme, sexisme, etc.).

7.2 (3.4.1-3) Pour la lutte à la discrimination basée sur le genre
7.3 (3.4.2 -2) Pour la pluralité des identités et des réalités
7.4 (3.4.2 Pour la pluralité des identités et des réalités -4 - 5
7.5 (3.5) De nation à nation, de peuple à peuple

BLOC 8 – IMMIGRATION, INCLUSION ET LANGUE FRANÇAISE

8.1(3.6) Pour un Québec pluriel 1-3-4-5-6
8.2 (3.6) Pour un Québec pluriel -2-7

8.3 (3.6.1) Pour une immigration et une intégration inclusive -1

Proposition du Cahier de propositions
• Dans les sociétés capitalistes, les politiques d'immigration sont déterminées en grande partie par les exigences du marché du travail en termes de main-d'œuvre. Dans un Québec solidaire, ces politiques tiendront compte de notre réelle capacité d'accueil, de la nécessité d'accepter des personnes immigrantes à des fins économiques et sociales et de notre responsabilité morale et politique d'accueillir des personnes et des familles réfugiées.

Amendement

Biffer de notre réelle capacité d'accueil

Argument : La notion de capacité d'accueil est une notion mal définie, utilisée le plus souvent démagogiquement et qui s'inscrit dans une logique de quotas, puis de fermeture des frontières.

8.4. (3.6.1) Pour une immigration et une intégration inclusive -2

Proposition du Cahier de propositions
L'immigration n'est pas un bouc émissaire : c'est une richesse. Le gouvernement de Québec solidaire doit adopter une approche inclusive et solidaire qui respecte la dignité humaine.

Amendement

• Ajout à la proposition du Cahier : Cette approche inclusive et solidaire passera par une politique d'égalité sociale et d'extension des droits économiques, sociaux et politiques. Elle exigera : a) le rejet d'une vision ethniquement homogène de la société québécoise ; b) une politique s'attaquant aux discriminations et le refus de l'existence de secteurs de la société privés de droits ; c) l'éradication du racisme systémique qui touche les secteurs issus de l'immigration ; d) le rejet des discours qui font des minorités les seules porteuses de la détérioration des services publics et de l'accès au logement ; e) le rejet d'une laïcité identitaire qui brime les droits des personnes migrantes, particulièrement ceux des femmes.

Argument : Il est important d'expliciter comment les discours nationalistes conservateurs de la CAQ et du PQ stigmatisent les personnes et communautés issues de l'immigration pour défendre leurs politiques néolibérales.

8.5. (3.6.1) Pour une immigration et une intégration inclusive -3

Proposition du Cahier de propositions
• Un gouvernement solidaire agira sur plusieurs fronts en matière d'intégration – logement, accueil, reconnaissance améliorée des diplômes, emploi, accès aux services publics, participation citoyenne plaçant le français et la culture québécoise au coeur du modèle d'intégration solidaire. Il reconnaîtra la différence entre la réalité de la région métropolitaine de Montréal et celle des autres régions et la nécessité d'instaurer des programmes spécifiques en fonction des besoins régionaux. Un gouvernement solidaire financera donc adéquatement les organismes communautaires qui participent à cette mission.

Amendements

Biffer la phrase : Il reconnaîtra… jusqu'à besoins régionaux.

Argument : cette phrase non seulement inscrit la politique de Québec solidaire dans une logique utilitariste mais elle définit les personnes migrantes comme devant se plier à des obligations de déplacement et d'installation spécifique sur le territoire québécois. La CAQ applique ce genre de politique en interdisant l'arrivée de nouveaux travailleurs-euses temporaires à Montréal et Laval et non dans d'autres régions.

• Ajout à la fin de 3.6.2 -3 Toutes les personnes vivant comme résidentes au Québec ont des droits égaux : droit de s'installer durablement, de travailler, de recevoir un salaire égal, de se syndiquer, d'acquérir la nationalité, de vivre en famille, de voter et d'avoir accès à la sécurité sociale et aux services publics. Une société démocratique ne peut tolérer que des personnes placées sous le même cadre juridique soient traitées différemment. Les résident-es sans papier doivent être massivement régularisé-es.

Argument : Toutes celles et ceux qui vivent et travaillent au Québec participent à la richesse commune – pas seulement économique, mais aussi sociale et culturelle. Personne ne doit être privé de droits. Donner les mêmes droits sociaux, politiques et syndicaux aux personnes immigrées, c'est renforcer la démocratie et empêcher la création de « citoyen-nes de seconde zone ». C'est une façon de rendre réelle la souveraineté populaire : le peuple, ce sont toutes celles et tous ceux qui vivent et travaillent ici. Loin d'être utopique, cette perspective existe dans plusieurs pays, les personnes non-citoyennes votent aux élections locales et des programmes de régularisation massifs ont été menés. Le projet n'est pas d'abolir toute organisation territoriale du politique, mais de repenser la souveraineté à partir des droits des personnes plutôt qu'à partir de la logique des États et du patronat.

8.6 (3.6.1) Pour une immigration et une intégration inclusive -4

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Cinéma : l’Etat génocidaire veut couper les vivres des Oscars israéliens à cause d’un film « propalestinien »

La cérémonie des Ophirs Awards, l'équivalent des Oscars en Israël, s'est déroulée mardi soir à Tel-Aviv. Le film “Hayam” a remporté cinq récompenses pendant la cérémonie, dont (…)

La cérémonie des Ophirs Awards, l'équivalent des Oscars en Israël, s'est déroulée mardi soir à Tel-Aviv. Le film “Hayam” a remporté cinq récompenses pendant la cérémonie, dont l'Ophir du meilleur film et du meilleur scénario. Le ministre de la culture israélien Miki Zohar a annoncé en réponse à ce triomphe la suspension des subventions de l'Etat israélien à cette cérémonie.

Tiré d'Agence médias Palestine.

“Hayam”. C'est le nom du film qui a entraîné des réactions jusqu'au sommet du ministère de la culture israélien. Ce film réalisé par le cinéaste israélien Shaï Carmeli-Pollak a raflé cinq prix aux Ophir Awards mardi 16 septembre dernier.

Hayam signifie “la mer” en hébreu. Et c'est justement ce que raconte cette oeuvre de fiction : le périple d'un enfant palestinien de douze ans, qui habite à Ramallah en Cisjordanie occupée et rêve de voir la mer à Tel-Aviv. L'acteur de cet enfant, Mohammad Ghazaoui, a obtenu le trophée du meilleur acteur à seulement 13 ans, un record.

Le drame primé a été tourné et diffusé en langue arabe. Il a décroché le prix du meilleur scénario en plus de celui du meilleur film. Une avalanche de récompenses et de symboles qui n'ont pas vraiment plus au ministre israélien de la culture Miki Zohar, membre du Likoud, le parti d'extrême-droite auquel appartient également Benjamin Netanyahu.

Ce dernier a annoncé le gel des subventions de l'Etat israélien à cette cérémonie pour la prochaine édition en 2026 : “Après que le film propalestinien, Hayam, qui discrédite nos soldats héroïques alors qu'ils se battent pour nous protéger, a remporté le prix du meilleur film lors de la honteuse cérémonie des Ophir 2025, j'ai décidé d'arrêter de financer la cérémonie avec l'argent des citoyens israéliens”.

Les prix remportés par “Hayam” à la cérémonie font automatiquement de ce film le candidat d'Israël au prix du meilleur film étranger pour la prochaine cérémonie des Oscars.

Face aux déclarations du ministre de la culture israélien, la direction de l'Académie israélienne du cinéma et de la télévision a affirmé son “engagement pour l'excellence cinématographique, la liberté artistique et la liberté d'expression”.

Le directeur de l'Académie a affirmé qu'Hayam était “un film plein d'empathie, pour tous les êtres humains et en particulier pour son héros, un enfant palestinien dont le seul rêve est de voir la mer”.

Le film a été produit par un palestinien, Baher Agbariya, qui a déclaré : “Ce film est né de l'amour de l'humanité et du cinéma, et son message est unique : le droit de chaque enfant de vivre et de rêver en paix, sans siège, sans peur et sans guerre. C'est un droit fondamental auquel nous ne renoncerons pas”.

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Gaza et la faillite du libéralisme occidental. Entretien avec Gilbert Achcar

23 septembre, par Gilbert Achcar — , ,
En défendant et en armant Israël ces deux dernières années, les États occidentaux ont démontré la vacuité du droit international. On se souviendra du génocide comme d'un moment (…)

En défendant et en armant Israël ces deux dernières années, les États occidentaux ont démontré la vacuité du droit international. On se souviendra du génocide comme d'un moment qui montre combien le colonialisme – et son potentiel génocidaire – est au cœur du libéralisme occidental. Dans son ouvrage Gaza, génocide annoncé. Un tournant dans l'histoire mondiale, paru aux éditions La Dispute, Gilbert Achcar analyse le contexte, les dynamiques et les conséquences mondiales de la guerre génocidaire menée par Israël dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023.

Tiré de la revue Contretemps
15 septembre 2025

Par Gilbert Achcar

Dans cet entretien réalisé par Elias Feroz, d'abord publié par Jacobin, l'auteur revient sur la radicalisation politique de la société israélienne, sur ce qu'il considère comme les erreurs de calcul stratégique du Hamas et sur la complicité assumée des États occidentaux dans le génocide en cours à Gaza. Selon lui, la guerre a levé le voile sur le prétendu ordre libéral international et a accéléré la montée en puissance des forces néofascistes à l'échelle mondiale.

Dans votre ouvrage, vous ne vous en tenez pas à condamner l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023, mais vous la placez dans un contexte historique plus large et critiquez les tentatives visant à rationaliser ou justifier le massacre. Comment évaluez-vous les conséquences à long terme de cet évènement pour Gaza et pour l'avenir d'Israël-Palestine ?

L'opération du 7 octobre menée par le Hamas – indépendamment de sa nature et des atrocités commises ce jour-là – a été conçue par ses organisateurs comme une première étape vers la libération de la Palestine. Jugée par rapport à cet objectif, l'opération a été totalement désastreuse. Le peuple palestinien est désormais confronté à une menace plus grande que jamais. Nous assistons à une guerre génocidaire menée par Israël, qui a d'ores et déjà tué un nombre énorme de personnes.

On connaît les chiffres officiels des victimes tuées directement par les bombes, mais si l'on y ajoute les morts indirectes causées par le blocus, l'interruption de l'aide humanitaire, la faim délibérément orchestrée, la coupure de la fourniture d'eau et la destruction des infrastructures de santé, le nombre réel de personnes tuées par Israël est certainement largement supérieur aux 60 000 morts officiellement recensées. Il pourrait bien excéder les 200 000. C'est un bilan ahurissant.

L'attaque du Hamas a été suivie d'une agression israélienne à grande échelle qui aurait été politiquement impossible sans le prétexte du 7 octobre, tout comme le 11 septembre avait servi de prétexte aux invasions de l'Afghanistan et de l'Irak par l'administration Bush. Un gouvernement d'extrême-droite – le plus extrême de l'histoire d'Israël – a saisi l'attaque du 7 octobre comme prétexte.

Pour ce gouvernement, cette attaque a presque été un cadeau tombé du ciel, une occasion en or pour réenvahir la bande de Gaza. Tous les membres actuels du gouvernement s'étaient opposés au retrait de Gaza en 2005. Benjamin Netanyahou avait même démissionné du gouvernement d'Ariel Sharon en signe de protestation. Il a maintenant saisi l'occasion non seulement pour réenvahir Gaza, mais pour aller bien plus loin encore : pour en expulser la population.

Il est clair que nous assistons au nettoyage ethnique d'une grande partie de Gaza, les habitants palestiniens étant acculés dans un coin de l'enclave. La prochaine étape sera probablement une tentative d'organiser leur émigration hors de Gaza. Dans le même temps, le gouvernement israélien a donné carte blanche aux colons, appuyés par l'armée israélienne en Cisjordanie pour s'en prendre à la population locale. Nous assistons donc également à un nettoyage ethnique en cours en Cisjordanie. Les Palestiniens font face à la pire situation qu'ils aient connue depuis très, très longtemps.

Vous qualifiez de mauvais calcul grave de la part du Hamas la sous-estimation du fait qu'Israël a un gouvernement d'extrême-droite, qui ne cache pas sa volonté d'expulser les Palestiniens et sa disposition à lancer une guerre génocidaire. En quoi ce contexte a-t-il façonné les conséquences de l'attaque du 7 octobre, et pourquoi le Hamas n'a-t-il pas pris pleinement en considération ce facteur essentiel ?

Il s'agit là de l'aile la plus extrême de la politique israélienne : aujourd'hui, le gouvernement israélien tout entier est d'extrême-droite. Avant même le 7 octobre, l'historien de la Shoah Daniel Blatman qualifiait dans Haaretz Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich de néonazis. Certains membres du gouvernement sont plus extrémistes que d'autres, mais, en dernière instance, tous partagent le même objectif : se débarrasser des Palestiniens et établir un Israël qui serait palästinenserfrei (sans Palestiniens) ou araberfrei (sans Arabes) entre le fleuve et la mer. Il est profondément choquant que des personnes qui se réclament de l'héritage des victimes de la Shoah – les victimes de l'effort des nazis pour rendre l'Allemagne judenfrei – poursuivent désormais l'objectif d'une terre araberfrei.

Le Hamas croyait probablement que le gouvernement israélien était faible au vu des manifestations de masse et des poursuites judiciaires pour corruption contre Netanyahou. Le Hamas comptait sur le soutien de l'Iran. Il s'attendait à ce que son attaque déclenche un soulèvement palestinien généralisé et une guerre régionale impliquant le Hezbollah, la Syrie et l'Iran [1]. Mais ce fut un mauvais calcul sur toute la ligne. Au lieu de diviser la société israélienne, l'attaque a unifié celle-ci autour d'un objectif unique : écraser le Hamas. Il en a résulté chez les juifs israéliens un très large consensus en faveur de la guerre à Gaza et de la réoccupation de l'enclave. De récents sondages indiquent même qu'une majorité des juifs israéliens sont désormais favorables à l'expulsion des Gazaouis hors de Gaza, si ce n'est à l'expulsion des Palestiniens hors de Palestine.

Ne pas reconnaître cela et prétendre au contraire que l'attaque du Hamas a en quelque sorte « remis la question palestinienne sur le tapis » est tout simplement absurde. La question palestinienne est effectivement de nouveau sur le tapis, mais ce n'est pas pour faire valoir les droits des Palestiniens. Elle est de retour afin de dégager un consensus sur la meilleure façon de liquider la cause palestinienne. Ce n'est pas un progrès pour la lutte palestinienne ; c'est une régression massive, une grave défaite. Israël est aujourd'hui plus triomphant que jamais, sa puissance régionale est plus grande que jamais, et tout cela avec le soutien total des États-Unis, un soutien qui n'a pas faibli de Joe Biden à Donald Trump, mais qui s'est au contraire intensifié.

Vous avez mentionné la caractérisation par Daniel Blatman du gouvernement israélien comme un régime fasciste, voire néo-nazi. Pouvez-vous expliquer pourquoi vous pensez que cette comparaison est juste ?

Les libéraux et la gauche n'ont aucun problème à qualifier l'AFD allemande ou le FPÖ autrichien de néo-nazis. Comparés à Ben-Gvir et Smotrich, ces groupes semblent modérés.

Ben-Gvir et Smotrich décrivent ouvertement les Palestiniens comme des Untermenschen, presque littéralement. Ils appellent explicitement à leur expulsion. C'est l'équivalent de judenfrei : une terre, Eretz Israël comme ils l'appellent, sans Palestiniens. Ils veulent les chasser hors du territoire. Ils sont ouvertement racistes et croient en la force – en la Machtpolitik, autrement dit en l'imposition de leurs vues par la force.

N'oublions pas qu'entre 1933 et 1941, judenfrei pour les nazis signifiait l'expulsion. Les années d'extermination des Juifs européens ont suivi plus tard. Les nazis ont d'abord expulsé les Juifs allemands vers la Palestine. Ils ont conclu un accord avec le mouvement sioniste pour y transférer les Juifs allemands. La Palestine était la seule destination où les nazis autorisaient les Juifs quittant l'Allemagne à emporter une partie de leur capital avec eux. Ils ne voulaient pas que les Juifs allemands se rendent en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, où ils auraient soutenu les groupes de pression antinazis. Les nazis voulaient que les Juifs aillent en Palestine.

Smotrich et d'autres de ses semblables – et c'est tragique – sont des descendants de victimes du génocide perpétré par les nazis. Et pourtant, ils sont capables de reproduire les mêmes façons de penser et comportements d'extrême droite qui caractérisaient les nazis. Ainsi va l'histoire. Être un descendant de victimes ne signifie pas nécessairement que l'on deviendra un combattant de la liberté. On a vu de nombreux oppresseurs qui étaient descendants de victimes, voire d'anciens opprimés devenus oppresseurs.

Vous écrivez que, compte tenu de la supériorité militaire écrasante d'Israël, la seule stratégie rationnelle pour les Palestiniens est la lutte de masse non violente, comme l'a illustré la première Intifada, qui a provoqué une profonde crise éthique et politique au sein de la société israélienne. Selon vous, quelles ont été les erreurs ou les limites de la première Intifada, et pourquoi cette stratégie n'a-t-elle pas encore abouti à un succès durable pour les droits des Palestiniens ou à la fin de l'occupation ?

La première Intifada a atteint son apogée en 1988, en particulier au cours du premier semestre de cette année-là. Il s'agissait d'un mouvement de base organisé par des comités populaires locaux – une véritable mobilisation de masse qui a vu une participation féminine importante. Des personnes de tous âges y ont pris part. Le mouvement a provoqué une véritable crise morale au sein de la société israélienne, et même au sein de l'armée israélienne. Il a également suscité une sympathie internationale considérable pour la cause palestinienne.

Alors pourquoi le mouvement a-t-il échoué ? Tout d'abord, parce que la répression israélienne a été intense. Mais surtout parce que l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) s'est emparée de la direction du mouvement et a détourné l'Intifada. Yasser Arafat et l'OLP l'ont réorientée vers leur propre projet de création d'un prétendu État palestinien, qui a finalement abouti aux accords d'Oslo de 1993. Un tournant décisif a été le passage de la direction locale dans les territoires occupés à la direction de l'OLP à Tunis. Depuis Tunis, l'OLP s'est mise à radiodiffuser des déclarations officielles au nom de l'Intifada, écartant de fait la direction ancrée sur le terrain. Cela a marqué un recul important pour l'autonomie et l'orientation du mouvement.

Deuxièmement, une lutte de masse ne se gagne pas d'un seul coup. Elle se déroule par vagues, chacune renforçant le mouvement et affaiblissant progressivement l'adversaire. C'est une question de rapports de forces. Lorsque votre ennemi est beaucoup plus fort militairement et pleinement disposé à tuer, il n'est pas dans votre intérêt de lancer des attaques armées, d'autant moins si votre ennemi s'appuie sur la majorité des habitants du pays en raison du déracinement de votre propre peuple. Si vous lancez de telles attaques, il vous écrasera.

Mais si vous vous engagez dans une lutte populaire, vous gagnez la supériorité morale et pouvez attirer un soutien beaucoup plus large. Dans ce cas, l'ennemi se trouve dans une position plus difficile : s'il réagit en massacrant des manifestants pacifiques, il est largement condamné. Il perd sa légitimité aux yeux de l'opinion publique internationale. Israël en particulier dépend fortement du soutien militaire, politique et diplomatique de l'Occident et est donc concerné par l'opinion publique occidentale.

À titre de comparaison, prenons la population noire aux États-Unis et en Afrique du Sud. En Afrique du Sud, les Noirs formaient une majorité écrasante, il était donc stratégiquement judicieux pour eux de recourir à la lutte armée contre le régime d'apartheid parallèlement à la lutte de masse.

En revanche, la population noire aux États-Unis, en tant que minorité, n'avait aucune chance de gagner par la violence. Le mouvement pour les droits civiques, avec des figures comme Martin Luther King, a emporté des victoires au moyen d'une lutte de masse non violente dénonçant la brutalité du système. Cela a certainement joué un rôle beaucoup plus important dans le progrès de la lutte antiraciste que ceux qui ont appelé à la lutte armée, comme les Black Panthers. Ils ne sont pas allés loin sur cette voie, car c'était une impasse. On ne peut pas lutter avec des armes contre un ennemi qui est beaucoup plus fort que soi. Cela ne fait que fournir à l'adversaire un prétexte – une excuse – pour riposter avec une violence écrasante. Il tuera beaucoup plus de personnes que s'il n'était confronté qu'à des protestations pacifiques.

C'est une question de stratégie. On doit adapter ses méthodes à ses capacités. Les moyens que l'on utilise dépendent de la force dont on dispose et du rapport de forces général. La conviction du Hamas selon laquelle la violence armée libérerait la Palestine était totalement illusoire. Voyez où nous en sommes. Quelle que soit la façon dont on cherche à travestir les choses, il s'agit clairement d'un désastre majeur. Le résultat de ces événements est une catastrophe absolue. Cela dit, reconnaître les conséquences désastreuses du 7 octobre ne justifie en rien la guerre génocidaire qu'Israël a menée depuis lors.

Durant la première année du génocide, la plupart des États occidentaux n'ont même pas esquissé une remise en cause du prétendu droit d'Israël à se défendre – je dis « prétendu » car il est très discutable qu'un occupant ait le droit de se défendre contre le droit légitime des occupés à résister à l'occupation. Cela alors même qu'Israël avait très tôt tué beaucoup plus de Palestiniens que n'avaient été tués d'Israéliens le 7 octobre.

Mais ils sont allés encore plus loin : les gouvernements occidentaux, non seulement les États-Unis mais aussi les puissances européennes, se sont activement opposés pendant plusieurs mois aux appels à un cessez-le-feu immédiat, et Washington continue de s'y opposer. Ce faisant, ils ont effectivement endossé la guerre génocidaire qui se déroulait. Quand on s'oppose à un cessez-le-feu, c'est que l'on est favorable à la poursuite de la guerre. Telle était leur position. C'est une attitude honteuse au regard de l'histoire.

Comme je l'explique dans mon livre, ce moment a été le dernier clou dans le cercueil de ce qu'on appelle l'ordre international libéral fondé sur des règles. Cet ordre a toujours été une fiction, mais jamais cette fiction n'a été aussi clairement révélée qu'aujourd'hui. Le « deux poids, deux mesures » est flagrant, et il n'est nulle part plus évident que dans le contraste saisissant entre la manière dont les gouvernements occidentaux ont réagi à la guerre de la Russie contre l'Ukraine et celle dont ils ont réagi à la guerre d'Israël contre Gaza.

Tout ceci a d'énormes conséquences historiques. Cela a ouvert la voie à la continuation de la montée du néofascisme à l'échelle mondiale. La position de l'administration Biden a joué un rôle important dans la défaite des Démocrates aux États-Unis et a ouvert la voie au retour de Trump à la Maison Blanche – cette fois-ci avec un programme et un comportement, tous deux beaucoup plus clairement néofascistes que lors de son premier mandat.

Cela a encore renforcé l'extrême droite à travers le monde, de l'Allemagne à l'Espagne en passant par la France et ailleurs. Nous vivons aujourd'hui, comme je l'ai écrit il y a quelques mois, dans ce que j'appelle l'ère du néofascisme. Tout cela est lié à la perte totale de crédibilité du libéralisme.

C'est pourquoi le génocide de Gaza et l'attitude des États occidentaux à son égard resteront dans les mémoires comme un tournant historique, un moment clé qui a mis en lumière et achevé l'effondrement du libéralisme occidental, ou encore atlantiste.

Vous décrivez le sionisme comme un projet colonial avec des « tendances génocidaires ». Dans le même temps, vous affirmez que la libération des Palestiniens nécessitera l'inclusion des Juifs israéliens et une transformation de la société israélienne. Comment envisagez-vous cette transformation compte tenu des réalités politiques actuelles, et quelles mesures concrètes seraient nécessaires pour parvenir à la liberté tant pour les Palestiniens que pour les Israéliens ?

Cela semble utopique aujourd'hui, mais il faut garder une perspective historique. Après la première Intifada, de 1987 jusqu'à ce qu'on appelle la Seconde Intifada en 2000, l'opinion publique en Israël s'est tournée en faveur de la paix et d'un règlement avec les Palestiniens. C'était l'époque des accords d'Oslo. Bien que ces accords aient été défaillants dès le départ, l'état d'esprit de la société israélienne était alors très différent.

Parmi les intellectuels juifs israéliens, il existait un mouvement post-sioniste qui cherchait à dépasser le sionisme et à parvenir à une coexistence pacifique. Mais à partir de 2000, la situation s'est inversée après qu'Ariel Sharon – qui était à l'époque le plus à droite des dirigeants de premier plan en Israël – a provoqué les événements qui ont déclenché la Seconde Intifada, au cours de laquelle la direction d'Arafat est tombée dans le piège de la lutte armée.

Les forces de sécurité palestiniennes ont utilisé contre les troupes israéliennes les armes légères que l'État israélien leur avait permis de posséder. Ce piège a permis à Sharon de remporter les élections de février 2001. Il a provoqué les affrontements en septembre 2000, remporté les élections en février 2001 grâce à l'onde de choc qui en a résulté, puis lancé ce qui a été l'attaque la plus violente contre la Cisjordanie depuis 1967. La guerre actuelle est beaucoup plus violente, mais la guerre de 2002 lancée par le gouvernement Sharon était déjà très brutale.

C'est pourquoi je dis qu'il est important pour les opprimés d'avoir une vision stratégique claire et de choisir des méthodes de lutte appropriées, plutôt que celles qui mènent à la catastrophe.

Vous décrivez la façon dont des groupes sionistes d'extrême droite, autrefois marginalisés et même qualifiés de terroristes par Israël et les pays occidentaux, sont devenus partie intégrante du gouvernement israélien grâce à Netanyahou. Comment analysez-vous le soutien militaire continu à un gouvernement qui inclut ces factions d'extrême droite ?

Lorsque Trump a été élu pour la première fois, il a rompu avec le consensus bipartisan qui définissait la politique des États-Unis depuis 1967. Il a reconnu l'annexion du plateau du Golan, ce qu'aucune administration précédente n'avait fait, et a fait de même pour Jérusalem-Est. Il a pleinement épousé le point de vue israélien.

Puis est arrivé Biden. Pendant sa campagne, il avait promis de défaire les décisions politiques de Trump, mais il s'est avéré être un menteur invétéré. Il n'a rien défait. Et lorsque le 7 octobre a eu lieu, il a pleinement soutenu la guerre génocidaire. Israël n'aurait pas pu mener cette guerre prolongée sans le soutien continu des États-Unis, qui a commencé sous l'administration Biden. C'est Biden qui a fourni à Israël des bombes massives d'une tonne chacune.

Lorsque de telles bombes sont larguées dans une zone aussi densément peuplée que Gaza, il s'agit clairement d'armes génocidaires. Des milliers de personnes vont être tuées, pour la plupart des civils, y compris des enfants. 40 % des victimes sont des enfants.

Même en imaginant que toutes les victimes masculines seraient membres du Hamas – ce qui est évidemment loin d'être le cas –, il resterait encore 70 % des victimes qui sont clairement non-combattantes : des femmes et des enfants. Je mentionne les femmes parce qu'à Gaza, les femmes ne sont pas combattantes. Le Hamas ne recrute pas de combattantes. Ainsi, seule une minorité des victimes sont des combattants. Ces derniers se cachent pour la plupart dans les tunnels construits par le Hamas. Il n'existe pas de tels abris pour les civils, qui restent à la surface et sont bombardés et tués tandis que les combattants peuvent se réfugier sous terre.

C'est là que se révèle clairement l'énorme responsabilité criminelle de l'administration Biden, une responsabilité qui sera bien sûr perpétuée par la deuxième administration Trump. Il y a eu d'autres génocides depuis 1945, notamment en Afrique. Mais celui-ci est le premier génocide commis par un État industrialisé avancé et soutenu par l'ensemble du système occidental, par tout le bloc occidental. C'est en cela que ce génocide représente un tournant historique si important.

Vous décrivez le soutien inconditionnel de l'Occident à Israël après l'attaque du 7 octobre comme une forme de « compassion narcissique », similaire à la réaction de l'Occident après le 11 septembre, dans laquelle l'empathie s'étend principalement aux « semblables ». Comment cette compassion sélective influence-t-elle la perception de la souffrance des Palestiniens par le public et les réponses politiques qui y ont été apportées ?

Les Israéliens sont perçus comme un peuple européen et l'on s'identifie à eux en tant que tels. Ils sont considérés comme une partie de l'Occident située en Orient. Theodor Herzl, le fondateur du sionisme politique moderne, écrivait dans son manifeste Der Judenstaat que les Juifs construiraient « un avant-poste de la civilisation contre la barbarie ». Il s'agit là d'un discours colonial typique : l'idée que « nous » sommes des Européens civilisés et que « les autres » sont des barbares.

Cette identification des États occidentaux à Israël est également renforcée par le fait qu'Israël revendique l'héritage de la Shoah. Cela permet aux gouvernements occidentaux de soutenir Israël presque sans réserve, en soulignant que, puisqu'ils portent à des degrés divers une responsabilité dans le génocide des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, ils ont l'obligation morale de soutenir Israël.

Cette attitude atteint son paroxysme dans le cas de l'État allemand. L'Allemagne a été le principal auteur du génocide de 1941 à 1945, mais le pays interprète de façon complètement erronée les enseignements de l'époque nazie et de la Shoah. Si la leçon que le pays en tire s'énonce comme suit : « Puisque nos prédécesseurs ont commis un génocide contre les Juifs, nous devons maintenant soutenir un État qui se proclame juif même lorsqu'il commet un génocide contre un autre peuple », alors il a clairement tiré la mauvaise conclusion. Ce faisant, l'Allemagne ressuscite le climat idéologique de violence sans limite qui a donné naissance au nazisme, même s'il apparaît aujourd'hui sous une forme nouvelle, celle du néofascisme, à l'échelle mondiale.

La leçon correcte à tirer de la Shoah – tant du génocide des Juifs que de celui d'autres victimes telles que les homosexuels, les personnes porteuses de handicap et les Roms – est qu'il faut faire preuve d'une vigilance constante contre toute forme de racisme, d'oppression et de politique de puissance agressive telle que l'occupation. Il est important que ces enseignements soient appliqués de manière cohérente et non sélective.

Les États occidentaux invoquent ces valeurs contre Vladimir Poutine pour son invasion de l'Ukraine, mais n'appliquent pas les mêmes valeurs à l'État israélien et à ses dirigeants d'extrême-droite pour ce qu'ils font à Gaza. Il s'agit là d'une énorme contradiction. Au-delà de la question morale, qui est importante, les gouvernements occidentaux font preuve d'un considérable manque de vision à long terme. Même du point de vue de leurs propres intérêts, leurs actions sont à courte vue en ce qu'elles contribuent à la déstabilisation mondiale. Les États occidentaux créent des conditions de violence qui déborderont inévitablement sur l'Europe et même les États-Unis.

Prenez la violence des années 1990 : la guerre en Irak, l'embargo contre l'Irak, les bombardements incessants… Toute cette violence a fini par se retourner contre les pays occidentaux et leurs alliés, culminant dans des tragédies comme celle du 11 septembre. Quiconque pense que ce qui se passe aujourd'hui à Gaza n'aura pas de graves conséquences à l'avenir se trompe.

Vous affirmez que le concept de « nouvel antisémitisme », largement attribué aux musulmans et à leurs défenseurs, est utilisé pour absoudre l'extrême droite européenne et américaine de son propre antisémitisme, permettant ainsi une alliance dangereuse fondée sur l'islamophobie. Comment cette dynamique a-t-elle influencé les réactions occidentales face à la souffrance des Palestiniens, et quelles sont plus largement les conséquences de ce « deux poids, deux mesures racial » que vous décrivez ?

L'extrême-droite, en particulier en Europe et aux États-Unis, accuse souvent des mouvements comme Black Lives Matter de racisme antiblanc. C'est la même logique que celle utilisée par les gouvernements européens lorsqu'ils qualifient les populations musulmanes – dont certains membres peuvent avoir des opinions antisémites, mais la plupart n'en ont pas – d'antisémites simplement parce qu'elles soutiennent les Palestiniens contre le gouvernement israélien. Ce n'est pas de l'antisémitisme.

Le fait est qu'aujourd'hui, l'extrême-droite – comme l'AFD en Allemagne ou le FPÖ en Autriche – surenchérit sur tout le monde en se montrant plus pro-israélienne que les autres. Marine Le Pen en France fait de même. Cette extrême-droite occidentale, malgré sa longue histoire d'antisémitisme, est maintenant devenue une fervente partisane d'Israël car elle considère ce pays comme un allié contre leur cible commune : les musulmans.

L'alliance actuelle des forces néofascistes repose sur la nouvelle forme dominante de racisme en Occident : l'islamophobie. Au lieu de reconnaître que l'antisémitisme existe toujours principalement au sein de ces traditions d'extrême-droite, les partisans d'Israël préfèrent ignorer leurs racines antisémites. Ils répriment sans retenue le mouvement de solidarité avec la Palestine.

En Grande-Bretagne, où je me trouve, le gouvernement de Keir Starmer a décidé d'interdire, en tant que groupe « terroriste », une organisation dont la dernière action a consisté à projeter de la peinture rouge sur des avions de la Royal Air Force. Cette action visait à attirer l'attention sur le rôle que joue la Grande-Bretagne dans la guerre contre Gaza en fournissant du matériel militaire à Israël. Qualifier cela de terrorisme est scandaleux. De nombreux défenseurs des droits civiques ont protesté contre cette décision, expliquant que si l'on commence à qualifier de terrorisme tout et n'importe quoi, on ouvre la voie à la destruction des libertés politiques.

Si le parti d'extrême-droite de Nigel Farage, Reform UK, venait à remporter les élections – ce qui n'est plus inimaginable –, il pourrait utiliser une telle loi pour restreindre davantage les libertés politiques. Les gouvernements occidentaux soi-disant libéraux jouent donc un jeu très dangereux qui risque même de se retourner contre eux.

Vous aviez prévu, bien avant que cela ne se produise, qu'Israël pourrait entraîner l'Iran dans une confrontation qui rendrait inévitable une offensive conjointe américano-israélienne, en particulier sous Trump. Comment interprétez-vous le rôle de l'Iran dans l'escalade actuelle, et que nous apprend votre prédiction antérieure sur les calculs stratégiques tant d'Israël que des États-Unis ?

Le régime théocratique iranien a utilisé la question palestinienne comme un instrument idéologique majeur pour étendre son influence dans les pays arabes. Pour combler le fossé entre Persans et Arabes, et entre chiites et sunnites, il s'est fortement appuyé sur la cause palestinienne. Dès le début, celle-ci a constitué un atout idéologique clé pour le régime.

Téhéran a donc soutenu les forces arabes anti-israéliennes, en particulier le Hezbollah, qui a mené une véritable lutte contre l'occupation israélienne du Liban. Le Hezbollah a été fondé sous patronage iranien après l'invasion israélienne de 1982 et a mené une longue campagne contre cette occupation, acquérant ainsi le statut d'allié principal de l'Iran.

L'Iran a profité de l'occupation états-unienne de l'Irak. Comme on sait, l'Iran a été le principal bénéficiaire de l'invasion américaine et a aujourd'hui plus d'influence en Irak que n'en ont les États-Unis. L'Iran est ensuite intervenu en Syrie pour soutenir le régime despotique de Bachar el-Assad contre le soulèvement populaire de 2011, ce qui lui a permis d'étendre plus encore son influence.

Cela a permis à l'Iran de créer un axe régional sous son influence directe, auquel s'est ajouté le Yémen, où les Houthis prirent contrôle du nord du pays en 2014, déclenchant une guerre civile.

L'Iran a ainsi tissé un réseau d'influence directe dans toute la région, pensant que cela lui assurerait une protection solide. Mais au contraire, cela a conduit Israël à considérer l'Iran comme une menace encore plus grande, en particulier lorsque l'Iran a commencé à développer son programme nucléaire. Cela est devenu une obsession pour Israël, soutenu par Washington.

Après que Trump eut retiré les États-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien en 2018, l'Iran a considérablement augmenté son enrichissement d'uranium, à 60 %. Ce niveau dépasse clairement ce qui est nécessaire à des fins pacifiques, tout en restant inférieur à ce qui est nécessaire à des fins militaires. C'est ainsi que l'affirmation par l'Iran selon laquelle il n'a pas l'intention de fabriquer des armes nucléaires se trouvait contredite par ce niveau d'enrichissement. Cette position contradictoire s'est retournée contre l'Iran et a constitué, à mon avis, une autre erreur de calcul majeure.

Israël a alors saisi l'occasion créée par les événements du 7 octobre pour écraser d'abord le Hezbollah, puis lancer une attaque à grande échelle contre l'Iran avec le soutien des États-Unis. Entre temps, le régime Assad s'est effondré.

Tout cela a donc porté un coup dur à l'Iran. Les États-Unis et Israël considèrent tous deux l'Iran comme un ennemi majeur. Israël, parce que l'Iran se déclare ouvertement comme son ennemi le plus acharné. Les États-Unis, bien qu'ils ne soient pas menacés militairement par l'Iran, parce qu'ils le considèrent comme une menace pour leurs intérêts dans le Golfe.

Les deux fois où Trump a été élu, il s'est rendu dans les monarchies arabes du Golfe pour sa première visite à l'étranger. Sa dernière visite a été l'occasion de discuter d'accords portant sur des centaines de milliards de dollars. Donc, peu importe ce qu'elles disent – souvent de façon hypocrite –, les monarchies du Golfe, tout en critiquant les attaques d'Israël contre l'Iran, en sont en réalité plutôt satisfaites, car elles craignent beaucoup plus l'Iran qu'elles ne craignent Israël.

C'est là le point crucial : les États-Unis s'opposent au régime iranien non pas principalement en raison de sa nature ou de son idéologie – après tout, la monarchie saoudienne est encore plus répressive – mais en raison de la menace géopolitique qu'il représente.

Compte tenu de la situation actuelle à Gaza et en Cisjordanie, et alors que le gouvernement israélien poursuit ce que vous décrivez comme une politique de nettoyage ethnique, quel avenir reste-t-il au peuple palestinien ?

Si le gouvernement d'extrême-droite israélien n'avait pas procédé plus tôt à une expulsion massive des Palestiniens, c'est parce qu'il savait que cela provoquerait une condamnation internationale et serait probablement bloqué. Mais le 7 octobre lui a offert une opportunité, une chance de commencer à mettre en œuvre ce projet de toute sa force et à l'aide d'une violence extrême à Gaza, au moyen de ce qui est devenu une guerre génocidaire.

Ils ne peuvent pas encore expulser la population palestinienne de Gaza, car cela nécessite le feu vert des États-Unis. Même sous l'administration Trump, cela serait compliqué en raison des relations de Washington avec les États du Golfe, qui craignent l'effet hautement déstabilisateur qu'aurait une telle expulsion. L'influence pétrolière et financière de ces États reste cruciale non seulement sur le plan géopolitique, mais aussi pour les intérêts commerciaux personnels et familiaux de Trump.

Deux scénarios catastrophiques menacent désormais les Palestiniens. D'un côté, la perspective d'un nettoyage ethnique total, c'est-à-dire leur expulsion massive, qui marquerait le deuxième grand déplacement des Palestiniens hors de leur territoire depuis 1948. Une expulsion plus limitée de Cisjordanie a eu lieu en 1967, mais ce qui est aujourd'hui en jeu, c'est le déracinement de la plupart des Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie.

De l'autre côté, un scénario profondément inquiétant, mais considéré par certains comme un « moindre mal », est la création d'un semblant d'État palestinien, composé d'enclaves déconnectées en Cisjordanie et à Gaza. Le reste du territoire serait annexé par Israël, rempli de colons et de forces militaires. Cela fait déjà l'objet de discussions : l'administration Trump et Netanyahou seraient en train de négocier avec les Émirats arabes unis, le royaume saoudien et l'Égypte un accord qui permettrait à ces pays de gouverner temporairement les Gazaouis dans le cadre de ce prétendu « État » jusqu'à ce qu'une force palestinienne agissant par procuration d'Israël soit en mesure de les remplacer.

Bien sûr, cela ne serait pas une libération. Ce serait simplement une nouvelle façon d'organiser la prison à ciel ouvert dans laquelle les Palestiniens sont confinés depuis 1967 – une prison façonnée par l'occupation, qui serait dorénavant redéfinie pour apparaître comme un « règlement politique » tout en préservant les structures fondamentales de domination sous une forme très aggravée.

*

Cet entretien a été réalisé à l'origine pour le quotidien de gauche allemand ND. Réalisé en anglais, il a d'abord été publié sur le site Jacobin aux États-Unis. Il a été traduit de l'anglais par NL pour Inprecor.

Gilbert Achcar est professeur émérite à SOAS, Université de Londres. Ses ouvrages les plus récents sont La Nouvelle Guerre froide. États-Unis, Russie et Chine, du Kosovo à l'Ukraine et Gaza, génocide annoncé. Un tournant dans l'histoire mondiale.

Elias Feroz est écrivain indépendant. Il travaille entre autres sur le racisme, l'antisémitisme et l'islamophobie, ainsi que sur la politique et la culture de la mémoire.

Note

[1] Voir le texte de l'annoncefaite par le chef de la branche militaire du Hamas le matin de l'opération du 7 octobre.

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Le martyre de Charlie Kirk

23 septembre, par Chris Hedges — ,
L'assassinat de Charlie Kirk annonce une nouvelle étape mortelle dans la désintégration d'une Amérique du Nord divisée et fortement polarisée. Alors que des discours toxiques (…)

L'assassinat de Charlie Kirk annonce une nouvelle étape mortelle dans la désintégration d'une Amérique du Nord divisée et fortement polarisée. Alors que des discours toxiques et des avertissements menaçants sont lancés à travers les clivages culturels comme autant de grenades à main, débouchant parfois sur des violences réelles — notamment l'assassinat de Melissa Hortman, présidente émérite de la Chambre des représentants du Minnesota, et de son mari, ainsi que les deux tentatives d'assassinat contre Donald Trump —, le meurtre de Kirk est un autre signe avant-coureur d'une désintégration sociale à grande échelle.

14 septembre 2025 | tiré du site Entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/09/14/meurtre-de-charlie-kirk-deux-textes/

Son assassinat vient de fournir un martyr au mouvement qu'il représentait — une mouvance fondée sur le nationalisme chrétien.

Les martyrs sont le moteur des mouvements violents. Toute hésitation à recourir à la violence, tout propos appelant à la compassion ou à la compréhension, tout effort de médiation ou de discussion devient dénoncé comme une trahison envers le martyr et la cause pour laquelle il est mort.

Les martyrs sacralisent la violence. Ils sont utilisés pour renverser l'ordre moral. La dépravation devient moralité. Les atrocités deviennent héroïsme. Le crime devient justice. La haine devient vertu. La cupidité et le népotisme deviennent des vertus civiques. L'assassinat devient une bonne chose. La guerre est l'esthétique ultime. C'est ce qui nous attend.

« Nous devons faire preuve d'une détermination à toute épreuve », a déclaré le stratège politique hyper-conservateur Steve Bannon au cours de son émission « The War Room », en ajoutant : « Charlie Kirk est une victime de la guerre. Nous sommes en guerre dans ce pays. Nous le sommes. »

« S'ils ne nous laissent pas en paix, alors notre choix est de nous battre ou de mourir », a aussi écrit Elon Musk sur le réseau X.

« Toute la droite doit s'unir. Assez de ces querelles internes absurdes. Nous sommes confrontés à des forces démoniaques venues tout droit de l'enfer », a écrit le commentateur et auteur de droite Matt Walsh sur X. « Mettez de côté vos querelles personnelles. Ce n'est pas le moment. Il s'agit d'une question existentielle. Un combat pour notre propre existence et celle de notre pays. »

Le député républicain Clay Higgins a écrit qu'il utiliserait « l'autorité du Congrès et toute son influence auprès des grandes plateformes technologiques pour imposer l'interdiction immédiate et à vie de tout message ou commentaire favorable à l'assassinat de Charlie Kirk… ». Il a ajouté : « Je vais également m'attaquer à leurs licences commerciales et à leurs autorisations, leurs entreprises seront mises sur liste noire de manière agressive, ils devraient être expulsés de toutes les écoles et leurs permis de conduire devraient être révoqués. Je vais tout simplement annuler, avec un préjugé extrême, ces animaux malfaisants et malades qui ont célébré l'assassinat de Charlie Kirk. »

Le cofondateur de la méga-entreprise Palantir, Joe Lonsdale, a profité de la mort de Kirk pour plaider en faveur de la destruction de « l'alliance rouge-verte » des « communistes et islamistes » qui, selon lui, se sont unis pour détruire la civilisation occidentale. Il propose une application permettant aux citoyens de télécharger des photos de crimes et de sans-abri en échange de « réductions d'impôts fonciers ».

Le comédien d'extrême droite Sam Hyde, qui compte près d'un demi-million d'abonnés sur X, a écrit, en réponse à l'annonce par Trump de la mort de Kirk qu'il était « temps de faire votre putain de boulot et d'exercer votre pouvoir… si vous voulez être plus qu'une note de bas de page dans la section « Effondrement des États-Unis » des futurs livres d'histoire, c'est maintenant ou jamais ». Il tague en bas de son tweet des membres de l'administration et des entrepreneurs militaires privés.

L'acteur conservateur James Woods a lancé l'avertissement suivant : « Chers gauchistes : nous pouvons avoir une conversation ou une guerre civile. Un coup de feu de plus de votre part et vous n'aurez plus le choix. » Son tweet a été republié par près de 20 000 personnes, a été vu 4,9 millions de fois et a reçu plus de 96 000 likes.

Ce ne sont là que quelques exemples parmi le déluge de sentiments virulents partagés et applaudis par des dizaines de millions d'Américains.

La dépossession de la classe ouvrière, dont 30 millions de personnes ont été licenciées en raison de la désindustrialisation, a engendré la rage, le désespoir, le déracinement, l'aliénation et favorisé une pensée magique. Elle a alimenté des théories du complot, une soif de vengeance et la glorification de la violence comme remède à la décadence sociale et culturelle.

Les fascistes chrétiens — comme Kirk et Trump — ont habilement exploité ce désespoir. Ils ont attisé les braises. Le meurtre de Kirk va les enflammer.

Les dissidents, les artistes, les homosexuels, les intellectuels, les pauvres, les personnes vulnérables, les personnes de couleur, les sans-papiers ou ceux qui ne répètent pas aveuglément le credo d'un nationalisme chrétien perverti seront condamnés comme autant de contaminants humains à éliminer du corps politique. Ils deviendront, comme dans toutes les sociétés malades, des victimes sacrificielles dans une vaine tentative d'instituer un renouveau moral et de retrouver une gloire et une prospérité perdues.

La cannibalisation de la société, tentative futile de recréer une Amérique mythique, accélérera cette désintégration. L'ivresse de la violence – beaucoup de ceux qui ont réagi à l'assassinat de Kirk semblaient enthousiasmés par le bain de sang qui s'annonçait – s'auto-alimentera comme un incendie.

Le martyr est essentiel à cette nouvelle croisade, en l'occurrence débarrasser l'Amérique de ceux que Trump appelle la « gauche radicale ».

Les martyrs sont commémorés lors de cérémonies et d'actes de souvenir afin de rappeler aux adeptes la justesse de la cause et la perfidie de ceux qui sont tenus pour responsables de la mort du martyr. C'est ce qu'a fait Trump lorsqu'il a qualifié Kirk de « martyr de la vérité et de la liberté » dans un message vidéo diffusé le 10 septembre, en lui décernant la Médaille présidentielle de la liberté et en ordonnant que des drapeaux soient mis en berne jusqu'à dimanche. C'est pourquoi le cercueil de Kirk sera ramené à Phoenix, en Arizona, à bord de l'avion Air Force Two.

Kirk était un emblème de notre fascisme chrétien émergent. Il propageait notamment la théorie du Grand Remplacement, qui prétend que les libéraux ou « mondialistes » autorisent des immigrants de couleur à entrer dans le pays afin de remplacer les Blancs, déformant ainsi les tendances en matière d'immigration pour en faire un complot. Il était islamophobe, tweetant, entre autres accusations, « L'islam est l'épée que la gauche utilise pour trancher la gorge des États-Unis », et que cette religion n'était « pas compatible avec la civilisation occidentale ».

Lorsque la youtubeuse pour enfants Mme Rachel a déclaré « Jésus dit d'aimer Dieu et d'aimer son prochain comme soi-même », Kirk a rétorqué que « Satan a beaucoup cité les Écritures » et a ajouté « Au fait, Mme Rachel, vous devriez peut-être ouvrir votre Bible, dans une partie moins référencée du même passage des Écritures, dans Lévitique 18, il est écrit que si tu couches avec un autre homme, tu seras lapidé à mort ».

Il a exigé que nous abrogions la Loi américaine sur les droits civiques de 1964 et a dénigré les leaders du mouvement des droits civiques tels que Martin Luther King. Il s'est montré méprisant envers les Noirs : « Si j'ai affaire à une femme noire idiote à un service clientèle… je me demande si elle a ce poste en raison d'une discrimination positive ? » Il a déclaré que des « rôdeurs Noirs » s'en prenaient aux Blancs « pour le plaisir ». Il a accusé le mouvement Black Lives Matter de « détruire le tissu social de notre société ».

Kirk a soutenu que l'élection de 2020 avait été volée à Trump. Il a mis en place deux listes de cibles, la Professor Watchlist et la School Board Watchlist, dans le but de purger du monde de l'éducation les professeurs et les enseignants qu'il qualifiait de « gauchistes radicaux ». Il prônait la diffusion télévisée d'exécutions publiques, dont il estimait que le visionnement devrait être obligatoire pour les enfants.

L'idée qu'il défendait la liberté d'expression et la liberté est absurde. Il était l'ennemi de ces deux principes.

Kirk, qui était un fervent partisan du culte de Trump, incarnait l'hypermasculinité qui est au cœur des mouvements fascistes. C'était peut-être là son principal attrait pour les jeunes, en particulier les jeunes hommes blancs. Il soutenait l'existence d'une « guerre contre les hommes », fétichisait les armes à feu et vendait Trump à ses partisans comme un exemple d'hyper-virilité.

« On peut qualifier Donald Trump de bien des façons », a-t-il écrit, mais « Personne ne l'a jamais qualifié de féminin. Trump est un énorme doigt d'honneur adressé à tous les surveillantes de couloirs d'école qui hurlent contre des jeunes hommes simplement parce qu'ils existent. Il est un énorme ‘va te faire foutre' adressé à l'establishment féministe qui n'avait jamais été remis en question avant que Trump ne descende de son ascenseur doré. La plupart des médias ont raté ce développement. Les jeunes hommes, eux, ne l'ont pas raté. »

L'histoire nous enseigne ce qui va suivre. Ce ne sera pas agréable. Kirk, élevé au rang de martyr, donne à ceux qui cherchent à anéantir notre démocratie le droit de tuer, tout comme Kirk a été abattu. Ce meurtre mettra fin aux quelques contraintes qui existent encore pour nous protéger des abus de l'État et de la violence des justiciers auto-proclamés. Le nom et le visage de Kirk seront utilisés pour accélérer la route vers la tyrannie, ce qui est exactement ce qu'il aurait voulu.

Chris Hedges

« Cet article a été d'abord été publié sur mon Substack. Pour poursuivre mon travail de journalisme indépendant, je dépends de la générosité et du soutien de mes lecteurs et lectrices. Si vous souhaitez me soutenir directement, vous pouvez le faire à l'adresse suivante : http://chrishedges.substack.com.
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France : Après le succès de 18 septembre, ni supplique, ni routine, construire un mouvement conquérant

23 septembre, par Rob Grams — ,
Le 18 septembre a déjoué beaucoup de pronostics et a été un grand succès. Contrairement à ce que nous aurions pu imaginer il a été davantage suivi que le 10, malgré le peu (…)

Le 18 septembre a déjoué beaucoup de pronostics et a été un grand succès. Contrairement à ce que nous aurions pu imaginer il a été davantage suivi que le 10, malgré le peu d'entrain des directions syndicales. Il a rassemblé jusqu'à un million de manifestants et paralysé des secteurs clés comme les transports parisiens, à un niveau qu'on n'avait plus vu depuis 2019. Cette réussite est surtout celle des bases qui ont poussé à l'action. C'est déjà une leçon.

20 septembre 2025 | tiré de Frustrations

Le mouvement qui a débuté le 10 septembre n'a rien d'anecdotique. Il n'est ni une réplique des Gilets Jaunes ni un simple copier-coller de 2023. Il conjugue la massivité du mouvement de 2023 mais avec des formes d'action plus radicales : blocages, appel à des grèves régulières et reconductibles plutôt que des simples « journées saute-mouton ». Des leçons ont, semble-t-il, été tirées par la population, à contrario de l'intersyndicale qui reprend sa “stratégie” de la supplication auprès des macronistes et tente de dévitaliser le mouvement en ne faisant que “menacer” de nouvelles grèves.

Face à cela, le pouvoir macroniste ne répond que par la fuite en avant. La nomination de Lecornu à Matignon traduit l'incapacité de Macron à comprendre ce qu'il se passe. Comme si la crise politique, profondément structurelle, se réglait à coups de chaises musicales. Comme si les Français rejetaient Bayrou pour sa personnalité (certes très pénible) et ses casseroles personnelles, et non pour les politiques qu'il incarnait et poursuivait. La macronie, privée de base sociale, n'a aujourd'hui plus que deux ressources : l'appareil répressif et les combines institutionnelles.

Sur la répression, il est donc à craindre que celle-ci s'accentue. Cela a déjà commencé avec des dizaines de garde-à-vue, des manifestantes et manifestants tabassés et gazés. La présidence Macron a marqué un saut qualitatif dans la brutalisation des mouvements sociaux. Elle a atteint des niveaux inédits dans les “démocraties” européennes depuis plus de vingt ans (il faut probablement remonter à Gênes en 2001, où la police italienne avait réprimé avec une brutalité absolument inouïe la mobilisation contre le G8, pour trouver un niveau de violence comparable ou supérieur). Ce niveau de brutalisation n'est d'ailleurs plus complètement contrôlable : la police, extrême droitisée, a profité de la faiblesse du pouvoir pour gagner en autonomie (y compris politique) et en impunité (qui est désormais totale). Mais cette fois, les images passent. La vidéo de cette jeune femme tabassée à Marseille a circulé dans les médias, (eux-mêmes incapables de trouver la sempiternelle « violence des manifestants » à mettre en miroir), là où, pendant les Gilets jaunes, les violences policières avaient mis des mois à percer le mur médiatique.

De son côté, et sans surprise, le Rassemblement National s'est rangé dans le camp du patronat. Pas de soutien aux grèves ni aux blocages : l'extrême droite n'a rien à gagner à s'aventurer sur un terrain où ses thèmes de prédilection sont absents. Au moment des Gilets jaunes, le RN s'est retrouvé dans un grand écart impossible qui a contribué à marginaliser l'extrême droite au sein du mouvement. Comment vouloir incarner « l'ordre » et être un soutien indéfectible de la police et en même temps soutenir des mouvements qui appellent au blocage de l'économie, où le rapport de force peut parfois passer par des destructions matérielles, où les violences policières sont courantes ? Cette fois le RN ne s'y est pas risqué. Il a bien compris que le mieux pour lui était de rester relativement silencieux en espérant capitaliser un petit peu sur la détestation de Macron.

Ensuite le RN prépare 2027. Pour se faire il doit être accepté par des franges importantes du capital français pour incarner une succession crédible à Macron. Le RN est donc dans une entreprise de séduction du grand patronat, et se débrouille assez bien. Au-delà des célèbres milliardaires d'extrême droite (Bolloré, Sterin…) c'est le Medef, le syndicat patronal, qui lui déroule désormais le tapis rouge. On entendait récemment son ancien président dire qu'il craignait bien plus Mélenchon à Bardella. Mais tout cela implique de donner des gages. Jordan Bardella a déjà largement commencé à le faire en acceptant de « différer » (c'est-à-dire y renoncer) l'abrogation de la réforme des retraites s'il était nommé premier ministre dans le cadre de son accord avec Eric Ciotti. Ce refus de soutenir les manifestations va dans le même sens : il s'agit de ne pas effrayer le patronat que le RN est en train de draguer. Cela est d'ailleurs révélateur : le RN ne craint pas de perdre son électorat populaire en ne soutenant pas les mobilisations – ce qui souligne qu'il a bien compris que ce n'est pas son vague ouvriérisme et vernis social initié par Philippot qui mobilise son électorat mais bien la xénophobie.

Dans les faits, Le Pen n'a que peu à tirer des conséquences possibles d'une extension du mouvement si celle-ci se traduisait par des législatives ou une présidentielle anticipée. Une dissolution maintenant pourrait apporter au RN davantage de députés, mais c'est avant tout 2027 que le RN vise. Une démission anticipée ou une destitution de Macron ne ferait pas complètement ses affaires non plus car Le Pen a été rendue inéligible avec exécution provisoire et son procès en appel n'arrivera qu'en février 2026.

La gauche, cette fois, n'a pas raté le train. Frustration Magazine a fait partie des premiers médias classés « à gauche », avec d'autres (Contre Attaque, Cerveaux non disponibles…) à soutenir le mouvement. Initialement cela a été assez mal reçu par des segments de la gauche bourgeoise, qui nous ont harcelé sur les réseaux sociaux, en nous accusant de « soutenir des fascistes », d'être des « fascistes » nous même, des « confus », des « conspirationnistes »…car la presse mainstream leur avait dit que le mouvement était d'extrême droite et, parce que habitués à la passivité la plus totale, ils ne savent pas qu'un mouvement n'est jamais rien d'autre que ce qu'on en fait.

Mais assez vite les bases syndicales ont appelé au mouvement, suivi de près par la direction de l'intersyndicale qui a mollement convié à une journée de mobilisation le 18 septembre. Puis de LFI au PS, chacun a fini par reconnaître la force du mouvement, quand bien même avec frilosité et souvent par opportunisme. La peur de revivre l'erreur commise face aux Gilets Jaunes a pesé : difficile de s'opposer à une colère populaire aussi massivement exprimée, particulièrement quand celle-ci est fondée sur des questions de travail, économiques et sociales.

Toutefois la direction de l'intersyndicale a, sans vraiment de surprise, repris sa routine de 2023, et tente de temporiser le mouvement au maximum ce qui revient à le démoraliser et à l'impuissanter. Dans mon entretien avec Alessi Dell'Umbria, celui-ci revenait sur la notion de “racket”, lorsque des bureaucrates s'érigent en représentants d'une catégorie de la population puis finissent très vite par avoir des intérêts divergents de celle-ci en vivotant sur le dos de l'organisation. Il en voyait un exemple avec le mouvement contre la réforme des retraites de 2023 : “Alors le mouvement contre la réforme des retraites, c'est vraiment l'illustration la plus éclatante de l'impuissance organisée par les bureaucraties syndicales. Une participation énorme aux manifestations, comme on n'en avait plus vu depuis longtemps, même lors de la mobilisation contre la Loi Travail au printemps 2016, avec des sondages assurant le soutien des trois quarts de la population, bref les conditions subjectives étaient réunies. Et ça a débouché sur quoi ?….(…) Les syndicats sont là pour mettre en scène la protestation, et une fois la représentation terminée, en fin de parcours, dispersion et tout le monde rentre chez soi.”

Il y a donc un enjeu fort à ne pas attendre les directives de la direction de l'intersyndicale (plein de syndiqués sont aussi révoltés par cette captation bureaucratique) qui est, de facto, dans un rapport de complicité avec le pouvoir et dans un syndicalisme complètement apolitique (comme si l'on pouvait traiter avec Lecornu…). Nous sommes très nombreuses et nombreux, déterminés, il est donc impératif ne pas se laisser embarquer dans la spirale infinie de loose dans laquelle des bureaucrates mollassons et nuls tentent de nous enfermer. Pour se faire, une seule solution : rejoindre les collectifs du 10 septembre, les AG des entreprises ou des quartiers, s'allier avec les bases syndicales. Il faut certes s'organiser, mais en refusant la verticalité et la bureaucratisation qui font le nid de la trahison et de la corruption.

Reste la question : que veut-on gagner ? Défendre, oui : obtenir le retrait total des mesures d'austérité. Mais surtout conquérir. Car faire grève, bloquer, perdre des journées de salaire ne se fait pas seulement « contre », mais pour quelque chose de positif. Pour la retraite à 60 ans (plutôt qu'une simple “abrogation” de la dernière réforme). Pour des augmentations substantielles de salaires et du smic, et pour l'indexation sur l'inflation. Pour la réduction du temps de travail. Pour une démocratie réelle. Voilà des pistes concrètes.

Le départ de Macron est à double tranchant. Si celui-ci n'est qu'une résolution institutionnelle d'une crise pourtant structurelle, qui n'aboutit qu'à l'élection d'un nouveau macroniste pour « faire barrage » ou bien d'un lepéniste, cela n'aura aucun effet positif pour notre camp social. Si toutefois cela signifiait la fin de la Ve République, cela serait très intéressant. Si des mesures d'austérité entraînent le départ d'un gouvernement puis d'un président, et même la fin d'un régime, cela laissera une trace forte, un traumatisme pour les capitalistes en France et en Europe. Et les politiciens hésiteront à deux fois avant s'y lancer trop frontalement. Depuis dix ans, la France connaît une conflictualité de classe que nos voisins européens nous envient souvent, mais qui s'est traduite par peu de victoires. Pour que notre camp social retrouve confiance en lui-même, il faut transformer la colère en victoire. La puissance est là. La stratégie aussi : paralyser l'économie par des grèves reconductibles, partout mais en particulier dans les secteurs stratégiques, associées à des blocages sous d'autres formes. Il est évident que le mouvement agrège des contestations de secteurs pluriels et de différents types et il ne s'agit pas d'avoir un mot d'ordre unique, mais l'important est que celui-ci s'affirme comme conquérant. Espérons continuer dans cette voie.

Cet édito est largement adapté de la discussion de Rob Grams avec le journaliste italien Stefano Minisgallo, disponible ici

Rob Grams

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La construction de l’autre à l’Assemblée nationale : Liste détaillée

23 septembre, par Alexandre Dumas — , ,
En novembre 2024, le député solidaire de Maurice-Richard, Haroun Bouazzi, a créé une polémique en affirmant qu'il voyait tous les jours la « construction de l'autre » à (…)

En novembre 2024, le député solidaire de Maurice-Richard, Haroun Bouazzi, a créé une polémique en affirmant qu'il voyait tous les jours la « construction de l'autre » à l'Assemblée nationale. Il faisait référence entre autres à cette fâcheuse tendance de nos politiciens prétendument nationalistes à pointer du doigt l'immigrant pour tous les problèmes du Québec. La classe médiatique et politique s'est empressé de dénoncer ses paroles et de l'accuser de traiter tout le Québec de raciste. Je vous présente ici une liste des déclarations qu'on peut selon moi associer à cette « construction de l'autre » depuis la campagne électorale de 2022. Cette liste sera mise à jour.

17 septembre 2025 | tiré du site d'Alexandre Dumas

Paul St-Pierre Plamondon 25-26 janvier 2023 Contexte : Le Parti québécois demande que le chemin Roxham soit fermé

Déclaration : « On est les seuls à être à la recherche d'un modèle durable afin de faire en sorte qu'on évite ce qu'on voit ailleurs dans le monde en ce moment : la montée des extrêmes », a affirmé le chef péquiste en point de presse en marge du caucus présessionnel de son parti.

Paul St-Pierre Plamondon cite en exemple des pays comme le Danemark, la Suède, la Hongrie, la France ou encore l'Angleterre.

Le Parti québécois demande que le chemin Roxham soit fermé. « Si on compte l'immigration temporaire, la situation à Roxham, qui est en progression, et on prend les seuils actuels, nous, on constate le déclin du français, l'incapacité à loger tout le monde et l'incapacité à offrir des services. Donc, on est à la recherche d'un modèle qui soit plus durable, plus rassurant, plus garant de notre paix sociale et de la qualité des services également », a dit le chef de la formation indépendantiste.

« Supposons qu'on atteint les 100 000, puis ensuite on atteint les 200 000 entrées irrégulières. 95 % d'entre elles au Québec seulement, il faut visualiser l'impact », a-t-il ajouté.

« Ça va exacerber des insatisfactions »

(…)

Le chef péquiste croit que si on n'agit pas, il y aura des conséquences.

« Un modèle dans le cadre duquel le français est condamné à reculer, qu'on est en crise de logement exacerbée et que certaines familles ne peuvent même pas se loger et dans lequel on n'arrive plus à fournir des services à la population, ça va exacerber des insatisfactions », a-t-il dit.

« Si on fait l'erreur de ne pas trouver des modèles durables, ça aura des conséquences sur certaines parties de l'électorat qui vont décider de prendre les choses d'une autre manière », a ajouté le chef péquiste.

Le PQ veut baisser les seuils d'immigration à 35 000 personnes par année. Ils sont actuellement fixés à 50 000.

(…)

Paul St-Pierre Plamondon persiste et signe : le Québec met bel et bien en jeu, selon lui, sa « paix sociale » s'il poursuit sur sa lancée en immigration.

Le chef péquiste est revenu sur ses propos tenus la veille en marge du caucus de son parti, où il avait affirmé qu'une arrivée massive de demandeurs d'asile irréguliers, comme ceux qui entrent par le chemin Roxham, pourrait être favorable à la montée des extrêmes, citant des pays comme la Hongrie et la France.

Lorsque l'immigration n'est pas planifiée, surtout lorsqu'il n'y a pas de critères de sélection comme c'est le cas à Roxham, et que le nombre de personnes accueillies […] excède largement la capacité de loger, de nourrir les gens qui n'ont pas de permis de travail, ça a un impact sur la société d'accueil, a soutenu jeudi M. St-Pierre Plamondon à l'émission Tout un matin, sur les ondes d'ICI Première.

Ce que je constate, c'est que, dans les autres pays dans le monde qui ont raté cette planification [de l'immigration], ça a des conséquences sur leur tissu social, sur leur paix sociale.

S'il n'a pas précisé sa conception des extrêmes, le chef du Parti québécois a laissé entendre qu'il craignait une montée de l'extrême droite causée par une gestion chaotique de l'immigration.

Source : https://www.lesoleil.com/2023/01/25/immigration-le-pq-veut-etre-un-rempart-contre-les-extremes-b60a16c4ee6ba554d151519515633b42/

Source : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1951403/parti-quebecois-chef-migrant-chemin-roxham-frontiere

9 mai 2023

Auteur : Paul St-Pierre Plamondon

Contexte : La CAQ a retiré de son programme la volonté d'obtenir pour le Québec les pleins pouvoirs en immigration.

Déclaration : « Vous savez qu'en fin de semaine, la CAQ a retiré de son programme la volonté de rapatrier les pouvoirs en immigration. Donc désormais il faut comprendre que la CAQ n'a plus cette prétention-là. Dans quel cas, je veux savoir de notre premier ministre : Si vous n'êtes plus pour obtenir les pleins pouvoirs en immigration et que votre engagement envers le Canada est absolu et éternel, j'aimerais que vous nous disiez si vous optez pour l'affaiblissement, voire la disparition, à long terme, du français dans le Canada ? »

Source : https://www.assnat.qc.ca/fr/actualites-salle-presse/conferences-points-presse/ConferencePointPresse-88437.html

17 janvier 2024

Auteur : Paul St-Pierre Plamondon

Contexte : Les économistes Stéphane Marion et Alexandra Ducharme affirment que le Canada est tombé dans un piège démographique puisque la construction de logements ne suit pas l'augmentation de la population.

Déclaration : « On ment éhontément à la population. Les économistes disent que la hausse des seuils n'est pas une solution, n'a pas d'impact sur la pénurie de main d'œuvre. Et lorsque le ministre Marc Miller dit qu'il n'y a pas de problème parce que chaque immigrant va bâtir lui-même sa maison, c'est vraiment du délire. C'est une dérive idéologique qui a des conséquences réelles. C'est-à-dire que l'itinérance monte en flèche aux quatre coins du Québec, les logements ne sont plus abordables et il y a des conséquences sociales, l'appauvrissement des ménages parce que les loyers augmentent de manière incontrôlée. Tout ça pour des faussetés. Pour un courant idéologique. »

Source : https://www.youtube.com/watch?v=qGAIjkC515s

31 janvier 2024

Contexte : Débat à RDI entre les chefs de parti excepté François Legault.

Déclarations : « Si on ne réduit pas les travailleurs temporaires, les demandeurs d'asile et les étudiants étrangers, on arrivera jamais à un équilibre et cette crise du logement, mais aussi la crise sur notre capacité à livrer des services et à intégrer en français, vont se poursuivre. » Le chef intérimaire du Parti libéral, Marc Tanguay, lui demande alors s'il trouve qu'il y a trop de travailleurs temporaires au Québec et qu'il aimerait en voir quitter. « Par définition, un visa temporaire, c'est quelqu'un qui arrive et qui quitte. Et donc ça vient avec la définition de travailleur avec un visa temporaire. Si le simple fait d'arriver sur le territoire donne un statut de permanent, peu importe par quel chemin, peu importe si on remplit les critères ou non, ça crée un chaos. »

Source : https://lactualite.com/actualites/il-faut-moins-dimmigrants-temporaires-au-quebec-clame-paul-st-pierre-plamondon/

20 août 2024

Contexte : PSPP réagit à l'annonce du gouvernement du Québec d'imposer un moratoire de six mois sur l'émission de permis pour les travailleurs étrangers temporaires.

Déclaration : « Ça témoigne du fait que [François Legault] est complètement dépassé par la situation en matière d'immigration. Il est impuissant vis-à-vis le fédéral. Et ce n'est pas des mesures en surface et aussi pointues qui vont renverser une tendance qui est très lourde. C'est un petit pas, mais on n'est plus à l'époque des petits pas. On est au moment de prendre des mesures très fermes pour renverser une situation qui est intenable, de son propre aveu. En guise de réponse, le Parti québécois présentera d'ici octobre « un plan de réduction drastique et substantielle » de l'immigration temporaire et permanente. Le projet péquiste touchera « toutes les catégories de manière à ce que la crise du logement se résorbe, qu'on retrouve un équilibre », a-t-il dit. M. St-Pierre Plamondon n'a pas voulu étayer ce que signifie pour lui une « réduction drastique ».

« Attendez-vous à un contraste très, très important entre les mesurettes de la CAQ et la procrastination de la CAQ, d'une part, et notre volonté de ramener le modèle à quelque chose de durable et viable, c'est-à-dire un modèle qui correspond à notre capacité d'intégrer en français, de donner des services équitables à tout le monde et de donner un toit à tout le monde », a-t-il résumé.

Source : https://www.assnat.qc.ca/fr/actualites-salle-presse/conferences-points-presse/ConferencePointPresse-95089.html

https://ici.radio-canada.ca/rci/fr/nouvelle/2098148/immigration-quebec-ptet-etudiants-etrangers

10 septembre 2024

Contexte : Un stagiaire en enseignement est la victime d'horribles commentaires haineux de la part de certains de ses élèves, la plupart visant son orientation sexuelle.

Déclaration : « Cette situation soulève la question du communautarisme religieux et de l'incapacité de nos écoles à intégrer une partie des nouveaux arrivants à la société québécoise. Lors de l'entrevue au 98,5, l'animateur Patrick Lagacé a demandé si le caractère multiethnique de la classe en question avait pu jouer dans la banalisation de ce genre de geste. C'est une question qui est, je le conçois, très délicate. On doit l'aborder avec toute la responsabilité qui nous incombe et les mots justes. Mais on doit l'aborder. Est-ce que le rapport à l'homosexualité qu'ont des membres de certaines communautés, dans le contexte d'une salle de classe issue à 90% de l'immigration, a pu jouer dans un cas comme celui-ci ? (…) L'incapacité de plus en plus grande du Québec à intégrer par l'école est un réel sujet qui devrait tous nous préoccuper collectivement. Sans intégration, nous assisterons à la désintégration du contrat social québécois axé sur la paix sociale, ainsi que de notre culture québécoise, cette même culture paisible et respectueuse qui fait du Québec une terre d'accueil si attirante. Il ne s'agit pas ici de blâmer qui que ce soit ou de trouver des coupables, mais plutôt de faire des constats difficiles mais nécessaires, qui nous permettront d'avancer et de trouver des politiques publiques capables de recréer une mixité et une intégration dans les valeurs partagées de notre société. L'un des mandats fondamentaux de l'école est de former des citoyens. L'école québécoise ne doit plus uniquement viser à transmettre la maîtrise du français, elle doit aussi viser à transmettre la culture québécoise, notre vision du monde et notre façon de participer et de le façonner. Et surtout de transmettre une citoyenneté qui garantit une place, la sécurité et le respect de tous et chacun. »

(Bref, oui il y a de l'homophobie au Québec, mais c'est surtout la faute des immigrants.)

Source : https://x.com/PaulPlamondon/status/1833658356692660438

28 octobre 2024

Contexte : Conférence de presse à l'Assemblée nationale. Le Parti québécois présente son plan en matière d'immigration.

Déclaration : « Donc, on va se concentrer sur le fait de régler des crises qui ont une influence négative sur le taux de natalité au niveau du logement, des services. Notre réflexion peut peut-être aller plus loin dans le programme de 2026, mais c'est relié, parce que si nos seuils d'immigration sont trop élevés, il n'y a pas de logement, le logement coûte très cher, les gens sont étouffés au niveau du paiement de leur hypothèque et du loyer, est-ce qu'ils vont prendre la décision d'avoir un enfant ou un enfant de plus ? Les deux sont reliés. »

https://www.assnat.qc.ca/fr/actualites-salle-presse/conferences-points-presse/ConferencePointPresse-96273.html

6 janvier 2025

Contexte : Paul St-Pierre Plamondon dresse un bilan du gouvernement Trudeau sur sa page Facebook.

Déclaration : « Immigration incontrôlée créant la pire crise du logement et des services depuis des décennies. »

Source : https://www.facebook.com/share/p/1ZNUbAeDaQ/

8 avril 2025

Auteur : Paul St-Pierre Plamondon

Contexte : Point de presse pendant la campagne électorale fédérale pour demander de fermer les frontières aux Américains qui tentent de fuir leur pays depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump.

Déclaration : « Au Québec, le nombre de demandes d'asile en provenance des États-Unis a triplé depuis l'arrivée de Donald Trump, et, comme je vous le disais en novembre dernier, c'est probablement juste le commencement, la pointe de l'iceberg d'un phénomène qui va être beaucoup plus grand et qui vise des millions de personnes. J'en ai parlé en novembre dernier pour dire : Il faut surveiller ça. Et je réitère, là, le Québec est un endroit accueillant, respectueux, mais la crise du logement, l'impact sur les services et le recul du français n'est plus un débat au Québec. »

« Parce que si vous pensez que Roxham… si vous pensez que Roxham, c'était du sabotage, ce qui s'en vient, compte tenu, là, des millions de personnes qui sont en jeu avec les politiques de Donald Trump, ce qui s'en vient est peut-être encore beaucoup plus gros que ce qu'on a connu sur Roxham. »

Source : https://www.assnat.qc.ca/fr/actualites-salle-presse/conferences-points-presse/ConferencePointPresse-99185.html

3 juin 2025

Contexte : Point de presse pour commenter la première rencontre entre François Legault et Mark Carney.

Déclaration : « On est rendus, au Québec, seulement pour les quatre premiers mois de l'année à 14 000 demandeurs d'asile. Et, ça, c'est une des catégories en immigration. Mais ça veut dire que, pendant que le gouvernement prépare un document où est-ce qu'on va nous dire que les seuils sont maintenant à 30 000, 35 000, 40 000, dans les faits, on continue à accueillir nettement plus de personnes. Et on n'a aucun contrôle là-dessus. La CAQ a littéralement perdu le contrôle sur le nombre de personnes qu'on accueille au Québec. Peu importe ce qu'il dit par après, ça ne correspond pas à la réalité.

Donc, juste pour vous donner une impression, là, au mois d'avril, on parle de 2 875 entrées à Lacolle, c'était 654 l'année dernière. On est pas mal, donc, dans des chiffres qui ressemblent à l'époque de Roxham. Donc, on est vraiment dans un délire idéologique, et la CAQ choisit de se fermer les yeux.

Donc, je vous parle de ça parce qu'on a un François Legault tout sourire hier, il se rend à sa première rencontre avec Mark Carney, et moi, je lui avais demandé : Allez vous demander les pleins pouvoirs en immigration, là ? C'est une question de survie de la nation, de louisianisation. Allez-vous le faire ? Moi, je n'ai pas entendu parler de ce sujet-là. J'ai entendu parler seulement d'économie. Or, qu'en est-il de l'économie du Canada depuis 10 ans ? Ça, c'est le tableau de la croissance économique per capita du Canada de 2015 à 2024. Vous avez de la misère à le voir dans le fond, là, mais la croissance économique du Canada, là, elle est ici, elle est minuscule. Et, ce matin, là, notamment, le National Post, mais d'autres médias rapportent le rapport de l'OCDE, qui est très clair : la croissance économique du Canada, dans les 10 dernières années, est minuscule, en raison d'un choc démographique, ce qu'on appelle…

Dans notre document sur l'immigration, on vous a donné plusieurs études qui parlent d'un piège démographique. C'est-à-dire que, si on impose une hausse de l'immigration trop forte, trop soudaine, ça crée une crise du logement, ça crée beaucoup de ressources en adaptation, et ultimement, donc, ça crée une stagnation de la création de richesse. Donc, de voir… puis vous avez vu mes tableaux des dernières fois, là… donc, on a connu une hausse incroyable du prix du logement. Pourquoi ? Parce que la population du Canada explose, par rapport à n'importe quel autre pays de l'OCDE.

Et je vous parle de ça donc, parce qu'on doit constater que d'une part, ce sont des discussions très, très hypothétiques, avec lesquelles je n'ai aucun problème, là… Parler d'économie, c'est correct. Mais passer à côté du principal sujet, du principal aspect problématique de l'économie canadienne depuis 10 ans, selon le rapport de l'OCDE, et omettre son engagement, comme premier ministre, de demander les pleins pouvoirs en immigration, parce que François Legault sait ce qu'il va lui arriver, c'est-à-dire un autre refus, je trouve ça irresponsable.

Donc, j'aimerais rappeler à nouveau que le sabotage de notre modèle d'immigration, qui fonctionnait, c'est un sabotage qui vient du fédéral. J'aimerais rappeler que jamais on n'aura vu un premier ministre perdre le contrôle sur l'immigration que François Legault. Et j'aimerais rappeler que, pour tous les Québécois, incluant les Québécois issus de l'immigration, personne n'a intérêt à être dans un modèle où la crise du logement s'exacerbe, continue de… à croître, où on n'est plus capables de livrer les services, et où le français recule de manière spectaculaire, comme vous pouvez le voir à nouveau avec les plaintes à l'Office québécois de la langue française. Donc, personne n'a intérêt à ça.

Et on ne peut pas accueillir des centaines de milliers… Il y aurait peut-être des millions de personnes qui veulent venir au Québec, du jour au lendemain, et qui ont des bonnes raisons, mais il y a… à un moment donné, il va falloir se pencher sur un modèle durable, en fonction de notre capacité d'accueil, parce que tout ça ne fonctionne pas. Et je pense que, malheureusement, François Legault joue à l'autruche. »

Source : https://www.assnat.qc.ca/fr/actualites-salle-presse/conferences-points-presse/ConferencePointPresse-100403.html

30 juillet 2025

Contexte : PSPP réagit à un reportage du Journal de Montréal qui établit que le tiers des homicides survenus au Québec en 2024 implique des jeunes de 21 ans et moins.

Déclaration : « Oui, c'est lié à des changements démographiques, on ne peut pas le nier. On assiste à l'émergence de groupes criminels nouveaux qui amènent au Québec des techniques de criminalité plus agressives pour lesquelles, à l'évidence, on est mal adaptés. Il y a 20 ans, avant les changements démographiques générés par l'immigration, on n'aurait jamais pensé que des groupes criminels puissent être aussi agressifs dans l'identification de jeunes, dès l'âge de 12-13 ans, pour les amener à des criminels actifs capables de meurtres à l'âge de 16 ans. Il faut prendre acte. On sous-estime, à l'échelle du Québec, la gravité de ce que ça peut entraîner, cette inaction-là. On connaît des cas, en Europe, de villes où on a perdu le contrôle de certaines parties de la ville en raison d'une ghettoïsation et d'une infiltration du crime organisé. »

Source : https://www.journaldequebec.com/2025/07/30/criminalite-chez-les-jeunes–une-violence-liee-a-limmigration-dit-pspp

14 septembre 2025

Contexte : Le Parti québécois a publié une publicité critiquant le nombre de demandeurs d'asile « imposé » par « le Canada ». La publicité a été dénoncée comme trompeuse par plusieurs personnes, dont Louise Harel et Pierre Céré. Le 14 septembre 2025, Paul St-Pierre Plamondon publie un texte pour justifier la publicité.

Déclaration : « Rappelons que le Québec avait une planification de l'immigration qui fonctionnait très bien avant que le gouvernement fédéral, sous Trudeau, ne vienne la saboter. Rappelons également que les Québécois issus de l'immigration, comme tous les autres Québécois, n'ont pas plus d'intérêt que les autres à vivre dans une crise perpétuelle et aiguë du logement, ni à subir un recul des services publics ou encore du climat social, simplement pour plaire à quelques idéologues de la gauche radicale ou du gouvernement fédéral. »

Source : https://www.facebook.com/share/p/168N8QoXWz/

18 septembre 2025

Contexte : Paul St-Pierre Plamondon publie une vidéo dans laquelle il réplique à ses critiques sur le sujet de l'immigration

Déclaration : « Et c'est absolument faux d'affirmer que les Québécois issus de l'immigration ont des intérêts divergents de l'ensemble des Québécois, notamment sur la question fondamentale de la crise du logement, qui découle directement d'une immigration incontrôlée durant les dernières années. Les Québécois issus de l'immigration n'ont pas intérêt à ce que leur loyer, leur hypothèque soit désormais inabordable, parce qu'on a créé de toute pièce une crise du logement en accueillant un nombre de personnes beaucoup plus grand que notre capacité à faire des nouveaux logements durant la même année. Ce qui a créé évidemment un débalancement entre l'offre et la demande. Ils n'ont pas intérêt à ce que leurs enfants n'aient pas les moyens de s'acheter une première maison comme on voit en ce moment. Exactement comme l'ensemble des Québécois, les Québécois issus de l'immigration n'ont pas intérêt non plus à une dégradation des services publics comme la santé et l'éducation, même chose lorsqu'on parle de l'enjeu du climat social, personne n'a intérêt à ce qu'il se dégrade comme on le voit notamment en ce moment en Europe, en raison justement de dérives idéologiques qui ont mené à l'absence complète de planification entourant les questions d'immigration et d'intégration. »

Source : https://www.facebook.com/share/v/1DS3cRC7hD/

François Legault

7 septembre 2022
Contexte : Le gouvernement fédéral veut augmenter les seuils d'immigration. Pendant la campagne électorale québécoise de 2022, François Legault fait un point de presse pour dénoncer cette décision.

Déclaration : « Les Québécois sont pacifiques, ils n'aiment pas la chicane, ils n'aiment pas les extrémistes, ils n'aiment pas la violence, donc il faut s'assurer qu'on garde ça comme c'est là actuellement, a-t-il notamment répondu. On a quand même des valeurs et on a parlé beaucoup de laïcité dans les dernières années ; c'en est une des valeurs, aussi le respect. Il y a une façon de vivre chez nous et on veut la garder. »

Justification : Le lendemain, Legault s'est dit désolé « si ses propos ont porté à confusion ». Évidemment. Ce ne sont pas ses mots qui étaient mal choisis, c'est nous qui avons mal compris. Il a ajouté que « l'immigration est une richesse pour le Québec ». Mais c'était pour mieux en rajouter quelques jours plus tard.

Source : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1911823/francois-legault-immigrants-violence-extremistes-elections

11 septembre 2022

Contexte : François Legault s'adresse à un rassemblement militant à Drummondville. Il réagit aux propositions du Parti libéral du Québec et de Québec solidaire, qui proposent d'augmenter les seuils d'immigration.

Déclaration : « J'ai essayé d'expliquer pourquoi les Québécois se sont serré les coudes pendant la pandémie. C'est parce qu'on est un peuple, une nation qui est tissée serré. Et puis au cœur de cette nation, il y a le français. Et là, il y a une certaine urgence. On a vu dans les études qui ont été déposées dernièrement qu'il y a un déclin du français. C'est important de garder cette cohésion nationale, de défendre le français, d'arrêter le déclin du français. C'est comme mathématique. Si on veut arrêter le déclin pendant un certain temps, il faut mieux intégrer les nouveaux arrivants au français. »

Source : https://www.lapresse.ca/elections-quebecoises/2022-09-11/immigration-non-francophone/une-possible-menace-a-la-cohesion-nationale-selon-legault.php

28 septembre 2022

Contexte : François Legault s'adresse à la Chambre de Commerce de Montréal pendant la campagne électorale. La Chambre de Commerce demande au gouvernement de hausser les seuils d'immigration.

Déclaration : « Des gens disent : où vous avez pris ça, la capacité d'intégration ? Bien, les chiffres sont clairs. Il y a un déclin du français. Si on garde la même recette, ça va donner le même gâteau. Si je suis réélu, le seuil d'immigration va rester à 50 000, mais on va être plus exigeant sur la connaissance du français. On va essayer d'envoyer un plus grand pourcentage dans les régions francophones, ça va aider. Mais tant qu'on n'aura pas stoppé le déclin du français, je pense que pour la nation québécoise qui veut protéger le français, ça serait un peu suicidaire d'aller augmenter les seuils. »

Justification : François Legault dit avoir été ovationné par la foule venue l'entendre. Il ne croit pas avoir à s'excuser pour ce qu'il a dit.

https://www.lapresse.ca/elections-quebecoises/2022-09-28/propos-sur-les-immigrants/boulet-s-est-disqualifie-affirme-legault.php

10 juin 2024

Contexte : Le gouvernement fédéral offre 750 millions $ à Québec pour compenser les coûts reliés à l'accueil des demandeurs d'asile alors que Québec demandait un milliard.

Déclaration : « Le gouvernement fédéral doit comprendre que c'est urgent de réduire le nombre d'immigrants temporaires au Québec, si on veut que les Québécois puissent se loger, que nos enfants aient accès à des enseignants qualifiés, pour que nos malades soient soignés et pour que le déclin français soit inversé. »

« On a actuellement une explosion du nombre d'immigrants temporaires. Ça amène des problèmes importants dans le logement, dans les services publics, l'éducation, la santé, l'avenir du français en particulier à Montréal. (…) Donc on voit que 100% du problème du logement vient de l'augmentation du nombre d'immigrants temporaires. (…) Le tiers du problème de pénurie de personnel qu'on vit en santé vient des 560 000 immigrants temporaires. (…) La moitié du manque d'enseignants qualifiés au Québec vient de la présence des immigrants temporaires. (…) Le tiers des immigrants temporaires ne parlent pas français. Ils sont surtout situés à Montréal. Donc ça amène un déclin du français au Québec, en particulier à Montréal. »

Source :

https://www.journaldequebec.com/2024/06/10/demandeurs-dasile—ottawa-versera-750-m-a-quebec

2 octobre 2024

Contexte : François Legault demande au gouvernement fédéral de réduire de moitié le nombre de demandeurs d'asile sur le territoire québécois, quitte à les déplacer de force.

Déclaration : « Il faut trouver le moyen de répartir les demandeurs d'asile de façon plus équitable, a réitéré le premier ministre. Parce qu'actuellement, tout ce qui est proposé par le gouvernement fédéral, c'est sur une base volontaire par les demandeurs d'asile et sur une base volontaire par les autres provinces. Nous, ce qu'on veut, c'est [que] la moitié des demandeurs d'asile qui sont actuellement au Québec [soient] transférés dans d'autres provinces, a-t-il mentionné. Ce n'est pas logique qu'on ait reçu 45 % des demandeurs d'asile, alors que le Québec représente 22 % de la population canadienne. (…) Moi, ce que je veux, c'est qu'il y ait des résultats, a-t-il poursuivi. Alors oui, ça devrait être obligatoire. Mais c'est au gouvernement fédéral de gérer ça. »

Source : https://www.lapresse.ca/actualites/politique/2024-10-02/mission-en-france/legault-veut-obliger-la-moitie-des-demandeurs-d-asile-a-quitter-le-quebec.php

6 décembre 2024

Contexte : Bilan de fin de session

Déclaration : « Je veux aujourd'hui envoyer un message très clair aux islamistes. Les valeurs fondamentales qu'on a au Québec, comme la laïcité, comme l'égalité hommes-femmes… Eh bien, on va se battre, puis jamais, jamais on ne va accepter que des personnes essaient de ne pas respecter les valeurs qui sont fondamentales au Québec. (…)[Le fait] de voir des gens qui prient dans les rues, dans des parcs publics, ce n'est pas quelque chose qu'on souhaite au Québec. Quand on veut prier, on va dans une église, on va dans une mosquée, mais pas dans des lieux publics. »

Source : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2124921/projet-loi-renforcement-laicite-ecole-quebec

10 mars 2025

Contexte : François Legault demande au nouveau premier ministre du Canada, Mark Carney, de diminuer l'immigration temporaire.

Déclaration : « On le sait, on a excédé notre capacité d'intégration en immigration au Québec », a indiqué François Legault, lors d'une conférence de presse tenue à Terrebonne en soutien à son candidat à l'élection partielle dans la circonscription, Alex Gagné.

« M. Trudeau a perdu le contrôle du nombre d'immigrants », a-t-il accusé, en ajoutant qu'il exigera à Pierre Poilievre et Mark Carney de remédier à la situation.

Réduire le nombre d'immigrants temporaire dans la province s'avère notamment essentiel dans un contexte de « manque de logements » et pour assurer la « protection du français ». « On a des difficultés à répondre aux besoins pour les classes en éducation, et on a de la difficulté à trouver du personnel en santé », a-t-il ajouté, pour justifier sa position.

Source : https://www.lapresse.ca/actualites/politique/2025-03-10/elections-federales/legault-demande-a-carney-de-reduire-l-immigration-temporaire.php

Bernard Drainville

24 janvier 2024
Contexte : Caucus présessionnel des élus caquistes.

Déclarations : « S'il vous plaît, Monsieur Trudeau, on a atteint la limite, là. On est effectivement au point de rupture. Alors, le bar ouvert en immigration, arrêtez ça là, parce que nous autres, en éducation, on manque de profs, puis on manque de locaux. On travaille très fort sur des solutions. Il faudrait que M. Trudeau nous aide un petit peu. »

Source : https://www.ledevoir.com/politique/quebec/805887/drainville-met-garde-trudeau-rupture-education-cause-immigration?utm_source=recirculation&utm_medium=hyperlien&utm_campaign=corps_texte

20 février 2024

Contexte : Point de presse des ministres pour demander au gouvernement fédéral de limiter l'arrivée des demandeurs d'asile au Québec.

Déclarations :

Christine Fréchette : « Il faut également que le fédéral réduise l'afflux des demandeurs d'asile en resserrant rapidement la politique canadienne d'octroi des visas. Il doit fermer toute brèche qui permettrait à des groupes criminels de s'infiltrer au Canada. Et également, il doit rembourser au Québec l'ensemble des sommes encourues pour l'accueil des demandeurs d'asile. »

Bernard Drainville : « La situation qu'Ottawa laisse perdurer depuis des années a un impact pas juste sur le personnel enseignant et sur les locaux, elle a un impact aussi sur les professionnels de l'éducation, les orthophonistes, les orthopédagogues, les psychologues, les psychoéducateurs, les éducatrices, le transport scolaire. Le fédéral n'en fait pas assez. Puis ce n'est pas juste une question d'argent. C'est important de le dire. Le montant qu'il nous donne pour couvrir ce que ça nous coûte ici, au Québec, est ridicule. Ça, c'est un fait. Ils ne nous donnent pas l'argent qui couvre les coûts de services. Mais ce n'est pas seulement une question d'argent. Parce que, rendus à la situation où on est présentement, on s'approche d'un point où nous n'arriverons plus à fournir les services aux personnes qui sont déjà sur le territoire québécois parce que nos ressources doivent se partager entre un nombre grandissant d'enfants. »

Chantal Rouleau : « L'augmentation incontrôlée du nombre de demandeurs d'asile sur le programme d'aide sociale nous conduit droit dans le mur. Le gouvernement de la Coalition avenir Québec, le gouvernement de la CAQ ne veut pas et ne va pas tolérer qu'on efface les progrès de la société québécoise. Il est temps que le gouvernement fédéral cesse de laisser nos frontières complètement ouvertes. »

Jean-François Roberge : « Donc, le gouvernement doit d'abord, le premier geste à poser, la première affaire, réviser la politique d'émission des visas, il doit aussi renforcer la surveillance des frontières, parce qu'on entend parler qu'il y a des groupes criminels qui profitent du laxisme actuel, il doit réduire le nombre de demandeurs d'asile, il doit répartir les demandeurs d'asile dans l'ensemble du Canada puis il doit évidemment rembourser le Québec, on parle de plus de 1 milliard pour les trois dernières années. Donc, c'est cinq R : Réviser, renforcer, réduire, répartir, rembourser. Puis, comme mes collègues l'ont montré, ça presse. »

Mon commentaire : En tant que telle, cette déclaration n'est pas si choquante. Demander que les demandeurs d'asile soient mieux répartis sur l'ensemble du territoire et que le gouvernement fédéral dédommage correctement les provinces est tout à fait légitime. Le problème est qu'on fait face à un gouvernement qui définance les services sociaux et blâme les demandeurs d'asile pour ses propres décisions.

Source : https://www.assnat.qc.ca/fr/actualites-salle-presse/conferences-points-presse/ConferencePointPresse-92695.html

24 avril 2024

Contexte : Bernard Drainville doit justifier le retard dans la mise sur pied des maternelles 4 ans promises par la CAQ.

Déclaration : « On veut créer des classes [de maternelle 4 ans], mais ça nous prend des enseignants, ça nous prend des locaux. Et l'essentiel de mon personnel, dans certains centres de services scolaires, sert essentiellement à instruire les nouveaux arrivants. Dans certains cas, j'inaugure une école toute neuve, il devait y avoir des maternelles 4 ans, et pourquoi il n'y en a pas ? Parce qu'il faut scolariser un plus grand nombre d'élèves que prévu, et dans certains cas, ce sont de nouveaux arrivants. Les enseignants affectés aux nouvelles classes de francisation et d'accueil, ce sont des enseignants que je pourrais utiliser dans d'autres contextes, par exemple des maternelles 4 ans. Mais je ne les ai point. »

Source : https://www.ledevoir.com/politique/quebec/811604/retards-maternelles-4-ans-raison-immigrants-selon-drainville

16 août 2024

Contexte : Bernard Drainville fait le point sur la pénurie d'enseignants à l'aube de la rentrée scolaire.

Déclaration : « Quand tu es obligé de fermer des maternelles 4 ans pour ouvrir des classes de francisation, ce n'est pas normal. »

Précision du Devoir : « À Montréal, à Laval, à Québec, dans Lanaudière, dans le Centre-du-Québec, dans les Laurentides et en Montérégie : partout, les CSS ont déclaré au Devoir qu'ils n'avaient pas fermé de groupes de maternelle 4 ans pour faire place à des classes de francisation. »

https://www.ledevoir.com/societe/education/818743/pas-maternelles-4-ans-fermees-cause-classes-francisation-selon-ecoles

26 août 2024

Contexte : Bernard Drainville commente comme chaque année le manque d'enseignants à la rentrée scolaire.

Déclaration : L'élu s'est ensuite dit « très fier » de constater que le réseau québécois ait pu « accueillir une telle augmentation d'immigrants ». Il a néanmoins renouvelé son appel au premier ministre canadien, Justin Trudeau, afin qu'il « reprenne le contrôle des frontières et du processus d'immigration ».

Le cabinet Drainville affirme que près de 80 % de la hausse de clientèle scolaire observée l'an dernier est attribuable aux élèves qui sont nés hors Canada. Il souligne qu'il y avait 1341 classes de francisation en mars 2024, une hausse par rapport au nombre de 1005, un an plus tôt. Or, de là à lier la hausse de l'immigration à la fermeture de classes de maternelle 4 ans, il y a un pas que les CSS ne sont pas prêts à franchir.

https://www.ledevoir.com/societe/education/818743/pas-maternelles-4-ans-fermees-cause-classes-francisation-selon-ecoles

18 novembre 2024

Contexte : L'école secondaire du Phare est inaugurée dans Charlesbourg et elle manque déjà d'espace. Le gouvernement annonce des classes modulaires.

Déclarations : « Notre plan A c'est de construire, d'agrandir, de rénover, mais c'est un excellent plan B, un modulaire. L'effectif scolaire est en hausse et c'est essentiellement à cause de l'immigration temporaire. Et donc il faut scolariser ces élèves qui nous arrivent d'ailleurs. On ne les blâme pas, c'est pas de leur faute. Mais comment veux-tu planifier, quand le gouvernement du Canada, décide de laisser entrer 600 000 immigrants temporaires en trois ans ? »

Source : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2120810/phare-ecole-immigration-temporaire

14 mars 2025

Contexte : Bernard Drainville partage sur sa page Facebook un article de La Presse intitulé « Le nombre d'élèves issus de l'immigration explose »

Déclaration : « 1/3 des élèves issus de l'immigration

Quand on dit que l'immigration pèse lourd sur le réseau scolaire, en voici la preuve👇

On ne blâme ni les parents, ni les élèves qu'on scolarise le mieux possible. Mais force est de constater que les décisions du fédéral créent des besoins majeurs en personnel et en espace.

En 3 ans 👉HAUSSE NETTE de 50 000 élèves du primaire et secondaire, tous issus de l'immigration, dont 40 000 sont nés hors du Canada🇨🇦.

Ça correspond à 87 nouvelles écoles primaires ! »

Lien : https://www.facebook.com/bernard.drainville/posts/13-des-%C3%A9l%C3%A8ves-issus-de-limmigrationquand-on-dit-que-limmigration-p%C3%A8se-lourd-sur-/1198638818289093/

Déclaration : « La hausse de l'immigration crée une pression énorme sur nos services publics et particulièrement sur nos écoles. Soyons clairs, on ne blâme pas du tout les enfants immigrants et leurs parents, mais il faut que les Québécois voient l'impact que les politiques du gouvernement fédéral ont sur nos écoles. On a de plus en plus d'enseignants et de personnel à l'école, mais ça va être difficile d'en venir à bout si le nombre d'élèves immigrants continue d'augmenter comme ça. »

Lien : https://www.journaldequebec.com/2025/03/14/immigrants-de-1ere-et-2e-generation–plus-dun-eleve-sur-trois-issu-de-limmigration

7 août 2025

Contexte : À Midi-Info, Bernard Drainville revient sur son recul sur les compressions en éducation.

Déclarations : « Les besoins sont grandissants. On a eu des nouveaux chiffres sur le nombre d'élèves qui était plus important que prévu lors de la dernière année scolaire. On voit ce qui se passe présentement aux frontières avec l'arrivée des demandeurs d'asile. On peut anticiper qu'il y aura encore plus d'élèves à scolariser l'année prochaine. (…) Les budgets vont continuer à payer. Mais la capacité de payer n'est pas infinie. On s'entend-tu là-dessus ? La capacité de payer n'est pas infinie. »

Autres

21 septembre 2022

Auteur : Jean Boulet

Contexte : Débat électoral avec les autres candidats dans Trois-Rivières

Déclaration : « Les immigrants, les seuils, c'est un débat purement académique. Il faut s'assurer de bien les intégrer. 80 % des immigrants s'en vont à Montréal, travaillent pas, ne parlent pas français ou n'adhèrent pas aux valeurs de la société québécoise. La clé, c'est la régionalisation et la francisation. »

Justification : Jean Boulet s'est dit « désolé d'avoir mal exprimé sa pensée. L'extrait diffusé ne reflète pas ce que je pense. » François Legault a dit que les propos de Boulet le disqualifiaient comme ministre de l'Immigration. Il l'a tout de même conservé dans son cabinet comme ministre du Travail.

J'accorde à M. Boulet le mérite de ne pas avoir tenté de nous faire croire que c'était plutôt nous qui avions mal interprété ses paroles.

Source : https://www.lapresse.ca/elections-quebecoises/2022-09-28/propos-sur-les-immigrants/boulet-s-est-disqualifie-affirme-legault.php

31 octobre 2024

Auteur : Lionel Carmant

Déclaration : « L'impact des nouveaux arrivants joue un rôle sur tous nos services que l'on offre. Vous savez qu'à mon grand désespoir, il y a des gens qui partent d'Amérique du Sud, des Caraïbes, qui traversent les États-Unis à pied avec leurs enfants, qui arrivent au Québec, et qu'à cause de leur état, la DPJ est appelée et doit intervenir dans ces cas-là. (…) Non, on n'a pas de chiffres parce que malheureusement, le Programme régional d'accueil et d'intégration des demandeurs d'asile ne rembourse et n'a des bases de données que sur la santé physique. Mais partout où je vais au Québec, les gens me disent qu'il y a quand même un grand nombre de signalements pour les nouveaux arrivants. D'ailleurs, (le cas) de ce matin (dans La Presse), c'était effectivement des nouveaux arrivants, qui ont vécu des traumas complexes, qui ont toutes sortes de difficultés et pour lesquels on appelle la DPJ à l'aide. »

Source : https://www.journaldequebec.com/2024/10/31/impact-de-limmigration-sur-les-signalements-a-la-dpj-quebec-na-aucune-donnee

Sol Zanetti, député de Québec solidaire, répond à Paul St-Pierre Plamondon sur la question de l'immigration

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Je m’appelle Mohamed, je suis Québécois et je vous em… !

23 septembre, par Mohamed Lotfi — , ,
Très jeune, j'ai compris que dans mon rapport à l'autre, si je voulais me forger une identité qui m'appartienne vraiment, jamais je ne devais laisser son regard définir qui je (…)

Très jeune, j'ai compris que dans mon rapport à l'autre, si je voulais me forger une identité qui m'appartienne vraiment, jamais je ne devais laisser son regard définir qui je suis. L'autre, c'est mon frère, mon cousin, mon voisin, mais aussi « l'étranger » qui m'ouvre sa maison, son pays, sa cabane. C'est pourquoi il m'est arrivé souvent de devoir poliment remettre ce regard à sa juste place.

Non pas pour le mépriser ni pour l'ignorer, mais pour rappeler que l'identité ne se forge pas essentiellement dans la validation extérieure. C'est un exercice délicat, presque une discipline : savoir accueillir l'autre, recevoir ce qu'il a à offrir, offrir en retour ce que je peux, sans jamais lui céder le pouvoir de me nommer.

Dans cet équilibre entre ouverture et accueil s'est construite ma manière d'exister parmi les autres, sans me passer d'eux et sans me perdre en eux.

« Je m'appelle Mohamed, je suis québécois et je vous emmerde ». La dernière fois que j'ai entendu cette phrase, j'étais dans un taxi, à quelque 5000 kilomètres du village québécois Hérouxville, dans un pays musulman.

Accompagné de mon fils, j'ai souvent pris des taxis dans ce pays et j'ai rarement échappé aux sermons des chauffeurs barbus qui trouvaient inconcevable que mon fils de 23 ans ne parlait pas couramment l'arabe et ne connaisse pas suffisamment la religion de son père. Aux yeux de certains, c'était une faute morale : ne pas lui transmettre l'arabe et la religion, c'était le condamner à la perdition. Alors, avec le sourire, je mettais fin au prêche par une réplique que j'affectionne : « Mieux que l'arabe ou la religion, Monsieur, j'apprends à mon fils à se mêler de ses affaires. »

Mais ce jour-là, le chauffeur était différent. Titulaire d'un doctorat en biochimie, contraint de conduire un taxi pour nourrir sa famille faute d'un emploi à la hauteur de ses compétences, il avait une profondeur et un humour qui le distinguaient des autres. Lorsque je lui ai raconté mes échanges avec certains de ses collègues, il s'est mis à rire franchement. Il trouvait hilarant, presque subversif, que j'aie osé associer dans la même phrase les mots « arabe », « religion » et « se mêler de ses affaires ».

De fil en aiguille, il a commencé à m'aider, sur un ton de farce, à raffiner mes répliques pour faire face à mes prochains chauffeurs moralisateurs. Et parmi toutes ses propositions, une est restée gravée dans ma mémoire, comme un refrain de rap : « Je m'appelle Mohamed, je suis québécois et je vous emmerde. »

Cette phrase, je l'ai entendue résonner à nouveau, mais cette fois au Québec, dans un amphithéâtre universitaire. Devant moi, un professeur tenait un discours savamment ambigu sur les notions de minorité et de majorité. À partir de quand, selon lui, un immigrant pouvait-il se permettre de se sentir membre de la majorité ? Pour l'amener à préciser sa pensée, je lui ai demandé s'il ne trouvait pas absurde, voire discriminatoire, qu'on désigne certains citoyens du Québec comme des « minorités visibles ». En poussant le raisonnement, je lui ai demandé : à quelle catégorie devrais-je appartenir, moi ? À la minorité à moitié visible ou à la majorité à moitié invisible ? Décontenancé, le professeur a fini par balbutier qu'« il faut bien qu'on vous désigne de quelque chose pour distinguer les différences ethniques ».

À 200 kilomètres d'Hérouxville, dans un local universitaire, j'imaginais l'éclat de rire de mon ami biochimiste si j'avais utilisé sa réplique à l'endroit du prof. Elle a failli m'échapper. Mais j'ai plutôt opté pour un silence dosé d'un sourire énigmatique.

Depuis cette rencontre, la réplique du chauffeur me revient chaque fois qu'au Québec la crispation identitaire refait surface. Et si je me garde de la lancer à voix haute, c'est par peur qu'elle soit mal comprise, dépouillée de l'humour et de la tendresse qui l'ont fait naître. Pourtant, elle exprime à merveille ce que je suis devenu et ce que sont devenus tant d'autres Québécois venus d'ailleurs.

Naturellement, ils assument leur choix de s'arracher à leurs racines. En regardant leurs enfants prendre un accent qui n'est pas le leur, tranquillement mais inévitablement, ils deviendront aussi québécois que le sont devenus tous ceux et celles qui débarquent sur cette terre depuis quatre siècles. Tôt ou tard, l'immigrant finit par arriver à la même réflexion du personnage principal du premier roman d'Abla Farhoud, Le bonheur a la queue glissante : « Mon pays, c'est là où mes enfants sont heureux. »

Les enfants du Québec d'aujourd'hui, issus de l'immigration, seraient encore plus heureux si le regard posé sur eux cessait de les redéfinir. Plus heureux si l'école, la rue, le travail, les médias et la politique leur rappelaient chaque jour qu'ils n'ont rien à prouver, rien à justifier, que leur accent est aussi légitime que celui d'hier et que leur appartenance plurielle n'a pas besoin d'être négociée. Plus heureux s'ils pouvaient répondre à la question « d'où viens-tu ? », par « je viens d'ici ».

Depuis vingt ans, chaque fois qu'on souffle sur les braises de la division, en rallumant de faux débats sur le « nous autres » contre « eux autres », la réplique du biochimiste me revient. Quand la controverse enfle et prend une nouvelle ampleur dans la bouche de ceux qui devraient l'apaiser, je me la répète, mais en y ajoutant la nuance nécessaire. Comme pour neutraliser, à petites doses, toute trace d'identité meurtrière qui sommeille en chacun de nous, celle qui se satisfait d'une seule appartenance.

Mon Québec à moi ne se contente plus d'une seule appartenance. Oui, je me la répète comme un rap ouvert sur demain.

Je suis arabe, je suis musulman, je suis juif, je suis chrétien, je suis africain, nord-africain, nord-américain, francophone, je suis berbère, je suis montréalais, je suis d'Hérouxville.

Je m'appelle Mohamed, je suis Québécois et je vous embrasse… !

Mohamed Lotfi
17 septembre 2025

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Laïcité au Québec : à qui profite le débat ?

23 septembre, par Observatoire des Inégalités Raciales au Québec (OIRQ) — , ,
Une nouvelle étude menée par L'observatoire des inégalités raciales au Québec (OIRQ) sera lancée officiellement Tiohtià:ke/Montréal, Le 17 septembre 2025 Quand ; le jeudi (…)

Une nouvelle étude menée par L'observatoire des inégalités raciales au Québec (OIRQ) sera lancée officiellement

Tiohtià:ke/Montréal, Le 17 septembre 2025
Quand ; le jeudi 18 septembre à 18h
Où ; Café les Oubliettes, 6201 Rue de Saint-Vallier, Montréal, QC H2S 2P6

Une nouvelle étude menée par L'observatoire des inégalités raciales au Québec (OIRQ) sera lancée officiellement demain. Elle démontre comment le projet de loi 94, présenté par le gouvernement du Québec comme un renforcement de la laïcité dans les écoles, prolonge une tendance de longue date à utiliser ce principe non pas pour protéger la neutralité de l'État, mais pour redéfinir les frontières de l'appartenance nationale.

« Avec le dépôt du projet de loi 94, qui renforce les restrictions liées à la laïcité dans les écoles, on assiste à une étape charnière dans ce débat de société », explique Fella Hadj Kaddour, chercheuse à l'OIRQ. « Cette réforme s'inscrit dans la lignée de la Loi 21 et continue à instaurer une citoyenneté à deux vitesses, où certains groupes n'obtiennent qu'un statut limité, conditionné à l'effacement de leurs particularités religieuses et culturelles. »

De l'affaire Bedford à une "crise" de la laïcité

Le gouvernement justifie cette réforme en invoquant l'affaire Bedford, où des allégations ont circulé contre des enseignants accusés d'imposer des normes religieuses. Pourtant les enquêtes officielles ne démontrent aucune atteinte systémique à la laïcité dans cette affaire. Les problèmes identifiés relèvent de la gouvernance interne et non d'un enjeu religieux.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a d'ailleurs mis en garde contre les risques de violations des droits fondamentaux de ce projet de loi. Malgré ces avertissements, le gouvernement a choisi d'aller de l'avant en invoquant même la clause dérogatoire.

Un glissement sémantique significatif

L'analyse de plus de 1 700 articles écrits publiés entre octobre 2024 et avril 2025 sur l'affaire Bedford révèle un changement notable : alors que l'enjeu local portait sur le climat de travail et la gouvernance, le vocabulaire médiatique s'est déplacé vers une "crise de la laïcité". Les mentions de problèmes internes ont diminué, tandis que le mot "laïcité" est devenu central.

« Ce glissement transforme un enjeu local en crise identitaire nationale, masquant les véritables enjeux, manque de ressources, tensions internes qui continuent de miner les écoles », observe Geneviève Vande Wiele Nobert, chercheuse à l'OIRQ.

Une transformation du sens de la laïcité

L'étude montre que la laïcité, quasi absente du débat public avant les années 1990, est devenue un enjeu identitaire dans les années 2000, souvent lié à l'immigration et à la peur de l'islam. Ce basculement, que les auteurs qualifient de « laïcité narrative », transforme un principe juridique en récit national opposant un « nous » à un « eux » souvent associé aux musulmans.

Pour une laïcité inclusive

« Repenser la laïcité, ce n'est pas y renoncer », conclut Geneviève Vande Wiele Nobert, chercheuse à l'OIRQ. « C'est refuser qu'elle soit utilisée comme outil d'exclusion et construire une école fondée sur l'inclusion, la justice et l'égalité. »

À propos de l'OIRQ

L'Observatoire des inégalités raciales au Québec, c'est un groupe de réflexion, d'action de production du savoir. Il a pour mission et mandat de veiller au suivi des enjeux sous-jacents au phénomène du racisme au Québec en vue de faire avancer la lutte contre le racisme systémique.

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