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Budget 2025 : Le gouvernement doit répondre aux besoins des OCASSS et non seulement soutenir les entreprises

18 mars, par Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB) — , ,
MONTRÉAL, le 13 mars 2025 À deux semaines du dépôt du budget 2025 du Québec, la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB) rappelle (…)

MONTRÉAL, le 13 mars 2025 À deux semaines du dépôt du budget 2025 du Québec, la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB) rappelle au ministère des Finances qu'elle a des attentes élevées à son égard pour les 3000 organismes communautaires autonomes du domaine de la santé et des services sociaux (OCASSS) et pour la population.

Le gouvernement a déjà annoncé qu'il prévoyait différentes aides financières aux entreprises. Sans nier leurs défis, la Table souligne qu'il est essentiel que le soutien du gouvernement s'adresse aussi aux groupes qui accompagnent les communautés au quotidien, notamment pour leur permettre de compter sur des équipes de travail adaptées à leurs besoins.

Une récession semble à nos portes en raison des tarifs douaniers et de l'incertitude économique qui pèsent sur le Québec. La population se retrouvera dans un contexte difficile, financièrement, mais aussi socialement. « Des gens perdront leurs emplois, les tensions sociales s'exacerberont, la hausse du coût de la vie transformera, encore une fois, le portrait de la pauvreté au Québec. Conséquemment, les groupes communautaires, qui déjà rejoignent plus de 2,25 millions de personnes, seront encore plus sollicités par une population aux besoins de plus en plus importants », avance Anne Lagarde, du comité de coordination de la campagne _CA$$$H (Communautaire autonome en santé et services sociaux — Haussez le financement)._

La population compte sur les OCASSS pour améliorer ses conditions de vie. Or, ceux-ci subissent un sous-financement chronique, limitant grandement leurs capacités d'action auprès de leurs communautés. Ils demandent au gouvernement de rehausser le financement à la mission globale pour leur permettre d'accroitre leurs capacités d'agir, donc pour pouvoir
embaucher des équipes assez nombreuses pour répondre aux demandes des communautés. « L'insuffisance du financement reçu du Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC) pour leur mission globale place les groupes, les travailleuses et les travailleurs dans la précarité. Avec un taux horaire d'environ 24 $, les groupes communautaires accusent un écart de 42 % avec le salaire moyen[1] au Québec, ce qui complique énormément le recrutement et la rétention du
personnel. De surcroît, 80 % des emplois dans le mouvement sont occupés par des femmes, ce qui représente près de 45 000 postes. Un financement à la hauteur entrainerait l'amélioration significative des conditions de travail dans le communautaire, ce qui réduirait la pauvreté et ferait avancer l'équité au Québec », souligne Stéphanie Vallée, présidente de la TRPOCB.

Durant la période de consultation prébudgétaire, la Table a déposé et présenté son mémoire demandant au gouvernement de répondre aux revendications de la campagne _CA$$$H_ : l'atteinte de l'équité de traitement et de financement notamment par l'application de seuils planchers communs et adaptés aux OCASSS, l'indexation des subventions selon l'Indice des coûts de fonctionnement du communautaire (ICFC) et le rehaussement de l'enveloppe annuelle pour la mission globale du PSOC de
1,7 G$. Elle y a entre autres mis de l'avant que, pour l'année dernière, la différence entre l'indexation versée et celle qui aurait
été nécessaire selon l'ICFC ne représentait que 7,8 M$ sur l'enveloppe du PSOC, laquelle est destinée à 3000 OCASSS.

« Rappelons que le gouvernement a gaspillé un montant similaire pour deux parties de hockey. Et ce n'est pas la seule dépense récente qui est contestable… Comment le gouvernement pourrait-il refuser d'indexer les OCASSS selon l'ICFC, alors qu'il s'agit d'un investissement et non d'une dépense permettant aux communautés de se projeter pour continuer de bénéficier des groupes qu'elles se sont donnés ? Cette revendication ayant été transmise par les mémoires de 49 organisations, nous comptons sur le gouvernement pour y répondre par le budget 2025 », relève Mercédez Roberge, coordonnatrice de la TRPOCB.

Pour que le Québec et sa population traversent les temps troubles qui s'annoncent, le gouvernement doit prendre ses responsabilités à l'égard des droits des citoyennes et des citoyens. Cela signifie que le prochain budget ne doit pas s'arrêter à soutenir les entreprises, il doit répondre aux attentes des OCASSS et, conséquemment, à ceux de la population.

SOURCE Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et
bénévoles (TRPOCB)

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Un 8 mars en silence contre l’administration Trump

18 mars, par Nicolas de Bellefeuille — , ,
C'est au coin des rues Sainte-Catherine et Stanley, que le collectif Mères au front a donné rendez-vous à la population montréalaise, dans le cadre de la journée internationale (…)

C'est au coin des rues Sainte-Catherine et Stanley, que le collectif Mères au front a donné rendez-vous à la population montréalaise, dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes. Vêtues de rouge, en partie ou en totalité, Laure Waridel et Anaïs Barbeau-Lavalette ont passé des messages d'espoir à la foule. D'autres rassemblements ont également eu lieu à Québec, à Sherbrooke, à Ottawa et dans plus d'une douzaine d'autres localités dans la province.

Tiré du Journal des alternatives.

Réunis devant le consulat des États-Unis, les participants, qui arboraient tous une pièce de vêtement rouge, ont observé huit minutes de silence. Le tout en formant une chaîne humaine qui occupait 500 mètres de l'artère commerciale.

Plusieurs personnalités ont également uni leur voix à la cause, dont Suzanne Clément, Marina Orsini et Isabelle Maréchal.

Les femmes pour le monde

« La seule façon de confronter son harceleur, c'est de se tenir debout devant lui ! », a lancé madame Waridel en anglais devant le consulat. Les deux instigatrices de Mères au front ont de plus scandé « Honte à vous ! » dans le quadrilatère. Également en anglais, mais aussi en espagnol, Anaïs Barbeau-Lavalette a appelé à la solidarité des femmes au sud de la frontière canadienne.

Ce rassemblement fut l'occasion de rappeler à la population de Tiohtiá:ke (nom autochtone de la métropole), le combat des peuples autochtones dans la société ; « Nous ferons huit minutes de silence, pour toutes les femmes autochtones qui sont épuisées de se battre pour revendiquer simplement leur droit d'exister ».

Les causes ukrainienne et palestinienne ont d'ailleurs été mentionnées en parallèle. « Il faut essayer de construire une résistance qui passe par plusieurs moyens différents », explique madame Waridel, qui n'a pas manqué d'éclipser d'autres causes, importantes et toutes interreliées.

Puis, précédé d'une prestation par Debbie Lynch-White et Roxane Gaudette-Loiseau, le calme plat. Certains regards se baissent, d'autres regardent le bâtiment leur faisant face. Toutes se souviennent des femmes d'hier, d'aujourd'hui et de demain, les bras unis.

Pour apaiser la foule, et pour redonner l'espoir, les chanteuses Ingrid Saint-Pierre et Beyries ont ensuite interprété des chansons de leur répertoire.

Françoise David a fait une brève apparition improvisée pour exprimer sa solidarité et l'espoir insufflé par l'événement. Elle a tenu à répéter les droits des femmes, mais a souhaité préciser, sur la question des salaires, que le problème n'est pas celui des hommes ; « Je n'ai aucun problème à ce que les hommes soient payés comme il faut, mais je me dis “Pis nous autres ? Pourquoi pas nous autres ?” ».

Un combat pour toutes et tous

Avant le début des minutes de silence, en ce temps glacial, des femmes se sont exprimées sur leurs raisons de se présenter. L'une d'entre elles a prononcé un seul mot ; « Trump ! ». Ces femmes ont aussi exprimé leur désir de manifester encore aujourd'hui, elles qui ont pris part à d'autres manifestations, dont la grève étudiante de 2012. Car elles ont l'impression que ces droits reculent ; « S'il existe encore des manifestations comme ça, c'est que la bataille n'est pas gagnée », avoue l'une d'elles.

La raison qui a mobilisé une autre militante concerne le retrait de la journée internationale des droits des femmes du calendrier de la multinationale Google. Cette raison fut d'ailleurs l'élément déclencheur qui a amené à la création de ce rassemblement. Elle déplore aussi les mesures du gouvernement Legault ayant entraîné les grèves dans les CPE.

Une mère accompagnée de son enfant confie être venue pour soutenir la cause environnementale, qui permet « une porte d'entrée vers les autres combats », dont celui des droits des femmes. Elle a aussi tenu à envoyer un message à sa jeune fille ; « Il faut se battre, car c'est beau de lui dire et de se dire que ces droits sont acquis, mais il faut aussi les écrire et il faut les faire reconnaître. Dire n'est pas assez, il faut inscrire et présenter ».

Et après ?

Comment envisage-t-on les prochaines luttes sociales après ce rassemblement ? C'est la question à laquelle Laure Waridel a répondu. La co-instigatrice de Mères au front réitère son souhait de rester unis dans la bataille ; « Il faut s'organiser politiquement, il faut résister à la montée de l'extrême-droite même au Canada, nous ne sommes pas à l'abri avec les prochaines élections ». Elle ajoute le rôle crucial de la population de contrer la désinformation, et « de ne pas se laisser manipuler ».

La socio-écologiste conclut en proposant des solutions pour construire des « communautés résilientes » ; « Ça passe par la souveraineté économique, par la solidarité, et il faut absolument prendre soin des autres ! ».

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Prise de parole – Contre politique de Trump

18 mars, par Marie-Hélène pour la Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes — , ,
Ce discour a été prononcé lors d'une manif contre les politiques de Trump devant le Consulat américain le 23 février dernier à Québec. Nous sommes ici aujourd'hui parce que (…)

Ce discour a été prononcé lors d'une manif contre les politiques de Trump devant le Consulat américain le 23 février dernier à Québec.

Nous sommes ici aujourd'hui parce que nous refusons de rester silencieuses face à la montée de l'extrême droite et aux politiques régressives qu'incarne Donald Trump. À la tête de la plus grande puissance mondiale se trouve un homme reconnu coupable d'agression sexuelle et de fraude par les tribunaux. Je répète : un agresseur, un misogyne, un osti de danger public !
Trump incarne un système qui protège les puissants et méprise les droits des femmes et des personnes marginalisées. Son retour au pouvoir est une menace mondiale, car il inspire et légitime des mouvements d'extrême droite qui cherchent à écraser nos luttes et à nous faire taire.
À la question à savoir comment les élections américaines nous concerne, une femme nous partageait : Parce que ça donne du jus aux Richard Martineau, Mathieu Bock-Côté, Joseph Facal et compagnie de ce monde. Parce qu'ils ont une tribune et sont assez "fins" et "crédibles" pour influencer, diviser et propager de plus en plus de haine.
Une autre femme, une femme immigrante qui habite le Qc depuis 10 ans, nous témoignait le constat d'une augmentation du racisme et du machisme.
Voilà, ça nous concerne !
Peu importe où nous vivons, les décisions prises aux États-Unis influencent nos droits, nos conditions de vie et la perception de nos luttes, renforçant les inégalités et menaçant nos acquis.
Ce courant d'extrême droite s'étend aussi en Europe, où des partis conservateurs remettent en cause la justice reproductive, s'attaquant directement au droit à l'avortement. Ces attaques concertées fragilisent nos communautés, nos biens communs et criminalisent la mobilisation.
Revenons à Trump !
Nous dénonçons ses projets concernant la Palestine. Il a proposé de prendre le contrôle de la bande de Gaza, envisageant d'expulser plus de deux millions de Palestiniennes et Palestiniens pour en faire une destination touristique. Ce projet, qualifié de crime de guerre par des experts internationaux, menace l'avenir du peuple palestinien et anéantit tout espoir d'une paix juste et durable.
Nous dénonçons un système qui, au nom du profit, exploite les populations et détruit l'environnement.
Nous dénonçons un modèle politique et économique qui appauvrit, divise et perpétue les violences sexistes et racistes.
Nous nous mobilisons contre la privatisation de nos services publics, contre les choix économiques qui favorisent une poignée de privilégiés au détriment du bien commun.
Nous REFUSONS de voir nos droits reculer.
L'extrême droite alimente la haine et instrumentalise la peur pour diviser nos sociétés, mais nous répondons par la solidarité et la mobilisation. Nous répondons par une solidarité féministe mondiale !
En 2025, nous nous mobilisons dans le cadre de la 6e action de la Marche mondiale des femmes. Dès le 8 mars, nous porterons nos revendications haut et fort, jusqu'à l'énorme rassemblement de la MMF du 18 octobre, ici à Québec.
Nous marcherons pour la justice sociale, pour une économie au service du vivant et pour un monde où toutes les femmes, sans exception, peuvent vivre dans un environnement sain, en paix et en sécurité.
Nous appelons toutes les organisations féministes, de justice sociale et environnementale à s'unir pour converger nos luttes. Nos causes sont communes !
Avec nos sœurs iraniennes, haïtiennes, de Palestine, des États-Unis, d'Afghanistan, d'Europe…. Bref, avec les femmes du monde entier : En 2025, nous serons encore en marche pour transformer le monde !

Quelle riposte féministe face à la montée de l’extrême droite ?

18 mars, par Océane Leroux-Maurais — , ,
Quand le vent tourne à droite, dressons nos voiles à gauche — c'est sous ce titre que la Fédération des femmes du Québec (FFQ) a présenté un panel lors de son Assemblée (…)

Quand le vent tourne à droite, dressons nos voiles à gauche — c'est sous ce titre que la Fédération des femmes du Québec (FFQ) a présenté un panel lors de son Assemblée générale politique, le 22 février dernier. Face à une polarisation croissante et à la montée des discours d'extrême droite, les panélistes Amal Elsana-Alhjooj, Maïka Sondarjee et Gracia Kasoki Katahwa ont échangé sur les stratégies de riposte féministe.

Tiré de Journal des Alternatives

Par Océane Leroux-Maurais -8 mars 2025

Un climat hostile aux luttes féministes et sociales

L'extrême droite, en progression mondiale, s'attaque de front aux droits des femmes, aux communautés marginalisées et aux acquis sociaux. Au Québec, des mesures comme le projet de loi 84 sur l'intégration nationale et la montée de l'austérité budgétaire fragilisent directement les populations les plus vulnérables. Parallèlement, les discours antiféministes et racistes gagnent du terrain, souvent en détournant des concepts progressistes pour les discréditer.

Maïka Sondarjee explique comment la fenêtre d'Overton — c'est-à-dire l'éventail des idées jugées acceptables dans l'espace public — s'est déplacée vers la droite, rendant les discours progressistes et féministes moins audibles. Elle ajoute par ailleurs que le terme woke est aujourd'hui utilisé comme une étiquette fourre-tout pour discréditer toute revendication en faveur de la justice sociale. Quand même Justin Trudeau est qualifié de woke, cela en dit long sur l'instrumentalisation du terme pour délégitimer tout ce qui se situe à gauche du centre. Elle dénonce que dans un tel climat, aller à la télévision, à la radio, prendre la parole publiquement en tant que personne de gauche est devenu un exercice périlleux, voire violent.

Diviser pour mieux régner : une stratégie dénoncée

Les panélistes s'accordent sur un point : la stratégie de la droite repose sur la division. Amal Elsana-Alhjooj a exposé comment la peur et la politique identitaire sont utilisées pour fragmenter les mouvements sociaux. On accuse les immigrant.es, les demandeurs et demanderesses d'asile, les femmes, et on nous enferme dans des silos identitaires qui nous empêchent de lutter ensemble contre les discriminations systémiques.

Gracia Kasoki Katahwa a abondé dans le même sens en soulignant que la rhétorique eux contre nous est maintenant intériorisée par une partie de la population. Ce n'est plus seulement les politicien.nes qui l'emploient, mais aussi des citoyen.nes, ce qui creuse davantage les divisions sociales.

Construire une riposte efficace

Devant ce constat, quelles stratégies adopter ? Selon Amal Elsana-Alhjooj, il faut apprendre à communiquer de manière claire et percutante, sans se perdre dans des nuances excessives. La droite tranche et impose ses idées avec force. Nous devons aussi structurer nos messages et revendiquer haut et fort nos positions. Maïka Sondarjee a, quant à elle, insisté sur l'importance d'une solidarité active entre les différents mouvements sociaux.

Gracia Kasoki Katahwa a ajouté que les féministes doivent investir les institutions pour provoquer des changements de l'intérieur. Elle mentionne l'importance de la présence de femmes, de personnes racisées et de représentant.es de la diversité dans les milieux décisionnels. Elle souligne toutefois qu'il faut les y amener pour les bonnes raisons, et non pour servir au à bien paraître des institutions.

Au-delà des ponts : franchir des seuils

Face à une opinion de plus en plus polarisée, Maïka Sondarjee préconise une approche basée sur la discussion et la compréhension mutuelle. Elle remet en question l'expression « construire des ponts » entre différentes perspectives, qui suggère un lien figé, une connexion rigide entre deux rives opposées. Or, les dynamiques sociales et politiques sont bien plus complexes. Plutôt que de voir le dialogue comme un pont à ériger entre des camps distincts, elle propose de le concevoir comme un seuil à franchir.

Un seuil, qui se veut un espace de passage, une ouverture qui invite à entrer sans imposer une fusion totale. Il ne s'agit pas de forcer l'adhésion à une vision unique, mais plutôt de créer des espaces où les discussions peuvent avoir lieu, où les différences ne sont pas forcément gommées, mais où elles deviennent des points de rencontre.

Ensemble, dressons nos voiles à gauche

Dans un contexte où l'extrême droite impose ses idées avec force, ce panel a rappelé l'urgence d'une mobilisation coordonnée et déterminée. Se réapproprier l'espace public, construire des solidarités réelles et occuper les lieux de pouvoir : voilà les voies tracées pour résister à la montée des extrêmes et affirmer un projet de société plus juste et inclusif.

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Fin de la représentation juridique spécialisée pour les victimes de violence conjugale : un recul inexplicable

18 mars, par Collectif — , ,
Ces dernières années, Québec a multiplié les mesures pour améliorer la protection des victimes de violence conjugale. En septembre 2021, dans la foulée du rapport Rebâtir la (…)

Ces dernières années, Québec a multiplié les mesures pour améliorer la protection des victimes de violence conjugale. En septembre 2021, dans la foulée du rapport Rebâtir la confiance, le ministère de la Justice confiait à Rebâtir (Commission des services juridiques) et à Juripop des mandats essentiels : offrir des consultations juridiques gratuites aux personnes victimes, sans égard aux revenus, piloter un laboratoire de pratiques innovantes et former la communauté juridique en matière de violence conjugale et sexuelle. En 2023, le mandat de Rebâtir était élargi pour inclure une équipe spécialisée de représentation devant les tribunaux.

Aujourd'hui, en cessant de financer les services de représentation, le gouvernement détruit un maillon essentiel du continuum de services, compromet l'accès des victimes à une justice adaptée à leur réalité complexe et met en péril leurs droits.

Largement appréciés et éprouvés, ces services sont cruciaux pour assurer la sécurité des femmes et des enfants et contribuent à des décisions judiciaires qui tiennent mieux compte du danger. Les avocat·es de Rebâtir et Juripop ont développé une expertise essentielle, à l'intersection de tous les domaines de droit, pour guider les femmes dans le système judiciaire et contrer son utilisation comme outil de contrôle et de harcèlement par les conjoints violents1. Leurs travaux ont permis de transformer en actions concrètes et en jurisprudence les nouveaux leviers juridiques mis à la disposition des victimes.

Un accès à la justice déjà limité, maintenant menacé

Les victimes de violences font face à d'énormes barrières pour obtenir une représentation juridique adéquate, particulièrement en région rurale et éloignée.

Des conjoints violents multiplient les procédures pour compliquer les choses. D'autres consultent plusieurs avocat·es pour empêcher leur ex-conjointe d'en trouver un·e dans leur région. Tout ceci dans un contexte où les bureaux d'aide juridique ne peuvent pas répondre à toutes les demandes, faute de ressources. Les avocat·es en pratique privée refusent souvent, ou abandonnent en cours de route, ces dossiers jugés trop complexes et mal rémunérés. Une réalité que la bonification annoncée ne changera pas, sans une réelle spécialisation et de la formation substantielle. En plus de priver les victimes d'une représentation adaptée et de renforcer le pouvoir des agresseurs, la fin de ces financements signifie aussi la disparition de formations essentielles pour les professionnel·les du système judiciaire.

Des réalités préoccupantes sur le terrain

L'incapacité pour ces femmes d'être bien représentées a des conséquences majeures sur leur sécurité et celle de leurs enfants, mais aussi sur leur santé physique et émotionnelle, ou encore sur leur situation financière.

Aujourd'hui, faute d'un accès rapide à un·e avocat·e pour obtenir en urgence la garde de leurs enfants, des mères sont contraintes de ne pas les envoyer à l'école, de peur que leur conjoint les récupère le soir. D'autres femmes se sentent obligées de recourir à la médiation, malgré les risques que cela comporte face à l'auteur des violences. Certaines aussi n'ont d'autre choix que d'accepter l'aide d'avocat·es pour se représenter seules.

Ces situations, en plus de priver les personnes victimes de l'exercice de leurs droits et d'entrainer une perte de confiance envers le système, ont une incidence sur l'allongement des séjours en maisons d'aide et d'hébergement.

Maintenir un accès réel à la justice pour les victimes

Ces coupures dans des services spécialisés vont à l'encontre des engagements et de la vision du ministre Jolin-Barrette en matière d'accès à la justice. Malgré des annonces ambitieuses en matière de violence conjugale, cette décision annule des avancées concrètes, fragilise les filets de protection autour des victimes et ébranle le système de justice.

Nous demandons :

Le maintien des services de représentation spécialisée de Rebâtir et de Juripop, indispensables pour garantir une justice équitable aux survivantes et consolider les acquis des réformes récentes.

La mise en place d'une table de concertation avec le ministère de la Justice, la Commission des services juridiques et les groupes experts afin d'améliorer l'accès à la représentation juridique des victimes de violence conjugale.

Sans ces mesures, les réformes en matière de lutte contre la violence conjugale risquent de rester inefficaces sur le terrain. Les améliorations d'accès à l'aide juridique ne suffiront pas à combler les besoins. Le gouvernement a encore le pouvoir d'agir, mais chaque jour qui passe dans l'incertitude face à ces services met en danger des femmes et des enfants.

**Le service Rebâtir de consultation juridique sans frais pour les personnes victimes de violence sexuelle et de violence conjugale est toujours disponible 1-833-Rebatir

Signataires

Cathy Allen, coordonnatrice de la maison d'aide et d'hébergement Alternative pour Elles et membre du Comité d'experts sur l'accompagnement des personnes victimes d'agressions sexuelles et de violence conjugale

Louise Riendeau, coresponsable des dossiers politiques au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale

Manon Monastesse, directrice générale de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes

Danielle Mongeau, directrice de la Maison Dalauze et membre du Comité d'experts sur l'accompagnement des personnes victimes d'agressions sexuelles et de violence conjugale

Sabrina Lemeltier, directrice générale de La Dauphinelle et membre du Comité d'experts sur l'accompagnement des personnes victimes d'agressions sexuelles et de violence conjugale

Maud Briancourt, coordonnatrice administrative de l'Alliance des maisons d'hébergement de 2e étage

Karine Mac Donald, directrice générale de Plaidoyer Victimes

Jocelyne Jolin, directrice générale de SOS violence conjugale et membre du Comité d'experts sur l'accompagnement des personnes victimes d'agressions sexuelles et de violence conjugale

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Les tarifs douaniers de Trump sur les automobiles : de la souveraineté formelle à la souveraineté réelle

18 mars, par Sam Gindin — , , ,
Le danger qui menace les Canadiens et Canadiennes ne réside pas dans le basculement intermittent des tarifs douaniers par le président Trump. Cela n'est qu'un symptôme. La (…)

Le danger qui menace les Canadiens et Canadiennes ne réside pas dans le basculement intermittent des tarifs douaniers par le président Trump. Cela n'est qu'un symptôme.

La menace la plus importante réside dans notre profonde intégration aux États-Unis, et donc notre dépendance à leur égard. Cela a compromis notre souveraineté formelle et continuera de bloquer notre souveraineté substantielle – la capacité démocratique de choisir nos propres orientations sans pressions extérieures (c'est-à-dire américaines).

11 mars 2025 | traduction David Mandel
The Bullet (organe du Socialist Project)
lhttps://socialistproject.ca/2025/03/trumps-auto-tariffs-formal-sovereignty

Mettre fin à l'assaut tarifaire pourrait satisfaire ceux dont la seule ambition est l'accès au marché américain. Mais pour les Canadiens et Canadiennes qui voient le Canada dans une perspective plus large, cela ne ferait que confirmer notre rapprochement plus étroit avec les États-Unis.

Il faut se rappeler qu'au milieu des années 1980, les élites canadiennes, tant du monde des affaires que de l'État, ont initié et officialisé un accord de libre-échange avec les États-Unis. Les forces populistes, après avoir d'abord suivi l'exemple de l'élite, en sont venues à affirmer que nous étions déjà trop dépendants d'une Amérique socialement « peu attrayante ».

Paradoxalement, nous sommes aujourd'hui encore plus intégré.e.s qu'à l'époque. Et les États-Unis sont un pays encore plus laid, et le protectionnisme américain encore plus agressif. Se concentrer uniquement sur la fin des tarifs douaniers de Trump revient en réalité à demander la confirmation de l'intégration du Canada aux États-Unis.

Le libre-échange avec les États-Unis

Le fondement juridique de nos relations commerciales actuelles avec les États-Unis (et avec le Mexique) est l'accord commercial États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC) de 2018. Sa négociation a non seulement été supervisée par Trump lors de son premier mandat présidentiel, mais il l'a également salué comme « l'accord commercial le plus moderne, le plus actuel et le plus équilibré de l'histoire de notre pays ».

Pourquoi alors Trump a-t-il agi de manière inconsidérée et violé l'accord qu'il avait tant vanté ?

Il ne peut s'agir du déséquilibre commercial du Canada dans le secteur de l'automobile. Nos échanges automobiles avec les États-Unis sont à peu près équilibrés. Le Canada affiche un léger excédent commercial global avec les États-Unis. Mais si l'on exclut les produits liés à l'énergie – un commerce que les États-Unis souhaitent vivement pour contenir les prix du pétrole américain – cet excédent disparaît.

Que rechercherait alors Trump ?

Son problème ne concerne apparemment pas la balance commerciale, mais - aussi incroyable que cela puisse paraître - le prétendu manque de vigilance du Canada dans la lutte contre le fentanyl entrant aux États-Unis en provenance du Canada. L'absence de preuves crédibles pour étayer cette accusation est tout à fait dans l'habitude de Trump.

Mais loin d'être défensif, il faudrait plutôt se demander ce que les États-Unis, confrontés à des problèmes de drogue d'une ampleur inégalée par aucun autre pays développé, ont fait au fil des ans pour y remédier sur leur territoire. Pourquoi une réglementation aussi laxiste à l'égard des grandes sociétés pharmaceutiques qui profitent des drogues addictives ? ​​Et qu'en est-il des causes du désespoir généralisé tragique – les conséquences des inégalités extrêmes et du manque de soutien social et médical que Trump cherche à aggraver ?

Il y a néanmoins une méthode dans la folie de Trump. Et c'est là que réside le véritable danger. Créer une insécurité permanente chez les partenaires commerciaux et coomerciales – un domaine dans lequel Trump excelle – pourrait, au cas où, inciter les investisseur.e.s à investir aux États-Unis.

La présidente du syndicat Unifor, Lana Payne, va plus loin en accusant Trump d'essayer directement « d'obtenir des engagements des entreprises à se désinvestir du Canada ».

Certain.e.s pourraient trouver un soulagement dans le récent recul partiel de Trump. Ce recul n'était cependant pas motivé par la bonne volonté envers ses voisin.e.s, ni par les représailles de ses voisin.e.s généralement complaisant.e.s du Canada et du Mexique. Il s'agissait plutôt d'une réponse aux pressions exercées par les constructeurs automobiles américains, un groupe d'entreprises auquel les travailleurs et travailleuses canadien.ne.s peuvent difficilement confier notre avenir.

La volonté de Trump d'étendre la puissance américaine

Certain.e.s soutiennent que ce à quoi nous assistons est peut-être encore plus profond : le rejet des prémisses de l'empire américain d'après-guerre. Ces prémisses comprenaient que l'intégration des anciens empires coloniaux, l'expansion du capitalisme, et la maîtrise des nationalismes compétitifs exigeaient des règles commerciales communément acceptées, même si des exceptions étaient parfois « nécessaires » et gérées afin d'équilibrer les échanges commerciaux et à soutenir le développement.

Trump, de son côté, affirme qu'une seule réalité compte : la puissance américaine. Même si son exercice unilatéral de la puissance américaine pourrait éventuellement être maîtrisé, l'impact négatif, même sur les allié.e.s des États-Unis et sur les travailleurs et travailleuses de nombreux États, s'avère déjà profond.

Quoi qu'il en soit, même si le Canada échappe au barrage tarifaire actuel, la leçon à tirer est que la menace demeure d'une utilisation belliqueuse par les États-Unis de leur puissance économique prédominante, si le Canada outrepasse ce que l'État américain considère comme légitime.

La souveraineté substantielle – la capacité de prendre des décisions démocratiques en matière économique sans limites imposées par une puissance étrangère – exige le lancement d'un projet de déconnexion sobre de l'économie et du capital américains.

Nous devons aborder cette question sans nous faire d'illusions quant à la difficulté de cette tâche. Notre dépendance excessive à l'égard du pays le plus puissant du monde garantit qu'une rupture progressive, même partielle, entraînera des incertitudes, des perturbations, et des sacrifices.

Pourtant, face à la souveraineté compromise avec laquelle nous vivons actuellement, le projet de déconnexion sobre des États-Unis, visant à contrôler les mouvements de capitaux et à développer une économie plus égalitaire et démocratique, maintient vivante la possibilité d'une souveraineté substantielle et créative.

Il signifie également au monde – et aux États-Unis – que si le Canada lui-même est prêt à résister à l'unilatéralisme américain, tous les États le peuvent aussi.

Ce texte a été initialement soumis au quotidien Toronto Star, qui l'a refusé.

Sam Gindin a été le directeur de recherche du syndicat des Travailleurs et travailleuses canadien.ne.s de l'automobile de 1974 à 2000. Il est le coauteur, avec Leo Panitch, de The Making of Global Capitalism (Verso), et coauteur, avec Leo Panitch et Steve Maher, de The Socialist Challenge Today (Haymarket).

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En une seule journée, Donald Trump démantèle 31 règles environnementales

18 mars, par Hortense Chauvin — , ,
L'administration de Donald Trump a annoncé le 12 mars démanteler 31 règlementations environnementales, notamment pour polluer davantage. Une journée noire pour l'écologie. (…)

L'administration de Donald Trump a annoncé le 12 mars démanteler 31 règlementations environnementales, notamment pour polluer davantage. Une journée noire pour l'écologie.

Tiré de Reporterre
14 mars 2025

Par Hortense Chauvin

Donald Trump poursuit méthodiquement son travail de sape de l'action environnementale. Le 12 mars, son administration a frappé un grand coup, en annonçant le démantèlement de 31 règlementations parmi les plus importantes du pays.

« Nous enfonçons un poignard droit dans le cœur de la religion du changement climatiqueafin de faire baisser le coût de la vie des familles américaines, libérer l'énergie américaine, ramener les emplois du secteur automobile aux États-Unis et bien plus encore », s'est félicité le directeur de l'Agence étasunienne de protection de l'environnement (EPA), Lee Zeldin, dans une allocution vidéo.

Centrales à charbon, voitures, eau...

Parmi les mesures de protection de l'environnement visées : une règle exigeant que les centrales à charbon éliminent la quasi-totalité de leurs émissions de CO2 grâce aux technologies de captage de carbone, adoptée en 2024. Applaudie par les organisations écologistes, cette règle, qui devait s'appliquer à partir de 2032, aurait selon le gouvernement de Joe Biden permis d'empêcher l'émission de près de 1,4 milliard de tonnes de CO2 d'ici 2047, soit l'équivalent des émissions annuelles du secteur de l'électricité aux États-Unis en 2022.

Conspuant des règles « étouffantes », qui restreindraient « quasiment tous les secteurs » de l'économie et coûteraient « des milliards » à la population, Lee Zeldin a annoncé vouloir revenir sur des normes relatives aux émissions des voitures et des camions, dont l'entrée en vigueur était prévue pour 2027.
Lire aussi : « Femme », « climat »... Trump interdit des mots dans les articles scientifiques

L'ancien sénateur de l'État de New York a également promis d'assouplir les limites des émissions de mercure des centrales électriques, pourtant associées à des troubles du développement chez les enfants. Il a également fait le vœu de se débarrasser d'une règle obligeant les États à lutter contre leur pollution lorsqu'elle est transportée par les vents vers les États voisins.

Plus inquiétant encore : Lee Zeldin souhaite annuler un avis juridique de 2009, le « constat de mise en danger » (« endangerment finding »), qui affirme que l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre constitue un danger pour la santé publique, et qui donne à l'EPA le pouvoir de règlementer les émissions de gaz à effet de serre. Si cet avis juridique devait être annulé, l'EPA verrait ses pouvoirs de lutte contre le changement climatique quasiment réduits à néant.

La biodiversité est également dans le viseur. Lee Zeldin envisage de redéfinir ce qui est entendu par « eaux des États-Unis » dans la Loi sur la protection de l'eau (« Clean Water Act »). Selon le groupe de défense de l'environnement Earthjustice, cité par France 24, la nouvelle définition envisagée priverait de protection des dizaines de millions d'hectares de zones humides et des millions de kilomètres de petits cours d'eau.

« Aujourd'hui, la nouvelle arnaque verte prend fin », a conclu Lee Zeldin, avant de promettre que l'EPA prendrait désormais « sa part » pour « inaugurer l'âge d'or de la réussite américaine ».

« Le jour le plus désastreux de l'histoire de l'EPA »

Ces annonces ne font pas encore loi. Dans la majorité des cas, l'EPA devra se soumettre à un processus de consultation publique avant de pouvoir définitivement enterrer les règlementations visées, précise le New York Times. Il devra également justifier de la nécessité économique et environnementale de revenir sur ces règles.

Ces prises de position confirment néanmoins le caractère écocidaire du projet politique de l'administration Trump. Ces décisions interviennent peu après l'annonce de l'EPA de fermer ses bureauxchargés de la lutte contre l'injustice environnementale. Ces derniers s'efforçaient depuis des décennies de limiter la pollution affectant les populations défavorisées, qui vivent souvent à proximité d'installations polluantes (autoroutes, centrales électriques, usines, etc.) mettant leur santé en danger. Lee Zeldin a également mis fin à l'octroi de 20 milliards de dollars (environ 18 milliards d'euros) de subventions destinées à lutter contre la crise climatique, en invoquant le « risque de fraude ».

« Une menace pour nous tous »

Réagissant dans le Guardianaux plus récentes annonces de Lee Zeldin, Gina McCarthy, ancienne administratrice de l'EPA sous Barack Obama, a qualifié le 12 mars de « jour le plus désastreux de l'histoire de l'EPA ». « L'annulation de ces règles n'est pas seulement une honte, estime-t-elle, c'est une menace pour nous tous. L'agence a totalement renoncé à sa mission de protection de la santé et du bien-être des Américains. »

En donnant pour but à l'EPA de « réduire le coût d'achat d'une voiture, du chauffage d'une maison ou de la gestion d'une entreprise », Lee Zeldin dénature radicalement sa mission, relève le New York Times. À sa création en 1970, elle avait pour vocation d'étoffer les connaissances scientifiques sur l'environnement, et mettre en place de nouvelles normes sur la pollution de l'air, de l'eau, des déchets, des radiations et des pesticides. L'EPA n'a « aucune obligation de promouvoir l'agriculture ou le commerce, mais seulement l'obligation cruciale de protéger et d'améliorer l'environnement », précisait son premier directeur, William Ruckelshaus. Un noble objectif, devenu un lointain souvenir.

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LE vrai BON SENS

18 mars, par Confédération des syndicats nationaux (CSN) — , ,
Alors que les idées conservatrices planent depuis plusieurs mois sur l'ensemble du pays, la CSN a choisi de mettre de l'avant ses priorités afin d'alimenter les débats. Si (…)

Alors que les idées conservatrices planent depuis plusieurs mois sur l'ensemble du pays, la CSN a choisi de mettre de l'avant ses priorités afin d'alimenter les débats. Si certains voient déjà les conservateurs gagnants, le contexte récent prouve que rien n'est joué. CE LIVRET SE VEUT UN OUTIL pour susciter la réflexion et l'analyse autour des enjeux soulevés par cette élection. Comme toujours, nous vous encourageons à exercer massivement votre droit de vote. Bonne lecture !

Production : CSN – Dépôt légal : BAnQ et BAC, 2025 DES ÉLECTIONS FÉDÉRALES SE TIENDRONT AU PRINTEMPS 2025

VEILLER À NOS INTÉRÊTS ÉCONOMIQUES

Depuis toujours, les États-Unis influencent largement notre économie. Mais l'arrivée au pouvoir de Donald Trump a changé radicalement la dynamique. Par l'imposition de tarifs douaniers, notre voisin du sud nous force à répliquer et à nous réorganiser afin de minimiser les impacts sur nos industries. La capacité à tenir tête au nouveau président est au cœur de cette élection. Pour la CSN, le vrai bon sens, c'est de s'assurer de la défense de nos emplois manufacturiers et de la gestion de l'offre, qui nous sert et nous distingue. Le prochain gouvernement devra protéger les travailleuses et les travailleurs directement touchés par le conflit commercial, en plus de faire pression sur les multinationales américaines. Enfin, dans le cadre de la renégociation de l'accord Canada–États- Unis–Mexique, le gouvernement devra être ferme dans sa défense des intérêts québécois, ainsi que des secteurs névral- giques de notre économie.

MÉDIAS APPUYER NOS MÉDIAS D'INFORMATION AINSI QUE RADIO-CANAD

Ces dernières années, les revenus publicitaires des médias d'infor- mation ont été progressivement accaparés par les multinationales des géants du Web. Cette situation a mis à mal le modèle économique de ces médias ; elle a pro- voqué une accélération des fermetures d'entreprises, de nombreux licenciements et une fragilisation de l'accès et du droit à l'information. À l'heure où la désinfor- mation gagne du terrain, miser sur une information fiable et équilibrée, qui couvre autant les régions que les grands centres, est essentiel pour notre démocratie. Dans ce contexte, les gouvernements doivent garantir la survie des médias d'information et le droit à l'information des citoyennes et des citoyens. Et que dire de l'avenir de notre réseau public de radio et de télévision, Radio-Canada, dans la mire des conser- vateurs ? Radio-Canada exerce pour la population d'importantes fonctions sociales, culturelles et démocratiques depuis des décennies. Couper dans son financement priverait des communautés entières d'accès à l'information et à la culture. Le prochain gouvernement fédéral doit mettre en œuvre de nouveaux moyens financiers et fiscaux de manière à soutenir les médias. Il doit aussi assurer un mode de financement prévisible et durable pour Radio-Canada.

SOCIÉTÉ UNE SOCIÉTÉ INCLUSIVE QUI NOUS DISTINGUE DE NOS VOISINS DU SUD

L'intolérance, le racisme et la haine n'ont pas leur place dans notre société. Malheureusement, les discours haineux se sont multipliés ces dernières années et les individus qui les portent le font de manière décomplexée. Il faut contrer cette tendance. Le prochain gouvernement fédéral doit donc mettre en œuvre une vision de l'immigration plus inclusive, plus respectueuse de la dignité des personnes immigrantes et plus struc- turante pour notre société et les milieux de travail. Il doit aussi s'attaquer aux facteurs contribuant à la précarité des statuts et à la vulnérabilité de ces personnes. Un gouvernement qui agit dans le vrai bon sens doit assurer un plein accès aux protections offertes par les lois du travail à toutes les travailleuses et à tous les tra- vailleurs présents sur le territoire canadien, sans discrimination fondée sur leur statut migratoire ou sur l'absence d'un permis de travail. Il faut aussi abolir le permis de travail nominatif du Programme des travail- leurs étrangers temporaires (PTET), qui est lié à un seul employeur (permis de travail fermé) et qui crée un terreau propice à de l'esclavage moderne. Au-delà de l'enjeu de l'immigration, il y a lieu de combattre les discours haineux pour promouvoir, dans notre société, plus d'inclusion envers les femmes, les personnes racisées, les personnes LGBTQ+ et les personnes autochtones.

ASSURANCE-EMPLOI RÉFORMER L'ASSURANCE-EMPLOI

Qu'ont en commun les travail- leuses et les travailleurs atypiques (notamment celles et ceux qui sont à temps partiel, saisonniers ou temporaires), les personnes sans stabilité d'emploi et les tra- vailleurs autonomes ? Ils sont tous extrêmement mal servis par le régime d'assurance-emploi actuel. Ces groupes, composés majoritairement de femmes et de jeunes, doivent être mieux protégés par le programme. C'est pourquoi la CSN revendique une réforme de l'assu- rance-emploi afin que le régime soit plus inclusif et mieux adapté aux nouvelles réalités du travail. Cette réforme doit, entre autres choses, mettre fin au fameux « trou noir » vécu par des milliers de travailleuses et de travailleurs d'industries saisonnières. Le trou noir, c'est cette période pendant laquelle un chômeur n'a plus aucun revenu, ayant épuisé ses prestations d'assurance- emploi sans avoir été en mesure de retrou- ver du travail. Les partis doivent s'engager à bonifier l'accès, la durée et le taux des prestations. Le vrai bon sens, c'est une réforme de l'assurance-emploi.

TRANSITION ÉNERGÉTIQUE SE SEVRER DU PÉTROLE ET S'ENGAGER DANS UNE VÉRITABLE TRANSITION JUSTE

La crise climatique prend de telles proportions que des mesures costaudes doivent être prises au plus vite si l'on tient à la suite du monde. On constate chaque jour l'effet de l'aug- mentation des températures sur les événements climatiques extrêmes, tels les ouragans, les inondations, les feux de forêt, les vagues de chaleur ou l'invasion d'espèces nuisibles. On assiste aussi à une accélération des problèmes de pollution de l'eau, de l'air et du sol, qui fragilisent les approvisionnements en eau potable. Pas ailleurs. Ici, chez nous. La CSN est claire : la dépendance de notre économie aux hydrocarbures doit diminuer. Le prochain gouvernement fédéral devra s'engager réellement dans la voie de la transition énergétique. Cela implique notamment de voir à ce que notre empreinte carbone soit la plus faible possible en misant sur le développement de programmes et de politiques d'atté- nuation des GES, dans tous les secteurs d'activité socioéconomiques. Il faut aussi développer et améliorer l'offre de transport en commun.

La qualité de l'offre de service étant le moteur principal de la demande de transport en commun, les gens l'utiliseront si le service est plus régulier, plus pratique et plus rapide.

QUEL VRAI BON SENS ?

DEPUIS PLUSIEURS MOIS, un vent conservateur souffle sur le Canada. Cette façon de concevoir la société constitue une voie qui nous nuira collectivement. Cette idéologie vise à s'attaquer notamment au droit à la syndicalisation, à la négociation collective et à l'exer- cice du droit de grève.

LA CSN NE PEUT TOLÉRER DE TELS RECULS qui s'attaqueraient aux travailleuses et aux travailleurs et à leur capacité de s'unir pour mieux répartir la richesse et garantir de bonnes conditions de travail.

L'IDÉOLOGIE CONSERVATRICE NOUS FERA RECULER sur plusieurs enjeux importants : environnement, droits des femmes et des minorités, investissement dans nos institutions publiques, droit à une informa- tion neutre et complète, pour n'en nommer que quelques-uns.

À L'HEURE OÙ LES ÉTATS-UNIS EFFECTUENT UN IMMENSE REPLI sur eux- mêmes, nous devons tendre la main aux plus démuni-es de notre société, à celles et à ceux qui veulent vivre plus librement, dans le respect et la tolérance. Nous devons nous donner les moyens de faire face à la lutte aux changements climatiques et assumer nos responsabilités. Autrement dit, nous devons regarder vers l'avant. Retourner des décennies en arrière n'est pas une option.

NOUS AVONS TOUTES ET TOUS UN RÔLE À JOUER, votons dans le vrai bon sens, celui d'une société juste et solidaire, toujours dans l'intérêt des travailleuses et des travailleurs.

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Grand dossier Élections fédérales : Quel avenir pour les travailleuses et travailleurs ?

18 mars, par Fédération des Travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ) — , ,
La victoire de Donald Trump chez nos voisins du Sud résonne jusque chez nous. En plus de craindre l'imposition de mesures économiques inquiétantes et la détérioration du filet (…)

La victoire de Donald Trump chez nos voisins du Sud résonne jusque chez nous. En plus de craindre l'imposition de mesures économiques inquiétantes et la détérioration du filet social américain, il faut craindre un effet miroir ici, au Canada et au Québec. La droite conservatrice canadienne s'active, reprenant le langage et les slogans creux, imitant la violence et les mensonges de la campagne électorale républicaine. Alors que des élections fédérales peuvent être déclenchées à tout moment, la FTQ publie dans cette édition du Monde ouvrier un cahier spécial présentant le vrai visage de la droite conservatrice de Pierre Poilievre. Un outil pratique pour informer nos militantes et militants afin de bien cerner le personnage et sa vision ou son absence de vision.

Tiré du journal de la FTQ, LE MONDE OUVRIER N° 149 • HIVER 2025

Une élection déterminante

L'accord fragile entre le gouvernement libéral et le Nouveau Parti démocratique (NPD) permettait à Justin Trudeau de se maintenir au pouvoir. En le déchirant, en septembre dernier, Jagmeet Singh a déclenché le compte à rebours vers une élection générale cruciale pour l'avenir du Canada.

Les sondages pointent vers une victoire écrasante du Parti conservateur de Pierre Poilievre, malgré sa vision prônant l'austérité, avec des coupes dans les services publics, l'assurance-emploi, l'allocation pour enfants, les soins dentaires, l'assurance médicaments et menaçant le droit à l'avortement. Les provinces, à l'exception du Québec, semblent prêtes à céder à cette vague conservatrice, portées par un désir brûlant de changement. Le gouvernement libéral est en chute libre dans les sondages, et l'électorat regarde de l'autre côté de la clôture alors que l'herbe semble plus verte.

Pierre Poilievre a réussi à récupérer la frustration de la classe moyenne et à imposer les conservateurs comme solution face à l'usure du pouvoir du gouvernement Trudeau. Derrière un charisme forgé à coups de formules chocs et d'efforts pour se rapprocher du « vrai monde », il cache une vision du Canada qui inquiète. Son projet politique, antisyndical, antisocial et discriminatoire envers les minorités, doit être dévoilé.

Le mouvement syndical doit envoyer un message clair face à une vision qui ne correspond ni à ses valeurs ni à ses priorités et encore moins aux intérêts des travailleuses et travailleurs.

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Des alliances douteuses

Pour se hisser à la chefferie conservatrice, Pierre Poilievre n'a jamais hésité à élargir sa base d'appuis auprès de groupes aux convictions inquiétantes. Si le chef est issu de la droite économique (dédiée au libre marché et à la réduction de l'État), il doit composer avec la frange morale et religieuse (valeurs traditionnelles, conservatisme social, opposée aux droits des minorités sexuelles ou culturelles, ainsi qu'à l'avortement) qui compose son parti, assure son financement, et avec laquelle il partage des valeurs. L'appui au Convoi de la liberté lui a permis de tisser des liens avec des conspirationnistes, antivaccins, suprémacistes et autres groupes d'extrême droite, souvent hostiles aux institutions et à toute intervention de l'État. On voit fréquemment des députées et députés conservateurs s'afficher avec des membres des groupes antiavortement, homophobes ou transphobes, misogynes ou masculinistes, sous l'œil permissif de Pierre Poilievre, qui fait mine de ne rien voir. Certains d'entre eux ont même rencontré un parti allemand d'extrême droite.

La coalition de ces différents groupes influents que semble devenir le Parti conservateur pose question. Quelles priorités sociales animeraient un gouvernement Poilievre, et comment compte-t-il satisfaire les attentes de ces groupes qui ont une conception marginale de l'ordre moral et du rôle des institutions politiques ?

Une fausse idée de la liberté

Le chef conservateur dit qu'il fera du Canada le pays le plus libre du monde, mais cette formule accrocheuse masque une vision réductrice de la liberté, fondée uniquement sur les libertés individuelles et dépouillée des protections sociales et collectives. Dans cette vision conservatrice, il n'y a que le libre marché qui importe. On réduit l'importance du rôle de l'État, des lois du travail, des programmes sociaux et des mécanismes de redistribution de la richesse. Quand règne la loi de la jungle, ce sont les plus forts, c'est-à- dire les plus riches, qui accumulent richesses et privilèges alors que le reste de la population en paie le prix.

Le flou dans la bergerie

Pierre Poilievre entretient malicieusement un voile de mystère autour de ses positions. Ses attaques à l'endroit de ses adversaires cachent l'absence de propositions concrètes.

À l'image de Donald Trump, il privilégie la « politique spectacle » au Canada. Il joue sur le ras-le-bol du « vrai monde ». Ce populisme semble séduire une part importante de l'électorat. Il joue la méfiance envers l'élite internationale, il se prend en photo avec des ouvrières et ouvriers d'usine et se dit à la défense des gens ordinaires face à l'inflation, la crise du logement et les multinationales. En soutenant le Convoi de la liberté ou les provinces qui remettent en question la « théorie du genre » dans les écoles, le « candidat antiwoke » met plutôt l'accent sur les valeurs morales et identitaires, faisant appel aux émotions bien plus qu'à la raison. Ce style à la Trump peut permettre de remporter une élection, mais une fois au pouvoir, un leader doit gouverner dans l'intérêt de tout le monde.

Ses valeurs profondes et sa conception du monde sont connues, mais quelles sont ses intentions politiques ? La population mérite pourtant la transparence et la franchise de la part de celui qui aspire à la diriger.

Profession : politicien

Pierre Poilievre devient député à seulement 25 ans en 2004. Il obtient alors un salaire de 141 000 $, ainsi qu'une allocation complémentaire de 24 500 $ par an. Ironiquement, celui qui avait proposé de limiter les parlementaires à deux mandats pour éviter que la politique ne devienne une carrière à vie a célébré l'été dernier ses 20 ans au Parlement canadien.

Pierre Poilievre n'a jamais partagé les réalités quotidiennes des travailleuses et travailleurs qui peinent à joindre les deux bouts et qui doivent faire des sacrifices. Et surtout, on ne l'a jamais vu sur un piquet de grève ni en soutien concret aux revendications des syndicats. Son passage au Parlement reste marqué par une défense des multinationales et des intérêts privés, loin des préoccupations du monde ordinaire.

Un marketing électoral

Les médias d'information traditionnels vivent des moments difficiles, particulièrement depuis qu'Internet permet à chaque personne de trouver des sources qui confirment ses opinions. Plusieurs politiciennes et politiciens, estimant ne plus dépendre des journalistes pour livrer leur message, tournent le dos, évitent ou ridiculisent leur travail.

Le chef conservateur s'inscrit dans cette mouvance. Il contrôle son message, avec des slogans, des clips chocs et des rassemblements calculés, tout en évitant de répondre aux questions des médias parlementaires. Pierre Poilievre mise sur les réseaux sociaux pour livrer des messages taillés sur mesure pour chaque segment de sa base. Par exemple, les chasseuses et chasseurs reçoivent des messages sur le droit aux armes à feu. Chaque personne voit ce qui résonne avec ses valeurs, sans avoir accès à l'ensemble du projet conservateur. Ce n'est pas de l'information, c'est du marketing.

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Le mouvement syndical aux aguets

Entre 2011 et 2012, le gouvernement Harper dont faisait partie Pierre Poilievre est intervenu à cinq reprises pour mettre un terme à des négociations, forcer un retour au travail ou imposer une offre finale chez Postes Canada, Air Canada et Canadien Pacifique.

Il a également imposé une loi (C-525) pour faciliter la désyndicalisation des personnes employées dans des entreprises de compétence fédérale et rendre la syndicalisation plus difficile en remplaçant l'accréditation par carte par un système à deux paliers avec vote secret, permettant aux entreprises comme Walmart et Amazon de s'immiscer dans les campagnes de syndicalisation, dénigrant les syndicats et même congédiant les personnes qui militent pour les droits des travailleuses et travailleurs.

En 2013, le même gouvernement fait adopter une mesure pour éliminer le crédit d'impôt fédéral de 15 % des fonds de travailleurs. La FTQ avait alors vivement dénoncé cette décision qui venait nuire aux personnes épargnantes à revenu modeste.

Pierre Poilievre a promis qu'il n'adopterait pas de politiques antisyndicales s'il devenait premier ministre et que cet engagement sera écrit dans sa plateforme électorale. Il fait mine de croire aux organisations ouvrières tandis qu'il soutenait les réformes antisyndicales de Stephen Harper. Semble- t-il que ses visites dans les milieux de travail lui auraient permis de faire évoluer sa pensée et de devenir prosyndical. Est-ce que les syndicats, leurs pratiques et leurs positions ont changé à ce point en l'espace de quelques années ? Non !

Comment expliquer cette reconversion soudaine ? Dans tous les cas, la FTQ le prend au mot concernant l'absence de projet de loi antisyndical. S'il est élu, la FTQ surveillera de près les actions de son gouvernement en lui rappelant ses engagements et ses paroles.

L'ombre du Right-to-work

En 2012, Pierre Poilievre était un fervent défenseur du Right-to-work, un principe qui interdit de forcer une personne qui fait partie d'une unité d'accréditation à devenir membre du syndicat et à payer la cotisation syndicale. Elle doit cependant bénéficier de tous les avantages de la convention collective. Le syndicat peut être poursuivi s'il est soupçonné de ne pas représenter équitablement toutes les personnes salariées de l'unité, que ces dernières paient ou non leur cotisation.

Les dangers des lois de type Right-to-work

Les syndicats ont moins de moyens pour jouer adéquatement leur rôle, soit de négocier des conventions, de défendre les personnes salariées, d'informer, de former, de soutenir les grévistes, etc.

Les lois Right-to-work affaiblissent la solidarité en permettant deux classes de personnes salariées dans la même unité d'accréditation : celles qui paient et celles qui ne paient pas.

Avec des revenus moindres, les ressources qui peuvent être consacrées à la syndicalisation de nouvelles personnes membres sont tout aussi réduites. On se retrouve avec un mouvement syndical de plus en plus faible.

Plusieurs études réalisées aux États-Unis avancent que les salaires dans les États Right- to-work sont de 3,1 % inférieurs à ceux des autres États.

Les États américains Right-to-work attirent surtout des entreprises qui veulent payer de bas salaires. Elles ne permettent pas, comme le prétendent leurs défenseurs, de créer plus d'emplois.

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UN PROJET DE SOCIÉTÉ DANGEREUX

Poilievre, complice silencieux des attaques contre les droits des femmes

Se déclarant pro-choix, Pierre Poilievre a affirmé qu'un gouvernement conservateur ne déposerait pas de projet de loi antiavortement. Il ajoute cependant qu'il permettrait à ses députées et députés de déposer un projet de loi privé sur le sujet et n'imposerait pas la ligne de parti à ce sujet. Rappelons que lors de sa course à la chefferie, il comptait parmi ses soutiens 32 personnes élues opposées à l'avortement. Les votes du chef conservateur des deux dernières décennies montrent qu'il a d'ailleurs appuyé cinq de ces « votes libres » au détriment des droits des femmes.

De plus, en 2022, on découvrait qu'une cinquantaine des vidéos YouTube de Pierre Poilievre contenaient le mot-clic caché, #mgtow (Men going their own way), lié à un mouvement antiféministe. Cette tactique, ses actions passées et ses alliances douteuses révèlent son appui à des forces cherchant à éroder les droits des femmes.

Les droits des minorités en danger ?

En 2005, Pierre Poilievre définit le mariage comme l'union entre un homme et une femme. Récemment, il a déclaré « que le mariage gai est un succès ». Il est surprenant de constater le nombre de fois qu'il a changé de position sur des questions de valeurs fondamentales. Certains des députés conservateurs n'hésitent d'ailleurs pas à s'opposer ouvertement au mariage gai.

Un climat en danger

Le Parti conservateur du Canada (PCC) n'a aucun plan pour atteindre les cibles d'émissions de gaz à effet de serre (GES) auxquelles le Canada s'est engagé dans les accords internationaux.

En plus d'abolir la taxe carbone, le PCC souhaite la construction de pipelines pour acheminer le pétrole de l'ouest vers l'est, et l'intensification de l'exploitation pétrolière en haute mer ou dans les sables bitumineux. Il encourage le recours à l'énergie nucléaire et la production d'énergies et de carburants alternatifs. Loin d'impliquer l'État dans l'effort général de sobriété carbonique, le PCC misera sur la volonté individuelle et l'autorégulation par le libre marché.

Vers une économie déconnectée

Malgré sa tentative de courtiser la classe moyenne, le Parti conservateur du Canada (PCC) a toujours été au service des grandes entreprises. Il a déjà émis l'idée de congédier le patron de la Banque du Canada et de lui interdire d'imprimer des billets de banque. Il propose de faire du Canada la capitale mondiale du bitcoin alors que ces mêmes entreprises sont soumises à des risques réels de volatilité selon l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Oubliez l'assurance médicaments

En octobre dernier, le projet de loi C-64 a été adopté marquant l'avancée la plus significative des dernières décennies pour la mise en place d'un régime public et universel d'assurance médicaments. Pierre Poilievre a annoncé que cette loi serait abrogée si son parti formait le gouvernement. Les conservateurs n'ont aucun plan pour réduire le prix des médicaments, qui sont parmi les plus élevés au monde.

Équilibre budgétaire ou austérité ?

On ignore tout du plan du Parti conservateur (s'il existe) pour atteindre simultanément l'équilibre budgétaire et réduire les impôts. Ou bien il n'a aucune idée de ce qu'il fait ou il ne souhaite pas dévoiler ses véritables intentions. Réduire rapidement le déficit tout en se privant de revenus ne signifie qu'une chose : un retour douloureux à l'austérité, ce qui mène à des coupes dans les programmes et services à la population. Avec pour effet d'en ralentir ou d'en réduire l'accès ou la qualité. Les programmes sociaux sont à risque, tout comme des milliers d'emplois de la fonction publique fédérale, qui jouent pourtant un rôle essentiel, notamment dans l'inspection des aliments ou la sécurité ferroviaire et aéronautique. On peut aussi s'attendre à une réduction des transferts fédéraux aux provinces pour la santé, l'éducation et le transport collectif. Quand on veut réduire les dépenses d'un budget, le « gros bon sens », c'est de faire savoir à la population où on va couper.

Pour lutter contre la crise du logement, Pierre Poilievre promet d'abolir la TPS et demande aux provinces de faire de même pour les maisons neuves de moins de 1 million de dollars, ce qui représenterait un coût de 16 milliards de dollars sur une période de quatre ans au fédéral seulement. Comment va-t-il financer ce programme ? En éliminant des programmes existants comme le Fonds canadien pour la construction de logements et le Fonds canadien pour les infrastructures (gestion des eaux, traitement des eaux usées, gestion des déchets solides, etc.), et en se privant de revenus de TPS.

Rien de concret pour améliorer le pouvoir d'achat

Selon Pierre Poilievre, oubliez la pandémie, les ruptures d'approvisionnement, les profits démesurés des entreprises, les fluctuations du prix de l'essence et la crise climatique. Si tout coûte cher, c'est uniquement la faute de Justin Trudeau. Qu'on aime ou non l'actuel premier ministre, il y a quelque chose d'irréaliste à lui attribuer autant de pouvoir. Depuis quelques mois, l'inflation semble sous contrôle de manière générale, mais le prix de certains biens et services continue d'augmenter, particulièrement pour le logement et les aliments. Pour s'attaquer à ce problème, c'est simple, les conservateurs proposent d'abolir la taxe carbone, le seul hic… la taxe carbone ne s'applique pas au Québec…

Pas de sortie de crise en habitation

Partout au pays, les logements sont de plus en plus rares et les prix ont explosé depuis la pandémie. Les solutions des conservateurs pour régler cette crise relèvent de la pensée magique ; laisser le privé construire davantage de logements avec le moins de contraintes possible. Pourtant, une sortie de crise passe inévitablement par un rôle accru de l'État pour serrer la vis aux spéculateurs, garantir le droit au logement et construire des logements sociaux. Alors que la collaboration entre les trois paliers de gouvernement apparaît essentielle, Pierre Poilievre préfère insulter la mairesse de Montréal et le maire de Québec.

Des familles moins bien soutenues

Au cours des dernières années, le gouvernement libéral a mis sur pied plusieurs programmes qui soutiennent les familles comme l'Allocation canadienne pour enfants. Ce programme a permis à des centaines de milliers de familles de se sortir de la pauvreté. Les conservateurs laissent toutefois planer le doute sur ce qu'il en adviendra une fois au pouvoir. Bien qu'imparfait, le programme national de soins dentaires permet tout de même aux familles et aux personnes aînées qui n'en avaient pas les moyens d'aller chez le dentiste. Et les conservateurs ont tout fait pour en bloquer l'adoption. En 2023, le PCC a appuyé, après des années d'opposition, un projet de loi pour un programme national de garderies. Ce tiède revirement ne change rien à la philosophie générale de ce parti où l'État doit intervenir le moins possible, même si cela vient en aide aux familles.

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Gouvernement Trudeau : un bilan en demi-teinte

L'arrivée au pouvoir du Parti libéral du Canada, en 2015, avait permis de rompre avec les politiques austères du gouvernement de Stephen Harper. Rapidement, l'abolition des lois antisyndicales, le retour de l'âge de la retraite à 65 ans, l'Allocation canadienne pour enfants, les hausses d'impôts pour les plus riches ont apporté un vent de fraîcheur.

En comparaison, le troisième mandat du gouvernement Trudeau, faute de projets concrets, laisse un goût amer d'une administration en fin de régime. Que ce soit dans la lutte contre les changements climatiques ou dans le dossier de l'immigration, la politique libérale du dernier mandat s'est avérée sinueuse et parfois contradictoire.

Heureusement, l'appui politique apporté par le NPD aura permis de déployer des politiques sociales et économiques avantageuses pour les plus vulnérables et pour la classe moyenne. Soulignons les progrès que constituent l'adoption d'une loi anti-briseurs de grève et la mise en place du Régime canadien de soins dentaires, du programme d'assurance médicaments et du programme national de garderies.
La crise du logement, le coût de la vie, les défis de la pénurie de main-d'œuvre et de l'intégration des personnes immigrantes dans les communautés, l'urgence climatique et l'électrification des transports mériteront des efforts importants de la part du prochain gouvernement. À ce chapitre, les idées novatrices et réalistes semblent manquer. Il appartient aux formations politiques d'écouter et de proposer des solutions.

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Comment faire une différence ?

Les prochains mois doivent être l'occasion d'une grande conversation sur le type de leadership et de projets que nous souhaitons pour un avenir durable, dans une société démocratique, juste et équitable.

Toute personne interpellée par cet objectif peut poser plusieurs gestes :

1. Rester vigilant Vérifier les informations, éviter les idées simplistes et s'assurer de bien comprendre avant d'appuyer toute proposition.

2. S'informer Suivre l'actualité, comprendre les plateformes et propositions de chaque formation politique, les accueillir de manière prudente et critique.

3. Discuter Dans les milieux de travail ou autour de la table familiale, échanger sur les dernières tendances, partager ses analyses et préoccupations et poursuivre une discussion constructive.

4. Diffuser Faire circuler les outils d'information, d'analyse et d'éducation recueillis, distribuer les publications syndicales, émettre son avis et accueillir le questionnement et la critique.

5. Faire connaître ses préoccupations Rédiger une lettre d'opinion, se faire entendre dans les lignes ouvertes, rencontrer ses politiciennes et politiciens locaux (députés, candidats à l'élection, porte-parole locaux des autres partis), identifier une cause qui vous tient à cœur et s'y investir.

6. S'engager syndicalement S'informer auprès de sa section locale, de son conseil régional ou de son syndicat national, créer un comité d'action politique, participer à des activités de formation ou d'échanges sur des enjeux politiques, s'équiper des outils de mobilisation politique existants, les relayer auprès de ses collègues.

7. Participer à la campagne Soutenir une formation politique, organiser des discussions avec les amis, la famille, les collègues de travail, ou des débats entre citoyens ou candidats, faire du porte-à-porte, rédiger une plateforme syndicale ou citoyenne et la faire connaître, demander à sa candidate ou son candidat local de se prononcer sur des enjeux que l'on a à cœur.

8. Voter
Prévoir de voter et encourager son entourage à en faire de même.

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Pour la FTQ, le vrai « gros bon sens », c'est… ?

Une stratégie de lutte contre la vie chère qui s'appuie sur de meilleures prestations sociales et mesures fiscales pour les personnes salariées au bas de l'échelle.

  • Une reconnaissance du droit au logement et des investissements massifs dans de nouveaux logements sociaux et communautaires.
  • Des services publics et programmes sociaux soutenus avec des fonds suffisants pour éviter le recours à la sous-traitance et assurer la prestation attendue en temps et en qualité.
  • Un programme d'assurance-emploi pour les travailleuses et travailleurs des industries saisonnières, garantissant un accès équitable aux prestations pour les personnes qui travaillent à temps partiel ou selon des horaires atypiques, et qui met fin à la discrimination des femmes prestataires du Régime québécois d'assurance parentale (RQAP) qui tombent en chômage.
  • Un Code canadien du travail qui favorise la protection des travailleuses et travailleurs.
  • Une lutte contre l'évasion et l'évitement fiscaux qui donne les moyens aux autorités fiscales d'enquêter, de poursuivre en justice et de recouvrer les sommes dues aux services et programmes sociaux destinés à la population.
  • Un plan de lutte contre les changements climatiques qui s'accélère pour atteindre les engagements internationaux du Canada quant aux cibles de carboneutralité et de réduction des émissions de GES, en réduisant la dépendance aux hydrocarbures, en misant sur l'électrification des transports et le développement des transports collectifs et qui prévoit une transition juste pour les travailleuses et travailleurs.
  • Un régime d'immigration qui offre de réelles perspectives d'accueil et de vie aux travailleuses et travailleurs, notamment en abolissant les permis fermés, évitant ainsi de les enfermer dans des conditions d'esclavage moderne, tout en permettant à la main-d'œuvre locale de répondre à ses besoins professionnels.
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La FTQ en action

Des militantes et militants mobilisés

D'ici au jour du scrutin, les membres seront appelés à soutenir le message de la centrale en animant des conversations politiques dans leurs milieux, en se joignant à des comités de mobilisation régionaux, en relayant des publications sur les médias sociaux, etc. La centrale prévoit créer des contenus, publications, formations et guides à l'intention des personnes qui souhaitent se lancer dans la mêlée pour faire bouger les intentions de vote. Pour suivre les développements de cette mobilisation : actionnetwork.org/ forms/mobilisons-nous-pour- bloquer-poilievre.

Tournée des dirigeants

Lancée le 30 octobre à l'occasion d'un conseil consultatif qui a réuni 200 militantes et militants à Laval, une tournée québécoise des dirigeants de la centrale s'échelonnera sur plusieurs semaines. La présidente, Magali Picard, et le secrétaire général, Denis Bolduc, iront à la rencontre des membres de tous les milieux pour entendre leurs préoccupations et discuter des enjeux de la prochaine élection.

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Enjeux féministes des prochaines élections fédérales

Les prochaines élections fédérales seront marquées par plusieurs enjeux féministes cruciaux. Les droits des femmes et des personnes trans, les violences genrées, l'équité salariale et l'accès aux soins de santé reproductive pour toutes figurent parmi les préoccupations majeures. 1. Équité salariale et précarité économique L'écart salarial entre les hommes et les femmes persiste, en particulier pour les femmes issues de communautés marginalisées et racisées. Les mesures pour garantir une véritable équité salariale, comme l'application stricte de la Loi sur l'équité salariale, seront des points de pression importants. Les femmes continuent également d'occuper une proportion élevée d'emplois précaires et sous- payés, exacerbant les inégalités économiques. Les candidates, candidats et les chefs de partis devront proposer des politiques concrètes qui réduisent la précarité économique. Il faudra porter attention aux positions des différents partis sur ces questions, et nous devrons exiger des chefs de partis des réponses concrètes à ces réalités et des propositions de politiques qui réduisent la précarité économique. 2. Violence fondée sur le genre La lutte contre les violences faites aux femmes reste un enjeu clé. Les propositions concernant le financement des refuges pour femmes victimes de violence et l'amélioration des services de soutien pour les survivantes auront notre attention, tout comme les mesures préventives et collectives plutôt que punitives et individuelles, question d'enrayer ces violences fondées sur le genre. 3. Accès aux soins de santé reproductive Les droits des femmes en matière de santé reproductive, notamment l'accès à l'avortement, à la contraception et aux soins menstruels gratuits, continueront d'être des questions centrales. Les féministes exigeront des engagements clairs pour garantir un accès universel et non discriminatoire aux soins. La mobilisation des électrices et électeurs sur l'équité salariale, la violence fondée sur le genre et l'accès aux soins de santé reproductive sera déterminante pour garantir que ces enjeux soient placés au cœur des débats et des programmes politiques lors des prochaines élections fédérales. n

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PIERRE POILIEVRE, L'AMI DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS L'épreuve des faits

Texte de l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS)

Pierre Poilievre se présente régulièrement comme le défenseur de la classe ouvrière face à des élites libérales déconnectées – un classique du programme populiste, stratégiquement mobilisé à droite.

Le Congrès du travail du Canada (CTC), auquel est affiliée la FTQ, a de son côté dénoncé la « fraude » aux travailleuses et travailleurs que constitue Pierre Poilievre. Ses pratiques politiques parlent pour lui.

Le chef conservateur défend-il vraiment les intérêts des travailleuses et travailleurs ?

Une analyse de la plateforme politique du Parti conservateur du Canada (PCC), adoptée en septembre 2023, illustre les risques réels que celle-ci pose pour les intérêts socioéconomiques des travailleuses et travailleurs canadiens et pour la liberté syndicale.

La compétence est partagée entre Québec et Ottawa en matière de droit du travail. Le Parlement du Canada légifère sur les relations de travail dans les secteurs d'activité qui relèvent de sa compétence, soit les banques, les entreprises de transport maritime et aérien, les entreprises de radiodiffusion et de télédiffusion comme Radio-Canada, mais aussi la plupart des sociétés d'État fédérales ainsi que les ministères et autres organismes du gouvernement fédéral.

Le PCC face aux droits du travail La plateforme politique du PCC insiste sur la protection des libertés individuelles avant tout ; cela fait craindre que les droits et libertés collectives en ressortent érodés.

Les conservateurs proposent de rendre l'adhésion syndicale facultative, remettant ainsi en question la formule Rand, qui garantit le paiement obligatoire des cotisations syndicales pour toutes les personnes salariées d'une unité de négociation. Cette mesure pourrait affaiblir les syndicats, limitant leur capacité à défendre efficacement les membres et menant potentiellement à des conditions de travail défavorables.

Le PCC insiste aussi sur « l'obligation des syndicats de […] ne pas sanctionner les travailleurs qui ne participeraient pas ». Pourtant, légalement, les travailleuses et les travailleurs sont déjà libres de participer ou non aux activités licites de leur syndicat. Cette formule mystérieuse reviendrait-elle, par exemple, à reconnaître à des travailleuses et travailleurs le droit de ne pas participer aux grèves votées ? Ou cela signifie- t-il que le PCC pourrait bloquer ou réviser la très récente loi contre les briseurs de grève ? C'est à suivre.

Sans surprise, en matière d'emploi, le PCC souhaite faciliter le cumul emploi- retraite pour les plus de 65 ans par la mise en place d'incitatifs fiscaux. Au Québec, une idée similaire a la faveur de la CAQ. Or, selon toute vraisemblance économique, cette liberté nouvelle devrait contribuer à l'appauvrissement des aînés comme cela se produit dans l'Union européenne (UE), où des législations similaires ont été adoptées. Le taux de pauvreté des personnes retraitées y est en constante hausse (de 12 % en 2014 à plus de 16 % en 2022, pour toute l'UE).

La liberté économique contre la protection sociale

Les autres propositions de Poilievre se résument à une défense classique de la liberté économique individuelle, à un soutien au secteur privé et à la libre compétition économique, et plus généralement à une réduction drastique des services publics. Le PCC s'en dit « convaincu » : « un dollar dans la main d'un citoyen canadien vaut mieux qu'un dollar dans la main d'une bureaucratie gouvernementale. […] la réduction des impôts et de l'ingérence de l'État dans l'économie se traduira par une augmentation du pouvoir d'achat des Canadiens […] ».

Les prochaines élections fédérales peuvent avoir lieu à tout moment, au plus tard en octobre 2025. « Si la tendance se maintient », Pierre Poilievre pourrait former un gouvernement majoritaire en 2025. Au regard des enjeux profonds qui traversent le monde du travail – crise environnementale, crise de sens du travail et pénuries de main- d'œuvre –, il s'agit d'un programme au mieux limité, au pire inquiétant, aligné sur la politique antisyndicale de son prédécesseur, Stephen Harper.

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PAROLE AUX JEUNES

Entre espoir et crainte Si l'on se fie aux taux de participation des dernières élections, les jeunes ont tendance à bouder les urnes. Désintérêt pour la politique ? Cynisme générationnel ? Derrière ce désengagement apparent, certains continuent à se battre.

À l'approche des élections fédérales, les jeunes sont confrontés à des choix qui auront des répercussions considérables sur leur ave- nir. Le Monde ouvrier s'est entretenu avec deux d'entre eux, Samuel et Mathilde, syndicalistes engagés, pour comprendre les enjeux qui leur tiennent à cœur. Mathilde : la jeunesse en alerte Mathilde, 23 ans, syndiquée à l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), voit les élections comme un moment crucial pour défendre les droits des minorités et des femmes. « Même depuis ma position privilégiée, j'ai peur de la droite, avec leurs politiques de plus en plus racistes et sexistes. Ça me pousse à m'impliquer ! » Pour elle, l'arrivée d'un gouvernement conserva- teur serait une menace. « Ce qu'on a vu aux États-Unis montre à quel point la droite peut avoir des conséquences rapides et dangereu ses. » Mathilde souligne égale- ment l'enjeu environne- mental : « On parle beaucoup de transition juste, mais ça reste en surface. Tout est dilué dans des engagements à long terme, parfois douteux, alors qu'on a besoin de changements maintenant. »

Samuel : le fonctionnaire en quête de reconnaissance

Samuel, 28 ans, syndiqué à l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), appré- hende avec inquiétude le résultat électoral, ayant déjà vécu sous les conservateurs. « Leurs politiques d'austérité frappent fort. Cela affecterait le quotidien de milliers de fonc- tionnaires. » Samuel souligne que les fonctionnaires sont souvent des boucs émis- saires pour les défaillances de l'État. « On nous perçoit de plus en plus comme responsables des échecs gouvernementaux, alors que notre travail, souvent fait dans l'ombre, est essentiel. » Des coupes dans la fonction publique entraîneront iné- vitablement une diminu- tion de la qualité des ser- vices publics et de l'efficacité du système.

Un retour des conserva- teurs signifierait également un coup dur pour les syndi cats. « On sait qu'ils cherche- ront à nous affaiblir, à réduire notre capacité de négociation, ce qui aura un impact direct sur nos conditions de travail », ajoute-t-il.

La droite et les hommes

Mathilde et Samuel s'en- tendent sur un point inquiétant : la montée de la droite, qui gagne du terrain parti- culièrement chez les jeunes hommes, est une réponse simpliste à des problèmes nuancés. Leur génération, en quête de stabilité, trouve dans ces discours une promesse de certitudes claires dans un monde de plus en plus incertain.Sa muel s'inqui ète également de la manière dont les jeunes hommes se laissent facilement influencer par des figures comme Poilievre : « Leur utilisation du numérique est brillante. La droite a compris l'importance d'une présence agressive en ligne, alors que la gauche traîne. On n'est pas assez présents, et on laisse le champ libre aux popu- listes qui captent facilement l'attention. » Le rôle de la FTQ dans les élections Mathilde et Samuel insistent sur l'importance d'une implication de la FTQ dans la joute politique. Ces deux syndicalistes sont convaincus que la collabo- ration entre les membres est primordiale pour améliorer les conditions de vie. « Sans les syndicats, on n'aurait jamais obtenu les avancées sociales récentes », explique Samuel. Mathilde ajoute : « Le syndicat est un contrepouvoir indispensable. Il nous donne les outils pour défendre nos droits, surtout face à des gouvernements qui cherchent à nous attaquer et à affaiblir les filets sociaux ».

Mathilde conclut sur l'intérêt de mobiliser les jeunes : « Plusieurs hésitent à s'impliquer syndicalement, souvent par peur des repré- sailles d'un employeur ou par manque d'information. La FTQ doit montrer aux jeunes qu'ils peuvent faire bouger les choses. Notre génération doit agir. C'est à travers cet engagement qu'on pourra influer sur notre avenir, tant dans le monde du travail que sur les inégalités sociales et l'environnement ». « Et, on se doit de sortir voter ! », complète Samuel.

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La contre-révolution en marche

18 mars, par Maïté Albagly, William Bourdon — , ,
La contraception a été une des principales révolutions du XX siècle. Au-delà des aspects de santé publique, elle a accéléré cette longue odyssée des femmes tendant à leur (…)

La contraception a été une des principales révolutions du XX siècle. Au-delà des aspects de santé publique, elle a accéléré cette longue odyssée des femmes tendant à leur émancipation et la disparition des mécaniques patriarcales. C'est la raison pour laquelle, depuis toujours, les régimes autoritaires dans le monde font de la lutte contre ces droits acquis une de leurs premières obsessions.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Nul doute que la contraception a été une des principales révolutions du XX siècle. Au-delà des aspects de santé publique, elle a accéléré cette longue odyssée des femmes tendant à leur émancipation et la disparition des mécaniques patriarcales. Elle a aussi entraîné des transformations sociales profondes.

C'est la raison pour laquelle, depuis toujours, les régimes autoritaires dans le monde font de la lutte contre ces droits acquis une de leurs premières obsessions. Ils veulent agir en utilisant tous les outils possibles pour réduire l'accès à la contraception et l'avortement. C'est le mépris des femmes qui est le sous-jacent de ces politiques régressives. Le paradoxe saute aux yeux. Elles sont menées alors même que ceux qui les prônent se font les promoteurs ardents d'une augmentation de la natalité, bien sûr pas des immigrés dont on redoute la submersion, mais des femmes blanches.

Or, différentes études montrent que les lois restreignant l'accès à l'avortement, si elles ont des conséquences significatives sur la natalité, celles-ci peuvent être fort éloignées des objectifs poursuivis par ces régimes.

Souvenons-nous des principales mesures prises par la première administration Trump.

Pendant son premier mandat, l'administration de Trump a pris différentes mesures qui témoignaient déjà de l'ampleur du projet conservateur :

* Dès janvier 2017, interdit le financement fédéral aux organisations internationales qui pratiquent ou promeuvent l'avortement. Cette mesure a réduit l'accès aux services de santé reproductive dans de nombreux pays en développement.

* Les juges conservateurs nommés par ses soins ont conduit à l'annulation de l'arrêt de principe protégeant l'accès à l'avortement pour les femmes américaines (Roe v. Wade en 2022)

* Différentes mesures ont été prises limitant l'accès aux cliniques pratiquant l'IVG, outre les restrictions des subventions aux centres de santé pratiquant l'IVG

* Des millions de femmes ont été privées d'un accès au programme de planification familiale « Title X », dont les financements ont été drastiquement réduits.

Conséquences des mesures :

* Les conséquences de ces mesures sont déjà funestes. Elles ont conduit à une augmentation des naissances non planifiées. La réduction de l'accès à la contraception a provoqué une hausse des grossesses non désirées. Elles ont, évidemment et mécaniquement, exacerbé les inégalités socio-économiques et ont perpétué le cycle de la pauvreté.

Depuis que l'administration Trump 2 s'est installée au pouvoir, on doit baisser les yeux sur l'aggravation de cette politique illustrée par différentes nouvelles mesures :

* C'est ainsi que le 24 janvier 2025, Trump a signé l'Executive Order 14182, intitulé « Enforcing the Hyde Amendment ». Cet ordre met fin au financement fédéral pour les avortements non thérapeutiques et révoque des décrets précédents qui élargissaient l'accès aux services de santé reproductive.

* De la même façon, la « Mexico City Policy » a été rétablie aux fins d'interdire le financement des ONG internationales qui fournissent des services liés à l'avortement, même si elles utilisent des fonds non américains. Cette mesure a conduit à une réduction significative de l'accès aux soins contraceptifs et a augmenté les risques de grossesses non désirées et de mortalité maternelle à l'échelle mondiale.

* Enfin, de façon absolument dramatique, le gel du financement de l'USAID menace la santé reproductive mondiale dans la mesure où elle provoque la fermeture de nombreuses cliniques fournissant des services essentiels, tels que les examens du cancer du col de l'utérus, le traitement du VIH et l'accès aux contraceptifs. Cette interruption des services de santé reproductive entraîne une augmentation des grossesses non désirées et des avortements non sécurisés, mettant en danger la santé et la vie de millions de femmes et de filles.

Conclusions :

Ainsi, les mesures prises par le président Trump lors de son premier mandat et avec précipitation depuis qu'il a été réélu, témoignent des effets cataclysmiques que ces mesures entraînent dans le domaine des droits sexuels et reproductifs. Les contre-pouvoirs aux Etats-Unis sont affaiblies ou disloqués et nombreux sont les sceptiques sur la capacité de l'autorité judiciaire de mettre un frein à la politique de Trump.

Ces mesures ont un biais social très marquées. Les personnes les plus touchées par les restrictions sur l'avortement et la contraception sont souvent celles à faibles revenus ou issues de minorités, car elles ont moins les moyens de voyager vers un autre État où l'avortement est légal.

Voilà un gouvernement, une administration qui affirment sa volonté que le taux de natalité augmente pour que l'Amérique soit plus grande à nouveau. Non seulement cet objectif risque d'échouer s'agissant du taux de natalité pour les femmes provenant des classes moyennes ou des classes riches, mais ne peut avoir que plus d'impact vers les catégories modestes ou pauvres et parmi lesquelles, bien sûr, beaucoup de migrants.

Cette politique machiste et totalement rétrograde manque à ses objectifs en termes de politique de natalité, aggrave les inégalités, fragilise les communautés les plus modestes.

Peu importe l'irrationalité, elle dit l'obsession pathologique des hommes pour reprendre le pouvoir sur toutes les sphères de la société.

C'est un grand mérite du mouvement féministe en France d'avoir réussi à créer un très large consensus social sur le droit à l'avortement au point d'être le premier pays au monde d'avoir rendu possible son inscription dans la Constitution avec l'appui de toutes les forces politiques y compris les plus conservatrices. Il nous faut rester mobilisés pour que ce droit soit appliqué.

Les objectifs natalistes de l'administration Trump vont être mis en échec par sa politique régressive à l'égard des femmes.

Maïté Albagly, économiste, ex-Secrétaire Générale du Planning Familial
William Bourdon, avocat

https://blogs.mediapart.fr/william-boudon-et-maite-albagly/blog/050325/la-contre-revolution-en-marche

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Canada : À l’intérieur de l’alliance croissante du Parti conservateur avec les groupes hindous de droite

18 mars, par Aniket Kali, Saima Desai — ,
Des organisations hindoues surgissent au Canada, reprenant souvent les arguments conservateurs sur la criminalité, le coût de la vie et les politiques anti-LGBTQ « Bienvenue (…)

Des organisations hindoues surgissent au Canada, reprenant souvent les arguments conservateurs sur la criminalité, le coût de la vie et les politiques anti-LGBTQ
« Bienvenue », a entonné le gourou spirituel hindou depuis une scène surélevée recouverte de tissu blanc et safran. « Et très, très bon anniversaire à vous. »
C'était en juin 2023, et Pierre Poilievre recevait un accueil chaleureux au temple Hindu Sabha à Brampton, en Ontario.

17 janvier 2025 | tiré d'Europe solidaire sans frontières
Saima Desai Aniket Kali

Le chef du Parti conservateur, portant une écharpe avec une inscription saluant les déesses hindoues, et un tilak, une marque hindoue sur le front, a été présenté à une salle comble de fidèles du temple comme « le prochain Premier ministre du Canada ».

Lorsqu'il a pris la parole, Poilievre a exposé ses propositions politiques habituelles : réduire les impôts, équilibrer le budget et alléger les réglementations sur le logement. Mais il avait également des offres spécifiquement pour les hindous du Canada.

« Quand j'irai en Inde pour rencontrer le Premier ministre indien, nous signerons un accord de libre-échange, et je pourrai signer le document en hindi », a-t-il promis sous des applaudissements nourris.

Il a promis d'accélérer les procédures de reconnaissance des titres professionnels pour les immigrants — un obstacle pour les Indiens et de nombreux autres immigrants au Canada. Et Poilievre a également exprimé sa solidarité avec les victimes de ce qu'il a décrit comme une vague de haine.

« Le nombre de crimes haineux ciblant désormais les communautés hindoues a augmenté de plus de 100 % au cours des huit dernières années », a-t-il déclaré. (C'était un peu de créativité mathématique : il y a eu deux crimes haineux motivés par l'identité hindoue signalés au Canada en 2023, et zéro au cours des sept années précédentes.)

« C'est la vie que nous menons sous Justin Trudeau », a déclaré Poilievre. « Mais la bonne nouvelle, c'est que nous allons transformer la douleur que Trudeau a causée en l'espoir dont les Canadiens ont besoin. »

Certains pourraient supposer que les partis qui ont historiquement le plus soutenu l'immigration — les Néo-démocrates et les Libéraux — obtiendraient le soutien de la plupart des immigrants.

Mais ce n'est pas le cas. Un sondage du printemps dernier a montré que le Parti conservateur domine maintenant auprès de l'un des plus grands groupes de nouveaux immigrants au Canada — les hindous. Ils bénéficient de 53 % de leur soutien, le parti suivant le plus populaire, les Libéraux, arrivant à 21 %.

Alors que le climat politique en Inde s'est déplacé vers la droite, les politiques de la diaspora hindoue ont suivi la même tendance.

Depuis une décennie, l'Inde est dirigée par le Bharatiya Janata Party (BJP), mené par le Premier ministre Narenda Modi. Le BJP a tenté d'éloigner l'Inde de son engagement historique envers la laïcité vers la suprématie hindoue (connue sous le nom de Hindutva), recourant souvent à la violence extrajudiciaire. Sous leur règne, les inégalités de richesse ont atteint un niveau supérieur à celui de la période coloniale britannique et se sont largement concentrées dans les castes supérieures.

Le BJP s'est appuyé sur la diaspora hindoue de plus en plus importante et influente dans des pays comme le Canada pour obtenir un soutien important, des dons aux activités de lobbying.

Au milieu de ce virage à droite, une prolifération d'organisations de la société civile hindoue a surgi au Canada, beaucoup d'entre elles reprenant les arguments conservateurs sur la criminalité, le coût de la vie et l'expression codée anti-LGBTQ des « droits des parents ».

Elles défendent également le nationalisme hindou, brandissant une définition de l'« hindophobie » qui vise à faire taire les critiques du Premier ministre Modi et toute discussion sur la discrimination liée aux castes qui existe dans les écoles canadiennes.

Avec une élection fédérale qui se profile cette année et les anciennes coalitions d'immigrants libéraux qui s'effritent, des acteurs au sein du Parti conservateur et des organisations hindoues investissent dans une alliance émergente. Bien qu'aucun ne soit vraiment loyal envers l'autre, les deux espèrent que cela portera ses fruits — avec des résultats électoraux et le renforcement de leurs agendas réactionnaires et parfois partagés.

Comment les Libéraux ont gagné — et commencé à perdre — le vote des immigrants

Pourquoi ce virage de certains immigrants vers le Parti conservateur ?

C'est la question au cœur du travail d'Emine Fidan Elcioglu, professeure de sociologie à l'Université de Toronto.

« Le gouvernement conservateur de Stephen Harper a imposé des exigences plus strictes en matière de citoyenneté, élargi les motifs d'expulsion, réduit l'immigration de la catégorie familiale et rendu plus difficile l'accueil des cas d'asile réussis », a déclaré Elcioglu à The Breach.

Mais durant la même période, « le PCC s'est efforcé de se redéfinir comme le parti de la diversité, tout en préparant consciemment des candidats immigrants asiatiques comme membres du Parlement. »

Ils avaient du pain sur la planche, car historiquement, les Libéraux ont joué un rôle central dans la création de la réputation du Canada en tant que mosaïque culturelle où les personnes de toutes origines sont accueillies et valorisées.

Jusqu'en 1967, un quota d'immigration privilégiait les Européens par rapport aux autres aspirants à l'entrée au pays. Le gouvernement du Premier ministre libéral Lester Pearson a abandonné ce système et l'a remplacé par une politique qui a fait venir des professionnels qualifiés, indépendamment de la race – bien que le racisme persiste encore dans le fonctionnement de l'immigration.

Plusieurs années plus tard, un autre Premier ministre libéral, Pierre Trudeau, a déclaré le multiculturalisme politique d'État et a finalement ouvert l'immigration aux réfugiés et aux membres des familles des citoyens canadiens et des résidents permanents. À la suite de ces changements, la plupart des immigrants au Canada s'identifient désormais comme des minorités visibles non blanches.

En 2015, le Parti libéral dirigé par Justin Trudeau a été élu sur la promesse d'admettre des milliers de réfugiés syriens et d'accueillir les membres des familles des immigrants. Trudeau continuerait à défendre le Canada comme une terre qui accueille « ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre » et à admettre un nombre record d'immigrants.

Ensemble, ces politiques au fil des décennies auraient pu gagner aux Libéraux une base électorale d'immigrants fidèles.

Et pourtant, Trudeau a pris le soutien des immigrants pour acquis : peu disposé à freiner les profits des propriétaires et des promoteurs dont l'avidité a provoqué une crise du logement à l'échelle nationale, Trudeau a commencé à blâmer les immigrants pour la crise et à restreindre l'immigration.

C'était un terrain fertile pour que les Conservateurs fassent des percées.

Il n'y avait aucune garantie que ces efforts recruteraient avec succès des électeurs immigrants — « la sensibilisation ne fonctionne que si les groupes ciblés sont réceptifs », a déclaré Elcioglu. Mais réceptifs, ils l'ont été.

Un sondage de l'automne dernier montre que 45 % des Asiatiques de l'Est favorisent les Conservateurs, bien devant les Libéraux et le NPD, et 33 % des Sud-Asiatiques penchent vers les Conservateurs, menant à nouveau les autres partis.

Les sondages montrent que les Canadiens religieux ont tendance à voter conservateur plus que la population générale. Pourtant, même au milieu de ces tendances plus larges, les hindous semblent particulièrement attirés par Poilievre. Sa popularité parmi les électeurs hindous a régulièrement augmenté au printemps alors qu'ils se détournaient de plus en plus de Trudeau. Les chrétiens évangéliques sont le seul groupe religieux dont les sentiments positifs envers Poilievre ont augmenté plus rapidement que ceux des hindous.

Et une récolte de groupes hindous de droite a travaillé dur pour élever le profil des récits nationalistes hindous au Canada, et ils considèrent les Conservateurs comme une voie vers l'influence.

Poilievre, le champion du BJP au Canada ?

Depuis que le Premier ministre du Canada a accusé l'Inde d'avoir assassiné un activiste sikh khalistani sur le sol canadien, Trudeau et Modi sont en froid.

Poilievre a sauté sur l'occasion pour discréditer Trudeau : « Il a dressé les Canadiens les uns contre les autres au pays et il a fait exploser nos relations à l'étranger », a-t-il déclaré à Namaste Radio Toronto, un média népalais. « Nous avons besoin d'une relation professionnelle avec le gouvernement indien. L'Inde est la plus grande démocratie sur Terre. »

Pendant ce temps, Poilievre reste le seul chef de parti majeur qui refuse d'obtenir l'habilitation de sécurité nécessaire pour consulter des documents classifiés sur l'ingérence politique des gouvernements étrangers au Canada. Les médias de droite indiens ont interprété le choix de Poilievre comme une démonstration de loyauté envers la version indienne de la vérité.

Poilievre pourrait avoir des raisons de montrer sa fidélité à Modi : des sources confidentielles ont déclaré à Radio-Canada que des responsables indiens au Canada ont saboté la campagne de l'un des rivaux de Poilievre pour la direction conservatrice en 2022. Le maire de Brampton, Patrick Brown, qui avait précédemment été l'un des politiciens canadiens les plus proches de Modi, avait commencé à critiquer la répression draconienne du BJP contre les agriculteurs indiens qui protestaient contre les réformes agricoles.

Pour l'Inde, un pays avec un gouvernement de plus en plus militariste et autoritaire désespéré de maintenir son étiquette glissante de « plus grande démocratie du monde », la bénédiction du Canada est inestimable.

Poilievre a travaillé pour entrelacer les destins du Canada et de l'Inde. Le jour de l'indépendance de l'Inde en 2024 — l'année où Modi a finalement commencé à appliquer une loi de 2019 qui discrimine les musulmans lorsqu'ils demandent l'asile des pays voisins — Poilievre a publié une déclaration dans laquelle il disait : « Que la Feuille d'érable et le Tiranga [le drapeau tricolore de l'Inde] volent à jamais unis en célébration de notre liberté et de nos démocraties. »

L'accusation inventée d'« hindophobie » utilisée pour « dénigrer et attaquer »

En 2023, la vice-chef conservatrice Melissa Lantsman a présenté une pétition à la Chambre des communes pour reconnaître et définir l'« hindophobie » dans le Code des droits de la personne du Canada.

L'ancien conseiller de Lantsman est Yasharth Verma, qui est vice-président du chapitre du Sud-Ouest de l'Ontario d'une organisation appelée la Chambre de commerce hindoue canadienne. (Verma dit qu'il n'a pas été impliqué dans la décision de Lantsman de présenter la pétition.)

L'organisation a soulevé l'hindophobie dans son rapport sur le budget fédéral de 2024, qui préconisait de réduire le déficit et exprimait « une profonde préoccupation face au manque de mesures spécifiques » visant à « lutter contre l'hindophobie ». Leur président, Kushagr Dutt Sharma, a célébré publiquement la réélection de Modi en 2024.

La pétition de Lantsman a été soutenue par une lettre aux députés de 80 groupes communautaires hindous-canadiens, dont plusieurs étaient déjà alignés avec la droite hindoue, et menée par l'Organisation canadienne pour l'éducation au patrimoine hindou.

Dans un document de 33 pages sur « Reconnaître l'hindophobie », la présidente de l'Organisation canadienne pour l'éducation au patrimoine hindou, Ragini Sharma, écrit sur ce qu'elle prétend être une discrimination systémique contre les hindous dans le milieu universitaire, dans les conseils scolaires et dans les forces de police.

Tout en nommant certaines expressions réelles du racisme, Sharma qualifie également d'hindophobes des actes tels que la commémoration par la ville de Burnaby de Gauri Lankesh, une critique vocale du nationalisme hindou qui a été assassinée par des tireurs non identifiés ; le Toronto Star critiquant un film de propagande qui justifie l'occupation militaire brutale du Cachemire par l'Inde ; et un universitaire donnant une conférence dans une bibliothèque de Toronto sur les dangers de la suprématie hindoue.

La droite hindoue utilise une liste sélective d'incidents, comme des récentes échauffourées entre activistes khalistanis et hindous dans un temple de Brampton, pour prouver que l'hindophobie augmente au Canada.

Les hindous subissent effectivement de la discrimination et de la violence dans certaines parties du monde, comme au Bangladesh, où les maisons et les entreprises de la population hindoue minoritaire du pays ont été attaquées depuis la chute du gouvernement de la Ligue Awami en août. Mais les accusations d'« hindophobie » en Amérique du Nord sont souvent inventées pour bloquer les critiques du nationalisme hindou du BJP.

« En tant que communauté minoritaire, les hindous de la diaspora font face à diverses formes de sectarisme et de discrimination », a déclaré Pranay Somayajula de Hindus for Human Rights. « Mais le terme spécifique 'hindophobie' est très ancré dans la politique insidieuse de l'Hindutva. »

Somayajula note que le terme a été inventé par l'idéologue de l'Hindutva Rajiv Malhotra, et est souvent saisi pour « dénigrer et attaquer les opposants politiques ».

Un cas concret : lorsqu'une motion proposant d'interdire la discrimination fondée sur la caste — la hiérarchie sociale rigide qui consigne de nombreux hindous de basse caste à la pauvreté héréditaire et aux préjugés — a été présentée au Toronto District School Board (TDSB) en 2023, l'Organisation canadienne pour l'éducation au patrimoine hindou a lancé une campagne pour la faire échouer, soutenant que la motion peignait injustement les hindous de caste supérieure comme oppressifs.

« Il n'y a pas de caste au Canada », a déclaré Sharma à New Canadian Media, malgré des cas documentés de discrimination de caste dans les écoles de Toronto. « Tout cela est introduit comme de l'hindophobie. »

L'Organisation canadienne pour l'éducation au patrimoine hindou a gagné la bataille — ils ont réussi à faire modifier la motion originale, supprimant la formation d'un comité pour développer des recommandations de programme anti-caste et faisant renvoyer la motion à la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) — mais a perdu la guerre lorsque la CODP a reconnu la discrimination fondée sur la caste dans la politique officielle.

Le groupe a depuis organisé des événements pour enseigner aux parents comment s'engager dans le système scolaire pour lutter contre « l'hindophobie institutionnalisée dans le système éducatif canadien ». Le mouvement vers la défense des « droits des parents » pour influencer les discussions en classe est une stratégie standard pour les conservateurs sociaux. Au Canada, les activistes des « droits des parents » ont tenté de supprimer des salles de classe les discussions sur le sexe, l'identité de genre, le racisme et le colonialisme.

En septembre, l'Organisation canadienne pour l'éducation au patrimoine hindou a co-organisé un événement avec un tel groupe de « parents concernés » pour discuter de la Pétition E-5010, qui cherche à mettre fin aux soins d'affirmation de genre pour les moins de 16 ans. Sharma a ensuite exhorté ses partisans à assister à la « marche d'un million pour les enfants » en opposition à l'éducation sur le genre et l'identité sexuelle.

La droite hindoue n'est pas unique dans sa tentative de supprimer les discussions de gauche dans les écoles. Mais en adoptant le cadre des « droits des parents », ils se révèlent être des acteurs politiques dans le mouvement conservateur plus large au Canada. Leur utilisation de cette phrase dit au mouvement conservateur : aidez-nous à dicter les termes de l'éducation nationaliste hindoue, et nous vous aiderons à dicter les termes de l'éducation sur le genre et l'identité sexuelle.

Indicatif de ce type de création de coalition, l'Organisation canadienne pour l'éducation au patrimoine hindou a trouvé une alliée en la commissaire du TDSB Weidong Pei lorsque Pei a voté contre la motion pour interdire la discrimination de caste.

Pei a assisté à leur événement du Mois du patrimoine hindou à North York, qu'elle a contribué à organiser. Pei a ensuite cherché à obtenir la nomination pour être candidate du Parti conservateur fédéral pour Willowdale lors des prochaines élections fédérales.

La première priorité listée sur son site web : « défendre les droits des parents ».

Une plateforme commune, une politique d'opportunité

En septembre 2024, une nouvelle organisation hindoue est apparue sur la scène : Canada Hindu Vote, formée pour « permettre aux électeurs hindous canadiens de participer activement au processus démocratique ».

Cette organisation est typique des groupes hindous de droite modérée qui ont grandi en réseau au Canada. Leurs mandats semblent souvent inoffensifs, mais un examen plus attentif révèle généralement un engagement envers des causes de droite, et spécifiquement envers la promotion du nationalisme hindou.

L'événement de lancement de Canada Hindu Vote a présenté des leaders communautaires, comme la présidente de l'Organisation canadienne pour l'éducation au patrimoine hindou, Sharma, dont la réputation hindoue repose sur leur plaidoyer nationaliste hindou.

Dans l'unique article de blog sur leur site web, Canada Hindu Vote identifie ce qu'ils considèrent comme les questions clés pour les hindous. Beaucoup d'entre elles reflètent ce que vous entendriez de n'importe quel porte-parole du Parti conservateur aujourd'hui : coût de la vie, criminalité, vol de voitures, et malheurs économiques. Mais ils ajoutent les préoccupations propres à la droite hindoue : vandalisme des temples et atteinte aux droits des parents, louant l'accent millénaire de l'hindouisme sur les valeurs familiales.

Dans une interview récente, le président de la Coalition des hindous d'Amérique du Nord Canada, Rishabh Sarswat, a longuement parlé des attaques contre les temples, des distorsions de l'histoire hindoue dans l'éducation publique, et d'un manque de reconnaissance légale et policière de la haine anti-hindoue, comme les problèmes majeurs auxquels les hindous sont confrontés. En bref : l'hindophobie. Ce n'est qu'après une demande explicite qu'il a nommé des problèmes tels que l'accessibilité financière ou le racisme anti-immigrant.

Il n'existe pas d'organisme représentatif unique pour les hindous au Canada, mais en examinant la constellation des organisations existantes et leurs priorités, une plateforme politique distincte émerge.

Ces groupes cherchent à légitimer une définition de l'hindophobie qui exclut la critique du système des castes et du nationalisme hindou ; à promouvoir une éducation qui assainit toutes les atrocités commises sous la bannière de l'hindouisme ; et à assurer la prospérité continue de la communauté d'affaires hindoue de caste supérieure et de classe supérieure du Canada.

Pour atteindre ces objectifs, les organisations hindoues font du lobbying auprès des représentants pour soutenir leur cause. Elles travaillent également avec la police pour s'assurer que l'hindophobie soit traitée comme un crime haineux grave.

Il ne faut pas s'étonner qu'un ensemble de préoccupations aussi largement conservatrices trouve un débouché dans le Parti conservateur. Dès avril 2023, Poilievre est devenu le premier chef d'un parti fédéral à faire une déclaration s'opposant à l'hindophobie. « Nous devons arrêter l'hindophobie et les commentaires désagréables qui sont faits sur les hindous et le vandalisme et autres violences ciblant les Canadiens hindous », a-t-il déclaré dans une interview avec Prime Asia.

Et pourtant, les Conservateurs ont été réservés dans leur offre de soutien total à l'agenda de la droite hindoue. Poilievre s'est retiré d'un événement de Diwali alors que les allégations d'ingérence étrangère de l'Inde au Canada ont accru les tensions entre les deux pays, conduisant la Fédération hindoue de droite à exprimer sa « profonde déception » face à ses actions et le Forum hindou du Canada à appeler au boycott de son événement de campagne.

Sarswat a déploré que tous les partis politiques au Canada aient ignoré les préoccupations hindoues — ou nationalistes hindoues : « Il n'y a eu aucun politicien qui a fait un travail significatif [vers] le démantèlement de l'hindophobie. »

La droite hindoue du Canada reste à la recherche d'un champion politique. Leur politique ne s'aligne pas avec les porteurs traditionnels des immigrants, le Parti libéral, mais ils n'ont pas encore embrassé de tout cœur un nouveau parti.

Un allié de longue date est le député libéral Chandra Arya, qui a diligemment fait avancer le récit selon lequel les hindous sont attaqués. Pendant ce temps, le Forum hindou du Canada, plus marginal, a travaillé avec le chef du Parti populaire du Canada, Maxime Bernier, pour soutenir une « fin à l'immigration de masse et... aux ghettos ethniques ». (Cela n'a cependant pas empêché les partisans de Bernier d'appeler à la déportation des hindous.)

Les Conservateurs et la droite hindoue sont des opportunistes — ils expérimentent en défendant les objectifs des uns et des autres, tout en étant peu disposés à offrir à l'autre un soutien qu'ils estiment ne pas avoir encore mérité. Pour l'instant et pour l'avenir prévisible, un Parti conservateur ascendant reste la plus grande opportunité pour l'avancement politique de la droite hindoue au Canada et, commodément, le parti dont la politique correspond le plus étroitement à la leur.

The Breach a fait des tentatives répétées pour obtenir des entretiens avec des représentants de plusieurs organisations hindoues. Certains d'entre eux ont initialement accepté de parler, mais ont ensuite cessé de répondre aux courriels et aux appels téléphoniques lorsque The Breach a essayé d'organiser des entretiens.

Plaidoyer hindou, pour qui ?

Suite aux affrontements dans un temple à Brampton au début novembre entre hindous et activistes khalistanis, Sarswat a organisé un webinaire intitulé « Les hindous canadiens sous attaque : les organisations hindoues ripostent ». Il présentait non seulement la Coalition des hindous d'Amérique du Nord Canada et l'Organisation canadienne pour l'éducation au patrimoine hindou, mais six autres groupes représentant les affaires, la jeunesse, les temples et les groupes culturels de droite. Le message était clair : nous sommes nombreux, et nous sommes unis dans notre combat.

Le combat en question consiste à promouvoir un récit selon lequel les hindous du monde entier sont attaqués, et qu'une Inde militarisée nettoyée des « infiltrés » peut être leur seul refuge sûr. C'est similaire au récit sur Israël avancé par les organisations juives de droite en Amérique du Nord, et en effet, des alliances publiques entre sionistes et hindous — y compris Sharma et Sarswat — ont été une caractéristique du paysage politique, particulièrement depuis octobre 2023.

Il y a de vrais problèmes auxquels les hindous sont confrontés au Canada : les étudiants internationaux d'Inde se font voler leurs salaires et travaillent dans des conditions déplorables au noir en raison d'un plafond sur les heures de travail hors campus ; les immigrants sud-asiatiques sont utilisés comme boucs émissaires pour l'échec du gouvernement libéral à fournir un logement, des soins de santé et des services publics adéquats ; et les Canadiens racialisés gagnent 81 cents pour chaque dollar en comparaison avec les Canadiens blancs, tout cela alors que le coût de la vie a grimpé en flèche.

Mais aucun de ces problèmes n'est particulier aux hindous, et aucun d'entre eux n'est la principale lutte sur laquelle les promoteurs de l'« hindophobie » se concentrent. Ce sont les mêmes problèmes auxquels sont confrontés d'autres immigrants, d'autres Sud-Asiatiques, d'autres résidents racialisés de ce pays.

Sur ces fronts, les gains ont toujours été obtenus grâce à des mouvements sociaux qui nous unissent dans nos intérêts communs, au-delà des lignes de race et de religion — qu'il s'agisse de récupérer des salaires perdus, de forcer les propriétaires à réparer des logements délabrés, ou de repousser l'extrême droite raciste. Malgré les objectifs des activistes de l'Hindutva, les hindous ne peuvent pas échapper au fait que notre meilleure chance pour un avenir vivable réside dans la construction d'une majorité multiraciale de la classe ouvrière.

« Le PCC représente les intérêts des citoyens blancs riches », ajoute Elcioglu de l'Université de Toronto. Ce qui fait de la marche vers la droite des hindous canadiens une tragédie, car cela ne peut jamais signifier que des accords ponctuels avec une classe dirigeante heureuse de jeter les hindous par-dessus bord dès qu'ils ne sont plus pratiques.

Somayajula de Hindus for Human Rights note que « ce que font les groupes [hindous de droite] est dangereusement à courte vue, et cela met nos communautés en danger au nom de la supposée 'protection' des intérêts hindous. »

C'est le point, vraiment. Le jeu et l'objectif de la droite hindoue au Canada est d'abord au service du projet nationaliste hindou. Les hindous, des personnes réelles avec des préoccupations matérielles, sont une priorité secondaire lointaine.

Ou, comme l'a dit Sarswat, « Je ne parle pas pour tous les hindous. Je parle pour les intérêts des hindous. »

Saima Desai

Aniket Kali

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P.-S.

Breach Media

https://breachmedia.ca/hindu-conservative-party-alliance-right-wing/

Traduit pour ESSF par Adam Novak

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La tragicomédie canado-américaine

18 mars, par Jean-François Delisle — , ,
L'antagonisme politico-commercial canado-américain qui se déroule sous nos yeux à vitesse accélérée possède quelque chose de caricatural. On est en présence d'un (…)

L'antagonisme politico-commercial canado-américain qui se déroule sous nos yeux à vitesse accélérée possède quelque chose de caricatural.

On est en présence d'un gouvernement libéral canadien à la veille de déclencher des élections, donc fragile, d'un "front commun" des provinces en réalité dispersées, d'un Doug Ford, premier ministre de l'Ontario qui a abandonné au moins momentanément ses rodomontades face au géant américain, et de l'autre côté de la frontière d'un gouvernement républicain dont le chef met les bouchées doubles et accentue le degré de brutalité de ses mesures pour faire plier Ottawa. Dans deux ans se tiendront aux États-Unis le scrutin de mi-mandat pour renouveler la Congrès (Chambre des représentants et une partie du Sénat) et les républicains ne sont pas certains de conserver leur mainmise sur ces instances, au moins sur la Chambre des représentant.. Même si les démocrates n'ont présentement pas de chef et qu'ils sont divisés sur une foule de sujets, ils pourraient remporter une majorité (même minime) à ces deux instances, ce qui risquerait de mettre en péril la croisade de Trump contre le Canada et le Mexique. C'est pourquoi Donald Trump mène la charge à fond de train et ce, même s'il change souvent d'idée et a reporté certains tarifs au début d'avril.

Pour leur part, les dirigeants canadiens fédéraux et provinciaux ont tout tenté pour éviter le choc avec la Maison-Blanche, cédant entre autres à ses pressions (qui n'étaient que des prétextes) de mieux surveiller la frontière pour enrayer le trafic de fentanyl, et ce, même s'il est prouvé que seulement une partie infime de cette drogue provient du Canada, la grande majorité qui entre aux "States" arrive du Mexique. Ce n'est qu'en dernier recours qu'Ottawa et la plupart des provinces se sont résignées à adopter des mesures de rétorsion économiques.

Les libéraux viennent de désigner Mark Carney pour diriger leur parti. Le gouvernement fédéral arrive au terme de son mandat. Un scrutin se tiendra donc bientôt. En attendant, l'instabilité politique va affaiblir Ottawa jusqu'à ce qu'un nouveau gouvernement émerge des urnes dans quelques mois, une période de transition qui accentuera la vulnérabilité du pays durant tout ce temps. Il fera face à un énorme adversaire vorace et déterminé.

Les provinces, pour leur part, agissent en ordre dispersé. L'Alberta rechigne à imposer des droits de douane sur le pétrole qu'elle exporte à son excellent client américain, la Saskatchewan rejette les tarifs sur la potasse qu'elle lui envoie et François Legault a déclaré que les entreprises américaines qui soumissionnent pour les contrats du gouvernement québécois s'exposeraient à une pénalité de 25%. Mais il refuse d'imposer des tarifs sur l'électricité exportée à son puissant voisin. Doug Ford avait tout d'abord annoncé de manière tonitruante l'imposition de tarifs élevés sur l'électricité destiné aux États-Unis et en a rajouté par la suite en évoquant la possibilité de les cesser tout à fait. Mais il se dit maintenant ouvert à la négociation avec Washington.

Donc, rien de bien concret ne ressort de la riposte canadienne. Elle est aussi confuse et instable que l'attaque américaine à l'égard du Canada. On a beau reprocher à Trump ses déclarations fluctuantes et sa propre instabilité dans les dates d'imposition de ses mesures de rétorsion, les classes politiques canadiennes (provinciales et fédérale) ne font pas mieux.

Les divisions et les contradictions qui fragilisent le "front commun canadien" augurent mal pour l'avenir. Le gouvernement qui sera élu cette année à Ottawa, peu importe sa couleur politique, éprouvera beaucoup de difficultés à souder les intérêts divergents provinciaux et fédéraux pour coordonner une riposte commune et efficace vis-à-vis de l'administration Trump. Cette dernière pourra-t-elle maintenir la pression sur le Canada ? Là aussi règne l'incertitude.

Il y a quelque chose de ridicule dans cette guéguerre entre ces deux proches alliés de taille si inégale. Une superpuissance dirigée par un sinistre bouffon d'un côté, de l'autre un grand pays peu peuplé par comparaison qui tente de sauvegarder ses intérêts tout en conservant un semblant de dignité.

La bêtise humaine s'étale devant nous en ce moment. Faut-il en rire ou en pleurer ? Sans doute les deux à la fois.

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Les « voix de l’Amérique » réduites au silence : Trump gèle les médias publics à l’étranger

18 mars, par El Watan — , ,
Des centaines de journalistes et employés de Radio Free Asia, Radio Free Europe et d'autres organismes ont reçu ce week-end un courrier électronique les informant qu'ils (…)

Des centaines de journalistes et employés de Radio Free Asia, Radio Free Europe et d'autres organismes ont reçu ce week-end un courrier électronique les informant qu'ils seraient interdits d'accès à leurs bureaux.

Tiré d'El Watan.

L'administration Trump a annoncé samedi la mise en congé du personnel des médias financés par les États-Unis, incluant Voice of America (VOA) et Radio Free Asia, suscitant de vives réactions parmi les défenseurs de la liberté de la presse. Ces médias sont considérés comme des instruments démocratiques permettant la diffusion d'informations indépendantes dans des régions où la presse est restreinte.

Des centaines de journalistes et d'employés de ces organisations ont reçu un courriel les informant qu'ils n'auraient plus accès à leurs bureaux et devaient restituer leurs cartes de presse, téléphones professionnels et autres équipements. Cette décision fait suite à un décret du président Donald Trump qualifiant l'agence gouvernementale supervisant ces médias (USAGM) d'élément inutile de la bureaucratie fédérale.

Kari Lake, récemment nommée conseillère à l'USAGM après sa défaite aux sénatoriales en Arizona, a justifié cette mesure en affirmant que ces subventions ne faisaient plus partie des priorités de l'agence. Cette décision a été vivement critiquée par des organisations comme le Comité de protection des journalistes, qui y voit une atteinte au journalisme indépendant, et Reporters sans frontières, qui considère qu'elle remet en cause des décennies d'engagement américain en faveur de la liberté de l'information.

Des figures du monde médiatique ont dénoncé un coup de pouce aux régimes autoritaires, soulignant que des gouvernements comme ceux d'Iran, de Chine ou de Russie pourraient tirer avantage de la disparition de ces médias. Créée en 1996, Radio Free Asia a pour mission de diffuser des reportages non censurés dans des pays où la presse est sous contrôle, comme la Chine, la Corée du Nord et le Vietnam.

Cette restructuration s'inscrit dans une politique plus large de réductions budgétaires affectant plusieurs agences fédérales, y compris l'éducation et l'aide au développement. Donald Trump, qui critique régulièrement les médias d'information, a justifié ces coupes comme une rationalisation des dépenses publiques.

Toutefois, le Congrès, qui détient le pouvoir de financer ces agences, pourrait s'opposer à cette décision, certains médias ayant historiquement bénéficié d'un soutien bipartisan. Un employé de VOA a décrit cette période comme marquée par une forte anxiété et un sentiment de chaos. Un autre de Radio Free Asia a exprimé des inquiétudes quant à la sécurité des reporters travaillant sous surveillance dans des pays répressifs, ainsi qu'au sort des employés étrangers dont les visas pourraient être remis en question.

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Stablex : opération écoblanchiment pour un procédé défaillant

18 mars, par Martine Ouellet — , ,
Dans un récent communiqué, Stablex s'est lancé dans une vaste opération d'écoblanchiment. Ils prétendent que leur procédé est « stable et inerte » Pourtant, les dirigeants de (…)

Dans un récent communiqué, Stablex s'est lancé dans une vaste opération d'écoblanchiment. Ils prétendent que leur procédé est « stable et inerte » Pourtant, les dirigeants de l'entreprise ne peuvent ignorer que leur procédé de traitement des déchets toxiques est défaillant.

Le mercredi12 mars 2025

Ils l'ont même admis indirectement devant le BAPE en reconnaissant que l'eau s'accumulant au fond des cellules est si contaminée qu'elle doit être pompée à perpétuité et réinjectée dans le processus. Si le Stablex était véritablement solide et inerte, cette eau ne serait pas contaminée. Ce seul fait prouve l'échec du procédé et confirme les pires craintes.

De plus, deux rapports – celui de la Police verte et celui de la Commission Charbonneau – confirment que le produit issu du traitement, le « stablex », n'est pas inerte. Cela signifie qu'il contamine les éléments avec lesquels il est en contact, notamment l'eau et les sols. Lors du BAPE de 2023, un sous-traitant de Stablex a témoigné que le stablex n'était pas solidifié comme l'entreprise le prétend et que des vapeurs toxiques s'en échappaient.

DES CONTRÔLES DÉFICIENTS ET UNE COMPLAISANCE DU MINISTÈRE DE L'ENVIRONNEMENT

Stablex prétend répondre « aux normes environnementales les plus strictes, dictées par le ministère de l'Environnement du Québec ». Or, ils sont aux premières loges pour constater que les contrôles du ministère de l'Environnement sont déficients et complaisants. Durant le BAPE 2023, nous avons appris que le ministère se fiait aveuglément aux analyses fournies par Stablex pour contrôler le procédé. Or, Stablex a expliqué que ces analyses ne sont pas effectuées sur des échantillons prélevés sur le terrain, mais sur des échantillons séchés en laboratoire dans des conditions idéales. L'entreprise prétend que ces résultats sont comparables, et le ministère accepte sans questionner. Pourtant, il est évident que l'exposition aux intempéries, à la pluie en particulier, le gel et le dégel modifient complètement l'équilibre liquide-solide du béton/stablex.

« BRIS DE SERVICE » : UN CHANTAGE ÉHONTÉ

L'argument du « bris de service » invoqué par Stablex et repris par la CAQ n'est qu'un prétexte pour faire pression et justifier l'expropriation. Selon Stablex, la cellule 5 actuellement en exploitation serait pleine en 2027, alors que le BAPE estime plutôt 2030. Dans les deux cas, en arrêtant l'importation de déchets toxiques des États-Unis, la durée de vie du site pourrait être doublée, donnant ainsi le temps au gouvernement de mener un BAPE générique pour identifier un site et un traitement sécuritaire, loin des zones habitées et des sources d'eau potable.

REFUSER TOUT AGRANDISSEMENT POUR LES DÉCHETS TOXIQUES À BLAINVILLE

Benoit Beauchamp et sa famille ont sonné l'alerte sur les dangers de Stablex depuis plusieurs années, malgré des pressions politiques, policières et judiciaires. Climat Québec, alerté par Benoit Beauchamp qui se porte actuellement candidat dans la partielle de Terrebonne, s'est engagé dans ce dossier depuis 2022 et a participé aux consultations du BAPE, aux conseils municipaux de Blainville, à des rencontres de la MRC ainsi qu'à l'Assemblée nationale pour inciter les élus à agir. Nous avons rencontré spécifiquement le maire Mathieu Traversy dans les derniers jours pour le sensibiliser aux risques de contamination de sa prise d'eau potable situé juste en aval du réseau hydrographique provenant des déchets toxiques de Stablex.

Il faut refuser tout agrandissement de déchets toxique à Blainville. Que ce soit le plan A de Stablex, appuyé par la ministre des Ressources naturelles, Maïté Blanchette Vézina, qui prévoit l'expropriation d'un terrain à moins d'un kilomètre des résidences pour y enfouir l'équivalent de quatre stades olympiques de déchets toxiques jusqu'en 2065, ou son plan B, soutenu par la mairesse de Blainville Liza Poulin et le Parti Québécois, qui prévoit un stade olympique de déchets toxiques jusqu'en 2040 à seulement 300 mètres des résidences, les risques sont inacceptables. Le procédé est défaillant et les risques de contamination des eaux de surface, dont la prise d'eau potable de Terrebonne, des nappes phréatiques et des sols sont trop grands. D'ailleurs, un échantillonnage citoyen a révélé des taux de contamination dépassant les normes pour plusieurs métaux, dont une concentration de cadmium 320 fois supérieure à la limite acceptable.

Stablex pousse l'écoblanchiment à l'extrême en prétendant faire de l'économie circulaire, alors qu'en réalité, son procédé, étant défaillant, ne fait que doubler la quantité de déchets toxiques enfouis en les mélangeant avec du ciment. Il est temps de mettre fin à cette mascarade et d'exiger des solutions responsables et sécuritaires pour la gestion des déchets toxiques au Québec.

Martine Ouellet
Cheffe Climat Québec
Ancienne ministre des Ressources naturelles

SOURCE :
climat.quebec

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Dossier Stablex : La Ville poursuit ses démarches pour s’opposer au projet de loi 93

18 mars, par Ville de Blainville — , ,
Si vous ne l'avez pas déjà fait, il suffit d'un clic pour manifester votre opposition au projet de loi 93. Les ministres et députés concernés recevront un message automatisé. (…)

Si vous ne l'avez pas déjà fait, il suffit d'un clic pour manifester votre opposition au projet de loi 93. Les ministres et députés concernés recevront un message automatisé. Vous êtes près de 2 000 personnes à avoir participé au mouvement : merci de tout cœur !

Exprimez votre désaccord

À titre de rappel, le projet de loi 93 obligerait la Ville de Blainville à vendre son terrain au gouvernement du Québec, qui permettrait ensuite à Stablex de l'utiliser pour l'enfouissement des matières résiduelles dangereuses qu'elle traite.

La Ville de Blainville continue d'intensifier ses actions dans le dossier Stablex

La Ville poursuit ses efforts pour faire pression sur le gouvernement afin qu'il revienne sur sa décision et retire le projet de loi 93. En bref :

Visite des trois partis d'opposition

Les 6 et 7 mars, la mairesse Liza Poulin a rencontré, à Blainville, des députés de chaque parti d'opposition représenté à l'Assemblée nationale du Québec.

La mairesse les a sensibilisés au dossier, aux actions menées depuis plus d'un an et aux impacts du projet de loi, notamment sur la grande tourbière. Ensuite, ils ont visité le site appartenant à la Ville, que le gouvernement du Québec souhaite s'approprier. Les trois partis d'opposition, qui participent à l'étude et à l'adoption des lois, ont indiqué leur l'intention d'intervenir à l'Assemblée nationale afin de soutenir la position de la Ville lors de l'étude du projet de loi 93, les 18, 19 et 20 mars prochain.

Mobilisation du milieu municipal

La mobilisation se poursuit également dans le milieu municipal. Les élus de municipalités et des MRC de partout au Québec adoptent des résolutions en appui à Blainville et la Ville continue à recevoir plusieurs messages de soutien.

Merci aux villes qui nous appuient dans cet important dossier !

Les demandes de rencontre avec le gouvernement du Québec
La ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, responsable du projet de loi 93, a refusé de rencontrer la mairesse Poulin, qui demande des réponses à des questions légitimes et pressantes. Pendant ce temps, le gouvernement s'apprête à créer un dangereux précédent, tant sur le plan environnemental que légal.

Consultations particulières en commission parlementaire

Les 18, 19 et 20 mars, le projet de loi 93 fera l'objet de consultations particulières à la commission de l'aménagement du territoire. Les parlementaires membres de cette commission entendront divers organisations et groupes, dont la Ville de Blainville et la mairesse Liza Poulin, le 18 mars. Pour tous les détails, consultez la foire aux questions.

Des réponses à vos questions !

Nous recevons beaucoup de commentaires et de questions sur le dossier Stablex. Consultez notre foire aux questions, que nous enrichissons chaque semaine.

Foire aux questions

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La Chine et les États-Unis au XXIe siècle

18 mars, par Charlie Hore — , , ,
Charlie Hore retrace la croissance rapide de l'économie chinoise au cours du dernier quart de siècle et les tensions croissantes avec les États-Unis. Transcription de la vidéo. (…)

Charlie Hore retrace la croissance rapide de l'économie chinoise au cours du dernier quart de siècle et les tensions croissantes avec les États-Unis. Transcription de la vidéo.

Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
9 mars 2025

Par Charlie Hore

Merci beaucoup à la rs21 d'Édimbourg d'avoir organisé cet événement et merci à tous ceux et celles qui sont ici présents. Il ne fait aucun doute que lorsque l'on écrira l'histoire du XXIe siècle, l'essor de la Chine en sera l'un des thèmes majeurs. C'est là un sujet immense, qui sera donc abordé de manière très générale. Dans cette introduction, je vais essayer de faire trois choses essentielles : premièrement, expliquer comment la Chine est devenue une puissance économique mondiale et, par conséquent, une grande puissance impérialiste ; deuxièmement, aborder certaines des tensions entre les classes et les nations que le succès économique des 25 dernières années a exacerbées ; et enfin, parler de la Chine et du monde, en particulier des tensions de plus en plus vives avec les États-Unis.

Une image vaut mille mots. Ce graphique montre la vitesse et l'ampleur de la montée en puissance de la Chine au cours du dernier quart de siècle. Voici la croissance annuelle du PIB au cours de ce siècle, la ligne bleue représente la Chine, la ligne grise l'économie mondiale et la ligne orange les États-Unis. Trois choses évidentes en ressortent. La Chine a systématiquement obtenu de meilleurs résultats que l'économie mondiale dans son ensemble mais aussi que les États-Unis. Deuxièmement, les États-Unis ont systématiquement obtenu des résultats inférieurs à ceux de l'économie mondiale jusqu'à très récemment. Troisièmement, il y a deux interruptions majeures dans cette tendance. Le krach boursier de 2008 puis la pandémie de Covid en 2020. Je vous parlerai du miracle économique au cours de ces trois phases.

Une autre façon de considérer les choses, c'est de se rappeler qu'en 2000, la Chine ne produisait que 4 % du PIB mondial, contre 30 % pour les États-Unis. En 2021, la Chine représentait 18 % du PIB mondial, contre 24 % pour les États-Unis. Cette évolution s'est déroulée en trois périodes distinctes : avant 2008, pendant la crise de 2008, pendant la pandémie de Covid-19 et après. Trois grands thèmes se dégagent de cette évolution. Tout d'abord, il y a la bonne fortune dont a bénéficié le Parti communiste chinois (PCC) en s'ouvrant à l'économie mondiale au bon moment dans les années 1990. Une bonne fortune qui a duré jusqu'en 2008. Ensuite, elle a bénéficié des avantages de son retard. La Chine était encore un pays rural et disposait d'une énorme armée de main-d'œuvre de réserve dans les campagnes. Enfin, elle a bénéficié du pouvoir économique central de l'État à tous les niveaux, non seulement du gouvernement national, mais aussi des gouvernements provinciaux, locaux, des districts et des villes. Et c'est aussi la réussite du PCC à la fois dans la gestion du changement et dans la prise en compte des développements inattendus. Une histoire dans laquelle les victoires des « pragmatiques » sur les « planificateurs » s'enchaînent.

L'émergence de la Chine s'appuyait sur une croissance explosive de l'industrie manufacturière, principalement destinée à l'exportation vers les États-Unis, et sur la volonté de l'Europe occidentale d'externaliser sa production vers des lieux de production moins coûteux. La Chine assure aujourd'hui un tiers de la production manufacturière mondiale. Je vais m'attarder sur trois aspects de cette situation. Premièrement, elle s'est appuyée sur ce qui était alors considéré comme une réserve inépuisable de travailleurs migrants venus des campagnes, attirés par des salaires bien plus élevés que ceux qu'ils pouvaient obtenir chez eux. L'une des migrantes de la première génération raconte qu'elle est entrée dans une usine tout à fait ordinaire à Shenzhen au début des années 1990 et qu'elle a commencé à travailler pour un salaire plus élevé que celui des fonctionnaires de son village. Tel était le fossé entre la campagne et la ville. Deuxièmement, la Chine est devenue le premier exportateur mondial, mais aussi le deuxième importateur. Cette explosion de la production a obligé la Chine à puiser dans ses réserves d'énergie, de matières premières et de composants et à créer un réseau de liens commerciaux à travers le monde. Jusqu'en 2013, la Chine a enregistré un déficit commercial avec le reste du monde, à l'exception des États-Unis et de l'UE. Et le dernier point à souligner à ce sujet est que cette situation était intenable. L'ampleur de l'augmentation des exportations était tout simplement trop forte pour que les économies occidentales atones puissent l'absorber. Déjà en 2008, le modèle était en difficulté.

La diapositive suivante vous donne une idée de l'importance de la Chine en tant qu'acteur majeur du commerce mondial. Je dois dire que si l'on inclut l'UE en tant que tierce partie, la situation est très différente. L'Europe et la moitié de l'Afrique sont dominées par l'UE plutôt que par la Chine. Mais cela ne change rien à l'affaire, cela met plutôt en évidence le recul des États-Unis en tant que puissance dominante du capitalisme mondial. Le krach de 2008 a frappé de plein fouet les capacités d'exportation et de production de la Chine. On estime à environ 25 millions le nombre de travailleurs qui ont perdu leur emploi. La réponse immédiate du PCC a été de mettre en place un plan de relance économique massif, en investissant dans la construction de routes, d'aéroports, de chemins de fer, etc., puis en provoquant un boum immobilier majeur. C'est au cours de ces années que la Chine est devenue un pays majoritairement urbain. Il s'agissait d'un palliatif à court terme. Cela n'était ni durable sur le plan environnemental ni sur le plan économique et reposait sur une accumulation massive de dettes. Le boum immobilier en particulier a entraîné à plusieurs reprises une grande instabilité économique, bien que le PCC ait réussi à trouver un équilibre d'une crise à l'autre. Je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails, mais en gros, presque la totalité de la dette en Chine est interne, elle est détenue en Chine, même, presque toute la dette est due par une composante de l'État à une autre. Donc, en réalité, cela revient à de la simple comptabilité.

La deuxième partie de la stratégie de relance après le krach a consisté en une exportation massive de capitaux destinés à l'équipement dans les pays du Sud, principalement par le biais l'initiative dite « ceinture et route [Belt and Road] » (ou « nouvelles routes de la soie »), qu'il faut plutôt appréhender comme un label qui recouvre de nombreux éléments différents, plutôt que comme un plan centralisé, représente le plus grand programme d'investissement de toute l'histoire du capitalisme. Un auteur estime qu'il est sept fois plus important que le plan Marshall qui a rebâti le capitalisme européen après la Seconde Guerre mondiale. Cela a entraîné d'énormes problèmes d'endettement dans les pays participants. Le problème central est que les pays qui ont le plus besoin des investissements chinois sont ceux qui ont le moins de ressources pour rembourser la dette. Or, il s'agit bien ici d'investissements destinés à être remboursés, rien de tout cela n'est de l'aide. Les investissements de la « Belt and Road initiative »(BRI) sont en premier lieu motivés par les besoins de la Chine plutôt que par ceux de ses destinataires. La Chine a une approche essentiellement extractiviste des économies africaines et sud-américaines et utilise ces investissements pour construire de meilleures infrastructures de transport afin de pouvoir acheminer les matières premières et les ressources naturelles de ces pays vers la Chine.

La crise du covid a frappé de plein fouet l'économie chinoise, les chiffres de la croissance étant aujourd'hui inférieurs de moitié à ce qu'ils étaient auparavant. Une série de réunions importantes a eu lieu à Pékin cette semaine, au cours desquelles ont été dévoilés les chiffres de croissance prévus pour les prochaines années. L'objectif est de 5 %. Il se pourrait qu'ils n'y parviennent pas. L'écart entre les États-Unis et la Chine s'est légèrement creusé : en 2023, la Chine représentera 17 % du PIB mondial, tandis que les États-Unis atteindront 26 %. La Chine ne continue donc pas à combler l'écart. Pour certains observateurs, cela signifie que le cycle d'expansion est terminé. Ils soulignent les problèmes structurels considérables auxquels l'économie chinoise est confrontée. Investissements étrangers au plus bas niveau depuis les années 1990, baisse du taux de natalité, détérioration de l'environnement, montagne de dettes qui ne cesse de grossir : autant de problèmes structurels auxquels l'économie chinoise est confrontée. Il ne fait aucun doute que ces problèmes sont réels. Le graphique montre la rapidité de la chute du taux de natalité. Le taux de natalité est aujourd'hui inférieur à ce qu'il était pendant la famine du Grand Bond en avant, et ce pour une population beaucoup plus nombreuse. À terme, cela signifie que la classe ouvrière sera beaucoup moins nombreuse. Tous ces problèmes sont bien réels. Ils signifient probablement que la Chine ne retrouvera pas de sitôt une croissance à deux chiffres, mais il est important de souligner qu'une grande partie de ces problèmes sont le fruit de la réussite économique et que le PCC a démontré à différentes reprises qu'il était capable de s'adapter à l'évolution de la situation économique. Le PCC joue ici un rôle crucial, car il confère à la classe dirigeante une cohérence qui fait défaut à de nombreuses autres classes dirigeantes.

Je vais maintenant parler de la résistance d'en bas. Au cours du dernier quart de siècle, le niveau de vie a considérablement augmenté presque partout en Chine, mais les inégalités se sont aussi considérablement accrues. La période de plus grande prospérité a également été une période de mouvements de protestation massifs, bien que déconnectés les uns des autres. Déconnectés parce qu'ils prennent principalement pour cible les autorités locales et les chefs d'entreprise plutôt que le PCC au niveau national. La raison en est très simple : c'est dû à la manière dont le pouvoir économique a été transféré de l'État central vers le pouvoir local. Si vous voulez une augmentation de salaire, vous vous mettez en grève et votre chef, ainsi que les directeurs de l'usine, décide si vous obtiendrez ou non une augmentation de salaire. Si les autorités du village essaient de prendre vos terres et que vous organisez un mouvement de contestation, vous pourrez les en empêcher, ils ont le pouvoir d'y renoncer. Le Tibet et le Xinjiang sont des exceptions, et j'y reviendrai dans une minute.es

En 2000, les grèves de travailleurs migrants sont devenues de plus en plus fréquentes, atteignant un pic en 2006 (en valeur absolue), et en 2010, nous avons assisté à une importante vague de grèves coordonnées de travailleurs de l'automobile pour obtenir des salaires plus élevés. Il s'agissait de grèves offensives plutôt que simplement défensives contre des conditions de travail épouvantables. Il y a également eu de grandes mobilisations de défense de l'environnement contre des usines polluantes, de très grandes mobilisations paysannes contre des confiscations de terres et des mobilisations localisées contre les brutalités policières et la corruption des autorités. Le PCC les met dans le même sac et les considère comme des troubles collectifs nécessitant l'intervention de la police. Leur nombre est passé de 9 000 en 1993 à 90 000 en 2005. C'est l'année dernière que les chiffres officiels ont été publiés. Selon une estimation, ils ont encore doublé en 2010. Ce à quoi nous avons assisté, c'est qu'un certain nombre de mouvements de protestation localisés ont obtenu d'être tolérés par les autorités à condition de respecter certaines limites. Vous pouvez faire grève, mais vous ne pouvez pas organiser un syndicat indépendant. Vous pouvez protester contre les responsables locaux, mais vous ne pouvez pas contester le contrôle du parti communiste. Toutefois, cette tolérance officielle a été remise en question sous Xi Jinping. Les grèves économiques se sont poursuivies et sont désormais essentiellement défensives. Elles ne subissent pas de fortes pressions policières, mais toutes les autres formes de protestation et d'organisation ont fait l'objet d'une répression importante. L'ampleur de la répression a été illustrée de la manière la plus flagrante il y a deux ans lors des manifestations de Hong Kong. Bien que les opérations aient été menées par la police de Hong Kong, elles ont été pour l'essentiel dictées par Pékin : plus de 10 000 personnes ont été arrêtées et bon nombre des partisans les plus en vue du mouvement ont été privés de la possibilité de participer aux élections.

La réponse de la Chine au Covid a été également marquée par un très haut niveau de contrôle de l'État sur les déplacements, ce qui a permis d'obtenir un succès initial mais qui n'a pas été durable. En fait, la Chine a réagi de manière très efficace à la première vague de Covid, mais ne s'est pas adaptée à la mutation du virus. Le fait que la Chine se soit contentée de procéder à des fermetures arbitraires a donné lieu à de vives protestations en 2022. Celles-ci ont permis de constater que l'État reste très sensible aux mouvements de contestation. Il ne s'agissait pas de grandes manifestations, des centaines de personnes, des milliers dans une ou deux villes, mais en réalité, le gouvernement a reculé. Depuis, la situation est calme, mais il ne faut pas en déduire que ce calme est synonyme d'absence de mécontentement.

Je parlerai maintenant brièvement de la résistance et de la répression au Tibet et au Xinjiang. Ces deux situations sont assez déprimantes. L'économie tibétaine s'est considérablement développée au cours des 25 dernières années, mais d'une manière qui exclut la plupart des Tibétains des bénéfices de la croissance. En 2008, une révolte de grande ampleur a éclaté dans toutes les régions à majorité tibétaine et s'est propagée bien au-delà de la province du Tibet. Elle a été suivie par des manifestations étudiantes contre la marginalisation de la langue tibétaine, qui ont ensuite chevauché l'une des vagues de protestation les plus troublantes et les plus frappantes de ces dernières années, à savoir une vague d'immolations. Des personnes qui se font brûler pour protester contre le contrôle du Tibet par la Chine, c'est un phénomène très ancien dans la culture bouddhiste, mais qui n'est pas inconnu dans d'autres religions. Cette vague de protestations a atteint son point culminant en 2015, et la dernière a eu lieu en 2022. En fait, l'État chinois, en exerçant des représailles contre toute personne ayant un lien quelconque avec ceux qui se sont immolés par le feu, a finalement réussi à mettre fin au mouvement. Ces dernières années, la Chine a imposé la sédentarisation forcée de centaines de milliers de nomades. Ce phénomène, associé à l'expansion de l'exploitation minière et du tourisme de masse, menace gravement l'avenir de la langue et de la culture tibétaines.

L'histoire récente du Xinjiang a été encore plus mouvementée. Là encore, la croissance économique a été très forte, mais la population majoritairement ouïgoure en a été exclue. Il est important de souligner que le Xinjiang est beaucoup plus important pour l'économie chinoise que le Tibet. Cette région constitue une importante réserve d'énergie, une considérable réserve de matières premières et, bien entendu, un point relais essentiel pour les exportations vers la Russie. La répression des Ouïghours a donné lieu à des manifestations de masse dans la capitale, Ürümqui, en 2009, qui ont fait plusieurs centaines de morts. Ces manifestations ont été suivies d'attaques terroristes auxquelles le PCC a répondu par une répression islamophobe généralisée à laquelle il a donné le nom de « guerre populaire contre le terrorisme ». Des gens ont été arrêtés parce qu'ils portaient la barbe ou le voile, parce qu'ils jeûnaient pendant le ramadan, parce qu'ils ne buvaient pas [d'alcool], etc. Des campagnes d'internement de masse, que l'État chinois qualifie de « campagnes d'éducation », ont été menées. À ce jour, environ un adulte sur dix a été emprisonné et, dans ces camps, le travail forcé, la torture et l'assimilation forcée n'ont été que trop fréquents. Ce phénomène s'est propagé du Xinjiang à tous les musulmans de Chine. Les informations publiées par le Financial Times en 2023 montrent que plus de 1 700 mosquées ont été transformées, vidées de leur contenu ou détruites. Ainsi, tant au Tibet qu'au Xinjiang, le processus de répression de la culture locale a malheureusement été couronné de succès, ce qui a des retombées pour la Chine et pour le monde, sur lesquelles je vais maintenant revenir.

Je vais parler maintenant des relations entre la Chine et le reste du monde. Rappelons quelques points concernant l'économie. La Chine est passée d'un rôle périphérique dans l'économie mondiale en 1980 à celui de principal moteur de la croissance économique dans le monde depuis 2008. Deuxième économie mondiale, premier exportateur, deuxième importateur, deuxième exportateur de capitaux, principalement par le biais des « nouvelles routes de la soie ». L'essor de la Chine représente inévitablement une menace pour l'hégémonie politique et économique des États-Unis. Non pas que la Chine veuille remplacer les États-Unis en tant que superpuissance mondiale, mais les dirigeants chinois se sont montrés tout à fait disposés à participer à des organismes dominés par les États-Unis, tels que le FMI, la Banque mondiale, etc. Ce qu'ils ont en vue, c'est un monde multipolaire dans lequel de nombreuses puissances, les États-Unis, la Russie, la Chine, le Japon, l'Inde et l'Union européenne, décident ensemble de ce qui se passe. Il n'y a rien d'anti-impérialiste là-dedans. Il s'agit de redistribuer les inégalités plutôt que de les remettre en cause. Il s'agit de remettre en cause la structure du contrôle impérialiste sur l'économie mondiale. Il ne s'agit pas de remettre en cause l'emprise du pouvoir impérialiste sur l'économie mondiale. Les États-Unis ont eu des réactions contradictoires à ce sujet, pour des raisons compréhensibles. Ils ont besoin de la Chine sur le plan économique, mais se méfient du pouvoir économique et politique que la Chine peut exercer dans le reste du monde. Les deux économies sont devenues très étroitement imbriquées. La Chine est la première région d'importation et la troisième destination pour les exportations. Un camarade sino-américain a décrit cette situation dans un article de Spectre comme une situation de coopération antagoniste. Ils ne peuvent pas vivre l'un avec l'autre ; ils ne peuvent pas vivre l'un sans l'autre.

La montée en puissance de la Chine a coïncidé avec le déclin relatif de l'hégémonie américaine et l'a partiellement accéléré. Elle n'en est pas la cause, il s'agit de deux processus distincts qui se chevauchent et interagissent l'un avec l'autre. Plus qu'aucun autre président, c'est Obama qui s'est le mieux approché d'une politique cohérente, avec d'une part le pivot militaire vers l'Asie, et d'autre part un projet économique appelé le partenariat transpacifique. Il s'agit fondamentalement d'une zone de libre-échange qui engloberait tous les pays situés de part et d'autre du Pacifique, à l'exception de la Chine. Dans les deux cas, cela signifie que les États-Unis ont reconnu la nécessité d'avoir des partenaires en Asie, en reconnaissant que leur puissance était réduite. Le pivot militaire n'a pas été réalisé à cause de l'Irak, le partenariat transpacifique, précisément parce qu'il s'appuyait sur un partenariat plutôt que sur la domination des États-Unis, a progressé très lentement. Puis Trump est arrivé au pouvoir pour la première fois. Il a mis les deux à la poubelle, déclenchant des batailles dommageables sur les droits de douane qu'il a ensuite dû abandonner en partie. Biden a poursuivi les guerres tarifaires, a voulu revenir à la politique d'Obama et a rencontré beaucoup plus de difficultés. L'un des signes de ces difficultés est que le partenariat transpacifique est en train d'être relancé. Onze autres pays ont décidé que c'était une bonne idée et que si les États-Unis ne voulaient pas en faire partie, ils iraient de l'avant sans eux. Il s'agit désormais d'une zone de libre-échange de part et d'autre du Pacifique qui exclut la Chine et les États-Unis, mais la Chine a demandé à y adhérer et la Grande-Bretagne en est un membre associé.

Le programme AUKUS (Australie, Royaume-Uni et États-Unis), qui vise à construire une nouvelle génération de sous-marins nucléaires, est probablement la meilleure illustration de cette ambition militaire stratégique. Il s'agit d'un programme de construction d'une nouvelle génération de sous-marins nucléaires. Il s'agit d'un programme à très long terme ; la construction en commencera en 2030 pour un déploiement en 2040. C'est ce qui est prévu, et les plans militaires ont évidemment toujours tendance à se prolonger, mais cela montre aussi que les autres puissances occidentales considèrent désormais la Chine comme un adversaire de premier plan. Il y a d'énormes divergences entre les puissances occidentales, en particulier du côté de l'Allemagne qui a considérablement profité de la montée en puissance de la Chine. Beaucoup de gens parlent d'une nouvelle guerre froide, mais je ne pense pas que ce soit la meilleure façon de décrire la situation. Il n'y a pas d'antagonisme idéologique, les rivalités sont motivées par la concurrence économique et non militaire. On retrouve certains aspects de l'impérialisme classique de l'époque de la Première Guerre mondiale mais, surtout, le monde n'est plus divisé en blocs impériaux que les grandes puissances contrôlent, de sorte que le monde est beaucoup plus imprévisible qu'auparavant.

Les tensions militaires entre ces États sont alimentées à la fois par les États-Unis, qui défendent leur hégémonie, et par la Chine, qui s'affirme de plus en plus, tant sur le plan économique que militaire. La Chine dispose désormais d'une base navale à Djibouti, en Afrique de l'Est, et sa marine est en train de se déployer dans l'océan Indien. La Chine possède désormais un port au Sri Lanka, que ce dernier a dû lui céder lorsqu'il n'a pas pu rembourser un prêt accordé dans le cadre des « nouvelles routes de la soie ». La Chine a également intensifié ses activités en mer de Chine méridionale ainsi que la fréquence de ses vols militaires autour de Taïwan. La mer de Chine méridionale est devenue un point de friction majeur, car environ 40 % du commerce mondial y transite. Pratiquement tout ce qui vient de Corée du Sud, tout ce qui vient du Japon, tout ce qui vient de Chine. En outre, la répression qui s'est abattue sur Hong Kong ces dernières années a renforcé la méfiance largement répandue à l'égard des projets de la Chine dans la région et a renforcé la position des États-Unis dans la conclusion d'alliances en Asie du Sud-Est. Il reste à voir si cela se poursuivra sous Trump.

Les cartes que je vais vous montrer illustrent les raisons pour lesquelles les gouvernements d'Asie du Sud-Est sont mécontents des revendications et des ambitions de la Chine. La ligne rose en pointillés indique les eaux territoriales revendiquées par la Chine. Selon celle-ci, ces eaux commencent à 12 milles des côtes du Viêt Nam, à 12 milles des côtes de la Malaisie et à 12 milles des côtes des Philippines. Ces revendications sont évidemment contestées par tous les autres gouvernements de la région. Je devrais dire tous les autres gouvernements, à l'exception de Taïwan qui revendique la même chose. Cela illustre l'une des raisons pour lesquelles les tensions en Asie de l'Est se sont accrues et ont conduit à une formidable course aux armements qui a trois causes distinctes. La plus importante concerne évidemment les dépenses militaires des États-Unis. Les dépenses militaires américaines ont pivoté vers l'Asie de l'Est et le Pacifique, bien que l'objectif de consacrer 6 % des ressources militaires américaines à cette région n'ait pas encore été atteint. Les dépenses chinoises en armement ont connu une augmentation considérable : elles ont été multipliées par dix entre 2000 et 2020, même si, compte tenu de l'énorme dynamisme de l'économie chinoise, elles sont restées constantes en proportion du PIB. De nombreuses autres puissances de la région ont également augmenté leurs dépenses dans des proportions similaires. Et pour citer l'un des meilleurs livres sur la région, un élément souvent négligé est la façon dont les alliés des États-Unis ont joué leur propre jeu stratégique, en mettant simultanément à l'épreuve l'engagement des États-Unis en faveur de la sécurité régionale ou bilatérale, mais aussi la capacité de la Chine à faire preuve d'autolimitation.

Le graphique que voici montre les dépenses militaires de 2021 pour les États-Unis et le reste du monde. Vous pouvez constater que les États-Unis sont de loin le pays qui dépense le plus dans le domaine militaire. Notez l'importance de l'Asie de l'Est, de la Chine, du Japon et de la Corée du Sud et, un peu en retrait, de l'Inde et de l'Arabie saoudite. L'évolution de la structure de l'économie mondiale a également donné plus de poids à d'autres classes dirigeantes. Cela signifie qu'il n'y a plus une simple compétition binaire entre deux blocs. En clair, ni les États-Unis ni la Chine ne peuvent se contenter de faire cavalier seul. Et c'est dans ce maelström d'intérêts et d'alliances en concurrence qu'arrive Trump. Il est important de comprendre qu'il n'y a pas que Trump. Il est entouré de personnes tout aussi pernicieuses, mais qui ont une vision beaucoup plus claire de ce qu'elles perçoivent comme étant les intérêts stratégiques américains. Des gens comme Vance et Marco Rubio. Nous pouvons déjà voir émerger une stratégie qui consiste à écarter l'Ukraine et Gaza afin que Trump puisse se concentrer sur la concurrence la plus importante, qui est celle de la Chine. Tout le jeu autour de l'Ukraine consiste également à essayer de détacher Poutine de la Chine, pour faire en quelque sorte du Nixon à l'envers. En 1972, Richard Nixon s'est rendu en Chine et a conclu une alliance, les deux pays considérant l'URSS comme leur principale adversaire. Trump veut faire l'inverse. Il s'agit d'un revirement explicite par rapport à l'idée que les États-Unis peuvent être la seule puissance hégémonique. Il considère que dans un monde multipolaire, Israël peut faire ce qu'il veut à Gaza, en Cisjordanie, au Liban et en Syrie, et que les États-Unis peuvent donc faire ce qu'ils veulent dans les régions du monde qu'ils contrôlent. Il s'agit là d'un abandon de la notion d'ordre international fondé sur des règles et d'un retour au capitalisme de gangsters, ce qui ne constitue en aucun cas un pas en avant.

Alors, à quoi va ressembler le nouvel ordre mondial de Trump ? Il est extrêmement difficile de le prédire. Et sur le plan militaire, la situation est encore bien plus délicate. Les États-Unis sont en train de chercher à rattraper leur retard, tandis que la Chine adopte une posture plus agressive. Mais sur le plan économique, l'intégration n'a jamais été aussi poussée, et même si l'on observe des mouvements de découplage, de rétablissement des frontières nationales autour d'économies clés, il y a de réelles limites à cette évolution. Il est important de comprendre que ces processus ne s'annulent pas réciproquement, qu'ils n'atténuent pas les tensions, mais qu'ils les rendent plus imprévisibles, et que cette imprévisibilité est renforcée par la présence de nombreux autres acteurs dans la région, dont aucun n'est une simple marionnette de l'une ou l'autre des superpuissances. La classe dirigeante japonaise, la classe dirigeante sud-coréenne et la classe dirigeante taïwanaise font des calculs en fonction de leurs propres intérêts et nombre de ces calculs s'avéreront erronés. Il existe également un fossé énorme entre les désirs et la réalité. Trump aimerait que la question de Gaza et de l'Ukraine soit réglée afin de pouvoir se concentrer sur la Chine. C'est loin d'être le cas. Obama voulait retirer les États-Unis de l'Irak pour pouvoir se concentrer sur la Chine, et cela ne s'est pas produit. Je pense donc que nous devons comprendre qu'il y a là une véritable dynamique de guerre et je pense que nous devons comprendre que résister à cette dynamique de guerre signifie comprendre qu'il s'agit d'un produit des tensions impérialistes, qui sont en fin de compte causées par la concurrence capitaliste. En d'autres termes, il n'y a pas de solutions simples. Alors, comment agir ? Ce n'est pas toujours facile et je pense que nous devons avoir une compréhension claire des circonstances concrètes, mais je pense qu'il y a trois principes généraux. Le premier est l'antiracisme inconditionnel. Nous sommes aux côtés des Chinois et des Asiatiques de l'Est contre toutes les formes de racisme. Il s'agit d'une préoccupation majeure en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Australie. Alors que la rhétorique anti-Chine s'intensifie en Grande-Bretagne, nous pouvons nous attendre à une recrudescence des formes de racisme à l'encontre des Chinois. Deuxièmement, dans le cadre d'un anti-impérialisme cohérent, nous devons souligner que la Chine n'est pas pire que n'importe quelle autre puissance impérialiste et continuer à faire le parallèle entre la Chine et d'autres luttes. Hong Kong a réveillé des souvenirs en rapport avec le mouvement « Black Lives Matter ». Il y a de nombreux parallèles entre la répression islamophobe au Xinjiang, la répression islamophobe en Palestine. Israël et la Chine coopèrent à la fois dans les domaines des logiciels et du matériel de sécurité. Nous mettons l'accent sur le fait que l'ennemi principal se trouve chez nous parce que c'est là que nous sommes, et non parce qu'il est moralement pire que n'importe quel autre. Mais nous devons aussi dire qu'il ne faut pas maquiller les choses en rouge. La Chine est une puissance impérialiste au même titre que les États-Unis, la Grande-Bretagne ou la Russie. En tant que socialistes révolutionnaires cohérents, nous devons y appuyer toutes les luttes d'en bas de la même manière que nous appuyons toutes les luttes contre l'oppression et l'exploitation.

Charlie Hore

P.-S.

• Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l'aide de DeepLpro.

Source rs21, 9 mars 2025 :
https://revsoc21.uk/2025/03/09/video-china-and-the-us-in-the-21st-century/

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Rapport de l’OCPM sur Ray-Mont Logistiques : Mobilisation 6600 exhorte la Ville de Montréal de rejeter les demandes de dérogation de l’entreprise

18 mars, par Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM — , ,
**Montréal, 13 mars 2025**– Le mouvement populaire Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM accueille favorablement les conclusions du rapport de l'Office de consultation publique de (…)

**Montréal, 13 mars 2025**– Le mouvement populaire Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM accueille favorablement les conclusions du rapport de l'Office de consultation publique de Montréal (OCPM) sur Ray-Mont Logistiques (RML). Il se réjouit que les recommandations des commissaires reprennent les revendications portées par le mouvement, et exhorte la Ville de Montréal de rejeter les dérogations demandées par l'entreprise.

Le rapport de l'OCPM reconnaît la détérioration de la qualité de vie dans le quartier et la gravité des nuisances environnementales provoquées **par les opérations, présentes et futures, de l'entreprise, à quelques mètres d'habitations, dans un arrondissement majeur de Montréal. Il souligne l'importance de la pollution sonore, atmosphérique et lumineuse produite notamment par le passage des trains et l'opération des silos et le manque de solutions concrètes pour les atténuer. L'office reconnaît aussi la non-acceptabilité sociale du projet dans son ensemble.


L'OCPM recommande :

1) le report de l'adoption des demandes de dérogation de RML par la Ville de Montréal afin de permettre une réelle évaluation de ses impacts ;

2) la protection de l'entièreté de la friche ferroviaire (Bande-CN), le déplacement des voies ferrées actives sur le site de l'entreprise et une réduction de sa surface minéralisée pour du reboisement ;

3) la tenue d'une évaluation environnementale complète menant à un BAPE sur le projet et les aménagements (notamment routiers) prévus autour du site ;

4) l'amélioration des communications et de la collaboration de l'entreprise avec la communauté.

> Rapport complet : https://ocpm.qc.ca/fr/ray-montlogistiques

« Le rapport de l'OCPM confirme ce que notre mouvement martèle depuis des années : il n'y a aucune cohabitation harmonieuse possible entre le projet de plateforme intermodale de Ray-Mont Logistiques et la qualité de vie de notre quartier »**affirme Anaïs Houde, co-porte-parole de Mobilisation 6600. « La Ville de Montréal a été muselée par une poursuite bâillon de 373M$, et se voit forcée d'élaborer, aux frais des citoyens, les mesures visant à mitiger les nuisances provoquées par l'entreprise. Il a été question de construire un mur de 16 mètres de haut devant nos maisons, un projet complètement aberrant ! Heureusement, le rapport reconnaît que les mesures actuellement proposées ne suffisent pas, et recommande la protection de la friche ferroviaire au complet, ce que notre mouvement revendique depuis plusieurs années » a-t-elle continué.

Le rapport souligne aussi l'absence de contribution significative de l'entreprise à la transition écologique, son entêtement à exclure toute modification à son projet qui pourrait permettre une meilleure intégration au milieu de vie, soulignant le manque de responsabilité sociale de l'entreprise.**Mobilisation 6600 déplore la tendance de Ray-Mont Logistiques à menacer de poursuite les institutions démocratiques qui pourraient limiter ses activités afin de protéger l'environnement et la santé publique. L'entreprise ne démontre aucun souci pour les personnes qui habitent aux abords de son projet.

« Les dérogations demandées ne sont qu'à l'avantage de Ray-Mont et l'entente conclue entre elle et la Ville de Montréal coûterait vraisemblablement des centaines de millions aux Montréalais.es » dénonce Cassandre Charbonneau-Jobin, co-porte-parole du mouvement. « Si les élu.es sont réellement à l'écoute des citoyen.nes, et ont à cœur la santé et la qualité des vie des Montréalais.es, ils et elles auront le courage des décisions difficiles en se tenant debout contre des entreprises qui usent d'intimidation pour arriver à leurs fins » a-t-elle ajouté.

Comme l'ont noté les commissaires, plusieurs participant.es à la consultation publique se sont dit inquiet.es de l'instrumentalisation des institutions démocratiques par Ray-Mont Logistiques*. « Si la consultation ne change rien au résultat, si la Ville accorde ses dérogations à Ray-Mont et qu'aucune modification n'est apportée au projet, comment pouvons-nous encore faire confiance à nos institutions démocratiques pour protéger notre santé et celles de nos familles ? » questionne Cassandre Charbonneau-Jobin. « Aux élu.es de Montréal, nous demandons donc de rejeter les demandes de dérogation de l'entreprise, et aux élu.es de Québec, particulièrement à notre ministre de l'environnement, Benoit Charette, nous demandons d'intervenir pour soumettre le projet de RML à une évaluation environnementale complète menant à un BAPE » a-t-elle ajouté.

Mobilisation 6600 remercie et félicite toutes les personnes qui ont participé à la consultation. En tout,**ce sont 140 avis écrits et 27 présentations orales qui ont été soumis aux commissaires, du jamais vu à l'OCPM. **L'ampleur de la participation dénote la force de la mobilisation populaire et la détermination à empêcher le projet de Ray-Mont à voir le jour. « Dans Mercier-Hochelaga-Maisonneuve nous méritons mieux qu'un champ de conteneurs et un mur de de la honte, nous méritons la santé et des espaces pleins de vie, nous méritons nous aussi une ville où il fait bon vivre. Nous continuerons à nous battre pour ce que nous méritons ! » conclut Anaïs Houde.

**À propos de Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM**

Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM est un mouvement populaire qui lutte depuis 2016 pour la préservation des espaces verts et vivants, de la santé et de la qualité de vie dans Mercier-Hochelaga-Maisonneuve. Il revendique la création d'un Parc nature dans le quadrilatère Viau-Dickson-Hochelaga-Notre-Dame et s'oppose à l'installation de Ray-Mont Logistiques et autres expansions portuaires.https://resisteretfleurir.info https://resisteretfleurir.info/

**Source : **Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM

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Dans le monde des intérimaires. Une enquête sur la surexploitation

18 mars, par Clémentine Comer, Maéva Durand — , ,
Le livre « La condition intérimaire », récemment publié aux éditions La Dispute, révèle les modalités de la surexploitation et de la marginalisation d'une composante ordinaire (…)

Le livre « La condition intérimaire », récemment publié aux éditions La Dispute, révèle les modalités de la surexploitation et de la marginalisation d'une composante ordinaire du système d'emploi, qui affectent essentiellement les fractions les plus dominées des classes populaires. Cette enquête collective permet d'en saisir les diverses facettes, et la fonctionnalité de l'interim dans le capitalisme contemporain, ainsi que ses effets, notamment sur la santé des travailleur.ses.
Collectif. La condition intérimaire, Ed. La Dispute, 2024, 168 p., 16 euros

3 mars 2025 | tiré de contretemps.eu
https://www.contretemps.eu/interimaires-enquete-surexploitation/

Selon la DARES, en novembre 2024, 717 300 personnes occupent un emploi intérimaire. Bien qu'il ne représente que 2 à 3% de l'emploi salarié total, le travail intérimaire apparaît comme un indicateur de la fragilisation de l'emploi et de la dégradation des conditions de travail, encore plus dans certains secteurs – BTP, logistique, agroalimentaire -, où son utilisation demeure massive[1]. La surexposition aux risques d'accidents du travail et aux maladies socio-professionnelles, en tant que conséquence d'une subordination accrue au travail, amène à penser une condition commune aux intérimaires.

C'est en tout cas la thèse du livre La condition intérimaire, produit sur la base d'une enquête collective menée entre 2020 et 2021. Fort des six sociologues composant l'équipe de recherche, le dispositif méthodologie repose à la fois sur uneexploitation statistique de L'enquête Conditions de travail et risques psychosociaux 2016 (DARES) ainsi que sur le traitement qualitatif de 73 entretiens, auprès de 23 intérimaires et de 50 intervenant.es de la prévention des risques professionnels des intérimaires. La reconstitution de parcours professionnels démontre que c'est en réalité « faute de mieux » (p. 41) que ces travailleurs se retrouvent à investir ce statut, de plus en plus généralisé chez les ouvriers et employés.

Ainsi, derrière la diversité des raisons pour lesquelles on devient intérimaire, l'analyse accorde un examen soigneux à l'expérience concrète des fragilités en situation de travail ; physique, statutaire, psychologique et de soumission aux contraintes productives (p.77) ; qui rendent tangibles les incidences morales et matérielles de la précarité constitutive de ce statut d'emploi. Ce faisant, cet ouvrage renoue avec l'idée que pour comprendre les rapports de dominations au travail, et le consentement renouvelé aux contraintes productives, il est nécessaire de s'attarder sur travail lui-même et pas seulement sur les instances de socialisation extérieures à la sphère salariée[2].
Une précarité institutionnalisée… réservée aux milieux populaires ouvriers

Utilisé aux États-Unis pendant l'entre-deux-guerres, puis en France à partir des années 1950 auprès d'une main-d'œuvre majoritairement féminine, le recours à l'intérim, d'abord considéré comme illégal, est progressivement encadré et son recours limité à des motifs précis. L'institutionnalisation de cette forme d'emploi dérogatoire est confortée dans les années 1990 avec l'alignement de sa réglementation sur celle des CDD. L'année 2005 représente un tournant dans l'histoire de l'intérim en ouvrant le monopole légal de placement, jusqu'alors exclusivement détenu par le service public de l'emploi, aux établissements de travail temporaire. Un brouillage des frontières entre intérim et contrat de droit commun que parachève la création du statut de CDI intérimaire en 2014. Bien qu'elle s'adosse à une régulation conventionnelle (accord de branches et négociation des droits sociaux), cette banalisation de l'intérim entérine l'idée d'un statut organisé autour de la discontinuité de l'emploi. Et ainsi de faire de ce statut un instrument exemplaire des politiques néolibérales de dérégulation du marché du travail, convoité et justifié en ce qu'il permet de limiter la masse salariale, de déléguer les coûts indirects liés à l'emploi de salariés (formation, santé), mais aussi d'externaliser les illégalités de l'emploi de travailleurs et travailleuses sans papier.

Déclinaison contemporaine d'une « condition ouvrière industrielle » qui se déploie « par-delà les usines » (p.33), l'intérim est devenu une norme d'emploi concentrée dans les fractions basses des classes populaires. 76 % des intérimaires travaillent sur des postes ouvriers, dont 39 % de qualifiés (p. 31). En parallèle, la part d'employé·es a presque doublé en 20 ans, pour atteindre 14% dans le secteur tertiaire. Les cadres sont très peu touchés par ce type d'emploi (2% en 2015). Des secteurs d'activité à forte pénibilité concentrent l'emploi intérimaire. Dans l'industrie automobile, le taux de recours à l'intérim était de 11%, au début des années 2000, et à plus 50% dans les usines de sous-traitances. Lucas Tranchant observe que certains entrepôts de la logistique en Île-de-France comptaient près de 70% de travailleurs intérimaires, en contradiction avec le cadre légal qui en interdit l'usage pérenne[3]. Dans ces cas où il s'apparente à une flexibilité quantitative de la main-d'œuvre dans des organisations productives en flux tendus, l'intérim peut alors être qualifié « de masse ». Et c'est bien cet usage structurel d'un volant de main-d'œuvre, couplée à une utilisation sectorielle concentrée sur des postes peu qualifiés, qui fait de l'intérim un « statut subalterne » (p.34) éloigné des protections sociales et professionnelles du salariat.

L'un des exemples de cette fragilisation de l'emploi est l'absence de carrière professionnelle, mais aussi la pénibilité marquée des types de tâches attribuées, ce qui questionne la possibilité effective de vieillir dans les métiers d'ouvriers et d'employés, où l'intérim demeure fréquent. Si les intérimaires restent en moyenne plus jeunes que l'ensemble de la population active, la part des plus de 50 ans a quasiment triplé, passant de 4 % à 11% entre 1995 et 2015. Comme cela a pu être observé dans le secteur de l'agroalimentaire, un secteur particulièrement vieillissant et où le travail s'exécute à la chaîne sur des lignes de production, les adaptations des postes de travail sont peu proposées sur le long terme[4]. D'autres enquêtes révèlent que les intérimaires connaissent des douleurs dorsales (60%), étant donné les postures inconfortables, le travail de manutention important et la répétitivité des tâches, mais aussi, pour plus de la moitié d'entre eux, du stress et de l'anxiété[5]. Outre l'altération des conditions de santé liée au travail et un très fort taux d'exposition aux risques professionnels, l'ouvrage montre que les parcours qualifiants en intérim demeurent l'exception. Tout au plus, les intérimaires, qui perçoivent leur activité avant tout comme un gagne-pain, résistent à la pénibilité et à l'ennui au travail par des « mobilités professionnelles horizontales » (p.46), en passant d'une entreprise ou d'un secteur d'activité à l'autre.

Selon les auteur.es, l'asymétrie de droits permise par la relation triangulaire entre l'entreprise de travail temporaire, l'entreprise utilisatrice et l'intérimaire est d'ailleurs ce qui explique et rend possible la soumission à des contraintes organisationnelles et productives importantes. Ce déséquilibre donne en effet la liberté aux entreprises de déborder du cadre réglementaire en utilisant l'intérim comme période d'essai à durée indéterminée, et comme mécanisme de sélection des travailleurs, au sens où seuls les plus résistants et les plus engagés dans le jeu de la productivité peuvent prétendre à la titularisation. Aussi, rien de surprenant que, confrontés à une forme d'emploi à durée incertaine et à des travaux pénibles et pathogènes, les intérimaires construisent un rapport instrumental et désabusé au travail (p.48).

Subordination accrue et individualisation des relations de travail

Le focus que les chapitres 2 et 3 de l'ouvrage portent sur l'organisation du travail et les relations entre travailleurs ainsi qu'à la hiérarchie, donnent à penser un autre trait caractéristique du travail intérimaire : des relations de travail fortement marquées par une subordination exacerbée et des modes individuels de régulation des conflits.

Face à la multiplication des missions, les possibilités d'obtenir des avantages collectifs négociées par branches s'amenuisent tout comme la propension à se voir attribué une place valorisée et valorisable dans l'organisation du travail. L'un des postulats forts défendus dans cet ouvrage est en effet que les conditions de travail reflètent et produisent la valeur associée aux salariés (p.54). Cette valeur apparaît dégradée par la déqualification des postes que le salaire ne saurait compenser à lui seul. L'ouvrage bat ainsi en brèche l'idée que le travail intérimaire serait mieux rémunéré que celui de l'ensemble des salariés. Pour les métiers non qualifiés, les salaires se rapprochent de ceux du SMIC. Pour augmenter les revenus, il incombe à l'intérimaire de réduire le temps non travaillé, avec des volumes horaires dépassant largement les 35h réglementaires. Ainsi Roland, 53 ans, chauffeur routier, gagne entre 1600 et 1700 euros pour certaines semaines à 60 heures de travail. Sur un poste plus qualifié, Grégoire, 49 ans, travailleurs du BTP estime gagner entre 2000 et 2300 euros pour plus de 70 heures par semaine (p.57).

Soumises à une forme de « convocabilité permanente »[6], les personnes doivent affronter les jugements sur leur employabilité, dans le contexte où chaque mission nécessite de faire à nouveau les preuves de son efficacité. Sans cesse redéfinie par les entreprises utilisatrices, cette efficacité productive s'inscrit à la fois dans des pratiques (s'aligner sur une certaine vitesse d'exécution) mais aussi une posture morale (être humble et conciliant). Dans la continuité des travaux montrant que le zèle permet de tenir face au décalage existant entre les consignes et ce qu'il faut concrètement faire pour aboutir au résultat prescrit par l'organisation du travail[7], l'ouvrage rend compte de formes de négociations implicites des contraintes propres au travail intérimaire. Il revient ainsi sur le jeu progressif et itératif par lequel l'intérimaire intègre une norme implicite de rendement en deçà de laquelle il et elle « risque d'être accusé de tirer au flanc et au-dessus duquel il apparaît comme trop zélé » (p. 90). Il propose en outre une acception conceptuelle du terme de « larbin », très utile pour comprendre la place des intérimaires dans les hiérarchies au travail. Etre intérimaire c'est donc être celui ou celle qui décharge ses collègues titulaires et qui accepte de faire « ce qu'il reste à faire ». Au cœur de l'ouvrage, c'est ainsi la notion de « sale boulot » de E.C Hughes[8] qui est mobilisée pour penser conjointement la division technique et sociale du travail à une dimension plus morale et psychologique, mais aussi en lien à la volonté de l'employeur d'amenuir la conflictualité dans le travail sans remettre en cause les logiques courtermistes d'économie sur la main d'œuvre. Noémie, aide-soignante de 56 ans, répond ainsi plus fréquemment que ses collègues aux urgences à l'Ephad, son travail intérimaire permettant de compenser un manque d'effectif, tout en préservant les autres salariés des tâches les plus pénibles. Dès lors, l'intérimaire peut se retrouver particulièrement valorisé par la hiérarchie, par ailleurs peu regardante sur les « raccourcis » qu'il peut faire en matière de sécurité, dans un contexte où l'encadrement est de surcroit réduit par des logiques d'économie de main-d'œuvre.

Exécuter les tâches les moins valorisantes et professionnalisantes induit le sentiment d'être méprisés et engendre un rapport ambivalent au collectif de travail. Les interactions humiliantes sont largement reportées par les intérimaires, bien que le collectif apparaisse comme un appui essentiel dans la mise au travail. En effet, l'aide des collègues s'avère indispensable à l'apprentissage du métier, dans le contexte où les intérimaires sont en réalité peu formés et encadrés sur leur poste de travail. Toutefois, ces formes de coopérations dans le travail collectif ne doivent pas tromper : placés à la périphérie des équipes de travail, les intérimaires maintiennent une forte extériorité à l'égard des collectifs professionnels. Il en résulte un rapport individualisé au travail, avec une exposition forte aux formes d'autoritarisme exercées par les encadrants intermédiaires ou par les collègues titulaires et un évitement de situations conflictuelles par des stratégies d'exit (p.96-97).

L'étude de la condition des intérimaires ouvre enfin des pistes d'analyses sur la production des discriminations au travail en lien avec le genre, la couleur de peau et l'état de santé ou le handicap. De ce point de vue, les statistiques parlent d'elles-mêmes, puisque « près ¼ des femmes intérimaires déclarent avoir vécu des situations difficiles au travail en raison de leur genre (contre 5% des femmes tout statut d'emploi confondu) » (p. 77). En s'attachant toutefois à l'examen d'une condition commune aux intérimaires, l'ouvrage n'engage pas d'analyse approfondie des effets du statut intérimaire sur les rapports de genre. L'on sait pourtant qu'aux sources de pénibilité du travail s'ajoutent des violences sexistes et sexuelles qui sont monnaie courante dans des environnements de travail très féminisés mais mixtes. Des études récemment consacrées au secteur agroalimentaire[9] montrent ainsi combien ces violences prennent place dans une sexualisation routinière du cadre de travail et combien la construction de réputations conjugales et sexuelles permet à l'encadrement d'introduire un ordre social qui est aussi moral.

Une gestion individualisée et bricolée de la santé au travail

L'ouvrage progresse par le dévoilement d'un autre paradoxe structurant de la condition intérimaire. Dans un contexte où les possibilités d'évolution professionnelle apparaissent limitées chez les intérimaires, rester en bonne santé devient le principal gage d'employabilité. Cependant, l'examen attentif des dispositifs de prévention des risques au travail et des services de santé aboutit à un constat sans appel : ils sont non seulement sous-mobilisés mais également défaillants dans leur application. Cette négligence aboutit une fois encore à une gestion des risques professionnels construite en extériorité du travail et des collectifs de travail obligeant les intérimaires à une gestion individualisée et bricolée de leur propre santé et sécurité (p.131).

D'abord, la responsabilité partagée entre entreprises de travail temporaires et entreprises utilisatrice pour la prévention des risques professionnels et la formation à la sécurité induit une « déresponsabilisation réciproque » (p.130), en défaveur de l'intérimaire qui se retrouve à pallier seul aux carences institutionnelles. Ainsi lorsque les entreprises de travail temporaire manquent à leurs obligations en termes de protection, pour contrebalancer les prix des prestations tirés vers le bas par les entreprises utilisatrices, les intérimaires assument personnellement le coût de leurs équipements.

Ensuite, le flou qui subsiste quant à la déclinaison des dispositifs réglementaires limite la portée de ces instruments. Les intérimaires désignent aussi bien par formation, tantôt des tests auxquels ils sont soumis avant le début de leur mission, tantôt des rappels de postures adoptées, ou encore l'accueil fait par le manager de proximité lorsqu'ils arrivent sur le lieu de travail. La grande partie de ces formations relève davantage d'actions de sensibilisation, avec une portée préventive limitée du fait de leur caractère générique. De même, les visites médicales sont décrites comme « bidons » (p.136) et « hors sol » (p. 143) étant donné le caractère sommaire de la consultation et le manque d'information sur l'entreprise utilisatrice et l'organisation du travail de production. Les médecins se prononcent sur l'aptitude de l'emploi et non du poste, alors même que les intérimaires peuvent expérimenter plusieurs types d'emploi.

En outre, les processus d'intermédiation et de professionnalisation croissante de la gestion des risques afférents à la santé et à la sécurité au travail se sont accompagnés de l'émergence d'une nouvelle fonction de préventeur et de responsable sécurité, embauchés par les agences d'intérim. En principe chargés de traduire les obligations légales en procédures internes et de s'assurer de leur déploiement et de leur application opérationnelle, ces professionnels voient en pratique leur champ d'intervention limité, souvent réduit à des interventions au cas par cas. Parce que centrée sur les indicateurs de sinistralité et l'identification des accidents graves et/ou mortels, leur action laisse invisible une grande partie des risques auxquels sont exposés les intérimaires : maladies professionnelles, risques chimiques et risques psychosociaux restent hors des radars et échappent à toute mise en débat au sein du CHSCT.

En matière de gestion de santé au travail, ce sont enfin des comportements et adaptations stratégiques qui se jouent de part et d'autre. Côté salarié, la nécessité d'un maintien dans l'emploi peut conduire à dissimuler des problèmes de santé pour ne pas tomber sous le coup de restrictions médicales qui diminuerait son employabilité. La composition à dominante masculine de la population intérimaire (73 % des hommes et à 27 % des femmes, p.31) laisse également ouverte la question du déni viril de la souffrance et des risques professionnels[10]. Il est ainsi fait état de rapports de loyauté bâtis sur le fait de ne pas « chouiner » (p. 111) auprès des agences et sur le fait d'assumer une confrontation solitaire aux risques professionnels. Coté employeur, les dispositifs de santé au travail sont transformés en outils managériaux, comme lorsque les entreprises de travail temporaire classent leurs clients selon leur taux d'accidentologie, ou que la visite médicale devient une pratique supplémentaire de sélection des salariés sur la base d'aptitudes physiques. Compte tenu de la faiblesse des moyens accordés aux services de santé au travail, en termes humains comme organisationnels, et de la forte rotation du personnel médical, il est donc fort à parier que les objectifs de performance, auxquels sont soumis les bonus des managers, se substituent à de vraies démarches de prévention et accusent le contrôle hiérarchique et les divisions entre bons et mauvais salariés.

Insistons pour conclure sur le caractère précieux de cet ouvrage. Par un travail d'enquête qui documente très finement les pratiques de gestion de main-d'œuvre qui affectent les conditions de travail et la santé des intérimaires, il comble un grand vide pour la connaissance sociologique. En mettant au jour les ressorts d'une banalisation des contournements à la loi, il est aussi un important palliatif à la déliquescence des moyens de contrôle et de police forçant les employeurs au respect des droits du travail, dans un contexte où la tolérance croissante des pouvoirs publics face aux illégalismes dans le recrutement et le traitement des travailleurs subalternes. En outre, il est un puissant garde-fou contre l'idée parfois trop vite reçue de la figure de l'intérimaire tantôt maximisateur, car accusé de profiter de la générosité de l'assurance chômage, tantôt démissionnaire, car sujet à la perte de la valeur travail. En montrant combien le droit au repos est une solution pour se préserver, il ouvre une réflexion sur les leviers encore à disposition des travailleurs marginalisés et exposés à la surexploitation pour résister à l'intensification du travail. Aux cadences et à l'humiliation, les intérimaires se conforment à une certaine habituation à l'instabilité du travail salarié et au sentiment de pauvreté qui y est associé[11]. Enfin, cet ouvrage est un plaidoyer à la faveur du traitement conjoint des questions d'emploi et de travail. Il rappelle avec justesse combien l'instabilité professionnelle entraine une « dégradation du travail sur toutes ses dimensions » (p.163). Impossible dès lors à la lecture de cette synthèse d'imaginer répondre aux difficultés d'emploi sans questionner la qualité du travail et l'amélioration de ses conditions d'exercice. Une urgence d'autant plus pressante que le turnover structurel des intérimaires affecte y compris les salariés en emplois stables, notamment parce qu'il intensifie leur travail quand les exigences de rendement et de productivité doivent être tenues à effectifs restreints.

*

Clémentine Comer et Maéva Durand sont respectivement docteures en science politique et en sociologie.

Notes

[1] Jounin N., Paternoster L. (2009). « Un patron peut en cacher un autre. Sous-traitance et intérim dans les secteurs du bâtiment et du nettoyage », Savoir/Agir, vol. 4, n° 10, p. 13-22 ; Tranchant L. (2018). « ‪L'intérim de masse comme vecteur de disqualification professionnelle. Le cas des emplois ouvriers de la logistique », Travail et emploi, vol. 3, n°155-156, p. 115-140 ; Biaggi C., Comer C., Durand M., Liochon P., Mischi J. (2024). « Gestion et vécu des parcours ouvriers dans l'agroalimentaire en contexte de réforme de l'assurance-chômage », Rapport Dares.

[2] Burawoy M. (2015). Produire le consentement, Montreuil, La Ville brûle.

[3] Tranchant L. (2018)., art. cit.

[4] Biaggi et al. (2025), op. cit.

[5] Scalvinoni, B., Montcharmont, L. et Belkacem, R. (2023). « Les intérimaires, des travailleurs surexposés aux accidents du travail ». La Revue de l'Ires, vol 1, n° 109, p. 61-88.

[6] Chauvin S. (2010). Les Agences de la précarité. Journaliers à Chicago, Paris, Seuil.

[7] Rolo, D. (2014). « Penser la servitude volontaire à l'aide d'une théorie du corps. Contributions de la psychodynamique du travail ». Champ psy, vol 1, n°65, p. 69-84.

[8] Hughes E. C. (1956), « Social Role and the Division of Labor », The Midwest Sociologist, vol. 17, n°1, p. 3-7.

[9] Liochon P. « Vivre et vieillir dans le périurbain : Trajectoires de femmes ouvrières de l'agroalimentaire », thèse de sociologie en cours, sous la direction de Julian Mischi.

[10] Bouffartigue P., Pendariès J-R., Bouteiller J. (2010). « Virilité, métier et rapport aux risques professionnels : le cas de travailleurs de la sous-traitance », Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé [En ligne], 12-3.

[11] Duvoux N., Papuchon A. (2018). « Qui se sent pauvre en France ? Pauvreté subjective et insécurité sociale », Revue française de sociologie, n° 4, p. 607-647.

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Projet de loi 89 : une manœuvre explosive

18 mars, par Caroline Senneville — , ,
Non seulement ce projet de loi vient brimer les travailleuses et les travailleurs dans leur droit de négocier et d'améliorer leurs conditions de travail, mais il vient en prime (…)

Non seulement ce projet de loi vient brimer les travailleuses et les travailleurs dans leur droit de négocier et d'améliorer leurs conditions de travail, mais il vient en prime déstabiliser le fragile, mais important équilibre qui existait depuis l'adoption, en 1977, des dispositions anti-briseurs de grève prévues au Code du travail.

Avec le projet de loi 89, le ministre Boulet s'arroge le droit de mettre fin aux conflits de travail au détriment des droits des travailleurs, estiment les centrales et organisations syndicales cosignataires de cette lettre.

Si le projet de loi 89 du ministre du Travail, Jean Boulet, a été reçu comme une bombe dans le milieu syndical, c'est que son contenu et les motifs qui le sous-tendent sont explosifs.

Non seulement son projet de loi vient brimer les travailleuses et les travailleurs dans leur droit de négocier et d'améliorer leurs conditions de travail, mais il vient en prime déstabiliser le fragile, mais important équilibre qui existait depuis l'adoption, en 1977, des dispositions anti-briseurs de grève prévues au Code du travail. Un héritage important de René Lévesque et du Parti québécois de l'époque.

Rappelons tout d'abord les faits. Évoquant l'importance « d'éviter que ne soit affectée de manière disproportionnée la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population, notamment celle des personnes en situation de vulnérabilité », le ministre impose maintenant des services essentiels dans pratiquement tous les secteurs. De plus, il s'arroge le pouvoir de mettre fin aux conflits de travail. Rien de moins qu'une loi spéciale tous azimuts.

Arrivée de nulle part, la manœuvre de Jean Boulet, ancien avocat patronal maintenant ministre du Travail, ne passe absolument pas. Faut-il rappeler qu'il dispose actuellement de tous les leviers pour forcer les parties à régler les conflits et à y mettre fin ?

De surcroît, plus de 95 % des négociations se règlent sans grève ou lock-out et rares sont les conflits qui se prolongent. Et ça, le ministre le sait mieux que quiconque.

Il sait aussi que les patrons n'auront pour ainsi dire plus d'intérêt à négocier de bonne foi avec les syndicats, s'ils savent qu'en bout de piste, un arbitrage sera imposé.

Pas de gaieté de cœur

Quant aux personnes en situation de vulnérabilité, l'argument ne tient pas la route. Les travailleuses et les travailleurs, faut-il le rappeler, sont partie prenante de la société et comptent parmi leurs rangs des personnes vulnérables. Mettre ces deux groupes en opposition constitue un faux débat. Les travailleurs sont les premiers à avoir à cœur le bien-être des personnes qui utilisent leurs services, et c'est entre autres pour améliorer ces mêmes services qu'ils choisissent de se battre.

Si les travailleurs prennent en toute connaissance de cause la décision de faire la grève – et de se plonger dans l'incertitude financière –, ce n'est pas de gaieté de cœur. Rappelons d'ailleurs que les grèves ont permis, au fil du temps, des avancées sociétales majeures, tels les congés de maternité payés.

Finalement, le contexte politico-économique houleux et imprévisible aurait dû, lui aussi, freiner le ministre dans ses élans antitravailleurs et appeler à la plus grande cohésion et à la plus grande solidarité sociales.

Or, Jean Boulet fait précisément le contraire en venant brimer le droit des syndiquées et syndiqués de recourir à la grève, l'ultime recours qui subsiste pour exercer leur rapport de force.

Pourquoi, alors, aller de l'avant avec ce projet de loi ? Prétendant avoir à cœur le dialogue social, le ministre prend plutôt la voie de la confrontation et de la judiciarisation des conflits.

Pourquoi fragiliser cet équilibre, alors que le droit de grève est protégé par la Constitution canadienne ? Pour faire plaisir au patronat ? La question mérite d'être posée, car si le PL 89 sert un groupe en particulier, c'est bien celui des patrons, comme l'ont déjà noté plusieurs observateurs et éditorialistes. Et étrangement, avouons-le, ce projet survient au moment où, pour une rare fois, le contexte de pénurie de main-d'œuvre et d'inflation militait particulièrement en faveur de l'amélioration des conditions des travailleurs.

En provoquant ce déséquilibre, le ministre du Travail démontre également la nécessité, pour les organisations syndicales, d'unir leurs forces devant les défis qui attendent leurs membres pour les prochaines années, ce qu'elles feront entre autres en lançant les états généraux du syndicalisme, dès le 31 mars.

Si Jean Boulet et François Legault n'avaient pas totalement évalué la portée de ce geste, ils doivent le faire rapidement et retirer le projet de loi 89. Sinon, ils risquent de se brûler les doigts à force de jouer avec le feu.

Les autres signataires de ce texte :

le président de l'APTS, Robert Comeau ;

le président de la CSD, Luc Vachon ;

le président de la CSQ, Éric Gingras ;

la présidente de la FAE, Mélanie Hubert ;

la présidente de la FIQ, Julie Bouchard ;

la présidente de la FTQ, Magali Picard ;

le président du SFPQ, Christian Daigle ;

le président du SPGQ, Guillaume Bouvrette.

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Duplessis serait fier de la CAQ

18 mars, par Le Monde ouvrier — , ,
Quand un gouvernement est en chute libre, il sort la machine à diversion. François Legault, lui, a trouvé son bouc émissaire : les travailleurs et travailleuses en grève. Le (…)

Quand un gouvernement est en chute libre, il sort la machine à diversion. François Legault, lui, a trouvé son bouc émissaire : les travailleurs et travailleuses en grève. Le projet de loi no 89, signé par le ministre du Travail, Jean Boulet, n'a qu'un but : limiter la durée des conflits de travail et affaiblir le rapport de force syndical.

Tiré du Monde ouvrier no 150

Un bon vieux truc patronal, emballé dans un joli papier PAGE 6. Enjeux féministes PAGES 11 ET 16. fleuri avec un titre qui frôle le cynisme : Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out. On veut nous faire croire que le problème du Québec, ce n'est pas l'explosion du coût des loyers, ni le panier d'épicerie qui coûte une fortune, ni les familles qui se ruinent pour survivre. Non. Pour la CAQ, le danger, ce sont les personnes syndiquées qui se battent pour de meilleures conditions de travail et pour améliorer les services à la population.

La présidente de la FTQ, Magali Picard, ne se laisse pas berner : « C'est ça qui va régler les vrais problèmes du Québec ? Voyons donc ! Ce gouvernement complètement déconnecté se cherche des souffre- douleurs pour masquer un bilan désastreux. Tout ce que trouve à faire la CAQ, c'est d'inventer un problème qui n'existe pas. Ce familles qui se ruinent pour survivre. Non. Pour la CAQ, le danger, ce sont les personnes syndiquées qui se que veut faire le ministre, c'est aider les employeurs à négocier de plus bas salaires et de moins bonnes conditions de travail. »

Les grèves dérangent, et c'est normal. C'est le seul levier réel qu'ont les travailleurs et travailleuses. Sans ça, on leur passe sur le corps. Mais c'est justement ce que veut le ministre : donner les coudées franches aux patrons en les débarrassant de cette « nuisance » qu'est une grève.

« Oui, Duplessis serait fier du gouvernement de François Legault ! Brimer les droits des travailleurs et travailleuses c'était la spécialité de l'Union nationale de l'époque. C'est un retour à l'époque de la Grande Noirceur que nous propose le gouvernement de la CAQ. Ce n'est pas ça un projet de société », a réagi la présidente.

Un seul détail leur échappe : le mouvement syndical n'a pas l'intention de laisser passer ça. La FTQ sera aux consultations parlementaires et se battra bec et ongles contre cette attaque sur les droits fondamentaux des travailleurs et travailleuses.

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Face à la nouvelle donne géopolitique, les syndicats ne veulent pas lâcher les travailleurs ukrainiens

Alors que les forces politiques se divisent suite à l'abandon américain de l'aide à l'Ukraine, les syndicats essaient de rester unis dans le soutien aux travailleurs et (…)

Alors que les forces politiques se divisent suite à l'abandon américain de l'aide à l'Ukraine, les syndicats essaient de rester unis dans le soutien aux travailleurs et travailleuses ukrainiennes, défendant tous une « paix juste et durable ». La question de l'Europe de la défense ne fait pas l'unanimité.

7 mars 2025 | tiré de Politis N° 1853 | Photo : 2025 |Rassemblement de la Fédération des syndicats ukrainiens devant le bureau du président Volodymyr Zelensky, à Kiev le 30 juin 2020, demandant l'abrogation de la loi sur le travail.
© Sergei SUPINSKY / AFP
https://www.politis.fr/articles/2025/03/monde-travail-face-a-la-nouvelle-donne-geopolitique-les-syndicats-ne-veulent-pas-lacher-les-travailleurs-ukrainiens/

« Le moment exige des décisions sans précédent depuis bien des décennies. […] C'est pourquoi […] j'invite toutes les forces politiques, économiques et syndicales du pays à faire des propositions à l'aune de ce nouveau contexte. Les solutions de demain ne pourront être les habitudes d'hier. » Dans son allocution télévisée sur la situation géopolitique, Emmanuel Macron s'est adressé directement aux organisations syndicales. Depuis trois ans et l'attaque russe sur le territoire ukrainien, tous les syndicats français sont unis en intersyndicale pour soutenir, sans faille, la résistance ukrainienne.

Ainsi, toutes les organisations syndicales étaient présentes aux mobilisations pour soutenir l'Ukraine le 23 février dernier, trois ans après le début de l'invasion russe. « L'intersyndicale est toujours unie en soutien des travailleurs et travailleuses en Ukraine. En plus de la mobilisation du 23 février, on réfléchit à un nouveau rassemblement dans les prochains jours. Dans le contexte actuel, il faut que la société civile s'exprime sur cette question. C'est trop important pour qu'on entende seulement le politique », souligne Béatrice Lestic, en charge des relations internationales au sein de la CFDT.

Le mouvement syndical ne se trompe pas en réitérant, plus que jamais, son soutien à l'Ukraine.
B. Lestic

« La situation s'est considérablement dégradée et cela nous inquiète énormément. Plus que jamais, la solidarité avec les ukrainiens est à l'ordre du jour », embraye Boris Plazzi, secrétaire confédérale en charge des relations internationales à la CGT.

Basculement

Le contexte actuel, c'est un bouleversement sans précédent du rapport de force géopolitique avec un rapprochement inquiétant des États-Unis avec la Russie. Un basculement qui, forcément, interroge les positions historiques de bon nombre d'organisations progressistes, syndicats en tête. « On ne peut pas faire comme si rien ne se passait », soutient Béatrice Lestic.

La syndicaliste accuse le modèle de société défendu par l'axe Trump-Poutine qui est dangereux selon elle, pour les travailleurs et les travailleuses. « Jamais un régime d'extrême droite n'a été favorable aux organisations syndicales. Ce à quoi on assiste n'est pas la folie d'un homme, mais bien un projet politique qui est à l'encontre de tout ce qu'on défend, sur le travail, sur les services publics. Donc le mouvement syndical ne se trompe pas en réitérant, plus que jamais, son soutien à l'Ukraine. »

De la CFDT à Solidaires, la position est partagée aux deux extrémités du spectre syndical, même si la radicalité des termes utilisés diffère d'un syndicat à l'autre. « En Ukraine, comme en Palestine, en Afrique, ou en Kanaky, partout, l'impérialisme, les régimes liberticides, l'extrême droite sont les ennemis des populations qui aspirent à la liberté, à l'émancipation sociale », peut-on lire dans un communiqué publié le 3 mars par Solidaires.

Les Ukrainiens seront transformés en esclaves.
M. Volynets

Depuis le début de la guerre, les syndicats ont ainsi envoyé plusieurs convois syndicaux selon les besoins des organisations de travailleurs ukrainiens. Le dernier en date est parti mi-2024. C'est d'ailleurs un point que tous nos interlocuteurs syndicaux soulignent. Le soutien à l'Ukraine passe, pour eux, par les organisations syndicales locales et non par Volodymyr Zelensky. « On n'est absolument pas dans une Zelenskymania, comme d'autres », explique Béatrice Lestic.

En effet, le président ukrainien profite aussi de la période de guerre pour faire passer des lois qui cassent le droit du travail et les acquis sociaux locaux. « Nous sommes en pleine bataille avec le gouvernement ukrainien depuis de nombreux mois. Car le ministère de l'Économie a décidé de réformer le code du travail sans aucune consultation en bonne et due forme. [Ce] nouveau projet protège les intérêts des employeurs et non des salariés. […] Les Ukrainiens seront transformés en esclaves », affirme, auprès de nos confrères de L'Humanité, Mykhailo Volynets, président de la Confédération des syndicats libres d'Ukraine (KVPU). « On soutient aussi les ukrainiens dans leurs actions syndicales, c'est très important », glisse Boris Plazzi.

Unité ébranlée

« En 2022, le soutien de la population ukrainienne vis-à-vis de l'État et de certaines institutions comme l'armée était énorme. Zelensky était perçu comme le chef charismatique de la résistance. Cela ne veut pas dire qu'on soutenait toutes les initiatives du gouvernement, loin de là. La position des syndicats consistait par exemple à émettre des désaccords avec les actions du gouvernement, notamment avec les modifications du code du travail, sans pour autant s'engager dans une lutte sociale frontale, à la fois parce que la loi martiale interdit les grèves et les manifestations, mais aussi parсe que l'insécurité matérielle des travailleurs risquait de rendre toute grève impopulaire. Jusqu'au début 2023, il y avait cette forte unité derrière l'État mais les tensions sociales reviennent », analysait, il y a quelques jours, la philosophe Daria Saburova dans nos colonnes.

Malgré tout, la nouvelle donne géopolitique pourrait ébranler cette unité. Notamment sur la question de « l'Europe de la défense », alors que plusieurs organisations de travailleurs ont une tradition profondément pacifiste. À la CFDT, on assume défendre l'idée également voulue par Emmanuel Macron. « On a voté cela lors de notre dernier congrès, à Lyon. Mais dire qu'on veut une Europe de la défense ne veut pas dire que cela doit se faire au détriment des dépenses sociales et des acquis sociaux », martèle Béatrice Lestic.

Une posture loin d'être celle de Force Ouvrière (FO). Le troisième syndicat hexagonal dénonce dans un communiqué, « les postures va-t-en-guerre et toute escalade guerrière », et assure que, « sans être indifférente à la sécurité de la nation, FO ne veut participer ni à l'instrumentalisation, ni à l'intégration des organisations syndicales de salariés dans une économie de guerre, synonyme de renoncement et d'abandon des revendications des travailleurs ».

Inquiétudes

La CGT, elle, se tient, pour l'instant, à l'écart de ce débat. « On n'a pas pris de position sur la question », souffle Boris Plazzi qui assure, toutefois, « préférer une économie de la paix à une économie de guerre ». La CGT, comme le reste des organisations s'inquiète, notamment, de la façon dont se mettraient en place de telles hausses de dépenses dans le secteur de la défense, dans un contexte de crise des finances publiques.

Il y a une unanimité pour dire que la Russie est l'agresseur et l'Ukraine l'agressé mais, sur les moyens de se mettre en mouvement, il n'y a pas de position tranchée commune.
B. Lestic

Et ce, alors qu'Emmanuel Macron a déjà assuré – sans pouvoir le garantir, ne disposant plus de majorité – qu'il n'y aurait pas de hausse d'impôts. « Il faudra des réformes, du choix, du courage », a-t-il ainsi soutenu. Un discours qui peut légitimement inquiéter les organisations syndicales quand on connaît l'historique des réformes menées depuis près de huit ans par feue la majorité présidentielle.

Au niveau européen c'est d'ailleurs cette question qui risque de cristalliser les tensions, alors que plusieurs pays européens – notamment du sud – pourraient augmenter drastiquement les dépenses liées à la défense. Au détriment de quoi ? Alors que la Confédération européenne des syndicats (CES), qui regroupe 88 confédérations syndicales européennes, a rapidement pris position en soutien à l'Ukraine lors de l'invasion russe. Mais une position commune sur la question des moyens à mettre en œuvre pour soutenir le peuple ukrainien n'émerge pas, malgré le contexte.

« Il y a une unanimité pour dire que la Russie est l'agresseur et l'Ukraine l'agressé mais, sur les moyens de se mettre en mouvement, il n'y a pas de position tranchée commune », souffle Béatrice Lestic. Une chose reste toutefois sûre : dans un contexte certain de montée de tensions et de course à l'armement, les syndicats devront, plus que jamais, être vigilants. Parce que la guerre est rarement – si ce n'est jamais – l'amie des avancées sociales.

Sous-traitance de chirurgies en cliniques privée : la FIQ dénonce le démantèlement du réseau public de santé au profit d’intérêts privés

18 mars, par Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) — , , ,
La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec– FIQ dénonce l'expansion incontrôlée du recours au secteur privé pour la réalisation des chirurgies. Passant de simples (…)

La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec– FIQ dénonce l'expansion incontrôlée du recours au secteur privé pour la réalisation des chirurgies. Passant de simples « projets pilotes » à une proportion alarmante de 19 % des chirurgies effectuées hors du réseau public, cette privatisation rampante ne fait qu'exacerber les problèmes systémiques du réseau de la santé.

« En réaffirmant son engagement à participer aux solutions pour améliorer l'accès aux soins, notamment par des initiatives pour réduire les listes d'attente en chirurgie, la FIQ souligne toutefois les effets pervers de l'expansion des centres médicaux spécialisés (CMS). Ces cliniques, bien qu'elles contribuent à réduire les délais pour certaines interventions, aggravent la pénurie de personnel dans le secteur public. En effet, le nombre de chirurgies en attente depuis plus d'un an reste préoccupant, démontrant l'inefficacité du recours aux CMS », exprime Julie Bouchard, présidente de la FIQ.

Le gouvernement prétend que le recours au privé est une solution pour réduire les listes d'attente. En réalité, il s'agit d'un choix politique qui affaiblit encore davantage le réseau public. Les cliniques privées attirent des professionnelles en soins qui désertent les hôpitaux en raison des conditions de travail exécrables imposées par le gouvernement. Or, c'est dans le public que ces professionnelles sont le plus essentielles, et c'est là que des investissements s'imposent.

« La proportion de travailleuses de la santé dans le privé a augmenté de 31 % entre 1987 et 2019, et en mars 2023, 16 % des chirurgies étaient réalisées en CMS. L'élargissement des interventions autorisées au privé risque d'accroître cette proportion, avec des conséquences sur les listes d'attente pour les chirurgies complexes, notamment oncologiques. La rentabilité du privé repose sur les lacunes du public, d'où l'appel de la FIQ à la vigilance pour protéger le système public de santé », souligne Mme Bouchard.

Le financement public des chirurgies réalisées dans le privé ne signifie pas pour autant l'équité d'accès aux soins. En favorisant un système à deux vitesses, le gouvernement de la CAQ crée un engrenage pernicieux : plus les ressources humaines et matérielles se concentrent dans le privé, plus le public s'affaiblit, ce qui justifie davantage encore le recours au privé. Cette spirale est dangereuse et inacceptable.

« Nous ne sommes pas les seules à le dire : ces contrats privés ne réduisent ni les coûts ni les temps d'attente. Pourtant, le ministre Christian Dubé persiste et signe, préférant ouvrir la porte à une privatisation toujours plus grande au lieu de réinvestir de manière significative dans le réseau public. Le gouvernement doit agir là où ça compte vraiment : en bonifiant les conditions de travail des professionnelles en soins et en assurant une meilleure planification des ressources humaines. La solution est connue : c'est le renforcement du réseau public, et non son démantèlement au profit d'intérêts privés », conclut la présidente de la FIQ.

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Échec cuisant : l’organisme canadien censé assurer la surveillance des droits de la personne laisse les travailleuses et travailleurs du vêtement au Bangladesh croupir dans la pauvreté

18 mars, par Congrès du travail du Canada (CTC) — , , ,
Dans de nombreuses usines de vêtements du Bangladesh, les femmes et les hommes qui confectionnent les vêtements destinés à l'exportation dans le monde entier sont soumis à des (…)

Dans de nombreuses usines de vêtements du Bangladesh, les femmes et les hommes qui confectionnent les vêtements destinés à l'exportation dans le monde entier sont soumis à des horaires exténuants : six jours par semaine, 10 à 12 heures par jour. Cependant, quelles que soient la durée et l'intensité de leur travail, leurs salaires sont si bas qu'ils et elles ne peuvent échapper à la pauvreté.

Les conditions de travail et de vie déplorables de la main-d'œuvre du vêtement au Bangladesh ont poussé le Syndicat des Métallos et le Congrès du travail du Canada (CTC) à déposer une plainte conjointe auprès du Bureau de l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE) contre le détaillant L'Équipeur et sa société mère Canadian Tire.

La plainte conjointe du Syndicat des Métallos et du CTC est l'une des premières du genre à avoir été déposée auprès de l'OCRE, fonction créée par le gouvernement fédéral pour enquêter sur les plaintes de violations des droits de la personne dans les activités d'entreprises canadiennes à l'étranger dans les secteurs du vêtement, de l'exploitation minière et de l'industrie pétrolière.

La plainte conjointe du Syndicat des Métallos et du CTC alléguait que L'Équipeur avait agi en violation des principes internationaux des droits de la personne en versant à la main-d'œuvre des usines de ses fournisseurs un salaire inférieur au minimum viable. Notre plainte trouve son origine dans notre engagement solidaire de longue date à améliorer les conditions de vie et de travail de la main-d'œuvre du secteur du vêtement au Bangladesh.

Depuis plus d'une décennie, en collaboration avec des syndicats canadiens et des alliés de la société civile, le Syndicat des Métallos et le CTC s'efforcent de faire en sorte que la main-d'œuvre exploitée fasse entendre sa voix et ses préoccupations auprès des autorités, des entreprises et des consommateurs canadiens. Dans ce contexte, nos attentes étaient élevées que le Bureau de l'OCRE puisse enquêter sur les allégations de violations des droits de la personne dans la chaîne d'approvisionnement de L'Équipeur au Bangladesh.

L'Ombudsman a initialement accepté d'enquêter sur les allégations formulées dans notre plainte en mars 2024. Cependant, un changement radical s'est produit quelques mois plus tard, à la suite de la fin du mandat de la première Ombudsman, Sheri Meyerhoffer. Le 23 décembre 2024, l'Ombudsman a publié son rapport final, fermant le dossier de notre plainte sans enquêter sur les questions que nous avions soulevées, et sans recommander les mesures de suivi que L'Équipeur aurait pu prendre.

Nous sommes d'avis que le rapport de l'Ombudsman se fonde sur une approche qui mine à ce point son mandat de surveillance qu'il est difficile de concevoir une quelconque violation des droits de la personne sur laquelle il estimerait avoir la compétence pour enquêter. Par conséquent, le Syndicat des Métallos et le CTC demandent actuellement une révision judiciaire de la décision.

Le rapport final de l'Ombudsman, y compris tous nos commentaires sur ces conclusions, peut être consulté ici.

Il convient de souligner que la création du Bureau de l'OCRE est le fruit de plus d'une décennie de plaidoyer de la société civile en faveur d'une plus grande reddition de compte des entreprises, afin d'agir face aux preuves de plus en plus nombreuses d'atteintes aux droits de la personne et de dommages causés à l'environnement par des entreprises canadiennes dans le cadre de leurs activités à l'étranger.

Toutefois, le gouvernement n'a pas doté le Bureau de l'OCRE de l'indépendance et des pouvoirs essentiels nécessaires pour enquêter efficacement sur les allégations de violations commises par des sociétés canadiennes et demander qu'elles rendent des comptes. Donc, même si le Bureau avait procédé à une enquête sur la plainte déposée contre L'Équipeur, les prochaines étapes n'auraient pas été claires, puisqu'il n'avait pas le pouvoir de contraindre les témoins à comparaître et à fournir des documents.

Le processus qui a caractérisé notre plainte était laborieux et a exigé beaucoup de ressources, renforçant encore la position de nombreux groupes de la société civile canadienne selon laquelle le Bureau de l'OCRE a désespérément besoin d'une véritable indépendance et de pouvoirs juridiques pour remplir sa mission. L'absence continue d'action à cet égard exposera encore davantage les intentions limitées du gouvernement de garantir une véritable responsabilité des entreprises canadiennes dans l'exercice de leurs activités à l'étranger.

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Nouvelle-Calédonie : « une terre de très grande punition »

18 mars, par Christine Salomon, Johann Bihr — , ,
L'anthropologue Christine Salomon travaille depuis près de vingt-cinq ans sur le système judiciaire et pénal en Nouvelle-Calédonie. Dans un ouvrage à paraître co-écrit avec (…)

L'anthropologue Christine Salomon travaille depuis près de vingt-cinq ans sur le système judiciaire et pénal en Nouvelle-Calédonie. Dans un ouvrage à paraître co-écrit avec Marie Salaün, elle éclaire la place centrale de la prison dans l'histoire coloniale de ce territoire, à la lumière d'une comparaison avec la Polynésie française voisine.

Tiré du blogue de l'auteur.

Vos travaux montrent à quel point l'enfermement occupe une place centrale dans l'histoire coloniale de la Nouvelle-Calédonie, bien au-delà du bagne. Concrètement, comment cela se manifeste-t-il ?

Christine Salomon : Dans leur livre sur l'indigénat[1], Isabelle Merle et Adrian Muckle soulignent que dès la prise de possession du pays par les Français en 1853, chaque chef kanak « soumis » est incité à construire deux prisons, une pour les hommes et une pour les femmes. Et symboliquement, il reçoit un fanion et une « barre de justice », à laquelle fixer les fers des prisonniers enchaînés. Jusque-là, l'incarcération ne faisait pas partie des pratiques locales de contrôle social.

Comparée aux autres possessions françaises du Pacifique, la Nouvelle-Calédonie apparaît vraiment comme une colonie de très « grande punition »[2]. On y crée toute une constellation de lieux d'enfermement : non seulement le bagne et ses multiples annexes, mais aussi la prison civile de Nouméa à partir de 1887, et de nombreuses chambres fortes disséminées à travers le pays – les « carabousses » ou « boîtes », qui seront intégrées aux gendarmeries. C'est là que l'on continue d'effectuer les peines de moins d'un mois jusque dans les années 1970-80. L'administration française ouvre aussi des lieux d'incarcération de ce genre en Polynésie, mais dans une bien moindre mesure.

Pourquoi cette particularité calédonienne ?

C'est surtout lié à l'instauration du code de l'indigénat en Nouvelle-Calédonie, en 1887. En plus de soumettre les Kanak à l'impôt et au travail forcé, il pénalise toute une série d'infractions qui leur sont propres : par exemple, se rendre dans le village européen sans autorisation, se promener « nu » – c'est-à-dire en vêtements kanak – sur le bord de la route, « débrousser » les champs par le feu, organiser des fêtes la nuit… Au total, quatre ensembles d'infractions visent clairement le mode de vie kanak. Au départ, ce cadre est présenté comme temporaire, le temps que la « mission civilisatrice » de la France fasse son œuvre. Mais en fait, il est renouvelé tous les dix ans, sans grande modification, jusqu'à l'abolition de l'indigénat dans toutes les colonies françaises en 1946. Et encore, le gouverneur de Nouvelle-Calédonie fera tout son possible pour essayer de le prolonger : ce n'est qu'en 1957 que tous les Kanak majeurs peuvent voter.

On n'a pas d'équivalent à Tahiti, où les descendants du royaume Pomare sont dès le départ citoyens français – avec des droits politiques certes très limités – et où les Marquisiens et les habitants des Îles Sous-le-Vent, bien qu'« indigènes », ne sont pas du tout soumis au même régime que les Kanak. En fait, l'extension du champ de l'indigénat et la sévérité de son application en Nouvelle-Calédonie sont exceptionnelles à l'échelle de l'Empire français, Algérie comprise.

Plus largement, la Nouvelle-Calédonie fait l'expérience d'une répression particulièrement violente. Le recours à la déportation est largement répandu et l'on compte plus de 140 exécutions capitales avant la Seconde Guerre mondiale. Quand c'est un condamné de la prison civile qui est exécuté, cela se passe en place publique, devant la population nouméenne. Et même au sein du bagne, on fait assister les bagnards à l'exécution, genou à terre… J'ai trouvé des cartes postales représentant l'échafaud, c'est dire si c'était banalisé. En Polynésie française, à l'inverse, tout le monde se souvient encore de l'exécution de 1869, l'une des deux seules à avoir été appliquées dans l'archipel. Elle a fait figure de repoussoir, et tellement marqué les esprits qu'une copie de la guillotine de fortune installée pour l'occasion a été conservée jusqu'aujourd'hui.

À quoi tiennent ces politiques répressives si différentes ?

Elles s'adossent à des représentations opposées des populations que le colonisateur cherche à contrôler. Les colons voient les Tahitiens comme de grands enfants, qui ne comprendraient pas un recours trop appuyé à la violence, alors qu'ils considèrent les Kanak comme intrinsèquement violents. Cette séparation raciste entre « Polynésiens pacifiques » et « Mélanésiens sauvages » est une vieille idée coloniale.

Mais bien sûr, ces représentations ne sont pas sui generis, elles sont le produit des interactions coloniales, et servent surtout à justifier le modèle de colonisation – et de répression – mis en œuvre. La vision du Kanak féroce est ainsi à rapprocher de la soixantaine d'insurrections qu'a connues la Nouvelle-Calédonie : au-delà des plus célèbres, en 1878 et 1917, la domination française y a toujours été contestée. Et cette idée d'une population sauvage est aussi au service de la colonisation de peuplement qui se met en place en Nouvelle-Calédonie, à la différence de Tahiti qui est au départ un protectorat – d'où un choix d'exclusion des Kanak particulièrement extrême, pour assurer la suprématie des colons. C'est le seul endroit de l'Empire où les Français placent les indigènes dans des réserves, à la britannique. On pénalise même les femmes qui s'enfuient de leur réserve pour aller vivre avec un Européen, si elles sont déjà coutumièrement mariées. Ainsi, tandis qu'en Polynésie française un groupe social métis s'est rapidement constitué, cela ne fait qu'une quinzaine d'années que le métissage est reconnu comme tel dans les recensements calédoniens !

Vous retracez l'adaptation très lente et partielle de la prison du Camp-Est, héritée du bagne, aux réformes pénitentiaires introduites dans l'Hexagone. Il semble surréaliste que le règlement interdise toujours le port de la barbe dans les années 1980…

Et ce n'est que l'aspect le plus anecdotique ! À la même époque, le régime disciplinaire se résume encore à mettre les détenus à l'eau et au pain sec deux jours par semaine… L'abandon de la Nouvelle-Calédonie comme « colonie pénitentiaire » en 1931, puis l'accès au statut de Territoire d'Outre-mer en 1946, n'ont longtemps eu que peu d'incidences sur les conditions de détention au Camp-Est. Elles demeurent proches de celles du bagne jusqu'à ce que la mort d'un détenu sous les coups de ses gardiens fasse scandale en 1966. L'incarcération reste alors gérée localement et ses modalités sont très spécifiques, inscrites dans la situation coloniale. Des détenus peuvent encore être affectés au service personnel de certains surveillants... Cette dérogation n'est définitivement abolie qu'après une importante mutinerie, en 1975, qui déclenche un certain nombre de réformes : la règle du silence est assouplie, le régime des visites et des correspondances également, un service social est institué, les détenus obtiennent le droit à l'enseignement… Mais en 1987, des prisonniers du Camp-Est sont encore privés de foot parce qu'ils refusent de couper leur barbe. Et ce n'est que dans ces années-là qu'ils obtiennent le droit d'avoir des radios individuelles.

C'est donc une transition très progressive qui se met en place jusqu'à l'étatisation de la prison, en 1989. C'est d'ailleurs très paradoxal : la pénitentiaire passe sous le contrôle direct de Paris au moment même où s'amorce la sortie de l'ordre colonial. Mais dans les années 1980, en Nouvelle-Calédonie comme en Polynésie française, le coût des dépenses de personnel a nourri une demande de prise en charge par l'Hexagone.

Le Camp-Est semble être décrit depuis très longtemps comme vétuste et surpeuplé...

Absolument. Dans les années 1960, des rapports décrivent le Camp-Est comme trop vétuste et préconisent son abandon au profit d'une nouvelle prison… Mais on fait finalement le choix de le conserver, essentiellement parce que jusqu'en 1972, on n'y accède encore que par bateau, ce qui rend les évasions plus difficiles. Et par la suite, comme on a progressivement lancé des travaux, les dépenses déjà engagées incitent à ne pas abandonner les lieux.

La Nouvelle-Calédonie ne connaît pas le même processus de modernisation que la Polynésie française, où l'on construit une prison toute neuve en 1970. Les essais nucléaires s'y accompagnent de grands chantiers, avec des fonds d'investissement dédiés à la modernisation du territoire, et la prison fait partie du « package » au même titre que l'aéroport, l'hôpital, etc. Il n'y a pas d'équivalent de cette dynamique en Nouvelle-Calédonie, malgré le boom du nickel qui s'accompagne d'arrivées massives et d'injections d'argent, mais d'une ampleur très inférieure. Le bâti du Camp-Est reste longtemps très ressemblant à ce qu'il était auparavant, et ses abords aussi, avec un grand jardin, et même un troupeau… Ce n'est que dans les années 1980 qu'un nouveau directeur venu de métropole impulse la construction d'un nouveau bâti, qui n'aura de cesse de se développer, faisant dire aux Kanak incarcérés qu'on les met désormais en cage.

Dans quelle mesure cette évolution est-elle liée aux tensions politiques et sociales extrêmes que connaît la Nouvelle-Calédonie en 1984-1988 ?

Je n'ai pas trouvé de document établissant un lien direct, mais la mutinerie de 1975 a marqué les esprits. Elle est déclenchée par la libération d'un policier européen qui a abattu un jeune Kanak. C'est aussi le début du mouvement indépendantiste, avec de premières incarcérations qui s'accélèrent au début des années 1980. Dans ce contexte, la droite locale se préoccupe de renforcer la sécurité au Camp-Est.

En Polynésie aussi, une mutinerie éclate en 1978 à la prison de Nuutania et l'État l'attribue notamment à la montée de l'indépendantisme, liée à la lutte contre les essais nucléaires. Le procès des mutins, à Versailles, est assez retentissant. On a peu étudié les « circulations » d'un territoire à l'autre, mais plus généralement, c'est une conjoncture historique : au tournant des années 1980, il y a des inquiétudes partagées face à la montée des indépendantismes, une délinquance juvénile dépeinte comme incontrôlable… Je n'exclurais pas que cela ait pu influencer le choix d'accentuer l'enfermement, et celui de la reprise de contrôle métropolitain. Il serait intéressant d'aller voir si l'on retrouve la même volonté de serrer la vis aux Antilles, à la Réunion ou en Guyane à la même époque.

La surreprésentation des Kanak parmi les personnes détenues ne cesse d'augmenter au fil des ans. Cela peut sembler paradoxal... Avez-vous des éléments d'explication ?

En effet, c'est comme si la part des Kanak en prison augmentait à mesure que leur proportion diminuait dans la population générale. En 1956, les Kanak représentent 51 % de la population calédonienne et 65 % des personnes détenues au Camp-Est. [Leur part dans la population pénale est aujourd'hui estimée à plus de 90 % (NDLR, voir p.20)]. Faute d'étude, il est difficile d'identifier précisément les facteurs de cette évolution. Ce qui est sûr, c'est que la surreprésentation des Kanak en prison bondit lors des « événements » des années 1980. Elle monte considérablement à partir de 1985 et elle explose en 1987. Près de la moitié de l'effectif pénitentiaire est alors en détention préventive.

Les vastes manifestations indépendantistes qui ont précédé les émeutes de mai 2024 ont souvent été ponctuées de la chanson de Waan, « À bas la justice coloniale ». À quelle part d'histoire renvoie cette expression, pour celles et ceux qui la prononcent ?

Dans la mémoire récente, en Nouvelle-Calédonie, cela renvoie surtout au procès de l'embuscade de Waan Yaat, au cours de laquelle dix Kanak désarmés, dont deux frères du leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou, ont été abattus en 1984. Les sept tireurs, qui n'ont jamais nié leur geste et ont bénéficié d'un régime de faveur en détention, ont d'abord fait l'objet d'un non-lieu au titre d'une « légitime défense préventive », avant d'être acquittés en appel par des jurés populaires. Cette affaire a récemment fait l'objet de deux films documentaires[3], qui ont réactivé des souvenirs chez les anciens et suscité de fortes résonances émotionnelles chez les jeunes. D'autant que le dernier des sept auteurs encore en vie, qui intervient dans le film Waan Yaat, semble toujours dans le déni.

La mémoire du Camp-Est, ses conditions de détention et sa place dans le paysage calédonien jusqu'aujourd'hui jouent aussi un rôle dans cette mémoire traumatique. Pas moins de 200 jeunes militants indépendantistes y ont été emprisonnés dans les années 1980. Tout cela a fait l'objet d'une transmission familiale, qui n'est peut-être pas très élaborée mais qui résonne avec l'expérience de nombreux jeunes passés par le Camp-Est.

Certains aspects des événements actuels vous frappent-ils particulièrement, au regard de votre perspective historique sur l'histoire de l'enfermement en Nouvelle-Calédonie ?

Le plus saisissant, c'est la déportation des militants de la CCAT : c'est une vieille ficelle coloniale, depuis la déportation en France du chef rebelle haïtien Toussaint Louverture par Napoléon, jusqu'à celle du leader indépendantiste polynésien Pouvanaa dans les années 1960. On y a eu très largement recours en Nouvelle-Calédonie – et dans les deux sens : les chefs rebelles kanak étaient expédiés sous d'autres cieux, tandis que Communards et rebelles algériens étaient envoyés sur le Caillou… Par ailleurs, l'idée que des commanditaires, des « donneurs d'ordre », se cacheraient derrière l'insurrection de la jeunesse, ou plus généralement que « les parents » seraient à blâmer, me semble totalement méconnaître les normes éducatives kanak, qui laissent une très grande autonomie aux jeunes. Mais n'a-t-on pas entendu des discours assez proches, mettant en cause les familles pauvres plutôt que les inégalités sociales, lors des émeutes en banlieues de l'été 2023 ?

Propos recueillis par Johann Bihr

Cet article est paru dans la revue de l'Observatoire international des prisons - DEDANS DEHORS n°125 - Kanaky – Nouvelle-Calédonie : dans l'ombre de la prison

Notes

[1] Isabelle Merle, Adrian Muckle, L'Indigénat. Génèses dans l'Empire français. Pratiques en Nouvelle-Calédonie, CNRS éditions, 2019.

[2] Expression forgée par l'historien Michel Pierre à propos de la Guyane, dans l'ouvrage La terre de la grande punition. Histoire des bagnes de Guyane, Paris, Ramsay, 1982.

[3] Waan Yaat, sur une terre de la République française, documentaire d'Emmanuel Desbouiges et Dorothée Tromparent, Foulala Productions, 2022, 60 min, et Nouvelle-Calédonie, l'invraisemblable verdict, documentaire d'Olivier Pighetti, Piments Pourpres Productions / France Télévisions / CNC, 2023, 52 min.

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Visuel de la 6e action de la Marche mondiale des femmes au Québec

18 mars, par Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes (CQMMF) — , ,
Maintenant que le lancement de la Marche mondiale des femmes vient d'être effectué, nous sommes ravies de vous dévoiler le visuel qui soutiendra notre mobilisation et nos (…)

Maintenant que le lancement de la Marche mondiale des femmes vient d'être effectué, nous sommes ravies de vous dévoiler le visuel qui soutiendra notre mobilisation et nos prises de paroles jusqu'au grand rassemblement de la 6e action de la Marche mondiale des femmes au Québec.

Ce visuel, portant notre thème "Encore en marche pour transformer le monde" est le résultat de nombreuses réflexions. Nous avons voulu créer une image qui non seulement représente notre thème, mais qui incarne également les valeurs et les luttes qui nous animent.


Éléments clés du Visuel

Textile :

Le visuel rappelle la courte-pointe, un symbole clé dans l'histoire de la Marche mondiale des femmes. Ce choix permet de faire un lien avec une date importante de notre calendrier, le 24 avril, journée de solidarité féministe contre les entreprises transnationales. Cette date a été choisie en mémoire de l'effondrement de l'usine textile Rana Plaza au Bangladesh, qui a coûté la vie et blessé des milliers de femmes.

Couleurs :

Les couleurs chaudes ont été privilégiées, car elles sont associées à notre organisation et aux luttes autochtones. Des notes de mauve ont été ajoutées pour faire le lien avec le réseau international de la Marche mondiale des femmes.

Symboles :

Nous avons souhaité que l'image permette à chacun de l'interpréter à sa manière, tout en mobilisant. Les symboles présents mettent l'accent sur la mobilisation et nos valeurs, notamment les thèmes de paix, d'écoféminisme et de solidarité.

Inspiration et création

L'inspiration de ce visuel puise dans l'iconographie forte des mobilisations et les 30 ans de la marche Du pain et des roses. Ce concept célèbre la solidarité en s'inspirant des arts textiles, associés à l'histoire et au travail collectif des femmes. En tissant des symboles de lutte et de paix, il reflète l'idée de construire ensemble un avenir inclusif. La symétrie représente l'harmonie et la communauté, et l'utilisation d'éléments artisanaux traditionnels rend hommage au passé tout en projetant une vision tournée vers l'avenir.

La courte-pointe nous a semblé un beau moyen de littéralement tisser ces éléments ensemble, tout en rendant hommage à notre œuvre collaborative, si inspirante et porteuse de communauté.

Nous remercions chaleureusement notre illustratrice Maia Faddoul pour son travail exceptionnel et son engagement à nos côtés. Vous pouvez la suivre sur la plateforme instagram.

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Partielle de Terrebonne : les travailleurs d’Amazon dénoncent le silence complice de la CAQ et de son candidat

18 mars, par Syndicat des Travailleuses et Travailleurs d'Amazon Laval (STTAL-CSN) — , ,
*13 mars 2025*—*Le Syndicat des Travailleuses et Travailleurs d'Amazon Laval (STTAL-CSN) a exprimé aujourd'hui sa profonde déception face à l'inaction et l'apathie des (…)

*13 mars 2025*—*Le Syndicat des Travailleuses et Travailleurs d'Amazon Laval (STTAL-CSN) a exprimé aujourd'hui sa profonde déception face à l'inaction et l'apathie des candidats à l'élection partielle dans Terrebonne, en particulier Alex Gagné, candidat caquiste, dans le dossier de la fermeture sauvage de sept entrepôts au Québec. Plusieurs travailleurs
de l'entrepôt DXT4 de Laval habitent à Terrebonne.*

Malgré des rencontres privées avec M. Gagné et le ministre du Travail, Jean Boulet, où des promesses de soutien ont été faites, aucun engagement public concret n'a suivi. Le gouvernement continue de justifier le resserrement des achats sur Amazon par des raisons économiques et d'achat local, sans reconnaître l'injustice vécue par les 4700 travailleurs licenciés au Québec.

Le STTAL-CSN déplore cette déconnexion entre les discours privés et les actions publiques du gouvernement. Il demande que tous les partis s'engagent à soutenir les revendications des travailleurs et de la population et agissent immédiatement contre la multinationale pour obtenir une meilleure compensation pour les licenciés et l'imposition de réelles sanctions contre Amazon.

Les travailleurs d'Amazon, notamment ceux de Terrebonne et de la région de Lanaudière, poursuivront leur mobilisation pour obtenir justice et attendent que le gouvernement prenne enfin la mesure de cette crise.

Le STTAL-CSN appelle à une mobilisation massive lors du grand rassemblement prévu le 15 mars 2025 à 19h, à la Maison Théâtre à Montréal, pour dénoncer Amazon et exiger des mesures immédiates en faveur des travailleurs licenciés.

*CITATIONS :*
Félix Trudeau, président du STTAL-CSN :

- "En privé, on nous assure que le gouvernement nous appuie, mais c'est une toute autre affaire en public. Ni le candidat Alex Gagné, ni le ministre Jean Boulet n'ont pris publiquement position en faveur de nos revendications et de notre cause."

- "Il y a un abandon de la part de ces représentants de la CAQ par rapport aux travailleurs d'Amazon, notamment ceux qui habitent à Terrebonne et dans Lanaudière."

- "Les autres candidats ont été difficiles à rejoindre. Alex Gagné nous a écouté parce que nous sommes allés dans son bureau et nous lui avons dit que nous ne partirions pas tant qu'il ne nous parlerait pas."

- "Pour beaucoup de travailleurs qui ont été jetés à la rue par Amazon, les compensations sont en-dessous du minimum légal. Nous, on veut des vraies compensations, mais aussi qu'Amazon subisse les conséquences de ses
actes et soit sanctionné sévèrement."

- "On va continuer notre lutte pour obtenir justice. On veut que le gouvernement prenne la mesure de cette mobilisation-là, nous rencontre et accède à nos demandes."

*À propos du Syndicat des Travailleuses et Travailleurs d'Amazon Laval (STTAL-CSN)* : Le STTAL regroupe les travailleurs et travailleuses de l'entrepôt DXT4 d'Amazon, à Laval. Il a été fondé en mai 2024. Il est le premier syndicat de la multinationale au Canada.

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Mouloud, dans le club des puissances nucléaires

18 mars, par Omar Haddadou — ,
( Le téléphone sonne... La Secrétaire qui manucurait pénardement ses ongles, sursaute) – Service après-vente, bonjour ! Je vous écoute. – Bonjour, azoul, Madame ! - Je (…)

( Le téléphone sonne... La Secrétaire qui manucurait pénardement ses ongles, sursaute)

Service après-vente, bonjour ! Je vous écoute.

– Bonjour, azoul, Madame !

- Je vous entends mal, Monsieur azoul.

– Non, Madame ! azoul, c'est pas mon nom. Cela signifie « bonjour » en kabyle. Moi, c'est Mouloud.

Mes excuses, Monsieur Mouloud. Parlez un peu plus fort, SVP ! Que puis-je pour vous ?

– Je suis obligé de baisser la voix, Madame « Les murs ont des oreilles ».

– Dans ce cas, parlez doucement, si vous le pensez indéniablement !

D'accord, Madame. Voilà, c'est au sujet de ma commande. Elle a été soldée, mais dans la livraison, il manquait un article d'une importance capitale. Cela m'inquiète

– Ah oui, ça me revient ! C'était une…
- Chuut, Madame, SVP ! Dites : « Champignon flamboyant » à la place de la désignation, et tout se passera dans l'anonymat absolu.

– Vous me faites marrer. Rien ne relève de la confidence de nos jours. Même le Très Secret Défense. Il vous faut une mise à jour, Monsieur. Appelons un chat, un chat ! Au point où nous en sommes…

- Vous avez raison, Madame. Appelons « Amchich, Amchich* » !

- Le monde est une dynamique de brutalités repensées qui ne s'offusque pas de déclarer les Apocalypses, et vous, vous jouez au « Peace and Love ». C'est ballot !

- Comment… ? Ballon ?
- Non ! Pas ballon ! Décidemment vous avez le foot dans le sang, vous autres. J'ai dit ballot, qui veut dire « c'est dommage, c'est bête ».

– Mes excuses, Madame. – Donc, Monsieur Mouloud, la Bombe nucléaire qu'on vous a livrée manquait d'éléments ?

- Oui, Madame ! Il y avait presque tous les modules et les composants électroniques, sauf la valise avec le bouton rouge et les équipements de protection.

– Mais il avait la tête où notre livreur ? Monsieur, soyez rassuré, je vous fais parvenir tout ça sous 48 heures.
– Génial !
- Il vous fallait autre chose ?

- Pour le moment, non.
– Etes- vous sûr ?
- Je reviendrai vers vous, si besoin est.

– Une carte de Fidélité, par exemple ?

- Ah, ça c'est pas mal.

- Il fallait y penser, Monsieur Mouloud. Cette carte vous permet de cumuler des points pour une remise sur l'achat de votre deuxième Bombe nucléaire, plus dévastatrice. Elle est renouvelable tous les 5 ans, sans frais.
– Allez ! « Qui veut la fin, veut les moyens ». Dites-moi, par rapport à Hiroshima et Nagasaki, c'est comment ?

Le jour et la nuit.
- Tant que j'y pense. Est-ce qu'il faut le baptiser, « mon feu d'artifices » ? Comme « l'opération gerboise ».

– Ca ? C'est à vous de choisir. L'important est d'acquérir votre arme de dissuasion au plus tôt. Surtout si vos tréfonds regorgent de terres rares, d'or noir… Vous savez, on est dans le MAD MAX de la Géopolitique apocalyptique contemporaine, avec comme synopsis, la prédation « trumpo-macroniste ». Une folie de rapports de force où la paix est négociée par intérêts interposés suicidaires.

– Alors je m'estime heureux d'avoir passé commande dans les meilleurs délais.

– Monsieur, le Nouveau Club des Puissance Nucléaires (NCPN) est là pour vous servir. La prolifération sera au monde ce que les galaxies à l'espace intersidéral.

– Votre amabilité me désarme.

– Je vous en prie, Monsieur Mouloud. D'autres questions.

– J'en ai une, mais j'hésite.
- Voyons, vous êtes un client potentiel et notre confiance mutuelle n'a pas de prix.

– Au fait, j'ai 3 amis intimes, comme des frères, qui seraient ravis de faire partie du NCPN.

– Du même pays ?
- Non, du Mali, Niger et Burkina Faso.

– Pas de souci. Du moment qu'ils paient, ils seront livrés selon les modalités.

– C'est vrai ?
- Je ne plaisante pas. Le monde se réinvente dans la barbarie et les dominés s'emparent eux aussi de la Technologie. Comme ça, il n'y aura pas de jaloux (es).

– Mon Dieu ! Amis africains, votre destin vous appartient ! Madame, vous permettez que j'appelle mon copain Soumaré au Mali, pour lui annoncer la nouvelle ?

- Faites donc !
( Il dégaine son téléphone… ).

– Allo, Soumaré, c'est bon ! A partir d'aujourd'hui, on joue dans la cour des Grands !

- Dis Ouallah !
- Ouallah !
- Ces fumiers d'Occidentaux vont bouser comme des vaches bretonnes.

– Eh, Mouloud ! Passe-moi la Dame !

- (…)
- Oui Monsieur Soumaré.
– Madame, Merci de tout cœur pour la prise en charge de nos commandes.

– C'est mon travail.
– Comme vous avez l'air gentil, est ce qu'il serait possible de m'accorder une petite faveur ?

- Dites toujours !
- Payer ma Bombe nucléaire en 3 fois !

Texte Omar HADDADOU Paris 2025
Lexique : *Amchich : Chat en kabyle *Dis Ouallah ! : Jure au nom d'Allah)

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Vous n’êtes pas seules. L’antisémitisme n’a pas sa place dans nos luttes !

Des dizaines de milliers de femmes et d'hommes ont manifesté ce 8 mars pour les droits des femmes et la solidarité internationale avec toutes les femmes. Nous étions bien sûr (…)

Des dizaines de milliers de femmes et d'hommes ont manifesté ce 8 mars pour les droits des femmes et la solidarité internationale avec toutes les femmes. Nous étions bien sûr présentes et présents et ce fut une belle et puissante mobilisation. Pour la majorité des manifestantes ce fut un moment de solidarité, de sororité, de joie mais aussi de gravité, au regard des menaces mondiales qui pèsent sur les droits de toutes les femmes.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/13/lettre-a-nos-soeurs-juives/

Cependant, nous avons reçu beaucoup de témoignages de personnes juives qui n'ont pu manifester avec le reste du cortège ou qui se sont senties mal à l'aise, exclues, ciblées pendant notre manifestation. Certaines ont fait l'objet de menaces et d'insultes. Ces violences sont intolérables.

Nous le rappelons avec force aucune femme ne peut être exclue de la mobilisation féministe en raison de son identité, de sa religion, de sa culture. Le féminisme est une revendication du droit de toutes les femmes à l'existence légitime, quelle que soit sa nationalité ou sa confession, en dehors de toute violence, inégalité et oppression.

Les femmes qui souhaitent porter la voix des femmes israéliennes victimes de violences sexuelles doivent pouvoir s'exprimer à nos côtés.

Nous dénonçons fermement ces agissements et appelons à la solidarité avec toutes les femmes du monde. La solidarité internationale ne se divise pas. Nos indignations ne sont pas à géométries variables. Quels que soient nos désaccords politiques, les violences, diffamations et intimidations n'ont pas leur place dans nos luttes. Ni le racisme, ni l'antisémitisme, ni la haine des musulmans ne sauraient y être tolérés. Les antisémites et les racistes ne doivent plus capturer nos espaces collectifs de mobilisation. Le 8 mars est la Journée internationale du droit des femmes, de toutes les femmes.

Les groupes minoritaires ne doivent plus abîmer nos combats et nos solidarités.

Nous sommes bien plus nombreuses, alors faisons plus de bruit.

Signataires : Fondation des femmes, Femen, le Planning familial, Femmes solidaires, l'Assemblée des femmes, Osez le féminisme, la Ligue du droit international des femmes, Alliance des femmes pour la démocratie (AFD), Réseau féministe Ruptures, les Guerrières de la paix, SOS Racisme, LDH (Ligue des droits de l'Homme), United for Ukraine, Russie libertés, We are not weapons of war, Golem, Raar, Jalons pour la paix Aubervilliers, Juives et Juifs révolutionnaires.

Paris, le 11 mars 2025
https://www.ldh-france.org/lettre-a-nos-soeurs-juives/
https://raar.info/2025/03/lettre-a-nos-soeurs-juives/

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Pakistan : Déclaration à l’occasion de la Journée internationale de la femme, le 8 mars 2025

Déclaration à l'occasion de la Journée internationale de la femme, le 8 mars 2025 Tiré de Entre les lignes et les mots https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03

Déclaration à l'occasion de la Journée internationale de la femme, le 8 mars 2025

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/17/pakistan-declaration-a-loccasion-de-la-journee-internationale-de-la-femme-le-8-mars-2025-aurat-march-karachi/

Aurat March, Karachi

C'est le 8 mars 2018 que la Marche de l'Aurat a commencé à Karachi et dans d'autres grandes villes du pays. Nous marchons depuis sept ans, nous avons ébranlé le statu quo patriarcal au Pakistan et nous sommes désormais une entité bien connue.

Cet événement annuel important n'a pas seulement pris de l'ampleur, il a également créé un mouvement, un groupe de travail réclamant la liberté et appelant à la défense des droits des femmes et de toutes les personnes et communautés opprimées. Le 8 mars 2025 marque la 8e année de la Marche de l'Aurat.

Pourquoi marchons-nous ? Nous marchons parce que nous voulons un changement socio-économique et politique du système actuel, et la fin de toutes les formes de discrimination patriarcale, de violence fondée sur le genre, d'inégalité et d'injustice.

Qui sommes-nous ? Nous sommes des féministes interclasses, interethniques et intersectionnelles – nous sommes les minorités religieuses, les minorités de genre, les travailleuses des usines et des foyers, les travailleuses agricoles et les éleveuses non rémunérées, les pêcheures – nous sommes les opprimées, mais nous sommes les rebelles et notre défiance grandit chaque jour.

Nous marquons le 8 mars, Journée internationale des femmes, en informant le public qu'aujourd'hui, nous ne marcherons pas. Cette année, notre marche Aurat aura lieu au mois de mai.

Le mois de mai est très important car c'est le mois où l'on célèbre la fête du travail (fête des travailleurs et des travailleuses) le 1er mai. Les femmes sont les premières travailleuses de toute société et de toute communauté. Sans le travail des femmes, il n'y aurait pas de société. C'est pourquoi chaque jour est la journée des femmes.

Le mois de mai célèbre également les mères dans le monde entier, y compris au Pakistan.

Nous annonçons donc que la Marche de l'Aurat 2025 aura lieu le dimanche 11 mai à Karachi. Nous espérons que tous et toutes les habitantes de Karachi et d'ailleurs se joindront à nous.

Aujourd'hui, à l'occasion de la Journée internationale des femmes, nous sommes solidaires de toutes nos sœurs pakistanaises et internationales, en particulier des femmes courageuses du Baloutchistan et de Parachinar (Kurram), de celles dont les proches sont toujours portées disparues, et des femmes qui luttent en Palestine, en Ukraine, en Afghanistan et au Cachemire. Nous pensons que leur lutte et la nôtre sont les mêmes – contre le patriarcat, la guerre, la brutalité, la violence fondée sur le sexe, la pauvreté — en relation avec la lutte des femmes pour l'identité, la liberté, la justice et l'égalité.

Marche d'Aurat, Karachi, 2025
http://www.sacw.net/article15310.html
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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8 mars : Solidarité avec les femmes de Gaza, de la RDC et du monde entier

18 mars, par CADTM international — ,
En cette journée internationale de lutte pour les droits des femmes, le CADTM réaffirme son engagement aux côtés des mouvements féministes qui, partout dans le monde, se (…)

En cette journée internationale de lutte pour les droits des femmes, le CADTM réaffirme son engagement aux côtés des mouvements féministes qui, partout dans le monde, se battent contre les oppressions systémiques : capitalisme patriarcal, exploitation néocoloniale, et violences militarisées.

Tiré de CADTM infolettre , le 2025-03-11
https://www.cadtm.org/8-mars-Solidarite-avec-les-femmes-de-Gaza-de-la-RDC-et-du-monde-entier
7 mars

COMITE POUR L'ABOLITION DES DETTES ILLÉGITIMES (CADTM)

Les dettes illégitimes pèsent d'abord sur les femmes

Les politiques d'austérité imposées au nom du remboursement de dettes illégitimes frappent en premier lieu les femmes*, qui au sein de nos sociétés sont surreprésentées dans les secteurs précaires et invisibilisés. Privatisation des services publics, destruction des systèmes de santé, démantèlement des protections sociales : les conséquences sont dramatiques pour les femmes (ainsi que pour les groupes les plus vulnérables de la population), qui compensent l'absence de nos États. Dans tous les pays, des Sud comme du Nord, les logiques de dette et de profit s'appuient sur l'exploitation du travail gratuit ou sous-payé des femmes.

Les femmes des Suds paient le prix fort !

Dans un contexte mondial marqué par l'aggravation des crises écologiques, économiques et sociales, les femmes des Suds paient le prix fort de l'endettement illégitime de leurs États. L'endettement alimente des politiques néolibérales imposées par les institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale), qui démantèlent les services publics et privatisent les biens publics.

Que ce soit en Afrique, en Amérique latine ou en Asie, ce sont elles qui compensent, par un travail invisible et non rémunéré, la destruction des systèmes de santé, d'éducation, d'accès à l'eau et à la terre. Ces violences, loin d'être isolées, s'entrelacent et s'inscrivent dans un système global de domination où patriarcat, racisme, capitalisme et colonialisme s'alimentent mutuellement.

Rappelons qu'en Belgique, il est estimé que 70 000 à 80 000 femmes sans papiers travaillent dans le secteur domestique (selon la Ligue des travailleuses domestiques). Ces milliers de femmes, privées de droits et exploitées répondent en Belgique à une pénurie de services dédiés à l'enfance et aux personnes dépendantes, un secteur abandonné par l'État belge. Transférer ce travail de care essentiel à des travailleurs.es sans papiers, invisibilisé·es et mal payé·es constitue un des symptômes de nos sociétés libérales, qui exploitent les populations les plus vulnérables et dévalorise le travail des femmes au profit des plus riches.

Gaza : les femmes face à la guerre et à la destruction

À Gaza, les femmes palestiniennes subissent dans l'indifférence une violence inouïe, combinant occupation coloniale, bombardements incessants, déplacements forcés et privation de soins élémentaires. Elles font face à l'assassinat de leurs enfants, la destruction de leurs foyers, de leurs écoles, de leurs hôpitaux. Elles doivent survivre dans des conditions où l'accès à l'eau, à la nourriture, aux médicaments est rendu quasiment impossible. Le CADTM dénonce un génocide en cours et la violence coloniale sioniste, soutenus par les puissances occidentales. Le CADTM exprime sa solidarité inconditionnelle avec les femmes de Palestine et le peuple palestinien qui résistent. Selon les données disponibles, les femmes et les enfants représentent une part significative des victimes dans la bande de Gaza. L'ONU a indiqué que, d'octobre 2023 à octobre 2024, les femmes et les enfants constituaient « près de 70 % » des décès à Gaza. Par ailleurs, Oxfam a rapporté que plus de femmes et d'enfants ont été tué·es par l'armée israélienne en un an de guerre à Gaza que durant toute autre période équivalente au cours des vingt dernières années.

RDC : l'exploitation des ressources s'accompagne de violences extrêmes contre les femmes

En République Démocratique du Congo, le corps des femmes est en première ligne face aux violences. Dans les zones minières, où l'exploitation du cobalt, du coltan et d'autres minerais alimente les chaînes d'approvisionnement mondiales, elles subissent violences sexuelles, mutilations et déplacements forcés. Le CADTM rappelle que l'extraction prédatrice des ressources congolaises est intimement liée au système de la dette, utilisé comme un outil de domination qui soumet le pays à une dépendance structurelle.

Dans l'Est du pays, notamment au Kivu, les violences perpétrées par les groupes armés comme le M23, soutenus par des intérêts régionaux et internationaux, s'inscrivent dans une logique néocoloniale d'exploitation des richesses du sous-sol congolais (parmi d'autres facteurs interdépendants). Les violences sexuelles, utilisées comme instrument de contrôle et de soumission des femmes, tout comme les déplacements forcés, ne peuvent être réduites à de simples manifestations de violence individuelle ou à des conséquences directes des conflits armés. Elles s'inscrivent dans un système global où les logiques économiques extractivistes et les rapports de pouvoir jouent un rôle central dans la perpétuation de ces violences contre les femmes.

Le CADTM dénonce la complicité des créanciers internationaux et des multinationales dans la perpétuation de ces violences. L'endettement illégitime de la RDC depuis des décennies, n'a servi qu'à priver les populations d'infrastructures, et en particulier les femmes, de leurs droits fondamentaux d'accès à la santé, à l'éducation et à la sécurité.

Luttons pour un monde libéré de la dette, du patriarcat et du colonialisme

Face à ces violences systémiques, le 8 mars est pour nous une journée de lutte internationale pour une transformation radicale de nos sociétés et pour construire une résistance collective au modèle dominant. Nous considérons que les luttes des femmes sont indissociables de la lutte contre le capitalisme, contre les dettes illégitimes et pour la justice sociale, écologique et féministe.

Le CADTM appelle à la solidarité internationale avec les femmes de Palestine, de la RDC et de toutes les régions du monde où les violences patriarcales, racistes et économiques pèsent sur nos vies. Nous réaffirmons que l'annulation des dettes illégitimes, la fin des politiques d'austérité, la souveraineté économique et l'autodétermination des peuples sont des conditions indispensables pour un avenir féministe, juste et libéré, du Nord aux Suds.
Le 8 mars, faisons grève, descendons dans la rue pour un monde sans dettes, sans exploitation et sans guerre !

*Lorsque nous faisons référence aux femmes, il s'agit de toute personne identifiée et/ou s'identifiant comme femme.

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